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Version finale

34e législature, 2e session
(19 mars 1992 au 10 mars 1994)

Le lundi 7 décembre 1992 - Vol. 32 N° 59

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

(Dix heures huit minutes)

Le Président: M mes et MM. les députés! À l'ordre, s'il vous plaît! Mmes et MM. les députés, s'il vous plaît!

Nous allons nous recueillir quelques instants.

Je vous remercie. Veuillez vous asseoir.

Affaires courantes

Nous allons procéder aux affaires courantes.

Il n'y pas de déclarations ministérielles.

Présentation de projets de loi

Présentation de projets de loi. M. le leader du gouvernement.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, l'article a du feuilleton, M. le Président.

Projet de loi 64

Le Président: Donc, à l'article a du feuilleton, M. le ministre de l'Environnement présente le projet de loi 64, Loi modifiant la Loi sur la Société québécoise d'assainissement des eaux. M. le ministre.

M. Pierre Paradis

M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président, ce projet de loi modifie la Loi sur la Société québécoise d'assainissement des eaux afin de permettre à la Société d'agir à l'extérieur du Québec dans le domaine de l'eau, notamment en fournissant des biens et des services reliés à l'expérience qu'elle a acquise au Québec, en faisant la promotion de ces biens et de ces services et en favorisant le développement du potentiel technologique et industriel du Québec dans ce domaine.

Ce projet de loi permet également au gouvernement de fixer postérieurement au 31 décembre 1993 la date au-delà de laquelle la Société ne peut entreprendre certains travaux.

Le Président: Est-ce que l'Assemblée accepte d'être saisie de ce projet de loi?

Des voix: Adopté. Le Président: Adopté.

Dépôt de documents

Maintenant, dépôt de documents. M. le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche.

Rapport annuel du ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche

M. Blackburn: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport annuel 1991-1992 du ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche.

Le Président: Ce rapport est déposé.

Dépôt de rapports de commissions

Maintenant, dépôt de rapports de commissions. Mme la présidente de la commission des affaires sociales et députée de Taillon.

Étude détaillée du projet de loi 51

Mme Marois: Merci, M. le Président. J'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission des affaires sociales qui a siégé le 3 décembre 1992 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi 51, Loi sur le Conseil des aînés. Le projet de loi a été adopté avec des amendements.

Le Président: Donc, ce rapport est déposé.

Maintenant, dépôt de pétitions.

Il n'y pas d'interventions portant sur une violation de droit ou de privilège ou sur un fait personnel. (10 h 10)

Nous allons donc procéder à la période de questions et réponses orales. Je suis prêt à reconnaître une première question. M. le leader de l'Opposition.

M. Chevrette: M. le Président, compte tenu que le leader a convoqué la Chambre à 10 heures, on nous avait annoncé l'absence exclusivement de quatre ministres, et là, présentement... on était à 12, il y a quelques minutes encore, d'absence. Comment ça va se produire? Parce que la première question s'adresse à un ministre dont la binette n'est pas encore identifiée en cette Chambre.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président, le leader de l'Opposition conviendra, je crois, que c'est cinq ministres dont on a annoncé l'absence, ce matin. Je peux donner, pour chacun de ces ministres, la raison fort valable de l'absence. Les autres sont tous supposés être présents en Chambre, ce matin, à compter de 10 heures. Au fur et à mesure que nous discutons, pendant que le leader de l'Opposition était debout, le ministre de la Main-d'oeuvre, de la Formation professionnelle et de la Sécurité du revenu a fait son entrée. Au même moment, M. le Président, le ministre de la Sécurité publique

et ministre des Affaires municipales responsable de l'habitation a fait son entrée. S'il y avait lieu, pour assurer un bon déroulement des travaux, que la première question qui s'adresse à un ministre qu'on me dit être absent mais qui devrait arriver pendant la période des questions, je pourrais humblement suggérer aux députés de l'Opposition de procéder, et nous pourrions les accommoder au moment de l'arrivée du ministre.

M. Chevrette: M. le Président.

Le Président: M. le leader de l'Opposition.

M. Chevrette: C'est bien facile de dire qu'il y a une couple qui sont entrés, mais il y en a 10 qui ne sont pas là, et je voudrais, moi aussi, les souligner: le ministre des Transports n'est pas là; le ministre du Tourisme n'est pas là; la ministre déléguée aux institutions n'est pas là; le ministre de la Francophonie n'est pas là; le ministre de la Justice n'est pas là; le ministre de l'Agriculture n'est pas là.

Le Président: S'il vous plaît! M. le leader du gouvernement.

Des voix: Suspension!

M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président, nous avions convenu, et l'Opposition avait été informée, de l'absence des cinq ministres. Je pense que le leader de l'Opposition n'est pas correct lorsqu'il mentionne, entre autres, l'absence du ministre du Tourisme. Il avait été prévenu de l'absence du ministre du Tourisme qui rencontre, ce matin, les intervenants de la campagne Accueil, à Montréal. Tout le monde sait que le ministre de la Santé et des Services sociaux est aujourd'hui à Montréal où il rencontre tous les intervenants intéressés dans le dossier de l'Hôtel-Dieu. Le ministre délégué aux Affaires internationales, quant à lui, est à une conférence ministérielle de la francophonie.

Des voix: II est là!

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Le ministre délégué aux Affaires internationales est à une conférence internationale. Oui.

Le président: s'il vous plaît! un instant, m. le leader, s'il vous plaît! s'il vous plaît! alors, je vous laisse compléter pour les deux autres ministres.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président, le leader de l'Opposition avait raison de souligner que le ministre des Affaires internationales est parmi nous et prêt à répondre à toutes les questions que l'Opposition peut lui adresser dans ce dossier. Le président du Conseil du trésor ainsi que Mme la ministre déléguée aux

Finances sont absents pour des raisons personnelles.

Questions et réponses orales

Le Président: Très bien. Donc, nous devons maintenant procéder à la période de questions et réponses orales. Donc, nous débutons la période de questions et réponses orales des députés. Est-ce qu'il y a...

Mme la députée de Chicoutimi, pour une première question principale.

Modifications à la loi 101

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Alors que les Québécoises et les Québécois s'attendaient à ce que le premier ministre, au sortir de la réunion de l'exécutif du Parti libéral du Québec, annonce des mesures additionnelles pour relancer l'économie, ils ont eu droit à une annonce touchant une possible refonte en profondeur de la loi 101.

En l'absence du premier ministre, ma question s'adresse à la vice-première ministre. Croit-elle opportun d'ouvrir le névralgique débat sur la langue, alors qu'au lendemain du référendum le premier ministre s'était engagé à consacrer toutes les énergies de ce gouvernement à la relance économique?

Le Président: Mme la vice-première ministre.

Mme Bacon: M. le Président, je suis tout à fait ébahie de voir que la députée de Chicoutimi est surprise que nous suivions le chemin qu'elle nous a tracé avec Mme Marsolais pour qu'il y ait des assouplissements à la loi 101. C'est elle-même qui nous a montré le chemin. Et parce qu'on en parie nous-mêmes, elle n'est pas contente. M. le Président, c'est surprenant, ce matin, une telle question.

Le Président: Alors, pour une question complémentaire.

Mme Blackburn: M. le Président, puis-je rappeler à la vice-première ministre que la réflexion du Parti québécois s'inscrit dans le cadre d'un Québec souverain? Est-ce qu'elle...

Le Président: Votre question, Mme la députée.

Mme Blackburn: ...est prête à aller jusque-là? J'ai dit: Est-ce qu'elle est prête à aller...

Le Président: Un instant!

Mme Blackburn: ...jusqu'où va le parti?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le

Président.

Le Président: Oui, un instant. Alors, M. le leader du gouvernement.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, M. le Président, question de règlement. De façon à commencer la semaine - on a cinq périodes de questions prévues cette semaine - du bon pied, moi, j'inviterais Mme la députée de Chicoutimi à relire le règlement qui stipule très clairement que les questions additionnelles ne doivent être précédées ni de préambules, ni de commentaires. Merci, M. le Président.

Le Président: Alors, pour votre question... M. Chevrette: M. le Président.

Le Président: Un instant! Un instant, s'il vous plaît!

M. Chevrette: Moi, je suis un petit peu d'accord...

Le Président: M. le leader de l'Opposition.

M. Chevrette: ...parce que le leader du gouvernement sent le besoin constamment d'intervenir durant la période de questions. Pour l'aider à s'asseoir un petit peu, je pense qu'on va faire un gros effort pour ne pas qu'il se montre trop souvent.

Des voix: Ha,ha, ha!

Le Président: Alors, je vous reconnais pour une question complémentaire. Posez votre question, s'il vous plaît.

Mme Blackburn: M. le Président, ma question commençait de la façon suivante: Puis-je rappeler à la vice-première ministre que notre réflexion s'inscrit dans le cadre d'un Québec souverain...

Le Président: Oui, un instant! Mme Blackburn: ...et est-elle prête...

Le Président: Un instant! Un instant! Écoutez, madame, en faisant votre...

Des voix:...

Le Président: S'il vous plaît! S'il vous plaît! J'ai une question de règlement, mais, évidemment, vous le savez fort bien, vous faites un préambule. Donc, posez une question directement, s'il vous plaît. M. le leader du gouvernement.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, je comprends que Mme la députée de Chicoutimi ne veuille pas commencer la semaine en obligeant le leader...

Le Président: Non, non, non! Un instant! Des voix:...

Le Président: S'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît!

Des voix:...

Le président: à l'ordre, s'il vous plaît! s'il vous plaît, là! s'il vous plaît! alors, allez-y, madame, avec une question sans commentaire et sans préambule.

Mme Blackburn: La vice-première ministre n'estime-t-elle pas qu'il s'agit d'une mesure de diversion destinée à distraire l'attention de l'échec économique de ce gouvernement, puisque la clause dérogatoire touchant la loi 178 ne vient à échéance que dans une année?

Le Président: Mme la vice-première ministre.

Mme Bacon: M. le Président, c'est étonnant d'entendre la députée de Chicoutimi ce matin. Elle nous dit elle-même que ce qu'elle propose pour un Québec souverain, M. le Président, nous avons affaire aux mêmes Québécois, et je pense qu'on fait tout simplement suivre ce qu'elle a fait. Ce n'est pas demain la veille d'un Québec souverain, M. le Président.

Le Président: Pour une question complémentaire.

Mme Blackburn: M. le Président, comme les Québécois et les Québécoises n'ont pas exprimé publiquement la volonté de refondre la loi 101, peut-elle nous dire quelle commande elle a reçue du Parti libéral du Québec, quels intérêts le Parti libéral veut-il servir et qui veut-il accommoder?

Le Président: Mme la vice-première ministre.

Mme Bacon: M. le Président, je vais demander au responsable de la Charte de la langue française de répondre à Mme la députée de Chicoutimi.

Le Président: M. le ministre responsable de l'application de la Charte de la langue française.

M. Ryan: Tout d'abord, il me semble que c'est bien clair que nous allons tous vers une échéance le 22 décembre 1993 avant l'arrivée de laquelle nous devrons avoir un débat entre nous. Le débat, conviendrait-il d'attendre à l'été de

1993 pour l'entreprendre? Est-ce que c'est mieux de l'entreprendre à compter de maintenant pour avoir le temps, justement, de voir tous les côtés, pas céder uniquement à la passion ou au chantage? Nous prétendons que c'est beaucoup mieux d'avoir un échéancier raisonnable et sérieux. C'est ce que nous proposerons et rendrons public très prochainement.

Le Président: Pour une autre question complémentaire.

Mme Blackburn: le ministre responsable de l'application de la charte peut-il nous dire à quel chantage il fait référence et de la part de qui?

Le Président: M. le ministre.

M. Ryan: Toute forme possible de chantage.

Des voix: Ha, ha, ha!

(10 h 20)

Le Président: Alors, en question principale maintenant. Pour une question principale, M. le député d'Ungava.

État de la situation à Oka

M. Claveau: Oui, M. le Président. Le ministre de la Sécurité publique ne cesse de répéter qu'il n'y a pas de problème grave à Kanesatake, que les médias montent constamment en épingle des incidents isolés, anodins, bref, qu'il a le contrôle sur tout dans la situation. Or, on a appris, en fin de semaine, M. le Président, que le premier ministre, quant à lui, juge la situation suffisamment importante pour prendre les choses en main lui-même et pour mandater deux personnes afin d'enquêter sur la situation à Oka.

Est-ce que le ministre de la Sécurité publique peut nous indiquer en quoi la situation s'est détériorée au point que le premier ministre prenne la situation lui-même en main, et peut-il nous dire quel est le mandat que les enquêteurs ont reçu de la part du premier ministre?

Le Président: M. le ministre de la Sécurité publique.

M. Ryan: Je pense bien que le premier ministre aura l'occasion de préciser ses intentions là-dessus, si le député veut l'interroger à son retour dans la Chambre. Mais il m'a assuré samedi qu'il a reçu des demandes de la part de certains milieux, en particulier, J'imagine, les milieux qui gravitent autour du président de la chambre de commerce, que quelqu'un de son cabinet ira s'enquérir de ce que les représentations que ces gens-là veulent faire, c'est tout à fait normal. Il n'est pas question d'enquête au sens précis du terme.

Et quand nous disons que la situation est généralement sous contrôle à Kanesatake, nous ne soutenons aucunement qu'il n'y a pas de problème. Au contraire, il y a des problèmes fréquemment. Je causais avec les deux maires d'Oka, il y a à peu près une semaine, et je leur disais: II n'y a pas un endroit du Québec, à part Kahnawake qui reçoit autant d'attention de la part de la Sûreté du Québec et des forces policières que le secteur d'Oka. Pourquoi? C'est parce qu'il y a un problème spécial qui se pose. Autrement, on aurait exactement le même genre d'attention policière qu'ailleurs.

Il n'y a personne qui nie ça. Mais nous disons: C'est un problème très complexe auquel il n'existe pas de solution magique du jour au lendemain. Et ça, ça reste profondément vrai.

Le Président: Alors, en question complémentaire, M. le député d'Ungava.

M. Claveau: Additionnelle en deux volets. Le premier volet: Est-ce que le premier ministre de la Sécurité publique est toujours ministre de la Sécurité publique? Et, si oui, s'il est toujours le ministre de la Sécurité publique, peut-il nous dire si son premier ministre s'est assuré d'avoir la collaboration des Mohawks de Kanesatake avant d'entreprendre une telle enquête?

Le Président: M. le ministre.

M. Ryan: À la première question, la réponse est évidente, et, à la seconde, il n'y a pas besoin de question puisque la prémisse est fausse. Il n'y a pas d'enquête.

Des voix: Ha,ha, ha!

Le Président: Toujours en complémentaire.

M. Claveau: Oui, M. le Président. À ce moment-là, comment doit-on nommer les deux personnes qui ont été mandatées par le premier ministre du Québec pour faire l'évaluation sur la situation à Oka? Si ce ne sont pas des enquêteurs, quel est le nom qu'on doit leur donner?

Le Président: M. le ministre.

M. Ryan: M. le Président, il arrive couramment, dans le fonctionnement du gouvernement, que le premier ministre, par son bureau, veuille s'enquérir d'une situation particulière qui est confiée à l'un ou l'autre ministre. Ça arrive couramment, pour une raison bien simple: d'abord, sa responsabilité la lui impose, et, deuxièmement, son bureau est le siège de toutes sortes de représentations qu'on peut soupçonner. Il veut bien donner des réponses à ces milieux qui font des représentations. Alors, vous l'appellerez du mot que vous voudrez, nous autres, ça ne nous dérange pas.

Le Président: Pour une question complémentaire, M. le leader de l'Opposition.

M. Chevrette: En additionnelle, M. le Président. Le ministre, qui est habitué de jouer du bras à l'intérieur de ce gouvernement-là - quand il s'agit d'un mandat difficile à exécuter, on sait qu'on fait appel à lui - est-ce que le premier ministre, M. le Président...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président...

Le Président: Un instant! Sur une question de règlement, M. le leader du gouvernement.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...le leader...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Un instant! Alors, sur une question de règlement.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, M. le Président. Le leader de l'Opposition a pris la peine de mentionner qu'il était en question additionnelle et il fait un long préambule à sa question additionnelle. Je fais un rappel au règlement, M. le Président.

Le Président: S'il vous plaît! Alors, pour une question directe, sans préambule ni commentaire.

M. Chevrette: Oui, M. le Président. Il s'est levé d'ailleurs comme je commençais ma question. Il voulait se montrer, on l'a vu.

Le Président: Votre question, s'il vous plaît!

M. Chevrette: Donc, M. le Président, est-ce que le ministre ne considère pas que c'est là un geste de non-confiance que de nommer des chercheurs, des évaluateurs, appelez-les comme vous voudrez, pour superviser un travail que lui-même fait? Est-ce qu'il ne considère pas que c'est une preuve de non-confiance de la part du premier ministre vis-à-vis de lui?

Le Président: M. le ministre.

M. Ryan: Ma réponse est négative.

Le Président: Alors, en question principale maintenant, M. le député de Laviolette.

Projet d'investissement de la compagnie Kruger en Haute-Mauricie

M. Jolivet: Merci, M. le Président. Afin d'aider le gouvernement à trouver des emplois qui peuvent être créés, la compagnie Kruger, dans la Haute-Mauricie et dans le secteur de Mékinac, a l'intention d'investir 35 500 000 $ et de pouvoir créer 680 et quelques emplois.

Lors d'une rencontre que nous avons eue à La Tuque, avant le début du référendum, avec le ministre des Forêts, la majorité des gens de la Haute-Mauricie étaient d'accord avec la position de Kruger pour aller vers l'usine de Saint-Séverin pour les bois disponibles à cause de la fermeture de la compagnie Produits forestiers Canadien Pacific de Trois-Rivières.

Dans ce contexte, j'aimerais poser la question au ministre des Forêts. Pourquoi s'en-tête-t-ii, à ce moment-ci, à refuser à Kruger les 95 000 mètres cubes qu'elle demande pour Parent et de transférer, tel que demandé par les intervenants de la Haute-Mauricie, les 150 000 mètres cubes vers l'usine de Saint-Séverin pour permettre le travail dans ce qu'on appelle le secteur Vallières?

Alors, je voudrais savoir de la part du ministre pourquoi il s'entête encore à refuser 35 500 000 $ d'investissements et 685 emplois disponibles?

Le Président: M. le ministre des Forêts.

M. Côté (Rivière-du-Loup): M. le Président, il n'est pas question de contrer les projets de Kruger en ce qui concerne les investissements possibles dans les scieries de Crête ou dans la scierie de Parent qui lui appartient en totalité. Les propositions qui ont été faites à la compagnie Kruger sont amplement suffisantes pour lui permettre d'atteindre ses objectifs et de se rentabiliser comme il se doit. Si nous avons accepté, suite au désistement de Canadien Pacifique à Trois-Rivières de son contrat d'approvisionnement, de faire des propositions à Kruger et de rapprocher les approvisionnements dans la région du Saint-Maurice pour l'aider à se rentabiliser, je crois en toute conscience que nous avons fait une proposition équitable en tenant compte, M. le Président, des obligations de la loi qui me disent - et qui ont fait l'affaire de tout le monde - qui me disent que les bois de forêts publiques devraient être des volumes résiduels, c'est-à-dire pour compléter les bois d'autres provenances, c'est-à-dire de la forêt privée, des copeaux, des bois d'importation et de la fibre recyclée.

Le Président: En question complémentaire.

M. Jolivet: M. le Président, pourquoi le ministre avec, semble-t-il, l'aide qu'il veut apporter à La Coopérative forestière du Haut-Saint-Maurice de faire une étude de faisabilité et d'installer une usine de sciage à La Tuque, dans le contexte actuel, pourquoi le ministre essaie-t-il de diviser tous les gens de la Haute-Mauricie qui étaient d'accord à ce que le transfert de 150 000 mètres cubes devenus disponibles... ça aille à l'usine de Saint-Séverin, en tenant compte qu'avant ils doivent passer par la cour de triage du site Vallières?

Le Président: M. le ministre.

M. Côté (Rivière-du-Loup): M. le Président, je ne comprends pas l'entêtement aussi du député de Laviolette. Le député de Laviolette, vous savez, en commission parlementaire ou dans d'autres occasions, se fait le défenseur des producteurs de forêts privées. Il se fait également le défenseur des producteurs de copeaux et des scieries indépendantes. Dans ce dossier-là, je crois qu'il joue sur deux plans et j'ai de la misère à suivre son raisonnement. Je voudrais lui rappeler que j'ai pris un engagement avec la ville de La Tuque, à savoir que je lui réservais 150 000 mètres cubes d'ici le 31 décembre 1992, pour un promoteur éventuel dans cette région-là, et j'ai bien l'intention de respecter mon engagement, M. le Président.

Le Président: Toujours en question complémentaire.

M. Jolivet: M. le Président, suite, justement, aux lettres et aux intentions de la Haute-Mauri-cie, incluant tous les conseils municipaux qui ont demandé de transférer ces 150 000 mètres cubes vers Saint-Séverin, pourquoi le ministre refuse-t-il, pourquoi a-t-il rencontré à ce moment-là les gens de la Coopérative forestière leur proposant 35 000 $ divisés en deux, lui et la Coopérative, pour une étude de faisabilité, alors qu'il met en péril 35 500 000 $ d'investissements au Québec, Kruger voulant aller en Ontario si le ministre ne donne pas raison à la demande qui est devant lui?

Le Président: M. le ministre.

M. Côté (Rivière-du-Loup): M. le Président, inutile d'insister pour dire que les investissements de Kruger ne sont pas en danger et qu'il y a suffisamment de bois dans les propositions pour rentabiliser chacune de ces usines dans lesquelles elle a des intérêts ou qui lui appartiennent en totalité.

M. le député de Laviolette parle beaucoup de l'usine de Saint-Séverin, et la proposition que nous faisons à Saint-Séverin double le volume actuel et ça va au-delà de la demande de Kruger.

Le Président: En question complémentaire, M. le député d'Ungava.

M. Claveau: en additionnelle, m. le président. si le ministre des forêts a l'intention d'autoriser kruger à se déplacer vers la haute-mauricie, qu'entend-il faire avec les contrats d'approvisionnement que kruger a déjà dans la région de chapais et qui font partie de notre meilleure réserve forestière du coin?

Le Président: M. le ministre. (10 h 30)

M. Côté (Rivière-du-Loup): M. le Président, je pourrais peut-être déposer à cette Chambre une lettre en provenance du député d'Abitibi-Ouest et, également, des remarques en provenance du député d'Ungava. Ce matin, j'ai parié avec le maire de Chapais, j'ai parié également avec M. Fil ion de Chantiers de Chibougamau. Ces gens-là sont réellement inquiets pour écouler leurs copeaux. Vous connaissez la situation difficile de cette région-là en raison des fermetures de mines. S'il fallait, en plus, qu'ils ne puissent écouler leurs copeaux, évidemment, nous aurions affaire à une région, je dirais, totalement sinistrée. C'est pour cette raison-là qu'au ministère on se penche sérieusement sur tous ces problèmes-là. Ce que le député d'Ungava souligne, M. le Président, c'est un dossier majeur, c'est un dossier d'importance. Merci.

Le Président: Toujours en complémentaire.

M. Claveau: Oui, mais brièvement, M. le Président, c'est que le ministre n'a toujours pas répondu à ma question. Qu'est-ce qu'il entend faire avec ce contrat d'approvisionnement là s'il permet à Kruger de se déplacer en Haute-Mauri-cie? Qu'est-ce qu'on va faire de ce territoire-là qui est libéré?

Le Président: M. le ministre.

M. Côté (Rivière-du-Loup): M. le Président, la dernière proposition qui a été faite à Kruger concernant le secteur de Chantiers de Chibougamau, c'est qu'on lui permet de maintenir son contrat d'approvisionnement en collaboration, en aire commune, avec Chantiers de Chicougamau.

Le Président: Alors, en question principale, M. le député de Lévis.

Restructuration administrative au ministère des Transports

M. Garon: M. le Président, en l'absence du ministre des Transports et du premier ministre, je poserai ma question au ministre délégué, substitut.

Alors que nous sommes en récession économique et que le taux de chômage atteint 14,3 % - rappelons-nous qu'au début de la dépression, en 1929, le chômage atteignait 20 %, et nous sommes à 14,3 % au mois de novembre - le gouvernement dit avoir de la difficulté à réaliser les équilibres budgétaires. Et, pourtant, le ministre des Transports a annoncé, vendredi, un vaste chambardement administratif, dont les autorités du ministère n'ont pas évalué les coûts puisque les fonctionnaires que nous avons rencontrés nous ont admis qu'il n'y avait pas d'étude d'impact, qui dépasse largement...

Le Président: Un instant, s'il vous plaît!

M. Garon: ...le transfert...

Le Président: Un instant, M. le député. Je vais demander aux deux collègues de poursuivre leur discussion à l'extérieur de la Chambre, s'il vous plaît, pour qu'on puisse entendre clairement le député de Lévis. Alors, s'il vous plaît! Alors, allez-y, M. le député de Lévis.

M. Garon: M. le Président, le ministre des Transports a annoncé, vendredi, un vaste chambardement administratif de son ministère et dont les hauts fonctionnaires, les sous-ministres en titre et les sous-ministres adjoints nous ont dit qu'ils n'avaient pas d'étude d'impact, ils n'ont pas évalué les coûts, et qui dépasse largement le transfert des routes locales aux municipalités. Dans certains cas, le brassage de la structure du ministère des Transports du Québec prend des allures nettement politiques.

Ainsi, la direction régionale à Sept-îles sera fermée, on crée une direction régionale à Baie-Comeau. Je suppose qu'on veut faire de l'activité économique. Le bureau de district d'Amos devient un centre d'exploitation, et on crée une direction territoriale à Val-d'Or, dans le comté d'Abitibi-Est. La direction régionale à Jonquière sera fermée, et on crée une direction territoriale à Roberval, dans le comté du ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche.

Des voix: Ah!

Le Président: S'il vous plaît! Votre question.

M. Garon: Dans un ministère des Transports qui devient de plus en plus un ministère de la voirie du temps du gouvernement Taschereau, le gouvernement peut-il nous dire...

Le Président: S'il vous plaît!

M. Garon: ...si le chambardement administratif qui a été proposé au caucus des députés du Parti québécois jeudi est en consultation, comme nous l'ont dit les sous-ministres, et que les décisions seront prises seulement au mois de janvier ou si la décision est prise, comme l'a annoncé, semble-t-il, le ministre, en conférence de presse, vendredi?

Le Président: Alors, M. le ministre délégué aux Transports.

M. Middlemiss: M. le Président, toute la question de la restructuration du ministère des Transports a fait l'objet de nombreuses consultations. Nous n'avons pas encore - est-ce que vous voulez avoir une réponse? - terminé l'analyse de l'impact de ce changement dans toutes les régions du Québec. Mais, M. le Président, une chose qu'on nous reprochait de l'autre côté... Vouloir m'avancer aujourd'hui sur la nature des changements sur le terrain qu'entraîne cette restructuration, ce serait présumer de l'adoption du projet de loi 57, Loi sur la voirie et modifiant diverses dispositions législatives.

Des voix: Ha, ha, ha!

Des voix: Et on est respectueux de la Chambre, nous autres!

Une voix: C'est ça.

M. Middlemiss: M. le Président, cependant, si je peux apporter quelques éclaircissements à cette Assemblée, permettez-moi d'indiquer...

Le Président: Écoutez, là, je vais vous avouer franchement que je réprouve d'un côté comme de l'autre les interpellations entre vous. Le règlement prévoit que le président reconnaît une personne et qu'il a la parole. Il est convenu dans les usages et coutumes qu'on puisse accepter parfois des échanges, des interpellations, c'est courant, c'est acceptable même, en autant que ça ne dérange pas la personne qui parle. Je constate à ce moment-ci que ça dérange le ministre et que ça dérange également ceux qui veulent écouter la réponse, dont le député de Lévis et moi-même. Alors, je prierais tout le monde, s'il vous plaît, d'être attentif à la réponse donnée par le ministre et de ne pas intervenir indûment. M. le ministre.

M. Middlemiss: Merci, M. le Président. Donc, je disais, si je peux cependant apporter quelques éclaircissements à cette Assemblée, permettez-moi d'indiquer que tous les changements qui sont prévus au ministère des Transports le sont dans une perspective de saine gestion et qu'il n'est nullement question de remettre en cause le développement de quelque région que ce soit par le biais de cette restructuration.

Des voix: Bravo!

Le Président: Alors, pour une question complémentaire, M. le député de Lévis.

M. Garon: Ma question, M. le Président, est très simple. Est-ce que la décision est prise ou si le ministère est actuellement en consultation? Est-ce qu'elle est prise et définitive ou si elle doit être prise au mois de janvier, comme nous l'ont dit les sous-ministres, premièrement?

Deuxièmement, est-ce que le ministre peut déposer des études d'impact sur les emplois, les employés et les services à la population du changement de l'organigramme au ministère des Transports, nous dire combien d'employés seront relocalisés à plus de 50 milles de leur domicile et combien vont coûter ces déplacements au gouvernement?

Le Président: Alors, M. le ministre.

M. Middlemiss: M. le Président, j'inviterais le député de Lévis à écouter. Là, je vais redire la même chose que j'ai dite tantôt, et il va comprendre.

Une voix: Peut-être.

M. Middlemiss: Toute la question de la restructuration du ministère des Transports a fait l'objet de nombreuses consultations. Aujourd'hui même, lorsque je vous parle, nous n'avons pas encore terminé l'analyse de l'impact de ce changement dans toutes les régions du Québec. C'est ça que je viens de vous dire.

Concernant le nombre d'emplois, je vous ai donné une réponse la semaine dernière en Chambre. La décentralisation du réseau routier vers les municipalités va occasionner la perte de 1250 saisonniers, 500 permanents. C'est ça, M. le Président, et nous sommes en train de mesurer aussi l'impact dans la restructuration, à savoir à quel endroit, ce qu'on va faire dans cette restructuration-là. C'est ça, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Président: Toujours en question complémentaire.

M. Garon: M. le Président, la question est simple: Est-ce que fa décision définitive est prise concernant 1250 occasionnels, 500 permanents immédiats et 885 dans trois ans? Est-ce que la décision définitive est prise? Là-dessus, selon vos études d'impact, combien de fonctionnaires, si la décision est prise, vont quitter Québec? Combien? Elle est prise ou elle n'est pas prise? Combien vont quitter Québec?

Le Président: M. le ministre.

M. Middlemiss: M. le Président, regardez, on est en train de terminer l'étude d'impact. Toutefois, je dis: La conséquence de la décentralisation, de remettre 33 000 kilomètres de route aux municipalités, c'est qu'il y a 1250 saisonniers dont on n'aura pas besoin, parce que ces routes-là vont être entretenues par les municipalités à même des budgets de 85 000 000 $ qui vont être remis aux municipalités, tant du kilomètre selon l'état du réseau. On ne s'occupe plus de ce réseau-là. Donc, il y en a 1250 dont on n'a pas besoin, dans un premier temps.

Dans un deuxième temps, à cause de ces changements, il y a aussi 500 permanents, à Québec et à Montréal, et en région, dont on n'aura pas besoin. On cherche des moyens de réduire l'impact, soit par des gens qui vont prendre leur retraite un peu avancée et des choses comme ça. C'est pour ça que nous sommes en train de finaliser l'étude et, lorsque l'étude sera terminée, vous serez certainement... l'Assemblée nationale va être une des premières à le savoir.

Une voix: Parfait.

Le Président: Pour une question complémentaire, M. le député d'Abitibi-Ouest.

M. Gendron: Est-ce que le ministre délégué à la voirie peut nous indiquer sur quels motifs son gouvernement s'est appuyé pour annuler la conférence de presse de vendredi dernier en Abitibi-Témiscamingue, qui, comme ailleurs, devait annoncer une réorganisation non finie, mal faite, où il n'y a pas eu d'étude d'impact? C'est quoi, les motifs qui vous ont guidé pour annuler en Abitibi-Témiscamingue? (10 h 40)

Le Président: M. le ministre.

M. Middlemiss: M. le Président, le député d'Abitibi-Ouest devrait écouter lui aussi, pas seulement son collègue de Lévis. J'ai indiqué tantôt qu'on ne voulait pas présumer de l'adoption de la loi 57. Donc, avant que la loi 57 soit adoptée, on ne peut certainement pas procéder à annoncer des changements qui ne sont pas... M. le Président, l'étude d'impact n'est pas terminée. Donc, on n'a pas exactement les changements qui vont avoir lieu. Les députés ont eu en main des tableaux. Il y a deux tableaux qui circulent, qui vous démontrent que c'est des projets, et il n'y a rien d'arrêté encore, M. le Président.

Le Président: Toujours en question complémentaire.

M. Gendron: Est-ce que le ministre délégué à la voirie est au courant que la loi 57 va s'appliquer dans tout le Québec et que seule l'Abitibi-Témiscamingue a été touchée par l'annulation de la conférence de presse? Oui. Dans les autres régions, vous avez fait connaître l'information au sujet de la réforme, M. le Président. Alors, pourquoi avez-vous annulé en Abitibi-Témiscamingue?

Le Président: M. le ministre.

M. Middlemiss: Les renseignements qui étaient censés être transmis à travers le Québec aux employés du ministère pour savoir un peu où ils s'en vont, tout ça a été cancellé. Il y a eu une conférence de presse ici qui a indiqué le nombre d'emplois qui seraient perdus à cause de cette décentralisation, mais rien sur les nouvelles structures ou les nouveaux endroits. Tout a été cancellé, M. le Président.

Une voix: C'est beau. C'est clair.

Le Président: En question principale, M. le

député...

M. Dufour: Non, M. le Président, additionnelle.

Le Président: Additionnelle? Additionnelle, M. le député de Jonquière.

M. Dufour: Comment le ministre explique-t-il ses économies de coûts lorsqu'il parle de fermer sa direction régionale du ministère des Transports dans l'édifice administratif appartenant au gouvernement du Québec pour prendre ses employés, pour en transférer une partie à Chicoutimi et ouvrir un nouveau bureau à Roberval? Comment il explique son économie de coûts?

Le Président: M. le ministre.

M. Middlemiss: M. le Président, il y a un problème de compréhension, de l'autre côté. On a dit qu'on n'a pas terminé, qu'il n'y a rien de finalisé. Donc, comment on peut établir des coûts lorsqu'il n'y a aucune décision qui a été prise à ce sujet, M. le Président?

Le Président: Pour une autre question additionnelle.

M. Dufour: Si le ministre dit que son réaménagement n'est pas terminé, comment expli-que-t-il qu'il laisse circuler des papiers à l'effet qu'à tel endroit il va se passer telle chose, qu'à tel autre endroit il va se passer telle autre? Si c'est des projets, si c'est pour rêver, qu'il aille donc en arrière des portes, mais ne pas mettre ça en public. Voyons!

Le Président: M. le ministre.

M. Middlemiss: M. le Président, regardez, ça fait partie... Ça indique à l'Opposition que nous sommes en train d'étudier plusieurs scénarios. Entre autres, ils ont eu des tableaux qui en montrent deux, d'ici à ce qu'on prenne notre décision, qu'on ait tout l'impact, parce qu'on n'est certainement pas des gens qui veulent créer des problèmes en région. Ça, M. le Président, c'est très important. Et on l'a fait pour vous démontrer notre préoccupation.

C'est que, dans le transfert des routes aux municipalités, on a fait faire une évaluation de l'état de ces routes pour que les municipalités soient récompensées selon l'état. Si des régions du Québec, pendant les années passées, ont bénéficié d'une plus grande largesse des budgets de voirie, les gens qui ne l'ont pas eu ne seront pas pénalisés, parce qu'on reconnaît l'état des routes telles qu'elles sont aujourd'hui, dans la prise en charge. Donc, on n'a pas de leçon à prendre de ces gens-là.

Le Président: En question principale, maintenant, M. le député d'Arthabaska.

Mesures d'aide aux serricuiteurs

M. Baril: Merci, M. le Président. Dans une lettre adressée au ministre de l'Agriculture, en juin 1992, les producteurs en serre affirmaient que l'augmentation de 88 % de leur facture d'électricité plaçait 30 % à 40 % des producteurs en sérieuse difficulté financière. Ajouté à ça, le dumping des producteurs ontariens et américains, qui vendent leurs tomates au Québec en bas du prix coûtant, fait perdre environ 2000 emplois au Québec. Le 1er mai 1991, le ministre, en cette Chambre, me répondait qu'il rencontrerait les représentants des serricuiteurs et qu'il n'excluait aucune possibilité, celle de regarder ses propres programmes ou celle de faire des efforts pour rediscuter avec Hydro-Québec. Après un an et demi, le ministre a-t-il trouvé un plan pour relancer ce secteur de l'économie?

Le Président: M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

M. Picotte: M. le Président, effectivement, comme je m'y étais engagé, il y a eu des rencontres et il y a eu des discussions avec ma collègue, la ministre de l'Énergie et vice-première ministre. Il y a eu aussi, je pense, des rencontres, à ma connaissance, avec HydroQuébec. Ça, c'était l'engagement que nous avions pris. En ce qui concerne les programmes du ministère, les programmes, à Innovactions ou ailleurs, sont disponibles pour ces gens-là, comme d'autres. Alors, il s'agit qu'ils appliquent sur des programmes, et on verra comment on peut les recevoir et les juger recevables, finalement, par la suite.

Le Président: Alors, en question complémentaire.

M. Baril: M. le Président, suite aux rencontres qui, semble-t-il, ont eu lieu, ça n'a pas l'air d'avoir débouché sur grand-chose. Est-ce que le ministre a un plan de relance à offrir à ce secteur de l'économie ou bien s'il n'en a pas, de plan de relance?

Le Président: M. le ministre.

M. Picotte: M. le Président, le député d'Arthabaska sait très bien s'il y a lieu d'y avoir un plan de relance pour ces gens-là. Il faudra que les gens des serres se concertent, viennent nous voir et travaillent en collaboration avec nous.

Alors, pour l'instant, si ça n'a pas débouché sur un plan quelconque, c'est parce qu'il n'y a pas eu d'entente. Et, à partir de ce moment-là, bien, je pense que le député d'Arthabaska devrait

savoir que la situation continue comme elle est. Maintenant, s'ils ont des propositions à nous faire, nous sommes toujours ouverts pour tâcher de regarder comment on pourrait améliorer ce secteur-là.

Le Président: Toujours en complémentaire.

M. Baril: Vous savez très bien qu'il n'y a rien de changé et qu'il y a des problèmes dans ce secteur-là. Le 17 juin, on écrivait au ministre de l'Agriculture, oui c'est vrai: Qu'est-ce que le ministre entend faire pour répondre à la demande des producteurs en serres qui confirment, dans une lettre, qu'ils en ont, des problèmes? Puis, on faisait même une publicité, à l'époque, je ne sais pas si le ministre l'a vue, on disait: Profitez de manger des tomates du Québec, c'est peut-être les dernières que vous allez manger parce qu'on va fermer.

Est-ce que le ministre n'a rien à leur offrir? Est-ce que le ministre s'occupe de ce secteur-là, ou bien s'il s'en fout? C'est ça, la question.

Une voix: Bravo! Bravo! Bravo! Le Président: Alors, M. le ministre.

M. Picotte: M. le Président, je pense que tous les secteurs dans ces domaines-là ont des problèmes. Et, à chaque fois qu'ils ont eu des problèmes, ils ont réussi à s'asseoir avec nous. Quand on a eu des problèmes dans le porc, M. le Président, on s'est assis avec la Fédération, on s'est assis avec tout le monde et on a trouvé des solutions.

Si ces gens-là ont des solutions particulières à nous apporter, ce n'est pas gênant, c'est 200A, chemin Sainte-Foy. On va bien les recevoir, et on verra ce qu'on peut faire avec eux.

M. Baril: M. le Président...

Le Président: Alors, toujours en question complémentaire.

M. Baril: Par les réponses du ministre, est-ce que ça confirme que le ministre est impuissant à convaincre sa collègue et Hydro-Québec de diminuer, de donner des tarifs préférentiels, d'accorder des tarifs préférentiels aux serricul-teurs, tel que son document au ministère de l'Agriculture mentionnait que, pour que ce secteur-là soit viable, ça prenait des tarifs préférentiels? Est-ce que le ministre nous démontre son impuissance aujourd'hui face à sa collègue et à Hydro-Québec?

M. Jolivet: Incapacité!

Le Président: Alors, en sollicitant, s'il vous plaît, l'attention de tous les collègues...

M. Picotte: En ce qui me concerne...

Le président: m. le ministre, un instant, m. le ministre! m. le ministre! juste une minute. je voudrais simplement l'attention des collègues pour qu'on puisse vous entendre facilement. alors, s'il vous plaît! alors, m. le ministre.

M. Picotte: Je ne vois pas pourquoi le député d'Arthabaska m'attribue le mot «impuissance» à ce moment-ci de ma carrière, M. le Président...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Picotte: Mais on sait très bien, M. le Président, que, quand on parle de tarifs préférentiels, puis de programmes particuliers dans ce domaine-là, et j'ai un petit peu de difficulté à suivre le député d'Arthabaska... Parfois, il y en a un qui se lève pour nous demander un tarif préférentiel du côté d'Hydro-Québec, et, dans d'autres circonstances, d'autres du même côté se lèvent pour nous blâmer d'avoir donné des tarifs préférentiels à Hydro-Québec pour certaines industries. Donc, encore faudrait-il savoir de quoi on parle et ce qu'on veut, M. le Président.

Des voix: Très bien! Très bien!

Le Président: Alors, en question principale, maintenant, en demandant l'attention des collègues. Alors, M. le député Dubuc.

Harmonisation des relations entre communautés autochtones et non autochtones en matière de chasse

M. Morin: Merci, M. le Président. Récemment, lors de la période de questions, j'avais demandé au ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche les raisons pour lesquelles il n'appliquait pas les règlements de chasse dans le cas des chasseurs hurons. Le ministre avait alors répondu que, tout en invoquant la décision de la Cour suprême, il ne voulait pas nuire aux négociations en cours entre son ministère et la nation huronne-wendat.

La semaine dernière, nous avons appris qu'une entente était intervenue, ou qu'elle était sur le point de l'être. Dans un premier temps, je demanderai au ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche de confirmer s'il y a eu effectivement entente, et s'il est vrai qu'elle fut rejetée par la population huronne.

Le Président: Alors, M. le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche.

M. Blackburn: m. le président, je m'en voudrais de ne pas profiter de l'occasion, d'abord, en tant que ministre des sports, pour féliciter la ville de québec d'avoir obtenu,

samedi soir, le support du comité olympique canadien.

Une voix: Si vous ne voulez pas avoir un débat de fin de séance, là...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! S'il vous plaît. Alors, à la question, M. le ministre.

M. Blackburn: Alors, à la question, M. le Président...

Des voix:...

Le Président: Un instant. La question est posée, là, j'ai demandé au ministre de répondre. Mais oui. Je vais demander au ministre d'arriver à la question, il va y répondre. Allez-y, M. le ministre.

M. Blackburn: Alors, à la question, M. le Président, il est très...

Le Président: Un instant. J'ai une question de règlement. Oui, j'ai une question de règlement. M. le leader de l'Opposition. (10 h 50)

M. Chevrette: M. le Président, je suis prêt à accepter toutes vos remarques. Mais je vous ferai remarquer, M. le Président, qu'il n'y a aucune remarque... Et là, je veux attirer votre attention spécifiquement sur ce qui vient de se poser pour vous démontrer qu'il y a parfois des attitudes qui sont chatouillantes pour le moins. Au moment où un individu se lève sur notre côté, vous dites: La question est posée. La vraie question de règlement et de privilège qu'on aurait pu soulever instantanément, ou de votre part, c'est de voir un ministre qui s'en va sur un sujet qui n'a aucunement fait l'objet d'une question, même pas d'un préambule, avec lequel on peut être d'accord. Mais, M. le Président, s'il vous plaît, c'est le genre d'argument qui, depuis le début de la présente session, nous irrite un peu, pas mal, passablement, pour ne pas dire plus.

Le Président: Écoutez, je suis bien d'accord à prendre votre remarque. Simplement - un instant - quand le ministre a commencé à répondre, je me suis même levé et j'ai dit «à la question, M. le ministre», en rappelant, évidemment, que la question était posée dans un domaine tout autre que celui sur lequel il avait commencé à répondre.

Et j'invite le ministre à répondre à la question. C'est ce que j'ai fait suite à des réactions de votre côté, qui étaient normales. Évidemment. Et dans certains cas, vous admettrez avec moi aussi qu'à l'Assemblée, d'un côté comme de l'autre, on commence souvent une réponse où parfois on souligne un événement quelconque. Ce n'est pas tout à fait conforme au règlement, j'en suis fort conscient, mais une certaine habitude s'est prise de ce côté-là. Donc, je demanderais de vous en tenir aux questions posées et de répondre directement aux questions telles qu'elles sont posées. Donc, M. le ministre, à la question posée.

M. Blackburn: Merci, M. le Président. Alors, à la question posée, bien sûr qu'il y a une réalité que tout le monde connaît. On avait formé ce comité conjoint de négociation avec la nation huronne-wendat sur la possibilité de trouver une piste d'entente qui nous permettrait d'harmoniser les relations entre les communautés autochtones et les communautés non autochtones en matière de pratique de chasse à l'orignal. Il y a une piste intéressante sur la table. Il y a des propositions qui sont actuellement extrêmement intéressantes qui se doivent d'être envisagées. Je tiens à dire que je les trouve tout à fait applicables. Il y a des éléments sur lesquels je me pose des questions, sur lesquelles j'ai des réserves. Il y a eu un rejet de l'entente, semble-t-il, par la nation huronne ou par une partie de la population huronne. On va voir, bien sûr, au cours des prochains jours et des prochaines semaines, dans quelle mesure on va pouvoir réussir à recréer ce comité et réussir à trouver cette obligation de résultat que nous avons d'harmoniser les relations entre les communautés autochtones et non autochtones.

Le Président: Alors, en question complémentaire.

M. Morin: Alors, M. le Président, est-il vrai que parmi les avantages qu'on voulait consentir aux autochtones il y aurait la gratuité du droit d'accès ainsi que pour l'autorisation et le permis de chasse?

Le Président: M. le ministre.

M. Blackburn: II y aura certainement un permis de chasse qui sera vendu à la communauté autochtone. C'est la communauté autochtone qui va, elle, faire la délivrance de ce permis sur son territoire. C'est elle qui peut décider de le financer d'une façon ou de l'autre. Ce que je peux vous dire, c'est que le gouvernement du Québec va percevoir les droits qui lui sont dûs comme pour toutes les autres communautés non autochtones sur le territoire du Québec.

Le Président: Toujours en question complémentaire.

M. Morin: Le ministre accepterait-il de confirmer un autre privilège qu'on voulait concéder, soit que l'enregistrement des orignaux abattus serait contrôlé par le conseil de la nation huronne et non par le MLCP, comme il

est l'habitude.

Le Président: M. le ministre.

M. Blackburn: Écoutez, M. le Président, il y a des éléments à l'intérieur de l'entente qui sont là, ils sont actuellement discutés avec la nation huronne. J'ai dit tout à l'heure au député de Dubuc qu'il y avait des éléments de cette entente sur lesquels j'avais plusieurs réserves. Bien sûr que j'aurai l'occasion de prendre position, j'ai jusqu'au 14 décembre prochain pour effectivement faire connaître ma position en tant que ministre sur l'entente actuelle.

M. Morin: M. le Président...

Le Président: En question complémentaire.

M. Morin: ...considérant le but avoué du ministre tout à l'heure, qui est à l'effet d'harmoniser les relations entre les chasseurs autochtones et blancs, le ministre ne croit-il pas que la meilleure façon d'y arriver serait d'appliquer les mêmes règlements, sans égard à la couleur et à la race, comme y ont fait allusion ses fonctionnaires en fin de semaine?

Le Président: M. le ministre.

M. Blackburn: Pour ce qui est de la remarque du député de Dubuc concernant un article de journal en fin de semaine, je peux dire qu'il n'y avait d'aucune façon d'autorisation, en tout cas par le ministre et par le ministère, pour ce document qui a été rendu public. Ce que je peux juste vous dire, c'est qu'il y a une réalité qu'on ne peut pas oublier: il y a un jugement de la Cour suprême du Canada - ce n'est pas vrai? ce n'est pas vrai? vous allez nier ça? - sur lequel...

Le Président: Un instant. S'il vous plaît, un instant, M. le ministre. J'inviterais le député de Dubuc à attendre un peu. Vous reviendrez dans une autre question. Vous reviendrez dans une autre question.

M. Blackburn: M. le Président, il y a un jugement de la Cour suprême, qui a été rendu au mois de mai 1990, qui reconnaît à la communauté huronne des droits importants en matière de camping, en matière de feux dans des territoires, puis aussi en matière de coutumes ancestrales, qui ne sont pas très clairement déterminés. C'est la raison pour laquelle on a formé ce comité de négociation pour trouver de quelle façon... On avait cette obligation de trouver le moyen d'interpréter ce jugement pour le rendre applicable. Et c'est dans cette perspective qu'on va continuer de travailler parce que c'est fondamental et c'est extrêmement important, bien sûr, pour le gouvernement du Québec et pour le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, de réussir à relever ce défi d'harmoniser les relations sur cet immense territoire, les relations entre les communautés autochtones et non autochtones, en matière de chasse.

Le Président: Pour une question principale, M. le député de Laviolette.

Fermeture temporaire de l'usine Malette à Saint-Raymond de Portneuf

M. Jolivet: Merci, M. le Président. En pleine campagne référendaire et à grand renfort de publicité, le ministre des Forêts, avec le ministre de Portneuf à l'époque, inauguraient une usine ultramoderne qui, d'après l'aveu même du ministre, faisait l'envie et soulevait la crainte chez les concurrents. Cette usine de Saint-Raymond de Portneuf, M. le Président, est actuellement fermée temporairement et risque même d'être fermée définitivement, mettant en péril l'emploi de 125 travailleurs.

J'aimerais savoir du ministre quelles sont les raisons pour lesquelles, après deux mois de production, cette usine, qui faisait, comme disait le ministre, l'envie et soulevait la crainte chez les concurrents, est maintenant fermée alors que REXFOR et les principaux associés ont investi 125 000 000 $ dans la réouverture de cette usine.

Le Président: M. le ministre des Forêts.

M. Côté (Rivière-du-Loup): M. le Président, l'usine de Malette à Portneuf est une usine qui produit du papier MFC. C'est des «machine finish coated». C'est un produit qui est fabriqué ici, en Amérique du Nord, seulement par cette usine-là. Ça vient en compétition avec des compagnies Scandinaves qui vendent ce type de papier en Amérique du Nord, et il faudra nécessairement que Malette pénètre ce marché. Lors de cette inauguration, M. Malette me mentionnait qu'il était très confiant de pénétrer le marché. Et c'est la première nouvelle que j'en ai - si M. le député de Laviolette veut semer la panique chez les ouvriers - à savoir que cette usine serait fermée définitivement, ce que je ne pense pas, M. le Président.

Le Président: Pour une question complémentaire.

M. Jolivet: Qu'est-ce que le ministre entend faire, à ce moment-là, pour aider, justement, les 125 travailleurs qui craignent une fermeture permanente?

Des voix: Qui craignent...

M. Jolivet: Oui, mais...

Le Président: Un instant, s'il vous plaît! Un

instant! la question est en train d'être posée. je vous demanderais de contenir vos réactions, le ministre viendra à la réponse. alors, pour la question.

M. Jolivet: Ils craignent de perdre leur emploi parce qu'on leur indique que la pénétration du marché, justement, est tellement difficile, et cette usine pourrait fermer plus longtemps que prévu actuellement et même de façon permanente.

Le Président: M. le ministre.

M. Côté (Rivière-du-Loup): M. le Président, je ne le pense pas parce qu'à chaque fois qu'on introduit un nouveau produit sur le marché il y a des difficultés, on rencontre des difficultés. Lorsque, de l'autre côté de la Chambre, on nous recommande une usine qui va produire les mêmes produits, disons, à Matane, à Port-Cartier ou ailleurs, je pense qu'on n'est pas logiques. Il faut être prudents dans ces investissements-là. Nous assurons au groupe Malette, via REXFOR et le gouvernement, toute l'assistance nécessaire pour assurer les emplois de Portneuf, soit les 125 emplois dont il est question.

Le Président: Une dernière question additionnelle.

M. Jolivet: Est-ce que le ministre ne croit pas, justement, que la décision qui a été prise pendant la campagne référendaire avait un but, qui était celui de devancer les décisions et les recommandations faites par son groupe d'action sur l'avenir des industries de pâtes et papiers et de papiers fins, en particulier au Québec, et qu'il a fait cette ouverture au-delà des recommandations faites par son comité d'action?

Le Président: M. le ministre.

M. Côté (Rivière-du-Loup): M. le Président, il ne faudrait toujours bien pas charrier là-dessus parce que la décision de construire Malette a été prise au moins deux ans avant ça, et on a investi au-delà de 125 000 000 $. On n'a pas fait tout ça durant la campagne référendaire, comme le laisse entendre le député de Laviolette. Il faudrait qu'il soit un peu raisonnable et qu'il arrête de charrier, hein?

Des voix: Oui, oui.

Le Président: Alors, c'est la fin de la période de questions.

Il n'y a pas de votes reportés. Motions sans préavis.

Avis touchant les travaux des commissions

Avis touchant les travaux des commissions.

M. le leader du gouvernement. (11 heures)

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, M. le Président. J'avise cette Assemblée qu'aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures, de 15 heures à 18 heures et de 20 heures à 24 heures, à la salle Louis-Joseph-Papineau, la commission des institutions poursuivra l'étude détaillée des projets de loi suivants, et ce, dans l'ordre ci-après indiqué: projet de loi 50, Loi modifiant le Code de procédure civile concernant le recouvrement des petites créances; projet de loi 38, Loi sur l'application de la réforme du Code civil.

À la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine, la commission de l'aménagement et des équipements poursuivra l'étude détaillée des projets de loi suivants, et ce, dans l'ordre ci-après indiqué: projet de loi 55, Loi modifiant la Loi sur la fiscalité municipale et d'autres dispositions législatives; projet de loi 56, Loi modifiant la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme et d'autres dispositions législatives.

À la salle du Conseil législatif, la commission de l'éducation procédera à l'étude détaillée du projet de loi 141, Loi sur l'enseignement privé.

Renseignements sur les travaux de l'Assemblée

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Renseignements sur les travaux de l'Assemblée. M. le leader de l'Opposition officielle.

M. Chevrette: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Chevrette: ...je voudrais demander au ministre et leader, sur les projets de loi 55 et 56, compte tenu du fait que l'Union des municipalités du Québec et l'UMRCQ désireraient voir adopter avant Noël, et ce, dans les meilleurs délais, la loi 56, si j'ai bien compris leur position, alors que la loi 55 sur la fiscalité municipale est une loi beaucoup plus contestée au niveau du Parlement, en tout cas, au niveau des perceptions de chacun des groupes, quelle est l'idée du ministre de toujours conditionner l'adoption, avant, de la loi 55? Je voudrais lui dire tout de suite que nous allons aviser l'Union des municipalités que, si la loi 56 n'est pas appelée, ce n'est pas notre faute?

Une voix: C'est ça.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le leader du gouvernement.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président, je ne sais pas de quel scénario parle

le leader de l'Opposition. Tout ce que je sais, c'est que le ministre des Affaires municipales a rencontré encore au cours de la journée de vendredi l'ensemble des représentants des unions municipales sur le territoire québécois, qu'il est bien au fait des demandes des unions municipales. J'invite le leader de l'Opposition à continuer à prêter une oreille attentive à la position de ces unions municipales d'ici l'ajournement de nos travaux aux fêtes.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): m. le leader de l'Opposition officielle.

M. Chevrette: M. le Président, sur le même sujet, c'est justement parce que j'ai une oreille extrêmement attentive que je vous demande d'appeler... Au lieu, de façon obstinée, de vous en tenir au projet de loi 55, c'est précisément d'appeler la loi 56 qui, vous le savez très bien, mis à part quelques amendements pour satisfaire aux demandes de l'Union des producteurs agricoles, est une loi sur laquelle nous pourrions facilement donner notre consentement, ce qui n'est pas le cas pour la loi 55. Donc, il faut quand même, par la voie de cette Assemblée...

Une voix: 56.

M. Chevrette: 55, en tout cas, peu importent les numéros, vous comprenez ce que je veux dire...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chevrette: Oui, on peut se tromper de numéro, mais c'est sur l'urbanisme et l'aménagement, vous le savez très bien, M. le Président. Si on veut jouer sur les mots, on va jouer, on va prendre tout le temps possible. Vous n'êtes pas pressé? Moi non plus.

Donc, M. le Président, sur l'aménagement et l'urbanisme, vous savez très bien qu'il y a un consentement relativement rapidement qui peut... consensus même qui peut se dégager au niveau des parlementaires, alors que ce n'est pas le cas pour le projet de loi 55 sur la fiscalité municipale. Si vous allez faire croire à l'Union des municipalités du Québec et à l'UMRCQ que nous bloquons la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, je répondrai non, M. le Président, c'est au gouvernement à l'appeler, puis elle passera.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le leader du gouvernement, si vous voulez compléter.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): À ce stade-ci de nos travaux, comme leader du gouvernement, je ne prends pas pour acquis que l'Opposition officielle bloque aucun des projets de loi qui sont au menu, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Ceci met fin à la période des affaires courantes. Nous passons maintenant aux affaires du jour. S'il vous plaît! M. le leader du gouvernement, aux affaires du jour.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui. M. le Président, je vous demanderais d'appeler l'article 6 du feuilleton.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): À l'article 6, M. le ministre de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie propose l'adoption du principe du projet de loi 59, Loi modifiant la Loi sur les heures et les jours d'admission dans les établissements commerciaux. M. le ministre de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie.

M. Tremblay (Outremont): Alors, merci...

M. Chevrette: m. le président, juste 30 secondes. je ne voudrais pas déranger le ministre, j'aurais une autre question s'il n'a pas d'objection.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, il y a consentement pour qu'on revienne aux renseignements sur les travaux? M. le leader de l'Opposition officielle.

M. Chevrette: Oui. Je voudrais demander au leader du gouvernement s'il a fait le bilan des projets de loi, pour qu'on puisse l'avoir, comme Opposition, comme outil de travail. Est-ce qu'il a fait le bilan des lois qui n'ont pas été appelées ici, en cette Chambre, et qui n'ont pas besoin du consentement du 15 novembre? Parce que je me rends compte, depuis deux ou trois jours, que les lois qui sont appelées présentement, ce sont des lois qui ont été déposées ultérieurement au 15 novembre.

Est-ce qu'il en reste au feuilleton? Est-ce qu'on ne pourrait pas avoir un bilan, pour fins de travail plus facile d'analyse, d'évaluation et tout, de ce qui reste à venir? Est-ce que c'est parce que vous ne les appellerez pas, celles qui n'ont pas besoin de consentement et qui n'ont pas été appelées, par exemple, au feuilleton? Non?

Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le leader du gouvernement, sur la question.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Au moment de la reprise de la session parlementaire, M. le Président, il y avait quelque 17 projets de loi qui étaient inscrits au feuilleton. Comme je l'avais indiqué au tout début de la session, le gouvernement comptait ou compte en déposer une vingtaine à l'occasion de cette présente session. Tous les projets qui sont déposés depuis la reprise de la session nécessitent le consentement, l'unanimité des parlementaires pour être adoptés.

C'est dans ce sens que nous entendons procéder. Au moment où nous nous parlons, il n'y a rien d'exclu.

Affaires du jour

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, nous revenons à la période des affaires du jour.

Projet de loi 59

Adoption du principe

nous sommes à l'adoption du principe du projet de loi 59, à l'article 6 du feuilleton. je reconnais m. le ministre de l'industrie, du commerce et de la technologie.

M. Gérald Tremblay

M. Tremblay (Outremont): Alors, merci, M. le Président. Le 22 juin 1990, le lieutenant-gouverneur du Québec sanctionnait la Loi sur les heures et les jours d'admission dans les établissements commerciaux, et ceci après plus de 220 heures de consultation, de discussion en commission parlementaire et à l'Assemblée nationale.

Cette loi avait pour effet d'élargir les heures d'ouverture permises dans les établissements commerciaux du Québec. Le public pouvait désormais être admis dans les commerces de 8 heures à 19 heures les lundi et mardi, de 8 heures à 21 heures les mercredi, jeudi et vendredi, et de 8 heures à 17 heures le samedi. Par conséquent, cette loi ne permettait pas aux commerces, en général, d'ouvrir leurs portes le dimanche. De plus, l'interdiction d'admission était maintenue sept jours fériés de l'année, le 25 décembre et le 1er janvier, par exemple. Par contre, la loi permettait que le public soit admis dans les établissements commerciaux de 8 heures à 17 heures les dimanches de décembre précédant la fête de Noël. C'est dans cette optique, M. le Président, qu'en 1990 et 1991 les commerces ont pu ouvrir les quatre dimanches précédant le 25 décembre. C'est la raison pour laquelle le projet de loi prévoyait, à l'article 15, la possibilité pour les commerces d'ouvrir le 29 novembre parce que, cette année, exceptionnellement, il n'y a que trois dimanches précédant le 25 décembre.

Le Manitoba. Je cite, M. le Président: «Legislation will be introduced into the House to support the following points and will be retroactive to November 29th, 1992. Sunday shopping on this expanded basis is available in British Columbia, Alberta, Saskatchewan, Ontario, New Brunswick, Prince Edward Island and throughout the United States.»

Dans cette optique, après les accusations de l'Opposition à l'effet que je prenais pour acquis et brimais les droits des particuliers, «le président de l'Assemblée nationale, M. Jean-Pierre Saintonge, a rejeté, dans une décision qu'il a rendue hier soir - donc, le 26 novembre 1992 -les objections que l'Opposition péquiste avait soulevées par le projet de loi traitant des heures d'ouverture des commerces. En fait, le président statuait, en vertu des règles de cette Assemblée, que la question de privilège soulevée par l'Opposition péquiste était non fondée, car le ministre de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie n'avait pas commis d'outrage au Parlement en émettant des commentaires sur les intentions du gouvernement en cette matière avant que le projet de loi 59 ait été présenté». (11 h 10)

Par contre, avant cette décision, M. le Président, j'avertissais les commerçants et les commerçantes qu'ils ne pouvaient ouvrir leur commerce le 29 novembre parce que je ferais respecter la loi. Et à cet effet, le dimanche 29 novembre, 2095 visites ont eu lieu et 75 constats d'infraction ont été rédigés. Le ministère de la Justice aura à décider des poursuites éventuelles.

Dans cette optique, et en toute justice pour les commerçants qui ont respecté la loi, je retire du projet de loi la disposition rétroactive qui aurait permis aux commerces d'ouvrir le 29 novembre. Donc, je retire l'article 15.

La loi prévoyait de plus que le public puisse être admis en tout temps dans certains établissements commerciaux pourvu que ceux-ci satisfassent à certaines conditions, notamment, quant aux produits offerts en vente et au nombre de personnes affectées au fonctionnement de rétablissement.

Pour leur part, les marchés d'alimentation et les pharmacies étaient autorisés à ouvrir après les heures prévues et le dimanche à condition qu'au plus quatre personnes soient affectées au fonctionnement de l'établissement, mises à part quelques exceptions à cette règle, comme, par exemple, le propriétaire ou son mandataire, les employés préposés à la préparation de produits de boulangerie ou de pâtisserie et le personnel affecté au service de la sécurité, et, dans le secteur pharmaceutique, le pharmacien et les personnes affectées exclusivement à la préparation de médicaments. L'esprit de la loi était de permettre à ces commerces d'ouvrir, mais dans un contexte de dépannage. Cette situation prévaut depuis le mois de juin 1990 dans les commerces québécois.

Or, de nombreux changements et événements sont survenus, particulièrement au cours des derniers mois. Ces changements ont incité le gouvernement à se pencher à nouveau sur ce sujet afin d'examiner la possibilité d'actualiser la loi sur les heures et les jours d'ouverture dans les établissements commerciaux au Québec.

Tout comme ce fut le cas en 1990, trois principes importants guident le gouvernement dans ses démarches afin d'offrir aux Québécois et aux Québécoises, ainsi qu'à ceux et celles qui exploitent des commerces ou qui y travaillent, les meilleures conditions possible dans un monde

des affaires en pleine évolution. Ces principes sont les suivants: l'égalité des commerçants et des commerçantes devant la loi, les besoins réels des consommateurs et des consommatrices, la qualité de vie de la population, notamment celle des travailleurs et des travailleuses.

La société dans laquelle nous vivons évolue constamment, et certains des changements qui surviennent influencent les besoins des consommateurs et des consommatrices ainsi que leurs habitudes de consommation. Parmi les changements qui sont survenus au cours des dernières années, on ne peut passer sous silence des phénomènes aussi importants que l'augmentation du nombre de couples avec des enfants et dont les deux parents travaillent à l'extérieur du foyer, tout comme l'augmentation du nombre de familles monoparentales. Ces changements sociaux, pour ne citer que ceux-ci, entraînent des modifications profondes dans les habitudes de consommation. Les besoins des parents en termes d'accessibilité aux magasins, notamment les deux travaillant à l'extérieur du foyer, ont évolué constamment au cours des dernières années. Le vieillissement de la population et le besoin pour un nombre de plus en plus élevé de personnes âgées de se faire accompagner pour aller magasiner rendent impérieux l'accès aux magasins au moment où la plupart des gens qui travaillent ont des moments libres.

D'autres facteurs de changements ont trait aux préoccupations nouvelles des consommatrices et des consommateurs face à leurs achats. Par exemple, la volonté très nette d'obtenir un meilleur rapport qualité-prix a pour effet de prolonger le temps de magasinage. La baisse du revenu disponible a également pour effet d'inciter les consommateurs et les consommatrices à comparer davantage les prix et les caractéristiques des produits qu'ils achètent de façon à tirer le maximum des ressources dont ils disposent. Paradoxalement, les consommateurs et les consommatrices ont de moins en moins de temps disponible pour se livrer à cette activité. La simple observation des faits suffit à nous convaincre que plusieurs de ces conditions nouvelles, particulièrement celles qui ont trait à l'évolution sociale et aux changements d'habitudes des consommatrices et des consommateurs, sont là pour rester.

Dans le domaine du commerce de détail, comme c'est le cas pour toute autre activité, l'industrie doit répondre aux besoins de sa clientèle, étant bien conscient que ces besoins ne sont pas les mêmes dans toutes les régions du Québec. La ville de Montréal, qui s'objectait fermement à l'ouverture des commerces le dimanche, est aujourd'hui favorable, ayant investi des dizaines de millions de dollars dans la revitalisation de ses artères commerciales.

Reconnaissant que les besoins des régions pouvaient être différents, j'ai proposé aux municipalités, en 1990, la possibilité de se retirer du projet de loi et, à ce moment, les municipalités ont préféré que le gouvernement du Québec assume ses responsabilités plutôt que de transférer cette responsabilité aux municipalités.

M. le Président, de plus en plus de municipalités demandent, par contre, d'être exemptées de l'application de la loi à titre de zone touristique ou de zone limitrophe. Les établissements commerciaux, dans ces zones, peuvent ouvrir 24 heures par jour, 7 jours par semaine. Les commerces modulent donc leurs heures en fonction des besoins réels de la clientèle, et l'expérience démontre que les commerces n'ouvrent pas toutes les heures disponibles et que les grandes surfaces et les petits commerces se concurrencent sainement.

La Société des alcools du Québec annonçait, récemment, qu'il n'était pas question d'ouvrir toutes ses succursales le dimanche. J'aimerais porter à l'attention de l'Opposition que la Société des alcools du Québec opère 147 agences en région, qui sont toutes ouvertes le dimanche. Plusieurs des produits de la Société des alcools du Québec sont disponibles dans 12 500 points de vente dans toutes les régions du Québec, et certaines succursales de la Société des alcools du Québec sont ouvertes: 5 succursales à Montréal et 2 succursales à Québec.

La loi permet depuis toujours, M. le Président, à la Société des alcools du Québec d'ouvrir le dimanche. Elle se sert uniquement de ce droit en autant que les conséquences économiques le justifient. Et une des raisons pour lesquelles la Société des alcools du Québec n'ouvre pas tous ses établissements le dimanche, c'est parce qu'il y a des petits commerçants, des agences dans toutes les régions du Québec qui offrent sensiblement les mêmes produits.

Or, voilà précisément, M. le Président, un autre changement important qui est survenu au cours des dernières années. Aux États-Unis, notamment, dans les États limitrophes au Québec, le public ne se voit imposer aucune limite en ce qui concerne les heures d'ouverture des commerces. Depuis juin dernier, les commerces ontariens peuvent ouvrir leurs portes le dimanche, tout comme c'est le cas au Nouveau-Brunswick depuis la fête du Travail, et au Manitoba depuis le 29 novembre dernier. Dans l'ensemble du Canada, seules les provinces de Terre-Neuve et de la Nouvelle-Ecosse interdisent encore l'accès aux commerces le dimanche de façon systématique.

Nous avons été à même de constater, dans ce domaine comme dans bien d'autres, que, lorsque la loi tarde à s'ajuster à la réalité, les citoyens et les citoyennes trouvent des moyens efficaces pour répondre quand même à leurs besoins. Dans le cas qui nous intéresse, ces moyens entraînent toutefois des conséquences pour l'ensemble de notre économie et, parfois, pour un des trois principes qui guident notre action, soit l'égalité des commerçants et des commerçantes devant la loi.

De nombreux abus et certaines pratiques ne répondant pas à l'esprit de la loi ont été constatés dans les commerces d'alimentation et les marchés aux puces. Nous vivons dans un monde où les frontières commerciales disparaissent rapidement. D'ailleurs, le secteur manufacturier, les distributeurs et les grossistes peuvent ouvrir leur commerce 24 heures par jour, 7 jours par semaine. Ces commerces ne sont pas ouverts 24 heures par jour, 7 jours par semaine. Les professionnels peuvent également travailler 24 heures par jour, M. le Président, 7 jours par semaine. À ma connaissance, il n'y a pas beaucoup de professionnels qui travaillent 24 heures par jour, 7 jours par semaine. Nous devons nous adapter aux changements qui surviennent, particulièrement chez nos voisins immédiats, sans quoi nous nous imposons des contraintes inutiles dans la mise en place d'une économie compétitive. (11 h 20)

Bien sûr, nous adapter ne signifie pas faire comme les autres, mais bien nous donner les moyens qui nous conviennent le mieux pour répondre aux besoins de notre population et favoriser la mise en place de conditions propices au développement des affaires et de l'emploi.

Les changements législatifs intervenus au Canada pour faciliter l'accès au commerce, particulièrement le dimanche, et la dévaluation du dollar canadien ont eu pour effet, entre autres, de contrer le phénomène des achats aux États-Unis qui font perdre des milliards de dollars à notre économie. Le Québec n'échappe pas à cette nouvelle réalité. La rigidité relative de notre législation dans ce domaine, dans le contexte où des changements d'attitudes et de mentalités sont survenus récemment, est à l'origine des pertes très importantes, en plus de causer des problèmes réels à un bon nombre de consommateurs et de consommatrices.

D'après les données disponibles du ministère de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie, en 1991, dans l'axe Montréal-Sherbrooke, les achats outre-frontière des Québécois et des Québécoises auraient totalisé plus de 2 100 000 000 $. Sur la base d'une étude menée par la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, le magasinage outre-frontière aurait fait perdre à l'économie du Québec, de 1989 à 1991, 19 000 emplois à temps plein et 17 000 emplois à temps partiel. Il faut noter que cette étude n'a pas porté sur l'impact de l'ouverture des commerces le dimanche, mais plutôt sur la compétitivité de nos entreprises.

Au cours de la même période, les ventes au détail, au Québec, ont baissé de 2 400 000 000 $, passant de 47 200 000 000 $ à 44 800 000 000 $. Avons-nous les moyens, M. le Président, particulièrement dans le contexte économique actuel, de laisser nos voisins profiter de ces retombées économiques? Il faut agir d'autant plus rapidement que la disparition rapide des frontières commerciales nous incite à mettre toutes les chances de notre côté pour rendre notre économie la plus compétitive possible.

C'est sûrement la raison qui incite le Conseil québécois du commerce de détail, qui, pourtant, s'objectait à l'ouverture des commerces le dimanche en 1990, à militer aujourd'hui en faveur d'une plus grande libéralisation. Ce n'est certes pas uniquement de la part du Conseil québécois du commerce de détail pour représenter les grands commerçants; ce Conseil québécois représente également les petits commerçants, mais il y a un consensus important. Nous avons également un de nos principes qui dit: L'égalité des commerçants devant la loi. Ce sont les Québécois et les Québécoises qui sont les premiers concernés par l'accessibilité aux commerces. C'est pourquoi il est intéressant de connaître leur point de vue quant à leurs besoins réels.

Le deuxième principe énoncé précédemment, c'est de répondre aux besoins réels des consommateurs et des consommatrices. Plusieurs consultations à cet égard ont déjà eu lieu, tant auprès du grand public que des intervenants directement intéressés par la libéralisation des heures d'affaires. Entre autres, un sondage Créatec Plus a été réalisé auprès des Québécois et des Québécoises dans le but de cerner leurs besoins en matière de magasinage et leur perception à l'endroit de la loi actuelle. Les résultats qui se dégagent de ce sondage sont également confirmés par d'autres études semblables, dont le sondage SOM-Les Affaires mené auprès de 1042 adultes, au mois d'octobre dernier. Ces sondages ont été largement diffusés et commentés favorablement par la très grande majorité des éditorialistes francophones et anglophones.

Voici quelques-uns des résultats qui s'en dégagent. Au cours des deux mois précédant la tenue du sondage, 67 % des répondants ont dit avoir magasiné le dimanche dans les commerces du Québec autorisés à ouvrir ce jour. Par ailleurs, près de 4 répondants sur 10, 37 %, affirment que les heures d'ouverture actuelles des magasins, soit du lundi au samedi, ne leur conviennent pas et qu'ils manquent de temps durant la semaine pour magasiner. Lorsqu'ils sont interrogés sur l'impact que les commerces offrant des denrées alimentaires et les pharmacies ont eu sur la qualité de leur vie familiale, religieuse, personnelle ou de quartier, seulement trois personnes affirment qu'elle s'est détériorée à cause de cela. Il est intéressant de noter que 23 % des répondants disent qu'il leur arrive de travailler le dimanche, dans le cadre de la semaine régulière. Par ailleurs, 66 % des répondants voient d'un bon oeil qu'eux-mêmes ou un de leurs proches aient l'occasion de travailler le dimanche, et 36 % se sont même dits intéressés à le faire. Élément extrêmement important, 13 % des répondants et des répondantes disent être allés aux États-Unis dans le but principal de

magasiner au cours des 12 derniers mois précédant le sondage, et 59 % de ces derniers y sont allés au moins une fois le dimanche. Ces derniers affirment, dans une proportion de 42 %, qu'ils auraient magasiné davantage au Québec si les commerces avaient été ouverts.

Les résultats de ces sondages révèlent que les consommateurs et les consommatrices veulent des changements à la loi parce que leurs conditions de vie ont évolué rapidement, particulièrement au cours des dernières années. En conséquence, les Québécois et les Québécoises souhaitent, dans une proportion importante, que le gouvernement actualise les règles du jeu dans ce domaine. Plus de 7 répondants sur 10, 72 %, disent appuyer l'idée de modifier la loi actuelle afin qu'elle prévoit davantage d'exceptions le dimanche. La plupart des répondants se disent même totalement favorables à cette éventualité, alors que seulement 16 % se disent totalement opposés à cette idée. Plus encore, si on fait intervenir la notion du droit des employés à ne pas travailler le dimanche s'ils le désirent, le taux d'appui à des modifications à la loi en ce sens passe de 72 %à80 %.

L'appui des Travailleurs et travailleuses unis de l'alimentation et du commerce à une actualisation de la loi a grandement influencé notre décision, qui n'a pas été facile à prendre en fonction, entre autres, de notre troisième principe: la qualité de la vie de la population, et notamment celle des travailleurs et des travailleuses.

J'aimerais citer le directeur québécois des Travailleurs et travailleuses unis de l'alimentation et du commerce, M. Yvon Bellemare, dans un communiqué de presse émis le 27 novembre 1992. Et je cite, M. le Président: «La profonde et interminable récession économique qui est venue se greffer aux plaies sociales que constituent le magasinage outre-frontière et l'incapacité gouvernementale à faire appliquer sa loi est venue balayer les derniers arguments qui militent en faveur du statu quo dans le dossier des heures d'affaires. La pression des forces économiques était devenue telle que la libéralisation totale et anarchique était devenue une menace plus que réelle. Et, à ce compte, les travailleurs et les travailleuses auraient été les grands perdants. «Les TUAC, qui représentent, à l'échelle du Québec, la quasi-totalité des employés syndiqués dans le secteur de l'alimentation et du commerce, soit environ 45 000 personnes, ont conclu, dès le printemps passé, que le temps était venu de négocier afin d'encadrer ces changements qui, de toute façon, s'annonçaient inéluctables. Depuis ce temps, les TUAC ont négocié et tenu des rencontres régulières avec les représentants gouvernementaux, avec les représentants de groupes non alimentaires et avec des représentants de groupes alimentaires, l'objectif étant d'encadrer dans une législation les changements à venir et de protéger des acquis pour les travailleurs et les travailleuses. Ce faisant, les TUAC étaient convaincus de préserver un minimum de tissu social et familial tout en empêchant une libéralisation anarchique. «Ces négociations ont permis de réaliser un consensus auprès des principaux intervenants. En effet, le projet de loi déposé à l'Assemblée nationale a le grand mérite d'incorporer dans la nouvelle législation, tout en libéralisant les heures d'affaires, des protections capitales pour l'ensemble de la collectivité des travailleurs et des travailleuses de ce secteur économique. À ce chapitre, les TUAC ont notamment réussi à obtenir l'insertion dans la loi des éléments suivants: le respect du volontariat pour le travail le dimanche, la fermeture des établissements à des heures raisonnables en semaine et en fin de semaine, et l'imposition de congés fériés pour tous. «De plus, ici c'est très important, la règle de quatre était finalement amendée afin qu'elle soit comprise comme visant un maximum de quatre personnes travaillant dans un établissement, et non pas quatre employés. Cette règle avait amené des excès au niveau de l'utilisation hypocrite d'employés sous le couvert d'agents de sécurité, de personnel d'entretien, de personnel à la préparation, etc. «Bien sûr, ce projet de loi ne satisfait pas entièrement les TUAC. Par exemple, nous aurions aimé, dit M. Bellemarre, que le ministre soit plus sensible à nos arguments concernant les zones limitrophes, mais au moins il y a avait consensus. Le projet de loi comporte ces garanties essentielles pour les travailleurs et les travailleuses, et c'est pourquoi les Travailleurs et travailleuses unis de l'alimentation et du commerce appuient le projet de loi». Fin de la citation, M. le Président. (11 h 30)

L'opinion des Québécois et des Québécoises me semble de plus en plus claire contrairement à la situation qui prévalait il y a deux ans. Aujourd'hui, on constate un consensus important et ferme qui se dégage de la population, des commerçants et des commerçantes, des travailleurs et des travailleuses, en faveur d'un assouplissement de la loi actuelle et, plus particulièrement, en faveur de l'ouverture des commerces le dimanche.

Il n'y a pas unanimité, je le reconnais. Le sondage a aussi permis de vérifier les perceptions des gens interrogés quant aux conséquences économiques qu'entraînerait la libéralisation totale des heures d'affaires. Au plan économique, les constatations suivantes se dégagent: 64 % des répondants n'appréhendent aucun effet sur les prix, 37 % des répondants et des répondantes croient que les faillites diminueraient et 62 % des personnes interrogées croient que la libéralisation des heures d'affaires permettra de créer de nouveaux emplois.

De plus, M. le Président, l'expérience l'a

démontré ailleurs, la libéralisation des heures d'ouverture des commerces de détail entraîne des retombées économiques positives. De plus, la situation particulière qui prévaut au Québec en termes de commerces transfrontaliers nous permet d'émettre l'hypothèse qu'un nombre important de Québécois et de Québécoises qui profitent de leur temps libre pour aller magasiner le dimanche, là où il est possible de le faire, achèteraient davantage auprès des commerçants québécois si ceux-ci pouvaient les accueillir le dimanche.

Bien sûr, il est à prévoir que des heures d'ouverture accrues provoqueront un certain étalement de la demande sur toute la semaine, mais il n'en demeure pas moins qu'une libéralisation des heures d'affaires est importante. Si la rentabilité n'y est pas, certains commerçants et commerçantes fermeront un jour sur semaine, si nécessaire, pour répondre à la clientèle le dimanche, car aucune entreprise n'est obligée d'ouvrir le dimanche; elles ouvriront uniquement si les besoins réels des consommateurs et des consommatrices se font sentir.

J'aimerais, M. le Président, citer quelques lignes du communiqué de presse émis le 20 novembre 1992 par le gouvernement du Manitoba. Et je cite, M. le Président: «In response to public demand and to stimulate retail sales, the Manitoba Government today announces its intention to introduce legislation to allow Sunday shopping on a trial basis. In making the announcement, the Minister of Industry, Trade and Tourism said that Manitoba has lost millions of dollars in economic activity as a result of being surrounded by jurisdictions like Ontario, Saskatchewan, Minnesota, and North Dakota which all allow Sunday shopping. We think that Sunday shopping is something many consumers have been calling for and will provide economic benefits to Manitobans.» Fin de la citation, M. le Président.

L'exemple récent de la libéralisation des heures d'affaires en Ontario offre un éclairage intéressant à ce sujet. Jusqu'à ce que les Onta-riens libéralisent les heures d'affaires dans leurs commerces, l'évolution de leurs ventes au détail suivait la même tendance qu'au Québec. Or, au cours du troisième trimestre de 1992, les ventes au détail en Ontario se sont accrues de 2,6 %, M. le Président, alors qu'au Québec, les ventes stagnaient.

Compte tenu des circonstances, nous ne disposions, bien sûr, que d'une courte période d'observation. Toutefois, il est bien évident que, pour permettre aux consommateurs et aux consommatrices de faire des achats au Québec, une condition sine qua non s'impose: les magasins doivent être ouverts au moment où ces derniers sont susceptibles de faire leurs achats. Dans le cas contraire, l'expérience a démontré largement, particulièrement au cours des derniers mois, que les consommateurs et les consommatrices n'hésitent pas et n'hésitent plus à se déplacer pour faire leurs achats au moment qui leur convient.

À chaque semaine qui passe, le Québec perd ainsi des millions de dollars. Particulièrement dans le contexte économique actuel, il y a une urgence d'agir. Suite aux études que nous avons faites, nous avons retenu à titre d'hypothèse qu'une libéralisation des heures d'ouverture des commerces de détail entraînera une hausse des ventes de l'ordre de 1 %. Nous croyons que cette évaluation est très conservatrice, l'augmentation des ventes en Ontario ayant été de 2,6 %. Les ventes des commerces de détail au Québec se sont chiffrées à 44 800 000 000 $ en 1991. En nous appuyant sur cette base, la libéralisation des heures d'ouverture devrait engendrer une augmentation des ventes de 448 000 000 $ pour les commerces du Québec. voyons maintenant, m. le président, l'important sujet du commerce transfrontalier. nous savons tous et toutes, m. le président, que, depuis quelque temps, les consommateurs et les consommatrices québécois n'hésitent pas à aller chercher ailleurs ce dont ils ont besoin au moment où ils ont la possibilité de le faire. certaines statistiques en disent long à ce sujet. en 1991, 6 154 000 québécois et québécoises ont effectué des voyages en automobile de moins de 24 heures aux états-unis. selon les données dont le ministère de l'industrie, du commerce et de la technologie dispose, les résidents et les résidentes québécois dans l'axe montréal-sherbrooke ont dépensé plus de 2 100 000 000 $ pour leurs achats aux états-unis. les tendances observées en 1992, quant aux voyages de moins de 24 heures, traduisent une situation à tout le moins comparable à celle de l'an dernier. or, entre 35 % et 40 % des voyages de moins de 24 heures en automobile aux états-unis ont cours le dimanche. en nous fondant sur ces données, nous évaluons à environ 787 000 000 $ les achats faits le dimanche aux états-unis par les résidents québécois. les consultations que nous avons menées, nos enquêtes internes et la documentation que nous avons consultée nous permettent d'évaluer la possibilité de récupérer des dépenses faites outre-frontière le dimanche entre 20 % et 50 % des sommes dépensées ailleurs au cours de cette journée.

Cette documentation, M. le Président, comprend, et je cite: «Responding to Cross Border Shopping: A Study of the Competitiveness of Distribution Channels in Canada Report Summary, A Report to the National Task Force on Cross Border Shopping, March 31, 1992, Ernst & Young.» Et une deuxième étude, «Industry, Science and Technology Canada: A Preliminary Study of the Competitiveness of Distribution Channels, A Report from Ernst & Young, March 1991.»

En retenant l'hypothèse la plus conservatrice, sur une récupération de l'ordre de 20 % des achats outre-frontière effectués le dimanche, les détaillants québécois verraient leurs ventes

augmenter de 157 000 000 $. L'effet combiné d'une augmentation du niveau général de ventes de l'ordre de 448 000 000 $ et d'une récupération partielle des achats outre-frontière de 157 000 000 $ se traduirait par une hausse des ventes au détail au Québec de l'ordre de 600 000 000 $. Une injection additionnelle de 600 000 000 $ dans le commerce de détail entraînerait la création de près de 8816 emplois en termes de personnes-année.

Certes, M. le Président, ces emplois ne seront pas tous des emplois à temps plein. Il y aura sûrement et principalement, à court terme, des emplois à temps partiel pour les mères de famille, pour les étudiants et les étudiantes, pour tous ceux et celles qui cherchent un emploi. Ces emplois généreraient une masse salariale additionnelle de 200 000 000 $.

Au plan fiscal, ces salaires additionnels rapporteraient près de 18 000 000 $, uniquement au chapitre de l'impôt sur le revenu. Les sommes perçues au plan de la parafiscalité québécoise, incluant les cotisations des employeurs et des employés au Régime de rentes du Québec, au financement des programmes de santé et à la Commission de la santé et de la sécurité du travail, totaliseraient presque 20 000 000 $. Les taxes de vente et certaines autres taxes spécifiques sur les achats qui seraient rendues possibles à partir de ces nouveaux revenus atteindraient pour leur part 43 200 000 $. Ceci, je le rappelle, en fonction d'un scénario particulièrement conservateur.

Les avantages au plan économique d'une libéralisation des heures d'ouverture des commerces québécois sont tels, M. le Président, que nous aurons un impact important sur la relance de notre économie. La libéralisation des heures et des jours d'admission dans les établissements commerciaux ainsi que les autres mesures annoncées récemment par le gouvernement auront une incidence positive sur la confiance de la population et des gens d'affaires. Nos problèmes sont profonds et de longue date. Il n'y a pas de solution rapide, simple ou facile. C'est un ensemble des petites mesures qui feront la différence. Mais on doit noter, M. le Président, qu'il y a des réalisations très significatives du gouvernement au cours des dernières années pour inculquer une nouvelle culture économique et changer les attitudes et les mentalités. (11 h 40)

Force est de reconnaître que nos entreprises ont accès à de meilleurs instruments de capitalisation. Force est de reconnaître que les investissements en recherche et développement au Québec augmentent par rapport au produit intérieur brut. Nous devons également reconnaître que nos ressources humaines sont reconnues pour la première fois comme l'actif le plus important d'une société. Alors qu'il y a quelques années les entreprises investissaient uniquement deux heures de formation par travailleur, avec les mesures annoncées récemment par le gouvernement, les entreprises investissent maintenant 16 heures de formation pour les travailleurs et les travailleuses.

La modernisation de nos entreprises s'accentue rapidement. Alors qu'il y a quelques années 66 % de nos entreprises n'avaient pas une technologie de l'information, c'est-à-dire des systèmes informatisés de la production, des systèmes assistés par ordinateur, des systèmes d'informatisation de la production, aujourd'hui seulement 48 % de nos entreprises n'ont pas une technologie de l'information. Les entreprises qui ont deux technologies de l'information ont doublé au cours des dernières années et celles qui ont instauré trois technologies de l'information ont triplé, M. le Président, au cours des dernières années.

Les relations de travail au Québec se sont beaucoup améliorées, principalement à cause de ce nouveau partenariat: entreprises, travailleurs et travailleuses et gouvernement. Un nouveau contrat social est maintenant bien implanté au Québec, et ce contrat social fait l'envie de toutes les provinces canadiennes.

La qualité totale n'est plus un rêve, M. le Président, c'est devenu une réalité; 5273 entreprises ont adhéré à la charte de la qualité totale et 20 000 entreprises, d'ici 1996, adhéreront à cette même charte de la qualité totale. Au niveau des exportations, plusieurs mesures ont été mises en place, et nos entreprises, principalement nos petites et moyennes entreprises, n'ont plus de crainte de s'attaquer à la conquête des marchés hors Québec. En ce qui concerne l'environnement, M. le Président, la complicité entre les ministères à vocation économique a permis au gouvernement d'annoncer récemment un nouveau projet sur l'environnement.

La semaine dernière, nous avons annoncé des mesures concrètes à cause de la conjoncture économique un peu plus difficile. L'opération Relance PME, qui permet aux PME dans toutes les régions du Québec d'avoir accès maintenant à du fonds de roulement additionnel pour leur permettre de passer à travers la conjoncture économique un peu plus difficile, 60 000 000 $ sont disponibles pour cette mesure. En ce qui concerne les ressources humaines, maintenant les assistés sociaux peuvent avoir accès à une bonification de leurs prestations au niveau des entreprises qui peuvent retenir les services d'assistés sociaux, comme ça s'est fait dans la grande région de Montréal. Au niveau des exportations, le Bureau de promotion des exportations favorisera davantage la conquête des marchés par nos PME québécoises. Le programme SYNERGIE, 10 000 000 $ alloués spécifiquement pour une nouvelle dynamique entre le milieu de l'enseignement et les PME québécoises. Un programme recherche et développement-PME, une allocation de 15 000 000 $ pour favoriser cette nouvelle mobilisation des entreprises, des PME,

avec le milieu de l'enseignement. Et, également, la création potentielle de 700 nouveaux emplois par le Programme de soutien à l'emploi scientifique, parce que le gouvernement a injecté 10 000 000 $ additionnels pour aider nos PME dans toutes les régions du Québec.

Alors, M. le Président, si nous trouvons des solutions concrètes à nos problèmes de société, nous réglerons 50 % de nos problèmes économiques: le chômage, la pauvreté, l'évasion fiscale, le travail au noir, les gens qui exploitent de plus en plus le système, la criminalité, la délinquance, l'usage de la drogue, le décrochage scolaire et le suicide, particulièrement chez les jeunes. Nous devons, M. le Président, retourner le plus rapidement possible aux valeurs qui nous ont permis d'être ce que nous étions, c'est-à-dire de la discipline, l'effort et l'excellence. Oui, les 74 élèves de la quatrième et de la cinquième année secondaire de l'école Louise-Trichet de Montréal ont raison: c'est à nous de donner l'exemple. Des valeurs au niveau de la solidarité et de l'entraide, plus de querelles stériles entre nous pour des considérations de pouvoir, la confiance et le respect, et, bien sûr, le travail bien fait du premier coup, à tout coup, partout.

Des changements majeurs s'imposent. C'est la raison pour laquelle nous devons travailler plus fort et c'est la raison pour laquelle le gouvernement a instauré le forum sur la fiscalité et les équilibres budgétaires. C'est la raison pour laquelle nous allons travailler avec les travailleurs et les travailleuses sur l'organisation du travail et c'est la raison pour laquelle nous devons repenser notre réglementation et notre bureaucratie et, également, rendre les personnes imputables de leurs gestes, le mérite au pouvoir. C'est dans ce sens-là que les heures d'affaires s'intègrent dans la bureaucratie et la réglementation. Le gouvernement n'a jamais prétendu faire du dossier des heures d'affaires le seul dossier de contribution économique au Québec.

Alors, M. le Président, je l'ai mentionné tout à l'heure, la décision n'a pas été facile à prendre, mais elle a été prise en fonction des trois principes qui ont toujours dicté l'action du gouvernement. Encore une fois, c'est un équilibre, un compromis entre l'égalité des commerçants et des commerçantes devant la loi, les besoins réels des consommateurs et des consommatrices et, également, la qualité de vie de la population, notamment celle des travailleurs et des travailleuses.

Nous avons éliminé la libéralisation totale qui nous a été demandée par plusieurs intervenants, comme, également, le statu quo pour retenir une libéralisation partielle en actualisant les dispositions de la loi. Le projet de loi propose que tous les établissements sans exception puissent accueillir le public entre 8 heures et 17 heures le samedi et le dimanche; les heures d'ouverture seront limitées entre 8 heures et 21 heures les autres jours de la semaine. Les commerces de détail seront, en principe, fermés les jours fériés. En raison de la nature de leurs activités spécialisées ou de leur situation géographique, certains commerces de détail pourront continuer à opérer en dehors des heures prescrites et des jours fériés. Certaines exceptions à la loi actuelle sont éliminées et d'autres, maintenues. C'est dans cette optique que l'uniformisation des heures d'ouverture entre 8 heures et 21 heures, du lundi au vendredi, a comme effet d'éliminer le régime particulier attribué aux activités visées par l'article 4 du projet de loi existant, c'est-à-dire les vendeurs d'automobiles, de remorques, de bateaux, de machinerie agricole, de piscines et les coopératives scolaires qui pouvaient faire commerce les lundi et mardi jusqu'à 21 heures.

M. le Président, on entend les vendeurs d'automobiles s'objecter au projet de loi. Depuis toujours, les vendeurs d'automobiles ont eu l'autorisation, d'après le projet de loi, d'ouvrir 24 heures par jour, sept jours par semaine. Les vendeurs d'automobiles ont toujours réglementé entre eux les heures d'ouverture, ce qui explique que les commerces normalement qui vendent des automobiles ne sont pas ouverts le samedi et ne sont pas ouverts le dimanche. Lors de la loi de 1990, nous avons reconnu pour la première fois ce fait, et c'est la raison pour laquelle nous avions créé une exception permettant à ces commerces d'ouvrir les lundi et mardi, de 18 heures à 21 heures.

D'autres exceptions, M. le Président, sont maintenues. Ainsi, les restaurants, les tabagies, les librairies, les établissements de vente d'huile à moteur et de combustible, les galeries d'art et d'artisanat, les magasins de fleurs et les centres horticoles, les magasins d'antiquités, les établissements de location et de biens et services qui vendent accessoirement certains produits, clubs vidéo, cinémas et centres de santé, et les établissements commerciaux situés dans des centres sportifs, des centres hospitaliers ou des aérogares pourront continuer d'ouvrir leurs portes en tout temps. (11 h 50)

Les établissements du secteur alimentaire: épiceries, boucheries, fruiteries et pâtisseries et ceux du secteur pharmaceutique seraient autorisés à ouvrir leurs portes en dehors des heures prévues par la loi, mais dans un contexte de dépannage, pourvu qu'au plus quatre personnes assurent alors le fonctionnement de ces commerces.

Cette disposition, M. le Président, vient protéger davantage les petits commerçants du secteur alimentaire qui doivent, aujourd'hui, concurrencer les grandes surfaces qui, à cause, de certaines dispositions de la loi, ouvrent leurs établissements à des heures plus longues et, dans certains cas, 24 heures sur 24.

Nous avons donc pris en considération les droits légitimes des petits commerçants dans

toutes les régions du Québec, et le présent projet de loi vient régulariser une situation, vient établir, de façon très claire, que les commerces dans le secteur alimentaire qui peuvent ouvrir hors des heures prévues dans le projet de loi et les jours fériés doivent le faire dans un contexte de dépannage et en respectant les dispositions de la loi.

En bref, cette solution attribuera des heures exclusives de fonctionnement aux secteurs alimentaire et pharmaceutique de petite surface après 21 heures, du lundi au vendredi, et après 17 heures, les samedi et dimanche ainsi que les jours fériés.

M. le Président, l'un des principes à la base de l'intervention du gouvernement dans ce secteur d'activité concerne la qualité de vie de la population et, notamment, celle des travailleurs et des travailleuses.

En ce qui concerne la population, nous croyons que l'élargissement proposé des heures et des jours d'admission dans les établissements commerciaux contribuera à améliorer la qualité de vie et à mieux satisfaire les besoins exprimés.

Par ailleurs, nous voulons nous assurer que cette amélioration sensible de la qualité de vie de l'ensemble de la population ne s'effectuera pas au détriment des travailleurs et des travailleuses du secteur du commerce de détail.

Voilà pourquoi nous avons prévu une disposition favorisant le volontariat chez les travailleurs et des travailleuses touchés par l'accès aux commerces le dimanche et au cours des nouvelles heures d'ouverture. Cette protection sera valable pour une période de trois ans, suivant l'entrée en vigueur de la loi. À cause de l'importance de cette disposition, M. le Président, j'aimerais en faire lecture. «Il est interdit - et je cite le projet de loi - à l'exploitant d'un établissement commercial de congédier, de suspendre ou de déplacer une personne à son emploi [...], d'exercer à son endroit des mesures discriminatoires ou des représailles, ou de lui imposer toute autre sanction pour le motif que cette personne a refusé de travailler un dimanche ou entre 19 h 00 et 21 h 00 un lundi ou un mardi. «La personne qui croit avoir été victime d'une pratique ainsi interdite peut faire valoir ses droits auprès d'un commissaire du travail nommé en vertu du Code du travail, au même titre que s'il s'agissait d'une sanction prise à l'endroit d'un salarié à cause de l'exercice par celui-ci d'un droit lui résultant de ce Code. Les mêmes articles du Code ainsi que les articles 150 à 152 du Code du travail s'appliquent alors, compte tenu des adaptations nécessaires.» Cet article a été rédigé avec la complicité des Travailleurs unis de l'alimentation et du commerce, M. le Président.

Enfin, la libéralisation des heures d'affaires ne doit pas pénaliser certains commerçants et commerçantes qui sont liés par les dispositions de baux signés alors que prévalait une autre situation. C'est pourquoi nous avons prévu une disposition visant à rendre inopérante toute clause d'un bail ou d'une convention par laquelle un exploitant s'obligerait à admettre le public dans son établissement commercial durant les nouvelles heures. Cette protection sera valable pour une période de cinq ans suivant l'entrée en vigueur de la loi, ou à la fin des baux existants.

Les modifications proposées à la Loi sur les heures et les jours d'admission dans les établissements commerciaux reflètent la tendance générale qui veut que les consommateurs et les consommatrices profitent d'un meilleur accès à ces établissements. Tout comme il y a urgence d'agir pour créer des emplois et assurer le maintien des structures industrielles et commerciales du Québec, l'actualisation de la Loi sur les heures et les jours d'admission dans les établissements commerciaux s'ajoute à l'ensemble des mesures que le gouvernement du Québec continue de mettre en oeuvre pour favoriser la relance économique.

Bien sûr, M. le Président, les changements apportés à cette loi ne peuvent à eux seuls assurer la relance que tous les Québécois et les Québécoises souhaiteraient vigoureuse. Toutefois, il s'agit d'un moyen qui ne nécessite aucun investissement public et qui aura des effets positifs sur le commerce et sur l'emploi. Ces changements vont de pair avec les divers volets de la stratégie de développement économique rendue publique par le gouvernement depuis l'automne 1991 et, notamment, celui pour les entreprises de concevoir, de fabriquer et de distribuer des produits distinctifs de qualité au meilleur coût possible.

C'est dans cette optique que le ministère de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie est un partenaire actif avec les syndicats, les entreprises et le mouvement coopératif, et s'associe aux propos tenus récemment par le président du Mouvement Desjardins, M. Claude Béland, qui disait que pour créer 100 000 emplois au Québec, il suffit que chaque ménage remplace, à toutes les semaines, 20 $ d'achat de biens provenant d'ailleurs par la même valeur de produits fabriqués au Québec. C'est dans cet esprit que le gouvernement du Québec propose de faciliter l'accessibilité aux établissements commerciaux à l'ensemble des Québécois et des Québécoises, une mesure qui s'inscrit dans un monde en pleine évolution.

Le Québec, M. le Président, ne peut pas s'isoler. J'encourage les consommateurs et les consommatrices à acheter davantage de produits distinctifs de qualité fabriqués au Québec, au meilleur coût possible. J'encourage les commerçants et les commerçantes du Québec à acheter ces mêmes produits fabriqués au Québec à un prix compétitif. Je souhaite bonne chance, M. le Président, aux commerçants et aux commerçantes et remercie tous ceux et celles qui ont contribué

à l'élaboration de ce projet de loi, particulièrement la complicité et le travail acharné des représentants des Travailleurs unis de l'alimentation et du commerce qui viennent d'émettre le communiqué de presse suivant, et je cite: «Les TUAC sont plus convaincus que jamais de la nécessité pour le Québec de légiférer dans le cadre d'une libéralisation des heures d'affaires. À cet égard, les Travailleurs unis de l'alimentation et du commerce sont d'avis que le gouvernement libéral doit aller de l'avant avec son projet de loi, lequel correspond à la volonté non seulement de la majorité des consommateurs, mais également à la volonté très majoritaire des intervenants du milieu.»

Selon les TUAC, le projet de loi du gouvernement libéral contient des articles garantissant de façon minimale des conditions de travail essentielles aux travailleurs et travailleuses de ce secteur de l'économie, et plus particulièrement quant au volontariat, quant aux heures de fermeture, quant aux congés fériés et quant à une véritable règle de quatre employés en dehors des heures normales. Les TUAC regrettent de ne pas avoir pu convaincre l'Opposition officielle à l'Assemblée nationale lors de leur rencontre, jeudi soir dernier à Québec, du bien-fondé de leur proposition. Les TUAC osent espérer, cependant, que les représentants de l'Opposition finiront par se ranger éventuellement du côté de la majorité. Je l'espère aussi, M. le Président. (12 heures)

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le ministre de l'Industrie et du Commerce. Je rappelle aux membres de cette Assemblée que nous en sommes à l'étape de l'adoption du principe du projet de loi 59, Loi modifiant la Loi sur les heures et les jours d'admission dans les établissements commerciaux. Je reconnais M. le député de Labelle.

M. Jacques Léonard

M. Léonard: Merci, M. le Président. D'abord, je voudrais vous dire que je tenais beaucoup à intervenir sur ce projet de loi 59, qui vise à modifier la Loi sur les heures et les jours d'admission dans les établissements commerciaux.

Tout d'abord, je voudrais dire une chose au ministre, M. le Président, par votre intermédiaire. Le ministre a prétendu que le président de l'Assemblée nationale l'avait lavé de tout blâme en ce qui concerne l'accusation d'avoir attenté aux privilèges des membres de cette Assemblée. Je dirai, M. le Président, qu'une semaine avant il avait fait des déclarations publiques à l'effet que les heures d'ouverture seraient élargies à partir du 29 novembre. C'est lui qui a dû reculer, parce que l'Opposition lui a simplement mentionné que la loi n'était pas passée et qu'il devait respecter les échéances parlementaires. M. le Président, ce qu'il a dit ce matin, ce qu'il a admis, c'est qu'il avait fait faire 2075 visites et qu'il avait dû intenter... ou qu'il avait fait 75 constats d'infraction. Je pense, M. le Président, qu'il en porte lui-même la responsabilité, parce qu'il avait indiqué, par ses déclarations publiques, que les magasins pourraient être ouverts le 29 novembre et qu'il a, finalement, indirectement incité des commerçants à ouvrir. En tout cas, il les a mis dans une situation où ils n'ont pas respecté la loi, ce qui a conduit à ces constats, et il en porte sûrement une part de la responsabilité.

M. le Président, le ministre est revenu sur son discours de qualité totale et, en ce qui concerne l'Assemblée nationale, je pense qu'il en aurait à apprendre, parce que, justement, il a bien démontré qu'il ne possédait pas ses dossiers et que, justement, il ne possédait pas toutes les procédures de l'Assemblée nationale. Et là-dessus, je voudrais simplement citer un éditorialiste de renom sur cette question, deux paragraphes que cet éditorialiste signe, en parlant du ministre: «En tenant pour acquis le consentement du Parlement à cause de sa majorité disciplinée et servile, le gouvernement illustre on ne peut plus tristement le peu de cas qu'il fait de la prétendue souveraineté parlementaire au mépris de l'équilibre entre les pouvoirs exécutif et législatif. En agissant avec maladresse et insouciance, le ministre Tremblay s'est comporté comme un grand patron qui peut décider comme bon lui semble dans son entreprise. Même un président de grande entreprise ne présumerait pas avec une telle légèreté de la décision de son conseil d'administration. En tentant de placer l'Opposition devant le fait accompli, il voulait la faire passer pour la méchante qui se rebiffe au progrès économique. Quel enfantillage pour un ministre féru de qualité totale et qui, à ce titre, se targue de bien faire du premier coup, à tout coup, partout.» Sermon qu'il nous a resservi encore une fois ce matin.

M. le Président, s'il y en a un qui devrait apprendre, au chapitre de la qualité totale, c'est le ministre. Je rappellerai simplement que ce n'est pas la première fois que ce ministre se fait remettre à l'ordre. Je rappellerai simplement qu'il y a un an le Vérificateur général émettait un rapport sur la qualité de la gestion à la SDI en particulier. Son constat était accablant à l'endroit de celui qui est aujourd'hui ministre de l'Industrie et du Commerce et qui était alors président-directeur général de la SDI, qui avait fait fi des règles fondamentales d'une administration dans une entreprise. En 1991, la SDI aura accumulé pour 338 000 000 $ de mauvaises créances sur les prêts qui avaient été faits, et sûrement pas des prêts qui avaient été faits la veille; la plupart des prêts, très probablement, qui avaient été faits lorsqu'il était président-directeur général. M. le Président, c'est ce ministre-là qui fait des discours sur la qualité totale. Tout le monde en est, de la qualité totale. Tout le monde vise à la perfection. Et je pense aussi qu'il y a des progrès considérables à

faire dans cette direction. Mais le ministre qui nous les sert est le plus mal placé pour les faire.

M. le Président, j'en viendrai plus précisément au projet de loi. Émettons d'abord une constatation ou un principe: tous les consommateurs seraient heureux que tous les magasins soient ouverts 24 heures par jour, 7 jours par semaine. Évidemment, même moi, j'irais dans un magasin à un moment donné où je penserais m'acheter quelque chose et que j'aurais quelques minutes de disponibles, effectivement, je pourrais partir et aller au magasin.

Le gouvernement, le ministre, souvent, nous sert un sondage qu'il a fait de façon tout à fait théorique en posant une question que je qualifierais de platonique: Est-ce que vous aimeriez que les commerces soient ouverts le dimanche? Puis, effectivement, au premier abord, à la première réaction, tout le monde dit oui. C'est évident. Mais si l'on pousse plus loin la question: Est-ce que vous qui êtes pour l'ouverture des commerces le dimanche, vous accepteriez de travailler une journée de plus par semaine? Parce que c'est cela, la conséquence. Vous voyez tout de suite que le consommateur qui, lui aussi, est un producteur se met à réfléchir, parce que lui-même, s'il était amené à travailler une journée de plus, je pense qu'il se poserait la question des conséquences, il verrait un peu plus largement, ce qui est tout à fait normal. Et si on lui demandait: Si cela a comme conséquence que votre conjoint, votre conjointe doit travailler une journée de plus par semaine, que vos enfants vont travailler une journée de plus par semaine? tout de suite vous voyez très bien que, là, le débat prend sa véritable dimension. Parce que, au-delà d'un service universel, omniprésent, il y a aussi ce qu'il faut faire pour le rendre disponible.

Cette question a occupé les journaux souvent, longtemps, depuis 1985 notamment, et elle a donné lieu à une des plus vastes pétitions jamais signée au Québec, qui a été déposée ici, à l'Assemblée nationale, une pétition de 700 000 noms contre l'ouverture des commerces le dimanche, contre. Il y a eu aussi une commission parlementaire qui a siégé sur la question en 1989-1990, qui a étudié largement la question, et c'est à la suite de cette loi, à la suite de cette commission parlementaire, dis-je, que le projet de loi 75 à l'époque a été adopté et qu'il a fait amender, finalement, le chapitre 30 de nos lois.

M. le Président, je voudrais simplement aussi vous citer quelques déclarations du ministre lorsqu'il a conclu sur son projet de loi. Je pense qu'il est bon de les entendre, parce qu'elles datent de deux ans et demi à peu près. Dans sa réplique, lors de l'adoption, le ministre disait ceci: «En tant que ministre de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie, je me suis engagé à trouver une solution à une situation qui s'aggravait de semaine en semaine, et ceci, principalement à cause de l'iniquité de la loi. La décision que j'ai prise, je l'ai prise dans le meilleur intérêt de la collectivité québécoise. L'avenir nous dira qui a raison, et je vivrai avec ma décision.»

Plus loin, et c'est rapporté dans un article du 26 novembre 1989 sous la signature de M. Michel Venne, il est dit ceci: «Le nouveau ministre, celui qui devra trancher l'épineux débat sur l'ouverture dominicale des commerces, ne magasine jamais le dimanche. C'est une question d'équilibre personnel, a-t-il expliqué en entrevue à La Presse canadienne cette semaine. Le peu de temps que j'ai, je le réserve pour mon épouse et mes enfants. Ces moments d'intensité, dit-il, je ne les passe certainement pas à magasiner le dimanche dans les marchés publics.» C'est ce qu'il disait. «Cet Outremontain précise prudemment qu'il ne conteste pas l'existence d'un besoin pour ça. Puis il ajoute que, bien qu'il soit difficile de faire abstraction de ses propres valeurs, il est venu en politique pour représenter les gens, pas pour me représenter moi-même. Quoi qu'il en soit, la solution qu'il proposera le plus rapidement possible, disait-il, au terme d'une consultation qui n'est pas terminée, tiendra compte de trois critères: l'équité, la qualité de vie et les besoins réels, en soulignant bien réels de la population.»

Voilà ce qu'il déclarait. Et je reviens à sa conclusion: «La décision que j'ai prise, je l'ai prise dans le meilleur intérêt de la collectivité québécoise. L'avenir nous dira qui a raison, et je vivrai avec ma décision.» Aujourd'hui, il fait volte-face. Qu'est-ce qui s'est passé après deux ans? Ce projet de loi était, en quelque sorte, un compromis entre différents intervenants et, depuis, nous entendions peu parler de cette question, jusqu'à il y a quelques mois. (12 h 10)

II y avait des balises d'introduites dans cette loi, les 50 $. Le ministre a parlé, en termes très généraux, des désavantages qu'il y avait, mais il n'a pas précisé quelles étaient les difficultés d'application de la loi. Ces difficultés, je pense pouvoir en parier, bien que personne ne les a listées de façon systématique et ne les a débattues comme telles pour dire que l'actuelle loi était inapplicable. Nous avons vu des grandes déclarations à l'effet que la loi actuelle était invivable. Il faudrait voir qui les dit. Des déclarations, mais les éléments concrets, on peut penser que ce sont les suivants.

D'abord, il y a difficulté d'application sur des articles qui valent 50 $. C'est inscrit dans la loi, 50 $ plus ou moins. Effectivement, ça peut présenter des difficultés d'application. Il y a ce qu'on a appelé la règle de quatre. Il y a des magasins, les magasins d'alimentation ne pouvaient pas avoir plus que quatre employés, moins certaines exceptions, et on m'a souligné qu'il y avait des difficultés d'application, que certains arrivaient à ne pas les respecter. Ça, ce sont des éléments concrets.

On nous a parlé des marchés aux puces. Effectivement, c'est un élément concret dont le ministre aurait dû parier pour étayer sa position et sa décision de revenir sur le passé. Il aurait dû en parler. Il y a des choses qui se passent dans les marchés aux puces. On nous parle de toutes sortes d'éléments, dont beaucoup de commerçants qui seraient partis des marchés aux puces, qui ne feraient pas de déclarations ou en feraient des partielles; le ministre n'en a pas parlé. Des marchés aux puces où il se passerait de la marchandise de recel; il n'en a pas parlé. Mais est-ce que c'est ça, ces graves difficultés? On m'en a parlé, je les cite en Chambre, et, donc, c'est peut-être une chose. Alliée à tout cela, la question de la contrebande, aussi, qui intervient dans le dossier; le ministre n'en a pas parlé. Il a fait un grand discours général. Puis, les achats transfrontaliers, ça, il en a parlé, en disant que c'étaient les heures d'ouverture qui influençaient. Nous avons quelques nouvelles pour lui. Il y a beaucoup, beaucoup d'autres éléments, dont les taxes que son gouvernement a imposées et qui sont des éléments beaucoup plus importants que n'importe quel autre.

M. le Président, le ministre fait volte-face là-dessus, parce que, au fond, les éléments qui présentaient des difficultés dans l'application de la loi, il ne les a pas étayés en Chambre. Loin de là. Mais ce qu'il aurait dû dire, parce que, s'il les avait évoqués, ce serait devenu clair, c'est d'abord qu'il n'a pas eu la volonté politique d'appliquer la loi telle qu'elle était. On peut se demander a posteriori, après coup, si, finalement, il avait vraiment l'intention de l'appliquer lorsqu'il l'a fait adopter en 1990. Peut-être que oui, dans sa naïveté, et, encore une fois, je le ramènerai à son discours sur la qualité totale. Un ministre naïf comme ça, qui est obligé, après avoir appliqué une loi qu'il avait dit qu'il n'ouvrirait pas de sitôt, qui est obligé de l'ouvrir deux ans et demi après, ou il était naïf à l'époque où il l'a adoptée, ou bien il n'a pas eu la volonté politique de faire adopter sa loi ultérieurement.

M. le Président, au fond, derrière tout cela se cache une question, ou se profile plutôt une question d'importance, qui est celle de l'adaptation de nos règles par rapport au libre-échange, par rapport à la concurrence, dans un contexte d'ouverture, de mondialisation, mais surtout de libre-échange sur le continent nord-américain, et je pense que ce n'est pas du tout être arriéré que de se poser la question sur l'impact de telles modifications de la loi sur notre propre commerce.

M. le Président, lorsque nous avons fait le débat en 1990, nous avons émis nos positions sur cette question. Ma collègue de Taillon était au dossier à l'époque, et je vais simplement rappeler les éléments qu'elle a fait valoir sur ce plan. À l'époque, dans ses conclusions, dans ses préoccupations et ses positions, la ministre... la députée de Taillon - c'est un bon lapsus - déclarait ceci: «Le modèle de société dans lequel il nous engage n'est pas le nôtre, mais se rapproche du modèle américain où consommation et production prennent le pas sur d'autres valeurs. La qualité de vie des travailleurs et travailleuses requiert à tout le moins la possibilité d'avoir au moins une journée disponible, et la loi ne devrait pas être faite en fonction d'une partie de la population pour qui consommer ne pose pas de problème. Les emplois précaires seront en hausse puisqu'un horaire tel que proposé est incompatible avec ce que les travailleurs et travailleuses auront à subir sur le plan pratique, car ils n'auront pas, dans bien des cas, le choix de travailler, contrairement aux affirmations du ministre. Les propriétaires n'auront pas, eux non plus, le choix d'ouvrir si la concurrence l'exige et, de ce fait, on condamne nos entrepreneurs à subir des horaires que le ministre lui-même n'accepterait pas.»

Il l'a dit, il ne va même pas magasiner le dimanche, il reste chez lui le dimanche pour vivre des moments d'intensité avec sa famille. «On efface, si l'on veut, le droit de commercer puisque l'on décide de l'imposer. L'augmentation des heures d'affaires, obligeant ainsi les commerces à ouvrir plus longtemps, entraînera des coûts supplémentaires, qui, dans bien des cas, se traduiront par des fermetures. C'est la façon que le ministre a trouvée pour satisfaire les besoins des grandes surfaces qui tentent de s'accaparer une part d'un marché saturé. Au Québec, la structure du commerce au détail est différente de celle de l'Ontario», et j'y reviendrai tout à l'heure, M. le Président, j'y reviendrai tout à l'heure. Je pense qu'au moment où l'on préconise une relance qui est basée sur l'entrepreneurship la proposition du ministre est en contradiction avec son discours. Ce l'était déjà en 1990 et ce l'est encore plus avec la loi qui est déposée aujourd'hui, qui est débattue aujourd'hui.

M. le Président, le libre-échange, c'est une réalité future, très bien, actuelle si l'on veut, pour laquelle nous devons nous préparer et pour laquelle nous aurions dû nous préparer bien avant, bien avant.

M. le Président, le leader adjoint du gouvernement devrait garder le silence.

M. le Président, oui, nous devons nous préparer. Est-ce qu'il s'agit là d'un alignement total, intégral? Ça alors, je ne pense pas et, justement, nous devons nous préparer parce que notre société qui existe bel et bien ne doit pas s'effondrer. Des gens s'y opposaient en 1988 justement parce qu'ils prévoyaient, parce qu'ils disaient que, si l'on ne s'y préparait pas, ce serait l'éclatement de la société québécoise. Or, c'est ce que fait le gouvernement, malheureusement, qui se contente de s'adapter d'une façon passive et, quand je dis «s'adapter», ce n'est même pas cela, de s'aligner sur des modèles de société qui ne sont pas les nôtres, loin de là. En

quelque sorte, le gouvernement baisse les bras avant de partir. C'est ce qu'il a fait. Depuis le début, il n'a rien fait, rien fait pour se préparer. Sur d'autres plans, c'est exactement la même histoire. Il ne s'est pas préparé en termes de formation professionnelle. Il a très peu investi, malgré les grandes déclarations qu'il a faites, en recherche-développement, très peu. Il fait miroiter des centaines de millions, mais, depuis cinq ans, c'est 60 000 000 $ qu'il a mis là-dedans. C'est ça qu'il a fait. Alors, on est loin du compte. C'est un gouvernement qui n'agit pas sur ce plan-là, et je pense que, si on le laisse aller, loin de préserver la société québécoise qui peut avoir des adaptations à faire, j'en conviens, loin de la préserver, il la fera éclater par son incurie. (12 h 20)

M. le Président, je voudrais maintenant, sur un autre plan, analyser ce texte du ministre qu'il a déposé en Chambre. Lorsque, par ses déclarations publiques, il avait soulevé l'hypothèse que les commerces seraient ouverts le 29 novembre dernier et qu'ils seraient ouverts tous les dimanches, nous avons posé des questions au ministre à l'Assemblée nationale. Oui, nous avons posé des questions. Et le ministre nous a référés à un texte, à une étude qu'il m'a remise dans la soirée en quelque 5, 10 minutes, et qu'il a déposée à l'Assemblée nationale deux jours après, le jeudi. Alors qu'il avait dû admettre qu'il ne pouvait pas conseiller aux marchands d'ouvrir le 29 novembre, le ministre a déposé un texte qu'il a qualifié pompeusement - c'est le moins qu'on puisse dire - d'étude pour ce qu'elle est. M. le Président, il s'agit de deux pages et un paragraphe plus deux tableaux qui procèdent d'une hypothèse, strictement d'une hypothèse que les ventes augmenteraient de 1 % si les commerces étaient ouverts le dimanche. À partir de là, on applique un modèle intersectoriel qui existait et on en a tiré des conclusions. Ce qui me fait dire, M. le Président, que le document qui a été déposé, loin d'être une étude, est un mémo de justifications qu'on a fait, qu'on a construit pour défendre le ministre qui était mal pris à la suite de ce qu'il avait fait.

M. le Président, l'hypothèse, je la relis parce qu'elle tient dans le premier paragraphe: II a été admis qu'une libéralisation des heures d'ouverture aurait une influence favorable sur le niveau général des ventes de détail au Québec. L'élément qui a été considéré, c'est que, malgré un certain élément de la demande sur toute la semaine et le fait qu'une partie des commerces de détail sont déjà ouverts sept jours sur sept, une libéralisation des heures d'ouverture aura par effet d'entraînement une incidence à la hausse sur le niveau des dépenses de consommation de détail que l'on chiffre, au point 4, à 1 %, en ce qui concerne l'ensemble des ventes. C'était, en fait, l'élément, la mesure de relance de ce gouvernement parce qu'avec son modèle, il arrivait à conclure et à calculer que les ventes augmenteraient, donc, de 448 000 000 $ et que cela créerait 8816 emplois. Des calculs très précis, comme vous voyez.

C'était le principal élément de leur relance. Eh bien, M. le Président, je pense que ce qu'ils ont déposé d'abord ne constitue pas une étude encore une fois, mais une hypothèse qui n'est pas vérifiée dans les faits, loin de là.

M. le Président, d'abord, pour bien suivre le dossier, je voudrais déposer en cette Chambre un tableau avec un graphique, si vous le permettez, qui illustre le comportement des ventes de la consommation au Québec par rapport à l'Ontario. Si vous le permettez, pour pouvoir en discuter, je vous demanderais la permission de le déposer, s'il vous plaît.

Document déposé

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Est-ce qu'il y a consentement pour le dépôt du document auquel fait référence le député de Labelle? S'il y a consentement... Consentement. Alors, le document est déposé. M. le député, si vous voulez poursuivre.

M. Léonard: M. le Président, ce tableau qui est établi depuis 1982, donc qui porte sur une période beaucoup plus longue que le petit graphique qu'a distribué le ministre et qui tend à l'autojustifier, indique que les ventes de la consommation au Québec par rapport à l'Ontario varient de façon cyclique. On s'en explique mal encore les éléments, mais elles varient de façon considérable. Vous avez des plus et des moins. Si le ministre dit que les ventes en Ontario ont augmenté à cause de l'élargissement des heures d'affaires, il va falloir qu'il explique pourquoi les ventes diminuent en Ontario à certaines périodes. Est-ce que c'est parce que le Québec, lui, a élargi ses heures d'affaires à l'époque? Ce n'est absolument pas prouvé, M. le Président, et l'on sait très bien qu'il y a beaucoup d'autres éléments qui interviennent dans l'évolution des ventes à la consommation. Beaucoup d'autres éléments.

M. le Président, on ne peut pas tirer de relations absolues entre les variations d'une province à l'autre. Beaucoup d'autres éléments interviennent. Parce que ce devrait être stable. Si les ventes varient en fonction de l'ouverture des heures d'affaires et que toute la variation provient des heures d'affaires, je pense qu'on ne peut pas admettre que cela a été le cas depuis 1982. Or, c'est le tableau que ça donne, M. le Président. C'est le tableau que ça donne. Donc, toute son argumentation basée sur l'hypothèse que les ventes au détail ou la consommation va progresser de 1 % est mise par terre, parce qu'il ne faut pas se fier à quelques trimestres seulement. Il ne peut pas tirer de conclusions pour le troisième trimestre de 1992 dont on vient à peine

de connaître l'évolution, absolument pas. Je pense qu'il a encore fait défaut quant à la qualité totale de son analyse. Et n'importe qui qui fait une analyse correcte va admettre qu'il y a beaucoup d'autres éléments qui interviennent dans révolution des dépenses de consommation. M. le Président, j'ai déposé ce tableau, j'espère que le ministre en tiendra compte, qu'il le regardera attentivement et qu'il rectifiera ses déclarations sur ce point-là.

M. le Président, je pense que faire l'hypothèse que les ventes vont augmenter de 1 %, c'est dire que les consommateurs vont dépenser plus, simplement parce que les commerces sont ouverts plus longtemps, simplement là-dessus. Or, ça n'apportera aucun argent additionnel dans les poches des contribuables, aucun argent additionnel. Je pense que, là-dessus, j'aurai d'autres statistiques à lui signifier, mais, au fond, ce que les économistes disent présentement, c'est justement que la consommation ne peut pas reprendre parce que c'est l'emploi qui est faible. Alors, sur ce plan-là, il est clair que ce n'est pas l'élargissement des heures d'affaires qui va mettre plus d'argent dans les poches des consommateurs. Le problème tient beaucoup plus à la taxation qui a augmenté de façon considérable depuis quelques années.

Deuxième élément, M. le Président, qui est impliqué dans le point 2 du texte, du mémo du ministre, qu'il a déposé ici: la libéralisation des heures d'ouverture entraînera une augmentation des achats impulsifs. Ah bon! Ah bon! Impulsifs! C'est un grand mot pour dire qu'il s'agit d'achats non prévus, que quelqu'un qui se promène dans une grande surface, un bon dimanche, va faire des achats qu'il n'avait pas prévus, qu'il n'avait pas planifiés. Je pense que, si l'on s'en tient à ce point, il devra avoir quelques nouvelles de l'Association des consommateurs, de la protection des consommateurs, parce que je crois que, justement, cela indique qu'il veut profiter du fait que l'ouverture des commerces va inciter des consommateurs à dépenser plus, au-delà de ce qu'ils avaient prévu, au-delà de la planification qu'ils avaient faite. Je pense que ce n'est pas un argument dont le ministre devrait se vanter, absolument pas. Absolument pas. Encore une fois, au moment où nous nous parlons, le problème des ménages, c'est d'essayer de rejoindre les deux bouts et non pas de faire des achats impulsifs. Si c'est là-dessus qu'il compte, je pense qu'il a quelques problèmes de logique.

Venons-en, M. le Président, aux achats transfrontaliers. Les achats transfrontaliers. Oui! Pourquoi quelqu'un va-t-il acheter aux États-Unis, à l'heure qu'il est? Est-ce que c'est parce que les commerces ne sont pas ouverts les dimanches, ou bien ce ne serait pas parce que les taxes sur certains produits sont beaucoup plus élevées ici, au Québec, qu'aux États-Unis ou qu'ailleurs, et que cela incite, justement, les consommateurs à aller acheter ailleurs?

M. le Président, j'aurai à déposer un autre document là-dessus, tout de suite, si vous me permettez, qui est une lettre envoyée au premier ministre du Québec, provenant de M. John F. T. Scott, qui est le président de la Fédération canadienne des épiciers indépendants. (12 h 30)

Document déposé

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Est-ce qu'il y a consentement au dépôt de cette lettre à laquelle fait référence M. le député de Labelle? Consentement. Le document est déposé. Alors, M. le député de Labelle, si vous voulez poursuivre.

M. Léonard: C'est le président de la Fédération des épiciers indépendants du Canada, la Fédération canadienne. M. le Président, le président affirme d'abord une chose, c'est que le commerce transfrontalier, dans des endroits où les commerces sont ouverts depuis longtemps le dimanche, n'a pas été modifié à cause de l'ouverture des heures de commerce, mais a été modifié beaucoup plus par la taxation et par le taux de change du dollar, ce qui est exact, M. le Président. Mais il reste quelques produits qui sont surtaxés et qui amènent les consommateurs à aller ailleurs.

Le gouvernement libéral, depuis 1989, a augmenté les taxes sur certains produits comme le tabac, comme l'alcool, comme l'essence au-delà de ce qui est raisonnable. Il a entraîné, par ce fait même, d'abord de la contrebande, contre laquelle il ne sévit pas à l'heure actuelle, où il n'y a pas de volonté politique de sévir. On passe des lois qu'on n'applique pas et, par les taxes, par le fait que des citoyens vont acheter ailleurs pour profiter de coûts beaucoup moindres ailleurs. M. le Président, le fait qu'on augmente les taxes sur le tabac au-delà du raisonnable a amené les Québécois à aller à l'étranger, à aller ailleurs, mais en particulier aux États-Unis. Les Québécois ne vont pas aux États-Unis pour s'acheter des boîtes de Corn Flakes. Non. Ils vont là pour acheter des cigarettes, pour acheter de l'alcool, pour acheter des vêtements, pour acheter certains produits d'alimentation, mais ça s'arrête là.

On l'a démontré, d'ailleurs, dans un article, il y a une semaine, dans La Presse, le coût du panier d'épicerie, aux États-Unis, à l'heure actuelle, était moins élevé seulement sur certains items alors que, sur d'autres, il est plus élevé, et, surtout à la suite de la baisse du taux de change du dollar, il est de moins en moins intéressant de magasiner aux États-Unis.

M. le Président, ce n'est pas en forçant les commerçants à ouvrir le dimanche - parce que c'est ce que fait le ministre - qu'il va améliorer sensiblement la situation. Je le vois, peut-être dans deux mois ou dans deux ans, venir nous dire que, oui, le commerce transfrontalier a diminué, mais ce sera très probablement à cause

du taux de change, ce qu'il ne dit pas présentement.

M. le Président, je pense que les intervenants dans le dossier, en ce qui concerne le commerce transfrontalier, ont établi que le niveau de ce commerce dépendait surtout du taux de change et de la taxation éhontée qu'on fait subir à certains produits et qui amène les consommateurs à aller aux États-Unis. À partir du moment où ces éléments seraient modifiés, je pense qu'on assisterait à un autre comportement.

Le gouvernement, à l'heure actuelle, essaie de faire passer sur le dos des commerçants, parce qu'ils n'ouvrent pas le dimanche, le fait que lui a amené les consommateurs à aller acheter aux États-Unis à cause de sa taxation. C'est ça qui est l'élément majeur dans le commerce transfrontalier. S'il n'y avait pas de différence considérable entre les deux, il n'y aurait pas de commerce transfrontalier; les gens resteraient chez eux et achèteraient chez eux, d'ailleurs, le samedi. Pour ces achats, ils vont se les réserver le dimanche parce que, justement, il y a une économie substantielle à faire: tabac, alcool, essence et certains produits d'alimentation. C'est ça, le facteur. Le gouvernement essaie de faire porter le poids de sa taxation sur le dos des petits commerçants. C'est ça qu'il fait présentement.

M. le Président, je voudrais aussi ramener le ministre à un autre article qui est paru dans Le Soleil, le samedi 28 novembre, qui était un article de La Presse canadienne, sous la signature de Mme Suzanne Dansereau. C'est qu'en Ontario, malgré l'ouverture des commerces le dimanche, le miracle ne s'est pas produit. Ça, c'est l'article de La Presse canadienne. Effectivement, le comportement des consommateurs s'est modifié, mais en élargissant les heures à l'ensemble de la semaine; au lieu de magasiner sur six jours, ils ont magasiné sur sept jours, mais ils n'ont pas dépensé davantage.

Ces 2,6 % - parce que je reviens à ce tableau, M. le Président - peuvent être dûs à une foule d'autres facteurs. Le jour où l'augmentation du commerce au Québec sera supérieure à celle de l'Ontario, est-ce que ce sera à cause des heures d'affaires? Beaucoup d'autres facteurs peuvent intervenir. De toute façon, ce sera un élément ponctuel dans le dossier, peut-être très temporaire, sûrement très temporaire, s'il a quelque influence, parce que cela n'a pas changé le portefeuille du consommateur, loin de là.

M. le Président, c'étaient leurs mesures de relance, leurs principales mesures de relance. Vraiment, il faut être à court pour présenter des choses comme celles-là, démenties par tous ceux qui connaissent le marché, démenties par le président de la fédération canadienne des détaillants, démenties complètement, et on voit très bien que le raisonnement est tout à fait solide sur ce plan-là, beaucoup plus solide que les déclarations optimistes du ministre. Beaucoup.

M. le Président, le texte qu'il nous a déposé n'est pas une étude, c'est un mémo de justification. Je n'ai pas d'autre qualificatif à employer envers ces deux pages. Il faudrait revenir à l'étude qui avait été faite au ministère de l'Industrie et du Commerce, alors qu'on exigeait des études de sensibilité beaucoup plus approfondies dans un document qui était déjà épais comme ça. Le texte qui nous a été remis, c'est un texte fondé exclusivement sur des hypothèses, sur une seule hypothèse, à savoir que le commerce augmenterait de 1 % à l'intérieur et que les achats transfrontaliers diminueraient, alors que ce ne sont pas du tout les heures d'affaires qui interviennent, mais beaucoup d'autres éléments comme, par exemple, le taux de change dans le cas du commerce transfrontalier.

M. le Président, au-delà de ce que dit le ministre, je voudrais simplement établir un autre point important, qui tient à notre structure commerciale. Notre structure commerciale est très différente de celle d'autres provinces, des États-Unis, et je voudrais citer des chiffres qui ont été établis, il y a environ deux, trois ans, qui portent sur les ventes au détail de janvier à décembre 1988, quatre ans plutôt, et qui disent ceci: par exemple, au Québec, les ventes au détail sont faites à 72 % par des indépendants, à 28 % par des magasins à chaîne; en Colombie-Britannique, les ventes au détail sont faites à 55 % par des indépendants, 45 % par des magasins à chaîne; en Ontario, 57 % par des indépendants, 43 % par des magasins à chaîne. Donc, la structure commerciale est inversée ici, au Québec, par rapport au reste du Canada et, ce qu'on me dit, inversée particulièrement par rapport à celle qu'il y a aux États-Unis. En gros, notre commerce est surtout fait par des détaillants indépendants ici, au Québec, alors qu'ailleurs les magasins à chaîne occupent une beaucoup plus grande place. (12 h 40)

M. le Président, il faut comprendre ce qui arrive ou ce qui arrivera dans le contexte où nous serons. Si cette loi est adoptée, elle aura des répercussions considérables sur la structure commerciale au Québec. Considérables! Au fond, beaucoup de notre commerce est fait par de petits détaillants, par des magasins à propriété familiale, gérés par une famille, administrés et occupés par une famille. C'est ça que les statistiques disent, à l'heure actuelle, et que, si cette loi est adoptée, dans 10 ans, la structure commerciale que nous avons aura rattrapé celle de l'Ontario, sûrement, mais aussi celle des États-Unis. C'est là le modèle dont rêve le ministre, c'est le modèle américain, beaucoup plus que le modèle québécois.

En réalité, un petit commerçant qui va être forcé d'ouvrir sept jours par semaine va être obligé de travailler sept jours par semaine, lui ou sa famille. S'il y a deux personnes dans le

commerce, un homme et une femme, cela veut dire qu'ils seront sept jours sur le plancher. Ils seront sept jours sur le plancher. Ils pouvaient l'endurer lorsqu'il s'agissait de six jours, mais, lorsque l'ensemble des commerces ouvriront sept jours par semaine, ils seront obligés de s'adapter. Cela va impliquer des coûts additionnels considérables - considérables, M. le Président! - et ils ne pourront pas suivre. Et c'est là où la question devient très importante parce que le petit commerçant devra ou travailler sept jours ou augmenter ses coûts d'opération. Alors que la grande chaîne, qui dispose d'un personnel nombreux, va adapter ses horaires de travail et va amener une partie de son personnel à travailler le dimanche, le petit commerçant ne pourra pas le faire. Il ne pourra pas le faire, c'est évident. Et même, certaines chaînes refusent de suivre en disant que leurs coûts d'opération vont augmenter.

Je voudrais vous rappeler simplement un article qui est paru le 26 novembre, dans La Presse, sous la signature de M. Laurier Cloutier, où, à la SAQ elle-même, il n'est pas question d'ouvrir le dimanche. Je vous rappellerai, M. le Président, que la Société des alcools du Québec relève du ministre de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie et que, même son magasin, son grand magasin, avec toutes ses chaînes, refuse et va refuser d'ouvrir le dimanche. Alors, c'est un article qui porte à rire parce que, vraiment, le président, M. Claude Marier, a dit ce qu'il pensait. Il dit: «On va jouer serré sur notre horaire, mais on ne peut agrandir notre marché, sauf récupérer des ventes outre-frontière.» Remarquez bien qu'il s'agit d'alcools, là où les taxes sont particulièrement fortes, imposées par ce gouvernement. Il dit: «Responsable de nos opérations, le ministre nous demande de créer des emplois, mais notre actionnaire, le ministre des Finances, Gérard D. Levesque, exige des profits. Ne vous moquez pas, ce n'est pas drôle.» C'est ce qu'a dit le président- de la Société des alcools du Québec, qui admet - qui admet - que cela va lui coûter plus cher d'ouvrir le dimanche. Donc, ce que lui admet, comme Société des alcools du Québec, je pense qu'on doit l'admettre aussi pour les petits commerces. Et ceux qui les ont rencontrés ces jours-ci, ces semaines-ci, effectivement, savent, de leur part, ce que cela veut dire: les coûts d'opération vont augmenter de façon significative, de façon considérable, et ils vont être en concurrence, en position défavorable quant à la concurrence en ce qui concerne les grandes chaînes, alors que les règles du jeu sont établies. Tout le monde les connaît, que le ministre ait la volonté de les appliquer ou, si elles ne sont pas suffisamment fignolées, qu'il les change, mais tout le monde les connaît.

Pour parler d'une grande chaîne qui fait beaucoup de lobby auprès du ministre pour ouvrir le dimanche, Club Price, oui, au fond, Club Price a pris une expansion considérable dans la réglementation actuelle, selon la réglementation actuelle. Club Price n'était pas au Québec il y a 10 ans, il y a même 5 ans; je pense qu'il y a à peu près 5 ans qu'ils ont commencé à s'installer et ils ont connu une croissance fulgurante, selon la réglementation actuelle. Donc, où est-ce que le bât blesse? Au fond, ils en veulent plus. C'est ça que ça veut dire. Ils en veulent plus et ils ont convaincu le ministre. C'est ça que ça veut dire. Ils en veulent plus, mais au détriment de toute une partie de notre population. C'est ça que ça veut dire aussi.

Le ministre, en faisant cela, favorise un des intervenants ou une partie des intervenants dans le commerce au détriment des autres. Le Québec avait décidé et a décidé depuis longtemps qu'il n'y aurait pas de travail le dimanche, ou qu'il y en aurait le moins possible, sauf des services essentiels que tous reconnaissent. Mais, aujourd'hui, on modifie les règles du jeu pour favoriser un intervenant ou quelques grands intervenants, parce que c'est ça.

Or, M. le Président, je voudrais simplement vous dire que cela va avoir un impact considérable sur le commerce, sur les petits commerçants, sur le commerce familial notamment. Puis le ministre qui invoquait ses heures d'intensité avec sa famille devrait penser aux heures d'intensité des petits commerçants aussi, pas juste aux siennes, mais aux petits commerçants. Je pense qu'il s'agit là d'un changement dramatique parce que si la structure du Québec, 72 % assumée par les petits commerçants, petits détaillants, rattrape celle de l'Ontario, cela veut dire des milliers de disparitions de petits commerces au Québec, des milliers de dépanneurs et de petits commerces au Québec. Ça, il ne l'a pas mentionné dans son étude, pas du tout, loin de là. Loin de là, M. le Président.

Mais je dirais aussi que cela a des impacts sur d'autres aspects de notre vie, parce que c'est tout l'aspect de la vie économique et sociale du Québec qui va être touché. Je pourrais parler du développement régional qui va être impliqué, mais je vais parler d'un élément en particulier qui a été soulevé dans les villes. Qui sont ces petits commerçants? Ce sont ceux qui activent la vie économique et sociale dans nos villes, nos petites villes comme nos grandes villes, nos petites municipalités. Ce sont ceux qui supportent les clubs Richelieu, ce sont ceux qui supportent les chambres de commerce, et ce n'est pas le Club Price qui supporte les chambres de commerce et les clubs Richelieu. Ce ne sont pas les Club Price qui vont supporter les maisons des jeunes, ce que font nos clubs Richelieu, nos clubs Optimiste, nos chambres de commerce dans les municipalités. Non, c'est clair. Justement, ils veulent couper là-dessus sur l'implication dans le milieu. Et c'est comme cela que le club Price arrive à donner des produits à moindre coût. Justement parce qu'il ne s'implique pas dans le milieu.

Je voudrais simplement, M. le Président, mentionner que le regroupement des SIDAC au Québec, dont le regroupement qui touche les commerçants des centres-villes, et il y en a dans la ville de Montréal, il y en a dans la ville de Québec, il y en a dans nos villes de régions, il y en a un peu partout dans le Québec, écrit cette lettre, et la directrice générale écrit cette lettre au nom de 5000 commerçants, que le regroupement des SIDAC au Québec représente - 5000. Et s'il y en a justement qui interviennent pour consolider les tissus urbains dans nos centres-villes, ce sont bien eux, les SIDAC, les petits commerces qui se mettent ensemble, les petits commerçants qui se mettent ensemble.

Alors, présentement, eux, sont contre, 98 %, dit-on, et ils disent surtout que cela va impliquer pour eux une augmentation considérable des coûts de l'électricité, des salaires, du chauffage, etc. Les SIDAC. Et ce qu'ils mentionnent aussi, également à la page 2 de leur lettre: «...la déstructuration du cadre social maintenu par la loi actuelle créerait une plus grande latitude pour l'acquisition de biens et de services au détriment du temps consacré aux liens familiaux et sociaux, ainsi qu'aux activités culturelles et de loisir». Voilà une argumentation bien ciblée, dont le ministre fait fi à l'heure actuelle. (12 h 50)

M. le Président, il y aurait quelque 400 000 travailleurs dans nos commerces, qui vont être affectés par cette mesure - 400 000 travailleurs. Et je sais très bien aussi que cela va affecter le commerce dans nos régions, hors des grands centres comme ça va affecter le commerce dans les grands centres. Les SIDAC se retrouvent dans des centres-villes, à Montréal, où ils essaient de lutter contre l'étalement urbain. Dans les régions, on essaie de lutter contre la centralisation dans des grands points de vente, genre les grandes surfaces, par exemple, sur l'île Laval où se trouve un Club Price, justement.

Cela va vider la moitié de nos commerçants dans nos petites régions. Ce n'est pas le Club Price qui va venir prendre la relève, en termes sociaux, en termes de motivation économique. Non, loin de là. Au fond, cette loi va affecter la vie économique et sociale de toutes nos villes centrales parce que, s'il disparaît le tiers des commerces, le tiers des dépanneurs, ce sera autant de gens qui ne s'impliqueront plus dans la vie économique.

Je crois que la conséquence à 10 ans de distance sera de vider un peu plus les régions. Après les avoir vidées d'un certain nombre de fonctionnaires, de les avoir centralisées dans des capitales régionales, on va les vider maintenant sur le plan commercial. C'est ça que la loi va avoir comme conséquence. On va ramener le commerce à quelques endroits privilégiés et, au fond, toute la loi, toute l'économie de la loi équivaut à favoriser les grandes chaînes qui vont pouvoir se permettre des horaires sur sept jours par semaine, alors que les petits commerçants ne le feront pas.

Et n'oublions pas une chose: la loi actuelle permet aux petits commerçants d'ouvrir au mois de décembre. On a l'impression qu'à l'heure actuelle, on empêcherait, nous de l'Opposition, les commerces d'ouvrir au mois de décembre; c'est faux. C'est faux. Ils sont ouverts au mois de décembre. Mais je sais une chose, c'est que les commerçants qui auront ouvert le dimanche, lorsqu'ils arriveront au 24 décembre au soir ou au 31 décembre, ils seront extrêmement fatigués, plus que le ministre, beaucoup plus que le ministre, et qu'au mois de janvier, lorsqu'il y aura beaucoup moins d'achalandage dans les magasins, ils seront tenus, à cause de la concurrence, d'ouvrir aussi sept jours par semaine. C'est ça, la conséquence. Ou bien ils seront obligés d'engager, avec la conséquence que leur coût va augmenter et, donc, va diminuer leur capacité concurrentielle. Donc, c'est une loi finalement dirigée, favorable aux grandes chaînes et dramatiquement nocive pour les petits commerçants.

M. le Président, le ministre... sur un autre plan qui sera sûrement élaboré par mes collègues sur ce projet de loi... Cette loi va avoir aussi des influences sur la structure de l'emploi. Il est clair qu'il y aura des emplois à temps partiel créés au détriment d'emplois permanents. Effectivement, je notais que le ministre, tout à l'heure, parlait des couples qui travaillent la semaine et qui veulent magasiner la fin de semaine et disait qu'il y aurait des mères de famille qui vont pouvoir travailler le dimanche. Ah bon! les mères de famille vont travailler le dimanche. Alors, comme société, comme modèle de société, je pense qu'on vient d'avoir son propre constat. Effectivement, il y aura plus de travail à temps partiel, moins d'emplois permanents. Les étudiants, effectivement, vont aller travailler le dimanche, mais je ne suis pas sûr que ce soit justement la bonne direction que de faire travailler les étudiants alors qu'ils devraient étudier beaucoup plus et que, s'ils étudient, ils veulent se gagner de l'argent parce que le système des bourses n'est pas suffisant. Donc, toutes sortes d'éléments qui interviennent, et je sais que...

On a vu, le ministre fait grand état de l'appui des TUAC dans le dossier. Les TUAC, évidemment, c'est un syndicat qui représente les travailleurs des grandes chaînes. Il ne représente pas les travailleurs d'un dépanneur, loin de là. Donc, en quelque sorte, dans ce dossier, ils ont partie liée avec les grandes chaînes. Alors, vous comprendrez que nous ne sommes pas nécessairement avec eux là-dessus.

M. le Président, l'autre clause sur le volontariat: pour trois ans. Le ministre n'a pas insisté beaucoup sur les trois années. Pour trois ans; mais qu'est-ce qui arrive au bout de trois ans? En réponse à ma question sur le sujet, il a

dit: La protection sera incluse dans les conventions collectives. C'est pour donner le temps à ceux qui négocient des conventions collectives d'adapter la convention collective à cette réalité pour se protéger.

M. le Président, je veux juste répliquer: La majorité des travailleurs dans le commerce de détail chez les dépanneurs, chez les épiceries, n'est pas syndiquée. N'est pas syndiquée. Donc, que vaut sa clause de volontariat? Rien. Elle n'est qu'une mesure transitoire pour les syndiqués, mais pour les autres, non, M. le Président, parce qu'au bout de trois ans elle tombe. C'est ça que ça veut dire. Alors, on protège certains, fort bien, mais pour les autres, c'est rien. C'est ça que ça veut dire.

M. le Président, je sais qu'il me reste quelques minutes seulement. Le ministre, dans le point 2 de son petit mémo, traite des achats impulsifs. Effectivement, cela veut dire qu'il va pousser à la consommation, qu'il va pousser le consommateur à la consommation, qu'il va pousser le consommateur à faire des achats non planifiés. Ça va être l'effet du projet de loi. Il la écrit noir sur blanc dans son mémo, qu'il y aurait plus d'achats impulsifs. Est-ce que c'est une bonne chose pour la société? Est-ce que c'est une bonne chose pour le consommateur? Vous me permettrez d'en douter.

D'autre part, M. le Président, sur un point que je veux juste effleurer, au fond, en favorisant les achats dans les grandes chaînes, en favorisant effectivement, par exemple, des achats à Club Price, on va produire dans la structure commerciale une uniformisation des achats qui va amener en conséquence à terme le rétrécissement du choix des consommateurs. Le Québec ne peut s'isoler? Non, le Québec ne doit pas s'isoler, effectivement, mais ce n'est pas en faisant des choses comme ça qu'on va améliorer le sort du Québec, loin de là. Loin de là.

Un autre élément que nous pourrions soulever, M. le Président, c'est que par l'effet du rétrécissement de notre structure commerciale, il y aura aussi des effets sur notre secteur primaire et secondaire manufacturier, en particulier. Les grandes chaînes vont prendre seules les décisions. En quelque sorte, quelques intervenants prendront les décisions économiques au Québec, prendront les décisions qui vont avoir une influence sur le secteur manufacturier au Québec, celui qui alimente notre réseau de distribution. Il rétrécit notre réseau de distribution qui est une base pour aller chercher de la fabrication, pour bâtir des usines qui alimenteraient, a priori, notre secteur ici.

Je crois que nous avions, quant à nous, élaboré toute une série d'éléments qui nous amenaient à favoriser la sous-traitance, que le ministre a baptisés de grappes. Est-ce que cette loi va favoriser l'émergence de grappes au Québec? Je crois que non, sûrement pas dans les régions, alors qu'effectivement, dans les régions du Québec, il y a déjà des grappes qui existent à un niveau qui n'est pas celui où le ministre se situe, mais qui est au niveau de la région, de la municipalité, de la région d'appartenance. Il est en train de les démolir. Son discours sur les grappes, il repassera.

Oui, M. le Président, vous me faites signe que ça se termine. Nous avons l'appui d'un grand nombre d'intervenants au Québec, d'un très grand nombre d'intervenants. Je vais simplement les citer en conclusion: la Corporation des marchands de meubles du Québec, la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, l'Association des marchands détaillants de l'est du Québec, la Corporation des bijoutiers du Québec, les Maîtres fourreurs associés du Québec, l'Association des détaillants en alimentation du Québec, le Regroupement des SIDAC, Alimentation Couche-Tard, chambres de commerce de Sherbrooke, Mont-Joli, Bas-Saint-Laurent, Fédération des ACEF, Ameublements Tanguay, groupe Gagnon Frères, Groupe Cantrex, Magasins d'ameublement B.V. (13 heures)

Plus les gens savent ce que cela signifie, la libéralisation des heures d'affaires au Québec, plus ils sont contre. C'est ça, leur conclusion. Le ministre en avait tiré la conclusion, il y a deux ans; aujourd'hui, il fait volte-face, c'est sa décision. Mais, quant à nous, nous demeurons contre cette libéralisation, à moins que le ministre ne nous fasse une preuve éclatante que les avantages l'emportent largement sur les inconvénients, ce qui est loin d'être le cas au moment où nous nous parlons. Nous restons sur nos positions là-dessus. Il n'a pas examiné la voie des correctifs à la loi actuelle avant d'amener un changement qui est une libéralisation tous azimuts des heures d'affaires.

M. le Président, en terminant, je fais un appel à tous les commerçants du Québec, à tous les Québécois pour qu'ils s'opposent à cette loi et qu'ils empêchent le gouvernement de la passer.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Labelle, de votre intervention sur le sujet. Compte tenu de l'heure, conformément à notre réglementation, je suspends les travaux de cette Assemblée jusqu'à 15 heures. Bon appétit à tout le monde!

(Suspension de la séance à 13 h 1)

(Reprise à 15 h 9)

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

Veuillez prendre place, s'il vous plaît.

Nous allons reprendre les débats sur l'adoption du principe du projet de loi 59, Loi modifiant la Loi sur les heures et les jours d'admission dans les établissements commerciaux,

motion présentée par le ministre de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie. Je vais maintenant reconnaître le prochain intervenant, soit M. le député de Louis-Hébert.

M. Réjean Doyon

M. Doyon: Merci. M. le Président, la loi que nous étudions présentement est une loi qui nous impose un moment de réflexion pour bien comprendre les impacts et les raisons qui font qu'elle est devant cette Assemblée au moment où nous nous parions.

Il faut se poser la question: Quelles sont les raisons qui militent en faveur d'une libéralisation des heures et des jours d'affaires ici au Québec? Est-ce qu'il y a des raisons qui sont fondamentalement convaincantes pour amener le gouvernement à poser des gestes précis dans ce domaine-là? Pour faire ça, il faut évidemment avoir un contact avec la population, il faut connaître la situation économique, il faut être au fait des avantages qu'il y a à retirer d'une augmentation du nombre d'heures d'affaires et il faut aussi regarder où nous nous situons géogra-phiquement. (15 h 10)

Tout d'abord, M. le Président, il faut savoir, et le ministre l'expliquait ce matin, que la libéralisation des heures d'affaires répond à une demande de la population. Ça, c'est indéniable. Il y a de nombreux sondages qui ont été faits par des maisons indépendantes, par des maisons qui ont procédé selon des normes scientifiques, selon une méthodologie acceptée et qui en viennent à la conclusion que plus de sept Québécois et Québécoises sur dix demandent une telle libéralisation des heures d'affaires. Et, si on indique à ces répondants qui favorisent une augmentation des heures d'affaires et des jours d'affaires que, en ce qui concerne les travailleurs et les travailleuses qui devront oeuvrer dans les commerces, il y aura liberté totale d'accepter de travailler ou pas, la proportion augmente à huit personnes sur dix.

C'est important, M. le Président, parce que j'écoutais le porte-parole de l'Opposition ce matin affirmer que c'était une erreur que faisait le gouvernement parce que ça ne répondait pas à la demande des citoyens. M. le Président, pour affirmer une telle chose, il ne faut pas connaître les sondages qui ont été publiés. J'en ai un ici entre les mains qui est tout récent, qui date de la fin du mois d'octobre 1992, par le journal Les Affaires, qui donne que 70 % des personnes sont favorables à l'ouverture de tous les commerces; le vrai chiffre, pour ne pas me tromper, c'est 67 % des Québécois et Québécoises qui sont favorables à l'ouverture de tous les commerces quand ils le veulent. Et on explique la méthodologie. On donne des chiffres. Il est indéniable que ce sondage en vient à la conclusion, c'est un sondage qui est fait par la maison SOM, que, pour une très forte majorité des Québécois, l'augmentation des heures et des jours d'affaires est une chose à laquelle ils sont soit favorables, soit très favorables. Si les gens sont favorables à ça, il doit y avoir des raisons.

On n'a pas besoin de réfléchir longtemps pour s'apercevoir que, dans le monde moderne dans lequel on vit, le temps dont on dispose en dehors des heures de travail, pour tous et chacun d'entre nous, est de moins en moins grand. On doit faire des miracles pour trouver le temps d'aller magasiner, pour employer un mot typiquement québécois, on doit faire des miracles pour trouver le temps d'aller s'acheter des vêtements, d'aller en acheter à nos enfants, à nos petits-enfants. Les femmes ont de la difficulté à trouver le temps pour aller faire leur marché.

Si on augmente le nombre d'heures, la plage de nombre d'heures qui sont disponibles, on facilite les choses à cette population qui n'a pas un grand nombre d'heures et de jours disponibles. Ce qui fait l'affaire parfois chez quelques-uns, ça peut être à 20 heures, un vendredi soir; pour d'autres, ça va être le samedi dans le courant de la journée et, pour d'autres, ce sera le dimanche parce qu'ils disposent du temps nécessaire pour le faire. C'est tellement vrai que les sondages sont constants dans ce domaine-là. Donc, une demande des consommateurs, une demande des consommatrices.

Il est aussi certain que le Québec ne peut pas vivre dans l'isolement. Si on regarde l'ensemble des marchés qui nous entourent, des marchés commerciaux qui nous entourent, que nous regardions vers l'Est, avec le Nouveau-Brunswick, que nous regardions vers le Sud, avec les États-Unis, que nous regardions vers l'Ouest, avec l'Ontario, partout nous sommes encerclés de marchés commerciaux qui ont décidé de permettre l'ouverture des établissements commerciaux le dimanche. Le Québec ne peut pas faire bande à part là-dedans et prétendre que lui seul peut échapper à la modernité, que lui seul peut faire abstraction des exigences économiques de l'an 1992 en allant vers l'an 2000, que le Québec pourra vivre dans un isolement qui ferait en sorte que lui ne serait pas soumis aux mêmes règles économiques que les autres marchés commerciaux qui nous entourent.

Affirmer de telles choses, M. le Président, c'est faire abstraction de la réalité. C'est faire abstraction du fait que le Québec s'inscrit à l'intérieur de grands marchés et qu'il doit avoir des règles qui sont à peu près ressemblantes, qui sont à peu près communes avec celles des autres marchés.

Il y a une autre réalité dont il faut se rendre compte aussi, M. le Président, c'est qu'il existe telle chose que le magasinage outrefrontière. M. le ministre, ce matin, a donné les chiffres de ça. On a établi que le magasinage outre-frontière était considérable, qu'il était dans

les centaines de millions de dollars, qu'une bonne partie, à peu près 30 % de ce magasinage outrefrontière, se faisait le dimanche et que, si nous récupérions simplement entre 20 %, 25 %, 30 % de ce qui s'achète outre-frontière le dimanche, parce que les magasins, les établissements commerciaux seraient ouverts, au Québec, nous irions chercher un supplément d'activité économique de l'ordre de 150 000 000 $ à 175 000 000 $ par année. C'est considérable. On ne peut pas oublier ça.

En même temps, quand on peut marier la commodité pour les consommateurs et les consommatrices à l'impact économique favorable que ces mesures ont, je ne pense pas que nous puissions en faire abstraction. Il est bien sûr, M. le Président, que les montants évalués de surplus d'augmentation d'activité économique, par année, peuvent être discutables parce que nous sommes dans des modèles théoriques, mais je pense que, raisonnablement, si nous considérons que le commerce, en général, suscite environ 50 000 000 000 $ d'échanges commerciaux et que nous comparons ce qui s'est passé en Ontario depuis le changement de politique en ce qui concerne les heures d'ouverture et les jours d'ouverture des magasins, nous nous apercevons que, contrairement - et le ministre y faisait allusion - à ce qui s'est toujours passé, où les variations dans l'activité économique, l'activité commerciale se conjuguaient très étroitement entre le Québec, l'Ontario et le Canada, c'est-à-dire quand il y avait une diminution en pourcentage au Canada, il y en avait une en Ontario, il y en avait une au Québec. Elle était du même ordre. Et quand il y avait une reprise, une augmentation du taux d'activité économique, le Québec, le Canada et l'Ontario se maintenaient dans le même corridor.

Ça, ça a été vrai jusqu'à tout récemment, M. le Président, avec le dernier trimestre dont nous avons les chiffres, où le Québec n'a pas connu, à toutes fins pratiques, d'augmentation de l'activité économique alors que l'Ontario a eu une augmentation de l'ordre de 2,6 %. Pour une première fois, la ligne, le pointillé qui représente le Québec sur le tableau s'écarte du pointillé de la ligne qui représente l'Ontario alors que, traditionnellement, je le répète, le corridor a toujours été le même entre l'Ontario, le Québec et le Canada.

Le nouveau facteur qui est intervenu dans le dernier trimestre dont nous ayons les chiffres, c'est justement le changement dans les jours et les heures d'ouverture en Ontario. Le critique de l'Opposition prétend que c'est dû à d'autres facteurs; cependant, il n'est pas capable d'en faire la preuve parce que ça a toujours été le cas et, actuellement, ce n'est plus le cas. C'est donc 2,6 % d'activité économique commerciale que perd le Québec. Mettons que nous allions chercher 1 % de ces 2,6 % auxquels nous pourrions aspirer théoriquement, c'est là une augmen- tation de l'activité économique de l'ordre de presque 500 000 000 $, 450 000 000 $, presque un demi-milliard de dollars. Si nous additionnons ces 450 000 000 $ à un autre montant de 150 000 000 $ que nous allons récupérer en permettant à des gens qui vont acheter outrefrontière d'acheter plutôt au Québec, nous arrivons à un chiffre important d'activité économique supplémentaire de 600 000 000 $. (15 h 20)

Je rappellerai qu'avec cette hypothèse d'augmentation d'activité économique de 600 000 000 $ par année, ça représente un effet total d'augmentation de main-d'oeuvre de près de 9000 personnes-année. Je ne discuterai pas si c'est 9000, 8000, 8500 ou 7000, mais c'est considérable. Ça veut aussi dire que cette augmentation d'activité économique suscitera des salaires et des gages avant impôt de 200 000 000 $, ce qui entraînera pour le gouvernement des revenus des impôts sur les salaires et les taxes de l'ordre de 60 000 000 $, 61 000 000 $, avec une parafiscalité provinciale de l'ordre de 19 000 000 $, 20 000 000 $. Ce n'est pas rien, M. le Président, dans les temps que nous connaissons actuellement, que d'aller, sans dépense supplémentaire par le gouvernement, chercher quelque chose de cet ordre-là. Évidemment, ce n'est pas déterminant, ce n'est pas ça qui va changer le cours des choses, mais nous sommes en récession économique et nous n'avons pas le droit, en tant que législateurs, de négliger quelque moyen qui soit mis à notre disposition pour améliorer les choses. Il est aussi important de réaliser que le nouveau projet de loi, le projet de loi 59, doit être analysé en fonction de trois principes fondamentaux, c'est-à-dire l'égalité des commerces et des commerçants.

La situation actuelle ne répond pas à ce principe-là; certains peuvent ouvrir, certains ne le peuvent pas. Il y a des rivalités, il y a des difficultés. La loi est mal comprise et elle est difficile d'application. Donc, la loi que nous adoptons ou que nous avons l'intention d'adopter à cette session-ci doit changer les choses fondamentalement de ce côté-là, égalité des commerçants.

Deuxième chose. Je le signalais tout à l'heure au début de mon intervention, c'est répondre aux besoins des consommateurs. Il est facile à comprendre que si on augmente le nombre d'heures et qu'on augmente le nombre de jours ouvrables, les consommateurs vont être mieux servis. Ça va être plus facile pour les consommateurs d'aller faire les achats dont ils ont besoin. Alors, c'est un élément important.

Il est aussi important de savoir que tout ce projet de loi a pour but de préserver en même temps - troisième principe - la qualité de la vie de la population.

Très brièvement, M. le Président, parce que le temps me manquera sûrement, je voudrais tout simplement résumer en quelques mots le projet

de loi: Sachons que le projet de loi permettra dorénavant l'accès à tous les établissements commerciaux aussi bien la semaine que le dimanche, où finalement le dimanche ça sera ouvert de 8 heures à 17 heures, comme le samedi, comme ça l'est actuellement pour le samedi. Il faut aussi savoir que l'accès sera prolongé en soirée, le lundi et le mardi, et là ça va passer de 19 heures à 21 heures, tout comme c'est le cas actuellement pour le mercredi, le jeudi et le vendredi.

Il reste que les établissements commerciaux devront demeurer fermés les jours fériés. On parle, en fait, de sept jours fériés, mais si on fait abstraction du jour de Noël, du jour de l'An et du lendemain du jour de l'An, on se retrouve finalement avec quatre jours fériés où la fermeture sera obligatoire, il est aussi important de souligner qu'il y a une disposition dans le projet de loi qui fait une obligation aux employeurs de laisser les travailleurs et les travailleuses totalement libres de travailler le dimanche et d'accepter de nouvelles heures de travail.

Le volontariat, cependant, ne s'appliquera généralement pas aux établissements faisant l'objet d'une exception. Ces quelques exceptions seulement, je pourrai y revenir si j'ai le temps. Il est aussi important de savoir, pour parler des exceptions, qu'il y a certaines exceptions qui sont maintenues, qui pourront ainsi continuer d'ouvrir en tout temps: C'est les restaurants, les tabagies, les librairies, les établissements de vente d'huile à moteur et de combustible, les galeries d'art et d'artisanat, les magasins de fleurs et les centres horticoles, les magasins d'antiquités, les établissements de location de biens et de services qui vendent accessoirement certains produits, comme les clubs vidéos, les cinémas et les centres de santé, ainsi que les établissements commerciaux situés dans des centres sportifs, des centres hospitaliers ou des aérogares.

Il est important aussi de souligner que les établissements des secteurs alimentaires, tels que les épiceries, boucheries, fruiteries et pâtisseries, et pharmaceutiques, seront autorisés à ouvrir pourvu qu'au plus quatre personnes - et non quatre employés, c'est extrêmement important de souligner la différence - excluant le pharmacien et les personnes affectées à la préparation des médicaments dans le secteur de la pharmacie assureront le fonctionnement de ces commerces en dehors des heures prévues au projet de loi.

Certains commerces et pratiques n'auraient plus besoin de bénéficier d'une exception à leur horaire, à ce moment-ci, se confondant avec le régime universel. Il en sera ainsi des établissements de vente de véhicules routiers, de remorques, d'embarcations, de machineries agricoles, de piscines, ainsi que des coopératives en milieu scolaire et des dispositions relatives aux croyances religieuses.

Alors, l'éventail des modifications propo- sées, M. le Président, répond à des besoins, le fait avec un minimum de chambardements pour la qualité de vie des citoyens et des citoyennes, tout en respectant le plus possible l'égalité des commerces, les uns vis-à-vis des autres. Et il est important, pour le gouvernement, de faire disparaître les points d'irritation qui, malheureusement, existaient. Il est aussi à souligner qu'il y a eu une vaste consultation qui a été faite et il s'est dégagé un consensus finalement dans le sens du projet de loi, entre les syndicats, entre les consommateurs, entre les commerçants, la chambre de commerce du Québec, la chambre de commerce de Montréal, la ville de Montréal, la ville de Sainte-Foy. Et tout le monde est d'accord là-dessus.

Et, en ce qui concerne les études qui ont été faites, il y en a une extrêmement importante qui vient d'être rendue publique, que j'ai en main, qui est une étude faite pour le Regroupement québécois pour l'ouverture le dimanche, il s'agit d'une étude comparative de l'évolution des ventes au détail du Québec, de l'Alberta et de la Colombie-Britannique, datée du 4 décembre 1992. C'est fait par Management Horizons, division de Price Waterhouse, et les conclusions de cette étude, M. le Président, sont les suivantes. C'est une étude de plusieurs pages, je vous donne simplement les conclusions: «Suite à cette analyse, nous pouvons - c'est Price Waterhouse qui parle - émettre l'opinion suivante sur l'impact de la libéralisation des heures d'ouverture dans les catégories de vente au détail analysées. «1° La libéralisation des heures d'ouverture n'aura pas d'impact négatif sur la part de marché des détaillants indépendants. «2° Les détaillants québécois se doivent de faire des efforts additionnels pour mieux répondre aux exigences des consommateurs et reprendre la part des revenus disponibles qu'ils ont perdue au cours des dernières années. «3° Elle permettra également de renforcer le produit touristique québécois et de mieux capitaliser sur le potentiel de vente que représente la clientèle touristique. «4° L'augmentation du nombre d'heures d'ouverture contribuera à une augmentation des heures travaillées dans cette industrie. «5° Puisqu'elle répond aux attentes des consommateurs et que, de l'aveu des consommateurs, elle favorisera une réduction du magasinage outre-frontière, l'ouverture des commerces de détail le dimanche aura un impact positif sur les ventes de détail. «Et, dernière conclusion, elle permettra - c'est-à-dire la libéralisation - d'éliminer les inéquités entre les différents types de commerce au niveau des heures d'ouverture.»

M. le Président, avec la permission de cette Assemblée, je désirerais avoir l'occasion de déposer cette étude ici, à l'Assemblée. Est-ce que j'ai un consentement?

Document déposé

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement au dépôt du document? Consentement. Donc, votre document sera déposé. Veuillez poursuivre.

M. Doyon: Merci, M. le Président. Alors, j'invite ceux que la chose intéresse à prendre connaissance en entier de cette étude pour pouvoir se rendre compte que les conclusions dont j'ai fait brièvement lecture sont parfaitement étayées et justifiées dans l'analyse qui est faite par Price Waterhouse. Elle arrive à des conclusions qui rencontrent des objectifs poursuivis par la loi 59, qui ont été mises à l'avant par le ministre tout a l'heure, avant que nous n'ajournions pour le déjeuner.

Alors, M. le Président, je souhaite vivement que l'Opposition, au regard des nouvelles études qui sont mises à sa disposition, ait l'occasion de réviser son point de vue, de pouvoir s'inscrire dans une libéralisation, une modernisation de ce domaine du commerce qui est extrêmement important, de façon à ce que cette Assemblée puisse passer cette loi sans retard et ne soit pas en butte à des difficultés que pourrait faire l'Opposition en se servant du règlement de l'Assemblée nationale.

Moi, je me souviens que j'ai entendu le chef de l'Opposition dire qu'il était prêt à tendre la main pour toute mesure, aussi marginale soit-elle, qui pourrait relancer l'économie un tant soit peu. Alors, il est temps, M. le Président, d'ajuster les gestes aux paroles, parce que c'est la première occasion que nous avons de mettre à l'épreuve l'Opposition dans le discours qu'elle nous tenait il y a quelques semaines. Est-ce que les gestes vont suivre? Je le souhaite vivement, M. le Président, et le vote que nous aurons à prendre là-dessus nous indiquera s'ils étaient sérieux quand ils nous indiquaient leur intention de participer avec le gouvernement à la relance économique. Merci, M. le Président. (15 h 30)

Le Président: Je cède maintenant la parole à M. le leader de l'Opposition et député de Joliette.

M. Guy Chevrette

M. Chevrette: Merci, M. le Président. Je voudrais vous citer des paroles d'un homme qui siège en cette Chambre, et je commencerai mon exposé en le citant intégralement et en vous disant à qui je fais référence: «Le peu de temps que j'ai, je le réserve pour mon épouse et mes enfants. Ces moments d'intensité, dit-il, je ne les passe certainement pas à magasiner le dimanche dans les marchés publics.» M. le Président, ce sont les mots, textuels, utilisés par l'actuel ministre et parrain de la loi 59 qui veut imposer à toutes les autres familles québécoises ce qu'il ne voudrait pas se voir imposer à lui-même.

C'est ça, fondamentalement, à quoi on fait face aujourd'hui. Ça ne fait pas longtemps, ça fait à peine deux ans qu'il exprimait ces propos.

Également, M. le Président, je vous avoue que le seul moment en cette Chambre où on a l'impression que le ministre veut absolument adopter cette loi-là, c'est parce qu'il n'y a pas eu d'autre chose à présenter dans le plan de relance. C'est le seul outil législatif qu'il a trouvé, à venir jusqu'à aujourd'hui, pour sup-posément relancer l'économie québécoise. Qu'il ne vienne pas me dire: Les deux petites lois de la semaine dernière; ce sont deux lois qui donnaient suite au discours sur le budget de M. Levesque, d'avril dernier. C'est le seul instrument qu'il a trouvé. Ouvrir les commerces le dimanche, voilà ce qui va sauver l'économie québécoise. Mais, M. le Président, si j'ai 300 $ à dépenser, que j'avais 300 $ à dépenser l'an dernier, par semaine, je n'en ai pas plus. Ce n'est pas parce que j'ai 300 $ à dépenser et que vous ouvrez les commerces 24 heures sur 24 que je vais en avoir 400 $. Je ne sais pas où est-ce qu'on fait les calculs, mais un Québécois qui dépense 150 $ par semaine, qu'il les dépense sur six ou sept jours, il va dépenser 150 $. Et, ça, il y a beaucoup de commerçants qui nous disent ça.

C'est bien sûr que si vous demandez aux consommateurs, béatement, bebêtement comme on est capable de le faire de ce bord-là de la Chambre, «Êtes-vous d'accord pour avoir du service 24 heures par jour, sept jours par semaine?», il n'y a pas un traître consommateur qui ne répondra pas qu'il n'est pas d'accord pour ne pas avoir de service. Il va vous dire: Ouvrez ça. Mais si on dit à ce même consommateur: Es-tu d'accord, toi, qu'on puisse demander de travailler un septième jour la semaine ou de travailler le dimanche? Es-tu d'accord? Houp! Il dit: Oui, c'est vrai, je n'ai pas pensé à ça. Vas-tu dépenser plus parce que c'est ouvert sept jours? Non, non! Ça va me donner une journée de plus pour dépenser, mais je ne dépenserai pas plus. Ah, ah! Mais tes frères, tes soeurs, tes cousins ou ta parenté, ou encore tes amis qui ont des commerces, à qui tu imposes, obligatoirement maintenant, des frais d'administration de plus pour le même argent, penses-tu que tu leur rends service? Ah! il dit: Non, je n'ai pas pensé à ça.

Je l'ai faite, la discussion, avec plusieurs. Quand tu te mets à discuter avec les consommateurs, que tu leur dis: Sais-tu qu'au Québec c'est les petites surfaces qui sont la grande majorité de nos commerces, que 72 % de nos commerces, ce sont des indépendants, des petites surfaces qui vivent bien souvent avec un employé ou deux ou trois, que ce n'est pas des grandes surfaces syndiquées avec les TUAC, dont je vais parler au ministre tantôt, des petites boutiques, des petits magasins avec un, deux ou trois employés, et ils s'arrangent avec eux autres de même...

M. le Président, qu'est-ce qui arrive en ouvrant sept jours si tu ne veux pas augmenter tes frais? Bien, tu dis: Le lundi matin, il n'y aura personne, reste chez vous; mardi matin, il n'y a personne, reste chez vous; mais, dimanche, tu viendras travailler. Tu viens de changer complètement le mode de vie de ces gens-là qui, peut-être, dans bien des cas, de 25 et 30 ans, oeuvrent six jours par semaine. C'est devenu des valeurs, pour notre société québécoise, de fonctionner ainsi.

M. le Président, il y a plus que ça. Strictement sur le plan du commerce, le ministre, qui n'a pas toujours des fleurons glorieux après sa couronne d'administrateur, en partant de la Caisse d'entraide économique aller jusqu'à la SDI et qui l'a amené ministre, là. Mais je vais lui demander clairement: Qu'est-ce qu'il pense? Qu'est-ce qu'il répond aux petits commerçants? Qu'est-ce qu'il répond aux petits commerçants qui auront à traverser janvier, février, mars, période très creuse, puis qui devront payer additionnellement des frais: frais pour employés, frais pour l'électricité, frais pour le maintien d'un commerce, puis qui va avoir la même solde, mais sur sept jours au lieu de six? Qu'est-ce qu'il répond à ces gens-là? Votre agonie va se précipiter plus rapidement?

Puis vous parlez de main-d'oeuvre et de création de main-d'oeuvre? C'est le ministère du Travail qui a raison dans son évaluation, M. le Président. C'est un déplacement de main-d'oeuvre. Pour des centaines et des milliers de travailleurs, ils vont se voir octroyer des lundis avant-midi ou des mardis après-midi puis qui vont travailler pour l'équivalent de 40 heures, mais sur 7 jours. Vous venez de changer complètement la cédule de travail. Mais vous ne venez pas de créer de la main-d'oeuvre pour autant. Plus que ça, et ici je voudrais m'adresser aux centrales syndicales, M. le Président. Qui sont les plus durement touchés? Ce sont les petits commerces non syndiqués avec un ou deux travailleurs, qui travaillent avec leur patron immédiat. Qu'on ne recherche pas trop à syndiquer, soit dit en passant. Que les TUAC, par exemple, se vantent d'avoir fait un «deal» avec le ministre de l'Industrie et du Commerce pour renforcer la clause du 4 sur le plancher, et le reste: Fais ce que tu veux. C'est ça qui est le «deal».

Ça, M. le Président, en ce qui me regarde comme ex-syndicaliste, je trouve irresponsable de laisser ceux qui sont dans le pétrin, ceux qui ont de la difficulté, ceux qui ont la pression, ceux qui sont plus ou moins syndicables à cause de circonstances, ceux-là, on ne s'en occupe pas. Mais on resserre, bien sûr, les clauses de ceux qui travaillent sur de grands espaces. Ça, c'est le «deal» avec le ministre en ce qui regarde les TUAC. Puis il ne se gêne pas pour le dire. Le ministre a «dealé» là-dessus.

M. le Président, moi, je n'accepte pas cela.

Je n'accepte pas cela, M. le Président. Le Québec a un tissu commercial qui est à conserver, à mon point de vue. Je vous disais 28 % seulement de grands espaces, de grandes chaînes par rapport à 72 %. C'est contraire aux autres provinces, vous le savez. J'écoutais le député de Louis-Hébert et même le ministre, ce matin. M. le Président, il ne faut pas emplir les citoyens, là. Il faut leur dire la vérité en cette Chambre. Il disent: Parce qu'ils ont ouvert les commerces en Ontario, eux autres, ils ont augmenté. Nous autres, on a baissé toutes nos variations annuelles. En 1989 - il parle de 2,6 %, cette année -c'était environ 5 %. Avaient-ils ouvert les commerces en Ontario, en 1989? En 1986, c'était 4,2 %, en 1985-1986. Ils ne parlaient pas d'ouverture de commerces en Ontario. Pourtant, c'était plus avantageux là. Ferment-ils leurs commerces de temps en temps pour plaire au Québec ou l'inverse? M. le Président, ce n'est pas loin d'être...

Sur le plan intellectuel, vous comprendrez, quand on se sert de statistiques du genre pour essayer de dire que l'ouverture des commerces en Ontario les favorise au détriment du Québec, franchement, M. le Président! J'espère qu'il est plus rigoureux que ça dans sa façon de gérer un petit peu chez eux. Si vous regardez les courbes depuis 1982, même en 1982, c'était mieux pour l'Ontario que ça ne l'est présentement, après ouverture des commerces. Il y a des limites pour charrier le monde. Si vous voulez avoir des graphiques, on va vous les fournir avec des statistiques et des pourcentages. Il faut arrêter de rire du monde, s'il vous plaît, et de bourrer le monde. Parce qu'on a donné notre parole au Club Price, on n'est pas obligés d'emplir tout le Québec. Je m'excuse. Mais ça, par exemple, c'est vraiment malhonnête intellectuellement, M. le Président, que d'agir de la sorte, comme le ministre le fait présentement. Dire qu'il y a des pourcentages épouvantables de monde qui est en accord.

M. le Président, il me fait rire un peu. La Corporation des marchands de meubles, 98 %, après sondage scientifique, sont contre. La Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, section Québec, ça regroupe des centaines de personnes. Ils sont contre. L'Association des marchands détaillants de l'est du Québec est contre. La Corporation des bijoutiers du Québec est contre. L'Association des détaillants en alimentation du Québec est contre. Le Regroupement des SIDAC du Québec est contre. C'est des gens qui oeuvrent dans le domaine commercial, dans les sites commerciaux, précisément pour le développement. Les petites boutiques, les petits marchands, les petits propriétaires des centres-villes, ils sont contre. Les ACEF, ça représente un paquet de consommateurs, ça, ils sont contre. Le groupe Cantrex, 500 magasins, c'est quelques pinottes, mais, 500 magasins, ça commence à faire du monde. Je pourrais continuer: la Promenade

Ontario, l'Association des marchands de Rimous-ki, Magasins d'ameublement B V, 150 magasins. Les Maîtres fourreurs associés. Toutes les quincailleries vont se prononcer contre, à part ça, M. le Président, si ce n'est déjà fait. Je pourrais continuer. Les chambres de commerce de Mont-Joli, de Sherbrooke, etc. Je me suis promené à Rouyn-Noranda, des applaudissements parce qu'on a dit: Vous allez respecter au moins le Parlement dans le processus législatif, avant d'adopter une loi qui ne fait plaisir qu'aux grands espaces.

M. le Président, on ne rencontre pas le même monde. J'aimerais ça, moi, que le ministre vienne se promener dans les centres d'achats chez nous, qu'il demande aux gens des petites boutiques s'ils sont heureux d'ouvrir leur commerce en janvier, en février et en mars. Ils vont vous dire: M. le ministre, commencez donc par contrôler vos marchés aux puces. C'est ça qu'ils vont vous dire, comme premier réflexe. Ils vont vous dire: Allez donc collecter vos taxes dans les marchés aux puces et faire respecter votre loi; vous viendrez nous voir, après, si on veut ouvrir le dimanche. Mais commencez donc par ça. (15 h 40)

Dans les régions frontalières, c'est drôle de les entendre. Ils ont déjà l'économie dans la loi pour faire ce qu'ils veulent. Ils disent: Ah oui! Ils vont acheter ailleurs. C'est ouvert ailleurs. Bien oui, mais... À Hull, c'était ouvert. Il n'y a rien dans la loi, ça ne vient rien inventer, ça! Ils vont aux États-Unis. Bien sûr qu'ils vont aux États-Unis, parce que ce n'est pas ouvert le dimanche ici, mon oeil! C'est à cause des taxes sur le pétrole, c'est à cause des taxes TVQ-TPS. Baissez les prix ici, vous allez voir qu'ils vont arrêter d'aller aux États-Unis. D'ailleurs, ça a beaucoup diminué parce que le dollar est rendu à 0,77 $. Arrêtez d'emplir le monde. Arrêtez de lui faire croire, de lui garrocher des faussetés au visage. Ce n'est pas ça, la réalité. Que le gallon d'essence coûte le même prix qu'aux États-Unis, vous viendrez voir si ça va passer la frontière bien rapidement. Vous viendrez me dire si vous coupez la TVQ et la TPS... D'ailleurs, ils ont trouvé des significations à la TPS et à la TVQ. Tu vis au Québec, tu paies en sacrifice. Oui, tu paies en sacrifice, M. le Président. Baissez-les, enlevez-les, ces 15 %, et vous allez voir que les frontières vont être là et ça ne magasinera pas fort. N'essayons pas de sortir des faussetés pour justifier un geste. m. le président, c'est le fruit d'un «deal» avec des gros «lobbies». 28 % de grands espaces, ça n'a plus d'importance, les 72 %. c'est ça qui est le jugement porté par le ministre et son gouvernement; lui qui voulait consacrer toutes ses fins de semaine à sa femme et à ses petits. ne pourrait-il pas penser qu'il y en a beaucoup au québec. il y a 400 000 travailleurs, soit dit en passant, qui n'ont sûrement pas été consultés pour savoir ce qu'ils voulaient et à qui on ne veut pas donner le temps pour s'organiser, M. le Président. D'ailleurs, j'ai entendu un leader syndical dire: II faut aller vite, sinon ceux qui sont contre vont avoir le temps de s'organiser pour le combattre. Franchement! C'est ça, la démocratie? Il a dit ça tel quel, M. le Président. Il faut aller vite. Si le ministre peut se grouiller un peu, autrement, il va y avoir une coalition contre l'ouverture, puis on va avoir de la misère. On va encore manquer le bateau. En démocratie, permettez donc au monde de s'exprimer. Vous allez voir qu'il y en a plusieurs qui pourront dire, comme le ministre, en 1989: En fin de semaine, je pourrais consacrer mon temps à mes enfants et à ma femme. Et ils ont peut-être le droit autant que lui, M. le Président, de ces temps d'intimité avec la famille.

M. le Président, je pourrais continuer, bien sûr. J'ai parlé des TUAC. Je voulais en parler absolument parce qu'il y a des choses qui m'ont révolté quand j'ai appris des choses. Mais je voudrais également toucher un tout petit peu au temps de l'année dans lequel on passe ça. On vient faire miroiter ça. C'était pour le 29 novembre, dans le fond, et je maintiens de mon siège que c'était sciemment fait, en plus, parce que ça avait été annoncé dans Le Devoir du 24 novembre, parce que ça a été répété en Chambre, ici, à une question que j'ai personnellement posée au ministre, qui m'avait répondu que la réponse viendrait à l'article du projet de loi. Le lendemain, je me suis relevé, j'ai posé la question et il m'a référé à l'article 15 en me le lisant.

Sciemment, M. le Président, au-dessus de toutes les règles du Parlement, le ministre avait décidé, sans consulter qui que ce soit de l'Opposition, d'outrepasser les règles normales de l'adoption d'une loi. Il avait induit des commerçants en erreur. Il leur avait dit que ça ouvrirait. Il y a des commerçants qui ont ouvert. Il y en a même qui ont dit à la télé que c'était à lui de se brancher: rouvre, rouvre pas, rouvre, rouvre pas. On a ouvert. J'ai hâte de voir s'il va les poursuivre. J'ai hâte de voir s'ils vont appliquer la loi. J'ai hâte de voir si leurs entourloupettes du départ ne joueront pas jusqu'à la non-application de la loi. Mais imaginez-vous donc qu'on voit clair, nous aussi! On a des antennes un peu dans tous les milieux, puis on va suivre le gouvernement là-dessus, M. le Président, parce que, sciemment, on se foutait du Parlement.

On a essayé de faire croire que ça augmenterait les ventes de 1 %, un chiffre tout à fait artificiel qu'un attaché politique peut avoir préparé dans l'espace d'une heure, pas d'étude sérieuse. Pourtant, même en 1988, on disait: II faudrait gratter ça davantage, M. le Président. Je me souviens des recommandations d'un des rapports, en particulier la recommandation 3 qui

disait: La réglementation devrait porter sur la vente des produits plutôt que strictement sur les établissements commerciaux, afin de ne pas accorder de biais favorables aux nouvelles formes de commerce. La recommandation 1 disait, M. le Président: Les pouvoirs d'application de la loi, en cas de non-déréglementation, devraient être renforcés afin de ne pas encourager la désobéissance civile, la concurrence déloyale et les distorsions en résultant. Ils ont manqué le bateau. Ce n'est pas du tout à ça qu'ils ont donné suite. Pourtant, ils ont des rapports qui étaient clairs là-dessus.

M. le Président, ce gouvernement, à toutes fins pratiques, n'a rien trouvé pour relancer l'économie. Ce n'est pas pour rien que, même si ça leur prend notre consentement pour procéder à l'adoption de cette loi-là, qu'ils l'amènent, sinon on ne siégerait pas en cette Chambre, cet après-midi, croyez-le ou non, avec au-delà de 450 000 chômeurs, avec au-delà de 439 000 ménages sur l'aide sociale. Ils n'ont pas d'autres mesures pour relancer l'économie, pour créer de l'emploi, pour redonner espoir à nos jeunes qui sont sans travail. Ils n'ont pas d'autres choses à nous faire discuter que de l'ouverture des commerces le dimanche. Si vous voulez que vos commerces, le dimanche, vendent, créez de l'emploi. Si vous voulez que les gens consomment, créez des jobs. Si vous voulez que les commerces augmentent leur chiffre d'affaires, arrangez-vous pour que les foyers... que les pères de famille travaillent, et qu'ils puissent se présenter au magasin avec de l'argent dans leurs poches pour consommer.

Mais, comme premier geste intelligent à poser, ce n'est pas d'élargir les heures où on doit dépenser, c'est d'abord de créer la richesse pour qu'on puisse dépenser. Créez-en, des emplois! Arrivez avec des programmes concrets d'action, ici, cet après-midi, pour redonner aux 20 % de jeunes de 18 à 24 ans, qui sont sur le chômage. Ils vont consommer, après. Ils seront peut-être les premiers à revendiquer sept jours par semaine d'ouverture, pour dépenser.

Ce n'est pas des occasions de dépenser qu'on veut avoir. La crise économique, c'est des occasions de gagner sa croûte d'abord. C'est ça, un plan de relance. Ce n'est pas de dire: Ah! bien, écoutez, on va dépenser. Quand tu n'as pas d'argent, tu ne dépenses pas. Quand tu gagnes 300 $ par semaine, tu ne peux pas en dépenser 400 $. Mais quand tu es sur le chômage ou sur l'aide sociale et que tu crées de l'emploi, ah là! tu deviens un consommateur qui peut injecter dans l'économie. C'est ça, la différence fondamentale qui nous oppose dans les perceptions. Pour vous, vos perceptions, c'est de la poudre aux yeux: faire croire que vous faites de quoi pour l'économique, faire croire que vous faites de quoi pour que l'économie reparte, donner confiance aux contribuables. Je m'excuse, mais redonner confiance aux contribuables, c'est leur redonner cette fierté du travail. Ces occasions de travailler, créez-les! Créez des emplois et, après ça, on parlera de libéralisation des heures de commerce. C'est clair? C'est le monde à l'envers, M. le Président.

Motion de report

Et pour permettre au ministre de réenligner ses flûtes, comme on dit en bon québécois, lui permettre d'aller réfléchir à la phrase qu'il disait en 1989, où ce n'est sûrement pas le dimanche qu'il va s'exciter devant les vitrines - parce qu'il y a bien du monde, tout ce qu'ils peuvent faire, c'est du lèche-vitrine; ils n'ont pas d'argent pour entrer à l'intérieur - donc, pour lui permettre de réfléchir et de refaire ses devoirs dans le sens qu'on lui dit, relancer l'économie en créant de l'emploi, je propose que la motion en discussion sort modifiée en retranchant le mot «maintenant» et en ajoutant, à la fin, les mots «dans trois mois».

Le Président: Votre motion est déposée. C'est une motion recevable en vertu de notre règlement. Une telle motion, qu'on appelle, en fait, dans le langage courant, une motion de report, donne lieu à un débat restreint.

Alors, à ce moment-ci, je vais suspendre les travaux pendant quelques instants et convoquer les deux leaders à une rencontre pour fixer le partage du temps dans le cadre du débat restreint. Les travaux sont suspendus pour quelques minutes.

(Suspension de la séance à 15 h 49)

(Reprise à 15 h 53)

Le Président: Alors, veuillez prendre place, s'il vous plaît.

Nous allons maintenant discuter de la motion de report présentée par le leader de l'Opposition, visant à reporter l'adoption du projet de loi à trois mois.

Suite à la conférence avec les leaders, il a été convenu que le partage pour ce débat se ferait de la façon suivante: Le débat est d'une durée maximum de 2 heures; 10 minutes sont réservées au groupe des députés indépendants; le reste du temps sera partagé également entre le parti ministériel et le parti de l'Opposition officielle. Il est entendu qu'il y a possibilité d'une intervention principale de chaque côté, pour une durée maximum de 30 minutes. Le restant du temps, il n'y a pas de limite vis-à-vis du reste du temps accordé au niveau de chacune des formations politiques.

Je suis donc prêt à reconnaître comme premier intervenant, maintenant, M. le député Louis-Hébert.

M. Réjean Doyon

M. Doyon: Merci, M. le Président. Il arrive rarement qu'un député ait, comme ça, à parler deux fois de suite sur un même projet de loi en l'intervalle d'une demi-heure. M. le Président, j'ai l'impression que les discours que nous avons entendus n'ont eu aucune influence, malheureusement, sur la décision que l'Opposition avait déjà prise de rendre la vie la plus difficile possible au gouvernement et de faire tout en son pouvoir pour que nous puissions être embarrassés pour faire passer ce projet de loi là, avec une utilisation que je qualifie d'abusive des règlements de cette Assemblée.

Il est bien sûr qu'il apparaît nettement que l'Opposition a décidé de faire abstraction du bien commun. Elle a décidé de faire, encore une fois, ce dans quoi elle se spécialise, c'est de la politique, de se servir de tous les prétextes pour tenter - parce qu'il n'y a pas d'autre raison - de mettre le gouvernement dans l'embarras et tenter de faire en sorte que le gouvernement ne puisse pas mettre en oeuvre ses projets législatifs. C'est absolument regrettable et ça ne peut être que déploré. Et il faut dénoncer cette attitude étroite, mesquine de la part de l'Opposition qui tente de faire de la démagogie sur un sujet qui est aussi neutre que celui-là.

Que nous dit l'Opposition? L'Opposition nous dit: Commencez par trouver des jobs et puis, après ça, une fois que les gens auront de l'argent dans leurs poches, ils pourront dépenser. C'est un peu l'histoire, M. le Président, de la poule et de l'oeuf. On commence par quoi? Ce que l'Opposition prétend vouloir actuellement, c'est que le gouvernement se lance dans des grands projets qui coûteraient les yeux de la tête, des grands projets qui auraient pour effet de faire dépenser l'argent, finalement, qu'on n'a pas, l'argent qui n'est pas disponible, l'argent qui n'est plus disponible, qu'il nous faut emprunter. Évidemment, l'Opposition s'y connaît dans ce domaine-là. L'Opposition a eu la spécialité d'accumuler des déficits de plus en plus grands, d'emprunter pour payer les salaires des professeurs chaque semaine, pour payer les infirmières dans les hôpitaux. On n'accepte pas, nous, de faire ça. Ça nous paraît une façon de faire anormale. Nous croyons qu'il vaut mieux faire preuve d'imagination, qu'il vaut mieux trouver des moyens pour que l'économie puisse se trouver dans un meilleur état, même si ces moyens sont moins spectaculaires que si on décidait de dépenser 1 000 000 000 $ou2 000 000 000 $.

Ce qui est surtout grave là-dedans, M. le Président, c'est que l'Opposition oublie une chose très importante, c'est que quoi que l'Opposition dise ou fasse, les besoins des consommateurs sont là. Les consommateurs demandent cette mesure-là. Il y a 70 % des consommateurs qui veulent un élargissement des heures d'ouverture des commerces et des jours d'ouverture des commerces. Et cette proportion monte jusqu'à 82 % quand on explique à la population, aux répondants qui sont interrogés, que personne ne sera obligé de travailler s'il n'est obligé de le faire, 82 %.

Et, malgré tout ça, l'Opposition s'entête. Malgré tout ça, l'Opposition se sert de vieux moyens, un vieux truc parlementaire, ce qu'on appelle une motion de report dans le jargon, tout simplement pour obliger, tenter d'obliger le gouvernement soit à faire machine arrière, à mettre le projet de loi dans le réchaud quelque part, soit encore à le modifier pour que l'Opposition puisse se vanter d'avoir eu ce qu'elle voulait avoir, ou encore, tout simplement pour laisser traîner les choses au feuilleton assez longtemps pour que cette mesure législative, qui est, encore une fois, exigée par 80 % de la population, soit mise au rancart par le gouvernement. (16 heures)

Eh bien, moi, je pense que l'Opposition fait fausse route. L'Opposition fait exactement le contraire de ce qu'un éditorialiste dit dans Le Soleil du 25 novembre. L'éditorial, M. le Président, était intitulé «La bonne décision au bon moment», en parlant de la décision de libéraliser les heures d'ouverture des commerces. «La bonne décision au bon moment», c'est signé par M. Michel Audet. M. Michel Audet termine son editorial en disant ce qui suit: «Le gouvernement Bourassa ne pourra aller de l'avant à l'Assemblée nationale que s'il a l'appui de l'Opposition officielle. Il faut souhaiter, dit-il, que cette dernière maintiendra son attitude positive à l'égard de ce changement législatif.»

Le Président: Un instant, M. le député. J'ai un rappel au règlement. Mme la députée de...

Mme Bleau: Selon l'article 32, voulez-vous rappeler les députés à leur place, s'il vous plaît?

Le Président: L'article 32 prévoit, au fait, que chacun doit contribuer au maintien du décorum et occuper la place qui lui a été assignée par le président. Alors, s'il y a un député qui n'est pas à son fauteuil, j'exigerais, s'il vous plaît, que chacun regagne sa place. Vous pouvez poursuivre, M. le député.

M. Doyon: M. le Président, j'étais en train de dire, avant que la députée n'ait besoin de rappeler à un député que sa place n'était plus de ce côté-ci mais là-bas, et qu'il l'avait choisie et qu'il ferait mieux de s'y tenir, je disais que la bonne décision du gouvernement au bon moment... M. Michel Audet, dans un editorial, disait: «II faut souhaiter que cette dernière maintiendra son attitude positive à l'égard de ce changement législatif. Sa collaboration permettra d'éviter une

foire d'empoigne dont l'économie du Québec ferait les frais». Ce n'est pas moi qui dis ça, là, c'est l'éditorialiste Michel Audet, du Soleil.

Vous êtes en train de faire exactement ça: essayer de partir dans cette Assemblée, qui n'en a nullement besoin, une foire d'empoigne dont la victime va être l'économie du Québec. C'est ce que vous êtes en train de faire. Je veux juste que vous réalisiez jusqu'à quel point la population réprouve une telle attitude. Il est inadmissible qu'on oublie, pour des raisons de partisane-rie politique, le bien commun, le bien public. Vous avez une obligation d'agir à certains moments donnés avec un souci du bien commun, en faisant abstraction du profit politique que vous tentez de tirer vers certains textes législatifs qui sont devant cette Assemblée.

Il est dommage, M. le Président, que nous soyons en fin de session toujours avec les mêmes vieux trucs usés jusqu'à la corde: report dans trois mois, report dans six mois. Ça veut dire quoi? Ça veut dire tout simplement que vous êtes contre, et la population va vous juger sur cette opinion que vous exprimez par cette motion de report, c'est-à-dire votre opposition à un projet de loi qui est souhaité par les quatre cinquièmes de la population du Québec. Non seulement c'est souhaité par le public, le public qui achète, qui consomme, mais c'est souhaité par les commerçants, c'est souhaité même par les syndicats, c'est souhaité par les chambres de commerce, c'est souhaité partout, à la grandeur de la province. Pourquoi y a-t-il eu un changement d'attitude? Parce que depuis deux ans on s'est aperçu que l'ouverture de la fenêtre, en ce qui concerne les heures d'affaires, ça n'avait pas donné de pneumonie à personne. Il n'y a même personne qui a toussé là-dessus, puis on s'aperçoit qu'on peut aller plus loin et en même temps rendre service à tout le monde. Vous nous aviez promis la catastrophe, le cataclysme national, la disparition des petits dépanneurs, des petits commerçants. Il n'y en a pas eu, de ça. Il n'y en a pas eu, de ça.

Une voix: C'est vrai.

M. Doyon: Et là, on s'aperçoit que même ceux qui étaient contre à l'époque se sont ravisés. Ils ont changé leur fusil d'épaule et, maintenant, se disent pour et incitent le gouvernement à agir. Mais, malheureusement, le gouvernement se voit en butte à des obstacles comme ceux que vous mettez de travers sur notre route. C'est triste à dire, mais, M. le Président, l'Opposition est en train de montrer son vrai visage, qui est la politique du pire, se disant, dans leur raisonnement à eux, que plus ça va aller mal, moins il va y avoir d'emplois, moins les gens vont pouvoir travailler, plus il y aura de misère, plus le gouvernement va être blâmé, bien sûr, et que, dans les circonstances, l'Opposition ne pourra qu'en retirer des fruits.

Moi, j'appelle ça la politique de la terre brûlée, M. le Président. C'est qu'on brûle tout devant soi en se retirant et on dit: Tant pis, crevez tous de faim et, après ça, nous aurons notre chance. Et vous risquez, en agissant d'une façon aussi irrationnelle et aussi risquée, de vous retrouver si jamais - je ne le crois pas, mais si jamais vous reprenez le pouvoir - à gérer un désert économique, parce que vous aurez appliqué la politique de la terre brûlée, vous aurez fait disparaître autant d'emplois que vous aurez pu en vous opposant à tout ce qui s'appelle mesure de nature à aider un tant soit peu l'économie du Québec. Vous aurez appliqué cette politique de la terre brûlée, avec des motions de report, avec des motions de scission. Vous serez devant un désert à administrer et à gouverner si jamais vous prenez le pouvoir. Evidemment, à ce moment-là, vous blâmerez le gouvernement de vous avoir laissé un tel héritage si jamais vous arrivez là, ce que je ne crois pas, que je ne souhaite pas et ce que la population ne veut pas non plus, j'en suis convaincu.

M. le Président, la politique a parfois des exigences d'aller au-delà des intérêts immédiats d'un parti politique. Il faut être capable de surmonter les intérêts mesquins de la partisanerie politique pour en arriver à une vision plus généreuse, plus globale, mais, en même temps, plus humaine des problèmes auxquels on a à faire face. J'avais un faible espoir, quand j'ai entendu le chef de l'Opposition s'exprimer, il y a quelques semaines, que le gouvernement ne serait pas en butte à ce genre de guérilla, de guérilla de parlementarisme et, pourtant, c'est ce qui se passe. À la première occasion, pas à la deuxième, à la première occasion, l'Opposition profite de la possibilité d'embêter le législateur, majoritaire en cette Chambre, et de lui créer le plus de difficultés possible. C'est pour ça que nous nous retrouvons devant cette situation aujourd'hui. L'Opposition, je suis sûr, va être jugée sévèrement par la population parce qu'il n'y a aucune raison qui vaille pour agir de cette façon. Il n'y a aucune raison qui rejoint le bien commun, qui ferait en sorte que les intérêts du public seraient préservés.

C'est malheureux à dire, M. le Président, mais une telle attitude n'est pas très, très reluisante pour l'ensemble des députés, disons-le. Les gens ont entendu la présentation que le ministre a faite cet avant-midi. Nous aurions pu avoir une discussion d'idées. J'ai déposé, tantôt, un rapport fait par Price Waterhouse, selon des méthodes scientifiques, où ils comparent l'Alberta et la Colombie-Britannique dans une perspective d'augmentation, de libéralisation des heures d'ouverture des commerces, et ils en viennent aux conclusions dont j'ai fait lecture tout à l'heure. Ce document a été déposé ici, en cette Assemblée. N'importe qui, étant donné que le document est nouveau, aurait pu croire que l'Opposition aurait eu la curiosité d'aller voir ce

qu'il y avait dedans. Ce document n'était pas connu. On vient de l'avoir à notre disposition.

Pensez-vous que quelqu'un est allé demander au secrétariat, à la table, du côté de l'Opposition: Est-ce que je pourrais avoir ce document pour en prendre connaissance avant de faire la motion de report? Ça aurait été une attitude pas mal plus intelligente. Mais non! C'était déjà tracé; c'était déjà décidé qu'à la première occasion le leader parlementaire de l'Opposition viendrait ici, quels que soient les arguments du gouvernement, quels que soient les arguments du ministre, quels que soient les documents déposés, quelles que soient les raisons qui militent en faveur et qui sont invoquées en faveur de la libéralisation des heures d'affaires. C'était déjà écrit dans le ciel que le leader de l'Opposition se lèverait et présenterait une motion de report, parce que c'est ça qu'ils ont décidé de faire, et ils ont conclu qu'en stratégie purement partisane, purement électoraliste, c'était quelque chose dont ils pouvaient, semble-t-il, à leur opinion, bien que je suis d'avis contraire, tirer profit.

Il est regrettable que nous ayons une telle attitude, dès le début de cette session, alors que nous avons été amenés à croire qu'il y aurait une possibilité de collaboration, une possibilité de partage d'idées et d'appui mutuel dans les gestes qui s'imposent. C'était, bien sûr, rêver en couleur, c'était s'illusionner. Il est aussi bien que les illusions que nous avons pu avoir à ce sujet-là tombent dès maintenant. Je n'y ai jamais vraiment cru, mais je me suis dit: Tout d'un coup que ça serait vrai! Tout d'un coup que le chef de l'Opposition ajusterait ses gestes a ses paroles! Une fois n'est pas coutume. Peut-être qu'il pourrait nous surprendre, tous et chacun d'entre nous, et que nous aurions pu entendre le chef de l'Opposition se lever et dire: Le gouvernement prend une mesure qui est de nature à alléger un tant soit peu la situation économique assez difficile que nous vivons par les temps qui courent. Malheureusement, ce n'est pas ça qui s'est produit. Vous avez, comme je l'ai été, comme la population l'est, été témoins d'un geste purement partisan, un geste purement basé sur un avantage momentané qui permettrait à l'Opposition de faire croire qu'elle est soucieuse de permettre aux gens de s'exprimer. Il y a eu une longue consultation. Le ministre a énuméré tous ceux qu'il a pu voir, tous ceux qu'il a pu rencontrer, et il s'est dégagé un consensus. Il est bien sûr que quand on a 80 % de la population qui appuie une mesure, on n'a pas 100 %; il y a 20 % de la population qui n'est pas - disons-le - favorable à une telle libéralisation des heures d'ouverture et des jours d'ouverture. Mais 20 % qui est contre par rapport à 80 % qui est pour, je crois que c'est quand même significatif que nous ayons le besoin de proposer une mesure qui va à la rencontre de cette majorité exprimée par les contribuables, par les consommateurs.

Donc, M. le Président, je m'inscris en faux totalement, totalement contre cette motion de report. Je la regrette profondément. J'y vois le signe que nous vivons encore à l'ère de l'affrontement à tous les niveaux et même quand c'est les contribuables, les consommateurs qui doivent en faire les frais. L'affrontement va continuer d'exister parce qu'il est impossible d'avoir une mesure qui fera l'unanimité. Il est impossible. Et encore ferait-elle l'unanimité que l'Opposition trouverait le moyen d'être la seule à avoir le pas dans la parade. (16 h 10)

Qu'est-ce qu'un gouvernement doit faire, M. le Président? Est-ce qu'il doit se plier aux diktats de l'Opposition et laisser l'Opposition déterminer quels vont être les gestes législatifs que le gouvernement va poser ou est-ce qu'un gouvernement se doit d'évaluer une situation, de raisonner sur cette situation-là, de faire les consultations qui s'imposent et, après ça, agir? Il serait plus agréable et plus facile et extrêmement plus valorisant pour nous tous d'avoir un consensus de cette Assemblée sur un sujet semblable. Je reste convaincu que la population comprend que le gouvernement agit dans le bon sens, qu'il le fait en vertu des trois principes énoncés ce matin, c'est-à-dire: une égalité entre les divers commerçants, qui ont le droit d'être traités également - tout le monde a le droit d'être soumis aux mêmes règles du jeu; deuxièmement, une réponse adéquate aux besoins de la population - c'est ce que les sondages nous indiquent; et troisièmement, une préservation de la qualité de vie de la population. C'est ce que nous faisons de cette façon-là.

Évidemment, nous aurions pu aller à l'extrême. Nous aurions pu tout simplement abolir toute réglementation dans ce domaine. Nous avons voulu prendre la voie du compromis, la voie du raisonnable, de la raison, pensant que nous serions suivis dans ce domaine-là par l'Opposition. Malheureusement, la motion de report nous remet les deux pieds sur la terre. Et je me dis que nous devrons faire comme nous avons fait à chaque fois, nous battre de haute lutte, nous battre jusqu'à tard la nuit pour obtenir les votes qui nous sont nécessaires pour faire approuver un tel projet de loi, comme nous avons fait dans d'autres projets de loi. Et nous le ferons, M. le Président, étant convaincus qu'il y va du bien de la population et qu'il y va de la responsabilité qui est celle du gouvernement. Je sais qu'en ce sens nous serons suivis par la grande majorité des gens qui suivent ce débat, qui comprendra que notre action n'est pas une action égoïste et mesquine, mais une action qui s'inscrit dans une ambiance totale de réponse aux besoins de préservation de la qualité de la vie encore et d'égalité entre les commerçants.

J'invite tous mes collègues ici, à cette Assemblée, à réfléchir à ce que nous sommes en train de faire, espérant que, le plus tôt possible,

nous pourrons faire adopter ce projet de loi et que - souhaitons-le, M. le Président - cette motion de report, qui nous oblige à débattre pendant deux heures, sera la dernière motion de cette nature. C'est tout simplement une motion dilatoire qui ne changera rien au cours des choses, sauf que de prolonger le débat pour deux heures ou trois heures supplémentaires. Il n'y aura rien de fondamentalement changé dans la décision qu'a prise le gouvernement d'agir de cette façon, mais l'Opposition aura fait son baroud d'honneur. L'Opposition aura tenté de faire déraper le gouvernement dans sa volonté de faire adopter ce projet de loi.

Je reste convaincu que la majorité des députés en cette Chambre auront compris que le projet de loi 59 est un bon projet de loi, que nous avons tout avantage à le voter dans les meilleurs délais pour qu'il soit en application le plus vite possible, pour qu'il réponde aux besoins qui sont connus, des besoins qui ont été établis, et qu'il permette un tant soit peu, même si ce n'est pas la raison fondamentale, la raison primordiale, d'avoir les 9000 ou 10 000 emplois qui vont découler de ça, les 75 000 000 $, 80 000 000 $ de revenus qui vont revenir au gouvernement par taxes et impôts de toute nature, en même temps que 200 000 000 $ environ qui seraient payés en salaires de toute nature.

Alors, sur ces quelques paroles, M. le Président, je désire tout simplement m'inscrire encore une fois en totale opposition avec la motion de report, espérant que nous nous retrouverons sur le fond du projet de loi aussi rapidement que possible. Merci.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le député de Louis-Hébert.

Je vous rappelle que nous sommes à discuter d'une motion du leader de l'Opposition officielle suggérant que soit reportée la motion du ministre de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie relativement à l'adoption du principe du projet de loi 59, et, sur cette motion de report, en vous rappelant, M. le député, qu'en vertu des règles établies, vous disposez d'une intervention maximale de 30 minutes, je vais céder la parole à M. le député de Laviolette.

M. Jean-Pierre Jolivet

M. Jolivet: Merci, M. le Président. Je vous dirai d'abord, au départ, que, compte tenu du nombre de personnes qui veulent parler de mon côté, je prendrai environ 15 minutes, mais vous avez entendu le député de Louis-Hébert nous dire, en commençant son intervention, sa surprise de devoir intervenir deux fois d'affilée sur un projet de loi. Je vous dirai, moi, ma grande surprise, et je suis sûr pour plusieurs de nos collègues aussi, notre grand désagrément de nous entendre crier pendant deux interventions d'affilée n'importe quoi, de nous fire dire n'importe quoi.

Je vous donne un exemple. Il dit: L'Opposition a décidé d'utiliser le règlement, qui est une motion de report, parce qu'elle veut le faire pour une raison électoraliste. Ça, il dit ça d'une partie. À côté de ça, il dit, M. le Président: Vous savez, 70 % des gens sont d'accord, même 80 %, selon nos sondages, sont d'accord pour l'ouverture des magasins le dimanche. Comment voulez-vous qu'on le fasse par raison électoraliste si 70 %, 75 %, 80 % sont contre nous? C'est épouvantable d'affirmer deux choses dans un discours à une minute d'intervalle, étant l'une et l'autre contradictoires.

Notre but, M. le Président... et le ministre, avec qui j'ai eu l'occasion de discuter de ce projet de loi là, il y a longtemps, puisque c'est, dans mon esprit a moi, la continuité d'une décision qui a été prise voilà deux ans, le sait très bien que c'est par conviction personnelle. J'ai le droit d'exprimer des choses de façon personnelle, mais, en même temps, appuyé par ce que des gens m'ont dit dans mon comté comme ailleurs.

Comme plusieurs d'entre vous, j'ai eu l'occasion d'aller magasiner pour les fêtes de Noël. Étant donné que le ministre nous parle de ses deux enfants et de sa femme, moi aussi, je peux en parler, j'en ai six. J'ai eu l'occasion d'aller magasiner... Six enfants. J'ai posé la question à des gens: Est-ce que vous croyez qu'on devrait ouvrir les magasins le dimanche? Est-ce que vous pensez que c'est une bonne chose? Est-ce que vous pensez que ça va avoir pour but de relancer l'économie?

Une voix: Les enfants ont dit oui.

M. Jolivet: Justement, quelqu'un me souffle que mes enfants ont dit oui. Je lui dirai que j'ai un de mes enfants, justement, qui travaille dans un magasin. Il m'a dit non. Il est ici à Québec. Il m'indiquait les difficultés que ça donnerait à son amie et à lui-même de pouvoir avoir des moments de rencontre parce que, justement, leur vie va être perturbée, parce qu'on ne sait pas, dans le cas de son amie qui travaille dans une librairie et lui qui travaille dans un magasin de disques, ce que ça donnerait comme résultat personnel les fins de semaine. Il le sait très bien, ce que ça va donner, les difficultés comportant, au niveau des gens, des horaires totalement différents les uns des autres.

Vous imaginez maintenant ce que ça donne dans des familles. Je posais la question au centre d'achats. J'ai été au centre d'achats Laurier, la semaine passée, puis j'ai demandé à quelqu'un qui travaille chez Sears qu'est-ce qu'il pensait de l'ouverture des magasins le dimanche. Il me dit: Moi, écoutez, mes enfants, dans le temps où je travaillais, au départ, les vendredis soir et les samedis toute la journée, ça a augmenté au jeudi soir, le vendredi soir et les samedis. Voilà qu'on

nous demande de travailler le dimanche. Il dit: Je le sais ce que mes enfants m'ont dit à moi: Quand vas-tu pouvoir nous voir, papa? L'individu lui-même le sait très bien. Je pourrais citer, M. le Président, aussi des députés libéraux. Ce n'est pas tous des Dumont, mais il y en a quelques-uns qui nous parlent en dehors de l'Assemblée, ici, qui nous disent qu'ils sont contre la décision du ministre mais qui sont un peu des gens qui rentrent dans le rang. On l'a vu. (16 h 20)

On a vu le député de Louis-Hébert, tout à l'heure, lancer encore, en disant: Ils ont fait peur, le cataclysme, la catastrophe! Aïe! j'en ai entendu des vertes et des pas mûres pendant la campagne référendaire! Nous faire dire que si c'était un non, M. le Président, ce serait la famine. Le député des îles-de-la-Madeleine nous a dit ça, ce serait comme en Somalie. Il y a des gens comme le ministre de l'Agriculture qui a dit chez nous que si c'était un non il aurait peur parce qu'il avait peur que ce soit possible que le gouvernement du Parti québécois gèle les comptes de banque. Vous vous imaginez! Je l'ai entendu de mes propres oreilles, je l'ai vu à la télévision; je n'en revenais pas, être capable de nous faire accroire des choses semblables. Qui a fait peur au monde? Ce n'est pas nous autres. Qui a fait peur aux personnes âgées pendant la campagne référendaire en leur disant qu'elles perdraient leur pension? Et quand je leur disais: Écoutez, ceux qui vont être au pouvoir demain matin, après le référendum, c'est encore le Parti libéral, c'est encore le parti conservateur et, ces deux-là, ce «serait-u» eux autres qui voudraient vous couper votre pension? Vous savez très bien que ce n'est pas vrai. Pourquoi vous font-ils peur de même? Qui a fait peur au monde? Qu'ils ne viennent pas nous faire mention de ces choses en disant que c'est nous. Ce n'est pas vrai.

Je vous dirai cependant, M. le Président, que nous sommes devant un projet de loi qui a été ficelé à la dernière minute pour répondre à des pressions venant de grandes entreprises. Le ministre est devant nous, il nous écoute, je sais qu'il a une patience d'ange des fois, qui cache un caractère assez difficile à certains moments donnés, quand il se choque, mais une chose est certaine, M. le Président, c'est que le ministre a subi de la part de l'Opposition, quand on a discuté de l'ensemble du projet de loi sur l'ouverture des magasins, des choses qui étaient normales en défense des droits des citoyens et des citoyennes.

Les gens, à ce moment-ci, il y en a plusieurs qui ont laissé tombé les bras en disant: Qu'est-ce que tu veux, ça semblerait que le gouvernement a l'intention de rouvrir les magasins, et il va réussir à le faire parce qu'un jour il va avoir la majorité et il va le faire. Je l'ai dit à des commerçants chez moi. Je pourrais vous en nommer dans la 6e Avenue à Grand-Mère qui m'indiquaient qu'ils étaient contre l'ouverture des magasins le dimanche, mais ils disaient: Qu'est-ce que vous voulez, on sait bien qu'à un moment donné vous allez devoir céder sous la pesanteur du nombre. C'est rien que ça, dans le fond.

Mais il y a au moins une chose par exemple, M. le Président, que le ministre doit savoir et que les membres du gouvernement doivent savoir: ce n'est pas nous qui avons décidé d'ouvrir la session après le 15 novembre. Ce n'est pas nous qui avons décidé de déposer les projets de loi après le 15 novembre. Il y a au moins un pouvoir que je possède, comme législateur - parce que, quand on a entendu parler le député de Louis-Hébert tout à l'heure, c'est comme si c'était juste eux qui faisaient de la législation; je suis un législateur, M. le Président, ici, membre de l'Opposition, bien entendu - j'ai le droit de donner mon opinion, d'être pour ou d'être contre. Mais il y a un pouvoir, au moins, que j'ai et je le prendrai jusqu'au bout, et le ministre doit en être averti.

Le moyen que nous prenons actuellement, c'est pour lui faire comprendre que ça n'a pas de bon sens, c'est pour que les gens dans le milieu comprennent, pour certaines personnes qui ont été vérifiées par sondage, que ce n'est pas tout à fait vrai, ce qui a été dit par la question qui est posée, dans la mesure où un sondage, selon la question qui est posée, donne une réponse. Mais je lui dirai qu'il m'en reste un, pouvoir, M. le Président, et qu'il soit averti, c'est que je ne donnerai jamais mon consentement pour que ce projet de loi là soit adopté à cette session-ci. C'est le pouvoir qui est inscrit dans le règlement, M. le Président: Tout projet de loi déposé après le 15 novembre doit recevoir l'assentiment unanime des membres de l'Assemblée nationale. Et je vous dis, dès le départ: Vous ne l'aurez pas de ma part.

Vous ne l'aurez pas, parce que je crois important de défendre des gens qui ne sont pas défendus autrement que par les membres de l'Assemblée nationale. J'ai été membre d'un syndicat et je défendais mes membres. Bien, c'est ce que font les syndicats actuellement, ils défendent leurs membres. Ils essaient, compte tenu qu'ils connaissent un peu comment la législation se fait, d'en arriver à sauver les meubles, comme on dit. Mais je vous dirai que ce n'est pas tous ces gens-là qui sont syndiqués. La jeune fille qui sort avec mon fils et mon fils ne sont pas syndiqués. Et, comme tout le monde, il y a des gens comme ceux-là qui craignent que même si c'est marqué dans la loi qu'ils ont trois ans où l'employeur ne peut pas les congédier, les mettre à la porte parce qu'ils ont refusé de travailler le dimanche, que... Comme ils me disaient: Écoutez, c'est un peu comme si vous me disiez «Mets-toi un revolver sur la tempe». Il ne bougera pas de là à moins que tu bouges le doigt. Ça veut dire qu'il n'a pas... Ce n'est pas vrai, ça. Ce n'est pas vrai. Il n'y a personne qui

peut dire qu'un employeur n'utilisera pas d'autres moyens et, comme ils sont sans défense, ils devront, ces gens-là, aller aux normes minimales du travail pour se faire défendre, puis dire: Écoutez, j'ai été congédié parce que le patron voulait que je travaille le dimanche, et je n'ai pas voulu. Allez demander à ces gens-là, après ça, s'ils ne sont pas congédiés parce qu'ils sont des gens qui désobéissent d'une certaine façon au patron et, en bout de course, vous allez vous retrouver avec des gens qui n'auront même pas d'assurance-chômage avec la loi fédérale qui est passée, qu'ils veulent passer.

Vous voyez comment les gens ne sont pas des volontaires autrement que des volontaires forcés. Moi, j'appelle ça du forçat, M. le Président. Des gens comme ceux-là, dans un contexte de trois ans, vous allez me faire accroire qu'ils vont avoir l'assurance de ne pas être congédiés parce qu'ils ont refusé de travailler le dimanche? Aïe! Mon oeil, hein!

M. le Président, nous avons devant nous un projet de loi ficelé à la dernière minute. Le gouvernement essayait de faire comprendre et de faire accroire au monde que ça va créer de l'emploi, que ça va donner plus d'emplois, que le monde va pouvoir travailler, que la mère de famille, enfin, va pouvoir aller travailler le dimanche, que l'étudiant va pouvoir enfin travailler la fin de semaine puis le dimanche.

M. le Président, c'est de la foutaise. Nous avons le même gâteau. Nous serons plusieurs à le partager, ce gâteau-là. Ça veut dire que nous allons avoir de plus en plus de gens à emplois précaires, à emplois qui sont des emplois rémunérés au salaire minimum, des emplois a des gens qui n'auront pas d'autre choix, s'ils veulent additionner un tout petit peu plus d'argent que ce que leur mari gagne ou ce que leurs parents leur donnent pour aller aux études, que ces gens-là seront soumis à des pressions immenses, sans aucune défense.

Et moi, je ne peux pas accepter ça. Si nous demandons un report, c'est évident que nous utilisons le règlement pour empêcher que le projet de loi passe. Ça, il ne faut pas s'en cacher. Le règlement nous le permet. Pourquoi se défendre d'utiliser le règlement? Nous le faisons parce que nous croyons que le ministre doit réfléchir davantage, que les membres du gouvernement, que ce sort comme ministre ou comme simple député, comprennent que passer ce projet de loi, à ce moment-ci, sans aucune autre forme que le mémo nous indiquant les bons côtés, en termes d'emplois, en termes d'argent, si ce mémo du ministre est le seul document qu'il nous donne pour baser sa décision, M. le Président, vous savez très bien que ça n'a pas de bon sens.

Vouloir ensuite nous dire qu'il va y avoir plus d'argent de dépensé. Quelqu'un me disait, dans les discussions que j'ai eues avec eux autres: Écoutez, M. le député, vous savez très bien que, dans le fond, ce que le gouvernement est en train de faire, c'est qu'au lieu de dépenser lui-même et de faire des déficits, il voudrait nous forcer, d'une certaine façon, subtilement, à faire ce déficit-là à leur place. Autrement dit, à dépenser davantage en utilisant ma carte de crédit. Autrement dit, ce que le gouvernement fait, c'est que le déficit que je ne veux pas faire: Faites-le donc, vous autres, les citoyens, sortez donc votre argent! Puis, si vous n'en avez pas, utilisez donc votre carte de crédit, puis vous allez emprunter pour la payer après ça. C'est un peu ce que le gouvernement demande aux gens, c'est de les inciter à dépenser.

J'aurai l'occasion de revenir sur le fond même du projet de loi, M. le Président, mais je vous indiquerai une chose. Avec l'ouverture du Club Price à Trois-Rivières, nous sommes devant le fait suivant: C'est que des gens, le dimanche, vont devoir, maintenant, ou pouvoir, d'une certaine façon, aller utiliser ce petit moment de l'après-midi pour aller magasiner. Qu'est-ce que les gens vont faire, M. le Président? Ils vont en profiter pour aller acheter des choses qu'ils paient un peu plus cher à Grand-Mère, au dépanneur, chez Métro à Grand-Mère ou chez IGA. Qu'est-ce qu'ils vont faire? Ils vont faire comme bien des gens trouveront peut-être normal de faire. Ils vont aller dépenser au Club Price pour acheter une série de boites de Kleenex, une série de papier de toilette, une série de boîtes de ci, de boites de ça, envoyé donc, puis ils vont revenir dans le coin à Grand-Mère. Donc, qui va avoir un déficit, M. le Président? Ce n'est pas le Club Price. Ça va être les gens de ma région qui vont voir leurs dépanneurs en difficulté, leur magasin familial en difficulté, qui vont faire en sorte, finalement, de se retrouver avec beaucoup moins d'emplois. (16 h 30)

Quand le député de Louis-Hébert nous indique que nous sommes contre les emplois, qu'il m'explique donc, d'abord, dans ce cas-là, pourquoi le ministre des Forêts refuse un investissement de 35 500 000 $ de Kruger dans ma région, créant 680 emplois, sans une cent du gouvernement, M. le Président, simplement parce que le ministre accepterait qu'il transfère le bois à Saint-Séverin plutôt que de le laisser à La Tuque, demandé par tout le monde. Ça, c'est de la création d'emplois, M. le Président. Pas en pensant, comme le ministre le dit, que ça va créer plus d'emplois, ça va faire dépenser plus d'argent à du monde en ouvrant les magasins le dimanche, M. le Président.

Dans ce contexte-là, je ne peux pas faire autrement que d'appuyer mon collègue, le leader de l'Opposition, qui demande au ministre un temps de réflexion davantage, puis, dans le fond, de reporter cette discussion-là à la session du printemps qui vient, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, merci, M. le député de Laviolette. Sur la même

motion du leader de l'Opposition officielle, je reconnais maintenant M. le député d'Orford.

M. Robert Benoit

M. Benoit: Merci, M. le Président. Vous comprendrez que je voterai contre la motion de report pour différentes raisons. Cette loi 59, elle est une loi importante. Elle est une loi importante, d'abord parce que l'ensemble de la population très largement nous a indiqué que c'était une bonne loi.

Quand 80 % d'une population... C'est très rare qu'on atteint des niveaux comme ceux-là au niveau des sondages, non pas un, non pas deux, mais trois sondages, même faits par les gens qui sont opposés à l'ouverture le dimanche, admettent maintenant que l'ensemble de la population québécoise, que les consommateurs réalisent ce que l'Opposition ne semble pas réaliser, qu'il y a un besoin d'ouvrir les commerces le dimanche.

Ce n'est pas bien, bien compliqué à comprendre, ça. Quand on voit les gens, parce qu'on est fermés chez nous, dans les villes, alentour des États-Unis, près des États-Unis, descendre aux États-Unis, fin de semaine après fin de semaine, bien, je vais vous dire que, chez nous, les commerçants aimeraient mieux que ces gens-là achètent dans notre région plutôt qu'à quelques milles, l'autre bord de la barrière.

M. le Président, quand le ministre, qui est un très bon ministre de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie, qui est reconnu partout, qui a été invité, la semaine dernière, à prendre la parole à Harvard University... C'est un bon ministre qui a pris les intérêts supérieurs du Québec, pas d'aujourd'hui, du temps qu'il était à la SDI, du temps qu'il a été un homme d'affaires. Pas de ce monde que j'entends parler, de l'autre bord, qui n'ont jamais créé une entreprise dans leur vie, qui n'ont jamais vécu avec la préoccupation quotidienne d'opérer des entreprises. Le ministre de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie a d'abord été un homme d'affaires. Il a été ensuite un haut fonctionnaire et il est maintenant le ministre de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie. Il a été élu démocratiquement dans un comté qui s'appelle le comté d'Outremont.

M. le Président, le bien commun passe par l'ouverture des commerces le dimanche. Vous savez, quand on parle de changement, on peut le provoquer, le changement. On peut décider qu'on va être une machine à créer le changement. Ce n'est pas ici qu'on veut faire... On peut, d'autre part, résister au changement, ce que l'Opposition essaie de faire. J'écoutais tantôt le député de Joliette s'énerver le plumet un petit peu, là. Il résiste au changement. Il sait pertinemment qu'il y a une brèche dans le barrage et que tout ça va être emporté à plus ou moins long terme, mais il essaie de résister. Ou bien il peut faire ce que des gens raisonnables, intelligents, qui veulent le bien de leur population... s'ajuster au changement.

C'est là que le Parti libéral se situe dans ce débat, s'ajuster au changement. Je vais vous donner des exemples. La messe de minuit, depuis aussi loin qu'on se souvienne, c'était à minuit. Bien, l'Église catholique, dans mon village, cette année, la messe de minuit, elle va être à 23 heures, pour toutes sortes de raisons, vous allez me dire. Vous avez raison. L'Église catholique, dans ma paroisse, s'est ajustée à un changement. Cette année, ils ont décidé que la messe de minuit va être à 23 heures. On peut être d'accord ou pas, mais il y a eu une évolution des choses, et c'est ça, s'ajuster au changement.

Alors, ces gens-là, M. le Président, qui, depuis quelques heures, vont continuer à le faire, nous disent à peu près la fin du monde si on ouvre le dimanche. Cette attitude négative, que j'ai entendue pendant des mois et des mois, pendant la commission parlementaire. Ils n'écoutaient pas, à la commission parlementaire, je vous rappellerai ça. Notre ministre est arrivé en commission parlementaire, en disant, avec les libéraux qui étaient là - j'étais un de ceux-là: Vous, messieurs, mesdames, qui allez venir nous présenter des mémoires, on va vous écouter. On va essayer d'ajuster notre projet de loi, au fur et à mesure de l'évolution des mémoires. Moi, je suis arrivé là, je vais vous dire franchement, je n'avais pas trop d'opinion. Je venais d'être élu et je me disais: Je vais écouter, ensuite je vais me faire une opinion assez solide et je vais m'en tenir à cette opinion-là.

L'Opposition est arrivée. Dès la première journée, ils sont allés en conférence de presse. Ils ont dit: Peu importe ce que le monde va dire, ici, nous autres, on est contre. On est contre et on va être contre. Bien, ils ont été contre et ils sont encore contre, puis ils vont être contre peu importe ce qui va se passer. Je leur rappellerai et je leur lirai tantôt quelques éditoriaux du Québec, parce que l'ensemble des éditorialistes sont neutres dans le débat. Ils n'ont pas, eux, à être pour ou contre. Ils n'ont pas à défendre des populations. Ils n'ont pas à faire, finalement, ce que l'Opposition fait en ce moment. Et «c'est-u» drôle - j'en lirai, tantôt, des passages - eux, les éditorialistes du Québec, des grands penseurs, ils sont pour. Ils sont pour l'ouverture des commerces le dimanche, M. le Président.

Je vous rappellerai aussi que j'ai eu l'occasion de parler à un certain nombre de députés péquistes qui viennent nous parier et qui nous disent: Chez vous, il y a une zone touristique, vous ouvrez le dimanche. Nous autres, on aimerait bien ça avoir une zone touristique chez nous. On aimerait ça. Alors, il y a un bon nombre de députés qui non seulement aimeraient ça mais qui en ont demandé au nom de leur population et qui pensent que leurs commerces devraient ouvrir. Il y en a un autre que j'ai vu,

M. le Président, en commission parlementaire, et, ça, ça a été l'euphorie ultime. Celui-là, il est arrivé en commission parlementaire et il avait manqué un peu le débat, au début. Il n'avait pas lu les journaux. Alors, il a eu le malheur de dire qu'il était pour l'ouverture des commerces le dimanche. Il était de l'Opposition. Alors, il a fait toute sa série d'arguments, et je trouvais que c'était brillant, que ça se tenait. Alors, lui, il était pour l'ouverture des commerces le dimanche, et je vous dirai qu'on ne l'a jamais revu. Alors, ils se sont assurés qu'on ne le revoie pas parce que, lui, il s'était adonné à dire que sa population, elle était pour l'ouverture des commerces le dimanche. On ne l'a jamais revu en commission parlementaire.

M. le Président, ces gens qui sont un peu coquins, ils font leur job. Quand tu es dans l'Opposition, il faut que tu sois contre. Qu'est-ce que tu veux? Ça fait partie de la démocratie. Ils nous disent tout le temps, constamment: Les petits vont fermer, M. le Président. Ça, c'est un mythe qu'on cultive. Je vous dirai que, par les temps qui courent, j'aimerais mieux avoir une petite entreprise qu'une très grosse entreprise. Il me semble que c'est pas mal plus facile de contrôler les coûts, de contrôler toutes les dynamiques d'une entreprise quand on est moins gros. Contrairement à ce qu'ils nous ont dit en 1990, au moment de la commission parlementaire, ce n'est pas les petits qui ont fermé, M. le Président, c'est les gros qui ont fermé. Steinberg, ce n'était pas exactement le plus petit au Québec.

Dans mon comté, depuis cette commission parlementaire, il y a eu six dépanneurs qui ont ouvert. Quand je les visite, ces dépanneurs-là, de quoi je m'aperçois, M. le Président? C'est ceux qui ont dynamisé leur entreprise qui ont fait quelque chose. Ce n'est pas le gars qui est juste assis là, qui voit ses ventes de cigarettes baisser et qui se plaint de son sort, mais c'est celui qui a décidé de faire du bon pain et, le dimanche matin, de vendre du bon pain dans son dépanneur. C'est ceux-là qui vont bien, M. le Président. C'est ceux-là qui ont relevé le défi de l'excellence. C'est ceux-là qui ont décidé d'engager des gens qui voulaient un peu plus que les autres. C'est ceux-là qui ont fait qu'on a six dépanneurs de plus dans mon comté depuis le débat sur les heures d'ouverture.

M. le Président, il y a une dame qui était venue en commission parlementaire nous dire que la qualité de vie, on pouvait la regarder de deux façons. Il y a un député, tantôt, qui nous a parlé de son fils. Je suis sympathique à cette dimension-là. C'est pour ça que, dans le projet de loi, il ne sera pas obligé d'aller travailler le dimanche, son fils. Mais il y a cette mère de famille qui était venue à la commission parlementaire, qui nous avait dit... Et j'invite quelques-uns des gens de l'Opposition à parier avec leur secrétaire. Qu'est-ce qu'elle nous avait dit? Elle avait dit: Moi, je finis de travailler vers 17 h 30, 18 heures. Il faut que je coure au magasin. Tout ça est fermé ou à la veille de fermer. Avez-vous déjà été, messieurs, mesdames de l'Opposition, dans une épicerie, le jeudi soir, voir la bousculade absolument incroyable qu'il y a dans une épicerie? Ça n'a pas d'allure. Pourquoi? Parce que ces dames-là, si elles veulent avoir une qualité de vie avec leur mari, avec leurs enfants, il reste rien que le samedi pour faire ces jobs-là. Cette femme-là, ce qu'elle nous avait dit quand elle était venue en commission parlementaire, c'est: Laissez-la-moi donc, à moi, ma qualité de vie! Moi, s'il fait beau, je vais aller skier le dimanche et je vais faire l'épicerie le samedi, mais s'il faut beau le samedi, je vais peut-être aller en ski le samedi et je vais peut-être faire l'épicerie le dimanche. Elle avait dit: La qualité de vie, ce n'est pas l'affaire des gouvernements, c'est l'affaire des individus. Laissez-nous donc, nous, les consommateurs, nous, les citoyens, décider de la description de la qualité de vie. Enlevez-vous donc de là! Et puis, moi, je pense, je suis allé en politique... Et combien de gens nous disent continuellement: Le gouvernement, il est bien trop dans nos vies quotidiennes. Bien, c'est le plus beau cas où on n'a pas d'affaire dans la vie quotidienne des gens. (16 h 40)

M. le Président, chez nous, à Orford, on a une zone touristique. Ça a été la première, après le débat sur les heures d'ouverture, qui fut reconnue. Moi, ce débat-là, je l'ai vécu et je me disais: Bien, ces gens-là, ils devraient venir chez nous. La qualité de vie, elle n'est pas inférieure chez nous. Ce n'est pas vrai. Les gens qui travaillent le dimanche, bien, ils ont congé le lundi, et il n'y a personne sur les plages, et c'est plaisant. Et les enfants, ils ont des congés, aussi, des lundis. Il y a des tables de... En ce moment, dans les écoles, ils peuvent participer à des activités familiales tout à fait extraordinaires. Et puis, il y a des commerces... On ne les obligera pas, les commerces. Moi, j'ai un commerce, chez nous, qui vend des meubles, M. le Président. Il n'a jamais ouvert le lundi. Il a le droit d'ouvrir le lundi. Lui, il ouvrait le samedi, et il fermait le dimanche et il fermait le lundi. Son personnel voulait ça comme ça. Et c'est un des meilleurs magasins de meubles dans mon coin. Il n'a demandé la permission à personne pour fermer le lundi; il a fermé le lundi. Il n'y a rien qui l'empêchera, dans la loi, de fermer le dimanche, de fermer le lundi et d'ouvrir le samedi. C'est la liberté. Est-ce que ce n'est pas ça que les gens nous demandent, M. le Président? Des fois, je me demande s'ils vivent sur la même planète que moi.

Tous nos voisins, de l'Est, de l'Ouest et du Sud - et si on en avait dans le Nord, probablement qu'ils feraient la même chose - tous nos voisins, sans exception, maintenant, ouvrent le dimanche. Et nous, on est là et on dit: On est

bien différents. Ce n'est pas vrai, M. le Président, les consommateurs, vous en avez... Toutes les études démontrent que les consommateurs ont les mêmes réflexes dans tous les pays du monde, et on n'est pas différents, ce n'est pas vrai. 80 % des citoyens veulent l'ouverture des commerces le dimanche. 40 %, et ça, c'est le chiffre qui m'a le plus impressionné dans les dernières études que nous avons, 40 % des voyages aux États-Unis, 40 % des voyages de 24 heures aux États-Unis se font le dimanche. Ça veut dire quoi, ça? Ça veut dire que les commerces sont fermés chez nous et que les gens s'en vont magasiner aux États-Unis, ils s'en vont au Nouveau-Brunswick, ils s'en vont en Ontario. C'est autant d'emplois - d'emplois - qu'on n'a pas, de ventes qu'on n'a pas.

M. le Président, dans la loi existante, dont on a hérité du PQ, il faut l'admettre, il y avait toutes sortes de choses qui étaient non gérables là-dedans, qui coûtaient un prix extraordinaire. On me donnait des chiffres, il y a quelques jours, de tout près de 1 000 000 $ par année, pour contrôler des lois dont nous avions hérité. Ou bien on gérait la loi à partir du nombre de pieds carrés, ou bien par le nombre d'employés, ou bien on essayait de faire des liens entre le vieux et le neuf, ou bien il y avait une clause de 50 $. C'était une loi qui était dispendieuse et compliquée à gérer, alors que la nouvelle loi aura beaucoup moins d'embûches et va laisser les choses beaucoup plus ouvertes. Encore là, est-ce que ce n'est pas ça que les citoyens nous demandent, de faire des lois qui sont simples, qui sont proaction, qui sont dynamiques?

Et j'y reviens encore une fois, M. le Président, parce que j'arrive du monde des affaires, j'ai passé ma vie dans le monde des affaires. On n'oblige pas les gens à ouvrir, on n'oblige pas les gens à fermer; les gens décideront. Les gens d'affaires, dans un centre d'achats, pourront, eux, décider qu'il n'y a pas de business à faire dans ce coin-là du pays le dimanche; il n'y a rien qui les empêchera de fermer. Mais, l'autre bord de la rue, il y a un groupe qui pense qu'il aura de l'ouvrage, qu'il aura des choses à faire; il ouvrira. Sur la rue principale, à Magog, alors qu'on a le droit d'ouvrir le dimanche, Paul Sauvé, le Centre de la mode Sauvé, il n'a jamais ouvert. Il ne veut pas ouvrir, parce que sa clientèle est une clientèle âgée. Il ne dépend pas du tourisme. Il dit: Moi, je n'ouvrirai pas. Il a le droit de le faire et il aura le droit de le faire. On ne l'obligera pas à ouvrir son commerce. Ce n'est pas une obligation, c'est une permission que cette loi va donner.

Moi, M. le Président, j'ai été élu membre d'une formation qui s'appelle le Parti libéral. Et le Parti libéral, c'est une donnée fondamentale: c'est de pousser et de promouvoir les libertés et les responsabilités, et c'est ce que cette loi nous permet de faire. Tantôt, le député nous parlait des jeunes. Bien, je veux en parler, des jeunes, parce que je suis le responsable, au bureau du premier ministre, du dossier «jeunes». Et je veux vous rappeler que, à la commission parlementaire qui avait eu lieu, quand les jeunes du Parti libéral sont venus, ils nous ont rappelé qu'ils étaient pour l'ouverture des commerces le dimanche, parce que, souvent, c'était d'abord des emplois pour eux, et c'était une des rares périodes où ils avaient, quand ils étaient aux études, le temps d'aller magasiner. Alors, les gens de notre Commission-Jeunesse, ils étaient pour et ils sont encore pour.

Je finirai, M. le Président, en vous rappelant que M. Claude Béland, le président du Mouvement Desjardins, nous rappelait d'acheter chez nous. On connaît que M. Béland est assez près de l'Opposition, et c'est correct, je n'ai pas de problème avec ça. Mais si M. Béland nous dit, d'un côté, de favoriser l'achat chez nous, bien... J'espère que l'Opposition, elle écoute ça, parce qu'en fermant le dimanche, c'est 40 % des gens qui s'en vont magasiner aux États-Unis. Bien, ça, ce n'est pas de l'achat chez nous. Et, on aura beau se gargariser tant qu'on voudra avec les beaux discours, M. le Président, la réalité économique, c'est que 40 % des gens s'en vont aux États-Unis, au Nouveau-Brunswick et en Ontario. Les statistiques sont là.

Le maire de Montréal, le maire de Montréal, qui est tout de même un sympathisant de l'Opposition - je pense qu'il n'y a personne qui va dénier cela - c'est quelqu'un qui est assez près de l'Opposition... Encore là, je suis capable de vivre avec ça, je n'ai pas de problème. En 1990, il était contre les ouvertures de commerce, le dimanche. Eh bien, maintenant, il est pour, M. le Président, parce qu'il réalise que les dimensions économiques de sa ville passent par l'ouverture des commerces le dimanche. Et ça, c'est le maire de Montréal.

Je finirai, M. le Président, en vous lisant deux éditoriaux: un premier en français; l'autre, parce qu'il y a maintenant un député anglophone au Parti québécois... Il y aura une phrase aussi, je ne veux pas l'oublier, il y aura une phrase en anglais pour le député anglophone. Ce sont des éditoriaux du Québec. Ça n'a pas été écrit dans d'autres provinces, ça a été écrit par des concitoyens du Québec, qui vivent avec des enfants, qui ont des familles, qui, eux, feront des choix. Ils décideront d'y aller ou de ne pas y aller le dimanche, mais ce qu'ils nous disent... Je vous cite l'éditorial du Soleil. Il finit en disant, en parlant de l'Opposition: «Sa collaboration permettra d'éviter une foire d'empoigne dont l'économie du Québec ferait les frais». Dont l'économie du Québec ferait les frais! Je vous invite à le lire, cet éditorial-là. Et, en anglais, The Gazette dira: «The party - ils parlent toujours de l'Opposition - the party discredited himself by choosing the victory over the opportunity to give a shot in the arm to the

economy.» En français, c'est que quand tu fais de l'opportunisme avec des lois comme celle-là, c'est l'économie qui va s'en ressentir, c'est les gens, parce qu'on vendra moins, il y a des emplois, des emplois d'attachés à ça.

Et je finis en vous disant, M. le Président, que je voterai contre la motion de report, parce que 80 % des Québécois sont pour cette nouvelle loi. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le député d'Orford. Alors, sur cette motion de report du leader de l'Opposition officielle, M. le député de Labelle, je vous rappelle, et c'est à vous que je cède la parole, qu'il reste à votre formation une période de 41 minutes. Vous ne pouvez pas faire plus que 30 minutes sur votre propre intervention. Allez-y, M. le député de Labelle.

M. Jacques Léonard

M. Léonard: Merci, M. le Président. M. le Président, étant donné que les commerces sont ouverts tout le mois de décembre, je vous demande: Qu'est-ce qui presse en ce moment? Qu'est-ce qui presse, parce qu'en janvier et en février, on assiste aux mois à peu près les plus creux de l'année, sur le plan du commerce. Alors, qu'est-ce qui presse, en ce moment, ce gouvernement, tout à coup, de brimer ou de forcer l'adoption, à ce moment-ci?

Je pense qu'il y a des questions de fond qui se posent. Ce qu'on peut soupçonner, c'est un peu ce qui se dit dans les couloirs, c'est qu'ils ont peur que l'opposition s'organise avec le projet de loi qu'il y a là. Ils veulent le passer à toute vapeur. Probablement que le débat de deuxième lecture va se finir cette nuit, et puis qu'on adoptera, en deuxième lecture, qu'on l'adoptera en deuxième lecture, cette nuit. Comme d'habitude, fin de session, ils veulent escamoter le débat. Et puis, après, ça sera une commission parlementaire où nous verrons bien.

Mais, M. le Président, la motion de report a justement pour but de prendre un certain nombre de semaines, un certain nombre de mois - trois mois - pour qu'on puisse évaluer ce projet de loi. Le gouvernement prétend que 80 % de la population est d'accord avec son projet de loi. J'ai eu l'occasion d'établir ce matin que, lorsque l'on demande à un consommateur: Est-ce que vous seriez d'accord que les magasins soient ouverts 24 heures par jour, 7 jours par semaine? On répond: Oui, si c'est possible, très bien. On a le service, c'est parfait. Mais lorsqu'on demande au consommateur d'examiner les conséquences pratiques de son projet de loi, là, ça devient tout autre, parce que si on lui dit que, comme conséquence, son conjoint ou sa conjointe travaillerait, que ses enfants devraient travailler le dimanche, que lui-même serait amené à travailler une journée de plus dans sa semaine, la réflexion commence à poindre un peu plus parce qu'il est pris personnellement dans le dossier. Et ce sont des choses auxquelles on ne réfléchit pas nécessairement d'emblée, dès le départ, parce que je me suis posé la question, quant à moi: Est-ce que ce serait une bonne chose si les commerces ouvraient le dimanche? Je pense que, même si le premier mouvement, ce serait qu'un service aussi généralisé que celui-là serait une bonne chose, on en vient à une certaine conclusion, à force de réflexion. Aujourd'hui, ce que nous constatons, c'est que plus le temps passe, plus la population est mise au courant des conséquences de l'adoption de ce projet de loi, plus les appuis s'effritent, plus l'opposition grandit. (16 h 50)

Je mettrai en garde le gouvernement d'aller quand même dans ce débat, d'aller de l'avant dans ce projet de loi s'il n'est pas supporté par la population, parce qu'il pourrait assister à des réveils considérables. M. le Président, j'ai eu l'occasion d'intervenir ce matin en deuxième lecture. Il y a un certain nombre d'éléments sur lesquels j'ai insisté. Il y en a d'autres que je pourrais faire valoir. Bien sûr que le débat n'est pas terminé et que ces trois mois de réflexion autour d'un sujet qui avait fait l'objet de débats considérables, depuis les années 1985, mais particulièrement en 1989-1990, il faut constater, à ce stade, que le gouvernement fait volte-face, une volte-face complète parce que son principe, en 1990, c'était justement de ne pas ouvrir de façon généralisée le dimanche.

Il invoque, à l'appui de sa position, certains problèmes qu'il n'a pas explicités davantage, mais qu'on peut soupçonner. J'en prendrai un, tout d'abord, celui du commerce transfrontalier, parce que beaucoup de députés gouvernementaux révoquent. Je voudrais rappeler la position de M. Scott, le président de la fédération canadienne des détaillants, qui a bien établi que, finalement, ce qui était important, ce n'était pas les heures d'ouverture le dimanche, en ce qui concerne le commerce transfrontalier, c'était le taux de change et les différences de taxes entre les produits achetés au Québec et les produits achetés aux États-Unis, notamment.

M. le Président, je pense que le gouvernement, ayant convoqué une commission sur la fiscalité au mois de février, ayant demandé à la population québécoise de lui envoyer des mémoires sur cette question, je pense qu'il serait bon que, justement, on analyse les effets de la fiscalité sur le niveau de commerce transfrontalier. C'est un élément majeur que celui de la fiscalité. En réalité, le gouvernement a introduit une réforme sur la fiscalité en catimini, pas à pas, sans demander une évaluation, sans même faire de commission parlementaire digne de ce nom sur la question, avec le résultat qu'à mon sens il s'est gouré complètement.

En Europe, en particulier, les pays ont eu

tendance à uniformiser la taxation. Les taxes TPS, pays après pays, la tendance, c'est l'uniformisation des taxes à la consommation, la TPS ou la TVA, comme on dit en Europe, notamment, et de laisser à chacun des pays beaucoup plus de marge de manoeuvre en ce qui concerne l'impôt sur le revenu, par exemple, l'impôt sur les profits des corporations, mais particulièrement l'impôt sur le revenu, pour que chacun ajuste les sommes qu'il veut dispenser dans le domaine de la santé et des affaires sociales, dans le domaine de l'éducation.

Ici, M. le Président, on est allé à l'inverse. On a baissé l'impôt sur le revenu. Lorsque nous regardons la tendance fiscale ou les tendances fiscales depuis quelques années, on a baissé l'impôt sur le revenu et on a augmenté la taxation. L'effet, c'a été que notre capacité concurrentielle, en termes de consommation avec les Américains, a été modifiée à notre désavantage, ce qui explique l'explosion, la flambée de la contrebande, à l'heure actuelle, et ceci se vérifie en particulier sur des produits comme l'alcool, le tabac, l'essence et un certain nombre d'autres produits très taxés.

Nous sommes allés, au Québec, de par les décisions prises par le ministre des Finances, qui est un amateur en la matière, exactement à l'inverse de là où on devait aller. Il fera une commission sur la fiscalité au mois de janvier, et je pense que lorsque nous traitons à l'heure actuelle du niveau des achats transfrontaliers faits par les Québécois, en particulier aux États-Unis, ce que je viens de dire est d'une importance capitale. Et je crois que le gouvernement, avant d'aller plus loin et de faire porter le poids de ses décisions en ce qui concerne la fiscalité et ses conséquences sur les petits commerçants et de modifier notre structure commerciale, d'affecter de façon significative notre structure commerciale pour l'avenir, je pense qu'il devrait arrêter, justement, trois mois. Il prend ça comme une entrave à son action que nous proposions une motion de report; c'est une chance que nous leur donnons de réfléchir avant d'aller de l'avant par rapport à la population québécoise, parce que lorsqu'il se targue d'un sondage chez les consommateurs - avec une question tout à fait générale à laquelle il est tout à fait normal de répondre oui - pour modifier les équilibres dans la structure commerciale du Québec, je pense qu'il fait fausse route et qu'il devrait, au contraire, se poser des questions beaucoup plus fondamentales que celle-là.

Un des grands arguments qui sont invoqués, c'est l'augmentation du chiffre de vente. Bien, M. le Président, lorsque nous regardons tous les éléments que nous avons en main, ça n'a aucun effet sur le volume des ventes que l'ouverture des heures d'affaires. Ce que ça a comme effet, surtout, c'est de répartir les ventes sur sept jours plutôt que sur six. Ça, c'est un effet important. Important. Mais, sur l'ensemble, ça n'en a pas, d'effet. Et j'ai eu l'occasion de distribuer un tableau où ma courbe est beaucoup plus longue que celle du ministre, qui s'en tient seulement à quelques trimestres alors que nous sommes remontés, à l'aide de mes recherchistes... Je n'ai pas tout un ministère, mais, à l'aide de nos recherchistes, nous sommes remontés 10 ans en arrière et nous avons très bien vu que les ventes par rapport à l'Ontario évoluaient de façon cyclique alors que les heures d'affaires n'étaient aucunement au dossier. Alors, le ministre n'augmente pas son crédit quand il établit une position aussi importante que celle-là sur des séries statistiques aussi courtes et aussi quand il ne voit pas ailleurs beaucoup d'autres éléments qui peuvent intervenir dans le chiffre de vente ou la variation des ventes à la consommation entre l'Ontario et le Québec.

M. le Président, cette question de l'augmentation possible ou de l'hypothèse d'une augmentation de 1 % du chiffre des ventes ici, au Québec, par suite de l'élargissement des heures d'ouverture des commerces ne résiste pas à l'analyse, absolument pas. Il s'agit d'un mémo d'autojustification pour le ministre beaucoup plus que d'une étude, parce que ce n'est pas une étude digne de ce nom.

Et je pense que le gouvernement devrait s'arrêter aussi aux conséquences sur la structure commerciale du Québec. Les heures d'affaires sont les mêmes pour tous, et lorsqu'il élargit les heures d'affaires il favorise un groupe de commerçants au détriment des autres. Il favorise un groupe de commerçants au détriment des autres. Je prendrai simplement le Club Price. (17 heures)

Je n'ai rien contre Club Price, à condition qu'il respecte nos lois et nos législations. Alors, Club Price a connu une expansion considérable avec les heures d'affaires que nous avons. Elles n'ont pas été un empêchement à son expansion; au contraire, il s'en est très bien tiré dans les circonstances actuelles, avec la réglementation actuelle. Qu'est-ce que veut donc Club Price? Il veut établir ici le modèle américain, établir le modèle des autres ici. Je pense qu'il peut le demander, mais, de là à céder, c'est une autre chose, parce qu'en ce faisant le ministre les favorise, en termes concurrentiels, par rapport à d'autres.

Un des éléments importants de la structure de coût des commerces, c'est évidemment les salaires. Dans le cas de l'entreprise familiale, du commerce familial, il est sûr que les deux conjoints jouent un rôle important. Par le fait que le ministre élargisse les heures d'affaires, les deux conjoints devront travailler sept jours à deux, durant sept jours, ou bien, s'ils n'acceptent pas de travailler sept jours, ils devront engager pour se faire remplacer. Cela, inévitablement, inexorablement, va alourdir la structure de leurs coûts et miner leur capacité concurrentielle. Ça veut dire qu'une grande chaîne ou une grande

surface comme Club Price vient d'accentuer sa capacité concurrentielle par rapport aux petits commerces, par rapport aux dépanneurs. Le ministre les favorise. Ça, c'est inéquitable.

M. le Président, je crois que dans ce dossier, il y a beaucoup d'éléments qui doivent venir sur la table. Le gouvernement doit reprendre la consultation qu'il a faite, doit entendre des intervenants qui viennent maintenant dire qu'ils sont contre, qu'ils sont catastrophés par rapport à la position du ministre, et il doit admettre qu'il a fait volte-face lui-même. Lui-même a fait volte-face et, dans ces circonstances, il doit laisser toute la latitude à la population du Québec de s'exprimer.

La motion de report que nous déposons est une chance que nous lui donnons de se raviser. C'est comme ça qu'il doit la prendre et non pas être insulté parce que des parlementaires lui demandent, justement, de prendre du temps pour expliquer sa propre volte-face. M. le Président, je pense que nous devrions, nous devons adopter cette motion de report.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le député de Labelle. M. le député de Drummond, je vous cède la parole. Vous intervenez sur la motion de report du leader de l'Opposition officielle. Je vous rappelle qu'à titre de député indépendant, vous pouvez intervenir jusqu'à un maximum de 10 minutes.

M. Jean-Guy St-Roch

M. St-Roch: Je vous remercie, M. le Président. Je vais prendre avis que ce qui se conçoit bien s'énumère facilement. Alors, je ne prendrai peut-être pas les 10 minutes.

Je dois vous admettre, lorsque j'ai pris la décision d'aller siéger comme député indépendant et lorsque j'ai envisagé la session et la très brève session que j'aurais à vivre, à la fin de 1992, loin était de moi l'idée que j'aurais à me prononcer et à débattre, en cette Chambre, encore une fois, le sujet des heures d'ouverture. J'aurai l'occasion au courant de la soirée et probablement de la nuit d'intervenir sur le fond du problème.

Mais vous savez, j'aimerais vous dire que, lorsqu'on fait face à une situation économique aussi drastique que celle que nous avons à vivre présentement, qui se dégrade depuis la mi-avril 1990 au niveau économique, bien souvent, on essaie de chercher des bouées de sauvetage qui pourraient au moins donner l'illusion que la reprise est là. Une phrase de Cocteau m'est revenue qui est celle-ci: Puisque cette situation nous dépasse, disait Cocteau, feignons de l'avoir organisée. C'est ce qui me revient à l'idée lorsque je vois ce débat que nous allons reprendre, encore une fois. Feignons d'avoir organisé une reprise économique.

M. le Président, il y a des choses qui changent au Québec. C'est vrai qu'il y a des choses qui changent au Québec, puis elles changent drastiquement devant la mondialisation et l'internationalisation. J'ai eu l'occasion, lors du débat sur la loi 75, à un moment donné, après avoir parcouru aussi toutes les auditions, après avoir réfléchi sur le sujet, d'avoir quitté la commission de l'économie et du travail et de ne pas avoir participé ici au vote, comme j'ai eu l'occasion de le signaler à mon premier ministre, à quelques occasions, ce sera le regret de ma carrière politique d'être demeuré dans mon bureau au lieu d'avoir voté contre la loi 75.

Mais les temps changent, M. le Président. Il serait peut-être bon aussi de regarder certaines variables. La première chose qu'on essaie de justifier, puis pourquoi ce serait bon un report de trois mois, on m'a remis, à un moment donné, à titre de député indépendant, pour que je puisse me prononcer sur le dépôt de ce projet de loi 59 à cette Assemblée, une étude que je qualifierais d'hypothèse de travail.

Alors, j'aimerais qu'on approfondisse, M. le Président... moi, dans un report de trois mois, à l'aide d'une commission parlementaire, parce qu'une des données que je trouve... Et au point 2, qui, selon les données disponibles du MIC, les montants dépensés par les résidents québécois pour leurs achats outre-frontière, axe Sherbrooke-Montréal, ont représenté, en 1991, plus de 2 100 000 000 $.

M. le Président, si c'était vrai en 1991, moi, je me questionne pour 1992. Étant un député de terrain, quand je regarde la «map» du Québec, l'autoroute 10 des Cantons-de-l'Est à partir de Bromont, cette année - et c'était vrai pour la plupart des municipalités l'année dernière: Bromont, Granby, Sutton, Magog, jusqu'à la frontière - les magasins étaient ouverts le dimanche en 1991 et 1992. Alors, j'aimerais, moi, qu'on approfondisse pour savoir, pour comprendre pourquoi, si on a dépensé 2 100 000 000 $ dans l'axe Montréal-Sherbrooke lorsque les magasins étaient ouverts, bien, quelle est la raison qui pousse les consommateurs à aller magasiner vers les États-Unis?

J'aimerais comprendre aussi parce que, depuis quelques mois, on comprend davantage aussi le phénomène du vieillissement de la population. Le député de Labelle mentionnait qu'avec ses quelques recherchistes il avait été obligé de «sommariser» sur 10 ans. Vous allez vous imaginer, M. le Président, pour un député indépendant, avec le bureau de recherche que j'ai, qu'on a mis à ma disposition depuis le 4 septembre, que c'est très mince. Mais il y a une chose, moi, que j'aimerais: durant cette période-là, qu'on ait la chance d'approfondir en tant que parlementaires, parce que mes petites recherches personnelles m'ont amené à penser qu'il y a un changement profond qui est en train de se passer au niveau du vieillissement.

Puis je vais vous donner quelques chiffres,

M. le Président, peut-être pour éclairer ce débat-là. Les plus de 45 ans - puis il y en a plusieurs ici, dans cette Assemblée - ont représenté 30 % de la population en 1991-1992. Puis, lorsque je regarde les statistiques, moi, en l'an 2000, qui est dans 7 ans, 37,5 % de la population seront des 45 ans et plus. Puis, en économie, on dit toujours que, lorsqu'on regarde le vieillissement de la population, 45 ans est l'âge limite parce qu'on passe, à ce moment-là, à une épargne négative. On consomme jusqu'à 45 ans puis, lorsqu'on s'en va plus vers les 60, 65 ans, on commence à préparer notre avenir et notre carrière. Puis, quand je regarde, moi, le vieillissement de la population, je m'aperçois que de 1991 à juillet 1992 - tout récent - l'épargne qu'on investit dans nos fonds de pension, à préparer notre pension de vieillesse, est passée de 49 000 000 000 $ à 65 000 000 000 $. Est-ce que ce ne serait pas une des raisons pour qu'on consomme un peu mieux devant le vieillissement pour préparer notre retraite? Puis, quand je regarde les prévisions qu'on nous fait pour l'an 2000, dans 7 ans, M. le Président, on pense que 250 000 000 000 $ iront dans des fonds communs de placements au niveau de nos REER. Je suis convaincu, moi, que ça va avoir un impact, ça, dans nos heures d'affaires, dans notre commerce de détail, qu'il y a un changement profond. Raison de plus d'obtenir une commission parlementaire, d'avoir des auditions pour qu'on puisse approfondir ces quelques données.

Vous savez, M. le Président, on a fait la loi 75. Moi, ce à quoi je me serais attendu en tant que parlementaire, ayant un gros bureau de recherche, qu'on ait produit une analyse après deux ans de recul, et dire: Voici les impacts de la loi 75, M. le député de Drummond. La loi 75, lorsqu'on a libéralisé davantage le commerce, a eu l'impact x sur l'emploi des dépanneurs. On a des chaînes qui ont fermé, on a des grandes surfaces, on a un grand détaillant qui a disparu aussi. J'aurais aimé, moi, qu'on me donne l'impact parce que, encore là, avec mon petit bureau de recherche... Puis c'est confirmé par les deux centrales syndicales, la CSN et la CSD, lorsqu'on regarde en 1990 dans le commerce du détail, et principalement l'alimentation, 60 % étaient des emplois précaires. Deux ans après, on est rendu à 70 %.

Quand on regarde l'échelle salariale de tout le commerce au détail, M. le Président, on remarque qu'il y a seulement 19,2 % qui sont syndiqués. Ah! je peux peut-être comprendre, moi, la position d'une certaine grande centrale à l'heure actuelle, qui a complètement renversé sa situation, d'après ce que j'ai entendu d'eux. Les TUAC, ce qu'ils sont venus nous dire, M. le Président, à la loi 75, c'était que la qualité de vie des travailleurs était importante, et là on prend un virage de 360 degrés pour dire qu'il faut libéraliser. J'aimerais entendre, moi, M. le Président, la CSN, la CSD, les TUAC dire: Mais pourquoi ce «revirage»-là? Je pense qu'on serait capables ici, à ce moment-là, en tant que parlementaires, de prendre des décisions éclairées.

Pour ceci, M. le Président, j'aimerais, à ce moment-ci, moi, justifier, parce que j'ai dit que je ne prendrais pas tout mon temps - parce que je viens aussi, comme M. le député d'Orford, du monde financier et de l'industrie; on est habitués d'aller au fond du problème - j'aurais six petites recommandations, et une septième qui se voudra plus globale, pour confirmer pourquoi je suis en faveur d'une motion de report. (17 h 10)

Premièrement, j'aimerais qu'on fasse une analyse, moi, d'impact sur les finances du gouvernement, sur l'emploi et sur le commerce de détail, dans la foulée de la loi 75; deuxièmement, la vulnérabilité de certains secteurs du commerce de détail. Parce que, quand j'aurai eu l'occasion de revenir... Dans le fond, il y a un grand secteur qui a 1 200 000 000 $, on va en faire sauter encore 30 % à 40 %, il y aura peut-être encore 250 000 000 $ d'impact sur les finances négatives, sur les finances. J'aimerais, moi, qu'on ait le temps, durant l'intersession, de nous préparer tous les sujets qui seront l'alimentation d'une commission parlementaire. J'aimerais aussi, M. le Président, qu'on analyse la situation de la location et des revenus financiers des centres d'achats, parce qu'il y a peut-être un changement d'habitudes des consommateurs. On y va peut-être un peu moins, dans les centres d'achats, pour aller réoccuper les centres-villes et pour avoir les services beaucoup plus personnalisés. Alors, moi, j'aimerais qu'on fasse l'analyse: Quelle est la situation maintenant des grandes surfaces au Québec et qui en sont les grands détenteurs? Or, on serait mieux en mesure de comprendre l'évolution du commerce.

J'aimerais aussi, comme je l'ai signalé brièvement, savoir l'impact du vieillissement de la population sur le commerce au détail. Lorsque je regarde les chiffres que j'ai cités sur l'épargne, il n'y a aucun doute que cela aura un effet sur le montant d'argent disponible à la consommation.

Et, finalement, comme je l'ai cité aussi, dans l'axe Québec-Sherbrooke, à mon grand étonnement, concernant les magasins qui sont ouverts le dimanche, on dit qu'on dépense encore 2 100 000 000 $. J'aimerais qu'on approfondisse et qu'on ait, à l'intérieur de cette commission parlementaire, les raisons qui incitent les Québécois et les Québécoises à aller magasiner dans tout ce qu'on appelle transfrontalier, que ce soit le Québec, l'Ontario ou les États-Unis. Il doit y avoir une raison pour ça. Or, j'aimerais qu'on approfondisse.

Comme vous voyez, M. le Président, on a encore beaucoup d'inconnus devant nous cet après-midi pour être capables de prendre, nous, les parlementaires, une décision éclairée. Lorsque

j'entends certains collègues, moi, citer des sondages qui disent que les consommateurs sont au courant, oui. Moi, si on me demande «Aime-riez-vous magasiner sept jours par semaine?», je vais dire: Oui, sept jours par semaine, 24 heures par jour, suivant mon bon désir. Mais seulement lorsqu'on prend le temps d'expliquer les inconvénients, comme j'ai eu la chance de le faire à la commission parlementaire lors de l'étude de la loi 75, on découvre les conséquences. C'est tellement vrai, M. le Président... Je vais mettre qui que ce soit au défi, moi, d'aller faire une consultation générale chez nos étudiants du primaire et de dire: Est-ce que vous aimeriez recevoir une palette de chocolat avec une liqueur douce le matin et le midi? Ça va être 95 % qui vont dire oui. Est-ce que c'est bon pour eux? Est-ce que c'est logique? Ça, c'est une autre question.

Vous me signalez que mon temps est écoulé, M. le Président. La dernière chose que je demande, moi, au ministre de l'Industrie et du Commerce et à notre premier ministre aussi... On fête 200 ans de parlementarisme, ici, dans cette Assemblée. J'entends beaucoup de collègues, moi, qui me disent: Ne lâche pas parce que ce n'est pas bon d'ouvrir le dimanche. Alors, j'espère, M. le Président, que le ministre de l'Industrie et du Commerce ou le premier ministre, en conclusion de tout ça, avec un report de trois mois, nous dira, quelque part au printemps, lorsqu'on prendra le vote sur la loi 59... Le vote, que ce soit un vote libre, qu'on connaisse réellement le pouls de chacun et chacune. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le député de Drummond. Sur cette même motion de report, M. le député de Masson.

M. Yves Biais

M. Biais: Merci beaucoup, M. le Président. Je voudrais dire d'abord que, de l'autre côté, le député Doyon, M. le député de Louis-Hébert, nous a fait un discours dans une sorte de sainte colère. D'ailleurs, c'est un bon orateur. Il a fait une sainte colère tantôt pour nous dire que nous étions des gens qui mettions des bâtons dans les roues des législateurs. C'est très difficile d'accepter ça, quand on est des législateurs, de se faire dire par un autre que, faire notre devoir, ce n'est pas correct.

On amène une motion de report. Le leader de l'Opposition amène une motion de report. C'est notre devoir. Et il dit qu'il voit, par cette motion de report, qu'on ne veut pas que cette loi-là passe. Il se réveille sur le tard. Il se réveille sur le tard. D'abord, on a voté pour une des premières fois, moi, depuis que je suis à l'Assemblée nationale, sur le dépôt en première lecture. On a demandé un vote nominal en plus parce qu'on voulait absolument marquer qu'on était contre et que le gouvernement en place, il voulait passer cette loi-là. Ça lui prenait le consentement de l'Opposition parce que nous sommes contre. Disons qu'il se réveille un peu tard. Ça, cette motion de report, c'est pour vous dire une deuxième fois, dans une deuxième volée oratoire - on aime ça, donner des volées au ministre de l'Industrie et du Commerce - que nous sommes contre. Et, pour ce faire, si vous voulez que cette loi-là passe à tout prix, eh bien, vous n'avez qu'à lever les règles, sinon elle ne passera pas. On ne donnera pas notre consentement. Je pense que c'est évident, là. Bon.

Cependant, il y a une chose qu'on doit se dire. C'est par devoir que nous faisons ces motions-là, pour en parler, parce que, vu que vous avez besoin de notre consentement, on aurait pu parler deux ou trois personnes, s'asseoir puis attendre, puis dire non en troisième lecture. Mais par devoir, pour expliquer aux gens les faux pas que vous faites, on se doit de prendre la parole dans cette Chambre.

M. le Président, il y a quelques bons côtés à ouvrir les magasins le dimanche. Il y a des côtés positifs à ouvrir les magasins le dimanche. Cependant, ces petits côtés de bénéfices qui sont là ne sont rien à côté des inconvénients qu'ouvrir le dimanche apporte à la population du Québec. Alors, il faut balancer les deux: d'un côté, on crée quelques petits avantages éventuels; de l'autre côté, on parle un peu plus largement des désavantages ou des choses négatives.

Pourquoi ce gouvernement nous arrive-t-il, aujourd'hui, avec cette loi d'ouvrir les commerces le dimanche? Ce gouvernement n'a pas de législation, ensuite, il veut faire croire... Il n'a pas de programme législatif pour mousser l'économie et il nous arrive avec une loi qui occupe le temps, sachant que l'Opposition est contre. Ça meuble les heures de la Chambre, et le gouvernement passe pour un gouvernement qui légifère beaucoup, ce qui, virgule, dit-il, virgule, est absolument faux, point d'exclamation, M. le Président!

Les côtés négatifs peuvent se résumer en trois. Premièrement, le gouvernement ne prend pas sa responsabilité de faire respecter la société distincte du Québec. Le gouvernement actuel, par cette loi, manque à sa responsabilité de faire respecter le caractère distinctif du Québec en Amérique du Nord, échec après échec constitutionnel que les Québécois ont refusé et que, très souvent, les premiers ministres du Québec ont refusé. C'était la première fois qu'il y en avait un qui disait un oui aussi retentissant, et le peuple lui a dit un non très retentissant après. Ottawa a essayé de faire du Québec une société comme les autres. Québec n'est pas une société comme les autres et, du côté commercial, du côté commerce, on n'est pas comme les autres non plus. 72 % de nos commerces sont des petits commerces indépendants, seulement 28 % sont des

grandes chaînes - chiffre d'affaires parlant -tandis que c'est le contraire dans à peu près tout le Canada et, aux États-Unis, c'est exactement l'inverse. On est distinct. En ne pouvant pas nous rendre dans le melting-pot nord-américain par des lois constitutionnelles refusées par la population, bien, il essaie, de façon légale, c'est-à-dire législative, de nous rentrer dans ce melting-pot, ce que nous, nous ne voulons pas faire. Nous voulons garder notre caractère dis-tinctif, première raison.

Deuxième raison. Le gouvernement a la responsabilité, qu'il ne prend pas, de respecter toutes les classes du tissu social du Québec, y compris le consommateur et les commerçants. Ça, il ne les prend pas, ses responsabilités.

La troisième raison principale, le gouvernement ne prend pas sa responsabilité ministérielle, premièrement, de faire respecter ses propres lois et, deuxièmement, d'être un gestionnaire de l'État de façon efficace. Ça, c'est les trois grandes raisons qui font que le gouvernement fait ça pour mettre un peu de poudre aux yeux. On jurerait qu'ils ont soufflé ce qu'on appelle le «fog» en Angleterre. Cette loi-là est comme de la brume qu'il veut mettre devant sa gestion et devant son manque de responsabilité de faire observer ses propres lois.

C'est simple. Disons que le premier cas, la société distincte, on a tous compris que, si on veut nous mettre dans un melting-pot ici, on est contre. Le deuxième cas, protéger toutes les classes du Québec et le tissu social québécois, les consommateurs et les commerçants. Vu que nous avons des petits marchands indépendants qui ont 72 % du chiffre d'affaires, ça veut dire qu'on a une mentalité différente, et ces gens-là doivent être protégés par notre législateur. Il ne faut pas que les grandes surfaces, les amis du système ou des gens qui font des pressions et du lobbying soient les gens privilégiés par un législateur qui doit s'occuper de toutes les classes de la société et de toutes les classes de commerçants de la société aussi.

C'est bien sûr que, bon an mal an, si on dit: J'aimerais ça qu'ils soient ouverts tout le temps... Moi, le samedi, mettons que je n'ai rien à faire et que je devrais, normalement, aller faire des emplettes, bien, je vais dire: Ah, ça va être ouvert demain. Bien, je fafinerai chez nous en robe de chambre et j'irai rien que le lendemain. C'est sûr que c'est un petit bénéfice de pouvoir y aller 7 jours sur 7, ou même 24 heures par jour, mais, ça, si ça enlève la vie culturelle, l'identité de ce que nous sommes et la vie sociale, si ça brise le tissu social dans lequel on a vécu...

Il y a eu quelques exceptions depuis les débuts de la colonie. Le dimanche après-midi, le magasin général du village ouvrait. Pourquoi? C'était le seul magasin. On s'en venait à la messe avec nos berlots et, là, on allait au magasin général faire nos emplettes et, quand la messe était finie, une heure et demie après, on s'en allait chez nous. C'était ça. Il y a juste les gens du village qui pouvaient participer à ça. Bien, si on prend l'excuse de la tradition que, ancestralement, le magasin général était ouvert, il ne faut tout de même pas exagérer. (17 h 20)

Mais il y a un exemple, sur le tissu social, qui est donné de façon tangible par les SIDAC. Les SIDAC sont des gens qui sont contre l'ouverture. Il y en a beaucoup qui sont contre. Pour faire une petite nomenclature, très vite: la Corporation des marchands de meubles du Québec - c'est beaucoup de monde - la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, section Québec, l'Association des marchands détaillants de l'est du Québec, la Corporation des bijoutiers - on ne peut pas dire qu'il n'y a pas de joyaux, au moins, dans la nomenclature de ceux qui sont contre - l'Association des détaillants en alimentation du Québec, le Regroupement des SIDAC du Québec. Il y en a bien d'autres, mais c'est de ça que je veux parler.

On a eu une lettre... le ministre a eu une lettre le 2 novembre. Ils ont envoyé une lettre à M. le ministre le 2 novembre; on en a tous une copie. Aujourd'hui, il n'y a plus rien de confidentiel. Si on ne l'a pas par lettre, apparemment, il y en a qui se chargent de les prendre dans les voitures, sur les téléphones cellulaires. Eh bien, on a eu cette lettre-là de façon normale. Je ne pense pas qu'on soit accusés d'être interpellés par la police. Eh bien, voici. Ils disent, eux, et ils le disent très bien: Le tissu social, le tissu culturel du Québec serait affecté. Ça, ça représente 5000 commerçants. Ce n'est pas deux commerçants, ça, c'est 5000 commerçants des coeurs des villes. D'ailleurs, on a dépensé de l'argent, les gouvernements du Québec, pour les Revicentres, et on leur a dit: Groupez-vous ensemble pour vous protéger contre les grandes surfaces. On a dépensé des sommes astronomiques, comme gouvernement, là-dedans, de notre côté comme de votre côté. Et aujourd'hui on entretient aussi les SIDAC et on les aide. Et là, vous allez venir passer une législation qui va faire effacer tout le côté bénéfique des investissements que les gouvernements ont faits.

En tout cas, comme vous le savez déjà, le Regroupement des SIDAC du Québec représente 37 SIDAC et associations de gens d'affaires, 5000 commerçants qui exercent sur des artères commerciales des centres-villes urbains du Québec, conscients de l'évolution de la société québécoise - ce n'est pas des gens arriérés, ils sont conscients que le Québec évolue, ils le disent - mais également de la précaire situation économique actuelle - ils se basent sur la précarité de la situation économique; c'est absolument le contraire de ce que le gouvernement nous dit: Parce que c'est précaire, on va ouvrir, pardonnez-moi l'anglicisme, «at large», à

tout venant, tout de go - également de la précaire situation économique actuelle, le Regroupement des SIDAC du Québec réaffirme ses réserves quant à l'ouverture des commerces le dimanche. La petite entreprise qui devra ouvrir ses portes plus d'une semaine va avoir des frais. Et ils disent: II en résultera donc pour le commerçant plus de dépenses que de revenus, avec risque accru de faire des faillites - et il y en a à la tonne, c'est des records.

En parlant, aussi, de records, le député de Louis-Hébert disait qu'on cumulait les déficits. Bien, là, ça fait deux ans de suite que vous avez des déficits records de tous les temps. Arrêtez donc de nous dire qu'on a fait des déficits quand on était là, parce que vous nous avez eu dans le rapport Guinness, vous avez pris notre place il y a très longtemps. Ça fait que, arrêtez de nous mettre sur le nez qu'on a fait des déficits. On a eu une crise plus forte en 1981-1982 que celle que vous subissez actuellement. C'était une baisse de moins 5,4, tandis qu'aujourd'hui elle est de moins 2,4. Et vous êtes plus bas et plus déficitaires qu'on l'a été. On a été des meilleurs gestionnaires. Ça fait que, arrêtez de nous remettre sur le nez ce qui est arrivé il y a sept ans, huit ans et neuf ans. Si on a fait des choses pas correctes - ça peut arriver - ça fait sept ans que vous pouvez les corriger. Commencez à les corriger avant de nous accuser de ce qu'on a fait. Ne dites pas à Napoléon qu'il n'a pas découvert le Mexique ou qu'il n'a pas découvert l'Amérique du Sud, il est mort ça fait longtemps, ça ne lui fera pas grand-chose. Ça fait sept ans que vous êtes là, vous autres, votre septennat. Le deuxième est commencé, alors «septennez-vous» comme il faut, mais retenez-vous de temps en temps aussi.

Et ils disent également: La résultante la plus probable sera plutôt un réaménagement des parts de marché entre les grandes surfaces dont les centres économiques et sociaux sont hors Québec. Pensez que Club Price, il prend beaucoup de son alimentation «direct from U.S.A.», directement. Ça ne donne pas bien, bien de chance aux patates du Québec de se vendre, et aux carottes de nos cultivateurs, ça. «Made in U.S.A.» beaucoup, beaucoup! Et puis, aussi, la restriction... Je vais revenir tantôt. Il reste combien de temps, M. le Président, là?

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Trois minutes.

M. Biais: Eh Seigneur! Bien, disons que, eux, ils disent: Également, la destruction du cadre social maintenu par la loi actuelle créerait une grande lassitude tandis que, si la loi s'en vient, les impératifs humains de la société québécoise s'en trouveraient dramatiquement changés. L'éclatement des heures d'affaires risque d'avoir une incidence moyenne sur l'éclatement des familles et sur la société. C'est à considérer, ça. Je vois la ministre de la Condition féminine. L'éclatement des familles peut découler d'une ouverture sept jours... des droits des femmes, je veux dire, de sept jours par semaine d'ouverture.

Il y a, en plus, M. le Président, comme je vous le disais tantôt, les commerçants. Le gouvernement ne prend pas la peine, n'est pas bon gestionnaire parce qu'il ne collecte pas ce qu'il devrait collecter. Plutôt que de prendre ses responsabilités, il a perdu le contrôle absolu de la collecte de la taxe sur tous les marchés aux puces qui ouvrent le dimanche. C'est simple, pourtant. C'est simple à faire. Il n'a qu'à demander au locateur de demander un permis et il n'aurait pas le droit de louer s'il n'a pas un permis de taxe du Québec pour aller là. Ils ne le font pas, ils ne prennent pas cette responsabilité-là.

Ensuite, Jean Coutu, le 50 $ limite, Jean Coutu, il n'a jamais voulu. Il n'a jamais voulu. Les pharmacies au Québec, quand on parle de ça aux gens de l'Europe qui viennent nous visiter, c'est des grands magasins généraux. Ils vendent dans un petit coin, un petit coin. Ça fait qu'on vend des bas de soie, des jambons. Là, ils vont vendre des voyages! Bien, ils veulent avoir la permission, M. le ministre; ils vous l'ont demandée. D'ailleurs, il est bien possible qu'ils fassent des dons généreux à certains musées si cette loi-là passe. Et si ces dons généreux là arrivent, bien, il faut que quelque chose se passe. Le 50 $ tombe. Ils veulent vendre des voyages à la machine le dimanche, de 300 $, 500 $. Alors, pour ce faire, il faut absolument qu'ils aient la permission, le nihil obstat législatif libéral. Alors, ça, c'est incroyable, parce que ça détruit toutes les petites agences de voyage. Ça détruit le tissu social québécois, et ce n'est pas correct. On est une société distincte ou on ne l'est pas. Il faut qu'on protège ça, c'est le devoir du législateur.

Ensuite, le fouillis des quatre employés, là. C'est incroyable comme les responsabilités ne sont pas prises là-dedans! C'est un fouillis. Puis on a trouvé toutes sottes de trucs pour faire semblant que c'est un grand, grand centre d'achats et on fait tous des petits. Alors, le gouvernement n'a pas de contrôle sur ça, ne prenant pas ses responsabilités. Puis, ensuite, il ne collecte pas non plus, il ne collecte rien. Il ne collecte pas sur le tabac, sur l'alcool, les marchés aux puces, le travail au noir, bon.

Le gouvernement, dès qu'il a un problème, dès qu'il n'est pas capable de faire un gestionnaire efficace, productif et qui serait bénéfique envers la population québécoise, il nous amène une loi pour effacer son manque de responsabilité et nous envoie dans un autre trou noir. Et, c'est nous qui allons vous succéder, c'est sûr. Bien là, on va arriver là et ça va être des trous noirs partout. Une chance, M. le Président, qu'il y a une équipe du tonnerre de ce côté-ci pour prendre la relève. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le député de Masson. Alors, je reconnais le prochain intervenant. M. le ministre de l'Industrie et du Commerce, il reste encore une période de 15 minutes à votre formation.

M. Gérald Tremblay

M. Tremblay (Outremont): Alors, je vous remercie beaucoup, M. le Président. J'ai écouté attentivement le député de Labelle ainsi que les députés de l'Opposition, et le député de Drum-mond. Je dois vous dire que j'entends les mêmes arguments qu'en 1990, rien de nouveau. Et j'ai nettement l'impression qu'il n'y a eu aucune évolution de l'Opposition en fonction de changements importants qui ont eu lieu au Québec et à l'extérieur du Québec au cours des dernières années.

À titre d'exemple, M. le Président, à cause de la loi 75, qui prévoyait la possibilité pour certains commerces, dans le secteur de l'alimentation, d'ouvrir hors des heures normales, avec quatre employés plus une personne préposée à la fabrication de produits de pâtisserie ou de boulangerie, une personne préposée à la sécurité, ainsi que le mandataire et/ou son représentant, certaines surfaces ont interprété cette disposition de la loi pour leur permettre d'ouvrir 24 heures par jour, 7 jours par semaine. Une des raisons pour lesquelles nous voulons actualiser la loi, c'est justement pour protéger les petits commerçants, les petits commerçants qui pourront, dans un contexte de dépannage, opérer hors des heures prévues présentement ainsi que les jours fériés. (17 h 30)

Également, il y a certains abus au niveau des marchés aux puces. Et c'est la raison pour laquelle, dans le projet de loi, les vendeurs de marchandises usagées, donc les marchés aux puces, devront dorénavant se conformer au régime général d'ouverture des commerces. Donc, M. le Président, plus d'exceptions pour les marchés aux puces. L'Opposition pourrait dire: Oui, mais c'est votre responsabilité parce que vous avez créé une exception avec le 50 $. Alors, je rappellerai à l'Opposition de regarder les petits changements qu'elle était prête à apporter au projet de loi 75. Il y avait une disposition pour permettre aux marchés aux puces d'ouvrir avec des biens divers neufs de 20 $, à ce moment-là.

M. le Président, on ne peut pas s'isoler au Québec. Il se passe des choses hors du Québec. J'en conviens, que certains députés de l'Opposition veulent réellement qu'on soit une société distincte, mais pas une société pauvre, pas une société où le développement économique est ralenti de façon importante. Les preuves ont été soumises. Les Québécois, 6 154 000 Québécois sont allés faire des achats aux États-Unis en 1991. Ils ont dépensé 2 100 000 000 $. Nous n'avons pas dit que tout cet argent serait dépensé au Québec. Ce que nous disons, c'est uniquement que 150 000 000 $ des 2 100 000 000 $ seraient possiblement dépensés au Québec.

En ce qui concerne les ventes au détail, il faut regarder un peu ce qui s'est passé en Ontario, ce qui se passe au Nouveau-Brunswick, depuis la fête du Travail, et, également, ce qui se passe au Manitoba. Au Manitoba, avec la complicité de l'Opposition, on fait adopter une disposition rétroactive au 29 novembre pour permettre aux commerces d'ouvrir un dimanche qui est important. Alors, dans ce sens-là, M. le Président, nous croyons que les ventes au détail augmenteraient de 448 000 000 $ au Québec.

L'Opposition dit: Non, pas 1 %. L'augmentation des ventes en Ontario, ce n'est pas uniquement le fait de l'ouverture des commerces depuis six mois, le dimanche. J'en conviens. C'est la raison pour laquelle nous n'utilisons pas 2,6 %, mais 1 %. Nous considérons nos chiffres comme très conservateurs, et je ne vois pas comment un gouvernement qui peut permettre une augmentation des ventes de l'ordre de 600 000 000 $, pour les petits commerçants et les gros commerçants également, pourrait s'objecter à une telle mesure.

Le député de Labelle, avec la complicité de son leader, veut reporter l'étude pendant trois mois. Des études et des études. Alors, je me rappelle, il y a deux ans, lorsque, avec la députée de Taillon, nous avons actualisé la Loi sur les heures d'affaires, à ce moment-là, la députée de Taillon disait au ministre de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie: Pourquoi les commissions parlementaires? Ça fait des années que vous colligez de l'information. Ayez donc le courage de prendre des décisions. Ce soir, ce que j'entends, c'est la même rengaine. Quand on ne veut pas prendre de décision, on fait des commissions parlementaires. On fait des études. C'est ce que l'Opposition suggère au gouvernement et, dans ce sens-là, nous disons: Non. Nous disons: Non, M. le Président, parce que nous avons rencontré, au cours des quatre derniers mois, les représentants de la coalition pour ainsi que les représentants de la coalition contre.

Je dois vous dire que nous avons un consensus important. J'entendais un député, tout à l'heure, parler des SIDAC. Très important, les SIDAC au Québec, j'en conviens. La ville de Montréal a investi des dizaines de millions de dollars pour revitaliser les artères commerciales, et voici, M. le Président, que la ville de Montréal, où il y a énormément de SIDAC, s'est levée, par le biais de son maire, M. Doré, et a dit: Oui, nous sommes favorables à l'ouverture des commerces le dimanche.

Le Conseil québécois du commerce de détail, ça ne représente pas uniquement des grandes

surfaces, ça représente également des petits commerçants. Nous n'avons jamais dit que le Conseil québécois du commerce de détail, c'était unanime. Il y a eu une discussion au conseil d'administration et, de façon majoritaire, dans le meilleur intérêt de tous les commerçants au Québec, le Conseil québécois a dit oui à l'ouverture des commerces le dimanche. il ne faut pas oublier, m. le président, les consommateurs et les consommatrices. des sondages importants ont démontré que près de 70 % des consommateurs et des consommatrices sont favorables à l'ouverture des commerces le dimanche, et lorsqu'on inclut la clause de volontariat, on parle de 80 % des consommateurs et des consommatrices. j'entendais le député de labelle dire: je vous mets au défi de me nommer un quincaillier qui serait favorable à l'ouverture des commerces le dimanche. alors, parlons de val royal, parlons de brico centre.

Le 29 novembre... Je me suis demandé, M. le Président, pourquoi l'Opposition s'objectait au 29 novembre. Il me semble qu'en 1990 et en 1991, il y avait quatre dimanches avant le 25 décembre. Cette année, exceptionnellement, il n'y a que trois dimanches. Alors, nous avons cru bon de recommander une disposition rétroactive dans le projet de loi pour permettre aux commerces d'ouvrir le 29 novembre. L'Opposition, par une obstruction systématique, s'est opposée à ce que des commerçants puissent ouvrir le 29 novembre. Certaines données financières démontrent que ces commerçants ont perdu un chiffre d'affaires de 78 000 000 $.

J'ai nettement eu l'impression, après ce débat à l'Assemblée nationale, que l'Opposition était intéressée à ce que la situation économique se détériore davantage. Pourquoi, M. le Président? Parce que, de plus en plus, certains membres de l'Opposition, pas tous, s'identifient aux devises suivantes: La fin justifie les moyens et, également, mentez, il en restera toujours un petit quelque chose.

Nous avons discuté des heures d'affaires pendant 220 heures en 1990. Donc, une obstruction, M. le Président, systématique de l'Opposition...

M. Chevrette: M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): M. le leader de l'Opposition officielle.

M. Chevrette: M. le Président, d'abord, je vous avoue très honnêtement que j'aurais le goût de vous demander de faire retirer les paroles du ministre, mais ceci dit, M. le Président, il faudrait juste rappeler, je pense, qu'il a déposé son projet de loi le 26 novembre a 3 heures et qu'il voulait avoir l'approbation de l'Assemblée nationale pour le 29. Franchement, là, si ce n'est pas ça induire une Chambre en erreur en utilisant les vrais termes...

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Vous êtes sur une question de règlement, M. le leader.

M. Chevrette: Oui. Induire une Chambre en erreur de façon délibérée et de façon aussi sciemment faite que l'a fait le ministre, ça prend du culot pour accuser les autres de menteurs.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): M. le leader du gouvernement.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, M. le Président. Pour tenir le type de propos que le leader de l'Opposition vient de tenir, ça prend quelqu'un qui a très peu de respect pour notre règlement.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, d'un côté comme de l'autre... S'il vous plaît! Alors, vous êtes à la limite, d'un côté comme de l'autre, de ce que permet le règlement. J'ai laissé aller le ministre parce que c'était une espèce de figure de style en disant: J'ai l'impression que l'attitude de l'Opposition officielle... et vous avez fait référence à des proverbes qu'on connaît. Sauf, M. le ministre, que je vous rappellerai que, vous aussi, vous étiez sur le bord d'être en dérogation avec nos règlements, en vertu d'une décision qui a déjà été rendue, que vous ne pouvez faire indirectement ce que vous ne pouvez faire directement. Alors, je vous demanderais d'être prudent.

M. Tremblay (Outremont): M. le Président, comme je le mentionnais tout à l'heure, je me suis réellement posé la question, et je me la pose encore, parce que, quand je suis à l'Assemblée nationale, à la période des questions, l'Opposition ne me pose pas de question de nature économique, et j'ai l'impression que l'Opposition préfère que le ministre de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie vienne discuter pendant des heures et des heures du débat sur les heures d'affaires, parce que le gouvernement, au niveau économique, est trop performant. Et parce que le gouvernement est performant, l'Opposition panique. Alors, la performance du gouvernement n'est pas à faire au niveau de la capitalisation des entreprises, au niveau de la recherche et du développement, au niveau de la formation de la main-d'oeuvre, au niveau des contrats sociaux et, ça, ça tracasse beaucoup l'Opposition. À cause de la nouvelle complicité entre les syndicats et le gouvernement, l'implantation de la qualité totale, à toutes les fois qu'on en parle, nous n'avons, du côté de l'Opposition, que du mépris. L'Opposition oublie que dans la qualité totale il doit y avoir zéro mépris. Alors, ils ne peuvent pas comprendre la qualité totale parce qu'ils ont du mépris et de l'arrogance. (17 h 40)

Au niveau des exportations, la preuve n'est plus à faire que nos PME québécoises contribuent davantage à l'exportation des produits. Et en ce qui concerne l'environnement, nous n'avons qu'à retourner au début des années quatre-vingt, où vous avez mis en place un projet de loi sans promulguer un article qui aurait permis une meilleure complicité entre les entreprises, le gouvernement et le ministère de l'Environnement. C'est le ministre de l'Environnement du présent gouvernement qui a réussi à développer cette complicité entre tous les intervenants et les ministères à vocation économique en promulgant certains articles qui permettent maintenant d'avoir des dispositions claires pour favoriser le développement économique dans le respect de l'environnement.

M. le Président, on parle beaucoup d'études, alors je voudrais référer le député de Labelle à un document qui a été déposé aujourd'hui par le Regroupement québécois pour l'ouverture le dimanche; c'est une étude comparative de l'évolution des ventes au détail du Québec, de l'Alberta et de la Colombie-Britannique, datée du 4 décembre 1992, et préparée par le Management Horizons, division de Price Waterhouse. Et les conclusions vont sûrement intéresser le député de Labelle au plus au point. J'espère que le député de Labelle va en prendre connaissance, sinon nous nous ferons une obligation de lui rafraîchir la mémoire lors de ses interventions futures.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): nous sommes toujours à débattre la motion de report de m. le leader de l'opposition officielle. mme la députée de chicoutimi, il reste à votre formation une période maximale de 11 minutes. m. le député de laviolette.

M. Jolivet: C'est dommage, M. le Président, c'était pour accorder notre consentement au dépôt du document. Il nous a demandé s'il pouvait déposer.

Une voix: Qu'il le dépose, il n'est pas déposé, là.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Un instant, un instant! Est-ce que, M. le ministre, vous désirez déposer le document, oui ou non?

M. Tremblay (Outremont): M. le Président, il a été déposé tout à l'heure.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Ah! C'est un document déjà déposé. Allez-y, Mme la députée. Allez-y...

Mme Blackburn: Donc...

Le Vice-Président (M. Lefebvre): ...Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Jeanne L. Blackburn

Mme Blackburn: Bien, M. le Président. Donc, si je comprends, le document du ministre, c'est celui qu'il a déposé, qui a deux pages, deux tableaux et un paragraphe. Bien!

Alors, la motion, d'abord, il faut le rappeler, vise à reporter de trois mois l'actuel débat sur les heures d'ouverture des commerces. Je pense que la vérité a ses droits, et il faut rappeler à la population, aux gens qui nous écoutent que le ministre a déposé son projet de loi le 26 pour adoption le 27. Le 26, jeudi le 26, pour adoption le 27, pour ouvrir les commerces le dimanche 29. Parce que, dans la loi, on ne dissociait pas l'ouverture des commerces le 29 novembre du reste de la loi. Alors, pour pouvoir les ouvrir le 29, il fallait donner au ministre toute la loi qui prévoyait, entre autres, l'ouverture de tous les commerces, et tous les dimanches de l'année. S'il trouve que c'est acceptable, ses demi-vérités, moi, je pense que c'est inacceptable, et la population a le droit d'avoir les informations justes.

Si le ministre avait demandé d'ouvrir et, dans une loi spéciale, de porter à quatre dimanches précédant la période des fêtes l'ouverture des commerces, sans doute que l'Opposition aurait dit oui. Mais c'est parce que dans cette loi, il y avait beaucoup plus, comme nous aurons l'occasion de le démontrer.

Le ministre se désole. Il dit: L'Opposition n'a pas évolué. Parce que, pour lui, évoluer, c'est adopter sans distinction le modèle américain, le modèle américain qui, faut-il le rappeler, est en faillite, le modèle américain qui a tout sacrifié au veau d'or de la consommation, où on retrouve un appauvrissement accru des populations, où vous avez plus de 30 000 000 des Américains qui n'ont aucune couverture sociale, où vous avez - j'espère que ce n'est pas ce qu'on souhaite - un taux de violence qui est extrême aux États-Unis, qui dépasse largement ce qu'on retrouve dans les autres pays industrialisés. Alors, si c'est ça le modèle du ministre et le modèle de ce gouvernement, bien fière de ne pas le partager.

M. le Président, reporter de trois mois, c'est donner à la population l'occasion de se prononcer sur un projet de loi qui va modifier en profondeur nos habitudes de vie, notre structure, nos valeurs sociales et les structures du commerce au Québec. D'abord, il faut rappeler qu'il n'y a pas d'urgence. Le 29 novembre est passé. Ce n'est pas vrai que les commerçants vont se battre et vont venir occuper l'Assemblée nationale pour ouvrir les commerces en janvier et février. Le ministre le sait. Il doit savoir un certain nombre de choses. Mais, généralement, il est admis que ce sont les mois les plus creux en matière de commerce. Il n'y a rien. C'est vide. Généralement, ce que les commerçants nous disent: On est en train de manger les bénéfices

qu'on a faits au mois de décembre. Alors, il n'y a vraiment pas d'urgence pour ouvrir les commerces le dimanche, en janvier et février. Je pense qu'il pourra admettre ça avec nous.

Par ailleurs, ouvrir les commerces le dimanche, en janvier et février, pour les grandes surfaces, ça ne leur fera pas trop de mal parce qu'ils sont prêts à perdre, même par millions de dollars, les coûts de revient du fonctionnement de leur entreprise, ne serait-ce que pour s'accaparer une partie plus importante des petits commerces. On va faire en ce secteur ce qu'on est en train de faire en habitation. En habitation, avec les taxes additionnelles, avec la fiscalité, on est en train de revenir à un peuple de locataires. Mais, en matière commerciale, où 72 % des petits commerces sont détenus par des propriétaires indépendants, on va finir, si on continue dans la démarche qu'on a entreprise et qu'on ouvre les commerces le dimanche sept jours par semaine, on va finir par retrouver de moins en moins de petits commerçants qui vont travailler pour les grandes surfaces. C'est peut-être ça que ce gouvernement-là veut. Les grandes surfaces, généralement, dans la majorité des cas, elles sont de propriété étrangère. Est-ce que c'est ça qu'on veut? Est-ce que c'est ça, notre projet de société?

Revenons à présent... Je dis un débat de société d'une importance capitale parce qu'il s'agit de la qualité de vie des travailleurs et des travailleuses. Qui va travailler le dimanche? Le ministre a dit: Du moment où il y a le volontariat, tout le monde est à peu près d'accord. Il met à 70 % plus. Le volontariat, c'est pour trois ans. Et allez me dire que, dans les entreprises où il n'y a pas de syndicat, le volontariat va exister? Allez me dire que, dans les entreprises où il y a un propriétaire, des fois son épouse et deux employés, on va faire jouer le volontariat? Non. On va faire jouer l'obligation de travailler, d'autant plus qu'avec la loi fédérale sur l'as-surance-chômage vous avez intérêt à vous tenir tranquilles. Débat de société parce que la qualité de vie des travailleurs et des travailleuses... Je ne dis pas que, moi, à l'occasion, si les commerces étaient ouverts le dimanche, comme tout le monde dans cette salle, ça pourrait me rendre service, mais je ne m'arroge pas le droit de disposer de la qualité de vie de ces travailleurs et de ces travailleuses parce que, moi, une couple de fois par année, ça ferait mon affaire que les commerces soient ouverts le dimanche. Je n'ai pas ce droit-là et je n'ai pas le goût de me l'arroger.

Qui va travailler le dimanche? Les femmes. Dans ma ville, moi, à Chicoutimi, il n'y a pas de transport en commun le dimanche, il n'y a pas de garderie le dimanche. Comment est-ce qu'elles vont aller travailler, ces femmes-là? Probablement que ça va leur coûter des sous; elles vont devoir travailler, sinon elles perdront leur emploi. Qui va travailler le dimanche? Le Conseil supérieur de l'éducation a déposé un rapport qui s'appelle «Les Élèves au travail». Saviez-vous que 60 % des élèves au deuxième cycle du secondaire travaillent? Et ils travaillent de 15 jusqu'à 30 heures par semaine. Ouvrez les commerces le dimanche, et c'est ces élèves-là qu'on va retrouver dans les commerces le dimanche. Est-ce que c'est ça qu'on veut, comme société québécoise?

M. le Président, cette loi va venir modifier la structure commerciale au Québec. Au Québec, on le sait, c'est 72 % des petites entreprises qui sont propriétés d'indépendants contre 28 % dans les grandes surfaces, à l'inverse du modèle américain. Est-ce que c'est ça qu'on veut? Notre objectif, c'est de développer au Québec le modèle américain? Et rappelons une chose pour le ministre qui, tout à l'heure, prétendait qu'on augmenterait la consommation chez nous. À Vancouver, où les commerces sont ouverts le dimanche depuis déjà plusieurs années, il y a six fois plus de gens de Vancouver qui font des achats outre-frontière qu'à Montréal, six fois plus! Ce n'est pas parce que les commerces ne sont pas ouverts à Vancouver. Ils sont ouverts le dimanche. Et pourtant, six fois plus de consommateurs traversent les frontières pour faire leurs achats le dimanche. Alors, il n'y aucune garantie là-dessus. Ils disent n'importe quoi et ils seraient prêts à faire n'importe quoi pour sacrifier à ce que j'appelle le veau d'or de la consommation. (17 h 50)

Je sais, de l'autre côté de la Chambre, il y a plusieurs ministres et députés qui ne sont pas d'accord avec cette loi. Je pense que ces personnes-là devraient s'exprimer. Il faut, à l'occasion, avoir le courage de ses opinions, avoir le courage de défendre ses valeurs, avoir le courage de défendre ses principes. Et ce qu'on est en train de proposer, ça risque de détruire ce qu'on appelle le cadre social. Le dimanche, à Chicoutimi - c'est certainement vrai dans d'autres villes du Québec - la bibliothèque municipale n'est même pas ouverte. Si j'ouvrais quelque chose, ça serait ça, moi. Sauf que les subventions ont tellement été coupées au niveau gouvernemental que la bibliothèque n'est pas ouverte. Moi, je pense qu'on devrait ouvrir les salles de spectacles, la bibliothèque, les arenas, les galeries, un certain nombre de services plus à caractère culturel où on peut s'en aller avec les enfants, avec la famille et fréquenter... On doit réserver une journée par semaine pour aller voir, ne serait-ce que ses grands-parents, ses parents, pour peut-être inviter les enfants à la maison. Ce n'est pas vrai qu'on doive sacrifier toutes nos valeurs sous prétexte que ça va être rentable. Ce sont des rentabilités à court terme. Et l'on n'aura pas évalué ce que ça aura donné sur la société québécoise.

Est-ce que c'est avantageux d'augmenter les possibilités pour que les élèves travaillent au Québec quand on sait qu'il y a 40 % de décrochage, quand on sait que ce sont les garçons qui

travaillent plus? Là, on leur donne une journée pour travailler davantage, avec le résultat, comme ce sont aussi eux qui décrochent davantage... Est-ce que c'est ça qu'on souhaite? Est-ce qu'on a évalué le coût du travail des élèves et ce que ça va donner lorsqu'on va avoir ouvert les commerces le dimanche?

M. le Président, j'ai participé à une émission à Radio-Canada samedi, une table ronde qui a été suivie d'une ligne ouverte. Sur une quinzaine de téléphones, aucun, aucun, aucun n'était favorable à l'ouverture des commerces le dimanche. Aucun. Ils admettaient tous que, effectivement, si c'était ouvert, des fois, ça rendrait service, mais ils n'en voulaient pas. Sur quoi se fondent les avis du ministre et ses consultations? Je pense que cette idée, cette loi va venir consacrer une nouvelle cassure au Québec, soit celle de Montréal et des régions. Dans les régions, ils n'en veulent pas vraiment de cette ouverture, à l'exception de quelques grandes surfaces, sinon ils n'en veulent pas. Je pense que de se donner trois mois pour entendre les parties là-dessus, sur un débat aussi fondamental, ce n'est pas une perte de temps ni d'argent, puisque, je le rappelle, janvier, février, ce n'est pas vraiment là que les commerces font le meilleur de leurs affaires.

Évidemment, je suis d'accord avec la motion qui a été déposée à l'effet de reporter de trois mois ce débat. Il n'y a pas urgence. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, Mme la députée de Chicoutimi. Cette intervention met fin au débat sur la motion de report de M. le leader de l'Opposition officielle, motion que je vais maintenant mettre aux voix.

Alors, vous demandez un vote nominal. Qu'on appelle les députés. (17 h 54 - 18 h 1)

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Mmes et MM. les députés, si vous voulez regagner vos banquettes, s'il vous plaît.

Mise aux voix

Je vais maintenant mettre aux voix la motion de M. le leader de l'Opposition officielle, qui se lit comme suit: «Que la motion en discussion soit modifiée en retranchant le mot "maintenant" et en ajoutant, à la fin, les mots "dans trois mois".»

Que ceux et celles qui sont en faveur de cette motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît!

Le Secrétaire adjoint: M. Chevrette (Joliette), Mme Blackburn (Chicoutimi), M. Biais (Masson), Mme Marois (Taillon), M. Garon (Lé-vis), Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve), M. Jo-Ih/et (Laviolette), M. Baril (Arthabaska), M. Claveau (Ungava), Mme Juneau (Johnson), Mme Ca- ron (Terrebonne), M. Dufour (Jonquière), M. La-zure (La Prairie), M. Gendron (Abitibi-Ouest), M. Brassard (Lac-Saint-Jean), M. Léonard (Labelle), Mme Vermette (Marie-Victorin), M. Boule-rice (Sainte-Marie-Saint-Jacques), M. Morin (Du-buc), M. Holden (Westmount), M. Trudel (Rouyn-Noranda-Témiscamingue), M. Beaulne (Bertrand), Mme Carrier-Perreault (Les Chutes-de-la-Chau-dière), M. Bélanger (Anjou). M. St-Roch (Drum-mond).

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Que ceux et celles qui sont contre cette motion veuillent bien se lever!

Le Secrétaire adjoint: M. Paradis (Brome-Missisquoi), Mme Gagnon-Tremblay (Saint-François), M. Rémillard (Jean-Talon), M. Levesque (Bonaventure), M. Bourbeau (Laporte), M. Dutil (Beauce-Sud), M. Côté (RMère-du-Loup), M. Sir-ros (Laurier), M. Vallerand (Crémazie), M. Elkas (Robert-Baldwin), M. Tremblay (Outremont), M. Middlemiss (Pontiac), Mme Frulla-Hébert (Mar-guerite-Bourgeoys), M. Bélisle (Mille-Îles), M. Ciaccia (Mont-Royal), Mme Robillard (Chambly), M. Blackburn (Roberval), Mme Bleau (Groulx), M. Houde (Berthier), M. Maltais (Saguenay), M. Kehoe (Chapleau), Mme Trépanier (Dorion), M. Cannon (La Peltrie), M. Philibert (Trois-Riviè-res), M. Beaudin (Gaspé), M. Hamel (Sherbrooke), M. Doyon (Louis-Hébert), Mme Bégin (Belle-chasse), Mme Pelchat (Vachon), M. Poulin (Chau-veau), M. Thérien (Rousseau), M. Benoit (Orford), M. Messier (Saint-Hyacinthe), M. Richard (Nico-let-Yamaska), M. Charbonneau (Saint-Jean), M. Bradet (Charlevoix), M. Gauvin (Montmagny-L'ls-let), M. Gautrin (Verdun), M. Forget (Prévost), M. Lesage (Hull), Mme Hovington (Matane), M. Lafrenière (Gatineau), M. Bergeron (Deux-Montagnes), Mme Boucher Bacon (Bourget), Mme Bélanger (Mégantic-Compton), M. Audet (Beauce-Nord), Mme Cardinal (Châteauguay), M. Després (Limoilou), Mme Loiselle (Saint-Henri), M. La-france (Iberville), M. MacMillan (Papineau).

Le secrétaire: pour: 25 contre: 51 abstentions: 0

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, la motion de report est rejetée.

Il est 18 heures et quelques minutes. Je suspends les travaux jusqu'à 20 heures, ce soir.

(Suspension de la séance à 18 h 5)

(Reprise à 20 h 3)

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, Mmes et MM. les députés, si vous voulez vous asseoir, s'il vous plaît.

Reprise du débat sur l'adoption du principe

Nous reprenons les travaux de l'Assemblée nationale à l'étape des affaires du jour, à l'article 6 de notre feuilleton. Nous reprenons le débat relativement à la motion de M. le ministre de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie proposant l'adoption du principe du projet de loi 59, Loi modifiant la Loi sur les heures et les jours d'admission dans les établissements commerciaux.

Je suis prêt à reconnaître le premier intervenant. M. le député de Saint-Jean, je vous rappelle que vous avez droit à une intervention maximale de 20 minutes.

M. Michel Charbonneau

M. Charbonneau: Merci, M. le Président. Alors, nous avons un important projet de loi devant nous aujourd'hui. Il concerne, évidemment, les heures d'affaires. Alors, dans le cadre du temps qui m'est imparti, M. le Président, je me propose de faire valoir les mérites et le bien-fondé du projet de loi 59, Loi modifiant la Loi sur les heures et les jours d'admission dans les établissements commerciaux.

On peut s'étonner de voir réapparaître, dans cette Chambre, un projet de loi sur les heures d'affaires, près de trois ans après que l'Assemblée nationale eut décidé de statuer sur cette question. Mais il n'y a pas de quoi s'étonner si on considère les changements, les transformations intervenues chez nos partenaires économiques, chez nos voisins ainsi que chez nous, tant sur le plan de la conjoncture économique que sur celui des préférences des consommateurs.

Depuis que cette Assemblée a statué sur les heures d'affaires, de nombreux changements sont en effet intervenus dans l'environnement économique. Au nombre de ces changements, notons ce qu'on appelle le commerce transfrontalier. Et j'aimerais simplement vous rappeler que le comté que je représente, soit le comté de Saint-Jean, est un comté immédiatement voisin des États-Unis et touchant à l'État du Vermont et à l'État de New York.

Il n'est pas inutile, pour se faire une idée assez juste de la signification du commerce transfrontalier, de donner quelques chiffres, M. le Président. Saviez-vous que le nombre de résidents québécois effectuant des voyages de 24 heures en automobile aux États-Unis s'est chiffré, en 1991, à 6 154 000? Saviez-vous que, selon les données disponibles au ministère de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie, les montants dépensés par les résidents québécois pour leurs achats outre-frontière dans l'axe Montréal-Sherbrooke ont représenté, en 1991, plus de 2 100 000 000 $? Saviez-vous également, M. le Président, toujours en matière de commerce transfrontalier, que la tendance observée, en 1992, sur les voyages de moins de 24 heures aux états-unis indique une situation à tout le moins comparable à celle de 1991? saviez-vous également qu'entre 35 % et 40 % des voyages de moins de 24 heures en automobile aux états-unis ont cours le dimanche? saviez-vous que, en tenant compte de ces données, les achats outrefrontière effectués le dimanche par les résidents québécois sont estimés à 787 000 000 $? saviez-vous également, m. le président, que l'ouverture des commerces le dimanche pourrait permettre de récupérer, selon certaines estimations, enquêtes internes et autres consultations, entre 20 % et 50 % des achats outre-frontière effectués toujours le dimanche?

Tout ceci, M. le Président, vous donne une idée assez juste de ce que représente le commerce transfrontalier, de ses implications économiques. Il n'est pas la seule transformation intervenue depuis l'adoption de la loi. Il y a également eu d'autres transformations importantes, et je pense ici, notamment, à la décision récente du gouvernement de l'Ontario de libéraliser les heures d'affaires. Il a pris cette décision, comme on le sait, dans l'espoir de réduire les achats outre-frontière des consommateurs et, également, pour favoriser la reprise économique.

Vous n'êtes pas sans savoir, M. le Président, que la consolidation de la reprise dépend largement d'une reprise de cette consommation. Les consommateurs hésitent également à consommer de nouveau, ce qui n'est pas sans retarder la consolidation de la reprise économique qui s'amorce. Quels que soient les motifs qui ont amené le gouvernement ontarien à opter pour une libéralisation des heures d'affaires, cette situation n'est pas moins sans conséquences sur notre économie et, en particulier, notre économie transfrontalière à l'ouest, c'est-à-dire en Ontario. Ainsi, M. le Président, lorsqu'on regarde aux alentours, on constate que les consommateurs québécois sont les seuls à ne pas pouvoir bénéficier d'un accès aux commerces le dimanche. Seuls ceux vivant près des frontières, que ce soit celle américaine, comme dans mon comté, celle de l'Ontario ou encore celle du Nouveau-Brunswick, peuvent, s'ils le désirent, magasiner le dimanche. On comprend donc, M. le Président, que le Québec vit une situation d'isolement en cette matière, à la suite de ces transformations intervenues depuis quelque temps. Ce sont là les raisons externes qui militent en faveur d'une plus grande libéralisation des heures d'affaires chez nous.

Mais ces raisons ne sont pas les seules. Il y a des raisons qu'on pourrait qualifier d'internes, c'est-à-dire ici sur le territoire québécois. Il existe, comme l'a si bien mentionné le ministre de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie, un large consensus chez la majorité des partenaires en faveur d'une libéralisation des heures d'ouverture au Québec. Dans ce consensus, on retrouve les intervenants du monde

syndical, du monde patronal et des consommateurs. Signalons également qu'il inclut, outre les groupes d'intérêts concernés, un très grand nombre de Québécoises et de Québécois qui sont favorables à l'ouverture des commerces de détail le dimanche. (20 h 10)

À cet égard, M. le Président, permettez-moi de vous citer un sondage. Le journal Les Affaires, dans sa livraison du 31 octobre dernier, publiait un sondage SOM-Les Affaires qui indiquait que 67 % des Québécois sont favorables à l'ouverture de tous les commerces, quand ils le veulent et lorsque prévaut la notion du volontariat chez les employés. Ce consensus, M. le Président, n'est pas une invention du ministre, mais existe bel et bien dans notre société. Telle est, M. le Président, la raison interne majeure qui milite en faveur d'une plus grande libéralisation des heures d'affaires. Elle vient s'ajouter aux raisons externes que j'ai évoquées précédemment qui, les unes comme les autres, militent en faveur de la libéralisation des heures d'affaires, tel que nous l'opérons avec le projet 59 qui est devant nous aujourd'hui.

Mais, M. le Président, ces raisons ne sont pas les seules. Il en est une autre que je dois mentionner. Elle se situe sur le plan philosophique. Voilà pourquoi j'ai jugé bon de la distinguer des précédentes raisons évoquées. Cette raison, c'est celle de l'importance de la liberté pour notre formation politique. Pour notre parti, le Parti libéral du Québec, cette liberté, tant sur les plans politique et civil que sur le plan économique, constitue une valeur qu'il défend et met de l'avant, et ce, à l'image des formations politiques qui, dans le monde, chérissent la démocratie.

Voilà pourquoi, tel que vous pourrez le constater à l'examen de ce projet de loi, notre gouvernement ne force pas les commerçants qui ne désirent pas ouvrir le dimanche. Avec le projet de loi 59, il vise seulement à permettre à ceux qui le veulent d'ouvrir le dimanche. Dans la même perspective de liberté, il rend possible l'accès aux commerces le dimanche pour les consommateurs qui le désirent. Ainsi, M. le Président, l'esprit de liberté anime le projet de loi 59 que nous avons devant nous.

Outre cet esprit de liberté, ce projet de loi est également animé par celui d'égalité devant la loi. Normalement, c'est une chose qui devrait aller de soi, mais la complexité de la question contraint à en faire un principe guidant l'action du législateur dans sa quête d'une solution équitable pour tous ceux qui sont concernés dans l'application de la loi.

S'ajoute à ces deux éléments un troisième, relatif à la satisfaction des besoins réels des consommateurs. À notre avis, il est du devoir du législateur de tenir compte des transformations contemporaines des habitudes de vie. Il est bien connu qu'aujourd'hui, dans la majorité des familles québécoises, les deux parents sont sur le marché du travail. Ceci amène des contraintes inédites en matière d'achats et de consommation, de toutes sortes. Le législateur doit tenir compte de cette réalité contemporaine. Il doit aussi considérer la qualité de vie de la population et également celle des travailleurs et des travailleuses. Le législateur en a tenu compte dans les modifications qu'il propose dans le projet de loi que nous avons devant nous.

Ceci étant dit, j'aimerais maintenant aborder les changements qu'apporte le projet de loi 59 à la situation actuelle en matière d'heures d'affaires. Le projet de loi que nous avons devant nous maintient certaines exceptions prévues actuellement et modifie les modalités d'application de certaines d'entre elles. Ainsi, M. le Président, avec le projet de loi 59, le public pourra être admis dans un établissement commercial de 8 heures à 17 heures le samedi et le dimanche, et de 8 heures à 21 heures les autres jours de la semaine. En outre, je crois extrêmement utile et pertinent de souligner avec le plus d'emphase possible que le projet de loi 59 n'apporte pas une libéralisation des heures d'affaires sans tenir compte des travailleurs et des travailleuses et de leur qualité de vie. Ce projet de loi prévoit qu'il sera interdit, pour une période de trois ans, à l'exploitant d'un établissement commercial régi par la loi d'imposer une sanction à une personne actuellement à son emploi pour le motif qu'elle a refusé de travailler le dimanche ou durant les heures additionnelles d'admission prévues par le projet de loi, ce qui devrait nous convaincre du souci qu'accorde notre gouvernement à la qualité de vie de la population et, en particulier, aux travailleurs et travailleuses.

Mais, afin de dissiper tout doute, je crois utile de citer au texte l'article 28.1 du projet de loi que nous avons devant nous. On peut y lire: «II est interdit à l'exploitant d'un établissement commercial de congédier, de suspendre ou de déplacer une personne à son emploi [...] d'exercer à son endroit des mesures discriminatoires ou des représailles, ou de lui imposer toute autre sanction pour le motif que cette personne a refusé de travailler [...] un dimanche ou entre 19 h 00 et 21 h 00 un lundi ou un mardi.» De plus, l'article ajoute ceci: «La personne qui croit avoir été victime d'une pratique ainsi interdite peut faire valoir ses droits auprès d'un commissaire du travail nommé en vertu du Code du travail, au même titre que s'il s'agissait d'une sanction prise à l'endroit d'un salarié à cause de l'exercice par celui-ci d'un droit résultant de ce Code.»

Je suis convaincu que cette lecture de l'article 28.1 est en mesure de lever tous les doutes qui pouvaient subsister quant aux intentions de notre gouvernement de respecter la qualité de vie de la population et, en particulier, des travailleurs et des travailleuses concernés

par les modifications que nous amenons à la Loi sur les heures et les jours d'admission dans les établissements commerciaux.

En terminant, M. le Président, j'ai tenté de faire valoir les mérites du projet de loi 59 sur lequel statue la Chambre aujourd'hui. Je crois être parvenu à le faire, c'est-à-dire à montrer que c'est l'ensemble des citoyens et des citoyennes de notre société qui bénéficieront de cette libéralisation des heures d'affaires. Son adoption fera en sorte que le Québec ne sera plus en reste par rapport à ses voisins et que, dorénavant, ceux qui désirent faire des achats le dimanche pourront le faire sur le territoire québécois, et ce, pour le plus grand bien de notre économie, qui, comme on le sait, a grand besoin que les consommateurs retrouvent confiance. Cela nous permettra d'améliorer le niveau de vie de notre population. C'est une chose qui doit nous préoccuper au premier chef et qui préoccupe grandement notre gouvernement ainsi que notre population. En effet, notre population est actuellement extrêmement soucieuse de vouloir améliorer son niveau de vie. Elle nous demande à nous, ses élus, de faire le maximum afin qu'il connaisse des améliorations significatives au cours des prochaines années. Nous le savons et faisons le maximum pour que le Québec triomphe de la mutation industrielle qu'il connaît. Il est de notre devoir de ne négliger aucun effort afin que cette mutation soit un succès. C'est la seule façon de répondre aux attentes de la population en matière de niveau de vie, tout comme, d'ailleurs, d'assurer une place dans notre société aux jeunes générations qui entrent aujourd'hui sur le marché du travail. C'est là l'un des plus imposants défis qui nous confrontent au début des années quatre-vingt-dix. J'ai grande confiance que nous pourrons le relever avec succès, et ainsi offrir à nos jeunes les possibilités de réaliser les espoirs qui nous animent.

En terminant, M. le Président, j'aimerais, avec le consentement de cette Chambre, déposer deux documents relatifs à mon intervention. (20 h 20)

Le Vice-Président (M. Lefebvre): II y a consentement, M. le député de Saint-Jean. Consentement. Allez-y.

Documents déposés

M. Charbonneau: C'est le communiqué de presse de la chambre de commerce du Québec, M. le Président, ainsi que la lettre du maire de la ville de Montréal, M. Jean Doré, appuyant ce projet.

Alors, c'est avec grand plaisir que je voterai en faveur du projet de loi 59. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le député de Saint-Jean. Sur la même motion, je cède la parole à Mme la députée de Taillon. Vous avez droit à 20 minutes, Mme la députée.

Mme Pauline Marais

Mme Marois: Je vous remercie, M. le Président. Vous comprendrez que j'ai écouté avec énormément d'attention tout ce qui s'est dit depuis le début du dépôt de ce projet de loi devant cette Assemblée, concernant les heures d'affaires, puisqu'il y a deux ans, devant cette même Assemblée, en commission parlementaire, à titre de porte-parole à ce moment-là pour le dossier industrie et commerce et particulièrement sur les heures d'affaires, j'avais eu l'occasion d'intervenir à plusieurs reprises, M. le Président, pour défendre un point de vue auquel je continue d'adhérer et qui m'apparaît sûrement plus fondamental que toute espèce de présomption que l'on pourrait faire en ce qui a trait à l'élargissement des heures d'affaires.

J'écoutais, cet après-midi, les protagonistes, ou ceux qui appuient le projet de loi, ceux qui sont d'accord avec cela, et je les entendais dire - le ministre de l'Industrie et du Commerce au premier chef - les mêmes arguments, M. le Président, qu'en 1990: Les gens refusent d'évoluer. Les besoins ont changé. La situation est différente. Elle a changé, cette situation. Et, en parlant de l'Opposition, le ministre disait: L'Opposition refuse, elle, d'évoluer. Oui. M. le Président. La situation en 1992, elle a changé. Sauf qu'elle a changé pour le pire, M. le Président. On est devant une situation complètement catastrophique, complètement inacceptable. En termes, entre autres, de pauvreté, nous avons atteint, pour le dernier mois, un nombre record, en termes de hausse du taux de chômage au Québec. On parle de plus de 14 % de taux de chômage. C'est facile un pourcentage, un chiffre; ça ne dit rien. Un pourcentage, souvent ce n'est pas très concret. Ça veut dire combien de personnes qui sont actuellement sans emploi, à la recherche d'un emploi au Québec, M. le Président, en novembre 1992? 490 000 personnes. C'est de ça dont on parle.

Alors, oui, elle a changé, la situation, par rapport à 1990. Elle est pire. Elle est plus catastrophique. Et si je dis cela, c'est pour essayer de démontrer au ministre et à ses collègues du gouvernement, qui ne sont d'ailleurs pas si nombreux que cela cet après-midi à voter contre la motion que nous avions proposée pour que le débat soit repris plutôt à la session prochaine, avec tout le temps nécessaire pour qu'on puisse réfléchir à la situation... Ils n'étaient pas si nombreux que cela, cet après-midi, à venir voter avec le ministre. La situation, elle est catastrophique au point de vue du chômage, du problème de l'emploi. Le ministre essaie de nous faire croire que ça va en créer; j'y reviendrai.

Les analystes financiers, ceux de Desjardins

en particulier, nous disent ceci. Ils nous disent: II existe une relation étroite entre la consommation et le revenu disponible. Ainsi, l'an prochain, la croissance de la consommation sera considérablement limitée par l'augmentation mitigée du revenu disponible. Ce que les économistes nous disent ici, c'est que les revenus pour pouvoir acheter des produits n'ayant pas augmenté, on craint que la reprise sera justement beaucoup plus lente parce que la façon d'augmenter le niveau de consommation, ce sera d'aller chercher dans ses épargnes pour pouvoir consommer. On ne nous dit pas ici qu'en augmentant le nombre d'heures d'ouverture des magasins, et particulièrement le dimanche, ça donnera plus d'argent aux consommateurs et aux consommatrices.

Et quand on lit le semblant d'étude que le ministre a fait en ce qui concerne les achats aux États-Unis, on constate, mais alors là, d'une façon très claire, qu'il n'y a pas d'étude réelle du phénomène de magasinage aux États-Unis. Et il le sait très bien, M. le Président, que ce phénomène est relié davantage au problème des taxes qui sont hautes sur un certain nombre de produits de consommation, dont, entre autres, les taxes sur l'essence et les taxes sur les produits alcoolisés. Et c'est pour cela que les gens vont chercher des produits aux Etats-Unis. Et ils continueront de le faire, malheureusement, que les commerces soient ouverts ou pas le dimanche, à moins d'un autre type de changement que celui que nous propose le ministre.

Alors, si les gens n'ont pas plus d'argent pour consommer, si le revenu disponible ne progresse pas, n'augmente pas, si les taux de chômage augmentent, tel qu'on les a vu monter au mois de novembre dernier, comment peut-il nous affirmer sans aucune espèce de réserve qu'on augmentera les emplois dans le secteur du commerce de détail parce qu'on ouvrira le dimanche? On augmentera tout simplement les coûts des détaillants, les coûts des commerçants. Et, surtout, on augmentera la précarité qui concerne particulièrement les travailleurs à faibles revenus, et particulièrement les travailleuses. Alors, je vais les prendre un à un, ces éléments-là, du point de vue du consommateur, du point de vue du détaillant, du commerçant et, bien sûr, du point de vue des travailleuses et des travailleurs.

Allons-y donc du point de vue des consommateurs. Je suis régulèrement à mon bureau de comté, M. le Président, comme, probablement, tous les députés qui sont membres de cette Assemblée. Je participe régulièrement à des activités publiques où je rencontre de mes concitoyens et concitoyennes. Je n'ai pas eu de demandes de leur part pour qu'on élargisse les heures d'affaires, et particulièrement le dimanche. Et d'ailleurs, le représentant des ACEF, l'Association coopérative d'économie familiale... Ce sont des associations qui défendent les consommateurs et les consommatrices, qui font des représentations pour faire en sorte que leurs droits soient respectés. Le représentant de ces organismes disait, le 3 décembre dernier, et je le cite: «Tout comme en 1987 - et il aurait pu dire "tout comme en 1990° - ce ne sont pas les consommateurs qui viennent de relancer le débat en vue d'une libéralisation inconditionnelle des heures d'ouverture des magasins. L'enjeu de la lutte acharnée que les gros du commerce de détail mènent actuellement est la conquête de parts de marché afin d'améliorer leur marge bénéficiaire et non la satisfaction des besoins des consommateurs. Les grands perdants à ce jeu du darwinisme économique seront les petits commerçants, les travailleurs du commerce, les consommateurs et la société en général.» Et ça, c'est une personne qui représente les consommateurs et les consommatrices.

Et, quand on regarde toute la publicité qui s'est faite pour demander au ministre et à ce gouvernement d'ouvrir plus largement, d'ouvrir plus longtemps les commerces de détail, et particulièrement le dimanche, on constate que M. Nantel a raison, que le représentant des ACEF a raison. C'est une liste de grandes surfaces ou de propriétaires de centres commerciaux, M. le Président. Et reprenez ces fameuses publicités demandant l'ouverture des magasins le dimanche, et vous allez les voir s'aligner les uns à la suite des autres. Est-ce que les consommateurs ont fait des pétitions à travers le Québec pour demander que les magasins ouvrent le dimanche, M. le Président? Non, parce que les heures que prévoit la loi 75, entre autres dans le secteur de l'alimentation - peut-être, une certaine libéralisation en semaine - permettent justement à tous les consommateurs et à toutes les consommatrices d'y trouver leur compte.

Jamais personne ne va me faire croire qu'il n'est pas possible, si les magasins sont ouverts jusqu'à huit heures, jusqu'à neuf heures, dit-on, pendant la semaine, du lundi au vendredi, qu'ils sont ouverts le samedi, personne ne va me faire croire qu'il n'est pas possible d'aller se procurer ce dont il est besoin, ce dont il est nécessaire pour assumer ses besoins pendant ces heures-là, M. le Président. Donc, il est inutile d'ouvrir une autre plage, à un autre moment, le dimanche, pour permettre aux consommateurs et aux consommatrices d'aller dépenser davantage.

D'ailleurs, le ministre le dit lui-même dans son étude, il dit: S'il y a une possibilité que l'emploi augmente, ça sera dû au fait qu'il y aura des achats davantage impulsifs de la part des consommateurs et des consommatrices. Ils sont déjà dans une situation d'endettement, assez difficile pour un certain nombre d'entre eux, donc ce n'est pas utile, nous apparaît-il, à ce moment-ci, de provoquer encore une hausse de ce côté-là. Je crois que les consommateurs et les consommatrices peuvent trouver leur compte dans les heures d'ouverture, telles qu'elles existent actuellement, M. le Président. Et c'est d'ailleurs

l'avis de ceux et de celles qui les représentent, particulièrement de ceux et de celles qui les défendent, M. le Président, et qui les défendent dans des situations où, justement, ces personnes se retrouvent souvent coincées.

C'est évident que si on me demande à moi: Est-ce que vous aimeriez mieux que ça soit ouvert 7 jours par semaine, 24 heures par jour? Bien oui, pourquoi pas? Bien sûr, c'est toujours plus simple, hein. Mais, qui va payer pour ça? Moi, aussi, comme consommatrice, parce que les heures vont s'allonger, parce que cela coûtera plus cher aux entreprises. Mais, qui va payer aussi pour cela? Les travailleurs et les travailleuses. (20 h 30)

Je vais y revenir, M. le Président, parce que je crois que, fondamentalement, c'est surtout cela qui est questionné par le projet de loi qui est devant nous, une question de valeurs, une question de volonté qu'une population, qu'une société... Mettre l'accent sur autre chose essentiellement que sur l'avoir, mais qu'une société puisse mettre l'accent sur l'être, sur la convivialité, sur la possibilité qu'ensemble on se retrouve, une fois par semaine, le plus nombreux possible à être en congé en même temps.

Ah, le ministre m'a dit: Ça pourrait être le lundi, mais moi, je vais vous dire: Je travaille, la fin de semaine, comme membre, comme représentante des citoyens et des citoyennes, parce que souvent, je suis appelée à faire de la représentation. Souvent, je suis appelée à aller rencontrer des représentants d'organismes, de municipalités. Pensez-vous que le lundi, à 9 heures, chez moi, devant mon café, mes enfants à l'école, c'est bien, bien intéressant pour ma vie de famille?

Bien, c'est à ça qu'on risque d'arriver pour aussi un bon nombre de personnes à travers le Québec qui vont être appelées à travailler, et un bon nombre de nos collègues nous disaient, tout à l'heure, d'ailleurs, que ce seraient des femmes, sans doute, qui occuperaient ces emplois. Pour un certain nombre, oui, pour d'autres, ce seront des jeunes, mais toujours, c'est cette même question à laquelle on est confronté: Est-ce que, comme société, nous souhaitons - et ça, ça n'a rien à voir avec être pareil ou ressembler aux Américains, ou ressembler aux Ontariens, ou ressembler aux gens de l'autre côté de la frontière - conserver un moment dans notre vie collective où nous allons être le plus nombreux possible à pouvoir nous retrouver et échanger, être capable de se retrouver, que ce soit en famille, que ce soit en association ou autrement? C'est ça, M. le Président, qui est en cause dans la loi qui est devant nous.

Donc, la question des consommateurs et des consommatrices, à mon point de vue, une organisation des heures d'ouverture, tel qu'on l'a connu dans le cas des marchés d'alimentation, qui pourraient s'élargir en semaine pour l'ensemble des commerces, satisferait amplement les besoins des consommateurs et des consommatrices.

Retournons-nous maintenant du côté des détaillants, des commerçants. L'ADA, l'Association des détaillants en alimentation, nous dit qu'en 1991 il y aurait eu environ une perte de 3500 emplois dans son secteur. J'ai fait relever aujourd'hui le nombre de faillites, en 1990, en 1991 et jusqu'à août 1992, dans le secteur de l'industrie et du commerce de détail. Alors, le ministre va sûrement me dire qu'il y a encore place, évidemment, pour qu'on en ajoute, pour qu'on ouvre davantage les commerces. En 1990, c'est 1231 faillites commerciales qui ont été constatées, dans le secteur de l'industrie et du commerce de détail, pour des passifs de l'ordre de 266 000 000 $, 135 000 000 $ du côté des actifs. Ça, c'était en 1990. En 1991, on parle de 1283 commerces de détail qui auraient failli et, en 1992, jusqu'en août - si, malheureusement, ça devait continuer à ce rythme-là, ce serait encore pire, donc, que les années précédentes - on parle de 855 commerces de détail qui ont failli jusqu'à août 1992. Pourquoi croyez-vous, M. le Président, que les commerçants, un nombre important de commerçants se sont prononcés contre le projet de loi qu'a présenté le gouvernement? D'abord, pour une connaissance qu'ils ont du marché, de ses règles et de son organisation, mais aussi pour une autre raison. Et je revoyais à nouveau, cet après-midi, la liste des commerces qui se sont manifestés contre le projet de loi présenté par le ministre.

On parle de la Corporation des marchands de meubles, la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante qui, soit dit en passant, représente beaucoup de petites entreprises - et mon collègue, le député de Labelle, a fait une démonstration très claire lors de son intervention ce matin - la petite entreprise, la petite surface qui caractérise la réalité commerciale du Québec par rapport, entre autres, à la réalité commerciale américaine où on retrouve davantage de grandes surfaces dans une proportion, à toutes fins pratiques, inverse. Par exemple, au Québec, on parle de plus de 60 % du commerce qui se ferait dans la petite surface, particulièrement dans le cas de l'alimentation, et aux États-Unis ce serait l'inverse qui se passe. Souvent, ces petits commerces sont possédés par des familles qui embauchent une ou deux ou trois personnes, tout au plus, pour assurer le service à leur clientèle. On sait très bien que la vie de ces petits commerçants serait particulièrement touchée par l'ouverture des commerces un septième jour pendant la semaine.

Mais, plus que cela, pourquoi les marchands de meubles, pourquoi la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, pourquoi la Corporation des bijoutiers, pourquoi les détaillants en alimentation et des quincailleries aussi, M. le Président, les grandes quincailleries souhaitent l'ouverture? Pas les petites et les moyennes surfaces, M. le Président. Pourquoi? Parce qu'ils savent très bien

que pour offrir un service de qualité à leur clientèle ils devront avoir un personnel spécialisé. Pour avoir ce personnel spécialisé, ils doivent faire appel à leur personnel régulier. Ils sont d'accord avec le volontariat, mais ils savent que c'est à peu près incompatible, M. le Président. S'ils veulent offrir un service de qualité, faire en sorte que la marchandise qu'ils vendent soit traitée adéquatement, ça leur prend un personnel formé, spécialisé. Alors, ils se retrouvent devant un dilemme où c'est eux qui vont être là pendant les heures d'ouverture plus grandes que seront les heures du dimanche, ou essayer de trouver des employés spécialisés qu'ils auront de la difficulté à recruter parce qu'il y aura le volontariat qui s'appliquera - ce avec quoi, d'ailleurs, je suis d'accord. Je pense qu'il est presque impossible de l'appliquer.

Cependant, M. le Président, les travailleurs et les travailleuses vont payer la note de cela, et c'est, à cet égard, un leurre qu'on leur fait. Et j'espère que les représentants et les représentantes des travailleuses et des travailleurs vont être sensibles aux représentations que vont leur faire les gens qui oeuvrent déjà dans les commerces de détail. J'espère qu'ils vont le faire auprès de leurs représentants, auprès du ministre, auprès des membres du gouvernement, auprès de leurs députés, comme vont le faire les commerçants. (20 h 40)

Je vais conclure, M. le Président, parce que, malheureusement, vous me dites qu'il ne me reste qu'une minute. Je vais terminer en citant M. Nantel des ACEF et M. Lesage du Devoir, qui disait, en parlant de cette loi: Si l'ouverture généralisée est si mirobolante, pourquoi ne pas l'avoir proposée en 1990? Pourquoi ne pas ouvrir 24 heures par jour? Sur la voie de l'absurde, il n'y a plus de limite au raisonnement creux, voire à la bêtise érigée en système. Les conditions ont changé depuis deux ans, certes, mais pour s'y adapter à nouveau, faut-il tout chambarder encore une fois et repartir sur des bases nouvelles? Il y a là un débat important à faire, le gouvernement voulait l'escamoter, fort de son arrogance et de sa majorité. Grâce à la vigilance de l'Opposition, il devra s'y résoudre, et c'est tant mieux.

Et M. Nantel disait, lui: Décidément, les forces de désagrégation du tissu social et humain sont plus fortes que celles de leur raffermissement, mais nous aurons à payer un jour. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, Mme la députée de Taillon. Sur le même sujet, je cède la parole à M. le député d'Orford.

M. Robert Benoit

M. Benoit: M. le Président, j'écoutais la députée de Taillon. Il me semblait que je réen- tendais des vieux disques de 1990, le même discours, les mêmes petits commerçants qui vont être en difficulté, mais ce n'est pas ça qui s'est passé, on a ouvert les commerces après 1990. Ce n'est pas ça qui s'est passé. La réalité des choses, c'est que les gens se sont ajustés, les gens se sont adaptés; ils ont tellement aimé ça, pouvoir avoir déjà un peu plus d'ouverture, qu'ils en redemandent. Plus de gens! Les sondages sont à 80 %, pas des sondages faits par le Parti libéral; même des sondages faits par des gens qui étaient contre l'ouverture sont arrivés à la conclusion que 80 % des citoyens du Québec... ces mêmes gens qui regardent les gens du Nouveau-Brunswick, qui regardent les gens des États-Unis, qui regardent les gens de l'Ontario et qui se disent: Est-ce que nous sommes si différents que ça, comme consommateurs? La réponse, c'est non.

M. le Président, doit-on, oui ou non, permettre la libération des heures d'affaires? C'est là une question sur laquelle notre gouvernement s'est penché ces dernières semaines, et le résultat de cette réflexion me réjouit pleinement. Bien que cette décision n'ait pas été facile à prendre, je suis d'avis qu'elle va dans le sens de la logique et démontre tout le réalisme dont a fait preuve le gouvernement libéral du Québec dans ce dossier. Vous comprendrez que nous ne pouvions ignorer l'augmentation des achats effectués par les Québécois aux États-Unis, mais également dans les commerces de l'Ontario et du Nouveau-Brunswick. La circonscription que je représente, elle est en périphérie des États-Unis, et nous sommes, d'une façon, particulièrement touchés par les gens qui vont aux États-Unis.

Constatant l'urgent besoin de relancer l'économie québécoise, nous avons décidé d'actualiser les grands principes qui guident l'action du gouvernement en matière d'heures d'ouverture des commerces, en favorisant une plus grande libéralisation des heures et des jours d'admission dans les établissements commerciaux du Québec.

Dans un premier temps, M. le Président, permettez-moi d'expliquer les principaux éléments du projet de loi 59 modifiant la Loi sur les heures et les jours d'admission dans les établissements commerciaux. Tout d'abord, il est important de mentionner que l'accès à tous les établissements commerciaux sera dorénavant permis le dimanche, de 8 heures à 17 heures, comme c'est le cas, actuellement, le samedi. L'accès sera prolongé de deux heures en soirée, le lundi et le mardi, passant de 19 heures à 21 heures, comme le mercredi, le jeudi et le vendredi. Et combien de gens sont venus nous dire, en commission parlementaire - et la députée de Taillon était là - nous, mères de famille, qui finissons de travailler à 17 h 30, à 18 heures, n'avons pas le temps de faire les emplettes élémentaires de la résidence? Combien de gens sont venus nous dire que c'était un stampede incroyable, le jeudi soir, dans les épiceries. Cette femme qui est venue

nous dire, en commission parlementaire: La qualité de vie, mêlez-vous-en pas, les politiciens, je vais régler mon sort. S'il fait beau le samedi, je vais aller en ski et je ferai l'épicerie le dimanche. Mais s'il fait beau le dimanche, je vais peut-être aller en ski le dimanche et faire l'épicerie le samedi. C'est cette même dame-là qui est dans les 80 % des sondages, les gens qui disent que la qualité de vie, ce n'est pas l'affaire des politiciens: On va le régler, ce problème-là, nous, comme citoyens.

Actuellement, la loi sur les heures d'ouverture permet aux commerçants d'ouvrir de 8 h 00 à 19 h 00 le lundi et le mardi, de 8 h 00 à 21 h 00 les mercredi, jeudi et vendredi, de 8 h 00 à 17 h 00 le samedi. Toutefois, il y a fermeture le dimanche. La nouvelle loi, elle, vient donc ajouter des heures les lundi et mardi en soirée et permet l'ouverture des commerces le dimanche. Par contre, les établissements commerciaux devront demeurer fermés les jours fériés. Ces derniers sont évidemment les 1er et 2 janvier, le dimanche de Pâques, le 24 et le 25 juin si le 24 tombe un dimanche, le 1er juillet ou le 2 juillet si le 1er tombe un dimanche, le premier lundi de septembre et le 25 décembre.

En raison de la nature de leurs activités spécialisées ou de leur situation géographique, certains commerces de détail pourront toutefois continuer à ouvrir en tout temps. Certaines régions géographiques, nous parlons ici, bien entendu, des zones touristiques. Dans ma région, nous en avons une, zone touristique. Est-ce que la qualité de vie est moindre pour autant? Il n'en est pas question. Nous avons une très belle qualité de vie dans la région de Magog. Et les petits commerçants, non seulement ils n'ont pas fermé, M. le Président, c'est les gros qui ont fermé chez nous. Et c'est l'antithèse de ce que dit l'Opposition. Il y a plusieurs petits commerces qui ont ouvert, effectivement, dans la zone touristique. Et ces gens-là, ils ont et continuent à avoir le droit d'ouvrir le dimanche. Et finalement, le problème qu'on avait, ce n'étaient pas les gens de la zone touristique, c'est les gens qui étaient à côté de la zone touristique qui nous demandaient d'ouvrir.

M. le Président, le projet de loi 59 contient aussi une disposition favorisant le volontariat chez les travailleurs et les travailleuses visés par la libéralisation des heures de travail. C'est là un des aspects importants du projet, et je reconnais ici l'équité que le ministre a mise dans ce projet de loi. D'autre part, je vous invite, gens de l'Opposition, à réaliser que des gens sont venus nous voir en commission parlementaire. Je pense aux jeunes de la Commission-Jeunesse du Parti libéral qui nous disaient: Nous, les jeunes, sommes en faveur de l'ouverture des commerces le dimanche parce que nous croyons fermement que ça créera de l'emploi et nous, jeunes, aimerions avoir ces emplois-là.

Aussi, pour une période de trois ans, à compter de la date d'entrée en vigueur de la loi, il sera interdit à l'exploitant d'un établissement commercial de congédier, de suspendre ou de déplacer un employé parce que ce dernier a refusé de travailler le dimanche et entre 19 h 00 et 21 h 00 le lundi ou le mardi.

À la commission parlementaire, nous avions entendu un conférencier particulièrement intéressant à ce sujet-là, M. Jean Coutu. M. Coutu a travaillé à l'intérieur de la problématique des heures d'ouverture. Il a travaillé avec ses hommes et ses femmes et ses jeunes dans ses établissements. Il nous avait dit comment il avait bien considéré la problématique, comment les gens, effectivement, n'étaient pas tous heureux de travailler le dimanche, comment des programmes avaient été mis en place et comment il n'avait pas de difficulté, sans faire aucune forme de pression, à trouver des gens pour travailler dans ses établissements le dimanche et que tout le monde chez Jean Coutu était heureux du régime. Et ce sont des gens qui ont tout de même un vécu, qui ont tout de même une expérience. Ce sont des gens qui ont vécu les heures d'ouverture depuis longtemps.

À cet égard, si une personne croit avoir été victime d'une telle pratique où on l'aurait obligée, elle pourra faire valoir ses droits auprès d'un commissaire du travail. L'exploitant qui aura consenti à la contravention commettra une infraction et encourra les peines prévues par la loi.

La disposition du projet de loi 59 visant à rendre inopérante toute clause d'un bail ou d'une convention par laquelle un exploitant s'oblige à admettre le public dans son établissement commercial durant ces nouvelles heures est maintenue. Cette protection sera valable pour une période de cinq ans suivant l'entrée en vigueur de la loi ou à la fin des baux existants.

Par ailleurs, M. le Président, le projet de loi 59 maintiendra certaines exceptions à la loi actuelle. Je vous en nomme quelques-unes: les restaurants, les tabagies, les librairies, les vendeurs d'huile à moteur et de combustible, les galeries d'art, d'artisanat, les magasins de fleurs, les centres horticoles, les magasins d'antiquités, les locateurs de biens de service, les centres sportifs, les gens qui ont des commerces dans des centres sportifs, dans des réseaux hospitaliers, dans des aérogares auront, comme ils avaient au préalable, des permissions spéciales. (20 h 50)

Puis, M. le Président, les établissements du secteur alimentaire pourront ouvrir en tout temps à la condition que leur fonctionnement soit assuré, en dehors des heures et des jours prescrits, par au plus quatre personnes. Il en va de même pour les établissements du secteur pharmaceutique, sauf que les personnes assurant le fonctionnement doivent exclure le pharmacien et les personnes affectées à la préparation des médicaments. Et, encore là, M. le Président, les

gens sont venus nous voir en commission parlementaire pour nous dire: II est important que dans chacune de nos villes nous ayons des pharmacies ouvertes. Et nous savions pertinemment que si nous ne permettions que la vente de médicaments, les pharmacies, un bon nombre n'auraient pas ouvert. Et, en permettant un élargissement des heures d'ouverture, nous avons permis, dans chacune des municipalités, d'avoir un bon nombre de pharmacies ouvertes, et ça va continuer. Il s'agit des établissements de vente de véhicules, de remorques, d'embarcations, de machines agricoles, de piscines ainsi que des coopératives en milieu scolaire et des dispositions relatives aux croyances religieuses. Ce sont certains commerces et pratiques qui n'auront plus besoin de bénéficier d'une exception, dont je viens de faire la liste, M. le Président.

Et, ce projet de loi, il veut, bien entendu, simplifier la loi. Il y avait des coûts, vous savez, M. le Président, à gérer cette loi-là. Et, en la simplifiant, ces coûts seront moins grands et la loi sera plus effective.

C'est là l'essentiel du projet de loi 59 sur les heures et les jours d'admission dans les établissements commerciaux. Vous aurez compris que c'est un projet de loi très important puisqu'il apporte des ajustements qui s'imposaient, principalement en raison du contexte économique difficile que nous connaissons.

M. le Président, il nous faut garder à l'esprit que trois grands principes ont toujours guidé notre gouvernement dans sa recherche d'une solution équitable pour les clientèles visées par l'application de la loi. Ces grands principes sont, évidemment, l'égalité des commerçants devant la loi, mais aussi la satisfaction des besoins réels des consommateurs et la qualité de vie de la population. Avec l'élaboration de ce projet de loi, ces trois grands principes sont maintenus.

En conséquence, nous pouvons affirmer que le gouvernement libéral du Québec a été, une fois de plus, à l'écoute des besoins de la population. Le projet de loi 59 est une réponse au changement dans les habitudes de consommateurs des Québécois et des Québécoises. Il leur permettra dorénavant de ne plus être contraints par des heures d'ouverture des commerces plus strictes. En ce sens, les heures et les jours d'admission proposés répondent à la fois aux préoccupations syndicales et patronales, M. le Président. De plus, vous n'êtes pas sans savoir que le nombre de Québécoises et de Québécois favorables à l'ouverture des commerces de détail le dimanche s'est accru de façon sensible, et encore davantage lorsque l'on mentionne la notion de volontariat chez les employés.

Quant à l'exploitant d'un établissement, il aura désormais le choix ou d'ouvrir ou de ne pas ouvrir son établissement. Je citais plus tôt un commerce, chez nous, qui vend des meubles. Ce monsieur n'a jamais ouvert le lundi. Il a toujours eu le droit d'ouvrir le lundi. Rien dans la loi ne l'obligera d'ouvrir le dimanche, pas plus que la loi ne l'obligera d'ouvrir le lundi, M. le Président.

D'autre part, M. le Président, le projet de loi 59 devrait permettre de contrer le magasinage outre-frontière, un problème qui s'est accru d'une façon importante ces derniers mois. Saviez-vous que le nombre de résidents québécois effectuant des voyages de moins de 24 heures en automobile aux États-Unis s'est chiffré à 6 154 000, selon les données disponibles au ministère de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie? Les montants dépensés par les résidents québécois pour leurs achats outre-frontière ont représenté, toujours en 1991, plus de 2 000 000 000 $. Pour ce qui est de la tendance observée en 1992 sur les voyages de moins de 24 heures aux États-Unis, elle indique une situation à tout le moins comparable à celle de 1991 puisque entre 35 % et 40 % des voyages de moins de 24 heures en automobile aux États-Unis sont effectués le dimanche. C'est une donnée importante, M. le Président. Tous ces gens de chez nous qui vont encourager des commerçants aux États-Unis, ne pouvons-nous pas les garder chez nous et créer cet emploi, créer le bien collectif en permettant l'achat dans notre région? Alors, M. le Président, vous comprendrez que nous ne pouvions fermer les yeux sur la situation qui prévaut au sujet des achats outre-frontière. Nous avons étudié la situation. Il nous est permis de croire, selon certaines estimations, enquêtes internes, documentation, consultations que l'ouverture des commerces de détail le dimanche pourrait permettre de récupérer entre 20 % et 50 % des achats outre-frontière effectués le dimanche.

M. le Président, nous nous devons de tenter toutes les démarches pour améliorer la situation. L'ouverture des commerces de détail le dimanche s'avérait pour nous une bonne solution pour augmenter le niveau général des ventes au Québec et récupérer partiellement les achats outre-frontière. C'est là une mesure que nous devions mettre sur pied pour contribuer, dans une certaine mesure, à favoriser la relance économique. Donc, en plus d'aider à ralentir le commerce outre-frontière, le projet de loi 59 représente une solution équitable pour les clients visés par l'application de la loi.

En effet, le projet de loi édicté le principe d'égalité des commerçants devant la loi et règle les irritants, notamment en ce qui a trait aux supermarchés et aux marchés aux puces. Le projet de loi vient également satisfaire les besoins réels des consommateurs. Selon un sondage de la firme Créatec, plus de 7 Québécois sur 10 sont favorables à l'ouverture des commerces le dimanche. La proportion augmente à 8 sur 10 lorsqu'on ajoute la notion de volontariat. Un autre sondage vient confirmer cette tendance, celui, cette fois, de la firme SOM. Ce dernier

sondage révèle que les deux tiers des Québécois sont favorables à l'ouverture des commerces le dimanche. Cela devrait suffire à convaincre les plus sceptiques que le projet de loi sur les heures et les jours d'admission dans les établissements commerciaux répond véritablement aux attentes des consommateurs.

Par ailleurs, M. le Président, le projet de loi 59 vient régler un problème, celui de la concurrence. Vous comprendrez, d'ailleurs, que cette dernière n'a pas uniquement à voir avec la grosseur du commerce. La concurrence, c'est celle qui est en Ontario, au Nouveau-Brunswick, au Manitoba et aux États-Unis; bref, elle est mondiale. À partir du moment où nous en sommes conscients, nous réalisons qu'il en va de la survie même du commerce de détail au Québec. C'est à cela, M. le Président, qu'il fallait s'attaquer et c'est ce que nous avons fait. Somme toute, je suis convaincu que le projet de loi 59 ajoutera à l'ensemble des mesures que notre gouvernement continue de mettre en oeuvre pour favoriser la relance économique.

D'ailleurs, M. le Président, tous s'entendent pour dire qu'il y a urgence d'agir pour assurer l'emploi et le maintien des structures industrielles et commerciales du Québec. Alors, puisque les modifications proposées à la Loi sur les heures et les jours d'admission dans les établissements commerciaux reflètent la tendance générale voulant que les consommateurs profitent d'un meilleur accès à ces établissements, j'espère que les membres de l'Opposition se rendront à l'évidence que ce n'est pas dans l'intérêt des Québécois et des Québécoises de s'opposer à ce projet de loi. Le projet de loi 59 est une législation qui répond aux attentes du milieu et qui aidera à améliorer, sans aucun doute, la santé des finances publiques.

C'est pour ces deux raisons que je voterai en faveur de ce projet de loi, mais aussi parce qu'il favorise la liberté d'action, la qualité de vie. M. le Président, il faut garder à l'esprit que le projet de loi donne une permission et non pas une obligation d'ouvrir le dimanche. Et, ça, c'est important. Je ne voudrais pas que personne qui nous écoute ce soir croie qu'il y a une obligation d'ouvrir. Tout au contraire, il y a une permission. Plus de liberté, voilà toute la différence entre obliger et permettre, M. le Président. En effet, notre gouvernement croit qu'il est bon, en 1992, de revenir sur les notions de liberté individuelle. C'est une question d'attitude, de choix et de volonté. D'ailleurs, nous sommes heureux de constater depuis quelques années une montée des valeurs libérales de responsabilité individuelle, de liberté et de justice sociale. Malheureusement, l'Opposition officielle nous démontre à quel niveau se situe son degré en refusant l'application du présent projet de loi. Leur intérêt personnel et politique semble passer bien avant l'intérêt de la population. De notre côté, nous sommes convaincus que nous ne pouvons réaliser les grands enjeux de notre société et les priorités auxquelles nous voulons nous consacrer sans ce principe fondamental qu'est la liberté. Vous savez comme moi que nous ne pouvons entamer une vision à long terme de la société québécoise sans encourager ce principe de liberté.

M. le Président, les défis de demain se font pressants pour la société québécoise. L'heure a sonné, celle des choix, bien sûr, mais également celle du renforcement du pouvoir du citoyen. Il faut donc être à l'écoute des idées nouvelles et à l'écoute des changements qui s'opèrent peu à peu dans notre société. C'est à nous de relever les nouveaux défis découlant de l'évolution de nos valeurs. Voilà qui donne aux principes de l'individu, comme pierre angulaire de notre vie démocratique, toute son ampleur, et ça, pour le mieux-être de la collectivité. C'est tout cela que véhicule le projet de loi 59 dont il est question présentement, mais c'est aussi et surtout cela qui aidera le Québec à demeurer sur la voie du progrès. Merci, M. le Président. (21 heures)

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le député d'Orford. Je vous rappelle que nous sommes à discuter de la motion proposant l'adoption du principe du projet de loi 59, Loi modifiant la Loi sur les heures et les jours d'admission dans les établissements commerciaux. M. le député d'Ungava, vous avez droit à 20 minutes.

M. Christian Claveau

M. Claveau: Merci, M. le Président. Je vais tenter, durant les 20 minutes que vous me donnez, de prendre la défense des régions du Québec, de plaider en faveur du maintien d'activités économiques dans les régions du Québec. Ce que je dis là est sérieux, et je le dis même d'un ton triste, en fait, avec une certaine tristesse au coeur parce que, si on libéralise les heures d'ouverture, si on accepte une plaidoirie telle que celle que le député d'Orford vient de nous faire, eh bien, on vient de sonner le glas dans bien des entreprises régionales, on vient de condamner à mort des dizaines et des centaines de commerçants qui, depuis des générations, dans bien des cas, se débattent corps et âme pour maintenir un niveau d'activité économique et d'activité commerciale dans les régions du Québec.

La théorie mise de l'avant par le ministre de l'Industrie et du Commerce, à l'image, d'ailleurs, des théories qu'utilise généralement son gouvernement dans toute décision politique d'ordre économique, ce n'est rien d'autre que la théorie des centres et des périphéries, une théorie économique qui veut que, si l'on développe des centres forts aux dépens des périphéries, eh bien, ces centres-là vont être capables de supporter le reste de l'occupation et de l'activité

du territoire. Or, partout où elle s'est appliquée, cette théorie-là a été symbole de fiasco, de catastrophe, de défaite économique, d'effondrement de société. Et le gouvernement du Québec, plus intelligent, probablement, que la moyenne de ceux qui l'ont essayé avant lui, dit: C'est encore dans cette voie-là qu'il faut aller.

Alors, toujours selon le même principe des centres et des périphéries, le gouvernement du Québec déplore le fait que des Québécois bien pensants aillent magasiner là où les volumes d'affaires sont plus grands que chez nous, donc aux États-Unis. Alors, il ne trouve pas ça normal, lui. Il dit: Ça n'a pas de bon sens que des Québécois bien pensants aillent magasiner aux USA pour revenir ici avec des marchandises qu'ils ont achetées hors taxes et qui ne rapportent pas à notre économie. Il a raison de le penser. Sauf que la dynamique qui amène des Québécois et des Québécoises bien pensants à aller de l'autre côté est aussi en fonction de ce même principe économique des centres et des périphéries. Parce qu'on sait que, si on va dans un endroit où le marché est plus grand, où il y a plus d'affaires, où le centre est plus imposant, on risque de faire de meilleures affaires. Donc, on y va normalement.

Donc, quand il s'agit d'aller acheter aux États-Unis, le ministre est contre ce principe-là. Il ne veut pas que les Québécois et les Québécoises bien pensants aillent acheter aux États-Unis ou aillent acheter en Ontario, là où les forces du marché sont plus grandes que chez nous. Mais, par contre, quand vient le temps, lui, de défendre sa théorie et d'essayer de trouver une solution à ça, il applique exactement le même principe qui va être destructeur pour nos régions. Destructeur, pourquoi? Parce que, tout simplement, ça va faire en sorte d'attirer les gens des régions vers les centres les plus importants pour faire leur magasinage. Pourquoi l'ouverture des magasins le dimanche? Justement pour permettre à des gens qui travaillent cinq jours par semaine - s'il y en a qui travaillent encore - donc qui sont des consommateurs potentiels, parce que, normalement, dans la consommation, on s'adresse à ceux qui ont de l'argent, à ceux qui sont capables de dépenser... On sait très bien que le niveau de consommation est directement dépendant du pouvoir d'achat. Alors, on ne s'adressera pas à la clientèle qui n'a pas d'argent, qui est sur l'aide sociale ou sur le chômage, mais on va s'adresser à la clientèle de ceux qui travaillent.

Or, cette clientèle-là travaille cinq jours par semaine dans nos régions, M. le Président, que ce soit au Lac-Saint-Jean ou en Abitibi, sur la Côte-Nord, bon, dans les Laurentides, enfin, dans toutes les périphéries des grands centres. Cette clientèle-là travaille cinq jours par semaine dans les bureaux, dans leurs différentes entreprises de type industriel ou autre. Alors, si on veut être capable de les attirer vers les grands centres pour qu'ils viennent magasiner, il faut donc ouvrir en dehors du temps de travail normal dans l'industrie. On ouvre, donc, le samedi et le dimanche. De cette façon-là, la théorie s'applique à l'effet que les gens qui vont venir prendre leur petite fin de semaine de congé... Tiens, moi, je reste à Val-d'Or, par exemple. Je suis à cinq heures de Montréal par la 117, qui vient d'être refaite au complet, alors il n'y a rien là. Je reste à Chicoutimi, tiens, pourquoi je n'irais pas à Québec? Je suis à trois heures, deux heures et demie de Québec. Pourquoi est-ce que je n'irais pas à Québec en fin de semaine? Puis on va en profiter pour faire notre magasinage parce que c'est ouvert le dimanche. C'est comme ça que les gens des régions vont réfléchir. Et peut-être à juste titre, lorsque l'on considère uniquement notre gousset personnel, notre portefeuille, ça peut devenir intéressant, mais c'est dans une dynamique, par contre, qui est antirégionale, antidéveloppement des régions et uniquement axée sur le développement ou le renforcement du développement des grands centres. C'est malheureusement dans ce contexte-là que se situe le projet de loi qu'on a sur la table actuellement, M. le Président.

Alors, moi, je comprends très mal le ministre qui vient nous dire que, d'une part, il est absolument inconcevable qu'un bon Québécois bien pensant aille magasiner à New York ou à Boston, parce que ça ne se fait pas, ça nuit à notre économie, mais que le même Québécois, par exemple s'il vient de Val-d'Or, oui, il va venir magasiner à Montréal. Vous pensez, ça, que ça ne nuira pas à l'économie de Val-d'Or? Vous pensez que ça ne nuira pas à l'économie de Mont-Laurier, à l'économie même de Trois-Rivières, ou à l'économie de La Tuque, ou à l'économie de Roberval? Je vois le député de Roberval, ici, qui est bien content. Oui, peut-être que le député de Roberval va être content parce que les gens de Chibougamau vont avoir plus de temps d'aller magasiner à Roberval la fin de semaine. Il y a bien des gens qui y vont, puis ils pourraient en profiter pour faire leur magasinage dans le comté de Roberval.

Alors, lui, il est content de ça. Il dit: Ça va m'amener de la clientèle. Les gens de Chibougamau, ce n'est pas grave, c'est une gang de bons-à-rien, c'est en train de fermer là-bas. Il n'y a à peu près plus rien qui marche. Donc, ils vont venir magasiner chez moi parce que c'est la seule sortie... La sortie la plus rapide que l'on a, c'est d'aller à Roberval. Le député de Roberval, qui est en train de tout ramasser dans son comté de toute façon, de tout vider le reste de la région pour tout ramener ça dans son comté, se dit: Pourquoi les gens de Chibougamau, maintenant qu'ils ont perdu différents bureaux du gouvernement, y compris les bureaux d'Hydro-Québec en termes de construction de ligne, le bureau de la gestion des terres publiques qui est rendu à Saint-Félicien... Là, on propose encore

toutes sortes d'affaires. On va dépendre de Roberval, en termes du ministère des Transports, si jamais la proposition qui est sur la table était approuvée, au niveau de district territorial ou de direction territoriale. Alors, il dit: Bon, on va les emmener aussi magasiner chez nous. C'est rien que normal. Donc, il faut que ça soit ouvert le dimanche.

Sauf que, ce que le député de Roberval n'a pas compris, c'est que les gens de Roberval, eux, ils vont avoir aussi leur dimanche de libre. Puis rester à Roberval pour contempler le député, bien, le dimanche, il n'y a pas grand-chose là. Alors, on va dire: Puisque j'ai mon dimanche de libre, bien, pourquoi je n'irais pas à Québec en fin de semaine? Je vais aller magasiner au Club Price. Pourquoi je n'irais pas à Montréal? Tiens, il y a des grosses ventes dans le meuble. Je vais aller faire un tour à Montréal, en fin de semaine, en passant par La Tuque. Et puis il va perdre. Il va peut-être gagner de la clientèle de Chibougamau, mais il va perdre sa propre clientèle aux dépens des centres plus gros que lui. Ça, il ne l'a pas compris, par exemple. Il va voter pour la loi, puis il va être fier de voter pour la loi, alors que, ce faisant, il détruit sa structure économique régionale.

La même chose pour le député d'Abitibi-Est, qui peut-être va récupérer à Val-d'Or un certain nombre de commerces ou d'activités économiques en provenance des petits villages autour, mais qui a oublié qu'avec la 117 on est à 500 km de Montréal, et puis qu'avec les voitures qu'on a aujourd'hui ce n'est pas un gros déplacement. Alors, les gens vont en profiter pour aller passer leur fin de semaine à Montréal et revenir avec, autant que possible, un «trailer» de 12 pieds en arrière, bien plein. On va louer un U-Haul, s'il le faut, pour être sûr de ramener tout ce dont on a besoin des grands centres.

Ça, le député d'Abitibi-Est n'en est pas conscient. Ah, lui, il pense à Malartic, à Bar-raute, à Senneterre, autour, puis il dit: Bon, peut-être à Quévillon ou à Matagami ils vont aller magasiner chez nous. Mais il ne pense pas que sa population de Val-d'Or, elle aussi, va se tanner de contempler son illustre député durant la fin de semaine, et puis que peut-être elle va profiter de ces grandes fins de semaine, avec sa possibilité de magasiner samedi et dimanche, pour aller faire son petit tour à Montréal et en profiter pour amortir ses frais de voyage sur les économies qu'on pourrait faire en magasinant là-bas. (21 h 10)

Mais c'est ça, la dynamique des centres et des périphéries, M. le Président, et ce gouvernement ne l'a pas compris. En agissant de cette façon-là, il continue son oeuvre de démolition des activités économiques en région, et il trouve ça normal. Là, il y a un problème, M. le Président. Je comprends, par exemple, le maire de Montréal qui, lui, n'est pas d'accord, parce que

le maire de Montréal l'a compris, la dynamique, lui, puis comme il sait qu'il est le plus gros en termes de centre au Québec, puis une fois que tu as fini de drainer le Lac-Saint-Jean vers Québec, Sherbrooke et tout ça, là, tout le monde finit par se retrouver à Montréal. C'est le plus gros, puis, en bout de piste, peut-être que tous les Québécois de toutes les régions rêvent d'aller passer une fin de semaine pas trop coûteuse à Montréal et que la meilleure façon d'amortir une fin de semaine à Montréal, c'est de faire des achats locaux à moins cher que ce qu'on trouverait à Gaspé, à Rimouski, à RMère-du-Loup, à Sept-îles.

Alors les gens vont y aller. Ça, le maire de Montréal, lui, l'a compris. C'est le plus gros. Il a raison d'être pour, mais ce n'est pas évident, par exemple, que tous les gens qui sont chez eux sont du même avis, parce que ceci étant dit, il y a d'autres sortes de problèmes qui se posent parce que, encore là, la même dynamique, elle, se joue à l'intérieur de la structure d'entreprise. Ce n'est pas uniquement une dynamique d'étude territoriale. C'est aussi une dynamique d'entreprise, alors, qui veut que quand tu es plus gros, tu as plus de chances dans ce type de dynamique économique que quand tu es plus petit.

Alors, le plus petit, lui, il risque de passer à côté, parce que les gens qui vont faire leur magasinage à Montréal, qui viennent des régions du Québec, vous savez, La Promenade Ontario, ça ne leur dit pas grand-chose. Ce qu'ils connaissent, c'est les gros noms, c'est les grandes entreprises qui ont pignon sur rue dans des blocs de cinq ou huit étages, au centre-ville de Montréal. Alors, ils vont aller là, mais ils n'iront pas faire le tour des petits magasins semblables à ceux qu'ils ont dans leur région, semblables à ceux qu'il y a chez eux, parce qu'ils vont dire: Bon, bien, tant qu'à magasiner dans une bijouterie où il y a trois sortes de montres et 25 sortes de boucles d'oreille, je suis aussi bien de le faire chez nous. Donc, je n'irai pas à Montréal voir ces petites bineries-là. Je vais me rendre dans des grands magasins où j'aurai 500 sortes de montres et 3000 sortes de boucles d'oreille.

Donc, les commerçants et les regroupements de commerçants des grands centres disent: Non, non, c'est bien beau la dynamique des centres et des périphéries, mais pour nous, ça engage des frais supplémentaires sans rapporter nécessairement plus, parce que nous, on va rester avec notre petite clientèle locale. Alors, on retrouve, même si le maire de Montréal dit: Moi, je suis d'accord pour que tout le monde du Québec vienne magasiner chez nous, là.

Il y a des commerçants à Montréal, puis il y a des membres d'associations comme la Corporation des marchands de meubles du Québec... Il y a sûrement des vendeurs de meubles à Montréal, je ne peux pas croire. Il y en a chez nous, imaginez-vous. Il doit y en avoir à Montréal. Les bijoutiers, c'est la même chose. Je

regarde les SIDAC. Ça a commencé à Montréal. La Promenade Ontario, ce n'est pas à Sherbrooke, ce n'est pas à Québec, c'est sur la rue Ontario, à Montréal. Bon! Il y a des groupes comme ça qui sont contre l'ouverture des magasins le dimanche parce que eux savent que ça va leur engendrer des frais supplémentaires sans pour autant leur amener plus de clientèle, parce qu'ils ne font pas partie du réseau des grandes surfaces qui attirent la clientèle de l'extérieur.

Vous savez, j'ai eu un professeur qui appelait... qui parlait des centres d'achat en les nommant les temples de la consommation moderne. Et puis, je pense qu'il avait raison. Jadis, on bâtissait des cathédrales. C'était un symbole. En Europe, les pays d'Europe avaient tous leurs grandes cathédrales, et c'était un symbole de fierté, de force et de dynamisme. Aujourd'hui, des cathédrales, on n'en bâtit plus, M. le Président. On les a remplacées par des supermarchés, là où les gens se retrouvent, se regroupent, et plus ton supermarché il est gros, plus il y a de magasins, plus tu es fier de ta ville. C'est un peu le principe.

Alors, tous ceux qui sont en dehors de ça ne font pas partie du temple de la consommation. Alors, ce sont les vendeurs du temple, M. le Président, qui veulent l'ouverture des magasins le dimanche, ceux qui habitent les temples de la consommation moderne. Ce sont eux qui sont intéressés par ça, pas ceux qui desservent une clientèle locale dans un quartier, même si c'est à l'intérieur d'une grande ville, ou pas ceux qui sont spécialisés dans un certain nombre de petites opérations commerciales qui font vivre leur famille et quelques employés. Eux, ça ne leur rapporte absolument rien. Les seuls intéressés, ce sont les marchands du temple ou les marchands des temples de la consommation que sont les centres d'achat, les grandes surfaces, les supermarchés. Eux, ils sont intéressés parce que la force centrifuge d'attirance des gens qui viennent de l'extérieur, c'est vers ces temples-là que ça se canalise et non pas vers le petit marché local ou à vocation plus régionale.

Alors, le ministre a adopté, lui, cette philosophie-là et le ministre est en train de vendre l'idée que c'est la seule façon de faire. Ce faisant, il détruit les structures économiques des régions et il remet le commerce entre les mains de quelques grandes entreprises, M. le Président, de la même façon que par la loi des forêts le ministre des Forêts a remis l'ensemble des forêts publiques québécoises entre les mains de quelques grandes entreprises papetières qui ont opéré le rachat d'à peu près tout ce qu'il y avait de scieries pour privatiser d'une certaine façon, par voie déviée, la forêt publique québécoise. La, on est en train de faire la même chose dans le domaine commercial en remettant toutes les décisions, toute l'orientation, toute la dynamique commerciale québécoise entre les mains de quelques grandes entités. Les vendeurs du temple, M. le Président!

J'écoutais le député d'Orford qui, dans sa candeur, disait: Moi, vous savez, chez nous, on est dans une région où les magasins sont ouverts le dimanche et on a une excellente qualité de vie. Bien oui, nous, on a une excellente qualité de vie. Il me faisait penser, M. le Président, ce disant, à l'entrepreneur, un petit entrepreneur de Québec qui, la semaine dernière - la chose est véridique - au retour de deux belles semaines passées sous le soleil de Floride, avait trouvé la solution à la relance de son entreprise. Le lendemain de son arrivée, alors que l'huile de plage lui coulait encore dans la figure, ou à peu près, il regroupe l'ensemble de ses employés et il leur dit: Si vous voulez qu'on reste en vie, il faut que vous me donniez une semaine de vacances, tout le monde. Je vous coupe toutes vos vacances d'une semaine. Lui, venait de prendre deux semaines en Floride, en condition automnale, pour se préparer pour l'hiver; belles vacances au soleil, pour trouver que la meilleure façon de sauver son entreprise, c'était de couper une semaine de vacances à tous ses employés, M. le Président. Ça, c'est de la relance! Ça, c'est bien pensé. Vous vous imaginez que c'est une belle façon aussi de s'attirer la sympathie de ses travailleurs. Il aurait pu attendre au moins de se faire dégriller un peu, attendre que le sel de mer tombe sur le plancher. Ça aurait peut-être été moins choquant pour les travailleurs qui, de toute évidence, ont refusé du revers de la main la proposition qui était faite, en disant: Écoute bien, tu viens d'aller te faire griller la couenne en Floride pendant deux semaines, sur notre dos, sur notre sueur, parce que c'est nous autres qui travaillons dans ta business, et là tu dis que, ta solution, c'est de nous couper nos vacances quand ça prend 20 ans pour avoir un mois.

Bon, le député d'Orford me faisait penser à ça. Lui, c'est sûr que ça ne le dérange pas. Il ne travaille pas, lui, dans les magasins le dimanche. Ce n'est pas lui qui travaille au salaire minimum derrière une caisse chez Canadian Tire le dimanche après-midi. Ça ne le dérange pas, lui. Sa qualité de vie n'est pas affectée. Il ira en parler, par exemple, aux travailleurs qui travaillent derrière les caisses. Peut-être qu'eux autres auraient leur mot à dire, et je ne suis pas certain qu'ils aient la même opinion sur leur qualité de vie. Quand tu travailles déjà au salaire minimum, M. le Président, ou à peu près! Est-ce que le député d'Orford est au salaire minimum? J'en doute. Mais ces gens-là, oui, ils sont au salaire minimum, M. le Président. Et, dans le meilleur des cas, ils sont à 8 $, 9 $ l'heure quand ils sont syndiqués. Alors, il ne faut pas s'en faire, là. Et, en plus, on va les obliger à travailler le dimanche?

M. le Président, il y a une aberration dans nos sociétés modernes, et tant qu'on ne l'aura pas comprise, cette aberration-là, on va con-

tinuer à prendre des décisions et à faire des lois antisociales comme le fait ce gouvernement. Cette aberration-là, M. le Président, repose sur une prémisse bien simple: c'est que pour qu'une petite partie de la population puisse s'amuser dans la belle et grande société des loisirs à laquelle nous donnons tellement de gloire et de laquelle nous sommes si fiers, donc, pour que quelques-uns, les bien nantis puissent s'amuser, il y a toute une myriade de gens qui doivent travailler au salaire minimum et eux ne sont jamais capables de s'en payer, des loisirs. Dans les centres de ski, dans les piscines publiques, dans les campings, sur les plages, partout sur les terrains de golf, c'est tout du monde qui travaille au salaire minimum le soir, les fins de semaine, samedi, dimanche, avec des conditions misérables de travail, pour permettre à une petite catégorie de bien nantis de pouvoir aller jouer au golf le samedi matin, de pouvoir aller faire du ski le dimanche après-midi, de pouvoir faire du tennis ou la piscine le vendredi soir, etc. Mais tous les gens qui travaillent là-dedans sont de véritables esclaves, M. le Président, des marginaux au salaire minimum qui sont payés et qui sont une myriade, qui sont de plus en plus nombreux pour permettre à quelques bien nantis de pouvoir s'amuser. C'est ça, la base économique de la société des loisirs que nous aimons tant démontrer et dont nous sommes si fiers, M. le Président.

Et la dynamique de faire travailler les gens le samedi et le dimanche - et surtout le dimanche - dans les magasins relève encore des mêmes principes, de la même théorie. Ce n'est pas grave, petit derrière, pourquoi tu travailles cette fin de semaine au salaire minimum? Tu dois bien être obligé de travailler le dimanche, tu n'en gagnes pas assez dans la semaine, dans tes 40 heures. C'est normal que tu fasses un peu de temps supplémentaire le dimanche. Et, durant ce temps-là, moi, je pourrai aller faire mon ski le samedi après-midi, s'il fait beau et, le dimanche matin, j'irai faire mon magasinage. Puis, s'il fait beau le dimanche et qu'il ne fait pas beau le samedi, bien, j'irai le samedi et, dimanche, j'irai faire mon ski. Durant ce temps-là, la petite caissière, elle, en arrière du «cash», elle est au salaire minimum, et elle a la broue dans le toupet pour permettre à ces gens d'aller faire leur ski quand il fait beau et d'aller magasiner quand il ne fait pas beau... (21 h 20)

Une voix: L'équitation.

M. Claveau: C'est ça, le problème... L'équitation, les chevaux de course, aller aux parties de hockey, aller au gala sportif, participer à toutes sortes d'activités culturelles bien pensantes, etc., etc. Mais, durant ce temps-là, c'est le petit peuple, c'est la population qui travaille quasiment sous le signe de l'esclavage, au salaire minimum, à 200 $ ou 250 $ par semaine, pour permettre à ces gens de s'amuser, d'avoir du plaisir et de pouvoir choisir le moment entre lequel ils vont faire du ski et du magasinage. C'est inacceptable! C'est des mesures antisociales, des mesures répressives, des mesures qui relèvent de l'esclavagisme et qui, en plus, sont destructrices de nos économies régionales. C'est pour toutes ces raisons que je serai, jusqu'à la limite, contre ce genre de projet de loi.

Une voix: Encore, encore!

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, M. le député d'Ungava, votre intervention est terminée. S'il vous plaît, on va permettre au député de Beauce-Nord d'intervenir a son tour. Vous avez également droit à 20 minutes, M. le député de Beauce-Nord.

Des voix: Bravo!

M. Jean Audet

M. Audet: Merci, M. le Président. Même si c'est un dossier qui peut toucher certains points émotifs de la plupart d'entre nous, je vais essayer quand même de rester calme et serein, ce qui est très important.

Je vais commencer, M. le Président - et je vous prierais d'être attentif - par vous lire des petites notes que j'ai relevées dans des débats qui se sont tenus à l'Assemblée nationale, ici, il y a quelques années. Écoutez bien, M. le Président, vous allez être en mesure de tirer vos propres conclusions après. Des fois, quand l'évolution avance, des fois, il y en a qui reculent. Quand on évolue, habituellement, on s'améliore, mais, dans ce cas-ci, vous verrez qu'il y a eu des changements qui, je ne sais pas... En tout cas, je ne me les explique pas. On peut les expliquer, mais, enfin... Je vais vous laisser le soin de tirer vos propres conclusions.

Alors, ça se passe en décembre 1984, dans un dossier où on faisait l'objet, le gouvernement faisait l'objet de pressions pour déréglementer, apporter des changements à tout ça. À cette époque-là, on disait que... Je vais lire textuellement ce qu'on rapporte ici: Actuellement, nous faisons face à des demandes pressantes sollicitant une intervention de l'État en vue de réglementer. Nous savons que l'effet de la réglementation à outrance d'un métier a pour conséquence de fermer celui-ci sur lui-même et d'en freiner le développement. Ceci nous a amenés à revoir les critères qui devaient fonder l'action de l'État en ce domaine pour éviter des contraintes inutiles. La loi des heures d'affaires... On en a parlé, nous, des contraintes inutiles, des exceptions à n'en plus finir. Nous vivons actuellement une période de chômage qui reste élevé et qui risque de le demeurer. On est en 1984, M. le Président. Et, sur le même discours, on va un peu plus loin: Évidemment, M. le Président, quand on consulte

les gens, cela ne veut pas dire qu'on retient tout ce qu'ils nous proposent. À cet égard, nous avons fait, comme gouvernement, un choix qui plaît à un certain nombre et qui déplaît à d'autres. L'art de la politique, c'est aussi, à l'occasion, je l'espère bien, l'art de prendre des décisions qui comportent, effectivement, des éléments qui peuvent ne pas plaire à toutes les personnes concernées.

On continue, toujours dans le même temps, sur le même sujet, M. le Président: Je dois dire que c'est une réglementation qui existait depuis près de 35 ans et qu'elle ne correspondait plus à la réalité sociale et culturelle.

Une voix: Ah bon!

M. Audet: Qu'est-ce qu'on dit, ici, pour changer la loi des heures d'affaires? En gros, c'est ce qu'on dit. Tantôt, on nous a dit le contraire! Il a paru nettement préférable de procéder à la déréglementation dans ce secteur, et de laisser davantage jouer les lois du marché. J'étais assez troublé, M. le Président, quand j'ai lu ça, que j'en perds mes mots, vous comprendrez! Savez-vous qui disait ça? C'est une personne que je connais normalement pour avoir quand même un certain bon jugement, et c'est l'ancienne ministre de la Main-d'oeuvre, qui est aujourd'hui députée de Taillon, qui a fait une intervention, tantôt, qui allait complètement à rencontre de ça. Est-ce que ça veut dire, M. le Président, qu'on change de discours avec la chemise qu'on porte, avec l'habit qu'on porte? L'habit ne fait pas le moine, mais si les moines n'avaient pas d'habit, ça ne serait pas des moines.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Audet: Alors, c'est ce que je vous disais un peu sur l'évolution. Vous savez, il y a quelques années, il y a des millions et des millions d'années, il y a une espèce animale qui est disparue parce qu'elle n'a pas évolué, elle ne s'est pas adaptée à la société. Alors, si on regarde le dossier, parce qu'en 1990, j'ai été un de ceux qui ont travaillé à la commission de l'économie et du travail, j'étais assez actif dans ce dossier-là parce que je croyais au discours que le ministre de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie tenait à l'époque et que notre gouvernement tenait. On disait: On va essayer d'y aller graduellement. Puis j'ai fouillé ce dossier parce que ça fait longtemps qu'on taponne avec ça, M. le Président.

Je lisais ici un article du Devoir du 15 février 1984, où l'ancien ministre... Les heures d'affaires... Pour Biron, le projet de loi 59 n'est qu'une première étape. Mais il disait: Mais il est possible que dans un, deux, cinq ans, on soit prêts à franchir une autre étape, à adopter d'autres aménagements à la Loi sur les heures d'affaires. On peut forcer un peu l'évolution, mais on peut tout bousculer. Il faut être prudent, suivre l'évolution des mentalités.

M. le Président, les propos de M. Biron rejoignent exactement ce que nous faisons ici. En 1990, on a franchi une étape. On a dit: On va y aller graduellement. On aurait pu. On citait tantôt M. Gilles Lesage, du Devoir, qui disait toutes sortes de choses là-dessus, là, bon. On peut en citer un autre bout pour voir lesquels sont cohérents tout le temps. Dans un article du 27 septembre, il disait: Dans ce dossier, comme dans tous les autres où l'intervention étatique est nécessaire, la solution idéale est hors de portée. Au surplus, les esprits sont fort partagés; la moitié des Québécois prônent la sévérité et la coercition, les autres étant en faveur du libéralisme le plus débridé. Entre les deux, le gouvernement doit choisir la voie de l'ouverture, mais en prenant bien soin de limiter les effets déraisonnables. C'est ce qu'on fait, M. le Président, depuis 1990. On a dit qu'on irait par étapes. Puis les résultats le prouvent, démontrent hors de tout doute que le gouvernement a eu raison, puis il y a plusieurs exemples qui peuvent le démontrer.

On regarde au niveau des consommateurs. En 1990, une certaine partie des consommateurs étaient prêts à une plus grande libéralisation des heures d'affaires, une plus grande ouverture, une plus grande accessibilité aux commerces le dimanche. En 1992, ça a changé. Il y a des changements qui se font partout autour de nous. On n'a qu'à regarder dans les provinces canadiennes. On cite souvent les États-Unis, c'est connu, mais on regarde les provinces canadiennes. La plupart des provinces ont une loi qui permet l'ouverture des établissements commerciaux le dimanche

Je me souviens aussi, en 1990, des organismes qui étaient venus se faire entendre en commission parlementaire. On parlait des Travailleurs unis qui, aujourd'hui, ont compris. C'est ce qui me fait dire que le gouvernement a eu raison. Ils ont compris qu'on y allait par étapes. Au début, ils n'ont pas trouvé ça drôle. Bien non. Ça n'a pas été facile pour eux autres d'admettre ça, puis je pense que notre gouvernement a été visionnaire dans ce dossier-là.

On en a la preuve aujourd'hui. Ils sont d'accord. Ils viennent nous dire: Oui, on est d'accord, mais il y a des choses qu'on veut que vous respectiez, c'est le volontariat. Puis on l'a inscrit dans la loi. Ça a été demandé. On regarde la Chambre de commerce du Québec, on regarde la ville de Montréal qui était contre, la ville de Sainte-Foy, on regarde un paquet d'intervenants, aujourd'hui, parce que leurs marchands leur ont demandé, ils sont en faveur d'un élargissement des heures d'affaires la semaine et le dimanche.

Quand j'écoutais les gens de l'Opposition nous dire pourquoi ils étaient contre, on a donné toutes sortes de motifs plus ou moins valables,

mais ce dont ces gens-là ne sont pas conscients, c'est qu'ils cautionnent les achats à l'extérieur du Québec. On a beau dire: Oui, c'est vrai, c'est les taxes. Mais, en maintenant les commerces fermés le dimanche parce que, pour certains, aller se promener dans les centres d'achats le dimanche, c'est un loisir. Des fois, on va acheter, comme ça, spontanément, un petit article, parce qu'on le trouve intéressant, tout ça, puis l'occasion se présente bien. Est-ce que, si on laisse...

Je serais curieux qu'on fasse le test, qu'on dise: On va fermer les zones touristiques, par exemple. On va demander à l'Outaouais: Vous allez tous fermer le dimanche, puis on va laisser les commerces ouverts en Ontario, comme ils viennent de le faire, le dimanche. On verra, M. le Président, s'il n'y aura pas des gens du Québec qui n'iront pas magasiner en Ontario. Au Nouveau-Brunswick, c'est la même chose. Voyons donc, M. le Président! Le Parti québécois est en train de cautionner non seulement les achats en dehors du Québec, mais la création des emplois aussi. À les entendre, les gens qui travaillent dans les commerces, actuellement, ça va rester tel quel et tout ça. Il va y avoir une transition, c'est certain. Il y en a qui vont s'adapter. Ils vont dire: On va peut-être fermer le lundi ou certains avant-midi de la semaine, parce qu'on a moins d'achalandage, pour ouvrir le dimanche. On va répartir la masse salariale. On va peut-être engager des étudiants, les fins de semaine, qui aiment ça travailler pour se faire un peu de gagne. (21 h 30)

On cautionne des classes de marchands au Québec. C'est ce qu'on a fait, en 1984, des classes, des catégories de marchands. Toi, tu vends telle affaire, tu peux ouvrir; toi, tu n'en vends pas, tu ne peux pas ouvrir. C'est ça qu'on a fait. Puis, en 1990, je me souviens, l'exception était rendue la règle. Puis un gouvernement, quand c'est rendu comme ça, c'est très difficile d'application, ça ne marche pas. Alors, il faut faire quelque chose. Quand on regarde ce qui se passe en Amérique du Nord, quand on regarde ce qui se passe en Europe où on demande à nos travailleurs, où on demande à nos hommes d'affaires d'être plus productifs, d'être plus rentables, de travailler plus et de travailler mieux, tout ça, puis qu'on bâtit un discours, M. le Président, comme le disait M. Dubuc, qui est archaïque, qui ne tient plus compte du contexte social actuel d'aujourd'hui...

J'écoutais la députée de Chicoutimi qui disait qu'aux États-Unis, parce que les commerces sont ouverts, le taux de criminalité est plus élevé. Si vous êtes capable de me prouver, M. le Président, qu'il y a plus de crimes dans les zones touristiques actuellement que depuis 1984, bien, je vais dire oui. Voyons donc! Ça ne tient pas debout, dire des affaires de même, faire accroire des affaires comme ça au monde.

La Loi sur les heures d'affaires au Québec a été adoptée en 1969, M. le Président. Y avait-il plus de crimes avant 1969, au Québec, qu'il y en a eu après parce qu'on a réglementé? Voyons donc! C'est dire des faussetés, c'est faire accroire n'importe quoi au monde. C'est comme si ceux dont les parents travaillent le dimanche... Parce qu'il y en a: les gens de la santé, les gens qui travaillent dans les forces policières, les pompiers. On peut en nommer. Est-ce que ça veut dire que les enfants de ces gens-là sont des criminels ou sont plus portés sur le crime? Je ne suis pas trop sûr de ça, moi, là. Est-ce que le taux de criminalité, M. le Président, est plus élevé dans le temps des fêtes parce que les commerces sont ouverts le dimanche? Je ne suis pas sûr de ça non plus.

Alors, c'est pour vous dire qu'on trouve toutes sortes de prétextes qui tiennent plus ou moins debout pour faire accroire n'importe quoi aux gens, pour dire, finalement: II ne faut pas ouvrir les commerces, tout ça. Puis je regarde d'autres situations où des gens de ce parti-là, M. le Président, donnaient toutes sortes de raisons qui étaient valables pour déréglementer, pour permettre aux lois du marché de faire leur oeuvre, pour permettre aux marchands de s'adapter, et tout ça, puis, aujourd'hui, on vient dire aux marchands: On ne vous fait plus confiance, nous autres. Si le gouvernement décrète l'ouverture le dimanche, vous allez tous fermer. Voyons donc!

Moi, je fais confiance plus que ça, M. le Président, aux hommes d'affaires de chez nous parce que, quand on a de la concurrence, on est capable de se retrousser les manches puis de s'adapter. Et puis le plus bel exemple de ça, c'est Couche-Tard. Couche-Tard, en 1990, était venu nous voir, M. le Président. C'était dramatique, ouvrir les commerces d'alimentation le dimanche. C'était dramatique, c'était la catastrophe. J'ai suivi le dossier Couche-Tard de près. En 1991, on a déclaré, dans les alimentations Couche-Tard, des profits comme ça ne s'était jamais vu, M. le Président. Puis la loi avait été adoptée. On permettait l'élargissement des heures d'affaires. Pourquoi? Parce qu'ils se sont adaptés. Ils ont développé des nouveaux créneaux, des nouveaux marchés. Dire: On ouvre les commerces le dimanche, ça va être la catastrophe sociale, le crime va augmenter puis ils vont tous fermer, puis ça ne marchera plus, puis... Voyons donc! C'est ne pas faire confiance aux gens, pas du tout. En tout cas, moi, M. le Président, je peux vous dire que, de notre côté, ici, le gouvernement libéral, on est à l'écoute des besoins des consommateurs. Il y a des gens qui sont venus nous rencontrer, qui ont rencontré le ministre, une coalition. Ils ont dit: On propose... on vous demande, M. le ministre, d'élargir les heures d'affaires.

Avant 1969, chez nous, on avait un commerce. J'étais jeune. On avait une épicerie. Les

épiceries de village qu'on appelait, là où on vendait un peu toutes sortes de choses: de l'épicerie, de la bijouterie. Mon père était barbier, il faisait les cheveux dans un petit coin dans le magasin. On était ouvert le dimanche. Pourquoi on était ouvert le dimanche, M. le Président? Savez-vous ça, pourquoi on était ouvert le dimanche? Parce que c'était la meilleure journée de la semaine. Les producteurs agricoles descendaient au village, à la grand-messe, puis ils venaient faire leur épicerie, ils venaient acheter ce qu'il fallait. On était ouvert, M. le Président, quand c'était le temps. Il y en a qui avaient fermé le dimanche, mais ils ne sont pas restés là, non plus. On s'était adapté au marché. Les gens venaient au village le dimanche. Ils ne venaient pas le mardi, ils venaient le dimanche, ça fait qu'il fallait être là pour répondre à leurs besoins quand c'était le temps. Puis je répète ce que la députée de Chicoutimi disait: Avant 1969, il n'y avait pas plus de bandits par chez nous qu'il y en a aujourd'hui.

Alors, M. le Président, c'est un dossier qui a évolué, comme je le disais. Nous, ici, on fait confiance aux gens, on écoute les consommateurs. Il n'y a pas obligation d'ouverture, M. le Président. Si, le dimanche, dans certains secteurs, dans certaines régions, le besoin ne se fait pas sentir d'ouvrir le dimanche, le commerce aura la liberté de le faire. Et si, par exemple, le commerçant est à 15 kilomètres d'une zone touristique, il ne peut pas ouvrir. Ses gens partent de chez lui puis ils s'en vont acheter dans la zone touristique. Voyons donc, M. le Président, ça n'a pas de bon sens!

Alors, comme le disait M. Dubuc, il est temps que la niaiserie de M. Parizeau cesse. Alors, j'ai hâte qu'on procède à l'étude et à l'adoption de ce projet de loi là au plus tôt, M. le Président. On a des choses, je pense, plus importantes que ça à s'occuper, et j'ai hâte qu'on s'en occupe. Merci beaucoup.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le député de Beauce-Nord. Mme la députée de Chicoutimi, vous avez droit à une période maximale de 20 minutes sur votre intervention.

Mme Jeanne L. Blackburn

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. D'entrée de jeu, je vais répondre brièvement. J'ai horreur d'être mal citée, et plutôt que citer tout croche, pourquoi est-ce qu'il ne retourne pas aux galées? De toute façon, je pourrais les lui donner, s'il n'a pas oser les demander. Ce que j'ai dit cet après-midi, sur la motion de report, c'est essentiellement ceci: Qui veut ressembler aux Américains et à l'économie américaine d'aujourd'hui? Un nombre accru de pauvres. Et c'est une situation qui empire de mois en mois. C'est un pays où 35 000 000 d'habitants n'ont pas de couverture sociale ni d'assurance- maladie, un pays où la criminalité a atteint des sommets endémiques. C'est ça que j'ai dit. Je n'ai pas dit qu'ouvrir le dimanche ça créait tout ça. J'ai dit: Vous voulez ressembler aux États-Unis? Aux États-Unis, il y a ça aussi. J'aime bien être citée au texte. Alors, j'inviterais le député de Beauce-Nord à revenir au texte et à me citer correctement lorsqu'il veut le faire.

Deuxième chose, il dit: Ça répond à la demande des consommateurs. Qu'il dépose ici, en cette Chambre, des pétitions de consommateurs qui demandent l'ouverture des commerces le dimanche. Et si le gouvernement est si sûr de son fait, pourquoi refuse-t-il une consultation? Dites-moi ça. Il est sûr de son fait, il a raison. C'est mieux pour l'économie du Québec. On pourrait se laisser convaincre, mais qu'au moins il accepte d'entendre là-dessus les consommateurs, les Québécois, les Québécoises et peut-être qu'il serait étonné de la réponse qu'ils lui donneraient.

M. le Président, le gouvernement a refusé cet après-midi, dans une motion que nous avons présentée, de reporter de trois mois le présent débat. Pourtant, rappelons qu'il n'y a pas d'urgence. Autant on pouvait comprendre que le ministre voulait modifier une espèce d'erreur un peu surprenante, pour ne pas dire aberrante, dans son projet de loi... S'il voulait que ça ouvre quatre dimanches avant Noël, il aurait fallu qu'il l'écrive. C'est fort simple. Il n'avait pas besoin de dire «le 29 novembre». Il avait juste à dire «quatre dimanches précédant la fête de Noël» et nous aurions pu être d'accord. Mais ce n'est pas ça. Il demande, avec le 29 novembre, évidemment, la libéralisation quasi totale des heures et des jours d'admission dans les établissements commerciaux. Pourtant, je le rappelle, il n'y pas d'urgence. Il n'y a certainement pas d'urgence avant la prochaine rentrée parlementaire, puisque, tout le monde le sait, février, mars, c'est plutôt creux. Et ce que nous disent les commerçants: On mange les bénéfices qu'on a faits en décembre. Alors, janvier, février, mars, c'est plutôt au ralenti.

M. le Président, l'argument majeur de ce gouvernement-là, c'est de s'harmoniser aux politiques des provinces et des États voisins. Après le «Bien faire à tout coup et du premier coup», nous avons droit aujourd'hui à «Tout le monde le fait, fais-le donc!». Les États-Unis le font, les provinces voisines le font, pourquoi est-ce qu'on ne le ferait pas, nous autres aussi? Et ça, ça a l'air progressiste, dans le vent. Les autres le font, faisons-le. Pourquoi ne le ferions-nous pas? Drôle de logique. Drôle de logique, M. le Président. Après avoir invoqué cet argument plein de sagesse, «Tout le monde le fait, fais-le donc!», le ministre justifie sa décision sur quatre éléments: contrer les achats outre-frontière; améliorer de 1 % les achats au Québec; la création de 8000 emplois; une loi difficilement applicable, nous dit-il.

Commençons par la dernière. La loi inapplicable ou difficilement applicable, c'est dû à un manque de volonté. C'est un manque de volonté gouvernementale d'assurer l'application de cette loi. Deuxième chose, s'il avait voulu modifier pour mieux resserrer la règle prévoyant quatre personnes le dimanche dans les marchés d'alimentation, ça ne posait pas problème. Et rappelons également que l'idée de l'ouverture des commerces les quatre dimanches précédant la fête de Noël et du Jour de l'an, on ne peut pas vraiment être contre. Et, finalement, on sait tous, nous, dans cette Chambre et les auditeurs qui sont actuellement à l'écran, qu'on prévoit des dépenses additionnelles. On prévoit faire des cadeaux, recevoir des amis, la parenté, donc on planifie, donc on a un peu plus de sous pour dépenser, ce qui n'est pas vrai pour le restant de l'année. À Noël, on prévoit peut-être utiliser un peu la marge de crédit, sur la carte de crédit. Ce n'est pas vrai pour le reste de l'année. M. le Président, il dit: La loi était inapplicable. Il n'a pas essayé vraiment de l'appliquer. (21 h 40)

Les achats outre-frontière. Les Québécois traverseraient la frontière, de préférence le dimanche. Voyons pourquoi ils traversent la frontière. Généralement, pour faire l'épicerie, pour les carburants, pour acheter le tabac, des vins. Et toutes ces choses-là, je vous ferais remarquer, on les trouve au Québec, le dimanche. On les trouve au Québec, le dimanche, curieusement. Alors, pourquoi est-ce qu'ils traversent la frontière? Les taxes, les taxes, les taxes! Il ne faut pas chercher beaucoup plus loin que ça. Taxes sur les tabacs, taxes sur les carburants, taxes sur les cigarettes, taxes sur les vins! Et c'est devenu à un tel point, qu'effectivement c'est plus avantageux de traverser les frontières. Ce n'est pas parce qu'il vont ouvrir les commerces le dimanche que ça va empêcher les Québécois d'aller acheter aux États-Unis, aussi longtemps qu'on aura ces taxes qui ont, faut-il le dire, sur le tabac en particulier, entraîné la naissance d'un nouveau commerce illicite: le marché au noir des cigarettes qui se criminalise parce qu'on constate de plus en plus qu'il y a des actes criminels, des actes violents posés autour de ce trafic au noir des cigarettes. Diminuer la taxe sur le tabac, ce serait probablement aussi, très certainement, diminuer le trafic au noir parce qu'il deviendrait un peu moins intéressant, puis, également, une certaine forme de criminalité.

À Vancouver, les marchés, les établissements commerciaux sont ouverts le dimanche depuis plusieurs années. Pourtant, les gens de Vancouver, les consommateurs traversent six fois plus la frontière américaine que les Montréalais. Six fois plus! C'est ouvert le dimanche. Et là, on fait le pari qu'en ouvrant ça le dimanche, ça devrait fonctionner. Donc, pour les achats outre- frontière, loin d'être convaincant, l'argument du ministre.

L'autre raison. Il prétend que ça va augmenter la consommation de 1 %, à peu près. Mais voyons un peu, d'abord. Ce qu'il invoque, c'est que ça va provoquer ce qu'il appelle les achats impulsifs. Comment définit-on «impulsif» dans le Petit Robert? Impulsif: «Qui donne, produit une impulsion. "Force impulsive". Qui agit sous l'impulsion de mouvements spontanés, irréfléchis ou plus forts que sa volonté.» Et l'antonyme de «impulsion», c'est «calme», «réfléchi». Alors, je pense qu'il faut dire les choses comme elles sont. Il est irresponsable d'encourager les achats impulsifs, donc l'endettement des Québécois et des Québécoises, sous prétexte que ça va relancer l'économie. L'économie, pourtant, généralement, on le reconnaît, se bâtit autour de l'achat de biens durables comme les maisons, les biens mobiliers et immobiliers. Mais sur les biens non durables, ce n'est pas comme ça que vous accroissez la richesse collective, que vous augmentez le patrimoine familial. Vous augmentez l'endettement.

Mais, voyez-vous, le nouveau motto de ce gouvernement, c'est: «Le gouvernement le fait, faites-le donc!». Le gouvernement s'est endetté, et on sait que le déficit d'opération, cette année, dépasse les 4 000 000 000 $... Les 4 000 000 000 $, cette année? Alors, le gouvernement s'endette, pourquoi le consommateur ne s'endetterait-il pas, lui aussi? Pourtant, la capacité d'endettement du consommateur, elle commence à être passablement limitée. Et, contrairement à ce qui s'est passé en 1982, où les consommateurs avaient quand même augmenté leur bas de laine de quelque 19 % parce qu'ils consommaient moins, ils avaient moins confiance en l'économie, actuellement, il n'y a pas de bas de laine. Et l'endettement des Québécois et des Québécoises est à son niveau le plus élevé jamais vu. Alors, ce sur quoi le gouvernement compte? Les achats impulsifs qui vont augmenter l'endettement des Québécois et des Québécoises. 8000 emplois créés, nous dit-il. 8000 emplois créés, et de quelle qualité, d'abord, les emplois, si tant est que ça en crée? De l'avis des commerçants, ils ne créeront pas d'emplois parce que l'achalandage ne sera pas beaucoup plus élevé. Il va y avoir un déplacement de l'achalandage. Donc, on va étaler les emplois actuels.

Mais, qui réclame l'ouverture des commerces le dimanche? Pour savoir à qui ça sert, il faut savoir qui le réclame. Alors, ce sont les grandes surfaces et, en particulier, Brico, Club Price, Sears. Pourtant, le consommateur... À ma connaissance, je n'ai vu aucune pétition. Je n'ai vu aucune pétition de consommateurs pour ouvrir les commerces le dimanche. Je voudrais le rappeler, pas parce que moi, à l'occasion, ça ne ferait pas mon affaire, parce que, effectivement, on est souvent très occupé, peu de temps pour aller faire les achats et les petites courses. Ça

pourrait faire mon affaire. Mais jamais, jamais je n'estimerai que, pour me servir, moi, trois, quatre ou cinq fois par année, il faille sacrifier une partie des travailleurs. Et rappelons-nous, là, entre nous, les travailleurs dans le commerce au détail au Québec, c'est 400 000 personnes. C'est 400 000 personnes. Ce n'est pas rien là, c'est 400 000 personnes à qui on dit: Dorénavant, une fois par mois, ou deux fois par mois, vous aurez à travailler le dimanche. Alors, je ne pense pas avoir ce droit.

Pour savoir qui ça sert, donc, on l'a dit, mais qui est contre l'ouverture des commerces le dimanche? La Corporation des marchands de meubles du Québec, la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, l'Association des marchands détaillants de l'est du Québec. Écoutez, il y en a toute une liste, mais chez nous, personnellement, là, la SIDAC, la chambre de commerce du Saguenay. Et j'ai reçu des lettres que je me permets de vous lire, parce que je me dis qu'ici en cette Assemblée on prétend tout le temps que l'Opposition parle en son nom personnel. Vous allez me permettre de rappeler un peu ce que dit précisément quelqu'un qui travaille. C'est un M. Michel Ricard qui m'écrit en disant: «Permettez-moi de vous féliciter pour la prise de position que vous avez adoptée face à ce projet de loi - évidemment le projet de loi 59 - stupide d'ouverture des commerces le dimanche. Je voudrais que vous fassiez part du mécontentement de plusieurs de mes confrères et consoeurs de travail qui se trouvent dans une situation où ils n'ont pas réellement le choix de travailler ou pas le dimanche, même si le premier ministre a dit que ce sera le cas. «En effet, je me suis fait demander si je pouvais travailler dimanche prochain, et, devant mon refus, on m'a signifié que, si je n'étais pas disponible le dimanche, je n'avais qu'à changer d'emploi, que notre travail était de vendre, donc d'être disponible aux heures qui conviennent à mes employeurs, et pas à moi. «Concernant le fait que ça créera des emplois, il a partiellement raison. Ça créera des emplois pour ceux qui perdront les leurs par la suite de leur refus de travailler le dimanche. De plus, travailler le dimanche n'augmentera pas non plus le nombre de mes heures travaillées, puisqu'on va déplacer celles-ci pour combler un besoin le dimanche, diminuant mes heures de travail pendant la semaine et me privant de vivre une vie familiale minimale en passant la seule journée où tout le monde pouvait se retrouver, dans mon magasin, à mon poste de travail. Pour être humoristique, on pourrait peut-être dire que les employés de magasin devraient se marier entre eux, à l'intérieur du même magasin. De cette façon, ils vont au moins avoir la possibilité de se retrouver. «Dans l'espoir que M. Bourassa prendra en considération les protestations des employés pris au pied du mur, veuillez agréer, Mme Blackburn, l'expression de mes sentiments distingués.» Et c'est signé: Michel Ricard.

Alors, une deuxième lettre, et celle-là me vient à la fois du propriétaire et des employés du magasin associé, Canadian Tire. Le propriétaire a trois établissements, à Chicoutimi et Chi-coutimi-Nord. Il dit: «Je tiens à vous féliciter, ainsi que votre parti pour les positions prises par M. Parizeau, en ce qui concerne l'ouverture des commerces le dimanche. «Tout comme vous, nous croyons que les dires du Parti libéral en cette matière sont de la foutaise. De plus, je peux vous assurer de l'appui de nos 115 employés qui sont très heureux de la performance du Parti québécois.»

Et là, ce n'est pas un employé qui nous dit ça. Canadian Tire. Ils n'en veulent pas. Si le gouvernement est si sûr de son affaire, pourquoi est-ce qu'il refuse d'entendre le monde? Pourquoi est-ce qu'il refuse d'entendre le monde et d'entendre la population là-dessus?

Mais, revenons sur des questions plus fondamentales, ce que j'appellerais les valeurs sociales et collectives des Québécois et des Québécoises. Ouvrir les commerces le dimanche, qui va travailler? Les femmes. Les femmes, c'est clair, parce qu'elles sont toujours plus nombreuses à être en bas de l'échelle, à être moins bien payées, moins bien rémunérées et à travailler dans des conditions plus précaires. C'est reconnu. Dans la plupart de nos villes, à l'exception des grandes villes, il n'y a pas de transport en commun, il n'y a pas de garderies le dimanche. Alors, là, on les met à la merci d'utiliser, si elles n'ont pas de voiture - et souvent, si elles sont monoparentales, elles n'ont pas le moyen d'en avoir - un taxi pour aller travailler. Et si elles refusent de travailler le dimanche sous prétexte qu'il n'y a pas de transport en commun, c'est qu'elles ne sont pas disponibles. Et aller prétendre qu'ils ont le choix, et qu'ils l'ont inscrit dans la loi, comme l'a fait tout à l'heure le député de Beauce-Nord, M. le Président, c'est vrai pour trois ans et c'est vrai, à la limite, pour les employés qui pourront avoir un syndicat pour les défendre. Sinon, pour les autres, c'est: Vous rentrez dans le rang ou vous disparaissez; des travailleurs à la recherche d'emplois, il y en a en masse. (21 h 50)

Dans le commerce au détail, on me dit 18 %, mais, à la vérité, c'est même un peu moins que ça, c'est 46 000 travailleurs syndiqués, et il y en a 400 000. Et dans le secteur du commerce au détail autre qu'alimentaire, on en compte à peu près 8000 de syndiqués. C'est vous dire que ça représente peut-être 7 % ou 8 % du commerce au détail autre qu'alimentaire dans lequel on retrouve un syndicat.

Qui allons-nous retrouver dans ces commerces le dimanche? Les élèves, «Élèves au travail», document de réflexion préparé par le Conseil permanent de la jeunesse. C'est un conseil qu'a

créé ce gouvernement. Il aurait peut-être intérêt à l'écouter un peu. Ce que nous disent ces jeunes: II est inacceptable que l'on continue à perpétuer une pratique qui a atteint des sommets au Québec, le travail des étudiants. Au niveau du second cycle, ils sont 60 % à travailler entre 15 et 30 heures. Comprenez-vous? 15 et 30 heures de travail de plus que leur travail scolaire et les cours qu'ils reçoivent. Ensuite, on s'étonnera qu'il y ait 40 % de décrochage au niveau secondaire. M. le Président, on va retrouver ces jeunes parce qu'on offre à ces jeunes la possibilité d'ajouter une journée de travail. Actuellement, on sait qu'ils ne travaillent pas vraiment sur semaine, à l'exception du jeudi soir, du vendredi soir et du samedi. Mais, là, on va ajouter le dimanche. Dites-moi à quel moment ces jeunes-là vont pouvoir faire leurs travaux scolaires? Dites-moi à quel moment ces jeunes-là vont pouvoir se retrouver en famille, M. le Président? Cette pratique qui veut absolument que, pour être moderne, dans le vent, il faut ressembler à ce que tout le monde ressemble. Je ne suis pas sûre qu'on ait bien mesuré les effets sur les coûts sociaux de telles mesures.

Le dimanche, qu'on le veuille ou non - vous vous en rappelez, moi, je me rappelle - il y a des moments où les enfants s'ennuient à la maison. Effectivement, ils trouvent le temps long quand il n'y a pas de neige sur les pistes de ski. Il y a des moments, le printemps, quand ça fond, où les enfants s'ennuient. Mais, au moins, on peut faire des choses ensemble. On peut aller louer un film. On peut aller au cinéma. On peut aller voir la grand-mère ou recevoir des amis. Le dimanche, c'est la journée où on peut se réunir. Alors, ces valeurs-là, on les sacrifie à ce que j'appelle le veau d'or de la consommation. La seule valeur, c'est l'individualisme, et consommons. Consommons au prix de sacrifier des valeurs familiales et collectives, au prix de la qualité de vie de quelque 400 000 travailleurs dans les commerces au détail au Québec. On est prêt à tout sacrifier au nom de la consommation.

M. le Président, je suis contre ce projet de loi. Et, si le gouvernement avait un peu de fierté et avait un peu confiance en son projet de loi, il accepterait qu'il soit soumis à la consultation. S'il pense - et c'est le printemps qu'il avance - que les consommateurs en veulent de ce projet de loi, qu'il le présente aux consommateurs et que les consommateurs aient l'occasion de venir s'exprimer en commission parlementaire. Et, je le rappelle, il n'y a pas d'urgence. Il n'y a pas de commerçants qui vont beaucoup se plaindre de ne pas ouvrir leur commerce en janvier et février. Et on pourrait adopter la loi, si tant est que le Québec la veuille, pour la prochaine session, pour Pâques, et ce serait déjà fait. Cependant, je pense qu'un tel projet de loi mérite une large consultation et le gouvernement n'a pas le droit de sabrer dans les valeurs collectives et sociales du Québec sans que le Québec se soit prononcé. Je vous remercie, M. le Président.

Une voix: Bravo! madame.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, Mme la députée de Chicoutimi. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Papi-neau et whip adjoint du gouvernement. Vous avez droit, M. le député, à une période de 20 minutes.

M. Norman MacMillan

M. MacMillan: Merci, M. le Président. M. le Président, le projet de loi 59 est le fruit de longues discussions et de débats au sein du public en général ainsi que dans différentes administrations. J'écoutais la députée de Chicoutimi mentionner tantôt qu'elle avait fait un programme à la radio qui disait qu'il y avait 15 personnes sur 15 qui étaient contre. Je vais lire un article, un commentaire du 28 novembre 1992, si Mme la députée pouvait écouter un peu. C'est marqué ici: «permettra aux commerçants qui le désirent - et ce, malgré l'obstruction tardive et inutile du Parti québécois - d'ouvrir leurs portes sept jours sur sept». Le commentaire est de Carol Néron, du Quotidien, de Chicoutimi. Alors, vous pouvez voir le sérieux: des gens qui sont en faveur et l'obstruction qui est faite par le Parti québécois, c'est ce qui est dit par M. Néron. Et on me dit que M. Néron a peut-être plus de tendance du côté de l'Opposition qu'il en a avec nous autres, et il est d'accord avec nous que les commerces devraient ouvrir sept jours sur sept à cause de l'économie. C'est écrit ici en noir et blanc.

Tantôt, en fouillant un peu le dossier des heures d'ouverture, je me suis aperçu aussi, M. le Président, que, depuis une semaine... Et je vais vous lire les titres des journaux. Le 1er décembre: «L'ouverture des commerces le dimanche, les consommateurs doivent avoir le dernier mot.» Depuis tantôt j'écoute le Parti québécois qui dit que les consommateurs, la plupart des gens ne sont vraiment pas intéressés à avoir l'ouverture. J'aimerais signaler des points intéressants, et l'auteur ici, c'est le président de l'Association des consommateurs du Québec. Très intéressant. L'article a paru mardi, le 1er décembre, la semaine passée. «L'augmentation du nombre de couples parentaux dont les deux membres travaillent, la croissance du nombre de familles monoparentales, la diminution des heures disponibles pour le magasinage, la baisse de revenu réel disponible pour la consommation, la recherche de produits - c'est intéressant, ça -au meilleur rapport qualité ou prix, la demande d'une plus grande diversité de choix dans les points de distribution pour fins de comparaison des produits et de leurs coûts, et aussi, le vieillissement de la population amenant d'autres habitudes de consommation, ces changements-là

sont là pour rester, dit M. Alain Paquet. Il faut se cacher la tête dans le sable pour les ignorer et argumenter sur les heures d'ouverture.» Ici, on dit: «Jamais le dimanche. Jacques Parizeau a commis une belle niaiserie.»

Moi, je vais vous en conter une. Durant le référendum, on a eu la visite du chef de l'Opposition dans l'Outaouais. Nous, dans l'Outaouais, comme vous le savez, on est une zone limitrophe, alors ça fait un an qu'on a le droit d'être ouvert le dimanche. Résultat, chez nous, à cause de plusieurs représentations au ministre, on a accepté de devenir une zone: l'Outaouais est proche de la zone frontalière. Il y a eu, cette année, un investissement dans le comté de Papineau, à Masson: le marché Larose, 2 000 000 $, création d'emplois. 60 jobs qui ont été créées parce que, le dimanche, on avait le droit d'ouvrir. Une bâtisse neuve et 60 emplois. Et le chef de l'Opposition dit qu'il est contre ça le dimanche. Il a passé un après-midi à l'encan Larose à donner la main à 10 000, 12 000, 15 000 personnes, et je dois vous dire que, sur 15 000 personnes qui vont à l'encan Larose ou au marché Larose, il y en a 12 000, 13 000 qui viennent de l'Ontario. Alors, pour une fois, c'est le Québec qui bénéficie de toutes ces retombées économiques. Et le chef de l'Opposition, lui, c'est bon, il est venu donner la main à 12 000 personnes de l'Ontario au référendum. Alors, j'étais content de voir qu'il est demeuré là tout l'après-midi pour donner la main aux gens de l'Ontario. Résultat, ils ont voté pour le oui, eux autres.

Et on parlait tantôt aussi, ça me faisait rire, on disait que les gens qui vont acheter aux États-Unis et qui dépensent beaucoup d'argent aux États-Unis, c'est à cause de la taxe sur le carburant, la taxe sur la boisson, la taxe sur... Je pense qu'on a oublié de calculer un peu le taux d'échange dernièrement, depuis cinq ou six mois. Je pense que pour les gens il est plus profitable d'acheter chez nous au Québec, parce que, avec le taux d'échange, ça coûte plus cher à cet endroit-là. (22 heures)

Encore, dans d'autres articles, ce qui est bon: «Un regroupement exige que Bourassa bouge sur les heures d'ouverture. Les appuis se multiplient. Les commerçants veulent ouvrir le dimanche, dès le 29. La Chambre de commerce du Québec favorise la libéralisation des heures d'ouverture. Nouvelle offensive pour l'ouverture de tous les commerces, le dimanche. La bonne décision au bon moment - La bonne décision au bon moment», Michel Audet du Soleil, le 25 novembre 1992. Il félicite notre ministre, Gérald Tremblay, d'avoir pris la bonne décision, d'aller de l'avant pour l'ouverture le dimanche. «Ouverture le dimanche, un consensus se dégage.» Tout le monde le dit. Les sondages, 80 % des gens du Québec veulent avoir l'ouverture des magasins, le dimanche. Pourquoi l'Opposition... Ils veulent absolument nous garder ici jusqu'à minuit, 2 heures, 3 heures. S'ils le veulent, on va le faire, ça va nous faire plaisir. Ça va nous faire plaisir de demeurer ici; on le voit, regardez le nombre de personnes qui sont avec nous ici, ce soir, plusieurs ministres, plusieurs députés qui sont avec nous pour appuyer notre ministre qui a décidé, qui a pris une bonne décision. La relance économique au Québec est importante. Ces gens-là disent que le taux de chômage est à 14,6 %. Dans l'Outaouais urbain, où les magasins sont ouverts, en passant, le taux de chômage est à 8,4 %, au mois de novembre; 8,4 % dans l'Outaouais, Hull, Ottawa, dans l'urbain. Les magasins sont ouverts le dimanche.

Une voix:...

M. MacMillan: Ah oui! On a vu comment vous avez défendu ça, la fonction publique, avec vos promesses en l'air, Mme la députée de Taillon. «Pour: spectaculaire volte-face de Doré à l'ouverture des commerces le dimanche.» Il n'y a pas personne qui m'a dit que Doré était membre du Parti libéral et qu'il était en arrière du gouvernement ici. Il est pour, lui. Il est pour! À Montréal, ils n'ont pas besoin de ça, que les commerces ouvrent le dimanche, peut-être qu'à Longueuil ils n'ont pas besoin de ça, mais à Montréal, ils en ont besoin.

Ici, Claude Piché, encore une fois, lui, il parle de deux prises, deux prises. Est-ce qu'on se rappelle quand on a permis la vente de bière dans les dépanneurs, le dimanche? Tous les dépanneurs disaient que si c'était ouvert grandement, ils étaient pour fermer. Il n'y a pas de dépanneur qui a fermé. Chez nous, dans l'Outaouais, la même chose, depuis un an où tout le secteur de l'alimentation a le droit d'ouvrir; les dépanneurs, à la place de dire: on va fermer, ils se sont pris en main, ils ont fait d'autre chose. Ils font de la livraison pour garder leur clientèle que d'autres places ne font pas. Ils ont été chercher le droit de «post office» chez eux. Alors, ces gens-là se débrouillent. Ce n'est pas parce qu'ils veulent être contre ça, ils veulent quand même continuer à prospérer et à s'assurer de créer des emplois. C'est important qu'on continue à avoir ça.

Le Québec, «les gens du Québec s'en remettent au lobby - ça, je l'ai trouvé bien bonne - pour rallier le PQ aux commerces le dimanche.» On n'a pas besoin d'eux autres pour décider, nous autres. On a décidé qu'on était pour ouvrir, passer la loi et ça va se passer ce soir, on va voter dessus demain matin. Ils peuvent crier jusqu'à 2 heures ou 3 heures demain matin, on est prêt à demeurer, ça ne nous dérange pas du tout, parce que la relance économique, c'est une partie de ça, les ouvertures du dimanche, une création d'emplois. Il y a des gens qui, la semaine, ne peuvent pas travail-

1er, qui vont être capables de travailler le samedi et le dimanche, parce que le père va demeurer à la maison, la femme va aller travailler, ou vice versa. C'est important, les étudiants... On parlait de décrochage tantôt, 30 % ou 40 % de décrochage. Mais à la place de travailler la semaine, de 16 heures à 20 heures ou de 16 heures à 22 heures, ils vont pouvoir travailler le samedi et le dimanche, peut-être, à la place pour pouvoir étudier la semaine. C'est encore un avantage, je pense. Vous n'avez pas pensé à ça, vous autres, la gang de génies à côté.

La chambre de commerce du Québec est en faveur, c'est important. Alors, je pense que, sans continuer, il est important qu'une société change, et je pense que la loi 59, notre ministre Gérald Tremblay a voulu revenir avec pour l'améliorer, pour aider à la relance économique, elle est très importante. Moi, au vote qui sera soit ce soir ou demain, je serai certainement en faveur. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): merci, m. le député de papineau. mme la députée de marie- victorin, vous avez droit à une intervention également de 20 minutes.

Mme Cécile Vermette

Mme Vermette: Merci, M. le Président. Alors, effectivement, on entend un petit peu de tout ici et surtout, ce que je trouve très malheureux, c'est qu'on est en train de faire du Québec un très grand centre d'achats. On trouve que les gens, en fin de compte, leur principale occupation devrait être de magasiner et ça, sept jours par semaine et illimité. On sait très bien que les besoins des consommateurs sont très illimités et même les besoins de l'être humain sont illimités. Alors, il y a autant de besoins qu'il y a d'individus et, vous savez, on ne pourra jamais mettre un terme à leurs demandes parce que, effectivement, ça fait partie du dynamisme de l'être humain d'être sous le choc de certaines impulsions.

Et le ministre veut développer une nouvelle théorie: la théorie de l'achat sous l'impulsion. C'est extraordinaire pour lancer un plan de relance économique, M. le Président. Moi, je trouve ça tout à fait ingénieux. Il y a même des régions du Québec qui appellent ça «songé». C'est très songé. Ça a dû prendre énormément de temps au ministre pour trouver ce terme des achats impulsifs. Si on laissait parler le ministre un petit peu plus longtemps, j'imagine qu'il dirait probablement que ce seraient les femmes qui feraient des achats impulsifs. Sûrement pas des hommes, M. le Président. Et c'est probablement pour ça qu'il dit qu'il faut ouvrir le dimanche parce que, le dimanche, il faut laisser sortir les femmes de la maison en plus, parce que, la semaine, les pauvres femmes ne peuvent pas sortir, elles sont prises avec les petits enfants et, heureusement, le mari gentil va rester à la maison avec les petits enfants pour permettre à madame d'aller travailler dimanche et, même, faire ses achats le dimanche. Magnifique comme nouvelle philosophie de société pour le Québec! Nous voilà à l'heure moderne des temps nouveaux, M. le Président. Nous venons de faire un pas gigantesque dans la modernité. Et c'est ce que j'entendais d'ailleurs du député de Papineau qui essayait de nous faire comprendre que nous, de ce côté-ci, on n'avait rien vu de l'évolution de nos sociétés modernes, mais qu'on était complètement à côté de la «traque» puisqu'on empêchait des achats impulsifs, puisqu'on empêchait les femmes de sortir de la maison le dimanche et que nos pauvres petits enfants, eux autres qui sont obligés tellement d'étudier toute la semaine, il ne leur restait que les fins de semaine pour travailler et on était presque en train de leur enlever le pain de la bouche parce qu'on les empêchait de vouloir travailler le dimanche.

Mais qu'est-ce qu'il ne faut pas entendre? C'est incroyable! Mais c'est aberrant, M. le Président. Est-ce que c'est comme ça qu'on va améliorer une société, qu'on va revenir à des valeurs fondamentales, que tout le monde, à l'heure actuelle, réclame de plus en plus? Quand on regarde, c'est l'éclatement partout dans notre société. Et on se dit: II faudrait se ramasser en quelque part pour arriver à recréer un esprit de plus en plus familial, un esprit de société plus humaine qui est de plus en plus attentive aux réels besoins et valeurs des êtres humains. Et ce qu'on vient de nous dire ici actuellement: Bien, voyons donc! il ne faut pas tenir compte de ces valeurs-là, c'est dépassé, c'est rétrograde. Il faut maintenant faire en sorte que la société en général, ici au Québec, soit vraiment occupée à faire du magasinage, et ce, sept jours par semaine et c'est ça qui va faire l'évolution et qui va être un plan de relance extraordinaire pour l'économie de l'ensemble des Québécois.

Revenons-en, M. le Président, à ces besoins réels des consommateurs parce que, dans le fond, c'est un principe fondamental. On se souviendra qu'en 1990, lorsque le ministre avait déposé son projet de loi, d'ailleurs, il disait: Écoutez, c'est une épineuse question, je devrai trancher. C'est très difficile, je devrai faire fi de mon opinion personnelle, parce que moi, le dimanche, je ne vais pas magasiner, j'ai deux petits enfants et moi, je préfère rester à la maison avec mon épouse et m'occuper de mes enfants et profiter pleinement d'une qualité de vie. C'est ce que le ministre disait. Il considère maintenant qu'aujourd'hui la qualité de vie est pour certains, seulement pour les gens qui sont capables de se le permettre, de se la payer, la qualité de vie. Les autres, ce n'est pas important que la famille on ne se voie pas, que la mère travaille le dimanche, que le père travaille le dimanche ou que les enfants travaillent le dimanche. Dans le

fond, ça, c'est une valeur sociale enrichissante, revalorisante et qui favorise, sur le plan économique, la dépense. C'est à peu près ça, finalement, le système qu'on veut développer pour nous au Québec. Extraordinaire!

Mais les besoins réels des consommateurs, est-ce que ce sont vraiment des besoins réels, des achats impulsifs, M. le Président? J'aimerais bien qu'on me le dise, moi. Quand on dit que ce qui est important... Si on ferme les commerces le dimanche, malheur! Les gens ne pourront plus dépenser sous le coup d'une impulsion. Ce qu'il ne faut pas entendre de choses incroyables, M. le Président! Et ça, ça vient de la part d'un ministre. C'est écrit là. C'est dans un de ses discours. Mais c'est incroyable! Moi, je n'en reviens pas en tout cas quand on nous dit que des besoins réels des consommateurs font référence à des besoins impulsifs, à une dépense impulsive. Et là on nous dit: Écoutez, bien non! quand on nous parle qu'on pourrait tenter de penser qu'on va développer une société plus violente parce qu'il y a de plus en plus de frustration. (22 h 10)

M. le Président, il faudrait peut-être parler, à l'heure actuelle, de la reprise mitigée, finalement, de l'économie au Québec. Et là il faut le dire, ça nous vient de ça, de cette analyse-là des caisses populaires Desjardins. Ils nous parient de la faible croissance des revenus: «Le salaire et les autres formes de rémunération comptent pour environ 70 % du revenu personnel des travailleurs. L'évolution de l'emploi et des salaires joue un rôle de premier plan dans le pouvoir d'achat des gens.» Avez-vous vu le taux de chômage, M. le Président? Combien de gens? 60 000 nouveaux chômeurs du mois d'octobre à novembre, M. le Président. Ça va favoriser la consommation, ça, M. le Président. Effectivement. Là, les gens vont dépenser! 60 000 nouveaux chômeurs de plus pour le Québec, avec un taux de chômage qui se maintient de 13 % à 14 %, M. le Président. Et, dans certaines régions du Québec, eh bien, j'aime autant ne pas le dire parce que c'est faramineux. Il y a des endroits où c'est à 20 %, M. le Président, dans la région de la Gaspésie, ces endroits-là. Alors, M. le Président, effectivement, on répond à des besoins réels des consommateurs.

Et je continue l'analyse, aussi, sur la reprise de la croissance des revenus pour nous, au Québec, M. le Président. «Après une perte de plus de 140 000 emplois ces dernières années, les perspectives d'embauché ne sont guère plus reluisantes pour l'an prochain, particulièrement au début de l'année. Cela limite donc les possibilités de croissance du revenu personnel.» Alors, est-ce que vous pensez que les gens vont en avoir un petit peu plus dans leurs poches? Qu'ils vont aller dépenser plus? Non, M. le Président. Ça va être des grenailles qu'ils vont éparpiller un petit peu plus un peu partout. C'est tout ce qui va arriver. Mais, par contre, les commerçants, les propriétaires des commerces, eux, auront à faire face à des dépenses supplémentaires, à des coûts supplémentaires, par exemple. Et ça, on n'en parie pas.

Et je continue, M. le Président. «De plus, à cause des difficultés financières majeures de nombreuses entreprises liées à la faiblesse des profits et à des problèmes de compétitivité, les salaires ne devraient pas dépasser de façon significative le taux d'inflation.» Et, M. le Président, d'ajouter aussi que juste en septembre on comptait 3800 faillites. Donc, il ne faut pas croire que de plus en plus, en janvier puis en février, après le temps des fêtes, il va y avoir beaucoup de commerces, puis ça va être reluisant, l'économie. On sait très bien qu'en janvier il y a toujours un creux des revenus au niveau des différents commerces. Allez voir, dans certains centres d'achats et dans certaines villes, le nombre de commerces qui sont fermés à l'heure actuelle. Est-ce que vous croyez que, parce qu'on élargit les heures d'ouverture, ça va favoriser l'activité économique, que les gens vont dépenser davantage? On le dit, les salaires ne pourront pas vraiment progresser, il n'y aura pas vraiment beaucoup plus d'argent. Les gens sont déjà très endettés et ils doivent déjà payer leurs dettes avant de pouvoir commencer à consommer, à l'heure actuelle, M. le Président.

Alors, je ne vois pas l'urgence de vouloir tout chambarder notre société, imposer à des gens, à des femmes surtout, à des jeunes surtout, de travailler au salaire précaire, au salaire minimum, dans des conditions plus ou moins intéressantes, M. le Président. Parce que c'est ce qui se passe. Actuellement, il y a tellement peu de travail et le gouvernement fait tellement peu pour développer de l'emploi qui est bien rémunéré que les gens sont prêts, oui, à accepter des salaires très bas, minimes, même quelquefois au noir. Et ça va arriver que des gens vont travailler au noir. Ce que le ministre vise actuellement, il veut remplir les coffres de l'État parce qu'on sait que le déficit, ils ne le contrôlent plus, il augmente d'une façon aussi vertigineuse. Et parce que, monsieur, ils ont décidé «bon, on va taxer tout ce qui bouge actuellement», eh bien, là, ils vont obliger les gens à aller travailler le dimanche.

Malheureusement, ce qui va arriver, M. le Président, l'argent, ce n'est pas évident qu'il va entrer dans les coffres, de l'État parce qu'il va y avoir du travail au noir. Les grandes surfaces... Et, là, le ministre disait: Écoutez, il faut ouvrir pour l'équilibre entre les commerçants. Bien, parions-en, de l'équilibre entre les commerçants. Moi, j'aimerais bien qu'on en parie. Est-ce qu'il y a un équilibre vraiment quand on parie des gens comme Club Price, quand on parie de Sears? Et il faudrait se rappeler Sears, durant la campagne référendaire, la publicité qu'ils avaient fait en faveur du «oui» et à quel point ils

avaient été dégradants pour les gens qui étaient pour le «non» et qui voulaient favoriser le Québec et favoriser un achat québécois. Et ça aussi, ce sont ces gens-là qui, a l'heure actuelle, viennent nous dire qu'il faut qu'on ouvre les magasins le dimanche: Sears, Brico, Club Price, les marchés aux puces. Bien sûr que c'est ça. Est-ce que vous croyez que les gens paient bien des taxes quand ils achètent au marché aux puces? Pensez-vous que ça va favoriser justement des entrées d'argent dans les coffres de l'État? Pas du tout. Ce que ça fait, M. le Président, ça fait que des gens achètent - oui, en argent, on appelle ça du «cold cash» - pour des petits montants de 30 $, 20 $, 10 $, 15 $, mais sans payer de taxes. Et ça, ils s'organisent et c'est bien fait. Alors, on sait très bien que ce n'est pas ce genre de commerce qui va vraiment favoriser l'économie. Pas du tout, M. le Président.

Par contre, est-ce que les petits commerçants, eux, ceux qui n'ont pas les mêmes avantages que Club Price, qui ne sont pas capables d'acheter des containers pleines portes et les garder vont être capables de subir cette concurrence indûment? Non, M. le Président. Et justement, ces familles qui avaient appris à travailler ensemble dans un commerce où il y avait réellement un esprit de famille, on se reléguait, tantôt le père, tantôt la mère, tantôt les enfants, de plus en plus, pour ces commerces familiaux, il y aura de la difficulté. Ils ne pourront plus faire face. Les gens vont les délaisser pour aller chercher des meilleurs prix dans ces genres de grands entrepôts, style Club Price, M. le Président, où les prix, effectivement, ne sont pas nécessairement ceux que l'on peut trouver dans ces petits commerces très locaux.

Et, M. le Président, qu'est-ce qui va arriver? C'est que les petits propriétaires de commerces qu'on avait, ces gens-là deviendront justement des travailleurs au salaire minimum pour les grandes surfaces. Extraordinaire, M. le Président, on vient d'avoir fait une trouvaille magnifique. On vient de relancer l'économie pour le Québec. On va favoriser l'emploi et on va permettre aux gens une qualité de vie exceptionnelle. Dorénavant, ils travailleront plus fort, sur des jours beaucoup plus allongés, avec une moins bonne qualité de vie. Ça, c'est formidable. Ça, c'est extraordinaire pour les citoyens du Québec. Magnifique, on vient de découvrir la nouvelle - comment on appelait ça? - potion magique, si vous voulez, passez-moi le mot, et le remède à tous nos problèmes économiques. Je trouve ça, M. le Président, tout de même manquer de réalisme épouvantable.

Alors, M. le Président, ce qu'on essaie de faire... Et le plus gros des problèmes, on le sait très bien, c'est surtout les détaillants de l'alimentation. Parce que justement, c'est là, en fait, que se fait la plus forte concurrence à l'heure actuelle. Et on voit qu'il y a un glissement, même par rapport à Club Price, des gens comme Provigo, Métro-Richelieu, leurs profits baissent actuellement par rapport à ces grandes surfaces. Alors imaginez les plus petits, les petits commerçants locaux, la difficulté, eux, qu'ils auront à subir et à surmonter. C'est inacceptable. C'est manquer de vision.

Et ça fait longtemps qu'on le dit que ce gouvernement manque de vision. Et j'aimerais apporter aussi, pour donner plus de poids à ce que j'avance, M. le Président, une partie d'une lettre de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante. Eux, ce qu'ils affirment, c'est que la loi que vous avez fait adopter, M. Gérald Tremblay, ministre de l'Industrie et du Commerce, en 1990, répond bien aux besoins des Québécois et n'a pas à être modifiée dans un avenir prévisible. De fait, peu d'intervenants réclament un changement à l'heure actuelle, sauf quelques gros commerces qui pensent faire disparaître le problème du magasinage aux États-Unis en ouvrant les commerces le dimanche. La Fédération canadienne de l'entreprise indépendante ne partage pas cette opinion et elle vous rappelle que la ville de Vancouver, où les commerces sont ouverts le dimanche depuis de nombreuses années, voit sa population se rendre faire des achats aux États-Unis à un rythme qui est six fois supérieur à celui de Montréal. Ce n'est donc pas en ouvrant les commerces le dimanche qu'on règle le problème du commerce outre-frontières, d'autant plus que les principaux achats faits aux États-Unis, essence, nourriture et tabac, concernent des produits dont l'acquisition est déjà possible au Québec. (22 h 20)

M. le Président, ce n'est sûrement pas, effectivement, l'ouverture le dimanche qui va faire en sorte que les gens vont moins aller magasiner aux Etats-Unis. Les gens vont aux États-Unis parce qu'il y a moins de taxes et que ça coûte moins cher. Qu'on commence par enlever les taxes et surtaxer moins les Québécois; probablement qu'on les gardera ici au Québec. Ils pourront acheter ce dont ils ont besoin, notamment au niveau de l'essence, au niveau des cigarettes, du vin et des boissons. Commençons!

Oui, effectivement, on avait enlevé des taxes sur certains biens très importants pour des familles qui ont de la difficulté. Quand on sait le nombre de pauvres qui existent à Montréal-Un Québec cassé en deux, on le vit, à l'heure actuelle, à Montréal. Aidons davantage les familles, pas en les faisant magasiner sept jours sur sept. M. le Président, qu'est-ce qu'on est en train de faire? Littéralement, oui, dans ce Québec cassé en deux, on est en train de maintenir cet écart entre pauvres et riches, et de plus en plus, M. le Président. Effectivement, nous aurons de la violence parce qu'à créer des attentes, à créer des besoins qu'on n'est pas capables de combler, oui, effectivement... C'est

bien beau de dire que les gens doivent regarder, faire du «liche-vitrine» puis dire: Écoutez, je vais rentrer chez moi et je vais dire: Mon Dou! que c'est beau, je suis heureuse d'avoir vu tout ça et d'avoir pu, en fait, bénéficier des entrées dans les magasins, différents magasins. Mais ce n'est pas tout, M. le Président. Les gens ont une sensibilité, les gens ont une fierté, les gens ont leurs besoins, ils ont cet orgueil de posséder comme tous les autres. Et, à un moment donné, si on ne s'occupe pas de créer véritablement de l'emploi, oui, nous aurons de la violence au Québec, de plus en plus, M. le Président.

Et nos jeunes, de plus en plus, auront à affronter des problèmes importants au niveau de leur comportement, pas parce qu'ils sont plus mauvais que d'autres enfants, parce qu'ils auront à affronter des problèmes de la vie beaucoup plus difficiles à surmonter. Et il faut leur donner de l'espoir, aux jeunes, pas en faire, tout simplement, du «cheap labour», du sous-prolétariat. Ça ne donne rien, on ne va nulle part avec ça. Et, effectivement, ces jeunes, maintenant, travaillent davantage qu'ils étudient. Parce que la fonction principale des jeunes actuellement, c'est effectivement de faire du travail qui rapporte plus ou moins et, quand ils ont le temps, ils étudient, et ça, c'est de plus en plus fréquent chez nos jeunes parce que les besoins de consommation sont tellement là, sont tellement présents. Alors, nos jeunes, eux autres, qu'est-ce que vous voulez, depuis leur petite enfance, depuis qu'ils sont petits, ce qu'on fait, on les traîne dans les centres d'achats. Alors, au niveau de la qualité de vie, je ne suis pas tout à fait d'accord, moi, en fin de compte, que ça relève vraiment, si vous voulez, le niveau intellectuel d'une population que de lui donner comme principale activité le magasinage, et ça, sept jours/semaine. Je ne trouve pas ça plus édifiant qu'il faut.

Effectivement, je suis d'accord pour qu'à certains endroits on puisse vraiment ouvrir certains commerces: dans un centre d'art, bien sûr, M. le Président; qu'on puisse aller dans un centre de ski, bien sûr, M. le Président. Ça, c'est du dépannage en fonction d'un service très ponctuel, particulier, et aussi qui apporte une qualité de vie et qui permet à des familles ou à des êtres, aussi, de s'élever sur le plan intellectuel, sur le plan des connaissances. Mais n'y a-t-il rien de plus aberrant, n'y a-t-il rien de plus assommant que des gens qui passent, en tout cas, une partie de leur journée dans des centres d'achats à regarder défiler les gens, à regarder, finalement, tous les rêves qui peuvent passer devant eux et à se dire: Non, moi, je ne pourrai jamais avoir ces choses-là parce que moi, en fin de compte, je travaille au salaire minimum, je travaille quand je peux, quand il y a de l'emploi et, finalement, moi, tout ce qu'on me demande de faire, c'est d'être celui qui favorise le gouvernement à continuer à nous exploiter?

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci. Mme Vermette: Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, Mme la députée de Marie-Victorin. Je suis prêt à entendre le prochain intervenant. Pas d'autre intervenant? Alors, M. le député de St-Roch, vous avez droit à une intervention de 20 minutes...

M. St-Roch: Pas encore, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): M. le député de Drummond. M. le député de Drummond, je m'excuse.

M. St-Roch: Oui, parce que...

Le Vice-Président (M. Lefebvre): M. Jean-Guy St-Roch, député de Drummond, vous avez droit à une intervention de 20 minutes. Allez-y.

M. Jean-Guy St-Roch

M. St-Roch: Merci, M. le Président. M. le Président, j'interviens donc pour la deuxième fois sur le projet de loi 59. Cet après-midi, dans une motion de report, j'ai posé six interrogations à M. le ministre de l'Industrie et du Commerce. J'attends les réponses et j'espère qu'avant la fin de ce débat en deuxième lecture on pourra les avoir.

Vous savez, M. le Président, il y a de ces projets de loi qui paraissent anodins, que, dans un contexte de facilité... En 1992, on veut rendre la qualité de vie ou la facilité à nos concitoyens et nos concitoyennes. Mais, souvent, ces projets de loi anodins ont des significations importantes dans les comportements que nous aurons, pas simplement maintenant, mais dans les années que nous aurons à vivre, c'est-à-dire à court et à moyen terme. Et aujourd'hui, M. le Président, ce qui résume peut-être le mieux ma pensée, d'entrée de jeu, c'est un article dans Le Devoir, sous la plume de Michel Venne. Puis il disait ceci en citant un auteur, un professeur d'université: l'État-providence omnipotent, forcé de se redéfinir en tenant compte de la concurrence internationale et de l'ouverture des frontières. Aux yeux du sociologue Fernand Dumont, ces changements qui s'annoncent ne sont pas liés à une évolution sensible des valeurs des Québécois et Québécoises. Ils sont les résultats de l'abdication d'un État qui manque de courage et d'imagination, qui succombe aux lobbies pour adopter des solutions de facilité. Prises à un certain niveau, les valeurs n'ont pas changé: le bien, le beau et la vérité. Elles existent toujours, mais elles se sont largement réfugiées dans la vie privée. Une évolution par l'individualisme, les valeurs n'ont plus de présence collective.

Et je continue encore toujours l'article, M.

le Président: Quand survient une interrogation à portée collective, dit le professeur de l'Université Laval - c'est-à-dire le professeur Dumont -l'ouverture des magasins le dimanche, un grand nombre d'individus peuvent trouver que ça heurte leurs valeurs privées. Il semble que cela peut changer leur vie, qu'il n'y aura plus de jour où l'on vit différemment d'une semaine, mais ils n'ont pas les moyens collectifs de le dire et ils se taisent. Devant l'absence de résistance, l'économiste triomphe. Le recours à l'argument économique est d'ailleurs, aux yeux de M. Dumont, à peu près le seul trait commun des décisions récentes du gouvernement. Ce sera bon pour l'économie. On invoque la magie économique, dit-il, comme, autrefois, on faisait un pèlerinage à Sainte-Anne-de-Beaupré. Le gouvernement considère donc que, dans un Québec pluraliste, la façon dont les gens se représentent les valeurs sont si variées, fuyantes, explicites, explique le sociologue, qu'au moins, avec l'économie, il peut avoir une chance de convaincre. L'évocation de la magie de l'économie donne l'impression de se justifier. Le danger, dit-il, réside dans le fait qu'on franchit un cran de plus dans la privatisation des valeurs. Vous êtes contre le casino? N'y allez pas. Vous êtes contre le commerce le dimanche? Restez à la maison avec votre famille.

M. le Président, je pense que c'est ce qui résume le plus aujourd'hui le projet de loi 59 que nous avons devant nous.

J'ai posé six conditions ou six choses qui devraient arriver avant la tenue d'un vote, M. le Président. Permettez-moi d'y revenir. La première chose qui attire mon attention suite à ce projet de loi et suite à la magie, encore, de l'économie, que ça va créer des emplois - parce qu'il ne faut pas oublier que, dès le 24 ou le 25 novembre, on nous avait fait croire que c'était 8000 emplois qui étaient pour être créés... M. le Président, le pouvoir de dépenser a toujours été en liaison avec nos gains. Un bon père de famille sait pertinemment qu'il ne peut pas dépenser plus que son budget le lui permet, sinon il va s'endetter et, un jour, il va faire faillite.

Lorsqu'on regarde les statistiques qu'on nous a données, M. le Président, la création d'emplois, le pouvoir de dépenser, et qu'on nous a cité que c'était supérieur à l'Ontario, au Québec... mais, lorsqu'on regarde le salaire moyen au Québec qui est de 544,80 $, comparé à 581 $ en Ontario, on a la première raison pourquoi, peut-être, le pouvoir d'achat est un peu plus large en Ontario. Mais aussi, M. le Président, il faut se rappeler que le gouvernement ontarien, sous les mêmes pressions des mêmes lobbyistes pour couvrir leur inefficacité de gestion, bien, a cédé, lui aussi, à libéraliser les heures d'ouverture le dimanche. (22 h 30)

Qu'est-ce qu'on fait, M. le Président? Qu'est-ce qu'on retrouve en Ontario? Des grands titres, sous la plume de Suzanne Dansereau, de Toronto, de La Presse canadienne: «Magasiner le dimanche n'a pas fait de miracle en Ontario». C'est ça qu'on retrouve, M. le Président. Lorsqu'on regarde l'accroissement en Ontario, on dit que ça a augmenté de 5,1 %, en 1991, comparativement à 3,1 % au Québec. Mais, lorsque je regarde les 10 % d'écart au niveau du salaire minimum, bien, on a l'explication.

M. le Président, lorsqu'on a étudié le projet de loi 75, j'avais mentionné, avant de quitter et lors des caucus en commission parlementaire, que le danger auquel nous faisions face, c'était la disparition d'une des grandes chaînes et, dans un autre temps, la disparition des commerces de détail. On a vu, tout à l'heure, le député de Beau-ce-Nord citer allègrement M. Bouchard, le président de Couche-Tard, mais peut-être parce qu'il a dit qu'il avait suivi la situation et qu'il avait vu évoluer les profits. Regardons ce que dit M. Bouchard, président de Couche-Tard: «M. Bouchard, président d'Alimentation Couche-Tard, ne rit plus. Il ne croit pas du tout aux 8000 emplois dont on se gargarise. Les dépanneurs ont, par contre, bel et bien perdu 3500 emplois depuis la loi 75.» Alors, lorsque je demandais, cet après-midi, avant qu'on ne poursuive en commission parlementaire une consultation générale, qu'on puisse voir les impacts de la loi 75, on peut voir, d'ores et déjà, que c'est 3500 emplois qui ont été perdus.

Si je continue, M. le Président, dans un article de la Coopérative agricole, novembre 1992 - il est bon de consulter nos revues qui ont trait au monde agricole, parce qu'on y retrouve peut-être le gros bon sens - qu'est-ce que M. Bouchard nous dit encore? Il nous dit qu'«aujourd'hui, les petits détaillants représentent à peu près 5000» et, lui, il prévoit qu'«avec la libéralisation des heures d'affaires tel qu'on voit là, bien, c'est carrément la disparition, d'ici 10 ans, de 2000 détaillants, dont 1000 dépanneurs, de 300 à 400 épiceries et de 100 supermachés». Si on regarde ce qui est arrivé avec la loi 75, moi, je me dois de faire confiance à quelqu'un qui est le président d'une chaîne de détaillants au niveau des dépanneurs. Alors, contrairement à ce qu'affirmait le député de Beauce-Nord, tout à l'heure, moi, j'aimerais ça qu'on puisse entendre M. Bouchard en commission parlementaire parce qu'il y a des solutions. C'est vrai qu'il y a des changements sociologiques, c'est vrai que plus ça va aller dans le temps, en tant que consommateur... On aime la vie un peu plus facile, on va vouloir avoir les sept jours. J'ai toujours maintenu, par contre, qu'il y aurait peut-être moyen, non pas à la va-comme-je-te-pousse, mais avec des solutions bien mûries, bien pensées, d'apporter des correctifs.

Que nous disait M. Bouchard aussi au niveau des Couche-Tard? Je n'ai pas vu ça, M. le Président, autant dans l'action lors du dépôt du projet de loi 59 et lors des interventions de M.

le ministre. J'espère l'entendre en troisième lecture parce que M. Bouchard a dit: «II y a peut-être des solutions pour aider nos petits détaillants, nos dépanneurs à passer au travers.» Il dit: «II faudrait peut-être regarder les marges de profit allouées par Loto-Québec.» Pour la première fois depuis les années soixante-dix que ça n'a pas augmenté, ça: «de permettre la vente de bière et vin la nuit et d'élargir la gamme de vins et spiritueux». Ça, c'est peut-être des choses, M. le Président, qui permettront à de petites entreprises de chez nous de mieux faire face à la concurrence. Ça nous permettrait peut-être de regarder des vieux dossiers qu'on appelait la privatisation aussi de la SAQ et de voir pourquoi, à ce moment-là, elle a échoué. C'est parce que dans bien des endroits, M. le Président, on s'objectait à la fermeture d'une succursale. Mais, si on allait consolider, par contre, avec un élargissement de la gamme de produits qui seraient confinés par la SAQ, on viendrait peut-être avec des économies d'échelles et, finalement, on en sortirait gagnant en tant que population.

Une autre chose aussi, M. le Président. J'aimerais entendre Mme la ministre déléguée à la Condition féminine. J'aimerais l'entendre nous faire un discours et nous dire quel va être l'impact sur le travail de nos femmes de chez nous, M. le Président. Encore là, ce n'est pas moi qui le dis, c'est les deux grandes centrales syndicales qui nous ont dit qu'avant le projet de loi 75, avant 1990, 60 % des emplois étaient des emplois à temps partiel. Et on remarque qu'aujourd'hui, M. le Président, après deux ans d'application de la loi 75, on est rendu à 70 % qui est du travail à temps partiel. Qu'est-ce qu'on nous dit, M. le Président? On nous dit que 2 emplois sur 3 traditionnellement sont tenus par des femmes. Quand je regarde les salaires, encore là, un article de M. François Berger, qui a très bien synthétisé. Comme je le faisais remarquer à mon collègue de Labelle, nous, les députés indépendants, avec notre équipe de recherche, il faut se fier, c'est une chance, à nos amis de la presse qui cumulent des statistiques. Mais qu'est-ce qu'il nous dit, M. le Président? J'ai eu la chance de vérifier, et les «figures» sont exacts. Il nous dit que les salaires dans les magasins de vêtements sont 225,39 $ par semaine, celui de la chaussure, 247 $, l'alimentation, 266,23 $; quand on met les grossistes et qu'on atteint une moyenne, c'est 399,60 $. Je vous ai cité que la moyenne des salaires au Québec était de 544 $.

Donc, M. le Président, on s'attaque à un secteur qui est très vulnérable, qui a besoin de planification, qui a besoin d'avoir des règles bien précises et bien établies, parce qu'on s'en va jouer encore dans la précarité. Ceux qui ont la chance d'avoir un emploi à 224 $ par semaine peuvent au moins essayer de s'accumuler un petit fonds de pension, bien, M. le Président, parce que les détaillants n'auront pas d'autre choix, on les retrouvera vers la fin de semaine.

J'avais dit, M. le Président, à la loi 75, qu'il y avait peut-être moyen de regarder, de planifier puis de faire ça d'une façon un peu plus économique, un peu plus rentable, qu'il y aurait eu moyen, avec les sociétés d'État, d'intervenir parce qu'il était clair et net, à ce moment-là, qu'il y avait des grandes chaînes qui avaient à disparaître. On ne l'a pas fait, on a laissé jouer les forces du marché. Et j'aimerais, moi, tel que je l'ai mentionné cet après-midi, entendre le président de la Caisse de dépôt, entendre le président de la SDI venir nous dire combien ça va nous coûter, ça, cette aventure-là. J'aimerais, M. le Président, aussi entendre le ministre du Revenu venir nous dire les pertes que ces petits détaillants, ces petits fournisseurs auront là-dedans, combien ça va nous coûter, nous, en tant que citoyens et citoyennes.

M. le Président, je peux comprendre, aussi... et ça, c'est peut-être ce qui fait le plus mal, en ce 200e anniversaire. M. le Président, vous nous avez convoqués pour une session de commémoration, le 17 décembre, pour fêter le 200e de la tenue de la première législation, la première fois qu'un gouvernement démocratique était convoqué, était élu, ici, au Canada. J'ai dit, voilà quelque temps, M. le Président, que j'enviais les législateurs de 1792 parce qu'il y avait une denrée qu'on ne retrouve plus en 1992, soit le libre vote, d'être capables de se lever, dans cette Assemblée, M. le Président, et de dire: Moi, je suis pour, je suis contre, et c'est ça, les intérêts de mes électeurs et des électrices. J'ai offert au ministre de l'Industrie et du Commerce de tenir une autre commission parlementaire. Je vais lui rajouter deux autres points, tout à l'heure. Entendons puis clarifions une fois pour toutes, puis qu'il prenne l'engagement, lui ou M. le premier ministre, demain, dans une déclaration ministérielle, de dire: Oui, en 1992, pour commémorer la tenue de cette première session, on aura un vote libre sur les heures d'affaires. Là, on verra réellement, M. le Président, les députés hommes et femmes de cette Assemblée être capables d'exprimer réellement les besoins de leurs commettants. Parce que chez moi, lorsque je me lève, ce soir, M. le Président, puis je vais vous dire: Non, je ne donnerai pas mon consentement à ce projet de loi, la loi 59, mais je sais, moi, que mes chambres de commerce, mes SIDAC, les citoyens de chez nous, nous ont dit encore, la semaine dernière: Non, on ne veut pas d'élargissement des heures d'affaires. Il n'y a pas personne, M. le Président, qui est venu me voir, moi, dans mon bureau, depuis qu'on a fait la loi 75, pour demander un élargissement. Mais il y en a plusieurs, par exemple, qui sont venus me dire: Ça n'a plus d'allure, M. le député, j'ai 45 ans, j'ai 50 ans, j'ai 55 ans, on ne veut plus m'engager. Je regarde le taux d'emploi, puis je suis dans des régions qui sont peut-être les plus favorisées au Québec.

Or, il est temps, M. le Président, que nous ayons cette commission pour être capables de trouver les vrais faits, parce que les miracles qu'on nous permet, les 8000 emplois, ça ne s'est pas matérialisé en Ontario après cinq mois de présentation. Mais j'admets, par exemple... puis, ça, c'est des élans qu'en tant que parlementaires, lorsqu'on célèbre 200 ans de démocratie on a peut-être osé aller trop loin, promettre des choses pour le 29 novembre sur lesquelles on est obligés de reculer.

Qu'est-ce que je retrouve encore aujourd'hui, M. le Président? Sous la plume de Mme Ann McClaughlin, qui cite M. Sénéchal, qui nous dit: «The government has made a commitment to pass this law. We want to make sure they go through with it». Ça, c'est en anglais, M. le Président. Or, je vais traduire en traduction libre: Le gouvernement avait pris un engagement de passer cette loi, on va s'assurer qu'il va le faire.

Mais, en français, il nous cite d'autre chose sous la plume de M. Miville Tremblay. Il nous dit: «L'enjeu immédiat est l'ouverture des commerces le dimanche le 27 décembre, où de nombreux consommateurs voudraient pouvoir profiter des soldes des fêtes».

M. le Président, dans un contexte d'ouverture et d'équité aussi envers les consommateurs et envers les commerçants, moi, je suis prêt à donner mon consentement pour qu'on amende la loi 75, le fameux article qui dit qu'on peut ouvrir quatre dimanches avant Noël. Je vous donne mon consentement, puis on peut faire la loi ici, ce soir, en 30 minutes, disant: Pour un contexte d'égalité aux consommateurs et aux détaillants, nous allons ouvrir seulement le 27 pour une journée, pour que les consommateurs puissent prendre avantage des ventes de rabais après les fêtes et aussi pour que les commerçants aillent récupérer puis baisser leurs inventaires.

Moi, je vais donner mon consentement. Puis je suis convaincu que la majorité des collègues ici, incluant ceux de l'Opposition officielle et ceux du gouvernement, on pourrait passer ce projet de loi dans 30 minutes ici. On va donner notre consentement. Puis ça, ça va nous permettre quoi? De repousser maintenant au mois de mars, parce qu'il n'y aura plus d'urgence. Nos commerçants auront eu l'équité, les quatre dimanches, tel qu'on aurait dû le prévoir au moment de la loi 75, et on pourra faire en sorte qu'on puisse entendre, qu'on puisse voir, puis vraiment mesurer les impacts. (22 h 40)

Je crois, M. le Président, le ministre de l'Industrie et du Commerce lorsqu'il nous dit: Depuis quelques mois, les temps ont changé. Oui, les temps ont changé. Puis quand je regarde ceux qui font les pressions pour avoir fait un peu de mise en marché sur une scène mondiale, ceux qui font des pressions, qu'est-ce qui a changé depuis quelques mois? C'est la chute du dollar canadien. Puis, lorsque je me promène dans les grandes chaînes, puis que je regarde quelque chose fait au Québec, ou fait au Canada, je regarde ceux qui font maintenant la promotion de l'ouverture sept jours par semaine, je trouve très peu de produits à contenu canadien. Alors, ça veut dire quoi, M. le Président, avec la chute du dollar? On est rendu qu'on aura un écart peut-être de 10 % à 15 %. Alors, il faudra augmenter les prix de 10 % à 15 % ou, la loi sacrée du marché, augmenter nos parts de commerce.

Comment peut-on augmenter nos parts de commerce? On l'a vu dans la loi 75, en fermant les petits détaillants, en faisant en sorte que de plus en plus nous aurons des grandes surfaces qui régiront les grandes lois du marché. Et, M. le Président, j'ai dit, d'entrée de jeu, que c'était une loi qui nous semblait anodine encore, qui nous semblait aller dans la volonté de la facilité. Mais c'est une loi dont nous aurons à payer le prix, M. le Président, ce que nous faisons ici ce soir, dans cette Assemblée, dans 5 ans et dans 10 ans.

On a vu la libéralisation des heures de commerce et, en donnant à des grandes pharmacies, à des grandes surfaces, beaucoup plus de latitude, bien, j'ai vu chez moi, M. le Président, des pharmacies de quartier être obligées de fermer. Puis qu'est-ce qu'on a perdu à ce moment-là? On a perdu le pharmacien de quartier qui pouvait donner à ses clients la posologie, les avantages, les effets secondaires d'un médicament. Aujourd'hui, dans les grandes surfaces, on a perdu ça et on ne pourra plus l'avoir.

Mais qu'est-ce qui est en jeu, M. le Président, dans tout ça? On est rendu à 500 000 000 $ de médicaments payés, ici, à même les frais de l'État, pour les personnes âgées ou ceux qui sont sur l'aide sociale. Dans cinq ans d'ici, M. le Président, les temps auront changé. Les grandes compagnies, qui sont maintenant propriétés québécoises, les lois du marché étant telles, plus on grossit, on verra des multinationales qui s'accapareront de ces grandes chaînes-là, puis on arrivera avec la sacro-sainte règle de rentabilité des 17 % ou des 21 %, puis on fermera des pharmacies dans des régions périphériques, dans des régions un peu plus éloignées. Puis on sera pris, ici, les législateurs qui seront là dans 5 ans ou dans 10 ans, à faire des lois pour recréer ces pharmacies-là puis donner des subventions pour qu'elles puissent opérer, parce que ce ne sera pas rentable dans un contexte un peu plus global.

Alors, c'est ça qui est en jeu, M. le Président, lorsqu'on a des lois comme ce soir, des lois qui nous paraissent anodines, mais qui valent la peine qu'on se penche là-dessus, parce que c'est des lois qui vont changer fondamentalement nos valeurs. C'est sûr que la facilité, M. le Président, ce serait d'ouvrir le dimanche,

puis de dire: Laissons agir les forces du marché. Mais j'aimerais mieux, moi, qu'on soit un peu plus minutieux, qu'on resserre les liens et qu'on voie réellement les impacts.

Alors, M. le Président, je vais terminer en disant encore ce que moi, j'aimerais. Je réitère mon consentement au ministre de l'Industrie et du Commerce qu'on amende la loi 75 pour permettre l'ouverture d'une journée, le 27 décembre, puis je suis convaincu, moi, que l'Opposition officielle collaborerait à cette annonce-là. Puis qu'on reporte, à ce moment-là, le projet de loi au mois de mars, qu'on puisse tenir une commission parlementaire, la commission de l'économie et du travail. Elle pourrait être restreinte. On pourrait en discuter, des modalités. Ça va nous permettre d'analyser les impacts, M. le Président, comme je l'ai dit cet après-midi sur la motion de report, sur les finances du gouvernement, sur l'emploi, puis sur le commerce des indépendants. Aussi, M. le Président, regarder la vulnérabilité de certains secteurs.

Ce qui est en jeu aujourd'hui, puis ce qu'on est en train de jouer ce soir, c'est l'avenir de tout le commerce du meuble au détail, M. le Président. Vous savez, lorsque, dans un contexte de mondialisation, je retrouve, moi, 700 fabricants ici, au Québec, qui produisent 1 200 000 000 $ avec 980 points de détail, je peux vous prédire d'ores et déjà que c'est au moins 30 % à 40 %, M. le Président, qui disparaîtront. Lorsque je regarde les deux plus grands détaillants qu'on a, c'est des chiffres d'affaires seulement de 30 000 000 $, entre 30 000 000 $ et 40 000 000 $ dans les bonnes années. Lorsqu'on fera affaire avec du commerce de détail qui sera dans les mains des chaînes, on ne sera plus capables d'approvisionner adéquatement et à temps avec ce principe sacro... qu'on ne garde pas d'inventaires aujourd'hui. Alors, ce sera la fin, M. le Président, de petites entreprises encore de chez nous. C'est ça qu'on met en danger.

Si on veut le faire, M. le Président, que le ministre de l'Industrie et du Commerce nous dise qu'aujourd'hui 62 % des emplois sont dans les services, qu'on donne les mêmes avantages de regroupement aux détaillants, M. le Président, pour en faire des forces qui vont êtres capables de compétitionner. Ça, c'est notre rôle en tant que législateurs.

Vous me faites signe qu'il me reste très peu de temps, j'accélère. Alors, je lui ai demandé aussi la situation des centres d'achats au niveau des locations. Je lui avais demandé aussi les raisons qui incitent les Québécois et les Québécoises au magasinage transfrontalier. J'avais demandé aussi, M. le Président, de consentement, d'avoir un vote libre pour commémorer notre 200e anniversaire, parce que je pense que c'est une question de fond. On verra l'ouverture qu'on aura lorsqu'on aura la troisième lecture.

Et aussi, M. le Président, l'agrandissement des parts de marché comparé aux baisses du dollar. Que va être l'effet de la baisse du dollar sur les détaillants, les grandes surfaces? Puis comment est-ce qu'on voudra aller gober les petits pour être capables de maintenir nos fameuses marges?

Alors, M. le Président, c'est tout ceci qui est en jeu. Malheureusement, les règles du jeu faisant en sorte qu'on est très limité dans nos temps de parole, je demande encore, moi, à M. le ministre, on lui tend la main ce soir, on lui tend la main ce soir en disant: On va vous aider, M. le ministre, à rencontrer votre engagement; on va ouvrir le 27. Ça va nous donner le temps, parce que janvier et février, comme il a été mentionné à plusieurs occasions dans cette Chambre, le commerce régional est très tranquille. Ça nous donnera la chance de nous pencher réellement sur les vrais besoins de l'économie du Québec et faire en sorte, M. le Président, qu'on arrive à la fin, non pas comme on a fait avec la loi 75, avec 3500 emplois de moins dans la petite entreprise que sont nos dépanneurs, mais réellement avec une création d'emplois. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président: Je cède maintenant la parole à M. le député d'Arthabaska.

M. Jacques Baril

M. Baril: Oui, M. le Président. Actuellement, on étudie la loi 59 qui permettra aux commerces ou aux magasins d'ouvrir le dimanche de 8 heures à 17 heures. Et à chaque fois que je prends la parole en Chambre, je m'efforce toujours d'être assez concret, d'être réaliste, et surtout de parler à partir d'exemples, à partir de vécu, à partir de ce que je vois quand je circule à travers le Québec, quand je circule dans mon comté, un peu partout.

Et cet après-midi, je suis descendu ici, en Chambre, pour écouter la réplique du ministre sur la motion de report de trois mois, je crois, pour étudier d'une façon plus approfondie les conséquences de cette ouverture des commerces le dimanche. J'ai été un peu étonné quand le ministre disait, cet après-midi, à l'Opposition: Mentez, mentez... Il y a un proverbe qui dit: Mentez, mentez, il en restera toujours un peu. Il disait: L'Opposition n'est pas sérieuse parce que, depuis que la session est ouverte, elle ne parle pas d'économie. Nous avons devant nous une loi économique, ils s'opposent, etc. C'était un peu le discours qu'il tenait cet après-midi.

Et je vous dis, j'ai été un peu surpris parce qu'il me semble - que le ministre nous avait habitués à d'autres choses que ça. Et là, il nous amène une loi qui fait partie du grand plan de relance économique du gouvernement qui va faire en sorte, si elle est adoptée, que les commerces ou les magasins pourront ouvrir le dimanche. Je me suis posé la question, M. le Président: Pour

permettre aux commerces, aux magasins d'ouvrir le dimanche, faut-il que les magasins soient ouverts, faut-il qu'il y ait quelque chose dans les magasins, faut-il qu'il y ait des hommes et des femmes qui aient quelque chose à vendre dans les magasins!

Et quand on visite les centres d'achats, quand on passe à travers les centres-villes, on s'aperçoit que les centres-villes sont déserts. Les magasins sont fermés, pas juste le dimanche, sept jours par semaine! Il n'y a plus personne dedans. Il n'y a plus de biens à vendre. Des faillites! lis ont fait faillite parce que l'économie est malade. L'économie est malade.

J'ai visité durant l'été... On n'a pas besoin d'aller loin. Tiens, juste ici, à côté, je pense à Place Québec. Je ne sais pas s'il y en a parmi vous autres ici qui vont faire un petit tour de temps en temps à Place Québec. Ça vaudrait la peine. Vous travailleriez mieux si vous alliez voir. Vous sauriez exactement sur quoi vous voterez tout à l'heure. À Place Québec, M. le Président, je n'ai pas compté mais, pour moi, il y a la moitié des magasins qui sont fermés. Et quand je dis fermés, il n'y a plus de biens, il y a des rideaux de fer en avant. On se jurerait en prison.

M. Garon: Les députés libéraux n'y vont pas.

M. Baril: Les députés libéraux ne veulent pas y aller, je comprends, parce qu'ils ont honte. Ils voient la réalité et ils ne veulent pas la voir, la réalité. Ils aiment mieux rester dans leurs bureaux.

Allons à Place Laurier, M. le Président, c'est la même chose. Je n'ai pas compté les magasins qui sont fermés. Il n'y a plus rien à vendre.

Allez à Sherbrooke. J'ai été surpris, pour ne pas dire stupéfait, cet été, à Sherbrooke. Je faisais le tour, j'allais dans plusieurs villes pour visiter et voir comment ça fonctionnait, les marchés publics, pour vendre les produits agricoles. On arrive à Sherbrooke, parce qu'il y avait un marché public qui venait d'ouvrir, et c'était juste attenant à un centre d'achats, à un immense centre d'achats.

J'arrive là, on entre à l'intérieur. Je pensais de voir... Tout de suite en entrant, rien, c'était vide. J'ai dit: Voyons! Comment ça se fait, ça? C'est vide, qu'est-ce qu'il y a là? On continue un peu. On s'en va plus loin.

M. Benoit:...

M. Baril: Un instant, le député d'Orford pourrait-il me laisser parler, M. le Président?

Le Président: Oui, s'il vous plaît. Alors, je vais demander la collaboration. M. le député d'Arthabaska a la parole. S'il vous plaît, M. le député! Vous pouvez poursuivre.

M. Baril: Je l'inviterais à aller faire un petit tour, ce n'est pas loin de chez eux, ce n'est pas loin de Sherbrooke. Le seul magasin, M. le Président, qui a ouvert dans ce centre d'achats, c'est une pharmacie, au bout, complètement au bout du centre d'achats. Partout ailleurs, il y a de grandes allées. Il n'y a rien, rien, rien, c'est vide. C'est vide, comprenez-vous? Et on a rencontré les dirigeants de la ville de Sherbrooke. Pour essayer de ramener du monde, des commerçants dans ce centre d'achats, c'est pour ça qu'on a établi le marché public là, en se disant: Si on intéresse le monde à venir ici, peut-être qu'il y aura des commerces qui vont venir s'établir dans le centre d'achats. Comprenez-vous?

J'ai été à Saint-Hyacinthe; ça fait exactement la même chose. Tu passes dans les centres-villes, tu circules dans les centres d'achats, ils sont à moitié vides. Il n'y en a plus de magasins dedans. (22 h 50)

Vous allez prendre Victoriaville, dans mon coin, dans les Bois-Francs. Il y a deux centres d'achats à Victoriaville. Il y a la Grande Place qui est ouverte, ça fait à peu près trois ans. Je ne sais pas s'il reste la moitié des magasins qui sont ouverts à la Grande Place. Vous allez prendre le Carrefour des Bois-Francs, c'est la même chose. Et je connais plusieurs commerçants, je les connais quasiment par leur petit nom, je vais vous dire franchement, M. le Président.

Je suis assez proche de mon monde, je les connais pratiquement par leur petit nom. La période des fêtes qui s'en vient est cruciale pour eux autres. Ils le disent, ils l'avouent: si la période des fêtes est une mauvaise période pour eux autres, ça va être la faillite après les fêtes, ça ne sera pas autre chose. Ce n'est pas cette loi-là qui va les rétablir, parce qu'ils ont le droit d'ouvrir, le mois qui vient. Ils ont le droit d'ouvrir. Qu'on aille à Plessisville, aux Galeries de l'érable, c'est la même chose; là, il y a plus de la moitié des magasins qui sont fermés. Et au centre-ville de Victoriaville comme au centre-ville de Plessisville, c'est la même chose. Je suis allé à Baie-Comeau, cet été. Il y a un centre d'achats - je ne sais pas lequel - encore là, c'est pareil, il y a plus de la moitié des magasins qui sont vides. Tout ça pour vous dire que, quand bien même on voterait une loi pour ouvrir les magasins le dimanche, est-ce que c'est ça qui va mettre de l'argent dans les poches du monde? Est-ce que c'est ça qui va leur permettre d'acheter? Les magasins sont déjà fermés parce que les gens ont fait faillite. Ça, c'est du concret, M. le Président.

Tu n'as pas besoin de te baser sur des études que tu vas payer je ne sais pas combien, 15 000 $, 20 000 $, 50 000 $ pour savoir: Est-ce

qu'on doit ouvrir les magasins le dimanche? Est-ce que les consommateurs ont besoin de ça, ouvrir les magasins le dimanche, pour aller acheter? Ils n'ont pas d'argent, les consommateurs. Il n'ont pas d'argent! Et, pour que les consommateurs puissent aller magasiner la semaine ou le dimanche, il faut commencer par les faire travailler. Et ce n'est pas avec 800 000 chômeurs, chômeuses et plus, au Québec, qu'ils vont avoir de l'argent dans leurs poches pour aller magasiner le dimanche. Est-ce que ça refoule aux portes, le jeudi, le vendredi, durant la semaine, n'importe quel jour? Est-ce que les gens jouent du coude pour entrer dans les magasins parce qu'il n'y a pas assez de magasins et qu'ils ne sont pas ouverts assez souvent? Moi, je n'ai jamais vu ça, M. le Président. Je n'ai jamais vu ça, que les clients se bousculaient pour être les premiers entrés dans les magasins, au cas où il n'y aurait plus de marchandises à vendre. Je n'ai jamais vu ça.

Pourquoi on va ouvrir le dimanche? Pourquoi on fait ça? Ça fait partie du plan de relance du gouvernement. Le ministre nous disait, cet après-midi, dans sa réplique, que l'Opposition ne parlait pas d'économie parce qu'elle ne posait même pas de question; elle ne posait pas de question sur l'économie. Depuis l'ouverture de la session, tous mes collègues et moi-même, toutes nos questions sont orientées sur l'économie. Toutes les questions sont orientées sur l'économie. La preuve: cet après-midi, j'ai demandé au ministre de l'Agriculture ce qu'il faisait, ce qu'il entendait faire. Est-ce qu'il avait un plan de relance pour relancer la production serricole au Québec? Au-dessus de 2000 emplois de perdus, dans ce secteur de l'économie là. Demandez ce qu'il disait: Ah non! on n'a rien, on n'a pas pensé à ça. S'il y a de quoi, s'il y a un problème - il n'a même pas l'air conscient du problème - qu'ils viennent me voir, on va regarder ça.

J'ai fait sortir la liste des entreprises, dans le secteur agro-alimentaire, surtout dans le secteur alimentaire, dans la transformation qui sont fermées, au Québec, depuis janvier 1992 à novembre 1992. C'est un relevé à partir des journaux, parce qu'on ne dispose pas de fonctionnaires ou de ministères qui peuvent nous fournir toutes les données sur les entreprises qui sont fermées. Et toutes les personnes dont les entreprises sont fermées ici, toutes ces personnes-là ne travaillent pas. Pensez-vous qu'elles vont aller acheter le dimanche, qu'elles vont aller acheter plus, le dimanche? Elles n'ont pas d'argent. J'aimerais ça que le ministre de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie, au lieu de passer son temps à défendre une loi pour ouvrir les commerces le dimanche, s'occupe de ça, ces entreprises-là, ici. Ça, c'est la base première de l'activité économique. La première fonction d'un ministre, c'est de faire travailler le monde, pas d'ouvrir les commerces.

Qu'est-ce qu'il a fait, le ministre, pour les usines que je vais nommer ici? Qu'est-ce qu'il a fait pour ça? Ses programmes qu'il lance partout - il dit qu'il y a plein de programmes, programmes d'aide ici, programmes d'aide là -comment ça se fait que ces entreprises-là n'ont pas pu en bénéficier? On va prendre, ici, l'usine Lactel, à Trois-Pistoles, qui fabrique du beurre et de la poudre de lait. Il reste une vingtaine d'employés qui travaillent - et l'échéance est le 31 décembre - sur 65 employés. L'usine de Plaisance: 250 mises à pied depuis deux ans. Il y en a une autre à Amqui, il y en a une autre à Saint-Agapit qui est fermée. Qu'est-ce que le ministre a fait pour ça? Hein? Ses plans de relance pour ça, ça a fait quoi? La Carnation, à Sherbrooke: 45 mises à pied pour deux mois. Unival, l'usine d'abattage de dindons, va fermer le 31 décembre - les travailleurs sont venus ici, en avant de l'Assemblée nationale: 310 mises à pied. Est-ce qu'on a un plan de relance pour ça, pour que ces personnes-là puissent continuer à travailler, et ça va être de l'argent pour aller acheter? Là, on pourrait justifier au moins peut-être mieux l'ouverture des commerces le dimanche, si les gens avaient de l'argent pour aller acheter. Les Rôtisseries Saint-Hubert: trois rôtisseries, deux à Montréal, une à Longueuil; Aligro, à Aima, un centre de distribution, 60 mises à pied; la Boulangerie Breton, Multi-Marques, 40 mises à pied. Qu'est-ce qu'il y a là? Ça vous fait mal?

Une voix: Tu ne sais pas de quoi tu parles!

Le Président: Un instant, s'il vous plaît! S'il vous plaît, M. le député! La parole est au député d'Arthabaska.

M. Baril: M. le Président, j'aimerais ça que le leader adjoint, quand il dit que je ne sais pas de quoi je parle, j'aimerais ça qu'il commence à vérifier les entreprises que je dis là, si c'est faux. Puis, je le répète, si le ministre, si son gouvernement faisait quelque chose pour maintenir les entreprises au Québec, ce serait plus justifié de passer une loi de même. Peut-être que les gens auraient plus d'argent pour aller acheter ce dont ils ont besoin, puis on pourrait peut-être ouvrir les commerces le dimanche. Donc, s'il ne me croit pas, qu'il se lève donc, puis il parlera tout à l'heure. Quand il a pris ses 10 minutes ou ses 20 minutes tout à l'heure, pourquoi il n'a pas parlé de choses de même au lieu de dire n'importe quoi puis essayer de se baser sur l'Ontario, puis de se baser sur les États-Unis? C'est ça qu'il a dit durant ses 20 minutes tout à l'heure. Il n'y avait rien de concret dans son affaire. Donc, qu'il me laisse parler. Je ne l'ai pas dérangé, moi.

L'usine Natrel...

M. Bélisle: M. le Président.

Le Président: S'il vous plaît! Un instant. Sur une question de règlement, M. le leader adjoint.

M. Bélisle: Une question de fait personnel, M. le Président. Tout simplement, je n'ai pas parlé pendant le débat.

Le Président: Bon. Alors, s'il vous plaît! S'il vous plaît, MM. les députés! Vous avez la parole, M. le député d'Arthabaska.

M. Baril: M. le Président, c'est encore plus grave s'il n'a pas parlé. Qu'il se lève après moi, puis qu'il parle, qu'il les prenne, ses 20 minutes, puis qu'il dise de quoi de concret.

La coopérative Natrel, fabrication de crème glacée, 47 mises à pied à Québec; Sanpri, magasin d'alimentation à Thetford, 40 mises à pied; Waldman, une poissonnerie à Montréal, 23 mises à pied. Qu'est-ce qu'ils font, vos programmes de relance? Qu'est-ce qui arrive? Pourquoi toutes ces mises à pied?

La Maisonnée, 5 dépanneurs à Québec fermés; Unival, un abattoir de poulets, 170 mises à pied; Maple Leaf, produits de salaison, 414 mises a pied. C'est tout du monde qui n'a pas plus d'argent, ils sont sur le chômage. Il n'ont pas plus d'argent pour aller acheter dans la semaine, ils n'en auront pas plus pour aller acheter le dimanche.

Les Produits Labonté, 25 mises à pied; les Fromages Crescent, filiale de Béatrice, à Saint-Laurent, 200 mises à pied; Pepsi, 5 usines d'embouteillage et centres de distribution, un à Sherbrooke, deux à Drummondville, un à Saint-Jean, un à Saint-Hyacinthe.

Qu'est-ce qui arrive avec ça? Pourquoi perd-on notre temps à discuter sur une loi que les gens ne veulent pas puis dont les gens n'ont pas besoin? C'est sûr que si on fait un sondage puis qu'on dit au monde: Voulez-vous que les commerces soient ouverts le dimanche? Moi, je vais dire: II n'y a pas d'objection. Prendre une petite promenade dans les centres d'achats le dimanche quand il fait froid, c'est plus agréable que dans les centres-villes à ciel ouvert. Bon. Ça fait que tu réponds non. Ça fait qu'eux autres, ils compilent ça: Oui, voilà! Ça y est! Il y a tant de monde qui sont pour l'ouverture des commerces le dimanche.

On nous dit que l'Opposition est seule à s'opposer à l'ouverture des commerces le dimanche. On nous dit qu'on ne sait pas ce qu'on fait, qu'on ne sait pas ce qu'on dit. Bien si on ne sait pas ce qu'on fait puis qu'on ne sait pas ce qu'on dit, est-ce que la Corporation des marchands de meubles du Québec ne sait pas ce qu'elle fait puis ne sait pas ce qu'elle dit? Est-ce que la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, section Québec, ne sait pas ce qu'elle fait, ne sait pas ce qu'elle dit? Ça commence à toucher du monde un peu. Comme le disait le député de Mille-Îles tout à l'heure, est-ce que ces gens-là, est-ce que tout ce monde est dans les patates? Là, ça commence à faire du monde un peu.

Le Regroupement des SIDAC du Québec, 5000 commerçants. Ça commence à faire du monde, M. le Président! Ça commence à faire du monde! L'Association des détaillants en alimentation du Québec, la Fédération des ACEF du Québec. Ça, ces consommateurs, ça c'est les vrais consommateurs qui sont ici. Pourquoi ils sont contre? Ils sont dans les patates eux autres aussi?

Le Groupe Cantrex inc., 500 magasins. Ça commence à en faire un peu. Armand Pagé, La Promenade Ontario, à Montréal; l'Association des marchands de Rimouski, Gestion Clément, les Magasins d'ameublements B V inc., 150 magasins. Ça commence à faire du monde un peu. Pourquoi ils sont contre ça, eux autres? C'est des gens qui sont liés par ça. C'est des gens qui vont vivre les conséquences de cette loi. (23 heures)

Les maîtres fourreurs associés du Québec, Ameublements Tanguay inc., le groupe Gagnon Frères, Alimentation Couche-Tard inc., la Chambre de commerce de Sherbrooke, la Chambre de commerce de Mont-Joli. Je recevais cet après-midi une lettre des magasins Mayrand & Frère, de Tingwick dans le comté de mon colègue de Richmond, qui ont un magasin aussi à Victoria-ville; ils sont en total désaccord avec ce projet de loi. Ils ne veulent pas que les magasins soient ouverts le dimanche.

Je viens de vous en nommer une série, là. Est-ce que tous ces gens-là sont dans les patates, ils ne savent pas ce qu'ils disent et ce dont ils parlent? Le rôle de l'Opposition, c'est de représenter ces gens-là ici, en Chambre, M. le Président, et de faire voir, de faire comprendre au ministre que, si nous nous opposons, c'est parce qu'il y a des gens en arrière qui nous disent: Ça n'a pas de bon sens, ce projet de loi, on n'a pas besoin de ça. Pourquoi les gens vont-ils acheter en Ontario? Pourquoi les gens vont-ils acheter aux États-Unis? Mes collègues l'ont dit tout à l'heure, c'est à cause des taxes impossibles, incalculables que ce gouvernement-là impose présentement. C'est à cause aussi de la surévaluation du dollar canadien. Tous les gens le reconnaissent, tous les hommes et les femmes d'affaires reconnaissent que le dollar canadien était surélevé, qu'il faisait tort en plus à l'ensemble de l'économie québécoise, à tous nos manufacturiers, nos exportateurs. Ils se trouvaient moins compétitifs à cause de la surévaluation du dollar. C'est pour cette raison-là, entre autres, que les gens allaient magasiner aux États-Unis tout en faisant un petit tour le dimanche. Ils ne revenaient pas ici avec la valise pleine de toutes sortes de choses, ils allaient là pour remplir le réservoir d'essence, pour s'acheter du «fumage» pour la semaine, et pour acheter

quelques produits, profiter de quelques spéciaux dans les magasins à Plattsburg, et alentour du Québec. C'est pour cette raison-là que les gens allaient aux États-Unis et qu'ils vont aux États-Unis. Ce n'est pas parce que les magasins sont fermés ici le dimanche et que les gens ne peuvent pas acheter, voyons donc! Commençons donc par faire travailler les gens au Québec et, après ça, on commencera à voir. S'il y a foule à l'entrée des magasins, au lieu d'avoir des révoltes et des bousculades, là, on pourra comprendre facilement, comprenez-vous, soit qu'il n'y a pas assez de magasins ou bien qu'ils ne sont pas ouverts assez longtemps. Et là, on révisera la loi et on dira: C'est vrai, il faut ouvrir ça absolument le dimanche, parce que le monde a assez d'argent, tout le monde travaille, et là le monde ne finit plus et il veut acheter, ce qui fait qu'on va lui donner la possibilité d'acheter durant une plus grande période et on va ouvrir les commerces le dimanche.

M. le Président, ce n'est pas en ouvrant les commerces le dimanche qu'on va régler les cas de faillites au Québec. Un record de faillites au Québec, c'est ça la situation économique au Québec: un record de faillites, un record de déficit, un record de chômage, un record d'assistés sociaux jamais vu, un record de vide politique, un gouvernement qui n'a pas d'idées. Le seul plan de relance, c'est d'ouvrir les commerces le dimanche. Il faut le faire, M. le Président! C'est quelque chose, vous savez. C'est tout un plan de relance, ouvrir les magasins le dimanche. Et là, le gouvernement était pratiquement insulté parce que l'Opposition lui avait fait perdre tout son plan de relance. Il venait de tomber, son plan de relance. C'est quelque chose, vous savez. On va baser l'avenir du Québec sur l'ouverture des magasins le dimanche. Moi, je n'en reviens pas, M. le Président, tout simplement pas. Pourquoi de plus en plus de gens se désintéressent-ils? Il y a une sorte de soumission, je dirais, au niveau des décisions gouvernementales. Parce que les gens sont découragés. Les gens se disent: On a beau faire n'importe quoi, on a beau dire n'importe quoi au gouvernement, il ne nous écoute pas. Il ne veut rien savoir. Les gens n'ont même plus d'argent pour monter ici, à Québec, pour venir manifester devant l'Assemblée nationale. Il y a un désintéressement complet, M. le Président. Il y a un désintéressement complet. Ils disent: Ça ne donne plus rien, le gouvernement ne nous écoute pas, et il fait à sa tête pareil. C'est dangereux, ça, M. le Président. C'est dangereux et c'est pour ça que la confiance, entre autres, entre les hommes et les femmes politiques, diminue. Elle diminue parce qu'on ne les écoute pas. On ne les écoute pas, absolument pas. On va à rencontre de leur volonté, à l'encontre de leurs désirs, comprends-tu? Ce qu'ils veulent, c'est travailler. Ils ne veulent pas acheter le dimanche, les gens veulent avoir des jobs. C'est ça qu'ils veulent avoir. Qu'est-ce que ce gouvernement-là offre d'autre aux travailleurs et aux travailleuses que d'aller magasiner le dimanche? On vient de nous sortir qu'on va créer 8000 emplois. Encore faudrait-il que les gens commencent par avoir de l'argent pour acheter. Je le répète, M. le Président, il faudrait que les gens commencent par avoir de l'argent pour acheter, avant d'ouvrir les magasins le dimanche.

C'est pour cette raison, M. le Président, que j'ai essayé de vous démontrer, à partir d'exemples bien concrets, que ce projet de loi là, il n'y a personne, à part les grandes chaînes de magasins qui veulent s'emparer de tout pour venir à bout d'avoir le contrôle au complet... Nos petits commerçants, nos petites entreprises privées, qui fonctionnent avec l'homme, la femme et les enfants, on les amène directement à la faillite avec un projet semblable. Et c'est pour cette raison, bien entendu, M. le Président, que j'invite le gouvernement, j'invite le ministre à refaire ses devoirs, à remettre ça à plus tard et à dire: On va faire d'autres choses. Au lieu de travailler pour faire ouvrir les commerces le dimanche, on va s'asseoir ensemble, on va essayer de trouver des projets concrets pour relancer l'économie au Québec. Pas une affaire de même!

Le Président: Je cède maintenant la parole à M. le député de Lévis.

M. Jean Garon

M. Garon: M. le Président, je viens d'entendre deux bons discours, le discours du député d'Arthabaska et le discours du député de Drum-mond, qui sont des discours de gens qui ont les yeux devant les trous et les pieds à terre. Malheureusement, dans la société dans laquelle on vit, on a trop de gens «flyés». Le ministre des Affaires municipales, qui veut que les dépanneurs vendent de la bière 24 heures par jour, il a fait de la morale à tout le monde toute sa vie et, aujourd'hui, ouvrons les bars. Il passe d'un excès à l'autre. Manque de jugement, pas d'équilibre. Aujourd'hui, on nous dit: Ouvrons les magasins. Ouvrons les magasins, et les seules représentations... J'ai écouté le député de Drum-mond, il a sûrement dit la vérité; c'est la même chose pour moi. J'ai été dans mon comté et, s'il y a une place où il y a des commerces, c'est dans le comté de Lévis. Dans le comté de Lévis, il y a au-dessus de 1000 commerces, uniquement sur la 132, sans compter la route Kennedy. Il y en a, des commerces. Je n'ai pas vu une seule personne qui m'a demandé qu'on ouvre le dimanche. Et quand je suis allé au magasin de meubles, chez Tanguay, la semaine dernière, j'étais entouré par des employés qui ont dit: Merci d'avoir empêché qu'on ouvre dimanche prochain -en parlant du dernier dimanche de novembre. Et ils nous ont demandé que ça reste fermé le

dimanche. Le patron était là, les employés tous ensemble, tout le monde était du même avis. J'ai rencontré l'Association régionale des détaillants en alimentation ici, au parlement. Ils ont demandé à me rencontrer et eux aussi étaient uniformément contre l'ouverture le dimanche.

Je me rappelle, il y a quelques années, quand le gouvernement, au lieu d'écouter l'Association des détaillants en alimentation, au lieu d'écouter les propriétaires de Provigo, de Métro, aimait mieux écouter Pierre Lortie. Pierre Lortie a été mis dehors de Provigo après avoir perdu 60 000 000 $, mais eux sont restés avec les magasins ouverts. Le Parti libéral s'occupait plus de ceux qui s'occupaient de sa caisse électorale que des gens. qui étaient contre l'ouverture le dimanche. C'était ouvert. Ces grands génies de l'alimentation ne sont plus là, mais les gens sont restés poignes avec les décisions, par exemple. Aujourd'hui, on écoute qui? On n'écoute pas les détaillants en alimentation, ils sont contre. On n'écoute pas les marchands de meubles, ils sont contre. Pourquoi? Parce que eux savent que, dans le domaine de l'alimentation, ça ne prend pas 500 watts pour savoir ce qui se passe. Au Québec, l'alimentation est menée par les entreprises familiales. Provigo, Métro sont des regroupements d'entreprises familiales, et Steinberg est en train de prendre la même formule de survente, ici et là, à des propriétaires individuels. Avant que Steinberg soit vendue à des entreprises locales, 70 % du commerce d'alimentation était dirigé par des propriétaires d'épicerie qui formaient des regroupements, alors que, dans le reste de l'Amérique du Nord, c'était le contraire. Essentiellement, c'était dirigé par des chaînes avec des gérants dans les magasins. pourquoi les gens ne veulent pas ouvrir le dimanche? parce qu'ils ont une famille, parce que ce sont des entreprises familiales au québec. c'est le seul endroit en amérique du nord où c'est comme ça. il faut savoir au moins de quoi on parle. c'est le seul endroit en amérique du nord. aujourd'hui, les gens disent: est-ce qu'on aurait le droit à une journée chez nous, normale, au lieu d'être obligés de travailler sept jours par semaine? les employés demandent: pourquoi on n'aurait pas droit à une journée, nous aussi, le dimanche, pour se reposer, pour que la femme, l'époux, les enfants... ce qui reste de famille au québec, est-ce qu'on veut l'achever? on a 40 % de décrochage dans nos écoles secondaires. trois ans et demi pour faire deux ans de cégep. on vient de voir les résultats du succès mirobolant de nos étudiants universitaires en comptabilité, qui ont échoué à 63 % - 37 % seulement ont réussi. c'est ça qu'on veut? rachever ce qui reste? une société qui s'en va chez le diable actuellement. pourquoi? parce qu'on est administrés par des deux de pique, des gens qui n'ont pas de jugement. (23 h 10)

Actuellement, M. le Président, les taux de chômage sont devenus, au Québec, les taux des années trente. Vous voulez quelques chiffres que j'ai compilés. Quand vous regardez le chômage, on pourrait faire une étude... Statistique Canada, par Dave Bower, qui montre les taux de chômage des années 1928, 1929, 1930, 1931, 1932, etc. On voit que, sur une base comparative, le taux de chômage le plus élevé a atteint - sur une base comparative, je dis bien - 20 % en 1933. En 1929, au début de la crise, il était à près de 10 %, selon l'étude comparative. Je regarde une étude non comparative, des chiffres absolus comme comparables du temps, des statistiques, parce qu'on n'avait pas les mêmes statistiques dans ce temps-là qu'aujourd'hui, les chiffres de l'annuaire du Canada: ouvriers, chômage parmi les ouvriers syndiqués... C'étaient les statistiques qu'on avait dans le temps. Vous vous demandez c'était quoi? En décembre 1929, alors qu'on venait de connaître le krach de la Bourse, en octobre 1929, les statistiques sur le chômage en décembre 1929, c'étaient quoi? 14,5 %.

Au mois de novembre, on vient de voir les chiffres: 14,3 %. On est rendu dans la dépression économique. Savez-vous qu'aujourd'hui, M. le Président, on ne compte pas tous les chômeurs parce que, si on les comptait tous... Chômage, en novembre, 490 000 chômeurs, et c'est sans compter les bénéficiaires de l'aide sociale: 428 000 ménages sur l'aide sociale, ce qui représente 7000 bénéficiaires. Là-dessus, disons 428 chefs de famille, si vous voulez, hommes ou femmes. Il y en a sans doute quelques-uns qui sont des conjoints, qui sont aussi sur le bien-être social. Prenons 428 000 ménages où l'homme ou la femme sont chefs de famille en chômage: pour 700 000 bénéficiaires, plus 490 000 chômeurs, on est rendu à 918 000, alors que ceux qui sont au travail, c'est 2 925 000. Ça veut dire qu'on est rendu à quoi dans le chômage réel quand on regarde les chiffres? En tenant compte de tous ceux qui ne travaillent pas, qui sont sur le chômage ou sur le bien-être social, on est rendu dans la crise des années trente.

Une voix: Pire même.

M. Garon: Qu'est-ce qu'on regarde actuellement? Le député d'Arthabaska l'a dit avec raison, des centres d'achats où ça ferme. Puis on nous dit: Notre solution, nous autres, les gars, on va ouvrir les magasins le dimanche, alors qu'on a 15 % de la population quasiment qui est sur le chômage puis encore 15 % sur le bien-être social. Je vous dis que ça va acheter fort, le dimanche! Est-ce qu'on est malade? Je n'ai pas eu une seule demande, à mon bureau, pour qu'on ouvre le dimanche. Puis on nous dit que c'est ça. Parce que le gouvernement est déconnecté, il est totalement déconnecté, il n'a aucune idée où il s'en va.

J'ai une demande aujourd'hui. Une demande. Une lettre que j'ai reçue aujourd'hui. On me

demande d'aller manifester dans la vallée de la Matapédia avec le Syndicat canadien des travailleurs du papier, parce qu'ils ont peur que leur usine ferme. Ils vont manifester mercredi. Comme je ne sais pas si je vais être libre, je leur ai envoyé un télégramme qui disait: Si vous manifestez samedi, ça me fera plaisir d'y aller mais, mercredi, comme je ne sais pas si je vais être en commission parlementaire ou à l'Assemblée nationale, je ne pourrai sans doute pas y aller mais je suis avec vous autres de coeur. Parce qu'ils ont peur que l'usine Panval ferme. Regardez, dans le domaine du papier, où ça s'en va. Ça s'en va chez le diable. Ça s'en va chez le diable, dans le domaine du papier. Les scieries, même affaire, ça ferme.

Il vous a parlé tantôt, le député d'Artha-baska, des entreprises dans le domaine agricole, dans le domaine de la transformation alimentaire, qui ferment. Qu'est-ce que le ministre nous dit? On va ouvrir le dimanche. Les gens qui ne vont pas à la messe vont aller magasiner. Imaginez-vous, M. le Président! Des solutions! C'est quelque chose. On n'est plus dans les deux de pique, on est dans les deux de carreau. C'est d'une tristesse épouvantable, M. le Président. C'est une tristesse épouvantable de voir un gouvernement sans imagination, déconnecté, «flyé». On regarde quoi?

Le ministre des Transports veut faire une réforme administrative de son ministère, lui; il ferme un bureau et en ouvre un autre, comme des poissons rouges dans l'aquarium qui font des belles, ils ne dérangent pas la conversation dans le salon. Vous voyez des poissons rouges dans le petit aquarium, ils ont beau virevolter, tournoyer, ils ne dérangent personne assis sur les fauteuils. On voit ça, ces ministres, ils sont comme des poissons rouges dans un aquarium. Ils font des belles, ils virevoltent. C'est ridicule. Quand on regarde-Une voix:...

M. Garon: Moi, je me promène avec des chèques dans mes poches... J'avais des chèques dans mes poches - vous, vous avez des dettes dans vos poches. T'as beau... De savoir négocier, c'est une affaire - vous, vous vous promenez avec rien dans vos poches. Vous avez des dettes, avec un gouvernement qui est rendu à un déficit de 5 000 000 000 $, alors que les taux d'intérêt baissent. Nous, on a fait des déficits quand les taux d'intérêts étaient à 16,5 %, à 19 %, ou à 20 %, en 1981, 1982, 1983. Et vous, vos déficits augmentent, alors que les intérêts baissent. Ils nous disent: À cause de la dette! Quand les intérêts baissent, la dette coûte moins cher, elle ne coûte pas plus cher. Et le déficit augmente. Pourquoi? Mauvais gestionnaires, ils ne savent pas compter. Ils n'ont pas dû passer leur examen de comptabilité, eux autres non plus.

M. le Président, un gouvernement fini! Un gouvernement fini! Je le disais l'autre jour à la représentante de l'Immigration qui disait à quel point les régions devaient accueillir des immigrants. Voyez-vous un immigrant malade en Gas-pésie avec 30 % de chômeurs? Il va aller faire quoi, là? Chômer lui aussi! Avec les taux de chômage qu'on a, on ne pensera pas de dire: Venez-vous-en, les gars! Ils vont aller faire quoi? Ils vont aller faire quoi, en Gaspésie, il n'y a plus de poisson.

Une voix: Des poissons rouges.

M. Garon: À moins qu'on ne fasse des flignes-flagnes comme le fédéral, leur donner un chèque de paie pendant un bout de temps pour les qualifier pour l'assurance-chômage, pour les faire payer par les autres travailleurs, alors que ce n'est pas ça, l'assurance-chômage. Des flignes-flagnes! Un gouvernement dangereux.

L'État. Autrefois, on disait: C'est un État qui peut nous aider. Aujourd'hui, les gens ont peur de l'État; c'est un mafioso, l'État. On ne sait jamais quand est-ce qu'il va mettre la main dans nos poches, quand est-ce qu'il va essayer de nous faire crever. Les gens ont peur de la réglementation, ils ont peur de l'État. Je me rappelle, au début des années soixante, quand René Lévesque disait: «Faisons confiance au plus fort des nôtres, l'État», les gens ont fait confiance, ils pouvaient nous aider. On a fait l'assurance-santé, on a fait différentes choses. Aujourd'hui, on est rendu à téter un 2 $ aux vieux; 2 $ aux personnes âgées. Ça coûte plus que 2 $ pour le collecter. Vous avez des gens à 35 000 $ par année qui sont là à ramasser des 2 $. Je vais vous dire: Combien vous ramassez de 2 $ à l'heure pour que ce soit payant? Voyons donc, M. le Président!

Une voix: La pertinence.

M. Garon:on est dans la pertinence, oui. quand tu as la crise économique qu'on vit là, avoir des députés comme vous, c'est impertinent, m. le président. des députés qui n'ont rien à dire, des carpes; ils ouvrent la bouche, ils la ferment, ils la rouvrent et ils la ferment, il ne sort pas de son. le vide de la pensée économique! un gouvernement pourri qui n'a rien à dire, rien à proposer. j'arrive d'une commission parlementaire avec le ministre des affaires municipales, grand moraliste devant l'éternel. il s'est fait dire par ceux qui sont venus, les experts: n'allez pas trop vite, vous êtes en train de bousiller notre système d'évaluation foncière. pourquoi? parce que c'est pas rien que de faire des éditoriaux moralistes qu'on connaît tout, doctorat global. quand tu arrives dans les choses concrètes, tu as de la misère à démêler une fraise d'un éléphant. c'est ça, le gouvernement qu'on a en face de nous. m. le président, je dis «une fraise d'un éléphant»; admettons «une fraise

d'un cheval», si vous aimez mieux. Essentiellement, le monde regarde ça et il ne peut pas en croire ses yeux de ce qu'il voit actuellement au gouvernement. Ça n'a pas de bon sens. Le monde est découragé. Il peut arriver n'importe quoi dans une société comme celle qu'on a actuellement, une société malade actuellement, qui regarde un gouvernement en face d'elle et il y a des charlatans. Ils ne sont pas capables de diagnostiquer les problèmes.

Pensez-vous que le problème économique, au taux de chômage qu'on a actuellement et au taux d'aide sociale, c'est le problème de l'ouverture du dimanche? Rien que de penser à ça, ça veut dire qu'on n'est pas capable de faire le diagnostic. C'est un peu comme si j'allais chez le médecin, M. le Président, je saignais à plein visage et il me soignerait pour un tour d'ongle! Vous allez dire: II y a quelque chose qui ne va pas. C'est arrivé, je suis allé avec ma petite fille à l'hôpital pour une radiographie des poumons. À un moment donné, elle dit: C'est la première fois que je fais faire une radiographie, j'ai trouvé ça drôle, ils m'ont radiographié le nez. J'ai dit: II y a quelque chose qui ne va pas. J'ai demandé s'ils s'étaient trompés de patient. Le nez, ça devait être l'autre après, parce qu'elle avait eu le nez cassé. C'était une femme de la police qui avait eu le nez cassé par quelqu'un qui l'avait attaquée. Voyez-vous. Ce n'était pas un mauvais diagnostic. C'était une erreur sur la personne. On est comme ça dans l'économie actuellement. Il va falloir des gens qui ont les deux pieds sur terre, pour analyser la réalité de l'économie, M. le Président. La réalité actuellement, c'est que ça va mal à peu près dans tous les secteurs. Et on ne réglera pas des problèmes avec des affaires comme ça, avec des lois sur le dimanche. Ça n'a pas de bon sens, M. le Président. Moi, je trouve ça d'une tristesse épouvantable d'être dans le parlement avec un taux d'aide sociale... On est rendus à 428 000 ménages, 700 000 personnes sur l'aide sociale, 490 000 chômeurs - on a augmenté le nombre. Les pertes d'emplois: les emplois ont baissé de 31 000 avec le mois passé. On a 60 000 chômeurs de plus, 44 000 assistés sociaux de plus en l'espace d'un an, d'octobre à octobre. On regarde ça et on dit: Si on ouvrait les magasins le dimanche, ça réglerait le problème. Ça n'a pas de bon sens. (23 h 20)

Le député d'Arthabaska disait: Les gens se promènent dans les centres d'achats. J'ai parlé avec des gens dans les magasins. Ils m'ont dit: II y a autant de monde qu'avant. Peut-être bien plus. Il va y en avoir plus cet hiver parce que les gens vont aller là pour se faire chauffer. Ils vont dire: Au moins, dans le centre d'achats, c'est chauffé, ça nous coûte rien. Ça ne veut pas dire qu'ils achètent dans les magasins. Pour acheter, ça prend de l'argent dans nos poches.

Quand on regarde le niveau des taxes, le fédéral arrive: Envoyé! Le provincial arrive: envoyé! le municipal arrive: envoyé! les taxes scolaires, depuis trois ans, sont deux fois et demie plus élevées, 250 % d'augmentation. après que tu as payé toutes ces taxes-là, on dit: ce n'est pas assez. l'électricité, 35 % d'augmentation, la tvq, la tps. tu n'en as pas assez: le permis de conduire, de 6 $ passe à 20 $; le permis d'immatriculation, de 37 $, en 1985, à 90 $. si tu es dans la zone qu'ils ont décrétée - 195 municipalités - ça va être 120 $, 30 $ pour le transport en commun et, sur les 195, il y en a 123 qui n'ont même pas de transport en commun dans leur municipalité. tous les flignes-flagnes possibles pour siphonner le citoyen. puis, après ça, on se dit: comment ça se fait qu'ils n'achètent pas? bien, il n'y a plus d'argent. il n'y a plus d'argent. vous regardez des gens qui ont des bons revenus. ils disent: je ne sais pas comment le monde fait; on n'arrive pas, on est deux qui travaillent. les deux ont 40 000 $ et 50 000 $ par année et ils n'arrivent pas. on se demande comment ça se fait que le monde peut arriver. on pense que les gens vont... ils vont faire ça comment? moi, je n'ai jamais vu le ministre faire la multiplication des pains. qu'il multiplie quelque chose, pour voir, à partir de rien. je n'en ai pas vu. actuellement, je regrette, c'est la misère noire au québec. puis, cet hiver, quand on est rendu à 14,3 % de chômage au mois de novembre, ça va être quoi en décembre? ça va être quoi en janvier? ça va être quoi en février?

Le député de Drummond a raison quand il dit: Le plus grand service qu'on pourra rendre... Il a dit: Le 27 - moi, je dirais jusqu'au 31 - ouvrir - après Noël, entre Noël et le Jour de l'an, pour clairer les inventaires si c'est possible à des prix de rabais, pour leur permettre de passer au travers en janvier et février parce qu'ils ne vendront pas grand-chose. Soyons réalistes. Le monde est cassé. En fin de semaine, je suis allé chez le boucher, ça faisait longtemps que je n'étais pas allé, je suis arrivé et j'ai dit: Vendez-vous encore du boeuf pour les congélateurs? Il a dit: On n'en vend pas beaucoup. J'ai dit: Comment ça? Il a dit: Vous vous rappelez, vous, quand vous en achetiez, on en vendait plus dans ce temps-là. Mais j'ai dit: Pourquoi vous n'en vendez plus? Il a dit: Le monde n'a pas d'argent; acheter un boeuf pour le congélateur, il faut que tu paies «cash» un certain montant. Il a dit: Le monde est trop endetté, ils n'ont pas assez d'argent, on n'en vend plus de boeuf pour le congélateur. Il a dit: En plus, le boeuf a remonté. J'ai dit: Pourquoi? Bien, vous comprenez, le dollar canadien a baissé, il coûte moins cher pour les Américains, ça fait qu'ils viennent le chercher. Ça fait qu'il dit: Nous autres, on en a moins, il coûte plus cher, on le vend plus cher. Vous voyez! Notre pauvreté amène des augmentations des prix dans certains cas. Les effets de la crise économique.

Ce qu'il faudrait, c'est que les députés...

Moi, je dirais, ce qu'on devrait faire, c'est dire aux députés: Fermons le parlement pendant un mois, puis rapportez-vous, vous allez faire du centre d'achats du matin jusqu'au soir, dans les magasins, rencontrer les acheteurs, les magasi-neurs qui n'achètent pas, ceux qui achètent puis les commerçants; vous reviendrez dans un mois, vous allez en savoir pas mal plus. Mao avait décidé, à un moment donné, d'envoyer du monde aux champs pour leur faire comprendre des affaires. Ils allaient ramasser des fraises, ça leur mettait du plomb dans la tête. Moi, je pense qu'il y a des députés ici qui devraient aller voir ce qui se passe dans la vraie vie. Ils se rendraient compte actuellement que ça va mal. Ça va mal! Les citoyens sont inquiets. Il y a ceux qui n'ont plus de job; je dirais qu'ils sont moins inquiets que ceux qui ont peur de perdre la leur. Parce que les gens qui en ont encore se demandent: Ça va durer combien de temps? Quand ils vont la perdre, leur job, comment ils vont faire pour faire leurs paiements?

Tantôt, en bas, on était en train d'étudier la fiscalité municipale, comment on va charger, évaluer les commerces où les magasins sont fermés pour leur charger des taxes. On est en train de se demander... Là, on parle d'un système américain, le faisceau de taxes. Hein! Le faisceau dans l'évaluation. Imaginez-vous! Les experts qui sont venus ont dit: On copie une méthode américaine des années trente pendant la crise économique: faire payer des taxes à des citoyens qui n'avaient pas d'argent, parce que les municipalités avaient peur de ne plus avoir de revenus. On est rendu dans ces mesures-là par notre grand moraliste national, le ministre des Affaires municipales. Comment taxer ceux qui n'ont pas de revenus? Comment taxer les centres d'achats où les magasins sont vides? C'est quelque chose, M. le Président.

M. le Président, quand on a un gouvernement comme ça, on n'a pas besoin d'ennemis. On n'en a pas besoin. On est servi. Actuellement, le gouvernement est dangereux. Un gouvernement en sursis, dangereux, parce qu'il se tire dans toutes les directions, comme un taureau dans l'arène où le sang lui coule dans les yeux. Il ne voit plus clair et il court dans toutes les directions sauf que, actuellement, tout ce qu'il peut faire, c'est faire du mal.

Je vais vous dire une chose, je fais une prédiction. Dans le domaine de l'alimentation, si vous adoptez cette loi, je vais vous dire qu'il va y avoir des difficultés, parce que les entreprises familiales vont se poser des questions, si elles doivent continuer à vivre dans un domaine où il faut travailler sept jours par semaine. Dans notre domaine, actuellement, beaucoup de ceux qui ne veulent pas, c'est parce qu'au Québec on a une structure de l'entreprise familiale dans des secteurs où ailleurs, en Amérique du Nord, ce n'est pas des entreprises familiales. Pourquoi ils ne veulent pas? C'est parce qu'ils veulent se garder une journée pour vivre. Puis tantôt, on va payer cher. Je vais vous dire, vos amis vont être les premiers à venir pleurer. Un des premiers sans doute sera Provigo. Regardez le nombre de gens qui ne veulent pas opérer de cette façon-là: des détaillants dans l'alimentation, des détaillants dans le meuble et d'autres gens connectés qui sont des entreprises familiales. Vous êtes en train de faire la loi la plus mauvaise qu'on puisse imaginer pour l'entreprise familiale du Québec. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président: Nous poursuivons le débat avec l'intervention de M. le député de Shefford.

M. Roger Paré

M. Paré: Oui, merci, M. le Président. Moi aussi je tiens à intervenir sur le projet de loi 59 parce que c'est loin d'être une petite loi, c'est majeur. Je vais essayer de convaincre le ministre de reculer et de ne pas passer cette loi, parce qu'à mon avis, et j'en suis convaincu, c'est non seulement une erreur économique, c'est une erreur sociale. C'est un changement de société qu'on est en train de nous imposer, sans discussion et c'est un changement qui est fondamental. Il ne faut pas prendre ça pour des niaiseries ou des farces, c'est majeur, ce qu'on va imposer aux citoyens et au citoyennes du Québec. Puis, on ne s'en rend pas compte.

Mes collègues avaient raison, autant mon collègue de Lévis que mon collègue de Drummond tantôt. Allez-y dans votre comté. Moi, j'en arrive, comme vous tous. Sauf qu'aujourd'hui j'arrive de mon comté. J'ai fait ma tournée comme tout le monde en fin de semaine. J'ai consulté les gens. Personne n'a demandé que les magasins soient ouverts le dimanche. Je ne sais pas d'où ça vient cette idée de nous dire que tout le monde veut qu'on ouvre le dimanche. Oui, le ministre... Et je vais revenir tantôt en parlant de Granby, je vais y revenir tantôt. Mais, ce que je veux dire par rapport à la loi actuelle, qui a demandé? Est-ce qu'il y a des gens qui sont allés vous voir dans votre bureau pour dire: Aie, moi, j'aimerais ça que les magasins soient ouverts le dimanche? Bien, voyons donc! Arrêtez de prendre les gens pour des portefeuilles puis des sacoches qui ont juste à dépenser de l'argent qu'ils n'ont pas. C'est des citoyens, c'est des gens qui ont aussi le droit de faire autre chose que de dépenser pour payer des taxes. Mais, ce n'est pas vrai que des gens sont venus nous voir pour nous dire: II faut absolument que les commerces ouvrent le dimanche. Ce n'est pas ça, la réalité. Moi, j'ai fait le tour en fin de semaine et je le demandais autant aux commerçants, aux consommateurs, aux citoyens que j'ai rencontrés. C'était unanime: Bien non, ça ne créera pas d'emplois, puis ce n'est pas une nécessité, puis ce n'est pas une obligation.

Sauf que, si on passe cela, là on va chan-

ger la façon de vivre au Québec. On va changer les comportements, puis on va faire crever des entreprises bien plus qu'on va créer des emplois. Et ça, il faut le dire. À ceux qui nous disent: Mais vous devriez donner votre consentement, l'Opposition, parce qu'on est en crise économique. Ce n'est pas parce qu'on est en crise économique, puis ce n'est pas parce qu'on a en face un gouvernement qui a perdu le contrôle total que, nous, on va accepter des mesures qui vont venir empirer la situation. C'est pour ça qu'on est contre. C'est une mesure anti-économique et antisociale, et je vais vous expliquer pourquoi.

En 1990, lorsqu'on a voté la loi 75, on a écouté les gens. Il y a des gens qui sont venus se faire entendre. Et le gouvernement a reculé. Quand le gouvernement a écouté et quand les gens sont venus nous soumettre leur argumentation, le gouvernement a reculé parce qu'il s'est aperçu que ça n'avait pas de bon sens. Comment ça se fait que, cette fois, sans consultation, on décide de modifier la vie des gens? Pas juste des commerçants, de leur famille et du vécu en société qu'on connaît au moment où on se parle. Pas de consultation puis, là, on décide que, parce que le ministre a consulté quelques personnes, c'est comme s'il y avait eu une consultation générale. Ce n'est pas ça, la réalité. Il faut entendre tous ceux qui ont quelque chose à dire là-dessus avant de changer ça, parce que quand on l'aura changé, ça va être pour longtemps. Ce n'est pas vrai qu'on va reculer facilement. On est en train de modifier notre façon de vivre sans en parler aux gens. Ensuite de ça, vous essaierez de reculer. Vous allez vous apercevoir que quand on passe une loi aussi fondamentale que celle-là, on est «pogné» avec et on est «pogné» pour longtemps, même si les effets sont négatifs. (23 h 30)

On a reculé en 1990, mais on n'a pas reculé totalement, on a permis l'ouverture des marchés d'alimentation, avec certaines restrictions. J'aimerais ça, avant qu'on modifie pour l'ensemble des commerçants, qu'on nous dépose les résultats de ce geste et qu'on nous parle des fermetures que ça a entraînées au niveau de nos dépanneurs. Les centaines de dépanneurs qui ont fermé, est-ce que ce ne sont pas des chômeurs au moment où on se parle? Est-ce que ça ne fait pas partie de nos 14,3 % de chômeurs? Et quand on parle de 14,3 % de chômeurs, ça n'inclut pas ceux qui sont maintenant sur l'aide sociale parce qu'ils ont fini leurs prestations d'assurance-chômage, et ça n'inclut pas tous ceux qui travaillent à temps partagé. Parce que là je dois vous dire, on dépasse largement les 20 %. Bien, c'est des mesures comme ça qui amènent du chômage. Quand on fait fermer nos petites et moyennes entreprises qui sont des commerçants et des dépanneurs, bien, c'est du chômage et c'est de l'économie en moins qui tourne. C'est ça, la réalité.

L'économie du Québec repose sur quoi? Tout le monde le dit, tout le monde le reconnaît, l'économie du Québec repose sur nos petites et moyennes entreprises, sur nos entreprises locales. On dit que c'est les PME qui créent 80 % des emplois dans tous les secteurs, y compris dans le secteur du commerce au détail. Au Québec, oui, on est une société particulière. Au Québec, 75 % de nos commerçants, ce sont des indépendants, des PME dans le secteur du commerce au détail; 75 %. C'est quoi, la réalité en Amérique du Nord? C'est l'inverse. En Ontario, aux États-Unis, c'est à 75 % contrôlé par des grandes surfaces, par des centres commerciaux. Au Québec, c'est 75 %. Là, on amène une mesure qui va favoriser qui? Les grandes surfaces, les centres d'achats. Au détriment de qui? Au détriment de nos petites et moyennes entreprises, au détriment de nos commerçants indépendants, de nos commerçants québécois.

On l'a tenu, le beau discours de l'autre côté, et on le tient encore: Lancez-vous en affaires! Partez votre petite entreprise! Ne vous gênez pas, vous êtes capables! Mais en même temps, par exemple, on amène des mesures qui vont faire crever nos PME, nos entreprises dans le secteur du commerce au détail. Bien voyons! C'est même ce gouvernement qui, en 1985, nous est arrivé avec un ministère d'Etat à la PME. Ils l'ont aboli maintenant. Je comprends qu'ils l'ont aboli, comme ils sont en train de le faire avec les PME. C'est une mesure qui va nuire au développement économique. C'est pour ça qu'on est contre, entre autres. C'est une erreur économique. Si on fait crever nos PME, il va y avoir plus d'emplois perdus qu'il va y en avoir qui vont être générés dans les centres d'achats. Les emplois qu'on va perdre, c'est des emplois réguliers, des emplois probablement à temps plein. On va remplacer ça par de l'occasionnel, du partiel, par des emplois précaires qu'on appelle, des petits salaires et des horaires variables. On va remplacer des emplois fixes par des emplois précaires. C'est de l'appauvrissement collectif, ça, M. le Président, c'est de même qu'on appelle ça. Accepter de perdre des emplois payants pour des emplois moins payants, on ne peut pas accepter ça.

J'entendais M. Béland. Il a raison, il faut que les Québécois, si on veut relancer l'économie, achètent des produits québécois. On les trouve d'abord dans les commerces québécois, les produits fabriqués chez nous. Si on fait fermer les commerces québécois... Il y en a une vingtaine qui ont fait valoir qu'ils étaient contre, une vingtaine de regroupements québécois dont le Regroupement des SIDAC, les centres-villes. C'est des commerces québécois qui ont des produits québécois à l'intérieur. Bien, si on fait crever nos centres-villes et les petits commerces, bien oui, les gros vont prendre la place, les multinationales qui décident, à Toronto ou ailleurs, de ce qu'elles vont vendre. Pas des produits québé-

cois, M. le Président, c'est la réalité des choses. Il faut regarder tel que c'est. On peut décider d'avoir juste des grandes surfaces, on peut décider d'avoir juste des centres d'achats qui vont appartenir à des multinationales, qui vont nous mettre du stock des États et de l'Ontario à l'intérieur et, nous, on va l'acheter. Ça, ça va aider à relancer l'économie québécoise. Ça, ça va faire vendre des produits québécois et, ça, ça va faire vivre nos PME.

M. le Président, c'est anti-économique, une mesure semblable. Ça ne fera pas vivre nos PME, ça va les faire crever. Ça ne fera pas vendre les produits québécois, au contraire. Ça va enlever les points de vente qu'on a au moment où on se parle parce que les Québécois qui vendent à des Québécois vendent des produits québécois. Il va falloir arrêter de tenir des discours de développement économique. Il va falloir arrêter de donner des diplômes et des trophées à nos PME si on n'est pas capable de voter des lois ici qui vont aider le développement de nos PME. Tant qu'on va voter des mesures comme celle-là, on devrait se retenir et arrêter dans les discours et dans les reconnaissances, parce qu'on est bien plus en train de les faire crever qu'en train de les aider.

Comme je vous le disais, M. le Président, c'est une erreur économique et aussi une erreur sociale. J'aimerais ça, entendre les ministres sectoriels l'autre côté. J'aimerais ça, écouter la ministre responsable de la Famille venir nous dire c'est quoi, sa vision pour le futur du développement familial, de la cellule familiale par rapport à une mesure comme celle-ci. Quand j'entends, de l'autre côté, nous dire: Oui, mais, de toute façon, il y a déjà bien des gens qui sont obligés de travailler le dimanche. Bien oui, mais «c'est-u» parce qu'il y en a déjà beaucoup qu'on va s'organiser pour qu'il y en ait encore plus? On est en train d'affecter notre politique familiale par ça. C'est ça que ça veut dire. Il va falloir de l'autre côté aussi qu'on arrête de dire qu'on veut favoriser aussi la famille, si on n'est pas capable de faire en sorte que la famille se retrouve de temps en temps. C'est antifamilial.

On ne parle plus de qualité de vie, de l'autre côté. Je comprends. Pas avec des mesures comme ça. Peut-être la qualité des produits des grandes entreprises, mais certainement pas la qualité de vie des citoyens. J'aimerais ça que le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, de l'autre côté, nous dise: Ça fait longtemps qu'on n'a pas entendu de beaux discours sur la société des loisirs. Effectivement, on ne peut plus parler de société des loisirs, parce qu'on prend les citoyens pour des sacoches et des portefeuilles qu'on veut vider parce qu'on les voit seulement comme des consommateurs. Ce n'est pas vrai; ce sont des êtres humains qui ont droit à des loisirs. De l'autre côté, on nous a dit qu'à partir de maintenant, quand on a déposé la politique culturelle: Le culturel deviendra aussi important, aussi fondamental que l'économique et le social. Je dois vous dire: Comment peut-on tenir un discours semblable? Si les gens vont magasiner le dimanche, ils n'iront plus à des activités culturelles. Il va y avoir des perdants là-dedans. Et quand le ministre dit qu'on pense que ça va relancer l'économie, ce n'est pas parce que les gens vont avoir plus d'argent... Pas vrai, les gens n'auront pas plus d'argent. Imaginez-vous les beaux dimanches de janvier, quand les gens vont commencer à payer leurs cadeaux de Noël, et la carte de crédit qui rentre... Pensez-vous qu'ils vont avoir de l'argent pour gaspiller et dépenser dans les centres d'achats le dimanche? Non, ils n'en auront pas plus. Ils n'en auront pas plus. Mais s'ils y vont et qu'ils se laissent aller à ce que le ministre appelle des achats impulsifs - en se promenant, ils vont voir des choses dont ils n'ont pas besoin et ils vont les acheter - de deux choses l'une: ou bien ils vont s'endetter encore davantage, alors qu'on est une population déjà passablement endettée, ou bien, effectivement, les gens vont aller dans les centres d'achats pour faire des achats impulsifs de produits dont ils n'ont pas besoin, au lieu d'aller dans les centres culturels, au lieu d'aller dans les organismes de loisirs, au lieu d'aller dans des brunchs communautaires, au lieu de s'occuper de loisirs, au lieu de s'occuper de leur famille. Et si jamais c'étaient quelque 400 000 000 $, comme dit le ministre, que les citoyens vont utiliser en achats impulsifs, j'aimerais ça que le ministre du Loisir et que la ministre des Affaires culturelles viennent me donner leur point de vue là-dessus, des 475 000 000 $ qui vont être gaspillés en achats impulsifs et non pas investis dans les organismes de loisirs, dans les municipalités, dans les organismes communautaires et dans les organismes culturels. Après ça, on se plaindra que nos théâtres sont vides, que les bibliothèques ont de la misère à attirer et à être rentables. Je comprends! On veut que les gens aillent juste dépenser dans le commerce. (23 h 40)

L'économie, c'est pas seulement dans les centres d'achats; l'économie, c'est dans les centres culturels. L'économie, c'est dans les théâtres, dans les cinémas, dans tout ce qui est culturel. Il faut aussi que les gens aillent chercher autre chose que des produits qu'ils ont achetés sous impulsion. C'est exactement ce qu'on est en train de nous dire. On utilise d'autres arguments en disant: Oui, mais les achats hors frontière. Pourquoi les Québécois vont-ils magasiner aux États-Unis? Mon Dieu, M. le Président, ce n'est pas parce que les magasins sont fermés le dimanche. C'est pour deux seules raisons: les taxes, les taxes qui n'ont plus de bon sens: TVQ, TPS, en voulez-vous? En v'Ià! Mettez-en! C'est au Québec, dans toute l'Amérique du Nord, qu'on paie le plus cher l'essence. C'est au Québec, dans toute l'Amérique du Nord,

qu'on paie le plus cher les cigarettes et la boisson. Pourquoi les gens vont aux États? C'est parce qu'ils n'ont plus les moyens de payer la taxe imposée par le gouvernement libéral. Ça, c'est une des raisons. Et l'autre, pourquoi ils allaient aux États? C'était parce que le dollar était très élevé et c'était payant. À partir de maintenant que le dollar est à un niveau plus bas, probablement que ça va baisser un peu, les achats aux États-Unis. Mais ce n'est pas parce que les magasins vont être ouverts le dimanche, c'est parce que la valeur du dollar va être modifiée. C'est ça, la réalité des choses.

M. le Président, il faut regarder la qualité de vie des gens. Il faut repenser au bien-être des gens parce que les citoyens et les citoyennes, ce n'est pas seulement des consommateurs, ce n'est pas juste des poches, ce n'est pas juste des portefeuilles et ce n'est pas juste des sacoches, c'est des citoyens qui ont le goût d'être en famille, qui ont le goût d'avoir de la qualité de vie aussi. Et imaginez-vous ce qu'on va être obligé de toucher là-dedans, obligatoirement. Vous allez voir, ça va devenir... On va appeler ça, probablement tantôt, des lois qui vont venir modifier par concordance. Parce qu'il y a des décrets dans les conditions de travail des travailleurs qui ne pourront plus tenir. Si on prend, par exemple, les magasins de pièces automobiles qui, à cause du décret, ne peuvent pas ouvrir le dimanche maintenant. Même si on leur permet, à cause des salaires que ça va obliger à payer, on est sûr d'une chose, très rapidement, c'est le ministre du Travail qui va venir abolir des décrets dans les commerces, comme dans les commerces de pièces automobiles, parce qu'il va dire: Non, non, les décrets, même si ça vient diminuer la qualité de vie des travailleurs dans ce secteur-là, il faut les modifier parce qu'on a modifié la loi sur les heures de travail.

Alors, vous voyez, mesdames et messieurs, à quel point ce qu'on est en train de toucher comme loi, c'est fondamental parce que ça touche la qualité de vie des travailleurs et des travailleuses, la qualité de vie des familles, la qualité de vie des propriétaires de petits commerces. Ça vient même affecter le développement économique à la baisse, ce n'est pas pour rien qu'on est contre. Et quand on dit que c'est unanime, c'est faux. Moi, je vais vous dire les commentaires que j'ai eus toute la fin de semaine: C'est pas vrai qu'on veut ça. On donnait une liste de 20 organismes qui se sont prononcés contre. Écoutez, ce n'est pas parce qu'il y en a quelques-uns qui veulent à tout prix et qui parlent fort qu'il faut penser que tout le monde le veut. Il faut que les gens regardent ça.

C'est bien sûr que si on demande aux gens: Si les magasins étaient ouverts le dimanche, est-ce que ce serait intéressant? Bien oui, c'est sûr que ça serait intéressant. Mais quand on se met à regarder les conséquences et qu'on l'explique aux gens, eh bien, là, ils trouvent que ça n'a pas d'allure, que ça n'a pas de bon sens. Et là, c'est vrai, c'est sûr, dans la période des fêtes, c'est donc intéressant de penser qu'on va magasiner le dimanche, mais imaginez-vous en janvier et en février et en mars, quand ça sera ouvert sept jours par semaine! Eh bien, là, la compétition, ce ne sera plus entre les gros commerçants et les petits, ce sera entre le commerce et les autres activités de la vie, les centres culturels et les organismes de loisir et nos occupations.

Parce que n'oubliez pas... Regardez dans les municipalités du Québec, dans à peu près toutes les municipalités, c'est qui, les gens les plus impliqués pour faire du bénévolat, pour commanditer des brunches, que ce soit pour l'arthrite ou bien les maladies du coeur ou n'importe quelle association? C'est nos petits commerçants. Nos petits commerçants. Eh bien, là, on va les attaquer, nos petits commerçants, et on va les faire travailler sept jours par semaine. Où vous pensez qu'ils vont trouver les moyens et le temps de continuer à s'occuper du social et du culturel dans leur communauté? Ça n'a pas de bon sens qu'on soit en train de passer une loi comme ça. Ce n'est pas pour rien qu'on se plaint.

Le ministre me regardait tantôt en disant: Oui, il y a des gens à Granby qui ont demandé l'ouverture le dimanche. Je vais vous dire le même discours que j'ai tenu et que je tiens encore à Granby. Oui, je suis d'accord et j'ai travaillé pour que Granby, qui est une ville touristique, soit reconnue comme ville touristique. Et ça, c'est différent, par exemple, parce qu'une ville touristique, ça lui permet un avantage par rapport aux autres villes du Québec. Mais quand on ouvre partout, il n'y en a plus, d'avantages. Et, chez nous, on a ouvert. C'est évident, le centre d'achats nous dit qu'on est allé cherché 12 % de plus de chiffre d'affaires, mais parce qu'on était uniques, parce qu'on était les seuls dans la région à avoir des centres d'achats ouverts et parce qu'on a fait des spectacles dans l'allée centrale tous les dimanches avec des vedettes nationales très connues, populaires. On a réussi, parce qu'on était uniques et parce qu'on a présenté des spectacles, à aller chercher 12 %. Et quand on regarde et qu'on dit: Où vous avez pris votre clientèle? Eh bien, c'est de la clientèle qui vient de Saint-Jean, de Saint-Hyacinthe, de Brassard, de Montréal. Pourquoi? Parce qu'ils ne pouvaient pas acheter chez eux, ils venaient acheter à Granby. Mais le jour où on ouvre partout, eh bien, ils vont aller magani-ser chez eux. Des avantages, il n'y en aura plus. Il n'y en aura plus pour Granby et il n'y en aura plus pour les villes touristiques parce qu'il n'y aura plus de villes touristiques. Il y aura un Québec qui se considérera comme touristique, mais qui va juste vendre le même montant. On ne pourra pas vendre plus.

Moi, je pense, et je le répète sincèrement,

je pense que c'est une mesure, M. le Président, qui va nuire à l'économie. C'est anti-économique et antisocial et, avant de faire cette erreur, qu'on nous donne, au moins jusqu'au mois de mars, la chance, l'occasion de consulter les gens. Qu'il n'y ait pas seulement une mini-consultation de ceux qui sont en faveur, mais que les citoyens, avant de laisser modifier leur comportement et leur vécu, puissent se prononcer et qu'on ait une évaluation parce que, quand ce sera fait - comme je le disais tantôt - on risque de ne plus être capable de reculer. On aura modifié notre comportement comme société, on aura affecté la qualité de vie, les loisirs, le secteur culturel, mais, surtout, le secteur familial et le secteur du travail. Avant de toucher quelque chose d'aussi fondamental que notre façon de vivre collective, M. le Président, il faudrait qu'on consulte les gens, il faudrait qu'on ait des chiffres. Il faut qu'il y ait des documents de déposés parce qu'on risque d'être plus perdant que gagnant, et ça va assez mal comme ça pour ne pas venir faire en sorte de démoraliser encore davantage les gens.

Je le répète - et je conclus là-dessus parce que vous me dites que mon temps est terminé, M. le Président - les citoyennes et les citoyens du Québec, ce sont des personnes, c'est pas seulement des gens qui dépensent, c'est pas seulement des consommateurs. Et, pour toutes ces raisons, on n'a pas le droit, à mon avis, d'accepter ici de modifier quelque chose d'aussi fondamental sans permettre aux gens de pouvoir s'exprimer. Merci, M. le Président.

Le Président: Je cède maintenant la parole à M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. André Boulerice

M. Boulerice: M. le Président, je vous remercie, mais, avant de débuter, vous me permettrez de vous renouveler mes meilleurs voeux à l'occasion de votre anniversaire de naissance. C'est un événement que l'on se doit de souligner en cette Chambre.

M. le Président, il y a quelques jours, au moment où le député d'Outremont arrivait avec sa loi, non conforme d'ailleurs aux règles de ce Parlement, il y a un jeune journaliste, prometteur, d'ailleurs, M. Bernard Ouellet, Reflet du Centre-Sud qui m'appelle et me dit: M. Boulerice, qu'est-ce que vous en pensez? Je vais vous lire, M. le Président, l'article.

Alors, voici ce qu'il rapporte de mes propos: «Pour le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, cette nouvelle loi est ridicule. Il est faux de croire que cette mesure créera des emplois supplémentaires, au contraire. Avec la situation économique actuelle et la baisse des revenus, les gens ont moins d'argent à dépenser. Ce que cela va faire, ce sera d'étirer les heures d'affaires, augmenter les coûts aux commerces, ce qui se traduira par une augmentation des prix à la consommation pour les consommateurs, de dire le député - je vous cite. Selon lui - donc, selon moi puisque je rapporte les propos - le gouvernement Bourassa va dans la mauvaise direction. C'est tout ce qu'on a proposé comme relance économique. Ce gouvernement est irresponsable, il rit de la population. Il n'a aucun plan de relance et improvise. Il a cédé au puissant lobby financier.» D'ailleurs, le dicton est toujours vrai: «Dis-moi qui te finance, je te dirai qui tu es.» «Il analyse que le vrai problème n'est pas le magasinage nécessairement aux États-Unis, mais les taxes imbéciles en plein temps de récession ont tué et continué de tuer les petits commerces. Avec cette inondation de taxes, les gens cherchent à payer moins pour le même produit et, bien souvent, ils le trouvent aux États-Unis, c'est dommage. - Et j'ajoutais en terminant: Heureusement que le dollar est en baisse, car c'est moins intéressant de magasiner aux États-Unis ces temps-ci.»

Alors, ce jeune journaliste me dit: Oui, mais est-ce que vous pensez que vous reflétez bien l'opinion des gens de la circonscription? Mais je lui dis: Mais, M. Ouellet, moi, je viens de vous dire ce que j'en pense. Allez donc maintenant interroger les commerçants et les commerçantes du quartier et vous verrez ce qu'ils vont vous dire. Alors, il l'a fait, ce jeune journaliste. Il a interviewé, au début, le président de l'Association des marchands et professionnels du Centre-Sud, M. Roffann Normandin. M. Normandin lui a déclaré: «La nouvelle loi va, en priorité, contrer les achats aux États-Unis le dimanche, mais le petit commerçant de la rue Ontario trouvera ça beaucoup plus dur. Il est déjà dans le commerce six jours dans la semaine. Maintenant, il devra y être sept jours.» C'est en ces termes que commente le président actuel de l'Association des marchands et professionnels du Centre-Sud, M. Roffann Normandin. La nouvelle loi sur l'ouverture des commerces, selon lui, cela ne changera pas grand-chose. On n'en a vraiment pas parlé à l'Association, ce n'est pas notre priorité pour nous.» Ce n'est pas leur priorité, eux, d'ouvrir le dimanche. «Personnellement, je ne crois pas que cela va profiter aux petits commerçants du quartier. Ce sera plus le centre d'achats qui sera gagnant. De toute façon, si le consommateur a 100 $ à dépenser, qu'il le fasse le lundi, jeudi ou dimanche, c'est toujours le même 100 $. Je crois que plusieurs commerces risquent de fermer dans notre quartier à cause de cela, conclut M. Normandin.» (23 h 50)

Et le journaliste a continué: «L'équipe du Reflet a rencontré quelques marchands du Centre-Sud afin de vérifier si ses commerçants sont d'accord ou non avec cette nouvelle loi. La question posée était: Comme commerçants, êtes-vous en faveur de l'ouverture des commerces le

dimanche? Il y a tout de suite Mme Hébert, qui est gérante de la boutique San Francisco à Place Dupuis, qui, elle, est très sceptique. Et, à Place Dupuis, d'ailleurs, c'est très difficile. C'est difficile, pourquoi, M. le Président? Actuellement, à Place Dupuis, malgré tous les efforts qu'ils font, bien, c'est parce que les gens n'ont pas d'argent. Vous avez vu le taux de chômage effarant qu'il y a actuellement au Québec? Alors, vous imaginez, s'il y a 15 %, grosso modo, pour le Québec, combien ça peut représenter dans le Centre-Sud et sur le Plateau-Mont-Royal. Les gens n'ont pas d'argent. Quand les gens n'ont pas d'argent, ils ne vont pas magasiner. Alors, il n'y a personne dans les magasins.

Alors, Mme Hébert, elle, qui est à la boutique San Francisco, qui est sceptique, elle dit: Je ne suis pas en faveur. Tout ce que cela fera, c'est d'augmenter la période de vente. Ceci ne profitera pas aux commerces du Centre-Sud. Les gens continueront quand même à magasiner aux États-Unis. Cette mesure profitera peut-être aux employés à temps partiel qui auront peut-être plus d'heures. Ah! voilà. Mais ce n'est pas ferme.

Une opinion partagée par Mme Adèle Bourdeau, elle, de la boutique Animalerie Dauphin: Ça donnera plus d'heures aux employés, mais ça ne créera pas d'emplois. Si ça peut empêcher le magasinage aux États-Unis, tant mieux. Par contre, si quelqu'un a un 50 $ à dépenser, que ce soit sur cinq, six ou sept jours, c'est toujours le même argent à dépenser. Parce que le ministre s'imagine qu'en étirant les heures d'affaires il étire les beaux «bills» du Dominion, comme on disait autrefois. Ce n'est pas vrai.

Pour M. Real Desautels, il voit cette mesure d'un autre oeil: Moi, je ne crois pas que l'ouverture du dimanche provoquera des complications. Bien des commerçants comme moi devront sacrifier leur dimanche. Ce sera plus compliqué pour la gestion. De toute façon, si les gens veulent magasiner dans ton commerce, ils seraient venus. Ah! Bien oui, il le dit: Ils peuvent le faire, le lundi, le mardi, le mercredi, le jeudi soir, le vendredi, le vendredi soir, le samedi. Pourquoi ajouter le dimanche? Et il rajoute: Ce sera peut-être bon pour les centres d'achats de la banlieue et le centre-ville, pas pour le quartier. La seule chose, c'est que ce sera bon pour le temps des fêtes, mais pas en d'autre temps, conclut-il. Pour ce qui est du temps des fêtes, je vais vous en parier tantôt, M. le Président.

Pour M. André Saint-Onge - qui n'a aucun lien de parenté avec vous, M. le Président, il va de soi, mais les Saint-Onge sont reconnus pour leur bon jugement - M. Saint-Onge, de Yellow, le noyau familial est en jeu: Le dimanche est traditionnellement jour de congé, car c'est le jour de la pratique religieuse. - Et je pense qu'il faut respecter une telle opinion. - Étant croyant, je n'approuve pas cette nouvelle loi. C'est une des seules journées que la famille pouvait se rencontrer. Cela va faire éclater la famille et augmenter les problèmes sociaux. De plus, ce n'est pas parce que ce sera ouvert le dimanche que les gens paieront moins de taxes. Bon. Alors, voilà.

Le journaliste m'avait dit: M. le député, ça, c'est votre opinion; est-elle partagée par le quartier? Bien, j'ai l'impression que oui, c'est partagé par le quartier. C'est partagé par le quartier. D'ailleurs, en venant ici, à Québec, M. le Président, la semaine dernière, je suis arrêté dans la ville de notre collègue, le député de Drummond, dans un magnifique centre d'achats qu'il y a à l'entrée de sa . ville, qui s'appelle Promenades Drummondville, je crois, quelque chose comme ça - qu'il me corrige, si je me trompe - j'y suis entré parce que je devais aller dans une boutique, mais j'ai remarqué qu'il y avait plusieurs boutiques de fermées dans ce centre d'achats. Pourquoi? Elles sont fermées parce qu'elles n'ouvrent pas le dimanche? Ah! Et énormément de boutiques. Et Noël n'est pas passée. Le Jour de l'an, il nous reste encore quelques jours avant d'y arriver, mais la quasi-totalité des boutiques étaient déjà en solde. Avant, on avait des soldes après Noël. Là, on a des soldes avant Noël. Il va y avoir les soldes après soldes d'avant Noël après Noël et un présolde pour le Jour de l'an. Je veux dire, ça ne fonctionne pas. Ça ne fonctionne pas!

Dimanche. Dimanche dernier, c'était la messe, radiotélédiffusée, d'ailleurs, à l'église Sainte-Brigide, une paroisse de mon quartier, parce qu'on célèbre le 125e anniversaire de cette paroisse. Le curé Filion m'avait fait l'honneur de m'inviter. Donc, c'était très beau, c'était superbe. Tous les gens du quartier étaient là. Et quand ça s'est terminé dimanche après-midi, je me suis dit: Mais tu vas être au Parlement lundi, va donc voir ce qui se passe. Alors, je me suis promené sur les trois rues dites commerçantes du quartier. J'ai commencé par la rue Sainte-Catherine, lesquels commerces étaient ouverts le dimanche. Et, entre parenthèses, attention, M. le Président! Nous sommes à un dimanche qui précède Noël. Donc, il y a supposément avalanche et abondance. Tout le monde se rue dans les magasins. Sur la rue Sainte-Catherine, quels sont les magasins qui étaient ouverts? J'aurais aimé ça que vous fassiez la promenade avec moi. J'aurais surtout aimé que le ministre fasse la promenade avec moi. C'est un quartier qui est fréquentable, le mien. Il n'y a pas juste Outremont «Heights» qui est fréquentable. Il aurait pu venir sur la rue Sainte-Catherine. Eh bien, il n'y en avait pas... Il n'y en avait pas d'ouverts!

Alors, je suis monté un petit peu plus vers le nord. J'ai dit: On va aller sur la rue Ontario qui, au début des années cinquante, d'ailleurs, était une des grandes rues commerçantes de Montréal. Sur la rue Ontario, les magasins qui étaient ouverts, lesquels étaient-ils? Aucun, là aussi. Mais j'ai dit: Qu'est-ce qui se passe? il

n'y en a pas sur Sainte-Catherine, puis il n'y en a pas sur Ontario. Alors, j'ai dit: On va monter encore plus au nord. On va aller au nord. On va aller au nord.

Alors, je suis allé sur Mont-Royal. Ah! Sur Mont-Royal, j'en ai trouvé deux, deux magasins de chaussures. Je suis entré dans un. Je me suis dit, on n'est pas pour les faire tous les deux, je vais en faire un. Je suis entré dans un. Je ne vais pas le nommer, pour des raisons commerciales; les employés, ils n'étaient pas contents. Ils n'étaient pas contents. Ils ont dit: Bien, durant la période des fêtes, ça peut se comprendre, mais le dimanche, durant l'autre période, on va venir travailler. J'ai dit: Pensez-vous qu'il va y avoir autant de monde? Parce que, dans le magasin, écoutez, s'il y avait trois personnes, c'est beau, M. le Président. Puis il devait être aux alentours de 14 h 30. Ça fait que je pense que les gens avaient fini de dîner, le midi. S'ils avaient voulu aller magasiner, c'était en plein la bonne heure pour y aller. Il était 14 h 30, il y avait peut-être trois clients dans le magasin.

Alors, comment vous imaginez qu'au mois de mars, au mois de février dans les grands froids, alors que tout le monde sait que ça baisse... Je le sais, moi, j'ai déjà travaillé dans les magasins, entre parenthèses. Moi, je vendais des chaussures - ça tombe bien que je vous parle de chaussures - chez Zenon Bellerose, sur la rue Notre-Dame, la Place Bourget, à Joliette. J'avais 15 ans, 16 ans. mon père m'avait dit: tu vas apprendre à gagner de l'argent, mon petit gars. tu vas voir ce que c'est, travailler. d'ailleurs, je l'en remercie. mais je sais ce que ça donnait. samedi, ça allait. alors, dimanche, je me retrouve... il y a deux magasins de chaussures sur la rue mont-royal, deux magasins. les vendeurs ne sont pas intéressés pantoute, pas du tout.

Le proverbe dit: «Go West, young man», va vers l'Ouest. Bien, j'ai dit: Tant qu'à faire, on va faire une tournée générale de la circonscription. Je me suis rendu sur la rue Saint-Hubert. Il n'y en avait pas. J'ai dit: Je vais aller sur la rue Saint-Denis, qui était dans ma circonscription, que le président des élections m'a enlevée, mais qu'il va me redonner. La rue Saint-Denis, c'est une rue drôlement intéressante. Il y a les cafés-terrasses. C'est une belle rue que tout le monde fréquente, etc. Non, il n'y avait pas de bousculade. Je n'ai pas eu de difficulté à stationner. Ça s'est très bien passé. Mais qui était ouvert? Il y a de grandes boutiques qui étaient ouvertes samedi - parce que je suis passé aussi le samedi - elles étaient ouvertes. Mais dimanche, elles ne l'étaient pas. Avant la période des fêtes, alors que c'est légalement permis, elles ne sentaient pas le besoin d'ouvrir, (minuit)

Alors, voilà que le ministre dit maintenant: Je vais vous voter une loi, puis là, vous allez pouvoir ouvrir tous les dimanches. Bien, je comprends. Là, attention! Ça va devenir une autre paire de manches. Là, si tout le monde se met à ouvrir, il y a un petit commerçant qui va se dire: Bien, attention! Si Sports Experts, qui est une grande chaîne, se met à ouvrir, Gratton Sport, sur la rue Sainte-Catherine, lui, il va ouvrir. Il va ouvrir. Mais, financièrement est-ce qu'il est aussi solide qu'une grande chaîne? Je ne pense pas. Donc, je suis inquiet. C'est quand même des emplois. Si ça ferme, Gratton Sport... Dans le quartier, premièrement, c'est devenu une institution. Deuxièmement, ils ont une conscience sociale, parce que, quand on a besoin de quelque chose, puis quand on a besoin d'un tirage pour une équipe de hockey ou de baseball, ou de n'importe quoi dans le quartier, qui est-ce qu'on va voir? Gratton Sport. Qui nous donne? Gratton Sport.

La famille Lamoureux, sur la rue Mont-Royal, qui a la quincaillerie, ah, ils sont toute la famille. Alors, le dimanche, ils pouvaient se retrouver. Ils pouvaient se retrouver, le dimanche. Puis, j'ai l'impression qu'ils en ont peut-être plus besoin de se retrouver le dimanche, compte tenu du deuil qu'ils ont vécu il n'y a pas tellement longtemps. Puis, là, bien, si tous les autres commencent à ouvrir le dimanche, ils vont ouvrir. Ils vont ouvrir. Ça fait rire le député de Vanier, M. le Président. Je vais m'occuper de lui tantôt. Je vais lui donner un bel exemple, on va voir. Je vais parler de Québec aussi. Je vais parler de Québec. Je vais parler de Vanier, son ancien comté, enfin son futur, prochain ancien comté. Qui va aider? Hein? Moussette, sur Ontario, ça aussi, c'est une institution, M. le Président. La ministre des Affaires culturelles ne l'a peut-être pas classée encore, mais c'est une institution. C'est une institution. Mais, si ça se met tout à ouvrir, ils vont ouvrir.

Mais, M. le Président, autant vous que moi, si on a 200 $ à dépenser, on ne va pas en dépenser 300 $. Alors, qu'on n'essaie pas de me faire croire que je vais dépenser plus parce que c'est ouvert le dimanche. Ce n'est pas vrai! Ce n'est pas vrai. Je vais l'étirer, par exemple. Ah! Mais, si mon fournisseur X, là, pour telle chose, sait que je ne dépense pas plus que 300 $ par semaine, disons que c'est de la nourriture - mais ça remarquez que c'est ouvert, la nourriture ? disons n'importe quel autre produit, oui, mais quand même il ouvrirait sept jours par semaine, je veux dire, on va faire une moyenne. Un point, c'est tout. Je ne vais pas mettre 350 $ sous prétexte qu'il est ouvert le dimanche. J'ai budgeté 300 $. Et, vous et moi, on est loin de la pauvreté, entre parenthèses, M. le Président. Mais ce n'est pas le cas nécessairement de la population dans le quartier.

Et là, on leur dit: Bien oui, aïe, mais ça va être bon, ça va être extraordinaire, c'est magnifique, quel beau plan de relance, des emplois supplémentaires, on va faire augmenter les ventes parce qu'on va ouvrir le dimanche! Moi, je suis

prêt à faire un pari avec le ministre. Qu'il suspende l'application le dimanche, mais qu'il enlève donc, par contre, la taxe sur le linge, puis sur les chaussures et puis là on va voir si les ventes n'augmentent pas dans ces magasins-là, sans ouvrir le dimanche. On va essayer ça. Il l'«accepte-tu» comme proposition? Ça, je trouve que ça serait un amendement acceptable. On va voir la différence que ça va faire.

Vaut-il mieux baisser les prix en baissant les taxes ou bien donc les laisser au même prix, mais ouvrir plus longtemps? Je veux dire, je ne sais pas où est-ce qu'il a appris son arithmétique, mais ce n'est pas cette règle de trois là que les soeurs de la Providence m'ont apprise quand j'étais à l'école. Ça ne donnera pas plus d'argent. Ça ne donnera pas plus d'argent.

Et là, j'ai la chance d'habiter dans un quartier où il y a une belle qualité de vie, qui est le Plateau-Mont-Royal. Bon. Alors, ça va ouvrir le dimanche. Bien, voilà! Alors, maintenant, les rues résidentielles, eh bien, le dimanche, maintenant... Ça, on peut toujours l'accepter durant la semaine, parce qu'on travaille, on n'est pas là. Le samedi, ça dérange un petit peu moins, parce que le samedi on fait les courses. On fait les courses le samedi. Mais là, le dimanche, on va voir arriver les camions de ravitaillement dans les rues! On va voir arriver ces camions-là. Ça va nous faire une belle qualité de vie sur le Plateau-Mont-Royal, ça. Ça va nous faire une très belle qualité de vie!

Et, en parlant d'autre qualité de vie, le principal loisir au Québec, la principale activité culturelle que le ministre veut institutionnaliser, ça va être le magasinage le dimanche. Bravo! Alors, il y aura des enfants qui aimeraient bien aller patiner dans l'étang du parc Lafontaine au mois de février, mais le père pourra peut-être lui dire: Bien non, on va aller au centre d'achats. Ou bien peut-être qu'un autre voudra aller à la maison de la culture Frontenac, parce que c'est des activités qu'on peut faire le dimanche, au lieu de faire du magasinage. Non, on va aller aux Galeries d'Anjou. Ça va être ça.

Et, durant ce temps-là, vous allez avoir la ministre des Affaires culturelles qui, voyant la chute de fréquentation des salles de spectacle où il y a des activités culturelles... Il y a eu une chute de 50 % dans la région de Québec. Lisez ça, M. le député de Vanier. Ça va vous préoccuper. On invente une des mesures les plus quétaines, les plus insignifiantes que j'aie jamais vues de ma vie, des gratteux pour la culture. Imaginez-vous! La culture est une loterie.

Une voix: Des séraphins.

M. Boulerice: Des séraphins. C'est vraiment très beau. C'est vraiment superbe. Si c'est juste ça qu'il a à nous proposer - je vais conclure là-dessus, M. le Président, j'aime beaucoup le citer parce qu'il n'était quand même pas si bête que ça - qu'il se rappelle donc cette phrase de Talleyrand qui disait: II vaut mieux se rétracter et s'en attribuer tous les mérites que de persister et d'être vaincu. Parce que c'est ça qui va lui arriver avec une loi aussi foncièrement débile que celle-ci, et je n'ai pas peur de la qualifier de débile, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci. Alors, je reconnais maintenant M. le député de Masson.

M. Yves Biais

M. Biais: Oui, M. le Président. Depuis 10 heures, ce matin, nous discutons de ce projet de loi. Je tiens à vous dire que je suis le dernier intervenant de notre côté. Je prendrai juste deux ou trois minutes pour dire que c'est par devoir que nous avons discuté de ce projet de loi, des inconvénients négatifs, sous la direction du député de Labelle. Et nous croyons que, dans toute cette période de temps là, les gens ont été mieux renseignés et comprendront mieux notre opposition à ce projet de loi.

Cependant, nous allons continuer notre bataille en commission parlementaire, et nous verrons dans les prochaines étapes, sachant pertinemment que, pour la passer, ils ont absolument besoin de faire une motion pour faire suspendre les règles. Et, à ce moment-là, il n'y a pas d'autre intervenant de notre côté, M. le Président.

M. Boulerice: La dictature encore.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le député de Masson. Cette dernière intervention met fin au débat, sauf à vérifier si M. le ministre veut procéder à sa réplique. Est-ce qu'il y a une réplique, M. le ministre?

M. Tremblay (Outremont): Non, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, pas de réplique. Est-ce que la motion du ministre de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie proposant l'adoption du principe du projet de loi 59, Loi modifiant la Loi sur les heures et les jours d'admission dans les établissements commerciaux, est adoptée?

Des voix: Adopté. Une voix: Vote nominal.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Vote nominal. Qu'on appelle les députés.

Des voix: Demain, demain! (Oh9 - Oh 16)

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors,

Mmes et et MM. les députés, si vous voulez regagner vos banquettes, s'il vous plaît. M. le député de Saguenay.

Mise aux voix

Je mets maintenant aux voix la motion de M. le ministre de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie proposant l'adoption du principe du projet de loi 59, Loi modifiant la Loi sur les heures et les jours d'admission dans les établissements commerciaux. Adoption du principe.

Que ceux et celles qui sont en faveur de cette motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît!

La Secrétaire adjointe: M. Paradis (Brome-Missisquoi), M. Ryan (Argenteuil), M. Côté (Ri-vière-du-Loup), M. Sirros (Laurier), M. Tremblay (Outremont), M. Savoie (Abitibi-Est), M. Middle-miss (Pontiac), Mme Frulla^Hébert (Marguerite-Bourgeoys), M. Bélisle (Mille-Îles), M. Blackburn (Roberval), M. Houde (Berthier), M. Maciocia (Viger), M. Maltais (Saguenay), M. Kehoe (Cha-pleau), M. Hamel (Sherbrooke), Mme Pelchat (Va-chon), M. Marcil (Salaberry-Soulanges), M. Lemire (Saint-Maurice), M. Thérien (Rousseau), M. Benoit (Orford), M. Williams (Nelligan), M. Farrah (îles-de-la-Madeleine), M. Lemieux (Va-nier), M. Richard (Nicolet-Yamaska), M. Charbon-neau (Saint-Jean), M. Bradet (Charlevoix), M. Gautrin (Verdun), M. Forget (Prévost), M. Lesage (Hull), M. Gobé (LaFontaine), Mme Hovington (Matane), M. Lafrenière (Gatineau), M. Bergeron (Deux-Montagnes), Mme Boucher Bacon (Bourget), M. Parent (Sauvé), Mme Bélanger (Mégantic-Compton), M. Audet (Beauce-Nord), M. Khelfa (Richelieu), M. MacMillan (Papineau).

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Que ceux et celles qui sont contre cette motion veuillent bien se lever!

La Secrétaire adjointe: M. Biais (Masson), Mme Marois (Taillon), M. Garon (Lévis), Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve), M. Jolivet (La-violette), M. Baril (Arthabaska), Mme Caron (Terrebonne), M. Dufour (Jonquière), M. Brassard (Lac-Saint-Jean), M. Léonard (Labelle), Mme Ver-mette (Marie-Victorin), M. Paré (Shefford), M. Boulerice (Sainte-Marie-Saint-Jacques), M. Morin (Dubuc), M. Holden (Westmount), M. Trudel (Rouyn-Noranda-Témiscamingue), Mme Carrier-Perreault (Les Chutes-de-la-Chaudière), M. Bélanger (Anjou).

M. St-Roch (Drummond).

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Est-ce qu'il y a des abstentions?

Le secrétaire: pour: 39 contre: 19 abstentions: 0

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, la motion est adoptée. M. le leader du gouvernement.

Renvoi à la commission de l'économie et du travail

M. Bélisle: Oui, M. le Président. Je fais motion pour que le projet de loi 59 soit déféré à la commission de l'économie et du travail pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Est-ce que cette motion de déférence est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Bélisle: Je fais motion, M. le Président, pour ajourner nos travaux au mardi 8 décembre 1992, à 10 heures.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, les travaux de l'Assemblée sont ajournés à ce matin, 10 heures.

(Fin de la séance à 0 h 21)

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