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(Dix heures huit minutes)
Le Président: M mes et MM. les députés!
À l'ordre, s'il vous plaît! Mmes et MM. les députés,
s'il vous plaît!
Nous allons nous recueillir quelques instants.
Je vous remercie. Veuillez vous asseoir.
Affaires courantes
Nous allons procéder aux affaires courantes.
Il n'y pas de déclarations ministérielles.
Présentation de projets de loi
Présentation de projets de loi. M. le leader du gouvernement.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, l'article a du feuilleton, M.
le Président.
Projet de loi 64
Le Président: Donc, à l'article a du feuilleton, M.
le ministre de l'Environnement présente le projet de loi 64, Loi
modifiant la Loi sur la Société québécoise
d'assainissement des eaux. M. le ministre.
M. Pierre Paradis
M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président, ce projet
de loi modifie la Loi sur la Société québécoise
d'assainissement des eaux afin de permettre à la Société
d'agir à l'extérieur du Québec dans le domaine de l'eau,
notamment en fournissant des biens et des services reliés à
l'expérience qu'elle a acquise au Québec, en faisant la promotion
de ces biens et de ces services et en favorisant le développement du
potentiel technologique et industriel du Québec dans ce domaine.
Ce projet de loi permet également au gouvernement de fixer
postérieurement au 31 décembre 1993 la date au-delà de
laquelle la Société ne peut entreprendre certains travaux.
Le Président: Est-ce que l'Assemblée accepte
d'être saisie de ce projet de loi?
Des voix: Adopté. Le Président:
Adopté.
Dépôt de documents
Maintenant, dépôt de documents. M. le ministre du Loisir,
de la Chasse et de la Pêche.
Rapport annuel du ministère du Loisir, de la
Chasse et de la Pêche
M. Blackburn: M. le Président, j'ai l'honneur de
déposer le rapport annuel 1991-1992 du ministère du Loisir, de la
Chasse et de la Pêche.
Le Président: Ce rapport est déposé.
Dépôt de rapports de commissions
Maintenant, dépôt de rapports de commissions. Mme la
présidente de la commission des affaires sociales et
députée de Taillon.
Étude détaillée du projet de loi
51
Mme Marois: Merci, M. le Président. J'ai l'honneur de
déposer le rapport de la commission des affaires sociales qui a
siégé le 3 décembre 1992 afin de procéder à
l'étude détaillée du projet de loi 51, Loi sur le Conseil
des aînés. Le projet de loi a été adopté avec
des amendements.
Le Président: Donc, ce rapport est
déposé.
Maintenant, dépôt de pétitions.
Il n'y pas d'interventions portant sur une violation de droit ou de
privilège ou sur un fait personnel. (10 h 10)
Nous allons donc procéder à la période de questions
et réponses orales. Je suis prêt à reconnaître une
première question. M. le leader de l'Opposition.
M. Chevrette: M. le Président, compte tenu que le leader a
convoqué la Chambre à 10 heures, on nous avait annoncé
l'absence exclusivement de quatre ministres, et là,
présentement... on était à 12, il y a quelques minutes
encore, d'absence. Comment ça va se produire? Parce que la
première question s'adresse à un ministre dont la binette n'est
pas encore identifiée en cette Chambre.
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président, le leader
de l'Opposition conviendra, je crois, que c'est cinq ministres dont on a
annoncé l'absence, ce matin. Je peux donner, pour chacun de ces
ministres, la raison fort valable de l'absence. Les autres sont tous
supposés être présents en Chambre, ce matin, à
compter de 10 heures. Au fur et à mesure que nous discutons, pendant que
le leader de l'Opposition était debout, le ministre de la Main-d'oeuvre,
de la Formation professionnelle et de la Sécurité du revenu a
fait son entrée. Au même moment, M. le Président, le
ministre de la Sécurité publique
et ministre des Affaires municipales responsable de l'habitation a fait
son entrée. S'il y avait lieu, pour assurer un bon déroulement
des travaux, que la première question qui s'adresse à un ministre
qu'on me dit être absent mais qui devrait arriver pendant la
période des questions, je pourrais humblement suggérer aux
députés de l'Opposition de procéder, et nous pourrions les
accommoder au moment de l'arrivée du ministre.
M. Chevrette: M. le Président.
Le Président: M. le leader de l'Opposition.
M. Chevrette: C'est bien facile de dire qu'il y a une couple qui
sont entrés, mais il y en a 10 qui ne sont pas là, et je
voudrais, moi aussi, les souligner: le ministre des Transports n'est pas
là; le ministre du Tourisme n'est pas là; la ministre
déléguée aux institutions n'est pas là; le ministre
de la Francophonie n'est pas là; le ministre de la Justice n'est pas
là; le ministre de l'Agriculture n'est pas là.
Le Président: S'il vous plaît! M. le leader du
gouvernement.
Des voix: Suspension!
M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président, nous
avions convenu, et l'Opposition avait été informée, de
l'absence des cinq ministres. Je pense que le leader de l'Opposition n'est pas
correct lorsqu'il mentionne, entre autres, l'absence du ministre du Tourisme.
Il avait été prévenu de l'absence du ministre du Tourisme
qui rencontre, ce matin, les intervenants de la campagne Accueil, à
Montréal. Tout le monde sait que le ministre de la Santé et des
Services sociaux est aujourd'hui à Montréal où il
rencontre tous les intervenants intéressés dans le dossier de
l'Hôtel-Dieu. Le ministre délégué aux Affaires
internationales, quant à lui, est à une conférence
ministérielle de la francophonie.
Des voix: II est là!
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Le ministre
délégué aux Affaires internationales est à une
conférence internationale. Oui.
Le président: s'il vous plaît! un instant, m. le
leader, s'il vous plaît! s'il vous plaît! alors, je vous laisse
compléter pour les deux autres ministres.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président, le leader
de l'Opposition avait raison de souligner que le ministre des Affaires
internationales est parmi nous et prêt à répondre à
toutes les questions que l'Opposition peut lui adresser dans ce dossier. Le
président du Conseil du trésor ainsi que Mme la ministre
déléguée aux
Finances sont absents pour des raisons personnelles.
Questions et réponses orales
Le Président: Très bien. Donc, nous devons
maintenant procéder à la période de questions et
réponses orales. Donc, nous débutons la période de
questions et réponses orales des députés. Est-ce qu'il y
a...
Mme la députée de Chicoutimi, pour une première
question principale.
Modifications à la loi 101
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Alors que les
Québécoises et les Québécois s'attendaient à
ce que le premier ministre, au sortir de la réunion de l'exécutif
du Parti libéral du Québec, annonce des mesures additionnelles
pour relancer l'économie, ils ont eu droit à une annonce touchant
une possible refonte en profondeur de la loi 101.
En l'absence du premier ministre, ma question s'adresse à la
vice-première ministre. Croit-elle opportun d'ouvrir le
névralgique débat sur la langue, alors qu'au lendemain du
référendum le premier ministre s'était engagé
à consacrer toutes les énergies de ce gouvernement à la
relance économique?
Le Président: Mme la vice-première ministre.
Mme Bacon: M. le Président, je suis tout à fait
ébahie de voir que la députée de Chicoutimi est surprise
que nous suivions le chemin qu'elle nous a tracé avec Mme Marsolais pour
qu'il y ait des assouplissements à la loi 101. C'est elle-même qui
nous a montré le chemin. Et parce qu'on en parie nous-mêmes, elle
n'est pas contente. M. le Président, c'est surprenant, ce matin, une
telle question.
Le Président: Alors, pour une question
complémentaire.
Mme Blackburn: M. le Président, puis-je rappeler à
la vice-première ministre que la réflexion du Parti
québécois s'inscrit dans le cadre d'un Québec souverain?
Est-ce qu'elle...
Le Président: Votre question, Mme la
députée.
Mme Blackburn: ...est prête à aller
jusque-là? J'ai dit: Est-ce qu'elle est prête à
aller...
Le Président: Un instant!
Mme Blackburn: ...jusqu'où va le parti?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le
Président.
Le Président: Oui, un instant. Alors, M. le leader du
gouvernement.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, M. le Président,
question de règlement. De façon à commencer la semaine -
on a cinq périodes de questions prévues cette semaine - du bon
pied, moi, j'inviterais Mme la députée de Chicoutimi à
relire le règlement qui stipule très clairement que les questions
additionnelles ne doivent être précédées ni de
préambules, ni de commentaires. Merci, M. le Président.
Le Président: Alors, pour votre question... M.
Chevrette: M. le Président.
Le Président: Un instant! Un instant, s'il vous
plaît!
M. Chevrette: Moi, je suis un petit peu d'accord...
Le Président: M. le leader de l'Opposition.
M. Chevrette: ...parce que le leader du gouvernement sent le
besoin constamment d'intervenir durant la période de questions. Pour
l'aider à s'asseoir un petit peu, je pense qu'on va faire un gros effort
pour ne pas qu'il se montre trop souvent.
Des voix: Ha,ha, ha!
Le Président: Alors, je vous reconnais pour une question
complémentaire. Posez votre question, s'il vous plaît.
Mme Blackburn: M. le Président, ma question
commençait de la façon suivante: Puis-je rappeler à la
vice-première ministre que notre réflexion s'inscrit dans le
cadre d'un Québec souverain...
Le Président: Oui, un instant! Mme Blackburn: ...et
est-elle prête...
Le Président: Un instant! Un instant! Écoutez,
madame, en faisant votre...
Des voix:...
Le Président: S'il vous plaît! S'il vous
plaît! J'ai une question de règlement, mais, évidemment,
vous le savez fort bien, vous faites un préambule. Donc, posez une
question directement, s'il vous plaît. M. le leader du gouvernement.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, je comprends que Mme la
députée de Chicoutimi ne veuille pas commencer la semaine en
obligeant le leader...
Le Président: Non, non, non! Un instant! Des
voix:...
Le Président: S'il vous plaît! À l'ordre,
s'il vous plaît!
Des voix:...
Le président: à l'ordre, s'il vous plaît!
s'il vous plaît, là! s'il vous plaît! alors, allez-y,
madame, avec une question sans commentaire et sans préambule.
Mme Blackburn: La vice-première ministre n'estime-t-elle
pas qu'il s'agit d'une mesure de diversion destinée à distraire
l'attention de l'échec économique de ce gouvernement, puisque la
clause dérogatoire touchant la loi 178 ne vient à
échéance que dans une année?
Le Président: Mme la vice-première ministre.
Mme Bacon: M. le Président, c'est étonnant
d'entendre la députée de Chicoutimi ce matin. Elle nous dit
elle-même que ce qu'elle propose pour un Québec souverain, M. le
Président, nous avons affaire aux mêmes Québécois,
et je pense qu'on fait tout simplement suivre ce qu'elle a fait. Ce n'est pas
demain la veille d'un Québec souverain, M. le Président.
Le Président: Pour une question complémentaire.
Mme Blackburn: M. le Président, comme les
Québécois et les Québécoises n'ont pas
exprimé publiquement la volonté de refondre la loi 101, peut-elle
nous dire quelle commande elle a reçue du Parti libéral du
Québec, quels intérêts le Parti libéral veut-il
servir et qui veut-il accommoder?
Le Président: Mme la vice-première ministre.
Mme Bacon: M. le Président, je vais demander au
responsable de la Charte de la langue française de répondre
à Mme la députée de Chicoutimi.
Le Président: M. le ministre responsable de l'application
de la Charte de la langue française.
M. Ryan: Tout d'abord, il me semble que c'est bien clair que nous
allons tous vers une échéance le 22 décembre 1993 avant
l'arrivée de laquelle nous devrons avoir un débat entre nous. Le
débat, conviendrait-il d'attendre à l'été de
1993 pour l'entreprendre? Est-ce que c'est mieux de l'entreprendre
à compter de maintenant pour avoir le temps, justement, de voir tous les
côtés, pas céder uniquement à la passion ou au
chantage? Nous prétendons que c'est beaucoup mieux d'avoir un
échéancier raisonnable et sérieux. C'est ce que nous
proposerons et rendrons public très prochainement.
Le Président: Pour une autre question
complémentaire.
Mme Blackburn: le ministre responsable de l'application de la
charte peut-il nous dire à quel chantage il fait référence
et de la part de qui?
Le Président: M. le ministre.
M. Ryan: Toute forme possible de chantage.
Des voix: Ha, ha, ha!
(10 h 20)
Le Président: Alors, en question principale maintenant.
Pour une question principale, M. le député d'Ungava.
État de la situation à Oka
M. Claveau: Oui, M. le Président. Le ministre de la
Sécurité publique ne cesse de répéter qu'il n'y a
pas de problème grave à Kanesatake, que les médias montent
constamment en épingle des incidents isolés, anodins, bref, qu'il
a le contrôle sur tout dans la situation. Or, on a appris, en fin de
semaine, M. le Président, que le premier ministre, quant à lui,
juge la situation suffisamment importante pour prendre les choses en main
lui-même et pour mandater deux personnes afin d'enquêter sur la
situation à Oka.
Est-ce que le ministre de la Sécurité publique peut nous
indiquer en quoi la situation s'est détériorée au point
que le premier ministre prenne la situation lui-même en main, et peut-il
nous dire quel est le mandat que les enquêteurs ont reçu de la
part du premier ministre?
Le Président: M. le ministre de la Sécurité
publique.
M. Ryan: Je pense bien que le premier ministre aura l'occasion de
préciser ses intentions là-dessus, si le député
veut l'interroger à son retour dans la Chambre. Mais il m'a
assuré samedi qu'il a reçu des demandes de la part de certains
milieux, en particulier, J'imagine, les milieux qui gravitent autour du
président de la chambre de commerce, que quelqu'un de son cabinet ira
s'enquérir de ce que les représentations que ces gens-là
veulent faire, c'est tout à fait normal. Il n'est pas question
d'enquête au sens précis du terme.
Et quand nous disons que la situation est généralement
sous contrôle à Kanesatake, nous ne soutenons aucunement qu'il n'y
a pas de problème. Au contraire, il y a des problèmes
fréquemment. Je causais avec les deux maires d'Oka, il y a à peu
près une semaine, et je leur disais: II n'y a pas un endroit du
Québec, à part Kahnawake qui reçoit autant d'attention de
la part de la Sûreté du Québec et des forces
policières que le secteur d'Oka. Pourquoi? C'est parce qu'il y a un
problème spécial qui se pose. Autrement, on aurait exactement le
même genre d'attention policière qu'ailleurs.
Il n'y a personne qui nie ça. Mais nous disons: C'est un
problème très complexe auquel il n'existe pas de solution magique
du jour au lendemain. Et ça, ça reste profondément
vrai.
Le Président: Alors, en question complémentaire, M.
le député d'Ungava.
M. Claveau: Additionnelle en deux volets. Le premier volet:
Est-ce que le premier ministre de la Sécurité publique est
toujours ministre de la Sécurité publique? Et, si oui, s'il est
toujours le ministre de la Sécurité publique, peut-il nous dire
si son premier ministre s'est assuré d'avoir la collaboration des
Mohawks de Kanesatake avant d'entreprendre une telle enquête?
Le Président: M. le ministre.
M. Ryan: À la première question, la réponse
est évidente, et, à la seconde, il n'y a pas besoin de question
puisque la prémisse est fausse. Il n'y a pas d'enquête.
Des voix: Ha,ha, ha!
Le Président: Toujours en complémentaire.
M. Claveau: Oui, M. le Président. À ce
moment-là, comment doit-on nommer les deux personnes qui ont
été mandatées par le premier ministre du Québec
pour faire l'évaluation sur la situation à Oka? Si ce ne sont pas
des enquêteurs, quel est le nom qu'on doit leur donner?
Le Président: M. le ministre.
M. Ryan: M. le Président, il arrive couramment, dans le
fonctionnement du gouvernement, que le premier ministre, par son bureau,
veuille s'enquérir d'une situation particulière qui est
confiée à l'un ou l'autre ministre. Ça arrive couramment,
pour une raison bien simple: d'abord, sa responsabilité la lui impose,
et, deuxièmement, son bureau est le siège de toutes sortes de
représentations qu'on peut soupçonner. Il veut bien donner des
réponses à ces milieux qui font des représentations.
Alors, vous l'appellerez du mot que vous voudrez, nous autres, ça ne
nous dérange pas.
Le Président: Pour une question complémentaire, M.
le leader de l'Opposition.
M. Chevrette: En additionnelle, M. le Président. Le
ministre, qui est habitué de jouer du bras à l'intérieur
de ce gouvernement-là - quand il s'agit d'un mandat difficile à
exécuter, on sait qu'on fait appel à lui - est-ce que le premier
ministre, M. le Président...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président...
Le Président: Un instant! Sur une question de
règlement, M. le leader du gouvernement.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...le leader...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Un
instant! Alors, sur une question de règlement.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, M. le Président. Le
leader de l'Opposition a pris la peine de mentionner qu'il était en
question additionnelle et il fait un long préambule à sa question
additionnelle. Je fais un rappel au règlement, M. le
Président.
Le Président: S'il vous plaît! Alors, pour une
question directe, sans préambule ni commentaire.
M. Chevrette: Oui, M. le Président. Il s'est levé
d'ailleurs comme je commençais ma question. Il voulait se montrer, on
l'a vu.
Le Président: Votre question, s'il vous plaît!
M. Chevrette: Donc, M. le Président, est-ce que le
ministre ne considère pas que c'est là un geste de non-confiance
que de nommer des chercheurs, des évaluateurs, appelez-les comme vous
voudrez, pour superviser un travail que lui-même fait? Est-ce qu'il ne
considère pas que c'est une preuve de non-confiance de la part du
premier ministre vis-à-vis de lui?
Le Président: M. le ministre.
M. Ryan: Ma réponse est négative.
Le Président: Alors, en question principale maintenant, M.
le député de Laviolette.
Projet d'investissement de la compagnie Kruger en
Haute-Mauricie
M. Jolivet: Merci, M. le Président. Afin d'aider le
gouvernement à trouver des emplois qui peuvent être
créés, la compagnie Kruger, dans la Haute-Mauricie et dans le
secteur de Mékinac, a l'intention d'investir 35 500 000 $ et de pouvoir
créer 680 et quelques emplois.
Lors d'une rencontre que nous avons eue à La Tuque, avant le
début du référendum, avec le ministre des Forêts, la
majorité des gens de la Haute-Mauricie étaient d'accord avec la
position de Kruger pour aller vers l'usine de Saint-Séverin pour les
bois disponibles à cause de la fermeture de la compagnie Produits
forestiers Canadien Pacific de Trois-Rivières.
Dans ce contexte, j'aimerais poser la question au ministre des
Forêts. Pourquoi s'en-tête-t-ii, à ce moment-ci, à
refuser à Kruger les 95 000 mètres cubes qu'elle demande pour
Parent et de transférer, tel que demandé par les intervenants de
la Haute-Mauricie, les 150 000 mètres cubes vers l'usine de
Saint-Séverin pour permettre le travail dans ce qu'on appelle le secteur
Vallières?
Alors, je voudrais savoir de la part du ministre pourquoi il
s'entête encore à refuser 35 500 000 $ d'investissements et 685
emplois disponibles?
Le Président: M. le ministre des Forêts.
M. Côté (Rivière-du-Loup): M. le
Président, il n'est pas question de contrer les projets de Kruger en ce
qui concerne les investissements possibles dans les scieries de Crête ou
dans la scierie de Parent qui lui appartient en totalité. Les
propositions qui ont été faites à la compagnie Kruger sont
amplement suffisantes pour lui permettre d'atteindre ses objectifs et de se
rentabiliser comme il se doit. Si nous avons accepté, suite au
désistement de Canadien Pacifique à Trois-Rivières de son
contrat d'approvisionnement, de faire des propositions à Kruger et de
rapprocher les approvisionnements dans la région du Saint-Maurice pour
l'aider à se rentabiliser, je crois en toute conscience que nous avons
fait une proposition équitable en tenant compte, M. le Président,
des obligations de la loi qui me disent - et qui ont fait l'affaire de tout le
monde - qui me disent que les bois de forêts publiques devraient
être des volumes résiduels, c'est-à-dire pour
compléter les bois d'autres provenances, c'est-à-dire de la
forêt privée, des copeaux, des bois d'importation et de la fibre
recyclée.
Le Président: En question complémentaire.
M. Jolivet: M. le Président, pourquoi le ministre avec,
semble-t-il, l'aide qu'il veut apporter à La Coopérative
forestière du Haut-Saint-Maurice de faire une étude de
faisabilité et d'installer une usine de sciage à La Tuque, dans
le contexte actuel, pourquoi le ministre essaie-t-il de diviser tous les gens
de la Haute-Mauricie qui étaient d'accord à ce que le transfert
de 150 000 mètres cubes devenus disponibles... ça aille à
l'usine de Saint-Séverin, en tenant compte qu'avant ils doivent passer
par la cour de triage du site Vallières?
Le Président: M. le ministre.
M. Côté (Rivière-du-Loup): M. le
Président, je ne comprends pas l'entêtement aussi du
député de Laviolette. Le député de Laviolette, vous
savez, en commission parlementaire ou dans d'autres occasions, se fait le
défenseur des producteurs de forêts privées. Il se fait
également le défenseur des producteurs de copeaux et des scieries
indépendantes. Dans ce dossier-là, je crois qu'il joue sur deux
plans et j'ai de la misère à suivre son raisonnement. Je voudrais
lui rappeler que j'ai pris un engagement avec la ville de La Tuque, à
savoir que je lui réservais 150 000 mètres cubes d'ici le 31
décembre 1992, pour un promoteur éventuel dans cette
région-là, et j'ai bien l'intention de respecter mon engagement,
M. le Président.
Le Président: Toujours en question
complémentaire.
M. Jolivet: M. le Président, suite, justement, aux lettres
et aux intentions de la Haute-Mauri-cie, incluant tous les conseils municipaux
qui ont demandé de transférer ces 150 000 mètres cubes
vers Saint-Séverin, pourquoi le ministre refuse-t-il, pourquoi a-t-il
rencontré à ce moment-là les gens de la Coopérative
forestière leur proposant 35 000 $ divisés en deux, lui et la
Coopérative, pour une étude de faisabilité, alors qu'il
met en péril 35 500 000 $ d'investissements au Québec, Kruger
voulant aller en Ontario si le ministre ne donne pas raison à la demande
qui est devant lui?
Le Président: M. le ministre.
M. Côté (Rivière-du-Loup): M. le
Président, inutile d'insister pour dire que les investissements de
Kruger ne sont pas en danger et qu'il y a suffisamment de bois dans les
propositions pour rentabiliser chacune de ces usines dans lesquelles elle a des
intérêts ou qui lui appartiennent en totalité.
M. le député de Laviolette parle beaucoup de l'usine de
Saint-Séverin, et la proposition que nous faisons à
Saint-Séverin double le volume actuel et ça va au-delà de
la demande de Kruger.
Le Président: En question complémentaire, M. le
député d'Ungava.
M. Claveau: en additionnelle, m. le président. si le
ministre des forêts a l'intention d'autoriser kruger à se
déplacer vers la haute-mauricie, qu'entend-il faire avec les contrats
d'approvisionnement que kruger a déjà dans la région de
chapais et qui font partie de notre meilleure réserve forestière
du coin?
Le Président: M. le ministre. (10 h 30)
M. Côté (Rivière-du-Loup): M. le
Président, je pourrais peut-être déposer à cette
Chambre une lettre en provenance du député d'Abitibi-Ouest et,
également, des remarques en provenance du député d'Ungava.
Ce matin, j'ai parié avec le maire de Chapais, j'ai parié
également avec M. Fil ion de Chantiers de Chibougamau. Ces
gens-là sont réellement inquiets pour écouler leurs
copeaux. Vous connaissez la situation difficile de cette
région-là en raison des fermetures de mines. S'il fallait, en
plus, qu'ils ne puissent écouler leurs copeaux, évidemment, nous
aurions affaire à une région, je dirais, totalement
sinistrée. C'est pour cette raison-là qu'au ministère on
se penche sérieusement sur tous ces problèmes-là. Ce que
le député d'Ungava souligne, M. le Président, c'est un
dossier majeur, c'est un dossier d'importance. Merci.
Le Président: Toujours en complémentaire.
M. Claveau: Oui, mais brièvement, M. le Président,
c'est que le ministre n'a toujours pas répondu à ma question.
Qu'est-ce qu'il entend faire avec ce contrat d'approvisionnement là s'il
permet à Kruger de se déplacer en Haute-Mauri-cie? Qu'est-ce
qu'on va faire de ce territoire-là qui est libéré?
Le Président: M. le ministre.
M. Côté (Rivière-du-Loup): M. le
Président, la dernière proposition qui a été faite
à Kruger concernant le secteur de Chantiers de Chibougamau, c'est qu'on
lui permet de maintenir son contrat d'approvisionnement en collaboration, en
aire commune, avec Chantiers de Chicougamau.
Le Président: Alors, en question principale, M. le
député de Lévis.
Restructuration administrative au ministère des
Transports
M. Garon: M. le Président, en l'absence du ministre des
Transports et du premier ministre, je poserai ma question au ministre
délégué, substitut.
Alors que nous sommes en récession économique et que le
taux de chômage atteint 14,3 % - rappelons-nous qu'au début de la
dépression, en 1929, le chômage atteignait 20 %, et nous sommes
à 14,3 % au mois de novembre - le gouvernement dit avoir de la
difficulté à réaliser les équilibres
budgétaires. Et, pourtant, le ministre des Transports a annoncé,
vendredi, un vaste chambardement administratif, dont les autorités du
ministère n'ont pas évalué les coûts puisque les
fonctionnaires que nous avons rencontrés nous ont admis qu'il n'y avait
pas d'étude d'impact, qui dépasse largement...
Le Président: Un instant, s'il vous plaît!
M. Garon: ...le transfert...
Le Président: Un instant, M. le député. Je
vais demander aux deux collègues de poursuivre leur discussion à
l'extérieur de la Chambre, s'il vous plaît, pour qu'on puisse
entendre clairement le député de Lévis. Alors, s'il vous
plaît! Alors, allez-y, M. le député de Lévis.
M. Garon: M. le Président, le ministre des Transports a
annoncé, vendredi, un vaste chambardement administratif de son
ministère et dont les hauts fonctionnaires, les sous-ministres en titre
et les sous-ministres adjoints nous ont dit qu'ils n'avaient pas d'étude
d'impact, ils n'ont pas évalué les coûts, et qui
dépasse largement le transfert des routes locales aux
municipalités. Dans certains cas, le brassage de la structure du
ministère des Transports du Québec prend des allures nettement
politiques.
Ainsi, la direction régionale à Sept-îles sera
fermée, on crée une direction régionale à
Baie-Comeau. Je suppose qu'on veut faire de l'activité
économique. Le bureau de district d'Amos devient un centre
d'exploitation, et on crée une direction territoriale à Val-d'Or,
dans le comté d'Abitibi-Est. La direction régionale à
Jonquière sera fermée, et on crée une direction
territoriale à Roberval, dans le comté du ministre du Loisir, de
la Chasse et de la Pêche.
Des voix: Ah!
Le Président: S'il vous plaît! Votre question.
M. Garon: Dans un ministère des Transports qui devient de
plus en plus un ministère de la voirie du temps du gouvernement
Taschereau, le gouvernement peut-il nous dire...
Le Président: S'il vous plaît!
M. Garon: ...si le chambardement administratif qui a
été proposé au caucus des députés du Parti
québécois jeudi est en consultation, comme nous l'ont dit les
sous-ministres, et que les décisions seront prises seulement au mois de
janvier ou si la décision est prise, comme l'a annoncé,
semble-t-il, le ministre, en conférence de presse, vendredi?
Le Président: Alors, M. le ministre
délégué aux Transports.
M. Middlemiss: M. le Président, toute la question de la
restructuration du ministère des Transports a fait l'objet de nombreuses
consultations. Nous n'avons pas encore - est-ce que vous voulez avoir une
réponse? - terminé l'analyse de l'impact de ce changement dans
toutes les régions du Québec. Mais, M. le Président, une
chose qu'on nous reprochait de l'autre côté... Vouloir m'avancer
aujourd'hui sur la nature des changements sur le terrain qu'entraîne
cette restructuration, ce serait présumer de l'adoption du projet de loi
57, Loi sur la voirie et modifiant diverses dispositions
législatives.
Des voix: Ha, ha, ha!
Des voix: Et on est respectueux de la Chambre, nous autres!
Une voix: C'est ça.
M. Middlemiss: M. le Président, cependant, si je peux
apporter quelques éclaircissements à cette Assemblée,
permettez-moi d'indiquer...
Le Président: Écoutez, là, je vais vous
avouer franchement que je réprouve d'un côté comme de
l'autre les interpellations entre vous. Le règlement prévoit que
le président reconnaît une personne et qu'il a la parole. Il est
convenu dans les usages et coutumes qu'on puisse accepter parfois des
échanges, des interpellations, c'est courant, c'est acceptable
même, en autant que ça ne dérange pas la personne qui
parle. Je constate à ce moment-ci que ça dérange le
ministre et que ça dérange également ceux qui veulent
écouter la réponse, dont le député de Lévis
et moi-même. Alors, je prierais tout le monde, s'il vous plaît,
d'être attentif à la réponse donnée par le ministre
et de ne pas intervenir indûment. M. le ministre.
M. Middlemiss: Merci, M. le Président. Donc, je disais, si
je peux cependant apporter quelques éclaircissements à cette
Assemblée, permettez-moi d'indiquer que tous les changements qui sont
prévus au ministère des Transports le sont dans une perspective
de saine gestion et qu'il n'est nullement question de remettre en cause le
développement de quelque région que ce soit par le biais de cette
restructuration.
Des voix: Bravo!
Le Président: Alors, pour une question
complémentaire, M. le député de Lévis.
M. Garon: Ma question, M. le Président, est très
simple. Est-ce que la décision est prise ou si le ministère est
actuellement en consultation? Est-ce qu'elle est prise et définitive ou
si elle doit être prise au mois de janvier, comme nous l'ont dit les
sous-ministres, premièrement?
Deuxièmement, est-ce que le ministre peut déposer des
études d'impact sur les emplois, les employés et les services
à la population du changement de l'organigramme au ministère des
Transports, nous dire combien d'employés seront relocalisés
à plus de 50 milles de leur domicile et combien vont coûter ces
déplacements au gouvernement?
Le Président: Alors, M. le ministre.
M. Middlemiss: M. le Président, j'inviterais le
député de Lévis à écouter. Là, je
vais redire la même chose que j'ai dite tantôt, et il va
comprendre.
Une voix: Peut-être.
M. Middlemiss: Toute la question de la restructuration du
ministère des Transports a fait l'objet de nombreuses consultations.
Aujourd'hui même, lorsque je vous parle, nous n'avons pas encore
terminé l'analyse de l'impact de ce changement dans toutes les
régions du Québec. C'est ça que je viens de vous dire.
Concernant le nombre d'emplois, je vous ai donné une
réponse la semaine dernière en Chambre. La
décentralisation du réseau routier vers les municipalités
va occasionner la perte de 1250 saisonniers, 500 permanents. C'est ça,
M. le Président, et nous sommes en train de mesurer aussi l'impact dans
la restructuration, à savoir à quel endroit, ce qu'on va faire
dans cette restructuration-là. C'est ça, M. le
Président.
Des voix: Bravo!
Le Président: Toujours en question
complémentaire.
M. Garon: M. le Président, la question est simple: Est-ce
que fa décision définitive est prise concernant 1250
occasionnels, 500 permanents immédiats et 885 dans trois ans? Est-ce que
la décision définitive est prise? Là-dessus, selon vos
études d'impact, combien de fonctionnaires, si la décision est
prise, vont quitter Québec? Combien? Elle est prise ou elle n'est pas
prise? Combien vont quitter Québec?
Le Président: M. le ministre.
M. Middlemiss: M. le Président, regardez, on est en train
de terminer l'étude d'impact. Toutefois, je dis: La conséquence
de la décentralisation, de remettre 33 000 kilomètres de route
aux municipalités, c'est qu'il y a 1250 saisonniers dont on n'aura pas
besoin, parce que ces routes-là vont être entretenues par les
municipalités à même des budgets de 85 000 000 $ qui vont
être remis aux municipalités, tant du kilomètre selon
l'état du réseau. On ne s'occupe plus de ce
réseau-là. Donc, il y en a 1250 dont on n'a pas besoin, dans un
premier temps.
Dans un deuxième temps, à cause de ces changements, il y a
aussi 500 permanents, à Québec et à Montréal, et en
région, dont on n'aura pas besoin. On cherche des moyens de
réduire l'impact, soit par des gens qui vont prendre leur retraite un
peu avancée et des choses comme ça. C'est pour ça que nous
sommes en train de finaliser l'étude et, lorsque l'étude sera
terminée, vous serez certainement... l'Assemblée nationale va
être une des premières à le savoir.
Une voix: Parfait.
Le Président: Pour une question complémentaire, M.
le député d'Abitibi-Ouest.
M. Gendron: Est-ce que le ministre délégué
à la voirie peut nous indiquer sur quels motifs son gouvernement s'est
appuyé pour annuler la conférence de presse de vendredi dernier
en Abitibi-Témiscamingue, qui, comme ailleurs, devait annoncer une
réorganisation non finie, mal faite, où il n'y a pas eu
d'étude d'impact? C'est quoi, les motifs qui vous ont guidé pour
annuler en Abitibi-Témiscamingue? (10 h 40)
Le Président: M. le ministre.
M. Middlemiss: M. le Président, le député
d'Abitibi-Ouest devrait écouter lui aussi, pas seulement son
collègue de Lévis. J'ai indiqué tantôt qu'on ne
voulait pas présumer de l'adoption de la loi 57. Donc, avant que la loi
57 soit adoptée, on ne peut certainement pas procéder à
annoncer des changements qui ne sont pas... M. le Président,
l'étude d'impact n'est pas terminée. Donc, on n'a pas exactement
les changements qui vont avoir lieu. Les députés ont eu en main
des tableaux. Il y a deux tableaux qui circulent, qui vous démontrent
que c'est des projets, et il n'y a rien d'arrêté encore, M. le
Président.
Le Président: Toujours en question
complémentaire.
M. Gendron: Est-ce que le ministre délégué
à la voirie est au courant que la loi 57 va s'appliquer dans tout le
Québec et que seule l'Abitibi-Témiscamingue a été
touchée par l'annulation de la conférence de presse? Oui. Dans
les autres régions, vous avez fait connaître l'information au
sujet de la réforme, M. le Président. Alors, pourquoi avez-vous
annulé en Abitibi-Témiscamingue?
Le Président: M. le ministre.
M. Middlemiss: Les renseignements qui étaient
censés être transmis à travers le Québec aux
employés du ministère pour savoir un peu où ils s'en vont,
tout ça a été cancellé. Il y a eu une
conférence de presse ici qui a indiqué le nombre d'emplois qui
seraient perdus à cause de cette décentralisation, mais rien sur
les nouvelles structures ou les nouveaux endroits. Tout a été
cancellé, M. le Président.
Une voix: C'est beau. C'est clair.
Le Président: En question principale, M. le
député...
M. Dufour: Non, M. le Président, additionnelle.
Le Président: Additionnelle? Additionnelle, M. le
député de Jonquière.
M. Dufour: Comment le ministre explique-t-il ses économies
de coûts lorsqu'il parle de fermer sa direction régionale du
ministère des Transports dans l'édifice administratif appartenant
au gouvernement du Québec pour prendre ses employés, pour en
transférer une partie à Chicoutimi et ouvrir un nouveau bureau
à Roberval? Comment il explique son économie de coûts?
Le Président: M. le ministre.
M. Middlemiss: M. le Président, il y a un problème
de compréhension, de l'autre côté. On a dit qu'on n'a pas
terminé, qu'il n'y a rien de finalisé. Donc, comment on peut
établir des coûts lorsqu'il n'y a aucune décision qui a
été prise à ce sujet, M. le Président?
Le Président: Pour une autre question additionnelle.
M. Dufour: Si le ministre dit que son réaménagement
n'est pas terminé, comment expli-que-t-il qu'il laisse circuler des
papiers à l'effet qu'à tel endroit il va se passer telle chose,
qu'à tel autre endroit il va se passer telle autre? Si c'est des
projets, si c'est pour rêver, qu'il aille donc en arrière des
portes, mais ne pas mettre ça en public. Voyons!
Le Président: M. le ministre.
M. Middlemiss: M. le Président, regardez, ça fait
partie... Ça indique à l'Opposition que nous sommes en train
d'étudier plusieurs scénarios. Entre autres, ils ont eu des
tableaux qui en montrent deux, d'ici à ce qu'on prenne notre
décision, qu'on ait tout l'impact, parce qu'on n'est certainement pas
des gens qui veulent créer des problèmes en région.
Ça, M. le Président, c'est très important. Et on l'a fait
pour vous démontrer notre préoccupation.
C'est que, dans le transfert des routes aux municipalités, on a
fait faire une évaluation de l'état de ces routes pour que les
municipalités soient récompensées selon l'état. Si
des régions du Québec, pendant les années passées,
ont bénéficié d'une plus grande largesse des budgets de
voirie, les gens qui ne l'ont pas eu ne seront pas pénalisés,
parce qu'on reconnaît l'état des routes telles qu'elles sont
aujourd'hui, dans la prise en charge. Donc, on n'a pas de leçon à
prendre de ces gens-là.
Le Président: En question principale, maintenant, M. le
député d'Arthabaska.
Mesures d'aide aux serricuiteurs
M. Baril: Merci, M. le Président. Dans une lettre
adressée au ministre de l'Agriculture, en juin 1992, les producteurs en
serre affirmaient que l'augmentation de 88 % de leur facture
d'électricité plaçait 30 % à 40 % des producteurs
en sérieuse difficulté financière. Ajouté à
ça, le dumping des producteurs ontariens et américains, qui
vendent leurs tomates au Québec en bas du prix coûtant, fait
perdre environ 2000 emplois au Québec. Le 1er mai 1991, le ministre, en
cette Chambre, me répondait qu'il rencontrerait les représentants
des serricuiteurs et qu'il n'excluait aucune possibilité, celle de
regarder ses propres programmes ou celle de faire des efforts pour rediscuter
avec Hydro-Québec. Après un an et demi, le ministre a-t-il
trouvé un plan pour relancer ce secteur de l'économie?
Le Président: M. le ministre de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation.
M. Picotte: M. le Président, effectivement, comme je m'y
étais engagé, il y a eu des rencontres et il y a eu des
discussions avec ma collègue, la ministre de l'Énergie et
vice-première ministre. Il y a eu aussi, je pense, des rencontres,
à ma connaissance, avec HydroQuébec. Ça, c'était
l'engagement que nous avions pris. En ce qui concerne les programmes du
ministère, les programmes, à Innovactions ou ailleurs, sont
disponibles pour ces gens-là, comme d'autres. Alors, il s'agit qu'ils
appliquent sur des programmes, et on verra comment on peut les recevoir et les
juger recevables, finalement, par la suite.
Le Président: Alors, en question
complémentaire.
M. Baril: M. le Président, suite aux rencontres qui,
semble-t-il, ont eu lieu, ça n'a pas l'air d'avoir
débouché sur grand-chose. Est-ce que le ministre a un plan de
relance à offrir à ce secteur de l'économie ou bien s'il
n'en a pas, de plan de relance?
Le Président: M. le ministre.
M. Picotte: M. le Président, le député
d'Arthabaska sait très bien s'il y a lieu d'y avoir un plan de relance
pour ces gens-là. Il faudra que les gens des serres se concertent,
viennent nous voir et travaillent en collaboration avec nous.
Alors, pour l'instant, si ça n'a pas débouché sur
un plan quelconque, c'est parce qu'il n'y a pas eu d'entente. Et, à
partir de ce moment-là, bien, je pense que le député
d'Arthabaska devrait
savoir que la situation continue comme elle est. Maintenant, s'ils ont
des propositions à nous faire, nous sommes toujours ouverts pour
tâcher de regarder comment on pourrait améliorer ce
secteur-là.
Le Président: Toujours en complémentaire.
M. Baril: Vous savez très bien qu'il n'y a rien de
changé et qu'il y a des problèmes dans ce secteur-là. Le
17 juin, on écrivait au ministre de l'Agriculture, oui c'est vrai:
Qu'est-ce que le ministre entend faire pour répondre à la demande
des producteurs en serres qui confirment, dans une lettre, qu'ils en ont, des
problèmes? Puis, on faisait même une publicité, à
l'époque, je ne sais pas si le ministre l'a vue, on disait: Profitez de
manger des tomates du Québec, c'est peut-être les dernières
que vous allez manger parce qu'on va fermer.
Est-ce que le ministre n'a rien à leur offrir? Est-ce que le
ministre s'occupe de ce secteur-là, ou bien s'il s'en fout? C'est
ça, la question.
Une voix: Bravo! Bravo! Bravo! Le Président: Alors,
M. le ministre.
M. Picotte: M. le Président, je pense que tous les
secteurs dans ces domaines-là ont des problèmes. Et, à
chaque fois qu'ils ont eu des problèmes, ils ont réussi à
s'asseoir avec nous. Quand on a eu des problèmes dans le porc, M. le
Président, on s'est assis avec la Fédération, on s'est
assis avec tout le monde et on a trouvé des solutions.
Si ces gens-là ont des solutions particulières à
nous apporter, ce n'est pas gênant, c'est 200A, chemin Sainte-Foy. On va
bien les recevoir, et on verra ce qu'on peut faire avec eux.
M. Baril: M. le Président...
Le Président: Alors, toujours en question
complémentaire.
M. Baril: Par les réponses du ministre, est-ce que
ça confirme que le ministre est impuissant à convaincre sa
collègue et Hydro-Québec de diminuer, de donner des tarifs
préférentiels, d'accorder des tarifs préférentiels
aux serricul-teurs, tel que son document au ministère de l'Agriculture
mentionnait que, pour que ce secteur-là soit viable, ça prenait
des tarifs préférentiels? Est-ce que le ministre nous
démontre son impuissance aujourd'hui face à sa collègue et
à Hydro-Québec?
M. Jolivet: Incapacité!
Le Président: Alors, en sollicitant, s'il vous
plaît, l'attention de tous les collègues...
M. Picotte: En ce qui me concerne...
Le président: m. le ministre, un instant, m. le ministre!
m. le ministre! juste une minute. je voudrais simplement l'attention des
collègues pour qu'on puisse vous entendre facilement. alors, s'il vous
plaît! alors, m. le ministre.
M. Picotte: Je ne vois pas pourquoi le député
d'Arthabaska m'attribue le mot «impuissance» à ce moment-ci
de ma carrière, M. le Président...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Picotte: Mais on sait très bien, M. le
Président, que, quand on parle de tarifs préférentiels,
puis de programmes particuliers dans ce domaine-là, et j'ai un petit peu
de difficulté à suivre le député d'Arthabaska...
Parfois, il y en a un qui se lève pour nous demander un tarif
préférentiel du côté d'Hydro-Québec, et, dans
d'autres circonstances, d'autres du même côté se
lèvent pour nous blâmer d'avoir donné des tarifs
préférentiels à Hydro-Québec pour certaines
industries. Donc, encore faudrait-il savoir de quoi on parle et ce qu'on veut,
M. le Président.
Des voix: Très bien! Très bien!
Le Président: Alors, en question principale, maintenant,
en demandant l'attention des collègues. Alors, M. le
député Dubuc.
Harmonisation des relations entre communautés
autochtones et non autochtones en matière de chasse
M. Morin: Merci, M. le Président. Récemment, lors
de la période de questions, j'avais demandé au ministre du
Loisir, de la Chasse et de la Pêche les raisons pour lesquelles il
n'appliquait pas les règlements de chasse dans le cas des chasseurs
hurons. Le ministre avait alors répondu que, tout en invoquant la
décision de la Cour suprême, il ne voulait pas nuire aux
négociations en cours entre son ministère et la nation
huronne-wendat.
La semaine dernière, nous avons appris qu'une entente
était intervenue, ou qu'elle était sur le point de l'être.
Dans un premier temps, je demanderai au ministre du Loisir, de la Chasse et de
la Pêche de confirmer s'il y a eu effectivement entente, et s'il est vrai
qu'elle fut rejetée par la population huronne.
Le Président: Alors, M. le ministre du Loisir, de la
Chasse et de la Pêche.
M. Blackburn: m. le président, je m'en voudrais de ne pas
profiter de l'occasion, d'abord, en tant que ministre des sports, pour
féliciter la ville de québec d'avoir obtenu,
samedi soir, le support du comité olympique canadien.
Une voix: Si vous ne voulez pas avoir un débat de fin de
séance, là...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
À l'ordre, s'il vous plaît! S'il vous plaît. Alors, à
la question, M. le ministre.
M. Blackburn: Alors, à la question, M. le
Président...
Des voix:...
Le Président: Un instant. La question est posée,
là, j'ai demandé au ministre de répondre. Mais oui. Je
vais demander au ministre d'arriver à la question, il va y
répondre. Allez-y, M. le ministre.
M. Blackburn: Alors, à la question, M. le
Président, il est très...
Le Président: Un instant. J'ai une question de
règlement. Oui, j'ai une question de règlement. M. le leader de
l'Opposition. (10 h 50)
M. Chevrette: M. le Président, je suis prêt à
accepter toutes vos remarques. Mais je vous ferai remarquer, M. le
Président, qu'il n'y a aucune remarque... Et là, je veux attirer
votre attention spécifiquement sur ce qui vient de se poser pour vous
démontrer qu'il y a parfois des attitudes qui sont chatouillantes pour
le moins. Au moment où un individu se lève sur notre
côté, vous dites: La question est posée. La vraie question
de règlement et de privilège qu'on aurait pu soulever
instantanément, ou de votre part, c'est de voir un ministre qui s'en va
sur un sujet qui n'a aucunement fait l'objet d'une question, même pas
d'un préambule, avec lequel on peut être d'accord. Mais, M. le
Président, s'il vous plaît, c'est le genre d'argument qui, depuis
le début de la présente session, nous irrite un peu, pas mal,
passablement, pour ne pas dire plus.
Le Président: Écoutez, je suis bien d'accord
à prendre votre remarque. Simplement - un instant - quand le ministre a
commencé à répondre, je me suis même levé et
j'ai dit «à la question, M. le ministre», en rappelant,
évidemment, que la question était posée dans un domaine
tout autre que celui sur lequel il avait commencé à
répondre.
Et j'invite le ministre à répondre à la question.
C'est ce que j'ai fait suite à des réactions de votre
côté, qui étaient normales. Évidemment. Et dans
certains cas, vous admettrez avec moi aussi qu'à l'Assemblée,
d'un côté comme de l'autre, on commence souvent une réponse
où parfois on souligne un événement quelconque. Ce n'est
pas tout à fait conforme au règlement, j'en suis fort conscient,
mais une certaine habitude s'est prise de ce côté-là. Donc,
je demanderais de vous en tenir aux questions posées et de
répondre directement aux questions telles qu'elles sont posées.
Donc, M. le ministre, à la question posée.
M. Blackburn: Merci, M. le Président. Alors, à la
question posée, bien sûr qu'il y a une réalité que
tout le monde connaît. On avait formé ce comité conjoint de
négociation avec la nation huronne-wendat sur la possibilité de
trouver une piste d'entente qui nous permettrait d'harmoniser les relations
entre les communautés autochtones et les communautés non
autochtones en matière de pratique de chasse à l'orignal. Il y a
une piste intéressante sur la table. Il y a des propositions qui sont
actuellement extrêmement intéressantes qui se doivent d'être
envisagées. Je tiens à dire que je les trouve tout à fait
applicables. Il y a des éléments sur lesquels je me pose des
questions, sur lesquelles j'ai des réserves. Il y a eu un rejet de
l'entente, semble-t-il, par la nation huronne ou par une partie de la
population huronne. On va voir, bien sûr, au cours des prochains jours et
des prochaines semaines, dans quelle mesure on va pouvoir réussir
à recréer ce comité et réussir à trouver
cette obligation de résultat que nous avons d'harmoniser les relations
entre les communautés autochtones et non autochtones.
Le Président: Alors, en question
complémentaire.
M. Morin: Alors, M. le Président, est-il vrai que parmi
les avantages qu'on voulait consentir aux autochtones il y aurait la
gratuité du droit d'accès ainsi que pour l'autorisation et le
permis de chasse?
Le Président: M. le ministre.
M. Blackburn: II y aura certainement un permis de chasse qui sera
vendu à la communauté autochtone. C'est la communauté
autochtone qui va, elle, faire la délivrance de ce permis sur son
territoire. C'est elle qui peut décider de le financer d'une
façon ou de l'autre. Ce que je peux vous dire, c'est que le gouvernement
du Québec va percevoir les droits qui lui sont dûs comme pour
toutes les autres communautés non autochtones sur le territoire du
Québec.
Le Président: Toujours en question
complémentaire.
M. Morin: Le ministre accepterait-il de confirmer un autre
privilège qu'on voulait concéder, soit que l'enregistrement des
orignaux abattus serait contrôlé par le conseil de la nation
huronne et non par le MLCP, comme il
est l'habitude.
Le Président: M. le ministre.
M. Blackburn: Écoutez, M. le Président, il y a des
éléments à l'intérieur de l'entente qui sont
là, ils sont actuellement discutés avec la nation huronne. J'ai
dit tout à l'heure au député de Dubuc qu'il y avait des
éléments de cette entente sur lesquels j'avais plusieurs
réserves. Bien sûr que j'aurai l'occasion de prendre position,
j'ai jusqu'au 14 décembre prochain pour effectivement faire
connaître ma position en tant que ministre sur l'entente actuelle.
M. Morin: M. le Président...
Le Président: En question complémentaire.
M. Morin: ...considérant le but avoué du ministre
tout à l'heure, qui est à l'effet d'harmoniser les relations
entre les chasseurs autochtones et blancs, le ministre ne croit-il pas que la
meilleure façon d'y arriver serait d'appliquer les mêmes
règlements, sans égard à la couleur et à la race,
comme y ont fait allusion ses fonctionnaires en fin de semaine?
Le Président: M. le ministre.
M. Blackburn: Pour ce qui est de la remarque du
député de Dubuc concernant un article de journal en fin de
semaine, je peux dire qu'il n'y avait d'aucune façon d'autorisation, en
tout cas par le ministre et par le ministère, pour ce document qui a
été rendu public. Ce que je peux juste vous dire, c'est qu'il y a
une réalité qu'on ne peut pas oublier: il y a un jugement de la
Cour suprême du Canada - ce n'est pas vrai? ce n'est pas vrai? vous allez
nier ça? - sur lequel...
Le Président: Un instant. S'il vous plaît, un
instant, M. le ministre. J'inviterais le député de Dubuc à
attendre un peu. Vous reviendrez dans une autre question. Vous reviendrez dans
une autre question.
M. Blackburn: M. le Président, il y a un jugement de la
Cour suprême, qui a été rendu au mois de mai 1990, qui
reconnaît à la communauté huronne des droits importants en
matière de camping, en matière de feux dans des territoires, puis
aussi en matière de coutumes ancestrales, qui ne sont pas très
clairement déterminés. C'est la raison pour laquelle on a
formé ce comité de négociation pour trouver de quelle
façon... On avait cette obligation de trouver le moyen
d'interpréter ce jugement pour le rendre applicable. Et c'est dans cette
perspective qu'on va continuer de travailler parce que c'est fondamental et
c'est extrêmement important, bien sûr, pour le gouvernement du
Québec et pour le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche,
de réussir à relever ce défi d'harmoniser les relations
sur cet immense territoire, les relations entre les communautés
autochtones et non autochtones, en matière de chasse.
Le Président: Pour une question principale, M. le
député de Laviolette.
Fermeture temporaire de l'usine Malette à
Saint-Raymond de Portneuf
M. Jolivet: Merci, M. le Président. En pleine campagne
référendaire et à grand renfort de publicité, le
ministre des Forêts, avec le ministre de Portneuf à
l'époque, inauguraient une usine ultramoderne qui, d'après l'aveu
même du ministre, faisait l'envie et soulevait la crainte chez les
concurrents. Cette usine de Saint-Raymond de Portneuf, M. le Président,
est actuellement fermée temporairement et risque même d'être
fermée définitivement, mettant en péril l'emploi de 125
travailleurs.
J'aimerais savoir du ministre quelles sont les raisons pour lesquelles,
après deux mois de production, cette usine, qui faisait, comme disait le
ministre, l'envie et soulevait la crainte chez les concurrents, est maintenant
fermée alors que REXFOR et les principaux associés ont investi
125 000 000 $ dans la réouverture de cette usine.
Le Président: M. le ministre des Forêts.
M. Côté (Rivière-du-Loup): M. le
Président, l'usine de Malette à Portneuf est une usine qui
produit du papier MFC. C'est des «machine finish coated». C'est un
produit qui est fabriqué ici, en Amérique du Nord, seulement par
cette usine-là. Ça vient en compétition avec des
compagnies Scandinaves qui vendent ce type de papier en Amérique du
Nord, et il faudra nécessairement que Malette pénètre ce
marché. Lors de cette inauguration, M. Malette me mentionnait qu'il
était très confiant de pénétrer le marché.
Et c'est la première nouvelle que j'en ai - si M. le
député de Laviolette veut semer la panique chez les ouvriers -
à savoir que cette usine serait fermée définitivement, ce
que je ne pense pas, M. le Président.
Le Président: Pour une question complémentaire.
M. Jolivet: Qu'est-ce que le ministre entend faire, à ce
moment-là, pour aider, justement, les 125 travailleurs qui craignent une
fermeture permanente?
Des voix: Qui craignent...
M. Jolivet: Oui, mais...
Le Président: Un instant, s'il vous plaît! Un
instant! la question est en train d'être posée. je vous
demanderais de contenir vos réactions, le ministre viendra à la
réponse. alors, pour la question.
M. Jolivet: Ils craignent de perdre leur emploi parce qu'on leur
indique que la pénétration du marché, justement, est
tellement difficile, et cette usine pourrait fermer plus longtemps que
prévu actuellement et même de façon permanente.
Le Président: M. le ministre.
M. Côté (Rivière-du-Loup): M. le
Président, je ne le pense pas parce qu'à chaque fois qu'on
introduit un nouveau produit sur le marché il y a des
difficultés, on rencontre des difficultés. Lorsque, de l'autre
côté de la Chambre, on nous recommande une usine qui va produire
les mêmes produits, disons, à Matane, à Port-Cartier ou
ailleurs, je pense qu'on n'est pas logiques. Il faut être prudents dans
ces investissements-là. Nous assurons au groupe Malette, via REXFOR et
le gouvernement, toute l'assistance nécessaire pour assurer les emplois
de Portneuf, soit les 125 emplois dont il est question.
Le Président: Une dernière question
additionnelle.
M. Jolivet: Est-ce que le ministre ne croit pas, justement, que
la décision qui a été prise pendant la campagne
référendaire avait un but, qui était celui de devancer les
décisions et les recommandations faites par son groupe d'action sur
l'avenir des industries de pâtes et papiers et de papiers fins, en
particulier au Québec, et qu'il a fait cette ouverture au-delà
des recommandations faites par son comité d'action?
Le Président: M. le ministre.
M. Côté (Rivière-du-Loup): M. le
Président, il ne faudrait toujours bien pas charrier là-dessus
parce que la décision de construire Malette a été prise au
moins deux ans avant ça, et on a investi au-delà de 125 000 000
$. On n'a pas fait tout ça durant la campagne
référendaire, comme le laisse entendre le député de
Laviolette. Il faudrait qu'il soit un peu raisonnable et qu'il arrête de
charrier, hein?
Des voix: Oui, oui.
Le Président: Alors, c'est la fin de la période de
questions.
Il n'y a pas de votes reportés. Motions sans préavis.
Avis touchant les travaux des commissions
Avis touchant les travaux des commissions.
M. le leader du gouvernement. (11 heures)
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, M. le Président.
J'avise cette Assemblée qu'aujourd'hui, après les affaires
courantes jusqu'à 13 heures, de 15 heures à 18 heures et de 20
heures à 24 heures, à la salle Louis-Joseph-Papineau, la
commission des institutions poursuivra l'étude détaillée
des projets de loi suivants, et ce, dans l'ordre ci-après
indiqué: projet de loi 50, Loi modifiant le Code de procédure
civile concernant le recouvrement des petites créances; projet de loi
38, Loi sur l'application de la réforme du Code civil.
À la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine, la commission de
l'aménagement et des équipements poursuivra l'étude
détaillée des projets de loi suivants, et ce, dans l'ordre
ci-après indiqué: projet de loi 55, Loi modifiant la Loi sur la
fiscalité municipale et d'autres dispositions législatives;
projet de loi 56, Loi modifiant la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme
et d'autres dispositions législatives.
À la salle du Conseil législatif, la commission de
l'éducation procédera à l'étude
détaillée du projet de loi 141, Loi sur l'enseignement
privé.
Renseignements sur les travaux de
l'Assemblée
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Renseignements sur les
travaux de l'Assemblée. M. le leader de l'Opposition officielle.
M. Chevrette: M. le Président...
Le Vice-Président (M. Bissonnet): À l'ordre, s'il
vous plaît!
M. Chevrette: ...je voudrais demander au ministre et leader, sur
les projets de loi 55 et 56, compte tenu du fait que l'Union des
municipalités du Québec et l'UMRCQ désireraient voir
adopter avant Noël, et ce, dans les meilleurs délais, la loi 56, si
j'ai bien compris leur position, alors que la loi 55 sur la fiscalité
municipale est une loi beaucoup plus contestée au niveau du Parlement,
en tout cas, au niveau des perceptions de chacun des groupes, quelle est
l'idée du ministre de toujours conditionner l'adoption, avant, de la loi
55? Je voudrais lui dire tout de suite que nous allons aviser l'Union des
municipalités que, si la loi 56 n'est pas appelée, ce n'est pas
notre faute?
Une voix: C'est ça.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le leader du
gouvernement.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président, je ne sais
pas de quel scénario parle
le leader de l'Opposition. Tout ce que je sais, c'est que le ministre
des Affaires municipales a rencontré encore au cours de la
journée de vendredi l'ensemble des représentants des unions
municipales sur le territoire québécois, qu'il est bien au fait
des demandes des unions municipales. J'invite le leader de l'Opposition
à continuer à prêter une oreille attentive à la
position de ces unions municipales d'ici l'ajournement de nos travaux aux
fêtes.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): m. le leader de
l'Opposition officielle.
M. Chevrette: M. le Président, sur le même sujet,
c'est justement parce que j'ai une oreille extrêmement attentive que je
vous demande d'appeler... Au lieu, de façon obstinée, de vous en
tenir au projet de loi 55, c'est précisément d'appeler la loi 56
qui, vous le savez très bien, mis à part quelques amendements
pour satisfaire aux demandes de l'Union des producteurs agricoles, est une loi
sur laquelle nous pourrions facilement donner notre consentement, ce qui n'est
pas le cas pour la loi 55. Donc, il faut quand même, par la voie de cette
Assemblée...
Une voix: 56.
M. Chevrette: 55, en tout cas, peu importent les numéros,
vous comprenez ce que je veux dire...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Chevrette: Oui, on peut se tromper de numéro, mais
c'est sur l'urbanisme et l'aménagement, vous le savez très bien,
M. le Président. Si on veut jouer sur les mots, on va jouer, on va
prendre tout le temps possible. Vous n'êtes pas pressé? Moi non
plus.
Donc, M. le Président, sur l'aménagement et l'urbanisme,
vous savez très bien qu'il y a un consentement relativement rapidement
qui peut... consensus même qui peut se dégager au niveau des
parlementaires, alors que ce n'est pas le cas pour le projet de loi 55 sur la
fiscalité municipale. Si vous allez faire croire à l'Union des
municipalités du Québec et à l'UMRCQ que nous bloquons la
Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, je répondrai non, M. le
Président, c'est au gouvernement à l'appeler, puis elle
passera.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le leader du
gouvernement, si vous voulez compléter.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): À ce stade-ci de nos
travaux, comme leader du gouvernement, je ne prends pas pour acquis que
l'Opposition officielle bloque aucun des projets de loi qui sont au menu, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Ceci met fin à la
période des affaires courantes. Nous passons maintenant aux affaires du
jour. S'il vous plaît! M. le leader du gouvernement, aux affaires du
jour.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui. M. le Président, je
vous demanderais d'appeler l'article 6 du feuilleton.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): À l'article 6, M.
le ministre de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie propose l'adoption
du principe du projet de loi 59, Loi modifiant la Loi sur les heures et les
jours d'admission dans les établissements commerciaux. M. le ministre de
l'Industrie, du Commerce et de la Technologie.
M. Tremblay (Outremont): Alors, merci...
M. Chevrette: m. le président, juste 30 secondes. je ne
voudrais pas déranger le ministre, j'aurais une autre question s'il n'a
pas d'objection.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, il y a
consentement pour qu'on revienne aux renseignements sur les travaux? M. le
leader de l'Opposition officielle.
M. Chevrette: Oui. Je voudrais demander au leader du gouvernement
s'il a fait le bilan des projets de loi, pour qu'on puisse l'avoir, comme
Opposition, comme outil de travail. Est-ce qu'il a fait le bilan des lois qui
n'ont pas été appelées ici, en cette Chambre, et qui n'ont
pas besoin du consentement du 15 novembre? Parce que je me rends compte, depuis
deux ou trois jours, que les lois qui sont appelées présentement,
ce sont des lois qui ont été déposées
ultérieurement au 15 novembre.
Est-ce qu'il en reste au feuilleton? Est-ce qu'on ne pourrait pas avoir
un bilan, pour fins de travail plus facile d'analyse, d'évaluation et
tout, de ce qui reste à venir? Est-ce que c'est parce que vous ne les
appellerez pas, celles qui n'ont pas besoin de consentement et qui n'ont pas
été appelées, par exemple, au feuilleton? Non?
Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le leader du
gouvernement, sur la question.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Au moment de la reprise de la
session parlementaire, M. le Président, il y avait quelque 17 projets de
loi qui étaient inscrits au feuilleton. Comme je l'avais indiqué
au tout début de la session, le gouvernement comptait ou compte en
déposer une vingtaine à l'occasion de cette présente
session. Tous les projets qui sont déposés depuis la reprise de
la session nécessitent le consentement, l'unanimité des
parlementaires pour être adoptés.
C'est dans ce sens que nous entendons procéder. Au moment
où nous nous parlons, il n'y a rien d'exclu.
Affaires du jour
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, nous revenons
à la période des affaires du jour.
Projet de loi 59
Adoption du principe
nous sommes à l'adoption du principe du projet de loi 59,
à l'article 6 du feuilleton. je reconnais m. le ministre de l'industrie,
du commerce et de la technologie.
M. Gérald Tremblay
M. Tremblay (Outremont): Alors, merci, M. le Président. Le
22 juin 1990, le lieutenant-gouverneur du Québec sanctionnait la Loi sur
les heures et les jours d'admission dans les établissements commerciaux,
et ceci après plus de 220 heures de consultation, de discussion en
commission parlementaire et à l'Assemblée nationale.
Cette loi avait pour effet d'élargir les heures d'ouverture
permises dans les établissements commerciaux du Québec. Le public
pouvait désormais être admis dans les commerces de 8 heures
à 19 heures les lundi et mardi, de 8 heures à 21 heures les
mercredi, jeudi et vendredi, et de 8 heures à 17 heures le samedi. Par
conséquent, cette loi ne permettait pas aux commerces, en
général, d'ouvrir leurs portes le dimanche. De plus,
l'interdiction d'admission était maintenue sept jours
fériés de l'année, le 25 décembre et le 1er
janvier, par exemple. Par contre, la loi permettait que le public soit admis
dans les établissements commerciaux de 8 heures à 17 heures les
dimanches de décembre précédant la fête de
Noël. C'est dans cette optique, M. le Président, qu'en 1990 et 1991
les commerces ont pu ouvrir les quatre dimanches précédant le 25
décembre. C'est la raison pour laquelle le projet de loi
prévoyait, à l'article 15, la possibilité pour les
commerces d'ouvrir le 29 novembre parce que, cette année,
exceptionnellement, il n'y a que trois dimanches précédant le 25
décembre.
Le Manitoba. Je cite, M. le Président: «Legislation will be
introduced into the House to support the following points and will be
retroactive to November 29th, 1992. Sunday shopping on this expanded basis is
available in British Columbia, Alberta, Saskatchewan, Ontario, New Brunswick,
Prince Edward Island and throughout the United States.»
Dans cette optique, après les accusations de l'Opposition
à l'effet que je prenais pour acquis et brimais les droits des
particuliers, «le président de l'Assemblée nationale, M.
Jean-Pierre Saintonge, a rejeté, dans une décision qu'il a rendue
hier soir - donc, le 26 novembre 1992 -les objections que l'Opposition
péquiste avait soulevées par le projet de loi traitant des heures
d'ouverture des commerces. En fait, le président statuait, en vertu des
règles de cette Assemblée, que la question de privilège
soulevée par l'Opposition péquiste était non
fondée, car le ministre de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie
n'avait pas commis d'outrage au Parlement en émettant des commentaires
sur les intentions du gouvernement en cette matière avant que le projet
de loi 59 ait été présenté». (11 h 10)
Par contre, avant cette décision, M. le Président,
j'avertissais les commerçants et les commerçantes qu'ils ne
pouvaient ouvrir leur commerce le 29 novembre parce que je ferais respecter la
loi. Et à cet effet, le dimanche 29 novembre, 2095 visites ont eu lieu
et 75 constats d'infraction ont été rédigés. Le
ministère de la Justice aura à décider des poursuites
éventuelles.
Dans cette optique, et en toute justice pour les commerçants qui
ont respecté la loi, je retire du projet de loi la disposition
rétroactive qui aurait permis aux commerces d'ouvrir le 29 novembre.
Donc, je retire l'article 15.
La loi prévoyait de plus que le public puisse être admis en
tout temps dans certains établissements commerciaux pourvu que ceux-ci
satisfassent à certaines conditions, notamment, quant aux produits
offerts en vente et au nombre de personnes affectées au fonctionnement
de rétablissement.
Pour leur part, les marchés d'alimentation et les pharmacies
étaient autorisés à ouvrir après les heures
prévues et le dimanche à condition qu'au plus quatre personnes
soient affectées au fonctionnement de l'établissement, mises
à part quelques exceptions à cette règle, comme, par
exemple, le propriétaire ou son mandataire, les employés
préposés à la préparation de produits de
boulangerie ou de pâtisserie et le personnel affecté au service de
la sécurité, et, dans le secteur pharmaceutique, le pharmacien et
les personnes affectées exclusivement à la préparation de
médicaments. L'esprit de la loi était de permettre à ces
commerces d'ouvrir, mais dans un contexte de dépannage. Cette situation
prévaut depuis le mois de juin 1990 dans les commerces
québécois.
Or, de nombreux changements et événements sont survenus,
particulièrement au cours des derniers mois. Ces changements ont
incité le gouvernement à se pencher à nouveau sur ce sujet
afin d'examiner la possibilité d'actualiser la loi sur les heures et les
jours d'ouverture dans les établissements commerciaux au
Québec.
Tout comme ce fut le cas en 1990, trois principes importants guident le
gouvernement dans ses démarches afin d'offrir aux
Québécois et aux Québécoises, ainsi qu'à
ceux et celles qui exploitent des commerces ou qui y travaillent, les
meilleures conditions possible dans un monde
des affaires en pleine évolution. Ces principes sont les
suivants: l'égalité des commerçants et des
commerçantes devant la loi, les besoins réels des consommateurs
et des consommatrices, la qualité de vie de la population, notamment
celle des travailleurs et des travailleuses.
La société dans laquelle nous vivons évolue
constamment, et certains des changements qui surviennent influencent les
besoins des consommateurs et des consommatrices ainsi que leurs habitudes de
consommation. Parmi les changements qui sont survenus au cours des
dernières années, on ne peut passer sous silence des
phénomènes aussi importants que l'augmentation du nombre de
couples avec des enfants et dont les deux parents travaillent à
l'extérieur du foyer, tout comme l'augmentation du nombre de familles
monoparentales. Ces changements sociaux, pour ne citer que ceux-ci,
entraînent des modifications profondes dans les habitudes de
consommation. Les besoins des parents en termes d'accessibilité aux
magasins, notamment les deux travaillant à l'extérieur du foyer,
ont évolué constamment au cours des dernières
années. Le vieillissement de la population et le besoin pour un nombre
de plus en plus élevé de personnes âgées de se faire
accompagner pour aller magasiner rendent impérieux l'accès aux
magasins au moment où la plupart des gens qui travaillent ont des
moments libres.
D'autres facteurs de changements ont trait aux préoccupations
nouvelles des consommatrices et des consommateurs face à leurs achats.
Par exemple, la volonté très nette d'obtenir un meilleur rapport
qualité-prix a pour effet de prolonger le temps de magasinage. La baisse
du revenu disponible a également pour effet d'inciter les consommateurs
et les consommatrices à comparer davantage les prix et les
caractéristiques des produits qu'ils achètent de façon
à tirer le maximum des ressources dont ils disposent. Paradoxalement,
les consommateurs et les consommatrices ont de moins en moins de temps
disponible pour se livrer à cette activité. La simple observation
des faits suffit à nous convaincre que plusieurs de ces conditions
nouvelles, particulièrement celles qui ont trait à
l'évolution sociale et aux changements d'habitudes des consommatrices et
des consommateurs, sont là pour rester.
Dans le domaine du commerce de détail, comme c'est le cas pour
toute autre activité, l'industrie doit répondre aux besoins de sa
clientèle, étant bien conscient que ces besoins ne sont pas les
mêmes dans toutes les régions du Québec. La ville de
Montréal, qui s'objectait fermement à l'ouverture des commerces
le dimanche, est aujourd'hui favorable, ayant investi des dizaines de millions
de dollars dans la revitalisation de ses artères commerciales.
Reconnaissant que les besoins des régions pouvaient être
différents, j'ai proposé aux municipalités, en 1990, la
possibilité de se retirer du projet de loi et, à ce moment, les
municipalités ont préféré que le gouvernement du
Québec assume ses responsabilités plutôt que de
transférer cette responsabilité aux municipalités.
M. le Président, de plus en plus de municipalités
demandent, par contre, d'être exemptées de l'application de la loi
à titre de zone touristique ou de zone limitrophe. Les
établissements commerciaux, dans ces zones, peuvent ouvrir 24 heures par
jour, 7 jours par semaine. Les commerces modulent donc leurs heures en fonction
des besoins réels de la clientèle, et l'expérience
démontre que les commerces n'ouvrent pas toutes les heures disponibles
et que les grandes surfaces et les petits commerces se concurrencent
sainement.
La Société des alcools du Québec annonçait,
récemment, qu'il n'était pas question d'ouvrir toutes ses
succursales le dimanche. J'aimerais porter à l'attention de l'Opposition
que la Société des alcools du Québec opère 147
agences en région, qui sont toutes ouvertes le dimanche. Plusieurs des
produits de la Société des alcools du Québec sont
disponibles dans 12 500 points de vente dans toutes les régions du
Québec, et certaines succursales de la Société des alcools
du Québec sont ouvertes: 5 succursales à Montréal et 2
succursales à Québec.
La loi permet depuis toujours, M. le Président, à la
Société des alcools du Québec d'ouvrir le dimanche. Elle
se sert uniquement de ce droit en autant que les conséquences
économiques le justifient. Et une des raisons pour lesquelles la
Société des alcools du Québec n'ouvre pas tous ses
établissements le dimanche, c'est parce qu'il y a des petits
commerçants, des agences dans toutes les régions du Québec
qui offrent sensiblement les mêmes produits.
Or, voilà précisément, M. le Président, un
autre changement important qui est survenu au cours des dernières
années. Aux États-Unis, notamment, dans les États
limitrophes au Québec, le public ne se voit imposer aucune limite en ce
qui concerne les heures d'ouverture des commerces. Depuis juin dernier, les
commerces ontariens peuvent ouvrir leurs portes le dimanche, tout comme c'est
le cas au Nouveau-Brunswick depuis la fête du Travail, et au Manitoba
depuis le 29 novembre dernier. Dans l'ensemble du Canada, seules les provinces
de Terre-Neuve et de la Nouvelle-Ecosse interdisent encore l'accès aux
commerces le dimanche de façon systématique.
Nous avons été à même de constater, dans ce
domaine comme dans bien d'autres, que, lorsque la loi tarde à s'ajuster
à la réalité, les citoyens et les citoyennes trouvent des
moyens efficaces pour répondre quand même à leurs besoins.
Dans le cas qui nous intéresse, ces moyens entraînent toutefois
des conséquences pour l'ensemble de notre économie et, parfois,
pour un des trois principes qui guident notre action, soit
l'égalité des commerçants et des commerçantes
devant la loi.
De nombreux abus et certaines pratiques ne répondant pas à
l'esprit de la loi ont été constatés dans les commerces
d'alimentation et les marchés aux puces. Nous vivons dans un monde
où les frontières commerciales disparaissent rapidement.
D'ailleurs, le secteur manufacturier, les distributeurs et les grossistes
peuvent ouvrir leur commerce 24 heures par jour, 7 jours par semaine. Ces
commerces ne sont pas ouverts 24 heures par jour, 7 jours par semaine. Les
professionnels peuvent également travailler 24 heures par jour, M. le
Président, 7 jours par semaine. À ma connaissance, il n'y a pas
beaucoup de professionnels qui travaillent 24 heures par jour, 7 jours par
semaine. Nous devons nous adapter aux changements qui surviennent,
particulièrement chez nos voisins immédiats, sans quoi nous nous
imposons des contraintes inutiles dans la mise en place d'une économie
compétitive. (11 h 20)
Bien sûr, nous adapter ne signifie pas faire comme les autres,
mais bien nous donner les moyens qui nous conviennent le mieux pour
répondre aux besoins de notre population et favoriser la mise en place
de conditions propices au développement des affaires et de l'emploi.
Les changements législatifs intervenus au Canada pour faciliter
l'accès au commerce, particulièrement le dimanche, et la
dévaluation du dollar canadien ont eu pour effet, entre autres, de
contrer le phénomène des achats aux États-Unis qui font
perdre des milliards de dollars à notre économie. Le
Québec n'échappe pas à cette nouvelle
réalité. La rigidité relative de notre législation
dans ce domaine, dans le contexte où des changements d'attitudes et de
mentalités sont survenus récemment, est à l'origine des
pertes très importantes, en plus de causer des problèmes
réels à un bon nombre de consommateurs et de consommatrices.
D'après les données disponibles du ministère de
l'Industrie, du Commerce et de la Technologie, en 1991, dans l'axe
Montréal-Sherbrooke, les achats outre-frontière des
Québécois et des Québécoises auraient
totalisé plus de 2 100 000 000 $. Sur la base d'une étude
menée par la Fédération canadienne de l'entreprise
indépendante, le magasinage outre-frontière aurait fait perdre
à l'économie du Québec, de 1989 à 1991, 19 000
emplois à temps plein et 17 000 emplois à temps partiel. Il faut
noter que cette étude n'a pas porté sur l'impact de l'ouverture
des commerces le dimanche, mais plutôt sur la compétitivité
de nos entreprises.
Au cours de la même période, les ventes au détail,
au Québec, ont baissé de 2 400 000 000 $, passant de 47 200 000
000 $ à 44 800 000 000 $. Avons-nous les moyens, M. le Président,
particulièrement dans le contexte économique actuel, de laisser
nos voisins profiter de ces retombées économiques? Il faut agir
d'autant plus rapidement que la disparition rapide des frontières
commerciales nous incite à mettre toutes les chances de notre
côté pour rendre notre économie la plus compétitive
possible.
C'est sûrement la raison qui incite le Conseil
québécois du commerce de détail, qui, pourtant,
s'objectait à l'ouverture des commerces le dimanche en 1990, à
militer aujourd'hui en faveur d'une plus grande libéralisation. Ce n'est
certes pas uniquement de la part du Conseil québécois du commerce
de détail pour représenter les grands commerçants; ce
Conseil québécois représente également les petits
commerçants, mais il y a un consensus important. Nous avons
également un de nos principes qui dit: L'égalité des
commerçants devant la loi. Ce sont les Québécois et les
Québécoises qui sont les premiers concernés par
l'accessibilité aux commerces. C'est pourquoi il est intéressant
de connaître leur point de vue quant à leurs besoins
réels.
Le deuxième principe énoncé
précédemment, c'est de répondre aux besoins réels
des consommateurs et des consommatrices. Plusieurs consultations à cet
égard ont déjà eu lieu, tant auprès du grand public
que des intervenants directement intéressés par la
libéralisation des heures d'affaires. Entre autres, un sondage
Créatec Plus a été réalisé auprès des
Québécois et des Québécoises dans le but de cerner
leurs besoins en matière de magasinage et leur perception à
l'endroit de la loi actuelle. Les résultats qui se dégagent de ce
sondage sont également confirmés par d'autres études
semblables, dont le sondage SOM-Les Affaires mené auprès
de 1042 adultes, au mois d'octobre dernier. Ces sondages ont été
largement diffusés et commentés favorablement par la très
grande majorité des éditorialistes francophones et
anglophones.
Voici quelques-uns des résultats qui s'en dégagent. Au
cours des deux mois précédant la tenue du sondage, 67 % des
répondants ont dit avoir magasiné le dimanche dans les commerces
du Québec autorisés à ouvrir ce jour. Par ailleurs,
près de 4 répondants sur 10, 37 %, affirment que les heures
d'ouverture actuelles des magasins, soit du lundi au samedi, ne leur
conviennent pas et qu'ils manquent de temps durant la semaine pour magasiner.
Lorsqu'ils sont interrogés sur l'impact que les commerces offrant des
denrées alimentaires et les pharmacies ont eu sur la qualité de
leur vie familiale, religieuse, personnelle ou de quartier, seulement trois
personnes affirment qu'elle s'est détériorée à
cause de cela. Il est intéressant de noter que 23 % des
répondants disent qu'il leur arrive de travailler le dimanche, dans le
cadre de la semaine régulière. Par ailleurs, 66 % des
répondants voient d'un bon oeil qu'eux-mêmes ou un de leurs
proches aient l'occasion de travailler le dimanche, et 36 % se sont même
dits intéressés à le faire. Élément
extrêmement important, 13 % des répondants et des
répondantes disent être allés aux États-Unis dans le
but principal de
magasiner au cours des 12 derniers mois précédant le
sondage, et 59 % de ces derniers y sont allés au moins une fois le
dimanche. Ces derniers affirment, dans une proportion de 42 %, qu'ils auraient
magasiné davantage au Québec si les commerces avaient
été ouverts.
Les résultats de ces sondages révèlent que les
consommateurs et les consommatrices veulent des changements à la loi
parce que leurs conditions de vie ont évolué rapidement,
particulièrement au cours des dernières années. En
conséquence, les Québécois et les
Québécoises souhaitent, dans une proportion importante, que le
gouvernement actualise les règles du jeu dans ce domaine. Plus de 7
répondants sur 10, 72 %, disent appuyer l'idée de modifier la loi
actuelle afin qu'elle prévoit davantage d'exceptions le dimanche. La
plupart des répondants se disent même totalement favorables
à cette éventualité, alors que seulement 16 % se disent
totalement opposés à cette idée. Plus encore, si on fait
intervenir la notion du droit des employés à ne pas travailler le
dimanche s'ils le désirent, le taux d'appui à des modifications
à la loi en ce sens passe de 72 %à80 %.
L'appui des Travailleurs et travailleuses unis de l'alimentation et du
commerce à une actualisation de la loi a grandement influencé
notre décision, qui n'a pas été facile à prendre en
fonction, entre autres, de notre troisième principe: la qualité
de la vie de la population, et notamment celle des travailleurs et des
travailleuses.
J'aimerais citer le directeur québécois des Travailleurs
et travailleuses unis de l'alimentation et du commerce, M. Yvon Bellemare, dans
un communiqué de presse émis le 27 novembre 1992. Et je cite, M.
le Président: «La profonde et interminable récession
économique qui est venue se greffer aux plaies sociales que constituent
le magasinage outre-frontière et l'incapacité gouvernementale
à faire appliquer sa loi est venue balayer les derniers arguments qui
militent en faveur du statu quo dans le dossier des heures d'affaires. La
pression des forces économiques était devenue telle que la
libéralisation totale et anarchique était devenue une menace plus
que réelle. Et, à ce compte, les travailleurs et les
travailleuses auraient été les grands perdants. «Les TUAC,
qui représentent, à l'échelle du Québec, la
quasi-totalité des employés syndiqués dans le secteur de
l'alimentation et du commerce, soit environ 45 000 personnes, ont conclu,
dès le printemps passé, que le temps était venu de
négocier afin d'encadrer ces changements qui, de toute façon,
s'annonçaient inéluctables. Depuis ce temps, les TUAC ont
négocié et tenu des rencontres régulières avec les
représentants gouvernementaux, avec les représentants de groupes
non alimentaires et avec des représentants de groupes alimentaires,
l'objectif étant d'encadrer dans une législation les changements
à venir et de protéger des acquis pour les travailleurs et les
travailleuses. Ce faisant, les TUAC étaient convaincus de
préserver un minimum de tissu social et familial tout en empêchant
une libéralisation anarchique. «Ces négociations ont permis
de réaliser un consensus auprès des principaux intervenants. En
effet, le projet de loi déposé à l'Assemblée
nationale a le grand mérite d'incorporer dans la nouvelle
législation, tout en libéralisant les heures d'affaires, des
protections capitales pour l'ensemble de la collectivité des
travailleurs et des travailleuses de ce secteur économique. À ce
chapitre, les TUAC ont notamment réussi à obtenir l'insertion
dans la loi des éléments suivants: le respect du volontariat pour
le travail le dimanche, la fermeture des établissements à des
heures raisonnables en semaine et en fin de semaine, et l'imposition de
congés fériés pour tous. «De plus, ici c'est
très important, la règle de quatre était finalement
amendée afin qu'elle soit comprise comme visant un maximum de quatre
personnes travaillant dans un établissement, et non pas quatre
employés. Cette règle avait amené des excès au
niveau de l'utilisation hypocrite d'employés sous le couvert d'agents de
sécurité, de personnel d'entretien, de personnel à la
préparation, etc. «Bien sûr, ce projet de loi ne satisfait
pas entièrement les TUAC. Par exemple, nous aurions aimé, dit M.
Bellemarre, que le ministre soit plus sensible à nos arguments
concernant les zones limitrophes, mais au moins il y a avait consensus. Le
projet de loi comporte ces garanties essentielles pour les travailleurs et les
travailleuses, et c'est pourquoi les Travailleurs et travailleuses unis de
l'alimentation et du commerce appuient le projet de loi». Fin de la
citation, M. le Président. (11 h 30)
L'opinion des Québécois et des Québécoises
me semble de plus en plus claire contrairement à la situation qui
prévalait il y a deux ans. Aujourd'hui, on constate un consensus
important et ferme qui se dégage de la population, des
commerçants et des commerçantes, des travailleurs et des
travailleuses, en faveur d'un assouplissement de la loi actuelle et, plus
particulièrement, en faveur de l'ouverture des commerces le
dimanche.
Il n'y a pas unanimité, je le reconnais. Le sondage a aussi
permis de vérifier les perceptions des gens interrogés quant aux
conséquences économiques qu'entraînerait la
libéralisation totale des heures d'affaires. Au plan économique,
les constatations suivantes se dégagent: 64 % des répondants
n'appréhendent aucun effet sur les prix, 37 % des répondants et
des répondantes croient que les faillites diminueraient et 62 % des
personnes interrogées croient que la libéralisation des heures
d'affaires permettra de créer de nouveaux emplois.
De plus, M. le Président, l'expérience l'a
démontré ailleurs, la libéralisation des heures
d'ouverture des commerces de détail entraîne des retombées
économiques positives. De plus, la situation particulière qui
prévaut au Québec en termes de commerces transfrontaliers nous
permet d'émettre l'hypothèse qu'un nombre important de
Québécois et de Québécoises qui profitent de leur
temps libre pour aller magasiner le dimanche, là où il est
possible de le faire, achèteraient davantage auprès des
commerçants québécois si ceux-ci pouvaient les accueillir
le dimanche.
Bien sûr, il est à prévoir que des heures
d'ouverture accrues provoqueront un certain étalement de la demande sur
toute la semaine, mais il n'en demeure pas moins qu'une libéralisation
des heures d'affaires est importante. Si la rentabilité n'y est pas,
certains commerçants et commerçantes fermeront un jour sur
semaine, si nécessaire, pour répondre à la
clientèle le dimanche, car aucune entreprise n'est obligée
d'ouvrir le dimanche; elles ouvriront uniquement si les besoins réels
des consommateurs et des consommatrices se font sentir.
J'aimerais, M. le Président, citer quelques lignes du
communiqué de presse émis le 20 novembre 1992 par le gouvernement
du Manitoba. Et je cite, M. le Président: «In response to public
demand and to stimulate retail sales, the Manitoba Government today announces
its intention to introduce legislation to allow Sunday shopping on a trial
basis. In making the announcement, the Minister of Industry, Trade and Tourism
said that Manitoba has lost millions of dollars in economic activity as a
result of being surrounded by jurisdictions like Ontario, Saskatchewan,
Minnesota, and North Dakota which all allow Sunday shopping. We think that
Sunday shopping is something many consumers have been calling for and will
provide economic benefits to Manitobans.» Fin de la citation, M. le
Président.
L'exemple récent de la libéralisation des heures
d'affaires en Ontario offre un éclairage intéressant à ce
sujet. Jusqu'à ce que les Onta-riens libéralisent les heures
d'affaires dans leurs commerces, l'évolution de leurs ventes au
détail suivait la même tendance qu'au Québec. Or, au cours
du troisième trimestre de 1992, les ventes au détail en Ontario
se sont accrues de 2,6 %, M. le Président, alors qu'au Québec,
les ventes stagnaient.
Compte tenu des circonstances, nous ne disposions, bien sûr, que
d'une courte période d'observation. Toutefois, il est bien
évident que, pour permettre aux consommateurs et aux consommatrices de
faire des achats au Québec, une condition sine qua non s'impose: les
magasins doivent être ouverts au moment où ces derniers sont
susceptibles de faire leurs achats. Dans le cas contraire, l'expérience
a démontré largement, particulièrement au cours des
derniers mois, que les consommateurs et les consommatrices n'hésitent
pas et n'hésitent plus à se déplacer pour faire leurs
achats au moment qui leur convient.
À chaque semaine qui passe, le Québec perd ainsi des
millions de dollars. Particulièrement dans le contexte économique
actuel, il y a une urgence d'agir. Suite aux études que nous avons
faites, nous avons retenu à titre d'hypothèse qu'une
libéralisation des heures d'ouverture des commerces de détail
entraînera une hausse des ventes de l'ordre de 1 %. Nous croyons que
cette évaluation est très conservatrice, l'augmentation des
ventes en Ontario ayant été de 2,6 %. Les ventes des commerces de
détail au Québec se sont chiffrées à 44 800 000 000
$ en 1991. En nous appuyant sur cette base, la libéralisation des heures
d'ouverture devrait engendrer une augmentation des ventes de 448 000 000 $ pour
les commerces du Québec. voyons maintenant, m. le président,
l'important sujet du commerce transfrontalier. nous savons tous et toutes, m.
le président, que, depuis quelque temps, les consommateurs et les
consommatrices québécois n'hésitent pas à aller
chercher ailleurs ce dont ils ont besoin au moment où ils ont la
possibilité de le faire. certaines statistiques en disent long à
ce sujet. en 1991, 6 154 000 québécois et
québécoises ont effectué des voyages en automobile de
moins de 24 heures aux états-unis. selon les données dont le
ministère de l'industrie, du commerce et de la technologie dispose, les
résidents et les résidentes québécois dans l'axe
montréal-sherbrooke ont dépensé plus de 2 100 000 000 $
pour leurs achats aux états-unis. les tendances observées en
1992, quant aux voyages de moins de 24 heures, traduisent une situation
à tout le moins comparable à celle de l'an dernier. or, entre 35
% et 40 % des voyages de moins de 24 heures en automobile aux états-unis
ont cours le dimanche. en nous fondant sur ces données, nous
évaluons à environ 787 000 000 $ les achats faits le dimanche aux
états-unis par les résidents québécois. les
consultations que nous avons menées, nos enquêtes internes et la
documentation que nous avons consultée nous permettent d'évaluer
la possibilité de récupérer des dépenses faites
outre-frontière le dimanche entre 20 % et 50 % des sommes
dépensées ailleurs au cours de cette journée.
Cette documentation, M. le Président, comprend, et je cite:
«Responding to Cross Border Shopping: A Study of the Competitiveness of
Distribution Channels in Canada Report Summary, A Report to the National Task
Force on Cross Border Shopping, March 31, 1992, Ernst & Young.» Et
une deuxième étude, «Industry, Science and Technology
Canada: A Preliminary Study of the Competitiveness of Distribution Channels, A
Report from Ernst & Young, March 1991.»
En retenant l'hypothèse la plus conservatrice, sur une
récupération de l'ordre de 20 % des achats outre-frontière
effectués le dimanche, les détaillants québécois
verraient leurs ventes
augmenter de 157 000 000 $. L'effet combiné d'une augmentation du
niveau général de ventes de l'ordre de 448 000 000 $ et d'une
récupération partielle des achats outre-frontière de 157
000 000 $ se traduirait par une hausse des ventes au détail au
Québec de l'ordre de 600 000 000 $. Une injection additionnelle de 600
000 000 $ dans le commerce de détail entraînerait la
création de près de 8816 emplois en termes de
personnes-année.
Certes, M. le Président, ces emplois ne seront pas tous des
emplois à temps plein. Il y aura sûrement et principalement,
à court terme, des emplois à temps partiel pour les mères
de famille, pour les étudiants et les étudiantes, pour tous ceux
et celles qui cherchent un emploi. Ces emplois généreraient une
masse salariale additionnelle de 200 000 000 $.
Au plan fiscal, ces salaires additionnels rapporteraient près de
18 000 000 $, uniquement au chapitre de l'impôt sur le revenu. Les sommes
perçues au plan de la parafiscalité québécoise,
incluant les cotisations des employeurs et des employés au Régime
de rentes du Québec, au financement des programmes de santé et
à la Commission de la santé et de la sécurité du
travail, totaliseraient presque 20 000 000 $. Les taxes de vente et certaines
autres taxes spécifiques sur les achats qui seraient rendues possibles
à partir de ces nouveaux revenus atteindraient pour leur part 43 200 000
$. Ceci, je le rappelle, en fonction d'un scénario
particulièrement conservateur.
Les avantages au plan économique d'une libéralisation des
heures d'ouverture des commerces québécois sont tels, M. le
Président, que nous aurons un impact important sur la relance de notre
économie. La libéralisation des heures et des jours d'admission
dans les établissements commerciaux ainsi que les autres mesures
annoncées récemment par le gouvernement auront une incidence
positive sur la confiance de la population et des gens d'affaires. Nos
problèmes sont profonds et de longue date. Il n'y a pas de solution
rapide, simple ou facile. C'est un ensemble des petites mesures qui feront la
différence. Mais on doit noter, M. le Président, qu'il y a des
réalisations très significatives du gouvernement au cours des
dernières années pour inculquer une nouvelle culture
économique et changer les attitudes et les mentalités. (11 h
40)
Force est de reconnaître que nos entreprises ont accès
à de meilleurs instruments de capitalisation. Force est de
reconnaître que les investissements en recherche et développement
au Québec augmentent par rapport au produit intérieur brut. Nous
devons également reconnaître que nos ressources humaines sont
reconnues pour la première fois comme l'actif le plus important d'une
société. Alors qu'il y a quelques années les entreprises
investissaient uniquement deux heures de formation par travailleur, avec les
mesures annoncées récemment par le gouvernement, les entreprises
investissent maintenant 16 heures de formation pour les travailleurs et les
travailleuses.
La modernisation de nos entreprises s'accentue rapidement. Alors qu'il y
a quelques années 66 % de nos entreprises n'avaient pas une technologie
de l'information, c'est-à-dire des systèmes informatisés
de la production, des systèmes assistés par ordinateur, des
systèmes d'informatisation de la production, aujourd'hui seulement 48 %
de nos entreprises n'ont pas une technologie de l'information. Les entreprises
qui ont deux technologies de l'information ont doublé au cours des
dernières années et celles qui ont instauré trois
technologies de l'information ont triplé, M. le Président, au
cours des dernières années.
Les relations de travail au Québec se sont beaucoup
améliorées, principalement à cause de ce nouveau
partenariat: entreprises, travailleurs et travailleuses et gouvernement. Un
nouveau contrat social est maintenant bien implanté au Québec, et
ce contrat social fait l'envie de toutes les provinces canadiennes.
La qualité totale n'est plus un rêve, M. le
Président, c'est devenu une réalité; 5273 entreprises ont
adhéré à la charte de la qualité totale et 20 000
entreprises, d'ici 1996, adhéreront à cette même charte de
la qualité totale. Au niveau des exportations, plusieurs mesures ont
été mises en place, et nos entreprises, principalement nos
petites et moyennes entreprises, n'ont plus de crainte de s'attaquer à
la conquête des marchés hors Québec. En ce qui concerne
l'environnement, M. le Président, la complicité entre les
ministères à vocation économique a permis au gouvernement
d'annoncer récemment un nouveau projet sur l'environnement.
La semaine dernière, nous avons annoncé des mesures
concrètes à cause de la conjoncture économique un peu plus
difficile. L'opération Relance PME, qui permet aux PME dans toutes les
régions du Québec d'avoir accès maintenant à du
fonds de roulement additionnel pour leur permettre de passer à travers
la conjoncture économique un peu plus difficile, 60 000 000 $ sont
disponibles pour cette mesure. En ce qui concerne les ressources humaines,
maintenant les assistés sociaux peuvent avoir accès à une
bonification de leurs prestations au niveau des entreprises qui peuvent retenir
les services d'assistés sociaux, comme ça s'est fait dans la
grande région de Montréal. Au niveau des exportations, le Bureau
de promotion des exportations favorisera davantage la conquête des
marchés par nos PME québécoises. Le programme SYNERGIE, 10
000 000 $ alloués spécifiquement pour une nouvelle dynamique
entre le milieu de l'enseignement et les PME québécoises. Un
programme recherche et développement-PME, une allocation de 15 000 000 $
pour favoriser cette nouvelle mobilisation des entreprises, des PME,
avec le milieu de l'enseignement. Et, également, la
création potentielle de 700 nouveaux emplois par le Programme de soutien
à l'emploi scientifique, parce que le gouvernement a injecté 10
000 000 $ additionnels pour aider nos PME dans toutes les régions du
Québec.
Alors, M. le Président, si nous trouvons des solutions
concrètes à nos problèmes de société, nous
réglerons 50 % de nos problèmes économiques: le
chômage, la pauvreté, l'évasion fiscale, le travail au
noir, les gens qui exploitent de plus en plus le système, la
criminalité, la délinquance, l'usage de la drogue, le
décrochage scolaire et le suicide, particulièrement chez les
jeunes. Nous devons, M. le Président, retourner le plus rapidement
possible aux valeurs qui nous ont permis d'être ce que nous
étions, c'est-à-dire de la discipline, l'effort et l'excellence.
Oui, les 74 élèves de la quatrième et de la
cinquième année secondaire de l'école Louise-Trichet de
Montréal ont raison: c'est à nous de donner l'exemple. Des
valeurs au niveau de la solidarité et de l'entraide, plus de querelles
stériles entre nous pour des considérations de pouvoir, la
confiance et le respect, et, bien sûr, le travail bien fait du premier
coup, à tout coup, partout.
Des changements majeurs s'imposent. C'est la raison pour laquelle nous
devons travailler plus fort et c'est la raison pour laquelle le gouvernement a
instauré le forum sur la fiscalité et les équilibres
budgétaires. C'est la raison pour laquelle nous allons travailler avec
les travailleurs et les travailleuses sur l'organisation du travail et c'est la
raison pour laquelle nous devons repenser notre réglementation et notre
bureaucratie et, également, rendre les personnes imputables de leurs
gestes, le mérite au pouvoir. C'est dans ce sens-là que les
heures d'affaires s'intègrent dans la bureaucratie et la
réglementation. Le gouvernement n'a jamais prétendu faire du
dossier des heures d'affaires le seul dossier de contribution économique
au Québec.
Alors, M. le Président, je l'ai mentionné tout à
l'heure, la décision n'a pas été facile à prendre,
mais elle a été prise en fonction des trois principes qui ont
toujours dicté l'action du gouvernement. Encore une fois, c'est un
équilibre, un compromis entre l'égalité des
commerçants et des commerçantes devant la loi, les besoins
réels des consommateurs et des consommatrices et, également, la
qualité de vie de la population, notamment celle des travailleurs et des
travailleuses.
Nous avons éliminé la libéralisation totale qui
nous a été demandée par plusieurs intervenants, comme,
également, le statu quo pour retenir une libéralisation partielle
en actualisant les dispositions de la loi. Le projet de loi propose que tous
les établissements sans exception puissent accueillir le public entre 8
heures et 17 heures le samedi et le dimanche; les heures d'ouverture seront
limitées entre 8 heures et 21 heures les autres jours de la semaine. Les
commerces de détail seront, en principe, fermés les jours
fériés. En raison de la nature de leurs activités
spécialisées ou de leur situation géographique, certains
commerces de détail pourront continuer à opérer en dehors
des heures prescrites et des jours fériés. Certaines exceptions
à la loi actuelle sont éliminées et d'autres, maintenues.
C'est dans cette optique que l'uniformisation des heures d'ouverture entre 8
heures et 21 heures, du lundi au vendredi, a comme effet d'éliminer le
régime particulier attribué aux activités visées
par l'article 4 du projet de loi existant, c'est-à-dire les vendeurs
d'automobiles, de remorques, de bateaux, de machinerie agricole, de piscines et
les coopératives scolaires qui pouvaient faire commerce les lundi et
mardi jusqu'à 21 heures.
M. le Président, on entend les vendeurs d'automobiles s'objecter
au projet de loi. Depuis toujours, les vendeurs d'automobiles ont eu
l'autorisation, d'après le projet de loi, d'ouvrir 24 heures par jour,
sept jours par semaine. Les vendeurs d'automobiles ont toujours
réglementé entre eux les heures d'ouverture, ce qui explique que
les commerces normalement qui vendent des automobiles ne sont pas ouverts le
samedi et ne sont pas ouverts le dimanche. Lors de la loi de 1990, nous avons
reconnu pour la première fois ce fait, et c'est la raison pour laquelle
nous avions créé une exception permettant à ces commerces
d'ouvrir les lundi et mardi, de 18 heures à 21 heures.
D'autres exceptions, M. le Président, sont maintenues. Ainsi, les
restaurants, les tabagies, les librairies, les établissements de vente
d'huile à moteur et de combustible, les galeries d'art et d'artisanat,
les magasins de fleurs et les centres horticoles, les magasins
d'antiquités, les établissements de location et de biens et
services qui vendent accessoirement certains produits, clubs vidéo,
cinémas et centres de santé, et les établissements
commerciaux situés dans des centres sportifs, des centres hospitaliers
ou des aérogares pourront continuer d'ouvrir leurs portes en tout temps.
(11 h 50)
Les établissements du secteur alimentaire: épiceries,
boucheries, fruiteries et pâtisseries et ceux du secteur pharmaceutique
seraient autorisés à ouvrir leurs portes en dehors des heures
prévues par la loi, mais dans un contexte de dépannage, pourvu
qu'au plus quatre personnes assurent alors le fonctionnement de ces
commerces.
Cette disposition, M. le Président, vient protéger
davantage les petits commerçants du secteur alimentaire qui doivent,
aujourd'hui, concurrencer les grandes surfaces qui, à cause, de
certaines dispositions de la loi, ouvrent leurs établissements à
des heures plus longues et, dans certains cas, 24 heures sur 24.
Nous avons donc pris en considération les droits légitimes
des petits commerçants dans
toutes les régions du Québec, et le présent projet
de loi vient régulariser une situation, vient établir, de
façon très claire, que les commerces dans le secteur alimentaire
qui peuvent ouvrir hors des heures prévues dans le projet de loi et les
jours fériés doivent le faire dans un contexte de
dépannage et en respectant les dispositions de la loi.
En bref, cette solution attribuera des heures exclusives de
fonctionnement aux secteurs alimentaire et pharmaceutique de petite surface
après 21 heures, du lundi au vendredi, et après 17 heures, les
samedi et dimanche ainsi que les jours fériés.
M. le Président, l'un des principes à la base de
l'intervention du gouvernement dans ce secteur d'activité concerne la
qualité de vie de la population et, notamment, celle des travailleurs et
des travailleuses.
En ce qui concerne la population, nous croyons que
l'élargissement proposé des heures et des jours d'admission dans
les établissements commerciaux contribuera à améliorer la
qualité de vie et à mieux satisfaire les besoins
exprimés.
Par ailleurs, nous voulons nous assurer que cette amélioration
sensible de la qualité de vie de l'ensemble de la population ne
s'effectuera pas au détriment des travailleurs et des travailleuses du
secteur du commerce de détail.
Voilà pourquoi nous avons prévu une disposition favorisant
le volontariat chez les travailleurs et des travailleuses touchés par
l'accès aux commerces le dimanche et au cours des nouvelles heures
d'ouverture. Cette protection sera valable pour une période de trois
ans, suivant l'entrée en vigueur de la loi. À cause de
l'importance de cette disposition, M. le Président, j'aimerais en faire
lecture. «Il est interdit - et je cite le projet de loi - à
l'exploitant d'un établissement commercial de congédier, de
suspendre ou de déplacer une personne à son emploi [...],
d'exercer à son endroit des mesures discriminatoires ou des
représailles, ou de lui imposer toute autre sanction pour le motif que
cette personne a refusé de travailler un dimanche ou entre 19 h 00 et 21
h 00 un lundi ou un mardi. «La personne qui croit avoir été
victime d'une pratique ainsi interdite peut faire valoir ses droits
auprès d'un commissaire du travail nommé en vertu du Code du
travail, au même titre que s'il s'agissait d'une sanction prise à
l'endroit d'un salarié à cause de l'exercice par celui-ci d'un
droit lui résultant de ce Code. Les mêmes articles du Code ainsi
que les articles 150 à 152 du Code du travail s'appliquent alors, compte
tenu des adaptations nécessaires.» Cet article a été
rédigé avec la complicité des Travailleurs unis de
l'alimentation et du commerce, M. le Président.
Enfin, la libéralisation des heures d'affaires ne doit pas
pénaliser certains commerçants et commerçantes qui sont
liés par les dispositions de baux signés alors que
prévalait une autre situation. C'est pourquoi nous avons prévu
une disposition visant à rendre inopérante toute clause d'un bail
ou d'une convention par laquelle un exploitant s'obligerait à admettre
le public dans son établissement commercial durant les nouvelles heures.
Cette protection sera valable pour une période de cinq ans suivant
l'entrée en vigueur de la loi, ou à la fin des baux
existants.
Les modifications proposées à la Loi sur les heures et les
jours d'admission dans les établissements commerciaux reflètent
la tendance générale qui veut que les consommateurs et les
consommatrices profitent d'un meilleur accès à ces
établissements. Tout comme il y a urgence d'agir pour créer des
emplois et assurer le maintien des structures industrielles et commerciales du
Québec, l'actualisation de la Loi sur les heures et les jours
d'admission dans les établissements commerciaux s'ajoute à
l'ensemble des mesures que le gouvernement du Québec continue de mettre
en oeuvre pour favoriser la relance économique.
Bien sûr, M. le Président, les changements apportés
à cette loi ne peuvent à eux seuls assurer la relance que tous
les Québécois et les Québécoises souhaiteraient
vigoureuse. Toutefois, il s'agit d'un moyen qui ne nécessite aucun
investissement public et qui aura des effets positifs sur le commerce et sur
l'emploi. Ces changements vont de pair avec les divers volets de la
stratégie de développement économique rendue publique par
le gouvernement depuis l'automne 1991 et, notamment, celui pour les entreprises
de concevoir, de fabriquer et de distribuer des produits distinctifs de
qualité au meilleur coût possible.
C'est dans cette optique que le ministère de l'Industrie, du
Commerce et de la Technologie est un partenaire actif avec les syndicats, les
entreprises et le mouvement coopératif, et s'associe aux propos tenus
récemment par le président du Mouvement Desjardins, M. Claude
Béland, qui disait que pour créer 100 000 emplois au
Québec, il suffit que chaque ménage remplace, à toutes les
semaines, 20 $ d'achat de biens provenant d'ailleurs par la même valeur
de produits fabriqués au Québec. C'est dans cet esprit que le
gouvernement du Québec propose de faciliter l'accessibilité aux
établissements commerciaux à l'ensemble des
Québécois et des Québécoises, une mesure qui
s'inscrit dans un monde en pleine évolution.
Le Québec, M. le Président, ne peut pas s'isoler.
J'encourage les consommateurs et les consommatrices à acheter davantage
de produits distinctifs de qualité fabriqués au Québec, au
meilleur coût possible. J'encourage les commerçants et les
commerçantes du Québec à acheter ces mêmes produits
fabriqués au Québec à un prix compétitif. Je
souhaite bonne chance, M. le Président, aux commerçants et aux
commerçantes et remercie tous ceux et celles qui ont
contribué
à l'élaboration de ce projet de loi,
particulièrement la complicité et le travail acharné des
représentants des Travailleurs unis de l'alimentation et du commerce qui
viennent d'émettre le communiqué de presse suivant, et je cite:
«Les TUAC sont plus convaincus que jamais de la nécessité
pour le Québec de légiférer dans le cadre d'une
libéralisation des heures d'affaires. À cet égard, les
Travailleurs unis de l'alimentation et du commerce sont d'avis que le
gouvernement libéral doit aller de l'avant avec son projet de loi,
lequel correspond à la volonté non seulement de la
majorité des consommateurs, mais également à la
volonté très majoritaire des intervenants du milieu.»
Selon les TUAC, le projet de loi du gouvernement libéral contient
des articles garantissant de façon minimale des conditions de travail
essentielles aux travailleurs et travailleuses de ce secteur de
l'économie, et plus particulièrement quant au volontariat, quant
aux heures de fermeture, quant aux congés fériés et quant
à une véritable règle de quatre employés en dehors
des heures normales. Les TUAC regrettent de ne pas avoir pu convaincre
l'Opposition officielle à l'Assemblée nationale lors de leur
rencontre, jeudi soir dernier à Québec, du bien-fondé de
leur proposition. Les TUAC osent espérer, cependant, que les
représentants de l'Opposition finiront par se ranger
éventuellement du côté de la majorité. Je
l'espère aussi, M. le Président. (12 heures)
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le ministre de
l'Industrie et du Commerce. Je rappelle aux membres de cette Assemblée
que nous en sommes à l'étape de l'adoption du principe du projet
de loi 59, Loi modifiant la Loi sur les heures et les jours d'admission dans
les établissements commerciaux. Je reconnais M. le député
de Labelle.
M. Jacques Léonard
M. Léonard: Merci, M. le Président. D'abord, je
voudrais vous dire que je tenais beaucoup à intervenir sur ce projet de
loi 59, qui vise à modifier la Loi sur les heures et les jours
d'admission dans les établissements commerciaux.
Tout d'abord, je voudrais dire une chose au ministre, M. le
Président, par votre intermédiaire. Le ministre a prétendu
que le président de l'Assemblée nationale l'avait lavé de
tout blâme en ce qui concerne l'accusation d'avoir attenté aux
privilèges des membres de cette Assemblée. Je dirai, M. le
Président, qu'une semaine avant il avait fait des déclarations
publiques à l'effet que les heures d'ouverture seraient élargies
à partir du 29 novembre. C'est lui qui a dû reculer, parce que
l'Opposition lui a simplement mentionné que la loi n'était pas
passée et qu'il devait respecter les échéances
parlementaires. M. le Président, ce qu'il a dit ce matin, ce qu'il a
admis, c'est qu'il avait fait faire 2075 visites et qu'il avait dû
intenter... ou qu'il avait fait 75 constats d'infraction. Je pense, M. le
Président, qu'il en porte lui-même la responsabilité, parce
qu'il avait indiqué, par ses déclarations publiques, que les
magasins pourraient être ouverts le 29 novembre et qu'il a, finalement,
indirectement incité des commerçants à ouvrir. En tout
cas, il les a mis dans une situation où ils n'ont pas respecté la
loi, ce qui a conduit à ces constats, et il en porte sûrement une
part de la responsabilité.
M. le Président, le ministre est revenu sur son discours de
qualité totale et, en ce qui concerne l'Assemblée nationale, je
pense qu'il en aurait à apprendre, parce que, justement, il a bien
démontré qu'il ne possédait pas ses dossiers et que,
justement, il ne possédait pas toutes les procédures de
l'Assemblée nationale. Et là-dessus, je voudrais simplement citer
un éditorialiste de renom sur cette question, deux paragraphes que cet
éditorialiste signe, en parlant du ministre: «En tenant pour
acquis le consentement du Parlement à cause de sa majorité
disciplinée et servile, le gouvernement illustre on ne peut plus
tristement le peu de cas qu'il fait de la prétendue souveraineté
parlementaire au mépris de l'équilibre entre les pouvoirs
exécutif et législatif. En agissant avec maladresse et
insouciance, le ministre Tremblay s'est comporté comme un grand patron
qui peut décider comme bon lui semble dans son entreprise. Même un
président de grande entreprise ne présumerait pas avec une telle
légèreté de la décision de son conseil
d'administration. En tentant de placer l'Opposition devant le fait accompli, il
voulait la faire passer pour la méchante qui se rebiffe au
progrès économique. Quel enfantillage pour un ministre
féru de qualité totale et qui, à ce titre, se targue de
bien faire du premier coup, à tout coup, partout.» Sermon qu'il
nous a resservi encore une fois ce matin.
M. le Président, s'il y en a un qui devrait apprendre, au
chapitre de la qualité totale, c'est le ministre. Je rappellerai
simplement que ce n'est pas la première fois que ce ministre se fait
remettre à l'ordre. Je rappellerai simplement qu'il y a un an le
Vérificateur général émettait un rapport sur la
qualité de la gestion à la SDI en particulier. Son constat
était accablant à l'endroit de celui qui est aujourd'hui ministre
de l'Industrie et du Commerce et qui était alors
président-directeur général de la SDI, qui avait fait fi
des règles fondamentales d'une administration dans une entreprise. En
1991, la SDI aura accumulé pour 338 000 000 $ de mauvaises
créances sur les prêts qui avaient été faits, et
sûrement pas des prêts qui avaient été faits la
veille; la plupart des prêts, très probablement, qui avaient
été faits lorsqu'il était président-directeur
général. M. le Président, c'est ce ministre-là qui
fait des discours sur la qualité totale. Tout le monde en est, de la
qualité totale. Tout le monde vise à la perfection. Et je pense
aussi qu'il y a des progrès considérables à
faire dans cette direction. Mais le ministre qui nous les sert est le
plus mal placé pour les faire.
M. le Président, j'en viendrai plus précisément au
projet de loi. Émettons d'abord une constatation ou un principe: tous
les consommateurs seraient heureux que tous les magasins soient ouverts 24
heures par jour, 7 jours par semaine. Évidemment, même moi,
j'irais dans un magasin à un moment donné où je penserais
m'acheter quelque chose et que j'aurais quelques minutes de disponibles,
effectivement, je pourrais partir et aller au magasin.
Le gouvernement, le ministre, souvent, nous sert un sondage qu'il a fait
de façon tout à fait théorique en posant une question que
je qualifierais de platonique: Est-ce que vous aimeriez que les commerces
soient ouverts le dimanche? Puis, effectivement, au premier abord, à la
première réaction, tout le monde dit oui. C'est évident.
Mais si l'on pousse plus loin la question: Est-ce que vous qui êtes pour
l'ouverture des commerces le dimanche, vous accepteriez de travailler une
journée de plus par semaine? Parce que c'est cela, la
conséquence. Vous voyez tout de suite que le consommateur qui, lui
aussi, est un producteur se met à réfléchir, parce que
lui-même, s'il était amené à travailler une
journée de plus, je pense qu'il se poserait la question des
conséquences, il verrait un peu plus largement, ce qui est tout à
fait normal. Et si on lui demandait: Si cela a comme conséquence que
votre conjoint, votre conjointe doit travailler une journée de plus par
semaine, que vos enfants vont travailler une journée de plus par
semaine? tout de suite vous voyez très bien que, là, le
débat prend sa véritable dimension. Parce que, au-delà
d'un service universel, omniprésent, il y a aussi ce qu'il faut faire
pour le rendre disponible.
Cette question a occupé les journaux souvent, longtemps, depuis
1985 notamment, et elle a donné lieu à une des plus vastes
pétitions jamais signée au Québec, qui a été
déposée ici, à l'Assemblée nationale, une
pétition de 700 000 noms contre l'ouverture des commerces le dimanche,
contre. Il y a eu aussi une commission parlementaire qui a siégé
sur la question en 1989-1990, qui a étudié largement la question,
et c'est à la suite de cette loi, à la suite de cette commission
parlementaire, dis-je, que le projet de loi 75 à l'époque a
été adopté et qu'il a fait amender, finalement, le
chapitre 30 de nos lois.
M. le Président, je voudrais simplement aussi vous citer quelques
déclarations du ministre lorsqu'il a conclu sur son projet de loi. Je
pense qu'il est bon de les entendre, parce qu'elles datent de deux ans et demi
à peu près. Dans sa réplique, lors de l'adoption, le
ministre disait ceci: «En tant que ministre de l'Industrie, du Commerce
et de la Technologie, je me suis engagé à trouver une solution
à une situation qui s'aggravait de semaine en semaine, et ceci,
principalement à cause de l'iniquité de la loi. La
décision que j'ai prise, je l'ai prise dans le meilleur
intérêt de la collectivité québécoise.
L'avenir nous dira qui a raison, et je vivrai avec ma
décision.»
Plus loin, et c'est rapporté dans un article du 26 novembre 1989
sous la signature de M. Michel Venne, il est dit ceci: «Le nouveau
ministre, celui qui devra trancher l'épineux débat sur
l'ouverture dominicale des commerces, ne magasine jamais le dimanche. C'est une
question d'équilibre personnel, a-t-il expliqué en entrevue
à La Presse canadienne cette semaine. Le peu de temps que j'ai,
je le réserve pour mon épouse et mes enfants. Ces moments
d'intensité, dit-il, je ne les passe certainement pas à magasiner
le dimanche dans les marchés publics.» C'est ce qu'il disait.
«Cet Outremontain précise prudemment qu'il ne conteste pas
l'existence d'un besoin pour ça. Puis il ajoute que, bien qu'il soit
difficile de faire abstraction de ses propres valeurs, il est venu en politique
pour représenter les gens, pas pour me représenter
moi-même. Quoi qu'il en soit, la solution qu'il proposera le plus
rapidement possible, disait-il, au terme d'une consultation qui n'est pas
terminée, tiendra compte de trois critères:
l'équité, la qualité de vie et les besoins réels,
en soulignant bien réels de la population.»
Voilà ce qu'il déclarait. Et je reviens à sa
conclusion: «La décision que j'ai prise, je l'ai prise dans le
meilleur intérêt de la collectivité
québécoise. L'avenir nous dira qui a raison, et je vivrai avec ma
décision.» Aujourd'hui, il fait volte-face. Qu'est-ce qui s'est
passé après deux ans? Ce projet de loi était, en quelque
sorte, un compromis entre différents intervenants et, depuis, nous
entendions peu parler de cette question, jusqu'à il y a quelques mois.
(12 h 10)
II y avait des balises d'introduites dans cette loi, les 50 $. Le
ministre a parlé, en termes très généraux, des
désavantages qu'il y avait, mais il n'a pas précisé
quelles étaient les difficultés d'application de la loi. Ces
difficultés, je pense pouvoir en parier, bien que personne ne les a
listées de façon systématique et ne les a débattues
comme telles pour dire que l'actuelle loi était inapplicable. Nous avons
vu des grandes déclarations à l'effet que la loi actuelle
était invivable. Il faudrait voir qui les dit. Des déclarations,
mais les éléments concrets, on peut penser que ce sont les
suivants.
D'abord, il y a difficulté d'application sur des articles qui
valent 50 $. C'est inscrit dans la loi, 50 $ plus ou moins. Effectivement,
ça peut présenter des difficultés d'application. Il y a ce
qu'on a appelé la règle de quatre. Il y a des magasins, les
magasins d'alimentation ne pouvaient pas avoir plus que quatre employés,
moins certaines exceptions, et on m'a souligné qu'il y avait des
difficultés d'application, que certains arrivaient à ne pas les
respecter. Ça, ce sont des éléments concrets.
On nous a parlé des marchés aux puces. Effectivement,
c'est un élément concret dont le ministre aurait dû parier
pour étayer sa position et sa décision de revenir sur le
passé. Il aurait dû en parler. Il y a des choses qui se passent
dans les marchés aux puces. On nous parle de toutes sortes
d'éléments, dont beaucoup de commerçants qui seraient
partis des marchés aux puces, qui ne feraient pas de déclarations
ou en feraient des partielles; le ministre n'en a pas parlé. Des
marchés aux puces où il se passerait de la marchandise de recel;
il n'en a pas parlé. Mais est-ce que c'est ça, ces graves
difficultés? On m'en a parlé, je les cite en Chambre, et, donc,
c'est peut-être une chose. Alliée à tout cela, la question
de la contrebande, aussi, qui intervient dans le dossier; le ministre n'en a
pas parlé. Il a fait un grand discours général. Puis, les
achats transfrontaliers, ça, il en a parlé, en disant que
c'étaient les heures d'ouverture qui influençaient. Nous avons
quelques nouvelles pour lui. Il y a beaucoup, beaucoup d'autres
éléments, dont les taxes que son gouvernement a imposées
et qui sont des éléments beaucoup plus importants que n'importe
quel autre.
M. le Président, le ministre fait volte-face là-dessus,
parce que, au fond, les éléments qui présentaient des
difficultés dans l'application de la loi, il ne les a pas
étayés en Chambre. Loin de là. Mais ce qu'il aurait
dû dire, parce que, s'il les avait évoqués, ce serait
devenu clair, c'est d'abord qu'il n'a pas eu la volonté politique
d'appliquer la loi telle qu'elle était. On peut se demander a
posteriori, après coup, si, finalement, il avait vraiment l'intention de
l'appliquer lorsqu'il l'a fait adopter en 1990. Peut-être que oui, dans
sa naïveté, et, encore une fois, je le ramènerai à
son discours sur la qualité totale. Un ministre naïf comme
ça, qui est obligé, après avoir appliqué une loi
qu'il avait dit qu'il n'ouvrirait pas de sitôt, qui est obligé de
l'ouvrir deux ans et demi après, ou il était naïf à
l'époque où il l'a adoptée, ou bien il n'a pas eu la
volonté politique de faire adopter sa loi ultérieurement.
M. le Président, au fond, derrière tout cela se cache une
question, ou se profile plutôt une question d'importance, qui est celle
de l'adaptation de nos règles par rapport au libre-échange, par
rapport à la concurrence, dans un contexte d'ouverture, de
mondialisation, mais surtout de libre-échange sur le continent
nord-américain, et je pense que ce n'est pas du tout être
arriéré que de se poser la question sur l'impact de telles
modifications de la loi sur notre propre commerce.
M. le Président, lorsque nous avons fait le débat en 1990,
nous avons émis nos positions sur cette question. Ma collègue de
Taillon était au dossier à l'époque, et je vais simplement
rappeler les éléments qu'elle a fait valoir sur ce plan. À
l'époque, dans ses conclusions, dans ses préoccupations et ses
positions, la ministre... la députée de Taillon - c'est un bon
lapsus - déclarait ceci: «Le modèle de
société dans lequel il nous engage n'est pas le nôtre, mais
se rapproche du modèle américain où consommation et
production prennent le pas sur d'autres valeurs. La qualité de vie des
travailleurs et travailleuses requiert à tout le moins la
possibilité d'avoir au moins une journée disponible, et la loi ne
devrait pas être faite en fonction d'une partie de la population pour qui
consommer ne pose pas de problème. Les emplois précaires seront
en hausse puisqu'un horaire tel que proposé est incompatible avec ce que
les travailleurs et travailleuses auront à subir sur le plan pratique,
car ils n'auront pas, dans bien des cas, le choix de travailler, contrairement
aux affirmations du ministre. Les propriétaires n'auront pas, eux non
plus, le choix d'ouvrir si la concurrence l'exige et, de ce fait, on condamne
nos entrepreneurs à subir des horaires que le ministre lui-même
n'accepterait pas.»
Il l'a dit, il ne va même pas magasiner le dimanche, il reste chez
lui le dimanche pour vivre des moments d'intensité avec sa famille.
«On efface, si l'on veut, le droit de commercer puisque l'on
décide de l'imposer. L'augmentation des heures d'affaires, obligeant
ainsi les commerces à ouvrir plus longtemps, entraînera des
coûts supplémentaires, qui, dans bien des cas, se traduiront par
des fermetures. C'est la façon que le ministre a trouvée pour
satisfaire les besoins des grandes surfaces qui tentent de s'accaparer une part
d'un marché saturé. Au Québec, la structure du commerce au
détail est différente de celle de l'Ontario», et j'y
reviendrai tout à l'heure, M. le Président, j'y reviendrai tout
à l'heure. Je pense qu'au moment où l'on préconise une
relance qui est basée sur l'entrepreneurship la proposition du ministre
est en contradiction avec son discours. Ce l'était déjà en
1990 et ce l'est encore plus avec la loi qui est déposée
aujourd'hui, qui est débattue aujourd'hui.
M. le Président, le libre-échange, c'est une
réalité future, très bien, actuelle si l'on veut, pour
laquelle nous devons nous préparer et pour laquelle nous aurions
dû nous préparer bien avant, bien avant.
M. le Président, le leader adjoint du gouvernement devrait garder
le silence.
M. le Président, oui, nous devons nous préparer. Est-ce
qu'il s'agit là d'un alignement total, intégral? Ça alors,
je ne pense pas et, justement, nous devons nous préparer parce que notre
société qui existe bel et bien ne doit pas s'effondrer. Des gens
s'y opposaient en 1988 justement parce qu'ils prévoyaient, parce qu'ils
disaient que, si l'on ne s'y préparait pas, ce serait
l'éclatement de la société québécoise. Or,
c'est ce que fait le gouvernement, malheureusement, qui se contente de
s'adapter d'une façon passive et, quand je dis «s'adapter»,
ce n'est même pas cela, de s'aligner sur des modèles de
société qui ne sont pas les nôtres, loin de là.
En
quelque sorte, le gouvernement baisse les bras avant de partir. C'est ce
qu'il a fait. Depuis le début, il n'a rien fait, rien fait pour se
préparer. Sur d'autres plans, c'est exactement la même histoire.
Il ne s'est pas préparé en termes de formation professionnelle.
Il a très peu investi, malgré les grandes déclarations
qu'il a faites, en recherche-développement, très peu. Il fait
miroiter des centaines de millions, mais, depuis cinq ans, c'est 60 000 000 $
qu'il a mis là-dedans. C'est ça qu'il a fait. Alors, on est loin
du compte. C'est un gouvernement qui n'agit pas sur ce plan-là, et je
pense que, si on le laisse aller, loin de préserver la
société québécoise qui peut avoir des adaptations
à faire, j'en conviens, loin de la préserver, il la fera
éclater par son incurie. (12 h 20)
M. le Président, je voudrais maintenant, sur un autre plan,
analyser ce texte du ministre qu'il a déposé en Chambre. Lorsque,
par ses déclarations publiques, il avait soulevé
l'hypothèse que les commerces seraient ouverts le 29 novembre dernier et
qu'ils seraient ouverts tous les dimanches, nous avons posé des
questions au ministre à l'Assemblée nationale. Oui, nous avons
posé des questions. Et le ministre nous a référés
à un texte, à une étude qu'il m'a remise dans la
soirée en quelque 5, 10 minutes, et qu'il a déposée
à l'Assemblée nationale deux jours après, le jeudi. Alors
qu'il avait dû admettre qu'il ne pouvait pas conseiller aux marchands
d'ouvrir le 29 novembre, le ministre a déposé un texte qu'il a
qualifié pompeusement - c'est le moins qu'on puisse dire -
d'étude pour ce qu'elle est. M. le Président, il s'agit de deux
pages et un paragraphe plus deux tableaux qui procèdent d'une
hypothèse, strictement d'une hypothèse que les ventes
augmenteraient de 1 % si les commerces étaient ouverts le dimanche.
À partir de là, on applique un modèle intersectoriel qui
existait et on en a tiré des conclusions. Ce qui me fait dire, M. le
Président, que le document qui a été déposé,
loin d'être une étude, est un mémo de justifications qu'on
a fait, qu'on a construit pour défendre le ministre qui était mal
pris à la suite de ce qu'il avait fait.
M. le Président, l'hypothèse, je la relis parce qu'elle
tient dans le premier paragraphe: II a été admis qu'une
libéralisation des heures d'ouverture aurait une influence favorable sur
le niveau général des ventes de détail au Québec.
L'élément qui a été considéré, c'est
que, malgré un certain élément de la demande sur toute la
semaine et le fait qu'une partie des commerces de détail sont
déjà ouverts sept jours sur sept, une libéralisation des
heures d'ouverture aura par effet d'entraînement une incidence à
la hausse sur le niveau des dépenses de consommation de détail
que l'on chiffre, au point 4, à 1 %, en ce qui concerne l'ensemble des
ventes. C'était, en fait, l'élément, la mesure de relance
de ce gouvernement parce qu'avec son modèle, il arrivait à
conclure et à calculer que les ventes augmenteraient, donc, de 448 000
000 $ et que cela créerait 8816 emplois. Des calculs très
précis, comme vous voyez.
C'était le principal élément de leur relance. Eh
bien, M. le Président, je pense que ce qu'ils ont déposé
d'abord ne constitue pas une étude encore une fois, mais une
hypothèse qui n'est pas vérifiée dans les faits, loin de
là.
M. le Président, d'abord, pour bien suivre le dossier, je
voudrais déposer en cette Chambre un tableau avec un graphique, si vous
le permettez, qui illustre le comportement des ventes de la consommation au
Québec par rapport à l'Ontario. Si vous le permettez, pour
pouvoir en discuter, je vous demanderais la permission de le déposer,
s'il vous plaît.
Document déposé
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Est-ce qu'il y a
consentement pour le dépôt du document auquel fait
référence le député de Labelle? S'il y a
consentement... Consentement. Alors, le document est déposé. M.
le député, si vous voulez poursuivre.
M. Léonard: M. le Président, ce tableau qui est
établi depuis 1982, donc qui porte sur une période beaucoup plus
longue que le petit graphique qu'a distribué le ministre et qui tend
à l'autojustifier, indique que les ventes de la consommation au
Québec par rapport à l'Ontario varient de façon cyclique.
On s'en explique mal encore les éléments, mais elles varient de
façon considérable. Vous avez des plus et des moins. Si le
ministre dit que les ventes en Ontario ont augmenté à cause de
l'élargissement des heures d'affaires, il va falloir qu'il explique
pourquoi les ventes diminuent en Ontario à certaines périodes.
Est-ce que c'est parce que le Québec, lui, a élargi ses heures
d'affaires à l'époque? Ce n'est absolument pas prouvé, M.
le Président, et l'on sait très bien qu'il y a beaucoup d'autres
éléments qui interviennent dans l'évolution des ventes
à la consommation. Beaucoup d'autres éléments.
M. le Président, on ne peut pas tirer de relations absolues entre
les variations d'une province à l'autre. Beaucoup d'autres
éléments interviennent. Parce que ce devrait être stable.
Si les ventes varient en fonction de l'ouverture des heures d'affaires et que
toute la variation provient des heures d'affaires, je pense qu'on ne peut pas
admettre que cela a été le cas depuis 1982. Or, c'est le tableau
que ça donne, M. le Président. C'est le tableau que ça
donne. Donc, toute son argumentation basée sur l'hypothèse que
les ventes au détail ou la consommation va progresser de 1 % est mise
par terre, parce qu'il ne faut pas se fier à quelques trimestres
seulement. Il ne peut pas tirer de conclusions pour le troisième
trimestre de 1992 dont on vient à peine
de connaître l'évolution, absolument pas. Je pense qu'il a
encore fait défaut quant à la qualité totale de son
analyse. Et n'importe qui qui fait une analyse correcte va admettre qu'il y a
beaucoup d'autres éléments qui interviennent dans
révolution des dépenses de consommation. M. le Président,
j'ai déposé ce tableau, j'espère que le ministre en
tiendra compte, qu'il le regardera attentivement et qu'il rectifiera ses
déclarations sur ce point-là.
M. le Président, je pense que faire l'hypothèse que les
ventes vont augmenter de 1 %, c'est dire que les consommateurs vont
dépenser plus, simplement parce que les commerces sont ouverts plus
longtemps, simplement là-dessus. Or, ça n'apportera aucun argent
additionnel dans les poches des contribuables, aucun argent additionnel. Je
pense que, là-dessus, j'aurai d'autres statistiques à lui
signifier, mais, au fond, ce que les économistes disent
présentement, c'est justement que la consommation ne peut pas reprendre
parce que c'est l'emploi qui est faible. Alors, sur ce plan-là, il est
clair que ce n'est pas l'élargissement des heures d'affaires qui va
mettre plus d'argent dans les poches des consommateurs. Le problème
tient beaucoup plus à la taxation qui a augmenté de façon
considérable depuis quelques années.
Deuxième élément, M. le Président, qui est
impliqué dans le point 2 du texte, du mémo du ministre, qu'il a
déposé ici: la libéralisation des heures d'ouverture
entraînera une augmentation des achats impulsifs. Ah bon! Ah bon!
Impulsifs! C'est un grand mot pour dire qu'il s'agit d'achats non
prévus, que quelqu'un qui se promène dans une grande surface, un
bon dimanche, va faire des achats qu'il n'avait pas prévus, qu'il
n'avait pas planifiés. Je pense que, si l'on s'en tient à ce
point, il devra avoir quelques nouvelles de l'Association des consommateurs, de
la protection des consommateurs, parce que je crois que, justement, cela
indique qu'il veut profiter du fait que l'ouverture des commerces va inciter
des consommateurs à dépenser plus, au-delà de ce qu'ils
avaient prévu, au-delà de la planification qu'ils avaient faite.
Je pense que ce n'est pas un argument dont le ministre devrait se vanter,
absolument pas. Absolument pas. Encore une fois, au moment où nous nous
parlons, le problème des ménages, c'est d'essayer de rejoindre
les deux bouts et non pas de faire des achats impulsifs. Si c'est
là-dessus qu'il compte, je pense qu'il a quelques problèmes de
logique.
Venons-en, M. le Président, aux achats transfrontaliers. Les
achats transfrontaliers. Oui! Pourquoi quelqu'un va-t-il acheter aux
États-Unis, à l'heure qu'il est? Est-ce que c'est parce que les
commerces ne sont pas ouverts les dimanches, ou bien ce ne serait pas parce que
les taxes sur certains produits sont beaucoup plus élevées ici,
au Québec, qu'aux États-Unis ou qu'ailleurs, et que cela incite,
justement, les consommateurs à aller acheter ailleurs?
M. le Président, j'aurai à déposer un autre
document là-dessus, tout de suite, si vous me permettez, qui est une
lettre envoyée au premier ministre du Québec, provenant de M.
John F. T. Scott, qui est le président de la Fédération
canadienne des épiciers indépendants. (12 h 30)
Document déposé
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Est-ce qu'il y a
consentement au dépôt de cette lettre à laquelle fait
référence M. le député de Labelle? Consentement. Le
document est déposé. Alors, M. le député de
Labelle, si vous voulez poursuivre.
M. Léonard: C'est le président de la
Fédération des épiciers indépendants du Canada, la
Fédération canadienne. M. le Président, le
président affirme d'abord une chose, c'est que le commerce
transfrontalier, dans des endroits où les commerces sont ouverts depuis
longtemps le dimanche, n'a pas été modifié à cause
de l'ouverture des heures de commerce, mais a été modifié
beaucoup plus par la taxation et par le taux de change du dollar, ce qui est
exact, M. le Président. Mais il reste quelques produits qui sont
surtaxés et qui amènent les consommateurs à aller
ailleurs.
Le gouvernement libéral, depuis 1989, a augmenté les taxes
sur certains produits comme le tabac, comme l'alcool, comme l'essence
au-delà de ce qui est raisonnable. Il a entraîné, par ce
fait même, d'abord de la contrebande, contre laquelle il ne sévit
pas à l'heure actuelle, où il n'y a pas de volonté
politique de sévir. On passe des lois qu'on n'applique pas et, par les
taxes, par le fait que des citoyens vont acheter ailleurs pour profiter de
coûts beaucoup moindres ailleurs. M. le Président, le fait qu'on
augmente les taxes sur le tabac au-delà du raisonnable a amené
les Québécois à aller à l'étranger, à
aller ailleurs, mais en particulier aux États-Unis. Les
Québécois ne vont pas aux États-Unis pour s'acheter des
boîtes de Corn Flakes. Non. Ils vont là pour acheter des
cigarettes, pour acheter de l'alcool, pour acheter des vêtements, pour
acheter certains produits d'alimentation, mais ça s'arrête
là.
On l'a démontré, d'ailleurs, dans un article, il y a une
semaine, dans La Presse, le coût du panier d'épicerie, aux
États-Unis, à l'heure actuelle, était moins
élevé seulement sur certains items alors que, sur d'autres, il
est plus élevé, et, surtout à la suite de la baisse du
taux de change du dollar, il est de moins en moins intéressant de
magasiner aux États-Unis.
M. le Président, ce n'est pas en forçant les
commerçants à ouvrir le dimanche - parce que c'est ce que fait le
ministre - qu'il va améliorer sensiblement la situation. Je le vois,
peut-être dans deux mois ou dans deux ans, venir nous dire que, oui, le
commerce transfrontalier a diminué, mais ce sera très
probablement à cause
du taux de change, ce qu'il ne dit pas présentement.
M. le Président, je pense que les intervenants dans le dossier,
en ce qui concerne le commerce transfrontalier, ont établi que le niveau
de ce commerce dépendait surtout du taux de change et de la taxation
éhontée qu'on fait subir à certains produits et qui
amène les consommateurs à aller aux États-Unis. À
partir du moment où ces éléments seraient modifiés,
je pense qu'on assisterait à un autre comportement.
Le gouvernement, à l'heure actuelle, essaie de faire passer sur
le dos des commerçants, parce qu'ils n'ouvrent pas le dimanche, le fait
que lui a amené les consommateurs à aller acheter aux
États-Unis à cause de sa taxation. C'est ça qui est
l'élément majeur dans le commerce transfrontalier. S'il n'y avait
pas de différence considérable entre les deux, il n'y aurait pas
de commerce transfrontalier; les gens resteraient chez eux et
achèteraient chez eux, d'ailleurs, le samedi. Pour ces achats, ils vont
se les réserver le dimanche parce que, justement, il y a une
économie substantielle à faire: tabac, alcool, essence et
certains produits d'alimentation. C'est ça, le facteur. Le gouvernement
essaie de faire porter le poids de sa taxation sur le dos des petits
commerçants. C'est ça qu'il fait présentement.
M. le Président, je voudrais aussi ramener le ministre à
un autre article qui est paru dans Le Soleil, le samedi 28 novembre, qui
était un article de La Presse canadienne, sous la signature de
Mme Suzanne Dansereau. C'est qu'en Ontario, malgré l'ouverture des
commerces le dimanche, le miracle ne s'est pas produit. Ça, c'est
l'article de La Presse canadienne. Effectivement, le comportement des
consommateurs s'est modifié, mais en élargissant les heures
à l'ensemble de la semaine; au lieu de magasiner sur six jours, ils ont
magasiné sur sept jours, mais ils n'ont pas dépensé
davantage.
Ces 2,6 % - parce que je reviens à ce tableau, M. le
Président - peuvent être dûs à une foule d'autres
facteurs. Le jour où l'augmentation du commerce au Québec sera
supérieure à celle de l'Ontario, est-ce que ce sera à
cause des heures d'affaires? Beaucoup d'autres facteurs peuvent intervenir. De
toute façon, ce sera un élément ponctuel dans le dossier,
peut-être très temporaire, sûrement très temporaire,
s'il a quelque influence, parce que cela n'a pas changé le portefeuille
du consommateur, loin de là.
M. le Président, c'étaient leurs mesures de relance, leurs
principales mesures de relance. Vraiment, il faut être à court
pour présenter des choses comme celles-là, démenties par
tous ceux qui connaissent le marché, démenties par le
président de la fédération canadienne des
détaillants, démenties complètement, et on voit
très bien que le raisonnement est tout à fait solide sur ce
plan-là, beaucoup plus solide que les déclarations optimistes du
ministre. Beaucoup.
M. le Président, le texte qu'il nous a déposé n'est
pas une étude, c'est un mémo de justification. Je n'ai pas
d'autre qualificatif à employer envers ces deux pages. Il faudrait
revenir à l'étude qui avait été faite au
ministère de l'Industrie et du Commerce, alors qu'on exigeait des
études de sensibilité beaucoup plus approfondies dans un document
qui était déjà épais comme ça. Le texte qui
nous a été remis, c'est un texte fondé exclusivement sur
des hypothèses, sur une seule hypothèse, à savoir que le
commerce augmenterait de 1 % à l'intérieur et que les achats
transfrontaliers diminueraient, alors que ce ne sont pas du tout les heures
d'affaires qui interviennent, mais beaucoup d'autres éléments
comme, par exemple, le taux de change dans le cas du commerce
transfrontalier.
M. le Président, au-delà de ce que dit le ministre, je
voudrais simplement établir un autre point important, qui tient à
notre structure commerciale. Notre structure commerciale est très
différente de celle d'autres provinces, des États-Unis, et je
voudrais citer des chiffres qui ont été établis, il y a
environ deux, trois ans, qui portent sur les ventes au détail de janvier
à décembre 1988, quatre ans plutôt, et qui disent ceci: par
exemple, au Québec, les ventes au détail sont faites à 72
% par des indépendants, à 28 % par des magasins à
chaîne; en Colombie-Britannique, les ventes au détail sont faites
à 55 % par des indépendants, 45 % par des magasins à
chaîne; en Ontario, 57 % par des indépendants, 43 % par des
magasins à chaîne. Donc, la structure commerciale est
inversée ici, au Québec, par rapport au reste du Canada et, ce
qu'on me dit, inversée particulièrement par rapport à
celle qu'il y a aux États-Unis. En gros, notre commerce est surtout fait
par des détaillants indépendants ici, au Québec, alors
qu'ailleurs les magasins à chaîne occupent une beaucoup plus
grande place. (12 h 40)
M. le Président, il faut comprendre ce qui arrive ou ce qui
arrivera dans le contexte où nous serons. Si cette loi est
adoptée, elle aura des répercussions considérables sur la
structure commerciale au Québec. Considérables! Au fond, beaucoup
de notre commerce est fait par de petits détaillants, par des magasins
à propriété familiale, gérés par une
famille, administrés et occupés par une famille. C'est ça
que les statistiques disent, à l'heure actuelle, et que, si cette loi
est adoptée, dans 10 ans, la structure commerciale que nous avons aura
rattrapé celle de l'Ontario, sûrement, mais aussi celle des
États-Unis. C'est là le modèle dont rêve le
ministre, c'est le modèle américain, beaucoup plus que le
modèle québécois.
En réalité, un petit commerçant qui va être
forcé d'ouvrir sept jours par semaine va être obligé de
travailler sept jours par semaine, lui ou sa famille. S'il y a deux personnes
dans le
commerce, un homme et une femme, cela veut dire qu'ils seront sept jours
sur le plancher. Ils seront sept jours sur le plancher. Ils pouvaient l'endurer
lorsqu'il s'agissait de six jours, mais, lorsque l'ensemble des commerces
ouvriront sept jours par semaine, ils seront obligés de s'adapter. Cela
va impliquer des coûts additionnels considérables -
considérables, M. le Président! - et ils ne pourront pas suivre.
Et c'est là où la question devient très importante parce
que le petit commerçant devra ou travailler sept jours ou augmenter ses
coûts d'opération. Alors que la grande chaîne, qui dispose
d'un personnel nombreux, va adapter ses horaires de travail et va amener une
partie de son personnel à travailler le dimanche, le petit
commerçant ne pourra pas le faire. Il ne pourra pas le faire, c'est
évident. Et même, certaines chaînes refusent de suivre en
disant que leurs coûts d'opération vont augmenter.
Je voudrais vous rappeler simplement un article qui est paru le 26
novembre, dans La Presse, sous la signature de M. Laurier Cloutier,
où, à la SAQ elle-même, il n'est pas question d'ouvrir le
dimanche. Je vous rappellerai, M. le Président, que la
Société des alcools du Québec relève du ministre de
l'Industrie, du Commerce et de la Technologie et que, même son magasin,
son grand magasin, avec toutes ses chaînes, refuse et va refuser d'ouvrir
le dimanche. Alors, c'est un article qui porte à rire parce que,
vraiment, le président, M. Claude Marier, a dit ce qu'il pensait. Il
dit: «On va jouer serré sur notre horaire, mais on ne peut
agrandir notre marché, sauf récupérer des ventes
outre-frontière.» Remarquez bien qu'il s'agit d'alcools, là
où les taxes sont particulièrement fortes, imposées par ce
gouvernement. Il dit: «Responsable de nos opérations, le ministre
nous demande de créer des emplois, mais notre actionnaire, le ministre
des Finances, Gérard D. Levesque, exige des profits. Ne vous moquez pas,
ce n'est pas drôle.» C'est ce qu'a dit le président- de la
Société des alcools du Québec, qui admet - qui admet - que
cela va lui coûter plus cher d'ouvrir le dimanche. Donc, ce que lui
admet, comme Société des alcools du Québec, je pense qu'on
doit l'admettre aussi pour les petits commerces. Et ceux qui les ont
rencontrés ces jours-ci, ces semaines-ci, effectivement, savent, de leur
part, ce que cela veut dire: les coûts d'opération vont augmenter
de façon significative, de façon considérable, et ils vont
être en concurrence, en position défavorable quant à la
concurrence en ce qui concerne les grandes chaînes, alors que les
règles du jeu sont établies. Tout le monde les connaît, que
le ministre ait la volonté de les appliquer ou, si elles ne sont pas
suffisamment fignolées, qu'il les change, mais tout le monde les
connaît.
Pour parler d'une grande chaîne qui fait beaucoup de lobby
auprès du ministre pour ouvrir le dimanche, Club Price, oui, au fond,
Club Price a pris une expansion considérable dans la
réglementation actuelle, selon la réglementation actuelle. Club
Price n'était pas au Québec il y a 10 ans, il y a même 5
ans; je pense qu'il y a à peu près 5 ans qu'ils ont
commencé à s'installer et ils ont connu une croissance
fulgurante, selon la réglementation actuelle. Donc, où est-ce que
le bât blesse? Au fond, ils en veulent plus. C'est ça que
ça veut dire. Ils en veulent plus et ils ont convaincu le ministre.
C'est ça que ça veut dire. Ils en veulent plus, mais au
détriment de toute une partie de notre population. C'est ça que
ça veut dire aussi.
Le ministre, en faisant cela, favorise un des intervenants ou une partie
des intervenants dans le commerce au détriment des autres. Le
Québec avait décidé et a décidé depuis
longtemps qu'il n'y aurait pas de travail le dimanche, ou qu'il y en aurait le
moins possible, sauf des services essentiels que tous reconnaissent. Mais,
aujourd'hui, on modifie les règles du jeu pour favoriser un intervenant
ou quelques grands intervenants, parce que c'est ça.
Or, M. le Président, je voudrais simplement vous dire que cela va
avoir un impact considérable sur le commerce, sur les petits
commerçants, sur le commerce familial notamment. Puis le ministre qui
invoquait ses heures d'intensité avec sa famille devrait penser aux
heures d'intensité des petits commerçants aussi, pas juste aux
siennes, mais aux petits commerçants. Je pense qu'il s'agit là
d'un changement dramatique parce que si la structure du Québec, 72 %
assumée par les petits commerçants, petits détaillants,
rattrape celle de l'Ontario, cela veut dire des milliers de disparitions de
petits commerces au Québec, des milliers de dépanneurs et de
petits commerces au Québec. Ça, il ne l'a pas mentionné
dans son étude, pas du tout, loin de là. Loin de là, M. le
Président.
Mais je dirais aussi que cela a des impacts sur d'autres aspects de
notre vie, parce que c'est tout l'aspect de la vie économique et sociale
du Québec qui va être touché. Je pourrais parler du
développement régional qui va être impliqué, mais je
vais parler d'un élément en particulier qui a été
soulevé dans les villes. Qui sont ces petits commerçants? Ce sont
ceux qui activent la vie économique et sociale dans nos villes, nos
petites villes comme nos grandes villes, nos petites municipalités. Ce
sont ceux qui supportent les clubs Richelieu, ce sont ceux qui supportent les
chambres de commerce, et ce n'est pas le Club Price qui supporte les chambres
de commerce et les clubs Richelieu. Ce ne sont pas les Club Price qui vont
supporter les maisons des jeunes, ce que font nos clubs Richelieu, nos clubs
Optimiste, nos chambres de commerce dans les municipalités. Non, c'est
clair. Justement, ils veulent couper là-dessus sur l'implication dans le
milieu. Et c'est comme cela que le club Price arrive à donner des
produits à moindre coût. Justement parce qu'il ne s'implique pas
dans le milieu.
Je voudrais simplement, M. le Président, mentionner que le
regroupement des SIDAC au Québec, dont le regroupement qui touche les
commerçants des centres-villes, et il y en a dans la ville de
Montréal, il y en a dans la ville de Québec, il y en a dans nos
villes de régions, il y en a un peu partout dans le Québec,
écrit cette lettre, et la directrice générale écrit
cette lettre au nom de 5000 commerçants, que le regroupement des SIDAC
au Québec représente - 5000. Et s'il y en a justement qui
interviennent pour consolider les tissus urbains dans nos centres-villes, ce
sont bien eux, les SIDAC, les petits commerces qui se mettent ensemble, les
petits commerçants qui se mettent ensemble.
Alors, présentement, eux, sont contre, 98 %, dit-on, et ils
disent surtout que cela va impliquer pour eux une augmentation
considérable des coûts de l'électricité, des
salaires, du chauffage, etc. Les SIDAC. Et ce qu'ils mentionnent aussi,
également à la page 2 de leur lettre: «...la
déstructuration du cadre social maintenu par la loi actuelle
créerait une plus grande latitude pour l'acquisition de biens et de
services au détriment du temps consacré aux liens familiaux et
sociaux, ainsi qu'aux activités culturelles et de loisir».
Voilà une argumentation bien ciblée, dont le ministre fait fi
à l'heure actuelle. (12 h 50)
M. le Président, il y aurait quelque 400 000 travailleurs dans
nos commerces, qui vont être affectés par cette mesure - 400 000
travailleurs. Et je sais très bien aussi que cela va affecter le
commerce dans nos régions, hors des grands centres comme ça va
affecter le commerce dans les grands centres. Les SIDAC se retrouvent dans des
centres-villes, à Montréal, où ils essaient de lutter
contre l'étalement urbain. Dans les régions, on essaie de lutter
contre la centralisation dans des grands points de vente, genre les grandes
surfaces, par exemple, sur l'île Laval où se trouve un Club Price,
justement.
Cela va vider la moitié de nos commerçants dans nos
petites régions. Ce n'est pas le Club Price qui va venir prendre la
relève, en termes sociaux, en termes de motivation économique.
Non, loin de là. Au fond, cette loi va affecter la vie économique
et sociale de toutes nos villes centrales parce que, s'il disparaît le
tiers des commerces, le tiers des dépanneurs, ce sera autant de gens qui
ne s'impliqueront plus dans la vie économique.
Je crois que la conséquence à 10 ans de distance sera de
vider un peu plus les régions. Après les avoir vidées d'un
certain nombre de fonctionnaires, de les avoir centralisées dans des
capitales régionales, on va les vider maintenant sur le plan commercial.
C'est ça que la loi va avoir comme conséquence. On va ramener le
commerce à quelques endroits privilégiés et, au fond,
toute la loi, toute l'économie de la loi équivaut à
favoriser les grandes chaînes qui vont pouvoir se permettre des horaires
sur sept jours par semaine, alors que les petits commerçants ne le
feront pas.
Et n'oublions pas une chose: la loi actuelle permet aux petits
commerçants d'ouvrir au mois de décembre. On a l'impression
qu'à l'heure actuelle, on empêcherait, nous de l'Opposition, les
commerces d'ouvrir au mois de décembre; c'est faux. C'est faux. Ils sont
ouverts au mois de décembre. Mais je sais une chose, c'est que les
commerçants qui auront ouvert le dimanche, lorsqu'ils arriveront au 24
décembre au soir ou au 31 décembre, ils seront extrêmement
fatigués, plus que le ministre, beaucoup plus que le ministre, et qu'au
mois de janvier, lorsqu'il y aura beaucoup moins d'achalandage dans les
magasins, ils seront tenus, à cause de la concurrence, d'ouvrir aussi
sept jours par semaine. C'est ça, la conséquence. Ou bien ils
seront obligés d'engager, avec la conséquence que leur coût
va augmenter et, donc, va diminuer leur capacité concurrentielle. Donc,
c'est une loi finalement dirigée, favorable aux grandes chaînes et
dramatiquement nocive pour les petits commerçants.
M. le Président, le ministre... sur un autre plan qui sera
sûrement élaboré par mes collègues sur ce projet de
loi... Cette loi va avoir aussi des influences sur la structure de l'emploi. Il
est clair qu'il y aura des emplois à temps partiel créés
au détriment d'emplois permanents. Effectivement, je notais que le
ministre, tout à l'heure, parlait des couples qui travaillent la semaine
et qui veulent magasiner la fin de semaine et disait qu'il y aurait des
mères de famille qui vont pouvoir travailler le dimanche. Ah bon! les
mères de famille vont travailler le dimanche. Alors, comme
société, comme modèle de société, je pense
qu'on vient d'avoir son propre constat. Effectivement, il y aura plus de
travail à temps partiel, moins d'emplois permanents. Les
étudiants, effectivement, vont aller travailler le dimanche, mais je ne
suis pas sûr que ce soit justement la bonne direction que de faire
travailler les étudiants alors qu'ils devraient étudier beaucoup
plus et que, s'ils étudient, ils veulent se gagner de l'argent parce que
le système des bourses n'est pas suffisant. Donc, toutes sortes
d'éléments qui interviennent, et je sais que...
On a vu, le ministre fait grand état de l'appui des TUAC dans le
dossier. Les TUAC, évidemment, c'est un syndicat qui représente
les travailleurs des grandes chaînes. Il ne représente pas les
travailleurs d'un dépanneur, loin de là. Donc, en quelque sorte,
dans ce dossier, ils ont partie liée avec les grandes chaînes.
Alors, vous comprendrez que nous ne sommes pas nécessairement avec eux
là-dessus.
M. le Président, l'autre clause sur le volontariat: pour
trois ans. Le ministre n'a pas insisté beaucoup sur les trois
années. Pour trois ans; mais qu'est-ce qui arrive au bout de trois ans?
En réponse à ma question sur le sujet, il a
dit: La protection sera incluse dans les conventions collectives. C'est
pour donner le temps à ceux qui négocient des conventions
collectives d'adapter la convention collective à cette
réalité pour se protéger.
M. le Président, je veux juste répliquer: La
majorité des travailleurs dans le commerce de détail chez les
dépanneurs, chez les épiceries, n'est pas syndiquée. N'est
pas syndiquée. Donc, que vaut sa clause de volontariat? Rien. Elle n'est
qu'une mesure transitoire pour les syndiqués, mais pour les autres, non,
M. le Président, parce qu'au bout de trois ans elle tombe. C'est
ça que ça veut dire. Alors, on protège certains, fort
bien, mais pour les autres, c'est rien. C'est ça que ça veut
dire.
M. le Président, je sais qu'il me reste quelques minutes
seulement. Le ministre, dans le point 2 de son petit mémo, traite des
achats impulsifs. Effectivement, cela veut dire qu'il va pousser à la
consommation, qu'il va pousser le consommateur à la consommation, qu'il
va pousser le consommateur à faire des achats non planifiés.
Ça va être l'effet du projet de loi. Il la écrit noir sur
blanc dans son mémo, qu'il y aurait plus d'achats impulsifs. Est-ce que
c'est une bonne chose pour la société? Est-ce que c'est une bonne
chose pour le consommateur? Vous me permettrez d'en douter.
D'autre part, M. le Président, sur un point que je veux juste
effleurer, au fond, en favorisant les achats dans les grandes chaînes, en
favorisant effectivement, par exemple, des achats à Club Price, on va
produire dans la structure commerciale une uniformisation des achats qui va
amener en conséquence à terme le rétrécissement du
choix des consommateurs. Le Québec ne peut s'isoler? Non, le
Québec ne doit pas s'isoler, effectivement, mais ce n'est pas en faisant
des choses comme ça qu'on va améliorer le sort du Québec,
loin de là. Loin de là.
Un autre élément que nous pourrions soulever, M. le
Président, c'est que par l'effet du rétrécissement de
notre structure commerciale, il y aura aussi des effets sur notre secteur
primaire et secondaire manufacturier, en particulier. Les grandes chaînes
vont prendre seules les décisions. En quelque sorte, quelques
intervenants prendront les décisions économiques au
Québec, prendront les décisions qui vont avoir une influence sur
le secteur manufacturier au Québec, celui qui alimente notre
réseau de distribution. Il rétrécit notre réseau de
distribution qui est une base pour aller chercher de la fabrication, pour
bâtir des usines qui alimenteraient, a priori, notre secteur ici.
Je crois que nous avions, quant à nous, élaboré
toute une série d'éléments qui nous amenaient à
favoriser la sous-traitance, que le ministre a baptisés de grappes.
Est-ce que cette loi va favoriser l'émergence de grappes au
Québec? Je crois que non, sûrement pas dans les régions,
alors qu'effectivement, dans les régions du Québec, il y a
déjà des grappes qui existent à un niveau qui n'est pas
celui où le ministre se situe, mais qui est au niveau de la
région, de la municipalité, de la région d'appartenance.
Il est en train de les démolir. Son discours sur les grappes, il
repassera.
Oui, M. le Président, vous me faites signe que ça se
termine. Nous avons l'appui d'un grand nombre d'intervenants au Québec,
d'un très grand nombre d'intervenants. Je vais simplement les citer en
conclusion: la Corporation des marchands de meubles du Québec, la
Fédération canadienne de l'entreprise indépendante,
l'Association des marchands détaillants de l'est du Québec, la
Corporation des bijoutiers du Québec, les Maîtres fourreurs
associés du Québec, l'Association des détaillants en
alimentation du Québec, le Regroupement des SIDAC, Alimentation
Couche-Tard, chambres de commerce de Sherbrooke, Mont-Joli, Bas-Saint-Laurent,
Fédération des ACEF, Ameublements Tanguay, groupe Gagnon
Frères, Groupe Cantrex, Magasins d'ameublement B.V. (13 heures)
Plus les gens savent ce que cela signifie, la libéralisation des
heures d'affaires au Québec, plus ils sont contre. C'est ça, leur
conclusion. Le ministre en avait tiré la conclusion, il y a deux ans;
aujourd'hui, il fait volte-face, c'est sa décision. Mais, quant à
nous, nous demeurons contre cette libéralisation, à moins que le
ministre ne nous fasse une preuve éclatante que les avantages
l'emportent largement sur les inconvénients, ce qui est loin
d'être le cas au moment où nous nous parlons. Nous restons sur nos
positions là-dessus. Il n'a pas examiné la voie des correctifs
à la loi actuelle avant d'amener un changement qui est une
libéralisation tous azimuts des heures d'affaires.
M. le Président, en terminant, je fais un appel à tous les
commerçants du Québec, à tous les Québécois
pour qu'ils s'opposent à cette loi et qu'ils empêchent le
gouvernement de la passer.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le
député de Labelle, de votre intervention sur le sujet. Compte
tenu de l'heure, conformément à notre réglementation, je
suspends les travaux de cette Assemblée jusqu'à 15 heures. Bon
appétit à tout le monde!
(Suspension de la séance à 13 h 1)
(Reprise à 15 h 9)
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
Veuillez prendre place, s'il vous plaît.
Nous allons reprendre les débats sur l'adoption du principe du
projet de loi 59, Loi modifiant la Loi sur les heures et les jours d'admission
dans les établissements commerciaux,
motion présentée par le ministre de l'Industrie, du
Commerce et de la Technologie. Je vais maintenant reconnaître le prochain
intervenant, soit M. le député de Louis-Hébert.
M. Réjean Doyon
M. Doyon: Merci. M. le Président, la loi que nous
étudions présentement est une loi qui nous impose un moment de
réflexion pour bien comprendre les impacts et les raisons qui font
qu'elle est devant cette Assemblée au moment où nous nous
parions.
Il faut se poser la question: Quelles sont les raisons qui militent en
faveur d'une libéralisation des heures et des jours d'affaires ici au
Québec? Est-ce qu'il y a des raisons qui sont fondamentalement
convaincantes pour amener le gouvernement à poser des gestes
précis dans ce domaine-là? Pour faire ça, il faut
évidemment avoir un contact avec la population, il faut connaître
la situation économique, il faut être au fait des avantages qu'il
y a à retirer d'une augmentation du nombre d'heures d'affaires et il
faut aussi regarder où nous nous situons géogra-phiquement. (15 h
10)
Tout d'abord, M. le Président, il faut savoir, et le ministre
l'expliquait ce matin, que la libéralisation des heures d'affaires
répond à une demande de la population. Ça, c'est
indéniable. Il y a de nombreux sondages qui ont été faits
par des maisons indépendantes, par des maisons qui ont
procédé selon des normes scientifiques, selon une
méthodologie acceptée et qui en viennent à la conclusion
que plus de sept Québécois et Québécoises sur dix
demandent une telle libéralisation des heures d'affaires. Et, si on
indique à ces répondants qui favorisent une augmentation des
heures d'affaires et des jours d'affaires que, en ce qui concerne les
travailleurs et les travailleuses qui devront oeuvrer dans les commerces, il y
aura liberté totale d'accepter de travailler ou pas, la proportion
augmente à huit personnes sur dix.
C'est important, M. le Président, parce que j'écoutais le
porte-parole de l'Opposition ce matin affirmer que c'était une erreur
que faisait le gouvernement parce que ça ne répondait pas
à la demande des citoyens. M. le Président, pour affirmer une
telle chose, il ne faut pas connaître les sondages qui ont
été publiés. J'en ai un ici entre les mains qui est tout
récent, qui date de la fin du mois d'octobre 1992, par le journal Les
Affaires, qui donne que 70 % des personnes sont favorables à
l'ouverture de tous les commerces; le vrai chiffre, pour ne pas me tromper,
c'est 67 % des Québécois et Québécoises qui sont
favorables à l'ouverture de tous les commerces quand ils le veulent. Et
on explique la méthodologie. On donne des chiffres. Il est
indéniable que ce sondage en vient à la conclusion, c'est un
sondage qui est fait par la maison SOM, que, pour une très forte
majorité des Québécois, l'augmentation des heures et des
jours d'affaires est une chose à laquelle ils sont soit favorables, soit
très favorables. Si les gens sont favorables à ça, il doit
y avoir des raisons.
On n'a pas besoin de réfléchir longtemps pour s'apercevoir
que, dans le monde moderne dans lequel on vit, le temps dont on dispose en
dehors des heures de travail, pour tous et chacun d'entre nous, est de moins en
moins grand. On doit faire des miracles pour trouver le temps d'aller
magasiner, pour employer un mot typiquement québécois, on doit
faire des miracles pour trouver le temps d'aller s'acheter des vêtements,
d'aller en acheter à nos enfants, à nos petits-enfants. Les
femmes ont de la difficulté à trouver le temps pour aller faire
leur marché.
Si on augmente le nombre d'heures, la plage de nombre d'heures qui sont
disponibles, on facilite les choses à cette population qui n'a pas un
grand nombre d'heures et de jours disponibles. Ce qui fait l'affaire parfois
chez quelques-uns, ça peut être à 20 heures, un vendredi
soir; pour d'autres, ça va être le samedi dans le courant de la
journée et, pour d'autres, ce sera le dimanche parce qu'ils disposent du
temps nécessaire pour le faire. C'est tellement vrai que les sondages
sont constants dans ce domaine-là. Donc, une demande des consommateurs,
une demande des consommatrices.
Il est aussi certain que le Québec ne peut pas vivre dans
l'isolement. Si on regarde l'ensemble des marchés qui nous entourent,
des marchés commerciaux qui nous entourent, que nous regardions vers
l'Est, avec le Nouveau-Brunswick, que nous regardions vers le Sud, avec les
États-Unis, que nous regardions vers l'Ouest, avec l'Ontario, partout
nous sommes encerclés de marchés commerciaux qui ont
décidé de permettre l'ouverture des établissements
commerciaux le dimanche. Le Québec ne peut pas faire bande à part
là-dedans et prétendre que lui seul peut échapper à
la modernité, que lui seul peut faire abstraction des exigences
économiques de l'an 1992 en allant vers l'an 2000, que le Québec
pourra vivre dans un isolement qui ferait en sorte que lui ne serait pas soumis
aux mêmes règles économiques que les autres marchés
commerciaux qui nous entourent.
Affirmer de telles choses, M. le Président, c'est faire
abstraction de la réalité. C'est faire abstraction du fait que le
Québec s'inscrit à l'intérieur de grands marchés et
qu'il doit avoir des règles qui sont à peu près
ressemblantes, qui sont à peu près communes avec celles des
autres marchés.
Il y a une autre réalité dont il faut se rendre compte
aussi, M. le Président, c'est qu'il existe telle chose que le magasinage
outrefrontière. M. le ministre, ce matin, a donné les chiffres de
ça. On a établi que le magasinage outre-frontière
était considérable, qu'il était dans
les centaines de millions de dollars, qu'une bonne partie, à peu
près 30 % de ce magasinage outrefrontière, se faisait le dimanche
et que, si nous récupérions simplement entre 20 %, 25 %, 30 % de
ce qui s'achète outre-frontière le dimanche, parce que les
magasins, les établissements commerciaux seraient ouverts, au
Québec, nous irions chercher un supplément d'activité
économique de l'ordre de 150 000 000 $ à 175 000 000 $ par
année. C'est considérable. On ne peut pas oublier ça.
En même temps, quand on peut marier la commodité pour les
consommateurs et les consommatrices à l'impact économique
favorable que ces mesures ont, je ne pense pas que nous puissions en faire
abstraction. Il est bien sûr, M. le Président, que les montants
évalués de surplus d'augmentation d'activité
économique, par année, peuvent être discutables parce que
nous sommes dans des modèles théoriques, mais je pense que,
raisonnablement, si nous considérons que le commerce, en
général, suscite environ 50 000 000 000 $ d'échanges
commerciaux et que nous comparons ce qui s'est passé en Ontario depuis
le changement de politique en ce qui concerne les heures d'ouverture et les
jours d'ouverture des magasins, nous nous apercevons que, contrairement - et le
ministre y faisait allusion - à ce qui s'est toujours passé,
où les variations dans l'activité économique,
l'activité commerciale se conjuguaient très étroitement
entre le Québec, l'Ontario et le Canada, c'est-à-dire quand il y
avait une diminution en pourcentage au Canada, il y en avait une en Ontario, il
y en avait une au Québec. Elle était du même ordre. Et
quand il y avait une reprise, une augmentation du taux d'activité
économique, le Québec, le Canada et l'Ontario se maintenaient
dans le même corridor.
Ça, ça a été vrai jusqu'à tout
récemment, M. le Président, avec le dernier trimestre dont nous
avons les chiffres, où le Québec n'a pas connu, à toutes
fins pratiques, d'augmentation de l'activité économique alors que
l'Ontario a eu une augmentation de l'ordre de 2,6 %. Pour une première
fois, la ligne, le pointillé qui représente le Québec sur
le tableau s'écarte du pointillé de la ligne qui
représente l'Ontario alors que, traditionnellement, je le
répète, le corridor a toujours été le même
entre l'Ontario, le Québec et le Canada.
Le nouveau facteur qui est intervenu dans le dernier trimestre dont nous
ayons les chiffres, c'est justement le changement dans les jours et les heures
d'ouverture en Ontario. Le critique de l'Opposition prétend que c'est
dû à d'autres facteurs; cependant, il n'est pas capable d'en faire
la preuve parce que ça a toujours été le cas et,
actuellement, ce n'est plus le cas. C'est donc 2,6 % d'activité
économique commerciale que perd le Québec. Mettons que nous
allions chercher 1 % de ces 2,6 % auxquels nous pourrions aspirer
théoriquement, c'est là une augmen- tation de l'activité
économique de l'ordre de presque 500 000 000 $, 450 000 000 $, presque
un demi-milliard de dollars. Si nous additionnons ces 450 000 000 $ à un
autre montant de 150 000 000 $ que nous allons récupérer en
permettant à des gens qui vont acheter outrefrontière d'acheter
plutôt au Québec, nous arrivons à un chiffre important
d'activité économique supplémentaire de 600 000 000 $. (15
h 20)
Je rappellerai qu'avec cette hypothèse d'augmentation
d'activité économique de 600 000 000 $ par année,
ça représente un effet total d'augmentation de main-d'oeuvre de
près de 9000 personnes-année. Je ne discuterai pas si c'est 9000,
8000, 8500 ou 7000, mais c'est considérable. Ça veut aussi dire
que cette augmentation d'activité économique suscitera des
salaires et des gages avant impôt de 200 000 000 $, ce qui
entraînera pour le gouvernement des revenus des impôts sur les
salaires et les taxes de l'ordre de 60 000 000 $, 61 000 000 $, avec une
parafiscalité provinciale de l'ordre de 19 000 000 $, 20 000 000 $. Ce
n'est pas rien, M. le Président, dans les temps que nous connaissons
actuellement, que d'aller, sans dépense supplémentaire par le
gouvernement, chercher quelque chose de cet ordre-là. Évidemment,
ce n'est pas déterminant, ce n'est pas ça qui va changer le cours
des choses, mais nous sommes en récession économique et nous
n'avons pas le droit, en tant que législateurs, de négliger
quelque moyen qui soit mis à notre disposition pour améliorer les
choses. Il est aussi important de réaliser que le nouveau projet de loi,
le projet de loi 59, doit être analysé en fonction de trois
principes fondamentaux, c'est-à-dire l'égalité des
commerces et des commerçants.
La situation actuelle ne répond pas à ce
principe-là; certains peuvent ouvrir, certains ne le peuvent pas. Il y a
des rivalités, il y a des difficultés. La loi est mal comprise et
elle est difficile d'application. Donc, la loi que nous adoptons ou que nous
avons l'intention d'adopter à cette session-ci doit changer les choses
fondamentalement de ce côté-là, égalité des
commerçants.
Deuxième chose. Je le signalais tout à l'heure au
début de mon intervention, c'est répondre aux besoins des
consommateurs. Il est facile à comprendre que si on augmente le nombre
d'heures et qu'on augmente le nombre de jours ouvrables, les consommateurs vont
être mieux servis. Ça va être plus facile pour les
consommateurs d'aller faire les achats dont ils ont besoin. Alors, c'est un
élément important.
Il est aussi important de savoir que tout ce projet de loi a pour but de
préserver en même temps - troisième principe - la
qualité de la vie de la population.
Très brièvement, M. le Président, parce que le
temps me manquera sûrement, je voudrais tout simplement résumer en
quelques mots le projet
de loi: Sachons que le projet de loi permettra dorénavant
l'accès à tous les établissements commerciaux aussi bien
la semaine que le dimanche, où finalement le dimanche ça sera
ouvert de 8 heures à 17 heures, comme le samedi, comme ça l'est
actuellement pour le samedi. Il faut aussi savoir que l'accès sera
prolongé en soirée, le lundi et le mardi, et là ça
va passer de 19 heures à 21 heures, tout comme c'est le cas actuellement
pour le mercredi, le jeudi et le vendredi.
Il reste que les établissements commerciaux devront demeurer
fermés les jours fériés. On parle, en fait, de sept jours
fériés, mais si on fait abstraction du jour de Noël, du jour
de l'An et du lendemain du jour de l'An, on se retrouve finalement avec quatre
jours fériés où la fermeture sera obligatoire, il est
aussi important de souligner qu'il y a une disposition dans le projet de loi
qui fait une obligation aux employeurs de laisser les travailleurs et les
travailleuses totalement libres de travailler le dimanche et d'accepter de
nouvelles heures de travail.
Le volontariat, cependant, ne s'appliquera généralement
pas aux établissements faisant l'objet d'une exception. Ces quelques
exceptions seulement, je pourrai y revenir si j'ai le temps. Il est aussi
important de savoir, pour parler des exceptions, qu'il y a certaines exceptions
qui sont maintenues, qui pourront ainsi continuer d'ouvrir en tout temps: C'est
les restaurants, les tabagies, les librairies, les établissements de
vente d'huile à moteur et de combustible, les galeries d'art et
d'artisanat, les magasins de fleurs et les centres horticoles, les magasins
d'antiquités, les établissements de location de biens et de
services qui vendent accessoirement certains produits, comme les clubs
vidéos, les cinémas et les centres de santé, ainsi que les
établissements commerciaux situés dans des centres sportifs, des
centres hospitaliers ou des aérogares.
Il est important aussi de souligner que les établissements des
secteurs alimentaires, tels que les épiceries, boucheries, fruiteries et
pâtisseries, et pharmaceutiques, seront autorisés à ouvrir
pourvu qu'au plus quatre personnes - et non quatre employés, c'est
extrêmement important de souligner la différence - excluant le
pharmacien et les personnes affectées à la préparation des
médicaments dans le secteur de la pharmacie assureront le fonctionnement
de ces commerces en dehors des heures prévues au projet de loi.
Certains commerces et pratiques n'auraient plus besoin de
bénéficier d'une exception à leur horaire, à ce
moment-ci, se confondant avec le régime universel. Il en sera ainsi des
établissements de vente de véhicules routiers, de remorques,
d'embarcations, de machineries agricoles, de piscines, ainsi que des
coopératives en milieu scolaire et des dispositions relatives aux
croyances religieuses.
Alors, l'éventail des modifications propo- sées, M. le
Président, répond à des besoins, le fait avec un minimum
de chambardements pour la qualité de vie des citoyens et des citoyennes,
tout en respectant le plus possible l'égalité des commerces, les
uns vis-à-vis des autres. Et il est important, pour le gouvernement, de
faire disparaître les points d'irritation qui, malheureusement,
existaient. Il est aussi à souligner qu'il y a eu une vaste consultation
qui a été faite et il s'est dégagé un consensus
finalement dans le sens du projet de loi, entre les syndicats, entre les
consommateurs, entre les commerçants, la chambre de commerce du
Québec, la chambre de commerce de Montréal, la ville de
Montréal, la ville de Sainte-Foy. Et tout le monde est d'accord
là-dessus.
Et, en ce qui concerne les études qui ont été
faites, il y en a une extrêmement importante qui vient d'être
rendue publique, que j'ai en main, qui est une étude faite pour le
Regroupement québécois pour l'ouverture le dimanche, il s'agit
d'une étude comparative de l'évolution des ventes au
détail du Québec, de l'Alberta et de la Colombie-Britannique,
datée du 4 décembre 1992. C'est fait par Management Horizons,
division de Price Waterhouse, et les conclusions de cette étude, M. le
Président, sont les suivantes. C'est une étude de plusieurs
pages, je vous donne simplement les conclusions: «Suite à cette
analyse, nous pouvons - c'est Price Waterhouse qui parle - émettre
l'opinion suivante sur l'impact de la libéralisation des heures
d'ouverture dans les catégories de vente au détail
analysées. «1° La libéralisation des heures d'ouverture
n'aura pas d'impact négatif sur la part de marché des
détaillants indépendants. «2° Les détaillants
québécois se doivent de faire des efforts additionnels pour mieux
répondre aux exigences des consommateurs et reprendre la part des
revenus disponibles qu'ils ont perdue au cours des dernières
années. «3° Elle permettra également de renforcer le
produit touristique québécois et de mieux capitaliser sur le
potentiel de vente que représente la clientèle touristique.
«4° L'augmentation du nombre d'heures d'ouverture contribuera
à une augmentation des heures travaillées dans cette industrie.
«5° Puisqu'elle répond aux attentes des consommateurs et que,
de l'aveu des consommateurs, elle favorisera une réduction du magasinage
outre-frontière, l'ouverture des commerces de détail le dimanche
aura un impact positif sur les ventes de détail. «Et,
dernière conclusion, elle permettra - c'est-à-dire la
libéralisation - d'éliminer les inéquités entre les
différents types de commerce au niveau des heures
d'ouverture.»
M. le Président, avec la permission de cette Assemblée, je
désirerais avoir l'occasion de déposer cette étude ici,
à l'Assemblée. Est-ce que j'ai un consentement?
Document déposé
Le Président: Est-ce qu'il y a consentement au
dépôt du document? Consentement. Donc, votre document sera
déposé. Veuillez poursuivre.
M. Doyon: Merci, M. le Président. Alors, j'invite ceux que
la chose intéresse à prendre connaissance en entier de cette
étude pour pouvoir se rendre compte que les conclusions dont j'ai fait
brièvement lecture sont parfaitement étayées et
justifiées dans l'analyse qui est faite par Price Waterhouse. Elle
arrive à des conclusions qui rencontrent des objectifs poursuivis par la
loi 59, qui ont été mises à l'avant par le ministre tout a
l'heure, avant que nous n'ajournions pour le déjeuner.
Alors, M. le Président, je souhaite vivement que l'Opposition, au
regard des nouvelles études qui sont mises à sa disposition, ait
l'occasion de réviser son point de vue, de pouvoir s'inscrire dans une
libéralisation, une modernisation de ce domaine du commerce qui est
extrêmement important, de façon à ce que cette
Assemblée puisse passer cette loi sans retard et ne soit pas en butte
à des difficultés que pourrait faire l'Opposition en se servant
du règlement de l'Assemblée nationale.
Moi, je me souviens que j'ai entendu le chef de l'Opposition dire qu'il
était prêt à tendre la main pour toute mesure, aussi
marginale soit-elle, qui pourrait relancer l'économie un tant soit peu.
Alors, il est temps, M. le Président, d'ajuster les gestes aux paroles,
parce que c'est la première occasion que nous avons de mettre à
l'épreuve l'Opposition dans le discours qu'elle nous tenait il y a
quelques semaines. Est-ce que les gestes vont suivre? Je le souhaite vivement,
M. le Président, et le vote que nous aurons à prendre
là-dessus nous indiquera s'ils étaient sérieux quand ils
nous indiquaient leur intention de participer avec le gouvernement à la
relance économique. Merci, M. le Président. (15 h 30)
Le Président: Je cède maintenant la parole à
M. le leader de l'Opposition et député de Joliette.
M. Guy Chevrette
M. Chevrette: Merci, M. le Président. Je voudrais vous
citer des paroles d'un homme qui siège en cette Chambre, et je
commencerai mon exposé en le citant intégralement et en vous
disant à qui je fais référence: «Le peu de temps que
j'ai, je le réserve pour mon épouse et mes enfants. Ces moments
d'intensité, dit-il, je ne les passe certainement pas à magasiner
le dimanche dans les marchés publics.» M. le Président, ce
sont les mots, textuels, utilisés par l'actuel ministre et parrain de la
loi 59 qui veut imposer à toutes les autres familles
québécoises ce qu'il ne voudrait pas se voir imposer à
lui-même.
C'est ça, fondamentalement, à quoi on fait face
aujourd'hui. Ça ne fait pas longtemps, ça fait à peine
deux ans qu'il exprimait ces propos.
Également, M. le Président, je vous avoue que le seul
moment en cette Chambre où on a l'impression que le ministre veut
absolument adopter cette loi-là, c'est parce qu'il n'y a pas eu d'autre
chose à présenter dans le plan de relance. C'est le seul outil
législatif qu'il a trouvé, à venir jusqu'à
aujourd'hui, pour sup-posément relancer l'économie
québécoise. Qu'il ne vienne pas me dire: Les deux petites lois de
la semaine dernière; ce sont deux lois qui donnaient suite au discours
sur le budget de M. Levesque, d'avril dernier. C'est le seul instrument qu'il a
trouvé. Ouvrir les commerces le dimanche, voilà ce qui va sauver
l'économie québécoise. Mais, M. le Président, si
j'ai 300 $ à dépenser, que j'avais 300 $ à dépenser
l'an dernier, par semaine, je n'en ai pas plus. Ce n'est pas parce que j'ai 300
$ à dépenser et que vous ouvrez les commerces 24 heures sur 24
que je vais en avoir 400 $. Je ne sais pas où est-ce qu'on fait les
calculs, mais un Québécois qui dépense 150 $ par semaine,
qu'il les dépense sur six ou sept jours, il va dépenser 150 $.
Et, ça, il y a beaucoup de commerçants qui nous disent
ça.
C'est bien sûr que si vous demandez aux consommateurs,
béatement, bebêtement comme on est capable de le faire de ce
bord-là de la Chambre, «Êtes-vous d'accord pour avoir du
service 24 heures par jour, sept jours par semaine?», il n'y a pas un
traître consommateur qui ne répondra pas qu'il n'est pas d'accord
pour ne pas avoir de service. Il va vous dire: Ouvrez ça. Mais si on dit
à ce même consommateur: Es-tu d'accord, toi, qu'on puisse demander
de travailler un septième jour la semaine ou de travailler le dimanche?
Es-tu d'accord? Houp! Il dit: Oui, c'est vrai, je n'ai pas pensé
à ça. Vas-tu dépenser plus parce que c'est ouvert sept
jours? Non, non! Ça va me donner une journée de plus pour
dépenser, mais je ne dépenserai pas plus. Ah, ah! Mais tes
frères, tes soeurs, tes cousins ou ta parenté, ou encore tes amis
qui ont des commerces, à qui tu imposes, obligatoirement maintenant, des
frais d'administration de plus pour le même argent, penses-tu que tu leur
rends service? Ah! il dit: Non, je n'ai pas pensé à
ça.
Je l'ai faite, la discussion, avec plusieurs. Quand tu te mets à
discuter avec les consommateurs, que tu leur dis: Sais-tu qu'au Québec
c'est les petites surfaces qui sont la grande majorité de nos commerces,
que 72 % de nos commerces, ce sont des indépendants, des petites
surfaces qui vivent bien souvent avec un employé ou deux ou trois, que
ce n'est pas des grandes surfaces syndiquées avec les TUAC, dont je vais
parler au ministre tantôt, des petites boutiques, des petits magasins
avec un, deux ou trois employés, et ils s'arrangent avec eux autres de
même...
M. le Président, qu'est-ce qui arrive en ouvrant sept jours si tu
ne veux pas augmenter tes frais? Bien, tu dis: Le lundi matin, il n'y aura
personne, reste chez vous; mardi matin, il n'y a personne, reste chez vous;
mais, dimanche, tu viendras travailler. Tu viens de changer complètement
le mode de vie de ces gens-là qui, peut-être, dans bien des cas,
de 25 et 30 ans, oeuvrent six jours par semaine. C'est devenu des valeurs, pour
notre société québécoise, de fonctionner ainsi.
M. le Président, il y a plus que ça. Strictement sur le
plan du commerce, le ministre, qui n'a pas toujours des fleurons glorieux
après sa couronne d'administrateur, en partant de la Caisse d'entraide
économique aller jusqu'à la SDI et qui l'a amené ministre,
là. Mais je vais lui demander clairement: Qu'est-ce qu'il pense?
Qu'est-ce qu'il répond aux petits commerçants? Qu'est-ce qu'il
répond aux petits commerçants qui auront à traverser
janvier, février, mars, période très creuse, puis qui
devront payer additionnellement des frais: frais pour employés, frais
pour l'électricité, frais pour le maintien d'un commerce, puis
qui va avoir la même solde, mais sur sept jours au lieu de six? Qu'est-ce
qu'il répond à ces gens-là? Votre agonie va se
précipiter plus rapidement?
Puis vous parlez de main-d'oeuvre et de création de
main-d'oeuvre? C'est le ministère du Travail qui a raison dans son
évaluation, M. le Président. C'est un déplacement de
main-d'oeuvre. Pour des centaines et des milliers de travailleurs, ils vont se
voir octroyer des lundis avant-midi ou des mardis après-midi puis qui
vont travailler pour l'équivalent de 40 heures, mais sur 7 jours. Vous
venez de changer complètement la cédule de travail. Mais vous ne
venez pas de créer de la main-d'oeuvre pour autant. Plus que ça,
et ici je voudrais m'adresser aux centrales syndicales, M. le Président.
Qui sont les plus durement touchés? Ce sont les petits commerces non
syndiqués avec un ou deux travailleurs, qui travaillent avec leur patron
immédiat. Qu'on ne recherche pas trop à syndiquer, soit dit en
passant. Que les TUAC, par exemple, se vantent d'avoir fait un
«deal» avec le ministre de l'Industrie et du Commerce pour
renforcer la clause du 4 sur le plancher, et le reste: Fais ce que tu veux.
C'est ça qui est le «deal».
Ça, M. le Président, en ce qui me regarde comme
ex-syndicaliste, je trouve irresponsable de laisser ceux qui sont dans le
pétrin, ceux qui ont de la difficulté, ceux qui ont la pression,
ceux qui sont plus ou moins syndicables à cause de circonstances,
ceux-là, on ne s'en occupe pas. Mais on resserre, bien sûr, les
clauses de ceux qui travaillent sur de grands espaces. Ça, c'est le
«deal» avec le ministre en ce qui regarde les TUAC. Puis il ne se
gêne pas pour le dire. Le ministre a «dealé»
là-dessus.
M. le Président, moi, je n'accepte pas cela.
Je n'accepte pas cela, M. le Président. Le Québec a un
tissu commercial qui est à conserver, à mon point de vue. Je vous
disais 28 % seulement de grands espaces, de grandes chaînes par rapport
à 72 %. C'est contraire aux autres provinces, vous le savez.
J'écoutais le député de Louis-Hébert et même
le ministre, ce matin. M. le Président, il ne faut pas emplir les
citoyens, là. Il faut leur dire la vérité en cette
Chambre. Il disent: Parce qu'ils ont ouvert les commerces en Ontario, eux
autres, ils ont augmenté. Nous autres, on a baissé toutes nos
variations annuelles. En 1989 - il parle de 2,6 %, cette année
-c'était environ 5 %. Avaient-ils ouvert les commerces en Ontario, en
1989? En 1986, c'était 4,2 %, en 1985-1986. Ils ne parlaient pas
d'ouverture de commerces en Ontario. Pourtant, c'était plus avantageux
là. Ferment-ils leurs commerces de temps en temps pour plaire au
Québec ou l'inverse? M. le Président, ce n'est pas loin
d'être...
Sur le plan intellectuel, vous comprendrez, quand on se sert de
statistiques du genre pour essayer de dire que l'ouverture des commerces en
Ontario les favorise au détriment du Québec, franchement, M. le
Président! J'espère qu'il est plus rigoureux que ça dans
sa façon de gérer un petit peu chez eux. Si vous regardez les
courbes depuis 1982, même en 1982, c'était mieux pour l'Ontario
que ça ne l'est présentement, après ouverture des
commerces. Il y a des limites pour charrier le monde. Si vous voulez avoir des
graphiques, on va vous les fournir avec des statistiques et des pourcentages.
Il faut arrêter de rire du monde, s'il vous plaît, et de bourrer le
monde. Parce qu'on a donné notre parole au Club Price, on n'est pas
obligés d'emplir tout le Québec. Je m'excuse. Mais ça, par
exemple, c'est vraiment malhonnête intellectuellement, M. le
Président, que d'agir de la sorte, comme le ministre le fait
présentement. Dire qu'il y a des pourcentages épouvantables de
monde qui est en accord.
M. le Président, il me fait rire un peu. La Corporation des
marchands de meubles, 98 %, après sondage scientifique, sont contre. La
Fédération canadienne de l'entreprise indépendante,
section Québec, ça regroupe des centaines de personnes. Ils sont
contre. L'Association des marchands détaillants de l'est du
Québec est contre. La Corporation des bijoutiers du Québec est
contre. L'Association des détaillants en alimentation du Québec
est contre. Le Regroupement des SIDAC du Québec est contre. C'est des
gens qui oeuvrent dans le domaine commercial, dans les sites commerciaux,
précisément pour le développement. Les petites boutiques,
les petits marchands, les petits propriétaires des centres-villes, ils
sont contre. Les ACEF, ça représente un paquet de consommateurs,
ça, ils sont contre. Le groupe Cantrex, 500 magasins, c'est quelques
pinottes, mais, 500 magasins, ça commence à faire du monde. Je
pourrais continuer: la Promenade
Ontario, l'Association des marchands de Rimous-ki, Magasins
d'ameublement B V, 150 magasins. Les Maîtres fourreurs associés.
Toutes les quincailleries vont se prononcer contre, à part ça, M.
le Président, si ce n'est déjà fait. Je pourrais
continuer. Les chambres de commerce de Mont-Joli, de Sherbrooke, etc. Je me
suis promené à Rouyn-Noranda, des applaudissements parce qu'on a
dit: Vous allez respecter au moins le Parlement dans le processus
législatif, avant d'adopter une loi qui ne fait plaisir qu'aux grands
espaces.
M. le Président, on ne rencontre pas le même monde.
J'aimerais ça, moi, que le ministre vienne se promener dans les centres
d'achats chez nous, qu'il demande aux gens des petites boutiques s'ils sont
heureux d'ouvrir leur commerce en janvier, en février et en mars. Ils
vont vous dire: M. le ministre, commencez donc par contrôler vos
marchés aux puces. C'est ça qu'ils vont vous dire, comme premier
réflexe. Ils vont vous dire: Allez donc collecter vos taxes dans les
marchés aux puces et faire respecter votre loi; vous viendrez nous voir,
après, si on veut ouvrir le dimanche. Mais commencez donc par ça.
(15 h 40)
Dans les régions frontalières, c'est drôle de les
entendre. Ils ont déjà l'économie dans la loi pour faire
ce qu'ils veulent. Ils disent: Ah oui! Ils vont acheter ailleurs. C'est ouvert
ailleurs. Bien oui, mais... À Hull, c'était ouvert. Il n'y a rien
dans la loi, ça ne vient rien inventer, ça! Ils vont aux
États-Unis. Bien sûr qu'ils vont aux États-Unis, parce que
ce n'est pas ouvert le dimanche ici, mon oeil! C'est à cause des taxes
sur le pétrole, c'est à cause des taxes TVQ-TPS. Baissez les prix
ici, vous allez voir qu'ils vont arrêter d'aller aux États-Unis.
D'ailleurs, ça a beaucoup diminué parce que le dollar est rendu
à 0,77 $. Arrêtez d'emplir le monde. Arrêtez de lui faire
croire, de lui garrocher des faussetés au visage. Ce n'est pas
ça, la réalité. Que le gallon d'essence coûte le
même prix qu'aux États-Unis, vous viendrez voir si ça va
passer la frontière bien rapidement. Vous viendrez me dire si vous
coupez la TVQ et la TPS... D'ailleurs, ils ont trouvé des significations
à la TPS et à la TVQ. Tu vis au Québec, tu paies en
sacrifice. Oui, tu paies en sacrifice, M. le Président. Baissez-les,
enlevez-les, ces 15 %, et vous allez voir que les frontières vont
être là et ça ne magasinera pas fort. N'essayons pas de
sortir des faussetés pour justifier un geste. m. le président,
c'est le fruit d'un «deal» avec des gros «lobbies». 28
% de grands espaces, ça n'a plus d'importance, les 72 %. c'est ça
qui est le jugement porté par le ministre et son gouvernement; lui qui
voulait consacrer toutes ses fins de semaine à sa femme et à ses
petits. ne pourrait-il pas penser qu'il y en a beaucoup au québec. il y
a 400 000 travailleurs, soit dit en passant, qui n'ont sûrement pas
été consultés pour savoir ce qu'ils voulaient et à
qui on ne veut pas donner le temps pour s'organiser, M. le Président.
D'ailleurs, j'ai entendu un leader syndical dire: II faut aller vite, sinon
ceux qui sont contre vont avoir le temps de s'organiser pour le combattre.
Franchement! C'est ça, la démocratie? Il a dit ça tel
quel, M. le Président. Il faut aller vite. Si le ministre peut se
grouiller un peu, autrement, il va y avoir une coalition contre l'ouverture,
puis on va avoir de la misère. On va encore manquer le bateau. En
démocratie, permettez donc au monde de s'exprimer. Vous allez voir qu'il
y en a plusieurs qui pourront dire, comme le ministre, en 1989: En fin de
semaine, je pourrais consacrer mon temps à mes enfants et à ma
femme. Et ils ont peut-être le droit autant que lui, M. le
Président, de ces temps d'intimité avec la famille.
M. le Président, je pourrais continuer, bien sûr. J'ai
parlé des TUAC. Je voulais en parler absolument parce qu'il y a des
choses qui m'ont révolté quand j'ai appris des choses. Mais je
voudrais également toucher un tout petit peu au temps de l'année
dans lequel on passe ça. On vient faire miroiter ça.
C'était pour le 29 novembre, dans le fond, et je maintiens de mon
siège que c'était sciemment fait, en plus, parce que ça
avait été annoncé dans Le Devoir du 24 novembre,
parce que ça a été répété en Chambre,
ici, à une question que j'ai personnellement posée au ministre,
qui m'avait répondu que la réponse viendrait à l'article
du projet de loi. Le lendemain, je me suis relevé, j'ai posé la
question et il m'a référé à l'article 15 en me le
lisant.
Sciemment, M. le Président, au-dessus de toutes les règles
du Parlement, le ministre avait décidé, sans consulter qui que ce
soit de l'Opposition, d'outrepasser les règles normales de l'adoption
d'une loi. Il avait induit des commerçants en erreur. Il leur avait dit
que ça ouvrirait. Il y a des commerçants qui ont ouvert. Il y en
a même qui ont dit à la télé que c'était
à lui de se brancher: rouvre, rouvre pas, rouvre, rouvre pas. On a
ouvert. J'ai hâte de voir s'il va les poursuivre. J'ai hâte de voir
s'ils vont appliquer la loi. J'ai hâte de voir si leurs entourloupettes
du départ ne joueront pas jusqu'à la non-application de la loi.
Mais imaginez-vous donc qu'on voit clair, nous aussi! On a des antennes un peu
dans tous les milieux, puis on va suivre le gouvernement là-dessus, M.
le Président, parce que, sciemment, on se foutait du Parlement.
On a essayé de faire croire que ça augmenterait les ventes
de 1 %, un chiffre tout à fait artificiel qu'un attaché politique
peut avoir préparé dans l'espace d'une heure, pas d'étude
sérieuse. Pourtant, même en 1988, on disait: II faudrait gratter
ça davantage, M. le Président. Je me souviens des recommandations
d'un des rapports, en particulier la recommandation 3 qui
disait: La réglementation devrait porter sur la vente des
produits plutôt que strictement sur les établissements
commerciaux, afin de ne pas accorder de biais favorables aux nouvelles formes
de commerce. La recommandation 1 disait, M. le Président: Les pouvoirs
d'application de la loi, en cas de non-déréglementation,
devraient être renforcés afin de ne pas encourager la
désobéissance civile, la concurrence déloyale et les
distorsions en résultant. Ils ont manqué le bateau. Ce n'est pas
du tout à ça qu'ils ont donné suite. Pourtant, ils ont des
rapports qui étaient clairs là-dessus.
M. le Président, ce gouvernement, à toutes fins pratiques,
n'a rien trouvé pour relancer l'économie. Ce n'est pas pour rien
que, même si ça leur prend notre consentement pour procéder
à l'adoption de cette loi-là, qu'ils l'amènent, sinon on
ne siégerait pas en cette Chambre, cet après-midi, croyez-le ou
non, avec au-delà de 450 000 chômeurs, avec au-delà de 439
000 ménages sur l'aide sociale. Ils n'ont pas d'autres mesures pour
relancer l'économie, pour créer de l'emploi, pour redonner espoir
à nos jeunes qui sont sans travail. Ils n'ont pas d'autres choses
à nous faire discuter que de l'ouverture des commerces le dimanche. Si
vous voulez que vos commerces, le dimanche, vendent, créez de l'emploi.
Si vous voulez que les gens consomment, créez des jobs. Si vous voulez
que les commerces augmentent leur chiffre d'affaires, arrangez-vous pour que
les foyers... que les pères de famille travaillent, et qu'ils puissent
se présenter au magasin avec de l'argent dans leurs poches pour
consommer.
Mais, comme premier geste intelligent à poser, ce n'est pas
d'élargir les heures où on doit dépenser, c'est d'abord de
créer la richesse pour qu'on puisse dépenser. Créez-en,
des emplois! Arrivez avec des programmes concrets d'action, ici, cet
après-midi, pour redonner aux 20 % de jeunes de 18 à 24 ans, qui
sont sur le chômage. Ils vont consommer, après. Ils seront
peut-être les premiers à revendiquer sept jours par semaine
d'ouverture, pour dépenser.
Ce n'est pas des occasions de dépenser qu'on veut avoir. La crise
économique, c'est des occasions de gagner sa croûte d'abord. C'est
ça, un plan de relance. Ce n'est pas de dire: Ah! bien, écoutez,
on va dépenser. Quand tu n'as pas d'argent, tu ne dépenses pas.
Quand tu gagnes 300 $ par semaine, tu ne peux pas en dépenser 400 $.
Mais quand tu es sur le chômage ou sur l'aide sociale et que tu
crées de l'emploi, ah là! tu deviens un consommateur qui peut
injecter dans l'économie. C'est ça, la différence
fondamentale qui nous oppose dans les perceptions. Pour vous, vos perceptions,
c'est de la poudre aux yeux: faire croire que vous faites de quoi pour
l'économique, faire croire que vous faites de quoi pour que
l'économie reparte, donner confiance aux contribuables. Je m'excuse,
mais redonner confiance aux contribuables, c'est leur redonner cette
fierté du travail. Ces occasions de travailler, créez-les!
Créez des emplois et, après ça, on parlera de
libéralisation des heures de commerce. C'est clair? C'est le monde
à l'envers, M. le Président.
Motion de report
Et pour permettre au ministre de réenligner ses flûtes,
comme on dit en bon québécois, lui permettre d'aller
réfléchir à la phrase qu'il disait en 1989, où ce
n'est sûrement pas le dimanche qu'il va s'exciter devant les vitrines -
parce qu'il y a bien du monde, tout ce qu'ils peuvent faire, c'est du
lèche-vitrine; ils n'ont pas d'argent pour entrer à
l'intérieur - donc, pour lui permettre de réfléchir et de
refaire ses devoirs dans le sens qu'on lui dit, relancer l'économie en
créant de l'emploi, je propose que la motion en discussion sort
modifiée en retranchant le mot «maintenant» et en ajoutant,
à la fin, les mots «dans trois mois».
Le Président: Votre motion est déposée.
C'est une motion recevable en vertu de notre règlement. Une telle
motion, qu'on appelle, en fait, dans le langage courant, une motion de report,
donne lieu à un débat restreint.
Alors, à ce moment-ci, je vais suspendre les travaux pendant
quelques instants et convoquer les deux leaders à une rencontre pour
fixer le partage du temps dans le cadre du débat restreint. Les travaux
sont suspendus pour quelques minutes.
(Suspension de la séance à 15 h 49)
(Reprise à 15 h 53)
Le Président: Alors, veuillez prendre place, s'il vous
plaît.
Nous allons maintenant discuter de la motion de report
présentée par le leader de l'Opposition, visant à reporter
l'adoption du projet de loi à trois mois.
Suite à la conférence avec les leaders, il a
été convenu que le partage pour ce débat se ferait de la
façon suivante: Le débat est d'une durée maximum de 2
heures; 10 minutes sont réservées au groupe des
députés indépendants; le reste du temps sera
partagé également entre le parti ministériel et le parti
de l'Opposition officielle. Il est entendu qu'il y a possibilité d'une
intervention principale de chaque côté, pour une durée
maximum de 30 minutes. Le restant du temps, il n'y a pas de limite
vis-à-vis du reste du temps accordé au niveau de chacune des
formations politiques.
Je suis donc prêt à reconnaître comme premier
intervenant, maintenant, M. le député Louis-Hébert.
M. Réjean Doyon
M. Doyon: Merci, M. le Président. Il arrive rarement qu'un
député ait, comme ça, à parler deux fois de suite
sur un même projet de loi en l'intervalle d'une demi-heure. M. le
Président, j'ai l'impression que les discours que nous avons entendus
n'ont eu aucune influence, malheureusement, sur la décision que
l'Opposition avait déjà prise de rendre la vie la plus difficile
possible au gouvernement et de faire tout en son pouvoir pour que nous
puissions être embarrassés pour faire passer ce projet de loi
là, avec une utilisation que je qualifie d'abusive des règlements
de cette Assemblée.
Il est bien sûr qu'il apparaît nettement que l'Opposition a
décidé de faire abstraction du bien commun. Elle a
décidé de faire, encore une fois, ce dans quoi elle se
spécialise, c'est de la politique, de se servir de tous les
prétextes pour tenter - parce qu'il n'y a pas d'autre raison - de mettre
le gouvernement dans l'embarras et tenter de faire en sorte que le gouvernement
ne puisse pas mettre en oeuvre ses projets législatifs. C'est absolument
regrettable et ça ne peut être que déploré. Et il
faut dénoncer cette attitude étroite, mesquine de la part de
l'Opposition qui tente de faire de la démagogie sur un sujet qui est
aussi neutre que celui-là.
Que nous dit l'Opposition? L'Opposition nous dit: Commencez par trouver
des jobs et puis, après ça, une fois que les gens auront de
l'argent dans leurs poches, ils pourront dépenser. C'est un peu
l'histoire, M. le Président, de la poule et de l'oeuf. On commence par
quoi? Ce que l'Opposition prétend vouloir actuellement, c'est que le
gouvernement se lance dans des grands projets qui coûteraient les yeux de
la tête, des grands projets qui auraient pour effet de faire
dépenser l'argent, finalement, qu'on n'a pas, l'argent qui n'est pas
disponible, l'argent qui n'est plus disponible, qu'il nous faut emprunter.
Évidemment, l'Opposition s'y connaît dans ce domaine-là.
L'Opposition a eu la spécialité d'accumuler des déficits
de plus en plus grands, d'emprunter pour payer les salaires des professeurs
chaque semaine, pour payer les infirmières dans les hôpitaux. On
n'accepte pas, nous, de faire ça. Ça nous paraît une
façon de faire anormale. Nous croyons qu'il vaut mieux faire preuve
d'imagination, qu'il vaut mieux trouver des moyens pour que l'économie
puisse se trouver dans un meilleur état, même si ces moyens sont
moins spectaculaires que si on décidait de dépenser 1 000 000 000
$ou2 000 000 000 $.
Ce qui est surtout grave là-dedans, M. le Président, c'est
que l'Opposition oublie une chose très importante, c'est que quoi que
l'Opposition dise ou fasse, les besoins des consommateurs sont là. Les
consommateurs demandent cette mesure-là. Il y a 70 % des consommateurs
qui veulent un élargissement des heures d'ouverture des commerces et des
jours d'ouverture des commerces. Et cette proportion monte jusqu'à 82 %
quand on explique à la population, aux répondants qui sont
interrogés, que personne ne sera obligé de travailler s'il n'est
obligé de le faire, 82 %.
Et, malgré tout ça, l'Opposition s'entête.
Malgré tout ça, l'Opposition se sert de vieux moyens, un vieux
truc parlementaire, ce qu'on appelle une motion de report dans le jargon, tout
simplement pour obliger, tenter d'obliger le gouvernement soit à faire
machine arrière, à mettre le projet de loi dans le réchaud
quelque part, soit encore à le modifier pour que l'Opposition puisse se
vanter d'avoir eu ce qu'elle voulait avoir, ou encore, tout simplement pour
laisser traîner les choses au feuilleton assez longtemps pour que cette
mesure législative, qui est, encore une fois, exigée par 80 % de
la population, soit mise au rancart par le gouvernement. (16 heures)
Eh bien, moi, je pense que l'Opposition fait fausse route. L'Opposition
fait exactement le contraire de ce qu'un éditorialiste dit dans Le
Soleil du 25 novembre. L'éditorial, M. le Président,
était intitulé «La bonne décision au bon
moment», en parlant de la décision de libéraliser les
heures d'ouverture des commerces. «La bonne décision au bon
moment», c'est signé par M. Michel Audet. M. Michel Audet termine
son editorial en disant ce qui suit: «Le gouvernement Bourassa ne pourra
aller de l'avant à l'Assemblée nationale que s'il a l'appui de
l'Opposition officielle. Il faut souhaiter, dit-il, que cette dernière
maintiendra son attitude positive à l'égard de ce changement
législatif.»
Le Président: Un instant, M. le député. J'ai
un rappel au règlement. Mme la députée de...
Mme Bleau: Selon l'article 32, voulez-vous rappeler les
députés à leur place, s'il vous plaît?
Le Président: L'article 32 prévoit, au fait, que
chacun doit contribuer au maintien du décorum et occuper la place qui
lui a été assignée par le président. Alors, s'il y
a un député qui n'est pas à son fauteuil, j'exigerais,
s'il vous plaît, que chacun regagne sa place. Vous pouvez poursuivre, M.
le député.
M. Doyon: M. le Président, j'étais en train de
dire, avant que la députée n'ait besoin de rappeler à un
député que sa place n'était plus de ce
côté-ci mais là-bas, et qu'il l'avait choisie et qu'il
ferait mieux de s'y tenir, je disais que la bonne décision du
gouvernement au bon moment... M. Michel Audet, dans un editorial, disait:
«II faut souhaiter que cette dernière maintiendra son attitude
positive à l'égard de ce changement législatif. Sa
collaboration permettra d'éviter une
foire d'empoigne dont l'économie du Québec ferait les
frais». Ce n'est pas moi qui dis ça, là, c'est
l'éditorialiste Michel Audet, du Soleil.
Vous êtes en train de faire exactement ça: essayer de
partir dans cette Assemblée, qui n'en a nullement besoin, une foire
d'empoigne dont la victime va être l'économie du Québec.
C'est ce que vous êtes en train de faire. Je veux juste que vous
réalisiez jusqu'à quel point la population réprouve une
telle attitude. Il est inadmissible qu'on oublie, pour des raisons de
partisane-rie politique, le bien commun, le bien public. Vous avez une
obligation d'agir à certains moments donnés avec un souci du bien
commun, en faisant abstraction du profit politique que vous tentez de tirer
vers certains textes législatifs qui sont devant cette
Assemblée.
Il est dommage, M. le Président, que nous soyons en fin de
session toujours avec les mêmes vieux trucs usés jusqu'à la
corde: report dans trois mois, report dans six mois. Ça veut dire quoi?
Ça veut dire tout simplement que vous êtes contre, et la
population va vous juger sur cette opinion que vous exprimez par cette motion
de report, c'est-à-dire votre opposition à un projet de loi qui
est souhaité par les quatre cinquièmes de la population du
Québec. Non seulement c'est souhaité par le public, le public qui
achète, qui consomme, mais c'est souhaité par les
commerçants, c'est souhaité même par les syndicats, c'est
souhaité par les chambres de commerce, c'est souhaité partout,
à la grandeur de la province. Pourquoi y a-t-il eu un changement
d'attitude? Parce que depuis deux ans on s'est aperçu que l'ouverture de
la fenêtre, en ce qui concerne les heures d'affaires, ça n'avait
pas donné de pneumonie à personne. Il n'y a même personne
qui a toussé là-dessus, puis on s'aperçoit qu'on peut
aller plus loin et en même temps rendre service à tout le monde.
Vous nous aviez promis la catastrophe, le cataclysme national, la disparition
des petits dépanneurs, des petits commerçants. Il n'y en a pas
eu, de ça. Il n'y en a pas eu, de ça.
Une voix: C'est vrai.
M. Doyon: Et là, on s'aperçoit que même ceux
qui étaient contre à l'époque se sont ravisés. Ils
ont changé leur fusil d'épaule et, maintenant, se disent pour et
incitent le gouvernement à agir. Mais, malheureusement, le gouvernement
se voit en butte à des obstacles comme ceux que vous mettez de travers
sur notre route. C'est triste à dire, mais, M. le Président,
l'Opposition est en train de montrer son vrai visage, qui est la politique du
pire, se disant, dans leur raisonnement à eux, que plus ça va
aller mal, moins il va y avoir d'emplois, moins les gens vont pouvoir
travailler, plus il y aura de misère, plus le gouvernement va être
blâmé, bien sûr, et que, dans les circonstances,
l'Opposition ne pourra qu'en retirer des fruits.
Moi, j'appelle ça la politique de la terre brûlée,
M. le Président. C'est qu'on brûle tout devant soi en se retirant
et on dit: Tant pis, crevez tous de faim et, après ça, nous
aurons notre chance. Et vous risquez, en agissant d'une façon aussi
irrationnelle et aussi risquée, de vous retrouver si jamais - je ne le
crois pas, mais si jamais vous reprenez le pouvoir - à gérer un
désert économique, parce que vous aurez appliqué la
politique de la terre brûlée, vous aurez fait disparaître
autant d'emplois que vous aurez pu en vous opposant à tout ce qui
s'appelle mesure de nature à aider un tant soit peu l'économie du
Québec. Vous aurez appliqué cette politique de la terre
brûlée, avec des motions de report, avec des motions de scission.
Vous serez devant un désert à administrer et à gouverner
si jamais vous prenez le pouvoir. Evidemment, à ce moment-là,
vous blâmerez le gouvernement de vous avoir laissé un tel
héritage si jamais vous arrivez là, ce que je ne crois pas, que
je ne souhaite pas et ce que la population ne veut pas non plus, j'en suis
convaincu.
M. le Président, la politique a parfois des exigences d'aller
au-delà des intérêts immédiats d'un parti politique.
Il faut être capable de surmonter les intérêts mesquins de
la partisanerie politique pour en arriver à une vision plus
généreuse, plus globale, mais, en même temps, plus humaine
des problèmes auxquels on a à faire face. J'avais un faible
espoir, quand j'ai entendu le chef de l'Opposition s'exprimer, il y a quelques
semaines, que le gouvernement ne serait pas en butte à ce genre de
guérilla, de guérilla de parlementarisme et, pourtant, c'est ce
qui se passe. À la première occasion, pas à la
deuxième, à la première occasion, l'Opposition profite de
la possibilité d'embêter le législateur, majoritaire en
cette Chambre, et de lui créer le plus de difficultés possible.
C'est pour ça que nous nous retrouvons devant cette situation
aujourd'hui. L'Opposition, je suis sûr, va être jugée
sévèrement par la population parce qu'il n'y a aucune raison qui
vaille pour agir de cette façon. Il n'y a aucune raison qui rejoint le
bien commun, qui ferait en sorte que les intérêts du public
seraient préservés.
C'est malheureux à dire, M. le Président, mais une telle
attitude n'est pas très, très reluisante pour l'ensemble des
députés, disons-le. Les gens ont entendu la présentation
que le ministre a faite cet avant-midi. Nous aurions pu avoir une discussion
d'idées. J'ai déposé, tantôt, un rapport fait par
Price Waterhouse, selon des méthodes scientifiques, où ils
comparent l'Alberta et la Colombie-Britannique dans une perspective
d'augmentation, de libéralisation des heures d'ouverture des commerces,
et ils en viennent aux conclusions dont j'ai fait lecture tout à
l'heure. Ce document a été déposé ici, en cette
Assemblée. N'importe qui, étant donné que le document est
nouveau, aurait pu croire que l'Opposition aurait eu la curiosité
d'aller voir ce
qu'il y avait dedans. Ce document n'était pas connu. On vient de
l'avoir à notre disposition.
Pensez-vous que quelqu'un est allé demander au
secrétariat, à la table, du côté de l'Opposition:
Est-ce que je pourrais avoir ce document pour en prendre connaissance avant de
faire la motion de report? Ça aurait été une attitude pas
mal plus intelligente. Mais non! C'était déjà
tracé; c'était déjà décidé
qu'à la première occasion le leader parlementaire de l'Opposition
viendrait ici, quels que soient les arguments du gouvernement, quels que soient
les arguments du ministre, quels que soient les documents
déposés, quelles que soient les raisons qui militent en faveur et
qui sont invoquées en faveur de la libéralisation des heures
d'affaires. C'était déjà écrit dans le ciel que le
leader de l'Opposition se lèverait et présenterait une motion de
report, parce que c'est ça qu'ils ont décidé de faire, et
ils ont conclu qu'en stratégie purement partisane, purement
électoraliste, c'était quelque chose dont ils pouvaient,
semble-t-il, à leur opinion, bien que je suis d'avis contraire, tirer
profit.
Il est regrettable que nous ayons une telle attitude, dès le
début de cette session, alors que nous avons été
amenés à croire qu'il y aurait une possibilité de
collaboration, une possibilité de partage d'idées et d'appui
mutuel dans les gestes qui s'imposent. C'était, bien sûr,
rêver en couleur, c'était s'illusionner. Il est aussi bien que les
illusions que nous avons pu avoir à ce sujet-là tombent
dès maintenant. Je n'y ai jamais vraiment cru, mais je me suis dit: Tout
d'un coup que ça serait vrai! Tout d'un coup que le chef de l'Opposition
ajusterait ses gestes a ses paroles! Une fois n'est pas coutume.
Peut-être qu'il pourrait nous surprendre, tous et chacun d'entre nous, et
que nous aurions pu entendre le chef de l'Opposition se lever et dire: Le
gouvernement prend une mesure qui est de nature à alléger un tant
soit peu la situation économique assez difficile que nous vivons par les
temps qui courent. Malheureusement, ce n'est pas ça qui s'est produit.
Vous avez, comme je l'ai été, comme la population l'est,
été témoins d'un geste purement partisan, un geste
purement basé sur un avantage momentané qui permettrait à
l'Opposition de faire croire qu'elle est soucieuse de permettre aux gens de
s'exprimer. Il y a eu une longue consultation. Le ministre a
énuméré tous ceux qu'il a pu voir, tous ceux qu'il a pu
rencontrer, et il s'est dégagé un consensus. Il est bien
sûr que quand on a 80 % de la population qui appuie une mesure, on n'a
pas 100 %; il y a 20 % de la population qui n'est pas - disons-le - favorable
à une telle libéralisation des heures d'ouverture et des jours
d'ouverture. Mais 20 % qui est contre par rapport à 80 % qui est pour,
je crois que c'est quand même significatif que nous ayons le besoin de
proposer une mesure qui va à la rencontre de cette majorité
exprimée par les contribuables, par les consommateurs.
Donc, M. le Président, je m'inscris en faux totalement,
totalement contre cette motion de report. Je la regrette profondément.
J'y vois le signe que nous vivons encore à l'ère de
l'affrontement à tous les niveaux et même quand c'est les
contribuables, les consommateurs qui doivent en faire les frais. L'affrontement
va continuer d'exister parce qu'il est impossible d'avoir une mesure qui fera
l'unanimité. Il est impossible. Et encore ferait-elle l'unanimité
que l'Opposition trouverait le moyen d'être la seule à avoir le
pas dans la parade. (16 h 10)
Qu'est-ce qu'un gouvernement doit faire, M. le Président? Est-ce
qu'il doit se plier aux diktats de l'Opposition et laisser l'Opposition
déterminer quels vont être les gestes législatifs que le
gouvernement va poser ou est-ce qu'un gouvernement se doit d'évaluer une
situation, de raisonner sur cette situation-là, de faire les
consultations qui s'imposent et, après ça, agir? Il serait plus
agréable et plus facile et extrêmement plus valorisant pour nous
tous d'avoir un consensus de cette Assemblée sur un sujet semblable. Je
reste convaincu que la population comprend que le gouvernement agit dans le bon
sens, qu'il le fait en vertu des trois principes énoncés ce
matin, c'est-à-dire: une égalité entre les divers
commerçants, qui ont le droit d'être traités
également - tout le monde a le droit d'être soumis aux mêmes
règles du jeu; deuxièmement, une réponse adéquate
aux besoins de la population - c'est ce que les sondages nous indiquent; et
troisièmement, une préservation de la qualité de vie de la
population. C'est ce que nous faisons de cette façon-là.
Évidemment, nous aurions pu aller à l'extrême. Nous
aurions pu tout simplement abolir toute réglementation dans ce domaine.
Nous avons voulu prendre la voie du compromis, la voie du raisonnable, de la
raison, pensant que nous serions suivis dans ce domaine-là par
l'Opposition. Malheureusement, la motion de report nous remet les deux pieds
sur la terre. Et je me dis que nous devrons faire comme nous avons fait
à chaque fois, nous battre de haute lutte, nous battre jusqu'à
tard la nuit pour obtenir les votes qui nous sont nécessaires pour faire
approuver un tel projet de loi, comme nous avons fait dans d'autres projets de
loi. Et nous le ferons, M. le Président, étant convaincus qu'il y
va du bien de la population et qu'il y va de la responsabilité qui est
celle du gouvernement. Je sais qu'en ce sens nous serons suivis par la grande
majorité des gens qui suivent ce débat, qui comprendra que notre
action n'est pas une action égoïste et mesquine, mais une action
qui s'inscrit dans une ambiance totale de réponse aux besoins de
préservation de la qualité de la vie encore et
d'égalité entre les commerçants.
J'invite tous mes collègues ici, à cette Assemblée,
à réfléchir à ce que nous sommes en train de faire,
espérant que, le plus tôt possible,
nous pourrons faire adopter ce projet de loi et que - souhaitons-le, M.
le Président - cette motion de report, qui nous oblige à
débattre pendant deux heures, sera la dernière motion de cette
nature. C'est tout simplement une motion dilatoire qui ne changera rien au
cours des choses, sauf que de prolonger le débat pour deux heures ou
trois heures supplémentaires. Il n'y aura rien de fondamentalement
changé dans la décision qu'a prise le gouvernement d'agir de
cette façon, mais l'Opposition aura fait son baroud d'honneur.
L'Opposition aura tenté de faire déraper le gouvernement dans sa
volonté de faire adopter ce projet de loi.
Je reste convaincu que la majorité des députés en
cette Chambre auront compris que le projet de loi 59 est un bon projet de loi,
que nous avons tout avantage à le voter dans les meilleurs délais
pour qu'il soit en application le plus vite possible, pour qu'il réponde
aux besoins qui sont connus, des besoins qui ont été
établis, et qu'il permette un tant soit peu, même si ce n'est pas
la raison fondamentale, la raison primordiale, d'avoir les 9000 ou 10 000
emplois qui vont découler de ça, les 75 000 000 $, 80 000 000 $
de revenus qui vont revenir au gouvernement par taxes et impôts de toute
nature, en même temps que 200 000 000 $ environ qui seraient payés
en salaires de toute nature.
Alors, sur ces quelques paroles, M. le Président, je
désire tout simplement m'inscrire encore une fois en totale opposition
avec la motion de report, espérant que nous nous retrouverons sur le
fond du projet de loi aussi rapidement que possible. Merci.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le
député de Louis-Hébert.
Je vous rappelle que nous sommes à discuter d'une motion du
leader de l'Opposition officielle suggérant que soit reportée la
motion du ministre de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie
relativement à l'adoption du principe du projet de loi 59, et, sur cette
motion de report, en vous rappelant, M. le député, qu'en vertu
des règles établies, vous disposez d'une intervention maximale de
30 minutes, je vais céder la parole à M. le député
de Laviolette.
M. Jean-Pierre Jolivet
M. Jolivet: Merci, M. le Président. Je vous dirai d'abord,
au départ, que, compte tenu du nombre de personnes qui veulent parler de
mon côté, je prendrai environ 15 minutes, mais vous avez entendu
le député de Louis-Hébert nous dire, en commençant
son intervention, sa surprise de devoir intervenir deux fois d'affilée
sur un projet de loi. Je vous dirai, moi, ma grande surprise, et je suis
sûr pour plusieurs de nos collègues aussi, notre grand
désagrément de nous entendre crier pendant deux interventions
d'affilée n'importe quoi, de nous fire dire n'importe quoi.
Je vous donne un exemple. Il dit: L'Opposition a décidé
d'utiliser le règlement, qui est une motion de report, parce qu'elle
veut le faire pour une raison électoraliste. Ça, il dit ça
d'une partie. À côté de ça, il dit, M. le
Président: Vous savez, 70 % des gens sont d'accord, même 80 %,
selon nos sondages, sont d'accord pour l'ouverture des magasins le dimanche.
Comment voulez-vous qu'on le fasse par raison électoraliste si 70 %, 75
%, 80 % sont contre nous? C'est épouvantable d'affirmer deux choses dans
un discours à une minute d'intervalle, étant l'une et l'autre
contradictoires.
Notre but, M. le Président... et le ministre, avec qui j'ai eu
l'occasion de discuter de ce projet de loi là, il y a longtemps, puisque
c'est, dans mon esprit a moi, la continuité d'une décision qui a
été prise voilà deux ans, le sait très bien que
c'est par conviction personnelle. J'ai le droit d'exprimer des choses de
façon personnelle, mais, en même temps, appuyé par ce que
des gens m'ont dit dans mon comté comme ailleurs.
Comme plusieurs d'entre vous, j'ai eu l'occasion d'aller magasiner pour
les fêtes de Noël. Étant donné que le ministre nous
parle de ses deux enfants et de sa femme, moi aussi, je peux en parler, j'en ai
six. J'ai eu l'occasion d'aller magasiner... Six enfants. J'ai posé la
question à des gens: Est-ce que vous croyez qu'on devrait ouvrir les
magasins le dimanche? Est-ce que vous pensez que c'est une bonne chose? Est-ce
que vous pensez que ça va avoir pour but de relancer
l'économie?
Une voix: Les enfants ont dit oui.
M. Jolivet: Justement, quelqu'un me souffle que mes enfants ont
dit oui. Je lui dirai que j'ai un de mes enfants, justement, qui travaille dans
un magasin. Il m'a dit non. Il est ici à Québec. Il m'indiquait
les difficultés que ça donnerait à son amie et à
lui-même de pouvoir avoir des moments de rencontre parce que, justement,
leur vie va être perturbée, parce qu'on ne sait pas, dans le cas
de son amie qui travaille dans une librairie et lui qui travaille dans un
magasin de disques, ce que ça donnerait comme résultat personnel
les fins de semaine. Il le sait très bien, ce que ça va donner,
les difficultés comportant, au niveau des gens, des horaires totalement
différents les uns des autres.
Vous imaginez maintenant ce que ça donne dans des familles. Je
posais la question au centre d'achats. J'ai été au centre
d'achats Laurier, la semaine passée, puis j'ai demandé à
quelqu'un qui travaille chez Sears qu'est-ce qu'il pensait de l'ouverture des
magasins le dimanche. Il me dit: Moi, écoutez, mes enfants, dans le
temps où je travaillais, au départ, les vendredis soir et les
samedis toute la journée, ça a augmenté au jeudi soir, le
vendredi soir et les samedis. Voilà qu'on
nous demande de travailler le dimanche. Il dit: Je le sais ce que mes
enfants m'ont dit à moi: Quand vas-tu pouvoir nous voir, papa?
L'individu lui-même le sait très bien. Je pourrais citer, M. le
Président, aussi des députés libéraux. Ce n'est pas
tous des Dumont, mais il y en a quelques-uns qui nous parlent en dehors de
l'Assemblée, ici, qui nous disent qu'ils sont contre la décision
du ministre mais qui sont un peu des gens qui rentrent dans le rang. On l'a vu.
(16 h 20)
On a vu le député de Louis-Hébert, tout à
l'heure, lancer encore, en disant: Ils ont fait peur, le cataclysme, la
catastrophe! Aïe! j'en ai entendu des vertes et des pas mûres
pendant la campagne référendaire! Nous faire dire que si
c'était un non, M. le Président, ce serait la famine. Le
député des îles-de-la-Madeleine nous a dit ça, ce
serait comme en Somalie. Il y a des gens comme le ministre de l'Agriculture qui
a dit chez nous que si c'était un non il aurait peur parce qu'il avait
peur que ce soit possible que le gouvernement du Parti québécois
gèle les comptes de banque. Vous vous imaginez! Je l'ai entendu de mes
propres oreilles, je l'ai vu à la télévision; je n'en
revenais pas, être capable de nous faire accroire des choses semblables.
Qui a fait peur au monde? Ce n'est pas nous autres. Qui a fait peur aux
personnes âgées pendant la campagne référendaire en
leur disant qu'elles perdraient leur pension? Et quand je leur disais:
Écoutez, ceux qui vont être au pouvoir demain matin, après
le référendum, c'est encore le Parti libéral, c'est encore
le parti conservateur et, ces deux-là, ce «serait-u» eux
autres qui voudraient vous couper votre pension? Vous savez très bien
que ce n'est pas vrai. Pourquoi vous font-ils peur de même? Qui a fait
peur au monde? Qu'ils ne viennent pas nous faire mention de ces choses en
disant que c'est nous. Ce n'est pas vrai.
Je vous dirai cependant, M. le Président, que nous sommes devant
un projet de loi qui a été ficelé à la
dernière minute pour répondre à des pressions venant de
grandes entreprises. Le ministre est devant nous, il nous écoute, je
sais qu'il a une patience d'ange des fois, qui cache un caractère assez
difficile à certains moments donnés, quand il se choque, mais une
chose est certaine, M. le Président, c'est que le ministre a subi de la
part de l'Opposition, quand on a discuté de l'ensemble du projet de loi
sur l'ouverture des magasins, des choses qui étaient normales en
défense des droits des citoyens et des citoyennes.
Les gens, à ce moment-ci, il y en a plusieurs qui ont
laissé tombé les bras en disant: Qu'est-ce que tu veux, ça
semblerait que le gouvernement a l'intention de rouvrir les magasins, et il va
réussir à le faire parce qu'un jour il va avoir la
majorité et il va le faire. Je l'ai dit à des commerçants
chez moi. Je pourrais vous en nommer dans la 6e Avenue à
Grand-Mère qui m'indiquaient qu'ils étaient contre l'ouverture
des magasins le dimanche, mais ils disaient: Qu'est-ce que vous voulez, on sait
bien qu'à un moment donné vous allez devoir céder sous la
pesanteur du nombre. C'est rien que ça, dans le fond.
Mais il y a au moins une chose par exemple, M. le Président, que
le ministre doit savoir et que les membres du gouvernement doivent savoir: ce
n'est pas nous qui avons décidé d'ouvrir la session après
le 15 novembre. Ce n'est pas nous qui avons décidé de
déposer les projets de loi après le 15 novembre. Il y a au moins
un pouvoir que je possède, comme législateur - parce que, quand
on a entendu parler le député de Louis-Hébert tout
à l'heure, c'est comme si c'était juste eux qui faisaient de la
législation; je suis un législateur, M. le Président, ici,
membre de l'Opposition, bien entendu - j'ai le droit de donner mon opinion,
d'être pour ou d'être contre. Mais il y a un pouvoir, au moins, que
j'ai et je le prendrai jusqu'au bout, et le ministre doit en être
averti.
Le moyen que nous prenons actuellement, c'est pour lui faire comprendre
que ça n'a pas de bon sens, c'est pour que les gens dans le milieu
comprennent, pour certaines personnes qui ont été
vérifiées par sondage, que ce n'est pas tout à fait vrai,
ce qui a été dit par la question qui est posée, dans la
mesure où un sondage, selon la question qui est posée, donne une
réponse. Mais je lui dirai qu'il m'en reste un, pouvoir, M. le
Président, et qu'il soit averti, c'est que je ne donnerai jamais mon
consentement pour que ce projet de loi là soit adopté à
cette session-ci. C'est le pouvoir qui est inscrit dans le règlement, M.
le Président: Tout projet de loi déposé après le 15
novembre doit recevoir l'assentiment unanime des membres de l'Assemblée
nationale. Et je vous dis, dès le départ: Vous ne l'aurez pas de
ma part.
Vous ne l'aurez pas, parce que je crois important de défendre des
gens qui ne sont pas défendus autrement que par les membres de
l'Assemblée nationale. J'ai été membre d'un syndicat et je
défendais mes membres. Bien, c'est ce que font les syndicats
actuellement, ils défendent leurs membres. Ils essaient, compte tenu
qu'ils connaissent un peu comment la législation se fait, d'en arriver
à sauver les meubles, comme on dit. Mais je vous dirai que ce n'est pas
tous ces gens-là qui sont syndiqués. La jeune fille qui sort avec
mon fils et mon fils ne sont pas syndiqués. Et, comme tout le monde, il
y a des gens comme ceux-là qui craignent que même si c'est
marqué dans la loi qu'ils ont trois ans où l'employeur ne peut
pas les congédier, les mettre à la porte parce qu'ils ont
refusé de travailler le dimanche, que... Comme ils me disaient:
Écoutez, c'est un peu comme si vous me disiez «Mets-toi un
revolver sur la tempe». Il ne bougera pas de là à moins que
tu bouges le doigt. Ça veut dire qu'il n'a pas... Ce n'est pas vrai,
ça. Ce n'est pas vrai. Il n'y a personne qui
peut dire qu'un employeur n'utilisera pas d'autres moyens et, comme ils
sont sans défense, ils devront, ces gens-là, aller aux normes
minimales du travail pour se faire défendre, puis dire: Écoutez,
j'ai été congédié parce que le patron voulait que
je travaille le dimanche, et je n'ai pas voulu. Allez demander à ces
gens-là, après ça, s'ils ne sont pas
congédiés parce qu'ils sont des gens qui
désobéissent d'une certaine façon au patron et, en bout de
course, vous allez vous retrouver avec des gens qui n'auront même pas
d'assurance-chômage avec la loi fédérale qui est
passée, qu'ils veulent passer.
Vous voyez comment les gens ne sont pas des volontaires autrement que
des volontaires forcés. Moi, j'appelle ça du forçat, M. le
Président. Des gens comme ceux-là, dans un contexte de trois ans,
vous allez me faire accroire qu'ils vont avoir l'assurance de ne pas être
congédiés parce qu'ils ont refusé de travailler le
dimanche? Aïe! Mon oeil, hein!
M. le Président, nous avons devant nous un projet de loi
ficelé à la dernière minute. Le gouvernement essayait de
faire comprendre et de faire accroire au monde que ça va créer de
l'emploi, que ça va donner plus d'emplois, que le monde va pouvoir
travailler, que la mère de famille, enfin, va pouvoir aller travailler
le dimanche, que l'étudiant va pouvoir enfin travailler la fin de
semaine puis le dimanche.
M. le Président, c'est de la foutaise. Nous avons le même
gâteau. Nous serons plusieurs à le partager, ce
gâteau-là. Ça veut dire que nous allons avoir de plus en
plus de gens à emplois précaires, à emplois qui sont des
emplois rémunérés au salaire minimum, des emplois a des
gens qui n'auront pas d'autre choix, s'ils veulent additionner un tout petit
peu plus d'argent que ce que leur mari gagne ou ce que leurs parents leur
donnent pour aller aux études, que ces gens-là seront soumis
à des pressions immenses, sans aucune défense.
Et moi, je ne peux pas accepter ça. Si nous demandons un report,
c'est évident que nous utilisons le règlement pour empêcher
que le projet de loi passe. Ça, il ne faut pas s'en cacher. Le
règlement nous le permet. Pourquoi se défendre d'utiliser le
règlement? Nous le faisons parce que nous croyons que le ministre doit
réfléchir davantage, que les membres du gouvernement, que ce sort
comme ministre ou comme simple député, comprennent que passer ce
projet de loi, à ce moment-ci, sans aucune autre forme que le
mémo nous indiquant les bons côtés, en termes d'emplois, en
termes d'argent, si ce mémo du ministre est le seul document qu'il nous
donne pour baser sa décision, M. le Président, vous savez
très bien que ça n'a pas de bon sens.
Vouloir ensuite nous dire qu'il va y avoir plus d'argent de
dépensé. Quelqu'un me disait, dans les discussions que j'ai eues
avec eux autres: Écoutez, M. le député, vous savez
très bien que, dans le fond, ce que le gouvernement est en train de
faire, c'est qu'au lieu de dépenser lui-même et de faire des
déficits, il voudrait nous forcer, d'une certaine façon,
subtilement, à faire ce déficit-là à leur place.
Autrement dit, à dépenser davantage en utilisant ma carte de
crédit. Autrement dit, ce que le gouvernement fait, c'est que le
déficit que je ne veux pas faire: Faites-le donc, vous autres, les
citoyens, sortez donc votre argent! Puis, si vous n'en avez pas, utilisez donc
votre carte de crédit, puis vous allez emprunter pour la payer
après ça. C'est un peu ce que le gouvernement demande aux gens,
c'est de les inciter à dépenser.
J'aurai l'occasion de revenir sur le fond même du projet de loi,
M. le Président, mais je vous indiquerai une chose. Avec l'ouverture du
Club Price à Trois-Rivières, nous sommes devant le fait suivant:
C'est que des gens, le dimanche, vont devoir, maintenant, ou pouvoir, d'une
certaine façon, aller utiliser ce petit moment de l'après-midi
pour aller magasiner. Qu'est-ce que les gens vont faire, M. le
Président? Ils vont en profiter pour aller acheter des choses qu'ils
paient un peu plus cher à Grand-Mère, au dépanneur, chez
Métro à Grand-Mère ou chez IGA. Qu'est-ce qu'ils vont
faire? Ils vont faire comme bien des gens trouveront peut-être normal de
faire. Ils vont aller dépenser au Club Price pour acheter une
série de boites de Kleenex, une série de papier de toilette, une
série de boîtes de ci, de boites de ça, envoyé donc,
puis ils vont revenir dans le coin à Grand-Mère. Donc, qui va
avoir un déficit, M. le Président? Ce n'est pas le Club Price.
Ça va être les gens de ma région qui vont voir leurs
dépanneurs en difficulté, leur magasin familial en
difficulté, qui vont faire en sorte, finalement, de se retrouver avec
beaucoup moins d'emplois. (16 h 30)
Quand le député de Louis-Hébert nous indique que
nous sommes contre les emplois, qu'il m'explique donc, d'abord, dans ce
cas-là, pourquoi le ministre des Forêts refuse un investissement
de 35 500 000 $ de Kruger dans ma région, créant 680 emplois,
sans une cent du gouvernement, M. le Président, simplement parce que le
ministre accepterait qu'il transfère le bois à
Saint-Séverin plutôt que de le laisser à La Tuque,
demandé par tout le monde. Ça, c'est de la création
d'emplois, M. le Président. Pas en pensant, comme le ministre le dit,
que ça va créer plus d'emplois, ça va faire
dépenser plus d'argent à du monde en ouvrant les magasins le
dimanche, M. le Président.
Dans ce contexte-là, je ne peux pas faire autrement que d'appuyer
mon collègue, le leader de l'Opposition, qui demande au ministre un
temps de réflexion davantage, puis, dans le fond, de reporter cette
discussion-là à la session du printemps qui vient, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, merci, M. le
député de Laviolette. Sur la même
motion du leader de l'Opposition officielle, je reconnais maintenant M.
le député d'Orford.
M. Robert Benoit
M. Benoit: Merci, M. le Président. Vous comprendrez que je
voterai contre la motion de report pour différentes raisons. Cette loi
59, elle est une loi importante. Elle est une loi importante, d'abord parce que
l'ensemble de la population très largement nous a indiqué que
c'était une bonne loi.
Quand 80 % d'une population... C'est très rare qu'on atteint des
niveaux comme ceux-là au niveau des sondages, non pas un, non pas deux,
mais trois sondages, même faits par les gens qui sont opposés
à l'ouverture le dimanche, admettent maintenant que l'ensemble de la
population québécoise, que les consommateurs réalisent ce
que l'Opposition ne semble pas réaliser, qu'il y a un besoin d'ouvrir
les commerces le dimanche.
Ce n'est pas bien, bien compliqué à comprendre, ça.
Quand on voit les gens, parce qu'on est fermés chez nous, dans les
villes, alentour des États-Unis, près des États-Unis,
descendre aux États-Unis, fin de semaine après fin de semaine,
bien, je vais vous dire que, chez nous, les commerçants aimeraient mieux
que ces gens-là achètent dans notre région plutôt
qu'à quelques milles, l'autre bord de la barrière.
M. le Président, quand le ministre, qui est un très bon
ministre de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie, qui est reconnu
partout, qui a été invité, la semaine dernière,
à prendre la parole à Harvard University... C'est un bon ministre
qui a pris les intérêts supérieurs du Québec, pas
d'aujourd'hui, du temps qu'il était à la SDI, du temps qu'il a
été un homme d'affaires. Pas de ce monde que j'entends parler, de
l'autre bord, qui n'ont jamais créé une entreprise dans leur vie,
qui n'ont jamais vécu avec la préoccupation quotidienne
d'opérer des entreprises. Le ministre de l'Industrie, du Commerce et de
la Technologie a d'abord été un homme d'affaires. Il a
été ensuite un haut fonctionnaire et il est maintenant le
ministre de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie. Il a
été élu démocratiquement dans un comté qui
s'appelle le comté d'Outremont.
M. le Président, le bien commun passe par l'ouverture des
commerces le dimanche. Vous savez, quand on parle de changement, on peut le
provoquer, le changement. On peut décider qu'on va être une
machine à créer le changement. Ce n'est pas ici qu'on veut
faire... On peut, d'autre part, résister au changement, ce que
l'Opposition essaie de faire. J'écoutais tantôt le
député de Joliette s'énerver le plumet un petit peu,
là. Il résiste au changement. Il sait pertinemment qu'il y a une
brèche dans le barrage et que tout ça va être
emporté à plus ou moins long terme, mais il essaie de
résister. Ou bien il peut faire ce que des gens raisonnables,
intelligents, qui veulent le bien de leur population... s'ajuster au
changement.
C'est là que le Parti libéral se situe dans ce
débat, s'ajuster au changement. Je vais vous donner des exemples. La
messe de minuit, depuis aussi loin qu'on se souvienne, c'était à
minuit. Bien, l'Église catholique, dans mon village, cette année,
la messe de minuit, elle va être à 23 heures, pour toutes sortes
de raisons, vous allez me dire. Vous avez raison. L'Église catholique,
dans ma paroisse, s'est ajustée à un changement. Cette
année, ils ont décidé que la messe de minuit va être
à 23 heures. On peut être d'accord ou pas, mais il y a eu une
évolution des choses, et c'est ça, s'ajuster au changement.
Alors, ces gens-là, M. le Président, qui, depuis quelques
heures, vont continuer à le faire, nous disent à peu près
la fin du monde si on ouvre le dimanche. Cette attitude négative, que
j'ai entendue pendant des mois et des mois, pendant la commission
parlementaire. Ils n'écoutaient pas, à la commission
parlementaire, je vous rappellerai ça. Notre ministre est arrivé
en commission parlementaire, en disant, avec les libéraux qui
étaient là - j'étais un de ceux-là: Vous,
messieurs, mesdames, qui allez venir nous présenter des mémoires,
on va vous écouter. On va essayer d'ajuster notre projet de loi, au fur
et à mesure de l'évolution des mémoires. Moi, je suis
arrivé là, je vais vous dire franchement, je n'avais pas trop
d'opinion. Je venais d'être élu et je me disais: Je vais
écouter, ensuite je vais me faire une opinion assez solide et je vais
m'en tenir à cette opinion-là.
L'Opposition est arrivée. Dès la première
journée, ils sont allés en conférence de presse. Ils ont
dit: Peu importe ce que le monde va dire, ici, nous autres, on est contre. On
est contre et on va être contre. Bien, ils ont été contre
et ils sont encore contre, puis ils vont être contre peu importe ce qui
va se passer. Je leur rappellerai et je leur lirai tantôt quelques
éditoriaux du Québec, parce que l'ensemble des
éditorialistes sont neutres dans le débat. Ils n'ont pas, eux,
à être pour ou contre. Ils n'ont pas à défendre des
populations. Ils n'ont pas à faire, finalement, ce que l'Opposition fait
en ce moment. Et «c'est-u» drôle - j'en lirai, tantôt,
des passages - eux, les éditorialistes du Québec, des grands
penseurs, ils sont pour. Ils sont pour l'ouverture des commerces le dimanche,
M. le Président.
Je vous rappellerai aussi que j'ai eu l'occasion de parler à un
certain nombre de députés péquistes qui viennent nous
parier et qui nous disent: Chez vous, il y a une zone touristique, vous ouvrez
le dimanche. Nous autres, on aimerait bien ça avoir une zone touristique
chez nous. On aimerait ça. Alors, il y a un bon nombre de
députés qui non seulement aimeraient ça mais qui en ont
demandé au nom de leur population et qui pensent que leurs commerces
devraient ouvrir. Il y en a un autre que j'ai vu,
M. le Président, en commission parlementaire, et, ça,
ça a été l'euphorie ultime. Celui-là, il est
arrivé en commission parlementaire et il avait manqué un peu le
débat, au début. Il n'avait pas lu les journaux. Alors, il a eu
le malheur de dire qu'il était pour l'ouverture des commerces le
dimanche. Il était de l'Opposition. Alors, il a fait toute sa
série d'arguments, et je trouvais que c'était brillant, que
ça se tenait. Alors, lui, il était pour l'ouverture des commerces
le dimanche, et je vous dirai qu'on ne l'a jamais revu. Alors, ils se sont
assurés qu'on ne le revoie pas parce que, lui, il s'était
adonné à dire que sa population, elle était pour
l'ouverture des commerces le dimanche. On ne l'a jamais revu en commission
parlementaire.
M. le Président, ces gens qui sont un peu coquins, ils font leur
job. Quand tu es dans l'Opposition, il faut que tu sois contre. Qu'est-ce que
tu veux? Ça fait partie de la démocratie. Ils nous disent tout le
temps, constamment: Les petits vont fermer, M. le Président. Ça,
c'est un mythe qu'on cultive. Je vous dirai que, par les temps qui courent,
j'aimerais mieux avoir une petite entreprise qu'une très grosse
entreprise. Il me semble que c'est pas mal plus facile de contrôler les
coûts, de contrôler toutes les dynamiques d'une entreprise quand on
est moins gros. Contrairement à ce qu'ils nous ont dit en 1990, au
moment de la commission parlementaire, ce n'est pas les petits qui ont
fermé, M. le Président, c'est les gros qui ont fermé.
Steinberg, ce n'était pas exactement le plus petit au Québec.
Dans mon comté, depuis cette commission parlementaire, il y a eu
six dépanneurs qui ont ouvert. Quand je les visite, ces
dépanneurs-là, de quoi je m'aperçois, M. le
Président? C'est ceux qui ont dynamisé leur entreprise qui ont
fait quelque chose. Ce n'est pas le gars qui est juste assis là, qui
voit ses ventes de cigarettes baisser et qui se plaint de son sort, mais c'est
celui qui a décidé de faire du bon pain et, le dimanche matin, de
vendre du bon pain dans son dépanneur. C'est ceux-là qui vont
bien, M. le Président. C'est ceux-là qui ont relevé le
défi de l'excellence. C'est ceux-là qui ont décidé
d'engager des gens qui voulaient un peu plus que les autres. C'est
ceux-là qui ont fait qu'on a six dépanneurs de plus dans mon
comté depuis le débat sur les heures d'ouverture.
M. le Président, il y a une dame qui était venue en
commission parlementaire nous dire que la qualité de vie, on pouvait la
regarder de deux façons. Il y a un député, tantôt,
qui nous a parlé de son fils. Je suis sympathique à cette
dimension-là. C'est pour ça que, dans le projet de loi, il ne
sera pas obligé d'aller travailler le dimanche, son fils. Mais il y a
cette mère de famille qui était venue à la commission
parlementaire, qui nous avait dit... Et j'invite quelques-uns des gens de
l'Opposition à parier avec leur secrétaire. Qu'est-ce qu'elle
nous avait dit? Elle avait dit: Moi, je finis de travailler vers 17 h 30, 18
heures. Il faut que je coure au magasin. Tout ça est fermé ou
à la veille de fermer. Avez-vous déjà été,
messieurs, mesdames de l'Opposition, dans une épicerie, le jeudi soir,
voir la bousculade absolument incroyable qu'il y a dans une épicerie?
Ça n'a pas d'allure. Pourquoi? Parce que ces dames-là, si elles
veulent avoir une qualité de vie avec leur mari, avec leurs enfants, il
reste rien que le samedi pour faire ces jobs-là. Cette femme-là,
ce qu'elle nous avait dit quand elle était venue en commission
parlementaire, c'est: Laissez-la-moi donc, à moi, ma qualité de
vie! Moi, s'il fait beau, je vais aller skier le dimanche et je vais faire
l'épicerie le samedi, mais s'il faut beau le samedi, je vais
peut-être aller en ski le samedi et je vais peut-être faire
l'épicerie le dimanche. Elle avait dit: La qualité de vie, ce
n'est pas l'affaire des gouvernements, c'est l'affaire des individus.
Laissez-nous donc, nous, les consommateurs, nous, les citoyens, décider
de la description de la qualité de vie. Enlevez-vous donc de là!
Et puis, moi, je pense, je suis allé en politique... Et combien de gens
nous disent continuellement: Le gouvernement, il est bien trop dans nos vies
quotidiennes. Bien, c'est le plus beau cas où on n'a pas d'affaire dans
la vie quotidienne des gens. (16 h 40)
M. le Président, chez nous, à Orford, on a une zone
touristique. Ça a été la première, après le
débat sur les heures d'ouverture, qui fut reconnue. Moi, ce
débat-là, je l'ai vécu et je me disais: Bien, ces
gens-là, ils devraient venir chez nous. La qualité de vie, elle
n'est pas inférieure chez nous. Ce n'est pas vrai. Les gens qui
travaillent le dimanche, bien, ils ont congé le lundi, et il n'y a
personne sur les plages, et c'est plaisant. Et les enfants, ils ont des
congés, aussi, des lundis. Il y a des tables de... En ce moment, dans
les écoles, ils peuvent participer à des activités
familiales tout à fait extraordinaires. Et puis, il y a des commerces...
On ne les obligera pas, les commerces. Moi, j'ai un commerce, chez nous, qui
vend des meubles, M. le Président. Il n'a jamais ouvert le lundi. Il a
le droit d'ouvrir le lundi. Lui, il ouvrait le samedi, et il fermait le
dimanche et il fermait le lundi. Son personnel voulait ça comme
ça. Et c'est un des meilleurs magasins de meubles dans mon coin. Il n'a
demandé la permission à personne pour fermer le lundi; il a
fermé le lundi. Il n'y a rien qui l'empêchera, dans la loi, de
fermer le dimanche, de fermer le lundi et d'ouvrir le samedi. C'est la
liberté. Est-ce que ce n'est pas ça que les gens nous demandent,
M. le Président? Des fois, je me demande s'ils vivent sur la même
planète que moi.
Tous nos voisins, de l'Est, de l'Ouest et du Sud - et si on en avait
dans le Nord, probablement qu'ils feraient la même chose - tous nos
voisins, sans exception, maintenant, ouvrent le dimanche. Et nous, on est
là et on dit: On est
bien différents. Ce n'est pas vrai, M. le Président, les
consommateurs, vous en avez... Toutes les études démontrent que
les consommateurs ont les mêmes réflexes dans tous les pays du
monde, et on n'est pas différents, ce n'est pas vrai. 80 % des citoyens
veulent l'ouverture des commerces le dimanche. 40 %, et ça, c'est le
chiffre qui m'a le plus impressionné dans les dernières
études que nous avons, 40 % des voyages aux États-Unis, 40 % des
voyages de 24 heures aux États-Unis se font le dimanche. Ça veut
dire quoi, ça? Ça veut dire que les commerces sont fermés
chez nous et que les gens s'en vont magasiner aux États-Unis, ils s'en
vont au Nouveau-Brunswick, ils s'en vont en Ontario. C'est autant d'emplois -
d'emplois - qu'on n'a pas, de ventes qu'on n'a pas.
M. le Président, dans la loi existante, dont on a
hérité du PQ, il faut l'admettre, il y avait toutes sortes de
choses qui étaient non gérables là-dedans, qui
coûtaient un prix extraordinaire. On me donnait des chiffres, il y a
quelques jours, de tout près de 1 000 000 $ par année, pour
contrôler des lois dont nous avions hérité. Ou bien on
gérait la loi à partir du nombre de pieds carrés, ou bien
par le nombre d'employés, ou bien on essayait de faire des liens entre
le vieux et le neuf, ou bien il y avait une clause de 50 $. C'était une
loi qui était dispendieuse et compliquée à gérer,
alors que la nouvelle loi aura beaucoup moins d'embûches et va laisser
les choses beaucoup plus ouvertes. Encore là, est-ce que ce n'est pas
ça que les citoyens nous demandent, de faire des lois qui sont simples,
qui sont proaction, qui sont dynamiques?
Et j'y reviens encore une fois, M. le Président, parce que
j'arrive du monde des affaires, j'ai passé ma vie dans le monde des
affaires. On n'oblige pas les gens à ouvrir, on n'oblige pas les gens
à fermer; les gens décideront. Les gens d'affaires, dans un
centre d'achats, pourront, eux, décider qu'il n'y a pas de business
à faire dans ce coin-là du pays le dimanche; il n'y a rien qui
les empêchera de fermer. Mais, l'autre bord de la rue, il y a un groupe
qui pense qu'il aura de l'ouvrage, qu'il aura des choses à faire; il
ouvrira. Sur la rue principale, à Magog, alors qu'on a le droit d'ouvrir
le dimanche, Paul Sauvé, le Centre de la mode Sauvé, il n'a
jamais ouvert. Il ne veut pas ouvrir, parce que sa clientèle est une
clientèle âgée. Il ne dépend pas du tourisme. Il
dit: Moi, je n'ouvrirai pas. Il a le droit de le faire et il aura le droit de
le faire. On ne l'obligera pas à ouvrir son commerce. Ce n'est pas une
obligation, c'est une permission que cette loi va donner.
Moi, M. le Président, j'ai été élu membre
d'une formation qui s'appelle le Parti libéral. Et le Parti
libéral, c'est une donnée fondamentale: c'est de pousser et de
promouvoir les libertés et les responsabilités, et c'est ce que
cette loi nous permet de faire. Tantôt, le député nous
parlait des jeunes. Bien, je veux en parler, des jeunes, parce que je suis le
responsable, au bureau du premier ministre, du dossier «jeunes». Et
je veux vous rappeler que, à la commission parlementaire qui avait eu
lieu, quand les jeunes du Parti libéral sont venus, ils nous ont
rappelé qu'ils étaient pour l'ouverture des commerces le
dimanche, parce que, souvent, c'était d'abord des emplois pour eux, et
c'était une des rares périodes où ils avaient, quand ils
étaient aux études, le temps d'aller magasiner. Alors, les gens
de notre Commission-Jeunesse, ils étaient pour et ils sont encore
pour.
Je finirai, M. le Président, en vous rappelant que M. Claude
Béland, le président du Mouvement Desjardins, nous rappelait
d'acheter chez nous. On connaît que M. Béland est assez
près de l'Opposition, et c'est correct, je n'ai pas de problème
avec ça. Mais si M. Béland nous dit, d'un côté, de
favoriser l'achat chez nous, bien... J'espère que l'Opposition, elle
écoute ça, parce qu'en fermant le dimanche, c'est 40 % des gens
qui s'en vont magasiner aux États-Unis. Bien, ça, ce n'est pas de
l'achat chez nous. Et, on aura beau se gargariser tant qu'on voudra avec les
beaux discours, M. le Président, la réalité
économique, c'est que 40 % des gens s'en vont aux États-Unis, au
Nouveau-Brunswick et en Ontario. Les statistiques sont là.
Le maire de Montréal, le maire de Montréal, qui est tout
de même un sympathisant de l'Opposition - je pense qu'il n'y a personne
qui va dénier cela - c'est quelqu'un qui est assez près de
l'Opposition... Encore là, je suis capable de vivre avec ça, je
n'ai pas de problème. En 1990, il était contre les ouvertures de
commerce, le dimanche. Eh bien, maintenant, il est pour, M. le
Président, parce qu'il réalise que les dimensions
économiques de sa ville passent par l'ouverture des commerces le
dimanche. Et ça, c'est le maire de Montréal.
Je finirai, M. le Président, en vous lisant deux
éditoriaux: un premier en français; l'autre, parce qu'il y a
maintenant un député anglophone au Parti
québécois... Il y aura une phrase aussi, je ne veux pas
l'oublier, il y aura une phrase en anglais pour le député
anglophone. Ce sont des éditoriaux du Québec. Ça n'a pas
été écrit dans d'autres provinces, ça a
été écrit par des concitoyens du Québec, qui vivent
avec des enfants, qui ont des familles, qui, eux, feront des choix. Ils
décideront d'y aller ou de ne pas y aller le dimanche, mais ce qu'ils
nous disent... Je vous cite l'éditorial du Soleil. Il finit en
disant, en parlant de l'Opposition: «Sa collaboration permettra
d'éviter une foire d'empoigne dont l'économie du Québec
ferait les frais». Dont l'économie du Québec ferait les
frais! Je vous invite à le lire, cet éditorial-là. Et, en
anglais, The Gazette dira: «The party - ils parlent toujours de
l'Opposition - the party discredited himself by choosing the victory over the
opportunity to give a shot in the arm to the
economy.» En français, c'est que quand tu fais de
l'opportunisme avec des lois comme celle-là, c'est l'économie qui
va s'en ressentir, c'est les gens, parce qu'on vendra moins, il y a des
emplois, des emplois d'attachés à ça.
Et je finis en vous disant, M. le Président, que je voterai
contre la motion de report, parce que 80 % des Québécois sont
pour cette nouvelle loi. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le
député d'Orford. Alors, sur cette motion de report du leader de
l'Opposition officielle, M. le député de Labelle, je vous
rappelle, et c'est à vous que je cède la parole, qu'il reste
à votre formation une période de 41 minutes. Vous ne pouvez pas
faire plus que 30 minutes sur votre propre intervention. Allez-y, M. le
député de Labelle.
M. Jacques Léonard
M. Léonard: Merci, M. le Président. M. le
Président, étant donné que les commerces sont ouverts tout
le mois de décembre, je vous demande: Qu'est-ce qui presse en ce moment?
Qu'est-ce qui presse, parce qu'en janvier et en février, on assiste aux
mois à peu près les plus creux de l'année, sur le plan du
commerce. Alors, qu'est-ce qui presse, en ce moment, ce gouvernement, tout
à coup, de brimer ou de forcer l'adoption, à ce moment-ci?
Je pense qu'il y a des questions de fond qui se posent. Ce qu'on peut
soupçonner, c'est un peu ce qui se dit dans les couloirs, c'est qu'ils
ont peur que l'opposition s'organise avec le projet de loi qu'il y a là.
Ils veulent le passer à toute vapeur. Probablement que le débat
de deuxième lecture va se finir cette nuit, et puis qu'on adoptera, en
deuxième lecture, qu'on l'adoptera en deuxième lecture, cette
nuit. Comme d'habitude, fin de session, ils veulent escamoter le débat.
Et puis, après, ça sera une commission parlementaire où
nous verrons bien.
Mais, M. le Président, la motion de report a justement pour but
de prendre un certain nombre de semaines, un certain nombre de mois - trois
mois - pour qu'on puisse évaluer ce projet de loi. Le gouvernement
prétend que 80 % de la population est d'accord avec son projet de loi.
J'ai eu l'occasion d'établir ce matin que, lorsque l'on demande à
un consommateur: Est-ce que vous seriez d'accord que les magasins soient
ouverts 24 heures par jour, 7 jours par semaine? On répond: Oui, si
c'est possible, très bien. On a le service, c'est parfait. Mais
lorsqu'on demande au consommateur d'examiner les conséquences pratiques
de son projet de loi, là, ça devient tout autre, parce que si on
lui dit que, comme conséquence, son conjoint ou sa conjointe
travaillerait, que ses enfants devraient travailler le dimanche, que
lui-même serait amené à travailler une journée de
plus dans sa semaine, la réflexion commence à poindre un peu plus
parce qu'il est pris personnellement dans le dossier. Et ce sont des choses
auxquelles on ne réfléchit pas nécessairement
d'emblée, dès le départ, parce que je me suis posé
la question, quant à moi: Est-ce que ce serait une bonne chose si les
commerces ouvraient le dimanche? Je pense que, même si le premier
mouvement, ce serait qu'un service aussi généralisé que
celui-là serait une bonne chose, on en vient à une certaine
conclusion, à force de réflexion. Aujourd'hui, ce que nous
constatons, c'est que plus le temps passe, plus la population est mise au
courant des conséquences de l'adoption de ce projet de loi, plus les
appuis s'effritent, plus l'opposition grandit. (16 h 50)
Je mettrai en garde le gouvernement d'aller quand même dans ce
débat, d'aller de l'avant dans ce projet de loi s'il n'est pas
supporté par la population, parce qu'il pourrait assister à des
réveils considérables. M. le Président, j'ai eu l'occasion
d'intervenir ce matin en deuxième lecture. Il y a un certain nombre
d'éléments sur lesquels j'ai insisté. Il y en a d'autres
que je pourrais faire valoir. Bien sûr que le débat n'est pas
terminé et que ces trois mois de réflexion autour d'un sujet qui
avait fait l'objet de débats considérables, depuis les
années 1985, mais particulièrement en 1989-1990, il faut
constater, à ce stade, que le gouvernement fait volte-face, une
volte-face complète parce que son principe, en 1990, c'était
justement de ne pas ouvrir de façon généralisée le
dimanche.
Il invoque, à l'appui de sa position, certains problèmes
qu'il n'a pas explicités davantage, mais qu'on peut soupçonner.
J'en prendrai un, tout d'abord, celui du commerce transfrontalier, parce que
beaucoup de députés gouvernementaux révoquent. Je voudrais
rappeler la position de M. Scott, le président de la
fédération canadienne des détaillants, qui a bien
établi que, finalement, ce qui était important, ce n'était
pas les heures d'ouverture le dimanche, en ce qui concerne le commerce
transfrontalier, c'était le taux de change et les différences de
taxes entre les produits achetés au Québec et les produits
achetés aux États-Unis, notamment.
M. le Président, je pense que le gouvernement, ayant
convoqué une commission sur la fiscalité au mois de
février, ayant demandé à la population
québécoise de lui envoyer des mémoires sur cette question,
je pense qu'il serait bon que, justement, on analyse les effets de la
fiscalité sur le niveau de commerce transfrontalier. C'est un
élément majeur que celui de la fiscalité. En
réalité, le gouvernement a introduit une réforme sur la
fiscalité en catimini, pas à pas, sans demander une
évaluation, sans même faire de commission parlementaire digne de
ce nom sur la question, avec le résultat qu'à mon sens il s'est
gouré complètement.
En Europe, en particulier, les pays ont eu
tendance à uniformiser la taxation. Les taxes TPS, pays
après pays, la tendance, c'est l'uniformisation des taxes à la
consommation, la TPS ou la TVA, comme on dit en Europe, notamment, et de
laisser à chacun des pays beaucoup plus de marge de manoeuvre en ce qui
concerne l'impôt sur le revenu, par exemple, l'impôt sur les
profits des corporations, mais particulièrement l'impôt sur le
revenu, pour que chacun ajuste les sommes qu'il veut dispenser dans le domaine
de la santé et des affaires sociales, dans le domaine de
l'éducation.
Ici, M. le Président, on est allé à l'inverse. On a
baissé l'impôt sur le revenu. Lorsque nous regardons la tendance
fiscale ou les tendances fiscales depuis quelques années, on a
baissé l'impôt sur le revenu et on a augmenté la taxation.
L'effet, c'a été que notre capacité concurrentielle, en
termes de consommation avec les Américains, a été
modifiée à notre désavantage, ce qui explique l'explosion,
la flambée de la contrebande, à l'heure actuelle, et ceci se
vérifie en particulier sur des produits comme l'alcool, le tabac,
l'essence et un certain nombre d'autres produits très taxés.
Nous sommes allés, au Québec, de par les décisions
prises par le ministre des Finances, qui est un amateur en la matière,
exactement à l'inverse de là où on devait aller. Il fera
une commission sur la fiscalité au mois de janvier, et je pense que
lorsque nous traitons à l'heure actuelle du niveau des achats
transfrontaliers faits par les Québécois, en particulier aux
États-Unis, ce que je viens de dire est d'une importance capitale. Et je
crois que le gouvernement, avant d'aller plus loin et de faire porter le poids
de ses décisions en ce qui concerne la fiscalité et ses
conséquences sur les petits commerçants et de modifier notre
structure commerciale, d'affecter de façon significative notre structure
commerciale pour l'avenir, je pense qu'il devrait arrêter, justement,
trois mois. Il prend ça comme une entrave à son action que nous
proposions une motion de report; c'est une chance que nous leur donnons de
réfléchir avant d'aller de l'avant par rapport à la
population québécoise, parce que lorsqu'il se targue d'un sondage
chez les consommateurs - avec une question tout à fait
générale à laquelle il est tout à fait normal de
répondre oui - pour modifier les équilibres dans la structure
commerciale du Québec, je pense qu'il fait fausse route et qu'il
devrait, au contraire, se poser des questions beaucoup plus fondamentales que
celle-là.
Un des grands arguments qui sont invoqués, c'est l'augmentation
du chiffre de vente. Bien, M. le Président, lorsque nous regardons tous
les éléments que nous avons en main, ça n'a aucun effet
sur le volume des ventes que l'ouverture des heures d'affaires. Ce que
ça a comme effet, surtout, c'est de répartir les ventes sur sept
jours plutôt que sur six. Ça, c'est un effet important. Important.
Mais, sur l'ensemble, ça n'en a pas, d'effet. Et j'ai eu l'occasion de
distribuer un tableau où ma courbe est beaucoup plus longue que celle du
ministre, qui s'en tient seulement à quelques trimestres alors que nous
sommes remontés, à l'aide de mes recherchistes... Je n'ai pas
tout un ministère, mais, à l'aide de nos recherchistes, nous
sommes remontés 10 ans en arrière et nous avons très bien
vu que les ventes par rapport à l'Ontario évoluaient de
façon cyclique alors que les heures d'affaires n'étaient
aucunement au dossier. Alors, le ministre n'augmente pas son crédit
quand il établit une position aussi importante que celle-là sur
des séries statistiques aussi courtes et aussi quand il ne voit pas
ailleurs beaucoup d'autres éléments qui peuvent intervenir dans
le chiffre de vente ou la variation des ventes à la consommation entre
l'Ontario et le Québec.
M. le Président, cette question de l'augmentation possible ou de
l'hypothèse d'une augmentation de 1 % du chiffre des ventes ici, au
Québec, par suite de l'élargissement des heures d'ouverture des
commerces ne résiste pas à l'analyse, absolument pas. Il s'agit
d'un mémo d'autojustification pour le ministre beaucoup plus que d'une
étude, parce que ce n'est pas une étude digne de ce nom.
Et je pense que le gouvernement devrait s'arrêter aussi aux
conséquences sur la structure commerciale du Québec. Les heures
d'affaires sont les mêmes pour tous, et lorsqu'il élargit les
heures d'affaires il favorise un groupe de commerçants au
détriment des autres. Il favorise un groupe de commerçants au
détriment des autres. Je prendrai simplement le Club Price. (17
heures)
Je n'ai rien contre Club Price, à condition qu'il respecte nos
lois et nos législations. Alors, Club Price a connu une expansion
considérable avec les heures d'affaires que nous avons. Elles n'ont pas
été un empêchement à son expansion; au contraire, il
s'en est très bien tiré dans les circonstances actuelles, avec la
réglementation actuelle. Qu'est-ce que veut donc Club Price? Il veut
établir ici le modèle américain, établir le
modèle des autres ici. Je pense qu'il peut le demander, mais, de
là à céder, c'est une autre chose, parce qu'en ce faisant
le ministre les favorise, en termes concurrentiels, par rapport à
d'autres.
Un des éléments importants de la structure de coût
des commerces, c'est évidemment les salaires. Dans le cas de
l'entreprise familiale, du commerce familial, il est sûr que les deux
conjoints jouent un rôle important. Par le fait que le ministre
élargisse les heures d'affaires, les deux conjoints devront travailler
sept jours à deux, durant sept jours, ou bien, s'ils n'acceptent pas de
travailler sept jours, ils devront engager pour se faire remplacer. Cela,
inévitablement, inexorablement, va alourdir la structure de leurs
coûts et miner leur capacité concurrentielle. Ça veut dire
qu'une grande chaîne ou une grande
surface comme Club Price vient d'accentuer sa capacité
concurrentielle par rapport aux petits commerces, par rapport aux
dépanneurs. Le ministre les favorise. Ça, c'est
inéquitable.
M. le Président, je crois que dans ce dossier, il y a beaucoup
d'éléments qui doivent venir sur la table. Le gouvernement doit
reprendre la consultation qu'il a faite, doit entendre des intervenants qui
viennent maintenant dire qu'ils sont contre, qu'ils sont catastrophés
par rapport à la position du ministre, et il doit admettre qu'il a fait
volte-face lui-même. Lui-même a fait volte-face et, dans ces
circonstances, il doit laisser toute la latitude à la population du
Québec de s'exprimer.
La motion de report que nous déposons est une chance que nous lui
donnons de se raviser. C'est comme ça qu'il doit la prendre et non pas
être insulté parce que des parlementaires lui demandent,
justement, de prendre du temps pour expliquer sa propre volte-face. M. le
Président, je pense que nous devrions, nous devons adopter cette motion
de report.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le
député de Labelle. M. le député de Drummond, je
vous cède la parole. Vous intervenez sur la motion de report du leader
de l'Opposition officielle. Je vous rappelle qu'à titre de
député indépendant, vous pouvez intervenir jusqu'à
un maximum de 10 minutes.
M. Jean-Guy St-Roch
M. St-Roch: Je vous remercie, M. le Président. Je vais
prendre avis que ce qui se conçoit bien s'énumère
facilement. Alors, je ne prendrai peut-être pas les 10 minutes.
Je dois vous admettre, lorsque j'ai pris la décision d'aller
siéger comme député indépendant et lorsque j'ai
envisagé la session et la très brève session que j'aurais
à vivre, à la fin de 1992, loin était de moi l'idée
que j'aurais à me prononcer et à débattre, en cette
Chambre, encore une fois, le sujet des heures d'ouverture. J'aurai l'occasion
au courant de la soirée et probablement de la nuit d'intervenir sur le
fond du problème.
Mais vous savez, j'aimerais vous dire que, lorsqu'on fait face à
une situation économique aussi drastique que celle que nous avons
à vivre présentement, qui se dégrade depuis la mi-avril
1990 au niveau économique, bien souvent, on essaie de chercher des
bouées de sauvetage qui pourraient au moins donner l'illusion que la
reprise est là. Une phrase de Cocteau m'est revenue qui est celle-ci:
Puisque cette situation nous dépasse, disait Cocteau, feignons de
l'avoir organisée. C'est ce qui me revient à l'idée
lorsque je vois ce débat que nous allons reprendre, encore une fois.
Feignons d'avoir organisé une reprise économique.
M. le Président, il y a des choses qui changent au Québec.
C'est vrai qu'il y a des choses qui changent au Québec, puis elles
changent drastiquement devant la mondialisation et l'internationalisation. J'ai
eu l'occasion, lors du débat sur la loi 75, à un moment
donné, après avoir parcouru aussi toutes les auditions,
après avoir réfléchi sur le sujet, d'avoir quitté
la commission de l'économie et du travail et de ne pas avoir
participé ici au vote, comme j'ai eu l'occasion de le signaler à
mon premier ministre, à quelques occasions, ce sera le regret de ma
carrière politique d'être demeuré dans mon bureau au lieu
d'avoir voté contre la loi 75.
Mais les temps changent, M. le Président. Il serait
peut-être bon aussi de regarder certaines variables. La première
chose qu'on essaie de justifier, puis pourquoi ce serait bon un report de trois
mois, on m'a remis, à un moment donné, à titre de
député indépendant, pour que je puisse me prononcer sur le
dépôt de ce projet de loi 59 à cette Assemblée, une
étude que je qualifierais d'hypothèse de travail.
Alors, j'aimerais qu'on approfondisse, M. le Président... moi,
dans un report de trois mois, à l'aide d'une commission parlementaire,
parce qu'une des données que je trouve... Et au point 2, qui, selon les
données disponibles du MIC, les montants dépensés par les
résidents québécois pour leurs achats
outre-frontière, axe Sherbrooke-Montréal, ont
représenté, en 1991, plus de 2 100 000 000 $.
M. le Président, si c'était vrai en 1991, moi, je me
questionne pour 1992. Étant un député de terrain, quand je
regarde la «map» du Québec, l'autoroute 10 des
Cantons-de-l'Est à partir de Bromont, cette année - et
c'était vrai pour la plupart des municipalités l'année
dernière: Bromont, Granby, Sutton, Magog, jusqu'à la
frontière - les magasins étaient ouverts le dimanche en 1991 et
1992. Alors, j'aimerais, moi, qu'on approfondisse pour savoir, pour comprendre
pourquoi, si on a dépensé 2 100 000 000 $ dans l'axe
Montréal-Sherbrooke lorsque les magasins étaient ouverts, bien,
quelle est la raison qui pousse les consommateurs à aller magasiner vers
les États-Unis?
J'aimerais comprendre aussi parce que, depuis quelques mois, on comprend
davantage aussi le phénomène du vieillissement de la population.
Le député de Labelle mentionnait qu'avec ses quelques
recherchistes il avait été obligé de
«sommariser» sur 10 ans. Vous allez vous imaginer, M. le
Président, pour un député indépendant, avec le
bureau de recherche que j'ai, qu'on a mis à ma disposition depuis le 4
septembre, que c'est très mince. Mais il y a une chose, moi, que
j'aimerais: durant cette période-là, qu'on ait la chance
d'approfondir en tant que parlementaires, parce que mes petites recherches
personnelles m'ont amené à penser qu'il y a un changement profond
qui est en train de se passer au niveau du vieillissement.
Puis je vais vous donner quelques chiffres,
M. le Président, peut-être pour éclairer ce
débat-là. Les plus de 45 ans - puis il y en a plusieurs ici, dans
cette Assemblée - ont représenté 30 % de la population en
1991-1992. Puis, lorsque je regarde les statistiques, moi, en l'an 2000, qui
est dans 7 ans, 37,5 % de la population seront des 45 ans et plus. Puis, en
économie, on dit toujours que, lorsqu'on regarde le vieillissement de la
population, 45 ans est l'âge limite parce qu'on passe, à ce
moment-là, à une épargne négative. On consomme
jusqu'à 45 ans puis, lorsqu'on s'en va plus vers les 60, 65 ans, on
commence à préparer notre avenir et notre carrière. Puis,
quand je regarde, moi, le vieillissement de la population, je m'aperçois
que de 1991 à juillet 1992 - tout récent - l'épargne qu'on
investit dans nos fonds de pension, à préparer notre pension de
vieillesse, est passée de 49 000 000 000 $ à 65 000 000 000 $.
Est-ce que ce ne serait pas une des raisons pour qu'on consomme un peu mieux
devant le vieillissement pour préparer notre retraite? Puis, quand je
regarde les prévisions qu'on nous fait pour l'an 2000, dans 7 ans, M. le
Président, on pense que 250 000 000 000 $ iront dans des fonds communs
de placements au niveau de nos REER. Je suis convaincu, moi, que ça va
avoir un impact, ça, dans nos heures d'affaires, dans notre commerce de
détail, qu'il y a un changement profond. Raison de plus d'obtenir une
commission parlementaire, d'avoir des auditions pour qu'on puisse approfondir
ces quelques données.
Vous savez, M. le Président, on a fait la loi 75. Moi, ce
à quoi je me serais attendu en tant que parlementaire, ayant un gros
bureau de recherche, qu'on ait produit une analyse après deux ans de
recul, et dire: Voici les impacts de la loi 75, M. le député de
Drummond. La loi 75, lorsqu'on a libéralisé davantage le
commerce, a eu l'impact x sur l'emploi des dépanneurs. On a des
chaînes qui ont fermé, on a des grandes surfaces, on a un grand
détaillant qui a disparu aussi. J'aurais aimé, moi, qu'on me
donne l'impact parce que, encore là, avec mon petit bureau de
recherche... Puis c'est confirmé par les deux centrales syndicales, la
CSN et la CSD, lorsqu'on regarde en 1990 dans le commerce du détail, et
principalement l'alimentation, 60 % étaient des emplois
précaires. Deux ans après, on est rendu à 70 %.
Quand on regarde l'échelle salariale de tout le commerce au
détail, M. le Président, on remarque qu'il y a seulement 19,2 %
qui sont syndiqués. Ah! je peux peut-être comprendre, moi, la
position d'une certaine grande centrale à l'heure actuelle, qui a
complètement renversé sa situation, d'après ce que j'ai
entendu d'eux. Les TUAC, ce qu'ils sont venus nous dire, M. le
Président, à la loi 75, c'était que la qualité de
vie des travailleurs était importante, et là on prend un virage
de 360 degrés pour dire qu'il faut libéraliser. J'aimerais
entendre, moi, M. le Président, la CSN, la CSD, les TUAC dire: Mais
pourquoi ce «revirage»-là? Je pense qu'on serait capables
ici, à ce moment-là, en tant que parlementaires, de prendre des
décisions éclairées.
Pour ceci, M. le Président, j'aimerais, à ce moment-ci,
moi, justifier, parce que j'ai dit que je ne prendrais pas tout mon temps -
parce que je viens aussi, comme M. le député d'Orford, du monde
financier et de l'industrie; on est habitués d'aller au fond du
problème - j'aurais six petites recommandations, et une septième
qui se voudra plus globale, pour confirmer pourquoi je suis en faveur d'une
motion de report. (17 h 10)
Premièrement, j'aimerais qu'on fasse une analyse, moi, d'impact
sur les finances du gouvernement, sur l'emploi et sur le commerce de
détail, dans la foulée de la loi 75; deuxièmement, la
vulnérabilité de certains secteurs du commerce de détail.
Parce que, quand j'aurai eu l'occasion de revenir... Dans le fond, il y a un
grand secteur qui a 1 200 000 000 $, on va en faire sauter encore 30 % à
40 %, il y aura peut-être encore 250 000 000 $ d'impact sur les finances
négatives, sur les finances. J'aimerais, moi, qu'on ait le temps, durant
l'intersession, de nous préparer tous les sujets qui seront
l'alimentation d'une commission parlementaire. J'aimerais aussi, M. le
Président, qu'on analyse la situation de la location et des revenus
financiers des centres d'achats, parce qu'il y a peut-être un changement
d'habitudes des consommateurs. On y va peut-être un peu moins, dans les
centres d'achats, pour aller réoccuper les centres-villes et pour avoir
les services beaucoup plus personnalisés. Alors, moi, j'aimerais qu'on
fasse l'analyse: Quelle est la situation maintenant des grandes surfaces au
Québec et qui en sont les grands détenteurs? Or, on serait mieux
en mesure de comprendre l'évolution du commerce.
J'aimerais aussi, comme je l'ai signalé brièvement, savoir
l'impact du vieillissement de la population sur le commerce au détail.
Lorsque je regarde les chiffres que j'ai cités sur l'épargne, il
n'y a aucun doute que cela aura un effet sur le montant d'argent disponible
à la consommation.
Et, finalement, comme je l'ai cité aussi, dans l'axe
Québec-Sherbrooke, à mon grand étonnement, concernant les
magasins qui sont ouverts le dimanche, on dit qu'on dépense encore 2 100
000 000 $. J'aimerais qu'on approfondisse et qu'on ait, à
l'intérieur de cette commission parlementaire, les raisons qui incitent
les Québécois et les Québécoises à aller
magasiner dans tout ce qu'on appelle transfrontalier, que ce soit le
Québec, l'Ontario ou les États-Unis. Il doit y avoir une raison
pour ça. Or, j'aimerais qu'on approfondisse.
Comme vous voyez, M. le Président, on a encore beaucoup
d'inconnus devant nous cet après-midi pour être capables de
prendre, nous, les parlementaires, une décision éclairée.
Lorsque
j'entends certains collègues, moi, citer des sondages qui disent
que les consommateurs sont au courant, oui. Moi, si on me demande
«Aime-riez-vous magasiner sept jours par semaine?», je vais dire:
Oui, sept jours par semaine, 24 heures par jour, suivant mon bon désir.
Mais seulement lorsqu'on prend le temps d'expliquer les inconvénients,
comme j'ai eu la chance de le faire à la commission parlementaire lors
de l'étude de la loi 75, on découvre les conséquences.
C'est tellement vrai, M. le Président... Je vais mettre qui que ce soit
au défi, moi, d'aller faire une consultation générale chez
nos étudiants du primaire et de dire: Est-ce que vous aimeriez recevoir
une palette de chocolat avec une liqueur douce le matin et le midi? Ça
va être 95 % qui vont dire oui. Est-ce que c'est bon pour eux? Est-ce que
c'est logique? Ça, c'est une autre question.
Vous me signalez que mon temps est écoulé, M. le
Président. La dernière chose que je demande, moi, au ministre de
l'Industrie et du Commerce et à notre premier ministre aussi... On
fête 200 ans de parlementarisme, ici, dans cette Assemblée.
J'entends beaucoup de collègues, moi, qui me disent: Ne lâche pas
parce que ce n'est pas bon d'ouvrir le dimanche. Alors, j'espère, M. le
Président, que le ministre de l'Industrie et du Commerce ou le premier
ministre, en conclusion de tout ça, avec un report de trois mois, nous
dira, quelque part au printemps, lorsqu'on prendra le vote sur la loi 59... Le
vote, que ce soit un vote libre, qu'on connaisse réellement le pouls de
chacun et chacune. Je vous remercie, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le
député de Drummond. Sur cette même motion de report, M. le
député de Masson.
M. Yves Biais
M. Biais: Merci beaucoup, M. le Président. Je voudrais
dire d'abord que, de l'autre côté, le député Doyon,
M. le député de Louis-Hébert, nous a fait un discours dans
une sorte de sainte colère. D'ailleurs, c'est un bon orateur. Il a fait
une sainte colère tantôt pour nous dire que nous étions des
gens qui mettions des bâtons dans les roues des législateurs.
C'est très difficile d'accepter ça, quand on est des
législateurs, de se faire dire par un autre que, faire notre devoir, ce
n'est pas correct.
On amène une motion de report. Le leader de l'Opposition
amène une motion de report. C'est notre devoir. Et il dit qu'il voit,
par cette motion de report, qu'on ne veut pas que cette loi-là passe. Il
se réveille sur le tard. Il se réveille sur le tard. D'abord, on
a voté pour une des premières fois, moi, depuis que je suis
à l'Assemblée nationale, sur le dépôt en
première lecture. On a demandé un vote nominal en plus parce
qu'on voulait absolument marquer qu'on était contre et que le
gouvernement en place, il voulait passer cette loi-là. Ça lui
prenait le consentement de l'Opposition parce que nous sommes contre. Disons
qu'il se réveille un peu tard. Ça, cette motion de report, c'est
pour vous dire une deuxième fois, dans une deuxième volée
oratoire - on aime ça, donner des volées au ministre de
l'Industrie et du Commerce - que nous sommes contre. Et, pour ce faire, si vous
voulez que cette loi-là passe à tout prix, eh bien, vous n'avez
qu'à lever les règles, sinon elle ne passera pas. On ne donnera
pas notre consentement. Je pense que c'est évident, là. Bon.
Cependant, il y a une chose qu'on doit se dire. C'est par devoir que
nous faisons ces motions-là, pour en parler, parce que, vu que vous avez
besoin de notre consentement, on aurait pu parler deux ou trois personnes,
s'asseoir puis attendre, puis dire non en troisième lecture. Mais par
devoir, pour expliquer aux gens les faux pas que vous faites, on se doit de
prendre la parole dans cette Chambre.
M. le Président, il y a quelques bons côtés à
ouvrir les magasins le dimanche. Il y a des côtés positifs
à ouvrir les magasins le dimanche. Cependant, ces petits
côtés de bénéfices qui sont là ne sont rien
à côté des inconvénients qu'ouvrir le dimanche
apporte à la population du Québec. Alors, il faut balancer les
deux: d'un côté, on crée quelques petits avantages
éventuels; de l'autre côté, on parle un peu plus largement
des désavantages ou des choses négatives.
Pourquoi ce gouvernement nous arrive-t-il, aujourd'hui, avec cette loi
d'ouvrir les commerces le dimanche? Ce gouvernement n'a pas de
législation, ensuite, il veut faire croire... Il n'a pas de programme
législatif pour mousser l'économie et il nous arrive avec une loi
qui occupe le temps, sachant que l'Opposition est contre. Ça meuble les
heures de la Chambre, et le gouvernement passe pour un gouvernement qui
légifère beaucoup, ce qui, virgule, dit-il, virgule, est
absolument faux, point d'exclamation, M. le Président!
Les côtés négatifs peuvent se résumer en
trois. Premièrement, le gouvernement ne prend pas sa
responsabilité de faire respecter la société distincte du
Québec. Le gouvernement actuel, par cette loi, manque à sa
responsabilité de faire respecter le caractère distinctif du
Québec en Amérique du Nord, échec après
échec constitutionnel que les Québécois ont refusé
et que, très souvent, les premiers ministres du Québec ont
refusé. C'était la première fois qu'il y en avait un qui
disait un oui aussi retentissant, et le peuple lui a dit un non très
retentissant après. Ottawa a essayé de faire du Québec une
société comme les autres. Québec n'est pas une
société comme les autres et, du côté commercial, du
côté commerce, on n'est pas comme les autres non plus. 72 % de nos
commerces sont des petits commerces indépendants, seulement 28 % sont
des
grandes chaînes - chiffre d'affaires parlant -tandis que c'est le
contraire dans à peu près tout le Canada et, aux
États-Unis, c'est exactement l'inverse. On est distinct. En ne pouvant
pas nous rendre dans le melting-pot nord-américain par des lois
constitutionnelles refusées par la population, bien, il essaie, de
façon légale, c'est-à-dire législative, de nous
rentrer dans ce melting-pot, ce que nous, nous ne voulons pas faire. Nous
voulons garder notre caractère dis-tinctif, première raison.
Deuxième raison. Le gouvernement a la responsabilité,
qu'il ne prend pas, de respecter toutes les classes du tissu social du
Québec, y compris le consommateur et les commerçants. Ça,
il ne les prend pas, ses responsabilités.
La troisième raison principale, le gouvernement ne prend pas sa
responsabilité ministérielle, premièrement, de faire
respecter ses propres lois et, deuxièmement, d'être un
gestionnaire de l'État de façon efficace. Ça, c'est les
trois grandes raisons qui font que le gouvernement fait ça pour mettre
un peu de poudre aux yeux. On jurerait qu'ils ont soufflé ce qu'on
appelle le «fog» en Angleterre. Cette loi-là est comme de la
brume qu'il veut mettre devant sa gestion et devant son manque de
responsabilité de faire observer ses propres lois.
C'est simple. Disons que le premier cas, la société
distincte, on a tous compris que, si on veut nous mettre dans un melting-pot
ici, on est contre. Le deuxième cas, protéger toutes les classes
du Québec et le tissu social québécois, les consommateurs
et les commerçants. Vu que nous avons des petits marchands
indépendants qui ont 72 % du chiffre d'affaires, ça veut dire
qu'on a une mentalité différente, et ces gens-là doivent
être protégés par notre législateur. Il ne faut pas
que les grandes surfaces, les amis du système ou des gens qui font des
pressions et du lobbying soient les gens privilégiés par un
législateur qui doit s'occuper de toutes les classes de la
société et de toutes les classes de commerçants de la
société aussi.
C'est bien sûr que, bon an mal an, si on dit: J'aimerais ça
qu'ils soient ouverts tout le temps... Moi, le samedi, mettons que je n'ai rien
à faire et que je devrais, normalement, aller faire des emplettes, bien,
je vais dire: Ah, ça va être ouvert demain. Bien, je fafinerai
chez nous en robe de chambre et j'irai rien que le lendemain. C'est sûr
que c'est un petit bénéfice de pouvoir y aller 7 jours sur 7, ou
même 24 heures par jour, mais, ça, si ça enlève la
vie culturelle, l'identité de ce que nous sommes et la vie sociale, si
ça brise le tissu social dans lequel on a vécu...
Il y a eu quelques exceptions depuis les débuts de la colonie. Le
dimanche après-midi, le magasin général du village
ouvrait. Pourquoi? C'était le seul magasin. On s'en venait à la
messe avec nos berlots et, là, on allait au magasin
général faire nos emplettes et, quand la messe était
finie, une heure et demie après, on s'en allait chez nous.
C'était ça. Il y a juste les gens du village qui pouvaient
participer à ça. Bien, si on prend l'excuse de la tradition que,
ancestralement, le magasin général était ouvert, il ne
faut tout de même pas exagérer. (17 h 20)
Mais il y a un exemple, sur le tissu social, qui est donné de
façon tangible par les SIDAC. Les SIDAC sont des gens qui sont contre
l'ouverture. Il y en a beaucoup qui sont contre. Pour faire une petite
nomenclature, très vite: la Corporation des marchands de meubles du
Québec - c'est beaucoup de monde - la Fédération
canadienne de l'entreprise indépendante, section Québec,
l'Association des marchands détaillants de l'est du Québec, la
Corporation des bijoutiers - on ne peut pas dire qu'il n'y a pas de joyaux, au
moins, dans la nomenclature de ceux qui sont contre - l'Association des
détaillants en alimentation du Québec, le Regroupement des SIDAC
du Québec. Il y en a bien d'autres, mais c'est de ça que je veux
parler.
On a eu une lettre... le ministre a eu une lettre le 2 novembre. Ils ont
envoyé une lettre à M. le ministre le 2 novembre; on en a tous
une copie. Aujourd'hui, il n'y a plus rien de confidentiel. Si on ne l'a pas
par lettre, apparemment, il y en a qui se chargent de les prendre dans les
voitures, sur les téléphones cellulaires. Eh bien, on a eu cette
lettre-là de façon normale. Je ne pense pas qu'on soit
accusés d'être interpellés par la police. Eh bien, voici.
Ils disent, eux, et ils le disent très bien: Le tissu social, le tissu
culturel du Québec serait affecté. Ça, ça
représente 5000 commerçants. Ce n'est pas deux
commerçants, ça, c'est 5000 commerçants des coeurs des
villes. D'ailleurs, on a dépensé de l'argent, les gouvernements
du Québec, pour les Revicentres, et on leur a dit: Groupez-vous ensemble
pour vous protéger contre les grandes surfaces. On a
dépensé des sommes astronomiques, comme gouvernement,
là-dedans, de notre côté comme de votre côté.
Et aujourd'hui on entretient aussi les SIDAC et on les aide. Et là, vous
allez venir passer une législation qui va faire effacer tout le
côté bénéfique des investissements que les
gouvernements ont faits.
En tout cas, comme vous le savez déjà, le Regroupement des
SIDAC du Québec représente 37 SIDAC et associations de gens
d'affaires, 5000 commerçants qui exercent sur des artères
commerciales des centres-villes urbains du Québec, conscients de
l'évolution de la société québécoise - ce
n'est pas des gens arriérés, ils sont conscients que le
Québec évolue, ils le disent - mais également de la
précaire situation économique actuelle - ils se basent sur la
précarité de la situation économique; c'est absolument le
contraire de ce que le gouvernement nous dit: Parce que c'est précaire,
on va ouvrir, pardonnez-moi l'anglicisme, «at large», à
tout venant, tout de go - également de la précaire
situation économique actuelle, le Regroupement des SIDAC du
Québec réaffirme ses réserves quant à l'ouverture
des commerces le dimanche. La petite entreprise qui devra ouvrir ses portes
plus d'une semaine va avoir des frais. Et ils disent: II en résultera
donc pour le commerçant plus de dépenses que de revenus, avec
risque accru de faire des faillites - et il y en a à la tonne, c'est des
records.
En parlant, aussi, de records, le député de
Louis-Hébert disait qu'on cumulait les déficits. Bien, là,
ça fait deux ans de suite que vous avez des déficits records de
tous les temps. Arrêtez donc de nous dire qu'on a fait des
déficits quand on était là, parce que vous nous avez eu
dans le rapport Guinness, vous avez pris notre place il y a très
longtemps. Ça fait que, arrêtez de nous mettre sur le nez qu'on a
fait des déficits. On a eu une crise plus forte en 1981-1982 que celle
que vous subissez actuellement. C'était une baisse de moins 5,4, tandis
qu'aujourd'hui elle est de moins 2,4. Et vous êtes plus bas et plus
déficitaires qu'on l'a été. On a été des
meilleurs gestionnaires. Ça fait que, arrêtez de nous remettre sur
le nez ce qui est arrivé il y a sept ans, huit ans et neuf ans. Si on a
fait des choses pas correctes - ça peut arriver - ça fait sept
ans que vous pouvez les corriger. Commencez à les corriger avant de nous
accuser de ce qu'on a fait. Ne dites pas à Napoléon qu'il n'a pas
découvert le Mexique ou qu'il n'a pas découvert l'Amérique
du Sud, il est mort ça fait longtemps, ça ne lui fera pas
grand-chose. Ça fait sept ans que vous êtes là, vous
autres, votre septennat. Le deuxième est commencé, alors
«septennez-vous» comme il faut, mais retenez-vous de temps en temps
aussi.
Et ils disent également: La résultante la plus probable
sera plutôt un réaménagement des parts de marché
entre les grandes surfaces dont les centres économiques et sociaux sont
hors Québec. Pensez que Club Price, il prend beaucoup de son
alimentation «direct from U.S.A.», directement. Ça ne donne
pas bien, bien de chance aux patates du Québec de se vendre, et aux
carottes de nos cultivateurs, ça. «Made in U.S.A.» beaucoup,
beaucoup! Et puis, aussi, la restriction... Je vais revenir tantôt. Il
reste combien de temps, M. le Président, là?
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Trois minutes.
M. Biais: Eh Seigneur! Bien, disons que, eux, ils disent:
Également, la destruction du cadre social maintenu par la loi actuelle
créerait une grande lassitude tandis que, si la loi s'en vient, les
impératifs humains de la société québécoise
s'en trouveraient dramatiquement changés. L'éclatement des heures
d'affaires risque d'avoir une incidence moyenne sur l'éclatement des
familles et sur la société. C'est à considérer,
ça. Je vois la ministre de la Condition féminine.
L'éclatement des familles peut découler d'une ouverture sept
jours... des droits des femmes, je veux dire, de sept jours par semaine
d'ouverture.
Il y a, en plus, M. le Président, comme je vous le disais
tantôt, les commerçants. Le gouvernement ne prend pas la peine,
n'est pas bon gestionnaire parce qu'il ne collecte pas ce qu'il devrait
collecter. Plutôt que de prendre ses responsabilités, il a perdu
le contrôle absolu de la collecte de la taxe sur tous les marchés
aux puces qui ouvrent le dimanche. C'est simple, pourtant. C'est simple
à faire. Il n'a qu'à demander au locateur de demander un permis
et il n'aurait pas le droit de louer s'il n'a pas un permis de taxe du
Québec pour aller là. Ils ne le font pas, ils ne prennent pas
cette responsabilité-là.
Ensuite, Jean Coutu, le 50 $ limite, Jean Coutu, il n'a jamais voulu. Il
n'a jamais voulu. Les pharmacies au Québec, quand on parle de ça
aux gens de l'Europe qui viennent nous visiter, c'est des grands magasins
généraux. Ils vendent dans un petit coin, un petit coin.
Ça fait qu'on vend des bas de soie, des jambons. Là, ils vont
vendre des voyages! Bien, ils veulent avoir la permission, M. le ministre; ils
vous l'ont demandée. D'ailleurs, il est bien possible qu'ils fassent des
dons généreux à certains musées si cette
loi-là passe. Et si ces dons généreux là arrivent,
bien, il faut que quelque chose se passe. Le 50 $ tombe. Ils veulent vendre des
voyages à la machine le dimanche, de 300 $, 500 $. Alors, pour ce faire,
il faut absolument qu'ils aient la permission, le nihil obstat
législatif libéral. Alors, ça, c'est incroyable, parce que
ça détruit toutes les petites agences de voyage. Ça
détruit le tissu social québécois, et ce n'est pas
correct. On est une société distincte ou on ne l'est pas. Il faut
qu'on protège ça, c'est le devoir du législateur.
Ensuite, le fouillis des quatre employés, là. C'est
incroyable comme les responsabilités ne sont pas prises
là-dedans! C'est un fouillis. Puis on a trouvé toutes sottes de
trucs pour faire semblant que c'est un grand, grand centre d'achats et on fait
tous des petits. Alors, le gouvernement n'a pas de contrôle sur
ça, ne prenant pas ses responsabilités. Puis, ensuite, il ne
collecte pas non plus, il ne collecte rien. Il ne collecte pas sur le tabac,
sur l'alcool, les marchés aux puces, le travail au noir, bon.
Le gouvernement, dès qu'il a un problème, dès qu'il
n'est pas capable de faire un gestionnaire efficace, productif et qui serait
bénéfique envers la population québécoise, il nous
amène une loi pour effacer son manque de responsabilité et nous
envoie dans un autre trou noir. Et, c'est nous qui allons vous succéder,
c'est sûr. Bien là, on va arriver là et ça va
être des trous noirs partout. Une chance, M. le Président, qu'il y
a une équipe du tonnerre de ce côté-ci pour prendre la
relève. Je vous remercie.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le
député de Masson. Alors, je reconnais le prochain intervenant. M.
le ministre de l'Industrie et du Commerce, il reste encore une période
de 15 minutes à votre formation.
M. Gérald Tremblay
M. Tremblay (Outremont): Alors, je vous remercie beaucoup, M. le
Président. J'ai écouté attentivement le
député de Labelle ainsi que les députés de
l'Opposition, et le député de Drum-mond. Je dois vous dire que
j'entends les mêmes arguments qu'en 1990, rien de nouveau. Et j'ai
nettement l'impression qu'il n'y a eu aucune évolution de l'Opposition
en fonction de changements importants qui ont eu lieu au Québec et
à l'extérieur du Québec au cours des dernières
années.
À titre d'exemple, M. le Président, à cause de la
loi 75, qui prévoyait la possibilité pour certains commerces,
dans le secteur de l'alimentation, d'ouvrir hors des heures normales, avec
quatre employés plus une personne préposée à la
fabrication de produits de pâtisserie ou de boulangerie, une personne
préposée à la sécurité, ainsi que le
mandataire et/ou son représentant, certaines surfaces ont
interprété cette disposition de la loi pour leur permettre
d'ouvrir 24 heures par jour, 7 jours par semaine. Une des raisons pour
lesquelles nous voulons actualiser la loi, c'est justement pour protéger
les petits commerçants, les petits commerçants qui pourront, dans
un contexte de dépannage, opérer hors des heures prévues
présentement ainsi que les jours fériés. (17 h 30)
Également, il y a certains abus au niveau des marchés aux
puces. Et c'est la raison pour laquelle, dans le projet de loi, les vendeurs de
marchandises usagées, donc les marchés aux puces, devront
dorénavant se conformer au régime général
d'ouverture des commerces. Donc, M. le Président, plus d'exceptions pour
les marchés aux puces. L'Opposition pourrait dire: Oui, mais c'est votre
responsabilité parce que vous avez créé une exception avec
le 50 $. Alors, je rappellerai à l'Opposition de regarder les petits
changements qu'elle était prête à apporter au projet de loi
75. Il y avait une disposition pour permettre aux marchés aux puces
d'ouvrir avec des biens divers neufs de 20 $, à ce moment-là.
M. le Président, on ne peut pas s'isoler au Québec. Il se
passe des choses hors du Québec. J'en conviens, que certains
députés de l'Opposition veulent réellement qu'on soit une
société distincte, mais pas une société pauvre, pas
une société où le développement économique
est ralenti de façon importante. Les preuves ont été
soumises. Les Québécois, 6 154 000 Québécois sont
allés faire des achats aux États-Unis en 1991. Ils ont
dépensé 2 100 000 000 $. Nous n'avons pas dit que tout cet argent
serait dépensé au Québec. Ce que nous disons, c'est
uniquement que 150 000 000 $ des 2 100 000 000 $ seraient possiblement
dépensés au Québec.
En ce qui concerne les ventes au détail, il faut regarder un peu
ce qui s'est passé en Ontario, ce qui se passe au Nouveau-Brunswick,
depuis la fête du Travail, et, également, ce qui se passe au
Manitoba. Au Manitoba, avec la complicité de l'Opposition, on fait
adopter une disposition rétroactive au 29 novembre pour permettre aux
commerces d'ouvrir un dimanche qui est important. Alors, dans ce
sens-là, M. le Président, nous croyons que les ventes au
détail augmenteraient de 448 000 000 $ au Québec.
L'Opposition dit: Non, pas 1 %. L'augmentation des ventes en Ontario, ce
n'est pas uniquement le fait de l'ouverture des commerces depuis six mois, le
dimanche. J'en conviens. C'est la raison pour laquelle nous n'utilisons pas 2,6
%, mais 1 %. Nous considérons nos chiffres comme très
conservateurs, et je ne vois pas comment un gouvernement qui peut permettre une
augmentation des ventes de l'ordre de 600 000 000 $, pour les petits
commerçants et les gros commerçants également, pourrait
s'objecter à une telle mesure.
Le député de Labelle, avec la complicité de son
leader, veut reporter l'étude pendant trois mois. Des études et
des études. Alors, je me rappelle, il y a deux ans, lorsque, avec la
députée de Taillon, nous avons actualisé la Loi sur les
heures d'affaires, à ce moment-là, la députée de
Taillon disait au ministre de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie:
Pourquoi les commissions parlementaires? Ça fait des années que
vous colligez de l'information. Ayez donc le courage de prendre des
décisions. Ce soir, ce que j'entends, c'est la même rengaine.
Quand on ne veut pas prendre de décision, on fait des commissions
parlementaires. On fait des études. C'est ce que l'Opposition
suggère au gouvernement et, dans ce sens-là, nous disons: Non.
Nous disons: Non, M. le Président, parce que nous avons
rencontré, au cours des quatre derniers mois, les représentants
de la coalition pour ainsi que les représentants de la coalition
contre.
Je dois vous dire que nous avons un consensus important. J'entendais un
député, tout à l'heure, parler des SIDAC. Très
important, les SIDAC au Québec, j'en conviens. La ville de
Montréal a investi des dizaines de millions de dollars pour revitaliser
les artères commerciales, et voici, M. le Président, que la ville
de Montréal, où il y a énormément de SIDAC, s'est
levée, par le biais de son maire, M. Doré, et a dit: Oui, nous
sommes favorables à l'ouverture des commerces le dimanche.
Le Conseil québécois du commerce de détail,
ça ne représente pas uniquement des grandes
surfaces, ça représente également des petits
commerçants. Nous n'avons jamais dit que le Conseil
québécois du commerce de détail, c'était unanime.
Il y a eu une discussion au conseil d'administration et, de façon
majoritaire, dans le meilleur intérêt de tous les
commerçants au Québec, le Conseil québécois a dit
oui à l'ouverture des commerces le dimanche. il ne faut pas oublier, m.
le président, les consommateurs et les consommatrices. des sondages
importants ont démontré que près de 70 % des consommateurs
et des consommatrices sont favorables à l'ouverture des commerces le
dimanche, et lorsqu'on inclut la clause de volontariat, on parle de 80 % des
consommateurs et des consommatrices. j'entendais le député de
labelle dire: je vous mets au défi de me nommer un quincaillier qui
serait favorable à l'ouverture des commerces le dimanche. alors, parlons
de val royal, parlons de brico centre.
Le 29 novembre... Je me suis demandé, M. le Président,
pourquoi l'Opposition s'objectait au 29 novembre. Il me semble qu'en 1990 et en
1991, il y avait quatre dimanches avant le 25 décembre. Cette
année, exceptionnellement, il n'y a que trois dimanches. Alors, nous
avons cru bon de recommander une disposition rétroactive dans le projet
de loi pour permettre aux commerces d'ouvrir le 29 novembre. L'Opposition, par
une obstruction systématique, s'est opposée à ce que des
commerçants puissent ouvrir le 29 novembre. Certaines données
financières démontrent que ces commerçants ont perdu un
chiffre d'affaires de 78 000 000 $.
J'ai nettement eu l'impression, après ce débat à
l'Assemblée nationale, que l'Opposition était
intéressée à ce que la situation économique se
détériore davantage. Pourquoi, M. le Président? Parce que,
de plus en plus, certains membres de l'Opposition, pas tous, s'identifient aux
devises suivantes: La fin justifie les moyens et, également, mentez, il
en restera toujours un petit quelque chose.
Nous avons discuté des heures d'affaires pendant 220 heures en
1990. Donc, une obstruction, M. le Président, systématique de
l'Opposition...
M. Chevrette: M. le Président.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): M. le leader de
l'Opposition officielle.
M. Chevrette: M. le Président, d'abord, je vous avoue
très honnêtement que j'aurais le goût de vous demander de
faire retirer les paroles du ministre, mais ceci dit, M. le Président,
il faudrait juste rappeler, je pense, qu'il a déposé son projet
de loi le 26 novembre a 3 heures et qu'il voulait avoir l'approbation de
l'Assemblée nationale pour le 29. Franchement, là, si ce n'est
pas ça induire une Chambre en erreur en utilisant les vrais
termes...
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Vous êtes sur une
question de règlement, M. le leader.
M. Chevrette: Oui. Induire une Chambre en erreur de façon
délibérée et de façon aussi sciemment faite que l'a
fait le ministre, ça prend du culot pour accuser les autres de
menteurs.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): M. le leader du
gouvernement.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, M. le Président. Pour
tenir le type de propos que le leader de l'Opposition vient de tenir, ça
prend quelqu'un qui a très peu de respect pour notre
règlement.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, d'un
côté comme de l'autre... S'il vous plaît! Alors, vous
êtes à la limite, d'un côté comme de l'autre, de ce
que permet le règlement. J'ai laissé aller le ministre parce que
c'était une espèce de figure de style en disant: J'ai
l'impression que l'attitude de l'Opposition officielle... et vous avez fait
référence à des proverbes qu'on connaît. Sauf, M. le
ministre, que je vous rappellerai que, vous aussi, vous étiez sur le
bord d'être en dérogation avec nos règlements, en vertu
d'une décision qui a déjà été rendue, que
vous ne pouvez faire indirectement ce que vous ne pouvez faire directement.
Alors, je vous demanderais d'être prudent.
M. Tremblay (Outremont): M. le Président, comme je le
mentionnais tout à l'heure, je me suis réellement posé la
question, et je me la pose encore, parce que, quand je suis à
l'Assemblée nationale, à la période des questions,
l'Opposition ne me pose pas de question de nature économique, et j'ai
l'impression que l'Opposition préfère que le ministre de
l'Industrie, du Commerce et de la Technologie vienne discuter pendant des
heures et des heures du débat sur les heures d'affaires, parce que le
gouvernement, au niveau économique, est trop performant. Et parce que le
gouvernement est performant, l'Opposition panique. Alors, la performance du
gouvernement n'est pas à faire au niveau de la capitalisation des
entreprises, au niveau de la recherche et du développement, au niveau de
la formation de la main-d'oeuvre, au niveau des contrats sociaux et, ça,
ça tracasse beaucoup l'Opposition. À cause de la nouvelle
complicité entre les syndicats et le gouvernement, l'implantation de la
qualité totale, à toutes les fois qu'on en parle, nous n'avons,
du côté de l'Opposition, que du mépris. L'Opposition oublie
que dans la qualité totale il doit y avoir zéro mépris.
Alors, ils ne peuvent pas comprendre la qualité totale parce qu'ils ont
du mépris et de l'arrogance. (17 h 40)
Au niveau des exportations, la preuve n'est plus à faire que nos
PME québécoises contribuent davantage à l'exportation des
produits. Et en ce qui concerne l'environnement, nous n'avons qu'à
retourner au début des années quatre-vingt, où vous avez
mis en place un projet de loi sans promulguer un article qui aurait permis une
meilleure complicité entre les entreprises, le gouvernement et le
ministère de l'Environnement. C'est le ministre de l'Environnement du
présent gouvernement qui a réussi à développer
cette complicité entre tous les intervenants et les ministères
à vocation économique en promulgant certains articles qui
permettent maintenant d'avoir des dispositions claires pour favoriser le
développement économique dans le respect de l'environnement.
M. le Président, on parle beaucoup d'études, alors je
voudrais référer le député de Labelle à un
document qui a été déposé aujourd'hui par le
Regroupement québécois pour l'ouverture le dimanche; c'est une
étude comparative de l'évolution des ventes au détail du
Québec, de l'Alberta et de la Colombie-Britannique, datée du 4
décembre 1992, et préparée par le Management Horizons,
division de Price Waterhouse. Et les conclusions vont sûrement
intéresser le député de Labelle au plus au point.
J'espère que le député de Labelle va en prendre
connaissance, sinon nous nous ferons une obligation de lui rafraîchir la
mémoire lors de ses interventions futures.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): nous sommes toujours
à débattre la motion de report de m. le leader de l'opposition
officielle. mme la députée de chicoutimi, il reste à votre
formation une période maximale de 11 minutes. m. le député
de laviolette.
M. Jolivet: C'est dommage, M. le Président, c'était
pour accorder notre consentement au dépôt du document. Il nous a
demandé s'il pouvait déposer.
Une voix: Qu'il le dépose, il n'est pas
déposé, là.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Un instant, un instant!
Est-ce que, M. le ministre, vous désirez déposer le document, oui
ou non?
M. Tremblay (Outremont): M. le Président, il a
été déposé tout à l'heure.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Ah! C'est un document
déjà déposé. Allez-y, Mme la députée.
Allez-y...
Mme Blackburn: Donc...
Le Vice-Président (M. Lefebvre): ...Mme la
députée de Chicoutimi.
Mme Jeanne L. Blackburn
Mme Blackburn: Bien, M. le Président. Donc, si je
comprends, le document du ministre, c'est celui qu'il a déposé,
qui a deux pages, deux tableaux et un paragraphe. Bien!
Alors, la motion, d'abord, il faut le rappeler, vise à reporter
de trois mois l'actuel débat sur les heures d'ouverture des commerces.
Je pense que la vérité a ses droits, et il faut rappeler à
la population, aux gens qui nous écoutent que le ministre a
déposé son projet de loi le 26 pour adoption le 27. Le 26, jeudi
le 26, pour adoption le 27, pour ouvrir les commerces le dimanche 29. Parce
que, dans la loi, on ne dissociait pas l'ouverture des commerces le 29 novembre
du reste de la loi. Alors, pour pouvoir les ouvrir le 29, il fallait donner au
ministre toute la loi qui prévoyait, entre autres, l'ouverture de tous
les commerces, et tous les dimanches de l'année. S'il trouve que c'est
acceptable, ses demi-vérités, moi, je pense que c'est
inacceptable, et la population a le droit d'avoir les informations justes.
Si le ministre avait demandé d'ouvrir et, dans une loi
spéciale, de porter à quatre dimanches précédant la
période des fêtes l'ouverture des commerces, sans doute que
l'Opposition aurait dit oui. Mais c'est parce que dans cette loi, il y avait
beaucoup plus, comme nous aurons l'occasion de le démontrer.
Le ministre se désole. Il dit: L'Opposition n'a pas
évolué. Parce que, pour lui, évoluer, c'est adopter sans
distinction le modèle américain, le modèle
américain qui, faut-il le rappeler, est en faillite, le modèle
américain qui a tout sacrifié au veau d'or de la consommation,
où on retrouve un appauvrissement accru des populations, où vous
avez plus de 30 000 000 des Américains qui n'ont aucune couverture
sociale, où vous avez - j'espère que ce n'est pas ce qu'on
souhaite - un taux de violence qui est extrême aux États-Unis, qui
dépasse largement ce qu'on retrouve dans les autres pays
industrialisés. Alors, si c'est ça le modèle du ministre
et le modèle de ce gouvernement, bien fière de ne pas le
partager.
M. le Président, reporter de trois mois, c'est donner à la
population l'occasion de se prononcer sur un projet de loi qui va modifier en
profondeur nos habitudes de vie, notre structure, nos valeurs sociales et les
structures du commerce au Québec. D'abord, il faut rappeler qu'il n'y a
pas d'urgence. Le 29 novembre est passé. Ce n'est pas vrai que les
commerçants vont se battre et vont venir occuper l'Assemblée
nationale pour ouvrir les commerces en janvier et février. Le ministre
le sait. Il doit savoir un certain nombre de choses. Mais,
généralement, il est admis que ce sont les mois les plus creux en
matière de commerce. Il n'y a rien. C'est vide.
Généralement, ce que les commerçants nous disent: On est
en train de manger les bénéfices
qu'on a faits au mois de décembre. Alors, il n'y a vraiment pas
d'urgence pour ouvrir les commerces le dimanche, en janvier et février.
Je pense qu'il pourra admettre ça avec nous.
Par ailleurs, ouvrir les commerces le dimanche, en janvier et
février, pour les grandes surfaces, ça ne leur fera pas trop de
mal parce qu'ils sont prêts à perdre, même par millions de
dollars, les coûts de revient du fonctionnement de leur entreprise, ne
serait-ce que pour s'accaparer une partie plus importante des petits commerces.
On va faire en ce secteur ce qu'on est en train de faire en habitation. En
habitation, avec les taxes additionnelles, avec la fiscalité, on est en
train de revenir à un peuple de locataires. Mais, en matière
commerciale, où 72 % des petits commerces sont détenus par des
propriétaires indépendants, on va finir, si on continue dans la
démarche qu'on a entreprise et qu'on ouvre les commerces le dimanche
sept jours par semaine, on va finir par retrouver de moins en moins de petits
commerçants qui vont travailler pour les grandes surfaces. C'est
peut-être ça que ce gouvernement-là veut. Les grandes
surfaces, généralement, dans la majorité des cas, elles
sont de propriété étrangère. Est-ce que c'est
ça qu'on veut? Est-ce que c'est ça, notre projet de
société?
Revenons à présent... Je dis un débat de
société d'une importance capitale parce qu'il s'agit de la
qualité de vie des travailleurs et des travailleuses. Qui va travailler
le dimanche? Le ministre a dit: Du moment où il y a le volontariat, tout
le monde est à peu près d'accord. Il met à 70 % plus. Le
volontariat, c'est pour trois ans. Et allez me dire que, dans les entreprises
où il n'y a pas de syndicat, le volontariat va exister? Allez me dire
que, dans les entreprises où il y a un propriétaire, des fois son
épouse et deux employés, on va faire jouer le volontariat? Non.
On va faire jouer l'obligation de travailler, d'autant plus qu'avec la loi
fédérale sur l'as-surance-chômage vous avez
intérêt à vous tenir tranquilles. Débat de
société parce que la qualité de vie des travailleurs et
des travailleuses... Je ne dis pas que, moi, à l'occasion, si les
commerces étaient ouverts le dimanche, comme tout le monde dans cette
salle, ça pourrait me rendre service, mais je ne m'arroge pas le droit
de disposer de la qualité de vie de ces travailleurs et de ces
travailleuses parce que, moi, une couple de fois par année, ça
ferait mon affaire que les commerces soient ouverts le dimanche. Je n'ai pas ce
droit-là et je n'ai pas le goût de me l'arroger.
Qui va travailler le dimanche? Les femmes. Dans ma ville, moi, à
Chicoutimi, il n'y a pas de transport en commun le dimanche, il n'y a pas de
garderie le dimanche. Comment est-ce qu'elles vont aller travailler, ces
femmes-là? Probablement que ça va leur coûter des sous;
elles vont devoir travailler, sinon elles perdront leur emploi. Qui va
travailler le dimanche? Le Conseil supérieur de l'éducation a
déposé un rapport qui s'appelle «Les Élèves
au travail». Saviez-vous que 60 % des élèves au
deuxième cycle du secondaire travaillent? Et ils travaillent de 15
jusqu'à 30 heures par semaine. Ouvrez les commerces le dimanche, et
c'est ces élèves-là qu'on va retrouver dans les commerces
le dimanche. Est-ce que c'est ça qu'on veut, comme société
québécoise?
M. le Président, cette loi va venir modifier la structure
commerciale au Québec. Au Québec, on le sait, c'est 72 % des
petites entreprises qui sont propriétés d'indépendants
contre 28 % dans les grandes surfaces, à l'inverse du modèle
américain. Est-ce que c'est ça qu'on veut? Notre objectif, c'est
de développer au Québec le modèle américain? Et
rappelons une chose pour le ministre qui, tout à l'heure,
prétendait qu'on augmenterait la consommation chez nous. À
Vancouver, où les commerces sont ouverts le dimanche depuis
déjà plusieurs années, il y a six fois plus de gens de
Vancouver qui font des achats outre-frontière qu'à
Montréal, six fois plus! Ce n'est pas parce que les commerces ne sont
pas ouverts à Vancouver. Ils sont ouverts le dimanche. Et pourtant, six
fois plus de consommateurs traversent les frontières pour faire leurs
achats le dimanche. Alors, il n'y aucune garantie là-dessus. Ils disent
n'importe quoi et ils seraient prêts à faire n'importe quoi pour
sacrifier à ce que j'appelle le veau d'or de la consommation. (17 h
50)
Je sais, de l'autre côté de la Chambre, il y a plusieurs
ministres et députés qui ne sont pas d'accord avec cette loi. Je
pense que ces personnes-là devraient s'exprimer. Il faut, à
l'occasion, avoir le courage de ses opinions, avoir le courage de
défendre ses valeurs, avoir le courage de défendre ses principes.
Et ce qu'on est en train de proposer, ça risque de détruire ce
qu'on appelle le cadre social. Le dimanche, à Chicoutimi - c'est
certainement vrai dans d'autres villes du Québec - la
bibliothèque municipale n'est même pas ouverte. Si j'ouvrais
quelque chose, ça serait ça, moi. Sauf que les subventions ont
tellement été coupées au niveau gouvernemental que la
bibliothèque n'est pas ouverte. Moi, je pense qu'on devrait ouvrir les
salles de spectacles, la bibliothèque, les arenas, les galeries, un
certain nombre de services plus à caractère culturel où on
peut s'en aller avec les enfants, avec la famille et fréquenter... On
doit réserver une journée par semaine pour aller voir, ne
serait-ce que ses grands-parents, ses parents, pour peut-être inviter les
enfants à la maison. Ce n'est pas vrai qu'on doive sacrifier toutes nos
valeurs sous prétexte que ça va être rentable. Ce sont des
rentabilités à court terme. Et l'on n'aura pas
évalué ce que ça aura donné sur la
société québécoise.
Est-ce que c'est avantageux d'augmenter les possibilités pour que
les élèves travaillent au Québec quand on sait qu'il y a
40 % de décrochage, quand on sait que ce sont les garçons qui
travaillent plus? Là, on leur donne une journée pour
travailler davantage, avec le résultat, comme ce sont aussi eux qui
décrochent davantage... Est-ce que c'est ça qu'on souhaite?
Est-ce qu'on a évalué le coût du travail des
élèves et ce que ça va donner lorsqu'on va avoir ouvert
les commerces le dimanche?
M. le Président, j'ai participé à une
émission à Radio-Canada samedi, une table ronde qui a
été suivie d'une ligne ouverte. Sur une quinzaine de
téléphones, aucun, aucun, aucun n'était favorable à
l'ouverture des commerces le dimanche. Aucun. Ils admettaient tous que,
effectivement, si c'était ouvert, des fois, ça rendrait service,
mais ils n'en voulaient pas. Sur quoi se fondent les avis du ministre et ses
consultations? Je pense que cette idée, cette loi va venir consacrer une
nouvelle cassure au Québec, soit celle de Montréal et des
régions. Dans les régions, ils n'en veulent pas vraiment de cette
ouverture, à l'exception de quelques grandes surfaces, sinon ils n'en
veulent pas. Je pense que de se donner trois mois pour entendre les parties
là-dessus, sur un débat aussi fondamental, ce n'est pas une perte
de temps ni d'argent, puisque, je le rappelle, janvier, février, ce
n'est pas vraiment là que les commerces font le meilleur de leurs
affaires.
Évidemment, je suis d'accord avec la motion qui a
été déposée à l'effet de reporter de trois
mois ce débat. Il n'y a pas urgence. Je vous remercie.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, Mme la
députée de Chicoutimi. Cette intervention met fin au débat
sur la motion de report de M. le leader de l'Opposition officielle, motion que
je vais maintenant mettre aux voix.
Alors, vous demandez un vote nominal. Qu'on appelle les
députés. (17 h 54 - 18 h 1)
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Mmes et MM. les
députés, si vous voulez regagner vos banquettes, s'il vous
plaît.
Mise aux voix
Je vais maintenant mettre aux voix la motion de M. le leader de
l'Opposition officielle, qui se lit comme suit: «Que la motion en
discussion soit modifiée en retranchant le mot "maintenant" et en
ajoutant, à la fin, les mots "dans trois mois".»
Que ceux et celles qui sont en faveur de cette motion veuillent bien se
lever, s'il vous plaît!
Le Secrétaire adjoint: M. Chevrette (Joliette), Mme
Blackburn (Chicoutimi), M. Biais (Masson), Mme Marois (Taillon), M. Garon
(Lé-vis), Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve), M. Jo-Ih/et (Laviolette),
M. Baril (Arthabaska), M. Claveau (Ungava), Mme Juneau (Johnson), Mme Ca- ron
(Terrebonne), M. Dufour (Jonquière), M. La-zure (La Prairie), M. Gendron
(Abitibi-Ouest), M. Brassard (Lac-Saint-Jean), M. Léonard (Labelle), Mme
Vermette (Marie-Victorin), M. Boule-rice (Sainte-Marie-Saint-Jacques), M. Morin
(Du-buc), M. Holden (Westmount), M. Trudel
(Rouyn-Noranda-Témiscamingue), M. Beaulne (Bertrand), Mme
Carrier-Perreault (Les Chutes-de-la-Chau-dière), M. Bélanger
(Anjou). M. St-Roch (Drum-mond).
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Que ceux et celles qui
sont contre cette motion veuillent bien se lever!
Le Secrétaire adjoint: M. Paradis (Brome-Missisquoi), Mme
Gagnon-Tremblay (Saint-François), M. Rémillard (Jean-Talon), M.
Levesque (Bonaventure), M. Bourbeau (Laporte), M. Dutil (Beauce-Sud), M.
Côté (RMère-du-Loup), M. Sir-ros (Laurier), M. Vallerand
(Crémazie), M. Elkas (Robert-Baldwin), M. Tremblay (Outremont), M.
Middlemiss (Pontiac), Mme Frulla-Hébert (Mar-guerite-Bourgeoys), M.
Bélisle (Mille-Îles), M. Ciaccia (Mont-Royal), Mme Robillard
(Chambly), M. Blackburn (Roberval), Mme Bleau (Groulx), M. Houde (Berthier), M.
Maltais (Saguenay), M. Kehoe (Chapleau), Mme Trépanier (Dorion), M.
Cannon (La Peltrie), M. Philibert (Trois-Riviè-res), M. Beaudin
(Gaspé), M. Hamel (Sherbrooke), M. Doyon (Louis-Hébert), Mme
Bégin (Belle-chasse), Mme Pelchat (Vachon), M. Poulin (Chau-veau), M.
Thérien (Rousseau), M. Benoit (Orford), M. Messier (Saint-Hyacinthe), M.
Richard (Nico-let-Yamaska), M. Charbonneau (Saint-Jean), M. Bradet
(Charlevoix), M. Gauvin (Montmagny-L'ls-let), M. Gautrin (Verdun), M. Forget
(Prévost), M. Lesage (Hull), Mme Hovington (Matane), M.
Lafrenière (Gatineau), M. Bergeron (Deux-Montagnes), Mme Boucher Bacon
(Bourget), Mme Bélanger (Mégantic-Compton), M. Audet
(Beauce-Nord), Mme Cardinal (Châteauguay), M. Després (Limoilou),
Mme Loiselle (Saint-Henri), M. La-france (Iberville), M. MacMillan
(Papineau).
Le secrétaire: pour: 25 contre: 51 abstentions: 0
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, la motion de
report est rejetée.
Il est 18 heures et quelques minutes. Je suspends les travaux
jusqu'à 20 heures, ce soir.
(Suspension de la séance à 18 h 5)
(Reprise à 20 h 3)
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, Mmes et MM. les
députés, si vous voulez vous asseoir, s'il vous plaît.
Reprise du débat sur l'adoption du
principe
Nous reprenons les travaux de l'Assemblée nationale à
l'étape des affaires du jour, à l'article 6 de notre feuilleton.
Nous reprenons le débat relativement à la motion de M. le
ministre de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie proposant l'adoption
du principe du projet de loi 59, Loi modifiant la Loi sur les heures et les
jours d'admission dans les établissements commerciaux.
Je suis prêt à reconnaître le premier intervenant. M.
le député de Saint-Jean, je vous rappelle que vous avez droit
à une intervention maximale de 20 minutes.
M. Michel Charbonneau
M. Charbonneau: Merci, M. le Président. Alors, nous avons
un important projet de loi devant nous aujourd'hui. Il concerne,
évidemment, les heures d'affaires. Alors, dans le cadre du temps qui
m'est imparti, M. le Président, je me propose de faire valoir les
mérites et le bien-fondé du projet de loi 59, Loi modifiant la
Loi sur les heures et les jours d'admission dans les établissements
commerciaux.
On peut s'étonner de voir réapparaître, dans cette
Chambre, un projet de loi sur les heures d'affaires, près de trois ans
après que l'Assemblée nationale eut décidé de
statuer sur cette question. Mais il n'y a pas de quoi s'étonner si on
considère les changements, les transformations intervenues chez nos
partenaires économiques, chez nos voisins ainsi que chez nous, tant sur
le plan de la conjoncture économique que sur celui des
préférences des consommateurs.
Depuis que cette Assemblée a statué sur les heures
d'affaires, de nombreux changements sont en effet intervenus dans
l'environnement économique. Au nombre de ces changements, notons ce
qu'on appelle le commerce transfrontalier. Et j'aimerais simplement vous
rappeler que le comté que je représente, soit le comté de
Saint-Jean, est un comté immédiatement voisin des
États-Unis et touchant à l'État du Vermont et à
l'État de New York.
Il n'est pas inutile, pour se faire une idée assez juste de la
signification du commerce transfrontalier, de donner quelques chiffres, M. le
Président. Saviez-vous que le nombre de résidents
québécois effectuant des voyages de 24 heures en automobile aux
États-Unis s'est chiffré, en 1991, à 6 154 000?
Saviez-vous que, selon les données disponibles au ministère de
l'Industrie, du Commerce et de la Technologie, les montants
dépensés par les résidents québécois pour
leurs achats outre-frontière dans l'axe Montréal-Sherbrooke ont
représenté, en 1991, plus de 2 100 000 000 $? Saviez-vous
également, M. le Président, toujours en matière de
commerce transfrontalier, que la tendance observée, en 1992, sur les
voyages de moins de 24 heures aux états-unis indique une situation
à tout le moins comparable à celle de 1991? saviez-vous
également qu'entre 35 % et 40 % des voyages de moins de 24 heures en
automobile aux états-unis ont cours le dimanche? saviez-vous que, en
tenant compte de ces données, les achats outrefrontière
effectués le dimanche par les résidents québécois
sont estimés à 787 000 000 $? saviez-vous également, m. le
président, que l'ouverture des commerces le dimanche pourrait permettre
de récupérer, selon certaines estimations, enquêtes
internes et autres consultations, entre 20 % et 50 % des achats
outre-frontière effectués toujours le dimanche?
Tout ceci, M. le Président, vous donne une idée assez
juste de ce que représente le commerce transfrontalier, de ses
implications économiques. Il n'est pas la seule transformation
intervenue depuis l'adoption de la loi. Il y a également eu d'autres
transformations importantes, et je pense ici, notamment, à la
décision récente du gouvernement de l'Ontario de
libéraliser les heures d'affaires. Il a pris cette décision,
comme on le sait, dans l'espoir de réduire les achats
outre-frontière des consommateurs et, également, pour favoriser
la reprise économique.
Vous n'êtes pas sans savoir, M. le Président, que la
consolidation de la reprise dépend largement d'une reprise de cette
consommation. Les consommateurs hésitent également à
consommer de nouveau, ce qui n'est pas sans retarder la consolidation de la
reprise économique qui s'amorce. Quels que soient les motifs qui ont
amené le gouvernement ontarien à opter pour une
libéralisation des heures d'affaires, cette situation n'est pas moins
sans conséquences sur notre économie et, en particulier, notre
économie transfrontalière à l'ouest, c'est-à-dire
en Ontario. Ainsi, M. le Président, lorsqu'on regarde aux alentours, on
constate que les consommateurs québécois sont les seuls à
ne pas pouvoir bénéficier d'un accès aux commerces le
dimanche. Seuls ceux vivant près des frontières, que ce soit
celle américaine, comme dans mon comté, celle de l'Ontario ou
encore celle du Nouveau-Brunswick, peuvent, s'ils le désirent, magasiner
le dimanche. On comprend donc, M. le Président, que le Québec vit
une situation d'isolement en cette matière, à la suite de ces
transformations intervenues depuis quelque temps. Ce sont là les raisons
externes qui militent en faveur d'une plus grande libéralisation des
heures d'affaires chez nous.
Mais ces raisons ne sont pas les seules. Il y a des raisons qu'on
pourrait qualifier d'internes, c'est-à-dire ici sur le territoire
québécois. Il existe, comme l'a si bien mentionné le
ministre de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie, un large consensus
chez la majorité des partenaires en faveur d'une libéralisation
des heures d'ouverture au Québec. Dans ce consensus, on retrouve les
intervenants du monde
syndical, du monde patronal et des consommateurs. Signalons
également qu'il inclut, outre les groupes d'intérêts
concernés, un très grand nombre de Québécoises et
de Québécois qui sont favorables à l'ouverture des
commerces de détail le dimanche. (20 h 10)
À cet égard, M. le Président, permettez-moi de vous
citer un sondage. Le journal Les Affaires, dans sa livraison du 31
octobre dernier, publiait un sondage SOM-Les Affaires qui indiquait que
67 % des Québécois sont favorables à l'ouverture de tous
les commerces, quand ils le veulent et lorsque prévaut la notion du
volontariat chez les employés. Ce consensus, M. le Président,
n'est pas une invention du ministre, mais existe bel et bien dans notre
société. Telle est, M. le Président, la raison interne
majeure qui milite en faveur d'une plus grande libéralisation des heures
d'affaires. Elle vient s'ajouter aux raisons externes que j'ai
évoquées précédemment qui, les unes comme les
autres, militent en faveur de la libéralisation des heures d'affaires,
tel que nous l'opérons avec le projet 59 qui est devant nous
aujourd'hui.
Mais, M. le Président, ces raisons ne sont pas les seules. Il en
est une autre que je dois mentionner. Elle se situe sur le plan philosophique.
Voilà pourquoi j'ai jugé bon de la distinguer des
précédentes raisons évoquées. Cette raison, c'est
celle de l'importance de la liberté pour notre formation politique. Pour
notre parti, le Parti libéral du Québec, cette liberté,
tant sur les plans politique et civil que sur le plan économique,
constitue une valeur qu'il défend et met de l'avant, et ce, à
l'image des formations politiques qui, dans le monde, chérissent la
démocratie.
Voilà pourquoi, tel que vous pourrez le constater à
l'examen de ce projet de loi, notre gouvernement ne force pas les
commerçants qui ne désirent pas ouvrir le dimanche. Avec le
projet de loi 59, il vise seulement à permettre à ceux qui le
veulent d'ouvrir le dimanche. Dans la même perspective de liberté,
il rend possible l'accès aux commerces le dimanche pour les
consommateurs qui le désirent. Ainsi, M. le Président, l'esprit
de liberté anime le projet de loi 59 que nous avons devant nous.
Outre cet esprit de liberté, ce projet de loi est
également animé par celui d'égalité devant la loi.
Normalement, c'est une chose qui devrait aller de soi, mais la
complexité de la question contraint à en faire un principe
guidant l'action du législateur dans sa quête d'une solution
équitable pour tous ceux qui sont concernés dans l'application de
la loi.
S'ajoute à ces deux éléments un troisième,
relatif à la satisfaction des besoins réels des consommateurs.
À notre avis, il est du devoir du législateur de tenir compte des
transformations contemporaines des habitudes de vie. Il est bien connu
qu'aujourd'hui, dans la majorité des familles québécoises,
les deux parents sont sur le marché du travail. Ceci amène des
contraintes inédites en matière d'achats et de consommation, de
toutes sortes. Le législateur doit tenir compte de cette
réalité contemporaine. Il doit aussi considérer la
qualité de vie de la population et également celle des
travailleurs et des travailleuses. Le législateur en a tenu compte dans
les modifications qu'il propose dans le projet de loi que nous avons devant
nous.
Ceci étant dit, j'aimerais maintenant aborder les changements
qu'apporte le projet de loi 59 à la situation actuelle en matière
d'heures d'affaires. Le projet de loi que nous avons devant nous maintient
certaines exceptions prévues actuellement et modifie les
modalités d'application de certaines d'entre elles. Ainsi, M. le
Président, avec le projet de loi 59, le public pourra être admis
dans un établissement commercial de 8 heures à 17 heures le
samedi et le dimanche, et de 8 heures à 21 heures les autres jours de la
semaine. En outre, je crois extrêmement utile et pertinent de souligner
avec le plus d'emphase possible que le projet de loi 59 n'apporte pas une
libéralisation des heures d'affaires sans tenir compte des travailleurs
et des travailleuses et de leur qualité de vie. Ce projet de loi
prévoit qu'il sera interdit, pour une période de trois ans,
à l'exploitant d'un établissement commercial régi par la
loi d'imposer une sanction à une personne actuellement à son
emploi pour le motif qu'elle a refusé de travailler le dimanche ou
durant les heures additionnelles d'admission prévues par le projet de
loi, ce qui devrait nous convaincre du souci qu'accorde notre gouvernement
à la qualité de vie de la population et, en particulier, aux
travailleurs et travailleuses.
Mais, afin de dissiper tout doute, je crois utile de citer au texte
l'article 28.1 du projet de loi que nous avons devant nous. On peut y lire:
«II est interdit à l'exploitant d'un établissement
commercial de congédier, de suspendre ou de déplacer une personne
à son emploi [...] d'exercer à son endroit des mesures
discriminatoires ou des représailles, ou de lui imposer toute autre
sanction pour le motif que cette personne a refusé de travailler [...]
un dimanche ou entre 19 h 00 et 21 h 00 un lundi ou un mardi.» De plus,
l'article ajoute ceci: «La personne qui croit avoir été
victime d'une pratique ainsi interdite peut faire valoir ses droits
auprès d'un commissaire du travail nommé en vertu du Code du
travail, au même titre que s'il s'agissait d'une sanction prise à
l'endroit d'un salarié à cause de l'exercice par celui-ci d'un
droit résultant de ce Code.»
Je suis convaincu que cette lecture de l'article 28.1 est en mesure de
lever tous les doutes qui pouvaient subsister quant aux intentions de notre
gouvernement de respecter la qualité de vie de la population et, en
particulier, des travailleurs et des travailleuses concernés
par les modifications que nous amenons à la Loi sur les heures et
les jours d'admission dans les établissements commerciaux.
En terminant, M. le Président, j'ai tenté de faire valoir
les mérites du projet de loi 59 sur lequel statue la Chambre
aujourd'hui. Je crois être parvenu à le faire, c'est-à-dire
à montrer que c'est l'ensemble des citoyens et des citoyennes de notre
société qui bénéficieront de cette
libéralisation des heures d'affaires. Son adoption fera en sorte que le
Québec ne sera plus en reste par rapport à ses voisins et que,
dorénavant, ceux qui désirent faire des achats le dimanche
pourront le faire sur le territoire québécois, et ce, pour le
plus grand bien de notre économie, qui, comme on le sait, a grand besoin
que les consommateurs retrouvent confiance. Cela nous permettra
d'améliorer le niveau de vie de notre population. C'est une chose qui
doit nous préoccuper au premier chef et qui préoccupe grandement
notre gouvernement ainsi que notre population. En effet, notre population est
actuellement extrêmement soucieuse de vouloir améliorer son niveau
de vie. Elle nous demande à nous, ses élus, de faire le maximum
afin qu'il connaisse des améliorations significatives au cours des
prochaines années. Nous le savons et faisons le maximum pour que le
Québec triomphe de la mutation industrielle qu'il connaît. Il est
de notre devoir de ne négliger aucun effort afin que cette mutation soit
un succès. C'est la seule façon de répondre aux attentes
de la population en matière de niveau de vie, tout comme, d'ailleurs,
d'assurer une place dans notre société aux jeunes
générations qui entrent aujourd'hui sur le marché du
travail. C'est là l'un des plus imposants défis qui nous
confrontent au début des années quatre-vingt-dix. J'ai grande
confiance que nous pourrons le relever avec succès, et ainsi offrir
à nos jeunes les possibilités de réaliser les espoirs qui
nous animent.
En terminant, M. le Président, j'aimerais, avec le consentement
de cette Chambre, déposer deux documents relatifs à mon
intervention. (20 h 20)
Le Vice-Président (M. Lefebvre): II y a consentement, M.
le député de Saint-Jean. Consentement. Allez-y.
Documents déposés
M. Charbonneau: C'est le communiqué de presse de la
chambre de commerce du Québec, M. le Président, ainsi que la
lettre du maire de la ville de Montréal, M. Jean Doré, appuyant
ce projet.
Alors, c'est avec grand plaisir que je voterai en faveur du projet de
loi 59. Merci beaucoup, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le
député de Saint-Jean. Sur la même motion, je cède la
parole à Mme la députée de Taillon. Vous avez droit
à 20 minutes, Mme la députée.
Mme Pauline Marais
Mme Marois: Je vous remercie, M. le Président. Vous
comprendrez que j'ai écouté avec énormément
d'attention tout ce qui s'est dit depuis le début du dépôt
de ce projet de loi devant cette Assemblée, concernant les heures
d'affaires, puisqu'il y a deux ans, devant cette même Assemblée,
en commission parlementaire, à titre de porte-parole à ce
moment-là pour le dossier industrie et commerce et
particulièrement sur les heures d'affaires, j'avais eu l'occasion
d'intervenir à plusieurs reprises, M. le Président, pour
défendre un point de vue auquel je continue d'adhérer et qui
m'apparaît sûrement plus fondamental que toute espèce de
présomption que l'on pourrait faire en ce qui a trait à
l'élargissement des heures d'affaires.
J'écoutais, cet après-midi, les protagonistes, ou ceux qui
appuient le projet de loi, ceux qui sont d'accord avec cela, et je les
entendais dire - le ministre de l'Industrie et du Commerce au premier chef -
les mêmes arguments, M. le Président, qu'en 1990: Les gens
refusent d'évoluer. Les besoins ont changé. La situation est
différente. Elle a changé, cette situation. Et, en parlant de
l'Opposition, le ministre disait: L'Opposition refuse, elle, d'évoluer.
Oui. M. le Président. La situation en 1992, elle a changé. Sauf
qu'elle a changé pour le pire, M. le Président. On est devant une
situation complètement catastrophique, complètement inacceptable.
En termes, entre autres, de pauvreté, nous avons atteint, pour le
dernier mois, un nombre record, en termes de hausse du taux de chômage au
Québec. On parle de plus de 14 % de taux de chômage. C'est facile
un pourcentage, un chiffre; ça ne dit rien. Un pourcentage, souvent ce
n'est pas très concret. Ça veut dire combien de personnes qui
sont actuellement sans emploi, à la recherche d'un emploi au
Québec, M. le Président, en novembre 1992? 490 000 personnes.
C'est de ça dont on parle.
Alors, oui, elle a changé, la situation, par rapport à
1990. Elle est pire. Elle est plus catastrophique. Et si je dis cela, c'est
pour essayer de démontrer au ministre et à ses collègues
du gouvernement, qui ne sont d'ailleurs pas si nombreux que cela cet
après-midi à voter contre la motion que nous avions
proposée pour que le débat soit repris plutôt à la
session prochaine, avec tout le temps nécessaire pour qu'on puisse
réfléchir à la situation... Ils n'étaient pas si
nombreux que cela, cet après-midi, à venir voter avec le
ministre. La situation, elle est catastrophique au point de vue du
chômage, du problème de l'emploi. Le ministre essaie de nous faire
croire que ça va en créer; j'y reviendrai.
Les analystes financiers, ceux de Desjardins
en particulier, nous disent ceci. Ils nous disent: II existe une
relation étroite entre la consommation et le revenu disponible. Ainsi,
l'an prochain, la croissance de la consommation sera considérablement
limitée par l'augmentation mitigée du revenu disponible. Ce que
les économistes nous disent ici, c'est que les revenus pour pouvoir
acheter des produits n'ayant pas augmenté, on craint que la reprise sera
justement beaucoup plus lente parce que la façon d'augmenter le niveau
de consommation, ce sera d'aller chercher dans ses épargnes pour pouvoir
consommer. On ne nous dit pas ici qu'en augmentant le nombre d'heures
d'ouverture des magasins, et particulièrement le dimanche, ça
donnera plus d'argent aux consommateurs et aux consommatrices.
Et quand on lit le semblant d'étude que le ministre a fait en ce
qui concerne les achats aux États-Unis, on constate, mais alors
là, d'une façon très claire, qu'il n'y a pas
d'étude réelle du phénomène de magasinage aux
États-Unis. Et il le sait très bien, M. le Président, que
ce phénomène est relié davantage au problème des
taxes qui sont hautes sur un certain nombre de produits de consommation, dont,
entre autres, les taxes sur l'essence et les taxes sur les produits
alcoolisés. Et c'est pour cela que les gens vont chercher des produits
aux Etats-Unis. Et ils continueront de le faire, malheureusement, que les
commerces soient ouverts ou pas le dimanche, à moins d'un autre type de
changement que celui que nous propose le ministre.
Alors, si les gens n'ont pas plus d'argent pour consommer, si le revenu
disponible ne progresse pas, n'augmente pas, si les taux de chômage
augmentent, tel qu'on les a vu monter au mois de novembre dernier, comment
peut-il nous affirmer sans aucune espèce de réserve qu'on
augmentera les emplois dans le secteur du commerce de détail parce qu'on
ouvrira le dimanche? On augmentera tout simplement les coûts des
détaillants, les coûts des commerçants. Et, surtout, on
augmentera la précarité qui concerne particulièrement les
travailleurs à faibles revenus, et particulièrement les
travailleuses. Alors, je vais les prendre un à un, ces
éléments-là, du point de vue du consommateur, du point de
vue du détaillant, du commerçant et, bien sûr, du point de
vue des travailleuses et des travailleurs.
Allons-y donc du point de vue des consommateurs. Je suis
régulèrement à mon bureau de comté, M. le
Président, comme, probablement, tous les députés qui sont
membres de cette Assemblée. Je participe régulièrement
à des activités publiques où je rencontre de mes
concitoyens et concitoyennes. Je n'ai pas eu de demandes de leur part pour
qu'on élargisse les heures d'affaires, et particulièrement le
dimanche. Et d'ailleurs, le représentant des ACEF, l'Association
coopérative d'économie familiale... Ce sont des associations qui
défendent les consommateurs et les consommatrices, qui font des
représentations pour faire en sorte que leurs droits soient
respectés. Le représentant de ces organismes disait, le 3
décembre dernier, et je le cite: «Tout comme en 1987 - et il
aurait pu dire "tout comme en 1990° - ce ne sont pas les consommateurs qui
viennent de relancer le débat en vue d'une libéralisation
inconditionnelle des heures d'ouverture des magasins. L'enjeu de la lutte
acharnée que les gros du commerce de détail mènent
actuellement est la conquête de parts de marché afin
d'améliorer leur marge bénéficiaire et non la satisfaction
des besoins des consommateurs. Les grands perdants à ce jeu du
darwinisme économique seront les petits commerçants, les
travailleurs du commerce, les consommateurs et la société en
général.» Et ça, c'est une personne qui
représente les consommateurs et les consommatrices.
Et, quand on regarde toute la publicité qui s'est faite pour
demander au ministre et à ce gouvernement d'ouvrir plus largement,
d'ouvrir plus longtemps les commerces de détail, et
particulièrement le dimanche, on constate que M. Nantel a raison, que le
représentant des ACEF a raison. C'est une liste de grandes surfaces ou
de propriétaires de centres commerciaux, M. le Président. Et
reprenez ces fameuses publicités demandant l'ouverture des magasins le
dimanche, et vous allez les voir s'aligner les uns à la suite des
autres. Est-ce que les consommateurs ont fait des pétitions à
travers le Québec pour demander que les magasins ouvrent le dimanche, M.
le Président? Non, parce que les heures que prévoit la loi 75,
entre autres dans le secteur de l'alimentation - peut-être, une certaine
libéralisation en semaine - permettent justement à tous les
consommateurs et à toutes les consommatrices d'y trouver leur
compte.
Jamais personne ne va me faire croire qu'il n'est pas possible, si les
magasins sont ouverts jusqu'à huit heures, jusqu'à neuf heures,
dit-on, pendant la semaine, du lundi au vendredi, qu'ils sont ouverts le
samedi, personne ne va me faire croire qu'il n'est pas possible d'aller se
procurer ce dont il est besoin, ce dont il est nécessaire pour assumer
ses besoins pendant ces heures-là, M. le Président. Donc, il est
inutile d'ouvrir une autre plage, à un autre moment, le dimanche, pour
permettre aux consommateurs et aux consommatrices d'aller dépenser
davantage.
D'ailleurs, le ministre le dit lui-même dans son étude, il
dit: S'il y a une possibilité que l'emploi augmente, ça sera
dû au fait qu'il y aura des achats davantage impulsifs de la part des
consommateurs et des consommatrices. Ils sont déjà dans une
situation d'endettement, assez difficile pour un certain nombre d'entre eux,
donc ce n'est pas utile, nous apparaît-il, à ce moment-ci, de
provoquer encore une hausse de ce côté-là. Je crois que les
consommateurs et les consommatrices peuvent trouver leur compte dans les heures
d'ouverture, telles qu'elles existent actuellement, M. le Président. Et
c'est d'ailleurs
l'avis de ceux et de celles qui les représentent,
particulièrement de ceux et de celles qui les défendent, M. le
Président, et qui les défendent dans des situations où,
justement, ces personnes se retrouvent souvent coincées.
C'est évident que si on me demande à moi: Est-ce que vous
aimeriez mieux que ça soit ouvert 7 jours par semaine, 24 heures par
jour? Bien oui, pourquoi pas? Bien sûr, c'est toujours plus simple, hein.
Mais, qui va payer pour ça? Moi, aussi, comme consommatrice, parce que
les heures vont s'allonger, parce que cela coûtera plus cher aux
entreprises. Mais, qui va payer aussi pour cela? Les travailleurs et les
travailleuses. (20 h 30)
Je vais y revenir, M. le Président, parce que je crois que,
fondamentalement, c'est surtout cela qui est questionné par le projet de
loi qui est devant nous, une question de valeurs, une question de
volonté qu'une population, qu'une société... Mettre
l'accent sur autre chose essentiellement que sur l'avoir, mais qu'une
société puisse mettre l'accent sur l'être, sur la
convivialité, sur la possibilité qu'ensemble on se retrouve, une
fois par semaine, le plus nombreux possible à être en congé
en même temps.
Ah, le ministre m'a dit: Ça pourrait être le lundi, mais
moi, je vais vous dire: Je travaille, la fin de semaine, comme membre, comme
représentante des citoyens et des citoyennes, parce que souvent, je suis
appelée à faire de la représentation. Souvent, je suis
appelée à aller rencontrer des représentants d'organismes,
de municipalités. Pensez-vous que le lundi, à 9 heures, chez moi,
devant mon café, mes enfants à l'école, c'est bien, bien
intéressant pour ma vie de famille?
Bien, c'est à ça qu'on risque d'arriver pour aussi un bon
nombre de personnes à travers le Québec qui vont être
appelées à travailler, et un bon nombre de nos collègues
nous disaient, tout à l'heure, d'ailleurs, que ce seraient des femmes,
sans doute, qui occuperaient ces emplois. Pour un certain nombre, oui, pour
d'autres, ce seront des jeunes, mais toujours, c'est cette même question
à laquelle on est confronté: Est-ce que, comme
société, nous souhaitons - et ça, ça n'a rien
à voir avec être pareil ou ressembler aux Américains, ou
ressembler aux Ontariens, ou ressembler aux gens de l'autre côté
de la frontière - conserver un moment dans notre vie collective
où nous allons être le plus nombreux possible à pouvoir
nous retrouver et échanger, être capable de se retrouver, que ce
soit en famille, que ce soit en association ou autrement? C'est ça, M.
le Président, qui est en cause dans la loi qui est devant nous.
Donc, la question des consommateurs et des consommatrices, à mon
point de vue, une organisation des heures d'ouverture, tel qu'on l'a connu dans
le cas des marchés d'alimentation, qui pourraient s'élargir en
semaine pour l'ensemble des commerces, satisferait amplement les besoins des
consommateurs et des consommatrices.
Retournons-nous maintenant du côté des détaillants,
des commerçants. L'ADA, l'Association des détaillants en
alimentation, nous dit qu'en 1991 il y aurait eu environ une perte de 3500
emplois dans son secteur. J'ai fait relever aujourd'hui le nombre de faillites,
en 1990, en 1991 et jusqu'à août 1992, dans le secteur de
l'industrie et du commerce de détail. Alors, le ministre va
sûrement me dire qu'il y a encore place, évidemment, pour qu'on en
ajoute, pour qu'on ouvre davantage les commerces. En 1990, c'est 1231 faillites
commerciales qui ont été constatées, dans le secteur de
l'industrie et du commerce de détail, pour des passifs de l'ordre de 266
000 000 $, 135 000 000 $ du côté des actifs. Ça,
c'était en 1990. En 1991, on parle de 1283 commerces de détail
qui auraient failli et, en 1992, jusqu'en août - si, malheureusement,
ça devait continuer à ce rythme-là, ce serait encore pire,
donc, que les années précédentes - on parle de 855
commerces de détail qui ont failli jusqu'à août 1992.
Pourquoi croyez-vous, M. le Président, que les commerçants, un
nombre important de commerçants se sont prononcés contre le
projet de loi qu'a présenté le gouvernement? D'abord, pour une
connaissance qu'ils ont du marché, de ses règles et de son
organisation, mais aussi pour une autre raison. Et je revoyais à
nouveau, cet après-midi, la liste des commerces qui se sont
manifestés contre le projet de loi présenté par le
ministre.
On parle de la Corporation des marchands de meubles, la
Fédération canadienne de l'entreprise indépendante qui,
soit dit en passant, représente beaucoup de petites entreprises - et mon
collègue, le député de Labelle, a fait une
démonstration très claire lors de son intervention ce matin - la
petite entreprise, la petite surface qui caractérise la
réalité commerciale du Québec par rapport, entre autres,
à la réalité commerciale américaine où on
retrouve davantage de grandes surfaces dans une proportion, à toutes
fins pratiques, inverse. Par exemple, au Québec, on parle de plus de 60
% du commerce qui se ferait dans la petite surface, particulièrement
dans le cas de l'alimentation, et aux États-Unis ce serait l'inverse qui
se passe. Souvent, ces petits commerces sont possédés par des
familles qui embauchent une ou deux ou trois personnes, tout au plus, pour
assurer le service à leur clientèle. On sait très bien que
la vie de ces petits commerçants serait particulièrement
touchée par l'ouverture des commerces un septième jour pendant la
semaine.
Mais, plus que cela, pourquoi les marchands de meubles, pourquoi la
Fédération canadienne de l'entreprise indépendante,
pourquoi la Corporation des bijoutiers, pourquoi les détaillants en
alimentation et des quincailleries aussi, M. le Président, les grandes
quincailleries souhaitent l'ouverture? Pas les petites et les moyennes
surfaces, M. le Président. Pourquoi? Parce qu'ils savent très
bien
que pour offrir un service de qualité à leur
clientèle ils devront avoir un personnel spécialisé. Pour
avoir ce personnel spécialisé, ils doivent faire appel à
leur personnel régulier. Ils sont d'accord avec le volontariat, mais ils
savent que c'est à peu près incompatible, M. le Président.
S'ils veulent offrir un service de qualité, faire en sorte que la
marchandise qu'ils vendent soit traitée adéquatement, ça
leur prend un personnel formé, spécialisé. Alors, ils se
retrouvent devant un dilemme où c'est eux qui vont être là
pendant les heures d'ouverture plus grandes que seront les heures du dimanche,
ou essayer de trouver des employés spécialisés qu'ils
auront de la difficulté à recruter parce qu'il y aura le
volontariat qui s'appliquera - ce avec quoi, d'ailleurs, je suis d'accord. Je
pense qu'il est presque impossible de l'appliquer.
Cependant, M. le Président, les travailleurs et les travailleuses
vont payer la note de cela, et c'est, à cet égard, un leurre
qu'on leur fait. Et j'espère que les représentants et les
représentantes des travailleuses et des travailleurs vont être
sensibles aux représentations que vont leur faire les gens qui oeuvrent
déjà dans les commerces de détail. J'espère qu'ils
vont le faire auprès de leurs représentants, auprès du
ministre, auprès des membres du gouvernement, auprès de leurs
députés, comme vont le faire les commerçants. (20 h
40)
Je vais conclure, M. le Président, parce que, malheureusement,
vous me dites qu'il ne me reste qu'une minute. Je vais terminer en citant M.
Nantel des ACEF et M. Lesage du Devoir, qui disait, en parlant de cette
loi: Si l'ouverture généralisée est si mirobolante,
pourquoi ne pas l'avoir proposée en 1990? Pourquoi ne pas ouvrir 24
heures par jour? Sur la voie de l'absurde, il n'y a plus de limite au
raisonnement creux, voire à la bêtise érigée en
système. Les conditions ont changé depuis deux ans, certes, mais
pour s'y adapter à nouveau, faut-il tout chambarder encore une fois et
repartir sur des bases nouvelles? Il y a là un débat important
à faire, le gouvernement voulait l'escamoter, fort de son arrogance et
de sa majorité. Grâce à la vigilance de l'Opposition, il
devra s'y résoudre, et c'est tant mieux.
Et M. Nantel disait, lui: Décidément, les forces de
désagrégation du tissu social et humain sont plus fortes que
celles de leur raffermissement, mais nous aurons à payer un jour. Je
vous remercie.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, Mme la
députée de Taillon. Sur le même sujet, je cède la
parole à M. le député d'Orford.
M. Robert Benoit
M. Benoit: M. le Président, j'écoutais la
députée de Taillon. Il me semblait que je réen- tendais
des vieux disques de 1990, le même discours, les mêmes petits
commerçants qui vont être en difficulté, mais ce n'est pas
ça qui s'est passé, on a ouvert les commerces après 1990.
Ce n'est pas ça qui s'est passé. La réalité des
choses, c'est que les gens se sont ajustés, les gens se sont
adaptés; ils ont tellement aimé ça, pouvoir avoir
déjà un peu plus d'ouverture, qu'ils en redemandent. Plus de
gens! Les sondages sont à 80 %, pas des sondages faits par le Parti
libéral; même des sondages faits par des gens qui étaient
contre l'ouverture sont arrivés à la conclusion que 80 % des
citoyens du Québec... ces mêmes gens qui regardent les gens du
Nouveau-Brunswick, qui regardent les gens des États-Unis, qui regardent
les gens de l'Ontario et qui se disent: Est-ce que nous sommes si
différents que ça, comme consommateurs? La réponse, c'est
non.
M. le Président, doit-on, oui ou non, permettre la
libération des heures d'affaires? C'est là une question sur
laquelle notre gouvernement s'est penché ces dernières semaines,
et le résultat de cette réflexion me réjouit pleinement.
Bien que cette décision n'ait pas été facile à
prendre, je suis d'avis qu'elle va dans le sens de la logique et
démontre tout le réalisme dont a fait preuve le gouvernement
libéral du Québec dans ce dossier. Vous comprendrez que nous ne
pouvions ignorer l'augmentation des achats effectués par les
Québécois aux États-Unis, mais également dans les
commerces de l'Ontario et du Nouveau-Brunswick. La circonscription que je
représente, elle est en périphérie des États-Unis,
et nous sommes, d'une façon, particulièrement touchés par
les gens qui vont aux États-Unis.
Constatant l'urgent besoin de relancer l'économie
québécoise, nous avons décidé d'actualiser les
grands principes qui guident l'action du gouvernement en matière
d'heures d'ouverture des commerces, en favorisant une plus grande
libéralisation des heures et des jours d'admission dans les
établissements commerciaux du Québec.
Dans un premier temps, M. le Président, permettez-moi d'expliquer
les principaux éléments du projet de loi 59 modifiant la Loi sur
les heures et les jours d'admission dans les établissements commerciaux.
Tout d'abord, il est important de mentionner que l'accès à tous
les établissements commerciaux sera dorénavant permis le
dimanche, de 8 heures à 17 heures, comme c'est le cas, actuellement, le
samedi. L'accès sera prolongé de deux heures en soirée, le
lundi et le mardi, passant de 19 heures à 21 heures, comme le mercredi,
le jeudi et le vendredi. Et combien de gens sont venus nous dire, en commission
parlementaire - et la députée de Taillon était là -
nous, mères de famille, qui finissons de travailler à 17 h 30,
à 18 heures, n'avons pas le temps de faire les emplettes
élémentaires de la résidence? Combien de gens sont venus
nous dire que c'était un stampede incroyable, le jeudi soir, dans les
épiceries. Cette femme qui est venue
nous dire, en commission parlementaire: La qualité de vie,
mêlez-vous-en pas, les politiciens, je vais régler mon sort. S'il
fait beau le samedi, je vais aller en ski et je ferai l'épicerie le
dimanche. Mais s'il fait beau le dimanche, je vais peut-être aller en ski
le dimanche et faire l'épicerie le samedi. C'est cette même
dame-là qui est dans les 80 % des sondages, les gens qui disent que la
qualité de vie, ce n'est pas l'affaire des politiciens: On va le
régler, ce problème-là, nous, comme citoyens.
Actuellement, la loi sur les heures d'ouverture permet aux
commerçants d'ouvrir de 8 h 00 à 19 h 00 le lundi et le mardi, de
8 h 00 à 21 h 00 les mercredi, jeudi et vendredi, de 8 h 00 à 17
h 00 le samedi. Toutefois, il y a fermeture le dimanche. La nouvelle loi, elle,
vient donc ajouter des heures les lundi et mardi en soirée et permet
l'ouverture des commerces le dimanche. Par contre, les établissements
commerciaux devront demeurer fermés les jours fériés. Ces
derniers sont évidemment les 1er et 2 janvier, le dimanche de
Pâques, le 24 et le 25 juin si le 24 tombe un dimanche, le 1er juillet ou
le 2 juillet si le 1er tombe un dimanche, le premier lundi de septembre et le
25 décembre.
En raison de la nature de leurs activités
spécialisées ou de leur situation géographique, certains
commerces de détail pourront toutefois continuer à ouvrir en tout
temps. Certaines régions géographiques, nous parlons ici, bien
entendu, des zones touristiques. Dans ma région, nous en avons une, zone
touristique. Est-ce que la qualité de vie est moindre pour autant? Il
n'en est pas question. Nous avons une très belle qualité de vie
dans la région de Magog. Et les petits commerçants, non seulement
ils n'ont pas fermé, M. le Président, c'est les gros qui ont
fermé chez nous. Et c'est l'antithèse de ce que dit l'Opposition.
Il y a plusieurs petits commerces qui ont ouvert, effectivement, dans la zone
touristique. Et ces gens-là, ils ont et continuent à avoir le
droit d'ouvrir le dimanche. Et finalement, le problème qu'on avait, ce
n'étaient pas les gens de la zone touristique, c'est les gens qui
étaient à côté de la zone touristique qui nous
demandaient d'ouvrir.
M. le Président, le projet de loi 59 contient aussi une
disposition favorisant le volontariat chez les travailleurs et les
travailleuses visés par la libéralisation des heures de travail.
C'est là un des aspects importants du projet, et je reconnais ici
l'équité que le ministre a mise dans ce projet de loi. D'autre
part, je vous invite, gens de l'Opposition, à réaliser que des
gens sont venus nous voir en commission parlementaire. Je pense aux jeunes de
la Commission-Jeunesse du Parti libéral qui nous disaient: Nous, les
jeunes, sommes en faveur de l'ouverture des commerces le dimanche parce que
nous croyons fermement que ça créera de l'emploi et nous, jeunes,
aimerions avoir ces emplois-là.
Aussi, pour une période de trois ans, à compter de la date
d'entrée en vigueur de la loi, il sera interdit à l'exploitant
d'un établissement commercial de congédier, de suspendre ou de
déplacer un employé parce que ce dernier a refusé de
travailler le dimanche et entre 19 h 00 et 21 h 00 le lundi ou le mardi.
À la commission parlementaire, nous avions entendu un
conférencier particulièrement intéressant à ce
sujet-là, M. Jean Coutu. M. Coutu a travaillé à
l'intérieur de la problématique des heures d'ouverture. Il a
travaillé avec ses hommes et ses femmes et ses jeunes dans ses
établissements. Il nous avait dit comment il avait bien
considéré la problématique, comment les gens,
effectivement, n'étaient pas tous heureux de travailler le dimanche,
comment des programmes avaient été mis en place et comment il
n'avait pas de difficulté, sans faire aucune forme de pression, à
trouver des gens pour travailler dans ses établissements le dimanche et
que tout le monde chez Jean Coutu était heureux du régime. Et ce
sont des gens qui ont tout de même un vécu, qui ont tout de
même une expérience. Ce sont des gens qui ont vécu les
heures d'ouverture depuis longtemps.
À cet égard, si une personne croit avoir été
victime d'une telle pratique où on l'aurait obligée, elle pourra
faire valoir ses droits auprès d'un commissaire du travail. L'exploitant
qui aura consenti à la contravention commettra une infraction et
encourra les peines prévues par la loi.
La disposition du projet de loi 59 visant à rendre
inopérante toute clause d'un bail ou d'une convention par laquelle un
exploitant s'oblige à admettre le public dans son établissement
commercial durant ces nouvelles heures est maintenue. Cette protection sera
valable pour une période de cinq ans suivant l'entrée en vigueur
de la loi ou à la fin des baux existants.
Par ailleurs, M. le Président, le projet de loi 59 maintiendra
certaines exceptions à la loi actuelle. Je vous en nomme quelques-unes:
les restaurants, les tabagies, les librairies, les vendeurs d'huile à
moteur et de combustible, les galeries d'art, d'artisanat, les magasins de
fleurs, les centres horticoles, les magasins d'antiquités, les locateurs
de biens de service, les centres sportifs, les gens qui ont des commerces dans
des centres sportifs, dans des réseaux hospitaliers, dans des
aérogares auront, comme ils avaient au préalable, des permissions
spéciales. (20 h 50)
Puis, M. le Président, les établissements du secteur
alimentaire pourront ouvrir en tout temps à la condition que leur
fonctionnement soit assuré, en dehors des heures et des jours prescrits,
par au plus quatre personnes. Il en va de même pour les
établissements du secteur pharmaceutique, sauf que les personnes
assurant le fonctionnement doivent exclure le pharmacien et les personnes
affectées à la préparation des médicaments. Et,
encore là, M. le Président, les
gens sont venus nous voir en commission parlementaire pour nous dire: II
est important que dans chacune de nos villes nous ayons des pharmacies
ouvertes. Et nous savions pertinemment que si nous ne permettions que la vente
de médicaments, les pharmacies, un bon nombre n'auraient pas ouvert. Et,
en permettant un élargissement des heures d'ouverture, nous avons
permis, dans chacune des municipalités, d'avoir un bon nombre de
pharmacies ouvertes, et ça va continuer. Il s'agit des
établissements de vente de véhicules, de remorques,
d'embarcations, de machines agricoles, de piscines ainsi que des
coopératives en milieu scolaire et des dispositions relatives aux
croyances religieuses. Ce sont certains commerces et pratiques qui n'auront
plus besoin de bénéficier d'une exception, dont je viens de faire
la liste, M. le Président.
Et, ce projet de loi, il veut, bien entendu, simplifier la loi. Il y
avait des coûts, vous savez, M. le Président, à
gérer cette loi-là. Et, en la simplifiant, ces coûts seront
moins grands et la loi sera plus effective.
C'est là l'essentiel du projet de loi 59 sur les heures et les
jours d'admission dans les établissements commerciaux. Vous aurez
compris que c'est un projet de loi très important puisqu'il apporte des
ajustements qui s'imposaient, principalement en raison du contexte
économique difficile que nous connaissons.
M. le Président, il nous faut garder à l'esprit que trois
grands principes ont toujours guidé notre gouvernement dans sa recherche
d'une solution équitable pour les clientèles visées par
l'application de la loi. Ces grands principes sont, évidemment,
l'égalité des commerçants devant la loi, mais aussi la
satisfaction des besoins réels des consommateurs et la qualité de
vie de la population. Avec l'élaboration de ce projet de loi, ces trois
grands principes sont maintenus.
En conséquence, nous pouvons affirmer que le gouvernement
libéral du Québec a été, une fois de plus, à
l'écoute des besoins de la population. Le projet de loi 59 est une
réponse au changement dans les habitudes de consommateurs des
Québécois et des Québécoises. Il leur permettra
dorénavant de ne plus être contraints par des heures d'ouverture
des commerces plus strictes. En ce sens, les heures et les jours d'admission
proposés répondent à la fois aux préoccupations
syndicales et patronales, M. le Président. De plus, vous n'êtes
pas sans savoir que le nombre de Québécoises et de
Québécois favorables à l'ouverture des commerces de
détail le dimanche s'est accru de façon sensible, et encore
davantage lorsque l'on mentionne la notion de volontariat chez les
employés.
Quant à l'exploitant d'un établissement, il aura
désormais le choix ou d'ouvrir ou de ne pas ouvrir son
établissement. Je citais plus tôt un commerce, chez nous, qui vend
des meubles. Ce monsieur n'a jamais ouvert le lundi. Il a toujours eu le droit
d'ouvrir le lundi. Rien dans la loi ne l'obligera d'ouvrir le dimanche, pas
plus que la loi ne l'obligera d'ouvrir le lundi, M. le Président.
D'autre part, M. le Président, le projet de loi 59 devrait
permettre de contrer le magasinage outre-frontière, un problème
qui s'est accru d'une façon importante ces derniers mois. Saviez-vous
que le nombre de résidents québécois effectuant des
voyages de moins de 24 heures en automobile aux États-Unis s'est
chiffré à 6 154 000, selon les données disponibles au
ministère de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie? Les montants
dépensés par les résidents québécois pour
leurs achats outre-frontière ont représenté, toujours en
1991, plus de 2 000 000 000 $. Pour ce qui est de la tendance observée
en 1992 sur les voyages de moins de 24 heures aux États-Unis, elle
indique une situation à tout le moins comparable à celle de 1991
puisque entre 35 % et 40 % des voyages de moins de 24 heures en automobile aux
États-Unis sont effectués le dimanche. C'est une donnée
importante, M. le Président. Tous ces gens de chez nous qui vont
encourager des commerçants aux États-Unis, ne pouvons-nous pas
les garder chez nous et créer cet emploi, créer le bien collectif
en permettant l'achat dans notre région? Alors, M. le Président,
vous comprendrez que nous ne pouvions fermer les yeux sur la situation qui
prévaut au sujet des achats outre-frontière. Nous avons
étudié la situation. Il nous est permis de croire, selon
certaines estimations, enquêtes internes, documentation, consultations
que l'ouverture des commerces de détail le dimanche pourrait permettre
de récupérer entre 20 % et 50 % des achats outre-frontière
effectués le dimanche.
M. le Président, nous nous devons de tenter toutes les
démarches pour améliorer la situation. L'ouverture des commerces
de détail le dimanche s'avérait pour nous une bonne solution pour
augmenter le niveau général des ventes au Québec et
récupérer partiellement les achats outre-frontière. C'est
là une mesure que nous devions mettre sur pied pour contribuer, dans une
certaine mesure, à favoriser la relance économique. Donc, en plus
d'aider à ralentir le commerce outre-frontière, le projet de loi
59 représente une solution équitable pour les clients
visés par l'application de la loi.
En effet, le projet de loi édicté le principe
d'égalité des commerçants devant la loi et règle
les irritants, notamment en ce qui a trait aux supermarchés et aux
marchés aux puces. Le projet de loi vient également satisfaire
les besoins réels des consommateurs. Selon un sondage de la firme
Créatec, plus de 7 Québécois sur 10 sont favorables
à l'ouverture des commerces le dimanche. La proportion augmente à
8 sur 10 lorsqu'on ajoute la notion de volontariat. Un autre sondage vient
confirmer cette tendance, celui, cette fois, de la firme SOM. Ce dernier
sondage révèle que les deux tiers des
Québécois sont favorables à l'ouverture des commerces le
dimanche. Cela devrait suffire à convaincre les plus sceptiques que le
projet de loi sur les heures et les jours d'admission dans les
établissements commerciaux répond véritablement aux
attentes des consommateurs.
Par ailleurs, M. le Président, le projet de loi 59 vient
régler un problème, celui de la concurrence. Vous comprendrez,
d'ailleurs, que cette dernière n'a pas uniquement à voir avec la
grosseur du commerce. La concurrence, c'est celle qui est en Ontario, au
Nouveau-Brunswick, au Manitoba et aux États-Unis; bref, elle est
mondiale. À partir du moment où nous en sommes conscients, nous
réalisons qu'il en va de la survie même du commerce de
détail au Québec. C'est à cela, M. le Président,
qu'il fallait s'attaquer et c'est ce que nous avons fait. Somme toute, je suis
convaincu que le projet de loi 59 ajoutera à l'ensemble des mesures que
notre gouvernement continue de mettre en oeuvre pour favoriser la relance
économique.
D'ailleurs, M. le Président, tous s'entendent pour dire qu'il y a
urgence d'agir pour assurer l'emploi et le maintien des structures
industrielles et commerciales du Québec. Alors, puisque les
modifications proposées à la Loi sur les heures et les jours
d'admission dans les établissements commerciaux reflètent la
tendance générale voulant que les consommateurs profitent d'un
meilleur accès à ces établissements, j'espère que
les membres de l'Opposition se rendront à l'évidence que ce n'est
pas dans l'intérêt des Québécois et des
Québécoises de s'opposer à ce projet de loi. Le projet de
loi 59 est une législation qui répond aux attentes du milieu et
qui aidera à améliorer, sans aucun doute, la santé des
finances publiques.
C'est pour ces deux raisons que je voterai en faveur de ce projet de
loi, mais aussi parce qu'il favorise la liberté d'action, la
qualité de vie. M. le Président, il faut garder à l'esprit
que le projet de loi donne une permission et non pas une obligation d'ouvrir le
dimanche. Et, ça, c'est important. Je ne voudrais pas que personne qui
nous écoute ce soir croie qu'il y a une obligation d'ouvrir. Tout au
contraire, il y a une permission. Plus de liberté, voilà toute la
différence entre obliger et permettre, M. le Président. En effet,
notre gouvernement croit qu'il est bon, en 1992, de revenir sur les notions de
liberté individuelle. C'est une question d'attitude, de choix et de
volonté. D'ailleurs, nous sommes heureux de constater depuis quelques
années une montée des valeurs libérales de
responsabilité individuelle, de liberté et de justice sociale.
Malheureusement, l'Opposition officielle nous démontre à quel
niveau se situe son degré en refusant l'application du présent
projet de loi. Leur intérêt personnel et politique semble passer
bien avant l'intérêt de la population. De notre côté,
nous sommes convaincus que nous ne pouvons réaliser les grands enjeux de
notre société et les priorités auxquelles nous voulons
nous consacrer sans ce principe fondamental qu'est la liberté. Vous
savez comme moi que nous ne pouvons entamer une vision à long terme de
la société québécoise sans encourager ce principe
de liberté.
M. le Président, les défis de demain se font pressants
pour la société québécoise. L'heure a sonné,
celle des choix, bien sûr, mais également celle du renforcement du
pouvoir du citoyen. Il faut donc être à l'écoute des
idées nouvelles et à l'écoute des changements qui
s'opèrent peu à peu dans notre société. C'est
à nous de relever les nouveaux défis découlant de
l'évolution de nos valeurs. Voilà qui donne aux principes de
l'individu, comme pierre angulaire de notre vie démocratique, toute son
ampleur, et ça, pour le mieux-être de la collectivité.
C'est tout cela que véhicule le projet de loi 59 dont il est question
présentement, mais c'est aussi et surtout cela qui aidera le
Québec à demeurer sur la voie du progrès. Merci, M. le
Président. (21 heures)
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le
député d'Orford. Je vous rappelle que nous sommes à
discuter de la motion proposant l'adoption du principe du projet de loi 59, Loi
modifiant la Loi sur les heures et les jours d'admission dans les
établissements commerciaux. M. le député d'Ungava, vous
avez droit à 20 minutes.
M. Christian Claveau
M. Claveau: Merci, M. le Président. Je vais tenter, durant
les 20 minutes que vous me donnez, de prendre la défense des
régions du Québec, de plaider en faveur du maintien
d'activités économiques dans les régions du Québec.
Ce que je dis là est sérieux, et je le dis même d'un ton
triste, en fait, avec une certaine tristesse au coeur parce que, si on
libéralise les heures d'ouverture, si on accepte une plaidoirie telle
que celle que le député d'Orford vient de nous faire, eh bien, on
vient de sonner le glas dans bien des entreprises régionales, on vient
de condamner à mort des dizaines et des centaines de commerçants
qui, depuis des générations, dans bien des cas, se
débattent corps et âme pour maintenir un niveau d'activité
économique et d'activité commerciale dans les régions du
Québec.
La théorie mise de l'avant par le ministre de l'Industrie et du
Commerce, à l'image, d'ailleurs, des théories qu'utilise
généralement son gouvernement dans toute décision
politique d'ordre économique, ce n'est rien d'autre que la
théorie des centres et des périphéries, une théorie
économique qui veut que, si l'on développe des centres forts aux
dépens des périphéries, eh bien, ces centres-là
vont être capables de supporter le reste de l'occupation et de
l'activité
du territoire. Or, partout où elle s'est appliquée, cette
théorie-là a été symbole de fiasco, de catastrophe,
de défaite économique, d'effondrement de société.
Et le gouvernement du Québec, plus intelligent, probablement, que la
moyenne de ceux qui l'ont essayé avant lui, dit: C'est encore dans cette
voie-là qu'il faut aller.
Alors, toujours selon le même principe des centres et des
périphéries, le gouvernement du Québec déplore le
fait que des Québécois bien pensants aillent magasiner là
où les volumes d'affaires sont plus grands que chez nous, donc aux
États-Unis. Alors, il ne trouve pas ça normal, lui. Il dit:
Ça n'a pas de bon sens que des Québécois bien pensants
aillent magasiner aux USA pour revenir ici avec des marchandises qu'ils ont
achetées hors taxes et qui ne rapportent pas à notre
économie. Il a raison de le penser. Sauf que la dynamique qui
amène des Québécois et des Québécoises bien
pensants à aller de l'autre côté est aussi en fonction de
ce même principe économique des centres et des
périphéries. Parce qu'on sait que, si on va dans un endroit
où le marché est plus grand, où il y a plus d'affaires,
où le centre est plus imposant, on risque de faire de meilleures
affaires. Donc, on y va normalement.
Donc, quand il s'agit d'aller acheter aux États-Unis, le ministre
est contre ce principe-là. Il ne veut pas que les
Québécois et les Québécoises bien pensants aillent
acheter aux États-Unis ou aillent acheter en Ontario, là
où les forces du marché sont plus grandes que chez nous. Mais,
par contre, quand vient le temps, lui, de défendre sa théorie et
d'essayer de trouver une solution à ça, il applique exactement le
même principe qui va être destructeur pour nos régions.
Destructeur, pourquoi? Parce que, tout simplement, ça va faire en sorte
d'attirer les gens des régions vers les centres les plus importants pour
faire leur magasinage. Pourquoi l'ouverture des magasins le dimanche? Justement
pour permettre à des gens qui travaillent cinq jours par semaine - s'il
y en a qui travaillent encore - donc qui sont des consommateurs potentiels,
parce que, normalement, dans la consommation, on s'adresse à ceux qui
ont de l'argent, à ceux qui sont capables de dépenser... On sait
très bien que le niveau de consommation est directement dépendant
du pouvoir d'achat. Alors, on ne s'adressera pas à la clientèle
qui n'a pas d'argent, qui est sur l'aide sociale ou sur le chômage, mais
on va s'adresser à la clientèle de ceux qui travaillent.
Or, cette clientèle-là travaille cinq jours par semaine
dans nos régions, M. le Président, que ce soit au Lac-Saint-Jean
ou en Abitibi, sur la Côte-Nord, bon, dans les Laurentides, enfin, dans
toutes les périphéries des grands centres. Cette
clientèle-là travaille cinq jours par semaine dans les bureaux,
dans leurs différentes entreprises de type industriel ou autre. Alors,
si on veut être capable de les attirer vers les grands centres pour
qu'ils viennent magasiner, il faut donc ouvrir en dehors du temps de travail
normal dans l'industrie. On ouvre, donc, le samedi et le dimanche. De cette
façon-là, la théorie s'applique à l'effet que les
gens qui vont venir prendre leur petite fin de semaine de congé...
Tiens, moi, je reste à Val-d'Or, par exemple. Je suis à cinq
heures de Montréal par la 117, qui vient d'être refaite au
complet, alors il n'y a rien là. Je reste à Chicoutimi, tiens,
pourquoi je n'irais pas à Québec? Je suis à trois heures,
deux heures et demie de Québec. Pourquoi est-ce que je n'irais pas
à Québec en fin de semaine? Puis on va en profiter pour faire
notre magasinage parce que c'est ouvert le dimanche. C'est comme ça que
les gens des régions vont réfléchir. Et peut-être
à juste titre, lorsque l'on considère uniquement notre gousset
personnel, notre portefeuille, ça peut devenir intéressant, mais
c'est dans une dynamique, par contre, qui est antirégionale,
antidéveloppement des régions et uniquement axée sur le
développement ou le renforcement du développement des grands
centres. C'est malheureusement dans ce contexte-là que se situe le
projet de loi qu'on a sur la table actuellement, M. le Président.
Alors, moi, je comprends très mal le ministre qui vient nous dire
que, d'une part, il est absolument inconcevable qu'un bon
Québécois bien pensant aille magasiner à New York ou
à Boston, parce que ça ne se fait pas, ça nuit à
notre économie, mais que le même Québécois, par
exemple s'il vient de Val-d'Or, oui, il va venir magasiner à
Montréal. Vous pensez, ça, que ça ne nuira pas à
l'économie de Val-d'Or? Vous pensez que ça ne nuira pas à
l'économie de Mont-Laurier, à l'économie même de
Trois-Rivières, ou à l'économie de La Tuque, ou à
l'économie de Roberval? Je vois le député de Roberval,
ici, qui est bien content. Oui, peut-être que le député de
Roberval va être content parce que les gens de Chibougamau vont avoir
plus de temps d'aller magasiner à Roberval la fin de semaine. Il y a
bien des gens qui y vont, puis ils pourraient en profiter pour faire leur
magasinage dans le comté de Roberval.
Alors, lui, il est content de ça. Il dit: Ça va m'amener
de la clientèle. Les gens de Chibougamau, ce n'est pas grave, c'est une
gang de bons-à-rien, c'est en train de fermer là-bas. Il n'y a
à peu près plus rien qui marche. Donc, ils vont venir magasiner
chez moi parce que c'est la seule sortie... La sortie la plus rapide que l'on
a, c'est d'aller à Roberval. Le député de Roberval, qui
est en train de tout ramasser dans son comté de toute façon, de
tout vider le reste de la région pour tout ramener ça dans son
comté, se dit: Pourquoi les gens de Chibougamau, maintenant qu'ils ont
perdu différents bureaux du gouvernement, y compris les bureaux
d'Hydro-Québec en termes de construction de ligne, le bureau de la
gestion des terres publiques qui est rendu à Saint-Félicien...
Là, on propose encore
toutes sortes d'affaires. On va dépendre de
Roberval, en termes du ministère des Transports, si jamais la
proposition qui est sur la table était approuvée, au niveau de
district territorial ou de direction territoriale. Alors, il dit: Bon, on va
les emmener aussi magasiner chez nous. C'est rien que normal. Donc, il faut que
ça soit ouvert le dimanche.
Sauf que, ce que le député de Roberval n'a
pas compris, c'est que les gens de Roberval, eux, ils vont avoir aussi leur
dimanche de libre. Puis rester à Roberval pour contempler le
député, bien, le dimanche, il n'y a pas grand-chose là.
Alors, on va dire: Puisque j'ai mon dimanche de libre, bien, pourquoi je
n'irais pas à Québec en fin de semaine? Je vais aller magasiner
au Club Price. Pourquoi je n'irais pas à Montréal? Tiens, il y a
des grosses ventes dans le meuble. Je vais aller faire un tour à
Montréal, en fin de semaine, en passant par La Tuque. Et puis il va
perdre. Il va peut-être gagner de la clientèle de Chibougamau,
mais il va perdre sa propre clientèle aux dépens des centres plus
gros que lui. Ça, il ne l'a pas compris, par exemple. Il va voter pour
la loi, puis il va être fier de voter pour la loi, alors que, ce faisant,
il détruit sa structure économique régionale.
La même chose pour le député
d'Abitibi-Est, qui peut-être va récupérer à Val-d'Or
un certain nombre de commerces ou d'activités économiques en
provenance des petits villages autour, mais qui a oublié qu'avec la 117
on est à 500 km de Montréal, et puis qu'avec les voitures qu'on a
aujourd'hui ce n'est pas un gros déplacement. Alors, les gens vont en
profiter pour aller passer leur fin de semaine à Montréal et
revenir avec, autant que possible, un «trailer» de 12 pieds en
arrière, bien plein. On va louer un U-Haul, s'il le faut, pour
être sûr de ramener tout ce dont on a besoin des grands
centres.
Ça, le député d'Abitibi-Est n'en est
pas conscient. Ah, lui, il pense à Malartic, à Bar-raute,
à Senneterre, autour, puis il dit: Bon, peut-être à
Quévillon ou à Matagami ils vont aller magasiner chez nous. Mais
il ne pense pas que sa population de Val-d'Or, elle aussi, va se tanner de
contempler son illustre député durant la fin de semaine, et puis
que peut-être elle va profiter de ces grandes fins de semaine, avec sa
possibilité de magasiner samedi et dimanche, pour aller faire son petit
tour à Montréal et en profiter pour amortir ses frais de voyage
sur les économies qu'on pourrait faire en magasinant là-bas. (21
h 10)
Mais c'est ça, la dynamique des centres et des
périphéries, M. le Président, et ce gouvernement ne l'a
pas compris. En agissant de cette façon-là, il continue son
oeuvre de démolition des activités économiques en
région, et il trouve ça normal. Là, il y a un
problème, M. le Président. Je comprends, par exemple, le maire de
Montréal qui, lui, n'est pas d'accord, parce que
le maire de Montréal l'a compris, la dynamique, lui,
puis comme il sait qu'il est le plus gros en termes de centre au Québec,
puis une fois que tu as fini de drainer le Lac-Saint-Jean vers Québec,
Sherbrooke et tout ça, là, tout le monde finit par se retrouver
à Montréal. C'est le plus gros, puis, en bout de piste,
peut-être que tous les Québécois de toutes les
régions rêvent d'aller passer une fin de semaine pas trop
coûteuse à Montréal et que la meilleure façon
d'amortir une fin de semaine à Montréal, c'est de faire des
achats locaux à moins cher que ce qu'on trouverait à
Gaspé, à Rimouski, à RMère-du-Loup, à
Sept-îles.
Alors les gens vont y aller. Ça, le maire de
Montréal, lui, l'a compris. C'est le plus gros. Il a raison d'être
pour, mais ce n'est pas évident, par exemple, que tous les gens qui sont
chez eux sont du même avis, parce que ceci étant dit, il y a
d'autres sortes de problèmes qui se posent parce que, encore là,
la même dynamique, elle, se joue à l'intérieur de la
structure d'entreprise. Ce n'est pas uniquement une dynamique d'étude
territoriale. C'est aussi une dynamique d'entreprise, alors, qui veut que quand
tu es plus gros, tu as plus de chances dans ce type de dynamique
économique que quand tu es plus petit.
Alors, le plus petit, lui, il risque de passer à
côté, parce que les gens qui vont faire leur magasinage à
Montréal, qui viennent des régions du Québec, vous savez,
La Promenade Ontario, ça ne leur dit pas grand-chose. Ce qu'ils
connaissent, c'est les gros noms, c'est les grandes entreprises qui ont pignon
sur rue dans des blocs de cinq ou huit étages, au centre-ville de
Montréal. Alors, ils vont aller là, mais ils n'iront pas faire le
tour des petits magasins semblables à ceux qu'ils ont dans leur
région, semblables à ceux qu'il y a chez eux, parce qu'ils vont
dire: Bon, bien, tant qu'à magasiner dans une bijouterie où il y
a trois sortes de montres et 25 sortes de boucles d'oreille, je suis aussi bien
de le faire chez nous. Donc, je n'irai pas à Montréal voir ces
petites bineries-là. Je vais me rendre dans des grands magasins
où j'aurai 500 sortes de montres et 3000 sortes de boucles
d'oreille.
Donc, les commerçants et les regroupements de
commerçants des grands centres disent: Non, non, c'est bien beau la
dynamique des centres et des périphéries, mais pour nous,
ça engage des frais supplémentaires sans rapporter
nécessairement plus, parce que nous, on va rester avec notre petite
clientèle locale. Alors, on retrouve, même si le maire de
Montréal dit: Moi, je suis d'accord pour que tout le monde du
Québec vienne magasiner chez nous, là.
Il y a des commerçants à Montréal,
puis il y a des membres d'associations comme la Corporation des marchands de
meubles du Québec... Il y a sûrement des vendeurs de meubles
à Montréal, je ne peux pas croire. Il y en a chez nous,
imaginez-vous. Il doit y en avoir à Montréal. Les bijoutiers,
c'est la même chose. Je
regarde les SIDAC. Ça a commencé à Montréal.
La Promenade Ontario, ce n'est pas à Sherbrooke, ce n'est pas à
Québec, c'est sur la rue Ontario, à Montréal. Bon! Il y a
des groupes comme ça qui sont contre l'ouverture des magasins le
dimanche parce que eux savent que ça va leur engendrer des frais
supplémentaires sans pour autant leur amener plus de clientèle,
parce qu'ils ne font pas partie du réseau des grandes surfaces qui
attirent la clientèle de l'extérieur.
Vous savez, j'ai eu un professeur qui appelait... qui parlait des
centres d'achat en les nommant les temples de la consommation moderne. Et puis,
je pense qu'il avait raison. Jadis, on bâtissait des cathédrales.
C'était un symbole. En Europe, les pays d'Europe avaient tous leurs
grandes cathédrales, et c'était un symbole de fierté, de
force et de dynamisme. Aujourd'hui, des cathédrales, on n'en bâtit
plus, M. le Président. On les a remplacées par des
supermarchés, là où les gens se retrouvent, se regroupent,
et plus ton supermarché il est gros, plus il y a de magasins, plus tu es
fier de ta ville. C'est un peu le principe.
Alors, tous ceux qui sont en dehors de ça ne font pas partie du
temple de la consommation. Alors, ce sont les vendeurs du temple, M. le
Président, qui veulent l'ouverture des magasins le dimanche, ceux qui
habitent les temples de la consommation moderne. Ce sont eux qui sont
intéressés par ça, pas ceux qui desservent une
clientèle locale dans un quartier, même si c'est à
l'intérieur d'une grande ville, ou pas ceux qui sont
spécialisés dans un certain nombre de petites opérations
commerciales qui font vivre leur famille et quelques employés. Eux,
ça ne leur rapporte absolument rien. Les seuls intéressés,
ce sont les marchands du temple ou les marchands des temples de la consommation
que sont les centres d'achat, les grandes surfaces, les supermarchés.
Eux, ils sont intéressés parce que la force centrifuge
d'attirance des gens qui viennent de l'extérieur, c'est vers ces
temples-là que ça se canalise et non pas vers le petit
marché local ou à vocation plus régionale.
Alors, le ministre a adopté, lui, cette philosophie-là et
le ministre est en train de vendre l'idée que c'est la seule
façon de faire. Ce faisant, il détruit les structures
économiques des régions et il remet le commerce entre les mains
de quelques grandes entreprises, M. le Président, de la même
façon que par la loi des forêts le ministre des Forêts a
remis l'ensemble des forêts publiques québécoises entre les
mains de quelques grandes entreprises papetières qui ont
opéré le rachat d'à peu près tout ce qu'il y avait
de scieries pour privatiser d'une certaine façon, par voie
déviée, la forêt publique québécoise. La, on
est en train de faire la même chose dans le domaine commercial en
remettant toutes les décisions, toute l'orientation, toute la dynamique
commerciale québécoise entre les mains de quelques grandes
entités. Les vendeurs du temple, M. le Président!
J'écoutais le député d'Orford qui, dans sa candeur,
disait: Moi, vous savez, chez nous, on est dans une région où les
magasins sont ouverts le dimanche et on a une excellente qualité de vie.
Bien oui, nous, on a une excellente qualité de vie. Il me faisait
penser, M. le Président, ce disant, à l'entrepreneur, un petit
entrepreneur de Québec qui, la semaine dernière - la chose est
véridique - au retour de deux belles semaines passées sous le
soleil de Floride, avait trouvé la solution à la relance de son
entreprise. Le lendemain de son arrivée, alors que l'huile de plage lui
coulait encore dans la figure, ou à peu près, il regroupe
l'ensemble de ses employés et il leur dit: Si vous voulez qu'on reste en
vie, il faut que vous me donniez une semaine de vacances, tout le monde. Je
vous coupe toutes vos vacances d'une semaine. Lui, venait de prendre deux
semaines en Floride, en condition automnale, pour se préparer pour
l'hiver; belles vacances au soleil, pour trouver que la meilleure façon
de sauver son entreprise, c'était de couper une semaine de vacances
à tous ses employés, M. le Président. Ça, c'est de
la relance! Ça, c'est bien pensé. Vous vous imaginez que c'est
une belle façon aussi de s'attirer la sympathie de ses travailleurs. Il
aurait pu attendre au moins de se faire dégriller un peu, attendre que
le sel de mer tombe sur le plancher. Ça aurait peut-être
été moins choquant pour les travailleurs qui, de toute
évidence, ont refusé du revers de la main la proposition qui
était faite, en disant: Écoute bien, tu viens d'aller te faire
griller la couenne en Floride pendant deux semaines, sur notre dos, sur notre
sueur, parce que c'est nous autres qui travaillons dans ta business, et
là tu dis que, ta solution, c'est de nous couper nos vacances quand
ça prend 20 ans pour avoir un mois.
Bon, le député d'Orford me faisait penser à
ça. Lui, c'est sûr que ça ne le dérange pas. Il ne
travaille pas, lui, dans les magasins le dimanche. Ce n'est pas lui qui
travaille au salaire minimum derrière une caisse chez Canadian Tire le
dimanche après-midi. Ça ne le dérange pas, lui. Sa
qualité de vie n'est pas affectée. Il ira en parler, par exemple,
aux travailleurs qui travaillent derrière les caisses. Peut-être
qu'eux autres auraient leur mot à dire, et je ne suis pas certain qu'ils
aient la même opinion sur leur qualité de vie. Quand tu travailles
déjà au salaire minimum, M. le Président, ou à peu
près! Est-ce que le député d'Orford est au salaire
minimum? J'en doute. Mais ces gens-là, oui, ils sont au salaire minimum,
M. le Président. Et, dans le meilleur des cas, ils sont à 8 $, 9
$ l'heure quand ils sont syndiqués. Alors, il ne faut pas s'en faire,
là. Et, en plus, on va les obliger à travailler le dimanche?
M. le Président, il y a une aberration dans nos
sociétés modernes, et tant qu'on ne l'aura pas comprise, cette
aberration-là, on va con-
tinuer à prendre des décisions et à faire des lois
antisociales comme le fait ce gouvernement. Cette aberration-là, M. le
Président, repose sur une prémisse bien simple: c'est que pour
qu'une petite partie de la population puisse s'amuser dans la belle et grande
société des loisirs à laquelle nous donnons tellement de
gloire et de laquelle nous sommes si fiers, donc, pour que quelques-uns, les
bien nantis puissent s'amuser, il y a toute une myriade de gens qui doivent
travailler au salaire minimum et eux ne sont jamais capables de s'en payer, des
loisirs. Dans les centres de ski, dans les piscines publiques, dans les
campings, sur les plages, partout sur les terrains de golf, c'est tout du monde
qui travaille au salaire minimum le soir, les fins de semaine, samedi,
dimanche, avec des conditions misérables de travail, pour permettre
à une petite catégorie de bien nantis de pouvoir aller jouer au
golf le samedi matin, de pouvoir aller faire du ski le dimanche
après-midi, de pouvoir faire du tennis ou la piscine le vendredi soir,
etc. Mais tous les gens qui travaillent là-dedans sont de
véritables esclaves, M. le Président, des marginaux au salaire
minimum qui sont payés et qui sont une myriade, qui sont de plus en plus
nombreux pour permettre à quelques bien nantis de pouvoir s'amuser.
C'est ça, la base économique de la société des
loisirs que nous aimons tant démontrer et dont nous sommes si fiers, M.
le Président.
Et la dynamique de faire travailler les gens le samedi et le dimanche -
et surtout le dimanche - dans les magasins relève encore des mêmes
principes, de la même théorie. Ce n'est pas grave, petit
derrière, pourquoi tu travailles cette fin de semaine au salaire
minimum? Tu dois bien être obligé de travailler le dimanche, tu
n'en gagnes pas assez dans la semaine, dans tes 40 heures. C'est normal que tu
fasses un peu de temps supplémentaire le dimanche. Et, durant ce
temps-là, moi, je pourrai aller faire mon ski le samedi
après-midi, s'il fait beau et, le dimanche matin, j'irai faire mon
magasinage. Puis, s'il fait beau le dimanche et qu'il ne fait pas beau le
samedi, bien, j'irai le samedi et, dimanche, j'irai faire mon ski. Durant ce
temps-là, la petite caissière, elle, en arrière du
«cash», elle est au salaire minimum, et elle a la broue dans le
toupet pour permettre à ces gens d'aller faire leur ski quand il fait
beau et d'aller magasiner quand il ne fait pas beau... (21 h 20)
Une voix: L'équitation.
M. Claveau: C'est ça, le problème...
L'équitation, les chevaux de course, aller aux parties de hockey, aller
au gala sportif, participer à toutes sortes d'activités
culturelles bien pensantes, etc., etc. Mais, durant ce temps-là, c'est
le petit peuple, c'est la population qui travaille quasiment sous le signe de
l'esclavage, au salaire minimum, à 200 $ ou 250 $ par semaine, pour
permettre à ces gens de s'amuser, d'avoir du plaisir et de pouvoir
choisir le moment entre lequel ils vont faire du ski et du magasinage. C'est
inacceptable! C'est des mesures antisociales, des mesures répressives,
des mesures qui relèvent de l'esclavagisme et qui, en plus, sont
destructrices de nos économies régionales. C'est pour toutes ces
raisons que je serai, jusqu'à la limite, contre ce genre de projet de
loi.
Une voix: Encore, encore!
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, M. le
député d'Ungava, votre intervention est terminée. S'il
vous plaît, on va permettre au député de Beauce-Nord
d'intervenir a son tour. Vous avez également droit à 20 minutes,
M. le député de Beauce-Nord.
Des voix: Bravo!
M. Jean Audet
M. Audet: Merci, M. le Président. Même si c'est un
dossier qui peut toucher certains points émotifs de la plupart d'entre
nous, je vais essayer quand même de rester calme et serein, ce qui est
très important.
Je vais commencer, M. le Président - et je vous prierais
d'être attentif - par vous lire des petites notes que j'ai
relevées dans des débats qui se sont tenus à
l'Assemblée nationale, ici, il y a quelques années.
Écoutez bien, M. le Président, vous allez être en mesure de
tirer vos propres conclusions après. Des fois, quand l'évolution
avance, des fois, il y en a qui reculent. Quand on évolue,
habituellement, on s'améliore, mais, dans ce cas-ci, vous verrez qu'il y
a eu des changements qui, je ne sais pas... En tout cas, je ne me les explique
pas. On peut les expliquer, mais, enfin... Je vais vous laisser le soin de
tirer vos propres conclusions.
Alors, ça se passe en décembre 1984, dans un dossier
où on faisait l'objet, le gouvernement faisait l'objet de pressions pour
déréglementer, apporter des changements à tout ça.
À cette époque-là, on disait que... Je vais lire
textuellement ce qu'on rapporte ici: Actuellement, nous faisons face à
des demandes pressantes sollicitant une intervention de l'État en vue de
réglementer. Nous savons que l'effet de la réglementation
à outrance d'un métier a pour conséquence de fermer
celui-ci sur lui-même et d'en freiner le développement. Ceci nous
a amenés à revoir les critères qui devaient fonder
l'action de l'État en ce domaine pour éviter des contraintes
inutiles. La loi des heures d'affaires... On en a parlé, nous, des
contraintes inutiles, des exceptions à n'en plus finir. Nous vivons
actuellement une période de chômage qui reste élevé
et qui risque de le demeurer. On est en 1984, M. le Président. Et, sur
le même discours, on va un peu plus loin: Évidemment, M. le
Président, quand on consulte
les gens, cela ne veut pas dire qu'on retient tout ce qu'ils nous
proposent. À cet égard, nous avons fait, comme gouvernement, un
choix qui plaît à un certain nombre et qui déplaît
à d'autres. L'art de la politique, c'est aussi, à l'occasion, je
l'espère bien, l'art de prendre des décisions qui comportent,
effectivement, des éléments qui peuvent ne pas plaire à
toutes les personnes concernées.
On continue, toujours dans le même temps, sur le même sujet,
M. le Président: Je dois dire que c'est une réglementation qui
existait depuis près de 35 ans et qu'elle ne correspondait plus à
la réalité sociale et culturelle.
Une voix: Ah bon!
M. Audet: Qu'est-ce qu'on dit, ici, pour changer la loi des
heures d'affaires? En gros, c'est ce qu'on dit. Tantôt, on nous a dit le
contraire! Il a paru nettement préférable de procéder
à la déréglementation dans ce secteur, et de laisser
davantage jouer les lois du marché. J'étais assez troublé,
M. le Président, quand j'ai lu ça, que j'en perds mes mots, vous
comprendrez! Savez-vous qui disait ça? C'est une personne que je connais
normalement pour avoir quand même un certain bon jugement, et c'est
l'ancienne ministre de la Main-d'oeuvre, qui est aujourd'hui
députée de Taillon, qui a fait une intervention, tantôt,
qui allait complètement à rencontre de ça. Est-ce que
ça veut dire, M. le Président, qu'on change de discours avec la
chemise qu'on porte, avec l'habit qu'on porte? L'habit ne fait pas le moine,
mais si les moines n'avaient pas d'habit, ça ne serait pas des
moines.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Audet: Alors, c'est ce que je vous disais un peu sur
l'évolution. Vous savez, il y a quelques années, il y a des
millions et des millions d'années, il y a une espèce animale qui
est disparue parce qu'elle n'a pas évolué, elle ne s'est pas
adaptée à la société. Alors, si on regarde le
dossier, parce qu'en 1990, j'ai été un de ceux qui ont
travaillé à la commission de l'économie et du travail,
j'étais assez actif dans ce dossier-là parce que je croyais au
discours que le ministre de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie
tenait à l'époque et que notre gouvernement tenait. On disait: On
va essayer d'y aller graduellement. Puis j'ai fouillé ce dossier parce
que ça fait longtemps qu'on taponne avec ça, M. le
Président.
Je lisais ici un article du Devoir du 15 février 1984,
où l'ancien ministre... Les heures d'affaires... Pour Biron, le projet
de loi 59 n'est qu'une première étape. Mais il disait: Mais il
est possible que dans un, deux, cinq ans, on soit prêts à franchir
une autre étape, à adopter d'autres aménagements à
la Loi sur les heures d'affaires. On peut forcer un peu l'évolution,
mais on peut tout bousculer. Il faut être prudent, suivre
l'évolution des mentalités.
M. le Président, les propos de M. Biron rejoignent exactement ce
que nous faisons ici. En 1990, on a franchi une étape. On a dit: On va y
aller graduellement. On aurait pu. On citait tantôt M. Gilles Lesage, du
Devoir, qui disait toutes sortes de choses là-dessus, là,
bon. On peut en citer un autre bout pour voir lesquels sont cohérents
tout le temps. Dans un article du 27 septembre, il disait: Dans ce dossier,
comme dans tous les autres où l'intervention étatique est
nécessaire, la solution idéale est hors de portée. Au
surplus, les esprits sont fort partagés; la moitié des
Québécois prônent la sévérité et la
coercition, les autres étant en faveur du libéralisme le plus
débridé. Entre les deux, le gouvernement doit choisir la voie de
l'ouverture, mais en prenant bien soin de limiter les effets
déraisonnables. C'est ce qu'on fait, M. le Président, depuis
1990. On a dit qu'on irait par étapes. Puis les résultats le
prouvent, démontrent hors de tout doute que le gouvernement a eu raison,
puis il y a plusieurs exemples qui peuvent le démontrer.
On regarde au niveau des consommateurs. En 1990, une certaine partie des
consommateurs étaient prêts à une plus grande
libéralisation des heures d'affaires, une plus grande ouverture, une
plus grande accessibilité aux commerces le dimanche. En 1992, ça
a changé. Il y a des changements qui se font partout autour de nous. On
n'a qu'à regarder dans les provinces canadiennes. On cite souvent les
États-Unis, c'est connu, mais on regarde les provinces canadiennes. La
plupart des provinces ont une loi qui permet l'ouverture des
établissements commerciaux le dimanche
Je me souviens aussi, en 1990, des organismes qui étaient venus
se faire entendre en commission parlementaire. On parlait des Travailleurs unis
qui, aujourd'hui, ont compris. C'est ce qui me fait dire que le gouvernement a
eu raison. Ils ont compris qu'on y allait par étapes. Au début,
ils n'ont pas trouvé ça drôle. Bien non. Ça n'a pas
été facile pour eux autres d'admettre ça, puis je pense
que notre gouvernement a été visionnaire dans ce
dossier-là.
On en a la preuve aujourd'hui. Ils sont d'accord. Ils viennent nous
dire: Oui, on est d'accord, mais il y a des choses qu'on veut que vous
respectiez, c'est le volontariat. Puis on l'a inscrit dans la loi. Ça a
été demandé. On regarde la Chambre de commerce du
Québec, on regarde la ville de Montréal qui était contre,
la ville de Sainte-Foy, on regarde un paquet d'intervenants, aujourd'hui, parce
que leurs marchands leur ont demandé, ils sont en faveur d'un
élargissement des heures d'affaires la semaine et le dimanche.
Quand j'écoutais les gens de l'Opposition nous dire pourquoi ils
étaient contre, on a donné toutes sortes de motifs plus ou moins
valables,
mais ce dont ces gens-là ne sont pas conscients, c'est qu'ils
cautionnent les achats à l'extérieur du Québec. On a beau
dire: Oui, c'est vrai, c'est les taxes. Mais, en maintenant les commerces
fermés le dimanche parce que, pour certains, aller se promener dans les
centres d'achats le dimanche, c'est un loisir. Des fois, on va acheter, comme
ça, spontanément, un petit article, parce qu'on le trouve
intéressant, tout ça, puis l'occasion se présente bien.
Est-ce que, si on laisse...
Je serais curieux qu'on fasse le test, qu'on dise: On va fermer les
zones touristiques, par exemple. On va demander à l'Outaouais: Vous
allez tous fermer le dimanche, puis on va laisser les commerces ouverts en
Ontario, comme ils viennent de le faire, le dimanche. On verra, M. le
Président, s'il n'y aura pas des gens du Québec qui n'iront pas
magasiner en Ontario. Au Nouveau-Brunswick, c'est la même chose. Voyons
donc, M. le Président! Le Parti québécois est en train de
cautionner non seulement les achats en dehors du Québec, mais la
création des emplois aussi. À les entendre, les gens qui
travaillent dans les commerces, actuellement, ça va rester tel quel et
tout ça. Il va y avoir une transition, c'est certain. Il y en a qui vont
s'adapter. Ils vont dire: On va peut-être fermer le lundi ou certains
avant-midi de la semaine, parce qu'on a moins d'achalandage, pour ouvrir le
dimanche. On va répartir la masse salariale. On va peut-être
engager des étudiants, les fins de semaine, qui aiment ça
travailler pour se faire un peu de gagne. (21 h 30)
On cautionne des classes de marchands au Québec. C'est ce qu'on a
fait, en 1984, des classes, des catégories de marchands. Toi, tu vends
telle affaire, tu peux ouvrir; toi, tu n'en vends pas, tu ne peux pas ouvrir.
C'est ça qu'on a fait. Puis, en 1990, je me souviens, l'exception
était rendue la règle. Puis un gouvernement, quand c'est rendu
comme ça, c'est très difficile d'application, ça ne marche
pas. Alors, il faut faire quelque chose. Quand on regarde ce qui se passe en
Amérique du Nord, quand on regarde ce qui se passe en Europe où
on demande à nos travailleurs, où on demande à nos hommes
d'affaires d'être plus productifs, d'être plus rentables, de
travailler plus et de travailler mieux, tout ça, puis qu'on bâtit
un discours, M. le Président, comme le disait M. Dubuc, qui est
archaïque, qui ne tient plus compte du contexte social actuel
d'aujourd'hui...
J'écoutais la députée de Chicoutimi qui disait
qu'aux États-Unis, parce que les commerces sont ouverts, le taux de
criminalité est plus élevé. Si vous êtes capable de
me prouver, M. le Président, qu'il y a plus de crimes dans les zones
touristiques actuellement que depuis 1984, bien, je vais dire oui. Voyons donc!
Ça ne tient pas debout, dire des affaires de même, faire accroire
des affaires comme ça au monde.
La Loi sur les heures d'affaires au Québec a été
adoptée en 1969, M. le Président. Y avait-il plus de crimes avant
1969, au Québec, qu'il y en a eu après parce qu'on a
réglementé? Voyons donc! C'est dire des faussetés, c'est
faire accroire n'importe quoi au monde. C'est comme si ceux dont les parents
travaillent le dimanche... Parce qu'il y en a: les gens de la santé, les
gens qui travaillent dans les forces policières, les pompiers. On peut
en nommer. Est-ce que ça veut dire que les enfants de ces gens-là
sont des criminels ou sont plus portés sur le crime? Je ne suis pas trop
sûr de ça, moi, là. Est-ce que le taux de
criminalité, M. le Président, est plus élevé dans
le temps des fêtes parce que les commerces sont ouverts le dimanche? Je
ne suis pas sûr de ça non plus.
Alors, c'est pour vous dire qu'on trouve toutes sortes de
prétextes qui tiennent plus ou moins debout pour faire accroire
n'importe quoi aux gens, pour dire, finalement: II ne faut pas ouvrir les
commerces, tout ça. Puis je regarde d'autres situations où des
gens de ce parti-là, M. le Président, donnaient toutes sortes de
raisons qui étaient valables pour déréglementer, pour
permettre aux lois du marché de faire leur oeuvre, pour permettre aux
marchands de s'adapter, et tout ça, puis, aujourd'hui, on vient dire aux
marchands: On ne vous fait plus confiance, nous autres. Si le gouvernement
décrète l'ouverture le dimanche, vous allez tous fermer. Voyons
donc!
Moi, je fais confiance plus que ça, M. le Président, aux
hommes d'affaires de chez nous parce que, quand on a de la concurrence, on est
capable de se retrousser les manches puis de s'adapter. Et puis le plus bel
exemple de ça, c'est Couche-Tard. Couche-Tard, en 1990, était
venu nous voir, M. le Président. C'était dramatique, ouvrir les
commerces d'alimentation le dimanche. C'était dramatique, c'était
la catastrophe. J'ai suivi le dossier Couche-Tard de près. En 1991, on a
déclaré, dans les alimentations Couche-Tard, des profits comme
ça ne s'était jamais vu, M. le Président. Puis la loi
avait été adoptée. On permettait l'élargissement
des heures d'affaires. Pourquoi? Parce qu'ils se sont adaptés. Ils ont
développé des nouveaux créneaux, des nouveaux
marchés. Dire: On ouvre les commerces le dimanche, ça va
être la catastrophe sociale, le crime va augmenter puis ils vont tous
fermer, puis ça ne marchera plus, puis... Voyons donc! C'est ne pas
faire confiance aux gens, pas du tout. En tout cas, moi, M. le
Président, je peux vous dire que, de notre côté, ici, le
gouvernement libéral, on est à l'écoute des besoins des
consommateurs. Il y a des gens qui sont venus nous rencontrer, qui ont
rencontré le ministre, une coalition. Ils ont dit: On propose... on vous
demande, M. le ministre, d'élargir les heures d'affaires.
Avant 1969, chez nous, on avait un commerce. J'étais jeune. On
avait une épicerie. Les
épiceries de village qu'on appelait, là où on
vendait un peu toutes sortes de choses: de l'épicerie, de la bijouterie.
Mon père était barbier, il faisait les cheveux dans un petit coin
dans le magasin. On était ouvert le dimanche. Pourquoi on était
ouvert le dimanche, M. le Président? Savez-vous ça, pourquoi on
était ouvert le dimanche? Parce que c'était la meilleure
journée de la semaine. Les producteurs agricoles descendaient au
village, à la grand-messe, puis ils venaient faire leur épicerie,
ils venaient acheter ce qu'il fallait. On était ouvert, M. le
Président, quand c'était le temps. Il y en a qui avaient
fermé le dimanche, mais ils ne sont pas restés là, non
plus. On s'était adapté au marché. Les gens venaient au
village le dimanche. Ils ne venaient pas le mardi, ils venaient le dimanche,
ça fait qu'il fallait être là pour répondre à
leurs besoins quand c'était le temps. Puis je répète ce
que la députée de Chicoutimi disait: Avant 1969, il n'y avait pas
plus de bandits par chez nous qu'il y en a aujourd'hui.
Alors, M. le Président, c'est un dossier qui a
évolué, comme je le disais. Nous, ici, on fait confiance aux
gens, on écoute les consommateurs. Il n'y a pas obligation d'ouverture,
M. le Président. Si, le dimanche, dans certains secteurs, dans certaines
régions, le besoin ne se fait pas sentir d'ouvrir le dimanche, le
commerce aura la liberté de le faire. Et si, par exemple, le
commerçant est à 15 kilomètres d'une zone touristique, il
ne peut pas ouvrir. Ses gens partent de chez lui puis ils s'en vont acheter
dans la zone touristique. Voyons donc, M. le Président, ça n'a
pas de bon sens!
Alors, comme le disait M. Dubuc, il est temps que la niaiserie de M.
Parizeau cesse. Alors, j'ai hâte qu'on procède à
l'étude et à l'adoption de ce projet de loi là au plus
tôt, M. le Président. On a des choses, je pense, plus importantes
que ça à s'occuper, et j'ai hâte qu'on s'en occupe. Merci
beaucoup.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le
député de Beauce-Nord. Mme la députée de
Chicoutimi, vous avez droit à une période maximale de 20 minutes
sur votre intervention.
Mme Jeanne L. Blackburn
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. D'entrée de
jeu, je vais répondre brièvement. J'ai horreur d'être mal
citée, et plutôt que citer tout croche, pourquoi est-ce qu'il ne
retourne pas aux galées? De toute façon, je pourrais les lui
donner, s'il n'a pas oser les demander. Ce que j'ai dit cet après-midi,
sur la motion de report, c'est essentiellement ceci: Qui veut ressembler aux
Américains et à l'économie américaine
d'aujourd'hui? Un nombre accru de pauvres. Et c'est une situation qui empire de
mois en mois. C'est un pays où 35 000 000 d'habitants n'ont pas de
couverture sociale ni d'assurance- maladie, un pays où la
criminalité a atteint des sommets endémiques. C'est ça que
j'ai dit. Je n'ai pas dit qu'ouvrir le dimanche ça créait tout
ça. J'ai dit: Vous voulez ressembler aux États-Unis? Aux
États-Unis, il y a ça aussi. J'aime bien être citée
au texte. Alors, j'inviterais le député de Beauce-Nord à
revenir au texte et à me citer correctement lorsqu'il veut le faire.
Deuxième chose, il dit: Ça répond à la
demande des consommateurs. Qu'il dépose ici, en cette Chambre, des
pétitions de consommateurs qui demandent l'ouverture des commerces le
dimanche. Et si le gouvernement est si sûr de son fait, pourquoi
refuse-t-il une consultation? Dites-moi ça. Il est sûr de son
fait, il a raison. C'est mieux pour l'économie du Québec. On
pourrait se laisser convaincre, mais qu'au moins il accepte d'entendre
là-dessus les consommateurs, les Québécois, les
Québécoises et peut-être qu'il serait étonné
de la réponse qu'ils lui donneraient.
M. le Président, le gouvernement a refusé cet
après-midi, dans une motion que nous avons présentée, de
reporter de trois mois le présent débat. Pourtant, rappelons
qu'il n'y a pas d'urgence. Autant on pouvait comprendre que le ministre voulait
modifier une espèce d'erreur un peu surprenante, pour ne pas dire
aberrante, dans son projet de loi... S'il voulait que ça ouvre quatre
dimanches avant Noël, il aurait fallu qu'il l'écrive. C'est fort
simple. Il n'avait pas besoin de dire «le 29 novembre». Il avait
juste à dire «quatre dimanches précédant la
fête de Noël» et nous aurions pu être d'accord. Mais ce
n'est pas ça. Il demande, avec le 29 novembre, évidemment, la
libéralisation quasi totale des heures et des jours d'admission dans les
établissements commerciaux. Pourtant, je le rappelle, il n'y pas
d'urgence. Il n'y a certainement pas d'urgence avant la prochaine
rentrée parlementaire, puisque, tout le monde le sait, février,
mars, c'est plutôt creux. Et ce que nous disent les commerçants:
On mange les bénéfices qu'on a faits en décembre. Alors,
janvier, février, mars, c'est plutôt au ralenti.
M. le Président, l'argument majeur de ce gouvernement-là,
c'est de s'harmoniser aux politiques des provinces et des États voisins.
Après le «Bien faire à tout coup et du premier coup»,
nous avons droit aujourd'hui à «Tout le monde le fait, fais-le
donc!». Les États-Unis le font, les provinces voisines le font,
pourquoi est-ce qu'on ne le ferait pas, nous autres aussi? Et ça,
ça a l'air progressiste, dans le vent. Les autres le font, faisons-le.
Pourquoi ne le ferions-nous pas? Drôle de logique. Drôle de
logique, M. le Président. Après avoir invoqué cet argument
plein de sagesse, «Tout le monde le fait, fais-le donc!», le
ministre justifie sa décision sur quatre éléments: contrer
les achats outre-frontière; améliorer de 1 % les achats au
Québec; la création de 8000 emplois; une loi difficilement
applicable, nous dit-il.
Commençons par la dernière. La loi inapplicable ou
difficilement applicable, c'est dû à un manque de volonté.
C'est un manque de volonté gouvernementale d'assurer l'application de
cette loi. Deuxième chose, s'il avait voulu modifier pour mieux
resserrer la règle prévoyant quatre personnes le dimanche dans
les marchés d'alimentation, ça ne posait pas problème. Et
rappelons également que l'idée de l'ouverture des commerces les
quatre dimanches précédant la fête de Noël et du Jour
de l'an, on ne peut pas vraiment être contre. Et, finalement, on sait
tous, nous, dans cette Chambre et les auditeurs qui sont actuellement à
l'écran, qu'on prévoit des dépenses additionnelles. On
prévoit faire des cadeaux, recevoir des amis, la parenté, donc on
planifie, donc on a un peu plus de sous pour dépenser, ce qui n'est pas
vrai pour le restant de l'année. À Noël, on prévoit
peut-être utiliser un peu la marge de crédit, sur la carte de
crédit. Ce n'est pas vrai pour le reste de l'année. M. le
Président, il dit: La loi était inapplicable. Il n'a pas
essayé vraiment de l'appliquer. (21 h 40)
Les achats outre-frontière. Les Québécois
traverseraient la frontière, de préférence le dimanche.
Voyons pourquoi ils traversent la frontière. Généralement,
pour faire l'épicerie, pour les carburants, pour acheter le tabac, des
vins. Et toutes ces choses-là, je vous ferais remarquer, on les trouve
au Québec, le dimanche. On les trouve au Québec, le dimanche,
curieusement. Alors, pourquoi est-ce qu'ils traversent la frontière? Les
taxes, les taxes, les taxes! Il ne faut pas chercher beaucoup plus loin que
ça. Taxes sur les tabacs, taxes sur les carburants, taxes sur les
cigarettes, taxes sur les vins! Et c'est devenu à un tel point,
qu'effectivement c'est plus avantageux de traverser les frontières. Ce
n'est pas parce qu'il vont ouvrir les commerces le dimanche que ça va
empêcher les Québécois d'aller acheter aux
États-Unis, aussi longtemps qu'on aura ces taxes qui ont, faut-il le
dire, sur le tabac en particulier, entraîné la naissance d'un
nouveau commerce illicite: le marché au noir des cigarettes qui se
criminalise parce qu'on constate de plus en plus qu'il y a des actes criminels,
des actes violents posés autour de ce trafic au noir des cigarettes.
Diminuer la taxe sur le tabac, ce serait probablement aussi, très
certainement, diminuer le trafic au noir parce qu'il deviendrait un peu moins
intéressant, puis, également, une certaine forme de
criminalité.
À Vancouver, les marchés, les établissements
commerciaux sont ouverts le dimanche depuis plusieurs années. Pourtant,
les gens de Vancouver, les consommateurs traversent six fois plus la
frontière américaine que les Montréalais. Six fois plus!
C'est ouvert le dimanche. Et là, on fait le pari qu'en ouvrant ça
le dimanche, ça devrait fonctionner. Donc, pour les achats outre-
frontière, loin d'être convaincant, l'argument du ministre.
L'autre raison. Il prétend que ça va augmenter la
consommation de 1 %, à peu près. Mais voyons un peu, d'abord. Ce
qu'il invoque, c'est que ça va provoquer ce qu'il appelle les achats
impulsifs. Comment définit-on «impulsif» dans le Petit
Robert? Impulsif: «Qui donne, produit une impulsion. "Force impulsive".
Qui agit sous l'impulsion de mouvements spontanés,
irréfléchis ou plus forts que sa volonté.» Et
l'antonyme de «impulsion», c'est «calme»,
«réfléchi». Alors, je pense qu'il faut dire les
choses comme elles sont. Il est irresponsable d'encourager les achats
impulsifs, donc l'endettement des Québécois et des
Québécoises, sous prétexte que ça va relancer
l'économie. L'économie, pourtant, généralement, on
le reconnaît, se bâtit autour de l'achat de biens durables comme
les maisons, les biens mobiliers et immobiliers. Mais sur les biens non
durables, ce n'est pas comme ça que vous accroissez la richesse
collective, que vous augmentez le patrimoine familial. Vous augmentez
l'endettement.
Mais, voyez-vous, le nouveau motto de ce gouvernement, c'est: «Le
gouvernement le fait, faites-le donc!». Le gouvernement s'est
endetté, et on sait que le déficit d'opération, cette
année, dépasse les 4 000 000 000 $... Les 4 000 000 000 $, cette
année? Alors, le gouvernement s'endette, pourquoi le consommateur ne
s'endetterait-il pas, lui aussi? Pourtant, la capacité d'endettement du
consommateur, elle commence à être passablement limitée.
Et, contrairement à ce qui s'est passé en 1982, où les
consommateurs avaient quand même augmenté leur bas de laine de
quelque 19 % parce qu'ils consommaient moins, ils avaient moins confiance en
l'économie, actuellement, il n'y a pas de bas de laine. Et l'endettement
des Québécois et des Québécoises est à son
niveau le plus élevé jamais vu. Alors, ce sur quoi le
gouvernement compte? Les achats impulsifs qui vont augmenter l'endettement des
Québécois et des Québécoises. 8000 emplois
créés, nous dit-il. 8000 emplois créés, et de
quelle qualité, d'abord, les emplois, si tant est que ça en
crée? De l'avis des commerçants, ils ne créeront pas
d'emplois parce que l'achalandage ne sera pas beaucoup plus
élevé. Il va y avoir un déplacement de l'achalandage.
Donc, on va étaler les emplois actuels.
Mais, qui réclame l'ouverture des commerces le dimanche? Pour
savoir à qui ça sert, il faut savoir qui le réclame.
Alors, ce sont les grandes surfaces et, en particulier, Brico, Club Price,
Sears. Pourtant, le consommateur... À ma connaissance, je n'ai vu aucune
pétition. Je n'ai vu aucune pétition de consommateurs pour ouvrir
les commerces le dimanche. Je voudrais le rappeler, pas parce que moi, à
l'occasion, ça ne ferait pas mon affaire, parce que, effectivement, on
est souvent très occupé, peu de temps pour aller faire les achats
et les petites courses. Ça
pourrait faire mon affaire. Mais jamais, jamais je n'estimerai que, pour
me servir, moi, trois, quatre ou cinq fois par année, il faille
sacrifier une partie des travailleurs. Et rappelons-nous, là, entre
nous, les travailleurs dans le commerce au détail au Québec,
c'est 400 000 personnes. C'est 400 000 personnes. Ce n'est pas rien là,
c'est 400 000 personnes à qui on dit: Dorénavant, une fois par
mois, ou deux fois par mois, vous aurez à travailler le dimanche. Alors,
je ne pense pas avoir ce droit.
Pour savoir qui ça sert, donc, on l'a dit, mais qui est contre
l'ouverture des commerces le dimanche? La Corporation des marchands de meubles
du Québec, la Fédération canadienne de l'entreprise
indépendante, l'Association des marchands détaillants de l'est du
Québec. Écoutez, il y en a toute une liste, mais chez nous,
personnellement, là, la SIDAC, la chambre de commerce du Saguenay. Et
j'ai reçu des lettres que je me permets de vous lire, parce que je me
dis qu'ici en cette Assemblée on prétend tout le temps que
l'Opposition parle en son nom personnel. Vous allez me permettre de rappeler un
peu ce que dit précisément quelqu'un qui travaille. C'est un M.
Michel Ricard qui m'écrit en disant: «Permettez-moi de vous
féliciter pour la prise de position que vous avez adoptée face
à ce projet de loi - évidemment le projet de loi 59 - stupide
d'ouverture des commerces le dimanche. Je voudrais que vous fassiez part du
mécontentement de plusieurs de mes confrères et consoeurs de
travail qui se trouvent dans une situation où ils n'ont pas
réellement le choix de travailler ou pas le dimanche, même si le
premier ministre a dit que ce sera le cas. «En effet, je me suis fait
demander si je pouvais travailler dimanche prochain, et, devant mon refus, on
m'a signifié que, si je n'étais pas disponible le dimanche, je
n'avais qu'à changer d'emploi, que notre travail était de vendre,
donc d'être disponible aux heures qui conviennent à mes
employeurs, et pas à moi. «Concernant le fait que ça
créera des emplois, il a partiellement raison. Ça créera
des emplois pour ceux qui perdront les leurs par la suite de leur refus de
travailler le dimanche. De plus, travailler le dimanche n'augmentera pas non
plus le nombre de mes heures travaillées, puisqu'on va déplacer
celles-ci pour combler un besoin le dimanche, diminuant mes heures de travail
pendant la semaine et me privant de vivre une vie familiale minimale en passant
la seule journée où tout le monde pouvait se retrouver, dans mon
magasin, à mon poste de travail. Pour être humoristique, on
pourrait peut-être dire que les employés de magasin devraient se
marier entre eux, à l'intérieur du même magasin. De cette
façon, ils vont au moins avoir la possibilité de se retrouver.
«Dans l'espoir que M. Bourassa prendra en considération les
protestations des employés pris au pied du mur, veuillez agréer,
Mme Blackburn, l'expression de mes sentiments distingués.» Et
c'est signé: Michel Ricard.
Alors, une deuxième lettre, et celle-là me vient à
la fois du propriétaire et des employés du magasin
associé, Canadian Tire. Le propriétaire a trois
établissements, à Chicoutimi et Chi-coutimi-Nord. Il dit:
«Je tiens à vous féliciter, ainsi que votre parti pour les
positions prises par M. Parizeau, en ce qui concerne l'ouverture des commerces
le dimanche. «Tout comme vous, nous croyons que les dires du Parti
libéral en cette matière sont de la foutaise. De plus, je peux
vous assurer de l'appui de nos 115 employés qui sont très heureux
de la performance du Parti québécois.»
Et là, ce n'est pas un employé qui nous dit ça.
Canadian Tire. Ils n'en veulent pas. Si le gouvernement est si sûr de son
affaire, pourquoi est-ce qu'il refuse d'entendre le monde? Pourquoi est-ce
qu'il refuse d'entendre le monde et d'entendre la population
là-dessus?
Mais, revenons sur des questions plus fondamentales, ce que
j'appellerais les valeurs sociales et collectives des Québécois
et des Québécoises. Ouvrir les commerces le dimanche, qui va
travailler? Les femmes. Les femmes, c'est clair, parce qu'elles sont toujours
plus nombreuses à être en bas de l'échelle, à
être moins bien payées, moins bien rémunérées
et à travailler dans des conditions plus précaires. C'est
reconnu. Dans la plupart de nos villes, à l'exception des grandes
villes, il n'y a pas de transport en commun, il n'y a pas de garderies le
dimanche. Alors, là, on les met à la merci d'utiliser, si elles
n'ont pas de voiture - et souvent, si elles sont monoparentales, elles n'ont
pas le moyen d'en avoir - un taxi pour aller travailler. Et si elles refusent
de travailler le dimanche sous prétexte qu'il n'y a pas de transport en
commun, c'est qu'elles ne sont pas disponibles. Et aller prétendre
qu'ils ont le choix, et qu'ils l'ont inscrit dans la loi, comme l'a fait tout
à l'heure le député de Beauce-Nord, M. le
Président, c'est vrai pour trois ans et c'est vrai, à la limite,
pour les employés qui pourront avoir un syndicat pour les
défendre. Sinon, pour les autres, c'est: Vous rentrez dans le rang ou
vous disparaissez; des travailleurs à la recherche d'emplois, il y en a
en masse. (21 h 50)
Dans le commerce au détail, on me dit 18 %, mais, à la
vérité, c'est même un peu moins que ça, c'est 46 000
travailleurs syndiqués, et il y en a 400 000. Et dans le secteur du
commerce au détail autre qu'alimentaire, on en compte à peu
près 8000 de syndiqués. C'est vous dire que ça
représente peut-être 7 % ou 8 % du commerce au détail autre
qu'alimentaire dans lequel on retrouve un syndicat.
Qui allons-nous retrouver dans ces commerces le dimanche? Les
élèves, «Élèves au travail», document
de réflexion préparé par le Conseil permanent de la
jeunesse. C'est un conseil qu'a
créé ce gouvernement. Il aurait peut-être
intérêt à l'écouter un peu. Ce que nous disent ces
jeunes: II est inacceptable que l'on continue à perpétuer une
pratique qui a atteint des sommets au Québec, le travail des
étudiants. Au niveau du second cycle, ils sont 60 % à travailler
entre 15 et 30 heures. Comprenez-vous? 15 et 30 heures de travail de plus que
leur travail scolaire et les cours qu'ils reçoivent. Ensuite, on
s'étonnera qu'il y ait 40 % de décrochage au niveau secondaire.
M. le Président, on va retrouver ces jeunes parce qu'on offre à
ces jeunes la possibilité d'ajouter une journée de travail.
Actuellement, on sait qu'ils ne travaillent pas vraiment sur semaine, à
l'exception du jeudi soir, du vendredi soir et du samedi. Mais, là, on
va ajouter le dimanche. Dites-moi à quel moment ces jeunes-là
vont pouvoir faire leurs travaux scolaires? Dites-moi à quel moment ces
jeunes-là vont pouvoir se retrouver en famille, M. le Président?
Cette pratique qui veut absolument que, pour être moderne, dans le vent,
il faut ressembler à ce que tout le monde ressemble. Je ne suis pas
sûre qu'on ait bien mesuré les effets sur les coûts sociaux
de telles mesures.
Le dimanche, qu'on le veuille ou non - vous vous en rappelez, moi, je me
rappelle - il y a des moments où les enfants s'ennuient à la
maison. Effectivement, ils trouvent le temps long quand il n'y a pas de neige
sur les pistes de ski. Il y a des moments, le printemps, quand ça fond,
où les enfants s'ennuient. Mais, au moins, on peut faire des choses
ensemble. On peut aller louer un film. On peut aller au cinéma. On peut
aller voir la grand-mère ou recevoir des amis. Le dimanche, c'est la
journée où on peut se réunir. Alors, ces
valeurs-là, on les sacrifie à ce que j'appelle le veau d'or de la
consommation. La seule valeur, c'est l'individualisme, et consommons.
Consommons au prix de sacrifier des valeurs familiales et collectives, au prix
de la qualité de vie de quelque 400 000 travailleurs dans les commerces
au détail au Québec. On est prêt à tout sacrifier au
nom de la consommation.
M. le Président, je suis contre ce projet de loi. Et, si le
gouvernement avait un peu de fierté et avait un peu confiance en son
projet de loi, il accepterait qu'il soit soumis à la consultation. S'il
pense - et c'est le printemps qu'il avance - que les consommateurs en veulent
de ce projet de loi, qu'il le présente aux consommateurs et que les
consommateurs aient l'occasion de venir s'exprimer en commission parlementaire.
Et, je le rappelle, il n'y a pas d'urgence. Il n'y a pas de commerçants
qui vont beaucoup se plaindre de ne pas ouvrir leur commerce en janvier et
février. Et on pourrait adopter la loi, si tant est que le Québec
la veuille, pour la prochaine session, pour Pâques, et ce serait
déjà fait. Cependant, je pense qu'un tel projet de loi
mérite une large consultation et le gouvernement n'a pas le droit de
sabrer dans les valeurs collectives et sociales du Québec sans que le
Québec se soit prononcé. Je vous remercie, M. le
Président.
Une voix: Bravo! madame.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, Mme la
députée de Chicoutimi. Je vais maintenant céder la parole
à M. le député de Papi-neau et whip adjoint du
gouvernement. Vous avez droit, M. le député, à une
période de 20 minutes.
M. Norman MacMillan
M. MacMillan: Merci, M. le Président. M. le
Président, le projet de loi 59 est le fruit de longues discussions et de
débats au sein du public en général ainsi que dans
différentes administrations. J'écoutais la députée
de Chicoutimi mentionner tantôt qu'elle avait fait un programme à
la radio qui disait qu'il y avait 15 personnes sur 15 qui étaient
contre. Je vais lire un article, un commentaire du 28 novembre 1992, si Mme la
députée pouvait écouter un peu. C'est marqué ici:
«permettra aux commerçants qui le désirent - et ce,
malgré l'obstruction tardive et inutile du Parti québécois
- d'ouvrir leurs portes sept jours sur sept». Le commentaire est de Carol
Néron, du Quotidien, de Chicoutimi. Alors, vous pouvez voir le
sérieux: des gens qui sont en faveur et l'obstruction qui est faite par
le Parti québécois, c'est ce qui est dit par M. Néron. Et
on me dit que M. Néron a peut-être plus de tendance du
côté de l'Opposition qu'il en a avec nous autres, et il est
d'accord avec nous que les commerces devraient ouvrir sept jours sur sept
à cause de l'économie. C'est écrit ici en noir et
blanc.
Tantôt, en fouillant un peu le dossier des heures d'ouverture, je
me suis aperçu aussi, M. le Président, que, depuis une semaine...
Et je vais vous lire les titres des journaux. Le 1er décembre:
«L'ouverture des commerces le dimanche, les consommateurs doivent avoir
le dernier mot.» Depuis tantôt j'écoute le Parti
québécois qui dit que les consommateurs, la plupart des gens ne
sont vraiment pas intéressés à avoir l'ouverture.
J'aimerais signaler des points intéressants, et l'auteur ici, c'est le
président de l'Association des consommateurs du Québec.
Très intéressant. L'article a paru mardi, le 1er décembre,
la semaine passée. «L'augmentation du nombre de couples parentaux
dont les deux membres travaillent, la croissance du nombre de familles
monoparentales, la diminution des heures disponibles pour le magasinage, la
baisse de revenu réel disponible pour la consommation, la recherche de
produits - c'est intéressant, ça -au meilleur rapport
qualité ou prix, la demande d'une plus grande diversité de choix
dans les points de distribution pour fins de comparaison des produits et de
leurs coûts, et aussi, le vieillissement de la population amenant
d'autres habitudes de consommation, ces changements-là
sont là pour rester, dit M. Alain Paquet. Il faut se cacher la
tête dans le sable pour les ignorer et argumenter sur les heures
d'ouverture.» Ici, on dit: «Jamais le dimanche. Jacques Parizeau a
commis une belle niaiserie.»
Moi, je vais vous en conter une. Durant le référendum, on
a eu la visite du chef de l'Opposition dans l'Outaouais. Nous, dans
l'Outaouais, comme vous le savez, on est une zone limitrophe, alors ça
fait un an qu'on a le droit d'être ouvert le dimanche. Résultat,
chez nous, à cause de plusieurs représentations au ministre, on a
accepté de devenir une zone: l'Outaouais est proche de la zone
frontalière. Il y a eu, cette année, un investissement dans le
comté de Papineau, à Masson: le marché Larose, 2 000 000
$, création d'emplois. 60 jobs qui ont été
créées parce que, le dimanche, on avait le droit d'ouvrir. Une
bâtisse neuve et 60 emplois. Et le chef de l'Opposition dit qu'il est
contre ça le dimanche. Il a passé un après-midi à
l'encan Larose à donner la main à 10 000, 12 000, 15 000
personnes, et je dois vous dire que, sur 15 000 personnes qui vont à
l'encan Larose ou au marché Larose, il y en a 12 000, 13 000 qui
viennent de l'Ontario. Alors, pour une fois, c'est le Québec qui
bénéficie de toutes ces retombées économiques. Et
le chef de l'Opposition, lui, c'est bon, il est venu donner la main à 12
000 personnes de l'Ontario au référendum. Alors, j'étais
content de voir qu'il est demeuré là tout l'après-midi
pour donner la main aux gens de l'Ontario. Résultat, ils ont voté
pour le oui, eux autres.
Et on parlait tantôt aussi, ça me faisait rire, on disait
que les gens qui vont acheter aux États-Unis et qui dépensent
beaucoup d'argent aux États-Unis, c'est à cause de la taxe sur le
carburant, la taxe sur la boisson, la taxe sur... Je pense qu'on a
oublié de calculer un peu le taux d'échange dernièrement,
depuis cinq ou six mois. Je pense que pour les gens il est plus profitable
d'acheter chez nous au Québec, parce que, avec le taux d'échange,
ça coûte plus cher à cet endroit-là. (22 heures)
Encore, dans d'autres articles, ce qui est bon: «Un regroupement
exige que Bourassa bouge sur les heures d'ouverture. Les appuis se multiplient.
Les commerçants veulent ouvrir le dimanche, dès le 29. La Chambre
de commerce du Québec favorise la libéralisation des heures
d'ouverture. Nouvelle offensive pour l'ouverture de tous les commerces, le
dimanche. La bonne décision au bon moment - La bonne décision au
bon moment», Michel Audet du Soleil, le 25 novembre 1992. Il
félicite notre ministre, Gérald Tremblay, d'avoir pris la bonne
décision, d'aller de l'avant pour l'ouverture le dimanche.
«Ouverture le dimanche, un consensus se dégage.» Tout le
monde le dit. Les sondages, 80 % des gens du Québec veulent avoir
l'ouverture des magasins, le dimanche. Pourquoi l'Opposition... Ils veulent
absolument nous garder ici jusqu'à minuit, 2 heures, 3 heures. S'ils le
veulent, on va le faire, ça va nous faire plaisir. Ça va nous
faire plaisir de demeurer ici; on le voit, regardez le nombre de personnes qui
sont avec nous ici, ce soir, plusieurs ministres, plusieurs
députés qui sont avec nous pour appuyer notre ministre qui a
décidé, qui a pris une bonne décision. La relance
économique au Québec est importante. Ces gens-là disent
que le taux de chômage est à 14,6 %. Dans l'Outaouais urbain,
où les magasins sont ouverts, en passant, le taux de chômage est
à 8,4 %, au mois de novembre; 8,4 % dans l'Outaouais, Hull, Ottawa, dans
l'urbain. Les magasins sont ouverts le dimanche.
Une voix:...
M. MacMillan: Ah oui! On a vu comment vous avez défendu
ça, la fonction publique, avec vos promesses en l'air, Mme la
députée de Taillon. «Pour: spectaculaire volte-face de
Doré à l'ouverture des commerces le dimanche.» Il n'y a pas
personne qui m'a dit que Doré était membre du Parti
libéral et qu'il était en arrière du gouvernement ici. Il
est pour, lui. Il est pour! À Montréal, ils n'ont pas besoin de
ça, que les commerces ouvrent le dimanche, peut-être qu'à
Longueuil ils n'ont pas besoin de ça, mais à Montréal, ils
en ont besoin.
Ici, Claude Piché, encore une fois, lui, il parle de deux prises,
deux prises. Est-ce qu'on se rappelle quand on a permis la vente de
bière dans les dépanneurs, le dimanche? Tous les
dépanneurs disaient que si c'était ouvert grandement, ils
étaient pour fermer. Il n'y a pas de dépanneur qui a
fermé. Chez nous, dans l'Outaouais, la même chose, depuis un an
où tout le secteur de l'alimentation a le droit d'ouvrir; les
dépanneurs, à la place de dire: on va fermer, ils se sont pris en
main, ils ont fait d'autre chose. Ils font de la livraison pour garder leur
clientèle que d'autres places ne font pas. Ils ont été
chercher le droit de «post office» chez eux. Alors, ces
gens-là se débrouillent. Ce n'est pas parce qu'ils veulent
être contre ça, ils veulent quand même continuer à
prospérer et à s'assurer de créer des emplois. C'est
important qu'on continue à avoir ça.
Le Québec, «les gens du Québec s'en remettent au
lobby - ça, je l'ai trouvé bien bonne - pour rallier le PQ aux
commerces le dimanche.» On n'a pas besoin d'eux autres pour
décider, nous autres. On a décidé qu'on était pour
ouvrir, passer la loi et ça va se passer ce soir, on va voter dessus
demain matin. Ils peuvent crier jusqu'à 2 heures ou 3 heures demain
matin, on est prêt à demeurer, ça ne nous dérange
pas du tout, parce que la relance économique, c'est une partie de
ça, les ouvertures du dimanche, une création d'emplois. Il y a
des gens qui, la semaine, ne peuvent pas travail-
1er, qui vont être capables de travailler le samedi et le
dimanche, parce que le père va demeurer à la maison, la femme va
aller travailler, ou vice versa. C'est important, les étudiants... On
parlait de décrochage tantôt, 30 % ou 40 % de décrochage.
Mais à la place de travailler la semaine, de 16 heures à 20
heures ou de 16 heures à 22 heures, ils vont pouvoir travailler le
samedi et le dimanche, peut-être, à la place pour pouvoir
étudier la semaine. C'est encore un avantage, je pense. Vous n'avez pas
pensé à ça, vous autres, la gang de génies à
côté.
La chambre de commerce du Québec est en faveur, c'est important.
Alors, je pense que, sans continuer, il est important qu'une
société change, et je pense que la loi 59, notre ministre
Gérald Tremblay a voulu revenir avec pour l'améliorer, pour aider
à la relance économique, elle est très importante. Moi, au
vote qui sera soit ce soir ou demain, je serai certainement en faveur. Merci,
M. le Président.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): merci, m. le
député de papineau. mme la députée de marie-
victorin, vous avez droit à une intervention également de 20
minutes.
Mme Cécile Vermette
Mme Vermette: Merci, M. le Président. Alors,
effectivement, on entend un petit peu de tout ici et surtout, ce que je trouve
très malheureux, c'est qu'on est en train de faire du Québec un
très grand centre d'achats. On trouve que les gens, en fin de compte,
leur principale occupation devrait être de magasiner et ça, sept
jours par semaine et illimité. On sait très bien que les besoins
des consommateurs sont très illimités et même les besoins
de l'être humain sont illimités. Alors, il y a autant de besoins
qu'il y a d'individus et, vous savez, on ne pourra jamais mettre un terme
à leurs demandes parce que, effectivement, ça fait partie du
dynamisme de l'être humain d'être sous le choc de certaines
impulsions.
Et le ministre veut développer une nouvelle théorie: la
théorie de l'achat sous l'impulsion. C'est extraordinaire pour lancer un
plan de relance économique, M. le Président. Moi, je trouve
ça tout à fait ingénieux. Il y a même des
régions du Québec qui appellent ça
«songé». C'est très songé. Ça a
dû prendre énormément de temps au ministre pour trouver ce
terme des achats impulsifs. Si on laissait parler le ministre un petit peu plus
longtemps, j'imagine qu'il dirait probablement que ce seraient les femmes qui
feraient des achats impulsifs. Sûrement pas des hommes, M. le
Président. Et c'est probablement pour ça qu'il dit qu'il faut
ouvrir le dimanche parce que, le dimanche, il faut laisser sortir les femmes de
la maison en plus, parce que, la semaine, les pauvres femmes ne peuvent pas
sortir, elles sont prises avec les petits enfants et, heureusement, le mari
gentil va rester à la maison avec les petits enfants pour permettre
à madame d'aller travailler dimanche et, même, faire ses achats le
dimanche. Magnifique comme nouvelle philosophie de société pour
le Québec! Nous voilà à l'heure moderne des temps
nouveaux, M. le Président. Nous venons de faire un pas gigantesque dans
la modernité. Et c'est ce que j'entendais d'ailleurs du
député de Papineau qui essayait de nous faire comprendre que
nous, de ce côté-ci, on n'avait rien vu de l'évolution de
nos sociétés modernes, mais qu'on était
complètement à côté de la «traque»
puisqu'on empêchait des achats impulsifs, puisqu'on empêchait les
femmes de sortir de la maison le dimanche et que nos pauvres petits enfants,
eux autres qui sont obligés tellement d'étudier toute la semaine,
il ne leur restait que les fins de semaine pour travailler et on était
presque en train de leur enlever le pain de la bouche parce qu'on les
empêchait de vouloir travailler le dimanche.
Mais qu'est-ce qu'il ne faut pas entendre? C'est incroyable! Mais c'est
aberrant, M. le Président. Est-ce que c'est comme ça qu'on va
améliorer une société, qu'on va revenir à des
valeurs fondamentales, que tout le monde, à l'heure actuelle,
réclame de plus en plus? Quand on regarde, c'est l'éclatement
partout dans notre société. Et on se dit: II faudrait se ramasser
en quelque part pour arriver à recréer un esprit de plus en plus
familial, un esprit de société plus humaine qui est de plus en
plus attentive aux réels besoins et valeurs des êtres humains. Et
ce qu'on vient de nous dire ici actuellement: Bien, voyons donc! il ne faut pas
tenir compte de ces valeurs-là, c'est dépassé, c'est
rétrograde. Il faut maintenant faire en sorte que la
société en général, ici au Québec, soit
vraiment occupée à faire du magasinage, et ce, sept jours par
semaine et c'est ça qui va faire l'évolution et qui va être
un plan de relance extraordinaire pour l'économie de l'ensemble des
Québécois.
Revenons-en, M. le Président, à ces besoins réels
des consommateurs parce que, dans le fond, c'est un principe fondamental. On se
souviendra qu'en 1990, lorsque le ministre avait déposé son
projet de loi, d'ailleurs, il disait: Écoutez, c'est une épineuse
question, je devrai trancher. C'est très difficile, je devrai faire fi
de mon opinion personnelle, parce que moi, le dimanche, je ne vais pas
magasiner, j'ai deux petits enfants et moi, je préfère rester
à la maison avec mon épouse et m'occuper de mes enfants et
profiter pleinement d'une qualité de vie. C'est ce que le ministre
disait. Il considère maintenant qu'aujourd'hui la qualité de vie
est pour certains, seulement pour les gens qui sont capables de se le
permettre, de se la payer, la qualité de vie. Les autres, ce n'est pas
important que la famille on ne se voie pas, que la mère travaille le
dimanche, que le père travaille le dimanche ou que les enfants
travaillent le dimanche. Dans le
fond, ça, c'est une valeur sociale enrichissante, revalorisante
et qui favorise, sur le plan économique, la dépense. C'est
à peu près ça, finalement, le système qu'on veut
développer pour nous au Québec. Extraordinaire!
Mais les besoins réels des consommateurs, est-ce que ce sont
vraiment des besoins réels, des achats impulsifs, M. le
Président? J'aimerais bien qu'on me le dise, moi. Quand on dit que ce
qui est important... Si on ferme les commerces le dimanche, malheur! Les gens
ne pourront plus dépenser sous le coup d'une impulsion. Ce qu'il ne faut
pas entendre de choses incroyables, M. le Président! Et ça,
ça vient de la part d'un ministre. C'est écrit là. C'est
dans un de ses discours. Mais c'est incroyable! Moi, je n'en reviens pas en
tout cas quand on nous dit que des besoins réels des consommateurs font
référence à des besoins impulsifs, à une
dépense impulsive. Et là on nous dit: Écoutez, bien non!
quand on nous parle qu'on pourrait tenter de penser qu'on va développer
une société plus violente parce qu'il y a de plus en plus de
frustration. (22 h 10)
M. le Président, il faudrait peut-être parler, à
l'heure actuelle, de la reprise mitigée, finalement, de
l'économie au Québec. Et là il faut le dire, ça
nous vient de ça, de cette analyse-là des caisses populaires
Desjardins. Ils nous parient de la faible croissance des revenus: «Le
salaire et les autres formes de rémunération comptent pour
environ 70 % du revenu personnel des travailleurs. L'évolution de
l'emploi et des salaires joue un rôle de premier plan dans le pouvoir
d'achat des gens.» Avez-vous vu le taux de chômage, M. le
Président? Combien de gens? 60 000 nouveaux chômeurs du mois
d'octobre à novembre, M. le Président. Ça va favoriser la
consommation, ça, M. le Président. Effectivement. Là, les
gens vont dépenser! 60 000 nouveaux chômeurs de plus pour le
Québec, avec un taux de chômage qui se maintient de 13 % à
14 %, M. le Président. Et, dans certaines régions du
Québec, eh bien, j'aime autant ne pas le dire parce que c'est
faramineux. Il y a des endroits où c'est à 20 %, M. le
Président, dans la région de la Gaspésie, ces
endroits-là. Alors, M. le Président, effectivement, on
répond à des besoins réels des consommateurs.
Et je continue l'analyse, aussi, sur la reprise de la croissance des
revenus pour nous, au Québec, M. le Président.
«Après une perte de plus de 140 000 emplois ces dernières
années, les perspectives d'embauché ne sont guère plus
reluisantes pour l'an prochain, particulièrement au début de
l'année. Cela limite donc les possibilités de croissance du
revenu personnel.» Alors, est-ce que vous pensez que les gens vont en
avoir un petit peu plus dans leurs poches? Qu'ils vont aller dépenser
plus? Non, M. le Président. Ça va être des grenailles
qu'ils vont éparpiller un petit peu plus un peu partout. C'est tout ce
qui va arriver. Mais, par contre, les commerçants, les
propriétaires des commerces, eux, auront à faire face à
des dépenses supplémentaires, à des coûts
supplémentaires, par exemple. Et ça, on n'en parie pas.
Et je continue, M. le Président. «De plus, à cause
des difficultés financières majeures de nombreuses entreprises
liées à la faiblesse des profits et à des problèmes
de compétitivité, les salaires ne devraient pas dépasser
de façon significative le taux d'inflation.» Et, M. le
Président, d'ajouter aussi que juste en septembre on comptait 3800
faillites. Donc, il ne faut pas croire que de plus en plus, en janvier puis en
février, après le temps des fêtes, il va y avoir beaucoup
de commerces, puis ça va être reluisant, l'économie. On
sait très bien qu'en janvier il y a toujours un creux des revenus au
niveau des différents commerces. Allez voir, dans certains centres
d'achats et dans certaines villes, le nombre de commerces qui sont
fermés à l'heure actuelle. Est-ce que vous croyez que, parce
qu'on élargit les heures d'ouverture, ça va favoriser
l'activité économique, que les gens vont dépenser
davantage? On le dit, les salaires ne pourront pas vraiment progresser, il n'y
aura pas vraiment beaucoup plus d'argent. Les gens sont déjà
très endettés et ils doivent déjà payer leurs
dettes avant de pouvoir commencer à consommer, à l'heure
actuelle, M. le Président.
Alors, je ne vois pas l'urgence de vouloir tout chambarder notre
société, imposer à des gens, à des femmes surtout,
à des jeunes surtout, de travailler au salaire précaire, au
salaire minimum, dans des conditions plus ou moins intéressantes, M. le
Président. Parce que c'est ce qui se passe. Actuellement, il y a
tellement peu de travail et le gouvernement fait tellement peu pour
développer de l'emploi qui est bien rémunéré que
les gens sont prêts, oui, à accepter des salaires très bas,
minimes, même quelquefois au noir. Et ça va arriver que des gens
vont travailler au noir. Ce que le ministre vise actuellement, il veut remplir
les coffres de l'État parce qu'on sait que le déficit, ils ne le
contrôlent plus, il augmente d'une façon aussi vertigineuse. Et
parce que, monsieur, ils ont décidé «bon, on va taxer tout
ce qui bouge actuellement», eh bien, là, ils vont obliger les gens
à aller travailler le dimanche.
Malheureusement, ce qui va arriver, M. le Président, l'argent, ce
n'est pas évident qu'il va entrer dans les coffres, de l'État
parce qu'il va y avoir du travail au noir. Les grandes surfaces... Et,
là, le ministre disait: Écoutez, il faut ouvrir pour
l'équilibre entre les commerçants. Bien, parions-en, de
l'équilibre entre les commerçants. Moi, j'aimerais bien qu'on en
parie. Est-ce qu'il y a un équilibre vraiment quand on parie des gens
comme Club Price, quand on parie de Sears? Et il faudrait se rappeler Sears,
durant la campagne référendaire, la publicité qu'ils
avaient fait en faveur du «oui» et à quel point ils
avaient été dégradants pour les gens qui
étaient pour le «non» et qui voulaient favoriser le
Québec et favoriser un achat québécois. Et ça
aussi, ce sont ces gens-là qui, a l'heure actuelle, viennent nous dire
qu'il faut qu'on ouvre les magasins le dimanche: Sears, Brico, Club Price, les
marchés aux puces. Bien sûr que c'est ça. Est-ce que vous
croyez que les gens paient bien des taxes quand ils achètent au
marché aux puces? Pensez-vous que ça va favoriser justement des
entrées d'argent dans les coffres de l'État? Pas du tout. Ce que
ça fait, M. le Président, ça fait que des gens
achètent - oui, en argent, on appelle ça du «cold
cash» - pour des petits montants de 30 $, 20 $, 10 $, 15 $, mais sans
payer de taxes. Et ça, ils s'organisent et c'est bien fait. Alors, on
sait très bien que ce n'est pas ce genre de commerce qui va vraiment
favoriser l'économie. Pas du tout, M. le Président.
Par contre, est-ce que les petits commerçants, eux, ceux qui
n'ont pas les mêmes avantages que Club Price, qui ne sont pas capables
d'acheter des containers pleines portes et les garder vont être capables
de subir cette concurrence indûment? Non, M. le Président. Et
justement, ces familles qui avaient appris à travailler ensemble dans un
commerce où il y avait réellement un esprit de famille, on se
reléguait, tantôt le père, tantôt la mère,
tantôt les enfants, de plus en plus, pour ces commerces familiaux, il y
aura de la difficulté. Ils ne pourront plus faire face. Les gens vont
les délaisser pour aller chercher des meilleurs prix dans ces genres de
grands entrepôts, style Club Price, M. le Président, où les
prix, effectivement, ne sont pas nécessairement ceux que l'on peut
trouver dans ces petits commerces très locaux.
Et, M. le Président, qu'est-ce qui va arriver? C'est que les
petits propriétaires de commerces qu'on avait, ces gens-là
deviendront justement des travailleurs au salaire minimum pour les grandes
surfaces. Extraordinaire, M. le Président, on vient d'avoir fait une
trouvaille magnifique. On vient de relancer l'économie pour le
Québec. On va favoriser l'emploi et on va permettre aux gens une
qualité de vie exceptionnelle. Dorénavant, ils travailleront plus
fort, sur des jours beaucoup plus allongés, avec une moins bonne
qualité de vie. Ça, c'est formidable. Ça, c'est
extraordinaire pour les citoyens du Québec. Magnifique, on vient de
découvrir la nouvelle - comment on appelait ça? - potion magique,
si vous voulez, passez-moi le mot, et le remède à tous nos
problèmes économiques. Je trouve ça, M. le
Président, tout de même manquer de réalisme
épouvantable.
Alors, M. le Président, ce qu'on essaie de faire... Et le plus
gros des problèmes, on le sait très bien, c'est surtout les
détaillants de l'alimentation. Parce que justement, c'est là, en
fait, que se fait la plus forte concurrence à l'heure actuelle. Et on
voit qu'il y a un glissement, même par rapport à Club Price, des
gens comme Provigo, Métro-Richelieu, leurs profits baissent actuellement
par rapport à ces grandes surfaces. Alors imaginez les plus petits, les
petits commerçants locaux, la difficulté, eux, qu'ils auront
à subir et à surmonter. C'est inacceptable. C'est manquer de
vision.
Et ça fait longtemps qu'on le dit que ce gouvernement manque de
vision. Et j'aimerais apporter aussi, pour donner plus de poids à ce que
j'avance, M. le Président, une partie d'une lettre de la
Fédération canadienne de l'entreprise indépendante. Eux,
ce qu'ils affirment, c'est que la loi que vous avez fait adopter, M.
Gérald Tremblay, ministre de l'Industrie et du Commerce, en 1990,
répond bien aux besoins des Québécois et n'a pas à
être modifiée dans un avenir prévisible. De fait, peu
d'intervenants réclament un changement à l'heure actuelle, sauf
quelques gros commerces qui pensent faire disparaître le problème
du magasinage aux États-Unis en ouvrant les commerces le dimanche. La
Fédération canadienne de l'entreprise indépendante ne
partage pas cette opinion et elle vous rappelle que la ville de Vancouver,
où les commerces sont ouverts le dimanche depuis de nombreuses
années, voit sa population se rendre faire des achats aux
États-Unis à un rythme qui est six fois supérieur à
celui de Montréal. Ce n'est donc pas en ouvrant les commerces le
dimanche qu'on règle le problème du commerce
outre-frontières, d'autant plus que les principaux achats faits aux
États-Unis, essence, nourriture et tabac, concernent des produits dont
l'acquisition est déjà possible au Québec. (22 h 20)
M. le Président, ce n'est sûrement pas, effectivement,
l'ouverture le dimanche qui va faire en sorte que les gens vont moins aller
magasiner aux Etats-Unis. Les gens vont aux États-Unis parce qu'il y a
moins de taxes et que ça coûte moins cher. Qu'on commence par
enlever les taxes et surtaxer moins les Québécois; probablement
qu'on les gardera ici au Québec. Ils pourront acheter ce dont ils ont
besoin, notamment au niveau de l'essence, au niveau des cigarettes, du vin et
des boissons. Commençons!
Oui, effectivement, on avait enlevé des taxes sur certains biens
très importants pour des familles qui ont de la difficulté. Quand
on sait le nombre de pauvres qui existent à Montréal-Un
Québec cassé en deux, on le vit, à l'heure actuelle,
à Montréal. Aidons davantage les familles, pas en les faisant
magasiner sept jours sur sept. M. le Président, qu'est-ce qu'on est en
train de faire? Littéralement, oui, dans ce Québec cassé
en deux, on est en train de maintenir cet écart entre pauvres et riches,
et de plus en plus, M. le Président. Effectivement, nous aurons de la
violence parce qu'à créer des attentes, à créer des
besoins qu'on n'est pas capables de combler, oui, effectivement... C'est
bien beau de dire que les gens doivent regarder, faire du
«liche-vitrine» puis dire: Écoutez, je vais rentrer chez moi
et je vais dire: Mon Dou! que c'est beau, je suis heureuse d'avoir vu tout
ça et d'avoir pu, en fait, bénéficier des entrées
dans les magasins, différents magasins. Mais ce n'est pas tout, M. le
Président. Les gens ont une sensibilité, les gens ont une
fierté, les gens ont leurs besoins, ils ont cet orgueil de
posséder comme tous les autres. Et, à un moment donné, si
on ne s'occupe pas de créer véritablement de l'emploi, oui, nous
aurons de la violence au Québec, de plus en plus, M. le
Président.
Et nos jeunes, de plus en plus, auront à affronter des
problèmes importants au niveau de leur comportement, pas parce qu'ils
sont plus mauvais que d'autres enfants, parce qu'ils auront à affronter
des problèmes de la vie beaucoup plus difficiles à surmonter. Et
il faut leur donner de l'espoir, aux jeunes, pas en faire, tout simplement, du
«cheap labour», du sous-prolétariat. Ça ne donne
rien, on ne va nulle part avec ça. Et, effectivement, ces jeunes,
maintenant, travaillent davantage qu'ils étudient. Parce que la fonction
principale des jeunes actuellement, c'est effectivement de faire du travail qui
rapporte plus ou moins et, quand ils ont le temps, ils étudient, et
ça, c'est de plus en plus fréquent chez nos jeunes parce que les
besoins de consommation sont tellement là, sont tellement
présents. Alors, nos jeunes, eux autres, qu'est-ce que vous voulez,
depuis leur petite enfance, depuis qu'ils sont petits, ce qu'on fait, on les
traîne dans les centres d'achats. Alors, au niveau de la qualité
de vie, je ne suis pas tout à fait d'accord, moi, en fin de compte, que
ça relève vraiment, si vous voulez, le niveau intellectuel d'une
population que de lui donner comme principale activité le magasinage, et
ça, sept jours/semaine. Je ne trouve pas ça plus édifiant
qu'il faut.
Effectivement, je suis d'accord pour qu'à certains endroits on
puisse vraiment ouvrir certains commerces: dans un centre d'art, bien
sûr, M. le Président; qu'on puisse aller dans un centre de ski,
bien sûr, M. le Président. Ça, c'est du dépannage en
fonction d'un service très ponctuel, particulier, et aussi qui apporte
une qualité de vie et qui permet à des familles ou à des
êtres, aussi, de s'élever sur le plan intellectuel, sur le plan
des connaissances. Mais n'y a-t-il rien de plus aberrant, n'y a-t-il rien de
plus assommant que des gens qui passent, en tout cas, une partie de leur
journée dans des centres d'achats à regarder défiler les
gens, à regarder, finalement, tous les rêves qui peuvent passer
devant eux et à se dire: Non, moi, je ne pourrai jamais avoir ces
choses-là parce que moi, en fin de compte, je travaille au salaire
minimum, je travaille quand je peux, quand il y a de l'emploi et, finalement,
moi, tout ce qu'on me demande de faire, c'est d'être celui qui favorise
le gouvernement à continuer à nous exploiter?
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci. Mme Vermette:
Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, Mme la
députée de Marie-Victorin. Je suis prêt à entendre
le prochain intervenant. Pas d'autre intervenant? Alors, M. le
député de St-Roch, vous avez droit à une intervention de
20 minutes...
M. St-Roch: Pas encore, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): M. le
député de Drummond. M. le député de Drummond, je
m'excuse.
M. St-Roch: Oui, parce que...
Le Vice-Président (M. Lefebvre): M. Jean-Guy St-Roch,
député de Drummond, vous avez droit à une intervention de
20 minutes. Allez-y.
M. Jean-Guy St-Roch
M. St-Roch: Merci, M. le Président. M. le
Président, j'interviens donc pour la deuxième fois sur le projet
de loi 59. Cet après-midi, dans une motion de report, j'ai posé
six interrogations à M. le ministre de l'Industrie et du Commerce.
J'attends les réponses et j'espère qu'avant la fin de ce
débat en deuxième lecture on pourra les avoir.
Vous savez, M. le Président, il y a de ces projets de loi qui
paraissent anodins, que, dans un contexte de facilité... En 1992, on
veut rendre la qualité de vie ou la facilité à nos
concitoyens et nos concitoyennes. Mais, souvent, ces projets de loi anodins ont
des significations importantes dans les comportements que nous aurons, pas
simplement maintenant, mais dans les années que nous aurons à
vivre, c'est-à-dire à court et à moyen terme. Et
aujourd'hui, M. le Président, ce qui résume peut-être le
mieux ma pensée, d'entrée de jeu, c'est un article dans Le
Devoir, sous la plume de Michel Venne. Puis il disait ceci en citant un
auteur, un professeur d'université: l'État-providence omnipotent,
forcé de se redéfinir en tenant compte de la concurrence
internationale et de l'ouverture des frontières. Aux yeux du sociologue
Fernand Dumont, ces changements qui s'annoncent ne sont pas liés
à une évolution sensible des valeurs des Québécois
et Québécoises. Ils sont les résultats de l'abdication
d'un État qui manque de courage et d'imagination, qui succombe aux
lobbies pour adopter des solutions de facilité. Prises à un
certain niveau, les valeurs n'ont pas changé: le bien, le beau et la
vérité. Elles existent toujours, mais elles se sont largement
réfugiées dans la vie privée. Une évolution par
l'individualisme, les valeurs n'ont plus de présence collective.
Et je continue encore toujours l'article, M.
le Président: Quand survient une interrogation à
portée collective, dit le professeur de l'Université Laval -
c'est-à-dire le professeur Dumont -l'ouverture des magasins le dimanche,
un grand nombre d'individus peuvent trouver que ça heurte leurs valeurs
privées. Il semble que cela peut changer leur vie, qu'il n'y aura plus
de jour où l'on vit différemment d'une semaine, mais ils n'ont
pas les moyens collectifs de le dire et ils se taisent. Devant l'absence de
résistance, l'économiste triomphe. Le recours à l'argument
économique est d'ailleurs, aux yeux de M. Dumont, à peu
près le seul trait commun des décisions récentes du
gouvernement. Ce sera bon pour l'économie. On invoque la magie
économique, dit-il, comme, autrefois, on faisait un pèlerinage
à Sainte-Anne-de-Beaupré. Le gouvernement considère donc
que, dans un Québec pluraliste, la façon dont les gens se
représentent les valeurs sont si variées, fuyantes, explicites,
explique le sociologue, qu'au moins, avec l'économie, il peut avoir une
chance de convaincre. L'évocation de la magie de l'économie donne
l'impression de se justifier. Le danger, dit-il, réside dans le fait
qu'on franchit un cran de plus dans la privatisation des valeurs. Vous
êtes contre le casino? N'y allez pas. Vous êtes contre le commerce
le dimanche? Restez à la maison avec votre famille.
M. le Président, je pense que c'est ce qui résume le plus
aujourd'hui le projet de loi 59 que nous avons devant nous.
J'ai posé six conditions ou six choses qui devraient arriver
avant la tenue d'un vote, M. le Président. Permettez-moi d'y revenir. La
première chose qui attire mon attention suite à ce projet de loi
et suite à la magie, encore, de l'économie, que ça va
créer des emplois - parce qu'il ne faut pas oublier que, dès le
24 ou le 25 novembre, on nous avait fait croire que c'était 8000 emplois
qui étaient pour être créés... M. le
Président, le pouvoir de dépenser a toujours été en
liaison avec nos gains. Un bon père de famille sait pertinemment qu'il
ne peut pas dépenser plus que son budget le lui permet, sinon il va
s'endetter et, un jour, il va faire faillite.
Lorsqu'on regarde les statistiques qu'on nous a données, M. le
Président, la création d'emplois, le pouvoir de dépenser,
et qu'on nous a cité que c'était supérieur à
l'Ontario, au Québec... mais, lorsqu'on regarde le salaire moyen au
Québec qui est de 544,80 $, comparé à 581 $ en Ontario, on
a la première raison pourquoi, peut-être, le pouvoir d'achat est
un peu plus large en Ontario. Mais aussi, M. le Président, il faut se
rappeler que le gouvernement ontarien, sous les mêmes pressions des
mêmes lobbyistes pour couvrir leur inefficacité de gestion, bien,
a cédé, lui aussi, à libéraliser les heures
d'ouverture le dimanche. (22 h 30)
Qu'est-ce qu'on fait, M. le Président? Qu'est-ce qu'on retrouve
en Ontario? Des grands titres, sous la plume de Suzanne Dansereau, de Toronto,
de La Presse canadienne: «Magasiner le dimanche n'a pas fait de
miracle en Ontario». C'est ça qu'on retrouve, M. le
Président. Lorsqu'on regarde l'accroissement en Ontario, on dit que
ça a augmenté de 5,1 %, en 1991, comparativement à 3,1 %
au Québec. Mais, lorsque je regarde les 10 % d'écart au niveau du
salaire minimum, bien, on a l'explication.
M. le Président, lorsqu'on a étudié le projet de
loi 75, j'avais mentionné, avant de quitter et lors des caucus en
commission parlementaire, que le danger auquel nous faisions face,
c'était la disparition d'une des grandes chaînes et, dans un autre
temps, la disparition des commerces de détail. On a vu, tout à
l'heure, le député de Beau-ce-Nord citer allègrement M.
Bouchard, le président de Couche-Tard, mais peut-être parce qu'il
a dit qu'il avait suivi la situation et qu'il avait vu évoluer les
profits. Regardons ce que dit M. Bouchard, président de Couche-Tard:
«M. Bouchard, président d'Alimentation Couche-Tard, ne rit plus.
Il ne croit pas du tout aux 8000 emplois dont on se gargarise. Les
dépanneurs ont, par contre, bel et bien perdu 3500 emplois depuis la loi
75.» Alors, lorsque je demandais, cet après-midi, avant qu'on ne
poursuive en commission parlementaire une consultation générale,
qu'on puisse voir les impacts de la loi 75, on peut voir, d'ores et
déjà, que c'est 3500 emplois qui ont été
perdus.
Si je continue, M. le Président, dans un article de la
Coopérative agricole, novembre 1992 - il est bon de consulter nos revues
qui ont trait au monde agricole, parce qu'on y retrouve peut-être le gros
bon sens - qu'est-ce que M. Bouchard nous dit encore? Il nous dit
qu'«aujourd'hui, les petits détaillants représentent
à peu près 5000» et, lui, il prévoit qu'«avec
la libéralisation des heures d'affaires tel qu'on voit là, bien,
c'est carrément la disparition, d'ici 10 ans, de 2000
détaillants, dont 1000 dépanneurs, de 300 à 400
épiceries et de 100 supermachés». Si on regarde ce qui est
arrivé avec la loi 75, moi, je me dois de faire confiance à
quelqu'un qui est le président d'une chaîne de détaillants
au niveau des dépanneurs. Alors, contrairement à ce qu'affirmait
le député de Beauce-Nord, tout à l'heure, moi, j'aimerais
ça qu'on puisse entendre M. Bouchard en commission parlementaire parce
qu'il y a des solutions. C'est vrai qu'il y a des changements sociologiques,
c'est vrai que plus ça va aller dans le temps, en tant que
consommateur... On aime la vie un peu plus facile, on va vouloir avoir les sept
jours. J'ai toujours maintenu, par contre, qu'il y aurait peut-être
moyen, non pas à la va-comme-je-te-pousse, mais avec des solutions bien
mûries, bien pensées, d'apporter des correctifs.
Que nous disait M. Bouchard aussi au niveau des Couche-Tard? Je n'ai pas
vu ça, M. le Président, autant dans l'action lors du
dépôt du projet de loi 59 et lors des interventions de M.
le ministre. J'espère l'entendre en troisième lecture
parce que M. Bouchard a dit: «II y a peut-être des solutions pour
aider nos petits détaillants, nos dépanneurs à passer au
travers.» Il dit: «II faudrait peut-être regarder les marges
de profit allouées par Loto-Québec.» Pour la
première fois depuis les années soixante-dix que ça n'a
pas augmenté, ça: «de permettre la vente de bière et
vin la nuit et d'élargir la gamme de vins et spiritueux».
Ça, c'est peut-être des choses, M. le Président, qui
permettront à de petites entreprises de chez nous de mieux faire face
à la concurrence. Ça nous permettrait peut-être de regarder
des vieux dossiers qu'on appelait la privatisation aussi de la SAQ et de voir
pourquoi, à ce moment-là, elle a échoué. C'est
parce que dans bien des endroits, M. le Président, on s'objectait
à la fermeture d'une succursale. Mais, si on allait consolider, par
contre, avec un élargissement de la gamme de produits qui seraient
confinés par la SAQ, on viendrait peut-être avec des
économies d'échelles et, finalement, on en sortirait gagnant en
tant que population.
Une autre chose aussi, M. le Président. J'aimerais entendre Mme
la ministre déléguée à la Condition
féminine. J'aimerais l'entendre nous faire un discours et nous dire quel
va être l'impact sur le travail de nos femmes de chez nous, M. le
Président. Encore là, ce n'est pas moi qui le dis, c'est les deux
grandes centrales syndicales qui nous ont dit qu'avant le projet de loi 75,
avant 1990, 60 % des emplois étaient des emplois à temps partiel.
Et on remarque qu'aujourd'hui, M. le Président, après deux ans
d'application de la loi 75, on est rendu à 70 % qui est du travail
à temps partiel. Qu'est-ce qu'on nous dit, M. le Président? On
nous dit que 2 emplois sur 3 traditionnellement sont tenus par des femmes.
Quand je regarde les salaires, encore là, un article de M.
François Berger, qui a très bien synthétisé. Comme
je le faisais remarquer à mon collègue de Labelle, nous, les
députés indépendants, avec notre équipe de
recherche, il faut se fier, c'est une chance, à nos amis de la presse
qui cumulent des statistiques. Mais qu'est-ce qu'il nous dit, M. le
Président? J'ai eu la chance de vérifier, et les
«figures» sont exacts. Il nous dit que les salaires dans les
magasins de vêtements sont 225,39 $ par semaine, celui de la chaussure,
247 $, l'alimentation, 266,23 $; quand on met les grossistes et qu'on atteint
une moyenne, c'est 399,60 $. Je vous ai cité que la moyenne des salaires
au Québec était de 544 $.
Donc, M. le Président, on s'attaque à un secteur qui est
très vulnérable, qui a besoin de planification, qui a besoin
d'avoir des règles bien précises et bien établies, parce
qu'on s'en va jouer encore dans la précarité. Ceux qui ont la
chance d'avoir un emploi à 224 $ par semaine peuvent au moins essayer de
s'accumuler un petit fonds de pension, bien, M. le Président, parce que
les détaillants n'auront pas d'autre choix, on les retrouvera vers la
fin de semaine.
J'avais dit, M. le Président, à la loi 75, qu'il y avait
peut-être moyen de regarder, de planifier puis de faire ça d'une
façon un peu plus économique, un peu plus rentable, qu'il y
aurait eu moyen, avec les sociétés d'État, d'intervenir
parce qu'il était clair et net, à ce moment-là, qu'il y
avait des grandes chaînes qui avaient à disparaître. On ne
l'a pas fait, on a laissé jouer les forces du marché. Et
j'aimerais, moi, tel que je l'ai mentionné cet après-midi,
entendre le président de la Caisse de dépôt, entendre le
président de la SDI venir nous dire combien ça va nous
coûter, ça, cette aventure-là. J'aimerais, M. le
Président, aussi entendre le ministre du Revenu venir nous dire les
pertes que ces petits détaillants, ces petits fournisseurs auront
là-dedans, combien ça va nous coûter, nous, en tant que
citoyens et citoyennes.
M. le Président, je peux comprendre, aussi... et ça, c'est
peut-être ce qui fait le plus mal, en ce 200e anniversaire. M. le
Président, vous nous avez convoqués pour une session de
commémoration, le 17 décembre, pour fêter le 200e de la
tenue de la première législation, la première fois qu'un
gouvernement démocratique était convoqué, était
élu, ici, au Canada. J'ai dit, voilà quelque temps, M. le
Président, que j'enviais les législateurs de 1792 parce qu'il y
avait une denrée qu'on ne retrouve plus en 1992, soit le libre vote,
d'être capables de se lever, dans cette Assemblée, M. le
Président, et de dire: Moi, je suis pour, je suis contre, et c'est
ça, les intérêts de mes électeurs et des
électrices. J'ai offert au ministre de l'Industrie et du Commerce de
tenir une autre commission parlementaire. Je vais lui rajouter deux autres
points, tout à l'heure. Entendons puis clarifions une fois pour toutes,
puis qu'il prenne l'engagement, lui ou M. le premier ministre, demain, dans une
déclaration ministérielle, de dire: Oui, en 1992, pour
commémorer la tenue de cette première session, on aura un vote
libre sur les heures d'affaires. Là, on verra réellement, M. le
Président, les députés hommes et femmes de cette
Assemblée être capables d'exprimer réellement les besoins
de leurs commettants. Parce que chez moi, lorsque je me lève, ce soir,
M. le Président, puis je vais vous dire: Non, je ne donnerai pas mon
consentement à ce projet de loi, la loi 59, mais je sais, moi, que mes
chambres de commerce, mes SIDAC, les citoyens de chez nous, nous ont dit
encore, la semaine dernière: Non, on ne veut pas d'élargissement
des heures d'affaires. Il n'y a pas personne, M. le Président, qui est
venu me voir, moi, dans mon bureau, depuis qu'on a fait la loi 75, pour
demander un élargissement. Mais il y en a plusieurs, par exemple, qui
sont venus me dire: Ça n'a plus d'allure, M. le député,
j'ai 45 ans, j'ai 50 ans, j'ai 55 ans, on ne veut plus m'engager. Je regarde le
taux d'emploi, puis je suis dans des régions qui sont peut-être
les plus favorisées au Québec.
Or, il est temps, M. le Président, que nous ayons cette
commission pour être capables de trouver les vrais faits, parce que les
miracles qu'on nous permet, les 8000 emplois, ça ne s'est pas
matérialisé en Ontario après cinq mois de
présentation. Mais j'admets, par exemple... puis, ça, c'est des
élans qu'en tant que parlementaires, lorsqu'on célèbre 200
ans de démocratie on a peut-être osé aller trop loin,
promettre des choses pour le 29 novembre sur lesquelles on est obligés
de reculer.
Qu'est-ce que je retrouve encore aujourd'hui, M. le Président?
Sous la plume de Mme Ann McClaughlin, qui cite M. Sénéchal, qui
nous dit: «The government has made a commitment to pass this law. We want
to make sure they go through with it». Ça, c'est en anglais, M. le
Président. Or, je vais traduire en traduction libre: Le gouvernement
avait pris un engagement de passer cette loi, on va s'assurer qu'il va le
faire.
Mais, en français, il nous cite d'autre chose sous la plume de M.
Miville Tremblay. Il nous dit: «L'enjeu immédiat est l'ouverture
des commerces le dimanche le 27 décembre, où de nombreux
consommateurs voudraient pouvoir profiter des soldes des
fêtes».
M. le Président, dans un contexte d'ouverture et
d'équité aussi envers les consommateurs et envers les
commerçants, moi, je suis prêt à donner mon consentement
pour qu'on amende la loi 75, le fameux article qui dit qu'on peut ouvrir quatre
dimanches avant Noël. Je vous donne mon consentement, puis on peut faire
la loi ici, ce soir, en 30 minutes, disant: Pour un contexte
d'égalité aux consommateurs et aux détaillants, nous
allons ouvrir seulement le 27 pour une journée, pour que les
consommateurs puissent prendre avantage des ventes de rabais après les
fêtes et aussi pour que les commerçants aillent
récupérer puis baisser leurs inventaires.
Moi, je vais donner mon consentement. Puis je suis convaincu que la
majorité des collègues ici, incluant ceux de l'Opposition
officielle et ceux du gouvernement, on pourrait passer ce projet de loi dans 30
minutes ici. On va donner notre consentement. Puis ça, ça va nous
permettre quoi? De repousser maintenant au mois de mars, parce qu'il n'y aura
plus d'urgence. Nos commerçants auront eu l'équité, les
quatre dimanches, tel qu'on aurait dû le prévoir au moment de la
loi 75, et on pourra faire en sorte qu'on puisse entendre, qu'on puisse voir,
puis vraiment mesurer les impacts. (22 h 40)
Je crois, M. le Président, le ministre de l'Industrie et du
Commerce lorsqu'il nous dit: Depuis quelques mois, les temps ont changé.
Oui, les temps ont changé. Puis quand je regarde ceux qui font les
pressions pour avoir fait un peu de mise en marché sur une scène
mondiale, ceux qui font des pressions, qu'est-ce qui a changé depuis
quelques mois? C'est la chute du dollar canadien. Puis, lorsque je me
promène dans les grandes chaînes, puis que je regarde quelque
chose fait au Québec, ou fait au Canada, je regarde ceux qui font
maintenant la promotion de l'ouverture sept jours par semaine, je trouve
très peu de produits à contenu canadien. Alors, ça veut
dire quoi, M. le Président, avec la chute du dollar? On est rendu qu'on
aura un écart peut-être de 10 % à 15 %. Alors, il faudra
augmenter les prix de 10 % à 15 % ou, la loi sacrée du
marché, augmenter nos parts de commerce.
Comment peut-on augmenter nos parts de commerce? On l'a vu dans la loi
75, en fermant les petits détaillants, en faisant en sorte que de plus
en plus nous aurons des grandes surfaces qui régiront les grandes lois
du marché. Et, M. le Président, j'ai dit, d'entrée de jeu,
que c'était une loi qui nous semblait anodine encore, qui nous semblait
aller dans la volonté de la facilité. Mais c'est une loi dont
nous aurons à payer le prix, M. le Président, ce que nous faisons
ici ce soir, dans cette Assemblée, dans 5 ans et dans 10 ans.
On a vu la libéralisation des heures de commerce et, en donnant
à des grandes pharmacies, à des grandes surfaces, beaucoup plus
de latitude, bien, j'ai vu chez moi, M. le Président, des pharmacies de
quartier être obligées de fermer. Puis qu'est-ce qu'on a perdu
à ce moment-là? On a perdu le pharmacien de quartier qui pouvait
donner à ses clients la posologie, les avantages, les effets secondaires
d'un médicament. Aujourd'hui, dans les grandes surfaces, on a perdu
ça et on ne pourra plus l'avoir.
Mais qu'est-ce qui est en jeu, M. le Président, dans tout
ça? On est rendu à 500 000 000 $ de médicaments
payés, ici, à même les frais de l'État, pour les
personnes âgées ou ceux qui sont sur l'aide sociale. Dans cinq ans
d'ici, M. le Président, les temps auront changé. Les grandes
compagnies, qui sont maintenant propriétés
québécoises, les lois du marché étant telles, plus
on grossit, on verra des multinationales qui s'accapareront de ces grandes
chaînes-là, puis on arrivera avec la sacro-sainte règle de
rentabilité des 17 % ou des 21 %, puis on fermera des pharmacies dans
des régions périphériques, dans des régions un peu
plus éloignées. Puis on sera pris, ici, les législateurs
qui seront là dans 5 ans ou dans 10 ans, à faire des lois pour
recréer ces pharmacies-là puis donner des subventions pour
qu'elles puissent opérer, parce que ce ne sera pas rentable dans un
contexte un peu plus global.
Alors, c'est ça qui est en jeu, M. le Président, lorsqu'on
a des lois comme ce soir, des lois qui nous paraissent anodines, mais qui
valent la peine qu'on se penche là-dessus, parce que c'est des lois qui
vont changer fondamentalement nos valeurs. C'est sûr que la
facilité, M. le Président, ce serait d'ouvrir le dimanche,
puis de dire: Laissons agir les forces du marché. Mais j'aimerais
mieux, moi, qu'on soit un peu plus minutieux, qu'on resserre les liens et qu'on
voie réellement les impacts.
Alors, M. le Président, je vais terminer en disant encore ce que
moi, j'aimerais. Je réitère mon consentement au ministre de
l'Industrie et du Commerce qu'on amende la loi 75 pour permettre l'ouverture
d'une journée, le 27 décembre, puis je suis convaincu, moi, que
l'Opposition officielle collaborerait à cette annonce-là. Puis
qu'on reporte, à ce moment-là, le projet de loi au mois de mars,
qu'on puisse tenir une commission parlementaire, la commission de
l'économie et du travail. Elle pourrait être restreinte. On
pourrait en discuter, des modalités. Ça va nous permettre
d'analyser les impacts, M. le Président, comme je l'ai dit cet
après-midi sur la motion de report, sur les finances du gouvernement,
sur l'emploi, puis sur le commerce des indépendants. Aussi, M. le
Président, regarder la vulnérabilité de certains
secteurs.
Ce qui est en jeu aujourd'hui, puis ce qu'on est en train de jouer ce
soir, c'est l'avenir de tout le commerce du meuble au détail, M. le
Président. Vous savez, lorsque, dans un contexte de mondialisation, je
retrouve, moi, 700 fabricants ici, au Québec, qui produisent 1 200 000
000 $ avec 980 points de détail, je peux vous prédire d'ores et
déjà que c'est au moins 30 % à 40 %, M. le
Président, qui disparaîtront. Lorsque je regarde les deux plus
grands détaillants qu'on a, c'est des chiffres d'affaires seulement de
30 000 000 $, entre 30 000 000 $ et 40 000 000 $ dans les bonnes années.
Lorsqu'on fera affaire avec du commerce de détail qui sera dans les
mains des chaînes, on ne sera plus capables d'approvisionner
adéquatement et à temps avec ce principe sacro... qu'on ne garde
pas d'inventaires aujourd'hui. Alors, ce sera la fin, M. le Président,
de petites entreprises encore de chez nous. C'est ça qu'on met en
danger.
Si on veut le faire, M. le Président, que le ministre de
l'Industrie et du Commerce nous dise qu'aujourd'hui 62 % des emplois sont dans
les services, qu'on donne les mêmes avantages de regroupement aux
détaillants, M. le Président, pour en faire des forces qui vont
êtres capables de compétitionner. Ça, c'est notre
rôle en tant que législateurs.
Vous me faites signe qu'il me reste très peu de temps,
j'accélère. Alors, je lui ai demandé aussi la situation
des centres d'achats au niveau des locations. Je lui avais demandé aussi
les raisons qui incitent les Québécois et les
Québécoises au magasinage transfrontalier. J'avais demandé
aussi, M. le Président, de consentement, d'avoir un vote libre pour
commémorer notre 200e anniversaire, parce que je pense que c'est une
question de fond. On verra l'ouverture qu'on aura lorsqu'on aura la
troisième lecture.
Et aussi, M. le Président, l'agrandissement des parts de
marché comparé aux baisses du dollar. Que va être l'effet
de la baisse du dollar sur les détaillants, les grandes surfaces? Puis
comment est-ce qu'on voudra aller gober les petits pour être capables de
maintenir nos fameuses marges?
Alors, M. le Président, c'est tout ceci qui est en jeu.
Malheureusement, les règles du jeu faisant en sorte qu'on est
très limité dans nos temps de parole, je demande encore, moi,
à M. le ministre, on lui tend la main ce soir, on lui tend la main ce
soir en disant: On va vous aider, M. le ministre, à rencontrer votre
engagement; on va ouvrir le 27. Ça va nous donner le temps, parce que
janvier et février, comme il a été mentionné
à plusieurs occasions dans cette Chambre, le commerce régional
est très tranquille. Ça nous donnera la chance de nous pencher
réellement sur les vrais besoins de l'économie du Québec
et faire en sorte, M. le Président, qu'on arrive à la fin, non
pas comme on a fait avec la loi 75, avec 3500 emplois de moins dans la petite
entreprise que sont nos dépanneurs, mais réellement avec une
création d'emplois. Je vous remercie, M. le Président.
Le Président: Je cède maintenant la parole à
M. le député d'Arthabaska.
M. Jacques Baril
M. Baril: Oui, M. le Président. Actuellement, on
étudie la loi 59 qui permettra aux commerces ou aux magasins d'ouvrir le
dimanche de 8 heures à 17 heures. Et à chaque fois que je prends
la parole en Chambre, je m'efforce toujours d'être assez concret,
d'être réaliste, et surtout de parler à partir d'exemples,
à partir de vécu, à partir de ce que je vois quand je
circule à travers le Québec, quand je circule dans mon
comté, un peu partout.
Et cet après-midi, je suis descendu ici, en Chambre, pour
écouter la réplique du ministre sur la motion de report de trois
mois, je crois, pour étudier d'une façon plus approfondie les
conséquences de cette ouverture des commerces le dimanche. J'ai
été un peu étonné quand le ministre disait, cet
après-midi, à l'Opposition: Mentez, mentez... Il y a un proverbe
qui dit: Mentez, mentez, il en restera toujours un peu. Il disait: L'Opposition
n'est pas sérieuse parce que, depuis que la session est ouverte, elle ne
parle pas d'économie. Nous avons devant nous une loi économique,
ils s'opposent, etc. C'était un peu le discours qu'il tenait cet
après-midi.
Et je vous dis, j'ai été un peu surpris parce qu'il me
semble - que le ministre nous avait habitués à d'autres choses
que ça. Et là, il nous amène une loi qui fait partie du
grand plan de relance économique du gouvernement qui va faire en sorte,
si elle est adoptée, que les commerces ou les magasins pourront ouvrir
le dimanche. Je me suis posé la question, M. le Président:
Pour
permettre aux commerces, aux magasins d'ouvrir le dimanche, faut-il que
les magasins soient ouverts, faut-il qu'il y ait quelque chose dans les
magasins, faut-il qu'il y ait des hommes et des femmes qui aient quelque chose
à vendre dans les magasins!
Et quand on visite les centres d'achats, quand on passe à travers
les centres-villes, on s'aperçoit que les centres-villes sont
déserts. Les magasins sont fermés, pas juste le dimanche, sept
jours par semaine! Il n'y a plus personne dedans. Il n'y a plus de biens
à vendre. Des faillites! lis ont fait faillite parce que
l'économie est malade. L'économie est malade.
J'ai visité durant l'été... On n'a pas besoin
d'aller loin. Tiens, juste ici, à côté, je pense à
Place Québec. Je ne sais pas s'il y en a parmi vous autres ici qui vont
faire un petit tour de temps en temps à Place Québec. Ça
vaudrait la peine. Vous travailleriez mieux si vous alliez voir. Vous sauriez
exactement sur quoi vous voterez tout à l'heure. À Place
Québec, M. le Président, je n'ai pas compté mais, pour
moi, il y a la moitié des magasins qui sont fermés. Et quand je
dis fermés, il n'y a plus de biens, il y a des rideaux de fer en avant.
On se jurerait en prison.
M. Garon: Les députés libéraux n'y vont
pas.
M. Baril: Les députés libéraux ne veulent
pas y aller, je comprends, parce qu'ils ont honte. Ils voient la
réalité et ils ne veulent pas la voir, la réalité.
Ils aiment mieux rester dans leurs bureaux.
Allons à Place Laurier, M. le Président, c'est la
même chose. Je n'ai pas compté les magasins qui sont
fermés. Il n'y a plus rien à vendre.
Allez à Sherbrooke. J'ai été surpris, pour ne pas
dire stupéfait, cet été, à Sherbrooke. Je faisais
le tour, j'allais dans plusieurs villes pour visiter et voir comment ça
fonctionnait, les marchés publics, pour vendre les produits agricoles.
On arrive à Sherbrooke, parce qu'il y avait un marché public qui
venait d'ouvrir, et c'était juste attenant à un centre d'achats,
à un immense centre d'achats.
J'arrive là, on entre à l'intérieur. Je pensais de
voir... Tout de suite en entrant, rien, c'était vide. J'ai dit: Voyons!
Comment ça se fait, ça? C'est vide, qu'est-ce qu'il y a
là? On continue un peu. On s'en va plus loin.
M. Benoit:...
M. Baril: Un instant, le député d'Orford
pourrait-il me laisser parler, M. le Président?
Le Président: Oui, s'il vous plaît. Alors, je vais
demander la collaboration. M. le député d'Arthabaska a la parole.
S'il vous plaît, M. le député! Vous pouvez poursuivre.
M. Baril: Je l'inviterais à aller faire un petit tour, ce
n'est pas loin de chez eux, ce n'est pas loin de Sherbrooke. Le seul magasin,
M. le Président, qui a ouvert dans ce centre d'achats, c'est une
pharmacie, au bout, complètement au bout du centre d'achats. Partout
ailleurs, il y a de grandes allées. Il n'y a rien, rien, rien, c'est
vide. C'est vide, comprenez-vous? Et on a rencontré les dirigeants de la
ville de Sherbrooke. Pour essayer de ramener du monde, des commerçants
dans ce centre d'achats, c'est pour ça qu'on a établi le
marché public là, en se disant: Si on intéresse le monde
à venir ici, peut-être qu'il y aura des commerces qui vont venir
s'établir dans le centre d'achats. Comprenez-vous?
J'ai été à Saint-Hyacinthe; ça fait
exactement la même chose. Tu passes dans les centres-villes, tu circules
dans les centres d'achats, ils sont à moitié vides. Il n'y en a
plus de magasins dedans. (22 h 50)
Vous allez prendre Victoriaville, dans mon coin, dans les Bois-Francs.
Il y a deux centres d'achats à Victoriaville. Il y a la Grande Place qui
est ouverte, ça fait à peu près trois ans. Je ne sais pas
s'il reste la moitié des magasins qui sont ouverts à la Grande
Place. Vous allez prendre le Carrefour des Bois-Francs, c'est la même
chose. Et je connais plusieurs commerçants, je les connais quasiment par
leur petit nom, je vais vous dire franchement, M. le Président.
Je suis assez proche de mon monde, je les connais pratiquement par leur
petit nom. La période des fêtes qui s'en vient est cruciale pour
eux autres. Ils le disent, ils l'avouent: si la période des fêtes
est une mauvaise période pour eux autres, ça va être la
faillite après les fêtes, ça ne sera pas autre chose. Ce
n'est pas cette loi-là qui va les rétablir, parce qu'ils ont le
droit d'ouvrir, le mois qui vient. Ils ont le droit d'ouvrir. Qu'on aille
à Plessisville, aux Galeries de l'érable, c'est la même
chose; là, il y a plus de la moitié des magasins qui sont
fermés. Et au centre-ville de Victoriaville comme au centre-ville de
Plessisville, c'est la même chose. Je suis allé à
Baie-Comeau, cet été. Il y a un centre d'achats - je ne sais pas
lequel - encore là, c'est pareil, il y a plus de la moitié des
magasins qui sont vides. Tout ça pour vous dire que, quand bien
même on voterait une loi pour ouvrir les magasins le dimanche, est-ce que
c'est ça qui va mettre de l'argent dans les poches du monde? Est-ce que
c'est ça qui va leur permettre d'acheter? Les magasins sont
déjà fermés parce que les gens ont fait faillite.
Ça, c'est du concret, M. le Président.
Tu n'as pas besoin de te baser sur des études que tu vas payer je
ne sais pas combien, 15 000 $, 20 000 $, 50 000 $ pour savoir: Est-ce
qu'on doit ouvrir les magasins le dimanche? Est-ce que les consommateurs
ont besoin de ça, ouvrir les magasins le dimanche, pour aller acheter?
Ils n'ont pas d'argent, les consommateurs. Il n'ont pas d'argent! Et, pour que
les consommateurs puissent aller magasiner la semaine ou le dimanche, il faut
commencer par les faire travailler. Et ce n'est pas avec 800 000
chômeurs, chômeuses et plus, au Québec, qu'ils vont avoir de
l'argent dans leurs poches pour aller magasiner le dimanche. Est-ce que
ça refoule aux portes, le jeudi, le vendredi, durant la semaine,
n'importe quel jour? Est-ce que les gens jouent du coude pour entrer dans les
magasins parce qu'il n'y a pas assez de magasins et qu'ils ne sont pas ouverts
assez souvent? Moi, je n'ai jamais vu ça, M. le Président. Je
n'ai jamais vu ça, que les clients se bousculaient pour être les
premiers entrés dans les magasins, au cas où il n'y aurait plus
de marchandises à vendre. Je n'ai jamais vu ça.
Pourquoi on va ouvrir le dimanche? Pourquoi on fait ça? Ça
fait partie du plan de relance du gouvernement. Le ministre nous disait, cet
après-midi, dans sa réplique, que l'Opposition ne parlait pas
d'économie parce qu'elle ne posait même pas de question; elle ne
posait pas de question sur l'économie. Depuis l'ouverture de la session,
tous mes collègues et moi-même, toutes nos questions sont
orientées sur l'économie. Toutes les questions sont
orientées sur l'économie. La preuve: cet après-midi, j'ai
demandé au ministre de l'Agriculture ce qu'il faisait, ce qu'il
entendait faire. Est-ce qu'il avait un plan de relance pour relancer la
production serricole au Québec? Au-dessus de 2000 emplois de perdus,
dans ce secteur de l'économie là. Demandez ce qu'il disait: Ah
non! on n'a rien, on n'a pas pensé à ça. S'il y a de quoi,
s'il y a un problème - il n'a même pas l'air conscient du
problème - qu'ils viennent me voir, on va regarder ça.
J'ai fait sortir la liste des entreprises, dans le secteur
agro-alimentaire, surtout dans le secteur alimentaire, dans la transformation
qui sont fermées, au Québec, depuis janvier 1992 à
novembre 1992. C'est un relevé à partir des journaux, parce qu'on
ne dispose pas de fonctionnaires ou de ministères qui peuvent nous
fournir toutes les données sur les entreprises qui sont fermées.
Et toutes les personnes dont les entreprises sont fermées ici, toutes
ces personnes-là ne travaillent pas. Pensez-vous qu'elles vont aller
acheter le dimanche, qu'elles vont aller acheter plus, le dimanche? Elles n'ont
pas d'argent. J'aimerais ça que le ministre de l'Industrie, du Commerce
et de la Technologie, au lieu de passer son temps à défendre une
loi pour ouvrir les commerces le dimanche, s'occupe de ça, ces
entreprises-là, ici. Ça, c'est la base première de
l'activité économique. La première fonction d'un ministre,
c'est de faire travailler le monde, pas d'ouvrir les commerces.
Qu'est-ce qu'il a fait, le ministre, pour les usines que je vais nommer
ici? Qu'est-ce qu'il a fait pour ça? Ses programmes qu'il lance partout
- il dit qu'il y a plein de programmes, programmes d'aide ici, programmes
d'aide là -comment ça se fait que ces entreprises-là n'ont
pas pu en bénéficier? On va prendre, ici, l'usine Lactel,
à Trois-Pistoles, qui fabrique du beurre et de la poudre de lait. Il
reste une vingtaine d'employés qui travaillent - et
l'échéance est le 31 décembre - sur 65 employés.
L'usine de Plaisance: 250 mises à pied depuis deux ans. Il y en a une
autre à Amqui, il y en a une autre à Saint-Agapit qui est
fermée. Qu'est-ce que le ministre a fait pour ça? Hein? Ses plans
de relance pour ça, ça a fait quoi? La Carnation, à
Sherbrooke: 45 mises à pied pour deux mois. Unival, l'usine d'abattage
de dindons, va fermer le 31 décembre - les travailleurs sont venus ici,
en avant de l'Assemblée nationale: 310 mises à pied. Est-ce qu'on
a un plan de relance pour ça, pour que ces personnes-là puissent
continuer à travailler, et ça va être de l'argent pour
aller acheter? Là, on pourrait justifier au moins peut-être mieux
l'ouverture des commerces le dimanche, si les gens avaient de l'argent pour
aller acheter. Les Rôtisseries Saint-Hubert: trois rôtisseries,
deux à Montréal, une à Longueuil; Aligro, à Aima,
un centre de distribution, 60 mises à pied; la Boulangerie Breton,
Multi-Marques, 40 mises à pied. Qu'est-ce qu'il y a là? Ça
vous fait mal?
Une voix: Tu ne sais pas de quoi tu parles!
Le Président: Un instant, s'il vous plaît! S'il vous
plaît, M. le député! La parole est au député
d'Arthabaska.
M. Baril: M. le Président, j'aimerais ça que le
leader adjoint, quand il dit que je ne sais pas de quoi je parle, j'aimerais
ça qu'il commence à vérifier les entreprises que je dis
là, si c'est faux. Puis, je le répète, si le ministre, si
son gouvernement faisait quelque chose pour maintenir les entreprises au
Québec, ce serait plus justifié de passer une loi de même.
Peut-être que les gens auraient plus d'argent pour aller acheter ce dont
ils ont besoin, puis on pourrait peut-être ouvrir les commerces le
dimanche. Donc, s'il ne me croit pas, qu'il se lève donc, puis il
parlera tout à l'heure. Quand il a pris ses 10 minutes ou ses 20 minutes
tout à l'heure, pourquoi il n'a pas parlé de choses de même
au lieu de dire n'importe quoi puis essayer de se baser sur l'Ontario, puis de
se baser sur les États-Unis? C'est ça qu'il a dit durant ses 20
minutes tout à l'heure. Il n'y avait rien de concret dans son affaire.
Donc, qu'il me laisse parler. Je ne l'ai pas dérangé, moi.
L'usine Natrel...
M. Bélisle: M. le Président.
Le Président: S'il vous plaît! Un instant. Sur une
question de règlement, M. le leader adjoint.
M. Bélisle: Une question de fait personnel, M. le
Président. Tout simplement, je n'ai pas parlé pendant le
débat.
Le Président: Bon. Alors, s'il vous plaît! S'il vous
plaît, MM. les députés! Vous avez la parole, M. le
député d'Arthabaska.
M. Baril: M. le Président, c'est encore plus grave s'il
n'a pas parlé. Qu'il se lève après moi, puis qu'il parle,
qu'il les prenne, ses 20 minutes, puis qu'il dise de quoi de concret.
La coopérative Natrel, fabrication de crème glacée,
47 mises à pied à Québec; Sanpri, magasin d'alimentation
à Thetford, 40 mises à pied; Waldman, une poissonnerie à
Montréal, 23 mises à pied. Qu'est-ce qu'ils font, vos programmes
de relance? Qu'est-ce qui arrive? Pourquoi toutes ces mises à pied?
La Maisonnée, 5 dépanneurs à Québec
fermés; Unival, un abattoir de poulets, 170 mises à pied; Maple
Leaf, produits de salaison, 414 mises a pied. C'est tout du monde qui n'a pas
plus d'argent, ils sont sur le chômage. Il n'ont pas plus d'argent pour
aller acheter dans la semaine, ils n'en auront pas plus pour aller acheter le
dimanche.
Les Produits Labonté, 25 mises à pied; les Fromages
Crescent, filiale de Béatrice, à Saint-Laurent, 200 mises
à pied; Pepsi, 5 usines d'embouteillage et centres de distribution, un
à Sherbrooke, deux à Drummondville, un à Saint-Jean, un
à Saint-Hyacinthe.
Qu'est-ce qui arrive avec ça? Pourquoi perd-on notre temps
à discuter sur une loi que les gens ne veulent pas puis dont les gens
n'ont pas besoin? C'est sûr que si on fait un sondage puis qu'on dit au
monde: Voulez-vous que les commerces soient ouverts le dimanche? Moi, je vais
dire: II n'y a pas d'objection. Prendre une petite promenade dans les centres
d'achats le dimanche quand il fait froid, c'est plus agréable que dans
les centres-villes à ciel ouvert. Bon. Ça fait que tu
réponds non. Ça fait qu'eux autres, ils compilent ça: Oui,
voilà! Ça y est! Il y a tant de monde qui sont pour l'ouverture
des commerces le dimanche.
On nous dit que l'Opposition est seule à s'opposer à
l'ouverture des commerces le dimanche. On nous dit qu'on ne sait pas ce qu'on
fait, qu'on ne sait pas ce qu'on dit. Bien si on ne sait pas ce qu'on fait puis
qu'on ne sait pas ce qu'on dit, est-ce que la Corporation des marchands de
meubles du Québec ne sait pas ce qu'elle fait puis ne sait pas ce
qu'elle dit? Est-ce que la Fédération canadienne de l'entreprise
indépendante, section Québec, ne sait pas ce qu'elle fait, ne
sait pas ce qu'elle dit? Ça commence à toucher du monde un peu.
Comme le disait le député de Mille-Îles tout à
l'heure, est-ce que ces gens-là, est-ce que tout ce monde est dans les
patates? Là, ça commence à faire du monde un peu.
Le Regroupement des SIDAC du Québec, 5000 commerçants.
Ça commence à faire du monde, M. le Président! Ça
commence à faire du monde! L'Association des détaillants en
alimentation du Québec, la Fédération des ACEF du
Québec. Ça, ces consommateurs, ça c'est les vrais
consommateurs qui sont ici. Pourquoi ils sont contre? Ils sont dans les patates
eux autres aussi?
Le Groupe Cantrex inc., 500 magasins. Ça commence à en
faire un peu. Armand Pagé, La Promenade Ontario, à
Montréal; l'Association des marchands de Rimouski, Gestion
Clément, les Magasins d'ameublements B V inc., 150 magasins. Ça
commence à faire du monde un peu. Pourquoi ils sont contre ça,
eux autres? C'est des gens qui sont liés par ça. C'est des gens
qui vont vivre les conséquences de cette loi. (23 heures)
Les maîtres fourreurs associés du Québec,
Ameublements Tanguay inc., le groupe Gagnon Frères, Alimentation
Couche-Tard inc., la Chambre de commerce de Sherbrooke, la Chambre de commerce
de Mont-Joli. Je recevais cet après-midi une lettre des magasins Mayrand
& Frère, de Tingwick dans le comté de mon colègue de
Richmond, qui ont un magasin aussi à Victoria-ville; ils sont en total
désaccord avec ce projet de loi. Ils ne veulent pas que les magasins
soient ouverts le dimanche.
Je viens de vous en nommer une série, là. Est-ce que tous
ces gens-là sont dans les patates, ils ne savent pas ce qu'ils disent et
ce dont ils parlent? Le rôle de l'Opposition, c'est de représenter
ces gens-là ici, en Chambre, M. le Président, et de faire voir,
de faire comprendre au ministre que, si nous nous opposons, c'est parce qu'il y
a des gens en arrière qui nous disent: Ça n'a pas de bon sens, ce
projet de loi, on n'a pas besoin de ça. Pourquoi les gens vont-ils
acheter en Ontario? Pourquoi les gens vont-ils acheter aux États-Unis?
Mes collègues l'ont dit tout à l'heure, c'est à cause des
taxes impossibles, incalculables que ce gouvernement-là impose
présentement. C'est à cause aussi de la surévaluation du
dollar canadien. Tous les gens le reconnaissent, tous les hommes et les femmes
d'affaires reconnaissent que le dollar canadien était
surélevé, qu'il faisait tort en plus à l'ensemble de
l'économie québécoise, à tous nos manufacturiers,
nos exportateurs. Ils se trouvaient moins compétitifs à cause de
la surévaluation du dollar. C'est pour cette raison-là, entre
autres, que les gens allaient magasiner aux États-Unis tout en faisant
un petit tour le dimanche. Ils ne revenaient pas ici avec la valise pleine de
toutes sortes de choses, ils allaient là pour remplir le
réservoir d'essence, pour s'acheter du «fumage» pour la
semaine, et pour acheter
quelques produits, profiter de quelques spéciaux dans les
magasins à Plattsburg, et alentour du Québec. C'est pour cette
raison-là que les gens allaient aux États-Unis et qu'ils vont aux
États-Unis. Ce n'est pas parce que les magasins sont fermés ici
le dimanche et que les gens ne peuvent pas acheter, voyons donc!
Commençons donc par faire travailler les gens au Québec et,
après ça, on commencera à voir. S'il y a foule à
l'entrée des magasins, au lieu d'avoir des révoltes et des
bousculades, là, on pourra comprendre facilement, comprenez-vous, soit
qu'il n'y a pas assez de magasins ou bien qu'ils ne sont pas ouverts assez
longtemps. Et là, on révisera la loi et on dira: C'est vrai, il
faut ouvrir ça absolument le dimanche, parce que le monde a assez
d'argent, tout le monde travaille, et là le monde ne finit plus et il
veut acheter, ce qui fait qu'on va lui donner la possibilité d'acheter
durant une plus grande période et on va ouvrir les commerces le
dimanche.
M. le Président, ce n'est pas en ouvrant les commerces le
dimanche qu'on va régler les cas de faillites au Québec. Un
record de faillites au Québec, c'est ça la situation
économique au Québec: un record de faillites, un record de
déficit, un record de chômage, un record d'assistés sociaux
jamais vu, un record de vide politique, un gouvernement qui n'a pas
d'idées. Le seul plan de relance, c'est d'ouvrir les commerces le
dimanche. Il faut le faire, M. le Président! C'est quelque chose, vous
savez. C'est tout un plan de relance, ouvrir les magasins le dimanche. Et
là, le gouvernement était pratiquement insulté parce que
l'Opposition lui avait fait perdre tout son plan de relance. Il venait de
tomber, son plan de relance. C'est quelque chose, vous savez. On va baser
l'avenir du Québec sur l'ouverture des magasins le dimanche. Moi, je
n'en reviens pas, M. le Président, tout simplement pas. Pourquoi de plus
en plus de gens se désintéressent-ils? Il y a une sorte de
soumission, je dirais, au niveau des décisions gouvernementales. Parce
que les gens sont découragés. Les gens se disent: On a beau faire
n'importe quoi, on a beau dire n'importe quoi au gouvernement, il ne nous
écoute pas. Il ne veut rien savoir. Les gens n'ont même plus
d'argent pour monter ici, à Québec, pour venir manifester devant
l'Assemblée nationale. Il y a un désintéressement complet,
M. le Président. Il y a un désintéressement complet. Ils
disent: Ça ne donne plus rien, le gouvernement ne nous écoute
pas, et il fait à sa tête pareil. C'est dangereux, ça, M.
le Président. C'est dangereux et c'est pour ça que la confiance,
entre autres, entre les hommes et les femmes politiques, diminue. Elle diminue
parce qu'on ne les écoute pas. On ne les écoute pas, absolument
pas. On va à rencontre de leur volonté, à l'encontre de
leurs désirs, comprends-tu? Ce qu'ils veulent, c'est travailler. Ils ne
veulent pas acheter le dimanche, les gens veulent avoir des jobs. C'est
ça qu'ils veulent avoir. Qu'est-ce que ce gouvernement-là offre
d'autre aux travailleurs et aux travailleuses que d'aller magasiner le
dimanche? On vient de nous sortir qu'on va créer 8000 emplois. Encore
faudrait-il que les gens commencent par avoir de l'argent pour acheter. Je le
répète, M. le Président, il faudrait que les gens
commencent par avoir de l'argent pour acheter, avant d'ouvrir les magasins le
dimanche.
C'est pour cette raison, M. le Président, que j'ai essayé
de vous démontrer, à partir d'exemples bien concrets, que ce
projet de loi là, il n'y a personne, à part les grandes
chaînes de magasins qui veulent s'emparer de tout pour venir à
bout d'avoir le contrôle au complet... Nos petits commerçants, nos
petites entreprises privées, qui fonctionnent avec l'homme, la femme et
les enfants, on les amène directement à la faillite avec un
projet semblable. Et c'est pour cette raison, bien entendu, M. le
Président, que j'invite le gouvernement, j'invite le ministre à
refaire ses devoirs, à remettre ça à plus tard et à
dire: On va faire d'autres choses. Au lieu de travailler pour faire ouvrir les
commerces le dimanche, on va s'asseoir ensemble, on va essayer de trouver des
projets concrets pour relancer l'économie au Québec. Pas une
affaire de même!
Le Président: Je cède maintenant la parole à
M. le député de Lévis.
M. Jean Garon
M. Garon: M. le Président, je viens d'entendre deux bons
discours, le discours du député d'Arthabaska et le discours du
député de Drum-mond, qui sont des discours de gens qui ont les
yeux devant les trous et les pieds à terre. Malheureusement, dans la
société dans laquelle on vit, on a trop de gens
«flyés». Le ministre des Affaires municipales, qui veut que
les dépanneurs vendent de la bière 24 heures par jour, il a fait
de la morale à tout le monde toute sa vie et, aujourd'hui, ouvrons les
bars. Il passe d'un excès à l'autre. Manque de jugement, pas
d'équilibre. Aujourd'hui, on nous dit: Ouvrons les magasins. Ouvrons les
magasins, et les seules représentations... J'ai écouté le
député de Drum-mond, il a sûrement dit la
vérité; c'est la même chose pour moi. J'ai
été dans mon comté et, s'il y a une place où il y a
des commerces, c'est dans le comté de Lévis. Dans le comté
de Lévis, il y a au-dessus de 1000 commerces, uniquement sur la 132,
sans compter la route Kennedy. Il y en a, des commerces. Je n'ai pas vu une
seule personne qui m'a demandé qu'on ouvre le dimanche. Et quand je suis
allé au magasin de meubles, chez Tanguay, la semaine dernière,
j'étais entouré par des employés qui ont dit: Merci
d'avoir empêché qu'on ouvre dimanche prochain -en parlant du
dernier dimanche de novembre. Et ils nous ont demandé que ça
reste fermé le
dimanche. Le patron était là, les employés tous
ensemble, tout le monde était du même avis. J'ai rencontré
l'Association régionale des détaillants en alimentation ici, au
parlement. Ils ont demandé à me rencontrer et eux aussi
étaient uniformément contre l'ouverture le dimanche.
Je me rappelle, il y a quelques années, quand le gouvernement, au
lieu d'écouter l'Association des détaillants en alimentation, au
lieu d'écouter les propriétaires de Provigo, de Métro,
aimait mieux écouter Pierre Lortie. Pierre Lortie a été
mis dehors de Provigo après avoir perdu 60 000 000 $, mais eux sont
restés avec les magasins ouverts. Le Parti libéral s'occupait
plus de ceux qui s'occupaient de sa caisse électorale que des gens. qui
étaient contre l'ouverture le dimanche. C'était ouvert. Ces
grands génies de l'alimentation ne sont plus là, mais les gens
sont restés poignes avec les décisions, par exemple. Aujourd'hui,
on écoute qui? On n'écoute pas les détaillants en
alimentation, ils sont contre. On n'écoute pas les marchands de meubles,
ils sont contre. Pourquoi? Parce que eux savent que, dans le domaine de
l'alimentation, ça ne prend pas 500 watts pour savoir ce qui se passe.
Au Québec, l'alimentation est menée par les entreprises
familiales. Provigo, Métro sont des regroupements d'entreprises
familiales, et Steinberg est en train de prendre la même formule de
survente, ici et là, à des propriétaires individuels.
Avant que Steinberg soit vendue à des entreprises locales, 70 % du
commerce d'alimentation était dirigé par des propriétaires
d'épicerie qui formaient des regroupements, alors que, dans le reste de
l'Amérique du Nord, c'était le contraire. Essentiellement,
c'était dirigé par des chaînes avec des gérants dans
les magasins. pourquoi les gens ne veulent pas ouvrir le dimanche? parce qu'ils
ont une famille, parce que ce sont des entreprises familiales au québec.
c'est le seul endroit en amérique du nord où c'est comme
ça. il faut savoir au moins de quoi on parle. c'est le seul endroit en
amérique du nord. aujourd'hui, les gens disent: est-ce qu'on aurait le
droit à une journée chez nous, normale, au lieu d'être
obligés de travailler sept jours par semaine? les employés
demandent: pourquoi on n'aurait pas droit à une journée, nous
aussi, le dimanche, pour se reposer, pour que la femme, l'époux, les
enfants... ce qui reste de famille au québec, est-ce qu'on veut
l'achever? on a 40 % de décrochage dans nos écoles secondaires.
trois ans et demi pour faire deux ans de cégep. on vient de voir les
résultats du succès mirobolant de nos étudiants
universitaires en comptabilité, qui ont échoué à 63
% - 37 % seulement ont réussi. c'est ça qu'on veut? rachever ce
qui reste? une société qui s'en va chez le diable actuellement.
pourquoi? parce qu'on est administrés par des deux de pique, des gens
qui n'ont pas de jugement. (23 h 10)
Actuellement, M. le Président, les taux de chômage sont
devenus, au Québec, les taux des années trente. Vous voulez
quelques chiffres que j'ai compilés. Quand vous regardez le
chômage, on pourrait faire une étude... Statistique Canada, par
Dave Bower, qui montre les taux de chômage des années 1928, 1929,
1930, 1931, 1932, etc. On voit que, sur une base comparative, le taux de
chômage le plus élevé a atteint - sur une base comparative,
je dis bien - 20 % en 1933. En 1929, au début de la crise, il
était à près de 10 %, selon l'étude comparative. Je
regarde une étude non comparative, des chiffres absolus comme
comparables du temps, des statistiques, parce qu'on n'avait pas les mêmes
statistiques dans ce temps-là qu'aujourd'hui, les chiffres de l'annuaire
du Canada: ouvriers, chômage parmi les ouvriers syndiqués...
C'étaient les statistiques qu'on avait dans le temps. Vous vous demandez
c'était quoi? En décembre 1929, alors qu'on venait de
connaître le krach de la Bourse, en octobre 1929, les statistiques sur le
chômage en décembre 1929, c'étaient quoi? 14,5 %.
Au mois de novembre, on vient de voir les chiffres: 14,3 %. On est rendu
dans la dépression économique. Savez-vous qu'aujourd'hui, M. le
Président, on ne compte pas tous les chômeurs parce que, si on les
comptait tous... Chômage, en novembre, 490 000 chômeurs, et c'est
sans compter les bénéficiaires de l'aide sociale: 428 000
ménages sur l'aide sociale, ce qui représente 7000
bénéficiaires. Là-dessus, disons 428 chefs de famille, si
vous voulez, hommes ou femmes. Il y en a sans doute quelques-uns qui sont des
conjoints, qui sont aussi sur le bien-être social. Prenons 428 000
ménages où l'homme ou la femme sont chefs de famille en
chômage: pour 700 000 bénéficiaires, plus 490 000
chômeurs, on est rendu à 918 000, alors que ceux qui sont au
travail, c'est 2 925 000. Ça veut dire qu'on est rendu à quoi
dans le chômage réel quand on regarde les chiffres? En tenant
compte de tous ceux qui ne travaillent pas, qui sont sur le chômage ou
sur le bien-être social, on est rendu dans la crise des années
trente.
Une voix: Pire même.
M. Garon: Qu'est-ce qu'on regarde actuellement? Le
député d'Arthabaska l'a dit avec raison, des centres d'achats
où ça ferme. Puis on nous dit: Notre solution, nous autres, les
gars, on va ouvrir les magasins le dimanche, alors qu'on a 15 % de la
population quasiment qui est sur le chômage puis encore 15 % sur le
bien-être social. Je vous dis que ça va acheter fort, le dimanche!
Est-ce qu'on est malade? Je n'ai pas eu une seule demande, à mon bureau,
pour qu'on ouvre le dimanche. Puis on nous dit que c'est ça. Parce que
le gouvernement est déconnecté, il est totalement
déconnecté, il n'a aucune idée où il s'en va.
J'ai une demande aujourd'hui. Une demande. Une lettre que j'ai
reçue aujourd'hui. On me
demande d'aller manifester dans la vallée de la Matapédia
avec le Syndicat canadien des travailleurs du papier, parce qu'ils ont peur que
leur usine ferme. Ils vont manifester mercredi. Comme je ne sais pas si je vais
être libre, je leur ai envoyé un télégramme qui
disait: Si vous manifestez samedi, ça me fera plaisir d'y aller mais,
mercredi, comme je ne sais pas si je vais être en commission
parlementaire ou à l'Assemblée nationale, je ne pourrai sans
doute pas y aller mais je suis avec vous autres de coeur. Parce qu'ils ont peur
que l'usine Panval ferme. Regardez, dans le domaine du papier, où
ça s'en va. Ça s'en va chez le diable. Ça s'en va chez le
diable, dans le domaine du papier. Les scieries, même affaire, ça
ferme.
Il vous a parlé tantôt, le député
d'Artha-baska, des entreprises dans le domaine agricole, dans le domaine de la
transformation alimentaire, qui ferment. Qu'est-ce que le ministre nous dit? On
va ouvrir le dimanche. Les gens qui ne vont pas à la messe vont aller
magasiner. Imaginez-vous, M. le Président! Des solutions! C'est quelque
chose. On n'est plus dans les deux de pique, on est dans les deux de carreau.
C'est d'une tristesse épouvantable, M. le Président. C'est une
tristesse épouvantable de voir un gouvernement sans imagination,
déconnecté, «flyé». On regarde quoi?
Le ministre des Transports veut faire une réforme administrative
de son ministère, lui; il ferme un bureau et en ouvre un autre, comme
des poissons rouges dans l'aquarium qui font des belles, ils ne
dérangent pas la conversation dans le salon. Vous voyez des poissons
rouges dans le petit aquarium, ils ont beau virevolter, tournoyer, ils ne
dérangent personne assis sur les fauteuils. On voit ça, ces
ministres, ils sont comme des poissons rouges dans un aquarium. Ils font des
belles, ils virevoltent. C'est ridicule. Quand on regarde-Une voix:...
M. Garon: Moi, je me promène avec des chèques dans
mes poches... J'avais des chèques dans mes poches - vous, vous avez des
dettes dans vos poches. T'as beau... De savoir négocier, c'est une
affaire - vous, vous vous promenez avec rien dans vos poches. Vous avez des
dettes, avec un gouvernement qui est rendu à un déficit de 5 000
000 000 $, alors que les taux d'intérêt baissent. Nous, on a fait
des déficits quand les taux d'intérêts étaient
à 16,5 %, à 19 %, ou à 20 %, en 1981, 1982, 1983. Et vous,
vos déficits augmentent, alors que les intérêts baissent.
Ils nous disent: À cause de la dette! Quand les intérêts
baissent, la dette coûte moins cher, elle ne coûte pas plus cher.
Et le déficit augmente. Pourquoi? Mauvais gestionnaires, ils ne savent
pas compter. Ils n'ont pas dû passer leur examen de comptabilité,
eux autres non plus.
M. le Président, un gouvernement fini! Un gouvernement fini! Je
le disais l'autre jour à la représentante de l'Immigration qui
disait à quel point les régions devaient accueillir des
immigrants. Voyez-vous un immigrant malade en Gas-pésie avec 30 % de
chômeurs? Il va aller faire quoi, là? Chômer lui aussi! Avec
les taux de chômage qu'on a, on ne pensera pas de dire: Venez-vous-en,
les gars! Ils vont aller faire quoi? Ils vont aller faire quoi, en
Gaspésie, il n'y a plus de poisson.
Une voix: Des poissons rouges.
M. Garon: À moins qu'on ne fasse des flignes-flagnes comme
le fédéral, leur donner un chèque de paie pendant un bout
de temps pour les qualifier pour l'assurance-chômage, pour les faire
payer par les autres travailleurs, alors que ce n'est pas ça,
l'assurance-chômage. Des flignes-flagnes! Un gouvernement dangereux.
L'État. Autrefois, on disait: C'est un État qui peut nous
aider. Aujourd'hui, les gens ont peur de l'État; c'est un mafioso,
l'État. On ne sait jamais quand est-ce qu'il va mettre la main dans nos
poches, quand est-ce qu'il va essayer de nous faire crever. Les gens ont peur
de la réglementation, ils ont peur de l'État. Je me rappelle, au
début des années soixante, quand René Lévesque
disait: «Faisons confiance au plus fort des nôtres,
l'État», les gens ont fait confiance, ils pouvaient nous aider. On
a fait l'assurance-santé, on a fait différentes choses.
Aujourd'hui, on est rendu à téter un 2 $ aux vieux; 2 $ aux
personnes âgées. Ça coûte plus que 2 $ pour le
collecter. Vous avez des gens à 35 000 $ par année qui sont
là à ramasser des 2 $. Je vais vous dire: Combien vous ramassez
de 2 $ à l'heure pour que ce soit payant? Voyons donc, M. le
Président!
Une voix: La pertinence.
M. Garon:on est dans la pertinence, oui. quand tu as la crise
économique qu'on vit là, avoir des députés comme
vous, c'est impertinent, m. le président. des députés qui
n'ont rien à dire, des carpes; ils ouvrent la bouche, ils la ferment,
ils la rouvrent et ils la ferment, il ne sort pas de son. le vide de la
pensée économique! un gouvernement pourri qui n'a rien à
dire, rien à proposer. j'arrive d'une commission parlementaire avec le
ministre des affaires municipales, grand moraliste devant l'éternel. il
s'est fait dire par ceux qui sont venus, les experts: n'allez pas trop vite,
vous êtes en train de bousiller notre système d'évaluation
foncière. pourquoi? parce que c'est pas rien que de faire des
éditoriaux moralistes qu'on connaît tout, doctorat global. quand
tu arrives dans les choses concrètes, tu as de la misère à
démêler une fraise d'un éléphant. c'est ça,
le gouvernement qu'on a en face de nous. m. le président, je dis
«une fraise d'un éléphant»; admettons «une
fraise
d'un cheval», si vous aimez mieux. Essentiellement, le monde
regarde ça et il ne peut pas en croire ses yeux de ce qu'il voit
actuellement au gouvernement. Ça n'a pas de bon sens. Le monde est
découragé. Il peut arriver n'importe quoi dans une
société comme celle qu'on a actuellement, une
société malade actuellement, qui regarde un gouvernement en face
d'elle et il y a des charlatans. Ils ne sont pas capables de diagnostiquer les
problèmes.
Pensez-vous que le problème économique, au taux de
chômage qu'on a actuellement et au taux d'aide sociale, c'est le
problème de l'ouverture du dimanche? Rien que de penser à
ça, ça veut dire qu'on n'est pas capable de faire le diagnostic.
C'est un peu comme si j'allais chez le médecin, M. le Président,
je saignais à plein visage et il me soignerait pour un tour d'ongle!
Vous allez dire: II y a quelque chose qui ne va pas. C'est arrivé, je
suis allé avec ma petite fille à l'hôpital pour une
radiographie des poumons. À un moment donné, elle dit: C'est la
première fois que je fais faire une radiographie, j'ai trouvé
ça drôle, ils m'ont radiographié le nez. J'ai dit: II y a
quelque chose qui ne va pas. J'ai demandé s'ils s'étaient
trompés de patient. Le nez, ça devait être l'autre
après, parce qu'elle avait eu le nez cassé. C'était une
femme de la police qui avait eu le nez cassé par quelqu'un qui l'avait
attaquée. Voyez-vous. Ce n'était pas un mauvais diagnostic.
C'était une erreur sur la personne. On est comme ça dans
l'économie actuellement. Il va falloir des gens qui ont les deux pieds
sur terre, pour analyser la réalité de l'économie, M. le
Président. La réalité actuellement, c'est que ça va
mal à peu près dans tous les secteurs. Et on ne réglera
pas des problèmes avec des affaires comme ça, avec des lois sur
le dimanche. Ça n'a pas de bon sens, M. le Président. Moi, je
trouve ça d'une tristesse épouvantable d'être dans le
parlement avec un taux d'aide sociale... On est rendus à 428 000
ménages, 700 000 personnes sur l'aide sociale, 490 000 chômeurs -
on a augmenté le nombre. Les pertes d'emplois: les emplois ont
baissé de 31 000 avec le mois passé. On a 60 000 chômeurs
de plus, 44 000 assistés sociaux de plus en l'espace d'un an, d'octobre
à octobre. On regarde ça et on dit: Si on ouvrait les magasins le
dimanche, ça réglerait le problème. Ça n'a pas de
bon sens. (23 h 20)
Le député d'Arthabaska disait: Les gens se
promènent dans les centres d'achats. J'ai parlé avec des gens
dans les magasins. Ils m'ont dit: II y a autant de monde qu'avant.
Peut-être bien plus. Il va y en avoir plus cet hiver parce que les gens
vont aller là pour se faire chauffer. Ils vont dire: Au moins, dans le
centre d'achats, c'est chauffé, ça nous coûte rien.
Ça ne veut pas dire qu'ils achètent dans les magasins. Pour
acheter, ça prend de l'argent dans nos poches.
Quand on regarde le niveau des taxes, le fédéral arrive:
Envoyé! Le provincial arrive: envoyé! le municipal arrive:
envoyé! les taxes scolaires, depuis trois ans, sont deux fois et demie
plus élevées, 250 % d'augmentation. après que tu as
payé toutes ces taxes-là, on dit: ce n'est pas assez.
l'électricité, 35 % d'augmentation, la tvq, la tps. tu n'en as
pas assez: le permis de conduire, de 6 $ passe à 20 $; le permis
d'immatriculation, de 37 $, en 1985, à 90 $. si tu es dans la zone
qu'ils ont décrétée - 195 municipalités - ça
va être 120 $, 30 $ pour le transport en commun et, sur les 195, il y en
a 123 qui n'ont même pas de transport en commun dans leur
municipalité. tous les flignes-flagnes possibles pour siphonner le
citoyen. puis, après ça, on se dit: comment ça se fait
qu'ils n'achètent pas? bien, il n'y a plus d'argent. il n'y a plus
d'argent. vous regardez des gens qui ont des bons revenus. ils disent: je ne
sais pas comment le monde fait; on n'arrive pas, on est deux qui travaillent.
les deux ont 40 000 $ et 50 000 $ par année et ils n'arrivent pas. on se
demande comment ça se fait que le monde peut arriver. on pense que les
gens vont... ils vont faire ça comment? moi, je n'ai jamais vu le
ministre faire la multiplication des pains. qu'il multiplie quelque chose, pour
voir, à partir de rien. je n'en ai pas vu. actuellement, je regrette,
c'est la misère noire au québec. puis, cet hiver, quand on est
rendu à 14,3 % de chômage au mois de novembre, ça va
être quoi en décembre? ça va être quoi en janvier?
ça va être quoi en février?
Le député de Drummond a raison quand il dit: Le plus grand
service qu'on pourra rendre... Il a dit: Le 27 - moi, je dirais jusqu'au 31 -
ouvrir - après Noël, entre Noël et le Jour de l'an, pour
clairer les inventaires si c'est possible à des prix de rabais, pour
leur permettre de passer au travers en janvier et février parce qu'ils
ne vendront pas grand-chose. Soyons réalistes. Le monde est
cassé. En fin de semaine, je suis allé chez le boucher, ça
faisait longtemps que je n'étais pas allé, je suis arrivé
et j'ai dit: Vendez-vous encore du boeuf pour les congélateurs? Il a
dit: On n'en vend pas beaucoup. J'ai dit: Comment ça? Il a dit: Vous
vous rappelez, vous, quand vous en achetiez, on en vendait plus dans ce
temps-là. Mais j'ai dit: Pourquoi vous n'en vendez plus? Il a dit: Le
monde n'a pas d'argent; acheter un boeuf pour le congélateur, il faut
que tu paies «cash» un certain montant. Il a dit: Le monde est trop
endetté, ils n'ont pas assez d'argent, on n'en vend plus de boeuf pour
le congélateur. Il a dit: En plus, le boeuf a remonté. J'ai dit:
Pourquoi? Bien, vous comprenez, le dollar canadien a baissé, il
coûte moins cher pour les Américains, ça fait qu'ils
viennent le chercher. Ça fait qu'il dit: Nous autres, on en a moins, il
coûte plus cher, on le vend plus cher. Vous voyez! Notre pauvreté
amène des augmentations des prix dans certains cas. Les effets de la
crise économique.
Ce qu'il faudrait, c'est que les députés...
Moi, je dirais, ce qu'on devrait faire, c'est dire aux
députés: Fermons le parlement pendant un mois, puis
rapportez-vous, vous allez faire du centre d'achats du matin jusqu'au soir,
dans les magasins, rencontrer les acheteurs, les magasi-neurs qui
n'achètent pas, ceux qui achètent puis les commerçants;
vous reviendrez dans un mois, vous allez en savoir pas mal plus. Mao avait
décidé, à un moment donné, d'envoyer du monde aux
champs pour leur faire comprendre des affaires. Ils allaient ramasser des
fraises, ça leur mettait du plomb dans la tête. Moi, je pense
qu'il y a des députés ici qui devraient aller voir ce qui se
passe dans la vraie vie. Ils se rendraient compte actuellement que ça va
mal. Ça va mal! Les citoyens sont inquiets. Il y a ceux qui n'ont plus
de job; je dirais qu'ils sont moins inquiets que ceux qui ont peur de perdre la
leur. Parce que les gens qui en ont encore se demandent: Ça va durer
combien de temps? Quand ils vont la perdre, leur job, comment ils vont faire
pour faire leurs paiements?
Tantôt, en bas, on était en train d'étudier la
fiscalité municipale, comment on va charger, évaluer les
commerces où les magasins sont fermés pour leur charger des
taxes. On est en train de se demander... Là, on parle d'un
système américain, le faisceau de taxes. Hein! Le faisceau dans
l'évaluation. Imaginez-vous! Les experts qui sont venus ont dit: On
copie une méthode américaine des années trente pendant la
crise économique: faire payer des taxes à des citoyens qui
n'avaient pas d'argent, parce que les municipalités avaient peur de ne
plus avoir de revenus. On est rendu dans ces mesures-là par notre grand
moraliste national, le ministre des Affaires municipales. Comment taxer ceux
qui n'ont pas de revenus? Comment taxer les centres d'achats où les
magasins sont vides? C'est quelque chose, M. le Président.
M. le Président, quand on a un gouvernement comme ça, on
n'a pas besoin d'ennemis. On n'en a pas besoin. On est servi. Actuellement, le
gouvernement est dangereux. Un gouvernement en sursis, dangereux, parce qu'il
se tire dans toutes les directions, comme un taureau dans l'arène
où le sang lui coule dans les yeux. Il ne voit plus clair et il court
dans toutes les directions sauf que, actuellement, tout ce qu'il peut faire,
c'est faire du mal.
Je vais vous dire une chose, je fais une prédiction. Dans le
domaine de l'alimentation, si vous adoptez cette loi, je vais vous dire qu'il
va y avoir des difficultés, parce que les entreprises familiales vont se
poser des questions, si elles doivent continuer à vivre dans un domaine
où il faut travailler sept jours par semaine. Dans notre domaine,
actuellement, beaucoup de ceux qui ne veulent pas, c'est parce qu'au
Québec on a une structure de l'entreprise familiale dans des secteurs
où ailleurs, en Amérique du Nord, ce n'est pas des entreprises
familiales. Pourquoi ils ne veulent pas? C'est parce qu'ils veulent se garder
une journée pour vivre. Puis tantôt, on va payer cher. Je vais
vous dire, vos amis vont être les premiers à venir pleurer. Un des
premiers sans doute sera Provigo. Regardez le nombre de gens qui ne veulent pas
opérer de cette façon-là: des détaillants dans
l'alimentation, des détaillants dans le meuble et d'autres gens
connectés qui sont des entreprises familiales. Vous êtes en train
de faire la loi la plus mauvaise qu'on puisse imaginer pour l'entreprise
familiale du Québec. Je vous remercie, M. le Président.
Le Président: Nous poursuivons le débat avec
l'intervention de M. le député de Shefford.
M. Roger Paré
M. Paré: Oui, merci, M. le Président. Moi aussi je
tiens à intervenir sur le projet de loi 59 parce que c'est loin
d'être une petite loi, c'est majeur. Je vais essayer de convaincre le
ministre de reculer et de ne pas passer cette loi, parce qu'à mon avis,
et j'en suis convaincu, c'est non seulement une erreur économique, c'est
une erreur sociale. C'est un changement de société qu'on est en
train de nous imposer, sans discussion et c'est un changement qui est
fondamental. Il ne faut pas prendre ça pour des niaiseries ou des
farces, c'est majeur, ce qu'on va imposer aux citoyens et au citoyennes du
Québec. Puis, on ne s'en rend pas compte.
Mes collègues avaient raison, autant mon collègue de
Lévis que mon collègue de Drummond tantôt. Allez-y dans
votre comté. Moi, j'en arrive, comme vous tous. Sauf qu'aujourd'hui
j'arrive de mon comté. J'ai fait ma tournée comme tout le monde
en fin de semaine. J'ai consulté les gens. Personne n'a demandé
que les magasins soient ouverts le dimanche. Je ne sais pas d'où
ça vient cette idée de nous dire que tout le monde veut qu'on
ouvre le dimanche. Oui, le ministre... Et je vais revenir tantôt en
parlant de Granby, je vais y revenir tantôt. Mais, ce que je veux dire
par rapport à la loi actuelle, qui a demandé? Est-ce qu'il y a
des gens qui sont allés vous voir dans votre bureau pour dire: Aie, moi,
j'aimerais ça que les magasins soient ouverts le dimanche? Bien, voyons
donc! Arrêtez de prendre les gens pour des portefeuilles puis des
sacoches qui ont juste à dépenser de l'argent qu'ils n'ont pas.
C'est des citoyens, c'est des gens qui ont aussi le droit de faire autre chose
que de dépenser pour payer des taxes. Mais, ce n'est pas vrai que des
gens sont venus nous voir pour nous dire: II faut absolument que les commerces
ouvrent le dimanche. Ce n'est pas ça, la réalité. Moi,
j'ai fait le tour en fin de semaine et je le demandais autant aux
commerçants, aux consommateurs, aux citoyens que j'ai rencontrés.
C'était unanime: Bien non, ça ne créera pas d'emplois,
puis ce n'est pas une nécessité, puis ce n'est pas une
obligation.
Sauf que, si on passe cela, là on va chan-
ger la façon de vivre au Québec. On va changer les
comportements, puis on va faire crever des entreprises bien plus qu'on va
créer des emplois. Et ça, il faut le dire. À ceux qui nous
disent: Mais vous devriez donner votre consentement, l'Opposition, parce qu'on
est en crise économique. Ce n'est pas parce qu'on est en crise
économique, puis ce n'est pas parce qu'on a en face un gouvernement qui
a perdu le contrôle total que, nous, on va accepter des mesures qui vont
venir empirer la situation. C'est pour ça qu'on est contre. C'est une
mesure anti-économique et antisociale, et je vais vous expliquer
pourquoi.
En 1990, lorsqu'on a voté la loi 75, on a écouté
les gens. Il y a des gens qui sont venus se faire entendre. Et le gouvernement
a reculé. Quand le gouvernement a écouté et quand les gens
sont venus nous soumettre leur argumentation, le gouvernement a reculé
parce qu'il s'est aperçu que ça n'avait pas de bon sens. Comment
ça se fait que, cette fois, sans consultation, on décide de
modifier la vie des gens? Pas juste des commerçants, de leur famille et
du vécu en société qu'on connaît au moment où
on se parle. Pas de consultation puis, là, on décide que, parce
que le ministre a consulté quelques personnes, c'est comme s'il y avait
eu une consultation générale. Ce n'est pas ça, la
réalité. Il faut entendre tous ceux qui ont quelque chose
à dire là-dessus avant de changer ça, parce que quand on
l'aura changé, ça va être pour longtemps. Ce n'est pas vrai
qu'on va reculer facilement. On est en train de modifier notre façon de
vivre sans en parler aux gens. Ensuite de ça, vous essaierez de reculer.
Vous allez vous apercevoir que quand on passe une loi aussi fondamentale que
celle-là, on est «pogné» avec et on est
«pogné» pour longtemps, même si les effets sont
négatifs. (23 h 30)
On a reculé en 1990, mais on n'a pas reculé totalement, on
a permis l'ouverture des marchés d'alimentation, avec certaines
restrictions. J'aimerais ça, avant qu'on modifie pour l'ensemble des
commerçants, qu'on nous dépose les résultats de ce geste
et qu'on nous parle des fermetures que ça a entraînées au
niveau de nos dépanneurs. Les centaines de dépanneurs qui ont
fermé, est-ce que ce ne sont pas des chômeurs au moment où
on se parle? Est-ce que ça ne fait pas partie de nos 14,3 % de
chômeurs? Et quand on parle de 14,3 % de chômeurs, ça
n'inclut pas ceux qui sont maintenant sur l'aide sociale parce qu'ils ont fini
leurs prestations d'assurance-chômage, et ça n'inclut pas tous
ceux qui travaillent à temps partagé. Parce que là je dois
vous dire, on dépasse largement les 20 %. Bien, c'est des mesures comme
ça qui amènent du chômage. Quand on fait fermer nos petites
et moyennes entreprises qui sont des commerçants et des
dépanneurs, bien, c'est du chômage et c'est de l'économie
en moins qui tourne. C'est ça, la réalité.
L'économie du Québec repose sur quoi? Tout le monde le
dit, tout le monde le reconnaît, l'économie du Québec
repose sur nos petites et moyennes entreprises, sur nos entreprises locales. On
dit que c'est les PME qui créent 80 % des emplois dans tous les
secteurs, y compris dans le secteur du commerce au détail. Au
Québec, oui, on est une société particulière. Au
Québec, 75 % de nos commerçants, ce sont des indépendants,
des PME dans le secteur du commerce au détail; 75 %. C'est quoi, la
réalité en Amérique du Nord? C'est l'inverse. En Ontario,
aux États-Unis, c'est à 75 % contrôlé par des
grandes surfaces, par des centres commerciaux. Au Québec, c'est 75 %.
Là, on amène une mesure qui va favoriser qui? Les grandes
surfaces, les centres d'achats. Au détriment de qui? Au détriment
de nos petites et moyennes entreprises, au détriment de nos
commerçants indépendants, de nos commerçants
québécois.
On l'a tenu, le beau discours de l'autre côté, et on le
tient encore: Lancez-vous en affaires! Partez votre petite entreprise! Ne vous
gênez pas, vous êtes capables! Mais en même temps, par
exemple, on amène des mesures qui vont faire crever nos PME, nos
entreprises dans le secteur du commerce au détail. Bien voyons! C'est
même ce gouvernement qui, en 1985, nous est arrivé avec un
ministère d'Etat à la PME. Ils l'ont aboli maintenant. Je
comprends qu'ils l'ont aboli, comme ils sont en train de le faire avec les PME.
C'est une mesure qui va nuire au développement économique. C'est
pour ça qu'on est contre, entre autres. C'est une erreur
économique. Si on fait crever nos PME, il va y avoir plus d'emplois
perdus qu'il va y en avoir qui vont être générés
dans les centres d'achats. Les emplois qu'on va perdre, c'est des emplois
réguliers, des emplois probablement à temps plein. On va
remplacer ça par de l'occasionnel, du partiel, par des emplois
précaires qu'on appelle, des petits salaires et des horaires variables.
On va remplacer des emplois fixes par des emplois précaires. C'est de
l'appauvrissement collectif, ça, M. le Président, c'est de
même qu'on appelle ça. Accepter de perdre des emplois payants pour
des emplois moins payants, on ne peut pas accepter ça.
J'entendais M. Béland. Il a raison, il faut que les
Québécois, si on veut relancer l'économie, achètent
des produits québécois. On les trouve d'abord dans les commerces
québécois, les produits fabriqués chez nous. Si on fait
fermer les commerces québécois... Il y en a une vingtaine qui ont
fait valoir qu'ils étaient contre, une vingtaine de regroupements
québécois dont le Regroupement des SIDAC, les centres-villes.
C'est des commerces québécois qui ont des produits
québécois à l'intérieur. Bien, si on fait crever
nos centres-villes et les petits commerces, bien oui, les gros vont prendre la
place, les multinationales qui décident, à Toronto ou ailleurs,
de ce qu'elles vont vendre. Pas des produits québé-
cois, M. le Président, c'est la réalité des choses.
Il faut regarder tel que c'est. On peut décider d'avoir juste des
grandes surfaces, on peut décider d'avoir juste des centres d'achats qui
vont appartenir à des multinationales, qui vont nous mettre du stock des
États et de l'Ontario à l'intérieur et, nous, on va
l'acheter. Ça, ça va aider à relancer l'économie
québécoise. Ça, ça va faire vendre des produits
québécois et, ça, ça va faire vivre nos PME.
M. le Président, c'est anti-économique, une mesure
semblable. Ça ne fera pas vivre nos PME, ça va les faire crever.
Ça ne fera pas vendre les produits québécois, au
contraire. Ça va enlever les points de vente qu'on a au moment où
on se parle parce que les Québécois qui vendent à des
Québécois vendent des produits québécois. Il va
falloir arrêter de tenir des discours de développement
économique. Il va falloir arrêter de donner des diplômes et
des trophées à nos PME si on n'est pas capable de voter des lois
ici qui vont aider le développement de nos PME. Tant qu'on va voter des
mesures comme celle-là, on devrait se retenir et arrêter dans les
discours et dans les reconnaissances, parce qu'on est bien plus en train de les
faire crever qu'en train de les aider.
Comme je vous le disais, M. le Président, c'est une erreur
économique et aussi une erreur sociale. J'aimerais ça, entendre
les ministres sectoriels l'autre côté. J'aimerais ça,
écouter la ministre responsable de la Famille venir nous dire c'est
quoi, sa vision pour le futur du développement familial, de la cellule
familiale par rapport à une mesure comme celle-ci. Quand j'entends, de
l'autre côté, nous dire: Oui, mais, de toute façon, il y a
déjà bien des gens qui sont obligés de travailler le
dimanche. Bien oui, mais «c'est-u» parce qu'il y en a
déjà beaucoup qu'on va s'organiser pour qu'il y en ait encore
plus? On est en train d'affecter notre politique familiale par ça. C'est
ça que ça veut dire. Il va falloir de l'autre côté
aussi qu'on arrête de dire qu'on veut favoriser aussi la famille, si on
n'est pas capable de faire en sorte que la famille se retrouve de temps en
temps. C'est antifamilial.
On ne parle plus de qualité de vie, de l'autre côté.
Je comprends. Pas avec des mesures comme ça. Peut-être la
qualité des produits des grandes entreprises, mais certainement pas la
qualité de vie des citoyens. J'aimerais ça que le ministre du
Loisir, de la Chasse et de la Pêche, de l'autre côté, nous
dise: Ça fait longtemps qu'on n'a pas entendu de beaux discours sur la
société des loisirs. Effectivement, on ne peut plus parler de
société des loisirs, parce qu'on prend les citoyens pour des
sacoches et des portefeuilles qu'on veut vider parce qu'on les voit seulement
comme des consommateurs. Ce n'est pas vrai; ce sont des êtres humains qui
ont droit à des loisirs. De l'autre côté, on nous a dit
qu'à partir de maintenant, quand on a déposé la politique
culturelle: Le culturel deviendra aussi important, aussi fondamental que
l'économique et le social. Je dois vous dire: Comment peut-on tenir un
discours semblable? Si les gens vont magasiner le dimanche, ils n'iront plus
à des activités culturelles. Il va y avoir des perdants
là-dedans. Et quand le ministre dit qu'on pense que ça va
relancer l'économie, ce n'est pas parce que les gens vont avoir plus
d'argent... Pas vrai, les gens n'auront pas plus d'argent. Imaginez-vous les
beaux dimanches de janvier, quand les gens vont commencer à payer leurs
cadeaux de Noël, et la carte de crédit qui rentre... Pensez-vous
qu'ils vont avoir de l'argent pour gaspiller et dépenser dans les
centres d'achats le dimanche? Non, ils n'en auront pas plus. Ils n'en auront
pas plus. Mais s'ils y vont et qu'ils se laissent aller à ce que le
ministre appelle des achats impulsifs - en se promenant, ils vont voir des
choses dont ils n'ont pas besoin et ils vont les acheter - de deux choses
l'une: ou bien ils vont s'endetter encore davantage, alors qu'on est une
population déjà passablement endettée, ou bien,
effectivement, les gens vont aller dans les centres d'achats pour faire des
achats impulsifs de produits dont ils n'ont pas besoin, au lieu d'aller dans
les centres culturels, au lieu d'aller dans les organismes de loisirs, au lieu
d'aller dans des brunchs communautaires, au lieu de s'occuper de loisirs, au
lieu de s'occuper de leur famille. Et si jamais c'étaient quelque 400
000 000 $, comme dit le ministre, que les citoyens vont utiliser en achats
impulsifs, j'aimerais ça que le ministre du Loisir et que la ministre
des Affaires culturelles viennent me donner leur point de vue là-dessus,
des 475 000 000 $ qui vont être gaspillés en achats impulsifs et
non pas investis dans les organismes de loisirs, dans les municipalités,
dans les organismes communautaires et dans les organismes culturels.
Après ça, on se plaindra que nos théâtres sont
vides, que les bibliothèques ont de la misère à attirer et
à être rentables. Je comprends! On veut que les gens aillent juste
dépenser dans le commerce. (23 h 40)
L'économie, c'est pas seulement dans les centres d'achats;
l'économie, c'est dans les centres culturels. L'économie, c'est
dans les théâtres, dans les cinémas, dans tout ce qui est
culturel. Il faut aussi que les gens aillent chercher autre chose que des
produits qu'ils ont achetés sous impulsion. C'est exactement ce qu'on
est en train de nous dire. On utilise d'autres arguments en disant: Oui, mais
les achats hors frontière. Pourquoi les Québécois vont-ils
magasiner aux États-Unis? Mon Dieu, M. le Président, ce n'est pas
parce que les magasins sont fermés le dimanche. C'est pour deux seules
raisons: les taxes, les taxes qui n'ont plus de bon sens: TVQ, TPS, en
voulez-vous? En v'Ià! Mettez-en! C'est au Québec, dans toute
l'Amérique du Nord, qu'on paie le plus cher l'essence. C'est au
Québec, dans toute l'Amérique du Nord,
qu'on paie le plus cher les cigarettes et la boisson. Pourquoi les gens
vont aux États? C'est parce qu'ils n'ont plus les moyens de payer la
taxe imposée par le gouvernement libéral. Ça, c'est une
des raisons. Et l'autre, pourquoi ils allaient aux États? C'était
parce que le dollar était très élevé et
c'était payant. À partir de maintenant que le dollar est à
un niveau plus bas, probablement que ça va baisser un peu, les achats
aux États-Unis. Mais ce n'est pas parce que les magasins vont être
ouverts le dimanche, c'est parce que la valeur du dollar va être
modifiée. C'est ça, la réalité des choses.
M. le Président, il faut regarder la qualité de vie des
gens. Il faut repenser au bien-être des gens parce que les citoyens et
les citoyennes, ce n'est pas seulement des consommateurs, ce n'est pas juste
des poches, ce n'est pas juste des portefeuilles et ce n'est pas juste des
sacoches, c'est des citoyens qui ont le goût d'être en famille, qui
ont le goût d'avoir de la qualité de vie aussi. Et imaginez-vous
ce qu'on va être obligé de toucher là-dedans,
obligatoirement. Vous allez voir, ça va devenir... On va appeler
ça, probablement tantôt, des lois qui vont venir modifier par
concordance. Parce qu'il y a des décrets dans les conditions de travail
des travailleurs qui ne pourront plus tenir. Si on prend, par exemple, les
magasins de pièces automobiles qui, à cause du décret, ne
peuvent pas ouvrir le dimanche maintenant. Même si on leur permet,
à cause des salaires que ça va obliger à payer, on est
sûr d'une chose, très rapidement, c'est le ministre du Travail qui
va venir abolir des décrets dans les commerces, comme dans les commerces
de pièces automobiles, parce qu'il va dire: Non, non, les
décrets, même si ça vient diminuer la qualité de vie
des travailleurs dans ce secteur-là, il faut les modifier parce qu'on a
modifié la loi sur les heures de travail.
Alors, vous voyez, mesdames et messieurs, à quel point ce qu'on
est en train de toucher comme loi, c'est fondamental parce que ça touche
la qualité de vie des travailleurs et des travailleuses, la
qualité de vie des familles, la qualité de vie des
propriétaires de petits commerces. Ça vient même affecter
le développement économique à la baisse, ce n'est pas pour
rien qu'on est contre. Et quand on dit que c'est unanime, c'est faux. Moi, je
vais vous dire les commentaires que j'ai eus toute la fin de semaine: C'est pas
vrai qu'on veut ça. On donnait une liste de 20 organismes qui se sont
prononcés contre. Écoutez, ce n'est pas parce qu'il y en a
quelques-uns qui veulent à tout prix et qui parlent fort qu'il faut
penser que tout le monde le veut. Il faut que les gens regardent ça.
C'est bien sûr que si on demande aux gens: Si les magasins
étaient ouverts le dimanche, est-ce que ce serait intéressant?
Bien oui, c'est sûr que ça serait intéressant. Mais quand
on se met à regarder les conséquences et qu'on l'explique aux
gens, eh bien, là, ils trouvent que ça n'a pas d'allure, que
ça n'a pas de bon sens. Et là, c'est vrai, c'est sûr, dans
la période des fêtes, c'est donc intéressant de penser
qu'on va magasiner le dimanche, mais imaginez-vous en janvier et en
février et en mars, quand ça sera ouvert sept jours par semaine!
Eh bien, là, la compétition, ce ne sera plus entre les gros
commerçants et les petits, ce sera entre le commerce et les autres
activités de la vie, les centres culturels et les organismes de loisir
et nos occupations.
Parce que n'oubliez pas... Regardez dans les municipalités du
Québec, dans à peu près toutes les municipalités,
c'est qui, les gens les plus impliqués pour faire du
bénévolat, pour commanditer des brunches, que ce soit pour
l'arthrite ou bien les maladies du coeur ou n'importe quelle association? C'est
nos petits commerçants. Nos petits commerçants. Eh bien,
là, on va les attaquer, nos petits commerçants, et on va les
faire travailler sept jours par semaine. Où vous pensez qu'ils vont
trouver les moyens et le temps de continuer à s'occuper du social et du
culturel dans leur communauté? Ça n'a pas de bon sens qu'on soit
en train de passer une loi comme ça. Ce n'est pas pour rien qu'on se
plaint.
Le ministre me regardait tantôt en disant: Oui, il y a des gens
à Granby qui ont demandé l'ouverture le dimanche. Je vais vous
dire le même discours que j'ai tenu et que je tiens encore à
Granby. Oui, je suis d'accord et j'ai travaillé pour que Granby, qui est
une ville touristique, soit reconnue comme ville touristique. Et ça,
c'est différent, par exemple, parce qu'une ville touristique, ça
lui permet un avantage par rapport aux autres villes du Québec. Mais
quand on ouvre partout, il n'y en a plus, d'avantages. Et, chez nous, on a
ouvert. C'est évident, le centre d'achats nous dit qu'on est allé
cherché 12 % de plus de chiffre d'affaires, mais parce qu'on
était uniques, parce qu'on était les seuls dans la région
à avoir des centres d'achats ouverts et parce qu'on a fait des
spectacles dans l'allée centrale tous les dimanches avec des vedettes
nationales très connues, populaires. On a réussi, parce qu'on
était uniques et parce qu'on a présenté des spectacles,
à aller chercher 12 %. Et quand on regarde et qu'on dit: Où vous
avez pris votre clientèle? Eh bien, c'est de la clientèle qui
vient de Saint-Jean, de Saint-Hyacinthe, de Brassard, de Montréal.
Pourquoi? Parce qu'ils ne pouvaient pas acheter chez eux, ils venaient acheter
à Granby. Mais le jour où on ouvre partout, eh bien, ils vont
aller magani-ser chez eux. Des avantages, il n'y en aura plus. Il n'y en aura
plus pour Granby et il n'y en aura plus pour les villes touristiques parce
qu'il n'y aura plus de villes touristiques. Il y aura un Québec qui se
considérera comme touristique, mais qui va juste vendre le même
montant. On ne pourra pas vendre plus.
Moi, je pense, et je le répète sincèrement,
je pense que c'est une mesure, M. le Président, qui va nuire
à l'économie. C'est anti-économique et antisocial et,
avant de faire cette erreur, qu'on nous donne, au moins jusqu'au mois de mars,
la chance, l'occasion de consulter les gens. Qu'il n'y ait pas seulement une
mini-consultation de ceux qui sont en faveur, mais que les citoyens, avant de
laisser modifier leur comportement et leur vécu, puissent se prononcer
et qu'on ait une évaluation parce que, quand ce sera fait - comme je le
disais tantôt - on risque de ne plus être capable de reculer. On
aura modifié notre comportement comme société, on aura
affecté la qualité de vie, les loisirs, le secteur culturel,
mais, surtout, le secteur familial et le secteur du travail. Avant de toucher
quelque chose d'aussi fondamental que notre façon de vivre collective,
M. le Président, il faudrait qu'on consulte les gens, il faudrait qu'on
ait des chiffres. Il faut qu'il y ait des documents de déposés
parce qu'on risque d'être plus perdant que gagnant, et ça va assez
mal comme ça pour ne pas venir faire en sorte de démoraliser
encore davantage les gens.
Je le répète - et je conclus là-dessus parce que
vous me dites que mon temps est terminé, M. le Président - les
citoyennes et les citoyens du Québec, ce sont des personnes, c'est pas
seulement des gens qui dépensent, c'est pas seulement des consommateurs.
Et, pour toutes ces raisons, on n'a pas le droit, à mon avis, d'accepter
ici de modifier quelque chose d'aussi fondamental sans permettre aux gens de
pouvoir s'exprimer. Merci, M. le Président.
Le Président: Je cède maintenant la parole à
M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. André Boulerice
M. Boulerice: M. le Président, je vous remercie, mais,
avant de débuter, vous me permettrez de vous renouveler mes meilleurs
voeux à l'occasion de votre anniversaire de naissance. C'est un
événement que l'on se doit de souligner en cette Chambre.
M. le Président, il y a quelques jours, au moment où le
député d'Outremont arrivait avec sa loi, non conforme d'ailleurs
aux règles de ce Parlement, il y a un jeune journaliste, prometteur,
d'ailleurs, M. Bernard Ouellet, Reflet du Centre-Sud qui m'appelle et me dit:
M. Boulerice, qu'est-ce que vous en pensez? Je vais vous lire, M. le
Président, l'article.
Alors, voici ce qu'il rapporte de mes propos: «Pour le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, cette nouvelle loi est
ridicule. Il est faux de croire que cette mesure créera des emplois
supplémentaires, au contraire. Avec la situation économique
actuelle et la baisse des revenus, les gens ont moins d'argent à
dépenser. Ce que cela va faire, ce sera d'étirer les heures
d'affaires, augmenter les coûts aux commerces, ce qui se traduira par une
augmentation des prix à la consommation pour les consommateurs, de dire
le député - je vous cite. Selon lui - donc, selon moi puisque je
rapporte les propos - le gouvernement Bourassa va dans la mauvaise direction.
C'est tout ce qu'on a proposé comme relance économique. Ce
gouvernement est irresponsable, il rit de la population. Il n'a aucun plan de
relance et improvise. Il a cédé au puissant lobby
financier.» D'ailleurs, le dicton est toujours vrai: «Dis-moi qui
te finance, je te dirai qui tu es.» «Il analyse que le vrai
problème n'est pas le magasinage nécessairement aux
États-Unis, mais les taxes imbéciles en plein temps de
récession ont tué et continué de tuer les petits
commerces. Avec cette inondation de taxes, les gens cherchent à payer
moins pour le même produit et, bien souvent, ils le trouvent aux
États-Unis, c'est dommage. - Et j'ajoutais en terminant: Heureusement
que le dollar est en baisse, car c'est moins intéressant de magasiner
aux États-Unis ces temps-ci.»
Alors, ce jeune journaliste me dit: Oui, mais est-ce que vous pensez que
vous reflétez bien l'opinion des gens de la circonscription? Mais je lui
dis: Mais, M. Ouellet, moi, je viens de vous dire ce que j'en pense. Allez donc
maintenant interroger les commerçants et les commerçantes du
quartier et vous verrez ce qu'ils vont vous dire. Alors, il l'a fait, ce jeune
journaliste. Il a interviewé, au début, le président de
l'Association des marchands et professionnels du Centre-Sud, M. Roffann
Normandin. M. Normandin lui a déclaré: «La nouvelle loi va,
en priorité, contrer les achats aux États-Unis le dimanche, mais
le petit commerçant de la rue Ontario trouvera ça beaucoup plus
dur. Il est déjà dans le commerce six jours dans la semaine.
Maintenant, il devra y être sept jours.» C'est en ces termes que
commente le président actuel de l'Association des marchands et
professionnels du Centre-Sud, M. Roffann Normandin. La nouvelle loi sur
l'ouverture des commerces, selon lui, cela ne changera pas grand-chose. On n'en
a vraiment pas parlé à l'Association, ce n'est pas notre
priorité pour nous.» Ce n'est pas leur priorité, eux,
d'ouvrir le dimanche. «Personnellement, je ne crois pas que cela va
profiter aux petits commerçants du quartier. Ce sera plus le centre
d'achats qui sera gagnant. De toute façon, si le consommateur a 100 $
à dépenser, qu'il le fasse le lundi, jeudi ou dimanche, c'est
toujours le même 100 $. Je crois que plusieurs commerces risquent de
fermer dans notre quartier à cause de cela, conclut M. Normandin.»
(23 h 50)
Et le journaliste a continué: «L'équipe du Reflet a
rencontré quelques marchands du Centre-Sud afin de vérifier si
ses commerçants sont d'accord ou non avec cette nouvelle loi. La
question posée était: Comme commerçants, êtes-vous
en faveur de l'ouverture des commerces le
dimanche? Il y a tout de suite Mme Hébert, qui est gérante
de la boutique San Francisco à Place Dupuis, qui, elle, est très
sceptique. Et, à Place Dupuis, d'ailleurs, c'est très difficile.
C'est difficile, pourquoi, M. le Président? Actuellement, à Place
Dupuis, malgré tous les efforts qu'ils font, bien, c'est parce que les
gens n'ont pas d'argent. Vous avez vu le taux de chômage effarant qu'il y
a actuellement au Québec? Alors, vous imaginez, s'il y a 15 %, grosso
modo, pour le Québec, combien ça peut représenter dans le
Centre-Sud et sur le Plateau-Mont-Royal. Les gens n'ont pas d'argent. Quand les
gens n'ont pas d'argent, ils ne vont pas magasiner. Alors, il n'y a personne
dans les magasins.
Alors, Mme Hébert, elle, qui est à la boutique San
Francisco, qui est sceptique, elle dit: Je ne suis pas en faveur. Tout ce que
cela fera, c'est d'augmenter la période de vente. Ceci ne profitera pas
aux commerces du Centre-Sud. Les gens continueront quand même à
magasiner aux États-Unis. Cette mesure profitera peut-être aux
employés à temps partiel qui auront peut-être plus
d'heures. Ah! voilà. Mais ce n'est pas ferme.
Une opinion partagée par Mme Adèle Bourdeau, elle, de la
boutique Animalerie Dauphin: Ça donnera plus d'heures aux
employés, mais ça ne créera pas d'emplois. Si ça
peut empêcher le magasinage aux États-Unis, tant mieux. Par
contre, si quelqu'un a un 50 $ à dépenser, que ce soit sur cinq,
six ou sept jours, c'est toujours le même argent à
dépenser. Parce que le ministre s'imagine qu'en étirant les
heures d'affaires il étire les beaux «bills» du Dominion,
comme on disait autrefois. Ce n'est pas vrai.
Pour M. Real Desautels, il voit cette mesure d'un autre oeil: Moi, je ne
crois pas que l'ouverture du dimanche provoquera des complications. Bien des
commerçants comme moi devront sacrifier leur dimanche. Ce sera plus
compliqué pour la gestion. De toute façon, si les gens veulent
magasiner dans ton commerce, ils seraient venus. Ah! Bien oui, il le dit: Ils
peuvent le faire, le lundi, le mardi, le mercredi, le jeudi soir, le vendredi,
le vendredi soir, le samedi. Pourquoi ajouter le dimanche? Et il rajoute: Ce
sera peut-être bon pour les centres d'achats de la banlieue et le
centre-ville, pas pour le quartier. La seule chose, c'est que ce sera bon pour
le temps des fêtes, mais pas en d'autre temps, conclut-il. Pour ce qui
est du temps des fêtes, je vais vous en parier tantôt, M. le
Président.
Pour M. André Saint-Onge - qui n'a aucun lien de parenté
avec vous, M. le Président, il va de soi, mais les Saint-Onge sont
reconnus pour leur bon jugement - M. Saint-Onge, de Yellow, le noyau familial
est en jeu: Le dimanche est traditionnellement jour de congé, car c'est
le jour de la pratique religieuse. - Et je pense qu'il faut respecter une telle
opinion. - Étant croyant, je n'approuve pas cette nouvelle loi. C'est
une des seules journées que la famille pouvait se rencontrer. Cela va
faire éclater la famille et augmenter les problèmes sociaux. De
plus, ce n'est pas parce que ce sera ouvert le dimanche que les gens paieront
moins de taxes. Bon. Alors, voilà.
Le journaliste m'avait dit: M. le député, ça, c'est
votre opinion; est-elle partagée par le quartier? Bien, j'ai
l'impression que oui, c'est partagé par le quartier. C'est
partagé par le quartier. D'ailleurs, en venant ici, à
Québec, M. le Président, la semaine dernière, je suis
arrêté dans la ville de notre collègue, le
député de Drummond, dans un magnifique centre d'achats qu'il y a
à l'entrée de sa . ville, qui s'appelle Promenades Drummondville,
je crois, quelque chose comme ça - qu'il me corrige, si je me trompe -
j'y suis entré parce que je devais aller dans une boutique, mais j'ai
remarqué qu'il y avait plusieurs boutiques de fermées dans ce
centre d'achats. Pourquoi? Elles sont fermées parce qu'elles n'ouvrent
pas le dimanche? Ah! Et énormément de boutiques. Et Noël
n'est pas passée. Le Jour de l'an, il nous reste encore quelques jours
avant d'y arriver, mais la quasi-totalité des boutiques étaient
déjà en solde. Avant, on avait des soldes après Noël.
Là, on a des soldes avant Noël. Il va y avoir les soldes
après soldes d'avant Noël après Noël et un
présolde pour le Jour de l'an. Je veux dire, ça ne fonctionne
pas. Ça ne fonctionne pas!
Dimanche. Dimanche dernier, c'était la messe,
radiotélédiffusée, d'ailleurs, à l'église
Sainte-Brigide, une paroisse de mon quartier, parce qu'on célèbre
le 125e anniversaire de cette paroisse. Le curé Filion m'avait fait
l'honneur de m'inviter. Donc, c'était très beau, c'était
superbe. Tous les gens du quartier étaient là. Et quand ça
s'est terminé dimanche après-midi, je me suis dit: Mais tu vas
être au Parlement lundi, va donc voir ce qui se passe. Alors, je me suis
promené sur les trois rues dites commerçantes du quartier. J'ai
commencé par la rue Sainte-Catherine, lesquels commerces étaient
ouverts le dimanche. Et, entre parenthèses, attention, M. le
Président! Nous sommes à un dimanche qui précède
Noël. Donc, il y a supposément avalanche et abondance. Tout le
monde se rue dans les magasins. Sur la rue Sainte-Catherine, quels sont les
magasins qui étaient ouverts? J'aurais aimé ça que vous
fassiez la promenade avec moi. J'aurais surtout aimé que le ministre
fasse la promenade avec moi. C'est un quartier qui est fréquentable, le
mien. Il n'y a pas juste Outremont «Heights» qui est
fréquentable. Il aurait pu venir sur la rue Sainte-Catherine. Eh bien,
il n'y en avait pas... Il n'y en avait pas d'ouverts!
Alors, je suis monté un petit peu plus vers le nord. J'ai dit: On
va aller sur la rue Ontario qui, au début des années cinquante,
d'ailleurs, était une des grandes rues commerçantes de
Montréal. Sur la rue Ontario, les magasins qui étaient ouverts,
lesquels étaient-ils? Aucun, là aussi. Mais j'ai dit: Qu'est-ce
qui se passe? il
n'y en a pas sur Sainte-Catherine, puis il n'y en a pas sur Ontario.
Alors, j'ai dit: On va monter encore plus au nord. On va aller au nord. On va
aller au nord.
Alors, je suis allé sur Mont-Royal. Ah! Sur Mont-Royal, j'en ai
trouvé deux, deux magasins de chaussures. Je suis entré dans un.
Je me suis dit, on n'est pas pour les faire tous les deux, je vais en faire un.
Je suis entré dans un. Je ne vais pas le nommer, pour des raisons
commerciales; les employés, ils n'étaient pas contents. Ils
n'étaient pas contents. Ils ont dit: Bien, durant la période des
fêtes, ça peut se comprendre, mais le dimanche, durant l'autre
période, on va venir travailler. J'ai dit: Pensez-vous qu'il va y avoir
autant de monde? Parce que, dans le magasin, écoutez, s'il y avait trois
personnes, c'est beau, M. le Président. Puis il devait être aux
alentours de 14 h 30. Ça fait que je pense que les gens avaient fini de
dîner, le midi. S'ils avaient voulu aller magasiner, c'était en
plein la bonne heure pour y aller. Il était 14 h 30, il y avait
peut-être trois clients dans le magasin.
Alors, comment vous imaginez qu'au mois de mars, au mois de
février dans les grands froids, alors que tout le monde sait que
ça baisse... Je le sais, moi, j'ai déjà travaillé
dans les magasins, entre parenthèses. Moi, je vendais des chaussures -
ça tombe bien que je vous parle de chaussures - chez Zenon Bellerose,
sur la rue Notre-Dame, la Place Bourget, à Joliette. J'avais 15 ans, 16
ans. mon père m'avait dit: tu vas apprendre à gagner de l'argent,
mon petit gars. tu vas voir ce que c'est, travailler. d'ailleurs, je l'en
remercie. mais je sais ce que ça donnait. samedi, ça allait.
alors, dimanche, je me retrouve... il y a deux magasins de chaussures sur la
rue mont-royal, deux magasins. les vendeurs ne sont pas
intéressés pantoute, pas du tout.
Le proverbe dit: «Go West, young man», va vers l'Ouest.
Bien, j'ai dit: Tant qu'à faire, on va faire une tournée
générale de la circonscription. Je me suis rendu sur la rue
Saint-Hubert. Il n'y en avait pas. J'ai dit: Je vais aller sur la rue
Saint-Denis, qui était dans ma circonscription, que le président
des élections m'a enlevée, mais qu'il va me redonner. La rue
Saint-Denis, c'est une rue drôlement intéressante. Il y a les
cafés-terrasses. C'est une belle rue que tout le monde fréquente,
etc. Non, il n'y avait pas de bousculade. Je n'ai pas eu de difficulté
à stationner. Ça s'est très bien passé. Mais qui
était ouvert? Il y a de grandes boutiques qui étaient ouvertes
samedi - parce que je suis passé aussi le samedi - elles étaient
ouvertes. Mais dimanche, elles ne l'étaient pas. Avant la période
des fêtes, alors que c'est légalement permis, elles ne sentaient
pas le besoin d'ouvrir, (minuit)
Alors, voilà que le ministre dit maintenant: Je vais vous voter
une loi, puis là, vous allez pouvoir ouvrir tous les dimanches. Bien, je
comprends. Là, attention! Ça va devenir une autre paire de
manches. Là, si tout le monde se met à ouvrir, il y a un petit
commerçant qui va se dire: Bien, attention! Si Sports Experts, qui est
une grande chaîne, se met à ouvrir, Gratton Sport, sur la rue
Sainte-Catherine, lui, il va ouvrir. Il va ouvrir. Mais, financièrement
est-ce qu'il est aussi solide qu'une grande chaîne? Je ne pense pas.
Donc, je suis inquiet. C'est quand même des emplois. Si ça ferme,
Gratton Sport... Dans le quartier, premièrement, c'est devenu une
institution. Deuxièmement, ils ont une conscience sociale, parce que,
quand on a besoin de quelque chose, puis quand on a besoin d'un tirage pour une
équipe de hockey ou de baseball, ou de n'importe quoi dans le quartier,
qui est-ce qu'on va voir? Gratton Sport. Qui nous donne? Gratton Sport.
La famille Lamoureux, sur la rue Mont-Royal, qui a la quincaillerie, ah,
ils sont toute la famille. Alors, le dimanche, ils pouvaient se retrouver. Ils
pouvaient se retrouver, le dimanche. Puis, j'ai l'impression qu'ils en ont
peut-être plus besoin de se retrouver le dimanche, compte tenu du deuil
qu'ils ont vécu il n'y a pas tellement longtemps. Puis, là, bien,
si tous les autres commencent à ouvrir le dimanche, ils vont ouvrir. Ils
vont ouvrir. Ça fait rire le député de Vanier, M. le
Président. Je vais m'occuper de lui tantôt. Je vais lui donner un
bel exemple, on va voir. Je vais parler de Québec aussi. Je vais parler
de Québec. Je vais parler de Vanier, son ancien comté, enfin son
futur, prochain ancien comté. Qui va aider? Hein? Moussette, sur
Ontario, ça aussi, c'est une institution, M. le Président. La
ministre des Affaires culturelles ne l'a peut-être pas classée
encore, mais c'est une institution. C'est une institution. Mais, si ça
se met tout à ouvrir, ils vont ouvrir.
Mais, M. le Président, autant vous que moi, si on a 200 $
à dépenser, on ne va pas en dépenser 300 $. Alors, qu'on
n'essaie pas de me faire croire que je vais dépenser plus parce que
c'est ouvert le dimanche. Ce n'est pas vrai! Ce n'est pas vrai. Je vais
l'étirer, par exemple. Ah! Mais, si mon fournisseur X, là, pour
telle chose, sait que je ne dépense pas plus que 300 $ par semaine,
disons que c'est de la nourriture - mais ça remarquez que c'est ouvert,
la nourriture ? disons n'importe quel autre produit, oui, mais quand
même il ouvrirait sept jours par semaine, je veux dire, on va faire une
moyenne. Un point, c'est tout. Je ne vais pas mettre 350 $ sous prétexte
qu'il est ouvert le dimanche. J'ai budgeté 300 $. Et, vous et moi, on
est loin de la pauvreté, entre parenthèses, M. le
Président. Mais ce n'est pas le cas nécessairement de la
population dans le quartier.
Et là, on leur dit: Bien oui, aïe, mais ça va
être bon, ça va être extraordinaire, c'est magnifique, quel
beau plan de relance, des emplois supplémentaires, on va faire augmenter
les ventes parce qu'on va ouvrir le dimanche! Moi, je suis
prêt à faire un pari avec le ministre. Qu'il suspende
l'application le dimanche, mais qu'il enlève donc, par contre, la taxe
sur le linge, puis sur les chaussures et puis là on va voir si les
ventes n'augmentent pas dans ces magasins-là, sans ouvrir le dimanche.
On va essayer ça. Il l'«accepte-tu» comme proposition?
Ça, je trouve que ça serait un amendement acceptable. On va voir
la différence que ça va faire.
Vaut-il mieux baisser les prix en baissant les taxes ou bien donc les
laisser au même prix, mais ouvrir plus longtemps? Je veux dire, je ne
sais pas où est-ce qu'il a appris son arithmétique, mais ce n'est
pas cette règle de trois là que les soeurs de la Providence m'ont
apprise quand j'étais à l'école. Ça ne donnera pas
plus d'argent. Ça ne donnera pas plus d'argent.
Et là, j'ai la chance d'habiter dans un quartier où il y a
une belle qualité de vie, qui est le Plateau-Mont-Royal. Bon. Alors,
ça va ouvrir le dimanche. Bien, voilà! Alors, maintenant, les
rues résidentielles, eh bien, le dimanche, maintenant... Ça, on
peut toujours l'accepter durant la semaine, parce qu'on travaille, on n'est pas
là. Le samedi, ça dérange un petit peu moins, parce que le
samedi on fait les courses. On fait les courses le samedi. Mais là, le
dimanche, on va voir arriver les camions de ravitaillement dans les rues! On va
voir arriver ces camions-là. Ça va nous faire une belle
qualité de vie sur le Plateau-Mont-Royal, ça. Ça va nous
faire une très belle qualité de vie!
Et, en parlant d'autre qualité de vie, le principal loisir au
Québec, la principale activité culturelle que le ministre veut
institutionnaliser, ça va être le magasinage le dimanche. Bravo!
Alors, il y aura des enfants qui aimeraient bien aller patiner dans
l'étang du parc Lafontaine au mois de février, mais le
père pourra peut-être lui dire: Bien non, on va aller au centre
d'achats. Ou bien peut-être qu'un autre voudra aller à la maison
de la culture Frontenac, parce que c'est des activités qu'on peut faire
le dimanche, au lieu de faire du magasinage. Non, on va aller aux Galeries
d'Anjou. Ça va être ça.
Et, durant ce temps-là, vous allez avoir la ministre des Affaires
culturelles qui, voyant la chute de fréquentation des salles de
spectacle où il y a des activités culturelles... Il y a eu une
chute de 50 % dans la région de Québec. Lisez ça, M. le
député de Vanier. Ça va vous préoccuper. On invente
une des mesures les plus quétaines, les plus insignifiantes que j'aie
jamais vues de ma vie, des gratteux pour la culture. Imaginez-vous! La culture
est une loterie.
Une voix: Des séraphins.
M. Boulerice: Des séraphins. C'est vraiment très
beau. C'est vraiment superbe. Si c'est juste ça qu'il a à nous
proposer - je vais conclure là-dessus, M. le Président, j'aime
beaucoup le citer parce qu'il n'était quand même pas si bête
que ça - qu'il se rappelle donc cette phrase de Talleyrand qui disait:
II vaut mieux se rétracter et s'en attribuer tous les mérites que
de persister et d'être vaincu. Parce que c'est ça qui va lui
arriver avec une loi aussi foncièrement débile que celle-ci, et
je n'ai pas peur de la qualifier de débile, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci. Alors, je
reconnais maintenant M. le député de Masson.
M. Yves Biais
M. Biais: Oui, M. le Président. Depuis 10 heures, ce
matin, nous discutons de ce projet de loi. Je tiens à vous dire que je
suis le dernier intervenant de notre côté. Je prendrai juste deux
ou trois minutes pour dire que c'est par devoir que nous avons discuté
de ce projet de loi, des inconvénients négatifs, sous la
direction du député de Labelle. Et nous croyons que, dans toute
cette période de temps là, les gens ont été mieux
renseignés et comprendront mieux notre opposition à ce projet de
loi.
Cependant, nous allons continuer notre bataille en commission
parlementaire, et nous verrons dans les prochaines étapes, sachant
pertinemment que, pour la passer, ils ont absolument besoin de faire une motion
pour faire suspendre les règles. Et, à ce moment-là, il
n'y a pas d'autre intervenant de notre côté, M. le
Président.
M. Boulerice: La dictature encore.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le
député de Masson. Cette dernière intervention met fin au
débat, sauf à vérifier si M. le ministre veut
procéder à sa réplique. Est-ce qu'il y a une
réplique, M. le ministre?
M. Tremblay (Outremont): Non, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, pas de
réplique. Est-ce que la motion du ministre de l'Industrie, du Commerce
et de la Technologie proposant l'adoption du principe du projet de loi 59, Loi
modifiant la Loi sur les heures et les jours d'admission dans les
établissements commerciaux, est adoptée?
Des voix: Adopté. Une voix: Vote nominal.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Vote nominal. Qu'on
appelle les députés.
Des voix: Demain, demain! (Oh9 - Oh 16)
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors,
Mmes et et MM. les députés, si vous voulez regagner vos
banquettes, s'il vous plaît. M. le député de Saguenay.
Mise aux voix
Je mets maintenant aux voix la motion de M. le ministre de l'Industrie,
du Commerce et de la Technologie proposant l'adoption du principe du projet de
loi 59, Loi modifiant la Loi sur les heures et les jours d'admission dans les
établissements commerciaux. Adoption du principe.
Que ceux et celles qui sont en faveur de cette motion veuillent bien se
lever, s'il vous plaît!
La Secrétaire adjointe: M. Paradis (Brome-Missisquoi), M.
Ryan (Argenteuil), M. Côté (Ri-vière-du-Loup), M. Sirros
(Laurier), M. Tremblay (Outremont), M. Savoie (Abitibi-Est), M. Middle-miss
(Pontiac), Mme Frulla^Hébert (Marguerite-Bourgeoys), M. Bélisle
(Mille-Îles), M. Blackburn (Roberval), M. Houde (Berthier), M. Maciocia
(Viger), M. Maltais (Saguenay), M. Kehoe (Cha-pleau), M. Hamel (Sherbrooke),
Mme Pelchat (Va-chon), M. Marcil (Salaberry-Soulanges), M. Lemire
(Saint-Maurice), M. Thérien (Rousseau), M. Benoit (Orford), M. Williams
(Nelligan), M. Farrah (îles-de-la-Madeleine), M. Lemieux (Va-nier), M.
Richard (Nicolet-Yamaska), M. Charbon-neau (Saint-Jean), M. Bradet
(Charlevoix), M. Gautrin (Verdun), M. Forget (Prévost), M. Lesage
(Hull), M. Gobé (LaFontaine), Mme Hovington (Matane), M.
Lafrenière (Gatineau), M. Bergeron (Deux-Montagnes), Mme Boucher Bacon
(Bourget), M. Parent (Sauvé), Mme Bélanger
(Mégantic-Compton), M. Audet (Beauce-Nord), M. Khelfa (Richelieu), M.
MacMillan (Papineau).
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Que ceux et celles qui
sont contre cette motion veuillent bien se lever!
La Secrétaire adjointe: M. Biais (Masson), Mme Marois
(Taillon), M. Garon (Lévis), Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve), M.
Jolivet (La-violette), M. Baril (Arthabaska), Mme Caron (Terrebonne), M. Dufour
(Jonquière), M. Brassard (Lac-Saint-Jean), M. Léonard (Labelle),
Mme Ver-mette (Marie-Victorin), M. Paré (Shefford), M. Boulerice
(Sainte-Marie-Saint-Jacques), M. Morin (Dubuc), M. Holden (Westmount), M.
Trudel (Rouyn-Noranda-Témiscamingue), Mme Carrier-Perreault (Les
Chutes-de-la-Chaudière), M. Bélanger (Anjou).
M. St-Roch (Drummond).
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Est-ce qu'il y a des
abstentions?
Le secrétaire: pour: 39 contre: 19 abstentions: 0
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, la motion est
adoptée. M. le leader du gouvernement.
Renvoi à la commission de l'économie et
du travail
M. Bélisle: Oui, M. le Président. Je fais motion
pour que le projet de loi 59 soit déféré à la
commission de l'économie et du travail pour étude
détaillée.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Est-ce que cette motion
de déférence est adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Adopté. M. le
leader du gouvernement.
M. Bélisle: Je fais motion, M. le Président, pour
ajourner nos travaux au mardi 8 décembre 1992, à 10 heures.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, est-ce que cette
motion est adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, les travaux de
l'Assemblée sont ajournés à ce matin, 10 heures.
(Fin de la séance à 0 h 21)