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(Quatorze heures cinq minutes)
Le Président: Mmes et MM. les députés! Mmes
et MM. les députés, s'il vous plaît!
Nous allons nous recueillir quelques instants. Je vous remercie.
Veuillez vous asseoir.
Présence du président de
l'Assemblée législative de PAlberta, M. David Carter
J'ai le très grand plaisir de souligner la présence dans
les tribunes de l'honorable David Carter, président de
l'Assemblée législative de l'Alberta.
Nous allons maintenant procéder aux affaires courantes, en
requérant votre attention, s'il vous plaît.
Affaires courantes
II n'y a pas de déclarations ministérielles.
Présentation de projets de loi.
Dépôt de documents.
Dépôt de rapports de commissions. M. le
vice-président de la commission de l'économie et du travail et
député de Laviolette.
Dépôt de rapports de commissions
Étude détaillée du projet de loi 97
M. Jolivet: Merci, M. le Président. J'ai le plaisir de
déposer le rapport de la commission de l'économie et du travail,
qui a siégé le 4 juin 1993, afin de procéder à
l'étude détaillée du projet de loi 97, Loi modifiant la
Loi sur Hydro-Québec. Le projet de loi a été
adopté.
Le Président: Le rapport est déposé.
Maintenant, dépôt de pétitions. M. le député
d'Anjou.
Dépôt de pétitions
Instaurer une commission d'enquête publique et
indépendante sur les causes du déficit de la CSST
M. Bélanger (Anjou): Merci, M. le Président. Je
dépose l'extrait d'une pétition adressée à
l'Assemblée nationale par 4970 pétitionnaires syndiqués
affiliés à la CSN.
Les faits invoqués sont les suivants: «Considérant
que, depuis quelques années, la CSST, qui administre notre régime
de santé-sécurité, accuse un sérieux déficit
dont les causes sont demeurées inconnues jusqu'à ce jour;
«Considérant que l'incertitude qui en découle favorise la
circulation de suppositions de toutes sortes et entretient les doutes quant
à la viabilité de notre régime de
santé-sécurité du travail; «Considérant que
les détracteurs de notre régime profitent de la situation pour
véhiculer les préjugés les plus grossiers à
rencontre des accidentés et malades du travail et demandent des
modifications importantes à la loi; «Considérant qu'avant
d'apporter des changements majeurs au régime dans le but de
remédier au déficit il faut connaître les causes de ce
déficit;»
Et l'intervention réclamée se résume ainsi:
«En conséquence, nous demandons à l'Assemblée
nationale d'exiger du gouvernement du Québec qu'il instaure une
commission d'enquête publique et indépendante sur les causes du
déficit de la CSST.»
Je certifie que cet extrait est conforme au règlement et à
l'original de la pétition.
Le Président: Alors, votre pétition est
déposée.
Il n'y a pas d'intervention portant sur une violation de droit ou de
privilège ou sur un fait personnel.
Alors, nous allons... M. le leader adjoint de l'Opposition.
M. Gendron: M. le Président, vendredi dernier, on a fait
remarquer au leader du gouvernement que, s'il convoquait la période des
questions, c'était pour pouvoir questionner les ministres qui sont ici,
bien sûr. Je remarque que, présentement, il y a plus de la
moitié du Conseil des ministres qui n'est pas présente. Je veux
bien... Cette fois-ci, je reconnais que le leader du gouvernement nous a fait
parvenir la liste, mais, de ceux qu'il nous a indiqué qu'ils seraient
ici, il en manque 6. Alors, est-ce que je peux savoir si, entre autres, les
ministres de la Sécurité du revenu, de l'Industrie et du Commerce
et de la Sécurité publique seront à la période des
questions, avant de débuter, pour éviter de faire ce qu'on a fait
vendredi?
Une voix: II y en a qui rentrent.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président, au fur et
à mesure que le député d'Abitibi-Ouest et leader adjoint
de l'Opposition parle, les ministres se présentent pour répondre
aux questions. C'est le cas du ministre de la Santé et des Services
sociaux. Je peux l'assurer de la présence à la période des
questions du ministre des Affaires municipales, responsable de l'Habitation,
responsable, également, de la Charte de la langue française. Mais
je constate que, de son côté aussi, il y a des trous, et
d'importants trous. Je pourrais profiter de l'occasion pour souligner les
absences de plusieurs...
Le Président: Non, non. M. le leader, un instant.
Non, non. Un instant, un instant, là. Alors, s'il vous plaît!
À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, M. le leader
adjoint de l'Opposition.
M. Gendron: M. le Président, je voudrais... Bien, nous, on
n'a pas à répondre de l'action du gouvernement, mais je voudrais
au moins demander au leader du gouvernement, très sérieusement:
Est-ce que vous les avez avisés que la période des questions
commençait aujourd'hui à 14 heures? Est-ce que vous avez
certaines relations avec vos collègues pour leur indiquer qu'il y a une
période des questions? (14 h 10)
Le Président: M. le leader, s'il vous plaît, oui.
Alors, M. le leader du gouvernement.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président, je pensais
qu'on en resterait à une question de formalité, à une
seule question du leader adjoint. Le premier que j'ai avisé, la semaine
dernière, a été mon vis-à-vis.
Une voix: Ha, ha, ha!
Le Président: Alors, nous allons procéder. M. le
leader de l'Opposition.
M. Gendron: Oui, on va procéder, mais je vous indique, en
souhaitant que les noms des personnes dont le leader du gouvernement nous a
indiqué qu'elles seraient présentes le soient à la
période des questions, parce que, effectivement, dans la
préparation de la période des questions, il y a un certain nombre
de ministres qui, selon nous, se doivent d'être interrogés
aujourd'hui, et on va le faire à condition qu'ils fassent leur
entrée, même si c'est un peu sur le tard. Alors, on peut
débuter, M. le Président.
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui. S'il y avait
dérogation à la liste que j'ai produite à l'Opposition, je
tiens à l'assurer de ma plus complète collaboration.
M. Gendron: M. Parizeau.
Le Président: Très bien. Alors, nous allons donc
procéder à la période des questions et réponses
orales des députés. Je reconnais, en première question
principale, M. le chef de l'Opposition.
Questions et réponses orales Diminution des
emplois à temps plein au Québec
M. Parizeau: m. le président, vendredi dernier, nous avons
reçu de statistique canada les chiffres qui ont trait au chômage
du mois de mai. le taux de chômage, au québec, est tombé de
13,4 % qu'il était en avril à 13,1 %. cette différence de
0,3 % est due à deux raisons principales: d'abord, il y a 6000 personnes
de moins à la recherche d'un emploi ? des gens qui sont
découragés et qui ne sont pas sur le marché du travail ce
mois-là ? et il y a 6000 emplois de plus. Seulement, on se rend
compte que ces 6000 emplois de plus recouvrent la réalité
suivante: le nombre d'emplois à temps plein dans le mois a baissé
de 37 000 ? c'est considérable ? et le nombre d'emplois
à temps partiel a augmenté de 43 000; ça veut dire 6000 de
plus.
Est-ce que le premier ministre ne trouve pas inquiétant que, 3
ans après le sommet de l'emploi atteint en avril 1990, avant que la
récession ne commence, l'emploi à temps plein continue de baisser
au Québec? Il continue de baisser. Est-ce qu'il ne trouve pas
inquiétant que le plus bas niveau d'emploi à temps plein de la
présente récession s'est produit au mois de mai? C'est au mois de
mai ? les statistiques sont sorties vendredi ? que l'on a connu le
plus bas niveau d'emploi à plein temps au Québec. Est-ce que le
premier ministre ne trouve pas ça inquiétant? Est-ce que le
premier ministre ne juge pas qu'il fait fausse route avec les politiques
économiques et budgétaires de son gouvernement si tant est qu'il
en ait? Est-ce qu'il pense qu'il doit persévérer dans la
même voie?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bourassa: M. le Président, je ne suis pas surpris des
questions du chef de l'Opposition: nous le faisons chaque fois que les
statistiques sont publiées. Je suppose que nous allons continuer de le
faire.
Je constate quand même que, depuis trois semaines ou un mois, je
n'ai pas de questions sur les problèmes linguistiques, sur la
législation linguistique. Il attend sans doute l'avis de ses conseillers
juridiques. Je ne sais pas quand ça va venir. J'espère que
ça viendra avant la prochaine campagne fédérale, puisqu'il
a dit qu'il s'impliquerait quotidiennement dans la prochaine campagne
fédérale, avec son ami Lucien Bouchard. m. le président,
si nous examinons les statistiques sous un angle objectif ? le chef de
l'opposition le fait comme chef de l'opposition ? nous voyons que le taux
d'activité s'est accru au québec... je veux dire, le taux
d'activité par rapport à mai 1992 s'est accru de 60,2 % à
62,4 %, alors qu'il a diminué en ontario, de 67,5 % à 67 %, et,
au canada, de 65,5 % à 65,2 %. donc, on s'aperçoit qu'au
québec il y a plus de personnes qui veulent travailler, qui s'inscrivent
au marché du travail, et nous voyons également que, dans
l'emploi, alors que l'ontario en a perdu 13 000, on a créé 6000
emplois depuis un mois. donc, si on regarde les statistiques d'un point de vue
objectif et neutre, on s'aperçoit qu'elles sont plus encourageantes ce
mois-ci qu'elles pouvaient l'être le mois dernier. bon, il joue avec les
temps partiel et les temps plein. il sait fort bien, il s'en souvient, que,
quand une récession est remplacée par une reprise, même si
elle est modeste, c'est normal qu'il y ait une période de transition
pour ce qui a trait aux temps partiel et aux temps plein. il devrait le savoir,
m. le président.
Le Président: Pour une question complémentaire, M.
le chef de l'Opposition.
M. Parizeau: Ça n'a pas de bon sens, M. le
Président, de dire des histoires pareilles. Est-ce que le premier
ministre se rend compte que de perdre 37 000 emplois à plein temps dans
un mois, même objectivement, même froidement, c'est dramatique? On
parle du monde. Est-ce qu'on peut laisser un peu de côté le
mépris qu'il exprimait par sa réponse tout à l'heure?
Le Président: M. le chef de l'Opposition... Des voix:
Wo! Wo!
Le Président: Sur un rappel au règlement, M. le
leader du gouvernement.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui. Vous avez compris, M. le
Président, que j'invoque les dispositions de l'article 78 de notre
règlement: il est permis de poser une ou plusieurs questions
complémentaires; elles doivent être brèves, précises
et sans préambule, de même que certains des alinéas de
l'article 77 que le chef de l'Opposition vient de violer.
Le Président: Je vous invite à poser votre
question, M. le chef de l'Opposition.
M. Parizeau: est-ce que le premier ministre est satisfait des
taux de récupération suivants des emplois perdus pendant la
récession, tels qu'ils ressortaient vendredi matin? est-ce qu'il est
satisfait? c'est la même question. les taux de récupération
d'emplois perdus de 85 % dans l'ouest et dans les maritimes, de 30 % en ontario
et de 19 % seulement au québec, est-ce que ça le satisfait?
est-ce qu'il trouve que c'est une performance remarquable de la part de son
gouvernement?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bourassa: J'écoute le chef de l'Opposition, et, comme
je n'ai pas de préavis ? je ne le blâme pas ? tout en
examinant les statistiques. Et les chiffres qu'il avance ne se conforment pas
aux statistiques que j'ai devant moi. On n'est pas pour reprendre des batailles
de chiffres. Je lui dis simplement que si nous examinons les données
globales, celles qui sont mises en relief par ceux qui donnent les
statistiques, par Statistique Canada, nous voyons une situation relative plus
favorable. C'est évident qu'il reste encore beaucoup à faire. On
ne prétend pas que la récession ou que la reprise
économique est satisfaisante; on l'a dit à plusieurs reprises.
C'est pourquoi on essaie de garder une force concurrentielle au secteur de
l'entreprise, mais je lui dis que, pour ce qui a trait au nombre de
chômeurs, il y en a 12 000 de moins au Québec, alors qu'il y en a
2000 de moins en Ontario.
C'est des chiffres qui sont mis en relief par l'organisme, et je donnais
tantôt ceux de l'emploi et, comme il le sait, ceux du chômage
confirment ceux de l'emploi. Alors, je ne vois par pourquoi le chef de
l'Opposition, cet après-midi, essaie de camoufler cette reprise. Et on
la retrouve également dans les variations de mois à mois,
auxquelles nous nous référons chaque fois que nous en parlons,
alors que nous voyons, bon, qu'il y a 22 000 de mai à mai, alors qu'il y
avait 19 000 le mois précédent, 13 000 le mois auparavant, et 18
000 négatifs ? une croissance négative il y a 4 mois; donc,
moins 18 000 ? plus 13 000, plus 19 000, plus 22 000. C'est une
progression, M. le Président.
Le Président: Toujours en question
complémentaire.
M. Parizeau: Le premier ministre serait peut-être mieux de
faire faire ses calculs avant d'entrer en Chambre, plutôt que comme
ça sur le bord de la table.
Le Président: Alors, votre question, M. le chef de
l'Opposition.
M. Parizeau: Est-ce que le premier ministre va chercher à
retrouver, dans ses chiffres, dans les études qu'il fera faire,
j'imagine, la récupération suivante d'emplois perdus, depuis le
creux de la récession, en termes d'emplois d'avril 1992? C'est ça
le creux. Pour-ra-t-il faire établir que, dans le reste du Canada,
l'Ouest et les Maritimes, on a récupéré 44 000 emplois, en
Ontario, 87 000, et au Québec, 28 000 seulement? Cela, le premier
ministre pourrait-il le confirmer, en mettant ses services au travail? Je suis
sûr que nous n'aurons, à ce moment, aucune espèce de
difficulté à réconcilier nos chiffres.
Le Président: M. le premier ministre. (14 h 20)
M. Bourassa: Le chef de l'Opposition est conscient de la
tradition qui existe. Je m'attendais à des questions possibles sur les
statistiques, mais je dois préparer des réponses sur les
différents sujets que peut évoquer le chef de l'Opposition,
puisqu'il n'y a pas de préavis. Encore une fois, je ne le blâme
pas; ça fait partie de la tradition de notre système politique,
contrairement à ce qui existe dans la plupart des autres
démocraties, mais je ne m'en plains pas. On arrive toujours à
répondre aux questions du chef de l'Opposition. Ce n'est pas la partie
la plus exigeante de mes fonctions.
Des voix: Ah! Ah!
M. Bourassa: M. le Président, le chef de l'Opposition est
conscient de la pesanteur des lois économiques par rapport aux
volontés politiques, et on doit constater que, ce mois-ci, je lui ai
donné des chiffres bien clairs qu'il ne peut pas contester, que, ce
mois-ci, il y a quand même un progrès qui est insuffisant ?
je suis d'accord avec lui ? mais on a mis depuis quatre ans, depuis le
début de la récession, des outils en place qui sont nombreux sur
le plan fiscal, sur le plan économique, sur le plan financier. Il reste
quand même que... D'accord, il va dire: II y a eu des augmentations
d'impôt, mais il y en a eu partout. On sait qu'il y a eu une diminution
des
revenus pour l'ensemble des gouvernements, mais la capacité
concurrentielle des entreprises est demeurée intacte et c'est ce qui
explique qu'il y a cette reprise et nous sommes... Bien, M. le
Président, on ne dit pas que ça règle le problème.
Je ne dis pas que, pour un temps, les temps partiel peuvent être plus
nombreux. C'est le cas de toutes les récessions, mais, au moins, la
progression est nette ? c'est clair ? pour la première fois
depuis le début de la récession, il y a trois ans et demi.
Non-admissibilité de certains
travailleurs
licenciés du secteur du commerce et de
l'alimentation au programme PATA
Le Président: En question principale, maintenant, Mme la
députée de Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: M. le Président, pour la grande majorité
des travailleurs et travailleuses licenciés, âgés de 55 ans
et plus, le programme PATA, supposé les aider, est comme un mirage qui
s'évanouit quand ils veulent en bénéficier. À cause
de la rigidité du programme, 75 % des demandes d'admissibilité
à PATA sont refusées. C'est encore pire dans le secteur du
commerce et de l'alimentation, qui, pourtant, malgré l'ouverture des
commerces le dimanche, a perdu, depuis un an, 56 000 emplois. À cause
d'une interprétation abusivement restrictive, M. le Président,
après la fermeture des magasins Steinberg et des magasins M, des
centaines de travailleurs et de travailleuses se sont faire dire non à
PATA à cause d'un nouveau critère qui fractionne l'entreprise en
plusieurs commerces et entrepôts. Le ministre de la Main-d'oeuvre, de la
Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle trouve-t-il
normal que 204 travailleurs âgés sur les 1330 mises à pied
de Steinberg et les travailleurs des magasins M n'ont eu droit à aucune
indemnité et trouve-t-il normal que les travailleurs de la même
entreprise, de la même accréditation syndicale, qui
reçoivent le même chèque de paie, n'aient droit à
aucune prestation sous prétexte qu'ils sont dans plusieurs commerces et
entrepôts?
Le Président: M. le ministre de la Main-d'oeuvre, de la
Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle.
M. Bourbeau: M. le Président, tout le monde sait que le
programme PATA est un programme fédéral-provincial, dont 70 % des
coûts sont assumés par le gouvernement du Canada. Alors, la part
du Québec est de 30 % et, bien sûr, quand on est actionnaire
à 30 %, on ne contrôle pas vraiment ce programme-là. M. le
Président, je suis content d'entendre l'Opposition parce que je n'ai pas
fait de secret qu'à plusieurs reprises je suis intervenu ? la
députée le sait ? auprès du gouvernement
fédéral pour demander au gouvernement fédéral de
réviser les critères du programme PATA. Et j'ai indiqué
que le Québec, quant à lui, est prêt à admettre des
changements dans le programme PATA qui iraient dans le sens de ce que vient de
dire la députée d'Hoche-laga-Maisonneuve. Alors, M. le
Président, j'unis ma voix à celle de la députée
d'Hochelaga-Maisonneuve et je dis que le Québec est disposé
à modifier les normes du programme PATA pour faire en sorte d'être
plus accueillant à l'endroit de certaines clientèles qui sont
présentement exclues.
Le Président: Alors, tout en requérant, s'il vous
plaît, l'attention des collègues... S'il vous plaît! Alors,
question complémentaire.
Mme Harel: Alors, M. le Président, après avoir
essuyé plusieurs refus à ses demandes à son homologue
fédéral, pourquoi le ministre a-t-il reconduit, pour trois autres
années, le programme PATA sans que ses critères aient
été modifiés? Et doit-on comprendre qu'il entend soutenir
que ces travailleurs de l'alimentation et du commerce de la même
entreprise ont droit aux indemnités du programme PATA?
Le Président: M. le ministre.
M. Bourbeau: pourquoi on l'a reconduit? bien, c'est simple, m. le
président, on l'a reconduit parce que c'est de l'argent qui va aux
travailleurs âgés du québec qui sont mis en licenciement
collectif. et pourquoi refuser des programmes quand 70 % viennent des fonds du
gouvernement fédéral? la députée voudrait qu'on
refuse de signer des ententes et qu'on refuse des fonds fédéraux?
voyons donc! ça n'a pas de bon sens. m. le président, c'est
sûr que le programme peut être amélioré. il est
déjà, d'ailleurs, une version améliorée par rapport
à ce qu'il y avait dans le temps du parti québécois. dans
le temps du parti québécois, il y avait un programme qui
était à 100 % fédéral. donc, le québec...
vous ne mettiez aucun sou dans le programme, dans le temps. le gouvernement du
parti québécois, m. le président, n'investissait aucun sou
dans le programme pour les travailleurs âgés, aucun sou. et
maintenant...
Le Président: Un instant! S'il vous plaît! À
l'ordre, s'il vous plaît! S'il vous plaît! Alors, je reconnais une
personne à la fois, donc... M. le député! En conclusion,
M. le ministre.
M. Bourbeau: Nous avons à examiner un programme dans
lequel nous participons à 30 % et nous avons élargi le programme.
Dans le temps du Parti québécois, le programme était
restreint à certains secteurs très limités; aujourd'hui,
il est ouvert à tous les secteurs. Donc, c'est une amélioration
dans ce sens-là, et nous allons continuer nos efforts pour tenter de
l'améliorer davantage.
Le Président: Toujours en question
complémentaire.
Mme Harel: M. le Président, le ministre reconnaît-il
que ce programme est un véritable mirage, et que
si les gens se qualifient sur papier, dans la réalité,
dans la seule région de montréal, c'est 83 % des demandes suite
à des fermetures qui ont été refusées?. et, m. le
président, le ministre entend-il sérieusement intervenir pour
que, dans le secteur du commerce et de l'alimentation, ce ne soit pas 100
%1
Le Président: M. le ministre.
M. Bourbeau: M. le Président, il faudrait demander aux
centaines et aux centaines sinon aux milliers de travailleurs qui ont
été admis au programme si le programme est un échec pour
eux. Je pense qu'ils vont répondre le contraire. Maintenant, c'est
sûr qu'il y a des refus, mais il y a des critères dans le
programme. Quand on a moins de 55 ans, on n'est pas admissible. Alors, chaque
fois qu'on demande l'admissibilité, on est refusé. Alors, c'est
sûr qu'il y a des refus.
Aussi, le programme est contingenté, en ce sens que, pour
être admissible, il faut que le licenciement ait une certaine importance
par rapport à la taille de la municipalité. C'est des
critères objectifs. Alors, chaque fois qu'un licenciement survient et
que le licenciement n'est pas, en termes de personnes licenciées, assez
important par rapport à la municipalité, c'est refusé.
Mais ce n'est pas parce que le programme manque d'argent, c'est parce que les
critères sont là, puis, quand on n'est pas eligible, on n'est pas
eligible. C'est ça la vérité.
Le Président: Pour une autre question
complémentaire.
Mme Harel: M. le Président, le ministre reconnaît-il
le caractère discriminatoire des critères appliqués pour
les villes de Montréal et de Laval qui réclament des mises
à pied de plus de 100 employés, quand on sait que des secteurs
industriels complets comme le textile et le vêtement sont
éprouvés et ne comptent en moyenne pas plus de 30 à 40
employés? Reconnaît-il le caractère injuste du programme
dans le secteur de l'alimentation et du commerce en fractionnant une seule
entreprise en plusieurs petits commerces et entrepôts pour soustraire les
travailleurs au bénéfice de l'application du programme?
Le Président: M. le ministre.
M. Bourbeau: M. le Président, la députée
revient à sa première question. Elle se souvient de la
réponse que je lui ai faite. Oui, je suis d'accord que ce
programme-là, à l'égard des grandes municipalités
comme Montréal, devrait être amélioré. J'ai
écrit à plusieurs reprises ? la députée le
sait, je crois que je lui ai fait parvenir copie de mes lettres ? au
ministre fédéral. J'ai écrit même au ministre
Michael Wilson. J'ai écrit à Bernard Valcourt. J'ai écrit
à Marcel Danis. J'ai fait de très nombreuses démarches, M.
le Président, et je vais continuer à en faire tant que je n'aurai
pas réussi à avoir du succès. Merci.
Inclusion de la clause Canada dans le projet de loi
86
Le Président: En question principale maintenant, M. le
député de Lac-Saint-Jean et whip de l'Opposition.
M. Brassard: M. le Président, ce n'est pas un ministre,
c'est Mme de Sévigné.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président: Alors, votre question, M. le
député. (14 h 30)
M. Brassard: Oui, M. le Président. Dans son plaidoyer
devant le comité de l'ONU, le gouvernement a fait preuve de constance en
maintenant la ligne officielle de l'État du Québec en
matière constitutionnelle depuis 1982, et je cite: «Ces
modifications constitutionnelles fondamentales de la structure étatique
canadienne ont eu des conséquences dans les domaines touchant à
la langue et à la culture, qui sont des domaines vitaux pour le
Québec. Ces modifications se sont pourtant faites sans le consentement
du Québec, qui s'est vu imposer par le gouvernement
fédéral et par les gouvernements des neuf autres provinces
canadiennes, majoritairement anglophones, un nouvel ordre constitutionnel. Le
Québec, pour sa part, n'a jamais souscrit à ce nouvel ordre
constitutionnel parce qu'il portait atteinte à ses droits et
privilèges historiques, même s'il est devenu, à son corps
défendant, juridiquement lié par celui-ci.» Fin de la
citation. Or, on retrouve, dans le projet de loi 86, M. le Président,
l'article 23 de la Loi constitutionnelle de 1982 qui porte sur la langue
d'enseignement, considéré, à l'époque, par
l'Assemblée nationale, comme la plus sérieuse et la plus
importante atteinte à la compétence exclusive du Québec en
matière d'éducation.
Ma question au ministre responsable des relations
fédérales-provinciales et procureur général:
Après avoir maintenu la position officielle du Québec en cette
matière devant le comité de l'ONU, pourquoi le gouvernement
a-t-il décidé soudainement de donner son adhésion formelle
à l'Acte constitutionnel de 1982 et, ainsi, rompre avec la position
officielle défendue jusque devant le comité de l'ONU, il y a
moins d'un an, alors qu'aucun gouvernement du Québec digne de ce nom n'a
le droit, sans se déshonorer, de se soumettre de cette façon?
Le Président: M. le ministre délégué
aux Affaires intergouvernementales canadiennes.
M. Rémillard: M. le Président, j'ai eu l'occasion,
à plusieurs reprises, en cette Chambre de dire que l'entente de 1982
était un compromis inachevé parce que le Québec n'avait
pas pu y donner son consentement de façon pleine et entière. Mais
il reste quand même, M. le Président, que plusieurs aspects de
cette entente de 1982 étaient des aspects souhaitables dans une
constitution. Je pense, par exemple, à la Charte des droits et des
libertés, je pense à certaines modifications du partage des
compétences législatives en ce qui regarde les richesses
naturelles, par exemple, M. le Président.
Cependant, ce que nous avons toujours dit, c'est qu'il fallait
compléter cette entente de 1982 en récupérant ce qui avait
été perdu ? vous vous en souvenez ? entre autres, le
droit de veto, qui avait été abandonné, et aussi le
principe de l'égalité des provinces qu'on a toujours
refusé, nous, de ce côté-ci, et que vous avez
accepté le 16 avril 1981. Alors, ce que nous avons dit à ce
moment-là, M. le Président, est en relation directe avec ce que
nous avons toujours dit: essayer de compléter ce qui a été
fait en 1982 en fonction des droits historiques du Québec.
Le Président: Pour une question complémentaire.
M. Brassard: M. le Président, je reformule ma question
parce que je n'ai pas eu de réponse. Non, mais je la reformule.
Le Président: S'il vous plaît!
M. Brassard: Pourquoi le gouvernement a-t-il
décidé, en acceptant que, dans le projet de loi 86, soit
introduit intégralement l'article 23 de la Charte qui avait
suscité l'opposition formelle de l'Assemblée nationale...
Pourquoi avoir accepté et donné ainsi son adhésion
formelle à l'Acte constitutionnel de 1982? Parce que c'est ça que
vous avez fait, en faisant ainsi. Vous, vous êtes président du
Comité de législation. Pourquoi...
Le Président: M. le député. J'invite le
député à poser sa question, évidemment sans
commentaire ou sans préambule déguisé, s'il vous
plaît. Allez-y. Un instant! Un rappel au règlement. M. le leader
du gouvernement.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président, s'il ne
s'agissait que d'une simple violation de notre règlement, j'aurais sans
doute laissé passer, parce que c'est l'habitude du député.
Mais on a violé simultanément l'article 35, paragraphe 4° qui
défend à un député de s'adresser directement
à un autre député. On a violé
systématiquement les dispositions de l'article 78 et plusieurs des
dispositions de l'article 77 dans une simple question additionnelle. M. le
Président, c'est totalement inadmissible.
Le Président: Alors, je vous invite à poser une
question directement, M. le député.
M. Brassard: Pourquoi au Comité de législation
? parce que je pense qu'il en est le président ? a-t-il
donné son aval au projet de loi 86 présenté par son
collègue responsable de la Charte de la langue française, sachant
très bien que, ce faisant, il donnait son adhésion libre et
entière et formelle et officielle à l'Acte constitutionnel de
1982?
Le Président: M. le ministre.
M. Rémillard: M. le Président, le gouvernement a
toujours dit, depuis le 12 décembre 1985, on a toujours dit que nous
étions en faveur de la clause Canada. Même votre père
fondateur, M. René Lévesque, avait dit qu'il était en
faveur de la clause Canada. Alors, quand on parle de l'article 23, on parle de
la clause Canada. Dans ce contexte, M. le Président, qu'est-ce qu'il y a
de surprenant? C'est la même chose, c'est dans la continuité de ce
que nous avons fait lorsque nous sommes arrivés au gouvernement: on a
mis fin à cette clause «nonobstant» utilisée
systématiquement dans toute loi québécoise. On utilisait
la population en otage d'un débat constitutionnel. C'est ça que
vous avez fait. Alors, pour notre part, on s'est refusé à ce
genre d'action. Et on se dit qu'il y a un document qui est à
compléter. C'est ce qu'on a essayé de faire, qu'on va continuer
à essayer de faire. Mais, dans ce contexte-là, M. le
Président, la clause Canada, dans le contexte où elle peut
être située en respect des juridictions québécoises,
tel qu'on le comprend de ce côté-ci de la Chambre, je ne vois pas
de problème à ce niveau-là.
Le Président: Toujours en question complémentaire,
M. le député de Lac-Saint-Jean.
M. Brassard: Comment le ministre peut-il tenir de pareils propos,
alors qu'il sait très bien que, en 1982, l'Assemblée nationale,
de façon presque unanime, sauf 9... Le député d'Argenteuil
les connaît très bien. Il en reste 3 en cette Chambre. Comment le
ministre peut-il tenir de pareils propos, alors que c'est justement parce que
l'article 23 s'attaquait directement aux compétences linguistiques et en
matière d'éducation de l'Assemblée nationale que cette
Assemblée nationale s'est opposée et a refusé
d'adhérer à l'Acte constitutionnel de 1982? Maintenant, c'est le
contraire. C'est ce que vous faites, vous adhérez. Vous
adhérez.
Le Président: M. le député. M. le
ministre.
M. Rémillard: M. le Président, c'est faux. C'est
faux, parce que s'il y a eu unanimité en cette Chambre contre la loi 82,
c'est parce que vous aviez perdu le droit de veto dans vos négociations,
parce que vous aviez accepté le droit à l'égalité
des provinces. C'est ça, M. le Président, qui a amené
l'Assemblée nationale à être unanime pour protester contre
la perte d'un droit historique ? que vous aviez perdu. Mais, lorsqu'on
parle de la clause Canada, lorsqu'on parle de la possibilité que les
enfants de parents qui ont suivi leur éducation dans une autre province
canadienne, en langue anglaise, puissent recevoir l'éducation en langue
anglaise ici, au Québec ? même René Lévesque
était en faveur d'une telle clause?M, le Président,
où il est, le problème? C'est simplement de montrer un peu
d'ouverture et d'esprit fédéraliste.
Le Président: Pour une autre question
complémentaire.
M. Brassard: M. le Président, est-ce que le ministre
pourrait se rafraîchir la mémoire et lire les résolutions
et les motions qui ont été adoptées à
l'Assemblée nationale en novembre 1981, sur le coup de force
constitutionnel, et approuvées par le député
d'Ar-genteuil, alors chef de l'Opposition? Est-ce qu'il pourrait se
rafraîchir la mémoire et considérer qu'actuellement il est
en train d'adhérer formellement, officiellement à l'Acte
constitutionnel de 1982? Est-ce que la défaite
référendaire l'a déprimé au point d'adopter une
telle position, M. le Président?
Le Président: M. le ministre.
M. Rémillard: M. le Président, le
député de Lac-Saint-Jean devrait se rafraîchir la
mémoire et lire les articles pertinents du document de l'entente
signée le 16 avril 1981. Il comprendrait aussi comment son gouvernement
d'alors a perdu le droit de veto, comment son gouvernement d'alors a
accepté le principe de l'égalité des provinces. Et, depuis
que nous sommes au gouvernement, M. le Président, ce que nous avons
essayé de faire, c'est, entre autres, de réparer ces deux gaffes
majeures. Et c'est ces deux gaffes majeures, M. le Président, qui nous
ont causé le plus de difficultés. Si on a été
obligés, M. le Président, et dans l'entente de Charlottetown et,
précédemment, dans l'entente de Meech, d'avoir l'unanimité
en très grande partie, c'était pour aller récupérer
ce droit de veto que vous aviez perdu. Donc, votre responsabilité face
à l'histoire, regardez-la bien en face.
Mesures pour favoriser la création
d'emplois
Le Président: Pour une question principale, maintenant, M.
le député de La Prairie.
M. Lazure: Merci, M. le Président. Selon le dernier
rapport du ministère de la Main-d'oeuvre et de la Sécurité
du revenu, le nombre de personnes assistées sociales a encore
augmenté en mai pour atteindre un nouveau record, depuis que l'aide
sociale existe, soit plus de 456 000 ménages, plus de 750 000 personnes,
dont plus de 270 000 sont des adultes aptes au travail et disponibles. Et un
grand nombre de ceux-là sont des gens qui ont perdu leur emploi
après des fermetures d'entreprises.
Lors de l'étude des crédits, en mai, le ministre a
déclaré qu'il s'attendait à une baisse du nombre de
personnes assistées sociales, à partir de juin. Mais ce n'est
certainement pas le budget qui nous a été présenté,
avec aucune mesure de relance économique, qui va changer la situation.
(14 h 40)
Ma question au ministre de la Main-d'oeuvre et de la
Sécurité du revenu: Est-ce qu'il peut nous dire sur quoi il se
base pour affirmer qu'à partir de juin le nombre de personnes
assistées sociales va diminuer, et peut-il nous expliquer les mesures
concrètes contenues dans le budget de son gouvernement qui vont amener
la création d'emplois, pour que les personnes assistées sociales
qui veulent travailler, et c'est la grande majorité, puissent retourner
au travail?
Le Président: M. le ministre de la Main-d'oeuvre, de la
Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle.
M. Bourbeau: M. le Président, si le député
de La Prairie consulte les statistiques, il va se rendre compte que, à
chaque année, au cours des mois de juin, juillet, août et
septembre, il y a une diminution soit du rythme d'augmentation de la
clientèle à l'aide sociale pendant les mauvaises années ou
une diminution de la clientèle pendant les bonnes années. Or,
l'an dernier, nous étions en plein milieu de la récession et,
pendant les mois dont je viens de parler, la clientèle à la
Sécurité du revenu s'est stabilisée. Je ne sais pas si le
député est intéressé à écouter ma
réponse, mais peut-être que ça pourrait l'aider pour sa
question additionnelle, là. Alors, si, M. le Président, l'an
dernier, alors que la situation économique était pire que
maintenant, la clientèle s'est stabilisée pendant trois ou quatre
mois à l'aide sociale, on peut raisonnablement conclure que, cette
année, en pleine reprise économique, il devrait y avoir une
légère diminution de la clientèle à l'aide
sociale.
Le Président: Alors, pour une question
complémentaire.
M. Lazure: M. le Président, le député a bien
écouté, mais n'a pas entendu de réponse à sa
question. Il a vérifié aussi, pendant qu'il écoutait, les
chiffres de l'an dernier, à la même date. Ce n'est pas exact, ce
que le ministre vient de dire. En mai dernier, il y avait 685 000 personnes et,
en juin, le mois suivant, 689 000 personnes. Il n'y avait pas diminution, il y
avait augmentation. M. le Président, je repose ma question: Sur quelles
mesures concrètes le ministre s'appuie-t-il, dans le budget de son
collègue des Finances, pour affirmer qu'il y aura baisse du nombre de
personnes assistées sociales? Est-ce qu'il peut nous dire sur quelles
mesures concrètes il s'appuie?
Une voix: Boule de cristal, là.
Le Président: Alors, M. le ministre.
M. Bourbeau: M. le Président, ce que j'ai dit tout
à l'heure, c'est qu'à chaque année, pendant
l'été, il y a moins de personnes soit qui arrivent à
l'aide sociale ou qui restent à l'aide sociale. Et je soutiens, M. le
Président, qu'au cours de l'été dernier il y a eu une
certaine stabilisation de la clientèle. Comme nous sommes maintenant en
reprise économique, nous prévoyons, au cours des prochains mois,
une légère baisse de la clientèle à l'aide sociale.
C'est ça que j'ai dit au député de La Prairie, s'il avait
écouté ma réponse.
Le Président: Alors, toujours en question
complé-
mentaire, M. le député de La Prairie.
M. Lazure: Est-ce que le ministre de la Main-d'oeuvre et de la
Sécurité du revenu pourrait comprendre la différence entre
une reprise économique qui crée des emplois et une qui n'en
crée pas? Et celle que l'on voit poindre tranquillement, c'en est une
qui ne crée pas d'emplois. Je pose une autre question au ministre de la
Main-d'oeuvre. Compte tenu que, selon le rapport annuel du Conseil canadien du
bien-être social ? et je cite ? «le Québec
continue d'être l'une des provinces les moins généreuses
pour ses citoyens qui doivent avoir recours à l'aide sociale» et
que, déjà, les prestations actuelles sont sous le seuil de la
pauvreté, comment peut-il justifier, alors, que, sauf pour les 100 000
qui sont inaptes au travail, les personnes assistées sociales n'auront
aucune espèce d'indexation à partir de janvier prochain?
Le Président: M. le ministre.
M. Bourbeau: M. le Président, il est faux de dire que le
Québec est dans le peloton de queue des provinces en ce qui concerne la
générosité à l'aide sociale. Je peux vous dire, M.
le Président, que les recherches que nous avons faites, au
ministère, en ce qui concerne la générosité de
chaque province canadienne, par rapport à l'aide sociale, indiquent, par
exemple, que, dans le cas d'une personne seule, si on prend le barème
moyen ? parce que le Québec est la seule province qui a des
barèmes nombreux, là ? disons le barème des non
disponibles, qui est l'ancien barème de l'aide sociale, là, le
Québec, pour les personnes seules, se situe au troisième rang sur
10 provinces. Or, comme 61 % de la clientèle, c'est des personnes
seules, on peut donc réaliser que le Québec n'est pas dans le
peloton de queue, mais dans le peloton de tête, en ce qui concerne les
prestations à l'aide sociale.
D'autre part, M. le Président, il faut réaliser que les
prestations d'aide sociale, ce n'est pas les seuls revenus que reçoivent
les gens à l'aide sociale. Il y a aussi les allocations familiales, les
nouvelles allocations du fédéral; le crédit pour la TPS,
la TVQ; et il y a aussi l'allocation-logement. Or, on a calculé
récemment que, pour une famille avec deux enfants mineurs, 5 et 7 ans,
à l'aide sociale, le revenu annuel est de 1606 $ par mois pour une
famille, à l'aide sociale, ce qui fait 19 272 $ par année ou, si
vous voulez, pour une semaine de 40 heures, 9.25 $ l'heure. Ce n'est quand
même pas si mal.
Le Président: Bon. Pour une autre question
complémentaire.
M. Lazure: Est-ce que le ministre peut retourner à sa
lecture? «Le Québec à la queue, aide sociale». Ma
dernière question additionnelle, M. le Président: Puisque le
ministre a récemment annoncé, à Sherbrooke, qu'il rendrait
publiques, cette semaine, de nouvelles coupures variant de60000000$à 140
000000$à l'aide socia- le, est-ce qu'il peut prendre l'engagement de ne
pas réduire, d'aucune façon, la prestation mensuelle? Est-ce
qu'il peut arrêter aussi de confondre contrôle normal, avec lequel
nous sommes d'accord, et harcèlement et dénigrement des personnes
assistées sociales?
Le Président: M. le ministre.
M. Bourbeau: M. le Président, le député cite
le titre du Journal de Québec, «Le Québec à
la queue». Je dis que ce titre-là est totalement faux. Les
tableaux que je déposerai indiquent que le Québec est
plutôt dans le peloton de tête que dans le peloton de queue. En
tous les cas, pour les personnes seules, on est troisième sur 10, et
c'est presque les deux tiers de la clientèle.
En ce qui concerne les montants dont vient de parler le
député, M. le Président, essentiellement, les sommes
d'argent que le ministère va récupérer sont des sommes
d'argent qui vont l'être par voie de contrôle, c'est-à-dire
la remise de main à main de chèques aux prestataires qui sont
aptes au travail et qui ne participent à aucune mesure, le travail de
nos agents vérificateurs, etc. Essentiellement, c'est ça, les
récupérations, les économies que nous allons faire. Il
n'est pas question, M. le Président, d'une façon
générale, de couper ? d'une façon
générale, je dis bien ? de couper les sommes d'argent qui
sont allouées dans les barèmes. Il peut y avoir un certain
rééquilibrage où certaines catégories auront moins,
d'autres auront plus, mais je n'ai pas l'intention, pour l'instant, de
recommander un rééquilibrage des barèmes qui ferait qu'il
y aurait une récupération pour le gouvernement.
Le Président: En question principale maintenant, M. le
député de Laviolette.
Rachat des usines de Donohue Matane par les
ex-travailleurs des scieries fermées
M. Jolivet: Merci, M. le Président. Dans le dossier des
scieries Donohue Matane, il est maintenant clair que ce piètre citoyen
corporatif, qui est Donohue, prend littéralement en otage la population
gaspésienne, ainsi que les ressources de toute une région, en
changeant à sa guise les règles du jeu et en rejetant une offre
jugée raisonnable par les gens du milieu.
Le gouvernement, quant à lui, et le ministre responsable n'agit
guère de façon, à mon avis, plus responsable, car, au lieu
de saisir l'opportunité de réduire les assistés sociaux
dans le milieu, il cautionne sciemment, par sa négligence, les
agissements tordus de Donohue en n'exigeant pas que ses partenaires, soit
REXFOR et la Société de développement industriel, exercent
les pressions nécessaires afin de ramener Donohue à la
raison.
Ma question au ministre des Forêts: Est-ce qu'il a l'intention
d'agir dans ce dossier en nous garantissant qu'il va utiliser tous les moyens
nécessaires, tous les instruments dont il dispose pour faire entendre
raison à Donohue afin que cesse immédiatement ce chantage
complètement éhonté et indigne de sa part?
Le Président: M. le ministre des Forêts.
M. Côté (Rivière-du-Loup): M. le
Président, je suis allé, samedi soir, à Amqui, dans la
vallée de la Matapédia, avec le député de
Matapédia, assister à une activité. J'ai donné une
explication à l'assemblée qui était là sur la
possibilité de rouvrir les scieries de Dono-hue. Mon objectif, moi, je
l'ai déjà déclaré en cette Chambre, c'est de
procurer du travail à ces gens-là. Il y avait trois façons
de le faire.
Une façon de le faire, c'est que Dohonue Matane opère ses
scieries et son centre de transformation à Matane, et j'ai ici, en main,
un estimé du budget d'opération. On avait décidé de
ne pas opérer, étant donné le déficit encouru. La
deuxième façon, c'était de donner une réponse au
CAMO, c'est-à-dire au consortium, au groupe du milieu qui voulait se
porter acquéreur des scieries. On m'avait promis une réponse vers
le 11 avril; je ne l'ai pas encore, la réponse. Évidemment,
même si on donnait une réponse aujourd'hui au CAMO, je pense que
ce serait quasiment impossible de se fier sur ce groupe-là pour
redémarrer les scieries, alors que ça prend un fonds de roulement
de 6 000 000 $ pour démarrer toutes les opérations
forestières et les scieries.
La troisième façon de donner du travail, c'était
d'accorder des volumes de bois aux scieries existantes, qui opèrent
actuellement et qui ont, également, des marchés de copeaux. Parce
que, vous savez, les scieries de Donohue Matane font un pourcentage de copeaux
exagéré, soit 2,2 tonnes aux 1000 pieds. Tout ça, je ne
sais pas si le député de Laviolette va comprendre, mais les gens
dans la salle l'ont compris parfaitement. J'ai parlé avec M. Rodrigue ce
matin...
Le Président: En conclusion.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Oui, M. le
Président, et j'ai parlé avec M. Pagé hier soir à
ce sujet-là. Il y a une rencontre de l'exécutif et on tente de
trouver une solution rapide à ce problème-là, M. le
Président.
Le Président: Pour une question complémentaire, M.
le député de Laviolette. (14 h 50)
M. Jolivet: M. le Président, je crois comprendre que seul
le ministre des Affaires municipales peut comprendre les dossiers ?
Port-Cartier en particulier. J'aimerais savoir de la part du ministre...
Le Président: S'il vous plaît! MM. les
députés! À l'ordre! À l'ordre, s'il vous
plaît! S'il vous plaît! Pour une question
complémentaire.
M. Jolivet: Oui. J'aimerais savoir de la part du ministre, dans
ce dossier, est-ce qu'il comprend que REXFOR était d'accord avec l'offre
présentée par le consortium dans le milieu? Il a le pouvoir de
faire des pressions puisqu'il est partenaire, il est membre du conseil
d'administration de Donohue Matane. Comment se fait-il que le ministre ne prend
pas les moyens qu'il a ? REXFOR en particulier ? pour le
régler, le problème?
Le Président: M. le ministre des Forêts.
M. Côté (Rivière-du-Loup): M. le
Président, c'est un fait que REXFOR détient 50 % des actions de
Donohue Matane. J'ai déposé la semaine dernière la lettre
du président de REXFOR donnant son accord pour la vente des scieries au
CAMO et également l'accord du président de REXFOR pour ne pas
opérer et confier les opérations forestières à des
scieries existantes qui ont également un marché de copeaux. Vous
savez, la semaine dernière, le député d'Abitibi-Ouest a
posé une question justement sur le sujet. Pour contourner ce
problème, je pense que la meilleure solution, c'est d'utiliser les
équipements existants, les industries existantes.
Le Président: Pour une question complémentaire, M.
le député de Matapédia.
M. Paradis (Matapédia): Oui, M. le Président.
J'aimerais savoir du ministre si, présentement, Donohue Matane est en
défaut vis-à-vis de ses obligations contractuelles,
vis-à-vis du gouvernement? Et, si ça devait être le cas,
quelles sont les propositions envisagées par le gouvernement
vis-à-vis du défaut de Donohue?
Le Président: M. le ministre des Forêts.
M. Côté (Rivière-du-Loup): M. le
Président, c'est une question précise de la part du
député de Matapédia. Je lui dirai que Donohue Matane n'est
pas en défaut avec son bailleur de fonds qui est la SDI
actuellement.
Et je signalerais au député de Laviolette qu'il faut
respecter les règles du jeu, parce que si un gouvernement ne respecte
pas les règles du jeu commercial et industriel, je pense qu'il n'y aura
plus personne qui va s'y fier.
Le Président: Pour une autre question
complémentaire, M. le député de Laviolette.
M. Jolivet: M. le Président, comment le ministre peut-il
expliquer que REXFOR était d'accord avec l'offre faite par le consortium
et qu'à ce moment-ci le ministre nous indique qu'il ne fera pas les
pressions nécessaires pour arriver à des solutions qui
permettraient aux gens de pouvoir vivre et non pas être sur le
bien-être social?
Le Président: M. le ministre des Forêts.
M. Côté (Rivière-du-Loup): M. le
Président, mes préoccupations datent de bien plus longtemps que
ce que le député de Laviolette signale. J'ai parlé du mois
d'avril; ça fait plus que deux mois que je me préoccupe de cette
question-là, et s'il y a une réunion du
conseil exécutif Donohue Matane, c'est parce que je m'en suis
occupé, M. le Président.
Le Président: Pour une dernière question
additionnelle, M. le député de Matapédia.
M. Paradis (Matapédia): Est-ce que le ministre entend
donner suite à la proposition que les gens nous ont faite ce matin,
à savoir de redonner les CAAF aux industriels pour permettre la
création d'emplois le plus rapidement possible?
Le Président: M. le ministre des Forêts.
M. Côté (Rivière-du-Loup): M. le
Président, c'est une autre question précise et...
Des voix: Ha, ha, ha!
Une voix: Ne riez pas, ne riez pas!
Le Président: S'il vous plaît!
M. Côté (Rivière-du-Loup): Non, non.
J'attendrai...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
S'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! M. le
ministre.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Je vais attendre,
M. le Président, le résultat de la rencontre du comité
exécutif et, possiblement du conseil d'administration de Donohue Matane,
avant de prendre action dans ce dossier-là, et j'espère bien
pouvoir le faire cette semaine.
Le Président: En question principale maintenant, M. le
député de Shefford.
Aide financière à la
Société zoologique de Granby
M. Paré: Oui. Merci, M. le Président. Le jardin
zoologique de Granby, qui fête cette année son 40e anniversaire,
est au premier rang des organismes touristiques autofinancés au
Québec. Se basant sur un engagement ferme de 3 900 000 $ du premier
ministre lui-même, entériné par le ministre d'alors du
Loisir, de la Chasse et de la Pêche en 1989, la Société
zoologique a relocalisé ses primates hors Québec pour faire les
travaux projetés. Cette relocalisation de son attraction principale lui
a causé une baisse d'achalandage.
Le Président: Un instant! Un instant, M. le
député. Je vais demander la collaboration des collègues,
s'il vous plaît. Principalement à ma droite. J'indique vraiment
mes collègues à ma droite à ce moment-ci.
Alors, votre question, M. le député.
M. Paré: Merci, M. le Président. Alors, comme je le
disais, le fait de relocaliser les primates à l'extérieur du
Québec, qui est l'attraction principale, a causé une baisse
d'achalandage considérable au zoo de Granby. Il s'agit pourtant d'un
projet important avec une contribution de plus de 3 000 000 $ du milieu. Il
s'agit de la première priorité de la Société
montérégienne de développement, qui a choisi cette
priorité à l'unanimité, cette région qui compte 20
députés et qui a l'appui des députés des deux
formations politiques. Ma question: Qu'est-ce que le ministre
délégué aux Affaires régionales, qui
déclarait personnellement, lors de son engagement de 1989: «Le
jardin zoologique de Granby constitue un attrait
récréotouristique dont les performances en tant qu'institution
zoologique [...] et des retombées économiques qui ne demandent
pas à être approuvées...» Qu'est-ce que le ministre
attend pour répondre favorablement à la Montérégie
et ainsi permettre un projet et un investissement de plus de 6 000 000 $ en
Montérégie?
Le Président: Alors, M. le ministre responsable du
développement régional.
M. Picotte: M. le Président, j'espère que je
n'apprendrai rien au député de Shefford, qui est en Chambre
depuis déjà un certain temps, qu'il aura beau citer les lettres
de celui qui vous parle lorsque j'étais ministre du Loisir, de la Chasse
et de la Pêche, quand un ministre change d'endroit et de
ministère, les dossiers restent à l'autre ministère comme
maître d'oeuvre dans ces dossiers-là. Donc, je pense que je
n'apprends rien au député, à ce moment-là, et
ça sera, M. le Président, je vous le souligne, au
ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche à
concrétiser cet engagement-là.
Maintenant, je reviens sur un point qu'a souligné mon
collège, le député de Shefford, avec l'enveloppe du
développement régional que nous avons mise entre les mains... Et
Dieu sait, il m'a dit qu'il y a unanimité des deux côtés de
la Chambre, du côté des députés. J'imagine que si le
CRD a décidé de prioriser ce dossier-là, ils pourront
prendre un montant de l'enveloppe pour le verser, au moins, pour commencer
à faire des travaux au niveau du jardin zoologique de Granby. Donc, il
pourrait y avoir 1 000 000 $ de disponible là pour commencer les
travaux, il pourrait y avoir, sur une période de 3 ans, puisque ces
enveloppes-là ne sont pas «périmables», un montant
de, je ne sais pas, moi, 400 000 $ ou 500 000 $ par année, durant 3 ans,
pour ajouter un autre 1 500 000 $. À la suggestion du
député de Shefford, M. le Président, j'ai commencé
à examiner, du côté de l'entente Québec-Canada. On
sait que, dans les régions centrales, cette entente-là ne
s'applique pas de la même façon que dans les régions
périphériques. On est en train de faire modifier les
critères du fédéral pour tâcher qu'elles puissent
bénéficier de l'entente fédérale-provinciale, qui
viendrait compléter. Donc, vous avez en main tous les outils
nécessaires pour au moins commencer à travailler le dossier pour
une couple de millions de piastres. Ce n'est pas si méchant quand on
veut commencer à faire quelque chose.
Le Président: Alors, c'est la fin de la période
des
questions.
Il n'y a pas de votes reportés.
Motions sans préavis.
Avis touchant les travaux des commissions. M. le leader du
gouvernement.
Avis touchant les travaux des commissions
M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président, j'avise
cette Assemblée qu'aujourd'hui, après les affaires courantes
jusqu'à 18 heures, et de 20 heures à 24 heures, à la salle
Louis-Joseph-Papineau, la commission des institutions procédera à
l'étude détaillée des projets de loi suivants, et ce, dans
l'ordre ci-après indiqué: projet de loi 88, Loi modifiant la Loi
sur les substituts du procureur général; projet de loi 94, Loi
modifiant la Loi sur les tribunaux judiciaires; projet de loi 93, Loi modifiant
le Code de procédure civile et la Charte des droits et libertés
de la personne; projet de loi 87, Loi modifiant la Loi sur l'aide juridique. Et
je dépose les avis, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le leader du
gouvernement.
Renseignements sur les travaux de l'Assemblée.
Nous continuons les travaux de l'Assemblée à
l'étape des affaires du jour. M. le leader du gouvernement, avec quel
article du feuilleton, s'il vous plaît?
Affaires du jour
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, M. le Président, j'ai
l'intention de vous demander d'appeler l'article 2 du feuilleton. Maintenant,
je vous demanderais de suspendre les travaux pour quelques minutes, le ministre
ayant dû s'absenter quelques instants de la Chambre.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, je vois arriver le
ministre responsable. On suspend les travaux pour quelques minutes.
(Suspension de la séance à 14 h 59)
(Reprise à 15 h 10)
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Je vous rappelle, Mmes et
MM. les députés, que nous sommes à l'étape des
affaires du jour. M. le leader du gouvernement, quel article du feuilleton,
s'il vous plaît?
M. Bélisle: Article 2, M. le Président.
Projet de loi 86 Adoption du principe
Le Vice-Président (M. Lefebvre): À l'article 2 de
notre feuilleton, M. le ministre responsable de l'ap- plication de la Charte de
la langue française propose l'adoption du principe du projet de loi 86,
Loi modifiant la Charte de la langue française.
M. le ministre, vous avez droit à une intervention de 60 minutes,
et je vous cède immédiatement la parole.
M. Gendron: M. le Président.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): M. le leader adjoint de
l'Opposition officielle.
M. Gendron: Avant que le ministre commence son intervention, je
vous indique tout de suite que je souhaiterais que cette intervention soit
entendue au moins avec le quorum en cette Assemblée. Il y a toujours un
bout, là!
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, je vérifie.
Je vérifie.
M. Gendron: Alors, je demande le quorum.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Qu'on appelle les
députés! (15 h 11 - 15 h 12) . Le Vice-Président (M.
Lefebvre): M. le ministre responsable de l'application de la Charte de la
langue française, je vous rappelle, tel que je vous l'ai indiqué
avant qu'on appelle le quorum, que vous avez droit à une intervention de
60 minutes. Allez-y, M. le ministre.
M. Claude Ryan
M. Ryan: M. le Président, le gouvernement aborde avec
sérénité et confiance l'étape décisive au
terme de laquelle l'Assemblée nationale sera appelée à se
prononcer sur le principe du projet de loi 86. Nous souhaitons fermement que,
après avoir entendu des points de vue très divers à
l'occasion des auditions publiques tenues par la commission parlementaire de la
culture, l'Assemblée nationale se prononce en faveur de cette mesure
législative dont le but est de confirmer les grands objectifs de la
Charte de la langue française tout en les adaptant aux
réalités du Québec d'aujourd'hui. La Charte de la langue
française, ne serait-ce qu'en raison de son objet, suscite dans tous les
milieux un vif respect et un profond attachement pour la langue
française, notre langue officielle et la langue principale de plus de 4
Québécois sur 5. Ainsi que l'établit le préambule
de la Charte, le législateur a voulu faire du français la langue
de l'État et de la loi aussi bien que la langue habituelle du travail,
de l'enseignement, des communications, du commerce et des affaires. quinze ans
après l'entrée en vigueur de la charte, nous sommes en mesure de
constater les résultats appréciables qu'elle a produits. dans le
secteur de l'enseignement primaire et secondaire, plus de 90 % des inscriptions
se font désormais à l'école française. les
problèmes qui découlaient naguère du choix scolaire des
pa-
rents immigrants ont ainsi été réglés
à l'avantage de l'école française et de manière
à mieux favoriser l'insertion des immigrants dans un Québec de
plus en plus français. Dans le secteur de l'économie, on a vu le
français s'affirmer de plus en plus, autant dans la
propriété et la direction des entreprises que dans les
communications à l'intérieur de l'entreprise et avec la
clientèle de celle-ci. Dans le secteur de l'administration publique, le
français occupait déjà, bien avant la Charte, une place
nettement prédominante; cette place a été renforcée
par la Charte.
Tout en étant essentiellement conçue en fonction de
l'affirmation du caractère français du Québec, la Charte
fut également rédigée dans des termes qui se voulaient
respectueux et accueillants à l'endroit de la minorité anglophone
du Québec et de nos communautés ethniques. Ainsi que le proclame
le préambule de la Charte, le législateur a voulu que la
promotion du caractère français du Québec se
réalise, et je cite le préambule: «dans un esprit de
justice et d'ouverture, dans le respect des institutions de la
communauté québécoise de langue anglaise et celui des
communautés ethniques» dont le préambule reconnaît
explicitement l'apport précieux au développement du
Québec.
La Charte confirmait le droit de la minorité anglophone à
des écoles anglaises sur lesquelles elle peut exercer un contrôle
normal. Elle fut complétée sous le gouvernement actuel par la loi
142, laquelle garantit à la minorité l'accès à des
services dans sa langue en matière de santé et de services
sociaux. Mais certaines dispositions de la Charte ont suscité chez la
minorité anglophone des inquiétudes et des protestations
auxquelles l'esprit de justice et d'ouverture promu dans la Charte nous oblige
à prêter une oreille attentive. Les inquiétudes de la
communauté anglophone portent à la fois sur certains droits
qu'elle considère fondamentaux et que nie la Charte de la langue
française et sur la nature même de l'avenir qui lui est
réservé au Québec.
Nous manquerions à l'esprit de la Charte en cédant
à certaines revendications dont l'effet pourrait être, notamment
en matière scolaire, de nous ramener à la situation difficile que
nous avons connue avant l'entrée en vigueur de la Charte. Mais nous
manquerions également à l'esprit de la Charte en refusant de
faire droit à d'autres revendications qui, à leur face
même, sont justes et raisonnables: maintenir pour l'essentiel les grands
objectifs de la Charte tout en formulant, au besoin, dans des termes mieux
adaptés aux réalités d'aujourd'hui, certaines de ses
dispositions; corriger et assouplir, sans préjudice aux objectifs de la
Charte, des dispositions qui ont donné lieu à des
représentations justes et raisonnables de la communauté
anglophone du Québec. Voilà les 2 objectifs principaux que
poursuit le gouvernement à travers le projet de loi 86.
J'ai rappelé tantôt que l'objectif majeur de la Charte est
d'affirmer et d'assurer pour l'avenir le caractère français du
Québec. Rien dans le projet de loi 86 ne vient compromettre cet
objectif. Au contraire, une lecture objective du texte du projet de loi permet
d'en retenir les éléments essentiellement positifs que voici.
Le français demeure la seule langue officielle du Québec.
Le français demeure la langue qui sera le plus souvent utilisée
de manière exclusive par l'administration publique et les nombreux
organismes qui la composent. Les enfants de foyers immigrants, tout comme ceux
de parents francophones, devront continuer de s'inscrire à
l'école française. Non seulement les dispositions relatives
à la langue de travail sont-elles maintenues, mais elles sont
précisées et renforcées de manière à mieux
assurer la continuité et la permanence du processus de francisation dans
les milieux de travail.
Les organismes investis par le législateur d'une mission
essentiellement positive, c'est-à-dire l'Office de la langue
française, la Commission de toponymie et le Conseil de la langue
française sont maintenus et confirmés dans leur vocation. Il
importait de rappeler ces vérités avant d'aborder les changements
que le gouvernement projette d'apporter à la Charte de la langue
française. (15 h 20)
Examinons maintenant les propositions de modification contenues dans le
projet de loi 86. La façon la plus simple de traiter de ces propositions
sera d'en examiner tour à tour les implications pour les principaux
secteurs d'activité qu'elle recouvre. Dans le secteur de l'enseignement,
3 observations majeures doivent être retenues: En premier lieu, pour tous
les parents québécois, y compris les parents immigrants,
l'obligation d'inscrire leurs enfants à l'école française
demeure. Font seule exception à cette règle, comme c'est
déjà le cas actuellement, les enfants de parents ayant
déjà reçu au Québec ou au Canada la majeure partie
de leur enseignement primaire en anglais. Un changement significatif est
toutefois apporté au texte de la Charte à ce chapitre.
La Charte se lit présentement comme si le Québec ne
faisait pas partie du Canada et comme s'il n'existait pas au Canada des
dispositions constitutionnelles garantissant l'accès à
l'enseignement dans leur langue aux enfants de minorités linguistiques
officielles dans toutes les provinces canadiennes. Or, le gouvernement du
Québec applique depuis plusieurs années déjà ces
dispositions de la Constitution canadienne dont l'économie
générale est conforme aux orientations du Parti libéral du
Québec, lequel forme présentement le gouvernement légitime
du Québec.
C'est faire oeuvre de transparence et de cohérence que d'inscrire
franchement et clairement dans le texte de la Charte des dispositions qui
favorisent le respect des droits minoritaires dans toutes les provinces
canadiennes, y compris le Québec. Comme nous adhérons à
ces dispositions, et qu'elles sont déjà appliquées au
Québec depuis le temps où le Parti québécois
formait le gouvernement, nous n'avons pas d'hésitation à les
inscrire dans la Charte de la langue française de manière que
celle-ci décrive avec vérité la situation réelle
qui est la nôtre.
En second lieu, le projet de loi 86 contient un certain nombre de
modifications visant à procurer une plus grande unité, une plus
nette cohérence dans le processus d'examen des demandes d'admission
à l'école anglaise. À l'heure actuelle, les demandes
d'admission
régulières sont traitées par des fonctionnaires
désignés à cette fin, dont les décisions sont
sujettes à révision par la Commission d'appel sur la langue
d'enseignement. Les demandes d'admission à l'école anglaise pour
élèves en séjour temporaire au Québec ou pour
élèves présentant des difficultés graves
d'apprentissage relèvent, cependant, de l'autorité directe du
ministre, dont les décisions sont sans appel.
En vertu des modifications proposées par le gouvernement, toutes
les demandes d'admission à l'école anglaise seront
traitées, à l'avenir, par les personnes que désignera
à cette fin le ministre. Celui-ci n'interviendra plus directement dans
le processus, et toutes les décisions des personnes
désignées seront sujettes à révision par la
Commission d'appel sur la langue d'enseignement. On a voulu faire croire que le
projet de loi 86 élargit dangereusement les pouvoirs du ministre. Ces
pouvoirs sont très limités, voire quasi inexistants, dans la loi
actuelle. Mais voici un cas où le projet de loi 86 produit une
diminution des rares pouvoirs que détient le ministre.
En troisième lieu, le projet de loi 86 contient une modification
dont l'objet est de favoriser un apprentissage plus efficace de l'anglais
langue seconde dans les écoles françaises. Actuellement,
l'enseignement de l'anglais langue seconde est dispensé dans les
écoles françaises à raison de quelques heures par semaine
au deuxième cycle du primaire et au niveau secondaire. Chaque
année, des millions de dollars sont consacrés à cet
enseignement. Malheureusement, les résultats sont loin d'être
satisfaisants. C'est tout juste si, au sortir de 11 années de
scolarité, nos jeunes qui quittent l'école secondaire peuvent se
débrouiller quelque peu en anglais. Même en faisant abstraction du
contexte nord-américain où règne partout la
présence de la langue et de la culture anglaises, nous serions en droit
d'attendre de nos écoles une bien meilleure performance en
matière d'apprentissage de la langue seconde. Or, les
améliorations que tous souhaitent à cet égard
requièrent que la loi actuelle soit assouplie.
L'article 72 de la Charte prescrit, en effet, que toutes les
matières sauf l'anglais doivent être enseignées
exclusivement en français. Cette disposition rigide interdit une
souplesse pourtant nécessaire dans l'apprentissage de la langue seconde.
Elle aboutit, entre autres, à interdire toute forme d'immersion dans
l'apprentissage de la langue seconde. Elle aboutit également à
interdire certaines formes d'échanges d'étudiants, dont les
bienfaits sont pourtant établis par l'expérience.
Le gouvernement propose, à cet égard, des assouplissements
qui devraient favoriser un apprentissage plus efficace de l'anglais dans les
écoles françaises, sans favoriser, a priori, aucune
méthode particulière. Le gouvernement propose que soit
levé l'interdit antipédagogique et anti-intellectuel que l'on
trouve actuellement dans la Charte concernant certaines formes d'apprentissage
de la langue seconde. Le choix des modalités pédagogiques de
l'apprentissage doit relever, non pas de l'Assemblée nationale, mais des
autorités compétentes en matière d'éducation. Que
l'on ait trouvé le moyen, dans certains milieux, de travestir
l'intention du gouvernement en cherchant à faire croire que celui-ci
voudrait angliciser ou bilinguiser des écoles françaises,
voilà qui est profondément regrettable, mensonger, sinon
carrément malhonnête. Il s'agit là d'affirmations qui n'ont
rien de commun avec le véritable objet du projet de loi 86, lequel est
de faire droit à une mesure plus grande de liberté et
d'initiative pédagogique dans l'enseignement de la langue seconde, tout
en maintenant, cela va de soi, le caractère français et
l'orientation française des écoles françaises, au
Québec. Il y a de nombreuses années que les parents, partout
à travers le Québec, réclament une plus grande
efficacité dans l'apprentissage de la langue seconde. Le gouvernement,
après mûre réflexion, a décidé de faire droit
à cette attente légitime.
De toutes les dispositions du projet de loi 86, les plus attendues et
les plus controversées sont sans doute celles qui traitent de
l'affichage public et de la publicité commerciale. Il fallait, en cette
matière, faire un choix majeur. En 1988, il fallut, en effet, que
l'Assemblée nationale invoque la clause «nonobstant»,
inscrite dans la Constitution canadienne, pour empêcher que ne puissent
être contestées devant les tribunaux les dispositions de la Charte
qui interdisent l'usage d'une langue autre que le français dans
l'affichage. Comme cette clause «nonobstant» ne peut être
invoquée que pour une période de 5 ans, laquelle expire, en
l'occurrence, à la fin de la présente année, une
décision majeure devait, en toute hypothèse, être prise
cette année. Cette décision devait être prise en tenant
compte à la fois de l'objectif fondamental de la Charte et des jugements
sévères dont ont été l'objet les dispositions
traitant de la langue de l'affichage.
Nous avions sincèrement considéré, en 1977 et en
1988, que les dispositions prescrivant l'unilinguisme français dans
l'affichage public et la publicité commerciale définissaient des
limites raisonnables à la liberté d'expression et pouvaient,
à ce titre, être considérées comme juridiquement
admissibles. Or, tous les tribunaux appelés à se prononcer sur
cette question en sont venus, quant au fond, à des conclusions
contraires. Au Canada même, telle fut l'orientation très nette des
jugements successivement rendus par la Cour supérieure, la Cour d'appel
du Québec et la Cour suprême du Canada, à propos de
dispositions antérieures contenant des interdictions de même
nature. Il y a quelques semaines, ce verdict des tribunaux canadiens
était confirmé par un rapport du Comité des droits de
l'homme de l'Organisation des Nations unies. (15 h 30)
En gros, le verdict unanime porté contre notre législation
sur l'affichage se résume ainsi: Tout d'abord, la liberté
d'expression garantie par les chartes de droits, y compris, M. le
Président, la Charte québécoise des droits de la personne,
et garantie, aussi, par le Pacte international sur les droits civils et
politiques, doit être interprétée comme s'appliquant
à toute idée ou opinion subjective, à toute nouvelle ou
information, à toute forme d'expression ou annonce publicitaire,
à toute oeuvre d'art. Elle ne saurait être
considérée comme
s'appliquant uniquement aux moyens d'expression politiques, culturels ou
artistiques. L'élément commercial d'une forme d'expression, tel
que l'affichage extérieur, ne peut avoir pour effet, soutient le
Comité des droits de l'homme de l'Organisation des Nations unies, de
sortir celle-ci du champ des libertés protégées.
En second lieu, une loi qui restreint la liberté de l'affichage
commercial sans motif majeur clairement démontré porte atteinte
à la liberté d'expression, vu le lien qui doit être
établi entre le discours commercial et la liberté
d'expression.
Enfin, en troisième lieu, s'il est légitime de vouloir
promouvoir l'usage du français dans l'affichage, il faut chercher ?
ce sont toujours les enseignements des documents cités que je
résume ? à le faire d'une manière qui n'interdise
point l'usage d'une autre langue dans l'affichage publique et la
publicité commerciale.
Les jugements des tribunaux et du Comité des droits de l'homme de
l'ONU ne définissent pas des vérités infaillibles ou
immuables; chacun reste libre individuellement de ne pas y souscrire ou de
vouloir les nuancer. On doit même souhaiter que le débat et la
recherche se poursuivent sur certains aspects des jugements portés au
sujet de notre législation sur l'affichage, certains de ces jugements y
gagneront à être approfondis et clarifiés.
Pour le moment, les jugements rendus par les tribunaux, ainsi que le
rapport du Comité des droits de l'homme de l'ONU, par delà toutes
les restrictions particulières qu'on peut essayer d'inscrire,
définissent néanmoins avec autorité et clarté le
stade actuel d'évolution de la pensée juridique officielle sur
les questions abordées. Autant cette sagesse largement reçue ne
saurait mettre en cause la liberté intellectuelle de chacun, autant elle
commande l'attention et le respect de la part des gouvernements qui se veulent
responsables et démocratiques, et qui veulent agir en solidarité
avec les autres gouvernements qui partagent avec eux l'attachement aux
mêmes valeurs de libertés fondamentales garanties dans les chartes
de droits.
C'est dans cet esprit de respect envers des normes largement
reçues en droit québécois, canadien et international que
le gouvernement propose de modifier les dispositions relatives à
l'affichage public et à la publicité commerciale, de
manière à les rendre davantage conformes avec les exigences de la
liberté d'expression. Le gouvernement entend cependant le faire sans que
pèsent, sauf cas très exceptionnels, des interdictions
législatives à rencontre de l'usage d'une autre langue que le
français en matière d'affichage. i en vertu des modifications
contenues dans le projet de loi 86, la législation sur l'affichage se
caractérisera par les dispositions suivantes: Premièrement, le
français demeurera obligatoire, sauf en cas très exceptionnels,
dans toute forme d'affichage public et de publicité commerciale;
deuxièmement, une langue autre que le français pourra
également être utilisée en plus du français dans
l'affichage public et la publicité commerciale, à condition que
le français soit toujours utilisé de manière nettement
prédominante; troisièmement, le
I gouvernement pourra déterminer par règlement les
situations particulières pouvant justifier des exceptions à ces
règles, soit dans le sens de l'usage exclusif du français, soit
dans le sens de l'usage simultané et égal du français et
d'une autre langue, soit dans le sens de l'usage exclusif d'une autre
langue.
La disposition relative au pouvoir réglementaire du gouvernement
suscite des inquiétudes dans certains milieux. En lisant le texte de
l'article du projet de loi qui traite de cette question, en l'isolant de son
contexte, je comprends ces inquiétudes et, afin de les dissiper, nous
ferons connaître bientôt les cas précis et très peu
nombreux que vise cette disposition du projet de loi 86. On pourra constater,
en prenant connaissance de la réglementation projetée, qu'elle
répond à des besoins précis et démontrés,
mais que le gouvernement n'entend aucunement utiliser son pouvoir
réglementaire pour instituer toutes sortes d'exceptions.
Parmi les cas que le gouvernement entend considérer comme
justifiant un traitement d'exception, il faut rappeler celui des
panneaux-réclame de grandes dimensions que l'on trouve le long des voies
publiques. Ces panneaux ont un effet direct et majeur sur le visage
linguistique et culturel du Québec. Dans la mesure où ils
véhiculent des messages purement commerciaux, le gouvernement estime que
ces messages devraient être présentés uniquement en
français, sans que cela ne constitue une limitation déraisonnable
de la liberté d'expression.
En matière de langue de travail et de francisation des
entreprises, le projet de loi 86 maintient, en les renforçant, les
dispositions déjà contenues dans la Charte. Ces dispositions ont
produit des résultats très encourageants. Il importe de
préciser ces dispositions afin que puisse être poursuivi le
travail déjà entrepris. Le projet de loi apporte des
améliorations significatives à la Charte à cet
égard. Ainsi, les règles relatives à l'inscription des
entreprises de plus de 50 employés auprès de l'Office de la
langue française pour fins de certification ainsi que la mise sur pied
des programmes de francisation et l'attribution des certificats de
francisation, ces règles seront modifiées de manière
à mieux définir chacune des étapes à franchir et
à faciliter l'exécution de leur devoir par les entreprises.
En second lieu, l'obligation faite aux comités de francisation
formés à l'intérieur des entreprises de se réunir
à une fréquence raisonnable sera précisée de
manière à assurer qu'un nombre minimum de réunions auront
effectivement lieu chaque année, à des intervalles
réguliers.
Troisièmement, afin d'assurer la permanence et la
continuité du processus de francisation, l'obligation sera faite aux
entreprises munies d'un certificat de francisation de soumettre à tous
les 3 ans un rapport à l'Office de la langue française sur les
progrès accomplis dans l'utilisation généralisée du
français à toutes les étapes du fonctionnement de
l'entreprise. Et, entre-temps, l'Office continuera d'être mandaté
pour maintenir des contacts réguliers et suivis avec les entreprises
munies d'un certificat de francisation.
Quatrièmement, parmi les matières qui devront faire
l'objet d'échanges et de négociations entre les entreprises et
l'Office en vue de l'attribution d'un certificat de francisation, le projet de
loi ajoute 2 sujets de grande importance, à savoir les pratiques de
l'entreprise en matière d'affichage et l'utilisation du français
dans les technologies de l'information. Ces 2 ajouts enrichissent
substantiellement le champ d'investigation et de négociation qui est
ainsi ouvert à l'Office de la langue française et aux
entreprises.
Le texte actuel du projet de loi prévoit l'abrogation de
l'article 44 de la Charte, lequel prescrit que la langue de l'arbitrage et des
conventions collectives doit être le français. Certains se sont
inquiétés, à juste titre, de la signification de cette
disposition. De fait, l'intention du gouvernement est tout autre que celle
qu'on a voulu lui attribuer. À l'aide de cette disposition, nous
voulions harmoniser les dispositions relatives à la langue des
décisions arbitrales avec celles plus larges qui traitent de la langue
de la justice et des tribunaux judiciaires et administratifs.
Conformément à l'interprétation que les tribunaux ont
donnée à maintes reprises de l'article 133 de la Loi
constitutionnelle de 1867, lequel prescrit l'usage facultatif du
français et de l'anglais dans les tribunaux et les procédures
judiciaires, nous voulions éviter toute interdiction relative à
l'usage de l'anglais ou du français dans les décisions
arbitrales.
Il devrait être possible de maintenir l'article actuel tout en
tenant compte des exigences que nous devons retenir de la jurisprudence
concernant l'usage des langues française et anglaise devant les cours de
justice et les tribunaux administratifs. Ce sujet donnera lieu à un
amendement qui sera communiqué à la commission de la culture
lorsqu'elle aura entrepris l'examen détaillé du projet de loi.
(15 h 40)
Concernant la langue de l'administration, c'est-à-dire la langue
utilisée par le gouvernement et les organismes publics et parapublics, y
compris les municipalités et les commissions scolaires, le projet de loi
86 maintient la règle générale suivant laquelle le
français doit être obligatoirement utilisé le plus souvent
de manière exclusive, mais l'administration embrasse une vaste gamme
d'interventions, dont certaines s'adressent parfois à des personnes ne
parlant qu'une langue autre que le français, dont d'autres sont de
nature purement commerciale et doivent pouvoir s'exercer suivant des
règles qui prévalent pour des entreprises de même nature,
dont d'autres ont pour objet de présenter le Québec sous son jour
le plus favorable à des clientèles le plus souvent
anglophones.
Une règle uniforme et rigide ne saurait manifestement
répondre aux besoins extrêmement variés auxquels doivent
répondre, chaque jour, les interventions innombrables de
l'administration publique. Aussi, dans les cas où cela sera jugé
nécessaire, et après qu'aura été adoptée
à ce sujet une réglementation appropriée, le projet de loi
permettra au gouvernement d'agir avec la souplesse requise, tout en observant,
en toutes circonstances, la règle de l'utilisation obligatoire du
français. À titre d'exemple de situations qui requièrent
une souplesse plus grande en matière linguistique, je mentionnerai les
quelques exemples suivants, qui parlent par eux-mêmes.
Les messages d'accueil destinés à la clientèle
touristique qui nous arrive des provinces anglophones ou des États-Unis,
à l'entrée des frontières du Québec, ne
devraient-ils pas être présentés aux visiteurs d'une
manière qui leur soit intelligible? Si nous voulons que le message soit
intelligible, dans quelle langue pensons-nous qu'il doive être
présenté, en plus du français?
Les messages de nature commerciale véhiculés par des
sociétés d'État comme Hydro-Québec et la
Société des alcools du Québec, pour la promotion de leurs
produits et services, ne devraient-ils pas pouvoir être
présentés dans une langue qui leur permette le plus haut
degré de pénétration possible dans la clientèle
visée? Poser la question, M. le Président, c'est y
répondre.
Les messages portant sur des objets reliés à la
santé ou à la sécurité publique doivent être
rapidement assimilables, non seulement par les membres de la majorité,
mais aussi par les membres de la minorité. Et comme nous savons que
plusieurs d'entre eux ne parlent qu'une langue autre que le français, il
est normal que les messages relatifs à la santé et à la
sécurité publique puissent également être
disponibles dans la langue de la communauté minoritaire la plus
importante au Québec.
Enfin, les messages et inscriptions à l'intention des visiteurs,
dans les musées, les jardins botaniques ou zoologiques, les sites
touristiques où l'on cherche, à juste titre, à attirer le
visiteur et à lui rendre le séjour agréable de
manière qu'il soit intéressé à revenir doivent
être accessibles à celui-ci dans une langue qu'il puisse
comprendre. Et ce n'est pas minimiser, détruire ou compromettre le
français que de permettre que les inscriptions, au bas des objets
exposés dans nos musées par exemple, puissent être
disponibles dans la langue parlée par 98 % de la population du continent
nord-américain.
Ces exemples font voir que l'administration publique doit pouvoir
disposer d'une certaine souplesse dans la présentation des messages
qu'elle destine au public, et ce, dans la mesure même où sa
mission première est d'être au service du public.
Au chapitre de l'administration, la Charte autorise une
municipalité, un organisme scolaire, un hôpital ou un organisme de
santé ou de services sociaux à fonctionner de manière
assez large en anglais, dans la mesure où cet organisme fournit ses
services à une clientèle qui est en majorité d'une langue
autre que le français. En vertu de l'article 113 f de la Charte,
près de 300 municipalités et organismes à vocation
éducative, sanitaire ou sociale se sont vu attribuer depuis 15 ans, par
l'Office de la langue française, une reconnaissance qui les autorise
à utiliser une langue autre que le français dans leur affichage
extérieur et intérieur ainsi que dans leurs communications
internes. Comme le déclarait récemment le juge Jules
Deschênes, dans une allocution au dernier congrès d'Alliance
Québec, le seuil d'admissibilité de 50 % requis pour cette
reconnaissance est présentement très élevé.
Après qu'aura eu lieu un débat suffisamment complet à ce
sujet, il y aura probablement lieu de révi-
ser ce seuil. Pour le moment, le gouvernement n'entend toutefois pas
agir sur ce point précis, vu qu'il n'a donné lieu qu'à des
interventions plutôt récentes et peu nombreuses jusqu'à ce
jour.
Le gouvernement veut cependant corriger maintenant une faiblesse de la
Charte qu'a mise à jour l'an dernier le dossier de la ville de
Rosemère. Comme la loi prescrit que la reconnaissance peut être
accordée à un organisme desservant une clientèle en
majorité d'une langue autre que le français, on en a justement
déduit, à défaut d'autres précisions dans le texte
même de la loi, que la même norme peut et doit être
invoquée pour réclamer le retrait du statut bilingue d'un
organisme, dès que celui-ci cesse de desservir une clientèle en
majorité d'une langue autre que le français. En vertu de ce
raisonnement, un organisme pourrait continuer à fonctionner
partiellement en anglais s'il dessert une clientèle qui est anglophone
à 51 %, mais si la proportion de sa clientèle anglophone
descendait à 49 %, il pourrait être l'objet d'une démarche
de groupes de pression qui obligerait l'Office de la langue française
à lui retirer immédiatement son statut. Vous concevrez tout de
suite, M. le Président, qu'un régime semblable ne saurait
être un régime de bon sens et de réalisme.
C'est pourquoi le gouvernement envisage de traiter d'une manière
particulière les décisions relatives au retrait d'un statut
bilingue. L'octroi de ce statut peut très bien se faire à l'aide
de critères précis dont l'administration peut être
confiée à un organisme comme l'Office de la langue
française. Le retrait d'un statut bilingue déjà
accordé à un organisme doit cependant être traité
avec beaucoup plus de circonspection, de prudence et d'égards. Tandis
que l'attribution du statut peut se faire suivant des normes administratives,
il n'en va pas de même du retrait du statut. Celui-ci entraîne des
conséquences possiblement très lourdes pour le statut, la vie
interne, le rayonnement et l'harmonie d'un organisme. Il revêt une
dimension hautement politique, ainsi qu'on a pu le voir à propos du
dossier de Rosemère.
Étant donné ces considérations, il nous est apparu
que 2 facteurs devraient être pris en compte dans toute décision
impliquant le retrait d'un statut déjà accordé à un
organisme. Ces 2 facteurs sont, d'abord, la volonté de l'organisme
lui-même et, deuxièmement, la volonté du gouvernement. Il
est normal que l'organisme lui-même soit d'abord appelé à
se prononcer, car le statut bilingue qui lui est accordé ne crée
pas d'obligation considérable pour lui et lui permet d'agir de
manière bilingue dans certains cas précis, comme par exemple
l'affichage de la municipalité reconnu comme bilingue peut se faire dans
les 2 langues. Il en va de même des communications internes à
l'intérieur de la municipalité. Si les citoyens et les
élus qui les représentent veulent continuer à jouir du
statut bilingue, même si la proportion de la population est descendue en
bas de la barre de 50 %, laissons-les donc tranquilles, M. le Président!
Laissons-les donc prendre leurs décisions!
Le député de Deux-Montagnes me fait signe que tel est le
cas de la municipalité aux destinées de laquelle il a
présidé pendant longtemps, la ville de Deux-Monta- gnes. Il y en
a plusieurs douzaines d'autres à travers le Québec. Laissons donc
les citoyens prendre un peu leurs responsabilités. Cessons de vouloir
les guider par la main dans toutes les choses qu'ils sont capables de
régler eux-mêmes. (15 h 50)
Ensuite, il peut arriver que des accidents de parcours se proposent, que
des situations imprévisiblement complexes surgissent. Doit-on confier le
règlement de ces situations, qui sont généralement de
nature fortement politique, à un organisme comme l'Office de la langue
française ou au gouvernement? Nous soutenons, nous autres, qu'une
décision politique doit être prise par le gouvernement. Et, dans
ces cas, la décision sera prise ultimement par le gouvernement,
après qu'il aura pris soin de consulter, comme le prescrira la loi,
l'Office de la langue française. Nous aurons ainsi l'intervention
conjuguée de 3 acteurs: l'organisme concerné, l'Office de la
langue française et le gouvernement.
La Charte, dans son texte actuel, prescrit que l'application de la loi
est confiée à 4 organismes différents, soit: la Commission
de protection de la langue française, l'Office de la langue
française, la Commission de toponymie du Québec et le Conseil de
la langue française. À ces 4 organismes s'ajoutent 2 organismes
mandatés pour réviser certaines décisions, soit: la
Commission d'appel sur la langue d'enseignement et la Commission d'appel sur
les décisions relatives au certificat de francisation.
À la lumière de l'expérience des dernières
années, le gouvernement a conclu que la Commission de protection de la
langue française devrait être intégrée dans l'Office
de la langue française. La fonction de surveillance confiée
à la Commission doit être maintenue. Elle sera cependant
exercée dans des conditions plus propices si elle est
intégrée dans la mission plus large de soutien et
d'accompagnement des entreprises, de promotion et d'édification d'un
Québec français que s'est vu confier l'Office de la langue
française.
Depuis 15 ans, la Commission de protection de la langue française
a accompli un travail nécessaire au cours des dernières
années, sous la direction de Mme Ludmila de Fougerolles. Elle a accompli
sa mission avec compétence, distinction et humanité, mais les
circonstances différentes d'aujourd'hui, notamment la diminution
importante du nombre de plaintes en provenance des citoyens et la
préférence de plus en plus nette de la population pour les
solutions qui mettent l'accent sur des valeurs d'initiative et de
responsabilité plutôt que sur les valeurs de coercition
policière, justifient la décision prise par le gouvernement de
mettre fin à l'existence de cet organisme.
L'Office de la langue française est confirmé dans la
mission qui lui a été confiée d'agir comme principal agent
de réalisation des objectifs de la Charte, surtout en matière de
francisation des milieux de travail et de développement d'instruments
linguistiques adaptés aux besoins de l'économie et de la vie
sociale. Grâce aux améliorations que le projet de loi apporte au
chapitre traitant de la francisation des entreprises, l'Office pourra
agir de manière plus efficace dans ce domaine.
On a beaucoup parlé des pouvoirs de réglementation que
possédait l'Office et qui seront désormais réservés
au gouvernement. Ce changement, en soi, n'a rien de radical ni de
révolutionnaire. C'est en effet au gouvernement qu'il appartient de
soumettre des projets de loi à l'Assemblée nationale. C'est
également au gouvernement qu'il incombe logiquement d'arrêter les
règles qui doivent présider à l'application des lois. La
Charte contenait à cet égard des dispositions ambivalentes selon
lesquelles tantôt l'Office, tantôt le gouvernement, tantôt
l'un et l'autre en même temps se voyaient attribuer un rôle en
matière réglementaire. Ce chevauchement n'était pas sain.
Il n'avait pas empêché, cependant, qu'en pratique tous les
règlements institués depuis 15 ans, qu'ils aient
émané de l'Office ou du gouvernement, furent, de fait, soumis au
gouvernement et approuvés par un décret de celui-ci avant
d'être mis en application. Le projet de loi 86 confirme donc
l'autorité qui revenait et qui doit revenir au gouvernement en ces
matières.
Je déposerai, au stade de l'étude détaillée
du projet de loi, un amendement qui donnera à l'Office le pouvoir
d'émettre des avis sur tout projet de règlement conçu par
le gouvernement en vue d'une application dans les secteurs d'activité
qui relèvent de la compétence de l'Office. L'Office de la langue
française a servi depuis 15 ans, avec distinction, compétence et
loyauté, les objectifs de la Charte. Après l'adoption du projet
de loi 86, son rôle demeurera, à toutes fins utiles, le même
qu'actuellement. Il sera même considérablement clarifié et
facilité en vertu des modifications apportées au chapitre
traitant de la francisation des entreprises.
La Commission de toponymie et le Conseil de la langue française,
qui ont tous deux rendu d'importants services, sont maintenus dans leur
vocation actuelle. Le président de la Commission de toponymie sera
désigné à l'avenir par le gouvernement sans autre
qualification. Selon le texte actuel de la Charte, il devait être choisi
parmi les membres du personnel de l'Office de la langue française. Cette
exigence n'a plus sa raison d'être étant donné que la
Commission de toponymie est au service d'un objectif hautement
spécialisé et qu'elle accomplit son travail dans un climat
d'autonomie quasi complète.
La modification projetée vient d'ailleurs confirmer une pratique
déjà bien établie. Lorsque nous avons nommé le
président actuel de la Commission de toponymie, M. Dorion, il
n'était pas membre de l'Office de la langue française, et nous ne
l'avons pas nommé membre de l'Office de la langue française. Nous
l'avons nommé président de la Commission de toponymie purement et
simplement. Alors, la modification que nous apportons rectifiera une partie du
texte de la loi qui était dépourvu de logique et de
réalisme.
Le Conseil de la langue française bénéficiera, pour
sa part, d'une marge de manoeuvre accrue. On n'a pas signalé ce point,
mais, contrairement à ce que stipule depuis 1978 la loi actuelle, le
Conseil pourra désormais entreprendre l'étude de questions se
rattachant à la langue et effectuer de sa propre initiative ou faire
effectuer les recherches appropriées sans devoir obtenir au
préalable l'assentiment du ministre. On pourra lire le texte actuel de
la loi avant de confier des travaux de recherche ou d'entreprendre des
enquêtes sur un aspect ou l'autre de la question linguistique. L'Office
doit obtenir l'assentiment préalable du ministre, et cette disposition
fut insérée dans la loi par le parti que formait... le
gouvernement que formait à l'époque l'Opposition.
C'est un autre point sur lequel nous réduisons, au lieu de les
accroître, les pouvoirs du ministre. Nous voulons que le Conseil puisse
entreprendre en toute liberté les travaux qu'il juge nécessaires
pour assurer la santé et l'avenir de la langue française. En
matière d'avis au gouvernement sur les projets de règlement
préparés par celui-ci, l'Office pourra en tout temps soumettre
des avis au gouvernement. Le texte actuel prescrivait que l'Office doit donner
un avis au gouvernement. C'était une disposition qui pouvait devenir
extrêmement contraignante dans certains cas. L'Office n'aura plus cet
avis.
S'il arrive que le gouvernement exige de lui un avis dans des
circonstances qu'il ne jugerait pas acceptables, l'Office ne sera pas
obligé de donner un avis, mais jamais le gouvernement ne pourra
l'empêcher d'émettre un avis. Ça me semble être une
règle beaucoup plus fonctionnelle, beaucoup plus pratique que celle qui
existait jusqu'à maintenant, et c'est le même genre de
règle que nous instituerons à l'endroit de l'Office de la langue
française concernant tous les projets de règlement susceptibles
d'affecter son champ d'action.
La Commission d'appel sur la langue d'enseignement voit son mandat
élargi par le projet de loi 86. Ses interventions doivent se limiter,
selon le texte actuel de la Charte, à une révision des
décisions prises par la personne désignée. Son champ
d'action embrassera également à l'avenir les décisions
relatives à l'admission à l'école anglaise des enfants en
séjour temporaire au Québec et des élèves en
difficulté grave d'apprentissage. Ces cas relevaient, jusqu'à
maintenant, comme je l'ai signalé tantôt, de l'autorité
directe du ministre.
Quant à la Commission d'appel sur les décisions relatives
à l'octroi de certificats de francisation aux entreprises, elle est
appelée à disparaître. Vu qu'en 16 ans d'existence elle n'a
jamais été saisie d'aucun dossier d'appel, je pense que 16 ans
constituent une démonstration suffisante qu'il serait purement
artificiel de maintenir cet organisme. Il est donc appelé à
disparaître. (16 heures)
Voilà, M. le Président, les principales modifications
à la Charte de la langue française que le gouvernement propose
d'instituer à l'aide du projet de loi 86. Ce rapide survol des
dispositions contenues dans le projet de loi justifie l'affirmation, que nous
avons faite à maintes reprises, voulant que le projet de loi soit
essentiellement un projet raisonnable, responsable, modéré et
ponctuel. Toutes les modifications que propose le gouvernement sont
foncièrement raisonnables. Aucune n'est farfelue, capricieuse ou
aventureuse. Chacune fait suite à de longues études, à des
débats qui ont duré longtemps, et surtout à des attentes
maintes fois exprimées
par la population.
Je n'hésite pas à qualifier aussi de responsables les
choix faits par le gouvernement. Certains choix furent difficiles, d'autres
seront contestés, même après l'adoption du projet de loi.
Cela est normal en démocratie, il ne faut pas s'en étonner. Il
serait difficile, cependant, de soutenir que les modifications proposées
par le gouvernement ne reposent pas sur une solide expérience et des
consultations abondantes. Il serait non moins difficile de ne pas
reconnaître que les changements proposés tiennent compte des
meilleures données disponibles à l'heure actuelle. La pire
attitude que le gouvernement aurait pu adopter aurait été de ne
rien faire ou encore de vouloir agir de façon à plaire en
même temps aux 2 écoles opposées qui s'affrontent presque
toujours dans nos débats linguistiques. La question de l'affichage avait
atteint un stade de maturation qui commandait une réponse précise
et claire. À l'opposé, la question de l'accès à
l'école anglaise donnait lieu à un consensus demeuré ferme
quant au choix nécessaire de l'école pour les enfants de foyers
immigrants. Ici encore, le gouvernement a fait un choix clair, sachant
très bien qu'il ne pourrait satisfaire tout le monde en même
temps. Et si le gouvernement avait voulu obéir aux motifs que lui impute
faussement l'Opposition, il aurait modifié les dispositions de la Charte
relatives à ce sujet. S'il a maintenu ces dispositions, c'est parce
qu'il estime que la Charte a pour objet premier d'assurer l'avenir d'une
société française au Québec. On pourra discuter les
choix du gouvernement, on ne pourra pas lui reprocher d'avoir
évité de choisir.
Les modifications que nous proposons sont, en outre,
modérées. Chacune est formulée dans un texte soigneusement
rédigé, dont la version finale n'a été mise au
point qu'à la suite d'échanges prolongés et dont le texte
pourra encore donner lieu à des améliorations tant que n'aura pas
été franchie l'étape finale de l'adoption du projet de
loi. Le gouvernement apporte des modifications à la Charte, mais il le
fait dans un esprit d'amélioration, sans mettre de côté ce
qui s'est fait de bon depuis 15 ans.
Les modifications proposées sont ponctuelles, précises et
fonctionnelles. Elles n'ébranlent en rien les fondements et les
structures de la Charte; elles visent plutôt à corriger les
faiblesses précises que l'expérience avait portées
à notre attention.
Pour résumer l'esprit dans lequel nous tentons, du
côté du gouvernement, d'aborder la question linguistique, je
voudrais évoquer, en terminant, une intervention que faisait en avril
dernier, à l'Université George Washington, à Washington,
le président de la République tchèque, Vaclav Havel, au
terme d'une réflexion pénétrante sur les défis de
l'ère postcommuniste. Le célèbre dramaturge et homme
d'Etat faisait état des germes d'affrontement qui sont à l'oeuvre
partout dans le monde, et particulièrement des dangers de conflits qui
guettent, à l'intérieur d'un même pays, les groupes raciaux
et culturels. Affirmant ne voir qu'une solution à la crise actuelle du
monde, Havel déclarait: L'homme doit accéder à une
nouvelle compréhension de lui-même, de ses limites et de sa place
dans le monde. Il doit s'élever à une perception
renouvelée de sa responsabilité et rétablir le lien
brisé avec les choses qui le dépassent. Nous devons, poursuivait
Havel, réhabiliter la conscience que nous avons d'être, d'abord et
avant tout, des sujets humains individuels, engagés dans l'action. Nous
devons nous libérer de la captivité dans laquelle nous emprisonne
une perception purement nationale du monde. À travers cette condition de
sujets qui est la nôtre et la conscience individuelle qui en
découle, nous devons découvrir une relation nouvelle avec nos
voisins, avec l'univers et son ordre métaphysique, lequel est la source
de l'ordre moral. Nous vivons dans un monde où nos destins respectifs
sont reliés les uns aux autres, d'une manière plus étroite
que jamais auparavant. Ce monde se définit par une civilisation
planétaire unique, mais, en même temps, il renferme plusieurs
cultures, lesquelles, avec une vigueur et une détermination plus forte
que jamais, résistent à l'unification des cultures, rejettent la
compréhension mutuelle et vivent dans ce qui équivaut à un
climat d'affrontement larvé. C'est là une situation
profondément dangereuse, que nous devons viser à changer.
De la part des personnes qui appartiennent à ces
différentes cultures, la situation actuelle requiert qu'elles
multiplient les efforts, afin de mieux se comprendre entre elles, et de mieux
accepter leurs droits respectifs à l'existence. Ce n'est que dans un
climat comme celui-là, conclut Havel, que pourra prendre naissance une
sorte de métaculture plurielle à l'échelle mondiale. Ce
n'est que dans ce contexte plus large qu'un nouveau sens de la
responsabilité politique, axé sur la dimension globale de notre
responsabilité, pourra voir le jour. Ce n'est qu'une fois que ce nouveau
sens des responsabilités aura réussi à se faire jour que
nous pourrons créer les instruments qui nous rendront capables de faire
face à tous les dangers que l'humanité a créés pour
elle-même.
Nous devons, en conséquence de ces considérations, nous
éloigner de la compréhension du monde qui considère
l'histoire, les cultures étrangères, les nations
étrangères, et ultimement, toutes les autres formes
d'avertissement que nous recevons au sujet de notre avenir, comme un simple
agglomérat d'inconvénients embarrassants qui viendraient troubler
notre tranquillité.
Ces réflexions d'un homme politique dont le pays connaît
des difficultés comparables, à bien des égards, à
celles que connaît notre pays, indique, selon moi, l'esprit de grande
ouverture, de disponibilité intellectuelle et morale
élevée dans lequel nous devons examiner ei résoudre les
problèmes qui découlent, pour nous, de la diversité de
plus en plus grande qui caractérise non seulement notre
société québécoise et canadienne, mais un nombre
croissant de sociétés dans le monde.
Dans le climat de très grande mobilité physique,
économique, sociale et culturelle qui caractérise le monde
d'aujourd'hui, il faut, plus que jamais, que chaque être humain soit
attaché avec fermeté aux valeurs fondamentales qui le
définissent. Mais il faut aussi que cet attachement soit l'expression,
non pas de la contrainte, mais d'une volonté librement assumée et
sans cesse
réaffirmée. Les carcans que l'on a pu imaginer autrefois
pour contenir les sociétés dans des cadres rigidement
définis résistent de moins en moins à l'épreuve du
contact quotidien avec la réalité multiforme d'aujourd'hui.
Aussi, devons-nous miser plus que jamais, M. le Président, sur les
valeurs de liberté et de responsabilité, sans oublier nos devoirs
envers les valeurs collectives que nous chérissons, si nous voulons
assurer pour l'avenir un Québec français, un Québec fort,
un Québec respectueux de toutes les valeurs qui le
caractérisent.
Voilà l'objet du projet de loi 86. J'en souhaite l'adoption par
cette Assemblée. (16 h 10)
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, je vous rappelle
que nous sommes à discuter de la motion proposant l'adoption du principe
du projet de loi 86, Loi modifiant la Charte de la langue française.
Je vais maintenant céder la parole à Mme la
députée de Chicoutimi. En votre qualité de critique, du
côté de l'Opposition officielle, Mme la députée,
vous avez droit, également, à une intervention de 60 minutes.
Mme Jeanne L. Blackburn
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. le projet de loi
modifiant la charte de la langue française, quoi qu'en dise le ministre,
c'est une loi importante, majeure, qui modifie l'esprit de la charte de la
langue française, qui, en quelque sorte, met le français et
l'anglais sur un pied d'égalité, en ce qu'il
généralise et institutionnalise le bilinguisme. c'est un projet
de loi qui contient 65 articles, et ces 65 articles viennent modifier 84
articles de la charte de la langue française, qui en contient 215. en
quelque sorte, c'est 40 % des articles qui se trouvent ainsi
modifiés.
Cette loi touche de nombreux chapitres de la Charte de la langue: la
langue de la législation, la langue de la justice, la langue du
commerce, la langue des affaires, la langue de l'enseignement. Elle abolit la
Commission de protection de la langue française et elle donne au
gouvernement d'énormes pouvoirs réglementaires en ce qu'elle met
plus ou moins ? ou plus que moins ? en tutelle l'Office de la langue
française. Le gouvernement invoque, pour passer un tel projet de loi, la
volonté de s'harmoniser avec les différentes décisions
rendues par les instances, soit la Cour suprême et également le
dernier avis du comité des Nations unies.
Il faut rappeler que ce projet de loi, au moment où nous nous
parlons, nous n'avons toujours pas les règlements, et contrairement
à ce qu'avait fait le gouvernement précédesseur, au moment
où M. Godin présidait aux destinées de la Charte de la
langue française, nous avions, en même temps que nous avions
déposé le projet de loi, déposé les projets de
règlements. Et là-dessus, le ministre, qui prétend qu'on
ne peut pas déposer des projets de règlements aussi longtemps
qu'on n'a pas adopté la loi parce que ça serait une aberration,
je pense qu'il induit la population en erreur. Faut-il ajouter que ce projet de
loi ne contient aucune disposition un tant soit peu significative de soutien et
de promotion du français.
Le ministre, lorsqu'on parle de «bilinguiser»,
d'institutionnaliser le bilinguisme au Québec, il utilise ce sophisme
qui veut que si le bilinguisme, c'est bon pour l'individu, ça l'est tout
autant pour une société. On ne peut pas défendre une telle
chose, car s'il est vrai que le bilinguisme, même le multilinguisme est
un enrichissement pour un individu, pour une société, le
bilinguisme ? et l'histoire de l'humanité nous le démontre
? entraîne l'unilinguisme dans la langue la plus forte.
Faut-il rappeler, au passage, le cas de la ville de Bruxelles, qui, au
début du siècle, était bilingue, c'est-à-dire
français et flamand? À la moitié du siècle, comme
le français était largement utilisé en Europe à
l'époque, à la fois pour le commerce comme pour les affaires
internationales et dans les différentes délégations, c'est
le français qui l'a emporté, et Bruxelles est devenue une ville
française. Au cas où le ministre continuerait à
défendre cette idée que le bilinguisme, ça va nous
permettre de protéger le français, faut-il lui rappeler ce qui se
passe actuellement au Canada anglais?
C'est une loi, la loi 86, qui marque un recul de 20 ans, une loi qui met
en péril les acquis de la loi 101 et qui menace notre capacité
comme majorité francophone d'intégrer les immigrants. C'est une
loi, dis-je donc, qui institutionnalise et généralise le
bilinguisme, une loi injuste, une loi injustifiable, une loi
injustifiée, une loi qui vient, selon plusieurs intervenants entendus
à la commission parlementaire, menacer la paix linguistique et une loi
qui nous ramène 20 ans en arrière. Le ministre agit avec une
précipitation que rien ne justifie. Il utilise 2 arguments:
l'échéance de la clause dérogatoire en décembre
1993 et l'avis d'un comité des Nations unies. J'y reviendrai un peu plus
tard, et mes collègues auront l'occasion d'élaborer un peu plus
sur le sujet.
Le ministre dit que le débat est lancé depuis fort
longtemps. Oui, peut-être, mais pas si longtemps que ça, et pas
aussi généralisé. Il faut se rappeler que le ministre
demandait au Conseil de la langue un avis en 5 points en décembre
dernier. Le Conseil de la langue rendait un avis, en réponse au
ministre, où il proposait, où il suggérait que, dans
toutes les matières à l'exception de l'affichage, c'est le statu
quo. Et là, pour l'affichage, le Conseil de la langue prévenait
le ministre pour les individus, petits propriétaires. Il a aussi
consulté les instances du Parti libéral, vous le savez, M. le
Président et ceux de la partie ministérielle qui nous
écoutent. Il a consulté une instance provinciale du Parti
libéral du Québec qui lui a dit: Petite entreprise, et
enrichissez les mesures de protection et de promotion du français au
travail. Alors, voilà, les avis qu'il a reçus vont radicalement,
mais essentiellement à rencontre de ce que ce gouvernement
s'apprête à faire.
Mais voyons d'un peu plus près la consultation et ce que nous dit
cette consultation. Le gouvernement, pour une des rares fois dans l'histoire du
parlementarisme québécois, a décidé
unilatéralement la liste des organismes qui seraient entendus en
commission parle-
mentaire, sans consultation de l'Opposition. Il y a une règle ici
qui, généralement, fonctionne; pas toujours à la
satisfaction de l'Opposition, mais on s'y attend. Mais l'Opposition est
informée des organismes qui vont être entendus. On ne s'entend pas
toujours sur l'heure non plus que sur la séquence et sur leur nombre,
mais il y a un échange et, dans la très grande majorité
des cas, pour ne pas dire toutes les fois, on a l'occasion d'enrichir la liste
des organismes à être entendus. Le gouvernement a
décidé, par ordre de la Chambre, que non seulement il
arrêtait la liste des organismes à être consultés,
mais qu'il en fixait l'heure et la date, au mépris le plus total des
organismes ainsi invités. Le gouvernement fixait l'heure et la date
d'audition de ces organismes. Du jamais vu! Il donnait, à cette
occasion, la mesure de son mépris à l'endroit non seulement de
l'Opposition, mais des organismes puisque, indépendamment de leur propre
agenda, ces organismes, on leur disait: À telle heure et à telle
date, vous devrez être en commission parlementaire.
Évidemment, vous comprendrez qu'une telle attitude en a
indisposé plusieurs puisque, des 42 organismes invités, 23
seulement ont été réellement entendus et, de ces 23
organismes, 10 se sont déclarés défavorables, 11
favorables ? et 2 avec beaucoup de réserves. Dans les organismes
favorables au projet de loi du gouvernement, 2 représentaient les
intérêts de la communauté anglophone. Ce n'est pas un
reproche, c'est légitime, c'est normal. Et ils nous ont prévenus
que ça ne s'arrêterait pas là, que ce n'est pas parce
qu'ils avaient obtenu tout ce petit démantèlement de la loi 101
et de son esprit qu'ils s'arrêteraient là. Ils
s'arrêteraient, nous dit par exemple le Parti Égalité,
lorsqu'ils auront le libre choix à l'école, la liberté de
choix en matière d'enseignement. C'est ça, l'objectif. Et tous
ceux qui croient qu'on va avoir la paix linguistique et que c'est fini, ces
débats pour en obtenir un petit peu plus, se leurrent lourdement. Donc,
je dis: 2 organismes anglophones.
Pour ce qui est des organismes représentant les
communautés culturelles, les 3 que nous avons entendus ont appuyé
le projet de loi 86. Mais ce qu'il faut comprendre des communautés
culturelles, les 3 qui ont été invitées, ce sont des
communautés culturelles qui sont implantées au Québec
depuis fort longtemps. Ça n'est pas un reproche, mais ça illustre
la méconnaissance du ministre de ce gouvernement de la situation de
l'immigration au Québec puisqu'il n'a pas jugé opportun d'inviter
les communautés qui se sont installées chez nous plus
récemment. Je pense, entre autres, aux Vietnamiens, aux Haïtiens,
aux représentants des communautés hispanophones. Les autres
groupes favorables étaient représentés par des
intérêts d'affaires. Je pense au Conseil du patronat qui est
toujours considéré comme un allié je ne dirais pas
objectif, mais non objectif du gouvernement libéral. La ville de
Rosemère, pour les raisons qu'on connaît: elle veut continuer
à garder un statut de ville bilingue. Alors, qu'elle se rassure.
Dorénavant, le statut de ville bilingue ou d'institution bilingue,
ça va être à vie, tel que le gouvernement l'a prévu
dans son projet de loi. (16 h 20)
II est évident que le ministre ne peut prétendre, comme il
l'a fait, que cette loi fait l'unanimité, tel qu'il le prétendait
au terme de la commission parlementaire. Plusieurs organismes se sont
montrés défavorables, et non les moindres. Tous sont venus nous
dire un certain nombre de choses, mais, de façon générale,
les organismes qui se sont prononcés contre nous disent: On fait du
Québec un Québec bilingue, c'est-à-dire qu'on
généralise et qu'on institutionnalise le bilinguisme. On met
l'anglais et le français sur un pied d'égalité, ce qui
envoie, aux immigrants particulièrement, un message ambigu et ce qui,
faut-il le rappeler, n'incitera ni les immigrants, ni les anglophones, ni les
francophones à mieux maîtriser le français puisque,
dorénavant, la langue, nous dit le ministre responsable de la Charte...
Il y en a 300 000 000 anglophones autour, il faut qu'on apprenne à
parler l'anglais. J'en suis, mais, dorénavant, au Québec, vous
aurez le choix du français et de l'anglais. Ça présage
assez, malheureusement, le glissement qu'on s'apprête à faire.
Les organismes défavorables à la loi 86, comme je le
disais précédemment, c'est près de 50 %, 50 % qui sont
venus mettre le ministre en garde contre les dangers que représente ce
projet de loi quant à l'anglicisa-tion du Québec. Pas les
moindres, encore faut-il le rappeler: le maire de Québec, ex-ministre
des Affaires culturelles dans un gouvernement libéral; le maire de
Montréal s'est également dit contre la réintroduction du
bilinguisme généralisé dans l'affichage commercial; la
CEQ, et malgré le mépris du ministre pour les positions que cet
organisme a prises ? qu'il n'a pas, d'ailleurs, hésité
à qualifier de réactionnaires ? s'est aussi prononcée
contre le projet de loi. Plus spécifiquement, la Centrale de
l'enseignement du Québec a mis en garde le ministre contre l'article 22
de la loi qui ouvre la porte aux écoles bilingues par les classes
d'immersion. Et j'y reviendrai. Mediacom nous dit: Non seulement, avec
l'affichage unilingue, ça avait permis à nos entreprises, aux
entreprises de publicité de faire preuve de beaucoup d'imagination, de
beaucoup de créativité, mais le bilinguisme dans l'affichage,
c'est imbuvable. C'est imbuvable! Vous savez déjà que, si le
gouvernement persiste à ne pas autoriser le bilinguisme sur les grands
panneaux, on nous a déjà annoncé que cette décision
serait contestée.
On le constate donc, la consultation publique sur le projet de loi 86,
loin de démontrer qu'elle a fait l'unanimité, divise
profondément le Québec. Mais faut-il aussi rappeler que, de cette
consultation, le ministre a écarté tous les experts, tous les
experts? Et il l'a dit en cette Chambre, lui, son opinion est faite et, si son
opinion est faite, il a la connaissance infuse. Il a la connaissance infuse.
Aucun expert ne peut en connaître plus que lui. Donc, inutile de
convoquer les experts.
D'ailleurs, pour la même raison, sans doute, il a
écarté les jeunes. Aucun organisme jeune n'a été
invité à cette consultation. Il a également
écarté ? tenez-vous bien ? l'Alliance des professeurs
de Montréal, qui
savent un peu de quoi il retourne lorsqu'on parle d'intégration
des immigrants. Il a écarté les professeurs affiliés
à ce qu'on appelle... à l'association, au syndicat du
gouvernement, ce qu'on appelle les professeurs du Québec, l'association
des professeurs du Québec, qui sont précisément les
professeurs de cofis qui savent également de quoi il retourne quand on
parle de ce genre de question.
Évidemment, en ce qui a trait aux jeunes, le Conseil permanent de
la jeunesse a organisé une consultation parallèle où une
quinzaine de jeunes sont venus dire au Conseil permanent de la jeunesse: Cette
loi est inacceptable, le gouvernement devrait la retirer. Mais le gouvernement
a fait, à l'égard des jeunes au sein de la société,
ce qu'il avait fait à l'égard des jeunes au sein de son parti.
Lorsque les jeunes ont voulu lui rappeler son programme qui était
basé sur le rapport Allaire, et qui rappelait un certain nombre de
vérités à ce gouvernement, pour les faire taire, on les a
tout simplement évacués. On a fait la même chose en ce qui
a trait à la consultation.
S'il y a eu une espèce de perception commune des organismes... Il
y en a eu 2, en fait. La première, c'est que la très grande
majorité des organismes entendus sont venus nous dire: Ce n'est qu'un
premier pas. Autant les anglophones qui veulent plus d'accès à
l'école anglaise, allant de l'accès à l'école
anglaise pour les enfants d'immigrants qui ont l'anglais comme langue
maternelle à ceux qui veulent le libre choix. Ils nous disent: Ce n'est
qu'un premier pas, nous allons continuer; que ceux, évidemment, qui
voient bien que la communauté anglophone et tous ceux qui veulent le
démantèlement de la loi n'arrêteront pas là.
Ça, c'est une perception partagée par la très grande
majorité des intervenants.
L'autre perception, les énormes pouvoirs réglementaires
que se réserve le gouvernement, et non pas les moindres. Le Conseil du
patronat met le gouvernement en garde parce qu'il le sait, le Conseil du
patronat. Le gouvernement, dans son projet de loi, a modifié la
disposition touchant l'adoption des règlements. Dorénavant, si
cette loi est adoptée, ce n'est plus 60 jours, c'est 45 jours. Non
seulement cela, mais, en plus, le gouvernement pourra invoquer le
caractère d'urgence; s'il veut que les enfants d'immigrants entrent, par
exemple, par certaines dispositions du régime pédagogique,
à l'école anglaise en septembre, ils n'auront qu'à
invoquer le caractère d'urgence. Et là, il n'a même pas
à prépublier ses projets de règlement. Le Conseil du
patronat le sait, puis s'inquiète de cette situation parce que, s'il y a
quelque chose que la classe d'affaires a en horreur, c'est
l'instabilité, l'insécurité, la possibilité qu'un
gouvernement change rapidement sans consultation un règlement. Faut-il
se rappeler, un ? règlement, ça se modifie beaucoup plus
facilement qu'une loi? Le gouvernement qui l'adopte n'a aucune obligation
d'aller en consultation.
M. le Président, je vais revenir à un certain nombre de
dispositions de la loi 86 en essayant d'explorer différents
thèmes, différents articles qu'on retrouve dans ce projet de loi,
plus particulièrement l'affichage commercial, la langue d'enseignement,
l'abolition de la
Commission de protection de la langue et ses effets, la mise en tutelle
de l'Office, les pouvoirs réglementaires du ministre et la francisation
des entreprises.
En matière d'affichage commercial, l'article que vous retrouvez
dans le projet de loi 86, projet de loi 86 dit: «L'affichage public et la
publicité commerciale doivent se faire en français.» Ils
peuvent également se faire en français et dans une autre langue
pourvu que le français y figure de façon nettement
prédominante.
D'abord, rappelons que le concept de prédominance, à
l'unanimité, les gens nous ont dit: Ça ne se mesure pas. C'est
très subjectif et, d'ailleurs, la présidente de la Commission de
protection de la langue le disait elle-même, c'est une question de
jugement et de gros bon sens. Comme le jugement et le gros bon sens, ce n'est
pas réparti également dans la* société, dites-moi,
sur quoi allons-nous faire reposer notre jugement? C'est si peu mesurable, la
prédominance, que, tenez-vous bien, la loi 178, adoptée en 1988,
qui prévoit la prédominance en matière d'affichage
intérieur, n'a jamais fait l'objet d'une seule plainte; 5 ans
bientôt, aucune plainte. Pour une raison fort simple: ça ne se
mesure pas. C'est très subjectif. Allez-vous prendre votre gallon, votre
règle à mesurer, votre escabeau pour aller mesurer la
prédominance? Et puis la prédominance, un tiers, deux tiers,
là, c'est assez précis.
Mais la modification dans 86 va plus loin. Elle dit que le
français... ça pourrait être unilingue français,
mais unilingue dans une autre langue. Ça ouvre à l'uni-linguisme
anglais. Il ne faut pas se tromper, là, ça ouvre à
l'unilinguisme anglais. Parce qu'en ce qui a trait aux activités
politiques, religieuses et culturelles, l'unilinguisme était
déjà permis, faut-il se le rappeler. L'unilinguisme était
déjà permis. Le gouvernement, donc, va beaucoup plus loin et il
instaure le principe de l'unilinguisme dans une autre langue en matière
d'affichage.
Pourtant, les arguments qui militent en matière de l'affichage
unilingue français sont nombreux. La plaidoirie du gouvernement du
Québec devant le comité de PONU regroupe les principaux et les
plus importants de ces arguments. Évidemment, ces arguments
acquièrent un poids particulièrement considérable, puisque
le gouvernement du Québec les a fait siens. Faut-il rappeler que la
plaidoirie qui a été présentée au comité des
Nations unies l'a été en février 1992? (16 h 30)
Je vous prie de bien écouter ce qu'écrit le gouvernement
du Québec au comité des Nations unies pour défendre
l'unilinguisme dans l'affichage commercial. Le gouvernement dit, et il rappelle
tout au long, d'ailleurs, de son mémoire, que, tout au long de leur
histoire, les francophones ont dû lutter pour ne pas être
assimilés et maintenir l'héritage distinct de leurs
ancêtres. Et, après avoir passé en revue l'histoire
constitutionnelle du Canada, en commençant par le Traité de Paris
en 1763, en passant par la Proclamation royale de 1773, l'Acte de Québec
de 1774, le rapport Durham, l'Acte d'union de 1840, l'Acte de l'Amérique
du Nord britannique de 1867, le rapatriement unilatéral de 1982 et
l'épisode de Meech, 1987-1990 ? évidemment, il n'avait pas
mis
l'échec de l'entente de Charlottetown, puisque ça a
été rédigé avant, mais on pourrait l'ajouter ?
le gouvernement du Québec conclut, et je cite: «Tous ces
événements témoignent de la nécessité pour
les francophones, face au danger toujours présent de voir leurs
intérêts ignorés et menacés, de chercher à
protéger leur langue et leur culture» ? dixit le gouvernement
du Québec, en février 1992. Dites-moi ce qui a changé
depuis.
D'ailleurs, à titre d'exemple, le mémoire insiste
fortement sur le fait que les modifications à la constitution de 1982,
modifications qu'on est en train d'adopter dans ce projet de loi, se sont
faites sans le consentement du Québec, qui s'est vu imposer, par le
gouvernement fédéral et par le gouvernement des 9 autres
provinces canadiennes majoritairement anglophones, un nouvel ordre
constitutionnel, nous dit le même document, et que le Québec n'a
jamais souscrit à ce nouvel ordre constitutionnel parce qu'il portait
atteinte à ses droits et privilèges historiques, même s'il
est devenu, à son corps défendant, juridiquement lié par
elle. Et qu'est-ce que fait ce projet de loi? Ce projet de loi reconnaît
le coup de force du rapatriement de 1982 en reconnaissant le droit du
gouvernement canadien de s'ingérer dans les questions touchant
l'éducation.
Le gouvernement du Québec expose au comité des Nations
unies qu'il ne faut jamais oublier que l'anglais est, en Amérique du
Nord, la langue massivement prédominante parce qu'elle est la langue
nationale de l'un des plus puissants du monde. Ce n'est pas le Parti
québécois qui dit ça, là, ce n'est pas la Centrale
d'enseignement du Québec, c'est le gouvernement du Québec en
février 1992. Et il poursuit: «Le groupe de langue
française, au contraire, parle une langue minoritaire en Amérique
du Nord et il souffre d'un isolement marqué, loin des autres populations
francophones du monde.» Ce n'est pas le Parti québécois qui
dit ça, je le rappelle, c'est le gouvernement du Québec dans sa
plaidoirie pour maintenir Funilinguisme en matière d'affichage.
«La francisation demeure toujours un acquis fragile», nous dit ce
gouvernement. «C'est pour ces raisons générales que le
gouvernement plaide ardemment en faveur du maintien de l'affichage unilingue
français». Il nous dit, parlant de l'affichage, qu'on
s'apprête à bilin-guiser mur à mur, à angliciser
tout le Québec à ? pour utiliser l'expression du Conseil de
la langue française?se répandre sur tout le territoire du
Québec... «L'unilinguisme, nous dit ce gouvernement, en 1992, dans
l'affichage, est volontairement circonscrit à la sphère de la
publicité publique et commerciale extérieure parce que c'est
là que la valeur symbolique de la langue en tant que moyen
d'identification collective est la plus forte et la plus utile à la
préservation de l'identité culturelle des francophones. En effet,
le visage linguistique véhiculé par la publicité est un
facteur important qui contribue à façonner les habitudes et les
comportements qui perpétuent ou influencent l'utilisation d'une
langue.» Je le rappelle, mémoire du gouvernement libéral du
Québec adressé aux Nations unies en février 1992.
Ça fait 15 mois. Qu'est-ce qui a changé depuis, sinon l'approche
d'élections?
Il poursuit donc: «La liberté d'expression dans le domaine
de la publicité commerciale doit recevoir un degré de protection
moindre que celui accordé à l'expression d'idées
politiques, où une large marge d'appréciation doit être
accordée au gouvernement pour atteindre ses fins. Les articles 58 et
58.2 ne s'appliquent pas à la publicité véhiculée
par les organes d'information diffusant dans une autre langue que le
français, ni aux messages de types religieux, politique, biologique ou
humanitaire, pourvu qu'ils ne soient pas à but lucratif.»
Dans un autre ordre d'idées, le gouvernement et tous ceux qui
prétendent qu'on opprime les Anglo-Québécois ici, le
gouvernement, dans le même mémoire, dresse une liste des avantages
ou des services qui sont aux mains ou qui sont à la disposition des
Anglo-Québécois. Le rapport nous dit: «Les
Anglo-Québécois ont accès, de la maternelle à
l'université, à des établissements scolaires dans leur
langue, financés publiquement; ont leur propre réseau
d'institutions culturelles: radio, télévision, journaux,
bibliothèques, cinémas, théâtres, églises,
associations et clubs, pour assurer leur développement ? ils ne
sont pas en perdition ? les Anglo-Québécois ont accès
à des services de santé et des services sociaux dans leur langue,
et bon nombre d'établissements sont également autorisés
à fonctionner en anglais.»
Le même rapport du gouvernement libéral ? ce n'est pas
moi qui le dis ? le même rapport du gouvernement libéral dit:
«Ils peuvent communiquer avec l'administration publique dans leur langue,
et celle-ci peut leur répondre en anglais. Ils peuvent utiliser
l'anglais devant les tribunaux du Québec de même que dans les
procédures qui en découlent, et, évidemment, ils ont des
procès dans leur langue, et, finalement, utiliser l'anglais devant
l'Assemblée nationale, et les lois sont adoptées dans les 2
langues.» Bref, voilà autant d'arguments qui militent en faveur de
l'affichage unilingue français, nous dit ce gouvernement ? ce
gouvernement.
On ne saurait toutefois passer sous silence un dernier paragraphe, et je
termine là-dessus en ce qui a trait à l'affichage:
«Au-delà des apparences, nous dit le gouvernement libéral,
en 1992, il importe de demeurer conscients que l'enjeu réel qui se
dessine sous le couvert des plaintes soumises au comité, est
l'instauration au Québec d'un régime de bilinguisme quasi
généralisé dans le domaine de la publicité
commerciale, alors que, concrètement, dans les faits, presque partout
ailleurs au Canada, la publicité commerciale ne s'effectue qu'en
anglais.»
En ce qui a trait à la langue d'enseignement, le gouvernement
aura réussi avec une finesse, avec une attention, avec une minutie
rarement égalée à prendre toutes, toutes, toutes les
ouvertures pour agrandir l'accès à l'école anglaise.
Voyons d'abord ce que le ministre qualifie d'expérience prometteuse,
celle préconisant, dans le projet de loi, l'immersion en langue seconde.
On ne parle pas des bains linguistiques, là. Les bains linguistiques,
ça existe, les bains linguistiques, c'est utilisé, les bains
linguistiques, le régime pédagogique le permet, la loi 101
n'avait pas à l'autoriser; ça ne favo-
rise pas ou ça n'élargit pas le nombre d'heures
consacrées à l'enseignement de l'anglais langue seconde ou du
français langue seconde. Non, ça existe déjà.
Ça ne prévoit pas, ce projet de loi, obliger les commissions
scolaires à respecter le régime pédagogique et à
donner le nombre d'heures requises. Non.
Ce que ça permet, ce sont les classes d'immersion,
c'est-à-dire que vous allez enseigner la géographie, les
mathématiques, la chimie en anglais, lorsque vous êtes dans les
écoles françaises, compromettant ainsi l'atteinte des objectifs
de ce cours de façon précise, mais, plus
généralement, allez-vous me dire ce que ça va donner dans
la région de Montréal, où les écoles sont
composées de 50 % à 90 % d'allophones qui n'ont ni le
français et, en partie, ni l'anglais comme langue maternelle? Vous savez
ce qui se passe dans ces écoles? Nous en avons eu des échos, il y
a 4 ou 5 ans, quand la Commission des écoles catholiques de
Montréal avait tenté de faire adopter un règlement pour
limiter l'usage de l'anglais entre les enfants, dans les cours de
récréation, tant il est vrai que les enfants, dans les salles de
cours, dans les écoles françaises, entre eux, se parlaient en
anglais, et on est en train de me dire, on est en train de nous dire, comme
Québécois, que ça, ça ne posera pas de
problème. (16 h 40) sur l'île de montréal, il y a de plus
en plus d'enfants d'immigrants qui n'ont ni le français ni l'anglais
comme langue maternelle. quand ils entrent à l'école
française, ils sont en immersion en français, et ce qu'on leur
dit, là: remettez-les en immersion en anglais, remettez-les en immersion
en anglais. c'est une aberration, c'est une aberration! c'est une aberration au
plan pédagogique, mais c'est nier de façon fondamentale et
importante l'importance que prend l'anglais au québec. petit exemple:
dans nos cégeps et nos universités, les universités
anglaises, les cégeps anglais vont chercher respectivement 27 % et 24 %
des clientèles, pas parce que les anglophones s'en viennent dans nos
universités francophones ? non, ils sont encore en nombre fort
limité ? parce qu'il y a 17 % des francophones et des allophones
qui s'inscrivent dans les universités anglaises. n'allez pas me dire
qu'ils ne maîtrisent pas l'anglais. je me dis: c'est comme ça et
c'est bien. c'est bien, je n'ai rien contre, mais de là à
véhiculer un message tout à fait mensonger à la
population, à l'effet que les jeunes francophones maîtriseraient
plus mal la langue seconde, les données fournies par le
démographe charles castonguay démontrent le contraire. de plus en
plus de francophones maîtrisent bien l'anglais ? je dis bravo!
? et ça plafonne chez les anglophones, pour une raison qui est
difficilement explicable, mais ça plafonne chez ces derniers. il faut
dire que ça n'arrange en rien leur affaire, puisqu'ils ne s'inscrivent
pas dans les universités et les cégeps francophones.
Alors, en ce qui a trait à la langue d'enseignement, dans les
dispositions apportées, touchant l'immersion, les classes d'immersion,
la CEQ, qui doit y connaître quelque chose, en dépit de ce que dit
le ministre... Quand il parle de la CEQ, là, c'est comme quel- que chose
d'imbuvable au Québec. Il a dit un certain nombre de choses tout
à fait inacceptables à l'endroit de sa présidente comme
à l'endroit de cet organisme, comme si lui, il était le seul
à avoir des notions de pédagogie. Évidemment, comme il est
plus expert que tous les experts en matière constitutionnelle, on aurait
dû s'en douter qu'il serait plus expert, en matière
pédagogique, que tous les pédagogues du Québec. Que dit la
CEQ? Elle dit: Les mérites de l'immersion comme méthode
d'apprentissage ne sont pas si concluants que l'on veut bien le dire. En effet,
bien que l'on puisse reconnaître que l'immersion soit une méthode
indiquée pour favoriser l'apprentissage de la langue nationale ? en
ce qui nous concerne, c'est le français ? pour favoriser
l'intégration socioculturelle des immigrants, des élèves
d'origines ethniques diverses, on ne peut affirmer que cette méthode
doit être utilisée pour favoriser l'apprentissage d'une autre
langue.
D'ailleurs, la Fédération des commissions scolaires ?
eux non plus, ils ne connaissent rien là-dedans, selon le ministre; il
ne faut pas s'inquiéter ? abonde dans le même sens et elle
invite le gouvernement à beaucoup de prudence. D'ailleurs, des groupes
qui ont été complètement évacués de la
consultation, l'Association des directeurs d'école de Montréal,
l'Alliance des professeurs de Montréal, les cadres de ces commissions
scolaires ont tenu une conférence, à Montréal, pour dire
que c'était dangereux, que le gouvernement ne devait pas aller dans
cette direction, et que, s'il persistait à le faire, il menaçait
les acquis de la loi 101 et notre capacité d'intégrer les
immigrants. Cet organisme, ce regroupement d'organismes le rappelait: la force
d'attraction de l'anglais demeure énorme, parce que nous sommes en
Amérique du Nord, faut-il le rappeler, et il y a beaucoup plus de
chaînes de radio, de télévision, de journaux, de revues en
anglais qu'il n'y en a en français ? tout le monde le sait.
D'ailleurs, la consommation des produits culturels chez les jeunes allophones
se compare assez à celle des jeunes anglophones, même chez nos
jeunes francophones.
Mais, voyez-vous, ce qu'il y a d'un peu aberrant, c'est que le
gouvernement a modifié une série de dispositions en ce qui a
trait à l'accès à l'école anglaise, et il va aussi
loin que dire, M. le Président, qu'un enfant qui a des
difficultés graves d'apprentissage... Un enfant qui est obligé de
fréquenter l'école française et qui a des
difficultés graves d'apprentissage pourra être admis à
l'école anglaise. Il ne dit pas «dans sa langue». Il ne dit
pas qu'il devrait apprendre en espagnol, qu'il devrait apprendre en grec, qu'il
devrait apprendre en italien. Non! En anglais! En anglais! La règle
générale, c'est l'anglais. Qui plus est, si un parent demande
qu'il soit exempté de l'école française,
évidemment, ce n'est plus la règle générale,
c'est-à-dire l'accès à l'école française,
qui s'applique, c'est l'accès à l'école anglaise. Et si
les 2 parents divergent quant à l'intérêt de l'enfant,
c'est l'école anglaise qui aura gain de cause. C'est ça qu'il y a
dans le projet de loi. C'est ça qu'il y a dans le projet de loi. Et,
dans le projet de loi, tenez-vous bien, vous êtes Coréen, vous
êtes Japonais, vous êtes Chinois, vous
êtes asiatique de l'un ou l'autre de ces pays-là, et vous
avez des difficultés à l'école française: on va
vous envoyer à l'école anglaise, parce que c'est ça que
dit le texte. Il ne dit pas «dans sa langue maternelle», ii dit
«dans la langue anglaise». Vous savez, faire mieux que ça...
Cherchez! Cherchez! On dira, après, qu'il n'y a pas quelque chose d'un
peu vicié là-dedans.
Le ministre ? je le vois opiner du bonnet ? s'il ne voulait
pas qu'on fasse cette interprétation, que la CEQ la fasse, que tous les
organismes entendus la fassent, et y compris les anglophones, il aurait
dû nous fournir les règlements ou encore spécifier dans la
loi, tel que ça se fait, les cas d'exception ? les cas d'exception.
Il laisse la porte largement ouverte à toutes sortes
d'interprétations.
Et là la Fédération des commissions scolaires est
venue nous dire qu'ils ne savaient pas comment ils allaient gérer
ça. C'est-à-dire, ceux qui n'ont pas utilisé leur droit
d'aller à l'école anglaise, qui ont fréquenté
l'école française... Ils sont environ 10 000, peut-être 13
000, nous dit-on. Nous sommes heureux de ce choix-là, mais ces
gens-là avaient, pour leurs enfants, perdu le droit parce qu'ils ont
envoyé leurs enfants à l'école française.
Là, on dit: Les petits enfants vont y avoir droit. Et là, ce que
nous dit la Fédération des commissions scolaires: Comment
allons-nous gérer ça? Combien ça représente de
personnes? Le ministre dit environ 100. Mais, quand on demande à la
Fédération des commissions scolaires de nous faire une
évaluation là-dessus, ils disent: Écoutez, on n'a pas de
données; on ne le sait pas. Où le ministre puise-t-il ses
données? Ah! Mystère et boule de gomme! Sûrement que
ça pourrait être beaucoup plus. Et si on estime qu'ils sont 13 000
à avoir choisi l'école française et que tous leurs
enfants, dorénavant, pourraient demander le privilège
d'être inscrits dans une école anglaise, bien, là, avec les
quelque 100 du ministre, je pense que nous sommes fort loin du compte. Et,
là-dessus, le ministre aurait intérêt à faire preuve
d'un peu plus de transparence.
Alors, en ce qui a trait à la langue d'enseignement, toutes les
petites dispositions de ce projet de loi favorisent l'accès à
l'école anglaise, mais elles envoient un message particulièrement
pernicieux ? particulièrement pernicieux. C'est fatalement plus
difficile d'apprendre en français qu'en anglais; ça, c'en est un
premier. Et pourquoi apprendre le français si on est en train de tout
bilinguiser? Ça, c'est le second, c'est le second. Pourquoi est-ce que
les enfants, surtout d'immigrants, mais francophones aussi, s'attarderaient
à apprendre le français puisque, dorénavant, tout se
passera en anglais ou en français, selon votre choix?
Deuxième chose en ce qui a trait aux immigrants, quand on sait
que la situation actuelle en matière de francisation des entreprises est
si peu avancée, que la langue des communications dans les entreprises,
surtout les petites entreprises, les hôtelleries, les restaurants, les
services alimentaires, la langue des communications entre les employés,
c'est l'anglais... Souvent, le père travaille en anglais, la mère
travaille en anglais. Comment allez-vous convaincre les jeunes allophones d'ap-
prendre le français ou de l'importance de bien le maîtriser?
Curieusement, quand j'ai fait la consultation touchant le statut de la
minorité anglophone dans un Québec souverain, à
l'unanimité les intervenants sont venus me dire une chose, et les
parents et les jeunes: Si nos jeunes quittent, c'est parce qu'ils
maîtrisent mal le français et parce que la,situation est
déplorable. Ils quittent donc pour 2 raisons: parce qu'il n'y a pas de
jobs et parce qu'ils maîtrisent mal le français. Et là,
qu'est-ce qu'on nous dit? Apprenez donc! Les autres vont apprendre l'anglais,
les autres vont apprendre l'anglais. On va régler votre
problème.
Je ne pense pas que ça les garde davantage, parce que ce qui
explique en très grande majorité le départ important d'un
certain nombre de jeunes, anglophones comme francophones, c'est l'état
désastreux de l'économie. Et le gouvernement, évidemment,
en créant de toutes pièces un débat inutile à ce
moment-ci, sur la langue, évidemment, ne fait pas le débat qu'on
aurait dû faire, celui sur l'économie du Québec. Il divise
les forces du Québec alors qu'il aurait fallu les solidariser. Alors
qu'il aurait fallu les solidariser. (16 h 50)
L'abolition de la Commission de protection de la langue
française, la mise en tutelle de l'Office et les pouvoirs
réglementaires. Le projet de loi 86 abolit la Commission de protection
de la langue française. Sans doute que ça plaira à un
certain nombre d'anglophones, qui voyaient cette Commission comme une police
linguistique. Le mandat de la Commission sera dorénavant assumé
par l'Office de la langue française. Il s'agit d'un véritable
retour à la triste expérience des lois 63 et 22, où
l'ancienne Régie de la langue était à la fois responsable
de la promotion du français et de la surveillance des infractions. C'est
une confusion de rôles qui donnait une mauvaise réputation
à la francisation, nous rappelait Mme Lise Bissonnette dans Le Devoir
du 14 mai 1993: «La confusion de ces deux mandats distincts nuira
à l'efficacité de l'action de l'Office de la langue
française.» M. Gaston Cholette, qui était à la
direction de l'Office de la langue, de 1971 à 1974, et président
de la Commission de protection de la langue, nous rappelait, dans un article
qu'on a vu dans La Presse, le 19 mai 1993, que la loi 63, en confiant au
même organisme la promotion du français dans le monde du travail
et la responsabilité de faire des enquêtes, créait un
mélange stérilisant, celui de 2 fonctions incompatibles. Mais,
comme ce gouvernement gère en regardant dans le rétroviseur, il a
entièrement ramené l'essentiel et l'esprit des lois 63 et 22.
Alors, nous dit M. Cholette, «la Régie de la langue
française devait, en effet, faire la promotion du français et
mener, en même temps, des enquêtes pour voir si les lois et les
règlements relatifs à la langue française étaient
observés». Avec le résultat que, évidemment ?
et on nous l'a fait remarquer en commission parlementaire ? vous avez un
organisme qui vous dit comment on devrait franciser, et c'est le même
organisme qui dit: Vous ne respectez pas les règlements et les
règles qui vous permettraient de franciser. Alors,
allez me dire comment on va, là-dessus, présenter une
image un peu dynamique et un peu progressiste de la francisation des
entreprises de façon particulière.
Pour justifier l'abolition de la Commission de protection, le
gouvernement évoque la diminution des plaintes observée depuis 2
ou 3 ans. Mais le ministre a oublié de nous dire qu'il avait
formellement invité, en commission parlementaire, la Commission à
ne pas faire de zèle. La Commission se présentait pour constater
une infraction à la suite d'une plainte et, si elle voyait une autre
infraction, elle ne pouvait même pas informer le commerçant que,
par exemple, sur ses factures, dans différentes dispositions touchant
les relations de travail, il était en infraction. C'était: Vous
ne faites pas de zèle, surtout, laissez-les donc fonctionner comme ils
doivent fonctionner. Alors, évidemment, qu'il nous dise que ce soit le
fait de 3 ou 4 individus qui ont porté plainte, ça veut dire une
chose: ça veut dire que la Commission n'a pas fait son travail. Alors,
invoquer, par la suite, qu'on l'a abolie parce qu'elle n'avait pas de plaintes,
parce qu'elle n'a pas fait son travail, c'est un peu odieux comme
procédé.
En abolissant la Commission de protection, le gouvernement envoie
clairement le message que les nouvelles dispositions sur l'affichage ne sont
que des voeux pieux, qu'il n'entend pas assurer, dans les faits, la
prédominance du français. S'il n'y a plus d'organisme qui n'a pas
à la fois à voir à la formation et au contrôle,
évidemment, le message, les gens vont rapidement l'interpréter.
D'ailleurs, en transférant les responsabilités de la Commission
de protection à l'Office, le gouvernement en profite pour diluer la
portée des dispositions actuelles régissant la capacité de
l'intervention de la Commission. Il les transfère à l'Office,
mais ne lui donne pas tous les pouvoirs. D'abord, les enquêtes font
désormais place à des vérifications. Des
vérifications routières, ça va ressembler à
ça. On ne fait plus d'enquêtes, on fait des vérifications.
Les commissaires enquêteurs et inspecteurs sont transformés en
simples vérificateurs: Je viens vérifier. L'on ne retrouve plus
l'article 171 de la loi actuelle imposant aux enquêteurs l'obligation de
faire enquête chaque fois qu'ils ont des motifs raisonnables de croire
à une infraction. Ils n'ont plus le pouvoir de faire ? non pas des
enquêtes parce qu'ils ne sont plus des enquêteurs ? même
des vérifications. Ils ne vont procéder que sur plainte, et la
protection de l'identité du plaignant n'est plus protégée.
C'est-à-dire que l'identité du plaignant pourra être connue
et communiquée.
La loi actuelle fixe un certain nombre de balises pour lesquelles un
enquêteur peut refuser d'enquêter. Ces balises sont abolies pour
laisser pleine et entière discrétion à l'enquêteur
quant à l'opportunité d'enquêter ou non sur une plainte. Il
n'y a plus de balises. C'est laissé au bon jugement. Évidemment,
comme le bon jugement, je le rappelais, c'est selon vos propres perceptions, le
message va être clair: Ne faites surtout pas de zèle. C'est
ça qu'on envoie comme message, de façon constante, de bout en
bout de ce projet de loi.
La mise en tutelle de l'Office, évidemment, c'était
déjà fait. Parce que, faut-il le rappeler, dans le cas de
Rosemère, le ministre avait indiqué au président de
l'Office: Ne faites pas de zèle. Le résultat? Près de deux
ans et demi après que l'Office eut reconnu que Rosemère devait se
conformer aux dispositions de la loi... Ça a traîné en
longueur. Ils ont même adopté une résolution comme quoi il
y avait des modifications qui s'en venaient. Puis il n'avait même pas
besoin de procéder, dans le cas de Rosemère: l'Office
était, dans les faits, déjà en tutelle. Mais là, il
officialise la tutelle de l'Office.
En effet, le gouvernement se réapproprie le pouvoir
réglementaire sur les sujets suivants: permis de travail temporaires
délivrés par les ordres professionnels. Et, ici, il faut ouvrir
la parenthèse. Pour obtenir un permis de travail temporaire pour un
professionnel, vous savez qu'il doit maîtriser le français. Mais,
dorénavant, c'était renouvelable pendant 3 ans. Vous aviez 3 ans
pour apprendre le français si vous vouliez exercer une profession au
Québec. Dorénavant, ça pourra être reporté ad
vitam aeternam. Ça donne comme résultat la situation suivante.
Dans des laboratoires, et pas les moindres ? je prends celui de
l'Université de Montréal parce que certains professeurs
chercheurs ne maîtrisent pas le français ? on oblige les
techniciens de laboratoire à être bilingues pour répondre
à l'unilinguisme des professeurs. Alors, le message, dans ce
milieu-là, également, va être clair. Et, évidemment,
si ça se fait dans nos universités francophones, voyez ce que
ça donne dans les autres laboratoires des différentes
entreprises, comme si c'était honteux de demander à quelqu'un
d'apprendre la langue nationale. Alors, dorénavant, vous pouvez venir
ici. Vous pourrez travailler 5 ans, 10 ans; on va renouveler votre permis de
séjour supposé-ment temporaire. Vous n'aurez pas à
maîtriser le français.
Le ministre s'approprie également les pouvoirs
réglementaires en ce qui a trait aux inscriptions sur les produits.
Imaginez-vous! Sur les produits, il s'approprie ces pouvoirs
réglementaires, y compris le pouvoir de dérogation à
l'obligation d'une version française. Il s'approprie ces pouvoirs
réglementaires. Les ventes de jouets, dont l'emploi exige une autre
langue que le français, les modalités d'application du concept de
prédominance du français dans l'affichage commercial:
règlement du gouvernement.
Les raisons sociales et, notamment, à l'effet que le
français figure de façon aussi évidente que l'anglais.
Parce qu'on sait que les raisons sociales, il n'y a pas de prédominance,
là. C'est l'égalité. Mais, là, c'est un
règlement du gouvernement qui va en décider. Et les
modalités d'émission de suspension et de retrait des programmes
et des certificats de francisation. C'est une véritable mise en tutelle
de l'Office par le ministre qui se concrétise, par l'article 42 du
projet de loi, qui retire à l'Office son pouvoir actuel de faire des
règlements, de sa propre initiative, sur des services ou la mise en
place de comités nécessaires à l'accomplissement de sa
tâche. Désormais, l'Office devra demander la permission,
l'autorisation au ministre.
Ce que nous avions fait et ce qui avait reçu l'assentiment
général, qui avait créé une certaine
sécurité, c'était de dire: Gardons les pouvoirs
réglementaires suffisamment loin des tentations d'utilisation partisane.
Donnons aux pouvoirs réglementaires... Mettons-les assez loin du
gouvernement pour qu'il n'ait pas la tentation de les modifier pour des raisons
partisanes, par exemple à l'approche des élections. C'est
ça qu'on demandait et c'est ça qui était la règle.
Mais ce n'est pas ça qu'on fait.
Dorénavant, non seulement c'est le gouvernement qui va en
décider, mais c'est le ministre qui va les proposer au gouvernement et,
comme on connaît sa tendance, les glissements vont être importants.
Faut-il le rappeler que, sur un règlement, le gouvernement n'est pas
obligé de consulter. On a modifié, dans cette loi, l'adoption des
règlements pour dire: Ça ne prendra plus 60 jours, mais 45. Et,
en cas d'urgence ou lorsqu'on pourra invoquer l'urgence, il n'y aura pas de
prépublication. Avec le résultat que vous allez vous retrouver
avec un règlement publié dans la Gazette officielle, sous
prétexte d'urgence, que personne n'aura vu, et il s'appliquera
dès le lendemain. (17 heures)
Alors, évidemment, il faut rappeler la position du Conseil du
patronat sur cette question. Ce n'est pas un ami beaucoup des tenants de la
souveraineté, le Conseil du patronat. Je pense que ce n'est un secret
pour personne, et je n'offenserai pas M. Dufour en disant ça. Ce qu'il
dit, donc, dans son rapport, dans son avis, le Conseil du patronat: Nous sommes
toujours très mal à l'aise, lorsqu'il nous faut juger d'une loi
sans en connaître de grands pans ? parce que la loi, c'est une
loi-cadre, une loi-cadre qui laisse beaucoup, beaucoup, beaucoup de place
à l'interprétation et à la réglementation ?
ceux-ci devant être, poursuit le Conseil, éventuellement
précisés par règlement. Tel est l'embarras dans lequel
nous place le projet de loi 86, nous dit le Conseil du patronat, notamment
l'article 17, qui stipule que le gouvernement peut déterminer par
règlement les cas, les conditions, les circonstances où
l'affichage public et la publicité commerciale doivent se faire
uniquement en français, ou peuvent se faire, sans prédominance du
français, ou uniquement dans une autre langue.
La position du CPQ à l'égard d'une telle façon de
légiférer est bien connue. Même s'il s'agit là d'un
mode de législation de plus en plus utilisé ? et moi,
j'ajouterais «par ce gouvernement» ? et dont se servent ou se
sont servis tous les gouvernements, nous enregistrons des réserves
fondamentales à l'égard d'un tel processus, qui soustrait
à la responsabilité de l'Assemblée nationale une bonne
part de la gestion des affaires publiques. Une telle façon de
légiférer, nous dit le Conseil du patronat, n'est pas non plus
sans risque de relancer, à chaque projet de règlement, des
débats inutiles, préjudiciables au climat social, à la
bonne marche de l'économie québécoise.
En ce qui a trait à la francisation des entreprises, je
m'attendais, comme beaucoup d'observateurs de la scène politique et des
mouvements d'aller-retour et de balancier de ce gouvernement, à
retrouver un projet de loi qui irait vers le bilinguisme, pour les petites
entreprises, tel que le proposait le Conseil de la langue et tel que le
proposait le Parti libéral lui-même, et avec un renforcement
considérable des dispositions touchant la francisation de l'entreprise,
alors que là on assiste vraiment à un démantèlement
de la loi 101, article par article, à un détournement de sens et
à une atteinte profonde des objectifs fondamentaux de la loi 101, qui
voulait faire du français la langue nationale, la langue commune, la
langue nécessaire. Ce n'est plus ça qu'on fait,
évidemment, on bilinguise et on anglicise le Québec. En ce qui a
trait, donc, à la francisation des entreprises, tant le Conseil de la
langue française que le Parti libéral du Québec
recommandaient différentes dispositions susceptibles de renforcer la
place du français dans les entreprises. qu'est-ce qu'a fait le ministre
responsable de la charte? rien, aucune disposition significative de
renforcement. il nous dit: ils vont faire un rapport tous les trois ans.
là, écoutez, c'est supposé être la panacée
à tous les maux. pourtant, nous savons tous que, même si on a un
nombre assez appréciable d'entreprises qui ont des certificats de
francisation, celles qui ont effectivement un programme, un certificat et un
programme, au moment où nous nous parlons, il y en a le tiers des
petites entreprises qui ont effectivement un programme de francisation.
évidemment, si on va dans les entreprises, les grandes entreprises,
c'est 40 %. on a encore 60 % de nos grandes entreprises qui sont
certifiées, mais qui n'ont pas de programme de francisation.
M. le Président, cette situation, à Montréal, nous
ne la connaissons pas. Les données que nous avons sur le français
au travail nous donnent la situation de la grande région
métropolitaine. De l'avis même du ministre, la situation, dans
l'île de Montréal, doit être encore beaucoup plus
déplorable que celle qu'on nous présente, à savoir
qu'encore aujourd'hui, c'est les deux tiers des personnes, des francophones,
qui peuvent travailler en français dans la région
métropolitaine, et, évidemment, si vous êtes anglophone,
vous pouvez le faire dans une proportion beaucoup plus élevée. En
ce qui a trait à la francisation des entreprises, nul besoin de vous
rappeler que les données que nous possédons, ce sont des
données agglomérées, c'est-à-dire qui prennent en
compte toutes les entreprises québécoises. Évidemment, les
petites entreprises de moins de 50 employés, dans ma région,
généralement, elles ont un certificat de francisation, et elles
n'ont pas vraiment besoin d'un programme de francisation. Mais, comme nous
n'avons pas la situation pour la grande région métropolitaine,
Montréal de façon particulière, c'est des données
tronquées que nous avons, mais qui sont quand même
inquiétantes.
Une loi injuste, injustifiable et injustifiée, une loi qui menace
les faibles acquis de la loi 101, acquis que nous devons à la loi 101,
qui ont été remarquables en matière d'accès
à l'école française, parce que la loi fait obligation,
pour le moment, faut-il le dire, parce que, là-dessus, il y a une
faction d'Anglo-Québécois qui ne
lâcheront jamais.
Une loi injuste, injustifiée et injustifiable. M. Lévesque
disait, en 1977: «II est évident que, pour un peuple qui
représente 1 Nord-Américain sur 40, un peuple qui, par
conséquent, est exposé à tous les immenses courants d'un
continent anglophone, les États-Unis, de gens qui ne parlent pas notre
langue et dont la culture et dont les moyens de communication, dont les
influences et tous les impacts viennent battre contre nous», il
poursuivait que c'était «non seulement notre droit mais notre
devoir, dans le contexte que nous avons à vivre, de penser à la
défense et à l'illustration de l'instrument essentiel de notre
identité qui est la langue française.» M. Bourassa
lui-même déclarait au Globe and Mail: «Comme chef du
seul gouvernement composé à majorité de francophones
? 1 sur 62 ? si je ne défends pas le français, qui le
fera?» Depuis 1988, on se demande ce qui a changé pour justifier
et expliquer un tel virage.
Une loi injuste parce qu'elle renforce cette perception d'une
majorité francophone intolérante qui viendrait opprimer les
anglophones. Une loi injuste et injustifiable parce qu'il n'y avait pas
d'urgence. Une loi injustifiée parce que le recours à la clause
dérogatoire, c'est décembre; nous aurions encore 6 mois pour
consulter. Une loi injustifiable parce qu'elle vient menacer la paix
linguistique, insécuriser les francophones quant à leur avenir.
Une loi inacceptable que nous nous engageons, comme gouvernement au pouvoir,
à abolir. Que nous nous engageons, comme gouvernement au pouvoir,
à abolir.
Et, M. le Président, cette loi n'avait pas de caractère
d'urgence, rappelons-le, pour 2 raisons: parce que la clause
dérogatoire, on peut l'utiliser, elle a été largement
défendue par l'actuel premier ministre comme étant utile; parce
que le rapport du comité des Nations unies ? mes collègues
en parleront ? ça a pris 4 ans au gouvernement canadien à se
conformer à un jugement du même comité qu'il y a eu en
1981, et, en 1985 seulement, il s'y est conformé.
Motion de report
C'est pourquoi, M. le Président, comme j'estime qu'il n'y a pas
d'urgence, je voudrais faire une motion. Je souhaiterais faire une motion pour
qu'on reporte le débat indéfiniment, après les prochaines
élections, sauf que les règles parlementaires ne m'y autorisent
pas; le plus loin que je puisse souhaiter qu'il soit reporté, c'est de 6
mois. C'est pourquoi, M. le Président, je fais amendement pour que la
motion en discussion soit modifiée par le remplacement du mot
«maintenant» par les mots «dans six mois».
Des voix: Bravo!
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, cette motion est
recevable. Conformément au règlement, je vais suspendre les
travaux pour quelques instants, pour une rencontre avec les leaders quant au
partage du temps sur cette motion de report. (Suspension de la séance
à 17 h 9)
(Reprise à 17 h 19)
Le Vice-Président (M. Bissonnet): À l'ordre, s'il
vous plaît! Alors, si vous voulez prendre place. Suite à la
réunion avec les leaders, le temps est partagé comme ceci: 10
minutes sont allouées à l'ensemble des députés
indépendants; les 2 groupes parlementaires se partageront
également le reste de la période consacrée à ce
débat, soit 110 minutes. Dans ce cadre, les interventions sont
limitées à 30 minutes chacune. Je vous rappelle que c'est une
motion de report, qui se lit comme suit: Que la motion en discussion soit
modifiée par le remplacement du mot «maintenant» par les
mots «dans six mois», et je reconnais M. le leader adjoint du
gouvernement et député de Mille-Îles. M. le
député. (17 h 20)
M. Jean-Pierre Bélisle
M. Bélisle: Oui, je vous remercie. M. le Président,
de toute évidence, nous nous attendions à ce qu'il y ait une
motion de report, et nous nous attendions également à ce que
l'Opposition puise dans tous les dédales du règlement de
l'Assemblée nationale pour retarder le plus longtemps possible
l'adoption du projet de loi 86. Je pense que c'est un secret de Polichinelle
que l'Opposition a tenté, depuis le début de ce débat
très sérieux pour l'avenir de notre société, de
ralentir le cours des choses. Ralentir le cours des choses non seulement avec
l'étude des documents qui ont été présentés
par les divers groupes qui se sont présentés devant la commission
parlementaire, mais depuis le tout début de leur position dans ce
dossier.
M. le Président, je vais raconter des anecdotes parce que je
pense que c'est très important de comprendre ce qui se fait. La motion
de report a un non-sens, surtout compte tenu... Oui, oui. Je vois encore une
fois opiner du bonnet, comme le disait si bien tantôt la
députée de Chicoutimi. Elle a un non-sens dans le sens suivant.
C'est que la députée de Chicoutimi vient de nous dire, à
l'Assemblée nationale, que, advenant l'élection d'un gouvernement
du Parti québécois, et je veux que vous la suiviez quant à
la logique fondamentale de la proposition qui est devant nous... On nous
propose de reporter l'étude du projet de loi d'une période de 6
mois. Or, la députée de Chicoutimi, dans sa logique toute
personnelle et absolument blindée et à toute épreuve, nous
dit, 2 minutes au préalable, que, de toute façon, s'il y a un
gouvernement du Parti québécois qui est élu, ils vont
faire sauter le projet de loi 86. Or, de quoi... M. le Président, je les
ai écoutés très attentivement.
Alors, M. le Président, qu'est-ce que la députée de
Chicoutimi essaie de faire? De gagner 6 mois tout simplement, alors que leur
jeu est nettement ouvert sur
la table, que, advenant une élection du Parti
québécois en 1994 ? et Dieu nous en garde! ? ils vont
prendre les progrès notables qui se sont inscrits dans le projet de loi
86, dans le sens d'une plus grande compréhension de ce qui se passe
présentement dans divers milieux, et que le Québec de 1993-1994
et de l'an 2000 n'est pas...
M. Brassard: Question de règlement, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Sur une question de
règlement, M. le whip de l'Opposition officielle.
M. Brassard: II me semble que, sur un sujet aussi majeur, le
quorum est requis.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Est-ce qu'il y a
d'autres commissions qui siègent actuellement, M. le
député? Est-ce qu'il y a d'autres commissions qui siègent?
Alors, M. le député, si vous voulez poursuivre.
M. Bélisle: Alors, ce que je disais, M. le
Président, tout simplement, c'est que, de toute évidence, de
toute évidence, depuis 1976, les gens du Parti
québécois... Camille Laurin, n'est pas en cette Chambre, le
père de la loi 101, qui vient de resurgir à la surface, il y a
à peine quelques semaines, M. le Président. On s'aperçoit
que le même vieux discours usé, fatigué, suranné,
dépassé, anachronique, préhistorique... Je pourrais sortir
tous les qualificatifs du...
Une voix: Ubuesque. Ubuesque.
M. Bélisle: Ubuesque, ubuesque, ubuesque. Il faut le
chercher dans le dictionnaire, «ubuesque». Ubuesque.
Une voix: Moyenâgeux. Moyenâgeux.
M. Bélisle: M. le Président, ça ne
correspond absolument pas à la réalité vécue du
Québec de 1993 et du Québec de l'an 2000. La
société québécoise de 1976, M. le Président,
était beaucoup plus cloisonnée que la société de
1993. C'est vrai qu'il y a beaucoup d'allo-phones, c'est vrai qu'entre-temps il
y a eu une affirmation importante avec la loi 101, qui était le
prolongement de la loi 22, en 1978, c'est vrai qu'il y a eu de forts
contingents de nouveaux arrivants sur le territoire du Québec, des
immigrants de diverses cultures, de diverses ethnies, de diverses langues qui
sont arrivés, et le Québec s'est affirmé, en toute
souveraineté, en matière de langue, le Québec s'est
affirmé ? et je le disais tantôt au chauffeur de taxi qui me
conduisait de l'aéroport à l'Assemblée nationale ?
comme aucun autre État aux États-Unis en matière de
langue.
On parlait de souveraineté tous les deux. Je lui disais: Est-ce
que tu peux comprendre que nous avons une souveraineté quand même
importante dans le domaine linguistique, de beaucoup plus importante? Et, M. le
Président, on voit resurgir, alors que nous avons la maîtrise, la
maîtrise, effectivement, de notre politique linguistique, la
maîtrise de notre sélection des immigrants, la maîtrise des
critères d'intégration sur notre territoire des nouveaux
arrivants, nous avons toute cette structure-là qui est en place avec les
COFI, avec la mentalité québécoise de 1993 qui n'est pas
du tout la même que celle de 1976. C'est le jour et la nuit entre les
deux mentalités.
Montréal s'est transformée en profondeur. Prenez le
métro, à Montréal, présentement. Le métro
que je prenais en 1975-1976: le tissu urbain, social, humain n'est pas le
même. Il y a beaucoup de nouveaux arrivants de minorités visibles,
de race noire, de race jaune, des asiatiques qui viennent de divers continents,
M. le Président, et qui font partie maintenant de la vie quotidienne du
Montréal métropolitain. Et ces gens-là, de la façon
que moi, je vis à Montréal avec ces gens, ils communiquent en
français, il font des affaires en français. La langue d'affaires
est le français. Ils s'adressent aux institutions financières en
français. Ils envoient leurs enfants à l'école
française. Ils inscrivent même leurs enfants dans des classes
d'immersion.
Vous savez, M. le Président, ça m'a fait sourire,
tantôt, quand la députée de Chicoutimi nous a dit: C'est
inscrit dans le programme pédagogique du ministère de
l'Éducation que n'importe quel parent qui peut en faire la demande peut
envoyer son enfant dans une école d'immersion française.
Laissez-moi vous raconter une anecdote que j'ai vécue personnellement,
Mme la députée. Je vais vous reporter un petit peu plus dans le
temps; pas en 1978, à l'adoption de la loi 101, mais en 1981, juste
après l'élection du Parti québécois pour un
deuxième mandat. À ce moment-là, j'étais
président d'un comité d'école à Laval. Mes 3
enfants allaient à cette école primaire, et les parents ont
décidé que ce serait un avantage important pour nos enfants
qu'ils bénéficient d'un bain linguistique, mais un bain
linguistique taillé de façon traditionnelle, c'est-à-dire
qu'on fait, 5 mois de l'année, les matières de base ? les
mathématiques, le français et les autres matières ?
et les autres 5 mois de l'année, il y a un professeur de langue
anglaise. C'est une jeune Américaine qui a donné le cours, et les
enfants passaient toutes leurs heures scolaires à travailler à
apprendre la langue anglaise. Laissez-moi vous expliquer comment nous avons pu
obtenir ce bain linguistique.
Alors que vous nous avez dit tantôt, M. le Président, et
c'est bien ce qu'elle nous a dit, la députée de Chicoutimi, que,
parce que c'est permis dans le programme pédagogique du ministère
de l'Éducation, c'est comme ça, c'est d'un claquage de doigts que
ça se réussit. Dès que les parents ont commencé
à en parler au comité d'école et dès que les
enfants ont été sensibilisés, c'est arrivé dans la
salle de cours et dans les 2, 3 classes de cinquième année. Et
là, à un certain moment donné, les bons pédagogues
qui étaient les professeurs en place en cinquième année
parlaient à leurs consoeurs, à leurs confrères qui
étaient dans la petite salle des enseignants à l'heure du
dîner. Et là la machine s'est mise à repartir à
l'envers: il ne faut pas que tu deman-
des un bain linguistique, c'est épouvantable, tu vas perdre ta
sixième année, tu vas couler tes mathématiques. Les
enfants faibles ne réussiront pas. Et là les enfants
étaient tous nerveux. Alors on a réuni le conseil d'école,
et là j'ai dit: Pas de panique dans la demeure! Savez-vous comment on a
réussi à faire passer ça, M. le Président?
Écoutez-la bien, parce qu'elle est bonne. Il y avait une semaine de
vacances scolaires, au mois de février, et c'est lors de la semaine de
vacances scolaires, en l'absence de ces bons pédagogues, que j'ai
suggéré à tous ceux qui étaient membres du
comité d'école de faire du porte à porte chez les parents
des élèves de cinquième année pour leur faire
signer une demande officielle pour obtenir un bain linguistique. Sinon, nous ne
l'aurions jamais obtenu pour nos enfants. (17 h 30)
Et mes enfants, aujourd'hui, ce ne sont pas des anglophones. Mes
enfants, ce sont des francophones québécois et
québécoises qui ont eu un privilège extraordinaire dans
notre réseau d'éducation, et non pas un droit. Mme la
députée de Chicoutimi se trompe et nous trompe en disant
ça, M. le Président. Ce n'est pas vrai. Quand on dit que c'est un
droit et que c'est facile, ce n'est pas... Il y a des parents, encore, qui se
battent pour ces choses-là. Il faut être complètement
déconnecté pour ne pas vivre cette
réalité-là. Je me demande comment il se fait qu'on peut
dire des choses semblables.
Or, quand le gouvernement propose d'ouvrir cette possibilité, ce
droit, ce privilège qui était censé être un droit
pour moi et mes enfants... Mais ce n'était pas un droit. J'ai
été obligé de me battre et de le faire un petit peu par
une tactique de ruse pour l'obtenir. Ça a été merveilleux,
ce qu'ils ont vécu. Il y a eu des échanges avec une école
américaine. Une école américaine est venue. Ça a
été phénoménal et ça a continué. Et
c'était seulement la deuxième école, dans tout Laval, qui
bénéficiait de ce programme-là. alors, quand
j'écoute la députée de chicoutimi, m. le président,
je ne peux pas faire autrement que d'avoir une sorte de flashback géant
dans ma tête, où je vois passer les événements qu'on
a vécus en 1981, après 1978, après la sanction de la loi
101, et où, nous, on se battait pour ce qui devait être un droit,
et qui, en réalité, n'était qu'un privilège. alors,
j'ai beaucoup de difficulté, quand je vois la réaction de la
députée de chicoutimi et celle du parti québécois,
venir nous dire en cette chambre, avoir la même attitude que camille
laurin et tous les fantômes de l'opéra, qu'on est en train de
remettre sur la scène, présentement, et qui agitent des grelots
alors que, d'une façon très claire... je vous mets au
défi, n'importe qui de l'opposition, de votre siège, de venir me
prouver, dans le cours du débat, sondages à l'appui, de n'importe
quelle firme de sondages, que vous n'êtes pas en train, en fin de compte,
de faire perdre du temps à l'assemblée nationale. quand, dans une
société, il y a 3 personnes sur 4 ? c'est ça, le
rapport, 75 % des gens ? qui disent oui à des adoucissements, oui,
à l'affichage bilingue, mais prépondérance du
français... ça, c'est majeur pour nous. la
prépondérance du français va demeurer...
Une voix: Obligatoire. M. Bélisle: Pardon? Une
voix: Obligatoire.
M. Bélisle: ...obligatoire, par surcroît. M. le
Président, je pense qu'on ne peut pas arriver à
l'Assemblée nationale et commencer à faire de telles
affirmations, surtout lorsque je voyais... Parce que, tout ça, c'est
toute une stratégie politique, là, et je comprends très
bien, M. le Président. Le dossier de la langue, c'est un des 50 dossiers
gouvernementaux. Est-ce que ça devrait l'être ou est-ce que
ça ne devrait pas l'être?
Moi, à mon avis, on devrait cesser d'en parler. C'est pour
ça que, moi, c'est sûr que je vais voter contre la motion de
report. Moi, comme père de famille ? et j'en ai plusieurs à
la maison: j'en ai des grands, qui sont élevés; il m'en reste
encore de 15 ans, 18 ans, 19 ans; j'ai même le privilège d'avoir
des petits-enfants ? je ne veux pas revivre ce que j'ai vécu
à partir de 1970, avec McGill français... Parce que
j'étais là, moi, à l'Université McGill, en 1970.
J'ai vu ce qui s'est passé. Il y a eu des affirmations majeures de la
société québécoise avec la loi 22, avec la loi 101,
avec les améliorations, avec la loi 178.
Là, on passe à une étape de maturité, une
étape de maturité. Bien oui! Je vois le député de
Lac-Saint-Jean qui opine de la tête. L'étape de maturité,
c'est exactement l'étape contraire que vous avez passée, vous, en
1978. Vous vous souvenez? M. le Président, ils ont la mémoire
courte. Mme la députée de Chicoutimi, je ne sais pas si elle s'en
souvient, parce qu'elle n'était pas là. Je ne sais pas si elle se
souvient du projet de loi 1. Ah! le député de Lac-Saint-Jean doit
s'en souvenir, lui. Deux mois et demi ? aïe! il faut avoir la
tête dure pour ne pas comprendre au bout de 2 semaines ? deux mois
et demi en commission parlementaire, à l'Assemblée nationale, le
Parti libéral du Québec, l'Opposition de l'époque, vous
avait dit, redit... La Commission des droits de la personne vous avait
souligné, vous avait pointés du doigt... Des professeurs
d'université, de droit, étaient venus vous dire que vous ne
pouviez pas, effectivement, oublier les droits individuels, et placer les
droits linguistiques de la collectivité au-dessus. Mais, M. le
Président, le Parti québécois, le vénérable
gouvernement de l'époque, a tellement erré que, de guerre lasse,
au bout de deux mois et demi, ils ont été obligés de
retirer le projet de loi 1, qui était le projet de loi sur la Charte de
la langue française, et de le remplacer. Là, ils ont
été obligés d'ajouter un «10» devant:
ça faisait 101.
Mais là, vous avez changé, M. le député de
Lac-Saint-Jean, bout pour bout, le bateau. Vous êtes complètement
retourné de l'autre bord. Là, le «nonobstant», qui
est... C'est quoi, le «nonobstant»? C'est un mécanisme de
protection et de repli sur soi. C'est ça, là. Ne parlons pas de
mots juridiques. C'est ça que ça signifie. On se protège
avec une police d'assurance au cas où ce ne serait pas légal.
Moi, c'est bien de valeur, je ne vois pas
du tout l'avenir du Québec avec des clauses de protection et des
polices d'assurance semblables. Je ne le vois pas pour moi parce que je n'en ai
pas besoin. Je ne le vois pas pour mes enfants, et même quand je ne serai
plus sur cetteterre, mes enfants vont continuer à parler
français, et les enfants de mes enfants vont continuer à parler
français. Ce n'est pas en agitant des épouvantails à
moineaux, comme le chef de l'Opposition, qui le 20 mai 1993 disait «les
ingrédients sont réunis pour une crise»...
Pensez-vous que c'est responsable, ça? Quand on discute d'un
sujet aussi émotif que le sujet de la langue, je ne pense pas que c'est
responsable, M. le Président. C'est simplement pour aller chercher du
capital politique, parce qu'ils ont tout fait, le Parti
québécois, pour aller se chercher du capital politique et faire
démarrer un mouvement pour ébranler le gouvernement. Ils ont fait
des conférences de presse. Ils ont battu la campagne avec les mouvements
syndicaux. Ils sont allés chercher leurs appuis du côté de
la CEQ, de la CSN. Ils ont tenté de tout ramasser: le Mouvement national
des Québécois avec M. Bouthillier... M. Bouthillier, quand je le
regarde, j'ai beaucoup de respect pour l'individu, mais je comprends pourquoi,
effectivement, il a peut-être des problèmes de
crédibilité. C'est de la façon qu'il exprime les choses:
on ne sent pas, effectivement, chez cet individu-là et chez d'autres du
mouvement ultranationaliste, qu'ils sont réellement là dans
l'intérêt des Québécoises et des
Québécois. On sent qu'ils sont là pour défendre des
intérêts corporatistes, des intérêts de leurs groupes
à eux, pas des Québécoises et des Québécois.
Absolument pas.
Au mois d'avril dernier, la société
québécoise... Parlons de décloisonnement, là. On
vient de signer une entente de libre-échange, créant un vaste
bassin économique nord-américain, qui est, en termes de nombre
d'intervenants consommateurs et producteurs de services, l'équivalent de
la Communauté économique européenne: 375 000 000 de
personnes. M. le Président, moi, ce que je peux dire, lorsque je regarde
ces vastes vastes vases communicants, que sont le continent
nord-américain avec le continent européen, c'est que oui, rien ne
sera plus immobile, de quelque facette qu'on puisse regarder le problème
? puis je m'explique ? ni sur le plan économique, des
relations de base, à savoir qui produisait quoi et où la
production se faisait et à quel taux et à quel salaire. Tout est
en train de se continenta-liser. La langue, M. le Président, est en
train de se continentaliser jusqu'à un certain point.
Deux exemples. Le Viêt-nam, qui a porté aux nues la langue
russe ? parce que le Viêt-nam du Nord, qui est le conquérant
du Viêt-nam du Sud, était branché sur l'URSS via son
régime communiste, savez-vous c'est quoi la grande mode
présentement au Viêt-nam, M. le Président? La grande mode
au Viêt-nam ? il n'y a personne qui aurait pu prédire
ça dans une boule de cristal, il y a 10 ans ou 5 ans ? c'est
d'apprendre l'anglais, de parler l'anglais, de voir des films dans la langue
anglaise, de lire des documents scientifiques en anglais.
Il semble qu'on soit ? je m'excuse pour les représentants de
la langue anglaise, je ne dis pas ça de façon péjorative
? condamné à utiliser une langue internationale de
communications... Ça aurait pu être une langue chiffrée,
mais l'histoire... Ça aurait pu être ça. Ça aurait
pu être des pictogrammes, mais présentement, c'est l'anglais,
à cause de la situation mondiale. Vous regardez aux États-Unis,
dans l'État de la Floride, dans le comté de Dade ? c'est
tout récent, ça s'est passé au mois d'avril ? le
conseil des commissaires de l'endroit vient de décider, M. le
Président... Il y a tellement de gens hispaniques qui sont
arrivés dans ce comté-là... Ils sont tellement
travailleurs, ils sont tellement impliqués socialement,
communautairement, qu'ils se sont intégrés à la
société américaine. Ils ont pris des postes au niveau du
conseil municipal; ils ont même pris la majorité des postes. Ils
ont contrôlé le conseil des commissaires, au niveau scolaire,
là-bas. Et là, la question s'est déjà posée.
Est-ce que la langue espagnole devait devenir une langue officielle? Ils sont
en train de vivre ça, présentement, à Miami, où nos
Québécois vont, l'hiver, se promener, à quelques milles au
Sud ? c'est ça qu'ils vivent comme problème. Comprenez-vous
le parallèle, M. le Président? Rien n'est statique dans le
domaine de la langue, des droits humains et des droits sociaux. Tout est en
mouvement. Tout n'est qu'une question d'ajustement et de mise au point ?
pas de chambardements majeurs, mais de mise au point. Le projet de loi 86 fait
exactement ce qu'on est en train de faire aux États-Unis: ils viennent
de voter, au conseil des commissaires du comté de Dade, que, maintenant,
la langue hispanique deviendrait une seconde langue officielle et que tous les
règlements municipaux, tous les communiqués seraient en anglais
et également en espagnol. (17 h 40)
Est-ce que c'est une bonne ou une mauvaise mesure? Est-ce que c'est un
signe des temps? Est-ce que c'est un signe de maturité, pour une
société, de pouvoir s'adapter aux circonstances, s'adapter
à la modernité, s'adapter aux temps nouveaux, et préparer
l'avenir? Moi, je dis, M. le Président, que c'est la semence de la
société de demain, et 86... Nom de Dieu!, si on se retrouve en
élection, l'an prochain, j'espère que les
Québécoises et les Québécois vont comprendre que le
Parti libéral du Québec est réellement bien branché
sur la réalité du Québec, et pas débranché
et déconnecté complètement, comme le Parti
québécois l'est. Je n'en reviens pas, effectivement, de leur
position là-dessus. Je ne le crois pas. Je n'en reviens tout simplement
pas.
M. le Président, simplement, en terminant, la motion de report de
la députée de Chicoutimi est une motion dilatoire, un faux-fuyant
devant la réalité à laquelle on doit faire face. Quand tu
as un problème dans la vie, quand tu as un problème dans ton
couple, quand tu as un problème dans ta famille, quand tu as un
problème avec tes enfants, quand tu as un problème avec ton
voisin, tu ne lui présentes pas une motion de report disant qu'on va le
régler dans 6 mois. En adulte responsable, tu regardes ton voisin, tu
regardes la per-
sonne qui vit avec toi ? ta conjointe, ton épouse ? tu
regardes tes enfants, tu parles et tu règles ton problème. Tu vas
au fond des choses et tu prends des décisions.
On s'est fait reprocher souvent, M. le Président ? des gens
qui étaient à l'Assemblée nationale depuis 35 ans ?
de ne pas prendre des décisions. C'est vrai. Bien des fois, ils ont
raison de nous faire ce reproche-là. Mais, dans ce cas-là, non,
on en prend une décision et on prend la bonne décision.
Là, on va se comporter en société adulte. On va prendre
notre décision et on va avoir le temps de vivre avec au cours des
prochains mois. On va voir là. La société
québécoise ne s'excitera pas, le français ne
disparaîtra pas. Au contraire, les statistiques prouvent que le
français n'a jamais été autant utilisé au niveau de
la langue du travail: 87 %, si je me souviens du pourcentage.
Mais, M. le Président, la façon de faire de la
députée de Chicoutimi, elle est... C'est impensable de venir nous
dire: Écoutez, nous, on vous promet que, si on remporte la prochaine
élection générale, on va abroger la loi 86, on va
détruire ce qu'on est en train de faire là. Mais on ne la votera
pas pour le moment, on va tout simplement attendre 6 mois, et dans 6 mois, on
verra. On verra, on verra... On ne peut pas voir, parce qu'ils ne voudront pas
voir, de toute façon, plus dans 6 mois. Ça fait que, dans 6 mois,
ça va être dans un autre 6 mois, puis il n'y aura rien qui va
être fait.
On a besoin d'un ajustement, d'un ajustement sérieux.
L'ajustement, il est équilibré et pondéré,
l'ajustement de la loi 86. L'ajustement fait suite à des
délibérations ? et je vais faire un compliment, M. le
Président ? à des délibérations d'une
très haute qualité, tenues à l'intérieur même
du Parti libéral du Québec, lors du dernier conseil
général. Il n'y a pas eu d'excités qui sont allés
au micro. Il n'y a eu personne qui a déchiré ses vêtements
en public ? non ? les gens ont fait ça
pondérément. Ah, oui, il y avait des opinions différentes,
c'est sûr, mais nous, on est un parti où on discute librement
entre nous. On ne se cache pas derrière les alcôves. N'en
déplaise à la députée de Chicoutimi, nous autres,
effectivement, notre chef, on lui parle. C'est surtout ça,
effectivement, qui se passe. On ne se regarde pas les uns les autres, se
demandant ce qui va se passer, puis, si un député dit telle
chose, par rapport à tel autre qui peut me frapper derrière la
tête. Nous autres, ça ne marche pas comme ça, chez nous.
O.K.? Alors, si le chapeau vous fait, vous pouvez le mettre, là, mais
c'est exactement ce que ça veut dire. De notre côté, on n'a
pas ce problème-là.
Alors, donc, en personnes adultes et responsables, on va prendre notre
décision, et on va voter la loi 86, M. le Président, dans
l'intérêt des Québécoises et des
Québécois d'aujourd'hui et de tous ceux qui vont nous suivre,
pour demain. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, sur la motion de
report de Mme la députée de Chicoutimi, je cède la parole
à M. le whip de l'Opposition et député de Lac-Saint-Jean.
M. le député.
M. Jacques Brassard
M. Brassard: M. le Président, bien, je comprends qu'il n'y
ait pas de problèmes au sein du Parti libéral. C'est clair que ce
ne sera pas contesté. C'est évident, hein? Tous ceux et toutes
celles qui auraient pu avoir la tentation de remettre en question les positions
et les orientations du gouvernement en matière linguistique, c'est
à peu près ceux et celles qui remettaient en question le virage
constitutionnel du gouvernement, et ils ne sont plus là. Ils ont
été complètement expulsés, éjectés du
Parti. Alors, on s'entend bien, au sein du Parti libéral. Il n'y aura
pas de contestations ni de grands débats, c'est bien évident. Ce
n'est pas surprenant, non plus.
M. le Président, pourquoi est-on si pressé? Pourquoi le
gouvernement est-il si pressé? Pourquoi cette bousculade de fin de
session pour faire adopter une loi majeure en matière linguistique?
Comment expliquer cette précipitation? Où est l'urgence, comme
l'indiquait et le faisait remarquer, à la fin de son discours, la
députée de Chicoutimi? Où est l'urgence? Manifestement, il
n'y en a pas, d'urgence. Sur un sujet aussi délicat, il me semble, M. le
Président, que l'Assemblée nationale, le Parlement de
Québec doit prendre tout le temps qu'il faut pour examiner en profondeur
une question aussi majeure.
Moi, je voudrais vous indiquer 2 ou 3 raisons qui font en sorte qu'il y
a lieu, il y a pertinence de reporter le débat et que les motifs
invoqués ou avancés par le gouvernement ne sont pas
fondés. La première raison que le gouvernement invoque, ça
tient à la clause dérogatoire. On nous indique qu'il faut
légiférer, parce que la clause dérogatoire, qu'on a
utilisée à l'occasion de l'adoption de la loi 178, bien, cette
clause-là a un effet limité dans le temps et doit prendre fin en
décembre 1993. Bien, justement, M. le Président, où est
l'urgence? Pourquoi cette précipitation de légiférer
à la session du printemps? Si la clause dérogatoire prend fin en
décembre 1993, on peut très bien en disposer, décider de
cette question-là, si on recourt de nouveau à cette clause ou si
on l'abandonne, à la session de l'automne, et en décider en
décembre prochain. Il n'y a pas urgence, d'aucune façon, il n'y a
pas le feu à la maison, il n'y a pas péril en la demeure pour ce
qui est de l'utilisation de la clause dérogatoire. Bon. Ça, je
pense que c'est un mauvais motif, une fausse raison pour expliquer la
bousculade dans laquelle on est plongés, là, depuis quelques
semaines. (17 h 50)
L'autre raison, qui est plus étoffée, qui est
exprimée pour justifier qu'on légifère maintenant et
rapidement, c'est l'avis du comité de l'ONU sur les droits de l'homme.
On sait que, le 31 mars, le Comité des droits de l'homme de l'ONU a
rendu un avis majoritaire, qui n'était pas unanime, à la suite de
plaintes portées par des citoyens du Québec sur la question de
l'affichage. Alors, la question qui se pose, à partir du moment
où cet avis est rendu public, c'est: Comment est-ce qu'on réagit?
Est-ce qu'on doit se dépêcher de modifier la loi?
Est-ce qu'on doit se précipiter à l'Assemblée
nationale et adopter, en toute vitesse, à toute vapeur un projet de loi
pour se conformer à l'avis?
M. le Président, je pense qu'il faut apporter un certain nombre
de précisions relativement à cet avis et à cette
institution qu'on appelle le Comité des droits de l'homme de l'ONU.
D'abord, il faut placer les choses dans une juste perspective. Ce comité
n'est pas un tribunal international. Je pense qu'il faut que les
Québécois le sachent: ce n'est pas un tribunal international. Par
conséquent, les avis qu'il rend ne sont d'aucune façon des
décisions obligatoires. C'est important de le savoir. Les
décisions rendues par ce comité, qui n'est pas un tribunal
international, ne sont pas des décisions obligatoires. Le Comité
examine une question, fait des constatations et des recommandations qui sont
dépourvues de tout caractère obligatoire. Ça
m'apparaît important.
Henri Brun, un constitutionnaliste et un juriste réputé de
l'Université Laval, disait, dans un commentaire paru dans les journaux,
et je le cite: «La décision du Comité est formellement un
avis et non un jugement qui aurait l'autorité de la chose
jugée.» Fin de la citation. Voilà un élément
absolument essentiel dans le contexte actuel. Par conséquent, puis
ça, c'est une conséquence qui est à tirer de ces
constatations-là, un État signataire du Pacte international
relatif aux droits civils et politiques et du protocole qui l'accompagne, un
État ne viole pas ses obligations internationales s'il décide de
ne pas suivre la recommandation du Comité. Ça aussi, c'est
important de le savoir.
Cette précipitation qui affecte le gouvernement en matière
linguistique... Là, très souvent, on a entendu certains discours,
de l'autre côté. C'est parce qu'on laisse entendre, on laisse voir
qu'il faut faire vite, il faut se presser, il y a urgence. L'avis du
Comité, on doit l'intégrer dans nos lois au plus sacrant parce
que c'est une décision irrévocable, obligatoire. Et, si on ne le
fait pas, on est placé dans une situation de violation d'un pacte
international dont on est signataire. Bien non. Ce n'est pas ça du tout,
la situation. Je ne dis pas que l'avis du Comité n'est pas sans
intérêt. C'est certainement une décision de poids qu'il
convient d'examiner avec sérieux, mais ce n'est pas une décision
obligatoire.
Le fait de ne pas donner suite à cet avis ne place pas
l'État québécois en position de violation de ses
obligations internationales. Ça ne veut pas dire qu'on doit rejeter du
revers de la main l'avis du Comité. Loin de moi cette pensée, M.
le Président. Mais ça veut dire, cependant, que ce n'est pas un
décret divin, l'avis du Comité, ce n'est pas une bulle
pontificale. Ça peut être examiné et ça peut
même être contesté. On peut être en désaccord
avec certains éléments de cet avis. Ça veut dire aussi
qu'on n'est pas obligé d'y donner suite à toute vitesse et dans
la bousculade de fin de session. On peut prendre le temps qu'il faut, le temps
requis pour l'examiner sous tous ses angles et aussi en signaler les lacunes et
les faiblesses, et, peut-être aussi, échanger, avoir un
échange avec les membres du Comité.
Là-dessus, le Canada donne un bon exemple, hein! Cet ajustement
mis en relief par Henri Brun et
Maurice Arbour à ce sujet-là; ça a
été souventefois cité, également. Le Canada, dans
le cas de plaintes portées en vertu du pacte des droits civils et
politiques par des femmes indiennes: le 30 juillet 1981, le Comité des
droits de l'homme rend une décision qui n'est pas favorable au Canada,
qui prétend que les femmes indiennes voient leurs droits civils
violés ? le 30 juillet 1981.
Est-ce que le Canada, le gouvernement canadien s'est
précipité immédiatement à la Chambre des communes
avec un projet de loi pour le faire adopter? Pas du tout. Pas du tout.
Ça a pris 2 ans. D'abord, il a fallu attendre 2 ans avant que le
gouvernement canadien n'indique au Comité sa réponse, suite
à l'avis du Comité ? 2 ans. Et puis, il n'a pas
légiféré tout de suite. Il a encore attendu 2 autres
années, en 1985, avant d'amender la Loi sur les Indiens pour se
conformer, pour aller dans le sens souhaité par le comité ?
1981, et la législation a eu lieu en 1985. Est-ce que le Canada, pour
tout ça, a été mis au ban de la société
internationale, a été considéré comme un
État qui violait les droits civils et politiques? Pas du tout. D'aucune
façon. Il a pris 4 ans pour se conformer à un avis.
Alors, donc, M. le Président, là, il n'y a pas
péril en la demeure. On peut fort bien prendre le temps qu'il faut pour
mieux examiner cet avis et voir comment le gouvernement du Québec va s'y
conformer, tout en tenant compte d'autres éléments qui n'ont pas
été considérés correctement, convenablement par le
Comité des droits de l'homme de l'ONU.
Et puis, troisième raison, M. le Président, pour laquelle
je pense que le report s'impose, c'est toute la question des règlements.
Le gouvernement s'attribue toute une série de pouvoirs
réglementaires dans plusieurs domaines, pouvoirs réglementaires
qui étaient, de par la loi, attribués à l'Office de la
langue française; c'est le gouvernement qui s'attribue toute une
série de pouvoirs réglementaires, et puis, aucun de ces
règlements n'a été déposé en commission,
aucun de ces règlements n'est connu.
Particulièrement, j'insiste là-dessus, les amendements
qu'on compte apporter au régime pédagogique pour permettre les
classes d'immersion, alors qu'on sait ? ma collègue en a
parlé longuement ? les dangers, les conséquences graves que
la généralisation d'une méthode de cette nature pourrait
entraîner quant au processus de francisation des immigrants. On n'en
connaît d'aucune façon les modalités, et la ministre de
l'Éducation n'en connaît absolument pas les modalités; elle
ne sait pas du tout comment ça va s'appliquer, d'aucune façon.
Personne ne le sait. On ne sait pas comment ça va s'appliquer. Le
ministre responsable de la Charte, lui, nous dit que le ministère de
l'Éducation est en train de faire des études pour voir comment on
va appliquer ça.
Alors, là, on est dans le brouillard complet quant à cette
mesure-là, quant à cet amendement majeur qu'on apporte à
la loi, et il me semble qu'avant de l'adopter, justement, avant d'adopter une
disposition semblable, il y a lieu, M. le Président, d'en
connaître avec précision les modalités d'application, parce
que tout est là actuel-
lement. Sur cette question-là en particulier, tout est dans les
modalités de la mise en vigueur d'une telle disposition. Et je ne pense
pas qu'on puisse sérieusement, de façon responsable, comme
Assemblée nationale, adopter un projet de loi qui prévoit de
pareils changements, de pareils bouleversements sur le plan pédagogique
sans qu'on sache avec précision comment ça va s'appliquer,
comment ça va être mis en vigueur.
Alors, pour ces trois motifs, et je le dis sans éclat, puis je
m'en tiens à la motion de report, pour ces trois motifs, la question de
la clause dérogatoire, ce n'est pas pressant, ce n'est pas urgent; on
pourra y revenir et en décider à l'automne, puisque ses effets ne
prennent fin qu'en décembre 1993. Alors, il n'y a pas le feu, là.
Deuxièmement, l'avis du comité des Nations unies, M. le
Président, ce n'est pas une sentence d'un tribunal international et
ça n'a pas de portée obligatoire d'aucune façon pour le
gouvernement. (18 heures)
Et je pense que le fait qu'il y ait eu tant de dissidents au sein du
comité nous démontre que ce n'est pas si évident que cela,
là, qu'on doive se conformer rapidement, avec empressement à
l'avis exprimé par une majorité de membres du comité des
Nations unies. On peut prendre le temps qu'il faut pour
réfléchir, examiner plus sérieusement la portée de
cet avis. Et puis, troisièmement, on ne peut pas adopter une loi qui
prévoit tant de règlements, alors qu'aucun de ces
règlements n'est connu et que, même certains, en particulier
concernant les classes d'immersion, le règlement, les modalités
de l'application ne sont non seulement pas connus, mais la ministre et le
gouvernement ne savent même pas comment ça va s'appliquer.
Alors, pour toutes ces raisons, le report est pertinent, est tout
à fait pertinent, tout à fait justifié. Et ça n'a
rien d'une motion dilatoire. Je pense que c'est tout à fait requis de
reporter, de prendre le temps qu'il faut pour mieux examiner les
bouleversements que ce projet de loi entraîne sur le plan linguistique,
pour mieux les prendre en compte, mieux en examiner la portée. Et la
motion de ma collègue de Chicoutimi est non seulement pertinente mais
mériterait qu'on l'adopte, ici, unaninement.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, merci, M. le
député de Lac-Saint-Jean.
Alors, compte tenu de l'heure, je voudrais indiquer immédiatement
qu'il reste 29 minutes à la formation ministérielle, 40 minutes
à la formation de l'Opposition officielle et 10 minutes aux
députés indépendants pour la reprise du débat sur
cette motion de report. Et, compte tenu de l'heure, je suspends les travaux
jusqu'à 20 heures.
(Suspension de la séance à 18 h 1)
(Reprise à 20 h 8)
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, Mmes et MM. les
députés, si vous voulez vous asseoir, s'il vous plaît, nous
reprenons les travaux de l'Assemblée.
Nous sommes toujours à l'étape des affaires du jour.
À la suspension des travaux, à 18 heures, nous étions
à discuter de la motion de Mme la députée de Chicoutimi,
qui se lit comme suit: «Que la motion en discussion soit modifiée
par le remplacement du mot "maintenant" par les mots "dans les six
mois".»
Je vous rappelle que cette motion est discutée à
l'intérieur d'un débat restreint de 120 minutes,
c'est-à-dire 2 heures. Il reste à la formation
ministérielle, au Parti libéral du Québec, 29 minutes; au
parti de l'Opposition officielle, 41 minutes; à l'ensemble des
indépendants, 10 minutes. Je suis prêt à entendre le
premier intervenant. M. le député de Louis-Hébert, vous
avez droit à une intervention d'une durée maximale de 30
minutes.
M. Réjean Doyon
M. Doyon: Merci. M. le Président, vous venez de
très, très succinctement rappeler l'objet du débat qui
nous réunit ici ce soir. Vous faites référence à la
motion que la députée de Chicoutimi a présentée,
après un discours qui a duré 1 heure, expliquant tous les
défauts et toutes les lacunes et montrant que le projet de loi 86
n'avait pas sa raison d'être. Et tout ça s'est terminé dans
l'espace, un petit peu bizarrement, avec une motion de sa part, disant: Voici,
je propose que nous remettions à plus tard, c'est-à-dire dans 6
mois, ce débat, ce projet de loi. (20 h 10)
Une chose est certaine, ni vous, ni moi, ni personne ne pourra reprocher
à la députée de Chicoutimi de ne pas faire preuve de
constance. À l'intérieur du rapport, suite au comité
qu'elle a présidé sur la langue pour le Parti
québécois, la conclusion fondamentale et principale, je dirais,
c'est qu'on verra à ça plus tard. Elle a une forte tendance
à remettre à plus tard les choses. Ce n'est pas un reproche,
c'est une constatation. Son rapport se terminait en expliquant que, dans les
circonstances, elle n'était pas en mesure de faire une recommandation et
que la lumière apparaîtrait quelque part, le matin du grand jour
où le Québec deviendrait indépendant. À ce
moment-là, les choses seraient claires et les idées qui sont
embrouillées aujourd'hui se démêleraient facilement, on
verrait le chemin, on saurait quelle direction prendre. Et, en attendant, bien,
tout ce qu'elle trouvait, Mme la députée, à nous dire,
c'est que, pour le moment, elle n'était pas en position de dire ce que
serait la position de son parti en ce qui concerne, entre autres, l'affichage
publicitaire.
Bien. C'est une façon de voir les choses. Il y en a qui ont une
forte propension à arrêter les aiguilles de l'horloge, à
essayer d'arrêter le temps, se disant que les choses se régleront
toutes seules, ou, si elles ne se règlent pas toutes seules, c'est parce
qu'elles ne sont pas réglables et que, de toute façon, cela ne
servirait à rien d'intervenir. La députée de Chicoutimi
nous amène à faire une constatation qui est celle qui est faite
par tout le monde, par tous les observateurs, qui est la suivante.
C'est que le mouvement tant attendu, la levée de boucliers qui
devait se propager à la grandeur du territoire québécois,
ce mouvement de fond qui devait nous emporter vers une conclusion d'une
évidence à crever les yeux, qui était que le projet de loi
86, tel que le soutient le Parti québécois, était une
machine infernale, une machination infernale dont les victimes, bien sûr,
étaient les citoyens et les citoyennes du Québec, je pense que
force nous est de constater que la démonstration reste à
faire.
Et, comme le disait La Presse du 31 mai ? je l'ai ici, en main
? le titre est le suivant: «La langue: le PQ tempère ses
ardeurs, faute de mouvement populaire». Alors, le mouvement n'a pas pris,
la pâte n'a pas levé, et on se dit: Peut-être que, si on
attendait ce merveilleux moment où les sentiments
«nationalards» seront à leur maximum, comme, par exemple,
à la Saint-Jean-Baptiste, on pourrait tenter de soulever
l'émotivité populaire et tenter d'aviver ce feu, de souffler sur
les quelques braises qui peuvent encore rester quelque part de façon
à faire jaillir cette flamme réchauffante et jaillissante et
éclairante qui se nourrit de l'intolérance, de
l'incapacité de voir la situation, de l'incapacité de s'ajuster,
de l'incapacité de faire en sorte de voir que les choses
évoluent, que le changement est de la nature même d'une politique
comme celle de la langue, que le dynamisme est inhérent à cette
question, qu'il n'y a pas de saintes écritures dans le domaine de la
langue, que la loi 101 n'est pas l'effet d'une révélation divine
où, dans un buisson ardent, on aurait pu avoir les dix commandements,
dont tout le monde aurait été satisfait ad vitam aeternam
jusqu'à ce que la bienveillante et la bienheureuse souveraineté
vienne nous délivrer d'un certain nombre de commandements, parce que la
souveraineté, étant nourricière, par essence, des
libertés, on ne pourrait bien sûr faire fi de cette liberté
dont on n'a pas vraiment besoin tant qu'on est dans le
fédéralisme canadien. Qu'est-ce qu'on va chercher avec la
liberté d'expression? Elle peut attendre. On ne s'en nourrira que mieux
dans un Québec indépendant. Un Québec indépendant
nous permettra de nous abreuver à satiété de grandes
libertés qui, maintenant, peuvent être mises sous le boisseau,
puisqu'il est bien sûr qu'on ne peut devoir ces grandes libertés
qu'à un bienfait immense, poursuivi depuis si longtemps, qui
amènerait l'indépendance du Québec, la souveraineté
du Québec, la séparation du Québec. Et, après
ça, on pourrait réécrire nos pages d'histoire. On pourrait
réinterpréter nos lois, on pourrait les ajuster de façon
à ce que cette bienfaisante souveraineté, cette bienfaisante
indépendance puisse être identifiée à l'utilisation,
à la remise en état des grandes libertés que sont la
liberté d'expression, la liberté d'association, etc. Eh bien, ce
n'est pas comme ça que ça marche. Ce n'est pas comme
ça.
Le PQ, devant l'évidence totale de son échec, se dit: Je
n'ai rien à perdre que d'attendre encore un certain nombre de mois. La
députée de Chicoutimi a été honnête
là-dedans: Si ce n'était que de nous, la motion que je
présenterais, ce serait une remise de façon indéfinie,
sine die, du projet de loi 86. Je le reporterais aux calendes grecques.
J'attendrais que les poules aient des dents. Mais elle dit: Je ne peux pas
faire ça, notre règlement ne nous le permet pas. Je vais me
contenter de demander un report de 6 mois. Quelle est la logique
derrière ça, M. le Président? La rationalité est
totalement absente. C'est un mouvement de pur opportunisme politique qui vise
à acculer le gouvernement à une date fatidique, qui est celle de
novembre 1993, et de dire: Maintenant, agissez, vous avez le dos au mur. Nous
vous avons coincés. Nous vous avons pris en embuscade. Vous ne pouvez
plus vous sortir, vous êtes piégés. Et
l'échéance, vous l'avez maintenant devant vous à la
prochaine tournure du calendrier, à la prochaine page du calendrier.
Eh bien, le gouvernement a décidé d'être
prévoyant, de faire les choses d'une façon respectueuse, de les
faire en tout état de cause, ayant consulté, ayant
informé, ayant été voir ce qu'était le sentiment
premièrement des gens qui sont là pour éclairer et
consulter le gouvernement. Je pense à l'Office de la langue
française. Le ministre responsable leur a posé 5 questions, leur
demandant: Voici, pourriez-vous nous éclairer, nous donner une
idée en tant que notre aviseur, notre conseiller? La décision
ultime, bien sûr, nous appartenant, pouvez-vous nous dire ce que vous
pensez de la question de l'enseignement? Qu'est-ce que vous pensez de la
question de l'affichage? Qu'est-ce que vous pensez de la langue de
l'administration publique? Qu'est-ce que vous pensez des structures
administratives qui sont là pour voir au respect de la loi 101? Tout
ça a duré des mois et des mois. (20 h 20)
Pendant ce temps-là, le débat s'est enclenché dans
la population. Le gouvernement a été à l'écoute, et
le ministre responsable de la langue a été en butte, pendant des
mois et des mois, à je ne sais combien de questions de la part de
l'Opposition: Où est-ce que vous vous en allez dans le domaine de la
langue? Qu'est-ce que vous allez faire avec l'affichage? Quelles sont les
décisions que vous avez prises dans ce domaine-là? Réponse
après réponse, jour après jour, le ministre a
été d'une constance totale, disant: Le processus est
enclenché, le processus de consultation, le processus d'information, le
processus de discussion a été enclenché et nous allons
laisser les choses se dérouler d'une façon normale. Ce n'est
qu'après ça que nous ferons connaître, par la voie d'un
projet de loi, ce que nous entendons faire. Et ça a été
fait à l'intérieur, en particulier, des instances du parti.
Et, bien sûr, c'est une situation dans laquelle nos adversaires
péquistes ont peut-être de la difficulté à se
reconnaître, parce que ça ne se passe pas tout à fait de la
même façon, dans leur parti, que dans le Parti libéral du
Québec. La discussion a eu lieu, des propositions ont été
amenées. Ça s'est fait au niveau des associations, ça
s'est fait au niveau des régions. Tout ça a culminé lors
d'un conseil général du parti, où on a eu des
résolutions qui avaient émané de la base du parti, qui se
sont retrouvées entre les mains des responsables, des
délégués qui en ont discuté, qui les ont
amendées, qui ont voté,
qui les ont sous-amendées, dans tous les domaines qui faisaient
l'objet de la discussion depuis de nombreux mois. Ce n'est qu'après ce
long processus que le gouvernement, finalement, ayant entendu l'Office de la
langue française, ayant entendu les membres du parti, les militants du
parti, ayant pris connaissance du pouls de l'opinion publique, ayant
regardé, ayant compris ce que la population désirait et
souhaitait et était capable d'accepter, ayant saisi cette
réalité qui est toujours mouvante, bien sûr, qui n'est pas
arrêtée, qui n'est pas figée... C'est ce que nos
adversaires péquistes ne comprennent pas.
Le gouvernement, ayant pris possession de cette mouvance, l'ayant
apprivoisée et l'ayant analysée, a proposé ouvertement un
projet de loi, le projet de loi 86, et a enclenché un deuxième
processus, lui, plus formel, de consultation. Semaine après semaine, M.
le Président, j'ai présidé une commission parlementaire,
la commission de la culture, qui a entendu des dizaines d'organismes qui sont
venus s'exprimer. Ils l'ont fait ouvertement, avec un niveau de langage qui
leur fait honneur. Cette commission a été extrêmement
éclairante. Tout le monde n'était pas d'accord. L'Opposition
voudra peut-être faire des calculs: 5 organismes qui ont dit oui, 10 qui
ont dit non, etc. Le gouvernement ne procède pas comme ça
nécessairement. Nous faisons une évaluation de la
représentativité des gens qui sont devant nous. Nous faisons une
analyse du réalisme de leurs suggestions. Nous décidons,
après ça, de certains amendements qui paraîtront
nécessaires. C'est un processus extrêmement long qui dure depuis
des mois et des mois.
Là, tout ce que trouve le Parti québécois à
l'heure où nous sommes, c'est de dire: II faudrait bien y repenser. Il
faudrait regarder ça de nouveau. On est peut-être allé trop
vite. On a peut-être pris les bouchées doubles. Des mois de
discussions! Ce que les membres du Parti québécois oublient,
malheureusement, c'est que la loi 178, qui nous amène à
l'échéance de novembre 1993, est en force maintenant, depuis
bientôt 5 ans. Les exigences constitutionnelles nous obligent à
prendre une décision concernant le report de cette loi-là,
c'est-à-dire son maintien ou des adaptations, des accommodements. Nous
savons ça, nous, au Parti libéral, depuis longtemps, et c'est
pour ça que, entre nous, nous en discutons. C'est pour ça que,
entre nous, nous nous demandons quelle est la meilleure voie. C'est pour
ça que, dans nos associations, avec nos militants, chaque fois que nous
en avons l'occasion, nous tentons d'avoir un son de cloche pour nous faire une
meilleure tête à ce sujet-là. Nous sommes arrivés
avec la solution qui est devant nous, et je ne discuterai pas, dans le moment,
sur le fond. J'aurai l'occasion d'y revenir éventuellement.
Mais nous sommes sur la motion de report particulièrement. Cette
motion de report n'amène rien au débat. Elle ne fait qu'utiliser
la vieille technique, celle de mettre une couverte mouillée sur le feu
en éteignant tout simplement et en ne réglant rien. Je ne vois
aucune autre motivation dans cette façon de faire qu'utilise le Parti
québécois qu'une façon de gagner du temps, d'ar- river
avec une possibilité de faire traîner les choses, de façon
à ce qu'on puisse, finalement, avoir un semblant de réaction
quelque part. Il faut avoir entendu le verbe extrêmement provocateur, par
exemple, du président du Mouvement Québec français et, si
on ne réussit pas avec des paroles aussi extravagantes à mettre
le feu qu'on voudrait bien, on se dit: Peut-être que le petit bois n'est
pas assez sec. Si on attendait un autre 6 mois, ça prendrait
peut-être. On n'a rien à perdre, de toute façon.
Cette façon de faire était attendue de la part du
gouvernement. La motion de report n'est pas une surprise. Nous nous attendons
à ce que le Parti québécois fouille dans toute la panoplie
des moyens dilatoires qui visent à nous garder ici jusqu'à des
heures indues, espérant qu'on va au moins pouvoir prouver à ses
propres militants... Il n'y a pas d'autre utilité à ce qu'ils
font, il n'y a pas d'autre utilité à leur baroud d'honneur que de
pouvoir arriver à ce qu'ils appellent leur congrès national
? leur conseil national, plutôt ? et dire: Nous avons fait une
guerre épouvantable. Regardez ce que nous leur avons dit. Nous n'avons
épargné aucune munition. Nous avons fait flèche de tout
bois. Toutes nos cartouches y sont passées. Nous leur avons dit ce que
nous pensions de leur projet de loi, et chacun, finalement, un peu comme
Tartarin de Tarascon ? vous vous en souvenez, M. le Président
? s'en allant à la chasse au lion, ce brave chasseur pouvait se
vanter de ses exploits, n'impressionnant bien sûr pesonne que
lui-même et étant à l'écoute de ses propres exploits
imaginaires...
Et que le député d'Abitibi-Ouest tente de détourner
le débat, je lui dirai que ça ne poigne pas plus dans votre coin
que ça poigne à Montréal. Vous avez fait patate. Vous
n'êtes pas capable de soulever aucune passion dans ce domaine-là
parce que vous n'êtes pas cru, vous êtes complètement en
dehors de la coche, vous n'êtes pas à l'écoute de la
population. Et que vous manquiez votre coup d'une façon aussi
lamentable, au moins vous devriez avoir la décence de vous taire et de
m'écouter. C'est toujours ça qui vous sauverait le petit peu
qu'il vous reste à sauver. Ça vous mettrait au moins un petit peu
de plomb dans la tête que d'écouter... Si vous ne m'écoutez
pas, écoutez vos électeurs et vos électrices.
Écoutez-les. Essayez d'en amener des autobus de l'Abitibi à
Montréal pour leur faire accroire que la patrie est en danger. Essayez
donc ça, voir. Emplissez-en donc un autobus que vous nous
amènerez à Montréal pour essayer d'énerver le
monde. Vous ne serez jamais capable d'en amener un autobus, parce que ça
ne poigne pas ? pas plus chez vous qu'ailleurs. Et les interruptions que
vous tentez de faire actuellement me permettent tout simplement une chose
? je m'en réjouis ? c'est de vous dire ce que je pense de
l'échec de votre action, à vous, comme aux autres. Vous avez
manqué votre coup. Et que vous soyez fier de ça, vous
n'êtes pas exigeant envers votre action politique. Mais
l'évaluation des résultats de ce que vous tentez de faire, c'est
vous qui la ferez, pas moi. (20 h 30)
Je ne suis pas surpris que les choses se passent
comme ça. Je ne suis pas surpris que les choses se passent comme
ça. Le PQ se trompe, le PQ n'est pas capable de mettre le
thermomètre dans la population et d'en faire une lecture
réaliste, pas capable de savoir s'il y a de la fièvre ou s'il n'y
en a pas, parce que la lecture qu'il voudrait faire l'empêche de voir
celle qu'indique le thermomètre. Et, dans les circonstances, ils vont
continuer de s'agiter, de nous imposer des motions dilatoires de la nature de
celle à laquelle nous avons à faire face. Nous allons y faire
face, étant certains que la population a accepté et, même,
demande des changements, des changements qui sont apportés par la loi
86. Nous sommes convaincus de ce fait. J'entends et je lis que les
ténors péquistes disent: Attendez, l'avenir nous donnera raison.
Attendez, vous verrez. Des prophètes de malheur! On appelle le malheur,
on se dit: Le français est en danger ? ça, vous ne verrez
pas ça tout de suite. On crie au meurtre! Il n'y a rien qui se passe. On
ne répond plus à leurs appels désespérés,
parce que le danger n'est pas là, le danger est imaginaire, le danger
est tout simplement un danger que le Parti québécois a
créé à l'intérieur de ses propres frayeurs, qu'il
alimente. Et, finalement, ses cauchemars sont sa propre création.
Comme la ministre de l'Éducation a déjà eu
l'occasion de le dire: Ne vous surprenez pas d'avoir des cauchemars, vous
dormez. Il ne faudrait pas vous surprendre de ça; les cauchemars sont
normaux pendant le sommeil. Et vous essayez de les faire partager à la
population, mais je ne crois pas que vous puissiez y réussir. Et que
nous nous trouvions actuellement obligés de débattre une motion
aussi sans objet, sans véritable motif que celle qui est devant nous, ce
n'est pas de nature à augmenter la crédibilité qui fait
cruellement défaut au Parti québécois.
J'ai hâte, M. le Président, j'ai hâte que nous
puissions entreprendre le débat de fond sur cette loi. Mme la
députée me fait signe que oui. Je vois que nous nous rejoignons
là-dessus. Je m'en réjouis. Et puis-je lui suggérer, bien
humblement, que la meilleure façon de le faire, ça aurait
été de ne pas faire sa motion de report, et là on aurait
pu en parler plus rapidement. Alors, j'ai de la difficulté, là
encore, de comprendre la logique. Évidemment, il ne faut pas trop en
demander, peut-être, quand elle n'est pas là, mais la motion de
report découle d'une lecture personnelle, partisane, que fait le Parti
québécois.
Bien sûr qu'il faut comprendre dans quel état se trouve le
Parti québécois, dans quel état se trouvent ses troupes.
Ils ont besoin actuellement d'un cheval de bataille. Il ne leur en reste pas
beaucoup, de chevaux de bataille, M. le Président. Ils sont passablement
démunis de ce côté-là. Et, si la rossinante qu'ils
tentent d'enfourcher ne les mène nulle part, ils vont être
obligés de faire un bout à pied. Et il semblerait que la
rossinante en question est plutôt hésitante et n'est pas
très guerrière, et n'est pas très tentée de
s'aventurer dans cette aventure qui ne les mène, finalement, nulle part
de se battre contre... Vous allez me dire que c'était la
spécialité de Rossinante de se battre contre des moulins à
vent et d'y voir des ennemis et des envahisseurs terribles. Ce n'est pas
d'hier, quand on pense à Don Quichotte, à Cervantes, qu'on prend
toutes sortes de choses pour des ennemis, que la frayeur nous envahit et, quand
on n'en a pas d'ennemis, on en invente, et le PQ se spécialise
là-dedans.
Nous aimerions que nous puissions regarder les choses en face. J'aurai
l'occasion, M. le Président, de faire une analyse, si je prends la
parole, par exemple, du document qu'ils ont publié, qui est censé
démolir tout le projet de loi 86. Il est truffé de mensonges, de
faussetés, truffé d'exagérations. Il est un modèle
de désinformation. Il est facile de voir qu'il n'a qu'un but, c'est de
faire croire à la population que, par la loi 86, le Québec est
condamné à devenir une province bilingue où l'anglais va
prendre une place de plus en plus envahissante, où les
Québécois de langue francophone vont être minorisés,
où ils vont être en difficulté constante en ce qui concerne
l'utilisation qu'ils voudront faire de leur langue. Mais ce n'est pas vrai. Ce
n'est pas vrai. Ce n'est que de l'exagération. Ça ne correspond
pas au projet de loi que nous avons en main, et, pourtant, les membres du Parti
québécois s'identifient à ? je ne sais pas comment
l'appeler ? ce dépliant beaucoup plus de la nature d'un pamphlet
dénonciateur avec toutes les exagérations que ça comporte,
un pamphlet, dans le sens de pamphlétaire. On se retrouve avec ce
document qui tente encore d'énerver les gens. Il n'a pas de rapport avec
le fond, avec le projet de loi tel qu'il est, et, pourtant, les membres du
Parti québécois s'en gargarisent, les députés, et
s'associent à un tel document. Les qualificatifs sont difficiles
à trouver. J'aurai l'occasion d'y revenir. Nous pourrons le regarder,
mais c'est clairement une tentative pour tromper la population. C'est
malheureux.
M. le Président, il me reste juste 1 minute, mais suffisamment
pour vous dire que la motion de report devra être rejetée. Elle ne
peut subir un autre sort que celui-là. Elle devra être
rejetée. Elle sera rejetée, parce qu'elle ne sert pas
véritablement à éclairer le débat. Elle ne nous
mène nulle part. Dans les circonstances, j'invite ici mes
collègues de l'Assemblée nationale à voter de façon
à ce que nous puissions passer au projet de loi comme tel, à
l'adoption de principe, et ce, dans les meilleurs délais. Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le
député de Louis-Hébert. Votre intervention épuise
le temps qui était alloué à votre formation. Alors, je
vais maintenant céder la parole à M. le député de
D'Arcy-McGee. M. le député de D'Arcy-McGee, vous disposez d'une
période maximale de 10 minutes.
M. Robert Libman
M. Libman: Merci, M. le Président. Malgré nos
inquiétudes et malgré le fait que nous allons apporter des
amendements sur le fond de ce projet de loi, cette motion de report, nous la
trouvons un peu surprenante, un peu irréfléchie et, dans le plan
logique, elle ne fait pas beaucoup de sens, M. le Président.
Le député de Lac-Saint-Jean a demandé où est
l'urgence de faire passer la loi 86. M. le Président, le gouvernement a
jusqu'au 22 décembre pour décider si, oui ou non, il va
renouveler la clause «nonobstant» pour maintenir l'interdiction de
langues autres que le français sur les affiches commerciales. C'est une
interdiction qui a été renversée fermement par tous les
niveaux des tribunaux. Ce n'est pas, M. le Président, une
échéance artificielle. Ce n'est pas comme un autre projet de loi
où l'Opposition est capable de seulement demander un vote de report, une
motion de report, parce que, ici, il y a une échéance ferme, une
échéance importante, une échéance
constitutionnelle: le gouvernement doit décider, avant le 22
décembre, si, oui ou non, il va renouveler la clause
«nonobstant», parce que la clause «nonobstant», M. le
Président, va expirer en décembre. (20 h 40)
Si on reporte ce projet de loi de 6 mois, on va arriver à une
décision de dernière minute, à une décision qui ne
pourra pas être faite avec la réflexion nécessaire pour une
question aussi importante, aussi émotive que ça. Même la
députée de Chicoutimi a demandé de reporter ce projet de
loi jusqu'après les prochaines élections, en oubliant ou en
ignorant complètement cette échéance très
importante, très réelle. Il faut qu'elle réalise, M. le
Président, que, si le gouvernement n'agit pas avant le 22
décembre pour réinvoquer la clause «nonobstant», il y
aura un vide juridique qui va exister au Québec, et la situation qui va
se réaliser, c'est que n'importe quel commerçant aura le droit de
s'afficher uniquement en anglais, au Québec, si le gouvernement n'agit
pas vite pour décider ou de renouveler la clause
«nonobstant» ou de faire une modification à la loi, comme le
projet de loi 86.
M. le Président, même la dernière phrase de la
décision de l'ONU dit que le Comité doit recevoir, à
l'intérieur de 6 mois, des mesures pour répondre, respecter ou
rectifier la violation qu'elle a trouvée exister avec le projet de loi
178. Alors, peut-être que le député de Lac-Saint-Jean s'en
fiche, de la réputation du Québec aux yeux de la
communauté internationale, mais nous, les députés
élus à l'Assemblée nationale, avons la
responsabilité très importante de respecter cette
échéance et de répondre aux attentes internationales pour
au moins nettoyer l'image du Québec qui a été
tachée par l'adoption du projet de loi 178, en décembre 1988.
«M. le Président», in December of last year, the minister
announced that he would be revising the French language charter in light of
this very important timetable of the renewal of the
«notwithstanding» clause by December. And we have to say, in the
Opposition, despite some of our concerns about Bill 86, that this initiative by
the government was very responsible, because this government, in the past, has
been known for delaying important decisions, for waiting until the last minute
to make important decisions, and this, in the past, has resulted in very
unsatisfactory solutions. Bill 178, for an example of this inside-outside
solution, which was hammered out at the last second satisfied no one. The
government has been accused for improvising its constitu- tional posture in the
past because of the fact that it was unable to make a decision until the last
moment.
So, here we have a situation before us where the Official Opposition is
not necessarily satisfied. We are not necessarily satisfied, but we have to at
least recognize that the government has made a firm decision, has made a
decision, has attempted to address this problem, has tabled a piece of
legislation, and they are moving towards the adoption of this legislation
without waiting for the last minute. The result of this motion to delay by 6
months would force us all into a situation where, at the last minute, we would
have to quickly patch something together that you can be sure would satisfy
absolutely no one.
We, as I said, find Bill 86 unsatisfactory to a certain extent and, in
fact, lacking. It does not go far enough. But it still must be adopted, as far
as we are concerned, because it is a step forward for Québec society and
it is an improvement over the status quo. Not only would a delay of 6 months
conflict with the legal obligation that everyone in this House must meet by
December of 1993, but it also conflicts with the moral obligation that this
government is faced with. Because delaying the adoption of this legislation by
another 6 months would further add insult to injury to an anglophone community
that has been left to feel like a community of second-class citizens since the
adoption of Bill 101 in 1977.
In 1977, Bill 101 was passed. Section 58 of Bill 101 was challenged
immediately once a Charter of Rights and Freedoms was adopted. Very
responsibly, very patiently, the anglophone community of Québec brought
their concerns about Section 58 before the courts. The Superior Court of
Québec, unanimously, the Appeal Court of Québec, unanimously, the
Supreme Court of Canada, unanimously, all struck down the restrictions
contained in Section 58 of Bill 101. And I have to say, «M. le
Président», that since 1977 it has been a very painful period for
Quebeckers whose origins are English-speaking, because not only did this
legislation violate our individual freedom to advertise commercially in our own
commercial establishments in our own languages, but it moved towards erasing
our own identity, hiding our own identity, telling us that our language must be
hidden indoors. And this, to an anglophone community that has played a vital
role in the development and the history of Quebec society, to be told that we
must hide our face, that we must hide our language, was an insult that no one
in this House can properly understand or grasp.
And all along, «M. le Président», since 1977, during
these court battles, the anglophone community waited and always felt deep down
that this change, that these restrictions would be lifted one day, that they
would disappear one day. With each court victory there was more hope for the
future while, at the same time, the numbers of the anglophone community
continued to diminish as people were continually fed up and many young people
just got up and left Québec.
In 1985, the government was reelected with a
promise to restore to the English-speaking community its rightful right
to be able to advertise in its language and its right to be able to see its own
face on public signs. There was much hope during the 1985 election, and there
was very much hope when the Liberals were reelected in 1985. I remember how
excited I was personally when the Liberal Party of Québec was reelected
in 1985, replacing 9 years of the PQ government. Therefore, when the Premier of
Québec, in 1988, after all these victories in the courts, reinvoked the
«notwithstanding» clause, the anglophone community of québec
was insulted deeply and was hurt deeply, even to the point of electing 4
members to a fledgling political party founded by someone who had no political
experience whatever. anglophones in that election, in 1989, stood tall and they
said they would not take some of these restrictions lightly any more, and they
sent 4 delegates to the national assembly.
Four years later, with the United Nations' decision, it confirmed these
earlier decisions and it has finally convinced the Minister responsible for the
French language charter that what he believed is freedom of expression. And we
have witnessed his valiant defense for the past several months with the
government orientation and over the past 3 weeks the way he has defended this
proper course that the government is ready to take.
The government is now ready to make some of these changes. The
population is ready to make some of these changes. To put it off for 6 more
months as the Official Opposition would like by this «motion de
report» would deepen the «malaise» in Québec. It would
continue to polarize our society and continue to bring upon our society some of
the economic constraints, some of the social constraints that have resulted
because of these restrictions in our minority communities over the past 15
years.
The next 6 months, «M. le Président», could act as
the beginning of a healing period as the government lifts some of these
restrictions as soon as possible. On the one hand, it would send a very
important signal to the anglophone community that they do play a vital role in
Québec society, and, at the same time, the majority of Quebeckers would
realize that the presence of English on signs with French predominance does not
in any way endanger the future of the French language in Québec.
So, in conclusion, «M. le Président, pour terminer»,
putting off for 6 months this legislation would continue the spectacle that we
have seen this afternoon. It would hurt our society. There is no reason to put
this debate off for 6 months, to put off this «projet de loi» for 6
months. We must meet our legal and moral obligations to pass this legislation,
to respond to the United Nations, to respond to the Supreme Court, before the
delay of 5 years meets us in December. It is a responsibility for everyone in
this House to make sure that this draft bill passes in due time, and then the
government will be able to move on to meet some of the crucial challenges that
really face minority communities in Québec. Therefore, we will be voting
against this «motion de report, M. le Président».
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le
député de D'Arcy-McGee. Vous avez épuisé le temps
alloué à l'ensemble des députés
indépendants. M. le député d'Abitibi-Ouest, leader adjoint
de l'Opposition officielle, il reste à votre formation 41 minutes. Vous
avez droit à un maximum de 30 minutes. (20 h 50)
M. François Gendron
M. Gendron: Merci, M. le Président. Je veux, tout
simplement, invoquer 5 raisons ? il y en aurait plusieurs ?
fondamentales, importantes, selon moi, pour justifier la motion de report de ma
collègue, la députée de Chicoutimi. Première
raison, il est un peu inconcevable, sur un projet de loi aussi significatif,
aussi important quant à l'avenir des Québécois, autant les
anglophones que les francophones, que nous exigions que les parlementaires en
adoptent le principe sans avoir entre les mains les règlements. Le
ministre lui-même, le parrain du projet de loi, a affirmé
publiquement que les règlements pourraient être
déposés plusieurs mois après l'adoption du principe d'un
projet de loi. Et je me rappelle, lui-même ? parce que, le parrain
du projet de loi, j'ai la chance ou la malchance, ça dépend des
versions, de le connaître depuis plusieurs années ? l'avoir
entendu s'exprimer, et je le cite. Il disait, M. le Président: Nous ne
pouvons avoir une connaissance complète, détaillée de
beaucoup de législations si le législateur ne dépose pas
les règlements au même moment où on adopte la
législation. Et c'est un petit peu inconcevable que ces gens-là
laissent croire qu'il s'agit uniquement d'une motion dilatoire, alors que vous
savez bien que c'est à l'intérieur des règlements que nous
allons trouver la substance de l'application de ce projet de loi là.
Juste à titre d'exemple, parce que, en 15 minutes, on n'a pas le
temps d'illustrer pendant des heures, je voudrais juste citer l'article 22:
«Le présent article n'empêche pas l'enseignement dans une
langue autre que le français afin d'en favoriser l'apprentissage, selon
les modalités ? M. le Président, selon les modalités
? et aux conditions prescrites dans le régime pédagogique
établi par le gouvernement.»
Même, d'ailleurs, la ministre de l'Éducation ? ce qui
fait un peu drôle ? qui est la responsable de l'application du
régime pédagogique, elle ne sait pas de quoi il s'agit, elle n'a
aucune idée de l'impact sur les clientèles et elle est ministre
de l'Éducation. Puis on essaie de nous faire accroire qu'on serait des
gens, ici, irresponsables d'exiger le report de ce projet de loi là, au
moins pour que le gouvernement dépose les règlements.
Est-ce que ça s'arrête là, M. le Président?
Bien non! J'ai compté le nombre d'articles; je pense que c'est 26.
À 26 reprises, on fait référence aux règlements
dans un projet de loi qui a à peu près ça, 26 articles. Je
pourrais continuer à l'article 32. Et ça, c'est des faits, ce
n'est pas le député de Louis-Hébert qui nous fait une
histoire sur Bolivar. À l'article 32, c'est très clair:
«II y a appel de toute décision rendue par les personnes
désignées par le ministre de l'Éducation», et on
dit: Les règlements permettront de voir comment ces modalités
s'appliqueront. L'article 39 du projet de loi: «II traite
également des questions se rapportant au défaut de respect de la
présente loi et des règlements adoptés conformément
à celle-ci.» J'arrête là.
Je veux juste dire, M. le Président, qu'il me semble que ce n'est
pas être démagogue que de dire qu'un projet de loi aussi
important, aussi significatif... Si ces gens-là avaient un minimum de
respect envers la démocratie, si ces gens-là étaient
responsables et démocrates, ils conviendraient qu'on ne peut pas adopter
une législation comme celle-là, aussi significative dans sa
quintessence, dans ses principes de fond, si on n'a pas l'occasion
d'apprécier les règlements qui détailleront ou
préciseront les modalités d'application. Je veux bien qu'ils
soient au gouvernement, je veux bien qu'ils décident. Ça, je ne
disconviens pas de ça, M. le Président. Je dis juste qu'il est
inimaginable et impensable que ce gouvernement-là pense qu'il est
légitime d'adopter le 86 sans la présence et la connaissance des
règlements qui vont nous guider dans les modalités
d'application.
Et, comme le disait, en conclusion là-dessus, le parrain de ce
projet de loi, et je répète, M. le Président: II faut
savoir que, dans beaucoup de législations, quels que soient les
gouvernements, nous trouvons les motifs et les justifications d'une
législation dans le contenu de ses règlements. Or, ces
règlements, seul Dieu le Père les a en sa possession, et je
n'aime pas bien, bien ça, comme parlementaire, me faire demander de me
compromettre sur un principe en disant: Fais confiance à Dieu le
Père; lui, il va s'occuper de la réglementation. Premier motif
pourquoi on exige le report.
Deuxième motif. Est-ce qu'on est convaincus, M. le
Président, que l'adoption du projet de loi 86 va contribuer à
assainir ce que j'appellerais le climat social au Québec? Moi, je pense
que non. Est-ce que je suis le seul à penser comme ça? Non. Je
cite ici: La CECM prédit les plus graves problèmes. Le projet de
loi 86 menace la paix sociale. Et, juste, encore là, très,
très succinctement, dans une citation: La paix sociale sera
menacée, le Québec deviendra officiellement une province bilingue
et 20 ans de promotion du français seront remis en question. Les
directeurs d'école, les professeurs, les cadres, les employés de
soutien de la CECM prédisent les plus graves problèmes.
Tantôt, on disait: Ah, il n'y a que les «nationaleux»,
les nationalistes, les péquistes. On commence à être
nombreux, on commence à être très nombreux parce que, quand
eux ont fait cette sortie-là, c'était effectivement pour
démontrer qu'il était rare que tous les regroupements de
personnels de la Commission des écoles catholiques de Montréal
adoptent une position commune. Sept organismes représentant plus de 10
000 employés de la CECM ont voulu, hier, fustiger conjointement un
projet de loi jugé dangereux. Puis on serait des irresponsables, on
serait des gens qui veulent employer des mesures dilatoires! Moi, il me semble,
M. le Président, que c'est un autre argument qui plaide en notre faveur
et qui est très rationnel. Il n'est pas porté uniquement par les
gens de l'Opposition officielle.
Troisième argument pourquoi je prétends qu'il y a lieu de
penser que ça serait pas mal plus sage de dégager un peu de
perspective et de regarder qu'est-ce qui se passe, je cite, entre autres,
l'éditorial de M. Raymond Giroux, où il parlait de
l'incohérence, de l'incompétence, mais je cite juste sa finale:
Le projet de loi 86 ne répond ni à l'un, ni à l'autre des
critères qu'il avait énumérés. Regardez, M. le
Président, comment il finit: Le projet de loi 86: trop
touche-à-tout et hors foyer, le texte actuellement sur les planches
mérite un sérieux resserrement, d'une part, et un accompagnement
essentiel, c'est-à-dire une charte des droits anglophones dans un
Québec francophone.
Moi, je ne veux pas illustrer mon propos par le fond du point de vue de
M. Raymond Giroux. Je veux juste illustrer qu'il y a d'autres personnes que
nous qui prétendent que le projet de loi 86 aurait beaucoup de
mérite à être resserré afin de s'assurer que les
dispositions à chacun des articles disent exactement ce qu'elles veulent
dire et non pas que ça soit une espèce de gare centrale où
il y en a pour tout le monde, puis on verra après, ce n'est pas grave;
le pape en décidera dans sa grande sagesse. Et je le connais, j'ai eu
l'occasion de travailler... On ne peut pas, je pense, constamment s'en remettre
à un seul homme au Québec pour l'avenir du fait français.
Ça m'apparaît plutôt irresponsable de dire:
Dorénavant, dans la société québécoise, il y
a un maître à penser en termes d'application de la langue
française, c'est le ministre responsable de la langue française.
Je ne pensais pas qu'on était rendus dans une société
chilienne.
Autre exemple, quand M. Daniel Turp dit: Langue d'affichage: le projet
de loi 86 laisse trop de latitude au gouvernement. À ce que je sache, M.
Turp n'est pas devenu membre de l'Opposition officielle. Ce n'est pas un
péquiste assis sur les banquettes qui veut retarder le projet de loi 86.
C'est un constitutionnaliste réputé, professeur
agrégé à la Faculté de droit de l'Université
de Montréal. Dans un article très calme, très
articulé, pas mal différent du discours de fou auquel on a eu
droit, pendant une demi-heure, du député de Jean-Talon qui aurait
fait le même discours, de toute façon...
Une voix: Louis-Hébert.
M. Gendron: De Louis-Hébert, pardon ...qui aurait fait
exactement le même discours, motion de report ou pas... Il dit: J'ai
hâte de parler sur le fond. Je vous gage, M. le Président, qu'on
aurait eu droit au même discours, exactement le même discours, on
le connaît. Peu importent les sujets traités, il prend la
demi-heure, puis on est des ci et des ça, ce n'est que des insultes.
Daniel Turp, qu'est-ce qu'il dit? Langue d'affichage, laisse trop de
latitude au gouvernement. Il est d'accord que le gouvernement prenne les
décisions finales,
mais il n'est pas d'accord que le projet de loi sur la langue
française reste entre les mains d'un seul homme. C'était le
troisième argument pour la motion de report.
Le quatrième argument qui est aussi très valable, c'est
l'avis du Conseil de la langue française. Le Conseil de la langue
française, est-ce qu'il a dit que tout était beau et parfait dans
ce projet de loi là? Il a dit: «Les acquis de la francisation
restent fragiles. Un document du Conseil de la langue française le
prouve». Pas en parle, pas en discute. Imaginez, c'était juste
l'organisme aviseur, ça, c'était juste l'organisme aviseur de ce
gouvernement-là. Il écrit un document et il dit: «Les
acquis de la francisation restent fragiles.» Puis, là, il explique
qu'est-ce que ça signifie la fragilité des acquis de la
francisation. (21 heures)
Puis il dit: Dans le projet de loi 86, on ne retrouve aucune disposition
qui pourrait sécuriser les éléments suivants que le
Conseil de la langue française a dénoncés. Ce n'est pas
une mince affaire. Ce n'est pas un petit point de vue partisan, là,
limité à l'Opposition officielle, comme ils essaieraient de le
laisser voir de l'autre côté. C'est un point de vue fondamental,
majeur. Pensez-vous que ça ne mériterait pas un petit peu de
temps de réflexion, de dégagement pour que le ministre prenne du
recul par rapport à sa législation, qu'il regarde les impacts,
qu'il évalue davantage? Et 6 mois, il n'en a pas de trop. Puis il n'y a
pas le feu, comme disaient certains de nos collègues, il n'y a pas
péril en la demeure. C'est vous autres mêmes, il y a quelques
semaines, quelques mois: On va s'occuper d'économie. Ça
paraît en étoile, votre occupation d'économie! Les
régions se meurent, chômage sans précédent. Ces
gens-là s'occupent d'économie. Puis, à un moment
donné, une diversion: On va s'occuper de la langue.
Cinquième raison, toujours parce que le temps file,
cinquième raison. Pourquoi il y a lieu de proposer la motion de report?
C'est le bilan des audiences particulières. Je n'en reviens pas qu'on ne
regarde pas ça, moi. Surtout là, il y a eu encore une phrase
absolument invraisemblable et sans précédent du
député de Jean-Talon. Il a dit: Nous autres, le
gouvernement...
Une voix: Louis-Hébert.
M. Gendron: Louis-Hébert, excusez. Il a dit: Nous autres,
au gouvernement, on regarde la représentativité des groupes. Je
n'ai jamais entendu une affaire de même. Je n'ai jamais entendu ça
de ma vie, en 17 ans. Nous, on ne regarde pas la
représentativité, on regarde les mémoires et les groupes.
Puis, on a beau être qui que ce soit, comme analyse, ça donne
moitié-moitié, en gros, là. Moitié-moitié.
Là, je ne parle pas de tous ceux qui ne sont pas venus. Je parle des 23
qui sont venus. Il y en a la moitié qui est favorable, puis il y en a la
moitié qui n'est pas favorable. Puis, il se peut que les raisons de ceux
qui sont favorables soient tout aussi bonnes que celles de ceux qui ne sont pas
favorables.
Mais ce n'est pas ça que je veux illustrer, M. le
Président. Je veux illustrer qu'il me semble que, si on avait affaire
à un ministre un peu responsable, je regarderais ça un peu, je
prendrais quelques semaines pour analyser ça plus en profondeur. Comment
se fait-il que, pour sa conclusion à lui, le ministre est arrivé
et a dit: Moi, je conclus que les consultations particulières n'ont rien
changé au projet de loi 86. Il n'y a pas de raison de modifier quoi que
ce soit. C'est ça qu'il a dit. Il n'y a aucune raison pour le
gouvernement de modifier quoi que ce soit, suite à la comparution des 42
organismes invités, des 18 qui se sont désistés, des 23
qui ont été entendus, puis moitié-moitié: la
moitié sont favorables, la moitié ne sont pas favorables. Il me
semble que quelqu'un de démocrate, de responsable devrait tenir compte
de cette réalité d'aujourd'hui, suite aux consultations
particulières, où il y a vraiment 2 tendances, 2 thèses
qui se confrontent, ce qui laisse voir que ça devrait être
beaucoup plus apprécié.
Voilà, M. le Président, les 5 raisons pour lesquelles
? et je pourrais en trouver d'autres ? 5 raisons très
crédibles, très sérieuses, qui devraient amener un
gouvernement à réfléchir. On n'a pas les
règlements, c'est moitié-moitié, il n'y a aucune urgence,
c'est dangereux pour la paix sociale, puis le ministre parrain du projet de loi
disait lui-même: Nous retrouvons souvent la quintessence d'un projet de
loi lorsqu'on reçoit le dépôt des règlements qui les
accompagnent. Nous ne les avons pas, et nous ne les aurons pas avant plusieurs
semaines. Ce n'est pas très responsable, et c'est pour ces
motifs-là qu'on a proposé un report, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, M. le
député de Laviolette, votre formation dispose encore de 29
minutes. Allez-y, on vous écoute.
M. Jean-Pierre Jolivet
M. Jolivet: Merci, M. le Président. J'en prendrai
quelques-unes, laissant à M. le chef de l'Opposition le soin de
terminer, et en vous disant que j'essaie de regarder quelle est l'urgence
d'adopter le projet de loi. Si je regarde, en vertu des décisions qui
nous obligent à prendre une certaine responsabilité, et par le
fait même, à déterminer que nous avons une décision
à prendre, je le comprendrais très bien. Nous savons qu'en vertu
de la Constitution canadienne, compte tenu de la loi 178 qui a
été passée, pour éviter qu'elle ne soit
contestée devant les tribunaux, il fallait utiliser une clause
«nonobstant». Cette clause-là, en vertu des lois qui nous
gouvernent, indique que, après 5 ans, il faut soit la renouveler, soit
la changer, selon ce qui est évolutif dans la société, et
faire en sorte, finalement, que l'on prenne une décision qui soit plus
conforme à la réalité d'aujourd'hui qu'elle ne
l'était il y a 5 ans, il y a 10 ans ou il y a 20 ans.
Dans le cas qui nous préoccupe, donc, il y avait une certaine
forme d'urgence à prendre une décision sur la clause
«nonobstant». Ça dispose de ce qu'est l'affichage, M. le
Président, puisque c'était une décision de la cour, et
ça nous indiquait, par le fait même, que nous avions à
protéger la langue française au Québec, de
façon à ce que, comme le disait la loi 178, même si
nous étions contre, à l'époque, ce que le gouvernement
avait pris comme décision, c'était de prévoir
l'unilin-guisme à l'extérieur des commerces, et la
possibilité d'utiliser une autre langue à l'intérieur des
commerces. Bon, voilà donc ce départ de nos actions, c'est la
clause «nonobstant».
Qu'est ce qui obligeait maintenant le gouvernement à aller plus
loin, à aller chercher davantage que la langue d'affichage?
C'étaient des raisons politiques. Il y a peut-être urgence pour le
gouvernement d'agir ainsi, puisque, quand on regarde le calendrier
électoral, il y a, à un moment donné, une décision
qui sera prise par le gouvernement, par le premier ministre, de
déclencher des élections, et il lui fallait aller
récupérer un électorat qui était captif à
l'intérieur d'un parti qui avait contesté, à
l'époque de 1989, la décision gouvernementale et, par le fait
même, obtenu des sièges et des votes à l'Assemblée
nationale. Nous avons, M. le Président, donc, des urgences qui
appartiennent au niveau politique gouvernemental, mais pas à l'ensemble
de la population du Québec.
En fin de semaine, comme plusieurs parmi nous, j'ai eu l'occasion,
à l'intérieur de mon comté, d'aller rencontrer des gens.
Des jeudi, j'étais en réunion avec des personnes qui sont venues
à Trois-Rivières discuter, justement, de ce qu'est la loi qui est
devant nous, la loi 86, et des centaines de personnes se sont réunies
à la marina, à l'île Saint-Quentin, pour écouter des
personnes venant leur expliquer les dangers qu'il y a à l'adoption d'un
tel projet de loi. On leur a dit, comme membres de l'Opposition, que nous
ferions tout ce qui était possible pour faire reculer le gouvernement,
mais qu'un jour, une décision sera prise, puisque, le nombre
l'emportant, nous serions probablement battus. Mais, une chose qui est
certaine, c'est que ça ne resterait pas là.
Mais, entre-temps, ces gens-là ont pris connaissance des dangers
qui sont dans le projet de loi 86 sur la langue d'enseignement, sur le fait que
des jeunes, à Montréal en particulier, qui sont actuellement en
immersion française, dans des classes complètement en
français, parce que ce sont des gens qui ne sont pas de langue
maternelle ni française ni anglaise, seront dans des conditions
pédagogiques épouvantables lorsque, par la permission du projet
de loi, ils pourront être à la fois en immersion française
et à la fois en immersion anglaise, ce qui n'a pas de bon sens au point
de vue pédagogique.
Il n'y a personne qui peut nous contredire que ce n'est pas possible par
le projet de loi 86: les gens de la Commission des écoles catholiques de
Montréal, les gens du Protestant School Board of Greater Montreal. Il y
a des gens qui nous disent ce que ça peut amener comme
conséquence et nous croyons effectivement que des gens dans la
société sont capables de comprendre ça, même si des
députés, ici en cette Chambre, ou même le ministre, qui
essaie de dire qu'on ne comprend jamais rien. Quand on n'est pas de l'avis du
ministre, c'est parce qu'on ne comprend rien, qu'on n'a rien
étudié. Ce qui est faux, ce qui est totalement faux, M. le
Président.
J'ai eu l'occasion aussi, vendredi, samedi et dimanche, de rencontrer
différents groupes: le club Lion, à un souper, les gens de
l'AFEAS, qui fêtaient leur vingtième anniversaire, des gens
à Sainte-Thècle, dans mon comté, où je suis
allé hier à une activité qui s'appelle «la tire de
chiens», qui permet à des gens de nous parler, parce qu'on est
proche d'eux autres, et puis il n'y a personne qui m'a dit que, pour elle, il y
avait urgence d'adopter un projet de loi pour permettre d'apprendre l'anglais
en classe d'immersion. Il n'y a personne qui, parmi ceux que j'ai
rencontrés, m'a dit qu'il y avait une autre urgence que celle de
s'occuper de l'économie. Ça, par exemple, j'en ai entendu parler,
en fin de semaine, des gens qui m'ont dit que le gouvernement, par
l'intermédiaire du débat qu'il faisait devant nous, était
en train de faire oublier complètement les déboires
économiques que les gens vivent à tous les jours, les
difficultés économiques que les gens vivent à tous les
jours.
Dans ce contexte-là, ils disaient: Pourquoi le gouvernement a
encore enclenché un débat sur quelque chose qui ne nous
préoccupe pas comme la question du travail, la question de la
pauvreté, la question, qui, à tous les jours, nous confrontent
comme citoyens: c'est-à-dire les difficultés que nous avons de
pouvoir répondre à ce que le ministre des Finances est venu nous
mettre sur la tête, payer des impôts, alors que, dans certains cas,
on a de la difficulté à arriver. (21 h 10)
Alors, M. le Président, l'urgence, la seule urgence qui existait,
c'était dans la tête du gouvernement. Ce n'est pas une urgence
qui, à première vue et qui, après étude, est une
urgence que les gens de la société entière jugent comme
étant essentielle, qu'il est primordial de passer un tel projet de loi.
Ma collègue est venue nous dire qu'il y a encore du temps devant nous
pour étudier tout le reste du projet de loi, qui est l'ensemble de la
langue d'enseignement, qui est l'ensemble des clauses autres que la question de
l'affichage qui devait être réglée ? il y a encore du
temps devant nous. Il n'y a rien qui nous oblige à le passer
immédiatement. On peut revenir à la session de l'automne. On peut
revenir à une session qui s'ouvrira au mois d'octobre pour faire passer
une telle décision, mais, entre-temps, les gens dans la
société auraient la chance d'en discuter plus à fond, de
faire valoir leurs points de vue et de comprendre convenablement les
difficultés contenues dans le projet de loi 86.
M. le Président, c'est évident qu'avec mes
collègues j'aurai l'occasion de voter pour la motion que ma
collègue a présentée de façon à ce que le
gouvernement, au niveau de l'ensemble du projet de loi, soit le retire, soit en
fasse des amendements tellement importants qu'on pourrait peut-être voter
pour, s'il faisait ces choses-là. Mais, à ce moment-ci, je ne
crois pas qu'on soit capables. Et j'aurai l'occasion d'y revenir lorsqu'on
arrivera au principe même du projet de loi, sur la question de la langue
d'enseignement en particulier. Mais, entre-temps, M. le Président, je
suis d'accord avec ma
collègue et mes collègues qu'il faut absolument voter pour
la motion de report de 6 mois l'étude de ce projet de loi. Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le
député de Laviolette. Je vais maintenant céder la parole
à M. le député de l'Assomption et chef de l'Opposition
officielle. M. le chef de l'Opposition officielle, vous disposez encore de 18
minutes. Allez-y, M. le chef de l'Opposition officielle.
M. Jacques Parizeau
M. Parizeau: Merci, M. le Président. Il y a
déjà quelque temps, quelques mois, le Parti
québécois a rendu public un rapport communément
appelé le rapport Blackburn-Marsolais, du nom de ses
coprésidentes, qui cherchait à tracer la place des droits des
anglophones dans le cadre d'un Québec souverain. Et, à tous
égards, ce rapport faisait un certain nombre de propositions qui, je
pense, montrent un esprit à la fois de tolérance et de correction
à l'égard des droits de la minorité anglophone, qui n'a
pas été vraiment mis en doute.
Quant à la question de l'affichage, était soulevé
un problème juridique qu'à mon sens on n'a pas encore tout
à fait et vraiment correctement réglé: celui de savoir si
la liberté d'expression commerciale fait partie de la liberté
d'expression tout court. Et si on répond oui à cela, si la
liberté d'expression, comme droit fondamental, est-elle un droit
fondamental de l'individu, de la personne humaine, peut-être de
l'entreprise qui la reflète, de la petite entreprise, ou bien si cette
liberté d'expression appartient aux grandes compagnies... Sears ou Eaton
ont-ils comme droit fondamental la liberté de conscience et la
liberté d'expression? Moi, je réponds non, mais la Cour
suprême du Canada, dans certaines de ses décisions, a
répondu oui. Et, après tout, c'est la Cour suprême. Les
avocats sont très, très divisés sur cette question. Alors,
on a dit: On va attendre. On va demander des avis juridiques. Et, au fond, on a
bien fait. On a bien fait, parce que, à la commission parlementaire sur
la culture, il y a quelques jours, nous avons vu deux maires se diviser sur
cette question. Le maire de la capitale nationale des Québécois,
le maire de Québec, est venu dire sur cette question: Ne changez rien,
gardez la loi 101 comme elle est. Et le maire de Montréal, de la
métropole, est venu dire: II faudrait reconnaître, oui, le droit
au bilinguisme dans l'affichage. C'est effectivement, M. le Président,
une discussion qui est très importante.
Nous allons la régler entre nous, au Parti
québécois, au mois d'août, à notre congrès.
Et c'est là qu'il faut régler ça. Je suis très
heureux de voir, du côté de ma formation politique, qu'il y a des
gens des deux côtés qui, en toute tolérance les uns des
autres, se rendent compte qu'il y a là une question importante et qu'ils
sont prêts à en discuter avec sérénité et
sérieux, et à trancher.
Ce qu'il y a de remarquable, cependant, aussi bien dans la position du
maire de Québec que dans celle du maire de Montréal, c'est
qu'elles sont toutes les deux incompatibles avec la loi 86. L'une et l'autre
sont incompatibles. On peut difficilement s'appuyer sur d'autres mouvements
municipaux ou d'autres représentants du mouvement municipal pour savoir
ce qu'ils pensent à ce sujet. L'Union des municipalités
régionales de comté a dit: Je ne me présente pas en
commission. L'Union des municipalités du Québec a dit: Je ne me
présente pas en commission. Il n'y a eu qu'un autre maire, en fait, qui
s'est présenté en commission, ça a été le
maire de Rosemère, pour remercier le gouvernement. On le comprend. On le
comprend. Mais le maire de la capitale nationale a dit: Ne touchez à
rien. Et le maire de Montréal a dit: Créneau de la reconnaissance
des droits individuels dans l'affichage. Les deux positions sont incompatibles
avec celle du gouvernement.
Il est parfaitement inutile de chercher à faire passer, comme on
l'a cherché ? moins depuis quelques jours parce que, manifestement,
politiquement, ce n'est pas payant ? de faire passer tous ceux qui ne sont
pas d'accord avec le gouvernement pour des fanatiques, des racistes, etc. Non.
Il y a là un débat qui était important, qu'on n'aurait
peut-être pas dû chercher à régler de façon
aussi précipitée, de façon aussi large aussi, parce que la
loi 86 va, comme on le sait, bien au-delà de l'affichage seulement.
On l'introduit dans le domaine de l'enseignement, dans le domaine de la
langue de l'administration, dans la langue des tribunaux, dans la langue du
fonctionnement de nos institutions. On va au coeur de ce qui était
l'objectif de la loi 101, c'est-à-dire qu'au lieu d'introduire et de
garder cette notion de la langue française langue commune des
Québécois et langue nécessaire des
Québécois, là, on introduit une sorte de bilinguisation
systématique, avec prédominance. C'est un concept
complètement incompatible avec la loi 101. On en discutera quant au fond
un peu plus tard ce soir, mais c'est tout à fait une autre conception
des choses.
Venons-en à la question du report. Le maire de Montréal,
quelques jours avant de témoigner devant la commission, disait ceci
? et là je prends le reportage qui est fait le 18 mai dans La
Presse, au sujet de sa déclaration devant le Club canadien: Son
inquiétude ? celle du maire Doré, dit le journaliste ?
lui vient notamment du fait que le Parti québécois, advenant son
élection, pourrait «modifier le projet de loi 86 pour rendre
à nouveau obligatoire Funilinguisme français en matière
d'affichage commercial». On ne saurait mieux dire. M. Doré se dit,
par ailleurs, étonné que deux gouvernements successifs aient
«refusé aux petits commerçants un droit qu'ils
réclamaient alors qu'on s'apprête à donner aux grands
magasins un droit qu'ils n'ont jamais demandé». Il estime que
l'usage des deux langues dans l'affichage commercial des petits commerces
pourrait constituer une solution intéressante à ce débat
qui n'en finit plus. (21 h 20)
Le Conseil du patronat, quelques jours plus tard, émettra un
communiqué ? avant de se présenter à
l'Assemblée nationale ? extrêmement significatif.
Très,
très intéressant. Il ne faut pas oublier que le Conseil du
patronat, vous le savez, M. le Président, est à peu près
l'appui le plus solide dont ce gouvernement dispose encore dans l'opinion
publique. Or, dans ce message, ce communiqué du Conseil du patronat,
qu'est-ce qu'on dit au sujet de la loi 86? Bien sûr, on commence par dire
que c'est une excellente loi, c'est merveilleux, c'est épatant, c'est la
meilleure invention depuis le pain tranché. On s'y attendait. Mais, un
peu plus loin, M. Du-four s'empresse de préciser qu'«appuyer la
reconnaissance de l'affichage bilingue par le législateur est une chose,
et encourager les entreprises à laisser tomber automatiquement, sans
nuance, l'unilinguisme français en est une autre. En fait, le CPQ, le
Conseil du patronat, recommandera à ses membres de maintenir l'affichage
unilingue français dans tous les cas où cela leur serait possible
et acceptable». Fin de la citation.
Tiens, tiens, tiens! Tiens! Alors, en somme, le principal appui du
gouvernement lui dit: Bon, bien, écoutez, passez la loi s'il le faut,
mais appliquons-la le moins possible. C'est ça. Moi, c'est la
première fois, je n'ai jamais vu une réaction pareille. Il faut
dire que, alors que certains des thuriféraires du gouvernement, n'est-ce
pas, dans une certaine presse, veulent faire passer tous les milieux patronaux
en faveur du gouvernement, qu'est-ce qu'on a entendu, en commission?
On a entendu que la Chambre de commerce de Québec refusait de se
présenter. On a entendu dire que l'Association des manufacturiers du
Québec qui, normalement, est de tous les débats, a refusé
de se prononcer. On a entendu dire que la Chambre de commerce de
Montréal, comme aboutissement logique de sa fusion avec le Board of
Trade, il n'y a pas si longtemps, est venue dire au gouvernement que
c'était merveilleux, ce qu'il faisait. Et puis, le Conseil du patronat,
qui a émis les réserves dont je viens de parler, plus une,
majeure, sur laquelle je reviendrai dans quelques instants, qui est celle du
pouvoir réglementaire donné au gouvernement. C'est ça
qu'on appelle un appui indiscutable des milieux patronaux au gouvernement?
Bien, il se contente de peu, ce gouvernement.
De mon côté, je me suis engagé à faire en
sorte que, lorsque le Parti québécois prendra le pouvoir, la loi
86, si elle a été passée dans l'intervalle, sera abolie.
C'est, je pense, être simplement logique avec nos convictions, avec
l'assurance que cette loi 86 mine les fondements mêmes de la loi 101 et,
sous le couvert de dispositions parfois un peu difficiles à saisir dans
le vague, autorise le gouvernement à prendre toute une série de
dispositions, un peu à sa guise, pour réaliser ce qui est
fondamentalement une opération politique, c'est-à-dire
éviter qu'avant la prochaine campagne électorale le vote
anglophone ne se divise en deux.
La division du vote anglophone pour le gouvernement n'a pas eu de
conséquences trop sérieuses en 1989, à l'élection
de 1989, mais on sait qu'en 1976 la division du vote anglophone avait
coûté aux libéraux ? le gouvernement du premier
ministre actuel ? lui avait coûté le pouvoir. Et ils sont
bien décidés, cette fois-ci, à ne pas
répéter l'expérience. Et, est-ce qu'il y a quelque chose
de plus commode qu'un pouvoir réglementaire à cette fin? On
réglemente dans l'enseignement. On réglemente sur l'affichage. Le
gouvernement se donne même le droit d'autoriser l'affichage unilingue
anglais, selon les règlements. Et on ne peut pas voir les
règlements, et on les aura quand on les aura.
Pour toutes ces raisons, M. le Président, il me semble qu'il est
normal de demander le report de cette législation. Je ne vous cacherai
pas que, si la jurisprudence de l'Assemblée nationale le permettait,
j'aurais demandé un report ou j'aurais fait demander par la
députée de Chicoutimi un report après la prochaine
élection. Là, de deux choses l'une, ou bien le gouvernement
actuel aurait été réélu, auquel cas il la passerait
comme il veut ? mais là, cette fois-ci, il ne pourrait plus
invoquer l'argument électoral; il pourrait bien essayer une
réconciliation des anglophones, s'il le veut, après les
élections, mais, enfin, ça, c'est une chose, c'est autre chose
? et, en tout état de cause, il aurait reçu le mandat de
modifier, de toucher au fondement même de cette législation qui a
tellement transformé le Québec, c'est-à-dire la loi 101;
ou bien il perdait le pouvoir à la prochaine élection, le
gouvernement. S'il perd le pouvoir, alors, dans ces conditions, il est
évident que jamais un gouvernement du Parti québécois ne
s'engagerait dans ces voies.
Ce qui ne veut pas dire ne pas reconnaître, dans un Québec
souverain, les droits de la communauté anglophone. Ce qui ne veut pas
dire d'avoir une attitude fermée. Ce qui ne veut pas dire, sur le plan
de l'affichage, ne pas bouger du tout. Ce qui veut dire simplement qu'on
n'ouvrirait pas ces portes que la loi 86 ouvre. Et, surtout, on ne laisserait
pas les espoirs que, dans certains milieux, en particulier des
communautés ethniques et allophones du Québec, une
législation pareille va ouvrir. En même temps aussi:.. Parce que
nous en avons de plus en plus d'échos ? nous en avons de plus en
plus d'échos, à l'heure actuelle ? de ceux qui, dans ces
communautés allophones, se disent: Nous avons été
piégés...
Il faut comprendre, M. le Président, que depuis une quinzaine
d'années, il y a un bon nombre de parents, dans les milieux allophones,
qui ont envoyé leurs enfants à l'école française,
même si ça ne leur plaisait pas. Mais ils étaient des
citoyens corrects qui ont obéi à la loi. Et maintenant, ces
gens-là vont apprendre qu'ils ont simplement été l'objet
d'une sorte de discrimination historique, parce que ceux d'entre eux qui,
maintenant, ont des enfants en âge d'aller à l'école vont
avoir un créneau pour être capables d'entrer dans l'école
anglaise. Je vous dis simplement: Attention aux répercussions. Quand des
gens ont l'impression d'avoir été joués comme ça...
On joue avec des gens et on ne devrait pas jouer avec des gens.
Donc, M. le Président, à tous égards, moi, j'aurais
préféré demander un report après la prochaine
élection; ça n'est pas possible, en vertu de notre jurisprudence.
On a examiné un certain nombre de décisions qui ont
déjà été rendues. Il est clair que, si on demande
un report pour plus de 6 mois, il est possible et, dans
certains cas, probable, que vous déclariez ça non
rece-vable, et c'est la raison pour laquelle nous demandons un report de 6
mois. Remarquez que, 6 mois, en un certain sens, c'est mieux que rien, pour la
raison suivante. C'est que, pendant ces 6 mois, le gouvernement pourrait rendre
publics ses projets de règlements. Et donc, au moment où la loi
serait adoptée en cette Chambre ? parce que le gouvernement a
encore sa majorité, il va pouvoir la faire passer, s'il le veut ?
on pourrait, cependant, faire en sorte de connaître les règlements
et de savoir dans quoi le gouvernement est en train de nous engager.
Voilà, M. le Président, ce que nous demandons ce soir,
sans acrimonie, sans goût particulier de reporter la décision ou
de gagner du temps. Ce n'est pas une mesure dilatoire. Après tout, nous
ne nous sommes engagés, avec cette motion de report, que dans un
débat de 2 heures. Deux heures pour quelque chose de cette importance,
on ne nous fera pas croire que c'est simplement une façon de perdre du
temps. Non, il y a là quelque chose d'important, M. le Président,
je pense, quelque chose de fondamental. Est-ce qu'on peut demander au
gouvernement, même s'il est absolument décidé à la
faire passer, sa loi, d'abord, de sortir les règlements dont il vient de
s'arroger le droit, un droit très étendu, de sortir ces
règlements avant de voter la loi, de façon à ce que nous
sachions dans quoi il cherche à nous embarquer? Est-ce que c'est trop
demander, M. le Président? Nous attendons calmement la réponse du
gouvernement, avant d'aborder le débat de fond. Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le chef de
l'Opposition officielle. Votre intervention met fin au débat sur la
motion proposée par Mme la députée de Chicoutimi, que je
vais maintenant mettre aux voix. Cette motion se lit comme suit: «Que la
motion en discussion soit modifiée par le remplacement du mot
"maintenant" par les mots "dans six mois".»
Des voix: Vote nominal.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Vote nominal. Alors,
qu'on appelle les députés. (21 h 30 ? 21 h 36)
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, mesdames et
messieurs les députés, si vous voulez regagner vos banquettes,
s'il vous plaît. S'il vous plaît!
Mise aux voix
Alors, je mets aux voix la motion de Mme la députée de
Chicoutimi, qui se lit comme suit: «Que la motion en discussion soit
modifiée par le remplacement du mot "maintenant" par les mots "dans six
mois".»
Que ceux et celles qui sont en faveur de cette motion veuillent bien se
lever, s'il vous plaît.
Le Secrétaire adjoint: M. Parizeau (L'Assomp- tion), M.
Chevrette (Joliette), Mme Blackburn (Chicoutimi), Mme Marois (Taillon), Mme
Harel (Hochelaga-Mai-sonneuve), M. Jolivet (Laviolette), M. Baril
(Arthabas-ka), Mme Juneau (Johnson), Mme Caron (Terrebonne), M. Dufour
(Jonquière), M. Lazure (La Prairie), M. Gen-dron (Abitibi-Ouest), M.
Brassard (Lac-Saint-Jean), M. Léonard (Labelle), M. Paré
(Shefford), M. Morin (Du-buc), M. Holden (Westmount), M. Trudel
(Rouyn-No-randa?Témiscamingue), Mme Carrier-Perreault (Les
Chutes-de-la-Chaudière), M. Bélanger (Anjou).
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Que ceux et celles qui
sont contre cette motion veuillent bien se lever.
Le Secrétaire adjoint: M. Paradis (Brome-Missisquoi), M.
Rémillard (Jean-Talon), Mme Bacon (Chome-dey), M. Ryan (Argenteuil), M.
Côté (Charlesbourg), M. Dutil (Beauce-Sud), M. Côté
(Rivière-du-Loup), M. Sirros (Laurier), M. Savoie (Abitibi-Est), M.
Rivard (Rosemont), Mme Robic (Bourassa), M. Bélisle (Mille-îles),
M. Cusano (Viau), M. Picotte (Maskinongé), Mme Robillard (Chambly), Mme
Bleau (Groulx), M. Maciocia (Viger), M. Kehoe (Chapleau), M. Cannon (La
Peltrie), M. Philibert (Trois-Rivières), M. Beaudin (Gaspé), M.
Chagnon (Saint-Louis), Mme Dionne (Ka-mouraska-Témiscouata), M. Hamel
(Sherbrooke), M. Doyon (Louis-Hébert), Mme Bégin (Bellechasse),
M. Paradis (Matapédia), M. Marcil (Salaberry-Soulanges), M. Lemire
(Saint-Maurice), M. Leclerc (Taschereau), M. Poulin (Chauveau), M. Williams
(Nelligan), M. Dauphin (Marquette), M. Farrah (îles-de-la-Madeleine), M.
Fradet (Vimont), M. Messier (Saint-Hyacinthe), M. Richard (Nicolet-Yamaska), M.
Bradet (Charlevoix), M. Chenail (Beauharnois-Huntingdon), M. Gautrin (Verdun),
M. LeSage (Hull), M. Joly (Fabre), M. Lafreniè-re (Gatineau), M.
Bergeron (Deux-Montagnes), M. Bor-deleau (Acadie), Mme Boucher Bacon (Bourget),
M. Brouillette (Champlain), M. Audet (Beauce-Nord), M. Després
(Limoilou), Mme Loiselle (Saint-Henri), M. Khelfa (Richelieu), M. Lafrance
(Iberville), M. Mac-Millan (Papineau).
M. Libman (D'Arcy-McGee), M. Cameron (Jacques-Cartier), M. Atkinson
(Notre-Dame-de-Grâce).
Le Secrétaire: pour: 20 contre: 56 abstentions: 0
(21 h 40)
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, la motion est
rejetée.
Nous revenons au débat sur la motion de M. le ministre
responsable de l'application de la Charte de la langue française,
proposant l'adoption du principe du projet de loi 86, Loi modifiant la Charte
de la langue française. Je suis prêt à entendre le premier
intervenant.
Alors, avant de vous reconnaître, M. le député de
Louis-Hébert, je vais demander aux députés de
décider s'ils restent à l'intérieur du salon bleu. Si
c'est le cas, je vous demanderais d'écouter attentivement le
député de
Louis-Hébert ou, si vous décidez de sortir, de le faire
rapidement, s'il vous plaît.
Alors, M. le député de Louis-Hébert, je vous
cède la parole. Vous avez droit à une intervention de 20
minutes.
Une voix: Bravo! Une voix: Encore! Encore!
Reprise du débat sur l'adoption du principe M.
Réjean Doyon
M. Doyon: Merci.
Maintenant que cette Assemblée a disposé de la proposition
dilatoire qui était devant elle, et présentée par la
députée de Chicoutimi, il nous incombe de regarder le fond des
choses, de regarder de quelle façon le projet de loi dispose de notre
avenir en ce qui concerne les accommodements que nous sommes appelés
à faire dans le domaine de la langue.
M. le Président, j'ai présidé la commission de la
culture pendant 3 semaines. J'ai eu l'occasion d'écouter les
représentations, les points de vue, la façon de voir le projet de
loi 86. Les groupes se sont exprimés d'une façon vigoureuse,
convaincue, parfois convaincante. Ils l'ont fait d'une façon fort
civilisée, en tenant compte des us et coutumes de notre Parlement. Je
peux témoigner de première main que le ministre a
écouté d'une façon extrêmement attentive toutes les
représentations. Il l'a fait avec un esprit ouvert. Il l'a fait en
prenant des notes. Il l'a fait en posant des questions fort pertinentes, et il
l'a fait aussi ? et j'en suis un témoin de première ligne,
M. le Président ? sans insulter et sans agresser personne. Il l'a
fait d'une façon qui est la sienne, de quelqu'un qui est rigoureux, de
quelqu'un qui n'accepte pas qu'on dise oui et qu'on dise non en même
temps et qu'on prétende pouvoir s'en tirer.
Qu'est-ce que vous voulez? Claude Ryan restera Claude Ryan! Il est
quelqu'un qui n'accepte pas qu'on puisse être en même temps pour
une chose et son contraire et qu'on le fasse sans cligner des yeux. Il
n'accepte pas non plus qu'on gonfle impunément des ballons pour faire
peur au monde, alors que, à l'intérieur de ces ballons, ce n'est
que du vent. Il ne croit pas qu'un danger existe parce qu'on l'appelle de tous
ses cris. Il ne croit pas que de crier au loup continuellement, ça va le
faire venir. Il ne croit pas que de crier au feu, c'est un danger
d'incendie.
Il veut des preuves. Il veut savoir pourquoi on avance telle chose.
Quand on dit que la loi 86 amène, d'une façon inéluctable,
la bilinguisation de Montréal, il demande des preuves de ça. Il
demande de savoir sur quoi on se base. Il le fait d'une façon fort
insistante et, parfois, fatigante, mais ça ne fait pas de lui un
être arrogant, ça ne fait pas de lui un être qui cherche
à écraser ses interlocuteurs. Ça fait de lui un ministre
qui va prendre une décision éclairée. Ça fait de
lui un ministre devant qui, quand on se présente, on doit le faire en
étant préparé, en étant certain qu'on ne s'en
tirera pas par une retraite précipitée. L'analyse qu'il fait des
choses peut être contestable, mais ce que je n'accepte pas c'est d'avoir
vu, de mes yeux vu, d'avoir entendu de mes oreilles des accusations incroyables
sur la façon dont il s'était comporté en commission. C'est
totalement faux. Il a été attentif et il a été
à l'écoute. Je me sens dans l'obligation de le dire, et je ne
suis pas particulièrement habile avec l'encensoir, M. le
Président, vous le savez, mais quand j'ai dû endurer, comme
président de la commission, sans dire un mot, pendant des semaines et
des semaines, en ravalant ce qu'il me tentait de dire, en me disant: J'aurai
pourtant l'occasion de le dire, bien, c'est ce soir que je le dis. C'est ce
soir que je le dis. Je dis ce que je pense parce que j'étais
témoin et j'ai regardé les choses.
Quand la présidente de la CEQ monte sur ses grands chevaux et
dit: On ne me traitera pas de réactionnaire, moi, je sais que ce n'est
pas ça qu'il a fait. Il lui a demandé: Votre position est-elle la
suivante? Et il a dit: Votre position est une position qui est
réactionnaire, votre façon de voir les choses... Vous
n'êtes pas un être réactionnaire pour autant. Vous avez une
position que je n'accepte pas, une position qui nous ramène,
d'après moi, ministre, en arrière, et, à ce titre, votre
position est réactionnaire.
Dans les débats vigoureux et parfois virils qui sont les
nôtres, il ne faut pas s'offusquer de ce genre de choses là.
«If you cannot stand the heat, get out of the kitchen!» Si vous ne
voulez pas vous faire parler en commission parlementaire, n'y venez pas. Vous
êtes invités, vous n'êtes pas obligés de venir. Vous
venez. Acceptez qu'on vous dise qu'on n'est pas d'accord avec vous autres.
Acceptez qu'on vous le dise d'une façon directe, franche, qui ne porte
pas à ambiguïté. Moi, je trouve ça parfaitement
normal, parfaitement normal. Je me dis: Quand on a la couenne aussi mince que
certains des gens qui sont venus nous trouver l'ont, qu'ils ne viennent pas en
politique et qu'ils ne se présentent pas dans Louis-Hébert, ils
vont avoir des boutons, parce que ce n'est pas la place. Je me suis fait dire
pire que ça. Je me suis fait dire plus que ça. Il m'a fait des
grimaces, je n'aime pas ça. Bien, voyons donc! Qu'est-ce que c'est? Il
faut être plus mature que ça. Et que ça ait
été repris ad nauseam par la presse, répété
ad nauseam par la députée de Chicoutimi, qui
répétait, sachant que d'autres répéteraient, puis
là, ça revenait. Et, à un moment donné, à
force de l'avoir répété, on dit: Le ministre a dit
ça. Et, à un moment donné là, c'est une
vérité. Le ministre a été arrogant. On ne pose plus
de questions là, parce que ça a été dit, ça
a été écrit, ça a été... Là,
on ne va pas voir pourquoi.
Bien, je suis ici pour témoigner que ce n'est pas vrai. Je suis
ici pour le dire. Je le dis avec conviction, je le dis, pas pour flatter le
ministre, je n'ai rien à lui demander. Des écoles, j'en ai de
trop, j'en ferme dans mon comté, puis, du côté municipal,
M. le ministre, vous êtes témoin que je ne suis pas le
député le plus quémandeur. Alors, je n'ai rien à
retirer du témoignage que je rends actuellement. Je veux tout
simplement
rétablir les faits parce que la vérité a ses
droits.
M. le Président, je voudrais repasser rapidement un document qui
m'est tombé entre les mains, un document qui est intitulé
«On est en train de se faire passer un Québec bilingue».
Ça, c'est une trouvaille, imaginez donc, un Québec bilingue. Et
là, on procède comme on l'a fait pour l'entente de Charlottetown,
avec une pléthore, une charrette pleine de faussetés, de
mensonges, de demi-vérités, d'exagérations. Voyez-vous, le
député de Joliette me dit: C'est exact, c'est plein
d'exagérations. Il est d'accord avec moi. Il est d'accord avec moi. Il
est très d'accord avec moi, le député de Joliette. C'est
vrai qu'il y a des fissures dans le bloc péquiste. Je ne pensais pas que
le député de Laviolette en était une, fissure, une grosse
fissure. Le député de Laviolette reconnaît que ce document
que j'ai en main... Quand on affirme, par exemple, que le gouvernement agit
dans un but purement électoraliste, c'est faux, M. le Président,
parce que le ministre en a fait la démonstration à plusieurs
reprises. Si on avait voulu faire ça, on n'aurait pas les reproches
qu'on a actuellement de la communauté anglophone. Les reproches sont
aussi virulents que les reproches qui nous parviennent du côté
péquiste. (21 h 50)
Alors, quant à avoir des reproches du côté
péquiste, si on avait voulu avoir le vote, aller chercher le vote
anglophone, ce n'est pas...
Une voix: ...
M. Doyon: M. le Président, est-ce que le
député de Laviolette pourrait, en bonne vérité, se
taire pour que moi, je puisse parler, étant donné que c'est moi
qui ai la parole. «C'est-u» possible, ça, qu'il se taise une
fois...
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, M. le
député de Louis-Hébert... S'il vous plaît! S'il vous
plaît! Alors, M. le député de Louis-Hébert, vous
demandez l'application d'une règle qui est fondamentale, à savoir
éviter les interpellations d'un côté de la Chambre à
l'autre et, particulièrement, que vous puissiez vous exprimer sans
être dérangé. Vous avez raison. Continuez votre
intervention.
M. Doyon: Merci, M. le Président. Merci.
Alors, c'est ça. On n'a pas fait la démarche
législative que nous faisons pour aller chercher ces votes-là,
parce que nous aurions agi autrement que ça. On affirme toutes sortes de
faussetés, M. le Président, qui sont plus nombreuses les unes que
les autres, hein! On dit que le régime pédagogique va être
chambardé. Ça a été expliqué de long en
large, en commission, que le régime pédagogique ne peut pas
être changé sans des consultations, de nombreuses consultations,
sans une campagne qui nous permettra d'évaluer les impacts des
changements que nous proposerons, avec tous les délais de publication.
Tout le monde pourra se faire entendre dans ce domaine-là. Pourtant, on
écrit le contraire là-dedans.
Qui veut-on tromper si ce n'est pas la population? Parce que le projet
de loi 86 est parfaitement acceptable. Il est même ce que la population
désire avoir. Alors, comment amener la population? En s'y opposant, en
inventant un autre projet de loi 86, en en créant un de toutes
pièces, qui ne correspond pas à celui-là qui est devant
nous autres, en essayant de faire peur au monde avec des documents qui sentent
le document pourri qu'on a eu sur l'entente de Charlottetown, un document
pourri qui est une honte et qui pouvait être démoli? Et ça
a été fait. Malheureusement, c'était trop difficile de le
faire morceau par morceau. Mentez, mentez, il en restera toujours quelque
chose, disait Voltaire. C'est encore vrai: Mentez, mentez, il en restera
toujours quelque chose. L'air de la calomnie, ça vous dit quelque chose,
M. le Président, l'air de la calomnie? On n'est jamais capable de
rattraper toutes les plumes que représente la calomnie qu'on a
lancée aux gens; il y en a toujours quelques-unes qui atterrissent
quelque part. La technique péquiste... la calomnie, le mensonge, en
publiant cette affaire-là, ici, que j'ai dans les mains, à 200
000 exemplaires. Ça va aller tellement partout qu'il y a du monde qui
n'aura pas l'heure juste à quelque part et qui va être
trompé. Inévitable.
Mais, ça n'honore pas le PQ, ça. C'est des techniques de
basse partisanerie que je déplore. Je le déplore parce que je
voudrais qu'on ait un débat sur le fond des choses, sur la
réalité des choses, pas sur des épouvan-tails qu'on
crée de toutes pièces. On essaie de faire accroire que les
changements qu'on apporte, par exemple, en ce qui concerne l'anglais à
l'école, avec la clause grand-père, que ça va créer
un changement fondamental.
La preuve a été faite, les chiffres ont été
amenés: quelques centaines au maximum qu'on peut envisager. C'est une
goutte d'eau dans l'océan, et on fait tout simplement rétablir,
pour des citoyens dont les enfants auraient des droits, ces droits-là
étant acquis aux enfants, pour que ces citoyens-là puissent les
avoir. Quoi de plus naturel? Pourquoi les droits sauteraient-ils une
génération? Pourquoi ce qui est bon pour une
génération, il y aurait un vide de droits pour une
génération à quelque part? Le ministre a tout
expliqué ça.
Pourtant, on dit le contraire dans ce torchon-là, M. le
Président. Ce torchon-là dit le contraire. Ça me fait de
la peine de...
Une voix: De le dire.
M. Doyon: ...mais il faut rétablir les choses, M. le
Président. On dit là-dedans, par exemple, que l'anglais va
devenir la langue de l'administration publique. Qu'en est-il de la
vérité? On considère, actuellement, la possibilité
d'un périmètre de 10 km autour des points d'entrée dans la
frontière, de pouvoir leur dire: Bonjour, le monde. Merci de venir nous
voir. «C'est-y» horrible à votre goût, ça?
Hein? On considère la possibilité que, dans les musées
publics, on puisse donner des informations que dans les musées
privés on peut donner, qu'on puisse le faire en anglais, en espagnol, en
polo-
nais et qu'on puisse... Comme disait Virgile: Horresco referens. Je
frémis en y pensant. Horresco referens, parce que de pouvoir mettre le
terme latin pour les fleurs et les bibites qu'il y a sur la terre ?
Horresco referens ? ça me fait frémir rien qu'à y
penser...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Doyon: ...disait Virgile. C'est épouvantable de penser
de pouvoir mettre les termes latins. On s'en va où? Où est-ce
qu'on va se retrouver, hein? On «va-tu» se retrouver, en
continuant, avec les hiéroglyphes égyptiens? Ça ferait
l'affaire de notre ami Khelfa.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Doyon: Je n'en demande pas tant. Rassurez-vous, M. le
ministre. Je sais, M. le Président, comme on disait, castigat ridendo
mores, une autre citation qui me revient. J'essaie de corriger les moeurs en en
riant, en les ridiculisant. J'essaie de passer un message en caricaturant, en
faisant rire en même temps. Mais le message est sérieux. Les
grands dramaturges, les grands comédiens, auteurs de pièces
comiques latins avaient découvert ça avec «Les
Guêpes», par exemple, où on se moquait de la situation.
Molière l'a fait. Molière avait des messages quand il se moquait
des précieuses ridicules ou quand il décrivait Tartuffe. Il
parlait au roi.
Alors, M. le Président, quoi de plus normal que, dans un jardin
zoologique, on puisse avoir des termes scientifiques pour appeler les
êtres de la création, pour qu'on puisse les reconnaître?
Hein? Ce n'est pas... Nous autres, on a des noms pour appeler les choses, mais
il y a des véritables noms scientifiques. On ne peut pas faire
ça, actuellement. Le ministre, par la loi 86, va le permettre. Il
n'obligera pas, là. Il va le permettre dans l'administration
publique.
Et que dit le torchon que j'ai en main? L'administration publique
devient bilingue. Danger terrible! C'est effrayant! C'est effrayant! On dit une
autre chose épouvantable là-dedans. Qu'on y pense 2 fois:
Dorénavant, on traduira les jugements en anglais. Ce qu'on ne dit pas,
c'est qu'on les traduira en français quand ils seront rendus en anglais.
On ne dit pas ça. Oh, non, non! Ils n'en parlent pas, de ça.
Combien de fois il y a des justiciables québécois de langue
française qui ont un jugement en main en anglais, qu'ils ne comprennent
pas parce qu'il est en anglais. Dorénavant, quelqu'un pourra obtenir le
jugement dans la langue de son choix pour savoir de quelle façon son
affaire a fini. A-t-il gagné ou a-t-il perdu? Il va le savoir en
français s'il veut le savoir en français et il va le savoir en
anglais s'il veut le savoir en français. Horreur des horreurs! Chose
impossible à penser! Ouais!
M. le Président, je pourrais continuer. J'ai peur que le temps ne
me manque. Il va me manquer, c'est certain. On nous dit, par exemple, M. le
Président, que les établissements de santé et les
établissements de services sociaux vont devenir sous l'emprise de la
minorité.
Ce qu'on ne dit pas, M. le Président: C'est la volonté
locale qui va primer. C'est la volonté locale. A-t-on peur, de l'autre
côté, de la volonté locale? Pourquoi les gens qui sont les
consommateurs de ces services-là, ceux dans le milieu de qui cet
équipement est installé n'auraient pas le droit de décider
la façon dont les choses vont se passer? (22 heures)
Et sur le retrait, actuellement, la loi prévoit l'acquisition,
par exemple, du statut bilingue, ne prévoit aucune donnée en ce
qui concerne le retrait. C'est l'incertitude dans ce domaine-là. La loi
précise ça. Le ministre a fort bien expliqué, d'une
façon absolument logique, qu'on ne pouvait pas procéder
exactement de la même façon, parce que c'était impensable
qu'on puisse, après avoir, par exemple, eu une localité, une
municipalité qui avait le statut bilingue, se retrouver avec une
municipalité qui, du jour au lendemain, parce que la proportion
passerait à 51 % de francophones ou selon une proportion donnée,
perdrait son statut. On se dit: C'est là un débat qui doit avoir
lieu avant de décider. Le ministre dit: Moi, je prendrai ma
responsabilité, dans ce sens que j'entérinerai la décision
locale, mais la décision locale prendra racine dans la communauté
elle-même desservie, dans la communauté touchée par
ça.
On nous dit sur tous les tons que la loi 86 établit le
bilinguisme dans l'affichage. C'est faux, archi-faux ? autre preuve que ce
torchon-là fait des mensonges épouvantables. Ce que la loi 86 va
faire, c'est de continuer l'obligation d'afficher en français. Le
français obligatoire partout, sans aucune exception, avec
possibilité, non obligation, d'avoir une autre langue, que ce soit
l'anglais, que ce soit le chinois, que ce soit le polonais, que ce soit ce
qu'on voudra, mais en laissant la place prédominante au français,
très clairement.
Est-ce que c'est si grave que ça? Ce qu'on ne dit pas
là-dedans... pas un mot là-dedans, par exemple, de la brimade
à la liberté d'expression. Bien sûr, quand le grand jour de
la souveraineté sera arrivé, ce grand jour, cette mère
nourricière de toutes nos libertés, qu'on appelle de tous nos
voeux, nous permettra ? c'est ce que nous promet le PQ ? de nous
exprimer librement. En attendant, faisons-en notre deuil, patientons. La
liberté d'expression, c'est quand la souveraineté nous l'aura
donnée. Nous pourrons dire merci beaucoup. Nous pourrons dire:
Heureusement, nous sommes souverains, et en même temps, nous sommes
devenus libres.
Je dis au PQ: Nous ne sommes pas souverains, mais nous sommes libres
actuellement. Nous allons continuer de l'être, et la loi 86 va nous
permettre de l'être encore plus que nous ne le sommes actuellement, M. le
Président. C'est ce que je voulais vous dire.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le
député de Louis-Hébert.
Sur la même motion, je cède la parole à M. le
député de L'Assomption et chef de l'Opposition officielle.
M. Jacques Parizeau
M. Parizeau: M. le Président, Daniel Johnson, le
père, le premier ministre du Québec, disait, dans les
années soixante: Je souhaiterais que le Québec soit aussi
français que l'Ontario est anglais. La phrase, à l'époque,
avait attiré beaucoup l'attention, parce qu'elle cherchait à
consacrer quelque chose qui n'existait pas encore ? enfin,
côté québécois ? c'est-à-dire 2
sociétés côte à côte, ayant des rapports
corrects l'une avec l'autre, mais chacune fonctionnant comme
société dans une langue.
À cette époque, la société
québécoise ne fonctionnait pas en français comme la
société de l'Ontario fonctionnait en anglais, non. Nous
étions, ce qu'on appelle, une société bilingue. Je dis, ce
qu'on appelle une société bilingue, parce qu'en fait il n'y a pas
beaucoup d'exemples de société bilingue dans le monde. C'est une
sorte d'aberration que de voir fonctionner une société dans les 2
langues. Je dis une aberration, pas parce que ce serait moralement mauvais,
mais parce que ça ne marche jamais. Il y a toujours une langue qui finit
par dominer sur l'autre.
On sait bien, traditionnellement, au Québec, ce que ça a
été, compte tenu de notre place qui, après tout, n'est pas
très grande en Amérique du Nord. Il faut voir une sorte de poids
de l'histoire, comme on voudra, mais c'est comme ça que ça se
passe. On a senti, à cette époque, bien sûr, la
différence qu'il y avait entre une société bilingue, ce
qui est une chose, et les vertus du bilinguisme ou du trilinguisme pour les
personnes, ce qui est tout à fait autre chose.
Quand je dis une société bilingue, ce n'est pas facile de
trouver des exemples d'endroits où ça fonctionne correctement.
Néanmoins, dans beaucoup de petites sociétés, un peu
partout dans le monde, on trouve un très grand nombre de gens qui
parlent comme langue seconde l'anglais, et qui, d'ailleurs, habituellement, en
parlent une troisième. C'est extrêmement fréquent. Comme
Nord-Américains, des fois, ça peut nous étonner,
ça, mais en Europe, c'est très, très fréquent, dans
une petite société de quelques millions d'habitants, où la
plupart des gens, un grand nombre, en tout cas, parlent l'anglais, et de nos
jours, une autre langue ? le français, l'allemand, l'italien ou je
ne sais pas quoi. Mais remarquez que c'est ça qu'il faudrait viser au
Québec. Il faudrait viser, au Québec, une société
où la plupart des Québécois parlent au moins 2 langues,
sinon 3, et où, à l'école, on devrait être en mesure
d'apprendre 3 langues vivantes ? la sienne propre, bien sûr,
l'anglais et une troisième. J'espère qu'un jour on va en arriver
à ça, et correctement. C'est l'objectif de n'importe quelle
société, d'être en mesure de voir ses citoyens en arriver
là. Fonctionner de façon bilingue ? ah bien, non! ?
là, c'est une autre paire de manches.
Je vous rappellerai, à cet égard, M. le Président,
qu'il y a un certain nombre de sociétés où plusieurs
langues, plusieurs peuples vivent côte à côte, et ne se sont
pas, le poids de l'histoire aidant, fait d'illusion quant à leur
capacité d'opérer, comme société, de façon
bilingue. Est-ce qu'on peut me dire si la Suisse alle- mande fonctionne comme
une société bilingue? Il n'en est pas question. Écoutez,
il n'y a même pas d'école française publique dans le canton
de Zurich; ça n'existe pas, des écoles publiques. Des
écoles privées, si on veut, oui, financées par des fonds
privés, mais pas d'écoles publiques. Pouvez-vous me trouver des
écoles allemandes publiques dans le canton de Genève? Non. Est-ce
qu'on peut imaginer un instant que, dans le pays wallon, en Belgique, et dans
le pays flamand, des écoles publiques fonctionnent dans les deux
langues, dans chacune de ces communautés? Bien sûr que non! Les
Belges ? je m'attarde 30 secondes sur cet exemple, parce qu'il est
intéressant ? ont compris que, sur le plan de la culture, de nos
jours, la radio et la télévision jouent un rôle majeur.
Qu'est-ce qu'ils ont conclu? Ils ont conclu qu'il n'y aurait plus de
télévision belge, que radio et télévision
françaises opéreraient, en pays wallon, comme une entité
distincte, et que télévision et radio flamandes
opéreraient, en pays flamand, comme une entité distincte.
Nous, ça fait 50 ans, depuis que la radio est apparue, qu'on se
chicane avec les Anglais au sujet de la structure commune de la radio, d'abord,
et de la télévision, ensuite. Les Belges, ils ont compris. Un peu
partout dans le monde, on sait très bien qu'une société
qui fonctionne comme une société bilingue, ou bien c'est
extraordinairement difficile et une source de tension perpétuelle, ou
bien ça finit par ne plus exister du tout. Alors, qu'on ne cherche pas,
à cet égard, à maintenir la confusion. Oui, il faut que le
plus grand nombre possible de Québécois parlent, dans le monde
d'aujourd'hui, l'anglais, et, encore une fois, une troisième langue.
Qu'on ne vienne pas me dire que, dans les aéroports, il faudrait que
tout soit dans une seule langue. Un aéroport international, il faudrait
que ce soit dans 3 ou 4 langues même. Ça, c'est clair, c'est comme
ça dans tous les pays. À force de nous torturer l'esprit, ici, on
a fini par ne plus comprendre la normalité des choses.
Alors, on nous dit: Mais, dans d'autres pays, attention! Dans d'autres
pays, ce n'est pas nécessaire de légiférer à ce
sujet. Bien, non, M. le Président. Ce n'est pas nécessaire de
légiférer à ce sujet, parce que ça fait longtemps
qu'ils ont compris. Beaucoup des crises linguistiques, que nous connaissons
depuis quelque temps, ici, ces pays-là les ont connues il y a longtemps.
Ils ont réglé leurs affaires entre eux, et ils ont compris ce
qu'est la normalité des choses depuis un bon bout de temps. Nous, non.
Écoutez, ça ne fait pas longtemps qu'on est sorti d'une
société qui se voulait bilingue, ça ne fait pas longtemps.
Ça fait depuis quand, au fond? Ça fait depuis la loi 101. La loi
101 qui a établi un certain nombre d'objectifs clairs, tout à
fait compréhensibles, qui correspondent à l'expérience des
sociétés, à l'expérience des nations et au sens
commun, c'est-à-dire que, dans une nation, dans un pays, il faut qu'on
fonctionne dans une langue.
Là, on s'est dit: On fonctionnera dans la langue
française, et ce sera la langue commune pour l'éducation, sauf
droits acquis par des gens qui ont des droits de faire éduquer leurs
enfants dans leur langue, depuis
toujours, et on va leur confirmer ça. Mais pour tous les
immigrants, par exemple, c'est clair que ce sera l'école
française. On fonctionnera dans une langue, pour ce qui est du travail.
Alors, on ne peut pas légiférer à l'égard du
très grand nombre de toutes petites entreprises, mais au moins, pour ce
qui a trait aux entreprises d'une certaine taille, il faudra que ces
entreprises fonctionnent en français. On a eu des problèmes, au
début, parce que ? comment dire? ? tous les termes techniques
n'étaient pas nécessairement traduits. Il a fallu monter des
vocabulaires, des lexiques, des dictionnaires techniques. Ça a
été fait. On a pris l'habitude de travailler avec des
employés qui utilisent ? et maintenant c'est devenu, tout à
fait spontanément ? les termes français dans bon nombre de
secteurs. On s'est dit: L'affichage, c'est une des clés de la
compréhension de tous ceux qui vivent au Québec que c'est en
français que ça se passe. (22 h 10)
Effectivement, l'affichage joue un rôle pour faire comprendre
singulièrement aux 40 000 ou 45 000 immigrants qui rentrent ici chaque
année ? et soit dit en passant, ça en fait 500 000 en 10
ans, plus leurs enfants qu'ils font ici: c'est beaucoup de monde, quand on
parle de 40 000, 45 000 ? on leur dit, à tous: C'est comme
ça que ça se passe. Ça se passe en français, ici.
L'administration publique s'adresse en français. Comme quoi? Comme la
normalité des choses. Comme dans tous les pays. C'est comme ça
que ça fonctionne. Qu'est-ce que vous voulez que je vous dise, moi?
On peut chercher longtemps pour trouver des sociétés qui
fonctionnent autrement. Il y a, dans toute société, dans les
pays, il y a une langue commune, qui est, en même temps, une langue
nécessaire. Ce que je veux dire par là, c'est que, si on ne la
parle pas, la vie dans la société en question ou dans le pays en
question est compliquée, est compliquée parce que, justement,
c'est pas bilingue. Il faut l'apprendre, cette langue-là. Alors, on
l'apprend plus ou moins rapidement. On l'apprend avec plus ou moins d'aide de
la part des pouvoirs publics. Mais on l'apprend. N'importe quel immigrant qui
rentre en France, il sait qu'il va avoir à apprendre le français.
C'est nécessaire pour lui pour se débrouiller, en France. Ou
apprendre l'anglais en Angleterre, parce que c'est nécessaire pour lui
d'apprendre l'anglais, en Angleterre. Et aux États-Unis, on apprend
l'anglais, parce que si on ne parle pas l'anglais aux États-Unis, la vie
est compliquée.
C'est ça qu'on cherchait, avec la loi 101, à
établir. Et ça a profondément transformé le
Québec. Qu'on ne cherche pas à nier ça. La transformation
a été très très profonde. Je reconnais que, depuis
quelques années, le nouveau gouvernement qui est au pouvoir ne tient pas
plus que ça à la faire appliquer. C'est vrai que, par exemple, le
mouvement de francisation des entreprises est à peu près
arrêté. C'est vrai que certaines entreprises où les
certificats de francisation ont été obtenus il y a quelques
années, on est retourné petit à petit à l'anglais,
sans trop de problèmes. Je reconnais tout ça. Mais, au moins,
jusqu'à maintenant, on n'avait pas touché aux objectifs
fondamentaux, explicitement aux objectifs fondamentaux de la loi 101. On
s'attaquait aux modalités. On ne l'appliquait pas beaucoup. Mais on n'a
pas touché au coeur même de ce qui était la loi 101.
On dira: C'est dommage d'avoir à légiférer. Bien,
oui, c'est dommage d'avoir à légiférer des choses comme
ça. M. le Président, j'aimerais bien mieux qu'on puisse se passer
de ça. J'aimerais infiniment mieux, moi, qu'on se retrouve dans la
situation que nous présentait récemment, à l'occasion d'un
voyage ici, le ministre président de la communauté flamande,
à qui on demandait: Est-ce qu'il y a une loi sur l'affichage? Il disait:
Non, il n'y a pas de loi sur l'affichage, chez nous. Qu'est-ce que vous voulez?
Tout le monde comprend qu'ici il faut afficher en flamand. Bon. La
normalité des choses.
Mais, nous, comme on sort d'un long processus historique de bilinguisme
qui nous avait été imposé, ce n'était pas
évident. Ce n'est pas évident. Ce n'est pas facile, non plus.
Mais c'est important. C'est, en un certain sens, un peu notre avenir comme
entité distincte, culturellement valable dans le monde d'aujourd'hui.
Nous ne sommes pas négligeables. Nous apportons au monde une certaine
culture, une certaine façon de voir les choses. Dans ce sens-là,
comme tous les petits peuples, nous sommes irremplaçables. Et ce n'est
pas en cherchant à être plusieurs choses à la fois, et ce
n'est pas en mélangeant les genres, les styles et les cultures, qu'on
peut s'imaginer, de quelque façon, être davantage nous-mêmes
ou davantage présents dans le monde. C'est ridicule. C'est absurde.
Ça ne tient pas debout, une affaire comme ça! Personne ne l'a
jamais réalisé.
Or, ce que le gouvernement nous présente, avec la loi 86 ?
probablement sans en faire un objectif majeur ? va aboutir à
ça: mettre en péril ou en cause les objectifs fondamentaux de la
loi 101. Je dis: «probablement sans le vouloir de façon
prioritaire» parce qu'il est clair que l'objectif du gouvernement,
l'objectif prioritaire, est un objectif électoral. Nous sommes à
14 mois, peut-être, d'une élection, au Québec. Il est
évident que le gouvernement ne peut pas permettre qu'il y ait une
division du vote anglophone au moment de la prochaine campagne
électorale.
En 1989, comme je le disais tout à l'heure sur la motion de
report, en 1989, le gouvernement pensait pouvoir prendre le pouvoir même
s'il y avait scission du vote anglophone, ce qui a été le cas
d'ailleurs, même au moment de la création du Parti
Égalité. Mais, en 1976, pensons, M. le Président, qu'en
1976 le Parti québécois a pris le pouvoir avec 41 % des votes
seulement, 41 %! Pourquoi? Parce que le vote anglais était
divisé. C'est là qu'on a vu apparaître dans cette Chambre,
on s'en souviendra, le député de Pointe-Claire, M. Bill Shaw,
député de l'Union Nationale, ce qui n'était pas rien; M.
Duplessis a dû se revirer dans sa tombe. Bon. Le vote anglophone avait
complètement cassé, et ça, il est évident qu'ils ne
vont pas permettre ça à nouveau, il est évident
qu'à l'heure actuelle ils vont chercher, ceux qu'on appelle nos amis
d'en face, ils vont chercher à s'amener à l'élection
prochaine avec un vote anglophone aussi monolithique que possible. Je sais bien
qu'à
l'heure actuelle il y a un certain nombre d'anglophones qui ont compris
ça et qui leur disent: Mettez-en plus sur la table, qui disent:
Aïe! sur le plan des écoles, là, il n'y en a pas assez, on
en voudrait davantage. On les comprend fort bien. Ils viennent de se rendre
compte, comme disait un commentateur de la Gazette il y a quelques
semaines: On a gagné. Ah! C'est vrai, ils ont gagné pas mal de
choses. Ils voudraient maintenant ? l'appétit vient en mangeant
? en avoir un peu plus. On les comprend; on n'est pas obligés de
les suivre.
Et, à cet égard, vous voyez, le projet de loi 86, M. le
Président ? comment dire ? ouvre, entrouvre des portes dont on
n'a pas idée jusqu'où elles vont se développer, mais fait
reconnaître généralement l'idée suivante: Le
français sera prédominant, mais il ne sera plus
nécessaire; vous pourrez néanmoins vivre fort bien au
Québec en anglais. C'est ça, le message de la loi 86. Mes
collègues, dans le débat de ce soir, vont insister sur l'un ou
l'autre des aspects de cette loi, et à juste titre, elle mérite
d'être décomposée et regardée dans chacun de ses
aspects. Mais qu'est-ce qu'il y a comme commun dénominateur
derrière ça?
Et c'est ça là où je disais tout à l'heure,
l'objectif même de la loi 101 est mis en cause. L'objectif de la loi 101,
c'était une langue commune, une langue nécessaire. Là, on
dit: Écoutez, si vous ne parlez pas le français du tout au
Québec si, en entrant au Québec, vous vous intégrez
à la communauté anglophone, ce n'est pas bien grave; de toute
façon, vous pourrez fonctionner en anglais, et ça vous sera
même reconnu comme un droit. Il y aura français
prédominant, mais on sait bien que la prédominance du
français inventée par la loi 178 a donné lieu à des
applications parfois complètement ridicules. Et quand on aura ouvert
toutes les portes qu'il y a dans la loi 86, on va arriver à des choses
ridicules, risibles. Par exemple, puisqu'on reconnaît dans l'affi-chage
le droit de toutes les grandes corporations de s'adresser à leurs
clients en anglais, en vertu de quoi est-ce que, maintenant, on va permettre
aux grandes sociétés de ne pas s'adresser à leurs
employés en anglais? Puis, là, ça voudra dire quoi, la
prédominance du français? Quand le patron parle à ses
employés en anglais, il parle moins fort? Je donne un exemple ridicule,
mais ? qu'est-ce que vous voulez? ? c'est des portes pareilles, comme
celle-là, qui s'ouvrent.
La double immersion à l'école. La CECM l'a tellement bien
établie: 100 000 enfants au Québec à l'heure actuelle dont
le français n'est pas la langue maternelle sont en immersion dans le
français. Et là, on va ouvrir l'immersion en anglais, la double
immersion! Mais c'est absurde sur le plan pédagogique. Mais c'est
complètement idiot d'ouvrir des histoires pareilles. Non, pour
régler un problème politique sérieux que ce gouvernement
a, c'est-à-dire celui de sa réélection, il prend des
risques avec l'équilibre linguistique du Québec. Il prend des
risques avec la paix linguistique, on l'a souvent souligné, au
Québec. Il va laisser des germes de tension qui, au fond, graduellement,
étaient disparus avec la loi 101. C'est pour cela, M. le
Président, que c'est sans la moindre hésitation que je redis en
cette Chambre ce que j'ai déjà dit en dehors de cette Chambre,
c'est qu'au moment où le Parti québécois prendra le
pouvoir nous allons abolir la loi 86. Nous allons reconnaître aux
anglophones des droits dans un Québec souverain, bien sûr, les
droits qu'ils ont à l'heure actuelle. Et, en un certain sens, si on peut
faire mieux, on fera mieux. Déjà, dans le rapport que nous avons
publié à cet effet et qui va être entériné au
mois d'août, on a, je pense, pu constater l'ouverture qu'il y a à
l'égard des anglophones au Parti québécois. (22 h 20)
Cela étant dit, ce n'est pas vrai qu'on va laisser dans la loi 86
un pouvoir réglementaire au gouvernement qui lui permet de miner ce qui
a assuré, au fond, la consolidation de la société
québécoise depuis 15 ans, qui lui a donné une orientation
précise, qui lui a donné, finalement, les moyens non seulement de
sa survivance, mais de son existence et de son épanouissement.
Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le
député de L'Assomption et chef de l'Opposition officielle.
Sur cette même motion, je reconnais M. le whip en chef du
gouvernement et député de Viau.
M. William Cusano
M. Cusano: Merci, M. le Président.
C'est un plaisir pour moi de participer à ce débat, et
particulièrement de prendre la parole après le chef de
l'Opposition. Ce qui est très étonnant de la part du chef de
l'Opposition, c'est que, un instant, il dit une chose, et quelques minutes plus
tard il en dit une autre.
M. le Président, je viens de l'entendre comme vous l'avez
entendu, que dans un Québec souverain on va abolir la loi 86 et on va
donner aux anglophones plus de droits que la loi 86 peut leur donner. Moi,
c'est de valeur, M. le Président, j'ai beaucoup de misère
à comprendre ce que ça veut dire. Est-ce qu'il y en a ici qui
comprennent? Je ne sais pas si le député d'Outremont a bien
compris; je ne le sais pas. Pas d'Outremont, je m'excuse, de Westmount.
Une voix: ...
M. Cusano: Oui, la référence à M. Shaw
m'inquiète un peu, M. le député, de la part du chef de
l'Opposition, mais quand même.
Une voix: Le député de Westmount.
M. Cusano: Oui, de Westmount. C'est parce qu'il va y avoir des
changements de carte électorale.
Une voix: On va changer de députés aussi.
M. Cusano: Et des changements de députés, on
l'espère.
M. le Président, pour revenir un peu au sérieux, parce que
c'est très sérieux lorsqu'on parle de la loi 86,
particulièrement du fait que cette loi, je crois, arrive à un
point où une harmonie entre les deux peuples fondateurs qu'on
reconnaît, que tout le monde reconnaît... Que par l'entremise de
cette loi, sans enlever les principes fondamentaux de la loi 101, on
amène des correctifs pour rendre la vie des Québécois plus
facile. Que ça soit des immigrants, Mme la députée de
Chicoutimi, comme vous dites, les fameux immigrants qui sont à
Montréal...
Moi, j'ai beaucoup de difficulté, là, à savoir de
votre part c'est quand qu'on arrête d'être immigrant ici, au
Québec. Mes enfants, Mme la députée de Chicoutimi... Leur
mère, c'est la quatrième génération qui sont ici,
au Québec. Moi, je suis un immigré. Et pourtant, si on prend
votre définition d'un immigrant, mes enfants, selon vous, sont encore
classifies parmi les mauvais anglophones qui sont présents dans un
système, à Montréal, que ça soit du
côté francophone ou du côté anglophone. Alors, moi,
ça m'inquiète, Mme la députée. Ça
m'inquiète, et j'ai beaucoup de difficulté à comprendre
les discours de l'autre côté.
À titre d'exemple, j'étais en commission parlementaire
? et je félicite mes collègues et le député
d'Argenteuil qui a eu la patience de siéger pendant de nombreuses heures
? et j'écoutais la députée de Chicoutimi interroger
le Congrès des Italo-Canadiens. C'est très
révélateur, ce questionnement qui se faisait de la part de la
députée. Elle voulait savoir: Comment se fait-il que le
Congrès des Italo-Canadiens avait foi envers la ministre de
l'Éducation? Parce qu'elle se disait: La ministre n'a pas publié
ses règlements. Comment pouvez-vous lui faire confiance? Vous voyez,
madame, on peut relever les galées, c'est exactement vos mots. Et vous
avez répété...
Une voix: M. le Président, on doit s'adresser à la
présidence.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Oui, M. le
député, si vous voulez vous adresser à la
présidence.
M. Cusano: M. le Président, oui, c'est des questions
posées par la députée de Chicoutimi.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Non, mais, adressez-vous
à la présidence. Je demanderais la collaboration de tous les
membres dans cette Assemblée.
M. Cusano: Oui, M. le Président, je vais collaborer avec
vous, et je vais dire que les questions, qui étaient posées par
la critique de l'Opposition, envers les membres du Congrès,
étaient à savoir: Pourquoi on faisait tellement confiance
à la ministre de l'Éducation sur la question des
règlements? Après 2 ou 3 questions, exaspéré, le
président nous répond en nous disant: Voici, madame, M. le
Président, confiance, dit-il, chez nous, c'est une philosophie. On a
confiance jusqu'à preuve du contraire, et, jusqu'à date, la
ministre de l'Éducation ne nous a pas trompés. Ça, je
pense que tout le monde est d'accord avec ça. Ce que ces gens-là
se rappelaient, M. le Président, et ils ont été
très polis de ne pas nous le rappeler au niveau de la commission
parlementaire, c'est que la question de confiance, si les gens de l'autre
côté l'ont perdue chez les ethnies, M. le Président, vous
l'avez mérité.
J'aimerais citer un document de plusieurs pages. Vous me permettez, M.
le Président, je vais faire la lecture du premier paragraphe. Et c'est
l'ancien gouvernement qui disait: Plus personne, dorénavant ?
c'était adressé à des membres du gouvernement de
l'époque, le gouvernement péquiste ? n'aura d'excuses s'il
persiste à confondre les différents intervenants dans les groupes
ethniques. Cette situation est tellement vraie qu'à titre d'exemple
l'immense majorité des gens du gouvernement et du parti ? le Parti
québécois, ça, pas le Parti libéral ? ne
connaissent pas du tout ou très mal les principaux leaders chez les
groupes ethniques. Document du gouvernement de l'époque. Cela a
donné lieu, dans le passé, à des confusions et des
évaluations erronées qui nous ont causé un tort certain.
M. le Président, ça continue. Vous savez à quoi je fais
référence, M. le Président? À une liste qu'on a
appelée «la liste noire du PQ sur les ethnies» où on
donne des informations privilégiées, en disant: M. Untel est
l'ami ou le beau-frère ou d'appartenance religieuse, ou de croyance, il
est indépendantiste ou fédéraliste, ainsi de suite...
Une voix: La police intérieure.
M. Cusano: Oui, la police intérieure du PQ. Ici, M. le
Président, on l'a connue. Oui, M. le député, oui, vous
n'étiez pas là, peut-être, à ce
moment-là.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Si vous voulez vous
adresser à la présidence, M. le député.
M. Cusano: Oui, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): S'il vous
plaît.
M. Cusano: Le député de Montmorency n'était
pas là, mais vous, vous étiez là, M. le Président,
vous avez certainement connu ce fameux document, et je suis sûr que vous
ne l'avez pas appuyé en tant que député de
l'époque. (22 h 30)
Alors, c'est ça, la question de confiance. Lorsque le chef de
l'Opposition, à la fin de janvier, février, disait que
l'indépendance du Québec se ferait malgré les allophones,
ce que j'ai compris, moi, selon votre définition, M. le
Président, en tant qu'allophone, ça veut dire que, dans un
Québec indépendant, il n'y a pas de place pour un Bill Cusano, il
n'y a pas de place pour un Blackburn, si on pense comme eux, parce que, ici, on
identifie des personnes par des noms, d'une façon, je ne sais pas trop
comment. Tout d'un coup, c'est des ethnies, c'est des allophones, des
immigrants, à jamais,
fini. Mais moi, ma vision des choses, M. le Président, c'est
qu'ici, dans ce Québec, on est tous des immigrants arrivés
à différentes époques. Alors, je pense qu'il va falloir
qu'on arrête de dire qu'il y a différentes classes de citoyens,
ici, au Québec; on est tous des Québécois. Je l'ai choisi,
moi, le Québec. Je n'ai pas plus un droit qu'une autre personne ou vice
versa. Je pense que, de ce côté-là, on devrait être
tous considérés sur le même pied d'égalité.
Et le jour où vous allez considérer tout le monde sur le
même pied, M. le Président, je pense que le Québec sera
mieux servi.
On a entendu l'objection, de l'autre côté de cette Chambre,
à l'article 59 du projet de loi 86. Si vous me permettez, M. le
Président, avant que je n'entre en politique, j'avais passé 19
ans de ma vie au niveau de l'enseignement. À l'article 59 ? et je
vais le lire pour ceux qui ne l'ont peut-être pas lu de façon
très attentive ? le premier paragraphe parle simplement de la
question de la modification. C'est technique. L'amendement lui-même,
c'est qu'on dit qu'il est possible de «prescrire les modalités et
les conditions de l'enseignement dans une langue autre que la langue
d'enseignement pour en favoriser l'apprentissage». C'est tout ce que
ça dit. J'écoutais tout à l'heure la députée
de Chi-coutimi qui disait, sur cet article-là: Tout d'un coup... Tout
d'un coup... Parce que c'est la première fois que je l'entends depuis le
début de ce débat. Elle dit: Le bain linguistique,
peut-être. Elle a dit, ce soir, dans... Ha, ha, ha! Oui. Un bain
linguistique, elle dit: peut-être, mais une immersion, il n'en est pas
question, pas question.
Une voix: Un bain d'oiseau.
M. Cusano: Oui, un bain d'oiseau, c'est correct, mais l'immersion
totale, ça ne fonctionne pas. M. le Président, j'ai beaucoup de
difficultés à comprendre. On a une tendance, de l'autre
côté, M. le Président, à dire que si on ne fait pas
tellement une bonne job au niveau de l'enseignement de la langue
première, on essaie de nous faire croire, ici, on essaie de faire croire
à l'ensemble de la population que c'est à cause du fait qu'on
essaie d'enseigner une deuxième langue. En tout cas, avec 19 ans
d'expérience dans l'enseignement, je peux vous dire, M. le
Président, que ça, c'est totalement faux. C'est totalement faux
parce que, si l'apprentissage d'une deuxième ou d'une troisième
langue avait une influence sur notre langue première... Le ministre
responsable de l'application de la Charte de la langue française, je ne
pense pas que ça ait dérangé sa langue maternelle, M. le
Président. Je pense que c'est la personne qui a la plus grande
maîtrise de la langue maternelle, et le fait qu'il a appris une
deuxième langue et même une troisième, je ne pense que
ça l'ait dérangé et je pense qu'il est prêt à
en apprendre une quatrième. Il ne perdra pas plus son français
parce qu'il va en apprendre une quatrième.
Alors, il ne faudrait pas, M. le Président, confondre un
problème éducationnel avec une question d'ordre d'existence, si
on veut, d'un peuple. Le fait qu'on ait un problème au niveau de
l'enseignement de la langue première... Et je vais être le premier
à l'avouer, c'est vrai qu'on a un problème au niveau de
l'enseignement du français comme langue première dans nos
écoles françaises. C'est aussi vrai qu'on a un problème au
niveau de l'enseignement de la langue anglaise dans nos écoles
anglaises, ici, au Québec. On a le même problème...
Vous parlez à des éducateurs de l'État de New York,
ils ont exactement le même problème. J'ai rencontré des
gens de la France, des parlementaires de la France, l'autre jour, et on parlait
d'éducation et on disait: C'est quoi, votre plus grand problème?
Ce n'était pas l'informatique, c'était l'enseignement de la
langue première, M. le Président. C'est la même chose en
Italie. C'est un problème qui est mondial, au moment où on se
parle, qui, selon moi, en tant qu'éducateur... Le problème de la
question de la langue première est plutôt relié au fait
que, dans les 20 dernières années, on a plutôt mis l'accent
sur les communications: la venue des ordinateurs est venue compliquer
l'enseignement de la langue. Ce n'est pas parce qu'on va enseigner une
deuxième langue que la langue première va tout d'un coup
disparaître.
Et ce n'est pas parce qu'on ne l'enseignera pas qu'elle va
s'améliorer, parce que si c'était le cas, Mme la
députée... M. le Président, je m'excuse, si c'est
ça, le cas ? je vais donner un exemple de son comté, M. le
Président ? si c'est ça, le cas, si c'est ça, le cas,
ça veut dire que dans le bout de Chicoutimi... Dans Chi-coutimi, il n'y
a pas autant d'allophones qu'il peut y en avoir dans le Grand Montréal.
Je pense que je peux me permettre cette affirmation-là sans citer de
statistiques. Est-ce que ça veut dire qu'à Chicoutimi
l'enseignement de la langue première est meilleur qu'à
Montréal? Je ne pense pas. Je ne pense pas du tout, madame. Si c'est
vrai, montrez-nous des exemples concrets, montrez-nous des exemples que des
enfants de cinquième année, au niveau des écoles primaires
de Chicoutimi, sont à un niveau supérieur, en ce qui concerne
soit l'écrit ou le parler de la langue française, versus les
enfants d'une école de Montréal. Mais vous savez fort bien que
vous n'êtes pas capable de le faire parce que ce n'est pas vrai ? ce
n'est pas vrai du tout, du tout. Si vous pensez ça, je dois dire, M. le
Président, qu'on est dans l'erreur.
Et, M. le Président, la question de la langue, la question de
pouvoir apprendre une ou plusieurs langues est reliée au fait de pouvoir
décoder un message qui est écrit. Et le problème
aujourd'hui, c'est parce que les enfants sont bombardés par
différents moyens de communication et que les bibliothèques qu'on
avait n'ont plus la même importance pour l'enfant. C'est
déplorable, mais c'est ça. C'est que l'ordinateur d'aujourd'hui
communique, même si ce n'est pas un être humain, il a une tendance
à communiquer un peu plus, à intéresser et à
motiver plus l'enfant à apprendre certaines choses. C'est ça qui
est le problème.
La question fondamentale: Est-ce que l'enseignement de la langue
première est basé sur le fait que, dans
les 20 dernières années, on a aussi fait le tour de toutes
les méthodes possibles d'enseignement? Moi, j'ai été
directeur d'école ? d'école anglophone. Je ne parlerai pas
du secteur francophone, mais je présume que ça a
été à peu près la même chose. On a
abandonné certains programmes, parce qu'ils étaient censés
être vieux, pour les remplacer par d'autres, et on n'a jamais
donné la chance à ces programmes-là d'être vraiment
évalués. Et là il y avait ce que j'appelle des gros
gourous de l'éducation qui sont arrivés et qui ont dit: Ah! mais
ça, ce n'est plus bon maintenant; c'est fini; il faut arriver avec un
autre programme. Et vous avez des enfants qui ont passé à travers
l'école primaire, où on a enseigné la langue
première, avec 3, 4 différentes méthodes. Vous allez
comprendre que, quand vous allez mettre 3 ou 4 méthodes ensemble,
ça ne fonctionne pas. Je pense que c'est ça qu'il faut
regarder.
Alors, vous allez me dire, M. le Président: C'est quoi la
relation avec la loi 86? Oui, c'est parce que la loi 86 dit, dans l'article que
je vous ai cité... L'article dit qu'on va permettre ce qui,
présentement, ne l'est pas: permettre l'enseignement de la langue
seconde. On leur permet une autre méthode qui est efficace, qui a
été prouvée très efficace, et même le chef de
l'Opposition le dit de façon indirecte lorsqu'il dit que l'immersion est
une des meilleures façons d'enseigner une deuxième langue.
Je posais la question à certains de nos intervenants en
commission parlementaire, M. le Président, et c'est très facile.
J'ai posé la question, à savoir combien de temps ça
prenait à un enfant d'immigrants qui était
«immersé» dans une école francophone ou une
école anglophone, combien de temps ça lui prenait pour apprendre
de façon raisonnable la langue en question. On nous a dit 3 mois, M. le
Président; 3 mois pour avoir une connaissance ? 3 mois ? ce
qu'on n'a pas été capable, pendant presque 7 ans de
scolarisation, en partant de la quatrième année jusqu'à la
onzième, de faire par les cours de langue seconde. Et ça,
ça va et du côté du secteur francophone et du
côté du secteur anglophone, M. le Président.
Alors, j'ai beaucoup de difficultés à comprendre que, d'un
côté, on dise: Oui, nos enfants, dans nos écoles, pour
faire face à l'avenir, devraient connaître plusieurs langues, sauf
que, quand on y arrive, nous du côté du gouvernement, et qu'on
dit: Oui, on veut donner à ces commissions scolaires les outils, les
possibilités d'essayer quelque chose qui a été fort
expérimenté au Québec, fort expérimenté aux
États-Unis, lorsqu'on parle de la question de l'immersion, bien, ces
gens-là disent: Non. Moi, je ne comprends plus rien, M. le
Président. Je ne comprends plus rien, M. le Président.
J'espère que, d'ici la fin de ce débat, ces gens-là
vont voir la lumière et voteront avec nous sur le projet de loi. J'ai un
peu un indice de la part du chef de l'Opposition qu'il s'en vient pas mal; il
s'en vient pas mal parce qu'il trouve que ce n'est peut-être pas si
mauvais que ça, notre projet de loi. (22 h 40)
Mr. Speaker, I know I only have 2 minutes to say that it is a pleasure
for me to say a few words ? whatever I can say in 2 minutes, I will try to
say it fast ? to participate today in this debate. The language debate has
been at the heart of Quebeckers for the past twenty odd years, and I think that
today, the amendments that are brought in by Bill 86 achieve an equilibrium
that is really representative of the Québec society. It achieves an
equilibrium in the sense that it respects the individual rights. It achieves an
equilibrium because it respects the majority of Quebeckers and it permits, at
the same time, to bring all the correctives, the corrections that are necessary
to Bill 101 in order to make living in Québec as pleasant as possible,
whether one belongs to the majority or the minority.
The changes that are brought forth, Mr. President, I think, are changes
that have been long in the waiting, and I am very happy to have seen this
afternoon, while we took the vote, that the members of Equality were
full-heartedly supporting our minister on this bill, and I think ? and
hopefully ? that if we cannot get the unanimous support on this bill on
the part of the members of the Parti québécois, I should
certainly hope that we will get support from the members of Equality. And on
that note, Mr. President, I would like to thank you for this opportunity.
Et, en terminant, on aura tout le temps d'en discuter, certainement, en
commission parlementaire, à l'étude article par article, et je
souhaite... Parce que ce projet de loi amène ? oui, en conclusion
M. le Président ? ce projet de loi amène ce qui, je pense,
est fondamentalement une harmonie entre les différentes souches de la
société québécoise et il respecte et la
majorité et la minorité en même temps. Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le
député. Alors, sur cette même question, je reconnais M. le
député de Jacques-Cartier.
M. Neil Cameron
M. Cameron: Merci, M. le Président. Perhaps I should begin
by responding directly to the comment of the Member for Viau. I will not go so
far as to provide an exact description of just how we are going to vote on the
final stages of the bill, but I do believe it is necessary to indicate that we
are obviously pleased that the Government has made a move in this direction,
even if we cannot entirely agree with every aspect of the bill itself or even
exactly the way it is framed, a point that I will take up a little later.
But before doing that, I would like to say something about some of the
comments that have been made by colleagues on both sides of the House,
particularly those made by the Member for L'Assomption, the head of the
Opposition party. The Member for L'Assomption began by returning to an argument
about language in Québec that made comparisons, for instance, with Swiss
cantons. I think these comparisons could be used in a way that would
not be very pleasing to the Member for L'Assomption. For example, one
could argue that, if one really likes the cantonal approach, northern
Québec should be carved up exclusively between Inuktitut and
Crée, the West Island of Montréal, the Townships and parts of the
Laurentians might be given over to an exclusive instruction in English, and the
rest of Québec could be carved up to provide exclusive instruction in
French ? thus guaranteeing that everyone would be furious all the
time.
I think the reason that the argument looks a little grotesque when
applied to Québec is because what the Member for L'Assomption leaves out
is that the cantons were defined to no small extent by their linguistic,
cultural and religious differences, in the first place, in European history
rather than by territoriality. The problem that exists again and again on the
language issue in Québec is not just an issue of the particulars of the
legislation or the government in power at the time, or even the attitudes of
the ordinary population, be they Francophone or Anglophone. There is a somewhat
different problem that people, I think, have in many cases failed to notice all
together about the language dispute, as it has developed in this province
particularly over the last 30 years, as language increasingly has become such a
powerful and even exclusive sign of identity, replacing the important
differences once marked out by things like the Catholic faith and the cultural
traditions that went along with it.
That is, when people talk about language in, for example, the rest of
Canada, the United States and even in many European countries, they are not
always tolerant, they are not always reasonable, and they are not always wise.
But there is one thing they are: they are people who assume that language is
something one talks about purely in terms of laws, or language of instruction,
not in terms of an exclusive control over an area of ground. To pratical
purposes, the difficulty with all language legislations here is that claim is
invariably made. It is not merely the claim, after all, that there is a real
collectivity here, which loves the French language which values and respects
the French language, and a minority which, for that matter, when it has any
sense, shows also respect for that language and, quite often, even an affection
for that language. It is the idea that language, a particular language
exercises a dominant role over a define space. Nowhere else is that idea
applied by coercion to the extent that it is here.
In fact, it is even true of societies that have far more repressive laws
otherwise and a far less reasonable and far less tolerant then we know
Québec society actually is for most purposes, we still find that those
other societies do not have this same identification of the power of language
in its territoriality. Now, this approach to language has been defended even by
some academics. There is a professor at the University of British Columbia, of
francophone background, who has argue that this is the situation for all
languages and this is the way, in fact, they establish themselves one way or
the other by territorial control. But his argument is just another speculative
academic argument; it is not something that, let us say, has the certainty of
the better established principles of physics or anything of that kind.
All attempts at even reasonable compromise on the language issue in
Québec tend to fail again and again, because they do not allow for the
fact that, for instance, both Francophones and Anglophones will change their
behavior in terms of whatever is the newest legislation. They can move from one
place to another if they find, for example, one area or another leads to them
facing a sufficient economic, or political, or educational, or just plain
linguistic difficulty with whatever language is being imposed on them by law.
And, by doing so, they can frustrate quite often even the most sensible kinds
of legislation from whatever government.
That is the central underlined weakness of legislation that has taken
place in Québec over the last 3 decades, and it is not really solved by
Bill 86. Bill 86 does represent to us a tremendous leap forward in a sense of,
I think, tolerance, understanding, goodwill and good sense. And I think it has
to be aknowledged as such, whatever disagreements we have with it on detail.
(22 h 50)
But I also still have that feeling that it is difficult to me to endorse
a law where everything I know about history and society leaves me to suspect
that, while I seldom agree with the members on this side of the House, I can
agree with them that it is entirely likely that this law will run into
difficulties. I think it will run into difficulties, not merely because of the
actions of, let us say, the more nationalistic elements in the province, or the
Parti québécois, or by any bad faith on the part of the
Government. I believe it will because I think that vast numbers of laws
attempted in modern society fail. They fail because, in fact, they are counter
to economic realities, they are counter to the course of action that will
actually be adopted by people, and, therefore, no matter what the intent with
which they were put out, their practice does not work.
I think that difficulty will continue with the language issue, but I
would also say about Bill 86 that one of the realities of politics is that
sometimes you have to come out with laws of this kind anyway. You have to deal
with the complexity of the society that you have got. You have to deal with the
fact that it is composed of a variety of people, through a variety of political
perspectives. And, assumably, we all want to get along as best as we can. So,
in the end, we accept legislation that is a little like that comment on, you
know, something like «a camel that it looks like a horse that was
designed by a committee» ? or by a government legislation. A law has
a certain resemblance to that kind of thing. You might say that, at our purest
moments, we like talking about horses and so does the Parti
québécois, while the liberals are more or less claiming that they
provide us with, at least, working camels.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Cameron: Ha, ha, ha! That is, I think, in a way, what I would
say about something like Bill 86, at best.
But there is another difficulty in the law, as far as we are concerned,
and that is that, even considered as a control on language or as a reduction of
control on language, it essentially is dealing with 2 rather separate issues.
The first issue deals with language per se. That is, in other words, the
celebrated sign issue, the aspects of legislation which deal with the use of
English and French, the modifications of the French Language Charter, the
particular paragraphs that have to be dealt with in the Charter, that have to
be changed entirely in respect of what the Government will now say, when the
law goes through, is the legitimate use of English and or French, exclusively
and together, in commercial signs, in business signs, and when the famous
regulations come out, I suppose in highway signs, billboards, and so on down
the road. By the way, mostly in ways where I think we would probably not be too
satisfied.
On the other hand, another portion of the legislation really has a
different focus, which is that on changes to be made, or changes, in many
cases, not to be made in things like access to English education, in the
changes in the education issue in general, the whole idea of what kind of
instruction should be provided, in what language, under what circumstances.
Now, to us, these issues are quite distinct. If, for example, you consider the
issue of science, it is surely evident to almost everyone that the intense
reaction that took place in the English-speaking community over the invocation
of the notwithstanding clause and Bill 178 was, number one, a feeling that, in
this case, the straw had broken the camel's back, that is, after a rather long
series of legislative actions, there was a feeling, in many of the members of
the English-speaking community in Québec, that they were not
ineffectively franchisee, either with the federal Legislature or the provincial
Legislature, and it now appeared that they could not depend on the courts
either. That was, in itself, enough to produce a political rebellion. But the
other reason for the intensity of the anger was because ? I suppose you
might say in good Québécois passion ? the symbolic meaning
of suppression of the English language on signs was regarded as more important,
in many respects, than the suppression itself. It was taken as in indication
that the English-speaking community did not have the same degree of legitimacy,
or acceptance, or understanding in the province. We knew that was not the
reaction or the attitude of many of our individual friends within the
society... But we nonetheless saw that that was what was happening on the level
of the collective will, as expressed in government legislation, and that was
something to which we were bound to make great objection.
Even though its real effects on many of us were négligeable, the
educational issue is the other way around: it is like a time bomb. It involves
very little news where the information, most of the time, even The Gazette
can only stay interested in on occasion and generally presents a number of
flashing and incoherent views on the subject. It is the case that, simply left
alone, it can itself gradually eliminate an English-speaking community in
Québec. It is a real problem to us, not a symbolic one. Consequently,
very limited movement, on the part of the Government, is not something that we
can be happy with, no matter how much they are patting themselves on the back
for their great active generosity in managing to move fast enough to avoid the
notwithstanding clause facing them again. For that reason, M. le
Président, I would like to conclude my address by making a motion of
«scission» on Bill 86.
Motion de scission «Qu'en vertu de l'article 241 du
règlement de l'Assemblée nationale le projet de loi 86 soit
scindé en deux projets de loi: un premier intitulé Loi modifiant
la Charte de la langue française, comprenant les articles 1 à 21,
35 à 58 et 60 à 65, et un deuxième projet de loi
intitulé Loi modifiant la Loi sur l'instruction publique, comprenant les
articles 22 à 34 et 59.» Merci, M. le Président.
Débat sur la recevabilité
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, je suis
prêt à entendre les propos des différents leaders sur la
recevabilité de la motion. Attendez un instant. On va faire une copie.
Pourriez-vous faire une copie et la remettre aux deux leaders? Oui, M. le
député de D'Ar-cy-McGee.
M. Robert Libman
M. Libman: M. le Président, c'est difficile pour nous
d'agir de façon à retarder l'adoption du projet de loi 86,
surtout après qu'on eut voté contre une motion de report. Mais
c'est aussi important pour nous, pour souligner une réalité bien
difficile, M. le Président. Parce que, dans ce projet de loi, nous
retrouvons 2 grands principes. D'abord, le projet de loi 86 modifie la Charte
de la langue française en clarifiant l'utilisation et le maintien de la
langue française dans certains secteurs d'activité
gouvernementale et commerciale. Mais ce projet de loi fait état
également de la question, tout aussi différente, de
l'accessibilité à l'école anglaise et aborde d'autres
questions qui touchent à l'éducation, ce qui ne devrait pas se
retrouver au niveau de la Charte de la langue française, mais au niveau
de l'éducation et donc, M. le Président, de la Loi sur
l'instruction publique, tombant ainsi sous l'égide de la ministre de
l'Éducation. L'impact de cet aspect de la loi est extrêmement
important sur l'apport de nouveaux arrivants, sur leur intégration
à la vie du Québec et du Canada, mais aussi sur l'enseignement
des Québécois. Ce n'est pas une question, comme mon
collègue de Jacques-Cartier l'a dit, simplement de la langue
française, mais une question qui va bien au-delà du simple
débat sur la langue elle-
même.
Il y a 2 grands principes qui sont intégrés dans le
même projet de loi. Le premier constitue une modification de certains
aspects quant à la présence de la langue française dans
l'administration, la langue de la justice, la langue du commerce, la langue
d'affichage commercial, la langue de correspondance, etc. Le deuxième
principe propose des modifications qui ont des effets importants sur le
régime pédagogique auquel les enfants peuvent être
soumis.
Il existe 2 dimensions très différentes, M. le
Président, dans ce projet de loi. Alors, le projet de loi ainsi
proposé et résultant de la scission serait viable et pourrait
passer par toutes les étapes de notre système législatif.
Chacun des principes que nous vous soumettons peut constituer un nouveau projet
de loi, et c'est là-dessus, M. le Président, que vous devez vous
baser afin de rendre vos décisions. (23 heures)
Une autre chose à ajouter, M. le Président, est
l'important fait que la corrélation entre les principes qui modifient
les aspects concernant la langue de travail, la langue d'affichage, la langue
de correspondance disparaît à l'instant où l'on nous
propose des modifications à l'importante question de l'accès ou
non d'un enfant dans un réseau scolaire. La direction donnée aux
immigrants quant à l'éducation pour nos enfants, les questions
qui touchent les difficultés graves d'apprentissage qui se trouvent
à l'intérieur de certains de ces articles que nous voulons
scinder, la question de séjour temporaire au Québec et les
questions d'immersion, etc., ça, c'est des concepts qu'on retrouve dans
les articles que nous essayons de scinder avec la motion du
député de Jacques-Cartier.
Les autres points soulevés dans le projet de loi 86 se
réfèrent à la présence ou à l'utilisation
que nous devons faire de la langue française. Par exemple, l'article 1
du projet de loi se réfère à la langue officielle
utilisée dans les projets de loi ainsi qu'à l'intérieur
des tribunaux. L'article 4 du projet de loi 86 fait référence
à la langue utilisée sur les panneaux de signalisation
routière. L'article 17 du projet de loi permet une certaine ouverture
quant à l'affichage commercial dans plus d'une langue. L'article 21 du
projet de loi permet l'utilisation d'une langue autre que le français
pour l'utilisation d'une raison sociale. Les articles 47 et suivants proposent
une mise à jour des programmes de francisation et des exigences quant
à l'utilisation du français, etc.
Mais ce n'est pas ainsi que sont proposés les articles 22
à 34 et 59 du projet de loi. Ces articles, M. le Président, se
réfèrent à l'accessibilité à l'école
anglaise pour nos enfants, des cas d'exception où des enfants ayant des
difficultés d'apprentissage pourront recevoir leur éducation dans
leur langue, des situations vécues par les familles habitant le
Québec pour une certaine période donnée, etc. Alors, c'est
bien différent du reste, et nous vous soumettons que ces 2 principes, M.
le Président, devraient se retrouver dans 2 nouveaux projets de loi
distincts.
Et finalement, M. le Président, la motion de scission propose la
création de deux projets de loi qui ne concernent pas seulement des
simples questions de modalités techniques, mais de grands principes, des
principes distincts, des principes distincts importants. Le principe de
l'accès à l'école anglaise ne devrait pas faire partie des
modifications apportées à la Charte de la langue
française.
Et aussi, M. le Président, pour notre formation politique, le
choix proposé ici est extrêmement difficile. Nous ne pouvons
refuser la certaine ouverture et l'amélioration, malgré certaines
de nos réserves faites quant à la langue de l'affichage et
quelques autres changements, mais, en même temps, on ne peut pas accepter
que le gouvernement maintienne l'interdiction quant à l'accès
à un système d'éducation à tous ceux et celles qui
veulent en profiter. Et c'est nécessaire, l'ouverture de cet
accès pour sauver l'avenir de la communauté anglophone du
Québec qui veut toujours faire partie de la société
québécoise.
C'est un dilemme important qu'on retrouve, à l'intérieur
du même projet de loi, 2 principes distincts, un que nous
apprécions et l'autre que nous regrettons. Nous avons un dilemme
politique important. Nous croyons qu'il y a 2 principes importants fondamentaux
à l'intérieur du même projet de loi, et vous devez, M. le
Président, recevoir cette motion puisqu'il est de votre rôle de
favoriser le débat au sein de cette Chambre, et c'est ce que nous
proposons à nos confrères parlementaires.
To conclude, we feel that there are 2 major principles at work within
the same draft bill. One deals with the actual usage of the French language in
different sectors of society and the other falls within a completely different
domain, which deals with access to English education which has followed for the
integration and absorption of immigrants. It deals with temporary residency in
Québec, it deals with curriculum, major principles that are quite
distincts than the actual changes to the French langage Charter dealing with
the actual language of the majority of Quebeckers.
And for this reason, M. le Président, we ask you to see the
importance of this motion of scission to separate this important law into 2
very distinct elements which work against each other within the same draft
bill.
Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le
député de D'Arcy-McGee.
Alors, sur la recevabilité de la motion de scission, M. le leader
du gouvernement.
M. Jean-Pierre Bélisle
M. Bélisle: Merci, M. le Président.
M. le Président, à la lecture même de la motion
présentée par le député de Jacques-Cartier, le
député de Jacques-Cartier nous demande de catégoriser,
pour les fins de discussions devant cette Chambre, le projet de
loi en 2 groupes: le premier groupe, articles 1 à 21, 35 à
58 et 60 à 65, qui constituent toutes les dispositions qui sont autres
que le deuxième groupe, le second groupe étant les articles 22
à 34 et l'article 59. Or, 22 à 34 et 59 ne traitent exclusivement
que de la langue sous l'aspect de l'éducation et de l'enseignement.
Exemples, l'article 22: «Le présent article n'empêche pas
l'enseignement dans une langue autre que le français afin d'en favoriser
l'apprentissage...» L'article 23: «Peuvent recevoir ? ce sont
les conditions d'admissibilité ? en anglais, à la demande de
l'un des parents...» Et l'article 59, simplement à titre
d'illustration, M. le Président: «Prescrire les modalités
? relativement à la Loi sur l'instruction publique ? et les
conditions de l'enseignement dans une langue autre que la langue
d'enseignement...»
Or, le député de Jacques-Cartier tente de nous dire ici,
ce soir, qu'il faudrait faire diverses chartes de la langue: une charte en
matière d'affichage, une charte en matière de commerce, une
charte en matière d'enseignement, une charte particulière. Mais
le but principal d'une charte, c'est d'être un tout indissociable qui
s'applique sous diverses modalités, M. le Président, à
certains secteurs d'activité de l'activité humaine.
Il en va de même pour la Charte des droits et libertés de
la personne du Québec. Vous ne verriez jamais, M. le Président,
quelqu'un en cette Chambre se lever et demander de scinder les droits et
libertés de la personne quant au commerce, quant à la
mobilité de sa personne ou au droit pour se trouver un travail ou
à l'égalité d'emploi, parce que ça touche au
domaine commercial, et arriver dans cette même Chambre et vous dire, M.
le Président: La Charte des droits et libertés de la personne,
pour tout ce qui touche les libertés fondamentales telles que la
religion, la liberté d'expression, ça va dans une autre charte.
Ça n'a aucun sens. Aucun sens. Et de toute façon c'est
évident que le Parti québécois, l'Opposition officielle,
n'aurait jamais présenté une requête, une motion de
scission telle que présentée par le député de
Jacques-Cartier, parce que ça n'aurait eu aucun sens que ceux qui ont
montré sur le pinacle de la souveraineté législative la
Charte de la langue française, M. le Président, qu'ils en
arrivent à venir nous dire: Bien, maintenant, on va prendre l'ensemble
du gâteau, puis on va le couper en petits morceaux, puis on va essayer
d'en discuter morceau de gâteau par morceau de gâteau, ou chapitre
du cahier par chapitre du cahier. Or, c'est un tout, M. le Président.
Ça ne peut pas être pris séparément.
Sur la motion du député de Jacques-Cartier, je vous
réfère à la décision de la présidence de
l'Assemblée nationale, le 21 mai 1986, par la présidence,
où, très clairement, M. le Président, on traitait de la
Société de radio-télévision du Québec. On a
présenté une motion de scission, et la présidence,
à cette époque-là, disait très clairement que,
«même si le projet de loi contient plusieurs modalités
? des modalités, dans différents domaines; dans notre cas
ici, présentement, c'est dans différents domaines,
l'enseignement, le commerce ? il ne faut pas nécessairement en
conclure qu'il existe plusieurs principes. Dans la recherche des principes d'un
projet de loi, les notes explicatives de ce projet de loi n'ont aucune valeur
juridique en soi.» Les notes explicatives comme telles du projet de loi
qui est ici, relativement à la Charte... la Loi modifiant la Charte de
la langue française, M. le Président, c'est très clair que
ça forme un tout, si vous faites une lecture attentive.
Il y a également une autre décision de la
présidence que l'on peut retrouver au Journal des débats
du 4 décembre 1990 et qui dit ceci: «La présidence
dégage un premier critère voulant que chaque partie d'un projet
de loi ne constitue pas une fraction d'un tout, le tout constituant le
principe. Un second critère consiste à distinguer entre l'essence
et les modalités du projet de loi.»
Or, moi, je me verrais très mal à l'aise, non seulement
une question de recevabilité légale, M. le Président, mais
très mal à l'aise de voir ici, ce soir, tous les efforts que la
société québécoise et que les divers gouvernements
ont faits dans cette Assemblée pour assembler l'essence de la politique
linguistique dans une charte, voir cette Charte tout simplement coupée,
scindée en différents volets simplement pour nous permettre de
mieux discuter d'un des aspects, qui est l'aspect de la langue d'enseignement
ou de l'apprentissage de la langue française dans les milieux de
l'enseignement ou en fonction de la Loi sur l'instruction publique.
M. le Président, il s'agit de la Charte de la langue
française, c'est un tout et ce n'est pas scindable.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Je vous remercie, M. le
leader adjoint du gouvernement.
Alors, sur la recevabilité, M. le leader de l'Opposition
officielle et député de Joliette, je vous écoute.
M. Guy Chevrette
M. Chevrette: Oui, M. le Président. Je voudrais
tout d'abord remercier le leader du gouvernement de nous prêter autant de
poids, sur le plan parlementaire, en disant que si le Parti
québécois ne l'a pas présentée, c'est parce que ce
n'est pas acceptable. Mais je vais le surprendre, c'est bien au contraire. Si
le Parti québécois n'a pas présenté la motion de
scission, M. le Président, c'est parce qu'il est contre toute la loi et
que scinder la loi ne règle en rien. On pourrait être pour une
partie et être contre l'autre, mais, dans notre cas, ce n'est pas
ça, on est contre toute la loi. J'espère que ça
paraît depuis le début des travaux! Si on n'a pas compris
ça, je pense que le leader du gouvernement n'a pas compris
grand-chose.
Cependant, sur le droit parlementaire... Parce que c'est ça, vous
plaidez sur la recevabilité de la motion de scission. Il y a une
formation politique en cette Chambre qui dit qu'elle serait plus à
l'aise de traiter de 2 dimensions: une dimension qui touche la Loi sur
l'instruction publique et une dimension qui touche la Charte de la langue
française. Et, ça, M. le Président, ce n'est pas parce que
l'Opposition officielle, en cette Chambre, ne demande pas la scission que la
scission n'est pas
recevable. Je vous avoue que c'est faible. C'est faible. En droit, je
vous avoue que... Imaginez-vous ceci avancé par un avocat, un homme de
droit: Parce qu'une formation politique ne le demande pas, c'est irrecevable.
Voyons!
M. le Président, au contraire, la présidence en cette
Chambre a, par tradition, accordé toute scission quand il y a une
apparence réelle de discussion distincte ou différente. Est-ce
que c'est différent de parler d'affichage par rapport aux droits
fondamentaux de l'instruction publique? C'est le jour puis la nuit! Quelqu'un
peut être en faveur de l'affichage et être entièrement
contre le fait qu'il y ait de l'immersion en mathématiques, par exemple,
pour les immigrants. Ce n'est pas incompatible, ça. Ça va de soi.
C'est un amendement qui se discute, M. le Président. Par exemple, la
ministre de l'Éducation pourrait même être opposée
à ce que le ministre responsable de la Charte joue dans ses
plates-bandes en ce qui regarde la valeur des programmes pédagogiques,
si elle le comprenait réellement. Il faut bien comprendre qu'elle ne l'a
pas compris, par exemple, depuis le début.
Ceci dit, M. le Président, sur la scission... M. le
Président, est-ce que j'ai dérangé le député
de Mille-Îles durant qu'il a plaidé?
Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le
député de Mille-Îles, M. le député de
Joliette a raison. Il a la parole. Vous avez eu la parole, et on vous a
entendu. Tous ici, je vous demande la même chose à l'endroit du
député de Joliette.
M. le député, si vous voulez poursuivre.
M. Chevrette: M. le Président, d'ailleurs, je rappelle que
je le remercie du poids politique qu'il nous accorde en cette Chambre, parce
que le principal argument qu'il a eu, c'est: le PQ ne l'a pas
présentée, ça doit être parce que ce n'est pas
acceptable. Je ne l'engagerais pas comme avocat. Je vous prendrais, M. le
Président, parce que vous en êtes un, vous, et je suis sûr
que vous aurez à trancher d'une façon beaucoup plus intelligente
sur le débat de fond.
La motion de scission, je veux le rappeler, M. le Président,
consiste à faire des débats distincts si vraiment le projet de
loi s'y prête. Il y a une largesse là-dessus, de par tradition,
dans le Parlement. Je ne disconviens pas, M. le Président, que le
député de Mille-îles pourrait dire: Oui, mais, tout
ça touche à la langue française. Mais la langue
française dans l'affichage, qui touche le symbole par rapport à
des droits pédagogiques, fondamentaux d'un étudiant, c'est 2
choses complètement distinctes. Nous pourrions être pour un
régime pédagogique et être contre l'affichage, et vice
versa. On peut être pour l'affichage et contre le fait qu'on touche au
régime pédagogique. Ça se traite complètement
différemment. Ce n'est pas les mêmes valeurs, M. le
Président; ce n'est pas les mêmes répercussions, à
part ça, et ça peut être dans des projets de loi
complètement distincts. Tout ceci pour vous dire que nous, nous n'avons
pas proposé la scission, parce que, dans un cas comme dans l'autre, dans
l'affichage comme dans le régime pédagogique, quand bien
même il y aurait eu 2 projets de loi, on aurait été contre
les 2. Il n'y a pas de cachette, on le dit bien candidement: On aurait
été contre les deux. Mais ça n'enlève pas le droit
? et c'est là-dessus, M. le Président, que je me suis fait
un devoir d'intervenir ? pour un parlementaire, d'une formation politique
si petite soit-elle, ou même un indépendant, en cette Chambre, au
respect, M. le Président, des règles du parlementarisme, au droit
de présenter une motion, au droit à l'interprétation des
règlements, comme il a toujours été fait dans cette
Chambre, avec la largesse de la présidence, et c'est à
l'Assemblée nationale à juger si le voeu, qui est
légitime, d'un parlementaire ou d'une petite équipe
parlementaire, fait l'assentiment de la majorité. Mais ce n'est pas
à nous, à mon point de vue, et c'est même maladroit de
notre part, M. le Président, d'empêcher une formation politique de
dire qu'elle veut se prononcer distinctement, à partir de 2 idées
vraiment distinctes, sur un droit qui lui est admissible en vertu de nos
règlements.
Donc, M. le Président, en étant d'accord sur la
recevabilité de la motion, je maintiens que dans notre cas nous aurions
aimé beaucoup aller dans le sens du voeu du leader adjoint de
l'Opposition, mais ce n'est pas parce qu'on est contre la scission, parce qu'on
est contre les 2, qu'on n'est pas en faveur de la recevabilité. Au
contraire, pour nous, un droit, M. le Président, à un individu ou
à une formation politique, ça doit d'abord transcender nos
options personnelles.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, je vous
remercie.
Très rapidement, M. le député de D'Arcy-McGee,
très rapidement.
M. Libman: Juste pour vous demander, M. le Président, en
tenant compte du fait qu'il y a des décisions contradictoires sur le
droit de parole du parrain d'une motion de scission, dans vos décisions
sur la recevabilité, si vous pouviez statuer si le député
de Jacques-Cartier pourrait intervenir sur sa propre motion de scission.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, il y a
déjà eu de la jurisprudence contradictoire, et je statuerai en
même temps tout en prenant en délibération la
recevabilité de la motion de scission.
Je suspends l'Assemblée pour quelques instants.
(Suspension de la séance à 23 h 18)
(Reprise à 23 h 37)
Décision du président
Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le
député de Jacques-Cartier a présenté la motion
suivante: «Qu'en vertu de l'article 241 du règlement de
l'Assemblée nationale le projet de loi 86 soit scindé en 2
projets de loi: un premier intitulé Loi modifiant la Charte de la langue
française, comprenant les articles 1 à 21, 35 à 58 et de
60 à 65 et un deuxième projet de loi intitulé Loi
modifiant la Loi sur l'instruction publique, comprenant les articles 22
à 34 et 59.»
Après avoir entendu les arguments de M. le député
de D'Arcy-McGee, de M.^ le leader adjoint du gouvernement et
député de Mille-Îles, et de M. le leader de l'Opposition
officielle et député de Joliette sur la recevabilité de
cette motion de scission et pris cette question en
délibéré, je déclare recevable cette motion de
scission de M. le député de Jacques-Cartier et ce, pour les
motifs suivants:
Le projet de loi à l'étude contient plusieurs
principes;
Chaque partie du projet de loi scindé constitue un tout et non
une fraction du tout;
Chaque partie du projet de loi scindé constitue plus qu'une
simple modalité;
Les projets de loi qui résulteraient de la scission constituent
des projets de lois cohérents en eux-mêmes.
Directive du président
Par ailleurs, pour faire suite à la demande de directive de M. le
député de D'Arcy-McGee et ayant revu les décisions rendues
au cours de la session d'automne, j'ai constaté l'existence d'une
situation paradoxale en ce qui a trait au droit de parole de l'auteur d'une
motion de report et d'une motion de scission prévues respectivement aux
articles 240 et 241 du règlement de l'Assemblée nationale.
Il fut établi, d'une part, dans une décision de la
présidence rendue le 22 octobre 1986, que l'auteur d'une motion de
report ne peut participer au débat restreint qui s'ensuit. L'automne
dernier, d'autre part, dans le contexte d'une motion de scission et de la
logique découlant de l'article 209 du règlement, il fut
décidé que l'auteur d'une motion de scission pouvait, quant
à lui, participer au débat restreint qui s'ensuit.
Bien que les motifs à l'appui de ces 2 décisions soient
rationnels et tout à fait défendables, il m'apparaît
important, voire nécessaire d'adopter une seule ligne de conduite
conforme à la tradition parlementaire dans ces 2 contextes
différents, mais souvent soulevant la même
problématique.
Les dispositions réglementaires de la Chambre des communes
d'Ottawa sont en cette matière sensiblement les mêmes. Beauchesne,
à l'article 304, paragraphe 9 de la cinquième édition,
explique clairement la teneur et le fondement de la règle gouvernant le
droit de parole de l'auteur d'un amendement. Cette règle est à
l'effet que l'auteur d'un amendement n'a pas le droit de parole
supplémentaire découlant de l'amendement puisqu'il s'est
déjà exprimé sur le sujet lors de son discours portant sur
la motion principale. (23 h 40)
Beauchesne explique le fondement de cette règle de la
manière suivante: Les motionnaires d'un amende- ment ne sont pas plus
mal traités que les autres députés puisque, dans un
même discours, ils se prononcent et sur la question principale et sur
l'amendement qu'ils proposent ou appuient.
Et j'informe les membres de cette assemblée que la
présidence, nous nous sommes réunis, il y a peut-être un
mois ou deux, pour en discuter, de cette question de motion de report et de
cette question de motion de scission. Et c'est pour ça que la
décision est déjà bien préparée. Je crois
que c'est l'interprétation qu'il faut favoriser, ici, à
l'Assemblée, puisque la base du droit est la même.
En conséquence, les auteurs d'une motion de report et d'une
motion de scission prévues aux articles 240 et 241 du règlement
de l'Assemblée nationale n'ont pas de droit de parole lors du
débat restreint auquel donnent lieu ces motions. Et conformément
à l'article 210, s'agissant d'un débat restreint, je vais faire
une conférence des leaders quant au partage du temps de parole.
Alors, je suspends les travaux pour quelques instants pour statuer sur
le droit de parole.
(Suspension de la séance à 23 h 41)
(Reprise à 23 h 48)
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Si vous voulez prendre
place.
Débat sur la motion de scission
Suite à une rencontre avec les leaders et les
députés indépendants, il n'y a pas eu d'entente. Et je
vais donc répartir, en vertu du règlement, le temps de la
façon suivante: 30 minutes sont allouées à l'ensemble des
députés indépendants. Les 2 groupes parlementaires se
partageront également le reste de la période consacrée
à ce débat; dans ce cadre, les interventions seront
limitées à 30 minutes chacune au maximum.
Je suis prêt à...
M. Bélisle: M. le Président, une directive. Le
Vice-Président (M. Bissonnet): Oui.
M. Bélisle: Le temps n'accroît pas... accroît
à l'autre parti?
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Je n'ai pas dit que le
temps accroît...
Une voix: ...
Le Vice-Président (M. Bissonnet): La règle, c'est
que le temps accroît au parti qui n'utilise pas le temps.
Une voix: ...
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Ça va?
M. Chevrette: M. le Président, est-ce que je peux demander
au leader adjoint du gouvernement s'il a l'intention d'utiliser tout son
temps?
M. Bélisle: M. le Président, si je peux
répondre...
Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le leader adjoint du
gouvernement.
M. Bélisle: Je serais surtout intéressé de
savoir si le député de Joliette, le leader de l'Opposition, lui,
va au moins utiliser une minute du temps de l'Opposition là-dessus. (23
h 50)
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Est-ce que vous voulez
que je suspende pour que vous puissiez vous parler un peu plus?
Des voix: Non.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Non? Ça va.
Alors, je suis prêt à reconnaître le prochain intervenant.
M. le député de D'Arcy-McGee.
M. Robert Libman
M. Libman: Merci, M. le Président.
M. le Président, il y a 2 principes dans cette
législation. Un principe touche à certaines modifications
à la loi 101 par rapport à l'usage ou la présence du
français dans les tribunaux, dans la fonction publique, dans
l'administration publique et parapublique, dans les municipalités, dans
les corps administratifs, dans les institutions, sur l'affichage commercial,
sur l'affichage public, dans les affaires, ça parle de francisation des
affaires. Ça, c'est une partie majeure de ce projet de loi qui touche
à la langue française, l'usage de la langue française, la
promotion de la langue française, la disponibilité de la langue
française partout au Québec. Ça améliore la Charte
de la langue française, ça colmate les brèches dans la
Charte de la langue française. Ça, c'est un principe majeur.
Mais, en même temps, M. le Président, il y a un autre
principe qui se trouve à l'intérieur de ce projet de loi qui
touche à l'éducation, qui touche à l'accès à
l'école anglaise, qui touche au problème de l'enseignement pour
certains enfants. Ça touche au séjour temporaire au
Québec, ça touche à l'immersion. Ça, c'est tout un
domaine, M. le Président, à part des autres questions, des
domaines qui se situent à l'intérieur ou sous l'égide du
ministère de l'Éducation.
As I said, M. le Président, we are dealing with 2 major
distinctions in the same draft bill, and this is why we feel it is fundamental,
we feel it is necessary, we feel it is essential to split the legislation into
2. We cannot coherently put together, in the same draft bill, a law that deals
with the use of the French language within different realms of society, the
presence of the
French language in different sectors of society while, at the same time,
dealing with another major question, that being education. And the chanelling
of immigrants into a certain direction, to a certain school system, the dealing
with certain problems of learning that some students may have, question of
temporary residency in Québec. We cannot coherently say that they form
one coherent...in the same projet de loi.
Si on regarde, M. le Président, l'article 1 du projet de loi 86,
on dit que le français, la langue française, est la langue de la
législation et de la justice au Québec. Dans l'article 4, M. le
Président, on parle de la langue dans la signalisation routière.
On parle aussi, dans le projet de loi, on parle aussi, dans le projet de loi...
M. le Président, il y a des articles ? surtout l'article 10 ?
qui parlent des institutions, qui parlent des municipalités. On dit,
dans l'article 10.29.1: «L'Office doit, pour l'application des
dispositions prévues au troisième alinéa de l'article 20
et aux articles 23, 24, 26 et 28, reconnaître, à leur demande, les
organismes municipaux ou les organismes scolaires au sens de l'Annexe, ou les
établissements de services de santé et de services sociaux
visés à cette Annexe, qui fournissent leurs services à des
personnes en majorité d'une langue autre que
française.»
Alors, on voit, M. le Président, qu'on a des articles dans ce
projet de loi qui parlent strictement de l'usage, de la présence de la
langue française, de la langue de la majorité au Québec.
L'article 17 parle de l'affichage commercial. Mais, si on regarde, M. le
Président, les articles 22 ou 35 et l'article 59, on a des articles qui
touchent le domaine de l'éducation, qui ont des impacts sur
l'intégration, l'absorption des immigrants au Québec et d'autres
questions très importantes qui touchent la loi sur l'éducation
publique, qui touchent au régime pédagogique du Québec,
qui ont des impacts beaucoup plus profonds que la simple question de la langue,
qui affectent d'autres secteurs, d'autres ministères. Ainsi, M. le
Président, on réalise très vite que ce n'est pas dans le
même ordre des choses, les articles dans ce projet de loi qui touchent la
question de la langue française.
Many of the changes, or modifications, or ameliorations, or
clarifications that are discussed in the law, dealing with the language of
signs, dealing with public safety, where the government will allow the use of
other languages where pictograms are insufficient, or in the language of
municipalities or institutions, where the government has decided that instead
of the Office de la langue française imposing the removal of bilingual
status for these organisms that drop below 50 % as far as the clientele of a
language other than French, situations of commercial signs in English,
situations of clarifying some of the difficulties or interpretations in the
original Bill 101 with respect to the language of the courts. Many of these
changes, we consider improvements. We consider many of these changes as steps
forward, and changes with which the government has shown a significant
openness, contrary to what they have shown in the past. And these are areas
that we feel
that we want to recognize as signs of openness and, therefore, we feel
that we can possibly support some of these changes in the law. We have serious
concerns about the plumbing or the modalities of some of these elements, such
as the changes to commercial signs, whereby we have always been in favour of
allowing other languages on signs, respecting the Supreme Court decision that
French must be visible on signs, but without the exclusion of any other
languages. While we recognize that and Article 17 as an important step forward,
we are still somewhat concerned about the way Section 17 is formulated. It
still gives the government the opportunity, by regulation, to prescribe the
cases, conditions or circumstances where public signs and posters and
commercial advertising must be in French only.
We are concerned about this, but we consider this to be a question that
we hope the government would use good sense in. The fundamental concept
underlying Article 17, or the willingness of the government to allow the use of
other languages on signs is a step forward, is a major improvement over the
status quo. And we feel that we should be able, perhaps by virtue of our vote,
by our democratic expression of our right to vote in the National Assembly that
we won in the last election, we feel that, maybe in this area, we should show
the government that we respect and we recognize their spirit of openness, and
we would want to be able to support that initiative, as well as some of the
other initiatives that they have taken to clarify areas of the law that we feel
had to be clarified.
So we feel that in some areas we would like to support them, but we are
faced with a difficult dilemma, because of the way this bill is formulated,
because of the way there are 2 principles, 2 distinct principles, whithin this
same legislation.
The sections dealing with education do not deal with the simple use, or
promotion, or promulgation of the French language throughout Québec, but
it deals with a far more profound debate, a debate that deals with the
channelling of immigrants into a certain educational direction, with the right
of students educated in English in the rest of Canada to have access to English
schools in Québec. It deals with the question of anglophone parents from
Québec to be able to send their children to English schools. But where
we have serious difficulties, with these articles of the bill dealing with
education and those very articles we tried, with our motion of scission, to
extract from the legislation to create a separate law, where we feel these
sections are fundamentally lacking, is the fact that they do not scratch the
surface to address the major concern of the English-speaking community of
Québec, the debate of real substance, (minuit)
This section of Bill 86 has spin-offs to the absorption and integration
of immigrants. It is not a question of language only, but a serious question
about the structure of our society, about the depth of our society, and about
the very future survival of a very important component of Quebec's society,
that being a very historic minority in Québec, the English-speaking
minority of Québec. And we have to understand that the major reason
behind our willingness to split this legislation too is because, on the one
hand, there is openness shown by the government, an openness which we may want
to recognize, and yet on the other hand, there remains a rigid stepping back by
the government, an unwillingness of the government to open up its arms to a
significant portion of Québec society, a significant portion of
Québec society that wants to play a vital role in the development and
the progress of Québec society into the next century, that loves
Québec, that has its roots in Québec, but is unable, because of
the straitjacket of the existing legislation, to renew itself, is unable to
inject new life, breath of fresh air, new blood into its school system. And
because of these limits imposed on the anglophone community's liability to
renew its school system, there are serious questions about whether the
anglophone community can continue to play this important historic role in
Québec society into the next century.
And we are extremely concerned, extremely concerned about the
government's narrowness on this issue, of the government unwillingness to open
up even a slight crack the door towards a certain number of newcomers to
Québec: even those whose mother tongue is English or even those whose
parents were educated in English, even those who are completely
English-speaking. The government's unwillingness to open up even a small crack
to allow some of these new arrivals to help bolster the English school system
of Québec is of major concern to us.
And the one reason that we are willing to play the game of delaying this
legislation is because we feel that this debate must be underlined. More focus
or more emphasis must be directed on this very serious problem that the
government is not showing any willingness to address.
And I believe that the Official Languages Commissioner of Canada, Victor
Goldbloom, summed it up quite elegantly 2 weeks ago when he tabled the report
of the Official Languages Commissioner. He said that the debate over the
language of signs camouflages the major concern for the anglophone
community.
Le Commissaire des langues officielles a dit très clairement, il
y a 2 semaines, M. le Président, que le débat intense entourant
la question de l'affichage commercial, qui est plutôt un débat
symbolique, camoufle un débat beaucoup plus important pour la
communauté anglophone du Québec. Le vrai défi est de
trouver une façon de renouveler son réseau scolaire, de trouver
une façon d'être capable de respirer dans le prochain
siècle. Et tout ce débat qui touche à l'affichage
commercial cache le vrai débat, le véritable défi pour la
communauté anglophone du Québec.
En 1971, il y avait 250 000 étudiants dans le réseau
scolaire anglophone du Québec; aujourd'hui, M. le Président, il
n'y a que 100 000 étudiants dans ce même réseau scolaire.
La communauté anglophone du
Québec veut jouer un rôle important dans l'avenir de la
société québécoise, veut rester une composante
intégrale au Québec. Mais on ne peut pas le faire si notre
système scolaire continue de se détériorer, s'il n'y a
aucune façon d'amener dans nos écoles au moins des immigrants
anglophones, au moins des immigrants qui proviennent des pays anglophones.
Alors, en scindant ce projet de loi en 2, M. le Président, qui
touche spécifiquement ce sujet crucial pour la communauté
anglophone du Québec, ça mérite ou ça peut amener
peut-être le débat nécessaire pour discuter cette question
importante.
Et c'est pour cette raison que nous agissons ainsi: pour qu'on puisse
débattre un projet de loi à part qui touche directement à
l'accès aux écoles anglaises, à l'avenir, à la
survie de la communauté anglophone du Québec. Si nous pouvons
aborder directement cette question importante qui touche l'accès aux
écoles anglaises.
Et il faut reconnaître que, malgré la rhétorique
hystérique de l'Opposition officielle, malgré la
rhétorique hystérique de Lorraine Pagé, la semaine
dernière, en commission parlementaire, le projet de loi 86 ne touche
même pas l'accès aux écoles anglaises. C'était
vraiment un spectacle de voir Mme Pagé crier contre ces mesures
néfastes d'ouvrir les portes à l'école anglaise au
Québec parce que vous savez, M. le Président, très bien,
je sais que vous êtes très au courant du projet de loi 86 parce
que c'est un projet de loi très important, vous savez très bien
que le projet de loi 86 ne touche même pas à l'accès
à l'école anglaise, ne permet pas à la communauté
anglophone du Québec de se renouveler, de se donner une façon de
voir le XXIe siècle avec un peu d'optimisme, ici.
It has barely been touched, even the Chambers Report, which would allow
access to English education for immigrants, for Anglophones. Immigrants who
come from England or the United States or Australia who one, in any normal
democratic country in the world, would assume would be able to go to the
English school system, even that has been rejected.
Even a modification allowing Article 23.1a of the Canadian Charter of
Rights and Freedoms to apply in Québec has been rejected by the
Minister. This is an article that applies everywhere else in the rest of
Canada, that parents or their children whose mother tongue is English would
have the right to go to English schools in Québec. Even that was
rejected. Yet, we still see the screeching, we still see the histerical
rhetoric from the Official Opposition, from certain groups that came before
this commission that the government has swung open the doors to access to
English education, Bill 86. We know that this is not trie case.
And it has been very frustrating for members of the anglophone
community, who are very concerned about the future of the community, who want
access to be increased ? even slightly ? to allow the anglophone
community to renew itself. It has been very frustrating for us that so many
people have come to express opposition to the education provisions in Bill 86,
when in fact nothing has been changed, really. It has been only negligible
changes, and this has been very frustrating to us, and this is the motivation
between us wanting to split this legislation, because we feel that a debate
about the future of the English school system in Québec, the debate
about access to English schools merits the sufficient attention.
It merits greater attention and must not be lost or hidden in the dustup
over the language of commercial signs, which is a very symbolic debate. It must
be delt with individually. And this is why we feel that this legislation should
be split to at least allow the debate about the access to English education to
be aired in this National Assembly openly and with the respect that it
deserves.
You know, if we look at what Bill 86 does and how it affects access to
education, or what has provoked histerical reaction from the CEQ, or the
Official Opposition, what it does is it clarifies the ability for people with
temporary status in Québec to send their children to an English school,
or it allows children with learning disabilities, or Anglophones with learning
disabilities to go to English schools. This will affect, in the most, a couple
of hundred students to the English school system. A couple of hundred students
would be allowed: this has been the source of the histerical reaction of the
officiel Opposition, a couple of hundred students. do you know, m. le
président, that this represents less than one tenth of 1 % or 1000th of
the enrollment in french schools in québec. this is what bill 86 does.
it affects 1000th of the enrollment in french schools in québec. the
anglophone community, in order to survive, in order to continue to play an
important roll in québec society, needs more than that. this past
weekend, or 2 weekends ago, even alliance québec, that have been
considered by many to be a moderate voice for the anglophone community, out of
frustration, adopted a position calling for the freedom of choice of all
immigrants to have access to english schools in québec. now, whether
that is politically realistic at a time like this, in comparison, if we look at
realistic political measures, what is so pernicious about allowing anglophone
immigrants or immigrants whose parents come from english-speaking countries to
have access to english schools, the most that this would affect is 10 000
students a year, an absolute maximum. 10 000 students a year, m. le
président, represents 1 % of the enrollment in french schools in
québec. 1 % is what many representatives of the anglophone community are
asking to be able to extract from the french school system, 1 % of the french
school system. but that small 1 %, if allowed to go to english schools in
québec, represents a hefty 10 % of the total enrollment in english
schools in québec. that 10 % could be the difference between closing and
remaining open for a large number of english schools in québec. and god
knows our english schools need an influx; god knows our english schools need
new blood. and what are many representatives asking for? 1 %, to be able to
extract from the French sector.
Another question that falls within the area dealing with education, that
we want to separate or «scind» from the original legislation, is
the question of immersion. How could Lorraine Pagé come before our
commission and show such ignorance to the reality of education? She accused me
of not being an «enseignant» or not being «dans le domaine de
l'enseignement» when I defended the importance of immersion programs in
that commission? (0 h 10)
I can tell you, M. le Président, that anglophone students who
have had the benefit of going to immersion programs have mastered the French
language as a second language without, in anyway, risking their grasp of their
mother tongue. She had the audacity to say that, if you are an
«enseignant», you realize that by teaching students geography in
their second language, they do not learn geography better or they do not learn
their second language better. I challenge Mme Pagé to look at the
results of immersion programs because she obviously does not realize that the
best way to learn a second language is not by being taught about verbs, or
nouns, or grammar, or tenses, but by practicing that language in different
domains, whether it is geography, or mathematics, or history. The best
opportunity to learn a second language is using that second language in other
domains; in speaking and practicing, and not the simple generic questions of
learning how to conjugate verbs properly. That is a very artificial way to
learn a second language, and if you compare the positive results of English
students who have gone through French immersion, versus English students who
have learned French as a second language throughout the high shool program, the
regular high school training, you will see a vast difference, and you will
probably even see that those that learn French as a second language through
immersion have a better grasp of their mother tongue because they themselves
have had the opportunity to open up their horizons, and it is by opening up
horizons that one masters education, that one becomes a better and more
successful student.
So, we are asking, M. le Président, by splitting this legislation
into 2, number one, that the government recognize we are dealing with 2 very
distinct principles...
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Un instant, M. le
député de D'Arcy-McGee. Oui, madame la...
Mme Blackburn: ...débat important. Il est inacceptable que
la Chambre soit vide. Alors, je vous demanderais d'appeler le quorum.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Qu'on appelle les
députés, s'il'vous plaît!
M. Libman: Combien de temps il nous reste? (0 h 13 - 0 h 15)
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, M. le
député de D'Arcy-McGee. Mmes et MM. les députés, si
vous voulez regagner vos places, s'il vous plaît.
M. le député de D'Arcy-McGee, vous avez droit à une
intervention de 30 minutes, vous disposez encore de 6 minutes. Allez-y, M. le
député.
M. Libman: Merci, M. le Président.
D'abord, je veux souhaiter bonne chance aux Canadiens qui se trouvent en
prolongation actuellement.
M. le Président, juste pour conclure, nous, nous déposons
cette motion de scission parce que nous croyons qu'il y a 2 principes
fondamentaux à l'intérieur de ce projet de loi: un qui touche
l'utilisation de la langue française au Québec, l'autre qui
touche aux questions beaucoup plus profondes dans le domaine de
l'éducation, qui touche beaucoup de secteurs qui sont à part de
ces questions sur la langue. Aussi, le dilemme auquel notre formation politique
fait face. Peut-être que nous voulons donner le bénéfice du
doute au gouvernement en appuyant une bonne partie de ce projet de loi, en
appuyant l'ouverture sur la question de l'affichage, malgré nos
réserves qu'on va aborder durant l'étude article par article du
projet de loi, mais, en même temps, nous voulons souligner nos
inquiétudes face à l'interdiction continuelle en ce qui touche
l'accès à l'école anglaise. (0 h 20)
This is the major reason behind what we are doing. We feel that the
debate about access to English education merits more attention, just as the
Official Languages Commissioner underlined last week. We feel that
Québec society must realize that the anglophone community, in order to
play a vital role in the development of Québec society into the future,
that the anglophone community needs an opportunity to renew itself, and that
the majority of Quebeckers must realize that what some of the representatives
are asking for will not have any great impact on the French school system in
Québec. and the minister has said on repeated occasions that public
opinion is not ready to go this distance, is not ready to accept, at this
point, opening the doors to english education, even slightly. but i believe
that if the majority of quebeckers understood that one of the measures that can
go a long way in satisfying the concerns about the anglophone community's
future in québec would be to allow english-speaking immigrants into
english schools, a measure that would affect 1 % of enrollment in the french
schools. if the majority of quebeckers realize that that is a measure that the
anglophone community needs for its own survival, then i believe that public
opinion would be ready to support the minister on such an initiative.
As we go forward and analyse this bill article by article in committee,
the Minister will be tabling a series of important statistics. These
statistics, he says, will show that there will be a slight increase in
enrollment in English schools in the future, but any statistical blip, or
improvement, or slight increase ? especially in the
overall enrollment ? will not be enough to save our community. And
we beg the Minister to reconsider the areas of the law that deal with
education, if even for a temporary period, even if he looked at opening access
for 3 years to allow the community for an injection.
This is something that our community is looking for. This is something
that our community needs and our community... and I believe the majority of
Quebeckers would open their arms to such a change. I believe he is
underestimating the fact that the majority of Quebeckers would be willing to
accept such a change. He has handled this language debate, thus far, very
skillfully, and I believe he is able to bring about even this type of change
without provoking a major backlash of the majority of Quebeckers. I believe the
majority of Quebeckers would be willing to accept this. With a little bit of
skill on the part of the Minister in selling this change, I believe it is very
«doable», and I believe that it is something the Minister should
think of very carefully before we adopt this legislation, in the next couple of
weeks.
With that, M. le Président, I ask the government to consider this
motion of scission, that the government recognize that this bill, the Bill 86,
contains 2 major principles within it, one dealing specifically with language,
one dealing with major areas of education, and that the government vote in
favour of this motion of scission to create these 2 distinct pieces of
legislation. And if the government is willing to do that, we are willing to
show the benefit of the doubt and support the government's initiatives in areas
touching specifically with language, and we can have a full and proper debate
on a bill that deals directly with education, with access to English education
being the major part of that second bill.
Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci. Merci, M. le
député de D'Arcy-McGee.
Je suis prêt à reconnaître le prochain intervenant.
M. le député de Saguenay, votre formation dispose d'une
période de 45 minutes. Votre intervention peut être d'une
durée maximale de 30 minutes.
Allez-y, M. le député de Saguenay.
M. Ghislain Maltais
M. Maltais: M. le Président, la motion de scission
présentée par le député de Jacques-Cartier est une
des nombreuses mesures employées par les partis d'opposition pour
retarder indûment et de façon complaisante, de façon un peu
enfantine ce que 70 % de la population du Québec réclame.
M. le Président, à ma grande surprise, j'ai appris ce soir
qu'on pouvait modifier la Charte de la langue française, dans ses 2
chapitres, par des projets de loi différents. Au Québec, il n'y a
qu'une Charte de la langue française, à ce que je sache, il n'y
en a pas d'autre. Et la motion nous indique qu'on doit modifier,
premièrement, la Charte de la langue française et,
deuxième- ment, le ministère de l'Éducation.
J'ai appris ça ce soir. Et il y en a qui, d'une façon
complaisante, ont souscrit à ce débat. Ce n'est pas
nécessairement ceux que je regarde. M. le Président, c'est un
nouveau droit parlementaire. J'aimerais bien qu'on nous donne des cours dans ce
sens-là dans les prochaines semaines. Parce que c'est vraiment le comble
du ridicule. Comble du ridicule aussi, de présenter une motion de
scission alors qu'on a eu un débat, il y a 2 semaines, avec le
député de Jacques-Cartier. Le fond de la mesure du
député de Jacques-Cartier, c'est tout simplement de se plaindre
que ce n'est pas par la natalité qu'on va remplir les écoles
anglaises au Québec, mais, bien sûr, par l'immigration de la
langue anglaise.
J'ai des petites nouvelles pour vous autres. De 2 choses l'une: vous ne
voulez pas sciemment comprendre ou vous avez les oreilles bouchées. On
va vous l'expliquer encore une autre fois, comment ça marche dans le
grand monde. C'est la dernière fois. Parce que ce n'est pas ce que vos
électeurs vous demandent. Vous faites un travail
démesurément... de l'obstruction systématique au projet de
loi. Et ce n'est pas ce que vos électeurs demandent.
D'abord, M. le député de Jacques-Cartier, si vous n'avez
pas d'enfants dans vos écoles anglaises, ce n'est pas notre faute. C'est
peut-être la faute de ceux qui n'en ont pas faits. Deuxièmement,
l'immigration, c'est bon pour la ville de Montréal, ce n'est pas bon
pour les régions. Même si on acceptait tous les immigrants de
langue anglaise qui sont d'âge scolaire dans les écoles à
Montréal, ça ne réglera pas le problème de mon
école McCormick, à Baie-Comeau, parce qu'il n'y a personne qui
s'en vient immigrer là. Une fois pour toutes, allez-vous comprendre
ça? Allez-vous comprendre que l'effort du gouvernement du Québec
ne se fera pas par législation pour mettre des enfants dans les
écoles?
Je pense qu'il est temps... vous êtes un professeur de haut
savoir, vous devriez savoir, M. le député de Jacques-Cartier, que
ce n'est pas de cette façon-là qu'on va le régler, le
problème. Pour la dernière fois, je vous le dis, et si vous avez
l'occasion, j'invite le député de D'Arcy-McGee à rester
ici, cette nuit, on va lui donner une autre recette. D'ailleurs, vous avez
avantage à passer la nuit avec nous autres. On vous annonce qu'on va la
passer. Vous avez avantage à rester ici pour écouter. Parce qu'il
n'y a pas 200 façons de régler le problème. Le
gouvernement, le ministre responsable de la Charte de la langue
française l'a clairement indiqué à l'ouverture de la
commission.
M. le Président, on va employer toutes les mesures, cette nuit.
On va passer le catalogue de règlements. On va, d'un certain
côté, déchirer leur linge, tout simplement parce qu'on est
conscient d'une chose. On est conscient que ce que le ministre responsable de
la langue fait, par le projet de loi 86, rencontre la plus grande
unanimité au Québec. Autant dans les milieux francophones
qu'anglophones. Même dans le comté de la députée de
Chicoutimi.
Je prenais un sondage, ce soir, et Mme la députée de
Chicoutimi devrait avoir écouté les nouvelles. Dans
son propre comté, 1 groupe sur 5 interviewés est d'accord
avec elle. Et je respecte leur point de vue. Mais ça vous
démontre que ce n'est pas nécessairement la remontée des
régions vers la ville de Montréal qui va faire un gros
rassemblement le 24 juin. Je ne pense... J'ai l'impression qu'on lutte dans le
vide. Un moulin à vent. Cyrano dirait que oui. On a presque
l'unanimité au Québec sur ce point de vue là. (0 h 30)
J'ai assisté, en très grande partie, à la
commission parlementaire. Il n'y a personne qui nous a parlé de scission
de projet de loi. Il n'y a personne dans les gens interviewés, et ceux
qui étaient pour et ceux qui étaient contre, qui a demandé
au ministre de scinder son projet en deux. Parce que, eux autres, ce n'est pas
des parlementaires, mais ils ont compris une chose ? Je pense que les
Canadiens viennent de gagner, M. le Président ? II y avait juste
une façon de le régler, c'était le projet de loi que le
ministre amenait. Pourquoi on ne peut pas le régler? Écoutez. Il
y en a une charte, une Charte de la langue française. On ne peut pas
modifier la Charte de la langue française par 2 projets de loi que vous
demandez. Il y en a un qui touche l'éducation. Il faudrait, donc, dans
votre motion, indiquer que vous vouliez modifier la vocation du
ministère de l'Éducation.
Une voix: ...
M. Maltais: On l'a dit, M. le député.
M. le Président, ce qui est un petit peu offusquant dans le
débat, c'est que j'avais cru entendre le député de
D'Arcy-McGee, le long de la commission parlementaire, indiquer que, dans
l'ensemble du projet de loi, il était totalement d'accord avec nous. Et,
ce qui me déçoit encore plus, M. le député de
Jacques-Cartier, c'est qu'ensemble, on a eu l'occasion de faire un débat
ici. Donc, je pense que vous avez retourné votre capot de bord, parce
que, de retarder l'adoption du principe, ça nous évite d'aller en
commission. Si vous avez des choses importantes, M. le député de
Jacques-Cartier, des amendements à apporter, vous savez qu'il existe une
place qui s'appelle la commission parlementaire. Écrivez-les cette nuit,
vos amendements, apportez-les en commission parlementaire, on va les
étudier ensemble et s'ils sont acceptables, on les acceptera, et s'ils
ne sont pas acceptables, on les rejettera. Mais, c'est ça, du
parlementarisme, vous devriez savoir ça.
Quand ils vous ont donné un petit livre de règlements,
quand vous êtes arrivé ici, ce n'est pas de le mettre dans le
tiroir de votre bureau, c'est de l'étudier. Prêtez-le à
votre collègue de D'Arcy-McGee, ça va lui faire du bien aussi.
Préparez vos amendements au lieu de retarder l'adoption de principe, au
lieu de faire le jeu du Parti québécois. Au lieu de se couvrir de
ridicule comme Opposition, travaillez donc constructi-vement. C'est là
l'objectif du projet de loi 86. Préparez...
Le Vice-Président (M. Lefebvre): ...
M. Maltais: Eh! que vous avez raison, M. le Président. Que
vous avez raison, M. le Président. D'ailleurs, votre visage est beaucoup
plus reposant. Mais j'invite quand même les députés,
j'invite sérieusement les députés du Parti
Égalité à préparer du travail sérieux,
à faire des amendements, à préparer leurs amendements. On
va les discuter en commission parlementaire, amenez-les. Ce n'est pas à
cette étape-ci que c'est le temps de présenter des amendements
dans le règlement. Regardez votre petit règlement, ce n'est pas
là, ce n'est pas là, c'est en commission parlementaire. Puis, en
deuxième lecture, le ministre va faire savoir ses couleurs, c'est
ça le travail. Là, vous faites le jeu du Parti
québécois, tout simplement. Vous regardez l'heure; vous avez
hâte que ça se termine, mais j'ai des petites nouvelles pour vous
autres, vous allez garder votre cravate jusqu'à demain 10 heures. Vous
allez la garder, parce que c'est dans votre intérêt que vous avez
présenté la motion de scission, bien, vos électeurs
exigent de vous de rester jusqu'à la fin. C'est fini là de faire
son petit «speech» et de se sauver à son hôtel; vous
allez rester avec nous autres, vous allez écouter ce que vous avez fait
ce soir.
M. le Président, c'est important...
Le Vice-Président (M. Lefebvre): M. le
député de D'Arcy-McGee. Un instant, M. le député de
Sague-nay. Oui, M. le député de D'Arcy-McGee.
M. Libman: ... on doit s'adresser à la présidence,
et aussi on ne peut pas imputer des motifs ou parler du travail d'un
député hors de cette Chambre, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, j'ai
indiqué, tout à l'heure, à M. le député de
Saguenay qu'il doit, effectivement, s'adresser à la présidence.
Alors, je vous le rappelle à nouveau, M. le député de
Saguenay.
M. Maltais: On ne prendra pas de chance, M. le Président,
on va s'aligner comme il faut envers vous. Mais je les invite quand même
à réfléchir à ce que j'ai dit, et c'est
important.
M. le Président, on va passer au vote sur cette motion-là.
Le Parti québécois va en sortir une autre; la
députée de Chicoutimi en a une pile haute comme ça sur son
bureau. Mais on va toutes les passer, parce que 70 % de la population du
Québec réclame et apprécie le travail que fait le ministre
présentement, et ceux et celles qui ont apporté des
mémoires constructifs en commission, le ministre en a tenu compte; ceux
et celles qui vont apporter des modifications, des améliorations au
projet de loi en commission parlementaire, le ministre va en tenir compte, et
ceux et celles qui auront travaillé pour l'ensemble des
Québécois, la population en tiendra compte. Voilà, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le
député de Saguenay.
Est-ce qu'il y a d'autres interventions?
Alors, Mme la députée de Chicoutimi, votre formation
dispose également d'une période de 45 minutes. Vous pouvez
effectuer une intervention d'une durée maximale de 30 minutes.
Mme Jeanne L. Blackburn
Mme Blackburn: M. le Président, sur la motion
présentée par le député de Jacques-Cartier, voulant
scinder le projet de loi en faisant deux projets de loi distincts, l'un
contenant, nous dit le député de D'Arcy-McGee, les dispositions
sur l'affichage, l'autre, les dispositions sur la langue d'enseignement.
D'abord, rétablissons les faits. La loi contient 65 articles: 10
articles sur l'affichage, 13 sur la langue d'enseignement, et tous les autres
articles' ça veut dire 10 plus 13, ça fait 23, de 65, donc 42
articles pour déstructurer, petit à petit, de façon
extrêmement minutieuse, l'esprit de la Charte de la langue
française. Alors, quand on veut nous faire accroire, comme vient de le
faire le député de D'Arcy-McGee, que cette loi n'a que deux
objets: l'affichage et la langue d'enseignement, on induit la population en
erreur, et de façon volontaire. Le gouvernement l'a fait, d'ailleurs,
depuis le dépôt de ce projet de loi, le 6 mai dernier: De
façon systématique, il a réussi à faire croire
à la population que ça ne concernait que l'affichage. Là,
on vient d'apprendre, par la motion de scission du député de
D'Arcy-McGee, que ça concerne aussi, et dans une mesure plus importante,
si je peux ainsi m'exprimer, ça touche plus d'articles, ça touche
donc la langue d'enseignement.
Vous savez, au-delà de ces remarques, il faut dire que le
discours misérabiliste du député de D'Arcy-McGee fait
pitié à entendre: Victime de la vindicte de la majorité
francophone, brimé dans ses droits fondamentaux, opprimé,
menacé de disparition, pris en pitié par le Commissaire
fédéral aux langues officielles qui compare le statut des
Anglo-Québécois à celui des Franco-Canadiens. Aïe! il
faut le faire. Mais il faut le faire, M. le Président. Il faut le faire!
écoutez, ils ont dans leurs universités 27 % de toutes les
clientèles québécoises, alors qu'ils n'en
représentent que 10 %; ils ont dans leurs cégeps 24 % de toutes
les clientèles québécoises, ils n'en représentent
toujours que 10 %. quand on parle de transfert linguistique, deux fois sur
trois, ça se fait en faveur de l'anglais, quand vous n'avez ni le
français ni l'anglais comme langue maternelle, s'entend, chez les
immigrants; deux fois plus de transferts en faveur de l'anglais. et ils sont
menacés, ils vont disparaître demain matin! on les a
opprimés, il y en a encore 300 000 au québec qui sont unilingues
anglais. voyons donc! il ne faut pas dire n'importe quoi. je trouve que
ça n'a pas de sens.
Il faut qu'à un moment donné les choses soient dites:
C'est la minorité la mieux traitée au monde. Je sais qu'ils
n'aiment pas ça qu'on le dise mais, de temps en temps, il faut dire les
choses telles qu'elles sont. L'autre jour, on nous disait en commission
parlementai- re: On veut être traités sur un pied
d'égalité. Bien, je dis: Bravo! On va être obligés
de fermer le tiers de vos établissements, le tiers, parce que vous
recevez beaucoup de clientèles francophones. Moi, je ne m'en plains pas,
mais si vous voulez vraiment être traités proportionnellement
à votre nombre, on va devoir fermer une partie de vos
établissements. Je ne pense pas que ça soit ça que vous
souhaitiez; je ne pense pas que ça soit ça que vous souhaitiez.
Mais je pensais également que ces choses devaient être dites.
Cependant, par rapport au discours du député de
D'Arcy-McGee, les raisons fondamentales qui l'amènent à vouloir
scinder le projet de loi, on le savait, on s'en doutait. Il ne l'avait pas
vraiment dit en commission parlementaire; il était content, il avait
gagné, ils avaient eu l'affichage. Il le disait un peu en coulisse, mais
on sentait que le projet de loi, ça faisait son affaire; même que
certaines rumeurs prétendaient qu'il était prêt à
changer de côté de Chambre avant les élections. Mais
voilà, voilà, la pression de son parti... Il se situe entre le
gouvernement et le président de son parti. Parce qu'il faut rappeler
qu'en commission parlementaire, le président de son parti n'a
demandé rien de moins que la liberté de choix en matière
d'enseignement. La liberté de choix en matière d'enseignement,
rien de moins, rien de moins.
Évidemment, ce que demande le député de
D'Arcy-McGee et les députés du Parti Égalité, c'est
qu'on crée deux catégories d'immigrants: les immigrants qui ont
l'anglais comme langue maternelle et les autres. Et les autres.
Évidemment, les francophones aussi, parce que les francophones non plus
n'auront pas accès, n'ont pas le libre choix en matière
d'accès à l'école: On doit fréquenter... et c'est
normal, parce qu'on en a décidé ainsi. Il y a une langue
nationale, c'est le français; il y a une langue qui devrait être
commune, c'est le français. Il serait donc normal qu'on ait une
catégorie d'immigrants... (Oh 40)
Mais, voyez-vous, la motion du député de Jacques-Cartier
jette une lumière crue sur ce que nous disions, sur ce qu'ont
constaté tous les groupes qui se sont présentés en
commission parlementaire. Ce qu'on nous a dit, c'est que le prochain front,
c'est l'école anglaise. Michel Venne, dans Le Devoir, lundi 10
mai 1993. Et ça, ça a été
répété de façon presque constante, pour ne pas dire
unanime, tant par les opposants au projet de loi que par ceux qui
étaient favorables au projet de loi. Ceux qui étaient favorables
au projet de loi nous disaient: Ça ne va pas assez loin. Le Conseil du
patronat s'est même déjà engagé à prendre
fait et cause pour l'accès à l'école anglaise des enfants
d'immigrants qui avaient l'anglais comme langue maternelle. On ne s'est pas
prononcé là-dessus parce que ce n'est pas dans le projet, mais,
dès que ça va être avancé, nous, on va rentrer dans
ce camp-là.
Alors, faut-il s'étonner que, ce soir, le chat sorte du sac et
que ce qu'on nous dit, si on veut scinder le projet de loi, c'est parce que ce
projet de loi, il ne va pas assez loin. Et vous comprenez qu'on est en
train
d'ouvrir le front à l'école anglaise. Ce que nous dit M.
Venne: À moins d'un revirement spectaculaire ? il dit ? le cas
de l'affichage commercial, c'est réglé. C'est tellement bien
réglé que le Parti Égalité et quelques autres
groupes qui se sont présentés en commission parlementaire ont
déjà annoncé au ministre que, s'il ne recourt pas à
la clause dérogatoire pour l'affichage sur les grands panneaux, ils
l'attendent au détour parce qu'ils vont contester la validité des
dispositions touchant l'affichage sur les grands panneaux. C'était la
petite réserve que voulait se donner le ministre.
Mais là, on dit: On va demander au Canada, au gouvernement
canadien d'utiliser son pouvoir de désa-voeu et, si ça ne fait
pas, on ira plus loin. Mais, déjà, la bataille est
engagée. Déjà, la paix linguistique est menacée.
Avant même que le projet de loi soit adopté, déjà,
on nous annonce que ça va continuer, qu'ils ne vont arrêter que
lorsqu'ils auront le libre choix, parce que c'est ça, l'objectif
fondamental. L'objectif fondamental, c'est d'abolir complètement et
totalement les dispositions de la Charte de la langue française.
D'ailleurs, faut-il encore parler de Charte de la langue française? Mme
Bissonnette trouve que c'est un euphémisme. Il y a eu comme un oubli
dans ce projet de loi parce qu'on parle de modification à la Charte de
la langue française. Elle dit: Tel que modifié, ça ne peut
plus porter le nom de «Charte de la langue française». Parce
qu'on a fini par en faire une charte du bilinguisme institutionnel, une Charte
de la langue française dans laquelle charte on prévoit
l'enseignement de l'anglais. On n'a pas peur du ridicule, il me semble. Une
Charte de la langue française, M. le Président, pas dans laquelle
on prévoit des dispositions pour promouvoir l'enseignement du
français, pour assurer une meilleure qualité de l'enseignement du
français, non, une Charte de la langue française dans laquelle on
dit: Dorénavant, on pourra permettre l'immersion, les classes
d'immersion. Classe d'immersion, ça veut dire que vous pourriez faire
six mois par année en anglais pour toutes les matières. C'est un
peu fort, c'est un peu beaucoup.
Ce que dit Mme Bissonnette me permet de citer quelques passages de ses
éditoriaux. Le 8 mai 1993: «La fin de la Charte ? nous dit
Mme Bissonnette ? Par quelque oubli, le gouvernement du Québec n'a
pas modifié le titre du chapitre C-ll des lois du Québec.
Malgré le projet de loi 86, il s'appelle encore "Charte de la langue
française". C'est désormais un travesti.» Alors, vous
comprendrez avec moi que ce que nous avions dit en commission parlementaire,
comme se dégageant des différents mémoires, il y avait une
perception unanime. Pour les uns, la loi faisait un bon bout de chemin,
c'était un premier pas, mais le prochain pas, c'était
l'école anglaise. Et pour tous ceux qui étaient contre le projet
de loi, on disait au gouvernement, ils sont venus dire au gouvernement: Ce
n'est qu'un pas et la prochaine bataille, elle n'est pas finie, c'est
l'accès à l'école anglaise. Le discours, ce soir, du
député de D'Arcy-McGee nous le démontre, s'il fallait
encore en douter. Je vous remercie, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, Mme la
députée.
M. le député d'Abitibi-Ouest et leader adjoint de
l'Opposition officielle, je vous cède la parole.
M. François Gendron
M. Gendron: Merci, M. le Président. Si j'interviens
à ce moment-ci sur la motion de scission, d'abord, c'est parce que la
présidence a reconnu que la motion présentée par le
député de D'Arcy-McGee pouvait, effectivement, être
agréée par la présidence en reconnaissant ? oui, le
député de Jacques-Cartier ? qu'il y avait là, M. le
Président, deux principes distincts. Et j'estime que la
présidence a été sage de reconnaître en cette
Chambre la possibilité que les parlementaires puissent, si la motion de
scission était retenue par l'Assemblée nationale... une chose qui
est certaine, c'est que ça permettrait de faire un débat, pour
certains, portant sur les deux dimensions de ce projet de loi.
Je tiens à préciser, comme le leader de l'Opposition l'a
fait, qu'en ce qui nous concerne, c'est évident que ce n'est pas parce
que la motion de scission est sur la table qu'on est favorable à la
motion de scission. Nous, on est contre les modifications proposées par
le projet de loi 86. Mais le point de vue présenté par les gens
du Parti Égalité est quand même raisonnable, puisque,
autant en commission parlementaire générale que lorsqu'il y a eu
des consultations particulières, combien d'intervenants, M. le
Président, sont venus exprimer que, dans le fond, ce qui avait
suscité un certain nombre d'ouvertures au projet de loi de la Charte de
la langue française, dans la vision de certains, c'était
d'apporter des assouplissements à la dimension de l'affichage, suite au
projet de loi 178 que nos amis d'en face ont passé, suite aussi à
leur prétention qu'il serait inconvenant d'utiliser à nouveau la
prescription dérogatoire qui est prévue afin de continuer
à sauvegarder l'ensemble des principes de la langue
française.
Cette prétention a été non seulement uniquement la
nôtre, mais a été la prétention de plusieurs
intervenants. Il s'agit juste de se rappeler, M. le Président, en
commission... Ce n'est quand même pas nous qui, en commission
parlementaire... Je donne des exemples: La Fédération des
commissions scolaires du Québec, quand elle dit que l'immersion anglaise
n'est pas la solution, c'est parce que la Fédération des
commissions scolaires a vu là...
Une voix: M. le Président, je m'excuse auprès de
mon collègue, mais on n'a pas le quorum.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Un instant. Pardon? Vous
demandez le quorum? Qu'on appelle les députés! (0 h 48 - 0 h
50)
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Allez-y, M. le
député d'Abitibi-Ouest.
M. Gendron: Oui. Merci, M. le Président. Alors,
ce que je disais, c'est que des gens, en cette Chambre,
prétendent que, dans le projet de loi 86, il y a des dispositions
modifiant la Charte de la langue française et il y a également
une série de dispositions modifiant la Loi sur l'instruction publique et
toutes les dispositions concernant la modification à la Loi sur
l'instruction publique, c'est de créer davantage d'ouverture au niveau
de la langue d'enseignement. De dire d'un projet de loi qu'il y a des
dispositions concernant l'affichage et également des dispositions
concernant la langue d'enseignement, ça correspond à une
réalité qui a été observée par d'autres et
c'est ça que je voulais vous indiquer, M. le Président. Lorsque
plusieurs intervenants, en commission parlementaire, sont venus évoquer
cette réalité, bien, c'est qu'elle est perçue
également par d'autres que le Parti Égalité. Et là,
je donnais l'exemple de la Fédération des commissions scolaires
qui prétend que l'immersion anglaise n'est pas la solution. Et tout le
monde sait que c'est une disposition qui est prévue au projet de loi
86.
Lorsque plusieurs intervenants de la CECM ont sorti publiquement, dans
une conférence de presse, pour indiquer que le projet de loi 86
menaçait la paix sociale, leur argument a été exactement
de même ordre, exactement de même nature. L'ensemble de ces
intervenants-là ont prétendu qu'il était même rare
que tous les regroupements de personnels de la Commission des écoles
catholiques de Montréal adoptaient une position commune.
C'était quoi, M. le Président, leur position commune?
C'était pour dire qu'on modifiait d'une façon très
substantielle l'ensemble des prescriptions qui, jusqu'alors, ont guidé
la gestion de l'admission des jeunes Québécois francophones ou
allophones à l'école française. Ils parlaient des
modifications au régime pédagogique. Lorsque moi, tantôt,
j'ai eu l'occasion d'indiquer, en cette Chambre, qu'il était dangereux
qu'un tel projet de loi soit accepté sans que nous ayons pris
connaissance des règlements d'application, c'est parce que la grande
majorité des règlements d'application vont concerner le
régime pédagogique. Et il me semble que c'est normal dans un tel
cas, si on veut permettre à des parlementaires d'avoir l'occasion de
s'exprimer sur les dispositions plus spécifiques, dans un cas, eu
égard à l'affichage et, dans un autre cas, eu égard aux
modifications concernant la Loi sur l'instruction publique.
Et, dans ce sens-là, M. le Président, lorsque des
parlementaires présentent une motion de scission, c'est pour avoir
l'occasion de faire un débat de fond, mais sur les vraies choses.
J'entendais des gens, tantôt, qui disaient: Écoutez, c'est la
première fois qu'on modifierait la Charte de la langue française
et il y aurait 2 projets de loi à l'intérieur du projet de loi de
la Charte de la langue française. Ce n'est plus la Charte de la langue
française; il n'en reste plus de Charte de la langue française.
Ils l'ont chamboulée de a à z. Il n'y a à peu près
absolument rien...
Une des preuves: Est-ce que, dans la Charte de la langue
française, il y avait au moins quelques articles sur la promotion de la
langue française? C'est évident. Est-ce qu'il y avait des
instances prévues pour surveiller l'application de la Charte de la
langue française, que ça soit au niveau de la langue de travail,
que ça soit au niveau de la langue d'affichage, que ça soit au
niveau des diverses infractions? Bien sûr. Tous ces organismes ou ces
instances n'existent plus.
Dans le projet de loi, dorénavant, on dit: Chaque fois qu'il y
aura un problème, qu'il y aura des difficultés
d'interprétation suite aux règlements, il s'agira de monter au
quinzième étage du «G» et, là, il y a une
autorité qui va statuer par voie réglementaire, dans certains
cas, et, dans d'autres cas, au nom de cette grande sagesse qu'elle aurait,
à savoir qu'il lui appartient de prendre des décisions à
elle seule.
Pensez-vous qu'on peut marcher là-dedans? Et, dans ce
sens-là, M. le Président, c'était tout à fait
légitime de permettre que des parlementaires veuillent davantage
approfondir les prescriptions qui sont liées aux modifications
concernant toute la question du régime pédagogique. Bien, il me
semble que c'est ça la motion de scission.
Je donne d'autres exemples. Lorsque le Conseil de la langue
française a lancé un certain cri d'alarme en disant que les
acquis de la francisation restaient fragiles et que, selon eux, il y avait des
modifications importantes. Je donne juste un exemple, ils disaient: Ni la
fécondité, ni l'immigration ne jouent en faveur du
français, même si Québec adopte des politiques favorisant
l'installation des immigrants en région ou le recrutement
systématique de ressortissants francophones. Le démographe Marc
Termote affirme que si ses plus pessimistes prévisions se
réalisent, le pourcentage de personnes dont le français est la
langue d'usage devrait être inférieur à la moitié
qu'il est actuellement dans l'île de Montréal d'ici l'an 2046.
Ça signifie, encore là, M. le Président, si j'illustre des
éléments de contenu, c'est pour faire la preuve qu'il y en a
d'autres comme eux qui ont pensé qu'il y avait des dispositions
davantage liées à la question du régime
pédagogique, et également de la langue d'enseignement. De notre
côté, je pense que notre position est très claire, on pense
que le projet de loi 86 est dangereux; le projet de loi 86 va permettre toutes
sortes de possibilités, et extensionne d'une façon très
grande l'espèce d'ouverture qu'on avait laissé voir qui ne
porterait que sur la langue d'affichage.
Quand nous, on prétend que, dorénavant, l'anglais à
l'école sera de plus en plus possible, bien, ce n'est pas une invention
de notre part, c'est une prétention d'au moins la moitié des
intervenants qui sont venus en commission parlementaire. Il y a au moins la
moitié des intervenants en commission parlementaire qui sont venus dire
la même chose que nous. Et quand je mettais la main sur un autre point de
vue: Pour une loi 101 dans toute la francophonie: Constatant que le
français est en péril partout dans le monde, un haut
fonctionnaire français suggère de suivre l'exemple du
Québec. Mais quand il faisait cette suggestion ? ce n'est pas avec
le charcutage que vous avez opéré dans la loi 101, c'est avant
les dispositions de 86 ? il prétendait que compte
tenu qu'en Amérique du Nord, ce n'est pas l'anglais qui est en
danger... Il n'y a pas de danger là, MM. les anglophones, pour votre
langue en Amérique du Nord. La langue qui est en danger, c'est la langue
française.
Une voix: Don't be worried.
M. Gendron: Et, dans ce sens-là, c'était, je pense,
normal qu'on puisse au moins permettre à une partie des parlementaires
d'exprimer leur point de vue sur les deux aspects les plus fondamentaux du
projet de loi 86. Et c'est pour ça, M. le Président, que la
présidence a accordé cette motion de scission, et c'est pour
ça qu'on en débat. Parce qu'il y a deux principes distincts, et
la seule façon de faire un débat d'une façon logique et
intelligente pour celles et ceux qui veulent choisir davantage les dispositions
concernant l'affichage, bien, ils ont l'occasion de le faire avec la motion de
scission. Ceux qui veulent faire davantage en exprimant leur point de vue sur
la langue d'enseignement, ils ont l'occasion de le faire, alors que si on
imbrique l'ensemble de ces éléments à l'intérieur
du projet de loi 86, bien, ce n'est pas facile de tenir compte de ces
distinctions.
Et, nombreux ont été celles et ceux qui ont eu le
même point de vue. J'aurai l'occasion de le faire lors de mon discours de
fond sur le projet de loi 86, mais M. Henri Brun, M. Daniel Turp, plusieurs
spécialistes constitutionnalistes qui ont regardé effectivement
les réalités du projet de loi 86, eux-mêmes convenaient
qu'il ne s'agissait plus uniquement de modifications au niveau de l'affichage.
Là, tous les volets au niveau de la langue de travail, au niveau de la
promotion du fait français, il n'y a aucune disposition de prévue
au projet de loi 86 au niveau de la promotion du fait français. Et on
intervient d'une façon massive et très, très, très
grave au niveau de la capacité pour beaucoup de jeunes qui, sans les
modifications proposées, n'auraient pas eu accès à
l'école anglaise.
Et j'en profite pour vous dire, M. le Président, qu'en ce qui
nous concerne, on n'a absolument rien contre le fait qu'il y ait le plus grand
nombre de Québécois qui maîtrisent le mieux possible une
langue seconde, et, en particulier, la langue anglaise, compte tenu du contexte
dans lequel on évolue. On le sait, on vit en Amérique du Nord,
mais il y a une différence entre des ardents défenseurs de la
maîtrise d'une langue seconde, puis essayer de faire accroire que, dans
ce projet de loi là, il n'y a rien de changé concernant
l'admissibilité des jeunes à l'école anglaise. Bien,
voyons donc! Il y a de quoi de changé parce que les tenants de la motion
de scission, fondamentalement, ce qu'ils voulaient ? vous le savez M. le
Président, puis ils ont le droit de vouloir ça parce qu'on vit
dans une société démocratique ? c'est une ouverture
sans précédent au niveau de la langue d'enseignement. Puis, comme
on a affaire à un gouvernement qui n'a pas beaucoup de courage, il a
dit: On va en mettre un peu dans les deux. On va modifier la loi 101 au niveau
de l'affichage, puis on va également la modifier au niveau de
l'accessibilité à l'école anglaise. Et quand c'est rendu
que des pédagogues sont obligés de se regrouper pour dire: Mme la
ministre, M. le ministre responsable de la langue, M. le gouvernement
libéral, il y a des dangers graves, il y a des dangers...
Une voix: Mesdames. (1 heure)
M. Gendron: ...mesdames aussi, il y a des dangers graves à
vouloir faire de l'immersion multiple parce que là, les allophones vont
être dans des classes d'immersion à 100 000 pour un meilleur
apprentissage de la langue française et il va y avoir également
100 000 allophones qui vont être dans des bains d'immersion pour un
meilleur apprentissage de la langue seconde. Ça ne fait pas
sérieux.
Bien, j'entends que je n'ai rien compris. Je suis content parce qu'il a
un peu raison: on est des centaines de milliers de Québécois qui
ont compris la même chose, des centaines de milliers de
Québécois. Bien, si vous aviez le courage de déposer les
règlements, peut-être que les Québécois verraient,
à l'intérieur des règlements, effectivement, M. le
Président, toutes les intentions cachées de ce gouvernement qui
veut faciliter l'entrée à l'école anglaise de celles et
ceux qui n'y auraient pas droit autrement sans les dispositions. Voilà
pourquoi la présidence a accepté avec sagesse cette motion de
scission, parce qu'il y a bel et bien 2 principes. Merci.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Je suis prêt
à reconnaître le prochain intervenant, M. le leader de
l'Opposition officielle.
M. Guy Chevrette Motion d'ajournement du
débat
M. Chevrette: M. le Président, compte tenu de l'âge,
de l'heure, dis-je, et non pas de l'âge, et du sérieux du
débat, puisque n'oublions pas que c'est une motion de scission
proposée par une formation politique anglophone, à part
ça, j'apprécierais grandement que les citoyens du Québec
puissent assister, M. le Président, à ce débat. Je propose
donc qu'en vertu de l'article 100, eh bien, le débat en cours sur cette
motion soit ajourné pour qu'on puisse faire le débat en plein
jour.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, la motion est
recevable. L'auteur de la motion et les représentants de ce groupe
parlementaire ont chacun un temps de parole de 10 minutes. L'auteur de la
motion a droit à un droit de réplique de S minutes. Alors, M. le
leader de l'Opposition officielle.
M. Guy Chevrette
M. Chevrette: M. le Président, tout d'abord, il est
exactement 1 heure du matin, et je crois qu'à ce stade-ci, un
débat qui est émotif au Québec, on n'a pas
le droit de le faire de nuit. M. le Président, jusqu'à
minuit, c'était déjà une heure relativement tardive, et je
pense véritablement, M. le Président, qu'on a le devoir, comme
parlementaires, de permettre aux citoyens et aux citoyennes qui veulent
participer à ce débat, qui veulent véritablement entendre
les arguments... Et, en particulier, M. le Président, il faut bien le
dire, cette motion de scission, ce n'est pas nous qui l'avons faite. C'est le
groupe du Parti Equality ou dit des députés indépendants
qui ne se sentent pas à l'aise de voter en faveur d'un projet de loi qui
a au moins 2 principes. Ce serait intéressant de les entendre en plein
jour, avec des dizaines et des centaines et des milliers de
Québécois qui pourraient assister à leur argumentaire,
entendre leur argumentation. Ils ont l'air moins gênés que le
Parti libéral de donner leur argumentation. Je ne suis pas d'accord avec
eux, moi, mais je respecte ceux qui, en plein jour, sont capables de donner
leur point de vue, contrairement à ceux qui sont gênés.
Parce que, au départ, M. le Président, c'étaient des
arguments plutôt fallacieux pour présenter un tel projet de loi de
la part du Parti libéral. Il faut bien s'entendre, il faut bien se
comprendre.
M. le Président, à 1 heure du matin, je ne vois pas en
quoi un Parlement avec un menu législatif aussi faible, il faut bien le
dire... Au menu législatif, il n'y a rien de mirobolant, M. le
Président: quelques petites lois avec quelques petits articles. Mais,
fondamentalement, ce n'est pas le menu législatif qui va étouffer
le Parlement d'ici le 23 juin. Pourquoi discuter de nuit? Pourquoi discuter de
nuit un projet de loi aussi important qui engage l'avenir du Québec, qui
engage, M. le Président, bien sûr, même le régime
pédagogique québécois pour nos jeunes, même à
l'élémentaire? La ministre sourit. Je comprends qu'elle sourie.
Elle semble être la seule à avoir le pas, puis le
vérité dans cela. Mais, pourtant, j'ai rencontré
peut-être des centaines et des centaines d'enseignants en fin de semaine.
J'en ai même rencontré en manifestation contre son projet de loi.
Ils ne comprennent pas que leur ministre de l'Éducation ne comprenne pas
l'importance de ne pas placer en situation de double immersion plusieurs
dizaines et plusieurs centaines et plusieurs milliers de jeunes
étudiants québécois. C'est bien la seule qui ne comprend
pas ça.
Moi, j'ai enseigné, M. le Président, puis je vous avoue
que c'est loin de... Une curatelle publique, ce n'est pas l'éducation.
Un jeune qui a de la difficulté à comprendre les
mathématiques dans sa langue maternelle, puis qu'on place dans une
immersion en anglais pour apprendre la même matière, ça ne
prend pas quelqu'un de brillant sur le plan de la pédagogie, M. le
Président. Et ça vaut autant pour un petit anglophone qui aurait
de la difficulté à comprendre les mathématiques en
anglais, puis qu'on placerait en immersion française. Ce n'est pas plus
intelligent.
Imaginez-vous maintenant l'allophone qui, lui, est en
mathématiques, puis qu'il a de la misère à comprendre
parce qu'on l'oblige, en vertu de la loi 101 actuelle, à apprendre ses
mathématiques en français. Ce n'est déjà pas sa
langue maternelle. Il est donc en immersion française pour apprendre ses
maths. Et, dans un élan de générosité sans
précédent et dans une pédagogie qui émane de la
préhistoire de la ministre actuelle de l'Éducation et de
l'Enseignement supérieur, on le place en double immersion. Va-t-il les
comprendre, ses mathématiques, le petit allophone qui a
déjà de la difficulté en immersion française?
Franchement, là, moi, si j'étais ministre, ne pas avoir
plus de jugement que ça, je me cacherais. Je me cacherais. C'est de
l'imbécillité totale sur le plan du jugement face à
l'enseignement, M. le Président, et aux principes fondamentaux de la
pédagogie. C'est de l'imbécillité, je le dis comme je le
pense. Il n'y a pas un enseignant, il n'y a pas un pédagogue au
Québec, il n'y a pas un psychologue qui accepterait, M. le
Président, que l'on fasse ça à des jeunes enfants. On peut
même contribuer, M. le Président, à les placer dans une
situation scolaire difficile tout au long de leur carrière
d'étudiant. Moi, je trouve ça répugnant, je trouve
ça inacceptable, je trouve ça inhumain, je trouve ça
imbécile comme jugement pour un pédagogue qui a la
responsabilité de former nos jeunes.
M. le Président là, franchement, je veux bien qu'on soit
à quatre pattes moi, qu'on soit généreux. Ce n'est plus de
la générosité, ça, quelqu'un qui place possiblement
des centaines et des milliers de jeunes en situation, M. le Président,
de difficulté pour des années et des années sur le plan
pédagogique, parce qu'ils n'ont pas le courage d'assumer leurs
responsabilités ou parce que leur leadership est trop faible au Conseil
des ministres pour vendre leurs points de vue. Ça, on n'a pas besoin
d'en avoir la preuve; on a seulement à le constater sur le plancher
même de l'Assemblée nationale. Mais un ministre, M. le
Président, qui se dit trop fort et qui impose toutes ses
volontés, c'est souvent à cause de la faiblesse des autres.
Jamais on n'a vu au Québec un ministre de l'Éducation en
cette Chambre... Je le dis comme je le pense, puis je suis très
sérieux: C'est inconcevable, c'est de la folie furieuse qu'un ministre
de l'Éducation accepte même l'idée, accepte même
l'idée et le principe, M. le Président, que des jeunes
étudiants québécois soient placés en situation de
vulnérabilité pour des années et des années dans
l'acquisition d'une matière ou d'une science. Vous savez qu'un jeune qui
ne réussit pas ses maths à l'élémentaire, ses
mathématiques, peut traîner ça tout le long de son
secondaire, tout le long de son cégep. M. le Président, j'ai
enseigné, moi. Puis, imaginez-vous, quand on a de la difficulté
à faire comprendre à un jeune dans sa propre langue maternelle
une matière, qui sur le plan pédagogique peut réaliser
qu'il va comprendre mieux dans une langue seconde? Franchement, M. le
Président!
Et prenez le petit allophone ou la petite allophone qui a de la
difficulté même à comprendre le français, qui arrive
au Québec, qui est déjà dans une situation d'immersion. On
dit: Pour te faciliter la tâche, pour bien comprendre les maths, on va
t'enseigner en anglais. Quelle pédagogue! Quelle merveille de jugement
pédagogique! M. le Président, c'est quasiment un cas
psychiatrique quand on y pense comme il faut. Ce n'est
pas les enfants qu'on devrait... C'est la ministre elle-même qu'on
devrait placer en situation de se faire psychanalyser pour bien
réfléchir face à son rôle qu'elle a à jouer
vis-à-vis les jeunes. (1 h 10)
Moi, je trouve ça inconcevable. Puis l'histoire de la
pédagogie, M. le Président, prouvera au Québec que jamais
on n'aura eu une telle folie, une telle imbécillité
vis-à-vis de nos jeunes et, en particulier, à Montréal
parce qu'il y a une concentration très forte d'immigrants à
Montréal. Qu'on le veuille ou pas, il y a des écoles, il y a des
classes où il y a 60 % d'allophones qui représentent
peut-être 7, 8, 10 ethnies différentes, puis on veut les placer en
état de double immersion. Voyons! N'importe qui qui a enseigné en
cette Chambre, que ce soit au cégep, comme le député du
Parti Égalité que je regarde, que ce soit au niveau secondaire,
comme plusieurs l'ont fait dans cette Chambre, que ce soit à
l'élémentaire ? personnellement j'ai eu la chance
d'enseigner même 1 an à l'élémentaire ?
personne qui a fait de la pédagogie n'accepte ce principe-là,
sauf la ministre de l'Enseignement supérieur et de l'Éducation.
Quelle grande pédagogue! M. le Président, ce titre-là ne
devrait absolument pas être confié à un ministre qui pose
de tels gestes. Et je suis sûr que l'histoire la jugera très
sévèrement, parce qu'elle aura placé des jeunes...
Et ça, il faut le savoir ce que c'est qu'enseigner, il faut
savoir jusqu'à quel point l'apprentissage d'une langue est difficile
pour un jeune. À plus forte raison, on ne peut pas obliger un jeune qui
est en processus d'acquisition d'une matière, le placer en état
de double immersion pour lui rendre la vie encore plus difficile. C'est
inconcevable. Donc, M. le Président, que ce débat se fasse de
jour et, moi, je lance un défi à la ministre de
l'Éducation: n'importe quel temps, sur ce sujet-là, en public,
devant les caméras, n'importe où, qu'elle me suive sur le
débat de la double immersion face aux jeunes. Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le leader adjoint du
gouvernement, en vous indiquant que votre droit de parole est d'un maximum de
10 minutes.
M. Jean-Pierre Bélisle
M. Bélisle: Merci, M. le Président. J'ai
écouté avec beaucoup d'attention le leader de l'Opposition sur la
motion de report. Pour bien situer ceux qui nous écoutent encore ce
soir, c'est la motion de report sur la motion de scission. Il faut se souvenir
? et c'est ce qu'il y a de plus aberrant dans la position du leader de
l'Opposition ? qu'à la fin de son discours sur la
recevabilité de la motion de scission il nous a indiqué que sa
formation politique était pour voter contre la scission, contre la
motion présentée par le député de Jacques-Cartier
à l'effet de séparer la Charte de la langue française dans
des blocs séparés, différents.
Qui aurait pu penser, un jour, qu'on en serait rendus là?
L'Opposition, le Parti québécois, veut permettre qu'il y ait un
débat sur le droit hypothétique, intellectuel, d'une formation
politique à proposer que notre Charte de la langue soit
séparée dans des miniblocs pour mieux l'étudier, pour
mieux la disséquer, pour mieux l'analyser. Comme si on pouvait faire
ça avec la Charte des droits et libertés de la personne du
Québec, comme si on pouvait isoler les droits de mobilité d'une
personne des droits à un emploi décent, parce que c'est à
caractère économique. On va faire un minibloc sur la Charte des
droits et libertés de la personne et on va faire d'autres blocs sur les
libertés fondamentales.
Et là, il nous a annoncé ça, tantôt, en nous
disant très sérieusement qu'il fallait faire le débat pour
le principe du débat, mais qu'il voterait contre, de toute façon.
Et là, présentement... Il n'y a rien à son épreuve,
le leader de l'Opposition, le député de Joliette, pour faire
perdre le temps à cette honorable Chambre. Il n'y a rien à son
épreuve. Là, maintenant, il est en train de nous dire: La motion
de scission, sur laquelle je vous ai déjà dit que je vais voter
contre, on va la reporter. Voyons donc! Qu'on vote et qu'on l'élimine
tout de suite.
M. le Président, moi, ce que je ne comprends pas aussi du leader
de l'Opposition, c'est qu'il dit: Le menu législatif, il est mince.
C'est quoi, son syndrome? Son syndrome, «c'est-u» le syndrome qui
l'affecte depuis 1976, depuis qu'il est à l'Assemblée nationale:
le syndrome de produire des lois? Et, plus on fait de lois, mieux on est et
meilleur gouvernement on est? «C'est-u» ça, son syndrome? Il
a un puissant besoin de recyclage profond, M. le Président, parce que
c'est peut-être le contraire qu'on devrait faire. En faire le moins
possible et peut-être mieux les faire. Mais j'ai l'impression qu'il ne
situe pas dans cette perspective-là. Mais, pour perdre le temps, il est
pas mal champion.
On va venir, M. le Président, à ce qu'il nous parle de la
pédagogie, avec un brin d'impolitesse qui frôlerait
peut-être l'indécence vis-à-vis des propos tenus
vis-à-vis de la ministre de l'Éducation. Le leader de
l'Opposition nous a dit: Pédagogues, ah pédagogie, je vous lance
un défi! Puis, quand vous l'avez écouté très
attentivement, M. le Président, il a eu l'honnêteté de dire
que, lui, son expérience de pédagogue, M. le Président,
c'était 1 année d'enseignement au primaire. Ayoye! Ça fait
une belle jambe, ça, comme expert en pédagogie, venir traiter les
autres, ici... et dire que ce n'est pas de telle et telle façon qu'il
faut diriger les enfants à l'école.
Il m'a fait penser exactement à ce que je vous ai dit
tantôt, au tout début du débat, concernant
l'expérience personnelle que j'ai vécue pour mes enfants en 1981,
dans une école de Laval, pour un bain linguistique. Les professeurs de
l'époque, du primaire, grands pédagogues qu'ils étaient,
formés à l'École normale, avec des brevets d'enseignement,
ont tout fait pour que les parents de cette école-là, moi, entre
autres, comme parent, mes enfants et les autres enfants de cinquième
année ne puissent pas avoir accès à un bain linguistique,
en disant aux enfants: Ce n'est pas bon pour vous autres; les
mathématiques, vous allez les faire en anglais, vous allez couler vos
mathématiques, vous ne passerez
pas votre sixième année. La sixième année,
c'est une année importante, c'est là où on révise
toutes les matières, c'est là où on fait la somme de tout
ce qui a été enseigné au niveau du primaire. Et là,
ils tentaient de semer ça dans la tête des enfants de
cinquième année. Ça, c'était de la
pédagogie, c'était de la haute pédagogie? Ce
n'était pas de la haute pédagogie; c'était de l'influence
malsaine. Et qui était-il, sans aucune expérience
pédagogique passée, pour juger de ce qui était pour
arriver comme conséquences sur les enfants? Qui était-il?
Tout le monde, M. le Président, a peut-être lu le livre...
M. le Président, je ne suis pas capable de me concentrer quand je vois
les... M. le Président. ..
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Je vous demanderais,
s'il vous plaît... S'il vous plaît! Si vous voulez poursuivre, M.
le leader adjoint.
M. Bélisle: Vous avez sûrement lu, M. le
Président, un livre important en matière de pédagogie que,
je suis sûr, le député de Joliette, le savant
député de Joliette, le leader de l'Opposition, l'expert
pédagogue, a sûrement à sa mémoire: «Libres
enfants de Summerhill». Il doit certainement connaître ça,
lui. Moi, je ne prétendrai pas que je suis un expert en
pédagogie, mais il est arrivé une école de pensée,
à un moment donné, où ? Mme la ministre de
l'Éducation sera peut-être d'accord avec moi ? des enfants
qui avaient des problèmes de comportement sur le plan social, qui
étaient très agités ou qui rejetaient les normes de
comportement dans les classes, se trouvaient complètement rejetés
du système scolaire. Quelqu'un, à un certain moment, a
élaboré une méthode, une structure d'accueil pour ces
enfants-là, qui était complètement hors système.
Tous les pédagogues de l'époque, qu'est-ce qu'ils ont dit? Ils
ont décrié cette mesure-là, c'était au ban de la
société. Ils ont réussi des merveilles, en laissant les
enfants progresser à leur propre rythme, dans des classes totalement
décloisonnées. Qui peut être expert en pédagogie?
Qui peut dire qu'un enfant, à l'âge de 4 ans, 5 ans, 6 ans, 7 ans,
8 ans, n'a pas cette capacité extraordinaire d'emmagasiner des notions,
qu'elles soient linguistiques ou autres, au même moment? Qui peut dire
ça? Certainement pas Lorraine Pagé, de la CEQ. Certainement pas
Lorraine Pagé. M. le Président, je pense que, quand on est en
train d'émettre des opinions semblables, on fait de la politique et on
ne fait pas de la pédagogie.
Qu'on vienne nous prouver, à l'aide de tests, à l'aide de
comportements, pour ne pas tomber exactement dans le même panneau que
tous ceux qui se sont prétendus, dans le passé, experts
pédagogues, comme l'expérience personnelle que j'ai vécue,
en 1981, avec mes enfants, comme l'expérience des «Libres enfants
de Summerhill», comme tous ceux qui, à un moment donné, ont
remis en question les règles, peut-être, un peu acceptées
de la société, en se disant: Mais, il y a peut-être une
autre voie qui est meilleure que la voie qui existe... C'était
ça, les bains linguistiques, au début, au tout début, au
commencement des bains linguistiques, quand on a permis à des enfants
d'acquérir une langue seconde d'une façon plus intensive, et au
même moment il y avait des matières académiques qui
étaient enseignées. (1 h 20)
Une immersion totale, c'est bon aussi pour des adultes. Quand le jeune
enfant est dans la rue et qu'il y a un processus de socialisation par le jeu,
qu'il joue au soccer avec ses amis, qu'il joue au hockey, s'il le fait
effectivement dans un contexte d'une autre langue, est-ce qu'on est en train de
dire que l'enfant ne peut pas assimiler 2 notions différentes? Voyons
donc! Quelle sorte de schéma intellectuel vous avez? Est-ce que ce sont
des gens bornés qu'on a devant nous?
Une voix: Oui, c'est évident.
M. Bélisle: Est-ce que c'est ça? Pour moi, dans le
Québec de demain, il n'y a pas de bornes, il n'y a surtout pas de
bornes, il n'y a pas de vaches sacrées. Il n'y a pas de théorie
sacrée en matière de pédagogie, de pseudopédagogie
ou d'orientation des personnes. Les enfants, ce sont des personnes qui sont
drôlement plus futées qu'on peut le penser. Ils sont bien plus
capables qu'on peut le penser. Moi, je fais confiance, effectivement, à
ceux qui vont diriger les enfants qu'ils ne feront pas de politique. Les vrais
pédagogues que je connais dans les écoles, ils ne feront pas de
politique, mais ce qu'ils vont faire, c'est qu'ils vont tenter de permettre aux
enfants d'acquérir des notions dans une autre langue et d'autres notions
dans d'autres matières au même moment, et de les faire progresser
le plus rapidement possible.
M. le Président, que le député de Joliette vienne
nous dire, le leader de l'Opposition, que ça n'a pas de sens, moi, je
pense que c'est son comportement et sa théorie qui n'ont absolument
aucun sens.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Sur la motion
d'ajournement du débat, je cède la parole à M. le
vice-président de la commission de l'économie et du travail, le
député de Laviolette. M. le député, la parole est
à vous.
M. Jean-Pierre Jolivet
M. Jolivet: Merci, M. le Président. Vous voyez, on est
loin de ce débat qui doit être normalement celui de l'ajournement
du débat. D'autant plus que je faisais mention à M. le ministre
responsable de l'application de la langue française que même le
docteur Spock s'est trompé. Il a même accepté de
réviser ses livres en disant: Ce que j'ai dit avant n'était pas
bon.
Je pense que, quand on regarde honnêtement la situation, je
pourrais vous en parler longuement de la pédagogie. Moi aussi, je suis
un enseignant. Moi aussi, j'ai eu l'occasion de voir ce que les commissions
scolaires nous ont obligés à faire à l'époque, avec
les moyens
du bord qui n'avaient pas de bon sens. Il n'y a pas un chat parmi vous
autres qui n'a pas connu, à une époque donnée, des
changements majeurs dans l'enseignement, qui ont fait, au bout de la course,
que des théories se bousculaient les unes les autres, et c'était
celui qui vendait les meilleurs volumes et les meilleurs livres qui faisait le
plus d'argent avec la pédagogie.
On va parler d'autres choses, M. le Président. Le débat de
ce soir, à ce moment-ci, à 1 h 20 de la nuit, n'a pas de bon sens
si on veut discuter convenablement, froidement, d'un projet de politique qui
est devant nous. Je connais assez le ministre pour savoir que, lui non plus,
n'aime pas ces discussions en pleine nuit. Il nous l'a dit: Je suis toujours
visière levée. Je veux que ce soit le plus transparent possible.
Je veux que les gens comprennent l'ensemble du projet, même si, dans
certains cas, lorsqu'on n'est pas d'accord avec lui, il nous accuse de ne rien
comprendre et de n'avoir pas lu comme il faut.
Moi, je vais regarder le plus froidement possible et essayer de voir
pourquoi, à cette heure-ci de la nuit, on serait mieux d'aller se
coucher et de reprendre le débat à des heures où les gens
ne seront pas, comme dans certains cas ici dans cette salle, obligés de
s'appuyer les 2 pieds sur une autre chaise et de s'endormir. Pourquoi? Parce
qu'ils sont fatigués. Pas parce qu'ils ne veulent pas participer au
débat. Parce qu'ils savent que la journée de demain, celle
d'aujourd'hui qui est commencée, va être longue aussi. C'est dans
ce sens-là, il me semble, si on veut faire un débat convenable
sur la langue, qu'on devrait agir.
La semaine dernière, j'étais tout à fait surpris.
Des personnes sont venues me voir. Je pense que ça vaut la peine de le
dire. Je vais le redire à d'autres moments donnés. Vous savez, il
y a des personnes qui sont à notre service ici, à
l'Assemblée nationale. Ces personnes ont des fois des documents à
nous envoyer. Ces documents portent la mention «urgent». On n'a
même pas encore adopté la loi, M. le Président, on n'a
même pas encore fini d'en discuter le principe, nous sommes dans des
discussions actuellement sur un ajournement, et qu'est-ce que l'on a
reçu, la semaine dernière, du Journal des débats,
sur des enveloppes «rush?urgent». Rush, en anglais, dash,
urgent.
Une voix: Ça n'a pas de bon sens.
M. Jolivet: Vous imaginez, ici, à l'Assemblée
nationale! M. le Président, vous êtes le gardien de nos travaux,
de ce qui se promène dans la salle ici et dans l'Assemblée. Et,
sur nos enveloppes, nous avons: «rush?urgent».
Une voix: C'est épouvantable.
M. Jolivet: La semaine dernière, M. le Président
? c'est la première fois depuis que je suis député
que je reçois ces choses ? un Tdbec venant du
ministère de la Culture: «La ministre de la Culture appuie le
Festival international Juste pour rire.» Normalement, quand nous le
recevons dans nos bureaux, il est en français. Jusque-là, tout va
bien. Je n'ai pas reçu, depuis que je suis à l'Assemblée
nationale, de document bilingue. Nous avons: «Tdbec, gouvernement
du Québec, ministère de la Culture; Québec
ministère de la Culture supports Just for Laughs Festival.» C'est
la première fois, M. le Président, que l'on reçoit ?
les gens en ont fait mention dans ma région jeudi passé ? un
Tdbec bilingue, M. le Président. La loi n'est pas passée;
nous n'avons pas encore discuté et, pourtant, les ministères
commencent, M. le Président, à utiliser des documents
bilingues.
Nous sommes donc dans une discussion qui nous permet, M. le
Président, de bien regarder ce que l'on a devant nous. Je sais que les
gens, de l'autre côté, vont rire, M. le Président.
Ça ne me dérange pas. Nous sommes ici dans un contexte où,
même si la loi n'est pas encore adoptée, nous avons
commencé à donner des choses bilingues. Vous ne me ferez pas
accroire, M. le Président...
Une voix: Hé, hé, hé!
M. Ryan: Question de règlement.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Question de
règlement, M. le député...
M. Jolivet: Pourquoi?
Le Vice-Président (M. Bissonnet): ...de M. le ministre de
«l'Éducation». Question de règlement; je vais
écouter la question de règlement.
Mme Blackburn: Quel article?
Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le ministre.
M. Ryan: Le député de Laviolette, là, qui
insinue des choses plutôt négatives...
M. Jolivet: Je n'ai rien dit.
M. Ryan: ...accepterait-il que je lui pose une question?
M. Jolivet: M. le Président, voyons!
Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le
député. M. le ministre, si vous voulez poser une question, le
règlement le permet, à l'article 213. Vous y reviendrez à
ce moment-là. M. le député, si vous voulez poursuivre.
M. Jolivet: Non, mais...
M. Chevrette: Pas de problème.
M. Jolivet: ...ce que je suis en train de dire...
M. Chevrette: On va dire non, et on va continuer.
M. Jolivet: ...c'est que nous sommes dans un débat
important et il me semble qu'à ce moment-ci de la nuit nous devrions,
compte tenu de ce que l'on pourrait dire à la face de tout le monde,
pour que les gens puissent le comprendre, le saisir, vu qu'il y a des choses
qu'à mon avis il est important de dire... Quand le ministre a voulu
poser une question, je lui rappellerai que c'est la première fois depuis
que je suis en cette Assemblée que des collants comme ceux-là
apparaissent. Les gens, au Journal des débats, sont venus nous le
porter parce qu'ils étaient en furie. Ça n'a jamais
été utilisé ici même, à l'Assemblée
nationale. Pourquoi on l'utilise à ce moment-ci du débat?
Pourquoi on a des Telbec dans les deux langues à ce moment-ci du
débat? Je comprendrais très bien que la ministre envoie son
Telbec dans une station anglophone, au niveau de la radio, de la
télévision ou dans un journal, je le comprendrais très
bien. Ce que je comprends mal, c'est que la même personne aux Telbec
d'une radio française, d'une télévision
française, d'un journal français, au Québec, le
reçoive dans les 2 langues; c'est la première fois que ça
se produit, M. le Président.
Et on aurait l'occasion de le dire, à la population, qu'il se
passe des choses insolites, et non pas à des heures impossibles comme
cela, M. le Président. Pourquoi? Qu'est-ce qu'on a à cacher?
Qu'est-ce que le ministre a à cacher pour vouloir faire ce débat
en pleine nuit? Je le sais, il nous l'a dit: Je suis visière
levée, je veux l'ouverture à tout le monde, je veux que le monde
voie la transparence de notre discours. Je le sais qu'il est obligé par
son leader de faire des choses, mais je sais qu'il est capable de ne pas le
faire et de l'empêcher, comme ministre responsable. Pourquoi
n'utilise-t-il pas son pouvoir de dire: Sur un débat aussi important que
celui-là, il me semble que nous devrions revenir à des choses
importantes au moment le plus opportun, c'est-à-dire en pleine
journée? Pourquoi faire un tel débat sur cette loi si importante
à des heures aussi impossibles de la nuit?
M. le Président, je ne peux pas faire autrement que d'appuyer mon
leader qui, lui, a présenté une motion d'ajournement pour qu'on
cesse à ce moment-ci le travail, qu'on retourne chacun chez nous nous
reposer pour revenir en pleine forme demain ? en fait, je devrais dire ce
matin ? et continuer notre travail. Je sais que, peut-être, le
nombre étant le nombre, étant plus gros que le nôtre, le
leader adjoint du gouvernement, faisant son petit fin fin, voulant insulter le
monde comme il l'a fait tout à l'heure, prendra les moyens qui lui sont
permis par le règlement. Entre-temps, pourquoi nous refuse-t-il le droit
d'utiliser le règlement pour lui faire comprendre raison? Pourquoi, nous
autres, quand on utilise le règlement, nous sommes des innocents, nous
sommes ci, nous sommes ça, et que, lui, s'il utilise le
règlement, il faudrait le considérer comme étant
extraordinaire? Ce n'est pas parce qu'il s'appelle Jean-Pierre, comme moi, que
je vais le trouver extraordinai- re, M. le Président; ça, soyez
sûr de ça. Ce n'est pas la raison pour laquelle je vais voter pour
lui; au contraire, je vais voter contre lui. S'il y a des règlements,
c'est parce qu'ils sont faits pour être utilisés, utilisés
à notre bon escient, à notre bonne connaissance, pour
défendre des bonnes causes. Je pense que nous n'avons pas d'autre choix,
M. le Président, pour leur faire entendre raison.
Là, ils vont dire: Ah! c'est des mesures dilatoires. Ils les
appelleront comme ils voudront. La seule chose, c'est que les mesures que nous
utilisons sont prévues par le règlement. Si elles sont
prévues par le règlement, il est évident qu'on peut les
utiliser. Si on peut les utiliser, pourquoi on se ferait traiter de n'importe
quel nom parce qu'on les utilise?
M. le Président, soyez sûr d'une chose, c'est que, oui, je
vais voter en faveur de la motion de mon collègue et, pour
répondre au leader adjoint du gouvernement, pour ne pas perdre
davantage, comme il le faisait tout à l'heure, parce qu'il a
parlé longtemps, lui, sur la motion ? s'il n'avait pas d'affaire
à perdre de temps, il aurait dû fermer sa boîte et ne pas
dire un mot ? je ne répondrai à aucune question, M. le
Président. (1 h 30)
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Nous en sommes
maintenant au droit de réplique, et je cède la parole au leader
de l'Opposition officielle en lui indiquant que son droit de réplique
est d'un temps maximum de 5 minutes.
M. Guy Chevrette (réplique)
M. Chevrette: M. le Président, merci. M. le
Président, dans un premier temps, je dirai au leader adjoint du
gouvernement que ça paraît qu'il n'a pas compris le projet de loi.
Ce que j'ai tenté d'expliquer pendant 5 minutes, M. le Président,
c'est qu'il mêlait l'immersion dans un milieu anglophone pour apprendre
une langue avec l'utilisation de la langue seconde pour fins d'acquisition
d'une matière. C'est nettement différent. Quand j'enseignais
à l'élémentaire, M. le Président?j'ai
enseigné à l'élémentaire, M. le Président
? je n'aurais pas utilisé la langue anglaise pour enseigner les
mathématiques à des jeunes francophones qui avaient de la
difficulté à comprendre les maths dans leur propre langue
maternelle. Quand j'ai enseigné au secondaire, est-ce que j'aurais
utilisé la langue anglaise pour faire l'acquisition d'une
matière, d'une connaissance déjà difficile dans leur
propre langue maternelle? C'est ça qu'on dit qui est dans la loi et
qu'il ne comprend pas, qu'il n'a jamais compris. Pourtant, il est avocat, M. le
Président. Quand j'ai enseigné au cégep, M. le
Président, parce qu'il disait: pas pédagogue... J'ai
enseigné à tous les niveaux, pour son information. Quand j'ai
enseigné au cégep, est-ce que j'aurais utilisé la langue
anglaise pour l'acquisition d'une connaissance que les jeunes étudiants
francophones avaient de la difficulté à comprendre dans leur
propre langue? C'est ça, l'ouverture que ça donne par le projet
de loi, au cas où vous ne le sauriez pas, si vous l'aviez lu, si
vous
l'aviez compris. Quand j'enseignais à l'Université du
Québec, est-ce que, M. le Président, j'aurais utilisé la
langue anglaise devant des jeunes francophones qui connaissaient à peine
«yes» et «no» en anglais, pour l'acquisition d'une
matière?
Être pédagogue, M. le Président, ce n'est pas placer
des élèves en situation d'échec, parce qu'on n'utilise pas
leur langue. C'est très différent, ça. Placer des jeunes
en immersion anglaise, ça peut être les prendre et les amener dans
un milieu anglophone pendant 1 mois, 2 mois, ça peut être
l'enseignement en anglais pendant x temps, mais d'une façon bien
spécifique, sachant que l'acquisition d'une matière n'est pas en
cause, sinon on risque de placer l'étudiant en situation d'échec,
et ce, pour la durée de toutes ses études. Il ne comprend pas
ça, lui, le député de Mille-Îles, M. le
Président. Mais, quand tu as enseigné dans une classe, quand tu
as suivi des jeunes à l'élémentaire, au secondaire, au
cégep et à l'université, il faut que tu te
préoccupes de ça. C'est ça qu'on dit. Et c'est ça
qui peut être en jeu. Mais on ne semble pas comprendre ça, M. le
Président, sous prétexte qu'on innove. Je m'excuse, mais on n'a
pas le droit de prendre des jeunes et les placer en situation d'échec,
en faire des cobayes, quand on sait que, l'acquisition d'une matière,
l'acquisition d'une science, c'est déjà difficile dans bien des
cas, M. le Président, et je le répète, pour des jeunes
Montréalais qui sont des allophones, c'est les placer en double
situation d'immersion. Franchement, n'importe quel directeur d'école
vous dit ça. Je suis convaincu, par exemple, que le whip en chef du
gouvernement, qui a été directeur d'école, si on l'avait
consulté, si la grande pédagogue issue de la curatelle publique
avait consulté un directeur d'école, il lui aurait dit ça,
il lui aurait dit que ça ne se faisait pas, puis il lui aurait dit que
c'était très difficile et extrêmement dangereux en plus
pour un allophone, parce que c'est en double immersion, M. le Président.
C'est ça, M. le Président, qu'ils n'osent pas dire de l'autre
bord.
Une voix: ...
M. Chevrette: Voyez-vous, M. le Président, le ministre,
dans son mépris, ne me laisse même pas parler. Il continue
à jaspiner. Ce n'est pas tout, faire la morale au monde. C'est se placer
en situation de fait devant les citoyens du Québec.
Une voix: À la clarté.
M. Chevrette: Et c'est ça fondamentalement. Il a beau
grogner, M. le Président, ça lui va bien. Mais, ceci dit, on ne
me fera pas rentrer dans la tête... Au nom de la jeunesse
québécoise, des étudiants québécois, on n'a
pas le droit, M. le Président, de les placer en situation
d'échec, de les prendre pour des cobayes parce qu'on n'a pas de colonne
vertébrale, qu'on n'a pas d'échiné et on n'a même
pas la compréhension de ce que c'est que l'enseignement, ce que c'est
que la pédagogie, qu'est-ce que c'est que la capacité, pour un
jeu- ne, de comprendre, d'assimiler une science. On est tellement
obnubilé... et regardez, M. le Président, il continue, à
part de ça. Rerum novarum. Ne vous trompez pas.
M. le Président, s'il vous plaît, au nom des jeunes
Québécois, M. le Président, nihil obstat, c'est un autre.
M. le Président, au nom de la jeunesse québécoise, que
celui qui est inspiré s'inspire véritablement des principes
pédagogiques, des principes qui sont à la base d'une psychologie
normale pour les jeunes. Et, s'il ne veut pas, parce que ce serait trop grave,
de sa part, d'admettre une erreur, M. le Président, qu'il demande, qu'il
s'abstienne au moins, qu'il sorte de la Chambre pour cette partie-là. On
dira: C'est grâce à son absence qu'on a réussi à le
passer. Et on réussira, pour les jeunes Québécoises, pour
les jeunes Québécois, pour la jeunesse québécoise,
M. le Président, on réussira à l'empêcher de faire
une gaffe. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Pardon? Vous avez une
question en vertu de l'article 213? Est-ce que vous permettez, M. le leader de
l'Opposition officielle, une question en vertu de l'article 213, de M. le
député de D'Arcy-McGee?
M. Chevrette: Oui.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): La question vous est
permise. La question doit être brève et la réponse
également. Votre question, M. le député.
M. Libman: Est-ce que le député de Joliette a eu
l'opportunité d'étudier ou d'examiner les taux de succès
des cours d'immersion en français pour les jeunes anglophones?
Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le
député de Joliette, si vous voulez répondre à la
question. S'il vous plaît! M. le député de Joliette. S'il
vous plaît! M. le député de Joliette, vous avez la
parole.
M. Chevrette: M. le Président, si le député
de D'Arcy-McGee...
Le Vice-Président (M. Bissonnet): S'il vous
plaît!
M. Chevrette: Qu'est-ce que vous avez à grogner?
Le Vice-Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît!
S'il vous plaît! S'il vous plaît! M. le député de
Joliette, s'il vous plaît! S'il vous plaît! S'il vous
plaît!
M. le député, si vous voulez répondre à la
question de M. le député de D'Arcy-McGee, s'il vous plaît,
rapidement.
M. Chevrette: Oui, M. le Président. Si le
député de D'Arcy-McGee fait la distinction entre l'immersion et
l'enseignement ou l'acquisition d'une science, oui, je
les ai regardés. L'immersion, il y a des résultats tout
aussi comparables que chez les francophones mais, en ce qui concerne
l'acquisition d'une science, il n'y en a pas actuellement.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, je mets aux voix
maintenant la motion d'ajournement du débat.
M. Chevrette: Vote enregistré.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Vote enregistré.
Alors, qu'on appelle les députés. (1 h 39 ? 1 h 44)
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Si vous voulez prendre
place, s'il vous plaît. À l'ordre!
Mise aux voix
Alors, je mets aux voix la motion d'ajournement du débat sur la
motion de scission du député de Jacques-Cartier de la part du
député de Joliette. Ceux qui sont pour cette motion, veuillez
bien vous lever!
Le Secrétaire adjoint: M. Chevrette (Joliette), Mme
Blackburn (Chicoutimi), M. Blais (Masson), Mme Marois (Taillon), M. Jolivet
(Laviolette), M. Baril (Ar-thabaska), Mme Juneau (Johnson), Mme Caron
(Terre-bonne), M. Dufour (Jonquière), M. Lazure (La Prairie), M.
Brassard (Lac-Saint-Jean), M. Léonard (Labelle), Mme Vermette
(Marie-Victorin), M. Paré (Shefford), M. Morin (Dubuc), M. Holden
(Westmount), M. Tru-del (Rouyn-Noranda?Témiscamingue), Mme
Carrier-Perreault (Les Chutes-de-la-Chaudière).
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Que ceux et celles qui
sont contre cette motion veuillent bien se lever!
Le Secrétaire adjoint: M. Ryan (Argenteuil), M. Dutil
(Beauce-Sud), M. Elkas (Robert-Baldwin), M. Ri-vard (Rosemont), M. Middlemiss
(Pontiac), M. Bélisle (Mille-Îles), M. Cusano (Viau), M. Picotte
(Maskinon-gé), Mme Robillard (Chambly), M. Maciocia (Viger), M. Maltais
(Saguenay), M. Philibert (Trois-Rivières), M. Chagnon (Saint-Louis), Mme
Dionne (Kamouraska-Témiscouata), M. Paradis (Matapédia), M.
Lemire (Saint-Maurice), M. Poulin (Chauveau), M. Thérien (Rousseau), M.
Williams (Nelligan), M. Dauphin (Marquette), M. Farrah
(îles-de-la-Madeleine), M. Fradet (Vimont), M. Lemieux (Vanier), M.
Messier (Saint-Hyacinthe), M. Richard (Nicolet-Yamaska), M. Bradet
(Charlevoix), M. Gauvin (Montmagny-L'Islet), M. Gau-trin (Verdun), M. LeSage
(Hull), M. Joly (Fabre), M. Lafrenière (Gatineau), M. Bergeron
(Deux-Montagnes), M. Bordeleau (Acadie), Mme Boucher Bacon (Bourget), M. Parent
(Sauvé), M. Brouillette (Champlain), Mme Loiselle (Saint-Henri), M.
Khelfa (Richelieu), M. La-france (Iberville), M. MacMillan (Papineau).
M. Libman (D'Arcy-McGee), M. Cameron (Jacques-Cartier). le
secrétaire: pour: 18 contre: 42 abstentions: 0
Le Vice-Président (M. Bissonnet): La motion est
rejetée.
Reprise du débat sur la motion de
scission
Nous poursuivons la motion de scission proposée par M. le
député de Jacques-Cartier qui se lit comme ceci: «Qu'en
vertu de l'article 241 du règlement de l'Assemblée nationale le
projet de loi 86 soit scindé en 2 projets de loi, un premier
intitulé Loi modifiant la Charte de la langue française,
comprenant les articles 1 à 21, 35 à 58 et 60 à 65, et un
deuxième projet de loi intitulé Loi modifiant la Loi sur
l'instruction publique, comprenant les articles 22 à 34 et
59.»
J'indique qu'il reste 35 minutes de temps de parole à la
formation ministérielle et 20 minutes à l'Opposition officielle.
Je suis prêt à reconnaître un prochain intervenant. M. le
député de Saint-Louis.
M. Jacques Chagnon
M. Chagnon: M. le Président, c'est un peu désolant,
à 1 h 45, d'avoir à traiter de ces sempiternelles mesures
dilatoires que les 2 formations politiques de l'Opposition nous amènent.
Les 2 formations politiques se sont liguées, l'une pour faire peur aux
gens, comme quoi nous étions pour disparaître, et l'autre
formation politique, par son chef, M. Henderson, demande qu'on désavoue,
par le gouvernement fédéral, l'éventuelle adoption de la
loi 86. Eh bien! Et nous voilà, 1 h 50! Rien qui va faire en sorte
d'améliorer la réputation du parlementarisme, rien qui va faire
en sorte de faire comprendre aux gens comment une volonté politique qui
est reconnue par au-delà des trois quarts de la population comme
étant une position sage, une position de juste milieu, in medio stat
virtus, pour continuer dans la veine du député de
Louis-Hébert qui nous informait de ses connaissances en latin... Juste
milieu. Un projet de loi qui vient, jusqu'à un certain point, corriger
des lacunes qui ont été, entre autres, commises par nous en ce
qui concerne la protection des droits individuels dans le domaine de
l'affichage.
On peut difficilement scinder ce projet de loi, ce projet de loi est un
tout. Il vient ? et c'est là l'esprit du projet de loi ?
reprendre la problématique de l'utilisation des langues dans notre
société. Le tableau qui est au-dessus de vous, M. le
Président, reflète qu'il y a plus de 200 ans le débat
linguistique était déjà au coeur des préoccupations
de cette Chambre. Au moment où on se parle, c'est encore le cas, et
ça sera encore le cas dans des années. On n'aura pas fini d'en
parler, même si on adopte le projet de loi 86, car on va adopter le
projet de loi 86. (1 h 50)
L'esprit du projet de loi est de ramener à un
niveau d'harmonie la vie des communautés linguistiques les plus
importantes au Québec, et c'est comme cela que c'est perçu, tant
chez les Québécois francophones que chez les
Québécois anglophones, que chez les Québécois
allophones. Il n'est pas rassurant de voir le chef de l'Opposition annoncer: Au
lendemain de la prise ? d'une éventuelle prise ? du pouvoir
par le Parti québécois, nous allons «scraper» la loi
86. Nous allons l'annihiler, nous allons l'enlever. Nous allons l'enlever. Eh
bien, en même temps, dans le même discours, au lendemain de la
souveraineté, nous allons la ramener.
La vision péquiste des droits linguistiques est une vision yo-yo.
Un jour on relance, on abandonne la loi 86; le lendemain, si la
souveraineté arrive, on la ramène. Une vision yo-yo. Une vision
qui manque du sens commun. Une vision qui n'a pas beaucoup d'espace pour les
droits individuels de nos communautés minoritaires. Une vision
dangereuse et suspecte à l'égard des gens qui sont venus
s'établir au Québec, au Canada depuis de nombreuses
années. On a une reconnaissance maigre du rôle important
joué par l'immigration chez nous. Le député de Viau en a
fait part, il n'y a pas longtemps.
Une expérience, M. le Président, qui m'est arrivée
il y a à peine 2 semaines. La communauté portugaise, 1 fois par
année, fête le Santo Cristo. Le Santo Cristo c'est
l'équivalent de ce que nous fêtions ici comme étant la
Fête-Dieu. Et ça se passe, comme vous le savez, dans la
communauté portugaise, à l'église Santa Cruz, juste au
coin de Rachel et Saint-Urbain. On ne peut pas être moins
montréalais que Rachel et Saint-Urbain. Après la Fête-Dieu,
après la procession dans les rues de Montréal pour revenir
à l'église Santa Cruz, une fête avait été
organisée pour célébrer des immigrants portugais qui
étaient établis ici depuis 50 ans. Eh bien, quand Mario Soares a
été fêté puis que, dans sa propre communauté,
on l'a fêté parce qu'il était ici depuis 50 ans et qu'on
m'a invité à parler, je n'ai pas pu faire autrement que de lui
dire: Senhor Soares, vous êtes au Québec depuis plus longtemps que
moi; Vous êtes au Québec depuis plus longtemps que moi. Je n'ai
pas d'autre considération pour vous puisque vous êtes ici depuis
plus longtemps que moi. Vous avez donc une expérience du vécu
local qui est supérieure à la mienne.
Mais c'est vrai ça. Il y a un paquet de nos immigrants qui sont
arrivés ici depuis ? j'ai 40 ans ? plus de 40 ans. Et ceux qui
sont ici depuis deux générations, trois
générations, allons-nous cultiver pendant des décennies,
des siècles, cet esprit qui nous amène à tenter de
séparer le soi-disant bon grain de l'ivraie? Cet esprit qui anime les
gens de l'Opposition, cet esprit qui est fondé sur l'espèce de
reconnaissance unique de notre capacité de fonctionnement comme
francophones mais qui rejettent aussi du revers de la main les autres
communautés.
La méconnaissance du tissu social de Montréal est
frappante dans ce débat. La méconnaissance de ce qu'est
Montréal est tout à fait dramatique. Je représente le
centre-ville de Montréal. Lorsqu'on parle du dossier de l'affichage...
On vit dans une société où il y a une majorité
francophone. Une majorité francophone qui est habituée de vivre
avec la communauté anglophone; avec plusieurs communautés de tout
apport linguistique.
Lorsque, dans le quartier chinois ou le quartier portugais, nous
défendions aux gens de pouvoir inscrire non seulement... Nous les
forcions, et ça va dans le sens du jugement de la Cour suprême
dans l'affaire Brown, nous avions décrété, il y a 5 ans,
qu'il était obligatoire d'afficher en français. Le jugement Brown
nous disait: Oui, vous pouvez légiférer à l'effet que le
français est obligatoire, qu'il est prédominant, mais vous ne
pouvez pas ? ce que disait le jugement Brown, le jugement de la Cour
suprême ? empêcher l'utilisation d'une autre langue. Je vous
avoue personnellement que je l'ai toujours trouvé fondé et
équilibré, ce jugement.
Et dans le centre-ville, on comprend cette réalité. On vit
ensemble depuis des années. On ne se chicane pas, on vit ensemble depuis
des années. On a développé un sens de la tolérance
qu'on ne retrouve pas aussi souvent que je l'apprécierais du
côté de l'Opposition. Peut-être que des contacts,
peut-être que la connaissance de la vie montréalaise manque chez
les gens de l'Opposition. Peut-être que cette connaissance, uniquement
théorique, qui ne sert qu'à faire des discours clichés sur
le nombre d'immigrants qui sont dans les écoles francophones, le nombre
d'immigrants qui sont dans les services sociaux, ça dépasse
ça, la réalité de Montréal. C'est un fait,
ça existe, mais la réalité de Montréal
dépasse ça.
Les grands créneaux linguistiques, les grands créneaux que
l'Opposition, si elle était sérieuse, devrait défendre en
matière de protection de la langue, les grands créneaux autour
desquels le véritable épanouissement d'une culture, par le biais
de sa langue, peut se faire sont, définitivement, l'école, le
travail et l'administration publique. Voilà une raison
supplémentaire, M. le Président, pour laquelle il
m'apparaîtrait extrêmement difficile de scinder le projet de loi
qu'on a devant nous.
J'avoue que l'affichage ne fait pas partie des grands créneaux
d'intégration culturelle. Je ne le crois pas. Je crois, par contre,
comme on en retrouve exposés dans le projet de loi, que le travail, que
l'éducation, que l'administration publique et j'ajouterais
l'administration de la justice sont des créneaux d'intégration
culturelle extrêmement importants. On n'a pas idée qu'on puisse,
en 1993, vouloir remettre en question que les jugements rendus par nos
tribunaux puissent être traduits. Le candidat péquiste dans
Louis-Hébert, Guy Bertrand, disait à Radio-Canada, et je l'ai
moi-même entendu qui disait: J'ai demandé pendant des
années de pouvoir avoir des jugements rendus en anglais traduits, ce qui
ne m'était pas possible. Je suis donc heureux de retrouver, dans la loi
86, le projet de loi 86, une disposition qui fera en sorte que désormais
cela pourra être. Et je crois qu'il a raison. Mais l'inverse est aussi
vrai. Le jugement rendu en français méritera d'être
traduit, d'autant plus que le contribuable auquel on aura pu rendre justice
pourra être, généralement, soit francophone ou
anglophone.
Quant à la langue de l'éducation, je ne vois pas où
a pigé le député de Joliette son espèce de vision
dans laquelle, à partir du jour J, adoption de la loi 86, nous
vivrions dans une espèce non pas de bain, de bain d'oiseau, comme
on l'a dit au sujet de la déclaration de la députée de
Chicoutimi, mais dans une espèce d'immersion dans laquelle les portes de
l'enfer du cerveau démoniaque du ministre responsable de la langue
ferait en sorte de ramener toutes les petites Québécoises et les
petits Québécois dans un magma confus de cette soi-disant culture
qui risque de nous faire disparaître, la culture anglaise.
Eh bien, tous se souviendront que le député de
l'Assomption, chef de l'Opposition, a déjà dit de ses
députés qu'ils devraient tous parler l'anglais. Je n'utiliserai
pas, parce qu'en Chambre...
Une voix: Botter le derrière. (2 heures)
M. Chagnon: ...ça ne se ferait pas... mais que chacun de
ses députés devrait s'exprimer dans au moins les 2 langues. Mais
c'est vrai aussi de l'immense majorité de notre population qui veut
avoir des contacts non seulement avec ses voisins anglophones, au
Québec, mais avec ses voisins à l'extérieur du
Québec. Le Québec n'est pas un îlot isolé sur la
planète. Nous vivons en Amérique du Nord où il y a, entre
autres, 240 000 000 d'anglophones, 45 000 000 d'hispanophones. Et, si on ajoute
le Mexique, ajoutez-en 80 000 000 de plus, ça en fera 120 000 000. 120
000 000 d'hispanophones, 240 000 000 à 250 000 000 d'anglophones et 7
000 000 de francophones, dont 6 000 000 sont au Québec et un autre
million dans le restant du Canada. Donc, l'anglais et, je dirais, suivi de
l'espagnol sont des langues qui nous seront de plus en utiles pour nos contacts
non seulement culturels, mais aussi d'affaires au Québec.
Le chef de l'Opposition a fait un discours dans lequel il disait: Vous
savez, moi, je suis pour les gens qui sont polyglottes. Je souhaite que tout le
monde parle 2, 3, 4 langues, mais le bilinguisme institutionnalisé,
ça, c'est dangereux. Ah! Le projet de loi 86 ne vient pas
institutionnaliser le bilinguisme. Le projet de loi 86 vient s'inscrire dans la
démarche de l'histoire du Québec depuis 300 ans et
particulièrement depuis 200 ans. Le projet de loi 86 vient respecter les
volontés les plus profondes que les Québécois ont toujours
eues à l'égard d'autrui. C'est assez difficile de comprendre
comment... L'Opposition officielle et le Parti Égalité peuvent,
encore une fois, se joindre pour tenter de faire en sorte de minimiser ou de
faire oublier que 75 % de la population appuient les objectifs, les moyens et
la volonté sous-jacents au projet de loi 86, et cela, peut-être
davantage depuis que nous-mêmes avons adopté la loi 178 qui a au
moins permis de faire réfléchir, qui a au moins permis de faire
évoluer les mentalités au Québec de toutes parts; tant
chez les francophones que chez les anglophones, que chez les allophones, on a
eu à réfléchir sur cette question-là depuis 5
ans.
L'Opposition, ce matin, disait: II faut reporter le débat. Mais
comment peut-on être aussi dans la lune ou aussi hors de notre
planète pour ne pas se rappeler qu'avec la loi 178 nous avions
adopté une clause «nonobstant» qui, de par notre
Constitution, faisait en sorte de nous obliger, 5 ans plus tard,
c'est-à-dire cette année, à la réévaluer? Le
rôle que le ministre responsable de la Charte de la langue
française a eu, depuis près de 6 mois maintenant, c'est de
regarder tous les tenants et aboutissants de cette question linguistique. Il a
cherché à ramener dans un projet de loi l'ensemble de la question
linguistique, tel que je le soulevais, en incluant, évidemment... Et
c'est pour cela, M. le Président, que nous ne pourrons pas
accéder à la demande de motion de scission, parce que, dans ce
projet de loi on retrouve des éléments qui sont
intégrés comme la langue de l'administration publique, la langue
de l'éducation, la langue du travail et des affaires, et aussi la langue
de l'affichage.
M. le Président, on pourra toujours soutenir, comme le fait
l'Opposition, que ce projet de loi vient réduire le fait français
au Québec, que ce projet de loi est ou sera, soi-disant, la cause d'une
anglicisation rapide du Québec. Mais c'est complètement
démentiel de tenter de laisser croire ou de laisser penser ce genre de
peurs qui n'ont aucune espèce de sens et qui sont en dehors de notre
réalité quotidienne et en dehors de notre vision du
Québec.
M. le Président, mon bureau est sur la rue Sainte-Catherine,
à Montréal, au coin de Stanley. On voit du monde qui arrive de
partout. On sort dehors, puis on voit du monde, des membres de la
communauté asiatique. On voit des gens qui nous sont arrivés de
Jamaïque, on voit des gens qui sont arrivés d'Afrique, on voit des
gens qui sont arrivés d'à peu près partout dans le monde,
puis qui viennent s'intégrer à la communauté francophone.
Ah, il y en a qui arrivent ici, puis qui ne disent pas un traître mot ni
d'anglais, ni de français. Notre rôle comme société,
c'est justement de les amener à faire en sorte de pouvoir mieux
s'exprimer, de mieux comprendre la réalité culturelle
française. Et on le fait par l'intermédiaire, entre autres, du
ministère de l'Immigration, par les COFI avec un succès que je
pourrais qualifier de retentissant puisque, aujourd'hui, on peut constater que
tous les jeunes immigrants qui viennent de partout ailleurs dans le monde
s'inscrivent, comme la loi le prévoit, à l'intérieur de
l'école française. Et ça, c'est un facteur,
évidemment, d'intégration culturelle qui est extrêmement
puissant.
Mais regarder les anglophones à côté et commencer
à leur faire un procès d'intention m'apparaît non seulement
injustifié, mais tout à fait injuste. Il faut voir comment la
communauté anglophone a, depuis des années, des dizaines
d'années, fait en sorte de s'intégrer, particulièrement
les plus jeunes éléments de la communauté anglophone, dans
la société québécoise dite francophone. Des jeunes
anglophones de mon âge qui ne parlent pas le français de
façon à peu près parfaite, c'est rare, c'est rare. Et les
francophones sont de plus en plus conscients que le bilinguisme de citoyen, le
bilinguisme individuel est de plus en plus l'apanage des jeunes
anglophones.
Rien de plus surprenant... Je ne vais surprendre personne en disant que
le bilinguisme au Québec, à Montréal, est un outil
précieux non seulement d'épa-
nouissement personnel, ce qui est le cas, mais aussi un outil
précieux de contact et de communication partout autour de nous, avec
tous nos marchés, tous nos exportateurs, tous nos importateurs, tout le
milieu des affaires. C'est évident que, dans les emplois qui vont
requérir le bilinguisme, et il y en a de plus en plus qui vont le
requérir, il serait malheureux qu'une situation fasse en sorte de voir
une très grande majorité de jeunes anglophones parfaitement
bilingues reprendre des postes qui doivent être remplis par des gens qui
possèdent l'utilisation d'au moins 2 langues.
Mais le Québec, dans le fond, n'est pas une société
aussi compliquée qu'on voudrait le voir. Les gens qui vivent ici, qui
sont ici depuis des générations, qui ont appris à vivre
ensemble, qui ont appris à synthétiser notre rôle et notre
position dans la société mondiale, entre autres,
réussissent à faire la synthèse suivante qui, en partie,
rejoint celle que le chef de l'Opposition a faite, à savoir que les gens
ici pensent qu'il faut, effectivement, et que c'est un atout, posséder
plusieurs langues.
La maison chez nous ressemble au Québec. J'ai 3 filles qui sont
des adolescentes, qui parlent toutes, évidemment, leur langue
maternelle, qui parlent une langue seconde qui est l'anglais, et les 2 plus
vieilles sont à l'apprentissage de l'espagnol. Quand elles entrent dans
la maison, on parle français. Il n'y a pas de pénalité si
elles veulent écouter un film en anglais ou quand elles sortent une
cassette ou un disque américain ou autre qu'elles apprécient. (2
h 10)
Mais c'est notre modèle de vie. Nous sommes des francophones en
Amérique du Nord, et le fait d'être francophone en Amérique
du Nord ne peut pas nous faire repousser ce que l'ensemble de la culture
nord-américaine nous apporte. Parce qu'elle nous apporte quelque chose,
elle nous fait vibrer au diapason de la planète. La culture
américaine est une culture extrêmement puissante et on ne peut pas
passer à côté. Les Allemands ne passent pas à
côté. Les Hollandais, les Français et les Anglais ne
passent pas à côté. C'est une culture qui a le
mérite d'être probablement la première culture
planétaire, qu'on l'apprécie ou non, mais c'est le cas,
réel, factuel.
Alors, M. le Président, dans les heures à venir,
même s'il est 2 h 10, nous aurons non seulement à défaire
cette motion de scission appportée par le Parti Égalité,
mais nous aurons à avancer dans le sens de la justice, de
l'équité et aussi du sens commun voulu par l'ensemble des
Québécois. Nous aurons, dans cette session-ci, à adopter
le projet de loi 86 qui fera en sorte non seulement d'envoyer un signal
à l'ensemble de la planète que le Québec est une terre
où on est vraiment tolérants, où on est vraiment
compréhensifs du rôle de chacune des sociétés qui
composent notre grande société au Québec, mais nous aurons
aussi à laisser et à envoyer un message à l'ensemble des
membres de notre société, à l'effet que le Parti
libéral du Québec et le gouvernement du Québec veulent
faire en sorte de créer des nouveaux processus ou une nouvelle harmonie
entre nos communautés.
C'est là les intentions véhiculées par le ministre,
c'est là les intentions véhiculées par le gouvernement. Ce
sont là des intentions auxquelles je veux m'associer, et je le ferai
même s'il faut encore passer toute la nuit, passer pour des joyeux
lurons. Il n'y a pas bien de monde qui passe 24 heures par jour à
parlementer pour essayer, en fin de compte, d'améliorer le sort de notre
société. C'est notre rôle, nous allons continuer à
le faire. Mais, M. le Président, sachez que nous repousserons cette
motion de scission de l'Opposition, pour les raisons que je vous ai
évoquées et pour des raisons qui viendront faire en sorte que
nous voulons créer une nouvelle harmonie, une nouvelle façon de
vivre au Québec. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le
député de Saint-Louis. Je vous rappelle que nous sommes à
débattre de la motion de scission proposée par M. le
député de Jacques-Cartier. Mme la députée de
Johnson, votre formation dispose encore de 20 minutes. Je vous cède la
parole.
Mme Carmen Juneau
Mme Juneau: Oui. Je vous remercie, M. le Président. Je
prendrai 10 minutes, et un autre 10 minutes sera investi à mon
collègue, le député de Joliette.
M. le Président, quand j'ai écouté les paroles du
député de Saint-Louis, je suis restée très
surprise, très surprise de l'entendre vanter les mérites de la
loi 86. Je répète ce qu'il a dit: Le respect et la volonté
profonde des Québécois, et il a parlé de Montréal,
comment les gens attendaient ça, et ainsi de suite. Alors, M. le
Président, je suis allée chercher les «Notes biographiques
des députés de l'Assemblée nationale». Je lisais,
dans son curriculum vitae: Élu commissaire à la commission
scolaire Saint-Exupéry en 1975; membre du conseil des commissaires de la
commission scolaire régionale de Chambly; membre du comité
exécutif de la commission scolaire Saint-Exupéry de 1976 à
1978. À la commission scolaire régionale de Chambly, il est
membre du comité exécutif en 1978, responsable du comité
des affaires administratives de 1978 à 1981, vice-président de
1979 à 1981 et président de 1981 à 1985. De 1982 à
1985, il est président général de la
Fédération des commissions scolaires catholiques du
Québec.
Des voix: Bravo!
Mme Juneau: M. le Président, comment se fait-il, s'il
était président général de la
Fédération des commissions scolaires catholiques du
Québec, qu'il n'est pas au courant que le projet de loi 86, selon la
CECM, menace la paix sociale? Un gars qui vient de l'éducation! M. le
Président, il faut ne rien comprendre! Mais il y en a qui, plus ils
parlent, plus ils se calent. J'ai l'impression que c'est ce qu'il a fait
pendant le temps qui lui a été investi pour parler de la loi 86.
Au moins, lui, son curriculum vitae, ça doit être le vrai. Il y en
a
un dans Portneuf pour qui ce n'était pas tout à fait... Il
avait exagéré sur la pédale un peu, ça fait qu'il a
été obligé de démissionner. Mais, lui au moins,
c'est dans le livre, ça fait que ça doit être vrai, M. le
Président.
M. Chevrette: Ce n'est pas sûr; on ne l'a pas
«checké» encore.
Mme Juneau: Mais je ne peux pas croire, M. le Président,
qu'un gars qui vient de l'éducation, comme lui, ne savait pas que la
CECM expliquait ceci: La paix sociale sera menacée. Le Québec
deviendra officiellement une province bilingue et 20 ans de promotion du
français seront remis en question. Les directeurs d'école, les
professeurs, les cadres et les employés de soutien de la Commission des
écoles catholiques de Montréal prédisent les plus graves
problèmes si le projet de loi 86 sur la langue est adopté.
M. le Président, c'est à n'y rien comprendre, les propos
du député de Saint-Louis, à n'y rien comprendre. Un gars
qui vient de l'éducation, qui n'a même pas eu connaissance que la
Commission des écoles catholiques de Montréal a dit tout à
fait le contraire et s'inquiète des effets qu'aura la loi 86 sur
l'ensemble de la population québécoise. M. le Président,
c'est incompréhensible de tenir des propos aussi peu véridiques
par rapport à l'ensemble des commissions scolaires et à
l'ensemble des gens qui trouvent que ça n'a pas de bon sens.
Et, si le député de Jacques-Cartier a demandé qu'il
y ait une scission à travers le projet de loi 86, c'est
véritablement, M. le Président, parce qu'il y avait 2
éléments dans le projet de loi 86, 2 éléments tout
à fait différents l'un de l'autre; un qui parle de la Charte et
l'autre qui parle de l'éducation. C'est la raison pour laquelle il a
demandé cette motion de scission. Lui, en plus de ça, le gars qui
vient de l'éducation, là, il n'a même pas parlé un
instant de la motion de scission. Il n'a pas été assez longtemps
dans les commissions scolaires et ça ne fait pas encore assez longtemps
qu'il est ici, à l'Assemblée nationale pour s'apercevoir qu'on
discutait sur une motion de scission du projet de loi 86.
M. le Président, je ne comprends plus rien. Je ne comprends plus
rien de ce qui se passe ici. Il y en a qui sont déconnectés bien
raide de tout ce qui se passe. M. le Président, c'est inacceptable
d'entendre des propos comme celui-là. Quand je lis les interventions des
organismes qui se sont présentés et qui ont été
favorables au projet de loi 86, je retrouve indubitablement les 2 volets dont
parle le député de Jacques-Cartier. On dit: Favorable à
l'affichage bilingue commercial, selon Alliance Québec, et favorable
à la proposition du projet de loi concernant l'accès à
l'école anglaise. Et de une. Ça, c'est Alliance Québec. Le
Congrès juif, la même affaire, M. le Président: d'accord
avec les dispositions relatives à l'affichage et d'accord avec les
dispositions relatives à l'enseignement d'une autre langue que le
français. Et je pourrais aller... Pour tous les organismes, toutes les
associations qui se sont présentés et qui étaient
favorables, il y avait 2 notions. Il y avait la notion de l'affichage et il y
avait la notion de l'éducation.
Donc, M. le Président, il ne faut pas dire que le
député de Jacques-Cartier s'est trompé en demandant que le
projet de loi soit scindé pour étudier un volet et, après,
l'autre volet. Quand j'ai regardé, M. le Président, les
Townshippers ? ça, c'est de ma région, je les connais ?
ils n'en ont jamais assez. Jamais. Tu donnes 1 pouce, ils prennent 1 pied. Tu
donnes 1 pied, ils en prennent 10. Ça a été un des
premiers en commission parlementaire à venir dire que ce n'était
pas suffisant, la langue. Les Townshippers se disaient déçus des
dispositions sur l'accès à l'école anglaise. L'association
recommande que la loi 101 soit amendée afin de permettre l'accès
aux écoles de langue anglaise pour tous les enfants dont la langue
maternelle est l'anglais. Le statut bilingue accordé à des
municipalités... Là, il y avait un tas de mesures, M. le
Président, un tas de mesures. Donc, toutes les... (2 h 20)
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Un instant, Mme la
députée de Johnson. Mme la députée de Taillon.
Mme Marois: M. le Président, tout le monde sait fort bien
qu'il est très tard ou très tôt le matin, mais ça ne
nous empêche pas d'exercer notre devoir.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Vous demandez le
quorum?
Mme Marois: Je demande le quorum.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Vous demandez le quorum.
Qu'on appelle les députés. (2 h 21 - 2 h 23)
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Allez-y, Mme la
députée de Johnson.
Mme Juneau: Merci, M. le Président. Je remercie ma
collègue parce que je suis bien contente qu'il y ait plus de gens dans
la salle pour écouter les derniers propos que je vais tenir, M. le
Président. Je parlais d'Alliance Québec. Alliance Québec
réclamera dorénavant le libre accès à
l'école anglaise. La position a été adoptée lors du
conseil général du lobby anglophone en fin de semaine. Mais,
écoutez bien ça, ce que le président, Robert Keaton
disait: «II faut interpréter cela comme l'expression du grand
sentiment de frustration qu'éprouve notre communauté.»
Mais comment peuvent-ils éprouver un sentiment de frustration
pendant qu'ils ont des écoles, pendant qu'ils ont des
universités, pendant qu'ils ont des hôpitaux? Nous autres, en
Estrie, on a 10 % d'anglophones, M. le Président. À Lennoxville,
on a l'Université Bishop, on a le collège Champlain, on a le
Sherbrooke Hospital, on a le CLSC pour les anglophones, on a des écoles,
on a tout. Savez-vous qui remplit l'Université Bishop? Des jeunes de
Toronto, des jeunes de l'Ontario parce qu'on n'en a pas assez, M. le
Président. Puis ils sont frustrés? Ah, bien, là, je ne le
prends pas! Ils sont frustrés, M. le Président. Ils sont
frustrés parce qu'ils
n'ont pas assez d'enfants pour remplir leurs écoles.
«C'est-u» triste rien qu'un peu! C'est de valeur!
Je vais vous dire une chose, M. le Président: S'ils sont
frustrés, là, je ne sais pas qu'est-ce qu'on pourrait être,
nous autres, de voir qu'on nous enlève la loi 101, qu'on la diminue,
qu'on arrache ça par pans complets. M. le Président, je ne peux
pas croire qu'il y a des gens de la communauté anglophone qui sont
frustrés de voir des choses semblables. C'est inacceptable, M. le
Président, c'est une loi inacceptable. Et le gars des commissions
scolaires qui a parlé avant moi, le député de Saint-Louis,
là, bien, il n'a rien compris. C'est ça. Il n'a rien compris, M.
le Président, et il faudrait peut-être qu'il commence à
lire les journaux pour s'apercevoir que le monde dans lequel il évoluait
n'est pas, mais pas du tout, de la même idée que lui. Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Je suis prêt
à entendre le prochain intervenant. Il reste à la formation
ministérielle 10 minutes et à la formation de l'Opposition
officielle 8 minutes. Alors, est-ce qu'il y a un autre intervenant?
Une voix: D'un côté ou de l'autre.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): D'un côté ou
de l'autre. Oui, M. le...
M. Chevrette: M. le Président, étant donné
qu'on agit par alternance, est-ce que ça signifie qu'ils ne prennent pas
leurs 10 minutes par alternance et que je pourrai donc prendre 20 minutes?
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Effectivement, le temps
non utilisé par 1 des 2 groupes accroît celui de l'autre groupe.
Alors, vous disposez donc, M. le leader de l'Opposition officielle, pour votre
groupe, de 18 minutes.
M. Guy Chevrette
M. Chevrette: Merci, M. le Président. M. le
Président, dans un premier temps, moi aussi, je voudrais me
référer aux propos du député de Saint-Louis. Il
avait l'air, dans son discours, de dire que, lui, le Montréalais,
connaissait ce qui se passe sur l'île de Montréal. Franchement, M.
le Président, ce bonhomme-là, qui fut à la tête de
la Fédération des commissions scolaires, devrait aller faire un
petit tour à la CECM, d'abord. S'il y a un jugement sévère
qui a été porté sur la langue, M. le Président,
à Montréal, c'est par la CECM. C'était sans
équivoque. Professionnels, enseignants, administrateurs, tout le monde
était unanime à dire que ce projet de loi là, en ce qui
regarde l'école, c'était vraiment condamnable.
M. le Président, le député de Saint-Louis est sur
l'île de Montréal, oui. Je ne sais pas quel comté il aura
à la prochaine élection, à cause du découpage, mais
je dois vous dire, M. le Président, que ça ne dénote pas
un passé bien, bien glorieux comme personne qui a été
à la tête de la Fédération des commissions
scolaires. C'est une méconnaisance complète,
déconnectée. Il est déconnecté, ça n'a pas
de bon sens. Il n'est plus dans le portrait, il n'est plus du tout dans... Il
ne parle plus à son ancien monde qu'il représentait. Comment
peut-il être aussi déconnecté de la réalité
à Montréal? Je n'en reviens pas.
Franchement, je comprends qu'il veut s'installer confortablement dans un
comté non contesté et non contestable ? fort probable ?
mais ce n'est pas le genre d'individu qui tiendrait ces propos-là dans
un comté francophone. Il se ferait ramener sur terre, lui. Je suis
convaincu que le député, par exemple, de la région de
Deux-Montagnes ne tiendrait pas ce genre de propos chez lui, parce qu'il se
ferait avertir. Probablement, même dans sa famille, ils diraient:
Branche-toi. Baisse donc le ton un peu. Prends donc ton temps un petit peu. Le
ramener sur terre, M. le Président, je pense que ça s'imposerait,
ça.
Mais le député de Saint-Louis, qui deviendra
député de Westmount ou qui se présentera dans ce genre
d'agglomération là, M. le Président, ça ne me
surprend pas, à ce moment là, qu'il tienne les propos qu'il
tient, des propos déconnectés, sûr de lui,
indépendamment de ce qui va se passer. La vie est belle, M. le
Président. Ils peuvent afficher sa photo sans qu'il y aille,
probablement, dans son comté, jamais de sa vie, sans qu'il connaisse 1 %
de son électorat. Mais il aura dit un bon mot pour la langue... la
langue anglaise, M. le Président, alors qu'on est en train
d'étudier un projet de loi qui risque carrément d'atténuer
la portée de la loi 178, de la loi 101, loi, M. le Président, qui
a déchiré le Québec, parce que c'est un sujet fort
émotif. On le sait. (2 h 30)
M. le Président, j'ai eu des propos passablement difficiles,
peut-être durs même, envers la ministre de l'Enseignement
supérieur et de l'Éducation au cours des dernières
minutes, durant la motion de report sur la motion de scission du Parti Equality
ou du député de Jacques-Cartier.
M. le Président, je dois vous dire très clairement qu'il
est très, très rare qu'une ministre de l'Éducation ne
tienne pas le discours suivant: le bien de l'enfant, d'abord. Hé qu'on
s'est fait servir ça souvent au cours des années! Moi, je me
souviens, dans les années 1960, 1962, 1967, en particulier, lors du bill
25, pour ceux qui étaient dans l'enseignement et qui peuvent s'en
rappeler, c'était le bien de l'enfant. En 1973-1974, durant les durs
conflits, les confrontations entre enseignants, commissions scolaires et
gouvernement, c'était le bien de l'enfant, c'était toujours le
bien de l'enfant qui primait quand l'État s'apprêtait à
poser un geste.
Moi, j'aimerais, M. le Président, que la ministre actuelle nous
dise de son siège que c'est pour le bien de l'enfant qu'elle fait
ça, sans broncher, là, sans sourire. Vous êtes-vous
imaginé, demain matin, quelque député que ce soit en cette
Chambre, si vous aviez un jeune enfant à l'école qui a des
difficultés d'apprentissage à partir de sa propre langue
maternelle, et on demanderait à votre enfant, qui est en
difficulté d'apprentissage, en
plus d'avoir une immersion dans une langue seconde dans la science
où, précisément, il a de la difficulté...
Vous êtes-vous arrêtés à ça, ceux qui,
potentiellement, ont des enfants à l'école? Est-ce que vous
l'accepteriez? Est-ce que vous accepteriez qu'on fasse ça à votre
enfant? C'est ça, aussi, c'est à ça qu'il faut penser
quand on pose un geste. Moi, je ne suis pas contre l'étude de la langue
anglaise, pas du tout, puis qu'on fasse de l'immersion, puis qu'on parle une
demi-journée par semaine, s'il le faut, en anglais pour apprendre
l'anglais. Mais de l'immersion pour l'acquisition d'une science, c'est
très différent pour celui qui a à enseigner, c'est
très différent. Puis ça, vous ne le dites pas, puis c'est
ça qu'on maintient depuis le début.
C'est ça que la CEQ est venue nous dire, Mme Pagé est
venue nous dire en commission. Mis à part le mépris que lui a
craché au visage le ministre délégué à
l'application de la Charte de la langue française, il n'a pas contredit
Mme Pagé, pas du tout. Elle a soutenu quoi? Elle a soutenu les
mêmes propos qu'on soutient ce soir, M. le Président. Elle ne
faisait pas de politique. Ce n'est pas vrai. N'importe quel pédagogue
qui va venir soutenir ça ici...
Imaginez que vous avez un enfant qui a une difficulté
d'apprentissage dans une science. Vous accepteriez qu'il ait une immersion dans
une autre langue, alors qu'il a de la misère à comprendre la
science dans sa propre langue maternelle? Vous êtes d'accord avec
ça? Allez demander aux spécialistes, allez demander aux
psychologues, allez demander aux pédagogues de carrière ce qu'ils
vont vous dire. Ils disent: Oui, mais écoutez une minute, là,
qu'est-ce que vous pensez? Votre jeune, il n'est même pas capable de
comprendre les maths dans sa propre langue, puis vous essayez de lui bourrer le
crâne dans une langue... Vous allez lui faire entrer les
mathématiques dans une autre langue. Vous doublez sa difficulté
d'apprentissage. Ça ne prend pas un génie pour penser à
ça. Ça ne prend pas un génie. Ça prend juste le
gros bon sens.
Et vous ne dérougissez pas là-dessus. Non, vous avez la
science infuse. Écoutez, là, réfléchissez un petit
peu. On n'est pas là pour se faire plaisir quand on
légifère. On n'est pas là pour dire: Je vais les casser,
puis je vais leur passer sur le corps. Ce n'est pas ça. M. le
Président, on est là pour légiférer, mais en vertu
du gros bon sens, en fonction d'un apprentissage correct pour nos jeunes. Moi,
je vous avoue que je ne vous comprends pas. Quand on a enseigné un tant
soit peu, on le sait comment on a un certain nombre d'élèves qui
ont des difficultés d'apprentissage. Ce n'est pas tous les jeunes qui
peuvent se permettre une immersion dans une classe normale. Ce n'est pas vrai,
ça. Ce n'est pas vrai, ça. On ne peut pas aller enseigner les
mathématiques en anglais si on a le tiers qui ne comprend pas, M. le
Président. C'est grave, ça.
Puis, qu'est-ce que permettent la loi, les amendements à la loi?
C'est exactement ça. Puis c'est ça qu'ils ont tout compris,
à la CECM. On n'est pas tout seuls à avoir l'air fou, là.
La CECM a dit quoi? Exactement ce qu'on dit. La CEQ a dit quoi? Exactement ce
qu'on dit.
Ça commence à faire du monde, ça. Il y a, quoi, 70
000 enseignants, 60 000 enseignants, avec les professionnels, puis tout le
«kit», là? Les cadres scolaires, les directeurs
d'école, tout le monde dit la même chose que nous autres. Non,
non. M. le ministre délégué à l'application de la
Charte de la langue française a dit ceci. Même la ministre de
l'Éducation et de l'Enseignement supérieur n'ose même pas,
M. le Président, vraiment considérer le plan pédagogique.
Ce n'est pas une question de politique, ça. Ce n'est pas une question
d'être, comment dirais-je, anti quelque chose. Si on veut que nos jeunes
apprennent une langue seconde, que ce soit l'anglais, l'espagnol, l'italien,
n'importe quelle langue, qu'on fasse l'enseignement d'une langue seconde. Mais
pour l'acquisition d'une science ou d'une matière, bien, écoutez
une minute, ne plaçons pas nos étudiants, nos enfants, notre
relève en position de difficulté. Moi, je n'en reviens pas. Je
n'en reviens pas pantoute, pantoute. Puis j'ai enseigné, M. le
Président, puis je n'accepte pas ça. Je n'accepte pas
ça.
Quand on enseigne à l'élémentaire, en particulier,
j'ai eu le bonheur de ne faire rien qu'une année, à
l'élémentaire, mais j'ai adoré cela, est-ce que j'aurais
pu me permettre, au moment où j'enseignais en septième
année, M. le Président, d'aller donner des cours à ces
jeunes dans une langue seconde dans l'acquisition d'une science? Voyons. Quand
on leur montrait, je ne sais pas, moi, l'extraction de la racine carrée,
je me rappelle, entre autres. Aujourd'hui, c'est quoi? Je sais que ce n'est
même plus ça. Pensez-vous qu'ils auraient compris, en anglais?
Voyons. Voyons, M. le Président. Arrêtez-vous donc 30 secondes.
Mais ce que je ne comprends pas, c'est que quand on a à
légiférer... En tout cas, moi, j'ai toujours eu comme
réflexe, M. le Président... je me place comme si, moi,
j'étais en situation. Je me dis: Cette loi-là, si elle me
touchait, je l'aimerais ou je ne l'aimerais pas? Si j'avais des enfants, M. le
Président, bien sûr que je serais d'accord pour qu'ils apprennent
2 langues. Bien sûr. Mais est-ce que je serais d'accord, parce que je
connais la pédagogie, pour qu'on essaie de leur montrer une langue au
détriment, possiblement, de l'acquisition d'une matière? C'est
très différent, ça. C'est très, très
différent, et ça, je suis convaincu que ceux qui ont
enseigné comprennent ça. Je suis sûr de ça. Mais
qu'on ne vienne pas me faire accroire, puis je le répète, en
particulier chez les allophones... Dans certaines classes montréalaises,
quand tu as 2 ou 3 Portuguais, tu as 2 Grecs, 3 à 5 italophones, tu as
des...
Une voix: Des Hindous, des...
M. Chevrette: ...Hindous, tu as toutes sortes d'ethnies, ils sont
déjà en immersion francophone, M. le Président. Leur
langue maternelle, ce n'est pas le français, eux. Puis c'est 50 % de la
classe. Imaginez ça, là.
Une voix: Ce n'est pas l'anglais non plus. (2 h 40)
M. Chevrette: 50 %, 60 % dans la classe. Il y a des petits
francophones à 40 %, des allophones à 60 %,
puis là, tu arrives avec l'anglais, immersion anglaise. C'est
quoi qu'on vise, M. le Président? «C'est-u» une
intégration des allophones dans la communauté francophone? C'est
quoi qu'on recherche? Quel est l'objectif du gouvernement actuel?
«C'est-u» l'anglicisation? C'est quoi? On ne nous le répond
pas, hein? Puis, soyez sans crainte, M. le Président. On ne serait pas
capable de nous répondre. Parce que, fondamentalement, c'est ça,
le résultat, par exemple. Alors que pour nous, ce qui est bien
important, comme formation politique, c'est d'abord et avant tout, M. le
Président, la maîtrise et le contrôle et l'apprentissage
d'une science et, bien sûr, avec un programme d'acquisition de
connaissance d'une autre langue, mais pas au détriment de l'acquisition
d'une matière, d'un programme ou d'une science. On se comprend bien.
C'est juste ça qu'on dit. Ce n'est pas plus que ça, mais c'est
important que ça soit cela.
Et quand la CEQ nous dit ça, en commission parlementaire, quand
la CECM prend position publique, quand la centrale CSN prend position, par son
secteur de l'éducation, exactement dans le même sens que nous,
quand des parents nous disent la même chose, ce n'est pas parce qu'ils
sont contre le bilinguisme éventuel de leurs enfants. Ils voudraient
même, pour certains, qu'ils en apprennent 3 ou 4 langues. Ça,
c'est de la richesse, c'est de la culture. Mais la pédagogie, c'est une
autre affaire, et on ne peut pas, on ne peut pas, en aucun temps, à mon
point de vue, mettre en péril l'apprentissage scolaire de nos jeunes
sous prétexte, M. le Président, qu'on veut faire de l'immersion
anglaise. Je pense qu'on ne saisit pas le mot «immersion». Je peux
bien prendre 1 ou 2 de .mes enfants qui décident d'aller dans un bain
d'immersion dans une autre province ou, encore, dans des échanges
même québécois, entre réseau anglais ou
français, à des moments précis, mais, M. le
Président, de là à aller faire de l'immersion dans
l'enseignement d'une science, par exemple, c'est bien différent. J'ai
l'impression qu'on ne saisit pas la nuance, la différence, et je l'ai
bien regardé, le projet de loi. Donc, M. le Président, pour ce
secteur-là en particulier, on va être contre, ça, c'est
clair.
Le deuxième secteur, M. le Président, qui m'amène
à être contre, c'est l'affichage, l'affichage avec la
prépondérance du français. À l'intérieur,
présentement, c'est quoi qui prévaut? Ça l'est, ça.
L'affichage bilingue est permis dans plusieurs surfaces, à
l'intérieur, avec prépondérance du français.
Combien y a-t-il de plaintes? À l'intérieur de certains
édifices, il y a nettement de Funilinguisme anglais ou, encore, c'est
égal, anglais-français. Est-ce qu'on va se promener avec une
règle? Avec un galon, comme on dit? Est-ce qu'on va se promener avec un
pied-de-roi? Avec une verge? On va mesurer, là: C'est 2 3/4 po versus 2
1/4 po, la prépondérance. Vous savez très bien, M. le
Président, que ça ne s'applique pas, ça. Vous savez
même, M. le Président, que, au niveau des couleurs, par exemple,
tu peux avoir des couleurs de 3 po gris pâle, puis 1 po noir, noir ou
rouge vif. Qu'est-ce qui est prépondérant pour l'oeil? Ça
ne se fait pas ça. Ça ne se calcule pas, ça. C'est
inapplicable, ça. C'est fou comme le balai, ça.
N'importe qui va vous dire ça, M. le Président.
Pourtant, le ministre délégué à
l'application de la Charte, il le sait ça, il le sait ça par
rapport à l'application de la Charte actuelle, à
l'intérieur. Pourquoi veut-il faire pareil pour l'extérieur? Pour
que le Québec perde son visage français? Non. Le maire L'Allier
est venu nous le dire, lui, ce qu'il pensait. Le maire Doré, plus
nuancé, effectivement, pour Montréal, qui est dans un contexte
différent, est venu dire: N'arrivez pas avec toutes les grandes
surfaces. C'est très clair. m. le président, moi, je pense que le
gouvernement veut se faire plaisir, purement et simplement. on regarde les
derniers sondages, à part ça, de ce matin, puis on comprend
beaucoup plus l'objectif du gouvernement. le parti equality, qui se maintenait
à 5 %, 6 %, bien, dans le sondage de ce matin, il est à 2 %.
ça veut dire que l'objectif du gouvernement était d'aller
chercher l'électorat du parti equality. eux autres, ou ils se font
hara-kiri avec ça... je ne sais pas pourquoi ils gigotent tant que
ça, d'ailleurs, en passant, parce qu'ils sont sur le point de traverser
la chambre, point final, avec ça. ils vont juste faire voir qu'ils sont
malheureux dans ce contexte-là, mais, dans le fin fond, ils attendent
juste un petit clin d'oeil pour traverser. c'est à se demander s'il n'y
en a pas même qui ont... si tout est cédulé, tout est
programmé, parce que, franchement...
Mais on a voulu quand même, M. le Président, au cours de
cette motion de scission... En ce qui nous concerne, c'est au niveau du
principe. Au niveau du principe, la formation politique qui représente
les indépendants et le Parti Equality a le droit de présenter une
motion. Qu'on soit d'accord ou pas d'accord sur le plan des règlements,
sur le plan des principes, nous, on se devait de défendre leur situation
réglementaire, mais, fondamentalement, je le répète, nous
serons contre cette motion de scission, en ce qui nous regarde. Nous sommes
contre l'ensemble du projet de loi, l'ensemble des principes qui sont contenus
dans ce projet de loi là, tout en laissant à ceux qui y voient
une différence entre certains objets acceptables ou non acceptables de
voter en toute cohérence. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, cette
dernière intervention met fin au débat sur la motion de scission
présentée par M. le député de Jacques-Cartier que
je vais maintenant mettre aux voix: «Qu'en vertu de l'article 241 du
règlement de l'Assemblée nationale le projet de loi 86 soit
scindé en 2 projets de loi: un premier, intitulé Loi modifiant la
Charte de la langue française, comprenant les articles 1 à 21, 35
à 58 et de 60 à 65, et un deuxième projet de loi
intitulé Loi modifiant la Loi sur l'instruction publique, comprenant les
articles 22 à 34 et l'article 59.»
Est-ce que cette motion est adoptée?
Des voix: Qu'on appelle les députés.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Vote nominal. Qu'on
appelle les députés. (2 h 46 - 2 h 50)
Mise aux voix
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Je mets aux voix la
motion suivante, motion de M. le député de Jacques-Cartier qui se
lit comme suit: «Qu'en vertu de l'article 241 du règlement de
l'Assemblée nationale le projet de loi 86 soit scindé en deux
projets de loi: un premier intitulé Loi modifiant la Charte de la langue
française, comprenant les articles 1 à 21, 35 à 58 et de
60 à 65, et un deuxième projet de loi intitulé Loi
modifiant la Loi sur l'instruction publique, comprenant les articles 22
à 34 et 59.»
Que ceux et celles qui sont en faveur de cette motion veuillent bien se
lever, s'il vous plaît.
Le Secrétaire adjoint: M. Libman (D'Arcy-McGee), M.
Cameron (Jacques-Cartier).
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Que ceux et celles qui
sont contre cette motion veuillent bien se lever.
Le Secrétaire adjoint: M. Ryan (Argenteuil), M. Dutil
(Beauce-Sud), M. Elkas (Robert-Baldwin), M. Rivard (Rosemont), M. Middlemiss
(Pontiac), M. Bel isle (Mille-Îles), M. Cusano (Viau), M. Picotte
(Maskinon-gé), Mme Robillard (Chambly), M. Maciocia (Viger), M. Maltais
(Saguenay), M. Philibert (Trois-Rivières), M. Chagnon (Saint-Louis), M.
Paradis (Matapédia), M. Lemire (Saint-Maurice), M. Poulin (Chauveau), M.
Thé-rien (Rousseau), M. Williams (Nelligan), M. Dauphin (Marquette), M.
Fradet (Vimont), M. Farrah (îles-de-la-Madeleine), M. Lemieux (Vanier),
M. Messier (Saint-Hyacinthe), M. Richard (Nicolet-Yamaska), M. Bradet
(Charlevoix), M. Gauvin (Montmagny-L'Islet), M. Gau-trin (Verdun), M. Forget
(Prévost), M. LeSage (Hull), M. Bergeron (Deux-Montagnes), M. Bordeleau
(Acadie), Mme Boucher Bacon (Bourget), M. Parent (Sauvé), M. Brouillette
(Champlain), Mme Loiselle (Saint-Henri), M. Lafrance (Iberville), M. MacMillan
(Papineau).
M. Chevrette (Joliette), Mme Blackburn (Chicou-timi), M. Blais (Masson),
Mme Marois (Taillon), M. Jolivet (Laviolette), M. Baril (Arthabaska), Mme
Juneau (Johnson), Mme Caron (Terrebonne), M. Dufour (Jon-quière), M.
Lazure (La Prairie), M. Léonard (Labelle), Mme Vermette
(Marie-Victorin), M. Paré (Shefford), M. Morin (Dubuc), M. Holden
(Westmount), M. Bois-clair (Gouin), M. Trudel
(Rouyn-Noranda?Témisca-mingue), Mme Carrier-Perreault (Les
Chutes-de-la-Chaudière).
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Est-ce qu'il y a des
abstentions?
Le Secrétaire: pour: 2 contre: 55 abstentions: 0
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, la motion est
rejetée.
Reprise du débat sur l'adoption du
principe
Nous revenons au débat sur la motion originale qui se lit comme
suit, c'est-à-dire proposée par M. le ministre responsable de
l'application de la Charte de la langue française, proposant l'adoption
du principe du projet de loi 86, Loi modifiant la Charte de la langue
française.
Je suis prêt à reconnaître le prochain intervenant.
M. le député de La Prairie, vous avez droit à une
intervention de 20 minutes.
M. Denis Lazure
M. Lazure: Merci, M. le Président. S'il y a encore un
certain nombre de téléspectateurs, téléspectatrices
qui regardent les débats...
Des voix: Ha, ha, ha! M. Lazure: .. .je pense...
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Un instant! Un instant!
Un instant! Un instant, M. le député de La Prairie. Un instant!
S'il vous plaît! S'il vous plaît! M. le député de
Chauveau, s'il vous plaît!
M. le député de La Prairie, allez-y.
M. Lazure: Alors, M. le Président, j'allais dire que les
gens qui suivent ce débat, puisqu'il y en a encore un certain nombre
d'insomniaques, vont, j'en suis sûr, M. le Président, être
révoltés de voir un gouvernement qui est au milieu d'une
récession extrêmement grave, alors que le taux de chômage
est de 13,4 %, alors que le nombre des personnes assistées sociales
atteint des records jamais vus, au-delà de 755 000 personnes qui doivent
être à l'aide sociale, donc, M. le Président, à un
moment où la société québécoise traverse une
période économiquement très difficile, ce gouvernement non
seulement ne présente rien dans son budget pour relancer
l'économie et procurer des emplois, mais ce gouvernement, pour cacher un
peu son inertie, sa négligence en matière économique et,
en même temps, pour satisfaire l'électorat anglophone, vient nous
présenter un projet de loi qui va saboter gravement la loi 101.
M. le Président, j'entendais, tout à l'heure, le
député de Saint-Louis nous dire que ce projet de loi allait
rétablir l'harmonie. Mais, M. le Président, ce
député ne vit pas sur la même planète que nous.
L'harmonie linguistique, la paix sociale concernant la langue, nous l'avions
depuis 15 ans au Québec, pour la première fois depuis longtemps,
puisque les 15 années précédentes ont vu 2 tentatives. En
1974, le gouvernement Bourassa, version 1, avec son projet de loi 22, qui a
semé la pagaille dans la société québécoise
et qui a creusé son propre tombeau pour l'élection de 1976. Un
peu avant ça, en 1968, le gouvernement Bertrand, par son projet de loi
63, avait aussi semé
la zizanie.
Pourquoi, M. le Président, ces deux projets de loi
antérieurs à la loi 101, le 22 et le 63, avaient tellement
créé de discorde au Québec? Parce que, fondamentalement,
ils allaient contre les aspirations de la majorité du peuple
québécois, et ils tentaient de ménager la chèvre et
le chou. Us en donnaient un peu aux anglophones, mais pas suffisamment à
leur goût, et ils en enlevaient un peu beaucoup aux francophones. Le
projet de loi 63, comme le projet de loi 22, ont été
rejetés massivement par la population, et de façon
démocratique. Seule la loi 101 a recueilli l'accord très,
très majoritaire au Québec, si bien qu'aucun groupe, sauf
Alliance Québec, aucun groupe de quelque importance que ce soit, M. le
Président, n'a réclamé le projet de loi que ce
gouvernement nous présente actuellement.
Bien sûr, les débats sur la langue, ça ne date pas
d'hier, ou ça ne date même pas des deux, trois décennies
dont je parlais tantôt. On n'a qu'à regarder au-dessus de vous, M.
le Président, le tableau que nous avons dans ce salon bleu, c'est le
débat sur la langue, le premier débat de l'Assemblée
législative, en 1792, avec le président Panet, votre premier
prédécesseur, M. le Président. Pourquoi avait-on, il y a
200 ans, ce débat? On l'avait parce que la minorité de
députés anglophones voulait imposer la langue anglaise comme
seule langue de communication à l'Assemblée législative,
M. le Président; c'était la minorité anglophone qui
voulait imposer sa loi, et ça se comprend, parce qu'il y avait eu la
Conquête. Il ne faut quand même pas essayer de faire croire qu'il
n'y en a pas eu de Conquête, il y en a eu une. Ça a existé,
ça, les Plaines d'Abraham, M. le Président, même si
ça fait longtemps.
Je pense que les gens en face de nous, qui veulent oublier l'histoire,
font une grave erreur. Le débat sur la langue a été le
premier débat de cette première session de l'Assemblée
législative, et le débat n'a jamais cessé; et la seule
période où il a véritablement cessé, je le
répète, M. le Président, c'est de 1977 à venir
jusqu'à récemment, 15 ans. Et, pour aller chercher un certain
pourcentage de votes, ce gouvernement du Parti libéral est en train de
venir chambarder l'harmonie, de venir fausser le climat, de venir vicier le
climat qui existait, le climat relativement serein qui existait depuis une
quinzaine d'années. (3 heures)
Le projet de loi 86 vient amoindrir la position du français au
Québec, et personne dans la communauté francophone, M. le
Président, ne comprend pourquoi la loi 101 devrait être
diminuée. Parce que c'est ça que la loi 86 fait. D'ailleurs, il y
avait un excellent editorial de Mme Bissonnette dans Le Devoir, qui le disait
carrément, au mois de mai: la fin de la Charte. Parce qu'en
réalité ça n'existe pas, une prédominance. La loi
101, la Charte de la langue française consacrait le français
comme langue officielle, seule langue officielle au Québec. Et, avec la
loi 86 vont apparaître maintenant, de manière officielle, 2
langues.
Parlons d'abord de l'affichage, M. le Président. Tout le monde
comprend qu'à partir du moment où cette loi 86 sera en vigueur et
qu'on affichera en anglais aussi bien qu'en français, même si les
caractères anglais sont plus petits que les caractères
français, tout le monde comprendra, surtout les nouveaux arrivés,
que, dorénavant, il y a 2 langues qu'on peut parler au Québec,
l'anglais et le français. Et on a le choix. Et même si, pour
encore un bout de temps, avec ce gouvernement qui est en face de nous, la
fréquentation de l'école française est obligatoire, le
message est quand même lancé aux immigrants: Acceptez cette
épreuve d'envoyer vos enfants à l'école française
pendant un certain nombre d'années. Ne vous en faites pas; lorsque votre
enfant arrivera au niveau collégial, il pourra aller du
côté anglais. Au niveau universitaire, il pourra aller du
côté anglais. Et, quand il travaillera, puisque, maintenant,
l'anglais est permis dans l'affichage, pourquoi est-ce qu'il ne travaillerait
pas en anglais? m. le président, il est bien évident que la
pression sociale qui serait créée par l'apparition de l'anglais,
après 15 ans d'affichage unilingue français, que cette pression
sociale va amener les entreprises à tolérer de plus en plus que
l'anglais devienne langue du travail. d'ailleurs, on le sait, actuellement, il
y a à peine 50 % de la main-d'oeuvre dans la grande région de
montréal qui travaille en français. les acquis, les gains que le
français a faits depuis une quinzaine d'années sont fragiles, m.
le président. et c'est ça que ce gouvernement n'a pas l'air de
comprendre, à commencer par le ministre responsable de la charte.
C'est un débat que ce gouvernement a suscité,
piloté par celui qui, au moment où il était encore
journaliste, directeur du Devoir, en 1977, s'était opposé
farouchement à la loi 101. On ne peut pas dire, M. le Président,
qu'il n'a pas de suite dans les idées. Il poursuit actuellement le
combat qu'il avait commencé il y a 15 ans. Il y a eu, entre-temps,
depuis 1977, différentes étapes dans sa carrière
mouvementée, y compris une certaine période à la chefferie
du Parti libéral, mais il y a, chez ce ministre responsable de la Charte
de la langue française, une espèce de détermination
à mettre la hache dans la loi 101. Il a toujours rejeté la loi
101, et le projet de loi qu'il nous présente aujourd'hui aura pour effet
de faire reculer le français de façon très importante.
Ce gouvernement a essayé de culpabiliser les francophones
québécois en leur disant: Soyez généreux. Soyez
ouverts. Soyez tolérants. Vous voulez que vos enfants deviennent
bilingues, pourquoi est-ce que ce n'est pas tout le Québec qui devrait
devenir bilingue, dans l'affichage, en ouvrant les écoles? M. le
Président, essayer de faire croire à la population que le Parti
québécois s'oppose au bilinguisme des individus, c'est tout
à fait machiavélique et digne du ministre responsable de la
Charte. Autant le chef de l'Opposition, qui en a parlé plusieurs fois
publiquement, que tous les députés de l'Opposition, nous sommes
favorables à l'apprentissage d'une deuxième langue, d'une
troisième langue, d'une quatrième langue. Mais, en même
temps, nous disons que la façon pour un individu de fonctionner, ce
n'est pas la même chose que pour une société. Une
société de
6 000 000 de parlant français, qui vit à
l'intérieur d'une mer de 300 000 000 de parlant anglais, une telle
société, si elle veut garder son caractère
français, doit se défendre, et ce n'est pas le cas d'un individu.
L'individu peut parler 1, 2, 3, 4 langues, ça ne pose pas de
problème.
M. le Président, il y a plusieurs sociétés qui
étaient majoritairement francophones et qui, par manque de protection de
la langue française et par l'invasion d'une multitude de parlant
anglais, sont devenues assimilées. Qu'on pense aux Franco-Manitobains,
qu'on pense aux Franco-Albertains, qu'on pense aux Franco-Ontariens, et pour ne
pas parler des Franco-Américains qui, par millions, se sont
assimilés.
Deux mots, M. le Président, sur certaines dispositions de la loi
qui ont trait à l'école. Non seulement ce projet de loi va venir
changer le visage français du Québec, mais, par toutes sortes de
détours très habiles, va permettre aux enfants anglophones, aux
enfants allophones de retourner à leurs premières amours, pour
ainsi dire, de retourner à l'école anglaise. Il y a même un
article, M. le Président, que je trouve particulièrement
révoltant, l'article 30. L'article 30 dit que, dans le cas des
élèves éprouvant des difficultés d'apprentissage,
la possibilité leur est offerte de fréquenter l'école
anglaise, et c'est même applicable, automatiquement, à leurs
frères et leurs soeurs même s'ils ont déjà
fréquenté l'école française.
M. le Président, le message qu'un tel article transmet, c'est
qu'apprendre le français, ça va rendre vos troubles
d'apprentissage encore plus graves; donc, il faut que vous alliez du
côté anglais. En allant du côté de l'école
anglaise, vous allez voir, autant parce que vous allez être bien
reçus que parce que la langue anglaise, soi-disant, est plus facile, vos
troubles d'apprentissage vont s'améliorer. M. le Président, c'est
la première fois, dans ma carrière de psychiatre pour enfants,
que j'entends une telle théorie, que la langue anglaise va devenir une
forme de traitement pour les troubles d'apprentissage. M. le Président,
je pense...
Une voix: La thérapie par...
M. Lazure: Oui, la thérapie par la loi anglaise, c'est une
théorie tout à fait spéciale qu'a élaborée
le député d'Argenteuil et qui ne résisterait pas à
l'examen scientifique. (3 h 10)
Parlant du député d'Argenteuil, M. le Président, je
pense qu'il faut souligner le caractère tout à fait autoritaire
qu'a adopté le ministre responsable de la langue. Depuis le début
de ce débat, d'abord en amenant son gouvernement à endosser sa
proposition, de dire: C'est moi, le député d'Argenteuil, qui vais
décider quels sont les groupes qui vont venir à la commission
parlementaire. Et il a même eu l'audace et l'effronterie de refuser de
recevoir le Conseil de la langue française dont le principal mandat,
comme le nom le dit, est de conseiller le ministre. Et le ministre avait de
bonnes raisons de ne pas vouloir recevoir le Conseil de la langue
française. Parce que si on lisait les avis écrits que ce Conseil
lui avait fournis, on se rendrait compte qu'ils sont tout à fait
opposés à ce projet de loi. Mais il n'a pas eu le courage
d'accepter que le Conseil, ses avi-seurs, ses conseillers, viennent le dire
devant les caméras.
Ce qu'il a dit, lui, cependant, devant les caméras, M. le
Président, c'est tout à fait honteux. Rappelons-nous qu'il a
comparé les Québécois francophones à l'Afrique du
Sud. Le ministre responsable de la langue a même rigolé lorsqu'un
certain groupe a parlé d'une soi-disant intolérance des
Québécois francophones. M. le Président, le ministre
responsable de la langue a fait preuve de la même hargne, de la
même mesquinerie que ce qu'on avait vu chez ce personnage lors de la
victoire du Non au Référendum. Non seulement il était
mauvais gagnant, mais aussi il est un mauvais pilote d'un projet de loi. Il est
un pilote autoritaire, antidémocratique. Et c'est lui qui faisait la
leçon et qui fait encore la leçon à tout le monde.
On se rappelle que, en 1977, justement, lorsqu'il était directeur
du Devoir, le ministre critiquait le gouvernement et il donnait des conseils au
gouvernement, et je le cite, son editorial du Devoir, en 1977:
«L'expérience enseigne que les ministres passent plutôt
vite. Aussi, est-il plus sûr, si l'on veut assurer l'avenir, de se
reposer sur des textes clairs plutôt que sur des paroles d'un ministre,
si bien intentionné soit-il.» Aujourd'hui, on voit le même
personnage qui, en étant ministre, nous présente un projet de loi
sans déposer les règlements. Lorsqu'il était journaliste,
il passait son temps à réclamer que le gouvernement dépose
des règlements en même temps qu'un projet de loi.
Alors, M. le Président, je vois que le temps qu'on m'alloue est
presque terminé. Je voudrais quand même rappeler que ce projet de
loi est une porte ouverte à Fanglicisation. Ce projet de loi va faire
reculer le français. Ce projet de loi, il est une atteinte au statut du
français, non seulement une atteinte au statut de la langue
française, qui va être diminuée, mais aussi une atteinte
à ceux qui utilisent la langue française.
Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, merci, M. le
député de La Prairie.
Alors, sur ce même sujet, nous en sommes à l'étape
de la deuxième lecture, l'adoption du principe du projet de loi 86, Loi
modifiant la Charte de la langue française, et je cède la parole
à M. le ministre des Approvisionnements et Services.
M. le ministre, la parole est à vous.
M. Robert Dutil
M. Dutil: M. le Président, la volonté de la
majorité francophone du Québec de protéger sa langue a
entraîné de multiples débats au cours des 2 siècles
de parlementarisme de notre histoire. Plusieurs lois ont été
adoptées au cours des dernières décades en vue de
confirmer cette protection.
Il y eut, entre autres, la loi 22, adoptée en 1974,
qui établissait le français comme la seule langue
officielle au Québec. Il y eut la loi 101, adoptée en 1977, qui
établissait, entre autres, les critères d'admissibilité
à l'école anglaise, les règles en matière de langue
de travail et les règles en matière de langue d'affichage. La
constitutionnalité de cette dernière loi fut
ultérieurement soumise à la Cour suprême du Canada et,
entre-temps, la Constitution avait été modifiée en 1981.
Une Charte des droits et libertés y est maintenant incluse depuis cette
date. La loi 101 devait donc, dorénavant, être
interprétée en fonction de celle-ci.
La Cour suprême rendit un jugement concernant la langue
d'affichage, en décembre 1988. Ce jugement stipulait que, si le
gouvernement pouvait légitimement imposer la primauté du
français dans l'affichage, il ne pouvait pas prohiber l'usage d'une
autre langue sans enfreindre la liberté d'expression prévue dans
la Charte des droits et libertés. C'est suite à ce jugement que
notre gouvernement décida d'utiliser une clause prévue à
la Charte des droits et libertés. Cette clause est connue sous le nom de
la clause «nonobstant». Elle nous permet d'adopter une loi
malgré la Charte des droits et libertés, mais les articles
couverts par ce «malgré» ne peuvent dépasser la
durée de S ans, à moins d'être à nouveau
adoptés par l'Assemblée nationale après cette
période.
La loi que l'Assemblée nationale a adoptée, il y a
bientôt S ans, le 21 décembre 1988, et connue sous le nom de la
loi 178, permettait, à l'intérieur des commerces, en autant que
le français y soit prédominant, l'affichage dans d'autres
langues, mais prohibait, nonobstant ou malgré la Charte des droits et
libertés, l'affichage à l'extérieur dans une autre langue
que le français.
Ne pas se soumettre à une charte qui prévoit le respect
des droits et libertés, même si cette charte prévoit une
possibilité d'exclusion, est une décision grave. C'est la raison
pour laquelle cette exclusion n'a été prévue que pour une
durée temporaire. Cette durée limitée oblige à
refaire le débat sur sa justification et, le cas échéant,
de ne plus invoquer la clause «nonobstant».
Il est important de noter, au passage, que le Québec a
lui-même adopté sa propre Charte des droits et libertés
sous l'ancien gouvernement et que la prohibition d'afficher dans une autre
langue contrevient également à cette charte entièrement
québécoise. Qui plus est, M. le Président, une plainte
logée à la Commission des droits de l'homme de l'Organisation des
Nations unies a donné raison au plaignant contre le gouvernement du
Québec.
La loi 178 contrevient également à l'article 19 de la
Déclaration universelle des droits de l'homme que le Canada s'est
engagé à respecter. Cet article se lit comme suit: Tout individu
a droit à la liberté d'opinion et d'expression, ce qui implique
le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui
de chercher, de recevoir et de répandre, sans considération de
frontières, les informations et les idées par quelque moyen
d'expression que ce soit. Fin de la citation.
Plusieurs de nos concitoyens se demandent pourquoi les gouvernements
élus démocratiquement doivent se soumettre à des chartes
du genre de celle que je viens d'énumérer. M. le
Président, tout simplement parce que l'alternative, c'est-à-dire
de ne pas avoir de charte, entraînerait des abus que nos contemporains
sont portés à oublier. Ce sont ces abus de la part des
gouvernants qui ont justement conduit à restreindre les pouvoirs remis
entre leurs mains.
Le premier exemple d'une pareille charte, connue sous le nom de la
«Magna Carta», remonte à 1215, en Angleterre, où les
barons l'imposèrent au roi de l'époque en vue de protéger
les libertés des sujets du royaume. Un «Bill of Rights» fut
également voté par le Parlement anglais lors de la glorieuse
révolution, en 1688, et le premier geste du congrès élu
sous l'égide de la nouvelle Constitution des États-Unis, en 1789,
il y a plus de 2 siècles, M. le Président, fut de voter 10
amendements à cette Constitution en vue d'assurer leur population que
leurs droits et libertés seraient respectés par le nouveau
gouvernement central. Lors de la Révolution française,
également, en 1789, la toute nouvelle Assemblée nationale de
cette époque vota la «Déclaration des droits de l'homme et
du citoyen».
Quant à l'Organisation des Nations unies, il est sans doute utile
de rappeler qu'elle fut créée à la suite d'un
désastre d'une dimension inconnue dans toute l'histoire de
l'humanité, c'est-à-dire la Deuxième Guerre mondiale.
Cette guerre avait été initiée par Adolf Hitler, un
dictateur raciste et sanguinaire de l'Allemagne, de 1933 à 1945, et plus
de 40 000 000 d'hommes et de femmes perdirent la vie entre le 3 septembre 1939
et le 9 août 1945, la période, donc, couverte par cette guerre.
Dans cette guerre, il y eut plus de morts parmi les civils que parmi les
soldats, pour une des premières fois dans l'histoire, également,
des nombreuses guerres de l'histoire de l'humanité. Alors, les
vainqueurs de cette époque ont voulu créer un rempart contre la
répétition d'une pareille calamité. (3 h 20)
On peut bien reprocher beaucoup de choses à l'Organisation des
Nations unies, et il s'agit évidemment d'un organisme relativement
jeune. Il faut toutefois reconnaître qu'il a fait plus pour le maintien
de la paix et le respect des droits de l'homme que tout autre organisme
international. Et l'un de ses apports les plus importants pour cette
liberté à laquelle tant d'êtres humains aspirent encore en
vain, aujourd'hui, fut certainement la Déclaration universelle des
droits de l'homme de 1948.
Et d'ailleurs, à cet égard, M. le Président, il est
intéressant de noter que la commission des droits de l'homme, qui avait
été créée en 1946, fut présidée par
Mme Eleanor Roosevelt ? veuve du président américain,
Franklin Delano Roosevelt, qui s'était fait, lui, le promoteur de la
création de l'organisation des États unis ? et
coprésidée, également, par un Français, un
nommé René Cassin. Alors, donc, la coprésidente
était issue de la tradition anglaise et le coprésident
était issu, lui, de la France, donc, de la tradition française.
Anglophones et francophones ont présidé ensemble à la
naissance de la déclaration la plus importante, au niveau international,
sur les droits et libertés de l'homme.
C'est cette commission qui nous dit, aujourd'hui,
que notre loi linguistique ne respecte pas la clause 19 de la
Déclaration universelle des droits de l'homme. On ne peut pas,
raisonnablement, ne pas tenir compte de ce jugement. On ne peut pas,
raisonnablement, renouveler la clause «nonobstant», sachant que non
seulement cette clause va à rencontre de la Charte
québécoise des droits et libertés, que non seulement cette
clause va à l'encon-tre de la Charte canadienne des droits et
libertés, mais qu'en plus la commission des droits de l'homme de
l'Organisation des Nations unies juge qu'elle va à l'encontre de la
Déclaration universelle des droits de l'homme.
Notre pays est réputé à travers le monde entier
pour son pacifisme et sa tolérance, et cela, à juste titre. Le
Canada est un exemple de cohabitation pacifique de 2 groupes linguistiques.
Depuis 2 siècles, le courant de tolérance a dominé le
courant d'intolérance; rares furent les crises qui ont
dépassé le conflit verbal. C'est à ce même courant
de tolérance que notre gouvernement fait aujourd'hui appel, en proposant
l'adoption du projet de loi 86, qui a pour but principal non pas d'imposer le
bilinguisme dans l'affichage, mais d'obliger l'affichage en français de
façon prédominante sans empêcher l'affichage, en même
temps, d'une autre langue. Cette façon de faire nous permet à la
fois d'indiquer clairement que la langue officielle du Québec est le
français, et cela, sans équivoque. Mais cela nous permet
également de montrer que le Québec sait respecter les
différences et accepter la libre expression, tel que le prévoient
les diverses chartes des droits et libertés dont j'ai parlé plus
haut.
M. le Président, le projet de loi 86 prévoit
également une autre mesure sur laquelle je désire m'arrêter
un peu plus longuement. Il s'agit de la possibilité d'utiliser la
technique d'immersion en langue anglaise pour certaines périodes, au
niveau scolaire. Cette mesure a soulevé des objections de principe de la
part de l'Opposition. Il s'agit pourtant d'une mesure pédagogique qui a
fait ses preuves pour l'apprentissage d'une autre langue.
La formation actuelle, aux niveaux primaire et secondaire, est nettement
insuffisante pour maîtriser la langue seconde dans un milieu francophone
homogène comme le comté de Beauce-Sud, que je représente
à l'Assemblée nationale. La Beauce fut l'une des rares
régions à être colonisées sous le Régime
français ? les concessions seigneuriales y remontent, en effet,
à 1735 ? et elle garda toujours son caractère presque
exclusivement francophone.
Dans un milieu comme celui-là, et avec le niveau d'apprentissage
actuellement prévu à l'école, les enfants ne savent pas
parler anglais au sortir du secondaire V. Les parents qui désirent que
leurs enfants puissent se débrouiller en langue anglaise doivent pallier
à cette déficience soit en envoyant leurs enfants dans des camps
anglais durant l'été, soit en leur faisant suivre des cours
particuliers, soit en prenant avec eux des vacances dans un milieu uniquement
anglophone. Est-il utile de dire que ce n'est pas à la portée de
toutes les bourses? Les citoyens de ma circonscription électorale
seraient pourtant en droit de s'attendre à ce qu'un apprentissage de la
langue seconde soit suffisant dans le milieu scolaire pour leur éviter
pareille contrainte.
Une pétition de plus de 8000 noms de ma région, M. le
Président, fut d'ailleurs déposée au ministère de
l'Éducation en vue d'accroître l'apprentissage de la langue
seconde. Vouloir posséder les 2 langues officielles du pays est une
preuve d'ouverture d'esprit; le danger d'assimilation dans une région
comme la mienne est complètement nul.
M. le Président, le projet de loi 86 prévoit quelques
autres corrections qui, bien que moins publicisées que la partie
concernant l'affichage et l'immersion possible dans le milieu scolaire, ont
leur importance, et vous me permettrez d'élaborer rapidement sur
celles-ci.
Le premier. On parle que le retrait du statut particulier, du statut
bilingue, à certains organismes municipaux et scolaires ou de
santé et services sociaux, soit dorénavant un pouvoir du
gouvernement, après une demande en ce sens présentée par
l'organisme. Il m'ap-paraît, suite à l'expérience
particulièrement de la municipalité de Rosemère, qu'il
s'agit là d'une mesure correcte, utile et prudente. Si on se rappelle la
question de Rosemère, on a vu cette municipalité qui risquait de
perdre son statut bilingue, puisque la majorité de cette
municipalité était devenue francophone. La municipalité de
Rosemère a décidé, on s'en rappellera, M. le
Président, de tenir un référendum à ce
sujet-là, et le résultat fut sans équivoque. Le
résultat démontrait la tolérance et la
générosité des habitants de Rosemère, puisque la
très grande majorité a voté pour le maintien du statut
bilingue. Et quand on décortique le vote, on peut facilement se rendre
compte qu'une majorité de francophones avait également
voté pour le maintien du statut bilingue de la ville de
Rosemère.
Une autre mesure importante est la fréquentation de
l'école anglaise pour des élèves en séjour
temporaire au Québec, où il y aura un certain
élargissement qui m'apparaît tout à fait correct. Le projet
de loi vise également à rendre l'article 73, concernant
l'admissibilité à l'école anglaise, conforme à la
pratique établie depuis le jugement de la Cour suprême de 1984.
Ainsi, les élèves ayant reçu leur enseignement primaire en
anglais au Canada, ou les enfants de parents qui ont eu accès à
cet enseignement au Canada, sont admissibles à l'école anglaise.
Déjà appliquée au Québec depuis 1984, la clause
Canada n'avait cependant pas été insérée dans le
texte de la Charte de la langue française, et elle le sera
dorénavant avec le projet de loi 86.
Également, en matière de sécurité
routière, le projet de loi réaffirme la règle de
l'unilinguisme français dans la signilisation, tout en autorisant le
recours à des symboles ou à des pictogrammes. Mais il
prévoit aussi qu'à défaut de symboles ou de pictogrammes
significatifs l'affichage en français pourra être
accompagné d'une autre langue, lorsque la santé et la
sécurité publique l'exigent.
Le projet de loi clarifie également certains articles ayant trait
au processus de francisation des entreprises et précise certaines
dispositions relatives aux entreprises de 50 employés et plus, qui
doivent obtenir un certificat de
francisation. Ces modifications visent, entre autres, à
intégrer le concept de permanence au processus de francisation. Une fois
obtenu le certificat de francisation, l'entreprise devra désormais
remettre à l'Office de la langue française, à tous les 3
ans, un rapport sur l'évolution de l'utilisation du français au
sein de cette même entreprise.
Une autre mesure, M. le Président, du projet de loi 86. Au cours
des dernières années, la Commission de protection de la langue
française, organisme chargé de traiter des questions qui se
rapportent au défaut de respect de la loi, a connu une nette
décroissance de ses activités, en raison du taux de plus en plus
élevé de conformité à la loi. Et reconnaissant la
nécessité de maintenir le mandat de cet organisme, malgré
la décroissance de ses activités, le gouvernement propose de
transférer son mandat à l'Office de la langue française.
L'Office sera habilité à désigner des personnes
chargées de vérifier l'application de la loi et des
règlements.
Un autre point. Le projet de loi vise à clarifier le chapitre sur
la langue de la législation et de la justice, afin de le rendre conforme
à la pratique qui a cours depuis le jugement de la Cour suprême,
en 1979. Et, enfin, le projet de loi place sous la responsabilité
exclusive du gouvernement les pouvoirs de réglementation auparavant
partagés avec les différents organismes de la Charte.
M. le Président, le ministre responsable de la Charte de la
langue française et député d'Argenteuil nous propose donc
un rafraîchissement de cette loi qui s'avère nécessaire
puisque la loi 101 a été adoptée en 1977, il y a
maintenant 16 ans, et que l'usage nous a permis d'en découvrir les
failles. J'appuie donc le projet de loi 86, et j'espère que ce point de
vue sera partagé par l'Assemblée nationale.
Merci, M. le Président. (3 h 30)
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le ministre
des Approvisionnements et Services.
Sur ce même sujet, je reconnais M. le député de
Jonquière, vice-président de la commission de l'agriculture, des
pêcheries et de l'alimentation. M. le député, la parole est
à vous.
M. Francis Dufour
M. Dufour: Merci, M. le Président. Juste un petit rappel
sur ce que le ministre des Approvisionnements et Services vient de nous servir.
Il prend des droits individuels et il franchit allègrement de l'individu
à l'entreprise. Donc, quand on parle de la liberté individuelle,
il faut s'en tenir aux libertés individuelles. Mais, lorsqu'on se base,
sur un jugement de l'ONU pour franchir ce pas-là allègrement et
l'étendre à toute corporation ou à tout groupe
d'individus, il me semble que le pas est vite franchi et il me semble que c'est
faible au point de vue de l'argumentation.
C'est la première fois, M. le Président, que j'interviens
sur ce projet de loi, Loi modifiant la Charte de la langue française,
projet de loi 86. Ce projet de loi, à mes yeux, sous son couvert de
générosité et selon les dires du responsable de la Charte
de la langue, représente certaines générosités
envers les autres. Ce qu'on oublie de dire, par exemple, c'est qu'à
travers cette générosité il y a un danger qui nous guette
réellement, et ce danger, par toutes les facettes de ce projet de loi,
c'est d'abord de nous faire prendre conscience que, sous le couvert de la
générosité, les Québécois francophones
pourraient aller jusqu'à faire disparaître leur langue au profit
des autres. Et, ça, j'appelle ça presque de
l'héroïsme. Et, moi, je trouve que c'est dangereux d'essayer de
passer un sapin ou de passer un Québec aussi rapidement à la
population. C'est clair que le ministre responsable veut aller
complètement au bout de son idée, au bout de ce que lui pense.
Parler de générosité, à ce moment-ci, avec ce
projet de loi, ce serait faire preuve, à mon point de vue, de
naïveté. Mais, celui qui le présente, je ne crois pas qu'il
soit naïf. Donc, il peut avoir une autre action ou il peut avoir une autre
visée à travers ça: c'est ce que je peux appeler presque
du machiavélisme. C'est un peu ça qu'on va chercher puisqu'on
s'attaque aux fondements mêmes de la langue.
Et je voudrais surtout parler de ce qui touche la langue du travail.
Lorsqu'on a établi la Charte de la langue française, un des pans
complets de cette Charte parlait de la langue du travail. Pourquoi on parlait
de ces principes? C'est parce que, effectivement, pendant de nombreuses
années ou, pour tout dire, depuis le début, les
Québécois étaient obligés de travailler dans la
langue du boss. Chez nous, c'était un peu comme ça que ça
se passait. Et j'ai eu connaissance des grandes entreprises qui sont venues
s'installer au Sague-nay?Lac-Saint-Jean, où la langue anglaise
était vraiment la langue... C'était la langue de la
minorité, mais, au point de vue du travail, c'était la langue
parlée, la langue sur laquelle on se basait pour négocier des
conventions collectives, pour établir des relations entre les individus,
ce qui fait que seuls les noms à consonance anglophone ou
étrangère et quelques rares exceptions francophones
maîtrisant en partie la langue anglaise pouvaient obtenir des jobs. C'est
un peu comme ça que ça s'est passé, et c'est un peu
ça que la Charte de la langue française a fini par
rétablir quelque peu...
Elle a donné suite, en fait, à une pratique qui
commençait à s'établir chez nous. Les syndicats, avec le
nombre de personnes qu'ils représentaient, ont fini par faire accepter
de respecter leurs droits, c'est-à-dire qu'il ont fait accepter, par les
compagnies, de parler la langue de la majorité. Et c'était bien
que ça se fasse comme ça. Mais, pour ce faire, lorsque la Charte
de la langue française a été établie, ça a
accentué ce mouvement, ce qui fait qu'aujourd'hui les francophones de
souche peuvent aspirer à obtenir des emplois de cadres ou très
bien rémunérés. Donc, c'était ça,
l'important.
Et, dans le projet de loi qu'on nous propose, actuellement, on nous
propose que même les conventions collectives pourraient être
écrites en anglais, c'est-à-dire qu'on revient à
l'ancienne coutume, et pour les sentences arbitrales de même. Donc, c'est
un accroc important, tout ça sous le couvert que le danger est
passé. Est-ce qu'il y a des gens qui, aujourd'hui, peuvent
prétendre que la langue française n'est pas en danger ici, au
Québec? Je voudrais juste leur rappeler le manifeste de la
Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal, qui a fait un
travail important pour voir si la langue française avait
évolué, comme il y en a beaucoup qui le prétendent. Donc,
on a fait une étude chez les travailleurs francophones, dans la
région de Montréal, dans le secteur privé, qui s'est
poursuivie de 1979 à 1989. Ce manifeste dit «aucune variation
significative du pourcentage des personnes travaillant 90 % ou plus de leur
temps en français, sauf dans le secteur finances, où la
propriété francophone des entreprises s'est beaucoup
accrue». voulez-vous, on va voir comment ça se répartit, la
main-d'oeuvre qui travaille dans la région métropolitaine? le
pourcentage de la main-d'oeuvre francophone travaillant 90 % du temps ou plus
en français, par secteur d'activité, secteur privé,
montréal métropolitain, 1979 à 1989. la construction: il y
avait 73 % de ces gens qui travaillaient en 1979; en 1989, il y a 75 %. les
industries traditionnelles: 72 % en 1979; 72 % en 1989. les services
personnels: 67 % en 1979; 68 % en 1989. la finance ? et c'est le seul
endroit où il y a un gain significatif ? 53 % ; 63 %. les services
aux entreprises: 54 %; 58 %. l'industrie de pointe: 47 % ? il y a
même un recul ? 46 %. donc, si on prend l'ensemble des secteurs que
je viens d'énumérer, en 1979, il y en a 62 % qui travaillaient en
français; en 1989, 63 %. si on pense qu'on a trouvé un gain
là, ou on ne sait pas compter ou il y a des gens qui se font des contes.
c'est un peu de même que je suis obligé d'interpréter. il y
a 55 % des anglophones de tout le québec qui travaillent surtout en
anglais, c'est-à-dire 50 % du temps ou plus, de même que 37 % des
allophones.
En même temps, on doit s'interroger sur l'impact qui a
été obtenu par la loi 101 en matière de langue de travail.
Le 22 mars 1984, la Cour d'appel a vidé de son sens l'article 41 pour
les travailleurs non syndiqués dans les entreprises. Donc, il y a
quelque chose qui s'est produit et qui a fait que le français n'est pas
resté stable. Donc, moi, je vous dis, je peux affirmer, à ce
moment-ci, qu'on a même reculé, on a régressé par
rapport à ce qui existait auparavant, parce que, même avec une
loi, on n'a pas avancé. Donc, il y a quelque chose qui n'a pas
«clické» en quelque part. Il y a un point majeur qui ne
fonctionne pas.
Quand on regarde au point de vue des sièges sociaux, et ce n'est
pas surprenant, sur 195 sièges sociaux, il y a 55 centres de recherche,
et la langue de fonctionnement est essentiellement l'anglais, ce qui
n'empêche pas les entreprises d'obtenir leur certificat de francisation
en vertu d'une dérogation prévue aux articles 143 et 144 de la
loi. Donc, encore là, même avec la loi, il est possible de
travailler seulement en anglais. Les points d'appui des programmes de
certificat de francisation existent. Aucune des quelque 4200 entreprises de 50
employés et plus qui ont été soumises à l'Office de
la langue française n'en a appelé des exigences de son programme
de francisation, ce que chacune avait le droit de faire. Donc, ce qui
découle de tout ça, c'est que ce n'était pas tellement
exigeant. Donc, les entreprises pouvaient continuer à travailler
à peu près à la va-comme-je-te-pousse ou selon leur bon
vouloir. S'il n'y a pas eu d'appel des exigences, ça veut dire que
ça ne les fatiguait pas fort. Il n'y en a aucune à travers
ça qui s'est fait retirer son certificat de francisation. (3 h 40)
Donc, on voit bien, M. le Président, que ce que la loi ou la
Charte de la langue française exigeait, ce n'était pas
l'empêchement d'une entreprise d'exercer son action sur le territoire du
Québec. Le contraire m'aurait surpris, parce que, comme
Québécois, on a bien peur de l'opinion des autres. On est
vraiment à la solde de l'opinion du voisin. On a peur d'avoir peur.
Quand on nous cite des règlements ou des jugements de l'ONU, c'est des
opinions. Il y a des pays qu'on connaît, ça fait 40 ans qu'ils ont
des opinions, et on leur dit de ne pas faire telle chose et ils le font pareil,
et ils continuent à fonctionner. Ces pays-là continuent à
fonctionner pareil; ils ne sont pas à la solde de l'opinion d'un
organisme qui représente qui, puis comment? Il n'y a pas beaucoup de
pays qui ont signé cette charte-là, qui disent qu'on doit
être soumis à des jugements ou à des opinions de cet
organisme.
Au Québec, on fait flèche de tout bois. On est prêt
à sauter sur n'importe quoi parce qu'on a peur. Puis, tant qu'on va
avoir peur, on ne sera pas un grand peuple, on va être un petit peuple.
Parce qu'il faut commencer par s'affirmer et il faut commencer à avoir
des opinions, puis, il faut avoir aussi des éléments de
fierté; et la générosité, quand on a
commencé, ça commence lorsqu'on a un certain respect de
soi-même, et là, on peut être généreux. Mais
je ne pense pas qu'on soit rendu à ce niveau-là. On n'est pas
rendu là parce qu'on est encore en danger. Et les chiffres que je viens
de citer, je ne les ai pas sortis comme ça. Il y a eu une étude
sérieuse, et ça démontre hors de tout doute que le
français n'a pas progressé; il a régressé, dans les
dernières années. Et, à ce moment-ci, on prétend,
ou on peut prétendre, qu'on peut faire changer les règles du jeu
en mettant en danger même sa disparition.
C'est là où le bât blesse. C'est là qu'on
doit s'interroger sérieusement, à savoir quelle mouche a
piqué le ministre responsable de la langue française pour nous
présenter le projet de loi 86. Est-ce qu'il y avait urgence pour qu'il
nous présente ça? Est-ce qu'il y avait urgence qu'il s'attaque
à tous ces pans entiers, si ce n'est le désir de détruire
des acquis, de détruire la loi 101? C'était ça. Il l'a
fait. Il l'a dans la tête depuis longtemps. On peut dire que le ministre
responsable de la langue française a de la suite dans les idées.
Mais, des fois, il serait mieux de ne pas en avoir, surtout dans ce
cas-là, parce qu'il a peur, et à chaque fois, et on l'a entendu
régulièrement, il nous le dit régulièrement: II
faut faire attention pour la paix sociale. Mais, savez-vous que la paix
sociale, il en a peur pour tous les autres, excepté lorsqu'il s'attaque
à sa propre race, aux francophones de souche et aux francophones en
général?
II y ajuste là qu'il n'a pas peur de l'opinion publique. Il n'a
pas peur pour la paix sociale, à ce moment-là, d'y toucher. Quand
on parle des autochtones, la première chose: Ne touchons pas à
ça! La paix sociale! Si on parle des autres: Ne touchons pas à
ça! C'est encore la paix sociale. Mais, pour les francophones, qui sont
la majorité, la paix sociale, ça ne le préoccupe pas.
Parce que, les changements qu'il s'apprête à faire en leur faisant
adopter le projet de loi 86, moi je suis convaincu qu'il va se produire des
éléments et des événements à travers
ça. Moi, je ne les susciterai pas.
Mais vous savez bien qu'il y a des gens... Quand je regarde des gens
comme Ghislain Dufour, le président-directeur du Conseil du patronat,
qui a dit: Oui, oui, la loi c'est bon et on s'est battu pour l'avoir... Mais il
dit: II ne faudrait pas que les entreprises en prennent trop, trop là;
il ne faudrait pas qu'elles fassent des abus. Bien, quand il y a une loi, elle
est là ou elle n'est pas là. Je ne vois pas de quel principe et
de quel droit il va aller dire aux entreprises: Ne vous servez pas de ce qu'il
y a dans la loi. Parce que, lui, il voit bien clair à travers ça.
Il en a eu plus que les clients en demandaient. Donc, il a peur que la paix
sociale soit touchée. Il sait bien que, s'il va trop loin, si le monde
va trop loin, il va se produire des événements ou des
éléments qu'il ne pourra pas contrôler. Lui, il a compris.
Mais, ils ont fait les demandes, ils ont fait la bataille. Puis, un coup que la
bataille est gagnée, il dit: Non, non, allons-y pas trop vite,
là! Les entreprises vont comprendre ça. Voyons! Pourquoi on ne
donne pas de fusils à des enfants? C'est parce qu'on a peur qu'ils s'en
servent. C'est la même chose. Quand on fait une loi et qu'on ne veut pas
qu'ils s'en servent, on ne la fait pas. Mais s'il se produit des
événements, bien, on le rappellera à ce moment-là,
on sera assez grands garçons pour rappeler au ministre responsable de la
langue que les problèmes qui découlent du projet de loi ont
amené ces événements, qui vont se produire
sûrement.
Ce n'est pas vrai que les Québécois vont se laisser aller
comme ça, sans bouger et à ne rien faire. Ce n'est pas possible.
C'est un changement trop radical. Ça peut avoir évolué...
Pas tant que ça. Quand on voit que la langue française n'est pas
plus avancée, quand on voit ce qui se passe dans la région de
Montréal où tous les immigrants sont là, bien, on commence
à dire à tout le monde: Ce n'est pas bien grave. Une langue dans
laquelle on ne peut pas travailler et qu'on ne peut pas parler à
l'école puis qu'on ne parle pas à la maison, c'est une langue
morte. Est-ce que c'est ça qu'on veut? Le français, il n'existera
plus tantôt si on n'en a pas besoin pour travailler, si on n'en a pas
besoin quand on va à l'école. Si c'est juste pour parler dans un
salon, en prenant une tasse de thé, elle ne sera plus là, la
langue. Elle va disparaître. Et c'est comme ça que, moi, je vois
le problème qu'on est en train de soulever, parce que si on ne peut pas
s'en servir comme langue de travail, à ce moment-là, la langue
est appelée à disparaître. Ça n'empêche pas
que les autres peuvent parler d'autres langues s'ils le veulent, mais, au
moins, au Québec, le seul endroit où il y a un îlot de
francophones dans toute l'Amérique, si on veut que cette
langue-là demeure, il faut qu'on la protège. Et le projet de loi
86 va justement à rencontre.
Est-ce qu'on veut regarder ce qui s'est passé dans le milieu du
travail depuis l'adoption du projet de loi? Il s'agit de regarder les
entreprises. Il y a 33 % des entreprises qui emploient plus de 100 personnes
qui n'ont pas encore obtenu de certificat de francisation. Après 15 ans
? 15 ans de vie de la loi ? il y a encore 33 % des entreprises de 100
employés et plus qui n'ont pas de certificat de francisation. Et on va
se faire dire que ça a bien été, tout est correct, il n'y
a pas de problème. Lorsqu'on a adopté le projet de loi de la
langue française, on prévoyait qu'en 1983 l'ensemble des
entreprises de 50 employés et plus posséderaient leur certificat
de francisation. En 1992, il y a 17,4 % de ces entreprises qui n'avaient pas
obtenu de certificat de francisation. Donc, on voit bien, encore une fois, que
la Charte de la langue française n'a pas produit les effets
escomptés. Pourquoi? Parce qu'il y a eu un manque de volonté
politique, surtout dans les 8 dernières années. On sait bien
qu'il n'y a pas grand monde qui a trouvé grâce aux yeux du
gouvernement. Et dans son grand principe qu'il nous a donné de
privatisation un peu dans toutes sortes de choses, ça a
été des ratés depuis le début. L'assainissement des
finances publiques, ça a été encore des ratés.
Donc, il ne faut pas se surprendre. Puis, dans la privatisation, les quelques
petites privatisations qu'on a faites, encore là, des ratés.
Vous m'annoncez déjà que mon temps est terminé. Je
suis à la veille de terminer. Je pense qu'un gouvernement qui est
responsable aurait pu trouver des solutions aux problèmes auxquels nous
sommes confrontés. Il aurait pu au moins suivre les recommandations que
lui a faites le Conseil de la langue française pour favoriser les
programmes de francisation à travers les entreprises de 50
employés et moins, alors qu'on sait que les emplois nouveaux qui sont
créés, c'est dans toutes ces petites entreprises-là,
depuis les dernières années. Donc, il aurait fallu qu'on
étende ce processus de francisation. Mais, ça, ça
demandait trop de courage, ça demandait trop d'efforts. Le gouvernement,
il aime mieux avoir une politique de laisser-faire. On laisse faire ça.
Il n'y a rien là. Parce qu'il se comporte comme je le dis, puis j'ai
l'occasion de le répéter de temps en temps: le gouvernement
actuel, les gens qu'on a en face de nous se comportent comme des
propriétaires. Et, tôt ou tard, il faudra bien leur rappeler
? et le peuple le leur rappellera sûrement ? qu'ils ne sont que
des locataires. Il faudra bien que quelqu'un finisse par comprendre que la
majorité a des droits. C'est vrai que la minorité en a, mais ces
droits-là sont aussi l'apanage de la majorité. Et, tant qu'on
n'aura pas compris ça, de l'autre côté, il y aura
certainement des objections, des problèmes et des contestations.
Donc, au point de vue du travail, je regrette que le gouvernement
libéral n'ait pas pensé à étendre... Non seulement
à essayer d'améliorer la Charte de la langue française en
étendant ses correctifs à des petites et moyennes entreprises...
C'est là, vraiment, qu'on sait si
une langue est vivante ou si on est appelés à avoir une
langue morte.
En fait, en conclusion, M. le Président, le gouvernement qu'on a
en face de nous pourra adopter la loi 86, mais, le jour où il
disparaîtra, on peut s'engager, de ce côté-là,
à tout empêcher l'action néfaste qu'il a entreprise. Ce
sera la mettre par-dessus bord puis revenir à l'origine, la Charte de la
langue française. Merci, M. le Président. (3 h 50)
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le
député de Jonquière. Sur ce même sujet ? nous
en sommes à l'adoption du principe du projet de loi 86, Loi modifiant la
Charte de la langue française ? je cède la parole à
M. le vice-président de la commission des institutions et
député de Rouyn-Noranda?Témiscamingue. M. le
député, la parole est à vous.
M. Rémy Trudel Motion d'ajournement du
débat
M. Trudel: M. le Président, compte tenu de la longueur des
visages à l'Assemblée nationale, de l'état de fatigue
évident, je voudrais me prévaloir des dispositions de notre
règlement, à l'article 100. Je pense qu'à cette heure-ci
il serait d'appoint de proposer, en vertu de cet article 100 du
règlement de l'Assemblée nationale, que le débat en cours
sur la présente motion soit ajourné jusqu'à la reprise des
travaux, à la fin de la présente journée.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, M. le
député Rouyn-Noranda?Témiscamingue propose
l'ajournement du débat. Alors, c'est une motion qui est
débattable. Est-ce qu'il y a des députés qui veulent
intervenir sur la motion d'ajournement du débat? Je rappelle les
règles qui gouvernent la proposition d'ajournement du débat:
celui qui propose la motion a droit à 10 minutes et chaque formation
politique a droit à 10 minutes, et vous avez, de plus, un droit de
réplique de 5 minutes. Alors, M. le député de
Rouyn-Noranda?Témiscamingue, je vous reconnais sur votre
motion.
M. Rémy Trudel
M. Trudel: M. le Président, le leader du gouvernement sera
très certainement d'accord et les nombreux députés
présents, à quatre heures moins huit minutes en ce mardi... Le
leader du gouvernement, donc, et les membres du cabinet présents vont
certainement convenir que tout ça a assez duré pour l'instant et
qu'il est certainement très sage de se donner, au minimum, un moment de
répit pour réfléchir davantage sur ce qui est devant nous,
à l'Assemblée nationale, qui nous oblige, M. le Président,
compte tenu de ce que contient ce projet de loi 86, qui nous oblige donc, en
vertu de nos règlements actuels ? qui sont difficiles à
comprendre par la population, il faut en convenir ? donc, qui nous oblige
à passer cette nuit debout. M. le Président, il y aurait avantage
à réfléchir davantage sur les implications de ce projet de
loi qui a été déposé à l'Assemblée
nationale par le ministre responsable de l'application de la Charte de la
langue française pour encore quelques jours ? une dizaine de jours
- puisque, M. le Président, le ministre responsable de l'application de
la Charte de la langue française ne pourra plus porter ce titre
dès lors que la majorité gouvernementale aura utilisé son
pouvoir de rouleau compresseur pour abattre un grand nombre de principes que
nous nous étions donnés, au cours de l'année 1977, par
l'adoption de la loi 101 qui est remise en question par de nombreuses
dispositions à l'intérieur du projet de loi 86.
Je suis à peu près sûr, M. le Président, que
les gens qui forment la majorité gouvernementale ne voudraient pas
porter le poids historique de cette responsabilité d'avoir brisé
l'économie générale de la dynamique de la protection de la
langue française au Québec et, surtout, de sa promotion.
M. le Président, il y a un bon nombre d'observateurs de la
société québécoise qui ont mis en garde le
gouvernement, au cours des dernières semaines, devant l'imminence de
l'échéance de l'utilisation de la clause
«nonobstant», qui avait amené la présentation
dramatique du projet de loi et de la loi 178, qui, en 1988, allait constituer
une première brèche dans la Charte de la langue française.
Eh bien! de nombreux observateurs de la scène politique, de nombreux
observateurs et observatrices avertis de la scène politique
québécoise ont mis en garde ce gouvernement de cesser cette
dérive, de cesser cette esquive, de cesser de se comporter comme des
aigrefins, de tenter de faire en sorte qu'il ne reste plus rien, M. le
Président, de l'essentiel de la loi 101, véritable rempart de
civilisation que nous nous étions donné en 1977 et qui, tout en
témoignant de notre ouverture au monde, de notre ouverture à la
culture, de notre ouverture à la connaissance de 2, 3 ou 4 langues nous
permettait, par ailleurs, dans ce bain anglo-saxon nord-américain, de
conserver et, surtout, d'assurer la pérennité de ce peuple
parlant français en Amérique du Nord. Richesse exceptionnelle
d'un peuple qui a réussi à conserver sa langue à travers
les méandres de l'histoire et les difficultés qui sont propres
à tous ces peuples qui ont été, en quelque sorte,
enclavés dans de grands ensembles et que seule la vitalité de
l'esprit et de l'âme permet de traverser.
À cet égard, M. le Président, je disais donc qu'il
n'y a certainement aucun membre de la majorité gouvernementale qui
voudrait porter le poids de la responsabilité historique d'avoir
brisé cette dynamique ascendante vers le développement de la
langue française dans le respect, l'ouverture de nos minorités au
Québec et, en particulier, de la minorité anglophone, qui peut
jouir ici de ses institutions, de ses réseaux, de ses
établissements et de l'ensemble du support de l'État pour le
développement de ses établissements.
Alors, M. le Président, vous comprenez parfaitement bien pourquoi
j'invoque ici l'article 100 de notre règlement pour demander
l'ajournement de ce débat, de ce triste débat qui nous est
ramené périodiquement par ce type de gouvernement qui, d'abord,
pense que, pour
diriger un pays comme le Québec, il faille faire en sorte de tout
réduire au plus petit dénominateur commun et ne pas se donner de
ligne de force pour que ce qui constitue l'épine dorsale de ce peuple
québécois parlant français en Amérique puisse non
seulement demeurer, mais se développer, croître, faire en sorte
que ce soit un objet de fierté.
Ces gens, M. le Président, auraient avantage à voter pour
cette motion, à se retirer, du moins quelques heures, et à songer
à tout ce poids historique qu'ils devront porter sur leurs
épaules. Comme le disait quelqu'un d'éminemment respectable
puisqu'elle est la rédactrice en chef du journal Le Devoir, Mme
Bissonnet-te ? et tous ceux qui passent au journal Le Devoir se drapent de
cette épithète, de cette notoriété de
l'émi-nence et de la respectabilité ? avec la loi 86,
«la politique de la langue s'écrase dans la sphère
politicienne». Quels beaux mots! M. le Président, quels beaux
mots!
Et, lorsque nous aurons à débattre du fond de ce projet de
loi 86, qui veut fondamentalement réviser l'économie
générale de notre Charte de la langue française et de la
loi 101 au Québec, j'aurai l'occasion, M. le Président, de
signaler à la majorité gouvernementale le terrible poids que
feront porter les mots de la langue française sur cette majorité
qui, aujourd'hui, voudrait bien qu'il y en ait de moins en moins, que tout
ça se résume à l'expression folklorique d'un monde rural
déterminé et qui a permis notre survivance, et qui se
retrouverait dans les coins les plus pittoresques de notre Québec
profond, mais guère plus. (4 heures)
M. le Président, ces gens auraient tout avantage, tout avantage,
donc, à se retirer et à penser aux conséquences de leur
geste. Quand ils apercevront, quand ils pourront constater... Une autre
publication que nous pouvions retrouver dans notre journal national Le Devoir,
il y a une quinzaine, sous la plume, M. le Président, d'une jeune fille
de 15 ans: un texte absolument magnifique, extraordinaire, qui nous disait
comment, dans la langue française... 15 ans, la ministre de
l'Éducation en serait bien fière et avec raison. Une jeune de 15
ans, de Repentigny, cette gagnante du prix du Loisir littéraire du
Québec, nous disait que «les mots ne pardonnent pas qu'on les
abandonne». M. le Président, les mots de la langue
française finissent par nous rattraper. Avec la loi 86, la politique de
la langue s'écrase dans la sphère «politicielle». Et,
M. le Président, les mots ne pardonnent pas qu'on les abandonne. J'aurai
l'occasion de lire ce texte de Mme Melissa Leclerc, jeune étudiante
brillante de 15 ans, qui, elle, a bien compris le pouvoir des mots et ce qu'ils
peuvent apporter comme poids de l'histoire.
M. le Président, je conclurai, puisqu'on me limite pour l'instant
à une dizaine de minutes. Je suis à peu près convaincu que
le fond de sagesse qui demeure au leader du gouvernement va lui indiquer que le
poids de l'histoire n'est rien ou est très supérieur par rapport
à la responsabilité qu'il devrait prendre d'indiquer à ces
personnes qui siègent avec lui du côté de la
majorité gouvernementale qu'on ne discute pas de la Charte de la langue
française, et surtout de son affaiblissement, à 4 heures, le
matin, à l'Assemblée nationale. Il serait beaucoup plus sage que
nous reprenions ce débat sur de nouveaux principes, de nouvelles
indications du ministre responsable de la langue française, parce que
les Québécois et les Québécoises espèrent
une sagesse collective qui se dégage de cette Assemblée nationale
et ils ne souhaitent pas, M. le Président, que l'on affaiblisse un
ensemble de mécanismes qui constituent, je le disais il y a quelques
minutes, un rempart contre l'érosion de ce qui constitue actuellement le
corpus fondamental du maintien et du développement de notre langue
française comme expression des Québécois et des
Québécoises.
Alors, M. le Président, je termine en disant: Le leader
parlementaire n'aurait qu'à prendre 2 minutes pour nous indiquer comment
il entend procéder pour la suite des travaux, et nous adopterions cette
motion d'ajournement qui nous permettrait d'aller tous réfléchir,
mais en particulier la majorité gouvernementale. Je vous remercie, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le
député de Rouyn-Noranda?Témiscamingue. Sur cette
même motion d'ajournement, je cède la parole à M. le leader
du gouvernement. Vous avez droit à une intervention de 10 minutes, M. le
leader.
M. Boisclair: Je vous demanderais tout simplement de constater le
quorum, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Qu'on appelle les
députés. (4 h 3 - 4 h 5)
Le Vice-Président (M. Lefebvre): M. le leader du
gouvernement, vous intervenez sur la motion d'ajournement, et vous avez droit
à une période de 10 minutes.
M. Pierre Paradis
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui. Essentiellement, M. le
Président, le député de
Rouyn-Noranda?Témiscamingue se prévaut des dispositions de
notre règlement pour demander à cette Chambre d'ajourner les
travaux et, pour utiliser son propre vocable, dans le but de permettre aux
parlementaires d'aller réfléchir avant d'aller de l'avant dans
l'étude du principe dudit projet de loi. M. le Président,
à écouter certains discours qui ont été
prononcés devant cette auguste Assemblée nationale, entre autres
par le chef de l'Opposition officielle, à écouter le discours de
Mme la députée de Chicoutimi, qui est critique de l'Opposition
officielle en matière de langue, à écouter les
interventions de procédure adressées par le leader de
l'Opposition officielle, et ses remarques, moi, j'aurais tendance à
souscrire à sa motion d'ajournement.
Toutefois, M. le Président, lorsque nous nous présentons
dans nos circonscriptions électorales à l'occasion des
élections, j'ai rarement entendu un candidat ou un futur
député dire à ses électeurs: Moi, je ne suis
pas
prêt à discuter des grands enjeux fondamentaux de la
société québécoise. En ce qui concerne la langue
française et le respect des droits et libertés individuelles,
moi, je ne suis pas prêt. Ne m'élisez pas parce que ma tête
n'est pas faite. Je ne sais pas à quoi m'en tenir. Je n'ai pas de
sentiments à exprimer. Je ne peux pas représenter
fidèlement les gens qui m'ont élu.
De ce côté-ci de la Chambre, on a pris tout le temps
nécessaire pour consulter nos électeurs. De ce
côté-ci de la Chambre, on a pris tout le temps nécessaire
pour entendre en commission parlementaire, comme le prévoit notre
règlement, les organismes qui ont souhaité se faire entendre en
commission parlementaire, et nous avons même offert à
l'Opposition, si sa réflexion n'était pas suffisamment
avancée, d'en entendre davantage. L'Opposition a refusé. De ce
côté-ci de la Chambre, le ministre qui parraine le projet de loi
est suffisamment attaché et à la protection de la langue
française et au respect des droits et libertés individuelles pour
proposer à cette Assemblée nationale l'adoption du principe
contenu dans le projet de loi 86. Mais qu'un député de
Farrière-ban, de Rouyn-Noranda?Témiscamingue, qui est une
magnifique région, soit dit en passant, mais qui peut se tromper
à l'occasion d'une élection... C'est déjà
arrivé. Dans le passé, ils ont déjà
manifesté plus d'ouverture. Ils ont déjà
délégué à l'Assemblée nationale d'excellents
députés libéraux, mais, des erreurs de parcours, ça
va continuer d'arriver. Mais qu'un député, à ce moment-ci,
nous demande plus de temps pour réfléchir, ça nous indique
que l'Opposition n'a pas encore fait son lit, n'est pas encore prête
à se prononcer sur le projet de loi 86. (4 h 10)
Je tiens à les assurer qu'ils auront tout le temps, au cours des
prochaines heures, comme au cours des prochains jours, pour poursuivre leur
réflexion, parce que l'adoption du principe du projet de loi va
être suivie d'une analyse minutieuse, que je souhaite constructive, en
commission parlementaire, où les députés de ce
côté-ci de la Chambre vont assister le ministre responsable dans
le but, si nécessaire, de bonifier à l'étude article par
article. Par la suite, nous reviendrons à l'Assemblée nationale,
M. le Président, comme vous le savez, pour que cette commission
parlementaire, cette importante commission parlementaire nous fasse rapport.
Par la suite, M. le Président, nous inviterons l'ensemble des
députés à procéder à l'adoption comme telle,
la troisième lecture du projet de loi. Et cette troisième
lecture, M. le Président, sera suivie d'une sanction par le
lieutenant-gouverneur et d'une mise en vigueur de la loi.
Au cours de ces différentes étapes, je souhaite, comme
leader du gouvernement, au député de Rouyn-Noranda et à
ceux et à celles qu'on va entendre tantôt et qui, manifestement,
ont encore besoin de réflexion, une heureuse réflexion, M. le
Président, et une constructive réflexion.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, M. le
député de Gouin, vous avez droit également à une
intervention de 10 minutes.
M. André Boisclair
M. Boisclair: Merci, M. le Président. Je voudrais joindre
ma voix à celle de mon collègue de Rouyn-Noranda pour, moi aussi,
plaider en faveur de l'ajournement du débat. Je le ferai, M. le
Président, non pas parce que nous ne sommes pas prêts à
discuter de la question, bien au contraire. Depuis 18 heures, nous intervenons
les uns après les autres pour faire connaître notre opinion sur le
fond des choses, pour faire valoir une position que nous croyons juste, que
nous croyons légitimée, que nous croyons pertinente et qu'il nous
semble nécessaire de mettre en évidence. Donc, je rejette
d'entrée de jeu l'argumentation du leader du gouvernement, qui nous dit:
Bien, vous demandez l'ajournement du débat parce que vous n'êtes
pas prêts à discuter.
Le simple fait que nous soyons encore ici, ce matin, à 4 heures,
démontre bien le fait que nous sommes prêts à
débattre, nous sommes prêts à discuter. Ce que nous voulons
défendre, M. le Président, c'est une pratique politique
certainement différente de celle à laquelle nous sommes
obligés à l'heure actuelle où, en pleine nuit, à la
cachette, à la noirceur, nous discutons d'enjeux qui sont fondamentaux
pour l'avenir de la collectivité française d'Amérique. M.
le Président, le temps n'est certainement pas mûr, à
l'heure qu'il est, pour discuter de façon éclairée, pour
discuter de façon réfléchie. À une heure aussi
tardive, à un moment où nos concitoyens sont tous au repos, que
nous prenions notre temps, ici, pour discuter en cachette, à la
noirceur, à la sauvette, pour discuter de ces enjeux...
M. le Président, on ne rompt pas les fibres de la loi 101
à une heure aussi tardive que celle-ci. Qu'est-ce que le gouvernement a
à cacher? Pourquoi nous forcer à faire un débat à
une heure aussi tardive? Pourquoi ne pas faire un débat de façon
éclairée? Le débat était pourtant bien parti; la
commission parlementaire s'est faite au vu et au su de tous. Le gouvernement a
même cru bon de télédiffuser les débats en
commission parlementaire. Nous, comme parlementaires, avons consenti des
dépenses pour s'assurer que la population puisse être au fait du
débat et puisse se faire une opinion de façon
éclairée. Pourquoi, M. le Président, ce changement
d'attitude? Pourquoi, après avoir fait preuve de transparence, avoir
fait preuve d'une certaine volonté d'imprégner le débat en
fonction de priorités claires, pourquoi, soudainement, virer capot et
nous tenir ici, à 4 h 15 le matin, pour faire le débat sur le
projet de loi 86? C'est ce que nous voulons faire voir, M. le Président.
C'est l'opposition que nous voulons manifester aujourd'hui.
M. le Président, je vous le disais tout à l'heure, on ne
rompt pas l'équilibre et les fibres de la loi 101 à une heure
aussi tardive. C'est certainement contre-productif, ce n'est certainement pas
efficace, M. le Président, et on ne contribue certainement pas à
éclairer nos concitoyens et concitoyennes. Ça me fait penser un
peu, M. le Président... Il faut qu'on accepte, à un moment
donné. Il va falloir, comme parlementaires, qu'on accepte de
réviser un certain nombre de nos pratiques. Ça
me fait penser au conte de Saint-Exupéry, «Le Petit
Prince», lorsque le Petit Prince se promène sur différentes
planètes et, soudainement, rencontre sur une planète l'allumeur
de réverbères qui, à chaque minute, allume ou
éteint son réverbère. Et on lui demande: Pourquoi fais-tu
ça? Bien, il dit: C'est parce que je suis la consigne.
Bien, nous, nous sommes ici aujourd'hui, on suit la consigne. On la suit
un peu bêtement, à 4 heures du matin, alors qu'on aurait tous
besoin de se reposer, qu'on aurait tous besoin, comme des individus normaux, de
faire le plein un peu et de profiter d'un bon sommeil. On est ici, puis, tout
bêtement, hein, on sort et, lorsqu'on demande le quorum, on revient, on
discute de façon un peu, je dois le dire, nébuleuse.
Une voix: C'est la consigne.
M. Boisclair: On le fait parce que c'est la consigne. On vient
ici discuter à une heure tardive parce qu'on nous a dit de le faire.
Mais il n'y a personne ici, dans cette Assemblée, qui souhaite, à
ce moment-ci, intervenir sur le projet de loi. Il n'y a personne de nos
concitoyens, concitoyennes qui réclame qu'à 4 heures du matin
nous débattions du projet de loi 86. Il n'y a personne qui nous a fait
de demandes pressantes.
Pourquoi, M. le Président? La question, elle est légitime.
C'est la question que voulait soulever mon collègue de
Rouyn-Noranda?Témiscamingue. M. le Président, il faut briser
la consigne, il faut revoir la consigne. On s'interroge, ensuite, lorsque les
gens viennent nous voir et disent: Vous, les politiciens, vous êtes un
peu débranchés, vous êtes déconnectés, vous
êtes loin de notre réalité. Bien, on court après le
trouble, M. le Président. On leur dit qu'on débat de l'avenir de
la langue française et d'un projet de loi, on en conviendra tous ici,
qui est quand même substantiel, qui propose des amendements majeurs, qui
propose un rééquilibrage des choses.
Peu importe la question sur le fond... je ne suis pas encore intervenu
sur le fond du projet de loi. M. le Président, ça n'a pas
d'allure de procéder comme ça. Alors, on plaide tout simplement
pour un peu de sagesse. On plaide tout simplement pour qu'on puisse se
réconcilier, d'une certaine façon, avec la normalité. On
plaide pour qu'on puisse adopter des usages qui sont certainement plus
conformes aux attentes de nos concitoyens et concitoyennes.
On plaide finalement, M. le Président, pour que ce débat
puisse se faire au vu et au su de tous. On plaide pour que nos concitoyens et
concitoyennes puissent prendre connaissance avec tout l'éclairage
nécessaire et aux heures certainement plus convenables des propos de nos
collègues, des propos de nos amis d'en face du gouvernement. Alors, M.
le Président, n'importe qui qui est un peu sage, n'importe qui qui est
soucieux de faire un débat en toute transparence, en toute
clarté, conviendra certainement de la pertinence de la proposition de la
motion de mon collègue de Rouyn-Noranda?Témiscamingue.
Alors, M. le Président, je plaide tout simplement pour un peu de
sagesse, un peu de normalité et qu'on accepte aussi... J'invite nos
collègues à faire cette réflexion. Peut-être
qu'à l'occasion d'une autre session, à l'occasion d'une autre
Législature, nous aurons l'occasion de revoir notre règlement.
Mais ce n'est certainement pas en procédant de cette façon qu'on
sera capable, peu importent nos formations politiques, mais tout simplement
comme gens qui sont intéressés à débattre de la
chose publique, d'attirer davantage de gens et d'intéresser davantage
d'individus, particulièrement des jeunes, M. le Président,
à s'intéresser à la question.
Après qu'on les eut particulièrement écartés
de toute consultation en commission parlementaire... On se souviendra de la
commission parlementaire parallèle qu'ils ont été
obligés de tenir dans un lieu, non loin de cette Assemblée, parce
qu'ils n'ont pas été invités à participer aux
débats en commission parlementaire sur le projet de loi 86. L'ensemble
des groupes de jeunes, présidé par le Conseil permanent de la
jeunesse, les associations étudiantes, plusieurs groupes de jeunes dans
des formations politiques, aussi, se sont prévalus de leur droit le plus
simple, ont décidé, compte tenu du non-respect, de la
façon dont on bafouait leurs droits, d'une certaine façon, se
sont prévalus de leurs droits et ont tenu une commission parlementaire
parallèle.
Alors, après qu'on les eut empêchés de s'exprimer
dans le forum qui était prévu pour la fin de ce débat,
nous voilà maintenant que, non seulement on prive des gens de
s'interroger, de prendre connaissance du débat, mais on nous force,
encore plus, à des heures qui n'ont aucun bon sens, M. le
Président, à faire un débat sur cette question. Donc, M.
le Président, j'appelle au gros bon sens les membres de cette
Assemblée pour qu'on puisse, en toute simplicité, revenir
à une heure plus normale, qu'on puisse s'entendre entre nous pour
procéder, peu importent nos positions sur le fond des choses, qu'on
puisse procéder selon une méthode, selon une procédure
certainement plus efficace, plus près des attentes de nos concitoyens et
concitoyennes.
Si le gouvernement refuse cette motion ? parce qu'avec sa
majorité que nous respectons, nous sommes des démocrates et, bien
sûr, nous serons là ? si le gouvernement et si le leader
décident de poursuivre le débat, nous serons là pour
continuer, malgré ce qu'il prétend, à nous exprimer sur le
fond des choses. Nous serons là pour le faire, comme nous le faisons
depuis 20 heures ce soir. Nous serons là pour continuer à nous
exprimer sur le fond des choses. Parce que nous croyons qu'il vaut la peine que
ce projet de loi soit débattu. (4 h 20)
Mais, si le gouvernement décide de procéder et de
continuer le débat à cette heure tardive, bien, nous serons
obligés de conclure qu'il y a anguille sous roche et qu'on ne veut pas
faire le débat au grand jour, M. le Président. Et je pense que,
cette conclusion, les gens la tireront de façon très simple, sans
aucune autre prétention, sans aucune forme de partisanerie. Mais tous
conviendront qu'il est tout à fait anormal que nous
soyons ici, à 4 h 20 le matin, à discuter d'un projet de
loi aussi important que celui-là, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Vous n'avez pas
d'intervention, M. le député de Saint-Louis? Réplique.
Réplique. Réplique, M. le député de
Rouyn-Noran-da?Témiscamingue, 5 minutes. Allez-y, M. le
député de Rouyn-Noranda?Témiscamingue.
M. Rémy Trudel (réplique)
M. Trudel: M. le Président. Oui, j'ai hésité
quelques instants. Je me demandais si le député de Saint-Louis
valait Richard Desjardins, et j'ai constaté rapidement que ce
n'était pas tout à fait la comparaison qu'il fallait faire. J'ai
pensé que le député de Saint-Louis allait répondre
favorablement à l'appel que nous lui lancions il y a quelques minutes,
de bien réfléchir sur la motion que j'ai déposée et
qui vise à ajourner le débat. Parce qu'on ne fait pas ça
à 4 heures le matin, on ne discute pas, avec les mots que nous avons
entendus de la part de la majorité gouvernementale cette nuit, d'un
projet de loi qui vise, finalement, à réduire ce qui, encore
aujourd'hui, s'appelle la Charte de la langue française. Et le ministre
responsable de son application ne pourra pas, à notre avis, porter ce
titre-là très, très longtemps. Ce n'est pas pour rien que
celle qui lui a succédé au Devoir disait: Par quelque
oubli, le gouvernement du Québec n'a pas modifié le chapitre C-ll
des Lois du Québec. Malgré le projet de loi 86, il s'appelle
encore Charte de la langue française. C'est désormais un
travesti.
Le ministre responsable ne serait pas fier que nous soyons ici, en
pleine nuit, à disposer d'un projet de loi qui constitue maintenant une
fibre intime des Québécois et des Québécoises et
des parlant français en Amérique. Le ministre va certainement
convenir qu'il serait mieux, M. le Président, il serait bien meilleur
comme possibilité que nous nous accordions un peu de repos, pas parce
que nous n'avons pas fait notre tête, M. le leader du gouvernement, pas
parce que nous n'avons pas les idées claires quant à l'avenir du
français au Québec, mais précisément, M. le
Président, et il faut le dire au leader, parce que nous avons peur
à quelques têtes chaudes, nous avons peur à quelques
faveurs particulières qu'on veut accorder à un certain nombre de
groupes au Québec. On veut continuer la dérive, M. le
Président, on veut continuer le travail de sape, on veut continuer
à miner. Et ces gens-là ne se sont pas clairement dit quel va
être le réel poids de l'Histoire sur leurs épaules, et ils
ne peuvent pas, en toute conscience, ils ne peuvent pas, en tant que bons
Québécois ou bonnes Québécoises, accepter que, dans
ce projet de loi 86, on amène un grand nombre de reculs, que ce soit au
niveau de l'affichage, que ce soit au niveau de la langue d'enseignement, que
ce soit, par ailleurs, au niveau de la réduction des organismes qu'on a
taxés d'être des polices de la langue. Quel mot réducteur!
Quelle façon d'envisager et de qualifier nos organismes qui nous aident,
nous ont aidés et vont continuer à nous aider, si tant est qu'on
les maintient en vie, à promulguer, non seulement à
protéger mais à promulguer notre langue, notre langue
française au Québec, dans le respect des autres minorités
et des autres parlant d'autres langues sur le territoire national
québécois.
M. le Président, oui, un peu de sagesse, comme disait le
député de Gouin. Il nous faut, M. le Président, demander
à ces gens, par l'ajournement du débat, de
réfléchir davantage et de réviser un certain nombre de
principes qui sont à l'intérieur de ce projet de loi là,
et c'est tout le Québec, le Québec profond, qui va leur en
être redevable, qui va les remercier de dire: Nous allons continuer
l'oeuvre que nous avons commencée au tournant des années
soixante-dix et que nous voulons poursuivre intensément.
Alors, je vous remercie, M. le Président, avant que le vote ne
soit pris.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le
député de Rouyn-Noranda?Témiscamingue.
Alors, est-ce que la motion de M. le député de
Rouyn-Noranda?Témiscamingue, proposant l'ajournement du
débat sur la motion en cours, est adoptée?
Vote nominal, qu'on appelle les députés. (4 h 26 - 4 h
31)
Mise aux voix
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, je mets aux voix
la motion de M. le député de
Rouyn-Noranda?Témiscamingue.
Que ceux et celles qui sont en faveur de la motion de M. le
député de Rouyn-Noranda?Témiscamingue, proposant
l'ajournement du débat sur l'adoption du principe du projet de loi 86,
veuillent bien se lever.
Le Secrétaire adjoint: Mme Marois (Taillon), M. Jolivet
(Laviolette), M. Baril (Arthabaska), Mme Juneau (Johnson), Mme Caron
(Terrebonne), M. Léonard (Labelle), Mme Vermette (Marie-Victorin), M.
Paré (Shef-ford), M. Morin (Dubuc), M. Holden (Westmount), M. Boisclair
(Gouin), M. Trudel (Rouyn-Noranda?Témiscamingue), Mme
Carrier-Perreault (Les Chutes-de-la-Chaudière).
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Que ceux et celles qui
sont contre cette motion veuillent bien se lever.
Le Secrétaire adjoint: M. Paradis (Brome-Missisquoi), M.
Ryan (Argenteuil), M. Dutil (Beauce-Sud), M. Elkas (Robert-Baldwin), M.
Middlemiss (Pontiac), M. Picotte (Maskinongé), Mme Robillard (Chambly),
M. Maciocia (Viger), M. Philibert (Trois-Rivières), M. Chagnon
(Saint-Louis), Mme Dionne (Kamouraska-Té-miscouata), M. Paradis
(Matapédia), M. Lemire (Saint-Maurice), M. Thérien (Rousseau), M.
Williams (Nelli-gan), M. Lemieux (Vanier), M. Richard (Nicolet-Ya-maska), M.
Bradet (Charlevoix), M. Gauvin (Montma-gny-L'Islet), M. Gautrin (Verdun), M.
Forget (Prévost),
M. Bergeron (Deux-Montagnes), M. Bordeleau (Aca-die), Mme Boucher Bacon
(Bourget), M. Parent (Sauvé), M. Brouillette (Champlain), Mme Loiselle
(Saint-Henri), M. Khelfa (Richelieu), M. Lafrance (Iberville), M. MacMillan
(Papineau).
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Pas d'abstentions?
Le Secrétaire: pour: 13 contre: 30 abstentions: 0
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, la motion est
rejetée.
Reprise du débat sur l'adoption du
principe
Nous reprenons le débat sur la motion proposant l'adoption du
principe du projet de loi 86, Loi modifiant la Charte de la langue
française. Est-ce qu'il y a d'autres interventions?
M. le député de Rouyn-Noranda?Témiscamingue,
vous avez droit à une intervention de 20 minutes.
M. Rémy Trudel (suite)
M. Trudel: Alors, M. le Président, devant l'évident
manque de sagesse de la majorité gouvernementale et l'arrivée du
jour, bien sûr que les Canadiens de Montréal ont gagné hier
soir...
Des voix: Bravo!
M. Trudel: ...bien sûr que la tradition...
Des voix: Les Canadiens ont gagné! Les Canadiens ont
gagné!
M. Trudel: Les Canadiens ont gagné! Ça, c'est de la
sagesse collective, M. le Président. Vous voyez, quand ont émet
quelques idées ou que les gens se battent et font un effort national
pour garder sur le territoire national quelque chose qui nous appartient
quasiment, qui s'appelle la coupe Stanley, et puis qui va revenir dans 2 ou 3
ans à Québec, ici, ça, c'est inscrit dans la genèse
de nos équipes de hockey... Non, non. Certains disent que je suis
pessimiste en disant 2 ou 3 ans, mais...
Une voix: Dans Palmanach!
M. Trudel: ...je pense que ça fait partie de nos
capacités, ça fait partie de notre développement. Combien
y avait-il de personnes qui disaient: Voyons donc, jamais, à
Québec, ils ne seront capables de développer une bonne
équipe dans la Ligue nationale de hockey, et... Eh oui! ça a
été dur, ça a été long! C'est comme les
Québécois. Nous sommes un peuple dur à abattre, nous
sommes un peuple qui persiste, qui dure, qui passe à travers les
tempêtes, les difficultés, pourvu qu'on l'aide un peu, pourvu
qu'on le supporte un peu. Parce qu'on ne peut pas demander à
l'équipe de traverser les plus dures périodes de l'histoire, les
plus dures tempêtes, si on ne lui fournit pas les instruments, si on ne
lui facilite pas la tâche. Si on lui dit, à cette équipe,
qu'elle est capable de grandes choses, qu'elle a peut-être perdu des
batailles, qu'elle a peut-être eu des mauvais jours sur des plaines, mais
que, les Plaines d'Abraham, ça ne dure pas toujours, ça, M. le
Président... Et pour peu que nous ayons eu, et pour beaucoup que nous
ayons eu la foi, au cours de très nombreuses années, tout cela
nous aura aidé à garder, par ailleurs, ce véhicule
essentiel de ce que nous sommes comme peuple. Et c'est avec un peu de
tristesse, M. le Président, non pas parce que le jour se lève que
je suis triste, mais c'est un peu triste de devoir, à l'orée du
jour, constater et parler sur un projet de loi à l'occasion de
l'adoption du principe de ce projet de loi 86, une loi... «Avec la loi
86, la politique de la langue s'écrase dans les sphères
politiciennes, disait donc Mme Bisson-nette. Mais le projet de loi 86 ? et
ça vaut la peine parce que ça fait réfléchir, de
lire ce passage ? rompt cette fibre première de la Charte. Le
compromis que le Québec se trouvait forcé de consentir en
matière d'affichage, après l'épisode onusien, ne
s'accompagne d'aucune mesure de soutien au progrès du français,
toujours bien loin du statut de langue commune.» Quelle tristesse, M. le
Président, de lire de pareilles phrases dans notre Devoir
national, sous la plume de quelqu'un dont les mots, qui,
généralement, sont au bout de cette plume, traduisent bien les
fibres intimes de ce peuple québécois parlant français en
Amérique, sont obligés de dire que «tout se passe au
contraire comme si la digue venait de sauter, comme s'il fallait la faire
sauter. La loi 86 est une révision majeure de la loi 101, à tous
les chapitres, et partout pour l'affaiblir.»
M. le Président, c'est avec beaucoup de tristesse que nous avons
lu ce texte et les remarques qui s'ensuivaient dans l'édition du
Devoir du 9 mai 1993. M. le Président, les gens qui ont
initié ce débat, je veux le répéter encore une fois
parce que peut-être le poids de l'histoire et ce qu'ils porteront comme
responsabilité... Peut-être ces personnes, ici, à
l'Assemblée nationale, le ministre responsable et les membres de la
majorité gouvernementale, vont-elles réviser leur position,
vont-elles, dans un sursaut d'énergie, dans un sursaut
caractéristique à ce que sont les Québécois et les
Québécoises, dire: Non, assez, c'est assez! Assez, assez, c'est
assez! Parce que, M. le Président, le remords va durer longtemps, et le
poids de l'histoire va peser sur leurs épaules d'un poids
incroyable.
M. le Président, c'est à ça que je pensais
lorsqu'il y a une dizaine maintenant je lisais, toujours dans le journal Le
Devoir, un magnifique texte qui devrait contribuer, je pense bien, à
faire réfléchir bien profondément ceux qui nous ont
présenté ici ce triste assemblage de réductions de la
Charte de la langue française, le texte d'une jeune fille de 15 ans, du
quatrième secondaire du collège de l'Assomption ? la valeur
n'attend
pas le nombre des années, M. le Président. Cette jeune
fille, elle s'appelle Melissa Leclair. Elle a gagné le grand prix du
concours du Loisir littéraire du Québec et elle a écrit un
texte magnifique qui doit nous amener à réfléchir sur ce
que nous sommes en train de faire, ici, à notre langue. Elle avait
choisi pour titre de son texte les mêmes mots que Jean-Paul Sartre pour
écrire son autobiographie, les mots, M. le Président: À 15
ans, lorsqu'on a été élevée dans un environnement
français... J'ai eu le bonheur de rencontrer les parents de
Mélissa Leclair. M. Leclair est un policier servant la patrie à
la Communauté urbaine de Montréal, et ces gens ont
élevé leurs enfants dans la plus pure tradition
québécoise de la richesse de la langue, de la richesse des mots,
de la richesse de la littérature, et c'est pour ça qu'à 15
ans cette jeune fille a pu écrire un texte qui a gagné ce prix et
qui se termine par des mots qui doivent bien nous faire
réfléchir, qui doivent faire réfléchir le ministre
responsable de l'application de la Charte de la langue française. Parce
qu'il n'y a pas que les adversaires qui poursuivent certaines
responsabilités ou certains gestes politiques, il y a aussi les mots de
la langue française, et cette jeune fille de 15 ans dit que les mots ne
pardonnent pas qu'on les abandonne. (4 h 40)
Les mots ne pardonnent pas qu'on les abandonne, M. le Président.
Mélissa Leclair, elle a 15 ans, et elle dit: «Je ne me bats pas
pour écrire, je me bats pour être libre. Et tout le temps que je
n'écris pas, il y a des mots qui me torturent, qui me menacent, qui
cognent dans ma tête. Je n'invente pas mes mots, je les laisse sortir de
leur prison, en l'occurrence mon âme. Il y a longtemps que je me bats
contre mes mots. D'un long combat d'éternité qui ne laisse pas de
temps pour le regret. Je suis féroce avec mes mots, mais ils
m'atteignent tout le temps. Chaque fois je saigne, comme si mon âme
voulait fuir mon corps par tous les pores de ma peau. «Vague.
C'était à l'école, j'avais 15 ans. Je ne savais plus ce
qu'était la désintégration. Je ne pouvais pas
étudier, les mots cognaient pour sortir. Ils fuyaient en parcelles
d'âme. Et soudain j'ai su. Désintégration: émission
de particules! Radioactivité! Voilà! J'avais une âme
radioactive. Et alors j'ai senti qu'elle se désintégrait, et j'ai
eu peur, et j'ai crié. J'ai été renvoyée de
l'école, avec mes mots qui cognaient et mon âme radioactive.
«Divague. Ils sont plus forts que moi, mes mots, ils sont plus forts que
tout. Un jour ils me vaincront. Ils dévastent tout autour. Un jour, ce
sera mon tour. Lorsqu'ils trouveront le chemin trop long, de mon âme
à ma plume, ils fracasseront ma tête et m'écarteront pour
sortir. Ils s'opposent à tout, ils détruisent tout, pourquoi pas
moi? «Vague. J'avais 20 ans, j'habitais avec un copain. Ce
soir-là, mes mots cognaient fort, et je n'avais qu'une idée en
tête: écrire. J'étais survoltée,
obsédée par mon écriture. Et il était entré
comme un coup de vent, coup du destin. Il courait partout, cherchait ses
vêtements, me parlait. J'étais trop occupée pour
répondre. Il s'était approché, narquois. Il voulait voir
mes mots. Je refusai.
Il m'arracha la feuille des mains. Alors, en un instant, mes mots
éclatèrent d'une fureur qu'ils contenaient depuis
déjà trop longtemps envers cet étranger qui les
bousculait, qui empiétait sur leur territoire, qui les narguait. Et mes
mots lui fracassèrent la tête, frappèrent,
frappèrent jusqu'à ce qu'il ne bouge plus. «Divague. J'ai
encore 20 ans. Tout ça, c'était hier. Tout le monde dit que c'est
moi qui l'ai fait. Ce n'est pas moi, ce sont mes mots. Ils pensaient m'avoir.
Mais ils ne m'auront pas. Je vais me sauver d'eux. Je vais partir dehors et
courir aussi vite, aussi fort que je le pourrai, et après je
m'écroulerai. Peu importe, je serai libérée: Ils
n'arriveront pas à me suivre. Et les gens qui pensent que c'est moi
verront bien que je ne suis pas à l'appartement. Il n'y aura que son
cadavre et mes mots. Ils seront bien forcés de me croire. Mais mes mots
ne doivent pas me rattraper: Je fermerai la porte à double tour et
courrai aussi vite que je le pourrai. Je n'en peux plus de vivre avec ces mots,
ils m'empoisonnent.»
Et cette jeune fille de conclure dans son texte: «Elle avait
encore ce bout de papier entre les mains lorsqu'on la retrouva, la tête
fracassée contre un pilier. Ses mots l'avaient rattrapée et les
mots ne pardonnent pas qu'on les abandonne.»
M. le Président, avec la loi 86, la politique de la langue
s'écrase dans la sphère politicienne. On veut réduire, M.
le Président, on veut miner, on veut affaiblir les piliers de ce qui
constitue un des éléments les plus fondamentaux du
développement de notre langue et du développement de la culture
québécoise.
M. le Président, toutes les propositions qui sont faites à
l'intérieur de ce qui nous est présenté comme un
ajustement, en rapport avec la Charte de la langue française, ce sont
partout de petits mots pour affaiblir, pour réduire et pour faire en
sorte qu'il y ait le plus de failles possible dans tout l'édifice. On
dirait, M. le Président, quelquefois, que c'est à une entreprise
assez incroyable qu'on s'est livré ici. Comme si, au Québec,
depuis 1977, nous ne nous étions pas donné une réflexion
commune, une réflexion et une capacité de gérer avec
sagesse une loi qui porte le titre de Charte de la langue française et
qui constituait un des principaux remparts de l'évolution du
développement, de la protection et de la promotion du français au
Québec.
M. le Président, en termes de langue d'enseignement, on introduit
toutes sortes de petites dispositions qui vont permettre d'affaiblir, de
réduire la portée, la capacité portante, la force de la
fibre qui unissait les différents chapitres, les différentes
dispositions de la loi 101. On veut modifier, M. le Président, en tout
premier lieu, l'article 72 de la langue, qui dit, déjà, qui
affirme: Au Québec, l'enseignement se donne en français dans les
classes maternelles, dans les écoles primaires et au secondaire.
Et là, avec l'article 22 du présent projet de loi ?
même s'il est 5 heures le matin, il faut être capable, au niveau de
l'adoption d'un certain nombre de principes à l'Assemblée
nationale, de voir les véritables enjeux, les éléments les
plus fondamentaux qui sont
proposés dans ce projet de loi et qui vont, encore une fois,
briser la dynamique générale ou l'effet de système de
cette loi ? l'article 22 prévoit l'ajout d'un alinéa qui
stipulerait que l'enseignement dans une langue autre que le français est
possible, aux fins d'en favoriser l'apprentissage, selon les modalités
et conditions qui seront prescrites dans le régime pédagogique
établi par le gouvernement en vertu de la Loi sur l'instruction
publique.
M. le Président, c'est toute cette question de l'immersion.
D'aucuns, d'aucunes au Québec ont égalé ce terme de
l'immersion à celui d'une lente glissade vers Fanglicisation. M. le
Président, le porte-parole du Parti Égalité, se
prévalant des dispositions de l'article 213 de notre règlement,
demandait au leader de l'Opposition de lui expliquer la différence dans
l'efficacité de l'immersion pour des anglophones qui viennent le faire
dans la langue de la minorité au Canada, dans la langue
française, au Québec et, par ailleurs, du dommage que cela
pourrait causer sur le plan de l'apprentissage et du glissement pour de jeunes
francophones qui seraient, par ailleurs, lancés dans cette immersion,
dans une immersion, évidemment, dans la langue de la majorité
nord-américaine, la majorité canadienne, et la majorité
sur ce continent nord-américain. Alors, M. le Président, on a
sciemment évité de, on a sciemment évité, M. le
Président, de...
Mme Marois: Je vous demanderais, si c'était possible, de
constater s'il y a quorum, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Qu'on appelle les
députés. (4 h 50 - 4 h 52)
M. le député de Rouyn-Noranda?Témiscamingue,
vous disposez encore d'une période de 5 minutes. Allez-y.
M. Trudel: Merci, M. le Président.
J'étais donc sur un envol, M. le Président, envol du
matin, de 4 h 55, qui a... Au moment où l'on a appelé les
députés sur cette lancée, le leader du gouvernement ne
voulait plus être seul à écouter ces paroles qui
certainement vont continuer à le faire réfléchir sur les
dangers de cette nouvelle possibilité maintenant inscrite, qui serait
maintenant inscrite au coeur de la Charte de la langue française ou ce
qu'il en reste, en matière d'immersion.
C'est toujours à propos des dangers que peut représenter
cette approche sur le plan pédagogique, et qui était interdite
par la Charte en 1977, que le père même de la technique de
l'immersion, le célèbre Wallace Lambert, expliquait, en prenant
en compte des facteurs sociaux et affectifs, sa théorie du bilinguisme
soustractif qui est bien connue: l'anglais est la langue dominante du
continent; ceux qui apprennent le français en sus ne risquent rien,
tandis que ceux dont la langue maternelle est la langue faible, plus
réduite en nombre, le français, ont des sentiments
partagés à l'égard de la langue forte au sens de la langue
de la majorité du nombre. Contrairement à ce qui se passe dans
l'Ouest canadien, par exemple, l'anglais comme langue d'immersion a tendance
à devenir à la fois langue scolaire et langue de socialisation de
l'école.
C'est pourquoi les auteurs de la Charte avaient jugé plus
prudent, et avec raison, d'empêcher, par l'article 72, la création
d'écoles d'immersion qui auraient été, en pratique, des
écoles anglaises, à peine maquillées, ouvertes à
tous. Et, M. le Président, pour permettre de nous passer ça entre
les dents, on va invoquer notre traditionnel sentiment de tolérance,
d'ouverture, de bonté des Québécois et des
Québécoises. Nous le savons tous, M. le Président. Nous
avons cette capacité. Mais nous savons aussi que, pour faire vivre, pour
faire en sorte que cette langue continue à se développer comme
véhicule principal de la majorité des personnes parlant
français au Québec, il faut avoir un certain nombre de gestes
courageux, il faut avoir la possibilité de renouveler, auprès de
nos concitoyens et de nos concitoyennes, les affirmations comme quoi nous
devons utiliser ces moyens non seulement pour protéger, mais pour
assurer également la promotion.
Le moyen d'intégration par excellence, moyen sur lequel nous ne
devons pas permettre la moindre faille, M. le Président, parce que
élément essentiel de l'intégration sociale, de
l'intégration au niveau du développement du véhicule d'un
peuple, qui s'appelle sa langue... Nous devons, M. le Président, nous
assurer que l'édifice est le plus étanche possible,
étanche au sens de sa solidité; non pas réduire ses
fondations, faire en sorte qu'on donne toutes les possibilités à
qui veut dériver, à qui veut faire en sorte de passer à
côté.
Nous sommes aussi, ici, les gardiens de cette langue française en
Amérique du Nord. M. le Président, ce n'est certainement pas le
Congrès américain qui va inventer et qui va présenter des
législations en vue de protéger la langue française, sa
promotion et son développement. Ce n'est pas leur responsabilité,
ce n'est pas leur principal souci, M. le Président. Nous avons
mené des luttes, nos pères et nos mères ont mené
des luttes épiques au cours des dernières années, au cours
des derniers siècles. Nous n'avons pas le droit, M. le Président,
de remettre ça en question et de renier un certain nombre d'acquis que
nous nous sommes donnés en société, M. le
Président. On ne peut pas faire des gorges chaudes des nombreuses
ouvertures et des dangers qui sont soulevés par de nombreux
observateurs.
M. le Président, les mots de la langue française ne
pardonnent pas qu'on les abandonne. Il y a des gens, M. le Président,
dans cette Assemblée qui vont devoir porter cette responsabilité
devant l'histoire. Je fais le pari que la langue va les rattraper et qu'un jour
ils vont comprendre que la langue dure et que les mots ne pardonnent pas qu'on
les abandonne.
Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Sur la même motion,
M. le député de Westmount, vous avez droit à une
intervention de 20 minutes.
M. Boisclair: Pouvez-vous constater le quorum, M. le
Président?
M. Holden: Do not waste time!
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Qu'on appelle les
députés! (4 h 58 ? 5 heures)
M. le député de Wesmount, vous avez droit à une
intervention de 20 minutes.
M. Richard B. Holden
M. Holden: Thank you, Mr. Speaker. Mr. Speaker, behind you... Mr.
Speaker, I could ask that the Members all take their own seat, but I will not
do that.
Mr. Speaker, behind you on the wall is a huge tableau of what they refer
to as «The Language Debate», which took place 200 years ago, and it
seems we are still at it. I can predict, Mr. Speaker, that there will be at
least one more language debate which will come after the next election, when
the party in power will then adopt not only a language policy, but a
constitutional protection for the rights of the English minority, as set out in
the report.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): S'il vous plaît! Un
instant, un instant! Alors, je voudrais qu'on permette au député
de Westmount de pouvoir s'exprimer. J'ai de la difficulté à
l'entendre moi-même, là. Alors, s'il vous plaît... Allez-y,
M. le député.
M. Holden: Merci, M. le Président. Je pensais que le
député de Papineau voulait que je parle en anglais, mais... Mr.
Speaker, I was interested to hear the Member from Beauce-Sud, who did a review
of the historical development of the language debate. And I remember, just
about 5 years ago, the minister who now is responsible for the language charter
took a position somewhat different from the position he is taking today. And
only a year ago, in the plea that the Government submitted to the United
Nations, the Government took a position in which it argued that the French
language was in a vulnerable position. I remember myself, Mr. Speaker, arguing
that the French language was not vulnerable since it had developed
substantially since the passage of Bill 101. Now, the Minister and the
Government have changed their minds and I also have changed my mind. As I said,
during the referendum debate, Mr. Speaker, «le Parti libéral a
fait un virage de 180° et moi aussi».
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Holden: La différence, c'est que le Parti
libéral s'est tourné vers le passé, tandis que moi, j'ai
choisi l'avenir. On dit, M. le Président, qu'il n'y a que Dieu et les
imbéciles qui ne changent pas d'opinion.
Une voix: Oui, oui. On fêtera ça à la
prochaine élection.
M. Holden: M. le Président, moi, pendant les 3, 4
dernières années, j'ai probablement lu et entendu tous les
arguments pour et contre et j'ai fait tous les arguments pour et contre la
fameuse question de l'affichage. Dépendamment de la perception qu'on a
de la réalité, les 2 côtés ont souvent raison. Mais,
M. le Président, à cause de mes circonstances
particulières...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Holden: Des fois, je rêve d'une île déserte
où il n'y a aucune affiche, et, des fois, il n'y a pas d'enseigne, il
n'y a pas de panneau publicitaire, dans l'île déserte et, Dieu
soit loué, nulle part il n'y a un coin de rue avec un
«stop». Alors, les gens de l'île déserte, dans mes
rêves, sont des gens très paisibles, très heureux, mais
tout d'un coup, mon rêve devient un cauchemar quand 2
Québécois arrivent, un anglophone et un francophone, et
commencent à expliquer aux gens de l'île déserte la
signification d'une affiche et quelle importance une affiche peut avoir dans la
société moderne. L'un prétend que le droit d'afficher est
une liberté tellement fondamentale que, sans elle, on ne peut pas vivre
convenablement; l'autre prétend que perdre le contrôle de
l'affichage risque la perte d'une culture et d'une langue. Les gens de
l'île, jusqu'alors paisibles et affables, se forment en partis
politiques. La tranquillité de l'île devient perturbée par
les pro-affiches et les antiaffiches et, tout d'un coup, un jeune de
l'île, un entrepreneur, fait venir toutes sortes d'immigrants qui
commencent à manufacturer les affiches, et ça crée toute
une série de problèmes culturels et linguistiques. Et là
je me réveille et je regarde la réalité, et c'est pas mal
comme dans mon rêve. Évidemment, je vis dans une atmosphère
où certains mots évoquent des réactions
prévisibles: les mots comme «accès à
l'école», «bilinguisme», «arrêt»,
«souveraineté», tous les mots qui soulèvent des
pensées et des réactions prévisibles. Mais, pour moi, je
dis souvent, M. le Président, que, personnellement, je n'ai rien contre
la langue anglaise, et plus Anglais que moi, il faut aller en Angleterre.
Alors, je suis très conscient de l'attitude des anglophones dans
le Québec actuel et je suis très conscient des arguments pour et
contre toutes les questions linguistiques. Mais je suis maintenant tout
à fait d'accord avec le chef de l'Opposition quand il dit que ce n'est
pas le temps d'entrer dans un débat linguistique et que la situation de
la langue et la situation de ce qu'on appelle l'inquiétude culturelle
vont être tellement mieux dans un Québec souverain. Pour des
raisons que je ne peux pas tout à fait expliquer, j'ai toujours eu une
attitude envers la langue française qui va dans le sens de savoir. J'ai
su à un âge très jeune qu'il fallait, comme anglophone,
posséder la langue française pour fonctionner dans le
Québec. Et, sur le plan personnel, c'est évident qu'avoir 2
langues, c'est un «plus».
Je me souviens, M. le Président, de l'époque où les
anglophones, surtout les anglophones de Westmount, vivaient dans une solitude
et les seules personnes... Moi, je me souviens que j'étais le seul dans
la maison
qui parlait français. Mes frères et le reste de mes amis
ne connaissaient pas la langue française, sauf pour l'essentiel:
Bonjour, comment ça va? Voulez-vous coucher avec moi? ? les
essentiels de la langue française...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Holden: Chez moi, personne ne parlait français et on
avait souvent des bonnes québécoises... Et j'ai souvent
raconté l'histoire de notre bonne, Thérèse. C'était
dans les années quarante. On était en train de jaser de choses et
d'autres et j'ai demandé à Thérèse... On parlait de
la religion. J'ai dit: «Thérèse, c'est quoi, le ciel, pour
toi?» Et Thérèse a dit: «Monsieur, au ciel, votre
mère travaille pour moi et elle me parle en français.» Je
dis toujours que c'est à ce moment-là que je savais qu'un jour ou
l'autre il y aurait une charte de la langue française parce que,
justement, il fallait protéger et encourager la langue française
et ce n'étaient certainement pas les anglophones ou les gens en place
qui étaient pour encourager la culture québécoise qui
s'est faite par la suite. (5 h 10)
Et puis, le Parti québécois, c'est sûr que, depuis
sa fondation, le Parti québécois et la communauté
anglophone ont vécu isolés l'un de l'autre. Les Anglais, je
dirais, en général, ignoraient les politiques du Parti
québécois, sauf en ce qui concerne l'article 1, la
souveraineté. Alors, depuis la fondation du parti, il y a eu une
méfiance et une séparation entre la communauté anglophone
et le Parti québécois, mais pour la première fois, cette
année, le Parti québécois se penche sur le statut des
Anglais dans un Québec souverain. J'aimerais vous lire... Probablement,
surtout ceux qui sont en face de nous, vous n'avez pas lu le rapport, qui est
tout à fait extraordinaire. Ça a été bien fait,
ça couvre toute la question des droits des anglophones dans un
Québec souverain, et la conclusion du rapport se lit comme suit:
«Être Québécoise et Québécois, c'est
exprimer avant tout sa volonté de vivre ensemble dans une
société moderne et ouverte sur le monde. Le projet de
souveraineté du Québec s'adresse aux citoyennes et aux citoyens
de toute origine. Le Parti québécois doit expliquer la nature et
la portée de son projet aux compatriotes de langue anglaise. Dans la
mesure où il s'engage, dès maintenant, à reconnaître
leurs droits et à les considérer comme partie intégrante
et dynamique d'un Québec souverain, le Parti québécois
espère compter en retour, une fois la souveraineté
réalisée, sur la participation pleine et entière des
Anglo-Québécois au développement du
Québec.»
Ça, je le crois, M. le Président, et je crois aussi ?
et je sais qu'il n'y a pas tellement de mes compatriotes qui le croient
fermement comme moi ? que la souveraineté, non seulement va
être un fait d'ici 2 ou 3 ans, mais ça va être
bénéfique pour le Québec et pour le reste du Canada. Je
crois fermement, M. le Président, que ce qui va arriver avec la
souveraineté, ce n'est pas des chicanes interminables, mais une
meilleure compréhension entre le Québec et le reste du pays. Je
sais que les gens en face de nous ne sont pas d'accord avec cette optique, mais
je le crois, et seulement l'avenir va dire qui a raison.
M. le Président, the idea that the Government was forced by the
judgment of the United Nations into adopting, in a hasty manner, these
amendments in Bill 86 really does not stand up under analysis. I perfectly well
understand that the notwithstanding clause is coming in December of this year,
and that there were choices the Government had: the Government could have left
the matter ride and tested the law under a new and a better argument in the
various levels of the courts, but the Government decided not to do that, and
decided to bring in the amendments which we are faced with today. But to use
the United Nations' opinion as a basis for adopting this legislation is, to my
mind ? I do not want to say «dishonest» ? is a cover, Mr.
Speaker. The real reason, of course, why the Government wants to make the
changes that it is making, partly it is because they have changed their minds
as far as the attitude they should adopt towards the English minority, but
secondly, it is because they want those votes back. In the last election, the
Equality Party took one half of the English votes in the province, and the
Liberal Party survived because the Equality Party's vote was totally
insignificant in terms of what the results were in the rest of the province.
But the next time, if it had been allowed to continue to grow, the Equality
Party could have cost the Government 15 seats, and I have no doubt that one of
the big reasons behind the legislation that we are looking at right now is the
desire to win back those votes. : But what has happened, of course, is that
when you give to the Equality Party a certain amount of what they asked for,
they ask for more. There is nothing to satisfy the extreme views of the people
who support the Equality Party. Whether or not some of them vote because you
have decided to make some changes to the legislation, a lot of them will
continue to follow a hard line and will continue to vote for the Equality
Party, and probably just enough to cost you 12 to IS seats in the next
election. But whether or not politically it is a good move, this legislation
that we have today, the argument on the United Nations just does not hold
water.
M. le Président, il faut regarder le soi-disant jugement qui
n'est pas un jugement du tout, mais il faut regarder ce que la commission ou le
comité... Parce qu'il ne faut pas confondre le Comité des droits
de l'homme avec le... Les Nations unies ont créé ce Comité
des droits de l'homme par ce qu'on appelle le Pacte international relatif aux
droits civils et politiques, et la tâche de ce Comité, c'est
d'examiner des communications émanant des particuliers. Alors, ce qu'on
a fait... D'abord, les arguments qu'on aurait pu faire valoir devant le
Comité, on ne les a pas fait valoir, parce que seulement les individus
sont autorisés à faire des demandes devant le Comité. Et,
comme par hasard ? comment s'appelle-t-il, le monsieur qui a fait
l'application?...
Une voix: Jacques Parizeau.
M. Holden: Non. Ha, ha, ha! La demande qui a été
faite a été faite au nom d'un invididu...
Une voix: Mclntyre.
M. Holden: ...tandis que Mclntyre n'opérait pas son
affaire sous son nom, mais sous un nom corporatif. Mais on n'a même pas
soulevé l'argument. Alors, M. le Président, quand il s'agit
d'essayer d'expliquer le bill 86 à cause de l'avis du Comité des
droits de l'homme des Nations unies, je soumets, M. le Président, que
c'est un voile qu'on essaie de tirer sur les vraies raisons,
c'est-à-dire avoir les votes des anglophones. Je vous remercie.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le
député. M. le député de Papineau.
M. MacMillan: Selon l'article 213 de nos règlements,
est-ce que le...
Le Vice-Président (M. Bissonnet): En vertu de l'article
213, permettez-vous une question?
Une voix: Non, pas à cette heure-ci. Des voix: Ha,
ha, ha!
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, la question n'est
pas permise. M. le député de Papineau, vous voulez intervenir sur
ce projet de loi? M. le député de Papineau.
M. MacMillan: I just want to take about 30 seconds to say one
thing...
Une voix: M. le Président...
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Qu'on appelle les
députés. (5 h 20 - 5 h 24)
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Nous poursuivons le
débat sur l'adoption du principe du projet de loi 86, Loi modifiant la
Charte de la langue française. Je reconnais M. le député
de Papineau.
M. Norman MacMillan
M. MacMillan: Merci, M. le Président. Je ne devais pas
intervenir dans le débat sur la loi 86, le débat sur la langue,
but I have to take this opportunity to say to my friend ? anyway ?
from Westmount: You were elected here, Mr. President, this Member of Parliament
was elected here because of Bill 178, and now, he is speaking against at once
86. Try to understand something about that! Essayez de comprendre ça: il
a été élu à l'Assemblée nationale à
cause de la loi 178 puis, aujourd'hui, il se lève et il parle contre la
loi qu'on est en train de rectifier pour aider les gens, les anglophones dans
la province de Québec. Et il a le front de se lever dans cette Chambre
et de parler contre ça.
If I was him, I would not go back home tomorrow or next week because
somebody is going to shoot you. It is unbelievable! Ce n'est pas croyable qu'un
gars puisse se lever dans cette Chambre ? qui s'appelle, vous savez son
nom, le député de Westmount, et que je ne peux pas mentionner
? pour parler contre la loi 86. Parce qu'il a été élu
sur la loi 178. C'est impossible! Je ne pensais jamais voir ça ? 4
ans que je suis ici ? et je trouve ça absurde, je trouve ça
stupide; c'est malheureux.
Mme Juneau: Question de règlement.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Mme la
députée de Johnson.
Mme Juneau: Merci, M. le Président. Premièrement,
le député doit s'adresser à la présidence;
deuxièmement, chaque parlementaire ici, à l'intérieur de
l'Assemblée, a le droit de tenir des propos, en autant que ce sont des
propos parlementaires. Il a droit de tenir le discours qu'il veut bien en
autant qu'il respecte les règlements de la Chambre. Et c'est
inacceptable ce qu'il est en train de faire.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, sur la question
de règlement, M. le leader du gouvernement.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): J'ai recherché, suite
à la question de règlement de Mme la députée de
Johnson, quelques propos antiparlementaires qui auraient pu être
prononcés par le député et je n'ai pas identifié,
dans le vocabulaire utilisé, un seul mot qui contrevenait aux
dispositions de notre règlement.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, si vous voulez
poursuivre votre intervention, M. le député, en vous adressant
à la présidence.
M. MacMillan: Merci, M. le Président. J'étais pour
vous dire que, si le député de Westmount avait
écouté tantôt le discours de Mme la députée
de Johnson, peut-être qu'il n'aurait pas dit la même chose quand
elle parlait de 10 % des gens dans son comté, des hôpitaux, des
écoles... Alors, le plus drôle de tout ça...
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Un député
à la fois!
M. MacMillan: M. le Président, le plus drôle de tout
ça, c'est quand on lit les journaux. Je n'ai pas les articles devant
moi, mais ces gens-là du Parti québécois viennent nous
dire qu'une fois qu'il y aura la souveraineté on pourra afficher en
anglais. Moi, j'appelle ça de l'hypocrisie; c'est aussi clair que
ça. C'est une gang... C'est des hypocrites; c'est aussi clair que
ça. On vient nous dire qu'une fois que la souveraineté...
Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le
député, si vous voulez retirer vos derniers propos, s'il vous
plaît. Si vous voulez retirer vos derniers propos, sans
commentaires. Merci.
M. MacMillan: M. le Président, je peux quand même
dire que c'est de l'hypocrisie dans leur programme qu'ils puissent dire que,
suite à une souveraineté du Québec, on pourra afficher
dans la langue anglaise, mais parce que c'est nous, du Parti libéral...
Puis on le voit dans tous les sondages qu'on a dernièrement, on monte
régulièrement et on va pouvoir régler ça une fois
pour toutes. Il y a eu un article dans L'Actualité qui disait que
le Parti québécois va disparaître bientôt. Ça
va être à la prochaine élection.
Alors, pour terminer, M. le Président, j'aimerais mentionner au
député de Westmount... D devrait retourner chez lui en fin de
semaine, peut-être aller dans son comté, ouvrir son bureau,
demander, consulter, mais ouvrir son bureau, pour commencer, et demander
peut-être aux gens qui travaillent avec lui ou autour de lui s'il y a eu
des messages des gens qui ont écouté ce débat-là.
C'est très, très malheureux qu'un gars qui a été
élu à l'Assemblée nationale sur la loi 178, là, va
voter contre parce qu'on est en train de rectifier et d'améliorer le
sort des anglophones et des allophones dans le Québec. Il va voter
contre ça. Je pense qu'il devrait aller se cacher, mais je ne sais pas
où, je me demande où. Merci, M. le Président.
Des voix: Bravo!
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Nous poursuivons le
débat sur le projet de loi 86. M. le député
d'Ar-thabaska.
M. Jacques Baril
M. Baril: M. le Président, je veux prendre la parole sur
le débat, sur la loi 86, d'abord pour exprimer quelques intentions de ma
part, quelques compréhensions de la loi, et aussi amener à cette
Assemblée les commentaires des citoyens de mon comté, qu'ils
m'ont faits suite à l'amendement qu'on amène encore à la
loi sur la langue.
Mais, d'abord, je dois féliciter, je veux féliciter le
député de Westmount pour son évolution, pour son ouverture
d'esprit. Il est heureux qu'il y ait quelques citoyens anglophones qui
comprennent le fait français au Québec. Qu'on les laisse parler
démocratiquement, qu'on les laisse exprimer leur point de vue.
Même si le député de Westmount s'est fait élire en
1989 à cause de la loi 178, ça n'empêche pas que c'est un
homme qui a évolué; il a compris des choses. Il y a un proverbe
qui dit qu'il y en a pour qui ça prend plus de temps que d'autres
à comprendre, mais ils finissent par comprendre. Mais il y en a, M. le
Président, qui ne comprendront jamais parce qu'ils ne veulent pas
comprendre.
Une voix: C'est vrai.
M. Baril: Ils ne veulent pas faire d'efforts pour comprendre la
situation du fait français au Québec. (5 h 30)
En passant, on dit que l'avenir est aux lève-tôt: il est 5
h 30. Mais pour se lever tôt, M. le Président, il faut d'abord se
coucher. Et c'est déplorable qu'on discute de cette loi importante dans
une atmosphère comme on le fait présentement.
Tout à l'heure, aux environs de 3 heures, je traversais le salon
rouge pour m'en venir ici à un vote et je trouvais ça pas humain
de voir des députés allongés sur les divans qu'il y a au
salon rouge, roupiller, sommeiller pour essayer de traverser cette nuit. Dans
les fumoirs, en arrière, d'autres députés, on va dire en
bon québécois, sont évachés sur les fauteuils pour
essayer aussi de récupérer un peu. Sur les banquettes de cette
Assemblée, aussi, M. le Président, d'autres sont accoudés
sur leur bureau, d'autres, la tête par en arrière, ils donnent
littéralement.
Comment voulez-vous, M. le Président, discuter intelligemment
d'un projet de loi aussi important? Ça n'a pas de bon sens, M. le
Président. Je dirai en passant que, si le leader voulait montrer
l'exemple, son livre de règlements est sur son bureau et, à tout
moment, il se lève pour nous rappeler à l'ordre, nous lire son
livre de règlements, qu'il le lise donc et qu'il l'applique donc pour
lui-même. Je n'ai dérangé personne, moi, depuis que j'ai
parlé ici. J'ai tout laissé parler les autres.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Question de
règlement, M. le leader du gouvernement.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): En vertu de l'article 35,
paragraphe 4, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): À cette heure-ci,
je vais vérifier l'article 35, paragraphe 4.
Une voix: Ha, ha, ha!
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Vous devez vous adresser
à la présidence, M. le député, en vertu de
35.4.
M. Baril: Ça me fait plaisir, M. le Président, de
m'adresser à vous. Je sais que vous êtes compréhensif. Mais
voudriez-vous... par votre entremise, j'aimerais faire comprendre au leader de
me laisser la paix, de me laisser parler. Je n'ai dérangé
personne. M. le Président, vous le savez comme moi comment le leader du
gouvernement peut être achalant, fatigant. Sa meilleure méthode
pour essayer de nous empêcher de parler, c'est de toujours ouvrir son
règlement et de nous citer un fameux règlement.
Moi, M. le Président, je suis allé une fois en cour durant
ma vie, et les avocats, c'est comme ça qu'ils agissent vis-à-vis
du juge. C'est toujours un article de la loi, quelque part, puis on lit tout
ça. Et le leader applique son code à cette Assemblée
pareil comme s'il se pensait à la cour. Qu'il laisse donc les travaux se
dérouler tranquillement, pas vite. S'il planifie mal ses tra-
vaux, pour être obligé de nous faire siéger en
pleine nuit, bien, qu'il vive avec ses problèmes, ce ne sont pas les
nôtres.
M. le Président, on parle de la loi 86. On dit: La Loi modifiant
la Charte de la langue française, présentée par M. Claude
Ryan, ministre responsable de l'application de la Charte de la langue
française. Il y a des choses, M. le Président, qui sont
difficiles à comprendre parce que le ministre responsable de
l'application de la Charte de la langue française devrait être
là pour, justement, faire respecter, renforcer même la Charte de
la langue française, pas l'affaiblir, pas l'harnacher, pas la couper, la
diminuer, la rapetisser, la ratatiner. Ce n'est pas ça, le rôle du
ministre responsable de la Charte de la langue française. Ça
serait d'expliquer aux Québécois, aux Québécoises
de toutes les souches l'importance de préserver notre langue
française, ici, dans ce noyau en Amérique du Nord.
Mais, au contraire, le ministre amène des amendements à
cette même Charte qui vont chambarder, vont nuire
énormément au développement et au maintien de la langue
française au Québec. C'est ce qui est tout à fait
dommageable. Mais je dois reconnaître l'habileté du gouvernement
libéral qui est en face de nous, M. le Président,
l'habileté du gouvernement libéral qui est en face de nous. Parce
que non seulement on nous fait discuter de ce projet de loi en pleine nuit,
où il n'y a à peu près personne qui nous entend,
comprenez-vous.
Quand on écoute les libéraux, ils mettent tout l'accent
sur le bilinguisme au Québec, sur l'affichage, pour camoufler ce qu'il y
a plus loin dans d'autres articles de la même loi. C'est ça qui
est une façon, M. le Président, tout à fait hypocrite
d'être capable de refiler des choses aux Québécois, qui,
tout en ne disant pas la vérité... On dit: Mais vous êtes
contre le bilinguisme. Comment ça, vous êtes contre le
bilinguisme? Quand tu dis ça, c'est évident que les
libéraux marquent des points, parce que qui, aujourd'hui comme hier,
n'aime pas dire quelques mots en anglais? C'est évident.
Le Parti québécois n'a jamais été contre
l'anglais; au contraire, ça a été le premier gouvernement
en cette Chambre qui a même donné l'avantage aux
Québécois et aux Québécoises d'apprendre l'anglais,
puisqu'on avait imposé l'enseignement de l'anglais, on a rendu
l'enseignement de l'anglais obligatoire au primaire, ce qui n'existait pas
avant. Et on vient essayer de nous accuser, nous, du Parti
québécois, qu'on est contre la langue anglaise. On essaie
totalement de faire dévier le débat uniquement au niveau de
l'affichage, au niveau du bilinguisme au Québec.
Et pourtant, c'est une tout autre chose, puisque, si on regarde à
l'article 30 de ladite loi ? et c'est là que le bât blesse,
M. le Président, énormément ? on peut y lire:
L'article 81 de cette Charte est modifié par le remplacement du premier
alinéa par le suivant: «Les enfants qui présentent des
difficultés graves d'apprentissage peuvent, à la demande de l'un
de leurs parents, recevoir l'enseignement en anglais. Les frères et
soeurs d'un enfant ainsi exempté de l'application du premier
alinéa de l'article 72 peuvent aussi en être
exemptés.»
Et c'est de là, M. le Président, cet article, qui fait en
sorte qu'on commence à mettre la hache dans l'avenir du français
au Québec. Et qui, M. le Président, est mieux placé,
comprenez-vous, que les enfants, de génération en
génération, qui apprennent le français, qui seront
là dans le futur, pour préserver cette langue au Québec?
À chaque fois qu'il y aura quelqu'un qui invoquera le fait qu'il a des
difficultés d'apprentissage, il s'en ira à l'école
anglaise, automatiquement. Ses frères et ses soeurs vont continuer
après; ils n'auront même pas besoin, eux autres, de demander, de
justifier. Ils n'auront pas besoin de dire: Nous autres, on a de la
difficulté à l'école. Ils n'auront même pas besoin
de demander ça, ils vont aller directement à l'école
anglaise. et lorsque, m. le président, tout le monde sait comment la
formation est importante, là, on va encourager l'enseignement de
l'anglais à tous les niveaux. et quand est-ce que quelqu'un du parti
libéral se lève pour parler de ça? c'est désolant,
m. le président. c'est désolant, vous savez, parce qu'il y a une
multitude de députés libéraux ici qui représentent
des comtés à 100 % francophones, à 100 % francophones, et
personne d'entre eux ne se lève, justement, pour empêcher cet
article qui est écrit dans le projet de loi que le parti libéral
s'apprête à voter à la majorité. c'est dramatique,
m. le président. l'attitude du parti libéral, actuellement, est
uniquement un geste politique. un geste politique. on met l'avenir du
français au québec uniquement pour des fins
électoralistes, et c'est ça qui est dangereux de ce gouvernement,
après avoir affaibli économiquement la population, après
avoir appauvri la population sous toutes ses formes.
J'écoutais, ce matin, le ministre de la Sécurité du
revenu qui disait: II y a 750 000 ou 785 000 assistés sociaux au
Québec. Ce n'est pas bien grave: il y en a juste 700 000, trois quarts
de million, ce n'est pas bien gros. Et savez-vous le moyen qu'il nous a
annoncé, ce matin, pour essayer de diminuer le nombre de ces
gens-là dans le besoin? Comment est-ce qu'il va faire pour essayer de
diminuer le nombre de ces gens-là dans le besoin? Ha! Il va renforcer
les critères d'admissibilité à l'aide sociale. C'est tout
un effort. C'est tout un effort pour forcer ce monde-là à
travailler pendant qu'il n'y en a pas, de jobs. Et ce gouvernement-là ne
fait rien, comprenez-vous, rien, absolument rien, pour essayer de donner un peu
d'espoir aux Québécois et aux Québécoises, qu'ils
vont pouvoir travailler demain matin. Au lieu de parler d'économie, on
profite de l'occasion que le peuple est dans une misère quasi totale
pour nous amener un projet de loi pour modifier la Charte de la langue
française, pour permettre à tous ceux et celles qui le
voudront... ils ont juste à invoquer une petite difficulté
d'apprentissage et ils s'en iront directement à l'école anglaise.
C'est ça, M. le Président, la politique de ce
gouvernement-là, uniquement un gouvernement à courte vue, un
gouvernement électoraliste. Pour arriver à ses fins, il est
prêt à faire n'importe quoi. (5 h 40)
J'écoutais tout à l'heure celui qui m'a
précédé, le député de Papineau, qui parlait
de la mort du Parti québécois à la prochaine
élection. Il n'a certainement pas regardé les sondages
dernièrement, lui, parce que, quand on regarde les sondages
dernièrement... je ne m'en vanterai pas. On a 3 points d'avance au
moins. C'est toujours ça. Et quand on les décortique par
comté, ce qui donne de l'avance aux libéraux, c'est le vote des
allophones. C'est le vote des allophones qui sont massivement de leur bord
parce qu'on est en train de leur faire plaisir, encore une fois. Peu importe
l'avenir du français au Québec. Pourquoi? C'est le seul noyau en
importance en Amérique du Nord, le fait français au
Québec. Que chaque génération a travaillé fort,
s'est débattue avec le temps pour venir à bout de
préserver ça!
Ce matin, justement, j'arrêtais faire le plein d'essence chez
nous, et le garagiste me disait: Comment ça se fait, Jacques, que les
libéraux reviennent encore sur ce projet de loi là? Il me semble
que la loi 101 était là puis elle était claire, puis les
gens s'étaient habitués à vivre avec la loi 101. Pourquoi
ils rouvrent ce débat-là, surtout à cette
période-ci? Il parlait du climat social qui avait été
rétabli. Les gens avaient dit: Bon, bien, à l'avenir, ça
va être comme ça que ça va marcher au Québec. Ceux
qui n'étaient pas contents, ils ont sacré leur camp, et ceux qui
ont accepté de vivre avec la loi 101, ils ont dit: On va vivre avec la
loi 101. Pourquoi ils nous ramènent ça? Pourquoi ils
ramènent ça encore, parler de la langue, encore rebriser ce
climat social qu'il y a au Québec?
Ça, c'est ce matin que quelqu'un me parlait de ça. En fin
de semaine, j'ai assisté à certaines activités sociales
comme bien d'autres députés et, encore une fois, les gens me
parlaient de ça. Pourquoi le gouvernement... Qu'est-ce qu'il pense,
d'amener ça durant ce temps-ci? Pendant que le Québec est en
état de crise, qu'est-ce que le gouvernement pense de nous amener un
débat sur la langue qui va encore affaiblir le fait français? Ces
remarques-là, M. le Président, on a ça à chaque
fois qu'on se promène dans nos comtés. Et je ne comprends pas,
encore une fois, pourquoi... Comment se fait-il que les députés
de comtés, je vous le dis, à 100 % francophones laissent leurs
factions minoritaires anglophones dans leur parti, comprenez-vous, mener tout
le monde? Ça n'a pas de bon sens.
Je me rappelle d'une phrase que le président d'Alliance
Québec, Robert Bob Keaton, disait, suite à une interrogation d'un
de ses membres participant à leur congrès général
qui a eu lieu dernièrement, à l'effet que... pourquoi Alliance
Québec ne se battait pas encore plus fort que ça, comprenez-vous,
pour qu'on permette dans la loi l'ouverture intégrale, complète
à l'école anglaise de tous ceux et celles qui veulent y aller. Et
la réponse de... Keaton a dit: Écoutez un peu... Ça a
sorti sous l'impulsion du moment, il a laissé parler son coeur,
probablement, sans s'en apercevoir. Il a dit: Écoutez un peu, il ne faut
pas parler de ça tout de suite. On est en train de marquer des pas
importants avec la loi 86 et on fait ça sans que les
Québécois, les franco- phones s'en aperçoivent. Donc, ne
les réveillons pas. C'est ce que Robert Bob Keaton, président
d'Alliance Québec, a dit à son congrès
général.
Comment se fait-il que si eux autres, les anglophones, avec tout le
respect que je leur dois, comprenez-vous, comment se fait-il qu'ils se
permettent de dire des choses semblables, qu'ils vont se dépêcher
de nous en passer une petite vite? Je ne sais pas si c'est pour ça que
le gouvernement profite de l'occasion de nous poser ça durant la nuit.
Vous en passez une petite vite et il ne faut surtout pas nous réveiller,
nous autres, les francophones, parce qu'ils vont nous avoir à la longue
avec ça.
Ça me fait penser, M. le Président, en 1982 ou 1983,
j'étais allé au Manitoba avec une association de parlementaires
de cette Assemblée. Après les réunions formelles, j'aime
bien marcher dans la rue, et il y avait une personne d'un certain âge qui
était accoudée dans une... accotée sur une vitrine de
magasin. Je voyais qu'elle était francophone, ça fait que
j'arrête lui parler. Je lui demandais combien ça faisait de temps
qu'il était là, tout ça, puis comment était la
situation du français à Saint-Boniface, au Manitoba. Et le vieux
monsieur me dit: Ah! vous savez, il dit, quand on est arrivé ici, il
dit, on était une importante agglomération de francophones. Mais,
avec tristesse, ça diminue. Il dit: Je suis rendu qu'avec mes
petits-enfants, ils ne me comprennent même plus, mes petits-enfants. Il
dit: Nous, quand on est arrivés ici, c'était défendu de
parler anglais dans la maison. Nos parents nous exigeaient... Excusez,
français. C'était... Il était défendu de parler
anglais dans la maison parce qu'ils voulaient préserver la langue
française. Bon. Donc, il dit: En dehors, c'est évident, on
parlait... Ma mère puis mon père, dans la maison, c'était
le français qui se parlait. Et c'est de cette façon-là
qu'on pouvait passer de génération en génération,
préserver la langue française. Il a dit: Mais c'est
évident que mes enfants à moi ont été moins
sévères envers leurs enfants et, aujourd'hui, dans les maisons,
on n'entend à peu près plus parler français. Et les
enfants, eux autres, ils sont rendus unilingues anglais. Pourquoi? Parce qu'ils
ont commencé à l'école anglaise, ils ont joué avec
leurs amis qui, eux aussi, parlaient anglais, et les parents n'ont pas su
imposer le fait français dans la maison. Et il me disait: D'ici une ou
deux générations, ici, au Manitoba, il n'y aura plus de
français, ça va être fini. On va s'être fait gober,
on va s'être fait siphonner par la langue anglaise.
M. le Président, avec des ouvertures comme on nous permet
actuellement, avec la loi 86, c'est la même chose qui va se produire au
Québec, dans peut-être 2 ou 2 générations qui s'en
viennent, qui sont en arrière de nous. C'est ça qui est triste,
c'est ça qui est malheureux, que personne, M. le Président, de ce
gouvernement, qui viennent ici et votent des lois d'une façon tout
à fait servile, comprenez-vous, ils se laissent mener par une petite
gang, une petite clique où, uniquement dans un but électoraliste,
ils amendent la Loi modifiant la Charte de la langue française pour
permettre, pratiquement sans aucune condition, l'enseignement de l'anglais chez
nous.
Si on n'est pas capable de faire respecter, d'obliger nos enfants
à apprendre le français, comme on doit aussi apprendre l'anglais,
M. le Président, c'est le début de la fin. Et, avec tout ce que
le gouvernement... Comme je le disais tout à l'heure, il a
endetté le Québec, il a taxé les Québécois
et les Québécoises, et aujourd'hui, il se demande pourquoi il n'y
a pas 25 000, 30 000, 50 000 personnes qui sortent dans la rue pour s'opposer
à ce projet.
Je finirai, M. le Président, en disant que le gouvernement a
réussi à mettre le peuple dans la misère, et un peuple
dans la misère, c'est un peuple sans pouvoir. Ça, c'est un
succès que le Parti libéral, le gouvernement du Parti
libéral a réussi à faire durant les années qu'il a
été au pouvoir.
Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le
député.
Sur cette même question, je suis prêt à
reconnaître un prochain intervenant.
Mme la députée de Bourget.
Mme Huguette Boucher Bacon
Mme Boucher Bacon: Merci, M. le Président.
Lorsque le ministre responsable de l'application de la Charte de la
langue française a déposé le projet de loi 86 en cette
Chambre, l'Opposition officielle s'est immédiatement rebellée et
en a attaqué le contenu sans même prendre le temps d'en
évaluer la portée. Elle s'est en effet rebellée en
prétextant que le dossier que le gouvernement revenait d'utiliser sur le
dossier linguistique... Inutile, disait-elle. Pourtant, nous avions dit, et ce,
à plusieurs reprises, que nous reviendrions dans ce dossier cette
session-ci, d'une part, à cause du délai de 5 ans, de la clause
dérogatoire qui a expiré en décembre 1993 et, d'autre
part, que la législation actuelle devait être ajustée en
fonction des changements opérés dans la société au
fil des dernières années.
Là, M. le Président, on assiste, un peu comme une
boîte à surprise, du côté de l'Opposition, ce qu'on
appelle, pour les enfants, «jack-in-the-box». Alors, on a
l'impression que c'est des clowns qui sortent d'une boîte et qui nous
disent à nous, au gouvernement: Comment se fait-il que vous nous arrivez
à ce moment-ci pour changer ou modifier la loi 101, qui est maintenant
le projet de loi 86?
Puis, l'Opposition officielle s'en est prise au contenu du projet de loi
86 en disant des aberrations comme, par exemple, qu'il menaçait les
francophones vivant au Québec, qu'il brimait leurs droits et même
que la langue officielle du Québec pourrait être affectée.
Un phénomène de peur, M. le Président, que le Parti
québécois veut invoquer auprès de la population, mais
ça ne prend plus aujourd'hui.
Bref, depuis quelque temps, on entend dire à peu près
n'importe quoi. Ce qui démontre l'étroitesse d'esprit et le repli
sur soi qui caractérisent si bien les membres de l'Opposition
officielle. Cette peur de s'ouvrir sur le monde, ce besoin de se
surprotéger, cette volonté de conserver un ghetto linguistique et
de prôner un unilinguisme français qui ne correspond plus à
la réalité traduisent, il faut bien s'en rendre compte, une
version totalement dépassée. (5 h 50)
Voilà, M. le Président, la conception que les membres de
l'Opposition officielle se font du Québec, et c'est la conception qu'ils
veulent que le reste du Canada et l'étranger aient de nous. Mais sur
quelle planète vivent-ils? Je vous le demande. Nous sommes en 1993,
même si M. le député de...
Une voix: De Laviolette.
Mme Boucher Bacon: ...Laviolette, M. le Président, dit
qu'il vit sur cette terre, j'ai l'impression qu'il est un petit peu en dehors
du contexte.
Nous sommes en 1993, dans une décennie qui fait appel à la
globalisation des marchés, à une plus grande ouverture sur le
monde, mais aussi aux grands principes de liberté qui sont,
malheureusement, souvent bafoués ailleurs dans le monde. C'est pourquoi,
M. le Président, nous devons être tolérants. J'ai bien dit
tolérants, être ouverts aux autres pour que le Québec ne
fasse pas partie des nations et des sociétés qui briment les
droits de leurs citoyens et de leurs citoyennes.
M. le Président, c'est en cet esprit de tolérance et
d'ouverture aux autres que le gouvernement libéral présente le
projet de loi 86 à la population du Québec, et j'en suis
fière. Nous avons voulu lui dire que la société dans
laquelle elle vit encourage et véhicule le principe de la
démocratie en permettant à ceux qui parlent une autre langue que
le français de lire leur langue sur la rue et sur les affiches. Nous
avons voulu lui dire aussi, à notre peuple québécois, que,
ce faisant, le gouvernement libéral réaffirme son rôle de
promoteur de la langue française. Mais nous avons voulu lui dire que
cette responsabilité revient également à chacun des
citoyens qui font du Québec un lieu privilégié par les
différentes communautés linguistiques qui donnent à notre
société son visage multiculturaliste.
Donc, M. le Président, il est malheureux que l'Opposition
officielle n'ait pas saisi le caractère du projet de loi 86. Il est
dommage, en plus, qu'elle n'ait pas compris que l'objectif visé par
cette législation est de rendre l'affichage plus conforme aux
réalités des années quatre-vingt-dix, sans pour autant
remettre en cause les fondements de la Charte de la langue française.
C'est une situation que je déplore vivement. J'aurais aimé que
les membres de l'Opposition fassent preuve de bonne foi et qu'ils comprennent
que le gouvernement libéral agit dans l'intérêt de la
population.
Que M. Camille Laurin s'oppose à ce projet de loi ne
m'étonne pas, parce qu'il doit être difficile d'accepter que l'on
modifie quelque chose que l'on a bâti, que l'on a fait. Comme l'a dit un
éditorialiste du journal La Presse, M. Laurin s'est même
opposé à toutes les modifications de la loi 101, y compris celles
de son propre parti et de son propre premier ministre.
Et là, M. le Président, j'aimerais sortir de mon texte
pour vous commenter le livre du Parti québécois, de Graham
Fraser, qui a été publié en 1984. Et là, dans ce
livre, à la page 122, on fait mention de la division qui existait
à ce moment-là au Parti québécois, ce qui existe
encore aujourd'hui parce qu'ils ne pensent pas tous que la loi 86 est si
mauvaise que ça. Mais on va se rappeler des souvenirs, M. le
Président ? l'histoire, c'est toujours intéressant à
entendre ? alors, à ce moment-là ? et je fais
référence à la page 122 ? entre le moment où
les ministres entamèrent la discussion sur la politique linguistique et
celui où le projet de loi trouva sa forme définitive, il y eut 14
versions différentes, M. le Président. Et c'est sous les
pressions de M. Laurin que la révision a été... avec des
explications supplémentaires... Mais ça ne trouvait pas faveur
auprès de M. Rodrigue Tremblay, de Mme Lise Payette, de M. Claude Morin,
et je pourrais en citer bien d'autres. M. Lévesque, à ce
moment-là, n'exprima aucune opinion. Mais M. Lévesque intervient
aussi au chapitre de la langue des tribunaux. Selon lui, il ne servirait
à rien de contester l'article 133 de l'Acte de l'Amérique du Nord
britannique, qui sanctionne l'usage du français et de l'anglais.
À ce moment-là, M. le Président, c'est vers M.
Laberge que M. Laurin se tourna pour faire valoir l'idée que le
français devienne la seule langue des tribunaux, à
l'Assemblée nationale. Selon M. Laberge, l'article 133 de la
Constitution ne protège pas les droits individuels. À la fin, M.
Lévesque céda et accepta que la loi mette directement en cause
l'Acte de l'Amérique du Nord britannique. Or, M. le Président,
l'article en question fut plus tard déclaré nul par la Cour
suprême.
Un autre affrontement, M. le Président. L'affrontement le plus
dur eut lieu en rapport avec ce qu'on a appelé... convenu d'appeler la
clause Québec et la clause Canada. Lévesque, à qui
répugnait l'idée d'interdire l'accès à
l'école anglaise aux enfants anglophones dont les parents avaient
reçu leur éducation hors du Québec, mais Laurin et ses
conseillers insistèrent: l'éducation est un domaine de
responsabilité provinciale, on ne devrait faire aucune distinction dans
ce sens. Et là, M. le Président, M. Lévesque encore, dans
sa grande générosité et dans sa grande ouverture qu'on lui
connaissait, Lévesque insista pour qu'on fasse exception dans les cas
des entreprises ayant moins de 5 employés. L'idée d'imposer le
français au petit magasin du coin lui faisait horreur.
Alors, c'est pour vous montrer, M. le Président, qu'à ce
moment-là, en 1977, les gens étaient divisés, les gens du
Parti québécois, et sont encore divisés entre eux. Je suis
persuadée qu'ils ne pensent pas tous que la loi 86 est si mauvaise que
ça, mais, par solidarité de leur parti, ils sont obligés
de faire semblant qu'ils sont contre. Alors, cette réaction ne
m'étonne pas, d'autant plus que cet homme, lorsqu'on parle de M. Laurin,
a une vision dépassée des enjeux en 1990 auxquels notre
société est désormais confrontée. Et plusieurs
éditorialistes l'ont souligné, M. le Président. Le
phénomène qui fait peur aux gens ne monte plus, ne vient plus en
réac- tion, les gens n'ont plus peur. Mais j'aurais espéré
que les membres de l'Opposition fassent preuve de plus grande ouverture
d'esprit, qu'ils conviennent que ce projet de loi est nécessaire pour le
Québec, tout comme le croient les milieux d'affaires, la Chambre de
commerce, les manufacturiers, le Conseil du patronat.
Et là, M. le Président, ils vont encore nous accuser, ces
gens-là de l'Opposition, ils vont dire: Oui, mais c'est des gens qui
sont favorables au Parti libéral. À ce que je sache, M. Raymond
Lévesque n'est pas un type qui a appuyé le Parti libéral.
À ce que je sache aussi, l'avocat, Me Bertrand n'était pas
favorable. Il s'est présenté à la chefferie contre M.
Lévesque. Alors, ce n'était pas des gens qui étaient pour
nous, mais qui comprennent qu'il y a une ouverture d'esprit à faire et
qu'il y a une place pour la liberté d'expression.
Nous avons proposé le projet de loi 86 pour consolider nos
acquis, mais également pour consolider notre réalité
à titre de majorité francophone ouverte sur le monde en
conformité avec le respect des droits linguistiques des autres cultures
et ethnies. Ce projet de loi, M. le Président, en voici un
aperçu.
Tout d'abord, il est essentiel de bien comprendre que le projet de loi
86 fait du français la seule langue obligatoire dans l'affichage public
et la publicité commerciale. Le projet de loi viendra, cependant,
apporter la modification suivante: il y aura, désormais, la
possibilité d'utiliser une langue autre que le français. N'est-ce
pas là, M. le Président, la démonstration de l'ouverture,
de la tolérance et des compromis dont est capable le Québec?
Cette attitude ne démontre-t-elle pas l'importance que nous accordons
à la liberté des individus? Il s'agit certainement là de
Tune des grandes qualités de cette nouvelle législation et non
d'un recul pour le Québec, comme certains se plaisent à
répéter. Car, plus jamais nous ne verrons des affiches unilingues
anglaises, par exemple, comme ceci était le cas il y a une trentaine
d'années. Le français sera obligatoire et la règle de la
nette prédominance s'appliquera. Ce qui me fait dire, M. le
Président, et je le dis et je le répète pour le
bénéfice des membres de l'Opposition, même s'ils ne sont
pas nombreux, à 5 h 59 du matin, ils ne sont que 2, que la loi 101
demeure intacte puisque la promotion et la protection de la langue
française seront toujours présentes. Cet assouplissement à
l'affichage public n'aura pour effet que de s'ajuster à la
réalité et, inévitablement, à l'évolution du
Québec contemporain. (6 heures)
Pour ce qui est de la langue d'enseignement, le gouvernement a
décidé de maintenir l'obligation pour les immigrants de
fréquenter l'école française dans les classes maternelles
et aux niveaux primaire et secondaire.
Si vous vous souvenez bien, M. le Président, la loi 101 permet
aux enfants de parents qui séjournent temporairement au Québec de
fréquenter l'école anglaise, ce qui est normal dans ce cas-ci. Il
en va de même pour un enfant qui éprouve des difficultés
d'apprentissage. Et là, M. le Président, j'ai entendu bien des
choses venant d'autres députés de l'Opposition, mais je leur
ferais remarquer que les enfants en difficulté d'apprentissage,
ce ne sont pas des Québécois de langue française qui
veulent s'en aller vers le réseau anglais, mais bien des Anglais qui,
pendant 5 ans, ont appris, dans leur milieu, leur langue maternelle, l'anglais,
et, lorsqu'ils arrivent à l'école, ont certaines
difficultés, oui, j'en conviens, d'enseignement, de
compréhension, mais aussi de compréhension de la langue
française; et un retour dans leur milieu de langue anglaise, qui est un
milieu naturel, peut, à l'occasion, être d'un grand bien.
Le projet de loi 86 prévoit simplement que, lorsque des parents
se sentiront lésés, ils pourront se plaindre auprès des
commissions d'appel. Par ailleurs, il prévoit que le ministre de
l'Éducation pourra apporter des modifications au régime
pédagogique dans le but de faciliter l'apprentissage de l'anglais comme
langue seconde, ce qui est, soit dit en passant, le souhait d'une
majorité de parents québécois.
Dans un autre ordre d'idées, le projet de loi dont il est
question présentement réaffirme la règle de
l'uni-linguisme français dans la signalisation. Toutefois, il
prévoit que l'affichage pourra s'accommoder d'une autre langue lorsque
la santé, la sécurité publique en dépendront. C'est
là une mesure que l'Opposition officielle ne peut refuser, j'en suis
certaine, puisqu'il y va de la sécurité des gens sur nos
routes.
Puis, le projet de loi 86 comporte un volet relatif à la
francisation des entreprises. L'utilisation généralisée du
français dans les entreprises et au niveau de leur affichage demeure, et
le projet de loi précise les étapes du processus devant mener
à l'obtention d'un certificat de francisation et le suivi.
Dorénavant, l'Office devra, avant de deliver un certificat de
francisation ? et ça ne se donnera pas comme ça, M. le
Président ? à une entreprise de 50 employés et plus,
considérer l'utilisation du français dans l'affichage public et
la publicité commerciale et l'utilisation du français dans les
technologies de l'information. Lorsque l'entreprise aura reçu son
certificat, elle devra remettre à l'Office un rapport, M. le
Président ? oui, un rapport ? sur l'évaluation de
l'utilisation du français au sein de l'entreprise.
M. le Président, ce ne sont là que quelques aspects du
projet de loi 86 qui traduisent, j'en suis persuadée, l'ouverture et la
générosité du gouvernement libéral à
l'endroit des communautés linguistiques. Mais ce projet de loi est
également à l'image des Québécois et du
degré de maturité que nous avons acquis au fil des ans, M. le
Président. N'est-ce pas là, en effet, ce que relèvent les
différents sondages d'opinion effectués ces derniers temps?
En terminant, M. le Président, le gouvernement libéral, en
adoptant cette nouvelle législation, continuera de protéger et de
promouvoir la langue française partout au Québec, comme il le
fait depuis son accession au pouvoir. En adoptant ce projet de loi, nous
conservons les principes de la loi 101 tout en encourageant le principe de la
liberté d'expression au regard, notamment, de l'ajout d'une autre langue
dans l'affichage.
Par contre, M. le Président, s'opposer à l'adoption du
projet de loi 86 signifie s'opposer à la liberté d'expression et
à l'évolution qui est pourtant incontournable. Nous entrerons
bientôt dans le XXIe siècle. Si nous écoutons les membres
de l'Opposition officielle, nous allons prendre un bon grand bain de recul.
Démontrons plutôt que nous sommes capables d'évoluer et que
nous pouvons nous ajuster aux situations quelles qu'elles soient, car ceci est
le propre d'une société qui n'a pas peur d'avancer, de
s'améliorer et de s'épanouir dans le respect des individus, peu
importe la langue qu'ils parlent.
Et, M. le Président, avant de terminer, si vous me permettez,
j'ai entendu, durant la commission sur le projet de loi 86, la
députée, Mme Blackburn, la députée de...
Une voix: Chicoutimi.
Mme Boucher Bacon: ...Chicoutimi ? merci, cher
collègue ? s'en prendre au ministre de la langue française,
M. Ryan, lui citant des références durant les années
où il était au Devoir et où il soutenait certains
idéaux. Moi, j'aimerais reprendre, à la page 193, M. le
Président, des articles de M. Ryan ? si vous me le permettez, M.
Ryan ? votre editorial daté du 2 avril faisant ressortir que les
droits de la communauté anglophone étaient sérieusement
amoindris par les critères limitant l'accès à
l'école anglaise. Et M. Ryan de dire: Ils s'en prirent également
à la prétendue suspension de l'article 133 de l'Acte de
l'Amérique du Nord britannique et à la disposition sur
l'affichage qu'ils jugeaient franchement abusives et nettement contraires aux
principes les plus élémentaires de la liberté
d'expression. Ça, Mme Blackburn a oublié de dire ça, la
députée de...
Une voix: Chicoutimi.
Mme Boucher Bacon: ...Chicoutimi. Au cours de la fin de semaine,
Ryan examina à fond l'utilisation que faisait le livre blanc des
études de la commission Gen-dron. Il en fut scandalisé. Son
editorial du lundi accusa les auteurs d'avoir dénaturé le rapport
et d'en avoir tronqué les citations pour faire croire au public ?
comme aujourd'hui, ces gens-là ? que la situation du
français dans le monde des affaires était beaucoup plus
dramatique qu'elle ne l'était en réalité.
Merci, M. le Président.
Une voix: Bravo!
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, Mme la
députée de Bourget.
Sur la même motion, je cède la parole à Mme la
députée de Johnson.
Mme Carmen Juneau
Mme Juneau: Merci, M. le Président.
D'entrée de jeu, je voudrais vous expliquer ou tenter de vous
expliquer pourquoi, le 8... Est-ce que vous voulez la parole, mon cher
collègue?
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Allez-y, Mme la
députée de Johnson.
Mme Juneau: D'entrée de jeu...
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Ça va mieux,
là!
Mme Juneau: ...M. le Président, je voulais vous expliquer
pourquoi le 8 au matin, 6 h 10, on est en train d'étudier le projet de
loi 86. Ça a commencé l'automne dernier. L'automne dernier, lors
du référendum, où la majorité de
Québécois a répondu un gros «non» aux offres
de Charlottetown, vous vous souvenez de ce qui est arrivé. C'est
qu'après ça le premier ministre est arrivé ici la
tête basse, disant: II faut absolument qu'on s'occupe d'économie.
Parce que c'était dramatique. Mon collègue d'Arthabaska, tout
à l'heure, l'a mentionné, c'était dramatique. On croyait,
comme le premier ministre l'avait dit, qu'il s'occuperait
d'économie.
Après 8 ans, il me semble qu'on était en droit de
s'attendre qu'il pourrait s'occuper d'économie, parce que, durant les 8
années où le Parti libéral a été au pouvoir
? ça va faire 8 ans le 2 décembre 1993 ? il y a eu des
années de vaches grasses où tout allait bien et il s'est
laissé bercer par la vague pendant que ça allait bien. Là,
quand on est tombé en récession, ça fait 3 ans, je pense,
qu'on est en récession, bien proche 3 ans, comme ils n'avaient pas
été habitué à se forcer les méninges pour
trouver des programmes ou des choses pour remettre le train sur les rails, ils
ont continué comme ils l'avaient fait depuis leur élection,
c'est-à-dire, s'il y avait des problèmes, d'aller fouiller dans
la poche des contribuables.
M. le Président, quand ça fait 8 ans que tu es aux
commandes d'un gouvernement, que tu te regardes et que tu regardes ce que tu as
fait, que tu te rends compte que tu es loin d'être les champions de
l'économie... C'est plutôt les champions des pertes d'emploi. Il y
a eu des centaines de commerces qui ont fermé leurs portes et des
milliers de personnes ont perdu leur emploi, depuis 8 ans qu'ils sont
là. Et ce matin, c'est-à-dire hier matin, parce que ça
fait 2 jours qu'on ne s'est pas couchés, le député posait
une question, le député Lazure...
Une voix: De La Prairie. (6 h 10)
Mme Juneau: ...de La Prairie, posait une question en cette
Chambre faisant état qu'il y avait au-delà de 700 000 personnes
qui étaient assistées sociales. M. le Président, c'est
grave ça, quand on est rendu qu'il y a au-delà de 700 000
personnes qui reçoivent des prestations d'aide sociale. Donc, c'est la
raison pour laquelle on ne voulait pas que les gens regardent la piètre
performance du gouvernement libéral et voient le budget qu'on nous a
présenté dernièrement, qui est un budget extrêmement
déficitaire et qui a fait que la firme Moo-dy's a décoté
le Québec.
Alors, on s'est dit: Qu'est-ce qu'on va faire pour camoufler tout
ça, parce que c'est les champions du camouflage? Donc, les
élections s'en venaient. On a dit: Bon, on va mettre sur pied, encore
une fois... revenir avec un projet de loi touchant à la langue d'un
peuple parce que la langue, M. le Président, ça n'appartient pas
à un parti politique, ça. La langue, ça appartient
à un peuple, aux hommes et aux femmes qui parlent cette langue. C'est
à eux que ça appartient.
Donc, on est revenu avec le projet de loi 86 pour camoufler la
piètre performance du gouvernement libéral. C'est pour ça
que, depuis hier, le 7 juin à 15 heures, et de façon continue, on
étudie le projet de loi 86. Voilà les raisons. Puis, en plus de
ça, vous savez, M. le Président, que les élections s'en
viennent. Ça va faire 4 ans qu'on a été élus pour
cette dernière Législature. Ça va faire 4 ans, le 25
septembre 1993. Donc, il va de soi que, d'ici un petit peu plus que 1 an, on
sera obligé d'être en élections.
Alors, le projet de loi 86, c'est pour ramener, ramener auprès du
Parti libéral les anglophones qui avaient quitté depuis la loi
178. Donc, c'est la raison pour laquelle, aujourd'hui, on étudie le
projet de loi 86, M. le Président. Et, moi, je voudrais m'attarder
surtout à la partie qui traite du français au travail parce que
j'ai vécu des choses, M. le Président. Je vais vous raconter.
Vous savez, je suis venue au monde dans une petite ville qui s'appelle
Windsor, où il y a une grosse compagnie qui s'appelle Domtar. Ça
fait 135 ans qu'on a une papetière chez nous. Ce n'est pas d'hier, hein!
Ça ne fait pas 135 ans que ça s'appelle Domtar, bien sûr,
ça fait beaucoup moins que ça, mais assez longtemps pour vous
raconter qu'est-ce qui se passe.
Moi, j'ai 3 générations de ma famille qui ont
travaillé chez Domtar. Et, avant que la loi 101 passe, où on
obligeait les grandes entreprises à franciser, bien, mon père,
là, quand il travaillait chez Domtar... Il s'appelait Raymond Cloutier.
Il n'avait pas un nom anglophone. Donc, il n'avait pas de poste de commande.
Puis, quand les gars travaillaient sur la machine à papier, là,
ils avaient tous des noms anglais. Ça s'appelait le «runner»
de la machine, ça s'appelait le «back tender» de la machine.
Ça s'appelait aussi... ils parlaient du «wire» de la
machine, hein? Ça, c'est une espèce de flanelle qui passe, puis
le papier passe là-dessus. C'étaient tous des termes anglais. Les
gars se criaient ça, puis ils parlaient une couple de mots en
français, puis, ensuite, ça retournait aux mots anglais.
Quand la loi 101 est passée, là, Domtar a francisé,
a rééduqué tout le personnel à ce qu'il n'y ait que
du français qui soit utilisé à l'intérieur de
l'usine. Et, comme par, je ne sais pas, moi, miracle, je ne sais pas trop, les
hommes d'expérience et les hommes qui étaient capables ont
occupé depuis ce temps-là des postes de commande, des hommes qui
étaient des francophones.
M. le Président, qui voudrait revenir aux planches à
laver, et aux traîneaux à chevaux l'hiver, et aux rouleaux pour
rouler la neige, et à la chandelle? Qui c'est qui voudrait revenir
à ça? Moi, je ne veux pas que, chez Domtar, ça revienne
comme c'était. C'étaient les «English big bosses» qui
étaient les dirigeants de l'usine, puis les francophones, même si
c'était des hommes
extraordinaires, ils n'avaient pas de postes de commande. Je ne veux pas
revenir là, M. le Président.
Ça m'inquiète parce que, dans la loi 86, il n'y a rien qui
va forcer les entreprises à continuer de se franciser. Il n'y a rien qui
nous dit que ceux qui veulent avoir un permis, le permis des ordres
professionnels... Dans la loi 86, ils vont pouvoir essayer 1 fois, 2 fois, 3
fois. Il n'y a rien là. Il n'y a pas de limite. Tandis que, dans la
Charte de la langue française, quand tu t'étais essayé 2
fois pour avoir ton permis, si tu ne réussissais pas, bien,
c'était bien de valeur. Puis, l'Office de la langue française a
fait des recommandations, au niveau du gouvernement, afin qu'on ne recule pas
dans la francisation des entreprises. On a dit, M. le Président: Que
l'Office de la langue française situe son programme d'animation
auprès des entreprises employant de 10 à 49 personnes dans les
tous premiers rangs de ses priorités stratégiques et qu'il y
consacre les ressources appropriées.
L'Office de la langue française disait aussi qu'on devait
s'orienter vers des actions d'information et de mobilisation non pas
individuelles, mais regroupant des entreprises, par exemple, selon les secteurs
d'activité ou la région. L'Office disait aussi: Que là
où il y a des associations représentatives des travailleurs et
des travailleuses, l'Office ait le souci de les atteindre; que les alliances
stratégiques puissent être conclues entre l'Office, les
associations patronales et les centrales syndicales; qu'afin d'atteindre les
allophones il est essentiel que des mesures d'intégration linguistique
soient offertes sur les lieux de travail. Et L'Office de la langue
française disait aussi souhaiter jouer un rôle de coordination
dans les interventions auprès des allophones sur les lieux de
travail.
Est-ce que le ministre responsable de l'application de la Charte de la
langue française les a écoutés, M. le Président?
Non! Non, M. le Président, il a même diminué leurs
possibilités. C'est ça qu'il a fait. Au lieu d'écouter les
conseils pour continuer dans la francisation des entreprises, il a fait en
sorte de diminuer les pouvoirs de L'Office de la langue française.
M. le Président, comment vous pensez que des gens qui ont
souffert d'une certaine situation existante, dans les entreprises, comme mon
père, comme mes frères... Ils ont subi des choses inacceptables,
au niveau de l'autorité qu'il pouvait y avoir dans l'usine. Puis
là je parle de la mienne, mon usine, que je connais très bien,
parce que je ne veux pas parler à travers mon chapeau. Je pourrais
donner des centaines d'autres exemples, mais je les connaîtrais moins
bien. Et je ne voudrais pas prétendre, dire que, dans d'autres
entreprises... Mais je le sais, M. le Président. Je sais que, dans
d'autres entreprises, ce n'est pas à point. On dit que plus de 30 %
d'entreprises de plus de 100 employés n'ont toujours pas de programmes
de francisation. Pensez-vous, avec la mollesse de la loi 86, qu'on va parvenir
à faire que ces centaines encore... ces grandes entreprises de 100
employés et plus se francisent, avec la loi 86? Non, M. le
Président. La loi 86, c'est pour faire plaisir, c'est pour ramener des
gens au bercail, l'autre côté, et c'est pour laisser faire et
laisser aller. C'est ça, la loi 86.
Puis, vous savez très bien, aussi, que, dans les petites
entreprises, les petits commerces, il y a, bien souvent, des
propriétaires qui ne parlent pas un mot français. Donc, qu'est-ce
qu'on va faire, si nos personnes n'ont pas la connaissance des 2 langues?
Remarquez bien que je souhaiterais connaître aussi bien l'anglais que je
peux parler français, comme, je pense bien, tous les
Québécois souhaiteraient être en mesure de pouvoir
comprendre et s'exprimer dans une autre langue que leur langue maternelle qui
est le français, mais ce n'est pas toujours possible. C'est comme des
allophones, comme des immigrants qui arrivent ici. Quand les personnes sont
plus ou moins âgées... C'est difficile pour une grand-maman qui
arrive de l'extérieur, qui vient s'implanter ici au Québec,
d'apprendre la langue. C'est difficile. Pour les jeunes, c'est plus facile
peut-être, mais, pour les personnes âgées, c'est plus
difficile. Et, dans ces entreprises, il y a des personnes plus
âgées qui n'ont pas la facilité de l'apprendre, l'anglais.
(6 h 20)
Donc, M. le Président, ça va faire en sorte, avec le fait
qu'on va laisser aller, que, dans les petites entreprises, les gens seront pris
avec l'obligation de se forcer à parler anglais ou de perdre leur
travail. C'est ça qui va arriver. Il y va avoir des exigences semblables
où on ne leur laissera pas la chance, même si ce sont des gens
d'expérience, même si ce sont des gens qui rendraient service au
commerce ou à l'entreprise qui voudrait bien les embaucher, M. le
Président. Mais, à cause que le gouvernement libéral
n'aura pas... ne se sera pas tenu debout pour faire en sorte que les
entreprises et les commerces se francisent, à ce moment-là, ce
sont nos gens, nos gens de chacune de nos familles qui paieront la note pour
les personnes qui n'auront pas la possibilité de pouvoir s'exprimer et
de comprendre une autre langue que leur langue maternelle, qui est le
français.
Donc, M. le Président, je prétends que c'est un recul, que
la loi 86 est un recul et que personne, mais personne ne voudrait reculer en
arrière et tomber avec ce qui existait avant, et vous savez très
bien, M. le Président, que, depuis que la loi 101 est implantée
au Québec, on a connu une paix sociale, et le message que les immigrants
recevaient quand ils venaient s'implanter ici, au Québec, c'était
que c'est en français que ça se passe. Aujourd'hui, quand ils
arriveront, après que la loi 86 sera passée, où tout sera
dans les 2 langues, ils vont dire: Qu'est-ce que ça me donne d'apprendre
le français? On le traduit pour moi.
Parce que ça va être en anglais et en français sur
les affiches, et, lorsqu'ils arriveront, au lieu de les obliger à
apprendre le français, on les laissera libre d'apprendre la langue
qu'ils veulent. Donc, qu'est-ce que vous pensez qu'ils vont faire? Ils vont
apprendre l'anglais, M. le Président.
Et je pense que le peuple québécois est un peuple
accueillant, est un peuple chaleureux, et pourquoi il y a tant de personnes qui
veulent s'en venir ici, au Québec? À cause de cette chaleur,
à cause de cette ouverture d'esprit et de coeur dont nous sommes, tout
le monde.
À ce moment-là, moi, je dis que, s'ils s'en viennent au
Québec, s'ils choisissent le Québec ? et ils sont les
bienvenus ici ? bien, au moins, qu'ils apprennent notre langue, qu'ils
soient obligés d'apprendre notre langue et que la francisation dans les
entreprises puisse continuer, M. le Président, pour qu'on ait un visage
véritablement français, un visage francophone, qui est notre
langue maternelle.
Et je suis persuadée, M. le Président, que, si le
gouvernement avait fait des efforts, et le ministre responsable, au lieu de
faire à sa tête, lorsqu'il est en commission parlementaire, et
dire à tous ceux et celles qui ne sont pas de son avis que ce sont des
gens qui ne connaissent rien, qui ne comprennent rien et de les traiter d'une
arrogance, M. le Président... Ce n'est pas comme ça qu'on fait
qu'il y a une compréhension de part et d'autre, et qu'il y a de
l'avancement, aussi, au niveau du peuple du Québec.
Nous allons voter contre la loi 86. Nous pensons que cette loi-là
n'aurait pas dû, premièrement, être appelée à
ce moment-ci des décisions importantes que le gouvernement aurait
dû prendre pour remettre les gens au travail. N'oubliez pas, M. le
Président, plus de 700 000 personnes n'ont pas de travail, sont des
assistés sociaux. Combien de commerces sont fermés parce qu'il
n'a pas mis de programme pour remettre les gens au travail? M. le
Président, ce n'est pas comme ça qu'on dirige un pays. Et je
pense que le gouvernement aura à se frapper la poitrine pour le manque
de perspicacité et le laisser-aller qu'ils ont eu pendant les
années qu'ils ont gouverné. Et, M. le Président, je pense
que le peuple du Québec leur dira bien que: Assez, c'est assez.
Merci!
Le Vice-Président (M. Levebvre): Merci, Mme la
députée de Johnson.
Mme la députée de Taillon, je vous cède la parole.
Vous avez droit à une intervention de 20 minutes.
Mme Pauline Marois
Mme Marois: Je vous remercie, M. le Président.
Je ferai remarquer aux membres de cette Assemblée ? et pour
les personnes qui pourraient encore avoir le courage de nous entendre et de
nous écouter ? qu'il est 6 h 25 du matin. Je suis toujours
étonnée, M. le Président, quand je me retrouve à
cette heure pour intervenir ? parce que ce n'est pas la première
fois que je le fais ? devant les membres de cette Assemblée, qu'il
s'agisse toujours de projets dont l'importance est majeure pour le
gouvernement. Si l'importance est majeure et si grande, comment se fait-il,
d'une part, que l'on traite de tels projets de loi si importants... Et
effectivement, le projet de loi qui est devant nous, il est important. C'est
pour ça, d'ailleurs, que nous sommes vigilants à l'égard
du gouvernement. Il est majeur, ce projet de loi. Comment se fait-il qu'on
étudie ces projets de loi pendant la nuit, alors que, évidemment,
on est très peu nombreux à nous entendre, à partager nos
échanges? Comment se fait-il, M. le Président, que, si ce projet
de loi est si important, le gouvernement n'intervienne pas sur son propre
projet de loi?
Vous aurez remarqué, puisque vous suivez les débats depuis
le début de la journée, si je ne m'abuse, que nous sommes
davantage intervenus de ce côté-ci de l'Assemblée, de la
Chambre, M. le Président, que de l'autre côté. Nous ne
sommes pas les porteurs du projet de loi, M. le Président, c'est le
gouvernement qui est le porteur du projet de loi. On intervient après
que 3 ou 4 d'entre nous sommes intervenus. On pense qu'il serait un peu
indécent, dans le fond, de ne pas avoir le courage de venir
défendre sa loi, M. le Président. Alors, je vous fais ces
remarques parce que je trouve ça un peu désolant qu'un
gouvernement qui a la prétention de nous dire que c'est une loi majeure
qui va concerner l'ensemble du peuple québécois n'ait pas le
courage de procéder à l'étude de cette loi-là en
plein jour, au moment où on peut, sûrement de façon un peu
plus sereine, aborder les questions qui nous sont présentées dans
le cadre de cette loi, et que, en plus, le gouvernement semble se
désintéresser de cette loi.
Un certain nombre de collègues de cette Assemblée, tant de
ce côté-ci que de l'autre côté de la Chambre, sont
intervenus pour dire que leurs concitoyens et leurs concitoyennes leur avaient
parlé des débats que nous avions au sujet de la langue. C'est
assez étonnant que, finalement, les perceptions qu'on en ait soient si
diamétralement opposées. Moi, la première réaction,
d'une part, que moi-même j'ai eue mais qu'ont eue mes concitoyens... Puis
ils ont appelé à mon bureau de comté. Vous savez, on a
l'habitude de dire, dans les comtés, que, lorsqu'on reçoit
quelques téléphones, cela signifie qu'un nombre beaucoup plus
important de personnes pensent la même chose, mais que certains font le
geste, décident d'appeler. Je suis persuadée que tout le monde
ici partage cette opinion et connaît bien le phénomène. On
nous a appelé et on nous a dit: Non, ce n'est pas vrai, on ne va pas
rouvrir ce dossier qui concerne la langue, en plein marasme économique,
en pleine crise de chômage. Alors que nos citoyens sont
désespérés, M. le Président, alors que les
régions nous lancent des cris d'alarme de toutes parts, le gouvernement
décide qu'il va rouvrir le dossier de la langue. Aucun de mes
concitoyens ne m'a dit que c'était pertinent.
Mais, voyez-vous, M. le Président, ça, c'est une attitude
de gouvernement de fin de régime qui n'entend plus les gens qui lui
parlent, qui n'est plus sensible à ce que vivent les gens qu'il
représente. Et cela est tellement vrai, M. le Président, que ce
gouvernement, par la voix du ministre responsable de la loi que nous
étudions, a lui-même défini la liste des organismes qu'il
voulait entendre, que son gouvernement voulait entendre. Il n'a pas
laissé ouvert le débat. Il n'a pas permis à ce que des
gens qui voulaient pouvoir présenter leur point de vue le fassent, M. le
Président. Il a décidé qu'il choisissait qui il voulait
entendre. Cela a donné, évidemment, les résultats que,
lui, il voulait obtenir, en même temps, M. le Président.
Mais c'est très malsain, je crois, c'est très malsain pour
la démocratie, et, à ce moment-là, il n'entend pas
ce que nous disent, nous, nos concitoyens et nos concitoyennes. C'est
évident qu'il va nous dire, M. le Président: Oui, mais j'avais un
jugement de l'ONU et j'avais cette fameuse clause «nonobstant» que
je devais renouveler. Eh bien, il fallait la renouveler, M. le
Président. Cela aurait été simple. Nous aurions concouru
à l'adoption d'un tel renouvellement. Ça aurait pris à
peine quelques heures de débat devant l'Assemblée nationale, et
ce fragile équilibre auquel nous sommes arrivés en matière
linguistique aurait été maintenu. (6 h 30)
Ça ne nous satisfait pas nécessairement, ce à quoi
nous sommes arrivés actuellement, de ce côté-ci de la
Chambre. La loi 178, nous ne l'aimons pas plus que d'autres ne l'ont pas
aimée de leur côté, tellement qu'ils ont
démissionné de leur fauteuil de député, et de
ministre dans certains cas, M. le Président. Mais, cela étant
dit, nous étions arrivés à une certaine forme
d'équilibre, à une certaine paix sociale. Nous aurions concouru
donc au fait que nous renouvelions la question du «nonobstant», et
nous nous rendons compte maintenant, après avoir pris la peine de bien
étudier ce que signifie le jugement de l'ONU, qu'il n'a absolument pas
l'impact ou qu'il ne commande absolument pas la loi que nous étudions,
M. le Président. Et, très clairement, ma collègue
porte-parole dans ce dossier, la députée de Chicoutimi, a eu
l'occasion, tant en commission parlementaire que devant les membres de cette
Assemblée, M. le Président, de faire une démonstration
très claire que ça n'avait absolument pas l'importance que l'on a
voulu accorder ou nous faire accorder, que ce jugement de l'ONU, M. le
Président. D'ailleurs, mon collègue de Westmount est revenu sur
cette question-là en identifiant exactement ce qui faisait que ça
devenait très circonscrit, que ce jugement de l'ONU, au fait qu'on
attachait ce droit à une personne, quant à la possibilité
qu'elle puisse afficher dans son commerce, M. le Président, mais qu'on
ne reconnaissait pas des droits à des entreprises et à des
sociétés. Or, on ouvre actuellement très largement la loi
et, en faisant cela, on ne répond pas essentiellement au jugement que
nous a présenté le Comité de l'ONU. Mais on décide
d'agir, et là, je pense qu'encore une fois on l'a largement
démontré ici, on décide d'agir essentiellement pour
s'assurer d'aller récupérer Pélectorat qui avait
donné son appui au Parti Égalité, M. le Président,
à Equality Party. Et ce n'est, finalement, qu'une triste manoeuvre
électoraliste.
Lorsque nous parlons de la question de la langue, je ne crois pas que
nous devons troquer cette responsabilité qui nous incombe comme
parlementaires, de nous assurer que nous continuions ici, sur ce territoire,
à parler français, à vivre en français, à
nous développer en français et à nous ouvrir sur le monde
en français. Jamais je n'accepterai, M. le Président, qu'on
vienne nous dire, devant cette Assemblée, que de vouloir conserver notre
langue, d'en être fiers, de participer à la collectivité
internationale dans le respect de ce que nous sommes, avec notre culture et
avec notre différence, jamais je n'accepterai qu'on nous dise que c'est
un repli sur soi. Cela peut être, au contraire, une richesse ex-
traordinaire qui nous permet de participer au concert des nations. C'est
ça, une culture, M. le Président, et c'est ça, une langue
différente, en autant, cependant, qu'on sache être capable de la
garder sans brimer les droits des minorités sur ce territoire. Et s'il y
a un endroit au monde, M. le Président, où nous avons reconnu ces
droits, où nous les avons respectés ? et j'en suis
très fière, et jamais, M. le Président, jamais je ne vais
accepter que l'on brime ces droits, parce que je pense que c'est fondamental
dans nos sociétés démocratiques... Mais, actuellement, ce
que l'on fait, ce n'est pas cela, M. le Président, c'est qu'on risque,
on prend le risque que la langue au Québec perde l'avance qu'elle avait
enfin fini par prendre et la place, surtout, qu'elle avait fini par occuper
dans l'ensemble de nos vies, nous permettant de vivre, de communiquer, de
travailler en français ici, au Québec, M. le
Président.
Pour faire un lien avec ce que je disais au départ, à
savoir que le gouvernement avait bien d'autres chats à fouetter, et je
suis persuadée que nos concitoyens et nos concitoyennes le lui
reprochent actuellement, très clairement... Le gouvernement avait bien
d'autres chats à fouetter. Il fallait qu'il s'occupe d'économie.
Il fallait qu'il s'occupe d'emploi. Il fallait qu'il redonne espoir aux gens
qui vivent dans la misère actuellement, M. le Président. Il
fallait qu'il donne ce coup de pouce à la reprise qui est
léthargique, M. le Président, et qui ne donne pas les effets
escomptés sur l'emploi. Pour faire un lien, justement, entre les
questions économiques et les questions linguistiques et l'importance
qu'il y a de pouvoir préserver non seulement notre langue...
c'est-à-dire non seulement de préserver notre langue, mais de
pouvoir la développer et continuer de vivre ici, sur ce territoire, en
français, j'aimerais faire référence à une analyse
fort pertinente et intéressante, publiée par un groupe de
recherche en économie et gestion, sous la plume de Pierre-André
Julien. Cet article est paru dans Le Devoir de samedi dernier. C'est
donc tout récent, et j'aimerais pouvoir en faire part aux membres de
cette Assemblée parce que je pense qu'on peut tirer des conclusions de
cette analyse qui nous est présentée. M. Julien nous dit ceci:
«Les économistes libéraux, et probablement Ryan et
Bourassa, ne comprennent pas ces éléments de base
nécessaires à la nouvelle compétitivité mondiale
car ils ont désincarné complètement l'économique en
croyant qu'elle évolue en marge des autres éléments
sociétaux et qu'elle obéit à des lois d'une
rationalité indépendante de la réalité
socio-culturelle des pays. Au contraire, l'économique ne fonctionne que
dans un espace social et grâce à cet espace social. C'est ce qui
explique le dynamisme particulier du Japon et de l'Allemagne (de l'Ouest). En
effet, ces pays ont peu de richesses naturelles. Leurs économies ne sont
pas tellement plus inventives que les autres et ne recourent pas tellement plus
aux robots et aux autres technologies de pointe. C'est essentiellement leur
cohérence socio-culturelle qui soutient leur système de
production particulièrement efficace et ainsi leurs succès dans
les dernières décennies.»
Et il continue en disant: En fait, ceux et celles qui
ont besoin d'une protection en matière linguistique, c'est
particulièrement la classe moyenne, pour ne pas perdre sa
cohérence sociale capable de soutenir son dynamisme économique.
On ne connaît pas d'économie dynamique qui se soit appuyée
sur une population en situation de désintégration culturelle avec
la disparition lente de sa langue. La protection de la langue française
est non seulement importante du point de vue culturel, mais elle est un moyen
privilégié pour soutenir le développement
économique du Québec, M. le Président.
Alors, ceux et celles qui voudraient nous faire croire, comme on tente
de le faire actuellement, que l'existence d'une Charte de la langue
française au Québec, le fait que nous ayons adopté la loi
101, a été un élément qui a nui à notre
progrès et à notre développement économique, ce
qu'on nous dit, c'est l'inverse. C'est que cela prend, pour pouvoir se
développer, pour pouvoir progresser, une cohésion au plan
culturel, au plan linguistique, bien sûr, cela va se soi, c'est la
façon d'être, de dire, de communiquer, c'est la façon
d'agir qui est influencée par, évidemment, et notre culture et
notre langue. Et, à cet égard, c'est tout à fait
décevant que le projet de loi 86 non seulement réduise les lois
linguistiques et fasse en sorte qu'on intervienne même au niveau de
l'école, mais ce qui est inquiétant, M. le Président, non
seulement l'affichage, ce qui est inquiétant, c'est qu'on n'aille pas
plus loin du côté de la francisation dans les milieux de travail,
M. le Président, et ça, c'est très inquiétant,
malgré des avis venus du Conseil de la langue française,
malgré des avis et des opinions émises par des
représentants des travailleurs et des travailleuses qui sont venus
devant le comité, M. le Président. Ils avaient eu la chance,
évidemment, d'être invités par le ministre qui avait
daigné vouloir les recevoir, M. le Président. Ces gens qui sont
venus nous dire qu'on craignait actuellement que le recul s'intensifie en
matière de français langue de travail. Si vous le permettez, je
vais retourner aux mémoires et aux échanges qu'il y a eu entre la
commission et, entre autres, la Fédération des travailleurs et
des travailleuses de Québec, où on dit que, dans bien des
entreprises de 50 personnes et plus où il y a obligation, le
français n'est pas la langue de travail. (6 h 40) en effet, on fait
référence à une étude de l'office. on dit que dans
les entreprises de 50 personnes ou moins, dont le chef parle français,
dont le propriétaire parle français, 79,5 % des gens parlent
français. par contre, si on va dans les entreprises du même type,
où les propriétaires sont anglophones, on parle de 27 % des
répondants qui pourraient travailler dans ces entreprises en
français, m. le président. et lorsqu'on parle d'entreprises
possédées ou dirigées par des allophones, on parle de 16 %
de répondants qui pourraient s'exprimer en français, m. le
président.
Ce qu'il faut savoir, c'est qu'actuellement ? on l'a toujours dit
évidemment ? le Québec est le royaume de la petite et de la
moyenne entreprise, mais c'est d'autant plus vrai depuis un certain nombre
d'années où, essentiellement, l'emploi qui est
créé, l'emploi qu'on peut voir apparaître dans un certain
nombre de nouveaux secteurs, essentiellement, apparaît dans la petite et
dans la moyenne entreprise, M. le Président. Alors, si on laisse se
détériorer la situation au niveau des entreprises de moins de 50
employés, c'est évident que nous perdons une certaine forme de
contrôle et qu'on voit ainsi se gruger l'avance que l'on avait prise en
matière de français langue de travail, M. le Président. Et
on sait fort bien que, là encore, si la langue de l'école est
absolument fondamentale, si on doit s'assurer que les gens qui choisissent de
venir vivre au Québec, qui choisissent de venir partager avec nous notre
vie économique, culturelle, sociale, on doit leur offrir de s'inscrire
et de participer à la majorité francophone, c'est par
l'école qu'évidemment s'engage le processus d'intégration
dans une société.
Cependant, pourquoi vouloir apprendre le français, M. le
Président? Pourquoi vouloir participer à cette majorité si
ensuite, pour gagner ma croûte, pour aller gagner ma vie et pouvoir
participer au marché du travail je ne peux plus le faire en
français, M. le Président? Alors, il va de soi que nous devons
intervenir dans ces deux champs d'activité d'une façon majeure et
sans aucune espèce de réserve. Et, dans ce sens-là,
actuellement, avec la loi 86, d'une part, on attaque la question de
l'école et, d'autre part, ce que l'on fait, c'est «niet»,
rien en matière d'amélioration de la situation linguistique afin
que les gens puissent s'exprimer en français dans leur milieu de
travail, M. le Président.
C'étaient les recommandations, je le répète, du
Conseil de la langue française, mais, malheureusement, il semble que le
ministre soit davantage sensible au point de vue apporté par le Parti
Égalité. Je comprends que le Parti Égalité
défende son point de vue, mais le ministre, lui, doit se situer
au-dessus de l'ensemble des partis pour essayer d'être le garant, celui
qui va préserver les intérêts de la majorité, M. le
Président. Et, actuellement, ce n'est pas ça qu'il assume comme
responsabilité au sein de son gouvernement, ni son équipe
d'ailleurs.
En terminant, M. le Président, puisque vous me signifiez que mon
temps est écoulé, je vais me référer... Le
ministre, parfois, aime bien les suggestions. Je le réfère au
projet de loi 191 qui avait été déposé d'ailleurs
par le député de Taillon à l'époque, par
l'Opposition officielle, le 2 décembre 1988, et qui faisait un certain
nombre de recommandations, traduites d'ailleurs dans un projet de loi
dûment déposé, je le redis, et qui proposait que nous
allions plus loin en matière de français langue de travail et en
matière de français pour permettre aux travailleurs et aux
travailleuses de voir leurs droits mieux protégés. Je crois que
le peuple que nous formons, avec la minorité qui le compose,
mérite plus, d'avantage que la loi qui nous est offerte maintenant et
sur laquelle, évidemment, et avec conviction, M. le Président, je
vais voter non.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, Mme la
députée de Taillon.
Sur la même motion, M. le député de Richelieu,
vous pouvez, si vous le souhaitez, intervenir pour 20 minutes.
Allez-y.
M. Albert Khelfa
M. Khelfa: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir
d'intervenir dans ce débat sur la question linguistique. M. le
Président, vous le savez sans doute, le débat linguistique, c'est
le débat qui a toujours animé la société
québécoise depuis 200 ans. En haut de vous, il y a le tableau du
premier débat linguistique dans cette Chambre, il y a 200 ans. Donc, ce
n'est pas une nouvelle question, mais ça demeure toujours une question
de l'heure et une question réaliste parce que ça touche la
réalité culturelle et l'identité de tous les
Québécois et de toutes les Québécoises.
M. le Président, à entendre et à écouter
l'Opposition, si je ferme mes yeux et que je retourne dans le temps, en
décembre 1988, j'entends exactement les mêmes discours, exactement
les mêmes discours disant que la loi 178 va angliciser le Québec,
le Québec sera à la dérive. Aujourd'hui, 5 ans plus tard,
le Québec conserve et améliore la qualité du
français et la qualité de la culture québécoise, la
culture française à tous les niveaux.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Oui, Mme la
députée.
M. Khelfa: M. le Président...
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Un instant, M. le
député de...
Une voix: Si vous permettez, ce n'est pas parce qu'il est 6 h 45
qu'on ne doit pas...
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, on va demander le
quorum. Qu'on appelle les députés, qu'on appelle les
députés. (6 h 50 - 6 h 54)
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Allez-y, M. le
député de Richelieu.
M. Khelfa: Merci, M. le Président, mais je suis surpris
que la députée de Taillon ait demandé le quorum, puis elle
s'est évaporée, elle s'est sauvée. Elle n'a pas de
résistance.
M. le Président, comme je disais tantôt, le débat
que nous avons aujourd'hui, c'est un débat où le gouvernement, le
gouvernement actuel et le ministre responsable ont pris leurs
responsabilités, et on a mis sur la table la loi 86 afin de corriger une
lacune et atteindre l'objectif visé, à savoir de conserver
l'identité québécoise, l'identité culturelle
québécoise et protéger la langue française.
M. le Président, vous allez me permettre de vous lire un titre
dans le Journal de Québec, lundi 17 mai 1993: La loi 101,
mauvaise pour la réputation du Québec. Savez-vous qui a
déclaré ça?
Une voix: Lucien Bouchard.
M. Khelfa: C'est vrai, Mme la députée de
Saint-Henri. Ce n'est pas un libéral. C'est Lucien Bouchard
lui-même qui a dit: La loi 101 est mauvaise pour la réputation du
Québec. Imaginez-vous quelqu'un qui veut défendre et promouvoir
le Québec, puis il annonce une chose pareille! C'est un illogisme
total.
Puis, le même auteur, il nous dit... Il favorise une
révision des lois linguistiques du Québec. Donc, on est devant
une situation d'action. Le gouvernement devait agir et il a agi. Le
gouvernement devait prendre ses responsabilités. Il le fait.
Imaginez-vous, M. le Président, si, par malheur, on avait
acquiescé à la demande de l'Opposition de reporter le
débat de six mois, ce qui nous rapporterait au 31 décembre 1993,
quel discours ces mêmes personnes... nous dire: Vous n'êtes pas
prévoyants, vous n'avez pas eu le temps de déterminer et
légiférer en fonction de la réalité.
«Ç'a-tu» de l'allure, M. le Président?
C'est normal pour eux autres de s'opposer. Mais il faut penser, pas en
fonction de leurs besoins électora-listes, et ils ne doivent pas penser
en fonction de leurs besoins partisans. Ils doivent, dans un débat comme
celui du débat linguistique qui touche l'ensemble du Québec,
penser en fonction du Québec. S'ils veulent défendre le
Québec, son identité et sa culture française, qu'ils se
rallient et qu'ils votent pour la loi 86, qu'ils soient responsables, une fois
pour toutes, qu'ils nous le démontrent.
Mais malheureusement, M. le Président, je pense que mon message
ne sera pas reçu par l'Opposition parce qu'elles sont seulement deux
personnes présentes ici. Même si on réussit à
convaincre les deux députés qui sont là, les 30 autres,
qu'est-ce qu'ils feront?
M. le Président, vous allez me permettre de vous mentionner que,
dans le débat linguistique, une fois de plus, on dit: Et si on se
trompait de coupable? J'invite l'Opposition à lire cet article de Paul
Roux. Et si on se trompait de coupable? À la place de pointer du doigt
l'autre côté de la Chambre, regardez-vous dans le miroir.
Qu'est-ce que vous avez fait? Qu'est-ce que vous avez fait en 1984 avec le
jugement que vous avez reçu? Vous l'avez appliqué sans avoir le
courage de légiférer pour corriger la réalité. Puis
là, vous accusez le gouvernement aujourd'hui de vouloir agir. Il y a
quelque chose qui ne marche pas. Malheureusement, M. le Président, le
ridicule ne tue pas, parce que si le ridicule tuait, on allait avoir 32
élections partielles. Ça veut dire votre disparition.
M. le Président, la loi 86, elle corrige, tout en conservant, en
obligeant, en mentionnant que le français doit être présent
partout. Le français, il doit être affiché partout et en
permettant une deuxième langue. Quand on parle d'une deuxième
langue, on voit l'Opposition... elle saute d'une façon terrible. Elle
dit: C'est la présence de l'anglais! Mais non, on parle d'une
deuxième langue. Ce n'est pas une présence uniquement anglaise.
C'est une deuxième langue.
Puis là, on vous demande ici, dans la loi... Lisez-
là. Lisez-là, mais comprenez. Lisez et comprenez.
Lisez-là d'une façon non partisane, pour une fois.
Peut-être que ce sera difficile, mais quand même. Là, on
vous dit, au niveau de l'affichage, qu'on corrige une situation pour se
conformer avec le jugement et avec la réalité
québécoise. C'est ça qu'on vous dit. Puis, on dit qu'au
niveau de la sécurité routière, au niveau de l'accueil, au
niveau de l'efficacité, là, on légifère en fonction
de ces trois paramètres: la sécurité, l'efficacité
et l'accueil. C'est normal. Si on veut conserver le Québec sur
l'échiquier mondial et être un partenaire à part
entière, on doit s'ajuster à la réalité de 1993, et
nous sommes à l'aube du XXIe siècle.
M. le Président, je ne veux pas être très long, mais
j'aimerais souligner un petit point. Vous savez sûrement, M. le
Président... Vous avez déjà lu l'édito-rial de La
Presse du 19 mai 1993. Quand on dit: Non merci, Montréal n'a pas
besoin de vous. Mais, j'aimerais ajouter à ce que M. Alain Dubuc a dit:
Non merci, le Québec n'a pas besoin de vous. (7 heures)
C'est l'ensemble du Québec qui n'a pas besoin des divisionnaires
et non-divisionnaires. C'est malheureux, ce que vous faites, ce que vous semez,
c'est une division entre l'ensemble des citoyens pour pouvoir collecter un
supposé dividende quelconque. Mais, malheureusement, M. le
Président, pour vous, le Québec et les Québécois et
les Québécoises sont fiers de leur langue, sont fiers de leur
identité, sont fiers de ce qu'ils ont bâti depuis des
années.
Rappelez-vous, dans les années soixante, c'était
affiché partout en anglais, mais la détermination des
Québécois et des Québécoises et la volonté
de donner une image et une réalité francophone en Amérique
du Nord, ça a été traduit aujourd'hui par ce que nous
avons au Québec, à Montréal et à travers l'ensemble
du Québec.
M. le Président, c'est vrai, c'est une heure avancée de la
journée, mais le débat est tellement important. J'espère
et j'ose espérer que l'Opposition se révise, puis décide
de participer d'une façon positive, pas comme on a vu pendant la
commission parlementaire, pendant les audiences. Nous avons vu, nous avons
entendu de la part du porte-parole officiel de l'Opposition seulement des
commentaires ? je ne peux pas, ce n'est pas dans mon langage d'utiliser
«mesquins», mais, quand même, c'est une
réalité. C'était des attaques non fondées;
c'était juste pour occuper le temps, mais, malheureusement, M. le
Président, nous avons vécu une période avec l'Opposition
qui était bien particulière.
J'ose espérer que l'étude article par article, à la
commission parlementaire de la culture, peut être beaucoup plus positive
que l'expérience que nous avons eue avec eux autres, que ça soit
une collaboration pour pouvoir, tous ensemble, améliorer et ratifier
cette législation, pas pour le bien du gouvernement, mais pour le bien
de l'ensemble des Québécois et des Québécoises.
Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le
député.
Alors, nous poursuivons. Nous en sommes toujours à l'étape
de l'adoption du principe du projet de loi 86, Loi modifiant la Charte de la
langue française.
Et je cède la parole à M. le vice-président de la
commission de l'économie et du travail et député de
Laviolette. M. le député.
M. Jolivet: De Joliette?
Le Vice-Président (M. Bissonnet): De Laviolette. M.
Jean-Pierre Jolivet
M. Jolivet: De Laviolette. Merci, M. le Président.
Vous étiez avec moi tout à l'heure, il y a 6 heures
maintenant, au moment où nous avions proposé une motion
d'ajournement, dans laquelle nous indiquions qu'il était anormal que le
gouvernement, dans un projet de loi aussi important, nous amène à
siéger durant toute la nuit.
J'écoutais le député de Richelieu. J'étais
un peu déçu parce que je le connais comme un gentleman ? si
vous me permettez l'expression ? mais, faire allusion à des gens
qui étaient ici... en Chambre, du côté de l'Opposition, ou
à ma collègue, qui a passé la nuit avec moi et qui a
dû quitter pour aller faire un repos normal, prendre un repos normal,
alors que j'aurais pu en faire autant, de l'autre côté, avec des
gens appuyés sur leur bureau, avec des gens qui n'étaient pas
présents, avec des gens qui, finalement, étaient un peu partout,
sauf dans la salle, ici. Mais on n'en a pas fait, et je n'en ferai pas
mention.
Je vous dirai, cependant, que je suis toujours surpris quand on arrive
à dire que, pour des questions de sécurité, pour des
questions de s'assurer que les gens qui viennent ici puissent avoir l'occasion
de ne pas être pris dans des accidents parce qu'ils ne savent pas lire
les pancartes, je suis toujours surpris, M. le Président, parce que,
quand on va à l'extérieur, on va dans la langue de ceux qui nous
reçoivent. Puis, on apprend. Il y a des signes internationaux.
Je vous en donne juste un exemple, parce qu'il ne faut pas prendre les
personnes qui viennent nous visiter comme des innocents, comme des gens qui ne
connaissent rien. L'Américain qui vient ici, le Japonais qui vient ici,
l'Italien qui vient ici, ce sont des gens qui sont capables de se
débrouiller, puis, quand ils sont pris, de demander des renseignements,
puis de prendre les moyens de se renseigner avant de venir.
Mais je vous dirai, M. le Président: vous êtes assis dans
votre auto; vous avez un miroir à votre droite. Nous sommes au
Québec. Qu'est-ce qui est marqué dans votre miroir, à
droite? Je le lis à toutes les fois, je m'amuse à le lire, c'est:
Objects in this mirror are closer than they appear. Tout en anglais. Ça
veut dire quoi? Ça veut dire que les objets que nous voyons dans le
rétroviseur de droite, de la porte de droite, sont plus près que
ce qu'ils «appèrent», ce qui est comme en
apparence. Pourquoi? Parce que c'est un moyen de se donner les distances
nécessaires pour reculer et avancer et voir les voitures arriver
à côté. Et pourtant, il n'y a jamais personne qui a
demandé à ce que ce soit en français. C'est fait aux
États-Unis, dans bien des cas, ces choses, ou c'est fait au Japon ou
c'est fait ailleurs. Pourquoi les gens qui viendraient nous visiter seraient
plus innocents que nous autres qui allons les visiter? Quand nous allons dans
un pays qui a une langue différente de la nôtre, nous apprenons
leurs sigles, nous apprenons leurs signes et nous apprenons leur langue, et
puis nous nous débrouillons. Alors, pourquoi vouloir faire passer, sur
la question de la sécurité, des gens pour des innocents qu'ils ne
sont pas?
Ceci étant dit, M. le Président, je vous dirai qu'au
niveau du projet de loi je suis aussi surpris parce que, au départ, le
projet de loi avait pour but de régler un problème. C'est une
clause, qui s'appelle la clause «nonobstant», qui vient à
échéance au mois de décembre prochain. Quand le
député de Richelieu fait mention que la demande de 6 mois nous
reporte au 31 décembre, je pense qu'il ne sait pas compter. À ce
moment-ci, si on l'avait acceptée, ça aurait été le
7 ou le 8 décembre, comme possibilité. Et le 7 et le 8
décembre aurait pu être un délai permettant de regarder
avec plus d'attention et faire valoir des points de vue plus
intéressants que ceux qu'on a entendus durant la nuit de la part des
représentants du Parti libéral qui ? et je reprends la
députée de Bourget ? parlaient de la langue
d'enseignement.
Quand je lis le projet de loi et que je le lis froidement, comme
quelqu'un qui est habitué de négocier, qui est habitué de
voir des choses, qui est habitué de disséquer des phrases, on est
capable de comprendre qu'il y a des dangers sur la question de la langue
d'enseignement. Quand elle parlait de l'immersion, elle faisait mention d'un
Anglais, un anglophone qui était dans une classe de français, qui
avait un problème de mathématiques; qu'il était normal
pour cet enfant-là, dans son problème de mathématiques,
qu'on lui enseigne dans sa langue maternelle. Il n'y a personne qui va
contester ça, M. le Président. Même chose pour un Espagnol;
même chose pour un Italien; même chose pour les Grecs qui, arrivant
au Québec, en vertu de la loi 101, doivent venir dans des classes de
français, des classes françaises, donc ce qu'on appelle
l'immersion française. C'est normal que si une difficulté
apparaît, on lui enseigne dans sa langue pour qu'il comprenne davantage;
dans sa langue maternelle, pas en anglais.
La loi, ce qu'elle dit: Si quelqu'un a de la difficulté, on
l'envoie en anglais. Je comprends qu'un anglophone, c'est en anglais; qu'un
Français, c'est en français; qu'un Italien, c'est en italien. Ce
que l'on dit ? et je pense que c'est important de bien le saisir ?
c'est que nous sommes dans des classes où des enfants arrivent de
l'extérieur, en vertu de la loi 101, sont plongés directement
dans des classes d'immersion françaises.
Ce qu'on veut faire par la loi, si elle est écrite comme
ça, si elle n'est pas corrigée, si elle veut bien dire ce qu'elle
veut dire, c'est que nous sommes dans des conditions où l'enfant, qui
est un Grec, un Italien, un Espagnol, qui étudie dans des classes de
français, pourrait se voir immerger dans des classes d'anglais. C'est
ça qu'on dit, au point de vue pédagogique, qui n'est pas bon.
C'est impossible à un enfant dont la langue maternelle est l'italien,
dont la langue maternelle est l'espagnol ou le grec d'être à la
fois en français et en anglais immergé. C'est ça que l'on
dit. Et la loi peut le permettre, M. le Président, d'autant plus qu'elle
donne ? la ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science
l'a dit ? elle permet au niveau primaire, au niveau secondaire, à
la commission scolaire, actuellement, du PSBGM, Protestant School Board of
Greater Montréal, cette commission scolaire qui a des cours de
français, qui a le droit d'en donner, qui a ses enfants immigrants dans
des classes d'immersion française, pourrait aussi leur donner de
l'immersion anglaise, ce qui est aberrant, M. le Président. Et c'est
ça qu'on dit, que le projet de loi 86, c'est bien plus que de
l'affichage. Sous le couvert de favoriser l'apprentissage de la langue seconde,
le projet de loi prévoit que l'enseignement de toutes les
matières pourra dorénavant se donner en anglais dans les
écoles françaises. (7 h 10)
Le ministre Ryan parle de classes d'immersion, d'échanges entre
écoles, mais la portée réelle du bilinguisme que le
gouvernement veut introduire dans les écoles demeure inconnue. Elle sera
définie plus tard, sans débat, lorsque le gouvernement modifiera
le régime pédagogique. Qui, parmi nous, comme
députés, a le pouvoir sur le régime pédagogique, M.
le Président? Même pas vous. C'est la ministre qui, avec ses
fonctionnaires, le détermine. Par différentes dispositions, le
projet de loi 86 élargit la clientèle admissible au réseau
scolaire anglophone. Le gouvernement se dit incapable de préciser le
nombre réel d'élèves visé par ces mesures,
camouflant ainsi l'impact de cette nouvelle ouverture en faveur de
l'école anglaise. Et, là, qu'est-ce que les gens ont dit du
côté libéral? Ils ont dit que c'était quelques
centaines, mais on ne peut pas définir le nombre. Moi, je me
méfie. Je suis de nature méfiante, et j'ai raison de
l'être, M. le Président. Quand j'ai négocié dans ma
vie, au niveau syndical, je n'ai jamais accepté pour du
«cash» ce qu'on me donnait tant que ce n'était pas
écrit, tant que ce n'était pas signé et
contresigné, M. le Président.
L'exemple, c'est que l'ouverture à des enfants pour
différentes raisons, différentes manières pourrait
permettre, à ce moment-là, à un enfant qui obtient le
droit de pouvoir le donner à ses frères et à ses soeurs.
Quoi de plus naturel? Quoi de plus humain, M. le Président, que de faire
profiter ses frères et soeurs de ses possibilités personnelles?
Voyons donc, le régime, il est individuel. Voyons donc, il n'est pas
collectif. Nous n'avons pas protégé le français au
Québec. Voyons donc. Et quand j'entendais le député de
Richelieu, tout à l'heure, parler de jugement, il a arrêté
son mot là. Il a parlé de population, mais tout ce qu'il voulait
dire, c'était probablement le jugement du comité de l'ONU, sauf
que ce n'est pas un jugement, M. le Président.
C'est une opinion. Elle en vaut d'autres. Elle est dissidente dans bien
des cas au niveau des gens qui composent le comité. Mais, M. le
Président, l'opinion n'est pas un jugement. Ce n'est pas un jugement du
comité de l'ONU. C'est une opinion. C'est bien différent quand on
regarde les textes.
Le projet de loi 86 modifie la Charte de la langue française pour
la rendre conforme à la Constitution canadienne en matière de
langue d'enseignement. Pour la première fois, nous croyons, et nous
avons le droit de le croire ? le ministre pourrait diverger d'opinion, les
gens jugeront ? que le Québec se trouve ainsi à
reconnaître la Constitution de 1982 et la légitimité du
coup de force alors accompli par le gouvernement de Trudeau. Les
libéraux veulent que l'Assemblée nationale cautionne l'intrusion
du fédéral dans l'éducation, un secteur qui relève
de la compétence exclusive du Québec depuis 1867.
Voilà donc, M. le Président, les raisons pour lesquelles
j'ai des craintes, et j'ai le droit de l'exprimer. J'ai le droit de l'exprimer.
On peut diverger d'opinion, mais ce que je crois profondément, M. le
Président, c'est que, l'élargissement que l'on donne à la
loi 178 et à la loi 101, ça devient, par le fait même, un
affaiblissement de la langue française au Québec. Ça
devient une diminution des capacités de se défendre. Ce n'est pas
la langue anglaise qui est en difficulté au Québec, c'est la
langue française. Quand je regarde, M. le Président, la
décision de l'ONU, au comité de l'ONU, il faut la regarder comme
telle. Quand on regarde les pays comme la France, quand on regarde les pays
comme les États-Unis, qui ont signé la même chose avec des
réserves, que le Canada a signé et que d'autres ont signé,
c'est-à-dire la protection des minorités... Qu'est-ce que dit la
France dans sa loi? Dans sa loi, il n'y en a pas de minorités en France.
Qu'est-ce qu'elle dit aux États-Unis, la loi? C'est que les
minorités n'ont pas le droit d'aller se défendre. C'est bien
différent, M. le Président, de ce que nous avons devant nous. La
langue française au Québec, pour le peuple
québécois francophone, est en danger et il faut la
protéger.
J'en donnais des exemples tout à l'heure, pendant la nuit,
où je faisais mention, M. le Président, ici même à
l'Assemblée... Je me permets de le rappeler. Le leader du gouvernement
était à d'autres occupations, à ce moment-là.
Ça me permet de lui dire parce que peut-être qu'on ne lui a pas
rapporté. Le leader a beaucoup d'ouvrage, et je le comprends de ne pas
être présent pendant toute la soirée. Il y a son leader
adjoint qui l'a remplacé. C'est à lui que j'ai parlé.
Mais, M. le Président, je m'adresse encore à vous. Vous
êtes le gardien des privilèges du Parlement, de l'Assemblée
nationale.
Dernièrement, la semaine dernière, les gens qui
travaillent au Journal des débats, normalement, quand ils ont des
ouvrages urgents, ils indiquent sur le papier, sur l'enveloppe
«urgent». Ils ont pour ce faire un petit collant sur lequel est
marqué le mot «urgent». Je suis à l'Assemblée
nationale, je pense que, même avant que j'arrive ici, c'était
normal, c'était en français. Mais, croyez-le ou ne le croyez pas,
je vous donne le texte,
M. le Président. La semaine dernière est arrivé le
petit texte suivant: «Rush ? Urgent» sur les enveloppes,
«Rush», «dash», en anglais, «urgent».
Pour la première fois, on a vu apparaître à
l'Assemblée nationale, et ce qui est anormal... nous sommes le foyer de
la défense des droits du Québec, donc, du droit aux francophones
d'être dans un lieu qui leur permette d'avoir au moins le français
comme étant, selon la loi 22, si on veut la prendre comme telle, ou la
loi 101, la langue officielle, M. le Président.
Dernièrement, on recevait par Telbec ? j'en fais
mention encore au leader du gouvernement ? un message venant du
ministère de la Culture: Le ministère de la Culture appuie le
Festival international Juste pour Rire, Montréal le 1er juin 1993. Ce
n'est pas vieux. Ordinairement, sur le Telbec, envoyé à la
station de radio chez moi, à la télévison chez moi ou aux
journaux chez moi qui sont francophones à 100 %, on leur envoie le texte
français. Puis, après ça, à d'autres postes,
à Montréal ou ailleurs dans le Québec, où c'est
anglophone, on leur envoyait le texte anglais.
Je pense qu'il n'y a rien d'anormal, M. le Président, sauf que
pour la première fois apparaît sur le Telbec, puis
ça va coûter plus cher au gouvernement par le fait même
parce qu'il l'envoie 2 fois, le même communiqué, mais en anglais
et en français, bilingue, pour la première fois, en 1993, le 1er
juin 1993... La loi n'est même pas adoptée que,
déjà, on commence à envoyer des messages bilingues de la
part du ministère qui devrait protéger davantage notre langue, le
ministère de la Culture. C'est marqué «Quebec's Minister de
la Culture supports Just for Laughs Festival».
J'ai vérifié auprès de quelqu'un qui m'a dit que
même la traduction anglaise n'est pas bonne. Vous la lirez, M. le
Président. La traduction anglaise n'est même pas bonne. Il y a des
fautes d'anglais dans la façon de le faire, imaginez-vous. On a donc
envoyé sur Telbec le double de ce qu'on envoie normalement.
Ça coûte 2 fois plus cher, normalement, M. le
Président.
Pourquoi? Le ministère de la Culture se permet de dépenser
davantage de l'argent pour promouvoir le bilinguisme, alors que la Charte de la
langue française devrait promouvoir le français sans nuire
à la minorité. Au contraire, on est d'accord. Quand les gens
veulent nous faire dire qu'on est contre le fait qu'un individu parle 2
langues, 3 langues, 4 langues, voyons donc! M. le Président. Tout le
monde sait bien qu'au Québec, pour un francophone, la langue seconde,
c'est l'anglais, dans le contexte nord-américain dans lequel nous
sommes. Il n'y personne qui va contester ça.
Ce que l'on conteste, c'est qu'on mette des enfants dans des conditions
où ils sont immergés de façon incongrue, comme je
l'expliquais tout à l'heure, un enfant qui doit normalement, parce qu'il
n'est ni français, ni anglais, ni francophone, ni anglophone, aller dans
des classes d'immersion française, l'obliger à suivre des classes
d'immersion anglaise, en même temps, ce qui est aberrant au point de vue
pédagogique, M. le Président.
Alors, c'est ça que l'on dit comme étant impossi-
ble à faire. Et, si j'étais le seul, M. le
Président, à le dire, si j'étais une personne qui faisait
des rêves, se faisait toutes sortes d'illusions, mais non. Selon la
Fédération des commissions scolaires du Québec,
l'immersion anglaise n'est pas la solution. Langue d'enseignement: la
réglementation pas disponible avant l'adoption de la loi. Le prochain
front: l'école anglaise. Aïe! le prochain front, l'école
anglaise. (7 h 20)
J'écoutais M. Goldbloom qui était assis avec nous, dans le
temps où il était ici en même temps que moi, dans les
années 1976. Qu'est-ce que M. Goldbloom disait, comme responsable du
bilinguisme au Canada? Il disait, dernièrement: Le Québec fait un
bon pas, mais, malheureusement, ce n'est pas suffisant; il devra aller plus
loin, il devra élargir l'accessibilité à l'école
anglaise, pour les gens venant de l'extérieur du Québec. Et vous
pensez que je ne serais pas suspicieux? Vous pensez que, moi, comme
député de l'Opposition, qui crois que c'est la langue
française qui est en difficulté au Québec, je ne serais
pas de ceux qui croient qu'il faut mettre un peu le holà à ce
gouvernement-là, puis lui dire: Écoutez, réglons la
question de l'affichage et on réglera le reste plus tard, ce n'est pas
nécessaire de le faire à ce moment-ci?
La Fédération des commissions scolaires craint que
l'immersion ne provoque la bilinguisation de certaines écoles. Vous avez
d'autres personnes qui, au niveau des éditoriaux, disent la même
chose. M. le Président, je vous le dis, je crois qu'il y a des personnes
qui ne sont pas, à mon avis, correctes, en nous proposant le projet de
loi 86. Et Mme Bissonnette, dans un editorial du 8 mai, disait: «C'est
ainsi qu'il faut comprendre les dispositions de la loi 86 qui touchent la
langue de l'école. Elles renforcent des exemptions déjà
possibles et réaffirment inlassablement le pouvoir ministériel
d'en décider. Au jugé, si le ministre en a envie et se laisse
convaincre par les pressions qui ne manqueront pas, il autorisera aussi des
expériences d'immersion en langue anglaise dans des écoles de
langue française, c'est-à-dire des écoles bilingues et
assimilatrices, comme toute la francophonie canadienne peut en
témoigner.»
Vous en avez, M. le Président, énormément, de gens
qui disent la même chose que nous. Je me devais, comme
député qui est un enseignant de carrière, de faire valoir
ces points de vue là, M. le Président, parce que c'est des
craintes qui sont ancrées chez des gens qui disent qu'ils ne font pas
confiance à ces personnes qui, en face de nous, avaient un
problème à régler, qu'elles ont élargi le
problème à un éventail, et qu'à partir de ça
elles mettent en péril le travail immense qui a été fait
par la loi 101. Et en conséquence, M. le Président, vous
comprendrez très bien que je voterai contre le principe de ce projet de
loi.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le
député de Laviolette, de votre intervention. Sur ce, je reconnais
M. le leader du gouvernement.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, M. le
Président. Je fais motion pour que nous ajournions nos travaux au mardi
8 juin, à 10 heures.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Est-ce que cette motion
est adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté. Donc, les
travaux de cette Assemblée sont ajournés à aujourd'hui,
mardi, à 10 heures.
(Fin de la séance à 7 h 24)