(Dix heures onze minutes)
Affaires du jour
Le Vice-Président (M. Tremblay): Mmes et MM. les députés, nous allons entreprendre nos travaux. Vous pouvez vous asseoir.
M. le leader du gouvernement, s'il vous plaît.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): À ce moment-ci, je vous demanderais d'appeler l'article 15 du feuilleton.
Projet de loi 27
Adoption du principe
Le Vice-Président (M. Tremblay): Oui, M. le leader. Alors, M. le ministre de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie propose l'adoption du principe du projet de loi 27, Loi modifiant la Loi sur la Société de développement industriel du Québec.
Je suis prêt à reconnaître un premier intervenant, M. le ministre de l'Industrie et du Commerce. M. le ministre.
M. Gérald Tremblay
M. Tremblay (Outremont): M. le Président, le projet de loi 27 modifiant la Loi sur la Société de développement industriel du Québec s'inscrit dans les actions concrètes posées par le gouvernement afin de soutenir le développement économique, notamment le développement des marchés. Ce projet est soumis à l'approbation de l'Assemblée nationale pour répondre, par la mise en commun des capitaux privés et publics, aux besoins de financement des petites et moyennes entreprises.
Ce projet de loi apporte des modifications à la Loi sur la Société de développement industriel du Québec. L'objectif est de permettre à la SDI d'investir, aux conditions fixées par le gouvernement, dans une société de capitaux. Par ses amendements à sa loi constitutive, la Société de développement industriel du Québec pourra également consentir des prêts à une telle société et garantir ses emprunts ainsi que ses engagements. Ce faisant, la SDI augmentera sa contribution au développement des projets créateurs d'emplois et porteurs d'avenir mis de l'avant par les entreprises du Québec.
En juin dernier, la Société de développement industriel du Québec entreprenait une démarche afin de mieux adapter ses produits et ses services aux besoins des entreprises. Pour soutenir la réflexion entourant ce repositionnement, elle confiait un mandat à la firme Raymond, Chabot, Martin, Paré & cie. Après avoir consulté bon nombre d'intervenants et d'entreprises, les représentants de cette firme déposaient un rapport contenant des recommandations en ce qui a trait aux produits et services offerts par la Société de développement industriel du Québec ainsi que des grandes orientations pour la Société au cours des prochaines années.
Ces grandes orientations, M. le Président, se résument en trois points: cibler son intervention auprès des petites et moyennes entreprises en développement; poursuivre l'amélioration de la qualité de son service à la clientèle; intensifier son action en matière de commerce international, notamment en investissant dans un fonds de capital de risque ayant pour mission de soutenir les petites et moyennes entreprises désirant acquérir des actifs hors Québec.
La SDI a reçu ces recommandations à la fin de l'année 1993 et en a informé le ministère de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie. Conjointement, le ministère et la SDI ont convenu de donner suite à ces recommandations.
Ces démarches ont permis une déréglementation des programmes de la SDI, réduisant les tracasseries administratives pour les entreprises désirant se prévaloir du financement offert par la Société. Cette dernière a, par le fait même, acquis une flexibilité accrue, élément essentiel pour répondre aux besoins toujours évolutifs des entreprises québécoises qui doivent s'adapter aux nouvelles règles du jeu imposées par la concurrence qui découle d'une économie ouverte sur le monde.
Par ailleurs, M. le Président, le gouvernement a accueilli favorablement les recommandations du rapport Raymond, Chabot, Martin, Paré, visant l'accroissement du rôle de la SDI en matière de commerce international. Cette volonté du gouvernement de soutenir le développement des activités exportatrices des PME du Québec s'exprimait dans le plan de relance de l'économie et de soutien à l'emploi déposé le 30 novembre 1993. Celui-ci confiait conjointement à la SDI et au ministère des Affaires internationales le mandat de créer une société d'investissement au commerce international.
Le gouvernement s'est alors engagé à verser jusqu'à concurrence de 25 000 000 $, soit le tiers des capitaux nécessaires, pour lancer la Société d'investissement au commerce international. Il est, en effet, prévu que d'autres partenaires privés et publics participent à la capitalisation de départ de la Société d'investissement jusqu'à concurrence de 50 000 000 $, pour un capital total initial de 75 000 000 $.
Les discussions en cours démontrent un intérêt soutenu de la part des partenaires potentiels à l'égard d'une participation financière à un tel projet. Les travaux et les discussions entourant la création de la Société d'investissement au commerce international connaissent une progression rapide. Il importe donc d'apporter les modifications à la Loi sur la Société de développement industriel du Québec qui sont nécessaires pour permettre à la Société de développement industriel d'aller de l'avant avec ce projet.
Le projet de loi préconise un élargissement du mandat de la SDI en favorisant la création de la Société d'investissement au commerce international, ce qui permettra à la SDI non seulement de financer des projets mis de l'avant par des entreprises, mais également d'investir dans des fonds de capital de risque pour soutenir, à l'aide de capitaux privés, le développement des PME québécoises.
Il ne fait aucun doute que les entreprises du Québec doivent surmonter les contraintes de la petite taille de notre marché national. Plusieurs de nos entreprises, des petites et moyennes entreprises situées dans toutes les régions du Québec, ont l'habitude d'intervenir dans un marché québécois de 7 000 000 de consommateurs et de consommatrices ou, à la limite, dans un marché canadien qui en compte 27 000 000.
L'Accord de libre-échange avec les États-Unis et l'Accord de libre-échange nord-américain ont pour objet de faciliter l'élargissement du marché des entreprises par le commerce international. Sous l'impulsion de la concurrence grandissante à l'échelle internationale, l'exportation est plus que jamais le moyen essentiel pour permettre aux entreprises de créer de la richesse, d'être compétitives et d'accroître leur production ainsi que le nombre d'emplois qu'elles génèrent.
Il est d'autant plus important pour nos PME de consolider leurs activités sur les marchés extérieurs. Notons, à titre d'exemple, l'augmentation des exportations en 1993 de plus de 20 %. Toutefois, une étude démontre que, de 1980 à 1991, les entreprises canadiennes ont perdu 8 % de leur part du marché local au profit d'entreprises davantage concurrentielles. Cela démontre bien qu'il ne faut pas perdre de vue que, si la mondialisation des marchés offre à nos entreprises des opportunités d'affaires à l'étranger, elle permet également aux entreprises d'ailleurs de venir s'installer ici ou de s'attaquer à nos marchés.
La nécessité pour nos petites et moyennes entreprises de se tourner vers les marchés internationaux ne facilite pas pour autant le financement des activités exportatrices. Le développement des marchés extérieurs demeure une opération dont le risque est assez élevé, et les petites et moyennes entreprises du Québec ont besoin d'un soutien additionnel pour franchir cette étape importante de leur croissance. Or, les investisseurs démontrent un intérêt de plus en plus marqué pour ces activités, et la création d'une société favorisant un meilleur arrimage entre le secteur privé et l'État à cet effet devrait contribuer à augmenter leur participation dans le financement des petites et moyennes entreprises exportatrices du Québec.
(10 h 20)
Dans le but, donc, de contribuer à l'action internationale de son économie et à la création d'emplois, le gouvernement du Québec désire accélérer la croissance des exportations de biens et de services en accélérant le développement des PME québécoises à l'étranger. C'est pourquoi il souhaite, par l'intermédiaire de la Société de développement industriel du Québec, procéder à la création d'une société mixte d'investissement en capital de risque. La mission de cette société sera de soutenir l'implantation des entreprises québécoises sur les marchés étrangers en leur apportant les capitaux requis pour la poursuite de leur développement. En faisant appel à des capitaux privés et publics, cette Société favorise un meilleur partage des risques inhérents aux investissements qui seront effectués. Les besoins de capitalisation pour la création de la Société d'investissement au commerce international ont été fixés à 75 000 000 $, dont 66 % provenant de partenaires privés et publics. L'autre 33 % est assuré par la contribution du gouvernement, par l'intermédiaire de la Société de développement industriel du Québec.
Selon les discussions amorcées, M. le Président, avec des partenaires potentiels, les déboursements de capital pourraient être effectués au fur et à mesure des besoins découlant des projets soumis par les entreprises, au prorata de la participation consentie par chacun. Les partenaires financiers seront également consultés afin de déterminer la durée de vie de la Société, qui, initialement, devrait être fixée à 10 ans.
La Société d'investissement au commerce international interviendra par le biais de prises de participation dans des sociétés québécoises pour la réalisation de projets d'investissement à l'étranger. Ces projets pourront être sous la forme de sociétés conjointes, de création de filiales et d'acquisitions. L'objectif de la Société étant d'aider les entreprises dans leur internationalisation et d'obtenir un rendement sur ses placements, ses prises de participation seront généralement minoritaires.
La Société d'investissement au commerce international effectuera des placements variant de 1 000 000 $ à 10 000 000 $, avec un horizon de trois à cinq ans. Le seuil pourra être abaissé à 500 000 $ pour des investissements en coparticipation avec des partenaires ou d'autres sociétés d'investissement.
Des placements de cette taille sont en mesure de répondre aux besoins des PME visées par la Société. Celle-ci s'adressera notamment aux entreprises affichant un historique de rentabilité, à celles ayant déjà acquis de l'expérience sur les marchés étrangers ou susceptibles d'en acquérir rapidement. Les entreprises disposant d'une gamme de produits dont le potentiel de vente sur ces marchés est reconnu ou ayant la possibilité d'acquérir un avancement technologique important seront privilégiées.
Pour permettre à la Société de bien remplir sa mission, la gestion de ses activités sera autonome et indépendante de celle des investisseurs. À cette fin, une équipe de gestion permanente sera constituée. Elle rassemblera de l'expertise en commerce ou en placement international, en développement de marchés et en analyse financière.
Le conseil d'administration sera constitué en très grande majorité d'une représentation du secteur privé. La représentation des partenaires au conseil sera proportionnelle à leur investissement.
Voilà, M. le Président, un bel exemple d'initiative rendue possible grâce à un partenariat étroit de l'État avec le secteur financier privé. Le projet de loi amendant la Loi sur la Société de développement industriel constitue également une belle opportunité de confier à une institution dynamique un mandat élargi lui permettant de répondre encore mieux aux besoins des entreprises, notamment des petites et moyennes entreprises situées dans toutes les régions du Québec.
La Société de développement industriel compte, en effet, une longue expérience en matière de soutien aux activités liées au commerce international. Compte tenu de sa mission, qui est de contribuer au développement économique du Québec, la Société de développement industriel a commencé, peu de temps après sa création en 1971, à accorder un appui financier aux entreprises actives sur les marchés étrangers. Elle s'avère donc l'organisme public tout désigné pour représenter les intérêts et la volonté d'action du gouvernement du Québec au sein d'une société d'investissement créée à partir d'une action concertée des secteurs privé et public.
La Société d'investissement au commerce international sera sans contredit la première réalisation découlant de l'adoption du projet de loi qui est actuellement soumis à l'Assemblée nationale. Ces modifications à la Loi sur la Société de développement industriel ouvrent cependant la porte à des investissements de celle-ci dans d'autres sociétés de capitaux destinés à soutenir des secteurs d'activités considérés comme porteurs d'avenir pour les PME du Québec.
Ce rapprochement des activités de l'État avec celles du secteur privé en matière de financement des entreprises fait preuve de la volonté du gouvernement du Québec de confier à l'État un rôle accompagnateur, de partenaire proactif en matière de développement économique. Il reflète également tout le cheminement effectué depuis quelques années en ce qui a trait au partage équitable, entre le gouvernement, les institution financières et les dirigeants d'entreprises, des risques liés au développement et à la croissance des PME québécoises.
M. le Président, le projet de loi modifiant la Loi sur la Société de développement industriel du Québec s'inscrit dans la volonté du gouvernement du Québec d'offrir aux entreprises du Québec des outils adéquats pour contribuer à leur prospérité. Les discussions en cours avec les partenaires potentiels concernant la création de la Société d'investissement au commerce international laissent supposer que cette société pourrait être opérationnelle dès l'automne 1994. D'où l'importance d'accorder à la Société de développement industriel du Québec la marge de manoeuvre essentielle pour lui permettre d'agir à titre de levier financier dans la réalisation de ce projet majeur pour le rayonnement de nos petites et moyennes entreprises sur les marchés extérieurs.
C'est dans un tel contexte que je souhaite que les membres de l'Assemblée nationale voteront à l'unanimité pour ce projet de loi, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Tremblay): Bien, M. le ministre. Je vais maintenant reconnaître une députée de l'Opposition officielle, Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve. Mme la députée.
Mme Louise Harel
Mme Harel: Merci, M. le Président. M. le Président, le ministre responsable de la Société de développement industriel vient, il y a quelques minutes à peine, de nous parler d'actions concrètes. Cependant, le projet de loi 27 qui est devant nous est un projet de loi abstrait, vague et imprécis. Et le moins que l'on puisse dire, c'est que, à la lecture de ce projet de loi, M. le Président, rien d'autre ne nous est révélé que ces modifications qu'on apporte à la SDI, modifications dont on ne nous précise ni les orientations, ni le mandat, et où, finalement, on nous demande ni plus ni moins de signer un chèque en blanc, sans en préciser de façon tout simplement concrète, là, les modalités. Vous comprendrez, M. le Président, que l'Opposition va refuser de signer un chèque en blanc tant qu'elle ne pourra pas se faire préciser le contenu des intentions gouvernementales lors de l'examen du projet de loi en commission parlementaire.
M. le Président, je vais vous donner un exemple de ce à quoi on s'attendait de ce côté-ci de la Chambre. On s'attendait effectivement à un projet de loi créant la Société d'investissements au commerce international, et je vous garantis, M. le Président, qu'un tel projet de loi aurait obtenu l'assentiment de l'Opposition, d'autant plus, et j'y reviendrai, que nous avons, dans le programme de notre parti, la création d'une telle société à l'exportation. Et je crois qu'il y aurait facilement moyen de conjuguer une vision des besoins, notamment des petites et moyennes entreprises en matière de commerce à l'étranger.
M. le Président, on n'en est pas là avec le projet de loi 27. Le projet de loi 27 nous dit ceci: «La Société on fait référence, donc, à la SDI, la Société de développement industriel du Québec peut, aux conditions déterminées par le gouvernement sans que ce soit précisé à quelles conditions, justement investir dans une société de capitaux [...] dotée ou non de la personnalité juridique.» Un chèque plus large que ça, là, j'imagine que c'est rare qu'on en demande autant. Ça veut donc dire que la SDI peut investir dans une société de capitaux, soit, mais pour faire quoi, avec qui, et comment? Dans son discours, le ministre a précisé quelques paramètres qui nous semblent intéressants, où, notamment, il nous parlait de la nécessité d'élargir l'accès à des capitaux qui sont requis par les PME pour la poursuite de leur développement à l'étranger. Alors, M. le Président, d'accord, mais, à ce moment-là, il faut que ce soit dans le projet de loi, pas juste dans le discours du ministre. Il faut que le projet de loi reflète les intentions gouvernementales.
(10 h 30)
Je vais vous donner un exemple d'un projet de loi qui a obtenu l'appui, le concours, la collaboration de l'Opposition pour son adoption: c'est le projet de loi 28 qui portait sur la Société Innovatech du Grand Montréal. D'ailleurs, on pourrait reprendre le même exemple, encore plus récemment, l'automne dernier, lorsqu'un projet de loi a été déposé en cette Chambre pour créer une société Innovatech de la région Chaudière-Appalaches, je pense, dans la région de Québec. Il y a deux ans donc, l'Opposition avait concouru avec diligence, n'est-ce pas, à la création de la Société Innovatech du Grand Montréal, parce que, M. le Président, on savait où on s'en allait. Ce projet de loi précisait, notamment, la mission de la Société Innovatech du Grand Montréal, soit celle de promouvoir et de soutenir des initiatives propres à relever la capacité d'innovations technologiques sur le territoire du Grand Montréal. Qu'en est-il de la mission? On ne mentionne même pas la Société d'investissement au commerce international dans le présent projet de loi qui est devant nous pour examen. Quelle sera la mission? On ne le précise pas non plus, M. le Président.
D'autre part, toujours en faisant la comparaison avec la création d'une société comme Innovatech, le projet de loi adopté créant la Société Innovatech établissait les modalités de fonctionnement de la Société, notamment celles relatives à la composition du conseil d'administration. Y aura-t-il ou n'y aura-t-il pas un conseil d'administration pour cette hypothétique société d'investissement au commerce international que nous créerions indirectement en adoptant un projet de loi qui n'en parle pas directement? On ne le sait pas. Le projet de loi créant la Société Innovatech établissait également la rémunération et les autres conditions de travail des administrateurs évidemment, ça reste autant imprécis que le reste dans le projet de loi qui est devant nous puis établissait clairement que la Société Innovatech allait disposer, pour la réalisation de sa mission, d'un montant n'excédant pas 300 000 000 $ répartis sur les cinq prochaines années.
En fait, clairement, ce qu'on nous demandait, c'était d'appuyer la création d'une société avec un mandat précis, une mission précise, un conseil d'administration, un budget et des modalités de fonctionnement. Ce n'est pas ça dont il est question maintenant. Je vous réitère que l'on ne mentionne même pas qu'il va s'agir de créer une société d'investissement au commerce international. C'est un langage extrêmement hermétique que le gouvernement a choisi d'utiliser et, sincèrement, on ne comprend pas pourquoi. On le comprend d'autant moins que, dans l'étude réalisée l'automne dernier ou, en fait, finalisée, puisqu'elle a été rendue publique l'automne dernier par la firme Raymond, Chabot, Martin, Paré, ce n'était pas ce qui est devant nous qui était proposé, c'est-à-dire un élargissement du mandat de la SDI, sans nous préciser à quelles fins ça allait servir. Ce n'était pas ça dont il s'agissait, c'était nommément de la création d'un fonds d'investissement au commerce international composé d'un actionnariat mixte, privé-public, effectivement, et géré par un conseil d'administration mixte, n'est-ce pas, un conseil formé majoritairement de représentants du secteur privé et de personnes activement engagées dans des activités de commerce international.
Alors, M. le Président, ce que la firme qui a fait réaliser l'étude sur le positionnement de la SDI et qui a fait des recommandations suite à ces principales constatations, ce que la firme recommandait, ce n'est pas ce qui est devant nous maintenant. Et c'est tellement vrai que le porte-parole du ministre, dans le journal Le Soleil du samedi 14 mai c'est quand même récent M. Jean-Luc Trahan, disait justement, finalement, que le plan de relance économique proposé par le gouvernement l'automne dernier prévoyait la création d'une société impliquée dans le commerce extérieur; il a été décidé par la suite, ajoute M. Trahan, que la SDI pourrait jouer ce rôle. Donc, loin d'être dans l'orientation déterminée par l'étude Raymond, Chabot, Martin, Paré, loin d'être dans la suite du plan de relance de l'automne passé, six mois après, ce qu'on nous propose, ce n'est finalement pas la création d'une société impliquée dans le commerce extérieur, c'est l'élargissement du rôle de la SDI.
Est-ce que c'est le bon choix? Ce n'est pas évident. Ce n'est pas évident, M. le Président. Je pense qu'il n'y a pas de raison, de ce côté-ci de l'Opposition, pour dire au gouvernement: Vous avez changé d'idée, malgré des recommandations contraires d'une firme que vous aviez engagée, puis, nous, les yeux fermés, on va vous suivre là-dedans. Ce n'est pas évident.
C'est tout à fait prudent à ce stade-ci que nous indiquions que nous allons voter en deuxième lecture contre le projet de loi et, dépendamment des amendements qui seront apportés, des précisions qui seront apportées, nous verrons si nous pouvons concourir à son adoption en troisième lecture. Parce que, effectivement, il y a un objectif au-delà de cela, un objectif important. Cet objectif, c'est certainement de permettre aux entreprises québécoises d'accroître leur compétitivité pour s'accaparer une juste part des marchés internationaux. Cet objectif, bien, pour le rencontrer, c'est évident qu'il faut surmonter des handicaps, des obstacles sur la route des petites et moyennes entreprises, parce que l'on sait que ces petites et moyennes entreprises, souvent, font face à un niveau d'endettement relativement élevé et que, d'autre part, leurs ressources limitées les obligent à aborder ces marchés internationaux en partenariat, et ça suppose la mise en place d'alliances stratégiques par une prise de participation dans des entreprises étrangères, souvent. Et il est généralisé comme constat que les petites et moyennes entreprises se voient contraintes dans des possibilités de financement pour le développement de leur activité à l'extérieur et qu'il n'y a pas d'outil efficace actuellement disponible pour remédier à ces problèmes, qui se traduisent par un plus grand besoin de capitalisation.
C'est ce que constatait la firme Raymond, Chabot, Martin, Paré, chargée d'étudier cette question et le repositionnement de la SDI, et sa conclusion, je la cite, est ceci: «Un fonds d'investissement au commerce international pour offrir aux PME québécoises la possibilité d'accéder aux capitaux nécessaires à leur implantation sur les marchés étrangers...» Bon. Ceci dit, M. le Président, le projet de loi ne parle pas des PME, ne nous dit en rien quelle va être la mission, quel va être le mandat, quel va être le budget, quelle va être la composition. Il n'est pas évident, si vous voulez, que le record, comme on dit en langage populaire, de la SDI du côté des PME soit assez reluisant pour signer en plus un chèque en blanc. Pensez que, depuis 1986-1987 jusqu'à 1993-1994, les PME n'obtiennent que 35 % de l'aide financière octroyée par la Société de développement industriel du Québec 35 %; 1 $ sur 3 $.
Alors, on est loin d'avoir établi que la SDI a joué, par rapport aux PME d'ici qui veulent se consolider, se redéployer sur les marchés d'ici... Il n'est pas évident que la SDI a réussi haut la main. Et, M. le Président, on sait pourtant que les petites et moyennes entreprises sont celles qui sont le plus créatrices d'emplois. On disait dernièrement que 90 % des nouveaux emplois ont été créés, depuis le début de la récession, par les petites et moyennes entreprises. Alors, c'est évident que quand on constate qu'à peine le tiers de l'aide financière de la SDI leur a été octroyé puis qu'on ne voit aucune garantie, dans le projet de loi 27, à l'effet que la Société de développement industriel, avec son nouveau mandat élargi, aurait prioritairement à favoriser le développement des petites et moyennes entreprises, on comprendra, M. le Président, qu'on puisse être inquiets et que la prudence élémentaire nous conduit à rechercher et à tenter d'obtenir pas mal plus de garanties que ce que l'on retrouve dans ce projet de loi de trois articles seulement.
(10 h 40)
Je vous disais donc pourtant que la firme chargée d'étudier la question avait été très, très explicite sur ce fonds d'investissement au commerce international. Je vais citer les pages 10 et 11 du rapport que nous avons pu obtenir et qui nous indiquent ceci. La recommandation était la suivante, à savoir «que le mandat consisterait à soutenir le développement international des PME exploitant dans les secteurs manufacturier et tertiaire moteurs pourquoi ne pas l'avoir mis, M. le Président, dans le projet de loi? et requérant un apport en capital complémentaire à leur propre investissement, pour concrétiser une prise de participation dans une entreprise étrangère ou un projet de développement admissible à l'étranger». Et la firme ajoutait: «La rémunération des capitaux investis devra comporter un incitatif relié à l'amélioration de la performance de l'entreprise québécoise, par exemple par l'intermédiaire de redevances calculées sur la base de l'accroissement de son chiffre d'affaires.» Et on y indiquait également que «le gouvernement devait détenir une participation minoritaire et, s'il y a lieu, de rang inférieur, constituant un incitatif pour le secteur privé».
Tout en signalant que le mandat de la firme ne comportait pas une estimation des besoins financiers à l'égard de ce fonds d'investissement dans le commerce extérieur, on disait que la SDI et le ministère des Affaires internationales et je cite toujours la firme donc, les deux partenaires majeurs, là, ceux qui, actuellement, normalement, ont l'expertise là-dedans: «La SDI et le ministère des Affaires internationales évaluent, de façon préliminaire, que, en raison de 50 000 000 $ annuellement, dont plus de 50 % en provenance du secteur privé, un fonds global de 300 000 000 $, établi sur une période de six ans six ans, 50 000 000 $ par année, dont 25 000 000 $ doivent venir au minimum du secteur privé pourrait répondre aux besoins. Les partenaires privés devraient vraisemblablement être les institutions financières et les sociétés de capital de risque importantes du Québec. Les interventions complémentaires envisagées se situeraient, dans chaque cas, entre 500 000 $ et 10 000 000 $.»
Pensez, M. le Président, que l'équivalent dont je vous parlais tantôt, la société Innovatech... Dans la loi qui créait la société Innovatech, on établissait qu'elle allait pouvoir bénéficier d'un fonds de 300 000 000 $ sur cinq ans et on établissait également que, en bas de 5 000 000 $, le conseil d'administration pouvait prendre ses décisions sans avoir à quêter, là, une autorisation au Conseil du trésor pour que les affaires roulent rondement. Il n'y a rien de ça dans le projet de loi qui est devant nous.
Le ministre a parlé non pas de ce que la SDI et le ministère des Affaires internationales, le MAI, recommandaient; il a parlé de, ma foi, le cinquième de ce montant; il nous parle de 75 000 000 $. On disait, dans le rapport de la firme, que c'était à 300 000 000 $ sur six ans qu'on établissait les besoins. Bon. Il va falloir qu'il s'explique pour nous dire comment il a pu y avoir, en l'espace de quelques mois à peine, un revirement aussi important dans l'évaluation, l'estimation des besoins financiers nécessaires à l'accroissement du commerce international de la part des PME québécoises, d'une part. D'autre part, comment il peut expliquer que, finalement, rien sur la nature des interventions... On recommandait donc des interventions de l'ordre de 500 000 $ à 10 000 000 $. On voit très bien que le projet de loi ne parle aucunement, M. le Président, d'un ordre de grandeur dont pourraient bénéficier les entreprises.
Je vous disais, cependant, combien il nous apparaît important d'accroître les exportations et de favoriser la pénétration des marchés étrangers par l'entreprise québécoise. On s'est gargarisé ici, M. le Président, dans cette Assemblée, de grands mots comme la mondialisation des marchés et l'abolition des frontières économiques. Il faut comprendre que des années après que ça s'est passé, c'est maintenant seulement qu'on se rend compte que, si on peut aller vendre ailleurs, les autres peuvent venir prendre nos marchés aussi. Et, finalement, c'est assez tard, n'est-ce pas, que le gouvernement réagit en disant: Il faut donner le coup de pouce pour que nos entreprises aient la capacité, surtout les moyennes entreprises, d'aller sur ces marchés. Déjà, M. le Président, nous avions mis au point... Et je fais référence à ce programme adopté par le Parti québécois, déjà en 1989, et qui s'intitulait «Des idées pour mon pays», où nous souhaitions la création d'une société québécoise d'expansion des exportations pour assurer le soutien des ventes à l'extérieur et nous mentionnions qu'en plus cette société devait particulièrement cibler les PME du Québec qui font face à des risques, évidemment plus grands, entraînés par les transactions internationales.
Alors, dans la mesure, M. le Président, où, justement, le projet de loi aurait clairement indiqué la création d'une telle Société d'investissement au commerce international, c'est d'un coeur unanime que nous aurions dit immédiatement... Mais, compte tenu de la nature de ce qui est devant nous, bien, M. le Président, il va falloir pas mal plus de précisions avant que nous puissions y souscrire. Je vous remercie.
Le Vice-Président (M. Tremblay): Très bien, Mme la députée. Je vais maintenant reconnaître M. le ministre pour un temps de réplique. Non? Ça va? Très bien. Alors, est-ce que le principe du projet de loi 27... Je m'excuse. Alors, très bien. Je suis prêt à reconnaître un autre député, M. le député d'Orford. Alors, M. le député.
M. Robert Benoit
M. Benoit: M. le Président, l'évolution et la croissance des entreprises québécoises est une préoccupation constante pour le gouvernement du Québec. Et le ministre, d'ailleurs, le disait il y a quelques instants, nous sommes conscients de l'apport économique de ces entreprises présentes dans toutes les régions du Québec et de l'importance de bien les soutenir dans le contexte actuel. En effet, les entreprises doivent réussir à adapter leur fonctionnement et leur structure à l'heure de la mondialisation des marchés et à la concurrence accrue qui en découle. D'où l'importance, M. le Président, de mettre en place des structures permettant le développement économique du Québec. C'est cette volonté qui animait le gouvernement du Québec lorsqu'il a créé, en 1971, la Société de développement, sous le titre SDI.
Cette Société a été mise sur pied pour favoriser le développement économique du Québec, notamment en encourageant le développement des entreprises, la croissance des exportations et des activités de recherche et d'innovation. En vertu des pouvoirs que lui confère sa loi constitutive, la SDI intervient auprès des entreprises par le biais de programmes financiers et les conseille en matière de structure de capital.
C'est en 1987 qu'elle a modifié son mode d'intervention axé principalement sur l'octroi de subventions et de garanties. Cette modification a permis d'offrir aux entreprises québécoises du capital de développement par le biais de son principal produit financier, c'est-à-dire le prêt participatif. Jusqu'en 1987, M. le Président, ce qu'il faut comprendre, c'est que la SDI, en grande partie, donnait des subventions, et, maintenant, M. le ministre, qui a été un ancien président de la SDI et qui connaissait ces programmes-là en profondeur, à son arrivée au ministère de l'Industrie et du Commerce, a transformé ces subventions pures pour des prêts participatifs, où l'entreprise participe et nous participons aux risques comme associés.
Aujourd'hui, M. le Président, l'intervention financière de la SDI est complémentaire aux autres sources de financement disponibles. Elle tient compte également de l'apport financier des autres intervenants gouvernementaux afin de rationaliser l'utilisation des fonds publics. Ça, c'est un point important, M. le Président. On avait, à travers les temps, des gens qui avaient une certaine sagesse pour faire des montages financiers extraordinaires. Ils allaient un peu partout chercher toutes sortes de sommes d'argent. Ils faisaient un montage extraordinaire et, finalement, en bout de ligne, on s'apercevait qu'eux ils avaient mis très peu d'argent dans le projet. Maintenant, avec cette structure-là, la SDI peut vérifier qu'il y a une participation importante de la part des promoteurs.
Toutefois, M. le Président, il faut garder à l'esprit que la Société de développement industriel du Québec appuie son action et son intervention sur trois principes majeurs. Elle favorise d'abord la saine capitalisation des entreprises par ses produits financiers et ses services-conseils. Ça, c'est aussi un point très important. Dans une entreprise, bien sûr, il y a l'investissement, la capitalisation. C'est important qu'une entreprise soit bien capitalisée pour pouvoir passer à travers les temps plus difficiles, pour pourvoir à des programmes d'expansion, mais il est aussi important d'avoir des services-conseils, d'être bien conseillé. Et ce n'est pas parce que vous êtes un bon manufacturier de chaises berçantes que vous connaissez particulièrement la dimension de marketing de vos produits ou d'exportation de vos produits. Il est important que nous leur fournissions ces services-conseils.
(10 h 50)
De plus, M. le Président, la SDI partage le risque avec l'entreprise, les actionnaires et les institutions financières. Enfin, elle vise des interventions de qualité et des rendements suffisants afin de favoriser l'autofinancement de son portefeuille. La SDI, M. le Président, a pour but d'autofinancer ses opérations à partir de la rentabilité des prêts qu'elle fait.
M. le Président, vous aurez compris qu'il s'agit d'une société importante dans le rouage économique québécois. Elle encourage le développement des entreprises, la croissance des exportations et des activités de recherche et d'innovation. La SDI aide les entreprises québécoises à relever des défis.
Et je tiens à souligner, M. le Président je l'ai fait en commission parlementaire, mais je tiens à le resouligner ici la qualité du personnel de la SDI, autant à la maison mère que dans les régions. Et nous, dans notre région, quand il y a des problèmes, on appelle à Sherbrooke, et je suis toujours impressionné de voir la qualité des gens à qui nous pouvons parler, la disponibilité de ces gens-là, la compétence des gens et la connaissance profonde des dossiers qu'ils ont, à la SDI. Et je tiens aussi à souligner au passage la qualité du président, M. Savard, bonhomme extraordinaire qui fait un ouvrage tout à fait exceptionnel à la SDI.
Afin justement de permettre à cette Société d'élargir ses horizons, le gouvernement du Québec propose de faire adopter le projet de loi 27, Loi modifiant la Loi sur la Société de développement industriel du Québec. Il s'agit d'un projet de loi qui a pour but de permettre à la SDI d'investir dans une société de capitaux, de consentir des prêts à une telle société et de garantir les emprunts et les engagements de celle-ci.
Ce projet de loi, M. le Président, traduit bien la volonté de notre gouvernement d'aider les entreprises d'ici et de leur offrir des outils adéquats pour contribuer à leur prospérité, car nous savons qu'en aidant les entreprises du Québec, nous permettons à des femmes et à des hommes d'avoir des emplois, de démontrer leur savoir-faire et de contribuer à l'enrichissement collectif.
M. le Président, trop souvent nous entendons, de l'autre bord de la Chambre, qu'il faut partager. Nous sommes d'accord avec ça, mais, avant de partager la richesse, M. le Président, il faut d'abord la créer, cette richesse-là, et la SDI aide abondamment, au Québec, à plein de gens d'affaires à créer cette richesse collective qui nous permet ensuite de la distribuer, de la diviser chez des gens qui en ont besoin. Ce sont là, d'ailleurs, des principes qui guident toutes les actions de notre gouvernement, car c'est par l'emploi et par une économie solide que nous parviendrons à soutenir des secteurs d'activité considérés comme porteurs d'avenir.
M. le Président, pour bien saisir l'ampleur de ce projet de loi, j'aimerais simplement vous rappeler que la SDI entreprenait, il y a quelques mois, une démarche dans le but de mieux adapter ses produits et ses services aux besoins de ses clientèles. Et ça, c'est typique des gens d'affaires, M. le Président, pas des pelleteux de nuages, des gens qui sont sur le terrain qui disent ce que le client a besoin, ce que le client désire. Et c'est ça que la SDI a fait, M. le Président; elle a écouté sa clientèle, a écouté, avec le ministre, ce que le client a besoin. Et c'est ça que nous lui offrons. Le client, ce qu'il nous a dit... Il y a une étude aussi, l'étude de Raymond, Chabot, Martin, Paré l'Opposition en parlait tantôt qui a donné les grandes orientations à la SDI, lesquelles orientations, conjointement avec le ministère et le gouvernement, nous avons endossées à 100 %.
M. le Président, il faut également se rappeler que le gouvernement du Québec a bien accueilli les recommandations du rapport visant l'accroissement du rôle de la Société de développement industriel en matière de commerce industriel. Notre gouvernement accorde en effet une attention particulière au soutien du développement des activités en exportation des petites et moyennes entreprises au Québec. Ce n'est pas pour rien, M. le Président, que nous avons, dans la dernière année, à l'exportation, 22 % d'augmentation. Alors que le PIB a une augmentation de 1,6 %, 1,7 %, 1,8 %, nous avons une augmentation, M. le Président, plus élevée que toutes les autres provinces canadiennes à l'exportation, 22 %.
Dans certaines régions, dont l'Estrie, d'où je viens, on parle d'une augmentation à l'exportation, dans la dernière année, de 38 %, M. le Président. Ce sont des chiffres absolument extraordinaires! Vous savez, on peut bien produire, ici, des jets chez Canadair, on sait qu'on n'en achètera pas une grande quantité, il faut en exporter; Bombardier fait la même chose.
Alors, cette politique d'exportation, que nous avons mise, avec le ministère des Affaires internationales, avec le ministère de l'Industrie et du Commerce, produit des fruits extraordinaires. Des centaines d'emplois dans ma région sont créés, parce que nous exportons, M. le Président. Et la SDI aura maintenant la possibilité d'aider, via cette Société d'investissement au commerce international, pour laquelle le gouvernement du Québec s'est engagé à verser le tiers des capitaux nécessaires, soit environ 25 000 000 $... Un projet comme celui-ci, M. le Président, doit être soutenu. C'est pourquoi nous sommes heureux de constater que les travaux et les discussions entourant la création de la Société d'investissement au commerce international connaissent une progression rapide.
Mais il demeure important d'apporter des modifications à la loi de la SDI pour permettre à cette dernière d'aller de l'avant avec son projet. M. le Président, la création de la Société d'investissement au commerce international soutient le projet de loi 27 modifiant la Loi sur la Société de développement industriel du Québec. Ce projet de loi préconise un élargissement du mandat de la Société de développement industriel afin de lui permettre de financer des projets mis de l'avant par des entreprises, mais il permettra également d'investir dans des fonds de capital de risque pour soutenir le développement des PME québécoises à l'aide de capitaux privés.
M. le Président, je pense que le ministre a vu clair. Je pense que le ministre a raison. Je pense que notre gouvernement a raison quand nous parlons d'exportation, particulièrement sur les marchés américains et européens. Je vous remercie, M. le Président, de m'avoir reconnu.
Le Vice-Président (M. Tremblay): Bien, M. le député. Je vais maintenant reconnaître un député de l'Opposition officielle, M. le député de Bertrand. M. le député.
M. François Beaulne
M. Beaulne: Merci, M. le Président. Permettez-moi de vous exprimer d'abord ma surprise, suite à l'intervention du collègue qui m'a précédé. Je l'ai trouvé très enflammé pour si peu, parce que, le 24 septembre dernier, la SDI recevait, effectivement, un rapport contenant de nombreuses constatations et recommandations, comme l'a souligné ma collègue, la députée de Hochelaga-Maisonneuve. Ce rapport, dont nous, de l'Opposition, avions obtenu copie lors de l'étude des crédits du ministère de l'Industrie et du Commerce, recommandait deux choses en matière d'exportation. D'abord, d'offrir la garantie de prêt et le prêt participatif aux entreprises exportatrices et de ne pas limiter l'accès à cette assistance financière aux entreprises des secteurs manufacturier et tertiaire moteurs. Deuxièmement, le rapport recommandait la création d'un fonds d'investissement au commerce international composé d'un actionnariat mixte, privé-public, et géré par un conseil d'administration également mixte, ressemblant, comme par hasard, à la Société d'investissement du commerce international qui avait été annoncée dans le cadre du plan de relance de novembre dernier.
Outre ces recommandations, que je rappelle à ceux qui nous écoutent pour comprendre un peu plus le débat entourant la création de cette nouvelle société d'investissement, il est intéressant de noter qu'à la page 11 du rapport que je cite, il était mentionné que «la SDI et le ministère des Affaires internationales évaluent de façon préliminaire qu'à raison de 50 000 000 $ annuellement, dont plus de 50 % en provenance du secteur privé, un fonds global de 300 000 000 $, établi sur une période de six ans, pourrait répondre aux besoins».
Les partenaires privés devraient vraisemblablement être les institutions financières et les sociétés de capital de risque importantes du Québec. Les interventions complémentaires envisagées se situeraient, dans chaque cas, entre 500 000 $ et 10 000 000 $. Or, le document technique qui accompagnait ce rapport et qui s'intitulait «Mesures pour le soutien et la création d'emplois» nous expliquait, et je cite un extrait de ce rapport: «La participation du gouvernement au capital-actions de la Société pourrait s'élever jusqu'à 25 000 000 $, dans la mesure où le capital souscrit par les autres institutions participantes s'élèverait à 50 000 000 $.»
M. le Président, si j'interprète bien le document technique expliquant les mesures du plan de relance, la participation gouvernementale devait représenter environ le tiers du capital-actions de démarrage de la Société, pour un capital maximum de 25 000 000 $, ce qui représenterait à peu près 20 % de moins que les estimations préliminaires de la SDI et du ministère pour le compte de la firme Raymond Chabot. La question que je me pose ici, c'est: Comment se fait-il que la SDI et le ministère se soient mis d'accord pour une participation gouvernementale de 50 % du capital-actions, en septembre 1993, et qu'au mois de novembre de la même année, soit lors de l'annonce du plan de relance par le premier ministre, on parlait maintenant d'une participation gouvernementale d'à peine du tiers de capital-actions? Voilà pour un premier commentaire sur ce projet de loi, M. le Président.
(11 heures)
J'aimerais, dans un deuxième temps, mentionner que nous trouvons ce projet fort décevant. Il est fort décevant parce qu'au fond il est, d'une part, assez imprécis, il est formulé en langage hermétique qui nous laisse supposer que la SDI pourrait investir dans une société d'investissement au commerce international. Elle ne nous dit pas comment, elle ne nous dit pas sous quelle forme, elle ne nous dit pas quel est l'objectif visé, elle ne nous dit pas non plus quelle est la taille des entreprises qui seraient éligibles à cette participation. Et, quand on connaît le triste record de la SDI en matière d'investissements, comme l'ont rapporté les journaux il y a quelques temps et, d'ailleurs, comme l'a souligné le chef de l'Opposition, on peut sérieusement s'interroger sur l'avenir que nous réserve cette société d'investissement commercial, puisque, comme le dit le dicton, le passé est garant de l'avenir.
Je ne ferai pas ici l'énumération de toutes les mauvaises créances que la SDI a dû porter à son compte, mais j'aimerais simplement attirer votre attention sur une en particulier qui me trouble énormément et qui touche directement un secteur de pointe de notre économie québécoise, situé plus particulièrement dans la région que je représente à l'Assemblée nationale, c'est l'industrie pétrochimique. Nous apprenions récemment que la SDI avait provisionné les 25 000 000 $ qu'elle a injectés dans la réorganisation financière de Pétromont, il y a trois ans, qu'elle les avait provisionnés pour pertes, et qu'elle s'apprêtait également à provisionner pour pertes 35 000 000 $ additionnels qu'elle avait prévu injecter à nouveau dans cette société pétrolière majeure de chez nous.
J'exprime mon désarroi, M. le Président, face à cette situation, d'autant plus qu'en termes bancaires... Normalement, en termes comptables, lorsqu'on provisionne une créance pour pertes, ça signifie qu'on n'a pas confiance dans l'industrie et qu'on considère que le prêt qui a été effectué l'a été, à toutes fins pratiques, à fonds perdus. Donc, je me permets de souligner cette situation puisque, si j'étais à la place des employés, des travailleurs et des industries connexes à Pétromont, je m'interrogerais sérieusement sur la logique du gouvernement, d'une part, d'affirmer son attachement à ce secteur important de notre industrie québécoise, tout en provisionnant pour pertes, d'autre part, les montants qu'il y injecte.
Ceci étant dit, M. le Président, ce n'est pas l'objet principal de mon intervention, ni celui d'ailleurs du projet de loi 27. Lors de l'étude des crédits du ministère des Affaires internationales, le 22 avril dernier, j'ai eu l'occasion d'interroger le ministre, M. Ciaccia, sur, justement, la création de cette nouvelle Société d'investissement au commerce international. Le ministre, à ce moment-là, m'a répondu que des discussions étaient en cours avec la Banque Nationale, la Banque de Nouvelle-Écosse et la Caisse de dépôt du Québec comme institutions s'étant montrées intéressées à investir, conjointement avec le gouvernement, des montants substantiels dans cette nouvelle initiative. Et il me répondait également que le premier marché concerné pour cette nouvelle société est le marché asiatique, et que d'autres pourraient suivre.
D'abord, je suis fort surpris de constater le vague qui entoure la création de cette Société, et surtout d'apprendre, par la bouche du ministre des Affaires internationales, que cette Société concentrera, dans un premier temps, ses efforts du côté de la promotion asiatique. Je conviens qu'il y a là des marchés intéressants, non seulement pour le Québec, mais pour la plupart des pays industrialisés. Mais ces marchés, ne nous faisons pas d'illusions, ne sont pas les plus faciles à conquérir, et ils ne sont pas, non plus, les plus proches, en termes géographiques, de chez nous.
Je m'étonne de constater que, dans un premier temps, cette Société ne vise pas, entre autres, la promotion de nos exportations au Mexique, puisque nous avons signé une entente qui fait de la zone de libre-échange nord-américaine le principal espace commercial intégré de la planète, à part le Marché commun européen, qu'on nous vante les mérites du marché mexicain, et que de nombreuses entreprises québécoises de toutes tailles sont présentement à essayer d'y trouver une niche. Je trouve particulièrement surprenant que, dans un premier temps, cette Société se désintéresse d'appuyer les efforts de nos entreprises au Mexique. Et, à ce titre, j'aimerais profiter de l'occasion pour souligner l'excellent travail que vient d'accomplir une petite entreprise de chez nous dont on faisait état en première page de La Presse de samedi dernier, la compagnie GMAT, dont le vice-président est un résidant de la ville de Boucherville que j'ai l'honneur de représenter à cette Assemblée nationale, qui est en train de décrocher un contrat d'un demi-milliard de dollars 500 000 000 $ pour la construction d'une ligne de chemin de fer, dont les wagons, dont le matériel roulant serait fourni par Bombardier, dans l'État de Guanajuato au Mexique. C'est une petite entreprise qui, sans l'aide gouvernementale, simplement avec ses propres ressources, est en train de réussir une percée impressionnante sur le marché mexicain.
Voilà, M. le Président, des projets qui se traduisent directement par de la création d'emplois chez nous. Voilà des projets qu'il m'aurait semblé tout à fait naturel qu'une société québécoise vouée à la promotion de nos exportations encouragerait. Eh bien, malheureusement, ce n'est pas ce qui semble indiqué dans le projet de loi 27. Je m'interroge également sur l'éparpillement que ce projet de loi vient introduire dans l'ensemble des services qui sont présentement offerts aux exportateurs québécois. Il m'aurait semblé préférable de constituer une sorte de guichet unique, de rassembler autour d'un même pôle l'ensemble des services de soutien aux exportations, de garanties de prêts, les services qui, habituellement, facilitent le travail de nos exportateurs à l'étranger.
Malheureusement, avec le projet que nous avons sur la table, nous ajoutons un intervenant de plus à l'ensemble des services qui sont déjà offerts et qui, je dois le souligner, ne sont pas toujours connus du public et sont bien souvent sous-utilisés, comme en témoignent les crédits périmés qui sont retournés au Trésor public, entre autres en matière de financement des exportations et de certains programmes ciblés du ministère des Affaires internationales.
Je comprends mal, M. le Président, comment une telle société relève de la SDI plutôt que du ministère des Affaires internationales, qui, à mon avis, serait beaucoup mieux placé pour coordonner l'ensemble des activités de promotion et de soutien de nos exportateurs. Je ne vois pas non plus comment cette nouvelle Société va contribuer de façon significative au niveau d'exportations de nos petites et moyennes entreprises. Depuis maintenant presque cinq ans, le ministre des Affaires internationales, à chaque fois qu'il en a l'occasion, nous rappelle qu'au Québec à peine 13 % à 14 % de nos petites et moyennes entreprises sont actives sur le marché international, alors que, dans des pays dont l'économie a une taille semblable à celle du Québec, la Hollande, par exemple, c'est autour de 48 % à 50 % des petites et moyennes entreprises qui exportent. Comme on connaît la propension des petites et moyennes entreprises à créer de l'emploi, on peut sérieusement s'interroger sur la volonté du gouvernement de donner suite à ses déclarations de principe, de la même façon que le premier ministre, lors de son discours inaugural, mentionnait très clairement le secteur de l'exportation comme un des moteurs essentiels de la relance économique du Québec.
(11 h 10)
M. le Président, il me semble que nous avons devant nous un projet de loi bien mince par rapport aux besoins de nos entreprises exportatrices. Parce que ceux qui sont dans le métier, ceux qui connaissent ce secteur savent très bien que les programmes mis présentement à la disposition des exportateurs québécois et même canadiens par la société de l'expansion et du développement des exportations, du fédéral, la SEE, répondent de façon imparfaite aux besoins de nos exportateurs. Nous aurions souhaité que, du côté québécois, dans un premier temps du moins, le gouvernement nous propose une société ou des programmes qui compléteraient les lacunes de la SEE fédérale. Malheureusement, ce n'est pas ce que nous avons au menu, et nous, du côté de l'Opposition, sommes très déçus puisque, comme l'a souligné ma collègue, nous sommes à concevoir un projet qui, de notre avis, répondra aux besoins des exportateurs québécois, la Société québécoise des exportations, qui non seulement reprendra à son compte certains programmes présentement offerts par la SEE tout en les bonifiant, mais qui, également, se lancera dans toute une série de nouveaux services non disponibles présentement aux exportateurs, et ça, dans un contexte de guichet unique où nos PME, qui ont besoin de soutien, ne devront pas courir d'une porte à l'autre, d'un ministère à l'autre, d'une société à l'autre, pour avoir accès aux services qui pourraient les avantager sur le plan international.
Alors, pour ces raisons, M. le Président, comme ma collègue de Hochelaga-Maisonneuve l'a indiqué, nous voterons contre ce projet de loi, non pas parce que, en soi, il est si mauvais, mais parce qu'il est vide de contenu par rapport aux véritables besoins de nos exportateurs québécois. Merci.
Mise aux voix
Le Vice-Président (M. Tremblay): Bien, M. le député. Comme il n'y a pas d'autres intervenants, est-ce que le principe du projet de loi 27, Loi modifiant la Loi sur la Société de développement industriel du Québec, est adopté?
Des voix: Adopté.
Des voix: Sur division.
Le Vice-Président (M. Tremblay): Adopté sur division. M. le leader du gouvernement.
Renvoi à la commission de l'économie et du travail
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je fais donc motion, M. le Président, pour que ledit projet de loi soit déféré à la commission de l'économie et du travail pour étude détaillée.
Le Vice-Président (M. Tremblay): Est-ce que cette motion est adoptée? Elle est adoptée?
Des voix: Oui.
Le Vice-Président (M. Tremblay): Adopté. Très bien. Alors, M. le leader du gouvernement.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, devant cette belle unanimité, M. le Président, je vous prierais d'appeler l'article 31 du feuilleton.
Projet de loi 8
Prise en considération du rapport de la commission qui en a fait l'étude détaillée
Le Vice-Président (M. Tremblay): Oui, M. le leader. L'Assemblée prend en considération le rapport de la commission de l'économie et du travail sur le projet de loi 8, Loi modifiant la Loi sur le ministère de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie et d'autres dispositions législatives. Alors, je suis prêt à reconnaître un premier intervenant, M. le ministre de l'Industrie et du Commerce. M. le ministre.
M. Gérald Tremblay
M. Tremblay (Outremont): Alors, M. le Président, je soumets à la prise en considération de l'Assemblée nationale le projet de loi 8. Ce projet de loi a été étudié et adopté sans amendement par la commission parlementaire qui a siégé le 18 mai dernier.
Je rappelle que ce projet de loi modifie la Loi sur le ministère de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie afin d'y remplacer le nom de ce ministère par celui de «ministère de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie» et d'intégrer à cette loi certaines dispositions de la Loi sur le ministère de l'Éducation et de la Science relatives aux fonctions confiées au ministre de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie en matière de science. Ce projet de loi modifie, par conséquent, la Loi sur le ministère de l'Éducation et de la Science qui devient la Loi sur le ministère de l'Éducation.
Par ailleurs, ce projet de loi abroge la Loi sur le ministère du Tourisme et intègre à la Loi sur le ministère de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie les dispositions relatives aux fonctions qui étaient assumées par le ministre du Tourisme, M. le Président.
Ce projet de loi contient également des dispositions de concordance à l'égard d'autres lois.
Je soumets donc à la prise en considération de l'Assemblée nationale le projet de loi 8 adopté sans amendement par la commission parlementaire chargée de l'étudier.
Le Vice-Président (M. Tremblay): Bien, M. le ministre. Je suis maintenant prêt à reconnaître un député de l'Opposition officielle, M. le député de Masson. Vous avez 30 minutes à votre disposition, M. le député.
M. Yves Blais
M. Blais: Merci, M. le Président. M. le Président, nous avons déjà étudié ce projet de loi en commission parlementaire. Et nous n'avons passé que deux heures à peu près en commission parlementaire à étudier ce projet de loi, parce que, en fait, sur le principe même de ce projet de loi, nous allons voter contre, mais, sur le principe quand même, nous n'avons pas d'objection majeure. C'est dans la façon dont il est fait et ses conséquences qui nous portent à voter contre. C'est par concordance, en fait, qu'on va voter contre, nous autres aussi.
M. le Président, un gouvernement, après neuf ans et huit, neuf mois, a certainement montré ses couleurs, et on voit la constance de la pensée d'un gouvernement par les lois qu'il apporte. Et, aujourd'hui, en fait, on fusionne le Tourisme à l'Industrie et Commerce. Sur le principe, M. le Président, on ne peut pas avoir d'objection majeure; sur le principe, non. On pourrait plaider qu'un ministre du Tourisme, puis un ministère du Tourisme pur, puis un ministère de l'Industrie et du Commerce pur, avec deux ministres responsables, c'est une bonne chose, ça se plaide, puis les mettre ensemble, ça se plaide aussi. Ce n'est pas la réduction du nombre de ministres; on n'est pas contre ça, il peut y avoir une réduction d'un cabinet. Mais c'est la façon dont on le fait, et ça ne répond pas à la pensée que le gouvernement a transportée depuis ses tout débuts au pouvoir jusqu'à aujourd'hui. Et ce n'est pas, non plus, la demande du milieu. Le milieu ne demande pas ça. Et le gouvernement actuel, à différentes reprises depuis qu'il est au pouvoir, a fait des déclarations assez fracassantes dans ses discours inauguraux. Le 8 mars 1988, dans le domaine du tourisme, le gouvernement a dit: Le gouvernement proposera de prendre de nouvelles dispositions relatives à la mise en valeur du potentiel touristique des régions. Il réitère, le 28 novembre 1989: Compte tenu du rôle majeur du tourisme dans l'économie québécoise, le gouvernement vous informera des efforts qu'il entend déployer afin de soutenir ce secteur de première importance pour le développement économique du Québec et de ses régions. Et il récidive, le 19 mars 1992: Le gouvernement entend prendre les moyens pour assurer la mise en oeuvre de son plan d'action touchant le tourisme par des mécanismes de concertation avec l'industrie et les partenaires publics.
Bien, M. le Président et je vais parler un peu du budget aussi, là-dessus après avoir énoncé ça, le milieu réclamait et réclame toujours qu'il y ait un ministre du Tourisme pur et simple qui s'occupe du tourisme c'est trop important, 3 % du PIB, etc. Si on dit que c'est le milieu qui le demande, c'est peut-être de la fausse représentation. Le milieu ne le demande pas. Et dans le budget, après les trois énoncés que je viens de faire et il y en a beaucoup, beaucoup; j'ai pris 1988, 1989, 1992; il y en a beaucoup on arrive avec un budget et on dit qu'on va, plus tard, faire disparaître on le verra à la loi 23 le ministère du Tourisme lui-même.
Eh bien, pour aider le tourisme au Québec, dans la volée de la philosophie gouvernementale, on prend la taxe à 4 % sur les chambres d'hôtel, on la monte à 6,5 %. Ça aide beaucoup, ça. Ça aide beaucoup. Tout ce qui est loisir, tout ce qui est culturel, et attrait touristique par ricochet, c'était 4 % de taxe de service; c'est 6,5 % avec le nouveau budget. Je ne vois pas la constance entre la parole et les gestes que le gouvernement pose. Je ne la vois pas, et il faudrait être très malin pour la voir. Si on dit qu'on veut encourager le tourisme, on prend des moyens. Et le budget est l'expression chiffrée d'une philosophie gouvernementale. C'est ça, un budget. C'est sûr, c'est fait par des comptables, mais des comptables mettent en chiffres ce que le gouvernement pense, et eux lui disent les chiffres pour qu'il les dépense. C'est ça. Et le gouvernement, avec des grandes diatribes, des grandes expressions, nous dit: Nous voulons donner au tourisme ses valeurs, etc.; nous voulons respecter le milieu. Et on prend la taxe à 4 % dans tout ce qui est expression touristique directe ou indirecte, on la monte à 6,5 %.
(11 h 20)
Avez-vous pensé à un grand facteur, l'été, qui garde les Québécois au Québec? Les théâtres d'été, par exemple. Tous ces gens-là sont pris à la gorge. Depuis le mois de janvier qu'ils ont envoyé leurs pamphlets, qu'ils ont établi leurs prix, ces gens-là... Le gouvernement avait mis une taxe de 4 %. Vous allez dire: Ça a l'air de rien. Mais pensez aux théâtres d'été, par exemple, qui ont un chiffre d'affaires entre 500 000 $ et 800 000 $, et c'est les entrées, ça, 2,5 % qu'ils ont à payer eux-mêmes maintenant avec ça, on ne peut pas le prévoir, à moins de mettre une affiche à la porte: Le nouveau budget du nouveau premier ministre et de son cabinet nous amène une taxe de 2,5 % supplémentaire, nous l'additionnons au billet que vous avez déjà retenu ou payé ou au prix déjà annoncé dans nos réclames. Il y a un monde entre le vouloir verbal et l'agir véritable de ce gouvernement. Il y a tout un monde. Et c'est peut-être pour ça, M. le Président, que dans les sondages on commence à voir que les gens voient qu'il y a tout un monde. On ne peut pas être contre et, je vous le dis, je m'adresse au président pour m'adresser au nouveau ministre qui va être responsable aussi du tourisme: en principe, on n'a rien contre. Rien. Mais il faut être constant. Il n'y a pas de constance. Il n'y en a pas. Cette fusion, c'est du beau, bon, pas cher. Pour que ça paraisse bien, comme le budget, d'ailleurs. Pour que ça paraisse bien.
Beau, ça donne une belle image. On va de passer de 28, 29 ministres à 20. Ça paraît bien. C'est beau. Bon. C'est peut-être bon pour ennoblir l'image d'un gouvernement qui veut gérer le plus sainement. Puis, pas cher, bien, ça va nous coûter moins cher, il y a moins de ministres. Comme si c'était vrai! C'est de la frime. Qu'on ne vienne pas me faire croire, moi... Et, quand je parle des responsabilités ministérielles et de l'imputabilité, je pense, entre autres, à Santé et Services sociaux: 14 000 000 000 $, 900 établissements. Et l'exemple que j'ai pris dans mon comté à quelques reprises: si, à l'hôpital Notre-Dame, disparaissent trois caisses de sacs de plastique jaunes pour poubelles les sacs de plastique qu'on appelle les sacs verts, il y en a des jaunes bien, l'Opposition va demander en Chambre: Comment ça se fait que la ministre ne s'est pas occupée de ça? On voit bien que ça n'a pas de sens. Il y a 900 établissements, 900. Juste pour lire leurs rapports, il faudrait qu'elle les comprenne, les étudie et les retienne. À trois par jour! Ça veut dire, quand on a des ministères qui sont trop gros, comme ça, qu'on a tellement de sous-ministres qui sont encore mieux payés, souvent, que les ministres eux-mêmes, et ça coûte plus cher. Donc, cette fusion-là, c'est du beau, bon, pas cher, pour l'image et pour la frime, et ça ne correspond pas à la pensée touristique politique que le gouvernement qui est élu depuis le 2 décembre 1985 a toujours projetée dans ses discours. Il a été élu un 2... et on va se souvenir d'eux à la prochaine!
M. le Président, je ne doute pas du tout des capacités du ministre actuel, qui va avoir la responsabilité du MICT, de la Science de la Technologie, et du tourisme aussi. Je ne doute pas de ses compétences comme être humain, ce n'est pas là-dessus. Ce n'est pas là-dessus que j'en ai. Mais, où est la philosophie qui sous-tend ça? Il n'y en a pas. Il n'y en a pas. C'est bien sûr qu'un ministre, il va venir comme un père prieur dans Brome-Missisquoi, il va avoir tout. On va lui parler à lui, puis il va tout savoir ce qui se passe. Ça n'a pas de bon sens. Dans un gouvernement, c'est bien sûr, il faut qu'on joigne le geste à la parole et, dans le budget, j'ai vu que le gouvernement ne joignait pas le geste à la parole, ni quoi que ce soit. Je suis découragé, et je me fais ici l'orifice à son de la population en vous disant que ce budget était déconcertant pour la population. Déconcertant.
Tous les services. La taxe de 4 % montée à 6,5 %, ça nous fait un tort énorme. Je n'ai pas eu le temps, M. le Président, de vérifier. On dit qu'avec cette de baisse dans les restaurants de 8 % à 6,5 %, puis la hausse de 4 % à 6,5 % pour tout ce qui est services, y compris loisirs, culture, événements sportifs, le gouvernement va perdre 114 000 000 $. Il faudrait que je le regarde, ça; c'est bien difficile à croire. C'est très difficile à croire, mais je ne l'ai pas vérifié. Mais ce n'est pas facile à croire. Quand on prend l'ensemble des services de tout ce qui existe au Québec, on prend les 4 %, on les met à 6,5 % et on dit qu'on perd 114 000 000 $. Il me semble que c'est difficile à prendre.
En tout cas, je sais qu'il y a des gens qui ont des établissements... Regardez, les Expos ont augmenté leurs billets de 2,5 %, à cause de ça. Tous les billets. Eux, ils peuvent le faire, ça se vend à la pièce, sauf les billets de saison. Mais comment voulez-vous que les organismes normaux... Et je prends les 70 théâtres d'été, par exemple, c'est incroyable le tort que ça fait au tourisme. Et ce n'est pas des endroits où on fait des millions, les théâtres d'été. C'est une chose qui garde les Québécois au Québec.
M. le Président, cette loi... Pas à cause que c'est néfaste qu'il y ait fusion de ministères, mais parce que c'est fait un peu à l'aveuglette. Il y a des choses qu'on comprend très bien. Que l'Institut d'hôtellerie, qui coûte environ 15 000 000 $, s'en aille à l'Éducation, ça, on peut le comprendre. Que le Palais des congrès, le Centre des congrès de Québec, si jamais il y en a un, si jamais il y a quelque chose qui se signe quelque part, ça s'en aille à Industrie et Commerce, à la rigueur, on va l'accepter. Mais qu'après on dise qu'on va abroger la Loi sur le tourisme et qu'on va privatiser, par la loi 23, le ministère du Tourisme, là, c'est une autre chose. Je tiens à vous aviser d'avance, M. le Président, que, sur la loi 23, nous allons faire ici une bataille farouche, contrairement à la loi 8, parce que... Le principe de fusion de ministères, je ne suis pas contre et le parti n'est pas contre, mais privatiser le ministère du Tourisme, M. le Président, là, je vous avise d'avance que nous allons mener une guerre forte et puissante là-dessus, étoffée, rationnelle, intelligente, péquiste en soi. Je vous remercie, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Tremblay): Très bien, M. le député. Je vais maintenant reconnaître M. le député d'Orford pour une deuxième intervention en ce jour. M. le député d'Orford.
M. Robert Benoit
M. Benoit: M. le Président, je vous remercie de me reconnaître avec tant d'amabilité. Le projet de loi que nous avons devant nous, M. le Président, s'inscrit, comme vous le savez, dans la foulée de la réorganisation administrative qu'a annoncée le premier ministre, M. Johnson, le 11 janvier dernier. Le projet de loi 8 traduit législativement les efforts de notre gouvernement en vue de réorganiser l'appareil administratif de l'État. Dans le cadre du temps qui m'est imparti pour m'adresser à mes collègues, M. le Président, je me propose de mettre en relief la pertinence de procéder ainsi à la réorganisation administrative du ministère de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie.
Notre gouvernement croit pertinent et judicieux d'ajouter la mission science aux missions actuelles du ministère de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie, et cela, pour plusieurs raisons. La première a trait aux transformations intervenues à la fin des années quatre-vingt et au début des années quatre-vingt-dix, notamment avec l'ouverture des marchés mondiaux. Depuis une quinzaine d'années, le Québec participe pleinement aux efforts qui se déploient sur l'ensemble du continent pour rapprocher le milieu de la recherche et celui des entreprises. À cet égard, on se souviendra que nos adversaires de l'Opposition officielle, lorsqu'ils formaient le gouvernement, ont mis en place une approche bureaucratique de la recherche et du développement avec le fameux virage technologique. D'ailleurs, M. le Président, vous aurez constaté qu'ils n'ont pas renoncé à ce type d'approche, dont le défaut principal est évidemment d'entraîner beaucoup de coûts pour les contribuables sans grand résultat tangible, nous devons l'admettre. C'est, du moins, la conclusion que l'on peut tirer lorsque l'on écoute le chef de l'Opposition nous parler du fameux virage technologique mis en place par son gouvernement, à l'époque. Il est plus soucieux de parler de pourcentages consacrés à la recherche et au développement que de résultats concrets issus des investissements gouvernementaux du temps.
Notre approche, M. le Président, se situe à l'opposé de celle de nos adversaires. Ce n'est pas la première fois et certainement pas la dernière, d'ailleurs, M. le Président. Nous avons voulu et fait en sorte que l'intervention gouvernementale, en matière de recherche et de développement, soit efficace. Nous avons agi à plusieurs niveaux. Nous avons agi, d'abord, sur le plan fiscal. Le Québec est aujourd'hui une terre de prédilection pour quiconque désire faire de la recherche et du développement, et je pense en particulier aux entreprises.
Nous avons agi en mettant en place le Fonds de développement technologique. Nous avons agi en créant les sociétés d'innovation technologique, que ce soit celles à Montréal ou dans la grande région de Québec, et je peux vous dire, venant de l'Estrie, qu'on espère, dans l'Estrie, avoir aussi une de ces entreprises dans les prochains mois. D'ailleurs, cette formule doit plaire à nos citoyens puisque d'autres régions, notamment la mienne, M. le Président, souhaitent la mise sur pied d'une société d'innovation. Nous avons agi en supportant les efforts de modernisation technologique des entreprises.
(11 h 30)
Nous avons agi pour rapprocher les universités et les centres de recherche des entreprises, un rapprochement, M. le Président, qui donne des résultats. Et ça, c'est tangible dans la région de Sherbrooke, d'une façon particulière, où l'Université travaille d'une façon précise avec des entreprises. Des recherches sont faites, des développements sont faits. C'est tout à fait valorisant, autant pour l'entreprise que pour l'Université.
La part de notre richesse consacrée aux dépenses de recherche et développement est passée de moins de 1,1 % du PIB en 1983 à 1,67 % en 1991, et, enfin, selon des estimations, à 2 % en 1993. C'est un effort important, il faut le reconnaître. Cela montre que c'est au Québec que la progression de cet effort a été la plus marquée à travers le Canada. Surtout, cela montre qu'en moins de 10 ans nous sommes passés du peloton de queue à la bonne moyenne des pays de l'OCDE. Et ça, M. le Président, on n'a pas fait l'indépendance pour arriver à ça. On a fait ça à l'intérieur du règne canadien, on a fait ça avec nos associés des autres provinces. Nous sommes passés d'une des dernières positions de la recherche à un des premiers pays de l'OCDE, avec le Canada, avec les gens d'Ottawa et avec nos universitaires et nos industriels. Mais, plus encore, M. le Président, cela montre que l'approche souple et non bureaucratique de notre gouvernement en matière de recherche et de développement a produit des résultats concrets en termes de retombées industrielles et économiques. Autrement dit, cela montre que la progression de la recherche et du développement chez nous en termes de dépenses est significative et réelle.
Notre gouvernement s'est montré excessivement soucieux d'éviter que l'argent dépensé le soit dans la gestion et l'administration de la recherche et du développement. Il a préféré investir dans des projets concrets, structurants de recherche et développement. Toutefois, nous sommes pleinement conscients qu'il faut faire plus. C'est ce à quoi il s'affaire quotidiennement, comme en témoigne ce projet de loi.
M. le Président, le bien-fondé du rattachement du volet science au ministère de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie ne fait pas de doute dans mon esprit. Il donne un signal d'une clarté sans pareille à la direction que doivent prendre les recherches scientifiques sur le territoire québécois. Elles doivent, plus que jamais auparavant, poursuivre des finalités industrielles. Elles donnent un signal indiquant que l'on doit se soucier de la commercialisation des brevets que déposent nos universités et nos centres de recherche. Elles donnent un signal que les résultats des recherches scientifiques doivent rapidement trouver des applications industrielles et commerciales. Elles donnent un signal indiquant que, dans un contexte où les sociétés industrialisées se livrent pratiquement une guerre industrielle et commerciale, la recherche scientifique et technologique doit de plus en plus servir des finalités industrielles et commerciales.
Nous n'avons pas les moyens de faire autrement, particulièrement à cette aube de l'an 2000. Quand nous voyons les grands centres de recherche industrielle aux États-Unis, quand nous voyons les importantes compagnies d'automobiles, M. le Président, s'organiser des centres de recherche incroyables... J'étais dans le Colorado, il y a quelques mois, pour quelques jours, et je voyais, à Denver, la recherche, par exemple, sur l'énergie solaire; c'était impressionnant. C'est un campus qui a la grandeur de l'Université Laval, ici, et ils ne font de la recherche que dans un secteur précis, sur l'énergie solaire. Au même moment où les grands de ce monde s'organisent, nous n'avons pas le choix, M. le Président, de juste pelleter des nuages. Nous devons dire à nos universitaires: La recherche que vous faites, elle doit être pratique, elle doit passer à l'action, elle doit servir à l'industrie et elle doit permettre de créer des jobs dans un Québec moderne.
Nous n'avons pas les moyens de négliger les retombées industrielles et commerciales de la recherche scientifique et technologique que nous faisons dans nos universités et nos centres de recherche. Nous en avons pleinement besoin pour relever les défis qui nous confrontent aujourd'hui et, en particulier, les défis de l'emploi.
Parler aujourd'hui d'emplois, c'est parler de nouvelles technologies, c'est parler d'application commerciale et industrielle de recherche scientifique et c'est parler de secteurs de pointe. Parler d'emplois aujourd'hui, c'est parler de moins en moins des secteurs traditionnels. En effet, les secteurs traditionnels qui survivent à la concurrence internationale sont ceux qui ont su se moderniser, M. le Président.
Il y a chez nous, et je finirai là-dessus, une petite industrie dans le textile. Alors qu'on a dit à tout le monde: Le textile, c'est terminé, terminus, tout le monde débarque, ces gens-là ont dit: Ce n'est pas vrai; nous, on va faire un succès. Et C.S. Brooks, à Magog, ils sont après faire un succès extraordinaire dans l'industrie du textile: croissance exponentielle de leurs ventes, économie des coûts, amélioration de l'équipement, et tout ça, M. le Président, ça s'est fait avec de l'aide gouvernementale, ça s'est fait avec de la recherche, ça s'est fait avec les universités, et c'est ça, le discours du ministre de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie, M. le Président. Merci beaucoup.
Des voix: Bravo!
Le Vice-Président (M. Tremblay): Bien, M. le député. Je vais maintenant reconnaître un député de l'Opposition officielle. Mme la députée de Chicoutimi. Vous avez 10 minutes à votre disposition, Mme la députée.
Mme Jeanne L. Blackburn
Mme Blackburn: M. le Président, nous en sommes à l'étape de la prise en considération du rapport de la commission qui a été chargée d'examiner le projet de loi 8, Loi modifiant la Loi sur le ministère de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie et d'autres dispositions législatives. Ce projet de loi compte 53 articles, mais ce qu'il faut savoir, c'est qu'il vient modifier pas moins de 67 lois. C'est un projet en apparence mineur, mais qui vient charcuter de façon significative le rôle et les fonctions qui étaient antérieurement dévolus au ministère de l'Éducation, qu'on appelait alors de l'Enseignement supérieur et de la Science.
Le projet de loi 8 vient définir, déterminer ou transférer que les responsabilités de la science ne seront plus à l'Éducation. Les responsabilités de la science, de son développement, de son évaluation relèveront dorénavant du ministère de l'Industrie et du Commerce, qui s'appellera Industrie, Commerce, Science et Technologie. Pourtant, il n'y a pas six mois, en décembre dernier si ma mémoire est fidèle, la ministre, le prédécesseur de l'actuel ministre de l'Éducation, Mme Robillard, défendait, avec une énergie rare et admirable la nécessité de maintenir la science rattachée au ministère de l'Éducation. Et c'est avec fierté qu'elle nous disait que c'était après avoir longuement débattu de la question au Conseil des ministres qu'elle avait obtenu que la science demeure rattachée au ministère de l'Éducation.
Non seulement la science est-elle transférée au ministère de l'Industrie et du Commerce, mais toutes les évaluations quant aux impacts de la science sur la population sont transférées au ministère de l'Industrie et du Commerce. S'il y a un domaine où les chercheurs universitaires ont une responsabilité première, celle d'examiner les impacts de la science sur les populations... Il me semble que c'est bien les chercheurs universitaires. Comment a-t-on transféré cette responsabilité au ministère de l'Industrie et du Commerce? Ça demeure un mystère. Ça demeure un mystère, mais, à notre avis, cette modification relève de la plus pure improvisation, parce que, dans un premier temps, le FCAR, le Fonds pour la formation de chercheurs et l'aide à la recherche, qui est essentiellement un fonds destiné aux chercheurs universitaires et de cégeps, ce fonds a été transféré pendant 48 heures au ministère de l'Industrie et du Commerce. Mais non seulement le ministre de l'Industrie et du Commerce, qui voit toujours les choses en grand... Il faut le connaître et l'avoir entendu au cours des quatre dernières années pour comprendre que, lui, à moins que ça soit énorme, ce n'est pas bon. Comment le ministre va-t-il se débrouiller avec les concours des Petits Débrouillards, des «100 watts», les semaines de la science, les concours scientifiques et littéraires? Ça relèverait du ministre de l'Industrie et du Commerce.
(11 h 40)
Mais il y a plus grave, à notre avis: il y a un glissement de la science vers ce qu'on appelle la recherche très utilitaire, en fonction des besoins de l'industrie. Autant on est d'accord pour qu'il y ait un rapprochement industrie, recherche scientifique et université, autant il faut être vigilant quant aux effets négatifs, à moyen et à long terme, d'inféoder la science aux besoins de l'industrie. La recherche universitaire ou la recherche scientifique fondamentale permet de dégager des conclusions qui seront utiles, tout à l'heure, à la recherche industrielle, mais la recherche industrielle doit prendre ses assises sur la recherche fondamentale et scientifique. Si vous n'avez pas cet accrochage un peu plus haut, j'allais dire une recherche fondamentale moins rapidement utilitaire, c'est la recherche industrielle, tout à l'heure, qui va écoper. Et là il y a un glissement extrêmement dangereux. J'ai essayé de ramener le ministre de l'Industrie et du Commerce, là-dessus, un peu à la raison, mais sans succès, vraisemblablement, au cours de la commission parlementaire qui était chargée d'examiner ce projet de loi. Ce glissement va, tout à l'heure, desservir ou nuire aux transferts technologiques et à la recherche industrielle. Je pense que, ça, il faut le comprendre. Ce qui avait été demandé par le Conseil de la science et de la technologie, c'était de créer un lieu où la science et la technologie pourraient relever d'un organisme horizontal, un secrétariat d'État, par exemple, rattaché au Conseil des ministres, au Conseil exécutif, lequel secrétariat d'État est en mesure en science et technologie de négocier avec les universités, en mesure de négocier avec les ministères sectoriels. Là, on prend la science et on l'envoie dans un ministère sectoriel. La conséquence, c'est quoi? C'est que la science est les organismes qui en relèvent sont en compétition ou sont considérés comme étant en compétition avec les autres ministères sectoriels. Ils ne sont plus en complémentarité.
Ce que le Conseil de la science et de la technologie demandait, c'est de doter le Québec d'un organisme comparable à ce que les États-Unis se sont donné, c'est-à-dire un organisme horizontal qui relève directement du premier ministre et du Conseil exécutif. Mais ce n'est pas ça qu'on a fait. On a donné ça à un ministère sectoriel. Allez-vous me dire, avec tout le respect que j'ai pour le ministre de l'Industrie et du Commerce, comment il va se débrouiller avec les concours scientifiques qui relèvent directement des écoles? La semaine des sciences et les concours scientifiques... Il y en a un qui a été créé chez nous, au cégep de Chicoutimi, par un technicien de laboratoire qui, lui, disait: Les jeunes aimeraient la science si on trouvait moyen de les y intéresser, si on créait un stimulant, une certaine compétition. Ça a donné lieu à une activité qui est éditée tous les ans dans les régions, ensuite au plan québécois, ensuite au plan canadien. Et on commence à exporter le modèle en Europe.
Alors, je voudrais bien voir ce que le ministre va faire avec ces questions. Il faudrait également voir comment le ministre va gérer ce qu'on appelle toute la vulgarisation scientifique parce que, dorénavant, Québec Science va relever du ministre de l'Industrie et du Commerce. La culture scientifique va relever du ministre de l'Industrie et du Commerce. Allez donc me dire ce que va faire le ministre de l'Industrie et du Commerce dans des projets visant à susciter la curiosité, à éveiller la curiosité des enfants qui sont au premier cycle ou au deuxième cycle du primaire. J'ai dans ma région une école qui s'est donné un projet éducatif en sciences; une école primaire, et ça fonctionne bien. Ça fonctionne bien. Ça relève du réseau scolaire. Ça ne relève pas du ministre de l'Industrie et du Commerce. Voyez-vous l'intérêt qu'il va manifester à l'endroit de ce genre d'activité? Je ne comprends pas, sinon que cette décision relève de la plus pure improvisation qui va avoir des effets malheureux à la fois sur la science, sur l'intérêt qu'on porte aux activités connexes, sur la vulgarisation scientifique et sur l'éveil aux sciences et à la culture scientifique, et les projets connexes qui ne relèveront plus du ministère de l'Éducation, du réseau de l'éducation, mais du ministère de l'Industrie et du Commerce.
Voyez-vous ma commission scolaire écrire au ministre de l'Industrie et du Commerce: On a une semaine des sciences. L'activité principale se déroule à Chicoutimi. Et là, on aurait besoin de quelques milliers de dollars pour organiser ça. Parce qu'ils ne sont jamais très exigeants, ces organismes-là. Ils ont l'habitude de fonctionner et de faire beaucoup de choses avec rien. Mais avant qu'ils aient réalisé que ça ne relève plus du ministère de l'Éducation et que c'est au ministre des sciences qu'il faut demander ça, bien là, il y a un délai. Mais qui plus est, le ministre de l'Industrie et du Commerce, il a autre chose à faire, lui, et ses priorités sont ailleurs, et elles devraient demeurer là où elles devraient être, c'est-à-dire avec les industries.
Moi, je pense que le ministre a une responsabilité capitale, première, extrêmement importante quant au développement de la technologie, ce qu'on appelle la recherche et le développement technologique. C'est ce qu'on appelle la vulgarisation des connaissances des nouveaux développements et des connaissances technologiques auprès des industriels. Ça, j'y crois. Je pense qu'on a, à cet égard, des retards importants. Je me permets juste de rappeler que la revue de l'habitation, qui était éditée par la Régie du bâtiment du Québec à l'époque, nous rappelait qu'il n'y avait pas d'activités de recherche reconnue pour la construction, ce qui faisait, par exemple, que des innovations technologiques extrêmement importantes en ce qui a trait à l'isolation, aux portes et fenêtres, qui étaient implantées en Europe depuis déjà 10 ans, ici, au Québec, on ne les appliquait pas parce que personne ne savait que ça existait.
Moi, je pense que le ministre de l'Industrie et du Commerce, avant de commencer à se demander comment il va gérer le concours des Petits Débrouillards et des «100 watts» et puis les semaines de la science, il serait mieux de commencer à mettre son intérêt, son attention et ses énergies à mieux informer les industriels sur ce qui existe. C'est un problème important, c'est un problème qui vient illustrer l'absence de vision de ce gouvernement et le fait qu'ils ne lisent pas les avis qui leur sont donnés, particulièrement par le Conseil de la science et de la technologie qui, s'il était interrogé aujourd'hui, s'élèverait contre un tel projet de loi. Je vous remercie, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, Mme la députée de Chicoutimi. Alors, est-ce qu'il y a d'autres intervenants?
Mise aux voix du rapport
Le rapport de la commission de l'économie et du travail portant sur le projet de loi 8, Loi modifiant la Loi sur le ministère de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie et d'autres dispositions législatives, est-il adopté?
Une voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté sur division. Alors, M. le ministre délégué à l'Industrie et au Commerce.
M. Farrah: Oui, M. le Président, je vous demande d'appeler l'article 11, s'il vous plaît.
Projet de loi 23
Reprise du débat sur l'adoption du principe
Le Vice-Président (M. Bissonnet): L'article 11. L'Assemblée reprend le débat, ajourné le 24 mai dernier, sur l'adoption du principe du projet de loi 23, Loi sur la Société du tourisme du Québec. Alors, je suis prêt à reconnaître un prochain intervenant. M. le député de Masson.
M. Yves Blais
M. Blais: Merci beaucoup, M. le Président. D'abord, je tiens à m'excuser, M. le Président. Hier soir, à 21 h 45, le ministre a parlé de cette loi et j'étais orateur invité à la chambre de commerce de mon comté et je n'ai pas pu assister. Et, s'il y a une chose que je déteste, c'est de ne pas être là quand le ministre prend la parole sur un projet de loi, et je m'en excuse très humblement. C'était involontaire.
Eh bien, voici que le chat sort du sac. La loi 8 est la fusion du ministère du Tourisme avec le ministère de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie. Le chat vient de sortir du sac par la loi 23. La privatisation du ministère du Tourisme, c'est à ça qu'on voulait en venir. On voulait en venir à ça, M. le Président.
Même si, hier, M. le Président, pendant que le ministre a fait son petit laïus, je n'étais pas là, j'ai fait sortir les galées, comme il se doit, en bon député, en type qui s'occupe de sa critique, et j'ai regardé, et j'ai lu, et j'ai souligné, et j'ai étudié le discours du ministre. Je n'ai rien vu, je n'ai rien lu dans son laïus d'hier soir qui porte un principe quelconque, valable, pour que le ministère du Tourisme ne soit pas part entière de la fonction publique et qu'il s'en aille à l'entreprise privée. Aucun principe. Il y a à peu près, M. le Président... il a mentionné deux fois dans son laïus le mot «société».
Parce que cette loi-là, M. le Président, pour ceux qui viennent tout juste d'arriver, Loi sur la Société du tourisme du Québec, c'est une loi qui fait que le ministère du Tourisme et tous ses employés sont transférés à l'entreprise privée, et que le gouvernement nomme un grand conseil d'administration de cette société-là, et que le gouvernement va payer de façon directe les employés qui sont à cette nouvelle société.
(11 h 50)
Eh bien, vu qu'on parlait du principe de cette loi 23 c'est pour ça que c'est à regret que je n'étais pas là hier, je n'ai pas entendu j'ai relevé... Le ministre nous fait... Bon. Avant de dire ça, si on prend le livre des statistiques, par exemple, du tourisme, si on dit: On a eu 2000 touristes de plus qui nous sont venus de France cette année, 2000 qui nous sont venus de l'Italie, 5000 de plus de tel endroit, 18 000 de plus d'Américains. Nous avons 4000 chambres à quatre lits comme hôtels, nous avons 1500 chambres à deux lits. Toutes ces statistiques-là, même si on les énumère puis qu'on dit que c'est 4 800 000 000 $, le produit intérieur brut, ça représente 3 % du PIB, les dépenses touristiques. Même si on parlait de tout ça, même si on parlait de tout ce qui a été fait par un ministère du Tourisme, ça ne donne pas un principe pour dire qu'on va l'envoyer à une société privée. Et quelles que soient les statistiques, M. le Président, que le gouvernement actuel depuis qu'il est là ait bien fait dans le domaine du tourisme ou n'ait pas bien agi dans le domaine du tourisme, ça ne peut pas être une justification de fonder une société privée pour gérer le tourisme au Québec. Ça n'a rien à voir. Alors, j'ai cherché. Je n'ai rien vu. Ce n'est qu'une grande litanie, une kyrielle de statistiques sur ce que le ministère du Tourisme a fait ou représente. Des très bons chiffres, qui sont vrais.
Et on parle... Il a parlé 16 minutes, et on voit le mot «société» arriver à peu près au milieu du discours. Il fait juste dire le mot; ça va être la création d'une société du tourisme. Parce que le tourisme, c'est 4 800 000 000 $, parce que le tourisme représente 3 % du PIB, parce que nous avons fait des choses extraordinaires dans le domaine touristique depuis que nous sommes au pouvoir, bien, nous allons créer une société. Il n'y a aucun principe de base qui guide le gouvernement dans la création de cette société.
M. le Président, immédiatement, je vous dis que nous allons nous acharner pour que cette loi ne passe pas. Et, M. le Président, avec l'expérience parlementaire que vous avez, quand je vous dis que cette loi-là, nous allons nous acharner et nous ne voulons pas qu'elle passe, vous savez exactement ce que ça veut dire. C'est ce que nous allons faire. Nous ne voulons pas que cette loi-là passe.
Le gouvernement, le peuple québécois et les fonctionnaires ont droit à un ministère du Tourisme; seul ou fondu avec un autre, on n'a pas d'objection. Mais on a droit à un ministère d'État et nous tenons à avoir un ministère du Tourisme d'État. Ceci, M. le Président, n'empêche pas de la collaboration avec des entreprises privées, au contraire. Et pour vous prouver notre bonne volonté là-dessus, le milieu, qui n'en veut pas de cette privatisation-là, le milieu avait demandé, et depuis des années, depuis 1990, 1991, 1992, au gouvernement de mettre plus d'argent dans le domaine touristique sur le marketing. Ils ont même rencontré l'ancien premier ministre, M. Bourassa, à ce sujet-là. Toute l'industrie ensemble. Ils demandaient d'injecter 25 000 000 $ pour 1992, 25 000 000 $ pour 1993. Et une étude de SECOR, qui n'est certainement pas une firme inconnue de vous, M. le Président vous savez que ce sont des gens compétents qui sont à cette compagnie SECOR nous disait en toutes lettres, et je le sais par coeur, je ne l'ai même pas ici, je l'ai viré sur tous les bords... ça nous coûtait 25 000 000 $. On va dire: Encore une dépense que l'Opposition demande. Non, c'était le milieu qui le demandait et ça rapportait 160 000 000 $ par année au gouvernement. C'était donc un bon investissement. L'investissement touristique dans le marketing, c'est incroyable les retombées qu'il y a pour un gouvernement. Incroyable! Et ça créait 20 000 emplois, M. le Président, en plus. Et loin de dire et de demander... Le milieu est loin de demander ou de vouloir la privatisation du ministère du Tourisme. Il demande que le gouvernement mette plus d'argent dans le marketing du ministère du Tourisme actuel, afin de donner une bonification au déficit touristique qui est au-delà de 1 000 000 000 $ 1 200 000 000 $ à chaque année, depuis trois, quatre ans.
C'est sûr, M. le Président, que les pays nordiques, c'est un peu plus difficile d'avoir un gros surplus. Il y a l'Islande qui en a un. Mais dans les pays nordiques, il n'y en a pas beaucoup. C'est assez difficile. Mais quand même, il ne faut pas laisser dormir cette imagination. Je n'irai pas jusqu'à dire: Il faut freiner l'immobilisme. Ce serait un euphémisme. Dans des documents qu'il a présentés avant et dans le document qu'il a présenté le ministre responsable du Tourisme au cabinet, le mémoire au Conseil des ministres, bien, il dit dans son document j'en ai copie ici que, dans certains pays étrangers, ça existe. En France, il y a la maison du tourisme, etc. Oui, on peut avoir une maison du tourisme, on pourrait avoir un grand conseil du tourisme, mais on doit toujours avoir au moins un vrai ministère du Tourisme, qu'il soit indépendant ou fusionné avec un autre. En France, le patrimoine, l'industrie, l'artisanat et le tourisme sont ensemble; ça change parfois, selon la volonté du premier ministre, et je n'ai rien contre. Mais il faut quand même avoir un principe et énoncer des principes, quand on veut changer du tout au tout. On vantait, il y a quelques minutes, la SDI. La SDI, c'est bien, malgré les rapports du Vérificateur général qui dit qu'ils ont perdu 700 000 000 $ depuis quelques années parce que ça a été mal administré. Mais on pourrait aussi la privatiser, la SDI, et financer de façon indirecte. On pourrait le faire. Ce serait plus justifiable, même encore, que le tourisme. Ce n'est pas parce que je voudrais qu'on le fasse avec la SDI, mais j'aimerais qu'elle soit mieux administrée.
M. le Président, on se base sur d'autres pays. Des modèles internationaux ont été la base de la présentation du mémoire au Conseil des ministres pour que le ministère du Tourisme disparaisse c'est un projet sur la création de la Société du tourisme au Québec on a basé ça sur ce qui se passe dans d'autres pays. En fait, les modèles internationaux... Le document de consultation «La Société du tourisme du Québec: un nouvel organisme au service de l'industrie», soumis par le ministre délégué à l'Industrie, au Commerce, à la Science et à la Technologie, responsable du Tourisme, M. Georges Farrah, les 9 et 10 février dernier, dans le cadre d'une rencontre de consultation avec les différents partenaires de l'industrie touristique, énumérait quelques exemples dits d'intérêt afin d'appuyer la création d'une telle Société. J'assistais, le 10, à Montréal, à cette consultation, et je suis très poli en disant «consultation». Ce n'était même pas une consultation. Il a réuni non pas les gens de son ministère, mais tous les agents touristiques du Grand Montréal et d'autour pour leur faire part qu'il faisait une société, qu'il créait une société. Ce n'était pas une consultation, c'était: Voici les faits. Dans ce document, on mentionne que la mise sur pied de cette société s'inscrit dans une entente internationale de confier à des organismes publics autonomes la gestion d'une partie ou de la totalité de la mission touristique. Ça veut donc dire, en termes un peu plus polis, la disparition du ministère du Tourisme du Québec en soi. Les exemples qui présentent un intérêt valable et qui sont transposables à la situation souhaitée pour le Québec par le gouvernement actuel, selon le ministre responsable du Tourisme, sont, entre autres... Il s'est basé... Il parle de la France, de l'Australie, des États-Unis et du Royaume-Uni qui, eux, ont, à différents niveaux, privatisé certaines choses du ministère du Tourisme, certains aspects du ministère du Tourisme. Plus spécifiquement pour la France et l'Australie, les organismes comparables sont rattachés à un ministère du Tourisme dont les mandats sont, en conséquence, plus restreints. Pour la France et l'Italie, ces sociétés la Maison de la France, en France eh bien, c'est rattaché à un ministère du Tourisme et elles ont des responsabilités beaucoup plus restreintes que ce que ce projet de loi veut donner à la Société du Québec. Le mandat mise donc davantage sur la mise en marché internationale, M. le Président, et il n'y a aucun soutien aux activités domestiques: région d'accueil, information, peu d'implication par rapport à la politique touristique.
C'est très vaste, on voit que c'est improvisé. M. le Président, on ne parlait pas de ça du tout, il y a quelques mois, mais pas du tout. D'aucune façon, ni directe, ni indirecte, ni circonstancielle, ni relativement, on ne parlait de ça. On avait de grands énoncés. Je citais tantôt à la va-vite des passages du discours de 1988, de 1989 et de 1992 où le gouvernement s'engageait à mettre beaucoup d'argent, à soutenir le tourisme dans les régions, etc. Et là, on change du tout au tout. On veut créer une société qui va s'occuper à peu près complètement de tout ce qui est touristique et pratiquement autonome.
(12 heures)
Aux États-Unis, de même qu'au Royaume-Uni, les organismes ont l'entière responsabilité de la mise en oeuvre de la politique touristique nationale et internationale. Les mandats attribués couvrent ainsi la totalité des fonctions reliées au tourisme. Alors, aux États-Unis et en Angleterre, il existe une société un peu semblable à celle-là. Il n'est pas prouvé que c'est bon, mais ça existe. En fait, la structure de ces modèles présente un partenariat entre le gouvernement et l'industrie touristique. Mais il faut bien dire qu'une structure, fût-elle privée ou fût-elle étatique, ça n'est pas rébarbatif à quelque collaboration avec l'entreprise privée. Ce n'est pas parce qu'une société serait privée qu'elle collaborerait mieux avec l'entreprise privée pour le tourisme. On peut avoir un ministère du Tourisme, c'est-à-dire un ministère qui gère l'entièreté du domaine touristique, donc un ministère du Tourisme qui a toutes les fonctions, qui est étatique, et avoir une collaboration. D'ailleurs, il est étatique jusqu'à aujourd'hui, et on a vu certains «partnerships» pas toujours heureux, mais on a vu beaucoup de «partnerships» avec l'entreprise privée, quand même. Ça ne s'oppose pas. Ça ne s'oppose pas. Ce partenariat, en fait, gouvernement-entreprise privée, ou la nouvelle société qu'on veut créer, constitue ni plus ni moins la pierre d'assise de ces organismes publics autonomes.
On peut valablement traduire ce partenariat par deux caractéristiques communes. Un conseil d'administration où l'industrie est fortement représentée. Le gouvernement nomme un conseil d'administration où beaucoup de gens de l'industrie sont représentés. Bon. Je ne ferai pas de remarques. Il peut y avoir des gens de l'industrie plus ou moins compétents, parfois, selon que le gouvernement est sur le point de partir ou qu'il veut récompenser des gens, parfois. En conséquence, l'industrie participe aux décisions et aux actions ayant un impact sur son développement. Et une part importante du financement des activités des organismes est assurée par le secteur privé.
Je vais donner quelques exemples, et je vais revenir au Québec après. Cette participation aurait même tendance à augmenter selon les années. La part du financement privé s'élève à 51 % aux États-Unis. Donc, l'entreprise privée participe au domaine touristique à 51 % aux États-Unis, à 40 % en France, à 33 % en Angleterre, à 29 % en Australie. Pour les seules activités de marketing et de publicité, le financement privé atteignait 66 % au Royaume-Uni, 62 % en France et 23 % en Australie. Mais l'entreprise privée touristique au Québec, elle est saturée, elle n'a pas de fonds. L'ensemble des agents touristiques n'ont pas de fonds. Les hôtels de Montréal ont peine à payer leur hypothèque d'année en année, puis on vient de leur imposer 2,5 % de plus de taxes sur leurs chambres, là. Ce n'est pas pour attirer du monde, ça. Ils sont à ras l'eau. Ils ont l'eau ici. Ils ont de la misère, ils ont des difficultés financières énormes, M. le Président. Et on irait voir une industrie privée qui a beaucoup de difficultés?
Et je vois, il y a des gens qui connaissent le milieu touristique. Il y en a, des gens qui connaissent le milieu touristique. Ils le savent. Il y a des années, ça roule dans les 46 %, 47 %, 48 %, les hôtels vides ou pleins, selon qu'on est optimiste ou pessimiste. Et ça prend, dans les hôtels, environ 65 % pour arriver avec un petit profit, et ils sont à 46 %, 47 %, 48 %. Les hôteliers ne peuvent pas, de façon décente, participer. J'aurais bien de la misère à croire qu'il y a beaucoup, aussi, de pentes de ski ou de régions touristiques qui pourraient participer de façon directe, mais, en tout cas, cette société-là mise sur une participation, comme le font certaines industries dans certains pays.
Si l'entreprise privée peut, dans certains pays... Comme ils disent, pour le marketing, ça va jusqu'à 66 % au Royaume-Uni, 62 % en France. Mais, si on décide que, du même coup, on dit: Les 6,5 % sur les chambres d'hôtel, qui sont perçus par les hôteliers seraient mis dans un fonds et considéré comme une participation du privé, c'est une chose, là. Mais on ne voit rien qui vient soutenir la gent hôtelière ou la gent de la restauration. On ne voit rien. Au contraire, il y a des surcharges dans le budget. Alors, je ne vois pas la cohérence, M. le Président, entre vouloir créer une société privée, les employés payés beaucoup par le gouvernement, et qu'on demanderait à cette société d'aller chercher des fonds dans l'entreprise privée qui a déjà de la misère à vivre financièrement, M. le Président.
Lorsque le ministre responsable du Tourisme énonce, dans ses discours, que la structure de la Société existe déjà ailleurs, qu'il faut s'inspirer de ses réussites étrangères, il transpose ici au Québec des modèles qui peuvent difficilement se comparer, qui peuvent difficilement se transposer ici de manière intégrale. En fait, ce que l'on peut valablement tirer de ces modèles consiste uniquement en une inspiration du modèle offert par ces structures, modèle qui demeure un modèle de structures avec la création de la Société du tourisme du Québec, comme on peut le constater après une analyse plus poussée du Royaume-Uni, dont l'exemple se rapproche le plus de celui du Québec, selon le ministre responsable du Tourisme, et de la France.
Prenons l'Angleterre et parlons un peu aussi de la France, après. Je sais qu'il existe en Angleterre une société comme celle-là, je l'ai dit tantôt. Si on regarde ce qui se fait là-bas et on s'inspire surtout de l'Angleterre et de la France mais qu'on ne prend qu'une partie, on ne prend pas l'ensemble et on ne regarde pas la fiscalité, on ne fait pas de comparaisons entre la fiscalité des agents touristiques en Europe, soit en Angleterre ou en France, comparé à la fiscalité que nous avons en terre québécoise et canadienne, parce qu'il y en a deux qui taxent... Il faut qu'il y ait une comparaison de faite sur la fiscalité avant de prendre une décision aussi importante. On ne voit aucune étude, on ne nous transmet aucune étude. On ne fait aucune comparaison valable où on regarde des comparaisons sous tous les angles.
Le Royaume-Uni a été précurseur de l'instauration d'une telle structure, dont la Société du tourisme du Québec s'inspire, que l'on désire créer pour la présentation du projet de loi 23 que nous étudions actuellement, Loi sur la Société du tourisme du Québec. Elle s'inspire de cette loi anglaise. Il s'agit du modèle qui se rapproche le mieux du contexte du Québec, apparemment. Ce pays a mis en place un organisme public autonome, The British Tourism Authority, qui n'est pas une société d'État, afin d'assumer le soutien au développement touristique sur son territoire, de concert avec les bureaux touristiques, The Tourist Boards, et pour élaborer seul la promotion et les marchés internationaux avec l'adoption du Development of Tourism Act, en 1969. Donc, c'est la plus vieille; c'est la Grande-Bretagne, le Royaume-Uni qui a parti ça. Le Development of Tourism Act contient trois parties, soit, la première partie, The Tourist Authority and Tourists Boards; la deuxième, Financial Assistance for Hotel Development, et la troisième, Miscellaneous in general. Il y a trois... Et ça ne prend pas la tête à Papineau, M. le Président, pour comprendre ces trois volets, ça parle de soi.
L'adoption de cette loi divise le Royaume-Uni en trois régions touristiques qui établissent autant de bureaux touristiques, soit: The English Tourist Board, The Scotish Tourist Board et The Wales Tourist Board. C'est qu'ils ont, disons, trois grandes régions et ils divisent en trois. Mais il y a un respect des régions; on voit un respect des régions quand même dans cette loi. Ces bureaux touristiques sont chapeautés par The British Tourist Authority, le BTA, dont s'inspire le ministre, qui a été mis en place, à l'instar des États-Unis, alors qu'il n'existait pas de ministère du Tourisme, contrairement à la situation qui prévalait en France ou en Angleterre ou en Australie.
(12 h 10)
Toutefois, The British Tourist Authority relève du Secretary of State for National Heritage mais constitue la seule et unique structure gouvernementale responsable d'assumer et d'assurer le développement de l'industrie touristique britannique. Donc, cette loi, Development of Tourism Act, 1969, établit le Bureau touristique du Royaume-Uni, British Tourist Authority, qui constitue, rappelons-le, la seule et unique structure gouvernementale responsable d'assurer le développement de l'industrie touristique britannique, développement national ou développement international. Il s'occupe des deux volets. Il s'occupe de l'ensemble de la gestion, du marketing aussi, touristique, sur place et pour l'extérieur. Il est en quelque sorte le chef de file des organismes publics chargés du tourisme. En conséquence, il doit élaborer les orientations en matière de tourisme, lesquelles demeurent toutefois assujetties à l'approbation du gouvernement, ainsi qu'assurer leur mise en oeuvre sur le plan opérationnel, et ce, de concert avec leurs partenaires du secteur privé.
Donc, il y a entre la société anglaise, la société du Royaume-Uni, British Act, et l'entreprise privée, des relations; il y a une collaboration entre les deux. Mais, comme je disais tantôt, M. le Président, même si c'était le gouvernement lui-même qui avait un ministère, entre guillemets, un pur ministère d'État, la collaboration peut s'installer tout aussi bien et, parfois, on pourrait dire encore mieux.
La loi qui a créé le British Tourist Authority lui confère spécifiquement le mandat d'orienter et de soutenir la performance de l'industrie, de développer l'offre touristique, d'assurer la mise en marché sur les marchés interne et externe en exclusivité et de conseiller le gouvernement sur toute question relative au développement de l'industrie.
L'exclusivité de la chose, c'est un peu brimant pour un gouvernement qu'une société ait l'exclusivité. Même si le ministre est là pour approuver ses programmes, qu'elle ait l'exclusivité, j'ai l'impression que c'est un peu brimant pour un gouvernement et je suis complètement contre. Il faut toujours qu'un gouvernement soit capable de prendre des initiatives. Quand on a des idées... Encore faut-il en avoir. Encore faut-il en avoir. Mais, quand on n'en a plus ou qu'on en a peu eu, on recourt à l'entreprise privée pour suppléer à ce manque d'initiative. C'est peut-être ce que l'on fait par cette loi 23.
Quant à eux, les bureaux touristiques ont les mêmes pouvoirs que le British Tourist Authority, restreints toutefois à la délimitation de leur territoire, soit de manière spécifique: «It shall be the function of British Tourist Authority: a) to encourage people to visit Great Britain and people living in Great Britain to take their holidays there; b) to encourage the provision and improvement of tourist amenities and facilities in Great Britain. And the English Tourist Board, the Scotish Tourist Board, and the Wales Tourist Board shall have the function as to respect England, Scotland and Wales respectively.» Ça veut dire, ça, que chacune des trois grandes régions doivent entre elles se respecter et collaborer ensemble autant que possible.
La deuxième section de Development of Tourist Act 1969 traite de l'assistance financière à attribuer pour les nouveaux projets hôteliers de même que pour la rénovation de ceux existants déjà. Elle traite aussi de la mise en place d'un système de réservations et aborde également la réglementation relative aux prix fixés par l'industrie touristique. On voit, là, que cette société-là traite de l'assistance financière à attribuer de nouveaux projets hôteliers et dans la rénovation de nouveaux, des hôtels déjà là. C'est une chose qu'on ne voit pas dans la société qu'on crée aujourd'hui. Cette société-là est privée, va chercher des fonds, mais elle a la responsabilité de voir à l'assistance financière pour la création de nouveaux complexes hôteliers et de voir à la réparation et la rénovation des hôtels existants. Ça ne se voit pas dans la loi que nous avons là. Il n'y a pas d'étude complète.
Je disais, M. le Président, on n'étudie ni la fiscalité de ces pays-là comparativement à la fiscalité du Québec ou la fiscalité canadienne, qui s'applique sur notre territoire, pour la gent touristique en général. Comparativement à l'Angleterre, la France ou les États-Unis, quel est le genre de fiscalité, quelles sont les exemptions que l'on donne pour que les compagnies privées participent avec les sociétés qui s'occupent du tourisme? On est muets complètement. On ne parle même pas du principe de la création de cette société. Le ministre, hier, il n'en a pas dit mot. Il n'y a pas de principe de base qui sous-tend la création.
Enfin, la troisième partie permet la mise en place d'un registre des occupants, établissements et autres particularités du ressort de l'industrie touristique, puis les annexes à la fin de la loi élaborent sur le fonctionnement des bureaux et des bureaux régionaux. Ça, c'est pour l'Angleterre, M. le Président.
Juste là, en regardant de façon assez succincte cette loi j'ai la loi anglaise, ici, que j'ai regardée on voit que cette société-là a des obligations, envers la gent hotelière en particulier, dont la Société québécoise ne parle pas. Et on dit qu'on se base sur la loi anglaise du Royaume-Uni pour élaborer la Société qu'on nous présente. Sur les obligations financières qui découlent de cette création-là, on n'en parle pas. On ne parle que des économies, dans les rapports que nous avons, que le ministère fera.
Mais on va nous parler du pays capitaliste, en particulier, que sont les États-Unis: Une situation similaire à celle décrite dans le Royaume-Uni prévaut aux États-Unis en ce qui concerne les structures relatives au secteur du tourisme. En effet, à l'exemple du British Tourist Authority, la United States Travel and Tourism Administration a l'entière responsabilité de la mise en oeuvre de la politique touristique gouvernementale et des mandats couvrant la totalité des fonctions reliées au tourisme.
Bon. Autrement dit, aux États-Unis, ça ressemble un peu à la loi anglaise la loi américaine lui ressemble un peu et les fonctions sont directement reliées; ils ont à peu près la pleine autorité. Mais, aux États-Unis, c'est plus facile, M. le Président, et ce n'est pas la même situation géographique qu'au Québec. Il y a les trois climats, aux États-Unis: il y a l'été perpétuel; il y a le printemps perpétuel et il y a une autre partie, qui subit les automnes et les hivers. Et, aux États-Unis, pour balancer leur déficit touristique le nôtre est de 1 200 000 000 $ bien, on peut faire une publicité au nord des États-Unis, pour amener les gens toujours aux États-Unis vers le soleil, en période hivernale. On peut demander aux gens du sud qui en ont marre du soleil et il fait chaud quand il fait chaud de monter un peu plus vers la Nouvelle-Angleterre ou la frontière canadienne pour venir se rafraîchir ou faire des sports hivernaux, parce qu'ils ont les deux climats. Ici, nous avons ce qu'on appelle un pays tempéré, nous avons trois mois d'été, trois mois de printemps et à peu près six mois d'hiver. C'est un beau pays, c'est très beau, mais on n'a pas le soleil, dans notre pays, en permanence comme aux États-Unis. Donc, on ne peut pas, de façon totale, transporter une façon de faire dans un pays qui a les deux climats: un climat des pays tropicaux dans le sud et un climat qui ressemble au nôtre dans le nord de ce pays. On ne peut pas comparer. Québec, c'est spécifique. C'est spécial.
(12 h 20)
Et on parle beaucoup aussi de la France, dans le mémoire envoyé au ministre, pour essayer de défendre ce projet de loi, qui a été accepté par le cabinet, d'ailleurs. Bien, en France, M. le Président, c'est encore différent. Pour ce qui est de la France, l'analyse de la structure applicable au tourisme est, à prime abord, plus complexe puisqu'elle est décentralisée sur le territoire et demeure soumise au ministère du Tourisme. Cette phrase-là, juste ça, si on faisait ça comme ça, là, je serais déjà un peu moins malheureux. Complètement décentralisée, avec des responsabilités régionales. Ce n'est pas malin. Ça ne prend pas des grandes structures pour donner une autorité régionale, ça ne prend pas des grosses structures. Regardez bien. Vous, M. le Président, qui connaissez très bien le territoire québécois. Qu'est-ce qui est arrivé? On a formé des MRC et on a formé, avec des MRC, aussi des régions. Il y en a 16 ou 18, au Québec, selon le tourisme ou l'organisation. Bon. Qu'est-ce qu'on a fait pour nos MRC? On n'a pas dépensé une fortune. On a dit: Les maires, élisez-vous, ensemble, un préfet qui va représenter la MRC, et puis il va y avoir un petit budget d'alloué au préfet par les municipalités. Pas encore élu par l'ensemble de la population. Mais, si on décentralise de façon réelle, il y a aussi l'imputabilité, M. le Président, au Parlement. Si on décentralise, il faut que quelqu'un soit imputable et responsable.
Alors, on dit: On va faire un gros système onéreux de décentralisation. Bien non! Ce n'est absolument pas nécessaire. Dans une région, M. le Président, dans une région prenons la mienne, Lanaudière, ou prenons n'importe quelle région il y a des MRC, il y a des députés. Bon. Si on élisait un député-préfet dans une région, juste élire un député-préfet, comme on élit un préfet pour les MRC, l'imputabilité est rendue en Chambre. Ça ne nous a pas coûté grand-chose, un vote de cinq, six députés, dans certains cas, pour élire un préfet-député. Ce n'est pas difficile de pallier à l'imputabilité. C'est simple, simple, simple!
Et, toute somme décentralisée, l'imputabilité du préfet... Il pourrait être nommé. On pourrait voir plus tard à ce que les préfets de MRC soient élus à la majorité des citoyens, comme le député-préfet aussi. Mais ce n'est pas difficile de relier l'imputabilité à la décentralisation: on réunit tous les députés d'une région, puis on élit un préfet-député, et puis on reconnaît par la loi qu'il représente ici, en Chambre, cette région-là, et l'imputabilité est transportée dans la région automatiquement. Ça ne coûte pas très cher, ça, quand on a la volonté de vouloir faire quelque chose. On peut dire, ce n'est peut-être pas encore assez. Bien oui, mais c'est déjà un commencement. C'est déjà un commencement, M. le Président.
Et c'est simple. On l'a fait pour les préfectures pour les MRC, on a fait une préfecture. Ça ne coûte quasi rien. Et si on veut vraiment décentraliser, j'aimerais qu'on le fasse pour le tourisme comme on le fait en France. On veut vraiment décentraliser? Il faut que le pouvoir suive en région. Et le pouvoir ne peut pas suivre de façon directe s'il n'y a pas d'imputabilité en Chambre. Alors, pourquoi ne pas élire un député-préfet pour représenter la région? C'est simple. Ça ne prend pas beaucoup, beaucoup d'imagination pour penser à ça.
Supposons que, dans ma région il y a cinq comtés. Bon. C'est M. le député de Berthier, c'est le député de L'Assomption, le député de Joliette, la députée de Terrebonne et le député de Masson. On est cinq. On pourrait... Ce n'est pas nécessaire que ce soit... Mettons qu'on prenne le Lac-Saint-Jean, par exemple. Il y a un ministre dans le Lac-Saint-Jean. Ce n'est pas nécessaire qu'il soit un ministre non plus. Ce n'est pas nécessaire que ce soit un député au pouvoir. Ce n'est pas nécessaire. Un député, point. Un député qui serait représentatif, qui aurait une imputabilité en cette Chambre.
Et même, M. le Président, j'irais plus loin. Je soutiendrais, moi, qu'il ne faudrait pas qu'il soit ministre. Mais, ça, c'est des détails. C'est juste pour dire que c'est facile quand on veut poser un geste. Les gestes de régionalisation qui ont été posés, c'est de la régionalisation entre guillemets. C'est plutôt une sorte de déconcentration. Il n'y a pas de pouvoirs définitifs dans les régions, alors, on ne peut pas appeler ça une décentralisation des pouvoirs. Il n'y a pas de pouvoirs réels dans les régions. Il n'y en a pas. Il n'y a personne qui est élu pour représenter une région. Alors, le préfet, le député-préfet réglerait le problème.
M. le Président, je suis persuadé que l'idée, vous qui avez beaucoup d'expérience en politique, vous trouverez certainement ça facile d'application, intelligemment présenté et très peu coûteux en réalisation, et ça réglerait un tas de problèmes. C'est simple. On cherche toujours des choses compliquées. Créer la Société, là, en se basant sur la France, les États-Unis, etc., si on avait tout mis ça de côté puis avoir regardé c'est quoi le tissu touristique québécois, c'est quoi le tissu touristique, autant du côté population, couches de population, autant du côté installations hôtelières, autant du côté capacité de restauration, de loisir, chasse, pêche, sport, en fait, l'inventaire de ça ou de quelle façon, de quelle façon rendons-nous ces différentes sphères le plus rentable possible pour l'ensemble de la population québécoise et des retombées pour que le déficit soit moins fort? C'est ça qu'il faut regarder. Pourquoi aller chercher ailleurs? Il n'y a rien qui se transporte de façon entière d'un pays à l'autre, surtout nous qui sommes le seul peuple francophone sur le continent, le seul peuple de souche française, le seul, en dehors la France, le seul peuple au monde parlant français, de souche française, majoritairement installé sur un territoire. Et nous faisons partie d'un continent latin, en plus. On a tendance à l'oublier. Le nouveau continent, il est latin, M. le Président.
Il y a le reste du Canada et les États-Unis qui vont dire: Mais quel pays! Bien sûr que c'est un grand pays. Il y a à peu près une vingtaine de millions de personnes qui habitent les neuf autres provinces et il y en a 250 millions à 260 millions, disons, aux États-Unis, ce qui représente à peu près 280 millions d'anglophones autour. Mais tomber immédiatement... L'Amérique du Nord, il reste le Mexique, il y a 100 millions de personnes, ce sont des latins. Toute l'Amérique centrale, c'est latin. Toute l'Amérique du Sud, c'est latin. Il y a quelques petits postes, là, vous allez me dire, il y a quelques îles anglaises, il y a les trois Guyane, une hollandaise... Je parle de l'ensemble, c'est un continent latin. Entre le Mexique et tout le reste du continent qui est latin, il y a le gros pays et un des plus puissants au monde, qui est les États-Unis, qui nous sépare, nous, peuple de souche latine, de l'ensemble.
Alors, on est unique. On est unique. Alors, il faut qu'on se traite et qu'on regarde avec imagination de quelle façon un peuple unique sur un coin peut rendre rentable ce fait distinct qu'il est unique dans son coin. Et on cherche des choses... Quand on est un touriste, on cherche des choses uniques. On ne va pas chercher ailleurs ce qui se passe. Pourquoi s'inspirer de la France ou de l'Australie ou du Royaume-Uni pour faire une société, par exemple, comme celle qu'on veut faire? Pourquoi? Quelles en sont les raisons? On peut regarder ce que les autres ont fait, oui; on prend tout ça et on met ça à la poubelle. Et là, on regarde ce que l'on est; et là, on crée quelque chose qui nous ressemble, pas une affaire copiée qui ne sied pas à la population. Ça ne marche pas comme ça. On ne peut pas fonctionner comme ça quand on est unique.
On n'est pas plus brillants que les autres; ce n'est pas ce que je veux dire, M. le Président. On n'est pas moins brillants non plus. On est différents. On est différents. Et quand on est différents, on doit avoir l'initiative de notre différence et nous inspirer de cette différence pour créer une société qui nous ressemble. Mais il semble qu'on manque d'imagination à peu près de façon absolue. Je déteste ces transports d'une chose qui existe quelque part, qu'on amène chez nous à peu près telle quelle. Je sais, M. le Président, que le leader du gouvernement, qui m'écoute avec une attention extraordinaire, comprend très bien ce que je veux dire.
Eh bien, on a parlé des États-Unis, on a parlé du Royaume-Uni, mais je vais commencer à parler aussi de l'inspiration qui est aussi la France. J'aimais beaucoup cette décentralisation qu'ils ont, en France, qui n'est pas là, dans la loi. Il n'y a pas de décentralisation réelle. J'ai fait un lien entre la décentralisation touristique et les autres; ça va de soi, c'est pertinent au projet qu'on aura, une décentralisation facile.
(12 h 30)
La structure touristique est très fragmentée, en France. Au ministère de l'Équipement, des Transports et du Tourisme, s'ajoute la Maison de la France avec un conseil d'administration de 27 membres, un Conseil national du tourisme composé de 182 membres. En France, on peut parler de multiplicité des entités touristiques. Mais il faut aussi dire qu'au Québec on est 7 000 000 et qu'on ne respecte pas les régions et la décentralisation et qu'en France ils sont 57 000 000 et qu'ils respectent les régions. C'est bien sûr qu'on n'a pas besoin, nous autres ici, à Québec, de 182 personnes sur un conseil. Ce n'est pas ça, là. Mais, là-bas, c'est très décentralisé avec des autorités réelles puis des représentants. Ils connaissent ça, des préfets, là-bas, M. le Président. Des préfectures, on n'a pas copié direct sur eux autres. On s'est inspiré du mot. On n'a pas copié du tout. Mais on devrait aller un peu plus loin dans la décentralisation pour être productifs et marquer notre différence, notre entité. On est distincts, il faut qu'on le marque avec quelque chose. Pas en copiant comme on faisait à l'école.
M. le Président, à l'école, il y en a bien qui copiaient l'un sur l'autre. Les trois questions, le professeur disait: Vous avez copié tous les deux. Je fais un aparté pour montrer que le ministre a copié. Ça paraît. Il a copié sur ce qui se fait en Angleterre. Il m'a dit: Pourquoi? Bien, la première question, c'est la même chose mot à mot. La deuxième question, c'est mot à mot. La troisième, il a marqué: Je ne le sais pas. Puis, en Angleterre, c'est marqué: Moi non plus. Ça fait qu'on a présumé que le ministre avait copié sur l'Angleterre. C'est un copiage direct.
Je ne peux pas blâmer le ministre lui-même, M. le Président, par votre intermédiaire. On lui a commandé ça à la dernière minute. On a dit: Il faut que tu fasses disparaître le ministère du Tourisme, dépêche-toi. Il a répondu. Mais la réponse est là, mais elle n'a pas plus de valeur que le temps qu'on a eu pour y réfléchir. On impose. On ne peut pas blâmer la personne elle-même. Et quand on veut bâtir, disons, un bon centre touristique, pour être dans le projet de loi, un bel hôtel de 600 chambres avec tout, puis on dit: C'est aujourd'hui le 11 janvier, je le veux pour le mois de mai, c'est difficile, M. le Président. Alors, on peut en faire un, mais je ne sais pas si tous les coins vont être ronds ou vont être bien faits.
Et bien, en continuant sur les inspirations du ministre... Ce 11 février 1986, que le ministère du Commerce, de l'Artisanat et du Tourisme, en France... C'est bien, je trouve ça beau. Ils disent: Ministère du Commerce, de l'Artisanat et du Tourisme. Et je ne hais pas, non plus, le ministère du Patrimoine. à Ottawa; je trouve ça bien. Si on n'a pas employé ces termes-là ici... Je trouve que ça, c'est bien comme trouvaille.
Ça dit ici, en 1986, le Conseil national du tourisme en France. Cet organisme consultatif est placé auprès du ministre chargé du tourisme, c'est lui qui en est responsable. L'article 16 précise l'article n'est pas important là que le ministre du Commerce, de l'Artisanat et du Tourisme est chargé de l'application et de l'exécution du présent décret. En fait, le décret appuyant la création de cette structure venait abroger celui portant sur le Conseil supérieur du Tourisme adopté en 1972. Voyez-vous, la France est tout de même un vieux pays, mais on voit, juste à lire un peu, qu'ils ont changé leur loi en 1972, en 1986, en 1989. Ils la changent souvent. Je ne suis pas contre l'évolution, les transformations. Je l'ai dit au début. Je suis contre un copiage direct d'un pays à l'autre. Je suis vraiment contre, M. le Président.
Le Conseil, le Grand Conseil national du tourisme en France, ce Conseil est présidé par le ministre chargé du tourisme et comprend quatre sections. La section des questions économiques, la section des affaires sociales, la section de l'aménagement touristique et la section des comités régionaux du tourisme. Les comités régionaux du tourisme sont d'une importance capitale. M. le Président, en France. On respecte les régions.
Le décret publié au Journal officiel de la République française mentionne que des commissions et groupes de travail ad hoc peuvent être constitués autant que besoin il y a. Chaque section est présidée par un vice-président, assisté d'un représentant délégué de la section. Les vice-présidents sont nommés pour un mandat déterminé par le ministre lui-même. Le mandat confié au Conseil national du tourisme consiste à donner son avis sur toutes les questions concernant le tourisme, dont il est saisi par le ministre chargé du tourisme, ou le conseil d'orientation propose à la majorité de ses membres l'examen par le ministre. Il est consulté sur les objectifs du plan en ce qui concerne le tourisme et tenu informé de l'état d'exécution, de disposition du plan. Il exerce également une mission prospective. Mais, remarquez bien, M. le Président, qu'on parle toujours de l'état d'exécution des dispositions du plan du plan! Alors, quand on crée une société et qu'on veut que les gens y participent, il faut un plan, il faut une base pour justifier la création, et ensuite, il faut donner aux acteurs qui veulent embarquer avec nous, un plan. Où sont les plans? Où sont les plans? Il n'y a aucun, aucun, aucun. Aucun plan, aucun plan, il n'y a rien. Il n'y a pas de principe de création, sauf qu'on a copié sur des pays où il se passait des choses, et peut-être que ça serait bon ici. C'est tout, on n'a pas expliqué, et on n'explique pas. Et ensuite, on n'a pas de plan directeur pour travailler avec ceux avec qui on dit qu'on veut collaborer. Il n'y a pas de plan directeur, il n'y a pas d'étude fiscale je reviens là-dessus, c'est d'une importance capitale de comparaison des lois qu'on copie dans certains pays, des lois fiscales du monde touristique. Trois gros manques: pas de plan, pas de principes directeurs pour le faire, et on s'inspire, en gros, de ce qui se passe dans quatre ou cinq autres pays, et on ne compare pas, et on demande la même chose ici que ces pays-là demandent à l'entreprise privée ailleurs, et on ne compare pas la fiscalité du monde touristique dans ces pays-là avec la fiscalité canadienne et québécoise des gens du tourisme. C'est un manque flagrant. Ne fût-ce que ça, ne fût-ce que ça, M. le Président, il faudrait se battre jusqu'à la lie! Il faudrait se battre jusqu'à la lie pour que le ministre nous donne au moins ses plans, ses raisons. Il n'y a aucune raison valable de ce faire.
Aussi, il peut être consulté dans le domaine technique de sa compétence par les administrations responsables sur les projets de textes législatifs et réglementaires ayant une incidence sur le tourisme. Également, il est informé des projets de programmes nationaux et régionaux en matière de promotion du tourisme français à l'étranger. Enfin, les accords entre les branches professionnelles et protestataires de service du tourisme peuvent être discutées dans le cadre du Conseil national du tourisme. C'est extraordinaire, on prévoit même la contestation, on la légifère, et on dit comment la régler, en France. Ici, on n'a même pas de plan! On ne peut pas avoir de protestataires, on n'a pas de plan. On légifère sur les adversaires de l'évolution du plan, là-bas, on dit comment se rencontrer et comment réconcilier, dans la loi. Il faut aller loin! Aussi, dans le décret, on énonce que les membres qui composent le Conseil national du tourisme sont au nombre de 182. Ces représentants sont nommés par arrêté du ministre chargé du Tourisme sur la proposition des organismes qui composent le Conseil. Écoutez bien, là: ces représentants sont nommés par arrêté du ministre chargé du Tourisme, sur la proposition des organismes qui composent le Conseil. Dans notre loi, on n'aura pas ça, M. le Président. Le ministre va nommer, point. On va nommer des gens du milieu. Mais où est le respect des régions, des autorités en place, des artisans du tourisme qui ont toujours été là? ll y en a qui ont donné leur vie, leur existence. Rien!
M. le Président, je suis allé en fin de semaine à Sainte-Marguerite, manger à un bistrot qui s'appelle le Bistro à Champlain, et j'ai vu que jamais le ministère du Tourisme n'avait reconnu ce restaurant. Et, depuis quatre ans, il remporte le grand prix de la meilleure cave à vin canadienne, reconnue par les États-Unis. Je suis allé la visiter. C'est une cave d'à peu près 4 000 000 $ à 5 000 000 $, la valeur de bouteilles de vin. Je suis allé visiter la cave. Je suis allé visiter. Aucune reconnaissance! La meilleure! Depuis quatre ans de suite ils reçoivent... Le nom c'est... C'est les États-Unis: la meilleure cave à vin du Canada. Il n'y a jamais eu une mention seulement de l'Industrie et du Commerce. On ne s'occupe pas du milieu, on ne s'en occupe pas. On trône, on trône à Québec, on trône, M. le Président.
(12 h 40)
Eh bien, on va jusqu'à dire quand le Conseil doit se réunir, etc., M. le Président, dans la loi française. Il faut savoir qu'il existe aussi un conseil d'orientation comprenant les membres du comité permanent et 16 membres désignés chaque année par les quatre sections, à raison de quatre représentants par section, qui se réunit au moins deux fois par an, sur convocation du ministre chargé du Tourisme ou à la demande de la majorité de ses membres. Puis des membres sont nommés pour un an, des membres pour donner l'orientation de la politique touristique. À tous les ans, il renomme des gens. Alors, les gens essaient de bien faire, on a juste un an à faire. Quelques-uns en ont moins, ils s'appliquent davantage. Ce conseil a délégation du Conseil national pour donner en son nom les avis requis sur les réglementations en vigueur. Il coordonne les travaux des sections, commissions et groupes de travail. Il étudie périodiquement l'évolution et la conjoncture du tourisme et procède à des échanges de vue généraux avec les représentants de la Direction du tourisme. Il est en outre chargé de suivre la mise en oeuvre des recommandations et propositions du Conseil national. Il est présidé par le ministre chargé du tourisme. Bref, la France présente une structure complexe composée de plusieurs ramifications.
C'est sûr, on n'a pas besoin d'une complexité ici, dans un conseil comme celui-là. On est contre, là, mais on n'aurait pas besoin d'élaborer autant parce qu'on est 7 000 000 et qu'ils sont 57 000 000. En France, en plus du ministre du Tourisme, du Conseil national du tourisme, nous retrouvons la maison du tourisme, dont les ressources financières sont affectées en totalité en marketing et, donc, à la promotion à l'étranger. La destination est la première au monde, et elle ne subventionne pas les hôtels en difficulté et les régions en pleine crise économique. Contrairement à ce qui se fait en Angleterre, le British Act, lui, aide financièrement les hôtels ou la planification de l'édification de nouveaux centres hôteliers et aussi subventionne et consolide, ou répare, ou rénove les vieux hôtels déjà en place, qui ont une certaine renommée.
M. le Président, je n'ai même pas pu vous parler en détail de certains documents que j'ai ici. Je vais réserver ça pour la commission parlementaire où on aura certainement beaucoup plus de temps. Mais je tiens à vous dire, en conclusion, M. le Président, que j'ai lu le mémoire présenté au cabinet et je n'ai trouvé en résumé, et je résume ma pensée en conclusion, M. le Président dans ce mémoire aucun principe de base justifiant la création de cette société, aucune raison valable de transformer notre ministère actuel du Tourisme en société touristique privée. Je n'ai vu aucune raison valable. Il n'y en a aucune qui est énoncée. Deuxièmement, on demande un «partnership» à l'entreprise privée, une collaboration financière avec cette nouvelle société, et il est prouvé que les sociétés sont déjà complètement taries, qu'elles n'ont pas de sous à y mettre. Troisièmement, l'ensemble du milieu s'oppose au démantèlement du ministère du Tourisme; et, quatrièmement, on veut que les gens viennent collaborer avec cette nouvelle société et on ne met sur table aucun plan, il n'y a aucune planification pour l'avenir et de quelle façon on pourrait collaborer ensemble.
C'est donc dire, M. le Président, que je n'ai énuméré que quatre raisons très simples, en fait, là, mais il y a des raisons très valables pour s'opposer de façon totale et absolue à ce projet de loi, et nous allons le faire. Nous allons faire notre devoir, et en commission parlementaire et en Chambre, M. le Président. Nous allons nous opposer et voter totalement contre ce projet de loi. Et je vous remercie, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député. Alors, nous en sommes à l'étape de l'adoption du principe du projet de loi 23, Loi sur la Société du tourisme du Québec, et je cède la parole à Mme la députée de Matane. Mme la députée.
Mme Claire-Hélène Hovington
Mme Hovington: Merci, M. le Président. J'apprécie vivement aujourd'hui de pouvoir m'adresser à mes collègues de l'Assemblée nationale sur le projet de loi qui crée la Société du tourisme du Québec. En fait, il met en présence, comme plusieurs autres projets de loi de la présente session, le type parfait de réorganisation gouvernementale que met de l'avant notre gouvernement pour adapter l'État québécois aux nouvelles réalités de l'an 2000.
Vous vous souvenez sans doute, M. le Président, que le 11 janvier dernier le premier ministre a indiqué de façon claire les orientations gouvernementales en regard de la réorganisation gouvernementale envisagée. Dans ce cadre, le premier ministre confiait au ministre responsable du Tourisme le mandat de remplacer l'actuel ministère du Tourisme par un organisme autonome responsable du développement du secteur du tourisme.
Bien que s'inspirant des expériences étrangères, en particulier les expériences américaine, française, britannique, australienne, le modèle proposé par le projet de loi 23 demeure, M. le Président, authentiquement québécois. En ce sens, il repose sur nos acquis et répond aux attentes propres du milieu, des intervenants et des consommateurs. Je vous signale d'ailleurs, M. le Président, que les pays auxquels je faisais référence précédemment ont tous mis en place, de 1968 à 1987, des organismes publics autonomes pour assurer le soutien au développement de l'industrie touristique.
Le ministre responsable du Tourisme mentionnait récemment le cas de la Grande-Bretagne, qui a pu, grâce à une structure souple, se repositionner avantageusement sur l'échiquier mondial, en passant du huitième rang au cinquième rang en ce qui concerne les recettes touristiques. Ces organismes ont donc pour caractéristique principale un partenariat étroit entre le gouvernement et l'industrie touristique, et cette association constitue d'ailleurs la pierre d'assise de ces organismes autonomes.
Concrètement, ce partenariat prend la forme d'un conseil d'administration, où la représentation de l'industrie est prédominante, ce qui lui permet de participer aux décisions et aux actions ayant un impact sur son développement. Deuxièmement, il prend aussi la forme d'une contribution significative de l'industrie au financement des activités de l'organisme. On a même constaté, M. le Président, au cours des dernières années, que cette contribution a même tendance à augmenter: dans le cas des États-Unis, on constate que la contribution du secteur privé est de 51 %; dans celui de l'Angleterre, de 33 %; celui de l'Australie, 29 %. De plus, pour les seules activités de marketing et de publicité, la contribution du secteur privé atteint des pourcentages extrêmement significatifs. À titre d'exemple, au Royaume-Uni, elle est de l'ordre de 66 %. Vous voyez donc, M. le Président, que l'émergence de ces organismes permet de donner son sens profond au mot «partenariat» dans l'industrie du tourisme. Chacun y trouve son compte, tant le gouvernement que le secteur privé, les régions et les intervenants.
Dans le contexte économique actuel et en tenant compte de la concurrence internationale, notre gouvernement est pleinement fondé de s'inspirer des expériences étrangères tout en respectant nos acquis et, surtout, notre identité. La réorganisation gouvernementale administrative que le gouvernement met de l'avant en déposant ce projet de loi dans le secteur touristique nous permet de respecter nos acquis et notre identité propre.
D'ailleurs, le produit québécois a connu, au cours des dernières années, une croissance analogue à ce que nous avons vu dans les pays les plus performants en cette matière. Pour vous donner une idée de l'importance du tourisme chez nous, M. le Président, je vous rappelle que ce secteur a généré des recettes de 4 800 000 000 $ en 1992, qu'il est composé de 21 000 entreprises, qu'il emploie près de 253 000 travailleurs et travailleuses. Je disais, M. le Président excusez-moi, j'ai un chat dans la gorge qu'il emploie près de 253 000 travailleurs et qu'il est notre quatrième produit d'exportation.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît, juste un petit instant. Prenez votre temps, Mme la députée, relaxez-vous. Mme la députée, on vous écoute attentivement.
Mme Hovington: Merci, M. le Président, de votre compréhension. J'ai l'impression qu'il y a une laryngite qui revient, mais ce n'est pas grave.
(12 h 50)
Je vous mentionnais, et je tiens à le répéter, que le secteur touristique, qui est composé de 21 000 entreprises, emploie près de 253 000 travailleurs et travailleuses du Québec et qu'il est, en fait, notre quatrième produit à l'exportation. Un secteur très, très important, M. le Président. Sans contredit, l'activité touristique joue un rôle de premier plan dans l'économie de l'ensemble de nos régions. Que ce soit dans celle que je représente, la Gaspésie, le Bas-Saint-Laurent, ou dans d'autres régions, l'industrie touristique est une industrie qui mérite toute notre attention. Assurer son plein développement, c'est oeuvrer au renforcement de la stratégie déployée par notre gouvernement. À travers la mise en place d'un partenariat gouvernement-industries, nous agissons en fonction des meilleurs intérêts de toutes et de toutes.
Vous aurez donc compris qu'il n'y a pas de doute dans mon esprit sur le bien-fondé de la démarche que notre gouvernement poursuit avec la création de cette Société du tourisme. Il n'y a pas de doute dans mon esprit non plus, M. le Président, que le gouvernement et l'industrie se donnent avec cette Société du tourisme les moyens d'accroître la compétitivité et la performance de cette industrie.
En terminant, M. le Président, j'ajouterai qu'avec le projet de loi 23, projet de loi créant la Société du tourisme au Québec, nous démontrons d'une façon éloquente qu'il existe des moyens différents et, surtout, plus efficaces, moins coûteux pour le contribuable, d'offrir des services à la population. Nous montrons qu'il est possible de faire autrement, de faire plus, de favoriser un partenariat qui va maximiser les ressources disponibles. Enfin, nous montrons au contribuable et ça, c'est important qu'avec notre gouvernement il peut en avoir pour son argent, et à l'industrie qu'elle peut assurer pleinement son développement dans toutes les régions du Québec.
Dans la foulée des gestes posés par le gouvernement libéral depuis janvier dernier, cette Société du tourisme nous permettra d'être plus efficaces, plus compétitifs et nous serons plus que jamais prêts à relever des défis dans ce secteur comme ailleurs, les défis de l'emploi et du mieux-être collectif. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, Mme la députée de Matane. M. le député de Portneuf.
M. Roger Bertrand
M. Bertrand: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir de prendre la parole à l'occasion des discussions sur l'adoption du principe du projet de loi 23, Loi sur la Société du tourisme du Québec, un projet de loi qui, comme il est indiqué dans les notes explicatives, institue donc cette Société aux fins de développer et de soutenir l'industrie touristique du Québec.
Ce projet de loi intervient dans le cadre, effectivement, de la très vaste réorganisation gouvernementale décidée par le premier ministre en janvier dernier et qui vise effectivement à modifier un certain nombre de secteurs d'intervention de l'État. C'est le cas, par exemple, avec le projet de loi 3 qui crée le ministère de l'Emploi. C'est le cas également pour le projet de loi 10 et d'autres projets de loi, le projet de loi 10 concernant les services gouvernementaux. Bref, tout un brasse-camarades, tout un branle-bas qui vient justement, je dirais, modifier les attributions des uns et des autres et faire en sorte qu'à toutes fins pratiques, à quelques semaines ou à quelques mois d'une élection générale, on transforme radicalement des pans entiers du fonctionnement de notre appareil gouvernemental, de l'appareil d'État.
J'ai déjà indiqué, lors de la discussion sur le principe d'autres projets de loi, que cette initiative du gouvernement m'apparaissait tout à fait inopportune, dans les circonstances, puisque, à quelques jours, à toutes fins pratiques, ou à quelques semaines d'une élection générale, le gouvernement y allait d'un très vaste brasse-camarades susceptible certainement pas en tout cas d'augmenter l'efficacité, l'efficience de l'appareil d'État et de la fonction publique.
C'est un exemple de ce genre de brasse-camarades qu'on retrouve dans le domaine du tourisme où on va transformer les attributions antérieures du ministère concerné par ce secteur-là sous forme de société d'État, avec tout ce que ça peut représenter, M. le Président, au niveau d'un certain nombre de modifications de règles du jeu, de modifications d'attributions qui impliquent énormément de perturbations au niveau de ceux et celles qui ont à coeur l'avenir de l'industrie touristique au Québec.
J'ai eu l'occasion, M. le Président, de prendre connaissance d'un certain nombre de mémoires adressés au ministre responsable, à l'occasion, justement, d'une consultation qu'il a menée, je crois, en février dernier, et un mémoire, notamment, qui a attiré mon attention qui est celui des employés, justement, de Tourisme Québec, qui réagissaient, justement, au document de consultation qui était intitulé «La Société du Tourisme du Québec: un nouvel organisme au service de l'industrie». Je pense qu'il apparaît important de rappeler certains éléments qui ont été soulevés à cette occasion par ceux et celles qui, je dirais, s'y connaissent au niveau du gouvernement et du ministère actuel en ce qui regarde l'industrie touristique au Québec.
On lit, dans ce document, que l'ensemble des employés concernés sont très perplexes face à l'initiative du gouvernement, pour deux raisons. Premièrement, l'absence, dit-on, d'une argumentation solide et concrète qui conclurait logiquement à l'importance de créer une telle société plutôt que soit de continuer avec le ministère existant ou d'améliorer ce qui existe déjà; et, deuxièmement, l'absence d'informations détaillées sur le rôle précis de l'organisme, ses type et niveau d'intervention ainsi que son mode de fonctionnement. Et on le retrouve effectivement, non seulement dans le document de consultation du ministre, mais également dans le projet de loi lui-même, où les précisions sont pour le moins absentes, à l'intérieur de ce projet de loi d'une cinquantaine d'articles environ.
M. le Président, beaucoup d'interrogations peuvent être amenées en ce qui regarde l'initiative du gouvernement. Premièrement, quand on coiffe l'ensemble de l'opération de création d'un nouvel organisme au service de l'industrie, la première question qui se pose et que se posent les employés du secteur public dans ce domaine-là, c'est: Est-ce qu'un organisme de la sorte, à vocation touristique, doit être créé pour être au seul service des intérêts de l'industrie? On sait, M. le Président, que la mission touristique d'un gouvernement est bien plus large que celle des intérêts légitimes, par ailleurs, de l'industrie touristique. Elle concerne la population en général, la main-d'oeuvre qui évolue dans le secteur touristique, le tourisme lui-même, bien sûr, ceux et celles qui viennent nous visiter. Et c'est donc pour servir normalement les intérêts du développement de l'ensemble du Québec sur le plan touristique et de l'ensemble du développement régional qu'une telle initiative, éventuellement, devrait être comprise, incluant, par exemple, la protection de la ressource qui pourrait ne pas toujours coïncider avec les intérêts de l'industrie, qui ne sont pas nécessairement ou obligatoirement bien servis par une société davantage dédiée au service de l'industrie. Donc, M. le Président, quand on transforme un ministère ou des parties importantes d'un ministère sous forme d'un organisme, est-ce que cet organisme-là sera vraiment et uniquement au service de l'industrie ou s'il sera, de façon plus large, au service de l'ensemble du tourisme et de la population en général?
On se demande également chez les employés concernés par ces transformations-là pourquoi, justement, la mise en place d'une société? Est-ce que, en dehors de s'inspirer de quelconques modèles dans différents pays, qui est une tendance qu'on retrouve dans différents secteurs, hein... À un moment donné, on dit: Bon, bien, voici ce que d'autres ont fait; on a quelques problèmes chez nous; essayons donc ça. On se rappellera qu'au tournant des années quatre-vingt il y a eu toute cette mode, sous l'inspiration des Thatcher puis des Reagan, de privatisation. Le gouvernement du Québec a fait la même chose depuis 10 ans. Il a dit: Si c'est bon à l'extérieur, ça doit être bon chez nous; allons-y. Et il en remet dans le dernier budget, d'ailleurs. Alors, d'où est venue cette idée? On rappelle, dans le document qui avait été déposé par les employés concernés, qu'aucune allusion n'avait été faite dans l'énoncé de politique de 1992 et aucune étude...
Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le député de Portneuf...
M. Bertrand: Oui, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): ...je m'excuse de vous interrompre. Conformément au règlement, je me dois de me lever à ce moment-ci. Comme il est 13 heures, alors, les débats de cette Assemblée sont suspendus jusqu'à 15 heures.
(Suspension de la séance à 12 h 59)
(Reprise à 15 h 6)
Le Président: Mmes, MM. les députés, nous allons nous recueillir quelques instants.
Je vous remercie. Veuillez vous asseoir.
Présence du consul général de la République italienne à Montréal, M. Massimo Bernardinelli
J'ai le grand plaisir de souligner la présence, dans les tribunes, du consul général de la République italienne à Montréal, M. Massimo Bernardinelli.
Affaires courantes
Nous allons procéder aux affaires courantes.
Il n'y a pas de déclarations ministérielles.
Présentation de projets de loi.
Dépôt de documents.
Dépôt de rapports de commissions.
Dépôt de pétitions.
Il n'y a pas d'interventions portant sur une violation de droit ou de privilège ou sur un fait personnel.
Je voudrais simplement aviser les membres de l'Assemblée que la décision que je dois rendre sur la question de droit et de privilège soulevée par M. le député de Lévis sera rendue demain après-midi, à la fin de la période des affaires courantes. M. le leader du gouvernement.
Rectification d'une affirmation faite par le député de Joliette
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, M. le Président. Il y aurait consentement pour entendre le leader de l'Opposition officielle apporter certaines corrections à une question qu'il a posée hier à l'Assemblée nationale où, suivant certains reportages que nous avons lus dans les médias ce matin, il aurait cité des chiffres erronés. On pourrait consentir à ce qu'il s'amende et qu'il présente ses excuses aux personnes qui ont été directement ou indirectement visées par ses propos.
M. Chevrette: M. le Président.
Le Président: M. le leader de l'Opposition.
M. Chevrette: Je suis très heureux, très heureux, M. le Président, parce que, pour moi, 100 000 $, 200 000 $, 300 000 $ ou 450 000 $, c'est le principe qui est en cause. Donc, c'est 150 000 $.
Questions et réponses orales
Le Président: Très bien. Alors, le point est fait. Nous allons maintenant procéder à la période de questions et réponses orales des députés. Je suis prêt à reconnaître une première question principale. Alors, Mme la députée des Chutes-de-la-Chaudière.
Modalités d'application de la hausse salariale annoncée pour les éducatrices en garderie
Mme Carrier-Perreault: Oui, M. le Président. Depuis la lecture du budget et les annonces concernant les salaires du personnel de garde, Concertaction interrégionale des garderies, la CSN et la ministre responsable des services de garde ne semblent pas s'entendre sur les modalités d'allocation des 6 500 000 $. La situation est telle qu'en assemblée générale, hier, les parents dont les enfants fréquentent des garderies dans la région de Québec parlaient des annonces du budget comme d'un cadeau de Grec et d'une boîte de Pandore qui n'a pas encore révélé sa propre nature. Certains se sont même demandé s'ils ne devaient pas refuser l'aide gouvernementale sous sa forme actuelle.
(15 h 10)
Alors, à la ministre responsable de la Famille et du dossier des services de garde: Est-ce que la ministre pourrait nous dire exactement comment seront répartis les 6 500 000 $ qui ont été annoncés? Et peut-elle nous garantir que l'engagement, encore dans cette Chambre, par son premier ministre la semaine dernière, d'accorder 1 $ de plus l'heure à l'ensemble du personnel de garde va pouvoir être respecté avec ces nouvelles modalités?
Le Président: Alors, Mme la ministre de la Sécurité du revenu et ministre déléguée à la Condition féminine et à la Famille.
Mme Trépanier: Alors, M. le Président, je suis heureuse de pouvoir remettre les pendules à l'heure avec cette question. Alors, premièrement, le cadeau de Grec dont il est question, ce n'est pas les parents qui ont parlé de cadeau de Grec mais bien un journaliste, un titre de journal. Et de un.
Deuxièmement...
Des voix: ...
Le Président: Alors, Mmes, MM. les députés! Très bien, merci. Alors, je cède la parole à Mme la ministre.
Mme Trépanier: Et, M. le Président, dans ce même article de journal on rapportait que Mme Ruth Rose, qui est une chercheuse reconnue, qui n'a pas toujours été tendre avec le gouvernement et le dossier des services de garde, admettait qu'il y avait des solutions novatrices avec le budget. Ça me permet, M. le Président, de vous dire que c'est plus de 61 000 000 $ qui seront injectés dans le milieu des services de garde.
Des voix: Bravo!
Mme Trépanier: Et je vous dirai, M. le Président, dans un deuxième temps, que le gouvernement respecte entièrement ses engagements. Nous nous étions engagés à rehausser le salaire des éducatrices en garderie de 1 $ l'heure, en moyenne. Nous avons injecté, lors du budget, un montant de 13 500 000 $ d'exonération financière, dont 6 500 000 $ à être répartis immédiatement pour tout de suite donner un souffle de plus aux éducatrices en garderie.
Alors, ce que nous avons fait: sur 6 500 000 $, il y a 5 900 000 $ qui sont distribués dans les services de garde en garderie, pour un rehaussement salarial établi sur la base du nombre d'éducatrices en garderie et le nombre d'heures travaillées par les occasionnelles et les éducatrices à temps partiel, et par nombre de places au permis. Alors, M. le Président, je réitère, aujourd'hui, que l'engagement du gouvernement a été respecté à la lettre, la lettre du budget.
Le Président: Alors, en question complémentaire.
Mme Carrier-Perreault: Oui, M. le Président. Est-ce qu'on parle de 1 $ de l'heure de plus par éducatrice en garderie ou de 1 $ de l'heure en moyenne? C'est une nouveauté. J'aimerais aussi que la ministre m'explique comment elle compte...
Le Président: Donc, un instant, s'il vous plaît, là! Alors, je vais demander, s'il vous plaît, aux collègues de respecter les droits de parole de chacun des collègues, s'il vous plaît! Des deux côtés, là, depuis le début de la période des questions, j'apprécierais qu'on puisse laisser celui ou celle que je reconnais avoir la parole.
Alors, Mme la députée des Chutes-de-la-Chaudière.
Mme Carrier-Perreault: M. le Président, j'aimerais aussi savoir comment la ministre compte convaincre les parents d'accepter une hausse des tarifs en octobre prochain. Est-ce qu'elle peut nous garantir que cette augmentation salariale, qui est accordée, présentement, jusqu'au 30 septembre, sera maintenue à partir du 1er octobre prochain?
Le Président: Alors, Mme la ministre.
Mme Trépanier: Alors, M. le Président, il y a deux questions dans la question complémentaire. Je répondrai à la première pour dire que j'ai dit 1 $ en moyenne parce que nous laissons la possibilité aux conseils d'administration qui veulent augmenter leur personnel de soutien de le faire. Mais, nous, notre engagement était à l'effet d'augmenter le personnel des éducatrices en garderie de 1 $ l'heure. Et j'ai relevé, M. le Président, les galées de l'étude des crédits provisoires, les crédits, et d'autres interpellations que nous avons eues avec Mme la députée des Chutes-de-la-Chaudière, et, à 39 reprises, elle nous reparle des éducatrices en garderie. Jamais il n'est question du personnel des services de garde, mais on parle toujours des éducatrices en garderie. Et la CSN, aussi, dans ses nombreuses communications avec moi et avec le public, parle des éducatrices en garderie.
Quant à la deuxième partie de la question et je pense que c'est ça qui est le plus important nous avons donné la possibilité aux parents d'exercer un choix. C'est à deux niveaux. 48 000 000 $, M. le Président, distribués en crédit d'impôt remboursable contrairement à des déductions fiscales, auparavant en crédit d'impôt remboursable provincial on ne parle pas des déductions fiscales du fédéral qui viendront hausser cette partie... Une garderie, par exemple, va pouvoir hausser son tarif de 13 $ à 17 $, sans qu'il y ait d'augmentation pour le parent.
Alors, donc, il y a le crédit d'impôt, d'une part, et, d'autre part, l'exonération financière de 13 500 000 $, qui viendra aider les parents les plus démunis, et le crédit d'impôt viendra aider les parents qui ont 69 000 $ et moins. Alors, à partir de 69 000 $, il y a 26 % de crédit d'impôt, comme c'était auparavant. Alors, ça donnera, M. le Président, les moyens nécessaires aux parents de faire face à une hausse de tarifs si le conseil d'administration de la garderie le souhaite.
Des voix: Bravo!
Le Président: Alors, en question principale, M. le député de Lac-Saint-Jean et whip de l'Opposition.
Négociations sur l'utilisation future du Collège militaire royal de Saint-Jean
M. Brassard: M. le Président, selon le ministre fédéral Marcel Massé, les négociations sur l'utilisation future du Collège de Saint-Jean continuent. Après avoir annoncé une entente de principe avec Québec sur ce dossier, M. Massé précisait, hier, à la Chambre des communes: «Nous avons eu clairement une rencontre des esprits sur un certain nombre d'items ça, c'est vraiment du jargon bureaucratique fédéral qui vont faire partie de la négociation finale.»
La rencontre des esprits et l'entente de principe semblent bien porter, pour le gouvernement fédéral, sur deux seuls grands paramètres: premièrement, l'utilisation des installations matérielles du Collège militaire de Saint-Jean pour des activités civiles et universitaires, prises totalement en charge par le Québec, et, deuxièmement, le financement par Ottawa de cours de langue l'été pour militaires anglophones, une sorte de colonie de vacances pour officiers de langue anglaise. Pour le fédéral, le maintien d'une vocation militaire, réclamée par le premier ministre, ne semble pas faire partie de la rencontre des esprits.
Ma question au ministre de l'Éducation: Est-ce que le ministre de l'Éducation ne convient pas qu'il est temps de cesser de jouer au plus fin et de dire que l'entente de principe dont parle le ministre fédéral Massé porte sur les seules bases que je viens de rappeler, et qu'il n'est absolument pas question, pour le fédéral, de réviser sa décision de mettre un terme, comme il est prévu, à la vocation militaire du Collège de Saint-Jean?
Le Président: Alors, M. le ministre de l'Éducation.
M. Chagnon: M. le Président, j'ai dit à plusieurs reprises en Chambre que l'objectif recherché par le gouvernement du Québec était de faire en sorte que le Collège militaire de Saint-Jean conserve conserve une vocation pour des fins militaires, donc qu'il y ait des militaires au Collège. L'aspect général de l'avenir du Collège ne sera pas, comme le signale le député de Lévis, en camping ou en colonie de vacances. Nous avons l'intention, nous l'avons signalé à plusieurs reprises avec les ministres fédéraux...
Des voix: ...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Il faudrait les ramener à l'ordre, là.
M. Chagnon: M. le Président, est-ce que je peux...
Le Président: M. le ministre.
M. Chagnon: ...continuer?
Une voix: Oui, oui.
M. Chagnon: Merci.
Le Président: Donc, s'il vous plaît, oui.
M. Chagnon: Au moment où on se parle, M. le Président, suite à la rencontre que j'ai eue avec M. Massé le 13 mai dernier, je ne sais pas si c'est parce que c'était un vendredi 13, mais, finalement, au moment où on se parle, je n'ai pas encore reçu ce que j'ai demandé, c'est-à-dire d'avoir la proposition fédérale écrite sur laquelle je pourrai évidemment avoir une base de négociation et échanger.
Le Président: Alors, en question complémentaire.
M. Brassard: Oui. M. le Président, la vocation militaire se ratatine pas mal.
Le Président: M. le député, s'il vous plaît!
M. Brassard: Oui. Est-ce qu'au fond le ministre ne convient pas qu'il cherche manifestement à gagner du temps, à faire traîner les choses en longueur pour motif électoral?
Le Président: Bon. Donc, un instant là! Alors, question de règlement, M. le leader du gouvernement.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui. M. le Président, le député de Lac-Saint-Jean vient de m'indiquer qu'il se doutait bien qu'il y aurait une question de règlement. Il était pertinemment conscient qu'il violait le règlement de l'Assemblée nationale. Je me serais attendu à ce que vous vous leviez pour le rappeler à l'ordre, M. le Président.
Le Président: Alors, M. le... S'il vous plaît! Alors, M. le député de Lac-Saint-Jean, je vous demanderais de poser une question directement, une question qui ne comporte pas une expression d'opinion, s'il vous plaît.
M. Brassard: M. le Président, est-ce que le ministre ne cherche pas manifestement à faire traîner les négociations pour ne pas avoir, d'ici les élections, à admettre un échec total et cuisant dans ce dossier? Et est-ce qu'il croit que la population, particulièrement de Saint-Jean, est dupe de ce stratagème?
(15 h 20)
Le Président: Alors, c'est une seule question à la fois également, M. le député. Alors, M. le ministre.
M. Chagnon: À la première question, M. le Président, la réponse est non. À la deuxième, le député de Saint-Jean, qui suit le dossier de près, sera à même et pourrait être à même de confirmer que le ministère de l'Éducation, le ministre de l'Éducation et le gouvernement du Québec prennent tous les moyens possibles pour faire en sorte que ce que l'on connaît comme événements depuis le 22 février dernier puisse être recyclé en opportunités pour non seulement le Québec, mais aussi les jeunes qui sont en études supérieures au Québec.
Le Président: Alors, en question principale, Mme la députée de Taillon.
Fermeture de l'usine d'épuration des eaux usées de la rive sud de Montréal
Mme Marois: Merci, M. le Président. Hier, on apprenait que l'usine d'épuration des eaux de la rive sud de Montréal ne fonctionnait plus depuis trois semaines, à la surprise générale des autorités gouvernementales, qui, semble-t-il, n'en avaient pas été informées. C'est du moins ce qu'on constate en prenant connaissance des propos du ministre de l'Environnement et de la Faune suite à la publication de cette nouvelle. Le ministre affirmait même qu'il avait demandé aux fonctionnaires de déterminer par qui la décision avait été prise, pourquoi la population n'avait pas été informée, et il cherchait des coupables.
Comment le ministre de l'Environnement peut-il feindre la surprise, puisque, sur le comité de gestion de l'usine où siègent des représentants de la ville de Longueuil, on trouve également un représentant de la Société québécoise d'assainissement des eaux, le vice-président, de même qu'un représentant du ministère de l'Environnement, M. le Président? Est-ce que le ministre ne devrait pas plutôt plaider sa propre méconnaissance de ce dossier?
Le Président: M. le ministre de l'Environnement.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président, la députée de Taillon ignore sans doute que, depuis le dernier remaniement ministériel, certaines responsabilités qui étaient dévolues au ministre de l'Environnement ont été transférées à mon collègue, le ministre des Affaires municipales, et que, depuis ce temps, la Société québécoise d'assainissement des eaux dépend du ministre des Affaires municipales du Québec.
Ceci étant dit, M. le Président...
Le Président: Donc, un instant, M. le ministre. À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! S'il vous plaît! Alors, je cède la parole au ministre de l'Environnement et de la Faune.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui. Ceci étant dit, M. le Président, il est inadmissible que des municipalités, des régies intermunicipales, des communautés urbaines, qui sont chargées d'opérer des équipements d'assainissement, n'avisent pas le ministère de l'Environnement du Québec lorsqu'elles s'apprêtent à cesser des opérations qui ont des répercussions environnementales négatives pour le fleuve. Ce qui est également inadmissible, M. le Président, c'est que les députés de ces régions-là, et c'est le cas de Mme la députée de Taillon, n'avisent pas le ministre de l'Environnement, alors que nous avons passé de nombreuses heures ensemble, en commission parlementaire, la semaine passée.
Est-ce qu'elle s'occupe de son comté? Est-ce qu'elle sait ce qui se passe dans son comté, M. le Président? La critique en matière environnementale l'a appris comme le ministre de l'Environnement, en lisant les journaux.
Des voix: Ah! Ah!
Des voix: Bravo!
Le Président: Alors, question de règlement, M. le leader de l'Opposition.
M. Chevrette: Oui, M. le Président, j'aurais le goût de prendre mon règlement et de lire, de façon très monotone et ennuyante, l'article 79.
Des voix: Ah!
Le Président: À l'ordre! S'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! Donc, s'il vous plaît! Alors, Mme la députée de Taillon, pour une question complémentaire.
Mme Marois: C'est assez étonnant d'entendre les propos, M. le Président, que je viens d'entendre.
Le Président: Votre question, Mme la députée.
Des voix: Bravo!
Mme Marois: Comment le ministre peut-il blâmer les municipalités, alors qu'il est incapable de produire le règlement sur le contrôle des rejets liquides, règlement qui est en préparation depuis plus de trois ans à son ministère? Quand le ministre va-t-il cesser de se défiler devant ses responsabilités? Et quand rendra-t-il public ce règlement...
Le Président: Mme la députée.
Mme Marois: ...M. le Président?
Le Président: M. le ministre de l'Environnement et de la Faune.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président, la députée de Taillon fait encore une fois preuve de sa méconnaissance de la législation en matière environnementale. Elle aurait avantage à consulter celui qui l'a précédée, mon bon ami, le député de La Prairie, dans ce dossier, qui aurait pu lui indiquer les dispositions de l'article 32.7 de la Loi sur la qualité de l'environnement, qu'il connaît fort bien, et qui indiquent que, pour cesser l'exploitation d'une usine d'épuration, il faut, au préalable, obtenir le consentement du ministre de l'Environnement du Québec lorsque vous êtes une municipalité. C'est d'ailleurs ce qui s'est passé à Bois-des-Filion, si on fait référence à l'article paru dans Le Devoir ce matin. C'est pourquoi le ministère de l'Environnement du Québec, suite à une inspection effectuée en janvier 1994, dès le début février, a avisé la municipalité qu'elle commettait une infraction et lui a expédié un avis d'infraction à cet effet.
Le Président: En question principale, M. le leader de l'Opposition et député de Joliette.
Agrandissement du cimetière mohawk, à Kanesatake
M. Chevrette: Oui, M. le Président. On a appris hier que des représentants... c'est-à-dire aujourd'hui, que des représentants du Conseil de bande de Kanesatake auraient refusé une rencontre convoquée hier à Montréal par des représentants du ministère des Affaires indiennes ainsi que par certains hauts gradés du Secrétariat aux affaires autochtones, rencontre qui visait précisément à établir un rapprochement entre les parties affectées par l'agrandissement illicite du cimetière mohawk dans la pinède d'Oka.
Par ailleurs, selon certaines sources également, la municipalité d'Oka aurait déposé des options de propositions intéressantes qui, si elles sont mises en compte, pourraient laisser entrevoir une lueur d'espoir au bout du tunnel.
Ma question au ministre: Peut-il faire le point sur ce dossier majeur et nous dire également s'il ne considère pas que le refus des représentants du Conseil de bande risque tout simplement d'aggraver le climat actuel?
Le Président: M. le ministre délégué aux Affaires autochtones.
M. Sirros: M. le Président, comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire, le dossier est un dossier sensible. Ce n'est pas critique à l'heure actuelle. Il est suivi de près de ma part, de la part du ministère de la Sécurité publique, des Affaires municipales également. Nous sommes en contact, comme l'a souligné le député, avec la municipalité et, par le biais du fédéral, avec le Conseil de bande. Hier, il y a eu aussi des contacts et des échanges entre le Conseil de bande de Kanesatake et le ministre fédéral des Affaires indiennes. Nous nous attendons à ce qu'il puisse y avoir prochainement des développements qui permettront d'avoir un endroit central où l'ensemble des discussions pourraient avoir lieu, y inclus les propositions que la municipalité peut mettre de l'avant et d'autres propositions, M. le Président. Nous sommes confiants que nous pourrions ensemble, avec le soin qu'on donne au dossier et avec le calme, je dois dire, de l'ensemble des participants autour de cette question-là, réussir à contextualiser la situation et à la garder telle qu'elle est, dans le calme.
Le Président: Question complémentaire.
M. Chevrette: Est-ce que le ministre a un plan d'action pour agir relativement vite, puisqu'on risque, dans ce dossier, de se ramasser complètement avec une situation de fait qui sera irrémédiable? Est-ce que le ministre a un moyen d'action très concret pour agir à très, très court terme?
Le Président: M. le ministre.
M. Sirros: M. le Président, il s'agit surtout d'une responsabilité que le gouvernement fédéral a, quant à la reconstitution d'un certain nombre de terres. Il y a des hypothèses que nous examinons avec le gouvernement fédéral mais aussi au sein des différents ministères, ici. Oui, nous avons différentes hypothèses qu'on examine et nous restons confiants que le tout pourra se dénouer confortablement.
Le Président: Question principale, M. le député de Gouin.
Financement des centres d'artistes autogérés du Québec
M. Boisclair: Les interventions récentes du Regroupement des centres d'artistes autogérés du Québec ont certainement mis en lumière la faiblesse du financement accordé par le gouvernement du Québec à ces regroupements, de même, et de façon directe, aussi, le faible financement accordé aux organismes et artistes du milieu culturel. Cette année, à même le budget du Conseil des arts et des lettres, qui est maintenant gelé, cette réalité aura comme conséquence directe, pour les 64 centres d'artistes autogérés du Québec, de reporter à plus tard l'établissement de plans de financement triennaux, dont ont besoin ces mêmes centres, de suspendre les comités d'évaluation et autres jurés et, finalement, d'accentuer les disparités régionales.
Est-ce que la ministre de la Culture et des Communications est prête, dès aujourd'hui, à amender ses orientations qu'elle a récemment déposées au Conseil des arts et des lettres pour faire en sorte que celui-ci donne rapidement suite aux recommandations du comité conjoint, formé avec le Regroupement des centres d'artistes et les représentants de son ministère?
Le Président: Mme la ministre de la Culture et des Communications.
Mme Frulla: M. le Président, effectivement, je souligne d'ailleurs que nous avons inauguré le siège social du Conseil des arts et des lettres ce matin, à Québec, un siège social qui contient 23 personnes à Québec, 25 personnes à Montréal. Alors, pour ceux qui disent que c'est un siège social bidon, au contraire, le sang additionnel sera ici, à Québec, d'une part.
Deuxièmement, quant aux centres d'artistes, effectivement, nous avons... J'ai dit que le Conseil des arts et des lettres avait un budget de 42 000 000 $, ce que nous avons maintenu. Deuxièmement, quant aux centres d'artistes autogérés, il faut aussi savoir que, de 1990 à 1993, il y a eu une augmentation de 500 000 $, donnés à chacun de ces centres d'artistes autogérés, d'une part. Deuxièmement, quant aux demandes, justement, de continuer ces ententes, c'est au Conseil des arts et des lettres d'étudier la situation. Par contre, j'ai donné un mandat spécifique au Conseil des arts et des lettres dans les orientations pour, justement, regarder l'ensemble des arts visuels au Québec, la situation des centres autogérés par rapport, aussi, aux galeries commerciales, et d'en arriver, d'ici six mois, à, finalement, une solution. Mais c'est au Conseil des arts et des lettres, qui avise la ministre, à faire ce travail.
(15 h 30)
Et je dois vous dire, aussi, que, sur le conseil d'administration, il y a deux personnes, dont M. Melvin Charney, dont M. Godefroy Cardinal, qui sont des spécialistes en arts visuels, M. le Président.
Des voix: Bravo!
Le Président: En question complémentaire.
M. Boisclair: Je serais tenté de demander à la ministre si, à l'inauguration, elle a invité les journalistes. Mais, à défaut, est-ce que...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Boisclair: On lira ça demain, M. le Président. Mais, à défaut, la ministre de la Culture et des Communications, comment peut-elle aujourd'hui accepter de mettre de côté des engagements qu'elle avait pris antérieurement à la création du Conseil des arts et des lettres et, du même coup, maintenir dans une situation financière inacceptable les centres d'artistes, situation financière qu'elle même jugeait inacceptable?
Le Président: Alors, Mme la ministre.
Mme Frulla: M. le Président, j'ai un peu de difficultés avec tout ça, là. Si j'ai dit qu'en 1992-1993 la situation était inacceptable, avec la politique culturelle, nous l'avons corrigée. Je vous dis que nous avons augmenté les centres d'artistes autogérés de 500 000 $, d'une part. Nous avons aussi bâti plusieurs infrastructures, dont le groupe Méduse annoncé, je pense, en septembre dernier, avec, d'ailleurs, le maire L'Allier. Nous avons aussi, entre autres, demandé, comme je le disais, au Conseil des arts et des lettres de regarder la situation au niveau des arts visuels dans son ensemble.
Alors, M. le Président, je pense que, un, la correction a été apportée au niveau des arts visuels; deux, M. le Président, on est toujours là pour discussion. Et je trouve un peu inconfortable, d'ailleurs, que ces mêmes centres d'artistes autogérés, qui remercient les ministères de la Culture du Québec et du Canada, puissent dépenser 6000 $ en publicité pour nous parler alors qu'ils n'ont qu'à prendre le téléphone pour nous parler. On a toujours essayé de régler ces problèmes-là.
Le Président: En question principale, M. le leader de l'Opposition et député de Joliette.
Étude de M. Marcel Côté recommandant la commercialisation de Technologies M4 inc.
M. Chevrette: Oui, M. le Président. D'après Hydro-Québec, M. Marcel Côté a démissionné de son poste au conseil d'administration de la compagnie Technologies M4, une filiale à part entière de Nouveler, le 4 mai dernier et non pas il y a trois ou quatre mois, comme le disait M. Côté lui-même, soit deux jours avant que l'affaire M3i ne soit connue et quelques jours après avoir eu des rencontres avec l'Opposition. Comme hasard, on ne fait pas mieux. De plus, il semble que M. Marcel Côté avait recommandé à Hydro-Québec le même scénario que pour la compagnie M3i, soit une option d'achat d'actions pour chacun des administrateurs de Technologies M4 dont il était un des membres jusqu'à tout récemment.
Ma question au ministre: Est-ce que le ministre des Ressources naturelles peut déposer en cette Chambre les recommandations que M. Côté a faites concernant la commercialisation de M4?
Le Président: Alors, M. le ministre des Ressources naturelles.
M. Sirros: M. le Président, j'aimerais collaborer autant que je peux avec le député pour arriver à corriger des choses, s'il y a des choses à corriger. Mais je vous ai dit hier, M. le Président, et je vais le répéter aujourd'hui: je me méfie un petit peu, d'abord, des erreurs de frappe, des fois, des erreurs, je ne dirai pas de quoi, des paroles qui sortent du député de Joliette, M. le Président, parce qu'à chaque fois qu'il pose une question comme celle-là il y a quelque chose qui se cache derrière, j'en suis convaincu. J'aimerais qu'on joue franc jeu. Je le crois...
Le Président: Alors, s'il vous plaît! Alors, je vous rappelle effectivement l'article 79, M. le ministre. Vous devez répondre à la question posée sans susciter de débat et sans non plus faire de suppositions. Alors, à la question posée.
M. Sirros: D'accord, M. le Président. J'inviterais le député à jouer franc jeu et à dire exactement qu'est-ce que c'est qu'il voudrait savoir, parce qu'hier c'était un contrat qui n'en était pas un; aujourd'hui, c'est des recommandations; avant-hier, c'était un scandale qui n'en était pas un, semble-t-il. Mais c'est quoi, au juste, ce que le député voudrait savoir? Est-ce qu'il en a contre le succès des compagnies? Est-ce qu'il en a contre le fait qu'on fasse de la recherche et du développement? Est-ce qu'il en a contre la formule avec laquelle on l'utilise? De quoi, au juste, parle-t-on, M. le Président?
Le Président: Alors, pour une question complémentaire.
M. Chevrette: M. le Président, est-ce que le ministre des Ressources naturelles, qui a déclaré en cette Chambre qu'il ne défendrait pas l'indéfendable, considère comme défendable un type qui a un contrat d'une filiale d'Hydro-Québec, propriété à 100 % des Québécois, et qui utilise son poste privilégié pour se faire donner des actions?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Question de règlement.
Le Président: Alors, un instant! Un instant, s'il vous plaît! Alors, pour un rappel au règlement, M. le leader du gouvernement.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): On n'a pas besoin d'aller plus loin que le premier alinéa de l'article 77. «Est-ce qu'il considère comme défendable?» On demande une opinion au ministre. Et l'article 77.1° se lit comme suit je sais que ça fait longtemps que mon bon ami, le leader de l'Opposition, ne l'a pas entendu: «Les questions ne peuvent: 1° comporter ni expression d'opinion, ni argumentation.»
M. Chevrette: M. le Président.
Le Président: Alors, oui, je vais vous demander de reformuler votre question.
M. Chevrette: Je m'excuse, M. le Président, mais le ministre avance des choses et vous êtes surpris qu'on questionne. Je m'excuse!
Le Président: Non, non, écoutez, je ne suis pas surpris qu'on questionne. Simplement, évidemment, on dit que les questions ne peuvent viser à obtenir un avis professionnel ou un avis personnel. Alors, je vous demanderais de reformuler votre question pour que le ministre puisse répondre à une question conformément au règlement, s'il vous plaît.
M. Chevrette: Le ministre peut-il, lui qui a dit qu'il ne défendrait pas l'indéfendable, me dire si c'est défendable, dans son esprit, comme ministre, le fait qu'un individu qui est payé...
Le Président: Écoutez, je vous demanderais... Évidemment, vous ne pouvez demander une opinion au ministre, à ce moment-ci, alors je vous demanderais de formuler votre question de façon à ce que ce ne soit pas une opinion que le ministre doive émettre.
M. Chevrette: Le ministre sait-il qu'un contrat qui est donné à une firme privée par une filiale majoritairement à deniers québécois, actionnaire des Québécois, qu'est Nouveler, qu'est Hydro-Québec, est-ce que le ministre considère qu'un individu...
Une voix: «Sait», «est-ce qu'il sait».
M. Chevrette: M. le Président, voulez-vous l'encager?
Des voix: ...
Le Président: S'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! S'il vous plaît! Alors, je vous demanderais de formuler votre question, s'il vous plaît.
M. Chevrette: Est-ce que le ministre peut déposer en cette Chambre, M. le Président, les recommandations de Marcel Côté de SECOR, qui a fait l'étude de commercialisation et de mise en marché pour M4, au coût de 150 000 $? Et, trouve-t-il normal qu'un individu recommande des actions et qu'il se fasse donner...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président.
Le Président: Alors, évidemment, dans la dernière partie de votre question, vous demandez une opinion au ministre, ce qui est défendu. Alors, pour la première question, M. le ministre...
S'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! S'il vous plaît! S'il vous plaît! M. le député, s'il vous plaît! S'il vous plaît! À l'ordre, M. le leader, s'il vous plaît!
Non, M. le député, écoutez, j'en appelle à votre collaboration. Effectivement, il y a un règlement. J'ai tenté de faire respecter le règlement des deux côtés. Simplement, je vous disais que votre question ne doit pas comporter une opinion du ministre. C'est simplement la question. C'est fort possible que, dans certaines circonstances dans certaines circonstances et au niveau des questions et au niveau des réponses, on puisse transgresser le règlement. J'en suis fort conscient. Je tente de faire en sorte que les parlementaires respectent le règlement. Si on me soulève un cas particulier, je dois y faire face immédiatement. Alors, je vais faire appliquer le règlement...
Alors, s'il vous plaît! S'il vous plaît! S'il vous plaît, M. le leader de l'Opposition, je vous rappelle à l'ordre, s'il vous plaît! Je vous rappelle, s'il vous plaît, à l'ordre! Alors, M. le ministre des Ressources naturelles.
M. Sirros: M. le Président, le député affirme encore une fois qu'il s'agit d'un contrat de 150 000 $ pour M4. J'aimerais lui citer un passage dans l'article qui l'a corrigé quant à son erreur de frappe de son informateur: «L'étude qui lui a été commandée relativement à M4 était "une petite étude", dit-il M. Côté et il ne se rappelle plus du montant précis qui y est applicable. Elle a eu lieu en 1991 et est comprise dans les frais de 29 000 $ qu'il a chargés cette année-là.»
Alors, au moins, si, hier, son informateur a fait une erreur de frappe, il ne faudrait pas que le député l'aggrave aujourd'hui avec les paroles qu'il dit. S'il veut avoir les recommandations de cette étude, je vais m'engager à les fournir, mais je lui répète, M. le Président, la question que, je pense, on est tous appelés à avoir: Est-ce qu'il en a contre la formule qu'on utilise pour commercialiser les éléments de succès? C'est une question, M. le Président.
(15 h 40)
Le Président: Oui, oui. Écoutez, oui, c'est ça. Évidemment, votre réponse... Oui, sur une question de règlement, je vais vous écouter. Une question de règlement.
M. Chevrette: M. le Président, vous vous levez quasiment instantanément au moment où je demande une opinion. Oui, oui, oui! Et je vais continuer, cette fois-ci.
Le Président: Donc, à l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, votre question de règlement, M. le leader de l'Opposition.
M. Chevrette: M. le Président, le ministre pose une question. En additionnelle, on vient pour exactement répondre dans ce sens-là et vous vous relevez pour dire qu'on n'a pas le droit de demander d'opinion. Je m'excuse, M. le Président, hier... Les faits sont les suivants, sur la question de règlement. Je n'ai pas mis en cause la compagnie. Je n'ai pas mis en cause le processus. Je ne fais que mettre en cause ce qui est utilisé comme manière, où des individus utilisent leurs postes privilégiés pour se confier des privilèges, et ça, c'est inadmissible.
Le Président: Oui, là, justement, vous êtes au fond, là. Justement, là, vous étiez au fond de la question. Vous êtes en question de règlement, ce n'est pas le fond qui est concerné. De la même façon, quand le ministre répond, il ne peut poser une question. La période de questions va de ce côté-là et ne va pas de ce côté-là. Donc, vous répondez à la question, point, à la ligne. D'accord? Et pas de commentaires non plus, ça suscite un débat dans ce sens-là.
Alors, est-ce qu'il y a une autre question? Question principale? Question complémentaire, M. le député de Joliette.
M. Chevrette: Est-ce que le ministre peut déposer en cette Chambre la lettre de démission de M. Marcel Côté de SECOR et nous donner les motifs de la démission?
Le Président: Alors, M. le ministre.
M. Sirros: J'imagine que le député réfère à la lettre de démission de M. Côté de M4...
M. Chevrette: Oui, parce que M3 est encore là.
Le Président: Alors, s'il vous plaît! S'il vous plaît! M. le député, M. le ministre. M. le député, s'il vous plaît! Alors, M. le ministre.
M. Sirros: M. le Président, j'ai essayé tantôt de dire qu'encore une fois, comme le disait l'article de La Presse , la bavure de M. Chevrette, qu'il devait corriger plus tard, gonflait sans mesure les...
Le Président: Bon, écoutez, là...
M. Sirros: M. le Président...
Le Président: Bon...
M. Sirros: C'est ce qu'il faisait.
Le Président: Un instant! Alors, évidemment, là, vous allez susciter un débat, M. le ministre, vous le savez fort bien. S'il y a des propos dans un journal qui sont inadmissibles à l'Assemblée, vous ne devez pas les citer. Je vous invite à répondre à la question conformément au règlement.
M. Sirros: M. le Président, j'ai essayé de remettre en relief le fait que les honoraires étaient encore une fois gonflés volontairement. Ça met en doute un peu la crédibilité, quant à moi, de ce genre de question. Deuxièmement, quant à M3i, j'ai déjà dit que je déposerai l'ensemble de ce que je vais recevoir de l'analyse qui est faite, y inclus tout ce qui a affaire à M. Côté ou à d'autres qui sont dans cette étude-là.
Quant à M4, je déposerai volontiers, M. le Président, l'étude que je vais demander de nouveau. Mais je me permets de me poser une question à moi, M. le Président, et non pas au député: Est-ce que l'acharnement du député...
Le Président: Non, non, écoutez! Non, non, écoutez...
M. Sirros: Est-ce que l'acharnement du député...
Le Président: On ne peut pas plus faire indirectement ce qu'on ne peut pas faire directement. Alors, question principale... Donc, à l'ordre, s'il vous plaît!
Question principale, M. le député de Dubuc.
Réglementation concernant la descente de rivière en canot pneumatique
M. Morin: Merci, M. le Président. Samedi dernier, deux personnes perdaient la vie dans la rivière Jacques-Cartier lors d'activités sportives, soit la descente de rivière en canot pneumatique. Depuis ce drame, de nombreuses interrogations sont soulevées quant à l'application des recommandations soumises par le coroner Bouliane en 1989, à la suite d'une autre tragédie qui s'était produite sur la rivière Montmorency.
Alors, ma question, M. le Président: Considérant que ces activités ont été tenues alors que les conditions de la rivière étaient qualifiées de dangereuses, le ministre responsable, soit le ministre des Affaires municipales, entend-il intervenir auprès de la Régie de la sécurité dans les sports afin que des normes plus sécuritaires soient imposées aux entreprises qui offrent cette activité sportive, soit la descente de rivière en canot pneumatique?
Le Président: M. le ministre des Affaires municipales.
M. Ryan: Oui, M. le Président, je communiquerai avec la Régie et je reviendrai en Chambre demain ou au début de la semaine avec une réponse.
Le Président: Alors, pour une question complémentaire.
M. Morin: Alors, est-ce que le ministre peut quand même nous dire s'il endosse les propos de Mme Morais, de la Régie, à l'effet que l'entreprise concernée ne pouvait être vérifiée sur le plan de la sécurité puisqu'elle n'était pas membre du Conseil des rivières canadiennes?
Le Président: Alors, M. le ministre.
M. Ryan: Je répondrai à cette question en même temps qu'à la première.
Le Président: Alors, en question complémentaire... Non, en question principale, Mme la députée de Terrebonne.
Maintien du statut professionnel de pharmacien-propriétaire
Mme Caron: Merci, M. le Président. Alors, depuis plus de 20 ans, le Québec s'est doté d'une loi particulière, le Code des professions, pour assurer la protection du public en regard des services professionnels. Plus particulièrement, concernant les pharmaciens, on exige, au Québec, que les propriétaires de pharmacies soient pharmaciens, donc soumis au système disciplinaire professionnel. Or, selon M. Alain Boisvert, directeur général et secrétaire de l'Ordre des pharmaciens, les Américains semblent vouloir remettre en question ce statut professionnel du pharmacien-propriétaire qui assure la protection du public, sous prétexte que cela pourrait constituer une barrière non tarifaire.
Est-ce que le ministre responsable de l'application des lois professionnelles a fait des vérifications et des représentations, le cas échéant, pour s'assurer que la protection du public sera maintenue dans ce domaine?
Le Président: Alors, M. le ministre.
M. Chagnon: M. le Président, je n'ai pas pris connaissance de la lettre de M. Boisvert, dont Mme la députée nous parle. Mais, essentiellement, le rôle du ministre responsable de l'Office des professions, c'est de s'assurer que le public peut jouir d'une protection totale. Or, dans ce cas-ci, M. le Président, je prendrai avis de la question, et il me fera plaisir, non seulement de répondre en cette Chambre, mais aussi de vous assurer que le public jouira d'une protection qui sera aussi, effectivement, totale.
Le Président: Alors, en question complémentaire.
Mme Caron: Oui, M. le Président. Est-ce que le ministre pourrait lire La Presse d'aujourd'hui, qui fait état de ce sujet, et est-ce qu'il pourrait s'assurer que les dispositions du chapitre 2 de l'Accord de libre-échange nord-américain, et plus particulièrement l'article 1102 sur le traitement national, protègent bien le public dans le secteur professionnel, et est-ce qu'il s'engage à les faire respecter?
Le Président: M. le ministre.
M. Chagnon: Mme la députée s'inspire de La Presse d'aujourd'hui pour poser ses questions aujourd'hui. Grand bien lui fasse! Mais, une chose est certaine, ce n'est pas à partir de La Presse d'aujourd'hui, ou d'une lettre ouverte, ou de je ne sais quoi, que je dois non seulement organiser et aider l'Office des professions à faire en sorte que les 41 ordres professionnels puissent donner une assurance au public que leur protection est véritablement assurée.
Dans ce cadre-là, je ferai en sorte de prendre, comme je l'ai dit, avis de la question de Mme la députée et de faire une réponse qui pourra, je l'espère, la satisfaire, mais, en même temps, fondamentalement, nous assurer de protéger le public.
Le Président: En question principale, M. le député de Laval-des-Rapides.
Projet de loi sur la déjudiciarisation du régime de santé et de sécurité du travail
M. Ménard: M. le Président, la Commission de la santé et de la sécurité du travail vient de rendre public un rapport intitulé «La déjudiciarisation du régime de santé et de sécurité du travail». Est-il exact que le ministre de l'Emploi a l'intention de présenter un projet de loi à cette session-ci pour appliquer les conclusions de ce rapport?
Le Président: M. le ministre de l'Emploi.
M. Marcil: Merci, M. le Président. Effectivement, il y a un projet qui a été déposé au conseil d'administration de la CSST pour étude et analyse. J'attends toujours les conclusions du conseil d'administration. C'est une étude, c'est une proposition. Jusqu'à maintenant, les parties sont en discussion, à savoir si elles veulent donner suite à ce rapport. Si, effectivement, il y avait consentement des parties à l'effet de donner suite au rapport, bien, à ce moment-là, je ferai les démarches nécessaires pour faire en sorte qu'on puisse déposer un projet de loi, mais c'est purement hypothétique au moment où on se parle.
Le Président: En question principale, M. le député de Laviolette.
Compétence exclusive des provinces en matière de gestion et d'exploitation des forêts
M. Jolivet: La Constitution canadienne reconnaît clairement aux provinces une compétence exclusive en matière de gestion et d'exploitation des forêts. Depuis la proclamation du projet de loi C-72, aux Communes, le 2 mai dernier, le gouvernement fédéral, par la mise en place d'une table ronde sur l'environnement et l'économie, essaie encore une fois de s'immiscer dans les compétences exclusives du Québec, notamment en suggérant de mettre de l'avant de nouvelles méthodes pancanadiennes d'aménagement forestier et en se préparant à imposer des codes nationaux d'exploitation aux compagnies forestières.
Le ministre des Ressources naturelles trouve-t-il acceptable cette nouvelle visée centralisatrice de la part d'Ottawa? Sinon, qu'a-t-il l'intention de faire pour s'assurer que les prérogatives exclusives du Québec seront entièrement respectées dans le cas présent?
(15 h 50)
Le Président: M. le ministre des Ressources naturelles.
M. Sirros: M. le Président, la gestion des forêts est une compétence exclusive des provinces. La preuve que nous sommes bien assis sur cette situation-là, c'est que, il y a environ trois semaines, je déposais la stratégie de protection des forêts, qui établit les nouvelles méthodes de coupes, qui délimite comment la gestion des forêts doit être faite. C'est uniquement d'ici que cette situation est élaborée, vis-à-vis des industriels de la forêt.
Le gouvernement fédéral peut émettre le voeu qu'il puisse y avoir des standards qui s'appliquent un peu à travers le pays. Nous sommes bien en avant de la plupart des provinces, sinon toutes les provinces, quant à la gestion de nos forêts, et elles auraient avantage à s'inspirer de ce qu'on fait ici.
Le Président: Alors, en question complémentaire.
M. Jolivet: Quelles sont les mesures que le ministre a prises pour empêcher, justement, par l'intermédiaire de ce projet de loi fédéral, enfin cette loi-là fédérale, de permettre au gouvernement fédéral de s'immiscer dans la compétence exclusive du Québec? Est-ce qu'il a fait des démarches? Est-ce qu'il s'est assuré que, par l'intermédiaire de cette table, on ne viendra pas imposer au Québec des codes nationaux?
Le Président: M. le ministre.
M. Sirros: M. le Président, contrairement à ceux qui sont devant nous, nous ne nous excitons pas chaque fois que le fédéral émet une opinion ou quelque chose, nous agissons.
On ne s'excite pas comme ça, aussi! Ha, ha, ha!
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Chevrette: Question de règlement, M. le Président.
Le Président: Donc, à l'ordre, s'il vous plaît!
Question de règlement, M. le leader de l'Opposition.
M. Chevrette: M. le Président, j'apprécierais, de votre part, que vous appliquiez le règlement de façon standard, autant pour les questions que pour les réponses. Il n'y a rien dans la question de mon collègue de Laviolette qui exigeait un procès d'intention du ministre, depuis le début de ses questions. S'il ne sait pas quoi répondre, qu'il prenne avis, comme d'habitude. Mais il y a des limites!
Des voix: Ah!
Le Président: Alors, écoutez, comme président, il y a deux articles principaux. Vous les connaissez, pas besoin de les répéter. Lisez-les et appliquez-les, tout le monde! C'est plus facile pour le président. Donc, j'ai tenté de le faire, mais je me lèverai à toutes les minutes s'il le faut, mais vous serez les premiers à me le reprocher, sûrement.
Alors, M. le ministre, sans imputer d'intention à l'autre côté, allez-y avec la réponse, s'il vous plaît.
M. Sirros: M. le Président, je faisais un constat d'excitabilité.
M. le Président, j'étais pour dire que nous agissons, nous assumons nos responsabilités vis-à-vis de la gestion que nous avons à assurer vis-à-vis des forêts, nous émettons des stratégies de protection des forêts qui sont à l'avant-garde de tout ce qui se fait dans le pays, nous émettons des guides d'intervention forestière. Les industriels sont soumis au CAAF qu'ils reçoivent. La gestion des forêts est assumée pleinement par le gouvernement du Québec, et, comme je le dis, nous sommes heureux de constater que ce que nous avons mis de l'avant peut servir comme modèle pour d'autres.
Le Président: Alors, c'est la fin de la période de questions.
Il n'y a pas de votes reportés.
Motions sans préavis.
Avis touchant les travaux des commissions
Avis touchant les travaux des commissions. M. le leader du gouvernement.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, M. le Président. J'avise cette Assemblée qu'aujourd'hui, de 16 heures à 18 heures, à la salle du Conseil législatif, ainsi que demain, le jeudi 26 mai 1994, de 10 heures à 12 heures, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine, la commission de l'économie et du travail poursuivra ses auditions publiques dans le cadre de la...
Le Président: Un instant, M. le leader.
Je pense que, les avis, c'est pour le bénéfice des parlementaires qui doivent aller aux commissions. En conséquence, je vous invite à écouter attentivement, s'il vous plaît. Alors, MM. les députés, Mmes les députées!
Alors, pour les avis, M. le leader du gouvernement.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): La commission de l'économie et du travail poursuivra ses auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur le régime des décrets de convention collective ainsi que sur le rapport du Comité interministériel sur les décrets de convention collective de février 1994.
J'avise également cette Assemblée que demain, le jeudi 26 mai 1994, de 10 heures à 12 h 30, à la salle Louis-Joseph-Papineau, la commission du budget et de l'administration complétera le débat sur le discours du budget, conformément à l'article 275 du règlement.
De 10 heures à 12 h 30, à la salle du Conseil législatif, la commission de la culture procédera à des consultations particulières dans le cadre de l'étude détaillée du projet de loi 14, Loi sur la Société de développement des entreprises culturelles.
De 10 heures à 12 h 30, à la salle 1.38 de l'Édifice Pamphile-Le May, la commission de l'aménagement et des équipements poursuivra l'étude détaillée du projet de loi 151, Loi modifiant la Loi sur la qualité de l'environnement et d'autres dispositions législatives.
Renseignements sur les travaux de l'Assemblée
Le Président: Très bien. Maintenant, renseignements sur les travaux de l'Assemblée.
M. Blais: Oui.
Le Président: M. le député de...
Une voix: Masson.
Le Président: ...Masson.
M. Blais: Je demanderais si, sur la loi 23, le leader a l'intention d'avoir des consultations particulières en commission. Sur la loi 23, création de la Société du tourisme du Québec.
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui. Le ministre du Tourisme m'indique que les consultations ont déjà été faites.
Le Président: Alors, il n'y a pas d'autres renseignements, donc ceci met fin aux affaires courantes.
Affaires du jour
Affaires inscrites par les députés de l'Opposition
Maintenant, nous allons procéder aux affaires du jour et aux affaires inscrites par les députés de l'Opposition.
Motion proposant que l'Assemblée nationale constitue une commission parlementaire spéciale ayant pour mandat d'analyser l'opportunité et l'impact des projets de privatisation et d'élaborer un code d'éthique
À ce moment-ci, nous allons mettre en débat la motion de M. le député de Labelle, motion qui se lit comme suit: «Que l'Assemblée nationale constitue une commission parlementaire spéciale ayant pour mandat d'analyser l'opportunité et l'impact des projets de privatisation actuellement mis de l'avant par le gouvernement ainsi que d'élaborer un code d'éthique devant s'appliquer à tout membre d'un conseil d'administration d'une entreprise ou société visée par une telle opération ou une de ses filiales et à toute personne impliquée financièrement dans un tel processus.
«Que, par suite de l'adoption de la présente motion et après consultation entre le leader du gouvernement, le leader de l'Opposition officielle et les députés indépendants, la composition numérique et la désignation des membres de ladite commission soient établies par motion sans préavis du leader du gouvernement.»
Je suis donc prêt à reconnaître comme premier intervenant M. le député de Labelle.
M. Jacques Léonard
M. Léonard: Merci, M. le Président. Jeudi soir, le 12 mai dernier, nous avons appris que le gouvernement voulait lancer un plan accéléré de privatisation des entreprises et organismes d'État. La motion que nous déposons aujourd'hui est à l'effet de demander la convocation d'une commission parlementaire spéciale ayant pour mandat d'étudier l'opportunité et d'analyser l'impact des projets de privatisation actuellement mis de l'avant par le gouvernement.
D'abord, M. le Président, je voudrais situer l'ampleur de l'opération. Elle est considérable. Le gouvernement entend mettre sur la table la privatisation de toutes les sociétés, de tous les organismes d'État. Je les cite parce que les Québécois vont reconnaître des entreprises qui ont surgi de débats qui ont eu cours depuis 30, 35 ans.
La première, la Société générale de financement du Québec, qui est née au tournant des années 1962 à 1964; la Société des alcools du Québec, qui vient de beaucoup plus loin mais qui a fait l'objet de discussion depuis et particulièrement au début des années quatre-vingt; Sidbec; la Société d'initiatives pétrolières, qu'on appelle SOQUIP...
Le Vice-Président (M. Tremblay): Un moment, M. le député, s'il vous plaît. Mmes, MM. les députés, je vous rappelle à l'ordre, s'il vous plaît! Il faut entendre le député s'exprimer dans toute sa latitude. Alors, en arrière du trône, s'il vous plaît, je vous rappelle à l'ordre. Mmes, MM. les députés, s'il vous plaît! À l'ordre!
Très bien, M. le député, vous pouvez vous exprimer.
M. Léonard: M. le Président, je continue la liste: REXFOR, une entreprise présente dans la plupart des régions du Québec; SOQUIA, une entreprise qui a été à l'origine de beaucoup d'autres entreprises au Québec dans le domaine agro-alimentaire; la SEPAQ, dans le domaine du tourisme, des équipements de loisir et de plein air; autre société importante, SOQUEM, dans le domaine minier, qui affecte particulièrement l'Abitibi; la SIQ, qui est la Société immobilière du Québec, qui possède toutes espèces de locaux que loue le Québec pour ses ministères et organismes; la RIO, bien connue à Montréal, et puis la SDBJ, dans le Nord du Québec, qui voit au développement de régions auxquelles nous avons accès depuis maintenant une vingtaine d'années.
(16 heures)
M. le Président, lorsqu'on a fait cette liste, je pense que, lorsqu'on lit cette liste, on s'aperçoit de l'ampleur de l'opération. Alors, nous demandons cette commission parlementaire spéciale parce que nous voulons étudier l'opportunité de procéder à une telle opération à ce moment-ci.
D'abord, qu'il soit dit que c'est une opération qui arrive avec une soudaineté inquiétante. Personne n'en parlait plus. Faut-il rappeler que, en 1985, lorsque ce gouvernement est arrivé au pouvoir, oui, il avait des objectifs de privatisation. Il a pondu des rapports, le fameux rapport sur cette question, et il a mis en route un certain nombre de privatisations, 38, dit-on, mais, depuis, il y a eu l'élection de 1989. Et, à l'élection de 1989, cela n'était déjà plus un sujet, un débat lors de l'élection, parce que les premières étapes avaient été remplies et que, finalement, on n'avait pas l'impression que le gouvernement faisait la campagne électorale sur la privatisation. Au contraire, il se tapait les bretelles de ce qu'il avait déjà fait et n'éprouvait pas le besoin d'aller plus loin. Et, entre 1989 et 1994, nous n'en avons plus entendu parler. Et je pense que le premier ministre d'alors, M. Bourassa, qui avait été élu n'avait pas éprouvé le besoin d'en faire l'enjeu d'une campagne électorale, et il ne voulait pas aller plus loin.
Maintenant, les faucons de la privatisation au gouvernement, ceux qui voient la privatisation comme un dogme, reviennent ou sont revenus avec l'actuel premier ministre désigné qui veut à toute force faire des privatisations le plus tôt possible. Et on voit très bien son plan d'action à l'heure actuelle.
M. le Président, nous posons la question de la légitimité de l'action du gouvernement à ce moment-ci. Le gouvernement n'a pas le mandat de procéder à une telle vague de privatisations avant les élections. Ça n'a pas été l'enjeu de la dernière élection, personne n'en a parlé depuis 1989, et l'actuel premier ministre du Québec, qui n'a pas été élu par la population, n'a pas le mandat de procéder au démantèlement des organismes et sociétés d'État.
M. le Président, je voudrais quand même dire une chose à ce stade. Le parti que je représente n'est pas, de façon dogmatique, contre les privatisations, il n'est pas, de façon dogmatique, pour les privatisations. Nous pensons qu'il s'agit d'un débat que nous devons tenir, d'examens que nous devons faire sur chacune des sociétés d'État. Fort bien. Mais, surtout, surtout, M. le Président, il ne faut pas procéder en cachette dans ce dossier, en cachette durant l'été, en cachette pendant les élections et puis en cachette durant l'été, avant de perdre le pouvoir, pour favoriser potentiellement un certain nombre de ses amis, les protégés du régime, et on voit, au moment où nous nous parlons, tout ce qui circule dans le paysage à ce sujet.
M. le Président, je voudrais simplement vous en parler parce que, dans les régions du Québec, les Québécois en entendent parler. Par exemple, REXFOR. Alors, REXFOR, tout à coup, ce qu'on entend, c'est que REXFOR veut se départir de sociétés ici et là. J'en ai la liste ici qui a été donnée au budget: Tembec devrait être privatisée; les Produits forestiers Saint-Alphonse; Les Produits forestiers Bellerive Ka'N'Enda; les Panneaux Chambord, et d'autres placements, c'est-à-dire tous les autres placements de REXFOR.
M. le Président, je dirai que, dans le cas, par exemple, de Bellerive Ka'N'Enda, qui touche mon comté, REXFOR avait refusé de vendre à des gens du comté, des forestiers de mon coin, alors que tout le monde s'était entendu. Le ministre avait refusé l'entente parce qu'il a voulu garder les actifs de Bellerive Ka'N'Enda rentables à REXFOR. L'entente avait été signée en 1991. Ça a été refusé. Alors, aujourd'hui, ce que nous savons, c'est qu'un certain Mario Simard bien connu a pantouflé en dérouleur de merisier à Mont-Laurier et puis ce monsieur, maintenant, préside à des transactions potentielles en ce qui concerne la privatisation de Bellerive Ka'N'Enda, alors que les forestiers du coin seraient ignorés, alors qu'on leur a refusé, même, de l'acquérir au mois de mars ou avant mars, au cours de janvier, février. Tout à coup, une faune douteuse se profile dans le paysage pour acquérir des sociétés de REXFOR. Elle est toute de la même couleur, M. le Président, cette faune douteuse, de la même couleur. Ce qui n'est pas rassurant, c'est ce qui arrivera en termes de perspectives c'est ce qui arrivera en termes de perspectives, M. le Président.
Est-ce que ces gens vont investir dans l'usine pour en faire profiter la région? On n'a pas du tout cette impression. Au contraire, M. le Président, dans un tel cas, on voit toutes sortes de démarches se profiler: des gens qui se font attribuer des volumes au titre de CAAF; d'autres qui se les voient refuser. On voit que c'est toujours dans le même sens.
M. le Président, je pense qu'il faut arrêter cela. Il faut prendre le temps d'examiner si on doit procéder. Je pense qu'on ne doit pas procéder à la cachette, à la sauvette dans un tel cas, même si on est pour la privatisation. Justement parce qu'on pourrait être pour, il faut prendre le temps de trouver les meilleurs acheteurs, de poser les bonnes questions, de voir, en particulier, ce qu'il y a au fond des choses, parce que, au-delà de l'opportunité de procéder à ce stade-ci, il y a aussi ce que j'appellerai les impacts des projets de privatisation, le contenu de la question. Au fond, il faut se poser la question suivante: Pourquoi a-t-on érigé toutes ces sociétés et organismes d'État au Québec? Quel est l'historique de ces sociétés d'État?
En fait, c'est depuis 1960 qu'il s'en est créé. Depuis 30 ans, ces sociétés sont nées chacune à la suite d'un débat public, dans des secteurs particuliers. REXFOR en est un, cas; la SGF en est un autre; SIDBEC, etc. On peut trouver que, dans certains cas, ça a été mauvais, que, dans d'autres, ça a été des succès. Il y a beaucoup de succès là-dedans. Je pense qu'il faut tirer aussi les conclusions de cette expérience de 30, 35 ans, de cette expérience unique en Amérique du Nord, qui a présidé au développement du Québec. Le Québec a acquis une certaine capacité économique, manufacturière, forestière mettez-les toutes mais il a acquis une capacité concurrentielle, sur le plan interne comme sur le plan international, à partir de ces instruments. Il a créé ces sociétés. Il a fait émerger des compétences techniques, professionnelles, administratives. En quelque sorte, cela a présidé à l'essor économique du Québec. Quand on dit «essor économique», il y a aussi beaucoup d'autres conséquences qu'on peut en tirer.
Les francophones, à l'époque tout au moins, avaient peu de capitaux. Je dirais encore que, relativement à d'autres sociétés, les francophones ont peu de capitaux. Je pense qu'on doit reconnaître qu'au Québec ces sociétés ont constitué une chance pour eux d'émerger. Plus que cela, M. le Président, des gens ont émergé, qui venaient de milieux très modestes, mais qui ont connu des succès et qui ont fait des succès de nos sociétés d'État. Je crois que nous devons en tirer un minimum de conséquences. Nous devons faire l'analyse des impacts de ces sociétés sur le développement du Québec. En d'autres termes, nous devons réexaminer le rôle de ces entreprises, ce que nous acceptons de faire, quant à nous. Nous acceptons de le faire, mais nous ne voulons pas procéder à un démantèlement aveugle de l'État québécois non à la sauvette, en cachette, aux alentours d'une élection, pour donner des planques à des amis qui seraient en difficulté.
(16 h 10)
M. le Président, je vais prendre un autre exemple: les parcs et réserves. On veut privatiser les parcs et réserves. Dans le domaine faunique, l'une des grandes considérations, c'est le long terme. On ne conserve pas la faune si on n'a pas de perspective à long terme. Eh bien, si l'on signe des contrats de cinq ans avec des entreprises privées dont l'objectif normal sera de réaliser des profits, nous savons tous par quelques expériences que c'est au détriment de la faune que l'entreprise privée va se rentabiliser. Et, nos parcs et réserves, il y en aura peu de qualité par la suite. Ils sont déjà en difficulté.
M. le Président, au fond, quels sont les problèmes auxquels sont confrontés nos parcs et réserves? C'est un débat sur les politiques de tarification, qu'on ne veut pas tenir, qu'on n'a pas le courage de tenir ici, en cette Chambre. C'est aussi des exigences de flexibilité dans l'administration, dans la gestion de ces parcs et réserves, et en particulier dans la gestion des ressources humaines. Ça, c'en est une, question pratique qu'on devrait solutionner avant de dire: Nous avons des difficultés, nous nous en départissons. C'est la voie des paresseux, M. le Président. C'est la voie des paresseux. Alors, les parcs et réserves, partout, c'est géré par l'État ou par une administration publique; qu'elle soit centrale ou plus locale, il reste que c'est le public, à cause des objectifs de long terme que l'on doit respecter dans ces gestions.
M. le Président, il y a aussi une autre question qui se pose par rapport à ces privatisations éventuelles ou par rapport à l'administration des sociétés d'État: toutes les questions d'éthique. Toutes les questions d'éthique devraient faire l'objet d'un débat ici, parce que le gouvernement n'a pas l'air de savoir ce dont il s'agit. Les débats, à l'heure actuelle, et la dernière période de questions en rend compte, d'ailleurs... Les conflits d'intérêts, on ne connaît pas, et on n'applique même pas aux sociétés d'État, à l'administration publique des codes d'éthique qui existent déjà dans l'entreprise privée. On n'en connaît même pas la définition ici, et on voit où cela nous mène. Toute la notion de transaction à distance, la notion d'entreprise à la périphérie des entreprises d'État, à la périphérie des ministères fait que des amis sont favorisés. Et, quand on n'a pas la fibre morale ou les questions de légitimité en tête, il arrive ce qui arrive maintenant, par exemple, à Hydro-Québec avec la firme M3i et M4 à l'heure actuelle.
M. le Président, il ne s'agit pas simplement de sauver des questions d'apparence dans ces questions d'éthique ou de surveiller la surface. Il ne suffit pas de sortir d'une salle le temps que les amis disent oui à l'intérieur et de rentrer en dedans. C'est un peu plus profond que cela et ça va plus creux, alors que le gouvernement lui-même ne donne pas l'impression, et je pense que c'est le fond, d'avoir la notion même de ce qu'est le conflit d'intérêts.
M. le Président, au-delà de cette question, il y a eu des expériences de privatisation qui n'ont pas donné ce que pensent ou ce que disent les gens d'en face. Je les résume très rapidement. L'une des questions qui a été soulevée, c'est celle de la déréglementation. Et lorsqu'on a privatisé, on a dû réglementer par la suite, «reréglementer». Ça a été très évident en particulier en Angleterre. Et on pourra voir le bilan qui a été tiré par un certain nombre d'observateurs sur ces expériences de privatisation. On a parfois cédé, privatisé des monopoles d'État pour créer des monopoles privés, avec des conséquences très mitigées et plutôt négatives sur l'ensemble, à telle enseigne que la population est devenue contre les privatisations après en avoir connu l'expérience, autant en Angleterre qu'en France et que dans d'autres pays.
Mais, au fond, les questions qui se sont posées sous prétexte d'accroître l'efficacité de l'économie, qui parfois se sont avérées exactes, surtout, ce qu'il y avait, c'est qu'on voulait aller chercher des fonds, des sous pour essayer d'équilibrer à court terme un budget dont la structure même était en déséquilibre. Tout ce qu'on a réussi à faire, c'est d'éponger une portion d'un déficit dans une année, sans vraiment corriger les déséquilibres structurels des budgets des gouvernements.
On pourra, M. le Président, en commission parlementaire, examiner là où on s'en va, examiner les conséquences et le bilan de ces privatisations qu'il y a eu ailleurs. Il faut résister aux modes, l'enjeu est trop important pour le rôle de l'État québécois dans le développement économique du Québec. Il faut voir ce qui est en cause: déréglementation ou contrôle qui va survenir tôt ou tard d'une autre façon. Il faut voir les avantages et les inconvénients, M. le Président.
L'objet de la motion que nous faisons cet après-midi, c'est de convoquer une commission parlementaire spéciale sur cette question. L'enjeu est trop important, le gouvernement ne peut pas dire non. Donc, j'invite tous les parlementaires, ceux de ce côté-ci de la Chambre et ceux de l'autre côté, à voter pour la motion que j'ai déposée.
Le Vice-Président (M. Tremblay): Bien, M. le député. Avant de reconnaître un autre intervenant, avant que le débat sur cette motion ne s'engage, je vous informe de la répartition du temps de parole établie pour la discussion de cette motion: mis à part la réplique de 10 minutes accordée à l'auteur de la motion et des 10 minutes allouées à l'ensemble des députés indépendants, les deux groupes parlementaires se partageront également la période consacrée à ce débat. Dans ce cadre, les interventions seront limitées à une durée maximale de 30 minutes chacune.
Alors, je suis prêt à reconnaître un autre intervenant. M. le ministre des Finances. M. le ministre, pour 30 minutes.
M. André Bourbeau
M. Bourbeau: Merci, M. le Président. Il convient d'abord de rappeler, comme je l'ai indiqué au récent discours sur le budget, que le mandat premier des sociétés d'État industrielles et commerciales consiste à réaliser certains investissements, souvent en alliance avec le secteur privé, afin de stimuler le développement économique du Québec et de ses régions. Il s'agit là d'une sorte d'action de levier, d'une mesure tangible d'appui par laquelle la société d'État facilite, généralement sous la forme d'un placement, la réalisation de projets créateurs d'emplois. Et le présent gouvernement a été actif dans ce domaine quand on voit les projets qui ont ainsi pu être réalisés, telles l'Aluminerie Alouette, à Sept-Îles, Forex Saint-Michel, à Saint-Michel-des-Saints.
Le fondement même de ce genre d'intervention réside toutefois dans son caractère temporaire, le propre de l'État n'étant pas de diriger des entreprises commerciales. Une fois, donc, que le projet a atteint sa maturité, la société d'État devrait se préoccuper non plus de gérer ce placement comme une compagnie de portefeuille, mais bien de rechercher d'autres projets d'investissement. Il y a alors lieu de procéder à la vente du placement, en recherchant, bien sûr, le rendement optimal mais en évitant de thésauriser, d'accumuler du capital et de se livrer à des transactions immobilières.
Comme il fut mentionné, d'ailleurs, par le passé, il n'a jamais été question de privatiser toutes les sociétés d'État à caractère commercial et industriel. Il faut reconnaître que le gouvernement peut et doit parfois intervenir dans certains secteurs stratégiques de l'économie québécoise. Les sociétés d'État sont un des outils à la disposition du gouvernement pour ce type d'intervention. Déjà en 1988, le gouvernement indiquait que des critères rigoureux seraient appliqués dans le cadre des processus de réorientation de ces sociétés, c'est-à-dire que leur mission serait axée sur le développement, notamment au niveau régional, leurs interventions seraient complémentaires à celles du secteur privé. Dans le même esprit, leur participation éventuelle dans des entreprises devait demeurer minoritaire et temporaire.
M. le Président, le gouvernement est profondément convaincu que c'est d'abord au sein de l'entreprise que les travailleurs et les travailleuses trouveront un emploi stable, rémunérateur et valorisant. C'est l'entreprise privée qui, au premier chef, fera que le Québec deviendra compétitif et concurrentiel. À cet égard, les gouvernements qui sauront le mieux et le plus efficacement s'acquitter de leur mission fondamentale plutôt que d'éparpiller leurs efforts seront ceux qui contribueront le plus à la compétitivité de leurs économies.
(16 h 20)
La privatisation s'établit donc dans un cadre structurel. Chaque société et chacun de leurs placements feront l'objet d'un examen particulier, et les solutions seront adaptées aux conditions spécifiques de chacun. Néanmoins, des règles communes doivent chapeauter toute la démarche de privatisation. À cette fin, six principes directeurs ont été élaborés et suivis rigoureusement depuis 1986. Leur application définit une opération intégrée malgré la très grande diversité des sociétés d'État. Ces principes, ils sont les suivants.
Une plus grande place pour le secteur privé. La production commerciale de biens et de services dans l'économie québécoise est du ressort du secteur privé, sauf en des circonstances exceptionnelles justifiées par l'intérêt public. Tout motif ayant justifié une présence de l'État pour des raisons d'intérêt public doit être révisé périodiquement, selon la stratégie industrielle du Québec qui doit évoluer avec le temps et s'adapter aux circonstances et aux situations. Ce motif peut devenir périmé et alors devoir être modifié. Dans cette optique, les conditions qui ont contribué à la création d'une société d'État ou à sa prise de participation dans un projet industriel ou commercial peuvent s'estomper. Ainsi, une intervention n'ayant plus sa raison d'être doit amener le déclenchement d'un processus de privatisation. À l'inverse, un motif qui demeure pertinent justifie le maintien du statu quo. Par extension, la création de toute nouvelle société d'État ou nouvelle filiale d'une société d'État doit représenter une action exceptionnelle justifiée à partir de ce principe.
Autre principe: priorité de l'objectif structurel sur l'objectif financier. La privatisation n'est donc pas une fin en soi. Lorsqu'elle s'impose, la privatisation d'une société d'État ou d'un placement doit viser d'abord à renforcer la structure économique du Québec tout en assurant la présence québécoise dans les secteurs clés de l'économie. La réalisation d'une juste valeur pour les éléments d'actif ainsi transférés devra aussi être considérée.
Une approche pragmatique. La privatisation doit aussi se faire de façon pragmatique, cas par cas, et peut emprunter des voies multiples, selon les conditions spécifiques d'une société, de son industrie et du marché. Plusieurs modes de privatisation peuvent être envisagés et s'avérer pertinents selon les circonstances. Certaines entreprises pourront être vendues en recourant au marché public de l'épargne. D'autres sociétés d'État pourront être vendues comme filiales ou fusionnées à d'autres entreprises pouvant être plus ou moins associées au secteur. Enfin, la vente d'éléments d'actif d'une société d'État entre plusieurs acheteurs pourrait parfois s'avérer être la meilleure solution.
Maintenant, des règles reconnues. La privatisation est, par ailleurs, un processus rigoureux et public qui doit répondre aux normes d'équité et de divulgation qui s'appliquent aux compagnies publiques. Les acquisitions et les fusions d'entreprises sont régies par la Loi sur les compagnies et la Loi sur les valeurs mobilières. Il existe actuellement un ensemble de règles qui encadrent les comportements corporatifs lorsqu'il y a changement de statut des compagnies publiques. Ces règles touchent principalement la divulgation de l'information à l'ensemble des actionnaires et le traitement équitable de tous les actionnaires, particulièrement les actionnaires minoritaires. Il est clairement reconnu que la Loi sur les valeurs mobilières et une imposante jurisprudence régissent les comportements corporatifs, à la satisfaction des milieux intéressés. Ce cadre juridique doit aussi prévaloir pour les privatisations touchant les sociétés d'État, puisque le gouvernement est impliqué comme vendeur. Il n'a aucun besoin de se donner des règles encore plus strictes. Le fait d'imposer des règles plus restrictives n'améliore pas la situation, d'autant plus qu'il n'y a pas, dans le cas des sociétés d'État, d'actionnaires minoritaires. En somme, le gouvernement entend suivre les règles du jeu dictées par les pratiques d'affaires courantes.
Le cadre juridique corporatif accorde une certaine marge décisionnelle aux administrateurs. Ils sont tenus d'exercer leur jugement dans les choix complexes qui s'offrent. Cette marge de manoeuvre, le gouvernement doit aussi en bénéficier comme vendeur.
Enfin, il va sans dire que le gouvernement devra aussi respecter le cadre juridique des sociétés d'État. À la différence des compagnies non étatiques, les sociétés d'État font généralement l'objet de lois spécifiques. La privatisation oblige aussi le gouvernement à respecter les dispositions des lois constitutives.
Maintenant, un traitement équitable. Le gouvernement s'assurera que, dans le cadre des transactions qui pourraient s'imposer, les employés, les communautés et, le cas échéant, les fournisseurs seront traités équitablement. Certaines sociétés d'État sont en mauvaise situation financière. Un des motifs derrière la privatisation peut alors être de rationaliser l'opération et de mettre fin à l'hémorragie financière de certaines d'entre elles dont les déficits sont absorbés par le trésor public. Le gouvernement peut, par exemple, exiger, dans certains cas, comme condition d'achat, que des communautés ou entreprises continuent de bénéficier de certaines ententes commerciales et s'assurer que les employés concernés soient traités de façon juste et équitable. Les sociétés d'État appelées à maintenir leur statut devront accomplir leur mission dans le cadre de critères rigoureux de performance et de règles strictes qui visent à en faire des concurrents loyaux sur le marché.
Maintenant, le processus de privatisation d'une société en particulier est dirigé par un comité conjoint réunissant le ministre de tutelle et le ministre des Finances, sous la direction de ce dernier. Cette direction du processus veut réconcilier l'expertise sectorielle des ministères tuteurs et l'expertise générique du processus appartenant à l'actionnaire représenté par le ministère des Finances. La direction des opérations relève d'un groupe de travail formé de représentants du ministère des Finances, du ministère de tutelle et de la société d'État. Ce groupe de travail, présidé par un représentant du ministère des Finances, est généralement assisté d'un consultant externe et fait rapport au comité conjoint des ministres.
En ce qui concerne la présence de consultants au sein du groupe de travail, que ce soit des conseillers financiers ou juridiques, elle vise à s'assurer que le processus de vente respecte les règles d'impartialité envers les différents offrants. Elle vise aussi à conserver toute la distance voulue entre le secteur privé, c'est-à-dire les acheteurs, et le gouvernement. Ces firmes de conseillers, dont le professionnalisme est reconnu par tous, supervisent le processus de vente et s'assurent que chacun des offrants est traité équitablement. Elles assurent encore davantage aux contribuables la probité des opérations, comme elles représentent un gage de sécurité pour les actionnaires de l'entreprise dans le cadre d'une transaction entre des compagnies privées.
Le processus s'établit en trois phases: première phase, le démarrage, le démarrage de l'étude de privatisation; deuxième phase, la prospection du marché, c'est-à-dire la préparation d'un prospectus d'information, l'analyse du secteur, la stratégie de commercialisation, l'appel de propositions, les recommandations, dans les dossiers importants la présentation d'un mémoire conjoint actionnaire et ministre de tutelle au Conseil des ministres recommandant, par exemple, une transaction, la décision du Conseil des ministres donnant un mandat de négocier une transaction avec un ou des acheteurs potentiels à certaines conditions un décret peut également être requis dans certains cas; finalement, la phase III, les négociations finales et la clôture, bien sûr, de la transaction.
(16 h 30)
Maintenant, M. le Président, depuis 1986, 38 opérations de privatisation ont été réalisées. Comme je l'indiquais au récent discours sur le budget, ces transactions ont été conclues pour un prix de vente total de 1 400 000 000 $, constitué d'environ 1 100 000 000 $ payés comptants ou à l'aide d'actions, de 180 000 000 $ de dettes assumées par les acheteurs et de balances de prix de vente de 109 000 000 $. Le montant net disponible pour distribution s'est élevé à environ 1 200 000 000 $. De cette somme, 925 000 000 $ ont été laissés à la disposition des sociétés d'État et 295 000 000 $ ont été récupérés par le gouvernement. Le gain sur disposition, c'est-à-dire le prix de vente total moins valeur aux livres, s'est élevé à 315 000 000 $ et a été consolidé aux revenus du gouvernement, selon les conventions comptables en vigueur.
Certaines de ces transactions se sont avérées de très belles réussites pour le gouvernement, par exemple: l'émission publique d'actions de Cambior, en 1986; la vente du bloc d'actions de Donohue détenues par la SGF, en 1987; la vente des actions détenues par la Société immobilière du Québec dans Place Desjardins, en 1992; la vente, en 1993, des actions de Disques Améric, détenues par la SOGIC.
Il s'est fait de très bonnes transactions financières, dans le cadre de remises au secteur privé d'opérations qui ont contribué à renforcer la structure économique et industrielle du Québec.
D'autres transactions ont malheureusement dû être réalisées pour disposer d'éléments d'actif improductifs ou de canards boiteux reçus en héritage du précédent gouvernement. Le coût de ces aventures mal évaluées du gouvernement précédent ont fait mal et font mal encore aujourd'hui aux finances publiques du Québec. Qu'on pense, par exemple, aux cas suivants: Quebecair, où le gouvernement a injecté 83 000 000 $. En plus des sommes injectées, Quebecair a dû bénéficier d'aides indirectes, tels des contrats de services, etc. La Raffinerie de sucre du Québec, M. le Président, où le gouvernement a injecté 105 000 000 $. Le gouvernement a injecté 26 000 000 $ entre 1982 et décembre 1985. Pensons aux Mines Seleine, où le gouvernement a injecté 158 000 000 $. Le projet initial était estimé à 51 400 000 $; le coût final du projet s'est établi à 125 400 000 $, soit un dépassement de 74 000 000 $. Et qu'on pense à la Société nationale de l'amiante, où le gouvernement aura injecté, jusqu'à date, 492 000 000 $. La dette de la SNA ne sera complètement remboursée qu'en 1998. Et, en plus, la saga juridique entourant le traitement dont ont été l'objet des actionnaires minoritaires, au moment de l'acquisition des actions de General Dynamics par le gouvernement de l'époque, pourrait peut-être entraîner des coûts supplémentaires.
Dans tous les cas de privatisation, je dois rappeler, encore une fois, que des règles sévères et rigoureuses ont été appliquées. Un des six grands principes directeurs, qui ont été élaborés en 1986 et suivis depuis, était justement que «la privatisation est un processus public qui doit répondre aux normes d'équité et de divulgation qui s'appliquent aux compagnies publiques». L'application rigoureuse de ce principe a certes permis au gouvernement et aux sociétés d'État de réaliser 38 opérations de privatisation jusqu'à maintenant sans que quiconque ne remette en cause la probité du processus. En effet, aucun cas n'a soulevé le moindre problème ou questionnement à cet égard, ce qui indique clairement que la méthode prônée par le gouvernement pour réaliser ces opérations s'avère irréprochable.
M. le Président, au moment où le premier ministre a décidé de me confier le mandat de réactiver, de façon accélérée, le plan de privatisation, il convient de rappeler encore une fois que la mission de base des sociétés d'État est de contribuer au développement économique du Québec pour le démarrage de projets créateurs d'emplois avec le secteur privé. L'économie du Québec a bénéficié, comme on l'a vu tout à l'heure, de l'appui des sociétés d'État à son développement et le gouvernement entend continuer à mettre au service de la création d'emplois les leviers que constituent ces sociétés, en mettant à leur disposition, lorsque ce sera requis, les fonds suffisants pour financer leur participation dans des projets d'implantation ou de développement. Il faut, bien sûr, s'assurer que les fonds publics sont utilisés judicieusement.
Par ce mouvement accéléré de privatisation, le gouvernement veut revenir à l'essentiel, tout en continuant à poursuivre les mêmes objectifs de développement économique avec la même vigueur. De plus, les opérations de privatisation visent à permettre au gouvernement et aux sociétés d'État de récupérer des sommes importantes injectées dans des projets ayant atteint leur stade de maturité, c'est-à-dire alors que la présence de l'État n'est plus requise. L'encaissement de ces sommes permettra de recycler des fonds publics pour le démarrage de nouveaux projets créateurs d'emplois. Cette façon de faire traduit, une fois de plus, une saine gestion des fonds publics qui est une caractéristique indiscutable de notre gouvernement.
Bien que les opérations de privatisation réalisées à ce jour aient été très importantes et sans précédent en termes d'ampleur, la présence du gouvernement dans les activités commerciales demeure encore significative. En effet, la valeur totale de l'investissement du gouvernement dans les sociétés d'État atteint encore 12 200 000 000 $, dont 10 900 000 000 $ pour Hydro-Québec et 1 300 000 000 $ pour les autres sociétés d'État. Pour ces dernières, mentionnons les plus importantes, soit: la Société générale de financement, avec une valeur totale de 567 000 000 $; SOQUIP, 225 000 000 $; REXFOR, 202 000 000 $; SOQUIA, 112 000 000 $. L'avoir du gouvernement dans ces sociétés représente, on le sait, la somme du capital-actions injecté, des prêts effectués ainsi que des surplus accumulés.
Présentement, M. le Président, trois processus de privatisation sont en cours. Il s'agit de la vente de l'aciérie Sidbec-Dosco, filiale de Sidbec, de l'usine d'embouteillage de la Société des alcools du Québec, ainsi que de la station de ski du Mont-Sainte-Anne, détenue par la SEPAQ. À ce stade-ci, aucune information de nature financière n'est disponible car des appels d'offres sont en cours.
Pour Sidbec-Dosco et le Mont-Sainte-Anne, des résultats sont attendus au cours des prochaines semaines. Quant à l'usine de la Société des alcools du Québec, le processus de vente doit être revu, suite à ce que j'ai annoncé dans le discours sur le budget concernant l'examen des opérations de la Société des alcools du Québec.
Le gouvernement a annoncé, en août 1993, l'engagement de la firme de consultants Goldman Sachs & Co. afin d'examiner l'opportunité de disposer de Sidbec-Dosco. Cette décision s'appuie sur le fait que l'avenir des entreprises du secteur de l'acier passe par des alliances stratégiques, la spécialisation des entreprises et l'établissement de formules de partenariat.
Dans ce contexte, le secteur privé apparaît beaucoup plus apte à assurer le maintien d'une telle entreprise industrielle, d'autant plus qu'un gouvernement n'a pas à se constituer producteur d'acier. Dans sa démarche en regard de Sidbec-Dosco, le gouvernement vise d'abord et avant tout à assurer la pérennité des opérations de l'entreprise. Le processus de privatisation se poursuit et des résultats sont attendus au cours des prochaines semaines.
Quant au Mont-Sainte-Anne, il constitue un atout majeur pour le développement touristique de la région de Québec. Ce centre de ski de calibre international offre un potentiel de développement remarquable. Cependant, le rôle du gouvernement n'est pas d'être un opérateur de centre de ski ou un promoteur immobilier. Le secteur privé est beaucoup plus apte à remplir ces fonctions et à assurer le développement de ce centre de villégiature.
La firme KPMG Poissant, Thibault-Peat, Marwick, Thorne, une firme de réputation internationale, avec plus de 73 000 employés oeuvrant dans 130 pays, s'est vu confier le mandat de réaliser le processus d'appel d'offres. Comme dans le cas d'autres privatisations déjà réalisées, un processus professionnel et rigoureux est suivi afin d'assurer un traitement équitable à tous les offrants. Les discussions se poursuivent actuellement et des offres sont attendues au cours des prochaines semaines.
Dans le cadre de l'opération accélérée annoncée au budget, les sociétés et placements présentés ci-après seront notamment l'objet d'un examen approfondi afin qu'une décision éclairée puisse être prise et afin que soit établi, le cas échéant, le moment le plus propice à la réalisation d'une transaction ainsi que les conditions y afférentes. Il s'agit, M. le Président, de placements dans la Société générale de financement, dans la Société des alcools du Québec, dans Sidbec, dans SOQUIP, dans REXFOR, dans SOQUIA, dans SEPAQ, dans la Société québécoise d'exploration minière, SOQUEM, dans la Société immobilière du Québec, la SIQ, dans la Régie des installations olympiques, c'est-à-dire le Village olympique, et dans la Société de développement de la Baie James.
Dans le cas particulier de la SGF, elle détient des placements dans Domtar, des alumineries Albecour et Alunor GEC Alsthom, Novacap, Pétromont, le groupe MIL et elle vient d'investir dans Petresa Canada et Intral.
(16 h 40)
Chacun des placements de la SGF sera examiné avec soin. Vous comprendrez qu'il est beaucoup trop tôt pour se prononcer et procéder à des annonces quant aux placements qui pourraient être privatisés. Il convient d'abord d'examiner si les placements en cause se situent dans une phase de maturité, c'est-à-dire où la présence de l'État n'est plus requise. Bien sûr, le gouvernement respectera les ententes conclues avec les partenaires des sociétés d'État dans chacun des projets où elles sont impliquées, qu'ils soient ou non l'objet de privatisation.
Comme indiqué dans le discours sur le budget, c'est la ferme intention du gouvernement de se retirer, au cours de son prochain mandat, des activités où la présence de l'État n'est plus requise. C'est pourquoi le premier ministre m'a confié le mandat de relancer ce qui représente un volet majeur du plan d'action du gouvernement, de relancer le plan de privatisation. J'insiste cependant pour dire que le gouvernement recherchera le meilleur rendement des opérations de privatisation et que le processus de privatisation, même si nous entendons l'accélérer et même si les objectifs de développement économique demeureront au coeur de nos préoccupations, ne constituera aucunement une sorte de vente de feu. Dans chaque cas, le gouvernement fera connaître au moment opportun le ou les placements qui seront privatisés, tout en respectant les ententes conclues avec nos partenaires.
L'économie du Québec a bénéficié et tire encore profit de l'appui des sociétés d'État à son développement. La SGF a notamment joué, à ce titre, un rôle important, et il est de notre intention qu'elle continue de jouer un rôle d'assembleur et de développeur dans des projets au Québec.
Ce qui vaut pour la SGF vaut aussi pour SOQUIP et pour les placements qu'elle détient dans Noverco, Optigaz et Sceptre Resources. Chacun des placements de SOQUIP sera ainsi examiné avec soin, et vous comprendrez qu'il est beaucoup trop tôt pour annoncer aujourd'hui le ou les placements qui seront privatisés et à quel moment ils le seront. Il convient d'abord d'examiner si les placements que détient SOQUIP se situent dans une phase de maturité, c'est-à-dire où la présence de l'État n'est plus requise. Et, dans chaque cas, pour les placements de SOQUIP aussi, le gouvernement fera connaître au moment opportun le ou les placements qui seront privatisés.
Enfin, pour ce qui est de la Société des alcools du Québec, nous entendons prendre une décision sur l'option à privilégier dans les meilleurs délais, aussitôt que le rapport du groupe de travail sera finalisé. Nous avons jugé important d'annoncer dès maintenant notre intention de désengager le gouvernement de cette activité commerciale car il est évident que ce n'est pas le rôle de l'État d'être impliqué dans la distribution de produits au détail. D'ailleurs, à l'heure actuelle, l'ensemble du commerce de détail est réalisé par le secteur privé, qui rend des services de qualité, et nulle part on n'a demandé que l'État ait un rôle dans ce secteur. Pour un gouvernement, la priorité doit plutôt être mise sur le contrôle de la qualité et la perception des taxes, qui continueront d'être assumés par le gouvernement du Québec.
M. le Président, ce plan de privatisation n'a pas comme objectif premier de réduire le déficit du gouvernement. En fait, l'impact sur le déficit est peu important. On estime qu'il réduira le déficit d'un peu plus de 200 000 000 $ sur l'ensemble de la période quinquennale, dont une somme entre 150 000 000 $ et 200 000 000 $ pour l'année 1994-1995.
En conclusion, M. le Président, je dois rappeler que l'approche de privatisation de ce gouvernement vise d'abord et avant tout à renforcer la structure économique du Québec. Elle a permis et permettra encore de susciter la création ou le développement d'entreprises du secteur privé afin qu'elles contribuent au développement économique du Québec. En effet, la privatisation a déjà constitué un tremplin très important pour le développement de nombreuses entreprises québécoises et a permis des investissements et la création de nombreux emplois en région.
L'approche pragmatique adoptée par le gouvernement a également permis l'assainissement des finances publiques du Québec en se départissant des canards boiteux. Ces opérations ont permis aux contribuables québécois d'économiser des sommes substantielles, après les gouffres financiers dans lesquels les avait précipités de façon insouciante le gouvernement alors dirigé par nos amis d'en face. De plus, les règles de fonctionnement mises en place ont permis de s'assurer que ces opérations respectent les normes d'équité et de divulgation qui s'appliquent aux compagnies publiques en vertu des lois en vigueur au Québec régissant les comportements corporatifs. Ainsi, le gouvernement entend continuer d'assurer lui-même la gestion rigoureuse des affaires de l'État, tout en s'assurant de la probité intégrale des intervenants et de la transparence absolue du processus de privatisation. Nous avons toujours été et nous continuerons évidemment, comme dans toutes nos actions, à être exemplaires en cette matière.
En terminant, M. le Président, permettez-moi d'insister sur le fait que le gouvernement a la ferme intention de réaliser ce plan de privatisation au cours de son prochain mandat. Il ne s'agit pas d'une vente de feu devant être réalisée dans un horizon restreint. Pour bien l'indiquer aux citoyens, nous l'avons inclus dans le discours sur le budget, car ce plan de privatisation est un volet important du recentrage de l'action de l'État que nous avons entrepris. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Tremblay): Bien, M. le ministre. Je suis maintenant prêt à reconnaître un membre de l'Opposition officielle. M. le chef de l'Opposition officielle.
M. Jacques Parizeau
M. Parizeau: M. le Président, puisque le ministre des Finances, qui avait, finalement, bien commencé son discours, a tenu absolument à tomber dans des conditions essentiellement partisanes, vous me permettrez, en ouvrant le mien, de mentionner quelques aspects partisans de cette question, en toute amitié, bien sûr.
La plus grosse opération de privatisation, la plus importante, en termes d'argent, a été réalisée justement par le gouvernement du Parti québécois en 1984. Il fallait régler la question du plus gros canard boiteux qu'on ait jamais connu au Québec et qui nous avait été légué, comme il disait tout à l'heure, par nos amis d'en face.
En 1974, nos amis d'en face décident qu'il est temps d'intégrer la sidérurgie, qui s'appelle Sidbec, jusqu'à la matière première. Ils vont acheter une mine de minerai de fer et créer à côté une ville, Gagnon. Ils ne pouvaient pas savoir, sans doute je mets les choses au mieux qu'on découvrirait en Mauritanie ou au Brésil du minerai de fer si riche que, finalement, il aboutirait dans le port de Montréal moins cher, en dépit du transport, que le minerai de fer qui venait de la Côte-Nord, de la mine du lac Jeannine. Pourtant, des experts leur avaient dit: Faites attention, il n'est pas très riche, ce gisement, ce n'est pas le meilleur qu'on puisse trouver. La direction de Sidbec leur avait dit: Ne touchez pas à ça. Le gouvernement, dans sa grande sagesse, en 1974, avait décidé de plonger.
Alors, M. le Président, en 1984, mon collègue de l'Industrie et du Commerce à ce moment-là, M. Rodrigue Biron, et moi avons eu à fermer ça. On a procédé de la façon suivante, et ce n'était pas rien, hein: fermer la mine, détruire une ville, indemniser tous ses habitants et ses commerçants et éponger l'ardoise, payer. Dans cette aventure, M. le Président, les pertes ont été de 700 000 000 $. Ça dépasse largement tout ce dont il nous a parlé tout à l'heure, le ministre des Finances. On a perdu 700 000 000 $ dans l'opération Normines. On a sauvé un certain nombre d'emplois dans les mines en envoyant les mineurs de Gagnon, enfin un bon nombre d'entre eux, à Fermont. On a loué l'usine de bouletage de Port-Cartier, Cartier Mining. Dans ce sens-là s'est faite une authentique opération de privatisation, comme le gouvernement les... Il fallait quand même arrêter les frais, 700 000 000 $, et les dollars de cette époque-là, ça valait quand même plus cher que les dollars d'aujourd'hui.
(16 h 50)
Alors, vous comprenez, M. le Président, quand on nous dit: Il faut, pour des raisons dogmatiques, privatiser, ou alors quand on nous dit, comme aujourd'hui: Néanmoins, nous cherchons à être pragmatiques, il faut répondre au ministre des Finances: Pragmatiques pour pragmatiques, on n'a de leçons à recevoir de personne. Nous, on a été obligés d'éponger vos ardoises. On a été obligés de payer les pertes que vous avez encourues par un mauvais jugement. Pourtant, on ne l'a pas dit.
Vous aurez noté, M. le Président, qu'on n'a pas dit: Le gouvernement a eu tort de faire ça. On ne l'a pas tenu pendant des années en lui disant: Mais ça n'a pas de bon sens d'avoir encouru des pertes de 700 000 000 $! C'est vrai qu'à ce moment-là il y avait une décision à prendre, quant à savoir si l'aciérie de Sidbec serait intégrée jusqu'à la matière première. Des aciéries américaines avaient pris la même décision en ouvrant les mines de Schefferville et avaient fait les mêmes erreurs, en un certain sens. L'Iron Ore a fermé ses mines dans le Nord aussi. Il y a sept ou huit aciéries américaines qui étaient actionnaires d'Iron Ore. Ces sept ou huit aciéries américaines ont mangé leur biscuit aussi. Elles aussi ont épongé leurs pertes. Pourtant, personne n'a dit: Mais, c'est affreux. Le capitalisme est en cause. On a dit: Ils ont fait une erreur. De la même façon, on a fait, au Québec, une erreur en développant cette mine de minerai de fer.
Bien oui! On s'est étonné, en face, de voir qu'à un moment donné je disais: Pour l'amiante, on a fait une erreur. C'est vrai, on n'a simplement pas apprécié à sa juste valeur la façon dont les marchés internationaux étaient en train de se refermer à l'égard de la fibre d'amiante, pour des raisons de sécurité. Remarquez que ça a entraîné la faillite de Johns-Manville, ça, qui était bien plus gros qu'Asbestos, pour les mêmes raisons et les mêmes causes. On n'a pas dit: Comme ils sont inefficaces, Johns-Manville, ou: Ça remet en cause le capitalisme. On a dit: Ils ont mal apprécié l'impact que la fermeture des marchés internationaux concernant la santé publique aurait sur les finances de la compagnie.
Ça arrive, des erreurs. Ça arrive! Pourtant, quand ça arrive ailleurs, on ne remet jamais en cause le système. L'empire Reichmann, qu'est-ce qu'il en reste? C'est vrai qu'une récession aussi longue que celle qu'on a connue a un impact terrible sur le marché immobilier. Terrible! Regardez les victimes. L'empire Reichmann est disparu. Presque toutes les compagnies de fiducie au Canada ont été absorbées dans des conditions, littéralement, de ventes de feu par les banques à charte ou d'autres institutions financières. Qui aurait pensé, un instant, que le Royal Trust finirait comme ça? Une récession longue, ça a cet effet-là. Mais on ne dit pas: Ah! le régime est remis en cause. La faillite de Robert Campeau, après qu'il ait emprunté sur sa bonne mine 8 000 000 000 $, on n'a pas dit: Ça remet en cause le système financier.
Déjà, quand on se rapproche de nous, c'est plus embêtant. Moi, je ne vous cacherai pas qu'à travers cette récession-là, quand j'ai vu l'interprétation qu'on a donnée à la faillite de Lavalin, à celle de Steinberg... On a dit: Attention! Québec inc., la garde montante du Québec est remise en cause. Ah bon! Tiens! Pourquoi est-ce que, tout à coup, collectivement, nous devenions tarés ou marqués par des accidents qui arrivent à l'un ou l'autre des groupes ou par des décisions qui ont été prises et qui n'auraient pas dû être prises? Le risque d'entreprise, ça existe. Quand la direction de Lavalin décide de prendre cette entreprise de produits chimiques de l'est de Montréal...
Une voix: Tembec?
M. Parizeau: Non, non, pas Tembec... Le jour où ils prennent un très gros risque, ça va finalement couler l'entreprise. Ils ont pris un mauvais risque. Pourquoi est-ce qu'on remettait en cause? C'est qu'on continue de remettre en cause, dans certains milieux, le fonctionnement de Québec inc., de la garde montante chez les Québécois francophones à cause de deux ou trois accidents. Est-ce qu'on est à ce point incapables de prendre la vie avec tous les risques que ça représente?
C'est encore plus net quand on parle, alors là, du secteur public québécois. Le secteur public québécois, il a développé, probablement plus que tout autre facteur, l'économie québécoise depuis 30 ans, par des techniques qui sont assez originales, qu'on ne voit pas tout à fait ailleurs, et ce, pas tellement par la multiplication des sociétés d'État. En fait, ça fait longtemps qu'ils n'ont pas créé de société d'État. La grande phase de création des sociétés d'État, elle remonte à Jean Lesage ou à Daniel Johnson, le père, des sociétés d'État qui avaient des pouvoirs d'intervention ou de placement très étendus, très flexibles. C'est pour ça qu'à un moment donné on cesse d'être obligé d'en créer d'autres. Celles qui existent déjà ont des pouvoirs d'intervention qui sont très, très diversifiés et dont on va se servir, bien ou mal, dépendant des cas. De quelle façon? Par le truchement de sociétés d'État qui prennent des participations, qui viennent appuyer les Québécois qui se lancent en affaires ou qui ont déjà atteint une certaine taille.
Oui, c'est vrai que la Caisse de dépôt va donner un sacré coup de main à un grand nombre d'entreprises, en conjugaison d'ailleurs avec des politiques fiscales du gouvernement du Québec. Il est clair, par exemple, que le REA a permis de faire en sorte que certaines entreprises puissent avoir des émissions dans le public en même temps que la Caisse de dépôt prenait, je ne sais pas, moi, 30 % des actions de la compagnie. Les deux ensemble avaient un effet de levier absolument extraordinaire. Qu'on regarde Canam Manac, par exemple. Très souvent, la Caisse de dépôt se retirait une fois que c'était terminé.
Ça nous a été utile, ce secteur privé, de toutes espèces de façons, justement parce que ça a été traité avec beaucoup de flexibilité. Prenons, par exemple, le cas de Domtar dont parlait le ministre des Finances tout à l'heure. À un moment donné, Domtar avait décidé de ne plus faire, et pour des raisons qui étaient évidemment clairement politiques, d'investissements au Québec, de se développer exclusivement à l'extérieur du Québec. Le Québec a décidé alors, par le truchement de la Caisse de dépôt et de la SGF, d'acheter le contrôle de Domtar. Pas tout à fait le contrôle, 46 % ou 47 % des actions. La direction de Domtar, immédiatement, a changé de point de vue. Là, les investissements au Québec devenaient merveilleux, rentables, extraordinaires. C'est ainsi que Windsor, l'usine de papier fin, est apparue. C'est ainsi que Dolbeau a été modernisée. C'est 1 600 000 000 $ d'investissements admirables dès que des Québécois ont acheté le contrôle de Domtar.
C'est comme ça qu'on a construit, au Québec, tout un groupe dans le domaine des affaires, une garde montante, comme on l'a appelée, à cause de l'appui du secteur public à des Québécois qui étaient d'indiscutables capitalistes, qui étaient des hommes d'affaires qui prenaient le risque normal des affaires mais qui savaient qu'ils pouvaient compter sur un gouvernement et sur des sociétés d'État qui jouaient d'abord et avant tout le rôle de réduire le risque. C'est comme ça qu'une classe d'affaires importante est apparue au Québec, parmi ces francophones qui avaient toujours, en un certain sens, été un peu laissés pour compte.
Que nous ayons eu, dans la société québécoise, des anglophones qui ont joué un rôle très important dans le domaine des affaires, oui, c'est vrai, et pendant très longtemps. Mais, ce qui a servi de levier pour faire en sorte que ces francophones du Québec puissent prendre véritablement leur place, c'est le secteur public québécois. Ils ont dit: Il n'a pas toujours fait des bons coups. Bien oui! Il n'a pas toujours fait des bons coups, je le sais bien. Mais il a fait de sacrés bons coups, par exemple.
(17 heures)
D'autre part, on dit: Mais, il change de rôle. Comme le disait le ministre, tout à l'heure, dans les premières minutes de son intervention... Je soupçonne, d'ailleurs, les mains du ministère des Finances là-dedans. Je retrouve des thèmes que j'ai déjà entendus. Puis je ne suis pas en désaccord avec certaines des choses qu'a dites le ministre des Finances sur le plan d'une certaine philosophie des choses. Mais, comprenons-nous bien, M. le Président. Il faut que nous évitions absolument, absolument, une situation où, pour des raisons dogmatiques, pour des raisons purement théoriques, à quelques mois, sinon à quelques semaines d'une élection, on nous annonce une vague de privatisations dont on ne sait pas pourquoi, dont on ne sait pas comment et dont on nous dit aujourd'hui: On va prendre ça cas par cas. Mais, si on a l'intention de prendre ça cas par cas, voulez-vous bien me dire, M. le Président, pourquoi est-ce qu'on publie une liste, sur une page entière, des annexes au discours du budget, nous indiquant toute une série de compagnies et de placements qui seraient mis aux enchères? Pourquoi? Prenons ça cas par cas. Qu'on nous explique pourquoi.
Dans certains cas, je pense que je comprends. Liquider ce qui reste à SOQUEM dans Cambior, maintenant que le prix de l'or est élevé, c'est peut-être une bonne transaction, ça. Mais, à côté de ça, moi, je ne comprends pas pourquoi on met SOQUEM sur une liste pareille.
Plutôt que de nous tracer une liste comme celle-là, est-ce qu'on ne pourrait pas, en commission parlementaire, regarder ça, comme le disait le ministre, cas par cas? Il va venir nous expliquer pourquoi il veut bouger dans un sens et pourquoi il veut bouger autrement.
Puis, d'autre part, sur les règles d'éthique, il y a trop de choses gênantes à l'heure actuelle, qui flottent. Pourquoi ne pas rassurer tout le monde en nous indiquant que des règles d'éthique correctes seront établies pour la suite des événements? Ce serait tellement mieux. Ça rassurerait tellement de gens. Voilà ce que je voulais dire, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Tremblay): Bien. Bien, M. le chef de l'Opposition. Je vais maintenant reconnaître un membre de la formation ministérielle. Mme la députée de Kamouraska-Témiscouata. Je vous rappelle, Mme la députée, qu'il reste à votre formation politique 17 minutes que vous pouvez vous partager. Mme la députée.
Mme France Dionne
Mme Dionne: Merci, M. le Président. M. le Président, la motion inscrite par le député de Labelle témoigne, encore une fois, de la vision étroite des membres de l'Opposition officielle quant à la gestion des finances de l'État. En effet, en présentant une motion qui vise à contrer les efforts de privatisation du gouvernement du Québec, les membres de l'Opposition démontrent leur mauvaise façon de voir la restructuration de l'État, la diminution des dépenses et l'enrichissement collectif. Bref, ils ne semblent pas avoir compris.
Une gestion rigoureuse du secteur public, M. le Président, ne saurait être envisagée et complétée sans un examen approfondi des mandats et de certains modes de fonctionnement des sociétés d'État. M. le Président, c'est d'ailleurs dans cette optique que nous avons complété, avec succès, il faut le mentionner, 38 opérations de privation depuis 1986... Je dois sûrement déranger les membres de l'Opposition, M. le Président, parce qu'ils m'empêchent de parler.
Le Vice-Président (M. Tremblay): Oui, madame. Je suis bien d'accord avec vous, madame. Je vous demanderais, s'il vous plaît, votre attention et d'accorder à Mme la députée qui s'exprime toute la latitude voulue. Mmes, MM. les députés de l'Opposition, s'il vous plaît, à l'ordre!
Mme Dionne: Merci, M. le Président. Comme je le disais, ces transactions ont généré 1 400 000 000 $ et le profit sur la disposition des actifs a été de 315 000 000 $. Il faut également rappeler que certaines de ces transactions se sont avérées de très belles réussites pour le gouvernement du Québec. Il s'agit, comme l'a mentionné M. le ministre, d'émissions publiques d'actions de Cambior, de la vente du bloc d'actions de Donohue, de la vente des actions détenues par la SIQ dans Place Desjardins, de la vente des actions de Disques Améric détenues par SOGIC, sans oublier, M. le Président, la vente des actions détenues par REXFOR dans Papier Cascades (Cabano) inc., dans mon comté, pour près de 11 000 000 $, et l'entreprise va bien. M. le Président, on se rappellera que cet investissement avait été fait par REXFOR dans les années 1972 à 1974, alors que l'entreprise voulait partir et avait des difficultés. REXFOR avait bien agi, à ce moment-là. Alors, ça a été un bon investissement, et, quand ça a été vendu, ça a été vendu pour un bon prix, et l'entreprise va toujours bien.
M. Garon: Combien?
Mme Dionne: 11 000 000 $, M. le député de Lévis.
D'autres transactions ont de plus servi à disposer d'actifs improductifs ou de canards boiteux que le gouvernement du Parti québécois nous a donnés en héritage. Je fais référence ici à la vente, bien sûr, de la Raffinerie de sucre du Québec en 1986 et à la disposition des actions de la Société nationale de l'amiante, qui s'est échelonnée de 1986 à 1992, et on ne peut pas l'oublier. En effet, l'aventure sucrière, M. le Président, du député de Lévis, alors ministre de l'Agriculture du gouvernement du Parti québécois, pour laquelle ce dernier a investi 50 000 000 $, n'a pas remporté les succès escomptés. Malgré l'aide financière considérable versée à même les deniers publics, la Raffinerie de sucre du Québec est restée, au fil des années, le même canard boiteux qui a cumulé déficit après déficit. En 1981-1982, le déficit s'élevait à 1 400 000 $, M. le Président. L'année suivante, il s'élevait à 2 600 000 $ pour atteindre 6 800 000 $ en 1983-1984.
Et ce fut à peu près le même scénario pour la Société nationale de l'amiante. Je ne rentrerai pas dans les chiffres pour la Société nationale d'amiante, mais je vais dire quand même que le premier ministre de l'époque on le connaît fort bien faisait miroiter entre 7000 à 8000 emplois dans le secteur de la transformation de l'amiante. Quant au président-directeur général de la Société, il évaluait à entre 200 et 1000 emplois créés durant la période 1978 à 1982. Mais, dans les faits, M. le Président, la situation fut tout autre. Entre 1979 et 1983, le nombre d'emplois, au lieu d'augmenter, a diminué à au-delà de 1000. On est alors bien loin des milliers de nouveaux emplois alors promis.
Ce sont, M. le Président, deux exemples qui démontrent les choix douteux et les décisions contestables du gouvernement de l'époque. Et cette façon de faire est, bien sûr, notre héritage, M. le Président, et nous n'avons d'autre choix que de disposer de ces actifs improductifs. Alors, les membres de l'Opposition officielle sont vraiment mal placés pour, aujourd'hui, donner des leçons et questionner l'impact des projets de privatisation actuellement mis de l'avant par le gouvernement du Québec.
M. le Président, ils devraient se rappeler également que, dans tous les cas d'opérations de privatisation effectuées depuis notre arrivée au pouvoir, des règles sévères et rigoureuses ont été appliquées. Un des six grands principes directeurs élaborés en 1986 et suivis depuis était justement que la privatisation est un processus public qui doit répondre aux normes d'équité et de divulgation qui s'appliquent aux compagnies publiques. De plus, aucun cas n'a jamais soulevé aucun problème ou aucun questionnement à cet égard sur les 38 transactions réalisées jusqu'à présent. Alors, c'est exactement le même processus, M. le Président, avec les mêmes règles strictes qui en garantissent la probité et la transparence, qui sera suivi pour les privatisations en cours.
Avant de terminer, M. le Président, j'aimerais rappeler aux membres de l'Opposition officielle que la privatisation, pour le gouvernement libéral, n'est pas une fin en soi. Lorsqu'elle s'impose, la privatisation d'une société d'État vise, d'abord et avant tout, à renforcer la structure économique, tout en assurant la présence québécoise dans les secteurs clés de l'économie. Ainsi, la privatisation doit évidemment se faire de façon pragmatique, doit être étudiée cas par cas et peut, par le fait même, emprunter différentes voies, selon les conditions spécifiques d'une société, d'une industrie et d'un marché.
M. le Président, c'est pour ces raisons que je voterai contre la motion inscrite par le député de Labelle. On ne peut contourner ou éviter la rationalisation des sociétés d'État dans le contexte économique actuel. Ce que les gens nous demandent, M. le Président, c'est de recentrer l'État sur ces missions essentielles: la santé, l'éducation et les services sociaux. L'État doit se retirer des secteurs où le privé peut faire mieux, à moindre coût pour le contribuable.
Enfin, nous sommes d'avis que le mouvement accéléré de privatisation nous permettra de revenir à l'essentiel, tout en poursuivant les mêmes objectifs de développement économique, social, et avec la même vigueur. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Tremblay): Bien, Mme la députée. Je suis maintenant prêt à reconnaître un député indépendant, M. le député de Jacques-Cartier. Comme je pense que vous avez une entente entre les deux, vous prenez chacun cinq minutes. Alors, M. le député de Jacques-Cartier, on va vous entendre pour cinq minutes.
M. Neil Cameron
M. Cameron: Merci, M. le Président. When I listened to the leader of the Parti québécois eloquently defend his era as Minister of Finance, I couldn't help thinking how few things change in this country. It sounded exactly like people 70 years ago trying to explain how they got into such a mess with Canadian National Railways and, as a matter of fact, with pretty much the same arguments. It is true that the role of the State and Government enterprises is not exactly an unfamiliar one in Canada and Québec and did not entirely originate in the 1960s. It should also be remembered that it has not been an entirely successful or happy affair.
(17 h 10)
I think everyone in this House would agree with the argument presented by the leader of the Parti québécois that the prospect of providing a means by which Francophones could achieve experience and recognition and promotion in powerful economic institutions was indeed helped by the large role of the State in the 1960s and by the Caisse de dépôt, but, if I could paraphrase a philosopher, the fact that you could use a ladder to get from one level to another does not mean that you cannot, then, afterwards, throw away the ladder, especially when it no longer serves the public purpose.
What has happened with State institutions, financial and business, in Québec is not very different from what has happened to them throughout North America and throughout the Western world. They have become less and less efficient. They have become more and more a source of economic loss, of inefficiency, of technological backwardness and, in general, a brake, in many respects, on the economy rather than a benefit.
It is quite true, as the leader of the Parti québécois pointed out, that financial difficulties have descended on a great number of other people in Canada, in the last few years, besides publicly-owned institutions. What that seems to demonstrate to me is that people that got too greedy in real estate are just as capable of making a mess of things as people who run large Government agencies, but it does not demonstrate that, in fact, a free-market economic system does not work as well as do Government agencies and Government monopolies. Government monopolies have some justification for highly homogeneous products and services like utilities. They have practically none elsewhere. They are not working to the benefit of the people of Québec now, and I think this is really understood, to some extent, by both sides of the House.
For obvious reasons, the Official Opposition has what I might call perhaps more of a sentimental attachment to the great institutions of the State, but I believe, even if they become the Government and even if they take a somewhat friendlier view of these institutions than that presently taken by the Liberal Government, that they too will find they need to privatize these institutions rapidly and efficiently. And we just have to hope that it does not provide too often a gravy train for the wrong people, whether they are «rouge» or «bleu».
Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Tremblay): Bien, M. le député. Je vais maintenant reconnaître un député de la formation de l'Opposition officielle, M. le leader de l'Opposition officielle.
M. Guy Chevrette
M. Chevrette: Merci, M. le Président. Je ne relèverai pas les propos...
Le Vice-Président (M. Tremblay): M. le leader, pour votre information, il vous reste 14 minutes.
M. Chevrette: Merci, M. le Président, 13 et trois quarts. Merci.
M. le Président, à écouter certains intervenants, c'est quasiment une religion quand on parle de privatisation. Pour d'autres, ces mêmes individus nous taxent de religion quand on parle d'étatisation. À mon point de vue, il n'y a pas de religion et il n'y a pas de dogme dans ça, dans la question de la privatisation ou la question de l'étatisation. Il y a des choses où, normalement, on peut procéder à un transfert, d'autres, pas du tout, mais pas du tout, parce que ce sont des leviers importants de développement économique que l'on a. Et j'aurais aimé entendre le représentant, le seul représentant qui reste du Parti Equality. Au moment où on a eu besoin des leviers de développement économique et où on a encore besoin de leviers économiques pour soutenir l'entreprise, ce n'est pas une question d'attachement sentimental; c'est une question concrète d'intervention au moment où il faut le faire.
Mais, M. le Président, je voudrais faire porter mes propos en particulier sur la transparence au niveau des règles d'éthique dans le domaine public. Depuis quelques semaines, on a mis en évidence, en cette Chambre, ce qui s'est passé au niveau de la compagnie M3i et même, depuis deux jours, au niveau de M4, qui sont des filiales d'Hydro-Québec, c'est-à-dire de Nouveler, qui, elle, est une filiale à 100 % d'Hydro-Québec.
M. le Président, si je veux parler de ce cas bien précis et qui s'inscrit dans le cadre de la motion d'aujourd'hui, c'est parce qu'il y a des individus qui confondent à peu près tout. Je comprends que, dans le privé, il peut y avoir des transactions, M. le Président, que personne n'a besoin de connaître. Il y a des gens qui ont le droit de risquer du capital quand ils veulent, c'est leur affaire. Il y a des gens qui ont le droit de dire à un collègue, à un copain, à un ami ou à une autre compagnie: Participe à x % chez nous, je vais te vendre des actions pour tant. Je comprends cela. Mais, présentement, quand on parle de ces sujets, on parle des deniers publics, et je vais prendre Hydro-Québec à titre d'exemple. Hydro-Québec, ce sont les Québécois, toutes les Québécoises et les Québécois qui sont actionnaires à 100 % de cette société d'État. Et cette société d'État là a créé une filiale qui s'appelle Nouveler, qui est à 100 %, également, du capital-actions d'Hydro-Québec. Ça veut dire que c'est l'ensemble des Québécois et des Québécoises qui sont actionnaires de Nouveler.
M. le Président, Nouveler a réussi avec Hydro-Québec à faire faire de la recherche de façon extraordinaire: 1,4 %, 1,3 %, 1,2 %, bon an, mal an, du budget consacré à la recherche. Ce sont les deniers des Québécois, à ce moment-là, qui ont réussi à faire faire des découvertes, découvertes qui font l'envie de bien des sociétés d'État, de beaucoup d'entreprises et qui d'une certaine façon donnent une fierté à l'ensemble des Québécois. Ça a été payé par nous, ça, 1 800 000 $, par exemple, au niveau de M3i, pour la fameuse technique de la supervision des réseaux de toute nature.
L'IREQ, c'est une société de recherche, vous le savez. Vous savez également qu'Innovatech, où on a mis des millions dedans, a donné de l'argent. C'est encore de l'argent exclusivement des Québécois et des Québécoises. Le Fonds de développement technologique, c'est de l'argent des Québécois, ça, qui ont contribué à faire en sorte qu'on en arrive à faire des découvertes extrêmement intéressantes et vendables à travers le monde, et qu'on contrôlait, M. le Président, à 100 % ou à 82 %, dès le départ.
Qu'on ait fait appel à des individus pour faire la recherche concernant la commercialisation ou le marketing de la commercialisation, soit! Mais, quand on en est rendu, par exemple, au moment où on contrôle 82 %, M. le Président, et qu'il n'y a aucune règle d'éthique dans la façon de privatiser, ça, ça ne marche pas. Il me semble qu'on doit avoir des règles strictes. Par exemple, au moment où une filiale est contrôlée par les actionnaires québécois, avant de s'en départir, on devrait au moins savoir quelles règles on va suivre pour s'en départir, de ces actions-là. Est-ce qu'on va rentrer dans le capital-actions investi?
Puis, ça, je sais que le député de Verdun comprend ce que je dis, parce qu'on en a discuté dans une certaine commission parlementaire, ensemble. On doit avoir des règles d'éthique. On doit être capable d'entrer dans le capital-actions. On doit faire en sorte que, si c'est si rentable que ça, ceux qui ont investi dans la recherche, ceux qui ont investi pour que des découvertes se fassent, bien, ils en tirent un bénéfice. Pourquoi donner ça exclusivement à l'entreprise privée, sans en retirer les bénéfices?
Et, en particulier, quand on s'en départit au profit de certaines compagnies extérieures, en plus, on doit au moins avoir des objectifs précis. «C'est-u» pour s'ouvrir les portes sur l'Europe, par exemple, qu'on vend des actions à Midlands Electricity? Pourquoi on en vend à une compagnie ontarienne? Il doit y avoir des motifs. Je veux bien, moi, qu'on en ait, des motifs, mais qu'on les explique, qu'on soit transparent, qu'on ait des critères, qu'on ait des balises, qu'on ait des objectifs. C'est ça qu'on demande au gouvernement.
Ce n'est pas parce que M3i a des succès qu'ils sont à l'abri de tous ces codes d'éthique là qu'on devrait avoir. Non, M. le Président. Moi, je n'accepte pas cela. Et j'accepte encore moins qu'un individu qui fait l'étude de commercialisation recommande de se donner des options d'achat, se fasse nommer sur le conseil, puis bénéficie de la manne à court terme. Ce n'est pas de même, ça, avec les deniers publics.
Ceux qui cautionnent ça, je m'excuse, mais ils n'ont pas mon respect. On n'est pas dans l'entreprise privée où ils ont le droit de faire ce qu'ils veulent. On joue avec les taxes, les deniers des Québécois, les impôts des Québécois, les tarifs d'électricité des Québécois, et, moi, je ne l'accepterai pas, M. le Président. Et Dubuc, de La Presse , pourra écrire ce qu'il voudra, qu'il prenne les choses comme elles sont: à 100 % Hydro-Québec est actionnaire de Nouveler; à 81,2 %, pour M3i, c'est Nouveler qui est actionnaire. C'est l'argent des Québécois, ça. On n'a pas le droit, à partir de cela, sans aucun code d'éthique, de nommer les petits amis du régime et du système pour qu'ils empochent des options d'achat. Non pas sur le coup. Ils ont un an pour les voir aller, puis, si ça ne fait pas, bien, on ne les achète pas. Mais, si elles passent de 10 $ à 179 $, à 573 $, ils les achètent et ils font la passe. J'aurais bien voulu voir les libéraux, moi, dans cette Chambre, de ce côté-ci, en Opposition, si ça s'était passé sous le règne du Parti québécois, se déchaîner, les vierges offensées. Sépulcres blanchis! M. le Président. Voyons! C'est ça qui est en cause. Et quelle que soit la personne, surtout les forgeurs d'opinions, ils devraient, dans ces circonstances et surtout dans cette conjoncture politique et économique que nous traversons, avoir beaucoup plus de rigueur dans l'administration et la gestion des deniers publics. Les sous sont rares, M. le Président. On ne fait pas des ventes de feu avec ce qui est payant pour les contribuables québécois, surtout quand ce sont eux qui ont payé pour la recherche, qui ont soutenu cette recherche et qui sont allés jusqu'à cautionner les premiers contrats de certaines de ces filiales-là.
(17 h 20)
C'est ça qui s'oppose, c'est deux visions, M. le Président: la vision de celui qui défend le privé, comme d'une façon exactement religieuse, je dirais, qui en fait un dogme de la privatisation. Moi, le dogmatisme, là, que ce soit pour l'étatisation ou pour la privatisation, je m'excuse, mais ce n'est pas de même que je marche; je marche avec du gros sens pratique. Et le gros sens pratique me dit que, quand j'ai investi dans quelque chose, comme collectivité, il est normal qu'on en retrouve les bénéfices, parce que c'est la collectivité qui a investi. Et, quand on pose des questions au ministre et qu'il joue sur les mots, M. le Président, qu'il ne répond pas aux questions, je m'excuse, mais lui-même contribue à semer cette atmosphère de: C'est privé, il ne faudrait pas en parler! Je m'excuse, M. le Président, ce sont les Québécois qui ont payé, dans toutes les filiales d'Hydro-Québec, ce sont les Québécois qui ont amené à la fondation de ces filiales-là, qui ont payé, qui ont soutenu la recherche de ces filiales-là et qui sont rendus au point où ils devraient en toucher les bénéfices. Là, on privatise! Tout d'un coup qu'on irait chercher 100 000 000 $ par année, tout d'un coup que ça baisserait les tarifs d'électricité de deux points parce que c'est 50 000 000 $, grosso modo, un point, 1 % de tarif d'électricité, que ça rapporte.
Non, non, il ne faut pas penser aux contribuables dans ce temps-là. Bien non! Payez, vous autres, pour la recherche, faites empocher des individus à leur profit et à leur guise, M. le Président! Et, en particulier, sur les règles d'éthique, quand un individu fait une recherche pour une filiale, qu'il est bien payé, on a essayé de ridiculiser l'erreur de 450 000 $ à 150 000 $, mais ce serait 10 $, le même principe est là: l'individu qui est payé par une société d'État pour faire une recherche, qui recommande de donner des options d'achat et qui se les attribue ou se les fait attribuer, c'est le même principe qui est là, M. le Président. L'individu qui siège sur un conseil d'administration d'Hydro, sur l'exécutif d'Hydro et sur l'exécutif d'une filiale et qui empoche 1000 options d'achat à 10 $, qui seront à 1000 $ prochainement, qui fait 1 000 000 $ de passe, le temps de le dire, c'est un individu qui profite de sa situation privilégiée comme membre d'un conseil pour se donner des bénéfices. Et, en administration publique, on ne parle pas de légalité, on parle de moralité et d'immoralité. C'est ça, fondamentalement, le débat. Et les forgeurs d'opinion, qui veulent donner des leçons de gestion, devraient au moins comprendre que la gestion des deniers publics et que la dépense des taxes et des impôts des Québécois, je m'excuse, mais elle doit être le plus possible au profit de ces mêmes Québécois qui investissent.
M. le Président, c'est là le débat. Et je ne me suis pas servi de mon poste d'immunité parlementaire. Ce que je dis en Chambre, ici, je le répète sur les ondes de la radio, moi, je le répète à «Midi Lapierre», et j'ai envoyé une lettre à tous les journaux, M. le Président, explicitant bien les deux points de vue: le point de vue de l'administration et de la gestion des deniers publics, et le point de vue de la gestion dans le privé. Si, dans le privé, ils veulent se faire des cadeaux entre eux ou prendre des risques entre eux, ce n'est pas la même chose au niveau du public. On doit avoir des règles d'éthique quand on investit, et on doit avoir des règles d'éthique pour la nomination de ses représentants, et on doit avoir des règles d'éthique, et des balises, et des objectifs, quand on veut se départir de ses actions. C'est ça que les gens qui ont une moralité, une sensibilité à la gestion des deniers publics nous disent.
Il y a des gens que j'ai rencontrés à Montréal, des économistes, des gens qui travaillent dans des firmes comme Price Waterhouse et autres, qui vont nous dire: Ce qui manque, au Québec, c'est précisément un code d'éthique dans les investissements du secteur public et dans les désinvestissements. C'est ça qui manque, fondamentalement, c'est ça qu'on a voulu souligner, M. le Président, et qu'on va continuer à souligner. Ce n'est pas vrai que, parce que, M. le Président, ça risque d'entacher un tantinet soit peu une filiale, qu'on va les laisser se graisser entre eux. Est-ce que c'est clair? C'est le rôle de l'Opposition de dénoncer ces choses-là, c'est le rôle de l'Opposition d'exiger des critères. Et j'aime personnellement mieux, M. le Président, me faire reprocher de sembler partisan que de me faire la complicité et la collusion. Jamais je ne serai le complice ou je ne serai en collusion avec quelqu'un pour cacher des manques d'éthique aussi flagrants. La transparence dans la gestion des deniers publics est indispensable pour quelque gouvernement que ce soit. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Tremblay): Bien, M. le leader de l'Opposition. Je vais maintenant reconnaître pour un temps de cinq minutes un député indépendant. M. le député de Drummond. M. le député.
M. Jean-Guy St-Roch
M. St-Roch: Oui, merci, M. le Président. Vous allez comprendre, dans le peu de temps qui m'est imparti, que je vais être obligé de synthétiser et d'aller plutôt par sentences très courtes. Oui, je souscris à la motion présentée aujourd'hui d'avoir une commission parlementaire où on peut faire la vérité, M. le Président, et voir tous les impacts. Je suis un de ceux qui, depuis les neuf dernières années, prêchent pour avoir une vraie imputabilité, prêchent pour que le parlementaire ait un rôle dans la décision et dans le contrôle de la gestion des finances publiques.
M. le Président, brièvement, parce que je suis inquiet. J'ai écouté religieusement le ministre des Finances, puis je vais vous dire qu'à un moment donné on a recentralisé dans le budget de l'État québécois toutes les société d'État parce qu'elles faisaient des profits, parce que ça donnait des résultats qui étaient plus potables. J'y ai souscrit. Je pense que c'était une bonne chose, parce que c'étaient nos biens à nous, les Québécois. Le but d'une commission parlementaire, M. le Président, maintenant qu'on se départit de ces sociétés d'État... Puis, bon an, mal an, c'est de 100 000 000 $ à 250 000 000 $ de revenus que ces sociétés d'État nous procuraient. Qu'est-ce qui arrive dans le cas où on aura tout privatisé, qu'on aura appliqué les revenus à une année, M. le Président? Comment est-ce qu'on va réduire le déficit? Parce que, tôt ou tard, si on ne rembourse pas la dette à même des revenus créés, il y aura des manques à gagner. Ça, j'aimerais qu'on soit capables, nous, les parlementaires, de s'asseoir et de le regarder, M. le Président.
Dans la liste que M. le ministre a donnée... Je suis un de ceux, depuis 1990, lorsque la commission de l'économie et du travail siège de l'autre côté, lorsqu'on regarde l'impact d'Hydro-Québec, avec les contrats à partage de risques au niveau de l'entreprise, à dire: Il y a peut-être une lueur d'espoir. Parce qu'on avait mis un filet de sécurité, c'était par l'entremise de la Société générale de financement, en ayant des parts dans des projets, qui ont été investies. Alors, lorsque je vois, moi, la privatisation des parts dans les alumineries qui sont peut-être les seules lueurs d'espoir qu'on a de récupérer le manque à gagner d'Hydro-Québec, en tant que collectivité québécoise, au niveau des profits, que je vois apparaître ça, M. le Président, dans la privatisation, bien, ça m'inquiète, moi. Et j'aimerais qu'on soit capables, nous, ici, de le voir et de dire: Est-ce que ce n'est pas le temps, devant la réorganisation de tout le secteur de l'aluminium sur une base mondiale, qu'on commence à voir la lumière au bout du tunnel? Bien, je vais vous dire, M. le Président, en tant qu'investisseur personnel, ce n'est pas le moment maintenant de privatiser ces sociétés d'État là.
M. le Président, j'ai écouté aussi le ministre des Finances, qui nous dit souvent: Oui, mais, maintenant on va avoir une union entre le gouvernement et le secteur privé pour être capable de faire du développement économique. Mais il y a plus que ça au Québec. Ce que la plupart de nos sociétés d'État nous ont permis de faire, ce sont des transferts technologiques, c'est l'accroissement de nos investissements collectifs au niveau de la recherche et du développement. Et je suis inquiet et je vais vous dire pourquoi: Qu'est-ce qui va remplacer les leviers si on fait disparaître nos sociétés d'État?
Et je suis d'accord avec le député de Joliette. Entre parenthèses, M. le Président, je ne suis pas un fanatique de l'étatisation et de la privatisation. Chaque chose, à son moment, est bonne ou est mauvaise. C'est du cas par cas qu'il faut regarder. Mais, M. le Président, est-ce qu'on va se servir de la Société de développement industriel, la SDI, pour compenser? Je suis inquiet parce que, lorsque je regarde, moi, les résultats financiers de la SDI, lorsque je regarde l'impact des décisions gouvernementales par l'entremise de l'article 7, est-ce qu'on veut privatiser pour combler le manque à gagner qui va jouer? Parce que, encore là, c'est très difficile d'avoir les informations, entre 300 000 000 $ et 500 000 000 $ de pertes au niveau de la SDI. Est-ce que c'est ça, le but de la privatisation? Est-ce qu'on va se servir, M. le Président, de la Caisse de dépôt pour être capable d'agir par levier pour investir avec le secteur privé? Si c'est le cas, qu'on veut en faire une politique, qu'on le mette sur la table pour qu'on ait la chance d'en discuter en commission parlementaire. Parce que, à ce moment-là, M. le Président, c'est avec mon fonds de pension et avec le fonds de pension de toute la collectivité québécoise qu'on joue. Oui, que la Caisse de dépôt ait un levier d'influence dans le développement, M. le Président, j'y souscris, mais on doit faire attention, parce que c'est un bien collectif qu'on joue, qui est le bien dont on aura besoin dans quelques années, avec un société vieillissante.
(17 h 30)
Alors, M. le Président, vous me faites signe maintenant que mon temps est pratiquement écoulé. Je fais miennes aussi les recommandations au niveau de l'éthique, parce que, lors de l'étude du projet de loi 8, qui est la réorganisation du ministère de l'Industrie et du Commerce, j'ai eu la même demande auprès du ministre de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie pour qu'on ait ce code d'éthique là. Et je conclurai, M. le Président, en disant que ce qu'une commission parlementaire me permettrait de dire, moi, parce que j'insisterais pour y siéger en tant que porte-parole des gens de Drummond, c'est que c'est peut-être le temps d'investiguer ici, au Québec, le système coopératif dans la privatisation, combiné et amalgamé avec un système public, pour être capable de découvrir une nouvelle formule d'investissement, ici, qui serait à l'avantage de nous, la collectivité.
Or, c'est pour ça, M. le Président, que je pense, moi, que, dans un souci de transparence, dans un souci de revalorisation du rôle de l'élu à l'Assemblée nationale, il est grandement temps et je supporte la tenue d'une commission parlementaire. Je vous remercie, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Tremblay): Bien, M. le député. Je vais maintenant reconnaître un député de la formation ministérielle. M. le député de Verdun, il reste 10 minutes à votre formation politique. M. le député de Verdun.
M. Henri-François Gautrin
M. Gautrin: Merci, M. le Président. Essayons d'établir calmement un certain nombre de faits et de points sur lesquels j'ai l'impression que nous sommes à peu près tous d'accord. Il ne s'agit pas ici, dans le budget, de développer un dogme dans lequel nous allons privatiser toutes les sociétés d'État. Ce n'est pas ça qui est le mandat. Ce qui est dit, c'est qu'on allait regarder et analyser un certain nombre de sociétés d'État pour, éventuellement, sur une analyse de cas par cas, privatiser celles qui sont arrivées à une certaine maturité et dans lesquelles le rôle de l'État n'est plus nécessaire.
J'ai l'impression qu'il y a aussi, même de la part des porte-parole de l'Opposition, unanimité sur le principe qu'il faut avoir une certaine transparence dans le processus. Et nous ne nous cachons pas, on ne se cache pas, du côté ministériel. Les sociétés d'État qui ont été privatisées depuis 1986, dans l'annexe A du budget, page 134, vous avez la liste de toutes ces sociétés d'État. Vous avez même le prix de vente, la date. Tout ça, c'est connu, c'est public. Qu'on ne nous accuse pas, M. le Président, de manquer de transparence. C'est exactement quelque chose qui est à l'intérieur du livre du budget.
Si on prend la peine... et je pense que c'est intéressant de tourner deux pages pour arriver à la page 138. À ce moment-là, on voit l'ensemble des sociétés, pas toutes les sociétés, mais celles pour lesquelles le gouvernement et le ministre des Finances, dans son approche, dit: Nous devrons voir s'il n'y a pas pertinence à l'heure actuelle de privatiser un certain nombre de sociétés d'État. Et on en fait la liste, on précise clairement de quelles sociétés il s'agit, afin de savoir si le rôle structurant que ces sociétés avaient eu et ont eu dans le développement de l'économie du Québec est encore valable, est encore nécessaire. Parce qu'il n'y a aucun dogme ici qui dit que le développement économique doit se faire d'abord par le biais des sociétés d'État, et il n'est pas dit le contraire non plus, qu'il n'est pas nécessaire, le cas échéant, de maintenir l'engagement de l'État dans certains secteurs économiques où le côté structurant pour le soutien à la recherche est particulièrement nécessaire. Alors, qu'on me comprenne bien, M. le Président, les objectifs de transparence et les objectifs de pragmatisme sont tout à fait présents dans la démarche du gouvernement.
Deuxième point, et je crois qu'il est important de bien le préciser ici: Est-ce qu'il est nécessaire d'avoir une commission parlementaire avant que le gouvernement ait fait son lit, avant que le gouvernement ait pris sa décision? Est-il nécessaire d'avoir une commission parlementaire pour faire cette analyse de la pertinence ou non de la privatisation des 11 sociétés d'État qui sont listées dans le livre du budget?
M. le Président, ma réponse va être: Non. Ce n'est pas comme ça que fonctionne l'imputabilité. Le gouvernement se doit d'abord de faire son lit. Il doit faire l'analyse de la pertinence de la privatisation de ces sociétés d'État. Il a, de plus, en fonction de la transparence, clairement établi à partir de quelle grille il va faire l'analyse de la pertinence: une plus grande place au secteur privé, la priorité de l'objectif structurel sur l'objectif financier, une approche pragmatique, des règles reconnues, un traitement équitable. La grille d'analyse est précisée à l'intérieur même du livre du budget.
Que le gouvernement soit en mesure de faire, à l'heure actuelle, ces analyses et, ensuite, là il sera imputable devant le Parlement et devant les commissions parlementaires pour venir justifier, comme il le fait devant le Parlement, les décisions qu'il aura prises, le cas échéant, en fonction des mesures de privatisation.
Le point qui est important et je crois qu'ici il est totalement réalisé c'est qu'on procède d'une manière transparente, ouverte, que dans un premier temps le gouvernement se doit, parce que c'est lui qui gouverne, de prendre les décisions, de faire les analyses qui seront nécessaires avant les privatisations et, ensuite, d'être en mesure de venir devant une commission parlementaire. Inverser le processus, vouloir commencer d'abord par une commission parlementaire, c'est vouloir absolument faire en sorte d'avoir un gouvernement qui ne gouvernerait pas, un gouvernement qui commencerait d'abord par discuter avant de commencer à faire des analyses qui sont nécessaires pour pouvoir prendre les décisions de privatisation.
Alors, M. le Président, dans ce cadre-là, nous allons être obligés de voter contre la motion présentée par le député de Labelle parce qu'elle inverse le processus naturel qui est que le gouvernement se doit d'abord de pouvoir faire l'ensemble des analyses. Il a clairement précisé quelle était sa grille d'analyse, comment il allait analyser d'une manière pragmatique les sociétés d'État, quelles étaient les sociétés d'État qui étaient soumises au crible du gouvernement, et, ensuite, le cas échéant, il pourra être imputable devant une commission parlementaire et rendre compte des analyses et des décisions qu'il a pu prendre.
M. le Président, je voudrais aussi, dans le peu de temps qui m'est imparti, dissiper ici une petite partisanerie que j'ai pu sentir chez certains membres de l'Opposition. Il n'est pas question ici de vouloir faire une vente de feu.
Des voix: Ah!
M. Gautrin: Il n'est pas question ici de vouloir faire une vente de feu. Soyez sérieux!
Des voix: Ah!
M. Gautrin: Soyez sérieux!
Une voix: Le Mont-Sainte-Anne! Le Mont-Sainte-Anne!
M. Gautrin: Soyez sérieux! Il est question, en fonction de critères clairement établis, de décider quelles sont les sociétés d'État qui sont arrivées à maturité et quelles sont les sociétés d'État qui seraient probablement mieux administrées et qui fonctionneraient d'une manière plus efficace si elles étaient remises dans les mains du secteur privé.
Le leader de l'Opposition a longuement parlé du problème de M3i. Il est important de rappeler, et je voudrais réellement, ici, rappeler, d'une part, que, dans le cadre de M3i, ce n'est pas une opération de privatisation, premièrement. Deuxièmement, il est important de rappeler que la recherche qui avait été faite dans le cadre de l'IREQ était une recherche qui avait été faite initialement pour les besoins d'Hydro-Québec. Un certain nombre des gens qui travaillaient pour Hydro-Québec, alors qu'Hydro-Québec a pensé que les résultats de cette recherche ne lui étaient pas utiles pour la gestion de son réseau, ont pensé qu'ils pouvaient partir en affaires dans une société privée et la développer. Ils ont risqué et ils ont réussi à obtenir le succès qu'on a connu. Bravo! Et c'est là absolument l'exemple parfait où un élément du secteur privé, parce qu'ils y étaient directement engagés, a pu prendre une partie des recherches qui avaient été faites dans le secteur public et les commercialiser et en tirer tous les avantages à l'aide du secteur privé. Ceci redonne, M. le Président, des retombées régulières à Hydro-Québec sur les brevets qu'Hydro-Québec possède.
M. le Président, je voudrais terminer ici, dans le temps qui m'est imparti, en rappelant: la démarche du gouvernement est très claire. Premièrement, faisons les analyses, rendons publique la grille d'analyse.
Une voix: Ah bon!
(17 h 40)
M. Gautrin: Deuxièmement, lorsque les choses seront connues et que le gouvernement aura fait son choix, là seulement, et là seulement, le gouvernement sera imputable devant le Parlement et devant ses commissions parlementaires. Ne mélangeons pas les temps d'intervention. Laissons le gouvernement pouvoir faire ses analyses avant de mêler et de rentrer dans ce qui ne ferait strictement que retarder le processus nécessaire, ce que veut actuellement l'Opposition. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Tremblay): Bien. Bien, M. le député. Maintenant, je vais entendre M. le député de Labelle, de l'Opposition officielle, pour son temps de réplique de 10 minutes. M. le député de Labelle.
M. Jacques Léonard (réplique)
M. Léonard: Merci, M. le Président. M. le Président, les questions qui se posent par rapport à ce plan accéléré de privatisation, comme il a été présenté dans le discours sur le budget, c'est: Quelle est la nécessité? Quelle est l'urgence? Quels sont les objectifs? C'est ça, les questions. Alors, on n'a rien eu là-dessus parce que, au fond, le gouvernement a gardé tout confus et tient à le garder. Il parle d'efficacité, paraît-il. Il s'agit de recentrer l'action de l'État. J'ai entendu ça l'an dernier, à la commission sur les finances publiques, au mois de février, et puis, pour nous faire déposer un plan, discuter un plan, entendre des intervenants qu'ils n'écoutaient pas, d'ailleurs pour aboutir à un plan qu'ils n'ont pas suivi cette année.
M. le Président, dans tous les pays où il y a eu des privatisations, on a effectivement invoqué une meilleure efficacité, ce qui n'a pas été prouvé par la suite. Pas du tout en Angleterre, pas plus qu'en France, pas plus qu'ailleurs. D'ailleurs, les Américains eux-mêmes n'ont pas suivi cette mode. Ils ont gardé leurs secteurs publics et ils ont trouvé que la mode qui avait été créée n'était pas non plus un gage d'efficacité. En fait, la vague est partie beaucoup de Thatcher, alors qu'elle voulait plus d'argent en vendant l'argenterie de l'État c'est comme ça qu'on a qualifié l'opération pour finalement se retrouver avec des sommes qui n'ont même pas atteint la moitié du déficit d'une seule année pendant toutes ces années de privatisation.
Au fond, M. le Président, quand je regarde les tenants, les ténors de toute cette privatisation, je me pose la question s'il n'y a pas derrière tout cela la volonté de démanteler l'État du Québec. Je sais que, par exemple, le député de Jacques-Cartier parle du sentimentalisme des Québécois par rapport à ces sociétés d'État, mais je pense que ça cache mal son mépris envers les Québécois, leurs institutions, et la francophonie en particulier. M. le Président, il y a derrière cela une volonté de démanteler l'État québécois. C'est Power Corporation au pouvoir à Québec et Power Corporation au pouvoir à Ottawa. Et il y a des intentions derrière cela, quand on refuse, surtout, d'aborder un débat public.
Toutes ces sociétés d'État ont été créées à partir de commissions parlementaires, de débats qui ont eu lieu ici, à l'Assemblée nationale, et pas du tout des décisions de l'Exécutif. Pas du tout. Au contraire, il y a toujours eu des débats. Et, si on veut revenir en arrière, qu'on prenne le même chemin. C'est l'abc du processus démocratique. Même pas de commission parlementaire. Le Conseil des ministres veut décider. Et le ministre a été très longuet sur toutes les procédures techniques, la technologie de la privatisation, mais le fond de la question, les grands débats démocratiques ne seront pas abordés ici, à l'Assemblée nationale. On le saura après coup, et le tout se sera estompé au profit des amis derrière, d'ailleurs. Alors, la transparence, on repassera. Le gouvernement ne tient pas du tout à la transparence.
Nous n'en faisons pas un dogme. Le chef de l'Opposition l'a dit. Nous en avons déjà fait, des privatisations, et il a parlé, d'ailleurs, de Sidbec-Normines. Et je pense cependant que, oui, cas par cas, il faut réexaminer le rôle de nos sociétés d'État. Qu'on le fasse! Et qu'on remette aussi au privé un certain nombre d'activités, moi, j'en suis. Maintenant, qu'on ne le fasse pas comme on le fait, en flopée, toutes les sociétés d'État. Non, au contraire. Au fond, c'est le contenu qui est important, qui touche le développement du Québec, et c'est cela qu'on doit surveiller, c'est cela qu'on doit préserver, le développement du Québec.
Et, dans le passé, dans les dernières 30 années, ce ne sont d'ailleurs pas des entreprises capitalistes qui ont surtout développé le Québec, ç'a été surtout nos sociétés d'État et nos organismes d'État. Ç'a été Hydro-Québec, Gaz Métropolitain, REXFOR. Dans des coins comme chez nous, c'est souvent les seules grandes entreprises qui restent. Et les autres, après avoir glané, pris le meilleur de ce qu'il y avait, s'en sont allées, sans aucun investissement dans la région. Et j'en parle en connaissance de cause. Il reste REXFOR, puis, aujourd'hui, on voudrait s'en défaire. Je regrette, c'est là-dessus que se sont construits beaucoup de nos investissements et que restent encore accrochés encore beaucoup de nos emplois dans nombre de régions du Québec. Les autres sont partis, encore.
M. le Président, on a parlé des règles d'éthique, mon collègue de Joliette a abordé le sujet. Au fond, à l'heure actuelle, il y a beaucoup de profiteurs du régime qui se profilent. Et puis, lorsqu'il y a de ces opérations, les amis le savent, ils le savent. Ils sont à la bonne place au bon moment. Il n'y a pas de code d'éthique, je regrette. Il y en a dans les entreprises privées, mais il n'y en a pas au gouvernement là-dessus. Ça leur permet, comme je l'ai déjà dit, d'aller la tête haute et les poches pleines. Ça, c'est la moralité de ce gouvernement. C'est à ça qu'on en est. M. le Président, évidemment, quand on pense à M3i, ça équivaut à quoi? C'est socialiser la recherche, les études, les risques et privatiser les profits. C'est ça que ça veut dire. C'est à ça qu'on en est rendus.
Alors, il faut tenir cette commission parlementaire. Le gouvernement a l'air de dire que non. Ils vont voter contre. Il reste que les Québécois jugeront, sur le plan politique, que si l'on veut défaire tous les instruments de l'État qu'on s'est donnés, il va falloir qu'on revienne ici à l'Assemblée nationale, pas après que les actifs auront été vendus, avant de procéder. C'est ça, la démocratie, et pas le contraire, pas la démarche inverse.
M. le Président, nous avons simplement demandé une commission parlementaire spéciale pour étudier l'opportunité de procéder puis analyser l'impact des projets de privatisation qui sont actuellement mis de l'avant par le gouvernement. C'est la moindre des choses, en démocratie, que de procéder ainsi. Merci.
Le Vice-Président (M. Tremblay): Bien, M. le député. Ceci met fin au débat sur la motion. Compte tenu du temps, est-ce qu'on est prêts à voter sur...
M. Chevrette: Vote nominal.
Mise aux voix
Le Vice-Président (M. Tremblay): On demande un vote nominal? Alors, qu'on appelle les députés pour le vote nominal.
(17 h 48 17 h 59)
Le Vice-Président (M. Tremblay): Alors, Mmes, MM. les députés, si vous voulez prendre place, s'il vous plaît, nous allons procéder au vote. Mmes, MM. les députés!
Alors, je mets maintenant aux voix la motion du député de Labelle, qui se lit comme suit:
«Que l'Assemblée nationale constitue une commission parlementaire spéciale ayant pour mandat d'analyser l'opportunité et l'impact des projets de privatisation actuellement mis de l'avant par le gouvernement ainsi que d'élaborer un code d'éthique devant s'appliquer à tout membre d'un conseil d'administration d'une entreprise ou société visée par une telle opération ou une de ses filiales et à toute personne impliquée financièrement dans un tel processus.
«Que par suite de l'adoption de la présente motion et après consultation entre le leader du gouvernement, le leader de l'Opposition officielle et les députés indépendants, la composition numérique et la désignation des membres de ladite commission soient établies par motion sans préavis du leader du gouvernement.»
Que ceux et celles qui sont pour cette motion se lèvent!
(18 heures)
Le Secrétaire adjoint: M. Chevrette (Joliette), Mme Blackburn (Chicoutimi), M. Blais (Masson), Mme Marois (Taillon), M. Garon (Lévis), Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve), M. Jolivet (Laviolette), M. Bertrand (Portneuf), M. Landry (Bonaventure), Mme Caron (Terrebonne), M. Dufour (Jonquière), M. Lazure (La Prairie), M. Gendron (Abitibi-Ouest), M. Brassard (Lac-Saint-Jean), M. Léonard (Labelle), M. Bourdon (Pointe-aux-Trembles), M. Boulerice (Sainte-MarieSaint-Jacques), M. Morin (Dubuc), M. Filion (Montmorency), M. Boisclair (Gouin), M. Ménard (Laval-des-Rapides), M. Beaulne (Bertrand), Mme Carrier-Perreault (Les Chutes-de-la-Chaudière), M. Bélanger (Anjou).
M. St-Roch (Drummond).
Le Vice-Président (M. Tremblay): Alors, que ceux et celles qui sont contre la motion se lèvent!
Le Secrétaire adjoint: M. Johnson (Vaudreuil), M. Paradis (Brome-Missisquoi), M. Sirros (Laurier), M. Tremblay (Outremont), M. Bourbeau (Laporte), Mme Gagnon-Tremblay (Saint-François), Mme Frulla (Marguerite-Bourgeoys), M. Blackburn (Roberval), M. Gobé (LaFontaine), M. Lemire (Saint-Maurice), M. Thérien (Rousseau), M. Farrah (Îles-de-la-Madeleine), M. Vallerand (Crémazie), M. Leclerc (Taschereau), M. Middlemiss (Pontiac), M. Poulin (Chauveau), M. Paradis (Matapédia), M. Cusano (Viau), Mme Trépanier (Dorion), M. Vallières (Richmond), Mme Robillard (Chambly), M. Marcil (Salaberry-Soulanges), Mme Loiselle (Saint-Henri), M. Maciocia (Viger), M. Beaudin (Gaspé), M. Maltais (Saguenay), Mme Bélanger (Mégantic-Compton), Mme Dionne (Kamouraska-Témiscouata), M. Houde (Berthier), M. Philibert (Trois-Rivières), Mme Hovington (Matane), M. Gauvin (Montmagny-L'Islet), M. Benoit (Orford), M. Bordeleau (Acadie), M. Gautrin (Verdun), M. Lafrenière (Gatineau), M. Williams (Nelligan), M. MacMillan (Papineau), Mme Bleau (Groulx), M. Camden (Lotbinière), M. Bradet (Charlevoix), M. Kehoe (Chapleau), M. Forget (Prévost), M. Joly (Fabre), M. Messier (Saint-Hyacinthe), M. Richard (Nicolet-Yamaska), M. Chenail (Beauharnois-Huntingdon), M. Brodeur (Shefford), M. Charbonneau (Saint-Jean), Mme Boucher Bacon (Bourget), M. Bergeron (Deux-Montagnes), M. LeSage (Hull).
M. Cameron (Jacques-Cartier).
Le Vice-Président (M. Tremblay): Est-ce qu'il y a des abstentions?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président.
Le Vice-Président (M. Tremblay): Oui, M. le leader.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je solliciterais le consentement pour que les votes des ministres qui viennent de se joindre à nous de la Justice, des Transports, des Affaires municipales et de l'Éducation s'il y avait consentement, puissent être rajoutés.
M. Chevrette: Consentement.
Le Vice-Président (M. Tremblay): Alors, il y a consentement. Très bien. Un moment, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, on va demander de les faire voter.
Le Secrétaire adjoint: M. Ryan (Argenteuil), M. Cherry (Sainte-Anne), M. Lefebvre (Frontenac), M. Chagnon (Saint-Louis).
Le Secrétaire: Pour:25
Contre:57
Abstentions:0
Le Vice-Président (M. Tremblay): Très bien. Compte tenu de l'heure, les travaux sont ajournés à... Pardon? La motion est donc rejetée.
Alors, compte tenu de l'heure, l'ajournement des travaux est fait pour demain, 26 mai, à 14 heures.
(Fin de la séance à 18 h 5)