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Version finale

34e législature, 2e session
(19 mars 1992 au 10 mars 1994)

Le lundi 7 juin 1993 - Vol. 32 N° 107

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

(Quatorze heures cinq minutes)

Le Président: Mmes et MM. les députés! Mmes et MM. les députés, s'il vous plaît!

Nous allons nous recueillir quelques instants. Je vous remercie. Veuillez vous asseoir.

Présence du président de l'Assemblée législative de PAlberta, M. David Carter

J'ai le très grand plaisir de souligner la présence dans les tribunes de l'honorable David Carter, président de l'Assemblée législative de l'Alberta.

Nous allons maintenant procéder aux affaires courantes, en requérant votre attention, s'il vous plaît.

Affaires courantes

II n'y a pas de déclarations ministérielles.

Présentation de projets de loi.

Dépôt de documents.

Dépôt de rapports de commissions. M. le vice-président de la commission de l'économie et du travail et député de Laviolette.

Dépôt de rapports de commissions Étude détaillée du projet de loi 97

M. Jolivet: Merci, M. le Président. J'ai le plaisir de déposer le rapport de la commission de l'économie et du travail, qui a siégé le 4 juin 1993, afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi 97, Loi modifiant la Loi sur Hydro-Québec. Le projet de loi a été adopté.

Le Président: Le rapport est déposé. Maintenant, dépôt de pétitions. M. le député d'Anjou.

Dépôt de pétitions

Instaurer une commission d'enquête publique et indépendante sur les causes du déficit de la CSST

M. Bélanger (Anjou): Merci, M. le Président. Je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale par 4970 pétitionnaires syndiqués affiliés à la CSN.

Les faits invoqués sont les suivants: «Considérant que, depuis quelques années, la CSST, qui administre notre régime de santé-sécurité, accuse un sérieux déficit dont les causes sont demeurées inconnues jusqu'à ce jour; «Considérant que l'incertitude qui en découle favorise la circulation de suppositions de toutes sortes et entretient les doutes quant à la viabilité de notre régime de santé-sécurité du travail; «Considérant que les détracteurs de notre régime profitent de la situation pour véhiculer les préjugés les plus grossiers à rencontre des accidentés et malades du travail et demandent des modifications importantes à la loi; «Considérant qu'avant d'apporter des changements majeurs au régime dans le but de remédier au déficit il faut connaître les causes de ce déficit;»

Et l'intervention réclamée se résume ainsi: «En conséquence, nous demandons à l'Assemblée nationale d'exiger du gouvernement du Québec qu'il instaure une commission d'enquête publique et indépendante sur les causes du déficit de la CSST.»

Je certifie que cet extrait est conforme au règlement et à l'original de la pétition.

Le Président: Alors, votre pétition est déposée.

Il n'y a pas d'intervention portant sur une violation de droit ou de privilège ou sur un fait personnel.

Alors, nous allons... M. le leader adjoint de l'Opposition.

M. Gendron: M. le Président, vendredi dernier, on a fait remarquer au leader du gouvernement que, s'il convoquait la période des questions, c'était pour pouvoir questionner les ministres qui sont ici, bien sûr. Je remarque que, présentement, il y a plus de la moitié du Conseil des ministres qui n'est pas présente. Je veux bien... Cette fois-ci, je reconnais que le leader du gouvernement nous a fait parvenir la liste, mais, de ceux qu'il nous a indiqué qu'ils seraient ici, il en manque 6. Alors, est-ce que je peux savoir si, entre autres, les ministres de la Sécurité du revenu, de l'Industrie et du Commerce et de la Sécurité publique seront à la période des questions, avant de débuter, pour éviter de faire ce qu'on a fait vendredi?

Une voix: II y en a qui rentrent.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président, au fur et à mesure que le député d'Abitibi-Ouest et leader adjoint de l'Opposition parle, les ministres se présentent pour répondre aux questions. C'est le cas du ministre de la Santé et des Services sociaux. Je peux l'assurer de la présence à la période des questions du ministre des Affaires municipales, responsable de l'Habitation, responsable, également, de la Charte de la langue française. Mais je constate que, de son côté aussi, il y a des trous, et d'importants trous. Je pourrais profiter de l'occasion pour souligner les absences de plusieurs...

Le Président: Non, non. M. le leader, un instant. Non, non. Un instant, un instant, là. Alors, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, M. le leader

adjoint de l'Opposition.

M. Gendron: M. le Président, je voudrais... Bien, nous, on n'a pas à répondre de l'action du gouvernement, mais je voudrais au moins demander au leader du gouvernement, très sérieusement: Est-ce que vous les avez avisés que la période des questions commençait aujourd'hui à 14 heures? Est-ce que vous avez certaines relations avec vos collègues pour leur indiquer qu'il y a une période des questions? (14 h 10)

Le Président: M. le leader, s'il vous plaît, oui. Alors, M. le leader du gouvernement.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président, je pensais qu'on en resterait à une question de formalité, à une seule question du leader adjoint. Le premier que j'ai avisé, la semaine dernière, a été mon vis-à-vis.

Une voix: Ha, ha, ha!

Le Président: Alors, nous allons procéder. M. le leader de l'Opposition.

M. Gendron: Oui, on va procéder, mais je vous indique, en souhaitant que les noms des personnes dont le leader du gouvernement nous a indiqué qu'elles seraient présentes le soient à la période des questions, parce que, effectivement, dans la préparation de la période des questions, il y a un certain nombre de ministres qui, selon nous, se doivent d'être interrogés aujourd'hui, et on va le faire à condition qu'ils fassent leur entrée, même si c'est un peu sur le tard. Alors, on peut débuter, M. le Président.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui. S'il y avait dérogation à la liste que j'ai produite à l'Opposition, je tiens à l'assurer de ma plus complète collaboration.

M. Gendron: M. Parizeau.

Le Président: Très bien. Alors, nous allons donc procéder à la période des questions et réponses orales des députés. Je reconnais, en première question principale, M. le chef de l'Opposition.

Questions et réponses orales Diminution des emplois à temps plein au Québec

M. Parizeau: m. le président, vendredi dernier, nous avons reçu de statistique canada les chiffres qui ont trait au chômage du mois de mai. le taux de chômage, au québec, est tombé de 13,4 % qu'il était en avril à 13,1 %. cette différence de 0,3 % est due à deux raisons principales: d'abord, il y a 6000 personnes de moins à la recherche d'un emploi ? des gens qui sont découragés et qui ne sont pas sur le marché du travail ce mois-là ? et il y a 6000 emplois de plus. Seulement, on se rend compte que ces 6000 emplois de plus recouvrent la réalité suivante: le nombre d'emplois à temps plein dans le mois a baissé de 37 000 ? c'est considérable ? et le nombre d'emplois à temps partiel a augmenté de 43 000; ça veut dire 6000 de plus.

Est-ce que le premier ministre ne trouve pas inquiétant que, 3 ans après le sommet de l'emploi atteint en avril 1990, avant que la récession ne commence, l'emploi à temps plein continue de baisser au Québec? Il continue de baisser. Est-ce qu'il ne trouve pas inquiétant que le plus bas niveau d'emploi à temps plein de la présente récession s'est produit au mois de mai? C'est au mois de mai ? les statistiques sont sorties vendredi ? que l'on a connu le plus bas niveau d'emploi à plein temps au Québec. Est-ce que le premier ministre ne trouve pas ça inquiétant? Est-ce que le premier ministre ne juge pas qu'il fait fausse route avec les politiques économiques et budgétaires de son gouvernement si tant est qu'il en ait? Est-ce qu'il pense qu'il doit persévérer dans la même voie?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bourassa: M. le Président, je ne suis pas surpris des questions du chef de l'Opposition: nous le faisons chaque fois que les statistiques sont publiées. Je suppose que nous allons continuer de le faire.

Je constate quand même que, depuis trois semaines ou un mois, je n'ai pas de questions sur les problèmes linguistiques, sur la législation linguistique. Il attend sans doute l'avis de ses conseillers juridiques. Je ne sais pas quand ça va venir. J'espère que ça viendra avant la prochaine campagne fédérale, puisqu'il a dit qu'il s'impliquerait quotidiennement dans la prochaine campagne fédérale, avec son ami Lucien Bouchard. m. le président, si nous examinons les statistiques sous un angle objectif ? le chef de l'opposition le fait comme chef de l'opposition ? nous voyons que le taux d'activité s'est accru au québec... je veux dire, le taux d'activité par rapport à mai 1992 s'est accru de 60,2 % à 62,4 %, alors qu'il a diminué en ontario, de 67,5 % à 67 %, et, au canada, de 65,5 % à 65,2 %. donc, on s'aperçoit qu'au québec il y a plus de personnes qui veulent travailler, qui s'inscrivent au marché du travail, et nous voyons également que, dans l'emploi, alors que l'ontario en a perdu 13 000, on a créé 6000 emplois depuis un mois. donc, si on regarde les statistiques d'un point de vue objectif et neutre, on s'aperçoit qu'elles sont plus encourageantes ce mois-ci qu'elles pouvaient l'être le mois dernier. bon, il joue avec les temps partiel et les temps plein. il sait fort bien, il s'en souvient, que, quand une récession est remplacée par une reprise, même si elle est modeste, c'est normal qu'il y ait une période de transition pour ce qui a trait aux temps partiel et aux temps plein. il devrait le savoir, m. le président.

Le Président: Pour une question complémentaire, M. le chef de l'Opposition.

M. Parizeau: Ça n'a pas de bon sens, M. le Président, de dire des histoires pareilles. Est-ce que le premier ministre se rend compte que de perdre 37 000 emplois à plein temps dans un mois, même objectivement, même froidement, c'est dramatique? On parle du monde. Est-ce qu'on peut laisser un peu de côté le mépris qu'il exprimait par sa réponse tout à l'heure?

Le Président: M. le chef de l'Opposition... Des voix: Wo! Wo!

Le Président: Sur un rappel au règlement, M. le leader du gouvernement.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui. Vous avez compris, M. le Président, que j'invoque les dispositions de l'article 78 de notre règlement: il est permis de poser une ou plusieurs questions complémentaires; elles doivent être brèves, précises et sans préambule, de même que certains des alinéas de l'article 77 que le chef de l'Opposition vient de violer.

Le Président: Je vous invite à poser votre question, M. le chef de l'Opposition.

M. Parizeau: est-ce que le premier ministre est satisfait des taux de récupération suivants des emplois perdus pendant la récession, tels qu'ils ressortaient vendredi matin? est-ce qu'il est satisfait? c'est la même question. les taux de récupération d'emplois perdus de 85 % dans l'ouest et dans les maritimes, de 30 % en ontario et de 19 % seulement au québec, est-ce que ça le satisfait? est-ce qu'il trouve que c'est une performance remarquable de la part de son gouvernement?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bourassa: J'écoute le chef de l'Opposition, et, comme je n'ai pas de préavis ? je ne le blâme pas ? tout en examinant les statistiques. Et les chiffres qu'il avance ne se conforment pas aux statistiques que j'ai devant moi. On n'est pas pour reprendre des batailles de chiffres. Je lui dis simplement que si nous examinons les données globales, celles qui sont mises en relief par ceux qui donnent les statistiques, par Statistique Canada, nous voyons une situation relative plus favorable. C'est évident qu'il reste encore beaucoup à faire. On ne prétend pas que la récession ou que la reprise économique est satisfaisante; on l'a dit à plusieurs reprises. C'est pourquoi on essaie de garder une force concurrentielle au secteur de l'entreprise, mais je lui dis que, pour ce qui a trait au nombre de chômeurs, il y en a 12 000 de moins au Québec, alors qu'il y en a 2000 de moins en Ontario.

C'est des chiffres qui sont mis en relief par l'organisme, et je donnais tantôt ceux de l'emploi et, comme il le sait, ceux du chômage confirment ceux de l'emploi. Alors, je ne vois par pourquoi le chef de l'Opposition, cet après-midi, essaie de camoufler cette reprise. Et on la retrouve également dans les variations de mois à mois, auxquelles nous nous référons chaque fois que nous en parlons, alors que nous voyons, bon, qu'il y a 22 000 de mai à mai, alors qu'il y avait 19 000 le mois précédent, 13 000 le mois auparavant, et 18 000 négatifs ? une croissance négative il y a 4 mois; donc, moins 18 000 ? plus 13 000, plus 19 000, plus 22 000. C'est une progression, M. le Président.

Le Président: Toujours en question complémentaire.

M. Parizeau: Le premier ministre serait peut-être mieux de faire faire ses calculs avant d'entrer en Chambre, plutôt que comme ça sur le bord de la table.

Le Président: Alors, votre question, M. le chef de l'Opposition.

M. Parizeau: Est-ce que le premier ministre va chercher à retrouver, dans ses chiffres, dans les études qu'il fera faire, j'imagine, la récupération suivante d'emplois perdus, depuis le creux de la récession, en termes d'emplois d'avril 1992? C'est ça le creux. Pour-ra-t-il faire établir que, dans le reste du Canada, l'Ouest et les Maritimes, on a récupéré 44 000 emplois, en Ontario, 87 000, et au Québec, 28 000 seulement? Cela, le premier ministre pourrait-il le confirmer, en mettant ses services au travail? Je suis sûr que nous n'aurons, à ce moment, aucune espèce de difficulté à réconcilier nos chiffres.

Le Président: M. le premier ministre. (14 h 20)

M. Bourassa: Le chef de l'Opposition est conscient de la tradition qui existe. Je m'attendais à des questions possibles sur les statistiques, mais je dois préparer des réponses sur les différents sujets que peut évoquer le chef de l'Opposition, puisqu'il n'y a pas de préavis. Encore une fois, je ne le blâme pas; ça fait partie de la tradition de notre système politique, contrairement à ce qui existe dans la plupart des autres démocraties, mais je ne m'en plains pas. On arrive toujours à répondre aux questions du chef de l'Opposition. Ce n'est pas la partie la plus exigeante de mes fonctions.

Des voix: Ah! Ah!

M. Bourassa: M. le Président, le chef de l'Opposition est conscient de la pesanteur des lois économiques par rapport aux volontés politiques, et on doit constater que, ce mois-ci, je lui ai donné des chiffres bien clairs qu'il ne peut pas contester, que, ce mois-ci, il y a quand même un progrès qui est insuffisant ? je suis d'accord avec lui ? mais on a mis depuis quatre ans, depuis le début de la récession, des outils en place qui sont nombreux sur le plan fiscal, sur le plan économique, sur le plan financier. Il reste quand même que... D'accord, il va dire: II y a eu des augmentations d'impôt, mais il y en a eu partout. On sait qu'il y a eu une diminution des

revenus pour l'ensemble des gouvernements, mais la capacité concurrentielle des entreprises est demeurée intacte et c'est ce qui explique qu'il y a cette reprise et nous sommes... Bien, M. le Président, on ne dit pas que ça règle le problème. Je ne dis pas que, pour un temps, les temps partiel peuvent être plus nombreux. C'est le cas de toutes les récessions, mais, au moins, la progression est nette ? c'est clair ? pour la première fois depuis le début de la récession, il y a trois ans et demi.

Non-admissibilité de certains travailleurs

licenciés du secteur du commerce et de l'alimentation au programme PATA

Le Président: En question principale, maintenant, Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: M. le Président, pour la grande majorité des travailleurs et travailleuses licenciés, âgés de 55 ans et plus, le programme PATA, supposé les aider, est comme un mirage qui s'évanouit quand ils veulent en bénéficier. À cause de la rigidité du programme, 75 % des demandes d'admissibilité à PATA sont refusées. C'est encore pire dans le secteur du commerce et de l'alimentation, qui, pourtant, malgré l'ouverture des commerces le dimanche, a perdu, depuis un an, 56 000 emplois. À cause d'une interprétation abusivement restrictive, M. le Président, après la fermeture des magasins Steinberg et des magasins M, des centaines de travailleurs et de travailleuses se sont faire dire non à PATA à cause d'un nouveau critère qui fractionne l'entreprise en plusieurs commerces et entrepôts. Le ministre de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle trouve-t-il normal que 204 travailleurs âgés sur les 1330 mises à pied de Steinberg et les travailleurs des magasins M n'ont eu droit à aucune indemnité et trouve-t-il normal que les travailleurs de la même entreprise, de la même accréditation syndicale, qui reçoivent le même chèque de paie, n'aient droit à aucune prestation sous prétexte qu'ils sont dans plusieurs commerces et entrepôts?

Le Président: M. le ministre de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle.

M. Bourbeau: M. le Président, tout le monde sait que le programme PATA est un programme fédéral-provincial, dont 70 % des coûts sont assumés par le gouvernement du Canada. Alors, la part du Québec est de 30 % et, bien sûr, quand on est actionnaire à 30 %, on ne contrôle pas vraiment ce programme-là. M. le Président, je suis content d'entendre l'Opposition parce que je n'ai pas fait de secret qu'à plusieurs reprises je suis intervenu ? la députée le sait ? auprès du gouvernement fédéral pour demander au gouvernement fédéral de réviser les critères du programme PATA. Et j'ai indiqué que le Québec, quant à lui, est prêt à admettre des changements dans le programme PATA qui iraient dans le sens de ce que vient de dire la députée d'Hoche-laga-Maisonneuve. Alors, M. le Président, j'unis ma voix à celle de la députée d'Hochelaga-Maisonneuve et je dis que le Québec est disposé à modifier les normes du programme PATA pour faire en sorte d'être plus accueillant à l'endroit de certaines clientèles qui sont présentement exclues.

Le Président: Alors, tout en requérant, s'il vous plaît, l'attention des collègues... S'il vous plaît! Alors, question complémentaire.

Mme Harel: Alors, M. le Président, après avoir essuyé plusieurs refus à ses demandes à son homologue fédéral, pourquoi le ministre a-t-il reconduit, pour trois autres années, le programme PATA sans que ses critères aient été modifiés? Et doit-on comprendre qu'il entend soutenir que ces travailleurs de l'alimentation et du commerce de la même entreprise ont droit aux indemnités du programme PATA?

Le Président: M. le ministre.

M. Bourbeau: pourquoi on l'a reconduit? bien, c'est simple, m. le président, on l'a reconduit parce que c'est de l'argent qui va aux travailleurs âgés du québec qui sont mis en licenciement collectif. et pourquoi refuser des programmes quand 70 % viennent des fonds du gouvernement fédéral? la députée voudrait qu'on refuse de signer des ententes et qu'on refuse des fonds fédéraux? voyons donc! ça n'a pas de bon sens. m. le président, c'est sûr que le programme peut être amélioré. il est déjà, d'ailleurs, une version améliorée par rapport à ce qu'il y avait dans le temps du parti québécois. dans le temps du parti québécois, il y avait un programme qui était à 100 % fédéral. donc, le québec... vous ne mettiez aucun sou dans le programme, dans le temps. le gouvernement du parti québécois, m. le président, n'investissait aucun sou dans le programme pour les travailleurs âgés, aucun sou. et maintenant...

Le Président: Un instant! S'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! S'il vous plaît! Alors, je reconnais une personne à la fois, donc... M. le député! En conclusion, M. le ministre.

M. Bourbeau: Nous avons à examiner un programme dans lequel nous participons à 30 % et nous avons élargi le programme. Dans le temps du Parti québécois, le programme était restreint à certains secteurs très limités; aujourd'hui, il est ouvert à tous les secteurs. Donc, c'est une amélioration dans ce sens-là, et nous allons continuer nos efforts pour tenter de l'améliorer davantage.

Le Président: Toujours en question complémentaire.

Mme Harel: M. le Président, le ministre reconnaît-il que ce programme est un véritable mirage, et que

si les gens se qualifient sur papier, dans la réalité, dans la seule région de montréal, c'est 83 % des demandes suite à des fermetures qui ont été refusées?. et, m. le président, le ministre entend-il sérieusement intervenir pour que, dans le secteur du commerce et de l'alimentation, ce ne soit pas 100 %1

Le Président: M. le ministre.

M. Bourbeau: M. le Président, il faudrait demander aux centaines et aux centaines sinon aux milliers de travailleurs qui ont été admis au programme si le programme est un échec pour eux. Je pense qu'ils vont répondre le contraire. Maintenant, c'est sûr qu'il y a des refus, mais il y a des critères dans le programme. Quand on a moins de 55 ans, on n'est pas admissible. Alors, chaque fois qu'on demande l'admissibilité, on est refusé. Alors, c'est sûr qu'il y a des refus.

Aussi, le programme est contingenté, en ce sens que, pour être admissible, il faut que le licenciement ait une certaine importance par rapport à la taille de la municipalité. C'est des critères objectifs. Alors, chaque fois qu'un licenciement survient et que le licenciement n'est pas, en termes de personnes licenciées, assez important par rapport à la municipalité, c'est refusé. Mais ce n'est pas parce que le programme manque d'argent, c'est parce que les critères sont là, puis, quand on n'est pas eligible, on n'est pas eligible. C'est ça la vérité.

Le Président: Pour une autre question complémentaire.

Mme Harel: M. le Président, le ministre reconnaît-il le caractère discriminatoire des critères appliqués pour les villes de Montréal et de Laval qui réclament des mises à pied de plus de 100 employés, quand on sait que des secteurs industriels complets comme le textile et le vêtement sont éprouvés et ne comptent en moyenne pas plus de 30 à 40 employés? Reconnaît-il le caractère injuste du programme dans le secteur de l'alimentation et du commerce en fractionnant une seule entreprise en plusieurs petits commerces et entrepôts pour soustraire les travailleurs au bénéfice de l'application du programme?

Le Président: M. le ministre.

M. Bourbeau: M. le Président, la députée revient à sa première question. Elle se souvient de la réponse que je lui ai faite. Oui, je suis d'accord que ce programme-là, à l'égard des grandes municipalités comme Montréal, devrait être amélioré. J'ai écrit à plusieurs reprises ? la députée le sait, je crois que je lui ai fait parvenir copie de mes lettres ? au ministre fédéral. J'ai écrit même au ministre Michael Wilson. J'ai écrit à Bernard Valcourt. J'ai écrit à Marcel Danis. J'ai fait de très nombreuses démarches, M. le Président, et je vais continuer à en faire tant que je n'aurai pas réussi à avoir du succès. Merci.

Inclusion de la clause Canada dans le projet de loi 86

Le Président: En question principale maintenant, M. le député de Lac-Saint-Jean et whip de l'Opposition.

M. Brassard: M. le Président, ce n'est pas un ministre, c'est Mme de Sévigné.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: Alors, votre question, M. le député. (14 h 30)

M. Brassard: Oui, M. le Président. Dans son plaidoyer devant le comité de l'ONU, le gouvernement a fait preuve de constance en maintenant la ligne officielle de l'État du Québec en matière constitutionnelle depuis 1982, et je cite: «Ces modifications constitutionnelles fondamentales de la structure étatique canadienne ont eu des conséquences dans les domaines touchant à la langue et à la culture, qui sont des domaines vitaux pour le Québec. Ces modifications se sont pourtant faites sans le consentement du Québec, qui s'est vu imposer par le gouvernement fédéral et par les gouvernements des neuf autres provinces canadiennes, majoritairement anglophones, un nouvel ordre constitutionnel. Le Québec, pour sa part, n'a jamais souscrit à ce nouvel ordre constitutionnel parce qu'il portait atteinte à ses droits et privilèges historiques, même s'il est devenu, à son corps défendant, juridiquement lié par celui-ci.» Fin de la citation. Or, on retrouve, dans le projet de loi 86, M. le Président, l'article 23 de la Loi constitutionnelle de 1982 qui porte sur la langue d'enseignement, considéré, à l'époque, par l'Assemblée nationale, comme la plus sérieuse et la plus importante atteinte à la compétence exclusive du Québec en matière d'éducation.

Ma question au ministre responsable des relations fédérales-provinciales et procureur général: Après avoir maintenu la position officielle du Québec en cette matière devant le comité de l'ONU, pourquoi le gouvernement a-t-il décidé soudainement de donner son adhésion formelle à l'Acte constitutionnel de 1982 et, ainsi, rompre avec la position officielle défendue jusque devant le comité de l'ONU, il y a moins d'un an, alors qu'aucun gouvernement du Québec digne de ce nom n'a le droit, sans se déshonorer, de se soumettre de cette façon?

Le Président: M. le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes.

M. Rémillard: M. le Président, j'ai eu l'occasion, à plusieurs reprises, en cette Chambre de dire que l'entente de 1982 était un compromis inachevé parce que le Québec n'avait pas pu y donner son consentement de façon pleine et entière. Mais il reste quand même, M. le Président, que plusieurs aspects de cette entente de 1982 étaient des aspects souhaitables dans une constitution. Je pense, par exemple, à la Charte des droits et des libertés, je pense à certaines modifications du partage des compétences législatives en ce qui regarde les richesses

naturelles, par exemple, M. le Président.

Cependant, ce que nous avons toujours dit, c'est qu'il fallait compléter cette entente de 1982 en récupérant ce qui avait été perdu ? vous vous en souvenez ? entre autres, le droit de veto, qui avait été abandonné, et aussi le principe de l'égalité des provinces qu'on a toujours refusé, nous, de ce côté-ci, et que vous avez accepté le 16 avril 1981. Alors, ce que nous avons dit à ce moment-là, M. le Président, est en relation directe avec ce que nous avons toujours dit: essayer de compléter ce qui a été fait en 1982 en fonction des droits historiques du Québec.

Le Président: Pour une question complémentaire.

M. Brassard: M. le Président, je reformule ma question parce que je n'ai pas eu de réponse. Non, mais je la reformule.

Le Président: S'il vous plaît!

M. Brassard: Pourquoi le gouvernement a-t-il décidé, en acceptant que, dans le projet de loi 86, soit introduit intégralement l'article 23 de la Charte qui avait suscité l'opposition formelle de l'Assemblée nationale... Pourquoi avoir accepté et donné ainsi son adhésion formelle à l'Acte constitutionnel de 1982? Parce que c'est ça que vous avez fait, en faisant ainsi. Vous, vous êtes président du Comité de législation. Pourquoi...

Le Président: M. le député. J'invite le député à poser sa question, évidemment sans commentaire ou sans préambule déguisé, s'il vous plaît. Allez-y. Un instant! Un rappel au règlement. M. le leader du gouvernement.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président, s'il ne s'agissait que d'une simple violation de notre règlement, j'aurais sans doute laissé passer, parce que c'est l'habitude du député. Mais on a violé simultanément l'article 35, paragraphe 4° qui défend à un député de s'adresser directement à un autre député. On a violé systématiquement les dispositions de l'article 78 et plusieurs des dispositions de l'article 77 dans une simple question additionnelle. M. le Président, c'est totalement inadmissible.

Le Président: Alors, je vous invite à poser une question directement, M. le député.

M. Brassard: Pourquoi au Comité de législation ? parce que je pense qu'il en est le président ? a-t-il donné son aval au projet de loi 86 présenté par son collègue responsable de la Charte de la langue française, sachant très bien que, ce faisant, il donnait son adhésion libre et entière et formelle et officielle à l'Acte constitutionnel de 1982?

Le Président: M. le ministre.

M. Rémillard: M. le Président, le gouvernement a toujours dit, depuis le 12 décembre 1985, on a toujours dit que nous étions en faveur de la clause Canada. Même votre père fondateur, M. René Lévesque, avait dit qu'il était en faveur de la clause Canada. Alors, quand on parle de l'article 23, on parle de la clause Canada. Dans ce contexte, M. le Président, qu'est-ce qu'il y a de surprenant? C'est la même chose, c'est dans la continuité de ce que nous avons fait lorsque nous sommes arrivés au gouvernement: on a mis fin à cette clause «nonobstant» utilisée systématiquement dans toute loi québécoise. On utilisait la population en otage d'un débat constitutionnel. C'est ça que vous avez fait. Alors, pour notre part, on s'est refusé à ce genre d'action. Et on se dit qu'il y a un document qui est à compléter. C'est ce qu'on a essayé de faire, qu'on va continuer à essayer de faire. Mais, dans ce contexte-là, M. le Président, la clause Canada, dans le contexte où elle peut être située en respect des juridictions québécoises, tel qu'on le comprend de ce côté-ci de la Chambre, je ne vois pas de problème à ce niveau-là.

Le Président: Toujours en question complémentaire, M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Brassard: Comment le ministre peut-il tenir de pareils propos, alors qu'il sait très bien que, en 1982, l'Assemblée nationale, de façon presque unanime, sauf 9... Le député d'Argenteuil les connaît très bien. Il en reste 3 en cette Chambre. Comment le ministre peut-il tenir de pareils propos, alors que c'est justement parce que l'article 23 s'attaquait directement aux compétences linguistiques et en matière d'éducation de l'Assemblée nationale que cette Assemblée nationale s'est opposée et a refusé d'adhérer à l'Acte constitutionnel de 1982? Maintenant, c'est le contraire. C'est ce que vous faites, vous adhérez. Vous adhérez.

Le Président: M. le député. M. le ministre.

M. Rémillard: M. le Président, c'est faux. C'est faux, parce que s'il y a eu unanimité en cette Chambre contre la loi 82, c'est parce que vous aviez perdu le droit de veto dans vos négociations, parce que vous aviez accepté le droit à l'égalité des provinces. C'est ça, M. le Président, qui a amené l'Assemblée nationale à être unanime pour protester contre la perte d'un droit historique ? que vous aviez perdu. Mais, lorsqu'on parle de la clause Canada, lorsqu'on parle de la possibilité que les enfants de parents qui ont suivi leur éducation dans une autre province canadienne, en langue anglaise, puissent recevoir l'éducation en langue anglaise ici, au Québec ? même René Lévesque était en faveur d'une telle clause?M, le Président, où il est, le problème? C'est simplement de montrer un peu d'ouverture et d'esprit fédéraliste.

Le Président: Pour une autre question complémentaire.

M. Brassard: M. le Président, est-ce que le ministre pourrait se rafraîchir la mémoire et lire les résolutions et les motions qui ont été adoptées à l'Assemblée nationale en novembre 1981, sur le coup de force constitutionnel, et approuvées par le député d'Ar-genteuil, alors chef de l'Opposition? Est-ce qu'il pourrait se rafraîchir la mémoire et considérer qu'actuellement il est en train d'adhérer formellement, officiellement à l'Acte constitutionnel de 1982? Est-ce que la défaite référendaire l'a déprimé au point d'adopter une telle position, M. le Président?

Le Président: M. le ministre.

M. Rémillard: M. le Président, le député de Lac-Saint-Jean devrait se rafraîchir la mémoire et lire les articles pertinents du document de l'entente signée le 16 avril 1981. Il comprendrait aussi comment son gouvernement d'alors a perdu le droit de veto, comment son gouvernement d'alors a accepté le principe de l'égalité des provinces. Et, depuis que nous sommes au gouvernement, M. le Président, ce que nous avons essayé de faire, c'est, entre autres, de réparer ces deux gaffes majeures. Et c'est ces deux gaffes majeures, M. le Président, qui nous ont causé le plus de difficultés. Si on a été obligés, M. le Président, et dans l'entente de Charlottetown et, précédemment, dans l'entente de Meech, d'avoir l'unanimité en très grande partie, c'était pour aller récupérer ce droit de veto que vous aviez perdu. Donc, votre responsabilité face à l'histoire, regardez-la bien en face.

Mesures pour favoriser la création d'emplois

Le Président: Pour une question principale, maintenant, M. le député de La Prairie.

M. Lazure: Merci, M. le Président. Selon le dernier rapport du ministère de la Main-d'oeuvre et de la Sécurité du revenu, le nombre de personnes assistées sociales a encore augmenté en mai pour atteindre un nouveau record, depuis que l'aide sociale existe, soit plus de 456 000 ménages, plus de 750 000 personnes, dont plus de 270 000 sont des adultes aptes au travail et disponibles. Et un grand nombre de ceux-là sont des gens qui ont perdu leur emploi après des fermetures d'entreprises.

Lors de l'étude des crédits, en mai, le ministre a déclaré qu'il s'attendait à une baisse du nombre de personnes assistées sociales, à partir de juin. Mais ce n'est certainement pas le budget qui nous a été présenté, avec aucune mesure de relance économique, qui va changer la situation. (14 h 40)

Ma question au ministre de la Main-d'oeuvre et de la Sécurité du revenu: Est-ce qu'il peut nous dire sur quoi il se base pour affirmer qu'à partir de juin le nombre de personnes assistées sociales va diminuer, et peut-il nous expliquer les mesures concrètes contenues dans le budget de son gouvernement qui vont amener la création d'emplois, pour que les personnes assistées sociales qui veulent travailler, et c'est la grande majorité, puissent retourner au travail?

Le Président: M. le ministre de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle.

M. Bourbeau: M. le Président, si le député de La Prairie consulte les statistiques, il va se rendre compte que, à chaque année, au cours des mois de juin, juillet, août et septembre, il y a une diminution soit du rythme d'augmentation de la clientèle à l'aide sociale pendant les mauvaises années ou une diminution de la clientèle pendant les bonnes années. Or, l'an dernier, nous étions en plein milieu de la récession et, pendant les mois dont je viens de parler, la clientèle à la Sécurité du revenu s'est stabilisée. Je ne sais pas si le député est intéressé à écouter ma réponse, mais peut-être que ça pourrait l'aider pour sa question additionnelle, là. Alors, si, M. le Président, l'an dernier, alors que la situation économique était pire que maintenant, la clientèle s'est stabilisée pendant trois ou quatre mois à l'aide sociale, on peut raisonnablement conclure que, cette année, en pleine reprise économique, il devrait y avoir une légère diminution de la clientèle à l'aide sociale.

Le Président: Alors, pour une question complémentaire.

M. Lazure: M. le Président, le député a bien écouté, mais n'a pas entendu de réponse à sa question. Il a vérifié aussi, pendant qu'il écoutait, les chiffres de l'an dernier, à la même date. Ce n'est pas exact, ce que le ministre vient de dire. En mai dernier, il y avait 685 000 personnes et, en juin, le mois suivant, 689 000 personnes. Il n'y avait pas diminution, il y avait augmentation. M. le Président, je repose ma question: Sur quelles mesures concrètes le ministre s'appuie-t-il, dans le budget de son collègue des Finances, pour affirmer qu'il y aura baisse du nombre de personnes assistées sociales? Est-ce qu'il peut nous dire sur quelles mesures concrètes il s'appuie?

Une voix: Boule de cristal, là.

Le Président: Alors, M. le ministre.

M. Bourbeau: M. le Président, ce que j'ai dit tout à l'heure, c'est qu'à chaque année, pendant l'été, il y a moins de personnes soit qui arrivent à l'aide sociale ou qui restent à l'aide sociale. Et je soutiens, M. le Président, qu'au cours de l'été dernier il y a eu une certaine stabilisation de la clientèle. Comme nous sommes maintenant en reprise économique, nous prévoyons, au cours des prochains mois, une légère baisse de la clientèle à l'aide sociale. C'est ça que j'ai dit au député de La Prairie, s'il avait écouté ma réponse.

Le Président: Alors, toujours en question complé-

mentaire, M. le député de La Prairie.

M. Lazure: Est-ce que le ministre de la Main-d'oeuvre et de la Sécurité du revenu pourrait comprendre la différence entre une reprise économique qui crée des emplois et une qui n'en crée pas? Et celle que l'on voit poindre tranquillement, c'en est une qui ne crée pas d'emplois. Je pose une autre question au ministre de la Main-d'oeuvre. Compte tenu que, selon le rapport annuel du Conseil canadien du bien-être social ? et je cite ? «le Québec continue d'être l'une des provinces les moins généreuses pour ses citoyens qui doivent avoir recours à l'aide sociale» et que, déjà, les prestations actuelles sont sous le seuil de la pauvreté, comment peut-il justifier, alors, que, sauf pour les 100 000 qui sont inaptes au travail, les personnes assistées sociales n'auront aucune espèce d'indexation à partir de janvier prochain?

Le Président: M. le ministre.

M. Bourbeau: M. le Président, il est faux de dire que le Québec est dans le peloton de queue des provinces en ce qui concerne la générosité à l'aide sociale. Je peux vous dire, M. le Président, que les recherches que nous avons faites, au ministère, en ce qui concerne la générosité de chaque province canadienne, par rapport à l'aide sociale, indiquent, par exemple, que, dans le cas d'une personne seule, si on prend le barème moyen ? parce que le Québec est la seule province qui a des barèmes nombreux, là ? disons le barème des non disponibles, qui est l'ancien barème de l'aide sociale, là, le Québec, pour les personnes seules, se situe au troisième rang sur 10 provinces. Or, comme 61 % de la clientèle, c'est des personnes seules, on peut donc réaliser que le Québec n'est pas dans le peloton de queue, mais dans le peloton de tête, en ce qui concerne les prestations à l'aide sociale.

D'autre part, M. le Président, il faut réaliser que les prestations d'aide sociale, ce n'est pas les seuls revenus que reçoivent les gens à l'aide sociale. Il y a aussi les allocations familiales, les nouvelles allocations du fédéral; le crédit pour la TPS, la TVQ; et il y a aussi l'allocation-logement. Or, on a calculé récemment que, pour une famille avec deux enfants mineurs, 5 et 7 ans, à l'aide sociale, le revenu annuel est de 1606 $ par mois pour une famille, à l'aide sociale, ce qui fait 19 272 $ par année ou, si vous voulez, pour une semaine de 40 heures, 9.25 $ l'heure. Ce n'est quand même pas si mal.

Le Président: Bon. Pour une autre question complémentaire.

M. Lazure: Est-ce que le ministre peut retourner à sa lecture? «Le Québec à la queue, aide sociale». Ma dernière question additionnelle, M. le Président: Puisque le ministre a récemment annoncé, à Sherbrooke, qu'il rendrait publiques, cette semaine, de nouvelles coupures variant de60000000$à 140 000000$à l'aide socia- le, est-ce qu'il peut prendre l'engagement de ne pas réduire, d'aucune façon, la prestation mensuelle? Est-ce qu'il peut arrêter aussi de confondre contrôle normal, avec lequel nous sommes d'accord, et harcèlement et dénigrement des personnes assistées sociales?

Le Président: M. le ministre.

M. Bourbeau: M. le Président, le député cite le titre du Journal de Québec, «Le Québec à la queue». Je dis que ce titre-là est totalement faux. Les tableaux que je déposerai indiquent que le Québec est plutôt dans le peloton de tête que dans le peloton de queue. En tous les cas, pour les personnes seules, on est troisième sur 10, et c'est presque les deux tiers de la clientèle.

En ce qui concerne les montants dont vient de parler le député, M. le Président, essentiellement, les sommes d'argent que le ministère va récupérer sont des sommes d'argent qui vont l'être par voie de contrôle, c'est-à-dire la remise de main à main de chèques aux prestataires qui sont aptes au travail et qui ne participent à aucune mesure, le travail de nos agents vérificateurs, etc. Essentiellement, c'est ça, les récupérations, les économies que nous allons faire. Il n'est pas question, M. le Président, d'une façon générale, de couper ? d'une façon générale, je dis bien ? de couper les sommes d'argent qui sont allouées dans les barèmes. Il peut y avoir un certain rééquilibrage où certaines catégories auront moins, d'autres auront plus, mais je n'ai pas l'intention, pour l'instant, de recommander un rééquilibrage des barèmes qui ferait qu'il y aurait une récupération pour le gouvernement.

Le Président: En question principale maintenant, M. le député de Laviolette.

Rachat des usines de Donohue Matane par les ex-travailleurs des scieries fermées

M. Jolivet: Merci, M. le Président. Dans le dossier des scieries Donohue Matane, il est maintenant clair que ce piètre citoyen corporatif, qui est Donohue, prend littéralement en otage la population gaspésienne, ainsi que les ressources de toute une région, en changeant à sa guise les règles du jeu et en rejetant une offre jugée raisonnable par les gens du milieu.

Le gouvernement, quant à lui, et le ministre responsable n'agit guère de façon, à mon avis, plus responsable, car, au lieu de saisir l'opportunité de réduire les assistés sociaux dans le milieu, il cautionne sciemment, par sa négligence, les agissements tordus de Donohue en n'exigeant pas que ses partenaires, soit REXFOR et la Société de développement industriel, exercent les pressions nécessaires afin de ramener Donohue à la raison.

Ma question au ministre des Forêts: Est-ce qu'il a l'intention d'agir dans ce dossier en nous garantissant qu'il va utiliser tous les moyens nécessaires, tous les instruments dont il dispose pour faire entendre raison à Donohue afin que cesse immédiatement ce chantage complètement éhonté et indigne de sa part?

Le Président: M. le ministre des Forêts.

M. Côté (Rivière-du-Loup): M. le Président, je suis allé, samedi soir, à Amqui, dans la vallée de la Matapédia, avec le député de Matapédia, assister à une activité. J'ai donné une explication à l'assemblée qui était là sur la possibilité de rouvrir les scieries de Dono-hue. Mon objectif, moi, je l'ai déjà déclaré en cette Chambre, c'est de procurer du travail à ces gens-là. Il y avait trois façons de le faire.

Une façon de le faire, c'est que Dohonue Matane opère ses scieries et son centre de transformation à Matane, et j'ai ici, en main, un estimé du budget d'opération. On avait décidé de ne pas opérer, étant donné le déficit encouru. La deuxième façon, c'était de donner une réponse au CAMO, c'est-à-dire au consortium, au groupe du milieu qui voulait se porter acquéreur des scieries. On m'avait promis une réponse vers le 11 avril; je ne l'ai pas encore, la réponse. Évidemment, même si on donnait une réponse aujourd'hui au CAMO, je pense que ce serait quasiment impossible de se fier sur ce groupe-là pour redémarrer les scieries, alors que ça prend un fonds de roulement de 6 000 000 $ pour démarrer toutes les opérations forestières et les scieries.

La troisième façon de donner du travail, c'était d'accorder des volumes de bois aux scieries existantes, qui opèrent actuellement et qui ont, également, des marchés de copeaux. Parce que, vous savez, les scieries de Donohue Matane font un pourcentage de copeaux exagéré, soit 2,2 tonnes aux 1000 pieds. Tout ça, je ne sais pas si le député de Laviolette va comprendre, mais les gens dans la salle l'ont compris parfaitement. J'ai parlé avec M. Rodrigue ce matin...

Le Président: En conclusion.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Oui, M. le Président, et j'ai parlé avec M. Pagé hier soir à ce sujet-là. Il y a une rencontre de l'exécutif et on tente de trouver une solution rapide à ce problème-là, M. le Président.

Le Président: Pour une question complémentaire, M. le député de Laviolette. (14 h 50)

M. Jolivet: M. le Président, je crois comprendre que seul le ministre des Affaires municipales peut comprendre les dossiers ? Port-Cartier en particulier. J'aimerais savoir de la part du ministre...

Le Président: S'il vous plaît! MM. les députés! À l'ordre! À l'ordre, s'il vous plaît! S'il vous plaît! Pour une question complémentaire.

M. Jolivet: Oui. J'aimerais savoir de la part du ministre, dans ce dossier, est-ce qu'il comprend que REXFOR était d'accord avec l'offre présentée par le consortium dans le milieu? Il a le pouvoir de faire des pressions puisqu'il est partenaire, il est membre du conseil d'administration de Donohue Matane. Comment se fait-il que le ministre ne prend pas les moyens qu'il a ? REXFOR en particulier ? pour le régler, le problème?

Le Président: M. le ministre des Forêts.

M. Côté (Rivière-du-Loup): M. le Président, c'est un fait que REXFOR détient 50 % des actions de Donohue Matane. J'ai déposé la semaine dernière la lettre du président de REXFOR donnant son accord pour la vente des scieries au CAMO et également l'accord du président de REXFOR pour ne pas opérer et confier les opérations forestières à des scieries existantes qui ont également un marché de copeaux. Vous savez, la semaine dernière, le député d'Abitibi-Ouest a posé une question justement sur le sujet. Pour contourner ce problème, je pense que la meilleure solution, c'est d'utiliser les équipements existants, les industries existantes.

Le Président: Pour une question complémentaire, M. le député de Matapédia.

M. Paradis (Matapédia): Oui, M. le Président. J'aimerais savoir du ministre si, présentement, Donohue Matane est en défaut vis-à-vis de ses obligations contractuelles, vis-à-vis du gouvernement? Et, si ça devait être le cas, quelles sont les propositions envisagées par le gouvernement vis-à-vis du défaut de Donohue?

Le Président: M. le ministre des Forêts.

M. Côté (Rivière-du-Loup): M. le Président, c'est une question précise de la part du député de Matapédia. Je lui dirai que Donohue Matane n'est pas en défaut avec son bailleur de fonds qui est la SDI actuellement.

Et je signalerais au député de Laviolette qu'il faut respecter les règles du jeu, parce que si un gouvernement ne respecte pas les règles du jeu commercial et industriel, je pense qu'il n'y aura plus personne qui va s'y fier.

Le Président: Pour une autre question complémentaire, M. le député de Laviolette.

M. Jolivet: M. le Président, comment le ministre peut-il expliquer que REXFOR était d'accord avec l'offre faite par le consortium et qu'à ce moment-ci le ministre nous indique qu'il ne fera pas les pressions nécessaires pour arriver à des solutions qui permettraient aux gens de pouvoir vivre et non pas être sur le bien-être social?

Le Président: M. le ministre des Forêts.

M. Côté (Rivière-du-Loup): M. le Président, mes préoccupations datent de bien plus longtemps que ce que le député de Laviolette signale. J'ai parlé du mois d'avril; ça fait plus que deux mois que je me préoccupe de cette question-là, et s'il y a une réunion du

conseil exécutif Donohue Matane, c'est parce que je m'en suis occupé, M. le Président.

Le Président: Pour une dernière question additionnelle, M. le député de Matapédia.

M. Paradis (Matapédia): Est-ce que le ministre entend donner suite à la proposition que les gens nous ont faite ce matin, à savoir de redonner les CAAF aux industriels pour permettre la création d'emplois le plus rapidement possible?

Le Président: M. le ministre des Forêts.

M. Côté (Rivière-du-Loup): M. le Président, c'est une autre question précise et...

Des voix: Ha, ha, ha!

Une voix: Ne riez pas, ne riez pas!

Le Président: S'il vous plaît!

M. Côté (Rivière-du-Loup): Non, non. J'attendrai...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! S'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! M. le ministre.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Je vais attendre, M. le Président, le résultat de la rencontre du comité exécutif et, possiblement du conseil d'administration de Donohue Matane, avant de prendre action dans ce dossier-là, et j'espère bien pouvoir le faire cette semaine.

Le Président: En question principale maintenant, M. le député de Shefford.

Aide financière à la Société zoologique de Granby

M. Paré: Oui. Merci, M. le Président. Le jardin zoologique de Granby, qui fête cette année son 40e anniversaire, est au premier rang des organismes touristiques autofinancés au Québec. Se basant sur un engagement ferme de 3 900 000 $ du premier ministre lui-même, entériné par le ministre d'alors du Loisir, de la Chasse et de la Pêche en 1989, la Société zoologique a relocalisé ses primates hors Québec pour faire les travaux projetés. Cette relocalisation de son attraction principale lui a causé une baisse d'achalandage.

Le Président: Un instant! Un instant, M. le député. Je vais demander la collaboration des collègues, s'il vous plaît. Principalement à ma droite. J'indique vraiment mes collègues à ma droite à ce moment-ci.

Alors, votre question, M. le député.

M. Paré: Merci, M. le Président. Alors, comme je le disais, le fait de relocaliser les primates à l'extérieur du Québec, qui est l'attraction principale, a causé une baisse d'achalandage considérable au zoo de Granby. Il s'agit pourtant d'un projet important avec une contribution de plus de 3 000 000 $ du milieu. Il s'agit de la première priorité de la Société montérégienne de développement, qui a choisi cette priorité à l'unanimité, cette région qui compte 20 députés et qui a l'appui des députés des deux formations politiques. Ma question: Qu'est-ce que le ministre délégué aux Affaires régionales, qui déclarait personnellement, lors de son engagement de 1989: «Le jardin zoologique de Granby constitue un attrait récréotouristique dont les performances en tant qu'institution zoologique [...] et des retombées économiques qui ne demandent pas à être approuvées...» Qu'est-ce que le ministre attend pour répondre favorablement à la Montérégie et ainsi permettre un projet et un investissement de plus de 6 000 000 $ en Montérégie?

Le Président: Alors, M. le ministre responsable du développement régional.

M. Picotte: M. le Président, j'espère que je n'apprendrai rien au député de Shefford, qui est en Chambre depuis déjà un certain temps, qu'il aura beau citer les lettres de celui qui vous parle lorsque j'étais ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, quand un ministre change d'endroit et de ministère, les dossiers restent à l'autre ministère comme maître d'oeuvre dans ces dossiers-là. Donc, je pense que je n'apprends rien au député, à ce moment-là, et ça sera, M. le Président, je vous le souligne, au ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche à concrétiser cet engagement-là.

Maintenant, je reviens sur un point qu'a souligné mon collège, le député de Shefford, avec l'enveloppe du développement régional que nous avons mise entre les mains... Et Dieu sait, il m'a dit qu'il y a unanimité des deux côtés de la Chambre, du côté des députés. J'imagine que si le CRD a décidé de prioriser ce dossier-là, ils pourront prendre un montant de l'enveloppe pour le verser, au moins, pour commencer à faire des travaux au niveau du jardin zoologique de Granby. Donc, il pourrait y avoir 1 000 000 $ de disponible là pour commencer les travaux, il pourrait y avoir, sur une période de 3 ans, puisque ces enveloppes-là ne sont pas «périmables», un montant de, je ne sais pas, moi, 400 000 $ ou 500 000 $ par année, durant 3 ans, pour ajouter un autre 1 500 000 $. À la suggestion du député de Shefford, M. le Président, j'ai commencé à examiner, du côté de l'entente Québec-Canada. On sait que, dans les régions centrales, cette entente-là ne s'applique pas de la même façon que dans les régions périphériques. On est en train de faire modifier les critères du fédéral pour tâcher qu'elles puissent bénéficier de l'entente fédérale-provinciale, qui viendrait compléter. Donc, vous avez en main tous les outils nécessaires pour au moins commencer à travailler le dossier pour une couple de millions de piastres. Ce n'est pas si méchant quand on veut commencer à faire quelque chose.

Le Président: Alors, c'est la fin de la période des

questions.

Il n'y a pas de votes reportés.

Motions sans préavis.

Avis touchant les travaux des commissions. M. le leader du gouvernement.

Avis touchant les travaux des commissions

M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président, j'avise cette Assemblée qu'aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 18 heures, et de 20 heures à 24 heures, à la salle Louis-Joseph-Papineau, la commission des institutions procédera à l'étude détaillée des projets de loi suivants, et ce, dans l'ordre ci-après indiqué: projet de loi 88, Loi modifiant la Loi sur les substituts du procureur général; projet de loi 94, Loi modifiant la Loi sur les tribunaux judiciaires; projet de loi 93, Loi modifiant le Code de procédure civile et la Charte des droits et libertés de la personne; projet de loi 87, Loi modifiant la Loi sur l'aide juridique. Et je dépose les avis, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le leader du gouvernement.

Renseignements sur les travaux de l'Assemblée.

Nous continuons les travaux de l'Assemblée à l'étape des affaires du jour. M. le leader du gouvernement, avec quel article du feuilleton, s'il vous plaît?

Affaires du jour

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, M. le Président, j'ai l'intention de vous demander d'appeler l'article 2 du feuilleton. Maintenant, je vous demanderais de suspendre les travaux pour quelques minutes, le ministre ayant dû s'absenter quelques instants de la Chambre.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, je vois arriver le ministre responsable. On suspend les travaux pour quelques minutes.

(Suspension de la séance à 14 h 59)

(Reprise à 15 h 10)

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Je vous rappelle, Mmes et MM. les députés, que nous sommes à l'étape des affaires du jour. M. le leader du gouvernement, quel article du feuilleton, s'il vous plaît?

M. Bélisle: Article 2, M. le Président.

Projet de loi 86 Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Lefebvre): À l'article 2 de notre feuilleton, M. le ministre responsable de l'ap- plication de la Charte de la langue française propose l'adoption du principe du projet de loi 86, Loi modifiant la Charte de la langue française.

M. le ministre, vous avez droit à une intervention de 60 minutes, et je vous cède immédiatement la parole.

M. Gendron: M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): M. le leader adjoint de l'Opposition officielle.

M. Gendron: Avant que le ministre commence son intervention, je vous indique tout de suite que je souhaiterais que cette intervention soit entendue au moins avec le quorum en cette Assemblée. Il y a toujours un bout, là!

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, je vérifie. Je vérifie.

M. Gendron: Alors, je demande le quorum.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Qu'on appelle les députés! (15 h 11 - 15 h 12) . Le Vice-Président (M. Lefebvre): M. le ministre responsable de l'application de la Charte de la langue française, je vous rappelle, tel que je vous l'ai indiqué avant qu'on appelle le quorum, que vous avez droit à une intervention de 60 minutes. Allez-y, M. le ministre.

M. Claude Ryan

M. Ryan: M. le Président, le gouvernement aborde avec sérénité et confiance l'étape décisive au terme de laquelle l'Assemblée nationale sera appelée à se prononcer sur le principe du projet de loi 86. Nous souhaitons fermement que, après avoir entendu des points de vue très divers à l'occasion des auditions publiques tenues par la commission parlementaire de la culture, l'Assemblée nationale se prononce en faveur de cette mesure législative dont le but est de confirmer les grands objectifs de la Charte de la langue française tout en les adaptant aux réalités du Québec d'aujourd'hui. La Charte de la langue française, ne serait-ce qu'en raison de son objet, suscite dans tous les milieux un vif respect et un profond attachement pour la langue française, notre langue officielle et la langue principale de plus de 4 Québécois sur 5. Ainsi que l'établit le préambule de la Charte, le législateur a voulu faire du français la langue de l'État et de la loi aussi bien que la langue habituelle du travail, de l'enseignement, des communications, du commerce et des affaires. quinze ans après l'entrée en vigueur de la charte, nous sommes en mesure de constater les résultats appréciables qu'elle a produits. dans le secteur de l'enseignement primaire et secondaire, plus de 90 % des inscriptions se font désormais à l'école française. les problèmes qui découlaient naguère du choix scolaire des pa-

rents immigrants ont ainsi été réglés à l'avantage de l'école française et de manière à mieux favoriser l'insertion des immigrants dans un Québec de plus en plus français. Dans le secteur de l'économie, on a vu le français s'affirmer de plus en plus, autant dans la propriété et la direction des entreprises que dans les communications à l'intérieur de l'entreprise et avec la clientèle de celle-ci. Dans le secteur de l'administration publique, le français occupait déjà, bien avant la Charte, une place nettement prédominante; cette place a été renforcée par la Charte.

Tout en étant essentiellement conçue en fonction de l'affirmation du caractère français du Québec, la Charte fut également rédigée dans des termes qui se voulaient respectueux et accueillants à l'endroit de la minorité anglophone du Québec et de nos communautés ethniques. Ainsi que le proclame le préambule de la Charte, le législateur a voulu que la promotion du caractère français du Québec se réalise, et je cite le préambule: «dans un esprit de justice et d'ouverture, dans le respect des institutions de la communauté québécoise de langue anglaise et celui des communautés ethniques» dont le préambule reconnaît explicitement l'apport précieux au développement du Québec.

La Charte confirmait le droit de la minorité anglophone à des écoles anglaises sur lesquelles elle peut exercer un contrôle normal. Elle fut complétée sous le gouvernement actuel par la loi 142, laquelle garantit à la minorité l'accès à des services dans sa langue en matière de santé et de services sociaux. Mais certaines dispositions de la Charte ont suscité chez la minorité anglophone des inquiétudes et des protestations auxquelles l'esprit de justice et d'ouverture promu dans la Charte nous oblige à prêter une oreille attentive. Les inquiétudes de la communauté anglophone portent à la fois sur certains droits qu'elle considère fondamentaux et que nie la Charte de la langue française et sur la nature même de l'avenir qui lui est réservé au Québec.

Nous manquerions à l'esprit de la Charte en cédant à certaines revendications dont l'effet pourrait être, notamment en matière scolaire, de nous ramener à la situation difficile que nous avons connue avant l'entrée en vigueur de la Charte. Mais nous manquerions également à l'esprit de la Charte en refusant de faire droit à d'autres revendications qui, à leur face même, sont justes et raisonnables: maintenir pour l'essentiel les grands objectifs de la Charte tout en formulant, au besoin, dans des termes mieux adaptés aux réalités d'aujourd'hui, certaines de ses dispositions; corriger et assouplir, sans préjudice aux objectifs de la Charte, des dispositions qui ont donné lieu à des représentations justes et raisonnables de la communauté anglophone du Québec. Voilà les 2 objectifs principaux que poursuit le gouvernement à travers le projet de loi 86.

J'ai rappelé tantôt que l'objectif majeur de la Charte est d'affirmer et d'assurer pour l'avenir le caractère français du Québec. Rien dans le projet de loi 86 ne vient compromettre cet objectif. Au contraire, une lecture objective du texte du projet de loi permet d'en retenir les éléments essentiellement positifs que voici.

Le français demeure la seule langue officielle du Québec. Le français demeure la langue qui sera le plus souvent utilisée de manière exclusive par l'administration publique et les nombreux organismes qui la composent. Les enfants de foyers immigrants, tout comme ceux de parents francophones, devront continuer de s'inscrire à l'école française. Non seulement les dispositions relatives à la langue de travail sont-elles maintenues, mais elles sont précisées et renforcées de manière à mieux assurer la continuité et la permanence du processus de francisation dans les milieux de travail.

Les organismes investis par le législateur d'une mission essentiellement positive, c'est-à-dire l'Office de la langue française, la Commission de toponymie et le Conseil de la langue française sont maintenus et confirmés dans leur vocation. Il importait de rappeler ces vérités avant d'aborder les changements que le gouvernement projette d'apporter à la Charte de la langue française. (15 h 20)

Examinons maintenant les propositions de modification contenues dans le projet de loi 86. La façon la plus simple de traiter de ces propositions sera d'en examiner tour à tour les implications pour les principaux secteurs d'activité qu'elle recouvre. Dans le secteur de l'enseignement, 3 observations majeures doivent être retenues: En premier lieu, pour tous les parents québécois, y compris les parents immigrants, l'obligation d'inscrire leurs enfants à l'école française demeure. Font seule exception à cette règle, comme c'est déjà le cas actuellement, les enfants de parents ayant déjà reçu au Québec ou au Canada la majeure partie de leur enseignement primaire en anglais. Un changement significatif est toutefois apporté au texte de la Charte à ce chapitre.

La Charte se lit présentement comme si le Québec ne faisait pas partie du Canada et comme s'il n'existait pas au Canada des dispositions constitutionnelles garantissant l'accès à l'enseignement dans leur langue aux enfants de minorités linguistiques officielles dans toutes les provinces canadiennes. Or, le gouvernement du Québec applique depuis plusieurs années déjà ces dispositions de la Constitution canadienne dont l'économie générale est conforme aux orientations du Parti libéral du Québec, lequel forme présentement le gouvernement légitime du Québec.

C'est faire oeuvre de transparence et de cohérence que d'inscrire franchement et clairement dans le texte de la Charte des dispositions qui favorisent le respect des droits minoritaires dans toutes les provinces canadiennes, y compris le Québec. Comme nous adhérons à ces dispositions, et qu'elles sont déjà appliquées au Québec depuis le temps où le Parti québécois formait le gouvernement, nous n'avons pas d'hésitation à les inscrire dans la Charte de la langue française de manière que celle-ci décrive avec vérité la situation réelle qui est la nôtre.

En second lieu, le projet de loi 86 contient un certain nombre de modifications visant à procurer une plus grande unité, une plus nette cohérence dans le processus d'examen des demandes d'admission à l'école anglaise. À l'heure actuelle, les demandes d'admission

régulières sont traitées par des fonctionnaires désignés à cette fin, dont les décisions sont sujettes à révision par la Commission d'appel sur la langue d'enseignement. Les demandes d'admission à l'école anglaise pour élèves en séjour temporaire au Québec ou pour élèves présentant des difficultés graves d'apprentissage relèvent, cependant, de l'autorité directe du ministre, dont les décisions sont sans appel.

En vertu des modifications proposées par le gouvernement, toutes les demandes d'admission à l'école anglaise seront traitées, à l'avenir, par les personnes que désignera à cette fin le ministre. Celui-ci n'interviendra plus directement dans le processus, et toutes les décisions des personnes désignées seront sujettes à révision par la Commission d'appel sur la langue d'enseignement. On a voulu faire croire que le projet de loi 86 élargit dangereusement les pouvoirs du ministre. Ces pouvoirs sont très limités, voire quasi inexistants, dans la loi actuelle. Mais voici un cas où le projet de loi 86 produit une diminution des rares pouvoirs que détient le ministre.

En troisième lieu, le projet de loi 86 contient une modification dont l'objet est de favoriser un apprentissage plus efficace de l'anglais langue seconde dans les écoles françaises. Actuellement, l'enseignement de l'anglais langue seconde est dispensé dans les écoles françaises à raison de quelques heures par semaine au deuxième cycle du primaire et au niveau secondaire. Chaque année, des millions de dollars sont consacrés à cet enseignement. Malheureusement, les résultats sont loin d'être satisfaisants. C'est tout juste si, au sortir de 11 années de scolarité, nos jeunes qui quittent l'école secondaire peuvent se débrouiller quelque peu en anglais. Même en faisant abstraction du contexte nord-américain où règne partout la présence de la langue et de la culture anglaises, nous serions en droit d'attendre de nos écoles une bien meilleure performance en matière d'apprentissage de la langue seconde. Or, les améliorations que tous souhaitent à cet égard requièrent que la loi actuelle soit assouplie.

L'article 72 de la Charte prescrit, en effet, que toutes les matières sauf l'anglais doivent être enseignées exclusivement en français. Cette disposition rigide interdit une souplesse pourtant nécessaire dans l'apprentissage de la langue seconde. Elle aboutit, entre autres, à interdire toute forme d'immersion dans l'apprentissage de la langue seconde. Elle aboutit également à interdire certaines formes d'échanges d'étudiants, dont les bienfaits sont pourtant établis par l'expérience.

Le gouvernement propose, à cet égard, des assouplissements qui devraient favoriser un apprentissage plus efficace de l'anglais dans les écoles françaises, sans favoriser, a priori, aucune méthode particulière. Le gouvernement propose que soit levé l'interdit antipédagogique et anti-intellectuel que l'on trouve actuellement dans la Charte concernant certaines formes d'apprentissage de la langue seconde. Le choix des modalités pédagogiques de l'apprentissage doit relever, non pas de l'Assemblée nationale, mais des autorités compétentes en matière d'éducation. Que l'on ait trouvé le moyen, dans certains milieux, de travestir l'intention du gouvernement en cherchant à faire croire que celui-ci voudrait angliciser ou bilinguiser des écoles françaises, voilà qui est profondément regrettable, mensonger, sinon carrément malhonnête. Il s'agit là d'affirmations qui n'ont rien de commun avec le véritable objet du projet de loi 86, lequel est de faire droit à une mesure plus grande de liberté et d'initiative pédagogique dans l'enseignement de la langue seconde, tout en maintenant, cela va de soi, le caractère français et l'orientation française des écoles françaises, au Québec. Il y a de nombreuses années que les parents, partout à travers le Québec, réclament une plus grande efficacité dans l'apprentissage de la langue seconde. Le gouvernement, après mûre réflexion, a décidé de faire droit à cette attente légitime.

De toutes les dispositions du projet de loi 86, les plus attendues et les plus controversées sont sans doute celles qui traitent de l'affichage public et de la publicité commerciale. Il fallait, en cette matière, faire un choix majeur. En 1988, il fallut, en effet, que l'Assemblée nationale invoque la clause «nonobstant», inscrite dans la Constitution canadienne, pour empêcher que ne puissent être contestées devant les tribunaux les dispositions de la Charte qui interdisent l'usage d'une langue autre que le français dans l'affichage. Comme cette clause «nonobstant» ne peut être invoquée que pour une période de 5 ans, laquelle expire, en l'occurrence, à la fin de la présente année, une décision majeure devait, en toute hypothèse, être prise cette année. Cette décision devait être prise en tenant compte à la fois de l'objectif fondamental de la Charte et des jugements sévères dont ont été l'objet les dispositions traitant de la langue de l'affichage.

Nous avions sincèrement considéré, en 1977 et en 1988, que les dispositions prescrivant l'unilinguisme français dans l'affichage public et la publicité commerciale définissaient des limites raisonnables à la liberté d'expression et pouvaient, à ce titre, être considérées comme juridiquement admissibles. Or, tous les tribunaux appelés à se prononcer sur cette question en sont venus, quant au fond, à des conclusions contraires. Au Canada même, telle fut l'orientation très nette des jugements successivement rendus par la Cour supérieure, la Cour d'appel du Québec et la Cour suprême du Canada, à propos de dispositions antérieures contenant des interdictions de même nature. Il y a quelques semaines, ce verdict des tribunaux canadiens était confirmé par un rapport du Comité des droits de l'homme de l'Organisation des Nations unies. (15 h 30)

En gros, le verdict unanime porté contre notre législation sur l'affichage se résume ainsi: Tout d'abord, la liberté d'expression garantie par les chartes de droits, y compris, M. le Président, la Charte québécoise des droits de la personne, et garantie, aussi, par le Pacte international sur les droits civils et politiques, doit être interprétée comme s'appliquant à toute idée ou opinion subjective, à toute nouvelle ou information, à toute forme d'expression ou annonce publicitaire, à toute oeuvre d'art. Elle ne saurait être considérée comme

s'appliquant uniquement aux moyens d'expression politiques, culturels ou artistiques. L'élément commercial d'une forme d'expression, tel que l'affichage extérieur, ne peut avoir pour effet, soutient le Comité des droits de l'homme de l'Organisation des Nations unies, de sortir celle-ci du champ des libertés protégées.

En second lieu, une loi qui restreint la liberté de l'affichage commercial sans motif majeur clairement démontré porte atteinte à la liberté d'expression, vu le lien qui doit être établi entre le discours commercial et la liberté d'expression.

Enfin, en troisième lieu, s'il est légitime de vouloir promouvoir l'usage du français dans l'affichage, il faut chercher ? ce sont toujours les enseignements des documents cités que je résume ? à le faire d'une manière qui n'interdise point l'usage d'une autre langue dans l'affichage publique et la publicité commerciale.

Les jugements des tribunaux et du Comité des droits de l'homme de l'ONU ne définissent pas des vérités infaillibles ou immuables; chacun reste libre individuellement de ne pas y souscrire ou de vouloir les nuancer. On doit même souhaiter que le débat et la recherche se poursuivent sur certains aspects des jugements portés au sujet de notre législation sur l'affichage, certains de ces jugements y gagneront à être approfondis et clarifiés.

Pour le moment, les jugements rendus par les tribunaux, ainsi que le rapport du Comité des droits de l'homme de l'ONU, par delà toutes les restrictions particulières qu'on peut essayer d'inscrire, définissent néanmoins avec autorité et clarté le stade actuel d'évolution de la pensée juridique officielle sur les questions abordées. Autant cette sagesse largement reçue ne saurait mettre en cause la liberté intellectuelle de chacun, autant elle commande l'attention et le respect de la part des gouvernements qui se veulent responsables et démocratiques, et qui veulent agir en solidarité avec les autres gouvernements qui partagent avec eux l'attachement aux mêmes valeurs de libertés fondamentales garanties dans les chartes de droits.

C'est dans cet esprit de respect envers des normes largement reçues en droit québécois, canadien et international que le gouvernement propose de modifier les dispositions relatives à l'affichage public et à la publicité commerciale, de manière à les rendre davantage conformes avec les exigences de la liberté d'expression. Le gouvernement entend cependant le faire sans que pèsent, sauf cas très exceptionnels, des interdictions législatives à rencontre de l'usage d'une autre langue que le français en matière d'affichage. i en vertu des modifications contenues dans le projet de loi 86, la législation sur l'affichage se caractérisera par les dispositions suivantes: Premièrement, le français demeurera obligatoire, sauf en cas très exceptionnels, dans toute forme d'affichage public et de publicité commerciale; deuxièmement, une langue autre que le français pourra également être utilisée en plus du français dans l'affichage public et la publicité commerciale, à condition que le français soit toujours utilisé de manière nettement prédominante; troisièmement, le

I gouvernement pourra déterminer par règlement les situations particulières pouvant justifier des exceptions à ces règles, soit dans le sens de l'usage exclusif du français, soit dans le sens de l'usage simultané et égal du français et d'une autre langue, soit dans le sens de l'usage exclusif d'une autre langue.

La disposition relative au pouvoir réglementaire du gouvernement suscite des inquiétudes dans certains milieux. En lisant le texte de l'article du projet de loi qui traite de cette question, en l'isolant de son contexte, je comprends ces inquiétudes et, afin de les dissiper, nous ferons connaître bientôt les cas précis et très peu nombreux que vise cette disposition du projet de loi 86. On pourra constater, en prenant connaissance de la réglementation projetée, qu'elle répond à des besoins précis et démontrés, mais que le gouvernement n'entend aucunement utiliser son pouvoir réglementaire pour instituer toutes sortes d'exceptions.

Parmi les cas que le gouvernement entend considérer comme justifiant un traitement d'exception, il faut rappeler celui des panneaux-réclame de grandes dimensions que l'on trouve le long des voies publiques. Ces panneaux ont un effet direct et majeur sur le visage linguistique et culturel du Québec. Dans la mesure où ils véhiculent des messages purement commerciaux, le gouvernement estime que ces messages devraient être présentés uniquement en français, sans que cela ne constitue une limitation déraisonnable de la liberté d'expression.

En matière de langue de travail et de francisation des entreprises, le projet de loi 86 maintient, en les renforçant, les dispositions déjà contenues dans la Charte. Ces dispositions ont produit des résultats très encourageants. Il importe de préciser ces dispositions afin que puisse être poursuivi le travail déjà entrepris. Le projet de loi apporte des améliorations significatives à la Charte à cet égard. Ainsi, les règles relatives à l'inscription des entreprises de plus de 50 employés auprès de l'Office de la langue française pour fins de certification ainsi que la mise sur pied des programmes de francisation et l'attribution des certificats de francisation, ces règles seront modifiées de manière à mieux définir chacune des étapes à franchir et à faciliter l'exécution de leur devoir par les entreprises.

En second lieu, l'obligation faite aux comités de francisation formés à l'intérieur des entreprises de se réunir à une fréquence raisonnable sera précisée de manière à assurer qu'un nombre minimum de réunions auront effectivement lieu chaque année, à des intervalles réguliers.

Troisièmement, afin d'assurer la permanence et la continuité du processus de francisation, l'obligation sera faite aux entreprises munies d'un certificat de francisation de soumettre à tous les 3 ans un rapport à l'Office de la langue française sur les progrès accomplis dans l'utilisation généralisée du français à toutes les étapes du fonctionnement de l'entreprise. Et, entre-temps, l'Office continuera d'être mandaté pour maintenir des contacts réguliers et suivis avec les entreprises munies d'un certificat de francisation.

Quatrièmement, parmi les matières qui devront faire l'objet d'échanges et de négociations entre les entreprises et l'Office en vue de l'attribution d'un certificat de francisation, le projet de loi ajoute 2 sujets de grande importance, à savoir les pratiques de l'entreprise en matière d'affichage et l'utilisation du français dans les technologies de l'information. Ces 2 ajouts enrichissent substantiellement le champ d'investigation et de négociation qui est ainsi ouvert à l'Office de la langue française et aux entreprises.

Le texte actuel du projet de loi prévoit l'abrogation de l'article 44 de la Charte, lequel prescrit que la langue de l'arbitrage et des conventions collectives doit être le français. Certains se sont inquiétés, à juste titre, de la signification de cette disposition. De fait, l'intention du gouvernement est tout autre que celle qu'on a voulu lui attribuer. À l'aide de cette disposition, nous voulions harmoniser les dispositions relatives à la langue des décisions arbitrales avec celles plus larges qui traitent de la langue de la justice et des tribunaux judiciaires et administratifs. Conformément à l'interprétation que les tribunaux ont donnée à maintes reprises de l'article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867, lequel prescrit l'usage facultatif du français et de l'anglais dans les tribunaux et les procédures judiciaires, nous voulions éviter toute interdiction relative à l'usage de l'anglais ou du français dans les décisions arbitrales.

Il devrait être possible de maintenir l'article actuel tout en tenant compte des exigences que nous devons retenir de la jurisprudence concernant l'usage des langues française et anglaise devant les cours de justice et les tribunaux administratifs. Ce sujet donnera lieu à un amendement qui sera communiqué à la commission de la culture lorsqu'elle aura entrepris l'examen détaillé du projet de loi. (15 h 40)

Concernant la langue de l'administration, c'est-à-dire la langue utilisée par le gouvernement et les organismes publics et parapublics, y compris les municipalités et les commissions scolaires, le projet de loi 86 maintient la règle générale suivant laquelle le français doit être obligatoirement utilisé le plus souvent de manière exclusive, mais l'administration embrasse une vaste gamme d'interventions, dont certaines s'adressent parfois à des personnes ne parlant qu'une langue autre que le français, dont d'autres sont de nature purement commerciale et doivent pouvoir s'exercer suivant des règles qui prévalent pour des entreprises de même nature, dont d'autres ont pour objet de présenter le Québec sous son jour le plus favorable à des clientèles le plus souvent anglophones.

Une règle uniforme et rigide ne saurait manifestement répondre aux besoins extrêmement variés auxquels doivent répondre, chaque jour, les interventions innombrables de l'administration publique. Aussi, dans les cas où cela sera jugé nécessaire, et après qu'aura été adoptée à ce sujet une réglementation appropriée, le projet de loi permettra au gouvernement d'agir avec la souplesse requise, tout en observant, en toutes circonstances, la règle de l'utilisation obligatoire du français. À titre d'exemple de situations qui requièrent une souplesse plus grande en matière linguistique, je mentionnerai les quelques exemples suivants, qui parlent par eux-mêmes.

Les messages d'accueil destinés à la clientèle touristique qui nous arrive des provinces anglophones ou des États-Unis, à l'entrée des frontières du Québec, ne devraient-ils pas être présentés aux visiteurs d'une manière qui leur soit intelligible? Si nous voulons que le message soit intelligible, dans quelle langue pensons-nous qu'il doive être présenté, en plus du français?

Les messages de nature commerciale véhiculés par des sociétés d'État comme Hydro-Québec et la Société des alcools du Québec, pour la promotion de leurs produits et services, ne devraient-ils pas pouvoir être présentés dans une langue qui leur permette le plus haut degré de pénétration possible dans la clientèle visée? Poser la question, M. le Président, c'est y répondre.

Les messages portant sur des objets reliés à la santé ou à la sécurité publique doivent être rapidement assimilables, non seulement par les membres de la majorité, mais aussi par les membres de la minorité. Et comme nous savons que plusieurs d'entre eux ne parlent qu'une langue autre que le français, il est normal que les messages relatifs à la santé et à la sécurité publique puissent également être disponibles dans la langue de la communauté minoritaire la plus importante au Québec.

Enfin, les messages et inscriptions à l'intention des visiteurs, dans les musées, les jardins botaniques ou zoologiques, les sites touristiques où l'on cherche, à juste titre, à attirer le visiteur et à lui rendre le séjour agréable de manière qu'il soit intéressé à revenir doivent être accessibles à celui-ci dans une langue qu'il puisse comprendre. Et ce n'est pas minimiser, détruire ou compromettre le français que de permettre que les inscriptions, au bas des objets exposés dans nos musées par exemple, puissent être disponibles dans la langue parlée par 98 % de la population du continent nord-américain.

Ces exemples font voir que l'administration publique doit pouvoir disposer d'une certaine souplesse dans la présentation des messages qu'elle destine au public, et ce, dans la mesure même où sa mission première est d'être au service du public.

Au chapitre de l'administration, la Charte autorise une municipalité, un organisme scolaire, un hôpital ou un organisme de santé ou de services sociaux à fonctionner de manière assez large en anglais, dans la mesure où cet organisme fournit ses services à une clientèle qui est en majorité d'une langue autre que le français. En vertu de l'article 113 f de la Charte, près de 300 municipalités et organismes à vocation éducative, sanitaire ou sociale se sont vu attribuer depuis 15 ans, par l'Office de la langue française, une reconnaissance qui les autorise à utiliser une langue autre que le français dans leur affichage extérieur et intérieur ainsi que dans leurs communications internes. Comme le déclarait récemment le juge Jules Deschênes, dans une allocution au dernier congrès d'Alliance Québec, le seuil d'admissibilité de 50 % requis pour cette reconnaissance est présentement très élevé. Après qu'aura eu lieu un débat suffisamment complet à ce sujet, il y aura probablement lieu de révi-

ser ce seuil. Pour le moment, le gouvernement n'entend toutefois pas agir sur ce point précis, vu qu'il n'a donné lieu qu'à des interventions plutôt récentes et peu nombreuses jusqu'à ce jour.

Le gouvernement veut cependant corriger maintenant une faiblesse de la Charte qu'a mise à jour l'an dernier le dossier de la ville de Rosemère. Comme la loi prescrit que la reconnaissance peut être accordée à un organisme desservant une clientèle en majorité d'une langue autre que le français, on en a justement déduit, à défaut d'autres précisions dans le texte même de la loi, que la même norme peut et doit être invoquée pour réclamer le retrait du statut bilingue d'un organisme, dès que celui-ci cesse de desservir une clientèle en majorité d'une langue autre que le français. En vertu de ce raisonnement, un organisme pourrait continuer à fonctionner partiellement en anglais s'il dessert une clientèle qui est anglophone à 51 %, mais si la proportion de sa clientèle anglophone descendait à 49 %, il pourrait être l'objet d'une démarche de groupes de pression qui obligerait l'Office de la langue française à lui retirer immédiatement son statut. Vous concevrez tout de suite, M. le Président, qu'un régime semblable ne saurait être un régime de bon sens et de réalisme.

C'est pourquoi le gouvernement envisage de traiter d'une manière particulière les décisions relatives au retrait d'un statut bilingue. L'octroi de ce statut peut très bien se faire à l'aide de critères précis dont l'administration peut être confiée à un organisme comme l'Office de la langue française. Le retrait d'un statut bilingue déjà accordé à un organisme doit cependant être traité avec beaucoup plus de circonspection, de prudence et d'égards. Tandis que l'attribution du statut peut se faire suivant des normes administratives, il n'en va pas de même du retrait du statut. Celui-ci entraîne des conséquences possiblement très lourdes pour le statut, la vie interne, le rayonnement et l'harmonie d'un organisme. Il revêt une dimension hautement politique, ainsi qu'on a pu le voir à propos du dossier de Rosemère.

Étant donné ces considérations, il nous est apparu que 2 facteurs devraient être pris en compte dans toute décision impliquant le retrait d'un statut déjà accordé à un organisme. Ces 2 facteurs sont, d'abord, la volonté de l'organisme lui-même et, deuxièmement, la volonté du gouvernement. Il est normal que l'organisme lui-même soit d'abord appelé à se prononcer, car le statut bilingue qui lui est accordé ne crée pas d'obligation considérable pour lui et lui permet d'agir de manière bilingue dans certains cas précis, comme par exemple l'affichage de la municipalité reconnu comme bilingue peut se faire dans les 2 langues. Il en va de même des communications internes à l'intérieur de la municipalité. Si les citoyens et les élus qui les représentent veulent continuer à jouir du statut bilingue, même si la proportion de la population est descendue en bas de la barre de 50 %, laissons-les donc tranquilles, M. le Président! Laissons-les donc prendre leurs décisions!

Le député de Deux-Montagnes me fait signe que tel est le cas de la municipalité aux destinées de laquelle il a présidé pendant longtemps, la ville de Deux-Monta- gnes. Il y en a plusieurs douzaines d'autres à travers le Québec. Laissons donc les citoyens prendre un peu leurs responsabilités. Cessons de vouloir les guider par la main dans toutes les choses qu'ils sont capables de régler eux-mêmes. (15 h 50)

Ensuite, il peut arriver que des accidents de parcours se proposent, que des situations imprévisiblement complexes surgissent. Doit-on confier le règlement de ces situations, qui sont généralement de nature fortement politique, à un organisme comme l'Office de la langue française ou au gouvernement? Nous soutenons, nous autres, qu'une décision politique doit être prise par le gouvernement. Et, dans ces cas, la décision sera prise ultimement par le gouvernement, après qu'il aura pris soin de consulter, comme le prescrira la loi, l'Office de la langue française. Nous aurons ainsi l'intervention conjuguée de 3 acteurs: l'organisme concerné, l'Office de la langue française et le gouvernement.

La Charte, dans son texte actuel, prescrit que l'application de la loi est confiée à 4 organismes différents, soit: la Commission de protection de la langue française, l'Office de la langue française, la Commission de toponymie du Québec et le Conseil de la langue française. À ces 4 organismes s'ajoutent 2 organismes mandatés pour réviser certaines décisions, soit: la Commission d'appel sur la langue d'enseignement et la Commission d'appel sur les décisions relatives au certificat de francisation.

À la lumière de l'expérience des dernières années, le gouvernement a conclu que la Commission de protection de la langue française devrait être intégrée dans l'Office de la langue française. La fonction de surveillance confiée à la Commission doit être maintenue. Elle sera cependant exercée dans des conditions plus propices si elle est intégrée dans la mission plus large de soutien et d'accompagnement des entreprises, de promotion et d'édification d'un Québec français que s'est vu confier l'Office de la langue française.

Depuis 15 ans, la Commission de protection de la langue française a accompli un travail nécessaire au cours des dernières années, sous la direction de Mme Ludmila de Fougerolles. Elle a accompli sa mission avec compétence, distinction et humanité, mais les circonstances différentes d'aujourd'hui, notamment la diminution importante du nombre de plaintes en provenance des citoyens et la préférence de plus en plus nette de la population pour les solutions qui mettent l'accent sur des valeurs d'initiative et de responsabilité plutôt que sur les valeurs de coercition policière, justifient la décision prise par le gouvernement de mettre fin à l'existence de cet organisme.

L'Office de la langue française est confirmé dans la mission qui lui a été confiée d'agir comme principal agent de réalisation des objectifs de la Charte, surtout en matière de francisation des milieux de travail et de développement d'instruments linguistiques adaptés aux besoins de l'économie et de la vie sociale. Grâce aux améliorations que le projet de loi apporte au chapitre traitant de la francisation des entreprises, l'Office pourra

agir de manière plus efficace dans ce domaine.

On a beaucoup parlé des pouvoirs de réglementation que possédait l'Office et qui seront désormais réservés au gouvernement. Ce changement, en soi, n'a rien de radical ni de révolutionnaire. C'est en effet au gouvernement qu'il appartient de soumettre des projets de loi à l'Assemblée nationale. C'est également au gouvernement qu'il incombe logiquement d'arrêter les règles qui doivent présider à l'application des lois. La Charte contenait à cet égard des dispositions ambivalentes selon lesquelles tantôt l'Office, tantôt le gouvernement, tantôt l'un et l'autre en même temps se voyaient attribuer un rôle en matière réglementaire. Ce chevauchement n'était pas sain. Il n'avait pas empêché, cependant, qu'en pratique tous les règlements institués depuis 15 ans, qu'ils aient émané de l'Office ou du gouvernement, furent, de fait, soumis au gouvernement et approuvés par un décret de celui-ci avant d'être mis en application. Le projet de loi 86 confirme donc l'autorité qui revenait et qui doit revenir au gouvernement en ces matières.

Je déposerai, au stade de l'étude détaillée du projet de loi, un amendement qui donnera à l'Office le pouvoir d'émettre des avis sur tout projet de règlement conçu par le gouvernement en vue d'une application dans les secteurs d'activité qui relèvent de la compétence de l'Office. L'Office de la langue française a servi depuis 15 ans, avec distinction, compétence et loyauté, les objectifs de la Charte. Après l'adoption du projet de loi 86, son rôle demeurera, à toutes fins utiles, le même qu'actuellement. Il sera même considérablement clarifié et facilité en vertu des modifications apportées au chapitre traitant de la francisation des entreprises.

La Commission de toponymie et le Conseil de la langue française, qui ont tous deux rendu d'importants services, sont maintenus dans leur vocation actuelle. Le président de la Commission de toponymie sera désigné à l'avenir par le gouvernement sans autre qualification. Selon le texte actuel de la Charte, il devait être choisi parmi les membres du personnel de l'Office de la langue française. Cette exigence n'a plus sa raison d'être étant donné que la Commission de toponymie est au service d'un objectif hautement spécialisé et qu'elle accomplit son travail dans un climat d'autonomie quasi complète.

La modification projetée vient d'ailleurs confirmer une pratique déjà bien établie. Lorsque nous avons nommé le président actuel de la Commission de toponymie, M. Dorion, il n'était pas membre de l'Office de la langue française, et nous ne l'avons pas nommé membre de l'Office de la langue française. Nous l'avons nommé président de la Commission de toponymie purement et simplement. Alors, la modification que nous apportons rectifiera une partie du texte de la loi qui était dépourvu de logique et de réalisme.

Le Conseil de la langue française bénéficiera, pour sa part, d'une marge de manoeuvre accrue. On n'a pas signalé ce point, mais, contrairement à ce que stipule depuis 1978 la loi actuelle, le Conseil pourra désormais entreprendre l'étude de questions se rattachant à la langue et effectuer de sa propre initiative ou faire effectuer les recherches appropriées sans devoir obtenir au préalable l'assentiment du ministre. On pourra lire le texte actuel de la loi avant de confier des travaux de recherche ou d'entreprendre des enquêtes sur un aspect ou l'autre de la question linguistique. L'Office doit obtenir l'assentiment préalable du ministre, et cette disposition fut insérée dans la loi par le parti que formait... le gouvernement que formait à l'époque l'Opposition.

C'est un autre point sur lequel nous réduisons, au lieu de les accroître, les pouvoirs du ministre. Nous voulons que le Conseil puisse entreprendre en toute liberté les travaux qu'il juge nécessaires pour assurer la santé et l'avenir de la langue française. En matière d'avis au gouvernement sur les projets de règlement préparés par celui-ci, l'Office pourra en tout temps soumettre des avis au gouvernement. Le texte actuel prescrivait que l'Office doit donner un avis au gouvernement. C'était une disposition qui pouvait devenir extrêmement contraignante dans certains cas. L'Office n'aura plus cet avis.

S'il arrive que le gouvernement exige de lui un avis dans des circonstances qu'il ne jugerait pas acceptables, l'Office ne sera pas obligé de donner un avis, mais jamais le gouvernement ne pourra l'empêcher d'émettre un avis. Ça me semble être une règle beaucoup plus fonctionnelle, beaucoup plus pratique que celle qui existait jusqu'à maintenant, et c'est le même genre de règle que nous instituerons à l'endroit de l'Office de la langue française concernant tous les projets de règlement susceptibles d'affecter son champ d'action.

La Commission d'appel sur la langue d'enseignement voit son mandat élargi par le projet de loi 86. Ses interventions doivent se limiter, selon le texte actuel de la Charte, à une révision des décisions prises par la personne désignée. Son champ d'action embrassera également à l'avenir les décisions relatives à l'admission à l'école anglaise des enfants en séjour temporaire au Québec et des élèves en difficulté grave d'apprentissage. Ces cas relevaient, jusqu'à maintenant, comme je l'ai signalé tantôt, de l'autorité directe du ministre.

Quant à la Commission d'appel sur les décisions relatives à l'octroi de certificats de francisation aux entreprises, elle est appelée à disparaître. Vu qu'en 16 ans d'existence elle n'a jamais été saisie d'aucun dossier d'appel, je pense que 16 ans constituent une démonstration suffisante qu'il serait purement artificiel de maintenir cet organisme. Il est donc appelé à disparaître. (16 heures)

Voilà, M. le Président, les principales modifications à la Charte de la langue française que le gouvernement propose d'instituer à l'aide du projet de loi 86. Ce rapide survol des dispositions contenues dans le projet de loi justifie l'affirmation, que nous avons faite à maintes reprises, voulant que le projet de loi soit essentiellement un projet raisonnable, responsable, modéré et ponctuel. Toutes les modifications que propose le gouvernement sont foncièrement raisonnables. Aucune n'est farfelue, capricieuse ou aventureuse. Chacune fait suite à de longues études, à des débats qui ont duré longtemps, et surtout à des attentes maintes fois exprimées

par la population.

Je n'hésite pas à qualifier aussi de responsables les choix faits par le gouvernement. Certains choix furent difficiles, d'autres seront contestés, même après l'adoption du projet de loi. Cela est normal en démocratie, il ne faut pas s'en étonner. Il serait difficile, cependant, de soutenir que les modifications proposées par le gouvernement ne reposent pas sur une solide expérience et des consultations abondantes. Il serait non moins difficile de ne pas reconnaître que les changements proposés tiennent compte des meilleures données disponibles à l'heure actuelle. La pire attitude que le gouvernement aurait pu adopter aurait été de ne rien faire ou encore de vouloir agir de façon à plaire en même temps aux 2 écoles opposées qui s'affrontent presque toujours dans nos débats linguistiques. La question de l'affichage avait atteint un stade de maturation qui commandait une réponse précise et claire. À l'opposé, la question de l'accès à l'école anglaise donnait lieu à un consensus demeuré ferme quant au choix nécessaire de l'école pour les enfants de foyers immigrants. Ici encore, le gouvernement a fait un choix clair, sachant très bien qu'il ne pourrait satisfaire tout le monde en même temps. Et si le gouvernement avait voulu obéir aux motifs que lui impute faussement l'Opposition, il aurait modifié les dispositions de la Charte relatives à ce sujet. S'il a maintenu ces dispositions, c'est parce qu'il estime que la Charte a pour objet premier d'assurer l'avenir d'une société française au Québec. On pourra discuter les choix du gouvernement, on ne pourra pas lui reprocher d'avoir évité de choisir.

Les modifications que nous proposons sont, en outre, modérées. Chacune est formulée dans un texte soigneusement rédigé, dont la version finale n'a été mise au point qu'à la suite d'échanges prolongés et dont le texte pourra encore donner lieu à des améliorations tant que n'aura pas été franchie l'étape finale de l'adoption du projet de loi. Le gouvernement apporte des modifications à la Charte, mais il le fait dans un esprit d'amélioration, sans mettre de côté ce qui s'est fait de bon depuis 15 ans.

Les modifications proposées sont ponctuelles, précises et fonctionnelles. Elles n'ébranlent en rien les fondements et les structures de la Charte; elles visent plutôt à corriger les faiblesses précises que l'expérience avait portées à notre attention.

Pour résumer l'esprit dans lequel nous tentons, du côté du gouvernement, d'aborder la question linguistique, je voudrais évoquer, en terminant, une intervention que faisait en avril dernier, à l'Université George Washington, à Washington, le président de la République tchèque, Vaclav Havel, au terme d'une réflexion pénétrante sur les défis de l'ère postcommuniste. Le célèbre dramaturge et homme d'Etat faisait état des germes d'affrontement qui sont à l'oeuvre partout dans le monde, et particulièrement des dangers de conflits qui guettent, à l'intérieur d'un même pays, les groupes raciaux et culturels. Affirmant ne voir qu'une solution à la crise actuelle du monde, Havel déclarait: L'homme doit accéder à une nouvelle compréhension de lui-même, de ses limites et de sa place dans le monde. Il doit s'élever à une perception renouvelée de sa responsabilité et rétablir le lien brisé avec les choses qui le dépassent. Nous devons, poursuivait Havel, réhabiliter la conscience que nous avons d'être, d'abord et avant tout, des sujets humains individuels, engagés dans l'action. Nous devons nous libérer de la captivité dans laquelle nous emprisonne une perception purement nationale du monde. À travers cette condition de sujets qui est la nôtre et la conscience individuelle qui en découle, nous devons découvrir une relation nouvelle avec nos voisins, avec l'univers et son ordre métaphysique, lequel est la source de l'ordre moral. Nous vivons dans un monde où nos destins respectifs sont reliés les uns aux autres, d'une manière plus étroite que jamais auparavant. Ce monde se définit par une civilisation planétaire unique, mais, en même temps, il renferme plusieurs cultures, lesquelles, avec une vigueur et une détermination plus forte que jamais, résistent à l'unification des cultures, rejettent la compréhension mutuelle et vivent dans ce qui équivaut à un climat d'affrontement larvé. C'est là une situation profondément dangereuse, que nous devons viser à changer.

De la part des personnes qui appartiennent à ces différentes cultures, la situation actuelle requiert qu'elles multiplient les efforts, afin de mieux se comprendre entre elles, et de mieux accepter leurs droits respectifs à l'existence. Ce n'est que dans un climat comme celui-là, conclut Havel, que pourra prendre naissance une sorte de métaculture plurielle à l'échelle mondiale. Ce n'est que dans ce contexte plus large qu'un nouveau sens de la responsabilité politique, axé sur la dimension globale de notre responsabilité, pourra voir le jour. Ce n'est qu'une fois que ce nouveau sens des responsabilités aura réussi à se faire jour que nous pourrons créer les instruments qui nous rendront capables de faire face à tous les dangers que l'humanité a créés pour elle-même.

Nous devons, en conséquence de ces considérations, nous éloigner de la compréhension du monde qui considère l'histoire, les cultures étrangères, les nations étrangères, et ultimement, toutes les autres formes d'avertissement que nous recevons au sujet de notre avenir, comme un simple agglomérat d'inconvénients embarrassants qui viendraient troubler notre tranquillité.

Ces réflexions d'un homme politique dont le pays connaît des difficultés comparables, à bien des égards, à celles que connaît notre pays, indique, selon moi, l'esprit de grande ouverture, de disponibilité intellectuelle et morale élevée dans lequel nous devons examiner ei résoudre les problèmes qui découlent, pour nous, de la diversité de plus en plus grande qui caractérise non seulement notre société québécoise et canadienne, mais un nombre croissant de sociétés dans le monde.

Dans le climat de très grande mobilité physique, économique, sociale et culturelle qui caractérise le monde d'aujourd'hui, il faut, plus que jamais, que chaque être humain soit attaché avec fermeté aux valeurs fondamentales qui le définissent. Mais il faut aussi que cet attachement soit l'expression, non pas de la contrainte, mais d'une volonté librement assumée et sans cesse

réaffirmée. Les carcans que l'on a pu imaginer autrefois pour contenir les sociétés dans des cadres rigidement définis résistent de moins en moins à l'épreuve du contact quotidien avec la réalité multiforme d'aujourd'hui. Aussi, devons-nous miser plus que jamais, M. le Président, sur les valeurs de liberté et de responsabilité, sans oublier nos devoirs envers les valeurs collectives que nous chérissons, si nous voulons assurer pour l'avenir un Québec français, un Québec fort, un Québec respectueux de toutes les valeurs qui le caractérisent.

Voilà l'objet du projet de loi 86. J'en souhaite l'adoption par cette Assemblée. (16 h 10)

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, je vous rappelle que nous sommes à discuter de la motion proposant l'adoption du principe du projet de loi 86, Loi modifiant la Charte de la langue française.

Je vais maintenant céder la parole à Mme la députée de Chicoutimi. En votre qualité de critique, du côté de l'Opposition officielle, Mme la députée, vous avez droit, également, à une intervention de 60 minutes.

Mme Jeanne L. Blackburn

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. le projet de loi modifiant la charte de la langue française, quoi qu'en dise le ministre, c'est une loi importante, majeure, qui modifie l'esprit de la charte de la langue française, qui, en quelque sorte, met le français et l'anglais sur un pied d'égalité, en ce qu'il généralise et institutionnalise le bilinguisme. c'est un projet de loi qui contient 65 articles, et ces 65 articles viennent modifier 84 articles de la charte de la langue française, qui en contient 215. en quelque sorte, c'est 40 % des articles qui se trouvent ainsi modifiés.

Cette loi touche de nombreux chapitres de la Charte de la langue: la langue de la législation, la langue de la justice, la langue du commerce, la langue des affaires, la langue de l'enseignement. Elle abolit la Commission de protection de la langue française et elle donne au gouvernement d'énormes pouvoirs réglementaires en ce qu'elle met plus ou moins ? ou plus que moins ? en tutelle l'Office de la langue française. Le gouvernement invoque, pour passer un tel projet de loi, la volonté de s'harmoniser avec les différentes décisions rendues par les instances, soit la Cour suprême et également le dernier avis du comité des Nations unies.

Il faut rappeler que ce projet de loi, au moment où nous nous parlons, nous n'avons toujours pas les règlements, et contrairement à ce qu'avait fait le gouvernement précédesseur, au moment où M. Godin présidait aux destinées de la Charte de la langue française, nous avions, en même temps que nous avions déposé le projet de loi, déposé les projets de règlements. Et là-dessus, le ministre, qui prétend qu'on ne peut pas déposer des projets de règlements aussi longtemps qu'on n'a pas adopté la loi parce que ça serait une aberration, je pense qu'il induit la population en erreur. Faut-il ajouter que ce projet de loi ne contient aucune disposition un tant soit peu significative de soutien et de promotion du français.

Le ministre, lorsqu'on parle de «bilinguiser», d'institutionnaliser le bilinguisme au Québec, il utilise ce sophisme qui veut que si le bilinguisme, c'est bon pour l'individu, ça l'est tout autant pour une société. On ne peut pas défendre une telle chose, car s'il est vrai que le bilinguisme, même le multilinguisme est un enrichissement pour un individu, pour une société, le bilinguisme ? et l'histoire de l'humanité nous le démontre ? entraîne l'unilinguisme dans la langue la plus forte.

Faut-il rappeler, au passage, le cas de la ville de Bruxelles, qui, au début du siècle, était bilingue, c'est-à-dire français et flamand? À la moitié du siècle, comme le français était largement utilisé en Europe à l'époque, à la fois pour le commerce comme pour les affaires internationales et dans les différentes délégations, c'est le français qui l'a emporté, et Bruxelles est devenue une ville française. Au cas où le ministre continuerait à défendre cette idée que le bilinguisme, ça va nous permettre de protéger le français, faut-il lui rappeler ce qui se passe actuellement au Canada anglais?

C'est une loi, la loi 86, qui marque un recul de 20 ans, une loi qui met en péril les acquis de la loi 101 et qui menace notre capacité comme majorité francophone d'intégrer les immigrants. C'est une loi, dis-je donc, qui institutionnalise et généralise le bilinguisme, une loi injuste, une loi injustifiable, une loi injustifiée, une loi qui vient, selon plusieurs intervenants entendus à la commission parlementaire, menacer la paix linguistique et une loi qui nous ramène 20 ans en arrière. Le ministre agit avec une précipitation que rien ne justifie. Il utilise 2 arguments: l'échéance de la clause dérogatoire en décembre 1993 et l'avis d'un comité des Nations unies. J'y reviendrai un peu plus tard, et mes collègues auront l'occasion d'élaborer un peu plus sur le sujet.

Le ministre dit que le débat est lancé depuis fort longtemps. Oui, peut-être, mais pas si longtemps que ça, et pas aussi généralisé. Il faut se rappeler que le ministre demandait au Conseil de la langue un avis en 5 points en décembre dernier. Le Conseil de la langue rendait un avis, en réponse au ministre, où il proposait, où il suggérait que, dans toutes les matières à l'exception de l'affichage, c'est le statu quo. Et là, pour l'affichage, le Conseil de la langue prévenait le ministre pour les individus, petits propriétaires. Il a aussi consulté les instances du Parti libéral, vous le savez, M. le Président et ceux de la partie ministérielle qui nous écoutent. Il a consulté une instance provinciale du Parti libéral du Québec qui lui a dit: Petite entreprise, et enrichissez les mesures de protection et de promotion du français au travail. Alors, voilà, les avis qu'il a reçus vont radicalement, mais essentiellement à rencontre de ce que ce gouvernement s'apprête à faire.

Mais voyons d'un peu plus près la consultation et ce que nous dit cette consultation. Le gouvernement, pour une des rares fois dans l'histoire du parlementarisme québécois, a décidé unilatéralement la liste des organismes qui seraient entendus en commission parle-

mentaire, sans consultation de l'Opposition. Il y a une règle ici qui, généralement, fonctionne; pas toujours à la satisfaction de l'Opposition, mais on s'y attend. Mais l'Opposition est informée des organismes qui vont être entendus. On ne s'entend pas toujours sur l'heure non plus que sur la séquence et sur leur nombre, mais il y a un échange et, dans la très grande majorité des cas, pour ne pas dire toutes les fois, on a l'occasion d'enrichir la liste des organismes à être entendus. Le gouvernement a décidé, par ordre de la Chambre, que non seulement il arrêtait la liste des organismes à être consultés, mais qu'il en fixait l'heure et la date, au mépris le plus total des organismes ainsi invités. Le gouvernement fixait l'heure et la date d'audition de ces organismes. Du jamais vu! Il donnait, à cette occasion, la mesure de son mépris à l'endroit non seulement de l'Opposition, mais des organismes puisque, indépendamment de leur propre agenda, ces organismes, on leur disait: À telle heure et à telle date, vous devrez être en commission parlementaire.

Évidemment, vous comprendrez qu'une telle attitude en a indisposé plusieurs puisque, des 42 organismes invités, 23 seulement ont été réellement entendus et, de ces 23 organismes, 10 se sont déclarés défavorables, 11 favorables ? et 2 avec beaucoup de réserves. Dans les organismes favorables au projet de loi du gouvernement, 2 représentaient les intérêts de la communauté anglophone. Ce n'est pas un reproche, c'est légitime, c'est normal. Et ils nous ont prévenus que ça ne s'arrêterait pas là, que ce n'est pas parce qu'ils avaient obtenu tout ce petit démantèlement de la loi 101 et de son esprit qu'ils s'arrêteraient là. Ils s'arrêteraient, nous dit par exemple le Parti Égalité, lorsqu'ils auront le libre choix à l'école, la liberté de choix en matière d'enseignement. C'est ça, l'objectif. Et tous ceux qui croient qu'on va avoir la paix linguistique et que c'est fini, ces débats pour en obtenir un petit peu plus, se leurrent lourdement. Donc, je dis: 2 organismes anglophones.

Pour ce qui est des organismes représentant les communautés culturelles, les 3 que nous avons entendus ont appuyé le projet de loi 86. Mais ce qu'il faut comprendre des communautés culturelles, les 3 qui ont été invitées, ce sont des communautés culturelles qui sont implantées au Québec depuis fort longtemps. Ça n'est pas un reproche, mais ça illustre la méconnaissance du ministre de ce gouvernement de la situation de l'immigration au Québec puisqu'il n'a pas jugé opportun d'inviter les communautés qui se sont installées chez nous plus récemment. Je pense, entre autres, aux Vietnamiens, aux Haïtiens, aux représentants des communautés hispanophones. Les autres groupes favorables étaient représentés par des intérêts d'affaires. Je pense au Conseil du patronat qui est toujours considéré comme un allié je ne dirais pas objectif, mais non objectif du gouvernement libéral. La ville de Rosemère, pour les raisons qu'on connaît: elle veut continuer à garder un statut de ville bilingue. Alors, qu'elle se rassure. Dorénavant, le statut de ville bilingue ou d'institution bilingue, ça va être à vie, tel que le gouvernement l'a prévu dans son projet de loi. (16 h 20)

II est évident que le ministre ne peut prétendre, comme il l'a fait, que cette loi fait l'unanimité, tel qu'il le prétendait au terme de la commission parlementaire. Plusieurs organismes se sont montrés défavorables, et non les moindres. Tous sont venus nous dire un certain nombre de choses, mais, de façon générale, les organismes qui se sont prononcés contre nous disent: On fait du Québec un Québec bilingue, c'est-à-dire qu'on généralise et qu'on institutionnalise le bilinguisme. On met l'anglais et le français sur un pied d'égalité, ce qui envoie, aux immigrants particulièrement, un message ambigu et ce qui, faut-il le rappeler, n'incitera ni les immigrants, ni les anglophones, ni les francophones à mieux maîtriser le français puisque, dorénavant, la langue, nous dit le ministre responsable de la Charte... Il y en a 300 000 000 anglophones autour, il faut qu'on apprenne à parler l'anglais. J'en suis, mais, dorénavant, au Québec, vous aurez le choix du français et de l'anglais. Ça présage assez, malheureusement, le glissement qu'on s'apprête à faire.

Les organismes défavorables à la loi 86, comme je le disais précédemment, c'est près de 50 %, 50 % qui sont venus mettre le ministre en garde contre les dangers que représente ce projet de loi quant à l'anglicisa-tion du Québec. Pas les moindres, encore faut-il le rappeler: le maire de Québec, ex-ministre des Affaires culturelles dans un gouvernement libéral; le maire de Montréal s'est également dit contre la réintroduction du bilinguisme généralisé dans l'affichage commercial; la CEQ, et malgré le mépris du ministre pour les positions que cet organisme a prises ? qu'il n'a pas, d'ailleurs, hésité à qualifier de réactionnaires ? s'est aussi prononcée contre le projet de loi. Plus spécifiquement, la Centrale de l'enseignement du Québec a mis en garde le ministre contre l'article 22 de la loi qui ouvre la porte aux écoles bilingues par les classes d'immersion. Et j'y reviendrai. Mediacom nous dit: Non seulement, avec l'affichage unilingue, ça avait permis à nos entreprises, aux entreprises de publicité de faire preuve de beaucoup d'imagination, de beaucoup de créativité, mais le bilinguisme dans l'affichage, c'est imbuvable. C'est imbuvable! Vous savez déjà que, si le gouvernement persiste à ne pas autoriser le bilinguisme sur les grands panneaux, on nous a déjà annoncé que cette décision serait contestée.

On le constate donc, la consultation publique sur le projet de loi 86, loin de démontrer qu'elle a fait l'unanimité, divise profondément le Québec. Mais faut-il aussi rappeler que, de cette consultation, le ministre a écarté tous les experts, tous les experts? Et il l'a dit en cette Chambre, lui, son opinion est faite et, si son opinion est faite, il a la connaissance infuse. Il a la connaissance infuse. Aucun expert ne peut en connaître plus que lui. Donc, inutile de convoquer les experts.

D'ailleurs, pour la même raison, sans doute, il a écarté les jeunes. Aucun organisme jeune n'a été invité à cette consultation. Il a également écarté ? tenez-vous bien ? l'Alliance des professeurs de Montréal, qui

savent un peu de quoi il retourne lorsqu'on parle d'intégration des immigrants. Il a écarté les professeurs affiliés à ce qu'on appelle... à l'association, au syndicat du gouvernement, ce qu'on appelle les professeurs du Québec, l'association des professeurs du Québec, qui sont précisément les professeurs de cofis qui savent également de quoi il retourne quand on parle de ce genre de question.

Évidemment, en ce qui a trait aux jeunes, le Conseil permanent de la jeunesse a organisé une consultation parallèle où une quinzaine de jeunes sont venus dire au Conseil permanent de la jeunesse: Cette loi est inacceptable, le gouvernement devrait la retirer. Mais le gouvernement a fait, à l'égard des jeunes au sein de la société, ce qu'il avait fait à l'égard des jeunes au sein de son parti. Lorsque les jeunes ont voulu lui rappeler son programme qui était basé sur le rapport Allaire, et qui rappelait un certain nombre de vérités à ce gouvernement, pour les faire taire, on les a tout simplement évacués. On a fait la même chose en ce qui a trait à la consultation.

S'il y a eu une espèce de perception commune des organismes... Il y en a eu 2, en fait. La première, c'est que la très grande majorité des organismes entendus sont venus nous dire: Ce n'est qu'un premier pas. Autant les anglophones qui veulent plus d'accès à l'école anglaise, allant de l'accès à l'école anglaise pour les enfants d'immigrants qui ont l'anglais comme langue maternelle à ceux qui veulent le libre choix. Ils nous disent: Ce n'est qu'un premier pas, nous allons continuer; que ceux, évidemment, qui voient bien que la communauté anglophone et tous ceux qui veulent le démantèlement de la loi n'arrêteront pas là. Ça, c'est une perception partagée par la très grande majorité des intervenants.

L'autre perception, les énormes pouvoirs réglementaires que se réserve le gouvernement, et non pas les moindres. Le Conseil du patronat met le gouvernement en garde parce qu'il le sait, le Conseil du patronat. Le gouvernement, dans son projet de loi, a modifié la disposition touchant l'adoption des règlements. Dorénavant, si cette loi est adoptée, ce n'est plus 60 jours, c'est 45 jours. Non seulement cela, mais, en plus, le gouvernement pourra invoquer le caractère d'urgence; s'il veut que les enfants d'immigrants entrent, par exemple, par certaines dispositions du régime pédagogique, à l'école anglaise en septembre, ils n'auront qu'à invoquer le caractère d'urgence. Et là, il n'a même pas à prépublier ses projets de règlement. Le Conseil du patronat le sait, puis s'inquiète de cette situation parce que, s'il y a quelque chose que la classe d'affaires a en horreur, c'est l'instabilité, l'insécurité, la possibilité qu'un gouvernement change rapidement sans consultation un règlement. Faut-il se rappeler, un ? règlement, ça se modifie beaucoup plus facilement qu'une loi? Le gouvernement qui l'adopte n'a aucune obligation d'aller en consultation.

M. le Président, je vais revenir à un certain nombre de dispositions de la loi 86 en essayant d'explorer différents thèmes, différents articles qu'on retrouve dans ce projet de loi, plus particulièrement l'affichage commercial, la langue d'enseignement, l'abolition de la

Commission de protection de la langue et ses effets, la mise en tutelle de l'Office, les pouvoirs réglementaires du ministre et la francisation des entreprises.

En matière d'affichage commercial, l'article que vous retrouvez dans le projet de loi 86, projet de loi 86 dit: «L'affichage public et la publicité commerciale doivent se faire en français.» Ils peuvent également se faire en français et dans une autre langue pourvu que le français y figure de façon nettement prédominante.

D'abord, rappelons que le concept de prédominance, à l'unanimité, les gens nous ont dit: Ça ne se mesure pas. C'est très subjectif et, d'ailleurs, la présidente de la Commission de protection de la langue le disait elle-même, c'est une question de jugement et de gros bon sens. Comme le jugement et le gros bon sens, ce n'est pas réparti également dans la* société, dites-moi, sur quoi allons-nous faire reposer notre jugement? C'est si peu mesurable, la prédominance, que, tenez-vous bien, la loi 178, adoptée en 1988, qui prévoit la prédominance en matière d'affichage intérieur, n'a jamais fait l'objet d'une seule plainte; 5 ans bientôt, aucune plainte. Pour une raison fort simple: ça ne se mesure pas. C'est très subjectif. Allez-vous prendre votre gallon, votre règle à mesurer, votre escabeau pour aller mesurer la prédominance? Et puis la prédominance, un tiers, deux tiers, là, c'est assez précis.

Mais la modification dans 86 va plus loin. Elle dit que le français... ça pourrait être unilingue français, mais unilingue dans une autre langue. Ça ouvre à l'uni-linguisme anglais. Il ne faut pas se tromper, là, ça ouvre à l'unilinguisme anglais. Parce qu'en ce qui a trait aux activités politiques, religieuses et culturelles, l'unilinguisme était déjà permis, faut-il se le rappeler. L'unilinguisme était déjà permis. Le gouvernement, donc, va beaucoup plus loin et il instaure le principe de l'unilinguisme dans une autre langue en matière d'affichage.

Pourtant, les arguments qui militent en matière de l'affichage unilingue français sont nombreux. La plaidoirie du gouvernement du Québec devant le comité de PONU regroupe les principaux et les plus importants de ces arguments. Évidemment, ces arguments acquièrent un poids particulièrement considérable, puisque le gouvernement du Québec les a fait siens. Faut-il rappeler que la plaidoirie qui a été présentée au comité des Nations unies l'a été en février 1992? (16 h 30)

Je vous prie de bien écouter ce qu'écrit le gouvernement du Québec au comité des Nations unies pour défendre l'unilinguisme dans l'affichage commercial. Le gouvernement dit, et il rappelle tout au long, d'ailleurs, de son mémoire, que, tout au long de leur histoire, les francophones ont dû lutter pour ne pas être assimilés et maintenir l'héritage distinct de leurs ancêtres. Et, après avoir passé en revue l'histoire constitutionnelle du Canada, en commençant par le Traité de Paris en 1763, en passant par la Proclamation royale de 1773, l'Acte de Québec de 1774, le rapport Durham, l'Acte d'union de 1840, l'Acte de l'Amérique du Nord britannique de 1867, le rapatriement unilatéral de 1982 et l'épisode de Meech, 1987-1990 ? évidemment, il n'avait pas mis

l'échec de l'entente de Charlottetown, puisque ça a été rédigé avant, mais on pourrait l'ajouter ? le gouvernement du Québec conclut, et je cite: «Tous ces événements témoignent de la nécessité pour les francophones, face au danger toujours présent de voir leurs intérêts ignorés et menacés, de chercher à protéger leur langue et leur culture» ? dixit le gouvernement du Québec, en février 1992. Dites-moi ce qui a changé depuis.

D'ailleurs, à titre d'exemple, le mémoire insiste fortement sur le fait que les modifications à la constitution de 1982, modifications qu'on est en train d'adopter dans ce projet de loi, se sont faites sans le consentement du Québec, qui s'est vu imposer, par le gouvernement fédéral et par le gouvernement des 9 autres provinces canadiennes majoritairement anglophones, un nouvel ordre constitutionnel, nous dit le même document, et que le Québec n'a jamais souscrit à ce nouvel ordre constitutionnel parce qu'il portait atteinte à ses droits et privilèges historiques, même s'il est devenu, à son corps défendant, juridiquement lié par elle. Et qu'est-ce que fait ce projet de loi? Ce projet de loi reconnaît le coup de force du rapatriement de 1982 en reconnaissant le droit du gouvernement canadien de s'ingérer dans les questions touchant l'éducation.

Le gouvernement du Québec expose au comité des Nations unies qu'il ne faut jamais oublier que l'anglais est, en Amérique du Nord, la langue massivement prédominante parce qu'elle est la langue nationale de l'un des plus puissants du monde. Ce n'est pas le Parti québécois qui dit ça, là, ce n'est pas la Centrale d'enseignement du Québec, c'est le gouvernement du Québec en février 1992. Et il poursuit: «Le groupe de langue française, au contraire, parle une langue minoritaire en Amérique du Nord et il souffre d'un isolement marqué, loin des autres populations francophones du monde.» Ce n'est pas le Parti québécois qui dit ça, je le rappelle, c'est le gouvernement du Québec dans sa plaidoirie pour maintenir Funilinguisme en matière d'affichage. «La francisation demeure toujours un acquis fragile», nous dit ce gouvernement. «C'est pour ces raisons générales que le gouvernement plaide ardemment en faveur du maintien de l'affichage unilingue français». Il nous dit, parlant de l'affichage, qu'on s'apprête à bilin-guiser mur à mur, à angliciser tout le Québec à ? pour utiliser l'expression du Conseil de la langue française?se répandre sur tout le territoire du Québec... «L'unilinguisme, nous dit ce gouvernement, en 1992, dans l'affichage, est volontairement circonscrit à la sphère de la publicité publique et commerciale extérieure parce que c'est là que la valeur symbolique de la langue en tant que moyen d'identification collective est la plus forte et la plus utile à la préservation de l'identité culturelle des francophones. En effet, le visage linguistique véhiculé par la publicité est un facteur important qui contribue à façonner les habitudes et les comportements qui perpétuent ou influencent l'utilisation d'une langue.» Je le rappelle, mémoire du gouvernement libéral du Québec adressé aux Nations unies en février 1992. Ça fait 15 mois. Qu'est-ce qui a changé depuis, sinon l'approche d'élections?

Il poursuit donc: «La liberté d'expression dans le domaine de la publicité commerciale doit recevoir un degré de protection moindre que celui accordé à l'expression d'idées politiques, où une large marge d'appréciation doit être accordée au gouvernement pour atteindre ses fins. Les articles 58 et 58.2 ne s'appliquent pas à la publicité véhiculée par les organes d'information diffusant dans une autre langue que le français, ni aux messages de types religieux, politique, biologique ou humanitaire, pourvu qu'ils ne soient pas à but lucratif.»

Dans un autre ordre d'idées, le gouvernement et tous ceux qui prétendent qu'on opprime les Anglo-Québécois ici, le gouvernement, dans le même mémoire, dresse une liste des avantages ou des services qui sont aux mains ou qui sont à la disposition des Anglo-Québécois. Le rapport nous dit: «Les Anglo-Québécois ont accès, de la maternelle à l'université, à des établissements scolaires dans leur langue, financés publiquement; ont leur propre réseau d'institutions culturelles: radio, télévision, journaux, bibliothèques, cinémas, théâtres, églises, associations et clubs, pour assurer leur développement ? ils ne sont pas en perdition ? les Anglo-Québécois ont accès à des services de santé et des services sociaux dans leur langue, et bon nombre d'établissements sont également autorisés à fonctionner en anglais.»

Le même rapport du gouvernement libéral ? ce n'est pas moi qui le dis ? le même rapport du gouvernement libéral dit: «Ils peuvent communiquer avec l'administration publique dans leur langue, et celle-ci peut leur répondre en anglais. Ils peuvent utiliser l'anglais devant les tribunaux du Québec de même que dans les procédures qui en découlent, et, évidemment, ils ont des procès dans leur langue, et, finalement, utiliser l'anglais devant l'Assemblée nationale, et les lois sont adoptées dans les 2 langues.» Bref, voilà autant d'arguments qui militent en faveur de l'affichage unilingue français, nous dit ce gouvernement ? ce gouvernement.

On ne saurait toutefois passer sous silence un dernier paragraphe, et je termine là-dessus en ce qui a trait à l'affichage: «Au-delà des apparences, nous dit le gouvernement libéral, en 1992, il importe de demeurer conscients que l'enjeu réel qui se dessine sous le couvert des plaintes soumises au comité, est l'instauration au Québec d'un régime de bilinguisme quasi généralisé dans le domaine de la publicité commerciale, alors que, concrètement, dans les faits, presque partout ailleurs au Canada, la publicité commerciale ne s'effectue qu'en anglais.»

En ce qui a trait à la langue d'enseignement, le gouvernement aura réussi avec une finesse, avec une attention, avec une minutie rarement égalée à prendre toutes, toutes, toutes les ouvertures pour agrandir l'accès à l'école anglaise. Voyons d'abord ce que le ministre qualifie d'expérience prometteuse, celle préconisant, dans le projet de loi, l'immersion en langue seconde. On ne parle pas des bains linguistiques, là. Les bains linguistiques, ça existe, les bains linguistiques, c'est utilisé, les bains linguistiques, le régime pédagogique le permet, la loi 101 n'avait pas à l'autoriser; ça ne favo-

rise pas ou ça n'élargit pas le nombre d'heures consacrées à l'enseignement de l'anglais langue seconde ou du français langue seconde. Non, ça existe déjà. Ça ne prévoit pas, ce projet de loi, obliger les commissions scolaires à respecter le régime pédagogique et à donner le nombre d'heures requises. Non.

Ce que ça permet, ce sont les classes d'immersion, c'est-à-dire que vous allez enseigner la géographie, les mathématiques, la chimie en anglais, lorsque vous êtes dans les écoles françaises, compromettant ainsi l'atteinte des objectifs de ce cours de façon précise, mais, plus généralement, allez-vous me dire ce que ça va donner dans la région de Montréal, où les écoles sont composées de 50 % à 90 % d'allophones qui n'ont ni le français et, en partie, ni l'anglais comme langue maternelle? Vous savez ce qui se passe dans ces écoles? Nous en avons eu des échos, il y a 4 ou 5 ans, quand la Commission des écoles catholiques de Montréal avait tenté de faire adopter un règlement pour limiter l'usage de l'anglais entre les enfants, dans les cours de récréation, tant il est vrai que les enfants, dans les salles de cours, dans les écoles françaises, entre eux, se parlaient en anglais, et on est en train de me dire, on est en train de nous dire, comme Québécois, que ça, ça ne posera pas de problème. (16 h 40) sur l'île de montréal, il y a de plus en plus d'enfants d'immigrants qui n'ont ni le français ni l'anglais comme langue maternelle. quand ils entrent à l'école française, ils sont en immersion en français, et ce qu'on leur dit, là: remettez-les en immersion en anglais, remettez-les en immersion en anglais. c'est une aberration, c'est une aberration! c'est une aberration au plan pédagogique, mais c'est nier de façon fondamentale et importante l'importance que prend l'anglais au québec. petit exemple: dans nos cégeps et nos universités, les universités anglaises, les cégeps anglais vont chercher respectivement 27 % et 24 % des clientèles, pas parce que les anglophones s'en viennent dans nos universités francophones ? non, ils sont encore en nombre fort limité ? parce qu'il y a 17 % des francophones et des allophones qui s'inscrivent dans les universités anglaises. n'allez pas me dire qu'ils ne maîtrisent pas l'anglais. je me dis: c'est comme ça et c'est bien. c'est bien, je n'ai rien contre, mais de là à véhiculer un message tout à fait mensonger à la population, à l'effet que les jeunes francophones maîtriseraient plus mal la langue seconde, les données fournies par le démographe charles castonguay démontrent le contraire. de plus en plus de francophones maîtrisent bien l'anglais ? je dis bravo! ? et ça plafonne chez les anglophones, pour une raison qui est difficilement explicable, mais ça plafonne chez ces derniers. il faut dire que ça n'arrange en rien leur affaire, puisqu'ils ne s'inscrivent pas dans les universités et les cégeps francophones.

Alors, en ce qui a trait à la langue d'enseignement, dans les dispositions apportées, touchant l'immersion, les classes d'immersion, la CEQ, qui doit y connaître quelque chose, en dépit de ce que dit le ministre... Quand il parle de la CEQ, là, c'est comme quel- que chose d'imbuvable au Québec. Il a dit un certain nombre de choses tout à fait inacceptables à l'endroit de sa présidente comme à l'endroit de cet organisme, comme si lui, il était le seul à avoir des notions de pédagogie. Évidemment, comme il est plus expert que tous les experts en matière constitutionnelle, on aurait dû s'en douter qu'il serait plus expert, en matière pédagogique, que tous les pédagogues du Québec. Que dit la CEQ? Elle dit: Les mérites de l'immersion comme méthode d'apprentissage ne sont pas si concluants que l'on veut bien le dire. En effet, bien que l'on puisse reconnaître que l'immersion soit une méthode indiquée pour favoriser l'apprentissage de la langue nationale ? en ce qui nous concerne, c'est le français ? pour favoriser l'intégration socioculturelle des immigrants, des élèves d'origines ethniques diverses, on ne peut affirmer que cette méthode doit être utilisée pour favoriser l'apprentissage d'une autre langue.

D'ailleurs, la Fédération des commissions scolaires ? eux non plus, ils ne connaissent rien là-dedans, selon le ministre; il ne faut pas s'inquiéter ? abonde dans le même sens et elle invite le gouvernement à beaucoup de prudence. D'ailleurs, des groupes qui ont été complètement évacués de la consultation, l'Association des directeurs d'école de Montréal, l'Alliance des professeurs de Montréal, les cadres de ces commissions scolaires ont tenu une conférence, à Montréal, pour dire que c'était dangereux, que le gouvernement ne devait pas aller dans cette direction, et que, s'il persistait à le faire, il menaçait les acquis de la loi 101 et notre capacité d'intégrer les immigrants. Cet organisme, ce regroupement d'organismes le rappelait: la force d'attraction de l'anglais demeure énorme, parce que nous sommes en Amérique du Nord, faut-il le rappeler, et il y a beaucoup plus de chaînes de radio, de télévision, de journaux, de revues en anglais qu'il n'y en a en français ? tout le monde le sait. D'ailleurs, la consommation des produits culturels chez les jeunes allophones se compare assez à celle des jeunes anglophones, même chez nos jeunes francophones.

Mais, voyez-vous, ce qu'il y a d'un peu aberrant, c'est que le gouvernement a modifié une série de dispositions en ce qui a trait à l'accès à l'école anglaise, et il va aussi loin que dire, M. le Président, qu'un enfant qui a des difficultés graves d'apprentissage... Un enfant qui est obligé de fréquenter l'école française et qui a des difficultés graves d'apprentissage pourra être admis à l'école anglaise. Il ne dit pas «dans sa langue». Il ne dit pas qu'il devrait apprendre en espagnol, qu'il devrait apprendre en grec, qu'il devrait apprendre en italien. Non! En anglais! En anglais! La règle générale, c'est l'anglais. Qui plus est, si un parent demande qu'il soit exempté de l'école française, évidemment, ce n'est plus la règle générale, c'est-à-dire l'accès à l'école française, qui s'applique, c'est l'accès à l'école anglaise. Et si les 2 parents divergent quant à l'intérêt de l'enfant, c'est l'école anglaise qui aura gain de cause. C'est ça qu'il y a dans le projet de loi. C'est ça qu'il y a dans le projet de loi. Et, dans le projet de loi, tenez-vous bien, vous êtes Coréen, vous êtes Japonais, vous êtes Chinois, vous

êtes asiatique de l'un ou l'autre de ces pays-là, et vous avez des difficultés à l'école française: on va vous envoyer à l'école anglaise, parce que c'est ça que dit le texte. Il ne dit pas «dans sa langue maternelle», ii dit «dans la langue anglaise». Vous savez, faire mieux que ça... Cherchez! Cherchez! On dira, après, qu'il n'y a pas quelque chose d'un peu vicié là-dedans.

Le ministre ? je le vois opiner du bonnet ? s'il ne voulait pas qu'on fasse cette interprétation, que la CEQ la fasse, que tous les organismes entendus la fassent, et y compris les anglophones, il aurait dû nous fournir les règlements ou encore spécifier dans la loi, tel que ça se fait, les cas d'exception ? les cas d'exception. Il laisse la porte largement ouverte à toutes sortes d'interprétations.

Et là la Fédération des commissions scolaires est venue nous dire qu'ils ne savaient pas comment ils allaient gérer ça. C'est-à-dire, ceux qui n'ont pas utilisé leur droit d'aller à l'école anglaise, qui ont fréquenté l'école française... Ils sont environ 10 000, peut-être 13 000, nous dit-on. Nous sommes heureux de ce choix-là, mais ces gens-là avaient, pour leurs enfants, perdu le droit parce qu'ils ont envoyé leurs enfants à l'école française. Là, on dit: Les petits enfants vont y avoir droit. Et là, ce que nous dit la Fédération des commissions scolaires: Comment allons-nous gérer ça? Combien ça représente de personnes? Le ministre dit environ 100. Mais, quand on demande à la Fédération des commissions scolaires de nous faire une évaluation là-dessus, ils disent: Écoutez, on n'a pas de données; on ne le sait pas. Où le ministre puise-t-il ses données? Ah! Mystère et boule de gomme! Sûrement que ça pourrait être beaucoup plus. Et si on estime qu'ils sont 13 000 à avoir choisi l'école française et que tous leurs enfants, dorénavant, pourraient demander le privilège d'être inscrits dans une école anglaise, bien, là, avec les quelque 100 du ministre, je pense que nous sommes fort loin du compte. Et, là-dessus, le ministre aurait intérêt à faire preuve d'un peu plus de transparence.

Alors, en ce qui a trait à la langue d'enseignement, toutes les petites dispositions de ce projet de loi favorisent l'accès à l'école anglaise, mais elles envoient un message particulièrement pernicieux ? particulièrement pernicieux. C'est fatalement plus difficile d'apprendre en français qu'en anglais; ça, c'en est un premier. Et pourquoi apprendre le français si on est en train de tout bilinguiser? Ça, c'est le second, c'est le second. Pourquoi est-ce que les enfants, surtout d'immigrants, mais francophones aussi, s'attarderaient à apprendre le français puisque, dorénavant, tout se passera en anglais ou en français, selon votre choix?

Deuxième chose en ce qui a trait aux immigrants, quand on sait que la situation actuelle en matière de francisation des entreprises est si peu avancée, que la langue des communications dans les entreprises, surtout les petites entreprises, les hôtelleries, les restaurants, les services alimentaires, la langue des communications entre les employés, c'est l'anglais... Souvent, le père travaille en anglais, la mère travaille en anglais. Comment allez-vous convaincre les jeunes allophones d'ap- prendre le français ou de l'importance de bien le maîtriser?

Curieusement, quand j'ai fait la consultation touchant le statut de la minorité anglophone dans un Québec souverain, à l'unanimité les intervenants sont venus me dire une chose, et les parents et les jeunes: Si nos jeunes quittent, c'est parce qu'ils maîtrisent mal le français et parce que la,situation est déplorable. Ils quittent donc pour 2 raisons: parce qu'il n'y a pas de jobs et parce qu'ils maîtrisent mal le français. Et là, qu'est-ce qu'on nous dit? Apprenez donc! Les autres vont apprendre l'anglais, les autres vont apprendre l'anglais. On va régler votre problème.

Je ne pense pas que ça les garde davantage, parce que ce qui explique en très grande majorité le départ important d'un certain nombre de jeunes, anglophones comme francophones, c'est l'état désastreux de l'économie. Et le gouvernement, évidemment, en créant de toutes pièces un débat inutile à ce moment-ci, sur la langue, évidemment, ne fait pas le débat qu'on aurait dû faire, celui sur l'économie du Québec. Il divise les forces du Québec alors qu'il aurait fallu les solidariser. Alors qu'il aurait fallu les solidariser. (16 h 50)

L'abolition de la Commission de protection de la langue française, la mise en tutelle de l'Office et les pouvoirs réglementaires. Le projet de loi 86 abolit la Commission de protection de la langue française. Sans doute que ça plaira à un certain nombre d'anglophones, qui voyaient cette Commission comme une police linguistique. Le mandat de la Commission sera dorénavant assumé par l'Office de la langue française. Il s'agit d'un véritable retour à la triste expérience des lois 63 et 22, où l'ancienne Régie de la langue était à la fois responsable de la promotion du français et de la surveillance des infractions. C'est une confusion de rôles qui donnait une mauvaise réputation à la francisation, nous rappelait Mme Lise Bissonnette dans Le Devoir du 14 mai 1993: «La confusion de ces deux mandats distincts nuira à l'efficacité de l'action de l'Office de la langue française.» M. Gaston Cholette, qui était à la direction de l'Office de la langue, de 1971 à 1974, et président de la Commission de protection de la langue, nous rappelait, dans un article qu'on a vu dans La Presse, le 19 mai 1993, que la loi 63, en confiant au même organisme la promotion du français dans le monde du travail et la responsabilité de faire des enquêtes, créait un mélange stérilisant, celui de 2 fonctions incompatibles. Mais, comme ce gouvernement gère en regardant dans le rétroviseur, il a entièrement ramené l'essentiel et l'esprit des lois 63 et 22. Alors, nous dit M. Cholette, «la Régie de la langue française devait, en effet, faire la promotion du français et mener, en même temps, des enquêtes pour voir si les lois et les règlements relatifs à la langue française étaient observés». Avec le résultat que, évidemment ? et on nous l'a fait remarquer en commission parlementaire ? vous avez un organisme qui vous dit comment on devrait franciser, et c'est le même organisme qui dit: Vous ne respectez pas les règlements et les règles qui vous permettraient de franciser. Alors,

allez me dire comment on va, là-dessus, présenter une image un peu dynamique et un peu progressiste de la francisation des entreprises de façon particulière.

Pour justifier l'abolition de la Commission de protection, le gouvernement évoque la diminution des plaintes observée depuis 2 ou 3 ans. Mais le ministre a oublié de nous dire qu'il avait formellement invité, en commission parlementaire, la Commission à ne pas faire de zèle. La Commission se présentait pour constater une infraction à la suite d'une plainte et, si elle voyait une autre infraction, elle ne pouvait même pas informer le commerçant que, par exemple, sur ses factures, dans différentes dispositions touchant les relations de travail, il était en infraction. C'était: Vous ne faites pas de zèle, surtout, laissez-les donc fonctionner comme ils doivent fonctionner. Alors, évidemment, qu'il nous dise que ce soit le fait de 3 ou 4 individus qui ont porté plainte, ça veut dire une chose: ça veut dire que la Commission n'a pas fait son travail. Alors, invoquer, par la suite, qu'on l'a abolie parce qu'elle n'avait pas de plaintes, parce qu'elle n'a pas fait son travail, c'est un peu odieux comme procédé.

En abolissant la Commission de protection, le gouvernement envoie clairement le message que les nouvelles dispositions sur l'affichage ne sont que des voeux pieux, qu'il n'entend pas assurer, dans les faits, la prédominance du français. S'il n'y a plus d'organisme qui n'a pas à la fois à voir à la formation et au contrôle, évidemment, le message, les gens vont rapidement l'interpréter. D'ailleurs, en transférant les responsabilités de la Commission de protection à l'Office, le gouvernement en profite pour diluer la portée des dispositions actuelles régissant la capacité de l'intervention de la Commission. Il les transfère à l'Office, mais ne lui donne pas tous les pouvoirs. D'abord, les enquêtes font désormais place à des vérifications. Des vérifications routières, ça va ressembler à ça. On ne fait plus d'enquêtes, on fait des vérifications. Les commissaires enquêteurs et inspecteurs sont transformés en simples vérificateurs: Je viens vérifier. L'on ne retrouve plus l'article 171 de la loi actuelle imposant aux enquêteurs l'obligation de faire enquête chaque fois qu'ils ont des motifs raisonnables de croire à une infraction. Ils n'ont plus le pouvoir de faire ? non pas des enquêtes parce qu'ils ne sont plus des enquêteurs ? même des vérifications. Ils ne vont procéder que sur plainte, et la protection de l'identité du plaignant n'est plus protégée. C'est-à-dire que l'identité du plaignant pourra être connue et communiquée.

La loi actuelle fixe un certain nombre de balises pour lesquelles un enquêteur peut refuser d'enquêter. Ces balises sont abolies pour laisser pleine et entière discrétion à l'enquêteur quant à l'opportunité d'enquêter ou non sur une plainte. Il n'y a plus de balises. C'est laissé au bon jugement. Évidemment, comme le bon jugement, je le rappelais, c'est selon vos propres perceptions, le message va être clair: Ne faites surtout pas de zèle. C'est ça qu'on envoie comme message, de façon constante, de bout en bout de ce projet de loi.

La mise en tutelle de l'Office, évidemment, c'était déjà fait. Parce que, faut-il le rappeler, dans le cas de Rosemère, le ministre avait indiqué au président de l'Office: Ne faites pas de zèle. Le résultat? Près de deux ans et demi après que l'Office eut reconnu que Rosemère devait se conformer aux dispositions de la loi... Ça a traîné en longueur. Ils ont même adopté une résolution comme quoi il y avait des modifications qui s'en venaient. Puis il n'avait même pas besoin de procéder, dans le cas de Rosemère: l'Office était, dans les faits, déjà en tutelle. Mais là, il officialise la tutelle de l'Office.

En effet, le gouvernement se réapproprie le pouvoir réglementaire sur les sujets suivants: permis de travail temporaires délivrés par les ordres professionnels. Et, ici, il faut ouvrir la parenthèse. Pour obtenir un permis de travail temporaire pour un professionnel, vous savez qu'il doit maîtriser le français. Mais, dorénavant, c'était renouvelable pendant 3 ans. Vous aviez 3 ans pour apprendre le français si vous vouliez exercer une profession au Québec. Dorénavant, ça pourra être reporté ad vitam aeternam. Ça donne comme résultat la situation suivante. Dans des laboratoires, et pas les moindres ? je prends celui de l'Université de Montréal parce que certains professeurs chercheurs ne maîtrisent pas le français ? on oblige les techniciens de laboratoire à être bilingues pour répondre à l'unilinguisme des professeurs. Alors, le message, dans ce milieu-là, également, va être clair. Et, évidemment, si ça se fait dans nos universités francophones, voyez ce que ça donne dans les autres laboratoires des différentes entreprises, comme si c'était honteux de demander à quelqu'un d'apprendre la langue nationale. Alors, dorénavant, vous pouvez venir ici. Vous pourrez travailler 5 ans, 10 ans; on va renouveler votre permis de séjour supposé-ment temporaire. Vous n'aurez pas à maîtriser le français.

Le ministre s'approprie également les pouvoirs réglementaires en ce qui a trait aux inscriptions sur les produits. Imaginez-vous! Sur les produits, il s'approprie ces pouvoirs réglementaires, y compris le pouvoir de dérogation à l'obligation d'une version française. Il s'approprie ces pouvoirs réglementaires. Les ventes de jouets, dont l'emploi exige une autre langue que le français, les modalités d'application du concept de prédominance du français dans l'affichage commercial: règlement du gouvernement.

Les raisons sociales et, notamment, à l'effet que le français figure de façon aussi évidente que l'anglais. Parce qu'on sait que les raisons sociales, il n'y a pas de prédominance, là. C'est l'égalité. Mais, là, c'est un règlement du gouvernement qui va en décider. Et les modalités d'émission de suspension et de retrait des programmes et des certificats de francisation. C'est une véritable mise en tutelle de l'Office par le ministre qui se concrétise, par l'article 42 du projet de loi, qui retire à l'Office son pouvoir actuel de faire des règlements, de sa propre initiative, sur des services ou la mise en place de comités nécessaires à l'accomplissement de sa tâche. Désormais, l'Office devra demander la permission, l'autorisation au ministre.

Ce que nous avions fait et ce qui avait reçu l'assentiment général, qui avait créé une certaine sécurité, c'était de dire: Gardons les pouvoirs réglementaires suffisamment loin des tentations d'utilisation partisane. Donnons aux pouvoirs réglementaires... Mettons-les assez loin du gouvernement pour qu'il n'ait pas la tentation de les modifier pour des raisons partisanes, par exemple à l'approche des élections. C'est ça qu'on demandait et c'est ça qui était la règle. Mais ce n'est pas ça qu'on fait.

Dorénavant, non seulement c'est le gouvernement qui va en décider, mais c'est le ministre qui va les proposer au gouvernement et, comme on connaît sa tendance, les glissements vont être importants. Faut-il le rappeler que, sur un règlement, le gouvernement n'est pas obligé de consulter. On a modifié, dans cette loi, l'adoption des règlements pour dire: Ça ne prendra plus 60 jours, mais 45. Et, en cas d'urgence ou lorsqu'on pourra invoquer l'urgence, il n'y aura pas de prépublication. Avec le résultat que vous allez vous retrouver avec un règlement publié dans la Gazette officielle, sous prétexte d'urgence, que personne n'aura vu, et il s'appliquera dès le lendemain. (17 heures)

Alors, évidemment, il faut rappeler la position du Conseil du patronat sur cette question. Ce n'est pas un ami beaucoup des tenants de la souveraineté, le Conseil du patronat. Je pense que ce n'est un secret pour personne, et je n'offenserai pas M. Dufour en disant ça. Ce qu'il dit, donc, dans son rapport, dans son avis, le Conseil du patronat: Nous sommes toujours très mal à l'aise, lorsqu'il nous faut juger d'une loi sans en connaître de grands pans ? parce que la loi, c'est une loi-cadre, une loi-cadre qui laisse beaucoup, beaucoup, beaucoup de place à l'interprétation et à la réglementation ? ceux-ci devant être, poursuit le Conseil, éventuellement précisés par règlement. Tel est l'embarras dans lequel nous place le projet de loi 86, nous dit le Conseil du patronat, notamment l'article 17, qui stipule que le gouvernement peut déterminer par règlement les cas, les conditions, les circonstances où l'affichage public et la publicité commerciale doivent se faire uniquement en français, ou peuvent se faire, sans prédominance du français, ou uniquement dans une autre langue.

La position du CPQ à l'égard d'une telle façon de légiférer est bien connue. Même s'il s'agit là d'un mode de législation de plus en plus utilisé ? et moi, j'ajouterais «par ce gouvernement» ? et dont se servent ou se sont servis tous les gouvernements, nous enregistrons des réserves fondamentales à l'égard d'un tel processus, qui soustrait à la responsabilité de l'Assemblée nationale une bonne part de la gestion des affaires publiques. Une telle façon de légiférer, nous dit le Conseil du patronat, n'est pas non plus sans risque de relancer, à chaque projet de règlement, des débats inutiles, préjudiciables au climat social, à la bonne marche de l'économie québécoise.

En ce qui a trait à la francisation des entreprises, je m'attendais, comme beaucoup d'observateurs de la scène politique et des mouvements d'aller-retour et de balancier de ce gouvernement, à retrouver un projet de loi qui irait vers le bilinguisme, pour les petites entreprises, tel que le proposait le Conseil de la langue et tel que le proposait le Parti libéral lui-même, et avec un renforcement considérable des dispositions touchant la francisation de l'entreprise, alors que là on assiste vraiment à un démantèlement de la loi 101, article par article, à un détournement de sens et à une atteinte profonde des objectifs fondamentaux de la loi 101, qui voulait faire du français la langue nationale, la langue commune, la langue nécessaire. Ce n'est plus ça qu'on fait, évidemment, on bilinguise et on anglicise le Québec. En ce qui a trait, donc, à la francisation des entreprises, tant le Conseil de la langue française que le Parti libéral du Québec recommandaient différentes dispositions susceptibles de renforcer la place du français dans les entreprises. qu'est-ce qu'a fait le ministre responsable de la charte? rien, aucune disposition significative de renforcement. il nous dit: ils vont faire un rapport tous les trois ans. là, écoutez, c'est supposé être la panacée à tous les maux. pourtant, nous savons tous que, même si on a un nombre assez appréciable d'entreprises qui ont des certificats de francisation, celles qui ont effectivement un programme, un certificat et un programme, au moment où nous nous parlons, il y en a le tiers des petites entreprises qui ont effectivement un programme de francisation. évidemment, si on va dans les entreprises, les grandes entreprises, c'est 40 %. on a encore 60 % de nos grandes entreprises qui sont certifiées, mais qui n'ont pas de programme de francisation.

M. le Président, cette situation, à Montréal, nous ne la connaissons pas. Les données que nous avons sur le français au travail nous donnent la situation de la grande région métropolitaine. De l'avis même du ministre, la situation, dans l'île de Montréal, doit être encore beaucoup plus déplorable que celle qu'on nous présente, à savoir qu'encore aujourd'hui, c'est les deux tiers des personnes, des francophones, qui peuvent travailler en français dans la région métropolitaine, et, évidemment, si vous êtes anglophone, vous pouvez le faire dans une proportion beaucoup plus élevée. En ce qui a trait à la francisation des entreprises, nul besoin de vous rappeler que les données que nous possédons, ce sont des données agglomérées, c'est-à-dire qui prennent en compte toutes les entreprises québécoises. Évidemment, les petites entreprises de moins de 50 employés, dans ma région, généralement, elles ont un certificat de francisation, et elles n'ont pas vraiment besoin d'un programme de francisation. Mais, comme nous n'avons pas la situation pour la grande région métropolitaine, Montréal de façon particulière, c'est des données tronquées que nous avons, mais qui sont quand même inquiétantes.

Une loi injuste, injustifiable et injustifiée, une loi qui menace les faibles acquis de la loi 101, acquis que nous devons à la loi 101, qui ont été remarquables en matière d'accès à l'école française, parce que la loi fait obligation, pour le moment, faut-il le dire, parce que, là-dessus, il y a une faction d'Anglo-Québécois qui ne

lâcheront jamais.

Une loi injuste, injustifiée et injustifiable. M. Lévesque disait, en 1977: «II est évident que, pour un peuple qui représente 1 Nord-Américain sur 40, un peuple qui, par conséquent, est exposé à tous les immenses courants d'un continent anglophone, les États-Unis, de gens qui ne parlent pas notre langue et dont la culture et dont les moyens de communication, dont les influences et tous les impacts viennent battre contre nous», il poursuivait que c'était «non seulement notre droit mais notre devoir, dans le contexte que nous avons à vivre, de penser à la défense et à l'illustration de l'instrument essentiel de notre identité qui est la langue française.» M. Bourassa lui-même déclarait au Globe and Mail: «Comme chef du seul gouvernement composé à majorité de francophones ? 1 sur 62 ? si je ne défends pas le français, qui le fera?» Depuis 1988, on se demande ce qui a changé pour justifier et expliquer un tel virage.

Une loi injuste parce qu'elle renforce cette perception d'une majorité francophone intolérante qui viendrait opprimer les anglophones. Une loi injuste et injustifiable parce qu'il n'y avait pas d'urgence. Une loi injustifiée parce que le recours à la clause dérogatoire, c'est décembre; nous aurions encore 6 mois pour consulter. Une loi injustifiable parce qu'elle vient menacer la paix linguistique, insécuriser les francophones quant à leur avenir. Une loi inacceptable que nous nous engageons, comme gouvernement au pouvoir, à abolir. Que nous nous engageons, comme gouvernement au pouvoir, à abolir.

Et, M. le Président, cette loi n'avait pas de caractère d'urgence, rappelons-le, pour 2 raisons: parce que la clause dérogatoire, on peut l'utiliser, elle a été largement défendue par l'actuel premier ministre comme étant utile; parce que le rapport du comité des Nations unies ? mes collègues en parleront ? ça a pris 4 ans au gouvernement canadien à se conformer à un jugement du même comité qu'il y a eu en 1981, et, en 1985 seulement, il s'y est conformé.

Motion de report

C'est pourquoi, M. le Président, comme j'estime qu'il n'y a pas d'urgence, je voudrais faire une motion. Je souhaiterais faire une motion pour qu'on reporte le débat indéfiniment, après les prochaines élections, sauf que les règles parlementaires ne m'y autorisent pas; le plus loin que je puisse souhaiter qu'il soit reporté, c'est de 6 mois. C'est pourquoi, M. le Président, je fais amendement pour que la motion en discussion soit modifiée par le remplacement du mot «maintenant» par les mots «dans six mois».

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, cette motion est recevable. Conformément au règlement, je vais suspendre les travaux pour quelques instants, pour une rencontre avec les leaders quant au partage du temps sur cette motion de report. (Suspension de la séance à 17 h 9)

(Reprise à 17 h 19)

Le Vice-Président (M. Bissonnet): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, si vous voulez prendre place. Suite à la réunion avec les leaders, le temps est partagé comme ceci: 10 minutes sont allouées à l'ensemble des députés indépendants; les 2 groupes parlementaires se partageront également le reste de la période consacrée à ce débat, soit 110 minutes. Dans ce cadre, les interventions sont limitées à 30 minutes chacune. Je vous rappelle que c'est une motion de report, qui se lit comme suit: Que la motion en discussion soit modifiée par le remplacement du mot «maintenant» par les mots «dans six mois», et je reconnais M. le leader adjoint du gouvernement et député de Mille-Îles. M. le député. (17 h 20)

M. Jean-Pierre Bélisle

M. Bélisle: Oui, je vous remercie. M. le Président, de toute évidence, nous nous attendions à ce qu'il y ait une motion de report, et nous nous attendions également à ce que l'Opposition puise dans tous les dédales du règlement de l'Assemblée nationale pour retarder le plus longtemps possible l'adoption du projet de loi 86. Je pense que c'est un secret de Polichinelle que l'Opposition a tenté, depuis le début de ce débat très sérieux pour l'avenir de notre société, de ralentir le cours des choses. Ralentir le cours des choses non seulement avec l'étude des documents qui ont été présentés par les divers groupes qui se sont présentés devant la commission parlementaire, mais depuis le tout début de leur position dans ce dossier.

M. le Président, je vais raconter des anecdotes parce que je pense que c'est très important de comprendre ce qui se fait. La motion de report a un non-sens, surtout compte tenu... Oui, oui. Je vois encore une fois opiner du bonnet, comme le disait si bien tantôt la députée de Chicoutimi. Elle a un non-sens dans le sens suivant. C'est que la députée de Chicoutimi vient de nous dire, à l'Assemblée nationale, que, advenant l'élection d'un gouvernement du Parti québécois, et je veux que vous la suiviez quant à la logique fondamentale de la proposition qui est devant nous... On nous propose de reporter l'étude du projet de loi d'une période de 6 mois. Or, la députée de Chicoutimi, dans sa logique toute personnelle et absolument blindée et à toute épreuve, nous dit, 2 minutes au préalable, que, de toute façon, s'il y a un gouvernement du Parti québécois qui est élu, ils vont faire sauter le projet de loi 86. Or, de quoi... M. le Président, je les ai écoutés très attentivement.

Alors, M. le Président, qu'est-ce que la députée de Chicoutimi essaie de faire? De gagner 6 mois tout simplement, alors que leur jeu est nettement ouvert sur

la table, que, advenant une élection du Parti québécois en 1994 ? et Dieu nous en garde! ? ils vont prendre les progrès notables qui se sont inscrits dans le projet de loi 86, dans le sens d'une plus grande compréhension de ce qui se passe présentement dans divers milieux, et que le Québec de 1993-1994 et de l'an 2000 n'est pas...

M. Brassard: Question de règlement, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Sur une question de règlement, M. le whip de l'Opposition officielle.

M. Brassard: II me semble que, sur un sujet aussi majeur, le quorum est requis.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Est-ce qu'il y a d'autres commissions qui siègent actuellement, M. le député? Est-ce qu'il y a d'autres commissions qui siègent? Alors, M. le député, si vous voulez poursuivre.

M. Bélisle: Alors, ce que je disais, M. le Président, tout simplement, c'est que, de toute évidence, de toute évidence, depuis 1976, les gens du Parti québécois... Camille Laurin, n'est pas en cette Chambre, le père de la loi 101, qui vient de resurgir à la surface, il y a à peine quelques semaines, M. le Président. On s'aperçoit que le même vieux discours usé, fatigué, suranné, dépassé, anachronique, préhistorique... Je pourrais sortir tous les qualificatifs du...

Une voix: Ubuesque. Ubuesque.

M. Bélisle: Ubuesque, ubuesque, ubuesque. Il faut le chercher dans le dictionnaire, «ubuesque». Ubuesque.

Une voix: Moyenâgeux. Moyenâgeux.

M. Bélisle: M. le Président, ça ne correspond absolument pas à la réalité vécue du Québec de 1993 et du Québec de l'an 2000. La société québécoise de 1976, M. le Président, était beaucoup plus cloisonnée que la société de 1993. C'est vrai qu'il y a beaucoup d'allo-phones, c'est vrai qu'entre-temps il y a eu une affirmation importante avec la loi 101, qui était le prolongement de la loi 22, en 1978, c'est vrai qu'il y a eu de forts contingents de nouveaux arrivants sur le territoire du Québec, des immigrants de diverses cultures, de diverses ethnies, de diverses langues qui sont arrivés, et le Québec s'est affirmé, en toute souveraineté, en matière de langue, le Québec s'est affirmé ? et je le disais tantôt au chauffeur de taxi qui me conduisait de l'aéroport à l'Assemblée nationale ? comme aucun autre État aux États-Unis en matière de langue.

On parlait de souveraineté tous les deux. Je lui disais: Est-ce que tu peux comprendre que nous avons une souveraineté quand même importante dans le domaine linguistique, de beaucoup plus importante? Et, M. le Président, on voit resurgir, alors que nous avons la maîtrise, la maîtrise, effectivement, de notre politique linguistique, la maîtrise de notre sélection des immigrants, la maîtrise des critères d'intégration sur notre territoire des nouveaux arrivants, nous avons toute cette structure-là qui est en place avec les COFI, avec la mentalité québécoise de 1993 qui n'est pas du tout la même que celle de 1976. C'est le jour et la nuit entre les deux mentalités.

Montréal s'est transformée en profondeur. Prenez le métro, à Montréal, présentement. Le métro que je prenais en 1975-1976: le tissu urbain, social, humain n'est pas le même. Il y a beaucoup de nouveaux arrivants de minorités visibles, de race noire, de race jaune, des asiatiques qui viennent de divers continents, M. le Président, et qui font partie maintenant de la vie quotidienne du Montréal métropolitain. Et ces gens-là, de la façon que moi, je vis à Montréal avec ces gens, ils communiquent en français, il font des affaires en français. La langue d'affaires est le français. Ils s'adressent aux institutions financières en français. Ils envoient leurs enfants à l'école française. Ils inscrivent même leurs enfants dans des classes d'immersion.

Vous savez, M. le Président, ça m'a fait sourire, tantôt, quand la députée de Chicoutimi nous a dit: C'est inscrit dans le programme pédagogique du ministère de l'Éducation que n'importe quel parent qui peut en faire la demande peut envoyer son enfant dans une école d'immersion française. Laissez-moi vous raconter une anecdote que j'ai vécue personnellement, Mme la députée. Je vais vous reporter un petit peu plus dans le temps; pas en 1978, à l'adoption de la loi 101, mais en 1981, juste après l'élection du Parti québécois pour un deuxième mandat. À ce moment-là, j'étais président d'un comité d'école à Laval. Mes 3 enfants allaient à cette école primaire, et les parents ont décidé que ce serait un avantage important pour nos enfants qu'ils bénéficient d'un bain linguistique, mais un bain linguistique taillé de façon traditionnelle, c'est-à-dire qu'on fait, 5 mois de l'année, les matières de base ? les mathématiques, le français et les autres matières ? et les autres 5 mois de l'année, il y a un professeur de langue anglaise. C'est une jeune Américaine qui a donné le cours, et les enfants passaient toutes leurs heures scolaires à travailler à apprendre la langue anglaise. Laissez-moi vous expliquer comment nous avons pu obtenir ce bain linguistique.

Alors que vous nous avez dit tantôt, M. le Président, et c'est bien ce qu'elle nous a dit, la députée de Chicoutimi, que, parce que c'est permis dans le programme pédagogique du ministère de l'Éducation, c'est comme ça, c'est d'un claquage de doigts que ça se réussit. Dès que les parents ont commencé à en parler au comité d'école et dès que les enfants ont été sensibilisés, c'est arrivé dans la salle de cours et dans les 2, 3 classes de cinquième année. Et là, à un certain moment donné, les bons pédagogues qui étaient les professeurs en place en cinquième année parlaient à leurs consoeurs, à leurs confrères qui étaient dans la petite salle des enseignants à l'heure du dîner. Et là la machine s'est mise à repartir à l'envers: il ne faut pas que tu deman-

des un bain linguistique, c'est épouvantable, tu vas perdre ta sixième année, tu vas couler tes mathématiques. Les enfants faibles ne réussiront pas. Et là les enfants étaient tous nerveux. Alors on a réuni le conseil d'école, et là j'ai dit: Pas de panique dans la demeure! Savez-vous comment on a réussi à faire passer ça, M. le Président? Écoutez-la bien, parce qu'elle est bonne. Il y avait une semaine de vacances scolaires, au mois de février, et c'est lors de la semaine de vacances scolaires, en l'absence de ces bons pédagogues, que j'ai suggéré à tous ceux qui étaient membres du comité d'école de faire du porte à porte chez les parents des élèves de cinquième année pour leur faire signer une demande officielle pour obtenir un bain linguistique. Sinon, nous ne l'aurions jamais obtenu pour nos enfants. (17 h 30)

Et mes enfants, aujourd'hui, ce ne sont pas des anglophones. Mes enfants, ce sont des francophones québécois et québécoises qui ont eu un privilège extraordinaire dans notre réseau d'éducation, et non pas un droit. Mme la députée de Chicoutimi se trompe et nous trompe en disant ça, M. le Président. Ce n'est pas vrai. Quand on dit que c'est un droit et que c'est facile, ce n'est pas... Il y a des parents, encore, qui se battent pour ces choses-là. Il faut être complètement déconnecté pour ne pas vivre cette réalité-là. Je me demande comment il se fait qu'on peut dire des choses semblables.

Or, quand le gouvernement propose d'ouvrir cette possibilité, ce droit, ce privilège qui était censé être un droit pour moi et mes enfants... Mais ce n'était pas un droit. J'ai été obligé de me battre et de le faire un petit peu par une tactique de ruse pour l'obtenir. Ça a été merveilleux, ce qu'ils ont vécu. Il y a eu des échanges avec une école américaine. Une école américaine est venue. Ça a été phénoménal et ça a continué. Et c'était seulement la deuxième école, dans tout Laval, qui bénéficiait de ce programme-là. alors, quand j'écoute la députée de chicoutimi, m. le président, je ne peux pas faire autrement que d'avoir une sorte de flashback géant dans ma tête, où je vois passer les événements qu'on a vécus en 1981, après 1978, après la sanction de la loi 101, et où, nous, on se battait pour ce qui devait être un droit, et qui, en réalité, n'était qu'un privilège. alors, j'ai beaucoup de difficulté, quand je vois la réaction de la députée de chicoutimi et celle du parti québécois, venir nous dire en cette chambre, avoir la même attitude que camille laurin et tous les fantômes de l'opéra, qu'on est en train de remettre sur la scène, présentement, et qui agitent des grelots alors que, d'une façon très claire... je vous mets au défi, n'importe qui de l'opposition, de votre siège, de venir me prouver, dans le cours du débat, sondages à l'appui, de n'importe quelle firme de sondages, que vous n'êtes pas en train, en fin de compte, de faire perdre du temps à l'assemblée nationale. quand, dans une société, il y a 3 personnes sur 4 ? c'est ça, le rapport, 75 % des gens ? qui disent oui à des adoucissements, oui, à l'affichage bilingue, mais prépondérance du français... ça, c'est majeur pour nous. la prépondérance du français va demeurer...

Une voix: Obligatoire. M. Bélisle: Pardon? Une voix: Obligatoire.

M. Bélisle: ...obligatoire, par surcroît. M. le Président, je pense qu'on ne peut pas arriver à l'Assemblée nationale et commencer à faire de telles affirmations, surtout lorsque je voyais... Parce que, tout ça, c'est toute une stratégie politique, là, et je comprends très bien, M. le Président. Le dossier de la langue, c'est un des 50 dossiers gouvernementaux. Est-ce que ça devrait l'être ou est-ce que ça ne devrait pas l'être?

Moi, à mon avis, on devrait cesser d'en parler. C'est pour ça que, moi, c'est sûr que je vais voter contre la motion de report. Moi, comme père de famille ? et j'en ai plusieurs à la maison: j'en ai des grands, qui sont élevés; il m'en reste encore de 15 ans, 18 ans, 19 ans; j'ai même le privilège d'avoir des petits-enfants ? je ne veux pas revivre ce que j'ai vécu à partir de 1970, avec McGill français... Parce que j'étais là, moi, à l'Université McGill, en 1970. J'ai vu ce qui s'est passé. Il y a eu des affirmations majeures de la société québécoise avec la loi 22, avec la loi 101, avec les améliorations, avec la loi 178.

Là, on passe à une étape de maturité, une étape de maturité. Bien oui! Je vois le député de Lac-Saint-Jean qui opine de la tête. L'étape de maturité, c'est exactement l'étape contraire que vous avez passée, vous, en 1978. Vous vous souvenez? M. le Président, ils ont la mémoire courte. Mme la députée de Chicoutimi, je ne sais pas si elle s'en souvient, parce qu'elle n'était pas là. Je ne sais pas si elle se souvient du projet de loi 1. Ah! le député de Lac-Saint-Jean doit s'en souvenir, lui. Deux mois et demi ? aïe! il faut avoir la tête dure pour ne pas comprendre au bout de 2 semaines ? deux mois et demi en commission parlementaire, à l'Assemblée nationale, le Parti libéral du Québec, l'Opposition de l'époque, vous avait dit, redit... La Commission des droits de la personne vous avait souligné, vous avait pointés du doigt... Des professeurs d'université, de droit, étaient venus vous dire que vous ne pouviez pas, effectivement, oublier les droits individuels, et placer les droits linguistiques de la collectivité au-dessus. Mais, M. le Président, le Parti québécois, le vénérable gouvernement de l'époque, a tellement erré que, de guerre lasse, au bout de deux mois et demi, ils ont été obligés de retirer le projet de loi 1, qui était le projet de loi sur la Charte de la langue française, et de le remplacer. Là, ils ont été obligés d'ajouter un «10» devant: ça faisait 101.

Mais là, vous avez changé, M. le député de Lac-Saint-Jean, bout pour bout, le bateau. Vous êtes complètement retourné de l'autre bord. Là, le «nonobstant», qui est... C'est quoi, le «nonobstant»? C'est un mécanisme de protection et de repli sur soi. C'est ça, là. Ne parlons pas de mots juridiques. C'est ça que ça signifie. On se protège avec une police d'assurance au cas où ce ne serait pas légal. Moi, c'est bien de valeur, je ne vois pas

du tout l'avenir du Québec avec des clauses de protection et des polices d'assurance semblables. Je ne le vois pas pour moi parce que je n'en ai pas besoin. Je ne le vois pas pour mes enfants, et même quand je ne serai plus sur cetteterre, mes enfants vont continuer à parler français, et les enfants de mes enfants vont continuer à parler français. Ce n'est pas en agitant des épouvantails à moineaux, comme le chef de l'Opposition, qui le 20 mai 1993 disait «les ingrédients sont réunis pour une crise»...

Pensez-vous que c'est responsable, ça? Quand on discute d'un sujet aussi émotif que le sujet de la langue, je ne pense pas que c'est responsable, M. le Président. C'est simplement pour aller chercher du capital politique, parce qu'ils ont tout fait, le Parti québécois, pour aller se chercher du capital politique et faire démarrer un mouvement pour ébranler le gouvernement. Ils ont fait des conférences de presse. Ils ont battu la campagne avec les mouvements syndicaux. Ils sont allés chercher leurs appuis du côté de la CEQ, de la CSN. Ils ont tenté de tout ramasser: le Mouvement national des Québécois avec M. Bouthillier... M. Bouthillier, quand je le regarde, j'ai beaucoup de respect pour l'individu, mais je comprends pourquoi, effectivement, il a peut-être des problèmes de crédibilité. C'est de la façon qu'il exprime les choses: on ne sent pas, effectivement, chez cet individu-là et chez d'autres du mouvement ultranationaliste, qu'ils sont réellement là dans l'intérêt des Québécoises et des Québécois. On sent qu'ils sont là pour défendre des intérêts corporatistes, des intérêts de leurs groupes à eux, pas des Québécoises et des Québécois. Absolument pas.

Au mois d'avril dernier, la société québécoise... Parlons de décloisonnement, là. On vient de signer une entente de libre-échange, créant un vaste bassin économique nord-américain, qui est, en termes de nombre d'intervenants consommateurs et producteurs de services, l'équivalent de la Communauté économique européenne: 375 000 000 de personnes. M. le Président, moi, ce que je peux dire, lorsque je regarde ces vastes vastes vases communicants, que sont le continent nord-américain avec le continent européen, c'est que oui, rien ne sera plus immobile, de quelque facette qu'on puisse regarder le problème ? puis je m'explique ? ni sur le plan économique, des relations de base, à savoir qui produisait quoi et où la production se faisait et à quel taux et à quel salaire. Tout est en train de se continenta-liser. La langue, M. le Président, est en train de se continentaliser jusqu'à un certain point.

Deux exemples. Le Viêt-nam, qui a porté aux nues la langue russe ? parce que le Viêt-nam du Nord, qui est le conquérant du Viêt-nam du Sud, était branché sur l'URSS via son régime communiste, savez-vous c'est quoi la grande mode présentement au Viêt-nam, M. le Président? La grande mode au Viêt-nam ? il n'y a personne qui aurait pu prédire ça dans une boule de cristal, il y a 10 ans ou 5 ans ? c'est d'apprendre l'anglais, de parler l'anglais, de voir des films dans la langue anglaise, de lire des documents scientifiques en anglais.

Il semble qu'on soit ? je m'excuse pour les représentants de la langue anglaise, je ne dis pas ça de façon péjorative ? condamné à utiliser une langue internationale de communications... Ça aurait pu être une langue chiffrée, mais l'histoire... Ça aurait pu être ça. Ça aurait pu être des pictogrammes, mais présentement, c'est l'anglais, à cause de la situation mondiale. Vous regardez aux États-Unis, dans l'État de la Floride, dans le comté de Dade ? c'est tout récent, ça s'est passé au mois d'avril ? le conseil des commissaires de l'endroit vient de décider, M. le Président... Il y a tellement de gens hispaniques qui sont arrivés dans ce comté-là... Ils sont tellement travailleurs, ils sont tellement impliqués socialement, communautairement, qu'ils se sont intégrés à la société américaine. Ils ont pris des postes au niveau du conseil municipal; ils ont même pris la majorité des postes. Ils ont contrôlé le conseil des commissaires, au niveau scolaire, là-bas. Et là, la question s'est déjà posée. Est-ce que la langue espagnole devait devenir une langue officielle? Ils sont en train de vivre ça, présentement, à Miami, où nos Québécois vont, l'hiver, se promener, à quelques milles au Sud ? c'est ça qu'ils vivent comme problème. Comprenez-vous le parallèle, M. le Président? Rien n'est statique dans le domaine de la langue, des droits humains et des droits sociaux. Tout est en mouvement. Tout n'est qu'une question d'ajustement et de mise au point ? pas de chambardements majeurs, mais de mise au point. Le projet de loi 86 fait exactement ce qu'on est en train de faire aux États-Unis: ils viennent de voter, au conseil des commissaires du comté de Dade, que, maintenant, la langue hispanique deviendrait une seconde langue officielle et que tous les règlements municipaux, tous les communiqués seraient en anglais et également en espagnol. (17 h 40)

Est-ce que c'est une bonne ou une mauvaise mesure? Est-ce que c'est un signe des temps? Est-ce que c'est un signe de maturité, pour une société, de pouvoir s'adapter aux circonstances, s'adapter à la modernité, s'adapter aux temps nouveaux, et préparer l'avenir? Moi, je dis, M. le Président, que c'est la semence de la société de demain, et 86... Nom de Dieu!, si on se retrouve en élection, l'an prochain, j'espère que les Québécoises et les Québécois vont comprendre que le Parti libéral du Québec est réellement bien branché sur la réalité du Québec, et pas débranché et déconnecté complètement, comme le Parti québécois l'est. Je n'en reviens pas, effectivement, de leur position là-dessus. Je ne le crois pas. Je n'en reviens tout simplement pas.

M. le Président, simplement, en terminant, la motion de report de la députée de Chicoutimi est une motion dilatoire, un faux-fuyant devant la réalité à laquelle on doit faire face. Quand tu as un problème dans la vie, quand tu as un problème dans ton couple, quand tu as un problème dans ta famille, quand tu as un problème avec tes enfants, quand tu as un problème avec ton voisin, tu ne lui présentes pas une motion de report disant qu'on va le régler dans 6 mois. En adulte responsable, tu regardes ton voisin, tu regardes la per-

sonne qui vit avec toi ? ta conjointe, ton épouse ? tu regardes tes enfants, tu parles et tu règles ton problème. Tu vas au fond des choses et tu prends des décisions.

On s'est fait reprocher souvent, M. le Président ? des gens qui étaient à l'Assemblée nationale depuis 35 ans ? de ne pas prendre des décisions. C'est vrai. Bien des fois, ils ont raison de nous faire ce reproche-là. Mais, dans ce cas-là, non, on en prend une décision et on prend la bonne décision. Là, on va se comporter en société adulte. On va prendre notre décision et on va avoir le temps de vivre avec au cours des prochains mois. On va voir là. La société québécoise ne s'excitera pas, le français ne disparaîtra pas. Au contraire, les statistiques prouvent que le français n'a jamais été autant utilisé au niveau de la langue du travail: 87 %, si je me souviens du pourcentage.

Mais, M. le Président, la façon de faire de la députée de Chicoutimi, elle est... C'est impensable de venir nous dire: Écoutez, nous, on vous promet que, si on remporte la prochaine élection générale, on va abroger la loi 86, on va détruire ce qu'on est en train de faire là. Mais on ne la votera pas pour le moment, on va tout simplement attendre 6 mois, et dans 6 mois, on verra. On verra, on verra... On ne peut pas voir, parce qu'ils ne voudront pas voir, de toute façon, plus dans 6 mois. Ça fait que, dans 6 mois, ça va être dans un autre 6 mois, puis il n'y aura rien qui va être fait.

On a besoin d'un ajustement, d'un ajustement sérieux. L'ajustement, il est équilibré et pondéré, l'ajustement de la loi 86. L'ajustement fait suite à des délibérations ? et je vais faire un compliment, M. le Président ? à des délibérations d'une très haute qualité, tenues à l'intérieur même du Parti libéral du Québec, lors du dernier conseil général. Il n'y a pas eu d'excités qui sont allés au micro. Il n'y a eu personne qui a déchiré ses vêtements en public ? non ? les gens ont fait ça pondérément. Ah, oui, il y avait des opinions différentes, c'est sûr, mais nous, on est un parti où on discute librement entre nous. On ne se cache pas derrière les alcôves. N'en déplaise à la députée de Chicoutimi, nous autres, effectivement, notre chef, on lui parle. C'est surtout ça, effectivement, qui se passe. On ne se regarde pas les uns les autres, se demandant ce qui va se passer, puis, si un député dit telle chose, par rapport à tel autre qui peut me frapper derrière la tête. Nous autres, ça ne marche pas comme ça, chez nous. O.K.? Alors, si le chapeau vous fait, vous pouvez le mettre, là, mais c'est exactement ce que ça veut dire. De notre côté, on n'a pas ce problème-là.

Alors, donc, en personnes adultes et responsables, on va prendre notre décision, et on va voter la loi 86, M. le Président, dans l'intérêt des Québécoises et des Québécois d'aujourd'hui et de tous ceux qui vont nous suivre, pour demain. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, sur la motion de report de Mme la députée de Chicoutimi, je cède la parole à M. le whip de l'Opposition et député de Lac-Saint-Jean. M. le député.

M. Jacques Brassard

M. Brassard: M. le Président, bien, je comprends qu'il n'y ait pas de problèmes au sein du Parti libéral. C'est clair que ce ne sera pas contesté. C'est évident, hein? Tous ceux et toutes celles qui auraient pu avoir la tentation de remettre en question les positions et les orientations du gouvernement en matière linguistique, c'est à peu près ceux et celles qui remettaient en question le virage constitutionnel du gouvernement, et ils ne sont plus là. Ils ont été complètement expulsés, éjectés du Parti. Alors, on s'entend bien, au sein du Parti libéral. Il n'y aura pas de contestations ni de grands débats, c'est bien évident. Ce n'est pas surprenant, non plus.

M. le Président, pourquoi est-on si pressé? Pourquoi le gouvernement est-il si pressé? Pourquoi cette bousculade de fin de session pour faire adopter une loi majeure en matière linguistique? Comment expliquer cette précipitation? Où est l'urgence, comme l'indiquait et le faisait remarquer, à la fin de son discours, la députée de Chicoutimi? Où est l'urgence? Manifestement, il n'y en a pas, d'urgence. Sur un sujet aussi délicat, il me semble, M. le Président, que l'Assemblée nationale, le Parlement de Québec doit prendre tout le temps qu'il faut pour examiner en profondeur une question aussi majeure.

Moi, je voudrais vous indiquer 2 ou 3 raisons qui font en sorte qu'il y a lieu, il y a pertinence de reporter le débat et que les motifs invoqués ou avancés par le gouvernement ne sont pas fondés. La première raison que le gouvernement invoque, ça tient à la clause dérogatoire. On nous indique qu'il faut légiférer, parce que la clause dérogatoire, qu'on a utilisée à l'occasion de l'adoption de la loi 178, bien, cette clause-là a un effet limité dans le temps et doit prendre fin en décembre 1993. Bien, justement, M. le Président, où est l'urgence? Pourquoi cette précipitation de légiférer à la session du printemps? Si la clause dérogatoire prend fin en décembre 1993, on peut très bien en disposer, décider de cette question-là, si on recourt de nouveau à cette clause ou si on l'abandonne, à la session de l'automne, et en décider en décembre prochain. Il n'y a pas urgence, d'aucune façon, il n'y a pas le feu à la maison, il n'y a pas péril en la demeure pour ce qui est de l'utilisation de la clause dérogatoire. Bon. Ça, je pense que c'est un mauvais motif, une fausse raison pour expliquer la bousculade dans laquelle on est plongés, là, depuis quelques semaines. (17 h 50)

L'autre raison, qui est plus étoffée, qui est exprimée pour justifier qu'on légifère maintenant et rapidement, c'est l'avis du comité de l'ONU sur les droits de l'homme. On sait que, le 31 mars, le Comité des droits de l'homme de l'ONU a rendu un avis majoritaire, qui n'était pas unanime, à la suite de plaintes portées par des citoyens du Québec sur la question de l'affichage. Alors, la question qui se pose, à partir du moment où cet avis est rendu public, c'est: Comment est-ce qu'on réagit? Est-ce qu'on doit se dépêcher de modifier la loi?

Est-ce qu'on doit se précipiter à l'Assemblée nationale et adopter, en toute vitesse, à toute vapeur un projet de loi pour se conformer à l'avis?

M. le Président, je pense qu'il faut apporter un certain nombre de précisions relativement à cet avis et à cette institution qu'on appelle le Comité des droits de l'homme de l'ONU. D'abord, il faut placer les choses dans une juste perspective. Ce comité n'est pas un tribunal international. Je pense qu'il faut que les Québécois le sachent: ce n'est pas un tribunal international. Par conséquent, les avis qu'il rend ne sont d'aucune façon des décisions obligatoires. C'est important de le savoir. Les décisions rendues par ce comité, qui n'est pas un tribunal international, ne sont pas des décisions obligatoires. Le Comité examine une question, fait des constatations et des recommandations qui sont dépourvues de tout caractère obligatoire. Ça m'apparaît important.

Henri Brun, un constitutionnaliste et un juriste réputé de l'Université Laval, disait, dans un commentaire paru dans les journaux, et je le cite: «La décision du Comité est formellement un avis et non un jugement qui aurait l'autorité de la chose jugée.» Fin de la citation. Voilà un élément absolument essentiel dans le contexte actuel. Par conséquent, puis ça, c'est une conséquence qui est à tirer de ces constatations-là, un État signataire du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et du protocole qui l'accompagne, un État ne viole pas ses obligations internationales s'il décide de ne pas suivre la recommandation du Comité. Ça aussi, c'est important de le savoir.

Cette précipitation qui affecte le gouvernement en matière linguistique... Là, très souvent, on a entendu certains discours, de l'autre côté. C'est parce qu'on laisse entendre, on laisse voir qu'il faut faire vite, il faut se presser, il y a urgence. L'avis du Comité, on doit l'intégrer dans nos lois au plus sacrant parce que c'est une décision irrévocable, obligatoire. Et, si on ne le fait pas, on est placé dans une situation de violation d'un pacte international dont on est signataire. Bien non. Ce n'est pas ça du tout, la situation. Je ne dis pas que l'avis du Comité n'est pas sans intérêt. C'est certainement une décision de poids qu'il convient d'examiner avec sérieux, mais ce n'est pas une décision obligatoire.

Le fait de ne pas donner suite à cet avis ne place pas l'État québécois en position de violation de ses obligations internationales. Ça ne veut pas dire qu'on doit rejeter du revers de la main l'avis du Comité. Loin de moi cette pensée, M. le Président. Mais ça veut dire, cependant, que ce n'est pas un décret divin, l'avis du Comité, ce n'est pas une bulle pontificale. Ça peut être examiné et ça peut même être contesté. On peut être en désaccord avec certains éléments de cet avis. Ça veut dire aussi qu'on n'est pas obligé d'y donner suite à toute vitesse et dans la bousculade de fin de session. On peut prendre le temps qu'il faut, le temps requis pour l'examiner sous tous ses angles et aussi en signaler les lacunes et les faiblesses, et, peut-être aussi, échanger, avoir un échange avec les membres du Comité.

Là-dessus, le Canada donne un bon exemple, hein! Cet ajustement mis en relief par Henri Brun et

Maurice Arbour à ce sujet-là; ça a été souventefois cité, également. Le Canada, dans le cas de plaintes portées en vertu du pacte des droits civils et politiques par des femmes indiennes: le 30 juillet 1981, le Comité des droits de l'homme rend une décision qui n'est pas favorable au Canada, qui prétend que les femmes indiennes voient leurs droits civils violés ? le 30 juillet 1981.

Est-ce que le Canada, le gouvernement canadien s'est précipité immédiatement à la Chambre des communes avec un projet de loi pour le faire adopter? Pas du tout. Pas du tout. Ça a pris 2 ans. D'abord, il a fallu attendre 2 ans avant que le gouvernement canadien n'indique au Comité sa réponse, suite à l'avis du Comité ? 2 ans. Et puis, il n'a pas légiféré tout de suite. Il a encore attendu 2 autres années, en 1985, avant d'amender la Loi sur les Indiens pour se conformer, pour aller dans le sens souhaité par le comité ? 1981, et la législation a eu lieu en 1985. Est-ce que le Canada, pour tout ça, a été mis au ban de la société internationale, a été considéré comme un État qui violait les droits civils et politiques? Pas du tout. D'aucune façon. Il a pris 4 ans pour se conformer à un avis.

Alors, donc, M. le Président, là, il n'y a pas péril en la demeure. On peut fort bien prendre le temps qu'il faut pour mieux examiner cet avis et voir comment le gouvernement du Québec va s'y conformer, tout en tenant compte d'autres éléments qui n'ont pas été considérés correctement, convenablement par le Comité des droits de l'homme de l'ONU.

Et puis, troisième raison, M. le Président, pour laquelle je pense que le report s'impose, c'est toute la question des règlements. Le gouvernement s'attribue toute une série de pouvoirs réglementaires dans plusieurs domaines, pouvoirs réglementaires qui étaient, de par la loi, attribués à l'Office de la langue française; c'est le gouvernement qui s'attribue toute une série de pouvoirs réglementaires, et puis, aucun de ces règlements n'a été déposé en commission, aucun de ces règlements n'est connu.

Particulièrement, j'insiste là-dessus, les amendements qu'on compte apporter au régime pédagogique pour permettre les classes d'immersion, alors qu'on sait ? ma collègue en a parlé longuement ? les dangers, les conséquences graves que la généralisation d'une méthode de cette nature pourrait entraîner quant au processus de francisation des immigrants. On n'en connaît d'aucune façon les modalités, et la ministre de l'Éducation n'en connaît absolument pas les modalités; elle ne sait pas du tout comment ça va s'appliquer, d'aucune façon. Personne ne le sait. On ne sait pas comment ça va s'appliquer. Le ministre responsable de la Charte, lui, nous dit que le ministère de l'Éducation est en train de faire des études pour voir comment on va appliquer ça.

Alors, là, on est dans le brouillard complet quant à cette mesure-là, quant à cet amendement majeur qu'on apporte à la loi, et il me semble qu'avant de l'adopter, justement, avant d'adopter une disposition semblable, il y a lieu, M. le Président, d'en connaître avec précision les modalités d'application, parce que tout est là actuel-

lement. Sur cette question-là en particulier, tout est dans les modalités de la mise en vigueur d'une telle disposition. Et je ne pense pas qu'on puisse sérieusement, de façon responsable, comme Assemblée nationale, adopter un projet de loi qui prévoit de pareils changements, de pareils bouleversements sur le plan pédagogique sans qu'on sache avec précision comment ça va s'appliquer, comment ça va être mis en vigueur.

Alors, pour ces trois motifs, et je le dis sans éclat, puis je m'en tiens à la motion de report, pour ces trois motifs, la question de la clause dérogatoire, ce n'est pas pressant, ce n'est pas urgent; on pourra y revenir et en décider à l'automne, puisque ses effets ne prennent fin qu'en décembre 1993. Alors, il n'y a pas le feu, là. Deuxièmement, l'avis du comité des Nations unies, M. le Président, ce n'est pas une sentence d'un tribunal international et ça n'a pas de portée obligatoire d'aucune façon pour le gouvernement. (18 heures)

Et je pense que le fait qu'il y ait eu tant de dissidents au sein du comité nous démontre que ce n'est pas si évident que cela, là, qu'on doive se conformer rapidement, avec empressement à l'avis exprimé par une majorité de membres du comité des Nations unies. On peut prendre le temps qu'il faut pour réfléchir, examiner plus sérieusement la portée de cet avis. Et puis, troisièmement, on ne peut pas adopter une loi qui prévoit tant de règlements, alors qu'aucun de ces règlements n'est connu et que, même certains, en particulier concernant les classes d'immersion, le règlement, les modalités de l'application ne sont non seulement pas connus, mais la ministre et le gouvernement ne savent même pas comment ça va s'appliquer.

Alors, pour toutes ces raisons, le report est pertinent, est tout à fait pertinent, tout à fait justifié. Et ça n'a rien d'une motion dilatoire. Je pense que c'est tout à fait requis de reporter, de prendre le temps qu'il faut pour mieux examiner les bouleversements que ce projet de loi entraîne sur le plan linguistique, pour mieux les prendre en compte, mieux en examiner la portée. Et la motion de ma collègue de Chicoutimi est non seulement pertinente mais mériterait qu'on l'adopte, ici, unaninement.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, merci, M. le député de Lac-Saint-Jean.

Alors, compte tenu de l'heure, je voudrais indiquer immédiatement qu'il reste 29 minutes à la formation ministérielle, 40 minutes à la formation de l'Opposition officielle et 10 minutes aux députés indépendants pour la reprise du débat sur cette motion de report. Et, compte tenu de l'heure, je suspends les travaux jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 h 1)

(Reprise à 20 h 8)

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, Mmes et MM. les députés, si vous voulez vous asseoir, s'il vous plaît, nous reprenons les travaux de l'Assemblée.

Nous sommes toujours à l'étape des affaires du jour. À la suspension des travaux, à 18 heures, nous étions à discuter de la motion de Mme la députée de Chicoutimi, qui se lit comme suit: «Que la motion en discussion soit modifiée par le remplacement du mot "maintenant" par les mots "dans les six mois".»

Je vous rappelle que cette motion est discutée à l'intérieur d'un débat restreint de 120 minutes, c'est-à-dire 2 heures. Il reste à la formation ministérielle, au Parti libéral du Québec, 29 minutes; au parti de l'Opposition officielle, 41 minutes; à l'ensemble des indépendants, 10 minutes. Je suis prêt à entendre le premier intervenant. M. le député de Louis-Hébert, vous avez droit à une intervention d'une durée maximale de 30 minutes.

M. Réjean Doyon

M. Doyon: Merci. M. le Président, vous venez de très, très succinctement rappeler l'objet du débat qui nous réunit ici ce soir. Vous faites référence à la motion que la députée de Chicoutimi a présentée, après un discours qui a duré 1 heure, expliquant tous les défauts et toutes les lacunes et montrant que le projet de loi 86 n'avait pas sa raison d'être. Et tout ça s'est terminé dans l'espace, un petit peu bizarrement, avec une motion de sa part, disant: Voici, je propose que nous remettions à plus tard, c'est-à-dire dans 6 mois, ce débat, ce projet de loi. (20 h 10)

Une chose est certaine, ni vous, ni moi, ni personne ne pourra reprocher à la députée de Chicoutimi de ne pas faire preuve de constance. À l'intérieur du rapport, suite au comité qu'elle a présidé sur la langue pour le Parti québécois, la conclusion fondamentale et principale, je dirais, c'est qu'on verra à ça plus tard. Elle a une forte tendance à remettre à plus tard les choses. Ce n'est pas un reproche, c'est une constatation. Son rapport se terminait en expliquant que, dans les circonstances, elle n'était pas en mesure de faire une recommandation et que la lumière apparaîtrait quelque part, le matin du grand jour où le Québec deviendrait indépendant. À ce moment-là, les choses seraient claires et les idées qui sont embrouillées aujourd'hui se démêleraient facilement, on verrait le chemin, on saurait quelle direction prendre. Et, en attendant, bien, tout ce qu'elle trouvait, Mme la députée, à nous dire, c'est que, pour le moment, elle n'était pas en position de dire ce que serait la position de son parti en ce qui concerne, entre autres, l'affichage publicitaire.

Bien. C'est une façon de voir les choses. Il y en a qui ont une forte propension à arrêter les aiguilles de l'horloge, à essayer d'arrêter le temps, se disant que les choses se régleront toutes seules, ou, si elles ne se règlent pas toutes seules, c'est parce qu'elles ne sont pas réglables et que, de toute façon, cela ne servirait à rien d'intervenir. La députée de Chicoutimi nous amène à faire une constatation qui est celle qui est faite par tout le monde, par tous les observateurs, qui est la suivante.

C'est que le mouvement tant attendu, la levée de boucliers qui devait se propager à la grandeur du territoire québécois, ce mouvement de fond qui devait nous emporter vers une conclusion d'une évidence à crever les yeux, qui était que le projet de loi 86, tel que le soutient le Parti québécois, était une machine infernale, une machination infernale dont les victimes, bien sûr, étaient les citoyens et les citoyennes du Québec, je pense que force nous est de constater que la démonstration reste à faire.

Et, comme le disait La Presse du 31 mai ? je l'ai ici, en main ? le titre est le suivant: «La langue: le PQ tempère ses ardeurs, faute de mouvement populaire». Alors, le mouvement n'a pas pris, la pâte n'a pas levé, et on se dit: Peut-être que, si on attendait ce merveilleux moment où les sentiments «nationalards» seront à leur maximum, comme, par exemple, à la Saint-Jean-Baptiste, on pourrait tenter de soulever l'émotivité populaire et tenter d'aviver ce feu, de souffler sur les quelques braises qui peuvent encore rester quelque part de façon à faire jaillir cette flamme réchauffante et jaillissante et éclairante qui se nourrit de l'intolérance, de l'incapacité de voir la situation, de l'incapacité de s'ajuster, de l'incapacité de faire en sorte de voir que les choses évoluent, que le changement est de la nature même d'une politique comme celle de la langue, que le dynamisme est inhérent à cette question, qu'il n'y a pas de saintes écritures dans le domaine de la langue, que la loi 101 n'est pas l'effet d'une révélation divine où, dans un buisson ardent, on aurait pu avoir les dix commandements, dont tout le monde aurait été satisfait ad vitam aeternam jusqu'à ce que la bienveillante et la bienheureuse souveraineté vienne nous délivrer d'un certain nombre de commandements, parce que la souveraineté, étant nourricière, par essence, des libertés, on ne pourrait bien sûr faire fi de cette liberté dont on n'a pas vraiment besoin tant qu'on est dans le fédéralisme canadien. Qu'est-ce qu'on va chercher avec la liberté d'expression? Elle peut attendre. On ne s'en nourrira que mieux dans un Québec indépendant. Un Québec indépendant nous permettra de nous abreuver à satiété de grandes libertés qui, maintenant, peuvent être mises sous le boisseau, puisqu'il est bien sûr qu'on ne peut devoir ces grandes libertés qu'à un bienfait immense, poursuivi depuis si longtemps, qui amènerait l'indépendance du Québec, la souveraineté du Québec, la séparation du Québec. Et, après ça, on pourrait réécrire nos pages d'histoire. On pourrait réinterpréter nos lois, on pourrait les ajuster de façon à ce que cette bienfaisante souveraineté, cette bienfaisante indépendance puisse être identifiée à l'utilisation, à la remise en état des grandes libertés que sont la liberté d'expression, la liberté d'association, etc. Eh bien, ce n'est pas comme ça que ça marche. Ce n'est pas comme ça.

Le PQ, devant l'évidence totale de son échec, se dit: Je n'ai rien à perdre que d'attendre encore un certain nombre de mois. La députée de Chicoutimi a été honnête là-dedans: Si ce n'était que de nous, la motion que je présenterais, ce serait une remise de façon indéfinie, sine die, du projet de loi 86. Je le reporterais aux calendes grecques. J'attendrais que les poules aient des dents. Mais elle dit: Je ne peux pas faire ça, notre règlement ne nous le permet pas. Je vais me contenter de demander un report de 6 mois. Quelle est la logique derrière ça, M. le Président? La rationalité est totalement absente. C'est un mouvement de pur opportunisme politique qui vise à acculer le gouvernement à une date fatidique, qui est celle de novembre 1993, et de dire: Maintenant, agissez, vous avez le dos au mur. Nous vous avons coincés. Nous vous avons pris en embuscade. Vous ne pouvez plus vous sortir, vous êtes piégés. Et l'échéance, vous l'avez maintenant devant vous à la prochaine tournure du calendrier, à la prochaine page du calendrier.

Eh bien, le gouvernement a décidé d'être prévoyant, de faire les choses d'une façon respectueuse, de les faire en tout état de cause, ayant consulté, ayant informé, ayant été voir ce qu'était le sentiment premièrement des gens qui sont là pour éclairer et consulter le gouvernement. Je pense à l'Office de la langue française. Le ministre responsable leur a posé 5 questions, leur demandant: Voici, pourriez-vous nous éclairer, nous donner une idée en tant que notre aviseur, notre conseiller? La décision ultime, bien sûr, nous appartenant, pouvez-vous nous dire ce que vous pensez de la question de l'enseignement? Qu'est-ce que vous pensez de la question de l'affichage? Qu'est-ce que vous pensez de la langue de l'administration publique? Qu'est-ce que vous pensez des structures administratives qui sont là pour voir au respect de la loi 101? Tout ça a duré des mois et des mois. (20 h 20)

Pendant ce temps-là, le débat s'est enclenché dans la population. Le gouvernement a été à l'écoute, et le ministre responsable de la langue a été en butte, pendant des mois et des mois, à je ne sais combien de questions de la part de l'Opposition: Où est-ce que vous vous en allez dans le domaine de la langue? Qu'est-ce que vous allez faire avec l'affichage? Quelles sont les décisions que vous avez prises dans ce domaine-là? Réponse après réponse, jour après jour, le ministre a été d'une constance totale, disant: Le processus est enclenché, le processus de consultation, le processus d'information, le processus de discussion a été enclenché et nous allons laisser les choses se dérouler d'une façon normale. Ce n'est qu'après ça que nous ferons connaître, par la voie d'un projet de loi, ce que nous entendons faire. Et ça a été fait à l'intérieur, en particulier, des instances du parti.

Et, bien sûr, c'est une situation dans laquelle nos adversaires péquistes ont peut-être de la difficulté à se reconnaître, parce que ça ne se passe pas tout à fait de la même façon, dans leur parti, que dans le Parti libéral du Québec. La discussion a eu lieu, des propositions ont été amenées. Ça s'est fait au niveau des associations, ça s'est fait au niveau des régions. Tout ça a culminé lors d'un conseil général du parti, où on a eu des résolutions qui avaient émané de la base du parti, qui se sont retrouvées entre les mains des responsables, des délégués qui en ont discuté, qui les ont amendées, qui ont voté,

qui les ont sous-amendées, dans tous les domaines qui faisaient l'objet de la discussion depuis de nombreux mois. Ce n'est qu'après ce long processus que le gouvernement, finalement, ayant entendu l'Office de la langue française, ayant entendu les membres du parti, les militants du parti, ayant pris connaissance du pouls de l'opinion publique, ayant regardé, ayant compris ce que la population désirait et souhaitait et était capable d'accepter, ayant saisi cette réalité qui est toujours mouvante, bien sûr, qui n'est pas arrêtée, qui n'est pas figée... C'est ce que nos adversaires péquistes ne comprennent pas.

Le gouvernement, ayant pris possession de cette mouvance, l'ayant apprivoisée et l'ayant analysée, a proposé ouvertement un projet de loi, le projet de loi 86, et a enclenché un deuxième processus, lui, plus formel, de consultation. Semaine après semaine, M. le Président, j'ai présidé une commission parlementaire, la commission de la culture, qui a entendu des dizaines d'organismes qui sont venus s'exprimer. Ils l'ont fait ouvertement, avec un niveau de langage qui leur fait honneur. Cette commission a été extrêmement éclairante. Tout le monde n'était pas d'accord. L'Opposition voudra peut-être faire des calculs: 5 organismes qui ont dit oui, 10 qui ont dit non, etc. Le gouvernement ne procède pas comme ça nécessairement. Nous faisons une évaluation de la représentativité des gens qui sont devant nous. Nous faisons une analyse du réalisme de leurs suggestions. Nous décidons, après ça, de certains amendements qui paraîtront nécessaires. C'est un processus extrêmement long qui dure depuis des mois et des mois.

Là, tout ce que trouve le Parti québécois à l'heure où nous sommes, c'est de dire: II faudrait bien y repenser. Il faudrait regarder ça de nouveau. On est peut-être allé trop vite. On a peut-être pris les bouchées doubles. Des mois de discussions! Ce que les membres du Parti québécois oublient, malheureusement, c'est que la loi 178, qui nous amène à l'échéance de novembre 1993, est en force maintenant, depuis bientôt 5 ans. Les exigences constitutionnelles nous obligent à prendre une décision concernant le report de cette loi-là, c'est-à-dire son maintien ou des adaptations, des accommodements. Nous savons ça, nous, au Parti libéral, depuis longtemps, et c'est pour ça que, entre nous, nous en discutons. C'est pour ça que, entre nous, nous nous demandons quelle est la meilleure voie. C'est pour ça que, dans nos associations, avec nos militants, chaque fois que nous en avons l'occasion, nous tentons d'avoir un son de cloche pour nous faire une meilleure tête à ce sujet-là. Nous sommes arrivés avec la solution qui est devant nous, et je ne discuterai pas, dans le moment, sur le fond. J'aurai l'occasion d'y revenir éventuellement.

Mais nous sommes sur la motion de report particulièrement. Cette motion de report n'amène rien au débat. Elle ne fait qu'utiliser la vieille technique, celle de mettre une couverte mouillée sur le feu en éteignant tout simplement et en ne réglant rien. Je ne vois aucune autre motivation dans cette façon de faire qu'utilise le Parti québécois qu'une façon de gagner du temps, d'ar- river avec une possibilité de faire traîner les choses, de façon à ce qu'on puisse, finalement, avoir un semblant de réaction quelque part. Il faut avoir entendu le verbe extrêmement provocateur, par exemple, du président du Mouvement Québec français et, si on ne réussit pas avec des paroles aussi extravagantes à mettre le feu qu'on voudrait bien, on se dit: Peut-être que le petit bois n'est pas assez sec. Si on attendait un autre 6 mois, ça prendrait peut-être. On n'a rien à perdre, de toute façon.

Cette façon de faire était attendue de la part du gouvernement. La motion de report n'est pas une surprise. Nous nous attendons à ce que le Parti québécois fouille dans toute la panoplie des moyens dilatoires qui visent à nous garder ici jusqu'à des heures indues, espérant qu'on va au moins pouvoir prouver à ses propres militants... Il n'y a pas d'autre utilité à ce qu'ils font, il n'y a pas d'autre utilité à leur baroud d'honneur que de pouvoir arriver à ce qu'ils appellent leur congrès national ? leur conseil national, plutôt ? et dire: Nous avons fait une guerre épouvantable. Regardez ce que nous leur avons dit. Nous n'avons épargné aucune munition. Nous avons fait flèche de tout bois. Toutes nos cartouches y sont passées. Nous leur avons dit ce que nous pensions de leur projet de loi, et chacun, finalement, un peu comme Tartarin de Tarascon ? vous vous en souvenez, M. le Président ? s'en allant à la chasse au lion, ce brave chasseur pouvait se vanter de ses exploits, n'impressionnant bien sûr pesonne que lui-même et étant à l'écoute de ses propres exploits imaginaires...

Et que le député d'Abitibi-Ouest tente de détourner le débat, je lui dirai que ça ne poigne pas plus dans votre coin que ça poigne à Montréal. Vous avez fait patate. Vous n'êtes pas capable de soulever aucune passion dans ce domaine-là parce que vous n'êtes pas cru, vous êtes complètement en dehors de la coche, vous n'êtes pas à l'écoute de la population. Et que vous manquiez votre coup d'une façon aussi lamentable, au moins vous devriez avoir la décence de vous taire et de m'écouter. C'est toujours ça qui vous sauverait le petit peu qu'il vous reste à sauver. Ça vous mettrait au moins un petit peu de plomb dans la tête que d'écouter... Si vous ne m'écoutez pas, écoutez vos électeurs et vos électrices. Écoutez-les. Essayez d'en amener des autobus de l'Abitibi à Montréal pour leur faire accroire que la patrie est en danger. Essayez donc ça, voir. Emplissez-en donc un autobus que vous nous amènerez à Montréal pour essayer d'énerver le monde. Vous ne serez jamais capable d'en amener un autobus, parce que ça ne poigne pas ? pas plus chez vous qu'ailleurs. Et les interruptions que vous tentez de faire actuellement me permettent tout simplement une chose ? je m'en réjouis ? c'est de vous dire ce que je pense de l'échec de votre action, à vous, comme aux autres. Vous avez manqué votre coup. Et que vous soyez fier de ça, vous n'êtes pas exigeant envers votre action politique. Mais l'évaluation des résultats de ce que vous tentez de faire, c'est vous qui la ferez, pas moi. (20 h 30)

Je ne suis pas surpris que les choses se passent

comme ça. Je ne suis pas surpris que les choses se passent comme ça. Le PQ se trompe, le PQ n'est pas capable de mettre le thermomètre dans la population et d'en faire une lecture réaliste, pas capable de savoir s'il y a de la fièvre ou s'il n'y en a pas, parce que la lecture qu'il voudrait faire l'empêche de voir celle qu'indique le thermomètre. Et, dans les circonstances, ils vont continuer de s'agiter, de nous imposer des motions dilatoires de la nature de celle à laquelle nous avons à faire face. Nous allons y faire face, étant certains que la population a accepté et, même, demande des changements, des changements qui sont apportés par la loi 86. Nous sommes convaincus de ce fait. J'entends et je lis que les ténors péquistes disent: Attendez, l'avenir nous donnera raison. Attendez, vous verrez. Des prophètes de malheur! On appelle le malheur, on se dit: Le français est en danger ? ça, vous ne verrez pas ça tout de suite. On crie au meurtre! Il n'y a rien qui se passe. On ne répond plus à leurs appels désespérés, parce que le danger n'est pas là, le danger est imaginaire, le danger est tout simplement un danger que le Parti québécois a créé à l'intérieur de ses propres frayeurs, qu'il alimente. Et, finalement, ses cauchemars sont sa propre création.

Comme la ministre de l'Éducation a déjà eu l'occasion de le dire: Ne vous surprenez pas d'avoir des cauchemars, vous dormez. Il ne faudrait pas vous surprendre de ça; les cauchemars sont normaux pendant le sommeil. Et vous essayez de les faire partager à la population, mais je ne crois pas que vous puissiez y réussir. Et que nous nous trouvions actuellement obligés de débattre une motion aussi sans objet, sans véritable motif que celle qui est devant nous, ce n'est pas de nature à augmenter la crédibilité qui fait cruellement défaut au Parti québécois.

J'ai hâte, M. le Président, j'ai hâte que nous puissions entreprendre le débat de fond sur cette loi. Mme la députée me fait signe que oui. Je vois que nous nous rejoignons là-dessus. Je m'en réjouis. Et puis-je lui suggérer, bien humblement, que la meilleure façon de le faire, ça aurait été de ne pas faire sa motion de report, et là on aurait pu en parler plus rapidement. Alors, j'ai de la difficulté, là encore, de comprendre la logique. Évidemment, il ne faut pas trop en demander, peut-être, quand elle n'est pas là, mais la motion de report découle d'une lecture personnelle, partisane, que fait le Parti québécois.

Bien sûr qu'il faut comprendre dans quel état se trouve le Parti québécois, dans quel état se trouvent ses troupes. Ils ont besoin actuellement d'un cheval de bataille. Il ne leur en reste pas beaucoup, de chevaux de bataille, M. le Président. Ils sont passablement démunis de ce côté-là. Et, si la rossinante qu'ils tentent d'enfourcher ne les mène nulle part, ils vont être obligés de faire un bout à pied. Et il semblerait que la rossinante en question est plutôt hésitante et n'est pas très guerrière, et n'est pas très tentée de s'aventurer dans cette aventure qui ne les mène, finalement, nulle part de se battre contre... Vous allez me dire que c'était la spécialité de Rossinante de se battre contre des moulins à vent et d'y voir des ennemis et des envahisseurs terribles. Ce n'est pas d'hier, quand on pense à Don Quichotte, à Cervantes, qu'on prend toutes sortes de choses pour des ennemis, que la frayeur nous envahit et, quand on n'en a pas d'ennemis, on en invente, et le PQ se spécialise là-dedans.

Nous aimerions que nous puissions regarder les choses en face. J'aurai l'occasion, M. le Président, de faire une analyse, si je prends la parole, par exemple, du document qu'ils ont publié, qui est censé démolir tout le projet de loi 86. Il est truffé de mensonges, de faussetés, truffé d'exagérations. Il est un modèle de désinformation. Il est facile de voir qu'il n'a qu'un but, c'est de faire croire à la population que, par la loi 86, le Québec est condamné à devenir une province bilingue où l'anglais va prendre une place de plus en plus envahissante, où les Québécois de langue francophone vont être minorisés, où ils vont être en difficulté constante en ce qui concerne l'utilisation qu'ils voudront faire de leur langue. Mais ce n'est pas vrai. Ce n'est pas vrai. Ce n'est que de l'exagération. Ça ne correspond pas au projet de loi que nous avons en main, et, pourtant, les membres du Parti québécois s'identifient à ? je ne sais pas comment l'appeler ? ce dépliant beaucoup plus de la nature d'un pamphlet dénonciateur avec toutes les exagérations que ça comporte, un pamphlet, dans le sens de pamphlétaire. On se retrouve avec ce document qui tente encore d'énerver les gens. Il n'a pas de rapport avec le fond, avec le projet de loi tel qu'il est, et, pourtant, les membres du Parti québécois s'en gargarisent, les députés, et s'associent à un tel document. Les qualificatifs sont difficiles à trouver. J'aurai l'occasion d'y revenir. Nous pourrons le regarder, mais c'est clairement une tentative pour tromper la population. C'est malheureux.

M. le Président, il me reste juste 1 minute, mais suffisamment pour vous dire que la motion de report devra être rejetée. Elle ne peut subir un autre sort que celui-là. Elle devra être rejetée. Elle sera rejetée, parce qu'elle ne sert pas véritablement à éclairer le débat. Elle ne nous mène nulle part. Dans les circonstances, j'invite ici mes collègues de l'Assemblée nationale à voter de façon à ce que nous puissions passer au projet de loi comme tel, à l'adoption de principe, et ce, dans les meilleurs délais. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le député de Louis-Hébert. Votre intervention épuise le temps qui était alloué à votre formation. Alors, je vais maintenant céder la parole à M. le député de D'Arcy-McGee. M. le député de D'Arcy-McGee, vous disposez d'une période maximale de 10 minutes.

M. Robert Libman

M. Libman: Merci, M. le Président. Malgré nos inquiétudes et malgré le fait que nous allons apporter des amendements sur le fond de ce projet de loi, cette motion de report, nous la trouvons un peu surprenante, un peu irréfléchie et, dans le plan logique, elle ne fait pas beaucoup de sens, M. le Président.

Le député de Lac-Saint-Jean a demandé où est l'urgence de faire passer la loi 86. M. le Président, le gouvernement a jusqu'au 22 décembre pour décider si, oui ou non, il va renouveler la clause «nonobstant» pour maintenir l'interdiction de langues autres que le français sur les affiches commerciales. C'est une interdiction qui a été renversée fermement par tous les niveaux des tribunaux. Ce n'est pas, M. le Président, une échéance artificielle. Ce n'est pas comme un autre projet de loi où l'Opposition est capable de seulement demander un vote de report, une motion de report, parce que, ici, il y a une échéance ferme, une échéance importante, une échéance constitutionnelle: le gouvernement doit décider, avant le 22 décembre, si, oui ou non, il va renouveler la clause «nonobstant», parce que la clause «nonobstant», M. le Président, va expirer en décembre. (20 h 40)

Si on reporte ce projet de loi de 6 mois, on va arriver à une décision de dernière minute, à une décision qui ne pourra pas être faite avec la réflexion nécessaire pour une question aussi importante, aussi émotive que ça. Même la députée de Chicoutimi a demandé de reporter ce projet de loi jusqu'après les prochaines élections, en oubliant ou en ignorant complètement cette échéance très importante, très réelle. Il faut qu'elle réalise, M. le Président, que, si le gouvernement n'agit pas avant le 22 décembre pour réinvoquer la clause «nonobstant», il y aura un vide juridique qui va exister au Québec, et la situation qui va se réaliser, c'est que n'importe quel commerçant aura le droit de s'afficher uniquement en anglais, au Québec, si le gouvernement n'agit pas vite pour décider ou de renouveler la clause «nonobstant» ou de faire une modification à la loi, comme le projet de loi 86.

M. le Président, même la dernière phrase de la décision de l'ONU dit que le Comité doit recevoir, à l'intérieur de 6 mois, des mesures pour répondre, respecter ou rectifier la violation qu'elle a trouvée exister avec le projet de loi 178. Alors, peut-être que le député de Lac-Saint-Jean s'en fiche, de la réputation du Québec aux yeux de la communauté internationale, mais nous, les députés élus à l'Assemblée nationale, avons la responsabilité très importante de respecter cette échéance et de répondre aux attentes internationales pour au moins nettoyer l'image du Québec qui a été tachée par l'adoption du projet de loi 178, en décembre 1988. «M. le Président», in December of last year, the minister announced that he would be revising the French language charter in light of this very important timetable of the renewal of the «notwithstanding» clause by December. And we have to say, in the Opposition, despite some of our concerns about Bill 86, that this initiative by the government was very responsible, because this government, in the past, has been known for delaying important decisions, for waiting until the last minute to make important decisions, and this, in the past, has resulted in very unsatisfactory solutions. Bill 178, for an example of this inside-outside solution, which was hammered out at the last second satisfied no one. The government has been accused for improvising its constitu- tional posture in the past because of the fact that it was unable to make a decision until the last moment.

So, here we have a situation before us where the Official Opposition is not necessarily satisfied. We are not necessarily satisfied, but we have to at least recognize that the government has made a firm decision, has made a decision, has attempted to address this problem, has tabled a piece of legislation, and they are moving towards the adoption of this legislation without waiting for the last minute. The result of this motion to delay by 6 months would force us all into a situation where, at the last minute, we would have to quickly patch something together that you can be sure would satisfy absolutely no one.

We, as I said, find Bill 86 unsatisfactory to a certain extent and, in fact, lacking. It does not go far enough. But it still must be adopted, as far as we are concerned, because it is a step forward for Québec society and it is an improvement over the status quo. Not only would a delay of 6 months conflict with the legal obligation that everyone in this House must meet by December of 1993, but it also conflicts with the moral obligation that this government is faced with. Because delaying the adoption of this legislation by another 6 months would further add insult to injury to an anglophone community that has been left to feel like a community of second-class citizens since the adoption of Bill 101 in 1977.

In 1977, Bill 101 was passed. Section 58 of Bill 101 was challenged immediately once a Charter of Rights and Freedoms was adopted. Very responsibly, very patiently, the anglophone community of Québec brought their concerns about Section 58 before the courts. The Superior Court of Québec, unanimously, the Appeal Court of Québec, unanimously, the Supreme Court of Canada, unanimously, all struck down the restrictions contained in Section 58 of Bill 101. And I have to say, «M. le Président», that since 1977 it has been a very painful period for Quebeckers whose origins are English-speaking, because not only did this legislation violate our individual freedom to advertise commercially in our own commercial establishments in our own languages, but it moved towards erasing our own identity, hiding our own identity, telling us that our language must be hidden indoors. And this, to an anglophone community that has played a vital role in the development and the history of Quebec society, to be told that we must hide our face, that we must hide our language, was an insult that no one in this House can properly understand or grasp.

And all along, «M. le Président», since 1977, during these court battles, the anglophone community waited and always felt deep down that this change, that these restrictions would be lifted one day, that they would disappear one day. With each court victory there was more hope for the future while, at the same time, the numbers of the anglophone community continued to diminish as people were continually fed up and many young people just got up and left Québec.

In 1985, the government was reelected with a

promise to restore to the English-speaking community its rightful right to be able to advertise in its language and its right to be able to see its own face on public signs. There was much hope during the 1985 election, and there was very much hope when the Liberals were reelected in 1985. I remember how excited I was personally when the Liberal Party of Québec was reelected in 1985, replacing 9 years of the PQ government. Therefore, when the Premier of Québec, in 1988, after all these victories in the courts, reinvoked the «notwithstanding» clause, the anglophone community of québec was insulted deeply and was hurt deeply, even to the point of electing 4 members to a fledgling political party founded by someone who had no political experience whatever. anglophones in that election, in 1989, stood tall and they said they would not take some of these restrictions lightly any more, and they sent 4 delegates to the national assembly.

Four years later, with the United Nations' decision, it confirmed these earlier decisions and it has finally convinced the Minister responsible for the French language charter that what he believed is freedom of expression. And we have witnessed his valiant defense for the past several months with the government orientation and over the past 3 weeks the way he has defended this proper course that the government is ready to take.

The government is now ready to make some of these changes. The population is ready to make some of these changes. To put it off for 6 more months as the Official Opposition would like by this «motion de report» would deepen the «malaise» in Québec. It would continue to polarize our society and continue to bring upon our society some of the economic constraints, some of the social constraints that have resulted because of these restrictions in our minority communities over the past 15 years.

The next 6 months, «M. le Président», could act as the beginning of a healing period as the government lifts some of these restrictions as soon as possible. On the one hand, it would send a very important signal to the anglophone community that they do play a vital role in Québec society, and, at the same time, the majority of Quebeckers would realize that the presence of English on signs with French predominance does not in any way endanger the future of the French language in Québec.

So, in conclusion, «M. le Président, pour terminer», putting off for 6 months this legislation would continue the spectacle that we have seen this afternoon. It would hurt our society. There is no reason to put this debate off for 6 months, to put off this «projet de loi» for 6 months. We must meet our legal and moral obligations to pass this legislation, to respond to the United Nations, to respond to the Supreme Court, before the delay of 5 years meets us in December. It is a responsibility for everyone in this House to make sure that this draft bill passes in due time, and then the government will be able to move on to meet some of the crucial challenges that really face minority communities in Québec. Therefore, we will be voting against this «motion de report, M. le Président».

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le député de D'Arcy-McGee. Vous avez épuisé le temps alloué à l'ensemble des députés indépendants. M. le député d'Abitibi-Ouest, leader adjoint de l'Opposition officielle, il reste à votre formation 41 minutes. Vous avez droit à un maximum de 30 minutes. (20 h 50)

M. François Gendron

M. Gendron: Merci, M. le Président. Je veux, tout simplement, invoquer 5 raisons ? il y en aurait plusieurs ? fondamentales, importantes, selon moi, pour justifier la motion de report de ma collègue, la députée de Chicoutimi. Première raison, il est un peu inconcevable, sur un projet de loi aussi significatif, aussi important quant à l'avenir des Québécois, autant les anglophones que les francophones, que nous exigions que les parlementaires en adoptent le principe sans avoir entre les mains les règlements. Le ministre lui-même, le parrain du projet de loi, a affirmé publiquement que les règlements pourraient être déposés plusieurs mois après l'adoption du principe d'un projet de loi. Et je me rappelle, lui-même ? parce que, le parrain du projet de loi, j'ai la chance ou la malchance, ça dépend des versions, de le connaître depuis plusieurs années ? l'avoir entendu s'exprimer, et je le cite. Il disait, M. le Président: Nous ne pouvons avoir une connaissance complète, détaillée de beaucoup de législations si le législateur ne dépose pas les règlements au même moment où on adopte la législation. Et c'est un petit peu inconcevable que ces gens-là laissent croire qu'il s'agit uniquement d'une motion dilatoire, alors que vous savez bien que c'est à l'intérieur des règlements que nous allons trouver la substance de l'application de ce projet de loi là.

Juste à titre d'exemple, parce que, en 15 minutes, on n'a pas le temps d'illustrer pendant des heures, je voudrais juste citer l'article 22: «Le présent article n'empêche pas l'enseignement dans une langue autre que le français afin d'en favoriser l'apprentissage, selon les modalités ? M. le Président, selon les modalités ? et aux conditions prescrites dans le régime pédagogique établi par le gouvernement.»

Même, d'ailleurs, la ministre de l'Éducation ? ce qui fait un peu drôle ? qui est la responsable de l'application du régime pédagogique, elle ne sait pas de quoi il s'agit, elle n'a aucune idée de l'impact sur les clientèles et elle est ministre de l'Éducation. Puis on essaie de nous faire accroire qu'on serait des gens, ici, irresponsables d'exiger le report de ce projet de loi là, au moins pour que le gouvernement dépose les règlements.

Est-ce que ça s'arrête là, M. le Président? Bien non! J'ai compté le nombre d'articles; je pense que c'est 26. À 26 reprises, on fait référence aux règlements dans un projet de loi qui a à peu près ça, 26 articles. Je pourrais continuer à l'article 32. Et ça, c'est des faits, ce n'est pas le député de Louis-Hébert qui nous fait une

histoire sur Bolivar. À l'article 32, c'est très clair: «II y a appel de toute décision rendue par les personnes désignées par le ministre de l'Éducation», et on dit: Les règlements permettront de voir comment ces modalités s'appliqueront. L'article 39 du projet de loi: «II traite également des questions se rapportant au défaut de respect de la présente loi et des règlements adoptés conformément à celle-ci.» J'arrête là.

Je veux juste dire, M. le Président, qu'il me semble que ce n'est pas être démagogue que de dire qu'un projet de loi aussi important, aussi significatif... Si ces gens-là avaient un minimum de respect envers la démocratie, si ces gens-là étaient responsables et démocrates, ils conviendraient qu'on ne peut pas adopter une législation comme celle-là, aussi significative dans sa quintessence, dans ses principes de fond, si on n'a pas l'occasion d'apprécier les règlements qui détailleront ou préciseront les modalités d'application. Je veux bien qu'ils soient au gouvernement, je veux bien qu'ils décident. Ça, je ne disconviens pas de ça, M. le Président. Je dis juste qu'il est inimaginable et impensable que ce gouvernement-là pense qu'il est légitime d'adopter le 86 sans la présence et la connaissance des règlements qui vont nous guider dans les modalités d'application.

Et, comme le disait, en conclusion là-dessus, le parrain de ce projet de loi, et je répète, M. le Président: II faut savoir que, dans beaucoup de législations, quels que soient les gouvernements, nous trouvons les motifs et les justifications d'une législation dans le contenu de ses règlements. Or, ces règlements, seul Dieu le Père les a en sa possession, et je n'aime pas bien, bien ça, comme parlementaire, me faire demander de me compromettre sur un principe en disant: Fais confiance à Dieu le Père; lui, il va s'occuper de la réglementation. Premier motif pourquoi on exige le report.

Deuxième motif. Est-ce qu'on est convaincus, M. le Président, que l'adoption du projet de loi 86 va contribuer à assainir ce que j'appellerais le climat social au Québec? Moi, je pense que non. Est-ce que je suis le seul à penser comme ça? Non. Je cite ici: La CECM prédit les plus graves problèmes. Le projet de loi 86 menace la paix sociale. Et, juste, encore là, très, très succinctement, dans une citation: La paix sociale sera menacée, le Québec deviendra officiellement une province bilingue et 20 ans de promotion du français seront remis en question. Les directeurs d'école, les professeurs, les cadres, les employés de soutien de la CECM prédisent les plus graves problèmes.

Tantôt, on disait: Ah, il n'y a que les «nationaleux», les nationalistes, les péquistes. On commence à être nombreux, on commence à être très nombreux parce que, quand eux ont fait cette sortie-là, c'était effectivement pour démontrer qu'il était rare que tous les regroupements de personnels de la Commission des écoles catholiques de Montréal adoptent une position commune. Sept organismes représentant plus de 10 000 employés de la CECM ont voulu, hier, fustiger conjointement un projet de loi jugé dangereux. Puis on serait des irresponsables, on serait des gens qui veulent employer des mesures dilatoires! Moi, il me semble, M. le Président, que c'est un autre argument qui plaide en notre faveur et qui est très rationnel. Il n'est pas porté uniquement par les gens de l'Opposition officielle.

Troisième argument pourquoi je prétends qu'il y a lieu de penser que ça serait pas mal plus sage de dégager un peu de perspective et de regarder qu'est-ce qui se passe, je cite, entre autres, l'éditorial de M. Raymond Giroux, où il parlait de l'incohérence, de l'incompétence, mais je cite juste sa finale: Le projet de loi 86 ne répond ni à l'un, ni à l'autre des critères qu'il avait énumérés. Regardez, M. le Président, comment il finit: Le projet de loi 86: trop touche-à-tout et hors foyer, le texte actuellement sur les planches mérite un sérieux resserrement, d'une part, et un accompagnement essentiel, c'est-à-dire une charte des droits anglophones dans un Québec francophone.

Moi, je ne veux pas illustrer mon propos par le fond du point de vue de M. Raymond Giroux. Je veux juste illustrer qu'il y a d'autres personnes que nous qui prétendent que le projet de loi 86 aurait beaucoup de mérite à être resserré afin de s'assurer que les dispositions à chacun des articles disent exactement ce qu'elles veulent dire et non pas que ça soit une espèce de gare centrale où il y en a pour tout le monde, puis on verra après, ce n'est pas grave; le pape en décidera dans sa grande sagesse. Et je le connais, j'ai eu l'occasion de travailler... On ne peut pas, je pense, constamment s'en remettre à un seul homme au Québec pour l'avenir du fait français. Ça m'apparaît plutôt irresponsable de dire: Dorénavant, dans la société québécoise, il y a un maître à penser en termes d'application de la langue française, c'est le ministre responsable de la langue française. Je ne pensais pas qu'on était rendus dans une société chilienne.

Autre exemple, quand M. Daniel Turp dit: Langue d'affichage: le projet de loi 86 laisse trop de latitude au gouvernement. À ce que je sache, M. Turp n'est pas devenu membre de l'Opposition officielle. Ce n'est pas un péquiste assis sur les banquettes qui veut retarder le projet de loi 86. C'est un constitutionnaliste réputé, professeur agrégé à la Faculté de droit de l'Université de Montréal. Dans un article très calme, très articulé, pas mal différent du discours de fou auquel on a eu droit, pendant une demi-heure, du député de Jean-Talon qui aurait fait le même discours, de toute façon...

Une voix: Louis-Hébert.

M. Gendron: De Louis-Hébert, pardon ...qui aurait fait exactement le même discours, motion de report ou pas... Il dit: J'ai hâte de parler sur le fond. Je vous gage, M. le Président, qu'on aurait eu droit au même discours, exactement le même discours, on le connaît. Peu importent les sujets traités, il prend la demi-heure, puis on est des ci et des ça, ce n'est que des insultes.

Daniel Turp, qu'est-ce qu'il dit? Langue d'affichage, laisse trop de latitude au gouvernement. Il est d'accord que le gouvernement prenne les décisions finales,

mais il n'est pas d'accord que le projet de loi sur la langue française reste entre les mains d'un seul homme. C'était le troisième argument pour la motion de report.

Le quatrième argument qui est aussi très valable, c'est l'avis du Conseil de la langue française. Le Conseil de la langue française, est-ce qu'il a dit que tout était beau et parfait dans ce projet de loi là? Il a dit: «Les acquis de la francisation restent fragiles. Un document du Conseil de la langue française le prouve». Pas en parle, pas en discute. Imaginez, c'était juste l'organisme aviseur, ça, c'était juste l'organisme aviseur de ce gouvernement-là. Il écrit un document et il dit: «Les acquis de la francisation restent fragiles.» Puis, là, il explique qu'est-ce que ça signifie la fragilité des acquis de la francisation. (21 heures)

Puis il dit: Dans le projet de loi 86, on ne retrouve aucune disposition qui pourrait sécuriser les éléments suivants que le Conseil de la langue française a dénoncés. Ce n'est pas une mince affaire. Ce n'est pas un petit point de vue partisan, là, limité à l'Opposition officielle, comme ils essaieraient de le laisser voir de l'autre côté. C'est un point de vue fondamental, majeur. Pensez-vous que ça ne mériterait pas un petit peu de temps de réflexion, de dégagement pour que le ministre prenne du recul par rapport à sa législation, qu'il regarde les impacts, qu'il évalue davantage? Et 6 mois, il n'en a pas de trop. Puis il n'y a pas le feu, comme disaient certains de nos collègues, il n'y a pas péril en la demeure. C'est vous autres mêmes, il y a quelques semaines, quelques mois: On va s'occuper d'économie. Ça paraît en étoile, votre occupation d'économie! Les régions se meurent, chômage sans précédent. Ces gens-là s'occupent d'économie. Puis, à un moment donné, une diversion: On va s'occuper de la langue.

Cinquième raison, toujours parce que le temps file, cinquième raison. Pourquoi il y a lieu de proposer la motion de report? C'est le bilan des audiences particulières. Je n'en reviens pas qu'on ne regarde pas ça, moi. Surtout là, il y a eu encore une phrase absolument invraisemblable et sans précédent du député de Jean-Talon. Il a dit: Nous autres, le gouvernement...

Une voix: Louis-Hébert.

M. Gendron: Louis-Hébert, excusez. Il a dit: Nous autres, au gouvernement, on regarde la représentativité des groupes. Je n'ai jamais entendu une affaire de même. Je n'ai jamais entendu ça de ma vie, en 17 ans. Nous, on ne regarde pas la représentativité, on regarde les mémoires et les groupes. Puis, on a beau être qui que ce soit, comme analyse, ça donne moitié-moitié, en gros, là. Moitié-moitié. Là, je ne parle pas de tous ceux qui ne sont pas venus. Je parle des 23 qui sont venus. Il y en a la moitié qui est favorable, puis il y en a la moitié qui n'est pas favorable. Puis, il se peut que les raisons de ceux qui sont favorables soient tout aussi bonnes que celles de ceux qui ne sont pas favorables.

Mais ce n'est pas ça que je veux illustrer, M. le Président. Je veux illustrer qu'il me semble que, si on avait affaire à un ministre un peu responsable, je regarderais ça un peu, je prendrais quelques semaines pour analyser ça plus en profondeur. Comment se fait-il que, pour sa conclusion à lui, le ministre est arrivé et a dit: Moi, je conclus que les consultations particulières n'ont rien changé au projet de loi 86. Il n'y a pas de raison de modifier quoi que ce soit. C'est ça qu'il a dit. Il n'y a aucune raison pour le gouvernement de modifier quoi que ce soit, suite à la comparution des 42 organismes invités, des 18 qui se sont désistés, des 23 qui ont été entendus, puis moitié-moitié: la moitié sont favorables, la moitié ne sont pas favorables. Il me semble que quelqu'un de démocrate, de responsable devrait tenir compte de cette réalité d'aujourd'hui, suite aux consultations particulières, où il y a vraiment 2 tendances, 2 thèses qui se confrontent, ce qui laisse voir que ça devrait être beaucoup plus apprécié.

Voilà, M. le Président, les 5 raisons pour lesquelles ? et je pourrais en trouver d'autres ? 5 raisons très crédibles, très sérieuses, qui devraient amener un gouvernement à réfléchir. On n'a pas les règlements, c'est moitié-moitié, il n'y a aucune urgence, c'est dangereux pour la paix sociale, puis le ministre parrain du projet de loi disait lui-même: Nous retrouvons souvent la quintessence d'un projet de loi lorsqu'on reçoit le dépôt des règlements qui les accompagnent. Nous ne les avons pas, et nous ne les aurons pas avant plusieurs semaines. Ce n'est pas très responsable, et c'est pour ces motifs-là qu'on a proposé un report, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, M. le député de Laviolette, votre formation dispose encore de 29 minutes. Allez-y, on vous écoute.

M. Jean-Pierre Jolivet

M. Jolivet: Merci, M. le Président. J'en prendrai quelques-unes, laissant à M. le chef de l'Opposition le soin de terminer, et en vous disant que j'essaie de regarder quelle est l'urgence d'adopter le projet de loi. Si je regarde, en vertu des décisions qui nous obligent à prendre une certaine responsabilité, et par le fait même, à déterminer que nous avons une décision à prendre, je le comprendrais très bien. Nous savons qu'en vertu de la Constitution canadienne, compte tenu de la loi 178 qui a été passée, pour éviter qu'elle ne soit contestée devant les tribunaux, il fallait utiliser une clause «nonobstant». Cette clause-là, en vertu des lois qui nous gouvernent, indique que, après 5 ans, il faut soit la renouveler, soit la changer, selon ce qui est évolutif dans la société, et faire en sorte, finalement, que l'on prenne une décision qui soit plus conforme à la réalité d'aujourd'hui qu'elle ne l'était il y a 5 ans, il y a 10 ans ou il y a 20 ans.

Dans le cas qui nous préoccupe, donc, il y avait une certaine forme d'urgence à prendre une décision sur la clause «nonobstant». Ça dispose de ce qu'est l'affichage, M. le Président, puisque c'était une décision de la cour, et ça nous indiquait, par le fait même, que nous avions à protéger la langue française au Québec, de

façon à ce que, comme le disait la loi 178, même si nous étions contre, à l'époque, ce que le gouvernement avait pris comme décision, c'était de prévoir l'unilin-guisme à l'extérieur des commerces, et la possibilité d'utiliser une autre langue à l'intérieur des commerces. Bon, voilà donc ce départ de nos actions, c'est la clause «nonobstant».

Qu'est ce qui obligeait maintenant le gouvernement à aller plus loin, à aller chercher davantage que la langue d'affichage? C'étaient des raisons politiques. Il y a peut-être urgence pour le gouvernement d'agir ainsi, puisque, quand on regarde le calendrier électoral, il y a, à un moment donné, une décision qui sera prise par le gouvernement, par le premier ministre, de déclencher des élections, et il lui fallait aller récupérer un électorat qui était captif à l'intérieur d'un parti qui avait contesté, à l'époque de 1989, la décision gouvernementale et, par le fait même, obtenu des sièges et des votes à l'Assemblée nationale. Nous avons, M. le Président, donc, des urgences qui appartiennent au niveau politique gouvernemental, mais pas à l'ensemble de la population du Québec.

En fin de semaine, comme plusieurs parmi nous, j'ai eu l'occasion, à l'intérieur de mon comté, d'aller rencontrer des gens. Des jeudi, j'étais en réunion avec des personnes qui sont venues à Trois-Rivières discuter, justement, de ce qu'est la loi qui est devant nous, la loi 86, et des centaines de personnes se sont réunies à la marina, à l'île Saint-Quentin, pour écouter des personnes venant leur expliquer les dangers qu'il y a à l'adoption d'un tel projet de loi. On leur a dit, comme membres de l'Opposition, que nous ferions tout ce qui était possible pour faire reculer le gouvernement, mais qu'un jour, une décision sera prise, puisque, le nombre l'emportant, nous serions probablement battus. Mais, une chose qui est certaine, c'est que ça ne resterait pas là.

Mais, entre-temps, ces gens-là ont pris connaissance des dangers qui sont dans le projet de loi 86 sur la langue d'enseignement, sur le fait que des jeunes, à Montréal en particulier, qui sont actuellement en immersion française, dans des classes complètement en français, parce que ce sont des gens qui ne sont pas de langue maternelle ni française ni anglaise, seront dans des conditions pédagogiques épouvantables lorsque, par la permission du projet de loi, ils pourront être à la fois en immersion française et à la fois en immersion anglaise, ce qui n'a pas de bon sens au point de vue pédagogique.

Il n'y a personne qui peut nous contredire que ce n'est pas possible par le projet de loi 86: les gens de la Commission des écoles catholiques de Montréal, les gens du Protestant School Board of Greater Montreal. Il y a des gens qui nous disent ce que ça peut amener comme conséquence et nous croyons effectivement que des gens dans la société sont capables de comprendre ça, même si des députés, ici en cette Chambre, ou même le ministre, qui essaie de dire qu'on ne comprend jamais rien. Quand on n'est pas de l'avis du ministre, c'est parce qu'on ne comprend rien, qu'on n'a rien étudié. Ce qui est faux, ce qui est totalement faux, M. le Président.

J'ai eu l'occasion aussi, vendredi, samedi et dimanche, de rencontrer différents groupes: le club Lion, à un souper, les gens de l'AFEAS, qui fêtaient leur vingtième anniversaire, des gens à Sainte-Thècle, dans mon comté, où je suis allé hier à une activité qui s'appelle «la tire de chiens», qui permet à des gens de nous parler, parce qu'on est proche d'eux autres, et puis il n'y a personne qui m'a dit que, pour elle, il y avait urgence d'adopter un projet de loi pour permettre d'apprendre l'anglais en classe d'immersion. Il n'y a personne qui, parmi ceux que j'ai rencontrés, m'a dit qu'il y avait une autre urgence que celle de s'occuper de l'économie. Ça, par exemple, j'en ai entendu parler, en fin de semaine, des gens qui m'ont dit que le gouvernement, par l'intermédiaire du débat qu'il faisait devant nous, était en train de faire oublier complètement les déboires économiques que les gens vivent à tous les jours, les difficultés économiques que les gens vivent à tous les jours.

Dans ce contexte-là, ils disaient: Pourquoi le gouvernement a encore enclenché un débat sur quelque chose qui ne nous préoccupe pas comme la question du travail, la question de la pauvreté, la question, qui, à tous les jours, nous confrontent comme citoyens: c'est-à-dire les difficultés que nous avons de pouvoir répondre à ce que le ministre des Finances est venu nous mettre sur la tête, payer des impôts, alors que, dans certains cas, on a de la difficulté à arriver. (21 h 10)

Alors, M. le Président, l'urgence, la seule urgence qui existait, c'était dans la tête du gouvernement. Ce n'est pas une urgence qui, à première vue et qui, après étude, est une urgence que les gens de la société entière jugent comme étant essentielle, qu'il est primordial de passer un tel projet de loi. Ma collègue est venue nous dire qu'il y a encore du temps devant nous pour étudier tout le reste du projet de loi, qui est l'ensemble de la langue d'enseignement, qui est l'ensemble des clauses autres que la question de l'affichage qui devait être réglée ? il y a encore du temps devant nous. Il n'y a rien qui nous oblige à le passer immédiatement. On peut revenir à la session de l'automne. On peut revenir à une session qui s'ouvrira au mois d'octobre pour faire passer une telle décision, mais, entre-temps, les gens dans la société auraient la chance d'en discuter plus à fond, de faire valoir leurs points de vue et de comprendre convenablement les difficultés contenues dans le projet de loi 86.

M. le Président, c'est évident qu'avec mes collègues j'aurai l'occasion de voter pour la motion que ma collègue a présentée de façon à ce que le gouvernement, au niveau de l'ensemble du projet de loi, soit le retire, soit en fasse des amendements tellement importants qu'on pourrait peut-être voter pour, s'il faisait ces choses-là. Mais, à ce moment-ci, je ne crois pas qu'on soit capables. Et j'aurai l'occasion d'y revenir lorsqu'on arrivera au principe même du projet de loi, sur la question de la langue d'enseignement en particulier. Mais, entre-temps, M. le Président, je suis d'accord avec ma

collègue et mes collègues qu'il faut absolument voter pour la motion de report de 6 mois l'étude de ce projet de loi. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le député de Laviolette. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de l'Assomption et chef de l'Opposition officielle. M. le chef de l'Opposition officielle, vous disposez encore de 18 minutes. Allez-y, M. le chef de l'Opposition officielle.

M. Jacques Parizeau

M. Parizeau: Merci, M. le Président. Il y a déjà quelque temps, quelques mois, le Parti québécois a rendu public un rapport communément appelé le rapport Blackburn-Marsolais, du nom de ses coprésidentes, qui cherchait à tracer la place des droits des anglophones dans le cadre d'un Québec souverain. Et, à tous égards, ce rapport faisait un certain nombre de propositions qui, je pense, montrent un esprit à la fois de tolérance et de correction à l'égard des droits de la minorité anglophone, qui n'a pas été vraiment mis en doute.

Quant à la question de l'affichage, était soulevé un problème juridique qu'à mon sens on n'a pas encore tout à fait et vraiment correctement réglé: celui de savoir si la liberté d'expression commerciale fait partie de la liberté d'expression tout court. Et si on répond oui à cela, si la liberté d'expression, comme droit fondamental, est-elle un droit fondamental de l'individu, de la personne humaine, peut-être de l'entreprise qui la reflète, de la petite entreprise, ou bien si cette liberté d'expression appartient aux grandes compagnies... Sears ou Eaton ont-ils comme droit fondamental la liberté de conscience et la liberté d'expression? Moi, je réponds non, mais la Cour suprême du Canada, dans certaines de ses décisions, a répondu oui. Et, après tout, c'est la Cour suprême. Les avocats sont très, très divisés sur cette question. Alors, on a dit: On va attendre. On va demander des avis juridiques. Et, au fond, on a bien fait. On a bien fait, parce que, à la commission parlementaire sur la culture, il y a quelques jours, nous avons vu deux maires se diviser sur cette question. Le maire de la capitale nationale des Québécois, le maire de Québec, est venu dire sur cette question: Ne changez rien, gardez la loi 101 comme elle est. Et le maire de Montréal, de la métropole, est venu dire: II faudrait reconnaître, oui, le droit au bilinguisme dans l'affichage. C'est effectivement, M. le Président, une discussion qui est très importante.

Nous allons la régler entre nous, au Parti québécois, au mois d'août, à notre congrès. Et c'est là qu'il faut régler ça. Je suis très heureux de voir, du côté de ma formation politique, qu'il y a des gens des deux côtés qui, en toute tolérance les uns des autres, se rendent compte qu'il y a là une question importante et qu'ils sont prêts à en discuter avec sérénité et sérieux, et à trancher.

Ce qu'il y a de remarquable, cependant, aussi bien dans la position du maire de Québec que dans celle du maire de Montréal, c'est qu'elles sont toutes les deux incompatibles avec la loi 86. L'une et l'autre sont incompatibles. On peut difficilement s'appuyer sur d'autres mouvements municipaux ou d'autres représentants du mouvement municipal pour savoir ce qu'ils pensent à ce sujet. L'Union des municipalités régionales de comté a dit: Je ne me présente pas en commission. L'Union des municipalités du Québec a dit: Je ne me présente pas en commission. Il n'y a eu qu'un autre maire, en fait, qui s'est présenté en commission, ça a été le maire de Rosemère, pour remercier le gouvernement. On le comprend. On le comprend. Mais le maire de la capitale nationale a dit: Ne touchez à rien. Et le maire de Montréal a dit: Créneau de la reconnaissance des droits individuels dans l'affichage. Les deux positions sont incompatibles avec celle du gouvernement.

Il est parfaitement inutile de chercher à faire passer, comme on l'a cherché ? moins depuis quelques jours parce que, manifestement, politiquement, ce n'est pas payant ? de faire passer tous ceux qui ne sont pas d'accord avec le gouvernement pour des fanatiques, des racistes, etc. Non. Il y a là un débat qui était important, qu'on n'aurait peut-être pas dû chercher à régler de façon aussi précipitée, de façon aussi large aussi, parce que la loi 86 va, comme on le sait, bien au-delà de l'affichage seulement.

On l'introduit dans le domaine de l'enseignement, dans le domaine de la langue de l'administration, dans la langue des tribunaux, dans la langue du fonctionnement de nos institutions. On va au coeur de ce qui était l'objectif de la loi 101, c'est-à-dire qu'au lieu d'introduire et de garder cette notion de la langue française langue commune des Québécois et langue nécessaire des Québécois, là, on introduit une sorte de bilinguisation systématique, avec prédominance. C'est un concept complètement incompatible avec la loi 101. On en discutera quant au fond un peu plus tard ce soir, mais c'est tout à fait une autre conception des choses.

Venons-en à la question du report. Le maire de Montréal, quelques jours avant de témoigner devant la commission, disait ceci ? et là je prends le reportage qui est fait le 18 mai dans La Presse, au sujet de sa déclaration devant le Club canadien: Son inquiétude ? celle du maire Doré, dit le journaliste ? lui vient notamment du fait que le Parti québécois, advenant son élection, pourrait «modifier le projet de loi 86 pour rendre à nouveau obligatoire Funilinguisme français en matière d'affichage commercial». On ne saurait mieux dire. M. Doré se dit, par ailleurs, étonné que deux gouvernements successifs aient «refusé aux petits commerçants un droit qu'ils réclamaient alors qu'on s'apprête à donner aux grands magasins un droit qu'ils n'ont jamais demandé». Il estime que l'usage des deux langues dans l'affichage commercial des petits commerces pourrait constituer une solution intéressante à ce débat qui n'en finit plus. (21 h 20)

Le Conseil du patronat, quelques jours plus tard, émettra un communiqué ? avant de se présenter à l'Assemblée nationale ? extrêmement significatif. Très,

très intéressant. Il ne faut pas oublier que le Conseil du patronat, vous le savez, M. le Président, est à peu près l'appui le plus solide dont ce gouvernement dispose encore dans l'opinion publique. Or, dans ce message, ce communiqué du Conseil du patronat, qu'est-ce qu'on dit au sujet de la loi 86? Bien sûr, on commence par dire que c'est une excellente loi, c'est merveilleux, c'est épatant, c'est la meilleure invention depuis le pain tranché. On s'y attendait. Mais, un peu plus loin, M. Du-four s'empresse de préciser qu'«appuyer la reconnaissance de l'affichage bilingue par le législateur est une chose, et encourager les entreprises à laisser tomber automatiquement, sans nuance, l'unilinguisme français en est une autre. En fait, le CPQ, le Conseil du patronat, recommandera à ses membres de maintenir l'affichage unilingue français dans tous les cas où cela leur serait possible et acceptable». Fin de la citation.

Tiens, tiens, tiens! Tiens! Alors, en somme, le principal appui du gouvernement lui dit: Bon, bien, écoutez, passez la loi s'il le faut, mais appliquons-la le moins possible. C'est ça. Moi, c'est la première fois, je n'ai jamais vu une réaction pareille. Il faut dire que, alors que certains des thuriféraires du gouvernement, n'est-ce pas, dans une certaine presse, veulent faire passer tous les milieux patronaux en faveur du gouvernement, qu'est-ce qu'on a entendu, en commission?

On a entendu que la Chambre de commerce de Québec refusait de se présenter. On a entendu dire que l'Association des manufacturiers du Québec qui, normalement, est de tous les débats, a refusé de se prononcer. On a entendu dire que la Chambre de commerce de Montréal, comme aboutissement logique de sa fusion avec le Board of Trade, il n'y a pas si longtemps, est venue dire au gouvernement que c'était merveilleux, ce qu'il faisait. Et puis, le Conseil du patronat, qui a émis les réserves dont je viens de parler, plus une, majeure, sur laquelle je reviendrai dans quelques instants, qui est celle du pouvoir réglementaire donné au gouvernement. C'est ça qu'on appelle un appui indiscutable des milieux patronaux au gouvernement? Bien, il se contente de peu, ce gouvernement.

De mon côté, je me suis engagé à faire en sorte que, lorsque le Parti québécois prendra le pouvoir, la loi 86, si elle a été passée dans l'intervalle, sera abolie. C'est, je pense, être simplement logique avec nos convictions, avec l'assurance que cette loi 86 mine les fondements mêmes de la loi 101 et, sous le couvert de dispositions parfois un peu difficiles à saisir dans le vague, autorise le gouvernement à prendre toute une série de dispositions, un peu à sa guise, pour réaliser ce qui est fondamentalement une opération politique, c'est-à-dire éviter qu'avant la prochaine campagne électorale le vote anglophone ne se divise en deux.

La division du vote anglophone pour le gouvernement n'a pas eu de conséquences trop sérieuses en 1989, à l'élection de 1989, mais on sait qu'en 1976 la division du vote anglophone avait coûté aux libéraux ? le gouvernement du premier ministre actuel ? lui avait coûté le pouvoir. Et ils sont bien décidés, cette fois-ci, à ne pas répéter l'expérience. Et, est-ce qu'il y a quelque chose de plus commode qu'un pouvoir réglementaire à cette fin? On réglemente dans l'enseignement. On réglemente sur l'affichage. Le gouvernement se donne même le droit d'autoriser l'affichage unilingue anglais, selon les règlements. Et on ne peut pas voir les règlements, et on les aura quand on les aura.

Pour toutes ces raisons, M. le Président, il me semble qu'il est normal de demander le report de cette législation. Je ne vous cacherai pas que, si la jurisprudence de l'Assemblée nationale le permettait, j'aurais demandé un report ou j'aurais fait demander par la députée de Chicoutimi un report après la prochaine élection. Là, de deux choses l'une, ou bien le gouvernement actuel aurait été réélu, auquel cas il la passerait comme il veut ? mais là, cette fois-ci, il ne pourrait plus invoquer l'argument électoral; il pourrait bien essayer une réconciliation des anglophones, s'il le veut, après les élections, mais, enfin, ça, c'est une chose, c'est autre chose ? et, en tout état de cause, il aurait reçu le mandat de modifier, de toucher au fondement même de cette législation qui a tellement transformé le Québec, c'est-à-dire la loi 101; ou bien il perdait le pouvoir à la prochaine élection, le gouvernement. S'il perd le pouvoir, alors, dans ces conditions, il est évident que jamais un gouvernement du Parti québécois ne s'engagerait dans ces voies.

Ce qui ne veut pas dire ne pas reconnaître, dans un Québec souverain, les droits de la communauté anglophone. Ce qui ne veut pas dire d'avoir une attitude fermée. Ce qui ne veut pas dire, sur le plan de l'affichage, ne pas bouger du tout. Ce qui veut dire simplement qu'on n'ouvrirait pas ces portes que la loi 86 ouvre. Et, surtout, on ne laisserait pas les espoirs que, dans certains milieux, en particulier des communautés ethniques et allophones du Québec, une législation pareille va ouvrir. En même temps aussi:.. Parce que nous en avons de plus en plus d'échos ? nous en avons de plus en plus d'échos, à l'heure actuelle ? de ceux qui, dans ces communautés allophones, se disent: Nous avons été piégés...

Il faut comprendre, M. le Président, que depuis une quinzaine d'années, il y a un bon nombre de parents, dans les milieux allophones, qui ont envoyé leurs enfants à l'école française, même si ça ne leur plaisait pas. Mais ils étaient des citoyens corrects qui ont obéi à la loi. Et maintenant, ces gens-là vont apprendre qu'ils ont simplement été l'objet d'une sorte de discrimination historique, parce que ceux d'entre eux qui, maintenant, ont des enfants en âge d'aller à l'école vont avoir un créneau pour être capables d'entrer dans l'école anglaise. Je vous dis simplement: Attention aux répercussions. Quand des gens ont l'impression d'avoir été joués comme ça... On joue avec des gens et on ne devrait pas jouer avec des gens.

Donc, M. le Président, à tous égards, moi, j'aurais préféré demander un report après la prochaine élection; ça n'est pas possible, en vertu de notre jurisprudence. On a examiné un certain nombre de décisions qui ont déjà été rendues. Il est clair que, si on demande un report pour plus de 6 mois, il est possible et, dans

certains cas, probable, que vous déclariez ça non rece-vable, et c'est la raison pour laquelle nous demandons un report de 6 mois. Remarquez que, 6 mois, en un certain sens, c'est mieux que rien, pour la raison suivante. C'est que, pendant ces 6 mois, le gouvernement pourrait rendre publics ses projets de règlements. Et donc, au moment où la loi serait adoptée en cette Chambre ? parce que le gouvernement a encore sa majorité, il va pouvoir la faire passer, s'il le veut ? on pourrait, cependant, faire en sorte de connaître les règlements et de savoir dans quoi le gouvernement est en train de nous engager.

Voilà, M. le Président, ce que nous demandons ce soir, sans acrimonie, sans goût particulier de reporter la décision ou de gagner du temps. Ce n'est pas une mesure dilatoire. Après tout, nous ne nous sommes engagés, avec cette motion de report, que dans un débat de 2 heures. Deux heures pour quelque chose de cette importance, on ne nous fera pas croire que c'est simplement une façon de perdre du temps. Non, il y a là quelque chose d'important, M. le Président, je pense, quelque chose de fondamental. Est-ce qu'on peut demander au gouvernement, même s'il est absolument décidé à la faire passer, sa loi, d'abord, de sortir les règlements dont il vient de s'arroger le droit, un droit très étendu, de sortir ces règlements avant de voter la loi, de façon à ce que nous sachions dans quoi il cherche à nous embarquer? Est-ce que c'est trop demander, M. le Président? Nous attendons calmement la réponse du gouvernement, avant d'aborder le débat de fond. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le chef de l'Opposition officielle. Votre intervention met fin au débat sur la motion proposée par Mme la députée de Chicoutimi, que je vais maintenant mettre aux voix. Cette motion se lit comme suit: «Que la motion en discussion soit modifiée par le remplacement du mot "maintenant" par les mots "dans six mois".»

Des voix: Vote nominal.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Vote nominal. Alors, qu'on appelle les députés. (21 h 30 ? 21 h 36)

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, mesdames et messieurs les députés, si vous voulez regagner vos banquettes, s'il vous plaît. S'il vous plaît!

Mise aux voix

Alors, je mets aux voix la motion de Mme la députée de Chicoutimi, qui se lit comme suit: «Que la motion en discussion soit modifiée par le remplacement du mot "maintenant" par les mots "dans six mois".»

Que ceux et celles qui sont en faveur de cette motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît.

Le Secrétaire adjoint: M. Parizeau (L'Assomp- tion), M. Chevrette (Joliette), Mme Blackburn (Chicoutimi), Mme Marois (Taillon), Mme Harel (Hochelaga-Mai-sonneuve), M. Jolivet (Laviolette), M. Baril (Arthabas-ka), Mme Juneau (Johnson), Mme Caron (Terrebonne), M. Dufour (Jonquière), M. Lazure (La Prairie), M. Gen-dron (Abitibi-Ouest), M. Brassard (Lac-Saint-Jean), M. Léonard (Labelle), M. Paré (Shefford), M. Morin (Du-buc), M. Holden (Westmount), M. Trudel (Rouyn-No-randa?Témiscamingue), Mme Carrier-Perreault (Les Chutes-de-la-Chaudière), M. Bélanger (Anjou).

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Que ceux et celles qui sont contre cette motion veuillent bien se lever.

Le Secrétaire adjoint: M. Paradis (Brome-Missisquoi), M. Rémillard (Jean-Talon), Mme Bacon (Chome-dey), M. Ryan (Argenteuil), M. Côté (Charlesbourg), M. Dutil (Beauce-Sud), M. Côté (Rivière-du-Loup), M. Sirros (Laurier), M. Savoie (Abitibi-Est), M. Rivard (Rosemont), Mme Robic (Bourassa), M. Bélisle (Mille-îles), M. Cusano (Viau), M. Picotte (Maskinongé), Mme Robillard (Chambly), Mme Bleau (Groulx), M. Maciocia (Viger), M. Kehoe (Chapleau), M. Cannon (La Peltrie), M. Philibert (Trois-Rivières), M. Beaudin (Gaspé), M. Chagnon (Saint-Louis), Mme Dionne (Ka-mouraska-Témiscouata), M. Hamel (Sherbrooke), M. Doyon (Louis-Hébert), Mme Bégin (Bellechasse), M. Paradis (Matapédia), M. Marcil (Salaberry-Soulanges), M. Lemire (Saint-Maurice), M. Leclerc (Taschereau), M. Poulin (Chauveau), M. Williams (Nelligan), M. Dauphin (Marquette), M. Farrah (îles-de-la-Madeleine), M. Fradet (Vimont), M. Messier (Saint-Hyacinthe), M. Richard (Nicolet-Yamaska), M. Bradet (Charlevoix), M. Chenail (Beauharnois-Huntingdon), M. Gautrin (Verdun), M. LeSage (Hull), M. Joly (Fabre), M. Lafreniè-re (Gatineau), M. Bergeron (Deux-Montagnes), M. Bor-deleau (Acadie), Mme Boucher Bacon (Bourget), M. Brouillette (Champlain), M. Audet (Beauce-Nord), M. Després (Limoilou), Mme Loiselle (Saint-Henri), M. Khelfa (Richelieu), M. Lafrance (Iberville), M. Mac-Millan (Papineau).

M. Libman (D'Arcy-McGee), M. Cameron (Jacques-Cartier), M. Atkinson (Notre-Dame-de-Grâce).

Le Secrétaire: pour: 20 contre: 56 abstentions: 0

(21 h 40)

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, la motion est rejetée.

Nous revenons au débat sur la motion de M. le ministre responsable de l'application de la Charte de la langue française, proposant l'adoption du principe du projet de loi 86, Loi modifiant la Charte de la langue française. Je suis prêt à entendre le premier intervenant.

Alors, avant de vous reconnaître, M. le député de Louis-Hébert, je vais demander aux députés de décider s'ils restent à l'intérieur du salon bleu. Si c'est le cas, je vous demanderais d'écouter attentivement le député de

Louis-Hébert ou, si vous décidez de sortir, de le faire rapidement, s'il vous plaît.

Alors, M. le député de Louis-Hébert, je vous cède la parole. Vous avez droit à une intervention de 20 minutes.

Une voix: Bravo! Une voix: Encore! Encore!

Reprise du débat sur l'adoption du principe M. Réjean Doyon

M. Doyon: Merci.

Maintenant que cette Assemblée a disposé de la proposition dilatoire qui était devant elle, et présentée par la députée de Chicoutimi, il nous incombe de regarder le fond des choses, de regarder de quelle façon le projet de loi dispose de notre avenir en ce qui concerne les accommodements que nous sommes appelés à faire dans le domaine de la langue.

M. le Président, j'ai présidé la commission de la culture pendant 3 semaines. J'ai eu l'occasion d'écouter les représentations, les points de vue, la façon de voir le projet de loi 86. Les groupes se sont exprimés d'une façon vigoureuse, convaincue, parfois convaincante. Ils l'ont fait d'une façon fort civilisée, en tenant compte des us et coutumes de notre Parlement. Je peux témoigner de première main que le ministre a écouté d'une façon extrêmement attentive toutes les représentations. Il l'a fait avec un esprit ouvert. Il l'a fait en prenant des notes. Il l'a fait en posant des questions fort pertinentes, et il l'a fait aussi ? et j'en suis un témoin de première ligne, M. le Président ? sans insulter et sans agresser personne. Il l'a fait d'une façon qui est la sienne, de quelqu'un qui est rigoureux, de quelqu'un qui n'accepte pas qu'on dise oui et qu'on dise non en même temps et qu'on prétende pouvoir s'en tirer.

Qu'est-ce que vous voulez? Claude Ryan restera Claude Ryan! Il est quelqu'un qui n'accepte pas qu'on puisse être en même temps pour une chose et son contraire et qu'on le fasse sans cligner des yeux. Il n'accepte pas non plus qu'on gonfle impunément des ballons pour faire peur au monde, alors que, à l'intérieur de ces ballons, ce n'est que du vent. Il ne croit pas qu'un danger existe parce qu'on l'appelle de tous ses cris. Il ne croit pas que de crier au loup continuellement, ça va le faire venir. Il ne croit pas que de crier au feu, c'est un danger d'incendie.

Il veut des preuves. Il veut savoir pourquoi on avance telle chose. Quand on dit que la loi 86 amène, d'une façon inéluctable, la bilinguisation de Montréal, il demande des preuves de ça. Il demande de savoir sur quoi on se base. Il le fait d'une façon fort insistante et, parfois, fatigante, mais ça ne fait pas de lui un être arrogant, ça ne fait pas de lui un être qui cherche à écraser ses interlocuteurs. Ça fait de lui un ministre qui va prendre une décision éclairée. Ça fait de lui un ministre devant qui, quand on se présente, on doit le faire en étant préparé, en étant certain qu'on ne s'en tirera pas par une retraite précipitée. L'analyse qu'il fait des choses peut être contestable, mais ce que je n'accepte pas c'est d'avoir vu, de mes yeux vu, d'avoir entendu de mes oreilles des accusations incroyables sur la façon dont il s'était comporté en commission. C'est totalement faux. Il a été attentif et il a été à l'écoute. Je me sens dans l'obligation de le dire, et je ne suis pas particulièrement habile avec l'encensoir, M. le Président, vous le savez, mais quand j'ai dû endurer, comme président de la commission, sans dire un mot, pendant des semaines et des semaines, en ravalant ce qu'il me tentait de dire, en me disant: J'aurai pourtant l'occasion de le dire, bien, c'est ce soir que je le dis. C'est ce soir que je le dis. Je dis ce que je pense parce que j'étais témoin et j'ai regardé les choses.

Quand la présidente de la CEQ monte sur ses grands chevaux et dit: On ne me traitera pas de réactionnaire, moi, je sais que ce n'est pas ça qu'il a fait. Il lui a demandé: Votre position est-elle la suivante? Et il a dit: Votre position est une position qui est réactionnaire, votre façon de voir les choses... Vous n'êtes pas un être réactionnaire pour autant. Vous avez une position que je n'accepte pas, une position qui nous ramène, d'après moi, ministre, en arrière, et, à ce titre, votre position est réactionnaire.

Dans les débats vigoureux et parfois virils qui sont les nôtres, il ne faut pas s'offusquer de ce genre de choses là. «If you cannot stand the heat, get out of the kitchen!» Si vous ne voulez pas vous faire parler en commission parlementaire, n'y venez pas. Vous êtes invités, vous n'êtes pas obligés de venir. Vous venez. Acceptez qu'on vous dise qu'on n'est pas d'accord avec vous autres. Acceptez qu'on vous le dise d'une façon directe, franche, qui ne porte pas à ambiguïté. Moi, je trouve ça parfaitement normal, parfaitement normal. Je me dis: Quand on a la couenne aussi mince que certains des gens qui sont venus nous trouver l'ont, qu'ils ne viennent pas en politique et qu'ils ne se présentent pas dans Louis-Hébert, ils vont avoir des boutons, parce que ce n'est pas la place. Je me suis fait dire pire que ça. Je me suis fait dire plus que ça. Il m'a fait des grimaces, je n'aime pas ça. Bien, voyons donc! Qu'est-ce que c'est? Il faut être plus mature que ça. Et que ça ait été repris ad nauseam par la presse, répété ad nauseam par la députée de Chicoutimi, qui répétait, sachant que d'autres répéteraient, puis là, ça revenait. Et, à un moment donné, à force de l'avoir répété, on dit: Le ministre a dit ça. Et, à un moment donné là, c'est une vérité. Le ministre a été arrogant. On ne pose plus de questions là, parce que ça a été dit, ça a été écrit, ça a été... Là, on ne va pas voir pourquoi.

Bien, je suis ici pour témoigner que ce n'est pas vrai. Je suis ici pour le dire. Je le dis avec conviction, je le dis, pas pour flatter le ministre, je n'ai rien à lui demander. Des écoles, j'en ai de trop, j'en ferme dans mon comté, puis, du côté municipal, M. le ministre, vous êtes témoin que je ne suis pas le député le plus quémandeur. Alors, je n'ai rien à retirer du témoignage que je rends actuellement. Je veux tout simplement

rétablir les faits parce que la vérité a ses droits.

M. le Président, je voudrais repasser rapidement un document qui m'est tombé entre les mains, un document qui est intitulé «On est en train de se faire passer un Québec bilingue». Ça, c'est une trouvaille, imaginez donc, un Québec bilingue. Et là, on procède comme on l'a fait pour l'entente de Charlottetown, avec une pléthore, une charrette pleine de faussetés, de mensonges, de demi-vérités, d'exagérations. Voyez-vous, le député de Joliette me dit: C'est exact, c'est plein d'exagérations. Il est d'accord avec moi. Il est d'accord avec moi. Il est très d'accord avec moi, le député de Joliette. C'est vrai qu'il y a des fissures dans le bloc péquiste. Je ne pensais pas que le député de Laviolette en était une, fissure, une grosse fissure. Le député de Laviolette reconnaît que ce document que j'ai en main... Quand on affirme, par exemple, que le gouvernement agit dans un but purement électoraliste, c'est faux, M. le Président, parce que le ministre en a fait la démonstration à plusieurs reprises. Si on avait voulu faire ça, on n'aurait pas les reproches qu'on a actuellement de la communauté anglophone. Les reproches sont aussi virulents que les reproches qui nous parviennent du côté péquiste. (21 h 50)

Alors, quant à avoir des reproches du côté péquiste, si on avait voulu avoir le vote, aller chercher le vote anglophone, ce n'est pas...

Une voix: ...

M. Doyon: M. le Président, est-ce que le député de Laviolette pourrait, en bonne vérité, se taire pour que moi, je puisse parler, étant donné que c'est moi qui ai la parole. «C'est-u» possible, ça, qu'il se taise une fois...

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, M. le député de Louis-Hébert... S'il vous plaît! S'il vous plaît! Alors, M. le député de Louis-Hébert, vous demandez l'application d'une règle qui est fondamentale, à savoir éviter les interpellations d'un côté de la Chambre à l'autre et, particulièrement, que vous puissiez vous exprimer sans être dérangé. Vous avez raison. Continuez votre intervention.

M. Doyon: Merci, M. le Président. Merci.

Alors, c'est ça. On n'a pas fait la démarche législative que nous faisons pour aller chercher ces votes-là, parce que nous aurions agi autrement que ça. On affirme toutes sortes de faussetés, M. le Président, qui sont plus nombreuses les unes que les autres, hein! On dit que le régime pédagogique va être chambardé. Ça a été expliqué de long en large, en commission, que le régime pédagogique ne peut pas être changé sans des consultations, de nombreuses consultations, sans une campagne qui nous permettra d'évaluer les impacts des changements que nous proposerons, avec tous les délais de publication. Tout le monde pourra se faire entendre dans ce domaine-là. Pourtant, on écrit le contraire là-dedans.

Qui veut-on tromper si ce n'est pas la population? Parce que le projet de loi 86 est parfaitement acceptable. Il est même ce que la population désire avoir. Alors, comment amener la population? En s'y opposant, en inventant un autre projet de loi 86, en en créant un de toutes pièces, qui ne correspond pas à celui-là qui est devant nous autres, en essayant de faire peur au monde avec des documents qui sentent le document pourri qu'on a eu sur l'entente de Charlottetown, un document pourri qui est une honte et qui pouvait être démoli? Et ça a été fait. Malheureusement, c'était trop difficile de le faire morceau par morceau. Mentez, mentez, il en restera toujours quelque chose, disait Voltaire. C'est encore vrai: Mentez, mentez, il en restera toujours quelque chose. L'air de la calomnie, ça vous dit quelque chose, M. le Président, l'air de la calomnie? On n'est jamais capable de rattraper toutes les plumes que représente la calomnie qu'on a lancée aux gens; il y en a toujours quelques-unes qui atterrissent quelque part. La technique péquiste... la calomnie, le mensonge, en publiant cette affaire-là, ici, que j'ai dans les mains, à 200 000 exemplaires. Ça va aller tellement partout qu'il y a du monde qui n'aura pas l'heure juste à quelque part et qui va être trompé. Inévitable.

Mais, ça n'honore pas le PQ, ça. C'est des techniques de basse partisanerie que je déplore. Je le déplore parce que je voudrais qu'on ait un débat sur le fond des choses, sur la réalité des choses, pas sur des épouvan-tails qu'on crée de toutes pièces. On essaie de faire accroire que les changements qu'on apporte, par exemple, en ce qui concerne l'anglais à l'école, avec la clause grand-père, que ça va créer un changement fondamental.

La preuve a été faite, les chiffres ont été amenés: quelques centaines au maximum qu'on peut envisager. C'est une goutte d'eau dans l'océan, et on fait tout simplement rétablir, pour des citoyens dont les enfants auraient des droits, ces droits-là étant acquis aux enfants, pour que ces citoyens-là puissent les avoir. Quoi de plus naturel? Pourquoi les droits sauteraient-ils une génération? Pourquoi ce qui est bon pour une génération, il y aurait un vide de droits pour une génération à quelque part? Le ministre a tout expliqué ça.

Pourtant, on dit le contraire dans ce torchon-là, M. le Président. Ce torchon-là dit le contraire. Ça me fait de la peine de...

Une voix: De le dire.

M. Doyon: ...mais il faut rétablir les choses, M. le Président. On dit là-dedans, par exemple, que l'anglais va devenir la langue de l'administration publique. Qu'en est-il de la vérité? On considère, actuellement, la possibilité d'un périmètre de 10 km autour des points d'entrée dans la frontière, de pouvoir leur dire: Bonjour, le monde. Merci de venir nous voir. «C'est-y» horrible à votre goût, ça? Hein? On considère la possibilité que, dans les musées publics, on puisse donner des informations que dans les musées privés on peut donner, qu'on puisse le faire en anglais, en espagnol, en polo-

nais et qu'on puisse... Comme disait Virgile: Horresco referens. Je frémis en y pensant. Horresco referens, parce que de pouvoir mettre le terme latin pour les fleurs et les bibites qu'il y a sur la terre ? Horresco referens ? ça me fait frémir rien qu'à y penser...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Doyon: ...disait Virgile. C'est épouvantable de penser de pouvoir mettre les termes latins. On s'en va où? Où est-ce qu'on va se retrouver, hein? On «va-tu» se retrouver, en continuant, avec les hiéroglyphes égyptiens? Ça ferait l'affaire de notre ami Khelfa.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Doyon: Je n'en demande pas tant. Rassurez-vous, M. le ministre. Je sais, M. le Président, comme on disait, castigat ridendo mores, une autre citation qui me revient. J'essaie de corriger les moeurs en en riant, en les ridiculisant. J'essaie de passer un message en caricaturant, en faisant rire en même temps. Mais le message est sérieux. Les grands dramaturges, les grands comédiens, auteurs de pièces comiques latins avaient découvert ça avec «Les Guêpes», par exemple, où on se moquait de la situation. Molière l'a fait. Molière avait des messages quand il se moquait des précieuses ridicules ou quand il décrivait Tartuffe. Il parlait au roi.

Alors, M. le Président, quoi de plus normal que, dans un jardin zoologique, on puisse avoir des termes scientifiques pour appeler les êtres de la création, pour qu'on puisse les reconnaître? Hein? Ce n'est pas... Nous autres, on a des noms pour appeler les choses, mais il y a des véritables noms scientifiques. On ne peut pas faire ça, actuellement. Le ministre, par la loi 86, va le permettre. Il n'obligera pas, là. Il va le permettre dans l'administration publique.

Et que dit le torchon que j'ai en main? L'administration publique devient bilingue. Danger terrible! C'est effrayant! C'est effrayant! On dit une autre chose épouvantable là-dedans. Qu'on y pense 2 fois: Dorénavant, on traduira les jugements en anglais. Ce qu'on ne dit pas, c'est qu'on les traduira en français quand ils seront rendus en anglais. On ne dit pas ça. Oh, non, non! Ils n'en parlent pas, de ça. Combien de fois il y a des justiciables québécois de langue française qui ont un jugement en main en anglais, qu'ils ne comprennent pas parce qu'il est en anglais. Dorénavant, quelqu'un pourra obtenir le jugement dans la langue de son choix pour savoir de quelle façon son affaire a fini. A-t-il gagné ou a-t-il perdu? Il va le savoir en français s'il veut le savoir en français et il va le savoir en anglais s'il veut le savoir en français. Horreur des horreurs! Chose impossible à penser! Ouais!

M. le Président, je pourrais continuer. J'ai peur que le temps ne me manque. Il va me manquer, c'est certain. On nous dit, par exemple, M. le Président, que les établissements de santé et les établissements de services sociaux vont devenir sous l'emprise de la minorité.

Ce qu'on ne dit pas, M. le Président: C'est la volonté locale qui va primer. C'est la volonté locale. A-t-on peur, de l'autre côté, de la volonté locale? Pourquoi les gens qui sont les consommateurs de ces services-là, ceux dans le milieu de qui cet équipement est installé n'auraient pas le droit de décider la façon dont les choses vont se passer? (22 heures)

Et sur le retrait, actuellement, la loi prévoit l'acquisition, par exemple, du statut bilingue, ne prévoit aucune donnée en ce qui concerne le retrait. C'est l'incertitude dans ce domaine-là. La loi précise ça. Le ministre a fort bien expliqué, d'une façon absolument logique, qu'on ne pouvait pas procéder exactement de la même façon, parce que c'était impensable qu'on puisse, après avoir, par exemple, eu une localité, une municipalité qui avait le statut bilingue, se retrouver avec une municipalité qui, du jour au lendemain, parce que la proportion passerait à 51 % de francophones ou selon une proportion donnée, perdrait son statut. On se dit: C'est là un débat qui doit avoir lieu avant de décider. Le ministre dit: Moi, je prendrai ma responsabilité, dans ce sens que j'entérinerai la décision locale, mais la décision locale prendra racine dans la communauté elle-même desservie, dans la communauté touchée par ça.

On nous dit sur tous les tons que la loi 86 établit le bilinguisme dans l'affichage. C'est faux, archi-faux ? autre preuve que ce torchon-là fait des mensonges épouvantables. Ce que la loi 86 va faire, c'est de continuer l'obligation d'afficher en français. Le français obligatoire partout, sans aucune exception, avec possibilité, non obligation, d'avoir une autre langue, que ce soit l'anglais, que ce soit le chinois, que ce soit le polonais, que ce soit ce qu'on voudra, mais en laissant la place prédominante au français, très clairement.

Est-ce que c'est si grave que ça? Ce qu'on ne dit pas là-dedans... pas un mot là-dedans, par exemple, de la brimade à la liberté d'expression. Bien sûr, quand le grand jour de la souveraineté sera arrivé, ce grand jour, cette mère nourricière de toutes nos libertés, qu'on appelle de tous nos voeux, nous permettra ? c'est ce que nous promet le PQ ? de nous exprimer librement. En attendant, faisons-en notre deuil, patientons. La liberté d'expression, c'est quand la souveraineté nous l'aura donnée. Nous pourrons dire merci beaucoup. Nous pourrons dire: Heureusement, nous sommes souverains, et en même temps, nous sommes devenus libres.

Je dis au PQ: Nous ne sommes pas souverains, mais nous sommes libres actuellement. Nous allons continuer de l'être, et la loi 86 va nous permettre de l'être encore plus que nous ne le sommes actuellement, M. le Président. C'est ce que je voulais vous dire.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le député de Louis-Hébert.

Sur la même motion, je cède la parole à M. le député de L'Assomption et chef de l'Opposition officielle.

M. Jacques Parizeau

M. Parizeau: M. le Président, Daniel Johnson, le père, le premier ministre du Québec, disait, dans les années soixante: Je souhaiterais que le Québec soit aussi français que l'Ontario est anglais. La phrase, à l'époque, avait attiré beaucoup l'attention, parce qu'elle cherchait à consacrer quelque chose qui n'existait pas encore ? enfin, côté québécois ? c'est-à-dire 2 sociétés côte à côte, ayant des rapports corrects l'une avec l'autre, mais chacune fonctionnant comme société dans une langue.

À cette époque, la société québécoise ne fonctionnait pas en français comme la société de l'Ontario fonctionnait en anglais, non. Nous étions, ce qu'on appelle, une société bilingue. Je dis, ce qu'on appelle une société bilingue, parce qu'en fait il n'y a pas beaucoup d'exemples de société bilingue dans le monde. C'est une sorte d'aberration que de voir fonctionner une société dans les 2 langues. Je dis une aberration, pas parce que ce serait moralement mauvais, mais parce que ça ne marche jamais. Il y a toujours une langue qui finit par dominer sur l'autre.

On sait bien, traditionnellement, au Québec, ce que ça a été, compte tenu de notre place qui, après tout, n'est pas très grande en Amérique du Nord. Il faut voir une sorte de poids de l'histoire, comme on voudra, mais c'est comme ça que ça se passe. On a senti, à cette époque, bien sûr, la différence qu'il y avait entre une société bilingue, ce qui est une chose, et les vertus du bilinguisme ou du trilinguisme pour les personnes, ce qui est tout à fait autre chose.

Quand je dis une société bilingue, ce n'est pas facile de trouver des exemples d'endroits où ça fonctionne correctement. Néanmoins, dans beaucoup de petites sociétés, un peu partout dans le monde, on trouve un très grand nombre de gens qui parlent comme langue seconde l'anglais, et qui, d'ailleurs, habituellement, en parlent une troisième. C'est extrêmement fréquent. Comme Nord-Américains, des fois, ça peut nous étonner, ça, mais en Europe, c'est très, très fréquent, dans une petite société de quelques millions d'habitants, où la plupart des gens, un grand nombre, en tout cas, parlent l'anglais, et de nos jours, une autre langue ? le français, l'allemand, l'italien ou je ne sais pas quoi. Mais remarquez que c'est ça qu'il faudrait viser au Québec. Il faudrait viser, au Québec, une société où la plupart des Québécois parlent au moins 2 langues, sinon 3, et où, à l'école, on devrait être en mesure d'apprendre 3 langues vivantes ? la sienne propre, bien sûr, l'anglais et une troisième. J'espère qu'un jour on va en arriver à ça, et correctement. C'est l'objectif de n'importe quelle société, d'être en mesure de voir ses citoyens en arriver là. Fonctionner de façon bilingue ? ah bien, non! ? là, c'est une autre paire de manches.

Je vous rappellerai, à cet égard, M. le Président, qu'il y a un certain nombre de sociétés où plusieurs langues, plusieurs peuples vivent côte à côte, et ne se sont pas, le poids de l'histoire aidant, fait d'illusion quant à leur capacité d'opérer, comme société, de façon bilingue. Est-ce qu'on peut me dire si la Suisse alle- mande fonctionne comme une société bilingue? Il n'en est pas question. Écoutez, il n'y a même pas d'école française publique dans le canton de Zurich; ça n'existe pas, des écoles publiques. Des écoles privées, si on veut, oui, financées par des fonds privés, mais pas d'écoles publiques. Pouvez-vous me trouver des écoles allemandes publiques dans le canton de Genève? Non. Est-ce qu'on peut imaginer un instant que, dans le pays wallon, en Belgique, et dans le pays flamand, des écoles publiques fonctionnent dans les deux langues, dans chacune de ces communautés? Bien sûr que non! Les Belges ? je m'attarde 30 secondes sur cet exemple, parce qu'il est intéressant ? ont compris que, sur le plan de la culture, de nos jours, la radio et la télévision jouent un rôle majeur. Qu'est-ce qu'ils ont conclu? Ils ont conclu qu'il n'y aurait plus de télévision belge, que radio et télévision françaises opéreraient, en pays wallon, comme une entité distincte, et que télévision et radio flamandes opéreraient, en pays flamand, comme une entité distincte.

Nous, ça fait 50 ans, depuis que la radio est apparue, qu'on se chicane avec les Anglais au sujet de la structure commune de la radio, d'abord, et de la télévision, ensuite. Les Belges, ils ont compris. Un peu partout dans le monde, on sait très bien qu'une société qui fonctionne comme une société bilingue, ou bien c'est extraordinairement difficile et une source de tension perpétuelle, ou bien ça finit par ne plus exister du tout. Alors, qu'on ne cherche pas, à cet égard, à maintenir la confusion. Oui, il faut que le plus grand nombre possible de Québécois parlent, dans le monde d'aujourd'hui, l'anglais, et, encore une fois, une troisième langue. Qu'on ne vienne pas me dire que, dans les aéroports, il faudrait que tout soit dans une seule langue. Un aéroport international, il faudrait que ce soit dans 3 ou 4 langues même. Ça, c'est clair, c'est comme ça dans tous les pays. À force de nous torturer l'esprit, ici, on a fini par ne plus comprendre la normalité des choses.

Alors, on nous dit: Mais, dans d'autres pays, attention! Dans d'autres pays, ce n'est pas nécessaire de légiférer à ce sujet. Bien, non, M. le Président. Ce n'est pas nécessaire de légiférer à ce sujet, parce que ça fait longtemps qu'ils ont compris. Beaucoup des crises linguistiques, que nous connaissons depuis quelque temps, ici, ces pays-là les ont connues il y a longtemps. Ils ont réglé leurs affaires entre eux, et ils ont compris ce qu'est la normalité des choses depuis un bon bout de temps. Nous, non. Écoutez, ça ne fait pas longtemps qu'on est sorti d'une société qui se voulait bilingue, ça ne fait pas longtemps. Ça fait depuis quand, au fond? Ça fait depuis la loi 101. La loi 101 qui a établi un certain nombre d'objectifs clairs, tout à fait compréhensibles, qui correspondent à l'expérience des sociétés, à l'expérience des nations et au sens commun, c'est-à-dire que, dans une nation, dans un pays, il faut qu'on fonctionne dans une langue.

Là, on s'est dit: On fonctionnera dans la langue française, et ce sera la langue commune pour l'éducation, sauf droits acquis par des gens qui ont des droits de faire éduquer leurs enfants dans leur langue, depuis

toujours, et on va leur confirmer ça. Mais pour tous les immigrants, par exemple, c'est clair que ce sera l'école française. On fonctionnera dans une langue, pour ce qui est du travail. Alors, on ne peut pas légiférer à l'égard du très grand nombre de toutes petites entreprises, mais au moins, pour ce qui a trait aux entreprises d'une certaine taille, il faudra que ces entreprises fonctionnent en français. On a eu des problèmes, au début, parce que ? comment dire? ? tous les termes techniques n'étaient pas nécessairement traduits. Il a fallu monter des vocabulaires, des lexiques, des dictionnaires techniques. Ça a été fait. On a pris l'habitude de travailler avec des employés qui utilisent ? et maintenant c'est devenu, tout à fait spontanément ? les termes français dans bon nombre de secteurs. On s'est dit: L'affichage, c'est une des clés de la compréhension de tous ceux qui vivent au Québec que c'est en français que ça se passe. (22 h 10)

Effectivement, l'affichage joue un rôle pour faire comprendre singulièrement aux 40 000 ou 45 000 immigrants qui rentrent ici chaque année ? et soit dit en passant, ça en fait 500 000 en 10 ans, plus leurs enfants qu'ils font ici: c'est beaucoup de monde, quand on parle de 40 000, 45 000 ? on leur dit, à tous: C'est comme ça que ça se passe. Ça se passe en français, ici. L'administration publique s'adresse en français. Comme quoi? Comme la normalité des choses. Comme dans tous les pays. C'est comme ça que ça fonctionne. Qu'est-ce que vous voulez que je vous dise, moi?

On peut chercher longtemps pour trouver des sociétés qui fonctionnent autrement. Il y a, dans toute société, dans les pays, il y a une langue commune, qui est, en même temps, une langue nécessaire. Ce que je veux dire par là, c'est que, si on ne la parle pas, la vie dans la société en question ou dans le pays en question est compliquée, est compliquée parce que, justement, c'est pas bilingue. Il faut l'apprendre, cette langue-là. Alors, on l'apprend plus ou moins rapidement. On l'apprend avec plus ou moins d'aide de la part des pouvoirs publics. Mais on l'apprend. N'importe quel immigrant qui rentre en France, il sait qu'il va avoir à apprendre le français. C'est nécessaire pour lui pour se débrouiller, en France. Ou apprendre l'anglais en Angleterre, parce que c'est nécessaire pour lui d'apprendre l'anglais, en Angleterre. Et aux États-Unis, on apprend l'anglais, parce que si on ne parle pas l'anglais aux États-Unis, la vie est compliquée.

C'est ça qu'on cherchait, avec la loi 101, à établir. Et ça a profondément transformé le Québec. Qu'on ne cherche pas à nier ça. La transformation a été très très profonde. Je reconnais que, depuis quelques années, le nouveau gouvernement qui est au pouvoir ne tient pas plus que ça à la faire appliquer. C'est vrai que, par exemple, le mouvement de francisation des entreprises est à peu près arrêté. C'est vrai que certaines entreprises où les certificats de francisation ont été obtenus il y a quelques années, on est retourné petit à petit à l'anglais, sans trop de problèmes. Je reconnais tout ça. Mais, au moins, jusqu'à maintenant, on n'avait pas touché aux objectifs fondamentaux, explicitement aux objectifs fondamentaux de la loi 101. On s'attaquait aux modalités. On ne l'appliquait pas beaucoup. Mais on n'a pas touché au coeur même de ce qui était la loi 101.

On dira: C'est dommage d'avoir à légiférer. Bien, oui, c'est dommage d'avoir à légiférer des choses comme ça. M. le Président, j'aimerais bien mieux qu'on puisse se passer de ça. J'aimerais infiniment mieux, moi, qu'on se retrouve dans la situation que nous présentait récemment, à l'occasion d'un voyage ici, le ministre président de la communauté flamande, à qui on demandait: Est-ce qu'il y a une loi sur l'affichage? Il disait: Non, il n'y a pas de loi sur l'affichage, chez nous. Qu'est-ce que vous voulez? Tout le monde comprend qu'ici il faut afficher en flamand. Bon. La normalité des choses.

Mais, nous, comme on sort d'un long processus historique de bilinguisme qui nous avait été imposé, ce n'était pas évident. Ce n'est pas évident. Ce n'est pas facile, non plus. Mais c'est important. C'est, en un certain sens, un peu notre avenir comme entité distincte, culturellement valable dans le monde d'aujourd'hui. Nous ne sommes pas négligeables. Nous apportons au monde une certaine culture, une certaine façon de voir les choses. Dans ce sens-là, comme tous les petits peuples, nous sommes irremplaçables. Et ce n'est pas en cherchant à être plusieurs choses à la fois, et ce n'est pas en mélangeant les genres, les styles et les cultures, qu'on peut s'imaginer, de quelque façon, être davantage nous-mêmes ou davantage présents dans le monde. C'est ridicule. C'est absurde. Ça ne tient pas debout, une affaire comme ça! Personne ne l'a jamais réalisé.

Or, ce que le gouvernement nous présente, avec la loi 86 ? probablement sans en faire un objectif majeur ? va aboutir à ça: mettre en péril ou en cause les objectifs fondamentaux de la loi 101. Je dis: «probablement sans le vouloir de façon prioritaire» parce qu'il est clair que l'objectif du gouvernement, l'objectif prioritaire, est un objectif électoral. Nous sommes à 14 mois, peut-être, d'une élection, au Québec. Il est évident que le gouvernement ne peut pas permettre qu'il y ait une division du vote anglophone au moment de la prochaine campagne électorale.

En 1989, comme je le disais tout à l'heure sur la motion de report, en 1989, le gouvernement pensait pouvoir prendre le pouvoir même s'il y avait scission du vote anglophone, ce qui a été le cas d'ailleurs, même au moment de la création du Parti Égalité. Mais, en 1976, pensons, M. le Président, qu'en 1976 le Parti québécois a pris le pouvoir avec 41 % des votes seulement, 41 %! Pourquoi? Parce que le vote anglais était divisé. C'est là qu'on a vu apparaître dans cette Chambre, on s'en souviendra, le député de Pointe-Claire, M. Bill Shaw, député de l'Union Nationale, ce qui n'était pas rien; M. Duplessis a dû se revirer dans sa tombe. Bon. Le vote anglophone avait complètement cassé, et ça, il est évident qu'ils ne vont pas permettre ça à nouveau, il est évident qu'à l'heure actuelle ils vont chercher, ceux qu'on appelle nos amis d'en face, ils vont chercher à s'amener à l'élection prochaine avec un vote anglophone aussi monolithique que possible. Je sais bien qu'à

l'heure actuelle il y a un certain nombre d'anglophones qui ont compris ça et qui leur disent: Mettez-en plus sur la table, qui disent: Aïe! sur le plan des écoles, là, il n'y en a pas assez, on en voudrait davantage. On les comprend fort bien. Ils viennent de se rendre compte, comme disait un commentateur de la Gazette il y a quelques semaines: On a gagné. Ah! C'est vrai, ils ont gagné pas mal de choses. Ils voudraient maintenant ? l'appétit vient en mangeant ? en avoir un peu plus. On les comprend; on n'est pas obligés de les suivre.

Et, à cet égard, vous voyez, le projet de loi 86, M. le Président ? comment dire ? ouvre, entrouvre des portes dont on n'a pas idée jusqu'où elles vont se développer, mais fait reconnaître généralement l'idée suivante: Le français sera prédominant, mais il ne sera plus nécessaire; vous pourrez néanmoins vivre fort bien au Québec en anglais. C'est ça, le message de la loi 86. Mes collègues, dans le débat de ce soir, vont insister sur l'un ou l'autre des aspects de cette loi, et à juste titre, elle mérite d'être décomposée et regardée dans chacun de ses aspects. Mais qu'est-ce qu'il y a comme commun dénominateur derrière ça?

Et c'est ça là où je disais tout à l'heure, l'objectif même de la loi 101 est mis en cause. L'objectif de la loi 101, c'était une langue commune, une langue nécessaire. Là, on dit: Écoutez, si vous ne parlez pas le français du tout au Québec si, en entrant au Québec, vous vous intégrez à la communauté anglophone, ce n'est pas bien grave; de toute façon, vous pourrez fonctionner en anglais, et ça vous sera même reconnu comme un droit. Il y aura français prédominant, mais on sait bien que la prédominance du français inventée par la loi 178 a donné lieu à des applications parfois complètement ridicules. Et quand on aura ouvert toutes les portes qu'il y a dans la loi 86, on va arriver à des choses ridicules, risibles. Par exemple, puisqu'on reconnaît dans l'affi-chage le droit de toutes les grandes corporations de s'adresser à leurs clients en anglais, en vertu de quoi est-ce que, maintenant, on va permettre aux grandes sociétés de ne pas s'adresser à leurs employés en anglais? Puis, là, ça voudra dire quoi, la prédominance du français? Quand le patron parle à ses employés en anglais, il parle moins fort? Je donne un exemple ridicule, mais ? qu'est-ce que vous voulez? ? c'est des portes pareilles, comme celle-là, qui s'ouvrent.

La double immersion à l'école. La CECM l'a tellement bien établie: 100 000 enfants au Québec à l'heure actuelle dont le français n'est pas la langue maternelle sont en immersion dans le français. Et là, on va ouvrir l'immersion en anglais, la double immersion! Mais c'est absurde sur le plan pédagogique. Mais c'est complètement idiot d'ouvrir des histoires pareilles. Non, pour régler un problème politique sérieux que ce gouvernement a, c'est-à-dire celui de sa réélection, il prend des risques avec l'équilibre linguistique du Québec. Il prend des risques avec la paix linguistique, on l'a souvent souligné, au Québec. Il va laisser des germes de tension qui, au fond, graduellement, étaient disparus avec la loi 101. C'est pour cela, M. le Président, que c'est sans la moindre hésitation que je redis en cette Chambre ce que j'ai déjà dit en dehors de cette Chambre, c'est qu'au moment où le Parti québécois prendra le pouvoir nous allons abolir la loi 86. Nous allons reconnaître aux anglophones des droits dans un Québec souverain, bien sûr, les droits qu'ils ont à l'heure actuelle. Et, en un certain sens, si on peut faire mieux, on fera mieux. Déjà, dans le rapport que nous avons publié à cet effet et qui va être entériné au mois d'août, on a, je pense, pu constater l'ouverture qu'il y a à l'égard des anglophones au Parti québécois. (22 h 20)

Cela étant dit, ce n'est pas vrai qu'on va laisser dans la loi 86 un pouvoir réglementaire au gouvernement qui lui permet de miner ce qui a assuré, au fond, la consolidation de la société québécoise depuis 15 ans, qui lui a donné une orientation précise, qui lui a donné, finalement, les moyens non seulement de sa survivance, mais de son existence et de son épanouissement.

Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de L'Assomption et chef de l'Opposition officielle.

Sur cette même motion, je reconnais M. le whip en chef du gouvernement et député de Viau.

M. William Cusano

M. Cusano: Merci, M. le Président.

C'est un plaisir pour moi de participer à ce débat, et particulièrement de prendre la parole après le chef de l'Opposition. Ce qui est très étonnant de la part du chef de l'Opposition, c'est que, un instant, il dit une chose, et quelques minutes plus tard il en dit une autre.

M. le Président, je viens de l'entendre comme vous l'avez entendu, que dans un Québec souverain on va abolir la loi 86 et on va donner aux anglophones plus de droits que la loi 86 peut leur donner. Moi, c'est de valeur, M. le Président, j'ai beaucoup de misère à comprendre ce que ça veut dire. Est-ce qu'il y en a ici qui comprennent? Je ne sais pas si le député d'Outremont a bien compris; je ne le sais pas. Pas d'Outremont, je m'excuse, de Westmount.

Une voix: ...

M. Cusano: Oui, la référence à M. Shaw m'inquiète un peu, M. le député, de la part du chef de l'Opposition, mais quand même.

Une voix: Le député de Westmount.

M. Cusano: Oui, de Westmount. C'est parce qu'il va y avoir des changements de carte électorale.

Une voix: On va changer de députés aussi.

M. Cusano: Et des changements de députés, on l'espère.

M. le Président, pour revenir un peu au sérieux, parce que c'est très sérieux lorsqu'on parle de la loi 86, particulièrement du fait que cette loi, je crois, arrive à un point où une harmonie entre les deux peuples fondateurs qu'on reconnaît, que tout le monde reconnaît... Que par l'entremise de cette loi, sans enlever les principes fondamentaux de la loi 101, on amène des correctifs pour rendre la vie des Québécois plus facile. Que ça soit des immigrants, Mme la députée de Chicoutimi, comme vous dites, les fameux immigrants qui sont à Montréal...

Moi, j'ai beaucoup de difficulté, là, à savoir de votre part c'est quand qu'on arrête d'être immigrant ici, au Québec. Mes enfants, Mme la députée de Chicoutimi... Leur mère, c'est la quatrième génération qui sont ici, au Québec. Moi, je suis un immigré. Et pourtant, si on prend votre définition d'un immigrant, mes enfants, selon vous, sont encore classifies parmi les mauvais anglophones qui sont présents dans un système, à Montréal, que ça soit du côté francophone ou du côté anglophone. Alors, moi, ça m'inquiète, Mme la députée. Ça m'inquiète, et j'ai beaucoup de difficulté à comprendre les discours de l'autre côté.

À titre d'exemple, j'étais en commission parlementaire ? et je félicite mes collègues et le député d'Argenteuil qui a eu la patience de siéger pendant de nombreuses heures ? et j'écoutais la députée de Chicoutimi interroger le Congrès des Italo-Canadiens. C'est très révélateur, ce questionnement qui se faisait de la part de la députée. Elle voulait savoir: Comment se fait-il que le Congrès des Italo-Canadiens avait foi envers la ministre de l'Éducation? Parce qu'elle se disait: La ministre n'a pas publié ses règlements. Comment pouvez-vous lui faire confiance? Vous voyez, madame, on peut relever les galées, c'est exactement vos mots. Et vous avez répété...

Une voix: M. le Président, on doit s'adresser à la présidence.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Oui, M. le député, si vous voulez vous adresser à la présidence.

M. Cusano: M. le Président, oui, c'est des questions posées par la députée de Chicoutimi.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Non, mais, adressez-vous à la présidence. Je demanderais la collaboration de tous les membres dans cette Assemblée.

M. Cusano: Oui, M. le Président, je vais collaborer avec vous, et je vais dire que les questions, qui étaient posées par la critique de l'Opposition, envers les membres du Congrès, étaient à savoir: Pourquoi on faisait tellement confiance à la ministre de l'Éducation sur la question des règlements? Après 2 ou 3 questions, exaspéré, le président nous répond en nous disant: Voici, madame, M. le Président, confiance, dit-il, chez nous, c'est une philosophie. On a confiance jusqu'à preuve du contraire, et, jusqu'à date, la ministre de l'Éducation ne nous a pas trompés. Ça, je pense que tout le monde est d'accord avec ça. Ce que ces gens-là se rappelaient, M. le Président, et ils ont été très polis de ne pas nous le rappeler au niveau de la commission parlementaire, c'est que la question de confiance, si les gens de l'autre côté l'ont perdue chez les ethnies, M. le Président, vous l'avez mérité.

J'aimerais citer un document de plusieurs pages. Vous me permettez, M. le Président, je vais faire la lecture du premier paragraphe. Et c'est l'ancien gouvernement qui disait: Plus personne, dorénavant ? c'était adressé à des membres du gouvernement de l'époque, le gouvernement péquiste ? n'aura d'excuses s'il persiste à confondre les différents intervenants dans les groupes ethniques. Cette situation est tellement vraie qu'à titre d'exemple l'immense majorité des gens du gouvernement et du parti ? le Parti québécois, ça, pas le Parti libéral ? ne connaissent pas du tout ou très mal les principaux leaders chez les groupes ethniques. Document du gouvernement de l'époque. Cela a donné lieu, dans le passé, à des confusions et des évaluations erronées qui nous ont causé un tort certain. M. le Président, ça continue. Vous savez à quoi je fais référence, M. le Président? À une liste qu'on a appelée «la liste noire du PQ sur les ethnies» où on donne des informations privilégiées, en disant: M. Untel est l'ami ou le beau-frère ou d'appartenance religieuse, ou de croyance, il est indépendantiste ou fédéraliste, ainsi de suite...

Une voix: La police intérieure.

M. Cusano: Oui, la police intérieure du PQ. Ici, M. le Président, on l'a connue. Oui, M. le député, oui, vous n'étiez pas là, peut-être, à ce moment-là.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Si vous voulez vous adresser à la présidence, M. le député.

M. Cusano: Oui, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît.

M. Cusano: Le député de Montmorency n'était pas là, mais vous, vous étiez là, M. le Président, vous avez certainement connu ce fameux document, et je suis sûr que vous ne l'avez pas appuyé en tant que député de l'époque. (22 h 30)

Alors, c'est ça, la question de confiance. Lorsque le chef de l'Opposition, à la fin de janvier, février, disait que l'indépendance du Québec se ferait malgré les allophones, ce que j'ai compris, moi, selon votre définition, M. le Président, en tant qu'allophone, ça veut dire que, dans un Québec indépendant, il n'y a pas de place pour un Bill Cusano, il n'y a pas de place pour un Blackburn, si on pense comme eux, parce que, ici, on identifie des personnes par des noms, d'une façon, je ne sais pas trop comment. Tout d'un coup, c'est des ethnies, c'est des allophones, des immigrants, à jamais,

fini. Mais moi, ma vision des choses, M. le Président, c'est qu'ici, dans ce Québec, on est tous des immigrants arrivés à différentes époques. Alors, je pense qu'il va falloir qu'on arrête de dire qu'il y a différentes classes de citoyens, ici, au Québec; on est tous des Québécois. Je l'ai choisi, moi, le Québec. Je n'ai pas plus un droit qu'une autre personne ou vice versa. Je pense que, de ce côté-là, on devrait être tous considérés sur le même pied d'égalité. Et le jour où vous allez considérer tout le monde sur le même pied, M. le Président, je pense que le Québec sera mieux servi.

On a entendu l'objection, de l'autre côté de cette Chambre, à l'article 59 du projet de loi 86. Si vous me permettez, M. le Président, avant que je n'entre en politique, j'avais passé 19 ans de ma vie au niveau de l'enseignement. À l'article 59 ? et je vais le lire pour ceux qui ne l'ont peut-être pas lu de façon très attentive ? le premier paragraphe parle simplement de la question de la modification. C'est technique. L'amendement lui-même, c'est qu'on dit qu'il est possible de «prescrire les modalités et les conditions de l'enseignement dans une langue autre que la langue d'enseignement pour en favoriser l'apprentissage». C'est tout ce que ça dit. J'écoutais tout à l'heure la députée de Chi-coutimi qui disait, sur cet article-là: Tout d'un coup... Tout d'un coup... Parce que c'est la première fois que je l'entends depuis le début de ce débat. Elle dit: Le bain linguistique, peut-être. Elle a dit, ce soir, dans... Ha, ha, ha! Oui. Un bain linguistique, elle dit: peut-être, mais une immersion, il n'en est pas question, pas question.

Une voix: Un bain d'oiseau.

M. Cusano: Oui, un bain d'oiseau, c'est correct, mais l'immersion totale, ça ne fonctionne pas. M. le Président, j'ai beaucoup de difficultés à comprendre. On a une tendance, de l'autre côté, M. le Président, à dire que si on ne fait pas tellement une bonne job au niveau de l'enseignement de la langue première, on essaie de nous faire croire, ici, on essaie de faire croire à l'ensemble de la population que c'est à cause du fait qu'on essaie d'enseigner une deuxième langue. En tout cas, avec 19 ans d'expérience dans l'enseignement, je peux vous dire, M. le Président, que ça, c'est totalement faux. C'est totalement faux parce que, si l'apprentissage d'une deuxième ou d'une troisième langue avait une influence sur notre langue première... Le ministre responsable de l'application de la Charte de la langue française, je ne pense pas que ça ait dérangé sa langue maternelle, M. le Président. Je pense que c'est la personne qui a la plus grande maîtrise de la langue maternelle, et le fait qu'il a appris une deuxième langue et même une troisième, je ne pense que ça l'ait dérangé et je pense qu'il est prêt à en apprendre une quatrième. Il ne perdra pas plus son français parce qu'il va en apprendre une quatrième.

Alors, il ne faudrait pas, M. le Président, confondre un problème éducationnel avec une question d'ordre d'existence, si on veut, d'un peuple. Le fait qu'on ait un problème au niveau de l'enseignement de la langue première... Et je vais être le premier à l'avouer, c'est vrai qu'on a un problème au niveau de l'enseignement du français comme langue première dans nos écoles françaises. C'est aussi vrai qu'on a un problème au niveau de l'enseignement de la langue anglaise dans nos écoles anglaises, ici, au Québec. On a le même problème...

Vous parlez à des éducateurs de l'État de New York, ils ont exactement le même problème. J'ai rencontré des gens de la France, des parlementaires de la France, l'autre jour, et on parlait d'éducation et on disait: C'est quoi, votre plus grand problème? Ce n'était pas l'informatique, c'était l'enseignement de la langue première, M. le Président. C'est la même chose en Italie. C'est un problème qui est mondial, au moment où on se parle, qui, selon moi, en tant qu'éducateur... Le problème de la question de la langue première est plutôt relié au fait que, dans les 20 dernières années, on a plutôt mis l'accent sur les communications: la venue des ordinateurs est venue compliquer l'enseignement de la langue. Ce n'est pas parce qu'on va enseigner une deuxième langue que la langue première va tout d'un coup disparaître.

Et ce n'est pas parce qu'on ne l'enseignera pas qu'elle va s'améliorer, parce que si c'était le cas, Mme la députée... M. le Président, je m'excuse, si c'est ça, le cas ? je vais donner un exemple de son comté, M. le Président ? si c'est ça, le cas, si c'est ça, le cas, ça veut dire que dans le bout de Chicoutimi... Dans Chi-coutimi, il n'y a pas autant d'allophones qu'il peut y en avoir dans le Grand Montréal. Je pense que je peux me permettre cette affirmation-là sans citer de statistiques. Est-ce que ça veut dire qu'à Chicoutimi l'enseignement de la langue première est meilleur qu'à Montréal? Je ne pense pas. Je ne pense pas du tout, madame. Si c'est vrai, montrez-nous des exemples concrets, montrez-nous des exemples que des enfants de cinquième année, au niveau des écoles primaires de Chicoutimi, sont à un niveau supérieur, en ce qui concerne soit l'écrit ou le parler de la langue française, versus les enfants d'une école de Montréal. Mais vous savez fort bien que vous n'êtes pas capable de le faire parce que ce n'est pas vrai ? ce n'est pas vrai du tout, du tout. Si vous pensez ça, je dois dire, M. le Président, qu'on est dans l'erreur.

Et, M. le Président, la question de la langue, la question de pouvoir apprendre une ou plusieurs langues est reliée au fait de pouvoir décoder un message qui est écrit. Et le problème aujourd'hui, c'est parce que les enfants sont bombardés par différents moyens de communication et que les bibliothèques qu'on avait n'ont plus la même importance pour l'enfant. C'est déplorable, mais c'est ça. C'est que l'ordinateur d'aujourd'hui communique, même si ce n'est pas un être humain, il a une tendance à communiquer un peu plus, à intéresser et à motiver plus l'enfant à apprendre certaines choses. C'est ça qui est le problème.

La question fondamentale: Est-ce que l'enseignement de la langue première est basé sur le fait que, dans

les 20 dernières années, on a aussi fait le tour de toutes les méthodes possibles d'enseignement? Moi, j'ai été directeur d'école ? d'école anglophone. Je ne parlerai pas du secteur francophone, mais je présume que ça a été à peu près la même chose. On a abandonné certains programmes, parce qu'ils étaient censés être vieux, pour les remplacer par d'autres, et on n'a jamais donné la chance à ces programmes-là d'être vraiment évalués. Et là il y avait ce que j'appelle des gros gourous de l'éducation qui sont arrivés et qui ont dit: Ah! mais ça, ce n'est plus bon maintenant; c'est fini; il faut arriver avec un autre programme. Et vous avez des enfants qui ont passé à travers l'école primaire, où on a enseigné la langue première, avec 3, 4 différentes méthodes. Vous allez comprendre que, quand vous allez mettre 3 ou 4 méthodes ensemble, ça ne fonctionne pas. Je pense que c'est ça qu'il faut regarder.

Alors, vous allez me dire, M. le Président: C'est quoi la relation avec la loi 86? Oui, c'est parce que la loi 86 dit, dans l'article que je vous ai cité... L'article dit qu'on va permettre ce qui, présentement, ne l'est pas: permettre l'enseignement de la langue seconde. On leur permet une autre méthode qui est efficace, qui a été prouvée très efficace, et même le chef de l'Opposition le dit de façon indirecte lorsqu'il dit que l'immersion est une des meilleures façons d'enseigner une deuxième langue.

Je posais la question à certains de nos intervenants en commission parlementaire, M. le Président, et c'est très facile. J'ai posé la question, à savoir combien de temps ça prenait à un enfant d'immigrants qui était «immersé» dans une école francophone ou une école anglophone, combien de temps ça lui prenait pour apprendre de façon raisonnable la langue en question. On nous a dit 3 mois, M. le Président; 3 mois pour avoir une connaissance ? 3 mois ? ce qu'on n'a pas été capable, pendant presque 7 ans de scolarisation, en partant de la quatrième année jusqu'à la onzième, de faire par les cours de langue seconde. Et ça, ça va et du côté du secteur francophone et du côté du secteur anglophone, M. le Président.

Alors, j'ai beaucoup de difficultés à comprendre que, d'un côté, on dise: Oui, nos enfants, dans nos écoles, pour faire face à l'avenir, devraient connaître plusieurs langues, sauf que, quand on y arrive, nous du côté du gouvernement, et qu'on dit: Oui, on veut donner à ces commissions scolaires les outils, les possibilités d'essayer quelque chose qui a été fort expérimenté au Québec, fort expérimenté aux États-Unis, lorsqu'on parle de la question de l'immersion, bien, ces gens-là disent: Non. Moi, je ne comprends plus rien, M. le Président. Je ne comprends plus rien, M. le Président.

J'espère que, d'ici la fin de ce débat, ces gens-là vont voir la lumière et voteront avec nous sur le projet de loi. J'ai un peu un indice de la part du chef de l'Opposition qu'il s'en vient pas mal; il s'en vient pas mal parce qu'il trouve que ce n'est peut-être pas si mauvais que ça, notre projet de loi. (22 h 40)

Mr. Speaker, I know I only have 2 minutes to say that it is a pleasure for me to say a few words ? whatever I can say in 2 minutes, I will try to say it fast ? to participate today in this debate. The language debate has been at the heart of Quebeckers for the past twenty odd years, and I think that today, the amendments that are brought in by Bill 86 achieve an equilibrium that is really representative of the Québec society. It achieves an equilibrium in the sense that it respects the individual rights. It achieves an equilibrium because it respects the majority of Quebeckers and it permits, at the same time, to bring all the correctives, the corrections that are necessary to Bill 101 in order to make living in Québec as pleasant as possible, whether one belongs to the majority or the minority.

The changes that are brought forth, Mr. President, I think, are changes that have been long in the waiting, and I am very happy to have seen this afternoon, while we took the vote, that the members of Equality were full-heartedly supporting our minister on this bill, and I think ? and hopefully ? that if we cannot get the unanimous support on this bill on the part of the members of the Parti québécois, I should certainly hope that we will get support from the members of Equality. And on that note, Mr. President, I would like to thank you for this opportunity.

Et, en terminant, on aura tout le temps d'en discuter, certainement, en commission parlementaire, à l'étude article par article, et je souhaite... Parce que ce projet de loi amène ? oui, en conclusion M. le Président ? ce projet de loi amène ce qui, je pense, est fondamentalement une harmonie entre les différentes souches de la société québécoise et il respecte et la majorité et la minorité en même temps. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député. Alors, sur cette même question, je reconnais M. le député de Jacques-Cartier.

M. Neil Cameron

M. Cameron: Merci, M. le Président. Perhaps I should begin by responding directly to the comment of the Member for Viau. I will not go so far as to provide an exact description of just how we are going to vote on the final stages of the bill, but I do believe it is necessary to indicate that we are obviously pleased that the Government has made a move in this direction, even if we cannot entirely agree with every aspect of the bill itself or even exactly the way it is framed, a point that I will take up a little later.

But before doing that, I would like to say something about some of the comments that have been made by colleagues on both sides of the House, particularly those made by the Member for L'Assomption, the head of the Opposition party. The Member for L'Assomption began by returning to an argument about language in Québec that made comparisons, for instance, with Swiss cantons. I think these comparisons could be used in a way that would

not be very pleasing to the Member for L'Assomption. For example, one could argue that, if one really likes the cantonal approach, northern Québec should be carved up exclusively between Inuktitut and Crée, the West Island of Montréal, the Townships and parts of the Laurentians might be given over to an exclusive instruction in English, and the rest of Québec could be carved up to provide exclusive instruction in French ? thus guaranteeing that everyone would be furious all the time.

I think the reason that the argument looks a little grotesque when applied to Québec is because what the Member for L'Assomption leaves out is that the cantons were defined to no small extent by their linguistic, cultural and religious differences, in the first place, in European history rather than by territoriality. The problem that exists again and again on the language issue in Québec is not just an issue of the particulars of the legislation or the government in power at the time, or even the attitudes of the ordinary population, be they Francophone or Anglophone. There is a somewhat different problem that people, I think, have in many cases failed to notice all together about the language dispute, as it has developed in this province particularly over the last 30 years, as language increasingly has become such a powerful and even exclusive sign of identity, replacing the important differences once marked out by things like the Catholic faith and the cultural traditions that went along with it.

That is, when people talk about language in, for example, the rest of Canada, the United States and even in many European countries, they are not always tolerant, they are not always reasonable, and they are not always wise. But there is one thing they are: they are people who assume that language is something one talks about purely in terms of laws, or language of instruction, not in terms of an exclusive control over an area of ground. To pratical purposes, the difficulty with all language legislations here is that claim is invariably made. It is not merely the claim, after all, that there is a real collectivity here, which loves the French language which values and respects the French language, and a minority which, for that matter, when it has any sense, shows also respect for that language and, quite often, even an affection for that language. It is the idea that language, a particular language exercises a dominant role over a define space. Nowhere else is that idea applied by coercion to the extent that it is here.

In fact, it is even true of societies that have far more repressive laws otherwise and a far less reasonable and far less tolerant then we know Québec society actually is for most purposes, we still find that those other societies do not have this same identification of the power of language in its territoriality. Now, this approach to language has been defended even by some academics. There is a professor at the University of British Columbia, of francophone background, who has argue that this is the situation for all languages and this is the way, in fact, they establish themselves one way or the other by territorial control. But his argument is just another speculative academic argument; it is not something that, let us say, has the certainty of the better established principles of physics or anything of that kind.

All attempts at even reasonable compromise on the language issue in Québec tend to fail again and again, because they do not allow for the fact that, for instance, both Francophones and Anglophones will change their behavior in terms of whatever is the newest legislation. They can move from one place to another if they find, for example, one area or another leads to them facing a sufficient economic, or political, or educational, or just plain linguistic difficulty with whatever language is being imposed on them by law. And, by doing so, they can frustrate quite often even the most sensible kinds of legislation from whatever government.

That is the central underlined weakness of legislation that has taken place in Québec over the last 3 decades, and it is not really solved by Bill 86. Bill 86 does represent to us a tremendous leap forward in a sense of, I think, tolerance, understanding, goodwill and good sense. And I think it has to be aknowledged as such, whatever disagreements we have with it on detail. (22 h 50)

But I also still have that feeling that it is difficult to me to endorse a law where everything I know about history and society leaves me to suspect that, while I seldom agree with the members on this side of the House, I can agree with them that it is entirely likely that this law will run into difficulties. I think it will run into difficulties, not merely because of the actions of, let us say, the more nationalistic elements in the province, or the Parti québécois, or by any bad faith on the part of the Government. I believe it will because I think that vast numbers of laws attempted in modern society fail. They fail because, in fact, they are counter to economic realities, they are counter to the course of action that will actually be adopted by people, and, therefore, no matter what the intent with which they were put out, their practice does not work.

I think that difficulty will continue with the language issue, but I would also say about Bill 86 that one of the realities of politics is that sometimes you have to come out with laws of this kind anyway. You have to deal with the complexity of the society that you have got. You have to deal with the fact that it is composed of a variety of people, through a variety of political perspectives. And, assumably, we all want to get along as best as we can. So, in the end, we accept legislation that is a little like that comment on, you know, something like «a camel that it looks like a horse that was designed by a committee» ? or by a government legislation. A law has a certain resemblance to that kind of thing. You might say that, at our purest moments, we like talking about horses and so does the Parti québécois, while the liberals are more or less claiming that they provide us with, at least, working camels.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Cameron: Ha, ha, ha! That is, I think, in a way, what I would say about something like Bill 86, at best.

But there is another difficulty in the law, as far as we are concerned, and that is that, even considered as a control on language or as a reduction of control on language, it essentially is dealing with 2 rather separate issues. The first issue deals with language per se. That is, in other words, the celebrated sign issue, the aspects of legislation which deal with the use of English and French, the modifications of the French Language Charter, the particular paragraphs that have to be dealt with in the Charter, that have to be changed entirely in respect of what the Government will now say, when the law goes through, is the legitimate use of English and or French, exclusively and together, in commercial signs, in business signs, and when the famous regulations come out, I suppose in highway signs, billboards, and so on down the road. By the way, mostly in ways where I think we would probably not be too satisfied.

On the other hand, another portion of the legislation really has a different focus, which is that on changes to be made, or changes, in many cases, not to be made in things like access to English education, in the changes in the education issue in general, the whole idea of what kind of instruction should be provided, in what language, under what circumstances. Now, to us, these issues are quite distinct. If, for example, you consider the issue of science, it is surely evident to almost everyone that the intense reaction that took place in the English-speaking community over the invocation of the notwithstanding clause and Bill 178 was, number one, a feeling that, in this case, the straw had broken the camel's back, that is, after a rather long series of legislative actions, there was a feeling, in many of the members of the English-speaking community in Québec, that they were not ineffectively franchisee, either with the federal Legislature or the provincial Legislature, and it now appeared that they could not depend on the courts either. That was, in itself, enough to produce a political rebellion. But the other reason for the intensity of the anger was because ? I suppose you might say in good Québécois passion ? the symbolic meaning of suppression of the English language on signs was regarded as more important, in many respects, than the suppression itself. It was taken as in indication that the English-speaking community did not have the same degree of legitimacy, or acceptance, or understanding in the province. We knew that was not the reaction or the attitude of many of our individual friends within the society... But we nonetheless saw that that was what was happening on the level of the collective will, as expressed in government legislation, and that was something to which we were bound to make great objection.

Even though its real effects on many of us were négligeable, the educational issue is the other way around: it is like a time bomb. It involves very little news where the information, most of the time, even The Gazette can only stay interested in on occasion and generally presents a number of flashing and incoherent views on the subject. It is the case that, simply left alone, it can itself gradually eliminate an English-speaking community in Québec. It is a real problem to us, not a symbolic one. Consequently, very limited movement, on the part of the Government, is not something that we can be happy with, no matter how much they are patting themselves on the back for their great active generosity in managing to move fast enough to avoid the notwithstanding clause facing them again. For that reason, M. le Président, I would like to conclude my address by making a motion of «scission» on Bill 86.

Motion de scission «Qu'en vertu de l'article 241 du règlement de l'Assemblée nationale le projet de loi 86 soit scindé en deux projets de loi: un premier intitulé Loi modifiant la Charte de la langue française, comprenant les articles 1 à 21, 35 à 58 et 60 à 65, et un deuxième projet de loi intitulé Loi modifiant la Loi sur l'instruction publique, comprenant les articles 22 à 34 et 59.» Merci, M. le Président.

Débat sur la recevabilité

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, je suis prêt à entendre les propos des différents leaders sur la recevabilité de la motion. Attendez un instant. On va faire une copie. Pourriez-vous faire une copie et la remettre aux deux leaders? Oui, M. le député de D'Ar-cy-McGee.

M. Robert Libman

M. Libman: M. le Président, c'est difficile pour nous d'agir de façon à retarder l'adoption du projet de loi 86, surtout après qu'on eut voté contre une motion de report. Mais c'est aussi important pour nous, pour souligner une réalité bien difficile, M. le Président. Parce que, dans ce projet de loi, nous retrouvons 2 grands principes. D'abord, le projet de loi 86 modifie la Charte de la langue française en clarifiant l'utilisation et le maintien de la langue française dans certains secteurs d'activité gouvernementale et commerciale. Mais ce projet de loi fait état également de la question, tout aussi différente, de l'accessibilité à l'école anglaise et aborde d'autres questions qui touchent à l'éducation, ce qui ne devrait pas se retrouver au niveau de la Charte de la langue française, mais au niveau de l'éducation et donc, M. le Président, de la Loi sur l'instruction publique, tombant ainsi sous l'égide de la ministre de l'Éducation. L'impact de cet aspect de la loi est extrêmement important sur l'apport de nouveaux arrivants, sur leur intégration à la vie du Québec et du Canada, mais aussi sur l'enseignement des Québécois. Ce n'est pas une question, comme mon collègue de Jacques-Cartier l'a dit, simplement de la langue française, mais une question qui va bien au-delà du simple débat sur la langue elle-

même.

Il y a 2 grands principes qui sont intégrés dans le même projet de loi. Le premier constitue une modification de certains aspects quant à la présence de la langue française dans l'administration, la langue de la justice, la langue du commerce, la langue d'affichage commercial, la langue de correspondance, etc. Le deuxième principe propose des modifications qui ont des effets importants sur le régime pédagogique auquel les enfants peuvent être soumis.

Il existe 2 dimensions très différentes, M. le Président, dans ce projet de loi. Alors, le projet de loi ainsi proposé et résultant de la scission serait viable et pourrait passer par toutes les étapes de notre système législatif. Chacun des principes que nous vous soumettons peut constituer un nouveau projet de loi, et c'est là-dessus, M. le Président, que vous devez vous baser afin de rendre vos décisions. (23 heures)

Une autre chose à ajouter, M. le Président, est l'important fait que la corrélation entre les principes qui modifient les aspects concernant la langue de travail, la langue d'affichage, la langue de correspondance disparaît à l'instant où l'on nous propose des modifications à l'importante question de l'accès ou non d'un enfant dans un réseau scolaire. La direction donnée aux immigrants quant à l'éducation pour nos enfants, les questions qui touchent les difficultés graves d'apprentissage qui se trouvent à l'intérieur de certains de ces articles que nous voulons scinder, la question de séjour temporaire au Québec et les questions d'immersion, etc., ça, c'est des concepts qu'on retrouve dans les articles que nous essayons de scinder avec la motion du député de Jacques-Cartier.

Les autres points soulevés dans le projet de loi 86 se réfèrent à la présence ou à l'utilisation que nous devons faire de la langue française. Par exemple, l'article 1 du projet de loi se réfère à la langue officielle utilisée dans les projets de loi ainsi qu'à l'intérieur des tribunaux. L'article 4 du projet de loi 86 fait référence à la langue utilisée sur les panneaux de signalisation routière. L'article 17 du projet de loi permet une certaine ouverture quant à l'affichage commercial dans plus d'une langue. L'article 21 du projet de loi permet l'utilisation d'une langue autre que le français pour l'utilisation d'une raison sociale. Les articles 47 et suivants proposent une mise à jour des programmes de francisation et des exigences quant à l'utilisation du français, etc.

Mais ce n'est pas ainsi que sont proposés les articles 22 à 34 et 59 du projet de loi. Ces articles, M. le Président, se réfèrent à l'accessibilité à l'école anglaise pour nos enfants, des cas d'exception où des enfants ayant des difficultés d'apprentissage pourront recevoir leur éducation dans leur langue, des situations vécues par les familles habitant le Québec pour une certaine période donnée, etc. Alors, c'est bien différent du reste, et nous vous soumettons que ces 2 principes, M. le Président, devraient se retrouver dans 2 nouveaux projets de loi distincts.

Et finalement, M. le Président, la motion de scission propose la création de deux projets de loi qui ne concernent pas seulement des simples questions de modalités techniques, mais de grands principes, des principes distincts, des principes distincts importants. Le principe de l'accès à l'école anglaise ne devrait pas faire partie des modifications apportées à la Charte de la langue française.

Et aussi, M. le Président, pour notre formation politique, le choix proposé ici est extrêmement difficile. Nous ne pouvons refuser la certaine ouverture et l'amélioration, malgré certaines de nos réserves faites quant à la langue de l'affichage et quelques autres changements, mais, en même temps, on ne peut pas accepter que le gouvernement maintienne l'interdiction quant à l'accès à un système d'éducation à tous ceux et celles qui veulent en profiter. Et c'est nécessaire, l'ouverture de cet accès pour sauver l'avenir de la communauté anglophone du Québec qui veut toujours faire partie de la société québécoise.

C'est un dilemme important qu'on retrouve, à l'intérieur du même projet de loi, 2 principes distincts, un que nous apprécions et l'autre que nous regrettons. Nous avons un dilemme politique important. Nous croyons qu'il y a 2 principes importants fondamentaux à l'intérieur du même projet de loi, et vous devez, M. le Président, recevoir cette motion puisqu'il est de votre rôle de favoriser le débat au sein de cette Chambre, et c'est ce que nous proposons à nos confrères parlementaires.

To conclude, we feel that there are 2 major principles at work within the same draft bill. One deals with the actual usage of the French language in different sectors of society and the other falls within a completely different domain, which deals with access to English education which has followed for the integration and absorption of immigrants. It deals with temporary residency in Québec, it deals with curriculum, major principles that are quite distincts than the actual changes to the French langage Charter dealing with the actual language of the majority of Quebeckers.

And for this reason, M. le Président, we ask you to see the importance of this motion of scission to separate this important law into 2 very distinct elements which work against each other within the same draft bill.

Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de D'Arcy-McGee.

Alors, sur la recevabilité de la motion de scission, M. le leader du gouvernement.

M. Jean-Pierre Bélisle

M. Bélisle: Merci, M. le Président.

M. le Président, à la lecture même de la motion présentée par le député de Jacques-Cartier, le député de Jacques-Cartier nous demande de catégoriser, pour les fins de discussions devant cette Chambre, le projet de

loi en 2 groupes: le premier groupe, articles 1 à 21, 35 à 58 et 60 à 65, qui constituent toutes les dispositions qui sont autres que le deuxième groupe, le second groupe étant les articles 22 à 34 et l'article 59. Or, 22 à 34 et 59 ne traitent exclusivement que de la langue sous l'aspect de l'éducation et de l'enseignement. Exemples, l'article 22: «Le présent article n'empêche pas l'enseignement dans une langue autre que le français afin d'en favoriser l'apprentissage...» L'article 23: «Peuvent recevoir ? ce sont les conditions d'admissibilité ? en anglais, à la demande de l'un des parents...» Et l'article 59, simplement à titre d'illustration, M. le Président: «Prescrire les modalités ? relativement à la Loi sur l'instruction publique ? et les conditions de l'enseignement dans une langue autre que la langue d'enseignement...»

Or, le député de Jacques-Cartier tente de nous dire ici, ce soir, qu'il faudrait faire diverses chartes de la langue: une charte en matière d'affichage, une charte en matière de commerce, une charte en matière d'enseignement, une charte particulière. Mais le but principal d'une charte, c'est d'être un tout indissociable qui s'applique sous diverses modalités, M. le Président, à certains secteurs d'activité de l'activité humaine.

Il en va de même pour la Charte des droits et libertés de la personne du Québec. Vous ne verriez jamais, M. le Président, quelqu'un en cette Chambre se lever et demander de scinder les droits et libertés de la personne quant au commerce, quant à la mobilité de sa personne ou au droit pour se trouver un travail ou à l'égalité d'emploi, parce que ça touche au domaine commercial, et arriver dans cette même Chambre et vous dire, M. le Président: La Charte des droits et libertés de la personne, pour tout ce qui touche les libertés fondamentales telles que la religion, la liberté d'expression, ça va dans une autre charte. Ça n'a aucun sens. Aucun sens. Et de toute façon c'est évident que le Parti québécois, l'Opposition officielle, n'aurait jamais présenté une requête, une motion de scission telle que présentée par le député de Jacques-Cartier, parce que ça n'aurait eu aucun sens que ceux qui ont montré sur le pinacle de la souveraineté législative la Charte de la langue française, M. le Président, qu'ils en arrivent à venir nous dire: Bien, maintenant, on va prendre l'ensemble du gâteau, puis on va le couper en petits morceaux, puis on va essayer d'en discuter morceau de gâteau par morceau de gâteau, ou chapitre du cahier par chapitre du cahier. Or, c'est un tout, M. le Président. Ça ne peut pas être pris séparément.

Sur la motion du député de Jacques-Cartier, je vous réfère à la décision de la présidence de l'Assemblée nationale, le 21 mai 1986, par la présidence, où, très clairement, M. le Président, on traitait de la Société de radio-télévision du Québec. On a présenté une motion de scission, et la présidence, à cette époque-là, disait très clairement que, «même si le projet de loi contient plusieurs modalités ? des modalités, dans différents domaines; dans notre cas ici, présentement, c'est dans différents domaines, l'enseignement, le commerce ? il ne faut pas nécessairement en conclure qu'il existe plusieurs principes. Dans la recherche des principes d'un projet de loi, les notes explicatives de ce projet de loi n'ont aucune valeur juridique en soi.» Les notes explicatives comme telles du projet de loi qui est ici, relativement à la Charte... la Loi modifiant la Charte de la langue française, M. le Président, c'est très clair que ça forme un tout, si vous faites une lecture attentive.

Il y a également une autre décision de la présidence que l'on peut retrouver au Journal des débats du 4 décembre 1990 et qui dit ceci: «La présidence dégage un premier critère voulant que chaque partie d'un projet de loi ne constitue pas une fraction d'un tout, le tout constituant le principe. Un second critère consiste à distinguer entre l'essence et les modalités du projet de loi.»

Or, moi, je me verrais très mal à l'aise, non seulement une question de recevabilité légale, M. le Président, mais très mal à l'aise de voir ici, ce soir, tous les efforts que la société québécoise et que les divers gouvernements ont faits dans cette Assemblée pour assembler l'essence de la politique linguistique dans une charte, voir cette Charte tout simplement coupée, scindée en différents volets simplement pour nous permettre de mieux discuter d'un des aspects, qui est l'aspect de la langue d'enseignement ou de l'apprentissage de la langue française dans les milieux de l'enseignement ou en fonction de la Loi sur l'instruction publique.

M. le Président, il s'agit de la Charte de la langue française, c'est un tout et ce n'est pas scindable.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Je vous remercie, M. le leader adjoint du gouvernement.

Alors, sur la recevabilité, M. le leader de l'Opposition officielle et député de Joliette, je vous écoute.

M. Guy Chevrette

M. Chevrette: Oui, M. le Président. Je voudrais tout d'abord remercier le leader du gouvernement de nous prêter autant de poids, sur le plan parlementaire, en disant que si le Parti québécois ne l'a pas présentée, c'est parce que ce n'est pas acceptable. Mais je vais le surprendre, c'est bien au contraire. Si le Parti québécois n'a pas présenté la motion de scission, M. le Président, c'est parce qu'il est contre toute la loi et que scinder la loi ne règle en rien. On pourrait être pour une partie et être contre l'autre, mais, dans notre cas, ce n'est pas ça, on est contre toute la loi. J'espère que ça paraît depuis le début des travaux! Si on n'a pas compris ça, je pense que le leader du gouvernement n'a pas compris grand-chose.

Cependant, sur le droit parlementaire... Parce que c'est ça, vous plaidez sur la recevabilité de la motion de scission. Il y a une formation politique en cette Chambre qui dit qu'elle serait plus à l'aise de traiter de 2 dimensions: une dimension qui touche la Loi sur l'instruction publique et une dimension qui touche la Charte de la langue française. Et, ça, M. le Président, ce n'est pas parce que l'Opposition officielle, en cette Chambre, ne demande pas la scission que la scission n'est pas

recevable. Je vous avoue que c'est faible. C'est faible. En droit, je vous avoue que... Imaginez-vous ceci avancé par un avocat, un homme de droit: Parce qu'une formation politique ne le demande pas, c'est irrecevable. Voyons!

M. le Président, au contraire, la présidence en cette Chambre a, par tradition, accordé toute scission quand il y a une apparence réelle de discussion distincte ou différente. Est-ce que c'est différent de parler d'affichage par rapport aux droits fondamentaux de l'instruction publique? C'est le jour puis la nuit! Quelqu'un peut être en faveur de l'affichage et être entièrement contre le fait qu'il y ait de l'immersion en mathématiques, par exemple, pour les immigrants. Ce n'est pas incompatible, ça. Ça va de soi. C'est un amendement qui se discute, M. le Président. Par exemple, la ministre de l'Éducation pourrait même être opposée à ce que le ministre responsable de la Charte joue dans ses plates-bandes en ce qui regarde la valeur des programmes pédagogiques, si elle le comprenait réellement. Il faut bien comprendre qu'elle ne l'a pas compris, par exemple, depuis le début.

Ceci dit, M. le Président, sur la scission... M. le Président, est-ce que j'ai dérangé le député de Mille-Îles durant qu'il a plaidé?

Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le député de Mille-Îles, M. le député de Joliette a raison. Il a la parole. Vous avez eu la parole, et on vous a entendu. Tous ici, je vous demande la même chose à l'endroit du député de Joliette.

M. le député, si vous voulez poursuivre.

M. Chevrette: M. le Président, d'ailleurs, je rappelle que je le remercie du poids politique qu'il nous accorde en cette Chambre, parce que le principal argument qu'il a eu, c'est: le PQ ne l'a pas présentée, ça doit être parce que ce n'est pas acceptable. Je ne l'engagerais pas comme avocat. Je vous prendrais, M. le Président, parce que vous en êtes un, vous, et je suis sûr que vous aurez à trancher d'une façon beaucoup plus intelligente sur le débat de fond.

La motion de scission, je veux le rappeler, M. le Président, consiste à faire des débats distincts si vraiment le projet de loi s'y prête. Il y a une largesse là-dessus, de par tradition, dans le Parlement. Je ne disconviens pas, M. le Président, que le député de Mille-îles pourrait dire: Oui, mais, tout ça touche à la langue française. Mais la langue française dans l'affichage, qui touche le symbole par rapport à des droits pédagogiques, fondamentaux d'un étudiant, c'est 2 choses complètement distinctes. Nous pourrions être pour un régime pédagogique et être contre l'affichage, et vice versa. On peut être pour l'affichage et contre le fait qu'on touche au régime pédagogique. Ça se traite complètement différemment. Ce n'est pas les mêmes valeurs, M. le Président; ce n'est pas les mêmes répercussions, à part ça, et ça peut être dans des projets de loi complètement distincts. Tout ceci pour vous dire que nous, nous n'avons pas proposé la scission, parce que, dans un cas comme dans l'autre, dans l'affichage comme dans le régime pédagogique, quand bien même il y aurait eu 2 projets de loi, on aurait été contre les 2. Il n'y a pas de cachette, on le dit bien candidement: On aurait été contre les deux. Mais ça n'enlève pas le droit ? et c'est là-dessus, M. le Président, que je me suis fait un devoir d'intervenir ? pour un parlementaire, d'une formation politique si petite soit-elle, ou même un indépendant, en cette Chambre, au respect, M. le Président, des règles du parlementarisme, au droit de présenter une motion, au droit à l'interprétation des règlements, comme il a toujours été fait dans cette Chambre, avec la largesse de la présidence, et c'est à l'Assemblée nationale à juger si le voeu, qui est légitime, d'un parlementaire ou d'une petite équipe parlementaire, fait l'assentiment de la majorité. Mais ce n'est pas à nous, à mon point de vue, et c'est même maladroit de notre part, M. le Président, d'empêcher une formation politique de dire qu'elle veut se prononcer distinctement, à partir de 2 idées vraiment distinctes, sur un droit qui lui est admissible en vertu de nos règlements.

Donc, M. le Président, en étant d'accord sur la recevabilité de la motion, je maintiens que dans notre cas nous aurions aimé beaucoup aller dans le sens du voeu du leader adjoint de l'Opposition, mais ce n'est pas parce qu'on est contre la scission, parce qu'on est contre les 2, qu'on n'est pas en faveur de la recevabilité. Au contraire, pour nous, un droit, M. le Président, à un individu ou à une formation politique, ça doit d'abord transcender nos options personnelles.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, je vous remercie.

Très rapidement, M. le député de D'Arcy-McGee, très rapidement.

M. Libman: Juste pour vous demander, M. le Président, en tenant compte du fait qu'il y a des décisions contradictoires sur le droit de parole du parrain d'une motion de scission, dans vos décisions sur la recevabilité, si vous pouviez statuer si le député de Jacques-Cartier pourrait intervenir sur sa propre motion de scission.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, il y a déjà eu de la jurisprudence contradictoire, et je statuerai en même temps tout en prenant en délibération la recevabilité de la motion de scission.

Je suspends l'Assemblée pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 23 h 18)

(Reprise à 23 h 37)

Décision du président

Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le député de Jacques-Cartier a présenté la motion suivante: «Qu'en vertu de l'article 241 du règlement de

l'Assemblée nationale le projet de loi 86 soit scindé en 2 projets de loi: un premier intitulé Loi modifiant la Charte de la langue française, comprenant les articles 1 à 21, 35 à 58 et de 60 à 65 et un deuxième projet de loi intitulé Loi modifiant la Loi sur l'instruction publique, comprenant les articles 22 à 34 et 59.»

Après avoir entendu les arguments de M. le député de D'Arcy-McGee, de M.^ le leader adjoint du gouvernement et député de Mille-Îles, et de M. le leader de l'Opposition officielle et député de Joliette sur la recevabilité de cette motion de scission et pris cette question en délibéré, je déclare recevable cette motion de scission de M. le député de Jacques-Cartier et ce, pour les motifs suivants:

Le projet de loi à l'étude contient plusieurs principes;

Chaque partie du projet de loi scindé constitue un tout et non une fraction du tout;

Chaque partie du projet de loi scindé constitue plus qu'une simple modalité;

Les projets de loi qui résulteraient de la scission constituent des projets de lois cohérents en eux-mêmes.

Directive du président

Par ailleurs, pour faire suite à la demande de directive de M. le député de D'Arcy-McGee et ayant revu les décisions rendues au cours de la session d'automne, j'ai constaté l'existence d'une situation paradoxale en ce qui a trait au droit de parole de l'auteur d'une motion de report et d'une motion de scission prévues respectivement aux articles 240 et 241 du règlement de l'Assemblée nationale.

Il fut établi, d'une part, dans une décision de la présidence rendue le 22 octobre 1986, que l'auteur d'une motion de report ne peut participer au débat restreint qui s'ensuit. L'automne dernier, d'autre part, dans le contexte d'une motion de scission et de la logique découlant de l'article 209 du règlement, il fut décidé que l'auteur d'une motion de scission pouvait, quant à lui, participer au débat restreint qui s'ensuit.

Bien que les motifs à l'appui de ces 2 décisions soient rationnels et tout à fait défendables, il m'apparaît important, voire nécessaire d'adopter une seule ligne de conduite conforme à la tradition parlementaire dans ces 2 contextes différents, mais souvent soulevant la même problématique.

Les dispositions réglementaires de la Chambre des communes d'Ottawa sont en cette matière sensiblement les mêmes. Beauchesne, à l'article 304, paragraphe 9 de la cinquième édition, explique clairement la teneur et le fondement de la règle gouvernant le droit de parole de l'auteur d'un amendement. Cette règle est à l'effet que l'auteur d'un amendement n'a pas le droit de parole supplémentaire découlant de l'amendement puisqu'il s'est déjà exprimé sur le sujet lors de son discours portant sur la motion principale. (23 h 40)

Beauchesne explique le fondement de cette règle de la manière suivante: Les motionnaires d'un amende- ment ne sont pas plus mal traités que les autres députés puisque, dans un même discours, ils se prononcent et sur la question principale et sur l'amendement qu'ils proposent ou appuient.

Et j'informe les membres de cette assemblée que la présidence, nous nous sommes réunis, il y a peut-être un mois ou deux, pour en discuter, de cette question de motion de report et de cette question de motion de scission. Et c'est pour ça que la décision est déjà bien préparée. Je crois que c'est l'interprétation qu'il faut favoriser, ici, à l'Assemblée, puisque la base du droit est la même.

En conséquence, les auteurs d'une motion de report et d'une motion de scission prévues aux articles 240 et 241 du règlement de l'Assemblée nationale n'ont pas de droit de parole lors du débat restreint auquel donnent lieu ces motions. Et conformément à l'article 210, s'agissant d'un débat restreint, je vais faire une conférence des leaders quant au partage du temps de parole.

Alors, je suspends les travaux pour quelques instants pour statuer sur le droit de parole.

(Suspension de la séance à 23 h 41)

(Reprise à 23 h 48)

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Si vous voulez prendre place.

Débat sur la motion de scission

Suite à une rencontre avec les leaders et les députés indépendants, il n'y a pas eu d'entente. Et je vais donc répartir, en vertu du règlement, le temps de la façon suivante: 30 minutes sont allouées à l'ensemble des députés indépendants. Les 2 groupes parlementaires se partageront également le reste de la période consacrée à ce débat; dans ce cadre, les interventions seront limitées à 30 minutes chacune au maximum.

Je suis prêt à...

M. Bélisle: M. le Président, une directive. Le Vice-Président (M. Bissonnet): Oui.

M. Bélisle: Le temps n'accroît pas... accroît à l'autre parti?

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Je n'ai pas dit que le temps accroît...

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): La règle, c'est que le temps accroît au parti qui n'utilise pas le temps.

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Ça va?

M. Chevrette: M. le Président, est-ce que je peux demander au leader adjoint du gouvernement s'il a l'intention d'utiliser tout son temps?

M. Bélisle: M. le Président, si je peux répondre...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Bélisle: Je serais surtout intéressé de savoir si le député de Joliette, le leader de l'Opposition, lui, va au moins utiliser une minute du temps de l'Opposition là-dessus. (23 h 50)

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Est-ce que vous voulez que je suspende pour que vous puissiez vous parler un peu plus?

Des voix: Non.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Non? Ça va. Alors, je suis prêt à reconnaître le prochain intervenant. M. le député de D'Arcy-McGee.

M. Robert Libman

M. Libman: Merci, M. le Président.

M. le Président, il y a 2 principes dans cette législation. Un principe touche à certaines modifications à la loi 101 par rapport à l'usage ou la présence du français dans les tribunaux, dans la fonction publique, dans l'administration publique et parapublique, dans les municipalités, dans les corps administratifs, dans les institutions, sur l'affichage commercial, sur l'affichage public, dans les affaires, ça parle de francisation des affaires. Ça, c'est une partie majeure de ce projet de loi qui touche à la langue française, l'usage de la langue française, la promotion de la langue française, la disponibilité de la langue française partout au Québec. Ça améliore la Charte de la langue française, ça colmate les brèches dans la Charte de la langue française. Ça, c'est un principe majeur.

Mais, en même temps, M. le Président, il y a un autre principe qui se trouve à l'intérieur de ce projet de loi qui touche à l'éducation, qui touche à l'accès à l'école anglaise, qui touche au problème de l'enseignement pour certains enfants. Ça touche au séjour temporaire au Québec, ça touche à l'immersion. Ça, c'est tout un domaine, M. le Président, à part des autres questions, des domaines qui se situent à l'intérieur ou sous l'égide du ministère de l'Éducation.

As I said, M. le Président, we are dealing with 2 major distinctions in the same draft bill, and this is why we feel it is fundamental, we feel it is necessary, we feel it is essential to split the legislation into 2. We cannot coherently put together, in the same draft bill, a law that deals with the use of the French language within different realms of society, the presence of the

French language in different sectors of society while, at the same time, dealing with another major question, that being education. And the chanelling of immigrants into a certain direction, to a certain school system, the dealing with certain problems of learning that some students may have, question of temporary residency in Québec. We cannot coherently say that they form one coherent...in the same projet de loi.

Si on regarde, M. le Président, l'article 1 du projet de loi 86, on dit que le français, la langue française, est la langue de la législation et de la justice au Québec. Dans l'article 4, M. le Président, on parle de la langue dans la signalisation routière. On parle aussi, dans le projet de loi, on parle aussi, dans le projet de loi... M. le Président, il y a des articles ? surtout l'article 10 ? qui parlent des institutions, qui parlent des municipalités. On dit, dans l'article 10.29.1: «L'Office doit, pour l'application des dispositions prévues au troisième alinéa de l'article 20 et aux articles 23, 24, 26 et 28, reconnaître, à leur demande, les organismes municipaux ou les organismes scolaires au sens de l'Annexe, ou les établissements de services de santé et de services sociaux visés à cette Annexe, qui fournissent leurs services à des personnes en majorité d'une langue autre que française.»

Alors, on voit, M. le Président, qu'on a des articles dans ce projet de loi qui parlent strictement de l'usage, de la présence de la langue française, de la langue de la majorité au Québec. L'article 17 parle de l'affichage commercial. Mais, si on regarde, M. le Président, les articles 22 ou 35 et l'article 59, on a des articles qui touchent le domaine de l'éducation, qui ont des impacts sur l'intégration, l'absorption des immigrants au Québec et d'autres questions très importantes qui touchent la loi sur l'éducation publique, qui touchent au régime pédagogique du Québec, qui ont des impacts beaucoup plus profonds que la simple question de la langue, qui affectent d'autres secteurs, d'autres ministères. Ainsi, M. le Président, on réalise très vite que ce n'est pas dans le même ordre des choses, les articles dans ce projet de loi qui touchent la question de la langue française.

Many of the changes, or modifications, or ameliorations, or clarifications that are discussed in the law, dealing with the language of signs, dealing with public safety, where the government will allow the use of other languages where pictograms are insufficient, or in the language of municipalities or institutions, where the government has decided that instead of the Office de la langue française imposing the removal of bilingual status for these organisms that drop below 50 % as far as the clientele of a language other than French, situations of commercial signs in English, situations of clarifying some of the difficulties or interpretations in the original Bill 101 with respect to the language of the courts. Many of these changes, we consider improvements. We consider many of these changes as steps forward, and changes with which the government has shown a significant openness, contrary to what they have shown in the past. And these are areas that we feel

that we want to recognize as signs of openness and, therefore, we feel that we can possibly support some of these changes in the law. We have serious concerns about the plumbing or the modalities of some of these elements, such as the changes to commercial signs, whereby we have always been in favour of allowing other languages on signs, respecting the Supreme Court decision that French must be visible on signs, but without the exclusion of any other languages. While we recognize that and Article 17 as an important step forward, we are still somewhat concerned about the way Section 17 is formulated. It still gives the government the opportunity, by regulation, to prescribe the cases, conditions or circumstances where public signs and posters and commercial advertising must be in French only.

We are concerned about this, but we consider this to be a question that we hope the government would use good sense in. The fundamental concept underlying Article 17, or the willingness of the government to allow the use of other languages on signs is a step forward, is a major improvement over the status quo. And we feel that we should be able, perhaps by virtue of our vote, by our democratic expression of our right to vote in the National Assembly that we won in the last election, we feel that, maybe in this area, we should show the government that we respect and we recognize their spirit of openness, and we would want to be able to support that initiative, as well as some of the other initiatives that they have taken to clarify areas of the law that we feel had to be clarified.

So we feel that in some areas we would like to support them, but we are faced with a difficult dilemma, because of the way this bill is formulated, because of the way there are 2 principles, 2 distinct principles, whithin this same legislation.

The sections dealing with education do not deal with the simple use, or promotion, or promulgation of the French language throughout Québec, but it deals with a far more profound debate, a debate that deals with the channelling of immigrants into a certain educational direction, with the right of students educated in English in the rest of Canada to have access to English schools in Québec. It deals with the question of anglophone parents from Québec to be able to send their children to English schools. But where we have serious difficulties, with these articles of the bill dealing with education and those very articles we tried, with our motion of scission, to extract from the legislation to create a separate law, where we feel these sections are fundamentally lacking, is the fact that they do not scratch the surface to address the major concern of the English-speaking community of Québec, the debate of real substance, (minuit)

This section of Bill 86 has spin-offs to the absorption and integration of immigrants. It is not a question of language only, but a serious question about the structure of our society, about the depth of our society, and about the very future survival of a very important component of Quebec's society, that being a very historic minority in Québec, the English-speaking minority of Québec. And we have to understand that the major reason behind our willingness to split this legislation too is because, on the one hand, there is openness shown by the government, an openness which we may want to recognize, and yet on the other hand, there remains a rigid stepping back by the government, an unwillingness of the government to open up its arms to a significant portion of Québec society, a significant portion of Québec society that wants to play a vital role in the development and the progress of Québec society into the next century, that loves Québec, that has its roots in Québec, but is unable, because of the straitjacket of the existing legislation, to renew itself, is unable to inject new life, breath of fresh air, new blood into its school system. And because of these limits imposed on the anglophone community's liability to renew its school system, there are serious questions about whether the anglophone community can continue to play this important historic role in Québec society into the next century.

And we are extremely concerned, extremely concerned about the government's narrowness on this issue, of the government unwillingness to open up even a slight crack the door towards a certain number of newcomers to Québec: even those whose mother tongue is English or even those whose parents were educated in English, even those who are completely English-speaking. The government's unwillingness to open up even a small crack to allow some of these new arrivals to help bolster the English school system of Québec is of major concern to us.

And the one reason that we are willing to play the game of delaying this legislation is because we feel that this debate must be underlined. More focus or more emphasis must be directed on this very serious problem that the government is not showing any willingness to address.

And I believe that the Official Languages Commissioner of Canada, Victor Goldbloom, summed it up quite elegantly 2 weeks ago when he tabled the report of the Official Languages Commissioner. He said that the debate over the language of signs camouflages the major concern for the anglophone community.

Le Commissaire des langues officielles a dit très clairement, il y a 2 semaines, M. le Président, que le débat intense entourant la question de l'affichage commercial, qui est plutôt un débat symbolique, camoufle un débat beaucoup plus important pour la communauté anglophone du Québec. Le vrai défi est de trouver une façon de renouveler son réseau scolaire, de trouver une façon d'être capable de respirer dans le prochain siècle. Et tout ce débat qui touche à l'affichage commercial cache le vrai débat, le véritable défi pour la communauté anglophone du Québec.

En 1971, il y avait 250 000 étudiants dans le réseau scolaire anglophone du Québec; aujourd'hui, M. le Président, il n'y a que 100 000 étudiants dans ce même réseau scolaire. La communauté anglophone du

Québec veut jouer un rôle important dans l'avenir de la société québécoise, veut rester une composante intégrale au Québec. Mais on ne peut pas le faire si notre système scolaire continue de se détériorer, s'il n'y a aucune façon d'amener dans nos écoles au moins des immigrants anglophones, au moins des immigrants qui proviennent des pays anglophones.

Alors, en scindant ce projet de loi en 2, M. le Président, qui touche spécifiquement ce sujet crucial pour la communauté anglophone du Québec, ça mérite ou ça peut amener peut-être le débat nécessaire pour discuter cette question importante.

Et c'est pour cette raison que nous agissons ainsi: pour qu'on puisse débattre un projet de loi à part qui touche directement à l'accès aux écoles anglaises, à l'avenir, à la survie de la communauté anglophone du Québec. Si nous pouvons aborder directement cette question importante qui touche l'accès aux écoles anglaises.

Et il faut reconnaître que, malgré la rhétorique hystérique de l'Opposition officielle, malgré la rhétorique hystérique de Lorraine Pagé, la semaine dernière, en commission parlementaire, le projet de loi 86 ne touche même pas l'accès aux écoles anglaises. C'était vraiment un spectacle de voir Mme Pagé crier contre ces mesures néfastes d'ouvrir les portes à l'école anglaise au Québec parce que vous savez, M. le Président, très bien, je sais que vous êtes très au courant du projet de loi 86 parce que c'est un projet de loi très important, vous savez très bien que le projet de loi 86 ne touche même pas à l'accès à l'école anglaise, ne permet pas à la communauté anglophone du Québec de se renouveler, de se donner une façon de voir le XXIe siècle avec un peu d'optimisme, ici.

It has barely been touched, even the Chambers Report, which would allow access to English education for immigrants, for Anglophones. Immigrants who come from England or the United States or Australia who one, in any normal democratic country in the world, would assume would be able to go to the English school system, even that has been rejected.

Even a modification allowing Article 23.1a of the Canadian Charter of Rights and Freedoms to apply in Québec has been rejected by the Minister. This is an article that applies everywhere else in the rest of Canada, that parents or their children whose mother tongue is English would have the right to go to English schools in Québec. Even that was rejected. Yet, we still see the screeching, we still see the histerical rhetoric from the Official Opposition, from certain groups that came before this commission that the government has swung open the doors to access to English education, Bill 86. We know that this is not trie case.

And it has been very frustrating for members of the anglophone community, who are very concerned about the future of the community, who want access to be increased ? even slightly ? to allow the anglophone community to renew itself. It has been very frustrating for us that so many people have come to express opposition to the education provisions in Bill 86, when in fact nothing has been changed, really. It has been only negligible changes, and this has been very frustrating to us, and this is the motivation between us wanting to split this legislation, because we feel that a debate about the future of the English school system in Québec, the debate about access to English schools merits the sufficient attention.

It merits greater attention and must not be lost or hidden in the dustup over the language of commercial signs, which is a very symbolic debate. It must be delt with individually. And this is why we feel that this legislation should be split to at least allow the debate about the access to English education to be aired in this National Assembly openly and with the respect that it deserves.

You know, if we look at what Bill 86 does and how it affects access to education, or what has provoked histerical reaction from the CEQ, or the Official Opposition, what it does is it clarifies the ability for people with temporary status in Québec to send their children to an English school, or it allows children with learning disabilities, or Anglophones with learning disabilities to go to English schools. This will affect, in the most, a couple of hundred students to the English school system. A couple of hundred students would be allowed: this has been the source of the histerical reaction of the officiel Opposition, a couple of hundred students. do you know, m. le président, that this represents less than one tenth of 1 % or 1000th of the enrollment in french schools in québec. this is what bill 86 does. it affects 1000th of the enrollment in french schools in québec. the anglophone community, in order to survive, in order to continue to play an important roll in québec society, needs more than that. this past weekend, or 2 weekends ago, even alliance québec, that have been considered by many to be a moderate voice for the anglophone community, out of frustration, adopted a position calling for the freedom of choice of all immigrants to have access to english schools in québec. now, whether that is politically realistic at a time like this, in comparison, if we look at realistic political measures, what is so pernicious about allowing anglophone immigrants or immigrants whose parents come from english-speaking countries to have access to english schools, the most that this would affect is 10 000 students a year, an absolute maximum. 10 000 students a year, m. le président, represents 1 % of the enrollment in french schools in québec. 1 % is what many representatives of the anglophone community are asking to be able to extract from the french school system, 1 % of the french school system. but that small 1 %, if allowed to go to english schools in québec, represents a hefty 10 % of the total enrollment in english schools in québec. that 10 % could be the difference between closing and remaining open for a large number of english schools in québec. and god knows our english schools need an influx; god knows our english schools need new blood. and what are many representatives asking for? 1 %, to be able to

extract from the French sector.

Another question that falls within the area dealing with education, that we want to separate or «scind» from the original legislation, is the question of immersion. How could Lorraine Pagé come before our commission and show such ignorance to the reality of education? She accused me of not being an «enseignant» or not being «dans le domaine de l'enseignement» when I defended the importance of immersion programs in that commission? (0 h 10)

I can tell you, M. le Président, that anglophone students who have had the benefit of going to immersion programs have mastered the French language as a second language without, in anyway, risking their grasp of their mother tongue. She had the audacity to say that, if you are an «enseignant», you realize that by teaching students geography in their second language, they do not learn geography better or they do not learn their second language better. I challenge Mme Pagé to look at the results of immersion programs because she obviously does not realize that the best way to learn a second language is not by being taught about verbs, or nouns, or grammar, or tenses, but by practicing that language in different domains, whether it is geography, or mathematics, or history. The best opportunity to learn a second language is using that second language in other domains; in speaking and practicing, and not the simple generic questions of learning how to conjugate verbs properly. That is a very artificial way to learn a second language, and if you compare the positive results of English students who have gone through French immersion, versus English students who have learned French as a second language throughout the high shool program, the regular high school training, you will see a vast difference, and you will probably even see that those that learn French as a second language through immersion have a better grasp of their mother tongue because they themselves have had the opportunity to open up their horizons, and it is by opening up horizons that one masters education, that one becomes a better and more successful student.

So, we are asking, M. le Président, by splitting this legislation into 2, number one, that the government recognize we are dealing with 2 very distinct principles...

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Un instant, M. le député de D'Arcy-McGee. Oui, madame la...

Mme Blackburn: ...débat important. Il est inacceptable que la Chambre soit vide. Alors, je vous demanderais d'appeler le quorum.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Qu'on appelle les députés, s'il'vous plaît!

M. Libman: Combien de temps il nous reste? (0 h 13 - 0 h 15)

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, M. le député de D'Arcy-McGee. Mmes et MM. les députés, si vous voulez regagner vos places, s'il vous plaît.

M. le député de D'Arcy-McGee, vous avez droit à une intervention de 30 minutes, vous disposez encore de 6 minutes. Allez-y, M. le député.

M. Libman: Merci, M. le Président.

D'abord, je veux souhaiter bonne chance aux Canadiens qui se trouvent en prolongation actuellement.

M. le Président, juste pour conclure, nous, nous déposons cette motion de scission parce que nous croyons qu'il y a 2 principes fondamentaux à l'intérieur de ce projet de loi: un qui touche l'utilisation de la langue française au Québec, l'autre qui touche aux questions beaucoup plus profondes dans le domaine de l'éducation, qui touche beaucoup de secteurs qui sont à part de ces questions sur la langue. Aussi, le dilemme auquel notre formation politique fait face. Peut-être que nous voulons donner le bénéfice du doute au gouvernement en appuyant une bonne partie de ce projet de loi, en appuyant l'ouverture sur la question de l'affichage, malgré nos réserves qu'on va aborder durant l'étude article par article du projet de loi, mais, en même temps, nous voulons souligner nos inquiétudes face à l'interdiction continuelle en ce qui touche l'accès à l'école anglaise. (0 h 20)

This is the major reason behind what we are doing. We feel that the debate about access to English education merits more attention, just as the Official Languages Commissioner underlined last week. We feel that Québec society must realize that the anglophone community, in order to play a vital role in the development of Québec society into the future, that the anglophone community needs an opportunity to renew itself, and that the majority of Quebeckers must realize that what some of the representatives are asking for will not have any great impact on the French school system in Québec. and the minister has said on repeated occasions that public opinion is not ready to go this distance, is not ready to accept, at this point, opening the doors to english education, even slightly. but i believe that if the majority of quebeckers understood that one of the measures that can go a long way in satisfying the concerns about the anglophone community's future in québec would be to allow english-speaking immigrants into english schools, a measure that would affect 1 % of enrollment in the french schools. if the majority of quebeckers realize that that is a measure that the anglophone community needs for its own survival, then i believe that public opinion would be ready to support the minister on such an initiative.

As we go forward and analyse this bill article by article in committee, the Minister will be tabling a series of important statistics. These statistics, he says, will show that there will be a slight increase in enrollment in English schools in the future, but any statistical blip, or improvement, or slight increase ? especially in the

overall enrollment ? will not be enough to save our community. And we beg the Minister to reconsider the areas of the law that deal with education, if even for a temporary period, even if he looked at opening access for 3 years to allow the community for an injection.

This is something that our community is looking for. This is something that our community needs and our community... and I believe the majority of Quebeckers would open their arms to such a change. I believe he is underestimating the fact that the majority of Quebeckers would be willing to accept such a change. He has handled this language debate, thus far, very skillfully, and I believe he is able to bring about even this type of change without provoking a major backlash of the majority of Quebeckers. I believe the majority of Quebeckers would be willing to accept this. With a little bit of skill on the part of the Minister in selling this change, I believe it is very «doable», and I believe that it is something the Minister should think of very carefully before we adopt this legislation, in the next couple of weeks.

With that, M. le Président, I ask the government to consider this motion of scission, that the government recognize that this bill, the Bill 86, contains 2 major principles within it, one dealing specifically with language, one dealing with major areas of education, and that the government vote in favour of this motion of scission to create these 2 distinct pieces of legislation. And if the government is willing to do that, we are willing to show the benefit of the doubt and support the government's initiatives in areas touching specifically with language, and we can have a full and proper debate on a bill that deals directly with education, with access to English education being the major part of that second bill.

Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci. Merci, M. le député de D'Arcy-McGee.

Je suis prêt à reconnaître le prochain intervenant. M. le député de Saguenay, votre formation dispose d'une période de 45 minutes. Votre intervention peut être d'une durée maximale de 30 minutes.

Allez-y, M. le député de Saguenay.

M. Ghislain Maltais

M. Maltais: M. le Président, la motion de scission présentée par le député de Jacques-Cartier est une des nombreuses mesures employées par les partis d'opposition pour retarder indûment et de façon complaisante, de façon un peu enfantine ce que 70 % de la population du Québec réclame.

M. le Président, à ma grande surprise, j'ai appris ce soir qu'on pouvait modifier la Charte de la langue française, dans ses 2 chapitres, par des projets de loi différents. Au Québec, il n'y a qu'une Charte de la langue française, à ce que je sache, il n'y en a pas d'autre. Et la motion nous indique qu'on doit modifier, premièrement, la Charte de la langue française et, deuxième- ment, le ministère de l'Éducation.

J'ai appris ça ce soir. Et il y en a qui, d'une façon complaisante, ont souscrit à ce débat. Ce n'est pas nécessairement ceux que je regarde. M. le Président, c'est un nouveau droit parlementaire. J'aimerais bien qu'on nous donne des cours dans ce sens-là dans les prochaines semaines. Parce que c'est vraiment le comble du ridicule. Comble du ridicule aussi, de présenter une motion de scission alors qu'on a eu un débat, il y a 2 semaines, avec le député de Jacques-Cartier. Le fond de la mesure du député de Jacques-Cartier, c'est tout simplement de se plaindre que ce n'est pas par la natalité qu'on va remplir les écoles anglaises au Québec, mais, bien sûr, par l'immigration de la langue anglaise.

J'ai des petites nouvelles pour vous autres. De 2 choses l'une: vous ne voulez pas sciemment comprendre ou vous avez les oreilles bouchées. On va vous l'expliquer encore une autre fois, comment ça marche dans le grand monde. C'est la dernière fois. Parce que ce n'est pas ce que vos électeurs vous demandent. Vous faites un travail démesurément... de l'obstruction systématique au projet de loi. Et ce n'est pas ce que vos électeurs demandent.

D'abord, M. le député de Jacques-Cartier, si vous n'avez pas d'enfants dans vos écoles anglaises, ce n'est pas notre faute. C'est peut-être la faute de ceux qui n'en ont pas faits. Deuxièmement, l'immigration, c'est bon pour la ville de Montréal, ce n'est pas bon pour les régions. Même si on acceptait tous les immigrants de langue anglaise qui sont d'âge scolaire dans les écoles à Montréal, ça ne réglera pas le problème de mon école McCormick, à Baie-Comeau, parce qu'il n'y a personne qui s'en vient immigrer là. Une fois pour toutes, allez-vous comprendre ça? Allez-vous comprendre que l'effort du gouvernement du Québec ne se fera pas par législation pour mettre des enfants dans les écoles?

Je pense qu'il est temps... vous êtes un professeur de haut savoir, vous devriez savoir, M. le député de Jacques-Cartier, que ce n'est pas de cette façon-là qu'on va le régler, le problème. Pour la dernière fois, je vous le dis, et si vous avez l'occasion, j'invite le député de D'Arcy-McGee à rester ici, cette nuit, on va lui donner une autre recette. D'ailleurs, vous avez avantage à passer la nuit avec nous autres. On vous annonce qu'on va la passer. Vous avez avantage à rester ici pour écouter. Parce qu'il n'y a pas 200 façons de régler le problème. Le gouvernement, le ministre responsable de la Charte de la langue française l'a clairement indiqué à l'ouverture de la commission.

M. le Président, on va employer toutes les mesures, cette nuit. On va passer le catalogue de règlements. On va, d'un certain côté, déchirer leur linge, tout simplement parce qu'on est conscient d'une chose. On est conscient que ce que le ministre responsable de la langue fait, par le projet de loi 86, rencontre la plus grande unanimité au Québec. Autant dans les milieux francophones qu'anglophones. Même dans le comté de la députée de Chicoutimi.

Je prenais un sondage, ce soir, et Mme la députée de Chicoutimi devrait avoir écouté les nouvelles. Dans

son propre comté, 1 groupe sur 5 interviewés est d'accord avec elle. Et je respecte leur point de vue. Mais ça vous démontre que ce n'est pas nécessairement la remontée des régions vers la ville de Montréal qui va faire un gros rassemblement le 24 juin. Je ne pense... J'ai l'impression qu'on lutte dans le vide. Un moulin à vent. Cyrano dirait que oui. On a presque l'unanimité au Québec sur ce point de vue là. (0 h 30)

J'ai assisté, en très grande partie, à la commission parlementaire. Il n'y a personne qui nous a parlé de scission de projet de loi. Il n'y a personne dans les gens interviewés, et ceux qui étaient pour et ceux qui étaient contre, qui a demandé au ministre de scinder son projet en deux. Parce que, eux autres, ce n'est pas des parlementaires, mais ils ont compris une chose ? Je pense que les Canadiens viennent de gagner, M. le Président ? II y avait juste une façon de le régler, c'était le projet de loi que le ministre amenait. Pourquoi on ne peut pas le régler? Écoutez. Il y en a une charte, une Charte de la langue française. On ne peut pas modifier la Charte de la langue française par 2 projets de loi que vous demandez. Il y en a un qui touche l'éducation. Il faudrait, donc, dans votre motion, indiquer que vous vouliez modifier la vocation du ministère de l'Éducation.

Une voix: ...

M. Maltais: On l'a dit, M. le député.

M. le Président, ce qui est un petit peu offusquant dans le débat, c'est que j'avais cru entendre le député de D'Arcy-McGee, le long de la commission parlementaire, indiquer que, dans l'ensemble du projet de loi, il était totalement d'accord avec nous. Et, ce qui me déçoit encore plus, M. le député de Jacques-Cartier, c'est qu'ensemble, on a eu l'occasion de faire un débat ici. Donc, je pense que vous avez retourné votre capot de bord, parce que, de retarder l'adoption du principe, ça nous évite d'aller en commission. Si vous avez des choses importantes, M. le député de Jacques-Cartier, des amendements à apporter, vous savez qu'il existe une place qui s'appelle la commission parlementaire. Écrivez-les cette nuit, vos amendements, apportez-les en commission parlementaire, on va les étudier ensemble et s'ils sont acceptables, on les acceptera, et s'ils ne sont pas acceptables, on les rejettera. Mais, c'est ça, du parlementarisme, vous devriez savoir ça.

Quand ils vous ont donné un petit livre de règlements, quand vous êtes arrivé ici, ce n'est pas de le mettre dans le tiroir de votre bureau, c'est de l'étudier. Prêtez-le à votre collègue de D'Arcy-McGee, ça va lui faire du bien aussi. Préparez vos amendements au lieu de retarder l'adoption de principe, au lieu de faire le jeu du Parti québécois. Au lieu de se couvrir de ridicule comme Opposition, travaillez donc constructi-vement. C'est là l'objectif du projet de loi 86. Préparez...

Le Vice-Président (M. Lefebvre): ...

M. Maltais: Eh! que vous avez raison, M. le Président. Que vous avez raison, M. le Président. D'ailleurs, votre visage est beaucoup plus reposant. Mais j'invite quand même les députés, j'invite sérieusement les députés du Parti Égalité à préparer du travail sérieux, à faire des amendements, à préparer leurs amendements. On va les discuter en commission parlementaire, amenez-les. Ce n'est pas à cette étape-ci que c'est le temps de présenter des amendements dans le règlement. Regardez votre petit règlement, ce n'est pas là, ce n'est pas là, c'est en commission parlementaire. Puis, en deuxième lecture, le ministre va faire savoir ses couleurs, c'est ça le travail. Là, vous faites le jeu du Parti québécois, tout simplement. Vous regardez l'heure; vous avez hâte que ça se termine, mais j'ai des petites nouvelles pour vous autres, vous allez garder votre cravate jusqu'à demain 10 heures. Vous allez la garder, parce que c'est dans votre intérêt que vous avez présenté la motion de scission, bien, vos électeurs exigent de vous de rester jusqu'à la fin. C'est fini là de faire son petit «speech» et de se sauver à son hôtel; vous allez rester avec nous autres, vous allez écouter ce que vous avez fait ce soir.

M. le Président, c'est important...

Le Vice-Président (M. Lefebvre): M. le député de D'Arcy-McGee. Un instant, M. le député de Sague-nay. Oui, M. le député de D'Arcy-McGee.

M. Libman: ... on doit s'adresser à la présidence, et aussi on ne peut pas imputer des motifs ou parler du travail d'un député hors de cette Chambre, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, j'ai indiqué, tout à l'heure, à M. le député de Saguenay qu'il doit, effectivement, s'adresser à la présidence. Alors, je vous le rappelle à nouveau, M. le député de Saguenay.

M. Maltais: On ne prendra pas de chance, M. le Président, on va s'aligner comme il faut envers vous. Mais je les invite quand même à réfléchir à ce que j'ai dit, et c'est important.

M. le Président, on va passer au vote sur cette motion-là. Le Parti québécois va en sortir une autre; la députée de Chicoutimi en a une pile haute comme ça sur son bureau. Mais on va toutes les passer, parce que 70 % de la population du Québec réclame et apprécie le travail que fait le ministre présentement, et ceux et celles qui ont apporté des mémoires constructifs en commission, le ministre en a tenu compte; ceux et celles qui vont apporter des modifications, des améliorations au projet de loi en commission parlementaire, le ministre va en tenir compte, et ceux et celles qui auront travaillé pour l'ensemble des Québécois, la population en tiendra compte. Voilà, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le député de Saguenay.

Est-ce qu'il y a d'autres interventions?

Alors, Mme la députée de Chicoutimi, votre formation dispose également d'une période de 45 minutes. Vous pouvez effectuer une intervention d'une durée maximale de 30 minutes.

Mme Jeanne L. Blackburn

Mme Blackburn: M. le Président, sur la motion présentée par le député de Jacques-Cartier, voulant scinder le projet de loi en faisant deux projets de loi distincts, l'un contenant, nous dit le député de D'Arcy-McGee, les dispositions sur l'affichage, l'autre, les dispositions sur la langue d'enseignement.

D'abord, rétablissons les faits. La loi contient 65 articles: 10 articles sur l'affichage, 13 sur la langue d'enseignement, et tous les autres articles' ça veut dire 10 plus 13, ça fait 23, de 65, donc 42 articles pour déstructurer, petit à petit, de façon extrêmement minutieuse, l'esprit de la Charte de la langue française. Alors, quand on veut nous faire accroire, comme vient de le faire le député de D'Arcy-McGee, que cette loi n'a que deux objets: l'affichage et la langue d'enseignement, on induit la population en erreur, et de façon volontaire. Le gouvernement l'a fait, d'ailleurs, depuis le dépôt de ce projet de loi, le 6 mai dernier: De façon systématique, il a réussi à faire croire à la population que ça ne concernait que l'affichage. Là, on vient d'apprendre, par la motion de scission du député de D'Arcy-McGee, que ça concerne aussi, et dans une mesure plus importante, si je peux ainsi m'exprimer, ça touche plus d'articles, ça touche donc la langue d'enseignement.

Vous savez, au-delà de ces remarques, il faut dire que le discours misérabiliste du député de D'Arcy-McGee fait pitié à entendre: Victime de la vindicte de la majorité francophone, brimé dans ses droits fondamentaux, opprimé, menacé de disparition, pris en pitié par le Commissaire fédéral aux langues officielles qui compare le statut des Anglo-Québécois à celui des Franco-Canadiens. Aïe! il faut le faire. Mais il faut le faire, M. le Président. Il faut le faire! écoutez, ils ont dans leurs universités 27 % de toutes les clientèles québécoises, alors qu'ils n'en représentent que 10 %; ils ont dans leurs cégeps 24 % de toutes les clientèles québécoises, ils n'en représentent toujours que 10 %. quand on parle de transfert linguistique, deux fois sur trois, ça se fait en faveur de l'anglais, quand vous n'avez ni le français ni l'anglais comme langue maternelle, s'entend, chez les immigrants; deux fois plus de transferts en faveur de l'anglais. et ils sont menacés, ils vont disparaître demain matin! on les a opprimés, il y en a encore 300 000 au québec qui sont unilingues anglais. voyons donc! il ne faut pas dire n'importe quoi. je trouve que ça n'a pas de sens.

Il faut qu'à un moment donné les choses soient dites: C'est la minorité la mieux traitée au monde. Je sais qu'ils n'aiment pas ça qu'on le dise mais, de temps en temps, il faut dire les choses telles qu'elles sont. L'autre jour, on nous disait en commission parlementai- re: On veut être traités sur un pied d'égalité. Bien, je dis: Bravo! On va être obligés de fermer le tiers de vos établissements, le tiers, parce que vous recevez beaucoup de clientèles francophones. Moi, je ne m'en plains pas, mais si vous voulez vraiment être traités proportionnellement à votre nombre, on va devoir fermer une partie de vos établissements. Je ne pense pas que ça soit ça que vous souhaitiez; je ne pense pas que ça soit ça que vous souhaitiez. Mais je pensais également que ces choses devaient être dites.

Cependant, par rapport au discours du député de D'Arcy-McGee, les raisons fondamentales qui l'amènent à vouloir scinder le projet de loi, on le savait, on s'en doutait. Il ne l'avait pas vraiment dit en commission parlementaire; il était content, il avait gagné, ils avaient eu l'affichage. Il le disait un peu en coulisse, mais on sentait que le projet de loi, ça faisait son affaire; même que certaines rumeurs prétendaient qu'il était prêt à changer de côté de Chambre avant les élections. Mais voilà, voilà, la pression de son parti... Il se situe entre le gouvernement et le président de son parti. Parce qu'il faut rappeler qu'en commission parlementaire, le président de son parti n'a demandé rien de moins que la liberté de choix en matière d'enseignement. La liberté de choix en matière d'enseignement, rien de moins, rien de moins.

Évidemment, ce que demande le député de D'Arcy-McGee et les députés du Parti Égalité, c'est qu'on crée deux catégories d'immigrants: les immigrants qui ont l'anglais comme langue maternelle et les autres. Et les autres. Évidemment, les francophones aussi, parce que les francophones non plus n'auront pas accès, n'ont pas le libre choix en matière d'accès à l'école: On doit fréquenter... et c'est normal, parce qu'on en a décidé ainsi. Il y a une langue nationale, c'est le français; il y a une langue qui devrait être commune, c'est le français. Il serait donc normal qu'on ait une catégorie d'immigrants... (Oh 40)

Mais, voyez-vous, la motion du député de Jacques-Cartier jette une lumière crue sur ce que nous disions, sur ce qu'ont constaté tous les groupes qui se sont présentés en commission parlementaire. Ce qu'on nous a dit, c'est que le prochain front, c'est l'école anglaise. Michel Venne, dans Le Devoir, lundi 10 mai 1993. Et ça, ça a été répété de façon presque constante, pour ne pas dire unanime, tant par les opposants au projet de loi que par ceux qui étaient favorables au projet de loi. Ceux qui étaient favorables au projet de loi nous disaient: Ça ne va pas assez loin. Le Conseil du patronat s'est même déjà engagé à prendre fait et cause pour l'accès à l'école anglaise des enfants d'immigrants qui avaient l'anglais comme langue maternelle. On ne s'est pas prononcé là-dessus parce que ce n'est pas dans le projet, mais, dès que ça va être avancé, nous, on va rentrer dans ce camp-là.

Alors, faut-il s'étonner que, ce soir, le chat sorte du sac et que ce qu'on nous dit, si on veut scinder le projet de loi, c'est parce que ce projet de loi, il ne va pas assez loin. Et vous comprenez qu'on est en train

d'ouvrir le front à l'école anglaise. Ce que nous dit M. Venne: À moins d'un revirement spectaculaire ? il dit ? le cas de l'affichage commercial, c'est réglé. C'est tellement bien réglé que le Parti Égalité et quelques autres groupes qui se sont présentés en commission parlementaire ont déjà annoncé au ministre que, s'il ne recourt pas à la clause dérogatoire pour l'affichage sur les grands panneaux, ils l'attendent au détour parce qu'ils vont contester la validité des dispositions touchant l'affichage sur les grands panneaux. C'était la petite réserve que voulait se donner le ministre.

Mais là, on dit: On va demander au Canada, au gouvernement canadien d'utiliser son pouvoir de désa-voeu et, si ça ne fait pas, on ira plus loin. Mais, déjà, la bataille est engagée. Déjà, la paix linguistique est menacée. Avant même que le projet de loi soit adopté, déjà, on nous annonce que ça va continuer, qu'ils ne vont arrêter que lorsqu'ils auront le libre choix, parce que c'est ça, l'objectif fondamental. L'objectif fondamental, c'est d'abolir complètement et totalement les dispositions de la Charte de la langue française. D'ailleurs, faut-il encore parler de Charte de la langue française? Mme Bissonnette trouve que c'est un euphémisme. Il y a eu comme un oubli dans ce projet de loi parce qu'on parle de modification à la Charte de la langue française. Elle dit: Tel que modifié, ça ne peut plus porter le nom de «Charte de la langue française». Parce qu'on a fini par en faire une charte du bilinguisme institutionnel, une Charte de la langue française dans laquelle charte on prévoit l'enseignement de l'anglais. On n'a pas peur du ridicule, il me semble. Une Charte de la langue française, M. le Président, pas dans laquelle on prévoit des dispositions pour promouvoir l'enseignement du français, pour assurer une meilleure qualité de l'enseignement du français, non, une Charte de la langue française dans laquelle on dit: Dorénavant, on pourra permettre l'immersion, les classes d'immersion. Classe d'immersion, ça veut dire que vous pourriez faire six mois par année en anglais pour toutes les matières. C'est un peu fort, c'est un peu beaucoup.

Ce que dit Mme Bissonnette me permet de citer quelques passages de ses éditoriaux. Le 8 mai 1993: «La fin de la Charte ? nous dit Mme Bissonnette ? Par quelque oubli, le gouvernement du Québec n'a pas modifié le titre du chapitre C-ll des lois du Québec. Malgré le projet de loi 86, il s'appelle encore "Charte de la langue française". C'est désormais un travesti.» Alors, vous comprendrez avec moi que ce que nous avions dit en commission parlementaire, comme se dégageant des différents mémoires, il y avait une perception unanime. Pour les uns, la loi faisait un bon bout de chemin, c'était un premier pas, mais le prochain pas, c'était l'école anglaise. Et pour tous ceux qui étaient contre le projet de loi, on disait au gouvernement, ils sont venus dire au gouvernement: Ce n'est qu'un pas et la prochaine bataille, elle n'est pas finie, c'est l'accès à l'école anglaise. Le discours, ce soir, du député de D'Arcy-McGee nous le démontre, s'il fallait encore en douter. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, Mme la députée.

M. le député d'Abitibi-Ouest et leader adjoint de l'Opposition officielle, je vous cède la parole.

M. François Gendron

M. Gendron: Merci, M. le Président. Si j'interviens à ce moment-ci sur la motion de scission, d'abord, c'est parce que la présidence a reconnu que la motion présentée par le député de D'Arcy-McGee pouvait, effectivement, être agréée par la présidence en reconnaissant ? oui, le député de Jacques-Cartier ? qu'il y avait là, M. le Président, deux principes distincts. Et j'estime que la présidence a été sage de reconnaître en cette Chambre la possibilité que les parlementaires puissent, si la motion de scission était retenue par l'Assemblée nationale... une chose qui est certaine, c'est que ça permettrait de faire un débat, pour certains, portant sur les deux dimensions de ce projet de loi.

Je tiens à préciser, comme le leader de l'Opposition l'a fait, qu'en ce qui nous concerne, c'est évident que ce n'est pas parce que la motion de scission est sur la table qu'on est favorable à la motion de scission. Nous, on est contre les modifications proposées par le projet de loi 86. Mais le point de vue présenté par les gens du Parti Égalité est quand même raisonnable, puisque, autant en commission parlementaire générale que lorsqu'il y a eu des consultations particulières, combien d'intervenants, M. le Président, sont venus exprimer que, dans le fond, ce qui avait suscité un certain nombre d'ouvertures au projet de loi de la Charte de la langue française, dans la vision de certains, c'était d'apporter des assouplissements à la dimension de l'affichage, suite au projet de loi 178 que nos amis d'en face ont passé, suite aussi à leur prétention qu'il serait inconvenant d'utiliser à nouveau la prescription dérogatoire qui est prévue afin de continuer à sauvegarder l'ensemble des principes de la langue française.

Cette prétention a été non seulement uniquement la nôtre, mais a été la prétention de plusieurs intervenants. Il s'agit juste de se rappeler, M. le Président, en commission... Ce n'est quand même pas nous qui, en commission parlementaire... Je donne des exemples: La Fédération des commissions scolaires du Québec, quand elle dit que l'immersion anglaise n'est pas la solution, c'est parce que la Fédération des commissions scolaires a vu là...

Une voix: M. le Président, je m'excuse auprès de mon collègue, mais on n'a pas le quorum.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Un instant. Pardon? Vous demandez le quorum? Qu'on appelle les députés! (0 h 48 - 0 h 50)

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Allez-y, M. le député d'Abitibi-Ouest.

M. Gendron: Oui. Merci, M. le Président. Alors,

ce que je disais, c'est que des gens, en cette Chambre, prétendent que, dans le projet de loi 86, il y a des dispositions modifiant la Charte de la langue française et il y a également une série de dispositions modifiant la Loi sur l'instruction publique et toutes les dispositions concernant la modification à la Loi sur l'instruction publique, c'est de créer davantage d'ouverture au niveau de la langue d'enseignement. De dire d'un projet de loi qu'il y a des dispositions concernant l'affichage et également des dispositions concernant la langue d'enseignement, ça correspond à une réalité qui a été observée par d'autres et c'est ça que je voulais vous indiquer, M. le Président. Lorsque plusieurs intervenants, en commission parlementaire, sont venus évoquer cette réalité, bien, c'est qu'elle est perçue également par d'autres que le Parti Égalité. Et là, je donnais l'exemple de la Fédération des commissions scolaires qui prétend que l'immersion anglaise n'est pas la solution. Et tout le monde sait que c'est une disposition qui est prévue au projet de loi 86.

Lorsque plusieurs intervenants de la CECM ont sorti publiquement, dans une conférence de presse, pour indiquer que le projet de loi 86 menaçait la paix sociale, leur argument a été exactement de même ordre, exactement de même nature. L'ensemble de ces intervenants-là ont prétendu qu'il était même rare que tous les regroupements de personnels de la Commission des écoles catholiques de Montréal adoptaient une position commune.

C'était quoi, M. le Président, leur position commune? C'était pour dire qu'on modifiait d'une façon très substantielle l'ensemble des prescriptions qui, jusqu'alors, ont guidé la gestion de l'admission des jeunes Québécois francophones ou allophones à l'école française. Ils parlaient des modifications au régime pédagogique. Lorsque moi, tantôt, j'ai eu l'occasion d'indiquer, en cette Chambre, qu'il était dangereux qu'un tel projet de loi soit accepté sans que nous ayons pris connaissance des règlements d'application, c'est parce que la grande majorité des règlements d'application vont concerner le régime pédagogique. Et il me semble que c'est normal dans un tel cas, si on veut permettre à des parlementaires d'avoir l'occasion de s'exprimer sur les dispositions plus spécifiques, dans un cas, eu égard à l'affichage et, dans un autre cas, eu égard aux modifications concernant la Loi sur l'instruction publique.

Et, dans ce sens-là, M. le Président, lorsque des parlementaires présentent une motion de scission, c'est pour avoir l'occasion de faire un débat de fond, mais sur les vraies choses. J'entendais des gens, tantôt, qui disaient: Écoutez, c'est la première fois qu'on modifierait la Charte de la langue française et il y aurait 2 projets de loi à l'intérieur du projet de loi de la Charte de la langue française. Ce n'est plus la Charte de la langue française; il n'en reste plus de Charte de la langue française. Ils l'ont chamboulée de a à z. Il n'y a à peu près absolument rien...

Une des preuves: Est-ce que, dans la Charte de la langue française, il y avait au moins quelques articles sur la promotion de la langue française? C'est évident. Est-ce qu'il y avait des instances prévues pour surveiller l'application de la Charte de la langue française, que ça soit au niveau de la langue de travail, que ça soit au niveau de la langue d'affichage, que ça soit au niveau des diverses infractions? Bien sûr. Tous ces organismes ou ces instances n'existent plus.

Dans le projet de loi, dorénavant, on dit: Chaque fois qu'il y aura un problème, qu'il y aura des difficultés d'interprétation suite aux règlements, il s'agira de monter au quinzième étage du «G» et, là, il y a une autorité qui va statuer par voie réglementaire, dans certains cas, et, dans d'autres cas, au nom de cette grande sagesse qu'elle aurait, à savoir qu'il lui appartient de prendre des décisions à elle seule.

Pensez-vous qu'on peut marcher là-dedans? Et, dans ce sens-là, M. le Président, c'était tout à fait légitime de permettre que des parlementaires veuillent davantage approfondir les prescriptions qui sont liées aux modifications concernant toute la question du régime pédagogique. Bien, il me semble que c'est ça la motion de scission.

Je donne d'autres exemples. Lorsque le Conseil de la langue française a lancé un certain cri d'alarme en disant que les acquis de la francisation restaient fragiles et que, selon eux, il y avait des modifications importantes. Je donne juste un exemple, ils disaient: Ni la fécondité, ni l'immigration ne jouent en faveur du français, même si Québec adopte des politiques favorisant l'installation des immigrants en région ou le recrutement systématique de ressortissants francophones. Le démographe Marc Termote affirme que si ses plus pessimistes prévisions se réalisent, le pourcentage de personnes dont le français est la langue d'usage devrait être inférieur à la moitié qu'il est actuellement dans l'île de Montréal d'ici l'an 2046. Ça signifie, encore là, M. le Président, si j'illustre des éléments de contenu, c'est pour faire la preuve qu'il y en a d'autres comme eux qui ont pensé qu'il y avait des dispositions davantage liées à la question du régime pédagogique, et également de la langue d'enseignement. De notre côté, je pense que notre position est très claire, on pense que le projet de loi 86 est dangereux; le projet de loi 86 va permettre toutes sortes de possibilités, et extensionne d'une façon très grande l'espèce d'ouverture qu'on avait laissé voir qui ne porterait que sur la langue d'affichage.

Quand nous, on prétend que, dorénavant, l'anglais à l'école sera de plus en plus possible, bien, ce n'est pas une invention de notre part, c'est une prétention d'au moins la moitié des intervenants qui sont venus en commission parlementaire. Il y a au moins la moitié des intervenants en commission parlementaire qui sont venus dire la même chose que nous. Et quand je mettais la main sur un autre point de vue: Pour une loi 101 dans toute la francophonie: Constatant que le français est en péril partout dans le monde, un haut fonctionnaire français suggère de suivre l'exemple du Québec. Mais quand il faisait cette suggestion ? ce n'est pas avec le charcutage que vous avez opéré dans la loi 101, c'est avant les dispositions de 86 ? il prétendait que compte

tenu qu'en Amérique du Nord, ce n'est pas l'anglais qui est en danger... Il n'y a pas de danger là, MM. les anglophones, pour votre langue en Amérique du Nord. La langue qui est en danger, c'est la langue française.

Une voix: Don't be worried.

M. Gendron: Et, dans ce sens-là, c'était, je pense, normal qu'on puisse au moins permettre à une partie des parlementaires d'exprimer leur point de vue sur les deux aspects les plus fondamentaux du projet de loi 86. Et c'est pour ça, M. le Président, que la présidence a accordé cette motion de scission, et c'est pour ça qu'on en débat. Parce qu'il y a deux principes distincts, et la seule façon de faire un débat d'une façon logique et intelligente pour celles et ceux qui veulent choisir davantage les dispositions concernant l'affichage, bien, ils ont l'occasion de le faire avec la motion de scission. Ceux qui veulent faire davantage en exprimant leur point de vue sur la langue d'enseignement, ils ont l'occasion de le faire, alors que si on imbrique l'ensemble de ces éléments à l'intérieur du projet de loi 86, bien, ce n'est pas facile de tenir compte de ces distinctions.

Et, nombreux ont été celles et ceux qui ont eu le même point de vue. J'aurai l'occasion de le faire lors de mon discours de fond sur le projet de loi 86, mais M. Henri Brun, M. Daniel Turp, plusieurs spécialistes constitutionnalistes qui ont regardé effectivement les réalités du projet de loi 86, eux-mêmes convenaient qu'il ne s'agissait plus uniquement de modifications au niveau de l'affichage. Là, tous les volets au niveau de la langue de travail, au niveau de la promotion du fait français, il n'y a aucune disposition de prévue au projet de loi 86 au niveau de la promotion du fait français. Et on intervient d'une façon massive et très, très, très grave au niveau de la capacité pour beaucoup de jeunes qui, sans les modifications proposées, n'auraient pas eu accès à l'école anglaise.

Et j'en profite pour vous dire, M. le Président, qu'en ce qui nous concerne, on n'a absolument rien contre le fait qu'il y ait le plus grand nombre de Québécois qui maîtrisent le mieux possible une langue seconde, et, en particulier, la langue anglaise, compte tenu du contexte dans lequel on évolue. On le sait, on vit en Amérique du Nord, mais il y a une différence entre des ardents défenseurs de la maîtrise d'une langue seconde, puis essayer de faire accroire que, dans ce projet de loi là, il n'y a rien de changé concernant l'admissibilité des jeunes à l'école anglaise. Bien, voyons donc! Il y a de quoi de changé parce que les tenants de la motion de scission, fondamentalement, ce qu'ils voulaient ? vous le savez M. le Président, puis ils ont le droit de vouloir ça parce qu'on vit dans une société démocratique ? c'est une ouverture sans précédent au niveau de la langue d'enseignement. Puis, comme on a affaire à un gouvernement qui n'a pas beaucoup de courage, il a dit: On va en mettre un peu dans les deux. On va modifier la loi 101 au niveau de l'affichage, puis on va également la modifier au niveau de l'accessibilité à l'école anglaise. Et quand c'est rendu que des pédagogues sont obligés de se regrouper pour dire: Mme la ministre, M. le ministre responsable de la langue, M. le gouvernement libéral, il y a des dangers graves, il y a des dangers...

Une voix: Mesdames. (1 heure)

M. Gendron: ...mesdames aussi, il y a des dangers graves à vouloir faire de l'immersion multiple parce que là, les allophones vont être dans des classes d'immersion à 100 000 pour un meilleur apprentissage de la langue française et il va y avoir également 100 000 allophones qui vont être dans des bains d'immersion pour un meilleur apprentissage de la langue seconde. Ça ne fait pas sérieux.

Bien, j'entends que je n'ai rien compris. Je suis content parce qu'il a un peu raison: on est des centaines de milliers de Québécois qui ont compris la même chose, des centaines de milliers de Québécois. Bien, si vous aviez le courage de déposer les règlements, peut-être que les Québécois verraient, à l'intérieur des règlements, effectivement, M. le Président, toutes les intentions cachées de ce gouvernement qui veut faciliter l'entrée à l'école anglaise de celles et ceux qui n'y auraient pas droit autrement sans les dispositions. Voilà pourquoi la présidence a accepté avec sagesse cette motion de scission, parce qu'il y a bel et bien 2 principes. Merci.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Je suis prêt à reconnaître le prochain intervenant, M. le leader de l'Opposition officielle.

M. Guy Chevrette Motion d'ajournement du débat

M. Chevrette: M. le Président, compte tenu de l'âge, de l'heure, dis-je, et non pas de l'âge, et du sérieux du débat, puisque n'oublions pas que c'est une motion de scission proposée par une formation politique anglophone, à part ça, j'apprécierais grandement que les citoyens du Québec puissent assister, M. le Président, à ce débat. Je propose donc qu'en vertu de l'article 100, eh bien, le débat en cours sur cette motion soit ajourné pour qu'on puisse faire le débat en plein jour.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, la motion est recevable. L'auteur de la motion et les représentants de ce groupe parlementaire ont chacun un temps de parole de 10 minutes. L'auteur de la motion a droit à un droit de réplique de S minutes. Alors, M. le leader de l'Opposition officielle.

M. Guy Chevrette

M. Chevrette: M. le Président, tout d'abord, il est exactement 1 heure du matin, et je crois qu'à ce stade-ci, un débat qui est émotif au Québec, on n'a pas

le droit de le faire de nuit. M. le Président, jusqu'à minuit, c'était déjà une heure relativement tardive, et je pense véritablement, M. le Président, qu'on a le devoir, comme parlementaires, de permettre aux citoyens et aux citoyennes qui veulent participer à ce débat, qui veulent véritablement entendre les arguments... Et, en particulier, M. le Président, il faut bien le dire, cette motion de scission, ce n'est pas nous qui l'avons faite. C'est le groupe du Parti Equality ou dit des députés indépendants qui ne se sentent pas à l'aise de voter en faveur d'un projet de loi qui a au moins 2 principes. Ce serait intéressant de les entendre en plein jour, avec des dizaines et des centaines et des milliers de Québécois qui pourraient assister à leur argumentaire, entendre leur argumentation. Ils ont l'air moins gênés que le Parti libéral de donner leur argumentation. Je ne suis pas d'accord avec eux, moi, mais je respecte ceux qui, en plein jour, sont capables de donner leur point de vue, contrairement à ceux qui sont gênés. Parce que, au départ, M. le Président, c'étaient des arguments plutôt fallacieux pour présenter un tel projet de loi de la part du Parti libéral. Il faut bien s'entendre, il faut bien se comprendre.

M. le Président, à 1 heure du matin, je ne vois pas en quoi un Parlement avec un menu législatif aussi faible, il faut bien le dire... Au menu législatif, il n'y a rien de mirobolant, M. le Président: quelques petites lois avec quelques petits articles. Mais, fondamentalement, ce n'est pas le menu législatif qui va étouffer le Parlement d'ici le 23 juin. Pourquoi discuter de nuit? Pourquoi discuter de nuit un projet de loi aussi important qui engage l'avenir du Québec, qui engage, M. le Président, bien sûr, même le régime pédagogique québécois pour nos jeunes, même à l'élémentaire? La ministre sourit. Je comprends qu'elle sourie. Elle semble être la seule à avoir le pas, puis le vérité dans cela. Mais, pourtant, j'ai rencontré peut-être des centaines et des centaines d'enseignants en fin de semaine. J'en ai même rencontré en manifestation contre son projet de loi. Ils ne comprennent pas que leur ministre de l'Éducation ne comprenne pas l'importance de ne pas placer en situation de double immersion plusieurs dizaines et plusieurs centaines et plusieurs milliers de jeunes étudiants québécois. C'est bien la seule qui ne comprend pas ça.

Moi, j'ai enseigné, M. le Président, puis je vous avoue que c'est loin de... Une curatelle publique, ce n'est pas l'éducation. Un jeune qui a de la difficulté à comprendre les mathématiques dans sa langue maternelle, puis qu'on place dans une immersion en anglais pour apprendre la même matière, ça ne prend pas quelqu'un de brillant sur le plan de la pédagogie, M. le Président. Et ça vaut autant pour un petit anglophone qui aurait de la difficulté à comprendre les mathématiques en anglais, puis qu'on placerait en immersion française. Ce n'est pas plus intelligent.

Imaginez-vous maintenant l'allophone qui, lui, est en mathématiques, puis qu'il a de la misère à comprendre parce qu'on l'oblige, en vertu de la loi 101 actuelle, à apprendre ses mathématiques en français. Ce n'est déjà pas sa langue maternelle. Il est donc en immersion française pour apprendre ses maths. Et, dans un élan de générosité sans précédent et dans une pédagogie qui émane de la préhistoire de la ministre actuelle de l'Éducation et de l'Enseignement supérieur, on le place en double immersion. Va-t-il les comprendre, ses mathématiques, le petit allophone qui a déjà de la difficulté en immersion française?

Franchement, là, moi, si j'étais ministre, ne pas avoir plus de jugement que ça, je me cacherais. Je me cacherais. C'est de l'imbécillité totale sur le plan du jugement face à l'enseignement, M. le Président, et aux principes fondamentaux de la pédagogie. C'est de l'imbécillité, je le dis comme je le pense. Il n'y a pas un enseignant, il n'y a pas un pédagogue au Québec, il n'y a pas un psychologue qui accepterait, M. le Président, que l'on fasse ça à des jeunes enfants. On peut même contribuer, M. le Président, à les placer dans une situation scolaire difficile tout au long de leur carrière d'étudiant. Moi, je trouve ça répugnant, je trouve ça inacceptable, je trouve ça inhumain, je trouve ça imbécile comme jugement pour un pédagogue qui a la responsabilité de former nos jeunes.

M. le Président là, franchement, je veux bien qu'on soit à quatre pattes moi, qu'on soit généreux. Ce n'est plus de la générosité, ça, quelqu'un qui place possiblement des centaines et des milliers de jeunes en situation, M. le Président, de difficulté pour des années et des années sur le plan pédagogique, parce qu'ils n'ont pas le courage d'assumer leurs responsabilités ou parce que leur leadership est trop faible au Conseil des ministres pour vendre leurs points de vue. Ça, on n'a pas besoin d'en avoir la preuve; on a seulement à le constater sur le plancher même de l'Assemblée nationale. Mais un ministre, M. le Président, qui se dit trop fort et qui impose toutes ses volontés, c'est souvent à cause de la faiblesse des autres.

Jamais on n'a vu au Québec un ministre de l'Éducation en cette Chambre... Je le dis comme je le pense, puis je suis très sérieux: C'est inconcevable, c'est de la folie furieuse qu'un ministre de l'Éducation accepte même l'idée, accepte même l'idée et le principe, M. le Président, que des jeunes étudiants québécois soient placés en situation de vulnérabilité pour des années et des années dans l'acquisition d'une matière ou d'une science. Vous savez qu'un jeune qui ne réussit pas ses maths à l'élémentaire, ses mathématiques, peut traîner ça tout le long de son secondaire, tout le long de son cégep. M. le Président, j'ai enseigné, moi. Puis, imaginez-vous, quand on a de la difficulté à faire comprendre à un jeune dans sa propre langue maternelle une matière, qui sur le plan pédagogique peut réaliser qu'il va comprendre mieux dans une langue seconde? Franchement, M. le Président!

Et prenez le petit allophone ou la petite allophone qui a de la difficulté même à comprendre le français, qui arrive au Québec, qui est déjà dans une situation d'immersion. On dit: Pour te faciliter la tâche, pour bien comprendre les maths, on va t'enseigner en anglais. Quelle pédagogue! Quelle merveille de jugement pédagogique! M. le Président, c'est quasiment un cas psychiatrique quand on y pense comme il faut. Ce n'est

pas les enfants qu'on devrait... C'est la ministre elle-même qu'on devrait placer en situation de se faire psychanalyser pour bien réfléchir face à son rôle qu'elle a à jouer vis-à-vis les jeunes. (1 h 10)

Moi, je trouve ça inconcevable. Puis l'histoire de la pédagogie, M. le Président, prouvera au Québec que jamais on n'aura eu une telle folie, une telle imbécillité vis-à-vis de nos jeunes et, en particulier, à Montréal parce qu'il y a une concentration très forte d'immigrants à Montréal. Qu'on le veuille ou pas, il y a des écoles, il y a des classes où il y a 60 % d'allophones qui représentent peut-être 7, 8, 10 ethnies différentes, puis on veut les placer en état de double immersion. Voyons! N'importe qui qui a enseigné en cette Chambre, que ce soit au cégep, comme le député du Parti Égalité que je regarde, que ce soit au niveau secondaire, comme plusieurs l'ont fait dans cette Chambre, que ce soit à l'élémentaire ? personnellement j'ai eu la chance d'enseigner même 1 an à l'élémentaire ? personne qui a fait de la pédagogie n'accepte ce principe-là, sauf la ministre de l'Enseignement supérieur et de l'Éducation. Quelle grande pédagogue! M. le Président, ce titre-là ne devrait absolument pas être confié à un ministre qui pose de tels gestes. Et je suis sûr que l'histoire la jugera très sévèrement, parce qu'elle aura placé des jeunes...

Et ça, il faut le savoir ce que c'est qu'enseigner, il faut savoir jusqu'à quel point l'apprentissage d'une langue est difficile pour un jeune. À plus forte raison, on ne peut pas obliger un jeune qui est en processus d'acquisition d'une matière, le placer en état de double immersion pour lui rendre la vie encore plus difficile. C'est inconcevable. Donc, M. le Président, que ce débat se fasse de jour et, moi, je lance un défi à la ministre de l'Éducation: n'importe quel temps, sur ce sujet-là, en public, devant les caméras, n'importe où, qu'elle me suive sur le débat de la double immersion face aux jeunes. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le leader adjoint du gouvernement, en vous indiquant que votre droit de parole est d'un maximum de 10 minutes.

M. Jean-Pierre Bélisle

M. Bélisle: Merci, M. le Président. J'ai écouté avec beaucoup d'attention le leader de l'Opposition sur la motion de report. Pour bien situer ceux qui nous écoutent encore ce soir, c'est la motion de report sur la motion de scission. Il faut se souvenir ? et c'est ce qu'il y a de plus aberrant dans la position du leader de l'Opposition ? qu'à la fin de son discours sur la recevabilité de la motion de scission il nous a indiqué que sa formation politique était pour voter contre la scission, contre la motion présentée par le député de Jacques-Cartier à l'effet de séparer la Charte de la langue française dans des blocs séparés, différents.

Qui aurait pu penser, un jour, qu'on en serait rendus là? L'Opposition, le Parti québécois, veut permettre qu'il y ait un débat sur le droit hypothétique, intellectuel, d'une formation politique à proposer que notre Charte de la langue soit séparée dans des miniblocs pour mieux l'étudier, pour mieux la disséquer, pour mieux l'analyser. Comme si on pouvait faire ça avec la Charte des droits et libertés de la personne du Québec, comme si on pouvait isoler les droits de mobilité d'une personne des droits à un emploi décent, parce que c'est à caractère économique. On va faire un minibloc sur la Charte des droits et libertés de la personne et on va faire d'autres blocs sur les libertés fondamentales.

Et là, il nous a annoncé ça, tantôt, en nous disant très sérieusement qu'il fallait faire le débat pour le principe du débat, mais qu'il voterait contre, de toute façon. Et là, présentement... Il n'y a rien à son épreuve, le leader de l'Opposition, le député de Joliette, pour faire perdre le temps à cette honorable Chambre. Il n'y a rien à son épreuve. Là, maintenant, il est en train de nous dire: La motion de scission, sur laquelle je vous ai déjà dit que je vais voter contre, on va la reporter. Voyons donc! Qu'on vote et qu'on l'élimine tout de suite.

M. le Président, moi, ce que je ne comprends pas aussi du leader de l'Opposition, c'est qu'il dit: Le menu législatif, il est mince. C'est quoi, son syndrome? Son syndrome, «c'est-u» le syndrome qui l'affecte depuis 1976, depuis qu'il est à l'Assemblée nationale: le syndrome de produire des lois? Et, plus on fait de lois, mieux on est et meilleur gouvernement on est? «C'est-u» ça, son syndrome? Il a un puissant besoin de recyclage profond, M. le Président, parce que c'est peut-être le contraire qu'on devrait faire. En faire le moins possible et peut-être mieux les faire. Mais j'ai l'impression qu'il ne situe pas dans cette perspective-là. Mais, pour perdre le temps, il est pas mal champion.

On va venir, M. le Président, à ce qu'il nous parle de la pédagogie, avec un brin d'impolitesse qui frôlerait peut-être l'indécence vis-à-vis des propos tenus vis-à-vis de la ministre de l'Éducation. Le leader de l'Opposition nous a dit: Pédagogues, ah pédagogie, je vous lance un défi! Puis, quand vous l'avez écouté très attentivement, M. le Président, il a eu l'honnêteté de dire que, lui, son expérience de pédagogue, M. le Président, c'était 1 année d'enseignement au primaire. Ayoye! Ça fait une belle jambe, ça, comme expert en pédagogie, venir traiter les autres, ici... et dire que ce n'est pas de telle et telle façon qu'il faut diriger les enfants à l'école.

Il m'a fait penser exactement à ce que je vous ai dit tantôt, au tout début du débat, concernant l'expérience personnelle que j'ai vécue pour mes enfants en 1981, dans une école de Laval, pour un bain linguistique. Les professeurs de l'époque, du primaire, grands pédagogues qu'ils étaient, formés à l'École normale, avec des brevets d'enseignement, ont tout fait pour que les parents de cette école-là, moi, entre autres, comme parent, mes enfants et les autres enfants de cinquième année ne puissent pas avoir accès à un bain linguistique, en disant aux enfants: Ce n'est pas bon pour vous autres; les mathématiques, vous allez les faire en anglais, vous allez couler vos mathématiques, vous ne passerez

pas votre sixième année. La sixième année, c'est une année importante, c'est là où on révise toutes les matières, c'est là où on fait la somme de tout ce qui a été enseigné au niveau du primaire. Et là, ils tentaient de semer ça dans la tête des enfants de cinquième année. Ça, c'était de la pédagogie, c'était de la haute pédagogie? Ce n'était pas de la haute pédagogie; c'était de l'influence malsaine. Et qui était-il, sans aucune expérience pédagogique passée, pour juger de ce qui était pour arriver comme conséquences sur les enfants? Qui était-il?

Tout le monde, M. le Président, a peut-être lu le livre... M. le Président, je ne suis pas capable de me concentrer quand je vois les... M. le Président. ..

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Je vous demanderais, s'il vous plaît... S'il vous plaît! Si vous voulez poursuivre, M. le leader adjoint.

M. Bélisle: Vous avez sûrement lu, M. le Président, un livre important en matière de pédagogie que, je suis sûr, le député de Joliette, le savant député de Joliette, le leader de l'Opposition, l'expert pédagogue, a sûrement à sa mémoire: «Libres enfants de Summerhill». Il doit certainement connaître ça, lui. Moi, je ne prétendrai pas que je suis un expert en pédagogie, mais il est arrivé une école de pensée, à un moment donné, où ? Mme la ministre de l'Éducation sera peut-être d'accord avec moi ? des enfants qui avaient des problèmes de comportement sur le plan social, qui étaient très agités ou qui rejetaient les normes de comportement dans les classes, se trouvaient complètement rejetés du système scolaire. Quelqu'un, à un certain moment, a élaboré une méthode, une structure d'accueil pour ces enfants-là, qui était complètement hors système. Tous les pédagogues de l'époque, qu'est-ce qu'ils ont dit? Ils ont décrié cette mesure-là, c'était au ban de la société. Ils ont réussi des merveilles, en laissant les enfants progresser à leur propre rythme, dans des classes totalement décloisonnées. Qui peut être expert en pédagogie? Qui peut dire qu'un enfant, à l'âge de 4 ans, 5 ans, 6 ans, 7 ans, 8 ans, n'a pas cette capacité extraordinaire d'emmagasiner des notions, qu'elles soient linguistiques ou autres, au même moment? Qui peut dire ça? Certainement pas Lorraine Pagé, de la CEQ. Certainement pas Lorraine Pagé. M. le Président, je pense que, quand on est en train d'émettre des opinions semblables, on fait de la politique et on ne fait pas de la pédagogie.

Qu'on vienne nous prouver, à l'aide de tests, à l'aide de comportements, pour ne pas tomber exactement dans le même panneau que tous ceux qui se sont prétendus, dans le passé, experts pédagogues, comme l'expérience personnelle que j'ai vécue, en 1981, avec mes enfants, comme l'expérience des «Libres enfants de Summerhill», comme tous ceux qui, à un moment donné, ont remis en question les règles, peut-être, un peu acceptées de la société, en se disant: Mais, il y a peut-être une autre voie qui est meilleure que la voie qui existe... C'était ça, les bains linguistiques, au début, au tout début, au commencement des bains linguistiques, quand on a permis à des enfants d'acquérir une langue seconde d'une façon plus intensive, et au même moment il y avait des matières académiques qui étaient enseignées. (1 h 20)

Une immersion totale, c'est bon aussi pour des adultes. Quand le jeune enfant est dans la rue et qu'il y a un processus de socialisation par le jeu, qu'il joue au soccer avec ses amis, qu'il joue au hockey, s'il le fait effectivement dans un contexte d'une autre langue, est-ce qu'on est en train de dire que l'enfant ne peut pas assimiler 2 notions différentes? Voyons donc! Quelle sorte de schéma intellectuel vous avez? Est-ce que ce sont des gens bornés qu'on a devant nous?

Une voix: Oui, c'est évident.

M. Bélisle: Est-ce que c'est ça? Pour moi, dans le Québec de demain, il n'y a pas de bornes, il n'y a surtout pas de bornes, il n'y a pas de vaches sacrées. Il n'y a pas de théorie sacrée en matière de pédagogie, de pseudopédagogie ou d'orientation des personnes. Les enfants, ce sont des personnes qui sont drôlement plus futées qu'on peut le penser. Ils sont bien plus capables qu'on peut le penser. Moi, je fais confiance, effectivement, à ceux qui vont diriger les enfants qu'ils ne feront pas de politique. Les vrais pédagogues que je connais dans les écoles, ils ne feront pas de politique, mais ce qu'ils vont faire, c'est qu'ils vont tenter de permettre aux enfants d'acquérir des notions dans une autre langue et d'autres notions dans d'autres matières au même moment, et de les faire progresser le plus rapidement possible.

M. le Président, que le député de Joliette vienne nous dire, le leader de l'Opposition, que ça n'a pas de sens, moi, je pense que c'est son comportement et sa théorie qui n'ont absolument aucun sens.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Sur la motion d'ajournement du débat, je cède la parole à M. le vice-président de la commission de l'économie et du travail, le député de Laviolette. M. le député, la parole est à vous.

M. Jean-Pierre Jolivet

M. Jolivet: Merci, M. le Président. Vous voyez, on est loin de ce débat qui doit être normalement celui de l'ajournement du débat. D'autant plus que je faisais mention à M. le ministre responsable de l'application de la langue française que même le docteur Spock s'est trompé. Il a même accepté de réviser ses livres en disant: Ce que j'ai dit avant n'était pas bon.

Je pense que, quand on regarde honnêtement la situation, je pourrais vous en parler longuement de la pédagogie. Moi aussi, je suis un enseignant. Moi aussi, j'ai eu l'occasion de voir ce que les commissions scolaires nous ont obligés à faire à l'époque, avec les moyens

du bord qui n'avaient pas de bon sens. Il n'y a pas un chat parmi vous autres qui n'a pas connu, à une époque donnée, des changements majeurs dans l'enseignement, qui ont fait, au bout de la course, que des théories se bousculaient les unes les autres, et c'était celui qui vendait les meilleurs volumes et les meilleurs livres qui faisait le plus d'argent avec la pédagogie.

On va parler d'autres choses, M. le Président. Le débat de ce soir, à ce moment-ci, à 1 h 20 de la nuit, n'a pas de bon sens si on veut discuter convenablement, froidement, d'un projet de politique qui est devant nous. Je connais assez le ministre pour savoir que, lui non plus, n'aime pas ces discussions en pleine nuit. Il nous l'a dit: Je suis toujours visière levée. Je veux que ce soit le plus transparent possible. Je veux que les gens comprennent l'ensemble du projet, même si, dans certains cas, lorsqu'on n'est pas d'accord avec lui, il nous accuse de ne rien comprendre et de n'avoir pas lu comme il faut.

Moi, je vais regarder le plus froidement possible et essayer de voir pourquoi, à cette heure-ci de la nuit, on serait mieux d'aller se coucher et de reprendre le débat à des heures où les gens ne seront pas, comme dans certains cas ici dans cette salle, obligés de s'appuyer les 2 pieds sur une autre chaise et de s'endormir. Pourquoi? Parce qu'ils sont fatigués. Pas parce qu'ils ne veulent pas participer au débat. Parce qu'ils savent que la journée de demain, celle d'aujourd'hui qui est commencée, va être longue aussi. C'est dans ce sens-là, il me semble, si on veut faire un débat convenable sur la langue, qu'on devrait agir.

La semaine dernière, j'étais tout à fait surpris. Des personnes sont venues me voir. Je pense que ça vaut la peine de le dire. Je vais le redire à d'autres moments donnés. Vous savez, il y a des personnes qui sont à notre service ici, à l'Assemblée nationale. Ces personnes ont des fois des documents à nous envoyer. Ces documents portent la mention «urgent». On n'a même pas encore adopté la loi, M. le Président, on n'a même pas encore fini d'en discuter le principe, nous sommes dans des discussions actuellement sur un ajournement, et qu'est-ce que l'on a reçu, la semaine dernière, du Journal des débats, sur des enveloppes «rush?urgent». Rush, en anglais, dash, urgent.

Une voix: Ça n'a pas de bon sens.

M. Jolivet: Vous imaginez, ici, à l'Assemblée nationale! M. le Président, vous êtes le gardien de nos travaux, de ce qui se promène dans la salle ici et dans l'Assemblée. Et, sur nos enveloppes, nous avons: «rush?urgent».

Une voix: C'est épouvantable.

M. Jolivet: La semaine dernière, M. le Président ? c'est la première fois depuis que je suis député que je reçois ces choses ? un Tdbec venant du ministère de la Culture: «La ministre de la Culture appuie le Festival international Juste pour rire.» Normalement, quand nous le recevons dans nos bureaux, il est en français. Jusque-là, tout va bien. Je n'ai pas reçu, depuis que je suis à l'Assemblée nationale, de document bilingue. Nous avons: «Tdbec, gouvernement du Québec, ministère de la Culture; Québec ministère de la Culture supports Just for Laughs Festival.» C'est la première fois, M. le Président, que l'on reçoit ? les gens en ont fait mention dans ma région jeudi passé ? un Tdbec bilingue, M. le Président. La loi n'est pas passée; nous n'avons pas encore discuté et, pourtant, les ministères commencent, M. le Président, à utiliser des documents bilingues.

Nous sommes donc dans une discussion qui nous permet, M. le Président, de bien regarder ce que l'on a devant nous. Je sais que les gens, de l'autre côté, vont rire, M. le Président. Ça ne me dérange pas. Nous sommes ici dans un contexte où, même si la loi n'est pas encore adoptée, nous avons commencé à donner des choses bilingues. Vous ne me ferez pas accroire, M. le Président...

Une voix: Hé, hé, hé!

M. Ryan: Question de règlement.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Question de règlement, M. le député...

M. Jolivet: Pourquoi?

Le Vice-Président (M. Bissonnet): ...de M. le ministre de «l'Éducation». Question de règlement; je vais écouter la question de règlement.

Mme Blackburn: Quel article?

Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le ministre.

M. Ryan: Le député de Laviolette, là, qui insinue des choses plutôt négatives...

M. Jolivet: Je n'ai rien dit.

M. Ryan: ...accepterait-il que je lui pose une question?

M. Jolivet: M. le Président, voyons!

Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le député. M. le ministre, si vous voulez poser une question, le règlement le permet, à l'article 213. Vous y reviendrez à ce moment-là. M. le député, si vous voulez poursuivre.

M. Jolivet: Non, mais...

M. Chevrette: Pas de problème.

M. Jolivet: ...ce que je suis en train de dire...

M. Chevrette: On va dire non, et on va continuer.

M. Jolivet: ...c'est que nous sommes dans un débat important et il me semble qu'à ce moment-ci de la nuit nous devrions, compte tenu de ce que l'on pourrait dire à la face de tout le monde, pour que les gens puissent le comprendre, le saisir, vu qu'il y a des choses qu'à mon avis il est important de dire... Quand le ministre a voulu poser une question, je lui rappellerai que c'est la première fois depuis que je suis en cette Assemblée que des collants comme ceux-là apparaissent. Les gens, au Journal des débats, sont venus nous le porter parce qu'ils étaient en furie. Ça n'a jamais été utilisé ici même, à l'Assemblée nationale. Pourquoi on l'utilise à ce moment-ci du débat? Pourquoi on a des Telbec dans les deux langues à ce moment-ci du débat? Je comprendrais très bien que la ministre envoie son Telbec dans une station anglophone, au niveau de la radio, de la télévision ou dans un journal, je le comprendrais très bien. Ce que je comprends mal, c'est que la même personne aux Telbec d'une radio française, d'une télévision française, d'un journal français, au Québec, le reçoive dans les 2 langues; c'est la première fois que ça se produit, M. le Président.

Et on aurait l'occasion de le dire, à la population, qu'il se passe des choses insolites, et non pas à des heures impossibles comme cela, M. le Président. Pourquoi? Qu'est-ce qu'on a à cacher? Qu'est-ce que le ministre a à cacher pour vouloir faire ce débat en pleine nuit? Je le sais, il nous l'a dit: Je suis visière levée, je veux l'ouverture à tout le monde, je veux que le monde voie la transparence de notre discours. Je le sais qu'il est obligé par son leader de faire des choses, mais je sais qu'il est capable de ne pas le faire et de l'empêcher, comme ministre responsable. Pourquoi n'utilise-t-il pas son pouvoir de dire: Sur un débat aussi important que celui-là, il me semble que nous devrions revenir à des choses importantes au moment le plus opportun, c'est-à-dire en pleine journée? Pourquoi faire un tel débat sur cette loi si importante à des heures aussi impossibles de la nuit?

M. le Président, je ne peux pas faire autrement que d'appuyer mon leader qui, lui, a présenté une motion d'ajournement pour qu'on cesse à ce moment-ci le travail, qu'on retourne chacun chez nous nous reposer pour revenir en pleine forme demain ? en fait, je devrais dire ce matin ? et continuer notre travail. Je sais que, peut-être, le nombre étant le nombre, étant plus gros que le nôtre, le leader adjoint du gouvernement, faisant son petit fin fin, voulant insulter le monde comme il l'a fait tout à l'heure, prendra les moyens qui lui sont permis par le règlement. Entre-temps, pourquoi nous refuse-t-il le droit d'utiliser le règlement pour lui faire comprendre raison? Pourquoi, nous autres, quand on utilise le règlement, nous sommes des innocents, nous sommes ci, nous sommes ça, et que, lui, s'il utilise le règlement, il faudrait le considérer comme étant extraordinaire? Ce n'est pas parce qu'il s'appelle Jean-Pierre, comme moi, que je vais le trouver extraordinai- re, M. le Président; ça, soyez sûr de ça. Ce n'est pas la raison pour laquelle je vais voter pour lui; au contraire, je vais voter contre lui. S'il y a des règlements, c'est parce qu'ils sont faits pour être utilisés, utilisés à notre bon escient, à notre bonne connaissance, pour défendre des bonnes causes. Je pense que nous n'avons pas d'autre choix, M. le Président, pour leur faire entendre raison.

Là, ils vont dire: Ah! c'est des mesures dilatoires. Ils les appelleront comme ils voudront. La seule chose, c'est que les mesures que nous utilisons sont prévues par le règlement. Si elles sont prévues par le règlement, il est évident qu'on peut les utiliser. Si on peut les utiliser, pourquoi on se ferait traiter de n'importe quel nom parce qu'on les utilise?

M. le Président, soyez sûr d'une chose, c'est que, oui, je vais voter en faveur de la motion de mon collègue et, pour répondre au leader adjoint du gouvernement, pour ne pas perdre davantage, comme il le faisait tout à l'heure, parce qu'il a parlé longtemps, lui, sur la motion ? s'il n'avait pas d'affaire à perdre de temps, il aurait dû fermer sa boîte et ne pas dire un mot ? je ne répondrai à aucune question, M. le Président. (1 h 30)

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Nous en sommes maintenant au droit de réplique, et je cède la parole au leader de l'Opposition officielle en lui indiquant que son droit de réplique est d'un temps maximum de 5 minutes.

M. Guy Chevrette (réplique)

M. Chevrette: M. le Président, merci. M. le Président, dans un premier temps, je dirai au leader adjoint du gouvernement que ça paraît qu'il n'a pas compris le projet de loi. Ce que j'ai tenté d'expliquer pendant 5 minutes, M. le Président, c'est qu'il mêlait l'immersion dans un milieu anglophone pour apprendre une langue avec l'utilisation de la langue seconde pour fins d'acquisition d'une matière. C'est nettement différent. Quand j'enseignais à l'élémentaire, M. le Président?j'ai enseigné à l'élémentaire, M. le Président ? je n'aurais pas utilisé la langue anglaise pour enseigner les mathématiques à des jeunes francophones qui avaient de la difficulté à comprendre les maths dans leur propre langue maternelle. Quand j'ai enseigné au secondaire, est-ce que j'aurais utilisé la langue anglaise pour faire l'acquisition d'une matière, d'une connaissance déjà difficile dans leur propre langue maternelle? C'est ça qu'on dit qui est dans la loi et qu'il ne comprend pas, qu'il n'a jamais compris. Pourtant, il est avocat, M. le Président. Quand j'ai enseigné au cégep, M. le Président, parce qu'il disait: pas pédagogue... J'ai enseigné à tous les niveaux, pour son information. Quand j'ai enseigné au cégep, est-ce que j'aurais utilisé la langue anglaise pour l'acquisition d'une connaissance que les jeunes étudiants francophones avaient de la difficulté à comprendre dans leur propre langue? C'est ça, l'ouverture que ça donne par le projet de loi, au cas où vous ne le sauriez pas, si vous l'aviez lu, si vous

l'aviez compris. Quand j'enseignais à l'Université du Québec, est-ce que, M. le Président, j'aurais utilisé la langue anglaise devant des jeunes francophones qui connaissaient à peine «yes» et «no» en anglais, pour l'acquisition d'une matière?

Être pédagogue, M. le Président, ce n'est pas placer des élèves en situation d'échec, parce qu'on n'utilise pas leur langue. C'est très différent, ça. Placer des jeunes en immersion anglaise, ça peut être les prendre et les amener dans un milieu anglophone pendant 1 mois, 2 mois, ça peut être l'enseignement en anglais pendant x temps, mais d'une façon bien spécifique, sachant que l'acquisition d'une matière n'est pas en cause, sinon on risque de placer l'étudiant en situation d'échec, et ce, pour la durée de toutes ses études. Il ne comprend pas ça, lui, le député de Mille-Îles, M. le Président. Mais, quand tu as enseigné dans une classe, quand tu as suivi des jeunes à l'élémentaire, au secondaire, au cégep et à l'université, il faut que tu te préoccupes de ça. C'est ça qu'on dit. Et c'est ça qui peut être en jeu. Mais on ne semble pas comprendre ça, M. le Président, sous prétexte qu'on innove. Je m'excuse, mais on n'a pas le droit de prendre des jeunes et les placer en situation d'échec, en faire des cobayes, quand on sait que, l'acquisition d'une matière, l'acquisition d'une science, c'est déjà difficile dans bien des cas, M. le Président, et je le répète, pour des jeunes Montréalais qui sont des allophones, c'est les placer en double situation d'immersion. Franchement, n'importe quel directeur d'école vous dit ça. Je suis convaincu, par exemple, que le whip en chef du gouvernement, qui a été directeur d'école, si on l'avait consulté, si la grande pédagogue issue de la curatelle publique avait consulté un directeur d'école, il lui aurait dit ça, il lui aurait dit que ça ne se faisait pas, puis il lui aurait dit que c'était très difficile et extrêmement dangereux en plus pour un allophone, parce que c'est en double immersion, M. le Président. C'est ça, M. le Président, qu'ils n'osent pas dire de l'autre bord.

Une voix: ...

M. Chevrette: Voyez-vous, M. le Président, le ministre, dans son mépris, ne me laisse même pas parler. Il continue à jaspiner. Ce n'est pas tout, faire la morale au monde. C'est se placer en situation de fait devant les citoyens du Québec.

Une voix: À la clarté.

M. Chevrette: Et c'est ça fondamentalement. Il a beau grogner, M. le Président, ça lui va bien. Mais, ceci dit, on ne me fera pas rentrer dans la tête... Au nom de la jeunesse québécoise, des étudiants québécois, on n'a pas le droit, M. le Président, de les placer en situation d'échec, de les prendre pour des cobayes parce qu'on n'a pas de colonne vertébrale, qu'on n'a pas d'échiné et on n'a même pas la compréhension de ce que c'est que l'enseignement, ce que c'est que la pédagogie, qu'est-ce que c'est que la capacité, pour un jeu- ne, de comprendre, d'assimiler une science. On est tellement obnubilé... et regardez, M. le Président, il continue, à part de ça. Rerum novarum. Ne vous trompez pas.

M. le Président, s'il vous plaît, au nom des jeunes Québécois, M. le Président, nihil obstat, c'est un autre. M. le Président, au nom de la jeunesse québécoise, que celui qui est inspiré s'inspire véritablement des principes pédagogiques, des principes qui sont à la base d'une psychologie normale pour les jeunes. Et, s'il ne veut pas, parce que ce serait trop grave, de sa part, d'admettre une erreur, M. le Président, qu'il demande, qu'il s'abstienne au moins, qu'il sorte de la Chambre pour cette partie-là. On dira: C'est grâce à son absence qu'on a réussi à le passer. Et on réussira, pour les jeunes Québécoises, pour les jeunes Québécois, pour la jeunesse québécoise, M. le Président, on réussira à l'empêcher de faire une gaffe. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Pardon? Vous avez une question en vertu de l'article 213? Est-ce que vous permettez, M. le leader de l'Opposition officielle, une question en vertu de l'article 213, de M. le député de D'Arcy-McGee?

M. Chevrette: Oui.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): La question vous est permise. La question doit être brève et la réponse également. Votre question, M. le député.

M. Libman: Est-ce que le député de Joliette a eu l'opportunité d'étudier ou d'examiner les taux de succès des cours d'immersion en français pour les jeunes anglophones?

Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le député de Joliette, si vous voulez répondre à la question. S'il vous plaît! M. le député de Joliette. S'il vous plaît! M. le député de Joliette, vous avez la parole.

M. Chevrette: M. le Président, si le député de D'Arcy-McGee...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît!

M. Chevrette: Qu'est-ce que vous avez à grogner?

Le Vice-Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît! S'il vous plaît! S'il vous plaît! M. le député de Joliette, s'il vous plaît! S'il vous plaît! S'il vous plaît!

M. le député, si vous voulez répondre à la question de M. le député de D'Arcy-McGee, s'il vous plaît, rapidement.

M. Chevrette: Oui, M. le Président. Si le député de D'Arcy-McGee fait la distinction entre l'immersion et l'enseignement ou l'acquisition d'une science, oui, je

les ai regardés. L'immersion, il y a des résultats tout aussi comparables que chez les francophones mais, en ce qui concerne l'acquisition d'une science, il n'y en a pas actuellement.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, je mets aux voix maintenant la motion d'ajournement du débat.

M. Chevrette: Vote enregistré.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Vote enregistré. Alors, qu'on appelle les députés. (1 h 39 ? 1 h 44)

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Si vous voulez prendre place, s'il vous plaît. À l'ordre!

Mise aux voix

Alors, je mets aux voix la motion d'ajournement du débat sur la motion de scission du député de Jacques-Cartier de la part du député de Joliette. Ceux qui sont pour cette motion, veuillez bien vous lever!

Le Secrétaire adjoint: M. Chevrette (Joliette), Mme Blackburn (Chicoutimi), M. Blais (Masson), Mme Marois (Taillon), M. Jolivet (Laviolette), M. Baril (Ar-thabaska), Mme Juneau (Johnson), Mme Caron (Terre-bonne), M. Dufour (Jonquière), M. Lazure (La Prairie), M. Brassard (Lac-Saint-Jean), M. Léonard (Labelle), Mme Vermette (Marie-Victorin), M. Paré (Shefford), M. Morin (Dubuc), M. Holden (Westmount), M. Tru-del (Rouyn-Noranda?Témiscamingue), Mme Carrier-Perreault (Les Chutes-de-la-Chaudière).

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Que ceux et celles qui sont contre cette motion veuillent bien se lever!

Le Secrétaire adjoint: M. Ryan (Argenteuil), M. Dutil (Beauce-Sud), M. Elkas (Robert-Baldwin), M. Ri-vard (Rosemont), M. Middlemiss (Pontiac), M. Bélisle (Mille-Îles), M. Cusano (Viau), M. Picotte (Maskinon-gé), Mme Robillard (Chambly), M. Maciocia (Viger), M. Maltais (Saguenay), M. Philibert (Trois-Rivières), M. Chagnon (Saint-Louis), Mme Dionne (Kamouraska-Témiscouata), M. Paradis (Matapédia), M. Lemire (Saint-Maurice), M. Poulin (Chauveau), M. Thérien (Rousseau), M. Williams (Nelligan), M. Dauphin (Marquette), M. Farrah (îles-de-la-Madeleine), M. Fradet (Vimont), M. Lemieux (Vanier), M. Messier (Saint-Hyacinthe), M. Richard (Nicolet-Yamaska), M. Bradet (Charlevoix), M. Gauvin (Montmagny-L'Islet), M. Gau-trin (Verdun), M. LeSage (Hull), M. Joly (Fabre), M. Lafrenière (Gatineau), M. Bergeron (Deux-Montagnes), M. Bordeleau (Acadie), Mme Boucher Bacon (Bourget), M. Parent (Sauvé), M. Brouillette (Champlain), Mme Loiselle (Saint-Henri), M. Khelfa (Richelieu), M. La-france (Iberville), M. MacMillan (Papineau).

M. Libman (D'Arcy-McGee), M. Cameron (Jacques-Cartier). le secrétaire: pour: 18 contre: 42 abstentions: 0

Le Vice-Président (M. Bissonnet): La motion est rejetée.

Reprise du débat sur la motion de scission

Nous poursuivons la motion de scission proposée par M. le député de Jacques-Cartier qui se lit comme ceci: «Qu'en vertu de l'article 241 du règlement de l'Assemblée nationale le projet de loi 86 soit scindé en 2 projets de loi, un premier intitulé Loi modifiant la Charte de la langue française, comprenant les articles 1 à 21, 35 à 58 et 60 à 65, et un deuxième projet de loi intitulé Loi modifiant la Loi sur l'instruction publique, comprenant les articles 22 à 34 et 59.»

J'indique qu'il reste 35 minutes de temps de parole à la formation ministérielle et 20 minutes à l'Opposition officielle. Je suis prêt à reconnaître un prochain intervenant. M. le député de Saint-Louis.

M. Jacques Chagnon

M. Chagnon: M. le Président, c'est un peu désolant, à 1 h 45, d'avoir à traiter de ces sempiternelles mesures dilatoires que les 2 formations politiques de l'Opposition nous amènent. Les 2 formations politiques se sont liguées, l'une pour faire peur aux gens, comme quoi nous étions pour disparaître, et l'autre formation politique, par son chef, M. Henderson, demande qu'on désavoue, par le gouvernement fédéral, l'éventuelle adoption de la loi 86. Eh bien! Et nous voilà, 1 h 50! Rien qui va faire en sorte d'améliorer la réputation du parlementarisme, rien qui va faire en sorte de faire comprendre aux gens comment une volonté politique qui est reconnue par au-delà des trois quarts de la population comme étant une position sage, une position de juste milieu, in medio stat virtus, pour continuer dans la veine du député de Louis-Hébert qui nous informait de ses connaissances en latin... Juste milieu. Un projet de loi qui vient, jusqu'à un certain point, corriger des lacunes qui ont été, entre autres, commises par nous en ce qui concerne la protection des droits individuels dans le domaine de l'affichage.

On peut difficilement scinder ce projet de loi, ce projet de loi est un tout. Il vient ? et c'est là l'esprit du projet de loi ? reprendre la problématique de l'utilisation des langues dans notre société. Le tableau qui est au-dessus de vous, M. le Président, reflète qu'il y a plus de 200 ans le débat linguistique était déjà au coeur des préoccupations de cette Chambre. Au moment où on se parle, c'est encore le cas, et ça sera encore le cas dans des années. On n'aura pas fini d'en parler, même si on adopte le projet de loi 86, car on va adopter le projet de loi 86. (1 h 50)

L'esprit du projet de loi est de ramener à un

niveau d'harmonie la vie des communautés linguistiques les plus importantes au Québec, et c'est comme cela que c'est perçu, tant chez les Québécois francophones que chez les Québécois anglophones, que chez les Québécois allophones. Il n'est pas rassurant de voir le chef de l'Opposition annoncer: Au lendemain de la prise ? d'une éventuelle prise ? du pouvoir par le Parti québécois, nous allons «scraper» la loi 86. Nous allons l'annihiler, nous allons l'enlever. Nous allons l'enlever. Eh bien, en même temps, dans le même discours, au lendemain de la souveraineté, nous allons la ramener.

La vision péquiste des droits linguistiques est une vision yo-yo. Un jour on relance, on abandonne la loi 86; le lendemain, si la souveraineté arrive, on la ramène. Une vision yo-yo. Une vision qui manque du sens commun. Une vision qui n'a pas beaucoup d'espace pour les droits individuels de nos communautés minoritaires. Une vision dangereuse et suspecte à l'égard des gens qui sont venus s'établir au Québec, au Canada depuis de nombreuses années. On a une reconnaissance maigre du rôle important joué par l'immigration chez nous. Le député de Viau en a fait part, il n'y a pas longtemps.

Une expérience, M. le Président, qui m'est arrivée il y a à peine 2 semaines. La communauté portugaise, 1 fois par année, fête le Santo Cristo. Le Santo Cristo c'est l'équivalent de ce que nous fêtions ici comme étant la Fête-Dieu. Et ça se passe, comme vous le savez, dans la communauté portugaise, à l'église Santa Cruz, juste au coin de Rachel et Saint-Urbain. On ne peut pas être moins montréalais que Rachel et Saint-Urbain. Après la Fête-Dieu, après la procession dans les rues de Montréal pour revenir à l'église Santa Cruz, une fête avait été organisée pour célébrer des immigrants portugais qui étaient établis ici depuis 50 ans. Eh bien, quand Mario Soares a été fêté puis que, dans sa propre communauté, on l'a fêté parce qu'il était ici depuis 50 ans et qu'on m'a invité à parler, je n'ai pas pu faire autrement que de lui dire: Senhor Soares, vous êtes au Québec depuis plus longtemps que moi; Vous êtes au Québec depuis plus longtemps que moi. Je n'ai pas d'autre considération pour vous puisque vous êtes ici depuis plus longtemps que moi. Vous avez donc une expérience du vécu local qui est supérieure à la mienne.

Mais c'est vrai ça. Il y a un paquet de nos immigrants qui sont arrivés ici depuis ? j'ai 40 ans ? plus de 40 ans. Et ceux qui sont ici depuis deux générations, trois générations, allons-nous cultiver pendant des décennies, des siècles, cet esprit qui nous amène à tenter de séparer le soi-disant bon grain de l'ivraie? Cet esprit qui anime les gens de l'Opposition, cet esprit qui est fondé sur l'espèce de reconnaissance unique de notre capacité de fonctionnement comme francophones mais qui rejettent aussi du revers de la main les autres communautés.

La méconnaissance du tissu social de Montréal est frappante dans ce débat. La méconnaissance de ce qu'est Montréal est tout à fait dramatique. Je représente le centre-ville de Montréal. Lorsqu'on parle du dossier de l'affichage... On vit dans une société où il y a une majorité francophone. Une majorité francophone qui est habituée de vivre avec la communauté anglophone; avec plusieurs communautés de tout apport linguistique.

Lorsque, dans le quartier chinois ou le quartier portugais, nous défendions aux gens de pouvoir inscrire non seulement... Nous les forcions, et ça va dans le sens du jugement de la Cour suprême dans l'affaire Brown, nous avions décrété, il y a 5 ans, qu'il était obligatoire d'afficher en français. Le jugement Brown nous disait: Oui, vous pouvez légiférer à l'effet que le français est obligatoire, qu'il est prédominant, mais vous ne pouvez pas ? ce que disait le jugement Brown, le jugement de la Cour suprême ? empêcher l'utilisation d'une autre langue. Je vous avoue personnellement que je l'ai toujours trouvé fondé et équilibré, ce jugement.

Et dans le centre-ville, on comprend cette réalité. On vit ensemble depuis des années. On ne se chicane pas, on vit ensemble depuis des années. On a développé un sens de la tolérance qu'on ne retrouve pas aussi souvent que je l'apprécierais du côté de l'Opposition. Peut-être que des contacts, peut-être que la connaissance de la vie montréalaise manque chez les gens de l'Opposition. Peut-être que cette connaissance, uniquement théorique, qui ne sert qu'à faire des discours clichés sur le nombre d'immigrants qui sont dans les écoles francophones, le nombre d'immigrants qui sont dans les services sociaux, ça dépasse ça, la réalité de Montréal. C'est un fait, ça existe, mais la réalité de Montréal dépasse ça.

Les grands créneaux linguistiques, les grands créneaux que l'Opposition, si elle était sérieuse, devrait défendre en matière de protection de la langue, les grands créneaux autour desquels le véritable épanouissement d'une culture, par le biais de sa langue, peut se faire sont, définitivement, l'école, le travail et l'administration publique. Voilà une raison supplémentaire, M. le Président, pour laquelle il m'apparaîtrait extrêmement difficile de scinder le projet de loi qu'on a devant nous.

J'avoue que l'affichage ne fait pas partie des grands créneaux d'intégration culturelle. Je ne le crois pas. Je crois, par contre, comme on en retrouve exposés dans le projet de loi, que le travail, que l'éducation, que l'administration publique et j'ajouterais l'administration de la justice sont des créneaux d'intégration culturelle extrêmement importants. On n'a pas idée qu'on puisse, en 1993, vouloir remettre en question que les jugements rendus par nos tribunaux puissent être traduits. Le candidat péquiste dans Louis-Hébert, Guy Bertrand, disait à Radio-Canada, et je l'ai moi-même entendu qui disait: J'ai demandé pendant des années de pouvoir avoir des jugements rendus en anglais traduits, ce qui ne m'était pas possible. Je suis donc heureux de retrouver, dans la loi 86, le projet de loi 86, une disposition qui fera en sorte que désormais cela pourra être. Et je crois qu'il a raison. Mais l'inverse est aussi vrai. Le jugement rendu en français méritera d'être traduit, d'autant plus que le contribuable auquel on aura pu rendre justice pourra être, généralement, soit francophone ou anglophone.

Quant à la langue de l'éducation, je ne vois pas où a pigé le député de Joliette son espèce de vision dans laquelle, à partir du jour J, adoption de la loi 86, nous

vivrions dans une espèce non pas de bain, de bain d'oiseau, comme on l'a dit au sujet de la déclaration de la députée de Chicoutimi, mais dans une espèce d'immersion dans laquelle les portes de l'enfer du cerveau démoniaque du ministre responsable de la langue ferait en sorte de ramener toutes les petites Québécoises et les petits Québécois dans un magma confus de cette soi-disant culture qui risque de nous faire disparaître, la culture anglaise.

Eh bien, tous se souviendront que le député de l'Assomption, chef de l'Opposition, a déjà dit de ses députés qu'ils devraient tous parler l'anglais. Je n'utiliserai pas, parce qu'en Chambre...

Une voix: Botter le derrière. (2 heures)

M. Chagnon: ...ça ne se ferait pas... mais que chacun de ses députés devrait s'exprimer dans au moins les 2 langues. Mais c'est vrai aussi de l'immense majorité de notre population qui veut avoir des contacts non seulement avec ses voisins anglophones, au Québec, mais avec ses voisins à l'extérieur du Québec. Le Québec n'est pas un îlot isolé sur la planète. Nous vivons en Amérique du Nord où il y a, entre autres, 240 000 000 d'anglophones, 45 000 000 d'hispanophones. Et, si on ajoute le Mexique, ajoutez-en 80 000 000 de plus, ça en fera 120 000 000. 120 000 000 d'hispanophones, 240 000 000 à 250 000 000 d'anglophones et 7 000 000 de francophones, dont 6 000 000 sont au Québec et un autre million dans le restant du Canada. Donc, l'anglais et, je dirais, suivi de l'espagnol sont des langues qui nous seront de plus en utiles pour nos contacts non seulement culturels, mais aussi d'affaires au Québec.

Le chef de l'Opposition a fait un discours dans lequel il disait: Vous savez, moi, je suis pour les gens qui sont polyglottes. Je souhaite que tout le monde parle 2, 3, 4 langues, mais le bilinguisme institutionnalisé, ça, c'est dangereux. Ah! Le projet de loi 86 ne vient pas institutionnaliser le bilinguisme. Le projet de loi 86 vient s'inscrire dans la démarche de l'histoire du Québec depuis 300 ans et particulièrement depuis 200 ans. Le projet de loi 86 vient respecter les volontés les plus profondes que les Québécois ont toujours eues à l'égard d'autrui. C'est assez difficile de comprendre comment... L'Opposition officielle et le Parti Égalité peuvent, encore une fois, se joindre pour tenter de faire en sorte de minimiser ou de faire oublier que 75 % de la population appuient les objectifs, les moyens et la volonté sous-jacents au projet de loi 86, et cela, peut-être davantage depuis que nous-mêmes avons adopté la loi 178 qui a au moins permis de faire réfléchir, qui a au moins permis de faire évoluer les mentalités au Québec de toutes parts; tant chez les francophones que chez les anglophones, que chez les allophones, on a eu à réfléchir sur cette question-là depuis 5 ans.

L'Opposition, ce matin, disait: II faut reporter le débat. Mais comment peut-on être aussi dans la lune ou aussi hors de notre planète pour ne pas se rappeler qu'avec la loi 178 nous avions adopté une clause «nonobstant» qui, de par notre Constitution, faisait en sorte de nous obliger, 5 ans plus tard, c'est-à-dire cette année, à la réévaluer? Le rôle que le ministre responsable de la Charte de la langue française a eu, depuis près de 6 mois maintenant, c'est de regarder tous les tenants et aboutissants de cette question linguistique. Il a cherché à ramener dans un projet de loi l'ensemble de la question linguistique, tel que je le soulevais, en incluant, évidemment... Et c'est pour cela, M. le Président, que nous ne pourrons pas accéder à la demande de motion de scission, parce que, dans ce projet de loi on retrouve des éléments qui sont intégrés comme la langue de l'administration publique, la langue de l'éducation, la langue du travail et des affaires, et aussi la langue de l'affichage.

M. le Président, on pourra toujours soutenir, comme le fait l'Opposition, que ce projet de loi vient réduire le fait français au Québec, que ce projet de loi est ou sera, soi-disant, la cause d'une anglicisation rapide du Québec. Mais c'est complètement démentiel de tenter de laisser croire ou de laisser penser ce genre de peurs qui n'ont aucune espèce de sens et qui sont en dehors de notre réalité quotidienne et en dehors de notre vision du Québec.

M. le Président, mon bureau est sur la rue Sainte-Catherine, à Montréal, au coin de Stanley. On voit du monde qui arrive de partout. On sort dehors, puis on voit du monde, des membres de la communauté asiatique. On voit des gens qui nous sont arrivés de Jamaïque, on voit des gens qui sont arrivés d'Afrique, on voit des gens qui sont arrivés d'à peu près partout dans le monde, puis qui viennent s'intégrer à la communauté francophone. Ah, il y en a qui arrivent ici, puis qui ne disent pas un traître mot ni d'anglais, ni de français. Notre rôle comme société, c'est justement de les amener à faire en sorte de pouvoir mieux s'exprimer, de mieux comprendre la réalité culturelle française. Et on le fait par l'intermédiaire, entre autres, du ministère de l'Immigration, par les COFI avec un succès que je pourrais qualifier de retentissant puisque, aujourd'hui, on peut constater que tous les jeunes immigrants qui viennent de partout ailleurs dans le monde s'inscrivent, comme la loi le prévoit, à l'intérieur de l'école française. Et ça, c'est un facteur, évidemment, d'intégration culturelle qui est extrêmement puissant.

Mais regarder les anglophones à côté et commencer à leur faire un procès d'intention m'apparaît non seulement injustifié, mais tout à fait injuste. Il faut voir comment la communauté anglophone a, depuis des années, des dizaines d'années, fait en sorte de s'intégrer, particulièrement les plus jeunes éléments de la communauté anglophone, dans la société québécoise dite francophone. Des jeunes anglophones de mon âge qui ne parlent pas le français de façon à peu près parfaite, c'est rare, c'est rare. Et les francophones sont de plus en plus conscients que le bilinguisme de citoyen, le bilinguisme individuel est de plus en plus l'apanage des jeunes anglophones.

Rien de plus surprenant... Je ne vais surprendre personne en disant que le bilinguisme au Québec, à Montréal, est un outil précieux non seulement d'épa-

nouissement personnel, ce qui est le cas, mais aussi un outil précieux de contact et de communication partout autour de nous, avec tous nos marchés, tous nos exportateurs, tous nos importateurs, tout le milieu des affaires. C'est évident que, dans les emplois qui vont requérir le bilinguisme, et il y en a de plus en plus qui vont le requérir, il serait malheureux qu'une situation fasse en sorte de voir une très grande majorité de jeunes anglophones parfaitement bilingues reprendre des postes qui doivent être remplis par des gens qui possèdent l'utilisation d'au moins 2 langues.

Mais le Québec, dans le fond, n'est pas une société aussi compliquée qu'on voudrait le voir. Les gens qui vivent ici, qui sont ici depuis des générations, qui ont appris à vivre ensemble, qui ont appris à synthétiser notre rôle et notre position dans la société mondiale, entre autres, réussissent à faire la synthèse suivante qui, en partie, rejoint celle que le chef de l'Opposition a faite, à savoir que les gens ici pensent qu'il faut, effectivement, et que c'est un atout, posséder plusieurs langues.

La maison chez nous ressemble au Québec. J'ai 3 filles qui sont des adolescentes, qui parlent toutes, évidemment, leur langue maternelle, qui parlent une langue seconde qui est l'anglais, et les 2 plus vieilles sont à l'apprentissage de l'espagnol. Quand elles entrent dans la maison, on parle français. Il n'y a pas de pénalité si elles veulent écouter un film en anglais ou quand elles sortent une cassette ou un disque américain ou autre qu'elles apprécient. (2 h 10)

Mais c'est notre modèle de vie. Nous sommes des francophones en Amérique du Nord, et le fait d'être francophone en Amérique du Nord ne peut pas nous faire repousser ce que l'ensemble de la culture nord-américaine nous apporte. Parce qu'elle nous apporte quelque chose, elle nous fait vibrer au diapason de la planète. La culture américaine est une culture extrêmement puissante et on ne peut pas passer à côté. Les Allemands ne passent pas à côté. Les Hollandais, les Français et les Anglais ne passent pas à côté. C'est une culture qui a le mérite d'être probablement la première culture planétaire, qu'on l'apprécie ou non, mais c'est le cas, réel, factuel.

Alors, M. le Président, dans les heures à venir, même s'il est 2 h 10, nous aurons non seulement à défaire cette motion de scission appportée par le Parti Égalité, mais nous aurons à avancer dans le sens de la justice, de l'équité et aussi du sens commun voulu par l'ensemble des Québécois. Nous aurons, dans cette session-ci, à adopter le projet de loi 86 qui fera en sorte non seulement d'envoyer un signal à l'ensemble de la planète que le Québec est une terre où on est vraiment tolérants, où on est vraiment compréhensifs du rôle de chacune des sociétés qui composent notre grande société au Québec, mais nous aurons aussi à laisser et à envoyer un message à l'ensemble des membres de notre société, à l'effet que le Parti libéral du Québec et le gouvernement du Québec veulent faire en sorte de créer des nouveaux processus ou une nouvelle harmonie entre nos communautés.

C'est là les intentions véhiculées par le ministre, c'est là les intentions véhiculées par le gouvernement. Ce sont là des intentions auxquelles je veux m'associer, et je le ferai même s'il faut encore passer toute la nuit, passer pour des joyeux lurons. Il n'y a pas bien de monde qui passe 24 heures par jour à parlementer pour essayer, en fin de compte, d'améliorer le sort de notre société. C'est notre rôle, nous allons continuer à le faire. Mais, M. le Président, sachez que nous repousserons cette motion de scission de l'Opposition, pour les raisons que je vous ai évoquées et pour des raisons qui viendront faire en sorte que nous voulons créer une nouvelle harmonie, une nouvelle façon de vivre au Québec. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le député de Saint-Louis. Je vous rappelle que nous sommes à débattre de la motion de scission proposée par M. le député de Jacques-Cartier. Mme la députée de Johnson, votre formation dispose encore de 20 minutes. Je vous cède la parole.

Mme Carmen Juneau

Mme Juneau: Oui. Je vous remercie, M. le Président. Je prendrai 10 minutes, et un autre 10 minutes sera investi à mon collègue, le député de Joliette.

M. le Président, quand j'ai écouté les paroles du député de Saint-Louis, je suis restée très surprise, très surprise de l'entendre vanter les mérites de la loi 86. Je répète ce qu'il a dit: Le respect et la volonté profonde des Québécois, et il a parlé de Montréal, comment les gens attendaient ça, et ainsi de suite. Alors, M. le Président, je suis allée chercher les «Notes biographiques des députés de l'Assemblée nationale». Je lisais, dans son curriculum vitae: Élu commissaire à la commission scolaire Saint-Exupéry en 1975; membre du conseil des commissaires de la commission scolaire régionale de Chambly; membre du comité exécutif de la commission scolaire Saint-Exupéry de 1976 à 1978. À la commission scolaire régionale de Chambly, il est membre du comité exécutif en 1978, responsable du comité des affaires administratives de 1978 à 1981, vice-président de 1979 à 1981 et président de 1981 à 1985. De 1982 à 1985, il est président général de la Fédération des commissions scolaires catholiques du Québec.

Des voix: Bravo!

Mme Juneau: M. le Président, comment se fait-il, s'il était président général de la Fédération des commissions scolaires catholiques du Québec, qu'il n'est pas au courant que le projet de loi 86, selon la CECM, menace la paix sociale? Un gars qui vient de l'éducation! M. le Président, il faut ne rien comprendre! Mais il y en a qui, plus ils parlent, plus ils se calent. J'ai l'impression que c'est ce qu'il a fait pendant le temps qui lui a été investi pour parler de la loi 86. Au moins, lui, son curriculum vitae, ça doit être le vrai. Il y en a

un dans Portneuf pour qui ce n'était pas tout à fait... Il avait exagéré sur la pédale un peu, ça fait qu'il a été obligé de démissionner. Mais, lui au moins, c'est dans le livre, ça fait que ça doit être vrai, M. le Président.

M. Chevrette: Ce n'est pas sûr; on ne l'a pas «checké» encore.

Mme Juneau: Mais je ne peux pas croire, M. le Président, qu'un gars qui vient de l'éducation, comme lui, ne savait pas que la CECM expliquait ceci: La paix sociale sera menacée. Le Québec deviendra officiellement une province bilingue et 20 ans de promotion du français seront remis en question. Les directeurs d'école, les professeurs, les cadres et les employés de soutien de la Commission des écoles catholiques de Montréal prédisent les plus graves problèmes si le projet de loi 86 sur la langue est adopté.

M. le Président, c'est à n'y rien comprendre, les propos du député de Saint-Louis, à n'y rien comprendre. Un gars qui vient de l'éducation, qui n'a même pas eu connaissance que la Commission des écoles catholiques de Montréal a dit tout à fait le contraire et s'inquiète des effets qu'aura la loi 86 sur l'ensemble de la population québécoise. M. le Président, c'est incompréhensible de tenir des propos aussi peu véridiques par rapport à l'ensemble des commissions scolaires et à l'ensemble des gens qui trouvent que ça n'a pas de bon sens.

Et, si le député de Jacques-Cartier a demandé qu'il y ait une scission à travers le projet de loi 86, c'est véritablement, M. le Président, parce qu'il y avait 2 éléments dans le projet de loi 86, 2 éléments tout à fait différents l'un de l'autre; un qui parle de la Charte et l'autre qui parle de l'éducation. C'est la raison pour laquelle il a demandé cette motion de scission. Lui, en plus de ça, le gars qui vient de l'éducation, là, il n'a même pas parlé un instant de la motion de scission. Il n'a pas été assez longtemps dans les commissions scolaires et ça ne fait pas encore assez longtemps qu'il est ici, à l'Assemblée nationale pour s'apercevoir qu'on discutait sur une motion de scission du projet de loi 86.

M. le Président, je ne comprends plus rien. Je ne comprends plus rien de ce qui se passe ici. Il y en a qui sont déconnectés bien raide de tout ce qui se passe. M. le Président, c'est inacceptable d'entendre des propos comme celui-là. Quand je lis les interventions des organismes qui se sont présentés et qui ont été favorables au projet de loi 86, je retrouve indubitablement les 2 volets dont parle le député de Jacques-Cartier. On dit: Favorable à l'affichage bilingue commercial, selon Alliance Québec, et favorable à la proposition du projet de loi concernant l'accès à l'école anglaise. Et de une. Ça, c'est Alliance Québec. Le Congrès juif, la même affaire, M. le Président: d'accord avec les dispositions relatives à l'affichage et d'accord avec les dispositions relatives à l'enseignement d'une autre langue que le français. Et je pourrais aller... Pour tous les organismes, toutes les associations qui se sont présentés et qui étaient favorables, il y avait 2 notions. Il y avait la notion de l'affichage et il y avait la notion de l'éducation.

Donc, M. le Président, il ne faut pas dire que le député de Jacques-Cartier s'est trompé en demandant que le projet de loi soit scindé pour étudier un volet et, après, l'autre volet. Quand j'ai regardé, M. le Président, les Townshippers ? ça, c'est de ma région, je les connais ? ils n'en ont jamais assez. Jamais. Tu donnes 1 pouce, ils prennent 1 pied. Tu donnes 1 pied, ils en prennent 10. Ça a été un des premiers en commission parlementaire à venir dire que ce n'était pas suffisant, la langue. Les Townshippers se disaient déçus des dispositions sur l'accès à l'école anglaise. L'association recommande que la loi 101 soit amendée afin de permettre l'accès aux écoles de langue anglaise pour tous les enfants dont la langue maternelle est l'anglais. Le statut bilingue accordé à des municipalités... Là, il y avait un tas de mesures, M. le Président, un tas de mesures. Donc, toutes les... (2 h 20)

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Un instant, Mme la députée de Johnson. Mme la députée de Taillon.

Mme Marois: M. le Président, tout le monde sait fort bien qu'il est très tard ou très tôt le matin, mais ça ne nous empêche pas d'exercer notre devoir.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Vous demandez le quorum?

Mme Marois: Je demande le quorum.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Vous demandez le quorum. Qu'on appelle les députés. (2 h 21 - 2 h 23)

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Allez-y, Mme la députée de Johnson.

Mme Juneau: Merci, M. le Président. Je remercie ma collègue parce que je suis bien contente qu'il y ait plus de gens dans la salle pour écouter les derniers propos que je vais tenir, M. le Président. Je parlais d'Alliance Québec. Alliance Québec réclamera dorénavant le libre accès à l'école anglaise. La position a été adoptée lors du conseil général du lobby anglophone en fin de semaine. Mais, écoutez bien ça, ce que le président, Robert Keaton disait: «II faut interpréter cela comme l'expression du grand sentiment de frustration qu'éprouve notre communauté.»

Mais comment peuvent-ils éprouver un sentiment de frustration pendant qu'ils ont des écoles, pendant qu'ils ont des universités, pendant qu'ils ont des hôpitaux? Nous autres, en Estrie, on a 10 % d'anglophones, M. le Président. À Lennoxville, on a l'Université Bishop, on a le collège Champlain, on a le Sherbrooke Hospital, on a le CLSC pour les anglophones, on a des écoles, on a tout. Savez-vous qui remplit l'Université Bishop? Des jeunes de Toronto, des jeunes de l'Ontario parce qu'on n'en a pas assez, M. le Président. Puis ils sont frustrés? Ah, bien, là, je ne le prends pas! Ils sont frustrés, M. le Président. Ils sont frustrés parce qu'ils

n'ont pas assez d'enfants pour remplir leurs écoles. «C'est-u» triste rien qu'un peu! C'est de valeur!

Je vais vous dire une chose, M. le Président: S'ils sont frustrés, là, je ne sais pas qu'est-ce qu'on pourrait être, nous autres, de voir qu'on nous enlève la loi 101, qu'on la diminue, qu'on arrache ça par pans complets. M. le Président, je ne peux pas croire qu'il y a des gens de la communauté anglophone qui sont frustrés de voir des choses semblables. C'est inacceptable, M. le Président, c'est une loi inacceptable. Et le gars des commissions scolaires qui a parlé avant moi, le député de Saint-Louis, là, bien, il n'a rien compris. C'est ça. Il n'a rien compris, M. le Président, et il faudrait peut-être qu'il commence à lire les journaux pour s'apercevoir que le monde dans lequel il évoluait n'est pas, mais pas du tout, de la même idée que lui. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Je suis prêt à entendre le prochain intervenant. Il reste à la formation ministérielle 10 minutes et à la formation de l'Opposition officielle 8 minutes. Alors, est-ce qu'il y a un autre intervenant?

Une voix: D'un côté ou de l'autre.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): D'un côté ou de l'autre. Oui, M. le...

M. Chevrette: M. le Président, étant donné qu'on agit par alternance, est-ce que ça signifie qu'ils ne prennent pas leurs 10 minutes par alternance et que je pourrai donc prendre 20 minutes?

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Effectivement, le temps non utilisé par 1 des 2 groupes accroît celui de l'autre groupe. Alors, vous disposez donc, M. le leader de l'Opposition officielle, pour votre groupe, de 18 minutes.

M. Guy Chevrette

M. Chevrette: Merci, M. le Président. M. le Président, dans un premier temps, moi aussi, je voudrais me référer aux propos du député de Saint-Louis. Il avait l'air, dans son discours, de dire que, lui, le Montréalais, connaissait ce qui se passe sur l'île de Montréal. Franchement, M. le Président, ce bonhomme-là, qui fut à la tête de la Fédération des commissions scolaires, devrait aller faire un petit tour à la CECM, d'abord. S'il y a un jugement sévère qui a été porté sur la langue, M. le Président, à Montréal, c'est par la CECM. C'était sans équivoque. Professionnels, enseignants, administrateurs, tout le monde était unanime à dire que ce projet de loi là, en ce qui regarde l'école, c'était vraiment condamnable.

M. le Président, le député de Saint-Louis est sur l'île de Montréal, oui. Je ne sais pas quel comté il aura à la prochaine élection, à cause du découpage, mais je dois vous dire, M. le Président, que ça ne dénote pas un passé bien, bien glorieux comme personne qui a été à la tête de la Fédération des commissions scolaires. C'est une méconnaisance complète, déconnectée. Il est déconnecté, ça n'a pas de bon sens. Il n'est plus dans le portrait, il n'est plus du tout dans... Il ne parle plus à son ancien monde qu'il représentait. Comment peut-il être aussi déconnecté de la réalité à Montréal? Je n'en reviens pas.

Franchement, je comprends qu'il veut s'installer confortablement dans un comté non contesté et non contestable ? fort probable ? mais ce n'est pas le genre d'individu qui tiendrait ces propos-là dans un comté francophone. Il se ferait ramener sur terre, lui. Je suis convaincu que le député, par exemple, de la région de Deux-Montagnes ne tiendrait pas ce genre de propos chez lui, parce qu'il se ferait avertir. Probablement, même dans sa famille, ils diraient: Branche-toi. Baisse donc le ton un peu. Prends donc ton temps un petit peu. Le ramener sur terre, M. le Président, je pense que ça s'imposerait, ça.

Mais le député de Saint-Louis, qui deviendra député de Westmount ou qui se présentera dans ce genre d'agglomération là, M. le Président, ça ne me surprend pas, à ce moment là, qu'il tienne les propos qu'il tient, des propos déconnectés, sûr de lui, indépendamment de ce qui va se passer. La vie est belle, M. le Président. Ils peuvent afficher sa photo sans qu'il y aille, probablement, dans son comté, jamais de sa vie, sans qu'il connaisse 1 % de son électorat. Mais il aura dit un bon mot pour la langue... la langue anglaise, M. le Président, alors qu'on est en train d'étudier un projet de loi qui risque carrément d'atténuer la portée de la loi 178, de la loi 101, loi, M. le Président, qui a déchiré le Québec, parce que c'est un sujet fort émotif. On le sait. (2 h 30)

M. le Président, j'ai eu des propos passablement difficiles, peut-être durs même, envers la ministre de l'Enseignement supérieur et de l'Éducation au cours des dernières minutes, durant la motion de report sur la motion de scission du Parti Equality ou du député de Jacques-Cartier.

M. le Président, je dois vous dire très clairement qu'il est très, très rare qu'une ministre de l'Éducation ne tienne pas le discours suivant: le bien de l'enfant, d'abord. Hé qu'on s'est fait servir ça souvent au cours des années! Moi, je me souviens, dans les années 1960, 1962, 1967, en particulier, lors du bill 25, pour ceux qui étaient dans l'enseignement et qui peuvent s'en rappeler, c'était le bien de l'enfant. En 1973-1974, durant les durs conflits, les confrontations entre enseignants, commissions scolaires et gouvernement, c'était le bien de l'enfant, c'était toujours le bien de l'enfant qui primait quand l'État s'apprêtait à poser un geste.

Moi, j'aimerais, M. le Président, que la ministre actuelle nous dise de son siège que c'est pour le bien de l'enfant qu'elle fait ça, sans broncher, là, sans sourire. Vous êtes-vous imaginé, demain matin, quelque député que ce soit en cette Chambre, si vous aviez un jeune enfant à l'école qui a des difficultés d'apprentissage à partir de sa propre langue maternelle, et on demanderait à votre enfant, qui est en difficulté d'apprentissage, en

plus d'avoir une immersion dans une langue seconde dans la science où, précisément, il a de la difficulté...

Vous êtes-vous arrêtés à ça, ceux qui, potentiellement, ont des enfants à l'école? Est-ce que vous l'accepteriez? Est-ce que vous accepteriez qu'on fasse ça à votre enfant? C'est ça, aussi, c'est à ça qu'il faut penser quand on pose un geste. Moi, je ne suis pas contre l'étude de la langue anglaise, pas du tout, puis qu'on fasse de l'immersion, puis qu'on parle une demi-journée par semaine, s'il le faut, en anglais pour apprendre l'anglais. Mais de l'immersion pour l'acquisition d'une science, c'est très différent pour celui qui a à enseigner, c'est très différent. Puis ça, vous ne le dites pas, puis c'est ça qu'on maintient depuis le début.

C'est ça que la CEQ est venue nous dire, Mme Pagé est venue nous dire en commission. Mis à part le mépris que lui a craché au visage le ministre délégué à l'application de la Charte de la langue française, il n'a pas contredit Mme Pagé, pas du tout. Elle a soutenu quoi? Elle a soutenu les mêmes propos qu'on soutient ce soir, M. le Président. Elle ne faisait pas de politique. Ce n'est pas vrai. N'importe quel pédagogue qui va venir soutenir ça ici...

Imaginez que vous avez un enfant qui a une difficulté d'apprentissage dans une science. Vous accepteriez qu'il ait une immersion dans une autre langue, alors qu'il a de la misère à comprendre la science dans sa propre langue maternelle? Vous êtes d'accord avec ça? Allez demander aux spécialistes, allez demander aux psychologues, allez demander aux pédagogues de carrière ce qu'ils vont vous dire. Ils disent: Oui, mais écoutez une minute, là, qu'est-ce que vous pensez? Votre jeune, il n'est même pas capable de comprendre les maths dans sa propre langue, puis vous essayez de lui bourrer le crâne dans une langue... Vous allez lui faire entrer les mathématiques dans une autre langue. Vous doublez sa difficulté d'apprentissage. Ça ne prend pas un génie pour penser à ça. Ça ne prend pas un génie. Ça prend juste le gros bon sens.

Et vous ne dérougissez pas là-dessus. Non, vous avez la science infuse. Écoutez, là, réfléchissez un petit peu. On n'est pas là pour se faire plaisir quand on légifère. On n'est pas là pour dire: Je vais les casser, puis je vais leur passer sur le corps. Ce n'est pas ça. M. le Président, on est là pour légiférer, mais en vertu du gros bon sens, en fonction d'un apprentissage correct pour nos jeunes. Moi, je vous avoue que je ne vous comprends pas. Quand on a enseigné un tant soit peu, on le sait comment on a un certain nombre d'élèves qui ont des difficultés d'apprentissage. Ce n'est pas tous les jeunes qui peuvent se permettre une immersion dans une classe normale. Ce n'est pas vrai, ça. Ce n'est pas vrai, ça. On ne peut pas aller enseigner les mathématiques en anglais si on a le tiers qui ne comprend pas, M. le Président. C'est grave, ça.

Puis, qu'est-ce que permettent la loi, les amendements à la loi? C'est exactement ça. Puis c'est ça qu'ils ont tout compris, à la CECM. On n'est pas tout seuls à avoir l'air fou, là. La CECM a dit quoi? Exactement ce qu'on dit. La CEQ a dit quoi? Exactement ce qu'on dit.

Ça commence à faire du monde, ça. Il y a, quoi, 70 000 enseignants, 60 000 enseignants, avec les professionnels, puis tout le «kit», là? Les cadres scolaires, les directeurs d'école, tout le monde dit la même chose que nous autres. Non, non. M. le ministre délégué à l'application de la Charte de la langue française a dit ceci. Même la ministre de l'Éducation et de l'Enseignement supérieur n'ose même pas, M. le Président, vraiment considérer le plan pédagogique. Ce n'est pas une question de politique, ça. Ce n'est pas une question d'être, comment dirais-je, anti quelque chose. Si on veut que nos jeunes apprennent une langue seconde, que ce soit l'anglais, l'espagnol, l'italien, n'importe quelle langue, qu'on fasse l'enseignement d'une langue seconde. Mais pour l'acquisition d'une science ou d'une matière, bien, écoutez une minute, ne plaçons pas nos étudiants, nos enfants, notre relève en position de difficulté. Moi, je n'en reviens pas. Je n'en reviens pas pantoute, pantoute. Puis j'ai enseigné, M. le Président, puis je n'accepte pas ça. Je n'accepte pas ça.

Quand on enseigne à l'élémentaire, en particulier, j'ai eu le bonheur de ne faire rien qu'une année, à l'élémentaire, mais j'ai adoré cela, est-ce que j'aurais pu me permettre, au moment où j'enseignais en septième année, M. le Président, d'aller donner des cours à ces jeunes dans une langue seconde dans l'acquisition d'une science? Voyons. Quand on leur montrait, je ne sais pas, moi, l'extraction de la racine carrée, je me rappelle, entre autres. Aujourd'hui, c'est quoi? Je sais que ce n'est même plus ça. Pensez-vous qu'ils auraient compris, en anglais? Voyons. Voyons, M. le Président. Arrêtez-vous donc 30 secondes. Mais ce que je ne comprends pas, c'est que quand on a à légiférer... En tout cas, moi, j'ai toujours eu comme réflexe, M. le Président... je me place comme si, moi, j'étais en situation. Je me dis: Cette loi-là, si elle me touchait, je l'aimerais ou je ne l'aimerais pas? Si j'avais des enfants, M. le Président, bien sûr que je serais d'accord pour qu'ils apprennent 2 langues. Bien sûr. Mais est-ce que je serais d'accord, parce que je connais la pédagogie, pour qu'on essaie de leur montrer une langue au détriment, possiblement, de l'acquisition d'une matière? C'est très différent, ça. C'est très, très différent, et ça, je suis convaincu que ceux qui ont enseigné comprennent ça. Je suis sûr de ça. Mais qu'on ne vienne pas me faire accroire, puis je le répète, en particulier chez les allophones... Dans certaines classes montréalaises, quand tu as 2 ou 3 Portuguais, tu as 2 Grecs, 3 à 5 italophones, tu as des...

Une voix: Des Hindous, des...

M. Chevrette: ...Hindous, tu as toutes sortes d'ethnies, ils sont déjà en immersion francophone, M. le Président. Leur langue maternelle, ce n'est pas le français, eux. Puis c'est 50 % de la classe. Imaginez ça, là.

Une voix: Ce n'est pas l'anglais non plus. (2 h 40)

M. Chevrette: 50 %, 60 % dans la classe. Il y a des petits francophones à 40 %, des allophones à 60 %,

puis là, tu arrives avec l'anglais, immersion anglaise. C'est quoi qu'on vise, M. le Président? «C'est-u» une intégration des allophones dans la communauté francophone? C'est quoi qu'on recherche? Quel est l'objectif du gouvernement actuel? «C'est-u» l'anglicisation? C'est quoi? On ne nous le répond pas, hein? Puis, soyez sans crainte, M. le Président. On ne serait pas capable de nous répondre. Parce que, fondamentalement, c'est ça, le résultat, par exemple. Alors que pour nous, ce qui est bien important, comme formation politique, c'est d'abord et avant tout, M. le Président, la maîtrise et le contrôle et l'apprentissage d'une science et, bien sûr, avec un programme d'acquisition de connaissance d'une autre langue, mais pas au détriment de l'acquisition d'une matière, d'un programme ou d'une science. On se comprend bien. C'est juste ça qu'on dit. Ce n'est pas plus que ça, mais c'est important que ça soit cela.

Et quand la CEQ nous dit ça, en commission parlementaire, quand la CECM prend position publique, quand la centrale CSN prend position, par son secteur de l'éducation, exactement dans le même sens que nous, quand des parents nous disent la même chose, ce n'est pas parce qu'ils sont contre le bilinguisme éventuel de leurs enfants. Ils voudraient même, pour certains, qu'ils en apprennent 3 ou 4 langues. Ça, c'est de la richesse, c'est de la culture. Mais la pédagogie, c'est une autre affaire, et on ne peut pas, on ne peut pas, en aucun temps, à mon point de vue, mettre en péril l'apprentissage scolaire de nos jeunes sous prétexte, M. le Président, qu'on veut faire de l'immersion anglaise. Je pense qu'on ne saisit pas le mot «immersion». Je peux bien prendre 1 ou 2 de .mes enfants qui décident d'aller dans un bain d'immersion dans une autre province ou, encore, dans des échanges même québécois, entre réseau anglais ou français, à des moments précis, mais, M. le Président, de là à aller faire de l'immersion dans l'enseignement d'une science, par exemple, c'est bien différent. J'ai l'impression qu'on ne saisit pas la nuance, la différence, et je l'ai bien regardé, le projet de loi. Donc, M. le Président, pour ce secteur-là en particulier, on va être contre, ça, c'est clair.

Le deuxième secteur, M. le Président, qui m'amène à être contre, c'est l'affichage, l'affichage avec la prépondérance du français. À l'intérieur, présentement, c'est quoi qui prévaut? Ça l'est, ça. L'affichage bilingue est permis dans plusieurs surfaces, à l'intérieur, avec prépondérance du français. Combien y a-t-il de plaintes? À l'intérieur de certains édifices, il y a nettement de Funilinguisme anglais ou, encore, c'est égal, anglais-français. Est-ce qu'on va se promener avec une règle? Avec un galon, comme on dit? Est-ce qu'on va se promener avec un pied-de-roi? Avec une verge? On va mesurer, là: C'est 2 3/4 po versus 2 1/4 po, la prépondérance. Vous savez très bien, M. le Président, que ça ne s'applique pas, ça. Vous savez même, M. le Président, que, au niveau des couleurs, par exemple, tu peux avoir des couleurs de 3 po gris pâle, puis 1 po noir, noir ou rouge vif. Qu'est-ce qui est prépondérant pour l'oeil? Ça ne se fait pas ça. Ça ne se calcule pas, ça. C'est inapplicable, ça. C'est fou comme le balai, ça.

N'importe qui va vous dire ça, M. le Président.

Pourtant, le ministre délégué à l'application de la Charte, il le sait ça, il le sait ça par rapport à l'application de la Charte actuelle, à l'intérieur. Pourquoi veut-il faire pareil pour l'extérieur? Pour que le Québec perde son visage français? Non. Le maire L'Allier est venu nous le dire, lui, ce qu'il pensait. Le maire Doré, plus nuancé, effectivement, pour Montréal, qui est dans un contexte différent, est venu dire: N'arrivez pas avec toutes les grandes surfaces. C'est très clair. m. le président, moi, je pense que le gouvernement veut se faire plaisir, purement et simplement. on regarde les derniers sondages, à part ça, de ce matin, puis on comprend beaucoup plus l'objectif du gouvernement. le parti equality, qui se maintenait à 5 %, 6 %, bien, dans le sondage de ce matin, il est à 2 %. ça veut dire que l'objectif du gouvernement était d'aller chercher l'électorat du parti equality. eux autres, ou ils se font hara-kiri avec ça... je ne sais pas pourquoi ils gigotent tant que ça, d'ailleurs, en passant, parce qu'ils sont sur le point de traverser la chambre, point final, avec ça. ils vont juste faire voir qu'ils sont malheureux dans ce contexte-là, mais, dans le fin fond, ils attendent juste un petit clin d'oeil pour traverser. c'est à se demander s'il n'y en a pas même qui ont... si tout est cédulé, tout est programmé, parce que, franchement...

Mais on a voulu quand même, M. le Président, au cours de cette motion de scission... En ce qui nous concerne, c'est au niveau du principe. Au niveau du principe, la formation politique qui représente les indépendants et le Parti Equality a le droit de présenter une motion. Qu'on soit d'accord ou pas d'accord sur le plan des règlements, sur le plan des principes, nous, on se devait de défendre leur situation réglementaire, mais, fondamentalement, je le répète, nous serons contre cette motion de scission, en ce qui nous regarde. Nous sommes contre l'ensemble du projet de loi, l'ensemble des principes qui sont contenus dans ce projet de loi là, tout en laissant à ceux qui y voient une différence entre certains objets acceptables ou non acceptables de voter en toute cohérence. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, cette dernière intervention met fin au débat sur la motion de scission présentée par M. le député de Jacques-Cartier que je vais maintenant mettre aux voix: «Qu'en vertu de l'article 241 du règlement de l'Assemblée nationale le projet de loi 86 soit scindé en 2 projets de loi: un premier, intitulé Loi modifiant la Charte de la langue française, comprenant les articles 1 à 21, 35 à 58 et de 60 à 65, et un deuxième projet de loi intitulé Loi modifiant la Loi sur l'instruction publique, comprenant les articles 22 à 34 et l'article 59.»

Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Qu'on appelle les députés.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Vote nominal. Qu'on appelle les députés. (2 h 46 - 2 h 50)

Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Je mets aux voix la motion suivante, motion de M. le député de Jacques-Cartier qui se lit comme suit: «Qu'en vertu de l'article 241 du règlement de l'Assemblée nationale le projet de loi 86 soit scindé en deux projets de loi: un premier intitulé Loi modifiant la Charte de la langue française, comprenant les articles 1 à 21, 35 à 58 et de 60 à 65, et un deuxième projet de loi intitulé Loi modifiant la Loi sur l'instruction publique, comprenant les articles 22 à 34 et 59.»

Que ceux et celles qui sont en faveur de cette motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît.

Le Secrétaire adjoint: M. Libman (D'Arcy-McGee), M. Cameron (Jacques-Cartier).

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Que ceux et celles qui sont contre cette motion veuillent bien se lever.

Le Secrétaire adjoint: M. Ryan (Argenteuil), M. Dutil (Beauce-Sud), M. Elkas (Robert-Baldwin), M. Rivard (Rosemont), M. Middlemiss (Pontiac), M. Bel isle (Mille-Îles), M. Cusano (Viau), M. Picotte (Maskinon-gé), Mme Robillard (Chambly), M. Maciocia (Viger), M. Maltais (Saguenay), M. Philibert (Trois-Rivières), M. Chagnon (Saint-Louis), M. Paradis (Matapédia), M. Lemire (Saint-Maurice), M. Poulin (Chauveau), M. Thé-rien (Rousseau), M. Williams (Nelligan), M. Dauphin (Marquette), M. Fradet (Vimont), M. Farrah (îles-de-la-Madeleine), M. Lemieux (Vanier), M. Messier (Saint-Hyacinthe), M. Richard (Nicolet-Yamaska), M. Bradet (Charlevoix), M. Gauvin (Montmagny-L'Islet), M. Gau-trin (Verdun), M. Forget (Prévost), M. LeSage (Hull), M. Bergeron (Deux-Montagnes), M. Bordeleau (Acadie), Mme Boucher Bacon (Bourget), M. Parent (Sauvé), M. Brouillette (Champlain), Mme Loiselle (Saint-Henri), M. Lafrance (Iberville), M. MacMillan (Papineau).

M. Chevrette (Joliette), Mme Blackburn (Chicou-timi), M. Blais (Masson), Mme Marois (Taillon), M. Jolivet (Laviolette), M. Baril (Arthabaska), Mme Juneau (Johnson), Mme Caron (Terrebonne), M. Dufour (Jon-quière), M. Lazure (La Prairie), M. Léonard (Labelle), Mme Vermette (Marie-Victorin), M. Paré (Shefford), M. Morin (Dubuc), M. Holden (Westmount), M. Bois-clair (Gouin), M. Trudel (Rouyn-Noranda?Témisca-mingue), Mme Carrier-Perreault (Les Chutes-de-la-Chaudière).

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Est-ce qu'il y a des abstentions?

Le Secrétaire: pour: 2 contre: 55 abstentions: 0

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, la motion est rejetée.

Reprise du débat sur l'adoption du principe

Nous revenons au débat sur la motion originale qui se lit comme suit, c'est-à-dire proposée par M. le ministre responsable de l'application de la Charte de la langue française, proposant l'adoption du principe du projet de loi 86, Loi modifiant la Charte de la langue française.

Je suis prêt à reconnaître le prochain intervenant. M. le député de La Prairie, vous avez droit à une intervention de 20 minutes.

M. Denis Lazure

M. Lazure: Merci, M. le Président. S'il y a encore un certain nombre de téléspectateurs, téléspectatrices qui regardent les débats...

Des voix: Ha, ha, ha! M. Lazure: .. .je pense...

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Un instant! Un instant! Un instant! Un instant, M. le député de La Prairie. Un instant! S'il vous plaît! S'il vous plaît! M. le député de Chauveau, s'il vous plaît!

M. le député de La Prairie, allez-y.

M. Lazure: Alors, M. le Président, j'allais dire que les gens qui suivent ce débat, puisqu'il y en a encore un certain nombre d'insomniaques, vont, j'en suis sûr, M. le Président, être révoltés de voir un gouvernement qui est au milieu d'une récession extrêmement grave, alors que le taux de chômage est de 13,4 %, alors que le nombre des personnes assistées sociales atteint des records jamais vus, au-delà de 755 000 personnes qui doivent être à l'aide sociale, donc, M. le Président, à un moment où la société québécoise traverse une période économiquement très difficile, ce gouvernement non seulement ne présente rien dans son budget pour relancer l'économie et procurer des emplois, mais ce gouvernement, pour cacher un peu son inertie, sa négligence en matière économique et, en même temps, pour satisfaire l'électorat anglophone, vient nous présenter un projet de loi qui va saboter gravement la loi 101.

M. le Président, j'entendais, tout à l'heure, le député de Saint-Louis nous dire que ce projet de loi allait rétablir l'harmonie. Mais, M. le Président, ce député ne vit pas sur la même planète que nous. L'harmonie linguistique, la paix sociale concernant la langue, nous l'avions depuis 15 ans au Québec, pour la première fois depuis longtemps, puisque les 15 années précédentes ont vu 2 tentatives. En 1974, le gouvernement Bourassa, version 1, avec son projet de loi 22, qui a semé la pagaille dans la société québécoise et qui a creusé son propre tombeau pour l'élection de 1976. Un peu avant ça, en 1968, le gouvernement Bertrand, par son projet de loi 63, avait aussi semé

la zizanie.

Pourquoi, M. le Président, ces deux projets de loi antérieurs à la loi 101, le 22 et le 63, avaient tellement créé de discorde au Québec? Parce que, fondamentalement, ils allaient contre les aspirations de la majorité du peuple québécois, et ils tentaient de ménager la chèvre et le chou. Us en donnaient un peu aux anglophones, mais pas suffisamment à leur goût, et ils en enlevaient un peu beaucoup aux francophones. Le projet de loi 63, comme le projet de loi 22, ont été rejetés massivement par la population, et de façon démocratique. Seule la loi 101 a recueilli l'accord très, très majoritaire au Québec, si bien qu'aucun groupe, sauf Alliance Québec, aucun groupe de quelque importance que ce soit, M. le Président, n'a réclamé le projet de loi que ce gouvernement nous présente actuellement.

Bien sûr, les débats sur la langue, ça ne date pas d'hier, ou ça ne date même pas des deux, trois décennies dont je parlais tantôt. On n'a qu'à regarder au-dessus de vous, M. le Président, le tableau que nous avons dans ce salon bleu, c'est le débat sur la langue, le premier débat de l'Assemblée législative, en 1792, avec le président Panet, votre premier prédécesseur, M. le Président. Pourquoi avait-on, il y a 200 ans, ce débat? On l'avait parce que la minorité de députés anglophones voulait imposer la langue anglaise comme seule langue de communication à l'Assemblée législative, M. le Président; c'était la minorité anglophone qui voulait imposer sa loi, et ça se comprend, parce qu'il y avait eu la Conquête. Il ne faut quand même pas essayer de faire croire qu'il n'y en a pas eu de Conquête, il y en a eu une. Ça a existé, ça, les Plaines d'Abraham, M. le Président, même si ça fait longtemps.

Je pense que les gens en face de nous, qui veulent oublier l'histoire, font une grave erreur. Le débat sur la langue a été le premier débat de cette première session de l'Assemblée législative, et le débat n'a jamais cessé; et la seule période où il a véritablement cessé, je le répète, M. le Président, c'est de 1977 à venir jusqu'à récemment, 15 ans. Et, pour aller chercher un certain pourcentage de votes, ce gouvernement du Parti libéral est en train de venir chambarder l'harmonie, de venir fausser le climat, de venir vicier le climat qui existait, le climat relativement serein qui existait depuis une quinzaine d'années. (3 heures)

Le projet de loi 86 vient amoindrir la position du français au Québec, et personne dans la communauté francophone, M. le Président, ne comprend pourquoi la loi 101 devrait être diminuée. Parce que c'est ça que la loi 86 fait. D'ailleurs, il y avait un excellent editorial de Mme Bissonnette dans Le Devoir, qui le disait carrément, au mois de mai: la fin de la Charte. Parce qu'en réalité ça n'existe pas, une prédominance. La loi 101, la Charte de la langue française consacrait le français comme langue officielle, seule langue officielle au Québec. Et, avec la loi 86 vont apparaître maintenant, de manière officielle, 2 langues.

Parlons d'abord de l'affichage, M. le Président. Tout le monde comprend qu'à partir du moment où cette loi 86 sera en vigueur et qu'on affichera en anglais aussi bien qu'en français, même si les caractères anglais sont plus petits que les caractères français, tout le monde comprendra, surtout les nouveaux arrivés, que, dorénavant, il y a 2 langues qu'on peut parler au Québec, l'anglais et le français. Et on a le choix. Et même si, pour encore un bout de temps, avec ce gouvernement qui est en face de nous, la fréquentation de l'école française est obligatoire, le message est quand même lancé aux immigrants: Acceptez cette épreuve d'envoyer vos enfants à l'école française pendant un certain nombre d'années. Ne vous en faites pas; lorsque votre enfant arrivera au niveau collégial, il pourra aller du côté anglais. Au niveau universitaire, il pourra aller du côté anglais. Et, quand il travaillera, puisque, maintenant, l'anglais est permis dans l'affichage, pourquoi est-ce qu'il ne travaillerait pas en anglais? m. le président, il est bien évident que la pression sociale qui serait créée par l'apparition de l'anglais, après 15 ans d'affichage unilingue français, que cette pression sociale va amener les entreprises à tolérer de plus en plus que l'anglais devienne langue du travail. d'ailleurs, on le sait, actuellement, il y a à peine 50 % de la main-d'oeuvre dans la grande région de montréal qui travaille en français. les acquis, les gains que le français a faits depuis une quinzaine d'années sont fragiles, m. le président. et c'est ça que ce gouvernement n'a pas l'air de comprendre, à commencer par le ministre responsable de la charte.

C'est un débat que ce gouvernement a suscité, piloté par celui qui, au moment où il était encore journaliste, directeur du Devoir, en 1977, s'était opposé farouchement à la loi 101. On ne peut pas dire, M. le Président, qu'il n'a pas de suite dans les idées. Il poursuit actuellement le combat qu'il avait commencé il y a 15 ans. Il y a eu, entre-temps, depuis 1977, différentes étapes dans sa carrière mouvementée, y compris une certaine période à la chefferie du Parti libéral, mais il y a, chez ce ministre responsable de la Charte de la langue française, une espèce de détermination à mettre la hache dans la loi 101. Il a toujours rejeté la loi 101, et le projet de loi qu'il nous présente aujourd'hui aura pour effet de faire reculer le français de façon très importante.

Ce gouvernement a essayé de culpabiliser les francophones québécois en leur disant: Soyez généreux. Soyez ouverts. Soyez tolérants. Vous voulez que vos enfants deviennent bilingues, pourquoi est-ce que ce n'est pas tout le Québec qui devrait devenir bilingue, dans l'affichage, en ouvrant les écoles? M. le Président, essayer de faire croire à la population que le Parti québécois s'oppose au bilinguisme des individus, c'est tout à fait machiavélique et digne du ministre responsable de la Charte. Autant le chef de l'Opposition, qui en a parlé plusieurs fois publiquement, que tous les députés de l'Opposition, nous sommes favorables à l'apprentissage d'une deuxième langue, d'une troisième langue, d'une quatrième langue. Mais, en même temps, nous disons que la façon pour un individu de fonctionner, ce n'est pas la même chose que pour une société. Une société de

6 000 000 de parlant français, qui vit à l'intérieur d'une mer de 300 000 000 de parlant anglais, une telle société, si elle veut garder son caractère français, doit se défendre, et ce n'est pas le cas d'un individu. L'individu peut parler 1, 2, 3, 4 langues, ça ne pose pas de problème.

M. le Président, il y a plusieurs sociétés qui étaient majoritairement francophones et qui, par manque de protection de la langue française et par l'invasion d'une multitude de parlant anglais, sont devenues assimilées. Qu'on pense aux Franco-Manitobains, qu'on pense aux Franco-Albertains, qu'on pense aux Franco-Ontariens, et pour ne pas parler des Franco-Américains qui, par millions, se sont assimilés.

Deux mots, M. le Président, sur certaines dispositions de la loi qui ont trait à l'école. Non seulement ce projet de loi va venir changer le visage français du Québec, mais, par toutes sortes de détours très habiles, va permettre aux enfants anglophones, aux enfants allophones de retourner à leurs premières amours, pour ainsi dire, de retourner à l'école anglaise. Il y a même un article, M. le Président, que je trouve particulièrement révoltant, l'article 30. L'article 30 dit que, dans le cas des élèves éprouvant des difficultés d'apprentissage, la possibilité leur est offerte de fréquenter l'école anglaise, et c'est même applicable, automatiquement, à leurs frères et leurs soeurs même s'ils ont déjà fréquenté l'école française.

M. le Président, le message qu'un tel article transmet, c'est qu'apprendre le français, ça va rendre vos troubles d'apprentissage encore plus graves; donc, il faut que vous alliez du côté anglais. En allant du côté de l'école anglaise, vous allez voir, autant parce que vous allez être bien reçus que parce que la langue anglaise, soi-disant, est plus facile, vos troubles d'apprentissage vont s'améliorer. M. le Président, c'est la première fois, dans ma carrière de psychiatre pour enfants, que j'entends une telle théorie, que la langue anglaise va devenir une forme de traitement pour les troubles d'apprentissage. M. le Président, je pense...

Une voix: La thérapie par...

M. Lazure: Oui, la thérapie par la loi anglaise, c'est une théorie tout à fait spéciale qu'a élaborée le député d'Argenteuil et qui ne résisterait pas à l'examen scientifique. (3 h 10)

Parlant du député d'Argenteuil, M. le Président, je pense qu'il faut souligner le caractère tout à fait autoritaire qu'a adopté le ministre responsable de la langue. Depuis le début de ce débat, d'abord en amenant son gouvernement à endosser sa proposition, de dire: C'est moi, le député d'Argenteuil, qui vais décider quels sont les groupes qui vont venir à la commission parlementaire. Et il a même eu l'audace et l'effronterie de refuser de recevoir le Conseil de la langue française dont le principal mandat, comme le nom le dit, est de conseiller le ministre. Et le ministre avait de bonnes raisons de ne pas vouloir recevoir le Conseil de la langue française. Parce que si on lisait les avis écrits que ce Conseil lui avait fournis, on se rendrait compte qu'ils sont tout à fait opposés à ce projet de loi. Mais il n'a pas eu le courage d'accepter que le Conseil, ses avi-seurs, ses conseillers, viennent le dire devant les caméras.

Ce qu'il a dit, lui, cependant, devant les caméras, M. le Président, c'est tout à fait honteux. Rappelons-nous qu'il a comparé les Québécois francophones à l'Afrique du Sud. Le ministre responsable de la langue a même rigolé lorsqu'un certain groupe a parlé d'une soi-disant intolérance des Québécois francophones. M. le Président, le ministre responsable de la langue a fait preuve de la même hargne, de la même mesquinerie que ce qu'on avait vu chez ce personnage lors de la victoire du Non au Référendum. Non seulement il était mauvais gagnant, mais aussi il est un mauvais pilote d'un projet de loi. Il est un pilote autoritaire, antidémocratique. Et c'est lui qui faisait la leçon et qui fait encore la leçon à tout le monde.

On se rappelle que, en 1977, justement, lorsqu'il était directeur du Devoir, le ministre critiquait le gouvernement et il donnait des conseils au gouvernement, et je le cite, son editorial du Devoir, en 1977: «L'expérience enseigne que les ministres passent plutôt vite. Aussi, est-il plus sûr, si l'on veut assurer l'avenir, de se reposer sur des textes clairs plutôt que sur des paroles d'un ministre, si bien intentionné soit-il.» Aujourd'hui, on voit le même personnage qui, en étant ministre, nous présente un projet de loi sans déposer les règlements. Lorsqu'il était journaliste, il passait son temps à réclamer que le gouvernement dépose des règlements en même temps qu'un projet de loi.

Alors, M. le Président, je vois que le temps qu'on m'alloue est presque terminé. Je voudrais quand même rappeler que ce projet de loi est une porte ouverte à Fanglicisation. Ce projet de loi va faire reculer le français. Ce projet de loi, il est une atteinte au statut du français, non seulement une atteinte au statut de la langue française, qui va être diminuée, mais aussi une atteinte à ceux qui utilisent la langue française.

Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, merci, M. le député de La Prairie.

Alors, sur ce même sujet, nous en sommes à l'étape de la deuxième lecture, l'adoption du principe du projet de loi 86, Loi modifiant la Charte de la langue française, et je cède la parole à M. le ministre des Approvisionnements et Services.

M. le ministre, la parole est à vous.

M. Robert Dutil

M. Dutil: M. le Président, la volonté de la majorité francophone du Québec de protéger sa langue a entraîné de multiples débats au cours des 2 siècles de parlementarisme de notre histoire. Plusieurs lois ont été adoptées au cours des dernières décades en vue de confirmer cette protection.

Il y eut, entre autres, la loi 22, adoptée en 1974,

qui établissait le français comme la seule langue officielle au Québec. Il y eut la loi 101, adoptée en 1977, qui établissait, entre autres, les critères d'admissibilité à l'école anglaise, les règles en matière de langue de travail et les règles en matière de langue d'affichage. La constitutionnalité de cette dernière loi fut ultérieurement soumise à la Cour suprême du Canada et, entre-temps, la Constitution avait été modifiée en 1981. Une Charte des droits et libertés y est maintenant incluse depuis cette date. La loi 101 devait donc, dorénavant, être interprétée en fonction de celle-ci.

La Cour suprême rendit un jugement concernant la langue d'affichage, en décembre 1988. Ce jugement stipulait que, si le gouvernement pouvait légitimement imposer la primauté du français dans l'affichage, il ne pouvait pas prohiber l'usage d'une autre langue sans enfreindre la liberté d'expression prévue dans la Charte des droits et libertés. C'est suite à ce jugement que notre gouvernement décida d'utiliser une clause prévue à la Charte des droits et libertés. Cette clause est connue sous le nom de la clause «nonobstant». Elle nous permet d'adopter une loi malgré la Charte des droits et libertés, mais les articles couverts par ce «malgré» ne peuvent dépasser la durée de S ans, à moins d'être à nouveau adoptés par l'Assemblée nationale après cette période.

La loi que l'Assemblée nationale a adoptée, il y a bientôt S ans, le 21 décembre 1988, et connue sous le nom de la loi 178, permettait, à l'intérieur des commerces, en autant que le français y soit prédominant, l'affichage dans d'autres langues, mais prohibait, nonobstant ou malgré la Charte des droits et libertés, l'affichage à l'extérieur dans une autre langue que le français.

Ne pas se soumettre à une charte qui prévoit le respect des droits et libertés, même si cette charte prévoit une possibilité d'exclusion, est une décision grave. C'est la raison pour laquelle cette exclusion n'a été prévue que pour une durée temporaire. Cette durée limitée oblige à refaire le débat sur sa justification et, le cas échéant, de ne plus invoquer la clause «nonobstant».

Il est important de noter, au passage, que le Québec a lui-même adopté sa propre Charte des droits et libertés sous l'ancien gouvernement et que la prohibition d'afficher dans une autre langue contrevient également à cette charte entièrement québécoise. Qui plus est, M. le Président, une plainte logée à la Commission des droits de l'homme de l'Organisation des Nations unies a donné raison au plaignant contre le gouvernement du Québec.

La loi 178 contrevient également à l'article 19 de la Déclaration universelle des droits de l'homme que le Canada s'est engagé à respecter. Cet article se lit comme suit: Tout individu a droit à la liberté d'opinion et d'expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considération de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d'expression que ce soit. Fin de la citation.

Plusieurs de nos concitoyens se demandent pourquoi les gouvernements élus démocratiquement doivent se soumettre à des chartes du genre de celle que je viens d'énumérer. M. le Président, tout simplement parce que l'alternative, c'est-à-dire de ne pas avoir de charte, entraînerait des abus que nos contemporains sont portés à oublier. Ce sont ces abus de la part des gouvernants qui ont justement conduit à restreindre les pouvoirs remis entre leurs mains.

Le premier exemple d'une pareille charte, connue sous le nom de la «Magna Carta», remonte à 1215, en Angleterre, où les barons l'imposèrent au roi de l'époque en vue de protéger les libertés des sujets du royaume. Un «Bill of Rights» fut également voté par le Parlement anglais lors de la glorieuse révolution, en 1688, et le premier geste du congrès élu sous l'égide de la nouvelle Constitution des États-Unis, en 1789, il y a plus de 2 siècles, M. le Président, fut de voter 10 amendements à cette Constitution en vue d'assurer leur population que leurs droits et libertés seraient respectés par le nouveau gouvernement central. Lors de la Révolution française, également, en 1789, la toute nouvelle Assemblée nationale de cette époque vota la «Déclaration des droits de l'homme et du citoyen».

Quant à l'Organisation des Nations unies, il est sans doute utile de rappeler qu'elle fut créée à la suite d'un désastre d'une dimension inconnue dans toute l'histoire de l'humanité, c'est-à-dire la Deuxième Guerre mondiale. Cette guerre avait été initiée par Adolf Hitler, un dictateur raciste et sanguinaire de l'Allemagne, de 1933 à 1945, et plus de 40 000 000 d'hommes et de femmes perdirent la vie entre le 3 septembre 1939 et le 9 août 1945, la période, donc, couverte par cette guerre. Dans cette guerre, il y eut plus de morts parmi les civils que parmi les soldats, pour une des premières fois dans l'histoire, également, des nombreuses guerres de l'histoire de l'humanité. Alors, les vainqueurs de cette époque ont voulu créer un rempart contre la répétition d'une pareille calamité. (3 h 20)

On peut bien reprocher beaucoup de choses à l'Organisation des Nations unies, et il s'agit évidemment d'un organisme relativement jeune. Il faut toutefois reconnaître qu'il a fait plus pour le maintien de la paix et le respect des droits de l'homme que tout autre organisme international. Et l'un de ses apports les plus importants pour cette liberté à laquelle tant d'êtres humains aspirent encore en vain, aujourd'hui, fut certainement la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948.

Et d'ailleurs, à cet égard, M. le Président, il est intéressant de noter que la commission des droits de l'homme, qui avait été créée en 1946, fut présidée par Mme Eleanor Roosevelt ? veuve du président américain, Franklin Delano Roosevelt, qui s'était fait, lui, le promoteur de la création de l'organisation des États unis ? et coprésidée, également, par un Français, un nommé René Cassin. Alors, donc, la coprésidente était issue de la tradition anglaise et le coprésident était issu, lui, de la France, donc, de la tradition française. Anglophones et francophones ont présidé ensemble à la naissance de la déclaration la plus importante, au niveau international, sur les droits et libertés de l'homme.

C'est cette commission qui nous dit, aujourd'hui,

que notre loi linguistique ne respecte pas la clause 19 de la Déclaration universelle des droits de l'homme. On ne peut pas, raisonnablement, ne pas tenir compte de ce jugement. On ne peut pas, raisonnablement, renouveler la clause «nonobstant», sachant que non seulement cette clause va à rencontre de la Charte québécoise des droits et libertés, que non seulement cette clause va à l'encon-tre de la Charte canadienne des droits et libertés, mais qu'en plus la commission des droits de l'homme de l'Organisation des Nations unies juge qu'elle va à l'encontre de la Déclaration universelle des droits de l'homme.

Notre pays est réputé à travers le monde entier pour son pacifisme et sa tolérance, et cela, à juste titre. Le Canada est un exemple de cohabitation pacifique de 2 groupes linguistiques. Depuis 2 siècles, le courant de tolérance a dominé le courant d'intolérance; rares furent les crises qui ont dépassé le conflit verbal. C'est à ce même courant de tolérance que notre gouvernement fait aujourd'hui appel, en proposant l'adoption du projet de loi 86, qui a pour but principal non pas d'imposer le bilinguisme dans l'affichage, mais d'obliger l'affichage en français de façon prédominante sans empêcher l'affichage, en même temps, d'une autre langue. Cette façon de faire nous permet à la fois d'indiquer clairement que la langue officielle du Québec est le français, et cela, sans équivoque. Mais cela nous permet également de montrer que le Québec sait respecter les différences et accepter la libre expression, tel que le prévoient les diverses chartes des droits et libertés dont j'ai parlé plus haut.

M. le Président, le projet de loi 86 prévoit également une autre mesure sur laquelle je désire m'arrêter un peu plus longuement. Il s'agit de la possibilité d'utiliser la technique d'immersion en langue anglaise pour certaines périodes, au niveau scolaire. Cette mesure a soulevé des objections de principe de la part de l'Opposition. Il s'agit pourtant d'une mesure pédagogique qui a fait ses preuves pour l'apprentissage d'une autre langue.

La formation actuelle, aux niveaux primaire et secondaire, est nettement insuffisante pour maîtriser la langue seconde dans un milieu francophone homogène comme le comté de Beauce-Sud, que je représente à l'Assemblée nationale. La Beauce fut l'une des rares régions à être colonisées sous le Régime français ? les concessions seigneuriales y remontent, en effet, à 1735 ? et elle garda toujours son caractère presque exclusivement francophone.

Dans un milieu comme celui-là, et avec le niveau d'apprentissage actuellement prévu à l'école, les enfants ne savent pas parler anglais au sortir du secondaire V. Les parents qui désirent que leurs enfants puissent se débrouiller en langue anglaise doivent pallier à cette déficience soit en envoyant leurs enfants dans des camps anglais durant l'été, soit en leur faisant suivre des cours particuliers, soit en prenant avec eux des vacances dans un milieu uniquement anglophone. Est-il utile de dire que ce n'est pas à la portée de toutes les bourses? Les citoyens de ma circonscription électorale seraient pourtant en droit de s'attendre à ce qu'un apprentissage de la langue seconde soit suffisant dans le milieu scolaire pour leur éviter pareille contrainte.

Une pétition de plus de 8000 noms de ma région, M. le Président, fut d'ailleurs déposée au ministère de l'Éducation en vue d'accroître l'apprentissage de la langue seconde. Vouloir posséder les 2 langues officielles du pays est une preuve d'ouverture d'esprit; le danger d'assimilation dans une région comme la mienne est complètement nul.

M. le Président, le projet de loi 86 prévoit quelques autres corrections qui, bien que moins publicisées que la partie concernant l'affichage et l'immersion possible dans le milieu scolaire, ont leur importance, et vous me permettrez d'élaborer rapidement sur celles-ci.

Le premier. On parle que le retrait du statut particulier, du statut bilingue, à certains organismes municipaux et scolaires ou de santé et services sociaux, soit dorénavant un pouvoir du gouvernement, après une demande en ce sens présentée par l'organisme. Il m'ap-paraît, suite à l'expérience particulièrement de la municipalité de Rosemère, qu'il s'agit là d'une mesure correcte, utile et prudente. Si on se rappelle la question de Rosemère, on a vu cette municipalité qui risquait de perdre son statut bilingue, puisque la majorité de cette municipalité était devenue francophone. La municipalité de Rosemère a décidé, on s'en rappellera, M. le Président, de tenir un référendum à ce sujet-là, et le résultat fut sans équivoque. Le résultat démontrait la tolérance et la générosité des habitants de Rosemère, puisque la très grande majorité a voté pour le maintien du statut bilingue. Et quand on décortique le vote, on peut facilement se rendre compte qu'une majorité de francophones avait également voté pour le maintien du statut bilingue de la ville de Rosemère.

Une autre mesure importante est la fréquentation de l'école anglaise pour des élèves en séjour temporaire au Québec, où il y aura un certain élargissement qui m'apparaît tout à fait correct. Le projet de loi vise également à rendre l'article 73, concernant l'admissibilité à l'école anglaise, conforme à la pratique établie depuis le jugement de la Cour suprême de 1984. Ainsi, les élèves ayant reçu leur enseignement primaire en anglais au Canada, ou les enfants de parents qui ont eu accès à cet enseignement au Canada, sont admissibles à l'école anglaise. Déjà appliquée au Québec depuis 1984, la clause Canada n'avait cependant pas été insérée dans le texte de la Charte de la langue française, et elle le sera dorénavant avec le projet de loi 86.

Également, en matière de sécurité routière, le projet de loi réaffirme la règle de l'unilinguisme français dans la signilisation, tout en autorisant le recours à des symboles ou à des pictogrammes. Mais il prévoit aussi qu'à défaut de symboles ou de pictogrammes significatifs l'affichage en français pourra être accompagné d'une autre langue, lorsque la santé et la sécurité publique l'exigent.

Le projet de loi clarifie également certains articles ayant trait au processus de francisation des entreprises et précise certaines dispositions relatives aux entreprises de 50 employés et plus, qui doivent obtenir un certificat de

francisation. Ces modifications visent, entre autres, à intégrer le concept de permanence au processus de francisation. Une fois obtenu le certificat de francisation, l'entreprise devra désormais remettre à l'Office de la langue française, à tous les 3 ans, un rapport sur l'évolution de l'utilisation du français au sein de cette même entreprise.

Une autre mesure, M. le Président, du projet de loi 86. Au cours des dernières années, la Commission de protection de la langue française, organisme chargé de traiter des questions qui se rapportent au défaut de respect de la loi, a connu une nette décroissance de ses activités, en raison du taux de plus en plus élevé de conformité à la loi. Et reconnaissant la nécessité de maintenir le mandat de cet organisme, malgré la décroissance de ses activités, le gouvernement propose de transférer son mandat à l'Office de la langue française. L'Office sera habilité à désigner des personnes chargées de vérifier l'application de la loi et des règlements.

Un autre point. Le projet de loi vise à clarifier le chapitre sur la langue de la législation et de la justice, afin de le rendre conforme à la pratique qui a cours depuis le jugement de la Cour suprême, en 1979. Et, enfin, le projet de loi place sous la responsabilité exclusive du gouvernement les pouvoirs de réglementation auparavant partagés avec les différents organismes de la Charte.

M. le Président, le ministre responsable de la Charte de la langue française et député d'Argenteuil nous propose donc un rafraîchissement de cette loi qui s'avère nécessaire puisque la loi 101 a été adoptée en 1977, il y a maintenant 16 ans, et que l'usage nous a permis d'en découvrir les failles. J'appuie donc le projet de loi 86, et j'espère que ce point de vue sera partagé par l'Assemblée nationale.

Merci, M. le Président. (3 h 30)

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le ministre des Approvisionnements et Services.

Sur ce même sujet, je reconnais M. le député de Jonquière, vice-président de la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation. M. le député, la parole est à vous.

M. Francis Dufour

M. Dufour: Merci, M. le Président. Juste un petit rappel sur ce que le ministre des Approvisionnements et Services vient de nous servir. Il prend des droits individuels et il franchit allègrement de l'individu à l'entreprise. Donc, quand on parle de la liberté individuelle, il faut s'en tenir aux libertés individuelles. Mais, lorsqu'on se base, sur un jugement de l'ONU pour franchir ce pas-là allègrement et l'étendre à toute corporation ou à tout groupe d'individus, il me semble que le pas est vite franchi et il me semble que c'est faible au point de vue de l'argumentation.

C'est la première fois, M. le Président, que j'interviens sur ce projet de loi, Loi modifiant la Charte de la langue française, projet de loi 86. Ce projet de loi, à mes yeux, sous son couvert de générosité et selon les dires du responsable de la Charte de la langue, représente certaines générosités envers les autres. Ce qu'on oublie de dire, par exemple, c'est qu'à travers cette générosité il y a un danger qui nous guette réellement, et ce danger, par toutes les facettes de ce projet de loi, c'est d'abord de nous faire prendre conscience que, sous le couvert de la générosité, les Québécois francophones pourraient aller jusqu'à faire disparaître leur langue au profit des autres. Et, ça, j'appelle ça presque de l'héroïsme. Et, moi, je trouve que c'est dangereux d'essayer de passer un sapin ou de passer un Québec aussi rapidement à la population. C'est clair que le ministre responsable veut aller complètement au bout de son idée, au bout de ce que lui pense. Parler de générosité, à ce moment-ci, avec ce projet de loi, ce serait faire preuve, à mon point de vue, de naïveté. Mais, celui qui le présente, je ne crois pas qu'il soit naïf. Donc, il peut avoir une autre action ou il peut avoir une autre visée à travers ça: c'est ce que je peux appeler presque du machiavélisme. C'est un peu ça qu'on va chercher puisqu'on s'attaque aux fondements mêmes de la langue.

Et je voudrais surtout parler de ce qui touche la langue du travail. Lorsqu'on a établi la Charte de la langue française, un des pans complets de cette Charte parlait de la langue du travail. Pourquoi on parlait de ces principes? C'est parce que, effectivement, pendant de nombreuses années ou, pour tout dire, depuis le début, les Québécois étaient obligés de travailler dans la langue du boss. Chez nous, c'était un peu comme ça que ça se passait. Et j'ai eu connaissance des grandes entreprises qui sont venues s'installer au Sague-nay?Lac-Saint-Jean, où la langue anglaise était vraiment la langue... C'était la langue de la minorité, mais, au point de vue du travail, c'était la langue parlée, la langue sur laquelle on se basait pour négocier des conventions collectives, pour établir des relations entre les individus, ce qui fait que seuls les noms à consonance anglophone ou étrangère et quelques rares exceptions francophones maîtrisant en partie la langue anglaise pouvaient obtenir des jobs. C'est un peu comme ça que ça s'est passé, et c'est un peu ça que la Charte de la langue française a fini par rétablir quelque peu...

Elle a donné suite, en fait, à une pratique qui commençait à s'établir chez nous. Les syndicats, avec le nombre de personnes qu'ils représentaient, ont fini par faire accepter de respecter leurs droits, c'est-à-dire qu'il ont fait accepter, par les compagnies, de parler la langue de la majorité. Et c'était bien que ça se fasse comme ça. Mais, pour ce faire, lorsque la Charte de la langue française a été établie, ça a accentué ce mouvement, ce qui fait qu'aujourd'hui les francophones de souche peuvent aspirer à obtenir des emplois de cadres ou très bien rémunérés. Donc, c'était ça, l'important.

Et, dans le projet de loi qu'on nous propose, actuellement, on nous propose que même les conventions collectives pourraient être écrites en anglais, c'est-à-dire qu'on revient à l'ancienne coutume, et pour les sentences arbitrales de même. Donc, c'est un accroc important, tout ça sous le couvert que le danger est

passé. Est-ce qu'il y a des gens qui, aujourd'hui, peuvent prétendre que la langue française n'est pas en danger ici, au Québec? Je voudrais juste leur rappeler le manifeste de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal, qui a fait un travail important pour voir si la langue française avait évolué, comme il y en a beaucoup qui le prétendent. Donc, on a fait une étude chez les travailleurs francophones, dans la région de Montréal, dans le secteur privé, qui s'est poursuivie de 1979 à 1989. Ce manifeste dit «aucune variation significative du pourcentage des personnes travaillant 90 % ou plus de leur temps en français, sauf dans le secteur finances, où la propriété francophone des entreprises s'est beaucoup accrue». voulez-vous, on va voir comment ça se répartit, la main-d'oeuvre qui travaille dans la région métropolitaine? le pourcentage de la main-d'oeuvre francophone travaillant 90 % du temps ou plus en français, par secteur d'activité, secteur privé, montréal métropolitain, 1979 à 1989. la construction: il y avait 73 % de ces gens qui travaillaient en 1979; en 1989, il y a 75 %. les industries traditionnelles: 72 % en 1979; 72 % en 1989. les services personnels: 67 % en 1979; 68 % en 1989. la finance ? et c'est le seul endroit où il y a un gain significatif ? 53 % ; 63 %. les services aux entreprises: 54 %; 58 %. l'industrie de pointe: 47 % ? il y a même un recul ? 46 %. donc, si on prend l'ensemble des secteurs que je viens d'énumérer, en 1979, il y en a 62 % qui travaillaient en français; en 1989, 63 %. si on pense qu'on a trouvé un gain là, ou on ne sait pas compter ou il y a des gens qui se font des contes. c'est un peu de même que je suis obligé d'interpréter. il y a 55 % des anglophones de tout le québec qui travaillent surtout en anglais, c'est-à-dire 50 % du temps ou plus, de même que 37 % des allophones.

En même temps, on doit s'interroger sur l'impact qui a été obtenu par la loi 101 en matière de langue de travail. Le 22 mars 1984, la Cour d'appel a vidé de son sens l'article 41 pour les travailleurs non syndiqués dans les entreprises. Donc, il y a quelque chose qui s'est produit et qui a fait que le français n'est pas resté stable. Donc, moi, je vous dis, je peux affirmer, à ce moment-ci, qu'on a même reculé, on a régressé par rapport à ce qui existait auparavant, parce que, même avec une loi, on n'a pas avancé. Donc, il y a quelque chose qui n'a pas «clické» en quelque part. Il y a un point majeur qui ne fonctionne pas.

Quand on regarde au point de vue des sièges sociaux, et ce n'est pas surprenant, sur 195 sièges sociaux, il y a 55 centres de recherche, et la langue de fonctionnement est essentiellement l'anglais, ce qui n'empêche pas les entreprises d'obtenir leur certificat de francisation en vertu d'une dérogation prévue aux articles 143 et 144 de la loi. Donc, encore là, même avec la loi, il est possible de travailler seulement en anglais. Les points d'appui des programmes de certificat de francisation existent. Aucune des quelque 4200 entreprises de 50 employés et plus qui ont été soumises à l'Office de la langue française n'en a appelé des exigences de son programme de francisation, ce que chacune avait le droit de faire. Donc, ce qui découle de tout ça, c'est que ce n'était pas tellement exigeant. Donc, les entreprises pouvaient continuer à travailler à peu près à la va-comme-je-te-pousse ou selon leur bon vouloir. S'il n'y a pas eu d'appel des exigences, ça veut dire que ça ne les fatiguait pas fort. Il n'y en a aucune à travers ça qui s'est fait retirer son certificat de francisation. (3 h 40)

Donc, on voit bien, M. le Président, que ce que la loi ou la Charte de la langue française exigeait, ce n'était pas l'empêchement d'une entreprise d'exercer son action sur le territoire du Québec. Le contraire m'aurait surpris, parce que, comme Québécois, on a bien peur de l'opinion des autres. On est vraiment à la solde de l'opinion du voisin. On a peur d'avoir peur. Quand on nous cite des règlements ou des jugements de l'ONU, c'est des opinions. Il y a des pays qu'on connaît, ça fait 40 ans qu'ils ont des opinions, et on leur dit de ne pas faire telle chose et ils le font pareil, et ils continuent à fonctionner. Ces pays-là continuent à fonctionner pareil; ils ne sont pas à la solde de l'opinion d'un organisme qui représente qui, puis comment? Il n'y a pas beaucoup de pays qui ont signé cette charte-là, qui disent qu'on doit être soumis à des jugements ou à des opinions de cet organisme.

Au Québec, on fait flèche de tout bois. On est prêt à sauter sur n'importe quoi parce qu'on a peur. Puis, tant qu'on va avoir peur, on ne sera pas un grand peuple, on va être un petit peuple. Parce qu'il faut commencer par s'affirmer et il faut commencer à avoir des opinions, puis, il faut avoir aussi des éléments de fierté; et la générosité, quand on a commencé, ça commence lorsqu'on a un certain respect de soi-même, et là, on peut être généreux. Mais je ne pense pas qu'on soit rendu à ce niveau-là. On n'est pas rendu là parce qu'on est encore en danger. Et les chiffres que je viens de citer, je ne les ai pas sortis comme ça. Il y a eu une étude sérieuse, et ça démontre hors de tout doute que le français n'a pas progressé; il a régressé, dans les dernières années. Et, à ce moment-ci, on prétend, ou on peut prétendre, qu'on peut faire changer les règles du jeu en mettant en danger même sa disparition.

C'est là où le bât blesse. C'est là qu'on doit s'interroger sérieusement, à savoir quelle mouche a piqué le ministre responsable de la langue française pour nous présenter le projet de loi 86. Est-ce qu'il y avait urgence pour qu'il nous présente ça? Est-ce qu'il y avait urgence qu'il s'attaque à tous ces pans entiers, si ce n'est le désir de détruire des acquis, de détruire la loi 101? C'était ça. Il l'a fait. Il l'a dans la tête depuis longtemps. On peut dire que le ministre responsable de la langue française a de la suite dans les idées. Mais, des fois, il serait mieux de ne pas en avoir, surtout dans ce cas-là, parce qu'il a peur, et à chaque fois, et on l'a entendu régulièrement, il nous le dit régulièrement: II faut faire attention pour la paix sociale. Mais, savez-vous que la paix sociale, il en a peur pour tous les autres, excepté lorsqu'il s'attaque à sa propre race, aux francophones de souche et aux francophones en général?

II y ajuste là qu'il n'a pas peur de l'opinion publique. Il n'a pas peur pour la paix sociale, à ce moment-là, d'y toucher. Quand on parle des autochtones, la première chose: Ne touchons pas à ça! La paix sociale! Si on parle des autres: Ne touchons pas à ça! C'est encore la paix sociale. Mais, pour les francophones, qui sont la majorité, la paix sociale, ça ne le préoccupe pas. Parce que, les changements qu'il s'apprête à faire en leur faisant adopter le projet de loi 86, moi je suis convaincu qu'il va se produire des éléments et des événements à travers ça. Moi, je ne les susciterai pas.

Mais vous savez bien qu'il y a des gens... Quand je regarde des gens comme Ghislain Dufour, le président-directeur du Conseil du patronat, qui a dit: Oui, oui, la loi c'est bon et on s'est battu pour l'avoir... Mais il dit: II ne faudrait pas que les entreprises en prennent trop, trop là; il ne faudrait pas qu'elles fassent des abus. Bien, quand il y a une loi, elle est là ou elle n'est pas là. Je ne vois pas de quel principe et de quel droit il va aller dire aux entreprises: Ne vous servez pas de ce qu'il y a dans la loi. Parce que, lui, il voit bien clair à travers ça. Il en a eu plus que les clients en demandaient. Donc, il a peur que la paix sociale soit touchée. Il sait bien que, s'il va trop loin, si le monde va trop loin, il va se produire des événements ou des éléments qu'il ne pourra pas contrôler. Lui, il a compris. Mais, ils ont fait les demandes, ils ont fait la bataille. Puis, un coup que la bataille est gagnée, il dit: Non, non, allons-y pas trop vite, là! Les entreprises vont comprendre ça. Voyons! Pourquoi on ne donne pas de fusils à des enfants? C'est parce qu'on a peur qu'ils s'en servent. C'est la même chose. Quand on fait une loi et qu'on ne veut pas qu'ils s'en servent, on ne la fait pas. Mais s'il se produit des événements, bien, on le rappellera à ce moment-là, on sera assez grands garçons pour rappeler au ministre responsable de la langue que les problèmes qui découlent du projet de loi ont amené ces événements, qui vont se produire sûrement.

Ce n'est pas vrai que les Québécois vont se laisser aller comme ça, sans bouger et à ne rien faire. Ce n'est pas possible. C'est un changement trop radical. Ça peut avoir évolué... Pas tant que ça. Quand on voit que la langue française n'est pas plus avancée, quand on voit ce qui se passe dans la région de Montréal où tous les immigrants sont là, bien, on commence à dire à tout le monde: Ce n'est pas bien grave. Une langue dans laquelle on ne peut pas travailler et qu'on ne peut pas parler à l'école puis qu'on ne parle pas à la maison, c'est une langue morte. Est-ce que c'est ça qu'on veut? Le français, il n'existera plus tantôt si on n'en a pas besoin pour travailler, si on n'en a pas besoin quand on va à l'école. Si c'est juste pour parler dans un salon, en prenant une tasse de thé, elle ne sera plus là, la langue. Elle va disparaître. Et c'est comme ça que, moi, je vois le problème qu'on est en train de soulever, parce que si on ne peut pas s'en servir comme langue de travail, à ce moment-là, la langue est appelée à disparaître. Ça n'empêche pas que les autres peuvent parler d'autres langues s'ils le veulent, mais, au moins, au Québec, le seul endroit où il y a un îlot de francophones dans toute l'Amérique, si on veut que cette langue-là demeure, il faut qu'on la protège. Et le projet de loi 86 va justement à rencontre.

Est-ce qu'on veut regarder ce qui s'est passé dans le milieu du travail depuis l'adoption du projet de loi? Il s'agit de regarder les entreprises. Il y a 33 % des entreprises qui emploient plus de 100 personnes qui n'ont pas encore obtenu de certificat de francisation. Après 15 ans ? 15 ans de vie de la loi ? il y a encore 33 % des entreprises de 100 employés et plus qui n'ont pas de certificat de francisation. Et on va se faire dire que ça a bien été, tout est correct, il n'y a pas de problème. Lorsqu'on a adopté le projet de loi de la langue française, on prévoyait qu'en 1983 l'ensemble des entreprises de 50 employés et plus posséderaient leur certificat de francisation. En 1992, il y a 17,4 % de ces entreprises qui n'avaient pas obtenu de certificat de francisation. Donc, on voit bien, encore une fois, que la Charte de la langue française n'a pas produit les effets escomptés. Pourquoi? Parce qu'il y a eu un manque de volonté politique, surtout dans les 8 dernières années. On sait bien qu'il n'y a pas grand monde qui a trouvé grâce aux yeux du gouvernement. Et dans son grand principe qu'il nous a donné de privatisation un peu dans toutes sortes de choses, ça a été des ratés depuis le début. L'assainissement des finances publiques, ça a été encore des ratés. Donc, il ne faut pas se surprendre. Puis, dans la privatisation, les quelques petites privatisations qu'on a faites, encore là, des ratés.

Vous m'annoncez déjà que mon temps est terminé. Je suis à la veille de terminer. Je pense qu'un gouvernement qui est responsable aurait pu trouver des solutions aux problèmes auxquels nous sommes confrontés. Il aurait pu au moins suivre les recommandations que lui a faites le Conseil de la langue française pour favoriser les programmes de francisation à travers les entreprises de 50 employés et moins, alors qu'on sait que les emplois nouveaux qui sont créés, c'est dans toutes ces petites entreprises-là, depuis les dernières années. Donc, il aurait fallu qu'on étende ce processus de francisation. Mais, ça, ça demandait trop de courage, ça demandait trop d'efforts. Le gouvernement, il aime mieux avoir une politique de laisser-faire. On laisse faire ça. Il n'y a rien là. Parce qu'il se comporte comme je le dis, puis j'ai l'occasion de le répéter de temps en temps: le gouvernement actuel, les gens qu'on a en face de nous se comportent comme des propriétaires. Et, tôt ou tard, il faudra bien leur rappeler ? et le peuple le leur rappellera sûrement ? qu'ils ne sont que des locataires. Il faudra bien que quelqu'un finisse par comprendre que la majorité a des droits. C'est vrai que la minorité en a, mais ces droits-là sont aussi l'apanage de la majorité. Et, tant qu'on n'aura pas compris ça, de l'autre côté, il y aura certainement des objections, des problèmes et des contestations.

Donc, au point de vue du travail, je regrette que le gouvernement libéral n'ait pas pensé à étendre... Non seulement à essayer d'améliorer la Charte de la langue française en étendant ses correctifs à des petites et moyennes entreprises... C'est là, vraiment, qu'on sait si

une langue est vivante ou si on est appelés à avoir une langue morte.

En fait, en conclusion, M. le Président, le gouvernement qu'on a en face de nous pourra adopter la loi 86, mais, le jour où il disparaîtra, on peut s'engager, de ce côté-là, à tout empêcher l'action néfaste qu'il a entreprise. Ce sera la mettre par-dessus bord puis revenir à l'origine, la Charte de la langue française. Merci, M. le Président. (3 h 50)

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Jonquière. Sur ce même sujet ? nous en sommes à l'adoption du principe du projet de loi 86, Loi modifiant la Charte de la langue française ? je cède la parole à M. le vice-président de la commission des institutions et député de Rouyn-Noranda?Témiscamingue. M. le député, la parole est à vous.

M. Rémy Trudel Motion d'ajournement du débat

M. Trudel: M. le Président, compte tenu de la longueur des visages à l'Assemblée nationale, de l'état de fatigue évident, je voudrais me prévaloir des dispositions de notre règlement, à l'article 100. Je pense qu'à cette heure-ci il serait d'appoint de proposer, en vertu de cet article 100 du règlement de l'Assemblée nationale, que le débat en cours sur la présente motion soit ajourné jusqu'à la reprise des travaux, à la fin de la présente journée.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, M. le député Rouyn-Noranda?Témiscamingue propose l'ajournement du débat. Alors, c'est une motion qui est débattable. Est-ce qu'il y a des députés qui veulent intervenir sur la motion d'ajournement du débat? Je rappelle les règles qui gouvernent la proposition d'ajournement du débat: celui qui propose la motion a droit à 10 minutes et chaque formation politique a droit à 10 minutes, et vous avez, de plus, un droit de réplique de 5 minutes. Alors, M. le député de Rouyn-Noranda?Témiscamingue, je vous reconnais sur votre motion.

M. Rémy Trudel

M. Trudel: M. le Président, le leader du gouvernement sera très certainement d'accord et les nombreux députés présents, à quatre heures moins huit minutes en ce mardi... Le leader du gouvernement, donc, et les membres du cabinet présents vont certainement convenir que tout ça a assez duré pour l'instant et qu'il est certainement très sage de se donner, au minimum, un moment de répit pour réfléchir davantage sur ce qui est devant nous, à l'Assemblée nationale, qui nous oblige, M. le Président, compte tenu de ce que contient ce projet de loi 86, qui nous oblige donc, en vertu de nos règlements actuels ? qui sont difficiles à comprendre par la population, il faut en convenir ? donc, qui nous oblige à passer cette nuit debout. M. le Président, il y aurait avantage à réfléchir davantage sur les implications de ce projet de loi qui a été déposé à l'Assemblée nationale par le ministre responsable de l'application de la Charte de la langue française pour encore quelques jours ? une dizaine de jours - puisque, M. le Président, le ministre responsable de l'application de la Charte de la langue française ne pourra plus porter ce titre dès lors que la majorité gouvernementale aura utilisé son pouvoir de rouleau compresseur pour abattre un grand nombre de principes que nous nous étions donnés, au cours de l'année 1977, par l'adoption de la loi 101 qui est remise en question par de nombreuses dispositions à l'intérieur du projet de loi 86.

Je suis à peu près sûr, M. le Président, que les gens qui forment la majorité gouvernementale ne voudraient pas porter le poids historique de cette responsabilité d'avoir brisé l'économie générale de la dynamique de la protection de la langue française au Québec et, surtout, de sa promotion.

M. le Président, il y a un bon nombre d'observateurs de la société québécoise qui ont mis en garde le gouvernement, au cours des dernières semaines, devant l'imminence de l'échéance de l'utilisation de la clause «nonobstant», qui avait amené la présentation dramatique du projet de loi et de la loi 178, qui, en 1988, allait constituer une première brèche dans la Charte de la langue française. Eh bien! de nombreux observateurs de la scène politique, de nombreux observateurs et observatrices avertis de la scène politique québécoise ont mis en garde ce gouvernement de cesser cette dérive, de cesser cette esquive, de cesser de se comporter comme des aigrefins, de tenter de faire en sorte qu'il ne reste plus rien, M. le Président, de l'essentiel de la loi 101, véritable rempart de civilisation que nous nous étions donné en 1977 et qui, tout en témoignant de notre ouverture au monde, de notre ouverture à la culture, de notre ouverture à la connaissance de 2, 3 ou 4 langues nous permettait, par ailleurs, dans ce bain anglo-saxon nord-américain, de conserver et, surtout, d'assurer la pérennité de ce peuple parlant français en Amérique du Nord. Richesse exceptionnelle d'un peuple qui a réussi à conserver sa langue à travers les méandres de l'histoire et les difficultés qui sont propres à tous ces peuples qui ont été, en quelque sorte, enclavés dans de grands ensembles et que seule la vitalité de l'esprit et de l'âme permet de traverser.

À cet égard, M. le Président, je disais donc qu'il n'y a certainement aucun membre de la majorité gouvernementale qui voudrait porter le poids de la responsabilité historique d'avoir brisé cette dynamique ascendante vers le développement de la langue française dans le respect, l'ouverture de nos minorités au Québec et, en particulier, de la minorité anglophone, qui peut jouir ici de ses institutions, de ses réseaux, de ses établissements et de l'ensemble du support de l'État pour le développement de ses établissements.

Alors, M. le Président, vous comprenez parfaitement bien pourquoi j'invoque ici l'article 100 de notre règlement pour demander l'ajournement de ce débat, de ce triste débat qui nous est ramené périodiquement par ce type de gouvernement qui, d'abord, pense que, pour

diriger un pays comme le Québec, il faille faire en sorte de tout réduire au plus petit dénominateur commun et ne pas se donner de ligne de force pour que ce qui constitue l'épine dorsale de ce peuple québécois parlant français en Amérique puisse non seulement demeurer, mais se développer, croître, faire en sorte que ce soit un objet de fierté.

Ces gens, M. le Président, auraient avantage à voter pour cette motion, à se retirer, du moins quelques heures, et à songer à tout ce poids historique qu'ils devront porter sur leurs épaules. Comme le disait quelqu'un d'éminemment respectable puisqu'elle est la rédactrice en chef du journal Le Devoir, Mme Bissonnet-te ? et tous ceux qui passent au journal Le Devoir se drapent de cette épithète, de cette notoriété de l'émi-nence et de la respectabilité ? avec la loi 86, «la politique de la langue s'écrase dans la sphère politicienne». Quels beaux mots! M. le Président, quels beaux mots!

Et, lorsque nous aurons à débattre du fond de ce projet de loi 86, qui veut fondamentalement réviser l'économie générale de notre Charte de la langue française et de la loi 101 au Québec, j'aurai l'occasion, M. le Président, de signaler à la majorité gouvernementale le terrible poids que feront porter les mots de la langue française sur cette majorité qui, aujourd'hui, voudrait bien qu'il y en ait de moins en moins, que tout ça se résume à l'expression folklorique d'un monde rural déterminé et qui a permis notre survivance, et qui se retrouverait dans les coins les plus pittoresques de notre Québec profond, mais guère plus. (4 heures)

M. le Président, ces gens auraient tout avantage, tout avantage, donc, à se retirer et à penser aux conséquences de leur geste. Quand ils apercevront, quand ils pourront constater... Une autre publication que nous pouvions retrouver dans notre journal national Le Devoir, il y a une quinzaine, sous la plume, M. le Président, d'une jeune fille de 15 ans: un texte absolument magnifique, extraordinaire, qui nous disait comment, dans la langue française... 15 ans, la ministre de l'Éducation en serait bien fière et avec raison. Une jeune de 15 ans, de Repentigny, cette gagnante du prix du Loisir littéraire du Québec, nous disait que «les mots ne pardonnent pas qu'on les abandonne». M. le Président, les mots de la langue française finissent par nous rattraper. Avec la loi 86, la politique de la langue s'écrase dans la sphère «politicielle». Et, M. le Président, les mots ne pardonnent pas qu'on les abandonne. J'aurai l'occasion de lire ce texte de Mme Melissa Leclerc, jeune étudiante brillante de 15 ans, qui, elle, a bien compris le pouvoir des mots et ce qu'ils peuvent apporter comme poids de l'histoire.

M. le Président, je conclurai, puisqu'on me limite pour l'instant à une dizaine de minutes. Je suis à peu près convaincu que le fond de sagesse qui demeure au leader du gouvernement va lui indiquer que le poids de l'histoire n'est rien ou est très supérieur par rapport à la responsabilité qu'il devrait prendre d'indiquer à ces personnes qui siègent avec lui du côté de la majorité gouvernementale qu'on ne discute pas de la Charte de la langue française, et surtout de son affaiblissement, à 4 heures, le matin, à l'Assemblée nationale. Il serait beaucoup plus sage que nous reprenions ce débat sur de nouveaux principes, de nouvelles indications du ministre responsable de la langue française, parce que les Québécois et les Québécoises espèrent une sagesse collective qui se dégage de cette Assemblée nationale et ils ne souhaitent pas, M. le Président, que l'on affaiblisse un ensemble de mécanismes qui constituent, je le disais il y a quelques minutes, un rempart contre l'érosion de ce qui constitue actuellement le corpus fondamental du maintien et du développement de notre langue française comme expression des Québécois et des Québécoises.

Alors, M. le Président, je termine en disant: Le leader parlementaire n'aurait qu'à prendre 2 minutes pour nous indiquer comment il entend procéder pour la suite des travaux, et nous adopterions cette motion d'ajournement qui nous permettrait d'aller tous réfléchir, mais en particulier la majorité gouvernementale. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le député de Rouyn-Noranda?Témiscamingue. Sur cette même motion d'ajournement, je cède la parole à M. le leader du gouvernement. Vous avez droit à une intervention de 10 minutes, M. le leader.

M. Boisclair: Je vous demanderais tout simplement de constater le quorum, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Qu'on appelle les députés. (4 h 3 - 4 h 5)

Le Vice-Président (M. Lefebvre): M. le leader du gouvernement, vous intervenez sur la motion d'ajournement, et vous avez droit à une période de 10 minutes.

M. Pierre Paradis

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui. Essentiellement, M. le Président, le député de Rouyn-Noranda?Témiscamingue se prévaut des dispositions de notre règlement pour demander à cette Chambre d'ajourner les travaux et, pour utiliser son propre vocable, dans le but de permettre aux parlementaires d'aller réfléchir avant d'aller de l'avant dans l'étude du principe dudit projet de loi. M. le Président, à écouter certains discours qui ont été prononcés devant cette auguste Assemblée nationale, entre autres par le chef de l'Opposition officielle, à écouter le discours de Mme la députée de Chicoutimi, qui est critique de l'Opposition officielle en matière de langue, à écouter les interventions de procédure adressées par le leader de l'Opposition officielle, et ses remarques, moi, j'aurais tendance à souscrire à sa motion d'ajournement.

Toutefois, M. le Président, lorsque nous nous présentons dans nos circonscriptions électorales à l'occasion des élections, j'ai rarement entendu un candidat ou un futur député dire à ses électeurs: Moi, je ne suis pas

prêt à discuter des grands enjeux fondamentaux de la société québécoise. En ce qui concerne la langue française et le respect des droits et libertés individuelles, moi, je ne suis pas prêt. Ne m'élisez pas parce que ma tête n'est pas faite. Je ne sais pas à quoi m'en tenir. Je n'ai pas de sentiments à exprimer. Je ne peux pas représenter fidèlement les gens qui m'ont élu.

De ce côté-ci de la Chambre, on a pris tout le temps nécessaire pour consulter nos électeurs. De ce côté-ci de la Chambre, on a pris tout le temps nécessaire pour entendre en commission parlementaire, comme le prévoit notre règlement, les organismes qui ont souhaité se faire entendre en commission parlementaire, et nous avons même offert à l'Opposition, si sa réflexion n'était pas suffisamment avancée, d'en entendre davantage. L'Opposition a refusé. De ce côté-ci de la Chambre, le ministre qui parraine le projet de loi est suffisamment attaché et à la protection de la langue française et au respect des droits et libertés individuelles pour proposer à cette Assemblée nationale l'adoption du principe contenu dans le projet de loi 86. Mais qu'un député de Farrière-ban, de Rouyn-Noranda?Témiscamingue, qui est une magnifique région, soit dit en passant, mais qui peut se tromper à l'occasion d'une élection... C'est déjà arrivé. Dans le passé, ils ont déjà manifesté plus d'ouverture. Ils ont déjà délégué à l'Assemblée nationale d'excellents députés libéraux, mais, des erreurs de parcours, ça va continuer d'arriver. Mais qu'un député, à ce moment-ci, nous demande plus de temps pour réfléchir, ça nous indique que l'Opposition n'a pas encore fait son lit, n'est pas encore prête à se prononcer sur le projet de loi 86. (4 h 10)

Je tiens à les assurer qu'ils auront tout le temps, au cours des prochaines heures, comme au cours des prochains jours, pour poursuivre leur réflexion, parce que l'adoption du principe du projet de loi va être suivie d'une analyse minutieuse, que je souhaite constructive, en commission parlementaire, où les députés de ce côté-ci de la Chambre vont assister le ministre responsable dans le but, si nécessaire, de bonifier à l'étude article par article. Par la suite, nous reviendrons à l'Assemblée nationale, M. le Président, comme vous le savez, pour que cette commission parlementaire, cette importante commission parlementaire nous fasse rapport. Par la suite, M. le Président, nous inviterons l'ensemble des députés à procéder à l'adoption comme telle, la troisième lecture du projet de loi. Et cette troisième lecture, M. le Président, sera suivie d'une sanction par le lieutenant-gouverneur et d'une mise en vigueur de la loi.

Au cours de ces différentes étapes, je souhaite, comme leader du gouvernement, au député de Rouyn-Noranda et à ceux et à celles qu'on va entendre tantôt et qui, manifestement, ont encore besoin de réflexion, une heureuse réflexion, M. le Président, et une constructive réflexion.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, M. le député de Gouin, vous avez droit également à une intervention de 10 minutes.

M. André Boisclair

M. Boisclair: Merci, M. le Président. Je voudrais joindre ma voix à celle de mon collègue de Rouyn-Noranda pour, moi aussi, plaider en faveur de l'ajournement du débat. Je le ferai, M. le Président, non pas parce que nous ne sommes pas prêts à discuter de la question, bien au contraire. Depuis 18 heures, nous intervenons les uns après les autres pour faire connaître notre opinion sur le fond des choses, pour faire valoir une position que nous croyons juste, que nous croyons légitimée, que nous croyons pertinente et qu'il nous semble nécessaire de mettre en évidence. Donc, je rejette d'entrée de jeu l'argumentation du leader du gouvernement, qui nous dit: Bien, vous demandez l'ajournement du débat parce que vous n'êtes pas prêts à discuter.

Le simple fait que nous soyons encore ici, ce matin, à 4 heures, démontre bien le fait que nous sommes prêts à débattre, nous sommes prêts à discuter. Ce que nous voulons défendre, M. le Président, c'est une pratique politique certainement différente de celle à laquelle nous sommes obligés à l'heure actuelle où, en pleine nuit, à la cachette, à la noirceur, nous discutons d'enjeux qui sont fondamentaux pour l'avenir de la collectivité française d'Amérique. M. le Président, le temps n'est certainement pas mûr, à l'heure qu'il est, pour discuter de façon éclairée, pour discuter de façon réfléchie. À une heure aussi tardive, à un moment où nos concitoyens sont tous au repos, que nous prenions notre temps, ici, pour discuter en cachette, à la noirceur, à la sauvette, pour discuter de ces enjeux...

M. le Président, on ne rompt pas les fibres de la loi 101 à une heure aussi tardive que celle-ci. Qu'est-ce que le gouvernement a à cacher? Pourquoi nous forcer à faire un débat à une heure aussi tardive? Pourquoi ne pas faire un débat de façon éclairée? Le débat était pourtant bien parti; la commission parlementaire s'est faite au vu et au su de tous. Le gouvernement a même cru bon de télédiffuser les débats en commission parlementaire. Nous, comme parlementaires, avons consenti des dépenses pour s'assurer que la population puisse être au fait du débat et puisse se faire une opinion de façon éclairée. Pourquoi, M. le Président, ce changement d'attitude? Pourquoi, après avoir fait preuve de transparence, avoir fait preuve d'une certaine volonté d'imprégner le débat en fonction de priorités claires, pourquoi, soudainement, virer capot et nous tenir ici, à 4 h 15 le matin, pour faire le débat sur le projet de loi 86? C'est ce que nous voulons faire voir, M. le Président. C'est l'opposition que nous voulons manifester aujourd'hui.

M. le Président, je vous le disais tout à l'heure, on ne rompt pas l'équilibre et les fibres de la loi 101 à une heure aussi tardive. C'est certainement contre-productif, ce n'est certainement pas efficace, M. le Président, et on ne contribue certainement pas à éclairer nos concitoyens et concitoyennes. Ça me fait penser un peu, M. le Président... Il faut qu'on accepte, à un moment donné. Il va falloir, comme parlementaires, qu'on accepte de réviser un certain nombre de nos pratiques. Ça

me fait penser au conte de Saint-Exupéry, «Le Petit Prince», lorsque le Petit Prince se promène sur différentes planètes et, soudainement, rencontre sur une planète l'allumeur de réverbères qui, à chaque minute, allume ou éteint son réverbère. Et on lui demande: Pourquoi fais-tu ça? Bien, il dit: C'est parce que je suis la consigne.

Bien, nous, nous sommes ici aujourd'hui, on suit la consigne. On la suit un peu bêtement, à 4 heures du matin, alors qu'on aurait tous besoin de se reposer, qu'on aurait tous besoin, comme des individus normaux, de faire le plein un peu et de profiter d'un bon sommeil. On est ici, puis, tout bêtement, hein, on sort et, lorsqu'on demande le quorum, on revient, on discute de façon un peu, je dois le dire, nébuleuse.

Une voix: C'est la consigne.

M. Boisclair: On le fait parce que c'est la consigne. On vient ici discuter à une heure tardive parce qu'on nous a dit de le faire. Mais il n'y a personne ici, dans cette Assemblée, qui souhaite, à ce moment-ci, intervenir sur le projet de loi. Il n'y a personne de nos concitoyens, concitoyennes qui réclame qu'à 4 heures du matin nous débattions du projet de loi 86. Il n'y a personne qui nous a fait de demandes pressantes.

Pourquoi, M. le Président? La question, elle est légitime. C'est la question que voulait soulever mon collègue de Rouyn-Noranda?Témiscamingue. M. le Président, il faut briser la consigne, il faut revoir la consigne. On s'interroge, ensuite, lorsque les gens viennent nous voir et disent: Vous, les politiciens, vous êtes un peu débranchés, vous êtes déconnectés, vous êtes loin de notre réalité. Bien, on court après le trouble, M. le Président. On leur dit qu'on débat de l'avenir de la langue française et d'un projet de loi, on en conviendra tous ici, qui est quand même substantiel, qui propose des amendements majeurs, qui propose un rééquilibrage des choses.

Peu importe la question sur le fond... je ne suis pas encore intervenu sur le fond du projet de loi. M. le Président, ça n'a pas d'allure de procéder comme ça. Alors, on plaide tout simplement pour un peu de sagesse. On plaide tout simplement pour qu'on puisse se réconcilier, d'une certaine façon, avec la normalité. On plaide pour qu'on puisse adopter des usages qui sont certainement plus conformes aux attentes de nos concitoyens et concitoyennes.

On plaide finalement, M. le Président, pour que ce débat puisse se faire au vu et au su de tous. On plaide pour que nos concitoyens et concitoyennes puissent prendre connaissance avec tout l'éclairage nécessaire et aux heures certainement plus convenables des propos de nos collègues, des propos de nos amis d'en face du gouvernement. Alors, M. le Président, n'importe qui qui est un peu sage, n'importe qui qui est soucieux de faire un débat en toute transparence, en toute clarté, conviendra certainement de la pertinence de la proposition de la motion de mon collègue de Rouyn-Noranda?Témiscamingue.

Alors, M. le Président, je plaide tout simplement pour un peu de sagesse, un peu de normalité et qu'on accepte aussi... J'invite nos collègues à faire cette réflexion. Peut-être qu'à l'occasion d'une autre session, à l'occasion d'une autre Législature, nous aurons l'occasion de revoir notre règlement. Mais ce n'est certainement pas en procédant de cette façon qu'on sera capable, peu importent nos formations politiques, mais tout simplement comme gens qui sont intéressés à débattre de la chose publique, d'attirer davantage de gens et d'intéresser davantage d'individus, particulièrement des jeunes, M. le Président, à s'intéresser à la question.

Après qu'on les eut particulièrement écartés de toute consultation en commission parlementaire... On se souviendra de la commission parlementaire parallèle qu'ils ont été obligés de tenir dans un lieu, non loin de cette Assemblée, parce qu'ils n'ont pas été invités à participer aux débats en commission parlementaire sur le projet de loi 86. L'ensemble des groupes de jeunes, présidé par le Conseil permanent de la jeunesse, les associations étudiantes, plusieurs groupes de jeunes dans des formations politiques, aussi, se sont prévalus de leur droit le plus simple, ont décidé, compte tenu du non-respect, de la façon dont on bafouait leurs droits, d'une certaine façon, se sont prévalus de leurs droits et ont tenu une commission parlementaire parallèle.

Alors, après qu'on les eut empêchés de s'exprimer dans le forum qui était prévu pour la fin de ce débat, nous voilà maintenant que, non seulement on prive des gens de s'interroger, de prendre connaissance du débat, mais on nous force, encore plus, à des heures qui n'ont aucun bon sens, M. le Président, à faire un débat sur cette question. Donc, M. le Président, j'appelle au gros bon sens les membres de cette Assemblée pour qu'on puisse, en toute simplicité, revenir à une heure plus normale, qu'on puisse s'entendre entre nous pour procéder, peu importent nos positions sur le fond des choses, qu'on puisse procéder selon une méthode, selon une procédure certainement plus efficace, plus près des attentes de nos concitoyens et concitoyennes.

Si le gouvernement refuse cette motion ? parce qu'avec sa majorité que nous respectons, nous sommes des démocrates et, bien sûr, nous serons là ? si le gouvernement et si le leader décident de poursuivre le débat, nous serons là pour continuer, malgré ce qu'il prétend, à nous exprimer sur le fond des choses. Nous serons là pour le faire, comme nous le faisons depuis 20 heures ce soir. Nous serons là pour continuer à nous exprimer sur le fond des choses. Parce que nous croyons qu'il vaut la peine que ce projet de loi soit débattu. (4 h 20)

Mais, si le gouvernement décide de procéder et de continuer le débat à cette heure tardive, bien, nous serons obligés de conclure qu'il y a anguille sous roche et qu'on ne veut pas faire le débat au grand jour, M. le Président. Et je pense que, cette conclusion, les gens la tireront de façon très simple, sans aucune autre prétention, sans aucune forme de partisanerie. Mais tous conviendront qu'il est tout à fait anormal que nous

soyons ici, à 4 h 20 le matin, à discuter d'un projet de loi aussi important que celui-là, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Vous n'avez pas d'intervention, M. le député de Saint-Louis? Réplique. Réplique. Réplique, M. le député de Rouyn-Noran-da?Témiscamingue, 5 minutes. Allez-y, M. le député de Rouyn-Noranda?Témiscamingue.

M. Rémy Trudel (réplique)

M. Trudel: M. le Président. Oui, j'ai hésité quelques instants. Je me demandais si le député de Saint-Louis valait Richard Desjardins, et j'ai constaté rapidement que ce n'était pas tout à fait la comparaison qu'il fallait faire. J'ai pensé que le député de Saint-Louis allait répondre favorablement à l'appel que nous lui lancions il y a quelques minutes, de bien réfléchir sur la motion que j'ai déposée et qui vise à ajourner le débat. Parce qu'on ne fait pas ça à 4 heures le matin, on ne discute pas, avec les mots que nous avons entendus de la part de la majorité gouvernementale cette nuit, d'un projet de loi qui vise, finalement, à réduire ce qui, encore aujourd'hui, s'appelle la Charte de la langue française. Et le ministre responsable de son application ne pourra pas, à notre avis, porter ce titre-là très, très longtemps. Ce n'est pas pour rien que celle qui lui a succédé au Devoir disait: Par quelque oubli, le gouvernement du Québec n'a pas modifié le chapitre C-ll des Lois du Québec. Malgré le projet de loi 86, il s'appelle encore Charte de la langue française. C'est désormais un travesti.

Le ministre responsable ne serait pas fier que nous soyons ici, en pleine nuit, à disposer d'un projet de loi qui constitue maintenant une fibre intime des Québécois et des Québécoises et des parlant français en Amérique. Le ministre va certainement convenir qu'il serait mieux, M. le Président, il serait bien meilleur comme possibilité que nous nous accordions un peu de repos, pas parce que nous n'avons pas fait notre tête, M. le leader du gouvernement, pas parce que nous n'avons pas les idées claires quant à l'avenir du français au Québec, mais précisément, M. le Président, et il faut le dire au leader, parce que nous avons peur à quelques têtes chaudes, nous avons peur à quelques faveurs particulières qu'on veut accorder à un certain nombre de groupes au Québec. On veut continuer la dérive, M. le Président, on veut continuer le travail de sape, on veut continuer à miner. Et ces gens-là ne se sont pas clairement dit quel va être le réel poids de l'Histoire sur leurs épaules, et ils ne peuvent pas, en toute conscience, ils ne peuvent pas, en tant que bons Québécois ou bonnes Québécoises, accepter que, dans ce projet de loi 86, on amène un grand nombre de reculs, que ce soit au niveau de l'affichage, que ce soit au niveau de la langue d'enseignement, que ce soit, par ailleurs, au niveau de la réduction des organismes qu'on a taxés d'être des polices de la langue. Quel mot réducteur! Quelle façon d'envisager et de qualifier nos organismes qui nous aident, nous ont aidés et vont continuer à nous aider, si tant est qu'on les maintient en vie, à promulguer, non seulement à protéger mais à promulguer notre langue, notre langue française au Québec, dans le respect des autres minorités et des autres parlant d'autres langues sur le territoire national québécois.

M. le Président, oui, un peu de sagesse, comme disait le député de Gouin. Il nous faut, M. le Président, demander à ces gens, par l'ajournement du débat, de réfléchir davantage et de réviser un certain nombre de principes qui sont à l'intérieur de ce projet de loi là, et c'est tout le Québec, le Québec profond, qui va leur en être redevable, qui va les remercier de dire: Nous allons continuer l'oeuvre que nous avons commencée au tournant des années soixante-dix et que nous voulons poursuivre intensément.

Alors, je vous remercie, M. le Président, avant que le vote ne soit pris.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le député de Rouyn-Noranda?Témiscamingue.

Alors, est-ce que la motion de M. le député de Rouyn-Noranda?Témiscamingue, proposant l'ajournement du débat sur la motion en cours, est adoptée?

Vote nominal, qu'on appelle les députés. (4 h 26 - 4 h 31)

Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, je mets aux voix la motion de M. le député de Rouyn-Noranda?Témiscamingue.

Que ceux et celles qui sont en faveur de la motion de M. le député de Rouyn-Noranda?Témiscamingue, proposant l'ajournement du débat sur l'adoption du principe du projet de loi 86, veuillent bien se lever.

Le Secrétaire adjoint: Mme Marois (Taillon), M. Jolivet (Laviolette), M. Baril (Arthabaska), Mme Juneau (Johnson), Mme Caron (Terrebonne), M. Léonard (Labelle), Mme Vermette (Marie-Victorin), M. Paré (Shef-ford), M. Morin (Dubuc), M. Holden (Westmount), M. Boisclair (Gouin), M. Trudel (Rouyn-Noranda?Témiscamingue), Mme Carrier-Perreault (Les Chutes-de-la-Chaudière).

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Que ceux et celles qui sont contre cette motion veuillent bien se lever.

Le Secrétaire adjoint: M. Paradis (Brome-Missisquoi), M. Ryan (Argenteuil), M. Dutil (Beauce-Sud), M. Elkas (Robert-Baldwin), M. Middlemiss (Pontiac), M. Picotte (Maskinongé), Mme Robillard (Chambly), M. Maciocia (Viger), M. Philibert (Trois-Rivières), M. Chagnon (Saint-Louis), Mme Dionne (Kamouraska-Té-miscouata), M. Paradis (Matapédia), M. Lemire (Saint-Maurice), M. Thérien (Rousseau), M. Williams (Nelli-gan), M. Lemieux (Vanier), M. Richard (Nicolet-Ya-maska), M. Bradet (Charlevoix), M. Gauvin (Montma-gny-L'Islet), M. Gautrin (Verdun), M. Forget (Prévost),

M. Bergeron (Deux-Montagnes), M. Bordeleau (Aca-die), Mme Boucher Bacon (Bourget), M. Parent (Sauvé), M. Brouillette (Champlain), Mme Loiselle (Saint-Henri), M. Khelfa (Richelieu), M. Lafrance (Iberville), M. MacMillan (Papineau).

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Pas d'abstentions?

Le Secrétaire: pour: 13 contre: 30 abstentions: 0

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, la motion est rejetée.

Reprise du débat sur l'adoption du principe

Nous reprenons le débat sur la motion proposant l'adoption du principe du projet de loi 86, Loi modifiant la Charte de la langue française. Est-ce qu'il y a d'autres interventions?

M. le député de Rouyn-Noranda?Témiscamingue, vous avez droit à une intervention de 20 minutes.

M. Rémy Trudel (suite)

M. Trudel: Alors, M. le Président, devant l'évident manque de sagesse de la majorité gouvernementale et l'arrivée du jour, bien sûr que les Canadiens de Montréal ont gagné hier soir...

Des voix: Bravo!

M. Trudel: ...bien sûr que la tradition...

Des voix: Les Canadiens ont gagné! Les Canadiens ont gagné!

M. Trudel: Les Canadiens ont gagné! Ça, c'est de la sagesse collective, M. le Président. Vous voyez, quand ont émet quelques idées ou que les gens se battent et font un effort national pour garder sur le territoire national quelque chose qui nous appartient quasiment, qui s'appelle la coupe Stanley, et puis qui va revenir dans 2 ou 3 ans à Québec, ici, ça, c'est inscrit dans la genèse de nos équipes de hockey... Non, non. Certains disent que je suis pessimiste en disant 2 ou 3 ans, mais...

Une voix: Dans Palmanach!

M. Trudel: ...je pense que ça fait partie de nos capacités, ça fait partie de notre développement. Combien y avait-il de personnes qui disaient: Voyons donc, jamais, à Québec, ils ne seront capables de développer une bonne équipe dans la Ligue nationale de hockey, et... Eh oui! ça a été dur, ça a été long! C'est comme les Québécois. Nous sommes un peuple dur à abattre, nous sommes un peuple qui persiste, qui dure, qui passe à travers les tempêtes, les difficultés, pourvu qu'on l'aide un peu, pourvu qu'on le supporte un peu. Parce qu'on ne peut pas demander à l'équipe de traverser les plus dures périodes de l'histoire, les plus dures tempêtes, si on ne lui fournit pas les instruments, si on ne lui facilite pas la tâche. Si on lui dit, à cette équipe, qu'elle est capable de grandes choses, qu'elle a peut-être perdu des batailles, qu'elle a peut-être eu des mauvais jours sur des plaines, mais que, les Plaines d'Abraham, ça ne dure pas toujours, ça, M. le Président... Et pour peu que nous ayons eu, et pour beaucoup que nous ayons eu la foi, au cours de très nombreuses années, tout cela nous aura aidé à garder, par ailleurs, ce véhicule essentiel de ce que nous sommes comme peuple. Et c'est avec un peu de tristesse, M. le Président, non pas parce que le jour se lève que je suis triste, mais c'est un peu triste de devoir, à l'orée du jour, constater et parler sur un projet de loi à l'occasion de l'adoption du principe de ce projet de loi 86, une loi... «Avec la loi 86, la politique de la langue s'écrase dans les sphères politiciennes, disait donc Mme Bisson-nette. Mais le projet de loi 86 ? et ça vaut la peine parce que ça fait réfléchir, de lire ce passage ? rompt cette fibre première de la Charte. Le compromis que le Québec se trouvait forcé de consentir en matière d'affichage, après l'épisode onusien, ne s'accompagne d'aucune mesure de soutien au progrès du français, toujours bien loin du statut de langue commune.» Quelle tristesse, M. le Président, de lire de pareilles phrases dans notre Devoir national, sous la plume de quelqu'un dont les mots, qui, généralement, sont au bout de cette plume, traduisent bien les fibres intimes de ce peuple québécois parlant français en Amérique, sont obligés de dire que «tout se passe au contraire comme si la digue venait de sauter, comme s'il fallait la faire sauter. La loi 86 est une révision majeure de la loi 101, à tous les chapitres, et partout pour l'affaiblir.»

M. le Président, c'est avec beaucoup de tristesse que nous avons lu ce texte et les remarques qui s'ensuivaient dans l'édition du Devoir du 9 mai 1993. M. le Président, les gens qui ont initié ce débat, je veux le répéter encore une fois parce que peut-être le poids de l'histoire et ce qu'ils porteront comme responsabilité... Peut-être ces personnes, ici, à l'Assemblée nationale, le ministre responsable et les membres de la majorité gouvernementale, vont-elles réviser leur position, vont-elles, dans un sursaut d'énergie, dans un sursaut caractéristique à ce que sont les Québécois et les Québécoises, dire: Non, assez, c'est assez! Assez, assez, c'est assez! Parce que, M. le Président, le remords va durer longtemps, et le poids de l'histoire va peser sur leurs épaules d'un poids incroyable.

M. le Président, c'est à ça que je pensais lorsqu'il y a une dizaine maintenant je lisais, toujours dans le journal Le Devoir, un magnifique texte qui devrait contribuer, je pense bien, à faire réfléchir bien profondément ceux qui nous ont présenté ici ce triste assemblage de réductions de la Charte de la langue française, le texte d'une jeune fille de 15 ans, du quatrième secondaire du collège de l'Assomption ? la valeur n'attend

pas le nombre des années, M. le Président. Cette jeune fille, elle s'appelle Melissa Leclair. Elle a gagné le grand prix du concours du Loisir littéraire du Québec et elle a écrit un texte magnifique qui doit nous amener à réfléchir sur ce que nous sommes en train de faire, ici, à notre langue. Elle avait choisi pour titre de son texte les mêmes mots que Jean-Paul Sartre pour écrire son autobiographie, les mots, M. le Président: À 15 ans, lorsqu'on a été élevée dans un environnement français... J'ai eu le bonheur de rencontrer les parents de Mélissa Leclair. M. Leclair est un policier servant la patrie à la Communauté urbaine de Montréal, et ces gens ont élevé leurs enfants dans la plus pure tradition québécoise de la richesse de la langue, de la richesse des mots, de la richesse de la littérature, et c'est pour ça qu'à 15 ans cette jeune fille a pu écrire un texte qui a gagné ce prix et qui se termine par des mots qui doivent bien nous faire réfléchir, qui doivent faire réfléchir le ministre responsable de l'application de la Charte de la langue française. Parce qu'il n'y a pas que les adversaires qui poursuivent certaines responsabilités ou certains gestes politiques, il y a aussi les mots de la langue française, et cette jeune fille de 15 ans dit que les mots ne pardonnent pas qu'on les abandonne. (4 h 40)

Les mots ne pardonnent pas qu'on les abandonne, M. le Président. Mélissa Leclair, elle a 15 ans, et elle dit: «Je ne me bats pas pour écrire, je me bats pour être libre. Et tout le temps que je n'écris pas, il y a des mots qui me torturent, qui me menacent, qui cognent dans ma tête. Je n'invente pas mes mots, je les laisse sortir de leur prison, en l'occurrence mon âme. Il y a longtemps que je me bats contre mes mots. D'un long combat d'éternité qui ne laisse pas de temps pour le regret. Je suis féroce avec mes mots, mais ils m'atteignent tout le temps. Chaque fois je saigne, comme si mon âme voulait fuir mon corps par tous les pores de ma peau. «Vague. C'était à l'école, j'avais 15 ans. Je ne savais plus ce qu'était la désintégration. Je ne pouvais pas étudier, les mots cognaient pour sortir. Ils fuyaient en parcelles d'âme. Et soudain j'ai su. Désintégration: émission de particules! Radioactivité! Voilà! J'avais une âme radioactive. Et alors j'ai senti qu'elle se désintégrait, et j'ai eu peur, et j'ai crié. J'ai été renvoyée de l'école, avec mes mots qui cognaient et mon âme radioactive. «Divague. Ils sont plus forts que moi, mes mots, ils sont plus forts que tout. Un jour ils me vaincront. Ils dévastent tout autour. Un jour, ce sera mon tour. Lorsqu'ils trouveront le chemin trop long, de mon âme à ma plume, ils fracasseront ma tête et m'écarteront pour sortir. Ils s'opposent à tout, ils détruisent tout, pourquoi pas moi? «Vague. J'avais 20 ans, j'habitais avec un copain. Ce soir-là, mes mots cognaient fort, et je n'avais qu'une idée en tête: écrire. J'étais survoltée, obsédée par mon écriture. Et il était entré comme un coup de vent, coup du destin. Il courait partout, cherchait ses vêtements, me parlait. J'étais trop occupée pour répondre. Il s'était approché, narquois. Il voulait voir mes mots. Je refusai.

Il m'arracha la feuille des mains. Alors, en un instant, mes mots éclatèrent d'une fureur qu'ils contenaient depuis déjà trop longtemps envers cet étranger qui les bousculait, qui empiétait sur leur territoire, qui les narguait. Et mes mots lui fracassèrent la tête, frappèrent, frappèrent jusqu'à ce qu'il ne bouge plus. «Divague. J'ai encore 20 ans. Tout ça, c'était hier. Tout le monde dit que c'est moi qui l'ai fait. Ce n'est pas moi, ce sont mes mots. Ils pensaient m'avoir. Mais ils ne m'auront pas. Je vais me sauver d'eux. Je vais partir dehors et courir aussi vite, aussi fort que je le pourrai, et après je m'écroulerai. Peu importe, je serai libérée: Ils n'arriveront pas à me suivre. Et les gens qui pensent que c'est moi verront bien que je ne suis pas à l'appartement. Il n'y aura que son cadavre et mes mots. Ils seront bien forcés de me croire. Mais mes mots ne doivent pas me rattraper: Je fermerai la porte à double tour et courrai aussi vite que je le pourrai. Je n'en peux plus de vivre avec ces mots, ils m'empoisonnent.»

Et cette jeune fille de conclure dans son texte: «Elle avait encore ce bout de papier entre les mains lorsqu'on la retrouva, la tête fracassée contre un pilier. Ses mots l'avaient rattrapée et les mots ne pardonnent pas qu'on les abandonne.»

M. le Président, avec la loi 86, la politique de la langue s'écrase dans la sphère politicienne. On veut réduire, M. le Président, on veut miner, on veut affaiblir les piliers de ce qui constitue un des éléments les plus fondamentaux du développement de notre langue et du développement de la culture québécoise.

M. le Président, toutes les propositions qui sont faites à l'intérieur de ce qui nous est présenté comme un ajustement, en rapport avec la Charte de la langue française, ce sont partout de petits mots pour affaiblir, pour réduire et pour faire en sorte qu'il y ait le plus de failles possible dans tout l'édifice. On dirait, M. le Président, quelquefois, que c'est à une entreprise assez incroyable qu'on s'est livré ici. Comme si, au Québec, depuis 1977, nous ne nous étions pas donné une réflexion commune, une réflexion et une capacité de gérer avec sagesse une loi qui porte le titre de Charte de la langue française et qui constituait un des principaux remparts de l'évolution du développement, de la protection et de la promotion du français au Québec.

M. le Président, en termes de langue d'enseignement, on introduit toutes sortes de petites dispositions qui vont permettre d'affaiblir, de réduire la portée, la capacité portante, la force de la fibre qui unissait les différents chapitres, les différentes dispositions de la loi 101. On veut modifier, M. le Président, en tout premier lieu, l'article 72 de la langue, qui dit, déjà, qui affirme: Au Québec, l'enseignement se donne en français dans les classes maternelles, dans les écoles primaires et au secondaire.

Et là, avec l'article 22 du présent projet de loi ? même s'il est 5 heures le matin, il faut être capable, au niveau de l'adoption d'un certain nombre de principes à l'Assemblée nationale, de voir les véritables enjeux, les éléments les plus fondamentaux qui sont

proposés dans ce projet de loi et qui vont, encore une fois, briser la dynamique générale ou l'effet de système de cette loi ? l'article 22 prévoit l'ajout d'un alinéa qui stipulerait que l'enseignement dans une langue autre que le français est possible, aux fins d'en favoriser l'apprentissage, selon les modalités et conditions qui seront prescrites dans le régime pédagogique établi par le gouvernement en vertu de la Loi sur l'instruction publique.

M. le Président, c'est toute cette question de l'immersion. D'aucuns, d'aucunes au Québec ont égalé ce terme de l'immersion à celui d'une lente glissade vers Fanglicisation. M. le Président, le porte-parole du Parti Égalité, se prévalant des dispositions de l'article 213 de notre règlement, demandait au leader de l'Opposition de lui expliquer la différence dans l'efficacité de l'immersion pour des anglophones qui viennent le faire dans la langue de la minorité au Canada, dans la langue française, au Québec et, par ailleurs, du dommage que cela pourrait causer sur le plan de l'apprentissage et du glissement pour de jeunes francophones qui seraient, par ailleurs, lancés dans cette immersion, dans une immersion, évidemment, dans la langue de la majorité nord-américaine, la majorité canadienne, et la majorité sur ce continent nord-américain. Alors, M. le Président, on a sciemment évité de, on a sciemment évité, M. le Président, de...

Mme Marois: Je vous demanderais, si c'était possible, de constater s'il y a quorum, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Qu'on appelle les députés. (4 h 50 - 4 h 52)

M. le député de Rouyn-Noranda?Témiscamingue, vous disposez encore d'une période de 5 minutes. Allez-y.

M. Trudel: Merci, M. le Président.

J'étais donc sur un envol, M. le Président, envol du matin, de 4 h 55, qui a... Au moment où l'on a appelé les députés sur cette lancée, le leader du gouvernement ne voulait plus être seul à écouter ces paroles qui certainement vont continuer à le faire réfléchir sur les dangers de cette nouvelle possibilité maintenant inscrite, qui serait maintenant inscrite au coeur de la Charte de la langue française ou ce qu'il en reste, en matière d'immersion.

C'est toujours à propos des dangers que peut représenter cette approche sur le plan pédagogique, et qui était interdite par la Charte en 1977, que le père même de la technique de l'immersion, le célèbre Wallace Lambert, expliquait, en prenant en compte des facteurs sociaux et affectifs, sa théorie du bilinguisme soustractif qui est bien connue: l'anglais est la langue dominante du continent; ceux qui apprennent le français en sus ne risquent rien, tandis que ceux dont la langue maternelle est la langue faible, plus réduite en nombre, le français, ont des sentiments partagés à l'égard de la langue forte au sens de la langue de la majorité du nombre. Contrairement à ce qui se passe dans l'Ouest canadien, par exemple, l'anglais comme langue d'immersion a tendance à devenir à la fois langue scolaire et langue de socialisation de l'école.

C'est pourquoi les auteurs de la Charte avaient jugé plus prudent, et avec raison, d'empêcher, par l'article 72, la création d'écoles d'immersion qui auraient été, en pratique, des écoles anglaises, à peine maquillées, ouvertes à tous. Et, M. le Président, pour permettre de nous passer ça entre les dents, on va invoquer notre traditionnel sentiment de tolérance, d'ouverture, de bonté des Québécois et des Québécoises. Nous le savons tous, M. le Président. Nous avons cette capacité. Mais nous savons aussi que, pour faire vivre, pour faire en sorte que cette langue continue à se développer comme véhicule principal de la majorité des personnes parlant français au Québec, il faut avoir un certain nombre de gestes courageux, il faut avoir la possibilité de renouveler, auprès de nos concitoyens et de nos concitoyennes, les affirmations comme quoi nous devons utiliser ces moyens non seulement pour protéger, mais pour assurer également la promotion.

Le moyen d'intégration par excellence, moyen sur lequel nous ne devons pas permettre la moindre faille, M. le Président, parce que élément essentiel de l'intégration sociale, de l'intégration au niveau du développement du véhicule d'un peuple, qui s'appelle sa langue... Nous devons, M. le Président, nous assurer que l'édifice est le plus étanche possible, étanche au sens de sa solidité; non pas réduire ses fondations, faire en sorte qu'on donne toutes les possibilités à qui veut dériver, à qui veut faire en sorte de passer à côté.

Nous sommes aussi, ici, les gardiens de cette langue française en Amérique du Nord. M. le Président, ce n'est certainement pas le Congrès américain qui va inventer et qui va présenter des législations en vue de protéger la langue française, sa promotion et son développement. Ce n'est pas leur responsabilité, ce n'est pas leur principal souci, M. le Président. Nous avons mené des luttes, nos pères et nos mères ont mené des luttes épiques au cours des dernières années, au cours des derniers siècles. Nous n'avons pas le droit, M. le Président, de remettre ça en question et de renier un certain nombre d'acquis que nous nous sommes donnés en société, M. le Président. On ne peut pas faire des gorges chaudes des nombreuses ouvertures et des dangers qui sont soulevés par de nombreux observateurs.

M. le Président, les mots de la langue française ne pardonnent pas qu'on les abandonne. Il y a des gens, M. le Président, dans cette Assemblée qui vont devoir porter cette responsabilité devant l'histoire. Je fais le pari que la langue va les rattraper et qu'un jour ils vont comprendre que la langue dure et que les mots ne pardonnent pas qu'on les abandonne.

Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Sur la même motion, M. le député de Westmount, vous avez droit à une intervention de 20 minutes.

M. Boisclair: Pouvez-vous constater le quorum, M. le Président?

M. Holden: Do not waste time!

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Qu'on appelle les députés! (4 h 58 ? 5 heures)

M. le député de Wesmount, vous avez droit à une intervention de 20 minutes.

M. Richard B. Holden

M. Holden: Thank you, Mr. Speaker. Mr. Speaker, behind you... Mr. Speaker, I could ask that the Members all take their own seat, but I will not do that.

Mr. Speaker, behind you on the wall is a huge tableau of what they refer to as «The Language Debate», which took place 200 years ago, and it seems we are still at it. I can predict, Mr. Speaker, that there will be at least one more language debate which will come after the next election, when the party in power will then adopt not only a language policy, but a constitutional protection for the rights of the English minority, as set out in the report.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): S'il vous plaît! Un instant, un instant! Alors, je voudrais qu'on permette au député de Westmount de pouvoir s'exprimer. J'ai de la difficulté à l'entendre moi-même, là. Alors, s'il vous plaît... Allez-y, M. le député.

M. Holden: Merci, M. le Président. Je pensais que le député de Papineau voulait que je parle en anglais, mais... Mr. Speaker, I was interested to hear the Member from Beauce-Sud, who did a review of the historical development of the language debate. And I remember, just about 5 years ago, the minister who now is responsible for the language charter took a position somewhat different from the position he is taking today. And only a year ago, in the plea that the Government submitted to the United Nations, the Government took a position in which it argued that the French language was in a vulnerable position. I remember myself, Mr. Speaker, arguing that the French language was not vulnerable since it had developed substantially since the passage of Bill 101. Now, the Minister and the Government have changed their minds and I also have changed my mind. As I said, during the referendum debate, Mr. Speaker, «le Parti libéral a fait un virage de 180° et moi aussi».

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Holden: La différence, c'est que le Parti libéral s'est tourné vers le passé, tandis que moi, j'ai choisi l'avenir. On dit, M. le Président, qu'il n'y a que Dieu et les imbéciles qui ne changent pas d'opinion.

Une voix: Oui, oui. On fêtera ça à la prochaine élection.

M. Holden: M. le Président, moi, pendant les 3, 4 dernières années, j'ai probablement lu et entendu tous les arguments pour et contre et j'ai fait tous les arguments pour et contre la fameuse question de l'affichage. Dépendamment de la perception qu'on a de la réalité, les 2 côtés ont souvent raison. Mais, M. le Président, à cause de mes circonstances particulières...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Holden: Des fois, je rêve d'une île déserte où il n'y a aucune affiche, et, des fois, il n'y a pas d'enseigne, il n'y a pas de panneau publicitaire, dans l'île déserte et, Dieu soit loué, nulle part il n'y a un coin de rue avec un «stop». Alors, les gens de l'île déserte, dans mes rêves, sont des gens très paisibles, très heureux, mais tout d'un coup, mon rêve devient un cauchemar quand 2 Québécois arrivent, un anglophone et un francophone, et commencent à expliquer aux gens de l'île déserte la signification d'une affiche et quelle importance une affiche peut avoir dans la société moderne. L'un prétend que le droit d'afficher est une liberté tellement fondamentale que, sans elle, on ne peut pas vivre convenablement; l'autre prétend que perdre le contrôle de l'affichage risque la perte d'une culture et d'une langue. Les gens de l'île, jusqu'alors paisibles et affables, se forment en partis politiques. La tranquillité de l'île devient perturbée par les pro-affiches et les antiaffiches et, tout d'un coup, un jeune de l'île, un entrepreneur, fait venir toutes sortes d'immigrants qui commencent à manufacturer les affiches, et ça crée toute une série de problèmes culturels et linguistiques. Et là je me réveille et je regarde la réalité, et c'est pas mal comme dans mon rêve. Évidemment, je vis dans une atmosphère où certains mots évoquent des réactions prévisibles: les mots comme «accès à l'école», «bilinguisme», «arrêt», «souveraineté», tous les mots qui soulèvent des pensées et des réactions prévisibles. Mais, pour moi, je dis souvent, M. le Président, que, personnellement, je n'ai rien contre la langue anglaise, et plus Anglais que moi, il faut aller en Angleterre.

Alors, je suis très conscient de l'attitude des anglophones dans le Québec actuel et je suis très conscient des arguments pour et contre toutes les questions linguistiques. Mais je suis maintenant tout à fait d'accord avec le chef de l'Opposition quand il dit que ce n'est pas le temps d'entrer dans un débat linguistique et que la situation de la langue et la situation de ce qu'on appelle l'inquiétude culturelle vont être tellement mieux dans un Québec souverain. Pour des raisons que je ne peux pas tout à fait expliquer, j'ai toujours eu une attitude envers la langue française qui va dans le sens de savoir. J'ai su à un âge très jeune qu'il fallait, comme anglophone, posséder la langue française pour fonctionner dans le Québec. Et, sur le plan personnel, c'est évident qu'avoir 2 langues, c'est un «plus».

Je me souviens, M. le Président, de l'époque où les anglophones, surtout les anglophones de Westmount, vivaient dans une solitude et les seules personnes... Moi, je me souviens que j'étais le seul dans la maison

qui parlait français. Mes frères et le reste de mes amis ne connaissaient pas la langue française, sauf pour l'essentiel: Bonjour, comment ça va? Voulez-vous coucher avec moi? ? les essentiels de la langue française...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Holden: Chez moi, personne ne parlait français et on avait souvent des bonnes québécoises... Et j'ai souvent raconté l'histoire de notre bonne, Thérèse. C'était dans les années quarante. On était en train de jaser de choses et d'autres et j'ai demandé à Thérèse... On parlait de la religion. J'ai dit: «Thérèse, c'est quoi, le ciel, pour toi?» Et Thérèse a dit: «Monsieur, au ciel, votre mère travaille pour moi et elle me parle en français.» Je dis toujours que c'est à ce moment-là que je savais qu'un jour ou l'autre il y aurait une charte de la langue française parce que, justement, il fallait protéger et encourager la langue française et ce n'étaient certainement pas les anglophones ou les gens en place qui étaient pour encourager la culture québécoise qui s'est faite par la suite. (5 h 10)

Et puis, le Parti québécois, c'est sûr que, depuis sa fondation, le Parti québécois et la communauté anglophone ont vécu isolés l'un de l'autre. Les Anglais, je dirais, en général, ignoraient les politiques du Parti québécois, sauf en ce qui concerne l'article 1, la souveraineté. Alors, depuis la fondation du parti, il y a eu une méfiance et une séparation entre la communauté anglophone et le Parti québécois, mais pour la première fois, cette année, le Parti québécois se penche sur le statut des Anglais dans un Québec souverain. J'aimerais vous lire... Probablement, surtout ceux qui sont en face de nous, vous n'avez pas lu le rapport, qui est tout à fait extraordinaire. Ça a été bien fait, ça couvre toute la question des droits des anglophones dans un Québec souverain, et la conclusion du rapport se lit comme suit: «Être Québécoise et Québécois, c'est exprimer avant tout sa volonté de vivre ensemble dans une société moderne et ouverte sur le monde. Le projet de souveraineté du Québec s'adresse aux citoyennes et aux citoyens de toute origine. Le Parti québécois doit expliquer la nature et la portée de son projet aux compatriotes de langue anglaise. Dans la mesure où il s'engage, dès maintenant, à reconnaître leurs droits et à les considérer comme partie intégrante et dynamique d'un Québec souverain, le Parti québécois espère compter en retour, une fois la souveraineté réalisée, sur la participation pleine et entière des Anglo-Québécois au développement du Québec.»

Ça, je le crois, M. le Président, et je crois aussi ? et je sais qu'il n'y a pas tellement de mes compatriotes qui le croient fermement comme moi ? que la souveraineté, non seulement va être un fait d'ici 2 ou 3 ans, mais ça va être bénéfique pour le Québec et pour le reste du Canada. Je crois fermement, M. le Président, que ce qui va arriver avec la souveraineté, ce n'est pas des chicanes interminables, mais une meilleure compréhension entre le Québec et le reste du pays. Je sais que les gens en face de nous ne sont pas d'accord avec cette optique, mais je le crois, et seulement l'avenir va dire qui a raison.

M. le Président, the idea that the Government was forced by the judgment of the United Nations into adopting, in a hasty manner, these amendments in Bill 86 really does not stand up under analysis. I perfectly well understand that the notwithstanding clause is coming in December of this year, and that there were choices the Government had: the Government could have left the matter ride and tested the law under a new and a better argument in the various levels of the courts, but the Government decided not to do that, and decided to bring in the amendments which we are faced with today. But to use the United Nations' opinion as a basis for adopting this legislation is, to my mind ? I do not want to say «dishonest» ? is a cover, Mr. Speaker. The real reason, of course, why the Government wants to make the changes that it is making, partly it is because they have changed their minds as far as the attitude they should adopt towards the English minority, but secondly, it is because they want those votes back. In the last election, the Equality Party took one half of the English votes in the province, and the Liberal Party survived because the Equality Party's vote was totally insignificant in terms of what the results were in the rest of the province. But the next time, if it had been allowed to continue to grow, the Equality Party could have cost the Government 15 seats, and I have no doubt that one of the big reasons behind the legislation that we are looking at right now is the desire to win back those votes. : But what has happened, of course, is that when you give to the Equality Party a certain amount of what they asked for, they ask for more. There is nothing to satisfy the extreme views of the people who support the Equality Party. Whether or not some of them vote because you have decided to make some changes to the legislation, a lot of them will continue to follow a hard line and will continue to vote for the Equality Party, and probably just enough to cost you 12 to IS seats in the next election. But whether or not politically it is a good move, this legislation that we have today, the argument on the United Nations just does not hold water.

M. le Président, il faut regarder le soi-disant jugement qui n'est pas un jugement du tout, mais il faut regarder ce que la commission ou le comité... Parce qu'il ne faut pas confondre le Comité des droits de l'homme avec le... Les Nations unies ont créé ce Comité des droits de l'homme par ce qu'on appelle le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, et la tâche de ce Comité, c'est d'examiner des communications émanant des particuliers. Alors, ce qu'on a fait... D'abord, les arguments qu'on aurait pu faire valoir devant le Comité, on ne les a pas fait valoir, parce que seulement les individus sont autorisés à faire des demandes devant le Comité. Et, comme par hasard ? comment s'appelle-t-il, le monsieur qui a fait l'application?...

Une voix: Jacques Parizeau.

M. Holden: Non. Ha, ha, ha! La demande qui a été faite a été faite au nom d'un invididu...

Une voix: Mclntyre.

M. Holden: ...tandis que Mclntyre n'opérait pas son affaire sous son nom, mais sous un nom corporatif. Mais on n'a même pas soulevé l'argument. Alors, M. le Président, quand il s'agit d'essayer d'expliquer le bill 86 à cause de l'avis du Comité des droits de l'homme des Nations unies, je soumets, M. le Président, que c'est un voile qu'on essaie de tirer sur les vraies raisons, c'est-à-dire avoir les votes des anglophones. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député. M. le député de Papineau.

M. MacMillan: Selon l'article 213 de nos règlements, est-ce que le...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): En vertu de l'article 213, permettez-vous une question?

Une voix: Non, pas à cette heure-ci. Des voix: Ha, ha, ha!

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, la question n'est pas permise. M. le député de Papineau, vous voulez intervenir sur ce projet de loi? M. le député de Papineau.

M. MacMillan: I just want to take about 30 seconds to say one thing...

Une voix: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Qu'on appelle les députés. (5 h 20 - 5 h 24)

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Nous poursuivons le débat sur l'adoption du principe du projet de loi 86, Loi modifiant la Charte de la langue française. Je reconnais M. le député de Papineau.

M. Norman MacMillan

M. MacMillan: Merci, M. le Président. Je ne devais pas intervenir dans le débat sur la loi 86, le débat sur la langue, but I have to take this opportunity to say to my friend ? anyway ? from Westmount: You were elected here, Mr. President, this Member of Parliament was elected here because of Bill 178, and now, he is speaking against at once 86. Try to understand something about that! Essayez de comprendre ça: il a été élu à l'Assemblée nationale à cause de la loi 178 puis, aujourd'hui, il se lève et il parle contre la loi qu'on est en train de rectifier pour aider les gens, les anglophones dans la province de Québec. Et il a le front de se lever dans cette Chambre et de parler contre ça.

If I was him, I would not go back home tomorrow or next week because somebody is going to shoot you. It is unbelievable! Ce n'est pas croyable qu'un gars puisse se lever dans cette Chambre ? qui s'appelle, vous savez son nom, le député de Westmount, et que je ne peux pas mentionner ? pour parler contre la loi 86. Parce qu'il a été élu sur la loi 178. C'est impossible! Je ne pensais jamais voir ça ? 4 ans que je suis ici ? et je trouve ça absurde, je trouve ça stupide; c'est malheureux.

Mme Juneau: Question de règlement.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Mme la députée de Johnson.

Mme Juneau: Merci, M. le Président. Premièrement, le député doit s'adresser à la présidence; deuxièmement, chaque parlementaire ici, à l'intérieur de l'Assemblée, a le droit de tenir des propos, en autant que ce sont des propos parlementaires. Il a droit de tenir le discours qu'il veut bien en autant qu'il respecte les règlements de la Chambre. Et c'est inacceptable ce qu'il est en train de faire.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, sur la question de règlement, M. le leader du gouvernement.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): J'ai recherché, suite à la question de règlement de Mme la députée de Johnson, quelques propos antiparlementaires qui auraient pu être prononcés par le député et je n'ai pas identifié, dans le vocabulaire utilisé, un seul mot qui contrevenait aux dispositions de notre règlement.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, si vous voulez poursuivre votre intervention, M. le député, en vous adressant à la présidence.

M. MacMillan: Merci, M. le Président. J'étais pour vous dire que, si le député de Westmount avait écouté tantôt le discours de Mme la députée de Johnson, peut-être qu'il n'aurait pas dit la même chose quand elle parlait de 10 % des gens dans son comté, des hôpitaux, des écoles... Alors, le plus drôle de tout ça...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Un député à la fois!

M. MacMillan: M. le Président, le plus drôle de tout ça, c'est quand on lit les journaux. Je n'ai pas les articles devant moi, mais ces gens-là du Parti québécois viennent nous dire qu'une fois qu'il y aura la souveraineté on pourra afficher en anglais. Moi, j'appelle ça de l'hypocrisie; c'est aussi clair que ça. C'est une gang... C'est des hypocrites; c'est aussi clair que ça. On vient nous dire qu'une fois que la souveraineté...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le député, si vous voulez retirer vos derniers propos, s'il vous

plaît. Si vous voulez retirer vos derniers propos, sans commentaires. Merci.

M. MacMillan: M. le Président, je peux quand même dire que c'est de l'hypocrisie dans leur programme qu'ils puissent dire que, suite à une souveraineté du Québec, on pourra afficher dans la langue anglaise, mais parce que c'est nous, du Parti libéral... Puis on le voit dans tous les sondages qu'on a dernièrement, on monte régulièrement et on va pouvoir régler ça une fois pour toutes. Il y a eu un article dans L'Actualité qui disait que le Parti québécois va disparaître bientôt. Ça va être à la prochaine élection.

Alors, pour terminer, M. le Président, j'aimerais mentionner au député de Westmount... D devrait retourner chez lui en fin de semaine, peut-être aller dans son comté, ouvrir son bureau, demander, consulter, mais ouvrir son bureau, pour commencer, et demander peut-être aux gens qui travaillent avec lui ou autour de lui s'il y a eu des messages des gens qui ont écouté ce débat-là. C'est très, très malheureux qu'un gars qui a été élu à l'Assemblée nationale sur la loi 178, là, va voter contre parce qu'on est en train de rectifier et d'améliorer le sort des anglophones et des allophones dans le Québec. Il va voter contre ça. Je pense qu'il devrait aller se cacher, mais je ne sais pas où, je me demande où. Merci, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Nous poursuivons le débat sur le projet de loi 86. M. le député d'Ar-thabaska.

M. Jacques Baril

M. Baril: M. le Président, je veux prendre la parole sur le débat, sur la loi 86, d'abord pour exprimer quelques intentions de ma part, quelques compréhensions de la loi, et aussi amener à cette Assemblée les commentaires des citoyens de mon comté, qu'ils m'ont faits suite à l'amendement qu'on amène encore à la loi sur la langue.

Mais, d'abord, je dois féliciter, je veux féliciter le député de Westmount pour son évolution, pour son ouverture d'esprit. Il est heureux qu'il y ait quelques citoyens anglophones qui comprennent le fait français au Québec. Qu'on les laisse parler démocratiquement, qu'on les laisse exprimer leur point de vue. Même si le député de Westmount s'est fait élire en 1989 à cause de la loi 178, ça n'empêche pas que c'est un homme qui a évolué; il a compris des choses. Il y a un proverbe qui dit qu'il y en a pour qui ça prend plus de temps que d'autres à comprendre, mais ils finissent par comprendre. Mais il y en a, M. le Président, qui ne comprendront jamais parce qu'ils ne veulent pas comprendre.

Une voix: C'est vrai.

M. Baril: Ils ne veulent pas faire d'efforts pour comprendre la situation du fait français au Québec. (5 h 30)

En passant, on dit que l'avenir est aux lève-tôt: il est 5 h 30. Mais pour se lever tôt, M. le Président, il faut d'abord se coucher. Et c'est déplorable qu'on discute de cette loi importante dans une atmosphère comme on le fait présentement.

Tout à l'heure, aux environs de 3 heures, je traversais le salon rouge pour m'en venir ici à un vote et je trouvais ça pas humain de voir des députés allongés sur les divans qu'il y a au salon rouge, roupiller, sommeiller pour essayer de traverser cette nuit. Dans les fumoirs, en arrière, d'autres députés, on va dire en bon québécois, sont évachés sur les fauteuils pour essayer aussi de récupérer un peu. Sur les banquettes de cette Assemblée, aussi, M. le Président, d'autres sont accoudés sur leur bureau, d'autres, la tête par en arrière, ils donnent littéralement.

Comment voulez-vous, M. le Président, discuter intelligemment d'un projet de loi aussi important? Ça n'a pas de bon sens, M. le Président. Je dirai en passant que, si le leader voulait montrer l'exemple, son livre de règlements est sur son bureau et, à tout moment, il se lève pour nous rappeler à l'ordre, nous lire son livre de règlements, qu'il le lise donc et qu'il l'applique donc pour lui-même. Je n'ai dérangé personne, moi, depuis que j'ai parlé ici. J'ai tout laissé parler les autres.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Question de règlement, M. le leader du gouvernement.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): En vertu de l'article 35, paragraphe 4, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): À cette heure-ci, je vais vérifier l'article 35, paragraphe 4.

Une voix: Ha, ha, ha!

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Vous devez vous adresser à la présidence, M. le député, en vertu de 35.4.

M. Baril: Ça me fait plaisir, M. le Président, de m'adresser à vous. Je sais que vous êtes compréhensif. Mais voudriez-vous... par votre entremise, j'aimerais faire comprendre au leader de me laisser la paix, de me laisser parler. Je n'ai dérangé personne. M. le Président, vous le savez comme moi comment le leader du gouvernement peut être achalant, fatigant. Sa meilleure méthode pour essayer de nous empêcher de parler, c'est de toujours ouvrir son règlement et de nous citer un fameux règlement.

Moi, M. le Président, je suis allé une fois en cour durant ma vie, et les avocats, c'est comme ça qu'ils agissent vis-à-vis du juge. C'est toujours un article de la loi, quelque part, puis on lit tout ça. Et le leader applique son code à cette Assemblée pareil comme s'il se pensait à la cour. Qu'il laisse donc les travaux se dérouler tranquillement, pas vite. S'il planifie mal ses tra-

vaux, pour être obligé de nous faire siéger en pleine nuit, bien, qu'il vive avec ses problèmes, ce ne sont pas les nôtres.

M. le Président, on parle de la loi 86. On dit: La Loi modifiant la Charte de la langue française, présentée par M. Claude Ryan, ministre responsable de l'application de la Charte de la langue française. Il y a des choses, M. le Président, qui sont difficiles à comprendre parce que le ministre responsable de l'application de la Charte de la langue française devrait être là pour, justement, faire respecter, renforcer même la Charte de la langue française, pas l'affaiblir, pas l'harnacher, pas la couper, la diminuer, la rapetisser, la ratatiner. Ce n'est pas ça, le rôle du ministre responsable de la Charte de la langue française. Ça serait d'expliquer aux Québécois, aux Québécoises de toutes les souches l'importance de préserver notre langue française, ici, dans ce noyau en Amérique du Nord.

Mais, au contraire, le ministre amène des amendements à cette même Charte qui vont chambarder, vont nuire énormément au développement et au maintien de la langue française au Québec. C'est ce qui est tout à fait dommageable. Mais je dois reconnaître l'habileté du gouvernement libéral qui est en face de nous, M. le Président, l'habileté du gouvernement libéral qui est en face de nous. Parce que non seulement on nous fait discuter de ce projet de loi en pleine nuit, où il n'y a à peu près personne qui nous entend, comprenez-vous.

Quand on écoute les libéraux, ils mettent tout l'accent sur le bilinguisme au Québec, sur l'affichage, pour camoufler ce qu'il y a plus loin dans d'autres articles de la même loi. C'est ça qui est une façon, M. le Président, tout à fait hypocrite d'être capable de refiler des choses aux Québécois, qui, tout en ne disant pas la vérité... On dit: Mais vous êtes contre le bilinguisme. Comment ça, vous êtes contre le bilinguisme? Quand tu dis ça, c'est évident que les libéraux marquent des points, parce que qui, aujourd'hui comme hier, n'aime pas dire quelques mots en anglais? C'est évident.

Le Parti québécois n'a jamais été contre l'anglais; au contraire, ça a été le premier gouvernement en cette Chambre qui a même donné l'avantage aux Québécois et aux Québécoises d'apprendre l'anglais, puisqu'on avait imposé l'enseignement de l'anglais, on a rendu l'enseignement de l'anglais obligatoire au primaire, ce qui n'existait pas avant. Et on vient essayer de nous accuser, nous, du Parti québécois, qu'on est contre la langue anglaise. On essaie totalement de faire dévier le débat uniquement au niveau de l'affichage, au niveau du bilinguisme au Québec.

Et pourtant, c'est une tout autre chose, puisque, si on regarde à l'article 30 de ladite loi ? et c'est là que le bât blesse, M. le Président, énormément ? on peut y lire: L'article 81 de cette Charte est modifié par le remplacement du premier alinéa par le suivant: «Les enfants qui présentent des difficultés graves d'apprentissage peuvent, à la demande de l'un de leurs parents, recevoir l'enseignement en anglais. Les frères et soeurs d'un enfant ainsi exempté de l'application du premier alinéa de l'article 72 peuvent aussi en être exemptés.»

Et c'est de là, M. le Président, cet article, qui fait en sorte qu'on commence à mettre la hache dans l'avenir du français au Québec. Et qui, M. le Président, est mieux placé, comprenez-vous, que les enfants, de génération en génération, qui apprennent le français, qui seront là dans le futur, pour préserver cette langue au Québec? À chaque fois qu'il y aura quelqu'un qui invoquera le fait qu'il a des difficultés d'apprentissage, il s'en ira à l'école anglaise, automatiquement. Ses frères et ses soeurs vont continuer après; ils n'auront même pas besoin, eux autres, de demander, de justifier. Ils n'auront pas besoin de dire: Nous autres, on a de la difficulté à l'école. Ils n'auront même pas besoin de demander ça, ils vont aller directement à l'école anglaise. et lorsque, m. le président, tout le monde sait comment la formation est importante, là, on va encourager l'enseignement de l'anglais à tous les niveaux. et quand est-ce que quelqu'un du parti libéral se lève pour parler de ça? c'est désolant, m. le président. c'est désolant, vous savez, parce qu'il y a une multitude de députés libéraux ici qui représentent des comtés à 100 % francophones, à 100 % francophones, et personne d'entre eux ne se lève, justement, pour empêcher cet article qui est écrit dans le projet de loi que le parti libéral s'apprête à voter à la majorité. c'est dramatique, m. le président. l'attitude du parti libéral, actuellement, est uniquement un geste politique. un geste politique. on met l'avenir du français au québec uniquement pour des fins électoralistes, et c'est ça qui est dangereux de ce gouvernement, après avoir affaibli économiquement la population, après avoir appauvri la population sous toutes ses formes.

J'écoutais, ce matin, le ministre de la Sécurité du revenu qui disait: II y a 750 000 ou 785 000 assistés sociaux au Québec. Ce n'est pas bien grave: il y en a juste 700 000, trois quarts de million, ce n'est pas bien gros. Et savez-vous le moyen qu'il nous a annoncé, ce matin, pour essayer de diminuer le nombre de ces gens-là dans le besoin? Comment est-ce qu'il va faire pour essayer de diminuer le nombre de ces gens-là dans le besoin? Ha! Il va renforcer les critères d'admissibilité à l'aide sociale. C'est tout un effort. C'est tout un effort pour forcer ce monde-là à travailler pendant qu'il n'y en a pas, de jobs. Et ce gouvernement-là ne fait rien, comprenez-vous, rien, absolument rien, pour essayer de donner un peu d'espoir aux Québécois et aux Québécoises, qu'ils vont pouvoir travailler demain matin. Au lieu de parler d'économie, on profite de l'occasion que le peuple est dans une misère quasi totale pour nous amener un projet de loi pour modifier la Charte de la langue française, pour permettre à tous ceux et celles qui le voudront... ils ont juste à invoquer une petite difficulté d'apprentissage et ils s'en iront directement à l'école anglaise. C'est ça, M. le Président, la politique de ce gouvernement-là, uniquement un gouvernement à courte vue, un gouvernement électoraliste. Pour arriver à ses fins, il est prêt à faire n'importe quoi. (5 h 40)

J'écoutais tout à l'heure celui qui m'a précédé, le député de Papineau, qui parlait de la mort du Parti québécois à la prochaine élection. Il n'a certainement pas regardé les sondages dernièrement, lui, parce que, quand on regarde les sondages dernièrement... je ne m'en vanterai pas. On a 3 points d'avance au moins. C'est toujours ça. Et quand on les décortique par comté, ce qui donne de l'avance aux libéraux, c'est le vote des allophones. C'est le vote des allophones qui sont massivement de leur bord parce qu'on est en train de leur faire plaisir, encore une fois. Peu importe l'avenir du français au Québec. Pourquoi? C'est le seul noyau en importance en Amérique du Nord, le fait français au Québec. Que chaque génération a travaillé fort, s'est débattue avec le temps pour venir à bout de préserver ça!

Ce matin, justement, j'arrêtais faire le plein d'essence chez nous, et le garagiste me disait: Comment ça se fait, Jacques, que les libéraux reviennent encore sur ce projet de loi là? Il me semble que la loi 101 était là puis elle était claire, puis les gens s'étaient habitués à vivre avec la loi 101. Pourquoi ils rouvrent ce débat-là, surtout à cette période-ci? Il parlait du climat social qui avait été rétabli. Les gens avaient dit: Bon, bien, à l'avenir, ça va être comme ça que ça va marcher au Québec. Ceux qui n'étaient pas contents, ils ont sacré leur camp, et ceux qui ont accepté de vivre avec la loi 101, ils ont dit: On va vivre avec la loi 101. Pourquoi ils nous ramènent ça? Pourquoi ils ramènent ça encore, parler de la langue, encore rebriser ce climat social qu'il y a au Québec?

Ça, c'est ce matin que quelqu'un me parlait de ça. En fin de semaine, j'ai assisté à certaines activités sociales comme bien d'autres députés et, encore une fois, les gens me parlaient de ça. Pourquoi le gouvernement... Qu'est-ce qu'il pense, d'amener ça durant ce temps-ci? Pendant que le Québec est en état de crise, qu'est-ce que le gouvernement pense de nous amener un débat sur la langue qui va encore affaiblir le fait français? Ces remarques-là, M. le Président, on a ça à chaque fois qu'on se promène dans nos comtés. Et je ne comprends pas, encore une fois, pourquoi... Comment se fait-il que les députés de comtés, je vous le dis, à 100 % francophones laissent leurs factions minoritaires anglophones dans leur parti, comprenez-vous, mener tout le monde? Ça n'a pas de bon sens.

Je me rappelle d'une phrase que le président d'Alliance Québec, Robert Bob Keaton, disait, suite à une interrogation d'un de ses membres participant à leur congrès général qui a eu lieu dernièrement, à l'effet que... pourquoi Alliance Québec ne se battait pas encore plus fort que ça, comprenez-vous, pour qu'on permette dans la loi l'ouverture intégrale, complète à l'école anglaise de tous ceux et celles qui veulent y aller. Et la réponse de... Keaton a dit: Écoutez un peu... Ça a sorti sous l'impulsion du moment, il a laissé parler son coeur, probablement, sans s'en apercevoir. Il a dit: Écoutez un peu, il ne faut pas parler de ça tout de suite. On est en train de marquer des pas importants avec la loi 86 et on fait ça sans que les Québécois, les franco- phones s'en aperçoivent. Donc, ne les réveillons pas. C'est ce que Robert Bob Keaton, président d'Alliance Québec, a dit à son congrès général.

Comment se fait-il que si eux autres, les anglophones, avec tout le respect que je leur dois, comprenez-vous, comment se fait-il qu'ils se permettent de dire des choses semblables, qu'ils vont se dépêcher de nous en passer une petite vite? Je ne sais pas si c'est pour ça que le gouvernement profite de l'occasion de nous poser ça durant la nuit. Vous en passez une petite vite et il ne faut surtout pas nous réveiller, nous autres, les francophones, parce qu'ils vont nous avoir à la longue avec ça.

Ça me fait penser, M. le Président, en 1982 ou 1983, j'étais allé au Manitoba avec une association de parlementaires de cette Assemblée. Après les réunions formelles, j'aime bien marcher dans la rue, et il y avait une personne d'un certain âge qui était accoudée dans une... accotée sur une vitrine de magasin. Je voyais qu'elle était francophone, ça fait que j'arrête lui parler. Je lui demandais combien ça faisait de temps qu'il était là, tout ça, puis comment était la situation du français à Saint-Boniface, au Manitoba. Et le vieux monsieur me dit: Ah! vous savez, il dit, quand on est arrivé ici, il dit, on était une importante agglomération de francophones. Mais, avec tristesse, ça diminue. Il dit: Je suis rendu qu'avec mes petits-enfants, ils ne me comprennent même plus, mes petits-enfants. Il dit: Nous, quand on est arrivés ici, c'était défendu de parler anglais dans la maison. Nos parents nous exigeaient... Excusez, français. C'était... Il était défendu de parler anglais dans la maison parce qu'ils voulaient préserver la langue française. Bon. Donc, il dit: En dehors, c'est évident, on parlait... Ma mère puis mon père, dans la maison, c'était le français qui se parlait. Et c'est de cette façon-là qu'on pouvait passer de génération en génération, préserver la langue française. Il a dit: Mais c'est évident que mes enfants à moi ont été moins sévères envers leurs enfants et, aujourd'hui, dans les maisons, on n'entend à peu près plus parler français. Et les enfants, eux autres, ils sont rendus unilingues anglais. Pourquoi? Parce qu'ils ont commencé à l'école anglaise, ils ont joué avec leurs amis qui, eux aussi, parlaient anglais, et les parents n'ont pas su imposer le fait français dans la maison. Et il me disait: D'ici une ou deux générations, ici, au Manitoba, il n'y aura plus de français, ça va être fini. On va s'être fait gober, on va s'être fait siphonner par la langue anglaise.

M. le Président, avec des ouvertures comme on nous permet actuellement, avec la loi 86, c'est la même chose qui va se produire au Québec, dans peut-être 2 ou 2 générations qui s'en viennent, qui sont en arrière de nous. C'est ça qui est triste, c'est ça qui est malheureux, que personne, M. le Président, de ce gouvernement, qui viennent ici et votent des lois d'une façon tout à fait servile, comprenez-vous, ils se laissent mener par une petite gang, une petite clique où, uniquement dans un but électoraliste, ils amendent la Loi modifiant la Charte de la langue française pour permettre, pratiquement sans aucune condition, l'enseignement de l'anglais chez nous.

Si on n'est pas capable de faire respecter, d'obliger nos enfants à apprendre le français, comme on doit aussi apprendre l'anglais, M. le Président, c'est le début de la fin. Et, avec tout ce que le gouvernement... Comme je le disais tout à l'heure, il a endetté le Québec, il a taxé les Québécois et les Québécoises, et aujourd'hui, il se demande pourquoi il n'y a pas 25 000, 30 000, 50 000 personnes qui sortent dans la rue pour s'opposer à ce projet.

Je finirai, M. le Président, en disant que le gouvernement a réussi à mettre le peuple dans la misère, et un peuple dans la misère, c'est un peuple sans pouvoir. Ça, c'est un succès que le Parti libéral, le gouvernement du Parti libéral a réussi à faire durant les années qu'il a été au pouvoir.

Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député.

Sur cette même question, je suis prêt à reconnaître un prochain intervenant.

Mme la députée de Bourget.

Mme Huguette Boucher Bacon

Mme Boucher Bacon: Merci, M. le Président.

Lorsque le ministre responsable de l'application de la Charte de la langue française a déposé le projet de loi 86 en cette Chambre, l'Opposition officielle s'est immédiatement rebellée et en a attaqué le contenu sans même prendre le temps d'en évaluer la portée. Elle s'est en effet rebellée en prétextant que le dossier que le gouvernement revenait d'utiliser sur le dossier linguistique... Inutile, disait-elle. Pourtant, nous avions dit, et ce, à plusieurs reprises, que nous reviendrions dans ce dossier cette session-ci, d'une part, à cause du délai de 5 ans, de la clause dérogatoire qui a expiré en décembre 1993 et, d'autre part, que la législation actuelle devait être ajustée en fonction des changements opérés dans la société au fil des dernières années.

Là, M. le Président, on assiste, un peu comme une boîte à surprise, du côté de l'Opposition, ce qu'on appelle, pour les enfants, «jack-in-the-box». Alors, on a l'impression que c'est des clowns qui sortent d'une boîte et qui nous disent à nous, au gouvernement: Comment se fait-il que vous nous arrivez à ce moment-ci pour changer ou modifier la loi 101, qui est maintenant le projet de loi 86?

Puis, l'Opposition officielle s'en est prise au contenu du projet de loi 86 en disant des aberrations comme, par exemple, qu'il menaçait les francophones vivant au Québec, qu'il brimait leurs droits et même que la langue officielle du Québec pourrait être affectée. Un phénomène de peur, M. le Président, que le Parti québécois veut invoquer auprès de la population, mais ça ne prend plus aujourd'hui.

Bref, depuis quelque temps, on entend dire à peu près n'importe quoi. Ce qui démontre l'étroitesse d'esprit et le repli sur soi qui caractérisent si bien les membres de l'Opposition officielle. Cette peur de s'ouvrir sur le monde, ce besoin de se surprotéger, cette volonté de conserver un ghetto linguistique et de prôner un unilinguisme français qui ne correspond plus à la réalité traduisent, il faut bien s'en rendre compte, une version totalement dépassée. (5 h 50)

Voilà, M. le Président, la conception que les membres de l'Opposition officielle se font du Québec, et c'est la conception qu'ils veulent que le reste du Canada et l'étranger aient de nous. Mais sur quelle planète vivent-ils? Je vous le demande. Nous sommes en 1993, même si M. le député de...

Une voix: De Laviolette.

Mme Boucher Bacon: ...Laviolette, M. le Président, dit qu'il vit sur cette terre, j'ai l'impression qu'il est un petit peu en dehors du contexte.

Nous sommes en 1993, dans une décennie qui fait appel à la globalisation des marchés, à une plus grande ouverture sur le monde, mais aussi aux grands principes de liberté qui sont, malheureusement, souvent bafoués ailleurs dans le monde. C'est pourquoi, M. le Président, nous devons être tolérants. J'ai bien dit tolérants, être ouverts aux autres pour que le Québec ne fasse pas partie des nations et des sociétés qui briment les droits de leurs citoyens et de leurs citoyennes.

M. le Président, c'est en cet esprit de tolérance et d'ouverture aux autres que le gouvernement libéral présente le projet de loi 86 à la population du Québec, et j'en suis fière. Nous avons voulu lui dire que la société dans laquelle elle vit encourage et véhicule le principe de la démocratie en permettant à ceux qui parlent une autre langue que le français de lire leur langue sur la rue et sur les affiches. Nous avons voulu lui dire aussi, à notre peuple québécois, que, ce faisant, le gouvernement libéral réaffirme son rôle de promoteur de la langue française. Mais nous avons voulu lui dire que cette responsabilité revient également à chacun des citoyens qui font du Québec un lieu privilégié par les différentes communautés linguistiques qui donnent à notre société son visage multiculturaliste.

Donc, M. le Président, il est malheureux que l'Opposition officielle n'ait pas saisi le caractère du projet de loi 86. Il est dommage, en plus, qu'elle n'ait pas compris que l'objectif visé par cette législation est de rendre l'affichage plus conforme aux réalités des années quatre-vingt-dix, sans pour autant remettre en cause les fondements de la Charte de la langue française. C'est une situation que je déplore vivement. J'aurais aimé que les membres de l'Opposition fassent preuve de bonne foi et qu'ils comprennent que le gouvernement libéral agit dans l'intérêt de la population.

Que M. Camille Laurin s'oppose à ce projet de loi ne m'étonne pas, parce qu'il doit être difficile d'accepter que l'on modifie quelque chose que l'on a bâti, que l'on a fait. Comme l'a dit un éditorialiste du journal La Presse, M. Laurin s'est même opposé à toutes les modifications de la loi 101, y compris celles de son propre parti et de son propre premier ministre.

Et là, M. le Président, j'aimerais sortir de mon texte pour vous commenter le livre du Parti québécois, de Graham Fraser, qui a été publié en 1984. Et là, dans ce livre, à la page 122, on fait mention de la division qui existait à ce moment-là au Parti québécois, ce qui existe encore aujourd'hui parce qu'ils ne pensent pas tous que la loi 86 est si mauvaise que ça. Mais on va se rappeler des souvenirs, M. le Président ? l'histoire, c'est toujours intéressant à entendre ? alors, à ce moment-là ? et je fais référence à la page 122 ? entre le moment où les ministres entamèrent la discussion sur la politique linguistique et celui où le projet de loi trouva sa forme définitive, il y eut 14 versions différentes, M. le Président. Et c'est sous les pressions de M. Laurin que la révision a été... avec des explications supplémentaires... Mais ça ne trouvait pas faveur auprès de M. Rodrigue Tremblay, de Mme Lise Payette, de M. Claude Morin, et je pourrais en citer bien d'autres. M. Lévesque, à ce moment-là, n'exprima aucune opinion. Mais M. Lévesque intervient aussi au chapitre de la langue des tribunaux. Selon lui, il ne servirait à rien de contester l'article 133 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, qui sanctionne l'usage du français et de l'anglais.

À ce moment-là, M. le Président, c'est vers M. Laberge que M. Laurin se tourna pour faire valoir l'idée que le français devienne la seule langue des tribunaux, à l'Assemblée nationale. Selon M. Laberge, l'article 133 de la Constitution ne protège pas les droits individuels. À la fin, M. Lévesque céda et accepta que la loi mette directement en cause l'Acte de l'Amérique du Nord britannique. Or, M. le Président, l'article en question fut plus tard déclaré nul par la Cour suprême.

Un autre affrontement, M. le Président. L'affrontement le plus dur eut lieu en rapport avec ce qu'on a appelé... convenu d'appeler la clause Québec et la clause Canada. Lévesque, à qui répugnait l'idée d'interdire l'accès à l'école anglaise aux enfants anglophones dont les parents avaient reçu leur éducation hors du Québec, mais Laurin et ses conseillers insistèrent: l'éducation est un domaine de responsabilité provinciale, on ne devrait faire aucune distinction dans ce sens. Et là, M. le Président, M. Lévesque encore, dans sa grande générosité et dans sa grande ouverture qu'on lui connaissait, Lévesque insista pour qu'on fasse exception dans les cas des entreprises ayant moins de 5 employés. L'idée d'imposer le français au petit magasin du coin lui faisait horreur.

Alors, c'est pour vous montrer, M. le Président, qu'à ce moment-là, en 1977, les gens étaient divisés, les gens du Parti québécois, et sont encore divisés entre eux. Je suis persuadée qu'ils ne pensent pas tous que la loi 86 est si mauvaise que ça, mais, par solidarité de leur parti, ils sont obligés de faire semblant qu'ils sont contre. Alors, cette réaction ne m'étonne pas, d'autant plus que cet homme, lorsqu'on parle de M. Laurin, a une vision dépassée des enjeux en 1990 auxquels notre société est désormais confrontée. Et plusieurs éditorialistes l'ont souligné, M. le Président. Le phénomène qui fait peur aux gens ne monte plus, ne vient plus en réac- tion, les gens n'ont plus peur. Mais j'aurais espéré que les membres de l'Opposition fassent preuve de plus grande ouverture d'esprit, qu'ils conviennent que ce projet de loi est nécessaire pour le Québec, tout comme le croient les milieux d'affaires, la Chambre de commerce, les manufacturiers, le Conseil du patronat.

Et là, M. le Président, ils vont encore nous accuser, ces gens-là de l'Opposition, ils vont dire: Oui, mais c'est des gens qui sont favorables au Parti libéral. À ce que je sache, M. Raymond Lévesque n'est pas un type qui a appuyé le Parti libéral. À ce que je sache aussi, l'avocat, Me Bertrand n'était pas favorable. Il s'est présenté à la chefferie contre M. Lévesque. Alors, ce n'était pas des gens qui étaient pour nous, mais qui comprennent qu'il y a une ouverture d'esprit à faire et qu'il y a une place pour la liberté d'expression.

Nous avons proposé le projet de loi 86 pour consolider nos acquis, mais également pour consolider notre réalité à titre de majorité francophone ouverte sur le monde en conformité avec le respect des droits linguistiques des autres cultures et ethnies. Ce projet de loi, M. le Président, en voici un aperçu.

Tout d'abord, il est essentiel de bien comprendre que le projet de loi 86 fait du français la seule langue obligatoire dans l'affichage public et la publicité commerciale. Le projet de loi viendra, cependant, apporter la modification suivante: il y aura, désormais, la possibilité d'utiliser une langue autre que le français. N'est-ce pas là, M. le Président, la démonstration de l'ouverture, de la tolérance et des compromis dont est capable le Québec? Cette attitude ne démontre-t-elle pas l'importance que nous accordons à la liberté des individus? Il s'agit certainement là de Tune des grandes qualités de cette nouvelle législation et non d'un recul pour le Québec, comme certains se plaisent à répéter. Car, plus jamais nous ne verrons des affiches unilingues anglaises, par exemple, comme ceci était le cas il y a une trentaine d'années. Le français sera obligatoire et la règle de la nette prédominance s'appliquera. Ce qui me fait dire, M. le Président, et je le dis et je le répète pour le bénéfice des membres de l'Opposition, même s'ils ne sont pas nombreux, à 5 h 59 du matin, ils ne sont que 2, que la loi 101 demeure intacte puisque la promotion et la protection de la langue française seront toujours présentes. Cet assouplissement à l'affichage public n'aura pour effet que de s'ajuster à la réalité et, inévitablement, à l'évolution du Québec contemporain. (6 heures)

Pour ce qui est de la langue d'enseignement, le gouvernement a décidé de maintenir l'obligation pour les immigrants de fréquenter l'école française dans les classes maternelles et aux niveaux primaire et secondaire.

Si vous vous souvenez bien, M. le Président, la loi 101 permet aux enfants de parents qui séjournent temporairement au Québec de fréquenter l'école anglaise, ce qui est normal dans ce cas-ci. Il en va de même pour un enfant qui éprouve des difficultés d'apprentissage. Et là, M. le Président, j'ai entendu bien des choses venant d'autres députés de l'Opposition, mais je leur

ferais remarquer que les enfants en difficulté d'apprentissage, ce ne sont pas des Québécois de langue française qui veulent s'en aller vers le réseau anglais, mais bien des Anglais qui, pendant 5 ans, ont appris, dans leur milieu, leur langue maternelle, l'anglais, et, lorsqu'ils arrivent à l'école, ont certaines difficultés, oui, j'en conviens, d'enseignement, de compréhension, mais aussi de compréhension de la langue française; et un retour dans leur milieu de langue anglaise, qui est un milieu naturel, peut, à l'occasion, être d'un grand bien.

Le projet de loi 86 prévoit simplement que, lorsque des parents se sentiront lésés, ils pourront se plaindre auprès des commissions d'appel. Par ailleurs, il prévoit que le ministre de l'Éducation pourra apporter des modifications au régime pédagogique dans le but de faciliter l'apprentissage de l'anglais comme langue seconde, ce qui est, soit dit en passant, le souhait d'une majorité de parents québécois.

Dans un autre ordre d'idées, le projet de loi dont il est question présentement réaffirme la règle de l'uni-linguisme français dans la signalisation. Toutefois, il prévoit que l'affichage pourra s'accommoder d'une autre langue lorsque la santé, la sécurité publique en dépendront. C'est là une mesure que l'Opposition officielle ne peut refuser, j'en suis certaine, puisqu'il y va de la sécurité des gens sur nos routes.

Puis, le projet de loi 86 comporte un volet relatif à la francisation des entreprises. L'utilisation généralisée du français dans les entreprises et au niveau de leur affichage demeure, et le projet de loi précise les étapes du processus devant mener à l'obtention d'un certificat de francisation et le suivi. Dorénavant, l'Office devra, avant de deliver un certificat de francisation ? et ça ne se donnera pas comme ça, M. le Président ? à une entreprise de 50 employés et plus, considérer l'utilisation du français dans l'affichage public et la publicité commerciale et l'utilisation du français dans les technologies de l'information. Lorsque l'entreprise aura reçu son certificat, elle devra remettre à l'Office un rapport, M. le Président ? oui, un rapport ? sur l'évaluation de l'utilisation du français au sein de l'entreprise.

M. le Président, ce ne sont là que quelques aspects du projet de loi 86 qui traduisent, j'en suis persuadée, l'ouverture et la générosité du gouvernement libéral à l'endroit des communautés linguistiques. Mais ce projet de loi est également à l'image des Québécois et du degré de maturité que nous avons acquis au fil des ans, M. le Président. N'est-ce pas là, en effet, ce que relèvent les différents sondages d'opinion effectués ces derniers temps?

En terminant, M. le Président, le gouvernement libéral, en adoptant cette nouvelle législation, continuera de protéger et de promouvoir la langue française partout au Québec, comme il le fait depuis son accession au pouvoir. En adoptant ce projet de loi, nous conservons les principes de la loi 101 tout en encourageant le principe de la liberté d'expression au regard, notamment, de l'ajout d'une autre langue dans l'affichage.

Par contre, M. le Président, s'opposer à l'adoption du projet de loi 86 signifie s'opposer à la liberté d'expression et à l'évolution qui est pourtant incontournable. Nous entrerons bientôt dans le XXIe siècle. Si nous écoutons les membres de l'Opposition officielle, nous allons prendre un bon grand bain de recul. Démontrons plutôt que nous sommes capables d'évoluer et que nous pouvons nous ajuster aux situations quelles qu'elles soient, car ceci est le propre d'une société qui n'a pas peur d'avancer, de s'améliorer et de s'épanouir dans le respect des individus, peu importe la langue qu'ils parlent.

Et, M. le Président, avant de terminer, si vous me permettez, j'ai entendu, durant la commission sur le projet de loi 86, la députée, Mme Blackburn, la députée de...

Une voix: Chicoutimi.

Mme Boucher Bacon: ...Chicoutimi ? merci, cher collègue ? s'en prendre au ministre de la langue française, M. Ryan, lui citant des références durant les années où il était au Devoir et où il soutenait certains idéaux. Moi, j'aimerais reprendre, à la page 193, M. le Président, des articles de M. Ryan ? si vous me le permettez, M. Ryan ? votre editorial daté du 2 avril faisant ressortir que les droits de la communauté anglophone étaient sérieusement amoindris par les critères limitant l'accès à l'école anglaise. Et M. Ryan de dire: Ils s'en prirent également à la prétendue suspension de l'article 133 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique et à la disposition sur l'affichage qu'ils jugeaient franchement abusives et nettement contraires aux principes les plus élémentaires de la liberté d'expression. Ça, Mme Blackburn a oublié de dire ça, la députée de...

Une voix: Chicoutimi.

Mme Boucher Bacon: ...Chicoutimi. Au cours de la fin de semaine, Ryan examina à fond l'utilisation que faisait le livre blanc des études de la commission Gen-dron. Il en fut scandalisé. Son editorial du lundi accusa les auteurs d'avoir dénaturé le rapport et d'en avoir tronqué les citations pour faire croire au public ? comme aujourd'hui, ces gens-là ? que la situation du français dans le monde des affaires était beaucoup plus dramatique qu'elle ne l'était en réalité.

Merci, M. le Président.

Une voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, Mme la députée de Bourget.

Sur la même motion, je cède la parole à Mme la députée de Johnson.

Mme Carmen Juneau

Mme Juneau: Merci, M. le Président.

D'entrée de jeu, je voudrais vous expliquer ou tenter de vous expliquer pourquoi, le 8... Est-ce que vous voulez la parole, mon cher collègue?

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Allez-y, Mme la députée de Johnson.

Mme Juneau: D'entrée de jeu...

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Ça va mieux, là!

Mme Juneau: ...M. le Président, je voulais vous expliquer pourquoi le 8 au matin, 6 h 10, on est en train d'étudier le projet de loi 86. Ça a commencé l'automne dernier. L'automne dernier, lors du référendum, où la majorité de Québécois a répondu un gros «non» aux offres de Charlottetown, vous vous souvenez de ce qui est arrivé. C'est qu'après ça le premier ministre est arrivé ici la tête basse, disant: II faut absolument qu'on s'occupe d'économie. Parce que c'était dramatique. Mon collègue d'Arthabaska, tout à l'heure, l'a mentionné, c'était dramatique. On croyait, comme le premier ministre l'avait dit, qu'il s'occuperait d'économie.

Après 8 ans, il me semble qu'on était en droit de s'attendre qu'il pourrait s'occuper d'économie, parce que, durant les 8 années où le Parti libéral a été au pouvoir ? ça va faire 8 ans le 2 décembre 1993 ? il y a eu des années de vaches grasses où tout allait bien et il s'est laissé bercer par la vague pendant que ça allait bien. Là, quand on est tombé en récession, ça fait 3 ans, je pense, qu'on est en récession, bien proche 3 ans, comme ils n'avaient pas été habitué à se forcer les méninges pour trouver des programmes ou des choses pour remettre le train sur les rails, ils ont continué comme ils l'avaient fait depuis leur élection, c'est-à-dire, s'il y avait des problèmes, d'aller fouiller dans la poche des contribuables.

M. le Président, quand ça fait 8 ans que tu es aux commandes d'un gouvernement, que tu te regardes et que tu regardes ce que tu as fait, que tu te rends compte que tu es loin d'être les champions de l'économie... C'est plutôt les champions des pertes d'emploi. Il y a eu des centaines de commerces qui ont fermé leurs portes et des milliers de personnes ont perdu leur emploi, depuis 8 ans qu'ils sont là. Et ce matin, c'est-à-dire hier matin, parce que ça fait 2 jours qu'on ne s'est pas couchés, le député posait une question, le député Lazure...

Une voix: De La Prairie. (6 h 10)

Mme Juneau: ...de La Prairie, posait une question en cette Chambre faisant état qu'il y avait au-delà de 700 000 personnes qui étaient assistées sociales. M. le Président, c'est grave ça, quand on est rendu qu'il y a au-delà de 700 000 personnes qui reçoivent des prestations d'aide sociale. Donc, c'est la raison pour laquelle on ne voulait pas que les gens regardent la piètre performance du gouvernement libéral et voient le budget qu'on nous a présenté dernièrement, qui est un budget extrêmement déficitaire et qui a fait que la firme Moo-dy's a décoté le Québec.

Alors, on s'est dit: Qu'est-ce qu'on va faire pour camoufler tout ça, parce que c'est les champions du camouflage? Donc, les élections s'en venaient. On a dit: Bon, on va mettre sur pied, encore une fois... revenir avec un projet de loi touchant à la langue d'un peuple parce que la langue, M. le Président, ça n'appartient pas à un parti politique, ça. La langue, ça appartient à un peuple, aux hommes et aux femmes qui parlent cette langue. C'est à eux que ça appartient.

Donc, on est revenu avec le projet de loi 86 pour camoufler la piètre performance du gouvernement libéral. C'est pour ça que, depuis hier, le 7 juin à 15 heures, et de façon continue, on étudie le projet de loi 86. Voilà les raisons. Puis, en plus de ça, vous savez, M. le Président, que les élections s'en viennent. Ça va faire 4 ans qu'on a été élus pour cette dernière Législature. Ça va faire 4 ans, le 25 septembre 1993. Donc, il va de soi que, d'ici un petit peu plus que 1 an, on sera obligé d'être en élections.

Alors, le projet de loi 86, c'est pour ramener, ramener auprès du Parti libéral les anglophones qui avaient quitté depuis la loi 178. Donc, c'est la raison pour laquelle, aujourd'hui, on étudie le projet de loi 86, M. le Président. Et, moi, je voudrais m'attarder surtout à la partie qui traite du français au travail parce que j'ai vécu des choses, M. le Président. Je vais vous raconter.

Vous savez, je suis venue au monde dans une petite ville qui s'appelle Windsor, où il y a une grosse compagnie qui s'appelle Domtar. Ça fait 135 ans qu'on a une papetière chez nous. Ce n'est pas d'hier, hein! Ça ne fait pas 135 ans que ça s'appelle Domtar, bien sûr, ça fait beaucoup moins que ça, mais assez longtemps pour vous raconter qu'est-ce qui se passe.

Moi, j'ai 3 générations de ma famille qui ont travaillé chez Domtar. Et, avant que la loi 101 passe, où on obligeait les grandes entreprises à franciser, bien, mon père, là, quand il travaillait chez Domtar... Il s'appelait Raymond Cloutier. Il n'avait pas un nom anglophone. Donc, il n'avait pas de poste de commande. Puis, quand les gars travaillaient sur la machine à papier, là, ils avaient tous des noms anglais. Ça s'appelait le «runner» de la machine, ça s'appelait le «back tender» de la machine. Ça s'appelait aussi... ils parlaient du «wire» de la machine, hein? Ça, c'est une espèce de flanelle qui passe, puis le papier passe là-dessus. C'étaient tous des termes anglais. Les gars se criaient ça, puis ils parlaient une couple de mots en français, puis, ensuite, ça retournait aux mots anglais.

Quand la loi 101 est passée, là, Domtar a francisé, a rééduqué tout le personnel à ce qu'il n'y ait que du français qui soit utilisé à l'intérieur de l'usine. Et, comme par, je ne sais pas, moi, miracle, je ne sais pas trop, les hommes d'expérience et les hommes qui étaient capables ont occupé depuis ce temps-là des postes de commande, des hommes qui étaient des francophones.

M. le Président, qui voudrait revenir aux planches à laver, et aux traîneaux à chevaux l'hiver, et aux rouleaux pour rouler la neige, et à la chandelle? Qui c'est qui voudrait revenir à ça? Moi, je ne veux pas que, chez Domtar, ça revienne comme c'était. C'étaient les «English big bosses» qui étaient les dirigeants de l'usine, puis les francophones, même si c'était des hommes

extraordinaires, ils n'avaient pas de postes de commande. Je ne veux pas revenir là, M. le Président.

Ça m'inquiète parce que, dans la loi 86, il n'y a rien qui va forcer les entreprises à continuer de se franciser. Il n'y a rien qui nous dit que ceux qui veulent avoir un permis, le permis des ordres professionnels... Dans la loi 86, ils vont pouvoir essayer 1 fois, 2 fois, 3 fois. Il n'y a rien là. Il n'y a pas de limite. Tandis que, dans la Charte de la langue française, quand tu t'étais essayé 2 fois pour avoir ton permis, si tu ne réussissais pas, bien, c'était bien de valeur. Puis, l'Office de la langue française a fait des recommandations, au niveau du gouvernement, afin qu'on ne recule pas dans la francisation des entreprises. On a dit, M. le Président: Que l'Office de la langue française situe son programme d'animation auprès des entreprises employant de 10 à 49 personnes dans les tous premiers rangs de ses priorités stratégiques et qu'il y consacre les ressources appropriées.

L'Office de la langue française disait aussi qu'on devait s'orienter vers des actions d'information et de mobilisation non pas individuelles, mais regroupant des entreprises, par exemple, selon les secteurs d'activité ou la région. L'Office disait aussi: Que là où il y a des associations représentatives des travailleurs et des travailleuses, l'Office ait le souci de les atteindre; que les alliances stratégiques puissent être conclues entre l'Office, les associations patronales et les centrales syndicales; qu'afin d'atteindre les allophones il est essentiel que des mesures d'intégration linguistique soient offertes sur les lieux de travail. Et L'Office de la langue française disait aussi souhaiter jouer un rôle de coordination dans les interventions auprès des allophones sur les lieux de travail.

Est-ce que le ministre responsable de l'application de la Charte de la langue française les a écoutés, M. le Président? Non! Non, M. le Président, il a même diminué leurs possibilités. C'est ça qu'il a fait. Au lieu d'écouter les conseils pour continuer dans la francisation des entreprises, il a fait en sorte de diminuer les pouvoirs de L'Office de la langue française.

M. le Président, comment vous pensez que des gens qui ont souffert d'une certaine situation existante, dans les entreprises, comme mon père, comme mes frères... Ils ont subi des choses inacceptables, au niveau de l'autorité qu'il pouvait y avoir dans l'usine. Puis là je parle de la mienne, mon usine, que je connais très bien, parce que je ne veux pas parler à travers mon chapeau. Je pourrais donner des centaines d'autres exemples, mais je les connaîtrais moins bien. Et je ne voudrais pas prétendre, dire que, dans d'autres entreprises... Mais je le sais, M. le Président. Je sais que, dans d'autres entreprises, ce n'est pas à point. On dit que plus de 30 % d'entreprises de plus de 100 employés n'ont toujours pas de programmes de francisation. Pensez-vous, avec la mollesse de la loi 86, qu'on va parvenir à faire que ces centaines encore... ces grandes entreprises de 100 employés et plus se francisent, avec la loi 86? Non, M. le Président. La loi 86, c'est pour faire plaisir, c'est pour ramener des gens au bercail, l'autre côté, et c'est pour laisser faire et laisser aller. C'est ça, la loi 86.

Puis, vous savez très bien, aussi, que, dans les petites entreprises, les petits commerces, il y a, bien souvent, des propriétaires qui ne parlent pas un mot français. Donc, qu'est-ce qu'on va faire, si nos personnes n'ont pas la connaissance des 2 langues? Remarquez bien que je souhaiterais connaître aussi bien l'anglais que je peux parler français, comme, je pense bien, tous les Québécois souhaiteraient être en mesure de pouvoir comprendre et s'exprimer dans une autre langue que leur langue maternelle qui est le français, mais ce n'est pas toujours possible. C'est comme des allophones, comme des immigrants qui arrivent ici. Quand les personnes sont plus ou moins âgées... C'est difficile pour une grand-maman qui arrive de l'extérieur, qui vient s'implanter ici au Québec, d'apprendre la langue. C'est difficile. Pour les jeunes, c'est plus facile peut-être, mais, pour les personnes âgées, c'est plus difficile. Et, dans ces entreprises, il y a des personnes plus âgées qui n'ont pas la facilité de l'apprendre, l'anglais. (6 h 20)

Donc, M. le Président, ça va faire en sorte, avec le fait qu'on va laisser aller, que, dans les petites entreprises, les gens seront pris avec l'obligation de se forcer à parler anglais ou de perdre leur travail. C'est ça qui va arriver. Il y va avoir des exigences semblables où on ne leur laissera pas la chance, même si ce sont des gens d'expérience, même si ce sont des gens qui rendraient service au commerce ou à l'entreprise qui voudrait bien les embaucher, M. le Président. Mais, à cause que le gouvernement libéral n'aura pas... ne se sera pas tenu debout pour faire en sorte que les entreprises et les commerces se francisent, à ce moment-là, ce sont nos gens, nos gens de chacune de nos familles qui paieront la note pour les personnes qui n'auront pas la possibilité de pouvoir s'exprimer et de comprendre une autre langue que leur langue maternelle, qui est le français.

Donc, M. le Président, je prétends que c'est un recul, que la loi 86 est un recul et que personne, mais personne ne voudrait reculer en arrière et tomber avec ce qui existait avant, et vous savez très bien, M. le Président, que, depuis que la loi 101 est implantée au Québec, on a connu une paix sociale, et le message que les immigrants recevaient quand ils venaient s'implanter ici, au Québec, c'était que c'est en français que ça se passe. Aujourd'hui, quand ils arriveront, après que la loi 86 sera passée, où tout sera dans les 2 langues, ils vont dire: Qu'est-ce que ça me donne d'apprendre le français? On le traduit pour moi.

Parce que ça va être en anglais et en français sur les affiches, et, lorsqu'ils arriveront, au lieu de les obliger à apprendre le français, on les laissera libre d'apprendre la langue qu'ils veulent. Donc, qu'est-ce que vous pensez qu'ils vont faire? Ils vont apprendre l'anglais, M. le Président.

Et je pense que le peuple québécois est un peuple accueillant, est un peuple chaleureux, et pourquoi il y a tant de personnes qui veulent s'en venir ici, au Québec? À cause de cette chaleur, à cause de cette ouverture d'esprit et de coeur dont nous sommes, tout le monde.

À ce moment-là, moi, je dis que, s'ils s'en viennent au Québec, s'ils choisissent le Québec ? et ils sont les bienvenus ici ? bien, au moins, qu'ils apprennent notre langue, qu'ils soient obligés d'apprendre notre langue et que la francisation dans les entreprises puisse continuer, M. le Président, pour qu'on ait un visage véritablement français, un visage francophone, qui est notre langue maternelle.

Et je suis persuadée, M. le Président, que, si le gouvernement avait fait des efforts, et le ministre responsable, au lieu de faire à sa tête, lorsqu'il est en commission parlementaire, et dire à tous ceux et celles qui ne sont pas de son avis que ce sont des gens qui ne connaissent rien, qui ne comprennent rien et de les traiter d'une arrogance, M. le Président... Ce n'est pas comme ça qu'on fait qu'il y a une compréhension de part et d'autre, et qu'il y a de l'avancement, aussi, au niveau du peuple du Québec.

Nous allons voter contre la loi 86. Nous pensons que cette loi-là n'aurait pas dû, premièrement, être appelée à ce moment-ci des décisions importantes que le gouvernement aurait dû prendre pour remettre les gens au travail. N'oubliez pas, M. le Président, plus de 700 000 personnes n'ont pas de travail, sont des assistés sociaux. Combien de commerces sont fermés parce qu'il n'a pas mis de programme pour remettre les gens au travail? M. le Président, ce n'est pas comme ça qu'on dirige un pays. Et je pense que le gouvernement aura à se frapper la poitrine pour le manque de perspicacité et le laisser-aller qu'ils ont eu pendant les années qu'ils ont gouverné. Et, M. le Président, je pense que le peuple du Québec leur dira bien que: Assez, c'est assez.

Merci!

Le Vice-Président (M. Levebvre): Merci, Mme la députée de Johnson.

Mme la députée de Taillon, je vous cède la parole. Vous avez droit à une intervention de 20 minutes.

Mme Pauline Marois

Mme Marois: Je vous remercie, M. le Président.

Je ferai remarquer aux membres de cette Assemblée ? et pour les personnes qui pourraient encore avoir le courage de nous entendre et de nous écouter ? qu'il est 6 h 25 du matin. Je suis toujours étonnée, M. le Président, quand je me retrouve à cette heure pour intervenir ? parce que ce n'est pas la première fois que je le fais ? devant les membres de cette Assemblée, qu'il s'agisse toujours de projets dont l'importance est majeure pour le gouvernement. Si l'importance est majeure et si grande, comment se fait-il, d'une part, que l'on traite de tels projets de loi si importants... Et effectivement, le projet de loi qui est devant nous, il est important. C'est pour ça, d'ailleurs, que nous sommes vigilants à l'égard du gouvernement. Il est majeur, ce projet de loi. Comment se fait-il qu'on étudie ces projets de loi pendant la nuit, alors que, évidemment, on est très peu nombreux à nous entendre, à partager nos échanges? Comment se fait-il, M. le Président, que, si ce projet de loi est si important, le gouvernement n'intervienne pas sur son propre projet de loi?

Vous aurez remarqué, puisque vous suivez les débats depuis le début de la journée, si je ne m'abuse, que nous sommes davantage intervenus de ce côté-ci de l'Assemblée, de la Chambre, M. le Président, que de l'autre côté. Nous ne sommes pas les porteurs du projet de loi, M. le Président, c'est le gouvernement qui est le porteur du projet de loi. On intervient après que 3 ou 4 d'entre nous sommes intervenus. On pense qu'il serait un peu indécent, dans le fond, de ne pas avoir le courage de venir défendre sa loi, M. le Président. Alors, je vous fais ces remarques parce que je trouve ça un peu désolant qu'un gouvernement qui a la prétention de nous dire que c'est une loi majeure qui va concerner l'ensemble du peuple québécois n'ait pas le courage de procéder à l'étude de cette loi-là en plein jour, au moment où on peut, sûrement de façon un peu plus sereine, aborder les questions qui nous sont présentées dans le cadre de cette loi, et que, en plus, le gouvernement semble se désintéresser de cette loi.

Un certain nombre de collègues de cette Assemblée, tant de ce côté-ci que de l'autre côté de la Chambre, sont intervenus pour dire que leurs concitoyens et leurs concitoyennes leur avaient parlé des débats que nous avions au sujet de la langue. C'est assez étonnant que, finalement, les perceptions qu'on en ait soient si diamétralement opposées. Moi, la première réaction, d'une part, que moi-même j'ai eue mais qu'ont eue mes concitoyens... Puis ils ont appelé à mon bureau de comté. Vous savez, on a l'habitude de dire, dans les comtés, que, lorsqu'on reçoit quelques téléphones, cela signifie qu'un nombre beaucoup plus important de personnes pensent la même chose, mais que certains font le geste, décident d'appeler. Je suis persuadée que tout le monde ici partage cette opinion et connaît bien le phénomène. On nous a appelé et on nous a dit: Non, ce n'est pas vrai, on ne va pas rouvrir ce dossier qui concerne la langue, en plein marasme économique, en pleine crise de chômage. Alors que nos citoyens sont désespérés, M. le Président, alors que les régions nous lancent des cris d'alarme de toutes parts, le gouvernement décide qu'il va rouvrir le dossier de la langue. Aucun de mes concitoyens ne m'a dit que c'était pertinent.

Mais, voyez-vous, M. le Président, ça, c'est une attitude de gouvernement de fin de régime qui n'entend plus les gens qui lui parlent, qui n'est plus sensible à ce que vivent les gens qu'il représente. Et cela est tellement vrai, M. le Président, que ce gouvernement, par la voix du ministre responsable de la loi que nous étudions, a lui-même défini la liste des organismes qu'il voulait entendre, que son gouvernement voulait entendre. Il n'a pas laissé ouvert le débat. Il n'a pas permis à ce que des gens qui voulaient pouvoir présenter leur point de vue le fassent, M. le Président. Il a décidé qu'il choisissait qui il voulait entendre. Cela a donné, évidemment, les résultats que, lui, il voulait obtenir, en même temps, M. le Président.

Mais c'est très malsain, je crois, c'est très malsain pour la démocratie, et, à ce moment-là, il n'entend pas

ce que nous disent, nous, nos concitoyens et nos concitoyennes. C'est évident qu'il va nous dire, M. le Président: Oui, mais j'avais un jugement de l'ONU et j'avais cette fameuse clause «nonobstant» que je devais renouveler. Eh bien, il fallait la renouveler, M. le Président. Cela aurait été simple. Nous aurions concouru à l'adoption d'un tel renouvellement. Ça aurait pris à peine quelques heures de débat devant l'Assemblée nationale, et ce fragile équilibre auquel nous sommes arrivés en matière linguistique aurait été maintenu. (6 h 30)

Ça ne nous satisfait pas nécessairement, ce à quoi nous sommes arrivés actuellement, de ce côté-ci de la Chambre. La loi 178, nous ne l'aimons pas plus que d'autres ne l'ont pas aimée de leur côté, tellement qu'ils ont démissionné de leur fauteuil de député, et de ministre dans certains cas, M. le Président. Mais, cela étant dit, nous étions arrivés à une certaine forme d'équilibre, à une certaine paix sociale. Nous aurions concouru donc au fait que nous renouvelions la question du «nonobstant», et nous nous rendons compte maintenant, après avoir pris la peine de bien étudier ce que signifie le jugement de l'ONU, qu'il n'a absolument pas l'impact ou qu'il ne commande absolument pas la loi que nous étudions, M. le Président. Et, très clairement, ma collègue porte-parole dans ce dossier, la députée de Chicoutimi, a eu l'occasion, tant en commission parlementaire que devant les membres de cette Assemblée, M. le Président, de faire une démonstration très claire que ça n'avait absolument pas l'importance que l'on a voulu accorder ou nous faire accorder, que ce jugement de l'ONU, M. le Président. D'ailleurs, mon collègue de Westmount est revenu sur cette question-là en identifiant exactement ce qui faisait que ça devenait très circonscrit, que ce jugement de l'ONU, au fait qu'on attachait ce droit à une personne, quant à la possibilité qu'elle puisse afficher dans son commerce, M. le Président, mais qu'on ne reconnaissait pas des droits à des entreprises et à des sociétés. Or, on ouvre actuellement très largement la loi et, en faisant cela, on ne répond pas essentiellement au jugement que nous a présenté le Comité de l'ONU. Mais on décide d'agir, et là, je pense qu'encore une fois on l'a largement démontré ici, on décide d'agir essentiellement pour s'assurer d'aller récupérer Pélectorat qui avait donné son appui au Parti Égalité, M. le Président, à Equality Party. Et ce n'est, finalement, qu'une triste manoeuvre électoraliste.

Lorsque nous parlons de la question de la langue, je ne crois pas que nous devons troquer cette responsabilité qui nous incombe comme parlementaires, de nous assurer que nous continuions ici, sur ce territoire, à parler français, à vivre en français, à nous développer en français et à nous ouvrir sur le monde en français. Jamais je n'accepterai, M. le Président, qu'on vienne nous dire, devant cette Assemblée, que de vouloir conserver notre langue, d'en être fiers, de participer à la collectivité internationale dans le respect de ce que nous sommes, avec notre culture et avec notre différence, jamais je n'accepterai qu'on nous dise que c'est un repli sur soi. Cela peut être, au contraire, une richesse ex- traordinaire qui nous permet de participer au concert des nations. C'est ça, une culture, M. le Président, et c'est ça, une langue différente, en autant, cependant, qu'on sache être capable de la garder sans brimer les droits des minorités sur ce territoire. Et s'il y a un endroit au monde, M. le Président, où nous avons reconnu ces droits, où nous les avons respectés ? et j'en suis très fière, et jamais, M. le Président, jamais je ne vais accepter que l'on brime ces droits, parce que je pense que c'est fondamental dans nos sociétés démocratiques... Mais, actuellement, ce que l'on fait, ce n'est pas cela, M. le Président, c'est qu'on risque, on prend le risque que la langue au Québec perde l'avance qu'elle avait enfin fini par prendre et la place, surtout, qu'elle avait fini par occuper dans l'ensemble de nos vies, nous permettant de vivre, de communiquer, de travailler en français ici, au Québec, M. le Président.

Pour faire un lien avec ce que je disais au départ, à savoir que le gouvernement avait bien d'autres chats à fouetter, et je suis persuadée que nos concitoyens et nos concitoyennes le lui reprochent actuellement, très clairement... Le gouvernement avait bien d'autres chats à fouetter. Il fallait qu'il s'occupe d'économie. Il fallait qu'il s'occupe d'emploi. Il fallait qu'il redonne espoir aux gens qui vivent dans la misère actuellement, M. le Président. Il fallait qu'il donne ce coup de pouce à la reprise qui est léthargique, M. le Président, et qui ne donne pas les effets escomptés sur l'emploi. Pour faire un lien, justement, entre les questions économiques et les questions linguistiques et l'importance qu'il y a de pouvoir préserver non seulement notre langue... c'est-à-dire non seulement de préserver notre langue, mais de pouvoir la développer et continuer de vivre ici, sur ce territoire, en français, j'aimerais faire référence à une analyse fort pertinente et intéressante, publiée par un groupe de recherche en économie et gestion, sous la plume de Pierre-André Julien. Cet article est paru dans Le Devoir de samedi dernier. C'est donc tout récent, et j'aimerais pouvoir en faire part aux membres de cette Assemblée parce que je pense qu'on peut tirer des conclusions de cette analyse qui nous est présentée. M. Julien nous dit ceci: «Les économistes libéraux, et probablement Ryan et Bourassa, ne comprennent pas ces éléments de base nécessaires à la nouvelle compétitivité mondiale car ils ont désincarné complètement l'économique en croyant qu'elle évolue en marge des autres éléments sociétaux et qu'elle obéit à des lois d'une rationalité indépendante de la réalité socio-culturelle des pays. Au contraire, l'économique ne fonctionne que dans un espace social et grâce à cet espace social. C'est ce qui explique le dynamisme particulier du Japon et de l'Allemagne (de l'Ouest). En effet, ces pays ont peu de richesses naturelles. Leurs économies ne sont pas tellement plus inventives que les autres et ne recourent pas tellement plus aux robots et aux autres technologies de pointe. C'est essentiellement leur cohérence socio-culturelle qui soutient leur système de production particulièrement efficace et ainsi leurs succès dans les dernières décennies.»

Et il continue en disant: En fait, ceux et celles qui

ont besoin d'une protection en matière linguistique, c'est particulièrement la classe moyenne, pour ne pas perdre sa cohérence sociale capable de soutenir son dynamisme économique. On ne connaît pas d'économie dynamique qui se soit appuyée sur une population en situation de désintégration culturelle avec la disparition lente de sa langue. La protection de la langue française est non seulement importante du point de vue culturel, mais elle est un moyen privilégié pour soutenir le développement économique du Québec, M. le Président.

Alors, ceux et celles qui voudraient nous faire croire, comme on tente de le faire actuellement, que l'existence d'une Charte de la langue française au Québec, le fait que nous ayons adopté la loi 101, a été un élément qui a nui à notre progrès et à notre développement économique, ce qu'on nous dit, c'est l'inverse. C'est que cela prend, pour pouvoir se développer, pour pouvoir progresser, une cohésion au plan culturel, au plan linguistique, bien sûr, cela va se soi, c'est la façon d'être, de dire, de communiquer, c'est la façon d'agir qui est influencée par, évidemment, et notre culture et notre langue. Et, à cet égard, c'est tout à fait décevant que le projet de loi 86 non seulement réduise les lois linguistiques et fasse en sorte qu'on intervienne même au niveau de l'école, mais ce qui est inquiétant, M. le Président, non seulement l'affichage, ce qui est inquiétant, c'est qu'on n'aille pas plus loin du côté de la francisation dans les milieux de travail, M. le Président, et ça, c'est très inquiétant, malgré des avis venus du Conseil de la langue française, malgré des avis et des opinions émises par des représentants des travailleurs et des travailleuses qui sont venus devant le comité, M. le Président. Ils avaient eu la chance, évidemment, d'être invités par le ministre qui avait daigné vouloir les recevoir, M. le Président. Ces gens qui sont venus nous dire qu'on craignait actuellement que le recul s'intensifie en matière de français langue de travail. Si vous le permettez, je vais retourner aux mémoires et aux échanges qu'il y a eu entre la commission et, entre autres, la Fédération des travailleurs et des travailleuses de Québec, où on dit que, dans bien des entreprises de 50 personnes et plus où il y a obligation, le français n'est pas la langue de travail. (6 h 40) en effet, on fait référence à une étude de l'office. on dit que dans les entreprises de 50 personnes ou moins, dont le chef parle français, dont le propriétaire parle français, 79,5 % des gens parlent français. par contre, si on va dans les entreprises du même type, où les propriétaires sont anglophones, on parle de 27 % des répondants qui pourraient travailler dans ces entreprises en français, m. le président. et lorsqu'on parle d'entreprises possédées ou dirigées par des allophones, on parle de 16 % de répondants qui pourraient s'exprimer en français, m. le président.

Ce qu'il faut savoir, c'est qu'actuellement ? on l'a toujours dit évidemment ? le Québec est le royaume de la petite et de la moyenne entreprise, mais c'est d'autant plus vrai depuis un certain nombre d'années où, essentiellement, l'emploi qui est créé, l'emploi qu'on peut voir apparaître dans un certain nombre de nouveaux secteurs, essentiellement, apparaît dans la petite et dans la moyenne entreprise, M. le Président. Alors, si on laisse se détériorer la situation au niveau des entreprises de moins de 50 employés, c'est évident que nous perdons une certaine forme de contrôle et qu'on voit ainsi se gruger l'avance que l'on avait prise en matière de français langue de travail, M. le Président. Et on sait fort bien que, là encore, si la langue de l'école est absolument fondamentale, si on doit s'assurer que les gens qui choisissent de venir vivre au Québec, qui choisissent de venir partager avec nous notre vie économique, culturelle, sociale, on doit leur offrir de s'inscrire et de participer à la majorité francophone, c'est par l'école qu'évidemment s'engage le processus d'intégration dans une société.

Cependant, pourquoi vouloir apprendre le français, M. le Président? Pourquoi vouloir participer à cette majorité si ensuite, pour gagner ma croûte, pour aller gagner ma vie et pouvoir participer au marché du travail je ne peux plus le faire en français, M. le Président? Alors, il va de soi que nous devons intervenir dans ces deux champs d'activité d'une façon majeure et sans aucune espèce de réserve. Et, dans ce sens-là, actuellement, avec la loi 86, d'une part, on attaque la question de l'école et, d'autre part, ce que l'on fait, c'est «niet», rien en matière d'amélioration de la situation linguistique afin que les gens puissent s'exprimer en français dans leur milieu de travail, M. le Président.

C'étaient les recommandations, je le répète, du Conseil de la langue française, mais, malheureusement, il semble que le ministre soit davantage sensible au point de vue apporté par le Parti Égalité. Je comprends que le Parti Égalité défende son point de vue, mais le ministre, lui, doit se situer au-dessus de l'ensemble des partis pour essayer d'être le garant, celui qui va préserver les intérêts de la majorité, M. le Président. Et, actuellement, ce n'est pas ça qu'il assume comme responsabilité au sein de son gouvernement, ni son équipe d'ailleurs.

En terminant, M. le Président, puisque vous me signifiez que mon temps est écoulé, je vais me référer... Le ministre, parfois, aime bien les suggestions. Je le réfère au projet de loi 191 qui avait été déposé d'ailleurs par le député de Taillon à l'époque, par l'Opposition officielle, le 2 décembre 1988, et qui faisait un certain nombre de recommandations, traduites d'ailleurs dans un projet de loi dûment déposé, je le redis, et qui proposait que nous allions plus loin en matière de français langue de travail et en matière de français pour permettre aux travailleurs et aux travailleuses de voir leurs droits mieux protégés. Je crois que le peuple que nous formons, avec la minorité qui le compose, mérite plus, d'avantage que la loi qui nous est offerte maintenant et sur laquelle, évidemment, et avec conviction, M. le Président, je vais voter non.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, Mme la députée de Taillon.

Sur la même motion, M. le député de Richelieu,

vous pouvez, si vous le souhaitez, intervenir pour 20 minutes. Allez-y.

M. Albert Khelfa

M. Khelfa: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir d'intervenir dans ce débat sur la question linguistique. M. le Président, vous le savez sans doute, le débat linguistique, c'est le débat qui a toujours animé la société québécoise depuis 200 ans. En haut de vous, il y a le tableau du premier débat linguistique dans cette Chambre, il y a 200 ans. Donc, ce n'est pas une nouvelle question, mais ça demeure toujours une question de l'heure et une question réaliste parce que ça touche la réalité culturelle et l'identité de tous les Québécois et de toutes les Québécoises.

M. le Président, à entendre et à écouter l'Opposition, si je ferme mes yeux et que je retourne dans le temps, en décembre 1988, j'entends exactement les mêmes discours, exactement les mêmes discours disant que la loi 178 va angliciser le Québec, le Québec sera à la dérive. Aujourd'hui, 5 ans plus tard, le Québec conserve et améliore la qualité du français et la qualité de la culture québécoise, la culture française à tous les niveaux.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Oui, Mme la députée.

M. Khelfa: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Un instant, M. le député de...

Une voix: Si vous permettez, ce n'est pas parce qu'il est 6 h 45 qu'on ne doit pas...

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, on va demander le quorum. Qu'on appelle les députés, qu'on appelle les députés. (6 h 50 - 6 h 54)

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Allez-y, M. le député de Richelieu.

M. Khelfa: Merci, M. le Président, mais je suis surpris que la députée de Taillon ait demandé le quorum, puis elle s'est évaporée, elle s'est sauvée. Elle n'a pas de résistance.

M. le Président, comme je disais tantôt, le débat que nous avons aujourd'hui, c'est un débat où le gouvernement, le gouvernement actuel et le ministre responsable ont pris leurs responsabilités, et on a mis sur la table la loi 86 afin de corriger une lacune et atteindre l'objectif visé, à savoir de conserver l'identité québécoise, l'identité culturelle québécoise et protéger la langue française.

M. le Président, vous allez me permettre de vous lire un titre dans le Journal de Québec, lundi 17 mai 1993: La loi 101, mauvaise pour la réputation du Québec. Savez-vous qui a déclaré ça?

Une voix: Lucien Bouchard.

M. Khelfa: C'est vrai, Mme la députée de Saint-Henri. Ce n'est pas un libéral. C'est Lucien Bouchard lui-même qui a dit: La loi 101 est mauvaise pour la réputation du Québec. Imaginez-vous quelqu'un qui veut défendre et promouvoir le Québec, puis il annonce une chose pareille! C'est un illogisme total.

Puis, le même auteur, il nous dit... Il favorise une révision des lois linguistiques du Québec. Donc, on est devant une situation d'action. Le gouvernement devait agir et il a agi. Le gouvernement devait prendre ses responsabilités. Il le fait. Imaginez-vous, M. le Président, si, par malheur, on avait acquiescé à la demande de l'Opposition de reporter le débat de six mois, ce qui nous rapporterait au 31 décembre 1993, quel discours ces mêmes personnes... nous dire: Vous n'êtes pas prévoyants, vous n'avez pas eu le temps de déterminer et légiférer en fonction de la réalité. «Ç'a-tu» de l'allure, M. le Président?

C'est normal pour eux autres de s'opposer. Mais il faut penser, pas en fonction de leurs besoins électora-listes, et ils ne doivent pas penser en fonction de leurs besoins partisans. Ils doivent, dans un débat comme celui du débat linguistique qui touche l'ensemble du Québec, penser en fonction du Québec. S'ils veulent défendre le Québec, son identité et sa culture française, qu'ils se rallient et qu'ils votent pour la loi 86, qu'ils soient responsables, une fois pour toutes, qu'ils nous le démontrent.

Mais malheureusement, M. le Président, je pense que mon message ne sera pas reçu par l'Opposition parce qu'elles sont seulement deux personnes présentes ici. Même si on réussit à convaincre les deux députés qui sont là, les 30 autres, qu'est-ce qu'ils feront?

M. le Président, vous allez me permettre de vous mentionner que, dans le débat linguistique, une fois de plus, on dit: Et si on se trompait de coupable? J'invite l'Opposition à lire cet article de Paul Roux. Et si on se trompait de coupable? À la place de pointer du doigt l'autre côté de la Chambre, regardez-vous dans le miroir. Qu'est-ce que vous avez fait? Qu'est-ce que vous avez fait en 1984 avec le jugement que vous avez reçu? Vous l'avez appliqué sans avoir le courage de légiférer pour corriger la réalité. Puis là, vous accusez le gouvernement aujourd'hui de vouloir agir. Il y a quelque chose qui ne marche pas. Malheureusement, M. le Président, le ridicule ne tue pas, parce que si le ridicule tuait, on allait avoir 32 élections partielles. Ça veut dire votre disparition.

M. le Président, la loi 86, elle corrige, tout en conservant, en obligeant, en mentionnant que le français doit être présent partout. Le français, il doit être affiché partout et en permettant une deuxième langue. Quand on parle d'une deuxième langue, on voit l'Opposition... elle saute d'une façon terrible. Elle dit: C'est la présence de l'anglais! Mais non, on parle d'une deuxième langue. Ce n'est pas une présence uniquement anglaise. C'est une deuxième langue.

Puis là, on vous demande ici, dans la loi... Lisez-

là. Lisez-là, mais comprenez. Lisez et comprenez. Lisez-là d'une façon non partisane, pour une fois. Peut-être que ce sera difficile, mais quand même. Là, on vous dit, au niveau de l'affichage, qu'on corrige une situation pour se conformer avec le jugement et avec la réalité québécoise. C'est ça qu'on vous dit. Puis, on dit qu'au niveau de la sécurité routière, au niveau de l'accueil, au niveau de l'efficacité, là, on légifère en fonction de ces trois paramètres: la sécurité, l'efficacité et l'accueil. C'est normal. Si on veut conserver le Québec sur l'échiquier mondial et être un partenaire à part entière, on doit s'ajuster à la réalité de 1993, et nous sommes à l'aube du XXIe siècle.

M. le Président, je ne veux pas être très long, mais j'aimerais souligner un petit point. Vous savez sûrement, M. le Président... Vous avez déjà lu l'édito-rial de La Presse du 19 mai 1993. Quand on dit: Non merci, Montréal n'a pas besoin de vous. Mais, j'aimerais ajouter à ce que M. Alain Dubuc a dit: Non merci, le Québec n'a pas besoin de vous. (7 heures)

C'est l'ensemble du Québec qui n'a pas besoin des divisionnaires et non-divisionnaires. C'est malheureux, ce que vous faites, ce que vous semez, c'est une division entre l'ensemble des citoyens pour pouvoir collecter un supposé dividende quelconque. Mais, malheureusement, M. le Président, pour vous, le Québec et les Québécois et les Québécoises sont fiers de leur langue, sont fiers de leur identité, sont fiers de ce qu'ils ont bâti depuis des années.

Rappelez-vous, dans les années soixante, c'était affiché partout en anglais, mais la détermination des Québécois et des Québécoises et la volonté de donner une image et une réalité francophone en Amérique du Nord, ça a été traduit aujourd'hui par ce que nous avons au Québec, à Montréal et à travers l'ensemble du Québec.

M. le Président, c'est vrai, c'est une heure avancée de la journée, mais le débat est tellement important. J'espère et j'ose espérer que l'Opposition se révise, puis décide de participer d'une façon positive, pas comme on a vu pendant la commission parlementaire, pendant les audiences. Nous avons vu, nous avons entendu de la part du porte-parole officiel de l'Opposition seulement des commentaires ? je ne peux pas, ce n'est pas dans mon langage d'utiliser «mesquins», mais, quand même, c'est une réalité. C'était des attaques non fondées; c'était juste pour occuper le temps, mais, malheureusement, M. le Président, nous avons vécu une période avec l'Opposition qui était bien particulière.

J'ose espérer que l'étude article par article, à la commission parlementaire de la culture, peut être beaucoup plus positive que l'expérience que nous avons eue avec eux autres, que ça soit une collaboration pour pouvoir, tous ensemble, améliorer et ratifier cette législation, pas pour le bien du gouvernement, mais pour le bien de l'ensemble des Québécois et des Québécoises.

Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député.

Alors, nous poursuivons. Nous en sommes toujours à l'étape de l'adoption du principe du projet de loi 86, Loi modifiant la Charte de la langue française.

Et je cède la parole à M. le vice-président de la commission de l'économie et du travail et député de Laviolette. M. le député.

M. Jolivet: De Joliette?

Le Vice-Président (M. Bissonnet): De Laviolette. M. Jean-Pierre Jolivet

M. Jolivet: De Laviolette. Merci, M. le Président.

Vous étiez avec moi tout à l'heure, il y a 6 heures maintenant, au moment où nous avions proposé une motion d'ajournement, dans laquelle nous indiquions qu'il était anormal que le gouvernement, dans un projet de loi aussi important, nous amène à siéger durant toute la nuit.

J'écoutais le député de Richelieu. J'étais un peu déçu parce que je le connais comme un gentleman ? si vous me permettez l'expression ? mais, faire allusion à des gens qui étaient ici... en Chambre, du côté de l'Opposition, ou à ma collègue, qui a passé la nuit avec moi et qui a dû quitter pour aller faire un repos normal, prendre un repos normal, alors que j'aurais pu en faire autant, de l'autre côté, avec des gens appuyés sur leur bureau, avec des gens qui n'étaient pas présents, avec des gens qui, finalement, étaient un peu partout, sauf dans la salle, ici. Mais on n'en a pas fait, et je n'en ferai pas mention.

Je vous dirai, cependant, que je suis toujours surpris quand on arrive à dire que, pour des questions de sécurité, pour des questions de s'assurer que les gens qui viennent ici puissent avoir l'occasion de ne pas être pris dans des accidents parce qu'ils ne savent pas lire les pancartes, je suis toujours surpris, M. le Président, parce que, quand on va à l'extérieur, on va dans la langue de ceux qui nous reçoivent. Puis, on apprend. Il y a des signes internationaux.

Je vous en donne juste un exemple, parce qu'il ne faut pas prendre les personnes qui viennent nous visiter comme des innocents, comme des gens qui ne connaissent rien. L'Américain qui vient ici, le Japonais qui vient ici, l'Italien qui vient ici, ce sont des gens qui sont capables de se débrouiller, puis, quand ils sont pris, de demander des renseignements, puis de prendre les moyens de se renseigner avant de venir.

Mais je vous dirai, M. le Président: vous êtes assis dans votre auto; vous avez un miroir à votre droite. Nous sommes au Québec. Qu'est-ce qui est marqué dans votre miroir, à droite? Je le lis à toutes les fois, je m'amuse à le lire, c'est: Objects in this mirror are closer than they appear. Tout en anglais. Ça veut dire quoi? Ça veut dire que les objets que nous voyons dans le rétroviseur de droite, de la porte de droite, sont plus près que ce qu'ils «appèrent», ce qui est comme en

apparence. Pourquoi? Parce que c'est un moyen de se donner les distances nécessaires pour reculer et avancer et voir les voitures arriver à côté. Et pourtant, il n'y a jamais personne qui a demandé à ce que ce soit en français. C'est fait aux États-Unis, dans bien des cas, ces choses, ou c'est fait au Japon ou c'est fait ailleurs. Pourquoi les gens qui viendraient nous visiter seraient plus innocents que nous autres qui allons les visiter? Quand nous allons dans un pays qui a une langue différente de la nôtre, nous apprenons leurs sigles, nous apprenons leurs signes et nous apprenons leur langue, et puis nous nous débrouillons. Alors, pourquoi vouloir faire passer, sur la question de la sécurité, des gens pour des innocents qu'ils ne sont pas?

Ceci étant dit, M. le Président, je vous dirai qu'au niveau du projet de loi je suis aussi surpris parce que, au départ, le projet de loi avait pour but de régler un problème. C'est une clause, qui s'appelle la clause «nonobstant», qui vient à échéance au mois de décembre prochain. Quand le député de Richelieu fait mention que la demande de 6 mois nous reporte au 31 décembre, je pense qu'il ne sait pas compter. À ce moment-ci, si on l'avait acceptée, ça aurait été le 7 ou le 8 décembre, comme possibilité. Et le 7 et le 8 décembre aurait pu être un délai permettant de regarder avec plus d'attention et faire valoir des points de vue plus intéressants que ceux qu'on a entendus durant la nuit de la part des représentants du Parti libéral qui ? et je reprends la députée de Bourget ? parlaient de la langue d'enseignement.

Quand je lis le projet de loi et que je le lis froidement, comme quelqu'un qui est habitué de négocier, qui est habitué de voir des choses, qui est habitué de disséquer des phrases, on est capable de comprendre qu'il y a des dangers sur la question de la langue d'enseignement. Quand elle parlait de l'immersion, elle faisait mention d'un Anglais, un anglophone qui était dans une classe de français, qui avait un problème de mathématiques; qu'il était normal pour cet enfant-là, dans son problème de mathématiques, qu'on lui enseigne dans sa langue maternelle. Il n'y a personne qui va contester ça, M. le Président. Même chose pour un Espagnol; même chose pour un Italien; même chose pour les Grecs qui, arrivant au Québec, en vertu de la loi 101, doivent venir dans des classes de français, des classes françaises, donc ce qu'on appelle l'immersion française. C'est normal que si une difficulté apparaît, on lui enseigne dans sa langue pour qu'il comprenne davantage; dans sa langue maternelle, pas en anglais.

La loi, ce qu'elle dit: Si quelqu'un a de la difficulté, on l'envoie en anglais. Je comprends qu'un anglophone, c'est en anglais; qu'un Français, c'est en français; qu'un Italien, c'est en italien. Ce que l'on dit ? et je pense que c'est important de bien le saisir ? c'est que nous sommes dans des classes où des enfants arrivent de l'extérieur, en vertu de la loi 101, sont plongés directement dans des classes d'immersion françaises.

Ce qu'on veut faire par la loi, si elle est écrite comme ça, si elle n'est pas corrigée, si elle veut bien dire ce qu'elle veut dire, c'est que nous sommes dans des conditions où l'enfant, qui est un Grec, un Italien, un Espagnol, qui étudie dans des classes de français, pourrait se voir immerger dans des classes d'anglais. C'est ça qu'on dit, au point de vue pédagogique, qui n'est pas bon. C'est impossible à un enfant dont la langue maternelle est l'italien, dont la langue maternelle est l'espagnol ou le grec d'être à la fois en français et en anglais immergé. C'est ça que l'on dit. Et la loi peut le permettre, M. le Président, d'autant plus qu'elle donne ? la ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science l'a dit ? elle permet au niveau primaire, au niveau secondaire, à la commission scolaire, actuellement, du PSBGM, Protestant School Board of Greater Montréal, cette commission scolaire qui a des cours de français, qui a le droit d'en donner, qui a ses enfants immigrants dans des classes d'immersion française, pourrait aussi leur donner de l'immersion anglaise, ce qui est aberrant, M. le Président. Et c'est ça qu'on dit, que le projet de loi 86, c'est bien plus que de l'affichage. Sous le couvert de favoriser l'apprentissage de la langue seconde, le projet de loi prévoit que l'enseignement de toutes les matières pourra dorénavant se donner en anglais dans les écoles françaises. (7 h 10)

Le ministre Ryan parle de classes d'immersion, d'échanges entre écoles, mais la portée réelle du bilinguisme que le gouvernement veut introduire dans les écoles demeure inconnue. Elle sera définie plus tard, sans débat, lorsque le gouvernement modifiera le régime pédagogique. Qui, parmi nous, comme députés, a le pouvoir sur le régime pédagogique, M. le Président? Même pas vous. C'est la ministre qui, avec ses fonctionnaires, le détermine. Par différentes dispositions, le projet de loi 86 élargit la clientèle admissible au réseau scolaire anglophone. Le gouvernement se dit incapable de préciser le nombre réel d'élèves visé par ces mesures, camouflant ainsi l'impact de cette nouvelle ouverture en faveur de l'école anglaise. Et, là, qu'est-ce que les gens ont dit du côté libéral? Ils ont dit que c'était quelques centaines, mais on ne peut pas définir le nombre. Moi, je me méfie. Je suis de nature méfiante, et j'ai raison de l'être, M. le Président. Quand j'ai négocié dans ma vie, au niveau syndical, je n'ai jamais accepté pour du «cash» ce qu'on me donnait tant que ce n'était pas écrit, tant que ce n'était pas signé et contresigné, M. le Président.

L'exemple, c'est que l'ouverture à des enfants pour différentes raisons, différentes manières pourrait permettre, à ce moment-là, à un enfant qui obtient le droit de pouvoir le donner à ses frères et à ses soeurs. Quoi de plus naturel? Quoi de plus humain, M. le Président, que de faire profiter ses frères et soeurs de ses possibilités personnelles? Voyons donc, le régime, il est individuel. Voyons donc, il n'est pas collectif. Nous n'avons pas protégé le français au Québec. Voyons donc. Et quand j'entendais le député de Richelieu, tout à l'heure, parler de jugement, il a arrêté son mot là. Il a parlé de population, mais tout ce qu'il voulait dire, c'était probablement le jugement du comité de l'ONU, sauf que ce n'est pas un jugement, M. le Président.

C'est une opinion. Elle en vaut d'autres. Elle est dissidente dans bien des cas au niveau des gens qui composent le comité. Mais, M. le Président, l'opinion n'est pas un jugement. Ce n'est pas un jugement du comité de l'ONU. C'est une opinion. C'est bien différent quand on regarde les textes.

Le projet de loi 86 modifie la Charte de la langue française pour la rendre conforme à la Constitution canadienne en matière de langue d'enseignement. Pour la première fois, nous croyons, et nous avons le droit de le croire ? le ministre pourrait diverger d'opinion, les gens jugeront ? que le Québec se trouve ainsi à reconnaître la Constitution de 1982 et la légitimité du coup de force alors accompli par le gouvernement de Trudeau. Les libéraux veulent que l'Assemblée nationale cautionne l'intrusion du fédéral dans l'éducation, un secteur qui relève de la compétence exclusive du Québec depuis 1867.

Voilà donc, M. le Président, les raisons pour lesquelles j'ai des craintes, et j'ai le droit de l'exprimer. J'ai le droit de l'exprimer. On peut diverger d'opinion, mais ce que je crois profondément, M. le Président, c'est que, l'élargissement que l'on donne à la loi 178 et à la loi 101, ça devient, par le fait même, un affaiblissement de la langue française au Québec. Ça devient une diminution des capacités de se défendre. Ce n'est pas la langue anglaise qui est en difficulté au Québec, c'est la langue française. Quand je regarde, M. le Président, la décision de l'ONU, au comité de l'ONU, il faut la regarder comme telle. Quand on regarde les pays comme la France, quand on regarde les pays comme les États-Unis, qui ont signé la même chose avec des réserves, que le Canada a signé et que d'autres ont signé, c'est-à-dire la protection des minorités... Qu'est-ce que dit la France dans sa loi? Dans sa loi, il n'y en a pas de minorités en France. Qu'est-ce qu'elle dit aux États-Unis, la loi? C'est que les minorités n'ont pas le droit d'aller se défendre. C'est bien différent, M. le Président, de ce que nous avons devant nous. La langue française au Québec, pour le peuple québécois francophone, est en danger et il faut la protéger.

J'en donnais des exemples tout à l'heure, pendant la nuit, où je faisais mention, M. le Président, ici même à l'Assemblée... Je me permets de le rappeler. Le leader du gouvernement était à d'autres occupations, à ce moment-là. Ça me permet de lui dire parce que peut-être qu'on ne lui a pas rapporté. Le leader a beaucoup d'ouvrage, et je le comprends de ne pas être présent pendant toute la soirée. Il y a son leader adjoint qui l'a remplacé. C'est à lui que j'ai parlé. Mais, M. le Président, je m'adresse encore à vous. Vous êtes le gardien des privilèges du Parlement, de l'Assemblée nationale.

Dernièrement, la semaine dernière, les gens qui travaillent au Journal des débats, normalement, quand ils ont des ouvrages urgents, ils indiquent sur le papier, sur l'enveloppe «urgent». Ils ont pour ce faire un petit collant sur lequel est marqué le mot «urgent». Je suis à l'Assemblée nationale, je pense que, même avant que j'arrive ici, c'était normal, c'était en français. Mais, croyez-le ou ne le croyez pas, je vous donne le texte,

M. le Président. La semaine dernière est arrivé le petit texte suivant: «Rush ? Urgent» sur les enveloppes, «Rush», «dash», en anglais, «urgent».

Pour la première fois, on a vu apparaître à l'Assemblée nationale, et ce qui est anormal... nous sommes le foyer de la défense des droits du Québec, donc, du droit aux francophones d'être dans un lieu qui leur permette d'avoir au moins le français comme étant, selon la loi 22, si on veut la prendre comme telle, ou la loi 101, la langue officielle, M. le Président.

Dernièrement, on recevait par Telbec ? j'en fais mention encore au leader du gouvernement ? un message venant du ministère de la Culture: Le ministère de la Culture appuie le Festival international Juste pour Rire, Montréal le 1er juin 1993. Ce n'est pas vieux. Ordinairement, sur le Telbec, envoyé à la station de radio chez moi, à la télévison chez moi ou aux journaux chez moi qui sont francophones à 100 %, on leur envoie le texte français. Puis, après ça, à d'autres postes, à Montréal ou ailleurs dans le Québec, où c'est anglophone, on leur envoyait le texte anglais.

Je pense qu'il n'y a rien d'anormal, M. le Président, sauf que pour la première fois apparaît sur le Telbec, puis ça va coûter plus cher au gouvernement par le fait même parce qu'il l'envoie 2 fois, le même communiqué, mais en anglais et en français, bilingue, pour la première fois, en 1993, le 1er juin 1993... La loi n'est même pas adoptée que, déjà, on commence à envoyer des messages bilingues de la part du ministère qui devrait protéger davantage notre langue, le ministère de la Culture. C'est marqué «Quebec's Minister de la Culture supports Just for Laughs Festival».

J'ai vérifié auprès de quelqu'un qui m'a dit que même la traduction anglaise n'est pas bonne. Vous la lirez, M. le Président. La traduction anglaise n'est même pas bonne. Il y a des fautes d'anglais dans la façon de le faire, imaginez-vous. On a donc envoyé sur Telbec le double de ce qu'on envoie normalement. Ça coûte 2 fois plus cher, normalement, M. le Président.

Pourquoi? Le ministère de la Culture se permet de dépenser davantage de l'argent pour promouvoir le bilinguisme, alors que la Charte de la langue française devrait promouvoir le français sans nuire à la minorité. Au contraire, on est d'accord. Quand les gens veulent nous faire dire qu'on est contre le fait qu'un individu parle 2 langues, 3 langues, 4 langues, voyons donc! M. le Président. Tout le monde sait bien qu'au Québec, pour un francophone, la langue seconde, c'est l'anglais, dans le contexte nord-américain dans lequel nous sommes. Il n'y personne qui va contester ça.

Ce que l'on conteste, c'est qu'on mette des enfants dans des conditions où ils sont immergés de façon incongrue, comme je l'expliquais tout à l'heure, un enfant qui doit normalement, parce qu'il n'est ni français, ni anglais, ni francophone, ni anglophone, aller dans des classes d'immersion française, l'obliger à suivre des classes d'immersion anglaise, en même temps, ce qui est aberrant au point de vue pédagogique, M. le Président.

Alors, c'est ça que l'on dit comme étant impossi-

ble à faire. Et, si j'étais le seul, M. le Président, à le dire, si j'étais une personne qui faisait des rêves, se faisait toutes sortes d'illusions, mais non. Selon la Fédération des commissions scolaires du Québec, l'immersion anglaise n'est pas la solution. Langue d'enseignement: la réglementation pas disponible avant l'adoption de la loi. Le prochain front: l'école anglaise. Aïe! le prochain front, l'école anglaise. (7 h 20)

J'écoutais M. Goldbloom qui était assis avec nous, dans le temps où il était ici en même temps que moi, dans les années 1976. Qu'est-ce que M. Goldbloom disait, comme responsable du bilinguisme au Canada? Il disait, dernièrement: Le Québec fait un bon pas, mais, malheureusement, ce n'est pas suffisant; il devra aller plus loin, il devra élargir l'accessibilité à l'école anglaise, pour les gens venant de l'extérieur du Québec. Et vous pensez que je ne serais pas suspicieux? Vous pensez que, moi, comme député de l'Opposition, qui crois que c'est la langue française qui est en difficulté au Québec, je ne serais pas de ceux qui croient qu'il faut mettre un peu le holà à ce gouvernement-là, puis lui dire: Écoutez, réglons la question de l'affichage et on réglera le reste plus tard, ce n'est pas nécessaire de le faire à ce moment-ci?

La Fédération des commissions scolaires craint que l'immersion ne provoque la bilinguisation de certaines écoles. Vous avez d'autres personnes qui, au niveau des éditoriaux, disent la même chose. M. le Président, je vous le dis, je crois qu'il y a des personnes qui ne sont pas, à mon avis, correctes, en nous proposant le projet de loi 86. Et Mme Bissonnette, dans un editorial du 8 mai, disait: «C'est ainsi qu'il faut comprendre les dispositions de la loi 86 qui touchent la langue de l'école. Elles renforcent des exemptions déjà possibles et réaffirment inlassablement le pouvoir ministériel d'en décider. Au jugé, si le ministre en a envie et se laisse convaincre par les pressions qui ne manqueront pas, il autorisera aussi des expériences d'immersion en langue anglaise dans des écoles de langue française, c'est-à-dire des écoles bilingues et assimilatrices, comme toute la francophonie canadienne peut en témoigner.»

Vous en avez, M. le Président, énormément, de gens qui disent la même chose que nous. Je me devais, comme député qui est un enseignant de carrière, de faire valoir ces points de vue là, M. le Président, parce que c'est des craintes qui sont ancrées chez des gens qui disent qu'ils ne font pas confiance à ces personnes qui, en face de nous, avaient un problème à régler, qu'elles ont élargi le problème à un éventail, et qu'à partir de ça elles mettent en péril le travail immense qui a été fait par la loi 101. Et en conséquence, M. le Président, vous comprendrez très bien que je voterai contre le principe de ce projet de loi.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Laviolette, de votre intervention. Sur ce, je reconnais M. le leader du gouvernement.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, M. le Président. Je fais motion pour que nous ajournions nos travaux au mardi 8 juin, à 10 heures.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté. Donc, les travaux de cette Assemblée sont ajournés à aujourd'hui, mardi, à 10 heures.

(Fin de la séance à 7 h 24)

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