Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.
(Quatorze heures six minutes)
Le Président: Mmes, MM. les députés, s'il
vous plaît! Nous allons nous recueillir quelques instants. Je vous
remercie. Veuillez vous asseoir.
Accueil du nouveau député de Portneuf,
M. Roger Bertrand
Avant de procéder aux affaires courantes, je vous avise que le 12
juillet 1993 M. le Directeur général des élections a fait
parvenir à M. le secrétaire général de
l'Assemblée nationale une lettre dont je vous lis l'extrait suivant:
«M. le secrétaire général,
«Conformément à l'article 380 de la Loi électorale,
je vous transmets le nom du candidat proclamé élu à la
suite de l'élection partielle tenue dans la circonscription
électorale de Portneuf, en vertu d'un décret du gouvernement pris
le 13 mai 1993. «Veuillez agréer, M. le secrétaire
général, l'expression de ma haute
considération.»
Et c'est signé: Pierre-F. Côté, Directeur
général des élections.
Document déposé
Je dépose cette lettre accompagnée d'un avis proclamant M.
Roger Bertrand, candidat élu dans la circonscription électorale
de Portneuf.
Alors, le document déposé.
Des voix: Bravo! Bravo!
Le Président: Alors, j'invite maintenant M. le chef de
l'Opposition...
Des voix: Bravo! Bravo! Bravo!
Le Président: Alors, vous avez pu constater que, suivant
la tradition, M. le chef de l'Opposition a accueilli le député de
Portneuf.
M. le député de Portneuf, au nom de tous mes
collègues et en mon nom personnel, je vous souhaite la bienvenue
à l'Assemblée nationale. J'inviterais, à ce moment-ci, M.
le chef de l'Opposition à prendre la parole. (14 h 10)
Allocutions M. Jacques Parizeau
M. Parizeau: M. le Président, le député de
Portneuf, nouvellement élu, est élu député de ce
comté alors que jamais dans le passé le Parti
québécois n'avait pu faire élire un député
dans ce comté. C'est extrêmement significatif. Ça marque,
en un certain sens, un virage. Il y a eu, à travers toute cette campagne
électorale, manifestement une volonté de changement dans la
population, qui était parfaitement constatable. On fait parfois ?je
pense ici au ministre de l'Industrie et du Commerce ? allusion au
ras-le-bol qu'il peut y avoir chez bien des gens. Nous avons vu, dans Portneuf,
l'expression du ras-le-bol. Il a bien raison. plus sérieusement, dans un
comté où le chômage a atteint 20 % dans l'ensemble et, dans
certaines parties de ce comté, 30 %, il y avait là un
désir de changement très profond alors que le québec est
en train de s'immobiliser petit à petit.
Le député de Portneuf arrive en politique avec 20 ans de
carrière entièrement consacrés au secteur public. Il a
commencé au Bureau de la statistique du Québec, tout jeune
professionnel. Il a été à Loto-Québec. Il est
devenu directeur de direction générale pour la mission sociale au
Conseil du trésor pendant plusieurs années, et on sait ce que
ça veut dire comme poste: c'est une des fonctions majeures du Conseil du
trésor. Il a été vice-président de la commission
Rochon qui, de 1985 à 1987, va tracer les grandes lignes de la
réorganisation des services de santé et des services sociaux au
Québec.
Depuis 1988, le nouveau député de Portneuf a
été directeur général du CRSSS, du Conseil de la
santé et des services sociaux de la région de Québec, et
cela, jusqu'à son élection. Dans ce sens, la carrière du
député de Portneuf est, dans le secteur public, exemplaire. On
voudrait que beaucoup de ceux qui accèdent à la politique
viennent, justement, de cette filière de l'administration publique. Ce
serait utile. Il n'y en pas suffisamment. Au fond, les corrections que l'on
veut apporter à l'administration publique seraient bien plus faciles
à faire s'il y avait, parmi nous, un plus grand nombre de
députés et de ministres qui sont passés par cette
filière et qui comprennent le fonctionnement du secteur public à
notre époque. À cet égard, je pense que le
député de Portneuf va apporter dans cette Chambre une
expérience de premier ordre.
D'autre part, on le verra tout à l'heure, j'ai eu l'occasion de
jeter un coup d'oeil sur le discours qu'il va prononcer, son premier discours
dans cette Assemblée, on constatera à quel point le
député de Portneuf, dans son comté, veut bouger, veut
faire des choses, dans un cadre où ça n'est plus très
facile, face à un gouvernement qui n'en est plus tout à fait un,
qui se cherche et, pour tout dire, n'arrive pas à se trouver. Dans ce
sens, le député de Portneuf va avoir, d'ici aux prochaines
élections, à se tracer un cadre de ce qu'il veut réaliser.
Mais je pense que ça n'est qu'après la prochaine élection
que vraiment on aura enfin au Québec, et dans cette Assemblée
nationale, on se sera
donné les moyens, enfin, de retrouver le goût de l'action,
de retrouver la capacité aussi de faire des choses.
En terminant, je salue l'entrée du député de
Portneuf en cette Chambre. Je lui souhaite, en notre nom à tous, la plus
sincère des bienvenues, et je souhaite qu'il ait une brillante
carrière maintenant dans le domaine politique qu'il a choisi. Merci.
Le Président: Merci, M. le chef de l'Opposition. Je
reconnais maintenant M. le premier ministre.
M. Robert Bourassa
M. Bourassa: M. le Président, je voudrais féliciter
le nouveau député de même que le chef de l'Opposition pour
leur victoire du 12 juillet dernier. Elle s'ajoute évidemment à
deux autres victoires dans des élections partielles. Il faut quand
même constater que le gouvernement demeure encore très fortement
majoritaire. On est loin du Parlement à l'italienne...
Des voix: Ha,ha, ha!
M. Bourassa: ...la formule chérie du chef de
l'Opposition.
Des voix: Ha,ha, ha!
M. Bourassa: Le chef de l'Opposition ne semble plus d'accord avec
son... On peut, M. le Président, élaborer brièvement sur
les causes de la victoire du Parti québécois dans ces
périodes difficiles. On connaît la récession
économique qui existe ici comme ailleurs depuis près de quatre
ans, qui s'est manifestée dans une première étape,
notamment à la fin du ralentissement économique, par une
augmentation de la productivité, mais par un nombre encore trop
insuffisant d'emplois, même si dans le comté de Portneuf nous
avions quand même eu l'occasion d'annoncer des investissements
très importants.
C'est vrai que c'est la première fois, comme le disait le chef de
l'Opposition, mais il ne faut pas oublier que, nous aussi, dans une
période économique difficile, nous avions remporté des
victoires dans des forteresses péquistes. On peut mentionner le
comté de Jonquière, le comté de Marie-Victorin, le
comté de Saint-Jacques...
Une voix: Maisonneuve.
M. Bourassa: ...Maisonneuve. Je pourrais ajouter encore plusieurs
autres, M. le Président. Alors... Non, je dis ça simplement
pour... Je ne veux pas être désobligeant pour nos amis d'en face,
mais je voudrais qu'ils acceptent leur victoire avec un minimum
d'humilité.
M. le Président, il reste quand même que le gouvernement
conserve, malgré un contexte très difficile, un appui très
respectable. On le voyait encore ce matin dans une étude d'opinions
où le Parti québécois et le parti gouvernemental
étaient nez à nez. On voyait dans un sondage, il y a un mois...
On disait que le niveau de satisfaction du gouvernement était
supérieur à 40 %. Je m'en souviens très bien parce que
j'en discutais justement avec un ami commun, M. Michel Rocard, qui, à ce
moment-là, était à Montréal. Il disait: C'est
formidable, 40 % et plus; en Europe, on aimerait bien avoir un tel chiffre. Il
était au Québec pour célébrer un anniversaire avec
des amis communs. Alors, ce que je dis au chef de l'Opposition, M. le
Président, c'est que malgré le contexte difficile que nous
connaissons, et sur le plan économique et sur le plan financier, nous
avons encore un appui très respectable, surtout si on le compare
à celui que vous aviez en 1982 ou 1983.
Et je voudrais terminer dans ce contexte en remerciant le candidat du
Parti libéral, M. Portelance, qui a dû entreprendre sa campagne
dans des conditions inhabituelles. Je veux le remercier pour son travail et lui
exprimer, comme chef de parti, toute ma reconnaissance.
Le Président: Alors, merci, M. le premier ministre. Je
cède maintenant la parole à M. le député de
Portneuf.
M. Roger Bertrand
M. Bertrand: Alors, M. le Président, vous comprendrez que
c'est pour moi un vif plaisir de me joindre aujourd'hui à cette
Assemblée à titre de député de Portneuf. Un
plaisir, certes, et surtout un honneur de représenter ici mes
concitoyens et mes concitoyennes de Portneuf, tous et toutes sans
exception.
J'aimerais, bien sûr, M. le Président, remercier d'abord
les électeurs de Portneuf qui m'ont manifesté clairement leur
confiance à l'occasion de l'élection partielle du S juillet
dernier, remercier également toutes les personnes qui ont cru cette
victoire possible et qui m'ont appuyé, chacun et chacune à leur
façon, pour en faire une réalité. Et permettez-moi de
souligner le travail constant et admirable de ces militants et de ces
militantes qui, pendant 20 ans, ont travaillé sans jamais perdre espoir
en la victoire du Parti québécois dans Portneuf et sans jamais
perdre de vue notre objectif fondamental comme parti et comme groupe
parlementaire, la souveraineté incontournable du Québec.
Des voix: Bravo!
M. Bertrand: M. le Président, j'entends, au cours de mon
mandat, assumer avec toute la vigilance nécessaire la
responsabilité de représenter la population de Portneuf et,
à cet égard, agir en législateur responsable, en
médiateur efficace entre mes électeurs et l'administration
publique et en contrôleur assidu de l'action du gouvernement. Tout un
programme, M. le Président, vous en conviendrez, particulièrement
en ce qui regarde ce troisième volet de mes responsabilités comme
membre de cette Assemblée. (14 h 20)
En effet, l'action du gouvernement, depuis huit ans, a amené les
gens de Portneuf comme l'ensemble du Québec dans les câbles, et
ceci sur des aspects vitaux pour le Québec. Qu'on se souvienne de la
récession dont on ne sort plus, du chômage qui atteint des
sommets, de la faillite sur le plan constitutionnel, des déficits et de
la dette provinciale qui culminent; plus encore, des entreprises
paralysées par l'appareil bureaucratique, des taxes qui discriminent,
des régions qui se vident, un embonpoint remarquable de l'administration
centrale, et pire, M. le Président, des gens vulnérables et dans
le besoin qui sont harcelés et négligés.
M. le Président, les gens de Portneuf ont bien pu dire à
ce gouvernement «non, c'est assez», exprimant en cela ce que,
à deux reprises déjà, l'électorat de Montmorency et
d'Anjou avait eu la chance d'exprimer. J'entends donc agir pour défendre
âprement et quotidiennement les intérêts des citoyens et des
citoyennes de Portneuf, tout comme ceux de l'ensemble du Québec lorsque
l'occasion se présentera.
Pour Portneuf, ça veut dire, notamment, orchestrer la relance
économique du comté. Tel que je le disais pendant ma campagne,
c'est une affaire de coeur et de raison, tout comme la souveraineté du
Québec. Il faut donc l'avoir d'abord là, dans son coeur, y croire
fermement, être rigoureux dans la démarche et ne pas avoir peur du
travail, de se tenir debout, de s'impliquer, de se relever les manches.
L'avenir du comté de Portneuf tient à une multitude de gestes qui
devront être posés à brève échéance et
dont certains déjà sont amorcés.
Il faut arrêter le saupoudrage pour faire plaisir à tout le
monde, ouvrir les livres, se faire confiance, susciter la collaboration et
l'adhésion à des projets bénéfiques pour l'ensemble
de la collectivité et non pas pour un sous-groupe
privilégié, orchestrer la relance plutôt que régner
dans la division. Le virage déjà amorcé dans Portneuf,
dont le leitmotiv est la transparence et l'équité, n'est qu'un
aperçu de ce qu'on y connaîtra au cours des prochaines
années.
La relance du comté tient également, M. le
Président, à une foule d'autres interventions, comme
député: d'abord, sauvegarder ce qui existe déjà et
qui va bien, là où il en reste; améliorer ce qui peut
l'être; développer le territoire en misant d'abord sur ces gens,
sur la solidarité dont ils savent faire preuve et sur leur esprit
d'entreprise; développer ainsi le potentiel de Portneuf dans les
secteurs traditionnels que sont, bien sûr, l'agriculture, la forêt,
la chasse et la pêche, mais aussi dans le domaine de la culture et du
tourisme, tout autant que dans ceux de la transformation, de la sous-traitance
et des nouvelles technologies.
Portneuf, M. le Président, un comté en apparence
choyé, mais en réalité négligé au cours des
dernières années.
Des voix: Ah! Ah!
M. Bertrand: II faut mettre un terme, M. le Président,
à cette situation inadmissible.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
Alors, Mmes, MM. les députés! Mmes, MM. les
députés... Alors, monsieur... Mmes, MM. les
députés, s'il vous plaît!
Alors, M. le leader de l'Opposition.
M. Chevrette: M. le Président, vous comprendrez que la
réaction des gens du pouvoir... Ils réagissent avant même
d'avoir entendu les motifs de la négligence. Imaginez-vous ce que
ça va être après.
Le Président: Alors, M. le leader du gouvernement.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): On se doit toujours d'avoir le
respect de nos prédécesseurs.
Le Président: Alors, j'en appelle à la
collaboration des collègues, s'il vous plaît. Vous pouvez
poursuivre, M. le député de Portneuf.
M. Bertrand: M. le Président, je comprends toucher
là un point sensible, n'est-ce pas, pour nos gens d'en face.
Je réfère au niveau du chômage, niveau du
chômage inadmissible et en constante progression depuis des années
et qui a atteint des sommets dans Portneuf. Sur le plan des statistiques
économiques, la réalité du comté se perd dans la
moyenne de la région de Québec, bien qu'il rencontre des
difficultés similaires à celles de bien d'autres comtés
également désavantagés, malheureusement. Le gouvernement
doit en tenir compte dans ses politiques, et la région de Québec
devra également en tenir compte dans ses décisions. Portneuf
devra recevoir sa juste part des programmes, et, en outre, j'entends faire en
sorte que les gens du comté de Portneuf se prévalent bien de ce
qui existe déjà et de l'aide qui y correspond.
Si j'entends, M. le Président, défendre autant les
intérêts de la population du comté, j'ai bien l'intention
de m'intéresser, dans une pareille mesure, aux intérêts de
l'ensemble des Québécois et des Québécoises. En
effet, en ma qualité de législateur et de contrôleur des
actions du gouvernement, j'estime de mon devoir d'exercer, à
l'égard des faits et gestes de celui-ci, une très grande
vigilance. Sortant d'une récente élection, je peux vous
témoigner jusqu'à quel point la population en a assez de la
surréglementation et des contrôles tatillons, de la lourdeur de la
machine administrative et des coûts excessifs qui en résultent. Et
à cela s'ajoutent, M. le Président, les coûts reliés
aux chevauchements des deux paliers de gouvernement.
Je peux vous dire, M. le Président, que le monde voit tout cela
et qu'il n'est pas content. Il n'accepte pas le serrage de ceinture qu'on lui
impose alors que le gouvernement ne fait pas ses devoirs. Il n'acceptera
pas,
M. le Président, de reporter une telle équipe au pouvoir,
même remaquillée.
En terminant, M. le Président...
Des voix: ...
Le Président: S'il vous plaît! MM. les
députés! Donc, à l'ordre, s'il vous plaît! Alors, si
vous voulez terminer, M. le député de Portneuf.
M. Bertrand: Alors, en terminant, M. le Président,
j'aurai, au cours des prochains mois, à m'ac-quitter d'une lourde
tâche, d'une obligation néanmoins captivante que m'a
confiée le chef de l'Opposition en ce qui regarde le vaste dossier du
rapatriement des responsabilités du fédéral vers le
Québec, une fois le processus de la souveraineté
enclenché.
Nul doute, M. le Président, qu'avec la collaboration de mes
collègues, les députés de l'Opposition, je m'activerai
à proposer une jonction des ressources et des compétences
visées, qui, par l'élimination des chevauchements actuels et par
la réorganisation conséquente de l'appareil central, garantira
l'émergence d'une administration publique et parapublique plus efficace,
plus responsable et imputable, une administration qui tienne davantage compte
de la capacité des gens en région et au niveau local de
s'administrer eux-mêmes davantage, une administration répondant
bien mieux aux attentes de nos concitoyens, et le tout, bien sûr, M. le
Président, dans un Québec souverain.
Des voix: Bravo!
Affaires courantes
Le Président: Nous allons maintenant procéder aux
affaires courantes.
Il n'y a pas de déclarations ministérielles.
Présentation de projets de loi. Dépôt de documents.
Dépôt de documents
M. le ministre de la Sécurité publique et ministre
responsable de l'application de la Charte de la langue française.
Rapports annuels de la Commission
de protection de la langue française,
de l'Office de la langue française
et du Bureau du coroner
M. Ryan: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer
le rapport annuel 1992-1993 de la Commission de protection de la langue
française, de l'Office de la langue française, et le rapport du
Bureau du coroner pour l'année 1992.
Le Président: Ces documents sont donc
déposés.
Maintenant, M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de
l'Alimentation.
Rapport annuel de la Régie des marchés
agricoles et alimentaires du Québec et un avis favorable à une
demande de l'Union des producteurs agricoles
M. Picotte: M. le Président, deux documents. J'ai
l'honneur de déposer le rapport annuel 1992-1993 de la Régie des
marchés agricoles et alimentaires du Québec. Aussi,
conformément à l'article 68.1 de la Loi sur l'accès aux
documents des organismes publics et sur la protection des renseignements
personnels, je dépose un avis favorable à une demande de l'Union
des producteurs agricoles de modifier une entente établie avec le
ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, et
ce, en vertu du décret 358-88 du 16 mars 1988. Merci.
Le Président: Ces documents sont donc
déposés. Maintenant, M. le leader du gouvernement et ministre de
l'Environnement.
Correspondance entre les leaders
du gouvernement et de l'Opposition et
rapports annuels du Comité consultatif
pour l'environnement de la Baie James et du
Comité consultatif de l'environnement
Kativik
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, M. le Président. Je
dépose un échange de correspondance entre les leaders du
gouvernement et de l'Opposition concernant différents sujets d'ordre
parlementaire dans le but de s'assurer d'un bon déroulement de nos
travaux.
J'ai également l'honneur, M. le Président, de
déposer le rapport annuel 1992-1993 du Comité consultatif pour
l'environnement de la Baie James. J'ai également l'honneur, M. le
Président, de déposer le rapport annuel 1992-1993 du
Comité consultatif de l'environnement Kativik.
Le Président: Ces documents sont donc
déposés. Maintenant, M. le ministre du Loisir, de la Chasse et de
la Pêche.
Rapports annuels de la Société des
établissements de plein air du Québec, du Programme d'aide aux
Inuit et de
la Fondation de la faune du Québec
M. Blackburn: M. le Président, j'ai l'honneur de
déposer le rapport annuel 1992-1993 de la Société des
établissements de plein air du Québec. J'ai aussi, en même
temps, cette occasion de vous présenter le rapport annuel du Programme
d'aide de l'année 1992 aux Inuit pour leurs activités de chasse,
de pêche et de piégeage. J'ai aussi l'honneur de déposer le
rapport annuel
1992-1993 de la Fondation de la faune du Québec. (14 h 30)
Le Président: Ces rapports sont donc
déposés.
Maintenant, Mme la ministre de l'Éducation et ministre de
l'Enseignement supérieur et de la Science.
Rapports annuels du Conseil des
collèges
et du Conseil des universités et
rétrospective des activités du
Conseil des universités 1969-1993
Mme Robillard: M. le Président, j'ai l'honneur de
déposer le rapport annuel 1992-1993 du Conseil des collèges et
celui du Conseil des universités, de même qu'une
rétrospective des activités du Conseil des universités
1969-1993.
Le Président: Ces rapports sont déposés.
Maintenant, M. le ministre des Forêts.
Communiqué du ministre des Forêts
offrant ses excuses
relativement au dossier de son
ex-directeur de cabinet, M. Mario Simard
M. Côté (Rivière-du-Loup): M. le
Président, conformément à l'article 59, je désire
déposer le communiqué que j'ai émis il y a quelques
heures, par lequel j'offre mes excuses au Conseil exécutif de même
qu'à l'ensemble de mes collègues du gouvernement.
Le Président: Alors, ce document est déposé.
Maintenant, Mme la ministre déléguée à la Condition
féminine.
Rapport annuel du Conseil du statut de la femme et du
Conseil de la famille
Mme Trépanier: M. le Président, j'ai l'honneur de
déposer le rapport annuel 1992-1993 du Conseil du statut de la femme et
du Conseil de la famille.
Le Président: Ces documents sont
déposés.
Nomination de M. Real Gauvin à la fonction de
whip adjoint du gouvernement
Maintenant, j'ai reçu de M. le premier ministre la lettre
suivante, dont je vous donne lecture: «M. le Président, la
présente est pour vous informer de la nomination de M. Real Gauvin,
député de Montmagny-L'Islet, à la fonction parlementaire
de whip adjoint du gouvernement. Cette nomination est effective à
compter du 29 septembre 1993. Veuillez agréer, M. le Président,
l'expression de mes sentiments les meilleurs.» Et c'est signé:
Robert Bourassa.
Je dépose donc ce document.
À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous
plaît!
Nouveau diagramme de l'Assemblée
nationale
Alors, je dépose maintenant le nouveau diagramme de
l'Assemblée nationale, daté du 19 octobre 1993.
Rapports du Directeur général des
élections
concernant l'élection partielle du
5 juillet 1993 et la mise en application de
l'article 490 de la Loi électorale
Je dépose également le rapport du Directeur
général des élections concernant les résultats
officiels du scrutin pour l'élection partielle de Portneuf du 5 juillet
1993.
Je dépose également le rapport du Directeur
général des élections sur la mise en application de
l'article 490 de la Loi électorale dans le cadre de l'élection
partielle qui s'est tenue le 5 juillet 1993 dans la circonscription
électorale de Portneuf.
Rapport annuel du Directeur général des
élections
Je dépose, conformément à l'article 542 de la Loi
électorale et à l'article 886 de la Loi sur les élections
et les référendums dans les municipalités, le rapport
annuel du Directeur général des élections pour la
période du 1er avril 1992 au 31 mars 1993. Toutefois, les
activités reliées à l'application de la Loi sur les
élections et les référendums dans les municipalités
sont rapportées pour la période du 1er janvier au 31
décembre 1992.
Rapport annuel de la Commission de la
représentation électorale
Je dépose, conformément à l'article 542 de la Loi
électorale et à l'article 886 de la Loi sur les élections
et les référendums dans les municipalités, le rapport
annuel de la Commission de la représentation électorale pour la
période du 1er avril 1992 au 31 mars 1993. Toutefois, les
activités reliées à l'application de la Loi sur les
élections et les référendums dans les municipalités
sont rapportées pour la période du 1er janvier au 31
décembre 1992.
Décisions du Bureau de l'Assemblée
nationale
Finalement, je dépose les décisions numéros 609 et
611 à 614 du Bureau de l'Assemblée nationale. Alors, tous ces
documents sont donc déposés.
Dépôt de rapports de commissions
Maintenant, dépôt de rapports de commissions. M. le
Président de la commission des institutions et député de
Marquette.
M. Dauphin: Oui. Merci, M. le Président.
Étude des prévisions budgétaires
du Directeur général des élections et de la Commission de
la représentation électorale du Québec
J'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission des
institutions, qui a siégé le 18 juin 1993 afin de procéder
à l'étude des prévisions budgétaires du Directeur
général des élections et de la Commission de la
représentation électorale du Québec pour l'année
financière 1993-1994, lesquels ont été
approuvés.
Examen du rapport annuel et vérification des
engagements financiers du Protecteur du citoyen
Deuxièmement, j'ai également l'honneur de déposer
le rapport de la commission des institutions, qui a siégé le 18
juin 1993 afin d'entendre le Protecteur du citoyen dans le cadre de l'examen de
son rapport annuel 1991-1992, et de procéder à la
vérification des engagements financiers relevant de sa
compétence, contenus dans les listes des mois d'avril 1991 à
avril 1993 inclusivement.
Le Président: Alors, ces rapports sont donc
déposés. Maintenant, M. le président de la commission de
l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation et député
de Nicolet-Yamaska.
Vérification des engagements financiers
du ministre délégué à
l'Agriculture,
aux Pêcheries et à l'Alimentation
M. Richard: M. le Président, j'ai l'honneur de
déposer le rapport de la commission de l'agriculture, des
pêcheries et de l'alimentation qui a siégé le 28 septembre
1993 afin de procéder à la vérification des engagements
financiers du ministre délégué à l'Agriculture, aux
Pêcheries et à l'Alimentation pour le secteur pêcheries des
mois de mai 1991 à juillet 1993 et pour le secteur Recherche et
enseignement des mois d'août 1991 à août 1993.
Le Président: Alors, ce rapport est donc
déposé. Maintenant, M. le président de la commission de
l'économie et du travail et député de Fabre.
Élection du président de la commission
de l'économie et du travail
M. Joly: Merci, M. le Président. J'ai l'honneur de
déposer le rapport de la commission de l'économie et du travail
qui a siégé le 9 septembre 1993 afin de procéder à
l'élection du président de la commission. Merci.
Vérification des engagements financiers
du
ministère de l'Énergie et des Ressources
et
étude du rapport annuel de la
Société
de développement de la Baie James
J'ai aussi l'honneur, M. le Président, de déposer le
rapport de la commission de l'économie et du travail qui a
siégé le 9 septembre 1993 afin de procéder à la
vérification des engagements financiers du ministère de
l'Énergie et des Ressources, secteurs énergie, terres et
administration, contenus dans les listes des mois d'août 1990 à
juillet 1993.
Et, finalement, M. le Président, je dépose le rapport de
la commission de l'économie et du travail qui a siégé le
21 septembre 1993 afin d'étudier, conformément à l'article
33 de la Loi sur le développement de la région de la Baie James,
Lois refondues, chapitre D-8, le rapport annuel 1991-1992 de la
Société de développement de la Baie James. Merci, M. le
Président.
Le Président: Alors, ces rapports sont donc
déposés. Maintenant, M. le président de la commission de
l'aménagement et des équipements et député de
Lévis.
Auditions et étude détaillée du
projet de loi 234
M. Garon: M. le Président, je dépose le rapport de
la commission de l'aménagement et des équipements qui a
siégé le 24 août 1993 afin d'entendre les
intéressés et de procéder à l'étude
détaillée du projet de loi d'intérêt privé
234, Loi concernant la ville de Magog. Le projet de loi a été
adopté avec un amendement.
Le Président: Alors, est-ce que ce rapport est
adopté?
Des voix: Adopté.
Le Président: Adopté. M. le député de
Lévis.
Auditions et étude détaillée du
projet de loi 248
M. Garon: M. le Président, je dépose le rapport de
la commission de l'aménagement et des équipements qui a
siégé le 24 août 1993 afin d'entendre les
intéressés et de procéder à l'étude
détaillée du projet de loi d'intérêt privé
248, Loi concernant la ville de Verdun. Le projet de loi a été
adopté.
Le Président: Est-ce que ce rapport est également
adopté?
Des voix: Adopté.
Le Président: Adopté. M. le député de
Lévis.
Auditions et étude détaillée du
projet de loi 251
M. Garon: M. le Président, je dépose le rapport de
la commission de l'aménagement et des équipements qui a
siégé le 24 août 1993 afin d'entendre les
intéressés et de procéder à l'étude
détaillée du projet de loi d'intérêt privé
251, Loi concernant les villes de Tracy et de Saint-Joseph-de-Sorel et la
paroisse de Saint-Roch-de-Richelieu. Le projet de loi a été
adopté avec des amendements.
Le Président: Est-ce que ce rapport est adopté?
Des voix: Adopté.
Le Président: Adopté. M. le député de
Lévis.
Auditions et étude détaillée du
projet de loi 258
M. Garon: M. le Président, je dépose le rapport de
la commission de l'aménagement et des équipements qui a
siégé le 24 août 1993 afin d'entendre les
intéressés et de procéder à l'étude
détaillée du projet de loi d'intérêt privé
258, Loi concernant la ville de Grand-Mère. Le projet de loi a
été adopté.
Le Président: Alors, est-ce que ce rapport est
également adopté?
Des voix: Adopté.
Le Président: Adopté. M. le député de
Lévis.
Auditions et étude détaillée du
projet de loi 245
M. Garon: M. le Président, je dépose le rapport de
la commission de l'aménagement et des équipements qui a
siégé le 26 août 1993 afin d'entendre les
intéressés et de procéder à l'étude
détaillée du projet de loi d'intérêt privé
245, Loi concernant la ville d'Outre-mont. Le projet de loi a été
adopté avec des amendements.
Le Président: Est-ce que ce rapport est adopté? Des
voix: Adopté.
Le Président: Adopté. M. le député de
Lévis.
Auditions et étude détaillée du
projet de loi 255
M. Garon: M. le Président, je dépose le rapport de
la commission de l'aménagement et des équipements qui a
siégé le 26 août 1993 afin d'entendre les
intéressés et de procéder à l'étude
détaillée du projet de loi d'intérêt privé
255, Loi concernant la ville de Gatineau. Le projet de loi a été
adopté avec des amendements.
Le Président: Est-ce que ce rapport est adopté?
Des voix: Adopté.
Le Président: Adopté. M. le député de
Lévis.
Auditions et étude détaillée du
projet de loi 252
M. Garon: M. le Président, je dépose le rapport de
la commission de l'aménagement et des équipements qui a
siégé le 26 août 1993 afin d'entendre les
intéressés et de procéder à l'étude
détaillée du projet de loi d'intérêt privé
252, Loi concernant la ville d'Amos. Le projet de loi a été
adopté avec des amendements.
Le Président: Est-ce que ce rapport est adopté? Des
voix: Adopté.
Le Président: Adopté. M. le député de
Lévis.
Auditions et étude détaillée du
projet de loi 304
M. Garon: M. le Président, je dépose le rapport de
la commission de l'aménagement et des équipements qui a
siégé le 28 septembre et les 5, 13 et 14 octobre 1993 afin
d'entendre les intéressés et de procéder à
l'étude détaillée du projet de loi d'intérêt
privé 304, Loi concernant la ville de Trois-Rivières. Le projet
de loi a été adopté avec des amendements.
Le Président: Est-ce que ce rapport est adopté?
Des voix: Adopté.
Le Président: M. le député de
Lévis.
Vérification des engagements financiers du
ministère des Transports
M. Garon: M. le Président, je dépose le rapport de
la commission de l'aménagement et des équipements qui a
siégé les 14, 15 et 21 septembre 1993 afin de procéder
à la vérification des engagements financiers du ministère
des Transports, secteur Voirie, à partir de la liste du mois de
décembre 1992.
Le Président: Alors, ce rapport est déposé.
Maintenant, Mme la présidente de la commission des affaires sociales et
députée de Taillon.
Vérification des engagements financiers du
ministère de la Santé et des Services sociaux
Mme Marois: Merci, M. le Président. J'ai l'honneur de
déposer le rapport de la commission des affaires sociales qui a
siégé le 9 septembre 1993 afin de procéder à la
vérification des engagements financiers du ministère de la
Santé et des Services sociaux pour les mois d'octobre 1991 à
juillet 1993. (14 h 40)
Élection du vice-président de la
commission des affaires sociales
M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport de
la commission des affaires sociales, qui a siégé le 29 septembre
1993 afin de procéder à l'élection du
vice-président de la commission, M. le Président. Merci.
Le Président: Alors, ces deux rapports sont
déposés.
Dépôt de rapports de pétitions.
Il n'y a pas d'intervention portant sur une violation de droit ou de
privilège ou sur un fait personnel.
Questions et réponses orales
Nous allons maintenant procéder à la période de
questions et réponses orales des députés, et je reconnais
en question principale M. le chef de l'Opposition.
Influence des groupes d'intérêts sur les
décisions économiques du gouvernement
M. Parizeau: M. le Président, les
Québécoises et les Québécois ont notamment pris
conscience des limites des gouvernements. Il n'y a pas de nouvel argent dans
les coffres de l'État. On ne peut plus taxer. Nous en sommes rendus
à l'extrême limite. Le travail au noir, la contrebande,
l'évasion fiscale, l'abus et la tricherie du système, tout cela
n'est pas acceptable si on veut que le Québec fonctionne comme
société. Les groupes d'intérêts de plus en plus
nombreux sont devenus extrêmement puissants et forcent à tort
l'État dans des décisions où les véritables besoins
des Québécoises et des Québécois sont
ignorés.
M. le Président, voilà comment le ministre de l'Industrie
et du Commerce commentait les huit ans d'administration du gouvernement auquel
il a participé au moment où il annonçait qu'il ne serait
pas candidat à la chefferie du Parti libéral.
Des voix: Bravo! Bravo! Le Président: S'il vous
plaît!
M. Parizeau: Je comprends, M. le Président, que,
considérant que la taxation en est à l'extrême limite, il
fera un drame si son collègue des Affaires municipales ou celui des
Finances voulait augmenter les taxes dans le prochain budget. Je reconnais
aussi que, dans la mesure où l'Opposition aura un certain nombre de
propositions, comme à l'occasion de la motion de demain, par exemple,
à l'égard du travail au noir, ou de la contrebande, ou de
l'évasion fiscale, il sera d'accord, mais puis-je demander au ministre
de l'Industrie et du Commerce qu'est-ce qu'il veut dire par la troisième
phrase? C'est potentiellement très grave, mais je n'arrive pas à
deviner son intention. Qu'est-ce qu'il veut dire quand il dit que ces groupes
d'intérêts forcent à tort l'État dans des
décisions où les véritables besoins des
Québécoises et des Québécois sont ignorés?
Qu'est-ce qu'il veut dire exactement, M. le Président, quand il parle de
l'action de son gouvernement dans des termes pareils? Il fait allusion à
quoi?
Le Président: M. le ministre de l'Industrie, du Commerce
et de la Technologie.
M. Tremblay (Outremont): M. le Président, ça
recommence. Nous avons encore un bel exemple du double discours de
l'Opposition.
Le Président: Bon. Alors, s'il vous plaît! S'il vous
plaît! Donc, à l'ordre, s'il vous plaît! S'il vous
plaît! Alors, je reconnais une seule personne, et je vous demande de vous
conformer au règlement, s'il vous plaît. M. le ministre.
M. Tremblay (Outremont): Tellement un double discours, M. le
Président, que récemment le leader de l'Opposition disait de
façon très claire à des journalistes que le ministre de
l'Industrie, du Commerce et de la Technologie avait fait preuve d'une franchise
surprenante, mais que son geste n'en était pas moins inacceptable sur le
plan politique. Est-ce que ça veut dire, M. le Président, qu'on
ne peut plus dire la vérité? Est-ce que c'est la raison...
Le Président: M. le ministre.
M. Tremblay (Outremont): M. le Président, est-ce que les
politiciens sont honnêtes? 63 % de la population pense que non. Est-ce
que les gens croient encore aux politiciens? 83 % des Québécois
n'y croient plus.
Le Président: S'il vous plaît!
M. Tremblay (Outremont): Depuis le mois de septembre 1991, notre
économie, état d'urgence. Au mois de mai 1992, au-delà du
discours, un changement d'attitude s'impose, et plusieurs de mes
collègues de la deputation ministérielle ont tenu sensiblement
les mêmes propos. Avant de pouvoir changer, M. le Président, il
faut au moins regarder de façon réaliste la vérité.
C'est ce que nous faisons et nous allons agir dans un avenir
rapproché.
Le Président: En question complémentaire, M. le
chef de l'Opposition.
M. Parizeau: Bon, soit! Des voix: Ha, ha, ha!
M. Parizeau: Puisque le ministre dit qu'il va agir dans un avenir
rapproché, puis-je lui rappeler que le 7 août dernier il indiquait
qu'un vaste plan d'action, un plan de relance de l'économie serait
présenté au Conseil des ministres pour approbation le 15 octobre?
Est-ce que c'est fait, M. le Président?
Le Président: M. le ministre.
M. Tremblay (Outremont): M. le Président, nous en avons
discuté au caucus hier. Le document est en rédaction et sera
présenté dans un avenir rapproché au Conseil des ministres
et, tel que convenu, un plan
d'action sera présenté à la population du
Québec au mois de novembre 1993.
M. le Président, j'ai reçu une lettre très
intéressante du leader de l'Opposition. Vous savez, la qualité
totale, on en a parlé beaucoup dans cette Assemblée. Le chef de
l'Opposition a été le premier à la critiquer, mais voici
que le leader de l'Opposition est devenu le grand gourou de la qualité
totale. Vous avez...
Des voix: Ha, ha, ha!
Une voix: Bon!
Une voix: Un petit gourou!
Le Président: J'appelle à la collaboration des
collègues, s'il vous plaît. Alors, en conclusion, M. le
ministre.
M. Tremblay (Outremont): Vous avez reçu la même
lettre que je dépose à l'Assemblée nationale, une lettre
du leader de l'Opposition sur la qualité totale, qui, après trois
ans ? donc, c'est la preuve qu'il y a encore de l'espoir du
côté de l'Opposition, le changement de l'attitude ?
reconnaît que les fonds requis pour une telle sensibilisation
auprès principalement ? parce que ça vient de l'Opposition
? de l'Opposition sont minimes et peuvent engendrer des économies
substantielles. Et si elles totalisaient 10 000 000 000$, M. le chef de
l'Opposition?
Le Président: Alors, il y a consentement au
dépôt du document? Consentement, document
déposé.
Document déposé
Alors, en question principale maintenant, M. le député
d'Abitibi-Ouest et leader adjoint de l'Opposition.
Effets du jugement relatif à la surtaxe
sur les immeubles non résidentiels
quant aux budgets des municipalités
M. Gendron: Oui, M. le Président. Le président de
l'Union des municipalités régionales de comté du
Québec, M. Nicolet, déclarait récemment que la
fiscalité municipale, par le jugement du juge Tessier sur la surtaxe sur
les immeubles non résidentiels, constituait le coup de grâce
à toute une structure qui allait demander une révision en
profondeur de la fiscalité municipale. Il faut dire que c'était
la deuxième onde de choc puisque, il y a deux mois, une première
décision de la Cour suprême dans le dossier de la firme Ciment
Québec venait ouvrir tout un pan de mur dans la fiscalité
municipale.
Le président de l'Union des municipalités du
Québec, M. Blackburn a lancé un cri d'alarme: Un chaos sans
précédent risque d'entraver la confection des prochains budgets
municipaux. Donnez-nous la sécurité nécessaire à la
planification de nos sources de revenus, disait-il.
Ma question au ministre des Affaires municipales: Est-ce que, devant ces
faits et l'importance des répercussions de ces jugements sur les
finances municipales, le ministre des Affaires municipales peut nous indiquer
le fruit de ses nombreuses analyses et évaluations, et qu'est-ce qu'il a
à dire aujourd'hui pour sécuriser la préparation des
prochains budgets municipaux?
Le Président: M. le ministre des Affaires municipales.
M. Ryan: M. le Président, le député
d'Abitibi-Ouest soulève deux questions. Tout d'abord, le jugement rendu
par la Cour suprême en juillet dernier concernant l'article 65.1 de la
Loi sur la fiscalité municipale. Il s'agit d'un jugement de
dernière instance, qui doit par conséquant connaître
application. Mais les implications de ce jugement sont très difficiles
à établir, vu qu'au lieu d'établir une norme universelle,
la Cour a conclu qu'il faudra examiner chaque cas d'espèce avant d'en
venir à des conclusions. Nous sommes à étudier l'ensemble
du dossier. J'ai tenu une réunion récemment avec les principales
municipalités concernées, les villes mono-industrielles qui sont
particulièrement inquiètes pour des raisons que nous comprenons.
Et nous arrêterons en temps utile les décisions qui seront
requises dans ce dossier. Nous n'en sommes pas encore venus à la
conclusion qu'il faudrait tout de suite procéder à une
modification législative parce que, en procédant de
manière prématurée, on risquerait de créer des
contre-problèmes qui ne seraient pas plus faciles à gérer
que ceux qu'on prétendrait éliminer. Nous poursuivons l'examen du
dossier. Nous recueillons présentement une documentation auprès
des municipalités concernées. Et, de concert avec celles-ci, nous
arriverons à des conclusions opportunes d'ici la fin de la
présente session. (14 h 50)
En ce qui touche le jugement rendu par la Cour supérieure du
Québec concernant la surtaxe sur les immeubles non résidentiels,
je voudrais tout d'abord rappeler au député qu'il s'agit d'un
jugement de première instance, en l'occurrence, que c'est loin
d'être la vérité définitive. Le gouvernement a
déjà indiqué clairement sa décision d'en appeler.
Notre inscription se fera en appel, à l'intérieur du délai
réglementaire de 30 jours, et nous examinons, entre-temps, s'il y aurait
lieu d'envisager des mesures particulières pour procurer aux
municipalités cette sécurité qu'elles réclament
à juste titre. Il n'est pas sûr que des mesures
particulières s'imposent. Nous sommes à poursuivre l'examen de ce
dossier, en consultation avec les municipalités et, en temps utile, nous
fournirons les éléments de réponse à ce
deuxième volet de la question. Mais, fondamentalement, dès que
nous inscrivons cette cause en appel, la loi, selon la coutume
constitutionnelle du pays, continue de s'appliquer dans toutes ses
dispositions.
Le Président: En question complémentaire, M. le
député d'Abitibi-Ouest.
M. Gendron: Compte tenu de l'ampleur des sommes en cause, est-ce
que le ministre est en train de nous dire que, aujourd'hui, il n'a aucune
indication à donner aux municipalités comme mesures à
court terme, quand on sait qu'il s'agit probablement de 700 000 000 $ en cause
et que, plus on retardera, plus le risque du gouffre est sans
précédent? Est-ce qu'on doit convenir que, pour le moment, vous
n'avez pas d'autre signal à donner que celui que vous avez donné
il y a un mois, alors que vous aviez laissé voir que, compte tenu de vos
immenses spécialistes aux Affaires municipales, prochainement, vous
aurez des indications à donner? On a rien d'autre à se mettre...
Non?
Des voix: Sous la dent. M. Ryan: ...
Le Président: M. le ministre des Affaires municipales. M.
le ministre.
M. Ryan: Pardon. Je m'excuse si j'ai donné l'impression de
vouloir interrompre le député d'Abitibi-Ouest. Je le
regretterais, parce que ce n'était pas mon intention. Aujourd'hui, nous
poursuivons l'examen du dossier. Ce soir, j'ai de nouveau une réunion
avec nos spécialistes du ministère des Affaires municipales, qui
sont des spécialistes de très grande qualité, entre
parenthèses, que le député connaît, à part de
ça. Et nous poursuivons l'examen, et nous aurions... Si vous me
demandiez de donner des indications aujourd'hui, aux municipalités, j'en
ai plusieurs à leur donner, mais je veux leur donner des indications
sûres, des indications complètes, des indications qui viendront se
situer dans une stratégie tenant compte de tous les
éléments du problème, et il nous reste encore du travail
avant d'en arriver là. Mais j'ai assuré les deux unions des
municipalités et les municipalités qui m'ont consulté
directement à ce sujet qu'elles recevront les indications qu'elles
peuvent attendre du gouvernement, en temps utile pour la préparation de
leur budget.
Le Président: Toujours en question
complémentaire.
M. Gendron: Question additionnelle à deux volets. Est-ce
que le ministre peut nous dire s'il a regardé des alternatives, entre
autres, revenir à la taxe d'affaires? Est-ce que vous regardez
ça, à ce moment-ci? Première question. Deuxième
question: Est-ce que vous avez de quoi à dire aux municipalités
qui seraient tentées de continuer la perception de la surtaxe? Et, dans
la perspective où on se ramasse dans la même situation dans deux
ans, qu'est-ce que vous allez faire?
Le Président: M. le ministre.
M. Ryan: Regardez, le député vient d'évoquer
deux hypothèses: un retour possible à l'ancienne taxe d'affaires,
et le maintien de la surtaxe là où elle a été
instituée, c'est-à-dire dans environ 300 municipalités.
Ces deux hypothèses font partie d'un groupe d'une dizaine
d'hypothèses que nous examinons actuellement. Et quand nous aurons
examiné chacune dans toutes ses implications, là nous serons en
mesure de fournir aux municipalités les indications dont elles ont
besoin.
Et je voudrais ajouter, pour revenir au thème de la
sécurité, que le comportement du ministère des Affaires
municipales devant les tribunaux a été un comportement
très honorable au cours des dernières années. Il est
arrivé que nous avons perdu en première manche et que nous avons
gagné en deuxième et en troisième manche. Il n'y a rien de
déshonorant à cela. Notre processus judiciaire le veut ainsi. Je
pense qu'on doit se garder de répandre, à des fins que je ne
voudrais pas qualifier, des propos trop pessimistes parmi la population, parce
que l'état du dossier ne justifie pas du tout ce genre d'alar-misme.
Le Président: Alors, pour une autre question
complémentaire.
M. Gendron: Sans s'alarmer, moi, j'ai toujours peur de continuer
le chemin dans le gouffre. Alors, je ne veux pas embarquer dans le gouffre
financier, mais est-ce que le ministre peut indiquer aux municipalités
qu'elles pourront préparer les budgets adéquatement et recevoir
le minimum de balises qu'elles souhaitent recevoir? Elles sont en train
d'être au travail. Pensez-vous qu'on va laisser ces gens-là
travailler inutilement? Quand vous aurez éventuellement trouvé la
vérité révélée, il sera trop tard. Est-ce
qu'elles auront les indications pour travailler sur leur budget sans qu'elles
soient obligées de reprendre tout leur travail?
Le Président: M. le ministre des Affaires municipales.
M. Ryan: En parlant de vérité
révélée, je pense qu'elle se trouve plus de l'autre
côté, en politique, que du nôtre. La nature même de la
démarche que nous poursuivons démontre que nous la cherchons au
lieu de prétendre l'avoir trouvée.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Ryan: Pour le reste, là, les municipalités font
leur devoir tous les jours. Elles communiquent avec le ministère tous
les jours pour demander le genre d'indications dont parle le
député d'Abitibi-Ouest. Et nos services ont reçu des
instructions quant à la nature des indications qu'ils peuvent fournir
aux municipalités dans l'état actuel du dossier, et ça se
fait quotidiennement.
Le Président: Alors, en question principale, M. le
député de Laviolette.
Demande de remboursement des sommes versées en
trop à l'ex-directeur de cabinet du ministre des Forêts, M. Mario
Simard
M. Jolivet: Merci, M. le Président. Puisque la
qualité totale consiste à faire tout du premier coup, partout,
à tout coup, puisque le ministre de l'Industrie et du Commerce nous
indique que les ministres doivent nous dire la vérité, est-ce que
je dois comprendre que la vérité qui a été
dévoilée hier par le ministre des Forêts à l'effet
de demander à son bras droit d'envoyer le cabinet du premier ministre se
faire foutre est la vérité, alors qu'il indique dans son
communiqué: Je n'étais pas prêt à répondre
aux questions du journaliste dans ce dossier? Ou est-ce qu'il faut comprendre
que c'est le communiqué de presse qu'on l'a forcé à donner
aujourd'hui qui est la vérité? Quelle est la vérité
dans le dossier? Et quand est-ce que M. Mario Simard va remettre aux
Québécois et aux Québécoises l'argent qu'il a
injustement eu entre les mains?
Le Président: Alors, M. le ministre des Forêts.
M. Côté (Rivière-du-Loup): M. le
Président, je pense bien que le communiqué que j'ai émis
reflète bien mon état d'âme aujourd'hui et, si vous le
permettez...
Des voix: ...
M. Côté (Rivière-du-Loup): ...je vais vous le
lire. «Québec, le 19 octobre 1993. «Le ministre des
Forêts du Québec, M. Albert Côté, désire
offrir des excuses à la suite des propos qu'il a tenus à son
arrivée au caucus des députés libéraux hier,
relativement au dossier de son ex-directeur de cabinet, M. Mario Simard.
«Le ministre admet ? comme l'a dit mon collègue de Laviolette
? qu'il n'était pas prêt à répondre aux
questions des journalistes dans ce dossier. «M. Côté
déclare qu'il n'a pas voulu délibérément offenser
personne puisqu'il avait souscrit sans hésitation aux conclusions de la
vérification effectuée par le secrétaire
général du Conseil exécutif, M. Benoît Morin, en
mandatant l'administration de son ministère de prendre les mesures
requises afin de réclamer les sommes versées en trop, tel qu'en
fait foi le communiqué émis par le cabinet du ministre des
Forêts le 13 septembre dernier.»
Le Président: Alors, pour une question
complémentaire, M. le député de Laviolette.
M. Jolivet: Est-ce que je peux savoir quand l'argent, puisque
c'était le 13 septembre, va être remis au trésor
public?
Le Président: Alors, M. le ministre.
M. Côté (Rivière-du-Loup): M. le
Président, le tout a commencé le 8 mars dernier, lorsque j'ai
tout simplement, uniquement et sans autre intervention de ma part,
demandé à l'administration d'avoir l'obligeance de faire le
nécessaire afin que M. Simard obtienne les indemnités auxquelles
il a droit, et ce, en conformité avec la directive 4.83.
Évidemment, M. Simard bénéficiera également de
l'indemnité de départ prévue à l'article 15 de
cette même directive.
Et pour répondre plus directement à la question du
député de Laviolette, M. le Président, le 10 septembre, le
secrétaire général, M. Morin, m'informait des conclusions
de sa vérification faite relativement aux indemnités de
départ de M. Simard, et c'est avec promptitude que j'ai réagi aux
conclusions du secrétaire général en demandant, le 13
septembre, c'est-à-dire le lundi suivant, à mon ministère
de prendre les mesures appropriées afin de réclamer à M.
Simard les sommes versées en trop. Et après une analyse comptable
des autorités de mon ministère, on transmettait à M.
Simard le 28 septembre 1993 une demande formelle de remboursement. (15
heures)
À l'heure actuelle, M. le Président, le processus est en
cours, et les mesures appropriées pour réclamer les sommes
versées en trop seront prises, tant sur le plan administratif que sur le
plan judiciaire, si nécessaire.
Le Président: Toujours pour une question
complémentaire.
M. Jolivet: Deuxième question, M. le Président.
Une voix: Principale.
Le Président: Principale. Donc, en question principale, M.
le député de Laviolette.
Demande de justification des indemnités de
départ versées à M. Jean-Louis Bazin
M. Jolivet: M. le Président, un nommé Jean-Louis
Bazin a travaillé pour le ministre, comme chef de cabinet, de son
entrée pour la première fois au cabinet des ministres
jusqu'à son départ le 13 janvier 1989 où il recevait une
indemnité de départ de l'ordre de 33 594 $. Et là, on n'a
pas le détail à savoir s'il n'a, lui aussi, pris aucune
journée de vacances, puisqu'on ne nous indique pas, comme on l'a fait
dans le cas de Mario Simard, s'il a eu des indemnités pour vacances et
congés de maladie.
La deuxième partie de la question, M. le Président, c'est
que le même monsieur était nommé chez REXFOR à un
salaire qui est prévu par les conventions de REXFOR et, comme il
était adjoint au président, d'environ 80 000 $. Le mois de
septembre 1992, le même monsieur quittait REXFOR et recevait une
indemnité
qui totalise, avec les indemnités elles-mêmes, les jours de
vacances non écoulés et les sommes d'argent versées au
régime d'épargne-retraite, près de 37 000 $. Est-ce que le
ministre considère qu'il est normal qu'une personne passant d'une
fonction à son cabinet des ministres vers REXFOR, qui est sous sa
responsabilité comme ministre, elle reçoive une prime de
séparation et ensuite de REXFOR reçoive une prime de
séparation pour aller travailler au Conseil exécutif au niveau de
la jeunesse? Est-ce que c'est normal?
Le Président: M. le ministre des Forêts.
M. Côté (Rivière-du-Loup): M. le
Président, suite à ce débat sur la place publique, M.
Bazin a de lui-même, volontairement, souscrit à une
déclaration volontaire sur les vacances qu'il aurait prises et il aurait
remboursé une partie de ses vacances à l'administration publique.
Et ceci répond adéquatement chez nous à
l'administration.
Quant à l'autre partie de la question de M. le
député de Laviolette, quand M. Bazin est parti de chez REXFOR, il
s'agissait d'une rupture de contrat, et c'est pourquoi nous lui avons
donné ce montant d'argent. Et j'ai toujours dit et j'ai confiance que
REXFOR ait fait les choses correctement dans ce cas-là.
Le Président: En question complémentaire.
M. Jolivet: M. le Président, dans la lettre venant de
REXFOR, on indique: En considération de la terminaison
prématurée du contrat de services de M. Bazin, REXFOR a
versé à ce dernier les montants dont je faisais mention. Est-ce
qu'il est normal que cette personne retourne au niveau gouvernemental dans une
fonction comme secrétaire général associé à
la jeunesse du ministère du Conseil exécutif pour un total de 90
000 $ annuellement? Est-ce qu'il est normal qu'une personne reçoive deux
primes de séparation alors qu'elle a quitté définitivement
son cabinet pour aller à REXFOR et qu'elle quitte
prématurément, à la demande probablement du Conseil
exécutif, pour aller prendre la fonction gouvernementale et un autre
montant de prime de séparation plus un salaire de 90 000 $? Vous trouvez
ça normal, vous?
Le Président: M. le ministre des Forêts.
M. Côté (Rivière-du-Loup): M. le
Président, REXFOR n'avait aucun mot à dire dans l'engagement de
M. Bazin au Conseil exécutif.
Le Président: En question complémentaire.
M. Jolivet: M. le Président, à ma connaissance, le
ministre est membre du Conseil des ministres, il a vu passer la question, M. le
Président. Est-ce qu'il est normal...
Le Président: Un instant, s'il vous plaît. Alors,
c'est un rappel au règlement. M. le leader du gouvernement.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Si le député de
Laviolette veut se prévaloir d'un préambule, M. le
Président. Comme ancien vice-président de cette Chambre, il
connaît bien notre règlement, il n'a qu'à procéder
en question principale. Il est présentement en question
complémentaire, il n'a pas droit à un préambule.
Le Président: Alors, posez votre question, M. le
député de Laviolette.
M. Jolivet: M. le Président, dans ce contexte, dans le cas
de M. Bazin, n'eût été des demandes que l'Opposition a
faites pour aller voir ce qui en est, est-ce que M. Bazin aurait
conservé entre les mains un montant de 12 000 $ environ,
représentant 32 jours de vacances non écoulés, alors qu'on
sait très bien que dans le cas de M. Mario Simard, il s'est
avéré que ce n'étaient pas des congés non pris,
mais plutôt du temps supplémentaire?
Le Président: M. le ministre.
M. Côté (Rivière-du-Loup): M. le
Président, le secrétaire général, M. Benoît
Morin, est bien clair dans sa recommandation alors qu'il dit: Suivant la
directive 483, les vacances ne peuvent pas être payées en temps
supplémentaire à un employé, à un directeur de
cabinet.
Le Président: Alors, en question principale maintenant, M.
le député de Labelle.
Coûts reliés au
déménagement et à l'aménagement des bureaux du
Conseil du trésor
M. Léonard: Oui, M. le Président. Le seul
prétendant connu au poste de chef du Parti libéral du
Québec et actuel président du Conseil du trésor
déclarait, lors de son annonce de mise en candidature récemment,
que chaque dollar mieux dépensé ou économisé permet
de consacrer 1 $ de plus pour l'éducation, la santé et le
bien-être de nos concitoyens.
Une voix: Très bien!
Des voix: Bravo! Bravo!
M. Léonard: Mais, dans un article paru dans le Journal
de Québec, le 16 octobre dernier, on apprend que les coûts
reliés au déménagement du Conseil du trésor et les
coûts associés à ce déménagement dans
l'édifice H s'élèveront non pas à 1 000 000 $, tel
que prévu, mais plutôt à 17 000 000 $.
Des voix: Oh!
Une voix: C'est des dollars, ça!
M. Léonard: C'est 17 fois, M. le Président, la
somme prévue.
Une voix: Oh!
M. Léonard: Est-ce que, M. le Président, le
président du Conseil du trésor peut nous expliquer comment il en
est arrivé à autoriser cette dépense extravagante, surtout
pour tous ceux qui sont obligés et qu'il oblige à se serrer la
ceinture?
Le Président: M. le président du Conseil du
trésor.
M. Johnson: C'est très simple, M. le Président.
C'est une fausseté, c'est un mensonge grossier; c'est une invention, une
fabrication et de la science-fiction.
Une voix: Bon!
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
S'il vous plaît!
En question complémentaire, M. le député de
Labelle.
M. Léonard: M. le Président, est-ce que le
président du Conseil du trésor pourrait être plus explicite
et pourrait-il reconnaître, d'ailleurs, que ces chiffres viennent d'un
ancien collègue à lui, qui était membre du Conseil des
ministres il n'y a pas très longtemps encore? M. le Président,
pourrait-il nous dire où était l'urgence de dépenser ces
sommes? Où était l'urgence de dépenser ces sommes et
comment peut-il arriver à justifier un investissement dans du
béton comme celui-là, alors que, par ailleurs, il reconnaît
que la priorité est aux dépenses d'éducation, aux
dépenses de la santé? Comment peut-il justifier de telles
sommes?
Des voix: C'est faux!
Le Président: Alors, M. le président du Conseil du
trésor.
M. Johnson: d'abord, je réitère, m. le
président, que c'est la source qui est en cause et qui fait qu'on peut
en conclure que c'est une fabrication et de la science-fiction; première
des choses. deuxièmement, j'ai déjà déposé
ici, à l'assemblée nationale... j'ai distribué à la
tribune de la presse, il y a des mois et des semaines, l'ensemble des chiffres,
l'ensemble des engagements, l'ensemble des montants précis qui font en
sorte que nous avons eu, au conseil du trésor, à
déménager en raison des travaux qui doivent se dérouler
dans l'édifice d, en économisant 30 % d'espace, 800 000 $ par
année de loyer, pour un investissement de 3 000 000 $. si, pour 3 000
000 $, vous voulez économiser 800 000 $, par année, je vous
encourage tous ici, autant que vous êtes, à le faire. C'est
l'exemple qu'on essaie de donner au Trésor.
Des voix: Bravo! Bravo!
Le Président: Donc, toujours en question
complémentaire, M. le député de Labelle.
M. Léonard: M. le Président, le président du
Conseil du trésor reconnaît-il que lorsqu'il répond, il
répond sur une partie de ces coûts, ceux liés directement
aux dépenses d'investissement concernant le déménagement
du Conseil du trésor, et qu'il oublie tous les autres coûts
associés qu'il a été obligé d'investir dans le
réaménagement de l'édifice H et, par cascades, il en est
arrivé et le gouvernement en est arrivé à dépenser
17 000 000 $?
Une voix: Oui!
Le Président: M. le président du Conseil du
trésor.
M. Johnson: M. le Président, je réitère que
les chiffres que j'ai distribués sont complets ? et je mets le
député au défi de prouver le contraire ? que les
travaux qui sont intervenus sont tous comptabilisés dans les chiffres
que j'ai donnés, que les travaux qui ont été faits par la
SIQ dans l'édifice H devaient être faits dans n'importe quel cas,
que les travaux qui ont été faits en raison de notre
déménagement sont également comptabilisés et que le
rendement de cet investissement est clair, net, précis, et qu'il
représente une économie de loyer de 30 % des espaces
occupés, une économie de 800 000 $ par année.
Des voix: Bravo! Bravo! (15 h 10)
Le Président: Alors, en question... À l'ordre, s'il
vous plaît! S'il vous plaît!
En question principale, maintenant, M. le député de
Masson.
Pressions du ministre du Tourisme sur Le
Président du Conseil du trésor
concernant la réorganisation des structures
gouvernementales
M. Blais: Merci beaucoup, M. le Président. Depuis quelque
temps, on parle beaucoup de restructuration au gouvernement. Même que,
dans le rapport Poulin, des députés recommandaient notamment
l'abolition d'une dizaine de ministères, dont celui du Tourisme ?
le ministre Vallerand, titulaire de ce ministère, avait alors applaudi
? et un exercice de restructuration proposé par le rapport Poulin.
On apprenait récemment que le ministre du Tourisme, M. André
Vallerand, aurait négocié son appui à la
candidature...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Blais: On apprenait récemment que le ministre du
Tourisme, M. André Vallerand, aurait négocié son appui
à la candidature à la direction du parti de Daniel Johnson
après avoir obtenu l'assurance de ce dernier que le ministère du
Tourisme ne serait pas l'enfant pauvre de la réorganisation...
Le Président: Un instant, M. le député. S'il
vous plaît, MM. les députés! Un rappel au règlement,
M. le leader du gouvernement.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, M. le Président. Le
rappel au règlement se fonde ? oui, on est en question principale
? sur le deuxième alinéa ainsi que sur le cinquième
alinéa de l'article 77 de notre règlement qui stipulent que les
questions ne peuvent être fondées sur des suppositions et
être formulées de manière à susciter un
débat. Les deux éléments sont contenus dans la question du
député.
Le Président: Alors, j'invite le député de
Masson à poser sa question.
M. Blais: Ma question s'adresse au ministre du Tourisme.
Le Président: Je vais simplement demander la collaboration
de tous les collègues, s'il vous plaît. Si certains veulent
discuter, et je fais référence expressément à ceux
qui sont à ma droite, en avant, ici, vous avez un salon tout près
de vous, et je vous convie à y aller.
Alors, votre question, M. le député de Masson.
M. Blais: Est-ce que le ministre du Tourisme pourrait nous
renseigner et nous dire si on doit comprendre que le bel exercice de
restructuration gouvernementale est sujet aux aléas de la course
à la chefferie du Parti libéral du Québec?
Le Président: M. le ministre du Tourisme.
M. Vallerand: M. le Président, c'est un début de
session, puis on doit constater que l'Opposition est à court de
questions, véritablement.
Des voix: Oui. Oui, oui.
M. Vallerand: Peut-être, M. le Président, que le
critique de l'Opposition en matière de tourisme aurait pu me poser des
questions sur l'erré d'aller de l'activité touristique au
Québec, cette année, par exemple. J'aurais pu lui répondre
que le Québec connaît une des performances les plus
exceptionnelles depuis plus de trois ans.
Une voix: Question de règlement, M. le
Président!
Le Président: Question de règlement, M. le
député de Masson.
M. Blais: Selon le règlement, M. le Président,
c'est l'Opposition qui choisit ses questions. Ce n'est pas aux
ministériels de nous dire quoi poser.
Le Président: S'il vous plaît! Alors, j'invite M. le
ministre du Tourisme à répondre à la question initiale du
député de Masson.
M. Vallerand: II est tellement à court de questions, M. le
Président, que j'essayais tout simplement de l'aider.
Des voix: Ha,ha, ha!
M. Vallerand: Je pense, monsieur... M. le Président, il a
été clairement dit, il a été clairement
écrit... On n'a qu'à s'en remettre au dernier discours sur le
budget. Je n'ai jamais lu, je n'ai jamais entendu qu'on faisait
disparaître le ministère du Tourisme. Le rapport Poulin n'a jamais
écrit, dans ses recommandations, qu'il suggérait au gouvernement
de faire disparaître le ministère du Tourisme. Seulement les gens
de l'Opposition, je ne sais pas pour quelle raison, qui se disent des ardents
défenseurs de l'industrie touristique... Mais aujourd'hui je constate
que, bien au contraire, ce qu'ils voudraient, c'est qu'on puisse proclamer la
disparition d'un outil de développement économique essentiel au
Québec, M. le Président.
Et je le rappelais brièvement en répondant à la
question du député de l'Opposition, une des meilleurs
performances touristiques des trois dernières années:
supérieure à la moyenne canadienne de plus de 5 %,
supérieure à la moyenne de l'Ontario de 8 %. À ce que je
sache, M. le Président, le dollar canadien a été le
même à travers toutes les provinces canadiennes. Le climat, la
température, également les mêmes. La différence a
été l'action énergique de l'industrie touristique et du
gouvernement du Québec en matière de promotion touristique au
Québec.
Des voix: Bravo! Oui!
Le Président: Alors, en question complémentaire, M.
le député de Masson.
M. Blais: Comment le ministre du Tourisme peut-il expliquer
? est-il à court de réponses? ? qu'il ait donné
son appui au président du Conseil du trésor parce que celui-ci
maintenait le ministère du Tourisme? C'est lui-même qui l'a dit
dans sa déclaration d'appui à M. Johnson.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président: M. le ministre.
M. Vallerand: M. le Président, je pense qu'en vertu du
règlement c'est véritablement une question d'opinion, mais il me
fait plaisir de répondre. Est-ce que le représentant de
l'Opposition, M. le député, pourrait croire cinq secondes que
quelqu'un qui aspire à la direction du Parti libéral prendrait
des engagements de cette nature-là?
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président: Mmes et MM. les députés! Mmes
et MM. les députés, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il
vous plaît! Je cède la parole à M. le ministre du
Tourisme.
M. Vallerand: J'allais ajouter: On sait le président du
Conseil du trésor beaucoup trop responsable pour solliciter des
engagements de cette nature-là. Ce qui a été convenu dans
les conversations qu'on a eues ensemble, c'est qu'il a reconnu, comme le
gouvernement l'a déjà reconnu, comme je le reconnais, que le
tourisme est un vecteur de développement économique
extrêmement important au Québec, un des principaux
créateurs d'emplois.
D'ailleurs, M. le Président, en terminant, si on recense
l'importance des chantiers de construction au Québec au cours de la
dernière année, deux chantiers les plus importants, le Mont
Tremblant ? je pense que c'est de l'industrie touristique ? et le
casino de Montréal, la création au casino de Montréal de
plus de 1250 emplois, je pense que ces explications parlent par
elles-mêmes, M. le Président.
Une voix: Bravo!
Le Président: Toujours en question complémentaire,
M. le député de Masson.
M. Blais: Oui. Pourquoi le ministre, depuis quelques mois,
demande-t-il à toutes les associations touristiques du Québec de
donner un appui écrit pour que le ministère du Tourisme reste
seul, ne disparaisse pas comme tel et ne soit pas fondu avec un autre
ministère, ce que le rapport Poulin pourrait recommander? Et quelle est
la promesse qu'il a eue pour appuyer le président du Conseil du
trésor dans la course?
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président: m. le ministre... un instant! un instant,
s'il vous plaît! s'il vous plaît! à l'ordre, s'il vous
plaît! s'il vous plaît! un instant, m. le ministre, là. vous
avez la parole.
M. Vallerand: Merci, M. le Président. Je pense que c'est
uniquement dans l'esprit du député de l'Opposition de croire que
j'ai sollicité de toutes les associations touristiques des engagements
écrits pour qu'elles fassent des pressions auprès du gouvernement
pour maintenir le ministère du Tourisme. Peut-être que le
député de l'Opposition ? il pourrait nous le dire ? a
pensé à cette stratégie-là, parce que je sais que
lui tient à l'existence du ministère du Tourisme, à tout
le moins que le tourisme demeure une activité importante à
l'intérieur des moyens que le gouvernement se donnera pour, justement,
souscrire à sa lancée d'objectif de création d'emplois au
Québec. Mais il n'y a pas eu d'initiative ? et je peux vous le
dire, M. le Président ? ni de la part du ministre ni au
ministère pour demander aux associations touristiques ou aux autres
représentants de faire des représentations de cette
nature-là. D'ailleurs, il n'a jamais été dit, et je le
répète, il est important de le dire, il n'a jamais
été écrit ? qu'on relise le dernier discours sur le
budget ? que le ministère du Tourisme était pour
disparaître.
Je pense que c'est dans l'esprit uniquement du député de
l'Opposition qu'on imagine le pire. Et je pense que s'il était le
moindrement sérieux, M. le Président, au lieu de poser ce genre
de questions, il conviendrait avec le gouvernement, il conviendrait avec le
ministère du Tourisme qu'il est important, dans l'avenir, que
l'activité économique dite touristique soit reconnue comme une
activité motrice susceptible d'ajouter à la création
d'emplois, susceptible d'ajouter à la croissance économique, et
dans toutes les régions du Québec, M. le Président.
Le Président: En question principale, M. le leader de
l'Opposition et député de Joliette. (15 h 20)
Remboursement par le gouvernement
fédéral
des sommes dues au Québec à la
suite du référendum de 1992
M. Chevrette: Oui, M. le Président. Depuis plusieurs mois,
j'ai posé des questions au ministre responsable de la réforme
parlementaire et de la réforme électorale, à savoir si le
Québec toucherait au moins les 26 000 000 $ qui lui étaient dus
suite au référendum. Le ministre m'avait alors souligné,
en guise de réponse, que les hautes instances se parlaient.
À deux reprises, j'ai questionné les hautes instances sans
jamais avoir de réponse. Dans six jours, M. le Président ?
tout est possible en politique ? on risque d'avoir un changement de hautes
instances.
Le ministre délégué à la Réforme
électorale a appuyé une de ces hautes instances. Est-ce que je
pourrais savoir, de l'instance responsable et non de la haute instance, mais du
ministre délégué à la Réforme
électorale si... de faire le point sur les 26 000 000 $? Est-ce qu'il ne
devrait pas prendre la chance d'aller chercher le chèque au plus vite
avant lundi prochain?
Le Président: M. le ministre délégué
à la Réforme électorale.
M. Côté (Charlesbourg): M. le Président, je
remercie le député de Joliette. Chose certaine, celui que
j'appuie au fédéral a pas mal plus de chances de respecter
cet engagement que celui que le député de Joliette appuie...
Parce qu'il ne sera jamais au pouvoir!
Le Président: Alors, en question
complémentaire.
M. Chevrette: M. le Président, la question, je vais lui
reposer. Il faut répéter au moins deux fois, mais ça ne
fait rien. Est-ce que le ministre a pris l'assurance auprès du
gouvernement de Mme Campbell que les 26 000 000 $ entreraient avant
l'élection du 25 octobre?
Le Président: Alors, M. le ministre.
M. Côté (Chaiiesbourg): M. le Président, j'ai
eu l'occasion d'en discuter avec les hautes instances provinciales, et je pense
que c'est davantage au premier ministre de répondre de l'état
d'avancement de ce dossier.
Le Président: Alors, M. le premier ministre.
M. Bourassa: M. le Président, je me serais attendu
à une question sur la situation économique, quand même. Pas
après quatre mois... On n'a pas siégé depuis quatre mois
et le chef de l'Opposition n'a aucune question sur la situation
économique, alors que son député prétend avoir
été élu là-dessus.
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
Alors, M. le leader de l'Opposition.
M. Chevrette: D'abord, l'article 79, M. le Président. Je
vais vous le lire lentement, M. le Président, pour permettre aux hautes
instances de comprendre qu'il est à l'Assemblée nationale et
qu'il y a une question spécifique.
L'article 79 dit que la réponse à une question doit
être brève, se limiter au point qu'elle touche ? les 26 000
000 $ du référendum ? et ne contenir ni expression d'opinion
ni argumentation ? on aurait pu marquer «ni frustration»; elle
doit être formulée de manière à ne susciter aucun
débat.
Est-ce que vous pourriez demander si la haute instance veut
s'exécuter, de répondre à la question précise?
Le Président: Alors, M. le premier ministre, à la
question du député de Joliette.
M. Bourassa: Ce n'est pas une frustration. Je pense que... Je
rappelle simplement l'Oppposition à la réalité qui
intéresse les Québécois, c'est-à^ire les
problèmes économiques. Alors, je dis... M. le
Président...
Le Président: Bon. S'il vous plaît! Oui. Alors, M.
le premier ministre, à la question, s'il vous plaît.
M. Bourassa: M. le Président, j'ai le droit de
m'étonner quand même ? puis je pense que ça
reflète la majorité de la population du Québec ? que
le chef de l'Opposition, à la reprise, n'ose pas poser une question sur
la situation économique, alors qu'il fait campagne tous les jours. Il
fait campagne tous les jours, la plupart du temps sans l'appui de M.
Bouchard.
Le Président: Alors, j'invite le premier ministre, s'il
vous plaît, maintenant, à répondre à la question
telle que formulée par le député de Joliette. Alors, s'il
vous plaît!
M. le premier ministre.
M. Bourassa: Vous admettrez, M. le Président, qu'on
parlait, dans la question du leader de l'Opposition, de la prochaine
élection. Alors, je ne vois pas en quoi je ne peux pas m'y
référer, mais je ne peux qu'endosser les propos du ministre
responsable.
Le Président: Alors, pour une autre question
complémentaire, M. le député de Joliette.
M. Chevrette: Est-ce à dire ?ma question s'adresse au
ministre délégué à la Réforme
électorale ? qu'à ce stade-ci, M. le Président,
après plus d'un an du référendum tenu au Québec, on
n'a pas encore la certitude écrite que les 26 000 000 $ seront
remboursés par le gouvernement conservateur qui a tenu ledit
référendum et qui en avait pris l'engagement verbal? Est-ce
à dire qu'à ce stade-ci il n'y a pas d'engagement écrit
encore et que les Québécois n'auront pas ces 26 000 000 $
auxquels ils ont tout à fait droit, puisqu'ils ont payé 25 % de
la facture du référendum du Canada anglais?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bourassa: II est tout à fait prématuré de
conclure comme le fait le leader de l'Opposition. Je dis, M. le
Président, que j'ai eu l'occasion d'en parler avec le premier ministre
actuel. J'ai eu l'occasion d'en parler également avec le chef du Parti
libéral. Je n'en ai pas parlé avec le chef du Bloc
québécois. Je n'ai pas entendu nulle part qu'il avait
soulevé la question dans sa campagne électorale. Je ne crois pas
que ça a été mis en relief de sa part, mais je puis dire
au leader parlementaire qu'après l'élection ? nous verrons
qui est au gouvernement ? nous allons poursuivre nos
représentations. Nous considérons que nos représentations
sont tout à fait légitimes, et j'invite les membres de
l'Opposition à continuer à faire leur travail dans ce
débat.
Le Président: Alors, c'est la fin de la période de
questions.
Alors, il n'y a pas de votes reportés.
Maintenant, aux motions sans préavis, M. le whip... Un instant,
oui. M. le leader du gouvernement.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président, de
consentement, est-ce que pourriez donner des avis pour les commissions?
Avis touchant les travaux des commissions
Le Président: II y a consentement. Donc, avant de
procéder aux motions sans préavis, nous allons procéder
immédiatement aux avis touchant les travaux des commissions tout en
requérant la collaboration des collègues.
Alors, avis touchant les travaux des commissions. M. le leader du
gouvernement. Excusez-moi, oui, j'ai un avis, moi-même. C'est ça,
il n'y en a pas au niveau du leader du gouvernement. Alors, je vous avise
qu'aujourd'hui le mardi 19 octobre 1993, après les affaires courantes,
jusqu'à 18 heures et de 20 heures à 22 heures, à la salle
Louis-Joseph-Papineau, la commission de la culture se réunira afin de
procéder à la vérification des engagements financiers du
ministère de la Culture contenus dans les listes des mois de janvier
1992 à août 1993.
Alors, ceci étant dit, nous revenons maintenant aux motions sans
préavis, et je reconnais M. le whip en chef du gouvernement.
Motions sans préavis
Modifier la composition de certaines commissions
parlementaires
M. Cusano: M. le Président, je fais motion pour que Mme
Louise Bégin, députée de Bellechasse, remplace M. Real
Gauvin, député de Montmagny-L'Islet, comme membre permanent de la
commission de l'aménagement et des équipements; que Mme France
Dionne, députée de Kamouraska-Témiscouata, remplace M.
Real Gauvin, député de Montmagny-L'Islet, comme membre permanent
de la commission des institutions; que M. Yvan Bordeleau, député
de l'Acadie, remplace M. Henri-François Gautrin, député de
Verdun, comme membre permanent de la commission des institutions; que M. Serge
Marcil, député de Salaberry-Soulanges, remplace M. Michel
Charbonneau, député de Saint-Jean, comme membre permanent de la
commission de l'économie et du travail; que M. Albert Khelfa,
député de Richelieu, remplace M. Jean Joly, député
de Fabre, comme membre permanent de la commission des affaires sociales; que M.
Russell Williams, député de Nelligan, remplace M. Benoît
Fradet, député de Vimont, comme membre permanent de la commission
de la culture; que M. Ghislain Maltais, député de Saguenay,
remplace M. Michel Tremblay, député de Rimouski, comme membre
permanent de la commission de la culture. Merci, M. le Président.
Le Président: Alors... Une voix: ...
Le Président: Alors... D'accord? Ça va? O.K. Alors,
c'est une confusion au niveau des noms. La motion telle que
présentée est exacte.
Mise aux voix
Donc, est-ce que la motion présentée par M. le whip en
chef du gouvernement est adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Président: Adopté. Très bien. Alors,
maintenant je reconnais Mme la ministre de la Culture.
Féliciter les gagnants et les gagnantes des
Félix du gala de l'ADISQ
Mme Frulla: M. le Président, je sollicite le consentement
de l'Assemblée nationale afin de proposer la motion sans préavis
suivante: «Que l'Assemblée nationale félicite
chaleureusement les gagnants et les gagnantes des Félix du 15e gala de
l'ADISQ 1993 et encourage tous les artistes et artisans du monde du spectacle
à continuer d'enrichir et de faire connaître la culture
québécoise.»
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Est-ce qu'il y a
consentement pour débattre cette motion?
Des voix: Consentement.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Consentement. Alors, Mme
la ministre de la Culture, la parole est à vous. (15 h 30)
Mme Liza Frulla
Mme Frulla: M. le Président, dimanche soir à
Québec, dans ce Capitole magnifiquement restauré, j'ai eu le
très grand plaisir d'assister au 15e gala de l'ADISQ, le gala de
l'Association du disque et de l'industrie du spectacle québécois.
Pour les artistes, pour les gens du milieu du spectacle, pour les
invités et pour le public qui y assiste par l'entremise de la
télévision, ces moments-là sont inoubliables. Ils sont
chargés d'une émotion extraordinairement palpable et
révélatrice aussi de tout ce que signifie l'obtention d'un
Félix. C'est pourquoi je voudrais, par cette motion, adresser mes
félicitations les plus vives à chacun des lauréats et des
lauréates, ainsi qu'à chacun des artistes mis en nomination.
Chaque année, à chaque gala, je trouve extrêmement
réconfortant de constater à quel point les artistes nous font
honneur par le succès non seulement chez nous, mais de plus en plus
à l'étranger. Ces succès sont le fruit de leur talent, de
leur travail acharné, de leur volonté de réussir, mais
c'est aussi le fruit des efforts de ceux qui croient en eux, qui les aident et
les entourent, les encouragent aussi, et je parle évidemment des
producteurs et de tous les intervenants de l'industrie.
Dans ce domaine comme dans beaucoup d'autres,
nous avons compris depuis plusieurs années, au Québec,
qu'il faut travailler ensemble, de façon organisée et
ordonnée, pour atteindre notre but. Ce qui me réjouit
particulièrement comme ministre de la Culture, c'est de voir les pas de
géant que nous avons accomplis depuis quelques années dans ce
domaine par la mise en commun de notre savoir-faire. l'implication du
gouvernement du québec a contribué grandement à l'essor de
ce secteur. que l'on pense à la politique culturelle appuyée par
l'ensemble des intervenants du milieu et aux nombreuses actions qui en
découlent. à titre d'exemple, le plan de relance du spectacle que
nous avons mis sur pied l'an dernier avec la coalition des arts de la
scène et l'union des municipalités. grâce à cette
concertation, nous avons pu mettre en place différentes mesures qui ont
déjà donné des résultats concrets. en effet, sur la
base d'un échantillonnage de 30 salles d'importance et par rapport
à la même période l'an dernier, on observe une augmentation
de 12 % de l'assistance. de plus, nous avons soutenu près de 200
projets, dont plusieurs spectacles qui sont actuellement en tournée
à travers le québec. ceci, évidemment, a pour effet de
rendre la culture accessible à un plus grand nombre de
québécois.
Ce grand succès de la première année du plan de
relance prouve sans contredit que la concertation est la clé du
succès. Aujourd'hui, les industries culturelles et, entre autres,
l'industrie du disque et du spectacle constituent un secteur important de notre
économie reconnu officiellement par le gouvernement du Québec
dans le cadre des grappes industrielles.
Mais le coeur et la raison d'être de cette vaste et complexe
industrie, ce sont nos créateurs et artistes, à qui nous devons
la plus grande reconnaissance. Ils nourrissent notre fierté d'être
Québécois. Ils sont parmi nos meilleurs ambassadeurs pour
témoigner aux quatre coins du monde à la fois de notre
identité en Amérique et de la vigueur des talents de chez
nous.
M. le Président, je voudrais profiter de l'occasion qui m'est
donnée pour féliciter tous nos créateurs et artistes au
nom des Québécois et Québécoises, en particulier
les lauréats et les lauréates des Félix 1993, et aussi
pour leur assurer que nous continuerons à les soutenir et à les
applaudir. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, Mme la ministre.
Oui, M. le député de Gouin.
M. André Boisclair
M. Boisclair: Est-ce qu'en vertu... J'ai mal compris un extrait
du discours de la ministre. Est-ce qu'en vertu de nos règlements je
pourrais lui adresser une question?
Le Vice-Président (M. Lefebvre): S'il y a consentement.
Vous voulez répondre à la question, Mme la ministre? Est-ce qu'il
y a consentement pour répondre à une question de M. le
député de Gouin?
Consentement. Allez-y. Courte question.
M. Boisclair: Je voudrais tout simplement, M. le
Président, demander à la ministre s'il est exact qu'en cette
période d'austérité le gouvernement du Québec a
engagé de l'argent des contribuables pour assurer la présence de
certains membres du personnel de la Délégation
générale du Québec à Paris au Gala de l'ADISQ. Et,
si oui, ne trouve-t-elle pas que l'accueil de nos artistes doit se faire
à Paris plutôt qu'au Québec, et
particulièrement...
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Une question.
M. Boisclair: ...à l'occasion d'un gala de l'ADISQ?
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Mme la ministre, si vous
voulez répondre à la question
Mme Frulla: Je vais prendre avis de la question, M. le
Président, parce que, honnêtement, je n'ai pas ici de
réponse.
Deuxièmement, j'aimerais savoir en quoi la question est
pertinente à la motion sans préavis pour féliciter nos
artistes qui ont reçu les Félix du Gala de l'ADISQ 1993.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, c'est la
réponse. Ça va? Non, vous ne pouvez pas poser de question
additionnelle. Vous voulez intervenir sur la motion? Allez-y, M. le
député de Gouin.
M. Boisclair: Je comprends que la ministre prend avis de la
question.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Oui. Allez-y.
M. Boisclair: Alors, M. le Président, au nom de
l'Opposition officielle, il me fait, à mon tour, plaisir de m'associer
à la motion de la ministre de la Culture.
M. le Président, il est important, comme l'a fait la ministre, de
féliciter les gagnants et gagnantes des Félix du 15e gala de
l'ADISQ 1993 et de continuer à encourager de façon significative
tous les artistes et artisans du monde du spectacle à continuer
d'enrichir et de faire connaître la culture québécoise.
Cette année, M. le Président, le comité de
structure de l'ADISQ a procédé au recensement de l'analyse de 117
disques, de 34 spectacles, de 93 vidéoclips, et de 11 émissions
de télévision pour les mises en nomination, procédant
ainsi à la remise de plus de 50 Félix. J'aimerais donc, M. le
Président, féliciter l'ensemble des participants à ce 15e
gala et notamment les gagnants. Je m'en voudrais de ne pas féliciter
Marie-Carmen, qui a été récompensée pour son album
«Miel et venin», vendu à ce jour à 240 000
exemplaires, et qui a reçu deux
autres Félix, un pour le spectacle de l'année et l'autre
à titre de meilleure interprète féminine de
l'année. Je félicite également l'interprète
masculin de l'année, Richard Séguin; Roch Voisine, aussi, pour sa
chanson «La légende Oochigeas»; Franchie Raymond, pour le
titre d'auteure-compositrice de l'année; et Les Colocs pour le titre de
découverte de l'année. Je tiens aussi à féliciter
les interprètes de la comédie musicale «La légende
de Jimmy», de Luc Plamondon, et Stéphane Rousseau et
François Pérusse dans le domaine de l'humour.
Je profite aussi de cette occasion qui nous est fournie par cette
motion, M. le Président, pour rappeler l'importance que le gala de
l'ADISQ revêt pour cette industrie du disque et du spectacle comme
véritable fenêtre de promotion de la chanson populaire
québécoise. Ce gala, M. le Président, nous a
démontré que la persévérance et la qualité
sont à la base du rayonnement des artistes francophones
québécois à l'échelle nationale et
internationale.
Malheureusement, M. le Président, l'industrie du disque est
victime de l'évolution des habitudes de consommation dans le domaine des
loisirs. Momentanément stimulé par le compact-disque, qui conduit
les acheteurs à reconstituer leur bibliothèque musicale,
l'industrie musicale est dans une phase de transition. L'avènement de la
radio numérique câblodistribuée risque, effectivement, de
changer les règles du jeu. La multiplication des supports musicaux,
disques compacts, cassettes numériques, etc., et des moyens
d'acheminement des enregistrements ? radiodiffusion numérique par
câble, distribution par ligne téléphonique et autres
méthodes ? ne feront que favoriser la tendance à la
diversification.
Vous comprenez, M. le Président, que la récente
décision du CRTC qui ouvre la porte à la radio payante
américaine avec un maigre 5 % de musique francophone risque de
séparer l'industrie québécoise de la radio en deux
classes: d'un côté les radios conventionnelles,
réglementées, avec un contenu à 65 % francophone, et de
l'autre, les nouveaux services de radio câblée, ne contenant
aucune obligation envers la promotion de la musique et de la culture
québécoises. Ajoutez à cela, M. le Président, la
récession et les nombreuses taxes que les contribuables doivent payer.
Il est heureux, M. le Président, cependant de constater et de se
réjouir de combien nombre d'artistes vivent de cette situation, mais
aussi souligner que d'autres et de nombreux autres éprouvent des
difficultés à vivre de leur art.
En terminant, M. le Président, j'aimerais à nouveau offrir
mes plus sincères félicitations à tous les participants et
participantes de ce 15e gala, et, par conséquent, des voeux particuliers
à toutes celles et ceux qui se sont illustrés de façon
évidente à l'occasion de ce prix et à l'occasion de cet
événement.
M. le Président, je pense qu'il est toujours opportun de
souligner dans cette Chambre que nous ne serions pas ce que nous sommes si ce
n'était de ces nombreux artistes et de ces créateurs qui,
à chaque jour, témoi- gnent de la valeur et de la richesse de
notre vie culturelle et sans qui ni la ministre ni moi ne serions ici pour nous
réjouir de leur performance et nous réjouir de la façon
avec laquelle ils témoignent et diffusent leur art. Alors, pour ces
raisons, M. le Président, il me fait plaisir, au nom de l'Opposition
officielle et au nom de tous mes collègues de notre formation politique,
d'appuyer cette motion.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, merci, M. le
député de Gouin. M. le député de Taschereau, sur
cette même motion, allez-y.
M. Jean Leclerc
M. Leclerc: Merci, M. le Président. En tant que
député ministériel et membre de la commission de la
culture, je m'associe à cette motion présentée par ma
collègue, ministre de la Culture. M. le Président, il est vrai
que dimanche dernier c'était une grande fête. D'abord, parce que
la présentation de ce 15e gala de l'ADISQ s'est déroulée
ici même, à Québec, dans mon comté, sur la
scène du Capitole, joyau des lieux de diffusion de la capitale.
C'était une grande fête également parce qu'il s'agit d'un
événement unique, au cours duquel tous les membres de l'industrie
du disque et du spectacle nous font partager leur talent, leurs
réalisations et leur enthousiasme. (15 h 40)
II s'agit également d'une occasion unique pour constater à
quel point le Québec regorge d'artistes de grande qualité et nous
démontre de plus en plus la maturité remarquable de cette
industrie et des créateurs et des artisans qui la composent.
Une fois de plus, les résultats de ce 15e Gala viennent confirmer
que nous pouvons compter sur une industrie culturelle dynamique qui non
seulement est un levier essentiel à notre rayonnement mais joue
également un rôle majeur au niveau de notre économie. En
effet, le milieu des arts et de la culture, en plus d'enrichir et de promouvoir
la culture québécoise partout à l'étranger, est un
maillon en pleine expansion et contribue à l'essor économique du
Québec.
Comme le mentionnait ma collègue, grâce aux efforts
soutenus du gouvernement du Québec et des mesures concrètes qui
l'accompagnent, les artistes d'ici peuvent compter sur notre appui qui leur
permet de poursuivre leur création artistique et culturelle. L'ensemble
des mesures gouvernementales en faveur de l'émergence des arts et de la
culture démontre notre engagement à participer à
l'évolution et à l'essor d'un secteur qui contribue à
l'affirmation de notre identité culturelle.
En terminant, M. le Président, je profite de l'occasion qui m'est
donnée pour réitérer toute l'importance que le gala de
l'ADISQ a pour l'industrie du disque et du spectacle au Québec comme
moyen essentiel à la promotion de notre chanson. C'est pourquoi, M. le
Président, je m'associe aux autres membres de cette
Assemblée pour féliciter tous les lauréats et aussi
tous ceux et toutes celles qui ont été mis en nomination lors du
15e gala de l'ADISQ ainsi que les organisateurs qui ont fait que cet
événement a remporté autant de succès. M. le
Président, je vous remercie.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le
député de Taschereau. Mme la députée de
Jonquière... de Chicoutimi, je m'excuse. Sur cette même motion,
allez-y.
Mme Jeanne L. Blackburn
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. À titre de
membre de la commission de la culture, je veux joindre ma parole à
celles de la ministre et du porte-parole de l'Opposition officielle en
matière de culture pour féliciter tous les participants et les
participantes, les personnes qui ont été mises en nomination de
même que les récipiendaires des Félix à l'occasion
du 15e gala de l'ADISQ.
Si je souhaite aujourd'hui prendre la parole, c'est pour souligner la
contribution particulièrement remarquable, dans les différents
galas de l'ADISQ, des gens issus et originaires des régions du
Québec. Que ça soit de FAbitibi, du Saguenay?Lac-Saint-Jean,
de Québec ou encore de la région de la Gaspésie, vous
retrouvez dans la colonie artistique, qui est particulièrement active et
présente dans la grande région montréalaise, un nombre
imposant de personnes qui sont issues des régions. Je pense, chez nous,
entre autres, au tout dernier, Mario Pelchat. C'est quelqu'un qui a
commencé à faire ses premiers pas dans la région, qui a
commencé à conquérir le public régional pour
ensuite progressivement atteindre les paliers les plus intéressants dans
son domaine. La même chose, d'ailleurs, pour André Fortin, qui est
membre du groupe Les Colocs et qui était également
récipiendaire d'un Félix à l'occasion du 15e gala de
l'ADISQ.
Si je tiens à souligner de façon particulière la
participation des gens de nos régions au développement des arts,
des lettres et de la culture de façon générale au
Québec, c'est en même temps pour regretter et déplorer que
dans la composition du Conseil des arts et des lettres la ministre n'ait pas
trouvé moyen de nommer un seul membre à cette commission qui soit
issu, qui soit originaire ou qui représente les régions du
Québec. Sur 13 membres, vous en avez 10 de la grande région
montréalaise. Ça se comprend. C'est important. Vous en avez deux
de Québec et une de l'Estrie. Des régions
périphériques, des régions éloignées
d'où émane une partie importante des artistes qui font leur place
aujourd'hui au Québec, nous n'avons aucune représentation au
Conseil des arts et des lettres.
Vous allez me dire que ça n'a pas empêché les gens
de chez nous, les gens des régions comme l'Abitibi ou le
Saguenay?Lac-Saint-Jean de faire leur marque au Québec, et le 15e
gala le démontre, mais je pense qu'il serait important qu'on se
rappelle, à l'occasion de la constitution des organismes chargés
de soutenir le développement des arts et des lettres au Québec,
qu'il y a aussi des gens en région qui ont le goût d'apporter leur
contribution et qu'à cet égard ils méritent une
reconnaissance.
Je voudrais, en dépit de mes commentaires, à nouveau
féliciter tous les récipiendaires et toutes les participantes et
les participants du 15e gala de l'ADISQ, féliciter également les
organisateurs parce que, quel que soit le milieu, ces gens probablement plus
que tout autre... Parce qu'on sait que les revenus sont relativement bas dans
ce milieu, dans tout le domaine des arts et des lettres, je voudrais les
féliciter et vous dire que ces activités viennent soutenir et
encourager les meilleurs de nos artistes, et c'est avec plaisir que je me joins
à la motion présentée par la ministre de la Culture pour
féliciter ces gens et leur souhaiter une longue et fructueuse
carrière. Merci.
Mise aux voix
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, Mme la
députée de Chicoutimi. Est-ce que la motion de Mme la ministre de
la Culture, qui se lit comme suit: «Félicitations aux
lauréats du gala de l'ADISQ», est adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Adopté. Toujours
à l'étape des motions sans préavis, M. le ministre du
Travail.
Souligner la Semaine de la santé et de la
sécurité du travail
M. Cherry: Merci, M. le Président. Conformément
à l'article 84 du règlement de notre Assemblée, je
sollicite le consentement unanime pour présenter la motion suivante:
«Que cette Assemblée souligne la huitième Semaine de la
santé et de la sécurité du travail se déroulant du
18 au 24 octobre 1993.»
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Y a-t-il consentement
à débattre de cette motion? Consentement. Allez-y, M. le
ministre.
M. Normand Cherry
M. Cherry: Merci, M. le Président. Le thème de la
Semaine, c'est «Prévenir, c'est agir là où ça
compte». Organisé par la Commission de la santé et de la
sécurité du travail, cet événement, M. le
Président, met particulièrement l'accent cette année sur
les chutes en milieu de travail et, bien sûr, le maintien du lien en
emploi.
En fait, M. le Président, les objectifs poursuivis tout au long
de cette Semaine consistent, premièrement, à éliminer
à la source les dangers pour la santé et la
sécurité des travailleurs et des travailleuses et, à
ce
chapitre, on n'a qu'à penser aux chutes en milieu de travail qui
sont bien souvent responsables de lésions au dos, et,
deuxièmement, à miser sur le maintien du lien d'emploi afin de
prévenir les conséquences souvent désastreuses des
lésions professionnelles, tant sur le plan humain que financier.
À cet effet, on sait que la mise en oeuvre de solutions
provisoires ou permanentes de maintien en emploi favorise un prompt et durable
retour au travail des travailleuses et des travailleurs accidentés.
Offrant, M. le Président, toute une gamme d'activités, cette
Semaine donne l'occasion aux dirigeants d'entreprises, aux représentants
syndicaux de même qu'aux travailleuses et travailleurs de poser des
gestes concrets en vue d'éliminer les dangers de chutes et
d'échanger sur les moyens à prendre pour favoriser le maintien du
lien en emploi.
Je profite d'ailleurs, M. le Président, de l'occasion pour
formuler le souhait que tous ces intervenants poursuivent leurs discussions, et
ce, tous les jours de l'année afin de faire de la santé et de la
sécurité au travail une priorité quotidienne.
Par ailleurs, je tiens à vous affirmer que la Commission de la
santé et de la sécurité du travail ne cesse, de son
côté, M. le Président, de multiplier les efforts et les
gestes concrets afin de s'assurer qu'elle dispose de toutes les informations
permettant aux travailleuses et aux travailleurs accidentés de retourner
le plus rapidement possible dans leur milieu de travail.
De plus, la Commission ne ménage pas ses énergies,
soucieuse de relever le défi de la prévention et de la
réadaptation, et ce, tout en s'engageant sûrement sur la voie d'un
redressement durable de la situation financière nécessaire
à l'existence de ce contrat social unique à la
société québécoise.
En terminant, M. le Président, je veux remercier tous ceux et
celles qui, quotidiennement, contribuent à la réalisation de ces
objectifs, et vous avez compris que dans mes pensées, cela s'adresse de
façon particulière à tous ces hommes et ces femmes qui
travaillent pour la Commission. C'est d'ailleurs pourquoi je demande
aujourd'hui l'accord unanime de cette Assemblée pour adopter cette
motion. Je vous en remercie, M. le Président. (15 h 50)
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le ministre du
Travail. Alors, sur cette motion du ministre du Travail, je cède la
parole à M. le député de Jonquière, critique de
l'Opposition officielle en cette matière.
M. Francis Dufour
M. Dufour: Merci, M. le Président. Il est heureux qu'une
motion semblable soit présentée à l'ouverture de la
session. Depuis les dernières années, on a entendu,
malheureusement, seulement des questions ou des questionnements négatifs
concernant la Commission de la santé et de la sécurité du
travail. Ça a toujours été, de la part de celui qui vous
parle, un étonnement, puisque ce sont les instigateurs ou ceux qui
paient qui ont toujours posé les mêmes questions, à savoir
que le travail de la CSST se limitait pratiquement à créer ou
à faire des déficits. Ainsi, je déplore ce questionnement
qui a été fait sur la place publique, pas parce qu'on se
réjouit qu'il y ait des déficits à la CSST, mais Dieu sait
que c'est un organisme qui est nécessaire, obligatoire, qui serait
difficilement remplaçable, et qui a un rôle extraordinairement
social à jouer dans notre société. Ce
rôle-là, elle le joue bien.
Seulement, il y a une chose qui m'étonne, moi aussi, à
travers tout ce cheminement-là, c'est qu'on a attaqué de toutes
parts la Commission de la santé et de la sécurité du
travail, et je n'ai jamais entendu, publiquement, le ministre défendre
cette société ou cette corporation gouvernementale ou
paragouvernementale. Ça, ça amène du questionnement et
ça amène aussi de l'inquiétude. Je comprends encore
difficilement, devant les pressions sans nombre qui nous proviennent des
milieux syndiqués, sur la façon d'administrer la CSST, d'abord,
par des centaines de lettres qui nous parviennent, par une pétition qui
a été déposée ici, à l'Assemblée
nationale ? plus de 50 000 noms ? qui demande certaines orientations,
certains questionnements ou qui nous posent des interrogations concernant le
vécu de la CSST. On a toujours répondu non à ces
demandes-là.
Récemment, la commission parlementaire de l'économie et du
travail a demandé de pouvoir questionner le président de la CSST
en vertu de son mandat d'initiative, qui nous oblige ou qui nous indique qu'on
-doit, chaque année, questionner un organisme qui dépend de la
commission. Cet organisme, qui voulait poser des questions au président
de la CSST, la commission parlementaire, composée majoritairement du
gouvernement libéral, a refusé; ça, c'est difficile
à comprendre. On peut bien accuser tout le monde que ça ne
fonctionne pas correct, mais on devrait au moins donner la chance à ceux
qui sont dans le milieu de venir s'expliquer en commission parlementaire.
Je ne sais pas si le ministre du Travail a eu quelque chose à
faire sur l'orientation de la commission. Ça arrive souvent, lorsque
l'on a des commissions parlementaires, que les ministres sont consultés
par ceux qui les représentent à ces commissions parlementaires.
Moi, je trouve qu'on n'augmentera pas la qualité des parlementaires et
qu'on ne donnera pas plus de travail aux parlementaires si on refuse une
question aussi simple, qui est de regarder comment la Commission de la
santé et de la sécurité du travail se comporte, ce qu'elle
a fait dans l'année et quelles sont ses orientations futures.
Je pense qu'à travers ça, c'est une démarche
très saine, démocratique, qui aurait dû être faite et
qui aurait pu se continuer par une commission parlementaire où on
interroge d'autres intervenants. Ce n'est pas vrai que l'on doit laisser
détruire la Commission de la santé et de la
sécurité du travail qui pose des actes très positifs dans
le milieu. Je vais vous dire que les déficits sont causés,
malheureusement et assez souvent, par ceux qui paient.
Donc, c'est les patrons, mais les patrons prennent ça aussi
à même la poche des employés. Il ne faut pas se faire
d'illusions, ce n'est pas leur propre argent. Ces montants-là, assez
souvent, les déficits de la CSST, sont causés par des employeurs
qui refusent de reprendre à leur service des gens qui ont subi des
accidents du travail. Parce que, au-delà des déficits, il y a des
hommes et des femmes qui, elles et eux, reçoivent des prestations qui
compensent un revenu de travail. Ce n'est pas quémander aujourd'hui que
d'avoir droit à une certaine sécurité lorsqu'on a
travaillé correctement. Et c'est des accidents, malheureusement, qui,
souvent, peuvent être le fait de négligence, mais aussi, des fois,
des questions accidentelles causent des torts énormes à la
société et à ceux qui subissent ces accidents, qui souvent
sont compensés après un dédale de cheminements juridiques,
judiciaires. En tout cas, on peut en mettre. C'est compliqué, c'est
complexe, et il y a des cas qui ne sont jamais réglés.
M. le Président, c'est clair dans mon esprit qu'on doit se
réjouir que le gouvernement souligne l'apport de la Commission de la
santé et de la sécurité du travail concernant la
sécurité, et c'est un rôle important. Et au-delà des
déficits ? en conclusion ? il y a surtout celles et ceux
à qui ça s'adresse, c'est-à-dire des travailleurs et des
travailleuses qui, eux, subissent ces préjudices et qui sont
compensés d'autres façons. Mais Dieu sait si on se
réjouirait si on pouvait obtenir, dans l'avenir, un taux d'accident
zéro. C'est sûr qu'on doit tendre vers ça. Ça peut
être idéaliste de le dire, mais le jour où on aura compris
que les accidents causent des torts énormes à notre
société surtout, et puis, en même temps, causent des torts
extrêmement préjudiciables à nos familles et aux
travailleurs et travailleuses, on aura fait un grand pas pour améliorer
les conditions de travail de toutes les personnes, les 2 300 000, au moins, de
travailleurs qui sont à l'action, sur le terrain.
Donc, on va, bien sûr, se joindre au ministre du Travail pour
souligner cette Semaine de la sécurité, en souhaitant que la
sécurité ne soit pas le fait d'une semaine mais des 52 semaines
dans l'année. Merci beaucoup, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le
député de Jonquière, de votre intervention. Je rappelle
aux membres de cette Assemblée que nous en sommes à la motion de
M. le ministre du Travail. Je reconnais M. le député de
Pointe-aux-Trembles. M. le député, la parole est à
vous.
M. Michel Bourdon
M. Bourdon: M. le Président, comme le député
de Jonquière le soulignait, l'accident qui coûte zéro,
c'est l'accident qui ne survient pas, et je pense que le ministre va être
d'accord avec nous, quelles que soient les divergences qu'on puisse avoir sur
d'autres sujets.
Par ailleurs, M. le Président, comme député, moi,
dans mon bureau de comté, je ne sais pas si je suis le seul, mais je
rencontre fréquemment des gens qui ont des gros problèmes
à faire reconnaître leurs accidents ou leurs maladies
professionnelles. Et je vais, aujourd'hui, à l'occasion de la
huitième...
Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le
député, je m'excuse de vous interrompre. À ma droite, s'il
vous plaît! Je pense qu'il y a des choses qu'on n'a pas besoin de dire en
cette Assemblée.
M. le député, si vous voulez poursuivre.
M. Bourdon: À l'occasion de la huitième Semaine de
la santé et de la sécurité du travail, on peut
espérer que, au-delà du déficit qui est réel ?
il y a là un problème grave ? les personnes vont finir par
être capables d'avoir un recours rapide et efficace quand elles ont
maille à partir avec la CSST. Trois cas que je voudrais donner à
M. le ministre. Il y en a deux des trois qui ont été
envoyés à son cabinet, et je dois souligner, à cet
égard, M. le Président, qu'il y a sept ou huit mois, le cabinet
du ministre a aidé à régler un cas que j'avais
envoyé, et j'ai accueilli la nouvelle avec une grande émotion,
parce que c'était la première fois, à ma connaissance
personnelle, qu'un cas de CSST se réglait, parce que, règle
générale, ça traîne des années de temps. Et
je veux rappeler au ministre qu'il rappelle à la personne à qui
j'ai promis une médaille, là, chez lui, que ce n'est pas une
promesse en l'air. Je vais éventuellement lui donner une médaille
de l'Assemblée nationale. Je vais donner mes trois cas, M. le
Président, dans l'espoir que le ministre va les répercuter et
qu'un jour la loi va être adoptée. (16 heures)
Un travailleur de Montréal-Est, il y a trois ans, a subi un
accident de travail, et il est, comme on dit entre nous autres, compensé
par la CSST. Il retourne au travail, et là, l'employeur le met dehors.
Il le met dehors parce qu'il n'a pas aimé ça qu'il aille
réclamer à la CSST. Alors, le travailleur exerce son recours, et
je suis heureux de dire au ministre que, cette fois-là, la CSST a fait
son travail. Elle n'y peut rien, c'est la loi qui fait que cette
personne-là vit un problème depuis trois ans. Alors, la personne
en question conteste la décision de l'employeur de le congédier
pour avoir réclamé à la CSST, et la personne gagne. Et
elle reçoit un avis de la CSST lui disant de retourner au travail le 8
du mois. Mais le travailleur le reçoit le 17. Puis, en même temps,
il reçoit un nouveau congédiement de l'employeur parce qu'il ne
s'est pas présenté au travail. Alors, il vient à mon
bureau de comté puis, là, bien, la CSST dit: Oui, il y a eu une
erreur. Il ne pouvait pas se présenter au travail neuf jours avant
d'avoir reçu l'avis à l'effet qu'il avait gagné. Depuis ce
temps-là, il est devant les diverses instances, ce
travailleur-là. Et le bureau Lavery, de Billy, pour ne pas le nommer,
grand cabinet d'avocats, multiplie les procédures dilatoires pour
l'empêcher de retourner travailler. Une des procédures, M. le
Président, ça a été de produire devant une instance
une lettre que j'avais commise à la Commission
d'appel en matière de lésions professionnelles pour
demander que le cas soit accéléré et qu'il soit entendu le
plus tôt possible. Et le procureur de l'entreprise disait: C'est de
l'ingérence du politique dans la mécanique quasi judiciaire de la
CSST. M. le Président, le cas n'est toujours pas réglé
parce que le cabinet Lavery, de Billy multiplie toutes les affaires possibles
et imaginables pour retarder, avec toutes sortes de manoeuvres dilatoires.
Je pense que ça fait deux fois qu'il va en Cour
supérieure, toujours rejeté mais il a toujours continué.
Les frais juridiques doivent s'élever à plus de 100 000 $
actuellement, puis le travailleur, bien, ça fait presque trois ans qu'il
ne travaille pas. Il a trouvé un autre emploi dans une entreprise qui a
fermé. Bref, ça n'a pas de bon sens, les délais indus pour
avoir satisfaction avec la CSST, même quand la CSST commet juste l'erreur
de lui faire parvenir, neuf jours après la date, la date où il
doit retourner travailler. M. le Président, je me permets de dire que ce
citoyen-là est assez mal.
Un autre cas. Un hôpital de Montréal, que je ne nommerai
pas, Maisonneuve-Rosemont, un hôpital qui a 3000 employés. Une
employée, il y a à peu près deux ans, travaille à
la cuisine. Le broyeur qu'elle utilise n'est pas muni d'un dispositif pour
empêcher de se mettre la main dedans, et elle se fait broyer la main et
le bras. Là, son enfer a commencé parce que, dès le
départ, l'hôpital a contesté toutes ses
réclamations. La CSST l'a payée un bout de temps, mais elle
était en situation précaire. Elle était sur la liste de
rappel des occasionnels. Et le syndicat CSN de l'hôpital a
rencontré l'hôpital pour lui trouver un autre emploi qu'elle
pourrait faire avec une main et un bras en moins, mais l'hôpital ne veut
pas. L'hôpital est rendu qu'il a contesté 400 cas à la
CSST. Et par quel cabinet d'avocats? Par le cabinet Lavery, de Billy, M. le
Président, qui est plus rouge que les feuilles à l'automne. Plus
rouge que ça, la feuille tombe! Et 400 cas, M. le Président!
Mettons une hypothèse optimiste. Mettons que l'hôpital
Maisonneuve-Rosemont va s'en tirer pour 10 000 $ d'honoraires par cas.
Ça veut dire 4 000 000 $ d'honoraires. C'est quoi, ça?
L'hôpital conteste tous les cas, dans tous les cas, sans exception.
Le ministre va me répondre: La loi leur donne le droit de le
faire. Mais je suggère au ministre du Travail de dire au ministre de la
Santé et des Services sociaux qu'il y a un peu abus de procédures
dans les hôpitaux. C'est parfaitement légal et légitime
pour un cabinet d'avocats d'être libéral ? ça, c'est
la Charte des droits; même Boutros Boutros-Ghali le confirmerait ?
mais pas pour faire de la procédure sur le dos du monde. Vous savez ce
qui est arrivé à cette travailleuse-là récemment?
Je l'ai souligné au cabinet du ministre qui m'a promis de s'en occuper,
puis je pense qu'ils vont s'en occuper. Mais ce n'est pas parce que le cabinet
du ministre s'en occupe que ça se règle. Mais, en tout cas, il y
a un effort qui est fait. La CSST a coupé la travailleuse parce qu'elle
lui a trouvé un travail qu'elle pourrait faire?pas à
l'hôpital, là ? avec une main puis un bras de moins. Alors,
il y a un génie qui a décidé qu'elle serait capable
d'être dame de compagnie à un salaire annuel de 12 900 $. Alors,
moi, M. le Président, j'ai demandé au cabinet du ministre, entre
autres: Est-ce que quelqu'un connaît quelqu'un qui travaille comme dame
de compagnie à 12 900 $ par année? Je n'ai pas eu la
réponse encore à ma question. Mais cette personne-là a
été coupée, parce qu'on a dit: Vous pourriez travailler
comme dame de compagnie.
Alors, je lance un appel aux ministériels, entre autres, qui
fréquentent des milieux où les gens ont de l'argent plus que nous
autres: Trouvez-lui donc un emploi de dame de compagnie.
Mais devenons sérieux. L'hôpital Maisonneuve-Rosemont a
3000 emplois. Ils ne peuvent pas en trouver un que cette personne-là
pourrait faire avec une main puis un bras en moins. Puis l'hôpital, en
faisant ça, reconnaîtrait que c'est de sa faute si elle a perdu
une main puis un bras. Parce que l'appareil en question, M. le ministre, M. le
Président ? je le dis à l'intention du ministre ? ils
l'ont changé pour un autre afin que l'employé ne se poigne pas la
main et le bras dedans.
Alors, je donne ça dans l'espoir... C'est un peu comme une
bouteille qu'on lance à la mer, les cas de CSST. On envoie ça en
espérant qu'à un moment donné quelqu'un trouve une
solution à son problème.
Et, dernier cas, un travailleur qui a eu un accident avec rechute; son
employeur l'a repris. Il a eu une autre rechute; il a été
réaffecté. Je le trouvais agressif dans mon bureau. J'ai dit: M.
Untel, pourquoi êtes-vous si agressif? Bien, il dit: C'est parce que mon
litige avec la CSST a commencé en 1973, il y a 20 ans, puis ce n'est pas
réglé encore. Alors, je me permets de le dire, M. le
Président, les parlementaires de tous les partis, on est un peu ici pour
parler des problèmes vécus par nos gens.
Trois cas. Un à Montréal-Est: ça fait trois ans
qu'un avocat multiplie les procédures dilatoires pour laisser dehors un
travailleur qui a été congédié pour la seule raison
qu'il avait fait une réclamation à la CSST. Deuxième cas:
un travailleur qui a commencé à demander à la CSST qu'on
règle son cas avec son employeur, qui est un petit employeur, la ville
de Montréal. Ça fait 20 ans que le litige persiste. Après
20 ans, M. le Président, le travailleur trouve les délais un peu
indus.
Il était agressif dans mon bureau. Je lui ai expliqué que
ce n'était pas de ma faute. Mais je comprends son agressivité.
Vingt ans plus tard, on se met à réfléchir à la
phrase de Woody Allen dans un film: L'éternité, c'est long,
surtout vers la fin.
Et, à cet égard, M. le Président, le scandale des
scandales, c'est un hôpital qui, à même des fonds publics,
conteste à tort et à travers tous les cas de CSST, ce qui permet
d'enrichir un cabinet d'avocats connus pour la couleur de leurs
allégeances, règle générale. Je ne dis pas qu'il
n'y a pas de péquistes dans le cabinet, M. le Président. Il doit
bien y en avoir un peu là, puisqu'il y en a dans la population. Mais, en
général, c'est un cabinet d'une rougeur à
côté de laquelle... Il y en a
toujours un de service, M. le Président, pour pouvoir dire qu'il
n'y a pas d'intolérance. Mais, dans le cas de l'hôpital,
là, 400 fois 10 000$, 4 000 000$... Vous allez dire: C'est rien, 4 000
000 $. C'est 4 000 000 $ pour ne pas régler les problèmes humains
vécus.
Concernant la personne en question, je le dis au ministre en Chambre,
ça n'existe pas, des dames de compagnie à Montréal. Elle,
elle était préposée aux cuisines. Puis il n'y a pas de
raison de la couper puis de décider qu'elle pourrait être dame de
compagnie pour 12 900 $ par année. Et je termine là-dessus.
Puis-je espérer que le ministre va continuer de travailler pour que
cette personne ait peut-être un emploi sur les 3000 qu'il y a dans
l'hôpital? Mieux vaut mettre des efforts et de l'argent pour
régler le cas de cette personne que de le mettre pour qu'un cabinet
d'avocats se fasse de l'argent.
En terminant, le ministre connaît la technique, le cabinet
d'avocats a tendance à régler une grande partie des cas la veille
de l'audition, la veille de l'audience à la Commission d'appel en
matière de lésions professionnelles, ce qui permet à un
avocat ou deux ou trois de vivre assez grassement des problèmes de la
CSST. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le
député de Pointe-aux-Trembles. Sur cette même question, un
droit de réplique.
Mise aux voix
Est-ce que la motion présentée par M. le ministre du
Travail, qui se lit comme suit: «Que cette Assemblée souligne la
huitième Semaine de la santé et de la sécurité du
travail se déroulant du 18 au 24 octobre», est adoptée?
Des voix: Adopté. (16 h 10)
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté. Nous en
sommes aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée. Oui, M. le
leader de l'Opposition officielle.
Report d'une interpellation au premier ministre sur la
situation des jeunes
M. Chevrette: Oui, M. le Président, c'est à la fois
un renseignement et une question de privilège que je vous pose. Puisque
le 21 mai dernier, en 1993, le député de Shefford devait
interpeller le premier ministre sur la situation des jeunes, l'avis avait
été inscrit au feuilleton le 13 mai. Après discussion, le
premier ministre n'étant finalement pas disponible, nous avons
accepté de reporter ou de repousser cette interpellation et nous avons
eu une interpellation sur un autre sujet ce 21 mai. Le 20 mai, en Chambre, j'ai
clairement fait état du fait que nous voulions toujours interpeller le
premier ministre pour le vendredi 28 mai. C'était le dernier jour, si
vous vous rappelez, avant la période de session intensive durant
laquelle il n'y a pas d'interpellation. Le leader du gouvernement nous avait
alors dit que le premier ministre voulait participer à cette
interpellation et qu'il voulait trouver une date où il se trouverait
disponible, quitte à déborder en juin. Tout ça s'est
passé au vu et au su de tout le monde, M. le Président.
Le 27 mai, à l'étape des renseignements sur les travaux de
l'Assemblée, tout comme la présente étape aujourd'hui,
lorsque le président a donné l'avis concernant l'interpellation
sur les jeunes qui devait avoir lieu le lendemain, un consentement a
été à nouveau donné pour que cette interpellation
soit reportée au début de juin, toujours en raison de l'agenda
chargé du premier ministre, qui ne lui permettait pas d'être
là le 28 mai.
Le 3 juin, à la suite d'un entretien avec le premier ministre, ce
dernier m'avait assuré de sa collaboration. Je suis intervenu à
nouveau en Chambre auprès de vous, M. le Président, pour demander
le moment précis où se tiendrait cette interpellation. Le leader
du gouvernement ne pouvait nous donner d'indication, disait-il à ce
moment-là. Donc, le 9 juin, le leader adjoint de l'Opposition, qui est
en Chambre aujourd'hui, est encore revenu à la charge et s'adressait au
leader adjoint du gouvernement. En alléguant des problèmes
d'agenda, encore une fois, le leader a encore affirmé chercher une date.
Et vous savez ce qui est arrivé par la suite, il n'y a pas eu une
interpellation, tel que le règlement le précise et fait droit
à l'Opposition d'interpeller le gouvernement.
Donc, dans les circonstances, M. le Président, je vais vous
demander de rendre une décision nous confirmant notre droit à
cette interpellation sur les jeunes, avec le premier ministre du Québec,
qui n'a jamais eu lieu le 28 mai et qui n'a jamais été
remplacée par un autre sujet. Donc, cette interpellation s'ajouterait,
évidemment, aux cinq auxquelles nous avons droit dans la présente
session. J'irais jusqu'à demander à la présidence de fixer
la date et l'heure. Je pourrais m'en remettre à la présidence. Et
je suis même prêt, personnellement, de consentement
également, même si ça débordait en décembre,
à le faire. Mais je ne veux pas qu'on perde ce droit qui nous est acquis
par le règlement. Tout ça s'est fait, je pense, de bonne foi de
notre côté, en acceptant que l'agenda du premier ministre pouvait
être chargé. Mais je crois que c'est un sujet important, d'autant
plus que le premier ministre du Québec est responsable du dossier des
jeunes, je crois, au niveau du Conseil des ministres. Et je veux que la
présidence statue sur notre droit à cette sixième
interpellation qui s'ajoute, bien sûr, aux cinq qui nous sont
dévolues dans la présente session et qui aurait dû avoir
lieu le 28 mai, mais qui, à cause d'accommodements que nous avons
consentis, n'a pas pu avoir lieu en juin.
J'ose espérer que la présidence pourra nous donner cette
clarification dans les plus brefs délais, parce qu'il y va de
l'application du règlement, d'abord, dans un premier temps. On a le
droit quand on veut. Le premier ministre aurait pu y aller avec un adjoint
parlementaire qui aurait pu faire l'interpellation, mais il n'y
en a pas, je pense, sur le dossier Jeunesse, en l'occurrence. Et je
pense qu'aussi le premier ministre lui-même voulait la faire, parce que
c'est ses propres dossiers. Je ne veux pas contester la non-opportunité
du premier ministre de siéger tel jour ou tel autre, et je suis
prêt à des accommodements. Ce que je veux, c'est que ce droit qui
est acquis en vertu du règlement nous soit confirmé par la
présidence de l'Assemblée nationale et que, au lieu de cinq
interpellations auxquelles nous avons droit dans la présente session,
cette sixième qui aurait dû avoir lieu et qui n'a pas eu lieu soit
fixée à un moment précis qui accommodera, bien sûr,
le premier ministre. Je ne veux pas passer pour mesquin dans les circonstances,
mais je pense qu'on a le droit à cette interpellation, puisqu'il est le
porteur du dossier, et nous avons le droit de l'interpeller sur le dossier en
général, le dossier des jeunes du Québec.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, sur cette
question, M. le leader adjoint du gouvernement, la parole est à
vous.
M. Bélisle: Merci, M. le Président. D'après
ce que je viens de comprendre du leader de l'Opposition, je pense que c'est une
question tout simplement de regarder froidement ce qui s'est
déroulé. Ce que je vais faire ? parce que ça n'a
jamais été dans mes intentions et ça ne le sera jamais
d'induire la Chambre en erreur ? je vais m'enquérir, d'ici à
demain, auprès du bureau du premier ministre ? je vais le faire
personnellement ? des intentions qu'ils auraient à cet égard
et je vais vérifier l'agenda du premier ministre pour voir s'il a une
disponibilité dans un court avenir de venir répondre à
cette interpellation-là, parce que M. Bourassa ne s'est jamais
défilé, notre premier ministre, à une interpellation sur
quelque sujet que ce soit au cours de sa longue carrière politique.
Alors, ce que je fais, M. le Président, je comprends que ce n'est
pas tout à fait une question de privilège, c'est plutôt une
question d'accommodement ou de fair play entre les partis à
l'Assemblée nationale dans l'intérêt de la jeunesse du
Québec. Alors, ce que je vous demanderais, ce serait peut-être
plutôt de surseoir à votre lecture de la situation puis à
votre étude de la demande du leader de l'Opposition et de me donner 24
heures pour pouvoir faire les appels nécessaires et vérifier s'il
n'y a pas un terrain d'accommodement particulier à cet égard.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, sur cette
question, M. le leader de l'Opposition officielle.
M. Chevrette: Oui, 30 secondes, M. le Président, je ne
veux pas étirer la discussion, mais, oui, c'en est une de
privilège dans le sens suivant, c'est que je veux que vous statuiez sur
le droit de l'Opposition d'avoir son interpellation. Ça, c'est vraiment
une question que j'adresse à la présidence.
Quant à l'accommodement avec le premier ministre, entre
aujourd'hui, le 19 octobre, et puis le 22 dé- cembre, il y a de la place
à l'accommodement, il n'y a pas de problème, mais je veux qu'on
statue sur le droit qu'on avait, je crois, puis qui était en bonne et
due forme. Nous avions tous les avis prévus aux dates, et ça a
été par accommodement, comme je le répète, que nous
avons consenti à ce qu'il soit reporté. Mais par la force des
choses, il n'y a pas eu de moyen de la faire, et je pense que c'est important,
dans la présente session, de le prévoir dès le
départ pour ne pas qu'on ait à se chicaner, rendu à la
cinquième motion, pour dire: On en a une sixième qu'on aurait
dû avoir puis qu'on n'a pas. Je veux qu'on statue en toute bonne foi sur
notre droit, et, par la suite... Je pense bien que non seulement ça peut
prendre 24 heures, je suis même prêt à consentir 48 ou 72
heures quant à l'accommodement. Puis, s'il prévoit la faire un
jeudi parce que ça lui plaît, tant mieux. S'il veut la faire un
mercredi, si ça lui convient, on la fera. Là-dessus, je suis
ouvert aux discussions, mais c'est sur le droit.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Mme la
députée de Groulx, sur cette même question.
Mme Bleau: Oui, bien, je pense que M. le leader adjoint
était absent par obligation, hier, à notre caucus. Mais ça
a déjà été discuté, et une date devrait
être soumise par M. Bourassa justement sur cette question-là que
le leader de l'Opposition nous pose aujourd'hui.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, est-ce que...
M. Chevrette: M. le Président...
Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le leader de
l'Opposition officielle.
M. Chevrette: ...si vous me permettez une dernière
remarque. Dans les circonstances, je souhaite qu'elle soit quand même
reportée un peu dans le temps, compte tenu que notre critique est
hospitalisé présentement et pour une dizaine de jours, me dit-on.
Ce n'est pas parce qu'il y a une hâte, c'est précisément
parce que je veux que le droit soit reconnu pour ne pas qu'on ne l'ait pas,
c'est tout. Je vous remercie.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, ce que je vais
faire, compte tenu des circonstances, je vais prendre la question en
délibéré, mais avant de la prendre en
délibéré, je vais attendre les démarches que le
leader adjoint du gouvernement va faire demain, et j'écouterai demain,
à la période des renseignements sur les travaux, les informations
que le leader adjoint voudra bien transmettre à la présidence sur
ce sujet.
Renseignements sur les travaux de
l'Assemblée
Alors, j'ai un avis à donner en vertu des renseignements sur les
travaux. Alors, je vous informe que demain, lors des affaires inscrites par les
députés de
l'Opposition, sera débattue la motion inscrite par M. le leader
de l'Opposition officielle et député de Joliette. Cette motion se
lit comme suit: «Que le gouvernement tienne compte des constats
exprimés publiquement le 5 octobre 1993 par M. le ministre de
l'Industrie, du Commerce et de la Technologie sur la désillusion et la
méfiance à l'égard de tout ce qui est politique, le
ras-le-bol des jeunes laissés pour compte, la taxation rendue à
son extrême limite, l'abus et la tricherie du système, le climat
de discorde observé un peu partout dans la société et les
groupes d'intérêts nombreux et puissants qui forcent l'État
dans des décisions où les véritables besoins des
Québécois sont ignorés, en mettant de l'avant dans les
plus brefs délais un plan de relance de l'économie et de lutte au
chômage, plus particulièrement celui des jeunes.»
Alors, c'est l'avis que je donne pour la motion du mercredi.
Alors, ceci met fin à la période des affaires courantes.
Nous passons maintenant aux affaires du jour, et je demanderais à M. le
leader adjoint du gouvernement de m'indiquer quel article du feuilleton il
appelle. (16 h 20)
Affaires du jour
M. Bélisle: L'article 3, M. le Président.
Projet de loi 106 Adoption du principe
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, l'article 3. M.
le ministre de la Justice propose l'adoption du principe du projet de loi 106,
Loi sur l'aide et l'indemnisation des victimes d'actes criminels.
M. le ministre de la Justice, je vous cède la parole.
M. Gil Rémillard
M. Rémillard: Merci, M. le Président. Alors, M. le
Président, le projet de loi 106, Loi sur l'aide et l'indemnisation des
victimes d'actes criminels, propose une réforme en profondeur de
l'actuel régime d'indemnisation des victimes d'actes criminels afin
qu'il corresponde davantage à la réalité des victimes et
qu'il soit mieux adapté à leurs besoins. Le projet de loi 106
vise, de plus, à regrouper en une seule loi les règles relatives
à l'indemnisation et celles sur l'aide aux victimes d'actes criminels.
Il propose également le regroupement des ressources au sein du
ministère de la Justice. Ainsi, M. le Président, les victimes
n'auraient plus à s'adresser à des organismes différents
pour obtenir les services d'aide, de soutien et d'accompagnement et pour
recevoir une indemnisation. Elles disposeraient d'un guichet unique, ce qui
faciliterait grandement leur accessibilité.
Le 4 novembre 1971, l'Assemblée nationale du Québec, cette
Assemblée, M. le Président, adoptait la Loi sur l'indemnisation
des victimes d'actes criminels.
L'adoption de cette loi, entrée en vigueur le 1er mars 1972,
était principalement motivée par l'accroissement de la
criminalité violente et par l'impossibilité pour certaines
victimes d'être indemnisées, soit en raison de
l'insolvabilité de l'auteur de l'infraction, soit parce que celui-ci
était inconnu ou qu'il ne pouvait être retracé
efficacement. En proposant son adoption, le ministre de la Justice d'alors se
disait d'avis qu'il devenait impératif de présenter un projet de
loi permettant à la société, par l'entremise de son
gouvernement et des institutions en place, d'agir à l'égard de la
perpétration d'actes criminels causant des dommages à la
personne.
La loi visait, M. le Président, alors, à accorder des
indemnités aux victimes d'infractions contre la personne, et, en cas de
décès de celles-ci, à leurs dépendants. Elle
prévoyait, de plus, une indemnisation pour les dommages corporels et
matériels subis par ceux et celles qui, dans l'exercice de leur devoir
de citoyens et de citoyennes, tentent légalement de prévenir un
crime ou d'effectuer une arrestation à la suite de la
perpétration d'un crime. Il fut décidé, M. le
Président, d'appliquer aux victimes d'actes criminels le seul
régime d'indemnisation étatique qui existait alors au
Québec, soit celui prévu à la Loi sur les accidents du
travail, qui remonte au début des années trente. On pouvait ainsi
confier l'administration du régime à la Commission des accidents
du travail, devenue en 1980 la Commission de la santé et de la
sécurité du travail. M. le Président, cette loi n'a pas
subi de modifications majeures depuis son adoption en 1971.
Par ailleurs, en 1985, le législateur adoptait la Loi sur les
accidents du travail et les maladies professionnelles. Cette loi modifiait en
profondeur tant le régime applicable aux accidentés du travail
que son administration. Cependant, cette loi n'a pas affecté
l'application du régime d'indemnisation des victimes d'actes criminels,
puisque, à leur égard, la Loi sur les accidents du travail
continuait à s'appliquer.
Or, M. le Président, des analyses menées depuis nous
permettent de constater que la Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes
criminels correspond mal à la réalité des victimes. En
effet, le régime d'indemnisation, basé sur celui des
accidentés du travail, n'est pas adapté, entre autres, à
la situation des enfants qui sont victimes d'abus et à celle d'autres
victimes, qui sont sans emploi au moment de l'événement ou qui
sont travailleurs autonomes. De plus, ce régime pose des
difficultés particulières dans les cas de violence en milieu
familial, qu'il s'agisse de violence conjugale, de violence envers des enfants
ou envers des personnes âgées. En effet, M. le Président,
dans ces cas, les risques de voir l'agresseur profiter des compensations de
l'État au détriment de la victime sont bien présents,
notamment lorsque la cohabitation se poursuit. Notons également, M. le
Président, que le délai de prescription d'un an peut
s'avérer trop court pour certaines victimes qui désirent se
prévaloir des bénéfices du régime. Par ailleurs, la
loi ne tient pas compte des torts psychologiques causés aux proches des
victimes.
D'autre part, M. le Président, c'est dans un souci
d'améliorer le traitement accordé aux victimes d'actes criminels
que le législateur adoptait, en 1988, la Loi sur l'aide aux victimes
d'actes criminels. Celle-ci énonce une politique globale pour les
victimes de toute infraction criminelle, et ce, en accord avec la
Déclaration des principes fondamentaux de justice relatifs aux victimes
de la criminalité et aux victimes d'abus de pouvoir, adoptée par
l'Assemblée générale des Nations unies en 1985.
Cette loi, M. le Président, a ainsi favorisé la
création du Bureau d'aide aux victimes d'actes criminels, dont l'une des
priorités est de soutenir l'action des organismes communautaires qui
dispensent des services d'aide aux victimes d'actes criminels.
Cette loi aura permis, depuis 1988, de mettre sur pied 10 centres d'aide
aux victimes d'actes criminels sous la responsabilité d'organismes
communautaires bénéficiant de subventions du Fonds d'aide aux
victimes d'actes criminels. Ces centres d'aide, connus également sous le
nom de CAVAC, sont répartis dans différentes régions du
Québec. Nous avons de ces centres à Chicoutimi, à Hull,
à Laval, à Longueuil, à Montréal, à
Québec, à Rimouski, à Saint-Jérôme, à
Sherbrooke et à Trois-Rivières.
Les CAVAC offrent aux victimes des services d'aide, de support moral,
d'information sur leurs droits et recours. Ils offrent également des
services d'accompagnement aux victimes dans leurs démarches
auprès des tribunaux et organismes administratifs tels que la Direction
de l'indemnisation des victimes d'actes criminels.
M. le Président, en vue d'améliorer le régime
d'indemnisation, j'ai mis sur pied, en 1991, un groupe de travail
ministériel chargé de revoir les programmes d'aide et
d'indemnisation des victimes d'actes criminels. Et, à l'automne 1991,
dans le cadre des travaux préparatoires au Sommet de la justice, des
consultations ont été tenues auprès des groupes,
organismes et ministères concernés par le traitement des victimes
et des témoins d'actes criminels. Plusieurs propositions ont
été formulées, dont un bon nombre, provenant de
l'Association québécoise plaidoyer-victimes, portaient sur le
régime d'indemnisation des victimes d'actes criminels. Ces propositions
ont été présentées lors du Sommet de la justice
tenu en février 1992. La réforme que je propose aujourd'hui tient
compte de ces consultations et répond largement aux
préoccupations et aux propositions formulées par les
différents intéressés.
Le projet de loi 106, M. le Président, dont nous procédons
aujourd'hui à l'adoption de principe énonce dans son titre I les
droits des victimes et leurs responsabilités. Il reprend essentiellement
les dispositions contenues à l'actuelle Loi sur l'aide aux victimes
d'actes criminels. La victime d'acte criminel est d'abord une personne qui
subit un préjudice corporel, psychologique ou matériel
résultant directement ou indirectement de la perpétration, au
Québec, d'une infraction criminelle.
Par ailleurs, elle est également une auxiliaire de
l'administration de la justice. Elle joue un rôle essentiel dans la
poursuite et la sanction des auteurs du crime en vue de la protection du public
et, aussi, je devrais dire, sa propre protection.
Reconnaissant l'importance de leur participation au processus
pénal, le projet de loi réaffirme le droit des victimes
d'être traitées avec courtoisie, équité,
compréhension, et dans le respect de leur dignité et de leur vie
privée. Il reconnaît également d'autres droits, notamment
celui d'obtenir réparation ou indemnisation d'un préjudice subi
de façon prompte et équitable, et ce, dans la mesure
prévue par la loi. Il prévoit aussi le droit d'une victime
d'être informée aussi complètement que possible de ses
droits et recours, de son rôle dans le processus pénal, ainsi que
de l'état et de l'issue de l'enquête policière et des
procédures judiciaires.
Le projet de loi reconnaît de plus le droit aux victimes de
recevoir l'assistance médicale, psychologique et sociale que requiert
leur état, ainsi que des services d'aide appropriés, compte tenu
des ressources disponibles. (16 h 30)
Enfin, M. le Président, la victime se voit reconnaître le
droit de bénéficier de mesures de protection contre les menaces
et les représailles de la part de son agresseur. Ces garanties, M. le
Président, visent à atténuer les inconvénients de
la participation nécessaire de la victime au processus pénal. En
corollaire, le projet de loi réaffirme la responsabilité de la
victime de coopérer, dans la mesure du possible, avec les
autorités chargées de l'application de la loi à
l'égard de l'infraction criminelle dont elle est victime.
Le titre II du projet de loi s'adresse plus particulièrement aux
victimes d'une infraction criminelle contre la personne et prévoit les
règles de leur indemnisation. La nécessité d'une
intervention étatique dans le domaine de l'indemnisation des victimes
d'actes criminels est reconnue, M. le Président, par la majorité
des États modernes et elle peut se justifier sur la base de la
responsabilité de l'État d'assurer la sécurité du
public en protégeant les citoyennes et les citoyens contre le crime. On
peut également invoquer le devoir moral de l'État de
réparer les injustices sociales causées par les limites
inhérentes aux recours civils dans le contexte particulier de la
criminalité. Enfin, il faut reconnaître la responsabilité
collective des citoyennes et des citoyens à l'égard de la
prévention de la criminalité, et la nécessité d'une
solidarité sociale face aux conséquences de la victimisation. Le
crime étant, en somme, un risque social dont personne n'est à
l'abri, il est équitable d'en faire supporter les coûts par
l'ensemble de la collectivité.
Ainsi, dans un premier temps, M. le Président, le titre II du
projet de loi 106 détermine les personnes admissibles aux prestations
d'indemnisation. Il s'agit, d'abord, de la victime qui subit un
préjudice corporel ou psychique résultant directement de la
perpétration au Québec d'une infraction criminelle visée
à l'Annexe I du projet de loi. Cette Annexe énumère
essentiellement les infractions de violence contre la personne, par exemple,
l'homicide, les voies de fait, les vols avec violence,
l'agression sexuelle, les infractions mettant en danger la
sécurité des personnes ou comportant des actes d'intimidation et
d'autres. Sont également admissibles les personnes qui subissent un tel
préjudice ou un préjudice matériel en intervenant de bonne
foi pour prévenir une infraction ou pour procéder à une
arrestation, de même que les personnes qui sont blessées lors
d'une telle intervention. En cas de décès de la victime, son
conjoint et ses personnes à charge pourraient recevoir une
indemnité de décès, et la personne qui a acquitté
les frais funéraires serait remboursée jusqu'à concurrence
des montants prévus par la loi. Enfin, les proches des victimes
pourraient recevoir des services de réadaptation selon les conditions
prévues par la loi. Il s'agit ici, M. le Président, d'un
élargissement de l'admissibilité pour l'indemnisation.
Tout en reconnaissant, M. le Président, la responsabilité
de l'État dans le domaine de l'indemnisation, le projet de loi s'appuie
également sur le principe de la responsabilité individuelle,
responsabiliser le citoyen. Et on se souvient, M. le Président, que,
lors du Sommet de la justice, où nous avons discuté des
principaux éléments que nous retrouvons dans ce projet de loi,
nous avons discuté en fonction du thème de ce Sommet qui
était «La justice: une responsabilité à
partager». Donc, responsabiliser le citoyen dans un contexte où
l'État doit l'aider, mais aussi dans un contexte où il doit
collaborer avec l'État pour le bien de la sécurité
publique et pour sa propre sécurité.
C'est ainsi, M. le Président, que ce projet de loi maintient
certaines exclusions, tel le cas où une victime aurait, par sa faute
lourde ou en étant partie à l'infraction, contribué au
préjudice qu'elle subit. D propose, de plus, l'ajout d'une mesure
permettant d'exclure la personne qui, par sa participation à des
activités illégales, aurait contribué à la
réalisation du préjudice. Par ailleurs, M. le Président,
afin d'éviter que l'auteur de l'infraction n'échappe à ses
responsabilités, le projet de loi maintient le droit de la victime
d'exercer des recours civils contre celui-ci et prévoit le recours
subrogatoire du ministre à cet égard.
Comme vous le savez, M. le Président, les valeurs d'une
société se reflètent, notamment, dans les lois dont elle
se dote. Lorsque les manquements à ces lois portent atteinte à
l'intégrité des personnes, il devient d'autant plus important
qu'ils puissent être sanctionnés. Leur signalement et la
coopération des victimes avec l'administration de la justice constituent
des moyens nécessaires pour contrer la criminalité. Dans cet
esprit, le projet de loi propose, à moins d'un motif sérieux,
l'exclusion des prestations lorsque l'infraction n'a pas été
signalée à la police ou au directeur de la protection de la
jeunesse, selon le cas, de même que lorsque le réclamant n'a pas
coopéré avec l'autorité de justice compétente.
Enfin, M. le Président, le délai de prescription d'un an pour
présenter une demande serait porté, avec ce nouveau projet de
loi, à trois ans. Il pourrait être prolongé lorsque le
réclamant établit qu'il a été dans
l'impossibilité, en fait, d'agir plus tôt, soit par lui-
même, soit en se faisant représenter par d'autres personnes.
M. le Président, le projet de loi 106 se veut une réforme
complète du régime d'indemnisation des victimes d'actes
criminels. Il en revoit les règles pour proposer leur harmonisation avec
celui applicable aux victimes d'accidents d'automobile, et ce régime,
revu récemment par l'Assemblée nationale, s'adresse, tout comme
le régime d'indemnisation des victimes d'actes criminels, à toute
personne, sans égard à son âge et à sa situation
sociale. Pour assurer une indemnisation adéquate à l'ensemble des
victimes, il établit différentes catégories en fonction du
statut de la victime par rapport à son emploi et à son âge.
Le droit à l'indemnité de remplacement du revenu et le montant de
celle-ci sont fixés en conséquence.
Le projet de loi prévoit également une compensation
particulière pour les victimes qui travaillent sans
rémunération dans une entreprise familiale pour couvrir le
coût de remplacement de la main-d'oeuvre, et ce, jusqu'à
concurrence de 564 $ par semaine durant les premiers 180 jours qui suivent
l'événement. Il établit, de plus, le droit à une
allocation de disponibilité pour les personnes qui doivent être
présentes auprès d'une victime dont l'état de santé
ou l'âge le requiert lorsque cette victime reçoit des soins
médicaux ou paramédicaux. Des indemnités pour frais de
garde d'enfant ou de personne invalide sont également prévues et,
à cet égard, il sera possible pour une victime d'obtenir, selon
sa situation, une indemnité variant de 282 $ à 384 $ par semaine
ou de 86 $ à 169 $ par semaine, selon le nombre d'enfants de moins de 16
ans ou de personnes invalides dont elle a la garde.
Le projet de loi, M. le Président, prévoit
spécifiquement le remboursement des frais réels d'une aide
personnelle à domicile lorsque l'état physique ou psychique de la
victime la rend incapable de prendre soin d'elle-même ou d'effectuer sans
aide les activités essentielles de la vie quotidienne, et cette
indemnité pourrait atteindre 555 $ par semaine lorsque l'état de
la victime justifie la présence continuelle d'une personne auprès
d'elle. Une indemnité est proposée pour compenser la perte
d'intégrité physique ou psychique de la victime. C'est ainsi
qu'une victime atteinte de séquelles permanentes pourrait recevoir une
indemnité pouvant atteindre 127 250 $, et ce, contrairement à la
situation actuelle, sans considération de son revenu. De plus, cette
indemnité ne serait plus versée sous forme de rente, mais en une
somme forfaitaire, permettant ainsi à la victime de disposer des
montants selon ses besoins. Cette façon de faire évite, M. le
Président, les paiements d'une rente mensuelle viagère, une
façon qui rappelle à la victime des événements,
très souvent, qu'elle s'efforce d'oublier. (16 h 40)
II en est de même à l'égard des indemnités de
décès. Ainsi, le conjoint survivant pourrait recevoir, selon ce
projet de loi, une indemnité qui ne serait en aucun cas
inférieure à 45 149 $ et qui pourrait atteindre
232 500 $ dans certains cas. Les personnes à charge, autres que
Je conjoint, pourraient obtenir un montant calculé en fonction de leur
âge à la date du décès de la victime et pouvant
varier de 39 506 $ pour une personne âgée de moins d'un an
à 21 406 $ pour une personne âgée de 16 ans et plus.
Si la personne à charge est invalide à la date du
décès de la victime, elle aura droit à une
indemnité additionnelle de 18 624 $. Par ailleurs, les enfants d'une
victime chef de famille monoparentale auraient droit, en plus de leur propre
indemnité, à l'indemnité forfaitaire qui aurait
été versée au conjoint survivant. Enfin, M. le
Président, le remboursement des frais funéraires et de transport
du corps d'une victime pourrait atteindre 3386 $, contrairement à la
situation actuelle qui fixe ce montant à simplement 100 $.
M. le Président, le projet de loi innove en permettant aux
proches des victimes de recevoir des services de réadaptation
thérapeutique lorsque cela est médicalement requis pour supporter
adéquatement la réadaptation de la victime. Il en est de
même pour les proches des victimes d'homicide et d'enlèvement qui
subiraient un préjudice psychique.
Le projet de loi prévoit en outre des mesures pour s'assurer que
les prestations ne profiteraient pas à l'auteur du crime. À cette
fin, il propose la suspension temporaire ou l'étalement des prestations
auxquelles le réclamant aurait droit ou encore leur versement pour son
bénéfice à un tiers. Cette mesure pourrait s'avérer
particulièrement utile dans les cas d'enfants abusés par leurs
parents.
D'autre part, M. le Président, le projet de loi prévoit
à son titre III les règles régissant l'administration du
régime. Ainsi, le ministre de la Justice aurait compétence pour
déterminer le droit à une prestation et pour en établir le
montant. La décision du ministre pourrait faire l'objet d'une
révision et d'un appel dans le cadre d'un processus qui, tout en
permettant à la victime de présenter ses observations, sera
dépouillé du caractère formaliste et contradictoire
actuel. Il s'agit, M. le Président, d'assurer un maximum
d'accessibilité à ce processus de révision. Le ministre
serait assisté dans ses fonctions par le Bureau d'aide et
d'indemnisation des victimes d'actes criminels, qui intégrerait les
fonctions assumées actuellement par la Direction de l'indemnisation des
victimes d'actes criminels et qui aurait également, comme c'est le cas
pour l'actuel Bureau d'aide aux victimes d'actes criminels, le mandat de
promouvoir et de soutenir l'aide aux victimes.
Enfin, le projet de loi réaffirme l'importance de soutenir
l'action des organismes communautaires. Il prévoit la reconnaissance
à cette fin, par le ministre, des centres d'aide aux victimes d'actes
criminels et lui attribue le pouvoir d'accorder une aide financière aux
fins de la promotion des droits et de la défense des
intérêts des victimes. Dans le cadre de la réforme, M. le
Président, j'entends implanter de nouveaux centres d'aide aux victimes
d'actes criminels, les CAVAC, qui viendront compléter le réseau
actuel, afin d'assurer leur présence sur l'ensemble du territoire du
Québec.
Finalement, le projet de loi modifie diverses dispositions
législatives, notamment la loi sur l'indemnisation et la Loi visant
à favoriser le civisme, afin de tenir compte du remplacement du
régime actuel par celui proposé par le projet de loi.
En somme, M. le Président, tout en rationalisant les coûts
des programmes d'aide et d'indemnisation, la réforme apportera un
support mieux adapté aux besoins des victimes et de leurs proches. Elle
constitue un pas de plus dans la démarche visant à assurer une
justice plus accessible et plus humaine. Souvent, M. le Président ?
et ça m'est arrivé encore dernièrement dans mon
comté, le comté de Jean-Talon, où une dame me disait
qu'elle avait l'impression que les criminels étaient mieux
traités que les victimes ? quand on regarde certains aspects de
l'administration de la justice, ça peut donner peut-être cette
impression, mais, dans la mesure où, avec cette loi, nous pourrons
adapter l'aide qu'on doit apporter aux victimes d'actes criminels, je crois que
nous allons faire un pas significatif vers une justice qui est plus accessible
et qui est aussi à visage humain.
Lorsque nous parlons de la criminalité importante, que nous avons
de plus en plus, malheureusement, dans notre société, parler de
ce sujet, M. le Président, c'est toucher à un des points les plus
sensibles, actuellement, de l'administration de la justice. C'est pourquoi, M.
le Président, j'espère qu'au-delà de toute question de
parti-sanerie politique, comme c'est le cas dans les projets qui regardent
l'administration de la justice, nous saurons débattre de cette loi pour
que nous puissions avoir ce nouveau régime d'indemnisation et d'aide aux
victimes d'actes criminels le plus tôt possible. Je vous remercie, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le ministre de
la Justice, de votre intervention sur ce projet de loi. Je rappelle aux membres
de cette Assemblée que nous en sommes à l'adoption du principe du
projet de loi 106, Loi sur l'aide et l'indemnisation des victimes d'actes
criminels. Je cède la parole au porte-parole de l'Opposition officielle
en cette matière, M. le député d'Anjou. M. le
député.
M. Pierre Bélanger
M. Bélanger: Je vous remercie, M. le Président.
Permettez-moi de faire un rappel chronologique des étapes qui ont
marqué l'évolution de la dynamique relative aux victimes d'actes
criminels. En effet, le cheminement de ce dossier s'échelonne sur plus
de 20 ans, bientôt 23 ans pour être précis. Il s'agit d'une
progression lente, mais parsemée d'acquis pour les victimes.
Le projet de loi 83, Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes
criminels, a été proposé à l'Assemblée
nationale en 1971 par le ministre de la Justice d'alors, M. Jérôme
Choquette. Quant à elle, la loi est entrée en vigueur le 1er mars
1972. En fait, il s'agissait d'une
mesure de justice sociale comme il y en a eu plusieurs autres dans les
années soixante-dix. On n'a qu'à penser à la loi sur
Fassurance-santé et à la Loi sur l'aide juridique.
Également, il s'agissait d'une mesure équitable en faveur des
victimes et, de surcroît, qui allait de soi dans le contexte de
l'époque et rendue aussi ? il faut le dire ? nécessaire
suite à une série d'événements déplorables
qui étaient survenus à l'époque. Ces
événements, M. le Président, avaient soulevé
l'indignation et avaient donné lieu à l'adoption de lois
spéciales afin de permettre au gouvernement d'accorder, sous la forme de
rentes ou de pensions, de l'aide à des femmes devenues veuves à
la suite du décès de leur mari survenu suite à des actes
criminels. Pour illustrer mes propos, je me permets de vous rappeler qu'il
s'agit, entre autres, du cas de la veuve de M. Laporte, ancien ministre
d'alors.
Donc, le principe d'indemnisation des victimes d'actes criminels par
l'État n'était pas nouveau puisqu'il avait ainsi
été reconnu précédemment par l'Assemblée
nationale dans ce cas précis, de même que dans d'autres cas, au
moyen de lois spéciales, mais, chaque fois, il fallait procéder
par loi spéciale pour régler les cas. Des l'adoption de ces lois
spéciales et suite aux représentations de divers membres du
gouvernement, le gouvernement de l'époque indiquait son intention et
prenait l'engagement de traduire ces lois d'exception par une loi
générale afin de permettre à toutes les victimes d'actes
criminels contre la personne et à leur famille de pouvoir
bénéficier des mêmes avantages.
M. le Président, je profite de l'opportunité qui m'est
octroyée aujourd'hui pour évoquer à nouveau, en cette
Chambre, quelques-uns des principes à l'origine du projet de loi 83, la
Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels. Je me
réfère, ici, à peu de chose près, aux propos que
tenait alors M. Jérôme Choquette, ministre de la Justice, lors de
l'adoption en deuxième lecture de ce projet de loi, l'équivalent
de l'adoption de principe actuellement.
Tout d'abord, la dynamique des victimes d'actes criminels violents
posait un problème social: d'une part, à cause de l'accroissement
de la criminalité et, surtout, de la criminalité violente qui se
traduisait par une augmentation conjointe du nombre de victimes. On se devait
donc de prendre en considération cette conjonc-. ture originant, d'abord
et avant tout, d'une situation créée par la vie en
société. L'État a donc décidé de se
responsabiliser face à cette situation en considérant
dorénavant l'indemnisation comme une question de devoir.
Également, on constatait un état d'insolvabilité chez la
plupart des auteurs d'actes criminels violents ou encore que ces personnes ne
pouvaient être efficacement rejointes, soit parce qu'elles étaient
inconnues, soit parce qu'elles purgeaient de longues peines de prison ou de
pénitencier, ce qui, par conséquent, empêchait souvent les
victimes d'espérer être indemnisées des dommages subis lors
de la perpétration du crime. Essentiellement, M. le Président, il
s'agit des préceptes qui ont conduit à la Loi sur l'indemnisation
des victimes d'actes criminels.
Pour toutes ces raisons, le ministre Choquette déclarait à
l'époque, et je le cite: «Par conséquent, il devenait
impératif pour le gouvernement de présenter un projet de loi
permettant à la société, par l'entremise de son
gouvernement et des institutions qui existent, de faire face à ce
problème social d'actes criminels ayant causé des dommages
à la personne, soit des dommages ayant entraîné le
décès de la victime ou encore des dommages subis par les
dépendants de la victime, ou encore des dommages ayant
entraîné des blessures corporelles qui méritent
d'être indemnisées.» (16 h 50)
II est intéressant, M. le Président, de constater que
déjà, à cette époque, l'idée d'un organisme
administratif, soit une commission des victimes d'actes criminels, était
discutée par les parlementaires. L'idée avait été
abandonnée, prétextant la capacité financière
difficile dans laquelle l'État se trouvait et le trop grand nombre
d'organismes gouvernementaux déjà existants. D'ailleurs, lors du
Sommet de la justice dont le ministre faisait mention tout à l'heure, il
y avait un engagement à l'effet qu'une commission des victimes d'actes
criminels soit créée. Je dois comprendre que, encore pour le
même contexte qui devait prévaloir à l'époque, il
n'y en aura pas, de dite commission. J'aimerais, d'ailleurs, lors de
l'étude article par article de ce projet de loi, que le ministre nous
fasse part, à ce moment-là, du pourquoi de sa décision.
Comment la justifie-t-il? Et comment va-t-il pallier au fait que cette
commission ne verra pas le jour?
Enfin, M. le Président, à l'époque, donc, de
l'adoption de ce premier projet de loi sur les victimes d'actes criminels, on
désirait éviter de traiter les victimes d'actes criminels de
manière différente des accidentés du travail afin de ne
pas créer de discrimination sur les traitements accordés à
ces deux catégories de personnes. Je reviendrai plus loin, M. le
Président, sur ces arguments afin de les appliquer au projet de loi
actuel.
Dès cette époque, le Parti québécois
exprimait son accord et souscrivait à ce projet de loi, y voyant une
preuve de la progression de la société québécoise.
Encore aujourd'hui, le Parti québécois souscrit à ce
principe. Toutefois, malgré l'existence d'une loi ayant pour but
d'indemniser les victimes d'actes criminels, le statut de ces personnes
demeurait souvent vague et incompris, le système judiciaire les
considérant davantage dans un rôle secondaire, à titre de
simples témoins recevant une assignation. Notre système
accusatoire accrédite cette perception puisque la victime n'est pas
partie, n'est pas liée à ce système comme dans d'autres
pays. Somme toute, on ne s'interrogeait pas sur leurs besoins.
C'est alors qu'on a beaucoup réfléchi et discouru sur
l'ensemble des services disponibles aux victimes, afin de les
reconsidérer et, au besoin, de les réévaluer. Donc,
après maintes discussions et réflexion, le ministre de la
Justice, M. Herbert Marx, produisit un document de réflexion et de
consultation en 1987. Entre-temps, il y a eu la déclaration des
principes fondamentaux de justice pour les victimes du crime, proposée
suite à un
congrès des Nations unies, dont le ministre a fait mention tout
à l'heure, pour la prévention du crime et le traitement des
délinquants. Il est intéressant de noter, M. le Président,
que le Québec n'a pas attendu l'adhésion du Canada à cette
déclaration pour agir. Certes, la loi d'indemnisation des victimes
d'actes criminels existait déjà depuis quelques années et
son objectif répondait aux dispositions de la déclaration de
principe des Nations unies. Toutefois, la loi de l'indemnisation n'assurait que
le paiement d'indemnités monétaires aux victimes pour les
blessures corporelles. Rien encore n'était mis en oeuvre quant au
soutien à leur offrir, quant à l'information à leur
fournir, par exemple, sur le déroulement du processus judiciaire, ainsi
que quant à l'accessibilité aux différents services. Bref,
un réalignement était à envisager.
Toute cette réflexion conduisit, en mai 1988, à la
présentation du projet de loi 8, Loi sur l'aide aux victimes d'actes
criminels, par le ministre de la Justice, puisque le ministère de la
Justice faisait une priorité des droits des victimes et que la loi sur
l'indemnisation ne couvrait pas l'ensemble des besoins des victimes. Par ce
projet de loi, on introduisait différentes dispositions destinées
à répondre aux besoins, ainsi qu'aux préoccupations des
victimes.
Tout d'abord, il reconnaissait et énonçait les droits et
responsabilités des victimes. Ensuite, il procédait à
l'institution du Bureau d'aide aux victimes d'actes criminels,
communément appelé BAVA, au ministère de la Justice. On
lui confiait, entre autres, la responsabilité de la promotion des droits
des victimes, la concertation, ainsi que la coordination des actions des
personnes, ministères et organismes devant dispenser des services aux
victimes. Aussi, ce Bureau devait voir à l'implantation et au maintien
des centres d'aide aux victimes d'actes criminels, communément
appelés les CAVAC. Également, ce projet de loi instituait la
création du Fonds d'aide aux victimes d'actes criminels pour pourvoir au
financement du service d'aide.
À cette époque, l'Opposition officielle avait concouru
à l'adoption de ce projet de loi en y faisant, toutefois, plusieurs
critiques qui demeurent, même encore aujourd'hui, d'actualité,
notamment quant au droit de la victime d'être informée, quant
à la manière de les traiter et quant à renonciation de
leurs droits et responsabilités. J'y reviendrai plus loin, M. le
Président.
Parallèlement à tout cela, M. le Président,
l'avènement de la Charte canadienne des droits et libertés en
1982, de même que celui de la Charte des droits et libertés de la
personne en 1975, a, notamment, contribué à consacrer les
libertés fondamentales des individus et également à
octroyer des garanties juridiques à un accusé, garanties
auxquelles on ne peut porter atteinte qu'en conformité avec les
principes de justice fondamentale. À titre d'exemple, on n'a qu'à
penser au droit à un procès juste et équitable devant un
tribunal indépendant et impartial, au droit à l'assistance par un
avocat, au droit à une défense pleine et entière, à
la présomption d'innocence, à la protection contre les fouilles
abusives, etc.
L'adoption des chartes a donc permis de consolider et de renforcer la
protection déjà consentie à un accusé. Toutefois,
M. le Président, force est de constater que les victimes ne semblent pas
bénéficier de garanties spécifiques à leur
situation et qu'elles font office de parents pauvres en matière de
droits réels à faire valoir. On ne peut qu'accréditer
? et je trouve cela malheureux, M. le Président ? la
perception des citoyens qu'il y a distorsion et déséquilibre
entre la situation des victimes et celle des accusés. Pourtant, les
victimes constituent la pierre angulaire, la cause de tout un processus qui
tire son origine de leur triste condition, condition qu'elles n'ont pas
cherchée, qu'elles n'ont pas voulue, mais qu'elles subissent tout de
même, il faut le rappeler.
Alors, M. le Président, dans le cadre de la sensibilisation
à ces réalités et de la prise en considération du
sentiment d'inégalité qui semble naître entre la situation
d'un accusé et celle d'une victime, une législation pour assurer
l'indemnisation et l'aide des victimes d'actes criminels est nécessaire
encore aujourd'hui.
Toutefois, le régime existant commençait à
connaître de nombreuses critiques. Dès 1985, on proposait des
modifications à la loi sur l'indemnisation par le projet de loi 42, Loi
sur les accidents du travail et les maladies professionnelles. Cependant, ces
changements ne furent pas majeurs et la loi n'a connu aucune modification
depuis cette date, de même que la Loi sur l'aide aux victimes d'actes
criminels depuis son adoption en 1988.
Les travaux préparatoires à la tenue du Sommet de la
justice ont permis de dégager un consensus quant à la
nécessité d'une réelle réforme du régime
d'aide et d'indemnisation des victimes d'actes criminels. En effet,
l'indemnisation et l'aide aux victimes causaient beaucoup d'insatisfaction et
nécessitaient certes une actualisation. C'est ainsi qu'à
l'occasion de la tenue du Sommet de la justice en février dernier le
ministre de la Justice prenait l'engagement formel de réviser en
profondeur la Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels, qui,
selon lui, ne répondait plus aux besoins actuels de la
société.
M. le Président, je me permets de citer les propos du ministre
lors de cette annonce. L'objectif de la réforme est d'abord de
moderniser le régime d'indemnisation afin de le rendre plus humain, plus
équitable et plus accessible aux victimes d'actes criminels. Le ministre
comptait procéder au dépôt du projet de loi à
l'automne 1992 pour son adoption au printemps 1994, mais, comme,
malheureusement, c'est le cas pour de nombreuses législations en
matière de justice, les délais ont existé, les
délais existent toujours et nous en sommes maintenant au mois d'octobre
1993 pour débattre de la question.
Il annonçait aussi la création d'une commission de l'aide
et de l'indemnisation des victimes d'actes criminels afin d'alléger la
procédure pour les victimes, puisque, selon lui, le système
actuel complique inutilement les démarches pour les victimes.
Également, il mention-
nait que les nouvelles mesures allaient prévoir l'actualisation
des indemnités, l'élargissement de l'admissibilité
à un plus grand nombre de personnes, l'implantation de 13 nouveaux
centres d'aide aux victimes d'actes criminels, de même que
l'amélioration significative du programme d'information aux victimes
d'actes criminels. (17 heures)
M. le Président, on retrouve tous ces engagements dans un
communiqué émis par le ministère. Le ministre
précisait aussi que le réseau des CAVAC serait étendu, en
procédant à l'ouverture de 13 nouveaux centres qui s'ajouteraient
aux huit déjà existants à cette date. Un mois plus tard,
M. le Président, soit à l'étude des crédits du
ministère de la Justice en avril 1992, le ministre relativisait son
engagement et déclarait que ces 13 nouveaux CAVAC ouvriraient, mais sur
une période s'échelonnant jusqu'en 1995.
Suite au Sommet et dans le cadre d'une interpellation, M. le
Président, ma collègue, la députée de
Hochelaga-Maisonneuve, alors porte-parole du dossier, manifestait son
inquiétude quant à l'intention du ministre d'harmoniser le
régime d'aide et d'indemnisation des victimes d'actes criminels avec
celui de la Société de l'assurance automobile du Québec,
la SAAQ. On sait que depuis l'entrée en vigueur de ce projet de loi sur
la SAAQ, ce projet de loi a eu pour effet de faire en sorte que le
barème pour le remplacement de revenu soit moins avantageux qu'il ne
l'était auparavant. Cette inquiétude, d'ailleurs, demeure, M. le
Président, puisqu'on sait que depuis l'entrée en vigueur, en
1990, des nouvelles dispositions du régime d'assurance automobile, les
femmes au foyer, soit près de 40 % des femmes, les retraités et
les personnes sans emploi sont privés d'indemnité pendant une
période de 180 jours. Pour ce qui est des personnes âgées
de plus de 65 ans, elles n'ont même plus droit à une
indemnité.
J'aimerais rappeler, M. le Président, que la Commission des
droits de la personne du Québec avait d'ailleurs procédé,
en 1990, à une analyse exhaustive de la nouvelle Loi sur l'assurance
automobile et en arrivait alors à la conclusion suivante: «Les
modifications récentes réduisent substantiellement et dans
certains cas ne reconnaissent plus le droit à des indemnités de
remplacement du revenu en regard de catégories de personnes qui, en
règle générale, comptent parmi les plus démunies
dans la société» ? travailleurs temporaires ou
occasionnels, personnes âgées, personnes sans emploi, personnes
incapables de travailler.
La Commission ajoute aussi dans ses commentaires: «La perte du
droit à l'indemnité de remplacement de revenu représente
pour un bon nombre de personnes au foyer une diminution du niveau
d'indemnisation que leur garantissait auparavant le régime public
d'assurance automobile.» La Commission dit la même chose pour les
personnes de 65 ans. Antérieurement au 1er janvier 1990, les victimes
qui avaient 65 ans avaient droit à une indemnité de remplacement
du revenu, et depuis lors, les victimes âgées ont vu leur
indemnité de remplacement être réduite et, dans plusieurs
cas, de manière très importante.
M. le Président, le ministre de la Justice a
présenté à la dernière session, au Conseil des
ministres, son projet quant à la réforme du régime d'aide
et d'indemnisation des victimes d'actes criminels. Toutefois, il a dû
refaire en partie ses devoirs, puisque la création, comme je l'ai
mentionné tout à l'heure, d'une superstructure, d'une Commission
des victimes d'actes criminels lui a été refusée.
Pourtant, lors du Sommet, le ministre avait prétendu avoir obtenu l'aval
du Conseil du trésor relativement aux nombreux engagements qu'il prenait
lors de ce Sommet. Je dois dire, M. le Président, que l'institution de
cette structure ne faisait l'objet d'aucune objection de la part de notre
formation politique. Toutefois, nous sommes heureux de constater que le
ministre transfère tout de même la direction d'indemnisation de la
Commission de la santé et de la sécurité du travail au
ministère de la Justice.
Donc, M. le Président, nous arrivons au dépôt,
aujourd'hui, du projet de loi 106, Loi sur l'aide et l'indemnisation des
victimes d'actes criminels. Pardon, ce dépôt a eu lieu le 18
juin.
Le premier point. J'aimerais prendre uniquement quelques points sur
lesquels il va y avoir, je pense, de sérieuses discussions, des
échanges sérieux entre le ministre et nous-mêmes
relativement à cette loi. Je concours tout à fait à
l'esprit du ministre. Je pense que c'est une loi qui ne doit être
empreinte d'aucune partisa-nerie. Je pense que, ici, ce qui doit nous prendre
à coeur, ce sont les intérêts des victimes d'actes
criminels. Et c'est dans cet esprit que nous, de l'Opposition, nous nous
attaquerons à l'étude article par article de ce projet de loi. Et
le premier point global, je pense, qui fera l'objet d'un échange sera au
long délai qui s'est écoulé avant que le ministre ne
dépose ledit projet de loi. En effet, cette réforme faisait
partie des nombreux engagements pris par le ministre à l'occasion du
Sommet de la justice, comme je l'ai dit, en février 1992. Peu
après, il avait déclaré que ledit projet de loi serait
déposé à l'automne pour être finalement
adopté au printemps 1993. Rien dans le projet de loi ne semble justifier
ce délai supplémentaire. En effet, tout ce qu'il contient avait
déjà préalablement fait l'objet d'annonce de la part du
ministre.
Quant au projet de loi lui-même, l'essentiel a trait, comme je
l'ai mentionné tout à l'heure, à une harmonisation des
règles relatives à l'indemnisation des victimes d'actes criminels
avec celles de la Société de l'assurance automobile du
Québec. Sur cet aspect du projet de loi, je crois qu'il était
nécessaire d'attribuer un autre régime d'indemnité pour
les victimes. Mais était-ce celui de la SAAQ? Est-ce que l'harmonisation
aurait dû être faite avec ce régime plutôt qu'avec un
autre? Je pense que c'est un débat qui doit se faire. Pourquoi celui de
la SAAQ? Il semble que l'on se soit contenté, effectivement,
d'harmoniser avec la SAAQ sans se poser la question à savoir si ce
régime était sans contredit le plus approprié pour les
victimes.
Quant aux indemnités offertes par le régime
de la SAAQ, M. le Président, j'ai évoqué
précédemment les désavantages de ce régime quant
aux femmes au foyer, aux retraités, aux personnes sans emploi, aux
personnes âgées de plus de 65 ans, aux travailleurs temporaires ou
occasionnels ainsi qu'aux personnes dans l'impossibilité de travailler
qui se voient, je le répète, pendant 180 jours, privés de
toute indemnité.
Il y a d'autres inconvénients majeurs que crée
l'établissement de ce régime pour les victimes. Il y a notamment
l'apparition d'un délai de sept jours, un délai de carence de
sept jours avant que toute forme d'indemnité soit due. Ce délai
de carence est prévu à l'article 136 du projet de loi. Et ce
délai de carence est prévu pour toutes les catégories de
victimes. Actuellement, cette pénalisation ? car il s'agit, il faut
le dire, d'une pénalisation ? que l'on impose aux victimes n'existe
pas dans la loi. Qu'est-ce qui a bien pu conduire le ministre à
l'imposition d'une telle pénalité aux victimes? Combien d'argent
le ministre de la Justice va-t-il épargner et ainsi éviter de
distribuer aux victimes?
Également, M. le Président, dorénavant, au lieu
d'octroyer les indemnités sous forme de rente viagère, ce sera
souvent des montants forfaitaires qui seront versés aux victimes. Cela a
comme effet direct d'augmenter les montants attribués les
premières années, mais après six ans, ce sont des millions
de dollars d'économies que cela représente pour le
ministère. Bref, sous le couvert d'un régime
généreux, il y a plusieurs mesures qui sont
élaborées avec comme objectif de distribuer moins d'argent aux
victimes. D'ailleurs, sauf erreur de ma part, je crois que, quant au montant
maximum d'indemnité forfaitaire possible, la Loi sur les accidents du
travail et les maladies professionnelles serait, quant à l'analyse que
j'en ai faite, plus avantageuse.
D'ailleurs, M. le Président, je m'explique mal le fait que l'on
cherche de toutes les manières possibles à diminuer ou à
relativiser les indemnités aux victimes, lorsque je lis une disposition
du projet de loi telle que l'article 146 relatif aux victimes devenues
incarcérées. En effet, des victimes d'actes criminels continuent,
même après leur emprisonnement pour, évidemment, un
délit autre que celui qui a fait l'objet d'une indemnisation, à
bénéficier des avantages obtenus en faveur de la loi, mais dans
un moindre degré. Cette disposition incluse dans le projet de loi,
mérite, je le crois, des questionnements dans le contexte
économique actuel, M. le Président. Je peux comprendre qu'une
personne qui est une victime d'acte criminel et qui, par la suite, commet un
délit ne soit pas privée d'une indemnité ou d'une
indemnisation si elle a des dépendants, une famille à charge,
parce que ça serait injuste de pénaliser ainsi des
dépendants du fait que le père ou la mère soutien de
famille ait été emprisonné. Ça, je peux comprendre
ça.
Mais, quand la personne, disons l'ancienne victime d'acte criminel
maintenant devenue détenue, continue, même dans une proportion de
beaucoup amputée, de beaucoup diminuée, à recevoir une
indemnité alors qu'elle est seule et qu'elle est logée, il faut
le dire, aux frais de l'État, non volontairement, on doit le comprendre,
je m'imagine mal qu'elle continue de percevoir encore cette indemnité.
Je pense qu'il aurait peut-être été souhaitable d'envisager
la suspension du paiement de cette indemnité, quitte à ce que le
paiement de celle-ci reprenne après la durée de
l'incarcération. Alors, je pense que ça, c'est un point qui va
mériter un débat, un échange et une justification, surtout
dans un contexte de restriction budgétaire.
Également, dans un autre ordre d'idées, les
indemnités accordées pour le retard scolaire soulèvent
elles aussi des interrogations. En effet, ne devrait-on pas axer sur la
réadaptation dans le cas d'enfants d'âge scolaire qui constituent,
selon moi, peut-être, un meilleur choix pour la société,
car l'indemnité à déterminer pour un préjudice
physique ne pose pas de problème de prime abord? (17 h 10)
Toutefois, l'indemnité pour un problème de nature
psychologique est plus difficile à déterminer. En effet, comment
faire le lien entre le retard scolaire et le problème psychologique?
Nous assisterons à des parades de batteries d'experts, avec tout ce que
cela comporte comme inconvénients et coûts astronomiques pour
notre système. Dorénavant, la dénonciation de l'infraction
criminelle à l'autorité policière devient une condition
d'admissibilité de la victime pour l'obtention de quelque
indemnité que ce soit.
M. le Président, cet article a pour effet d'obliger
systématiquement toute victime à dénoncer l'infraction. On
n'a qu'à penser aux nombreux cas d'agression sexuelle et de violence
conjugale qui ne sont pas dénoncés par peur de
représailles ou parce que la victime connaît l'agresseur. On sait
aussi qu'il se fait beaucoup de «victimisation» secondaire dans ces
cas difficiles et particuliers. Le caractère obligatoire de cet article
défavorise nettement les femmes, puisque l'on sait que cette
catégorie de victimes n'a pas confiance dans le système
judiciaire et policier de même qu'en l'attitude que les intervenants de
ce milieu ont à l'égard de ce type d'infraction, ce qui explique
encore aujourd'hui le faible taux de dénonciation de ces infractions.
Également, les victimes craignent pour leur vie privée. À
titre d'exemple, une étude réalisée en 1984 sur la
fréquence des agressions sexuelles au Canada a
révélé que 12 % des femmes interviewées n'en
avaient jamais parlé à personne. Une autre étude sur le
viol établit que 42 % des victimes ont gardé le silence.
Il est justifié, M. le Président, dans le contexte
économique actuel, que le législateur veuille tenter de
réduire les situations où les victimes prétendent
indûment avoir droit à des indemnités. Toutefois,
l'objectif du projet de loi est de prévoir et de favoriser des
mécanismes pour que les victimes soient indemnisées pour les
dommages subis. Ce n'est pas une loi qui gère des questions de
sécurité publique, il me semble. D'ailleurs, il semblerait que
l'unique justification qu'une telle obligation soit incluse dans le projet de
loi soit d'attraper, si je peux m'exprimer ainsi, quelque 5 % qui seraient
indemnisés à l'heure actuelle mais qui n'y auraient pas
droit puisque, par leur faute, ces victimes auraient contribué d'une
manière ou une autre à l'infraction. M. le Président, je
trouve la contrepartie exigée un peu lourde par rapport aux
bénéfices escomptés.
Dans un autre ordre d'idées, M. le Président, je dois dire
qu'il y a un aspect qui n'a pas été puisé dans la Loi sur
les accidents du travail et les maladies professionnelles et qui n'a pas fait
non plus l'objet d'harmonisation avec la Loi sur l'assurance automobile, et il
s'agit du critère de la résidence. En effet, l'article 1 du
projet de loi édicté: «Est une victime visée par les
dispositions du présent titre la personne qui, par suite d'une
infraction criminelle qui est perpétrée au Québec, subit,
directement ou indirectement, un préjudice corporel, psychique ou
matériel.» Concrètement, cela veut dire que l'on indemnise,
par exemple, un Français victime d'un acte criminel sur le territoire
québécois, mais pas l'inverse. Si aucune loi n'existe sur le
territoire où le Québécois est victime d'un acte criminel,
alors, à ce moment-là... On peut penser aux personnes,
d'ailleurs, qui se sont fait agresser depuis quelque temps en Floride. On se
souviendra qu'il y en a même une qui est décédée,
laissant ainsi des personnes à charge dont un enfant de cinq ans. Eh
bien, M. le Président, ces victimes, leurs conjoints ou leurs proches ne
recevront absolument rien!
Il y a lieu, M. le Président, de se poser des questions quant
à cette situation qui m'apparaît somme toute trop
généreuse puisque, selon les informations que j'ai obtenues, il
n'existerait aucune entente de réciprocité conférant aux
citoyens québécois le droit de percevoir des indemnités
à la suite de la perpétration d'un acte criminel à un
endroit ailleurs qu'au Québec. À la rigueur, je reproche au
ministre de ne pas avoir conclu de telles ententes, si possible, et je lui pose
la question: Pourquoi n'a-t-il pas essayé de conclure de telles
ententes? La seule condition pour maintenir cet aspect du projet de loi
consiste, selon moi, à conclure de telles ententes, sinon on doit
valablement se poser la question, dans le contexte économique actuel:
Est-ce que les payeurs de taxes québécois doivent payer pour
cela? Il me semble, quant à cet aspect, et je le répète,
que le régime proposé par le ministre est trop
généreux. Enfin, je crois qu'il y aurait lieu de faire
l'évaluation de l'impact financier d'une telle mesure avant de la
réinsérer dans la forme proposée, et je poserai des
questions au ministre à ce sujet en commission parlementaire, lors de
l'étude article par article.
Pour terminer, M. le Président, j'aimerais aborder un autre
point, soit au titre I du projet de loi, celui qui traite des droits et
responsabilités. Si le ministre a pris connaissance des débats en
commission lors de l'adoption du principe du projet de loi 8, Loi sur l'aide
aux victimes d'actes criminels, il a pu observer que la plupart des reproches
qui étaient soulevés en regard de ce titre, à cette
époque, par mon ancien collègue, le député Claude
Filion, sont toujours de circonstance aujourd'hui. En effet, tout ce que fait
le projet de loi 106 quant à cette partie, «Droits et
responsabilités», c'est de reprendre presque intégralement
les dispositions de la Loi sur l'aide aux victimes d'actes criminels, sans
modification de fond. Il s'agit ni plus ni moins d'une répétition
de 1988.
Toutefois, force m'est de constater que cette partie de la loi n'a connu
que peu d'applications. En effet, les victimes n'ont aucun recours à
faire valoir lorsqu'un droit énoncé dans cette loi est
brimé. En d'autres termes, cette loi n'a fait qu'énoncer des
principes en n'offrant aucune garantie aux victimes. Le projet de loi 106 ne
fait malheureusement que traduire à nouveau cette situation, avec tous
les reproches qu'on peut lui opposer. Le projet de loi 106 ne permet donc pas
d'assurer davantage la connaissance des véritables droits pour les
victimes. Tout cela demeure, je le regrette, M. le Président,
l'énoncé de laconiques voeux pieux. Pourtant, il me semble
qu'à ce sujet le Sommet de la justice avait permis de dégager un
consensus auquel se ralliait le ministre.
Je dois le dire, M. le Président, suite à une recherche
que j'ai faite, j'ai trouvé ça absolument aberrant de constater
que, de 1988 à 1992, une loi quand même peu connue, la Loi sur les
abeilles, est finalement arrivée deux fois devant nos tribunaux, suite
à une contestation ou à une interprétation de ladite loi.
De 1988 à 1992, deux fois ce projet de loi est passé devant nos
tribunaux. Mais, de 1988 à 1992, la Loi sur l'indemnisation des victimes
d'actes criminels, quant à elle, la loi actuelle, n'est venue qu'une
seule fois. Il y a une seule décision qui porte sur cette loi. C'est
donc vous dire, M. le Président, à quel point la loi actuelle,
les droits des victimes d'actes criminels sont méconnus. Il y a peu de
publicité qui est faite pour informer les gens quant à leurs
droits et leurs recours. C'est une loi qui est peu connue de la population.
Et je me demande quel est, finalement, le bienfait de mentionner dans
une loi des droits si, comme je l'ai mentionné
précédemment, il n'y a pas de recours en cas de manquement
à ces droits. Je sais qu'il existe présentement un genre de
mécanisme ou, en tout cas, un bureau, que je pourrais appeler, de
plaintes au ministère de la Justice relativement aux victimes d'actes
criminels. J'ai moi-même essayé de savoir comment fonctionnait ce
mécanisme de plainte. J'ai appelé au ministère de la
Justice, et on ne savait absolument pas comment traiter une plainte. Personne
ne savait exactement que faire de la plainte potentielle que je pouvais poser.
Et je suis député, M. le Président. Alors, j'imagine la
pauvre victime d'acte criminel, présentement, qui voudrait
déposer une plainte, qui voudrait se plaindre qu'un de ses droits,
là, un de ses droits nouveaux qu'on dit qu'on lui donne maintenant,
qu'on lui accorde... Comment va-t-elle se plaindre? À qui va-t-elle se
plaindre? Déjà, comme je l'ai mentionné tout à
l'heure, de nombreuses victimes n'osent même pas déclarer l'acte
criminel dont elles sont la victime, et maintenant on s'attend à ce
qu'elles prennent les devants pour voir au respect de ces droits qui sont
maintenant établis par ce projet de loi.
Donc, je pense qu'il ne s'agit pas, dans un projet
de loi, de mentionner des droits. Il faut prévoir des sanctions,
il faut prévoir un mécanisme facilement accessible, qui va
être connu, qui va être disponible pour les gens et auquel les gens
auront confiance quant à son impartialité, quant à son
efficacité. Et je crois que le projet de loi, à cet effet, ne
répond pas réellement à une préoccupation, à
la préoccupation qui a été déjà
énoncée par les différents organismes qui travaillent
auprès des victimes d'actes criminels.
M. le Président, je vais terminer ici mon intervention. Je
voudrais faire valoir que les points que je n'ai pu soulever lors de mon
intervention ne doivent pas être qualifiés comme étant de
moindre importance. Je le dis, je le répète, M. le
Président, ce projet de loi soulève énormément
d'interrogations, et nous allons les soulever lors de l'étude article
par article du projet de loi. (17 h 20)
À ce stade-ci, M. le Président, l'Opposition officielle va
voter en faveur de l'adoption du principe de ce projet de loi, parce que nous
sommes confiants, comme le ministre en a fait preuve dans le passé,
qu'il saura faire preuve d'ouverture, qu'il écoutera les deux organismes
qui vont venir témoigner devant notre commission, c'est-à-dire
l'organisme plaidoyer-victimes et le Barreau du Québec. Je suis certain
que le ministre prendra en considération les représentations
faites par ces organismes.
Je suis certain aussi qu'il sera ouvert à un échange
à fond sur certaines questions qui, d'après moi, ne sont pas
touchées, qui ne sont pas mentionnées dans ce projet de loi. Une
question qui me préoccupe énormément, c'est
l'évaluation des CAVAC qui sont actuellement en place. J'ai
cherché à avoir des statistiques, à avoir de l'information
sur les CAVAC qui sont actuellement ouverts, qui sont sur le territoire du
Québec. Des gens qui travaillent dans le milieu m'ont fait part que,
dans certains CAVAC en région, ils recevaient trois appels par semaine.
Trois appels par semaine avec du personnel, trois à quatre personnes
à temps plein qui travaillent dans ces CAVAC. Dans d'autres CAVAC en
milieu urbain, les gens sont littéralement débordés
d'appels et de travail. Donc, je pense qu'il y a une évaluation à
faire au niveau des ressources qui sont présentement disponibles, des
ressources qui sont présentement déployées dans les
centres d'aide aux victimes d'actes criminels.
Présentement, il n'y a aucun processus d'évaluation de ces
CAVAC, à moins que le ministre me fasse part qu'il y a, au niveau
interne du ministère de la Justice, une façon de faire cette
évaluation ou que cette évaluation a été faite. Je
pense que c'est le genre de discours qu'il faut tenir présentement au
niveau du ministère de la Justice. Évaluons les objets que nous
avons, les instruments que nous avons. Nous sommes pleinement conscients que
les ressources monétaires manquent au gouvernement et qu'elles
manqueront au prochain gouvernement. Mais plutôt que de couper d'une
façon aveugle, comme semble le faire le président du Conseil du
trésor, je pense qu'il faut évaluer ce que nous avons
présentement. Nous devons évaluer ce que nous avons, faire en
sorte que ce soit plus performant, que ce soit plus efficace, à savoir:
Est-ce que ça répond à une demande à l'endroit
où c'est présentement? Je pense que ce débat doit se
faire.
D'ailleurs, dans le projet de loi, le ministre, à plusieurs
endroits, a mis des limites, à savoir qu'on donne un droit, qu'on donne
un recours ou qu'on donne une aide, mais sous réserve des
disponibilités et des ressources à l'endroit où la
personne réside. Je pense que ces limites ne devraient pas avoir lieu.
Si on donne un droit, on le donne à tout le monde, M. le
Président. On doit voir à ce que tout le monde ait le même
droit, pas nécessairement que les gens de Montréal vont avoir
plus de droits, de recours ou d'aide par rapport aux gens qui sont en
région.
Alors, ce sont toutes ces considérations qui, je pense, feront
l'objet d'échanges, je l'espère et j'en suis certain, qui seront
fructueux et qui seront, quant à nous de l'Opposition, tout à
fait sans partisanerie, car au niveau de la commission des institutions, et
surtout au niveau d'un tel projet de loi qui touche les intérêts
des gens, des victimes d'actes criminels, c'est vraiment... Moi, ce qui me
préoccupe, en tout cas, c'est le droit de ces victimes, le droit des
gens qui sont les plus démunis.
Comme je l'ai mentionné dans mon discours, M. le
Président, si on a cru bon de faire un projet de loi dans les
années soixante-dix là-dessus, c'est parce que, justement, au
niveau des autres recours, comme les tribunaux de droit commun, les recours
étaient tout à fait illusoires. Pourquoi poursuivre un criminel
qui, de toute façon, est insolvable, se retrouve en pénitencier
pour 10 ans, pour 20 ans? Alors, c'était tout à fait illusoire,
c'était le vide juridique tout à fait total.
On a cru bon, à juste titre, de donner un régime
d'indemnisation public pour ces gens. Alors, maintenant, je crois qu'il faut y
apporter toute l'attention nécessaire, et il faut faire bien attention
de faire en sorte que ce régime dont nous sommes fiers ? c'est un
des programmes sociaux, je pense, dont on peut dire que le Québec doit
s'enorgueillir quant au traitement de ses victimes d'actes criminels. Il faut
donc faire en sorte que nous ne perdions pas cet acquis. En voulant, d'une
façon... annoncer, le bonifier, il faut éviter de faire en sorte
que, dans les faits, nous diminuions ces avantages qui sont déjà
disponibles, déjà accessibles, pour ces gens qui en ont
véritablement besoin.
Donc, M. le Président, j'ai bien hâte de pouvoir attaquer
l'étude article par article de ce projet de loi. J'espère
qu'ainsi nous ferons en sorte que l'ensemble de la collectivité
québécoise se verra maintenant pourvue d'un système
réellement bonifié, réellement amélioré
quant à l'indemnisation de ses victimes d'actes criminels. Je vous en
remercie, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le
député d'Anjou. Je vous rappelle que nous sommes à
discuter de la motion proposant l'adoption du principe du projet de loi 106,
Loi sur l'aide et l'indemnisation
des victimes d'actes criminels. Je cède maintenant la parole
à M. le député de Chapleau, adjoint parlementaire au
ministre de la Justice. Vous avez droit à une intervention de 20
minutes, M. le député.
M. John J. Kehoe
M. Kehoe: Merci, M. le Président. Je pense qu'avant
d'entrer dans les détails de l'étude du projet de loi que nous
avons devant nous aujourd'hui il est important de faire certaines observations
et commentaires.
Bien que le Québec bénéficie d'un système
judiciaire de qualité, il est fort complexe et parfois inaccessible pour
certaines personnes. Les raisons sont fort simples. Les procédures sont
d'une grande complexité, et les coûts que ces dernières
engendrent et les délais d'audition et de résolution des litiges
imposés aux justiciables sont considérables. C'est pourquoi notre
gouvernement a jugé bon de procéder à une importante
réflexion sur l'évolution de la justice au Québec.
Toutefois, lorsqu'on procède à une réflexion de ce
genre, il est important de retracer les principales réalisations du
gouvernement du Québec dans ce domaine. C'est ainsi qu'il faut souligner
que les grandes lois et les grands principes ont été
adoptés pour venir en aide d'abord et avant tout à la population
de la province de Québec. Pensons notamment aux Charte des droits et
libertés, Loi sur l'aide juridique, loi des petites créances, Loi
sur la protection de la jeunesse, et une réalisation qui nous concerne
plus précisément aujourd'hui, la Loi sur l'indemnisation des
victimes d'actes criminels.
Ces lois, M. le Président, ont permis au Québec de se
positionner parmi les sociétés les plus démocratiques au
monde. Bref, c'est ce qui fait que le Québec est ce qu'il est
aujourd'hui, une société ouverte, juste et conforme aux
intérêts de son peuple. Bien qu'il s'agisse là de
réalisations majeures, notre gouvernement a décidé de
poursuivre dans cette même voie et non de pratiquer une politique de
laisser-faire et de laisser-aller.
À cet égard, vous vous rappellerez qu'en février
1992 se tenait le Sommet de la justice. L'idée de tenir un tel sommet a
pris naissance lors du 25e anniversaire de la création du
ministère de la Justice, en 1990. À ce moment, le ministre de la
Justice et Procureur général a considéré que le
temps était venu d'effectuer une réflexion majeure sur la justice
au Québec et a annoncé son intention d'organiser un tel sommet
pour faire un bilan de la situation actuelle et engager de nouvelles
orientations que nous devrons privilégier, ceci en tenant compte, bien
sûr, de l'évolution de notre système de justice et de
l'implication essentielle de tous les partenaires de la justice.
M. le Président, il ne faut pas se cacher que nous vivons
présentement des problèmes de société qui
nécessitent une réflexion immédiate et, cela va de soi,
des actions concrètes afin d'arriver avec des solutions, et ce,
rapidement. Puisque la justice repose sur des principes de qualité et
d'accessibilité, il ne faut jamais perdre de vue l'évolution de
la société afin que l'on puisse répon- dre
adéquatement aux nouvelles exigences qui émergent chaque jour.
(17 h 30)
Dans ce contexte, M. le Président, je peux dire que le
gouvernement libéral a souscrit à ce principe lorsqu'il a
élaboré le projet de loi 106 concernant l'aide et l'indemnisation
des victimes d'actes criminels. Ces actes criminels sont un véritable
problème social, puisqu'ils causent des dommages la plupart du temps
irréparables à la personne. Le projet de loi 106 est donc,
à cet égard, une autre mesure pour humaniser la justice. En
effet, M. le Président, ce projet de loi propose de regrouper en une
seule loi les deux lois qui confèrent les droits aux victimes, soit
celle sur l'indemnisation et celle sur l'aide aux victimes d'actes
criminels.
En conséquence, il propose le regroupement du Bureau d'aide aux
victimes d'actes criminels, rattaché actuellement au ministère de
la Justice, et de la Direction de l'indemnisation des victimes d'actes
criminels, laquelle est actuellement gérée par la Commission de
la santé et de la sécurité du travail. Cette mesure aura
pour effet de simplifier les démarches que les victimes doivent
effectuer pour obtenir de l'aide. Dorénavant, les victimes n'auront donc
plus à s'adresser à des organismes différents pour obtenir
des services d'aide, de soutien et d'accompagnement pour recevoir une
indemnisation. Le projet de loi permettra de faciliter l'accessibilité
aux services pour les victimes d'actes criminels.
Deuxièmement, le projet de refonte vient actualiser le
régime d'indemnisation mis en place en 1971 pour que ce dernier
épouse davantage la réalité. On se rappellera qu'à
cette époque l'Assemblée nationale a adopté la Loi sur
l'indemnisation des victimes d'actes criminels et, plus récemment, la
Loi sur l'aide aux victimes d'actes criminels. La Loi sur l'indemnisation des
victimes d'actes criminels, qui est d'ailleurs entrée en vigueur en mars
1972, était inspirée par l'accroissement de la criminalité
violente et par l'impossibilité, pour certaines victimes, d'être
indemnisées. Que ce soit en raison de l'insolvabilité de l'auteur
d'une infraction ou parce que ce dernier était inconnu ou qu'il ne
pouvait pas être retracé, effectivement, il était devenu
alors impératif d'accorder des indemnités aux victimes de crimes
contre la personne et, en cas de décès de celles-ci, à
leurs dépendants. Ce projet de loi visait ainsi à encourager les
citoyens à collaborer avec l'administration de la justice. Des
indemnités étaient alors prévues pour les personnes ayant
subi des dommages corporels ou matériels en prêtant largement main
forte à la justice.
Aujourd'hui, le projet de loi 106 s'inspire du régime
d'indemnisation le plus récent au Québec, c'est-à-dire
celui des victimes d'accidents d'automobile, lequel s'adresse, à
l'instar du régime des victimes d'actes criminels, à toute
personne, indépendamment de son âge ou de sa situation
sociale.
Par ailleurs, le projet de loi 106 propose d'élargir la
définition de «victime» pour permettre aux proches de
recevoir des traitements de réadaptation. Cette mesure vise
principalement à apporter un support adéquat à la
victime. De plus, ce projet de loi permet que soit versée une
indemnisation aux personnes blessées lors d'une intervention visant
à prévenir, de bonne foi, la commission d'un crime. De plus,
l'actuel délai de prescription d'un an pour présenter une demande
sera porté à trois ans.
M. le Président, cette réforme du régime d'aide et
d'indemnisation des victimes d'actes criminels, on s'en aperçoit, permet
véritablement d'humaniser la justice. J'en veux pour preuve la
volonté du ministre de la Justice de développer de nouveaux
centres d'aide aux victimes d'actes criminels, qui viendront compléter
le réseau actuel qui en compte 10. Ces nouveaux centres seront
répartis sur l'ensemble du territoire et permettront aux victimes de
bénéficier de services d'accueil et de support que dispensent ces
centres d'aide. Ces centres, M. le Président, qui ont une vocation toute
particulière, sont très importants pour les victimes qui
subissent un choc suite à la perpétration d'un acte criminel,
quel qu'il soit. D'où l'importance de continuer à ouvrir, ouvrir
pour que des victimes d'actes criminels puissent bénéficier d'un
support auquel elles ont droit.
Enfin, M. le Président, vous me permettrez d'aborder un dernier
point tout aussi important que les précédents, il s'agit de la
compétence du ministre de la Justice en matière d'indemnisation
des victimes d'actes criminels. Le projet de loi 106 prévoit, en effet,
la compétence du ministre en cette matière de même que son
pouvoir de déléguer l'exercice de ces pouvoirs qui lui sont
attribués. Ainsi, le ministre pourra accompagner une aide
financière de la promotion des droits et de la défense des
intérêts des victimes, de la réalisation et la diffusion
d'études et de recherches sur toute question relative aux victimes et du
soutien de ces regroupements d'organismes communautaires d'aide aux victimes.
Le projet de loi prévoit que le bureau constitué au sein du
ministère de la Justice en vertu de la Loi sur l'aide aux victimes
d'actes criminels aura aussi compétence à l'égard de
l'indemnisation. Il poursuivra donc ses activités sous le nom de Bureau
d'aide et d'indemnisation des victimes d'actes criminels. Il s'agit d'un bureau
qui favorise actuellement l'information aux victimes et l'établissement
de programmes et de services appropriés. M. le Président, cette
solution va permettre de respecter l'un des objectifs majeurs de la
réforme, c'est-à-dire la mise en place d'un guichet unique, tant
pour l'aide que pour l'indemnisation. Cette solution permettra également
de rationaliser les coûts d'administration des programmes tout en
maximisant l'utilisation des ressources en place.
M. le Président, le projet de loi 106 démontre à
quel point le gouvernement libéral est sensible aux questions
d'équité et d'accessibilité à la justice. De tous
les gestes que nous avons posés dans ce domaine, il est une ligne
directrice qui en émane, celle de permettre aux citoyens de se retrouver
dans le système judiciaire parfois très complexe. Il s'agit donc,
comme je l'ai dit au tout début de mon allocution, de rendre la justice
plus accessible, plus humaine et plus efficace.
Simplifier la justice, voilà l'objectif poursuivi par le
gouvernement libéral du Québec. Je dirais même que
l'objectif est atteint puisque le grand gagnant des politiques et des
engagements pris par le ministre de la Justice lors du Sommet de la justice
n'est nul autre que le citoyen. En somme, la politique libérale fait en
sorte que la justice soit de plus en plus au service des gens. Avec le projet
de loi 106, je crois que nous pouvons affirmer que cette chose est faite.
M. le Président, vous me permettrez de dire seulement un mot par
rapport à l'attitude du porte-parole de l'Opposition dans ce domaine. Je
trouve que son approche est très positive. Il dit qu'il va voter en
faveur du projet de loi, mais il veut certains renseignements, certains
éclaircissements, certaines modifications peut-être, à
toutes fins pratiques, à la loi actuelle que nous avons devant nous.
Je pense que le passé, c'est le garant du futur. Le ministre de
la Justice, depuis que je travaille avec lui ? ça fait
au-delà de quatre ans ? dans tout... Lorsque l'Opposition demande
certains renseignements, même quand ils ont demandé des experts
pour travailler avec eux lors de l'étude de la réforme du Code
civil, il y a des experts qui étaient à la disposition de
l'Opposition. Il y avait tous les renseignements qu'il fallait. (17 h 40)
Je pense que le ministre, dans ce projet de loi que nous avons devant
nous aujourd'hui... Le porte-parole de l'Opposition lui a demandé
certains renseignements, certaines questions qu'il aurait posées, mais
le ministre va encore plus loin. La semaine prochaine, fort probablement, nous
allons étudier en commission parlementaire, article par article, cette
loi-là. Et il a demandé à deux groupes de venir donner
plus de renseignements, plus de détails, plus d'éclaircissements,
plus de positions. Ces deux groupes-là peuvent répondre à
toutes les questions du porte-parole ou de l'Opposition.
Je pense que l'attitude prise par l'Opposition est très mature,
très positive, mais aussi la position prise par le ministre de la
Justice de fournir tous les renseignements pour que cette loi-là soit
adoptée le plus tôt possible. Ça fait longtemps que ceux
qui travaillent dans le milieu, je pense... M. le Président, vous
êtes avocat. Moi, je le suis. J'ai déjà été
procureur de la couronne. J'en ai vu des victimes d'actes criminels. J'ai vu ce
qu'elles subissent, le traumatisme physique et souvent psychologique qui reste
avec eux longtemps. Ça fait longtemps qu'ils attendent après
cette loi-là.
La modernisation, la bonification de cette loi-là, nous avons
ça devant nous. L'Opposition aura tous les renseignements la semaine
prochaine lors de l'étude article par article. Je suis sûr qu'avec
eux nous pourrons collaborer ensemble pour assurer que cette loi-là soit
adoptée le plus tôt possible, pour que tout le monde et surtout
les gens qui sont pris avec les problèmes, qui sont les victimes
puissent en bénéficier.
Avec ça, M. le Président, je vous remercie de m'avoir
donné la chance de m'exprimer sur ce projet de loi.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le
député de Chapleau. Mme la députée des
Chutes-de-la-Chaudière, je vous cède le droit de parole. Vous
avez droit également à une intervention de 20 minutes.
Mme Denise Carrier-Perreault
Mme Carrier-Perreault: Merci, M. le Président.
Effectivement, on est en face du projet de loi 106, projet de loi qui fait
suite à un engagement formel du ministre lors du dernier Sommet de la
justice. On sait que le ministre s'était engagé à faire
une révision en profondeur de la Loi sur l'aide et l'indemnisation des
victimes d'actes criminels.
Vous savez, il y a eu plusieurs engagements à ce Sommet de la
justice, M. le Président. On a vu d'autres projets de loi. Je pense
à celui sur la médiation familiale en district judiciaire. Disons
qu'il y a une constante, quand même, dans les propos du ministre. Je
pense que le ministre avait pris beaucoup d'engagements. Les propos du ministre
lors de la prise de ces engagements-là avaient créé
effectivement beaucoup d'attentes dans la population. Mais, souvent la mise en
place de ces engagements-là, eh bien, compte tenu des engagements qui
étaient fermes, nous déçoit quand même un petit peu,
parce qu'on trouve que c'est des demi-mesures qu'on retrouve.
Certes, il s'agit d'une réforme. On se rend compte qu'il y a des
points intéressants dans ce projet de loi là, et c'est pourquoi
je suis d'accord avec mon collègue quand il dit que, sur le principe,
l'Opposition, on va voter pour, mais, oui, ça suscite beaucoup
d'inquiétudes et ça ne va probablement et sûrement pas
aussi loin que le ministre l'avait laissé entendre. Parce que ce n'est
pas vraiment une réforme en profondeur. Il y a beaucoup de choses qu'on
aurait pu corriger dans ce projet de loi par rapport à la loi existante,
et je pense à tout l'aspect du chapitre I en ce qui concerne les droits
et les responsabilités. On énumère très bien les
droits des victimes, M. le Président, mais la lacune qui existait
à l'époque au sujet des recours, bien, elle existe toujours parce
qu'on n'a rien changé. En fait, on donne beaucoup de droits, on explique
les droits aux gens. On dit: Vous avez droit à ci, à ça,
les droits... Bon. Mais les recours comme tels, on a de la difficulté,
on ne les retrouve pas. C'est une des choses.
M. le Président, si je tenais à intervenir sur ce projet
de loi là, je tenais à le faire à titre de porte-parole en
matière de condition féminine et famille. Je tenais à le
faire parce que les inquiétudes que moi j'ai sur ce projet de loi
concernent effectivement les femmes, les femmes victimes de violence conjugale,
de violence familiale. Vous savez que c'est quand même un nombre
important au Québec. Ces cas-là augmentent de plus en plus, on le
sait. On a des limites assez importantes pour traiter les cas de violence
conjugale et familiale.
Mais, par ailleurs, on a aussi des interrogations, compte tenu, entre
autres, des choses qui sont inscrites dans le projet de loi. Il y a plusieurs
articles. On pense, entre autres, à l'article 11 où on oblige
à dénoncer à l'autorité policière. C'est un
sujet d'inquiétude important pour les femmes, ce dossier-là, M.
le Président, parce que, effectivement, on sait comment c'est difficile
déjà, comment les gens éprouvent de la difficulté
seulement à parler de leurs problèmes quand ils vivent ce genre
de problèmes là, que ce soit au niveau de la violence envers les
enfants, aussi, ou encore les cas d'agression sexuelle. On parle de cas de
violence qui se déroulent dans des familles, là où les
agresseurs et les victimes ont des liens entre eux, des liens qui sont
très étroits, M. le Président.
Il y a le partage entre l'attachement et la haine, suite à ce
genre d'actes criminels. Alors, on voit toute la dimension émotive qu'on
peut avoir à discuter et à aller dénoncer quelqu'un qui
parfois est correct et parfois pas correct, avec qui on a des liens profonds ou
on a des attachements. Alors, là, l'article 11 de ce projet de loi
obligera, à l'avenir, pour recevoir des prestations, les victimes
à aller dénoncer aux autorités policières. Les
autorités policières, les juges et les avocats, il faut le dire,
de plus en plus les gens demandent qu'il y ait de la formation qui se donne
à ces gens-là, que ces gens-là soient touchés,
qu'on les informe de ce que peuvent sentir... comment ils peuvent aborder ce
genre de crime, si on veut, du genre de victimes qui leur arrivent, du genre de
traitement qu'ils peuvent apporter à ces cas-là. Alors, on en est
encore à demander de la formation, d'informer et de sensibiliser les
gens qui oeuvrent dans le domaine policier, dans le domaine de la justice, et
pourtant, dans le projet de loi qu'on a devant nous, M. le Président, on
va obliger les victimes à aller faire de la dénonciation de ce
genre-là aux autorités policières.
Je peux comprendre que ça prend des contrôles. J'en suis,
d'ailleurs, M. le Président; il faut quand même pouvoir
contrôler la véracité de ces faits-là. Mais il reste
que, auparavant, il y avait quand même des enquêtes qui pouvaient
se faire, hein? Les gens pouvaient avoir droit aux indemnités comme
telles, M. le Président, mais la seule enquête qui se faisait,
à ce moment-là, c'était d'aller auprès des gens de
l'IVAC; on dénonçait, on faisait une demande, l'avocat de l'IVAC
rencontrait la victime, il y avait discussion, petite enquête, et la
personne pouvait être eligible pour recevoir ces prestations-là.
À partir du moment où on adoptera le projet de loi, bien, disons
que ce ne sera plus possible, parce que la façon de faire pour
être eligible, pour avoir droit de faire cette demande-là, c'est
qu'il faudra dénoncer aux autorités policières.
Quand on regarde l'article 19, M. le Président, on se rend compte
aussi que c'est un carcan assez épouvantable pour les personnes qui sont
en situation de violence conjugale ou familiale. On voit, à l'article
19, que le ministre pourra... En fait, le ministre peut refuser une prestation,
en réduire le montant, en suspendre ou en cesser le paiement dans les
cas suivants... Bon, si on entrave les examens, si on entrave des mesures de
réadaptation mises à sa disposition, qu'est-ce qui peut entraver
ce genre de réadaptation, par exemple? Quelles
sont les mesures qui peuvent causer entrave? Parce que, dans ces
cas-là, le ministre pourra refuser ou annuler tout simplement la
prestation.
Est-ce que, par exemple, le fait de retourner avec un conjoint qui
était violent ou qui a participé, si on veut, à une
agression sur sa conjointe, si les choses changent, s'il y a des
améliorations, est-ce que le fait de retourner vivre avec ce
conjoint-là devient une entrave? Parce qu'il y a des situations qui
peuvent changer, on le sait aussi, M. le Président.
L'article 145, le ministre en a parlé tout à l'heure, et
là aussi il y a beaucoup d'interrogations. L'article 145, c'est
très clair, est vraiment là pour les personnes qui demandent des
prestations et qui sont victimes de violence conjugale ou de violence
familiale. On dit que «le ministre peut prendre les mesures qu'il juge
appropriées pour s'assurer que les prestations auxquelles le
réclamant a droit ne profitent à la personne responsable du
préjudice qu'il subit...» Alors, encore là, le ministre
peut suspendre, peut étaler, peut exiger qu'il y ait un curateur, etc.
Mais, quand on voit le premier paragraphe, c'est très évident
qu'on voit aussi la clientèle à qui cet article-là
s'adresse, parce que ce n'est pas la personne qui est agressée par un
inconnu dans la rue à qui ça peut arriver. Ce n'est pas la
personne qui va se faire voler son sac à main, ou qui va être
agressée chez un dépanneur, peu importe, ou qui sera
bousculée par un inconnu à qui ça arrivera. Ce genre de
mesures s'adresse directement aux conjoints et aux conjointes qui sont victimes
de violence. (17 h 50)
Alors, pourquoi on en arrive avec ce genre de mesures? Le ministre nous
disait tout à l'heure: II faut absolument éviter que les
indemnités, que ces prestations-là ne profitent, finalement,
à la personne qui a participé au geste violent, qui a
été l'agresseur, à toutes fins pratiques. Mais, quand on
voit les mesures, M. le Président, on parle d'aide familiale, d'aide
à la garde pour les personnes qui sont dans leur foyer, si on veut, pour
les mères au foyer, alors on parle de forme d'aide comme
celle-là, on parle de support, mais cette aide-là s'adresse
toujours à la personne qui est concernée, qui n'est pas capable,
qui devient incapable d'assumer sa tâche pour un certain temps, soit
vis-à-vis de ses enfants ou soit vis-à-vis de son travail. Alors,
là, on dit que, ça, cette mesure-là, on la prend parce
qu'il ne faut pas que le conjoint, entre autres ? parce que c'est de
ça dont il s'agit ici, c'est très clair; d'ailleurs, le ministre
nous l'a clairement exprimé aussi tout à l'heure ? il ne
faut pas que le conjoint profite de cette prestation-là. Je trouve
ça assez délicat, et je pense qu'on aura beaucoup de questions
concernant cet article-là. Ça soulève aussi certaines
inquiétudes. C'est assez étonnant aussi de retrouver
ça.
Dans un article comme l'article 145, M. le Président, ça
veut dire qu'on s'immisce, qu'on s'ingère carrément dans la vie
privée des gens, dans leur vie privée, et pourtant, vous savez
que l'article 3 du Code civil, qui sera, bien sûr, en application en
janvier est très clair par rapport aux droits des gens concernant leur
vie privée. Alors, disons aussi qu'on s'adresse à une petite
quantité de victimes parce que, vous savez, compte tenu des
difficultés dont je vous parlais tout à l'heure, compte tenu de
la discrétion, la très grande discrétion des victimes de
violence conjugale ou familiale, c'est évident que le nombre des faits
et des demandes qui sont rapportés dans ce domaine-là en
particulier, concernant ce genre de crime, est très faible. Alors, c'est
une mesure qui s'adresse à une très faible proportion des
demandeurs de prestations au niveau de l'indemnisation pour les victimes
d'actes criminels. Donc, très petite portion. On s'ingère dans la
vie privée des gens, alors, c'est sûr qu'on aura sûrement
des questions à poser au ministre.
Vous savez, il y a plusieurs raisons qui font que c'est une petite
partie. Il y a les raisons qui touchent ce que je vous disais tout à
l'heure concernant la discrétion, concernant l'émotion, les liens
profonds que les gens ont l'un envers l'autre, victime et agresseur, mais il y
a aussi le fait que cette loi-là, la loi qu'on a devant nous, est une
loi qui, même si elle existe depuis 20 ans, n'est pas connue, est
très largement méconnue. Chaque année, on nous dit qu'il y
a seulement 5 % des personnes qui sont victimes d'actes criminels qui font des
demandes. Et, en plus, ce qu'on nous dit, c'est que par rapport à ces 5
%, il y a 20 % des demandes d'indemnisation, des demandes qui sont faites,
là, qui sont rejetées parce que les victimes n'avaient pas
été informées à temps et que, bien sûr, le
délai de prescription est dépassé. Alors, on voit à
quel point la loi n'est pas connue. Quand on parle de 5 % seulement des
victimes d'actes criminels qui se prévalent de cette loi-là,
ça nous donne une bonne idée. C'est tellement méconnu,
d'ailleurs, M. le Président, que récemment... Et, heureusement,
il y a la ministre de la Condition féminine qui, elle, reconnaissait
l'importance de diffuser et de parler, d'expliquer aux femmes que cette
loi-là existait. Récemment, lors du dépôt de sa
politique en matière de condition féminine, la ministre
Trépanier avait une mesure, justement, très claire ?
d'ailleurs, il y en a quelques-unes qui concernaient le projet de loi qui s'en
venait ? une mesure très claire. La ministre trouve que c'est
important que le gouvernement s'engage à promouvoir une approche
consistant à informer les femmes victimes d'actes criminels de leurs
droits et de la Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels. Alors,
si la ministre prend, elle, un engagement pour faire la promotion des droits
qui sont élaborés dans cette loi-là, c'est vous dire
comment c'est peu connu. C'est assez étonnant, d'ailleurs, qu'on n'ait
pas pensé à ajouter une mesure dans la loi comme telle, une
mesure qui obligerait quelqu'un, donnerait une responsabilité... Que ce
soit au ministre de la Justice, aussi; je pense que ça fait partie de
son mandat. C'est lui qui est le mandataire de l'ensemble de cette
loi-là, alors il faudrait l'obliger, en quelque sorte, à nommer
un responsable. Il devrait y avoir quelqu'un qui soit responsable d'informer la
population de l'existence de cette loi-là.
M. le Président, j'aurais pu vous parler aussi des CAVAC. On sait
qu'on a certains problèmes au niveau des régions. On sait qu'on
veut soutenir, on veut améliorer ce réseau-là, mais on
connaît aussi les coûts et le nombre de plaintes qui est si petit,
toujours ? je suis persuadée que c'est par rapport à la
méconnaissance que les gens ont de la loi; puisque les gens ne la
connaissent pas, ils ne se plaignent pas ? donc, c'est bien évident
que, même si on met bien du monde et qu'on crée bien des
organismes pour attendre que les gens viennent les rencontrer, bien, il
faudrait peut-être qu'on ait une action proactive et qu'on informe
davantage directement la population.
Il y a aussi, bien sûr, tout l'aspect... Mon collègue en a
parlé, mais je pense que c'est quand même important qu'on le
fasse. Quand on voit que cette loi-là harmonise, vient harmoniser le
régime d'indemnisation avec celui de la Société de
l'assurance automobile, bien, c'est évident que, pour les femmes, vous
comprendrez que, oui, ça peut susciter des inquiétudes. On le
sait, cette fameuse réforme au niveau de la Société de
l'assurance automobile... La loi qui avait été passée, qui
est entrée en vigueur d'ailleurs en 1990, qui avait été
fort discutée, on sait très bien que les nouvelles dispositions
du régime d'assurance automobile défavorisent à beaucoup
d'égards les femmes, particulièrement les femmes au foyer. On
parle de 40 % des femmes. On parle aussi, bien sûr, d'autres
catégories. On parle des retraités, des gens qui sont sans
emploi. On sait que les changements qui ont été effectués,
si on veut, à la Société de l'assurance automobile ont
fait en sorte que ces personnes-là, sans emploi, sont maintenant
privées d'indemnité pendant une période de 180 jours.
Alors, il y a aussi cet aspect économique, cet aspect financier.
Il y a sûrement des bons côtés à harmoniser
des régimes. Peut-être, effectivement, qu'il y avait... Ce
n'était peut-être pas le meilleur endroit, la Commission de la
santé et de la sécurité du travail, pour ce genre
d'indemnisation. On pense aux enfants, et effectivement, le ministre en a
glissé quelques mots tout à l'heure, mais on sait aussi les
limites et les difficultés, les pénalités que la
règle d'indemnité de la Société de l'assurance
automobile a apportées à certaines clientèles, dont celle
que je représente, M. le Président, les femmes, bien
sûr.
Alors, c'est évident qu'on va avoir un questionnement important,
qu'on va avoir des discussions et qu'on espère avoir des
réponses. C'est dans ce sens-là, M. le Président, qu'on
est pour le principe. On s'en reparlera lors de la deuxième lecture. Je
vous remercie, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, Mme la
députée du comté des Chutes-de-la-Chaudière.
S'il n'y a pas d'autres interventions, je vais inviter M. le ministre de
la Justice à procéder à sa réplique.
M. Rémillard: Oui, très...
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Est-ce qu'il y a d'autres
interventions?
M. Bélisle: M. le Président...
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Oui, M. le leader adjoint
du gouvernement.
M. Bélisle: ...compte tenu de l'heure ? il est 17 h
57 ? est-ce qu'on pourrait solliciter le consentement de l'Opposition pour
permettre au député de Marquette de commencer son intervention
intégrale ce soir, à 20 heures?
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, il est 17 h 58 ou
17 h 57. Alors, le député de Marquette, si c'est son...
M. Bélisle: Non. Je demande le consentement de
l'Opposition, M. le Président. C'est ce que je demande.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Pourquoi? Consentement
pourquoi?
M. Bélisle: Est-ce que j'ai le consentement? Merci
beaucoup.
Une voix: M. le Président...
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Consentement, pourquoi
là? Il n'y a pas de consentement nécessaire là.
Vous pouvez commencer votre intervention, M. le député de
Marquette, et à la reprise vous continuerez.
M. Bélisle: Très bien. Le Vice-Président
(M. Lefebvre): Allez-y. M. Claude Dauphin
M. Dauphin: Alors, merci beaucoup, M. le Président. Il me
fait donc plaisir d'intervenir à ce moment-ci sur le projet de loi 106,
Loi sur l'aide et l'indemnisation des victimes d'actes criminels,
parrainé par l'honorable ministre de la Justice, député de
Jean-Talon.
Alors, M. le Président, la philosophie du Parti libéral du
Québec vise au premier chef le respect des droits individuels. Nos lois
sont fondées sur ce principe, et l'action et les gestes que nous avons
posés de même que les décisions que nous avons prises ont
toujours été motivés par ce postulat. Aujourd'hui, nous en
avons une fois de plus un exemple avec l'étude du projet de loi 106
concernant les victimes d'actes criminels. Mais avant d'en aborder
véritablement le contenu, vous me permettrez d'élaborer davantage
sur quelques principes généraux qui aideront certainement
à mieux cerner ce fléau et les solutions que nous avons voulu y
apporter.
M. le Président, il est triste de constater que, trop
souvent, la liberté des uns soit brimée par des actes
isolés, c'est vrai, mais néanmoins répréhensibles
et condamnables. Par ailleurs, lorsque l'on parle de la notion des droits
individuels, on fait nécessairement appel à la liberté, ce
principe noble qui doit normalement guider le comportement des peuples issus
des nations qui sont guidées par la démocratie. Pourtant, il
arrive que des individus s'en prennent injustement à d'autres pour des
raisons, sinon inconnues, à tout le moins incompréhensibles et
qui portent atteinte à l'intégrité des personnes. Ces
actes de violence souvent inouïe se produisent même ici, chez nous,
un endroit pourtant envié pour la nature de ses lois et la paix sociale
qui y règne. C'est pourquoi un gouvernement se doit de se doter d'un
cadre législatif rigide pour que les individus qui portent atteinte
à la liberté des autres ne puissent recommencer, mais
également pour que les victimes, qui sont souvent marquées par
des expériences horribles, que l'on a peine à imaginer parfois,
puissent avoir des recours. (18 heures)
En tant que législateurs, il nous revient de voter des lois qui
ont pour effet d'alléger le fardeau des victimes injustement
agressées, faut-il le rappeler. En ce sens, nous devons essayer chaque
jour par nos gestes, nos actions, nos lois et nos interventions de faire en
sorte de condamner toute forme de violence. En tout temps, en toute
circonstance, la violence est inacceptable. À cet égard, M. le
Président, le projet de loi 106 vient améliorer le cadre
législatif en faisant en sorte d'humaniser davantage la loi.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): M. le
député de Marquette, je dois vous interrompre, et je vous
rappelle ce que je vous ai précédemment indiqué. Il est 18
heures, je suspends donc les travaux jusqu'à 20 heures. Vous pourrez
évidemment continuer votre intervention. Je vous rappelle que vous
disposerez encore d'une période de 17 minutes. Alors, je suspends les
travaux jusqu'à 20 heures ce soir.
(Suspension de la séance à 18 h 1)
(Reprise à 20 h 2)
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Mmes et MM. les
députés, si vous voulez vous asseoir, s'il vous plaît, nous
reprenons les travaux de l'Assemblée nationale. Je vous rappelle que
nous sommes toujours à l'étape des affaires du jour. À
l'article 3 de notre feuilleton, M. le ministre de la Justice propose
l'adoption du principe du projet de loi 106, Loi sur l'aide et l'indemnisation
des victimes d'actes criminels. À la suspension des travaux, à 18
heures, M. le député de Marquette commençait tout juste
son intervention. Vous avez droit à une période de 20 minutes, de
sorte que vous disposez encore d'une période maximale de 17 minutes.
Allez-y, M. le député de Marquette.
M. Dauphin: Merci, M. le Président, de me
reconnaître et merci à mes collègues de cet encouragement
apprécié. Effectivement, nous sommes toujours à
l'étude du principe de la loi 106, c'est-à-dire la Loi sur l'aide
et l'indemnisation des victimes d'actes criminels. Comme je le mentionnais
avant la suspension, M. le Président, le projet de loi 106 vient
améliorer le cadre législatif en faisant en sorte d'humaniser
davantage la loi. C'était là une tâche difficile, mais je
suis heureux de constater que notre gouvernement y a réussi, puisque
cette nouvelle loi prendra véritablement en considération les
besoins et les droits de la victime.
M. le Président, puisque nous comprenons bien la
nécessité d'instaurer des lois qui bénéficient
directement aux citoyennes et aux citoyens, j'aimerais, si vous le voulez bien,
aborder le contenu de ce projet de loi sur l'aide aux victimes d'actes
criminels. Tout d'abord, il est important de souligner que le projet de loi 106
propose, ici, de regrouper en une seule loi les deux lois qui accordent des
droits aux victimes, c'est-à-dire la loi sur l'indemnisation et la Loi
sur l'aide aux victimes d'actes criminels. Par le fait même, le Bureau
d'aide aux victimes d'actes criminels, communément appelé le
BAVAC, et la Direction de l'indemnisation des victimes d'actes criminels, soit
l'IVAC, seront regroupés. En bout de ligne, ce sera donc les victimes
d'actes criminels qui pourront bénéficier de ce regroupement, car
elles n'auront plus à s'adresser à différents organismes
pour avoir recours aux services d'aide, d'accompagnement, de soutien ou pour
recevoir une indemnisation. En d'autres termes, le projet de loi vise à
faciliter l'accès à la justice pour les victimes en simplifiant
le processus. Il faut améliorer le recours à l'aide et à
la justice, et je crois que cet aspect du projet de loi 106 remplira cette
obligation. Ce principe du guichet unique aura donc pour effet de rendre toute
cette procédure beaucoup plus souple, et ce, dans l'intérêt
des victimes.
En ce qui a trait aux indemnités, la nouvelle loi prévoit
des modalités mieux adaptées à la réalité
des victimes. Par exemple, l'indemnisation des séquelles permanentes
sera établie de façon objectivé et sans égard au
revenu d'une victime. Par ailleurs, les remboursements des frais
funéraires et de transport du corps d'une victime seront triplés
pour tenir compte des coûts d'aujourd'hui. Toute cette
réactualisation du régime d'indemnisation permettra de revoir une
loi mise en place depuis plus de 20 ans déjà.
En effet, c'est en 1971 que l'Assemblée nationale du
Québec adoptait la Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes
criminels. Cette loi, M. le Président, était principalement
motivée par l'accroissement de la criminalité violente et par
l'impossibilité pour certaines victimes d'être indemnisées,
soit en raison de l'insolvabilité de l'auteur de l'infraction, soit
parce que celui-ci était inconnu ou qu'il ne pouvait être
retracé efficacement.
Lors de l'adoption de cette loi en 1971, le ministre de la Justice
d'alors soulignait qu'il était devenu impératif de
présenter un projet de loi qui permette à la
société, par l'entremise du gouvernement et des
institutions en place, de faire face au problème social des actes
criminels ayant causé des dommages à la personne. Il s'agit
toujours, M. le Président, d'un problème social, et il est de
notre ressort de venir en aide, du mieux que l'on peut, à ces
victimes.
Comme mesure additionnelle, notre gouvernement propose, par le biais de
ce projet de loi, d'élargir la définition de victime pour
permettre aux proches de recevoir des traitements de réadaptation en
psychothérapie afin d'être en mesure de supporter le plus
adéquatement possible les victimes. De plus, les personnes
blessées lors d'une intervention visant à prévenir de
bonne foi un crime seront admissibles à une indemnisation. L'actuel
délai de prescription d'un an pour présenter une demande sera
porté à trois ans.
Parallèlement à cette réforme, le ministre de la
Justice a fait connaître son intention de procéder à
l'ouverture de nouveaux centres d'aide aux victimes d'actes criminels, ce qui
complétera le réseau actuel, lequel en comporte, comme nous
savons tous, déjà 10. Ces nouveaux centres d'aide,
répartis sur l'ensemble du territoire québécois,
permettront de prêter assistance aux victimes d'actes criminels, peu
importe où elles sont, ce qui est effectivement très
bénéfique pour toutes les régions du Québec.
Voilà un autre exemple d'accessibilité.
M. le Président, je suis donc très satisfait du
dépôt de ce projet de loi, parce qu'il fait ressortir le
côté humain de la justice. Il favorise, d'une part, le rôle
social, c'est-à-dire la dénonciation d'un crime en vue d'assurer
une plus grande protection de la société; il reconnaît, de
plus, le rôle essentiel des organismes communautaires et du travail
bénévole. Également, le projet de loi 106 favorise et
assure la transparence.
L'idée de fusionner le Bureau d'aide aux victimes d'actes
criminels et la Direction de l'indemnisation des victimes d'actes criminels au
sein d'un organisme commun, autonome, qui relèvera du ministre de la
Justice, permettra l'instauration d'un guichet unique pour toutes les victimes.
En procédant ainsi, on favorisera le développement d'une
expertise propre à la victimisation au sein du ministère de la
Justice. Cette mesure a l'avantage de permettre une meilleure synergie des
forces en présence et une meilleure cohésion gouvernementale en
cette matière. De plus, elle permet de régler la confusion qui
existe parfois chez les victimes lorsqu'elles s'adressent au Bureau d'aide aux
victimes d'actes criminels pour des problèmes d'indemnisation alors
qu'elles doivent le faire actuellement pour toutes ces questions.
Voilà qui résume assez bien, M. le Président, le
contenu de cette pièce législative fort importante. Ce projet de
loi, vous l'avez très bien compris, a pour principal but de venir en
aide aux victimes. Mais nous espérons aussi que l'action gouvernementale
aidera à la prévention, car c'est en luttant quotidiennement
contre la violence que nous parviendrons à faire diminuer l'incidence
des actes criminels. Le projet de loi 106 s'inscrit dans ces objectifs en
reconnaissant le rôle essentiel des victimes à titre d'auxiliaires
de la justice.
Peut-être ne parviendrons-nous jamais complètement à
enrayer la criminalité. Toutefois, il demeure prioritaire de poursuivre
cet idéal. Il ne faut pas avoir peur de mettre de l'avant des mesures
visant à contrer ce fléau qu'est la criminalité. (20 h
10)
Quoi qu'il en soit, le gouvernement libéral ? et j'en suis
fier ? a choisi de privilégier la voie du rapprochement de la loi
des gens. Il s'agit là d'une attitude positive et d'un grand sens des
responsabilités, parce que la justice doit d'abord et avant tout
être accessible et simple, en plus de faire cohabiter et coexister les
droits et libertés de tous et chacun. M. le Président, les
victimes d'actes criminels ont besoin d'être considérées,
et de plus et surtout, d'être écoutées. Il faut mettre en
place des mécanismes favorisant l'accompagnement, le support et l'aide
à ces personnes injustement atteintes dans ce qu'elles ont de plus
précieux. Elles ont aussi besoin d'obtenir réparation et de voir
des résultats rapides à leurs démarches auprès des
organismes administratifs. Elles ont enfin besoin d'être assurées,
lors de leur participation au processus judiciaire.
C'est pour toutes ces raisons, M. le Président, que j'appuie la
démarche de mon gouvernement dans un domaine aussi essentiel et
important que celui de la justice. M. le Président, nous souhaitons tous
l'adoption de ce projet de loi 106, et je vous remercie beaucoup de votre bonne
attention.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le
député de Marquette. Mme la députée de Saint-Louis,
je vous cède la parole. Vous avez droit à une intervention de 20
minutes. De Saint-Henri!
Mme Nicole Loiselle
Mme Loiselle: Ha, ha, ha! Merci, M. le Président. S'il est
un principe qui prévaut dans toute démocratie, c'est bien celui
de l'équité en matière de justice. Dans ces temps modernes
où les valeurs ont subi de profondes mutations, la justice constitue un
des principaux remparts ou, si l'on veut, un gardien essentiel de la
démocratie. Notre société s'est donné des
règles de comportement aussi bien collectif qu'individuel. Si quelqu'un
s'adonne à y déroger, on s'attend à ce que le
présumé criminel doive faire face à la justice. De ce
côté-là, M. le Président, pas de problème, du
moins en apparence, puisque les recours à toutes sortes d'instances
judiciaires sont permis et accessibles à tous.
Mais la loi 106 concerne l'indemnisation des victimes d'actes criminels.
C'est un terrain beaucoup moins connu, car nombre d'entre elles se sont
désistées en cours de procédures parce que trop
douloureuses à supporter. En effet, M. le Président, on n'a
qu'à penser qu'une personne victime d'un acte criminel quelconque doit
nécessairement, un jour ou l'autre, devant une instance judiciaire,
revivre les moindres détails et les moindres moments pour
déterminer les tenants et les aboutissants du crime qui a
été commis. Quand on est
extérieur à une scène de violence, on peut
facilement écouter, enquêter sur n'importe quel cas. Mais, quand
on y est soi-même impliqué, c'est bien différent. Les
journaux sont farcis de cas où les personnes doivent relater devant les
cours les moindres détails d'un crime.
C'est pourquoi, M. le Président, le gouvernement libéral a
pris soin d'étudier toute cette question dans un seul but : celui
d'humaniser la justice au Québec. On ne parle pas, ici, d'une quelconque
compassion à l'égard des victimes d'actes criminels, mais bien
d'équité et de justice à leur endroit. On veut leur
éviter le pire, parce qu'elles ont été victimes d'un acte
criminel, en leur facilitant la tâche lorsque vient le moment d'affronter
? le mot n'est pas trop fort, d'affronter ? la justice.
Il faut encourager les victimes d'actes criminels à faire valoir
leurs droits, leurs privilèges, afin qu'elles soient traitées de
façon aussi juste et équitable que possible. C'est dans ce but
qu'a été élaboré et présenté le
projet de loi 106, Loi sur l'aide et l'indemnisation des victimes d'actes
criminels.
M. le Président, lorsqu'on regarde de près les
statistiques concernant l'indemnisation des victimes, on se rend compte
qu'elles sont à la hausse. Le service d'indemnisation des victimes
d'actes criminels a enregistré, en 1992, une augmentation du nombre de
demandes. En août dernier, était publié un rapport
d'activité pour l'année 1992, lequel faisait état de 3276
demandes diverses reçues par les directions régionales de cet
organisme. En 1991, M. le Président, on avait enregistré 2813
demandes, tandis qu'en 1990 elles totalisaient 2614. permettez-moi donc une
première observation à cet égard: on se rend compte que
ces demandes sont en hausse constante. évidemment, toutes les demandes
ne sont pas nécessairement acceptées, puisque nombre d'entre
elles sont rejetées faute de preuve, à cause d'un
désistement du réclamant ou à cause, également,
d'une faute lourde commise par la victime. d'autre part, parmi les cas
relevés par le service d'indemnisation des victimes sur les cas de
criminalité, on s'est rendu compte que les agressions commises par une
personne inconnue de la victime ont fait un bond de 29 % en 1992 par rapport
à 1991.
M. le Président, à cet effet-là, permettez-moi une
deuxième observation: les actes criminels contre la personne commis par
plus d'un agresseur ont crû en 1992. Voilà où le bât
blesse, et c'est pourquoi l'État québécois doit tout faire
pour mettre en place des mesures susceptibles d'encourager les victimes d'actes
criminels à faire valoir leurs droits devant les instances
judiciaires.
M. le Président, permettez-moi maintenant d'aborder quelques-unes
des modalités contenues dans le projet de loi 106. Comme le ministre l'a
précisé un peu plus tôt, ce projet de loi fait suite
à un engagement pris lors du Sommet de la justice. Entre autres
modalités, il propose de regrouper en une seule loi les deux lois qui
conféraient des droits aux victimes, soit celle sur l'indemnisation et
celle sur l'aide aux victimes d'actes criminels. C'est là une
façon concrète pour le gouvernement libéral de
réaliser sa volonté non seulement d'assainir les finances
publiques du Québec, mais d'y parvenir en regroupant certaines
activités qui, naguère, étaient éparpillées,
parfois de façon inutile et parfois de façon coûteuse.
C'est ce genre de mesures, M. le Président, qui, soit dit en
passant, entrent en ligne directe dans la perspective du rapport Poulin, dont
le mandat a consisté à étudier de près les
programmes gouvernementaux et à proposer différentes mesures en
vue de dégraisser l'État québécois ou, si vous
préférez, en vue de diminuer les coûts des services
imposés aux contribuables.
Donc, M. le Président, par rapport au projet de loi 106,
rappelons qu'actuellement le Bureau d'aide aux victimes d'actes criminels est
rattaché au ministère de la Justice. Pour sa part, la Direction
de l'indemnisation des victimes d'actes criminels est actuellement
gérée par la Commission de la santé et de la
sécurité du travail, la CSST. C'est un regroupement de ces deux
organismes que propose le projet de loi 106 pour une meilleure gestion de cette
loi d'aide et d'indemnisation aux victimes d'actes criminels. En d'autres
termes, cela signifie que les victimes s'adresseront dorénavant à
un seul bureau au lieu de s'adresser à des organismes différents
pour obtenir des services soit d'aide, de soutien et d'accompagnement ou pour
percevoir une indemnisation. Voilà une mesure qui concrétise
cette idée ou ce concept d'accessibilité des citoyens à la
justice québécoise.
D'autre part, M. le Président, je tiens à insister sur le
fait que le régime d'indemnisation a été mis en place en
1971. Il est donc normal que, dans un monde qui évolue aussi rapidement
que le nôtre, on doive, à un moment ou à un autre,
l'adapter à la réalité d'aujourd'hui. C'est
précisément ce que poursuit le projet de loi 106. Ainsi donc, le
régime d'indemnisation proposé s'inspire du plus récent
d'entre eux au Québec, soit celui des victimes d'accidents d'automobile.
Un tel régime s'adresse à toute personne, peu importent son
âge et sa situation sociale, à l'instar des victimes d'actes
criminels.
On s'attarde particulièrement à réaménager
les indemnités versées aux victimes. Par exemple, en vertu du
projet de loi 106, une victime atteinte de séquelles permanentes
pourrait recevoir une somme forfaitaire pouvant atteindre 127 250 $, sans
considération de son revenu. D'autre part, les indemnités de
décès à être versées à un conjoint
survivant ne pourraient être en aucun cas inférieures à 45
149 $ et pourraient atteindre 232 500 $ dans certains cas. Les remboursements
des frais funéraires et de transport du corps d'une victime seraient
triplés. (20 h 20)
On comprend, M. le Président, que de telles mesures ne viendront
pas diminuer la douleur des victimes d'actes criminels, mais, au moins, la
société reconnaît une valeur essentielle pour sa bonne
santé démocratique, c'est que les victimes d'actes criminels
doivent,
dans des délais raisonnables, recevoir justice, sans pour autant
dire que tous les torts seront nécessairement réparés.
M. le Président, j'aimerais aborder une autre mesure importante
dans ce projet de loi 106 en ce qui a trait à la définition de la
victime. Le projet élargit cette définition pour permettre
à des proches de recevoir des traitements de réadaptation afin
d'être en mesure de supporter adéquatement la victime. D'autres
améliorations: les personnes blessées lors d'une intervention
visant à prévenir de bonne foi la commission d'un crime seraient
admissibles à une indemnisation; de plus, l'actuel délai de
prescription d'un an pour présenter une demande sera porté
à trois ans.
Un autre élément également d'accessibilité
à la justice québécoise, c'est la volonté du
ministre de développer de nouveaux centres d'aide aux victimes d'actes
criminels. Ces centres viendront compléter le réseau actuel qui
comporte présentement 10 bureaux. Ces bureaux sont répartis sur
l'ensemble du territoire et permettent aux victimes de bénéficier
de services d'accueil et de support, de même que de l'information
relative au processus judiciaire.
M. le Président, il faut situer le cadre de ce projet de loi 106
qui vient améliorer une partie importante de la justice au
Québec, à savoir les règles d'indemnisation des victimes
d'actes criminels. Toutefois, il ne s'agit pas là de l'unique
référence pour les personnes impliquées. En effet, le
Bureau d'aide aux victimes d'actes criminels mis sur pied en 1988 a pour
mission de favoriser la promotion des droits des victimes et de veiller au
développement des programmes d'aide, ainsi qu'à la concertation
et à la coordination des actions des personnes, des ministères et
des organismes qui dispensent des services aux victimes.
Cette phrase paraît bien compliquée à
première vue, mais elle se comprend facilement puisqu'il s'agit
essentiellement de coordonner les actions des organismes qui ont le mandat
d'aider les personnes victimes d'actes criminels. On ne parle pas ici
uniquement des ministères proprement dits, mais également des
centres d'aide aux victimes d'actes criminels qui ont été mis sur
pied depuis 1988 et dont le personnel est composé de
bénévoles qui travaillent d'abord et avant tout sur le terrain.
Ces bénévoles oeuvrent, en effet, près des lieux où
se produisent ou risquent de se produire des actes criminels.
Vous me permettrez, M. le Président, de profiter de cette
occasion ce soir pour rendre hommage d'une façon toute
particulière et toute spéciale à tous les intervenants et
à tous les bénévoles qui travaillent de près ou de
loin au sein des organismes communautaires d'aide et de soutien aux victimes de
crimes.
Il faut aussi comprendre qu'une société moderne comme la
nôtre doit faire face à des défis de taille. En effet, nous
nous sommes donné une série de conventions, à titre de
société moderne. Ces conventions sont d'ordre juridique, social,
économique et culturel. Mais, malheureusement, ces conventions ne se
traduisent pas toujours sous le signe de l'harmonie. Elles peuvent parfois
être dérogées, sciemment ou non, par des individus qui
décident de se faire justice eux-mêmes au nom d'un principe
parfois irrationnel, mêlé à de l'émotivité.
C'est précisément ce que notre société tente
d'éviter, mais le poids du nombre, et surtout le poids de la pression
sociale, économique ou culturelle fait en sorte que des individus
s'arrogent des droits qui finissent par brimer la liberté des
autres.
C'est ce qui m'amène à dire, M. le Président, que
le projet de loi 106 rejoint une préoccupation inhérente à
la philosophie libérale. J'entends ici la notion ou le concept de
protection et de promotion de nos droits individuels, et cette notion n'entre
pas en contradiction avec les droits collectifs.
M. le Président, en terminant, je dis tout simplement qu'à
titre de personne j'ai parfaitement le droit de demander à l'État
québécois de voir à la protection et à la promotion
de mes préoccupations, du moins de rendre accessible une justice qui
nous paraît trop souvent lourde et compliquée à la fois, et
c'est ce que fait le projet de loi 106. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, Mme la
députée de Saint-Henri. Sur le même projet de loi, M. le
député d'Orford, vous avez droit à 20 minutes.
M. Robert Benoit
M. Benoit: M. le Président, avant d'aborder les principes
et modalités du projet de loi 106 portant sur l'aide et l'indemnisation
des victimes d'actes criminels, il me semble pertinent de vous exposer, en
quelques mots, la perspective d'ensemble dans laquelle une telle
législation s'inscrit.
M. le Président, nous vivons dans une société
complexe et, nous le savons tous, comportant beaucoup d'éléments
humains et techniques. Ces éléments s'organisent, notamment, dans
notre système de justice, qui tient compte non seulement des droits et
privilèges des personnes, mais aussi de leurs devoirs. Dans une
société comme la nôtre, il y a nécessairement des
phénomènes tels que la pauvreté. Plusieurs rapports ont
décrit de façon statistique et géographique les tenants et
aboutissants d'un tel phénomène. Cela se traduit sous forme de
comportements. Lorsqu'une personne dit se sentir lésée parce que
privée de travail ou incapable d'en assumer un, elle peut, à un
moment donné, avoir l'idée de s'arroger un droit d'aller voler le
bien d'une personne qui gagne fièrement sa vie. Lorsque des individus
agissent de la sorte et commettent des infractions criminelles, ils
contrecarrent les intérêts collectifs de notre
société.
M. le Président, je ne prétends pas ici donner un cours de
sciences politiques, mais simplement décrire ce qu'une victime d'un acte
criminel peut ressentir. Imaginez une personne âgée, par exemple,
qui se fait attaquer en pleine rue et qui, du jour au lendemain, est
obligée de faire face aux conséquences de sa victimisation,
compte tenu de ses connaissances et du degré de douleur
qu'elle doit endurer. Connaît-elle ses droits? Connaît-elle
les ressources d'aide à sa disposition? Connaît-elle
l'organisation même du système de justice? Il s'agit là de
la situation réelle vécue par plusieurs personnes, M. le
Président, qui ont été victimes d'actes criminels sur le
territoire du Québec. C'est de cette personne qu'il s'agit ici et de
toutes les autres qui seront visées par le projet de loi 106, à
la suite de la volonté exprimée par notre gouvernement
d'humaniser la justice. Nous avons tous entendu parler du Sommet de la justice,
et ce fut là une des très grandes recommandations d'humaniser la
justice sur le territoire du Québec. Le projet de loi 106 traduit donc
cette volonté d'aider les gens à mieux faire face aux
conséquences de la perpétration d'infractions criminelles.
Et je dois dire, M. le Président, que les statistiques sur la
criminalité n'indiquent malheureusement pas de baisse à cet
égard. De plus, le dernier rapport d'activité du service
d'indemnisation des victimes d'actes criminels relève pour
l'année 1992 que le nombre de demandes d'indemnisation a augmenté
par rapport aux années précédentes. Ce sont des chiffres
dont nous ne devons pas nous réjouir, mais, malheureusement, ils sont
là et nous devrons vivre avec. Cette hausse est constante dans le temps.
C'est, notamment, pour cette raison que le gouvernement a décidé
de donner des suites concrètes au Sommet de la justice dans le cadre des
propositions formulées pour revoir le traitement accordé aux
victimes d'actes criminels.
Ainsi, en vertu du projet de loi 106, on regroupera d'abord en une seule
loi les deux qui confèrent actuellement des droits aux victimes, soit
celle sur l'indemnisation et celle sur l'aide aux victimes d'actes criminels.
Soit dit en passant, M. le Président, voilà une mesure qui
concrétise la volonté du rapport Poulin concernant la
rationalisation des services publics. Encore une fois, nous allons mettre
ensemble deux services et couper les coûts. Ainsi, le Bureau d'aide aux
victimes d'actes criminels, actuellement rattaché au ministère de
la Justice, verrait, suite à l'adoption du projet de loi, sa mission
s'étendre à l'indemnisation des victimes d'actes criminels
actuellement gérée par la Commission de la santé et de la
sécurité du travail. Ce sont ces deux branches de
l'administration publique qui seront fusionnées en une seule. Et le
Bureau d'aide aux victimes d'actes criminels poursuivrait ses activités
sous le vocable de Bureau d'aide et d'indemnisation des victimes d'actes
criminels. Les victimes n'auront donc plus à s'adresser à des
organismes différents pour obtenir des services d'aide, de soutien et
d'accompagnement et/ou pour recevoir une indemnisation.
J'aimerais, du même coup, rappeler que l'actuel Bureau d'aide aux
victimes d'actes criminels a été mis sur pied en 1988. Il
favorise la promotion des droits des victimes et veille au développement
des programmes d'aide, ainsi qu'à la concertation et à la
coordination des actes des personnes, ministères et organismes qui
dispensent des services aux victimes. Cette mission demeure partie
intégrante du projet de loi 106.
Dans la foulée de cette réforme, il convient de rappeler
l'intention du ministre de la Justice d'augmenter le nombre des centres d'aide
aux victimes d'actes criminels. Ces bureaux viendront compléter les 10
centres déjà existants. Us sont répartis sur l'ensemble du
territoire, et les victimes pourront ainsi bénéficier des
services d'accueil et de support que dispensent ces centres d'aide. (20 h
30)
II faut garder à l'esprit que les victimes ont à souffrir
des conséquences malheureuses de gestes criminels qui portent atteinte
à l'intégrité même de leur personne. En même
temps, à titre collectif, on peut affirmer sans se tromper que ces
gestes criminels portent atteinte à la société tout
entière. Celle-ci se responsabilise donc et tente, par le biais d'une
programme d'indemnisation étatique et des services d'aide, d'en
atténuer les conséquences. Alors, il s'agit là du principe
qui justifie l'intervention du gouvernement à l'aide des victimes. C'est
donc un souci d'équité et de justice envers tous ceux et celles
qui désirent vivre en paix dans un contexte de liberté.
M. le Président, le projet de loi 106 aura donc pour effet non
seulement d'améliorer l'administration de la justice, mais
d'améliorer les liens entre l'État et les citoyens. Plusieurs
enquêtes ont déjà prouvé, dans le passé, que
cette relation entre l'État et le citoyen souffrait d'une distance trop
large. Nous espérons que le projet de loi 106 permettra de rapprocher
l'Etat à l'égard de ces victimes. Il est important, en
démocratie, de bien comprendre nos institutions et d'en comprendre les
mécanismes et le fonctionnement. Et la loi 106, à cet
égard-là, est tout à fait évidente.
C'est dans ce sens, M. le Président, que l'on doit observer que
la société québécoise s'inscrit à la fine
pointe de son développement social. Le Québec a
développé, depuis les 25 dernières années, un
ensemble de mesures destinées à répondre aux besoins et
aux préoccupations des victimes, et ce, en accord avec la
déclaration des principes fondamentaux de justice relatifs aux victimes
de la criminalité et aux victimes d'abus de pouvoir. Cette
déclaration a été adoptée par l'Assemblée
générale des Nations unies en 1985. Elle vise à encourager
tous les États à progresser dans leurs efforts pour faire
respecter les droits des victimes de la criminalité et pour garantir ces
droits.
J'aimerais terminer mon intervention, M. le Président, sur des
considérations plus concrètes par rapport au projet de loi 106.
D'abord, ce projet de loi prévoit que l'aide et l'indemnisation des
victimes d'actes criminels seront financées par le Fonds d'aide et
d'indemnisation des victimes d'actes criminels. Il confie au gouvernement le
pouvoir d'édicter les dispositions réglementaires requises pour
l'application de ce régime. De manière plus
générale, le projet de loi énonce les droits des victimes
d'actes criminels et leurs responsabilités. Il établit aussi un
nouveau régime d'indemnisation, comme je viens de l'expliquer, des
victimes d'actes criminels. Ce régime contiendra les règles
permettant de déterminer les
personnes qui auront droit aux prestations ainsi que la nature et le
montant de celles-ci. Toutes ces décisions pourraient faire l'objet
d'une révision puis d'un appel. Il reviendra aussi au ministre de la
Justice d'accorder de l'aide financière notamment pour assurer
l'implantation et le maintien des centres d'aide aux victimes.
Malheureusement, M. le Président, un projet de loi de cette
nature n'empêche pas que soient commis des actes criminels. Mais il
permettra aux citoyens et aux citoyennes de mieux naviguer dans
l'administration de la justice au Québec, parce que ces démarches
seront facilitées.
Voilà, M. le Président, l'essentiel du projet de loi 106,
qui fait appel nécessairement à un rôle de l'État
québécois dans l'administration de la justice et surtout dans la
gestion des droits individuels au Québec. Parfois, on demande à
l'État québécois de se retirer partiellement ou
complètement des activités commerciales ou industrielles, par
exemple, parce que, au fil des années, l'État est devenu
envahissant. Mais, d'un autre côté, notamment par le biais de
mesures à caractère social, on demande à l'État
québécois d'être omniprésent de manière
à assurer le mieux possible les droits individuels des citoyens et des
citoyennes de notre société. L'exemple de ces droits comporte
nécessairement des coûts. On parle ici de coûts
administratifs, mais on parle aussi de coûts humains à assumer, en
ce sens que les personnes qui travaillent de près ou de loin à
l'administration de la justice doivent faire preuve de compétence et
d'une certaine vigilance à l'égard des droits individuels face
à la clientèle qui leur demande des services.
Les mesures contenues dans le projet de loi 106 compléteront le
travail effectué sur le terrain par des organismes ou des groupes
communautaires voués à la défense des droits des victimes
? nous en avons tous dans nos comtés respectifs. Ces gens-là
sont importants, dynamiques, vigilants, et nous devons les encourager à
continuer.
On aura beau parler de démocratie, de plein exercice de nos
droits et devoirs, mais rien ne vaut, M. le Président, des mesures
concrètes soumises à l'Assemblée nationale, qui seront
suivies scrupuleusement en fonction des règles, pour que soit
administrée plus efficacement la justice au Québec. Ce ne sont
pas seulement les droits individuels qui sortent gagnants d'une telle
législation, mais également les droits collectifs, dans la mesure
où c'est toute la société québécoise qui
franchit un pas nouveau en matière d'accessibilité à la
justice. C'est comme cela qu'il faut interpréter les progrès
réels d'une société démocratique, et c'est
là l'histoire du Québec, M. le Président. Je vous en
remercie.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le
député d'Orford. Est-ce qu'il y a d'autres interventions? Oui, M.
le ministre.
M. Middlemiss: M. le Président, je crois que le
député de Viger était censé intervenir.
Peut-être qu'on pourrait vérifier.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, je vous rappelle
que nous sommes à discuter de la motion proposant l'adoption du principe
du projet de loi 106, Loi sur l'aide et l'indemnisation des victimes d'actes
criminels. Je vais suspendre les travaux pour quelques minutes, de sorte que le
député de Viger puisse se présenter, s'il y a lieu. Je
suspends les travaux pour quelques minutes.
(Suspension de la séance à 20 h 37)
(Reprise à 20 h 39)
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, Mmes et MM. les
députés, nous reprenons les travaux de l'Assemblée. S'il
n'y a pas d'autres interventions, je vais permettre à M. le ministre,
s'il le désire, de procéder à sa réplique.
M. Gil Rémillard (réplique)
M. Rémillard: Oui, M. le Président. M. le
Président, simplement un mot pour dire que nous allons maintenant nous
revoir pour étudier ce projet de loi article par article, et je veux
remercier mes collègues qui, du côté du gouvernement comme
du côté de l'Opposition, sont intervenus sur ce projet de loi. Je
vois, M. le Président, que nous avons tous les mêmes objectifs
dans ce projet de loi. (20 h 40)
Le député d'Anjou, comme critique de l'Opposition en
matière de justice, a soulevé, je crois, les questions qu'on doit
se poser lorsqu'on va étudier ce projet de loi article par article. Ce
sont des questions que je me suis posées aussi et que j'ai
étudiées très attentivement avec les gens qui m'ont
conseillé. Je suis allé aussi sur le terrain, M. le
Président, et j'ai questionné les gens qui s'occupent de
plusieurs de ces victimes qui vivent des moments souvent très
pénibles, très difficiles, et je peux dire aussi au
député d'Anjou qu'il est vrai que j'ai pris un petit peu plus de
temps que prévu pour déposer mon projet de loi, à la suite
de ce que j'avais dit au Sommet de la justice, mais je dois dire que si j'ai
pris plus de temps, c'est parce que j'ai fait plus de consultations que, au
départ, je devais en faire. Et j'ai fait plus de consultations, des
heures et des heures de consultations qui ont été faites avec
différents groupes, différents experts, parce que je voulais, M.
le Président, pouvoir arriver en cette Chambre et avoir un projet de loi
qui pourrait rencontrer les objectifs que je sais que, au-delà des
questions de partisanerie politique, nous avons tous à coeur de pouvoir
avoir un projet de loi qui pourrait donner aux victimes la possibilité
de faire face à cette situation très difficile dans laquelle ils
sont à la suite d'un acte de violence.
Et on sait, M. le Président, que, tous les jours, lorsqu'on ouvre
les journaux, on en voit de ces
exemples et de ces personnes qui sont victimes d'actes criminels. Tous
les jours, on les voit, et tous les jours, aussi, certains d'entre nous, comme
députés, reçoivent de ces personnes qui viennent les voir
et qui leur disent leur désarroi face à une situation qui,
présentement, est inéquitable, de par la loi que nous avons
présentement.
Donc, cette loi, M. le Président, fait un pas majeur,
établit, je dirais, une équité, un équilibre, une
justice plus humaine en ce qui regarde les victimes d'actes criminels. Et, M.
le Président, c'est dans ce contexte que j'ai voulu que nous puissions
entendre et le Barreau et aussi le groupe plaidoyer-victimes, un groupe qui est
représentatif de bien des intervenants qui oeuvrent dans le domaine des
victimes d'actes criminels. Ces deux intervenants majeurs vont venir nous faire
part de leurs commentaires, et, comme parlementaires, nous, nous serons
là pour les entendre et discuter avec eux, et, ensuite, nous pourrons
aborder article par article et voir, M. le Président ? j'ai
toujours dit que j'étais ouvert ? toute proposition qui est
raisonnable, qui se situe dans le contexte, évidemment, du principe,
pour nous, de responsabiliser les citoyens sans, quand même, enlever
à l'État sa responsabilité. Parce qu'il faut bien
comprendre que si on est victime d'un acte criminel, ce n'est pas de notre
faute, et l'État a sa responsabilité. On ne peut pas nier la
responsabilité de l'État. Dans ce contexte, M. le
Président, il est évident que je suis ouvert à toute
possibilité qui ferait en sorte qu'on ait un projet encore plus
équitable, plus juste, plus humain.
Je vous remercie, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le ministre de
la Justice.
Mise aux voix
Est-ce que la motion proposant l'adoption du principe du projet de loi
106, Loi sur l'aide et l'indemnisation des victimes d'actes criminels, est
adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Adopté. M. le
ministre des Transports et leader adjoint du gouvernement.
Renvoi à la commission des institutions
M. Middlemiss: M. le Président, je fais motion que ledit
projet de loi soit déféré à la commission des
institutions pour étude détaillée.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Est-ce que cette motion
de déférence est adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Adopté.
Consultations particulières
M. Middlemiss: M. le Président, j'aimerais faire une
motion de consultations particulières: «Que la commission des
institutions, avant d'entreprendre l'étude détaillée du
projet de loi 106, Loi sur l'aide et l'indemnisation des victimes d'actes
criminels, procède à des consultations particulières et
tienne des auditions publiques sur ledit projet de loi, le mardi 26 octobre
1993, à la salle du Conseil législatif et, à cette fin,
entende, après les affaires courantes: «Pour une durée
respective de 15 minutes, les remarques préliminaires du ministre de la
Justice et celles du porte-parole de l'Opposition officielle; «Pour une
durée respective d'une heure, le Barreau du Québec et
l'Association québécoise plaidoyer-victimes; «La
durée maximale de l'exposé de chaque organisme soit de 20 minutes
et l'échange avec les membres de la commission soit d'une durée
maximale de 40 minutes partagées également entre les membres du
groupe parlementaire formant le gouvernement et les députés
formant l'Opposition, en respectant le principe de l'alternance; «Et le
ministre de la Justice soit membre de ladite commission pour la durée du
mandat.»
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, j'ai besoin d'un
consentement pour déroger aux articles 188 et 244 pour pouvoir mettre
aux voix cette motion. Il y a consentement?
Mise aux voix
Alors, est-ce que cette motion présentée par le ministre
des Transports et leader adjoint du gouvernement est adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Adopté. M. le
ministre.
M. Middlemiss: M. le Président, l'article 2.
Projet de loi 105
Le Vice-Président (M. Lefebvre): À l'article 2 de
notre feuilleton, M. le ministre de la Justice propose l'adoption du principe
du projet de loi 105, Loi sur la justice administrative. M. le ministre de la
Justice.
Adoption du principe M. Gil Rémillard
M. Rémillard: Je vous remercie, M. le Président. Le
18 juin dernier, j'avais l'honneur et le
plaisir de présenter à cette Assemblée le projet de
loi sur la justice administrative portant le numéro 105. Et ce projet de
loi s'inscrit dans le cadre de l'évolution des tribunaux administratifs
au Québec, M. le Président, et découle directement aussi
des travaux, des discussions que nous avons eues lors du Sommet de la justice
en février 1992.
M. le Président, vous vous rappellerez que, depuis le
début des années soixante-dix plus particulièrement, de
nombreuses lois sont venues établir graduellement un réseau
important d'organismes administratifs au Québec. Ces organismes visaient
à répondre aux besoins de la collectivité
québécoise en raison du développement de nouveaux champs
d'activité qui incombaient à l'État. Parallèlement
à ce développement, le gouvernement se préoccupait des
incidences que pouvait comporter la création de tels organismes,
notamment lorsque le mandat confié était en totalité ou en
partie de nature judiciaire ou quasi judiciaire. C'est ainsi que, depuis plus
de 20 ans, divers groupes de travail furent mis sur pied afin d'éclairer
le gouvernement sur les différents aspects de l'administration de la
justice administrative. Ainsi, après le rapport Dussault de 1971, le
livre blanc sur la justice contemporaine de 1975 et le rapport
Atkinson-Lévesque de 1983, le Conseil des ministres approuvait, en 1986,
la formation d'un groupe de travail sur les tribunaux administratifs.
Présidé par le professeur Yves Ouellette, de la
Faculté de droit de l'Université de Montréal, ce groupe de
travail recevait le mandat de faire rapport sur les juridictions
exercées par les organismes administratifs qui pourraient être
transférées aux tribunaux de l'ordre judiciaire,
regroupées ou supprimées, sur les droits d'appel, la preuve et la
procédure, ainsi que sur le statut des membres de ces tribunaux.
À la suite du dépôt de son rapport, en août
1987, le ministère de la Justice entreprenait des travaux d'analyse et
de recherche comparatives, lesquels travaux ont suscité des questions
fort importantes. Et c'est dans la foulée de ces travaux, ainsi que des
nombreuses discussions et consultations qui suivirent que je présentais,
en juin dernier, le projet de loi 105 sur la justice administrative.
Ce projet de loi, M. le Président, constitue une première
au Canada, en ce qu'il regroupe à la fois des dispositions quant au
statut des membres des organismes visés, quant à la
déontologie qu'ils doivent observer et quant aux règles de preuve
et de procédure applicables devant eux.
Dans un premier temps, le projet de loi précise le champ
d'application et énumère les organismes qui, dans l'état
actuel de la législation, répondent aux critères qui y
sont proposés. Il définit ensuite le statut des membres de ces
organismes administratifs et prévoit l'adoption de règles
minimales de preuve et de procédure. Il propose de plus l'institution
d'un Conseil de la justice administrative.
À propos du champ d'application de la réforme, le projet
de loi 105 précise, M. le Président, que la loi s'appliquera
à des tribunaux administratifs, c'est-à-dire à des
organismes qui, au sein de l'administration, ont pour mission d'exercer une
fonction juridictionnelle d'appel ou de révision dans des
matières administratives. La fonction juridictionnelle est
définie par la jurisprudence et la doctrine comme étant celle en
vertu de laquelle un organisme tranche un litige dont il est saisi, mais dont
il ne se saisit pas lui-même. Ce litige oppose des parties sans que
l'organisme décideur soit lui-même l'une de ces parties.
Pour trancher ce litige, l'organisme se fonde sur des
considérations non uniquement d'opportunité, mais de
légalité qu'il n'a pas lui-même adoptées ou soumises
pour adoption. Et c'est à partir des faits prouvés devant lui par
les parties, et selon une procédure adaptée à la nature
des litiges dont il est saisi, que l'organisme rend sa décision. (20 h
50)
Cette définition, M. le Président, est celle
qu'avançait, entre autres, la Cour suprême du Canada dans les
arrêts ministre du Revenu national versus Coopers & Lybrand et
Procureur général du Québec versus Udeco inc. Le projet de
loi 105 ajoute, M. le Président, que, parmi ces organismes, il vise ceux
dont les membres sont nommés par le gouvernement. D'ailleurs, faut-il le
rappeler, depuis l'arrêt Valente, les tribunaux ont convenu que la
rigueur des critères d'indépendance et d'impartialité qui
avait été élaborés pouvait être
modulée selon les instances concernées.
Il faut, ici, peut-être rappeler que, procédant à
établir le réseau des organismes visés par la
réforme, le rapport Ouellette identifiait 78 organismes, et je cite,
«exerçant une fonction d'adjudication ou de régulation, de
façon principale et accessoire.» Et mentionnons, M. le
Président, que le rapport Ouellette retenait, parmi ces 78 organismes,
12 organismes, et je cite, «siégeant, de manière exclusive
ou principale, en révision de décisions initiales d'une autre
administration, suivant un processus quasi judiciaire.»
Donc, d'une part, le rapport Ouellette identifiait 78 organismes et, de
ces 78 organismes, il en retenait 12. Et je dois ajouter aussi, M. le
Président, que sur ces 12, le rapport Ouellette incluait la Régie
du logement, parce que, bien que ne remplissant pas ces critères, elle
est, ainsi qu'il est écrit dans le rapport, et je cite, «l'un des
organismes recevant le plus grand nombre de recours au
Québec.»
Ce rapport, M. le Président, proposait, par la suite, le
regroupement de cinq d'entre eux, soit la Commission des affaires sociales, la
Commission d'appel en matière de lésions professionnelles, le
Bureau de révision de l'évaluation foncière, la Chambre de
l'expropriation de la Cour du Québec et la Régie du logement au
sein de quatre tribunaux administratifs, en laissant ainsi sept tribunaux de
côté pour éviter, ainsi qu'il est écrit dans le
rapport, et je le cite toujours, «le piège de la structure trop
lourde».
Dans un deuxième temps, le projet de loi que nous étudions
présentement prévoit des règles quant à la
nomination des membres des tribunaux administratifs, à la
durée et au renouvellement de leur mandat, à leur
rémunération et autres conditions de travail ainsi qu'à la
fin prématurée de leur mandat. Ainsi, ne pourrait être
nommée membre d'un tribunal administratif que la personne qui
possède une expérience d'au moins 10 ans, et ce, dans un domaine
pertinent pour l'exercice des fonctions du tribunal ou elle serait
nommée.
Le projet de loi propose donc deux critères importants, soit un
nombre minimum d'années d'expérience requise et un lien entre
cette expérience et le champ de compétence du tribunal
concerné. Parce qu'il faut se rappeler, M. le Président, que
l'une des raisons pourquoi ces tribunaux administratifs ont été
institués, et comme on le mentionnait tout à l'heure, surtout
dans la période des années soixante-dix, c'est parce qu'on y
retrouve, au niveau de ces tribunaux, une expertise qu'on ne trouve pas
nécessairement au niveau des tribunaux réguliers, ordinaires.
Donc, il est important qu'on puisse avoir ces règles de nomination qui
prévoient, d'une part, au moins 10 ans d'expérience dans le
domaine, dans le secteur touché par le tribunal en question et, en plus,
ce lien entre l'expérience et le champ de compétence du tribunal
concerné.
Par ailleurs, M. le Président, le projet de loi 105
prévoit que, en principe, la durée du mandat d'un membre est de
cinq ans, et que ce mandat devrait être renouvelé par le
gouvernement pour cinq ans sauf avis à l'effet contraire, notifié
par écrit au membre au moins six mois avant l'expiration de son mandat.
En d'autres termes, M. le Président, contrairement à la situation
actuelle, des règles quant à la durée et au renouvellement
des mandats seraient prévues expressément dans la loi.
Contrairement à la situation actuelle, le principe, c'est que la
nomination, le mandat se continue. C'est le principe, la continuation du
mandat. On n'y met fin après cinq ans que dans la mesure où il y
a eu un avis à cet effet, donné au moins six mois à
l'avance.
De plus, M. le Président, la loi obligerait le gouvernement
à informer un membre, comme je viens de le dire, au moins six mois avant
la fin de son mandat, de son renouvellement, à défaut de quoi il
se verrait automatiquement renouvelé. Il s'agit évidemment, M. le
Président, d'un changement majeur par rapport à la situation
actuelle.
Le projet de loi prévoit en outre que le mandat ne pourrait
prendre fin avant terme que par le décès du membre, son admission
à la retraite, sa démission ou s'il est destitué. S'il est
destitué, M. le Président, c'est après enquête du
Conseil de la justice administrative.
Ce sont donc des règles particulièrement strictes pour
garantir l'indépendance de ceux qui sont nommés à ces
tribunaux administratifs. Ces mesures, M. le Président, visent donc
à mieux assurer l'indépendance et l'inamovibilité du
membre pendant toute la durée de son mandat. À ce chapitre, M. le
Président, mentionnons aussi d'autres dispositions qui traitent des
conflits d'intérêts, qui prévoient la prestation d'un
serment d'impartialité et d'office, et qui imposent le respect d'un code
de déontologie. Ces mesures ont pour objectif d'offrir aux justiciables
des garanties additionnelles de transparence et d'impartialité.
Le projet de loi 105, M. le Président, contient également
des dispositions portant sur la rémunération et sur les autres
conditions de travail des membres des tribunaux administratifs. À cet
effet, il propose notamment l'adoption d'une politique par le gouvernement dans
le cadre de laquelle les conditions de travail des membres seraient
dorénavant déterminées, et prévoit qu'une fois
fixée, la rémunération ne pourrait être
réduite. Ces mesures visent toujours à établir un
régime statutaire à cet égard.
M. le Président, le projet de loi contient, par ailleurs, des
dispositions concernant la nomination de présidents et de
vice-présidents d'un tribunal administratif et les attributions qui leur
sont dévolues. C'est ainsi que le projet prévoit qu'ils doivent
être désignés parmi les membres du tribunal
concerné. Il propose, de plus, des règles quant au remplacement
du président lorsqu'il est absent ou lorsque son poste devient
vacant.
Le projet de loi confie certaines fonctions au président, parmi
lesquelles il faut noter celle qui lui échoit de favoriser la
participation des membres à l'élaboration d'orientations
générales du tribunal en vue de maintenir un niveau
élevé de qualité et de cohérence des
décisions. Ces disposition visent essentiellement à mieux
encadrer la gestion des tribunaux administratifs et à maintenir une
justice administrative de grande qualité.
Le projet de loi 105 énonce des règles de preuve et de
procédure de base relatives à l'exercice des fonctions
juridictionnelles des tribunaux administratifs. Il s'agit là de
règles visant à favoriser l'accès à la justice et
à assurer le déroulement rapide et simple des audiences dans le
respect des droits fondamentaux des parties. C'est ainsi, par exemple, M. le
Président, que, dans la recherche de l'accessibilité, le projet
de loi oblige les membres du personnel d'un tribunal administratif à
prêter assistance à toute personne qui le requiert pour la
formulation d'une demande. (21 heures)
M. le Président, je me permets d'insister sur cette mesure. On
parle d'accessibilité à la justice. C'est là une mesure
qui est très importante. Rappelons-nous, M. le Président, que si
ces tribunaux administratifs existent, c'est pour qu'il y ait ce lien entre
l'État et le citoyen, pour que ces tribunaux soient
spécialisés dans un domaine particulier. Souvent, M. le
Président, très souvent, c'est en relation avec un service
public. Donc, un service qui fait partie, d'une façon essentielle, de la
vie des citoyens. Une relation, donc, qui doit s'établir en permettant
au citoyen qui fait face à l'État, au gouvernement d'avoir une
accessibilité à ces organismes.
Donc, d'une part, M. le Président, oui, nous devons garantir
l'impartialité et la qualité de ces tribunaux, des membres de ces
tribunaux. Mais, d'autre part, M. le Président, il ne faut pas que
ça se fasse au détriment de l'accessibilité à la
justice. Et cette disposition, M. le Président, que je viens de
mentionner, c'est-à-dire
que le tribunal administratif doit prêter assistance à
toute personne qui le requiert pour la formulation d'une demande, cette
disposition, pour moi, comme ministre de la Justice, est très importante
pour assurer cette accessibilité.
M. le Président, le projet de loi prévoit également
l'obligation de transmettre aux parties, dans un délai raisonnable, un
avis leur indiquant, entre autres, l'objet, la date, l'heure et le lieu de
l'audience ainsi que leur droit d'y être assistées ou
représentées, le cas échéant, par les personnes
habilitées par la loi à le faire. Et, M. le Président,
c'est une autre mesure pour assurer l'accessibilité à la justice
au niveau de ces tribunaux administratifs. Il faut que le citoyen soit
adéquatement informé, il faut que les procédures qui
doivent exister au niveau de ces tribunaux puissent garantir que ces gens
puissent être entendus. C'est l'application de la grande règle
qu'on appelle audi alteram partem. Ça existe dans notre droit comme un
des fondements de notre démocratie en matière judiciaire, M. le
Président. Alors, il faut la respecter, cette règle, mais aussi
donner l'information nécessaire au contribuable pour qu'il soit
adéquatement informé, pour que l'audience se fasse avec le
respect de ses droits.
M. le Président, il propose aussi, ce projet de loi, que lors de
l'audience les membres du tribunal puissent aider les parties avec
équité et impartialité de façon à ce que les
droits de chacune soient respectés. Là encore, M. le
Président, ça ne pourrait pas se faire... En tout cas, oui,
ça pourrait se faire, probablement, mais ce n'est pas la façon
régulière de procéder des tribunaux que nous avons au
niveau du processus judiciaire normal. Mais, dans ce domaine des tribunaux
administratifs, nous voulons qu'il y ait une disposition particulière
dans le projet de loi, qui dise que les membres du tribunal vont pouvoir aider
les parties à pouvoir réagir, intervenir, faire valoir leurs
droits, et tout ça, M. le Président, en toute
équité, en toute impartialité. Et, là, c'est une
mesure qui est particulière à cette justice administrative et que
nous avons voulu mettre expressément dans un projet de loi qui veut
assurer l'accessibilité à cette justice administrative pour les
citoyens.
M. le Président, recherchant la célérité
dans le déroulement de l'instance, le projet de loi prévoit, par
ailleurs, la possibilité de réunir plusieurs affaires, de tenir
des conférences préparatoires et de remplacer, mais uniquement si
les parties y consentent, un membre empêché de poursuivre une
audition par un autre membre.
Toujours dans la poursuite du même objectif de
célérité, le projet de loi propose une règle
suivant laquelle l'ajournement d'une séance ne pourra être
autorisé que si le tribunal en vient à la conclusion que
l'ajournement ne causera pas de retard déraisonnable à
l'instance, qu'il n'entraînera pas non plus un déni de justice et
qu'il favorisera un règlement à l'amiable. Là encore, M.
le Président, nous avons voulu mettre ces dispositions
expressément dans le projet de loi pour garantir une qualité de
justice mais aussi l'accessibilité à ces tribunaux pour que le
citoyen ordinaire qui se présente devant ces tribunaux pour faire valoir
ses droits, qui est face à l'autorité gouvernementale, puisse
aussi les faire valoir avec l'ensemble des moyens dont il peut disposer.
M. le Président, dans la foulée des règles
adoptées au printemps dernier pour contrer les longs
délibérés en matière civile, le projet de loi 105
en reprend l'essence et les adapte à la réalité de la
justice administrative. Il prévoit ainsi que dans toute affaire une
décision devra être rendue dans les six mois de sa prise en
délibéré. Six mois. Et, à cette fin, il propose
d'accorder au président du tribunal, compte tenu des circonstances et de
l'intérêt des parties, la possibilité de prolonger ce
délai ou de dessaisir le membre en défaut.
Le projet de loi, M. le Président, prévoit, par ailleurs,
des dispositions visant à marquer la souplesse et la simplicité
des règles de preuve et de procédure applicables devant ces
tribunaux et en affirmer la spécificité. À cette fin, il
prévoit notamment qu'en l'absence de dispositions applicables à
un cas particulier le tribunal administratif peut y suppléer par toute
procédure compatible avec la loi ou ses règles de preuve, de
procédure et de pratique, toujours pour avoir un maximum
d'accessibilité à la justice. Il propose, M. le Président,
de reconnaître à toute partie la possibilité de
présenter tout moyen de preuve pertinent pour la détermination de
ses droits et obligations. Alors, M. le Président, ce que ça
signifie, c'est des règles de preuve, une procédure, oui, pour
assurer une qualité de justice, mais pas au détriment de rendre
mal à l'aise ou de brimer des droits du citoyen, qui peut se sentir
démuni devant un appareil trop lourd, trop procédurier. Et le
projet établit, là encore, un juste équilibre, à ce
niveau-là.
M. le Président, le tribunal reconnaît la
spécialisation multidisciplinaire des membres en leur permettant de
relever d'office les faits généralement reconnus, les opinions et
les renseignements qui ressortissent à leur spécialisation ou
à celle du tribunal. M. le Président, le projet de loi le
reconnaît aussi. Le projet de loi précise, cependant, que les
décideurs ne pourraient alors fonder leur décision sur ces faits
sans avoir, au préalable, invité les parties à
présenter leurs observations.
M. le Président, enfin, le projet de loi prévoit la
création d'un organisme d'encadrement des tribunaux administratifs, un
organisme désigné sous le nom de Conseil de la justice
administrative. Le Conseil serait formé de sept personnes, M. le
Président, choisies parmi les représentants des tribunaux
administratifs de la communauté juridique et aussi du public. Il serait
chargé notamment d'édicter un code de déontologie
applicable aux membres, de recevoir et d'examiner toute plainte formulée
contre un membre et de faire enquête en vue de déterminer si un
membre est atteint d'une incapacité permanente. Ce code de
déontologie, M. le Président, devrait énoncer les
règles de conduite et les devoirs des membres envers le public, les
parties, leurs témoins et les personnes qui les représentent. Il
pourrait également déterminer les activités ou situations
incompatibles avec
la charge qu'ils occupent.
Enfin, M. le Président, le projet prévoit que toute
personne pourrait porter plainte au Conseil contre un membre d'un tribunal
administratif pour un manquement à ce code de déontologie ou
à un devoir prévu par le présent projet de loi. Le projet
de loi propose que le Conseil pourrait constituer un comité
d'enquête formé de trois de ses membres, chargé de faire
enquête sur cette plainte et de statuer sur celle-ci en son nom, et
l'institution d'un tel conseil, M. le Président, devrait contribuer
à l'émergence et au développement, chez les membres des
tribunaux administratifs, d'un esprit de corps qui apparaît souhaitable
dans une perspective de motivation et d'excellence. Ce Conseil devrait
être constitué de manière à ce que les tribunaux
administratifs y soient adéquatement représentés, de
même que le public et les principaux intervenants devant les tribunaux
administratifs. Et là encore, M. le Président, pour le citoyen,
ce sera un autre mécanisme pour lui garantir le respect de ses
droits.
En conclusion, M. le Président, voilà les principaux
principes que propose ce projet de loi sur la justice administrative, projet de
loi qui marque une étape importante dans la réforme de la justice
administrative au Québec, une étape importante, M. le
Président, premièrement, quant au statut des personnes à
qui le gouvernement a confié le mandat de l'exercer;
deuxièmement, quant à l'identification des organismes
chargés par le législateur d'exercer cette fonction
juridictionnelle dans des matières administratives;
troisièmement, quant à la codification de règles de preuve
et de procédure susceptibles d'en favoriser la souplesse et
l'accessibilité; et, quatrièmement, quant à la
constitution d'un Conseil de la justice administrative chargé notamment
de recevoir et d'entendre les plaintes du public à l'égard des
membres des tribunaux administratifs. Et, M. le Président, dans la
poursuite de cette réforme, le gouvernement doit tenir compte de
certaines données qui sont essentielles à la gestion
gouvernementale. (21 h 10)
Quant au statut des membres des organismes, il faut constater que,
depuis l'arrêt Valente de la Cour suprême et à sa suite,
divers tribunaux, M. le Président, ont convenu que la rigueur des
critères d'indépendance et d'impartialité qui avaient
été élaborés pouvait être modulée
selon les instances concernées. Excusez-moi, M. le Président, je
pense que, oui, j'ai pu être attaqué par une poussière.
Alors, M. le Président, quant à l'organisation et à
la structuration de l'exercice de la justice administrative, ne serait-il pas
indiqué de reprendre certaines approches visant à rationaliser
les juridictions et compétences à l'intérieur du
réseau des organismes administratifs ainsi qu'entre ce réseau et
les tribunaux judiciaires? Et c'est à ce sujet, M. le Président,
il faut le rappeler, que les études mentionnées
précédemment se sont penchées sur une éventuelle
réorganisation des juridictions et compétences octroyées
à divers organismes administratifs. Et, M. le Président, le
rapport Dussault envisageait la création d'un tribunal d'appel
spécialisé en matière administrative susceptible
d'entendre de piano les appels des décisions des tribunaux
administratifs sur des questions de droit. Les auteurs du livre blanc sur la
justice contemporaine ayant, quant à eux, constaté que la Cour
provinciale était compétente à l'égard de plusieurs
matières relevant du droit administratif, proposaient de créer,
à l'intérieur de la Cour du Québec, une chambre
administrative distincte de la chambre civile. Selon eux, le législateur
serait ainsi incité, selon l'évolution des besoins et de la
législation, à lui attribuer de nouvelles compétences en
matière administrative. Ainsi, selon le livre blanc, la
compétence de certains tribunaux administratifs dont l'existence
autonome ne serait pas fondée serait transférée à
la chambre administrative de la Cour du Québec. Et, pour sa part, M. le
Président, le rapport Ouellette n'envisageait pas un transfert à
la Cour du Québec des compétences des tribunaux administratifs
qui ne peuvent justifier une existence autonome; il le faisait, M. le
Président en recommandant le transfert de certaines compétences
de la Cour du Québec dans des matières administratives à
des tribunaux administratifs dont il proposait la création. Ainsi, la
compétence de la Chambre de l'expropriation de la Cour du Québec
serait, selon ces recommandations, transférée au nouveau Tribunal
des affaires immobilières, alors qu'un nouveau tribunal des recours
administratifs aurait compétence pour décider des appels en
matière de refus ou de révocation des permis actuellement
entendus par la Cour du Québec; il proposait également, ainsi que
je vous l'ai rappelé tout à l'heure, le regroupement de certains
organismes parmi les 12 qu'il avait retenus pour étude.
Enfin, il nous faut également tenir compte de l'opération
réalignement en cours au sein de l'appareil gouvernemental, et c'est
là une donnée, aussi, M. le Président, qui est importante.
Compte tenu de ces données, j'annonçais, le 21 septembre dernier,
la création d'un groupe de travail interne à l'appareil
gouvernemental, avec mandat, M. le Président, tout d'abord d'analyser le
pouvoir décisionnel des organismes administratifs en vue d'en distinguer
les éléments à caractère juridictionnel,
administratif et de régulation, et leurs liens avec l'administration
publique; d'analyser leur organisation sur le plan des structures et de
l'accès au citoyen et d'obtenir les données et informations
nécessaires à une analyse complète de la situation, ceci,
M. le Président, afin d'être en mesure, quelle que soit l'approche
retenue dans la poursuite de cette réforme, de proposer des mesures
susceptibles de préserver les droits des citoyens et citoyennes et
d'assurer l'exercice d'une justice administrative adéquate et
accessible.
Toutefois, M. le Président, je tiens à rappeler, en
terminant, que le projet de loi 105 constitue l'étape majeure dans la
réalisation de la réforme de la justice administrative, et il en
est la clé de voûte. Les mesures qu'il propose sont autant de
gestes concrets visant à assurer une justice administrative de meilleure
qualité, à la portée des justiciables, tout en leur
offrant une plus grande garantie d'indépendance et d'impartialité
des
membres à qui revient la responsabilité de décider
des litiges. Il rejoint les préoccupations qui ont été
formulées dans le cadre du Sommet de la justice, et il répond
à des besoins exprimés depuis plusieurs années par
beaucoup d'intervenants.
M. le Président, ce projet de loi est une étape. Il est
une étape qui devrait nous amener, à la suite du rapport qui nous
sera fait par un groupe de travail dirigé par le professeur Garant de
l'Université Laval... Il devrait nous permettre d'avoir les principes
les plus fondamentaux, les données les plus essentielles à une
justice administrative, telle que nous devons l'avoir au Québec, dans le
contexte de notre modernité et de notre nécessité de nous
adapter aussi à une réalité qui nous oblige à
développer de nouveaux moyens pour assurer aux citoyens
l'accessibilité à la justice. Je vous remercie, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le ministre de
la Justice. Je vous rappelle que nous sommes à discuter de la motion
proposant l'adoption du principe du projet de loi 105, Loi sur la justice
administrative.
Je reconnais maintenant M. le député d'Anjou, critique de
l'Opposition officielle en matière de justice. M. le
député.
M. Pierre Bélanger
M. Bélanger: Merci, M. le Président. Quand on m'a
annoncé le dépôt de ce projet de loi sur la justice
administrative, je me disais: Enfin, voilà la réforme
annoncée depuis tellement d'années. Voici, enfin, le
ménage qu'on attendait dans le milieu judiciaire, dans le milieu
juridique depuis de nombreuses années.
En effet, M. le Président, je me souviens encore, lors de mes
premiers cours de droit, en 1979, qu'on parlait du fouillis, du fouillis
monumental qui existait ? et qui existe toujours ? relativement aux
tribunaux administratifs. Je me disais: Enfin, finalement, le gouvernement a
décidé d'agir. Le gouvernement va être courageux, va mettre
des balises, des directives, et codifier un peu ce droit administratif.
Il faut dire, M. le Président, que, depuis 1987 ? et le
ministre en a fait part tout à l'heure ? on avait entre les mains,
et on a toujours entre les mains, le rapport du groupe de travail sur les
tribunaux administratifs, présidé par Me Yves Ouellette,
professeur bien connu à la Faculté de droit de
l'Université de Montréal. Ce rapport très
détaillé, très étoffé, contenait, et
contient toujours, 74 recommandations, dont plusieurs applicables dès
1987. Or, ce qu'il faut constater, M. le Président, c'est que, depuis
1987, ces recommandations sont restées, à toutes fins pratiques,
lettre morte. À toutes fins pratiques, lettre morte! Elles n'ont jamais
été appliquées.
Le groupe de travail présidé par Me Ouellette avait, comme
l'a dit le ministre de la Justice, répertorié quelque 78
organismes exerçant des pouvoirs qu'on pourrait dire quasi judiciaires.
Donc, on pouvait s'attendre, M. le Président, que, dans le projet de loi
qui nous est présenté maintenant, l'on retrouverait une bonne
partie de ces organismes déjà répertoriés en 1987,
déjà définis comme exerçant des pouvoirs quasi
judiciaires. Alors, quelle déception, M. le Président, quand on
constate que le présent projet de loi ne vise que six tribunaux
administratifs sur les quelque 80 ? maintenant, peut-être 100 ?
tribunaux administratifs qui forment notre système administratif. Des
tribunaux administratifs, seulement six sont touchés par ce projet de
loi et pas nécessairement les plus importants. Je conviens que la
Commission des affaires sociales en a un très important, la Commission
d'appel en matière de lésions professionnelles aussi, mais
d'autres tribunaux administratifs excessivement importants n'ont pas
été touchés, ne sont pas visés par le
présent projet de loi. Donc, on ne peut pas parler d'une réforme
des tribunaux administratifs. On peut parler d'une loi qui vise six tribunaux
administratifs tout au plus. (21 h 20)
Est-ce le premier pas d'une véritable réforme? M. le
Président, si ça prend six ans avant que le deuxième pas
soit fait, on peut, à ce moment-là, se poser des questions quant
à la portée véritable de ce projet de loi. Surtout, je
m'attendais à une action immédiate du gouvernement. Pourquoi?
À cause du jugement qui a été rendu au printemps dernier
par la Cour supérieure dans l'arrêt 27473174, Québec inc.
contre la Régie des permis d'alcool du Québec. Si vous vous
souvenez bien, M. le Président, dès le moment que ce jugement a
été rendu, j'ai posé une question en Chambre pour demander
au ministre ce qu'il allait faire relativement à ce jugement important.
Je sais que ce jugement est présentement en appel. Nous ne pouvons
présumer de quelle façon la Cour d'appel disposera de ce projet
de loi, mais il est évident que ce jugement est la première
attaque véritable sur notre système des tribunaux administratifs.
Il remet en cause la validité de la Régie des permis d'alcool du
Québec relativement à la Charte des droits et libertés du
Québec, et on sait que cette Régie, finalement, est
formée, comme bon nombre d'autres tribunaux administratifs, de notre
système des tribunaux administratifs. C'est la première attaque
sérieuse véritable de nos tribunaux administratifs.
Il faut s'attendre que cette attaque va être suivie par de
nombreux exemples. Sur quels critères attaque-t-on nos tribunaux
administratifs, M. le Président? C'est en vertu de l'article 23 de la
Charte québécoise qui dit, et je cite: «Toute personne a
droit en pleine égalité à une audition publique et
impartiale de sa cause par un tribunal indépendant et qui ne soit pas
préjugé, qu'il s'agisse de la détermination de ses droits
et obligations ou du bien-fondé de toute accusation portée contre
elle.» Or, il a été maintes fois
répété par la jurisprudence que les tribunaux
administratifs sont des tribunaux au sens de l'article 23 de la Charte
québécoise. Donc, M. le Président, il faut, à ce
moment-là, faire bien attention, être bien certain que tous nos
tribunaux administratifs
répondent à ce critère, répondent à
ce test qui peut être exigé par tout citoyen quand il s'adresse
à ces tribunaux administratifs.
Comme l'a dit le ministre de la Justice, l'arrêt Valente de la
Cour suprême est un arrêt qui est reconnu comme édictant les
critères d'impartialité qui doivent être appliqués
à un tribunal judiciaire. Ces trois critères sont les suivants:
inamovibilité des juges, sécurité financière des
juges, indépendance institutionnelle du tribunal relativement aux
questions administratives qui ont directement un effet sur l'exercice de ces
fonctions judiciaires. Ce sont les trois principaux critères qui
déterminent en quoi un tribunal est indépendant et impartial. Il
est vrai que, pour les tribunaux administratifs, le test est moins rigoureux,
parce que ce sont, finalement, comme l'expression le dit, non pas des tribunaux
judiciaires mais quasi judiciaires, donc on pourrait dire simplifiés,
avec des règles de procédure simplifiées. On ne peut
évidemment pas faire passer exactement ce test, sauf que ce test doit
être quand même respecté dans ses principes, dans son
essence.
Dans l'arrêt que je vous ai mentionné de la Cour
supérieure, la requérante, qui demandait à ce que soit
déclarée invalide la Régie des permis d'alcool, a
exposé d'une façon claire les questions qui font
présentement l'objet de tout le débat public sur nos tribunaux
administratifs, et j'aimerais lire les 10 points qui étaient
invoqués par la partie requérante.
Alors, relativement à la loi qui crée la Régie des
permis d'alcool, la requérante s'exprimait ainsi: II n'existe dans la
loi aucune procédure de sélection ou concours prévu pour
la nomination des membres de la Régie. Deuxième point, la loi
prévoit que c'est le gouvernement qui fait les nominations, et ce, dans
le plus grand secret. Troisièmement, le terme du mandat des membres de
la Régie varie jusqu'à un maximum de cinq ans prévu par la
loi. Quatrièmement, les nominations des membres de la Régie sont
instables et précaires. Sixièmement, il n'existe aucun
mécanisme prévu en cas de non-renouvellement ou de destitution
par le gouvernement. Septièmement, en vertu des prérogatives
royales, le gouvernement peut abolir la Régie en tout temps.
Huitièmement, il y a absence d'un code de déontologie imposant
des obligations d'impartialité, de réserve et de discipline aux
régisseurs. Neuvièmement, il y a insuffisance de garantie
concernant la sécurité financière des membres de la
Régie. Dixièmement, il existe des liens étroits et une
dépendance entre le ministre de la Sécurité publique, le
président, les régisseurs et les avocats de la Régie et
les corps policiers. Onzièmement, il existe un facteur aggravant de
partialité structurelle à l'égard du président et
de la vice-présidente. Douzièmement, la Régie des permis
d'alcool, dans la presque totalité des cas, fait enquête,
évalue les plaintes, porte les plaintes, entend l'audition sur les
plaintes et rend la décision.
On reconnaît, dans ces 12 points, M. le Président, une
très grande partie de nos tribunaux quasi judiciaires. Donc, on voit que
les questions qui étaient posées dans cette affaire, finalement,
ce sont les questions que tout le monde se pose relativement à
l'ensemble de nos tribunaux quasi judiciaires. Et le juge n'a eu besoin que de
se prononcer sur deux de ces éléments, soit les liens
étroits avec la Sécurité publique et le fait qu'à
la fois la Régie fait une enquête et rend la décision, pour
en venir à la conclusion que la Régie des permis d'alcool est
invalide. Elle est invalide et elle contrevient... Elle ne remplit pas le test
de l'article 23 de la Charte québécoise.
C'est grave, M. le Président. C'est grave. On peut comprendre le
vacuum juridique qui peut survenir si cette décision est
confirmée par la Cour d'appel. C'est la validité, la
constitutionnalité de nombreux tribunaux administratifs au Québec
qui est mise en cause. Et que fait-on pour réagir suite à cette
cause? On nous présente ceci, dans lequel la Régie des permis
d'alcool n'est même pas visée, dans ce projet de loi. Il n'y a
aucune réponse à cette attaque. Il n'y a aucune amorce de
solution, de tentative de codification de la situation ou du marasme dans
lequel nos tribunaux administratifs se retrouvent.
Alors, M. le Président, on peut se demander: Est-ce que le
ministre est conscient? Qu'est-ce qui se passe relativement à cette
cause, relativement au défi qui est fait à notre système
des tribunaux judiciaires? La réalité, M. le Président,
c'est que la question, je pense, qui fait l'objet de plus d'attention, qui fait
l'objet de plus de débats présentement, dans le public, tant au
niveau des initiés qu'au niveau, comme je le dis, de M. et Mme
Tout-le-Monde, c'est la question de la nomination des membres de ces tribunaux.
J'ai fait une blague, l'autre fois, en disant que, pour être nommé
sur un tribunal administratif, il fallait avoir 18 ans et être
vacciné. La blague, M. le Président, ce n'est pas qu'il faille
avoir 18 ans et être vacciné, c'est qu'on n'a même pas
besoin d'être vacciné pour être nommé sur un tribunal
administratif. Il n'existe aucune norme, aucun concours, aucun règlement
qui détermine quelles sont les conditions pour être nommé
sur un tribunal administratif. Niveau de scolarité exigé: aucun.
Diplôme exigé: aucun. Expérience exigée: aucune. On
vous aime? On vous doit quelque chose? On peut vous nommer sur un tribunal
administratif. C'est l'état actuel du droit, l'état actuel de la
législation relativement à nos tribunaux administratifs. C'est
l'arbitraire le plus total. C'est un nid de patronage. C'est la situation, et
c'est malheureusement ce qui est rapporté, autant par les gens qui
travaillent dans ces tribunaux administratifs, autant par les journalistes qui
suivent les travaux de ces organismes.
Pas d'obligation de concours. Aucune obligation de concours. Aucun
affichage des postes. On apprend tout simplement que quelqu'un est nommé
maintenant membre de tel tribunal ou membre de telle commission. Pourquoi? Par
qui? On sait que c'est par le ministre. Mais, pour quelle raison, on n'en a
aucune idée. Il n'y a aucun concours. Donc, on peut imaginer quel effet
ça peut avoir, et ça, depuis de nombreuses années. (21 h
30)
Et je ne cherche pas, ici, à attaquer la
crédibilité
des gens qui, présentement, travaillent auprès de ces
organismes quasi judiciaires, de ces tribunaux. Je dois reconnaître
qu'ils font un travail exceptionnel. Mais eux-mêmes se plaignent de cette
situation. Ah! Là, le ministre va vous dire que maintenant on a
réglé ça. Je l'écoutais, tout à l'heure, et
il parlait que, là, maintenant, bon, il y a des critères pour
être membre d'un tribunal administratif. Je regarde l'article 3 du projet
de loi: «Seule peut être nommée membre d'un tribunal
administratif la personne qui, outre les qualités requises par la loi,
possède une expérience d'au moins 10 ans dans un domaine
pertinent...» Merveilleux critère, M. le Président! C'est
quoi une expérience pertinente? Est-ce que le fait d'être chez soi
et de recevoir de nombreuses personnes de différents groupes sociaux est
une expérience pertinente pour être nommé à la
Commission des affaires sociales? On ne le sait pas. Qu'est-ce qu'une
expérience pertinente? Quelle est la scolarité requise, minimum?
Quels sont, finalement, les critères objectifs qui doivent être
déterminés pour dire quelle va être cette expérience
pertinente? Absolument rien. Absolument rien, M. le Président.
Je pense qu'on serait prêt, au moment où on se parle,
à établir clairement quelle sera notre façon de justement
faire ces nominations auprès de ces organismes quasi judiciaires. C'est
important, premièrement, au niveau de la crédibilité de
ces organismes. C'est surtout important au niveau de la transparence et de
l'accessibilité qu'on doit donner, à ces postes, à des
gens qui, eux, n'ont pas nécessairement de contacts, d'entrées ou
de portes d'entrée pour ces postes. Comment quelqu'un,
présentement... Je prends l'exemple d'un notaire ou d'un avocat en
pratique privée, qui n'a jamais fait de politique, qui voudrait devenir
un juge administratif. Comment peut-il accéder à ce poste? D n'y
a pas de concours. Il n'y a pas d'affichage. On ne sait même pas quand et
comment vont être nommés ces gens sur les tribunaux
administratifs.
Alors, je pense que, dès maintenant, le gouvernement devrait
avoir le courage de mettre fin à cette situation de patronage, de mettre
fin à cette situation de nominations arbitraires, en disant clairement
des choses que, nous, nous sommes prêts à avancer, que, nous, nous
sommes prêts à soutenir.
Premièrement, il devrait y avoir, quant à moi, pour tous
les tribunaux quasi judiciaires, de la même façon que ça
existe présentement pour les tribunaux judiciaires, un comité de
sélection, un comité dont la composition pourrait rester à
déterminer, mais un comité indépendant qui
déterminerait qui est apte à être juge administratif. Je
pense que c'est la première des choses. Évidemment, il devrait y
avoir affichage et concours relativement à tous ces postes. Ce
comité désignerait alors la personne qui est apte à
être nommée juge administratif. Le ministre responsable de
l'organisme mentionné pourrait, à ce moment-là ? non
pas pourrait, mais devrait ? devrait nommer une personne qui aurait
été désignée comme étant apte à
être juge administratif ou juge administrative. Je pense que, ça,
c'est le minimum. C'est le minimum. Comité de sélection qui
désigne les personnes aptes, concours, et à ce moment-là,
nomination à même cette banque de personnes qui auraient
été déterminées aptes.
Quant aux présidents et vice-présidents, M. le
Président, je pense que... Quant à moi, il serait normal que des
présidents et vice-présidents d'organismes administratifs et
quasi judiciaires, de tribunaux administratifs doivent, à ce
moment-là, parader devant les commissions parlementaires. La commission
pourrait, à ce moment-là, poser des questions relativement
à ces gens, quant à leur compétence et quant à
leurs qualifications pour accéder à des postes de
vice-présidence et de présidence. Je pense que ce sont des
règles minimales qu'on pourrait dès maintenant établir,
qu'on pourrait dès maintenant mettre dans ce projet de loi et qui, d'une
façon immédiate et instantanée, donneraient plus de
crédibilité à la démarche qui est faite
maintenant.
On ne peut plus faire de la politique comme on en faisait auparavant.
Des nominations arbitraires, des nominations aveugles, sans aucun
critère, sans aucun concours, sans aucune transparence, je pense que les
gens n'acceptent plus ça. On ne peut plus faire de la politique de cette
façon-là, et on ne peut plus, surtout, former un système
de tribunaux administratifs de cette façon-là.
Ce que je dois constater, c'est qu'on a ici l'absence de volonté
politique de régler cette situation. On ne veut mettre aucune balise,
aussi minime soit-elle. J'étais à la conférence des juges
administratifs récemment, M. le Président. Je sais que le
ministre a fait, d'ailleurs, un discours à cette conférence, et
on est très sceptiques au niveau des juges administratifs. Quand on a lu
ce projet de loi, on avait un peu le sourire aux lèvres, et on peut
facilement comprendre pourquoi. Depuis 1987, il existe un rapport, le rapport
Ouellette. Le rapport est resté sur les tablettes, oublié. Les
membres eux-mêmes des tribunaux administratifs veulent un changement,
veulent une réforme. Ils se sentent dévalorisés par la
façon qu'ils sont nommés, dont elle est formée,
présentement, cette magistrature administrative. Ils trouvent qu'il y a
une absence totale de règles du jeu. Et ce qu'ils constatent, ce qu'ils
ont constaté avec moi, c'est que plusieurs points importants d'une
ébauche de réforme administrative sont complètement
ignorés dans ce projet de loi.
Première question, la mobilité. On en parle depuis
longtemps, les juges administratifs voudraient avoir la possibilité
d'une mobilité, c'est-à-dire de pouvoir, après un certain
nombre d'années, accéder à d'autres tribunaux
administratifs pour, justement, faire profiter cet organisme de leur
expérience qu'ils ont acquise d'un autre organisme. Rien dans ce projet
de loi. J'ai même entendu des présidents d'organismes dire que
c'était un peu laissé à la discrétion des
présidents d'essayer de faire des négociations avec d'autres
présidents pour s'échanger des membres de tribunaux
administratifs, comme un repêchage un peu d'agents libres au baseball ou
au hockey: Je t'échange celui-là ou tu me donnes
celui-là. À ce moment-là, c'est à peu
près ça, c'est l'arbitraire le plus total, et c'est
dévalorisant pour les membres des tribunaux administratifs.
L'autre point qui est, quant à moi, complètement
oublié dans cette réforme, c'est le renouvellement du mandat. Ah
oui! Tout à l'heure, j'ai entendu le ministre qui parlait qu'on a
maintenant réglé la question du renouvellement du mandat. On n'a
rien réglé. On n'a absolument rien réglé. Il est
vrai que, dans l'article 4, on dit: «La durée du mandat d'un
membre est de S ans, sous réserve des exceptions qui suivent.»
Donc, on émet un principe. Mais, tout de suite, les exceptions s'en
viennent: «Le mandat d'un membre, à l'exception de celui d'un
membre surnuméraire ou intérimaire, doit être
renouvelé par le gouvernement pour 5 ans: sauf avis à l'effet
contraire notifié par écrit au membre au moins 6 mois avant
l'expiration de son mandat...» Donc, la norme, c'est qu'il doit
être renouvelé à moins d'un avis contraire. Mais on ne
donne aucun motif qui peut être considéré comme suffisant
ou valable pour ne pas renouveler ce mandat. Donc, finalement, c'est bien beau
dire un principe, mais, pour déroger à ce principe, on n'a
qu'à envoyer un avis écrit de six mois avant la fin de
l'expiration du mandat. Donc, on voit bien, M. le Président, qu'il n'y a
rien de réglé. On donne un principe de cinq ans, mais on peut y
déroger pour quelque raison que ce soit, pour toute raison qui peut
paraître pertinente par le gouvernement.
Il y a aussi la question de l'évaluation des juges
administratifs. C'est une question qui préoccupe
énormément l'ensemble des juges administratifs. Ils sont
présentement évalués, ils reçoivent des notes de la
part de leur président ou leur présidente d'organisme. Mais il
n'y a aucun critère, à savoir comment cette évaluation ou
cette notation doit se faire ou peut se faire. C'est différent d'un
organisme à l'autre. Et c'est important, cette question-là, parce
que c'est toute la question de l'impartialité et de l'autonomie de ces
juges administratifs. Car sur quoi peut-on évaluer un juge, lui donner
une note de passage? Quant aux indemnités qu'il va accorder? Quant au
nombre de dossiers qu'il va entendre? On comprend facilement qu'on approche
dangereusement la limite ou la zone de danger de l'interférence du
processus judiciaire ou quasi judiciaire. Il n'y a rien présentement
dans ce projet de loi qui dit de quelle façon cette évaluation
pourra se faire ou si elle va continuer à se faire ou à ne pas se
faire. (21 h 40)
Le ministre a parlé, évidemment, de choses comme les
règles d'audition, la preuve, les procédures devant les tribunaux
administratifs. Il est évident qu'on peut difficilement contester ces
règles qui sont maintenant mises dans ce projet de loi puisqu'elles ne
font que reprendre de nombreuses règles qui sont déjà dans
des projets de loi qui créent la plupart de ces organismes
administratifs là. On n'a fait, finalement, que dire que, maintenant,
c'est uniforme pour ces six tribunaux-là. Mais, encore là, quand
on parle uniquement de six tribunaux administratifs, on est loin d'une
réforme, on est loin d'une codification administrative.
J'avais écouté avec beaucoup d'attention le discours du
ministre lors du sommet, lors de la conférence des juges administratifs,
et je voulais, à ce moment-là, bien savoir quelles étaient
ses intentions relativement à ce projet de loi, et j'ai
été un peu surpris du manque... de l'ambivalence des propos du
ministre. Dans un premier temps, il disait que ce projet de loi est la pierre
angulaire d'une réforme des tribunaux administratifs. Donc, quand on
parle de pierre angulaire, comme en bâtiment, c'est sur cette
pierre-là, finalement, que l'ensemble de la construction va se faire,
selon ce modèle-là. Donc, c'est quelque chose qui,
automatiquement, va s'appliquer à un très grand nombre de
tribunaux administratifs. Mais, toujours dans le même discours, le
ministre se retenait et parlait de premiers pas. Donc, est-ce une pierre
angulaire? Alors, si c'est une pierre angulaire, pourquoi, à ce
moment-là, ne pas immédiatement l'étendre à
d'autres tribunaux administratifs et faire l'ensemble des débats qui
doivent se faire? Mais si ce n'est que les premiers pas, alors, à ce
moment-là, M. le Président, on peut se demander, on peut
s'interroger quant à la pertinence de la démarche telle qu'elle
est faite.
À l'heure où on est, M. le Président, à la
veille, comme je le dis, et j'espère ne pas prophétiser quelque
chose qui va réellement arriver, mais on est quand même à
la veille d'un potentiel de crise au niveau de nos tribunaux administratifs...
Je l'ai dit, cet arrêt de la Cour supérieure vient de faire une
brèche importante quant à la constitutionnalité de
l'ensemble de nos tribunaux administratifs. On pouvait... On devait, on ne
pouvait pas, mais on devait s'attendre, de la part du ministre, à une
réaction beaucoup plus étoffée, beaucoup plus
complète pour s'attaquer à ce problème. Ce qu'on doit
constater, c'est que ce projet de loi est complètement insuffisant. Il y
a un manque de courage politique dans ce projet de loi qui fait en sorte que ce
projet de loi ne règle absolument rien. On se doit, comme l'avait
répété ma collègue députée de
Hochelaga-Maisonneuve, de mettre fin aux nominations politiques aveugles et
arbitraires, non pas dans quelques années, non pas dans quelques mois,
mais immédiatement. On peut comprendre pourquoi le ministre refuse. On
est en fin de mandat, on a encore du monde à placer. Ça ne peut
être que ces motifs-là qui font en sorte que le ministre refuse
immédiatement d'agir et d'obtempérer à la situation qui
prévaut.
Pourtant, si on fait l'historique, le ministre ne peut certainement pas
dire qu'il a été pris par surprise ou qu'il n'est pas au courant
de la situation dans laquelle on se trouve. En 1965, M. le Président, il
y a près de 30 ans, le professeur Jean Beetz, très connu et
très respecté, dénonçait déjà le
désordre général du droit administratif
québécois. Dès le début des années
soixante-dix, des spécialistes lançaient des cris d'alarme
relativement à la situation de nos tribunaux administratifs. En 1986, le
ministre Herbert Marx, le ministre de la Justice, estimait qu'il y avait eu
assez d'études, qu'il
était temps d'agir. Alors, que faisait-il? Il nommait, justement,
le groupe de travail du professeur Yves Ouellette que j'ai mentionné
précédemment. Le ministre connaît bien ce rapport. Il le
connaît très bien. Il le connaît d'ailleurs si bien qu'il a
même confié une fois, alors qu'il faisait une allocution devant la
conférence des juges administratifs, que le rapport Ouellette
était son livre de chevet. Alors, je me dois de reprendre les propos
tenus par le journaliste Gilles Lesage dans l'édi-torial du Devoir,
qui reprenait, justement, une critique de ce projet de loi et dans lequel
il disait, à propos du ministre: «II est conscient de la
nécessité d'une loi-cadre et de l'urgence d'une intervention. Fin
prochaine du règne de l'arbitrage, des nominations sans consultation et
de l'absence des règles adéquates, laisse entrevoir le ministre.
Les premiers intéressés soupirent d'aise. Hélas! le livre
de chevet du ministre est devenu le soporifique du ministre qui, il est vrai, a
eu bien d'autres chats à fouetter depuis 5 ans.» Alors, c'est
malheureusement la réalité, M. le Président. Il n'y a pas
de réforme des tribunaux administratifs en vue; en tout cas,
certainement pas avec ce projet de loi.
Et pour gagner du temps, M. le Président, que fait-on? Eh bien,
on fait ce qu'on est le plus habitué à faire, c'est-à-dire
qu'on procède à la nomination d'un autre groupe d'étude
qui devra répertorier encore une fois l'ensemble des tribunaux
administratifs. Le groupe de travail formé et annoncé en grande
pompe par le ministre de la Justice, ce groupe a pour mandat, notamment,
d'analyser la nature des pouvoirs décisionnels des organismes
administratifs qui ne sont pas couverts par le projet de loi en plus d'en
distinguer ceux qui tranchent les droits des individus de ceux qui rendent des
décisions de nature purement administrative ou réglementaire.
Déjà, dans le rapport du professeur Ouellette, ce travail
était, en grande partie, fait. Pourquoi le refaire maintenant?
Le ministre de la Justice nous a dit, justement, lors de son allocution,
lors de la dernière conférence des juges administratifs qu'on se
doit de procéder à la nomination d'un nouveau groupe de travail,
puisque, depuis 1987, la situation socio-économique a changé.
Bien, c'est évident, M. le Président, que, si on attend six ans
avant de réagir, la situation socio-économique va changer. Mais
si le ministre prend encore six ans pour bouger, suite au dépôt du
rapport de son comité qu'il vient de former, bien, là, on va
avoir besoin d'un autre comité, parce que la situation
économique, socio-économique, va encore avoir changé, et,
là, on peut se ren cuver, comme depuis 1965, avec absolument rien de
fait. Donc, il n'y a absolument rien de bon qui est annoncé par la
création d'un tel comité. Au contraire, ce que j'ai appris, au
ministère de la Justice, c'est que la meilleure façon de
temporiser et de ne rien faire, c'est de créer un nouveau comité,
et Dieu sait qu'il y en a, de ces comités, présentement, au
ministère de la Justice, qui siègent sur différentes
questions, dont on attend les rapports, qui sont en retard dans la production
des rapports. On gagne du temps, M. le Président, on gagne du temps et
on n'agit pas.
Alors, M. le Président, comme je l'ai mentionné lors de
mon intervention à propos du projet de loi précédent sur
l'aide et l'indemnisation des victimes d'actes criminels, il n'est pas de mon
habitude de faire, lors d'étude de projets de loi, de discours
partisans, puisque, justement, à la commission des institutions, ce sont
des projets de loi qui touchent la justice, qui touchent les gens, et on se
doit de regarder l'efficacité d'un système, et les débats
doivent se concentrer là-dessus. Mais, malheureusement, M. le
Président, si je regarde quels sont les motifs qui poussent le ministre
à ne rien faire ? on ne peut pas dire que ça le pousse
à agir, ça le pousse à ne rien faire ? ce sont des
motifs politiques; ce ne sont certainement pas des motifs d'une plus grande
efficacité de la justice, certainement pas, M. le Président.
C'est un manque de courage. Les nominations politiques vont continuer. Les
concours, la transparence qu'on devrait avoir dans notre société,
qu'on devrait avoir pour une plus grande justice sociale...
Il parle d'accessibilité des tribunaux administratifs pour les
gens, mais je pense aussi que cette accessibilité, c'est
l'accessibilité à la justice pour les gens qui voudraient
participer à ce système. Or, cette accessibilité est
complètement niée à une bonne partie de la population,
parce que, justement, il n'y a aucune transparence quant à la nomination
des gens sur ces tribunaux administratifs. Je le répète et je le
dis, c'est l'arbitraire le plus total, c'est le vide juridique qu'on se
plaît à maintenir, tout simplement pour pouvoir nommer qui on veut
sur ces tribunaux administratifs. C'est vraiment dommage, c'est inacceptable,
M. le Président, et je pense que c'est manquer de respect envers nos
tribunaux administratifs que de ne pas vouloir corriger la situation.
Il y a des gens, présentement, dans nos tribunaux administratifs,
qui font un travail remarquable, dans des conditions malheureusement
nébuleuses et qu'on tient à garder nébuleuses. Ces
gens-là voudraient avoir des règles claires, justement, pour que
le travail qu'ils font soit plus valorisé aux yeux des concitoyens.
Justement, M. le Président, les citoyens se posent des questions quand
ils savent de quelle façon sont nommés certains juges
administratifs. Ce n'est pas tout que, dans les faits, le juge administratif
soit impartial; il faut qu'il y ait cette apparence d'impartialité. Il
faut que le citoyen, quand il rentre dans la salle du tribunal administratif,
sente qu'il a confiance en la personne qui a été nommée,
qui est devant lui. (21 h 50)
Non. On préfère plutôt, M. le Président, au
ministère de la Justice, avoir des gens avec un statut précaire,
c'est-à-dire un statut qu'on peut renouveler ou non renouveler comme on
voudrait, pour des raisons obscures et arbitraires. Et c'est évident,
à ce moment-là, qu'on sent une pression. Quand arrive la fin des
mandats, les renouvellements des mandats, il y a une pression qui est
exercée, inévitablement, sur les membres des tribunaux
administratifs. Et ça, M. le Président, je pense que c'est
inacceptable, ça ne devrait pas exister.
II devrait y avoir des règles claires, et je les
répète ces règles claires que je suis prêt
dès maintenant à supporter dans un projet de loi: concours et
affichage quant aux postes disponibles dans les tribunaux administratifs;
comité indépendant nommé qui désignerait les
personnes aptes à devenir juge administratif, et nomination de ces juges
administratifs parmi ce bassin, ce groupe de gens qui auront été
déclarés aptes à être un juge administratif. C'est
un minimum qu'on pourrait mettre maintenant, qui mettrait fin au patronage, qui
mettrait fin aux nominations politiques.
Quant aux durées de mandat, M. le Président, je pense
qu'il y a un débat intéressant qui peut se faire quant à
la durée des mandats. C'est cinq ans, tel que présenté par
le présent projet de loi. Je ne suis pas défavorable à la
notion de mettre sept ans au lieu de cinq ans justement pour mettre les gens
des tribunaux administratifs à l'abri des changements de gouvernement.
On sait qu'un gouvernement, c'est cinq ans, selon l'état du droit
actuel. Sept ans, ça ferait en sorte qu'une personne serait
assurée de pouvoir survivre à un gouvernement. Je pense que ce
serait une garantie qui serait intéressante relativement à
l'inamovibilité des juges administratifs.
Je m'attendais à voir des choses comme ça dans le projet
de loi, à voir un projet de loi qui, au moins... Vous savez, je suis
conscient de la difficulté, de la complexité de la tâche.
Ce n'est pas facile de faire une réforme des tribunaux administratifs,
mais je pense qu'il faut avoir le courage de présenter un projet de loi
qui, au moins, va englober une partie importante des problèmes, qui va
s'adresser à une partie importante de ces problèmes. Ce n'est
certainement pas avec un petit projet de loi qui touche six organismes qu'on
peut dire que vraiment on s'attaque aux véritables problèmes que
vivent présentement nos tribunaux administratifs. Et c'est dommage, et
je pense que présentement, la population préfère un
gouvernement qui ne fait rien plutôt qu'un gouvernement qui donne
l'impression de faire quelque chose alors qu'il ne fait rien. Parce que le fait
de ne s'attaquer qu'au problème de six tribunaux administratifs, quand
on sait qu'il y en a près de 100, c'est minime. C'est insuffisant. Ce
n'est certainement pas l'ébauche d'une réforme des tribunaux
administratifs. Ce n'est certainement pas l'annonce d'un ménage imminent
qui va se faire et qui doit se faire à un moment donné.
Autre question: On ne parle pas, non plus, des fusions. Je pense que,
dans un contexte de rationalisation des effectifs de l'État, des
ressources de l'État, on se doit de s'adresser à ce
problème: A-t-on trop d'organismes quasi judiciaires? Pourrait-il y
avoir certaines fusions qui pourraient se faire relativement à certains
tribunaux administratifs qui ont des tâches similaires?
Présentement, je ne vois rien dans ce projet de loi qui annonce
un travail dans ce sens et, on ne voit pas, en tout cas, dans ce projet de loi,
que c'est une préoccupation du ministre. Ça devrait l'être,
pourtant, puisqu'on coupe présentement un peu partout au
ministère de la Justice, comme dans d'autres ministères. Alors,
plutôt que de couper dans des choses qui font mal aux gens, qui font mal
à la population, on pourrait peut-être voir tout simplement
à obtenir un rendement optimal de l'infrastructure qu'on a en place
présentement, à savoir est-ce que tous ces organismes ne peuvent
pas, d'une façon ou d'une autre, faire l'objet d'une fusion? Il n'y a
rien. Ça, c'est un problème fondamental, le problème des
fusions, la question des fusions, et il n'y a rien dans ce projet de loi qui le
vise.
Je comprends les initiés, les membres des tribunaux
administratifs quant à leur scepticisme relativement à ce projet
de loi. Je suis moi-même très sceptique. C'est difficile de
critiquer comme tel un projet de loi ? surtout ce projet de loi ?
quant aux articles qu'il contient, car c'est tellement timide, c'est tellement
redire certaines choses qui existent déjà et qu'on retrouve dans
certaines lois que même critiquer d'une façon trop virulente ce
projet de loi, ce serait lui donner une certaine crédibilité
quant à la réforme des tribunaux administratifs. Ça n'en
est pas une réforme. Ce n'est que de la temporisation. On calme les
choses. Je pense que le ministre comprend que depuis qu'il est ministre de la
Justice, depuis 1988, il a eu tellement de pressions pour faire une
véritable réforme des tribunaux administratifs qu'il ne pouvait
pas se permettre de ne présenter aucun projet de loi qui touche les
tribunaux administratifs. On pouvait cependant s'attendre à un projet
plus grand, plus vaste, plus ambitieux. Je pense que notre système
judiciaire s'attendait à quelque chose comme ça, et,
malheureusement, l'éléphant a accouché d'une souris. Ce
n'est rien, c'est six organismes qui vont tout simplement se voir
préciser certaines choses, mais qui ne verront en rien leur
fonctionnement, quant à moi, amélioré et qui laissent
entier un paquet de problèmes et de questions soulevées depuis
longtemps par les différents initiés de notre système
judiciaire.
Donc, M. le Président, j'espère que le ministre, lors de
l'étude article par article du projet de loi, arrivera avec de nombreux
et de très nombreux amendements et de nombreux addendums aussi pour
peut-être inclure nombre des organismes quasi judiciaires qui ont
été ignorés dans ce projet de loi, car, sinon, je ne
pourrai faire autrement, comme, je pourrais dire, la totalité des
intervenants du milieu judiciaire, que d'exprimer ma profonde déception
relativement à ce travail, relativement à cette
législation. Je sais qu'il y a des gens très compétents au
ministère de la Justice qui travaillent excessivement bien, mais ces
gens ne font que ce qu'on leur demande de faire et, ici, on ne leur a
demandé que de faire une loi qui couvre six tribunaux quasi judiciaires,
et c'est évidemment ce qu'ils ont fait. Mais je pense que c'est
très mal utiliser l'ensemble des données que nous avons
présentement, l'ensemble des instruments. Nous avons au moins quatre
documents de valeur qui traitent des tribunaux quasi judiciaires, quatre
instruments dans lesquels on peut puiser. On peut dès maintenant parler
de propositions concrètes qu'on pourrait appliquer immédiatement
sans pour autant se retrouver
avec un petit projet de loi timide comme celui-là qui,
finalement, ne reprend en rien, qui ne représente même pas la
somme des travaux faits depuis de nombreuses années par les
différents juristes qui se sont penchés sur la question des
tribunaux administratifs.
Donc, M. le Président, comme je le disais tout à l'heure,
j'espère qu'on va assister, lors de l'étude article par article
du projet de loi, à de nombreux amendements, qu'on va vouloir enfin
ouvrir le débat, qu'on va vouloir réellement régler la
question des nominations politiques au sein des organismes quasi judiciaires et
qu'on va dès maintenant faire preuve de transparence et donner des
règles précises quant à la nomination des gens sur les
tribunaux quasi judiciaires. C'est le temps, c'est encore plus le temps que
jamais. Parce que, comme je vous le disais, présentement on voit la
valse des départs, des transferts des ministères
d'attachés politiques, et on sait que, très souvent, d'anciens
attachés politiques ou d'anciennes personnes qui sont de loin ou de
près rattachées à la politique se retrouvent
nommées sur des tribunaux administratifs. Et on a regardé ce qui
se fait depuis 1985 pour voir que c'est comme ça que ça se
fait.
Donc, M. le Président, c'est le temps plus que jamais, justement,
de mettre par écrit, de mettre en vigueur des règles
précises quant à la nomination de personnel dans les tribunaux
quasi judiciaires. Il faut le faire maintenant, et je pense qu'à ce
moment-là c'est l'ensemble de notre système juridique, de notre
système des tribunaux administratifs qui s'en trouvera
revalorisé. Et, aussi, je pense qu'on rejoindra un des principaux buts
que recherche le ministre de la Justice, à savoir une meilleure
accessibilité de la justice. C'est ça que tout le monde veut et
c'est ça que nous voulons. Mais accessibilité de la justice,
comme je vous le disais tout à l'heure, M. le Président, ce n'est
pas uniquement accessibilité de la part du particulier, c'est aussi
accessibilité de la part de la personne qui veut participer, qui veut
participer à ces débats, qui voudrait devenir aussi un
adjudi-cateur de ces tribunaux quasi judiciaires. (22 heures)
Donc, M. le Président, c'est l'essentiel de mes commentaires
à ce point-ci. Vous comprendrez, M. le Président, que nous, de
l'Opposition officielle, nous voterons contre ce projet de loi.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le
député d'Anjou.
Étant donné qu'il est 22 heures, le débat sur la
motion en cours est ajourné. Vous disposerez toujours d'une
période de 17 minutes, M. le député d'Anjou, à la
reprise du débat sur cette motion.
Étant donné qu'il est 22 heures, j'ajourne les travaux de
l'Assemblée nationale à, demain matin, 10 heures.
(Fin de la séance à 22 h 1)