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Version finale

34e législature, 3e session
(17 mars 1994 au 17 juin 1994)

Le mardi 31 mai 1994 - Vol. 33 N° 29

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Table des matières

Condoléances au premier ministre, à sa famille et à ses proches, à l'occasion du décès de Mme Reine Gagné-Johnson

Affaires courantes

Affaires du jour


Journal des débats


(Quatorze heures dix minutes)

Le Président: Veuillez vous asseoir, s'il vous plaît!


Condoléances au premier ministre, à sa famille et à ses proches, à l'occasion du décès de Mme Reine Gagné-Johnson

Alors, chers collègues, j'ai le regret d'annoncer à l'Assemblée le décès de Mme Reine Gagné-Johnson, qui a apporté une contribution particulière à la vie politique du Québec, d'abord comme première dame du Québec, en sa qualité d'épouse de feu Daniel Johnson, premier ministre décédé en fonction en 1968 après avoir siégé 22 ans à l'Assemblée nationale, ensuite comme mère de l'ancien premier ministre, M. Pierre Marc Johnson, membre de notre Assemblée pendant 11 ans, et également mère de l'actuel premier ministre, M. Daniel Johnson, qui siège à l'Assemblée nationale depuis maintenant plus de 13 ans. J'aimerais donc, au nom de l'Assemblée nationale et en mon nom personnel, offrir au premier ministre, à la famille et aux proches nos plus sincères condoléances. Et, à ce moment-ci, je voudrais reconnaître M. le ministre des Affaires municipales.


M. Claude Ryan

M. Ryan: M. le Président, au nom de la vice-première ministre, de mes collègues du gouvernement et de la députation ministérielle, je voudrais souligner les sentiments de regret, de sympathie et de gratitude que suscite chez nous le décès de Mme Reine Johnson, survenu aujourd'hui.

Mme Johnson a eu l'insigne distinction d'être l'épouse d'un premier ministre qui fut un membre éminent de cette Chambre pendant 22 ans, la mère d'un premier ministre qui siégea parmi nous pendant 11 ans et d'un autre premier ministre dont la présence parmi nous remonte déjà à plus de 13 ans. Ensemble, M. Daniel Johnson et ses deux fils auront apporté une contribution tout à fait exceptionnelle à la vie politique québécoise. On ne connaît pas d'autre famille québécoise qui ait agi avec autant de durée, de continuité et de poids sur les destinées du Québec, de son Parlement et de son gouvernement.

Ayant eu l'avantage de connaître la famille Johnson alors qu'elle était encore toute jeune, je me souviens de l'attention délicate que leur mère portait à chacun de ses enfants, en particulier à leur éducation. Je me souviens des sacrifices énormes qu'elle sut s'imposer afin de faciliter la carrière professionnelle et politique de son mari. Tous ceux qui ont approché Mme Johnson connaissaient sa force de caractère et sa grande capacité de sympathie. Tous ont pu apprécier la dignité et la fermeté dont elle était capable dans l'épreuve.

Un ancien membre de cette Chambre, aujourd'hui disparu, feu Maurice Bellemare, qui connut très bien la famille Johnson, était fort attaché aux deux fils qui avaient suivi les traces de leur père en s'engageant dans la politique. M. Bellemare aimait souligner que l'un des deux fils tenait davantage de son père et l'autre, de sa mère. Je ne dirai pas aujourd'hui lequel des deux ressemblait davantage au père ou à la mère, selon l'ancien député de Champlain. Je soulignerai seulement que la famille Johnson aura été la seule dans notre histoire à pouvoir produire deux premiers ministres d'allégeances politiques différentes. J'ai hésité quelque peu en écrivant cette ligne. J'ai dû choisir entre le mot «opposées» et «différentes». Je dis «différentes» dans les circonstances où nous sommes aujourd'hui. Ceux qui ont connu la subtilité de Daniel Johnson père et son souci d'exprimer dans sa personne et son action tout ce qu'il y avait de meilleur chez le peuple québécois ne seront pas étonnés de cette dualité qui est à l'image de celle qui a toujours existé chez nous.

Avec la mort de Mme Reine Johnson, le Québec perd une Québécoise remarquable dont l'action discrète mais efficace et durable aura contribué à influencer en profondeur l'évolution de notre société. En ce jour de deuil, je propose que l'Assemblée nationale exprime sa vive admiration pour l'exemple de dévouement à sa famille et au Québec qu'a donné Mme Reine Johnson pendant toute sa vie. Je propose également que l'Assemblée nationale exprime aux enfants de Mme Johnson, en particulier à M. Daniel Johnson, premier ministre, à M. Pierre Marc Johnson, ancien premier ministre, ainsi qu'aux deux autres enfants et aux autres membres de la famille Johnson, sa sincère sympathie et l'assurance de sa solidarité spirituelle.

Le Président: Alors, merci, M. le ministre. Je vais maintenant reconnaître M. le chef de l'Opposition officielle.


M. Jacques Parizeau

M. Parizeau: M. le Président, au nom des membres du Parti québécois de cette Chambre, j'offre toute notre sympathie au premier ministre du Québec, à la famille Johnson, à la suite de la disparition de Mme Reine Johnson.

Personnellement, j'ai connu Mme Johnson alors que je travaillais au bureau de M. Daniel Johnson, le père. J'ai beaucoup travaillé avec cet homme. J'ai beaucoup d'admiration pour l'action qu'il a menée au Québec. Et c'est à cette occasion que je me suis rendu compte de la très grande dignité avec laquelle Mme Johnson occupait ce poste toujours très difficile d'être la femme d'un premier ministre.

Ce sont dans des occasions comme celle-là qu'il faut se souvenir de l'importance que les conjoints ont dans la vie des hommes et des femmes politiques qui, exposés comme ils le sont aux feux de la rampe et aux aléas de la vie politique, trouvent chez leur conjoint à la fois l'appui et la compréhension dont ils ont tellement souvent besoin.

Encore une fois, je veux dire ici toute l'admiration que j'ai eue pour la dignité avec laquelle Mme Johnson a rempli son rôle et exprimer, au nom – j'ai commencé par dire: des membres du Parti québécois – j'en suis certain, de tous les membres de cette Assemblée, nos plus vives condoléances.

Le Président: Alors, en témoignage de cette marque de sympathie, j'invite l'Assemblée à se lever et à se recueillir quelques instants.

Je vous remercie. Veuillez vous asseoir.


Affaires courantes

Alors, nous allons maintenant procéder aux affaires courantes.

Il n'y a pas de déclarations ministérielles.

Présentation de projets de loi.

Dépôt de documents.

Dépôt de rapports de commissions.

Dépôt de pétitions.

Il n'y a pas d'interventions portant sur une violation de droit ou de privilège ou sur un fait personnel.

Avant la période des questions, je vous avise que, après cette période, M. le ministre de l'Éducation et ministre responsable de l'application des lois professionnelles répondra à une question posée le 25 mai dernier, par Mme la députée de Terrebonne, concernant le statut professionnel du pharmacien-propriétaire dans le cadre du libre-échange nord-américain.


Questions et réponses orales

Nous allons donc procéder à la période de questions et réponses orales. Et je reconnais, en première question principale, M. le chef de l'Opposition.


Composition du forum national de la santé

M. Parizeau: M. le Président, ma question va s'adresser à la vice-première ministre. Le livre rouge du Parti libéral du Canada indiquait clairement l'intention du gouvernement fédéral de s'introduire encore plus avant dans le secteur de la santé, pourtant de compétence exclusive du Québec, dit-on. La rencontre des ministres fédérale et des provinces de la Santé, en février dernier, s'est terminée dans la discorde, en raison du plan de travail proposé pour le forum national sur la santé. Cela n'a eu aucun effet, puisque la ministre de la Santé du Québec devait qualifier, jeudi, les intentions fédérales d'exclure les provinces du processus, et je la cite, «de conduite inacceptable et aberrante». On apprend, ce matin, que la solution trouvée serait d'accorder au premier ministre Romanow de Saskatchewan une vice-présidence avec M. Chrétien et de reporter de un mois la première rencontre.

Est-ce que la vice-première ministre trouve qu'une telle avenue de solution ferait en sorte que la conduite du fédéral ne sera alors plus inacceptable, ni aberrante? Le gouvernement du Québec a-t-il l'intention de dire au gouvernement fédéral qu'il ne peut pas payer de moins en moins, comme c'est le cas, et contrôler de plus en plus, et que les Québécois ne vont pas voir utiliser plus de 10 000 000 000 $ de leurs propres taxes – celles que vous décrétez dans cette Chambre – ne vont pas accepter, avec plus de 10 000 000 000 $ de leurs propres taxes, de laisser le fédéral leur dire comment mener les hôpitaux?

Le Président: Mme la vice-première ministre.

Mme Gagnon-Tremblay: M. le Président, le Québec a fait connaître sa position par l'entremise de la ministre responsable de la Santé et des Services sociaux. Il a fait valoir au gouvernement fédéral qu'il était en désaccord avec la façon dont ils avaient entrepris cette démarche de consultation. Je dois vous dire, cependant, que nous n'avons... Si on s'en tient, par exemple, aux propos du chef du gouvernement canadien, en fin de semaine, il semble qu'il aurait décidé de surseoir à ce forum qui pourrait avoir lieu et qu'il avait l'intention, finalement, de consulter les provinces à cet effet avant de poursuivre dans cette démarche. Mais nous n'avons pas d'indication claire à cet effet. C'est que nous l'avons appris dans les journaux, tout comme le chef de l'Opposition l'a appris en fin de semaine.

(14 h 20)

Le Président: En question complémentaire.

M. Parizeau: Est-ce que je pourrais demander à la vice-première ministre, à l'occasion des tractations qui vont s'engager dans les jours qui viennent, si elle pourrait rappeler au Conseil des ministres le rôle central qu'ont joué, en 1981, MM. Chrétien et Romanow, pendant la nuit des longs couteaux? Qu'est-ce que veut son gouvernement? S'appuyer sur des gens comme ça, pour récupérer la compétence exclusive en matière de santé? Est-ce que, vraiment, le gouvernement que nous avons devant nous pense qu'avec une conférence dirigée par MM. Chrétien et Romanow le Québec va obtenir quoi que ce soit, ou si, à nouveau, il doit se faire crucifier?

Le Président: Mme la vice-première ministre.

Mme Gagnon-Tremblay: M. le Président, toutes les provinces de l'Ouest, le Nouveau-Brunswick et le Québec sont en désaccord avec la position actuelle du gouvernement fédéral. Ils l'ont fait connaître au premier ministre du Canada. Bien sûr que le Québec va continuer à défendre sa position. Je n'ai pas d'inquiétude au fait que la ministre responsable du dossier et ministre de la Santé et des Services sociaux fera les représentations, a fait déjà des représentations et continuera à faire des représentations, afin que le Québec puisse préserver ses droits sur cette compétence.

Le Président: Pour une question complémentaire, M. le député de Rouyn-Noranda–Témiscamingue.

M. Trudel: M. le Président, compte tenu des réponses de la vice-première ministre, est-ce que la ministre de la Santé pourrait nous indiquer si elle serait disposée, dès aujourd'hui, à appuyer une motion de l'Assemblée nationale rejetant la participation du Québec et des Québécois à cette initiative du gouvernement fédéral, qui s'appelle le forum national sur la santé, visant à fixer des priorités pour notre système de santé au Québec?

Le Président: Alors, M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Lefebvre: Merci, M. le Président. Alors, le député a fait carrément référence dans sa question à une motion, et on n'est pas à l'étape des motions, on est à la période des questions et des réponses.

Le Président: Effectivement. Écoutez, oui, mais je pense que la... Évidemment, ce n'est pas l'étape des motions, mais il y a une question qui est demandée sur une position du gouvernement. Alors, à ce moment-ci, sans dire d'appui à la motion comme telle, je n'ai pas la motion non plus, mais la question est posée par rapport à la politique gouvernementale. Je pense que cette question-là serait acceptable. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Lefebvre: Deuxième argument, M. le Président, et, là, c'est encore plus évident...

M. Gendron: Question de règlement, M. le Président.

Le Président: Un instant, là.

M. Gendron: Vous venez de la reconnaître acceptable. Pourquoi vous attendez le...

Le Président: Oui, bien, écoutez, je ne sais pas. Je vais l'entendre. Il veut se relever sur une autre question, alors je le reconnais à nouveau.

M. Gendron: Non, il a dit: Mon deuxième argument sur la même question.

Le Président: Oui.

M. Gendron: Vous venez de la rendre acceptable. On ne peut pas ajouter un deuxième argument sur une décision que vous venez de rendre.

Le Président: Non, non, non. D'accord. Alors, s'il y a une autre question de règlement, pas, évidemment, sur la même question que j'ai rendue, c'est ce que je veux reconnaître. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Lefebvre: M. le Président, c'est parce qu'il y a deux entorses à nos règlements dans la question du député de Rouyn-Noranda. Un, il fait référence à une question...

Le Président: Non, mais, un instant! Oui.

M. Lefebvre: ...hypothétique.

Le Président: Oui. Écoutez, évidemment, la nature d'une question hypothétique, elle est non acceptable, mais le cheminement de la question est quand même avec un volet sur la position gouvernementale et, évidemment, l'appui éventuel. Alors, je laisse la ministre répondre à la question, telle que posée. Alors, Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux.

Mme Robillard: M. le Président, la position du Québec a toujours été très claire sur le sujet. Nous l'avons fait connaître en février à la conférence fédérale-provinciale des ministres de la Santé. Nous avons écrit à Mme Marleau le 27 avril pour lui faire connaître notre position et nous l'avons réitérée la semaine dernière. Et, à l'instar des quatre provinces de l'Ouest et du Nouveau-Brunswick, nous ne sommes pas d'accord avec un forum national sur la santé où les provinces ne seraient pas sur un pied d'égalité avec le gouvernement fédéral.

Le Président: En question principale, M. le député de Lévis.


Réalisation du plan d'affaires de la MIL Davie

M. Garon: M. le Président, la SGF a approuvé récemment le plan d'affaires de la MIL Davie en assortissant son appui de deux conditions: l'obtention, de façon urgente, de contrats intérimaires de la part du gouvernement fédéral, notamment celui d'un nouveau traversier pour les Îles-de-la-Madeleine, et la conclusion d'une entente avec les travailleurs visant l'augmentation de la productivité. Au cours des derniers jours, l'accent a été mis surtout sur cette dernière condition, ce qui a fait oublier que, sans contrat intérimaire, le chantier sera à toutes fins pratiques fermé à la fin de l'année et que la plus belle convention collective imaginable ne donnera pas grand-chose. On demande un effort supplémentaire aux travailleurs, soit, mais avec un dollar à 0,70 $, alors que le plan d'affaires base la rentabilité du chantier sur un dollar à 0,78 $, avec des salaires à la MIL Davie qui sont déjà moins élevés que dans les chantiers maritimes de plusieurs grands pays concurrents comme le Danemark, l'Allemagne et le Japon.

La question au premier ministre, M. le Président: Qu'est-ce que les gouvernements attendent pour faire leur bout de chemin eux aussi? Qu'est-ce que le fédéral attend pour accorder le contrat du traversier – et le ministre est en négociations depuis longtemps – et qu'est-ce que le Québec attend pour annoncer des investissements dans l'équipement du chantier, qui est aussi important à améliorer que la productivité des travailleurs?

Le Président: Effectivement, simplement pour noter immédiatement que votre question avait plusieurs volets. J'apprécierais un seul volet par question. Alors, M. le ministre de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie.

M. Tremblay (Outremont): M. le Président, le plan d'affaires, que j'ai offert à plusieurs occasions pour consultation au député de Lévis, identifie certaines conditions. Ce plan d'affaires fait appel à un nouveau partenariat, et, dans ce sens, l'apport des travailleurs est excessivement important. Alors, le vote presque unanime en fin de semaine, qui donne, de façon très claire, un mandat de négocier à l'exécutif syndical, est très positif. J'espère que, dans les jours qui viennent – il y a une rencontre demain matin entre la partie patronale et la partie syndicale – on en arrivera à un règlement le plus rapidement possible au niveau du contrat de travail pour les chantiers maritimes, qui est la première condition, M. le Président, pour assurer la pérennité des opérations et le maintien du plus grand nombre d'emplois possible dans le dernier chantier maritime d'importance que nous avons au Québec.

Le Président: Alors, en question complémentaire.

M. Garon: M. le Président, est-ce que Davie, actuellement, négocie dans le cadre de son mandat général ou dans celui d'un mandat spécifique où elle n'a pas de marge de manoeuvre, à toutes fins pratiques?

Le Président: M. le ministre.

M. Tremblay (Outremont): Le plan d'affaires de la MIL Davie, approuvé par le conseil d'administration de la MIL Davie et, également, par la Société générale de financement, fait appel à cinq conditions. Nous travaillons présentement sur les cinq conditions. Vendredi dernier, la proposition en ce qui concerne le traversier Lucy-Maud-Montgomery, la nouvelle proposition a été remise au gouvernement fédéral et on espère la réponse dans les plus brefs délais, considérant l'importance de ce contrat transitoire pour maintenir une masse critique de travailleurs pour assurer la pérennité des opérations du chantier maritime.

M. Garon: M. le Président...

Le Président: Alors, pour une autre question complémentaire.

M. Garon: ...qu'est-ce que ça veut dire «les plus brefs délais»? Parce que le ministre fédéral des Transports, M. Doug Young, disait en janvier «les plus brefs délais». Alors, «les plus brefs délais», ça va jusqu'à quand, dans l'esprit du ministre?

Le Président: Alors, M. le ministre.

M. Tremblay (Outremont): Je suis très déçu de ne pas avoir encore reçu la réponse du gouvernement fédéral.

Le Président: Alors, en question principale, M. le député de Jonquière.


Agrandissement du cimetière mohawk, à Kanesatake

M. Dufour: Devant le refus des Mohawks de Kanesatake de mettre fin aux travaux dans la pinède d'Oka, ce qui avait été établi comme préalable par le gouvernement du Québec pour entreprendre des négociations, le ministre délégué aux Affaires autochtones a transféré ce dossier au ministre de la Sécurité publique en indiquant qu'il appartient désormais à la Sûreté du Québec de rétablir l'ordre à Oka.

Étant donné que les travaux se poursuivent actuellement dans la pinède d'Oka, le ministre de la Sécurité publique peut-il nous dire ce que la Sûreté du Québec entend faire pour rétablir l'ordre?

Le Président: Sur un rappel au règlement, un instant, M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Lefebvre: M. le Président, je veux tout simplement vous rappeler les dispositions de l'article 35, paragraphe 3°, qui nous dit très clairement qu'on ne peut «parler d'une affaire qui est devant les tribunaux [...] si les paroles prononcées peuvent – on le sait – porter préjudice à qui que ce soit.»

Tout simplement, M. le Président, je vais vous demander de faire une mise en garde, des deux côtés de la Chambre, autant pour la question que pour la réponse. En regard des faits qui se sont déroulés la semaine passée, il y a des accusations qui ont été portées, alors il y a donc la règle du sub judice, M. le Président, qui doit nous guider.

Le Président: Effectivement, la règle du sub judice s'applique à tous les députés en l'Assemblée. D'ailleurs, même les ministres doivent suivre, au niveau des questions et réponses orales, les dispositions de l'article 82 qui le prévoit également, expressément. Alors, avec la mise en garde habituelle, je cède la parole à M. le ministre de la Sécurité publique.

M. Middlemiss: Oui, M. le Président. Comme l'indiquait le député de Jonquière, le gouvernement du Québec avait, jusqu'ici, privilégié la voie de la négociation. On doit constater que le Conseil de bande refuse de renouer les négociations avec le fédéral. On constate également, M. le Président, qu'il refuse d'arrêter les travaux d'agrandissement du cimetière, malgré plusieurs appels de la classe politique. Et, donc, ça devient un dossier de la Sécurité publique, et c'est pour ça, M. le Président, que j'ai demandé à la Sûreté du Québec de prendre les mesures qu'elle juge appropriées pour faire respecter la loi.

(14 h 30)

Le Président: Pour une question complémentaire, M. le député de Duplessis.

M. Perron: Oui. Merci, M. le Président. Est-ce que le ministre délégué aux Affaires autochtones peut nous indiquer, malgré le contexte actuel, si, effectivement, il a consulté le négociateur fédéral et pris une décision finale relativement à la nomination de représentants du Québec à la table de négociation concernant Kanesatake?

Le Président: Alors, M. le ministre délégué aux Affaires autochtones.

M. Sirros: M. le Président, nous souhaitons toujours qu'on pourra retrouver les conditions qui permettront à ce dossier de se dénouer dans le calme, paisiblement, par la voie normale des négociations et de la médiation. Au moment où on se parle, on indique fermement au gouvernement fédéral que la seule exigence qu'ils ont à faire aux Mohawks, à ce stade-ci, c'est la cessation, par les Mohawks, de tous les travaux, comme l'indiquait mon collègue de la Sécurité publique, dans le cimetière ou dans la pinède, aux alentours, tel que, d'ailleurs, l'exigeait le médiateur lui-même, dans une lettre qu'il adressait tant au chef Peltier qu'au ministre Irwin, qu'au négociateur fédéral. Alors, ça, c'est la première chose.

La deuxième chose que j'aimerais indiquer, M. le Président, c'est que nous ne pouvons pas envisager des négociations bipartites, excluant le Québec, puisque le dossier engage de multiples compétences du gouvernement du Québec, que ce soit au niveau de l'administration de la justice, que ce soit au niveau de la sécurité publique, que ce soit au niveau de l'aménagement du territoire.

Troisièmement, pour répondre plus précisément à la question du député, M. le Président, une fois que ces conditions seront retrouvées, nous sommes prêts, immédiatement, à nommer un négociateur représentant le gouvernement du Québec à la table des négociations, qui devrait permettre de solutionner correctement ce dossier.

Le Président: En question principale maintenant, M. le député de Laval-des-Rapides.


Irrégularités administratives au Comité paritaire de l'industrie du verre plat

M. Ménard: M. le Président, ce matin, le journal La Presse rapportait des faits pour le moins étonnants sur les agissements du Comité paritaire de l'industrie du verre plat qui, selon l'article, avait dilapidé les cotisations de 5000 salariés et de 900 employeurs, en frais de voyage et en avantages de toutes sortes. Ce Comité aurait même poussé l'audace jusqu'à entériner une décision devant permettre l'octroi de contrats de gestion à une entreprise qui était propriété du directeur général du Comité paritaire.

Est-ce que le ministre de l'Emploi peut nous indiquer, compte tenu de l'ampleur des irrégularités commises par le Comité paritaire de l'industrie du verre plat, ce qu'il attend pour le mettre en tutelle?

Le Président: M. le ministre de l'Emploi.

M. Marcil: Oui, M. le Président. Nous en sommes informés, naturellement, depuis 1992, suite à des plaintes qui avaient été formulées au ministère du Travail, à l'époque. Une enquête administrative a été réalisée et, suite au dépôt du rapport comme tel au ministre du Travail de l'époque, des rencontres avaient été prévues et réalisées avec les membres du conseil d'administration, les obligeant à déposer un plan de redressement de l'administration du Comité paritaire en question. Une copie de ce rapport avait été également remise au Procureur général du Québec. Donc, nous savons que l'escouade des crimes économiques fait enquête et fait des perquisitions, et, jusqu'à moment où on se parle, je ne peux pas entrer nécessairement dans tous les détails. Comme c'est sous enquête présentement, j'aimerais mieux m'arrêter immédiatement.

Le Président: En question complémentaire.

M. Ménard: Puisque, M. le ministre, depuis 1992, il y avait de graves soupçons sur l'administration de ce Comité paritaire et puisque ça avait été même remis au Procureur général...

Le Président: Vous êtes en question complémentaire. S'il vous plaît! Vous êtes en question complémentaire, alors je vous invite à poser une question immédiatement.

M. Ménard: Pouvez-vous nous expliquer pourquoi les procédures pour mettre le Comité paritaire en tutelle n'ont pas été prises avant 1994?

Le Président: M. le ministre.

M. Marcil: Oui, M. le Président. En vertu de la Loi sur les décrets, le ministre n'a pas l'autorité de mettre un comité paritaire en tutelle sans suivre un processus qui s'appelle la nomination d'un enquêteur. Donc, effectivement, suite à tout ce cheminement qui a été réalisé, d'une part, par le crime économique de la Sûreté du Québec qui poursuit son enquête, naturellement – il n'y a aucune accusation qui a été portée – nous avons nommé un enquêteur, en l'occurrence Me Yves Ouellette, de même, également, qui nous a été présenté, M. Paulin du ministère du Revenu. Et cette nomination a aussi été contestée, c'est-à-dire que, lorsque les gens ont commencé leur enquête, le Comité paritaire est allé en cour pour contester la nomination des enquêteurs.

Parce que le ministre ne peut pas les mettre en tutelle tant et aussi longtemps que le rapport des enquêteurs ne lui recommande pas de mettre le Comité paritaire en tutelle. Donc, au moment où on se parle, la loi est ainsi faite. Donc, à moins de déposer une loi très, très spéciale, qui irait à l'encontre de la Loi sur les décrets, présentement, qui prévoit tout le processus de mise en tutelle des comités paritaires...

Le Président: En question principale, M. le député de Portneuf.


Mesures envisagées pour atteindre l'objectif de réduction des effectifs

M. Bertrand: M. le Président, loi 102 sur les salaires, loi 198 sur la réduction des postes dans le secteur public, discours sur le budget qui réduit encore davantage d'emplois, notamment dans la région de Québec, et annonce de privatisation par le gouvernement de tout ce qu'il peut d'ici les élections, et ce n'est pas fini.

En effet, nous apprenions il y a quelques jours, de différentes sources, que se discutait actuellement au Conseil du trésor et dans les ministères la possibilité d'imposer à tous les employés du secteur public une réduction à 32 heures de la semaine de travail, accompagnée d'une baisse au moins équivalente dans les salaires.

Alors, ma question s'adresse à la présidente du Conseil du trésor: Est-ce qu'elle peut clarifier, infirmer ou confirmer ces rumeurs? Peut-elle lever l'ambiguïté qui existe actuellement sur cette question dans le secteur public?

Le Président: Mme la présidente du Conseil du trésor.

Mme Gagnon-Tremblay: M. le Président, lors du dernier discours du budget, on a demandé un effort supplémentaire à tous les ministères pour réduire de 2 % les effectifs de chacun de ces ministères. Mais il n'appartient pas au Conseil du trésor de décider, pour chacun des ministères, comment on le fera, de quelle façon on va le faire, également. Mais il appartient à chacun des ministères de livrer la marchandise et de voir comment on peut réduire encore de 2 % le nombre d'effectifs pour l'année 1994-1995.

Le Président: En question complémentaire.

M. Bertrand: Est-ce que la présidente envisage, oui ou non, une réduction de la semaine de travail à 32 heures, avec une réduction des salaires correspondante?

Le Président: Mme la présidente du Conseil du trésor.

Mme Gagnon-Tremblay: M. le Président, pour moi, il n'en est pas question. C'est-à-dire, si les ministères décident de faire quelque chose en collaboration avec leurs employés, parce que vous savez que nous sommes régis par des conventions collectives... Alors, si, finalement, les ministères, en collaboration avec les employés, décidaient de poser des gestes ou nous demandaient d'accepter, par exemple, une semaine qui pourrait être réduite, nous le considérerions, mais il n'est pas question pour le moment de demander aux ministères de réduire la semaine de travail.

Comme je le mentionnais, chaque ministère est libre de livrer cette commande de 2 % d'effectifs supplémentaires qu'on leur demande pour 1994-1995, et ce n'est pas au Conseil du trésor de décider pour chacun de ces ministères.

Le Président: En question principale, M. le député de Laval-des-Rapides.


Manoeuvres frauduleuses d'un cadre de la Commission de la construction du Québec

M. Ménard: On apprenait récemment qu'un cadre de la Commission de la construction du Québec avait pu subtiliser 600 000 $ dans la caisse de retraite des employés de la construction en signant de son propre nom pas moins de 13 des 21 formulaires d'autorisation de paiement, et ce, sur une période de neuf mois.

Le ministre de l'Emploi peut-il nous expliquer pourquoi les moyens de contrôle qui devraient normalement exister n'ont pu empêcher qu'une telle fraude se produise et puisse se perpétuer sur une aussi longue période de temps?

Le Président: Alors, M. le ministre de l'Emploi.

M. Marcil: Malheureusement, M. le Président, deux questions me sont posées, une en ce qui concerne le comité du verre plat qui est sous enquête, pour lequel je ne peux pas nécessairement compléter, donner toutes les informations. Et, également, en ce qui concerne ce dossier, il y a également une enquête de l'escouade des crimes économiques du Québec qui est encore en marche, donc je voudrais attendre un peu plus tard pour pouvoir donner des commentaires, M. le Président.

(14 h 40)

Le Président: Alors, en question complémentaire.

M. Ménard: Devant le manque flagrant d'encadrement de la gestion à la Commission de la construction du Québec...

Le Président: Oui, M. le député, vous êtes en question complémentaire. Vous devez poser une question immédiatement, sans préambule, s'il vous plaît.

M. Ménard: Le ministre peut-il nous dire ce qu'il entend faire pour rétablir une gestion crédible à la Commission de la construction du Québec?

Le Président: Alors, M. le ministre.

M. Marcil: Donc, concernant cette question, M. le Président, nous avons eu, j'ai reçu, naturellement, le rapport du Vérificateur concernant l'administration de la Commission de la construction du Québec. J'entends finaliser les discussions, les échanges, au Conseil des ministres, demain. Malheureusement, la semaine dernière, j'ai fait déposer le rapport, mais, compte tenu que je n'ai pu assister à la rencontre, donc ça se terminera demain après-midi. Et, à partir de la rencontre que j'aurai avec le Conseil des ministres, à ce moment-là, je serai en mesure d'annoncer, pas seulement les intentions, mais les gestes concrets que le ministre de l'Emploi entend prendre afin de donner cette crédibilité à la Commission de la construction du Québec, M. le Président, et, surtout, pour protéger les avoirs des travailleurs et des travailleuses du Québec.

Le Président: Alors, en question principale, M. le député de Masson.


Casinos sur les navires de croisière

M. Blais: Merci, M. le Président. Les discussions, depuis quelques années, quant à l'aménagement d'un terminal d'accueil pour les bateaux de croisière au Vieux-Port de Québec, soulèvent avec elles celles sur la tenue de casinos sur les navires de croisière internationale dans les eaux québécoises. On sait que la loi canadienne sur les loteries empêche un grand nombre de navires de croisière de venir au Québec, puisque ceux-ci doivent fermer leur casino dès qu'ils touchent les eaux canadiennes, soit deux jours avant de pénétrer dans le Saint-Laurent et deux jours après les avoir quittées.

Ma question au ministre responsable du Tourisme: Est-ce qu'il a l'intention d'agir et de faire des représentations à ses collègues concernés, afin de remédier à ce lourd handicap pour l'industrie touristique, qui priverait Québec et Montréal d'un supplément de 25 000 à 30 000 touristes nouveaux par année et serait une perte de 4 000 000 $ à 8 000 000 $ pour ces deux villes?

Le Président: Alors, M. le ministre responsable du Tourisme.

M. Farrah: Oui, M. le Président. Tout comme le mentionnait mon collègue de Masson, effectivement, le dossier des bateaux de croisière au Québec est un dossier très important, compte tenu de l'apport économique que ça peut susciter, tant au niveau de la région de Québec que de la région de Montréal.

Et, suite à ma nomination, le 11 janvier dernier, aux alentours du mois de février, approximativement, j'ai rencontré les intervenants des bateaux de croisière, ici, au Québec, alors qu'ils m'ont sensibilisé au fait, justement, que, si les casinos ne pouvaient être ouverts à bord des bateaux, effectivement, ça faisait en sorte que moins de bateaux venaient au Québec et que, par conséquent, moins de touristes y débarquaient.

Alors, suite à cette rencontre, j'ai écrit à mes collègues du Conseil des ministres qui sont touchés par ce dossier-là, soit le ministre des Finances, le ministre de la Sécurité publique, ainsi que le ministre de la Justice. Et, suite à une entente commune, nous proposons une stratégie avec le gouvernement fédéral afin que cette situation puisse être corrigée et de faire en sorte que les touristes puissent venir dans les ports de Québec et de Montréal, M. le Président.

Le Président: En question complémentaire.

M. Blais: Est-ce que le ministre responsable du Tourisme peut faire sienne la phrase dite par le directeur général du port de Québec, M. Ross Gaudreault: «Si seulement les politiciens de Québec et d'Ottawa acceptaient de se parler durant cinq minutes, le cas serait réglé»?

Le Président: Alors, M. le ministre.

M. Farrah: Alors, M. le Président, je ne peux pas interpréter les commentaires du directeur du port de Québec, mais, moi, je peux vous dire que je n'ai aucun problème avec mes collègues. Et j'ai ici, devant moi, les trois lettres que j'ai adressées à mes collègues, afin qu'on ait une stratégie commune pour régler le dossier. Alors, on agit dans le dossier, M. le Président.

Le Président: Alors, pour une autre question complémentaire.

M. Blais: Est-ce que le ministre, par sa réponse, nous dit qu'il s'entend avec ses collègues, mais qu'il n'a pas encore contacté Ottawa pour quoi que ce soit?

Le Président: Alors, M. le ministre.

M. Farrah: Les démarches sont effectuées auprès du gouvernement fédéral et nous attendons; nous pensons que nous allons avoir une décision très prochainement, M. le Président. Les contacts sont déjà amorcés.

Le Président: Alors, pour une dernière question additionnelle.

M. Blais: Est-ce qu'on pourrait savoir avec qui le ministre responsable du Tourisme a déjà eu des contacts? Et quels en sont les résultats jusqu'à aujourd'hui?

Le Président: Alors, M. le ministre.

M. Farrah: M. le Président, je pense qu'il y a des gens au bureau du premier ministre du Canada qui sont très près de la région de Québec, entre autres le directeur du cabinet du premier ministre du Canada, qui connaît bien la problématique de la région de Québec. Et, par conséquent, on s'attend à avoir une décision très prochainement dans ce dossier, M. le Président.

Le Président: Alors, en question principale, maintenant, M. le député de Laviolette.


Engagement de M. Royal Grenier à la SOPFEU

M. Jolivet: Merci, M. le Président. Lors de l'étude des crédits du ministère des Ressources naturelles, j'ai posé au ministre responsable plusieurs questions relativement aux contrats, honoraires et émoluments reçus par M. Royal Grenier à titre de président de la Société de protection des forêts contre le feu. Alors que le ministre n'a toujours donné aucune réponse à ma demande, on apprenait ce matin que des fonctionnaires auraient fait parvenir à un journaliste du Soleil certaines informations à cet effet. Contrairement à la coutume, elles révéleraient qu'en 1993 M. Royal Grenier aurait assumé la présidence à mi-temps de cet organisme, pour une rémunération totale d'environ 75 000 $. Une résolution votée par les administrateurs laissait même croire que Royal Grenier aurait agi comme consultant pour cette même Société de protection des forêts contre le feu.

J'aimerais savoir de la part du ministre s'il peut finalement répondre aux questions que je lui ai posées lors des crédits et m'indiquer quels sont les contrats, les honoraires et les émoluments que M. Royal Grenier, ou son entreprise de gestion, a reçus de la Société de protection des forêts contre le feu, du ministère des Forêts, de la société REXFOR, que ce soit à titre de président ou de consultant.

Le Président: Alors, M. le ministre des Ressources naturelles.

M. Sirros: M. le Président, sur la question des réponses qui devaient être transmises, je m'étonne un peu parce que mon cabinet avait pris l'engagement envers moi, avant de fournir ces informations aux journalistes, de les fournir d'abord au député qui les avaient demandées. S'il y a une faille là, je m'en excuse. Ce n'était pas l'intention du tout d'écourter la demande formelle du député, et je vais m'assurer qu'il va les avoir. Mais, en fait, elles sont déjà rendues publiques aujourd'hui par le biais de cet article dans la presse.

Le contrat est entre M. Grenier et la SOPFEU, ou ce qui existait avant la création officielle de la SOPFEU au mois de janvier. Et je vous rappelle que, la SOPFEU, c'est un organisme qui n'est pas gouvernemental. Le gouvernement a cinq représentants sur 20 sur le conseil d'administration. C'est un organisme qui est paritaire, en quelque sorte, avec les industries forestières qui, elles, paient pour la moitié des coûts d'opération de la SOPFEU et pour 38 % des opérations contre le feu.

Ils ont, au moment où on est passé des sociétés de conservation à la création de la SOPFEU, engagé, effectivement, M. Grenier, qui a agi ni plus ni moins à titre de consultant jusqu'au mois de mars dernier où il a été, à l'unanimité par le conseil d'administration, choisi, désigné comme président de la SOPFEU.

Le Président: Alors, en question complémentaire.

M. Jolivet: Comment le ministre peut-il concilier les propos de son attachée de presse qui prétend, d'un côté, que la Société de protection des forêts contre le feu a toujours agi de bonne foi et que les apparences sont trompeuses, alors que, d'un autre côté, elle nous annonce que vous demanderez à la Société de protection des forêts contre le feu de clarifier la situation et de régulariser les choses? N'y a-t-il pas anguille sous roche?

Le Président: Alors, M. le ministre.

M. Sirros: Non, M. le Président. Le problème, ce serait un peu long à expliquer tous les détails, mais, en fait, il s'agit d'une situation qui n'est pas mentionnée dans l'article comme tel, et je pense que la citation ne trouve pas sa bonne place exactement. Ce que je demanderais à nos représentants sur le conseil d'administration de la SOPFEU de soulever lors de la prochaine réunion du conseil d'administration, c'est le fait que, si c'était, avant la création officielle de la SOPFEU, correct d'engager un consultant qui pouvait agir afin de s'assurer que la SOPFEU puisse être créée dans les meilleurs termes possibles... Le conseil d'administration peut désigner qui il veut comme président, ce qu'ils ont fait avec M. Grenier, et l'engager et le payer à titre de président. Alors, je vais demander à ce qu'on souligne pourquoi est-ce que c'est une société de gestion qui prête les services de M. Grenier plutôt que M. Grenier lui-même qui pourrait agir comme président, si c'est le voeu du conseil d'administration.

Le Président: Alors, pour une autre question complémentaire.

M. Jolivet: M. le Président, est-ce que le ministre est au courant que les représentants des associations forestières, l'Association des manufacturiers de bois de sciage du Québec, ont demandé une enquête, justement, sur la gestion de la SOPFEU?

Le Président: Alors, M. le ministre.

(14 h 50)

M. Sirros: Ce n'est pas exactement une question supplémentaire, M. le Président, parce que les mêmes représentants ont tous, comme je le disais, à la réunion du mois de mars du conseil d'administration, désigné M. Grenier comme président. Donc, s'il y a autre chose, faisons la part des dossiers comme il faut et ne mêlons pas les pommes et les oranges.

Le Président: En question principale, M. le député de La Prairie.


Indexation de l'allocation pour apprentissage d'habitudes de travail octroyée aux personnes handicapées

M. Lazure: Merci, M. le Président. Plus de 7000 personnes handicapées intellectuelles adultes fréquentent une trentaine de services d'apprentissage aux habitudes de travail situés dans des centres de réadaptation. Pour défrayer le coût du transport, des repas, des vêtements de travail, ces personnes reçoivent du ministère de la Santé et des Services sociaux une allocation hebdomadaire de 21 $, la même depuis 1979, en dépit de l'augmentation importante du coût de la vie. Ainsi, la carte du transport en commun, à Montréal, est passée, en 1980, de 16 $ à 43 $ cette année. Les parents de ces personnes handicapées, il y a plusieurs mois, avaient fait des représentations auprès du ministre de la Santé et des Services sociaux de l'époque pour que cette allocation soit indexée.

Alors, la question à la ministre responsable de l'Office des personnes handicapées, M. le Président, est la suivante: Peut-elle nous dire quand elle va enfin corriger cette situation tout à fait injuste pour ces milliers de jeunes adultes handicapés en stage d'apprentissage? Est-ce qu'elle ne pense pas que la semaine des personnes handicapées serait un moment opportun de le faire?

Le Président: Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux.

Mme Robillard: M. le Président, nous sommes très sensibles à toute cette question des besoins des personnes handicapées. Nous savons que ces besoins sont très grands. Nous savons qu'ils reçoivent des allocations régulières, aussi, comme tout autre citoyen du Québec, mais que, à cause de leur handicap, ils reçoivent de l'aide supplémentaire. M. le Président, nous sommes en train de regarder au niveau du ministère, malgré le contexte budgétaire difficile présentement, si nous ne pouvons pas venir en aide aux personnes handicapées.

Le Président: En question complémentaire.

M. Lazure: M. le Président, est-ce que la ministre peut reconnaître que, de toutes les allocations qui sont versées des différents ministères du gouvernement, c'est probablement la seule allocation, 20 $ par semaine, qui n'a jamais été indexée depuis 1979? Est-ce qu'il n'est pas enfin temps d'indexer cette allocation si minime et d'encourager ainsi les personnes handicapées à reprendre des habitudes de travail?

Le Président: Mme la ministre.

Mme Robillard: M. le Président, tous les moyens sont bons pour que nos personnes handicapées participent au marché du travail. Je pense que la véritable intégration des personnes handicapées, justement, se passe quand elles peuvent intégrer le marché du travail et que le milieu du travail est ouvert aussi à les recevoir. Donc, il y a des allocations spécifiques, mais il y a aussi des programmes plus généraux qui leur donnent un coup de main face, aussi, à toute la sensibilisation du milieu du travail, M. le Président, qui doit de plus en plus être ouvert à recevoir ces personnes handicapées. Encore une fois, je dis que, en collaboration avec la présidente de l'Office des personnes handicapées du Québec, nous sommes en train de regarder l'ensemble de la situation et de voir si nous ne pouvons pas donner une aide supplémentaire.

Le Président: En question principale, maintenant, M. le député de Gouin.


Subvention au théâtre national interculturel, à Montréal

M. Boisclair: Oui, à la ministre de la Culture, M. le Président. Le 21 avril dernier était inauguré le théâtre national interculturel à Montréal, qui présentait, pour l'occasion, la pièce «La Cerisaie» de Tchekhov. L'objectif de ce théâtre unique est de favoriser la mixité des intervenants et participants en mettant en présence des représentants de diverses communautés culturelles du Québec. Je pense ici à la communauté africaine, arménienne, bulgare, française, italienne et plusieurs autres.

Ce théâtre a fait une demande d'aide financière à la ministre de la Culture, qui n'a accordé que 50 % de l'aide demandée, alors que le ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration ainsi que le ministère de la Main-d'oeuvre ont réduit considérablement la participation qu'ils avaient pourtant annoncée. Compte tenu de l'importance de cette institution pour Montréal et aussi pour tout le Québec, est-ce que la ministre de la Culture compte faire un effort particulier pour soutenir cette institution qui, à défaut, risque de disparaître aussi vite qu'elle est apparue, M. le Président?

Le Président: Mme la ministre de la Culture et des Communications.

Mme Frulla: M. le Président, je pense qu'il est de notoriété publique que tout ce qui est interculturel, étant moi-même d'origine autre que québécoise de souche, me tient particulièrement à coeur. Maintenant, je ferai remarquer aussi que le théâtre interculturel, comme les autres théâtres, doit faire sa demande au Conseil des arts et des lettres, qui est l'organisme qui, évidemment, subventionne tout le développement culturel du Québec, et ce, depuis avril, mais ce qui ne m'empêche pas de regarder quand même, étant donné le contenu plus spécifique, la situation. Maintenant, vous allez comprendre que le dossier est au Conseil des arts et des lettres et qu'en théorie il n'y a qu'une porte d'entrée. C'est celle-là. Mais, je regarderai la situation du théâtre de façon spécifique, M. le Président.

Le Président: En question complémentaire.

M. Boisclair: Est-ce que, dans ce même esprit, M. le Président, la ministre peut faire des représentations auprès de ses collègues, les responsables de la main-d'oeuvre ainsi que des relations interculturelles, pour s'assurer que ses belles paroles ne demeurent pas lettre morte et qu'au contraire elles puissent se traduire dans l'action et la réalité, M. le Président?

Le Président: Mme la ministre.

Mme Frulla: M. le Président, je pense qu'avec toute l'action que l'on mène au niveau culturel, d'une part, et avec tout le support que l'on a donné au niveau culturel, depuis, je dirais, ces dernières années, on n'a pas de leçons à recevoir de personne. C'est sûr que, si je dis d'abord qu'ils doivent aller au Conseil des arts et des lettres, parce qu'il y a une institution maintenant qui, à la demande des milieux culturels, est là, autonome, et qui s'assure du développement culturel du Québec, suite à la politique culturelle, ils doivent le faire ainsi. Si j'ajoute aussi que, compte tenu de la nature spécifique de ce théâtre et de l'importance des communautés culturelles et de leurs actions au niveau du développement culturel du Québec, eh bien, il devrait y avoir peut-être une attention particulière portée de ma part et de celle de mes collègues, eh bien, évidemment, je m'en occuperai. Merci.

Le Président: En question principale, M. le député de Rouyn-Noranda–Témiscamingue.


Ouverture d'un hôpital de soins de courte durée, au nord-est de Montréal

M. Trudel: Oui, M. le Président. La Régie régionale de Montréal-Centre a été chargée, le 26 janvier dernier, de trouver les 42 000 000 $ nécessaires pour en arriver à financer le projet d'un hôpital de courte durée, de 300 lits, dans le nord-est de la région de Montréal. On apprend aujourd'hui que la Régie régionale de Montréal-Centre est contre ce projet et qu'il faudrait couper un total de 129 000 000 $ dans l'ensemble des hôpitaux et des services de santé de la région de Montréal pour en arriver à financer cette volte-face du gouvernement libéral.

Aujourd'hui, la ministre de la Santé peut-elle nous dire si elle a l'intention de procéder à d'autres fermetures de lits d'hôpitaux, dans la région de Montréal, pour financer ce nouvel hôpital de courte durée, de 300 lits, dans le nord-est de Montréal?

Le Président: Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux.

Mme Robillard: M. le Président, c'est très clair. Le 12 janvier 1994, il y a eu une décision du présent gouvernement d'ouvrir un nouvel hôpital dans le nord-est de Montréal, à même un redéploiement de ressources, ce qui veut dire aucun ajout de lits supplémentaires, mais un déplacement des ressources. Étant donné que la région du nord-est de Montréal aussi est de plus en plus nombreuse et a besoin d'un accès à des services de santé de courte durée, il est toujours de l'intention du gouvernement, M. le Président, en collaboration avec la Régie régionale de Montréal-Centre, malgré ses inquiétudes, de procéder bientôt dans ce dossier.

Le Président: En question complémentaire.

M. Trudel: Compte tenu des 650 lits d'hôpitaux de courte durée qui sont déjà fermés sur l'île de Montréal, la ministre a-t-elle l'intention d'informer les hôpitaux de combien de lits supplémentaires seront fermés dans les hôpitaux anglophones et de combien de lits supplémentaires seront fermés dans les hôpitaux francophones de la région de Montréal pour financer ce projet de 300 lits de courte durée dans le nord-est de Montréal?

Le Président: Mme la ministre.

Mme Robillard: M. le Président, il faut toujours être prudent quand on parle de fermeture de lits, vous savez. Il y a différentes raisons pour des fermetures de lits. Parfois, on en ferme parce qu'à certaines périodes de l'année il y a une baisse des activités, et il y a même une baisse de la demande, M. le Président, je dois le dire. Je pense aux périodes de Noël ou aux vacances d'été.

Deuxièmement, parfois, on peut procéder à de la fermeture de lits parce qu'on fait le virage ambulatoire et qu'on offre plus de services sous forme de chirurgie d'un jour. Par ailleurs, quand on ferme des lits pour boucler des déficits budgétaires, là, M. le Président, on peut s'interroger, parce que les besoins de la population ne sont pas couverts. À l'heure actuelle, il est très clair qu'il y a un besoin de lits dans le nord-est de Montréal, M. le Président, et nous allons procéder en conséquence.

Le Président: Alors, en question principale, M. le député de Portneuf.

(15 heures)


Mesures pour contrer l'effet des pertes d'emplois dans la région de Québec

M. Bertrand: M. le Président, lors de sa dernière assemblée générale annuelle, le Conseil régional de concertation et de développement de Québec adoptait, à l'unanimité des 160 représentants présents, une résolution demandant au gouvernement que soit appliqué un moratoire sur la question des réductions d'effectifs et d'emplois pour la région de Québec dans le secteur public, considérant que les décisions, rien que pour cette année, du gouvernement représentent, en pertes d'emplois directes et indirectes, au moins 3000 emplois, et sans compter l'effet de la réduction de 30 % sur les autres dépenses.

Alors, M. le Président, ma question s'adresse au ministre responsable des Services gouvernementaux et également responsable de la région de Québec au sein du gouvernement: Quelle suite le ministre entend-il donner à cette résolution unanime des milieux de concertation et de développement de la région de Québec?

Le Président: Alors, M. le ministre délégué aux Services gouvernementaux.

M. Leclerc: Oui, M. le Président. J'étais d'ailleurs présent à ces instances, avec le député de Portneuf. Évidemment, le budget du gouvernement est connu, déposé, et la volonté du gouvernement est de permettre à la région de Québec de développer ses autres atouts. On a fait état souvent de l'atout touristique de la région de Québec; on a fait état également de sa force en haute technologie. Et il y a eu des actions qui ont été prises au cours des dernières années. On n'a qu'à penser au parc technologique où on a permis de créer près de 1000 emplois dans la région. On parle également du Centre des congrès, un investissement de 107 000 000 $ pour renforcer la capacité de Québec d'attirer des touristes. Alors, c'est la position du gouvernement du Québec de permettre à la région, de concert avec tous les intervenants, de développer ses autres côtés forts et intéressants. Je vous remercie.

Le Président: Alors, c'est la fin de la période de questions.


Réponses différées


Statut professionnel du pharmacien-propriétaire dans le cadre de l'Accord de libre-échange nord-américain

Maintenant, M. le ministre de l'Éducation et ministre responsable de l'application des lois professionnelles répondra à une question posée le 25 mai dernier par Mme la députée de Terrebonne concernant le statut professionnel du pharmacien-propriétaire et l'Accord de libre-échange nord-américain. Alors, M. le ministre.

M. Chagnon: M. le Président, l'exigence à l'effet qu'un propriétaire de pharmacie au Québec doit être pharmacien, c'est une condition qui s'applique tant aux professionnels québécois qu'aux professionnels étrangers. Cette exigence vise à assurer la protection du public, elle s'applique donc à tout le monde, et l'Accord de libre-échange ne fait donc pas échec à cette disposition. Merci, M. le Président.

Une voix: Ah!

Le Président: Alors, tel que le prévoit le règlement, je vais céder la parole à Mme la députée de Terrebonne pour une question complémentaire.

Mme Caron: Oui, M. le Président. Est-ce que le ministre s'engage à maintenir l'obligation pour les propriétaires de pharmacie d'être pharmaciens, malgré toutes les pressions extérieures? Parce que, justement, la protection de l'article 1102 repose uniquement sur le maintien de ce statut. Est-ce qu'il s'engage à le maintenir?

Le Président: M. le ministre.

M. Chagnon: M. le Président, je pense que Mme la députée parle plutôt de l'article 1202 qui traite du traitement national. Mme la députée avait mentionné l'article 1202. Mais, en ce qui nous concerne, M. le Président, nous n'avons reçu aucune plainte de groupements de pharmaciens à l'extérieur du Québec, ou du Canada, ou même du Mexique sur cette question. Alors, en ce qui nous concerne, dans la mesure où les ressortissants bénéficient d'un traitement équivalent à celui dont bénéficient les Québécois, l'Accord est donc respecté. Merci.

Mme Caron: M. le Président, est-ce que je peux déposer un document?

Le Président: Alors, pour un...

Mme Caron: Je veux déposer un document.

Le Président: Bien, s'il y a consentement pour un dépôt de document. Alors, si vous voulez simplement identifier votre document, s'il vous plaît.

M. Lefebvre: M. le Président, même si le règlement...

Le Président: Un instant! M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Lefebvre: Oui. Alors, même si le règlement prévoit une seule question, le ministre n'a pas d'objection à répondre à une autre question.

Le Président: Bon, écoutez, ce n'est pas pour une question, à ce moment-ci, c'est pour un dépôt de document, là. Mais, évidemment, si votre document... La même chose arrive, comme on l'a déjà vu précédemment lors de la période des questions: si vous soulevez un document, vous le déposez, il y a pratiquement une question qui s'engendre. Je donne la parole d'un côté, normalement, et je donne la parole de l'autre côté.

Alors, est-ce que c'est sous forme de question ou simplement de dépôt? De dépôt uniquement. Est-ce qu'il y a consentement au dépôt du document? Donc, identifiez votre document, il y aura consentement ultérieurement.

Mme Caron: Oui, M. le Président, Je dépose ma question de la semaine dernière, et on fait état que c'est l'article 1102. Et je dépose aussi l'article 1102.


Document déposé

Le Président: Alors, il y a consentement au dépôt du document? Donc, consentement. Le document est déposé.

Donc, il n'y a pas, maintenant, de votes reportés. À l'ordre, s'il vous plaît!

Motions sans préavis. Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux.

Mme Robillard: M. le Président, je sollicite le consentement des membres de cette Assemblée afin de présenter la motion suivante: «Qu'à l'occasion de la Semaine nationale pour l'intégration des personnes handicapées l'Assemblée nationale souligne les efforts consentis par nos concitoyens et nos concitoyennes qui oeuvrent avec acharnement à l'intégration sociale pleine et entière des personnes handicapées.»

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Oui, M. le leader... Je m'excuse! M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Lefebvre: Si le leader adjoint de l'Opposition n'a pas d'objection, avant qu'on dispose de cette motion, j'aimerais pouvoir donner les avis concernant les travaux des commissions; intervertir, autrement dit, l'ordre des travaux. Est-ce qu'il y a consentement?

M. Gendron: Il y a consentement.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, il y a consentement. Nous allons passer aux avis touchant les travaux des commissions et nous reviendrons aux motions sans préavis. M. le leader adjoint du gouvernement.


Avis touchant les travaux des commissions

M. Lefebvre: M. le Président, je remercie le leader adjoint de l'Opposition. Alors, de 15 heures à 18 heures et de 20 heures à 22 h 30, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine, la commission de l'économie et du travail poursuivra ses auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur le régime des décrets de convention collective ainsi que sur le rapport du Comité interministériel sur les décrets de convention collective de février 1994.

De 15 heures à 18 heures et de 20 heures à 22 heures, à la salle du Conseil législatif, la commission de la culture complétera ses consultations particulières dans le cadre de l'étude détaillée du projet de loi 14, Loi sur la Société de développement des entreprises culturelles. Je dépose les avis, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Vos avis sont déposés. Je vous avise que la commission des affaires sociales se réunira aujourd'hui, le mardi 31 mai 1994, après les affaires courantes jusqu'à 18 heures et de 20 heures à 21 h 30, à la salle Louis-Joseph-Papineau de l'Hôtel du Parlement. L'objet de cette séance est de procéder à une consultation générale et de tenir des auditions publiques dans le cadre de l'étude du rapport du Conseil de la famille sur la mise en oeuvre de la Loi sur le Conseil de la famille, le tout conformément à l'article 29 de la Loi sur le Conseil de la famille.


Motions sans préavis

Nous passons maintenant aux motions sans préavis.


Souligner les efforts consentis à l'intégration sociale des personnes handicapées

Est-ce qu'il y a consentement pour débattre de la motion présentée par Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux?

M. Gendron: Il y a consentement.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Il y a consentement. Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux.


Mme Lucienne Robillard

Mme Robillard: Merci, M. le Président. La Semaine nationale pour l'intégration des personnes handicapées se déroule du 30 mai au 4 juin, sous le thème «L'accessibilité, une force au travail!». À titre de ministre de la Santé et des Services sociaux et responsable de l'Office des personnes handicapées du Québec, je suis heureuse de saluer l'important travail de collaboration du milieu associatif, de l'Office et des nombreux commanditaires nationaux qui participent, de près ou de loin, au succès de cette semaine d'activités.

Le gouvernement québécois comprend l'importance de la Semaine nationale comme outil de promotion et reconnaît la défense des droits des personnes handicapées comme l'un de ses engagements quotidiens fondamentaux. À titre de législateur, il appartient au gouvernement de mettre en place les mécanismes assurant l'exercice des droits des personnes handicapées et de favoriser l'accessibilité de tous les services.

Le gouvernement doit aussi intercéder auprès des autres décideurs et acteurs de notre société afin que ceux-ci acceptent et assument leur part de responsabilité en matière d'intégration sociale des personnes handicapées.

Le thème de la Semaine, «L'accessibilité, une force au travail!», exprime bien le désir des personnes handicapées de faire comprendre à toute la population qu'en adhérant au principe d'accessibilité universelle c'est la société qui sort gagnante, puisqu'elle s'assure de la participation dynamique des personnes handicapées à toutes les sphères de l'activité sociale. La personne handicapée, à qui on donne les moyens de devenir une citoyenne productive ou un citoyen productif, se transforme en un actif fort important pour le Québec.

Le gouvernement a la volonté de soutenir les efforts qui sont faits au Québec en matière d'intégration, mais il ne peut y arriver sans l'implication du monde du travail qui doit comprendre que, au-delà des programmes gouvernementaux ou paragouvernementaux, il a la responsabilité sociale de développer une attitude d'accueil et de permettre à chaque individu de contribuer activement au succès des entreprises.

(15 h 10)

Le gouvernement ne peut demeurer passif devant le nombre grandissant de personnes ayant des incapacités. Au Québec, c'est plus de 800 000 individus qui ont à vivre des situations plus ou moins handicapantes pouvant entraîner leur exclusion. Rappelons, M. le Président, que parmi ses objectifs, la politique de la santé et du bien-être identifie clairement la diminution, d'ici l'an 2002, des situations qui entraînent un handicap pour les personnes ayant des incapacités, quelles que soient l'origine et la nature des incapacités. Un des moyens pour y arriver est d'inciter fortement tous les ministères à défrayer les coûts d'interprétariat pour les personnes sourdes.

Lors de la conférence de presse annonçant les activités prévues dans le cadre de la Semaine nationale, la présidente de l'Office des personnes handicapées du Québec, Mme Lise Thibault, faisait référence aux centaines de millions de pas qu'il reste encore à faire, précisant qu'aucun individu ne peut y arriver seul. Je me permettrai de reprendre le message de Mme Thibault pour insister sur l'importance de la concertation de tous les milieux. Chacun de ces milieux doit accepter sa part de responsabilité face à l'intégration de toutes les citoyennes et de tous les citoyens qui veulent jouer pleinement leur rôle social au Québec. Pour que les personnes handicapées aient cette même opportunité, il importe, bien sûr, d'éliminer ou de réduire les obstacles architecturaux, mais aussi, M. le Président, de faire tomber les barrières sociales.

Parmi toutes les activités de sensibilisation auxquelles les personnes handicapées ont recours pour faire avancer leur propre cause, la Semaine nationale se veut une occasion privilégiée de nous faire savoir et de faire savoir à l'ensemble de la société québécoise que l'intégration doit naître d'un effort collectif. Celles et ceux qui siègent à cette Assemblée nationale ont le devoir de relever le défi de l'intégration pour les personnes handicapées de leur comté. Toutes et tous doivent promouvoir l'accessibilité des services dans les différents secteurs d'activité de notre société et faire en sorte que ceux-ci soient disponibles pour chacun des individus, tant en région que dans les grands centres urbains. Notre engagement doit être visible au point d'avoir un effet d'entraînement sur les décideurs locaux et régionaux.

M. le Président, malgré l'importance du travail accompli, nous avons encore des barrières à faire tomber pour rendre justice aux personnes handicapées, mais je répète que les premières barrières auxquelles nous devons nous attaquer sont souvent celles que nous élevons dans nos esprits.

Je vous remercie de m'avoir permis de rendre hommage aux instigatrices et instigateurs de la Semaine nationale pour l'intégration des personnes handicapées, mais surtout aux personnes handicapées elles-mêmes, qui ont décidé d'assumer leur propre destinée et de se donner les moyens pour jouer un rôle actif au sein de notre société.

En terminant, M. le Président, je profite de l'occasion pour féliciter la présidente de l'Office des personnes handicapées du Québec, Mme Lise Thibault, pour le prix qui lui a été décerné récemment dans la catégorie Affaires, professions et entrepreneurship, lors du gala Femmes de mérite, organisé par le YMCA. Cet important hommage honore personnellement Mme Thibault, mais la visibilité que sa nomination lui assure rejaillit sur tout le personnel et l'organisation de l'Office de même que sur toutes les personnes handicapées du Québec. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, sur cette même motion, je cède la parole maintenant à M. le député de La Prairie. M. le député, la parole est à vous.


M. Denis Lazure

M. Lazure: Merci, M. le Président. Alors, c'est avec beaucoup de plaisir que notre formation appuie la motion présentée par la ministre de la Santé et des Services sociaux et responsable de l'Office des personnes handicapées. Je suis d'autant plus heureux d'entendre la ministre présenter cette motion que je vous avoue qu'hier soir, lors du lancement de la semaine des personnes handicapées, à Montréal, dans la salle qui s'appelle le Spectrum, où il y avait environ 700 personnes handicapées avec leur famille et leurs amis, spectacle tout à fait intégré, spectacle de danse, de théâtre, de musique, qui a été produit et rendu à la fois par des personnes handicapées et des personnes non handicapées, à ce spectacle, donc, à cette soirée, on nous a lu un message du ministre fédéral de la Santé, M. Axworthy, et on n'avait pas de message de la ministre responsable des personnes handicapées, et je trouve que c'était malheureux. Je referme la parenthèse, M. le Président.

Je pense que nous avons l'occasion, une fois par année, de faire le point sur l'évolution de la condition des personnes handicapées au Québec. Il faut admettre qu'il y a eu un progrès considérable de fait. Les personnes handicapées, leurs familles, elles-mêmes l'admettent volontiers, depuis, surtout, 1978, au moment où le gouvernement Lévesque faisait adopter à l'unanimité, par cette Assemblée nationale, la Loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées.

Il y a eu amélioration considérable dans beaucoup de domaines; d'abord et avant tout, dans l'esprit des gens. Je pense que la société québécoise est devenue une société plus accueillante pour les personnes handicapées. Je pense, en même temps, M. le Président, qu'il nous reste encore d'énormes progrès à accomplir dans quelques domaines particuliers, à savoir l'intégration scolaire et l'intégration au milieu du travail, parce que d'autres domaines ont progressé plus rapidement, tels que le transport en commun, le transport adapté pour les personnes handicapées, l'accessibilité aux immeubles modernes surtout et, jusqu'à un certain point, les loisirs.

Mais, dans les deux secteurs dont je veux parler aujourd'hui un peu plus attentivement, à savoir l'intégration au travail et l'intégration scolaire, nous sommes en retard, M. le Président. La loi prévoyait différents mécanismes pour augmenter la présence des personnes handicapées sur le marché du travail, les plans d'embauche, particulièrement. La loi dit que toute entreprise de 50 employés et plus doit produire un plan d'embauche qui doit être soumis à l'Office des personnes handicapées pour approbation. Ça s'est fait de peine et de misère. Des milliers d'entreprises ont soumis leurs plans. Le problème, M. le Président, c'est qu'il n'y a pas eu de suivi. L'Office et le gouvernement, le ou la ministre responsable de l'Office, n'ont pas exercé toute la vigilance voulue, si bien que les plans d'embauche – tout le monde l'admet aujourd'hui – n'ont pas été pris au sérieux par les employeurs, de façon générale. Il y a eu quelques exceptions heureuses.

Deuxième mécanisme pour l'intégration au travail: les contrats d'intégration au travail, surtout à l'adresse des PME, des petites et moyennes entreprises, où l'Office peut verser 60 % et plus du salaire pendant des périodes de six mois, renouvelables trois fois.

M. le Président, c'est une forme d'aide qui a très bien fonctionné, mais, malheureusement, le gouvernement a gelé le financement de ces contrats d'intégration au travail. Malgré toutes les demandes qui ont été adressées au premier ministre et à la ministre responsable depuis quelques mois, on n'a toujours pas de réponse. Il me semble qu'on n'a pas le droit, dans des domaines où on a encore beaucoup de rattrapage à faire, de dire: Nous coupons de façon uniforme dans tous les programmes. Parce que, dans le cas des personnes handicapées, la plupart de ces programmes-là n'ont pas encore atteint leur vitesse de croisière. Par conséquent, il ne faut pas imposer des coupures financières au même titre que dans des programmes qui sont lancés depuis des années et des années.

La troisième façon d'aider les personnes handicapées au travail, ce sont les centres de travail adapté. Il y en a 38 maintenant, le même nombre qu'il y a 10 ans, M. le Président. Aucune augmentation depuis 10 ans. Là aussi, ça a été la stagnation.

En somme, je pense qu'il faut regarder les choses en face. Le gouvernement que nous avons devant nous depuis 1985 n'a pas attaché toute l'importance qu'il aurait dû attacher aux services des personnes handicapées. Ces services-là venaient à peine de naître en 1985. La plupart des programmes commençaient un certain progrès, une certaine progression. Dans bien des cas, on a cessé, on a stoppé cette progression.

Je ne veux pas revenir en détail sur les listes d'attente. Dans les programmes d'aide matérielle, il y a au-delà de 6000 personnes qui sont en attente de services. Il y a certains secteurs de services où on doit attendre deux ans, trois ans avant d'avoir un service. Encore aujourd'hui, de jeunes handicapés sont privés de services au centre Cardinal-Villeneuve ici-même, à Québec.

(15 h 20)

Alors, M. le Président, je veux bien qu'on se félicite, je veux bien qu'on félicite la présidente de l'Office. Moi aussi, je reconnais avec plaisir qu'elle a mérité l'honneur qui lui a été décerné. Son personnel aussi mérite d'être félicité, mais, en plus, M. le Président, il faut surtout féliciter les personnes handicapées elles-mêmes pour leur détermination, les parents des enfants handicapés, notamment.

Et deux mots au sujet de la question de l'intégration scolaire des écoliers ou des écolières handicapés. M. le Président, on connaît tous, puisque c'était encore dans l'actualité la semaine dernière, des cas célèbres où des parents ont dû recourir aux tribunaux pour que leur enfant handicapé soit intégré dans une classe régulière ou dans une école régulière. La question est complexe, il faut le reconnaître. Mais, M. le Président, entre les deux extrêmes, il y a le juste milieu. Actuellement, le gouvernement dit: Les commissions scolaires sont libres de choisir la voie qu'elles jugent la meilleure pour l'enfant handicapé. L'autre extrême, c'est le cas du Nouveau-Brunswick en ce moment et de plusieurs États américains où, par la loi, on oblige les commissions scolaires à intégrer dans des classes régulières tous les enfants handicapés, quel que soit leur handicap. Ce sont les deux positions extrêmes: une du laisser-faire total qui est la position du gouvernement actuel et l'autre de la contrainte légale qui est celle du Nouveau-Brunswick.

Il me semble, M. le Président, que le ministère de l'Éducation, et ça, ça se fera si le gouvernement veut accepter enfin de prendre sa responsabilité, devrait, par règlement, faire en sorte que les commissions scolaires, si elles décident qu'un enfant handicapé ne peut pas être intégré dans une classe régulière, aient le fardeau de la preuve, qu'elles soient obligées de démontrer que la classe spéciale ou l'école spéciale sera plus bénéfique à l'enfant handicapé que l'intégration dans une classe régulière. Il me semble, M. le Président, qu'il faut mettre l'imagination au pouvoir de manière à ce qu'il y ait plus de contraintes d'imposées aux commissions scolaires, de manière à ce que les parents ne soient pas obligés de débourser des sommes considérables devant les tribunaux.

Je voudrais dire, en terminant, quelques mots au sujet des associations de personnes handicapées. Il existe au-delà de 500 groupes locaux, régionaux, nationaux au Québec. Ces associations de promotion des droits des personnes handicapées ont été brimées depuis quelques années. Leurs subventions ont été gelées. Les subventions qu'elles ont reçues depuis sept, huit ans sont minimes, si bien que ces associations se sont tournées vers le gouvernement fédéral, M. le Président. Et, là, je reviens à ma remarque du tout début. On comprend mieux que les responsables de la semaine des personnes handicapées, hier soir, aient lu le télégramme de M. le ministre fédéral et n'aient rien lu de la ministre du Québec, parce que le fédéral a horreur du vide et il est venu combler des besoins authentiques, réels des associations de personnes handicapées. Par ce moyen, le gouvernement fédéral envahit un domaine où c'est de compétence strictement québécoise, les services aux personnes handicapées. Et, M. le Président, je pense qu'il faut que le gouvernement actuel refasse ses devoirs et établisse une fois pour toutes un système de subventions raisonnables qui permette aux associations, aux groupements de promotion des personnes handicapées de jouer leur rôle de façon efficace.

Alors, M. le Président, je veux encore une fois rendre hommage aux personnes handicapées, à leurs familles, et leur dire que, par leur militantisme, elles ont obtenu il y a quelques années, il y a déjà plusieurs années, des progrès importants dans la société et que c'est par cette action militante qu'elles continueront d'en avoir d'autres. Merci.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Je vous remercie, M. le député de La Prairie.


Mise aux voix

Est-ce que la motion présentée par Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux, qui se lit comme suit: «Qu'à l'occasion de la Semaine nationale pour l'intégration des personnes handicapées l'Assemblée nationale souligne les efforts consentis par nos concitoyens et nos concitoyennes qui oeuvrent avec acharnement à l'intégration sociale pleine et entière des personnes handicapées», est adoptée?

M. Gendron: Adopté.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté. Nous en sommes toujours aux motions sans préavis, et je cède la parole à M. le député de Rouyn-Noranda– Témiscamingue.

M. Trudel: M. le Président, je sollicite le consentement de cette Chambre pour débattre et adopter la motion suivante: «Que l'Assemblée nationale du Québec dénonce l'initiative du gouvernement fédéral d'organiser un forum national sur la santé dans un secteur de sa compétence exclusive et indique au gouvernement fédéral que la responsabilité de déterminer les priorités du système de santé sur le territoire du Québec appartient uniquement au gouvernement du Québec.»

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Est-ce qu'il y a consentement pour débattre de cette motion?

M. Doyon: Parce que la position du Québec est déjà connue...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Est-ce qu'il y a consentement, M. le député?

M. Doyon: Non, il n'y a pas consentement, parce que la position est déjà connue.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Il n'y a pas de consentement. Est-ce qu'il y a d'autres motions sans préavis?

Renseignements sur les travaux de l'Assemblée.

Alors, ceci met fin à la période des affaires courantes.


Affaires du jour

Nous allons passer, maintenant, aux affaires du jour. M. le leader adjoint du gouvernement, voulez-vous m'indiquer quel article de l'ordre du jour?

M. Doyon: Oui. Nous sommes rendus, maintenant, M. le Président, à appeler l'article 13 de notre feuilleton.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): À l'article 13, M. le ministre des Affaires municipales propose l'adoption du principe du projet de loi 26, Loi modifiant la Loi sur la fiscalité municipale et d'autres dispositions législatives.

Je vais suspendre les travaux pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 15 h 27)

(Reprise à 15 h 34)


Projet de loi 26


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Si vous voulez prendre place. Je rappelle aux membres de cette Assemblée que nous en sommes à l'adoption du principe du projet de loi 26, Loi modifiant la Loi sur la fiscalité municipale et d'autres dispositions législatives, et je cède la parole à M. le ministre des Affaires municipales. M. le ministre.


M. Claude Ryan

M. Ryan: M. le Président, il me fait plaisir de présenter à cette Chambre le projet de loi 26, qui vise à modifier la Loi sur la fiscalité municipale. Chaque année, nous soumettons à l'Assemblée nationale un projet contenant des dispositions relatives à la Loi sur la fiscalité municipale. Cette Loi sur la fiscalité municipale est une loi fondamentale qui consigne, dans un texte très long et très complexe, les fort nombreuses dispositions traitant de fiscalité municipale.

Cette loi subit chaque année des ajustements. Ce ne sont pas nécessairement des contradictions par rapport aux dispositions antérieures, mais des situations nouvelles surgissent qui requièrent l'intervention du législateur, et nous avons décidé de réagir dès qu'une situation se présente. Au lieu de la laisser pourrir indéfiniment, quand nous pouvons l'amener à un état de maturation suffisant, quand nous pouvons réaliser autour d'une solution un consensus assez large, ou, encore, quand une intervention s'impose, afin de prévenir des préjudices graves, nous avons décidé d'intervenir, nous n'hésitons pas à le faire.

Nous avons légiféré rapidement ces dernières années, efficacement, et je pense que nous avons pu régler, dans le domaine municipal, un très grand nombre de dossiers qui avaient été en souffrance pendant longtemps parce que des éléments n'étaient pas tous réunis pour des solutions favorables. Évidemment, en cours de route, il survient également des petites contradictions, des accidents de parcours ou des difficultés objectives que nul n'aurait pu prévoir et que nul n'aurait surtout pu empêcher, à moins de se condamner, dès le départ, à l'inaction.

Alors, nous en profitons, cette session-ci, pour faire le point sur un certain nombre de sujets. Je vais vous les mentionner brièvement. Nous traiterons d'abord de la surtaxe sur les immeubles non résidentiels que nous avions instituée lors de l'adoption du projet de loi 145, en juin 1993. Nous traiterons également du Bureau de révision de l'évaluation foncière. Il y a longtemps que nous n'en avons point parlé. C'est l'organisme qui est chargé d'entendre toutes les plaintes en provenance de contribuables, autant individuels que corporatifs, portant sur l'évaluation d'une propriété. Nous traiterons également de certains organismes qui jouissent d'exemption de taxes municipales. Nous allons essayer de préciser certaines choses pour empêcher que les abus ne se commettent et pour mettre fin à certains abus que nous avons pu observer. Il sera question également de favoriser l'accès au service 9-1-1 par toutes les municipalités du Québec. Nous avons une disposition en vertu de laquelle les municipalités seront habilitées à conclure des ententes avec une entreprise de communications pour assurer la fourniture du service 9-1-1 sur le territoire d'une ou de plusieurs municipalités dans une région. En outre, nous aurons quelques modifications à la loi sur les mutations immobilières et différentes autres dispositions dont je traiterai en cours de route.

Je voudrais commencer par la disposition peut-être la plus importante du projet de loi, c'est celle qui a trait à la taxation des immeubles non résidentiels. Comme nos concitoyens le savent, il existe deux formes principales de taxation dans le monde municipal. Il y a la taxe foncière générale, qui s'applique à tous les immeubles situés sur le territoire d'une municipalité, autant les immeubles résidentiels que les immeubles non résidentiels. Cette taxe est la même; le taux est le même pour tout le monde. Nous avions depuis quelques années une taxe dite d'affaires, qui portait surtout sur les locaux loués pour des fins commerciales ou industrielles. On chargeait à la corporation ou à l'individu locataire de ces locaux une taxe dite d'affaires. C'était une taxe sur la valeur estimée du loyer de cet immeuble-là.

Il y a quelques années, nous avons fourni aux municipalités l'occasion d'ajouter un autre instrument fiscal à ceux dont elles disposaient; il s'agissait de la surtaxe sur les immeubles non résidentiels. Cette surtaxe permettait aux municipalités de décider, par exemple, que tout immeuble à vocation non résidentielle, c'est-à-dire commerciale, financière ou industrielle, serait assujetti à une taxe; en plus de la taxe générale, une surtaxe sur les immeubles non résidentiels. Cette surtaxe fut instituée, en particulier pour une raison. Nous avions constaté que le gouvernement fédéral se soustrayait à la taxe d'affaires partout où il était en location. Il y avait beaucoup d'endroits où il était en location. Il avait décidé de ne pas payer la taxe d'affaires, et nous perdions chaque année des revenus estimés à quelque 50 000 000 $ seulement à cause de ça. Alors, avec la position du gouvernement fédéral, c'est qu'il payait la taxe foncière générale, la taxe de base, il payait la taxe foncière. Toute taxe foncière, il acceptait de la payer, mais il n'acceptait pas de payer une taxe dite d'affaires. En instituant la surtaxe sur les immeubles non résidentiels, qui était dans notre esprit très nettement une taxe foncière, nous amenions le gouvernement fédéral à payer ses taxes sur ses immeubles qui sont au Québec. Et ça s'est fait, le gouvernement fédéral s'est plié à la loi, je dois le dire, de bonne grâce.

(15 h 40)

Parce qu'on souligne surtout, de l'autre côté de la Chambre, les aspects qui fonctionnent plus laborieusement dans le régime fédéral. Jusqu'à un certain point, je le comprends. Il faut bien que, nous, nous soulignions les aspects qui marchent, qui sont infiniment plus nombreux que les autres et souvent beaucoup plus importants. Alors, dans ce cas-ci, je me souviens que l'Opposition nous avait dénoncés avec la verdeur négative dont elle est capable dans ces choses. Elle avait dit: Vous instituez une taxe, vous ne savez même pas si le gouvernement fédéral va l'acquitter. Je le dis, là, pour l'information de nos concitoyens, le gouvernement fédéral, dès l'année 1992, a payé cette surtaxe sur les immeubles non résidentiels à travers le Québec. Allez consulter la ville de Hull, par exemple. La ville de Hull a récolté, je pense que c'est 7 000 000 $ de plus par année, seulement au titre de cette surtaxe.

Il y a des citoyens qui n'étaient pas contents, certaines entreprises qui ont protesté, et je pense que les protestations furent alimentées par le mauvais équilibre qu'avait choisi la ville de Montréal pour répartir sa taxe foncière générale, la surtaxe sur le résidentiel, sa taxe de services et sa taxe d'eau, en 1992. Il en est résulté une véritable rébellion de certains secteurs de contribuables, et les mesures ont donné lieu à des contestations devant les tribunaux. Certains étaient mécontents du partage qui avait été fait. On avait mis trop l'accent sur la surtaxe. Même la taxe d'eau, il était rendu qu'elle était taxée de la même manière que le non-résidentiel, puis la taxe de services aussi. Ça fait qu'il y a certains propriétaires qui ont été très désavantagés par cet équilibre fort discutable qu'avait imposé le budget de la ville de Montréal, en 1993, et il fallait absolument que les choses se clarifient. Des causes ont été présentées devant les tribunaux, puis il est arrivé qu'un juge de la Cour supérieure s'est prononcé en faveur de la loi 145 et de la surtaxe sur les immeubles non résidentiels. Ce jugement était un jugement concis, jugement qui n'allait pas dans tous les détails, évidemment, mais qui était favorable.

Quelques mois plus tard, un autre juge s'est prononcé contre la surtaxe sur les immeubles non résidentiels. Ce juge a prétendu que la surtaxe, au lieu d'être une taxe foncière, c'est-à-dire une taxe s'appliquant à l'immeuble, était une taxe personnelle, c'est-à-dire une taxe s'adressant au propriétaire et, par l'intermédiaire du propriétaire, à l'occupant de son immeuble, le locataire. Puis le juge, étant donné les prémisses sur lesquelles il fondait son raisonnement, il a conclu que c'est une taxe indirecte. Il a conclu que le législateur visait les locataires commerciaux et industriels, alors qu'il imposait sa taxe aux propriétaires. Mais, comme nous avions donné aux propriétaires le droit d'ajuster le bail de manière à tenir compte de l'augmentation du fardeau fiscal, le juge Tessier, de la Cour supérieure, a conclu que notre surtaxe n'était pas constitutionnelle.

Il l'a déclarée invalide pour les raisons suivantes: tout d'abord, parce qu'elle donnait aux municipalités la possibilité d'instituer un dégrèvement pour les locaux vacants. Si c'est une taxe qui est transférable par nature, quand il n'y a pas d'occupant dans le local, il faut bien que vous puissiez accorder un dégrèvement au propriétaire. Alors, nous avions fait ça. Ça donnait de la crédibilité au jugement. Très bien. Nous avions également une disposition qui permettait au propriétaire d'ajuster le bail. Un bail déjà en cours pouvait être ajusté pour tenir compte de l'augmentation, le fardeau fiscal créé par l'imposition de la surtaxe sur les immeubles non résidentiels.

La surtaxe frappait aussi, potentiellement, les organismes à but non lucratif qui occupent des locaux dans des immeubles à bureaux, dans des immeubles à vocation commerciale. Puis, dans ce cas-là, le propriétaire, lui, répartissait son fardeau sur tous les locataires, et obligation était faite à la ville d'accorder une compensation à l'organisme à but non lucratif si celui-ci bénéficiait d'une exemption de taxe municipale en vertu de l'article 204 ou de l'article 236 de la Loi sur la fiscalité municipale.

On faisait, dans la loi 145, interdiction au propriétaire de transférer quelque partie que ce soit de la taxe sur le non-résidentiel à l'occupant d'un local résidentiel dans un immeuble à vocation mixte. Il y a bien des immeubles où vous avez le premier étage, ce sont des commerces; les étages supérieurs, ce sont des résidences. Alors, dans ces cas-là, la loi 145 disait que la partie commerciale était sujette à transmission du fardeau de la taxe non résidentielle, tandis que le propriétaire ne pouvait pas essayer de transmettre ça aux locataires de locaux résidentiels parce que c'était une taxe non résidentielle.

Alors, voilà les quatre motifs qui ont été invoqués par le juge Tessier, de la Cour supérieure, pour conclure à l'invalidité constitutionnelle de la loi 145. Nous avons porté la cause en appel. Nous l'avons portée en appel, et nous entendons la porter jusque devant les tribunaux les plus élevés. Mais, tant que la cause est en appel, nous ne la commenterons point, excepté que les municipalités nous ont posé un problème. Elles nous ont dit: Nous avons bien confiance en vos services juridiques, nous voulons croire que votre thèse est solide, mais, en attendant, que faisons-nous? En attendant, que faisons-nous? Il est arrivé que certains locataires commerciaux ou industriels ont dit à leur propriétaire: Bien, là, on ne vous paiera plus de loyer, votre loi est inconstitutionnelle; on va mettre ça en consigne dans une fiducie ou dans un compte spécial. Puis, quand ça aura été réglé par les tribunaux, vous viendrez nous en parler.

Il y en a d'autres qui ont décidé de contester, devant les tribunaux, le droit de la municipalité d'imposer cette taxe-là. Puis, il y a des municipalités qui nous ont dit: Si rien ne se fait, si rien ne bouge, puis qu'on aille devant la Cour d'appel, ensuite, devant la Cour suprême, supposons... Ça paraît improbable que la Cour suprême donne raison aux contestataires puis déclare que les municipalités doivent rembourser tout ce qu'elles auraient perçu au bout de cinq ans. Savez-vous combien ça représente, la surtaxe sur les immeubles non résidentiels pour une année, dans l'état actuel des choses? Ça va chercher... je pense que c'est 700 000 000 $. 700 000 000 $! Alors, même si on croit au bien-fondé de notre cause, on ne peut pas laisser ouvert ce flanc qui expose les municipalités à l'obligation d'effectuer, éventuellement, des remboursements extrêmement importants.

On ne peut pas, non plus, laisser la porte ouverte à des contestataires systématiques qui ne veulent pas payer leurs taxes, qui ne veulent pas assumer leur part du fardeau fiscal et qui seraient tentés de prendre prétexte de certaines difficultés pour essayer de sauver du temps au détriment des municipalités et, donc, des contribuables. Parce que les revenus que les municipalités ne retireraient pas de leurs contribuables, elles devraient aller les chercher chez d'autres contribuables. Ce serait une sorte de transfert arbitraire, le fardeau fiscal qui serait fait par des individus ou des corporations particulières, qui décideraient que leur norme, c'est celle qui doit servir de loi.

Pour contrer cette possibilité, nous avons décidé d'instituer une mesure fiscale plus simple. Nous l'appelons cette fois-ci: taxe sur les immeubles non résidentiels. Et, pour toutes les municipalités qui voudront ne plus recourir à la surtaxe sur les immeubles non résidentiels, il y aura cette solution alternative, la taxe sur les immeubles industriels, qui se caractérise comme ceci, M. le Président: la municipalité est habilitée à imposer, en plus de la taxe foncière générale, une taxe additionnelle s'adressant uniquement aux immeubles non résidentiels. Pas de problème jusque-là! Je pense que tout le monde conviendra que c'est une taxe foncière.

Deuxièmement, pour échapper au reproche de transmissibilité dont je parlais tantôt, là, la municipalité, au lieu d'être habilitée à reporter le fardeau, ou le propriétaire habilité à porter le fardeau sur le locataire, c'est la municipalité qui pourra prendre sur elle de réduire le taux de sa taxe, dans les cas où il y aurait vacance élevée dans l'occupation des locaux. À supposer que vous ayez un immeuble où le taux de vacance au cours de l'année ait été 30 %, là, la municipalité pourra dire: Mon taux de taxe sur les non-résidentiels... disons que c'est 1,25 $ des 100 $ d'évaluation; elle pourra décider que ça va être 1 $ au lieu de 1,25 $. Alors, là, il n'y a plus de transmission de la part du propriétaire vers le locataire, c'est la municipalité elle-même qui fait le travail, en exerçant les prérogatives légales que lui accorde le législateur. Voilà pour cette taxe. C'est ça qui est l'élément essentiel de la nouvelle taxe que nous instituons.

(15 h 50)

Évidemment, cette taxe ne sera pas assortie des éléments qui ont provoqué la conclusion du juge de la Cour supérieure, le juge Tessier. Il n'y a plus de dégrèvement. La manière dont nous traitons le problème élimine la question du dégrèvement. Ça se fait par une diminution du taux de taxation. Il n'y a plus de transactions qui vont se faire entre le propriétaire et le locataire. Il n'y a plus, non plus, l'obligation pour la municipalité de compenser l'organisme à but non lucratif qui aurait été visé par la taxe, parce qu'il ne sera pas visé. Il n'y a plus de possibilité de jouer dans le bail en cours d'exercice. Le bail va suivre son cours jusqu'à la fin, et le fardeau échoit au propriétaire, comme il est normal que ce soit. Mais, depuis trois ans, les propriétaires ont eu le temps d'ajuster leur bail. Dans la plupart des baux commerciaux d'envergure, aujourd'hui, existe une clause suivant laquelle le montant du loyer est ajusté suivant les variations des charges fiscales municipales. Ça, c'est dans la plupart des baux commerciaux. Dans les baux plus modestes, il arrive souvent que ça n'y soit point. Mais, en général, les baux plus modestes sont des baux de courte durée, d'un an ou deux. Ils ont eu le temps de s'ajuster depuis trois ans. Ils l'auront au cours de la prochaine année ou de l'année suivante.

Selon tous les renseignements que nous avons recueillis, il n'y a pas de gros problème de ce côté-là. Il y aura quelques situations... c'est inévitable. Chaque fois que vous instituez une mesure fiscale, surviennent toujours des inconvénients de transition temporaire, pour un certain nombre. Mais, dans ce cas-ci, tous les renseignements que nous avons recueillis nous permettent de conclure que cette mesure pourra apporter une alternative. Elle ne vient pas s'ajouter à la surtaxe, elle vient la remplacer – pour les municipalités qui seraient intéressées. Une municipalité qui veut garder la surtaxe pourra le faire. Il n'y a rien qui l'empêche de le faire, mais elle ne pourra pas utiliser les deux en même temps.

J'ajoute, là, pour qu'on soit bien sûr qu'on ne veut pas qu'il y ait de pressurisation des contribuables, autant individuels que corporatifs, que nous avons, dans la loi, des limites quant au plafond de revenus que peuvent procurer ces sources de recettes fiscales. Le plafond est très bien défini dans la loi. Il n'est aucunement changé par le projet de loi que nous introduisons aujourd'hui. Il reste exactement ce qu'il était dans la loi, comme elle était. Même la loi 145 n'avait pas changé ce plafond-là, M. le Président. On a fait énormément de bruit autour de la loi 145. L'Opposition a essayé de se faire du capital politique avec ça. Je pense qu'elle n'a pas réussi. Elle ne réussira pas avec ses derniers alliés. On lui passe volontiers ces alliés-là, il n'y a pas de problème.

Les chiffres établissent que, dans le secteur non résidentiel, tout compte fait, avec les nouvelles taxes, on est allé chercher pratiquement pas plus d'argent qu'on ne le faisait auparavant. On avait fait la preuve, avec le budget de la ville de Montréal, en 1993 – c'est encore plus net en 1994 – que la ville de Montréal est revenue à un équilibre beaucoup plus acceptable.

Alors, je crois que nous avons ici une mesure qui va permettre aux municipalités d'obtenir une plus grande sécurité juridique. Nous avons soumis évidemment ce projet, le chapitre du projet de loi 26, à l'avis des services juridiques du ministère des Affaires municipales, à l'avis du ministère de la Justice. L'avis que nous avons reçu de toutes les sources consultées à l'intérieur du gouvernement est que cette mesure, cette nouvelle taxe sur les immeubles non résidentiels, qui est définie dans le projet de loi 26, est une mesure qui pourra résister aux contestations judiciaires et qui procurera, en conséquence, aux municipalités la sécurité juridique accrue qu'elles demandent, avec raison.

Nous aurons l'occasion d'examiner les dispositions particulières qui forment la trame de ce chapitre du projet de loi, et j'ajoute tout de suite qu'elles traitent de tous les aspects de la nature de cette taxe, le plafond qu'elle devra respecter, les modalités d'imposition du taux, les réductions du taux pour vacance, la définition de vacance, etc. Tous ces éléments recevront un traitement clair et net dans la loi.

Une autre disposition. J'ajoute seulement, à propos de la taxe sur le non-résidentiel, que la conclusion traduite dans le projet de loi 26 est le reflet d'un consensus qui s'est établi autour d'une table ronde que nous avions constituée sur toute la question de la taxation du non-résidentiel. J'avais convoqué une table ronde comprenant à peu près 25 personnes représentant à peu près tous les secteurs importants du sujet que nous examinons, les municipalités, les évaluateurs professionnels, les grandes associations qui regroupent les propriétaires immobiliers, les exploitants de magasins, de centres d'achats, etc., et nous avons retenu cette formule, qui est définie dans le projet de loi 26, comme celle qui est le plus susceptible de procurer une sécurité juridique accrue aux municipalités. Ce n'est pas, par conséquent, l'invention du ministre des Affaires municipales ou de ses seuls fonctionnaires. C'est une conclusion à laquelle nous en sommes venus ensemble, à la suite de consultations qui ont duré pendant plusieurs mois, qui n'ont pas été improvisées.

Un deuxième point caractéristique du projet de loi 26 concerne les exploitations agricoles. Actuellement, le gouvernement, comme vous le savez, est sujet à la taxation municipale. Un immeuble gouvernemental situé dans la ville de Québec est sujet à la taxation municipale. La municipalité va envoyer une évaluation, et l'évaluation donne lieu à un montant de taxes établi par le taux de taxation de la municipalité. Et là, le gouvernement décide de son propre chef – parce qu'il ne peut pas être taxé sur ses immeubles – de verser une somme équivalente à ce qu'aurait été le compte de taxes. Cette taxe prend la forme d'une subvention qu'on appelle un «en lieu» de taxes. Des fois, elle va comporter une somme qui représente... Dans le cas des écoles, c'est la moitié de la valeur qu'aurait eue la facture si elle avait été complète. Dans le cas des hôpitaux et des universités, c'est 80 %, puis dans le cas des autres immeubles gouvernementaux, c'est 100 %.

Mais là, on n'avait pas... Si l'évaluation est trop forte, puis il arrive qu'une municipalité... Puis ça arrive assez souvent, à Québec par exemple, qu'une municipalité va mettre une évaluation un petit peu trop forte aux yeux du gouvernement. Alors, la loi prévoit que le ministre habilité à agir au nom du gouvernement dans ces dossiers peut loger une plainte auprès du Bureau de révision de l'évaluation foncière. Il a droit d'obtenir des renseignements en conséquence, puis, ensuite, il peut loger une plainte, qui sera étudiée par le Bureau de révision de l'évaluation foncière, et le gouvernement se soumet à la décision du BREF comme tous les autres contribuables individuels ou corporatifs.

Mais là, il y avait un secteur qui était mal couvert, ce sont les exploitations à caractère agricole. Puis là, avec le projet de loi, un contribuable propriétaire d'une exploitation agricole dont la propriété est inscrite au rôle pour fins de taxation, alors qu'il devrait être sujet à des subventions du ministre de l'Agriculture, va s'adresser au ministre de l'Agriculture, puis il va dire: Bien, payez moi... Je pense que c'est 70 % ou 75 % du compte de taxes, je ne me rappelle pas.

Mais le ministre de l'Agriculture, lui, il n'a aucun pouvoir d'intervention sur l'évaluation actuellement. À supposer que la municipalité décide d'évaluer une ferme, disons, à 150 000 $ si elle ne vaut que 100 000 $, le cultivateur n'est pas trop pressé d'y aller. C'est le gouvernement qui paie les trois quarts de ses taxes, mais c'est le gouvernement qui écope au bout de la ligne.

Alors, là, dans le projet de loi, nous allons donner au ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, qui est, par hasard, mon voisin dans cette Chambre, le même pouvoir que détient le ministre des Affaires municipales pour la contestation d'évaluation concernant des immeubles gouvernementaux ou des immeubles du réseau de la santé ou des affaires sociales ou des immeubles du réseau collégial, universitaire, etc. Il aura accès aux mêmes renseignements que le ministre des Affaires municipales pour les propriétés à caractère agricole. Il pourra contester devant le BREF une évaluation pour demander qu'elle soit établie à son vrai niveau. Évidemment, si l'évaluation est réduite de 200 000 $ à 100 000 $, la subvention que versera le gouvernement sur le compte de taxes sera diminuée d'autant. Je pense que ce sont les contribuables qui s'en porteront mieux, parce que le traitement aura été plus équitable pour tout le monde. Alors, voilà une deuxième amélioration qu'apporte le projet de loi.

(16 heures)

Il est arrivé un autre cas, assez curieusement. La loi exempte de taxes municipales les immeubles scolaires, les hôpitaux, les centres de services sociaux, les centres de services locaux et communautaires, qu'on appelle les CLSC, tout ça est exempt de taxes municipales.

Mais il arrive assez souvent qu'une commission scolaire, pour prendre un exemple, va louer un immeuble, en tout ou en partie, à une société à caractère commercial, à un organisme à but lucratif ou à un individu qui s'en sert pour des fins commerciales. Et, en vertu de dispositions qui remontent à plusieurs années, l'immeuble, dans ce temps-là, reste exempt de taxes municipales alors qu'il sert à des fins commerciales. Or, dans le projet de loi, nous corrigeons cette situation et nous disons que, partout où un immeuble est employé à des fins commerciales dans des proportions qui rapportent des revenus supérieurs à 50 000 $ ou supérieurs à... je pense que c'est 25 % de la valeur d'immobilisation de l'immeuble – je ne me souviens pas si c'est 10 % ou 25 %; nous le vérifierons en commission parlementaire; de toute manière, supérieur à un certain niveau – à ce moment-là, l'immeuble sera taxable pour fins municipales, comme si c'était un immeuble commercial.

Par conséquent, certains organismes comme des commissions scolaires ou des corporations hospitalières ou autres ne pourront pas faire de la spéculation indirecte sur les immeubles dont ils sont les propriétaires. S'ils n'en ont pas besoin pour leurs fins et qu'ils veulent les louer à des fins commerciales ou industrielles, bien, ils paieront des taxes dessus comme tous les autres contribuables corporatifs. Je pense que c'est clair, ça.

Il y a une modification, également, concernant les services de garderie. Actuellement, vous avez des permis qui sont émis pour des agences de services de garderie, puis il y en a d'autres qui sont émis pour des garderies particulières. Là où la garderie fournit un service de garderie dans ses locaux, dans l'immeuble qui a été l'objet de son permis, il n'y a pas de problème, elle est exempte. Si elle opère à but non lucratif, on va la garder exempte. Mais il arrive des cas, là, vous avez une agence de garderie qui peut avoir son bureau dans l'édifice Ville-Marie, à Montréal, puis ses garderies vont être à différents endroits à travers le territoire de l'île de Montréal. Elle ne paie pas de taxes pour les locaux qu'elle occupe à l'édifice Place Ville-Marie. Elle peut être propriétaire d'un building; elle ne paiera pas de taxes pour ça, même si elle l'emploie à d'autres fins. Alors, avec une les modifications que nous apportons au projet de loi, nous allons mettre fin à cette anomalie et nous allons obliger les propriétaires de services de garderie à payer des taxes sur leurs immeubles dans la partie qui est administrative, qui sert pour l'organisation générale. Ce sont des organismes qui doivent, comme les autres, payer des taxes dans ces cas-là.

Nous apportons également des modifications aux dispositions de la Loi sur la fiscalité municipale concernant le Bureau de révision de l'évaluation foncière. En vertu de notre législation, si un contribuable, individuel ou corporatif, n'est pas satisfait de l'évaluation qui a été inscrite au rôle d'évaluation concernant sa propriété, il a un recours devant le Bureau de révision de l'évaluation foncière. Il peut écrire au Bureau, inscrire une plainte en bonne et due forme, et sa plainte sera entendue et jugée. Et, si le Bureau se prononce en faveur de la plainte, s'il donne raison au contribuable, la municipalité devra ajuster son évaluation en conséquence. Ça, il y a des milliers de causes qui sont entendues et réglées par le BREF – nous l'appelons le BREF, Bureau de révision de l'évaluation foncière. Des milliers de causes sont entendues par cet organisme chaque année.

Mais certaines complications demandaient l'attention du législateur, et nous apportons, avec le projet de loi 26, des améliorations importantes à la structure et au fonctionnement du BREF. Par exemple, le BREF contenait jusqu'à maintenant deux sections, une à Québec, une à Montréal. Ce n'est pas pratique. Ce n'est pas pratique, parce que le gros des affaires se transige à Montréal, et, quand on a deux sections, il faut maintenir les deux avec un minimum d'effectif, un minimum de cadres, un minimum de stabilité dans chaque endroit. Le président et ses collègues m'avaient représenté depuis déjà quelques années que ce mode d'organisation n'était pas le plus propice, même pour la fourniture de services de qualité dans la région de Québec. Alors, avec le projet de loi, nous faisons disparaître cette distinction. Nous aurons un BREF qui organisera ses séances principalement à Montréal et à Québec, mais qui ne sera plus, là, structuré de manière bicéphale comme c'est le cas actuellement.

Autre chose très importante. Actuellement, une décision est rendue par le BREF; si le contribuable n'est pas content, il peut prendre le chemin de la Cour du Québec, aller porter appel devant la Cour du Québec. Ensuite, ça peut aller devant la Cour d'appel, etc. C'est une procédure qui est extrêmement longue et coûteuse, et nous n'avons malheureusement pas, à la Cour du Québec, l'expertise accumulée, là, le stock d'expertise qui permet de compter que nous aurons des décisions homogènes, des décisions fiables puis des décisions apportant des garanties de continuité, de stabilité dans ce domaine de l'immobilier, où c'est extrêmement important. Il n'y a pas de variation arbitraire. On voit souvent un jugement qui va aller dans une direction, un jugement qui va aller dans une autre; très difficile de rattraper toutes ces choses, au bout de la ligne.

Alors, le gouvernement a décidé de proposer à l'Assemblée nationale que soient abolis les appels à la Cour du Québec et que soit seule maintenue la possibilité d'un appel sur un point de droit devant la Cour d'appel du Québec, moyennant permission d'un juge de la Cour d'appel du Québec. Il faut mettre fin aux abus qui existent. En matière de logement par exemple, les décisions de la Régie du logement, M. le Président, sont sujettes à des appels devant la Cour du Québec. Ça n'a pas de bon sens. Et nous voulions apporter une modification à cette session-ci. C'est seulement le temps qui nous fait défaut, malheureusement. Mais, comme nous touchons à la Loi sur la fiscalité municipale, je suis très heureux que nous puissions apporter cette allégement.

Et, en retour de l'abolition des appels devant la Cour du Québec, nous instituerons une procédure de révision des décisions à l'intérieur du Bureau de révision de l'évaluation foncière. Actuellement, les révisions ne peuvent avoir lieu que sur des points techniques, des corrections mécaniques, qu'on appelle. Si une personne a écrit le chiffre 2, puis si c'est manifestement le chiffre 20 qu'il fallait écrire, puis un zéro a été oublié par la secrétaire – par exemple, tout le reste du texte indique que c'est 20 qu'il aurait fallu écrire – là, actuellement, la possibilité existe de faire une correction mécanique, mais le BREF ne peut pas retoucher à ses décisions autrement.

Avec le projet de loi, là il aurait la possibilité de réviser une décision, évidemment, par l'intermédiaire d'un commissaire autre que celui qui aurait rendu la décision originelle. Quand on apporte des faits nouveaux qui n'avaient pas été décelés jusque-là, quand on s'aperçoit que la décision a été rendue, des fois, pour des motifs valables, parce que l'une des parties n'avait pas pu être entendue ou encore quand on découvre que la décision a été entachée d'un vice de fond ou d'un vice procédural, alors cette procédure pourrait se faire à l'intérieur.

Il resterait deux recours devant les tribunaux, un recours en évocation devant la Cour du Québec. S'il y a eu manifestement abus de la part du tribunal, que les procédures aient été grossières, qu'à sa face même la procédure ait entraîné une injustice inadmissible aux yeux de la justice naturelle, à ce moment-là, le recours à la Cour du Québec demeurera, comme ça existe actuellement pour la Commission municipale du Québec. Il arrive que la Commission municipale rende des décisions qui vous laissent abasourdi, et vous vous dites: Ça n'a pas de bon sens, ça ne tient pas debout. Le contribuable qui pense cela peut aller devant la Cour du Québec et demander une évocation. On pourra le faire encore, comme on peut le faire déjà avec les décisions du BREF et sur des points de droit. Puis, en évaluation, les points de droit sont nombreux et importants; ils sont loin d'être négligeables. Sur les points de droit, on aura la possibilité de demander l'autorisation d'en appeler devant la Cour d'appel, mais il faudra qu'un juge d'appel accorde la permission.

Vous savez que c'est comme ça que ça se fait en Cour suprême maintenant, hein? Autrefois, on pouvait se rendre en Cour suprême, n'importe qui. Il y avait une sorte d'achalandage de ce tribunal qui le rendait incapable de rendre des décisions dans des délais raisonnables. Mais, à un moment donné, on a institué la permission d'en appeler, et toute personne physique ou morale qui veut en appeler d'une cause devant la Cour suprême doit auparavant obtenir l'autorisation d'en appeler. Ce sera la même chose dans ce cas-ci.

Je pense que, dans un domaine où les plaintes sont, chaque année, très nombreuses – surtout, là, on va avoir des nouveaux rôles d'évaluation sur l'île de Montréal au début de 1995; là il va y avoir des milliers de plaintes – on veut que ça marche. On ne veut pas que ça s'accumule pendant des années. On a fait beaucoup de rattrapage depuis trois ans; il en reste encore à faire. Pour que ce rattrapage puisse être fait rapidement puis que les contribuables puissent avoir justice quand c'est le temps, et non pas une fois que le temps est passé, je pense que les modifications que nous apportons seront extrêmement valables.

(16 h 10)

J'ai parlé tantôt des municipalités qui veulent recourir de plus en plus au service d'appel d'urgence 9-1-1. Pour avoir accès au service d'appel d'urgence 9-1-1, pour l'intégration dans un système de cueillette des appels et de réponse aux appels, également, il y a plusieurs systèmes qui sont possibles. La Sûreté du Québec a un très bon système d'appel d'urgence, et, moi, je pense que dans les régions rurales du Québec on aurait intérêt à se greffer au système d'appel d'urgence de la Sûreté du Québec. L'expérience établit, M. le Président, qu'au-delà de 80 % des appels qui sont faits, là, par l'intermédiaire du 9-1-1, sont des appels qui s'adressent à la police. La police est parfaitement capable, dans les régions rurales, de servir de lieu d'accueil pour les appels qui s'adressent aux hôpitaux, aux services de protection-incendie ou à d'autres organismes du genre. Mais, dans les centres urbains, elle n'est pas en mesure d'assurer ce service, et les municipalités sont de plus en plus nombreuses à demander qu'il leur soit possible d'avoir accès aux services de 9-1-1 opérés par les entreprises de communications.

Avec les modifications que nous présentons dans le projet de loi 26, une municipalité pourra faire une entente avec une entreprise de communications – avec Bell, par exemple – et dire: Si vous voulez, vous allez nous fournir le service 9-1-1 et vous allez facturer pour nous un montant mensuel à chaque souscripteur au service téléphonique; le montant va être de l'ordre d'une quarantaine de cents par mois. La compagnie sera autorisée à percevoir cette redevance au nom de la municipalité, à lui remettre le produit de la redevance après avoir conservé pour elle-même un certain montant pour des frais d'administration. Mais, là, une municipalité ne peut pas faire une chose comme celle-là actuellement; elle n'est pas habilitée par la loi, et la compagnie Bell n'a jamais été habilitée par le législateur à percevoir les taxes d'une municipalité. Alors, dans ce cas-ci, pour cet objet précis, sujet, évidemment, à contrôle ministériel, les municipalités pourront passer des ententes avec la compagnie Bell ou une autre entreprise de communications afin de fournir le service 9-1-1 à leur population.

Et, en plus, nous habilitons les municipalités, là où elles le voudront, à transiger avec une entreprise de communications par l'intermédiaire de l'UMQ, de l'Union des municipalités du Québec ou de l'Union des municipalités régionales de comté et des municipalités locales du Québec. Il peut arriver que des municipalités jugent utile de se regrouper ensemble pour avoir un pouvoir de marchandage plus fort avec l'entreprise de communications; elles seront habilitées à passer des contrats à cette échelle-là. Et il pourra arriver que, disons, 25 municipalités se seront mises ensemble, et, par le truchement de l'UMRCQ ou de l'UMQ, auront décidé de passer une entente avec une entreprise de communications pour fournir le service 9-1-1 sur leur territoire.

Alors, voilà un autre exemple de dispositions, là, qui rendent plus facile l'exercice de leurs responsabilités, l'accomplissement de leurs tâches par les municipalités. C'est généralement, comme vous le savez, M. le Président, le sens des interventions législatives que nous faisons. Nous avons multiplié, au cours des trois dernières années, les interventions qui facilitent l'exercice de leur rôle par les municipalités, et vous verrez d'ailleurs que toutes ces modifications que nous apportons ne soulèveront pas de difficultés dans le monde municipal. Parce que nous avons consulté le monde municipal, nous avons travaillé ces modifications en étroite concertation avec le monde municipal, et nous les introduisons parce que nous voulons améliorer les conditions dans lesquelles s'exercent les responsabilités des élus en matière de finances municipales et de fiscalité municipale.

Alors, avec ce projet, je pense que nous complétons les autres interventions dont il a déjà été question la semaine dernière autour de trois autres projets de loi. Je pense que, dans le domaine des projets de loi publics, là, nous avons quatre projets de loi qui apportent des modifications importantes, et je suis très heureux à la pensée que tout indique l'adoption probable de ces projets de loi avant l'ajournement de la présente session.

Je vous informe, M. le Président, que nous avons, en plus, sur le métier, une bonne demi-douzaine de projets de loi privés, dont certains sont extrêmement importants. Trois de ces projets visent à ouvrir des perspectives nouvelles pour les municipalités en matière d'intervention dans le domaine du développement économique. Et les modifications que nous apportons aujourd'hui sont très, très intéressantes de ce point de vue là. Mais il y a des projets privés, que nous aurons l'occasion d'aborder prochainement, qui vont également ouvrir des horizons absolument inédits aux municipalités en matière d'intervention raisonnée, prudente, mais efficace et substantielle, dans le domaine du développement économique.

Nous voulons que les municipalités ne soient pas uniquement des endroits où l'on donne des rues en asphalte, où l'on refait des trottoirs de temps en temps, où l'on garde en bon état des systèmes d'aqueduc et d'égout, où l'on vient cueillir vos déchets une ou deux fois par semaine. La municipalité, c'est plus que ça. C'est une communauté humaine qui aspire à se développer sous tous les aspects de son existence, à se donner des conditions de vie plus heureuses, de meilleure qualité, à prendre son sort en main.

Nous savons que les municipalités... Vous-même, M. le Président, qui avez été maire d'une municipalité importante pendant de nombreuses années, comprendrez très facilement ce langage. Nous voulons que les municipalités soient des entités de plus en plus responsables, de plus en plus habilitées à agir sur leurs territoires. Pas seulement en fonction d'un catéchisme de lois, mais en se servant de leur imagination et de leur liberté, de leur sens des responsabilités. Je pense pouvoir dire, avec vérité, qu'à peu près toutes les modifications que nous présentons à travers les projets de loi soumis cette session-ci à l'Assemblée nationale vont dans le sens de ce rehaussement de la mission de la municipalité, de l'élévation de la municipalité à un niveau d'intervention qui rend de plus en plus intéressante la perspective, pour des milliers de citoyens, de servir à ce niveau.

Alors, je salue, à l'occasion de ce projet de loi, les administrateurs et les administratrices des municipalités de tout le Québec. Nous avons au-delà de 10 000 administrateurs élus dans les municipalités du Québec. Nous avons 1450 municipalités, des conseils municipaux dont le nombre varie de 7, en général, à 25 ou 30. Nous avons au-delà, par conséquent, de 10 000 administrateurs municipaux.

Vous constaterez, par la teneur de ces projets de loi que nous vous soumettons, par l'esprit dans lequel ils sont présentés, par le contexte dans lequel ils surgissent, que ce ne sont pas des projets de loi punitifs. Ce ne sont pas des projets de loi qui visent à serrer la vis et à empêcher les gens d'agir, à les contraindre davantage. Ce sont des projets de loi que j'appellerais «responsabilisants», des projets de loi qui visent à accentuer le sens de la responsabilité chez les administrateurs municipaux.

J'invite les administrateurs municipaux à étudier très attentivement les projets de loi qui serviront... de la présente session. Ils pourront trouver dans ces projets de loi des sources d'inspiration et de soutien intéressantes pour leur action. Merci.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le ministre des Affaires municipales. Alors, je rappelle aux membres de cette Assemblée que nous en sommes à l'adoption du principe du projet de loi 26, Loi modifiant la Loi sur la fiscalité municipale et d'autres dispositions législatives. Je cède la parole à M. le leader adjoint du gouvernement et député d'Abitibi-Ouest. M. le député.


M. François Gendron

M. Gendron: Oui, M. le Président, je vous remercie. D'entrée de jeu, je voudrais indiquer que le ministre des Affaires municipales a raison d'indiquer dans son projet de loi que c'est un autre projet de loi qui, encore une fois, modifie la fiscalité municipale à la pièce, morceau par morceau, et j'y reviendrai.

Il indique – parce que le ministre a toujours cette habitude de traiter les projets de loi avec un petit peu de morale – que, dans les législations municipales, après avoir fait l'éloge des administrateurs municipaux et du monde municipal, il n'y a pas d'aspect punitif. Les législations du monde municipal n'ont pas d'aspect et de connotation punitifs, et il a probablement raison, sauf que, dans le cas qui nous préoccupe – moi, je ne parlerai pas des autres qu'on a faits jeudi dernier, mais je vais parler du projet de loi 26 – il indique essentiellement... parce qu'il faut distinguer les modalités, les guédis, excusez l'expression, et le coeur du projet de loi.

(16 h 20)

Le coeur du projet de loi, ce n'est pas compliqué, c'est que le gouvernement libéral s'est placé dans une situation très difficile avec la surtaxe. Il y a un juge qui a dit que c'était inconstitutionnel. Et là, je ne veux pas, moi non plus, traiter du jugement. Je ne veux pas dire: Il a raison ou il a tort. Je parle juste de la situation. Le ministre dit: Nous, on va aller au bout de notre raisonnement. Il a raison, je pense, comme ministre des Affaires municipales, de pousser sa logique jusqu'au bout. Moi, mon rôle, c'est de traiter... s'il y a une logique, compte tenu des nombreuses contestations de son projet de loi sur la surtaxe municipale. Là, aujourd'hui, ce qu'il introduit, suite, dit-il, cependant – et, là, je le cite – à un consensus. Il dit: Ça, c'est le fruit, le résultat... Le projet de loi 26 là, il nous indique que c'est le fruit d'un consensus, d'une table de concertation entre différents intervenants, des commerces, des industriels, des administrateurs municipaux, des maires, une trentaine de personnes, puis là, c'est le fruit de ce comité-là. Le résultat des échanges de ces gens-là a fait consensus et, dans le projet de loi 26, pour se sortir d'une difficulté légale, il nous communique le fruit du consensus.

Bien, là, avec toutes les résolutions que je reçois de chaque bord de la tête, et elles sont nombreuses et on en citera quelques-unes tantôt, il y a deux façons: il a un problème avec son consensus ou bien il a mal traduit le consensus dans la législation, puis, ça, c'est possible. Moi, je n'assiste pas... Un, je n'ai pas été au comité; je n'ai pas été invité, puis c'est normal. Deux, je n'ai pas assisté et pris contact, en termes d'appréciation, avec le fruit ou le résultat du consensus. Et, plus que ça, je n'ai aucun moyen de vérifier entre la traduction du consensus et le mandat qui a été donné aux officiers du ministère, que je respecte beaucoup, que je salue. Ça, il n'y a pas de problème, c'est des gens compétents, intègres, valeureux. Mais, là, le problème, c'est que j'ai un projet de loi, puis, quand je lis ça, par rapport à ce que ça devait donner, il y a un écart passablement grand à plusieurs niveaux. Mon rôle, ce sera de l'illustrer.

Commençons d'abord par parler un peu de ce qu'il y a dedans, le projet de loi 26, parce que, en passant, on n'en a pas la moitié, en plus. Moi, je suis au courant que, le projet de loi 26, on n'en a même pas la moitié, en nombre d'articles en tout cas, parce que, comme d'habitude, il va arriver avec une série de papillons, une centaine d'autres articles qui vont être déposés en commission parlementaire, pour nous dire: Écoutez, M. Gendron, je vous ai fait adopter le principe, mais là, il y a un paquet d'affaires entre-temps, parce que tout le monde veut se greffer quand il y a une loi sur la fiscalité. Là, tout le monde veut dire: Écoutez, comment ça se fait que vous n'avez pas mis ça dedans? Puis comment ça se fait qu'en mettant ça dedans vous l'avez mis comme ça?

Et, entre autres, là, il y a toutes les dispositions que la ville de Montréal réclame, avec raison, concernant la bourde qui a été commise par ce gouvernement imprévoyant, usé à la corde. À force de faire uniquement de la stratégie électorale, pour dire: Qu'est-ce qu'on ferait bien pour remonter notre cote? Ça fait qu'il oublie des affaires importantes. Il y a une affaire importante qu'ils ont oubliée, c'est que, imaginez, dans la modification au Code civil, ils ont fait disparaître une prérogative qui s'appelait le privilège concernant les redevances concernant les taxes, les impôts des municipalités. Puis, là, bien, le maire de la ville de Montréal nous a alertés en disant qu'il faudrait corriger ça.

Puis, normalement, s'ils arrêtaient d'idolâtrer leur monstre sacré qui s'appelle le nouveau Code civil, ils modifieraient ça par le biais du Code civil. Mais, comme ils sont tous à genoux, ce gouvernement-là, devant leur monstre sacré qui s'appelle le nouveau Code civil – ça fait déjà trois impairs majeurs qu'on est obligé de corriger – au lieu de le corriger par le biais de là où a été commise la faute, on va le corriger par la Loi sur la fiscalité municipale, ce qui va nécessiter une centaine de petits papillons, comme ça, là, qu'on va distribuer en commission parlementaire, pour ne pas toucher au Code civil. Comme si c'était une façon normale de procéder, pour ne pas avouer sa faute! Ils ont péché gravement, soit par omission, par négligence ou par je ne sais pas quoi, puis, là, on va arriver avec les amendements dans le projet de loi 26. Et, évidemment, M. le Président, je ne peux pas en parler longuement, un de mes collègues le fera, mais, ça, là, on ne l'a pas actuellement, sur le principe du projet de loi 26.

Mais parlons de ce qu'il y a dedans, puis je parlerai de tout ce qu'il n'y a pas dedans. La première disposition qu'il y a dans le projet de loi 26 là, bien, croyez-le ou non, c'est une nouvelle taxe. C'est simple comme ça, le projet de loi 26 introduit une nouvelle taxe sur les immeubles non résidentiels qui pourra être utilisée, cette nouvelle taxe, par les municipalités, en lieu et place, cette surtaxe sur les immeubles non résidentiels, de la taxe d'affaires. Et ça, c'est bien sûr suite au jugement du juge Tessier. On dit: Cette surtaxe permettra aux municipalités d'accorder une réduction du taux de la taxe à l'égard d'un immeuble, dans la mesure où le taux d'inoccupation de cet immeuble dépasse 25 %. Mais je verrai tantôt, avec des explications. Ça n'a pas l'air de satisfaire grand-monde, parce que les taux d'inoccupation sont pas mal plus élevés que ça, et la modification, tout compte fait, est marginale, ne représente pas grand-chose.

Et ça, M. le Président, le ministre, là-dessus, je pense qu'il a été correct dans sa présentation, il l'a indiqué, c'est l'assise du projet de loi 26, c'est le coeur du projet de loi 26. Et il a dit à deux, trois reprises, avec raison, qu'il prétend que le projet de loi 26 offre une meilleure sécurité juridique pour les municipalités qui voudront se prévaloir de cette nouvelle surtaxe sur les immeubles non résidentiels, qu'on appelle communément les immeubles commerciaux. Et il a même ajouté que c'est une mesure qui est plus simple que ce qui existait, puis il a raison. Il a raison dans la définition, là, c'est une mesure plus simple. Et ça, je pense que c'est vraiment le coeur du projet de loi. Et j'en ferai une critique plus élaborée tantôt, parce que c'est l'os, c'est le point majeur du projet de loi.

Rapidement, déshabillons les autres éléments du projet de loi – le ministre en a parlé, je veux en parler un peu aussi – qui sont significatifs dans certains cas, peu dans d'autres, mais, tout compte fait, marginaux par rapport au principe du projet de loi 26. Bon, le ministre dit, concernant les services de garde, il l'a expliqué, deux phrases là-dessus: Le projet de loi 26 introduit une distinction entre les organismes titulaires d'un permis de garde, comme les garderies, les haltes-garderies et les jardins d'enfance, et les titulaires d'un permis d'agence de services de garde.

Et, moi, personnellement, je trouve qu'il fait une distinction correcte. D'abord, elle existe dans la vraie vie. Cette distinction, elle existe dans la vraie vie. Et il est important... Quand un législateur veut offrir des bénéfices par une non-taxation à des instances comme des garderies, des haltes-garderies et des jardins d'enfance, il fait un choix. Il prend une décision, puis il dit: Ça, là, je veux permettre que la surtaxe ne s'applique pas là-dessus, mais il ne dit pas nécessairement n'importe quoi qui s'occupe de la garde d'enfants, peu importe l'endroit, le contexte, serait soustrait à l'application de la surtaxe sur les immeubles.

Donc, je pense que là, c'est une précision qui est importante. Les premiers continueront d'être exemptés de la taxe foncière, tandis que les seconds seront assujettis à la Loi sur la fiscalité municipale. Et ça, ce n'est pas bête d'avoir une politique qui vise, j'espère, à ne pas constamment réduire l'assiette fiscale ou le champ d'imposition foncier des municipalités. Parce que, à un moment donné, les municipalités vont dire: Écoutez, c'est une loi sur la fiscalité, mais il ne nous reste plus rien au bout quand on l'exerce. Donc, sur ce point-là, moi, je trouve qu'il s'agit d'une distinction précise, fine et correcte.

Immeubles du réseau de l'éducation et de la santé et des services sociaux. Le ministre indique que le projet de loi 26 met également fin aux dispositions législatives qui faisaient en sorte que tous les immeubles, tous les immeubles du réseau de l'éducation et de la santé et des services sociaux, quel que soit leur usage, quel que soit leur mode d'usage ou d'utilisation, étaient exemptés des taxes municipales. Je pense que ça mérite, aujourd'hui, par le biais d'un projet de loi sur la fiscalité, d'être modernisé, rafraîchi, et qu'on fasse la distinction. Parce que, entre-temps, il y a un paquet d'édifices qui avaient une vocation jadis santé et services sociaux ou éducationnelle qui ont été retournés aux municipalités, souvent pour 1 $, et, les municipalités, au lieu de garder ces immeubles-là non utilisés, ont permis qu'il se passe des choses à l'intérieur de ces immeubles-là. Et le ministre dit: Écoutez, pour les immeubles qui étaient jadis éducation et santé et services sociaux, mais qui, aujourd'hui, à l'intérieur, ont un vécu industriel, commercial ou autre, c'est légitime de les assujettir à la fiscalité municipale. Et je pense qu'il a raison.

(16 h 30)

Là où j'ai quelques inquiétudes, moi, dans ma connaissance de ces dossiers-là – et je n'ai pas l'expertise ou l'expérience du ministre des Affaires municipales, mais je ne pense pas que je suis venu au monde hier là-dedans, avec 50 municipalités – règle générale, les municipalités retournent ces immeubles-là à des organismes dits communautaires, entre guillemets, ou à des organismes sans but lucratif. Et là, je veux m'assurer, et je ne suis pas sûr que c'est clair comme ça, que si, à un moment donné, c'est un centre de bénévolat qui occupe une ancienne école, bien, moi, je veux que le centre de bénévolat bénéficie du premier objectif que le législateur avait, de considérer ça comme si c'était fin éducative ou fin de santé et services sociaux, indépendamment de l'usage, compte tenu qu'il y a de plus en plus d'organismes communautaires de toutes sortes qui font oeuvre utile. Puis je vous dis qu'on serait en mauvaise situation au Québec si on n'avait pas tant d'organismes de cette nature-là qui font oeuvre utile. Je ne veux pas les clencher en les assujetissant à la taxe foncière. Mais on verra article par article. Je pense que, là-dessus, on a le même niveau de compréhension. En tout cas, du moins, j'espère.

Pour ce qui est du Bureau de révision de l'évaluation foncière, quand le ministre dit, rapidement: Bon, bien, on en avait deux, un à Montréal, un à Québec, puis on unifie ça. Bravo! Sincèrement, je pense que c'est une bonne affaire. Il faut uniformiser ça. Il établit une procédure qui permettra au Bureau de réviser ou de révoquer ses propres décisions et élimine l'appel que les parties pouvaient loger devant la Cour du Québec en le remplaçant par un appel devant la Cour d'appel, sur des questions de droit uniquement, et avec l'autorisation d'un juge de cette Cour.

Enfin, en ce qui a trait au traitement des plaintes formulées au BREF, le président du Bureau ne pourra plus fixer un délai minimal. Bon, c'est des guidis. Mais, là-dessus, oups! là, je ne sais pas ce qui est arrivé au niveau du consensus, ça semble être assez fragile, parce que, moi, je reçois des représentations de plus en plus, et, là, on n'est pas sûr, M. le Président, d'une première chose: est-ce que le mécanisme prévu au projet de loi 26 assurera, comme il se devrait, l'impartialité de la décision? Je ne suis pas sûr, parce que c'est la même instance qui aura le droit de se réviser. Et, à ce sujet-là, d'ailleurs, il y a des représentations qui ont sûrement été faites au ministre aussi par, entre autres, l'Union des municipalités du Québec. Et l'Union des municipalités du Québec a de sérieuses inquiétudes, et d'autres. Je reviendrai tantôt, avec l'Institut de développement urbain du Québec, qui a les mêmes inquiétudes.

Bien que l'objectif de réduire les niveaux de recours, et par conséquent les coûts et les délais engendrés par la multitude des étapes à franchir avant d'obtenir une décision finale, soit louable – ça tout le monde salue ça – il convient de s'assurer que cette mesure n'aura pas pour effet de favoriser, d'une part, la multiplication des plaintes puis, d'autre part, d'accorder un recours un peu impartial d'avance. C'est qu'on n'aurait pas la garantie de l'impartialité du recours. Certains intervenants s'inquiètent du recours abusif à la procédure de révision et à l'interprétation large qui pourrait en être donnée. Cette procédure sera plus accessible parce que moins coûteuse et moins contraignante que l'actuelle, mais il y en a d'autres qui s'interrogent, écoutez ça, sur les garanties d'impartialité que comporte la révision d'une décision par le même organisme qui l'a rendue. Le BREF rend une décision, puis la révision va se passer au niveau du BREF. Le ministre dit: Ce ne sera pas la même personne. Mais ça va être la même instance! À partir du moment où c'est la même instance, si on n'a pas de balise au niveau d'article par article pour s'assurer que ce ne soit pas une révision artificielle ou un droit théorique, bien, à ce moment-là, on sera probablement sympathique à regarder les modifications proposées.

Exploitation agricole. Là, il y a, encore là, pas mal de doutes qui lèvent, parce qu'on change complètement la philosophie en introduisant une place pour le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, alors que, moi, j'ai toujours pensé que ça appartient au contribuable de se réveiller quand il prétend que, sur son rôle d'évaluation... Qu'il ait une exploitation agricole ou un autre type d'exploitation, comment ça se fait qu'on instaurerait une espèce de mécanisme à deux poids, deux mesures? Si j'étais le seul qui avait ce point de vue là, je dirais: Bien, je dois mal lire, mais il y en a plusieurs qui lisent la même chose que moi. Alors, dans ce temps-là, je pense que je suis porté à avoir raison.

Je rappelle, M. le ministre des Affaires municipales, que la dernière réforme de la fiscalité des fermes devait viser à davantage responsabiliser les propriétaires d'exploitations agricoles face à l'évaluation de leur propriété et, par conséquent, à limiter dans ce domaine la nécessité de l'intervention de l'autorité publique responsable du remboursement d'une partie des taxes municipales. Moi, je pense que cet objectif-là était louable et qu'il faudrait plutôt poursuivre dans cette direction.

Il revient, selon moi, M. le Président, en premier lieu au propriétaire de s'assurer de l'exactitude des données concernant son immeuble, quel que soit le type d'exploitation. Introduire une nouvelle disposition qui permet désormais clairement au ministre de l'Agriculture de se substituer, c'est ça qui est dangereux. Dorénavant, le ministre de l'Agriculture pourra se substituer au contribuable quant à son droit de plainte, parce que le projet de loi, et ce n'est pas compliqué, là, il instaure, pour le ministre des Pêcheries et de l'Alimentation, un droit de plainte similaire à celui du ministre des Affaires municipales en ce qui regarde les immeubles faisant l'objet de compensations tenant lieu de taxes.

Compte tenu des budgets limités du gouvernement, de la hausse des taxes municipales due aux nouvelles responsabilités des municipalités, de l'éventuelle réduction des frais afférents aux litiges, en matière d'évaluation, en raison des modifications apportées par le présent projet de loi aux instances judiciaires chargées d'en décider, il est à craindre que le MAPAQ convienne d'une offensive à ce niveau afin de tenter de réduire indirectement le niveau de ses programmes d'aide plutôt que d'affronter l'ire du monde agricole en modifiant ou en révisant la structure des subventions qu'il accorde.

Ça fait ce qui leur arrive assez souvent: créer une nouvelle iniquité, créer une iniquité entre les contribuables. Il y aura, dorénavant, les contribuables ordinaires, en zone blanche, qui s'arrangeront avec leurs troubles. Et il y aura un autre type de contribuables, en zone verte, qui, eux, pourront compter sur les moyens, sur l'expertise, sur les ressources pas mal plus importantes du MAPAQ que les ressources d'un individu pris individuellement. Alors, on aura sûrement des choses à questionner là-dessus.

Un autre aspect du projet de loi 26, toujours mineur, c'est ce fameux Centre d'urgence 9-1-1. Enfin, le projet de loi 26 accorde le pouvoir aux municipalités de conclure une entente avec une firme de télécommunications afin que cette dernière puisse percevoir un tarif établi par la municipalité pour assumer les coûts inhérents. On n'aura pas grand trouble avec ça, sauf qu'on va avoir quelques questions à poser, comme d'ailleurs l'UMQ, qui a signalé un certain nombre de commentaires là-dessus. D'autres intervenants nous ont fait part de leurs points de vue. Nous y reviendrons.

Arrivons maintenant à l'os, sur le point de vue majeur du projet de loi. Je disais tantôt que l'élément majeur du projet de loi 26 est sans contredit l'introduction d'une nouvelle taxe sur les immeubles non résidentiels, qui découle en ligne directe des problèmes... Le ministre dit: Vous autres, de l'Opposition, vous parlez des problèmes liés à la surtaxe; moi, je parle des bons effets. C'est votre droit, c'est le législateur qui a décidé d'embarquer là-dedans.

Nous, on n'était pas d'accord avec la surtaxe. Je ne verrais pas pourquoi on serait d'accord avec la nouvelle taxe introduite par le projet de loi 26. Alors, là, tout de suite, j'indique mes couleurs. Nous, c'est qu'on ne marche pas dans vos affaires là-dessus. On va être contre ce projet de loi parce qu'on trouve qu'il ne règle rien. Il empire la situation. Il aggrave la situation. Il crée d'autres problèmes, d'autres iniquités. On ne trouve pas que c'est une voie de solution.

Si, moi, je viens de lier le projet de loi 26, qui crée une nouvelle taxe, à la fameuse surtaxe par le biais du projet de loi 145, bien, je pense qu'il n'est pas superflu de revenir et de faire une petite histoire afin de mieux comprendre pourquoi le gouvernement crée cette nouvelle taxe. Je le répète, le gouvernement libéral crée une nouvelle taxe, comme s'il n'y en avait pas assez, dans le domaine de la fiscalité municipale. Ce point de vue est largement partagé par plusieurs intervenants commerciaux. Soit qu'ils ont raté le consensus, soit qu'ils ne l'ont pas lu de la même façon que le ministre ou qu'ils ont vu exactement la même chose, sauf que, quand le ministre a décidé de traduire par voie législative ce qu'il appelle un consensus, il a pris des voies soit nébuleuses ou soit différentes de celles du consensus.

Il faut se rappeler qu'en décembre 1990 ce cher gouvernement libéral – usé à la corde, qui étire son mandat, avec un premier ministre désigné – annonce qu'il réduit de 500 000 000 $ sa contribution au financement de plusieurs services municipaux. Devant l'ampleur de la facture et devant les manifestations de tous les intervenants, qui ne voulaient pas assister à un pelletage aussi massif, le gouvernement a décidé de réduire en partie la facture du pelletage. Il a chargé une facture pour l'entretien des routes, le transport en commun, et les services de la Sûreté du Québec ont été refilés aux municipalités.

(16 h 40)

En contrepartie de ce délestage, le gouvernement a mis à la disposition des municipalités – c'est là que le problème a commencé – de nouvelles sources de revenus, dont la fameuse surtaxe sur les immeubles non résidentiels, qui est en vigueur depuis le 1er janvier 1992 et qui a été jugée par un juge, le juge Tessier, comme étant inconstitutionnelle.

Le ministre disait tantôt: Écoutez, on parle quand même de quelque chose de significatif sur le plan de la fiscalité municipale, parce qu'il s'agit d'une somme de 700 000 000 $. Il a raison. Là, il y a 700 000 000 $ sur la table, qui sont en cause. Alors, 700 000 000 $, je répète que, pour les municipalités, advenant que le jugement serait maintenu au niveau de la Cour suprême, c'est évident qu'il faut que le législateur agisse et fasse quelque chose et essaie, comme le ministre le disait, d'offrir une meilleure sécurité juridique aux municipalités, pour celles qui décideront d'utiliser la surtaxe.

La surtaxe sur les immeubles non résidentiels, M. le Président, a entraîné des hausses allant jusqu'à 50 % du fardeau fiscal des entrepreneurs et des commerçants. Ces augmentations considérables des taxes municipales dans un contexte économique extrêmement difficile ont soulevé la colère des commerçants, en particulier ceux de Montréal, là où la surtaxe rapporte environ 300 000 000 $ par année depuis son apparition. Ces commerçants ont décidé de soumettre leur opposition aux tribunaux, puis le 29 septembre 1993, le juge Pierre Tessier de la Cour supérieure déclarait invalide la surtaxe sur les immeubles non résidentiels.

Parce que, en vertu de l'autre problème que nous avons, qui s'appelle la Constitution canadienne, on n'a pas le pouvoir de faire ce qu'on voudrait faire. On est juste un gouvernement de province. Ça fait plaisir aux gens d'en face quand ils nous disent que nous, on est comme les autres, et un gouvernement de province n'a pas la capacité de taxer les municipalités comme bon lui semble, pas par plaisir, afin que ce premier palier de gouvernement puisse offrir à ses commettants un certain nombre de services à partir, bien sûr, du produit de la taxe foncière.

Pour les 270 municipalités qui avaient choisi d'appliquer cette surtaxe, le jugement Tessier a l'effet d'une bombe. Une de leurs principales sources de revenu, imposée par le gouvernement libéral, est jugée illégale et inconstitutionnelle. Je l'ai dit tantôt, on ne discute pas de pourboires, là, on discute de 700 000 000 $ de fiscalité qui, potentiellement, n'appartiendraient plus aux municipalités.

Ce jugement a soulevé plusieurs questions quant à l'attitude du gouvernement du Québec. Comment se fait-il que le ministre des Affaires municipales, habituellement prudent, n'a pas prévu ce qui était hautement prévisible? Comment se fait-il que le ministre des Affaires municipales n'a jamais demandé d'avis juridique concernant la surtaxe? Qu'arrivera-t-il si les municipalités doivent rembourser des centaines de millions de dollars perçus illégalement?

L'absence de réponses à ces questions nous permet de croire que le gouvernement libéral était au courant des menaces qui planaient sur la constitutionnalité de cette surtaxe, mais qu'il a préféré, étant donné son empressement à pelleter dans la cour des municipalités ses problèmes d'équilibre budgétaire, il s'est empressé de procéder. Puis, d'ailleurs, il l'a dit publiquement à une couple de reprises où j'étais là. Je l'ai entendu de mes oreilles: Nous, on va s'ajuster puis on va prendre nos responsabilités. Le ministre des Affaires municipales l'a dit, puis il l'a dit tantôt en Chambre. Le projet de loi 26 offre une meilleure sécurité juridique pour les municipalités qui voudront se servir de cette nouvelle taxe. Et il a raison que ça offre une meilleure assise juridique, mais le même problème majeur d'iniquité, dans certains cas, le problème qu'il a causé demeure. On le verra par les gens qui auront à subir les contrecoups de cette nouvelle taxe.

Bien sûr que le projet de loi 26 met un peu de baume sur des plaies ouvertes et vives causées par la loi 145 en permettant de réduire le taux de la nouvelle taxe sur les immeubles non résidentiels, qui ont un pourcentage moyen d'inoccupation supérieur à 25 %. Toutefois, M. le Président, pour plusieurs propriétaires, un taux d'inoccupation de 10 % ou 20 % peut être aussi dommageable qu'un taux de 25 % ou 30 %. Ça dépend de la taille ou de la grosseur de ton commerce, ou du propriétaire, en termes de bâtisse commerciale. D'ailleurs, compte tenu de l'état actuel du marché de l'immobilier au Québec, et de façon particulière à Montréal, il n'est pas rare d'enregistrer des taux d'inoccupation ou de vacance de 10 %, 12 %, 15 %, 18 % ou 20 %. Eux autres, là, c'est: Arrangez-vous avec vos troubles! Il n'y a rien de prévu dans le projet de loi 26. Par contre, cette nouvelle taxe évite les éléments qui avaient été jugés inconstitutionnels, à propos de la surtaxe sur les immeubles non résidentiels, et, ça, le ministre a été très clair. On ne parle plus de la réouverture des baux pour refiler aux locataires la surtaxe et le remboursement de taxes aux propriétaires de locaux vacants. Pour les municipalités, la nouvelle taxe servira certainement de rempart, au cas où la surtaxe sur les immeubles non résidentiels devait de nouveau être jugée illégale par la Cour d'appel et, éventuellement, par la Cour suprême. Pour les entrepreneurs et les commerçants, on ne fait que déplacer le fardeau de la surtaxe sur les immeubles non résidentiels vers la taxe sur les immeubles non résidentiels.

Il faut en effet souligner, M. le Président, que les contribuables québécois paient, encore aujourd'hui, pour le pelletage sans précédent de factures effectué par le gouvernement libéral en 1991. Et ce n'est sûrement pas avec les quelques corrections ici et là qu'on va réussir à faire oublier ça aux contribuables. Et c'est probablement pour ça que les sondages sont constants. On ne veut plus vous voir! La plupart des Québécois aimeraient ça que vous leur fassiez plaisir et que vous laissiez votre place. Ça a assez duré! On n'a jamais vu un gouvernement étirer l'élastique à ce point; c'est dangereux d'étirer un élastique à ce point. Alors, on le verra le jour où vous allez décider d'en appeler au peuple, mais ils ne veulent plus vous voir bien, bien.

De plus, il est quelque peu pathétique d'assister aux changements de la fiscalité municipale, par le gouvernement libéral, depuis l'adoption de la loi 145, petit morceau par petit morceau. En effet, les projets de loi se suivent à la vitesse de l'éclair, jetant ainsi le discrédit sur ce gouvernement qui n'en finit plus de semer la confusion parmi les municipalités, les évaluateurs, les propriétaires. Bref, rien de très bon pour la stabilité des finances municipales et le portefeuille des contribuables.

Nous, M. le Président, on avait débattu, combattu vigoureusement. L'Opposition officielle, le Parti québécois a vigoureusement combattu la loi 145 jusqu'à se faire imposer un bâillon. Alors, pensez-vous que, aujourd'hui, on va pouvoir donner notre aval aux dispositions du projet de loi 26 concernant la nouvelle taxe sur les immeubles non résidentiels, qui ne soulagent en rien le fardeau fiscal des entrepreneurs et des commerçants, qui ont été très durement affectés par la dernière récession?

Et, à ce sujet-là, je voudrais ici prendre quelques minutes pour donner des exemples de points de vue. J'ai toujours dit, M. le Président: Quand une loi nous arrive, il ne s'agit pas de donner uniquement notre point de vue et de dire: On est assis sur la vérité. Moi, je ne donne pas juste mon point de vue, là-dessus. Je suis étonné du nombre de lettres et de télégrammes qui rentrent, qui laissent voir que le consensus, il y a des failles à quelque part. Et d'autres instances qui disent: Bien, tant qu'on regardera ça uniquement par la lorgnette de petit morceau par petit morceau, on se place dans une situation difficile. Et, là, je voudrais parler un peu du point de vue de l'Institut de développement urbain du Québec. Règle générale, c'est des gens dont toute l'attention est tournée vers des préoccupations fiscales. On ne peut pas dire: Ils ne connaissent pas ça, il n'y a aucune expertise là-dedans! Ça ne veut pas dire qu'on est toujours obligé de les écouter; ça, je suis d'accord avec ça. Mais, sur le projet de loi 26, c'est important, M. le Président, de vous dire ou de dire à la population c'est quoi leur point de vue. Le point de vue, il n'est pas compliqué, il dit ceci: Le projet de loi introduit une nouvelle taxe non résidentielle pour les municipalités qui n'utilisent pas la surtaxe sur les immeubles non résidentiels. Cette taxe – écoutez bien, là! – n'apporte pas les solutions que nous cherchons et, en fait – ou dans les faits – aggrave de façon substantielle les problèmes de la surtaxe. Ils n'ont pas dit «allège», ils n'ont pas dit «réduit»; ils ont dit «aggrave les problèmes de la surtaxe».

(16 h 50)

Et, là, ils donnent des explications – et on reviendra, en commission parlementaire – mais je voudrais juste citer deux exemples: Or, tout comme un bail résidentiel, un bail brut ne permet pas de récupérer quelque nouvelle charge que ce soit. La loi 145, en introduisant la surtaxe, a permis la réouverture des baux bruts afin de permettre aux propriétaires de récupérer auprès de leurs locataires la quote-part de la surtaxe. Parce que, là, on ne peut pas dire aux propriétaires: Nous, on ne s'occupe pas du contexte, on ne s'occupe pas de la situation, on s'occupe d'une chose: «C'est-tu» à toi, cet immeuble-là, ou pas? Si la réponse, c'est oui, c'est à toi, on te clenche. C'est pour ça qu'il y a tant de propriétaires commerciaux qui ont réagi violemment, et j'en donnerai des exemples tantôt.

Moi, je ne peux pas dire que j'ai fait le tour. J'entendais le ministre tantôt, puis il disait: Écoutez, les baux résidentiels et commerciaux, généralement, c'est pour des petites périodes, puis il y a toujours une clause pour rouvrir. C'est drôle, l'Institut de développement urbain du Québec, lui, il dit: Ce n'est pas ça qu'on a observé. Qui a raison? Je ne sais pas. Pour l'instant, je ne le sais pas. Je fais juste citer que, à leur point de vue, vu le très long terme des baux non résidentiels généralement consenti, qui excède souvent une période de 10 ans – ce n'est pas bien, bien conforme avec ce que le ministre nous disait tantôt – il est impossible aux propriétaires d'ajuster à court terme le loyer en fonction des nouvelles chartes. Le projet de loi ne prévoit aucune disposition permettant de modifier les ententes intervenues entre locataires et bailleurs de fonds en fonction des nouvelles taxes imposées. Si cette taxe était sanctionnée, tous les propriétaires ayant consenti des baux bruts auraient à acquitter la note totale des taxes immobilières se rapportant à l'édifice, laquelle peut inclure la taxe d'affaires. Un tel état de choses augmente la surconcentration de l'imposition fiscale sur le secteur non résidentiel.

De plus, le projet de loi n'aborde d'aucune façon les problèmes réels des mauvaises créances et des difficultés de collection encourues par les propriétaires. La nouvelle taxe proposée laisse entière l'iniquité du système actuel, dixit l'Institut de développement urbain du Québec, donc, point de vue partagé par d'autres que le critique de l'Opposition officielle, qui dit: On n'avance pas, on se crée des problèmes additionnels.

Deuxième point, une taxe inefficace. Ah! Cette mesure perpétue le chaos engendré par les multiples options offertes aux municipalités dans leur recours à la surtaxe. Les propriétaires d'immeubles non résidentiels devront s'enquérir... Écoutez bien ça; ce petit bout-là, je l'ai aimé, parce que je trouve que, lui, il est concret, indépendamment des côtés de la Chambre. Que ce soit quelqu'un qui écoute l'autre côté ou ce côté-ci, on devrait être d'accord là-dessus. Les propriétaires d'immeubles non résidentiels devront s'enquérir auprès de chaque municipalité où ils ont des immeubles, d'année en année, pour savoir s'ils doivent acquitter une surtaxe, première question; deuxièmement, s'ils bénéficient d'un dégrèvement; troisièmement, s'ils doivent acquitter une autre taxe, s'ils bénéficient d'une réduction du taux, etc., pour ensuite informer leurs locataires.

Bien oui, parce qu'il y a des municipalités qui pourront prendre la taxe d'affaires, qui pourront prendre la surtaxe, qui vont prendre la nouvelle taxe. C'est le chaos, c'est le fouillis, c'est complexe, c'est difficile, et je ne trouve pas que c'est une bonne façon, comme le ministre... Je reprends une phrase, là. Tantôt, il disait: Quelque chose de simple. À un moment donné, il disait: Ça, là, c'est clair, c'est simple, ce n'est pas compliqué. Tout le monde va comprendre la même chose. Alors, ou bien ces gens-là, encore une fois, n'ont rien compris, mais, moi, ce n'est pas le jugement que je porte. Je pense qu'ils ont très bien compris. En plus, là, la taxe proposée ne tient pas compte de toute vacance partielle que peuvent subir les propriétaires occupants, comme le fait la taxe d'affaires. Elle, elle tenait compte de ça. Et, là, j'arrête là. Il y avait deux autres points: Le rôle d'évaluation se dégrade. Ça, c'est l'Institut qui dit ça. Le pouvoir du Bureau de révision de l'évaluation foncière du Québec: C'est pourquoi nous soutenons que le projet de loi accorde au BREF un pouvoir de juridiction beaucoup trop large, qu'il va falloir baliser – et je l'ai dit tantôt, et il parle de la réduction plutôt symbolique. Et, là-dessus, j'ai le même point de vue. Là, il parle des 25 % d'inoccupation. C'est symbolique, qu'est-ce que vous voulez!

Il y avait un exemple ici, là. La municipalité peut prévoir que, lorsqu'on a été supérieur à 25 %, le pourcentage moyen d'inoccupation d'une unité d'évaluation au cours de l'exercice financier qui précède celui pour lequel la taxe est imposée, le taux de celle-ci, qui est inapplicable à l'unité, est celui que l'on obtient en diminuant la partie du pourcentage qui excède 27 %. Et, là, j'espère que tout le monde ne m'écoute plus là-dessus. C'est juste pour montrer comment c'est ridicule. Une chatte n'y retrouve pas ses petits!

Alors, au début, le ministre avait dit: Oui, c'est compliqué, la fiscalité municipale. Ce n'est pas parce que c'est compliqué qu'il faut la complexifier davantage avec toutes sortes de mesures difficiles et inapplicables. Je voyais les signes de tête du ministre, en disant: Bien, écoute, c'est l'Institut de développement urbain. Alors, eux autres, c'est des gens qui ont le mandat de faire de la théorie sur la fiscalité. On va aller voir les gens plus pratiques. On va aller voir les gens très concrets, là, qui ont les deux pieds dedans.

Alors, ici, je donne un exemple: Rockwell Investments Ltd. Alors, moi, je ne connais pas M. Stephen A. Vineberg, qui est président et chef de la direction, mais je sais qu'il dit ceci: Nous avons pris connaissance du projet de loi 26 et nous sommes profondément déçus – ils ne disent pas: on le félicite, là – de constater que ce projet de loi, qui n'apporte aucune solution valable aux graves problèmes auxquels nous sommes confrontés depuis l'avènement de la surtaxe sur les immeubles non résidentiels, vient en fait empirer la situation par une série de nouvelles dispositions qui menacent notre survie. Une nouvelle taxe non résidentielle, l'absence de dispositions permettant de rouvrir – ça, le ministre a été clair – le pouvoir discrétionnaire accordé aux municipalités de consentir une réduction partielle du taux de la taxe en fonction de l'inoccupation, le seuil d'admissibilité à cette réduction établi à plus de 25 %, les nouvelles restrictions limitant les appels de décisions au Bureau de révision sont autant de problèmes qui engendreront le chaos et qui nous forcent à nous opposer catégoriquement à la sanction de ce projet de loi.

Il est le seul à penser comme ça? J'en ai reçu une multitude. Le ministre en a reçu sûrement plusieurs autres. Investissements CSL ltée, même chose, donc, je ne relis pas; Corporation Cadillac Fairview ltée, même chose; Cominar, les Immeubles Cominar, eux autres, ils ont ajouté quelque chose. Ça, je le lis...

Une voix: ...

M. Gendron: Non, parce que c'est neuf. Cominar, c'est neuf. Cominar, il dit: La réforme Ryan nous a déjà durement touchés par l'entêtement des villes à ne pas accorder de dégrèvement pour la surtaxe sur les immeubles non résidentiels, et le... Je le sais qu'elles ne pouvaient pas, c'est dans la loi. Je ne chiale pas les villes, là. Je ne chiale pas les villes. Je dis ce que ça a créé comme problèmes, la surtaxe, au cher gouvernement libéral et au ministre des Affaires municipales. Alors, je répète: les villes ne pouvaient pas accorder de dégrèvement, et le refus de certains locataires de payer une telle taxe... Puis, moi, je les comprends. Il y a bien des locataires, pour des immeubles commerciaux, ils ont dit: Pourquoi on te paierait une surtaxe? Il n'y a pas un chat, là, puis on ne fait aucune fonction commerciale parce qu'il n'y a rien qui se passe dans l'immeuble. Ah! Ce n'est pas grave. La loi du ministre des Affaires municipales du gouvernement libéral permet aux municipalités de charger une surtaxe sur les immeubles non résidentiels. Donc, elles devaient tout simplement voir: est-ce que c'est bel et bien un immeuble commercial? Si la réponse est oui, on te surtaxe. Il «est-u» occupé? Ce n'est pas notre problème. On ne veut rien savoir s'il est occupé ou pas. Voici la claque par la tête.

Cette réforme a également permis aux villes de percevoir des revenus plus que substantiels par les nouveaux taux d'imposition de la taxe de mutation. Puis, là, regardez juste sa phrase, puis il disait ça au ministre puis au critique: Je vous en prie... Le mois de Marie était fini, pourtant, mais ça ne fait rien. Je vous en prie, ayez pitié de nous, pauvres propriétaires qui nous débattons dans un marché immobilier malade. Et, dans le marché immobilier, il a un peu raison, ce n'est pas la période de vaches grasses, là. Ce n'est pas l'allégresse. Allez à Montréal, au centre-ville, puis, si vous trouvez là un taux d'occupation renversant... Pour essayer de constater du développement économique, on annonce des infrastructures. Oui, on va faire gratter du monde. On va faire pelleter du monde dans des emplois temporaires, à mort, en disant: Ça va créer 1000, 2000, 3000, on va additionner les emplois. Puis, bravo! Je ne chiale même pas contre ça, parce que, n'importe quel gouvernement responsable, il l'aurait fait depuis 10, 12 ans. Je l'ai dit: Les infrastructures, dans bien des villes, sont archaïques, vétustes, désuètes.

(17 heures)

À partir du moment où ce gouvernement-là a tout coupé les aides puis, en plus de ça, a pelleté dans la cour des municipalités pour 400 000 000 $ là, qu'elles disent: Une chance que... Là, il appelle ça... la phrase – là, je voudrais la citer comme il faut – du ministre des Affaires municipales: le fédéralisme rentabilisant, une affaire de même... agissant, bon! Aïe! «C'est-u» beau? «C'est-u» beau? C'est juste notre argent. Avec notre argent qu'on envoie à Ottawa, on dit: Retourne-nous donc ça. Retourne-nous donc ça. Puis, là, dans des ententes... Bien, c'est évident qu'ils nous retournent moins, mais je fais juste parler, là, du fédéralisme agissant. Ça donnerait donc des beaux résultats! Ce qui aurait donné plus de résultats, c'est d'avoir été sensible à la réalité de la période économique difficile, et dire: S'il y a un moment, M. le Président, qu'une surtaxe ne peut pas atterrir dans le champ des municipalités, surtout à Montréal, c'est au moment où on était frappé par une des plus dures récessions. Ça, ça aurait été pas mal plus agissant et plus responsable, au niveau du fédéral, pour constater ça.

Alors, là, j'en reçois tous les jours, et plus que je pense. Bon. M. le ministre, tantôt, était prêt à nous passer certains appuis. Je cite un autre appui, M. Peter Sergakis, président de l'Association des propriétaires de bâtiments commerciaux du Québec. Alors, moi, tout ce que je veux prendre, c'est le constat qu'il fait: Nous demandons d'être entendus. Parce qu'on partage le même point de vue que tous ceux que j'ai cités, qui disent que c'est une loi qui va créer plus de problèmes, qui ne réglera rien, et qui va être complexe à gérer, à administrer; et on aura l'occasion de l'apprécier davantage article par article.

Donc, ça, c'était traiter de l'os, du coeur. Sur les autres dispositions, j'ai fait mes commentaires. Mais, là où j'ai été étonné, là où j'ai été étonné, c'est... Écoutez, quand j'ai pris connaissance de la 26, j'ai dit: Le ministre va avoir sûrement la sagesse d'inclure et d'en profiter pour corriger certaines affaires qui avaient été souhaitées par plusieurs intervenants. Bon. Je ne peux pas ne pas dire quelques mots sur les ateliers d'artistes. Qu'est-ce qu'il manque au ministre pour agir là-dedans? C'est quoi, son problème? Le problème a été signalé, on en a discuté en commission parlementaire à plusieurs reprises. Mme Robichaud, qui représente l'Association des artistes du domaine réputé des arts visuels, a écrit au ministre, et elle dit: C'est quoi, votre problème? Qu'est-ce que vous ne comprenez pas là-dedans? Elle dit ceci: C'est avec consternation que l'Association des artistes du domaine réputé des arts visuels du Québec a réalisé qu'encore une fois le ministre des Affaires municipales n'avait pas tenu compte des artistes et de leurs ateliers loués dans des immeubles non résidentiels, dans la formulation de son nouveau projet de loi 26. Ma dernière lettre du 5 mai vous informait de la problématique des ateliers d'artistes, qui ne sont pas des organismes à but non lucratif, et qui, par conséquent, continuent à recevoir le même traitement que n'importe quel commerce.

Il faut vraiment être déconnecté de la réalité pour dire: Ah, ça appartient aux municipalités de régler votre problème. Mais non! C'est clair qu'il n'y a pas de fonction commerciale dans plusieurs ateliers des arts visuels; il n'y a aucune fonction commerciale. Et, dans ce sens-là, il faut prévoir, par la disposition générale du projet de loi 26, un aménagement qui ferait que, compte tenu de leur nature particulière, ils ne seraient pas assujettis à la surtaxe. J'ai eu l'occasion de soulever le problème lors de l'étude des crédits, mais les municipalités se retrouveraient dans l'illégalité en accordant un traitement fiscal particulier aux ateliers d'artistes. Une exception pour les organismes sympathiques existe déjà dans la loi 145, mais les artistes ne peuvent y adhérer car ils ou elles sont des individus et non des organismes incorporés, et leurs locaux ne sont pas ouverts au public. Des représentations ont été faites, mais le ministre, il dit: Moi, je ne peux pas regarder ça. Là, on a alerté le chef de l'Opposition, on a alerté le critique; on dit: Bien, qu'est-ce qui se passe? Alors, j'aurais aimé ça trouver ces dispositions-là.

Une autre disposition, c'est l'Association des propriétaires de garderies du Québec. Alors, eux autres aussi, il leur apparaît impératif de porter à l'attention du ministre que le rôle social joué par les garderies commerciales s'apparente à celui accompli dans ces résidences commerciales et que la variante n'est que l'âge de la clientèle. Il est reconnu... ainsi de suite: Nous comptons sur votre sens de l'équité, M. le ministre, afin de soulever la question auprès de M. Ryan lors de vos interventions. Et une lettre a été adressée au premier ministre pour que le problème de l'Association des propriétaires de garderies du Québec soit regardé. Et ils s'attendaient, eux autres, par le biais du projet de loi 26, qu'il y ait des correctifs qui soient apportés.

Alors, conclusion: l'Association demande au gouvernement d'exempter les ateliers d'artistes de la surtaxe sur les immeubles non résidentiels en modifiant la Loi sur la fiscalité municipale afin que les municipalités puissent tenir compte de cette particularité vécue par les artistes du domaine réputé des arts visuels. L'Association prétend – avec raison, selon nous – que les artistes ne peuvent être assimilés à des organismes à but non lucratif, ce qui autoriserait les municipalités à les exempter des taxes municipales. Et j'ai eu l'occasion de le mentionner.

Donc, M. le Président, nous, le problème que nous avons aujourd'hui, c'est d'avoir des représentations qui nous indiquent qu'il y a eu un problème quant à l'interprétation légaliste du consensus qui était censé s'être dégagé pour régler un certain nombre de problèmes liés à la fiscalité, premier point.

Deuxième point. On est en désaccord avec ce projet de loi pour les éléments qu'il contient. Les éléments qu'il contient, c'est de donner suite et d'essayer de régler un problème qui est occasionné par la surtaxe pour laquelle nous étions en désaccord.

Troisième raison pour être en désaccord et voter contre le principe, c'est pour ce qu'il n'y a pas dans le projet de loi. Il y a un certain nombre de choses pour lesquelles nous serions d'accord, que nous aurions souhaité retrouver dans le projet de loi. On regarde le projet de loi... le ministre n'a pas profité des modifications qu'il trouve pertinent d'apporter à la fiscalité municipale pour inclure, à l'intérieur du projet de loi, les dispositions liées aux arts graphiques, de même que les demandes pour les garderies.

Pour un gouvernement qui prétend être à l'écoute de la famille, il faudrait peut-être faire moins de discours vantant les mérites de la famille, l'Année internationale de la famille, vos bonnes dispositions familiales, et, de temps en temps, quand vous avez un exemple concret pour le prouver, y donner suite. Ici, il y a une contradiction un peu évidente au niveau, entre autres, de la situation des garderies privées, qui, contrairement aux centres d'accueil privés pour personnes âgées... Les centres d'accueil privés pour personnes âgées, eux, peuvent bénéficier d'une exemption des taxes municipales, alors que le service offert dans les garderies est essentiellement le même. La seule différence, c'est l'âge des bénéficiaires. Au lieu d'être des personnes du troisième âge, c'est des personnes du premier âge. C'est des personnes qui commencent leur vie dans la société. Dans ce sens-là, il n'y a pas grand logique à vous suivre, parce que ça serait une disposition importante qui irait dans le sens de l'aide à la famille aussi. Tous les coûts se refilent. Tout le monde sait, M. le Président, que les coûts sont refilés aux contribuables. Alors, si les garderies ne peuvent pas disposer de mesures pour profiter d'une non-imposition de la surtaxe, c'est les utilisateurs des garderies, c'est les parents utilisateurs, et ça a un impact sur la politique familiale. C'est évident.

Voilà, M. le Président, en gros, les considérations que je voulais faire. J'aurais pu reprendre un certain nombre de commentaires plus détaillés de l'Union des municipalités et de l'UMRCQ. On aura l'occasion de le faire article par article. Mais, essentiellement, M. le Président, c'est évident que, par les dispositions de ce projet de loi, l'Opposition ne pourra pas être d'accord avec le projet de loi. Surtout, par les éléments manquants et absents du projet de loi, nous devrons voter contre le projet de loi 26. Merci.

M. Ryan: M. le Président.

Le Vice-Président (M. Tremblay): Oui, M. le ministre.

M. Ryan: Est-ce que vous pouvez m'indiquer si le ministre a droit de réplique après chaque intervention ou seulement à la fin du débat? Je ne me souviens pas. Seulement à la fin, hein?

Le Vice-Président (M. Tremblay): M. le ministre, on m'informe que votre temps de réplique est à la fin du débat. Alors, je suis prêt à reconnaître un prochain intervenant.


Avis de débats de fin de séance

Mais, avant de procéder avec le prochain intervenant, vous me permettrez d'annoncer à cette Chambre qu'il y aura un débat de fin de séance ce soir entre le député de Laviolette et le ministre des Ressources naturelles concernant l'engagement de M. Royal Grenier par la SOPFEU. Alors, ce débat aura lieu ce soir, après 22 heures.

Je suis maintenant prêt à reconnaître le prochain intervenant, M. le député de l'Acadie. M. le député, allez-y.


Reprise du débat sur l'adoption du principe du projet de loi 26


M. Yvan Bordeleau

M. Bordeleau: Merci, M. le Président. Je suis très heureux aujourd'hui d'intervenir dans le cadre du projet de loi 26, c'est-à-dire la Loi modifiant la Loi sur la fiscalité municipale et d'autres dispositions législatives.

M. le Président, depuis bon nombre d'années déjà, l'ensemble des municipalités du Québec désirent assumer des responsabilités plus substantielles dans des domaines qui les touchent directement. Entre autres, les villes et les villages du Québec ont demandé au gouvernement de leur accorder les pouvoirs de taxation nécessaires pour remplir leurs obligations. On se rappellera que notre gouvernement a posé des gestes visant justement à responsabiliser les municipalités et à leur offrir une plus grande autonomie tout en mettant à leur disposition des outils fiscaux afin de puiser les revenus nécessaires pour assumer ces nouvelles responsabilités.

(17 h 10)

Le projet de loi 26 modifiant la Loi sur la fiscalité municipale va dans le même sens. Il vise à donner aux municipalités du Québec les moyens de remplir le mieux possible les responsabilités qui leur incombent. Le projet de loi 26 traduit également la volonté du gouvernement du Québec de rapprocher les décisions des individus et des clientèles.

Vous me permettrez de tracer les grandes lignes de ce projet de loi qui, j'en suis certain, répondra aux besoins des municipalités. Les solutions proposées dans ce projet de loi ont d'ailleurs fait l'objet de discussions intenses et encadrées au sein des intervenants municipaux et des milieux d'affaires. Tout d'abord, il est important de bien comprendre que, par le biais de ce projet de loi, les municipalités auront accès à un nouvel outil fiscal, une taxe sur les immeubles non résidentiels. C'est effectivement l'un des aspects importants de cette législation. Cette taxe permettra notamment à une municipalité de décréter un abattement du taux de la taxe à l'égard d'un immeuble contenant des locaux vacants, dans la mesure où le pourcentage d'inoccupation d'un immeuble au cours de l'année précédente aura excédé 25 %.

Le projet de loi 26 propose également des modifications relatives aux exemptions fiscales liées à la Loi sur les services de garde à l'enfance. Ainsi, le gouvernement du Québec entend maintenir des exemptions fiscales, c'est-à-dire les taxes municipales et scolaires pour les organismes titulaires d'un permis de services de garde, comme les garderies, les haltes-garderies et les jardins d'enfants, pour l'immeuble où s'exercent les activités de garde. Toutefois, les immeubles occupés par les titulaires d'un permis d'agence de services de garde en milieu familial, sans que s'y exercent directement des activités de services de garde d'enfants proprement dites, seront mis à contribution.

M. le Président, le projet de loi 26 propose également de lever l'exemption de taxes municipales sur les immeubles du réseau de l'éducation, de la santé ou des services sociaux utilisés à des fins autres que celles définies par la loi. Il faut se rappeler que, présentement, ces immeubles ne sont pas imposables dans les cas où ils sont loués à des personnes poursuivant des buts autres qu'éducatifs ou se rapportant au domaine de la santé. Le projet de loi 26 modifiant la Loi sur la fiscalité municipale vient donc mettre fin à ce régime d'exception.

De plus, le projet de loi 26 aura pour effet d'unifier la structure du Bureau de révision de l'évaluation foncière du Québec en éliminant les sections de Montréal et de Québec. Cette disposition est d'ailleurs conforme à notre désir d'améliorer l'efficacité des services rendus à la population. Le rapport du Comité de travail sur la rationalisation des dépenses publiques, le rapport Poulin, présidé par le député de Chauveau et déposé en décembre 1991, recommandait une révision en profondeur des structures et des services afin d'agir en fonction des besoins réels de la population. Ce projet de loi, M. le Président, s'inscrit dans le sillon des gestes que nous avons posés en conformité avec les recommandations de ce comité de travail.

Par ailleurs, le projet de loi 26 prévoit que le droit d'appel actuel à la Cour du Québec de toute décision du Bureau de révision de l'évaluation foncière sera remplacé par un droit de recours à la Cour d'appel, mais seulement sur une question de droit...

M. Dufour: M. le Président.

Le Président suppléant (M. Beaudin): M. le député de Jonquière.

M. Dufour: En vertu de nos règlements, est-ce que vous pourriez constater s'il y a quorum?

Le Président suppléant (M. Beaudin): Qu'on appelle les députés!

(17 h 14 – 17 h 17)

Le Vice-Président (M. Tremblay): Alors, mesdames et messieurs, si vous voulez prendre place, s'il vous plaît!

Alors, je constate que nous avons quorum. M. le député de l'Acadie, vous pouvez continuer votre propos.

M. Bordeleau: Merci, M. le Président. Alors, je disais donc que le projet de loi 26 prévoit que le droit d'appel actuel à la Cour du Québec de toute décision du BREF sera remplacé par un droit de recours à la Cour d'appel, mais seulement sur une question de droit ou de compétence et avec la permission d'un juge de cette cour. Il faut noter également que le traitement des plaintes sera désormais amélioré puisque le président n'aura plus à accorder un délai minimal de 60 jours lorsqu'il exigera d'un évaluateur ou d'un plaignant la production d'un rapport étayant ses prétentions. Le processus des plaintes sera ainsi accéléré, là encore dans l'intérêt des citoyennes et des citoyens.

D'autre part, le projet de loi 26 modifie la Loi sur la fiscalité municipale pour accorder au ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation un droit de plainte analogue à celui du ministre des Affaires municipales à l'égard des exploitations agricoles en zone agricole. Le projet de loi a pour effet d'exempter du paiement du droit de mutation mobilière l'acquéreur d'un immeuble qui s'engage à le faire enregistrer comme exploitation agricole dans l'année qui suit, et ce, à la condition que cet engagement soit effectivement respecté. Il met cependant fin aux exemptions accordées aux acquéreurs d'exploitations agricoles qui ne prennent pas un tel engagement. Cette façon de faire, M. le Président, est associée au partenariat puisque le gouvernement, tout en exerçant son rôle, accorde des pouvoirs de décision et de gestion aux différentes municipalités québécoises. Ces municipalités pourront ainsi mieux répondre aux besoins régionaux et locaux.

(17 h 20)

Dans ce contexte, M. le Président, je serai très heureux de voter en faveur du projet de loi 26, un projet de loi qui établit et qui définit les responsabilités et les moyens donnés aux municipalités et qui leur propose un nouvel outil fiscal. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Tremblay): Très bien, M. le député. Je vais maintenant entendre un député de l'Opposition officielle, M. le député de Jonquière. M. le député.


M. Francis Dufour

M. Dufour: Merci, M. le Président. J'interviens bien sûr sur ce projet de loi, puisqu'il me semblait que j'avais une espèce de responsabilité ou une obligation puisque j'étais porte-parole de ma formation lorsque la loi 145 a été adoptée, le projet de loi 145, qui a causé beaucoup de dommages dans le milieu municipal. Et le projet de loi 26 est vraiment l'enfant de ce projet de loi qui a, forcément et décidément, causé beaucoup de problèmes dans le milieu municipal.

Et, effectivement, lorsque nous avions étudié ce projet de loi... Et j'écoutais tout à l'heure le ministre des Affaires municipales, qui nous parlait des bienfaits de sa loi. Il nous a soulevé un cas où une ville, dans tout le Québec, a obtenu des avantages certains de la surtaxe de la part du gouvernement fédéral agissant. Ce montant-là était important, bien sûr, puisque la ville de Hull a beaucoup d'immeubles gouvernementaux du fédéral dans ses murs, et ça a apporté, bien sûr, des sommes d'argent importantes dans cette municipalité. Il y a peut-être une ou deux autres municipalités au Québec qui ont eu certains avantages, mais toutes les autres municipalités ont reçu un cadeau de 500 000 000 $ de pelletage de taxes du gouvernement du Québec dans leur cour, et ça a causé beaucoup de problèmes. Nous l'avions dénoncé avec beaucoup de véhémence dans le temps, puisque nous ne savions pas comment ça allait se résorber sur le terrain.

Et on sait bien que, même si Hull en a profité, on peut parler immédiatement de Montréal. Et le ministre a fait allusion à la ville de Montréal, qui aurait pu abuser de la forme de taxation. On l'avait dit, c'était tellement facile d'imposer une surtaxe sur les immeubles qu'on ne voyait pas comment les municipalités pouvaient passer à côté. Et la ville de Montréal a vu l'ouverture tellement grande qu'elle s'est engouffrée. Et, moi, je ne peux pas la blâmer, parce que, effectivement, Montréal a été frappée très dur, et un des points sensibles là-dessus, c'était le transport en commun: comment faire payer le transport en commun autrement que par les immeubles commerciaux ou industriels. C'était tentant. Ils ont succombé à la tentation. Ils l'ont fait, mais la loi leur permettait. Donc, on ne peut pas les accuser, mais, des fois, à trop vouloir, on finit par manquer le coche. C'est arrivé qu'il y a beaucoup de personnes sur le terrain qui se sont senties agressées, puis elles ont senti aussi une surchauffe. Ça a occasionné, parmi les contribuables, un mouvement de révolte.

Le projet de loi, on peut penser qu'il corrige en partie cet état de fait, mais je ne crois pas qu'il aille assez loin pour ce faire. Donc, on peut amener ou on peut parler des problèmes qu'on a causés par la loi 145, ou des corrections qu'on veut apporter par la loi 26, mais ce n'est pas probable dans mon esprit, ce n'est pas aussi clair que ça. Parce que, dans ce projet de loi, il y a des articles qui vont amener certains autres problèmes. On n'a pas réglé l'ensemble des problèmes.

D'abord, pour qu'on puisse considérer une bâtisse comme étant sujette à un dégrèvement, il faut qu'elle ait 25 % d'inoccupation. Ce 25 % d'inoccupation là, ça veut dire qu'à 23 %, à 24 %, il y a encore un motif à contestation. Pourquoi 25 % plutôt que 23 %? Pourquoi 25 % puis pas 26 %? Tout ça va amener certaines contestations. Et ça va plus loin, parce que, sans discuter sur le fond, l'article 244.28 stipule que la personne qui va occuper un local qui sera vacant, qui aura été déclaré vacant, si elle ne le déclare pas en temps et lieu, est passible de 500 $ d'amende, est passible aussi de ne pas recevoir de dégrèvement de la municipalité. Elle va être condamnée à ne pas recevoir son dégrèvement.

Moi, je vous dis qu'on est loin du compte. Il faut se rappeler que le régime de fiscalité, la réforme fiscale qui avait été implantée en 1979, il y avait des principes de base là-dedans, et ces principes-là, un des principaux principes qu'on avait mis de l'avant, c'était la simplicité. Je ne crois pas qu'on retrouve actuellement, dans ce projet de loi, le principe qu'on a énoncé en 1979, où tous les intervenants, y compris le gouvernement du Québec et les municipalités, s'étaient entendus qu'on devait avoir un régime fiscal simple. Et, lorsqu'on l'examine, je n'oserais pas m'aventurer trop, trop à l'expliquer, parce que, même si je suis familier avec le domaine municipal, je vous le dis d'avance: C'est compliqué. Ce projet de loi ne le simplifie pas. On le complexifie davantage. Pourquoi on cherche ça? Parce que, moi, je pense qu'on n'a pas écouté les intervenants.

Je veux me rappeler que, lorsqu'on a adopté la loi 145, il y a un paquet d'intervenants qu'on a fait venir en commission parlementaire. Il y a beaucoup de gens de la ville de Montréal qui sont venus nous dire: Ça n'a pas de bon sens, ce n'est pas ça qu'on veut. Le ministre n'a rien écouté, parce que, lui, son intérêt, c'était... Il y avait juste quelque chose... Il était comme un enfant qui voyait son cadeau de Noël arriver. Il fallait transférer aux municipalités une nouvelle responsabilité, un fardeau de taxation de 500 000 000 $. On peut dire: Mission accomplie, de la part du ministre des Affaires municipales! Il l'a réussi, son transfert, mais il n'est pas complet. Il y a encore des difficultés qui sont causées par rapport à ce projet de loi-là. Il pourrait nous dire qu'il y a des choses qui sont correctes, mais, plus ça va, plus on se rend compte des difficultés qu'on va rencontrer au fur et à mesure du développement de ce projet de loi.

Je veux juste parler du transfert du réseau routier. C'est loin d'être réglé. Il y a des municipalités, chez nous, qui ont commencé à se cogner pas mal fort, parce qu'il n'y a plus de ressources. Elles sont obligées de fermer des chemins. Vous savez, on parle de se mettre à l'ère de l'électronique, des routes électroniques, et on n'est même pas capable d'avoir de lien routier qui a du bon sens. C'est produit, ça, par le projet de loi 145. Il y a des transferts qui ont été accomplis à ce moment-là et qui ont été donnés comme responsabilités. Les petites municipalités ne sont pas capables de subvenir à ça. Mais, plus ça va aller... parce que les premières années, ça va bien. Le gouvernement a graissé un peu les poulies pour qu'on n'ait pas trop de grincements, mais, plus ça va aller, moins il va y avoir de graisse sur les poulies. Peut-être que là, on va avoir des problèmes qui vont se soulever à la grandeur du Québec. On verra bien quels sont les effets de cette loi, que j'appelle une loi perverse, qui s'appelle la loi 145. Elle est loin d'être finie.

On parle, dans le projet, d'unifier les bureaux de révision de l'évaluation foncière. Les bureaux de l'évaluation foncière, il faut se rappeler que c'est composé de deux unités: une unité montréalaise, ou de Montréal, et une unité à Québec, qui a pour fonction de juger toutes les causes, qui s'occupe de l'Est du Québec. Donc, il n'y a jamais eu de problème du fait qu'on a siégé sur deux unités comme ça. Le ministre, dans son projet de loi, veut les unifier. Ce que je ne comprends pas, c'est qu'il ne semble pas y avoir d'économie, à première vue, parce qu'on garde le même monde. Les présidents restent des présidents et les vice-présidents restent des vice-présidents. C'est quoi, l'idée de vouloir les réunir? Moi, je ne le vois pas. Ce n'est pas clair tellement dans le projet de loi. On veut réunir deux bureaux, mais il n'y a jamais eu de plainte à l'effet que ça causait des problèmes, le fait qu'il y ait deux unités d'évaluation. Ça a toujours fonctionné comme ça. Il devait y avoir des raisons. Le projet de loi est muet là-dessus. Ce qu'il nous dit, c'est que le président reste le président et les vice-présidents restent les vice-présidents. Moi, j'aurais compris si ça avait été pour une économie, parce que, partout où on parle aujourd'hui, on parle d'économie. Mais, dans cette question-ci ou dans cet élément-là que le projet de loi nous présente, on ne dit pas pourquoi on le fait. C'est quoi, le principe qui sous-tend qu'on doit réunir les deux bureaux? Est-ce que c'est plus facile à contrôler quand ils sont à la même place, où il y a juste une tête? Je ne le sais pas. Il y a certainement une raison, mais, moi, je ne la vois pas nécessairement dans le projet de loi qu'on a devant nous. Le Bureau de révision de l'évaluation foncière, c'est évident qu'il a un rôle à jouer, mais là, on vient de lui en donner un «supplémentaire». C'est qu'il va juger ses propres plaintes, ou à peu près. C'est à peu près ça que ça veut dire. On veut sauter une étape par rapport aux jugements qu'ils vont porter. Est-ce que, ça, c'est à l'avantage du contribuable? Il faut se questionnner, parce que s'il y a une étape sautée, c'est la même instance. Ça veut dire que... Peut-être qu'il y a une économie, au départ? Si c'est juste pour des questions techniques, ça va, mais si c'est pour des questions de fond, ça va continuer à causer des problèmes importants ou ça va en causer de nouveaux.

(17 h 30)

Il y a la question, bien sûr, où on parle de transférer, où on dit que le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation va pouvoir faire des plaintes, puisqu'il paie environ 75 % de la facture au point de vue des terres agricoles, c'est-à-dire des entreprises agricoles. Encore là, le gouvernement, il y va assez allégrement, parce qu'on s'approprie ou on se donne de nouveaux pouvoirs qui permettent, encore là, de toucher les municipalités plus fortement. Il faut se rappeler que la loi de la fiscalité municipale, qui obligeait le gouvernement à devenir un contribuable à part entière, ce qui n'a jamais été fait... On est rendu en 1994 et on est loin du compte. Encore là, le gouvernement n'est pas un contribuable à part entière. Il a décidé, par des législations, de se soustraire à cette loi-là.

Par contre, on est conscient, aussi, que le gouvernement, qui est à la recherche de ressources financières d'une façon effrénée, pour ne pas dire d'une façon désordonnée, conteste les rôles d'évaluation des municipalités. Il ne se gêne pas pour le faire; il le fait directement, il le fait fortement. Et pourquoi le gouvernement réussit, dans cette mission-là, à aller démolir, assez souvent, les parties d'évaluation foncière de la municipalité? Il y a une raison très profonde. C'est que les municipalités... D'abord, on s'attaque toujours à de petites municipalités, au départ, qui n'ont pas beaucoup le moyen de se défendre; donc, on crée un pattern; donc, on crée une façon de voir des choses, de procéder. Et, ce faisant, bien, là, on continue et on part à petit puis on s'en va en grossissant. Et là, le fait qu'il y a une espèce de jurisprudence qui vient de se faire – parce qu'on commence par petit en allant vers le plus gros – cette jurisprudence fait que les municipalités, même les grosses, n'osent plus se plaindre. Donc, le gouvernement, il a un beau jeu.

On veut continuer de la même façon avec les entreprises agricoles. Parce que, encore là, comment la municipalité va défendre ces dossiers-là? Parce que, encore là, il y a plusieurs dossiers, c'est des contribuables. Et il y a une espèce de façon de faire les choses qui va, encore là, complexifier la vie des municipalités. Je sais qu'il y a possiblement des évaluateurs qui peuvent abuser, et ils le font consciemment ou inconsciemment; moi, je pense qu'ils le font inconsciemment, parce qu'ils ne font pas ça volontairement. Mais il y a des livres, aussi, qui permettent aux évaluateurs de se donner des guides de référence pour faire de l'évaluation; mais ils ne sont pas complets, ces guides-là. Même si la loi d'évaluation foncière date des années 1972, elle n'est pas complète encore, parce qu'on n'a jamais été jusqu'au bout de l'écriture concernant ces textes-là. Et on ne l'a pas fait. Et, encore là, soit par ignorance ou autrement, il peut arriver qu'il y ait des dossiers qui ne soient pas... où des entreprises ne soient pas bien évaluées. Mais, ça, il y en aura toujours, même avec les meilleures formules possibles. Ce qui fait que si on veut corriger ça... On aurait pu essayer de corriger ça, mais pas en prenant des cas individuels ou particuliers pour en créer une règle générale.

Ce qu'on voit dans le projet de loi, c'est qu'on prend pour acquis que, s'il y a des entreprises agricoles qui sont surévaluées, c'est que le gouvernement pourra contester, et on le fera à la grandeur du Québec. Et on pourra... Certainement que, moi, je fais confiance aux officiers ministériels des différents ministères, qui vont trouver des lacunes à quelque part; puis ils vont en trouver, ils ne se gêneront pas. Ce qui fait que le perdant dans tout ça, ce seront probablement les municipalités qui, elles, n'auront pas le moyen de défendre ça. Elles ne pourront pas défendre le petit rôle, là, des cas particuliers. Et Dieu sait s'il y a un coût d'attaché à une contestation! Lorsqu'il y a une contestation d'évaluation foncière, on voit rapidement les coûts qui sont attachés à ça, et on ne se cache pas pour dire que ces montants-là sont assez importants.

Effectivement, M. le Président, quand on examine ce projet de loi 26 qu'on a devant nous, c'est un projet de loi qui est forcément, directement, très technique, qui est causé par le projet de loi 145, projet de loi qui, au départ, se voulait d'abord une formule de remplacement à ce qui existait. On a beau avoir critiqué des choses, mais comment on peut arriver à ça actuellement? Pourquoi on arrive à ce projet de loi là dans le contexte actuel, avec tous les problèmes que ça a causé?

Il faut se rappeler que, la loi 145, on l'avait dénoncée très fortement. On avait dit: Ça n'a pas de bon sens. Vous allez trop vite. On manque d'éléments. On a voulu l'étudier avec le ministre des Affaires municipales en commission parlementaire. Le temps était tellement précieux qu'on n'a pas voulu aller jusqu'au bout. Et on s'est rendu compte qu'il y a à peu près le quart du projet de loi qu'on a eu le temps de voir, et on avait décidé, à partir de ce moment-là, qu'on le passait à toute vapeur à l'Assemblée nationale. À voir ce qu'on voit là, est-ce qu'on corrige les lacunes, là, du projet de loi 145 avec ce projet de loi? Moi, j'ai des doutes un peu. On aurait pu aller plus loin que ça.

La fiscalité municipale, à chaque année, on y retouche. On y touche assez régulièrement. Il faut se rappeler que le gouvernement a toujours dit: On légifère moins pour mieux légiférer. Est-ce que vous êtes conscients, est-ce qu'on est conscient, là, de l'autre côté, que ces mots-là, ça ne veut rien dire? Parce que, bah! si on les avait mis en pratique, j'aurais dit: bravo! Mais, à chaque fois qu'on a légiféré, on a toujours des choses à refaire parce qu'on veut légiférer trop vite, à la dernière minute, et ça amène les problèmes qu'on a là.

Moi, je ne pense pas que ce projet de loi corrige les problèmes qui ont été soulevés dans la région, particulièrement dans la région de Montréal. La région de Montréal a été celle qui a été la plus affectée par le projet de loi 145 concernant la surtaxe. Mais, dans les petites ou dans les municipalités moyennes, qui, elles... Et ça, je l'avais prévu aussi; j'avais prévu que la surtaxe était tellement facile d'application que l'ensemble des municipalités du Québec, tôt ou tard, finirait par y avoir recours. Je ne me suis pas trompé tellement, M. le Président. On est rendu avec 276 municipalités, dont à peu près les plus grosses, et on l'a appliquée partout. Même si on le corrige actuellement, il y a toujours un danger qui existe. Le danger est toujours là.

Qu'est-ce qui arrive, là, après, qu'il y a eu un jugement? On dit: On corrige le projet de loi. Qu'est-ce qui va arriver par après? Est-ce qu'on a des moyens? Parce qu'on peut bien dire: On traversera la rivière quand on sera rendu, mais légiférer, c'est prévoir aussi, de temps en temps. Qu'est-ce qui va arriver si les jugements qui ont été donnés sont confirmés mur-à-mur, là, un peu partout? Les municipalités, est-ce qu'elles pourront remplacer... Je regarde ma municipalité, chez nous. Il y a plusieurs millions en cause. Qu'est-ce qui va remplacer ça si ça ne fonctionne pas? Le projet de loi 26, il est tellement muet là-dessus que ça ne répondra pas à ces problèmes-là.

M. le Président, je suis un peu, beaucoup en désaccord avec le projet de loi 26 puisqu'il est dans la lignée du projet de loi 145, où nous étions opposés fermement, et on croit qu'il y avait des lacunes dans ce projet de loi là. Et ce n'est pas le projet de loi 26 qui nous est présenté qui va les corriger. Donc, pour ces raisons et pour bien d'autres qu'on aura à étudier ou qui seront étudiées en commission parlementaire, nous aurons le privilège, sinon nous avons certainement la volonté de voter contre ce projet de loi. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Tremblay): Bien, M. le député. Est-ce qu'il y a d'autres intervenants? Oui? Très bien, je vais reconnaître maintenant M. le député de Bertrand.


M. François Beaulne

M. Beaulne: Merci, M. le Président. Le projet de loi 26, tel que nous le présente le ministre des Affaires municipales, est une espèce de fourre-tout où on aborde simultanément des dossiers aussi disparates qu'une nouvelle taxe pour légitimiser l'ineffable surtaxe introduite par la loi 145, les services de garde, les immeubles du réseau de l'éducation et des services sociaux, le Bureau de révision de l'évaluation foncière, les exploitations agricoles et le Centre d'urgence 9-1-1, comme si le ministre essayait de noyer de quelque façon le poisson dans l'eau ou d'en passer une petite vite aux contribuables québécois.

(17 h 40)

En lisant attentivement ce projet de loi, on s'aperçoit que, effectivement, le ministre vise essentiellement à introduire une nouvelle taxe sur les immeubles non résidentiels, qui découle en droite ligne des problèmes liés à l'application de la loi 145 et de la surtaxe sur les immeubles non résidentiels.

Cet aspect en constitue l'élément majeur, et c'est précisément sur ce point-là et sur ce volet particulier que je tiens à intervenir. Je ne tiens pas à refaire, dans les quelques minutes qui me sont imparties, la genèse de la loi 145 et des déséquilibres majeurs qu'elle a introduits dans la fiscalité municipale, en particulier dans la région de Montréal. Depuis maintenant deux ans, l'Association des propriétaires de bâtiments commerciaux du Québec, dirigée par M. Peter Sergakis, s'en est très bien chargée.

Les nouvelles dispositions fiscales qu'introduit le ministre par la loi 26 ne changent rien au problème fondamental de base engendré par la surtaxe de la loi 145 et dont se plaignent avec justesse les petits propriétaires d'immeubles et commerçants de Montréal. Ce projet de loi est inacceptable: premièrement, parce qu'il ne s'attaque pas en profondeur au véritable problème du déficit fiscal de Montréal; deuxièmement, parce qu'il ne tient pas compte des pratiques en vigueur dans le secteur non résidentiel et pénalise ainsi les petits propriétaires d'immeubles à Montréal et ailleurs au Québec; troisièmement, parce qu'il affaiblit la santé économique de Montréal pourtant déjà si fragile; et, quatrièmement, parce qu'il prolonge l'insécurité que vivent les petits propriétaires, en particulier tous ceux et toutes celles qui sont venus d'autres horizons enrichir notre collectivité québécoise avec leur talent, leur travail, leurs investissements et leurs sacrifices.

Le projet de loi 26 ne s'attaque pas en profondeur au véritable déséquilibre financier de Montréal, qui est pourtant le poumon économique du Québec, comme le gouvernement aime bien le rappeler. On se souviendra que, en décembre 1990, le gouvernement libéral annonce qu'il réduit de 500 000 000 $ sa contribution au financement de plusieurs services municipaux à Montréal. La facture pour l'entretien des routes, le transport en commun, les services de la Sûreté du Québec est ainsi refilée aux municipalités. En contrepartie, le gouvernement n'a pas redonné aux municipalités les ressources adéquates et s'est contenté de leur permettre d'avoir recours à la surtaxe pour pouvoir défrayer les nouvelles factures qu'il leur refilait. Et, justement, à ce titre, je pense que le président de l'Association des propriétaires de bâtiments commerciaux du Québec, M. Sergakis, l'a bien illustré lorsqu'il participait à l'émission «Droit de parole», vendredi dernier, lorsqu'il a dit: Le ministre a donné au maire de Montréal un fusil et le maire s'en est servi.

La surtaxe sur les immeubles non résidentiels a entraîné des hausses pouvant aller jusqu'à 50 % du fardeau fiscal des entrepreneurs et des commerçants. Ces augmentations considérables, comme l'a rappelé précédemment mon collègue, le député d'Abitibi-Ouest, dans un contexte économique très difficile, ont soulevé la colère des commerçants, en particulier ceux de Montréal, où la surtaxe a rapporté environ 300 000 000 $ par année depuis qu'elle a fait son apparition.

Le véritable problème financier de Montréal, M. le Président, vient, d'une part, du pelletage sans précédent de factures effectué par le gouvernement libéral depuis 1991, en particulier en matière de transport en commun et d'entretien routier. Il vient, d'autre part, et il faut le mentionner, du gaspillage de fonds publics et d'une certaine gestion financière un peu laxiste de l'administration municipale actuelle.

Le redressement de la santé financière de Montréal doit passer par un rééquilibrage des charges fiscales que doivent supporter les contribuables québécois comme contribuables de la métropole du Québec, d'une part, mais il doit également passer par une rationalisation des dépenses de la municipalité elle-même, de façon à ce que les Québécois et les Québécoises des autres régions, par des transferts pilotés ou dirigés par le gouvernement du Québec, puissent être amenés à apporter une certaine contribution au développement économique de Montréal, de la même façon que les Montréalais apportent leur contribution économique au développement des autres régions via les programmes de développement régional du gouvernement.

Mais les Québécois et les Québécoises seront disposés à regarder de façon plus équilibrée les problèmes financiers de Montréal à la condition qu'ils aient la certitude que les fonds qui sont versés par le gouvernement du Québec sont bien gérés et que, de son côté, l'administration municipale prend tous les moyens possibles et imaginables pour assurer une saine gestion des finances municipales.

Deuxièmement, ce projet de loi 26 ne tient pas compte des pratiques du milieu. Il vient même, aux dires de l'Association des propriétaires et administrateurs d'immeubles, empirer la situation pour les petits propriétaires. Plus spécifiquement, il risque de mener plusieurs petits propriétaires à la faillite, puisqu'il ne contient pas de disposition permettant de réouvrir les baux bruts; parce qu'il donne aux municipalités le pouvoir discrétionnaire de consentir une réduction partielle du taux de la taxe en fonction de l'inoccupation de l'année précédente; parce que le seuil d'admissibilité de cette réduction est établi à plus de 25 %; parce qu'il restreint l'appel de l'évaluation foncière, qui sont autant de problèmes qui engendreront le chaos et l'inefficacité.

Je rappellerai, à titre d'exemple, une des pratiques du milieu, qui consiste à ce que la plupart des baux qui sont établis par les petits propriétaires d'immeubles avec leurs locataires commerçants soient des baux bruts, alors que la plupart des baux qui sont signés par les grandes corporations propriétaires de grands immeubles avec leurs locataires, à Montréal entre autres, sont des baux nets, ou même nets nets, c'est-à-dire des baux où les charges additionnelles qui découlent de l'augmentation des impôts et d'autres prélèvements sont refilées aux locataires.

Ce n'est pas la façon dont fonctionnent les petits propriétaires d'immeubles à l'heure actuelle avec les petits commerçants, de sorte que, quand on demande aux propriétaires de petits immeubles de collecter à la place de la municipalité les redevances que, normalement, la municipalité devrait collecter elle-même et qu'elle n'a même pas été capable de collecter à plus de 50 % lorsque l'ancienne taxe d'affaires existait, on est en droit de s'interroger si, véritablement, avant de concevoir ce projet de loi 26, ceux qui l'ont rédigé, les conseillers du ministre, ont pris le pouls, ont consulté les petits propriétaires d'immeubles. Il semblerait bien qu'ils ne l'ont pas été, puisqu'ils se sont montrés fort mécontents, non seulement de la loi 145, mais de ce que le ministre nous propose pour la remplacer, en matière de surtaxe, particulièrement.

Troisièmement, ce projet de loi 26 affaiblit la santé économique de Montréal, pourtant déjà si fragile. On apprenait la semaine dernière que Montréal est la ville du Canada où le taux de chômage est le plus élevé. Montréal est en train de développer des poches de pauvreté tout à fait inacceptables. On sait que l'espérance de vie d'un quartier à l'autre peut varier de plusieurs années. Dans un contexte comme celui-là, il est absolument important et indispensable que les Québécois, que les Québécoises, que le gouvernement, et en particulier, ceux qui contrôlent les divers aspects de la fiscalité redonnent à Montréal sa force économique.

M. le Président, il faut faire remarquer à ceux qui nous écoutent que, contrairement à l'Ontario, ou contrairement à plusieurs États américains où il existe un, deux, trois, quatre pôles de développement économique majeurs, nous, au Québec, on en a un seul, c'est Montréal. Alors, quand on dit que Montréal est le poumon économique du Québec, quand on se gargarise de beaux voeux et de belles intentions par rapport à la santé économique et financière de Montréal, il faudrait bien, à un moment donné, passer de la parole aux actes, ce qui ne semble pas être la priorité du gouvernement actuel.

Je vous rappellerai également que Montréal a souffert au cours des dernières années de ce qu'on appelle, entre guillemets, la rationalisation de certaines grandes entreprises, et évidemment, malheureusement, de la fermeture ou de la faillite de certaines autres, comme Lavalin, Les Coopérants, sans compter, évidemment, ce qui se passe dans l'est de Montréal et dans le sud-ouest de Montréal, où des poches de chômage absolument inacceptables sont en train de se développer de plus en plus.

(17 h 50)

Pour réactiver l'économie de Montréal, il faut d'abord créer un environnement économique et financier qui soit propice. Or, le déséquilibre fiscal qu'a introduit la loi 145 et le déséquilibre fiscal que va accroître le projet de loi 26 ne s'inscrivent absolument pas dans la direction d'inciter les investisseurs à venir établir leurs affaires à Montréal. Bien au contraire, étant donné que le projet de loi 145 – comme, d'ailleurs, le projet de loi 26 – donne aux municipalités un certain pouvoir discrétionnaire quant à l'application des moyens qui leur sont donnés, il est fort à craindre que Montréal, devant subir les pressions d'un fardeau budgétaire de plus en plus lourd sans les recettes fiscales proportionnelles, doive se rabattre sur des moyens comme la surtaxe ou comme la nouvelle version modifiée du projet de loi 26 pour pouvoir remplir ses obligations fiscales. Or, ce n'est pas nécessairement le cas des municipalités en périphérie ou des autres municipalités à l'extérieur du Québec. Ce qui veut dire que, loin de contribuer à l'essor et à la santé financière de Montréal, le projet de loi 26 va ajouter son effet chaotique à celui qui se fait déjà sentir suite à l'adoption, il y a deux ans, de la loi 145.

M. le Président, en fait, le projet de loi 26 trahit le désintéressement du gouvernement libéral à l'endroit de Montréal, comme l'ont d'ailleurs souligné plusieurs intervenants du milieu et comme le soulignait le président de l'association des propriétaires d'immeubles. Si Montréal a connu au cours des dernières années, plus particulièrement depuis la deuxième Guerre mondiale, l'essor qu'on lui connaît, c'est grâce, en grande partie, aux investissements, au travail et aux apports que de nombreux Québécois et Québécoises de toutes origines, italienne, grecque, chinoise, hispanique, portugaise et autres ont apportés à notre métropole.

Et, quatrièmement, M. le Président, ce projet de loi 26 prolonge l'insécurité que vivent les petits propriétaires, en particulier de tous ceux et de toutes celles qui proviennent d'horizons divers. Ce n'est pas par hasard si l'association des propriétaires en bâtiments de Montréal a pris naissance particulièrement chez les petits propriétaires d'origines culturelles diverses à Montréal, c'est parce que ces gens sont venus chez nous en quête de sécurité économique. Ils ont voulu y établir leur famille et ils ont réussi à accumuler un petit patrimoine que la loi 145 et que, maintenant, la loi 26 menacent. Et ce n'est pas par hasard si les premiers mouvements de résistance à l'endroit de la surtaxe se sont fait connaître avant tout et de façon beaucoup plus manifeste chez les propriétaires d'immeubles grecs, italiens, chinois, portugais, chez les propriétaires qui sont venus ici d'autres communautés culturelles. En introduisant la loi 145, en introduisant la surtaxe à Montréal et, maintenant, en introduisant ce projet de loi 26, le gouvernement accentue l'insécurité que vivent ces petits propriétaires, parce que, par ce régime de fiscalité et de taxation inadéquate et injuste, on s'attaque au petit patrimoine qu'ils ont réussi de peine et de misère à accumuler au cours des dernières années. Et voilà, M. le Président, la raison pour laquelle vous avez vu des petits propriétaires de toutes origines marcher dans la rue contre l'hôtel de ville à Montréal, et c'est la raison pour laquelle ils vont encore se retrouver devant l'hôtel de ville à chaque fois qu'ils vont sentir leur patrimoine menacé.

Et, si le gouvernement actuel a jugé bon de passer outre à leurs revendications, qu'ils font connaître de plusieurs façons depuis déjà des mois, sinon au moins un an, c'est parce que le gouvernement libéral a toujours pris pour acquis les gens des communautés culturelles au Québec, parce que le gouvernement pense qu'il peut leur faire avaler toutes sortes de couleuvres et que, malgré tout, ils vont continuer à appuyer le gouvernement qui leur fait peur par rapport au projet de souveraineté ou aux politiques de l'Opposition officielle et du Parti québécois.

Eh bien, M. le Président, je pense que le gouvernement est placé dans une situation bien délicate, parce que, avec le projet de loi 26, non seulement il ne rectifie pas les déséquilibres fiscaux et financiers de Montréal, mais, en plus de ça, il s'attaque à une partie de la population qui, jusqu'ici, lui avait été acquise et qu'il vient d'indisposer au plus haut point.

M. le Président, ce projet de loi ne règle strictement rien à l'aspect constitutionnel de la loi 145, puisqu'il laisse encore beaucoup de questions en suspens. Nous aurons l'occasion, au cours de l'étude article par article, d'apporter d'autres commentaires. Nous aurions souhaité que l'association des propriétaires d'immeubles du Québec ainsi que d'autres intervenants puissent être entendus en commission parlementaire, comme ils l'ont demandé. Et nous ferons tout en notre possible, lors de ces discussions, pour que ces groupes soient entendus, étant, bien sûr, dans l'obligation de voter contre ce projet de loi 26, de la même façon que nous nous sommes engagés, non seulement à voter contre le projet de loi 145 – qui est, en quelque sorte, le grand-père de ce projet de loi 26 – mais également à révoquer la loi 145, comme en avait pris l'engagement le chef de l'Opposition officielle lui-même. Merci.

Le Vice-Président (M. Tremblay): Bien, M. le député. Je suis prêt à reconnaître un autre intervenant.

M. Doyon: Compte tenu de l'heure, M. le Président, je vous prierais, s'il n'y a pas d'objection de l'autre côté, de suspendre nos travaux jusqu'à 20 heures.

Le Vice-Président (M. Tremblay): Très bien. Alors, s'il y a le consentement... Alors, les travaux sont suspendus jusqu'à 20 heures ce soir.

(Suspension de la séance à 17 h 56)

(Reprise à 20 h 4)

Le Vice-Président (M. Tremblay): Alors, Mmes, MM. les députés, si vous voulez prendre place, s'il vous plaît, et vous asseoir, nous allons poursuivre nos travaux. Nous sommes toujours à l'adoption du principe du projet de loi 26, Loi modifiant la Loi sur la fiscalité municipale et d'autres dispositions législatives. Je suis prêt à reconnaître un prochain intervenant, M. le député d'Anjou. M. le député.


M. Pierre Bélanger

M. Bélanger: Je vous remercie, M. le Président. Alors, il me fait plaisir de prendre la parole sur ce dossier qui touche toute la question de la surtaxe sur les immeubles, qui a fait couler tellement d'encre dans la région de Montréal.

Ce projet de loi, croyez-le, M. le Président, introduit encore une fois une nouvelle taxe sur les immeubles non résidentiels. Pour faire un court historique de la situation, on se souvient qu'en 1990 le présent gouvernement libéral, qui est au pouvoir depuis neuf ans, avait décidé politiquement de se retirer du financement de 500 000 000 $ de services municipaux. Pour faire ce pelletage, finalement, dans la cour des municipalités, on avait introduit, à ce moment-là, un projet de loi, le projet de loi 145, pour créer un nouvel instrument de taxation pour permettre aux municipalités d'aller, finalement, chercher ces nouvelles taxes.

Pour refiler la facture à ces nouveaux contribuables, on pourrait dire, on a décidé d'y aller par une taxe sur les immeubles non résidentiels, qui remplaçait, pour ainsi dire, pour les municipalités qui décidaient de s'en prévaloir, la taxe d'affaires telle qu'on la connaissait. On sait qu'à Montréal en particulier la taxe d'affaires est normalement payable par le locataire ou le propriétaire qui exerce directement l'activité d'affaires. Cette fois-ci, pour améliorer la perception de cette taxe, on rendait, par le projet de loi 145, le propriétaire directement responsable de la perception de cette taxe qu'il pouvait refiler à ses locataires. Pour vraiment bien mesurer l'impact de cette mesure, il faut considérer que cette nouvelle taxe, depuis qu'elle existe en 1992, rapporte environ, grosso modo, 300 000 000 $ par année à la ville de Montréal, et on connaît les problèmes que ça a causé.

En effet, cette nouvelle taxe est arrivée à un moment où, en particulier dans la région de Montréal, mais partout au Québec, la situation, on pourrait dire, des baux commerciaux des résidences commerciales, des immeubles commerciaux était excessivement précaire, voire même difficile à cause de la récession. Donc, on venait, finalement, mettre sur le dos des entrepreneurs et des propriétaires d'immeubles commerciaux une nouvelle responsabilité. On parle d'une hausse de 50 %, à l'époque, du fardeau fiscal des entrepreneurs et commerçants. Alors, ça a été très difficile à implanter, ça a été très mal accepté. On le sait qu'il y a eu un mouvement de résistance important de la part, en particulier, des petits propriétaires d'immeubles commerciaux, qui se voyaient pris dans une situation excessivement difficile.

Le 29 septembre 1993, par jugement de la Cour supérieure, le juge Tessier a déclaré inconstitutionnelle cette nouvelle taxe, au motif que c'était une taxation indirecte. En effet, un des motifs, on pourrait dire, qui a été retenu dans ce jugement – on pourrait dire le ratio decidendi – était à l'effet que la Constitution canadienne – encore cette merveilleuse, M. le Président, Constitution canadienne – ne permet pas aux municipalités de pouvoir faire une taxation indirecte. Et, une des principales clauses, on pourrait dire, qui rendait le projet de loi invalide, était le fait qu'elle permettait aux municipalités de donner, finalement, le pouvoir aux propriétaires de rouvrir les baux commerciaux qui avaient été signés préalablement, afin de permettre, à ce moment-là, de refiler la facture de cette nouvelle taxe à leurs locataires.

Car il faut bien comprendre que, quand on a un propriétaire commercial, on a un bail de signé pour cinq ans et que déjà, dans ce bail, il est prévu de quelle façon les taxes d'affaires doivent être payées. On a une nouvelle taxe qu'on n'avait pas prévue au moment de la signature. Comment fait-on pour, finalement, faire en sorte que notre locataire soit responsable de payer cette taxe? Donc, on avait mis une clause dans le projet de loi, à l'époque, le projet de loi 145, pour permettre, à ce moment-là, de rouvrir le bail et de refiler la facture au locataire commercial.

Donc, la Cour supérieure, dans ce jugement qui est maintenant en appel, a déclaré ça inconstitutionnel. Alors, on attend, évidemment, maintenant, la décision de la Cour d'appel, à savoir: est-ce que le jugement de la Cour supérieure sera maintenu ou sera-t-il, tout simplement, renversé? Mais la saga judiciaire n'est pas terminée, car on sait qu'après cette décision de la Cour d'appel, M. le Président, on a encore la Cour suprême qui pourra, si une des parties décide de porter le jugement jusqu'à cette instance, porter, finalement, un jugement final dans cette saga qu'on appelle maintenant la saga de la taxe qu'on pourrait dire commerciale, au Québec.

On peut déjà s'étonner, M. le Président, de l'improvisation qui a eu lieu dans tout ce dossier. En effet, on peut se demander: Avant de faire une telle chose, est-ce que le ministre des Affaires municipales avait demandé des avis juridiques? Est-ce qu'on avait des avis juridiques fermes quant à la constitutionnalité d'une telle mesure, d'un tel projet de loi? Et je pense que, en tout cas, on n'a jamais réussi... Je pense que mes collègues, ici, l'ont demandé à maintes reprises, à savoir: Avez-vous des avis juridiques, M. le ministre, sur ce nouvel instrument de taxation que vous donnez aux municipalités? On n'en a jamais vu la couleur, même pas le début d'expression d'un avis juridique.

(20 h 10)

Ça pourrait être vraiment, on pourrait dire, très dangereux pour les municipalités si, finalement, le jugement de la Cour d'appel confirmait le jugement rendu en Cour supérieure ou si jamais il était renversé. Encore là, on ne peut présumer de quelle façon la Cour d'appel se prononcera dans ce dossier. Évidemment, il faut toujours faire attention en Chambre, M. le Président, quand on parle de dossiers qui sont présentement devant les tribunaux judiciaires. Ce sera la cour qui aura à trancher là-dessus.

Mais, voyant toute cette polémique, M. le Président, le présent gouvernement a décidé, à ce moment-là, de modifier cette nouvelle taxe. Il vient, on pourrait dire, améliorer un peu la situation, mettre un peu de baume sur les plaies qui avaient été ouvertes. En particulier, on réduit le taux de taxation pour les immeubles dont le taux d'inoccupation est supérieur à 25 %. Donc, en partant, on peut dire que c'est une légère amélioration. Cependant, la réaction des gens sur le terrain est que c'est trop peu. En effet, pour certains propriétaires d'immeubles, en particulier, les petits propriétaires d'immeubles, avoir un taux d'inoccupation qui frise les 20 %, c'est déjà catastrophique et ça peut les mettre dans une situation financière qui est précaire. Donc, ce n'est pas vraiment une solution miracle qu'on vient d'apporter.

En plus, pour éviter toute contestation de cette nouvelle taxe qui va être proposée aux municipalités, on a enlevé la possibilité, pour les propriétaires, le pouvoir qu'avait la ville de permettre aux propriétaires de rouvrir les baux. On ne pourra plus rouvrir les baux de nos locataires commerciaux, baux qui ont été signés antérieurement à cette loi. Donc, M. le Président, en partant, on peut imaginer que, pour les propriétaires d'immeubles commerciaux qui n'ont pas réussi jusqu'à maintenant à rouvrir les baux, eh bien, cette possibilité ne sera pas ouverte à eux. En matière commerciale – j'ai pratiqué le droit commercial pendant près de 10 ans, M. le Président – je peux vous dire que ce n'est pas rare les baux commerciaux qui dépassent cinq ans, qui sont de 10 ans, qui sont même de 15 ans, évidemment, avec des clauses «escalatoires» quant au loyer qui est modifié en cours de route. Mais ce n'est pas rare de voir de tels baux.

Donc, on peut s'imaginer le petit propriétaire d'immeuble, qui n'a pas encore rouvert son bail commercial et qui se voit, avec cette nouvelle loi, empêché de rouvrir ce bail commercial, se retrouver, finalement, à assumer cette responsabilité. Parce que, s'il ne réussit pas à aller collecter, à envoyer la facture à son locataire commercial, c'est lui qui est responsable; il n'a pas d'échappatoire, il doit la payer. Alors, quand, déjà, sa situation financière est précaire, il se retrouve, en plus, à payer cette taxe, on pourrait dire, un genre de taxe d'affaires. Ça peut causer des faillites, M. le Président.

Un autre problème, et je pense qu'il est important ici de le souligner, qui touche la fiscalité municipale, qui a fait couler beaucoup d'encre, qui n'est pas réglé présentement dans ce projet de loi – mais on nous dit qu'on devrait anticiper ou qu'on devrait avoir des amendements qui nous seraient proposés dans ce projet de loi – est toute la question des garanties, aussi, et des privilèges accordés maintenant aux municipalités relativement au recouvrement de leurs créances. Quand on parle, M. le Président, de recouvrement de créances, on parle évidemment des différentes taxes, que ce soit taxes foncières générales ou spéciales, taxes personnelles, droits de mutation, créances résultant de l'exécution par la ville de certains travaux, et tout ça.

Alors, toute cette question, on le sait, a été modifiée. La qualité qu'on donnait aux créances appartenant aux municipalités a été modifiée par notre nouveau Code civil qui est entré en vigueur le 1er janvier 1994. On le sait, l'Opposition et le gouvernement ont adopté ce nouveau Code civil à l'unanimité. Je pense que ça a été un travail de collaboration de tous les instants entre l'Opposition et le gouvernement. C'était un défi collectif qu'on s'est donné ici, au Québec, de renouveler notre Code civil qui avait été, finalement, inchangé depuis plus de 100 ans. M. le Président, on a, cependant, en modifiant notre Code civil, changé certaines choses, certaines situations qui, auparavant, existaient. En effet, auparavant, toutes les taxes qu'on pourrait dire municipales immobilières avaient le rang de créances privilégiées, c'est-à-dire qu'en cas de vente judiciaire elles primaient devant toute autre hypothèque et devant toute autre créance, pour ainsi dire. Donc, ça donnait une garantie, à ce moment-là, aux municipalités, en particulier à la ville de Montréal, de recouvrement inégalée, on pourrait dire.

Maintenant, avec l'article 2651, on a les créances prioritaires. Mais, le problème, M. le Président, c'est que les créances prioritaires, maintenant, ne sont que pour les taxes foncières, c'est-à-dire les taxes imposées directement sur l'immeuble et qui sont, tout simplement, sur le fait d'être propriétaire de l'immeuble. Celles-là restent prioritaires, ce qui est, finalement, en vertu du nouvel article 2651, l'équivalent des anciennes créances privilégiées. Là-dessus, il n'y a pas de problème, il n'y a pas de remue-ménage, mais toutes les autres créances immobilières, M. le Président – et c'est ça qui est important – ne donnent droit, maintenant, qu'à une hypothèque légale.

Alors, pour bien comprendre ce qu'est une hypothèque légale, M. le Président, c'est que cette hypothèque légale, pour valoir, doit être enregistrée à chaque fois, finalement, que la créance naît, qu'il y a péril en la demeure. Et le problème qu'il y a avec cette hypothèque légale, c'est qu'elle ne prend rang que selon la date de son enregistrement. Quand on considère, M. le Président, que, uniquement pour la ville de Montréal, il y a environ 40 000 comptes de taxes d'affaires qui sont envoyés annuellement aux différents contribuables, on peut imaginer la difficulté qu'il va y avoir d'enregistrer, à chaque fois qu'il va y avoir perception difficile d'un compte, l'hypothèque judiciaire qui protège la créance.

Et le problème, c'est que, comme c'est la date d'enregistrement qui prime pour ces hypothèques légales... Toutes les maisons, à peu près, ou tous les immeubles ont une hypothèque conventionnelle qui, souvent, a été fournie par la banque, par l'institution financière dès l'achat de l'immeuble. Puis cette hypothèque conventionnelle, elle est presque invariablement toujours antérieure à l'hypothèque légale qui aurait été enregistrée par la ville. Donc, on peut tout de suite imaginer que cette hypothèque légale n'a à peu près aucune dent, aucune force. Et ça, c'est le problème qui est mentionné par la ville de Montréal qui a fait des représentations, on pourrait dire, urgentes auprès du ministre des Affaires municipales en ce sens.

Je pense que... En tout cas, personne ne semblait avoir vu le problème jusqu'à maintenant ou, en tout cas, si ce problème avait été vu, il n'avait pas été exprimé très fort d'un côté comme de l'autre, M. le Président. Parce que, à voir la réaction, maintenant, de la ville de Montréal, on constate que, vu l'argent qui est en jeu relativement à ce changement, finalement, de la garantie qui est donnée aux villes quant au recouvrement de leurs créances, les impacts peuvent être vraiment dramatiques. Pour la ville de Montréal, on parle de 30 000 000 $ de pertes pour l'année 1994 suite à ce changement de qualité, qu'on pourrait dire, de privilège ou de garantie qui est maintenant accordée à ces créances sur, en particulier, les taxes d'affaires. Quant aux nouveaux frais d'enregistrement – parce que, pour enregistrer, ça coûte des frais; il faut se prendre un avocat ou un notaire pour pouvoir enregistrer votre hypothèque légale – on parle, pour la ville de Montréal seulement – encore là, ce sont les chiffres que j'ai – de 1 200 000 $ de frais annuellement, uniquement pour pouvoir enregistrer ces hypothèques légales.

Quant aux créances personnelles, M. le Président, qu'une ville pourrait avoir contre un individu, encore là, le nouveau Code civil, par un système de référence qui est, disons-le, hasardeux, on ne sait pas exactement de quelle façon les tribunaux vont pouvoir se pencher là-dessus. On a peur, maintenant, que la ville perde son droit de vendre sans obtenir jugement. Les villes avaient un droit de vente sans obtenir jugement. Et là, maintenant, on ne sait pas exactement de quelle façon – en matière mobilière, je dis bien, et non pas en matière immobilière – ça va être interprété. Encore là, la ville de Montréal, en particulier, s'inquiète quant à la façon dont ça va être interprété.

(20 h 20)

Les droits de mutation, aussi, sur les immeubles. Quant à la modification, aussi, maintenant, qui est donnée à la qualité de la créance, de la garantie aux villes, on a peur qu'au niveau du recouvrement des droits de mutation sur les immeubles... La ville de Montréal estime que, pour l'année 1994, elle risque de perdre 1 000 000 $.

Ce que je peux regretter, M. le Président, c'est que ces modifications – qui, on m'a dit, vont être apportées sous peu; probablement lorsque nous serons rendus à l'étude article par article du projet de loi – quant aux garanties accordées aux villes vont être dans ce même projet de loi. J'aurais souhaité, quant à moi, qu'il y ait deux projets de loi, c'est-à-dire ce projet de loi 26, pour lequel nous sommes contre le principe... Nous avons toujours été contre le principe du pelletage de taxes vers les municipalités, et ce projet de loi 26, malgré qu'il représente une légère amélioration, pour nous, n'est pas satisfaisant quant à ses visées, quant à son principe même.

Cependant, en mettant dans ce projet de loi une modification sur laquelle tout le monde s'entend, c'est-à-dire ce que la ville de Montréal, en particulier, demande, bien, là, on mélange le tout et on nous met dans une situation qui, quant à nous, est un peu embarrassante. Parce qu'on est pour la modification demandée par la ville de Montréal, mais on est contre le projet de loi 26 quant à son orientation et quant à ses visées. Donc, nous aurions préféré deux projets de loi: un qui porte directement sur les modifications demandées par la ville de Montréal quant à la garantie qu'elle veut avoir pour ses créances, et un distinct pour le projet de loi 26.

Maintenant, ce projet de loi 26, quant à moi, ce que je dois regretter, M. le Président, c'est qu'il va modifier d'une façon importante des recours devant le Bureau de révision de l'évaluation foncière. En effet, présentement, avant l'adoption de ce projet de loi, le contribuable a un droit d'appel de plein droit devant la Cour du Québec d'une décision rendue par le Bureau de révision de l'évaluation foncière. Maintenant, ce droit d'appel de plein droit est aboli et est remplacé par un appel avec permission d'un juge devant la Cour d'appel. Donc, on vient restreindre d'une façon importante, M. le Président, un droit d'appel qui existait pour le contribuable. Alors, quant à cette modification, M. le Président, je vais poser sérieusement des questions au ministre, à savoir quelle en est la portée. Quand on parle d'accessibilité à la justice, je pense qu'on se doit d'être vigilant quand on abolit des droits d'appel qui sont de plein droit pour les remplacer par des droits d'appel qui sont, finalement, avec permission seulement. Alors, je pense que c'est important de faire les modifications qui s'imposent à ce niveau-là.

Autre chose, M. le Président, c'est que le ministre Rémillard, le ministre de la Justice, avait proposé un projet de loi 105 qui visait une réforme des tribunaux administratifs. Je constate que certains articles, on pourrait dire en intégrité, sont repris presque intégralement dans ce projet de loi 26. Alors, c'est une façon un peu, je pourrais dire, détournée de remettre ce à quoi on s'était opposé. Parce qu'on se souvient que ce projet de loi 105, quant à nous de l'Opposition, était tout à fait inacceptable. Et, maintenant, on reprend certaines dispositions de ce projet de loi 105, on les passe un peu, comme on pourrait dire, en catimini dans ce projet de loi 26. Alors, on va regarder attentivement les conséquences et la portée de ces articles qui sont réintroduits dans le projet de loi 26, et s'assurer que tout ne soit pas fait sur le dos, finalement, du justiciable qui a droit à l'accès à la justice et qui veut que ses droits soient respectés.

Alors, c'est pourquoi, M. le Président, nous voterons contre ce projet de loi. Mais, cependant, nous aurions préféré avoir deux projets de loi séparés: un pour lequel on aurait eu notre concours, mais ce projet de loi 26, quant à nous, nous devrons voter contre. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Tremblay): Bien, M. le député. Je vais maintenant reconnaître M. le ministre pour son temps de réplique. M. le ministre des Affaires municipales.

M. Ryan: Combien de temps, M. le Président?

Le Vice-Président (M. Tremblay): Vingt minutes. Vous avez droit à 20 minutes, M. le ministre.


M. Claude Ryan (réplique)

M. Ryan: Vingt brèves minutes. O.K. Alors, M. le Président, j'ai écouté avec intérêt les propos qu'ont tenus les porte-parole de l'Opposition, ainsi que mon collègue, le député de l'Acadie. J'ai l'impression que plusieurs éléments du projet de loi font l'accord des deux partis. Par conséquent, il n'y a pas lieu de s'y attarder, à ce moment-ci.

Ainsi que je le signalais, l'autre soir, au député d'Abitibi-Ouest, en général, il est obligé, en conscience, d'être d'accord avec le gouvernement dans ses projets de loi. Quand il peut trouver un élément comme celui qui a été discuté aujourd'hui, qui lui permet d'être en désaccord, je pense que ça contribue à améliorer ses rapports avec son caucus. On ne veut pas l'en priver, non plus! C'est qu'il faut préparer la prochaine compétition électorale, évidemment, dans l'esprit d'opposition qui s'impose!

Mais, ceci étant dit, je vais commenter brièvement les principales observations qui ont été faites. Je voudrais, d'abord, corriger une impression que continue de répandre l'Opposition, à tort. Quand on dit qu'on a fait du pelletage de responsabilités en 1991 sans accompagner cette dévolution d'un transfert de potentiel de recettes fiscales correspondant, c'est une énorme fausseté. J'ai fait la preuve au congrès de l'Union des municipalités du Québec récemment, que le potentiel de recettes fiscales que nous avons créé pour les municipalités avec la loi 145 pouvait procurer des recettes fiscales deux fois plus importantes que les dépenses dont les municipalités étaient invitées à assumer la responsabilité par suite de l'adoption de la loi 145. Si on veut parler justement, puis avec vérité – autrement, aucun langage n'offre d'intérêt – il faut tenir compte de tous ces éléments, mettre tout le dossier sur la table et le juger à son mérite, ensuite et non pas avant. Ça, je l'affirme très, très fermement, parce qu'on a répandu énormément de faussetés là-dessus. Le transfert était beaucoup plus équilibré qu'il n'y paraissait.

D'ailleurs, la meilleure preuve en réside dans les états financiers des municipalités depuis trois ans. Nous suivons tous ça chaque année, quand arrivent les budgets annuels des municipalités, le mois de novembre, le mois de décembre, le mois de janvier. Vous avez vu, cette année, un petit peu partout à travers le Québec, en général, c'est une très grande stabilité. Une très grande stabilité, des augmentations de taxes fort modestes. Si on avait transféré des responsabilités de la manière inconsidérée et complètement déséquilibrée dont parle l'Opposition, on aurait vu des augmentations correspondantes de fardeau fiscal. Ce n'est pas vrai. Donc, toute cette affaire-là, c'est une affaire montée par l'Opposition pour se réconforter dans sa connaissance fort limitée des dossiers municipaux.

L'élément principal du projet de loi, je vais en parler tantôt, c'est la taxe sur les immeubles non résidentiels. Je vais parler de quelques autres éléments auparavant. Le BREF, le Bureau de révision de l'évaluation foncière. Nous proposons de supprimer l'appel à la Cour du Québec. Il était temps qu'on le supprime. Le Bureau de révision, c'est un bureau d'appel. Il faut appeler les choses par leur nom. La décision est prise à l'hôtel de ville, par le service d'évaluation, d'inscrire une valeur au rôle d'évaluation. Là, on dit: Vous avez un droit d'appel auprès du Bureau de révision. Est-ce qu'on va passer son temps à aller d'appel en appel tout le temps? Je pense qu'à un moment donné il faut mettre une limite raisonnable quelque part. La limite, nous la fixons ici.

S'il y a eu des abus de procédure du BREF, on peut faire une demande en évocation à la Cour du Québec. Si la décision du BREF repose sur des fondements juridiques discutables, on pourra faire, sur permission d'un juge de la Cour d'appel, appel à la Cour d'appel du Québec, mais on va cesser de vouloir ériger chaque juge individuel en expert en évaluation immobilière. Ce n'est pas la fonction d'un juge de s'ériger en expert. On a vu trop de jugements qui allaient dans une direction et dans l'autre, qui rendent très difficile l'établissement de la jurisprudence nécessaire à la stabilité, puis à la continuité dans ce domaine-là. Je pense que les mesures que nous proposons vont permettre de régler ceci.

Cependant, nous prévoyons qu'il y aura une possibilité de révision d'une décision à l'intérieur du BREF et, si les mécanismes que nous proposons dans le projet de loi ne sont pas suffisants pour offrir certaines garanties raisonnables qu'on peut réclamer à juste titre, nous sommes prêts à examiner ces choses-là. Mais, sur le principe de l'appel, l'appel est fait au Bureau de révision de l'évaluation foncière. Point. Mais, pour le reste, encore une fois, je laisse les autres avenues ouvertes et, sur la modalité concernant la révision à l'intérieur du BREF, il y a des choses qu'on peut discuter. Peut-être que les dispositions du projet de loi se prêtent à des améliorations. Je serai très intéressé à entendre les représentations du député d'Anjou là-dessus parce que je vois qu'il porte un intérêt particulier à cette question-là.

(20 h 30)

Deuxièmement, le député d'Anjou a évoqué certaines difficultés découlant du Code civil. Il a parfaitement raison. Je crois qu'à l'époque les deux partis doivent s'adresser des reproches parce qu'ils ont adopté ces dispositions sans voir les répercussions très sérieuses qu'elles devaient entraîner pour les municipalités. En particulier, il s'agit des créances reliées aux taxes non foncières. Les taxes foncières restent protégées, ce sont des taxes qui restent privilégiées, mais les autres taxes tombent au rang de créances ordinaires, et ça, c'est extrêmement dangereux. C'est extrêmement dangereux. C'est inadmissible.

On a vu le ministre de la Justice à ce sujet. Je vous prie de croire que ce n'est pas la ville de Montréal qui nous a éveillés là-dessus. Il y a longtemps que nous travaillons sur le problème. Il y a déjà au moins six mois. Il y a déjà au moins six mois. La ville de Montréal nous a fait des représentations très valables que nous avons reçues avec beaucoup d'attention; l'Union des municipalités du Québec également et plusieurs municipalités, dont la ville de Québec, entre autres. Évidemment, c'est une réaction qui est assez répandue et nous travaillons actuellement la possibilité de certaines modifications à la législation municipale.

Le ministre de la Justice nous a dit qu'il ne considérait pas possible de modifier le Code civil à ce moment-ci, mais un peu plus tard, au cours des travaux en commission, je souhaite que nous soyons en mesure de déposer quelques propositions de modifications qui régleraient plusieurs problèmes. Des fois, changer une définition, comme vous le savez, ça peut entraîner beaucoup de conséquences. On a encore quelques petits trucs, des trucs honnêtes évidemment, mais qui nous permettront de faire face à ces difficultés. Et je suis très reconnaissant au député d'Anjou d'avoir souligné cet aspect, la législation récente adoptée par l'Assemblée nationale qui crée des difficultés pour les municipalités.

Le député d'Abitibi-Ouest a souligné les ateliers d'artistes. Je vais prendre deux ou trois problèmes particuliers qui ont été soulevés par le député d'Abitibi-Ouest. C'est vrai que nous n'apportons pas de solution à ce problème dans le projet de loi parce que nous n'avons pas trouvé de définition satisfaisante de l'atelier d'artistes. Quand est-ce que c'est commercial, puis quand est-ce que ça ne l'est plus? Où est la ligne de démarcation exacte? Moi, je ne l'ai pas trouvée. Je n'ai reçu aucune proposition qui eût emporté mon adhésion confortable. Je garde l'esprit ouvert là-dessus, mais je ne pense pas qu'on puisse régler ce problème à cette session-ci.

En attendant, si la ville de Montréal, par exemple, pour ne prendre qu'un exemple, veut verser une subvention à un atelier d'artistes, elle peut le faire en vertu des pouvoirs qu'elle détient de par sa charge, mais ériger en exemption une situation qui ne se prête pas à une définition claire dans l'immédiat me paraît très difficile à accepter. En tout cas, c'est la difficulté que j'éprouve là-dessus. Je vous le dis en toute honnêteté, et je ne voudrais pas que les personnes qui tiennent des ateliers d'artistes pensent que nous sommes indifférents à leurs problèmes.

Le député d'Abitibi-Ouest a parlé des garderies à but lucratif. On a exempté de la taxe d'affaires, il y a trois ans, les résidences privées à caractère commercial et les résidences des centres d'accueil pour personnes âgées. Pourquoi? Parce qu'on s'est dit: Ils offrent une résidence. Ce n'est pas des établissements qui font du commerce ordinaire; ils offrent un service de résidence. On a assimilé ces maisons-là à des résidences, puis on a dit: Vous serez soumis à la taxe foncière générale; vous n'aurez pas à payer de taxe d'affaires spéciale. Je pense que c'était un bon principe dans ce cas-là. Mais, dans le cas des garderies, il n'y a pas cet élément de service résidentiel qui permettrait de les transférer dans le domaine des propriétés ordinaires. Il y a une activité de caractère commercial. Ce sont des garderies à caractère commercial, à but lucratif. Et j'aurais voulu trouver une raison de les inclure, parce que je suis sympathique à la cause des garderies privées, évidemment, mais je ne peux pas le faire en les assimilant, purement et simplement, aux centres d'accueil pour personnes âgées où l'élément résidentiel a fourni le rationnel, l'argument raisonnable qui nous permettait d'ériger cette exemption.

Il y a un autre cas qui a été porté à mon attention. Vous avez reçu beaucoup de lettres de votre côté, sans doute. En tout cas, moi, j'en ai reçu plusieurs des entreprises industrielles qui eussent voulu que nous clarifiions une fois pour toutes le statut des équipements antipollution pour fins de taxation municipale. Nous avons tenu une table ronde là-dessus pendant trois mois, où siégeaient des représentants du monde municipal, du monde industriel et des professionnels de l'évaluation, et nous n'étions pas encore arrivés, au moment où est venu le moment d'écrire le projet de loi, à un consensus qui eût été satisfaisant. Il restait encore des éléments à clarifier et il nous est apparu que, plutôt que de procéder de manière précipitée... Et, franchement, si le député d'Abitibi-Ouest savait mieux comment nous préparons nos projets de loi, il verrait – et je ne lui en veux pas pour ça, parce que je sais qu'il le fait de bonne foi – que ses reproches de précipitation sont complètement déconnectés de la réalité, déconnectés de la réalité. Au contraire, nous passons notre temps à reporter des choses parce qu'elles ne sont pas tout à fait mûres.

Alors, dans ce cas-ci, nous n'étions pas tout à fait prêts, et je crois qu'il serait préférable d'instituer deux groupes de liaison entre deux secteurs particulièrement concernés: celui de l'aluminium et celui des papetières. Nous allons continuer. Si nous réglons ces deux problèmes-là, après ça, nous pourrons passer à une législation générale, mais il y a trop de différences d'une ville à l'autre dans les statuts concrets, que nous connaissons aujourd'hui, et d'un genre d'industrie à un autre pour que nous puissions, dans deux lignes, régler le problème par une simple définition dans un projet de loi. Nous avons la méthode inductive. Nous partons de la réalité pour chercher des solutions et non pas d'une vue abstraite pour l'imposer à tout le monde. Contrairement à l'impression qu'on voudrait répandre, moi, ma méthode est tout à fait contraire à ça. Je pense que le député le sait très bien, au fond.

Je reviens maintenant au fameux problème de la taxe sur les immeubles non résidentiels. Je pense que c'est la meilleure solution que nous pouvions trouver à ce problème. D'abord, je veux affirmer clairement que l'institution d'une taxe distincte sur les immeubles non résidentiels est, en soi, une très bonne chose, une chose qui était demandée depuis longtemps par le monde municipal, qui avait été recommandée fermement par le comité de l'UMQ que présidait le chef de l'Opposition, M. Jacques Parizeau, à l'époque, qui nous a été recommandée par les services du ministère depuis longtemps.

Ce principe d'une taxe sur les immeubles non résidentiels, de taux différencié de taxation, par conséquent, un pour l'ensemble des immeubles sur le territoire d'une municipalité, un taux ou des taux spéciaux pour les immeubles non résidentiels, ça, c'est la pratique courante en Amérique du Nord, puis je pense qu'il était temps que nous alignions nos flûtes sur ce qui se fait de bon ailleurs là-dessus.

Alors, nous l'avons instituée. La première formule que nous avons trouvée, la surtaxe sur les immeubles non résidentiels, a créé des difficultés du point de vue d'un magistrat de la Cour supérieure. Nous sommes respectueux à son endroit. Nous contestons son jugement devant les tribunaux supérieurs, mais, en attendant, nous voulons procurer une sécurité juridique plus grande aux municipalités. Le moyen de le faire, c'est d'éliminer les éléments qui ont justifié, de manière directe et expresse, le jugement du juge Tessier de la Cour supérieure.

Maintenant, on fait des gorges chaudes avec les baux et tout ça. Ça a été discuté à une table ronde. Il y avait une table ronde sur ce problème aussi, qui a siégé pendant au moins quatre mois. Il y avait des représentants. Tous ceux qui vous écrivent aujourd'hui, M. le porte-parole de l'Opposition, étaient présents autour de la table ronde. Il y avait seulement un d'entre eux qui n'était pas présent, parce qu'une journée il avait donné son consentement. Il est sorti le lendemain, puis il avait exactement une opinion contraire. On a dit: Il peut rester chez lui. S'il n'a pas de parole, il s'en prévaudra ailleurs que dans la table ronde du ministre, en tout cas. Quelqu'un qui n'est pas capable de tenir sa parole plus que ça, on n'est pas obligé de le convoquer. Qu'il vienne exprimer sa dissidence, on l'écoutera avec toute l'attention qu'il faut.

Mais je peux vous assurer qu'il y avait un consensus très large qui s'est établi autour de la formule que nous avons retenue à la table ronde. La formule a été suggérée par des représentants très éminents du monde municipal. Elle n'a pas été imposée du tout par les services du ministère ou par la cervelle du ministre. Pas du tout! Je crois que, jusqu'à nouvel ordre, c'est une bonne formule. On me dit que les baux de longue durée sont des baux qui, très généralement, comportent des garanties au point de vue fiscal. Oui, très généralement, très généralement.

Les petits baux pour les petites entreprises sont des baux de courte durée. Mais, là, ça fait trois ans qu'on est en régime de surtaxe sur les immeubles non résidentiels. Déjà, la très grande majorité des petits baux ont pu être ajustés en fonction de la réalité nouvelle. Ceux qui ne l'ont pas fait, bien, ils le feront au début de l'autre année ou au début de l'année suivante. Mais on ne peut pas, M. le Président, ériger en principe qu'un groupe d'entreprises aurait un droit de veto perpétuel sur le pouvoir d'une municipalité d'instituer une taxe nouvelle, qu'elle a le droit d'instituer. C'est à ça que ça équivaut, ce qu'on nous dit.

(20 h 40)

Il aurait fallu qu'on mette la transférabilité sur le bail? On nous a dit que c'était inconstitutionnel. Qu'est-ce qu'on va faire? On enlève cet élément-là, pour l'instant, en présumant, avec raison – puis, j'ai fait de nombreuses consultations à ce sujet – que ut in pluribus, comme on dit, de manière très générale, il n'y aura pas de problème de ce côté-là. Les gros problèmes que pouvait créer la surtaxe ont existé en 1993, nous le savons tous, lors du fameux budget de la ville de Montréal, qui a donné lieu à toutes sortes de réactions. Ailleurs dans la province, il n'y en a pas eu de tumulte. Il n'y en a pas eu. Il y a eu des mécontentements, il y a eu des frottements ici ou là. Il n'y a pas ce climat de perturbation que voudrait essayer de ressusciter l'Opposition, faute de n'avoir pu le susciter à l'époque.

M. Blais: M. le Président, question de règlement.

M. Ryan: Ha, ha, ha! La vérité est dure à entendre! Ha, ha, ha!

Le Vice-Président (M. Tremblay): Un moment, s'il vous plaît. Alors, M. le député de Masson, question de règlement?

M. Blais: Question de règlement. J'aimerais que vous demandiez à l'orateur qu'il ne prête pas de mauvaises intentions aux députés de ce côté-ci de la Chambre. C'est antiréglementaire.

M. Doyon: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Tremblay): Alors, un moment, M. le leader adjoint.

M. Doyon: Sur la même question de règlement, M. le Président. On ne peut pas différer d'opinion et prétendre que c'est une question de règlement. Il n'y aucune question de règlement là-dessus.

Le Vice-Président (M. Tremblay): Alors, M. le ministre, si vous voulez continuer votre propos, s'il vous plaît.

M. Blais: Il y a une question de règlement.

M. Ryan: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Tremblay): Alors, un moment, s'il vous plaît, M. le député de Masson. Je vais vous demander en vertu de quel article, s'il vous plaît.

M. Blais: Je peux le sortir, mais vous devez le savoir par coeur plus que moi, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Tremblay): Oui. Je sais très bien, mais je vais vérifier pour vous. Alors, M. le ministre, est-ce que vous voulez, s'il vous plaît, faire amende honorable? Alors, très bien, M. le ministre veut faire amende honorable pour la satisfaction...

M. Ryan: M. le Président, vous me connaissez assez; loin de moi l'idée de prêter des motifs à l'Opposition. Elle les manifeste elle-même, on n'est pas obligé de les deviner. Mais j'ai le droit de faire de l'analyse et ce que je disais était déduit logiquement de ce que j'ai entendu. Puis, ça, je pense que personne ne peut m'empêcher de le faire; c'est l'art même du raisonnement que de faire dire à l'autre ce qu'il ne voulait pas dire ouvertement. Alors, voilà.

De ce point de vue ci, M. le Président, je crois que, quand on regarde la situation des trois dernières années, il y a eu des frottements au début, les choses se sont replacées de manière fort convenable par la suite et là nous arrivons à une nouvelle étape qui sera peut-être une étape transitoire. Nous ne le savons point. Tout dépendra de ce que décideront les tribunaux supérieurs à propos de la surtaxe sur les immeubles non résidentiels.

Mais, ce que je veux clarifier, là, sans aucune ambiguïté, c'est que nous n'ajoutons pas une nouvelle taxe; nous ajoutons une taxe qui peut être utilisée en remplacement de la surtaxe sur les immeubles non résidentiels pour les municipalités qui ne voudraient pas utiliser celle-ci. C'est une taxe de remplacement au cas où on ne voudrait plus utiliser la surtaxe sur les immeubles non résidentiels. Quelqu'un a dit tantôt: Nommez-nous une autre ville que Hull qui a bénéficié de la surtaxe. Mais oui, c'est bien facile. Venez à Québec, ici, comptez toutes les propriétés fédérales qu'il y a à Québec, puis allez demander au maire L'Allier combien ça a rapporté de plus au point de vue rendement sur les immeubles non résidentiels, puis vous allez arriver à un montant très appréciable. Allez à Montréal, c'est la même chose.

Pour l'ensemble du Québec, le produit de cette mesure, seulement sous l'angle des impôts additionnels payés par le gouvernement fédéral sur ses immeubles, va chercher entre 40 000 000 $ et 50 000 000 $. Pour les municipalités, c'est très précieux. Il faut en tenir compte quand on parle du transfert qui a été fait. C'est tout de suite un montant important qu'on doit déduire, ça. On veut conserver cet acquis. On est allés le chercher sans lutte, sans même faire de négociations, en affirmant clairement, directement, puis avec confiance la juridiction propre du Québec. On n'est pas allés se mettre à genoux devant Ottawa pour dire: On «a-tu» le droit de faire ça? Pas du tout! On a dit: On a le droit, c'est dans nos prérogatives, on le fait, payez vos taxes comme les autres, comme vous le faites ailleurs au Québec, ce qui ne se faisait pas auparavant. Puis, tout ça s'est fait sans coup férir. On veut le protéger; c'est pour ça qu'on pense à cette mesure-là. Ce n'est pas un caprice.

J'entendais le député de Bertrand, cet après-midi, de l'ancienne circonscription de Bertrand. Je pense qu'il nous arrivait directement des Nations unies. On dirait que ça fait bien longtemps qu'il n'a pas travaillé dans le droit et surtout dans la politique municipale. Je l'entendais parler, puis je pensais qu'il était vraiment sur la planète Mars. Il le faisait de bonne foi, par exemple, il n'avait aucune malice. Et loin de moi l'idée de lui prêter quelque intention de ce genre, mais c'est complètement en dehors de la réalité. Il faut voir comment ça se passe concrètement.

Alors, M. le Président, sur cette mesure que nous proposons, nous écouterons avec beaucoup d'intérêt les représentations de l'Opposition sur les points qui ont été soulevés, en particulier sur la taxe sur les immeubles non résidentiels. Si nous pouvons l'améliorer, très bien, mais nous devons tenir compte de ce qui a été jugé par les tribunaux et nous ne devons pas nous laisser asservir par ces choses-là. C'est à nous, législateurs, de trouver les voies qui permettent de faire ce qui nous apparaît légitime, mais de le faire en conformité avec la Constitution, comme elle est interprétée par les tribunaux et comme nous devons savoir l'interpréter nous-mêmes, de temps à autre, avec imagination et audace. Merci, M. le Président.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Tremblay): Très bien, M. le ministre. Alors, ceci met fin au débat. Alors, le principe du projet de loi 26, Loi modifiant la Loi sur la fiscalité municipale et d'autres dispositions législatives, est-il adopté?

M. Bélanger: Sur division.

Le Vice-Président (M. Tremblay): Adopté sur division. M. le leader du gouvernement.


Renvoi à la commission de l'aménagement et des équipements

M. Doyon: Oui. J'aimerais maintenant, M. le Président, faire motion pour que ce projet de loi soit déféré à la commission de l'aménagement et des équipements pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Tremblay): Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Tremblay): Adopté. Très bien. M. le leader du gouvernement.

M. Doyon: Oui. Vous voudrez bien, M. le Président, maintenant, appeler l'article 36 de notre feuilleton.


Projet de loi 193


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Tremblay): Bien, M. le leader adjoint. Alors, M. le député de l'Acadie propose l'adoption du principe du projet de loi 193, Loi concernant la cité de Côte-Saint-Luc et la ville de Montréal. Je suis prêt à reconnaître M. le député de l'Acadie. M. le député.


M. Yvan Bordeleau

M. Bordeleau: Merci, M. le Président. Je suis très heureux, aujourd'hui, d'intervenir dans le cadre de l'adoption de principe du projet de loi 193, Loi concernant la cité de Côte-Saint-Luc et la ville de Montréal. Essentiellement, M. le Président, il s'agit d'un projet de loi qui vise à régler une situation problématique, qui existe depuis au-delà d'une dizaine d'années, entre la cité de Côte-Saint-Luc et la ville de Montréal. Et une situation problématique qui, au cours des dernières années, est devenue litigieuse.

Alors, essentiellement, il faut replacer un peu, pour mieux comprendre l'objet du projet de loi 193, le contexte dans lequel ça s'inscrit. Alors, si vous le permettez, M. le Président, j'aimerais juste prendre quelques minutes pour faire un peu un historique de la question. Antérieurement à 1982, il y avait un territoire, auquel on fait référence dans le projet de loi actuel à l'article 1, qui appartenait, à ce moment-là, à Côte-Saint-Luc. Et, en 1982, dans le cadre de la Loi modifiant la charte de la ville de Montréal, au chapitre 71 des lois de 1982, il y a eu des modifications qui ont fait en sorte que certains des territoires de la cité de Côte-Saint-Luc ont été annexés à la ville de Montréal. Et, essentiellement, la raison pour laquelle ça s'est fait à ce moment-là, c'est que l'ensemble de ces territoires qui ont été transférés ou annexés à la ville de Montréal étaient situés dans une zone qui faisait l'objet de certains problèmes au niveau de l'aménagement du territoire. Et la ville de Montréal manifestait alors, aussi, l'intention évidente de vouloir annexer ces territoires.

Alors, il faut comprendre que, dans un contexte comme le contexte de la ville de Montréal et de l'ensemble de l'île de Montréal, évidemment, les municipalités, quand il s'agit de se départir d'une partie de leur territoire, elles demandent en contrepartie une compensation équivalente, une compensation équitable. Alors, à la suite des discussions qui ont eu lieu en 1982, la cité de Côte-Saint-Luc a accepté, finalement, de se départir de ces territoires et que ces territoires soient, par la suite, annexés à la ville de Montréal, moyennant certaines conditions. Et, dans ce contexte-là, il y a eu des engagements qui ont été pris par la ville de Montréal, notamment deux engagements principaux.

Le premier engagement consistait à verser à la cité de Côte-Saint-Luc une somme de 10 000 000 $. Alors, cet engagement-là, M. le Président, a été respecté par la ville de Montréal. Le deuxième engagement consistait, pour la ville de Montréal, à promettre, au fond, d'effectuer des travaux routiers importants, qui visaient à régler le problème auquel on a fait référence, tout à l'heure, au niveau de la circulation. Alors, il s'agissait d'un prolongement du boulevard Jean-Talon et de la rue Kildare, afin de relier ces deux parties et ainsi de permettre un lien entre la cité de Côte-Saint-Luc et la ville de Montréal. Alors, cet engagement-là avait été pris également en 1982 par la ville de Montréal. Alors, ce sont les deux conditions auxquelles la cité de Côte-Saint-Luc a accepté de se départir des territoires en question.

(20 h 50)

Par la suite, avec les années, il est apparu évident que la construction du lien routier Jean-Talon–Kildare était loin de constituer une solution idéale au problème du secteur. Alors, à tort ou à raison, pour un contexte particulier, la ville de Montréal a constamment retardé l'accomplissement de cet engagement, de cette obligation. Et il est devenu évident, au cours des cinq ou 10 dernières années, que la ville de Montréal ne désirait plus s'engager dans cette construction de l'axe routier Jean-Talon–Kildare.

Alors, essentiellement, actuellement, l'engagement existe toujours et il y a eu un transfert de territoire qui a été fait. Donc, il y a une partie de l'entente qui n'a pas été présentement réalisée. Et l'essentiel du projet de loi 193, c'est de concrétiser, sous une forme législative, un règlement de ce problème. Alors, les deux villes ont actuellement intérêt au règlement de cette situation. D'abord, la ville de Montréal y a intérêt pour clarifier la situation actuelle, qui est ambiguë, et permettre d'effacer l'engagement qu'elle avait pris en 1982. Alors, la ville de Montréal, dans ce sens-là, a un intérêt direct au règlement du problème. Et la cité de Côte-Saint-Luc a aussi un intérêt dans la mesure où elle considère qu'une des conditions au pacte de 1982 n'a pas été respectée. Alors, essentiellement, le projet de loi 193 a un double objet: d'abord, libérer la ville de Montréal de l'obligation de construire le lien et, deuxièmement, accorder à la cité de Côte-Saint-Luc une compensation en raison du désengagement de la ville de Montréal.

Au niveau de la compensation qui devrait être versée à la cité de Côte-Saint-Luc, il y a essentiellement quatre aspects particuliers que j'aimerais mentionner. D'abord, une partie de la compensation est constituée par la rétrocession à la ville de Côte-Saint-Luc d'une partie des territoires qui avaient été annexés en 1982 à la ville de Montréal. Le deuxième aspect, c'est que le projet de loi prévoit également d'autres compensations de nature monétaire, qui visent notamment à compenser la cité de Côte-Saint-Luc pour la non-réalisation de l'engagement de 1982. Troisièmement, il y a également le fait que certains territoires qui avaient été annexés à Montréal seront conservés par la ville de Montréal, nonobstant le fait que l'engagement n'a pas été respecté. Alors, il y a un aspect particulier dont il faudra tenir compte à ce niveau-ci. Quatrièmement, il faudra également que la compensation tienne compte de la période durant laquelle les territoires qu'elle rétrocède aujourd'hui à Côte-Saint-Luc ont fait partie du territoire de la ville de Montréal.

Alors, c'est une situation qui est assez complexe et c'est la raison pour laquelle, dans le projet de loi, on prévoit la nomination d'un arbitre qui va agir essentiellement dans la perspective de fixer un niveau de compensation équitable. Alors, quand on regarde le projet de loi 193, on voit que l'arbitre devra tenir compte des recettes et des dépenses assumées par la ville de Montréal; il devra également tenir compte des sommes versées par la ville de Montréal et la cité de Côte-Saint-Luc, comme on en a fait mention tout à l'heure. L'arbitre aura également comme obligation de remettre au ministre des Affaires municipales un rapport qui va faire état des compensations qui seraient dues. Et ce rapport, suite à une homologation par un juge de la Cour supérieure, à la demande d'une des deux parties, deviendra un accord qui devra être exécuté. Alors, le jugement d'homologation, à ce moment-là, ne sera pas sujet à appel. Il y a également, dans le projet de loi, certaines dispositions transitoires qui visent à faciliter la mise en oeuvre du projet de loi.

Alors, essentiellement, il s'agit du contenu du projet de loi 193. Et j'aimerais peut-être, pour le bénéfice des membres de l'Assemblée, les informer que, présentement, il y a certaines discussions qui sont en cours entre les deux parties, la cité de Côte-Saint-Luc et la ville de Montréal, et il est toujours possible qu'on puisse arriver à un règlement de ce problème autour d'une somme forfaitaire qui pourrait convenir aux deux parties. Alors, il y a des discussions actuellement en cours et il est possible qu'on ait un règlement qui survienne dans les semaines qui vont suivre. Mais, comme tout est incertain de ce côté-là, il faut procéder à l'étude du projet de loi et poursuivre le processus législatif. Il y a également possibilité, au moment où on sera à l'étape de l'étude détaillée en commission du projet de loi 193, que les deux parties puissent faire des représentations et soient entendues par la commission qui sera chargée d'étudier le projet de loi 193.

Alors, essentiellement, M. le Président, ça résume l'objet du projet de loi 193. Je crois qu'il est dans l'intérêt de tous et des parties, au premier chef, qu'on arrive à un règlement de ce problème qui se promène dans l'air depuis plus de 12 ans, maintenant. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Tremblay): Bien, M. le député. Je suis prêt, maintenant, à reconnaître un représentant de l'Opposition officielle, M. le député d'Anjou. M. le député.


M. Pierre Bélanger

M. Bélanger: Je vous remercie, M. le Président. À ce stade-ci, je voudrais vous dire que je vais exercer le droit de parole du porte-parole de l'Opposition officielle, normalement, en affaires municipales, le député d'Abitibi-Ouest, pour les fins de ce projet de loi et pour cette étape-ci seulement.

Alors, le député de l'Acadie a fait un résumé de la situation. Je pense que les faits qui entourent, qui ont donné lieu à ce projet de loi sont assez simples. En 1982, Montréal avait décidé d'annexer des territoires qui appartenaient à la ville de Côte-Saint-Luc, situés, pour les gens qui connaissent un peu Montréal, près de l'Hippodrome Blue Bonnets. Il faut dire que ce sont des terrains qui ont quand même une certaine valeur. On dit que, maintenant, ils sont évalués à près de 104 000 000 $, lesdits terrains. En retour, Montréal s'engageait, entre autres, à payer un montant à la ville de Côte-Saint-Luc, chose qui a été faite. Mais, aussi, la ville de Montréal s'engageait à faire certains travaux, donc, à prolonger le boulevard Jean-Talon. Il faut noter, à cette étape-ci, M. le Président, que la ville de Montréal avait même amendé sa charte afin de prendre en considération cet engagement envers la ville de Côte-Saint-Luc.

Il faut se remettre à l'époque, M. le Président. C'est en 1982 que cette annexion avait lieu. Les travaux devaient débuter, au plus tard, en 1986. Mais, voilà, en 1986, changement d'administration à la ville de Montréal. L'administration Doré ne se sentant pas liée par cet engagement de l'administration Drapeau ou ne voyant plus peut-être l'intérêt de réaliser... On ne sait pas, on ne veut pas prêter, non plus, d'intentions aux parties dans ce dossier. Ceci étant dit, la ville de Montréal n'a pas exécuté son obligation d'effectuer les travaux. C'est ainsi qu'on peut dire qu'a commencé une longue bataille entre la ville de Côte-Saint-Luc et la ville de Montréal dans ce dossier. Ça a finalement abouti devant la Commission municipale du Québec. Celle-ci est intervenue et a même menacé les parties de faire faire les travaux, peut-être même aux frais de la ville de Montréal. Donc, on voit dans quelles circonstances la situation a évolué.

Le ministre des Affaires municipales est intervenu dans le dossier. Il a même nommé un médiateur dans le dossier qui, malheureusement, malgré toutes les meilleures intentions et la meilleure volonté, n'a pas réussi à rapprocher les parties. Finalement, le ministre des Affaires municipales, je crois, est intervenu personnellement et a un peu fait en sorte que les parties aboutissent à ce qu'on pourrait appeler un consensus. Le projet de loi que nous étudions présentement est, on pourrait dire, l'aboutissement de ce consensus. Cependant, M. le Président, il faut bien comprendre quelque chose. Pour l'avoir fait à plusieurs reprises dans certains dossiers, comme avocat, il arrive qu'on constate un consentement. Mais, avant que ce consentement se retrouve intégralement dans une entente écrite, des fois, on arrive à certaines surprises, malgré la meilleure volonté des parties, malgré que tout le monde s'entend. Des fois, par la terminologie employée, par les phrases, par la syntaxe employée, on peut arriver à des interprétations qui, une fois qu'on a pris un recul et qu'on relit le document – qu'on relit, ici, le projet de loi – plaisent plus ou moins aux parties qui étaient pourtant consentantes quant au but visé par l'entente ou par le projet de loi.

(21 heures)

Ce projet de loi là, disons-le, c'est une entente, finalement. C'est la consécration légale, législative d'une entente. Alors, en particulier, on nous a soumis, du côté de l'Opposition, la ville de Côte-Saint-Luc nous a soumis des propositions d'amendement. Le maire de Côte-Saint-Luc, quant à lui, estime qu'afin que le projet de loi reflète l'entente intervenue entre les parties – ici, je prends uniquement un exemple, sans aller dans le détail, M. le Président – on voudrait modifier l'article 3 qui se lirait ainsi: «La ville de Montréal verse à la Cité de Côte-Saint-Luc une somme égale à cinq fois le total des revenus d'imposition calculés conformément au paragraphe 1° de l'article 234 de la Loi sur la fiscalité municipale.» Donc, on voit ici une proposition, telle qu'elle est proposée par la ville de Côte-Saint-Luc.

J'apprends avec évidemment beaucoup de satisfaction qu'il y a des négociations qui se continuent dans le dossier, et j'en suis très fier parce que, malgré le fait que ce projet de loi prévoit la nomination d'un arbitre, on sait qu'une entente vaut n'importe quel jugement d'un arbitre ou n'importe quelle décision arbitraire d'un tribunal ou d'une cour. Donc, si les parties peuvent vraiment en arriver à une entente qui les satisfasse complètement, quitte à amender la loi pour faire en sorte que cet amendement se retrouve intégralement à la satisfaction des parties, tant mieux. Parce qu'un arbitre, M. le Président, il faut bien voir que c'est là pour faire en sorte qu'une situation qui a perduré longtemps ne perdure pas éternellement, mais on espère toujours n'avoir jamais recours à cet arbitre. C'est toujours mieux quand on fonctionne par consentement, quand les parties, vraiment, sont satisfaites de l'entente.

Alors, je suis très content d'apprendre que les négociations se poursuivent. On me dit qu'elles vont bien et qu'il est fort possible qu'avant qu'on ait fini l'étude de ce projet de loi, toutes les étapes de ce projet de loi là, il se peut, finalement, qu'on ait une nouvelle entente qui pourrait être sensiblement différente de ce qui se retrouve dans ce projet de loi. Il faut bien comprendre, si les villes s'entendent et les villes veulent, à ce moment-là, que cette Assemblée nationale, que cette Législature confirme par projet de loi l'entente qui est intervenue entre les parties, tant mieux. Je pense que c'est exactement le but visé par cette législation. Et je peux tout de suite dire au ministre et au député de l'Acadie que l'Opposition, quant à elle, va concourir totalement à faire en sorte que, dans ce projet de loi, la volonté des parties, le consensus exprimé par les parties se retrouve intégralement, et qu'enfin ce dossier qui a été initié en 1982, il y a près de 12 ans, finalement, ce dossier trouve une fin heureuse et qui satisfasse, à ce moment-là, l'ensemble des parties. Mais il va falloir être quand même, M. le Président, rigoureux, poser des questions et s'assurer finalement que les modifications que nous allons apporter conviennent parfaitement et reflètent totalement la volonté des parties. Je vous remercie, M. le Président.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Tremblay): Bien, M. le député. Alors, comme il n'y a pas d'autres intervenants, est-ce que le principe du projet de loi 193, Loi concernant la cité de Côte-Saint-Luc et la ville de Montréal, est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Tremblay): Adopté. Alors, M. le leader adjoint du gouvernement.


Renvoi à la commission de l'aménagement et des équipements

M. Doyon: Oui. Maintenant, M. le Président, je voudrais faire motion pour que le projet de loi soit déféré à la commission de l'aménagement et des équipements pour étude détaillée et pour que le ministre des Affaires municipales soit membre de cette commission.

Le Vice-Président (M. Tremblay): Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Tremblay): Adopté. Alors, M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Doyon: Vous voudrez bien maintenant, M. le Président, appeler l'article 10 de notre feuilleton.


Projet de loi 23


Reprise du débat sur l'adoption du principe

Le Vice-Président (M. Tremblay): Alors, l'Assemblée reprend le débat ajourné le 25 mai dernier sur l'adoption du principe du projet de loi 23, Loi sur la Société du tourisme du Québec. M. le député de Bertrand avait la parole au moment de l'ajournement du débat. M. le député, il vous reste 13 minutes à votre disposition. Alors, je vais vous entendre. M. le député de Bertrand.

Je m'excuse, parce qu'on m'avait... Alors, M. le député de Portneuf. Je m'excuse, M. le député.


M. Roger Bertrand (suite)

M. Bertrand: Oui, M. le Président. Nous en étions donc effectivement à ce débat sur le principe de ce projet de loi, et j'avais déjà indiqué, M. le Président, que plusieurs mémoires avaient été soumis à une consultation menée à l'initiative du ministre, je crois, en février dernier, et qu'un des mémoires, entre autres, préparé par l'ensemble des employés ou un certain nombre d'employés du ministère du Tourisme, m'avait paru fort pertinent et fort intéressant. Et j'avais commencé, dans mon allocution, à rappeler certains aspects de ce mémoire, particulièrement intéressants. Et je rappelle ici, M. le Président, que ce mémoire avait été préparé, non pas par les syndicats ou les représentants des employés mais par les employés eux-mêmes. Et je pense qu'on a intérêt à rappeler beaucoup des aspects soulevés dans ce mémoire.

On se demande, dans ce document-là, les employés se demandent: Pourquoi, au juste, la mise en place d'une société? Question fort pertinente dans les circonstances, M. le Président. On écrit ceci: Voici une idée qui semble sortie de nulle part. On n'en parlait pas dans l'énoncé de politique de 1992. On ne peut déceler, d'après ce que je peux comprendre, aucune étude méthodique qui aurait conclu à la nécessité d'une telle réforme de structure, et aucune évaluation des options non plus n'étant disponible, aucun chiffre ou aucune évaluation permettant de constater que les expériences étrangères ont pu être concluantes... Il faut comprendre ici, M. le Président, qu'on se réclame d'expériences dans d'autres pays pour dire: Bon, bien, il faut essayer ça chez nous, une société du tourisme du Québec. Alors, on nous dit dans ce mémoire-là, justement, qu'on n'arrive pas à comprendre sur quoi se base essentiellement, sur le fond même, une telle initiative.

Les statistiques touristiques de l'OCDE ne montreraient, semble-t-il, aucune différence significative entre les pays qui ont de telles sociétés et les pays qui n'en ont pas. On ne pourrait conclure à aucune corrélation entre l'apparition d'une structure touristique de la sorte et l'évolution des recettes et des arrivées. Et on note, par ailleurs, la présence ou l'existence d'un certain nombre de pays qui ont réussi à accroître leurs recettes dans le domaine du tourisme sans de telles sociétés.

Alors, M. le Président, on voit bien que, sur le fond même de la question, on peut s'interroger sur la base des opinions émises par ceux-là mêmes qui connaissent le domaine, les employés du ministère. On peut donc se questionner sur l'à-propos et le fondement de l'initiative du gouvernement et du ministre dans ce cas-là.

J'ai l'impression qu'on est devant une forme d'improvisation. On cherche, au fond, à imiter ce qui se fait ailleurs comme pour nous servir un genre de leurre d'un gouvernement qui, manifestement, à son menu législatif manquait de pièces un peu substantielles. On s'inspire d'exemples à l'étranger, on en produit des imitations grossières, mais pour finalement solutionner quels problèmes, au fond, M. le Président? Il s'agit là, à mon avis, d'un genre de distraction, un autre exemple, comme on l'a vu dans le cas du discours sur le budget, d'une opération trompe-l'oeil où on cherche à divertir la galerie pour donner l'illusion de bouger essentiellement.

Et les questionnements à l'égard de l'initiative du gouvernement dans ce cas-là se continuent. La création de la Société ne serait-elle donc qu'une décision politique spontanée? Ce n'est pas le Parti québécois, ce n'est pas l'Opposition qui pose la question, ce sont les employés eux-mêmes. Et on souligne que les organismes étrangers que le document prend pour modèles sont axés uniquement sur le marketing du tourisme et, plus particulièrement, auprès des marchés extérieurs. Or, dans le cas précis du Québec, le tourisme international est en croissance au Québec depuis 1980, et il semblerait que la source du déficit touristique soit davantage dans l'exode des Québécois au niveau de leurs vacances. Et redresser le tourisme, finalement, la balance touristique, consisterait aujourd'hui, comme défi, davantage à redresser la situation du tourisme interne.

Alors, encore là, que vient faire une structure inspirée dans d'autres pays pour régler davantage le problème d'un manque d'attraction touristique de l'extérieur vers le pays? Comment, en se basant sur une société de la sorte, allons-nous véritablement régler le problème que nous avons actuellement et depuis maintenant plus de 10 ans au Québec au niveau de notre tourisme intérieur?

D'autres interrogations fusent également de la part de ces personnes qui savent de quoi elles parlent, en ce qui regarde la mission et les champs d'intervention. La mission: celle proposée ne diffère en rien de celle du ministère du Tourisme et couvre les champs de développement de l'offre, de la mise en marché, de la formation, de la sensibilisation, en fait, toutes des activités qui sont déjà intégrées à ce que fait le ministère du Tourisme. Où est la différence? se demande-t-on. Les champs d'intervention dans le domaine de la concertation, par exemple, c'est justement un domaine dans lequel le ministère servait très bien l'ensemble du domaine touristique et non seulement l'industrie.

(21 h 10)

Le secteur du développement de l'offre, M. le Président. Voici un champ d'intervention où le ministère du Tourisme a pu, au cours des dernières années, soulignent ceux qui nous parlent, intervenir en misant sur le partenariat justement interministériel et intergouvernemental, un partenariat rendu beaucoup plus efficace et présent par le simple fait qu'on parle d'égal à égal à ce moment-là. On fait partie directement des structures gouvernementales. Alors, quand il est temps de mobiliser le secteur de la culture, par exemple, à l'intérieur d'une stratégie touristique, ça va bien, c'est facile, on se parle d'égal à égal.

Ce qui est préoccupant, semble-t-il, pour les personnes qui ont produit ce document, dans une société de tourisme, c'est que, traditionnellement, les représentants de l'industrie ont des préoccupations bien différentes, souvent, de celles du ministère du Tourisme. L'industrie préfère...

Le Vice-Président (M. Tremblay): M. le député, un moment, s'il vous plaît. M. le député de...

M. Bourdon: Question de règlement. Je m'excuse auprès de mon collègue. Est-ce que vous pourriez vérifier si nous avons le quorum, M. le Président?

Le Vice-Président (M. Tremblay): Très bien, M. le député de Pointe-aux-Trembles. Je vais vérifier ça pour vous.

Alors, malheureusement, je constate que nous n'avons pas quorum. Alors, qu'on appelle les députés!

(21 h 11 – 21 h 13)

Le Vice-Président (M. Tremblay): Alors, mesdames, messieurs, si vous voulez vous asseoir, s'il vous plaît. Je constate que nous avons quorum. M. le député de Portneuf, vous continuez votre propos. Il reste six minutes à votre intervention.

M. Bertrand: Oui, M. le Président. C'est fort peu pour tout ce qu'on a à dire sur un projet semblable. Par exemple, est-ce qu'une société formée de représentants essentiellement de l'industrie – comme on va le voir un petit peu plus tard – va être à même de vendre et de rentabiliser les produits touristiques québécois qui relèvent du domaine public, et qui ont un caractère public d'attraction? À défaut de le faire, je pense qu'on pourrait conclure à des effets négatifs sur le degré d'attraction du produit touristique québécois. Qu'on se rappelle que le rôle de l'État a été, au cours des dernières années, pour beaucoup, de générer davantage d'achalandage au niveau d'attraits touristiques largement reliés à des infrastructures publiques; par exemple, les parcs en région, les grands musées, le Stade olympique, le Vieux-Port, le Biodôme, etc. Et d'autres questionnements qu'on peut voir au document déposé par les employés.

Quand on examine les modèles de structures touristiques étrangères, on constate que les fonctions de développement du produit et de planification touristique globale continuent toujours de relever du ministère. Qu'en sera-t-il, suite à la création de la Société, à cet égard? De la même façon, en matière de développement de l'offre, deux activités gérées par une société soulève des inquiétudes pour ceux qui connaissent ce domaine-là: le contrôle de la qualité du produit et la protection du consommateur. Alors, la question est la suivante: L'industrie va-t-elle décider elle-même de ses propres normes et s'imposer elle-même des contraintes face à la protection des touristes? Jugera-t-elle elle-même des plaintes à son sujet? Alors, autant d'exemples de questionnement que nous entretenons également à l'égard de l'initiative du gouvernement par ce projet de loi.

Encore plus, M. le Président, pensons à l'attribution de l'aide financière aux investisseurs privés. Là encore, il est à prévoir des chicanes de clocher, possiblement, et des conflits de rôles ou d'intérêts, que ce soit au niveau d'un dossier précis ou au niveau des produits prioritaires, ou des priorités ou des orientations qui présideront aux choix budgétaires. Encore là, ce sont toutes des choses qui n'ont pas fait l'objet véritablement d'une attention précise dans le présent projet de loi et dans les intentions telles que je les comprends et telles qu'exprimées par le ministre.

Des questionnements également en ce qui regarde la mise en marché touristique. On peut présumer que la création d'une société vise à assouplir les contraintes administratives et financières – ça, on peut le comprendre – des contraintes qui gêneraient présumément la mise en oeuvre efficace des programmes de promotion et de développement des marchés. Mais, encore là, les questions que se posent les gens du secteur au niveau gouvernemental: On pourrait s'attendre éventuellement à des conflits potentiels quant aux priorités d'affectation des fonds et aux choix budgétaires entre produits dans la mesure où l'arbitrage appartiendra à l'industrie elle-même. De la même façon, avec un budget annuel de plusieurs dizaines de millions de dollars provenant des fonds publics, les mécanismes d'attribution des contrats de publicité à des entreprises privées soulèveront nécessairement un certain nombre de problèmes, du moins quant à leur transparence éventuellement, que ce soit au niveau politique ou au niveau de conflits d'intérêts potentiels de la part des membres du conseil d'administration. Est-ce qu'on est vraiment, M. le Président, à l'abri de tout cela?

Est-ce qu'un organisme contrôlé, se demandent les employés du ministère actuellement... Est-ce qu'un organisme contrôlé par l'industrie acceptera de réserver des fonds à des produits touristiques en émergence ou innovateurs ou précurseurs? N'aura-t-elle pas tendance davantage à privilégier la loi des grands nombres, les produits existants, plutôt que les interventions dans une perspective à long terme?

D'autres questionnements en ce qui regarde le partenariat gouvernement-industrie. À l'origine, le projet comportait peu de précisions quant à l'envergure ni à la composition du conseil d'administration. On se demandait si l'industrie y occuperait tous les sièges. Alors, dans son mémoire au Conseil des ministres, le ministre lui-même précise, à la première page, que la création de la Société du tourisme avec un conseil d'administration issu du secteur privé comporte les avantages suivants, etc., etc. Donc, on pourra comprendre que le conseil d'administration de la Société sera essentiellement constitué de personnes du secteur privé et de l'industrie. Alors, est-ce qu'il ne serait pas raisonnable, se demande-t-on, que le conseil d'administration d'une société comme celle-là puisse rester majoritairement sous le contrôle gouvernemental avec une composition de conseil d'administration qui refléterait l'importance relative du gouvernement et de ses interventions dans le domaine touristique? On l'a vu dans le cas de la loi 120, par exemple, M. le Président, où la composition des conseils d'administration des différents organismes associés au secteur de la santé et des services sociaux devait inclure obligatoirement la représentation des différents milieux impliqués. Et bien sûr que le gouvernement constitue un de ces milieux-là de façon prioritaire.

Alors, certainement que je réitérerai les appréhensions évoquées par les personnes que je mentionnais tout à l'heure relativement aux conflits d'intérêts, aux chicanes de clocher, à la transparence des décisions et du choix des fournisseurs et à la perte de contrôle de la politique touristique du Québec par le gouvernement au profit de ceux qui seront, dans les circonstances, nécessairement ou fort possiblement juge et partie dans leurs décisions.

L'établissement d'un partenariat État-industrie ne justifie pas, certainement pas, selon les auteurs du mémoire auquel je fais référence, que le gouvernement abandonne ses responsabilités d'orienteur, de développeur, de planificateur et de protecteur du consommateur dans la transparence des règlements administratifs existants.

(21 h 20)

M. le Président, en terminant, une dernière remarque en ce qui regarde maintenant le statut des employés qu'on retrouvera et les conditions également qui seront faites aux employés oeuvrant au sein de cette Société. Certaines expériences prouvent certainement qu'on peut être aussi efficace, tout en étant assujetti à la Loi sur la fonction publique, dans certains organismes ou dans certaines sociétés d'État. On pourrait citer, par exemple, le cas de la Société de l'assurance automobile du Québec ou le cas de la CSST. Alors, on se demande ici pour quelle raison on exclut la Société du tourisme du Québec de l'application de la Loi sur la fonction publique. Ces choses-là n'ont pas été, je dirais, démontrées à notre satisfaction, loin de là. Qu'adviendra-t-il, dans quelques mois, alors qu'il faudra renégocier? Est-ce qu'il faudra tout renégocier, repartir à zéro, au niveau des conditions des employés faisant partie ou étant transférés au sein de cette société? M. le Président, je pense que cette question mériterait d'être réexaminée, certainement, en tout cas, à l'étape de l'examen du projet de loi article par article.

Je voudrais souligner, en terminant, l'espèce de cri d'alarme des employés en question, qui nous disent que l'ensemble des employés de Tourisme Québec sont fatigués de se faire mettre à pied ou en disponibilité, de se faire geler leur salaire, couper leur paie, prolonger unilatéralement leur convention collective, collaborer à préparer leur propre réalignement, pendant qu'on tente de les faire paraître comme des privilégiés aux yeux du public, alors qu'ils ne sont, en fait, actuellement, que méprisés par leur propre organisation et leur propre gouvernement.

M. le Président, je termine ici en vous disant que, sur le principe du projet de loi, nous sommes loin d'être d'accord. Nous ferons certainement un examen très attentif à l'étape de la deuxième lecture. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Tremblay): Bien, M. le député. Je vais maintenant reconnaître un prochain intervenant sur le même projet de loi. M. le député de Gaspé.


M. André Beaudin

M. Beaudin: Merci, M. le Président. Le 11 mai dernier, le ministre responsable déposait le projet de loi 23 sur la création de la Société du tourisme du Québec. Cette société aura pour objet de développer et de soutenir l'industrie touristique au Québec. En outre, le projet de loi établit des règles relatives à la compétence de cette société. De plus, il décrit les mandats de la Société, dont celui de faire la promotion du Québec comme destination touristique. D'autre part, la Société verra à favoriser la commercialisation des produits touristiques du Québec.

Il est donc clair, M. le Président, que l'action de la Société du tourisme du Québec s'inscrit dans la continuité des mandats du ministère du Tourisme. La mise en place de cette société constitue une étape majeure dans l'histoire du tourisme du Québec. Ce projet de loi est résolument tourné vers l'avenir et a été élaboré dans une perspective de concertation et d'implication du milieu. La Société du tourisme consacrera la participation directe de l'industrie à l'administration de la mission touristique, en l'associant étroitement à sa gestion et à la définition de ses orientations.

Le Québec doit faire face à une vive concurrence, notamment dans le contexte actuel de la mondialisation des marchés. Les défis sont exigeants et, pour s'assurer de les relever, il est essentiel de compter sur des outils qui viennent renforcer notre compétitivité. Le gouvernement a choisi de se doter d'un instrument de gestion du tourisme performant, s'appuyant sur une analyse approfondie d'autres expériences étrangères. Ce projet de loi a été façonné en se basant sur le contexte québécois ainsi que sur les réalités et besoins des intervenants touristiques d'ici. Il est donc essentiel que la législation préserve les acquis du passé.

Je vous signale d'ailleurs, M. le Président, que l'industrie touristique a été consultée sur ce projet tout au long de l'hiver et du printemps 1994, et qu'un très large consensus s'est manifesté, aussi bien sur les objectifs que sur les modalités de cette législation. À n'en pas douter, la mise en place de cette société aura un impact structurant et déterminant sur l'avenir de l'industrie touristique québécoise. Nous signifions par là que le Québec disposera d'un nouvel atout pour se tailler une place de choix au sein des destinations touristiques internationales.

Dans son discours, le ministre responsable du Tourisme a bien défini le mandat de la Société. Je vous en résume les principaux points. D'abord, à partir de nos acquis, il s'agit d'identifier les besoins en développement touristique. Ensuite, la Société définira et mettra en oeuvre les orientations et les stratégies d'intervention. En troisième lieu, elle fera la promotion et favorisera la commercialisation de la destination Québec et de ses produits touristiques. En quatrième lieu, la Société mettra en oeuvre et gérera les programmes d'aide financière. Enfin, la Société favorisera la concertation entre les différents intervenants publics et privés en matière de tourisme. De plus, l'information touristique sera assurée et diffusée par la Société du tourisme du Québec.

Autre caractéristique importante dans la mise en place de cet organisme autonome, les membres du conseil d'administration seront issus du secteur touristique. Ces membres seront choisis en fonction de leur crédibilité, de leur vision globale du tourisme ainsi que de leurs préoccupations pour les intérêts d'ensemble de l'industrie et du développement des régions touristiques du Québec.

Ainsi, le gouvernement, toujours à l'écoute des vrais besoins, agit pour répondre aux vraies attentes, non seulement celles des consommateurs, mais aussi celles de tous les intervenants de l'industrie touristique. Tout au long de son histoire, le Québec a su, grâce à son esprit d'initiative, de créativité et d'excellence, raffiner ses méthodes de travail pour attirer les touristes chez nous.

Je reviens, M. le Président, sur le consensus manifesté à l'égard du projet de loi 23. Cette attitude relève de la maturité de l'industrie qui, comme nous pouvons le constater, est prête à s'impliquer davantage dans les orientations et les actions à privilégier en matière de tourisme. D'ailleurs, les expériences étrangères démontrent que, lorsque le milieu participe pleinement à la prise de décisions, les objectifs sont plus facilement atteignables. À ce titre, le projet de loi reconnaît les associations touristiques régionales comme les partenaires privilégiés de la concertation avec le milieu. Il est important de souligner que la Société du tourisme du Québec jouira d'une autonomie de gestion grâce à son conseil d'administration et, par conséquent, d'une grande flexibilité. Cette formule accroîtra l'efficacité et la rapidité des opérations. Dans un contexte de concurrence accrue entre les destinations, les organisations touristiques gouvernementales se doivent d'être efficaces. Nous devons donc nous adapter rapidement aux conditions changeantes du marché.

C'est dans cet esprit que le gouvernement du Québec présente une législation moderne, flexible et efficace. Cette législation fera participer tous les agents impliqués de près ou de loin à l'essor touristique du Québec. C'est un défi, exaltant et exigeant à la fois, que nous devrons relever ensemble pour s'assurer du développement et de la croissance du secteur touristique québécois. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Tremblay): Bien, M. le député de Gaspé. Je vais maintenant reconnaître un député de l'Opposition officielle, M. le député de Pointe-aux-Trembles. M. le député.


M. Michel Bourdon

M. Bourdon: M. le Président, sur ce projet de loi comme sur d'autres, on ne peut pas s'empêcher d'éprouver un certain sentiment d'irréalité en lisant les diverses législations du gouvernement. En effet, M. le Président, il semblerait, à première vue, que le but du projet de loi, c'est qu'on proscrive le terme «ministère» pour pouvoir utiliser le terme «Société». À cet égard, j'ai lu attentivement le mémoire du ministre responsable du Tourisme au Conseil des ministres. Il y a à peine quelques lignes pour expliquer pourquoi il faudrait renoncer à avoir des agents de l'État qui s'occupent du tourisme et pourquoi il faudrait fonder la Société du tourisme du Québec.

(21 h 30)

M. le Président, à cet égard-là, j'ai entendu certains intervenants ministériels parler de la vaste consultation qui, en un très court laps de temps, a amené le dépôt de ce projet de loi devant la Chambre. Puis, à cet égard-là, M. le Président, d'évidence, quand le ministre a rencontré les intervenants – on lit le compte rendu de la réunion – ce n'était pas pour les consulter sur comment on pourrait instaurer un partenariat entre l'industrie et le gouvernement, c'était pour les informer qu'à très court terme, dans un très court laps de temps, il avait le mandat de fonder cette Société. À cet égard, M. le Président, je voudrais ajouter que, le partenariat, on en est comme d'autres. Mais on a vu d'autres ministères associer l'entreprise privée et le milieu à leurs activités, sans avoir à démanteler un ministère pour fonder une société. Par exemple, le Conseil des communautés culturelles et de l'immigration avise ou avisait le ou la ministre et ça n'a pas fait qu'on a fondé une société de l'immigration et des communautés culturelles pour autant.

À cet égard, M. le Président, j'écoutais les intervenants parler et je me disais: Mais, au juste, qu'est-ce qui va arriver de ceux et celles qui, actuellement, font fonctionner le ministère du Tourisme? Le projet de loi contient deux ou trois articles à leur endroit, articles qui ont un sens très clair: ils pourront continuer d'être régis par une convention collective, quand il y en a une, jusqu'à l'échéance de la convention collective et, après ça, bien, ils deviennent des employés d'un organisme qui dépend du gouvernement, mais ils ne sont plus assujettis à la Loi sur la fonction publique.

Parmi les inquiétudes qu'on peut entretenir, M. le Président, il y a l'inquiétude de la politisation éventuelle de la Société, puisque c'est le ministre, c'est le gouvernement qui va nommer les membres du conseil d'administration. C'est ainsi qu'on voyait récemment dans Le Journal de Québec un titre qui disait: L'industrie réclame une société du tourisme sans attache politique. Est-ce à dire, M. le Président, que certains voient déjà débarquer Marcel Côté, de SECOR, pour faire peut-être quelques petites analyses et des recommandations pertinentes qui touchent sa firme? Il est évident, M. le Président, qu'on veut tasser la Loi sur la fonction publique et qu'on a devant nous un ministre qui propose d'abolir le ministère parce que c'est une structure qui empêche de toujours appliquer la chanson préférée des ministériels, les copains d'abord.

Et, à cet égard-là, M. le Président, on peut être inquiet parce que le passé est garant de l'avenir. En fait, je retrouve le même malaise en lisant ce projet de loi là que celui que j'éprouvais vis-à-vis du projet de loi qui fusionnait les Affaires internationales, l'Immigration et les Communautés culturelles, en ce sens, M. le Président, qu'il n'y a pas une ligne nulle part, il n'y a pas un rapport nulle part, il n'y a pas un document sérieux nulle part qui dit que le ministère ne pouvait pas fonctionner avec des employés et que, maintenant, il faut se départir de ces responsabilités-là au profit d'une société qui va avoir un conseil d'administration de 11 membres, pas plus de 10 membres et un président-directeur général, nommés par le gouvernement.

Ce que le gouvernement se conserve, M. le Président, c'est le droit de choisir qui il veut. Ce qu'il fait par la même loi, c'est de dire: Par la suite, il faut avoir de la souplesse; par la suite, il faut s'en tenir à une façon de voir les choses. Et, dans le fond, M. le Président, dans ce gouvernement, ça ressemble un peu à l'obsession d'avoir quelque chose qui soit le gouvernement quand on est le gouvernement. C'est peut-être la lassitude du pouvoir, bien que nos collègues d'en face et leur chef ne manifestent aucune volonté de mettre fin à leur fardeau prochainement, puisque les Québécois vivent avec un gouvernement qui est dans sa cinquième année avancée et qui ne donne pas de signe de vouloir permettre aux électeurs de choisir.

À cet égard, je trouve qu'on peut appliquer à ce projet de loi les propos que le député de Portneuf tenait vis-à-vis d'autres projets de loi, qui est la chose suivante. Vous savez, les gens qui déménagent, les gens qui pensent qu'ils vont être remplacés par d'autres, n'ont pas, généralement, tendance à repeinturer le logement au complet selon leurs couleurs et leurs goûts, parce que ça peut ne pas convenir au prochain locataire de l'appartement. Et, à cet égard-là, M. le Président, il y a une hâte indécente de la part des libéraux à vouloir bien mettre en place des choses. Vous savez, les nominations discrétionnaires, on est rendu à 300, ce n'est pas peu de chose. Le grand frère fédéral, M. Trudeau, a reçu par la tête plusieurs remarques sévères de Brian Mulroney dans le temps pour avoir fait à peu près la même chose. On est pressé de placer, mais on n'est pas pressé de s'en aller ou de permettre à la population de juger, de faire valoir par son suffrage si elle ne trouve pas que ce gouvernement est à la fois fatigué et fatigant.

M. le Président, en tourisme, nous croyons, nous, au partenariat avec les intéressés, sauf que le tourisme ne concerne pas que les personnes qui dispensent des services. En tourisme, il y a aussi des utilisateurs des services, il y a aussi l'ensemble des ministères qui peuvent, à l'occasion, avoir à jouer un rôle pour le développement de l'industrie touristique québécoise, et ce qu'on retrouve dans le projet de loi, c'est un prisme idéologique très, très, très étroit. On n'aime pas le mot «ministère» chez les ministériels, on aime mieux le mot «société», ça fait un peu moins gouvernement. Alors, M. le Président, si le gouvernement a honte d'être un gouvernement, il n'y a rien comme d'aller voir les actionnaires – je prends le mot «actionnaire» parce que peut-être que le mot «électeur» les indispose également – donc d'aller à la population pour qu'elle décide si un bon changement, au lieu de remplacer le mot «ministère» par le mot «société», ce ne serait pas de changer de gouvernement, par hypothèse. À cet égard-là, M. le Président, je trouve que le texte introductif du projet de loi, le mémoire du ministre sont d'une légèreté assez incroyable. On fait un changement pour faire un changement, parce que, avant de quitter la maison, on veut mettre ses couleurs avant de la laisser à d'autres. Et, à cet égard, M. le Président, je trouve qu'on manifeste un empressement suspect pour chambarder les règles du jeu dans une industrie qui est effectivement très importante. On parle d'un chiffre d'affaires de 4 800 000 000 $, on parle de près de 300 000 emplois et on parle de 21 000 entreprises.

Il y a des exemples, M. le Président, dans le gouvernement où un conseil aviseur permet d'installer du partenariat avec le secteur privé; ça ne veut pas dire que le gouvernement cesse de gouverner. Ce n'est pas parce qu'on n'a plus beaucoup de ministres qu'il faut nécessairement abolir les ministères. Les ministères existaient avant les ministres actuels puis on peut penser que, la continuité de l'État étant, il va continuer d'y avoir des ministères après les ministres actuels. Et, à cet égard-là, M. le Président, il n'y a rien dans la présentation du projet de loi qui nous dit où le gouvernement veut aller, sur quel projet exactement il demande à cette Assemblée de se prononcer et ce qui, dans ce projet de loi là, va faire que moins de Québécois vont s'adonner à leurs activités touristiques à l'étranger, ce qui nuit à notre balance touristique. On cherche dans le projet de loi des motifs de croire que cette industrie-là serait mieux encadrée, parce que le ministre, avant de partir, nommerait 10 personnes. Et, M. le Président, je ne l'invente pas, dans Le Journal de Québec , le titre est clair: L'industrie réclame une société du tourisme sans attache politique. Parce qu'on craint qu'on nomme là des créatures du parti qui est actuellement au pouvoir et que ça ne soit pas vraiment un partenariat qu'on installe, mais, un peu comme ailleurs, ce que sous l'ancien régime du Bas-Canada on appelait la «family compact». À l'époque, c'est le gouverneur qui nommait ses attaches familiales au Conseil des gouverneurs puis à des fonctions et, maintenant, nous aurions nos amis libéraux, sa majesté le Parti libéral du Québec, qui feraient de la famille libérale la nouvelle «family compact». Parce que, vous savez, en termes de nominations politiques, M. le Président, je n'invente rien; on est rendu à 300 puis ça a l'air que ça va durer encore quelque temps, puisque les élections ne sont pas pour demain, ni après-demain, ni avant la Saint-Jean. La seule chose dont on soit certain, M. le Président, c'est qu'à moins d'un coup d'État il y aura des élections cette année. C'est la Constitution canadienne qui prévoit que, dans le cas d'une province, un mandat ne saurait dépasser cinq ans. Alors, en termes de calendrier, les cinq longues années vont avoir été atteintes le 25 septembre 1994. Et comme l'assermentation s'est faite quelques semaines plus tard, on sort de la légalité quelque part au mois de novembre. Alors, où est la presse? Qu'est-ce qui urge tant qui fasse qu'on n'a pas consulté les employés, d'aucune façon, et qu'on n'a pas vraiment non plus consulté l'industrie avant de faire ces changements? Puis, en matière de tourisme, M. le Président, puisque le gouvernement s'est trouvé un exemple américain, français, britannique qui a l'air de lui ressembler, on ne s'est pas bâdré de traduire, puis on a dit: On va faire pareil, avec nos traditions. Eh bien, il y a des pays où il y a des ministère du Tourisme, mais où, en même temps, l'industrie privée est associée à l'effort de marketing.

(21 h 40)

En fait, qu'est-ce qu'il y a de si mauvais à ce qu'il y ait un ministère du Tourisme? Le ministre a-t-il mis des pièces dans le dossier pour nous dire qu'il dirige avec son collègue un ministère qui n'est pas efficace, un ministère qui n'a plus sa raison d'être, un ministère qui doit faire la place à une société? À cet égard, M. le Président, je trouve qu'on est à la fois devant une manifestation de la volonté d'appliquer la chanson ministérielle, les copains d'abord, et aussi une espèce d'obsession idéologique que le mot «ministère» ferait horreur. Pourtant, c'est ce parti qui nous a donné le ministère de l'Éducation et je ne sache pas qu'on trouve qu'il y a là quelque chose de mauvais pour le Québec ou pour les Québécois.

Quand je dis «étroitement idéologique», M. le Président, je pense au premier ministre qui nous dit régulièrement: Un gouvernement, ça s'occupe des hôpitaux et des écoles. Le reste... Écoutez, un gouvernement ne se gère pas comme Power Corporation. Un gouvernement, ça rend des comptes non pas aux actionnaires, mais – on me pardonnera le terme – aux citoyens, aux citoyennes, aux électeurs, aux électrices. Si le gouvernement se trouve inefficace dans sa mission, ça ne veut pas dire que les ministères n'ont pas leur raison d'être. Et si le gouvernement a jugé que 20 ministres libéraux, c'est en masse, puisque la population a une certaine lassitude de les voir, que peut-être, en en voyant moins, la population se tannerait moins vite, il reste que la mission du tourisme est à la fois culturelle, sociale et économique. Il y a des intervenants dont il faut tenir compte, les 21 000 entreprises qui sont dans le domaine touristique et qui emploient 300 000 personnes, certes, mais dans le tourisme, M. le Président, il y a aussi des touristes. Que serait le tourisme sans les touristes? Rien.

Or, dans le projet de loi, on ne nomme, d'aucune manière, au conseil d'administration des personnes qui pourraient représenter les consommateurs, les usagers, les intéressés par l'industrie touristique ou même, M. le Président, j'ose le dire, des gens qui travaillent dans le milieu touristique. D'après ce que nous dit le mémoire du ministre au Conseil des ministres, il y en aurait juste 300 000. Il faudrait peut-être en tenir compte. Ça vaudrait peut-être la peine de faire en sorte que, dans le projet de loi, on reconnaisse qu'ils étaient là et qu'ils connaissent peut-être l'industrie pour laquelle ils travaillent. Alors, dans ce sens-là, M. le Président, on voit vraiment que, le locataire actuel du bunker, ses affidés font comme si, avant de partir, il fallait repeinturer la maison à la grandeur aux couleurs qui conviennent: plus de rouge, plus de copains, possiblement. En tout cas, l'industrie s'en inquiète, parce qu'elle doit lire ce qui se passe dans d'autres secteurs de l'activité gouvernementale.

Donc, M. le Président, encore une fois, on arrive devant cette Chambre avec un projet de loi pour abolir un ministère qui n'a presque plus de ministre parce que le premier ministre a usé de son pouvoir discrétionnaire de former le cabinet qu'il voulait avec le nombre de ministres qu'il voulait. Par exemple, quand il a décidé qu'il n'y en aurait plus qu'un à Québec, il n'y a personne qui a dit: Ce n'est pas son privilège. Ça ne veut pas dire qu'il faut abolir la ville de Québec parce qu'il ne reste qu'un ministre à Québec. Ça ne veut pas dire, parce qu'il n'y a plus de ministre du Tourisme, qu'il faut abolir le ministère du Tourisme.

Et cette société voit le jour sous de bien mauvais augures, parce que voilà un gouvernement en fin de mandat, qui n'a plus le mandat de faire ça, qui n'en avait jamais parlé avant, qui, dans sa politique de tourisme de 1992, n'en parlait pas et qui, dans le fond, s'arroge le droit de dire, M. le Président, puis je l'ai entendu en commission parlementaire encore récemment: Le nouveau gouvernement a l'intention de... Bien non! Il n'y a pas de nouveau gouvernement. C'est le même vieux qui est là depuis près de cinq ans et qui s'incruste au pouvoir. Alors, c'est le nouveau premier ministre non élu d'un gouvernement pas élu qui nous propose, avant de partir, de faire de ses choix ministériels des projets de loi qui, advenant – on le «sait-u»? – un changement de gouvernement, vont faire l'objet, encore une fois, d'une autre législation.

Or, M. le Président, je termine là-dessus, on n'est pas... Non, mais, M. le Président, les ministériels endureront bien un peu. Il y a 7 000 000 de Québécois qui les endurent depuis maintenant près de cinq ans. Ils devraient reconnaître qu'un député a le droit de dire que nous ne sommes pas un Parlement-école chargé de chambarder la structure qui ne convenait pas au nouveau premier ministre, qui n'a jamais été élu, et que ce projet de loi là n'a pas notre accord parce que ça consiste, avant de partir, croyons-nous... il y a un risque sérieux qu'on applique la chanson libérale, les copains d'abord.

Le Vice-Président (M. Tremblay): Bien, M. le député. Alors, comme il n'y a pas d'autre intervenant... Est-ce qu'il y a d'autres intervenants? M. le député de Lévis? Alors, je vais vous entendre, M. le député de Lévis.


M. Jean Garon

M. Garon: M. le Président, quand j'ai vu le projet de loi 23 sur la Société du tourisme du Québec, j'ai essayé de comprendre l'orientation du gouvernement et je vais vous dire que j'ai trouvé ça difficile, d'autant plus que, après avoir entendu le discours sur le budget, je ne comprends pas le jeu de chaises musicales qu'on fait avec les sociétés d'État ou les sociétés à caractère public, si ce n'est une justification que j'ai vue, de peut-être essayer de rendre des budgets non dépendants du gouvernement. Parce que le seul avantage que je peux y voir pour le gouvernement, c'est que des ministres n'aient plus à répondre des budgets qui étaient dans des ministères et qui, une fois dans les sociétés d'État ou des corporations publiques, deviendront de l'extra, deviendront de l'extrabudgétaire ou du parabudgétaire, et ils n'auront plus à répondre de ces budgets devant l'Assemblée nationale ou devant les commissions parlementaires ou lors de l'étude des engagements financiers, de sorte que, quand on apprendra que ça va mal, la bouchée sera grosse. Pourquoi? Parce qu'il n'y aura pas eu de contrôle parlementaire.

(21 h 50)

On remarquera, M. le Président, qu'au cours des dernières années – on le voit avec tout ce qui sort actuellement, des contrats d'Hydro-Québec, des contrats des différentes sociétés – on se rend compte que, où le gouvernement semble avoir perdu le plus le contrôle, c'est dans les sociétés publiques, qui n'ont pas à répondre devant le Parlement. Parce que le Parlement étudie des budgets, surveille chacun des engagements financiers, chacun des engagements financiers, M. le Président, et demande des comptes au ministre. Quand l'argent public est rendu dans des sociétés d'État, le ministre dit: Je n'ai pas à répondre, la Société est autonome. Sauf que celui qui paie, c'est le même citoyen qui est écoeuré de payer, et il veut justement qu'on demande des comptes. Qui aurait pensé, à un moment donné, que, dans les directions des universités, devant ces cénacles du savoir où on a l'impression que les beaux esprits se promènent sans aucun besoin matériel, l'appât du gain est plus développé qu'on le pensait? Que l'esprit a un corps et que ce corps n'est pas insensible aux prêts considérables, sans intérêt, pour acquérir des résidences de prestige ou, encore, pour obtenir une limousine en quittant le rectorat? On part avec la limousine, l'automobile qu'on a changée trois mois avant ou quelques mois auparavant ou, encore, on part avec l'action du club social qui est évaluée à 30 000 $. Mais qu'est-ce qu'on peut dire? Le ministre de l'Éducation dit: loin de moi, Seigneur, cette oeuvre pie! Je ne peux répondre, elle est autonome. Pourtant, celui qui paie pour ces abus, M. le Président, c'est le même citoyen. Et, je regrette, dans mon esprit, s'il y a une chose qui doit être changée dans notre règlement, c'est que toutes les sociétés qui reçoivent des fonds publics devraient avoir à répondre devant le Parlement, devant les élus qui sont responsables des taxes qui sont payées.

M. le Président, combien de fois, même en cette Chambre, lorsque le député de Lac-Saint-Jean a posé des questions au ministre de l'Éducation concernant les rémunérations des recteurs, le ministre de l'Éducation n'a pas voulu: Je respecte l'autonomie. Mais en quoi le contribuable est autonome, lui, quand il doit payer un surplus de taxes, parce que, là aussi, de l'argent se gaspille? On veut faire des corporations publiques, pourquoi? Pour ne pas que des organismes aient à répondre des fonds publics devant le Parlement. C'est la seule justification que j'y vois, M. le Président. Autrement, en quoi les gens qui sont dans des sociétés d'État sont plus efficaces que dans des ministères?

Si la société a un caractère commercial, évidemment, on peut pouvoir le faire pour isoler des coûts et voir ce que ça rapporte par rapport à ce que ça coûte pour avoir un plus grand souci d'efficacité. Mais là il y a des comptes à rendre également. Quand je regarde, par exemple, dans le dernier discours du budget, M. le Président, je remarque qu'on veut vendre... le gouvernement fédéral veut vendre des éléments d'actifs du groupe SGF.

Une voix: Le gouvernement provincial.

M. Garon: Le gouvernement du Québec, le gouvernement libéral veut vendre le groupe SGF, des éléments d'actifs, REXFOR, la Société des alcools, la Société immobilière du Québec, SOQUIP, différentes entreprises dans lesquelles il est partenaire: SOQUIP, SOQUEM, SOQUIA. Je regarde toute la liste qu'il y a dans SOQUIA, M. le Président, que je connais plus particulièrement. Quand on a formé, par exemple, une société indépendante pour le Centre de distribution des médicaments vétérinaires, que le gouvernement veut vendre... Attention! pourquoi ça a été formé? Essentiellement parce que ce service, qui était au ministère de l'Agriculture, on l'a mis dans une société d'État pour identifier ce que ça coûtait vraiment pour que les revenus compensent les coûts mais, essentiellement, pour rentabiliser un service qui était nécessaire, qui est absolument nécessaire. Qu'on ne pense pas qu'on ne réussira pas à vendre; on va réussir à vendre ça demain matin. Mais l'objectif, qui était de rendre un service à tous ceux qui avaient besoin de médicaments vétérinaires...

Une voix: Ça ne veut pas dire qu'il va être là, le service.

M. Garon: ...bien, ça ne veut pas dire que le service va être là pour les mêmes fins. Il y avait des fins, il y avait des objectifs visés par la formation de cette corporation publique.

La même chose pour le Centre d'insémination artificielle. Moi, je suis persuadé qu'on va pouvoir vendre ça demain matin, mais je ne suis pas persuadé qu'il va rester longtemps au Québec, par exemple. Et les objectifs qui ont été visés, qui ont fait que, dans le domaine de l'insémination artificielle, le Québec est numéro 1, dans les premiers pays dans le monde... À ce point de vue, M. le Président, il y avait des objectifs qui ont été bien visés et, en plus, sous le gouvernement précédent, on a rentabilisé l'opération qui n'avait jamais été rentable auparavant. Malgré qu'il y a eu plusieurs années de régime de l'Union Nationale et du Parti libéral, c'est le gouvernement du Parti québécois qui avait rendu cette société rentable. Mais il n'a pas pensé s'en départir, parce qu'il y a un service que la société rend et qui est encore nécessaire.

Je regarde dans les différentes sociétés. Le gouvernement veut se débarrasser d'un paquet de sociétés.

Une voix: Et en créer une autre.

M. Garon: Puis là, en même temps qu'il veut s'en débarrasser, il veut en créer d'autres. Où est la logique? Où est la logique, M. le Président? On a l'impression d'être dans une mode, tu sais. On dit: Ils font ça ailleurs. Ah oui! Et puis? Je me rappelle à un moment donné, M. le Président, il était un temps où il y avait des modes aussi, hein. Tout le monde s'habillait pareil en même temps. Puis, à un moment donné, les gens ont décidé d'être plus libres puis ont décidé de s'habiller comme ils voulaient, en même temps. La mode a cessé de jouer le rôle qu'elle jouait à un certain temps, ce qui faisait que les gens, au fond, ils gaspillaient de l'argent pour suivre la mode.

Aujourd'hui, on voit que le gouvernement, lui, il cède à cette tentation de suivre la mode. À un moment donné, c'était le guichet unique. Ça, c'était devenu la religion universelle, le guichet unique, comme si, quand il y a deux ou trois portes, on pouvait se tromper de porte. Ça me fait penser quand, il y a plusieurs années, j'avais demandé une salle paroissiale dans le comté de Kamouraska, et celui qui était responsable de la salle paroissiale m'avait dit: Je vais vous la prêter, la salle, mais je trouve ça bien fatigant de voir qu'il y a plusieurs partis politiques en même temps. Il disait ça: Les gens sont mêlés; ça serait mieux si les partis existaient chacun leur tour; là, on ne pourrait pas se tromper, rien qu'une idée à la fois. C'était un peu simpliste, hein, simpliste comme le guichet unique, simpliste comme la privatisation comme religion, puis simpliste comme la nationalisation comme religion, alors qu'au fond les différents appareils peuvent être utiles de différentes façons.

Il me semble qu'au Québec on a beaucoup de misère, beaucoup de difficultés avec la concurrence. Je regarde le ministre de l'Éducation; il continue, dans la région de Québec, à investir dans une université. Comprenez-vous? Nous autres, on en a une. 40 000 $. À Montréal, ils en ont quatre de 40 000 $. À Boston... Je vois le ministre de l'Industrie et du Commerce, qui a étudié à Boston. J'ai fait faire la liste des universités actuellement. Savez-vous, il pourrait en parler, de ça, à son ministre de l'Éducation, il y a à peu près la même population que la région de Montréal, 3 500 000; mettons, étendons les frontières de Montréal, jusqu'à 3 500 000. Dans la région de Montréal, quatre universités, 40 000 $. À Québec, 1 000 000 de population, une université, autour de 40 000 $. À Boston, 3 500 000 de population, 7l universités. Moyenne par université, 3750 étudiants et quelques. Sauf qu'on ne considère pas l'étudiant à former comme un produit. On considère qu'à 3000, ou à 4000, ou à 5000, c'est correct, puis c'est ça qu'on veut former. La plus grosse, Harvard, n'a même pas 15 000 étudiants; MIT, quelques milliers d'étudiants. Mais, nous autres, on a de la difficulté dans la concurrence. Dans le monde d'aujourd'hui et dans le monde de demain, on dit: On veut toujours, à un moment donné, uniformiser, centraliser, guichet unique, privatisation de tout le monde. Puis on change, on est comme un pendule qui «swingne».

M. le Président, il me semble que, dans le monde moderne dans lequel on vit, les objectifs doivent être différents, selon qu'on est dans tel ou tel genre d'entreprise, et que tout ça peut exister en même temps. Ici, on veut former une société du tourisme du Québec. Imaginez-vous, M. le Président. Puis, quand vous regardez ça, vous avez du plaisir à regarder des paquets de voeux pieux, comme si, parce que c'est une société du tourisme, parce que c'est une corporation, comme le Conseil des arts, ou quelque chose comme ça, on va être meilleurs d'un coup sec, comme si les débats vont cesser. Écoutez bien. La Société a pour objet de développer et de soutenir l'industrie touristique du Québec. C'est la même affaire que le ministère, c'est ça que le ministère faisait, avec des slogans des fois curieux. Je me rappelle, quand il a fait une publicité aux États-Unis, il disait: «It's warmer in the North!» Qu'est-ce que vous voulez dire? Il me semble qu'il ne fait pas plus chaud dans le Nord. Il a dit: Non, je veux dire que c'est plus chaleureux. J'ai dit: Une chance que vous l'expliquez, parce que ce n'est pas évident quand vous ne l'expliquez pas. Évidemment, avec des slogans comme ça, le tourisme ne fonctionne pas trop, trop.

Mais on dit quoi, au fond, M. le Président? À cette fin, la Société identifie les besoins en développement touristique – ça a l'air bien nouveau, mais c'est ça que le ministère faisait – définit et met en oeuvre des orientations, des plans d'action et des stratégies d'intervention et établit et gère des programmes. Des programmes, c'est ça que le ministère faisait.

Le Vice-Président (M. Tremblay): M. le député, compte tenu de l'heure, je dois ajourner le débat et je dois tenir un débat de fin de séance. Alors, vous reprendrez votre propos à une autre séance, à une séance ultérieure.

(22 heures)

M. Garon: Ça va.


Débats de fin de séance


Engagement de M. Royal Grenier à la SOPFEU

Le Vice-Président (M. Tremblay): Alors, comme un débat de fin de séance a été demandé, d'une part, entre le député de Laviolette et le ministre des Ressources naturelles, sur une question concernant l'engagement de M. Royal Grenier par la SOPFEU, vous me permettrez d'arbitrer ce débat de fin de séance. Je rappelle aux intervenants l'article 310: «Le député qui a soulevé le débat et le ministre qui lui répond ont chacun un temps de parole de cinq minutes. Le député a droit à une réplique de deux minutes.» Alors, je suis prêt à reconnaître un premier intervenant, M. le député de Laviolette. M. le député, pour cinq minutes.


M. Jean-Pierre Jolivet

M. Jolivet: Merci, M. le Président. On dit toujours: Remettez 100 fois sur le métier et vous aurez la chance d'avoir une réponse. C'est la troisième occasion que j'ai ce soir de questionner le ministre sur une chose qui m'apparaît un peu drôle. Alors, M. le Président, en commission parlementaire, j'avais demandé au ministre: Qu'est-ce qui est arrivé avec la mise en place de la Société de protection des forêts contre le feu? Et la réponse qu'on m'avait donnée, à cette époque-là, était: Vous aurez plus tard, M. le député, des informations sur les honoraires, les émoluments, les contrats qu'a pu obtenir Royal Grenier, soit de lui-même, comme individu, ou par sa société de gestion, soit par la Société de protection contre les feux de forêt, soit par la société REXFOR, soit par le ministère des Forêts. Je n'ai eu aucune réponse et le ministre me disait, cet après-midi: Écoutez, M. le député, j'ai demandé la diligence à mes employés du cabinet. Je leur avais dit de vous envoyer ça avant de l'envoyer aux journalistes, mais, finalement, ça a sorti dans le journal aujourd'hui.

Là, on fait une comparaison avec une autre entreprise qui est la SOPFIM, Société de protection des forêts contre les insectes et les maladies. Et là, on dit: Écoutez, SOPFEU, c'était l'ancienne société de conservation et, à côté de ça, il y a une autre organisation, qui est nouvelle, qui est la SOPFIM. Puis là, on dit: Ce n'est pas la même chose; l'une, c'est la transformation de la Société de conservation vers SOPFEU, et l'autre – pour les insectes et les maladies – c'est une nouvelle entreprise. Sauf que, dans les deux cas, M. le Président, c'est la même chose. C'est la même forme d'organigramme, c'est un organisme paragouvernemental que l'État décide par loi et oblige les entreprises à y participer à 50-50. Lui, le gouvernement, investit de l'argent, et, à côté de ça, au niveau des entreprises, il paie l'autre partie.

Dans un cas – et là, je reviens à SOPFEU – une personne est engagée; elle reçoit, d'après les renseignements que nous avons – et c'est pour ça que nous avons posé des questions – de l'argent, une forme de salaire, qui est donné soit sous forme d'honoraires, soit sous forme d'émoluments ou même par la bande, par des contrats à son entreprise ou à elle-même. Et là le ministre n'a aucune réponse à nous donner autrement que de nous dire: Bien, écoutez, M. le député, qu'est-ce que vous voulez que je vous dise? J'irai par mes représentants au conseil d'administration et je poserai les questions. Je regarde ce que l'on dit dans le journal et c'est ce que le journaliste nous rapporte. Son attaché de presse nous indique: Le ministre des Ressources naturelles demandera que les choses soient régularisées. Si elles doivent être régularisées, c'est qu'elles sont irrégulières. Et, si elles sont irrégulières, c'est, pour moi, l'impression qu'on cache quelque chose. Elle fait valoir que les administrateurs ont toujours agi de bonne foi et que les apparences sont trompeuses. Puis elle dit ensuite: Même pour la situation du président, qui apparaît comme consultant de l'entreprise dont il est lui-même le président nommé par les gens – ce qui est abominable, M. le Président – il semble y avoir anguille sous roche. Mais non! Et on peut dire qu'on a fouillé le sujet.

Donc, suite aux questions que j'avais posées, il est évident qu'on s'est posé des questions, au ministère, et il est évident qu'on n'a pas de réponses encore à me donner. Puis là on essaie de me dire: Écoutez, ce n'est pas pareil, on n'est pas responsables. Voyons, M. le Président! Le gouvernement paie la moitié de la facture. S'il paie la moitié de la facture, M. le Président, il doit avoir quelque chose à dire. Puis, s'il paie, c'est chacun de nous autres, les citoyens du Québec, qui payons à quelqu'un qui fait partie de la «family compact». La «family compact», M. le Président, je vous le dis, c'est le groupe où M. Albert Côté a travaillé, la firme Darveau, Grenier, Routhier, et c'est donc Royal Grenier puis Robert Darveau. Royal Grenier a eu sa récompense en étant nommé avec des montants d'argent qui sont payés par la Société, de façon, à mon avis, pas correcte. Puis, Darveau, il avait été nommé président du conseil d'administration de REXFOR, M. le Président. Vous voyez le «family compact» qu'on a, là? J'aurai l'occasion de revenir quand le ministre sera présent pour me répondre.

M. Doyon: Question de règlement, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Tremblay): M. le leader adjoint.

M. Doyon: Merci. En vertu de nos règlements, le député sait très bien qu'on ne peut pas souligner l'absence de qui que ce soit. D'ailleurs, le ministre est ici, prêt à répondre, comme d'habitude.

Le Vice-Président (M. Tremblay): Très bien. Alors, je vais maintenant entendre M. le ministre pour cinq minutes. M. le ministre, vous avez cinq minutes.


M. Christos Sirros

M. Sirros: Il n'y a aucune absence, M. le Président. Au contraire, j'attendais très attentivement... J'écoutais, plutôt, très attentivement le député de Laviolette, qui, comme d'habitude, disait des choses qui ne tiennent pas debout. Si le député, véritablement, a quelque chose de sérieux à mettre devant l'Assemblée nationale, qu'il le fasse, qu'il se calme et qu'il dise les choses comme elles sont.

Première chose...

M. Parent: M. le Président.

Le Vice-Président (M. Tremblay): M. le député de Bertrand. Non. Un moment. Un moment s'il vous plaît! Il n'y a pas de question de règlement au niveau de débats de fin de séance. Je m'excuse. Les règles sont déjà établies, M. le député de Portneuf. Très bien, M. le ministre, vous avez votre temps de réplique.

M. Sirros: Je commencerais, je recommencerais plutôt, M. le Président, en remettant les choses comme elles sont. Le député parlait de la question qu'il avait posée à la commission parlementaire puis il affirmait des choses qu'il n'avait pas posées comme questions à la commission parlementaire. Je vais lire textuellement la question qu'il posait à la commission: «Quel est le montant alloué à M. Royal Grenier ou à sa compagnie de gestion à titre de président de la société de gestion contre le feu?» – point. Il n'avait jamais parlé d'autre chose, ni de REXFOR, ni du ministère des Forêts. Ce sont des inventions qu'il a tout d'un coup trouvées aujourd'hui, M. le Président.

J'aimerais, si vous le permettez, déposer la réponse complète à cette question, pour laquelle, d'ailleurs, j'avais indiqué au député que, si ça se retrouvait dans les journaux, c'était tout simplement par, peut-être, un manquement dans la transmission des choses parce que j'avais pris l'engagement de fournir l'information au député; je regrette que ça n'ait pas été fait. L'information a effectivement été dans les journaux. Officiellement, si vous le permettez, M. le Président, je le déposerais.


Documents déposés

Le Vice-Président (M. Tremblay): Est-ce qu'il y a consentement pour le dépôt des documents? Il y a consentement? Très bien.

M. Sirros: M. le Président, par la suite, et le député le verra, il y a effectivement eu recours, entre la transition depuis les sociétés de gestion jusqu'à la mise sur pied de SOPFEU, de la part des sociétés de gestion, à une firme de consultants, Royal Grenier et Associés qui, effectivement, a fourni les services de M. Royal Grenier. Et les montants que vous avez là ont été payés – qui ont été marqués dans le journal, aujourd'hui – 72 000 $ à peu près pour les heures qui conviennent, au taux de 65 $. J'aimerais ça, avant que le député affirme que ce n'est pas correct, qu'il nous indique exactement ce qui n'est pas correct. Il a un droit de réplique de deux minutes, qu'il le fasse.

Deuxièmement, M. le Président, le député exagère drôlement quand il affirme, avec l'air qu'on lui connaît, que SOPFIM et SOPFEU sont exactement la même chose. Je veux tout simplement relever quelques différences entre les deux sociétés pour indiquer la nature de l'exagération du député, pour démontrer, M. le Président, que, pour une société, SOPFEU, il est tout à fait normal qu'il puisse y avoir du personnel qui est payé à titre de président ou de consultant dans le cas de sa création. Ce n'est pas la même chose pour la SOPFIM. Les différences: SOPFEU, un budget d'opération de 34 000 000 $ par année; SOPFIM, 1 300 000 $. Des employés prévus, permanents: 165 à la SOPFEU; 16 à la SOPFIM. Ce n'est rien, dit le député. Il y a quand même des différences fondamentales par rapport aux coûts de fonctionnement. À l'administration: 260 employés temporaires à la SOPFEU; 20 à la SOPFIM. M. le Président, la SOPFEU est le résultat de la réorganisation rationnelle correcte, pour être mieux équipés pour faire face aux feux de forêts, qui a été entreprise il y a maintenant à peu près un an. On est passé de sept sociétés de gestion à une société qui s'appelle SOPFEU. Vous m'indiquez qu'il ne reste qu'une minute.

Dernier point important à souligner pour clarifier les choses, SOPFEU n'est pas une société d'État. SOPFEU est une société par laquelle le gouvernement achète des services. Il y a cinq membres, sur un conseil d'administration de 20, qui représentent le gouvernement. Il y a les industries, les propriétaires de boisés privés qui forment le conseil d'administration. Ces gens ont choisi M. Royal Grenier comme la meilleure personne pour être consultant. Depuis que la SOPFEU existe, au mois de mars, le même conseil d'administration d'une compagnie, qui n'est pas une société d'État, a décidé unanimement que c'est la personne qu'il prenait. Ce que j'ai dit, c'est que si, avant, c'était régulier qu'un consultant puisse être engagé pour aider à la création d'une société, à partir du moment où la SOPFEU existe, il serait normal que le conseil d'administration paie son président directement. C'est ce que j'ai indiqué, que j'aviserai nos représentants de soulever cette question à la prochaine réunion du conseil d'administration d'une compagnie, non société d'État, privée, pour que les membres décident comment procéder, M. le Président.

(22 h 10)

Le Vice-Président (M. Tremblay): Bien, M. le ministre. M. le député de Laviolette, vous avez un temps de réplique de deux minutes.


M. Jean-Pierre Jolivet (réplique)

M. Jolivet: M. le Président, je lis, à R-439, page 1: «J'aimerais savoir si, dans l'organisme SOPFEU, il y a des gens qui ont eu des contrats, des honoraires, des émoluments venant soit du ministère des Forêts, soit de SOPFEU ou soit de REXFOR.» C'est exactement la question que j'ai posée. Je n'ai jamais eu de réponse à ça, M. le Président. Puis la réponse que j'ai ce soir, c'est simplement en regard de SOPFEU. Puis quand le ministre nous dit que c'est parce que les budgets sont différents, ce n'est pas pareil, ce n'est pas vrai. Les deux organismes, M. le Président, ont été fondés à partir de la Société de conservation de l'époque, et le ministère avait des responsabilités contre les insectes et les maladies et, d'autre part, contre les feux. Dans ce contexte-là, on a créé des organismes. Et les gens, même à l'intérieur de SOPFEU, ont demandé – j'ai posé la question au ministre, je n'ai pas eu de réponse encore – à ce qu'il y ait une enquête à l'intérieur de SOPFEU sur l'administration de SOPFEU, au niveau des CL-215, M. le Président. Et ça, je pense que le ministre n'a pas répondu à ma question. Et c'est toujours le même président qui est là, M. le Président, et qui fait partie de la «family Compact», Darveau, Grenier, Routhier, dont M. Darveau a été le président de REXFOR, et Royal Grenier nommé par le ministre Albert Côté, avec les pressions qu'il a faites, pour qu'il soit nommé à la compagnie dont il fait mention, M. le Président. Mais quand on a mis en place l'ensemble, il y a quand même une question: Comment se fait-il qu'une personne qui est le président d'un organisme reçoive, en plus, des montants d'argent comme consultant? Moi, je n'ai jamais vu ça, M. le Président. On a le droit de se poser des questions et on a le droit d'avoir les réponses. Et, à ce moment-ci, je ne pense pas avoir eu les réponses convenables.

Le Vice-Président (M. Tremblay): Bien, M. le député. Bien, M. le député. Ceci met fin à notre débat de fin de séance et, compte tenu de l'heure, les travaux sont ajournés au 1er juin...

M. Sirros: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Tremblay): ...à 10 heures. Je m'excuse, M. le ministre.

M. Jolivet: Ce sera pour une autre fois.

(Fin de la séance à 22 h 13)


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