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Version finale

34e législature, 2e session
(19 mars 1992 au 10 mars 1994)

Le mardi 19 octobre 1993 - Vol. 32 N° 117

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

(Quatorze heures six minutes)

Le Président: Mmes, MM. les députés, s'il vous plaît! Nous allons nous recueillir quelques instants. Je vous remercie. Veuillez vous asseoir.

Accueil du nouveau député de Portneuf, M. Roger Bertrand

Avant de procéder aux affaires courantes, je vous avise que le 12 juillet 1993 M. le Directeur général des élections a fait parvenir à M. le secrétaire général de l'Assemblée nationale une lettre dont je vous lis l'extrait suivant: «M. le secrétaire général, «Conformément à l'article 380 de la Loi électorale, je vous transmets le nom du candidat proclamé élu à la suite de l'élection partielle tenue dans la circonscription électorale de Portneuf, en vertu d'un décret du gouvernement pris le 13 mai 1993. «Veuillez agréer, M. le secrétaire général, l'expression de ma haute considération.»

Et c'est signé: Pierre-F. Côté, Directeur général des élections.

Document déposé

Je dépose cette lettre accompagnée d'un avis proclamant M. Roger Bertrand, candidat élu dans la circonscription électorale de Portneuf.

Alors, le document déposé.

Des voix: Bravo! Bravo!

Le Président: Alors, j'invite maintenant M. le chef de l'Opposition...

Des voix: Bravo! Bravo! Bravo!

Le Président: Alors, vous avez pu constater que, suivant la tradition, M. le chef de l'Opposition a accueilli le député de Portneuf.

M. le député de Portneuf, au nom de tous mes collègues et en mon nom personnel, je vous souhaite la bienvenue à l'Assemblée nationale. J'inviterais, à ce moment-ci, M. le chef de l'Opposition à prendre la parole. (14 h 10)

Allocutions M. Jacques Parizeau

M. Parizeau: M. le Président, le député de Portneuf, nouvellement élu, est élu député de ce comté alors que jamais dans le passé le Parti québécois n'avait pu faire élire un député dans ce comté. C'est extrêmement significatif. Ça marque, en un certain sens, un virage. Il y a eu, à travers toute cette campagne électorale, manifestement une volonté de changement dans la population, qui était parfaitement constatable. On fait parfois ?je pense ici au ministre de l'Industrie et du Commerce ? allusion au ras-le-bol qu'il peut y avoir chez bien des gens. Nous avons vu, dans Portneuf, l'expression du ras-le-bol. Il a bien raison. plus sérieusement, dans un comté où le chômage a atteint 20 % dans l'ensemble et, dans certaines parties de ce comté, 30 %, il y avait là un désir de changement très profond alors que le québec est en train de s'immobiliser petit à petit.

Le député de Portneuf arrive en politique avec 20 ans de carrière entièrement consacrés au secteur public. Il a commencé au Bureau de la statistique du Québec, tout jeune professionnel. Il a été à Loto-Québec. Il est devenu directeur de direction générale pour la mission sociale au Conseil du trésor pendant plusieurs années, et on sait ce que ça veut dire comme poste: c'est une des fonctions majeures du Conseil du trésor. Il a été vice-président de la commission Rochon qui, de 1985 à 1987, va tracer les grandes lignes de la réorganisation des services de santé et des services sociaux au Québec.

Depuis 1988, le nouveau député de Portneuf a été directeur général du CRSSS, du Conseil de la santé et des services sociaux de la région de Québec, et cela, jusqu'à son élection. Dans ce sens, la carrière du député de Portneuf est, dans le secteur public, exemplaire. On voudrait que beaucoup de ceux qui accèdent à la politique viennent, justement, de cette filière de l'administration publique. Ce serait utile. Il n'y en pas suffisamment. Au fond, les corrections que l'on veut apporter à l'administration publique seraient bien plus faciles à faire s'il y avait, parmi nous, un plus grand nombre de députés et de ministres qui sont passés par cette filière et qui comprennent le fonctionnement du secteur public à notre époque. À cet égard, je pense que le député de Portneuf va apporter dans cette Chambre une expérience de premier ordre.

D'autre part, on le verra tout à l'heure, j'ai eu l'occasion de jeter un coup d'oeil sur le discours qu'il va prononcer, son premier discours dans cette Assemblée, on constatera à quel point le député de Portneuf, dans son comté, veut bouger, veut faire des choses, dans un cadre où ça n'est plus très facile, face à un gouvernement qui n'en est plus tout à fait un, qui se cherche et, pour tout dire, n'arrive pas à se trouver. Dans ce sens, le député de Portneuf va avoir, d'ici aux prochaines élections, à se tracer un cadre de ce qu'il veut réaliser. Mais je pense que ça n'est qu'après la prochaine élection que vraiment on aura enfin au Québec, et dans cette Assemblée nationale, on se sera

donné les moyens, enfin, de retrouver le goût de l'action, de retrouver la capacité aussi de faire des choses.

En terminant, je salue l'entrée du député de Portneuf en cette Chambre. Je lui souhaite, en notre nom à tous, la plus sincère des bienvenues, et je souhaite qu'il ait une brillante carrière maintenant dans le domaine politique qu'il a choisi. Merci.

Le Président: Merci, M. le chef de l'Opposition. Je reconnais maintenant M. le premier ministre.

M. Robert Bourassa

M. Bourassa: M. le Président, je voudrais féliciter le nouveau député de même que le chef de l'Opposition pour leur victoire du 12 juillet dernier. Elle s'ajoute évidemment à deux autres victoires dans des élections partielles. Il faut quand même constater que le gouvernement demeure encore très fortement majoritaire. On est loin du Parlement à l'italienne...

Des voix: Ha,ha, ha!

M. Bourassa: ...la formule chérie du chef de l'Opposition.

Des voix: Ha,ha, ha!

M. Bourassa: Le chef de l'Opposition ne semble plus d'accord avec son... On peut, M. le Président, élaborer brièvement sur les causes de la victoire du Parti québécois dans ces périodes difficiles. On connaît la récession économique qui existe ici comme ailleurs depuis près de quatre ans, qui s'est manifestée dans une première étape, notamment à la fin du ralentissement économique, par une augmentation de la productivité, mais par un nombre encore trop insuffisant d'emplois, même si dans le comté de Portneuf nous avions quand même eu l'occasion d'annoncer des investissements très importants.

C'est vrai que c'est la première fois, comme le disait le chef de l'Opposition, mais il ne faut pas oublier que, nous aussi, dans une période économique difficile, nous avions remporté des victoires dans des forteresses péquistes. On peut mentionner le comté de Jonquière, le comté de Marie-Victorin, le comté de Saint-Jacques...

Une voix: Maisonneuve.

M. Bourassa: ...Maisonneuve. Je pourrais ajouter encore plusieurs autres, M. le Président. Alors... Non, je dis ça simplement pour... Je ne veux pas être désobligeant pour nos amis d'en face, mais je voudrais qu'ils acceptent leur victoire avec un minimum d'humilité.

M. le Président, il reste quand même que le gouvernement conserve, malgré un contexte très difficile, un appui très respectable. On le voyait encore ce matin dans une étude d'opinions où le Parti québécois et le parti gouvernemental étaient nez à nez. On voyait dans un sondage, il y a un mois... On disait que le niveau de satisfaction du gouvernement était supérieur à 40 %. Je m'en souviens très bien parce que j'en discutais justement avec un ami commun, M. Michel Rocard, qui, à ce moment-là, était à Montréal. Il disait: C'est formidable, 40 % et plus; en Europe, on aimerait bien avoir un tel chiffre. Il était au Québec pour célébrer un anniversaire avec des amis communs. Alors, ce que je dis au chef de l'Opposition, M. le Président, c'est que malgré le contexte difficile que nous connaissons, et sur le plan économique et sur le plan financier, nous avons encore un appui très respectable, surtout si on le compare à celui que vous aviez en 1982 ou 1983.

Et je voudrais terminer dans ce contexte en remerciant le candidat du Parti libéral, M. Portelance, qui a dû entreprendre sa campagne dans des conditions inhabituelles. Je veux le remercier pour son travail et lui exprimer, comme chef de parti, toute ma reconnaissance.

Le Président: Alors, merci, M. le premier ministre. Je cède maintenant la parole à M. le député de Portneuf.

M. Roger Bertrand

M. Bertrand: Alors, M. le Président, vous comprendrez que c'est pour moi un vif plaisir de me joindre aujourd'hui à cette Assemblée à titre de député de Portneuf. Un plaisir, certes, et surtout un honneur de représenter ici mes concitoyens et mes concitoyennes de Portneuf, tous et toutes sans exception.

J'aimerais, bien sûr, M. le Président, remercier d'abord les électeurs de Portneuf qui m'ont manifesté clairement leur confiance à l'occasion de l'élection partielle du S juillet dernier, remercier également toutes les personnes qui ont cru cette victoire possible et qui m'ont appuyé, chacun et chacune à leur façon, pour en faire une réalité. Et permettez-moi de souligner le travail constant et admirable de ces militants et de ces militantes qui, pendant 20 ans, ont travaillé sans jamais perdre espoir en la victoire du Parti québécois dans Portneuf et sans jamais perdre de vue notre objectif fondamental comme parti et comme groupe parlementaire, la souveraineté incontournable du Québec.

Des voix: Bravo!

M. Bertrand: M. le Président, j'entends, au cours de mon mandat, assumer avec toute la vigilance nécessaire la responsabilité de représenter la population de Portneuf et, à cet égard, agir en législateur responsable, en médiateur efficace entre mes électeurs et l'administration publique et en contrôleur assidu de l'action du gouvernement. Tout un programme, M. le Président, vous en conviendrez, particulièrement en ce qui regarde ce troisième volet de mes responsabilités comme membre de cette Assemblée. (14 h 20)

En effet, l'action du gouvernement, depuis huit ans, a amené les gens de Portneuf comme l'ensemble du Québec dans les câbles, et ceci sur des aspects vitaux pour le Québec. Qu'on se souvienne de la récession dont on ne sort plus, du chômage qui atteint des sommets, de la faillite sur le plan constitutionnel, des déficits et de la dette provinciale qui culminent; plus encore, des entreprises paralysées par l'appareil bureaucratique, des taxes qui discriminent, des régions qui se vident, un embonpoint remarquable de l'administration centrale, et pire, M. le Président, des gens vulnérables et dans le besoin qui sont harcelés et négligés.

M. le Président, les gens de Portneuf ont bien pu dire à ce gouvernement «non, c'est assez», exprimant en cela ce que, à deux reprises déjà, l'électorat de Montmorency et d'Anjou avait eu la chance d'exprimer. J'entends donc agir pour défendre âprement et quotidiennement les intérêts des citoyens et des citoyennes de Portneuf, tout comme ceux de l'ensemble du Québec lorsque l'occasion se présentera.

Pour Portneuf, ça veut dire, notamment, orchestrer la relance économique du comté. Tel que je le disais pendant ma campagne, c'est une affaire de coeur et de raison, tout comme la souveraineté du Québec. Il faut donc l'avoir d'abord là, dans son coeur, y croire fermement, être rigoureux dans la démarche et ne pas avoir peur du travail, de se tenir debout, de s'impliquer, de se relever les manches. L'avenir du comté de Portneuf tient à une multitude de gestes qui devront être posés à brève échéance et dont certains déjà sont amorcés.

Il faut arrêter le saupoudrage pour faire plaisir à tout le monde, ouvrir les livres, se faire confiance, susciter la collaboration et l'adhésion à des projets bénéfiques pour l'ensemble de la collectivité et non pas pour un sous-groupe privilégié, orchestrer la relance plutôt que régner dans la division. Le virage déjà amorcé dans Portneuf, dont le leitmotiv est la transparence et l'équité, n'est qu'un aperçu de ce qu'on y connaîtra au cours des prochaines années.

La relance du comté tient également, M. le Président, à une foule d'autres interventions, comme député: d'abord, sauvegarder ce qui existe déjà et qui va bien, là où il en reste; améliorer ce qui peut l'être; développer le territoire en misant d'abord sur ces gens, sur la solidarité dont ils savent faire preuve et sur leur esprit d'entreprise; développer ainsi le potentiel de Portneuf dans les secteurs traditionnels que sont, bien sûr, l'agriculture, la forêt, la chasse et la pêche, mais aussi dans le domaine de la culture et du tourisme, tout autant que dans ceux de la transformation, de la sous-traitance et des nouvelles technologies.

Portneuf, M. le Président, un comté en apparence choyé, mais en réalité négligé au cours des dernières années.

Des voix: Ah! Ah!

M. Bertrand: II faut mettre un terme, M. le Président, à cette situation inadmissible.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, Mmes, MM. les députés! Mmes, MM. les députés... Alors, monsieur... Mmes, MM. les députés, s'il vous plaît!

Alors, M. le leader de l'Opposition.

M. Chevrette: M. le Président, vous comprendrez que la réaction des gens du pouvoir... Ils réagissent avant même d'avoir entendu les motifs de la négligence. Imaginez-vous ce que ça va être après.

Le Président: Alors, M. le leader du gouvernement.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): On se doit toujours d'avoir le respect de nos prédécesseurs.

Le Président: Alors, j'en appelle à la collaboration des collègues, s'il vous plaît. Vous pouvez poursuivre, M. le député de Portneuf.

M. Bertrand: M. le Président, je comprends toucher là un point sensible, n'est-ce pas, pour nos gens d'en face.

Je réfère au niveau du chômage, niveau du chômage inadmissible et en constante progression depuis des années et qui a atteint des sommets dans Portneuf. Sur le plan des statistiques économiques, la réalité du comté se perd dans la moyenne de la région de Québec, bien qu'il rencontre des difficultés similaires à celles de bien d'autres comtés également désavantagés, malheureusement. Le gouvernement doit en tenir compte dans ses politiques, et la région de Québec devra également en tenir compte dans ses décisions. Portneuf devra recevoir sa juste part des programmes, et, en outre, j'entends faire en sorte que les gens du comté de Portneuf se prévalent bien de ce qui existe déjà et de l'aide qui y correspond.

Si j'entends, M. le Président, défendre autant les intérêts de la population du comté, j'ai bien l'intention de m'intéresser, dans une pareille mesure, aux intérêts de l'ensemble des Québécois et des Québécoises. En effet, en ma qualité de législateur et de contrôleur des actions du gouvernement, j'estime de mon devoir d'exercer, à l'égard des faits et gestes de celui-ci, une très grande vigilance. Sortant d'une récente élection, je peux vous témoigner jusqu'à quel point la population en a assez de la surréglementation et des contrôles tatillons, de la lourdeur de la machine administrative et des coûts excessifs qui en résultent. Et à cela s'ajoutent, M. le Président, les coûts reliés aux chevauchements des deux paliers de gouvernement.

Je peux vous dire, M. le Président, que le monde voit tout cela et qu'il n'est pas content. Il n'accepte pas le serrage de ceinture qu'on lui impose alors que le gouvernement ne fait pas ses devoirs. Il n'acceptera pas,

M. le Président, de reporter une telle équipe au pouvoir, même remaquillée.

En terminant, M. le Président...

Des voix: ...

Le Président: S'il vous plaît! MM. les députés! Donc, à l'ordre, s'il vous plaît! Alors, si vous voulez terminer, M. le député de Portneuf.

M. Bertrand: Alors, en terminant, M. le Président, j'aurai, au cours des prochains mois, à m'ac-quitter d'une lourde tâche, d'une obligation néanmoins captivante que m'a confiée le chef de l'Opposition en ce qui regarde le vaste dossier du rapatriement des responsabilités du fédéral vers le Québec, une fois le processus de la souveraineté enclenché.

Nul doute, M. le Président, qu'avec la collaboration de mes collègues, les députés de l'Opposition, je m'activerai à proposer une jonction des ressources et des compétences visées, qui, par l'élimination des chevauchements actuels et par la réorganisation conséquente de l'appareil central, garantira l'émergence d'une administration publique et parapublique plus efficace, plus responsable et imputable, une administration qui tienne davantage compte de la capacité des gens en région et au niveau local de s'administrer eux-mêmes davantage, une administration répondant bien mieux aux attentes de nos concitoyens, et le tout, bien sûr, M. le Président, dans un Québec souverain.

Des voix: Bravo!

Affaires courantes

Le Président: Nous allons maintenant procéder aux affaires courantes.

Il n'y a pas de déclarations ministérielles. Présentation de projets de loi. Dépôt de documents.

Dépôt de documents

M. le ministre de la Sécurité publique et ministre responsable de l'application de la Charte de la langue française.

Rapports annuels de la Commission

de protection de la langue française,

de l'Office de la langue française

et du Bureau du coroner

M. Ryan: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport annuel 1992-1993 de la Commission de protection de la langue française, de l'Office de la langue française, et le rapport du Bureau du coroner pour l'année 1992.

Le Président: Ces documents sont donc déposés.

Maintenant, M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

Rapport annuel de la Régie des marchés agricoles et alimentaires du Québec et un avis favorable à une demande de l'Union des producteurs agricoles

M. Picotte: M. le Président, deux documents. J'ai l'honneur de déposer le rapport annuel 1992-1993 de la Régie des marchés agricoles et alimentaires du Québec. Aussi, conformément à l'article 68.1 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels, je dépose un avis favorable à une demande de l'Union des producteurs agricoles de modifier une entente établie avec le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, et ce, en vertu du décret 358-88 du 16 mars 1988. Merci.

Le Président: Ces documents sont donc déposés. Maintenant, M. le leader du gouvernement et ministre de l'Environnement.

Correspondance entre les leaders

du gouvernement et de l'Opposition et

rapports annuels du Comité consultatif

pour l'environnement de la Baie James et du

Comité consultatif de l'environnement Kativik

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, M. le Président. Je dépose un échange de correspondance entre les leaders du gouvernement et de l'Opposition concernant différents sujets d'ordre parlementaire dans le but de s'assurer d'un bon déroulement de nos travaux.

J'ai également l'honneur, M. le Président, de déposer le rapport annuel 1992-1993 du Comité consultatif pour l'environnement de la Baie James. J'ai également l'honneur, M. le Président, de déposer le rapport annuel 1992-1993 du Comité consultatif de l'environnement Kativik.

Le Président: Ces documents sont donc déposés. Maintenant, M. le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche.

Rapports annuels de la Société des établissements de plein air du Québec, du Programme d'aide aux Inuit et de

la Fondation de la faune du Québec

M. Blackburn: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport annuel 1992-1993 de la Société des établissements de plein air du Québec. J'ai aussi, en même temps, cette occasion de vous présenter le rapport annuel du Programme d'aide de l'année 1992 aux Inuit pour leurs activités de chasse, de pêche et de piégeage. J'ai aussi l'honneur de déposer le rapport annuel

1992-1993 de la Fondation de la faune du Québec. (14 h 30)

Le Président: Ces rapports sont donc déposés.

Maintenant, Mme la ministre de l'Éducation et ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science.

Rapports annuels du Conseil des collèges

et du Conseil des universités et

rétrospective des activités du

Conseil des universités 1969-1993

Mme Robillard: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport annuel 1992-1993 du Conseil des collèges et celui du Conseil des universités, de même qu'une rétrospective des activités du Conseil des universités 1969-1993.

Le Président: Ces rapports sont déposés. Maintenant, M. le ministre des Forêts.

Communiqué du ministre des Forêts

offrant ses excuses

relativement au dossier de son

ex-directeur de cabinet, M. Mario Simard

M. Côté (Rivière-du-Loup): M. le Président, conformément à l'article 59, je désire déposer le communiqué que j'ai émis il y a quelques heures, par lequel j'offre mes excuses au Conseil exécutif de même qu'à l'ensemble de mes collègues du gouvernement.

Le Président: Alors, ce document est déposé. Maintenant, Mme la ministre déléguée à la Condition féminine.

Rapport annuel du Conseil du statut de la femme et du Conseil de la famille

Mme Trépanier: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport annuel 1992-1993 du Conseil du statut de la femme et du Conseil de la famille.

Le Président: Ces documents sont déposés.

Nomination de M. Real Gauvin à la fonction de whip adjoint du gouvernement

Maintenant, j'ai reçu de M. le premier ministre la lettre suivante, dont je vous donne lecture: «M. le Président, la présente est pour vous informer de la nomination de M. Real Gauvin, député de Montmagny-L'Islet, à la fonction parlementaire de whip adjoint du gouvernement. Cette nomination est effective à compter du 29 septembre 1993. Veuillez agréer, M. le Président, l'expression de mes sentiments les meilleurs.» Et c'est signé: Robert Bourassa.

Je dépose donc ce document.

À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît!

Nouveau diagramme de l'Assemblée nationale

Alors, je dépose maintenant le nouveau diagramme de l'Assemblée nationale, daté du 19 octobre 1993.

Rapports du Directeur général des élections

concernant l'élection partielle du

5 juillet 1993 et la mise en application de

l'article 490 de la Loi électorale

Je dépose également le rapport du Directeur général des élections concernant les résultats officiels du scrutin pour l'élection partielle de Portneuf du 5 juillet 1993.

Je dépose également le rapport du Directeur général des élections sur la mise en application de l'article 490 de la Loi électorale dans le cadre de l'élection partielle qui s'est tenue le 5 juillet 1993 dans la circonscription électorale de Portneuf.

Rapport annuel du Directeur général des élections

Je dépose, conformément à l'article 542 de la Loi électorale et à l'article 886 de la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités, le rapport annuel du Directeur général des élections pour la période du 1er avril 1992 au 31 mars 1993. Toutefois, les activités reliées à l'application de la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités sont rapportées pour la période du 1er janvier au 31 décembre 1992.

Rapport annuel de la Commission de la représentation électorale

Je dépose, conformément à l'article 542 de la Loi électorale et à l'article 886 de la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités, le rapport annuel de la Commission de la représentation électorale pour la période du 1er avril 1992 au 31 mars 1993. Toutefois, les activités reliées à l'application de la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités sont rapportées pour la période du 1er janvier au 31 décembre 1992.

Décisions du Bureau de l'Assemblée nationale

Finalement, je dépose les décisions numéros 609 et 611 à 614 du Bureau de l'Assemblée nationale. Alors, tous ces documents sont donc déposés.

Dépôt de rapports de commissions

Maintenant, dépôt de rapports de commissions. M. le Président de la commission des institutions et député de Marquette.

M. Dauphin: Oui. Merci, M. le Président.

Étude des prévisions budgétaires du Directeur général des élections et de la Commission de la représentation électorale du Québec

J'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission des institutions, qui a siégé le 18 juin 1993 afin de procéder à l'étude des prévisions budgétaires du Directeur général des élections et de la Commission de la représentation électorale du Québec pour l'année financière 1993-1994, lesquels ont été approuvés.

Examen du rapport annuel et vérification des engagements financiers du Protecteur du citoyen

Deuxièmement, j'ai également l'honneur de déposer le rapport de la commission des institutions, qui a siégé le 18 juin 1993 afin d'entendre le Protecteur du citoyen dans le cadre de l'examen de son rapport annuel 1991-1992, et de procéder à la vérification des engagements financiers relevant de sa compétence, contenus dans les listes des mois d'avril 1991 à avril 1993 inclusivement.

Le Président: Alors, ces rapports sont donc déposés. Maintenant, M. le président de la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation et député de Nicolet-Yamaska.

Vérification des engagements financiers

du ministre délégué à l'Agriculture,

aux Pêcheries et à l'Alimentation

M. Richard: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation qui a siégé le 28 septembre 1993 afin de procéder à la vérification des engagements financiers du ministre délégué à l'Agriculture, aux Pêcheries et à l'Alimentation pour le secteur pêcheries des mois de mai 1991 à juillet 1993 et pour le secteur Recherche et enseignement des mois d'août 1991 à août 1993.

Le Président: Alors, ce rapport est donc déposé. Maintenant, M. le président de la commission de l'économie et du travail et député de Fabre.

Élection du président de la commission de l'économie et du travail

M. Joly: Merci, M. le Président. J'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission de l'économie et du travail qui a siégé le 9 septembre 1993 afin de procéder à l'élection du président de la commission. Merci.

Vérification des engagements financiers du

ministère de l'Énergie et des Ressources et

étude du rapport annuel de la Société

de développement de la Baie James

J'ai aussi l'honneur, M. le Président, de déposer le rapport de la commission de l'économie et du travail qui a siégé le 9 septembre 1993 afin de procéder à la vérification des engagements financiers du ministère de l'Énergie et des Ressources, secteurs énergie, terres et administration, contenus dans les listes des mois d'août 1990 à juillet 1993.

Et, finalement, M. le Président, je dépose le rapport de la commission de l'économie et du travail qui a siégé le 21 septembre 1993 afin d'étudier, conformément à l'article 33 de la Loi sur le développement de la région de la Baie James, Lois refondues, chapitre D-8, le rapport annuel 1991-1992 de la Société de développement de la Baie James. Merci, M. le Président.

Le Président: Alors, ces rapports sont donc déposés. Maintenant, M. le président de la commission de l'aménagement et des équipements et député de Lévis.

Auditions et étude détaillée du projet de loi 234

M. Garon: M. le Président, je dépose le rapport de la commission de l'aménagement et des équipements qui a siégé le 24 août 1993 afin d'entendre les intéressés et de procéder à l'étude détaillée du projet de loi d'intérêt privé 234, Loi concernant la ville de Magog. Le projet de loi a été adopté avec un amendement.

Le Président: Alors, est-ce que ce rapport est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Président: Adopté. M. le député de Lévis.

Auditions et étude détaillée du projet de loi 248

M. Garon: M. le Président, je dépose le rapport de la commission de l'aménagement et des équipements qui a siégé le 24 août 1993 afin d'entendre les intéressés et de procéder à l'étude détaillée du projet de loi d'intérêt privé 248, Loi concernant la ville de Verdun. Le projet de loi a été adopté.

Le Président: Est-ce que ce rapport est également adopté?

Des voix: Adopté.

Le Président: Adopté. M. le député de Lévis.

Auditions et étude détaillée du projet de loi 251

M. Garon: M. le Président, je dépose le rapport de la commission de l'aménagement et des équipements qui a siégé le 24 août 1993 afin d'entendre les intéressés et de procéder à l'étude détaillée du projet de loi d'intérêt privé 251, Loi concernant les villes de Tracy et de Saint-Joseph-de-Sorel et la paroisse de Saint-Roch-de-Richelieu. Le projet de loi a été adopté avec des amendements.

Le Président: Est-ce que ce rapport est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Président: Adopté. M. le député de Lévis.

Auditions et étude détaillée du projet de loi 258

M. Garon: M. le Président, je dépose le rapport de la commission de l'aménagement et des équipements qui a siégé le 24 août 1993 afin d'entendre les intéressés et de procéder à l'étude détaillée du projet de loi d'intérêt privé 258, Loi concernant la ville de Grand-Mère. Le projet de loi a été adopté.

Le Président: Alors, est-ce que ce rapport est également adopté?

Des voix: Adopté.

Le Président: Adopté. M. le député de Lévis.

Auditions et étude détaillée du projet de loi 245

M. Garon: M. le Président, je dépose le rapport de la commission de l'aménagement et des équipements qui a siégé le 26 août 1993 afin d'entendre les intéressés et de procéder à l'étude détaillée du projet de loi d'intérêt privé 245, Loi concernant la ville d'Outre-mont. Le projet de loi a été adopté avec des amendements.

Le Président: Est-ce que ce rapport est adopté? Des voix: Adopté.

Le Président: Adopté. M. le député de Lévis.

Auditions et étude détaillée du projet de loi 255

M. Garon: M. le Président, je dépose le rapport de la commission de l'aménagement et des équipements qui a siégé le 26 août 1993 afin d'entendre les intéressés et de procéder à l'étude détaillée du projet de loi d'intérêt privé 255, Loi concernant la ville de Gatineau. Le projet de loi a été adopté avec des amendements.

Le Président: Est-ce que ce rapport est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Président: Adopté. M. le député de Lévis.

Auditions et étude détaillée du projet de loi 252

M. Garon: M. le Président, je dépose le rapport de la commission de l'aménagement et des équipements qui a siégé le 26 août 1993 afin d'entendre les intéressés et de procéder à l'étude détaillée du projet de loi d'intérêt privé 252, Loi concernant la ville d'Amos. Le projet de loi a été adopté avec des amendements.

Le Président: Est-ce que ce rapport est adopté? Des voix: Adopté.

Le Président: Adopté. M. le député de Lévis.

Auditions et étude détaillée du projet de loi 304

M. Garon: M. le Président, je dépose le rapport de la commission de l'aménagement et des équipements qui a siégé le 28 septembre et les 5, 13 et 14 octobre 1993 afin d'entendre les intéressés et de procéder à l'étude détaillée du projet de loi d'intérêt privé 304, Loi concernant la ville de Trois-Rivières. Le projet de loi a été adopté avec des amendements.

Le Président: Est-ce que ce rapport est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Président: M. le député de Lévis.

Vérification des engagements financiers du ministère des Transports

M. Garon: M. le Président, je dépose le rapport de la commission de l'aménagement et des équipements qui a siégé les 14, 15 et 21 septembre 1993 afin de procéder à la vérification des engagements financiers du ministère des Transports, secteur Voirie, à partir de la liste du mois de décembre 1992.

Le Président: Alors, ce rapport est déposé. Maintenant, Mme la présidente de la commission des affaires sociales et députée de Taillon.

Vérification des engagements financiers du ministère de la Santé et des Services sociaux

Mme Marois: Merci, M. le Président. J'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission des affaires sociales qui a siégé le 9 septembre 1993 afin de procéder à la vérification des engagements financiers du ministère de la Santé et des Services sociaux pour les mois d'octobre 1991 à juillet 1993. (14 h 40)

Élection du vice-président de la commission des affaires sociales

M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission des affaires sociales, qui a siégé le 29 septembre 1993 afin de procéder à l'élection du vice-président de la commission, M. le Président. Merci.

Le Président: Alors, ces deux rapports sont déposés.

Dépôt de rapports de pétitions.

Il n'y a pas d'intervention portant sur une violation de droit ou de privilège ou sur un fait personnel.

Questions et réponses orales

Nous allons maintenant procéder à la période de questions et réponses orales des députés, et je reconnais en question principale M. le chef de l'Opposition.

Influence des groupes d'intérêts sur les décisions économiques du gouvernement

M. Parizeau: M. le Président, les Québécoises et les Québécois ont notamment pris conscience des limites des gouvernements. Il n'y a pas de nouvel argent dans les coffres de l'État. On ne peut plus taxer. Nous en sommes rendus à l'extrême limite. Le travail au noir, la contrebande, l'évasion fiscale, l'abus et la tricherie du système, tout cela n'est pas acceptable si on veut que le Québec fonctionne comme société. Les groupes d'intérêts de plus en plus nombreux sont devenus extrêmement puissants et forcent à tort l'État dans des décisions où les véritables besoins des Québécoises et des Québécois sont ignorés.

M. le Président, voilà comment le ministre de l'Industrie et du Commerce commentait les huit ans d'administration du gouvernement auquel il a participé au moment où il annonçait qu'il ne serait pas candidat à la chefferie du Parti libéral.

Des voix: Bravo! Bravo! Le Président: S'il vous plaît!

M. Parizeau: Je comprends, M. le Président, que, considérant que la taxation en est à l'extrême limite, il fera un drame si son collègue des Affaires municipales ou celui des Finances voulait augmenter les taxes dans le prochain budget. Je reconnais aussi que, dans la mesure où l'Opposition aura un certain nombre de propositions, comme à l'occasion de la motion de demain, par exemple, à l'égard du travail au noir, ou de la contrebande, ou de l'évasion fiscale, il sera d'accord, mais puis-je demander au ministre de l'Industrie et du Commerce qu'est-ce qu'il veut dire par la troisième phrase? C'est potentiellement très grave, mais je n'arrive pas à deviner son intention. Qu'est-ce qu'il veut dire quand il dit que ces groupes d'intérêts forcent à tort l'État dans des décisions où les véritables besoins des Québécoises et des Québécois sont ignorés? Qu'est-ce qu'il veut dire exactement, M. le Président, quand il parle de l'action de son gouvernement dans des termes pareils? Il fait allusion à quoi?

Le Président: M. le ministre de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie.

M. Tremblay (Outremont): M. le Président, ça recommence. Nous avons encore un bel exemple du double discours de l'Opposition.

Le Président: Bon. Alors, s'il vous plaît! S'il vous plaît! Donc, à l'ordre, s'il vous plaît! S'il vous plaît! Alors, je reconnais une seule personne, et je vous demande de vous conformer au règlement, s'il vous plaît. M. le ministre.

M. Tremblay (Outremont): Tellement un double discours, M. le Président, que récemment le leader de l'Opposition disait de façon très claire à des journalistes que le ministre de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie avait fait preuve d'une franchise surprenante, mais que son geste n'en était pas moins inacceptable sur le plan politique. Est-ce que ça veut dire, M. le Président, qu'on ne peut plus dire la vérité? Est-ce que c'est la raison...

Le Président: M. le ministre.

M. Tremblay (Outremont): M. le Président, est-ce que les politiciens sont honnêtes? 63 % de la population pense que non. Est-ce que les gens croient encore aux politiciens? 83 % des Québécois n'y croient plus.

Le Président: S'il vous plaît!

M. Tremblay (Outremont): Depuis le mois de septembre 1991, notre économie, état d'urgence. Au mois de mai 1992, au-delà du discours, un changement d'attitude s'impose, et plusieurs de mes collègues de la deputation ministérielle ont tenu sensiblement les mêmes propos. Avant de pouvoir changer, M. le Président, il faut au moins regarder de façon réaliste la vérité. C'est ce que nous faisons et nous allons agir dans un avenir rapproché.

Le Président: En question complémentaire, M. le chef de l'Opposition.

M. Parizeau: Bon, soit! Des voix: Ha, ha, ha!

M. Parizeau: Puisque le ministre dit qu'il va agir dans un avenir rapproché, puis-je lui rappeler que le 7 août dernier il indiquait qu'un vaste plan d'action, un plan de relance de l'économie serait présenté au Conseil des ministres pour approbation le 15 octobre? Est-ce que c'est fait, M. le Président?

Le Président: M. le ministre.

M. Tremblay (Outremont): M. le Président, nous en avons discuté au caucus hier. Le document est en rédaction et sera présenté dans un avenir rapproché au Conseil des ministres et, tel que convenu, un plan

d'action sera présenté à la population du Québec au mois de novembre 1993.

M. le Président, j'ai reçu une lettre très intéressante du leader de l'Opposition. Vous savez, la qualité totale, on en a parlé beaucoup dans cette Assemblée. Le chef de l'Opposition a été le premier à la critiquer, mais voici que le leader de l'Opposition est devenu le grand gourou de la qualité totale. Vous avez...

Des voix: Ha, ha, ha!

Une voix: Bon!

Une voix: Un petit gourou!

Le Président: J'appelle à la collaboration des collègues, s'il vous plaît. Alors, en conclusion, M. le ministre.

M. Tremblay (Outremont): Vous avez reçu la même lettre que je dépose à l'Assemblée nationale, une lettre du leader de l'Opposition sur la qualité totale, qui, après trois ans ? donc, c'est la preuve qu'il y a encore de l'espoir du côté de l'Opposition, le changement de l'attitude ? reconnaît que les fonds requis pour une telle sensibilisation auprès principalement ? parce que ça vient de l'Opposition ? de l'Opposition sont minimes et peuvent engendrer des économies substantielles. Et si elles totalisaient 10 000 000 000$, M. le chef de l'Opposition?

Le Président: Alors, il y a consentement au dépôt du document? Consentement, document déposé.

Document déposé

Alors, en question principale maintenant, M. le député d'Abitibi-Ouest et leader adjoint de l'Opposition.

Effets du jugement relatif à la surtaxe

sur les immeubles non résidentiels

quant aux budgets des municipalités

M. Gendron: Oui, M. le Président. Le président de l'Union des municipalités régionales de comté du Québec, M. Nicolet, déclarait récemment que la fiscalité municipale, par le jugement du juge Tessier sur la surtaxe sur les immeubles non résidentiels, constituait le coup de grâce à toute une structure qui allait demander une révision en profondeur de la fiscalité municipale. Il faut dire que c'était la deuxième onde de choc puisque, il y a deux mois, une première décision de la Cour suprême dans le dossier de la firme Ciment Québec venait ouvrir tout un pan de mur dans la fiscalité municipale.

Le président de l'Union des municipalités du Québec, M. Blackburn a lancé un cri d'alarme: Un chaos sans précédent risque d'entraver la confection des prochains budgets municipaux. Donnez-nous la sécurité nécessaire à la planification de nos sources de revenus, disait-il.

Ma question au ministre des Affaires municipales: Est-ce que, devant ces faits et l'importance des répercussions de ces jugements sur les finances municipales, le ministre des Affaires municipales peut nous indiquer le fruit de ses nombreuses analyses et évaluations, et qu'est-ce qu'il a à dire aujourd'hui pour sécuriser la préparation des prochains budgets municipaux?

Le Président: M. le ministre des Affaires municipales.

M. Ryan: M. le Président, le député d'Abitibi-Ouest soulève deux questions. Tout d'abord, le jugement rendu par la Cour suprême en juillet dernier concernant l'article 65.1 de la Loi sur la fiscalité municipale. Il s'agit d'un jugement de dernière instance, qui doit par conséquant connaître application. Mais les implications de ce jugement sont très difficiles à établir, vu qu'au lieu d'établir une norme universelle, la Cour a conclu qu'il faudra examiner chaque cas d'espèce avant d'en venir à des conclusions. Nous sommes à étudier l'ensemble du dossier. J'ai tenu une réunion récemment avec les principales municipalités concernées, les villes mono-industrielles qui sont particulièrement inquiètes pour des raisons que nous comprenons. Et nous arrêterons en temps utile les décisions qui seront requises dans ce dossier. Nous n'en sommes pas encore venus à la conclusion qu'il faudrait tout de suite procéder à une modification législative parce que, en procédant de manière prématurée, on risquerait de créer des contre-problèmes qui ne seraient pas plus faciles à gérer que ceux qu'on prétendrait éliminer. Nous poursuivons l'examen du dossier. Nous recueillons présentement une documentation auprès des municipalités concernées. Et, de concert avec celles-ci, nous arriverons à des conclusions opportunes d'ici la fin de la présente session. (14 h 50)

En ce qui touche le jugement rendu par la Cour supérieure du Québec concernant la surtaxe sur les immeubles non résidentiels, je voudrais tout d'abord rappeler au député qu'il s'agit d'un jugement de première instance, en l'occurrence, que c'est loin d'être la vérité définitive. Le gouvernement a déjà indiqué clairement sa décision d'en appeler. Notre inscription se fera en appel, à l'intérieur du délai réglementaire de 30 jours, et nous examinons, entre-temps, s'il y aurait lieu d'envisager des mesures particulières pour procurer aux municipalités cette sécurité qu'elles réclament à juste titre. Il n'est pas sûr que des mesures particulières s'imposent. Nous sommes à poursuivre l'examen de ce dossier, en consultation avec les municipalités et, en temps utile, nous fournirons les éléments de réponse à ce deuxième volet de la question. Mais, fondamentalement, dès que nous inscrivons cette cause en appel, la loi, selon la coutume constitutionnelle du pays, continue de s'appliquer dans toutes ses dispositions.

Le Président: En question complémentaire, M. le député d'Abitibi-Ouest.

M. Gendron: Compte tenu de l'ampleur des sommes en cause, est-ce que le ministre est en train de nous dire que, aujourd'hui, il n'a aucune indication à donner aux municipalités comme mesures à court terme, quand on sait qu'il s'agit probablement de 700 000 000 $ en cause et que, plus on retardera, plus le risque du gouffre est sans précédent? Est-ce qu'on doit convenir que, pour le moment, vous n'avez pas d'autre signal à donner que celui que vous avez donné il y a un mois, alors que vous aviez laissé voir que, compte tenu de vos immenses spécialistes aux Affaires municipales, prochainement, vous aurez des indications à donner? On a rien d'autre à se mettre... Non?

Des voix: Sous la dent. M. Ryan: ...

Le Président: M. le ministre des Affaires municipales. M. le ministre.

M. Ryan: Pardon. Je m'excuse si j'ai donné l'impression de vouloir interrompre le député d'Abitibi-Ouest. Je le regretterais, parce que ce n'était pas mon intention. Aujourd'hui, nous poursuivons l'examen du dossier. Ce soir, j'ai de nouveau une réunion avec nos spécialistes du ministère des Affaires municipales, qui sont des spécialistes de très grande qualité, entre parenthèses, que le député connaît, à part de ça. Et nous poursuivons l'examen, et nous aurions... Si vous me demandiez de donner des indications aujourd'hui, aux municipalités, j'en ai plusieurs à leur donner, mais je veux leur donner des indications sûres, des indications complètes, des indications qui viendront se situer dans une stratégie tenant compte de tous les éléments du problème, et il nous reste encore du travail avant d'en arriver là. Mais j'ai assuré les deux unions des municipalités et les municipalités qui m'ont consulté directement à ce sujet qu'elles recevront les indications qu'elles peuvent attendre du gouvernement, en temps utile pour la préparation de leur budget.

Le Président: Toujours en question complémentaire.

M. Gendron: Question additionnelle à deux volets. Est-ce que le ministre peut nous dire s'il a regardé des alternatives, entre autres, revenir à la taxe d'affaires? Est-ce que vous regardez ça, à ce moment-ci? Première question. Deuxième question: Est-ce que vous avez de quoi à dire aux municipalités qui seraient tentées de continuer la perception de la surtaxe? Et, dans la perspective où on se ramasse dans la même situation dans deux ans, qu'est-ce que vous allez faire?

Le Président: M. le ministre.

M. Ryan: Regardez, le député vient d'évoquer deux hypothèses: un retour possible à l'ancienne taxe d'affaires, et le maintien de la surtaxe là où elle a été instituée, c'est-à-dire dans environ 300 municipalités. Ces deux hypothèses font partie d'un groupe d'une dizaine d'hypothèses que nous examinons actuellement. Et quand nous aurons examiné chacune dans toutes ses implications, là nous serons en mesure de fournir aux municipalités les indications dont elles ont besoin.

Et je voudrais ajouter, pour revenir au thème de la sécurité, que le comportement du ministère des Affaires municipales devant les tribunaux a été un comportement très honorable au cours des dernières années. Il est arrivé que nous avons perdu en première manche et que nous avons gagné en deuxième et en troisième manche. Il n'y a rien de déshonorant à cela. Notre processus judiciaire le veut ainsi. Je pense qu'on doit se garder de répandre, à des fins que je ne voudrais pas qualifier, des propos trop pessimistes parmi la population, parce que l'état du dossier ne justifie pas du tout ce genre d'alar-misme.

Le Président: Alors, pour une autre question complémentaire.

M. Gendron: Sans s'alarmer, moi, j'ai toujours peur de continuer le chemin dans le gouffre. Alors, je ne veux pas embarquer dans le gouffre financier, mais est-ce que le ministre peut indiquer aux municipalités qu'elles pourront préparer les budgets adéquatement et recevoir le minimum de balises qu'elles souhaitent recevoir? Elles sont en train d'être au travail. Pensez-vous qu'on va laisser ces gens-là travailler inutilement? Quand vous aurez éventuellement trouvé la vérité révélée, il sera trop tard. Est-ce qu'elles auront les indications pour travailler sur leur budget sans qu'elles soient obligées de reprendre tout leur travail?

Le Président: M. le ministre des Affaires municipales.

M. Ryan: En parlant de vérité révélée, je pense qu'elle se trouve plus de l'autre côté, en politique, que du nôtre. La nature même de la démarche que nous poursuivons démontre que nous la cherchons au lieu de prétendre l'avoir trouvée.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Ryan: Pour le reste, là, les municipalités font leur devoir tous les jours. Elles communiquent avec le ministère tous les jours pour demander le genre d'indications dont parle le député d'Abitibi-Ouest. Et nos services ont reçu des instructions quant à la nature des indications qu'ils peuvent fournir aux municipalités dans l'état actuel du dossier, et ça se fait quotidiennement.

Le Président: Alors, en question principale, M. le député de Laviolette.

Demande de remboursement des sommes versées en trop à l'ex-directeur de cabinet du ministre des Forêts, M. Mario Simard

M. Jolivet: Merci, M. le Président. Puisque la qualité totale consiste à faire tout du premier coup, partout, à tout coup, puisque le ministre de l'Industrie et du Commerce nous indique que les ministres doivent nous dire la vérité, est-ce que je dois comprendre que la vérité qui a été dévoilée hier par le ministre des Forêts à l'effet de demander à son bras droit d'envoyer le cabinet du premier ministre se faire foutre est la vérité, alors qu'il indique dans son communiqué: Je n'étais pas prêt à répondre aux questions du journaliste dans ce dossier? Ou est-ce qu'il faut comprendre que c'est le communiqué de presse qu'on l'a forcé à donner aujourd'hui qui est la vérité? Quelle est la vérité dans le dossier? Et quand est-ce que M. Mario Simard va remettre aux Québécois et aux Québécoises l'argent qu'il a injustement eu entre les mains?

Le Président: Alors, M. le ministre des Forêts.

M. Côté (Rivière-du-Loup): M. le Président, je pense bien que le communiqué que j'ai émis reflète bien mon état d'âme aujourd'hui et, si vous le permettez...

Des voix: ...

M. Côté (Rivière-du-Loup): ...je vais vous le lire. «Québec, le 19 octobre 1993. «Le ministre des Forêts du Québec, M. Albert Côté, désire offrir des excuses à la suite des propos qu'il a tenus à son arrivée au caucus des députés libéraux hier, relativement au dossier de son ex-directeur de cabinet, M. Mario Simard. «Le ministre admet ? comme l'a dit mon collègue de Laviolette ? qu'il n'était pas prêt à répondre aux questions des journalistes dans ce dossier. «M. Côté déclare qu'il n'a pas voulu délibérément offenser personne puisqu'il avait souscrit sans hésitation aux conclusions de la vérification effectuée par le secrétaire général du Conseil exécutif, M. Benoît Morin, en mandatant l'administration de son ministère de prendre les mesures requises afin de réclamer les sommes versées en trop, tel qu'en fait foi le communiqué émis par le cabinet du ministre des Forêts le 13 septembre dernier.»

Le Président: Alors, pour une question complémentaire, M. le député de Laviolette.

M. Jolivet: Est-ce que je peux savoir quand l'argent, puisque c'était le 13 septembre, va être remis au trésor public?

Le Président: Alors, M. le ministre.

M. Côté (Rivière-du-Loup): M. le Président, le tout a commencé le 8 mars dernier, lorsque j'ai tout simplement, uniquement et sans autre intervention de ma part, demandé à l'administration d'avoir l'obligeance de faire le nécessaire afin que M. Simard obtienne les indemnités auxquelles il a droit, et ce, en conformité avec la directive 4.83. Évidemment, M. Simard bénéficiera également de l'indemnité de départ prévue à l'article 15 de cette même directive.

Et pour répondre plus directement à la question du député de Laviolette, M. le Président, le 10 septembre, le secrétaire général, M. Morin, m'informait des conclusions de sa vérification faite relativement aux indemnités de départ de M. Simard, et c'est avec promptitude que j'ai réagi aux conclusions du secrétaire général en demandant, le 13 septembre, c'est-à-dire le lundi suivant, à mon ministère de prendre les mesures appropriées afin de réclamer à M. Simard les sommes versées en trop. Et après une analyse comptable des autorités de mon ministère, on transmettait à M. Simard le 28 septembre 1993 une demande formelle de remboursement. (15 heures)

À l'heure actuelle, M. le Président, le processus est en cours, et les mesures appropriées pour réclamer les sommes versées en trop seront prises, tant sur le plan administratif que sur le plan judiciaire, si nécessaire.

Le Président: Toujours pour une question complémentaire.

M. Jolivet: Deuxième question, M. le Président. Une voix: Principale.

Le Président: Principale. Donc, en question principale, M. le député de Laviolette.

Demande de justification des indemnités de départ versées à M. Jean-Louis Bazin

M. Jolivet: M. le Président, un nommé Jean-Louis Bazin a travaillé pour le ministre, comme chef de cabinet, de son entrée pour la première fois au cabinet des ministres jusqu'à son départ le 13 janvier 1989 où il recevait une indemnité de départ de l'ordre de 33 594 $. Et là, on n'a pas le détail à savoir s'il n'a, lui aussi, pris aucune journée de vacances, puisqu'on ne nous indique pas, comme on l'a fait dans le cas de Mario Simard, s'il a eu des indemnités pour vacances et congés de maladie.

La deuxième partie de la question, M. le Président, c'est que le même monsieur était nommé chez REXFOR à un salaire qui est prévu par les conventions de REXFOR et, comme il était adjoint au président, d'environ 80 000 $. Le mois de septembre 1992, le même monsieur quittait REXFOR et recevait une indemnité

qui totalise, avec les indemnités elles-mêmes, les jours de vacances non écoulés et les sommes d'argent versées au régime d'épargne-retraite, près de 37 000 $. Est-ce que le ministre considère qu'il est normal qu'une personne passant d'une fonction à son cabinet des ministres vers REXFOR, qui est sous sa responsabilité comme ministre, elle reçoive une prime de séparation et ensuite de REXFOR reçoive une prime de séparation pour aller travailler au Conseil exécutif au niveau de la jeunesse? Est-ce que c'est normal?

Le Président: M. le ministre des Forêts.

M. Côté (Rivière-du-Loup): M. le Président, suite à ce débat sur la place publique, M. Bazin a de lui-même, volontairement, souscrit à une déclaration volontaire sur les vacances qu'il aurait prises et il aurait remboursé une partie de ses vacances à l'administration publique. Et ceci répond adéquatement chez nous à l'administration.

Quant à l'autre partie de la question de M. le député de Laviolette, quand M. Bazin est parti de chez REXFOR, il s'agissait d'une rupture de contrat, et c'est pourquoi nous lui avons donné ce montant d'argent. Et j'ai toujours dit et j'ai confiance que REXFOR ait fait les choses correctement dans ce cas-là.

Le Président: En question complémentaire.

M. Jolivet: M. le Président, dans la lettre venant de REXFOR, on indique: En considération de la terminaison prématurée du contrat de services de M. Bazin, REXFOR a versé à ce dernier les montants dont je faisais mention. Est-ce qu'il est normal que cette personne retourne au niveau gouvernemental dans une fonction comme secrétaire général associé à la jeunesse du ministère du Conseil exécutif pour un total de 90 000 $ annuellement? Est-ce qu'il est normal qu'une personne reçoive deux primes de séparation alors qu'elle a quitté définitivement son cabinet pour aller à REXFOR et qu'elle quitte prématurément, à la demande probablement du Conseil exécutif, pour aller prendre la fonction gouvernementale et un autre montant de prime de séparation plus un salaire de 90 000 $? Vous trouvez ça normal, vous?

Le Président: M. le ministre des Forêts.

M. Côté (Rivière-du-Loup): M. le Président, REXFOR n'avait aucun mot à dire dans l'engagement de M. Bazin au Conseil exécutif.

Le Président: En question complémentaire.

M. Jolivet: M. le Président, à ma connaissance, le ministre est membre du Conseil des ministres, il a vu passer la question, M. le Président. Est-ce qu'il est normal...

Le Président: Un instant, s'il vous plaît. Alors, c'est un rappel au règlement. M. le leader du gouvernement.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Si le député de Laviolette veut se prévaloir d'un préambule, M. le Président. Comme ancien vice-président de cette Chambre, il connaît bien notre règlement, il n'a qu'à procéder en question principale. Il est présentement en question complémentaire, il n'a pas droit à un préambule.

Le Président: Alors, posez votre question, M. le député de Laviolette.

M. Jolivet: M. le Président, dans ce contexte, dans le cas de M. Bazin, n'eût été des demandes que l'Opposition a faites pour aller voir ce qui en est, est-ce que M. Bazin aurait conservé entre les mains un montant de 12 000 $ environ, représentant 32 jours de vacances non écoulés, alors qu'on sait très bien que dans le cas de M. Mario Simard, il s'est avéré que ce n'étaient pas des congés non pris, mais plutôt du temps supplémentaire?

Le Président: M. le ministre.

M. Côté (Rivière-du-Loup): M. le Président, le secrétaire général, M. Benoît Morin, est bien clair dans sa recommandation alors qu'il dit: Suivant la directive 483, les vacances ne peuvent pas être payées en temps supplémentaire à un employé, à un directeur de cabinet.

Le Président: Alors, en question principale maintenant, M. le député de Labelle.

Coûts reliés au déménagement et à l'aménagement des bureaux du Conseil du trésor

M. Léonard: Oui, M. le Président. Le seul prétendant connu au poste de chef du Parti libéral du Québec et actuel président du Conseil du trésor déclarait, lors de son annonce de mise en candidature récemment, que chaque dollar mieux dépensé ou économisé permet de consacrer 1 $ de plus pour l'éducation, la santé et le bien-être de nos concitoyens.

Une voix: Très bien!

Des voix: Bravo! Bravo!

M. Léonard: Mais, dans un article paru dans le Journal de Québec, le 16 octobre dernier, on apprend que les coûts reliés au déménagement du Conseil du trésor et les coûts associés à ce déménagement dans l'édifice H s'élèveront non pas à 1 000 000 $, tel que prévu, mais plutôt à 17 000 000 $.

Des voix: Oh!

Une voix: C'est des dollars, ça!

M. Léonard: C'est 17 fois, M. le Président, la somme prévue.

Une voix: Oh!

M. Léonard: Est-ce que, M. le Président, le président du Conseil du trésor peut nous expliquer comment il en est arrivé à autoriser cette dépense extravagante, surtout pour tous ceux qui sont obligés et qu'il oblige à se serrer la ceinture?

Le Président: M. le président du Conseil du trésor.

M. Johnson: C'est très simple, M. le Président. C'est une fausseté, c'est un mensonge grossier; c'est une invention, une fabrication et de la science-fiction.

Une voix: Bon!

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! S'il vous plaît!

En question complémentaire, M. le député de Labelle.

M. Léonard: M. le Président, est-ce que le président du Conseil du trésor pourrait être plus explicite et pourrait-il reconnaître, d'ailleurs, que ces chiffres viennent d'un ancien collègue à lui, qui était membre du Conseil des ministres il n'y a pas très longtemps encore? M. le Président, pourrait-il nous dire où était l'urgence de dépenser ces sommes? Où était l'urgence de dépenser ces sommes et comment peut-il arriver à justifier un investissement dans du béton comme celui-là, alors que, par ailleurs, il reconnaît que la priorité est aux dépenses d'éducation, aux dépenses de la santé? Comment peut-il justifier de telles sommes?

Des voix: C'est faux!

Le Président: Alors, M. le président du Conseil du trésor.

M. Johnson: d'abord, je réitère, m. le président, que c'est la source qui est en cause et qui fait qu'on peut en conclure que c'est une fabrication et de la science-fiction; première des choses. deuxièmement, j'ai déjà déposé ici, à l'assemblée nationale... j'ai distribué à la tribune de la presse, il y a des mois et des semaines, l'ensemble des chiffres, l'ensemble des engagements, l'ensemble des montants précis qui font en sorte que nous avons eu, au conseil du trésor, à déménager en raison des travaux qui doivent se dérouler dans l'édifice d, en économisant 30 % d'espace, 800 000 $ par année de loyer, pour un investissement de 3 000 000 $. si, pour 3 000 000 $, vous voulez économiser 800 000 $, par année, je vous encourage tous ici, autant que vous êtes, à le faire. C'est l'exemple qu'on essaie de donner au Trésor.

Des voix: Bravo! Bravo!

Le Président: Donc, toujours en question complémentaire, M. le député de Labelle.

M. Léonard: M. le Président, le président du Conseil du trésor reconnaît-il que lorsqu'il répond, il répond sur une partie de ces coûts, ceux liés directement aux dépenses d'investissement concernant le déménagement du Conseil du trésor, et qu'il oublie tous les autres coûts associés qu'il a été obligé d'investir dans le réaménagement de l'édifice H et, par cascades, il en est arrivé et le gouvernement en est arrivé à dépenser 17 000 000 $?

Une voix: Oui!

Le Président: M. le président du Conseil du trésor.

M. Johnson: M. le Président, je réitère que les chiffres que j'ai distribués sont complets ? et je mets le député au défi de prouver le contraire ? que les travaux qui sont intervenus sont tous comptabilisés dans les chiffres que j'ai donnés, que les travaux qui ont été faits par la SIQ dans l'édifice H devaient être faits dans n'importe quel cas, que les travaux qui ont été faits en raison de notre déménagement sont également comptabilisés et que le rendement de cet investissement est clair, net, précis, et qu'il représente une économie de loyer de 30 % des espaces occupés, une économie de 800 000 $ par année.

Des voix: Bravo! Bravo! (15 h 10)

Le Président: Alors, en question... À l'ordre, s'il vous plaît! S'il vous plaît!

En question principale, maintenant, M. le député de Masson.

Pressions du ministre du Tourisme sur Le Président du Conseil du trésor

concernant la réorganisation des structures gouvernementales

M. Blais: Merci beaucoup, M. le Président. Depuis quelque temps, on parle beaucoup de restructuration au gouvernement. Même que, dans le rapport Poulin, des députés recommandaient notamment l'abolition d'une dizaine de ministères, dont celui du Tourisme ? le ministre Vallerand, titulaire de ce ministère, avait alors applaudi ? et un exercice de restructuration proposé par le rapport Poulin. On apprenait récemment que le ministre du Tourisme, M. André Vallerand, aurait négocié son appui à la candidature...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Blais: On apprenait récemment que le ministre du Tourisme, M. André Vallerand, aurait négocié son appui à la candidature à la direction du parti de Daniel Johnson après avoir obtenu l'assurance de ce dernier que le ministère du Tourisme ne serait pas l'enfant pauvre de la réorganisation...

Le Président: Un instant, M. le député. S'il vous plaît, MM. les députés! Un rappel au règlement, M. le leader du gouvernement.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, M. le Président. Le rappel au règlement se fonde ? oui, on est en question principale ? sur le deuxième alinéa ainsi que sur le cinquième alinéa de l'article 77 de notre règlement qui stipulent que les questions ne peuvent être fondées sur des suppositions et être formulées de manière à susciter un débat. Les deux éléments sont contenus dans la question du député.

Le Président: Alors, j'invite le député de Masson à poser sa question.

M. Blais: Ma question s'adresse au ministre du Tourisme.

Le Président: Je vais simplement demander la collaboration de tous les collègues, s'il vous plaît. Si certains veulent discuter, et je fais référence expressément à ceux qui sont à ma droite, en avant, ici, vous avez un salon tout près de vous, et je vous convie à y aller.

Alors, votre question, M. le député de Masson.

M. Blais: Est-ce que le ministre du Tourisme pourrait nous renseigner et nous dire si on doit comprendre que le bel exercice de restructuration gouvernementale est sujet aux aléas de la course à la chefferie du Parti libéral du Québec?

Le Président: M. le ministre du Tourisme.

M. Vallerand: M. le Président, c'est un début de session, puis on doit constater que l'Opposition est à court de questions, véritablement.

Des voix: Oui. Oui, oui.

M. Vallerand: Peut-être, M. le Président, que le critique de l'Opposition en matière de tourisme aurait pu me poser des questions sur l'erré d'aller de l'activité touristique au Québec, cette année, par exemple. J'aurais pu lui répondre que le Québec connaît une des performances les plus exceptionnelles depuis plus de trois ans.

Une voix: Question de règlement, M. le Président!

Le Président: Question de règlement, M. le député de Masson.

M. Blais: Selon le règlement, M. le Président, c'est l'Opposition qui choisit ses questions. Ce n'est pas aux ministériels de nous dire quoi poser.

Le Président: S'il vous plaît! Alors, j'invite M. le ministre du Tourisme à répondre à la question initiale du député de Masson.

M. Vallerand: II est tellement à court de questions, M. le Président, que j'essayais tout simplement de l'aider.

Des voix: Ha,ha, ha!

M. Vallerand: Je pense, monsieur... M. le Président, il a été clairement dit, il a été clairement écrit... On n'a qu'à s'en remettre au dernier discours sur le budget. Je n'ai jamais lu, je n'ai jamais entendu qu'on faisait disparaître le ministère du Tourisme. Le rapport Poulin n'a jamais écrit, dans ses recommandations, qu'il suggérait au gouvernement de faire disparaître le ministère du Tourisme. Seulement les gens de l'Opposition, je ne sais pas pour quelle raison, qui se disent des ardents défenseurs de l'industrie touristique... Mais aujourd'hui je constate que, bien au contraire, ce qu'ils voudraient, c'est qu'on puisse proclamer la disparition d'un outil de développement économique essentiel au Québec, M. le Président.

Et je le rappelais brièvement en répondant à la question du député de l'Opposition, une des meilleurs performances touristiques des trois dernières années: supérieure à la moyenne canadienne de plus de 5 %, supérieure à la moyenne de l'Ontario de 8 %. À ce que je sache, M. le Président, le dollar canadien a été le même à travers toutes les provinces canadiennes. Le climat, la température, également les mêmes. La différence a été l'action énergique de l'industrie touristique et du gouvernement du Québec en matière de promotion touristique au Québec.

Des voix: Bravo! Oui!

Le Président: Alors, en question complémentaire, M. le député de Masson.

M. Blais: Comment le ministre du Tourisme peut-il expliquer ? est-il à court de réponses? ? qu'il ait donné son appui au président du Conseil du trésor parce que celui-ci maintenait le ministère du Tourisme? C'est lui-même qui l'a dit dans sa déclaration d'appui à M. Johnson.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: M. le ministre.

M. Vallerand: M. le Président, je pense qu'en vertu du règlement c'est véritablement une question d'opinion, mais il me fait plaisir de répondre. Est-ce que le représentant de l'Opposition, M. le député, pourrait croire cinq secondes que quelqu'un qui aspire à la direction du Parti libéral prendrait des engagements de cette nature-là?

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: Mmes et MM. les députés! Mmes et MM. les députés, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! Je cède la parole à M. le ministre du Tourisme.

M. Vallerand: J'allais ajouter: On sait le président du Conseil du trésor beaucoup trop responsable pour solliciter des engagements de cette nature-là. Ce qui a été convenu dans les conversations qu'on a eues ensemble, c'est qu'il a reconnu, comme le gouvernement l'a déjà reconnu, comme je le reconnais, que le tourisme est un vecteur de développement économique extrêmement important au Québec, un des principaux créateurs d'emplois.

D'ailleurs, M. le Président, en terminant, si on recense l'importance des chantiers de construction au Québec au cours de la dernière année, deux chantiers les plus importants, le Mont Tremblant ? je pense que c'est de l'industrie touristique ? et le casino de Montréal, la création au casino de Montréal de plus de 1250 emplois, je pense que ces explications parlent par elles-mêmes, M. le Président.

Une voix: Bravo!

Le Président: Toujours en question complémentaire, M. le député de Masson.

M. Blais: Oui. Pourquoi le ministre, depuis quelques mois, demande-t-il à toutes les associations touristiques du Québec de donner un appui écrit pour que le ministère du Tourisme reste seul, ne disparaisse pas comme tel et ne soit pas fondu avec un autre ministère, ce que le rapport Poulin pourrait recommander? Et quelle est la promesse qu'il a eue pour appuyer le président du Conseil du trésor dans la course?

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: m. le ministre... un instant! un instant, s'il vous plaît! s'il vous plaît! à l'ordre, s'il vous plaît! s'il vous plaît! un instant, m. le ministre, là. vous avez la parole.

M. Vallerand: Merci, M. le Président. Je pense que c'est uniquement dans l'esprit du député de l'Opposition de croire que j'ai sollicité de toutes les associations touristiques des engagements écrits pour qu'elles fassent des pressions auprès du gouvernement pour maintenir le ministère du Tourisme. Peut-être que le député de l'Opposition ? il pourrait nous le dire ? a pensé à cette stratégie-là, parce que je sais que lui tient à l'existence du ministère du Tourisme, à tout le moins que le tourisme demeure une activité importante à l'intérieur des moyens que le gouvernement se donnera pour, justement, souscrire à sa lancée d'objectif de création d'emplois au Québec. Mais il n'y a pas eu d'initiative ? et je peux vous le dire, M. le Président ? ni de la part du ministre ni au ministère pour demander aux associations touristiques ou aux autres représentants de faire des représentations de cette nature-là. D'ailleurs, il n'a jamais été dit, et je le répète, il est important de le dire, il n'a jamais été écrit ? qu'on relise le dernier discours sur le budget ? que le ministère du Tourisme était pour disparaître.

Je pense que c'est dans l'esprit uniquement du député de l'Opposition qu'on imagine le pire. Et je pense que s'il était le moindrement sérieux, M. le Président, au lieu de poser ce genre de questions, il conviendrait avec le gouvernement, il conviendrait avec le ministère du Tourisme qu'il est important, dans l'avenir, que l'activité économique dite touristique soit reconnue comme une activité motrice susceptible d'ajouter à la création d'emplois, susceptible d'ajouter à la croissance économique, et dans toutes les régions du Québec, M. le Président.

Le Président: En question principale, M. le leader de l'Opposition et député de Joliette. (15 h 20)

Remboursement par le gouvernement fédéral

des sommes dues au Québec à la

suite du référendum de 1992

M. Chevrette: Oui, M. le Président. Depuis plusieurs mois, j'ai posé des questions au ministre responsable de la réforme parlementaire et de la réforme électorale, à savoir si le Québec toucherait au moins les 26 000 000 $ qui lui étaient dus suite au référendum. Le ministre m'avait alors souligné, en guise de réponse, que les hautes instances se parlaient.

À deux reprises, j'ai questionné les hautes instances sans jamais avoir de réponse. Dans six jours, M. le Président ? tout est possible en politique ? on risque d'avoir un changement de hautes instances.

Le ministre délégué à la Réforme électorale a appuyé une de ces hautes instances. Est-ce que je pourrais savoir, de l'instance responsable et non de la haute instance, mais du ministre délégué à la Réforme électorale si... de faire le point sur les 26 000 000 $? Est-ce qu'il ne devrait pas prendre la chance d'aller chercher le chèque au plus vite avant lundi prochain?

Le Président: M. le ministre délégué à la Réforme électorale.

M. Côté (Charlesbourg): M. le Président, je remercie le député de Joliette. Chose certaine, celui que

j'appuie au fédéral a pas mal plus de chances de respecter cet engagement que celui que le député de Joliette appuie... Parce qu'il ne sera jamais au pouvoir!

Le Président: Alors, en question complémentaire.

M. Chevrette: M. le Président, la question, je vais lui reposer. Il faut répéter au moins deux fois, mais ça ne fait rien. Est-ce que le ministre a pris l'assurance auprès du gouvernement de Mme Campbell que les 26 000 000 $ entreraient avant l'élection du 25 octobre?

Le Président: Alors, M. le ministre.

M. Côté (Chaiiesbourg): M. le Président, j'ai eu l'occasion d'en discuter avec les hautes instances provinciales, et je pense que c'est davantage au premier ministre de répondre de l'état d'avancement de ce dossier.

Le Président: Alors, M. le premier ministre.

M. Bourassa: M. le Président, je me serais attendu à une question sur la situation économique, quand même. Pas après quatre mois... On n'a pas siégé depuis quatre mois et le chef de l'Opposition n'a aucune question sur la situation économique, alors que son député prétend avoir été élu là-dessus.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, M. le leader de l'Opposition.

M. Chevrette: D'abord, l'article 79, M. le Président. Je vais vous le lire lentement, M. le Président, pour permettre aux hautes instances de comprendre qu'il est à l'Assemblée nationale et qu'il y a une question spécifique.

L'article 79 dit que la réponse à une question doit être brève, se limiter au point qu'elle touche ? les 26 000 000 $ du référendum ? et ne contenir ni expression d'opinion ni argumentation ? on aurait pu marquer «ni frustration»; elle doit être formulée de manière à ne susciter aucun débat.

Est-ce que vous pourriez demander si la haute instance veut s'exécuter, de répondre à la question précise?

Le Président: Alors, M. le premier ministre, à la question du député de Joliette.

M. Bourassa: Ce n'est pas une frustration. Je pense que... Je rappelle simplement l'Oppposition à la réalité qui intéresse les Québécois, c'est-à^ire les problèmes économiques. Alors, je dis... M. le Président...

Le Président: Bon. S'il vous plaît! Oui. Alors, M. le premier ministre, à la question, s'il vous plaît.

M. Bourassa: M. le Président, j'ai le droit de m'étonner quand même ? puis je pense que ça reflète la majorité de la population du Québec ? que le chef de l'Opposition, à la reprise, n'ose pas poser une question sur la situation économique, alors qu'il fait campagne tous les jours. Il fait campagne tous les jours, la plupart du temps sans l'appui de M. Bouchard.

Le Président: Alors, j'invite le premier ministre, s'il vous plaît, maintenant, à répondre à la question telle que formulée par le député de Joliette. Alors, s'il vous plaît!

M. le premier ministre.

M. Bourassa: Vous admettrez, M. le Président, qu'on parlait, dans la question du leader de l'Opposition, de la prochaine élection. Alors, je ne vois pas en quoi je ne peux pas m'y référer, mais je ne peux qu'endosser les propos du ministre responsable.

Le Président: Alors, pour une autre question complémentaire, M. le député de Joliette.

M. Chevrette: Est-ce à dire ?ma question s'adresse au ministre délégué à la Réforme électorale ? qu'à ce stade-ci, M. le Président, après plus d'un an du référendum tenu au Québec, on n'a pas encore la certitude écrite que les 26 000 000 $ seront remboursés par le gouvernement conservateur qui a tenu ledit référendum et qui en avait pris l'engagement verbal? Est-ce à dire qu'à ce stade-ci il n'y a pas d'engagement écrit encore et que les Québécois n'auront pas ces 26 000 000 $ auxquels ils ont tout à fait droit, puisqu'ils ont payé 25 % de la facture du référendum du Canada anglais?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bourassa: II est tout à fait prématuré de conclure comme le fait le leader de l'Opposition. Je dis, M. le Président, que j'ai eu l'occasion d'en parler avec le premier ministre actuel. J'ai eu l'occasion d'en parler également avec le chef du Parti libéral. Je n'en ai pas parlé avec le chef du Bloc québécois. Je n'ai pas entendu nulle part qu'il avait soulevé la question dans sa campagne électorale. Je ne crois pas que ça a été mis en relief de sa part, mais je puis dire au leader parlementaire qu'après l'élection ? nous verrons qui est au gouvernement ? nous allons poursuivre nos représentations. Nous considérons que nos représentations sont tout à fait légitimes, et j'invite les membres de l'Opposition à continuer à faire leur travail dans ce débat.

Le Président: Alors, c'est la fin de la période de questions.

Alors, il n'y a pas de votes reportés.

Maintenant, aux motions sans préavis, M. le whip... Un instant, oui. M. le leader du gouvernement.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président, de consentement, est-ce que pourriez donner des avis pour les commissions?

Avis touchant les travaux des commissions

Le Président: II y a consentement. Donc, avant de procéder aux motions sans préavis, nous allons procéder immédiatement aux avis touchant les travaux des commissions tout en requérant la collaboration des collègues.

Alors, avis touchant les travaux des commissions. M. le leader du gouvernement. Excusez-moi, oui, j'ai un avis, moi-même. C'est ça, il n'y en a pas au niveau du leader du gouvernement. Alors, je vous avise qu'aujourd'hui le mardi 19 octobre 1993, après les affaires courantes, jusqu'à 18 heures et de 20 heures à 22 heures, à la salle Louis-Joseph-Papineau, la commission de la culture se réunira afin de procéder à la vérification des engagements financiers du ministère de la Culture contenus dans les listes des mois de janvier 1992 à août 1993.

Alors, ceci étant dit, nous revenons maintenant aux motions sans préavis, et je reconnais M. le whip en chef du gouvernement.

Motions sans préavis

Modifier la composition de certaines commissions parlementaires

M. Cusano: M. le Président, je fais motion pour que Mme Louise Bégin, députée de Bellechasse, remplace M. Real Gauvin, député de Montmagny-L'Islet, comme membre permanent de la commission de l'aménagement et des équipements; que Mme France Dionne, députée de Kamouraska-Témiscouata, remplace M. Real Gauvin, député de Montmagny-L'Islet, comme membre permanent de la commission des institutions; que M. Yvan Bordeleau, député de l'Acadie, remplace M. Henri-François Gautrin, député de Verdun, comme membre permanent de la commission des institutions; que M. Serge Marcil, député de Salaberry-Soulanges, remplace M. Michel Charbonneau, député de Saint-Jean, comme membre permanent de la commission de l'économie et du travail; que M. Albert Khelfa, député de Richelieu, remplace M. Jean Joly, député de Fabre, comme membre permanent de la commission des affaires sociales; que M. Russell Williams, député de Nelligan, remplace M. Benoît Fradet, député de Vimont, comme membre permanent de la commission de la culture; que M. Ghislain Maltais, député de Saguenay, remplace M. Michel Tremblay, député de Rimouski, comme membre permanent de la commission de la culture. Merci, M. le Président.

Le Président: Alors... Une voix: ...

Le Président: Alors... D'accord? Ça va? O.K. Alors, c'est une confusion au niveau des noms. La motion telle que présentée est exacte.

Mise aux voix

Donc, est-ce que la motion présentée par M. le whip en chef du gouvernement est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Président: Adopté. Très bien. Alors, maintenant je reconnais Mme la ministre de la Culture.

Féliciter les gagnants et les gagnantes des Félix du gala de l'ADISQ

Mme Frulla: M. le Président, je sollicite le consentement de l'Assemblée nationale afin de proposer la motion sans préavis suivante: «Que l'Assemblée nationale félicite chaleureusement les gagnants et les gagnantes des Félix du 15e gala de l'ADISQ 1993 et encourage tous les artistes et artisans du monde du spectacle à continuer d'enrichir et de faire connaître la culture québécoise.»

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Est-ce qu'il y a consentement pour débattre cette motion?

Des voix: Consentement.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Consentement. Alors, Mme la ministre de la Culture, la parole est à vous. (15 h 30)

Mme Liza Frulla

Mme Frulla: M. le Président, dimanche soir à Québec, dans ce Capitole magnifiquement restauré, j'ai eu le très grand plaisir d'assister au 15e gala de l'ADISQ, le gala de l'Association du disque et de l'industrie du spectacle québécois. Pour les artistes, pour les gens du milieu du spectacle, pour les invités et pour le public qui y assiste par l'entremise de la télévision, ces moments-là sont inoubliables. Ils sont chargés d'une émotion extraordinairement palpable et révélatrice aussi de tout ce que signifie l'obtention d'un Félix. C'est pourquoi je voudrais, par cette motion, adresser mes félicitations les plus vives à chacun des lauréats et des lauréates, ainsi qu'à chacun des artistes mis en nomination.

Chaque année, à chaque gala, je trouve extrêmement réconfortant de constater à quel point les artistes nous font honneur par le succès non seulement chez nous, mais de plus en plus à l'étranger. Ces succès sont le fruit de leur talent, de leur travail acharné, de leur volonté de réussir, mais c'est aussi le fruit des efforts de ceux qui croient en eux, qui les aident et les entourent, les encouragent aussi, et je parle évidemment des producteurs et de tous les intervenants de l'industrie.

Dans ce domaine comme dans beaucoup d'autres,

nous avons compris depuis plusieurs années, au Québec, qu'il faut travailler ensemble, de façon organisée et ordonnée, pour atteindre notre but. Ce qui me réjouit particulièrement comme ministre de la Culture, c'est de voir les pas de géant que nous avons accomplis depuis quelques années dans ce domaine par la mise en commun de notre savoir-faire. l'implication du gouvernement du québec a contribué grandement à l'essor de ce secteur. que l'on pense à la politique culturelle appuyée par l'ensemble des intervenants du milieu et aux nombreuses actions qui en découlent. à titre d'exemple, le plan de relance du spectacle que nous avons mis sur pied l'an dernier avec la coalition des arts de la scène et l'union des municipalités. grâce à cette concertation, nous avons pu mettre en place différentes mesures qui ont déjà donné des résultats concrets. en effet, sur la base d'un échantillonnage de 30 salles d'importance et par rapport à la même période l'an dernier, on observe une augmentation de 12 % de l'assistance. de plus, nous avons soutenu près de 200 projets, dont plusieurs spectacles qui sont actuellement en tournée à travers le québec. ceci, évidemment, a pour effet de rendre la culture accessible à un plus grand nombre de québécois.

Ce grand succès de la première année du plan de relance prouve sans contredit que la concertation est la clé du succès. Aujourd'hui, les industries culturelles et, entre autres, l'industrie du disque et du spectacle constituent un secteur important de notre économie reconnu officiellement par le gouvernement du Québec dans le cadre des grappes industrielles.

Mais le coeur et la raison d'être de cette vaste et complexe industrie, ce sont nos créateurs et artistes, à qui nous devons la plus grande reconnaissance. Ils nourrissent notre fierté d'être Québécois. Ils sont parmi nos meilleurs ambassadeurs pour témoigner aux quatre coins du monde à la fois de notre identité en Amérique et de la vigueur des talents de chez nous.

M. le Président, je voudrais profiter de l'occasion qui m'est donnée pour féliciter tous nos créateurs et artistes au nom des Québécois et Québécoises, en particulier les lauréats et les lauréates des Félix 1993, et aussi pour leur assurer que nous continuerons à les soutenir et à les applaudir. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, Mme la ministre. Oui, M. le député de Gouin.

M. André Boisclair

M. Boisclair: Est-ce qu'en vertu... J'ai mal compris un extrait du discours de la ministre. Est-ce qu'en vertu de nos règlements je pourrais lui adresser une question?

Le Vice-Président (M. Lefebvre): S'il y a consentement. Vous voulez répondre à la question, Mme la ministre? Est-ce qu'il y a consentement pour répondre à une question de M. le député de Gouin?

Consentement. Allez-y. Courte question.

M. Boisclair: Je voudrais tout simplement, M. le Président, demander à la ministre s'il est exact qu'en cette période d'austérité le gouvernement du Québec a engagé de l'argent des contribuables pour assurer la présence de certains membres du personnel de la Délégation générale du Québec à Paris au Gala de l'ADISQ. Et, si oui, ne trouve-t-elle pas que l'accueil de nos artistes doit se faire à Paris plutôt qu'au Québec, et particulièrement...

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Une question.

M. Boisclair: ...à l'occasion d'un gala de l'ADISQ?

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Mme la ministre, si vous voulez répondre à la question

Mme Frulla: Je vais prendre avis de la question, M. le Président, parce que, honnêtement, je n'ai pas ici de réponse.

Deuxièmement, j'aimerais savoir en quoi la question est pertinente à la motion sans préavis pour féliciter nos artistes qui ont reçu les Félix du Gala de l'ADISQ 1993.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, c'est la réponse. Ça va? Non, vous ne pouvez pas poser de question additionnelle. Vous voulez intervenir sur la motion? Allez-y, M. le député de Gouin.

M. Boisclair: Je comprends que la ministre prend avis de la question.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Oui. Allez-y.

M. Boisclair: Alors, M. le Président, au nom de l'Opposition officielle, il me fait, à mon tour, plaisir de m'associer à la motion de la ministre de la Culture.

M. le Président, il est important, comme l'a fait la ministre, de féliciter les gagnants et gagnantes des Félix du 15e gala de l'ADISQ 1993 et de continuer à encourager de façon significative tous les artistes et artisans du monde du spectacle à continuer d'enrichir et de faire connaître la culture québécoise.

Cette année, M. le Président, le comité de structure de l'ADISQ a procédé au recensement de l'analyse de 117 disques, de 34 spectacles, de 93 vidéoclips, et de 11 émissions de télévision pour les mises en nomination, procédant ainsi à la remise de plus de 50 Félix. J'aimerais donc, M. le Président, féliciter l'ensemble des participants à ce 15e gala et notamment les gagnants. Je m'en voudrais de ne pas féliciter Marie-Carmen, qui a été récompensée pour son album «Miel et venin», vendu à ce jour à 240 000 exemplaires, et qui a reçu deux

autres Félix, un pour le spectacle de l'année et l'autre à titre de meilleure interprète féminine de l'année. Je félicite également l'interprète masculin de l'année, Richard Séguin; Roch Voisine, aussi, pour sa chanson «La légende Oochigeas»; Franchie Raymond, pour le titre d'auteure-compositrice de l'année; et Les Colocs pour le titre de découverte de l'année. Je tiens aussi à féliciter les interprètes de la comédie musicale «La légende de Jimmy», de Luc Plamondon, et Stéphane Rousseau et François Pérusse dans le domaine de l'humour.

Je profite aussi de cette occasion qui nous est fournie par cette motion, M. le Président, pour rappeler l'importance que le gala de l'ADISQ revêt pour cette industrie du disque et du spectacle comme véritable fenêtre de promotion de la chanson populaire québécoise. Ce gala, M. le Président, nous a démontré que la persévérance et la qualité sont à la base du rayonnement des artistes francophones québécois à l'échelle nationale et internationale.

Malheureusement, M. le Président, l'industrie du disque est victime de l'évolution des habitudes de consommation dans le domaine des loisirs. Momentanément stimulé par le compact-disque, qui conduit les acheteurs à reconstituer leur bibliothèque musicale, l'industrie musicale est dans une phase de transition. L'avènement de la radio numérique câblodistribuée risque, effectivement, de changer les règles du jeu. La multiplication des supports musicaux, disques compacts, cassettes numériques, etc., et des moyens d'acheminement des enregistrements ? radiodiffusion numérique par câble, distribution par ligne téléphonique et autres méthodes ? ne feront que favoriser la tendance à la diversification.

Vous comprenez, M. le Président, que la récente décision du CRTC qui ouvre la porte à la radio payante américaine avec un maigre 5 % de musique francophone risque de séparer l'industrie québécoise de la radio en deux classes: d'un côté les radios conventionnelles, réglementées, avec un contenu à 65 % francophone, et de l'autre, les nouveaux services de radio câblée, ne contenant aucune obligation envers la promotion de la musique et de la culture québécoises. Ajoutez à cela, M. le Président, la récession et les nombreuses taxes que les contribuables doivent payer. Il est heureux, M. le Président, cependant de constater et de se réjouir de combien nombre d'artistes vivent de cette situation, mais aussi souligner que d'autres et de nombreux autres éprouvent des difficultés à vivre de leur art.

En terminant, M. le Président, j'aimerais à nouveau offrir mes plus sincères félicitations à tous les participants et participantes de ce 15e gala, et, par conséquent, des voeux particuliers à toutes celles et ceux qui se sont illustrés de façon évidente à l'occasion de ce prix et à l'occasion de cet événement.

M. le Président, je pense qu'il est toujours opportun de souligner dans cette Chambre que nous ne serions pas ce que nous sommes si ce n'était de ces nombreux artistes et de ces créateurs qui, à chaque jour, témoi- gnent de la valeur et de la richesse de notre vie culturelle et sans qui ni la ministre ni moi ne serions ici pour nous réjouir de leur performance et nous réjouir de la façon avec laquelle ils témoignent et diffusent leur art. Alors, pour ces raisons, M. le Président, il me fait plaisir, au nom de l'Opposition officielle et au nom de tous mes collègues de notre formation politique, d'appuyer cette motion.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, merci, M. le député de Gouin. M. le député de Taschereau, sur cette même motion, allez-y.

M. Jean Leclerc

M. Leclerc: Merci, M. le Président. En tant que député ministériel et membre de la commission de la culture, je m'associe à cette motion présentée par ma collègue, ministre de la Culture. M. le Président, il est vrai que dimanche dernier c'était une grande fête. D'abord, parce que la présentation de ce 15e gala de l'ADISQ s'est déroulée ici même, à Québec, dans mon comté, sur la scène du Capitole, joyau des lieux de diffusion de la capitale. C'était une grande fête également parce qu'il s'agit d'un événement unique, au cours duquel tous les membres de l'industrie du disque et du spectacle nous font partager leur talent, leurs réalisations et leur enthousiasme. (15 h 40)

II s'agit également d'une occasion unique pour constater à quel point le Québec regorge d'artistes de grande qualité et nous démontre de plus en plus la maturité remarquable de cette industrie et des créateurs et des artisans qui la composent.

Une fois de plus, les résultats de ce 15e Gala viennent confirmer que nous pouvons compter sur une industrie culturelle dynamique qui non seulement est un levier essentiel à notre rayonnement mais joue également un rôle majeur au niveau de notre économie. En effet, le milieu des arts et de la culture, en plus d'enrichir et de promouvoir la culture québécoise partout à l'étranger, est un maillon en pleine expansion et contribue à l'essor économique du Québec.

Comme le mentionnait ma collègue, grâce aux efforts soutenus du gouvernement du Québec et des mesures concrètes qui l'accompagnent, les artistes d'ici peuvent compter sur notre appui qui leur permet de poursuivre leur création artistique et culturelle. L'ensemble des mesures gouvernementales en faveur de l'émergence des arts et de la culture démontre notre engagement à participer à l'évolution et à l'essor d'un secteur qui contribue à l'affirmation de notre identité culturelle.

En terminant, M. le Président, je profite de l'occasion qui m'est donnée pour réitérer toute l'importance que le gala de l'ADISQ a pour l'industrie du disque et du spectacle au Québec comme moyen essentiel à la promotion de notre chanson. C'est pourquoi, M. le Président, je m'associe aux autres membres de cette

Assemblée pour féliciter tous les lauréats et aussi tous ceux et toutes celles qui ont été mis en nomination lors du 15e gala de l'ADISQ ainsi que les organisateurs qui ont fait que cet événement a remporté autant de succès. M. le Président, je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le député de Taschereau. Mme la députée de Jonquière... de Chicoutimi, je m'excuse. Sur cette même motion, allez-y.

Mme Jeanne L. Blackburn

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. À titre de membre de la commission de la culture, je veux joindre ma parole à celles de la ministre et du porte-parole de l'Opposition officielle en matière de culture pour féliciter tous les participants et les participantes, les personnes qui ont été mises en nomination de même que les récipiendaires des Félix à l'occasion du 15e gala de l'ADISQ.

Si je souhaite aujourd'hui prendre la parole, c'est pour souligner la contribution particulièrement remarquable, dans les différents galas de l'ADISQ, des gens issus et originaires des régions du Québec. Que ça soit de FAbitibi, du Saguenay?Lac-Saint-Jean, de Québec ou encore de la région de la Gaspésie, vous retrouvez dans la colonie artistique, qui est particulièrement active et présente dans la grande région montréalaise, un nombre imposant de personnes qui sont issues des régions. Je pense, chez nous, entre autres, au tout dernier, Mario Pelchat. C'est quelqu'un qui a commencé à faire ses premiers pas dans la région, qui a commencé à conquérir le public régional pour ensuite progressivement atteindre les paliers les plus intéressants dans son domaine. La même chose, d'ailleurs, pour André Fortin, qui est membre du groupe Les Colocs et qui était également récipiendaire d'un Félix à l'occasion du 15e gala de l'ADISQ.

Si je tiens à souligner de façon particulière la participation des gens de nos régions au développement des arts, des lettres et de la culture de façon générale au Québec, c'est en même temps pour regretter et déplorer que dans la composition du Conseil des arts et des lettres la ministre n'ait pas trouvé moyen de nommer un seul membre à cette commission qui soit issu, qui soit originaire ou qui représente les régions du Québec. Sur 13 membres, vous en avez 10 de la grande région montréalaise. Ça se comprend. C'est important. Vous en avez deux de Québec et une de l'Estrie. Des régions périphériques, des régions éloignées d'où émane une partie importante des artistes qui font leur place aujourd'hui au Québec, nous n'avons aucune représentation au Conseil des arts et des lettres.

Vous allez me dire que ça n'a pas empêché les gens de chez nous, les gens des régions comme l'Abitibi ou le Saguenay?Lac-Saint-Jean de faire leur marque au Québec, et le 15e gala le démontre, mais je pense qu'il serait important qu'on se rappelle, à l'occasion de la constitution des organismes chargés de soutenir le développement des arts et des lettres au Québec, qu'il y a aussi des gens en région qui ont le goût d'apporter leur contribution et qu'à cet égard ils méritent une reconnaissance.

Je voudrais, en dépit de mes commentaires, à nouveau féliciter tous les récipiendaires et toutes les participantes et les participants du 15e gala de l'ADISQ, féliciter également les organisateurs parce que, quel que soit le milieu, ces gens probablement plus que tout autre... Parce qu'on sait que les revenus sont relativement bas dans ce milieu, dans tout le domaine des arts et des lettres, je voudrais les féliciter et vous dire que ces activités viennent soutenir et encourager les meilleurs de nos artistes, et c'est avec plaisir que je me joins à la motion présentée par la ministre de la Culture pour féliciter ces gens et leur souhaiter une longue et fructueuse carrière. Merci.

Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, Mme la députée de Chicoutimi. Est-ce que la motion de Mme la ministre de la Culture, qui se lit comme suit: «Félicitations aux lauréats du gala de l'ADISQ», est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Adopté. Toujours à l'étape des motions sans préavis, M. le ministre du Travail.

Souligner la Semaine de la santé et de la sécurité du travail

M. Cherry: Merci, M. le Président. Conformément à l'article 84 du règlement de notre Assemblée, je sollicite le consentement unanime pour présenter la motion suivante: «Que cette Assemblée souligne la huitième Semaine de la santé et de la sécurité du travail se déroulant du 18 au 24 octobre 1993.»

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Y a-t-il consentement à débattre de cette motion? Consentement. Allez-y, M. le ministre.

M. Normand Cherry

M. Cherry: Merci, M. le Président. Le thème de la Semaine, c'est «Prévenir, c'est agir là où ça compte». Organisé par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, cet événement, M. le Président, met particulièrement l'accent cette année sur les chutes en milieu de travail et, bien sûr, le maintien du lien en emploi.

En fait, M. le Président, les objectifs poursuivis tout au long de cette Semaine consistent, premièrement, à éliminer à la source les dangers pour la santé et la sécurité des travailleurs et des travailleuses et, à ce

chapitre, on n'a qu'à penser aux chutes en milieu de travail qui sont bien souvent responsables de lésions au dos, et, deuxièmement, à miser sur le maintien du lien d'emploi afin de prévenir les conséquences souvent désastreuses des lésions professionnelles, tant sur le plan humain que financier.

À cet effet, on sait que la mise en oeuvre de solutions provisoires ou permanentes de maintien en emploi favorise un prompt et durable retour au travail des travailleuses et des travailleurs accidentés. Offrant, M. le Président, toute une gamme d'activités, cette Semaine donne l'occasion aux dirigeants d'entreprises, aux représentants syndicaux de même qu'aux travailleuses et travailleurs de poser des gestes concrets en vue d'éliminer les dangers de chutes et d'échanger sur les moyens à prendre pour favoriser le maintien du lien en emploi.

Je profite d'ailleurs, M. le Président, de l'occasion pour formuler le souhait que tous ces intervenants poursuivent leurs discussions, et ce, tous les jours de l'année afin de faire de la santé et de la sécurité au travail une priorité quotidienne.

Par ailleurs, je tiens à vous affirmer que la Commission de la santé et de la sécurité du travail ne cesse, de son côté, M. le Président, de multiplier les efforts et les gestes concrets afin de s'assurer qu'elle dispose de toutes les informations permettant aux travailleuses et aux travailleurs accidentés de retourner le plus rapidement possible dans leur milieu de travail.

De plus, la Commission ne ménage pas ses énergies, soucieuse de relever le défi de la prévention et de la réadaptation, et ce, tout en s'engageant sûrement sur la voie d'un redressement durable de la situation financière nécessaire à l'existence de ce contrat social unique à la société québécoise.

En terminant, M. le Président, je veux remercier tous ceux et celles qui, quotidiennement, contribuent à la réalisation de ces objectifs, et vous avez compris que dans mes pensées, cela s'adresse de façon particulière à tous ces hommes et ces femmes qui travaillent pour la Commission. C'est d'ailleurs pourquoi je demande aujourd'hui l'accord unanime de cette Assemblée pour adopter cette motion. Je vous en remercie, M. le Président. (15 h 50)

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le ministre du Travail. Alors, sur cette motion du ministre du Travail, je cède la parole à M. le député de Jonquière, critique de l'Opposition officielle en cette matière.

M. Francis Dufour

M. Dufour: Merci, M. le Président. Il est heureux qu'une motion semblable soit présentée à l'ouverture de la session. Depuis les dernières années, on a entendu, malheureusement, seulement des questions ou des questionnements négatifs concernant la Commission de la santé et de la sécurité du travail. Ça a toujours été, de la part de celui qui vous parle, un étonnement, puisque ce sont les instigateurs ou ceux qui paient qui ont toujours posé les mêmes questions, à savoir que le travail de la CSST se limitait pratiquement à créer ou à faire des déficits. Ainsi, je déplore ce questionnement qui a été fait sur la place publique, pas parce qu'on se réjouit qu'il y ait des déficits à la CSST, mais Dieu sait que c'est un organisme qui est nécessaire, obligatoire, qui serait difficilement remplaçable, et qui a un rôle extraordinairement social à jouer dans notre société. Ce rôle-là, elle le joue bien.

Seulement, il y a une chose qui m'étonne, moi aussi, à travers tout ce cheminement-là, c'est qu'on a attaqué de toutes parts la Commission de la santé et de la sécurité du travail, et je n'ai jamais entendu, publiquement, le ministre défendre cette société ou cette corporation gouvernementale ou paragouvernementale. Ça, ça amène du questionnement et ça amène aussi de l'inquiétude. Je comprends encore difficilement, devant les pressions sans nombre qui nous proviennent des milieux syndiqués, sur la façon d'administrer la CSST, d'abord, par des centaines de lettres qui nous parviennent, par une pétition qui a été déposée ici, à l'Assemblée nationale ? plus de 50 000 noms ? qui demande certaines orientations, certains questionnements ou qui nous posent des interrogations concernant le vécu de la CSST. On a toujours répondu non à ces demandes-là.

Récemment, la commission parlementaire de l'économie et du travail a demandé de pouvoir questionner le président de la CSST en vertu de son mandat d'initiative, qui nous oblige ou qui nous indique qu'on -doit, chaque année, questionner un organisme qui dépend de la commission. Cet organisme, qui voulait poser des questions au président de la CSST, la commission parlementaire, composée majoritairement du gouvernement libéral, a refusé; ça, c'est difficile à comprendre. On peut bien accuser tout le monde que ça ne fonctionne pas correct, mais on devrait au moins donner la chance à ceux qui sont dans le milieu de venir s'expliquer en commission parlementaire.

Je ne sais pas si le ministre du Travail a eu quelque chose à faire sur l'orientation de la commission. Ça arrive souvent, lorsque l'on a des commissions parlementaires, que les ministres sont consultés par ceux qui les représentent à ces commissions parlementaires. Moi, je trouve qu'on n'augmentera pas la qualité des parlementaires et qu'on ne donnera pas plus de travail aux parlementaires si on refuse une question aussi simple, qui est de regarder comment la Commission de la santé et de la sécurité du travail se comporte, ce qu'elle a fait dans l'année et quelles sont ses orientations futures.

Je pense qu'à travers ça, c'est une démarche très saine, démocratique, qui aurait dû être faite et qui aurait pu se continuer par une commission parlementaire où on interroge d'autres intervenants. Ce n'est pas vrai que l'on doit laisser détruire la Commission de la santé et de la sécurité du travail qui pose des actes très positifs dans le milieu. Je vais vous dire que les déficits sont causés, malheureusement et assez souvent, par ceux qui paient.

Donc, c'est les patrons, mais les patrons prennent ça aussi à même la poche des employés. Il ne faut pas se faire d'illusions, ce n'est pas leur propre argent. Ces montants-là, assez souvent, les déficits de la CSST, sont causés par des employeurs qui refusent de reprendre à leur service des gens qui ont subi des accidents du travail. Parce que, au-delà des déficits, il y a des hommes et des femmes qui, elles et eux, reçoivent des prestations qui compensent un revenu de travail. Ce n'est pas quémander aujourd'hui que d'avoir droit à une certaine sécurité lorsqu'on a travaillé correctement. Et c'est des accidents, malheureusement, qui, souvent, peuvent être le fait de négligence, mais aussi, des fois, des questions accidentelles causent des torts énormes à la société et à ceux qui subissent ces accidents, qui souvent sont compensés après un dédale de cheminements juridiques, judiciaires. En tout cas, on peut en mettre. C'est compliqué, c'est complexe, et il y a des cas qui ne sont jamais réglés.

M. le Président, c'est clair dans mon esprit qu'on doit se réjouir que le gouvernement souligne l'apport de la Commission de la santé et de la sécurité du travail concernant la sécurité, et c'est un rôle important. Et au-delà des déficits ? en conclusion ? il y a surtout celles et ceux à qui ça s'adresse, c'est-à-dire des travailleurs et des travailleuses qui, eux, subissent ces préjudices et qui sont compensés d'autres façons. Mais Dieu sait si on se réjouirait si on pouvait obtenir, dans l'avenir, un taux d'accident zéro. C'est sûr qu'on doit tendre vers ça. Ça peut être idéaliste de le dire, mais le jour où on aura compris que les accidents causent des torts énormes à notre société surtout, et puis, en même temps, causent des torts extrêmement préjudiciables à nos familles et aux travailleurs et travailleuses, on aura fait un grand pas pour améliorer les conditions de travail de toutes les personnes, les 2 300 000, au moins, de travailleurs qui sont à l'action, sur le terrain.

Donc, on va, bien sûr, se joindre au ministre du Travail pour souligner cette Semaine de la sécurité, en souhaitant que la sécurité ne soit pas le fait d'une semaine mais des 52 semaines dans l'année. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Jonquière, de votre intervention. Je rappelle aux membres de cette Assemblée que nous en sommes à la motion de M. le ministre du Travail. Je reconnais M. le député de Pointe-aux-Trembles. M. le député, la parole est à vous.

M. Michel Bourdon

M. Bourdon: M. le Président, comme le député de Jonquière le soulignait, l'accident qui coûte zéro, c'est l'accident qui ne survient pas, et je pense que le ministre va être d'accord avec nous, quelles que soient les divergences qu'on puisse avoir sur d'autres sujets.

Par ailleurs, M. le Président, comme député, moi, dans mon bureau de comté, je ne sais pas si je suis le seul, mais je rencontre fréquemment des gens qui ont des gros problèmes à faire reconnaître leurs accidents ou leurs maladies professionnelles. Et je vais, aujourd'hui, à l'occasion de la huitième...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le député, je m'excuse de vous interrompre. À ma droite, s'il vous plaît! Je pense qu'il y a des choses qu'on n'a pas besoin de dire en cette Assemblée.

M. le député, si vous voulez poursuivre.

M. Bourdon: À l'occasion de la huitième Semaine de la santé et de la sécurité du travail, on peut espérer que, au-delà du déficit qui est réel ? il y a là un problème grave ? les personnes vont finir par être capables d'avoir un recours rapide et efficace quand elles ont maille à partir avec la CSST. Trois cas que je voudrais donner à M. le ministre. Il y en a deux des trois qui ont été envoyés à son cabinet, et je dois souligner, à cet égard, M. le Président, qu'il y a sept ou huit mois, le cabinet du ministre a aidé à régler un cas que j'avais envoyé, et j'ai accueilli la nouvelle avec une grande émotion, parce que c'était la première fois, à ma connaissance personnelle, qu'un cas de CSST se réglait, parce que, règle générale, ça traîne des années de temps. Et je veux rappeler au ministre qu'il rappelle à la personne à qui j'ai promis une médaille, là, chez lui, que ce n'est pas une promesse en l'air. Je vais éventuellement lui donner une médaille de l'Assemblée nationale. Je vais donner mes trois cas, M. le Président, dans l'espoir que le ministre va les répercuter et qu'un jour la loi va être adoptée. (16 heures)

Un travailleur de Montréal-Est, il y a trois ans, a subi un accident de travail, et il est, comme on dit entre nous autres, compensé par la CSST. Il retourne au travail, et là, l'employeur le met dehors. Il le met dehors parce qu'il n'a pas aimé ça qu'il aille réclamer à la CSST. Alors, le travailleur exerce son recours, et je suis heureux de dire au ministre que, cette fois-là, la CSST a fait son travail. Elle n'y peut rien, c'est la loi qui fait que cette personne-là vit un problème depuis trois ans. Alors, la personne en question conteste la décision de l'employeur de le congédier pour avoir réclamé à la CSST, et la personne gagne. Et elle reçoit un avis de la CSST lui disant de retourner au travail le 8 du mois. Mais le travailleur le reçoit le 17. Puis, en même temps, il reçoit un nouveau congédiement de l'employeur parce qu'il ne s'est pas présenté au travail. Alors, il vient à mon bureau de comté puis, là, bien, la CSST dit: Oui, il y a eu une erreur. Il ne pouvait pas se présenter au travail neuf jours avant d'avoir reçu l'avis à l'effet qu'il avait gagné. Depuis ce temps-là, il est devant les diverses instances, ce travailleur-là. Et le bureau Lavery, de Billy, pour ne pas le nommer, grand cabinet d'avocats, multiplie les procédures dilatoires pour l'empêcher de retourner travailler. Une des procédures, M. le Président, ça a été de produire devant une instance une lettre que j'avais commise à la Commission

d'appel en matière de lésions professionnelles pour demander que le cas soit accéléré et qu'il soit entendu le plus tôt possible. Et le procureur de l'entreprise disait: C'est de l'ingérence du politique dans la mécanique quasi judiciaire de la CSST. M. le Président, le cas n'est toujours pas réglé parce que le cabinet Lavery, de Billy multiplie toutes les affaires possibles et imaginables pour retarder, avec toutes sortes de manoeuvres dilatoires.

Je pense que ça fait deux fois qu'il va en Cour supérieure, toujours rejeté mais il a toujours continué. Les frais juridiques doivent s'élever à plus de 100 000 $ actuellement, puis le travailleur, bien, ça fait presque trois ans qu'il ne travaille pas. Il a trouvé un autre emploi dans une entreprise qui a fermé. Bref, ça n'a pas de bon sens, les délais indus pour avoir satisfaction avec la CSST, même quand la CSST commet juste l'erreur de lui faire parvenir, neuf jours après la date, la date où il doit retourner travailler. M. le Président, je me permets de dire que ce citoyen-là est assez mal.

Un autre cas. Un hôpital de Montréal, que je ne nommerai pas, Maisonneuve-Rosemont, un hôpital qui a 3000 employés. Une employée, il y a à peu près deux ans, travaille à la cuisine. Le broyeur qu'elle utilise n'est pas muni d'un dispositif pour empêcher de se mettre la main dedans, et elle se fait broyer la main et le bras. Là, son enfer a commencé parce que, dès le départ, l'hôpital a contesté toutes ses réclamations. La CSST l'a payée un bout de temps, mais elle était en situation précaire. Elle était sur la liste de rappel des occasionnels. Et le syndicat CSN de l'hôpital a rencontré l'hôpital pour lui trouver un autre emploi qu'elle pourrait faire avec une main et un bras en moins, mais l'hôpital ne veut pas. L'hôpital est rendu qu'il a contesté 400 cas à la CSST. Et par quel cabinet d'avocats? Par le cabinet Lavery, de Billy, M. le Président, qui est plus rouge que les feuilles à l'automne. Plus rouge que ça, la feuille tombe! Et 400 cas, M. le Président! Mettons une hypothèse optimiste. Mettons que l'hôpital Maisonneuve-Rosemont va s'en tirer pour 10 000 $ d'honoraires par cas. Ça veut dire 4 000 000 $ d'honoraires. C'est quoi, ça? L'hôpital conteste tous les cas, dans tous les cas, sans exception.

Le ministre va me répondre: La loi leur donne le droit de le faire. Mais je suggère au ministre du Travail de dire au ministre de la Santé et des Services sociaux qu'il y a un peu abus de procédures dans les hôpitaux. C'est parfaitement légal et légitime pour un cabinet d'avocats d'être libéral ? ça, c'est la Charte des droits; même Boutros Boutros-Ghali le confirmerait ? mais pas pour faire de la procédure sur le dos du monde. Vous savez ce qui est arrivé à cette travailleuse-là récemment? Je l'ai souligné au cabinet du ministre qui m'a promis de s'en occuper, puis je pense qu'ils vont s'en occuper. Mais ce n'est pas parce que le cabinet du ministre s'en occupe que ça se règle. Mais, en tout cas, il y a un effort qui est fait. La CSST a coupé la travailleuse parce qu'elle lui a trouvé un travail qu'elle pourrait faire?pas à l'hôpital, là ? avec une main puis un bras de moins. Alors, il y a un génie qui a décidé qu'elle serait capable d'être dame de compagnie à un salaire annuel de 12 900 $. Alors, moi, M. le Président, j'ai demandé au cabinet du ministre, entre autres: Est-ce que quelqu'un connaît quelqu'un qui travaille comme dame de compagnie à 12 900 $ par année? Je n'ai pas eu la réponse encore à ma question. Mais cette personne-là a été coupée, parce qu'on a dit: Vous pourriez travailler comme dame de compagnie.

Alors, je lance un appel aux ministériels, entre autres, qui fréquentent des milieux où les gens ont de l'argent plus que nous autres: Trouvez-lui donc un emploi de dame de compagnie.

Mais devenons sérieux. L'hôpital Maisonneuve-Rosemont a 3000 emplois. Ils ne peuvent pas en trouver un que cette personne-là pourrait faire avec une main puis un bras en moins. Puis l'hôpital, en faisant ça, reconnaîtrait que c'est de sa faute si elle a perdu une main puis un bras. Parce que l'appareil en question, M. le ministre, M. le Président ? je le dis à l'intention du ministre ? ils l'ont changé pour un autre afin que l'employé ne se poigne pas la main et le bras dedans.

Alors, je donne ça dans l'espoir... C'est un peu comme une bouteille qu'on lance à la mer, les cas de CSST. On envoie ça en espérant qu'à un moment donné quelqu'un trouve une solution à son problème.

Et, dernier cas, un travailleur qui a eu un accident avec rechute; son employeur l'a repris. Il a eu une autre rechute; il a été réaffecté. Je le trouvais agressif dans mon bureau. J'ai dit: M. Untel, pourquoi êtes-vous si agressif? Bien, il dit: C'est parce que mon litige avec la CSST a commencé en 1973, il y a 20 ans, puis ce n'est pas réglé encore. Alors, je me permets de le dire, M. le Président, les parlementaires de tous les partis, on est un peu ici pour parler des problèmes vécus par nos gens.

Trois cas. Un à Montréal-Est: ça fait trois ans qu'un avocat multiplie les procédures dilatoires pour laisser dehors un travailleur qui a été congédié pour la seule raison qu'il avait fait une réclamation à la CSST. Deuxième cas: un travailleur qui a commencé à demander à la CSST qu'on règle son cas avec son employeur, qui est un petit employeur, la ville de Montréal. Ça fait 20 ans que le litige persiste. Après 20 ans, M. le Président, le travailleur trouve les délais un peu indus.

Il était agressif dans mon bureau. Je lui ai expliqué que ce n'était pas de ma faute. Mais je comprends son agressivité. Vingt ans plus tard, on se met à réfléchir à la phrase de Woody Allen dans un film: L'éternité, c'est long, surtout vers la fin.

Et, à cet égard, M. le Président, le scandale des scandales, c'est un hôpital qui, à même des fonds publics, conteste à tort et à travers tous les cas de CSST, ce qui permet d'enrichir un cabinet d'avocats connus pour la couleur de leurs allégeances, règle générale. Je ne dis pas qu'il n'y a pas de péquistes dans le cabinet, M. le Président. Il doit bien y en avoir un peu là, puisqu'il y en a dans la population. Mais, en général, c'est un cabinet d'une rougeur à côté de laquelle... Il y en a

toujours un de service, M. le Président, pour pouvoir dire qu'il n'y a pas d'intolérance. Mais, dans le cas de l'hôpital, là, 400 fois 10 000$, 4 000 000$... Vous allez dire: C'est rien, 4 000 000 $. C'est 4 000 000 $ pour ne pas régler les problèmes humains vécus.

Concernant la personne en question, je le dis au ministre en Chambre, ça n'existe pas, des dames de compagnie à Montréal. Elle, elle était préposée aux cuisines. Puis il n'y a pas de raison de la couper puis de décider qu'elle pourrait être dame de compagnie pour 12 900 $ par année. Et je termine là-dessus. Puis-je espérer que le ministre va continuer de travailler pour que cette personne ait peut-être un emploi sur les 3000 qu'il y a dans l'hôpital? Mieux vaut mettre des efforts et de l'argent pour régler le cas de cette personne que de le mettre pour qu'un cabinet d'avocats se fasse de l'argent.

En terminant, le ministre connaît la technique, le cabinet d'avocats a tendance à régler une grande partie des cas la veille de l'audition, la veille de l'audience à la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles, ce qui permet à un avocat ou deux ou trois de vivre assez grassement des problèmes de la CSST. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Pointe-aux-Trembles. Sur cette même question, un droit de réplique.

Mise aux voix

Est-ce que la motion présentée par M. le ministre du Travail, qui se lit comme suit: «Que cette Assemblée souligne la huitième Semaine de la santé et de la sécurité du travail se déroulant du 18 au 24 octobre», est adoptée?

Des voix: Adopté. (16 h 10)

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté. Nous en sommes aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée. Oui, M. le leader de l'Opposition officielle.

Report d'une interpellation au premier ministre sur la situation des jeunes

M. Chevrette: Oui, M. le Président, c'est à la fois un renseignement et une question de privilège que je vous pose. Puisque le 21 mai dernier, en 1993, le député de Shefford devait interpeller le premier ministre sur la situation des jeunes, l'avis avait été inscrit au feuilleton le 13 mai. Après discussion, le premier ministre n'étant finalement pas disponible, nous avons accepté de reporter ou de repousser cette interpellation et nous avons eu une interpellation sur un autre sujet ce 21 mai. Le 20 mai, en Chambre, j'ai clairement fait état du fait que nous voulions toujours interpeller le premier ministre pour le vendredi 28 mai. C'était le dernier jour, si vous vous rappelez, avant la période de session intensive durant laquelle il n'y a pas d'interpellation. Le leader du gouvernement nous avait alors dit que le premier ministre voulait participer à cette interpellation et qu'il voulait trouver une date où il se trouverait disponible, quitte à déborder en juin. Tout ça s'est passé au vu et au su de tout le monde, M. le Président.

Le 27 mai, à l'étape des renseignements sur les travaux de l'Assemblée, tout comme la présente étape aujourd'hui, lorsque le président a donné l'avis concernant l'interpellation sur les jeunes qui devait avoir lieu le lendemain, un consentement a été à nouveau donné pour que cette interpellation soit reportée au début de juin, toujours en raison de l'agenda chargé du premier ministre, qui ne lui permettait pas d'être là le 28 mai.

Le 3 juin, à la suite d'un entretien avec le premier ministre, ce dernier m'avait assuré de sa collaboration. Je suis intervenu à nouveau en Chambre auprès de vous, M. le Président, pour demander le moment précis où se tiendrait cette interpellation. Le leader du gouvernement ne pouvait nous donner d'indication, disait-il à ce moment-là. Donc, le 9 juin, le leader adjoint de l'Opposition, qui est en Chambre aujourd'hui, est encore revenu à la charge et s'adressait au leader adjoint du gouvernement. En alléguant des problèmes d'agenda, encore une fois, le leader a encore affirmé chercher une date. Et vous savez ce qui est arrivé par la suite, il n'y a pas eu une interpellation, tel que le règlement le précise et fait droit à l'Opposition d'interpeller le gouvernement.

Donc, dans les circonstances, M. le Président, je vais vous demander de rendre une décision nous confirmant notre droit à cette interpellation sur les jeunes, avec le premier ministre du Québec, qui n'a jamais eu lieu le 28 mai et qui n'a jamais été remplacée par un autre sujet. Donc, cette interpellation s'ajouterait, évidemment, aux cinq auxquelles nous avons droit dans la présente session. J'irais jusqu'à demander à la présidence de fixer la date et l'heure. Je pourrais m'en remettre à la présidence. Et je suis même prêt, personnellement, de consentement également, même si ça débordait en décembre, à le faire. Mais je ne veux pas qu'on perde ce droit qui nous est acquis par le règlement. Tout ça s'est fait, je pense, de bonne foi de notre côté, en acceptant que l'agenda du premier ministre pouvait être chargé. Mais je crois que c'est un sujet important, d'autant plus que le premier ministre du Québec est responsable du dossier des jeunes, je crois, au niveau du Conseil des ministres. Et je veux que la présidence statue sur notre droit à cette sixième interpellation qui s'ajoute, bien sûr, aux cinq qui nous sont dévolues dans la présente session et qui aurait dû avoir lieu le 28 mai, mais qui, à cause d'accommodements que nous avons consentis, n'a pas pu avoir lieu en juin.

J'ose espérer que la présidence pourra nous donner cette clarification dans les plus brefs délais, parce qu'il y va de l'application du règlement, d'abord, dans un premier temps. On a le droit quand on veut. Le premier ministre aurait pu y aller avec un adjoint parlementaire qui aurait pu faire l'interpellation, mais il n'y

en a pas, je pense, sur le dossier Jeunesse, en l'occurrence. Et je pense qu'aussi le premier ministre lui-même voulait la faire, parce que c'est ses propres dossiers. Je ne veux pas contester la non-opportunité du premier ministre de siéger tel jour ou tel autre, et je suis prêt à des accommodements. Ce que je veux, c'est que ce droit qui est acquis en vertu du règlement nous soit confirmé par la présidence de l'Assemblée nationale et que, au lieu de cinq interpellations auxquelles nous avons droit dans la présente session, cette sixième qui aurait dû avoir lieu et qui n'a pas eu lieu soit fixée à un moment précis qui accommodera, bien sûr, le premier ministre. Je ne veux pas passer pour mesquin dans les circonstances, mais je pense qu'on a le droit à cette interpellation, puisqu'il est le porteur du dossier, et nous avons le droit de l'interpeller sur le dossier en général, le dossier des jeunes du Québec.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, sur cette question, M. le leader adjoint du gouvernement, la parole est à vous.

M. Bélisle: Merci, M. le Président. D'après ce que je viens de comprendre du leader de l'Opposition, je pense que c'est une question tout simplement de regarder froidement ce qui s'est déroulé. Ce que je vais faire ? parce que ça n'a jamais été dans mes intentions et ça ne le sera jamais d'induire la Chambre en erreur ? je vais m'enquérir, d'ici à demain, auprès du bureau du premier ministre ? je vais le faire personnellement ? des intentions qu'ils auraient à cet égard et je vais vérifier l'agenda du premier ministre pour voir s'il a une disponibilité dans un court avenir de venir répondre à cette interpellation-là, parce que M. Bourassa ne s'est jamais défilé, notre premier ministre, à une interpellation sur quelque sujet que ce soit au cours de sa longue carrière politique.

Alors, ce que je fais, M. le Président, je comprends que ce n'est pas tout à fait une question de privilège, c'est plutôt une question d'accommodement ou de fair play entre les partis à l'Assemblée nationale dans l'intérêt de la jeunesse du Québec. Alors, ce que je vous demanderais, ce serait peut-être plutôt de surseoir à votre lecture de la situation puis à votre étude de la demande du leader de l'Opposition et de me donner 24 heures pour pouvoir faire les appels nécessaires et vérifier s'il n'y a pas un terrain d'accommodement particulier à cet égard.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, sur cette question, M. le leader de l'Opposition officielle.

M. Chevrette: Oui, 30 secondes, M. le Président, je ne veux pas étirer la discussion, mais, oui, c'en est une de privilège dans le sens suivant, c'est que je veux que vous statuiez sur le droit de l'Opposition d'avoir son interpellation. Ça, c'est vraiment une question que j'adresse à la présidence.

Quant à l'accommodement avec le premier ministre, entre aujourd'hui, le 19 octobre, et puis le 22 dé- cembre, il y a de la place à l'accommodement, il n'y a pas de problème, mais je veux qu'on statue sur le droit qu'on avait, je crois, puis qui était en bonne et due forme. Nous avions tous les avis prévus aux dates, et ça a été par accommodement, comme je le répète, que nous avons consenti à ce qu'il soit reporté. Mais par la force des choses, il n'y a pas eu de moyen de la faire, et je pense que c'est important, dans la présente session, de le prévoir dès le départ pour ne pas qu'on ait à se chicaner, rendu à la cinquième motion, pour dire: On en a une sixième qu'on aurait dû avoir puis qu'on n'a pas. Je veux qu'on statue en toute bonne foi sur notre droit, et, par la suite... Je pense bien que non seulement ça peut prendre 24 heures, je suis même prêt à consentir 48 ou 72 heures quant à l'accommodement. Puis, s'il prévoit la faire un jeudi parce que ça lui plaît, tant mieux. S'il veut la faire un mercredi, si ça lui convient, on la fera. Là-dessus, je suis ouvert aux discussions, mais c'est sur le droit.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Mme la députée de Groulx, sur cette même question.

Mme Bleau: Oui, bien, je pense que M. le leader adjoint était absent par obligation, hier, à notre caucus. Mais ça a déjà été discuté, et une date devrait être soumise par M. Bourassa justement sur cette question-là que le leader de l'Opposition nous pose aujourd'hui.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, est-ce que...

M. Chevrette: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le leader de l'Opposition officielle.

M. Chevrette: ...si vous me permettez une dernière remarque. Dans les circonstances, je souhaite qu'elle soit quand même reportée un peu dans le temps, compte tenu que notre critique est hospitalisé présentement et pour une dizaine de jours, me dit-on. Ce n'est pas parce qu'il y a une hâte, c'est précisément parce que je veux que le droit soit reconnu pour ne pas qu'on ne l'ait pas, c'est tout. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, ce que je vais faire, compte tenu des circonstances, je vais prendre la question en délibéré, mais avant de la prendre en délibéré, je vais attendre les démarches que le leader adjoint du gouvernement va faire demain, et j'écouterai demain, à la période des renseignements sur les travaux, les informations que le leader adjoint voudra bien transmettre à la présidence sur ce sujet.

Renseignements sur les travaux de l'Assemblée

Alors, j'ai un avis à donner en vertu des renseignements sur les travaux. Alors, je vous informe que demain, lors des affaires inscrites par les députés de

l'Opposition, sera débattue la motion inscrite par M. le leader de l'Opposition officielle et député de Joliette. Cette motion se lit comme suit: «Que le gouvernement tienne compte des constats exprimés publiquement le 5 octobre 1993 par M. le ministre de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie sur la désillusion et la méfiance à l'égard de tout ce qui est politique, le ras-le-bol des jeunes laissés pour compte, la taxation rendue à son extrême limite, l'abus et la tricherie du système, le climat de discorde observé un peu partout dans la société et les groupes d'intérêts nombreux et puissants qui forcent l'État dans des décisions où les véritables besoins des Québécois sont ignorés, en mettant de l'avant dans les plus brefs délais un plan de relance de l'économie et de lutte au chômage, plus particulièrement celui des jeunes.»

Alors, c'est l'avis que je donne pour la motion du mercredi.

Alors, ceci met fin à la période des affaires courantes. Nous passons maintenant aux affaires du jour, et je demanderais à M. le leader adjoint du gouvernement de m'indiquer quel article du feuilleton il appelle. (16 h 20)

Affaires du jour

M. Bélisle: L'article 3, M. le Président.

Projet de loi 106 Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, l'article 3. M. le ministre de la Justice propose l'adoption du principe du projet de loi 106, Loi sur l'aide et l'indemnisation des victimes d'actes criminels.

M. le ministre de la Justice, je vous cède la parole.

M. Gil Rémillard

M. Rémillard: Merci, M. le Président. Alors, M. le Président, le projet de loi 106, Loi sur l'aide et l'indemnisation des victimes d'actes criminels, propose une réforme en profondeur de l'actuel régime d'indemnisation des victimes d'actes criminels afin qu'il corresponde davantage à la réalité des victimes et qu'il soit mieux adapté à leurs besoins. Le projet de loi 106 vise, de plus, à regrouper en une seule loi les règles relatives à l'indemnisation et celles sur l'aide aux victimes d'actes criminels. Il propose également le regroupement des ressources au sein du ministère de la Justice. Ainsi, M. le Président, les victimes n'auraient plus à s'adresser à des organismes différents pour obtenir les services d'aide, de soutien et d'accompagnement et pour recevoir une indemnisation. Elles disposeraient d'un guichet unique, ce qui faciliterait grandement leur accessibilité.

Le 4 novembre 1971, l'Assemblée nationale du Québec, cette Assemblée, M. le Président, adoptait la Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels.

L'adoption de cette loi, entrée en vigueur le 1er mars 1972, était principalement motivée par l'accroissement de la criminalité violente et par l'impossibilité pour certaines victimes d'être indemnisées, soit en raison de l'insolvabilité de l'auteur de l'infraction, soit parce que celui-ci était inconnu ou qu'il ne pouvait être retracé efficacement. En proposant son adoption, le ministre de la Justice d'alors se disait d'avis qu'il devenait impératif de présenter un projet de loi permettant à la société, par l'entremise de son gouvernement et des institutions en place, d'agir à l'égard de la perpétration d'actes criminels causant des dommages à la personne.

La loi visait, M. le Président, alors, à accorder des indemnités aux victimes d'infractions contre la personne, et, en cas de décès de celles-ci, à leurs dépendants. Elle prévoyait, de plus, une indemnisation pour les dommages corporels et matériels subis par ceux et celles qui, dans l'exercice de leur devoir de citoyens et de citoyennes, tentent légalement de prévenir un crime ou d'effectuer une arrestation à la suite de la perpétration d'un crime. Il fut décidé, M. le Président, d'appliquer aux victimes d'actes criminels le seul régime d'indemnisation étatique qui existait alors au Québec, soit celui prévu à la Loi sur les accidents du travail, qui remonte au début des années trente. On pouvait ainsi confier l'administration du régime à la Commission des accidents du travail, devenue en 1980 la Commission de la santé et de la sécurité du travail. M. le Président, cette loi n'a pas subi de modifications majeures depuis son adoption en 1971.

Par ailleurs, en 1985, le législateur adoptait la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles. Cette loi modifiait en profondeur tant le régime applicable aux accidentés du travail que son administration. Cependant, cette loi n'a pas affecté l'application du régime d'indemnisation des victimes d'actes criminels, puisque, à leur égard, la Loi sur les accidents du travail continuait à s'appliquer.

Or, M. le Président, des analyses menées depuis nous permettent de constater que la Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels correspond mal à la réalité des victimes. En effet, le régime d'indemnisation, basé sur celui des accidentés du travail, n'est pas adapté, entre autres, à la situation des enfants qui sont victimes d'abus et à celle d'autres victimes, qui sont sans emploi au moment de l'événement ou qui sont travailleurs autonomes. De plus, ce régime pose des difficultés particulières dans les cas de violence en milieu familial, qu'il s'agisse de violence conjugale, de violence envers des enfants ou envers des personnes âgées. En effet, M. le Président, dans ces cas, les risques de voir l'agresseur profiter des compensations de l'État au détriment de la victime sont bien présents, notamment lorsque la cohabitation se poursuit. Notons également, M. le Président, que le délai de prescription d'un an peut s'avérer trop court pour certaines victimes qui désirent se prévaloir des bénéfices du régime. Par ailleurs, la loi ne tient pas compte des torts psychologiques causés aux proches des victimes.

D'autre part, M. le Président, c'est dans un souci d'améliorer le traitement accordé aux victimes d'actes criminels que le législateur adoptait, en 1988, la Loi sur l'aide aux victimes d'actes criminels. Celle-ci énonce une politique globale pour les victimes de toute infraction criminelle, et ce, en accord avec la Déclaration des principes fondamentaux de justice relatifs aux victimes de la criminalité et aux victimes d'abus de pouvoir, adoptée par l'Assemblée générale des Nations unies en 1985.

Cette loi, M. le Président, a ainsi favorisé la création du Bureau d'aide aux victimes d'actes criminels, dont l'une des priorités est de soutenir l'action des organismes communautaires qui dispensent des services d'aide aux victimes d'actes criminels.

Cette loi aura permis, depuis 1988, de mettre sur pied 10 centres d'aide aux victimes d'actes criminels sous la responsabilité d'organismes communautaires bénéficiant de subventions du Fonds d'aide aux victimes d'actes criminels. Ces centres d'aide, connus également sous le nom de CAVAC, sont répartis dans différentes régions du Québec. Nous avons de ces centres à Chicoutimi, à Hull, à Laval, à Longueuil, à Montréal, à Québec, à Rimouski, à Saint-Jérôme, à Sherbrooke et à Trois-Rivières.

Les CAVAC offrent aux victimes des services d'aide, de support moral, d'information sur leurs droits et recours. Ils offrent également des services d'accompagnement aux victimes dans leurs démarches auprès des tribunaux et organismes administratifs tels que la Direction de l'indemnisation des victimes d'actes criminels.

M. le Président, en vue d'améliorer le régime d'indemnisation, j'ai mis sur pied, en 1991, un groupe de travail ministériel chargé de revoir les programmes d'aide et d'indemnisation des victimes d'actes criminels. Et, à l'automne 1991, dans le cadre des travaux préparatoires au Sommet de la justice, des consultations ont été tenues auprès des groupes, organismes et ministères concernés par le traitement des victimes et des témoins d'actes criminels. Plusieurs propositions ont été formulées, dont un bon nombre, provenant de l'Association québécoise plaidoyer-victimes, portaient sur le régime d'indemnisation des victimes d'actes criminels. Ces propositions ont été présentées lors du Sommet de la justice tenu en février 1992. La réforme que je propose aujourd'hui tient compte de ces consultations et répond largement aux préoccupations et aux propositions formulées par les différents intéressés.

Le projet de loi 106, M. le Président, dont nous procédons aujourd'hui à l'adoption de principe énonce dans son titre I les droits des victimes et leurs responsabilités. Il reprend essentiellement les dispositions contenues à l'actuelle Loi sur l'aide aux victimes d'actes criminels. La victime d'acte criminel est d'abord une personne qui subit un préjudice corporel, psychologique ou matériel résultant directement ou indirectement de la perpétration, au Québec, d'une infraction criminelle.

Par ailleurs, elle est également une auxiliaire de l'administration de la justice. Elle joue un rôle essentiel dans la poursuite et la sanction des auteurs du crime en vue de la protection du public et, aussi, je devrais dire, sa propre protection.

Reconnaissant l'importance de leur participation au processus pénal, le projet de loi réaffirme le droit des victimes d'être traitées avec courtoisie, équité, compréhension, et dans le respect de leur dignité et de leur vie privée. Il reconnaît également d'autres droits, notamment celui d'obtenir réparation ou indemnisation d'un préjudice subi de façon prompte et équitable, et ce, dans la mesure prévue par la loi. Il prévoit aussi le droit d'une victime d'être informée aussi complètement que possible de ses droits et recours, de son rôle dans le processus pénal, ainsi que de l'état et de l'issue de l'enquête policière et des procédures judiciaires.

Le projet de loi reconnaît de plus le droit aux victimes de recevoir l'assistance médicale, psychologique et sociale que requiert leur état, ainsi que des services d'aide appropriés, compte tenu des ressources disponibles. (16 h 30)

Enfin, M. le Président, la victime se voit reconnaître le droit de bénéficier de mesures de protection contre les menaces et les représailles de la part de son agresseur. Ces garanties, M. le Président, visent à atténuer les inconvénients de la participation nécessaire de la victime au processus pénal. En corollaire, le projet de loi réaffirme la responsabilité de la victime de coopérer, dans la mesure du possible, avec les autorités chargées de l'application de la loi à l'égard de l'infraction criminelle dont elle est victime.

Le titre II du projet de loi s'adresse plus particulièrement aux victimes d'une infraction criminelle contre la personne et prévoit les règles de leur indemnisation. La nécessité d'une intervention étatique dans le domaine de l'indemnisation des victimes d'actes criminels est reconnue, M. le Président, par la majorité des États modernes et elle peut se justifier sur la base de la responsabilité de l'État d'assurer la sécurité du public en protégeant les citoyennes et les citoyens contre le crime. On peut également invoquer le devoir moral de l'État de réparer les injustices sociales causées par les limites inhérentes aux recours civils dans le contexte particulier de la criminalité. Enfin, il faut reconnaître la responsabilité collective des citoyennes et des citoyens à l'égard de la prévention de la criminalité, et la nécessité d'une solidarité sociale face aux conséquences de la victimisation. Le crime étant, en somme, un risque social dont personne n'est à l'abri, il est équitable d'en faire supporter les coûts par l'ensemble de la collectivité.

Ainsi, dans un premier temps, M. le Président, le titre II du projet de loi 106 détermine les personnes admissibles aux prestations d'indemnisation. Il s'agit, d'abord, de la victime qui subit un préjudice corporel ou psychique résultant directement de la perpétration au Québec d'une infraction criminelle visée à l'Annexe I du projet de loi. Cette Annexe énumère essentiellement les infractions de violence contre la personne, par exemple, l'homicide, les voies de fait, les vols avec violence,

l'agression sexuelle, les infractions mettant en danger la sécurité des personnes ou comportant des actes d'intimidation et d'autres. Sont également admissibles les personnes qui subissent un tel préjudice ou un préjudice matériel en intervenant de bonne foi pour prévenir une infraction ou pour procéder à une arrestation, de même que les personnes qui sont blessées lors d'une telle intervention. En cas de décès de la victime, son conjoint et ses personnes à charge pourraient recevoir une indemnité de décès, et la personne qui a acquitté les frais funéraires serait remboursée jusqu'à concurrence des montants prévus par la loi. Enfin, les proches des victimes pourraient recevoir des services de réadaptation selon les conditions prévues par la loi. Il s'agit ici, M. le Président, d'un élargissement de l'admissibilité pour l'indemnisation.

Tout en reconnaissant, M. le Président, la responsabilité de l'État dans le domaine de l'indemnisation, le projet de loi s'appuie également sur le principe de la responsabilité individuelle, responsabiliser le citoyen. Et on se souvient, M. le Président, que, lors du Sommet de la justice, où nous avons discuté des principaux éléments que nous retrouvons dans ce projet de loi, nous avons discuté en fonction du thème de ce Sommet qui était «La justice: une responsabilité à partager». Donc, responsabiliser le citoyen dans un contexte où l'État doit l'aider, mais aussi dans un contexte où il doit collaborer avec l'État pour le bien de la sécurité publique et pour sa propre sécurité.

C'est ainsi, M. le Président, que ce projet de loi maintient certaines exclusions, tel le cas où une victime aurait, par sa faute lourde ou en étant partie à l'infraction, contribué au préjudice qu'elle subit. D propose, de plus, l'ajout d'une mesure permettant d'exclure la personne qui, par sa participation à des activités illégales, aurait contribué à la réalisation du préjudice. Par ailleurs, M. le Président, afin d'éviter que l'auteur de l'infraction n'échappe à ses responsabilités, le projet de loi maintient le droit de la victime d'exercer des recours civils contre celui-ci et prévoit le recours subrogatoire du ministre à cet égard.

Comme vous le savez, M. le Président, les valeurs d'une société se reflètent, notamment, dans les lois dont elle se dote. Lorsque les manquements à ces lois portent atteinte à l'intégrité des personnes, il devient d'autant plus important qu'ils puissent être sanctionnés. Leur signalement et la coopération des victimes avec l'administration de la justice constituent des moyens nécessaires pour contrer la criminalité. Dans cet esprit, le projet de loi propose, à moins d'un motif sérieux, l'exclusion des prestations lorsque l'infraction n'a pas été signalée à la police ou au directeur de la protection de la jeunesse, selon le cas, de même que lorsque le réclamant n'a pas coopéré avec l'autorité de justice compétente. Enfin, M. le Président, le délai de prescription d'un an pour présenter une demande serait porté, avec ce nouveau projet de loi, à trois ans. Il pourrait être prolongé lorsque le réclamant établit qu'il a été dans l'impossibilité, en fait, d'agir plus tôt, soit par lui- même, soit en se faisant représenter par d'autres personnes.

M. le Président, le projet de loi 106 se veut une réforme complète du régime d'indemnisation des victimes d'actes criminels. Il en revoit les règles pour proposer leur harmonisation avec celui applicable aux victimes d'accidents d'automobile, et ce régime, revu récemment par l'Assemblée nationale, s'adresse, tout comme le régime d'indemnisation des victimes d'actes criminels, à toute personne, sans égard à son âge et à sa situation sociale. Pour assurer une indemnisation adéquate à l'ensemble des victimes, il établit différentes catégories en fonction du statut de la victime par rapport à son emploi et à son âge. Le droit à l'indemnité de remplacement du revenu et le montant de celle-ci sont fixés en conséquence.

Le projet de loi prévoit également une compensation particulière pour les victimes qui travaillent sans rémunération dans une entreprise familiale pour couvrir le coût de remplacement de la main-d'oeuvre, et ce, jusqu'à concurrence de 564 $ par semaine durant les premiers 180 jours qui suivent l'événement. Il établit, de plus, le droit à une allocation de disponibilité pour les personnes qui doivent être présentes auprès d'une victime dont l'état de santé ou l'âge le requiert lorsque cette victime reçoit des soins médicaux ou paramédicaux. Des indemnités pour frais de garde d'enfant ou de personne invalide sont également prévues et, à cet égard, il sera possible pour une victime d'obtenir, selon sa situation, une indemnité variant de 282 $ à 384 $ par semaine ou de 86 $ à 169 $ par semaine, selon le nombre d'enfants de moins de 16 ans ou de personnes invalides dont elle a la garde.

Le projet de loi, M. le Président, prévoit spécifiquement le remboursement des frais réels d'une aide personnelle à domicile lorsque l'état physique ou psychique de la victime la rend incapable de prendre soin d'elle-même ou d'effectuer sans aide les activités essentielles de la vie quotidienne, et cette indemnité pourrait atteindre 555 $ par semaine lorsque l'état de la victime justifie la présence continuelle d'une personne auprès d'elle. Une indemnité est proposée pour compenser la perte d'intégrité physique ou psychique de la victime. C'est ainsi qu'une victime atteinte de séquelles permanentes pourrait recevoir une indemnité pouvant atteindre 127 250 $, et ce, contrairement à la situation actuelle, sans considération de son revenu. De plus, cette indemnité ne serait plus versée sous forme de rente, mais en une somme forfaitaire, permettant ainsi à la victime de disposer des montants selon ses besoins. Cette façon de faire évite, M. le Président, les paiements d'une rente mensuelle viagère, une façon qui rappelle à la victime des événements, très souvent, qu'elle s'efforce d'oublier. (16 h 40)

II en est de même à l'égard des indemnités de décès. Ainsi, le conjoint survivant pourrait recevoir, selon ce projet de loi, une indemnité qui ne serait en aucun cas inférieure à 45 149 $ et qui pourrait atteindre

232 500 $ dans certains cas. Les personnes à charge, autres que Je conjoint, pourraient obtenir un montant calculé en fonction de leur âge à la date du décès de la victime et pouvant varier de 39 506 $ pour une personne âgée de moins d'un an à 21 406 $ pour une personne âgée de 16 ans et plus.

Si la personne à charge est invalide à la date du décès de la victime, elle aura droit à une indemnité additionnelle de 18 624 $. Par ailleurs, les enfants d'une victime chef de famille monoparentale auraient droit, en plus de leur propre indemnité, à l'indemnité forfaitaire qui aurait été versée au conjoint survivant. Enfin, M. le Président, le remboursement des frais funéraires et de transport du corps d'une victime pourrait atteindre 3386 $, contrairement à la situation actuelle qui fixe ce montant à simplement 100 $.

M. le Président, le projet de loi innove en permettant aux proches des victimes de recevoir des services de réadaptation thérapeutique lorsque cela est médicalement requis pour supporter adéquatement la réadaptation de la victime. Il en est de même pour les proches des victimes d'homicide et d'enlèvement qui subiraient un préjudice psychique.

Le projet de loi prévoit en outre des mesures pour s'assurer que les prestations ne profiteraient pas à l'auteur du crime. À cette fin, il propose la suspension temporaire ou l'étalement des prestations auxquelles le réclamant aurait droit ou encore leur versement pour son bénéfice à un tiers. Cette mesure pourrait s'avérer particulièrement utile dans les cas d'enfants abusés par leurs parents.

D'autre part, M. le Président, le projet de loi prévoit à son titre III les règles régissant l'administration du régime. Ainsi, le ministre de la Justice aurait compétence pour déterminer le droit à une prestation et pour en établir le montant. La décision du ministre pourrait faire l'objet d'une révision et d'un appel dans le cadre d'un processus qui, tout en permettant à la victime de présenter ses observations, sera dépouillé du caractère formaliste et contradictoire actuel. Il s'agit, M. le Président, d'assurer un maximum d'accessibilité à ce processus de révision. Le ministre serait assisté dans ses fonctions par le Bureau d'aide et d'indemnisation des victimes d'actes criminels, qui intégrerait les fonctions assumées actuellement par la Direction de l'indemnisation des victimes d'actes criminels et qui aurait également, comme c'est le cas pour l'actuel Bureau d'aide aux victimes d'actes criminels, le mandat de promouvoir et de soutenir l'aide aux victimes.

Enfin, le projet de loi réaffirme l'importance de soutenir l'action des organismes communautaires. Il prévoit la reconnaissance à cette fin, par le ministre, des centres d'aide aux victimes d'actes criminels et lui attribue le pouvoir d'accorder une aide financière aux fins de la promotion des droits et de la défense des intérêts des victimes. Dans le cadre de la réforme, M. le Président, j'entends implanter de nouveaux centres d'aide aux victimes d'actes criminels, les CAVAC, qui viendront compléter le réseau actuel, afin d'assurer leur présence sur l'ensemble du territoire du Québec.

Finalement, le projet de loi modifie diverses dispositions législatives, notamment la loi sur l'indemnisation et la Loi visant à favoriser le civisme, afin de tenir compte du remplacement du régime actuel par celui proposé par le projet de loi.

En somme, M. le Président, tout en rationalisant les coûts des programmes d'aide et d'indemnisation, la réforme apportera un support mieux adapté aux besoins des victimes et de leurs proches. Elle constitue un pas de plus dans la démarche visant à assurer une justice plus accessible et plus humaine. Souvent, M. le Président ? et ça m'est arrivé encore dernièrement dans mon comté, le comté de Jean-Talon, où une dame me disait qu'elle avait l'impression que les criminels étaient mieux traités que les victimes ? quand on regarde certains aspects de l'administration de la justice, ça peut donner peut-être cette impression, mais, dans la mesure où, avec cette loi, nous pourrons adapter l'aide qu'on doit apporter aux victimes d'actes criminels, je crois que nous allons faire un pas significatif vers une justice qui est plus accessible et qui est aussi à visage humain.

Lorsque nous parlons de la criminalité importante, que nous avons de plus en plus, malheureusement, dans notre société, parler de ce sujet, M. le Président, c'est toucher à un des points les plus sensibles, actuellement, de l'administration de la justice. C'est pourquoi, M. le Président, j'espère qu'au-delà de toute question de parti-sanerie politique, comme c'est le cas dans les projets qui regardent l'administration de la justice, nous saurons débattre de cette loi pour que nous puissions avoir ce nouveau régime d'indemnisation et d'aide aux victimes d'actes criminels le plus tôt possible. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le ministre de la Justice, de votre intervention sur ce projet de loi. Je rappelle aux membres de cette Assemblée que nous en sommes à l'adoption du principe du projet de loi 106, Loi sur l'aide et l'indemnisation des victimes d'actes criminels. Je cède la parole au porte-parole de l'Opposition officielle en cette matière, M. le député d'Anjou. M. le député.

M. Pierre Bélanger

M. Bélanger: Je vous remercie, M. le Président. Permettez-moi de faire un rappel chronologique des étapes qui ont marqué l'évolution de la dynamique relative aux victimes d'actes criminels. En effet, le cheminement de ce dossier s'échelonne sur plus de 20 ans, bientôt 23 ans pour être précis. Il s'agit d'une progression lente, mais parsemée d'acquis pour les victimes.

Le projet de loi 83, Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels, a été proposé à l'Assemblée nationale en 1971 par le ministre de la Justice d'alors, M. Jérôme Choquette. Quant à elle, la loi est entrée en vigueur le 1er mars 1972. En fait, il s'agissait d'une

mesure de justice sociale comme il y en a eu plusieurs autres dans les années soixante-dix. On n'a qu'à penser à la loi sur Fassurance-santé et à la Loi sur l'aide juridique. Également, il s'agissait d'une mesure équitable en faveur des victimes et, de surcroît, qui allait de soi dans le contexte de l'époque et rendue aussi ? il faut le dire ? nécessaire suite à une série d'événements déplorables qui étaient survenus à l'époque. Ces événements, M. le Président, avaient soulevé l'indignation et avaient donné lieu à l'adoption de lois spéciales afin de permettre au gouvernement d'accorder, sous la forme de rentes ou de pensions, de l'aide à des femmes devenues veuves à la suite du décès de leur mari survenu suite à des actes criminels. Pour illustrer mes propos, je me permets de vous rappeler qu'il s'agit, entre autres, du cas de la veuve de M. Laporte, ancien ministre d'alors.

Donc, le principe d'indemnisation des victimes d'actes criminels par l'État n'était pas nouveau puisqu'il avait ainsi été reconnu précédemment par l'Assemblée nationale dans ce cas précis, de même que dans d'autres cas, au moyen de lois spéciales, mais, chaque fois, il fallait procéder par loi spéciale pour régler les cas. Des l'adoption de ces lois spéciales et suite aux représentations de divers membres du gouvernement, le gouvernement de l'époque indiquait son intention et prenait l'engagement de traduire ces lois d'exception par une loi générale afin de permettre à toutes les victimes d'actes criminels contre la personne et à leur famille de pouvoir bénéficier des mêmes avantages.

M. le Président, je profite de l'opportunité qui m'est octroyée aujourd'hui pour évoquer à nouveau, en cette Chambre, quelques-uns des principes à l'origine du projet de loi 83, la Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels. Je me réfère, ici, à peu de chose près, aux propos que tenait alors M. Jérôme Choquette, ministre de la Justice, lors de l'adoption en deuxième lecture de ce projet de loi, l'équivalent de l'adoption de principe actuellement.

Tout d'abord, la dynamique des victimes d'actes criminels violents posait un problème social: d'une part, à cause de l'accroissement de la criminalité et, surtout, de la criminalité violente qui se traduisait par une augmentation conjointe du nombre de victimes. On se devait donc de prendre en considération cette conjonc-. ture originant, d'abord et avant tout, d'une situation créée par la vie en société. L'État a donc décidé de se responsabiliser face à cette situation en considérant dorénavant l'indemnisation comme une question de devoir. Également, on constatait un état d'insolvabilité chez la plupart des auteurs d'actes criminels violents ou encore que ces personnes ne pouvaient être efficacement rejointes, soit parce qu'elles étaient inconnues, soit parce qu'elles purgeaient de longues peines de prison ou de pénitencier, ce qui, par conséquent, empêchait souvent les victimes d'espérer être indemnisées des dommages subis lors de la perpétration du crime. Essentiellement, M. le Président, il s'agit des préceptes qui ont conduit à la Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels.

Pour toutes ces raisons, le ministre Choquette déclarait à l'époque, et je le cite: «Par conséquent, il devenait impératif pour le gouvernement de présenter un projet de loi permettant à la société, par l'entremise de son gouvernement et des institutions qui existent, de faire face à ce problème social d'actes criminels ayant causé des dommages à la personne, soit des dommages ayant entraîné le décès de la victime ou encore des dommages subis par les dépendants de la victime, ou encore des dommages ayant entraîné des blessures corporelles qui méritent d'être indemnisées.» (16 h 50)

II est intéressant, M. le Président, de constater que déjà, à cette époque, l'idée d'un organisme administratif, soit une commission des victimes d'actes criminels, était discutée par les parlementaires. L'idée avait été abandonnée, prétextant la capacité financière difficile dans laquelle l'État se trouvait et le trop grand nombre d'organismes gouvernementaux déjà existants. D'ailleurs, lors du Sommet de la justice dont le ministre faisait mention tout à l'heure, il y avait un engagement à l'effet qu'une commission des victimes d'actes criminels soit créée. Je dois comprendre que, encore pour le même contexte qui devait prévaloir à l'époque, il n'y en aura pas, de dite commission. J'aimerais, d'ailleurs, lors de l'étude article par article de ce projet de loi, que le ministre nous fasse part, à ce moment-là, du pourquoi de sa décision. Comment la justifie-t-il? Et comment va-t-il pallier au fait que cette commission ne verra pas le jour?

Enfin, M. le Président, à l'époque, donc, de l'adoption de ce premier projet de loi sur les victimes d'actes criminels, on désirait éviter de traiter les victimes d'actes criminels de manière différente des accidentés du travail afin de ne pas créer de discrimination sur les traitements accordés à ces deux catégories de personnes. Je reviendrai plus loin, M. le Président, sur ces arguments afin de les appliquer au projet de loi actuel.

Dès cette époque, le Parti québécois exprimait son accord et souscrivait à ce projet de loi, y voyant une preuve de la progression de la société québécoise. Encore aujourd'hui, le Parti québécois souscrit à ce principe. Toutefois, malgré l'existence d'une loi ayant pour but d'indemniser les victimes d'actes criminels, le statut de ces personnes demeurait souvent vague et incompris, le système judiciaire les considérant davantage dans un rôle secondaire, à titre de simples témoins recevant une assignation. Notre système accusatoire accrédite cette perception puisque la victime n'est pas partie, n'est pas liée à ce système comme dans d'autres pays. Somme toute, on ne s'interrogeait pas sur leurs besoins.

C'est alors qu'on a beaucoup réfléchi et discouru sur l'ensemble des services disponibles aux victimes, afin de les reconsidérer et, au besoin, de les réévaluer. Donc, après maintes discussions et réflexion, le ministre de la Justice, M. Herbert Marx, produisit un document de réflexion et de consultation en 1987. Entre-temps, il y a eu la déclaration des principes fondamentaux de justice pour les victimes du crime, proposée suite à un

congrès des Nations unies, dont le ministre a fait mention tout à l'heure, pour la prévention du crime et le traitement des délinquants. Il est intéressant de noter, M. le Président, que le Québec n'a pas attendu l'adhésion du Canada à cette déclaration pour agir. Certes, la loi d'indemnisation des victimes d'actes criminels existait déjà depuis quelques années et son objectif répondait aux dispositions de la déclaration de principe des Nations unies. Toutefois, la loi de l'indemnisation n'assurait que le paiement d'indemnités monétaires aux victimes pour les blessures corporelles. Rien encore n'était mis en oeuvre quant au soutien à leur offrir, quant à l'information à leur fournir, par exemple, sur le déroulement du processus judiciaire, ainsi que quant à l'accessibilité aux différents services. Bref, un réalignement était à envisager.

Toute cette réflexion conduisit, en mai 1988, à la présentation du projet de loi 8, Loi sur l'aide aux victimes d'actes criminels, par le ministre de la Justice, puisque le ministère de la Justice faisait une priorité des droits des victimes et que la loi sur l'indemnisation ne couvrait pas l'ensemble des besoins des victimes. Par ce projet de loi, on introduisait différentes dispositions destinées à répondre aux besoins, ainsi qu'aux préoccupations des victimes.

Tout d'abord, il reconnaissait et énonçait les droits et responsabilités des victimes. Ensuite, il procédait à l'institution du Bureau d'aide aux victimes d'actes criminels, communément appelé BAVA, au ministère de la Justice. On lui confiait, entre autres, la responsabilité de la promotion des droits des victimes, la concertation, ainsi que la coordination des actions des personnes, ministères et organismes devant dispenser des services aux victimes. Aussi, ce Bureau devait voir à l'implantation et au maintien des centres d'aide aux victimes d'actes criminels, communément appelés les CAVAC. Également, ce projet de loi instituait la création du Fonds d'aide aux victimes d'actes criminels pour pourvoir au financement du service d'aide.

À cette époque, l'Opposition officielle avait concouru à l'adoption de ce projet de loi en y faisant, toutefois, plusieurs critiques qui demeurent, même encore aujourd'hui, d'actualité, notamment quant au droit de la victime d'être informée, quant à la manière de les traiter et quant à renonciation de leurs droits et responsabilités. J'y reviendrai plus loin, M. le Président.

Parallèlement à tout cela, M. le Président, l'avènement de la Charte canadienne des droits et libertés en 1982, de même que celui de la Charte des droits et libertés de la personne en 1975, a, notamment, contribué à consacrer les libertés fondamentales des individus et également à octroyer des garanties juridiques à un accusé, garanties auxquelles on ne peut porter atteinte qu'en conformité avec les principes de justice fondamentale. À titre d'exemple, on n'a qu'à penser au droit à un procès juste et équitable devant un tribunal indépendant et impartial, au droit à l'assistance par un avocat, au droit à une défense pleine et entière, à la présomption d'innocence, à la protection contre les fouilles abusives, etc.

L'adoption des chartes a donc permis de consolider et de renforcer la protection déjà consentie à un accusé. Toutefois, M. le Président, force est de constater que les victimes ne semblent pas bénéficier de garanties spécifiques à leur situation et qu'elles font office de parents pauvres en matière de droits réels à faire valoir. On ne peut qu'accréditer ? et je trouve cela malheureux, M. le Président ? la perception des citoyens qu'il y a distorsion et déséquilibre entre la situation des victimes et celle des accusés. Pourtant, les victimes constituent la pierre angulaire, la cause de tout un processus qui tire son origine de leur triste condition, condition qu'elles n'ont pas cherchée, qu'elles n'ont pas voulue, mais qu'elles subissent tout de même, il faut le rappeler.

Alors, M. le Président, dans le cadre de la sensibilisation à ces réalités et de la prise en considération du sentiment d'inégalité qui semble naître entre la situation d'un accusé et celle d'une victime, une législation pour assurer l'indemnisation et l'aide des victimes d'actes criminels est nécessaire encore aujourd'hui.

Toutefois, le régime existant commençait à connaître de nombreuses critiques. Dès 1985, on proposait des modifications à la loi sur l'indemnisation par le projet de loi 42, Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles. Cependant, ces changements ne furent pas majeurs et la loi n'a connu aucune modification depuis cette date, de même que la Loi sur l'aide aux victimes d'actes criminels depuis son adoption en 1988.

Les travaux préparatoires à la tenue du Sommet de la justice ont permis de dégager un consensus quant à la nécessité d'une réelle réforme du régime d'aide et d'indemnisation des victimes d'actes criminels. En effet, l'indemnisation et l'aide aux victimes causaient beaucoup d'insatisfaction et nécessitaient certes une actualisation. C'est ainsi qu'à l'occasion de la tenue du Sommet de la justice en février dernier le ministre de la Justice prenait l'engagement formel de réviser en profondeur la Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels, qui, selon lui, ne répondait plus aux besoins actuels de la société.

M. le Président, je me permets de citer les propos du ministre lors de cette annonce. L'objectif de la réforme est d'abord de moderniser le régime d'indemnisation afin de le rendre plus humain, plus équitable et plus accessible aux victimes d'actes criminels. Le ministre comptait procéder au dépôt du projet de loi à l'automne 1992 pour son adoption au printemps 1994, mais, comme, malheureusement, c'est le cas pour de nombreuses législations en matière de justice, les délais ont existé, les délais existent toujours et nous en sommes maintenant au mois d'octobre 1993 pour débattre de la question.

Il annonçait aussi la création d'une commission de l'aide et de l'indemnisation des victimes d'actes criminels afin d'alléger la procédure pour les victimes, puisque, selon lui, le système actuel complique inutilement les démarches pour les victimes. Également, il mention-

nait que les nouvelles mesures allaient prévoir l'actualisation des indemnités, l'élargissement de l'admissibilité à un plus grand nombre de personnes, l'implantation de 13 nouveaux centres d'aide aux victimes d'actes criminels, de même que l'amélioration significative du programme d'information aux victimes d'actes criminels. (17 heures)

M. le Président, on retrouve tous ces engagements dans un communiqué émis par le ministère. Le ministre précisait aussi que le réseau des CAVAC serait étendu, en procédant à l'ouverture de 13 nouveaux centres qui s'ajouteraient aux huit déjà existants à cette date. Un mois plus tard, M. le Président, soit à l'étude des crédits du ministère de la Justice en avril 1992, le ministre relativisait son engagement et déclarait que ces 13 nouveaux CAVAC ouvriraient, mais sur une période s'échelonnant jusqu'en 1995.

Suite au Sommet et dans le cadre d'une interpellation, M. le Président, ma collègue, la députée de Hochelaga-Maisonneuve, alors porte-parole du dossier, manifestait son inquiétude quant à l'intention du ministre d'harmoniser le régime d'aide et d'indemnisation des victimes d'actes criminels avec celui de la Société de l'assurance automobile du Québec, la SAAQ. On sait que depuis l'entrée en vigueur de ce projet de loi sur la SAAQ, ce projet de loi a eu pour effet de faire en sorte que le barème pour le remplacement de revenu soit moins avantageux qu'il ne l'était auparavant. Cette inquiétude, d'ailleurs, demeure, M. le Président, puisqu'on sait que depuis l'entrée en vigueur, en 1990, des nouvelles dispositions du régime d'assurance automobile, les femmes au foyer, soit près de 40 % des femmes, les retraités et les personnes sans emploi sont privés d'indemnité pendant une période de 180 jours. Pour ce qui est des personnes âgées de plus de 65 ans, elles n'ont même plus droit à une indemnité.

J'aimerais rappeler, M. le Président, que la Commission des droits de la personne du Québec avait d'ailleurs procédé, en 1990, à une analyse exhaustive de la nouvelle Loi sur l'assurance automobile et en arrivait alors à la conclusion suivante: «Les modifications récentes réduisent substantiellement et dans certains cas ne reconnaissent plus le droit à des indemnités de remplacement du revenu en regard de catégories de personnes qui, en règle générale, comptent parmi les plus démunies dans la société» ? travailleurs temporaires ou occasionnels, personnes âgées, personnes sans emploi, personnes incapables de travailler.

La Commission ajoute aussi dans ses commentaires: «La perte du droit à l'indemnité de remplacement de revenu représente pour un bon nombre de personnes au foyer une diminution du niveau d'indemnisation que leur garantissait auparavant le régime public d'assurance automobile.» La Commission dit la même chose pour les personnes de 65 ans. Antérieurement au 1er janvier 1990, les victimes qui avaient 65 ans avaient droit à une indemnité de remplacement du revenu, et depuis lors, les victimes âgées ont vu leur indemnité de remplacement être réduite et, dans plusieurs cas, de manière très importante.

M. le Président, le ministre de la Justice a présenté à la dernière session, au Conseil des ministres, son projet quant à la réforme du régime d'aide et d'indemnisation des victimes d'actes criminels. Toutefois, il a dû refaire en partie ses devoirs, puisque la création, comme je l'ai mentionné tout à l'heure, d'une superstructure, d'une Commission des victimes d'actes criminels lui a été refusée. Pourtant, lors du Sommet, le ministre avait prétendu avoir obtenu l'aval du Conseil du trésor relativement aux nombreux engagements qu'il prenait lors de ce Sommet. Je dois dire, M. le Président, que l'institution de cette structure ne faisait l'objet d'aucune objection de la part de notre formation politique. Toutefois, nous sommes heureux de constater que le ministre transfère tout de même la direction d'indemnisation de la Commission de la santé et de la sécurité du travail au ministère de la Justice.

Donc, M. le Président, nous arrivons au dépôt, aujourd'hui, du projet de loi 106, Loi sur l'aide et l'indemnisation des victimes d'actes criminels. Pardon, ce dépôt a eu lieu le 18 juin.

Le premier point. J'aimerais prendre uniquement quelques points sur lesquels il va y avoir, je pense, de sérieuses discussions, des échanges sérieux entre le ministre et nous-mêmes relativement à cette loi. Je concours tout à fait à l'esprit du ministre. Je pense que c'est une loi qui ne doit être empreinte d'aucune partisa-nerie. Je pense que, ici, ce qui doit nous prendre à coeur, ce sont les intérêts des victimes d'actes criminels. Et c'est dans cet esprit que nous, de l'Opposition, nous nous attaquerons à l'étude article par article de ce projet de loi. Et le premier point global, je pense, qui fera l'objet d'un échange sera au long délai qui s'est écoulé avant que le ministre ne dépose ledit projet de loi. En effet, cette réforme faisait partie des nombreux engagements pris par le ministre à l'occasion du Sommet de la justice, comme je l'ai dit, en février 1992. Peu après, il avait déclaré que ledit projet de loi serait déposé à l'automne pour être finalement adopté au printemps 1993. Rien dans le projet de loi ne semble justifier ce délai supplémentaire. En effet, tout ce qu'il contient avait déjà préalablement fait l'objet d'annonce de la part du ministre.

Quant au projet de loi lui-même, l'essentiel a trait, comme je l'ai mentionné tout à l'heure, à une harmonisation des règles relatives à l'indemnisation des victimes d'actes criminels avec celles de la Société de l'assurance automobile du Québec. Sur cet aspect du projet de loi, je crois qu'il était nécessaire d'attribuer un autre régime d'indemnité pour les victimes. Mais était-ce celui de la SAAQ? Est-ce que l'harmonisation aurait dû être faite avec ce régime plutôt qu'avec un autre? Je pense que c'est un débat qui doit se faire. Pourquoi celui de la SAAQ? Il semble que l'on se soit contenté, effectivement, d'harmoniser avec la SAAQ sans se poser la question à savoir si ce régime était sans contredit le plus approprié pour les victimes.

Quant aux indemnités offertes par le régime

de la SAAQ, M. le Président, j'ai évoqué précédemment les désavantages de ce régime quant aux femmes au foyer, aux retraités, aux personnes sans emploi, aux personnes âgées de plus de 65 ans, aux travailleurs temporaires ou occasionnels ainsi qu'aux personnes dans l'impossibilité de travailler qui se voient, je le répète, pendant 180 jours, privés de toute indemnité.

Il y a d'autres inconvénients majeurs que crée l'établissement de ce régime pour les victimes. Il y a notamment l'apparition d'un délai de sept jours, un délai de carence de sept jours avant que toute forme d'indemnité soit due. Ce délai de carence est prévu à l'article 136 du projet de loi. Et ce délai de carence est prévu pour toutes les catégories de victimes. Actuellement, cette pénalisation ? car il s'agit, il faut le dire, d'une pénalisation ? que l'on impose aux victimes n'existe pas dans la loi. Qu'est-ce qui a bien pu conduire le ministre à l'imposition d'une telle pénalité aux victimes? Combien d'argent le ministre de la Justice va-t-il épargner et ainsi éviter de distribuer aux victimes?

Également, M. le Président, dorénavant, au lieu d'octroyer les indemnités sous forme de rente viagère, ce sera souvent des montants forfaitaires qui seront versés aux victimes. Cela a comme effet direct d'augmenter les montants attribués les premières années, mais après six ans, ce sont des millions de dollars d'économies que cela représente pour le ministère. Bref, sous le couvert d'un régime généreux, il y a plusieurs mesures qui sont élaborées avec comme objectif de distribuer moins d'argent aux victimes. D'ailleurs, sauf erreur de ma part, je crois que, quant au montant maximum d'indemnité forfaitaire possible, la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles serait, quant à l'analyse que j'en ai faite, plus avantageuse.

D'ailleurs, M. le Président, je m'explique mal le fait que l'on cherche de toutes les manières possibles à diminuer ou à relativiser les indemnités aux victimes, lorsque je lis une disposition du projet de loi telle que l'article 146 relatif aux victimes devenues incarcérées. En effet, des victimes d'actes criminels continuent, même après leur emprisonnement pour, évidemment, un délit autre que celui qui a fait l'objet d'une indemnisation, à bénéficier des avantages obtenus en faveur de la loi, mais dans un moindre degré. Cette disposition incluse dans le projet de loi, mérite, je le crois, des questionnements dans le contexte économique actuel, M. le Président. Je peux comprendre qu'une personne qui est une victime d'acte criminel et qui, par la suite, commet un délit ne soit pas privée d'une indemnité ou d'une indemnisation si elle a des dépendants, une famille à charge, parce que ça serait injuste de pénaliser ainsi des dépendants du fait que le père ou la mère soutien de famille ait été emprisonné. Ça, je peux comprendre ça.

Mais, quand la personne, disons l'ancienne victime d'acte criminel maintenant devenue détenue, continue, même dans une proportion de beaucoup amputée, de beaucoup diminuée, à recevoir une indemnité alors qu'elle est seule et qu'elle est logée, il faut le dire, aux frais de l'État, non volontairement, on doit le comprendre, je m'imagine mal qu'elle continue de percevoir encore cette indemnité. Je pense qu'il aurait peut-être été souhaitable d'envisager la suspension du paiement de cette indemnité, quitte à ce que le paiement de celle-ci reprenne après la durée de l'incarcération. Alors, je pense que ça, c'est un point qui va mériter un débat, un échange et une justification, surtout dans un contexte de restriction budgétaire.

Également, dans un autre ordre d'idées, les indemnités accordées pour le retard scolaire soulèvent elles aussi des interrogations. En effet, ne devrait-on pas axer sur la réadaptation dans le cas d'enfants d'âge scolaire qui constituent, selon moi, peut-être, un meilleur choix pour la société, car l'indemnité à déterminer pour un préjudice physique ne pose pas de problème de prime abord? (17 h 10)

Toutefois, l'indemnité pour un problème de nature psychologique est plus difficile à déterminer. En effet, comment faire le lien entre le retard scolaire et le problème psychologique? Nous assisterons à des parades de batteries d'experts, avec tout ce que cela comporte comme inconvénients et coûts astronomiques pour notre système. Dorénavant, la dénonciation de l'infraction criminelle à l'autorité policière devient une condition d'admissibilité de la victime pour l'obtention de quelque indemnité que ce soit.

M. le Président, cet article a pour effet d'obliger systématiquement toute victime à dénoncer l'infraction. On n'a qu'à penser aux nombreux cas d'agression sexuelle et de violence conjugale qui ne sont pas dénoncés par peur de représailles ou parce que la victime connaît l'agresseur. On sait aussi qu'il se fait beaucoup de «victimisation» secondaire dans ces cas difficiles et particuliers. Le caractère obligatoire de cet article défavorise nettement les femmes, puisque l'on sait que cette catégorie de victimes n'a pas confiance dans le système judiciaire et policier de même qu'en l'attitude que les intervenants de ce milieu ont à l'égard de ce type d'infraction, ce qui explique encore aujourd'hui le faible taux de dénonciation de ces infractions. Également, les victimes craignent pour leur vie privée. À titre d'exemple, une étude réalisée en 1984 sur la fréquence des agressions sexuelles au Canada a révélé que 12 % des femmes interviewées n'en avaient jamais parlé à personne. Une autre étude sur le viol établit que 42 % des victimes ont gardé le silence.

Il est justifié, M. le Président, dans le contexte économique actuel, que le législateur veuille tenter de réduire les situations où les victimes prétendent indûment avoir droit à des indemnités. Toutefois, l'objectif du projet de loi est de prévoir et de favoriser des mécanismes pour que les victimes soient indemnisées pour les dommages subis. Ce n'est pas une loi qui gère des questions de sécurité publique, il me semble. D'ailleurs, il semblerait que l'unique justification qu'une telle obligation soit incluse dans le projet de loi soit d'attraper, si je peux m'exprimer ainsi, quelque 5 % qui seraient

indemnisés à l'heure actuelle mais qui n'y auraient pas droit puisque, par leur faute, ces victimes auraient contribué d'une manière ou une autre à l'infraction. M. le Président, je trouve la contrepartie exigée un peu lourde par rapport aux bénéfices escomptés.

Dans un autre ordre d'idées, M. le Président, je dois dire qu'il y a un aspect qui n'a pas été puisé dans la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles et qui n'a pas fait non plus l'objet d'harmonisation avec la Loi sur l'assurance automobile, et il s'agit du critère de la résidence. En effet, l'article 1 du projet de loi édicté: «Est une victime visée par les dispositions du présent titre la personne qui, par suite d'une infraction criminelle qui est perpétrée au Québec, subit, directement ou indirectement, un préjudice corporel, psychique ou matériel.» Concrètement, cela veut dire que l'on indemnise, par exemple, un Français victime d'un acte criminel sur le territoire québécois, mais pas l'inverse. Si aucune loi n'existe sur le territoire où le Québécois est victime d'un acte criminel, alors, à ce moment-là... On peut penser aux personnes, d'ailleurs, qui se sont fait agresser depuis quelque temps en Floride. On se souviendra qu'il y en a même une qui est décédée, laissant ainsi des personnes à charge dont un enfant de cinq ans. Eh bien, M. le Président, ces victimes, leurs conjoints ou leurs proches ne recevront absolument rien!

Il y a lieu, M. le Président, de se poser des questions quant à cette situation qui m'apparaît somme toute trop généreuse puisque, selon les informations que j'ai obtenues, il n'existerait aucune entente de réciprocité conférant aux citoyens québécois le droit de percevoir des indemnités à la suite de la perpétration d'un acte criminel à un endroit ailleurs qu'au Québec. À la rigueur, je reproche au ministre de ne pas avoir conclu de telles ententes, si possible, et je lui pose la question: Pourquoi n'a-t-il pas essayé de conclure de telles ententes? La seule condition pour maintenir cet aspect du projet de loi consiste, selon moi, à conclure de telles ententes, sinon on doit valablement se poser la question, dans le contexte économique actuel: Est-ce que les payeurs de taxes québécois doivent payer pour cela? Il me semble, quant à cet aspect, et je le répète, que le régime proposé par le ministre est trop généreux. Enfin, je crois qu'il y aurait lieu de faire l'évaluation de l'impact financier d'une telle mesure avant de la réinsérer dans la forme proposée, et je poserai des questions au ministre à ce sujet en commission parlementaire, lors de l'étude article par article.

Pour terminer, M. le Président, j'aimerais aborder un autre point, soit au titre I du projet de loi, celui qui traite des droits et responsabilités. Si le ministre a pris connaissance des débats en commission lors de l'adoption du principe du projet de loi 8, Loi sur l'aide aux victimes d'actes criminels, il a pu observer que la plupart des reproches qui étaient soulevés en regard de ce titre, à cette époque, par mon ancien collègue, le député Claude Filion, sont toujours de circonstance aujourd'hui. En effet, tout ce que fait le projet de loi 106 quant à cette partie, «Droits et responsabilités», c'est de reprendre presque intégralement les dispositions de la Loi sur l'aide aux victimes d'actes criminels, sans modification de fond. Il s'agit ni plus ni moins d'une répétition de 1988.

Toutefois, force m'est de constater que cette partie de la loi n'a connu que peu d'applications. En effet, les victimes n'ont aucun recours à faire valoir lorsqu'un droit énoncé dans cette loi est brimé. En d'autres termes, cette loi n'a fait qu'énoncer des principes en n'offrant aucune garantie aux victimes. Le projet de loi 106 ne fait malheureusement que traduire à nouveau cette situation, avec tous les reproches qu'on peut lui opposer. Le projet de loi 106 ne permet donc pas d'assurer davantage la connaissance des véritables droits pour les victimes. Tout cela demeure, je le regrette, M. le Président, l'énoncé de laconiques voeux pieux. Pourtant, il me semble qu'à ce sujet le Sommet de la justice avait permis de dégager un consensus auquel se ralliait le ministre.

Je dois le dire, M. le Président, suite à une recherche que j'ai faite, j'ai trouvé ça absolument aberrant de constater que, de 1988 à 1992, une loi quand même peu connue, la Loi sur les abeilles, est finalement arrivée deux fois devant nos tribunaux, suite à une contestation ou à une interprétation de ladite loi. De 1988 à 1992, deux fois ce projet de loi est passé devant nos tribunaux. Mais, de 1988 à 1992, la Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels, quant à elle, la loi actuelle, n'est venue qu'une seule fois. Il y a une seule décision qui porte sur cette loi. C'est donc vous dire, M. le Président, à quel point la loi actuelle, les droits des victimes d'actes criminels sont méconnus. Il y a peu de publicité qui est faite pour informer les gens quant à leurs droits et leurs recours. C'est une loi qui est peu connue de la population.

Et je me demande quel est, finalement, le bienfait de mentionner dans une loi des droits si, comme je l'ai mentionné précédemment, il n'y a pas de recours en cas de manquement à ces droits. Je sais qu'il existe présentement un genre de mécanisme ou, en tout cas, un bureau, que je pourrais appeler, de plaintes au ministère de la Justice relativement aux victimes d'actes criminels. J'ai moi-même essayé de savoir comment fonctionnait ce mécanisme de plainte. J'ai appelé au ministère de la Justice, et on ne savait absolument pas comment traiter une plainte. Personne ne savait exactement que faire de la plainte potentielle que je pouvais poser. Et je suis député, M. le Président. Alors, j'imagine la pauvre victime d'acte criminel, présentement, qui voudrait déposer une plainte, qui voudrait se plaindre qu'un de ses droits, là, un de ses droits nouveaux qu'on dit qu'on lui donne maintenant, qu'on lui accorde... Comment va-t-elle se plaindre? À qui va-t-elle se plaindre? Déjà, comme je l'ai mentionné tout à l'heure, de nombreuses victimes n'osent même pas déclarer l'acte criminel dont elles sont la victime, et maintenant on s'attend à ce qu'elles prennent les devants pour voir au respect de ces droits qui sont maintenant établis par ce projet de loi.

Donc, je pense qu'il ne s'agit pas, dans un projet

de loi, de mentionner des droits. Il faut prévoir des sanctions, il faut prévoir un mécanisme facilement accessible, qui va être connu, qui va être disponible pour les gens et auquel les gens auront confiance quant à son impartialité, quant à son efficacité. Et je crois que le projet de loi, à cet effet, ne répond pas réellement à une préoccupation, à la préoccupation qui a été déjà énoncée par les différents organismes qui travaillent auprès des victimes d'actes criminels.

M. le Président, je vais terminer ici mon intervention. Je voudrais faire valoir que les points que je n'ai pu soulever lors de mon intervention ne doivent pas être qualifiés comme étant de moindre importance. Je le dis, je le répète, M. le Président, ce projet de loi soulève énormément d'interrogations, et nous allons les soulever lors de l'étude article par article du projet de loi. (17 h 20)

À ce stade-ci, M. le Président, l'Opposition officielle va voter en faveur de l'adoption du principe de ce projet de loi, parce que nous sommes confiants, comme le ministre en a fait preuve dans le passé, qu'il saura faire preuve d'ouverture, qu'il écoutera les deux organismes qui vont venir témoigner devant notre commission, c'est-à-dire l'organisme plaidoyer-victimes et le Barreau du Québec. Je suis certain que le ministre prendra en considération les représentations faites par ces organismes.

Je suis certain aussi qu'il sera ouvert à un échange à fond sur certaines questions qui, d'après moi, ne sont pas touchées, qui ne sont pas mentionnées dans ce projet de loi. Une question qui me préoccupe énormément, c'est l'évaluation des CAVAC qui sont actuellement en place. J'ai cherché à avoir des statistiques, à avoir de l'information sur les CAVAC qui sont actuellement ouverts, qui sont sur le territoire du Québec. Des gens qui travaillent dans le milieu m'ont fait part que, dans certains CAVAC en région, ils recevaient trois appels par semaine. Trois appels par semaine avec du personnel, trois à quatre personnes à temps plein qui travaillent dans ces CAVAC. Dans d'autres CAVAC en milieu urbain, les gens sont littéralement débordés d'appels et de travail. Donc, je pense qu'il y a une évaluation à faire au niveau des ressources qui sont présentement disponibles, des ressources qui sont présentement déployées dans les centres d'aide aux victimes d'actes criminels.

Présentement, il n'y a aucun processus d'évaluation de ces CAVAC, à moins que le ministre me fasse part qu'il y a, au niveau interne du ministère de la Justice, une façon de faire cette évaluation ou que cette évaluation a été faite. Je pense que c'est le genre de discours qu'il faut tenir présentement au niveau du ministère de la Justice. Évaluons les objets que nous avons, les instruments que nous avons. Nous sommes pleinement conscients que les ressources monétaires manquent au gouvernement et qu'elles manqueront au prochain gouvernement. Mais plutôt que de couper d'une façon aveugle, comme semble le faire le président du Conseil du trésor, je pense qu'il faut évaluer ce que nous avons présentement. Nous devons évaluer ce que nous avons, faire en sorte que ce soit plus performant, que ce soit plus efficace, à savoir: Est-ce que ça répond à une demande à l'endroit où c'est présentement? Je pense que ce débat doit se faire.

D'ailleurs, dans le projet de loi, le ministre, à plusieurs endroits, a mis des limites, à savoir qu'on donne un droit, qu'on donne un recours ou qu'on donne une aide, mais sous réserve des disponibilités et des ressources à l'endroit où la personne réside. Je pense que ces limites ne devraient pas avoir lieu. Si on donne un droit, on le donne à tout le monde, M. le Président. On doit voir à ce que tout le monde ait le même droit, pas nécessairement que les gens de Montréal vont avoir plus de droits, de recours ou d'aide par rapport aux gens qui sont en région.

Alors, ce sont toutes ces considérations qui, je pense, feront l'objet d'échanges, je l'espère et j'en suis certain, qui seront fructueux et qui seront, quant à nous de l'Opposition, tout à fait sans partisanerie, car au niveau de la commission des institutions, et surtout au niveau d'un tel projet de loi qui touche les intérêts des gens, des victimes d'actes criminels, c'est vraiment... Moi, ce qui me préoccupe, en tout cas, c'est le droit de ces victimes, le droit des gens qui sont les plus démunis.

Comme je l'ai mentionné dans mon discours, M. le Président, si on a cru bon de faire un projet de loi dans les années soixante-dix là-dessus, c'est parce que, justement, au niveau des autres recours, comme les tribunaux de droit commun, les recours étaient tout à fait illusoires. Pourquoi poursuivre un criminel qui, de toute façon, est insolvable, se retrouve en pénitencier pour 10 ans, pour 20 ans? Alors, c'était tout à fait illusoire, c'était le vide juridique tout à fait total.

On a cru bon, à juste titre, de donner un régime d'indemnisation public pour ces gens. Alors, maintenant, je crois qu'il faut y apporter toute l'attention nécessaire, et il faut faire bien attention de faire en sorte que ce régime dont nous sommes fiers ? c'est un des programmes sociaux, je pense, dont on peut dire que le Québec doit s'enorgueillir quant au traitement de ses victimes d'actes criminels. Il faut donc faire en sorte que nous ne perdions pas cet acquis. En voulant, d'une façon... annoncer, le bonifier, il faut éviter de faire en sorte que, dans les faits, nous diminuions ces avantages qui sont déjà disponibles, déjà accessibles, pour ces gens qui en ont véritablement besoin.

Donc, M. le Président, j'ai bien hâte de pouvoir attaquer l'étude article par article de ce projet de loi. J'espère qu'ainsi nous ferons en sorte que l'ensemble de la collectivité québécoise se verra maintenant pourvue d'un système réellement bonifié, réellement amélioré quant à l'indemnisation de ses victimes d'actes criminels. Je vous en remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le député d'Anjou. Je vous rappelle que nous sommes à discuter de la motion proposant l'adoption du principe du projet de loi 106, Loi sur l'aide et l'indemnisation

des victimes d'actes criminels. Je cède maintenant la parole à M. le député de Chapleau, adjoint parlementaire au ministre de la Justice. Vous avez droit à une intervention de 20 minutes, M. le député.

M. John J. Kehoe

M. Kehoe: Merci, M. le Président. Je pense qu'avant d'entrer dans les détails de l'étude du projet de loi que nous avons devant nous aujourd'hui il est important de faire certaines observations et commentaires.

Bien que le Québec bénéficie d'un système judiciaire de qualité, il est fort complexe et parfois inaccessible pour certaines personnes. Les raisons sont fort simples. Les procédures sont d'une grande complexité, et les coûts que ces dernières engendrent et les délais d'audition et de résolution des litiges imposés aux justiciables sont considérables. C'est pourquoi notre gouvernement a jugé bon de procéder à une importante réflexion sur l'évolution de la justice au Québec.

Toutefois, lorsqu'on procède à une réflexion de ce genre, il est important de retracer les principales réalisations du gouvernement du Québec dans ce domaine. C'est ainsi qu'il faut souligner que les grandes lois et les grands principes ont été adoptés pour venir en aide d'abord et avant tout à la population de la province de Québec. Pensons notamment aux Charte des droits et libertés, Loi sur l'aide juridique, loi des petites créances, Loi sur la protection de la jeunesse, et une réalisation qui nous concerne plus précisément aujourd'hui, la Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels.

Ces lois, M. le Président, ont permis au Québec de se positionner parmi les sociétés les plus démocratiques au monde. Bref, c'est ce qui fait que le Québec est ce qu'il est aujourd'hui, une société ouverte, juste et conforme aux intérêts de son peuple. Bien qu'il s'agisse là de réalisations majeures, notre gouvernement a décidé de poursuivre dans cette même voie et non de pratiquer une politique de laisser-faire et de laisser-aller.

À cet égard, vous vous rappellerez qu'en février 1992 se tenait le Sommet de la justice. L'idée de tenir un tel sommet a pris naissance lors du 25e anniversaire de la création du ministère de la Justice, en 1990. À ce moment, le ministre de la Justice et Procureur général a considéré que le temps était venu d'effectuer une réflexion majeure sur la justice au Québec et a annoncé son intention d'organiser un tel sommet pour faire un bilan de la situation actuelle et engager de nouvelles orientations que nous devrons privilégier, ceci en tenant compte, bien sûr, de l'évolution de notre système de justice et de l'implication essentielle de tous les partenaires de la justice.

M. le Président, il ne faut pas se cacher que nous vivons présentement des problèmes de société qui nécessitent une réflexion immédiate et, cela va de soi, des actions concrètes afin d'arriver avec des solutions, et ce, rapidement. Puisque la justice repose sur des principes de qualité et d'accessibilité, il ne faut jamais perdre de vue l'évolution de la société afin que l'on puisse répon- dre adéquatement aux nouvelles exigences qui émergent chaque jour. (17 h 30)

Dans ce contexte, M. le Président, je peux dire que le gouvernement libéral a souscrit à ce principe lorsqu'il a élaboré le projet de loi 106 concernant l'aide et l'indemnisation des victimes d'actes criminels. Ces actes criminels sont un véritable problème social, puisqu'ils causent des dommages la plupart du temps irréparables à la personne. Le projet de loi 106 est donc, à cet égard, une autre mesure pour humaniser la justice. En effet, M. le Président, ce projet de loi propose de regrouper en une seule loi les deux lois qui confèrent les droits aux victimes, soit celle sur l'indemnisation et celle sur l'aide aux victimes d'actes criminels.

En conséquence, il propose le regroupement du Bureau d'aide aux victimes d'actes criminels, rattaché actuellement au ministère de la Justice, et de la Direction de l'indemnisation des victimes d'actes criminels, laquelle est actuellement gérée par la Commission de la santé et de la sécurité du travail. Cette mesure aura pour effet de simplifier les démarches que les victimes doivent effectuer pour obtenir de l'aide. Dorénavant, les victimes n'auront donc plus à s'adresser à des organismes différents pour obtenir des services d'aide, de soutien et d'accompagnement pour recevoir une indemnisation. Le projet de loi permettra de faciliter l'accessibilité aux services pour les victimes d'actes criminels.

Deuxièmement, le projet de refonte vient actualiser le régime d'indemnisation mis en place en 1971 pour que ce dernier épouse davantage la réalité. On se rappellera qu'à cette époque l'Assemblée nationale a adopté la Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels et, plus récemment, la Loi sur l'aide aux victimes d'actes criminels. La Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels, qui est d'ailleurs entrée en vigueur en mars 1972, était inspirée par l'accroissement de la criminalité violente et par l'impossibilité, pour certaines victimes, d'être indemnisées. Que ce soit en raison de l'insolvabilité de l'auteur d'une infraction ou parce que ce dernier était inconnu ou qu'il ne pouvait pas être retracé, effectivement, il était devenu alors impératif d'accorder des indemnités aux victimes de crimes contre la personne et, en cas de décès de celles-ci, à leurs dépendants. Ce projet de loi visait ainsi à encourager les citoyens à collaborer avec l'administration de la justice. Des indemnités étaient alors prévues pour les personnes ayant subi des dommages corporels ou matériels en prêtant largement main forte à la justice.

Aujourd'hui, le projet de loi 106 s'inspire du régime d'indemnisation le plus récent au Québec, c'est-à-dire celui des victimes d'accidents d'automobile, lequel s'adresse, à l'instar du régime des victimes d'actes criminels, à toute personne, indépendamment de son âge ou de sa situation sociale.

Par ailleurs, le projet de loi 106 propose d'élargir la définition de «victime» pour permettre aux proches de recevoir des traitements de réadaptation. Cette mesure vise principalement à apporter un support adéquat à la

victime. De plus, ce projet de loi permet que soit versée une indemnisation aux personnes blessées lors d'une intervention visant à prévenir, de bonne foi, la commission d'un crime. De plus, l'actuel délai de prescription d'un an pour présenter une demande sera porté à trois ans.

M. le Président, cette réforme du régime d'aide et d'indemnisation des victimes d'actes criminels, on s'en aperçoit, permet véritablement d'humaniser la justice. J'en veux pour preuve la volonté du ministre de la Justice de développer de nouveaux centres d'aide aux victimes d'actes criminels, qui viendront compléter le réseau actuel qui en compte 10. Ces nouveaux centres seront répartis sur l'ensemble du territoire et permettront aux victimes de bénéficier de services d'accueil et de support que dispensent ces centres d'aide. Ces centres, M. le Président, qui ont une vocation toute particulière, sont très importants pour les victimes qui subissent un choc suite à la perpétration d'un acte criminel, quel qu'il soit. D'où l'importance de continuer à ouvrir, ouvrir pour que des victimes d'actes criminels puissent bénéficier d'un support auquel elles ont droit.

Enfin, M. le Président, vous me permettrez d'aborder un dernier point tout aussi important que les précédents, il s'agit de la compétence du ministre de la Justice en matière d'indemnisation des victimes d'actes criminels. Le projet de loi 106 prévoit, en effet, la compétence du ministre en cette matière de même que son pouvoir de déléguer l'exercice de ces pouvoirs qui lui sont attribués. Ainsi, le ministre pourra accompagner une aide financière de la promotion des droits et de la défense des intérêts des victimes, de la réalisation et la diffusion d'études et de recherches sur toute question relative aux victimes et du soutien de ces regroupements d'organismes communautaires d'aide aux victimes. Le projet de loi prévoit que le bureau constitué au sein du ministère de la Justice en vertu de la Loi sur l'aide aux victimes d'actes criminels aura aussi compétence à l'égard de l'indemnisation. Il poursuivra donc ses activités sous le nom de Bureau d'aide et d'indemnisation des victimes d'actes criminels. Il s'agit d'un bureau qui favorise actuellement l'information aux victimes et l'établissement de programmes et de services appropriés. M. le Président, cette solution va permettre de respecter l'un des objectifs majeurs de la réforme, c'est-à-dire la mise en place d'un guichet unique, tant pour l'aide que pour l'indemnisation. Cette solution permettra également de rationaliser les coûts d'administration des programmes tout en maximisant l'utilisation des ressources en place.

M. le Président, le projet de loi 106 démontre à quel point le gouvernement libéral est sensible aux questions d'équité et d'accessibilité à la justice. De tous les gestes que nous avons posés dans ce domaine, il est une ligne directrice qui en émane, celle de permettre aux citoyens de se retrouver dans le système judiciaire parfois très complexe. Il s'agit donc, comme je l'ai dit au tout début de mon allocution, de rendre la justice plus accessible, plus humaine et plus efficace.

Simplifier la justice, voilà l'objectif poursuivi par le gouvernement libéral du Québec. Je dirais même que l'objectif est atteint puisque le grand gagnant des politiques et des engagements pris par le ministre de la Justice lors du Sommet de la justice n'est nul autre que le citoyen. En somme, la politique libérale fait en sorte que la justice soit de plus en plus au service des gens. Avec le projet de loi 106, je crois que nous pouvons affirmer que cette chose est faite.

M. le Président, vous me permettrez de dire seulement un mot par rapport à l'attitude du porte-parole de l'Opposition dans ce domaine. Je trouve que son approche est très positive. Il dit qu'il va voter en faveur du projet de loi, mais il veut certains renseignements, certains éclaircissements, certaines modifications peut-être, à toutes fins pratiques, à la loi actuelle que nous avons devant nous.

Je pense que le passé, c'est le garant du futur. Le ministre de la Justice, depuis que je travaille avec lui ? ça fait au-delà de quatre ans ? dans tout... Lorsque l'Opposition demande certains renseignements, même quand ils ont demandé des experts pour travailler avec eux lors de l'étude de la réforme du Code civil, il y a des experts qui étaient à la disposition de l'Opposition. Il y avait tous les renseignements qu'il fallait. (17 h 40)

Je pense que le ministre, dans ce projet de loi que nous avons devant nous aujourd'hui... Le porte-parole de l'Opposition lui a demandé certains renseignements, certaines questions qu'il aurait posées, mais le ministre va encore plus loin. La semaine prochaine, fort probablement, nous allons étudier en commission parlementaire, article par article, cette loi-là. Et il a demandé à deux groupes de venir donner plus de renseignements, plus de détails, plus d'éclaircissements, plus de positions. Ces deux groupes-là peuvent répondre à toutes les questions du porte-parole ou de l'Opposition.

Je pense que l'attitude prise par l'Opposition est très mature, très positive, mais aussi la position prise par le ministre de la Justice de fournir tous les renseignements pour que cette loi-là soit adoptée le plus tôt possible. Ça fait longtemps que ceux qui travaillent dans le milieu, je pense... M. le Président, vous êtes avocat. Moi, je le suis. J'ai déjà été procureur de la couronne. J'en ai vu des victimes d'actes criminels. J'ai vu ce qu'elles subissent, le traumatisme physique et souvent psychologique qui reste avec eux longtemps. Ça fait longtemps qu'ils attendent après cette loi-là.

La modernisation, la bonification de cette loi-là, nous avons ça devant nous. L'Opposition aura tous les renseignements la semaine prochaine lors de l'étude article par article. Je suis sûr qu'avec eux nous pourrons collaborer ensemble pour assurer que cette loi-là soit adoptée le plus tôt possible, pour que tout le monde et surtout les gens qui sont pris avec les problèmes, qui sont les victimes puissent en bénéficier.

Avec ça, M. le Président, je vous remercie de m'avoir donné la chance de m'exprimer sur ce projet de loi.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le député de Chapleau. Mme la députée des Chutes-de-la-Chaudière, je vous cède le droit de parole. Vous avez droit également à une intervention de 20 minutes.

Mme Denise Carrier-Perreault

Mme Carrier-Perreault: Merci, M. le Président. Effectivement, on est en face du projet de loi 106, projet de loi qui fait suite à un engagement formel du ministre lors du dernier Sommet de la justice. On sait que le ministre s'était engagé à faire une révision en profondeur de la Loi sur l'aide et l'indemnisation des victimes d'actes criminels.

Vous savez, il y a eu plusieurs engagements à ce Sommet de la justice, M. le Président. On a vu d'autres projets de loi. Je pense à celui sur la médiation familiale en district judiciaire. Disons qu'il y a une constante, quand même, dans les propos du ministre. Je pense que le ministre avait pris beaucoup d'engagements. Les propos du ministre lors de la prise de ces engagements-là avaient créé effectivement beaucoup d'attentes dans la population. Mais, souvent la mise en place de ces engagements-là, eh bien, compte tenu des engagements qui étaient fermes, nous déçoit quand même un petit peu, parce qu'on trouve que c'est des demi-mesures qu'on retrouve.

Certes, il s'agit d'une réforme. On se rend compte qu'il y a des points intéressants dans ce projet de loi là, et c'est pourquoi je suis d'accord avec mon collègue quand il dit que, sur le principe, l'Opposition, on va voter pour, mais, oui, ça suscite beaucoup d'inquiétudes et ça ne va probablement et sûrement pas aussi loin que le ministre l'avait laissé entendre. Parce que ce n'est pas vraiment une réforme en profondeur. Il y a beaucoup de choses qu'on aurait pu corriger dans ce projet de loi par rapport à la loi existante, et je pense à tout l'aspect du chapitre I en ce qui concerne les droits et les responsabilités. On énumère très bien les droits des victimes, M. le Président, mais la lacune qui existait à l'époque au sujet des recours, bien, elle existe toujours parce qu'on n'a rien changé. En fait, on donne beaucoup de droits, on explique les droits aux gens. On dit: Vous avez droit à ci, à ça, les droits... Bon. Mais les recours comme tels, on a de la difficulté, on ne les retrouve pas. C'est une des choses.

M. le Président, si je tenais à intervenir sur ce projet de loi là, je tenais à le faire à titre de porte-parole en matière de condition féminine et famille. Je tenais à le faire parce que les inquiétudes que moi j'ai sur ce projet de loi concernent effectivement les femmes, les femmes victimes de violence conjugale, de violence familiale. Vous savez que c'est quand même un nombre important au Québec. Ces cas-là augmentent de plus en plus, on le sait. On a des limites assez importantes pour traiter les cas de violence conjugale et familiale.

Mais, par ailleurs, on a aussi des interrogations, compte tenu, entre autres, des choses qui sont inscrites dans le projet de loi. Il y a plusieurs articles. On pense, entre autres, à l'article 11 où on oblige à dénoncer à l'autorité policière. C'est un sujet d'inquiétude important pour les femmes, ce dossier-là, M. le Président, parce que, effectivement, on sait comment c'est difficile déjà, comment les gens éprouvent de la difficulté seulement à parler de leurs problèmes quand ils vivent ce genre de problèmes là, que ce soit au niveau de la violence envers les enfants, aussi, ou encore les cas d'agression sexuelle. On parle de cas de violence qui se déroulent dans des familles, là où les agresseurs et les victimes ont des liens entre eux, des liens qui sont très étroits, M. le Président.

Il y a le partage entre l'attachement et la haine, suite à ce genre d'actes criminels. Alors, on voit toute la dimension émotive qu'on peut avoir à discuter et à aller dénoncer quelqu'un qui parfois est correct et parfois pas correct, avec qui on a des liens profonds ou on a des attachements. Alors, là, l'article 11 de ce projet de loi obligera, à l'avenir, pour recevoir des prestations, les victimes à aller dénoncer aux autorités policières. Les autorités policières, les juges et les avocats, il faut le dire, de plus en plus les gens demandent qu'il y ait de la formation qui se donne à ces gens-là, que ces gens-là soient touchés, qu'on les informe de ce que peuvent sentir... comment ils peuvent aborder ce genre de crime, si on veut, du genre de victimes qui leur arrivent, du genre de traitement qu'ils peuvent apporter à ces cas-là. Alors, on en est encore à demander de la formation, d'informer et de sensibiliser les gens qui oeuvrent dans le domaine policier, dans le domaine de la justice, et pourtant, dans le projet de loi qu'on a devant nous, M. le Président, on va obliger les victimes à aller faire de la dénonciation de ce genre-là aux autorités policières.

Je peux comprendre que ça prend des contrôles. J'en suis, d'ailleurs, M. le Président; il faut quand même pouvoir contrôler la véracité de ces faits-là. Mais il reste que, auparavant, il y avait quand même des enquêtes qui pouvaient se faire, hein? Les gens pouvaient avoir droit aux indemnités comme telles, M. le Président, mais la seule enquête qui se faisait, à ce moment-là, c'était d'aller auprès des gens de l'IVAC; on dénonçait, on faisait une demande, l'avocat de l'IVAC rencontrait la victime, il y avait discussion, petite enquête, et la personne pouvait être eligible pour recevoir ces prestations-là. À partir du moment où on adoptera le projet de loi, bien, disons que ce ne sera plus possible, parce que la façon de faire pour être eligible, pour avoir droit de faire cette demande-là, c'est qu'il faudra dénoncer aux autorités policières.

Quand on regarde l'article 19, M. le Président, on se rend compte aussi que c'est un carcan assez épouvantable pour les personnes qui sont en situation de violence conjugale ou familiale. On voit, à l'article 19, que le ministre pourra... En fait, le ministre peut refuser une prestation, en réduire le montant, en suspendre ou en cesser le paiement dans les cas suivants... Bon, si on entrave les examens, si on entrave des mesures de réadaptation mises à sa disposition, qu'est-ce qui peut entraver ce genre de réadaptation, par exemple? Quelles

sont les mesures qui peuvent causer entrave? Parce que, dans ces cas-là, le ministre pourra refuser ou annuler tout simplement la prestation.

Est-ce que, par exemple, le fait de retourner avec un conjoint qui était violent ou qui a participé, si on veut, à une agression sur sa conjointe, si les choses changent, s'il y a des améliorations, est-ce que le fait de retourner vivre avec ce conjoint-là devient une entrave? Parce qu'il y a des situations qui peuvent changer, on le sait aussi, M. le Président.

L'article 145, le ministre en a parlé tout à l'heure, et là aussi il y a beaucoup d'interrogations. L'article 145, c'est très clair, est vraiment là pour les personnes qui demandent des prestations et qui sont victimes de violence conjugale ou de violence familiale. On dit que «le ministre peut prendre les mesures qu'il juge appropriées pour s'assurer que les prestations auxquelles le réclamant a droit ne profitent à la personne responsable du préjudice qu'il subit...» Alors, encore là, le ministre peut suspendre, peut étaler, peut exiger qu'il y ait un curateur, etc. Mais, quand on voit le premier paragraphe, c'est très évident qu'on voit aussi la clientèle à qui cet article-là s'adresse, parce que ce n'est pas la personne qui est agressée par un inconnu dans la rue à qui ça peut arriver. Ce n'est pas la personne qui va se faire voler son sac à main, ou qui va être agressée chez un dépanneur, peu importe, ou qui sera bousculée par un inconnu à qui ça arrivera. Ce genre de mesures s'adresse directement aux conjoints et aux conjointes qui sont victimes de violence. (17 h 50)

Alors, pourquoi on en arrive avec ce genre de mesures? Le ministre nous disait tout à l'heure: II faut absolument éviter que les indemnités, que ces prestations-là ne profitent, finalement, à la personne qui a participé au geste violent, qui a été l'agresseur, à toutes fins pratiques. Mais, quand on voit les mesures, M. le Président, on parle d'aide familiale, d'aide à la garde pour les personnes qui sont dans leur foyer, si on veut, pour les mères au foyer, alors on parle de forme d'aide comme celle-là, on parle de support, mais cette aide-là s'adresse toujours à la personne qui est concernée, qui n'est pas capable, qui devient incapable d'assumer sa tâche pour un certain temps, soit vis-à-vis de ses enfants ou soit vis-à-vis de son travail. Alors, là, on dit que, ça, cette mesure-là, on la prend parce qu'il ne faut pas que le conjoint, entre autres ? parce que c'est de ça dont il s'agit ici, c'est très clair; d'ailleurs, le ministre nous l'a clairement exprimé aussi tout à l'heure ? il ne faut pas que le conjoint profite de cette prestation-là. Je trouve ça assez délicat, et je pense qu'on aura beaucoup de questions concernant cet article-là. Ça soulève aussi certaines inquiétudes. C'est assez étonnant aussi de retrouver ça.

Dans un article comme l'article 145, M. le Président, ça veut dire qu'on s'immisce, qu'on s'ingère carrément dans la vie privée des gens, dans leur vie privée, et pourtant, vous savez que l'article 3 du Code civil, qui sera, bien sûr, en application en janvier est très clair par rapport aux droits des gens concernant leur vie privée. Alors, disons aussi qu'on s'adresse à une petite quantité de victimes parce que, vous savez, compte tenu des difficultés dont je vous parlais tout à l'heure, compte tenu de la discrétion, la très grande discrétion des victimes de violence conjugale ou familiale, c'est évident que le nombre des faits et des demandes qui sont rapportés dans ce domaine-là en particulier, concernant ce genre de crime, est très faible. Alors, c'est une mesure qui s'adresse à une très faible proportion des demandeurs de prestations au niveau de l'indemnisation pour les victimes d'actes criminels. Donc, très petite portion. On s'ingère dans la vie privée des gens, alors, c'est sûr qu'on aura sûrement des questions à poser au ministre.

Vous savez, il y a plusieurs raisons qui font que c'est une petite partie. Il y a les raisons qui touchent ce que je vous disais tout à l'heure concernant la discrétion, concernant l'émotion, les liens profonds que les gens ont l'un envers l'autre, victime et agresseur, mais il y a aussi le fait que cette loi-là, la loi qu'on a devant nous, est une loi qui, même si elle existe depuis 20 ans, n'est pas connue, est très largement méconnue. Chaque année, on nous dit qu'il y a seulement 5 % des personnes qui sont victimes d'actes criminels qui font des demandes. Et, en plus, ce qu'on nous dit, c'est que par rapport à ces 5 %, il y a 20 % des demandes d'indemnisation, des demandes qui sont faites, là, qui sont rejetées parce que les victimes n'avaient pas été informées à temps et que, bien sûr, le délai de prescription est dépassé. Alors, on voit à quel point la loi n'est pas connue. Quand on parle de 5 % seulement des victimes d'actes criminels qui se prévalent de cette loi-là, ça nous donne une bonne idée. C'est tellement méconnu, d'ailleurs, M. le Président, que récemment... Et, heureusement, il y a la ministre de la Condition féminine qui, elle, reconnaissait l'importance de diffuser et de parler, d'expliquer aux femmes que cette loi-là existait. Récemment, lors du dépôt de sa politique en matière de condition féminine, la ministre Trépanier avait une mesure, justement, très claire ? d'ailleurs, il y en a quelques-unes qui concernaient le projet de loi qui s'en venait ? une mesure très claire. La ministre trouve que c'est important que le gouvernement s'engage à promouvoir une approche consistant à informer les femmes victimes d'actes criminels de leurs droits et de la Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels. Alors, si la ministre prend, elle, un engagement pour faire la promotion des droits qui sont élaborés dans cette loi-là, c'est vous dire comment c'est peu connu. C'est assez étonnant, d'ailleurs, qu'on n'ait pas pensé à ajouter une mesure dans la loi comme telle, une mesure qui obligerait quelqu'un, donnerait une responsabilité... Que ce soit au ministre de la Justice, aussi; je pense que ça fait partie de son mandat. C'est lui qui est le mandataire de l'ensemble de cette loi-là, alors il faudrait l'obliger, en quelque sorte, à nommer un responsable. Il devrait y avoir quelqu'un qui soit responsable d'informer la population de l'existence de cette loi-là.

M. le Président, j'aurais pu vous parler aussi des CAVAC. On sait qu'on a certains problèmes au niveau des régions. On sait qu'on veut soutenir, on veut améliorer ce réseau-là, mais on connaît aussi les coûts et le nombre de plaintes qui est si petit, toujours ? je suis persuadée que c'est par rapport à la méconnaissance que les gens ont de la loi; puisque les gens ne la connaissent pas, ils ne se plaignent pas ? donc, c'est bien évident que, même si on met bien du monde et qu'on crée bien des organismes pour attendre que les gens viennent les rencontrer, bien, il faudrait peut-être qu'on ait une action proactive et qu'on informe davantage directement la population.

Il y a aussi, bien sûr, tout l'aspect... Mon collègue en a parlé, mais je pense que c'est quand même important qu'on le fasse. Quand on voit que cette loi-là harmonise, vient harmoniser le régime d'indemnisation avec celui de la Société de l'assurance automobile, bien, c'est évident que, pour les femmes, vous comprendrez que, oui, ça peut susciter des inquiétudes. On le sait, cette fameuse réforme au niveau de la Société de l'assurance automobile... La loi qui avait été passée, qui est entrée en vigueur d'ailleurs en 1990, qui avait été fort discutée, on sait très bien que les nouvelles dispositions du régime d'assurance automobile défavorisent à beaucoup d'égards les femmes, particulièrement les femmes au foyer. On parle de 40 % des femmes. On parle aussi, bien sûr, d'autres catégories. On parle des retraités, des gens qui sont sans emploi. On sait que les changements qui ont été effectués, si on veut, à la Société de l'assurance automobile ont fait en sorte que ces personnes-là, sans emploi, sont maintenant privées d'indemnité pendant une période de 180 jours. Alors, il y a aussi cet aspect économique, cet aspect financier.

Il y a sûrement des bons côtés à harmoniser des régimes. Peut-être, effectivement, qu'il y avait... Ce n'était peut-être pas le meilleur endroit, la Commission de la santé et de la sécurité du travail, pour ce genre d'indemnisation. On pense aux enfants, et effectivement, le ministre en a glissé quelques mots tout à l'heure, mais on sait aussi les limites et les difficultés, les pénalités que la règle d'indemnité de la Société de l'assurance automobile a apportées à certaines clientèles, dont celle que je représente, M. le Président, les femmes, bien sûr.

Alors, c'est évident qu'on va avoir un questionnement important, qu'on va avoir des discussions et qu'on espère avoir des réponses. C'est dans ce sens-là, M. le Président, qu'on est pour le principe. On s'en reparlera lors de la deuxième lecture. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, Mme la députée du comté des Chutes-de-la-Chaudière.

S'il n'y a pas d'autres interventions, je vais inviter M. le ministre de la Justice à procéder à sa réplique.

M. Rémillard: Oui, très...

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Est-ce qu'il y a d'autres interventions?

M. Bélisle: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Oui, M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Bélisle: ...compte tenu de l'heure ? il est 17 h 57 ? est-ce qu'on pourrait solliciter le consentement de l'Opposition pour permettre au député de Marquette de commencer son intervention intégrale ce soir, à 20 heures?

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, il est 17 h 58 ou 17 h 57. Alors, le député de Marquette, si c'est son...

M. Bélisle: Non. Je demande le consentement de l'Opposition, M. le Président. C'est ce que je demande.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Pourquoi? Consentement pourquoi?

M. Bélisle: Est-ce que j'ai le consentement? Merci beaucoup.

Une voix: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Consentement, pourquoi là? Il n'y a pas de consentement nécessaire là.

Vous pouvez commencer votre intervention, M. le député de Marquette, et à la reprise vous continuerez.

M. Bélisle: Très bien. Le Vice-Président (M. Lefebvre): Allez-y. M. Claude Dauphin

M. Dauphin: Alors, merci beaucoup, M. le Président. Il me fait donc plaisir d'intervenir à ce moment-ci sur le projet de loi 106, Loi sur l'aide et l'indemnisation des victimes d'actes criminels, parrainé par l'honorable ministre de la Justice, député de Jean-Talon.

Alors, M. le Président, la philosophie du Parti libéral du Québec vise au premier chef le respect des droits individuels. Nos lois sont fondées sur ce principe, et l'action et les gestes que nous avons posés de même que les décisions que nous avons prises ont toujours été motivés par ce postulat. Aujourd'hui, nous en avons une fois de plus un exemple avec l'étude du projet de loi 106 concernant les victimes d'actes criminels. Mais avant d'en aborder véritablement le contenu, vous me permettrez d'élaborer davantage sur quelques principes généraux qui aideront certainement à mieux cerner ce fléau et les solutions que nous avons voulu y apporter.

M. le Président, il est triste de constater que, trop

souvent, la liberté des uns soit brimée par des actes isolés, c'est vrai, mais néanmoins répréhensibles et condamnables. Par ailleurs, lorsque l'on parle de la notion des droits individuels, on fait nécessairement appel à la liberté, ce principe noble qui doit normalement guider le comportement des peuples issus des nations qui sont guidées par la démocratie. Pourtant, il arrive que des individus s'en prennent injustement à d'autres pour des raisons, sinon inconnues, à tout le moins incompréhensibles et qui portent atteinte à l'intégrité des personnes. Ces actes de violence souvent inouïe se produisent même ici, chez nous, un endroit pourtant envié pour la nature de ses lois et la paix sociale qui y règne. C'est pourquoi un gouvernement se doit de se doter d'un cadre législatif rigide pour que les individus qui portent atteinte à la liberté des autres ne puissent recommencer, mais également pour que les victimes, qui sont souvent marquées par des expériences horribles, que l'on a peine à imaginer parfois, puissent avoir des recours. (18 heures)

En tant que législateurs, il nous revient de voter des lois qui ont pour effet d'alléger le fardeau des victimes injustement agressées, faut-il le rappeler. En ce sens, nous devons essayer chaque jour par nos gestes, nos actions, nos lois et nos interventions de faire en sorte de condamner toute forme de violence. En tout temps, en toute circonstance, la violence est inacceptable. À cet égard, M. le Président, le projet de loi 106 vient améliorer le cadre législatif en faisant en sorte d'humaniser davantage la loi.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): M. le député de Marquette, je dois vous interrompre, et je vous rappelle ce que je vous ai précédemment indiqué. Il est 18 heures, je suspends donc les travaux jusqu'à 20 heures. Vous pourrez évidemment continuer votre intervention. Je vous rappelle que vous disposerez encore d'une période de 17 minutes. Alors, je suspends les travaux jusqu'à 20 heures ce soir.

(Suspension de la séance à 18 h 1)

(Reprise à 20 h 2)

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Mmes et MM. les députés, si vous voulez vous asseoir, s'il vous plaît, nous reprenons les travaux de l'Assemblée nationale. Je vous rappelle que nous sommes toujours à l'étape des affaires du jour. À l'article 3 de notre feuilleton, M. le ministre de la Justice propose l'adoption du principe du projet de loi 106, Loi sur l'aide et l'indemnisation des victimes d'actes criminels. À la suspension des travaux, à 18 heures, M. le député de Marquette commençait tout juste son intervention. Vous avez droit à une période de 20 minutes, de sorte que vous disposez encore d'une période maximale de 17 minutes. Allez-y, M. le député de Marquette.

M. Dauphin: Merci, M. le Président, de me reconnaître et merci à mes collègues de cet encouragement apprécié. Effectivement, nous sommes toujours à l'étude du principe de la loi 106, c'est-à-dire la Loi sur l'aide et l'indemnisation des victimes d'actes criminels. Comme je le mentionnais avant la suspension, M. le Président, le projet de loi 106 vient améliorer le cadre législatif en faisant en sorte d'humaniser davantage la loi. C'était là une tâche difficile, mais je suis heureux de constater que notre gouvernement y a réussi, puisque cette nouvelle loi prendra véritablement en considération les besoins et les droits de la victime.

M. le Président, puisque nous comprenons bien la nécessité d'instaurer des lois qui bénéficient directement aux citoyennes et aux citoyens, j'aimerais, si vous le voulez bien, aborder le contenu de ce projet de loi sur l'aide aux victimes d'actes criminels. Tout d'abord, il est important de souligner que le projet de loi 106 propose, ici, de regrouper en une seule loi les deux lois qui accordent des droits aux victimes, c'est-à-dire la loi sur l'indemnisation et la Loi sur l'aide aux victimes d'actes criminels. Par le fait même, le Bureau d'aide aux victimes d'actes criminels, communément appelé le BAVAC, et la Direction de l'indemnisation des victimes d'actes criminels, soit l'IVAC, seront regroupés. En bout de ligne, ce sera donc les victimes d'actes criminels qui pourront bénéficier de ce regroupement, car elles n'auront plus à s'adresser à différents organismes pour avoir recours aux services d'aide, d'accompagnement, de soutien ou pour recevoir une indemnisation. En d'autres termes, le projet de loi vise à faciliter l'accès à la justice pour les victimes en simplifiant le processus. Il faut améliorer le recours à l'aide et à la justice, et je crois que cet aspect du projet de loi 106 remplira cette obligation. Ce principe du guichet unique aura donc pour effet de rendre toute cette procédure beaucoup plus souple, et ce, dans l'intérêt des victimes.

En ce qui a trait aux indemnités, la nouvelle loi prévoit des modalités mieux adaptées à la réalité des victimes. Par exemple, l'indemnisation des séquelles permanentes sera établie de façon objectivé et sans égard au revenu d'une victime. Par ailleurs, les remboursements des frais funéraires et de transport du corps d'une victime seront triplés pour tenir compte des coûts d'aujourd'hui. Toute cette réactualisation du régime d'indemnisation permettra de revoir une loi mise en place depuis plus de 20 ans déjà.

En effet, c'est en 1971 que l'Assemblée nationale du Québec adoptait la Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels. Cette loi, M. le Président, était principalement motivée par l'accroissement de la criminalité violente et par l'impossibilité pour certaines victimes d'être indemnisées, soit en raison de l'insolvabilité de l'auteur de l'infraction, soit parce que celui-ci était inconnu ou qu'il ne pouvait être retracé efficacement.

Lors de l'adoption de cette loi en 1971, le ministre de la Justice d'alors soulignait qu'il était devenu impératif de présenter un projet de loi qui permette à la société, par l'entremise du gouvernement et des

institutions en place, de faire face au problème social des actes criminels ayant causé des dommages à la personne. Il s'agit toujours, M. le Président, d'un problème social, et il est de notre ressort de venir en aide, du mieux que l'on peut, à ces victimes.

Comme mesure additionnelle, notre gouvernement propose, par le biais de ce projet de loi, d'élargir la définition de victime pour permettre aux proches de recevoir des traitements de réadaptation en psychothérapie afin d'être en mesure de supporter le plus adéquatement possible les victimes. De plus, les personnes blessées lors d'une intervention visant à prévenir de bonne foi un crime seront admissibles à une indemnisation. L'actuel délai de prescription d'un an pour présenter une demande sera porté à trois ans.

Parallèlement à cette réforme, le ministre de la Justice a fait connaître son intention de procéder à l'ouverture de nouveaux centres d'aide aux victimes d'actes criminels, ce qui complétera le réseau actuel, lequel en comporte, comme nous savons tous, déjà 10. Ces nouveaux centres d'aide, répartis sur l'ensemble du territoire québécois, permettront de prêter assistance aux victimes d'actes criminels, peu importe où elles sont, ce qui est effectivement très bénéfique pour toutes les régions du Québec. Voilà un autre exemple d'accessibilité.

M. le Président, je suis donc très satisfait du dépôt de ce projet de loi, parce qu'il fait ressortir le côté humain de la justice. Il favorise, d'une part, le rôle social, c'est-à-dire la dénonciation d'un crime en vue d'assurer une plus grande protection de la société; il reconnaît, de plus, le rôle essentiel des organismes communautaires et du travail bénévole. Également, le projet de loi 106 favorise et assure la transparence.

L'idée de fusionner le Bureau d'aide aux victimes d'actes criminels et la Direction de l'indemnisation des victimes d'actes criminels au sein d'un organisme commun, autonome, qui relèvera du ministre de la Justice, permettra l'instauration d'un guichet unique pour toutes les victimes. En procédant ainsi, on favorisera le développement d'une expertise propre à la victimisation au sein du ministère de la Justice. Cette mesure a l'avantage de permettre une meilleure synergie des forces en présence et une meilleure cohésion gouvernementale en cette matière. De plus, elle permet de régler la confusion qui existe parfois chez les victimes lorsqu'elles s'adressent au Bureau d'aide aux victimes d'actes criminels pour des problèmes d'indemnisation alors qu'elles doivent le faire actuellement pour toutes ces questions.

Voilà qui résume assez bien, M. le Président, le contenu de cette pièce législative fort importante. Ce projet de loi, vous l'avez très bien compris, a pour principal but de venir en aide aux victimes. Mais nous espérons aussi que l'action gouvernementale aidera à la prévention, car c'est en luttant quotidiennement contre la violence que nous parviendrons à faire diminuer l'incidence des actes criminels. Le projet de loi 106 s'inscrit dans ces objectifs en reconnaissant le rôle essentiel des victimes à titre d'auxiliaires de la justice.

Peut-être ne parviendrons-nous jamais complètement à enrayer la criminalité. Toutefois, il demeure prioritaire de poursuivre cet idéal. Il ne faut pas avoir peur de mettre de l'avant des mesures visant à contrer ce fléau qu'est la criminalité. (20 h 10)

Quoi qu'il en soit, le gouvernement libéral ? et j'en suis fier ? a choisi de privilégier la voie du rapprochement de la loi des gens. Il s'agit là d'une attitude positive et d'un grand sens des responsabilités, parce que la justice doit d'abord et avant tout être accessible et simple, en plus de faire cohabiter et coexister les droits et libertés de tous et chacun. M. le Président, les victimes d'actes criminels ont besoin d'être considérées, et de plus et surtout, d'être écoutées. Il faut mettre en place des mécanismes favorisant l'accompagnement, le support et l'aide à ces personnes injustement atteintes dans ce qu'elles ont de plus précieux. Elles ont aussi besoin d'obtenir réparation et de voir des résultats rapides à leurs démarches auprès des organismes administratifs. Elles ont enfin besoin d'être assurées, lors de leur participation au processus judiciaire.

C'est pour toutes ces raisons, M. le Président, que j'appuie la démarche de mon gouvernement dans un domaine aussi essentiel et important que celui de la justice. M. le Président, nous souhaitons tous l'adoption de ce projet de loi 106, et je vous remercie beaucoup de votre bonne attention.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le député de Marquette. Mme la députée de Saint-Louis, je vous cède la parole. Vous avez droit à une intervention de 20 minutes. De Saint-Henri!

Mme Nicole Loiselle

Mme Loiselle: Ha, ha, ha! Merci, M. le Président. S'il est un principe qui prévaut dans toute démocratie, c'est bien celui de l'équité en matière de justice. Dans ces temps modernes où les valeurs ont subi de profondes mutations, la justice constitue un des principaux remparts ou, si l'on veut, un gardien essentiel de la démocratie. Notre société s'est donné des règles de comportement aussi bien collectif qu'individuel. Si quelqu'un s'adonne à y déroger, on s'attend à ce que le présumé criminel doive faire face à la justice. De ce côté-là, M. le Président, pas de problème, du moins en apparence, puisque les recours à toutes sortes d'instances judiciaires sont permis et accessibles à tous.

Mais la loi 106 concerne l'indemnisation des victimes d'actes criminels. C'est un terrain beaucoup moins connu, car nombre d'entre elles se sont désistées en cours de procédures parce que trop douloureuses à supporter. En effet, M. le Président, on n'a qu'à penser qu'une personne victime d'un acte criminel quelconque doit nécessairement, un jour ou l'autre, devant une instance judiciaire, revivre les moindres détails et les moindres moments pour déterminer les tenants et les aboutissants du crime qui a été commis. Quand on est

extérieur à une scène de violence, on peut facilement écouter, enquêter sur n'importe quel cas. Mais, quand on y est soi-même impliqué, c'est bien différent. Les journaux sont farcis de cas où les personnes doivent relater devant les cours les moindres détails d'un crime.

C'est pourquoi, M. le Président, le gouvernement libéral a pris soin d'étudier toute cette question dans un seul but : celui d'humaniser la justice au Québec. On ne parle pas, ici, d'une quelconque compassion à l'égard des victimes d'actes criminels, mais bien d'équité et de justice à leur endroit. On veut leur éviter le pire, parce qu'elles ont été victimes d'un acte criminel, en leur facilitant la tâche lorsque vient le moment d'affronter ? le mot n'est pas trop fort, d'affronter ? la justice.

Il faut encourager les victimes d'actes criminels à faire valoir leurs droits, leurs privilèges, afin qu'elles soient traitées de façon aussi juste et équitable que possible. C'est dans ce but qu'a été élaboré et présenté le projet de loi 106, Loi sur l'aide et l'indemnisation des victimes d'actes criminels.

M. le Président, lorsqu'on regarde de près les statistiques concernant l'indemnisation des victimes, on se rend compte qu'elles sont à la hausse. Le service d'indemnisation des victimes d'actes criminels a enregistré, en 1992, une augmentation du nombre de demandes. En août dernier, était publié un rapport d'activité pour l'année 1992, lequel faisait état de 3276 demandes diverses reçues par les directions régionales de cet organisme. En 1991, M. le Président, on avait enregistré 2813 demandes, tandis qu'en 1990 elles totalisaient 2614. permettez-moi donc une première observation à cet égard: on se rend compte que ces demandes sont en hausse constante. évidemment, toutes les demandes ne sont pas nécessairement acceptées, puisque nombre d'entre elles sont rejetées faute de preuve, à cause d'un désistement du réclamant ou à cause, également, d'une faute lourde commise par la victime. d'autre part, parmi les cas relevés par le service d'indemnisation des victimes sur les cas de criminalité, on s'est rendu compte que les agressions commises par une personne inconnue de la victime ont fait un bond de 29 % en 1992 par rapport à 1991.

M. le Président, à cet effet-là, permettez-moi une deuxième observation: les actes criminels contre la personne commis par plus d'un agresseur ont crû en 1992. Voilà où le bât blesse, et c'est pourquoi l'État québécois doit tout faire pour mettre en place des mesures susceptibles d'encourager les victimes d'actes criminels à faire valoir leurs droits devant les instances judiciaires.

M. le Président, permettez-moi maintenant d'aborder quelques-unes des modalités contenues dans le projet de loi 106. Comme le ministre l'a précisé un peu plus tôt, ce projet de loi fait suite à un engagement pris lors du Sommet de la justice. Entre autres modalités, il propose de regrouper en une seule loi les deux lois qui conféraient des droits aux victimes, soit celle sur l'indemnisation et celle sur l'aide aux victimes d'actes criminels. C'est là une façon concrète pour le gouvernement libéral de réaliser sa volonté non seulement d'assainir les finances publiques du Québec, mais d'y parvenir en regroupant certaines activités qui, naguère, étaient éparpillées, parfois de façon inutile et parfois de façon coûteuse.

C'est ce genre de mesures, M. le Président, qui, soit dit en passant, entrent en ligne directe dans la perspective du rapport Poulin, dont le mandat a consisté à étudier de près les programmes gouvernementaux et à proposer différentes mesures en vue de dégraisser l'État québécois ou, si vous préférez, en vue de diminuer les coûts des services imposés aux contribuables.

Donc, M. le Président, par rapport au projet de loi 106, rappelons qu'actuellement le Bureau d'aide aux victimes d'actes criminels est rattaché au ministère de la Justice. Pour sa part, la Direction de l'indemnisation des victimes d'actes criminels est actuellement gérée par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, la CSST. C'est un regroupement de ces deux organismes que propose le projet de loi 106 pour une meilleure gestion de cette loi d'aide et d'indemnisation aux victimes d'actes criminels. En d'autres termes, cela signifie que les victimes s'adresseront dorénavant à un seul bureau au lieu de s'adresser à des organismes différents pour obtenir des services soit d'aide, de soutien et d'accompagnement ou pour percevoir une indemnisation. Voilà une mesure qui concrétise cette idée ou ce concept d'accessibilité des citoyens à la justice québécoise.

D'autre part, M. le Président, je tiens à insister sur le fait que le régime d'indemnisation a été mis en place en 1971. Il est donc normal que, dans un monde qui évolue aussi rapidement que le nôtre, on doive, à un moment ou à un autre, l'adapter à la réalité d'aujourd'hui. C'est précisément ce que poursuit le projet de loi 106. Ainsi donc, le régime d'indemnisation proposé s'inspire du plus récent d'entre eux au Québec, soit celui des victimes d'accidents d'automobile. Un tel régime s'adresse à toute personne, peu importent son âge et sa situation sociale, à l'instar des victimes d'actes criminels.

On s'attarde particulièrement à réaménager les indemnités versées aux victimes. Par exemple, en vertu du projet de loi 106, une victime atteinte de séquelles permanentes pourrait recevoir une somme forfaitaire pouvant atteindre 127 250 $, sans considération de son revenu. D'autre part, les indemnités de décès à être versées à un conjoint survivant ne pourraient être en aucun cas inférieures à 45 149 $ et pourraient atteindre 232 500 $ dans certains cas. Les remboursements des frais funéraires et de transport du corps d'une victime seraient triplés. (20 h 20)

On comprend, M. le Président, que de telles mesures ne viendront pas diminuer la douleur des victimes d'actes criminels, mais, au moins, la société reconnaît une valeur essentielle pour sa bonne santé démocratique, c'est que les victimes d'actes criminels doivent,

dans des délais raisonnables, recevoir justice, sans pour autant dire que tous les torts seront nécessairement réparés.

M. le Président, j'aimerais aborder une autre mesure importante dans ce projet de loi 106 en ce qui a trait à la définition de la victime. Le projet élargit cette définition pour permettre à des proches de recevoir des traitements de réadaptation afin d'être en mesure de supporter adéquatement la victime. D'autres améliorations: les personnes blessées lors d'une intervention visant à prévenir de bonne foi la commission d'un crime seraient admissibles à une indemnisation; de plus, l'actuel délai de prescription d'un an pour présenter une demande sera porté à trois ans.

Un autre élément également d'accessibilité à la justice québécoise, c'est la volonté du ministre de développer de nouveaux centres d'aide aux victimes d'actes criminels. Ces centres viendront compléter le réseau actuel qui comporte présentement 10 bureaux. Ces bureaux sont répartis sur l'ensemble du territoire et permettent aux victimes de bénéficier de services d'accueil et de support, de même que de l'information relative au processus judiciaire.

M. le Président, il faut situer le cadre de ce projet de loi 106 qui vient améliorer une partie importante de la justice au Québec, à savoir les règles d'indemnisation des victimes d'actes criminels. Toutefois, il ne s'agit pas là de l'unique référence pour les personnes impliquées. En effet, le Bureau d'aide aux victimes d'actes criminels mis sur pied en 1988 a pour mission de favoriser la promotion des droits des victimes et de veiller au développement des programmes d'aide, ainsi qu'à la concertation et à la coordination des actions des personnes, des ministères et des organismes qui dispensent des services aux victimes.

Cette phrase paraît bien compliquée à première vue, mais elle se comprend facilement puisqu'il s'agit essentiellement de coordonner les actions des organismes qui ont le mandat d'aider les personnes victimes d'actes criminels. On ne parle pas ici uniquement des ministères proprement dits, mais également des centres d'aide aux victimes d'actes criminels qui ont été mis sur pied depuis 1988 et dont le personnel est composé de bénévoles qui travaillent d'abord et avant tout sur le terrain. Ces bénévoles oeuvrent, en effet, près des lieux où se produisent ou risquent de se produire des actes criminels.

Vous me permettrez, M. le Président, de profiter de cette occasion ce soir pour rendre hommage d'une façon toute particulière et toute spéciale à tous les intervenants et à tous les bénévoles qui travaillent de près ou de loin au sein des organismes communautaires d'aide et de soutien aux victimes de crimes.

Il faut aussi comprendre qu'une société moderne comme la nôtre doit faire face à des défis de taille. En effet, nous nous sommes donné une série de conventions, à titre de société moderne. Ces conventions sont d'ordre juridique, social, économique et culturel. Mais, malheureusement, ces conventions ne se traduisent pas toujours sous le signe de l'harmonie. Elles peuvent parfois être dérogées, sciemment ou non, par des individus qui décident de se faire justice eux-mêmes au nom d'un principe parfois irrationnel, mêlé à de l'émotivité. C'est précisément ce que notre société tente d'éviter, mais le poids du nombre, et surtout le poids de la pression sociale, économique ou culturelle fait en sorte que des individus s'arrogent des droits qui finissent par brimer la liberté des autres.

C'est ce qui m'amène à dire, M. le Président, que le projet de loi 106 rejoint une préoccupation inhérente à la philosophie libérale. J'entends ici la notion ou le concept de protection et de promotion de nos droits individuels, et cette notion n'entre pas en contradiction avec les droits collectifs.

M. le Président, en terminant, je dis tout simplement qu'à titre de personne j'ai parfaitement le droit de demander à l'État québécois de voir à la protection et à la promotion de mes préoccupations, du moins de rendre accessible une justice qui nous paraît trop souvent lourde et compliquée à la fois, et c'est ce que fait le projet de loi 106. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, Mme la députée de Saint-Henri. Sur le même projet de loi, M. le député d'Orford, vous avez droit à 20 minutes.

M. Robert Benoit

M. Benoit: M. le Président, avant d'aborder les principes et modalités du projet de loi 106 portant sur l'aide et l'indemnisation des victimes d'actes criminels, il me semble pertinent de vous exposer, en quelques mots, la perspective d'ensemble dans laquelle une telle législation s'inscrit.

M. le Président, nous vivons dans une société complexe et, nous le savons tous, comportant beaucoup d'éléments humains et techniques. Ces éléments s'organisent, notamment, dans notre système de justice, qui tient compte non seulement des droits et privilèges des personnes, mais aussi de leurs devoirs. Dans une société comme la nôtre, il y a nécessairement des phénomènes tels que la pauvreté. Plusieurs rapports ont décrit de façon statistique et géographique les tenants et aboutissants d'un tel phénomène. Cela se traduit sous forme de comportements. Lorsqu'une personne dit se sentir lésée parce que privée de travail ou incapable d'en assumer un, elle peut, à un moment donné, avoir l'idée de s'arroger un droit d'aller voler le bien d'une personne qui gagne fièrement sa vie. Lorsque des individus agissent de la sorte et commettent des infractions criminelles, ils contrecarrent les intérêts collectifs de notre société.

M. le Président, je ne prétends pas ici donner un cours de sciences politiques, mais simplement décrire ce qu'une victime d'un acte criminel peut ressentir. Imaginez une personne âgée, par exemple, qui se fait attaquer en pleine rue et qui, du jour au lendemain, est obligée de faire face aux conséquences de sa victimisation, compte tenu de ses connaissances et du degré de douleur

qu'elle doit endurer. Connaît-elle ses droits? Connaît-elle les ressources d'aide à sa disposition? Connaît-elle l'organisation même du système de justice? Il s'agit là de la situation réelle vécue par plusieurs personnes, M. le Président, qui ont été victimes d'actes criminels sur le territoire du Québec. C'est de cette personne qu'il s'agit ici et de toutes les autres qui seront visées par le projet de loi 106, à la suite de la volonté exprimée par notre gouvernement d'humaniser la justice. Nous avons tous entendu parler du Sommet de la justice, et ce fut là une des très grandes recommandations d'humaniser la justice sur le territoire du Québec. Le projet de loi 106 traduit donc cette volonté d'aider les gens à mieux faire face aux conséquences de la perpétration d'infractions criminelles.

Et je dois dire, M. le Président, que les statistiques sur la criminalité n'indiquent malheureusement pas de baisse à cet égard. De plus, le dernier rapport d'activité du service d'indemnisation des victimes d'actes criminels relève pour l'année 1992 que le nombre de demandes d'indemnisation a augmenté par rapport aux années précédentes. Ce sont des chiffres dont nous ne devons pas nous réjouir, mais, malheureusement, ils sont là et nous devrons vivre avec. Cette hausse est constante dans le temps. C'est, notamment, pour cette raison que le gouvernement a décidé de donner des suites concrètes au Sommet de la justice dans le cadre des propositions formulées pour revoir le traitement accordé aux victimes d'actes criminels.

Ainsi, en vertu du projet de loi 106, on regroupera d'abord en une seule loi les deux qui confèrent actuellement des droits aux victimes, soit celle sur l'indemnisation et celle sur l'aide aux victimes d'actes criminels. Soit dit en passant, M. le Président, voilà une mesure qui concrétise la volonté du rapport Poulin concernant la rationalisation des services publics. Encore une fois, nous allons mettre ensemble deux services et couper les coûts. Ainsi, le Bureau d'aide aux victimes d'actes criminels, actuellement rattaché au ministère de la Justice, verrait, suite à l'adoption du projet de loi, sa mission s'étendre à l'indemnisation des victimes d'actes criminels actuellement gérée par la Commission de la santé et de la sécurité du travail. Ce sont ces deux branches de l'administration publique qui seront fusionnées en une seule. Et le Bureau d'aide aux victimes d'actes criminels poursuivrait ses activités sous le vocable de Bureau d'aide et d'indemnisation des victimes d'actes criminels. Les victimes n'auront donc plus à s'adresser à des organismes différents pour obtenir des services d'aide, de soutien et d'accompagnement et/ou pour recevoir une indemnisation.

J'aimerais, du même coup, rappeler que l'actuel Bureau d'aide aux victimes d'actes criminels a été mis sur pied en 1988. Il favorise la promotion des droits des victimes et veille au développement des programmes d'aide, ainsi qu'à la concertation et à la coordination des actes des personnes, ministères et organismes qui dispensent des services aux victimes. Cette mission demeure partie intégrante du projet de loi 106.

Dans la foulée de cette réforme, il convient de rappeler l'intention du ministre de la Justice d'augmenter le nombre des centres d'aide aux victimes d'actes criminels. Ces bureaux viendront compléter les 10 centres déjà existants. Us sont répartis sur l'ensemble du territoire, et les victimes pourront ainsi bénéficier des services d'accueil et de support que dispensent ces centres d'aide. (20 h 30)

II faut garder à l'esprit que les victimes ont à souffrir des conséquences malheureuses de gestes criminels qui portent atteinte à l'intégrité même de leur personne. En même temps, à titre collectif, on peut affirmer sans se tromper que ces gestes criminels portent atteinte à la société tout entière. Celle-ci se responsabilise donc et tente, par le biais d'une programme d'indemnisation étatique et des services d'aide, d'en atténuer les conséquences. Alors, il s'agit là du principe qui justifie l'intervention du gouvernement à l'aide des victimes. C'est donc un souci d'équité et de justice envers tous ceux et celles qui désirent vivre en paix dans un contexte de liberté.

M. le Président, le projet de loi 106 aura donc pour effet non seulement d'améliorer l'administration de la justice, mais d'améliorer les liens entre l'État et les citoyens. Plusieurs enquêtes ont déjà prouvé, dans le passé, que cette relation entre l'État et le citoyen souffrait d'une distance trop large. Nous espérons que le projet de loi 106 permettra de rapprocher l'Etat à l'égard de ces victimes. Il est important, en démocratie, de bien comprendre nos institutions et d'en comprendre les mécanismes et le fonctionnement. Et la loi 106, à cet égard-là, est tout à fait évidente.

C'est dans ce sens, M. le Président, que l'on doit observer que la société québécoise s'inscrit à la fine pointe de son développement social. Le Québec a développé, depuis les 25 dernières années, un ensemble de mesures destinées à répondre aux besoins et aux préoccupations des victimes, et ce, en accord avec la déclaration des principes fondamentaux de justice relatifs aux victimes de la criminalité et aux victimes d'abus de pouvoir. Cette déclaration a été adoptée par l'Assemblée générale des Nations unies en 1985. Elle vise à encourager tous les États à progresser dans leurs efforts pour faire respecter les droits des victimes de la criminalité et pour garantir ces droits.

J'aimerais terminer mon intervention, M. le Président, sur des considérations plus concrètes par rapport au projet de loi 106. D'abord, ce projet de loi prévoit que l'aide et l'indemnisation des victimes d'actes criminels seront financées par le Fonds d'aide et d'indemnisation des victimes d'actes criminels. Il confie au gouvernement le pouvoir d'édicter les dispositions réglementaires requises pour l'application de ce régime. De manière plus générale, le projet de loi énonce les droits des victimes d'actes criminels et leurs responsabilités. Il établit aussi un nouveau régime d'indemnisation, comme je viens de l'expliquer, des victimes d'actes criminels. Ce régime contiendra les règles permettant de déterminer les

personnes qui auront droit aux prestations ainsi que la nature et le montant de celles-ci. Toutes ces décisions pourraient faire l'objet d'une révision puis d'un appel. Il reviendra aussi au ministre de la Justice d'accorder de l'aide financière notamment pour assurer l'implantation et le maintien des centres d'aide aux victimes.

Malheureusement, M. le Président, un projet de loi de cette nature n'empêche pas que soient commis des actes criminels. Mais il permettra aux citoyens et aux citoyennes de mieux naviguer dans l'administration de la justice au Québec, parce que ces démarches seront facilitées.

Voilà, M. le Président, l'essentiel du projet de loi 106, qui fait appel nécessairement à un rôle de l'État québécois dans l'administration de la justice et surtout dans la gestion des droits individuels au Québec. Parfois, on demande à l'État québécois de se retirer partiellement ou complètement des activités commerciales ou industrielles, par exemple, parce que, au fil des années, l'État est devenu envahissant. Mais, d'un autre côté, notamment par le biais de mesures à caractère social, on demande à l'État québécois d'être omniprésent de manière à assurer le mieux possible les droits individuels des citoyens et des citoyennes de notre société. L'exemple de ces droits comporte nécessairement des coûts. On parle ici de coûts administratifs, mais on parle aussi de coûts humains à assumer, en ce sens que les personnes qui travaillent de près ou de loin à l'administration de la justice doivent faire preuve de compétence et d'une certaine vigilance à l'égard des droits individuels face à la clientèle qui leur demande des services.

Les mesures contenues dans le projet de loi 106 compléteront le travail effectué sur le terrain par des organismes ou des groupes communautaires voués à la défense des droits des victimes ? nous en avons tous dans nos comtés respectifs. Ces gens-là sont importants, dynamiques, vigilants, et nous devons les encourager à continuer.

On aura beau parler de démocratie, de plein exercice de nos droits et devoirs, mais rien ne vaut, M. le Président, des mesures concrètes soumises à l'Assemblée nationale, qui seront suivies scrupuleusement en fonction des règles, pour que soit administrée plus efficacement la justice au Québec. Ce ne sont pas seulement les droits individuels qui sortent gagnants d'une telle législation, mais également les droits collectifs, dans la mesure où c'est toute la société québécoise qui franchit un pas nouveau en matière d'accessibilité à la justice. C'est comme cela qu'il faut interpréter les progrès réels d'une société démocratique, et c'est là l'histoire du Québec, M. le Président. Je vous en remercie.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le député d'Orford. Est-ce qu'il y a d'autres interventions? Oui, M. le ministre.

M. Middlemiss: M. le Président, je crois que le député de Viger était censé intervenir. Peut-être qu'on pourrait vérifier.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, je vous rappelle que nous sommes à discuter de la motion proposant l'adoption du principe du projet de loi 106, Loi sur l'aide et l'indemnisation des victimes d'actes criminels. Je vais suspendre les travaux pour quelques minutes, de sorte que le député de Viger puisse se présenter, s'il y a lieu. Je suspends les travaux pour quelques minutes.

(Suspension de la séance à 20 h 37)

(Reprise à 20 h 39)

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, Mmes et MM. les députés, nous reprenons les travaux de l'Assemblée. S'il n'y a pas d'autres interventions, je vais permettre à M. le ministre, s'il le désire, de procéder à sa réplique.

M. Gil Rémillard (réplique)

M. Rémillard: Oui, M. le Président. M. le Président, simplement un mot pour dire que nous allons maintenant nous revoir pour étudier ce projet de loi article par article, et je veux remercier mes collègues qui, du côté du gouvernement comme du côté de l'Opposition, sont intervenus sur ce projet de loi. Je vois, M. le Président, que nous avons tous les mêmes objectifs dans ce projet de loi. (20 h 40)

Le député d'Anjou, comme critique de l'Opposition en matière de justice, a soulevé, je crois, les questions qu'on doit se poser lorsqu'on va étudier ce projet de loi article par article. Ce sont des questions que je me suis posées aussi et que j'ai étudiées très attentivement avec les gens qui m'ont conseillé. Je suis allé aussi sur le terrain, M. le Président, et j'ai questionné les gens qui s'occupent de plusieurs de ces victimes qui vivent des moments souvent très pénibles, très difficiles, et je peux dire aussi au député d'Anjou qu'il est vrai que j'ai pris un petit peu plus de temps que prévu pour déposer mon projet de loi, à la suite de ce que j'avais dit au Sommet de la justice, mais je dois dire que si j'ai pris plus de temps, c'est parce que j'ai fait plus de consultations que, au départ, je devais en faire. Et j'ai fait plus de consultations, des heures et des heures de consultations qui ont été faites avec différents groupes, différents experts, parce que je voulais, M. le Président, pouvoir arriver en cette Chambre et avoir un projet de loi qui pourrait rencontrer les objectifs que je sais que, au-delà des questions de partisanerie politique, nous avons tous à coeur de pouvoir avoir un projet de loi qui pourrait donner aux victimes la possibilité de faire face à cette situation très difficile dans laquelle ils sont à la suite d'un acte de violence.

Et on sait, M. le Président, que, tous les jours, lorsqu'on ouvre les journaux, on en voit de ces

exemples et de ces personnes qui sont victimes d'actes criminels. Tous les jours, on les voit, et tous les jours, aussi, certains d'entre nous, comme députés, reçoivent de ces personnes qui viennent les voir et qui leur disent leur désarroi face à une situation qui, présentement, est inéquitable, de par la loi que nous avons présentement.

Donc, cette loi, M. le Président, fait un pas majeur, établit, je dirais, une équité, un équilibre, une justice plus humaine en ce qui regarde les victimes d'actes criminels. Et, M. le Président, c'est dans ce contexte que j'ai voulu que nous puissions entendre et le Barreau et aussi le groupe plaidoyer-victimes, un groupe qui est représentatif de bien des intervenants qui oeuvrent dans le domaine des victimes d'actes criminels. Ces deux intervenants majeurs vont venir nous faire part de leurs commentaires, et, comme parlementaires, nous, nous serons là pour les entendre et discuter avec eux, et, ensuite, nous pourrons aborder article par article et voir, M. le Président ? j'ai toujours dit que j'étais ouvert ? toute proposition qui est raisonnable, qui se situe dans le contexte, évidemment, du principe, pour nous, de responsabiliser les citoyens sans, quand même, enlever à l'État sa responsabilité. Parce qu'il faut bien comprendre que si on est victime d'un acte criminel, ce n'est pas de notre faute, et l'État a sa responsabilité. On ne peut pas nier la responsabilité de l'État. Dans ce contexte, M. le Président, il est évident que je suis ouvert à toute possibilité qui ferait en sorte qu'on ait un projet encore plus équitable, plus juste, plus humain.

Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le ministre de la Justice.

Mise aux voix

Est-ce que la motion proposant l'adoption du principe du projet de loi 106, Loi sur l'aide et l'indemnisation des victimes d'actes criminels, est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Adopté. M. le ministre des Transports et leader adjoint du gouvernement.

Renvoi à la commission des institutions

M. Middlemiss: M. le Président, je fais motion que ledit projet de loi soit déféré à la commission des institutions pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Est-ce que cette motion de déférence est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Adopté.

Consultations particulières

M. Middlemiss: M. le Président, j'aimerais faire une motion de consultations particulières: «Que la commission des institutions, avant d'entreprendre l'étude détaillée du projet de loi 106, Loi sur l'aide et l'indemnisation des victimes d'actes criminels, procède à des consultations particulières et tienne des auditions publiques sur ledit projet de loi, le mardi 26 octobre 1993, à la salle du Conseil législatif et, à cette fin, entende, après les affaires courantes: «Pour une durée respective de 15 minutes, les remarques préliminaires du ministre de la Justice et celles du porte-parole de l'Opposition officielle; «Pour une durée respective d'une heure, le Barreau du Québec et l'Association québécoise plaidoyer-victimes; «La durée maximale de l'exposé de chaque organisme soit de 20 minutes et l'échange avec les membres de la commission soit d'une durée maximale de 40 minutes partagées également entre les membres du groupe parlementaire formant le gouvernement et les députés formant l'Opposition, en respectant le principe de l'alternance; «Et le ministre de la Justice soit membre de ladite commission pour la durée du mandat.»

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, j'ai besoin d'un consentement pour déroger aux articles 188 et 244 pour pouvoir mettre aux voix cette motion. Il y a consentement?

Mise aux voix

Alors, est-ce que cette motion présentée par le ministre des Transports et leader adjoint du gouvernement est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Adopté. M. le ministre.

M. Middlemiss: M. le Président, l'article 2.

Projet de loi 105

Le Vice-Président (M. Lefebvre): À l'article 2 de notre feuilleton, M. le ministre de la Justice propose l'adoption du principe du projet de loi 105, Loi sur la justice administrative. M. le ministre de la Justice.

Adoption du principe M. Gil Rémillard

M. Rémillard: Je vous remercie, M. le Président. Le 18 juin dernier, j'avais l'honneur et le

plaisir de présenter à cette Assemblée le projet de loi sur la justice administrative portant le numéro 105. Et ce projet de loi s'inscrit dans le cadre de l'évolution des tribunaux administratifs au Québec, M. le Président, et découle directement aussi des travaux, des discussions que nous avons eues lors du Sommet de la justice en février 1992.

M. le Président, vous vous rappellerez que, depuis le début des années soixante-dix plus particulièrement, de nombreuses lois sont venues établir graduellement un réseau important d'organismes administratifs au Québec. Ces organismes visaient à répondre aux besoins de la collectivité québécoise en raison du développement de nouveaux champs d'activité qui incombaient à l'État. Parallèlement à ce développement, le gouvernement se préoccupait des incidences que pouvait comporter la création de tels organismes, notamment lorsque le mandat confié était en totalité ou en partie de nature judiciaire ou quasi judiciaire. C'est ainsi que, depuis plus de 20 ans, divers groupes de travail furent mis sur pied afin d'éclairer le gouvernement sur les différents aspects de l'administration de la justice administrative. Ainsi, après le rapport Dussault de 1971, le livre blanc sur la justice contemporaine de 1975 et le rapport Atkinson-Lévesque de 1983, le Conseil des ministres approuvait, en 1986, la formation d'un groupe de travail sur les tribunaux administratifs.

Présidé par le professeur Yves Ouellette, de la Faculté de droit de l'Université de Montréal, ce groupe de travail recevait le mandat de faire rapport sur les juridictions exercées par les organismes administratifs qui pourraient être transférées aux tribunaux de l'ordre judiciaire, regroupées ou supprimées, sur les droits d'appel, la preuve et la procédure, ainsi que sur le statut des membres de ces tribunaux.

À la suite du dépôt de son rapport, en août 1987, le ministère de la Justice entreprenait des travaux d'analyse et de recherche comparatives, lesquels travaux ont suscité des questions fort importantes. Et c'est dans la foulée de ces travaux, ainsi que des nombreuses discussions et consultations qui suivirent que je présentais, en juin dernier, le projet de loi 105 sur la justice administrative.

Ce projet de loi, M. le Président, constitue une première au Canada, en ce qu'il regroupe à la fois des dispositions quant au statut des membres des organismes visés, quant à la déontologie qu'ils doivent observer et quant aux règles de preuve et de procédure applicables devant eux.

Dans un premier temps, le projet de loi précise le champ d'application et énumère les organismes qui, dans l'état actuel de la législation, répondent aux critères qui y sont proposés. Il définit ensuite le statut des membres de ces organismes administratifs et prévoit l'adoption de règles minimales de preuve et de procédure. Il propose de plus l'institution d'un Conseil de la justice administrative.

À propos du champ d'application de la réforme, le projet de loi 105 précise, M. le Président, que la loi s'appliquera à des tribunaux administratifs, c'est-à-dire à des organismes qui, au sein de l'administration, ont pour mission d'exercer une fonction juridictionnelle d'appel ou de révision dans des matières administratives. La fonction juridictionnelle est définie par la jurisprudence et la doctrine comme étant celle en vertu de laquelle un organisme tranche un litige dont il est saisi, mais dont il ne se saisit pas lui-même. Ce litige oppose des parties sans que l'organisme décideur soit lui-même l'une de ces parties.

Pour trancher ce litige, l'organisme se fonde sur des considérations non uniquement d'opportunité, mais de légalité qu'il n'a pas lui-même adoptées ou soumises pour adoption. Et c'est à partir des faits prouvés devant lui par les parties, et selon une procédure adaptée à la nature des litiges dont il est saisi, que l'organisme rend sa décision. (20 h 50)

Cette définition, M. le Président, est celle qu'avançait, entre autres, la Cour suprême du Canada dans les arrêts ministre du Revenu national versus Coopers & Lybrand et Procureur général du Québec versus Udeco inc. Le projet de loi 105 ajoute, M. le Président, que, parmi ces organismes, il vise ceux dont les membres sont nommés par le gouvernement. D'ailleurs, faut-il le rappeler, depuis l'arrêt Valente, les tribunaux ont convenu que la rigueur des critères d'indépendance et d'impartialité qui avait été élaborés pouvait être modulée selon les instances concernées.

Il faut, ici, peut-être rappeler que, procédant à établir le réseau des organismes visés par la réforme, le rapport Ouellette identifiait 78 organismes, et je cite, «exerçant une fonction d'adjudication ou de régulation, de façon principale et accessoire.» Et mentionnons, M. le Président, que le rapport Ouellette retenait, parmi ces 78 organismes, 12 organismes, et je cite, «siégeant, de manière exclusive ou principale, en révision de décisions initiales d'une autre administration, suivant un processus quasi judiciaire.»

Donc, d'une part, le rapport Ouellette identifiait 78 organismes et, de ces 78 organismes, il en retenait 12. Et je dois ajouter aussi, M. le Président, que sur ces 12, le rapport Ouellette incluait la Régie du logement, parce que, bien que ne remplissant pas ces critères, elle est, ainsi qu'il est écrit dans le rapport, et je cite, «l'un des organismes recevant le plus grand nombre de recours au Québec.»

Ce rapport, M. le Président, proposait, par la suite, le regroupement de cinq d'entre eux, soit la Commission des affaires sociales, la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles, le Bureau de révision de l'évaluation foncière, la Chambre de l'expropriation de la Cour du Québec et la Régie du logement au sein de quatre tribunaux administratifs, en laissant ainsi sept tribunaux de côté pour éviter, ainsi qu'il est écrit dans le rapport, et je le cite toujours, «le piège de la structure trop lourde».

Dans un deuxième temps, le projet de loi que nous étudions présentement prévoit des règles quant à la

nomination des membres des tribunaux administratifs, à la durée et au renouvellement de leur mandat, à leur rémunération et autres conditions de travail ainsi qu'à la fin prématurée de leur mandat. Ainsi, ne pourrait être nommée membre d'un tribunal administratif que la personne qui possède une expérience d'au moins 10 ans, et ce, dans un domaine pertinent pour l'exercice des fonctions du tribunal ou elle serait nommée.

Le projet de loi propose donc deux critères importants, soit un nombre minimum d'années d'expérience requise et un lien entre cette expérience et le champ de compétence du tribunal concerné. Parce qu'il faut se rappeler, M. le Président, que l'une des raisons pourquoi ces tribunaux administratifs ont été institués, et comme on le mentionnait tout à l'heure, surtout dans la période des années soixante-dix, c'est parce qu'on y retrouve, au niveau de ces tribunaux, une expertise qu'on ne trouve pas nécessairement au niveau des tribunaux réguliers, ordinaires. Donc, il est important qu'on puisse avoir ces règles de nomination qui prévoient, d'une part, au moins 10 ans d'expérience dans le domaine, dans le secteur touché par le tribunal en question et, en plus, ce lien entre l'expérience et le champ de compétence du tribunal concerné.

Par ailleurs, M. le Président, le projet de loi 105 prévoit que, en principe, la durée du mandat d'un membre est de cinq ans, et que ce mandat devrait être renouvelé par le gouvernement pour cinq ans sauf avis à l'effet contraire, notifié par écrit au membre au moins six mois avant l'expiration de son mandat. En d'autres termes, M. le Président, contrairement à la situation actuelle, des règles quant à la durée et au renouvellement des mandats seraient prévues expressément dans la loi. Contrairement à la situation actuelle, le principe, c'est que la nomination, le mandat se continue. C'est le principe, la continuation du mandat. On n'y met fin après cinq ans que dans la mesure où il y a eu un avis à cet effet, donné au moins six mois à l'avance.

De plus, M. le Président, la loi obligerait le gouvernement à informer un membre, comme je viens de le dire, au moins six mois avant la fin de son mandat, de son renouvellement, à défaut de quoi il se verrait automatiquement renouvelé. Il s'agit évidemment, M. le Président, d'un changement majeur par rapport à la situation actuelle.

Le projet de loi prévoit en outre que le mandat ne pourrait prendre fin avant terme que par le décès du membre, son admission à la retraite, sa démission ou s'il est destitué. S'il est destitué, M. le Président, c'est après enquête du Conseil de la justice administrative.

Ce sont donc des règles particulièrement strictes pour garantir l'indépendance de ceux qui sont nommés à ces tribunaux administratifs. Ces mesures, M. le Président, visent donc à mieux assurer l'indépendance et l'inamovibilité du membre pendant toute la durée de son mandat. À ce chapitre, M. le Président, mentionnons aussi d'autres dispositions qui traitent des conflits d'intérêts, qui prévoient la prestation d'un serment d'impartialité et d'office, et qui imposent le respect d'un code de déontologie. Ces mesures ont pour objectif d'offrir aux justiciables des garanties additionnelles de transparence et d'impartialité.

Le projet de loi 105, M. le Président, contient également des dispositions portant sur la rémunération et sur les autres conditions de travail des membres des tribunaux administratifs. À cet effet, il propose notamment l'adoption d'une politique par le gouvernement dans le cadre de laquelle les conditions de travail des membres seraient dorénavant déterminées, et prévoit qu'une fois fixée, la rémunération ne pourrait être réduite. Ces mesures visent toujours à établir un régime statutaire à cet égard.

M. le Président, le projet de loi contient, par ailleurs, des dispositions concernant la nomination de présidents et de vice-présidents d'un tribunal administratif et les attributions qui leur sont dévolues. C'est ainsi que le projet prévoit qu'ils doivent être désignés parmi les membres du tribunal concerné. Il propose, de plus, des règles quant au remplacement du président lorsqu'il est absent ou lorsque son poste devient vacant.

Le projet de loi confie certaines fonctions au président, parmi lesquelles il faut noter celle qui lui échoit de favoriser la participation des membres à l'élaboration d'orientations générales du tribunal en vue de maintenir un niveau élevé de qualité et de cohérence des décisions. Ces disposition visent essentiellement à mieux encadrer la gestion des tribunaux administratifs et à maintenir une justice administrative de grande qualité.

Le projet de loi 105 énonce des règles de preuve et de procédure de base relatives à l'exercice des fonctions juridictionnelles des tribunaux administratifs. Il s'agit là de règles visant à favoriser l'accès à la justice et à assurer le déroulement rapide et simple des audiences dans le respect des droits fondamentaux des parties. C'est ainsi, par exemple, M. le Président, que, dans la recherche de l'accessibilité, le projet de loi oblige les membres du personnel d'un tribunal administratif à prêter assistance à toute personne qui le requiert pour la formulation d'une demande. (21 heures)

M. le Président, je me permets d'insister sur cette mesure. On parle d'accessibilité à la justice. C'est là une mesure qui est très importante. Rappelons-nous, M. le Président, que si ces tribunaux administratifs existent, c'est pour qu'il y ait ce lien entre l'État et le citoyen, pour que ces tribunaux soient spécialisés dans un domaine particulier. Souvent, M. le Président, très souvent, c'est en relation avec un service public. Donc, un service qui fait partie, d'une façon essentielle, de la vie des citoyens. Une relation, donc, qui doit s'établir en permettant au citoyen qui fait face à l'État, au gouvernement d'avoir une accessibilité à ces organismes.

Donc, d'une part, M. le Président, oui, nous devons garantir l'impartialité et la qualité de ces tribunaux, des membres de ces tribunaux. Mais, d'autre part, M. le Président, il ne faut pas que ça se fasse au détriment de l'accessibilité à la justice. Et cette disposition, M. le Président, que je viens de mentionner, c'est-à-dire

que le tribunal administratif doit prêter assistance à toute personne qui le requiert pour la formulation d'une demande, cette disposition, pour moi, comme ministre de la Justice, est très importante pour assurer cette accessibilité.

M. le Président, le projet de loi prévoit également l'obligation de transmettre aux parties, dans un délai raisonnable, un avis leur indiquant, entre autres, l'objet, la date, l'heure et le lieu de l'audience ainsi que leur droit d'y être assistées ou représentées, le cas échéant, par les personnes habilitées par la loi à le faire. Et, M. le Président, c'est une autre mesure pour assurer l'accessibilité à la justice au niveau de ces tribunaux administratifs. Il faut que le citoyen soit adéquatement informé, il faut que les procédures qui doivent exister au niveau de ces tribunaux puissent garantir que ces gens puissent être entendus. C'est l'application de la grande règle qu'on appelle audi alteram partem. Ça existe dans notre droit comme un des fondements de notre démocratie en matière judiciaire, M. le Président. Alors, il faut la respecter, cette règle, mais aussi donner l'information nécessaire au contribuable pour qu'il soit adéquatement informé, pour que l'audience se fasse avec le respect de ses droits.

M. le Président, il propose aussi, ce projet de loi, que lors de l'audience les membres du tribunal puissent aider les parties avec équité et impartialité de façon à ce que les droits de chacune soient respectés. Là encore, M. le Président, ça ne pourrait pas se faire... En tout cas, oui, ça pourrait se faire, probablement, mais ce n'est pas la façon régulière de procéder des tribunaux que nous avons au niveau du processus judiciaire normal. Mais, dans ce domaine des tribunaux administratifs, nous voulons qu'il y ait une disposition particulière dans le projet de loi, qui dise que les membres du tribunal vont pouvoir aider les parties à pouvoir réagir, intervenir, faire valoir leurs droits, et tout ça, M. le Président, en toute équité, en toute impartialité. Et, là, c'est une mesure qui est particulière à cette justice administrative et que nous avons voulu mettre expressément dans un projet de loi qui veut assurer l'accessibilité à cette justice administrative pour les citoyens.

M. le Président, recherchant la célérité dans le déroulement de l'instance, le projet de loi prévoit, par ailleurs, la possibilité de réunir plusieurs affaires, de tenir des conférences préparatoires et de remplacer, mais uniquement si les parties y consentent, un membre empêché de poursuivre une audition par un autre membre.

Toujours dans la poursuite du même objectif de célérité, le projet de loi propose une règle suivant laquelle l'ajournement d'une séance ne pourra être autorisé que si le tribunal en vient à la conclusion que l'ajournement ne causera pas de retard déraisonnable à l'instance, qu'il n'entraînera pas non plus un déni de justice et qu'il favorisera un règlement à l'amiable. Là encore, M. le Président, nous avons voulu mettre ces dispositions expressément dans le projet de loi pour garantir une qualité de justice mais aussi l'accessibilité à ces tribunaux pour que le citoyen ordinaire qui se présente devant ces tribunaux pour faire valoir ses droits, qui est face à l'autorité gouvernementale, puisse aussi les faire valoir avec l'ensemble des moyens dont il peut disposer.

M. le Président, dans la foulée des règles adoptées au printemps dernier pour contrer les longs délibérés en matière civile, le projet de loi 105 en reprend l'essence et les adapte à la réalité de la justice administrative. Il prévoit ainsi que dans toute affaire une décision devra être rendue dans les six mois de sa prise en délibéré. Six mois. Et, à cette fin, il propose d'accorder au président du tribunal, compte tenu des circonstances et de l'intérêt des parties, la possibilité de prolonger ce délai ou de dessaisir le membre en défaut.

Le projet de loi, M. le Président, prévoit, par ailleurs, des dispositions visant à marquer la souplesse et la simplicité des règles de preuve et de procédure applicables devant ces tribunaux et en affirmer la spécificité. À cette fin, il prévoit notamment qu'en l'absence de dispositions applicables à un cas particulier le tribunal administratif peut y suppléer par toute procédure compatible avec la loi ou ses règles de preuve, de procédure et de pratique, toujours pour avoir un maximum d'accessibilité à la justice. Il propose, M. le Président, de reconnaître à toute partie la possibilité de présenter tout moyen de preuve pertinent pour la détermination de ses droits et obligations. Alors, M. le Président, ce que ça signifie, c'est des règles de preuve, une procédure, oui, pour assurer une qualité de justice, mais pas au détriment de rendre mal à l'aise ou de brimer des droits du citoyen, qui peut se sentir démuni devant un appareil trop lourd, trop procédurier. Et le projet établit, là encore, un juste équilibre, à ce niveau-là.

M. le Président, le tribunal reconnaît la spécialisation multidisciplinaire des membres en leur permettant de relever d'office les faits généralement reconnus, les opinions et les renseignements qui ressortissent à leur spécialisation ou à celle du tribunal. M. le Président, le projet de loi le reconnaît aussi. Le projet de loi précise, cependant, que les décideurs ne pourraient alors fonder leur décision sur ces faits sans avoir, au préalable, invité les parties à présenter leurs observations.

M. le Président, enfin, le projet de loi prévoit la création d'un organisme d'encadrement des tribunaux administratifs, un organisme désigné sous le nom de Conseil de la justice administrative. Le Conseil serait formé de sept personnes, M. le Président, choisies parmi les représentants des tribunaux administratifs de la communauté juridique et aussi du public. Il serait chargé notamment d'édicter un code de déontologie applicable aux membres, de recevoir et d'examiner toute plainte formulée contre un membre et de faire enquête en vue de déterminer si un membre est atteint d'une incapacité permanente. Ce code de déontologie, M. le Président, devrait énoncer les règles de conduite et les devoirs des membres envers le public, les parties, leurs témoins et les personnes qui les représentent. Il pourrait également déterminer les activités ou situations incompatibles avec

la charge qu'ils occupent.

Enfin, M. le Président, le projet prévoit que toute personne pourrait porter plainte au Conseil contre un membre d'un tribunal administratif pour un manquement à ce code de déontologie ou à un devoir prévu par le présent projet de loi. Le projet de loi propose que le Conseil pourrait constituer un comité d'enquête formé de trois de ses membres, chargé de faire enquête sur cette plainte et de statuer sur celle-ci en son nom, et l'institution d'un tel conseil, M. le Président, devrait contribuer à l'émergence et au développement, chez les membres des tribunaux administratifs, d'un esprit de corps qui apparaît souhaitable dans une perspective de motivation et d'excellence. Ce Conseil devrait être constitué de manière à ce que les tribunaux administratifs y soient adéquatement représentés, de même que le public et les principaux intervenants devant les tribunaux administratifs. Et là encore, M. le Président, pour le citoyen, ce sera un autre mécanisme pour lui garantir le respect de ses droits.

En conclusion, M. le Président, voilà les principaux principes que propose ce projet de loi sur la justice administrative, projet de loi qui marque une étape importante dans la réforme de la justice administrative au Québec, une étape importante, M. le Président, premièrement, quant au statut des personnes à qui le gouvernement a confié le mandat de l'exercer; deuxièmement, quant à l'identification des organismes chargés par le législateur d'exercer cette fonction juridictionnelle dans des matières administratives; troisièmement, quant à la codification de règles de preuve et de procédure susceptibles d'en favoriser la souplesse et l'accessibilité; et, quatrièmement, quant à la constitution d'un Conseil de la justice administrative chargé notamment de recevoir et d'entendre les plaintes du public à l'égard des membres des tribunaux administratifs. Et, M. le Président, dans la poursuite de cette réforme, le gouvernement doit tenir compte de certaines données qui sont essentielles à la gestion gouvernementale. (21 h 10)

Quant au statut des membres des organismes, il faut constater que, depuis l'arrêt Valente de la Cour suprême et à sa suite, divers tribunaux, M. le Président, ont convenu que la rigueur des critères d'indépendance et d'impartialité qui avaient été élaborés pouvait être modulée selon les instances concernées. Excusez-moi, M. le Président, je pense que, oui, j'ai pu être attaqué par une poussière.

Alors, M. le Président, quant à l'organisation et à la structuration de l'exercice de la justice administrative, ne serait-il pas indiqué de reprendre certaines approches visant à rationaliser les juridictions et compétences à l'intérieur du réseau des organismes administratifs ainsi qu'entre ce réseau et les tribunaux judiciaires? Et c'est à ce sujet, M. le Président, il faut le rappeler, que les études mentionnées précédemment se sont penchées sur une éventuelle réorganisation des juridictions et compétences octroyées à divers organismes administratifs. Et, M. le Président, le rapport Dussault envisageait la création d'un tribunal d'appel spécialisé en matière administrative susceptible d'entendre de piano les appels des décisions des tribunaux administratifs sur des questions de droit. Les auteurs du livre blanc sur la justice contemporaine ayant, quant à eux, constaté que la Cour provinciale était compétente à l'égard de plusieurs matières relevant du droit administratif, proposaient de créer, à l'intérieur de la Cour du Québec, une chambre administrative distincte de la chambre civile. Selon eux, le législateur serait ainsi incité, selon l'évolution des besoins et de la législation, à lui attribuer de nouvelles compétences en matière administrative. Ainsi, selon le livre blanc, la compétence de certains tribunaux administratifs dont l'existence autonome ne serait pas fondée serait transférée à la chambre administrative de la Cour du Québec. Et, pour sa part, M. le Président, le rapport Ouellette n'envisageait pas un transfert à la Cour du Québec des compétences des tribunaux administratifs qui ne peuvent justifier une existence autonome; il le faisait, M. le Président en recommandant le transfert de certaines compétences de la Cour du Québec dans des matières administratives à des tribunaux administratifs dont il proposait la création. Ainsi, la compétence de la Chambre de l'expropriation de la Cour du Québec serait, selon ces recommandations, transférée au nouveau Tribunal des affaires immobilières, alors qu'un nouveau tribunal des recours administratifs aurait compétence pour décider des appels en matière de refus ou de révocation des permis actuellement entendus par la Cour du Québec; il proposait également, ainsi que je vous l'ai rappelé tout à l'heure, le regroupement de certains organismes parmi les 12 qu'il avait retenus pour étude.

Enfin, il nous faut également tenir compte de l'opération réalignement en cours au sein de l'appareil gouvernemental, et c'est là une donnée, aussi, M. le Président, qui est importante. Compte tenu de ces données, j'annonçais, le 21 septembre dernier, la création d'un groupe de travail interne à l'appareil gouvernemental, avec mandat, M. le Président, tout d'abord d'analyser le pouvoir décisionnel des organismes administratifs en vue d'en distinguer les éléments à caractère juridictionnel, administratif et de régulation, et leurs liens avec l'administration publique; d'analyser leur organisation sur le plan des structures et de l'accès au citoyen et d'obtenir les données et informations nécessaires à une analyse complète de la situation, ceci, M. le Président, afin d'être en mesure, quelle que soit l'approche retenue dans la poursuite de cette réforme, de proposer des mesures susceptibles de préserver les droits des citoyens et citoyennes et d'assurer l'exercice d'une justice administrative adéquate et accessible.

Toutefois, M. le Président, je tiens à rappeler, en terminant, que le projet de loi 105 constitue l'étape majeure dans la réalisation de la réforme de la justice administrative, et il en est la clé de voûte. Les mesures qu'il propose sont autant de gestes concrets visant à assurer une justice administrative de meilleure qualité, à la portée des justiciables, tout en leur offrant une plus grande garantie d'indépendance et d'impartialité des

membres à qui revient la responsabilité de décider des litiges. Il rejoint les préoccupations qui ont été formulées dans le cadre du Sommet de la justice, et il répond à des besoins exprimés depuis plusieurs années par beaucoup d'intervenants.

M. le Président, ce projet de loi est une étape. Il est une étape qui devrait nous amener, à la suite du rapport qui nous sera fait par un groupe de travail dirigé par le professeur Garant de l'Université Laval... Il devrait nous permettre d'avoir les principes les plus fondamentaux, les données les plus essentielles à une justice administrative, telle que nous devons l'avoir au Québec, dans le contexte de notre modernité et de notre nécessité de nous adapter aussi à une réalité qui nous oblige à développer de nouveaux moyens pour assurer aux citoyens l'accessibilité à la justice. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le ministre de la Justice. Je vous rappelle que nous sommes à discuter de la motion proposant l'adoption du principe du projet de loi 105, Loi sur la justice administrative.

Je reconnais maintenant M. le député d'Anjou, critique de l'Opposition officielle en matière de justice. M. le député.

M. Pierre Bélanger

M. Bélanger: Merci, M. le Président. Quand on m'a annoncé le dépôt de ce projet de loi sur la justice administrative, je me disais: Enfin, voilà la réforme annoncée depuis tellement d'années. Voici, enfin, le ménage qu'on attendait dans le milieu judiciaire, dans le milieu juridique depuis de nombreuses années.

En effet, M. le Président, je me souviens encore, lors de mes premiers cours de droit, en 1979, qu'on parlait du fouillis, du fouillis monumental qui existait ? et qui existe toujours ? relativement aux tribunaux administratifs. Je me disais: Enfin, finalement, le gouvernement a décidé d'agir. Le gouvernement va être courageux, va mettre des balises, des directives, et codifier un peu ce droit administratif.

Il faut dire, M. le Président, que, depuis 1987 ? et le ministre en a fait part tout à l'heure ? on avait entre les mains, et on a toujours entre les mains, le rapport du groupe de travail sur les tribunaux administratifs, présidé par Me Yves Ouellette, professeur bien connu à la Faculté de droit de l'Université de Montréal. Ce rapport très détaillé, très étoffé, contenait, et contient toujours, 74 recommandations, dont plusieurs applicables dès 1987. Or, ce qu'il faut constater, M. le Président, c'est que, depuis 1987, ces recommandations sont restées, à toutes fins pratiques, lettre morte. À toutes fins pratiques, lettre morte! Elles n'ont jamais été appliquées.

Le groupe de travail présidé par Me Ouellette avait, comme l'a dit le ministre de la Justice, répertorié quelque 78 organismes exerçant des pouvoirs qu'on pourrait dire quasi judiciaires. Donc, on pouvait s'attendre, M. le Président, que, dans le projet de loi qui nous est présenté maintenant, l'on retrouverait une bonne partie de ces organismes déjà répertoriés en 1987, déjà définis comme exerçant des pouvoirs quasi judiciaires. Alors, quelle déception, M. le Président, quand on constate que le présent projet de loi ne vise que six tribunaux administratifs sur les quelque 80 ? maintenant, peut-être 100 ? tribunaux administratifs qui forment notre système administratif. Des tribunaux administratifs, seulement six sont touchés par ce projet de loi et pas nécessairement les plus importants. Je conviens que la Commission des affaires sociales en a un très important, la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles aussi, mais d'autres tribunaux administratifs excessivement importants n'ont pas été touchés, ne sont pas visés par le présent projet de loi. Donc, on ne peut pas parler d'une réforme des tribunaux administratifs. On peut parler d'une loi qui vise six tribunaux administratifs tout au plus. (21 h 20)

Est-ce le premier pas d'une véritable réforme? M. le Président, si ça prend six ans avant que le deuxième pas soit fait, on peut, à ce moment-là, se poser des questions quant à la portée véritable de ce projet de loi. Surtout, je m'attendais à une action immédiate du gouvernement. Pourquoi? À cause du jugement qui a été rendu au printemps dernier par la Cour supérieure dans l'arrêt 27473174, Québec inc. contre la Régie des permis d'alcool du Québec. Si vous vous souvenez bien, M. le Président, dès le moment que ce jugement a été rendu, j'ai posé une question en Chambre pour demander au ministre ce qu'il allait faire relativement à ce jugement important. Je sais que ce jugement est présentement en appel. Nous ne pouvons présumer de quelle façon la Cour d'appel disposera de ce projet de loi, mais il est évident que ce jugement est la première attaque véritable sur notre système des tribunaux administratifs. Il remet en cause la validité de la Régie des permis d'alcool du Québec relativement à la Charte des droits et libertés du Québec, et on sait que cette Régie, finalement, est formée, comme bon nombre d'autres tribunaux administratifs, de notre système des tribunaux administratifs. C'est la première attaque sérieuse véritable de nos tribunaux administratifs.

Il faut s'attendre que cette attaque va être suivie par de nombreux exemples. Sur quels critères attaque-t-on nos tribunaux administratifs, M. le Président? C'est en vertu de l'article 23 de la Charte québécoise qui dit, et je cite: «Toute personne a droit en pleine égalité à une audition publique et impartiale de sa cause par un tribunal indépendant et qui ne soit pas préjugé, qu'il s'agisse de la détermination de ses droits et obligations ou du bien-fondé de toute accusation portée contre elle.» Or, il a été maintes fois répété par la jurisprudence que les tribunaux administratifs sont des tribunaux au sens de l'article 23 de la Charte québécoise. Donc, M. le Président, il faut, à ce moment-là, faire bien attention, être bien certain que tous nos tribunaux administratifs

répondent à ce critère, répondent à ce test qui peut être exigé par tout citoyen quand il s'adresse à ces tribunaux administratifs.

Comme l'a dit le ministre de la Justice, l'arrêt Valente de la Cour suprême est un arrêt qui est reconnu comme édictant les critères d'impartialité qui doivent être appliqués à un tribunal judiciaire. Ces trois critères sont les suivants: inamovibilité des juges, sécurité financière des juges, indépendance institutionnelle du tribunal relativement aux questions administratives qui ont directement un effet sur l'exercice de ces fonctions judiciaires. Ce sont les trois principaux critères qui déterminent en quoi un tribunal est indépendant et impartial. Il est vrai que, pour les tribunaux administratifs, le test est moins rigoureux, parce que ce sont, finalement, comme l'expression le dit, non pas des tribunaux judiciaires mais quasi judiciaires, donc on pourrait dire simplifiés, avec des règles de procédure simplifiées. On ne peut évidemment pas faire passer exactement ce test, sauf que ce test doit être quand même respecté dans ses principes, dans son essence.

Dans l'arrêt que je vous ai mentionné de la Cour supérieure, la requérante, qui demandait à ce que soit déclarée invalide la Régie des permis d'alcool, a exposé d'une façon claire les questions qui font présentement l'objet de tout le débat public sur nos tribunaux administratifs, et j'aimerais lire les 10 points qui étaient invoqués par la partie requérante.

Alors, relativement à la loi qui crée la Régie des permis d'alcool, la requérante s'exprimait ainsi: II n'existe dans la loi aucune procédure de sélection ou concours prévu pour la nomination des membres de la Régie. Deuxième point, la loi prévoit que c'est le gouvernement qui fait les nominations, et ce, dans le plus grand secret. Troisièmement, le terme du mandat des membres de la Régie varie jusqu'à un maximum de cinq ans prévu par la loi. Quatrièmement, les nominations des membres de la Régie sont instables et précaires. Sixièmement, il n'existe aucun mécanisme prévu en cas de non-renouvellement ou de destitution par le gouvernement. Septièmement, en vertu des prérogatives royales, le gouvernement peut abolir la Régie en tout temps. Huitièmement, il y a absence d'un code de déontologie imposant des obligations d'impartialité, de réserve et de discipline aux régisseurs. Neuvièmement, il y a insuffisance de garantie concernant la sécurité financière des membres de la Régie. Dixièmement, il existe des liens étroits et une dépendance entre le ministre de la Sécurité publique, le président, les régisseurs et les avocats de la Régie et les corps policiers. Onzièmement, il existe un facteur aggravant de partialité structurelle à l'égard du président et de la vice-présidente. Douzièmement, la Régie des permis d'alcool, dans la presque totalité des cas, fait enquête, évalue les plaintes, porte les plaintes, entend l'audition sur les plaintes et rend la décision.

On reconnaît, dans ces 12 points, M. le Président, une très grande partie de nos tribunaux quasi judiciaires. Donc, on voit que les questions qui étaient posées dans cette affaire, finalement, ce sont les questions que tout le monde se pose relativement à l'ensemble de nos tribunaux quasi judiciaires. Et le juge n'a eu besoin que de se prononcer sur deux de ces éléments, soit les liens étroits avec la Sécurité publique et le fait qu'à la fois la Régie fait une enquête et rend la décision, pour en venir à la conclusion que la Régie des permis d'alcool est invalide. Elle est invalide et elle contrevient... Elle ne remplit pas le test de l'article 23 de la Charte québécoise.

C'est grave, M. le Président. C'est grave. On peut comprendre le vacuum juridique qui peut survenir si cette décision est confirmée par la Cour d'appel. C'est la validité, la constitutionnalité de nombreux tribunaux administratifs au Québec qui est mise en cause. Et que fait-on pour réagir suite à cette cause? On nous présente ceci, dans lequel la Régie des permis d'alcool n'est même pas visée, dans ce projet de loi. Il n'y a aucune réponse à cette attaque. Il n'y a aucune amorce de solution, de tentative de codification de la situation ou du marasme dans lequel nos tribunaux administratifs se retrouvent.

Alors, M. le Président, on peut se demander: Est-ce que le ministre est conscient? Qu'est-ce qui se passe relativement à cette cause, relativement au défi qui est fait à notre système des tribunaux judiciaires? La réalité, M. le Président, c'est que la question, je pense, qui fait l'objet de plus d'attention, qui fait l'objet de plus de débats présentement, dans le public, tant au niveau des initiés qu'au niveau, comme je le dis, de M. et Mme Tout-le-Monde, c'est la question de la nomination des membres de ces tribunaux. J'ai fait une blague, l'autre fois, en disant que, pour être nommé sur un tribunal administratif, il fallait avoir 18 ans et être vacciné. La blague, M. le Président, ce n'est pas qu'il faille avoir 18 ans et être vacciné, c'est qu'on n'a même pas besoin d'être vacciné pour être nommé sur un tribunal administratif. Il n'existe aucune norme, aucun concours, aucun règlement qui détermine quelles sont les conditions pour être nommé sur un tribunal administratif. Niveau de scolarité exigé: aucun. Diplôme exigé: aucun. Expérience exigée: aucune. On vous aime? On vous doit quelque chose? On peut vous nommer sur un tribunal administratif. C'est l'état actuel du droit, l'état actuel de la législation relativement à nos tribunaux administratifs. C'est l'arbitraire le plus total. C'est un nid de patronage. C'est la situation, et c'est malheureusement ce qui est rapporté, autant par les gens qui travaillent dans ces tribunaux administratifs, autant par les journalistes qui suivent les travaux de ces organismes.

Pas d'obligation de concours. Aucune obligation de concours. Aucun affichage des postes. On apprend tout simplement que quelqu'un est nommé maintenant membre de tel tribunal ou membre de telle commission. Pourquoi? Par qui? On sait que c'est par le ministre. Mais, pour quelle raison, on n'en a aucune idée. Il n'y a aucun concours. Donc, on peut imaginer quel effet ça peut avoir, et ça, depuis de nombreuses années. (21 h 30)

Et je ne cherche pas, ici, à attaquer la crédibilité

des gens qui, présentement, travaillent auprès de ces organismes quasi judiciaires, de ces tribunaux. Je dois reconnaître qu'ils font un travail exceptionnel. Mais eux-mêmes se plaignent de cette situation. Ah! Là, le ministre va vous dire que maintenant on a réglé ça. Je l'écoutais, tout à l'heure, et il parlait que, là, maintenant, bon, il y a des critères pour être membre d'un tribunal administratif. Je regarde l'article 3 du projet de loi: «Seule peut être nommée membre d'un tribunal administratif la personne qui, outre les qualités requises par la loi, possède une expérience d'au moins 10 ans dans un domaine pertinent...» Merveilleux critère, M. le Président! C'est quoi une expérience pertinente? Est-ce que le fait d'être chez soi et de recevoir de nombreuses personnes de différents groupes sociaux est une expérience pertinente pour être nommé à la Commission des affaires sociales? On ne le sait pas. Qu'est-ce qu'une expérience pertinente? Quelle est la scolarité requise, minimum? Quels sont, finalement, les critères objectifs qui doivent être déterminés pour dire quelle va être cette expérience pertinente? Absolument rien. Absolument rien, M. le Président.

Je pense qu'on serait prêt, au moment où on se parle, à établir clairement quelle sera notre façon de justement faire ces nominations auprès de ces organismes quasi judiciaires. C'est important, premièrement, au niveau de la crédibilité de ces organismes. C'est surtout important au niveau de la transparence et de l'accessibilité qu'on doit donner, à ces postes, à des gens qui, eux, n'ont pas nécessairement de contacts, d'entrées ou de portes d'entrée pour ces postes. Comment quelqu'un, présentement... Je prends l'exemple d'un notaire ou d'un avocat en pratique privée, qui n'a jamais fait de politique, qui voudrait devenir un juge administratif. Comment peut-il accéder à ce poste? D n'y a pas de concours. Il n'y a pas d'affichage. On ne sait même pas quand et comment vont être nommés ces gens sur les tribunaux administratifs.

Alors, je pense que, dès maintenant, le gouvernement devrait avoir le courage de mettre fin à cette situation de patronage, de mettre fin à cette situation de nominations arbitraires, en disant clairement des choses que, nous, nous sommes prêts à avancer, que, nous, nous sommes prêts à soutenir.

Premièrement, il devrait y avoir, quant à moi, pour tous les tribunaux quasi judiciaires, de la même façon que ça existe présentement pour les tribunaux judiciaires, un comité de sélection, un comité dont la composition pourrait rester à déterminer, mais un comité indépendant qui déterminerait qui est apte à être juge administratif. Je pense que c'est la première des choses. Évidemment, il devrait y avoir affichage et concours relativement à tous ces postes. Ce comité désignerait alors la personne qui est apte à être nommée juge administratif. Le ministre responsable de l'organisme mentionné pourrait, à ce moment-là ? non pas pourrait, mais devrait ? devrait nommer une personne qui aurait été désignée comme étant apte à être juge administratif ou juge administrative. Je pense que, ça, c'est le minimum. C'est le minimum. Comité de sélection qui désigne les personnes aptes, concours, et à ce moment-là, nomination à même cette banque de personnes qui auraient été déterminées aptes.

Quant aux présidents et vice-présidents, M. le Président, je pense que... Quant à moi, il serait normal que des présidents et vice-présidents d'organismes administratifs et quasi judiciaires, de tribunaux administratifs doivent, à ce moment-là, parader devant les commissions parlementaires. La commission pourrait, à ce moment-là, poser des questions relativement à ces gens, quant à leur compétence et quant à leurs qualifications pour accéder à des postes de vice-présidence et de présidence. Je pense que ce sont des règles minimales qu'on pourrait dès maintenant établir, qu'on pourrait dès maintenant mettre dans ce projet de loi et qui, d'une façon immédiate et instantanée, donneraient plus de crédibilité à la démarche qui est faite maintenant.

On ne peut plus faire de la politique comme on en faisait auparavant. Des nominations arbitraires, des nominations aveugles, sans aucun critère, sans aucun concours, sans aucune transparence, je pense que les gens n'acceptent plus ça. On ne peut plus faire de la politique de cette façon-là, et on ne peut plus, surtout, former un système de tribunaux administratifs de cette façon-là.

Ce que je dois constater, c'est qu'on a ici l'absence de volonté politique de régler cette situation. On ne veut mettre aucune balise, aussi minime soit-elle. J'étais à la conférence des juges administratifs récemment, M. le Président. Je sais que le ministre a fait, d'ailleurs, un discours à cette conférence, et on est très sceptiques au niveau des juges administratifs. Quand on a lu ce projet de loi, on avait un peu le sourire aux lèvres, et on peut facilement comprendre pourquoi. Depuis 1987, il existe un rapport, le rapport Ouellette. Le rapport est resté sur les tablettes, oublié. Les membres eux-mêmes des tribunaux administratifs veulent un changement, veulent une réforme. Ils se sentent dévalorisés par la façon qu'ils sont nommés, dont elle est formée, présentement, cette magistrature administrative. Ils trouvent qu'il y a une absence totale de règles du jeu. Et ce qu'ils constatent, ce qu'ils ont constaté avec moi, c'est que plusieurs points importants d'une ébauche de réforme administrative sont complètement ignorés dans ce projet de loi.

Première question, la mobilité. On en parle depuis longtemps, les juges administratifs voudraient avoir la possibilité d'une mobilité, c'est-à-dire de pouvoir, après un certain nombre d'années, accéder à d'autres tribunaux administratifs pour, justement, faire profiter cet organisme de leur expérience qu'ils ont acquise d'un autre organisme. Rien dans ce projet de loi. J'ai même entendu des présidents d'organismes dire que c'était un peu laissé à la discrétion des présidents d'essayer de faire des négociations avec d'autres présidents pour s'échanger des membres de tribunaux administratifs, comme un repêchage un peu d'agents libres au baseball ou au hockey: Je t'échange celui-là ou tu me donnes

celui-là. À ce moment-là, c'est à peu près ça, c'est l'arbitraire le plus total, et c'est dévalorisant pour les membres des tribunaux administratifs.

L'autre point qui est, quant à moi, complètement oublié dans cette réforme, c'est le renouvellement du mandat. Ah oui! Tout à l'heure, j'ai entendu le ministre qui parlait qu'on a maintenant réglé la question du renouvellement du mandat. On n'a rien réglé. On n'a absolument rien réglé. Il est vrai que, dans l'article 4, on dit: «La durée du mandat d'un membre est de S ans, sous réserve des exceptions qui suivent.» Donc, on émet un principe. Mais, tout de suite, les exceptions s'en viennent: «Le mandat d'un membre, à l'exception de celui d'un membre surnuméraire ou intérimaire, doit être renouvelé par le gouvernement pour 5 ans: sauf avis à l'effet contraire notifié par écrit au membre au moins 6 mois avant l'expiration de son mandat...» Donc, la norme, c'est qu'il doit être renouvelé à moins d'un avis contraire. Mais on ne donne aucun motif qui peut être considéré comme suffisant ou valable pour ne pas renouveler ce mandat. Donc, finalement, c'est bien beau dire un principe, mais, pour déroger à ce principe, on n'a qu'à envoyer un avis écrit de six mois avant la fin de l'expiration du mandat. Donc, on voit bien, M. le Président, qu'il n'y a rien de réglé. On donne un principe de cinq ans, mais on peut y déroger pour quelque raison que ce soit, pour toute raison qui peut paraître pertinente par le gouvernement.

Il y a aussi la question de l'évaluation des juges administratifs. C'est une question qui préoccupe énormément l'ensemble des juges administratifs. Ils sont présentement évalués, ils reçoivent des notes de la part de leur président ou leur présidente d'organisme. Mais il n'y a aucun critère, à savoir comment cette évaluation ou cette notation doit se faire ou peut se faire. C'est différent d'un organisme à l'autre. Et c'est important, cette question-là, parce que c'est toute la question de l'impartialité et de l'autonomie de ces juges administratifs. Car sur quoi peut-on évaluer un juge, lui donner une note de passage? Quant aux indemnités qu'il va accorder? Quant au nombre de dossiers qu'il va entendre? On comprend facilement qu'on approche dangereusement la limite ou la zone de danger de l'interférence du processus judiciaire ou quasi judiciaire. Il n'y a rien présentement dans ce projet de loi qui dit de quelle façon cette évaluation pourra se faire ou si elle va continuer à se faire ou à ne pas se faire. (21 h 40)

Le ministre a parlé, évidemment, de choses comme les règles d'audition, la preuve, les procédures devant les tribunaux administratifs. Il est évident qu'on peut difficilement contester ces règles qui sont maintenant mises dans ce projet de loi puisqu'elles ne font que reprendre de nombreuses règles qui sont déjà dans des projets de loi qui créent la plupart de ces organismes administratifs là. On n'a fait, finalement, que dire que, maintenant, c'est uniforme pour ces six tribunaux-là. Mais, encore là, quand on parle uniquement de six tribunaux administratifs, on est loin d'une réforme, on est loin d'une codification administrative.

J'avais écouté avec beaucoup d'attention le discours du ministre lors du sommet, lors de la conférence des juges administratifs, et je voulais, à ce moment-là, bien savoir quelles étaient ses intentions relativement à ce projet de loi, et j'ai été un peu surpris du manque... de l'ambivalence des propos du ministre. Dans un premier temps, il disait que ce projet de loi est la pierre angulaire d'une réforme des tribunaux administratifs. Donc, quand on parle de pierre angulaire, comme en bâtiment, c'est sur cette pierre-là, finalement, que l'ensemble de la construction va se faire, selon ce modèle-là. Donc, c'est quelque chose qui, automatiquement, va s'appliquer à un très grand nombre de tribunaux administratifs. Mais, toujours dans le même discours, le ministre se retenait et parlait de premiers pas. Donc, est-ce une pierre angulaire? Alors, si c'est une pierre angulaire, pourquoi, à ce moment-là, ne pas immédiatement l'étendre à d'autres tribunaux administratifs et faire l'ensemble des débats qui doivent se faire? Mais si ce n'est que les premiers pas, alors, à ce moment-là, M. le Président, on peut se demander, on peut s'interroger quant à la pertinence de la démarche telle qu'elle est faite.

À l'heure où on est, M. le Président, à la veille, comme je le dis, et j'espère ne pas prophétiser quelque chose qui va réellement arriver, mais on est quand même à la veille d'un potentiel de crise au niveau de nos tribunaux administratifs... Je l'ai dit, cet arrêt de la Cour supérieure vient de faire une brèche importante quant à la constitutionnalité de l'ensemble de nos tribunaux administratifs. On pouvait... On devait, on ne pouvait pas, mais on devait s'attendre, de la part du ministre, à une réaction beaucoup plus étoffée, beaucoup plus complète pour s'attaquer à ce problème. Ce qu'on doit constater, c'est que ce projet de loi est complètement insuffisant. Il y a un manque de courage politique dans ce projet de loi qui fait en sorte que ce projet de loi ne règle absolument rien. On se doit, comme l'avait répété ma collègue députée de Hochelaga-Maisonneuve, de mettre fin aux nominations politiques aveugles et arbitraires, non pas dans quelques années, non pas dans quelques mois, mais immédiatement. On peut comprendre pourquoi le ministre refuse. On est en fin de mandat, on a encore du monde à placer. Ça ne peut être que ces motifs-là qui font en sorte que le ministre refuse immédiatement d'agir et d'obtempérer à la situation qui prévaut.

Pourtant, si on fait l'historique, le ministre ne peut certainement pas dire qu'il a été pris par surprise ou qu'il n'est pas au courant de la situation dans laquelle on se trouve. En 1965, M. le Président, il y a près de 30 ans, le professeur Jean Beetz, très connu et très respecté, dénonçait déjà le désordre général du droit administratif québécois. Dès le début des années soixante-dix, des spécialistes lançaient des cris d'alarme relativement à la situation de nos tribunaux administratifs. En 1986, le ministre Herbert Marx, le ministre de la Justice, estimait qu'il y avait eu assez d'études, qu'il

était temps d'agir. Alors, que faisait-il? Il nommait, justement, le groupe de travail du professeur Yves Ouellette que j'ai mentionné précédemment. Le ministre connaît bien ce rapport. Il le connaît très bien. Il le connaît d'ailleurs si bien qu'il a même confié une fois, alors qu'il faisait une allocution devant la conférence des juges administratifs, que le rapport Ouellette était son livre de chevet. Alors, je me dois de reprendre les propos tenus par le journaliste Gilles Lesage dans l'édi-torial du Devoir, qui reprenait, justement, une critique de ce projet de loi et dans lequel il disait, à propos du ministre: «II est conscient de la nécessité d'une loi-cadre et de l'urgence d'une intervention. Fin prochaine du règne de l'arbitrage, des nominations sans consultation et de l'absence des règles adéquates, laisse entrevoir le ministre. Les premiers intéressés soupirent d'aise. Hélas! le livre de chevet du ministre est devenu le soporifique du ministre qui, il est vrai, a eu bien d'autres chats à fouetter depuis 5 ans.» Alors, c'est malheureusement la réalité, M. le Président. Il n'y a pas de réforme des tribunaux administratifs en vue; en tout cas, certainement pas avec ce projet de loi.

Et pour gagner du temps, M. le Président, que fait-on? Eh bien, on fait ce qu'on est le plus habitué à faire, c'est-à-dire qu'on procède à la nomination d'un autre groupe d'étude qui devra répertorier encore une fois l'ensemble des tribunaux administratifs. Le groupe de travail formé et annoncé en grande pompe par le ministre de la Justice, ce groupe a pour mandat, notamment, d'analyser la nature des pouvoirs décisionnels des organismes administratifs qui ne sont pas couverts par le projet de loi en plus d'en distinguer ceux qui tranchent les droits des individus de ceux qui rendent des décisions de nature purement administrative ou réglementaire. Déjà, dans le rapport du professeur Ouellette, ce travail était, en grande partie, fait. Pourquoi le refaire maintenant?

Le ministre de la Justice nous a dit, justement, lors de son allocution, lors de la dernière conférence des juges administratifs qu'on se doit de procéder à la nomination d'un nouveau groupe de travail, puisque, depuis 1987, la situation socio-économique a changé. Bien, c'est évident, M. le Président, que, si on attend six ans avant de réagir, la situation socio-économique va changer. Mais si le ministre prend encore six ans pour bouger, suite au dépôt du rapport de son comité qu'il vient de former, bien, là, on va avoir besoin d'un autre comité, parce que la situation économique, socio-économique, va encore avoir changé, et, là, on peut se ren cuver, comme depuis 1965, avec absolument rien de fait. Donc, il n'y a absolument rien de bon qui est annoncé par la création d'un tel comité. Au contraire, ce que j'ai appris, au ministère de la Justice, c'est que la meilleure façon de temporiser et de ne rien faire, c'est de créer un nouveau comité, et Dieu sait qu'il y en a, de ces comités, présentement, au ministère de la Justice, qui siègent sur différentes questions, dont on attend les rapports, qui sont en retard dans la production des rapports. On gagne du temps, M. le Président, on gagne du temps et on n'agit pas.

Alors, M. le Président, comme je l'ai mentionné lors de mon intervention à propos du projet de loi précédent sur l'aide et l'indemnisation des victimes d'actes criminels, il n'est pas de mon habitude de faire, lors d'étude de projets de loi, de discours partisans, puisque, justement, à la commission des institutions, ce sont des projets de loi qui touchent la justice, qui touchent les gens, et on se doit de regarder l'efficacité d'un système, et les débats doivent se concentrer là-dessus. Mais, malheureusement, M. le Président, si je regarde quels sont les motifs qui poussent le ministre à ne rien faire ? on ne peut pas dire que ça le pousse à agir, ça le pousse à ne rien faire ? ce sont des motifs politiques; ce ne sont certainement pas des motifs d'une plus grande efficacité de la justice, certainement pas, M. le Président. C'est un manque de courage. Les nominations politiques vont continuer. Les concours, la transparence qu'on devrait avoir dans notre société, qu'on devrait avoir pour une plus grande justice sociale...

Il parle d'accessibilité des tribunaux administratifs pour les gens, mais je pense aussi que cette accessibilité, c'est l'accessibilité à la justice pour les gens qui voudraient participer à ce système. Or, cette accessibilité est complètement niée à une bonne partie de la population, parce que, justement, il n'y a aucune transparence quant à la nomination des gens sur ces tribunaux administratifs. Je le répète et je le dis, c'est l'arbitraire le plus total, c'est le vide juridique qu'on se plaît à maintenir, tout simplement pour pouvoir nommer qui on veut sur ces tribunaux administratifs. C'est vraiment dommage, c'est inacceptable, M. le Président, et je pense que c'est manquer de respect envers nos tribunaux administratifs que de ne pas vouloir corriger la situation.

Il y a des gens, présentement, dans nos tribunaux administratifs, qui font un travail remarquable, dans des conditions malheureusement nébuleuses et qu'on tient à garder nébuleuses. Ces gens-là voudraient avoir des règles claires, justement, pour que le travail qu'ils font soit plus valorisé aux yeux des concitoyens. Justement, M. le Président, les citoyens se posent des questions quand ils savent de quelle façon sont nommés certains juges administratifs. Ce n'est pas tout que, dans les faits, le juge administratif soit impartial; il faut qu'il y ait cette apparence d'impartialité. Il faut que le citoyen, quand il rentre dans la salle du tribunal administratif, sente qu'il a confiance en la personne qui a été nommée, qui est devant lui. (21 h 50)

Non. On préfère plutôt, M. le Président, au ministère de la Justice, avoir des gens avec un statut précaire, c'est-à-dire un statut qu'on peut renouveler ou non renouveler comme on voudrait, pour des raisons obscures et arbitraires. Et c'est évident, à ce moment-là, qu'on sent une pression. Quand arrive la fin des mandats, les renouvellements des mandats, il y a une pression qui est exercée, inévitablement, sur les membres des tribunaux administratifs. Et ça, M. le Président, je pense que c'est inacceptable, ça ne devrait pas exister.

II devrait y avoir des règles claires, et je les répète ces règles claires que je suis prêt dès maintenant à supporter dans un projet de loi: concours et affichage quant aux postes disponibles dans les tribunaux administratifs; comité indépendant nommé qui désignerait les personnes aptes à devenir juge administratif, et nomination de ces juges administratifs parmi ce bassin, ce groupe de gens qui auront été déclarés aptes à être un juge administratif. C'est un minimum qu'on pourrait mettre maintenant, qui mettrait fin au patronage, qui mettrait fin aux nominations politiques.

Quant aux durées de mandat, M. le Président, je pense qu'il y a un débat intéressant qui peut se faire quant à la durée des mandats. C'est cinq ans, tel que présenté par le présent projet de loi. Je ne suis pas défavorable à la notion de mettre sept ans au lieu de cinq ans justement pour mettre les gens des tribunaux administratifs à l'abri des changements de gouvernement. On sait qu'un gouvernement, c'est cinq ans, selon l'état du droit actuel. Sept ans, ça ferait en sorte qu'une personne serait assurée de pouvoir survivre à un gouvernement. Je pense que ce serait une garantie qui serait intéressante relativement à l'inamovibilité des juges administratifs.

Je m'attendais à voir des choses comme ça dans le projet de loi, à voir un projet de loi qui, au moins... Vous savez, je suis conscient de la difficulté, de la complexité de la tâche. Ce n'est pas facile de faire une réforme des tribunaux administratifs, mais je pense qu'il faut avoir le courage de présenter un projet de loi qui, au moins, va englober une partie importante des problèmes, qui va s'adresser à une partie importante de ces problèmes. Ce n'est certainement pas avec un petit projet de loi qui touche six organismes qu'on peut dire que vraiment on s'attaque aux véritables problèmes que vivent présentement nos tribunaux administratifs. Et c'est dommage, et je pense que présentement, la population préfère un gouvernement qui ne fait rien plutôt qu'un gouvernement qui donne l'impression de faire quelque chose alors qu'il ne fait rien. Parce que le fait de ne s'attaquer qu'au problème de six tribunaux administratifs, quand on sait qu'il y en a près de 100, c'est minime. C'est insuffisant. Ce n'est certainement pas l'ébauche d'une réforme des tribunaux administratifs. Ce n'est certainement pas l'annonce d'un ménage imminent qui va se faire et qui doit se faire à un moment donné.

Autre question: On ne parle pas, non plus, des fusions. Je pense que, dans un contexte de rationalisation des effectifs de l'État, des ressources de l'État, on se doit de s'adresser à ce problème: A-t-on trop d'organismes quasi judiciaires? Pourrait-il y avoir certaines fusions qui pourraient se faire relativement à certains tribunaux administratifs qui ont des tâches similaires?

Présentement, je ne vois rien dans ce projet de loi qui annonce un travail dans ce sens et, on ne voit pas, en tout cas, dans ce projet de loi, que c'est une préoccupation du ministre. Ça devrait l'être, pourtant, puisqu'on coupe présentement un peu partout au ministère de la Justice, comme dans d'autres ministères. Alors, plutôt que de couper dans des choses qui font mal aux gens, qui font mal à la population, on pourrait peut-être voir tout simplement à obtenir un rendement optimal de l'infrastructure qu'on a en place présentement, à savoir est-ce que tous ces organismes ne peuvent pas, d'une façon ou d'une autre, faire l'objet d'une fusion? Il n'y a rien. Ça, c'est un problème fondamental, le problème des fusions, la question des fusions, et il n'y a rien dans ce projet de loi qui le vise.

Je comprends les initiés, les membres des tribunaux administratifs quant à leur scepticisme relativement à ce projet de loi. Je suis moi-même très sceptique. C'est difficile de critiquer comme tel un projet de loi ? surtout ce projet de loi ? quant aux articles qu'il contient, car c'est tellement timide, c'est tellement redire certaines choses qui existent déjà et qu'on retrouve dans certaines lois que même critiquer d'une façon trop virulente ce projet de loi, ce serait lui donner une certaine crédibilité quant à la réforme des tribunaux administratifs. Ça n'en est pas une réforme. Ce n'est que de la temporisation. On calme les choses. Je pense que le ministre comprend que depuis qu'il est ministre de la Justice, depuis 1988, il a eu tellement de pressions pour faire une véritable réforme des tribunaux administratifs qu'il ne pouvait pas se permettre de ne présenter aucun projet de loi qui touche les tribunaux administratifs. On pouvait cependant s'attendre à un projet plus grand, plus vaste, plus ambitieux. Je pense que notre système judiciaire s'attendait à quelque chose comme ça, et, malheureusement, l'éléphant a accouché d'une souris. Ce n'est rien, c'est six organismes qui vont tout simplement se voir préciser certaines choses, mais qui ne verront en rien leur fonctionnement, quant à moi, amélioré et qui laissent entier un paquet de problèmes et de questions soulevées depuis longtemps par les différents initiés de notre système judiciaire.

Donc, M. le Président, j'espère que le ministre, lors de l'étude article par article du projet de loi, arrivera avec de nombreux et de très nombreux amendements et de nombreux addendums aussi pour peut-être inclure nombre des organismes quasi judiciaires qui ont été ignorés dans ce projet de loi, car, sinon, je ne pourrai faire autrement, comme, je pourrais dire, la totalité des intervenants du milieu judiciaire, que d'exprimer ma profonde déception relativement à ce travail, relativement à cette législation. Je sais qu'il y a des gens très compétents au ministère de la Justice qui travaillent excessivement bien, mais ces gens ne font que ce qu'on leur demande de faire et, ici, on ne leur a demandé que de faire une loi qui couvre six tribunaux quasi judiciaires, et c'est évidemment ce qu'ils ont fait. Mais je pense que c'est très mal utiliser l'ensemble des données que nous avons présentement, l'ensemble des instruments. Nous avons au moins quatre documents de valeur qui traitent des tribunaux quasi judiciaires, quatre instruments dans lesquels on peut puiser. On peut dès maintenant parler de propositions concrètes qu'on pourrait appliquer immédiatement sans pour autant se retrouver

avec un petit projet de loi timide comme celui-là qui, finalement, ne reprend en rien, qui ne représente même pas la somme des travaux faits depuis de nombreuses années par les différents juristes qui se sont penchés sur la question des tribunaux administratifs.

Donc, M. le Président, comme je le disais tout à l'heure, j'espère qu'on va assister, lors de l'étude article par article du projet de loi, à de nombreux amendements, qu'on va vouloir enfin ouvrir le débat, qu'on va vouloir réellement régler la question des nominations politiques au sein des organismes quasi judiciaires et qu'on va dès maintenant faire preuve de transparence et donner des règles précises quant à la nomination des gens sur les tribunaux quasi judiciaires. C'est le temps, c'est encore plus le temps que jamais. Parce que, comme je vous le disais, présentement on voit la valse des départs, des transferts des ministères d'attachés politiques, et on sait que, très souvent, d'anciens attachés politiques ou d'anciennes personnes qui sont de loin ou de près rattachées à la politique se retrouvent nommées sur des tribunaux administratifs. Et on a regardé ce qui se fait depuis 1985 pour voir que c'est comme ça que ça se fait.

Donc, M. le Président, c'est le temps plus que jamais, justement, de mettre par écrit, de mettre en vigueur des règles précises quant à la nomination de personnel dans les tribunaux quasi judiciaires. Il faut le faire maintenant, et je pense qu'à ce moment-là c'est l'ensemble de notre système juridique, de notre système des tribunaux administratifs qui s'en trouvera revalorisé. Et, aussi, je pense qu'on rejoindra un des principaux buts que recherche le ministre de la Justice, à savoir une meilleure accessibilité de la justice. C'est ça que tout le monde veut et c'est ça que nous voulons. Mais accessibilité de la justice, comme je vous le disais tout à l'heure, M. le Président, ce n'est pas uniquement accessibilité de la part du particulier, c'est aussi accessibilité de la part de la personne qui veut participer, qui veut participer à ces débats, qui voudrait devenir aussi un adjudi-cateur de ces tribunaux quasi judiciaires. (22 heures)

Donc, M. le Président, c'est l'essentiel de mes commentaires à ce point-ci. Vous comprendrez, M. le Président, que nous, de l'Opposition officielle, nous voterons contre ce projet de loi.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le député d'Anjou.

Étant donné qu'il est 22 heures, le débat sur la motion en cours est ajourné. Vous disposerez toujours d'une période de 17 minutes, M. le député d'Anjou, à la reprise du débat sur cette motion.

Étant donné qu'il est 22 heures, j'ajourne les travaux de l'Assemblée nationale à, demain matin, 10 heures.

(Fin de la séance à 22 h 1)

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