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Version finale

35e législature, 1re session
(29 novembre 1994 au 13 mars 1996)

Le jeudi 8 décembre 1994 - Vol. 34 N° 8

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Table des matières

Affaires courantes

Affaires du jour


Journal des débats


(Dix heures cinq minutes)

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

Nous allons observer quelques instants de recueillement.

Si vous voulez bien vous asseoir.


Affaires courantes

Nous allons procéder aux affaires courantes.

Il n'y a pas de déclarations ministérielles.


Présentation de projets de loi

Au titre de la présentation de projets de loi, M. le leader du gouvernement.

M. Chevrette: Oui, M. le Président. Je vous prierais d'appeler l'article a du feuilleton.


Projet de loi 46

Le Président: À l'article a du feuilleton, Mme la ministre de l'Emploi présente le projet de loi 46, Loi modifiant la Loi sur les relations du travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction et modifiant d'autres dispositions législatives. Mme la ministre de l'Emploi.


Mme Louise Harel

Mme Harel: M. le Président, ce projet de loi vise à modifier certains éléments du régime de négociation prévu à la Loi sur les relations du travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction.

Il modifie notamment la définition du secteur résidentiel et celle de la machinerie de production, élimine les règles afférentes au calcul de la représentativité sectorielle des associations de salariés représentatives, réaménage les rôles respectifs des diverses associations d'employeurs, modifie la date d'échéance des conventions collectives sectorielles et permet la conclusion d'ententes particulières pour la réalisation de projets de construction de grande importance.

Le projet de loi a également pour objet de modifier le champ d'application de la loi en y réintroduisant les travaux de construction de bâtiments réservés à l'habitation qui en étaient exclus depuis le 1er janvier 1994 tout en excluant certains travaux spécialisés relatifs à des bâtiments d'habitation et ceux relatifs à des biens culturels. Il modifie aussi, pour le secteur résidentiel, la norme réglementaire portant sur la proportion entre les nombres d'apprentis et de compagnons d'un même métier.

Il prévoit en outre l'ajout de certains pouvoirs à la Commission de la construction du Québec pour améliorer son financement, tenir compte de particularités régionales et favoriser l'accès et le maintien des femmes sur le marché du travail dans l'industrie de la construction. Il lui permet aussi d'ordonner la suspension de travaux de construction lorsque ceux-ci ne sont pas exécutés en conformité des lois et règlements.

Le projet de loi modifie par ailleurs les compétences respectives du Commissaire de la construction et du Conseil d'arbitrage, établit de nouvelles règles portant notamment sur la nomination, la rémunération et la durée du mandat du Commissaire et des commissaires adjoints et dote le Commissaire de nouveaux pouvoirs.

Il comporte aussi des dispositions de nature technique ainsi que des dispositions transitoires et finales visant notamment à assurer le respect des engagements du gouvernement dans le cadre d'ententes intergouvernementales auxquelles il est partie, à protéger les contrats conclus jusqu'à la date de sa présentation et à faciliter la qualification des travailleuses et travailleurs qui, en 1994, ont exécuté des travaux à l'extérieur du champ d'application de la loi. Merci, M. le Président.


Mise aux voix

Le Président: L'Assemblée accepte-t-elle d'être saisie de ce projet de loi? M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui. À ce stade-ci, est-ce que Mme la ministre de l'Emploi pourrait indiquer à cette Chambre s'il est de son intention d'entendre en commission parlementaire les représentants des parties patronale, syndicale et les représentants des consommateurs, entre autres?

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Chevrette: La ministre a effectivement rencontré les parties et, dépendamment de leur désir d'être entendues, on pourra y aller sur une consultation spécifique, là, comme on fait d'habitude, limitée, particulière.

Le Président: Alors, ce projet de loi est-il adopté? C'est-à-dire que je comprends que...

Des voix: ...

Le Président: C'est ça, c'est ça. Alors, je constate avec grand plaisir que l'Assemblée est attentive. M. le leader du gouvernement.

(10 h 10)

M. Chevrette: Oui, M. le Président. Veuillez appeler, s'il vous plaît, l'article b du feuilleton.


Projet de loi 48

Le Président: À l'article b du feuilleton, M. le ministre des Transports présente le projet de loi 48, Loi modifiant le Code de la sécurité routière. M. le ministre des Transports.


M. Jacques Léonard

M. Léonard: M. le Président, ce projet de loi a pour objet de modifier le Code de la sécurité routière afin de préciser le pouvoir des municipalités de prohiber, de façon permanente ou temporaire, la circulation des véhicules routiers sur leur territoire.


Mise aux voix

Le Président: Merci, M. le ministre. Est-ce que l'Assemblée accepte d'être saisie de ce projet de loi? Adopté?

Une voix: Adopté.


Dépôt de documents

Le Président: Nous en sommes au dépôt de documents. M. le ministre des Finances.


Message du lieutenant-gouverneur

M. Campeau: M. le Président, j'ai un message de Son Honneur le lieutenant-gouverneur du Québec, message signé de sa main.

Le Président: Si vous voulez bien vous lever.

Message de son honneur le lieutenant-gouverneur du Québec: «Le très honorable lieutenant-gouverneur de la province de Québec transmet à l'Assemblée nationale les crédits supplémentaires no 1 pour l'année financière se terminant le 31 mars 1995, conformément aux dispositions de l'article 54 de la Loi constitutionnelle de 1867, et recommande ces crédits à la considération de l'Assemblée.» Et c'est signé: Le très honorable Martial Asselin.

Si vous voulez bien vous asseoir. M. le ministre des Finances.


Dépôt des crédits supplémentaires no 1 pour l'année financière 1994-1995

M. Campeau: M. le Président, qu'il me soit permis de déposer les crédits supplémentaires no 1 pour l'exercice financier se terminant le 31 mars 1995.

Le Président: Alors, le document est déposé. M. le leader du gouvernement.


Renvoi à la commission plénière

M. Chevrette: Oui, M. le Président. Conformément à l'article 289 de notre règlement, je fais motion pour que l'étude de ces crédits supplémentaires soit déférée à la commission plénière.

Le Président: Est-ce que cette motion est adoptée?

M. Paradis: Adopté.

Le Président: Adopté. Toujours au titre des dépôts de documents, Mme la ministre de la Sécurité du revenu.


Rapport annuel de la Commission des affaires sociales

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport annuel 1993-1994 de la Commission des affaires sociales.

Le Président: Merci, Mme la ministre. Rapport annuel déposé. M. le ministre de la Justice et ministre responsable de l'application des lois professionnelles.


Rapport annuel du Commissaire aux plaintes des clients des distributeurs d'électricité et rapports annuels de l'Office des professions, de la Chambre des notaires, de la Corporation professionnelle des administrateurs agréés, de la Corporation professionnelle des comptables en management accrédités, de la Corporation professionnelle des comptables généraux licenciés, de la Corporation professionnelle des conseillers en relations industrielles, de la Corporation professionnelle des conseillers et conseillères d'orientation, de la Corporation professionnelle des diététistes et de la Corporation professionnelle des ergothérapeutes du Québec

M. Bégin: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport annuel 1993-1994 du Commissaire aux plaintes des clients des distributeurs d'électricité. J'ai également l'honneur de déposer le rapport annuel 1993-1994 de l'Office des professions du Québec. J'ai l'honneur de déposer, M. le Président, le rapport annuel 1993-1994 de la Chambre des notaires du Québec. M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport annuel 1993-1994 de la Corporation professionnelle des administrateurs agréés du Québec. J'ai également l'honneur de déposer le rapport annuel 1993-1994 de la Corporation professionnelle des comptables en management accrédités du Québec. M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport annuel 1993-1994 de la Corporation professionnelle des comptables généraux licenciés du Québec. J'ai l'honneur de déposer, M. le Président, le rapport annuel 1993-1994 de la Corporation professionnelle des conseillers en relations industrielles du Québec. M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport annuel 1993-1994 de la Corporation professionnelle des conseillers et conseillères d'orientation du Québec. J'ai également l'honneur de déposer le rapport annuel 1993-1994 de la Corporation professionnelle des diététistes du Québec. Enfin, M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport annuel 1993-1994 de la Corporation professionnelle des ergothérapeutes du Québec.

Le Président: Alors, ces documents sont déposés. Mme la ministre de la Culture et des Communications.


Rapports annuels du Conseil consultatif de la lecture et du livre, du Musée des beaux-arts de Montréal, de la Régie des télécommunications du Québec et de la Société de radiotélévision du Québec

Mme Dionne-Marsolais: Merci, M. le Président. J'ai l'honneur de déposer quatre rapports annuels: tout d'abord, le rapport annuel 1993-1994 du Conseil consultatif de la lecture et du livre; ensuite, le rapport annuel 1993-1994 du Musée des beaux-arts de Montréal; le rapport annuel 1993-1994 de la Régie des télécommunications du Québec; et le rapport annuel 1993-1994 de la Société de radiotélévision du Québec. Merci, M. le Président.

Le Président: Merci, Mme la ministre. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.


Rapport annuel de l'Office des personnes handicapées du Québec

M. Rochon: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport annuel 1993-1994 de l'Office des personnes handicapées du Québec. Merci.

Le Président: Merci, M. le ministre. Il n'y a pas de dépôt de rapports de commissions, pas de dépôt de pétitions, pas d'interventions portant sur une violation de droit ou de privilège ou sur un fait personnel.

Vous me permettrez, avant d'aller à la période de questions et réponses orales, de rappeler à l'ensemble de cette Chambre certaines des dispositions de notre règlement.

J'ai eu l'occasion de visionner le vidéo de la période de questions et réponses et il me semblerait opportun, à ce stade-ci, de rappeler au bénéfice de l'Assemblée les dispositions, d'abord, de l'article 32 de notre règlement en ce qui regarde le décorum, que «les députés doivent observer le règlement et contribuer au maintien du décorum de l'Assemblée. Ils occupent la place qui leur a été assignée par le président, y demeurent assis et gardent le silence à moins d'avoir obtenu la parole. Ils doivent – également – s'abstenir de tout ce qui peut nuire à l'expression d'autrui ou au bon fonctionnement de l'Assemblée».

J'attire également l'attention des membres de cette Assemblée sur certains extraits de l'article 35, en ce qui regarde les paroles interdites et les propos non parlementaires, pour nous rappeler que «le député qui a la parole ne peut – au 4e alinéa – s'adresser directement à un autre député; attaquer la conduite d'un député, si ce n'est par une motion mettant sa conduite en question; imputer des motifs indignes à un député ou refuser d'accepter sa parole; se servir d'un langage violent, injurieux ou blessant à l'adresse de qui que ce soit; employer un langage grossier ou irrespectueux envers l'Assemblée».

Enfin, en ce qui regarde, les articles 76 à 79 de notre règlement, je rappelle aux membres de cette Chambre, en ce qui regarde la forme des questions, que celles-ci «doivent être brèves. Un court préambule est permis pour les situer dans leur contexte»; que, en ce qui regarde l'article 77: «Les questions ne peuvent: 1° comporter ni expression d'opinion, ni argumentation; être fondées sur des suppositions; viser à obtenir un avis professionnel ou personnel; suggérer la réponse demandée; être formulées de manière à susciter un débat.»

À l'article 78, on se rappellera que: «Il est permis de poser une ou plusieurs questions complémentaires. Elles doivent être brèves, précises et sans préambule.»

Et, enfin, se rappeler également les dispositions de l'article 79 en ce qui regarde les réponses, à savoir: «La réponse à une question doit être brève, se limiter au point qu'elle touche et ne contenir ni expression d'opinion ni argumentation. Elle doit être formulée de manière à ne susciter aucun débat.»

Et j'invite les membres de cette Assemblée à ce qu'on revienne à l'esprit et à la lettre de cette période de nos travaux, ce sur quoi nous abordons la période de questions et réponses orales, et je reconnais à cet égard le chef de l'opposition officielle.


Questions et réponses orales


Le processus de consultation proposé en regard de la Loi sur la consultation populaire

M. Johnson: Oui, M. le Président. Ayant à l'esprit le rappel salutaire que vous venez de faire de nos règles qui, lorsqu'on les lit, s'avèrent passablement plus contraignantes que la pratique ne le laisserait soupçonner, je dirais et rappellerais à la Chambre qu'hier le premier ministre a présenté son processus de consultation comme étant la troisième application de la Loi sur la consultation populaire, la première étant en 1980, la deuxième en 1992.

Il réfère, par exemple, à l'article 7, où on parle de soumettre au peuple une question ou, alors, un projet de loi, et à l'article 10 où on indique que le projet de loi ne pourrait pas être sanctionné, dans ces circonstances, avant l'appel au peuple par voie de référendum. Le premier ministre a dit, ayant la loi en main, c'est la démarche, dit-il, que nous avons enclenchée.

(10 h 20)

Si c'est la démarche qui est prévue par la Loi sur la consultation populaire, est-ce que le premier ministre peut nous indiquer à quel article on parle d'un avant-projet de loi, à quel article on parle de 15 commissions itinérantes constituées comme le gouvernement entend les décréter, et est-ce que le Directeur général des élections a été avisé conformément à l'article 7 de la loi?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Parizeau: M. le Président, la Loi sur la consultation populaire indique comment, au moment où la consultation commence, ici, dans cette Chambre, elle doit être menée. Est-ce que ce sera une question ou si ce sera un projet de loi? Bon, disons que ce sera un projet de loi. La loi ne dit pas: Il vous est interdit de préparer le projet de loi. La loi ne dit pas, effectivement: Vous pouvez présenter un avant-projet de loi et là faire pas mal de consultations, et là, finalement, définir le projet de loi et le présenter devant l'Assemblée nationale. C'est une démarche qu'elle laisse, la loi, dans sa sagesse, au sens commun de ceux qui préparent ce processus référendaire.

Le Président: M. le chef de l'opposition.

M. Johnson: M. le Président, en constatant que le premier ministre contredit les propos qu'il tient depuis mardi, en laissant croire que la démarche qu'il a enclenchée est celle qui est prévue dans l'esprit de la Loi sur la consultation populaire, qu'il a enclenché une consultation au sens de la loi, est-ce que le premier ministre ne vient pas carrément d'avouer que son processus à lui n'est absolument pas conforme à l'esprit même de la Loi sur la consultation populaire?

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le premier ministre.

M. Parizeau: Non seulement il est conforme, il mène à ça. Un avant-projet de loi, comme son nom l'indique, précède habituellement un projet de loi. On présente un avant-projet de loi, on le discute, on le met au point, on en fait un projet de loi et on le soumet à l'Assemblée nationale. Je ne sais pas, vraiment, ce qu'il peut y avoir, dans tout ça, qui surprend, de quelque façon que ce soit, le chef de l'opposition.

Le Président: M. le chef de l'opposition.

M. Johnson: Si, comme le dit le premier ministre, le processus, son processus à lui, qu'il a déjà enclenché, est effectivement conforme à l'esprit de la Loi sur la consultation populaire, est-ce que le premier ministre pourrait nous indiquer s'il entend également se conformer à cette section de la loi qui traite du droit à l'information des citoyens?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Parizeau: C'est justement pour assurer ce droit du citoyen à l'information que l'on veut, à l'occasion de cette participation et de cette consultation, tout mettre sur la table, en discuter avec tous ceux qui ont les points de vue identiques ou différents ou opposés. Et je suis heureux, à cet égard, de voir qu'en dépit du boycott que fait planer le chef de l'opposition d'autres ont compris, dès hier, le sens de la démarche que nous avons amorcée.

Et je tiens ici à souligner et à exprimer mes remerciements à M. Michel Vennat, le président du Conseil pour l'unité canadienne, qui a indiqué que le Conseil pour l'unité canadienne – largement financé, comme on sait, par le gouvernement fédéral – va mettre toutes ses ressources à la disposition de ceux qui veulent défendre le Canada et qui viendront participer aux comités régionaux que nous avons annoncés. Je l'en félicite, et je souhaite la bienvenue aux initiatives de M. Vennat.

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.

M. Johnson: Dernière complémentaire sur ce sujet. Est-ce que le premier ministre conçoit que l'envoi de l'avant-projet de loi, qui est prévu dans sa démarche, est conforme à l'esprit de la Loi sur la consultation populaire?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Parizeau: L'envoi de l'avant-projet de loi, l'envoi d'analyses, de commentaires à ce sujet, l'envoi du projet de loi, une fois qu'il a été mis au point, oui, M. le Président, c'est comme ça qu'on tient le public informé. C'est de cette façon-là que, quand le jour du référendum arrive, les gens, effectivement, savent sur quoi ils vont voter. Nous sommes très fiers d'un processus comme celui-là, M. le Président.


Brochure relative à l'information de chaque option

Le Président: En question principale, M. le chef de l'opposition officielle.

M. Johnson: M. le Président, dans le chapitre VIII de la Loi sur la consultation populaire, à la section II, qui s'intitule Droit à l'information, l'article 26 prévoit l'envoi d'une brochure explicative où les deux camps peuvent exposer leur point de vue. Cette brochure doit assurer à chaque option un espace égal qui est fixé par le Directeur général des élections.

Dans le processus illégitime qu'envisage le premier ministre, est-ce que l'envoi qui est ainsi prévu fera place aux deux options? Est-ce que, conformément à l'article 26, la brochure assurera à chaque option un espace égal fixé par le Directeur général des élections?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Parizeau: Absolument, M. le Président. La loi prévoit qu'à un moment donné, quand la campagne référendaire...

Des voix: ...

Le Président: S'il vous plaît! Alors, j'invite les parlementaires à bien vouloir respecter le droit de parole de la personne que j'ai reconnue. M. le premier ministre, s'il vous plaît.

M. Parizeau: Dans les délais prévus par la loi, à l'intérieur de la campagne référendaire, un comité du oui et un comité du non doivent être constitués, et une brochure doit être envoyée à tous les électeurs comportant, à espace égal, la présentation et la thèse – comment dire? – les points de vue des deux côtés. Cela fait partie de nos lois. Évidemment qu'on va le respecter. Écoutez, on ne va quand même pas violer la loi référendaire, qu'est-ce que c'est que ça? Évidemment que ça va être respecté.

Mais, vous voyez, M. le Président, pour se rendre là, dans les mois qui précèdent ça... Souvenez-vous de Charlottetown, où le gouvernement qui voulait nous faire voter sur un document bien plus long que l'avant-projet de loi d'avant-hier, qui voulait nous faire voter sur un document, pendant toutes les semaines qui ont précédé la campagne référendaire, a refusé de le rendre public, a refusé de l'envoyer, ce document-là. Il a fallu que l'opposition, le comité du non envoie lui-même, à même ses propres fonds, le document dans chacun des foyers. Autrement, les gens n'auraient jamais été mis au courant de ce qu'il y avait dans ce document-là. Nous n'allons pas recommencer ça, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle, question complémentaire.

M. Johnson: Oui. Comme le premier ministre vient de nous indiquer qu'il entend se conformer complètement à l'esprit de même qu'à la lettre de la loi et qu'il prétend depuis mardi que l'envoi de l'avant-projet de loi dans tous les foyers du Québec est conforme à cet esprit de la loi, de quoi et comment, devrais-je dire, comment le premier ministre entend-il concrètement se conformer à l'esprit de la loi sinon en permettant aux tenants du fédéralisme de se joindre à cet envoi afin d'expliquer les conséquences de la séparation dans tous les foyers du Québec en même temps qu'il envoie son projet de loi? De quoi a-t-il peur? De quoi a-t-il peur?

Des voix: Bravo!

(10 h 30)

Le Président: S'il vous plaît, M. le premier ministre.

M. Parizeau: M. le Président, je retourne la proposition: De quoi a peur le chef de l'opposition qu'on envoie dans tous les foyers un avant-projet de loi de l'Assemblée nationale? Est-ce qu'il peut s'appuyer sur quelque article de loi que ce soit pour m'indiquer où c'est interdit? Pourquoi est-ce qu'il a peur qu'un avant-projet de loi comme ça soit diffusé à la population? Pourquoi pas? Non. Qu'est-ce qui empêche... Qu'est-ce qu'on viole comme article de loi, comme disposition réglementaire, en disant «c'est un avant-projet de loi très important»? On veut consulter la population là-dessus, alors on l'envoie dans tous les foyers. Où est-ce que c'est indiqué que c'est illégal de procéder comme ça?

Le Président: M. le député de Laurier-Dorion.


Nature des moyens employés dans la démarche de consultation

M. Sirros: En principale, M. le Président. Quand c'est rendu qu'il faut qu'on se défende sur les technicalités, c'est aller loin.

Pour décider du destin d'un pays ou d'un peuple – en principale – il y en a qui roulent les dés, il y en a qui les pipent. Hier et avant-hier, le premier ministre...

M. Chevrette: ...M. le Président.

Le Président: Si vous voulez vous asseoir, monsieur.

À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Laurier-Dorion, j'ai très bien rappelé, tout à l'heure, les dispositions de notre règlement. Je vous invite à la prudence, s'il vous plaît, et à compléter votre préambule brièvement et votre question.

M. Paradis: M. le Président, deux secondes.

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Je vous soumets très respectueusement, M. le Président, que le libellé de la question du député de Laurier-Dorion, tel qu'exprimé, respecte tous les articles, tous les alinéas et tous les sous-aliénas du règlement.

M. Chevrette: M. le Président...

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Chevrette: ...vous avez pris la peine, au début de cette Assemblée, de lire les articles 77 et 79. Je pense que vous aviez tout à fait raison de vous lever et de demander au député de poser sa question sans faire de procès d'intention, sans porter de jugement, sans provoquer de débat. C'est ça, le sens de la question, M. le Président. Et le leader de l'opposition, qui avait le ressort facile de ce côté-ci, se levait chaque fois; cette fois-ci, c'est vous qui l'avez fait. Vous avez fait un appel au décorum, au début de cette Assemblée; j'ose espérer que ça va être respecté de l'autre côté.

Le Président: À l'ordre! Alors, je rappelle donc la disposition de l'alinéa 6° de l'article 35 qui prévoit que «le député qui a la parole ne peut imputer des motifs indignes à un député ou refuser d'accepter sa parole», et ceci, même de façon indirecte. Quand on parle de «dés pipés», je vous invite donc, s'il vous plaît, à bien vouloir reformuler votre question ou votre commentaire.

M. Sirros: M. le Président, il y en a qui, dans le passé, ont décidé de rouler des dés; il y en a qui, aujourd'hui, décident de faire autre chose semblable.

M. le Président, si le premier ministre croit en la noblesse de son option comme, nous, on croit en la noblesse de la nôtre, pourquoi le premier ministre n'estime-t-il pas qu'une option noble mérite qu'on prenne des moyens nobles pour l'atteindre? Pourquoi il sent le besoin de recourir à des tricheries, M. le Président, pour soutenir...

Le Président: M. le député de Laurier-Dorion, je vous ai rappelé, de façon très explicite, les dispositions de notre règlement. Je vous ai invité à la prudence. Je vous demande de reformuler votre question, sinon je devrai vous rappeler à l'ordre une première fois.

M. Chevrette: Question de règlement.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Chevrette: M. le Président, nos règlements exigent qu'il retire ses paroles. Il n'y a pas de reformulation. Qu'il retire ses paroles. M. le Président, c'est très clair en vertu de nos règlements, c'est ce que vous devez demander au député de Laurier-Dorion.

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui, très brièvement, M. le Président. Je vous soumets respectueusement que ce mot n'a jamais été interdit par vos prédécesseurs dans cette Assemblée nationale et qu'il a même été utilisé, de façon répétée, par les gens de l'autre côté, à l'occasion de la publication d'un livre par l'attaché de presse du premier ministre.

Des voix: Ha, ha, ha!

Une voix: Bravo!

Le Président: S'il vous plaît! M. le député de Laurier-Dorion, je vous demande, s'il vous plaît, de bien vouloir reformuler votre question et de vous en tenir aux dispositions du règlement, sinon je devrai vous rappeler à l'ordre une première fois. M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Est-ce qu'on doit comprendre de votre décision, M. le Président, que vous ajoutez un nouveau mot, de votre propre initiative, qui a été utilisé souvent, accepté en cette Chambre par tous vos prédécesseurs et que, ce matin, vous vous levez et vous dites que ce mot-là ne sera plus jamais permis à l'Assemblée nationale du Québec? Est-ce que c'est ce que vous êtes en train de faire, M. le Président?

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle, il n'existe pas de catalogue concernant... Un instant, s'il vous plaît. Il n'existe pas de catalogue officiel des mots et j'en appelle à votre collaboration. Je pense que le sens commun doit nous guider dans nos délibérations et, sur ce, je prierais le député de Laurier-Dorion de bien vouloir s'exécuter.

M. Sirros: M. le Président, tout en vous indiquant que j'ai bien pris la peine de vérifier si je pouvais utiliser ce mot et les cinq autres synonymes – je ne sais pas si je peux les utiliser – je dirai tout simplement, M. le Président: Si on croit en la noblesse de ce qu'on veut faire, pourquoi on ne choisit pas des moyens nobles et on a recours à des contorsions intellectuelles très, très exagérées?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Parizeau: Des moyens aussi nobles, M. le Président, que de faire passer en cette Chambre, en 1991, une loi dont l'article 1 se lisait: «Le gouvernement du Québec tient un référendum sur la souveraineté du Québec entre le 8 juin et le 22 juin 1992 ou entre le 12 octobre et le 26 octobre 1992.» C'était noble. C'était noble. Et cela correspond, j'imagine, à ce que nos amis d'en face croyaient à ce moment, ils en ont fait un projet de loi. Finalement, ils n'ont pas appliqué leur loi. Nous présentons un avant-projet de loi qui, à des dates différentes, dit substantiellement la même chose. Je pense que c'est aussi noble. Mais, il y a une différence cependant, c'est qu'alors que nos amis d'en face n'ont jamais voulu appliquer leur loi, nous, on va l'appliquer, la nôtre.

Le Président: M. le député de Laurier-Dorion, pour une question complémentaire sans préambule, s'il vous plaît.

M. Sirros: Ne serait-il pas plus exact, M. le Président, pour ne pas dire honnête, de rappeler aussi que la loi 150, justement, accueillait les deux options et qu'on utilisait même le mot «souveraineté» pour que votre option soit incluse, et que ça, c'était une démarche noble, pas celle-ci?

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le premier ministre.

M. Parizeau: Elle ne manifestait pas, cette démarche, M. le Président – il ne faut pas réécrire l'histoire – deux points de vue opposés. Ce que ce texte de loi cherchait à faire, et c'est très clair... Je n'ai pas fini de lire l'article 1, je vais le terminer: «Le résultat du référendum a pour effet, s'il est favorable à la souveraineté, de proposer que le Québec acquière le statut d'État souverain un an, jour pour jour, à compter de la date de sa tenue.» Fin de l'article 1. Où est l'alternative, M. le Président? Où est l'alternative? De quoi parle-t-on? On parlait d'un référendum sur la souveraineté. Ils n'ont pas voulu appliquer le leur, nous allons appliquer, nous, les lois que nous allons passer. Ces lois, nous y croyons. Les lois qu'ils ont passées à cet effet, on s'est rendus compte par la suite qu'ils n'y croyaient pas. J'allais dire: Tant pis pour eux, M. le Président.

Le Président: M. le député de Châteauguay, pour une question principale.


Financement de la consultation

M. Fournier: M. le Président, à une question que je lui posais hier, le premier ministre en a profité pour discourir sur les règles qui nous gouvernent et où le pouvoir appartient à la majorité. Cette leçon sur le parlementarisme ne servait pas à instruire les nouveaux venus en cette Chambre sur les institutions, mais, bien au contraire, elle servait à faire diversion.

En effet, M. le Président, le premier ministre ne se rend-il pas compte que sa consultation, par sa nature, par ses objectifs, par son processus, ne connaît aucun précédent et qu'au contraire il ne s'agit pas d'une consultation sur un avant-projet de loi, mais qu'il s'agit, en fait, d'un moyen détourné de lancer la campagne du oui en contravention à la Loi sur la consultation populaire?

(10 h 40)

En conséquence, le premier ministre peut-il nous dire si le financement de cette opération partisane sera comptabilisé au camp du oui, tel que le requiert la Loi sur la consultation populaire?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Parizeau: Il n'y a pas de contravention, M. le Président. Il n'y a aucune contravention.

Des voix: ...

M. Parizeau: Mais non! Il n'y a pas de contravention. Qu'on me donne l'article ou le paragraphe où ce que nous faisons, à l'heure actuelle, est interdit. Il n'y a aucune contravention. Les mots ont un sens, hein? Il faut quand même respecter le sens des mots. Il n'y a pas de contravention.

D'autre part, quand est-ce qu'on comptabilise les dépenses du camp du oui et du non? Au début de la campagne référendaire proprement dite!

Des voix: Ah!

M. Parizeau: Mais oui! Au moment où le référendum, la campagne référendaire est déclenchée, après l'adoption de la question, après l'adoption...

Une voix: Un instant!

Le Président: S'il vous plaît! Alors, M. le premier ministre a la parole. J'aimerais, s'il vous plaît, qu'on s'en tienne aux dispositions du règlement. M. le premier ministre.

M. Parizeau: Bien. Et dans l'intervalle, M. le Président, dans l'intervalle, l'on prépare, par des consultations, des commissions, ce que sera la question ou ce que sera le projet de loi. Dans la loi de 1991 dont je parlais tout à l'heure, deux commissions étaient prévues, et on a consacré, à ces deux commissions-là, 6 000 000 $ de l'argent du Parlement. Bien, est-ce que ça a été comptabilisé dans le oui ou dans le non? Mais non, ça n'a pas été comptabilisé parce que la campagne référendaire n'avait pas commencé. Voilà! Eh bien, nous allons procéder exactement de la même façon, M. le Président.

Le Président: M. le député de Châteauguay, question complémentaire, sans préambule, s'il vous plaît.

M. Fournier: M. le Président, je rappellerai au premier ministre que les deux options étaient prévues et étudiées. Est-ce que...

Le Président: M. le député, s'il vous plaît, directement à votre question complémentaire.

M. Fournier: Oui, M. le Président. Est-ce que le premier ministre peut nous dire si, en conformité avec la Loi sur la consultation populaire, le camp du oui comptabilisera les sommes nécessaires à la mission de son ministre délégué à l'hypothétique restructuration, qui a déjà tiré ses conclusions des coûts du fédéralisme avant même d'entreprendre les études, indiquant ainsi que le gouvernement est déjà au service du camp du oui?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Parizeau: M. le Président, le gouvernement n'est pas au service du camp du oui.

Des voix: ...

M. Parizeau: Le oui, dans ce cas-là, c'est la position du gouvernement, et tout ça, M. le Président, le chef de l'opposition, au moment où il le devient, là, le 13 septembre, chef d'opposition, il a confirmé tout ça de façon tellement claire. Je voudrais relire une phrase que j'ai utilisée hier, à l'occasion d'une conférence de presse que le chef de l'opposition donnait, justement le lendemain des élections. Il disait: «Avec le résultat du vote, il y aura une grande dose de sagesse à faire valoir de la part de tout le monde.» On pourrait l'appliquer aujourd'hui. «Mais, clairement, les engagements de M. Parizeau étaient extrêmement clairs; il a toujours dit que, s'il détenait une majorité de sièges à l'Assemblée nationale, le système lui permettrait de faire absolument ce qui était inscrit dans son programme.» Oui, oui, je m'inspire du chef de l'opposition.

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle, pour une question complémentaire.

M. Johnson: À ce sujet, si le premier ministre persiste à dire que toute la démarche qu'il enclenche est conforme à l'esprit d'une loi, est-ce qu'il ne se rend pas compte que, par définition, il ne trouvera jamais d'article qui parle de légitimité, et qu'il va faire du juridisme et du légalisme sans objet, absolument sans objet, à chaque jour, ici?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Parizeau: Le fait est, M. le Président, que les lois sont importantes. Il faut les respecter. Mais, puisqu'on semble tellement intéressé à la comptabilisation des dépenses, le Conseil pour l'unité canadienne, il y a 30 employés permanents, et il s'engage déjà dans la campagne, et il annonce, là, qu'il va participer à toutes les commissions régionales. Bien! De quel côté est-ce qu'on veut qu'on comptabilise ça, M. le Président? Est-ce qu'ils veulent ça dans la comptabilité du non, qu'on commence à inscrire ça tout de suite? S'ils veulent, moi, je n'ai pas d'objection.

Le Président: M. le député de Bourassa, en question principale.


Participation aux commissions régionales

M. Charbonneau (Bourassa): M. le Président, ce qui m'a frappé le plus dans la soi-disant démarche astucieuse, mais surtout néo-étapiste, proposée par le premier ministre...

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! S'il vous plaît, à l'ordre! Alors, je vous rappelle que le député... À l'ordre, s'il vous plaît! Je vous rappelle que le député avait la parole, le député de Bourassa, et je l'invite à poursuivre, s'il vous plaît.

M. Charbonneau (Bourassa): Ce qui m'a frappé le plus dans cette démarche soi-disant astucieuse, mais, en réalité, néo-étapiste – on a vu l'explication de la démarche référendaire proposée par le premier ministre – ce qui m'a frappé le plus, M. le Président, c'est que le Parti québécois a décidé non pas de soumettre son option à la population, mais de soumettre la population à son option.

Des voix: Ha, ha, ha!

Des voix: Bravo!

M. Charbonneau (Bourassa): Nous avions déjà connu, M. le Président, la dictée Pivot; nous avons maintenant devant nous la dictée Parizeau.

Le Président: M. le député de Lévis. Alors, je vous rappelle encore une fois que le député qui a la parole est le seul à avoir la parole, et je vous prierais, en vertu de l'article 32, de bien vouloir respecter cette parole. Je vous inviterais à en arriver à votre question, s'il vous plaît.

M. Charbonneau (Bourassa): Le premier ministre a même décidé d'aller plus loin dans sa vaste tentative de révolution culturelle et de convoquer toute la population à un vaste exercice de composition collective à partir du dazibao que son gouvernement a entrepris de coller sur tous les murs du Québec depuis deux jours. M. le Président, ma question: Comment le premier ministre, notre camarade et grand timonier...

Des voix: Ha, ha, ha!

Une voix: Il se reconnaît; il rit.

Le Président: S'il vous plaît! S'il vous plaît, à l'ordre! À l'ordre! En terminant, votre question, s'il vous plaît.

M. Charbonneau (Bourassa): M. le Président, comment notre camarade, premier ministre et aspirant grand timonier, a-t-il pu penser un instant enrégimenter l'ensemble de la population dans sa grande marche vers un entonnoir dont il ne peut sortir qu'un produit dénaturé, soit une caution partisane à l'option péquiste de la séparation à tout prix?

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le premier ministre.

M. Parizeau: M. le Président, il faut, effectivement, répondre à notre camarade néolibéral...

Des voix: Ha, ha, ha!

(10 h 50)

M. Parizeau: ...mais en même temps, M. le Président, revenir un peu, enfin, à un certain sérieux. C'est assez important, ce dont nous discutons ce matin. Je suis, je dois dire, très, très heureux de voir qu'en l'espace, de quoi, de 24 heures, à cette demande de collaboration que j'ai adressée un peu partout on a commencé à recevoir passablement de réponses et de milieux très différents. Et on sent très bien que personne ne se sent forcé; encore une fois, personne n'est enrégimenté dans quoi que ce soit. Il y a des gens de tous les horizons qui commencent à dire: Oui, on va participer à ces commissions. On trouve que c'est intéressant, puis on trouve que ça porte sur quelque chose qui est tellement important pour l'avenir du Québec qu'on va y être.

Je voudrais vous en donner quelques exemples, simplement pour vous indiquer à quel point ça peut être très différent. Je vais commencer par un organisme que notre camarade connaît bien, la CEQ, évidemment...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Parizeau: ...qu'elle participerait. Mais...

Le Président: M. le premier ministre.

M. Parizeau: Mais l'organisme juif B'nai B'rith, qui s'est toujours beaucoup intéressé à ce qui se passait au Québec, vient d'annoncer qu'effectivement eux aussi vont activement collaborer. Et j'en suis ravi, je suis très intéressé que cet intérêt constant qu'ils ont apporté à la société québécoise se manifeste de façon très concrète ici. Des organismes aussi différents que la Fédération de l'âge d'or du Québec vient d'indiquer qu'effectivement ils vont participer à ces exercices qui vont se tenir un peu partout en région. Ça se comprend, ils ont des structures régionales... Je sais bien que le Conseil...

Le Président: S'il vous plaît, MM. les députés! M. le premier ministre.

M. Parizeau: Le Conseil pour l'unité canadienne – je faisais un peu des blagues tout à l'heure en y faisant allusion – comment dire, produit des études nombreuses, étoffées, articulées sur le Canada et il nous assure de sa collaboration. On commence à voir se manifester... Je sais bien que certains ont eu des réactions négatives. Par exemple, la direction du Conseil du patronat a dit: Moi, ça ne m'intéresse pas beaucoup. Mais on commence...

Le Président: Brièvement, M. le premier ministre.

M. Parizeau: Oui, je termine. Mais, par exemple, on voit le président de la Chambre de commerce Gaspésie-les Îles qui vient de se prononcer en disant: Oui, évidemment, compte tenu de ce que nous sommes, on va y aller, très bien.

Alors, vous voyez, M. le Président, je conclus en disant simplement ceci: Quand on s'oriente vers quelque chose d'aussi important pour l'avenir d'une société, il faut que chacun prenne le temps de regarder toutes les facettes de cette question-là avant de se dire: Moi, je ne veux pas toucher à ça. Dans ce sens-là, je trouve que nos amis d'en face ont été un peu imprudents d'annoncer aussi vite que, collaborer à quelque chose d'aussi important que ça, nous, on n'y tient pas.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.


Déclaration du 25 novembre 1994 du premier ministre sur la conduite de la députée de Sherbrooke

M. Paradis: Oui, M. le Président. Ma question s'adresse au premier ministre et concerne l'affaire Malavoy. Lors de sa conférence de presse du 25 novembre 1994, portant sur l'affaire Malavoy, le premier ministre, après avoir fait travailler Me Yvon Martineau pendant deux jours pour trouver une façon de s'en sortir, fait la constation suivante, et je cite au texte: «Invariablement, je me trouvais placé devant ce problème, comment dire, de la rupture du lien de confiance». Fin de la citation.

Le premier ministre peut-il indiquer à cette Chambre si le lien de confiance a été rompu par le fait que la députée de Sherbrooke ait voté illégalement, commettant ainsi des manoeuvres électorales frauduleuses, ou plutôt par le fait que la députée de Sherbrooke, selon la version des faits du premier ministre, lui ait caché ces graves infractions à la Loi électorale jusqu'au 19 novembre 1994?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Parizeau: M. le Président, je ne vois pas d'utilité à commenter indéfiniment mes propres paroles, mes propres déclarations à l'égard de quelqu'un qui m'a dit: Quant à des accusations, ça viendra. J'ai dit: J'attends. J'attends toujours.

Le Président: Question de règlement?

M. Paradis: Oui, M. le Président. Vous aviez entrepris une lecture de notre règlement, tantôt. Vous n'aviez pas eu le temps de vous rendre, M. le Président, à l'article 82 de notre règlement qui indique sur quels critères un parlementaire peut refuser de répondre. Comme la réponse du premier ministre ne rencontre aucun de ces critères, je vous demande de le forcer à exercer ses responsabilités et à répondre aux questions qui lui sont adressées en cette Chambre comme premier ministre du Québec.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Chevrette: M. le Président, il faudrait que le leader de l'opposition lise l'article 81: «Aucun rappel au règlement ne peut être fondé sur l'opinion que la réponse à une question posée à un ministre est insatisfaisante.»

Le Président: Alors, je constate effectivement à l'article 81 le libellé tel que le leader du gouvernement l'a mentionné et, à l'article 82, que «Le ministre auquel une question est posée peut refuser d'y répondre, notamment:» et le «notamment» donne des exemples. Donc, ce n'est pas limitatif.

Ceci étant dit, j'inviterais les parlementaires au niveau, notamment, des réponses aux questions, à bien vouloir, s'il vous plaît, procéder plus brièvement.

Et je serais prêt à reconnaître maintenant en question complémentaire M. leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Je vais donc reprendre en principale la question principale, M. le Président. Ma question s'adresse au premier ministre et concerne l'affaire Malavoy.

Lors de sa conférence de presse du 25 novembre 1994, portant sur l'affaire Malavoy, le premier ministre, après avoir fait travailler Me Yvon Martineau pendant deux jours pour trouver une façon de s'en sortir, fait la constatation suivante, et je cite au texte: «Invariablement, je me trouvais placé devant ce problème de, comment dire, de la rupture du lien de confiance.» Fin de la citation.

Le premier ministre peut-il indiquer à cette Chambre si le lien de confiance a été rompu par le fait que la députée de Sherbrooke ait voté illégalement, commettant ainsi des manoeuvres électorales frauduleuses, ou plutôt par le fait que la...

Le Président: S'il vous plaît, M. le leader de l'opposition officielle, j'attire votre attention sur le 5e alinéa de l'article 35 et je vous invite à la prudence à l'effet qu'un député qui a la parole ne peut attaquer la conduite d'un député, si ce n'est par une motion mettant sa conduite en question. Je vous invite à la prudence, s'il vous plaît.

M. Paradis: M. le Président, je constate que vous avez raison.

M. Chevrette: Question de règlement, M. le Président.

Le Président: M. leader du gouvernement.

M. Chevrette: Oui.

Le Président: S'il vous plaît, sur une question de règlement.

M. Chevrette: Oui, M. le Président. Dans la question posée, M. le Président, il y a carrément une affirmation, et on n'a pas le droit d'affirmer des choses, d'autant plus que, dans les circonstances, le président et Directeur général des élections n'a procédé à rien. Le fait de le dire de son siège constitue une violation flagrante de l'article 35.

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: M. le Président, je vous soumets respectueusement que mon bon ami, le leader du gouvernement, aurait parfaitement raison s'il n'y avait pas des aveux au dossier.

Le Président: Alors, donc, je vous invite, M. le leader de l'opposition officielle, à la prudence, effectivement, et je vous inviterais à terminer votre question.

M. Paradis: Oui, je reprends donc la question sans reprendre le préambule, M. le Président.

(11 heures)

Le premier ministre peut-il indiquer à cette Chambre si le lien de confiance a été rompu par le fait que la députée de Sherbrooke ait, comme elle l'a admis, voté illégalement, commettant ainsi, comme le Directeur général des élections l'a constaté, des manoeuvres électorales frauduleuses, ou plutôt par le fait que la députée de Sherbrooke, selon la version des faits du premier ministre, lui ait caché ces graves infractions à la Loi électorale jusqu'au 19 novembre 1994?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Parizeau: Si, plutôt que de se servir de deux phrases tirées d'une conférence de presse, il citait – bien, ça a duré plusieurs minutes, ça – tout l'extrait, il se rendrait bien compte qu'effectivement, sur le plan juridique, il y avait prescription. Ce que le Directeur général des élections a indiqué lui-même: que des poursuites ne pouvaient pas être intentées parce qu'il y avait prescription. Ça laissait tout entier le problème politique, ce lien de confiance dont je parlais, et je m'en suis expliqué à cette conférence de presse.

Et, maintenant qu'on sort ces bouts de phrases comme des insinuations en cette Chambre, à un moment donné, j'ai dit: Écoutez, je vais cesser de faire l'exégèse de ce que j'ai dit. Manifestement, il y a quelqu'un qui veut m'accuser de quelque chose et qui a même dit: Ça viendra. Bon, bien, jusqu'à ce qu'il ait déposé ses accusations, moi, je ne vois pas pourquoi j'aurais à défendre contre lui et contre ses insinuations mon intégrité personnelle. S'il la met en cause, qu'il la mette en cause clairement.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle, la lettre, tout autant que l'esprit de notre règlement, est très claire. À l'article, donc, 35, on ne peut «attaquer la conduite d'un député, si ce n'est par une motion mettant sa conduite en question». Et je vous suggère que, conformément à notre pratique, on ne puisse le faire ni directement ni indirectement, attaquer la conduite d'un député, autrement que par une motion. Alors, je vous prierais, s'il vous plaît, de bien vouloir vous en tenir au règlement.

M. Paradis: M. le Président, je reprends donc ma question au premier ministre qui a refusé de répondre. Le premier ministre peut-il indiquer à cette Chambre – il peut, là, la réciter au complet, sa conférence de presse, ce n'est pas dedans, je l'ai lue et relue – si le lien de confiance a été rompu par le fait que la députée de Sherbrooke ait voté illégalement, comme elle l'a admis...

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle, je vous ai lu à deux reprises la disposition de l'article 35 en ce qui regarde l'alinéa 5° et je constate que vous répétez essentiellement, en deuxième complémentaire, la même question. À ce stade-ci, je serais prêt à entendre une autre question principale, à moins que vous ne reformuliez votre question.

M. Paradis: Je vais la reformuler, M. le Président. Le premier ministre peut-il indiquer à cette Chambre si le lien de confiance a été rompu par le fait que la députée de Sherbrooke ait voté sans être citoyenne canadienne ou plutôt par le fait que la députée de Sherbrooke, selon la version des faits du premier ministre, lui ait caché ces graves infractions à la Loi électorale jusqu'au 19 novembre 1994?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Parizeau: M. le Président, pourquoi est-ce que le leader n'indique pas que les votes illégaux ne concernent pas son élection à elle? On se comprend bien. C'est des votes antérieurs. C'est pour ça qu'on parle de prescription.

M. Chevrette: Voyons, voyons, la pie!

M. Parizeau: En somme, si je comprends bien, on peut m'interroger indéfiniment sur mes motivations, mais, le moindrement que je commence à parler de ça, il faut absolument que, sur les banquettes, ça se mette à protester. C'est bien ce que je pensais; c'est essentiellement une tentative de remettre mon intégrité en cause, rien d'autre. Bon.

Alors, donc, il y a des votes qui ont été faits alors que la députée de Sherbrooke n'était pas encore députée et n'était pas citoyenne canadienne. Ça, c'est une chose. Une fois que ça, ça a été nettoyé, regardé par les avocats, regardé par le Directeur général des élections, on dit: Bon bien, il n'y a pas lieu de poursuivre, c'est prescrit. Mais il reste que... Brièvement, moi, je veux bien, mais, enfin, ils y passent assez de temps, je peux peut-être avoir deux ou trois minutes.

D'autre part, à partir du moment où j'apprends cela, le 19 novembre, et qu'on veut me remettre la démission, je suis devant un problème à la fois humain et politique sérieux. Est-ce que je peux admettre de maintenir dans le Conseil des ministres un collègue que j'aime beaucoup, qui est efficace, mais qui m'a caché cela? Et ma conclusion, indépendamment du caractère juridique, parce que les prescriptions, ça paraît clair à ce moment-là et le Directeur général des élections va les confirmer, ça paraît impossible qu'elle reste au Conseil des ministres. J'en suis désolé, mais j'accepte sa démission. Et il n'y a rien, dans tout ça, M. le Président, que j'aie cherché à cacher. Je l'ai dit en cette Chambre, hors de cette Chambre, c'est pour moi une sorte de tragédie humaine qui, j'espère cependant, trouvera, à un moment donné, la possibilité d'être, pas oubliée, des choses comme ça, ce n'est jamais oublié, mais – comment dire – pardonnée. Bon!

Cela étant dit – parce que je sais bien que le leader peut revenir tous les jours là-dessus – après avoir présenté à nouveau cette explication, qui n'est pas différente de celle que j'ai exprimée jusqu'à maintenant, je lui dis: Ses accusations, est-ce qu'il pourrait les porter? J'attends.

Le Président: Alors, c'est la fin de la période de questions et réponses.


Motions sans préavis

Motions sans préavis. M. le député de Papineau.


Hommage à M. Jean-Claude Tremblay et condoléances à sa famille

M. MacMillan: Je sollicite le consentement de cette Assemblée, afin de présenter la motion sans préavis suivante: «Que l'Assemblée nationale du Québec offre ses condoléances à la famille de M. Jean-Claude Tremblay, décédé hier des suites d'une longue maladie.»

Le Président: Alors, il y a consentement? Alors, M. le député de Papineau.


M. Norman MacMillan

M. MacMillan: Merci, M. le Président. Alors, je vais prendre juste un peu du temps de cette Assemblée en mémoire du «Magicien», comme on surnommait M. Tremblay. Sa carrière a débuté chez nous, dans l'Outaouais, quand il était joueur junior pour Le Canadien de Hull-Ottawa. Il a aussi été membre du Canadien de Montréal pendant 13 ans, a gagné cinq fois la coupe Stanley et a été le sauveur, comme on dit ce matin dans tous les journaux, des Nordiques de Québec dans l'Association mondiale pendant sept ans, et aussi il a gagné la coupe Avco la première fois que Les Nordiques l'ont remportée, et, en 1985, il a été nommé recruteur du Canadien de Montréal, en Europe.

On se rappelle, de Jean-Claude Tremblay, sa «flip shot» du centre de la glace; c'est une chose, je pense, que tout le monde se rappelle chez les amateurs de hockey. On l'a toujours comparé à un deuxième Bobby Orr. Disons que Bobby Orr était comparé à M. Tremblay dans le temps. J'espère, M. le Président, comme tous les amateurs de hockey du Québec, que M. Jean-Claude Tremblay sera intronisé le plus vite possible au Temple de la renommée. Merci. Et je voudrais souhaiter, M. le Président, nos condoléances à toute la famille de M. Tremblay.

Le Président: Est-ce qu'il y a d'autres intervenants? Oui, M. le député de Dubuc.


M. Gérard R. Morin

M. Morin (Dubuc): Merci, M. le Président. Alors, je me joins à la motion du député pour adresser mes plus sincères sympathies à la famille de Jean-Claude Tremblay. On a fait mention tout à l'heure des faits d'armes de Jean-Claude Tremblay sur le plan professionnel. Étant lui-même natif de la même municipalité que moi, Jean-Claude Tremblay est un ami d'enfance. Et vous savez qu'il y a une phase, un aspect caché de la carrière professionnelle d'un hockeyeur, c'est la partie de joueur au niveau amateur qui, à ce moment-là, est une aventure familiale.

Alors, dès les débuts de Jean-Claude Tremblay, que ce soit au niveau peewee, bantam, voire même junior, c'était véritablement une aventure familiale où ses parents, ses amis, frères et soeurs, beaux-frères, belles-soeurs... Enfin, vous savez que, chez nous, il y a beaucoup de gens qui sont parents; alors, évidemment, c'était tout le secteur des municipalités de Port-Alfred et Bagotville dans le temps, qui est maintenant devenue ville de La Baie, qui était derrière ce talent, ce génie, ce joueur qui faisait les choses pas comme les autres.

Alors, à travers une aventure familiale, Jean-Claude a toujours reçu l'appui inconditionnel de ses proches parents, des citoyens de La Baie et de la région du Saguenay–Lac-Saint-Jean qui l'ont appuyé dans toute sa carrière professionnelle, et, finalement, il a été un point d'honneur pour la région du Saguenay–Lac-Saint-Jean tellement il a su faire sa marque pas comme les autres. Alors, à la famille de Jean-Claude, mes plus sincères sympathies. Et on garde de toi, Jean-Claude, de très heureux souvenirs. Merci, M. le Président.

(11 h 10)


Mise aux voix

Le Président: Est-ce qu'il y a d'autres interventions? Ça va. Alors, je mets aux voix la motion du député de Papineau à l'effet «que l'Assemblée nationale du Québec offre ses condoléances à la famille de M. Jean-Claude Tremblay, décédé hier des suites d'une longue maladie». Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Président: Adopté. M. le leader du gouvernement.


Avis touchant les travaux des commissions

M. Chevrette: Les avis touchant les travaux des commissions.

Le Président: Tout à fait.

M. Chevrette: Oui, M. le Président, je voudrais aviser cette Assemblée qu'aujourd'hui, de 15 heures à 17 h 30 et de 20 heures à 24 heures, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine, la commission du budget et de l'administration procédera à l'étude détaillée des projets de loi suivants, et ce, dans l'ordre ci-après indiqué: tout d'abord, le projet de loi 38, Loi modifiant la Loi sur les impôts, la Loi sur la taxe de vente du Québec et d'autres dispositions législatives; le projet de loi 44, Loi modifiant la Loi sur les normes du travail et la Loi sur le ministère du Revenu.

Le Président: Merci, M. le leader. Alors, je vous avise également que la commission de la culture se réunira en séance de travail, aujourd'hui, le jeudi 8 décembre 1994, à compter de 15 heures, à la salle Louis-Joseph-Papineau de l'hôtel du Parlement. L'objet de cette séance est l'organisation des travaux de la commission.


Avis de sanction

Nous en sommes aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée. Je vous avise qu'il y aura sanction du projet de loi 39, Loi modifiant la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités, au cabinet de Son Excellence le lieutenant-gouverneur, aujourd'hui, à 11 h 30.


Affaires du jour

Nous passons maintenant aux affaires du jour. M. le leader du gouvernement.

M. Chevrette: Oui, M. le Président. Veuillez appeler, s'il vous plaît, l'article 7 du feuilleton.


Projet de loi 190


Adoption du principe

Le Président: À l'article 7 du feuilleton, M. le député de Dubuc propose l'adoption du principe du projet de loi 190, Loi modifiant la Loi annexant un territoire à celui de la Ville de Chicoutimi. Est-ce qu'il y a consentement pour déroger à l'article 237 du règlement qui prévoit un délai d'une semaine entre la présentation et l'adoption du principe d'un projet de loi?

M. Chevrette: Il y a consentement.

Le Président: Consentement. Est-ce qu'il y a des interventions sur l'adoption du principe de ce projet de loi? M. le député de Dubuc, vous disposez d'un temps de parole de 60 minutes.


M. Gérard R. Morin

M. Morin (Dubuc): Merci, M. le Président. Je n'aurai sans doute pas besoin de ces 60 minutes pour commenter ce projet de loi 190. Je voudrais d'abord débuter en remerciant le leader de l'opposition pour bien avoir voulu accorder son consentement qui était nécessaire à la poursuite des travaux entourant le projet de loi 190. Mon intervention se fera en trois points principaux. D'abord, quelques mots sur l'objectif comme tel de la loi. Nous allons faire ensemble un petit historique pour expliquer comment on en est venus à une situation très préjudiciable à une municipalité. Et, finalement, nous allons procéder à quelques précisions ou commentaires sur le contenu de la loi comme telle.

Alors, l'objectif de la loi, M. le Président, est très simple. Je m'en tiendrai uniquement à lire le contenu des notes explicatives. Rappelons qu'il s'agit d'amender une loi, la loi 53 adoptée en 1983 concernant l'annexion d'un territoire de la ville de Laterrière à celui de la ville de Chicoutimi. Dans les notes explicatives, on précise ce qui suit: «Il ajuste le mode de calcul de l'indemnité annuelle que la ville de Chicoutimi doit verser à la ville de Laterrière pour tenir compte de l'annexion d'une partie de son territoire, afin d'y inclure une référence à la surtaxe sur les immeubles non résidentiels que la ville de Chicoutimi impose depuis 1992 en vertu de la Loi sur la fiscalité municipale et à la taxe sur les immeubles non résidentiels que cette ville pourra imposer en vertu de cette loi à compter de 1995.»

Bon. Pourquoi en sommes-nous venus, M. le Président, à amender cette loi qui date de 1983? On se souviendra que, pendant ces années, la compagnie Alcan avait décidé de réorienter son développement dans le sens de l'implantation de petites usines modernes. Alors, après l'implantation de celle qu'on connaît sous le nom de l'usine Grande-Baie, est arrivée l'usine Laterrière qui, effectivement, était implantée à l'intérieur du territoire de la municipalité laterriéroise ou de Laterrière.

Alors, à ce moment-là, pour des raisons que je n'aurai pas à expliquer ou à justifier ici, il y a eu des échanges entre les deux municipalités pour faire en sorte que la partie du territoire où devait se construire l'usine serait annexée au territoire de la ville de Chicoutimi. Alors, évidemment, cette entente était assortie, entre autres, de compensations ou d'indemnités que la ville de Chicoutimi aurait à verser à la ville de Laterrière en guise de compensation pour l'annexion de ce territoire.

En fait, M. le Président, ce projet de loi 53 comportait deux éléments majeurs: d'abord, le volet touchant l'annexion comme telle, le transfert du territoire à celui de Chicoutimi, et le deuxième volet de cette loi touchait, bien sûr, les mesures compensatoires, ce qu'on appelle dans le projet de loi les indemnités, et ces indemnités étaient basées sur deux taxes en particulier, soit les taxes foncières et la taxe d'affaires.

Voilà qu'en 1991 l'ancien ministre des Affaires municipales présentait en cette Chambre la loi 145 sur la fiscalité municipale. Alors, on se souviendra que l'essentiel de cette loi avait pour but de récupérer à l'État environ 500 000 000 $. Évidemment, il y avait des moyens pour récupérer ces 500 000 000 $, entre autres, les coupures dans le transport en commun, mais que le gouvernement a voulu compenser par une nouvelle taxe sur les droits d'immatriculation de 30 $. Il y a eu aussi, à ce moment-là, le transfert du réseau local, compensé par un programme d'aide à l'amélioration et le programme d'aide à l'entretien, et, enfin, l'introduction d'une nouvelle taxe, soit la surtaxe sur les immeubles non résidentiels, qui permettait aux municipalités de choisir entre la taxe d'affaires et la surtaxe sur les immeubles non résidentiels. Évidemment, cette nouvelle taxe sur les immeubles non résidentiels, ça avait pour but d'élargir l'assiette fiscale pour les municipalités et ainsi d'apporter une compensation pour, évidemment, les transferts de responsabilités que la réforme dite Ryan avait apportés.

Alors, évidemment, M. le Président, comme on l'avait dit dans le temps et je n'ai pas l'intention de refaire toute la critique, il faut quand même reconnaître que cette loi a été quelque peu improvisée à certains égards. C'est à ce moment-là qu'avec la nouvelle Loi sur la fiscalité municipale la ville de Chicoutimi décide d'imposer ou d'utiliser la nouvelle taxe sur les immeubles non résidentiels lui permettant d'élargir son champ fiscal. Alors, c'est ce qui a eu pour effet de provoquer un préjudice de l'ordre de près de 100 000 $ à la municipalité de Laterrière, parce qu'elle s'attendait de recevoir des indemnités, mais étant basées sur la taxe d'affaires qui venait de disparaître parce que la ville de Chicoutimi, elle, décidait d'imposer maintenant la nouvelle surtaxe sur les immeubles non résidentiels; donc, la ville de Laterrière perdait annuellement un montant de 80 000 $ à 100 000 $. Je le dis avec réserve quant à la précision des montants, mais ça se situe à ce niveau-là.

Alors, depuis maintenant un an ou un an et demi, la ville de Laterrière avait multiplié les démarches auprès de l'ancien ministre des Affaires municipales afin que l'on procède aux correctifs appropriés. Ça a toujours été une fin de non-recevoir. Maintenant, le ministre des Affaires municipales, le député de Joliette, a procédé avec une très grande célérité, M. le Président, et je le remercie, puisqu'on sait que le mois de novembre, et le début de décembre, est un mois propice pour les municipalités dans la préparation des budgets de l'année.

Alors, en prévision de la prochaine année, vous conviendrez qu'il est fort important pour une petite municipalité comme Laterrière de voir la situation corrigée. Et c'est là que le choix retenu a été de procéder par loi publique qui constitue un amendement à l'ancienne loi annexant le territoire de Laterrière à celui de la ville de Chicoutimi, qu'on appelait, dans le temps, loi 53.

(11 h 20)

Maintenant, M. le Président, quelques précisions, parce que le projet de loi comporte deux articles. Il s'agit justement d'ajouter... Les articles qu'on retrouvait dans l'ancienne loi sont à peu près les mêmes, si ce n'est de l'ajout de la notion «surtaxe sur les immeubles non résidentiels» au volet «taxe d'affaires et taxe foncière». Ce changement est inclus dans deux articles puisque la loi comportait des indemnités à deux niveaux: un plancher et des indemnités qui s'appliquaient à un niveau plus élevé. Donc, le deuxième article, en fait, constitue ni plus ni moins qu'une concordance avec la première modification. Alors, voilà, M. le Président, c'est aussi simple que ça. Le deuxième article, finalement, prévoit la rétroactivité du présent projet de loi au 1er janvier 1992 puisque c'est à partir de cette année-là que la ville de Chicoutimi a remplacé la taxe d'affaires par la surtaxe sur les immeubles non résidentiels.

Alors, encore une fois, M. le Président, je remercie l'opposition d'avoir consenti, d'avoir accepté, d'avoir accordé son consentement pour permettre la poursuite de ce projet de loi. On m'a dit qu'il sera entendu en commission parlementaire. Alors, bien qu'il soit court et pas plus complexe qu'il ne le faut, je compte sur la collaboration de l'opposition pour procéder le plus rapidement possible et faire en sorte que ce qui risquait de s'avérer un préjudice pour la municipalité de Laterrière qui m'appelle, M. le Président, presque tous les jours...

Vous savez, pour les petites municipalités, qu'on le veuille ou non, des fois, on est sévères, à ce niveau-ci, à l'Assemblée nationale. Je me souviens que l'ancien ministre des Affaires municipales, des fois, portait des jugements assez sévères – ou même des députés, des collègues – sur l'administration municipale, mais je pense que le monde municipal... Évidemment, je sens le besoin de rajouter ces quelques commentaires puisque j'ai été moi-même maire d'une municipalité moyenne, soit la ville de La Baie. Assez souvent, on sent que les gouvernements supérieurs, sans être arrogants, regardent l'administration municipale, bien souvent, avec beaucoup de sévérité, enfin, beaucoup plus de sévérité qu'on n'en a pour la gestion à notre niveau, soit au niveau provincial ou au niveau fédéral.

Alors, M. le Président, je suis très heureux, au nom des gens de mon comté, les citoyens de Laterrière, et du conseil municipal de Laterrière, de pouvoir, finalement, contribuer à régler quelque chose qui pourrait s'avérer non pas une catastrophe, mais des difficultés très, très grandes, autant pour la bonne gestion des services de la municipalité de Laterrière que pour l'ensemble des citoyens au niveau du fardeau fiscal.

Ceci dit, je vous remercie de votre bonne attention et je remercie encore l'opposition pour sa belle collaboration. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M. le député de Dubuc. Je suis maintenant prêt à reconnaître Mme la députée de Jean-Talon, porte-parole de l'opposition officielle en matière d'affaires municipales. Je vous rappelle, Mme la députée, qu'à titre de représentante de votre groupe parlementaire vous avez un droit de parole de 60 minutes.


Mme Margaret F. Delisle

Mme Delisle: Je vous remercie, M. le Président, et je vous rassure tout de suite, je ne prendrai pas 60 minutes de votre temps. J'ai eu l'occasion, hier, M. le Président, de témoigner devant cette Chambre de l'importance que j'ai toujours accordée à la démocratie municipale et j'ai fait ces remarques-là en discutant du projet de loi 39. J'ai l'occasion, ce matin, de vous témoigner l'importance que j'accorde à l'autonomie de la gestion de nos gouvernements locaux. J'étais bien heureuse d'entendre mon collègue de Dubuc, qui est passé par la même profession que moi, qui est un ancien maire de municipalité, et je suis parfaitement d'accord avec lui lorsqu'il dit qu'il faut prendre très au sérieux, évidemment, le travail qui est fait dans les municipalités, justement quant à la gestion très sérieuse qui est faite à l'intérieur des municipalités.

Le projet de loi qu'on a à discuter ce matin concerne une modification à la loi annexant un territoire à celui de la ville de Chicoutimi. Je ne reprendrai pas l'historique ici puisque le député de Dubuc l'a très bien fait. Je pense qu'il s'agit ici d'un bon exemple où on doit régulariser une situation qui cause préjudice à une municipalité et qui était hors du contrôle, finalement, de cette municipalité-là puisque l'introduction de la surtaxe sur les immeubles non résidentiels est apparue tout près de neuf ans après l'annexion d'une partie du territoire de la ville de Laterrière à la ville de Chicoutimi. Alors, il s'agit ici d'introduire dans la loi la taxe sur les immeubles non résidentiels, permettant ainsi à la ville de Laterrière d'aller récupérer des sommes qui lui sont dues en vertu, évidemment, de la décision qu'a prise la ville de Chicoutimi d'introduire cette taxe sur les immeubles non résidentiels.

Il y a un article, également, qui permet à la ville de Laterrière de... Il y aura rétroactivité à partir du 1er janvier 1992, et je pense qu'on vient corriger une injustice. Donc, quand les municipalités, que je considère très autonomes et à qui on doit justement laisser cette autonomie de gestion, se voient lésées par une décision ou par une législation qu'elles n'ont pas nécessairement demandée, je pense qu'il est de notre devoir, M. le Président, de nous assurer qu'on donne aux municipalités tous les leviers nécessaires pour assurer cette saine gestion et cette saine autonomie de la gestion des équipements publics et de la gestion de nos municipalités.

Donc, il me fait plaisir, à titre de critique de l'opposition officielle en matière d'affaires municipales, de donner mon accord de principe à ce projet de loi, et on aura l'occasion d'en rediscuter lors des travaux de la commission parlementaire.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Je vous remercie, Mme la députée. Est-ce que, M. le député de Dubuc, vous voulez exercer votre droit de réplique?

M. Morin (Dubuc): Non, ça va très bien. Merci beaucoup.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Y a-t-il d'autres interventions sur l'adoption du principe du projet de loi 190, Loi modifiant la Loi annexant un territoire à celui de la Ville de Chicoutimi?


Mise aux voix

Le principe du projet de loi 190, Loi modifiant la Loi annexant un territoire à celui de la Ville de Chicoutimi, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Bélanger): M. le leader du gouvernement.


Renvoi à la commission de l'aménagement et des équipements

M. Boisclair: M. le Président, tout en remerciant l'opposition pour son appui et sa collaboration – je présume que ça augure bien pour nos débats – je ferais motion pour que ce projet de loi soit déféré à la commission de l'aménagement et des équipements pour étude détaillée et également pour que le ministre des Affaires municipales en soit membre.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Cette motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Bélanger): M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boisclair: M. le Président, à cette étape-ci, je vous demanderais d'appeler l'article 2 du feuilleton.


Projet de loi 41


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Bélanger): À l'article 2 du feuilleton, M. le ministre de la Justice propose l'adoption du principe du projet de loi 41, Loi modifiant le Code de procédure civile et la Loi sur les cours municipales. Y a-t-il consentement pour déroger à l'article 237 du règlement prévoyant un délai d'une semaine entre la présentation et l'adoption du principe d'un projet de loi?

Des voix: Consentement.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Y a-t-il des interventions sur l'adoption du principe de ce projet de loi? Je reconnais M. le ministre de la Justice, député de Jean-Talon, pardon, de Louis-Hébert; vous excuserez la présidence. M. le ministre, vous disposez d'un temps de parole de 60 minutes.


M. Paul Bégin

M. Bégin: Merci, M. le Président. La question des délais dans nos cours de justice doit être réglée; ces délais affectent au premier chef les citoyens. Les coûts importants qu'ils représentent, ainsi que la perte de confiance envers la justice appellent un redressement sérieux de la part du législateur.

Les modifications au Code de procédure civile que je présente aujourd'hui peuvent paraître complexes pour le citoyen. La procédure mélange parfois même les juristes les plus avertis. Ce qu'il faut retenir, M. le Président, c'est que ces modifications au Code ont pour objet de soulager le citoyen du problème que représentent les délais.

(11 h 30)

Le projet de loi 41, dont nous étudions aujourd'hui le principe, propose diverses modifications en matière de procédure civile afin, principalement, de réduire les délais en Cour d'appel et en Cour supérieure. Ce projet de loi propose, d'abord, de hausser de 15 000 $ à 30 000 $ la limite de la compétence de la Cour du Québec et, par voie de référence, celle de la Régie du logement. Il propose également, par concordance, de porter à un montant équivalent la limite de la compétence des cours municipales à l'égard de certains recours en matière civile.

Vous vous souviendrez, M. le Président, que l'Assemblée nationale adoptait, en 1984, la Loi modifiant le Code de procédure civile et d'autres dispositions législatives afin, notamment, de hausser de 10 000 $ à 15 000 $ la compétence monétaire de la Cour provinciale devenue, depuis lors, la Cour du Québec. À cette occasion, la compétence monétaire de la division des petites créances avait également été haussée de 800 $ à 1 000 $. Il m'apparaît opportun de préciser, M. le Président, que la Cour du Québec, depuis 1984, n'a fait l'objet d'aucune augmentation de sa compétence monétaire, alors que celle de sa division des petites créances fut haussée de 1 000 $ à 3 000 $ en 1992. On constate que la compétence de la Cour du Québec eu égard à la considération monétaire n'a pas été révisée depuis une décennie, alors même que la compétence monétaire de la division des petites créances de cette Cour a été triplée il y a deux ans.

Par ailleurs, bien que les analyses ne démontrent pas un manque de juges en Cour supérieure malgré la hausse des délais d'audition depuis 1992, il faut reconnaître que la situation à cette Cour est plus problématique qu'à la chambre civile de la Cour du Québec. Or, la modification proposée entraînera pour la Cour supérieure une diminution de dossiers, ce qui correspondra à une réduction de près de 7 000 heures d'audiences. Certes, l'augmentation équivalente des heures d'audiences à la Cour du Québec impliquera pour cette Cour une charge de travail additionnelle, mais celle-ci pourra être absorbée par les juges siégeant actuellement à cette Cour compte tenu de leur nombre. De plus, cette mesure n'aura aucun effet sur le nombre des effectifs ni sur les revenus reliés au tarif des frais judiciaires qui ne sont pas affectés par celle-ci.

Afin d'éviter la multiplicité des forums en éparpillant la juridiction de première instance sur les recours portant sur toute matière relative au bail d'un logement destiné à l'habitation, le projet de loi propose d'étendre à 30 000 $ la juridiction de la Régie du logement à l'égard de ces matières. On peut estimer, par ailleurs, qu'une telle augmentation de la juridiction exclusive de la Régie du logement aura un effet peu significatif sur le nombre de dossiers à traiter compte tenu des montants en cause et de la nature des baux à l'égard desquels la Régie a compétence. Pour les mêmes motifs que ceux exposés à l'égard de la Régie du logement, le projet de loi propose d'augmenter à 30 000 $ le seuil de la compétence des cours municipales concernant certains recours en matière civile, puisque ces recours ne représentent qu'une fraction de 1 % de l'ensemble des causes dont les cours municipales sont saisies en toute matière. Une telle augmentation n'aura qu'un effet marginal sur le nombre de dossiers que devront traiter ces cours.

Bref, la revalorisation de la compétence de la Cour du Québec permettrait de réduire les délais d'audition à la Cour supérieure sans pour autant affecter les délais d'audition qui prévalent actuellement à la Cour du Québec.

M. le Président, les autres modifications proposées par le projet de loi 41 se rapportent principalement à la juridiction et aux règles de procédure devant la Cour d'appel. Les mesures qui y sont proposées visent pour la plupart à réduire les délais d'audition à la Cour d'appel et à faciliter le traitement des pourvois devant cette Cour. À cet effet, le projet de loi propose d'abord d'augmenter de 15 000 $ à 20 000 $ le seuil pécuniaire de l'appel de plein droit devant la Cour d'appel. Cette modification implique que les jugements finals de la Cour supérieure et de la Cour du Québec où la valeur de l'objet du litige en appel serait située entre 15 000 $ et 20 000 $ ne seraient plus dorénavant susceptibles d'appel qu'avec la permission d'un juge de la Cour d'appel. Cette mesure, accompagnée des autres mesures proposées au projet de loi, devrait avoir comme effet d'ensemble de réduire les délais d'appel, notamment en réduisant le nombre des appels.

Par ailleurs, M. le Président, permettez-moi de souligner que le problème des délais à la Cour d'appel a fait l'objet d'une étude approfondie de la part des membres de cette Cour. En effet, en février 1993, lors de leur assemblée annuelle, les membres de la Cour d'appel avaient proposé la formation d'un comité spécialement chargé d'étudier le problème des délais et de proposer des solutions. Ce comité a soumis un rapport détaillé que les membres de la Cour d'appel ont étudié et discuté lors de leur assemblée annuelle de février 1994. Un mois plus tard, la Cour d'appel transmettait au ministère de la Justice son rapport final, lequel englobait une bonne partie des recommandations contenues au rapport du comité. Les solutions qui y sont proposées s'intègrent dans le cadre d'une véritable réforme du mode de fonctionnement de la Cour d'appel et méritent grandement d'être considérées.

Je tiens à préciser, M. le Président, que la Cour d'appel et le Barreau du Québec sont en faveur des principes véhiculés par les modifications proposées au projet de loi 41, lesquelles favoriseront la bonne marche des dossiers à la Cour d'appel.

Dans le but d'apporter des correctifs et d'accroître l'efficacité du traitement des dossiers en Cour d'appel, le projet de loi propose de modifier le mécanisme de rejet administratif des pourvois à la Cour d'appel en imposant un contrôle plus rigoureux des délais de production des mémoires devant être présentés à cette Cour. Actuellement, M. le Président, lorsque l'appelant ne signifie pas ni ne produit son mémoire dans le délai requis – 120 jours – l'intimé peut alors signifier et produire au greffe du tribunal un avis de défaut, sommant l'appelant soit de produire son mémoire, soit de s'adresser par requête, dans un délai de 30 jours, à l'un des juges de la Cour d'appel pour justifier son retard et demander une prolongation de délai. En cas de défaut de l'appelant de produire son mémoire à l'expiration de ce délai, le greffier de la Cour d'appel peut, après avoir constaté le défaut, délivrer un certificat attestant que l'appel est déserté avec dépens.

De même, le Code de procédure civile actuel prévoit que, lorsqu'une demande de prolongation de délai a été accordée et que l'appelant n'a pas produit son mémoire dans le délai additionnel, l'intimé peut faire constater le défaut par le greffier de la Cour d'appel et obtenir un certificat attestant que l'appel est déserté avec dépens. En outre, le Code rend applicables certaines de ces règles à l'intimé lorsqu'il est lui-même en défaut de produire au greffe son mémoire dans les 60 jours de la production du mémoire de l'appelant.

Bien que la procédure actuelle de rejet administratif des pourvois à la Cour d'appel n'est en vigueur que depuis le 1er janvier 1994, il faut reconnaître que celle-ci risque d'être peu efficace, puisqu'elle laisse entièrement aux parties le soin d'initier les démarches menant au rejet du pourvoi. En effet, une véritable procédure de rejet administratif d'un appel où les délais de production d'un mémoire ne sont pas respectés ne devrait pas nécessiter l'intervention de la partie adverse, la laissant ainsi maître de décider de la progression du dossier. C'est pour cette raison, M. le Président, que le projet de loi 41 prévoit le rejet automatique de l'appel si l'appelant ne produit pas son mémoire dans les 120 jours de l'inscription, à moins que celui-ci ne produise au greffe du tribunal, avant l'expiration de ce délai, une demande de prolongation de délai. Cette demande ne pourrait être accordée que pour une période n'excédant pas 30 jours, laquelle pourrait cependant être plus longue si des circonstances exceptionnelles inhérentes à la nature de la cause le justifiaient.

De même, à l'égard de l'intimé, le projet de loi prévoit qu'à défaut par celui-ci de produire son mémoire dans les 90 jours de la production au greffe du mémoire de l'appelant, il soit automatiquement forclos de le produire, à moins d'avoir, avant l'expiration de ce délai, produit au greffe du tribunal une requête pour obtenir une prolongation de délai. La Cour d'appel pourrait alors refuser d'entendre l'intimé si celui-ci ne produit pas son mémoire dans le délai imparti. Il faut noter également que le projet de loi propose de hausser de 60 à 90 jours le délai accordé à l'intimé pour produire son mémoire, cette hausse de délai s'avérant nécessaire compte tenu du caractère impératif des nouvelles règles qui lui seraient dorénavant applicables. De plus, le projet de loi permettrait aux parties qui s'entendent, avant l'expiration du délai prévu pour la production du mémoire de l'appelant, de s'adresser à un juge de la Cour d'appel afin d'obtenir des délais différents pour la production de leur mémoire. Ainsi, la possibilité d'obtenir des délais différents pourrait être justifiée lorsque la cause est extrêmement complexe.

Le projet de loi 41 propose également, M. le Président, de réduire de 30 jours à cinq jours francs le délai pour signifier et produire une requête pour permission d'appeler d'un jugement qui prononce sur la requête en annulation d'une saisie avant jugement. Comme vous le savez, M. le Président, la partie qui a procédé à la saisie avant jugement bénéficie actuellement de 30 jours, à compter de la date annulant la saisie, pour présenter à un juge de la Cour d'appel une demande pour permission d'appeler. Or, puisque la réquisition fondée sur un jugement qui ordonne la radiation de l'inscription du procès-verbal de saisie ne peut être admise que si le jugement est passé en force le jour jugé, le saisi peut être privé de la jouissance des biens saisis avant jugement au cours du délai d'appel, malgré le jugement annulant la saisie. En effet, l'exécution provisoire d'un jugement annulant une saisie avant jugement n'est pas admise lorsque le jugement porte sur la rectification, la réduction ou la radiation d'une inscription au registre de la publicité des droits.

(11 h 40)

Depuis la réforme de procédures en matière familiale en 1992, la procédure exceptionnelle que constitue la saisie avant jugement est devenue non seulement plus fréquente, mais elle serait parfois utilisée comme moyen de pression sur l'autre partie. Aucune disposition ne force ou n'incite une partie qui a procédé à la saisie à donner mainlevée à la suite d'un jugement annulant une saisie avant jugement alors même qu'elle n'a pas l'intention de se pourvoir en appel, ni, par ailleurs, à accélérer la présentation à la requête pour permission d'appeler. Le projet de loi tient donc compte de la nature exceptionnelle et des circonstances particulières de cette procédure en réduisant le délai d'appel applicable en matière d'annulation de saisie avant jugement. Cette réduction du délai d'appel permettrait, d'une part, de disposer rapidement des droits du saisissant à l'égard des biens saisis et, d'autre part, de diminuer le délai pendant lequel le saisi peut, dans certains cas, être injustement privé de la jouissance des biens saisis avant jugement. De plus, le projet de loi n'établit pas de règles différentes selon que le jugement confirme ou annule une saisie avant jugement, compte tenu que, dans un cas comme dans l'autre, il s'agit d'une question qui mérite d'être réglée rapidement.

Par ailleurs, afin d'améliorer et d'accélérer le cheminement des dossiers à la Cour d'appel, le projet de loi 41 propose que cette Cour puisse, sans entendre les parties, rejeter une requête demandant le rejet de l'appel en raison de son caractère abusif ou dilatoire. Actuellement, la Cour d'appel ne peut rejeter une requête pour rejet d'appel en raison de son caractère abusif ou dilatoire qu'après avoir entendu les parties. Or, le projet de loi permettrait à la Cour d'appel de rejeter une telle requête sur vue du dossier lorsque, à sa lecture même, il ressort manifestement qu'il ne s'agit pas d'un cas où la Cour pourrait rejeter le pourvoi sans une étude approfondie du dossier au fond. Le temps utilisé à entendre les parties pourra alors être consacré à l'étude d'autres procédures, lesquelles, d'ailleurs, se font de plus en plus nombreuses.

Il faut remarquer, d'ailleurs, que, dans le cas d'une requête pour rejet d'appel en raison de son caractère abusif ou dilatoire, la suppression de l'audition orale ne priverait pas une partie de faire valoir ses droits, puisque, en refusant cette requête, la Cour permet que le pourvoi continue. La partie n'est alors privée que de la possibilité de prétendre oralement que l'appel doit être rejeté sommairement, alors que, dans sa requête écrite, elle n'avait pas réussi à faire valoir que sa prétention était sérieuse.

Afin de décourager les appels futiles, abusifs ou dilatoires, le projet de loi 41 propose également, en matière d'exécution provisoire de jugements en première instance, d'élargir la discrétion du tribunal d'ordonner l'exécution provisoire lorsque les circonstances le justifient, notamment lorsqu'une partie démontre au tribunal de première instance qu'elle devrait être accordée pour une raison jugée suffisante.

Vous vous souvenez sans doute, M. le Président, qu'en 1993 l'Assemblée nationale adoptait la Loi modifiant le Code de procédure civile et la Charte des droits et libertés de la personne afin d'établir le principe de l'exécution provisoire de plein droit à l'égard des cas où, jusque-là, l'exécution provisoire n'était possible qu'à la suite d'une ordonnance du tribunal. Il s'agissait là d'un renversement de la règle générale voulant que l'appel régulièrement formé suspende l'exécution du jugement. Cette nouvelle règle, qui prévoit, dans certains cas, l'exécution provisoire automatique malgré l'appel, n'est toutefois pas absolue, puisqu'elle permet au tribunal, par décision motivée, de suspendre cette exécution.

Par ailleurs, pour les cas autres que ceux où l'exécution provisoire a lieu de plein droit malgré l'appel, la modification de 1993 avait maintenu la règle de l'exécution provisoire sur ordonnance du tribunal dans les cas d'urgence exceptionnelle tout en l'étendant cependant aux cas de raisons spéciales. Afin que cette mesure puisse permettre davantage d'éviter les appels qui visent à retarder indûment l'exécution d'un jugement, il m'apparaît opportun d'élargir la discrétion du tribunal afin de lui permettre d'ordonner l'exécution provisoire pour toute raison jugée suffisante.

Finalement, le projet de loi 41 propose d'accorder à la Cour d'appel ou à l'un de ses juges compétence pour suspendre l'exécution d'un jugement de cette Cour lorsqu'une partie démontre son intention de présenter une demande d'autorisation d'appel à la Cour suprême du Canada. Il faut d'abord souligner, M. le Président, qu'il appert que les jugements de la Cour d'appel rendus en matière civile sont exécutoires dès qu'ils ont été rendus, même si les délais d'appel à la Cour suprême du Canada ne sont pas expirés. Aussi, pendant ces délais, le seul moyen pour le débiteur d'empêcher l'exécution du jugement de la Cour d'appel est d'obtenir du tribunal compétent un sursis d'exécution.

Avant le 1er février 1992, la Cour suprême ne se reconnaissait pas compétence en pratique pour accorder un sursis d'exécution de jugement porté en appel tant qu'elle n'avait pas entendu la demande d'autorisation d'appel. Depuis le 1er février 1992, date d'entrée en vigueur de l'article 65.1 de la Loi sur la Cour suprême du Canada, cette Cour ou l'un de ses juges peut ordonner le sursis d'exécution des jugements d'une cour d'appel dès qu'une partie a déposé l'avis de la demande d'autorisation d'appel en Cour suprême. Depuis cette date, il n'est donc plus nécessaire pour la Cour suprême d'attendre jusqu'à l'audition de la requête en autorisation de pourvoi pour ordonner le sursis d'exécution.

Par ailleurs, quant à la Cour d'appel, elle se considère dessaisie de l'affaire dès qu'elle a rendu son arrêt dans le litige qu'elle a entendu, en particulier dans les cas où des requêtes en autorisation de pourvoi sont déposées en Cour suprême. De plus, le 15 juin 1994, le législateur fédéral adoptait en première lecture le projet de loi C-42 modifiant diverses dispositions législatives dont la Loi sur la Cour suprême. Ce projet de loi, qui n'est pas encore adopté, remplacerait l'article 65.1 de la Loi sur la Cour suprême en prévoyant que la Cour d'appel ou l'un de ses juges pourrait, aussi bien que la Cour suprême ou l'un de ses juges, ordonner le sursis d'exécution d'un jugement de la Cour d'appel lorsqu'une partie a déposé un avis de demande d'autorisation d'appel en Cour suprême ou lorsqu'une partie démontre son intention de demander une telle autorisation d'appel.

Il est vrai, M. le Président, qu'en vertu de cette disposition la Cour d'appel ou l'un de ses juges pourrait ordonner le sursis d'exécution d'un jugement de cette Cour lorsqu'une partie démontre son intention de demander une autorisation d'appel en Cour suprême et que, par ailleurs, il revient aux autorités fédérales d'établir la compétence de la Cour suprême et la procédure qui doit y être suivie. Toutefois, il appartient aux autorités du Québec de régir la compétence et la procédure des tribunaux qui ont juridiction en matière civile et qui, comme la Cour d'appel, relèvent de sa compétence législative. Dans ce contexte, il serait souhaitable que le Code de procédure civile attribue spécifiquement à la Cour d'appel ou à l'un de ses juges compétence en cette matière. En outre, le projet de loi qui affirmerait la compétence législative du Québec en matière de procédure civile aurait une portée générale, de façon à ce qu'il puisse s'appliquer en toute matière susceptible d'exécution immédiate, y compris en matière d'injonctions et de recours extraordinaires.

Telles sont, M. le Président, les principales modifications proposées par le projet de loi 41. Ces mesures visent à favoriser une plus grande efficacité du système judiciaire, notamment par la revalorisation de la compétence de la Cour du Québec et par une réduction des délais d'audition en Cour supérieure. Elles visent également, à l'égard de la Cour d'appel, à réduire les délais d'audition, notamment en diminuant les appels futiles, abusifs et dilatoires et en rendant plus efficace le cheminement des dossiers à cette Cour. À cette fin, le projet de loi crée un mécanisme qui améliorera et accélérera le traitement des dossiers à cette Cour en réduisant certains facteurs d'encombrement.

Par ailleurs, le projet de loi 41 vise également à affirmer la compétence du Québec en matière de sursis d'exécution des jugements portés en appel devant la Cour suprême du Canada et, de façon générale, à améliorer la situation au niveau du fonctionnement des cours de justice. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M. le ministre de la Justice. Je vais maintenant reconnaître M. le député de Chomedey, porte-parole de l'opposition officielle en matière de Justice, tout en vous rappelant, M. le député, qu'à titre de représentant de votre groupe parlementaire vous avec un droit de parole d'une durée maximale de 60 minutes. Je vous cède la parole, M. le député.


M. Thomas J. Mulcair

M. Mulcair: Merci beaucoup, M. le Président. C'est avec fierté que j'aborde ce premier projet de loi présenté ici par mon collègue, le ministre de la Justice, dans ce rôle, comme vous venez de le mentionner, M. le Président, de porte-parole officiel en matière de Justice. Avec fierté, mais, dois-je l'avouer, une certaine mixité des émotions, car, M. le Président, ma carrière comme juriste a débuté dans les années soixante-dix comme avocat à la Direction générale des affaires législatives du ministère de la Justice du Québec. J'espère donc que mes nouvelles fonctions comme député et membre de l'opposition officielle, qui m'obligent à un rôle de critique constructif de cette législation, ne me mettront pas trop en conflit avec le travail de mes anciens collègues.

(11 h 50)

Le ministre de la Justice vient de nous rappeler les grandes lignes de la législation qu'il vient de présenter, Loi modifiant le Code de procédure civile et la Loi sur les cours municipales, «An Act to amend the Code of Civil Procedure and the Act of respecting municipal courts». Il s'agit là, à sa face même, M. le Président, d'une législation relativement courte, en ce qui concerne le nombre d'articles, mais ô combien importante, en ce qui concerne les buts et les objectifs.

Comme l'honorable ministre de la Justice vient de le souligner, il est effectivement primordial, dans notre société, que l'ensemble des citoyens puisse avoir le plus grand respect possible pour nos institutions. Au cours des dernières années, nous avons trop souvent eu l'occasion de constater que les tribunaux, avec leur lenteur, leurs délais inhérents, commençaient à être tellement embourbés que le citoyen ordinaire, même sans être expert en matière de droit, développait l'impression que la justice ne servait plus ses intérêts.

Trop souvent, M. le Président, on a eu des cas de personnes accusées devant les tribunaux de méfaits graves. Je pense, par exemple, au domaine des professions où, encore une fois, on a connu beaucoup de délais et de difficultés pour arriver à des décisions concernant des personnes qui pratiquaient d'une manière tout à fait contraire à l'intérêt du public. Donc, on a eu, encore là, des exemples où des personnes continuaient à pratiquer parce qu'elles utilisaient toutes les astuces, toutes les dispositions législatives, toutes les dispositions du Code de procédure civile, notamment, pour pouvoir retarder l'application d'une décision qui devait nécessairement venir à leur égard. Il y a même une expression consacrée, à cet égard, M. le Président. On dit parfois, en pratique du droit, que, si le client est ainsi disposé, on va lui faire faire un tour du Code pour retarder les choses de l'autre côté. Donc, en ce qui concerne le but généralement recherché, il va sans dire que, dans la mesure où une intervention législative vise, justement, à accroître l'intérêt du public, la protection du public, en s'assurant que nos institutions – dont les tribunaux sont parmi les plus importantes – soient respectées, eh bien, effectivement, ça y va de l'intérêt général.

Mais, de la même manière qu'on est en train d'aborder, de ce côté de la Chambre, notre première intervention en ce qui concerne un projet de loi en matière de justice – et, par nos interventions, nous espérons pouvoir esquisser notre approche dans ces questions – il est tout aussi important pour nous de décoder les messages, l'approche, la philosophie générale qui va gouverner les démarches et les interventions de l'autre côté de la salle, M. le Président. À cet égard-là, il y a effectivement certaines répercussions, certains effets de ce projet de loi qui peuvent nous inquiéter. Il va sans dire que nous cherchons toujours à agir dans le respect des valeurs profondes de notre société et de ses priorités. Le récent Sommet de la Justice du Québec a fait ressortir bon nombre de cas, d'exemples, de dossiers où la justice, justement, était parfois beaucoup trop lente à l'égard des justiciables, à l'égard de citoyens, à l'égard des gens qu'on doit justement servir.

Favoriser l'accessibilité, l'accès à la justice est aussi une priorité que tous, dans cette Chambre, doivent partager. Il y a eu des exemples, au cours des dernières années, où certaines professions, avec leur monopole de pratique, dans le domaine juridique... Je pense, par exemple, au fait que les notaires, malgré leur excellente formation de juristes, ont parfois de la difficulté à déposer certains documents, en matière de séparation et de divorce, qu'ils ont préparés. On assiste même à une multiplication des efforts de la part du Barreau du Québec pour empêcher les notaires de faire ce travail-là, en se fondant sur le fait que ce serait là une pratique illégale de la profession d'avocat. On voit donc des exemples où des intérêts propres, des intérêts que d'aucuns appellent corporatifs, peuvent parfois primer et frustrer les réels besoins dans la société. Car, par exemple, en matière, justement, de séparation et de divorce, les difficultés auxquelles font face les couples sont déjà tellement énormes qu'il est à se demander si c'est vraiment de notre intérêt de conserver une structure ou une procédure où on trouve de la confrontation, ajoutée déjà à la détresse qui existe, bien entendu, dans ces situations-là. La population, donc, doit avoir accès à une justice humaine, efficace et crédible, et c'est, bien entendu, notre rôle de souligner que certains aspects, certaines dispositions de la loi dont nous sommes saisis manquent, à notre point de vue, à cet égard.

Le ministre de la Justice soulignait tout à l'heure qu'en matière d'appel, à partir de la Cour du Québec, le seuil en deçà duquel il n'y avait pas appel automatique serait porté de 15 000 $ à 20 000 $. Nous aurons sans doute, M. le Président, amplement l'occasion d'entendre les motifs détaillés, les études sans doute étayées et fouillées qui vont nous permettre de déterminer avec précision exactement combien de causes seront affectées par une telle disposition, exactement quel pourcentage des causes pendantes sur les rôles qui pourrait être éliminé dorénavant si on fait une telle modification.

Mais, en le faisant, M. le Président, il ne faut pas perdre de vue qu'en enlevant le droit d'appel pour des sommes aussi importantes – car, pour la plupart de la population, la somme de 20 000 $ est effectivement très importante – on est en train de dire aux gens qu'ils ne vont pas pouvoir, même pour une somme aussi large que 20 000 $, avoir ce droit si important d'avoir la décision révisée par une instance supérieure en appel.

Par ailleurs, en ce qui concerne ces modifications des sommes, il est important de relever le fait que ça ne fait pas très longtemps, c'est seulement, comme vous vous le rappelez sans doute, M. le Président, en 1993 que le seuil a été porté de 10 000 $ à 15 000 $. Donc, encore une fois, nous attendons avec impatience les explications détaillées de la part du ministre de la Justice et les études sur cette décision de porter, à si brève échéance et avec si peu de délai depuis la dernière modification, le seuil à nouveau de 15 000 $ à 20 000 $. Nous allons sans doute aussi pouvoir avoir beaucoup plus de détails en ce qui concerne les consultations qui auraient été menées, car, tout en nous mentionnant que le Barreau et certaines parties de la magistrature se sont dits en faveur du principe, reste à voir s'ils sont d'accord avec le détail et reste encore à voir si d'autres consultations avec d'autres instances – je pense, par exemple, M. le Président, au Protecteur du citoyen qui s'intéresse souvent à ces choses-là – ne sont pas opportunes dans les circonstances.

En ce qui concerne une simple question de cohérence législative et de structure de texte de loi, il y a aussi une préoccupation en ce qui concerne le fait que le seuil dont on vient de parler pour les appels est porté de 15 000 $ à 20 000 $, alors que la compétence générale de la Cour du Québec serait, elle, haussée de 15 000 $ à 30 000 $. Le ministre de la Justice explique avec raison que la dernière fois que ce seuil avait été modifié, c'était le 20 juin 1984 et que, compte tenu de l'inflation et d'autres aspects, il est normal que ce seuil, encore une fois, soit augmenté.

(12 heures)

Par contre, M. le Président, je m'inquiète un peu lorsque je constate que l'harmonie en termes de cette législation, l'équilibre que prévoyait, par le passé, le seuil de 15 000 $, en ce qui concerne les sommes en deçà desquelles on ne pouvait pas avoir un droit d'appel automatique, et le niveau de compétence de la Cour provinciale ne seront plus pareils. Les 15 000 $ ne seront plus du même côté. Ce ne sera pas 20 000 $ de chaque côté; on va avoir 20 000 $ d'un côté et 30 000 $ de l'autre. Est-ce qu'il n'y a pas là une possibilité distincte qu'on assisterait à des causes qui vont être portées devant la Cour du Québec où, pour conserver un droit d'appel, une somme qui pourrait être de l'ordre de 12 000 $ ou de 14 000 $ ne serait pas «rembourrée», en quelque sorte, pour la porter au-dessus de 20 000 $, justement pour conserver ce droit d'appel? C'est sans doute là une question qu'on aura l'occasion de discuter et sur laquelle le ministre de la Justice pourrait nous renseigner davantage.

Lorsqu'on regarde un tel projet de loi, M. le Président, comme je le mentionnais tantôt, il est essentiel de toujours garder à l'esprit les grands principes qui régissent notre société et qui régissent donc nos interventions dans cette salle, parce que nous sommes en quelque sorte appelés à les ramener à chaque fois que ces questions-là sont débattues. On parle souvent de principes, même de justice naturelle. Bien au-dessus et au-delà de toutes les considérations proprement étatiques, législatives, constitutionnelles, il est de ces parties de notre loi, au sens le plus large, qui nous viennent justement de décisions qui datent d'il y a plusieurs centaines d'années et qui nous ramènent toujours à des bases, en ce qui concerne l'application de la substance même de la philosophie de notre droit. Je pense, par exemple, M. le Président, à des principes comme «nul ne peut être juge dans sa propre cause», qu'on exprime parfois en latin: Nemo debet esse judex in sua causa. Il y a un autre principe; celui-ci est même ciselé dans la pierre au-dessus de la porte d'entrée de mon alma mater, la Faculté de droit de l'Université McGill. Encore une fois, en latin, c'est: Audi alteram partem. Hear the other side. Il faut entendre les deux côtés.

Or, M. le Président, lorsqu'on lit, à l'article 4 du projet de loi, que «la Cour peut rejeter une requête fondée sur le paragraphe 5 du premier alinéa sans entendre les parties», il y a là, à la face même de cette disposition proposée, matière à réflexion sérieuse. «The Court may dismiss a motion based on subparagraph 5 of the first paragraph without hearing the parties.» Qu'advient-il donc de cette notion fondamentale du droit des deux parties d'être entendues? Il faut, bien entendu, en ce qui concerne notamment les mémoires en matière d'appel, s'assurer que ces délais interminables que tout praticien a déjà eu la frustration de connaître, que cette question soit adressée. Il y a donc, dans ce projet de loi, des idées qui vont bien dans ce sens-là, et nous sommes d'accord avec l'idée de vouloir justement s'assurer que nos tribunaux aient le respect qu'ils méritent, en réduisant les délais importants, trop importants qu'on a connus au cours des dernières années, notamment à la Cour d'appel.

Mais, M. le Président, est-il nécessaire de risquer de porter atteinte à ce principe fondamental de notre droit – qui est celui du droit d'être entendu, le droit des deux côtés d'être entendus – pour arriver à cette fin qui, tous s'entendent, est louable? Encore une fois, des questions sur lesquelles nous aurons l'occasion de revenir.

Il y a quelques jours, M. le Président, j'ai eu l'occasion, dans cette Chambre, de mentionner qu'il était d'une obligation constitutionnelle de longue date que la législation ici soit préparée, rédigée, modifiée dans les deux langues officielles de notre législation, qui sont la langue française et la langue anglaise. Je dois féliciter le ministre de la Justice pour l'excellente qualité de la version anglaise de ce projet de loi. C'est d'une qualité tout à fait remarquable. Ce n'est pas du tout calqué sur la version française, comme on l'a trop souvent vu par le passé. C'est une rédaction qui respecte tout à fait la terminologie de la version anglaise existante de notre Code de procédure civile, et je tenais à le mentionner ce matin.

Je pense aussi que, en ce qui concerne la préparation des deux versions de nos lois, il est important de se rappeler que le Québec est la seule juridiction dans le monde qui prépare sa législation, en droit civil, en langue française et qui prépare une version anglaise. Le seul autre endroit dans le monde où on trouve du droit civil en langue anglaise, M. le Président, c'est en Louisiane. Mais là, bien entendu, la rédaction, la préparation, tout se fait dans sa version originale, en langue anglaise. Et c'est là non seulement une richesse pour nous, de faire partie de cette grande famille de tradition dite civiliste qui émane du code Napoléon et d'autres textes préparés avant – c'est une partie, justement, qui nous rend distincts non seulement au Canada, mais en Amérique du Nord – mais je pense, M. le Président, que, parfois, on manque une excellente occasion de bien répandre la bonne nouvelle en ce qui concerne notre système de droit civil au Québec.

Je m'explique, M. le Président. Depuis quelques années maintenant, plutôt que d'avoir une présentation juxtalinéaire des deux versions de notre législation, il a été décidé que cette présentation se ferait dorénavant dans deux textes distincts. C'est une décision qui a ses origines historiques et politiques et sur laquelle ce n'est peut-être pas utile de revenir en trop grand détail aujourd'hui. Par contre, pour avoir déjà assisté et travaillé activement – dans d'autres provinces au Canada et dans d'autres juridictions – à la préparation de législations bilingues, je peux seulement constater à quel point le praticien est mieux équipé, en termes de préparation de sa cause et de défense des droits de son client, lorsqu'il a un accès immédiat aux deux versions. C'est un point, M. le Président, qui a souvent été souligné et soulevé par le Barreau de la province de Québec.

Mais il y a une autre raison beaucoup plus terre à terre pour laquelle il faudrait peut-être réfléchir à cette question de la publication juxtalinéaire des deux versions de notre législation. Sur les étagères des bibliothèques de droit partout dans les facultés de droit en Amérique du Nord, on trouve la législation du Québec. Elle est là. Mais elle est là, la plupart du temps, seulement dans sa version anglaise pour la bonne et simple raison que les gens qui consomment ces textes-là, qui s'y réfèrent – dans la plupart des exemples qu'on va citer dans les autres États, les États aux États-Unis et dans les autres provinces, évidemment – ils vont le faire dans la langue dans laquelle ils travaillent. Il n'y a même pas constatation, à ce moment-là, que cette législation-là a été préparée, adoptée en langue française. L'essor, la présence du Québec, de cette législation, est diminué en conséquence. Je me permets, M. le Président, de suggérer que c'est peut-être une question qui mérite une étude, une attention plus approfondie.

Pour terminer sur cette question de traduction, je dois justement dire que, parfois... Tant qu'à être un peu dans le latin cet après-midi, M. le Président, je me permets de dire parfois expressio unius est exclusio alterius. Le fait d'avoir exprimé mes félicitations à l'égard de la traduction et de la version anglaise, donc de la législation, du projet de loi 41, m'ouvre la porte pour mentionner et souligner la triste, pour ne pas dire la lamentable, traduction du Code civil du Québec vers l'anglais.

Le ministre est sans doute au courant des démarches entreprises, par le Barreau de Montréal notamment, depuis un bon moment dans ce dossier-là. Je suis très au courant que c'est un dossier qui implique tantôt ce côté de l'Assemblée, qui a présenté et préparé cette législation. Bien au-delà de ces considérations encore partisanes, je crois que, si notre place dans la société nord-américaine, si ce caractère distinct qui est notre tradition civiliste va connaître une compréhension et un essor bien au-delà de nos frontières, il devient essentiel de s'assurer que la version anglaise de notre nouveau Code civil – dont on peut, sur le fond, être si fier – soit revue et corrigée pour que la forme revête la même importance que les idées maîtresses qu'on y retrouve. Ce n'est pas facile, évidemment, dans un système comme le nôtre, d'y arriver, mais je pense qu'effectivement tout le monde y gagnerait.

(12 h 10)

Plus généralement, M. le Président, sur la question de la législation, de son importance et de l'accès à ces outils de justice pour les praticiens du droit et pour les citoyens – car, si on dit que nul n'est censé ignorer la loi, encore faut-il pouvoir la retrouver et savoir ce qui est écrit dedans – je pense qu'il est très important que l'honorable ministre de la Justice s'assure que les services compétents de son ministère travaillent et s'organisent pour produire une version refondue et mise à jour continuellement des règlements du Québec.

M. le Président, j'ai eu l'occasion de travailler dans d'autres juridictions. Ce n'est pas un si gros problème, mais, malheureusement, la dernière version refondue de nos règlements date d'il y a plus de 10 ans. Il faut, à mon sens, justement pouvoir s'assurer que ces textes fondamentaux soient accessibles dans leur état mis à jour, et, ça, c'est une priorité pour nous, de ce côté-ci, de travailler en ce sens-là. Et, lorsqu'on voit que d'autres juridictions y parviennent sans trop de difficulté, c'est à se demander comment il se fait que nous sommes, de toute évidence, incapables d'y parvenir, du moins pas plus souvent qu'une fois à tous les 10 ou 12 ans.

En terminant, M. le Président, je tiens à dire que le projet de loi, dans la mesure où il vise à accroître le respect pour les institutions, va dans un sens qui doit être soutenu, mais il y a ô combien d'autres questions dans ce projet de loi qui sont soulevées, qui nous donnent parfois l'impression, en le lisant, qu'il n'y a pas eu suffisamment de consultation, qu'il n'y a pas eu consensus sur les détails. Lorsqu'on réduit de 30 à seulement cinq jours le délai en ce qui concerne l'appel dans le cas de certaines requêtes en annulation de saisie avant jugement, on peut, comme le ministre de la Justice, comprendre qu'il y va parfois de l'intérêt d'un particulier que les choses se règlent vite. Mais, lorsqu'on connaît, en termes pratiques, les implications potentielles, pour le justiciable, d'un tel délai raccourci, on se rend compte qu'on a intérêt à être très vigilant et très prudent avant de ramener à presque néant le délai à l'intérieur duquel il faut formuler un tel appel. C'est sûr que, lorsqu'une personne est déjà représentée par avocat, ce délai va être connu et, dans la vaste majorité des cas, respecté. Mais la réalité, pour bon nombre de personnes qui sont en différend avec un fournisseur impayé qui passe de lettres de demande en mises en demeure, en début de procédure, eh bien, il y a là, M. le Président, des cas, des exemples où des justiciables risquent d'être privés de leurs droits par un si court délai. Et nous entendons y porter une attention particulière.

Sur la question du seuil de 30 000 $ aussi, M. le Président, il serait important qu'on ait un avis du ministère de la Justice, et notamment de la Direction des affaires constitutionnelles, sur les implications possibles d'une telle hausse, à un tel niveau, en ce qui concerne, justement, une question fondamentale: Est-ce qu'il s'agirait là d'une entorse à certaines règles constitutionnelles fondamentales? Est-ce qu'on serait en train de transformer ce tribunal-là, en vertu d'une jurisprudence bien connue, en application de la Loi constitutionnelle de 1867? Cet avis-là a sans doute été préparé avant d'augmenter si haut, ou de proposer, du moins, d'augmenter si haut le seuil pour la Cour du Québec, et, avec ces études à l'appui, nous serons tous à même de mieux saisir, mieux comprendre, mieux apprécier – il faut le dire – les intentions et l'impact possible de cette législation.

M. le Président, c'est en gardant à l'esprit la préoccupation constante de vouloir simplifier le processus judiciaire, de réduire les délais, de minimiser les coûts pour la population, que nous allons étudier chacun des articles du projet de loi 41, la Loi modifiant le Code de procédure civile et la Loi sur les cours municipales. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M. le député de Chomedey. Je suis maintenant prêt à céder la parole à M. le député de Gaspé, tout en vous rappelant, M. le député, que votre droit de parole est d'une durée maximale de 20 minutes. Je vous cède la parole, M. le député.


M. Guy Lelièvre

M. Lelièvre: Merci, M. le Président. Je voudrais tout d'abord féliciter le député de Louis-Hébert et ministre de la Justice d'avoir procéder de façon si prompte pour chercher des solutions aux problèmes auxquels sont confrontées les cours de justice présentement.

M. le Président, pour avoir oeuvré dans le domaine judiciaire pendant 15 ans, je suis à même de constater que de nombreux justiciables regardent le fonctionnement des cours de justice et demeurent perplexes. Je voudrais commencer par un exemple, M. le Président. Des petits entrepreneurs, souvent, en début d'exploitation, font face à des poursuites intentées soit par un entrepreneur plus puissant, ou eux-mêmes doivent intenter des procédures contre un tel entrepreneur, et se retrouvent facilement devant une négation de leurs droits à cause des pressions exercées sur tous les recours qui peuvent être utilisés par la partie qui est mieux nantie. Personnellement, j'ai eu l'occasion de le constater à plusieurs reprises, que des petits entrepreneurs devaient réduire, en fin de compte, les montants inscrits à des contrats pour trouver une solution rapide à leur problème, mettant en péril et parfois même occasionnant à brève échéance la fin de l'entreprise.

M. le Président, on ne peut que féliciter le député de Louis-Hébert d'avoir mis dans le projet de loi une disposition qui prévoit l'exécution provisoire. Cette exécution provisoire va faire en sorte qu'on va rétablir un certain équilibre devant les cours de justice. Vous savez, la Cour d'appel, actuellement, est composée de 23 juges, et, une fois qu'on a passé les étapes, soit de la Cour du Québec, soit de la Cour supérieure, l'inscription en appel fait en sorte que nous devons attendre quatre ans, cinq ans.

Dans les causes ordinaires, on dénote, semble-t-il, à la Cour d'appel, qu'on aurait un retard de cinq ans avant qu'une cause soit entendue. Actuellement, il y aurait 6 000 dossiers à la Cour d'appel du Québec qui sont inactifs et il y aurait également 1 800 dossiers qui attendent une date d'audition. Au cours des 10 dernières années, M. le Président, le monde judiciaire s'interrogeait sérieusement, à savoir si nous avions un ministre qui était préoccupé par le fonctionnement des cours de justice et du système judiciaire en général.

Les mesures proposées par le ministre de la Justice vont permettre à la Cour d'appel, éventuellement, de regarder attentivement les 6 000 dossiers inactifs. On sait qu'une fois qu'un dossier est porté en appel, si les avocats ne produisent pas les mémoires dans les délais, s'il n'y a aucune requête qui est faite, le dossier devient, en fin de compte, dormant, inactif et il n'y a aucune procédure qui amènera le dossier éventuellement devant un juge. Chaque partie, parfois, étant désavantagée, celle qui est la mieux nantie peut se permettre d'attendre et celle qui est mal nantie, qui n'est pas admissible à l'aide juridique, à ce moment-là, devra simplement abandonner ses recours.

Il ne faut pas pour autant, M. le Président, réduire l'accessibilité à la justice au citoyen. Depuis 1970, on a assisté, en fin de compte, à une très grande évolution dans la société en ce qui a trait à la connaissance des lois, connaissance des recours des individus. On a assisté également à une prolifération des tribunaux administratifs. On a beaucoup judiciarisé, en fin de compte, les processus de décision des différents ministères, prévoyant, en fin de compte, une procédure simple mais quasi judiciaire de contester une décision de l'État.

(12 h 20)

M. le Président, lorsqu'on regarde les dossiers en matière d'accident du travail, par exemple, où, règle générale, les contestations portent sur des questions de droit, dans les relations de travail, et qu'une partie est déboutée, généralement on constate que, lorsqu'un employeur ne veut pas réintégrer, de quelque manière que ce soit, un travailleur ou une travailleuse, à ce moment-là, M. le Président, les mécanismes d'appel se mettent en branle. L'évocation n'est pas un appel, mais la décision du tribunal administratif va être portée à l'attention d'un juge de la Cour supérieure pour vérifier si, effectivement, il y a eu erreur de droit ou manifestement

déraisonnable dans l'analyse du dossier par la personne qui est chargée d'étudier ce dossier. Et, malgré que la Cour supérieure puisse donner raison encore au travailleur, on se retrouve devant la Cour d'appel avec un dossier semblable.

La Presse du samedi 29 octobre 1994 donnait un exemple très patent de ce que je vous amène, M. le Président. Une personne qui était employée par une brasserie, qui avait été congédiée, a dû attendre quatre ans avant d'avoir une décision finale dans son dossier et que la Cour d'appel rejette, de façon cinglante semble-t-il, l'appel, dans ce dossier-là, par l'employeur. Et, à chacune des étapes, le travailleur avait eu gain de cause devant l'arbitre, et on avait été en appel par voie d'évocation. M. le Président, je pense que ce genre de dossier-là fera l'objet d'une analyse très sérieuse par les juges de la Cour d'appel. Lorsqu'on questionne qu'il pourrait y avoir des dénis de justice – éventuellement, on parle de dollars – je pense que ce qui est plus fondamental, c'est que non seulement justice soit rendue, mais qu'il y ait apparence de justice, que les citoyens retrouvent confiance dans leurs tribunaux.

Vous savez, lorsqu'on regarde l'évolution du système judiciaire au cours des 10 dernières années, les cours de justice sont encombrées. Récemment, je voyais un article dans le journal qui disait également qu'une mère de quatre enfants avait été tuée par un conducteur ivre. La personne qui avait causé l'accident, simplement, n'a pas eu de procès à cause de l'écoulement des délais. Des mesures auraient dû être mises en application il y a plusieurs années, parce que ceux qui pratiquent le droit savent pertinemment que les avocats vont utiliser, en fin de compte, la procédure ou tous les moyens qui sont mis à leur disposition de façon légale pour faire en sorte qu'on va assumer une défense pleine et entière à une personne qui est accusée devant les cours de justice. Le système judiciaire a été quasi abandonné au cours des 10 dernières années. Probablement que les relations intergouvernementales Québec–Ottawa occupaient davantage l'ex-titulaire du ministère de la Justice. Je pense que la société et les citoyens en général en ont subi des effets néfastes.

M. le Président, permettez-moi de féliciter le ministre de la Justice, qui a annoncé qu'il avait l'intention d'agir promptement dans les différents dossiers et de trouver des solutions pratiques afin de régler les problèmes auxquels les gens sont confrontés. Ce qui est important, dans toute cette démarche qui est entreprise – et je pense que le ministre de la Justice, aujourd'hui, ne nous a pas dévoilé, en fin de compte, l'ensemble, ne nous a pas indiqué clairement toutes les mesures qu'il entend prendre – c'est qu'il a signalé certaines choses pour soulager l'appareil judiciaire. Qui sont les mieux placés pour décider si, effectivement, un appel est dilatoire, si un appel est abusif, si ce n'est un juge de la Cour d'appel, ou un banc de la Cour d'appel, ou un groupe de juges qui travailleraient sur ce dossier? Actuellement, les juges de la Cour d'appel font un travail colossal. Ils disposent seulement d'un recherchiste pour deux juges, à la Cour d'appel, M. le Président. Je pense que la demande des juges de les doter d'un service de recherche plus adéquat, afin qu'ils puissent rendre des jugements plus rapidement et faire le nettoyage, comme je vous le disais tout à l'heure, dans les 6 000 dossiers qui sont inactifs devant cette cour, permettrait également à la société de faire énormément d'économies. Le citoyen s'attend à avoir du service. Après tout, c'est avec ses taxes, ses impôts, que l'on maintient en opération un système.

L'évolution de la société a permis aux citoyens, contrairement aux années trente, quarante, cinquante et soixante, d'avoir une plus grande connaissance de nos lois, d'apprendre que, dans certaines lois, il y a des recours qui les concernent, qu'ils ont des droits qu'ils peuvent revendiquer, que les abus ne sont pas possibles, en matière de logement, en matière de sécurité du revenu, en matière d'accident du travail.

Vous vous souvenez, M. le Président, qu'il y a une loi qui a été adoptée en 1931, qui s'appelait la Loi sur les accidents du travail. Mais c'est en 1978 ou 1979 que, pour la première fois, un juge a décidé qu'il y avait une disposition qui n'avait jamais été appliquée par la CSST et qu'elle devait l'appliquer de façon systématique sans que le travailleur ait à le demander. Et je pense, M. le Président, qu'on ne doit pas chercher à faire des économies, non plus, sur l'accessibilité à la justice. Ce n'est pas ça que le projet de loi vise. Le projet de loi vise à permettre aux gens qui demandent à un juge ou à un tribunal de se prononcer sur leur cas de leur donner, en fin de compte, une décision dans un délai raisonnable. Et, vous savez, la multiplication des procédures, c'est facile à faire pour un avocat, et je pense que les journaux font état régulièrement de situations semblables dont je n'ai pas à traiter ici, aujourd'hui, M. le Président.

Les coûts prohibitifs de l'accessibilité à la justice font en sorte, également, que toute personne qui n'est pas admissible à l'aide juridique ne peut pas aller bien, bien loin. On voit, en matière de pensions alimentaires, par exemple, qu'une personne gagnant un revenu se situant en dehors des seuils d'admissibilité peut se retrouver avec un jugement, en Cour supérieure, lui accordant une pension alimentaire d'un montant de 200 $ ou 300 $ par mois, et le débiteur, ayant les moyens de pouvoir étirer les délais, va se servir de la procédure judiciaire pour brimer la créancière du droit à la pension alimentaire. Alors, M. le Président, c'est avec satisfaction que je reçois et que je vois la proposition du ministre de la Justice.

Est-ce qu'il y aura des dénis de justice parce que la procédure va être plus simplifiée, qu'un juge va pouvoir, à la simple lecture du dossier, regarder si l'appel est abusif ou dilatoire? À cette question, M. le Président, je réponds non. Non parce que, au point de départ, il y aura déjà eu un juge qui se sera prononcé sur le dossier, il y aura déjà eu enquête et audition des parties qui auront pu faire valoir leurs prétentions respectives, amener des témoins devant la cour. Alors, M. le Président, je ne pense pas que cet aspect-là va constituer un déni de justice.

En matière de saisie, je pense que c'est très important d'avoir des délais rapides de règlement de ces dossiers. Lorsqu'on est privé, en fin de compte, des biens que l'on possède de façon légitime, et parce qu'il y a des procédures judiciaires qui sont en cours, et qu'un débiteur ou une personne qui est poursuivie ne peut pas faire valoir ses droits pour faire lever une saisie, et que la cause est terminée ou en voie de se terminer, et que la saisie, en fin de compte, est manifestement abusive, je pense qu'un délai de cinq jours ne viendrait pas, M. le Président, nuire au fonctionnement de l'appareil judiciaire.

Les conséquences sont énormes au point de vue humain également, M. le Président. Les gens qui font face à la justice, qui réclament des sommes – si on regarde, par exemple, en matière d'assurance, assurance-invalidité privée – ces gens-là, bien souvent, vont se retrouver à demander, au ministère de la Sécurité du revenu, des prestations pour vivre en attendant que les procédures judiciaires soient terminées, parce qu'il y a appel dans leur dossier également. Et je pense, M. le Président, que ça va faire en sorte que l'appareil judiciaire va devenir plus efficace et permettra, en fin de compte, un processus accéléré de règlement des dossiers.

Alors, M. le Président, ça m'a fait plaisir de vous adresser la parole concernant le projet de loi qui a été déposé par le ministre de la Justice. Merci.

(12 h 30)

Le Vice-Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M. le député de Gaspé. Maintenant, je suis prêt à reconnaître un nouvel intervenant sur le sujet et je reconnais M. le député de Frontenac et leader adjoint de l'opposition. Je vous cède la parole, M. le député.


M. Roger Lefebvre

M. Lefebvre: Merci, M. le Président. J'interviens, ce matin, sur la motion proposant l'adoption du principe du projet de loi 41. M. le ministre de la Justice et Procureur général nous a, dans son intervention tout à l'heure, expliqué les raisons qui l'auraient amené à proposer, dès le début de cette session-ci ou dès le début de cette Législature, des modifications au Code civil qui apparaissent dans ce projet de loi.

Je voudrais, dans un premier temps, M. le Président, saluer le nouveau ministre de la Justice et Procureur général, député de Louis-Hébert. J'aurai l'occasion, tout à l'heure, de revenir sur d'autres volets de l'entrevue qu'il donnait récemment à un journaliste du journal Le Soleil , mais je voudrais, dans un premier temps, commenter ce que le nouveau ministre disait, indiquant qu'il était très fier d'occuper le poste de ministre de la Justice. Pour un avocat, ça représente beaucoup, c'est une belle job.

Au-delà de l'impression qu'il avait à ce moment-là, que c'était une belle job, il a sûrement compris depuis, et j'imagine aussi dès le moment où il a été assermenté, à quel point c'était une responsabilité extrêmement lourde que d'occuper le poste de ministre de la Justice et de Procureur général, ici, au Québec, comme ailleurs. Dans toutes nos sociétés démocratiques, M. le Président, le Procureur général et ministre de la Justice est le gardien des droits individuels, le gardien des droits collectifs. Il est celui qui doit protéger toute la collectivité en partant de son rôle qu'il a d'administrer l'institution, ô combien importante, qu'est la justice.

M. le Président, j'entendais, tout à l'heure, le député de Gaspé, dans son intervention, qui accusait l'ancienne administration de ne pas avoir été aussi vite que lui l'aurait souhaité. D'ailleurs, le ministre de la Justice en parle dans son entrevue à laquelle j'ai fait référence tout à l'heure. Il est bon de se rappeler qu'en matière de justice, lorsqu'on parle de justice, M. le Président, les changements doivent se faire lentement. La justice doit se presser lentement, pour toutes sortes de raisons dont on aura l'occasion de parler et aujourd'hui et, j'imagine, au cours de la discussion en commission parlementaire sur l'étude article par article du projet de loi 41.

Vous savez, M. le Président, c'est dangereux, lorsqu'on parle de justice et de modification à la justice, d'invoquer des principes d'équité. Il y a une grande règle qui traduit tout ce que je suis en train d'essayer d'expliquer, qui est la suivante: Il n'y a d'équité que la loi seule. Invoquer des motifs de générosité et d'équitabilité, souvent, M. le Président, ça pourrait nous amener à créer des injustices encore plus graves que celles qu'on voudrait éviter. Dura lex, sed lex. La loi, elle est dure, elle est contraignante, mais c'est ça, la loi, M. le Président. Et nous sommes ici, les législateurs, les gardiens de ces grands principes là.

Et il y a une coutume, M. le Président – et vous le savez parce que vous avez participé à ces démarches-là – qui veut que, sauf de très rares exceptions et tellement rares que je ne peux pas en citer, toutes les législations qui touchent l'appareil judiciaire, qui touchent l'administration de la justice et les modifications à nos lois doivent faire consensus, ici, à l'intérieur de l'Assemblée nationale. En tout temps, en commençant, évidemment, par celui qui a la responsabilité d'administrer le régime de justice, y compris ceux qui, comme parlementaires, ont à discuter de ces législations ou de ces projets de législation, on doit, autant que faire se peut – et j'oserais dire que ça doit être la règle – se placer au-dessus de toute partisanerie politique.

C'est, quant à moi, des règles fondamentales qui doivent en tout temps nous guider et, dans ce sens-là, M. le Président, mon collègue, M. le député de Chomedey, nouveau critique en matière de justice, a indiqué, tout à l'heure – et ça sera mon cas également – que M. le Procureur général et ministre de la Justice pourra compter sur notre collaboration lorsqu'on sera d'accord avec les propositions qu'il suggérera à l'Assemblée nationale.

M. le nouveau ministre de la Justice prépare un grand ménage à la justice. Je lui rappellerai que c'est un peu lapidaire comme sentence lorsqu'on considère que l'ancienne administration n'aurait à peu près rien fait en matière de justice. C'est vite oublier l'adoption du nouveau Code civil, qui a été une pièce maîtresse en matière de justice au cours des 40 dernières années.

Le nouveau ministre de la Justice, dans ses commentaires, dans cette même entrevue qu'il accordait à un journaliste du Soleil , indiquait qu'à l'occasion de l'adoption du nouveau Code civil on aurait créé un fouillis indescriptible en matière d'enregistrement soit de droit réel ou des actes d'état civil. Je lui rappellerai, M. le Président, et c'est important qu'il le sache, qu'en partant du principe que j'émettais tout à l'heure, à savoir qu'il y a, sauf exception, consensus au niveau de tous les parlementaires de l'Assemblée lorsqu'on parle de législations qui touchent la justice comme telle, il y a eu, au niveau de toutes les étapes de l'adoption du nouveau Code civil, une collaboration exceptionnelle de l'opposition officielle du temps et particulièrement de Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve, y compris sur ce à quoi faisait référence le ministre de la Justice lorsqu'il pointait les difficultés auxquelles on est confrontés. Alors, autant l'opposition officielle que le pouvoir, autant l'opposition officielle que nous, on a réalisé qu'effectivement on faisait face à des difficultés imprévues. Alors, j'inviterais, évidemment, le député de Louis-Hébert à être peut-être un petit peu plus prudent avant de sentencer l'administration qui l'a précédé.

Lorsque le député de Louis-Hébert et ministre de la Justice indiquait également, dans l'article en question, son intention d'adopter, au cours de cette session-ci, le projet de loi 41 et non seulement son intention, mais, lorsqu'il indique de façon aussi catégorique que la compétence de la Cour du Québec sera portée de 15 000 $ à 35 000 $ dès cette session-ci, c'est vite oublier et j'imagine que maintenant le ministre de la Justice en est bien conscient... Et je dis ça, M. le Président, sans vouloir être interprété comme quelqu'un qui voudrait faire le contraire de ce qu'il disait tout à l'heure, à savoir ne pas collaborer, mais, étant donné que les travaux de l'Assemblée nationale ont commencé le 29 novembre dernier, le ministre de la Justice a maintenant compris qu'il est à la merci d'un consentement qu'on devra lui donner pour procéder, s'il y a lieu, à l'adoption du projet de loi 41. Alors, c'est une intention manifestée à un journaliste peut-être un peu trop hâtivement. Et, en matière de justice, compte tenu de ce que ça comporte, on ne peut pas, de façon aussi expéditive, prendre pour acquises nos intentions.

M. le Président, je voudrais, avant de compléter les commentaires très pertinents qui ont été faits par M. le député de Chomedey, rappeler au nouveau ministre de la Justice ce qu'on a fait au cours des dernières années, très rapidement, et lui demander – il aura l'occasion de répliquer tout à l'heure, sinon cet après-midi – ce qu'il a l'intention de faire, lui et son gouvernement, avec ce qu'on a laissé en suspens pour certains dossiers extrêmement importants qu'il restait à compléter quant à certaines étapes.

(12 h 40)

Je voudrais savoir, M. le Président, du nouveau ministre de la Justice ce qui va arriver au cours des prochains mois en matière de médiation familiale. J'aimerais aussi savoir – et, à date, ça s'est limité à des déclarations publiques – ce qui arrivera au niveau de la perception des pensions alimentaires. Il faut se rappeler, M. le Président, qu'il y avait eu un engagement très ferme de l'ancien gouvernement – et toutes les étapes s'étaient déroulées pour y arriver; on l'avait indiqué et c'est ce qu'on aurait fait, c'était clairement enclenché dans ce sens-là – que le système automatique de perception des pensions alimentaires pour les mauvais payeurs allait entrer en vigueur dès décembre 1994. J'ai cru comprendre par Mme la ministre responsable de ce dossier-là, Mme Blackburn, que ça irait quelque part autour de la fin de l'année 1995. En matière de protection de la jeunesse, M. le Président, est-ce que le nouveau gouvernement, et celui qui a la responsabilité de la justice, a l'intention de donner suite au rapport Jasmin qui a traité avec beaucoup de pertinence de tous les problèmes auxquels doivent faire face nos jeunes au Québec?

Aussi, M. le Président, j'inviterais le ministre à nous faire connaître ses intentions en regard de la prochaine conférence fédérale-provinciale qui se tiendra en février prochain, conférence fédérale-provinciale de tous les ministres de la Justice et procureurs généraux des provinces et du Canada. Est-ce que le ministre a l'intention de revenir à la charge au niveau de la disparition, dans le Code criminel, de l'enquête préliminaire? À l'occasion d'une conférence fédérale-provinciale à laquelle j'ai assisté, moi, il y a plus ou moins six, sept mois, j'avais, avec d'autres collègues, d'autres procureurs généraux ou ministres de la Justice des autres provinces, insisté auprès du ministre de la Justice fédéral – parce que, évidemment, on comprend que c'est de juridiction fédérale, on parle de modifications au Code criminel – pour qu'on la fasse disparaître. Et tous ceux et celles qui ont suivi le débat savent que c'est une suggestion appuyée par le milieu judiciaire en général; ce serait une façon reconnue, comme je viens de l'indiquer, par tous ceux qui sont au fait de la mécanique judiciaire; ce serait une façon spectaculaire et rapide de désengorger nos tribunaux, maintenant que la règle de la communication de la preuve existe. Alors, j'aimerais, M. le Président, et j'espère que M. le député de Louis-Hébert reviendra à la charge sur cette suggestion qu'on a faite au gouvernement fédéral.

M. le Président, modifier le Code de procédure civile, ça doit se faire avec beaucoup de prudence. Le Code de procédure civile, c'est la mécanique qui vient appuyer le droit substantif. Lorsque M. le ministre, dans ses représentations tout à l'heure et sur d'autres tribunes, a indiqué qu'il fallait intervenir pour accélérer le processus judiciaire, c'est évident que je suis d'accord, tout comme mon collègue de Chomedey, sur cette intention qu'on avait exprimée, nous également, à plusieurs reprises et de toutes sortes de façons.

Est-ce que, M. le Président, partant de ce principe-là, le ministre de la Justice ne devrait pas plutôt réfléchir et surtout mettre, dans les plus brefs délais, en vigueur et en place ce que, justement, encore là, il indiquait aux journalistes du Soleil : toutes sortes d'interventions d'ordre technique qui auraient comme conséquence, selon lui – et, sur certains points, je suis d'accord avec lui, M. le Président. Est-ce que le ministre de la Justice ne devrait pas, au cours des prochains mois, se concentrer à mettre en vigueur ces suggestions, ces intentions-là plutôt que de modifier le Code de procédure civile avec toutes les conséquences que ça comporte? Vous savez, M. le Président, porter l'appel automatique de 15 000 $ à 20 000 $, ça veut dire qu'un nombre considérable de citoyens, qui ont des recours qui s'échelonnent, des recours qu'on retrouve à l'intérieur de cette «bracket» de 15 000 $ à 20 000 $, à partir du moment où on adopterait cette modification-là, seraient privés d'un recours qu'ils ont présentement ou d'une possibilité qu'ils ont d'aller en appel.

Je dis au ministre, M. le Président, de le faire avec beaucoup de prudence. Est-ce que les consultations ont été faites au niveau de tous ceux et celles qui sont touchés par des mesures semblables? Je pense au Barreau, évidemment, je pense aussi à la Chambre des notaires. Est-ce que la magistrature a été consultée sur ces intentions qu'a le ministre de modifier le Code de procédure de façon, quant à moi, aussi importante? D'autant plus qu'essentiellement cette démarche-là vise à désengorger les tribunaux, ce qui est une intention légitime et correcte, et à permettre un processus judiciaire plus rapide pour l'ensemble des justiciables.

M. le Président, de façon très, très précise, j'aimerais savoir ceci du ministre de la Justice, parrain du projet de loi 41, lorsqu'il nous dit, à l'article 12 de son projet de loi, que ces nouvelles dispositions s'appliqueraient aux causes pendantes en première instance. Est-ce que – c'est une question technique, mais extrêmement importante – ces nouvelles dispositions vaudraient également pour les causes en délibéré? Sauf erreur, je ne crois pas que M. le ministre l'ait indiqué dans son intervention principale, et c'est une question qui est importante, qui est pertinente.

Je termine en indiquant au ministre de la Justice que, tout à l'heure lorsque je faisais très rapidement le tour des questions qui nous ont préoccupés à la Justice au cours des neuf ou 10 dernières années, j'ai oublié de lui rappeler qu'en matière d'aide juridique, lorsqu'il a indiqué, à date, son intention de rehausser les seuils d'admissibilité à l'aide juridique au cours de l'année 1995, il a, j'imagine, pris connaissance des opinions que j'avais moi-même émises en cette matière, à savoir que, oui, je suis d'accord, M. le Président, et je pense pouvoir parler au nom de l'opposition officielle et aussi, également, au nom de mon collègue de Chomedey, qu'il y ait rehaussement des seuils d'admissibilité.

Est-ce que M. le ministre de la Justice, en même temps qu'il évalue la possibilité – et même que sa décision serait prise – de procéder au rehaussement des seuils, en se rappelant, évidemment, M. le Président, que la mise en place du système d'aide juridique, ce sont les libéraux qui y ont procédé en 1972, a l'intention, et est-ce que l'exercice est déjà commencé, d'évaluer la pertinence de réduire les interventions en matière d'aide juridique? Est-ce que le panier de services, autrement dit, sera réévalué à la hausse ou à la baisse?

C'est une question extrêmement pertinente, préoccupante pour tous ceux et celles qui sont concernés par le système d'aide juridique. Et, lorsque, tout à l'heure, M. le député de Gaspé, et je suis d'accord avec lui, laissait entendre que la justice doit être accessible, M. le député de Gaspé a raison, M. le Président. Et, pour justement permettre l'accessibilité à notre système judiciaire, lorsqu'on parle des moins bien nantis, la seule alternative, on n'en sortira jamais et ça doit être comme ça, c'est évidemment notre système d'aide juridique.

Alors, dans l'évaluation de l'intervention du nouveau gouvernement en matière d'aide juridique, est-ce que M. le ministre a évalué à date l'éventail des services – est-ce qu'il y en aura plus, est-ce qu'il y en aura moins? – au-delà de son intention de rehausser les seuils d'admissibilité?

M. le Président, je conclus en disant que M. le député de Chomedey a indiqué tout à l'heure qu'il y a un questionnement sur le projet de loi 41. On ne peut pas aujourd'hui indiquer notre réaction au moment où on proposera l'adoption du principe. On écoutera, M. le Président, les autres intervenants et, évidemment et surtout, la réplique de M. le ministre de la Justice. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M. le député de Frontenac. Je suis prêt à céder la parole à un autre intervenant. M. le leader adjoint du gouvernement.

(12 h 50)

M. Boisclair: Oui, M. le Président, à ce moment-ci, je ferais motion pour ajourner le débat.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Est-ce que cette motion est adoptée?

Une voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Adopté. M. le député.

M. Boisclair: Alors, compte tenu de l'heure, M. le Président, je vous demanderais de suspendre.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Est-ce qu'il y a consentement?

Une voix: Consentement.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Compte tenu de l'heure et du consentement des partis, «j'ajourne» donc cette Chambre jusqu'à cet après-midi, 15 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 51)

(Reprise à 15 h 7)

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, si vous voulez vous asseoir.

Nous allons poursuivre les affaires du jour. M. le leader du gouvernement.

M. Chevrette: Oui, M. le Président, qu'on appelle l'article 12 du feuilleton.


Motions du gouvernement


Motion proposant que la commission des institutions se réunisse afin de préparer et faciliter la démarche d'information et de participation sur l'avant-projet de loi sur la souveraineté du Québec

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 12 du feuilleton, M. le leader du gouvernement propose la motion qui suit:

«Que la commission des institutions se réunisse afin de déterminer de quelle manière les travaux de cette commission pourront préparer et faciliter la démarche d'information et de participation qui aura lieu sur l'avant-projet de loi sur la souveraineté du Québec.»

Avant que le débat sur cette motion ne s'engage, je vous rappelle que, conformément aux dispositions de l'article 146 du règlement, cette motion ne peut être amendée et fait l'objet d'un débat restreint d'au plus une heure. Alors, nous pouvons procéder à la distribution du temps de parole. M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Oui, M. le Président. Avant que nous ne procédions à cette étape, je voudrais soulever des motifs d'irrecevabilité de ladite motion.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je suis prêt à vous entendre.


Débat sur la recevabilité


M. Pierre Paradis

M. Paradis: Très bien, M. le Président. J'avais, lorsque j'étais leader du gouvernement, l'habitude d'arriver devant vous, M. le Président, avec une foule de doctrines, une foule de jurisprudences pour soutenir les arguments que je m'apprêtais à mettre de l'avant.

Je dois vous avouer que j'ai tenté, cette fois-ci, de travailler de la même manière. Toutefois, la situation inédite devant laquelle nous nous retrouvons ne m'a pas permis de retrouver dans l'histoire de notre Parlement qui a plus de 200 ans, ne m'a pas permis de retrouver dans les autres parlements d'origine britannique de précédent qui pourrait nous éclairer, qui pourrait nous permettre d'appuyer une décision quant à la situation que nous vivons présentement.

J'ai également, M. le Président, consulté des gens qui ont, au cours des dernières décennies, suivi, participé, été associés intimement à l'évolution de la société québécoise comme intervenants au niveau du pouvoir exécutif, comme intervenants au niveau du pouvoir législatif, comme intervenants au niveau du pouvoir judiciaire. Certaines de ces personnes ont occupé des fonctions dans les trois systèmes que vous connaissez bien. Ces personnes, non plus, elles n'ont pu se rappeler d'un précédent qui peut s'apparenter à la situation que nous vivons présentement.

(15 h 10)

M. le Président, lorsque l'on ne peut retrouver, dans l'histoire contemporaine, de situations qui peuvent nous servir pour rendre des décisions, pour nous prononcer, il faut parfois retourner plus loin en arrière et retourner au niveau des principes de base de notre démocratie. M. le Président, vous le savez très bien, la pierre d'assise de notre système démocratique repose sur la notion de séparation des pouvoirs: l'exécutif, le législatif et le judiciaire. J'en prends à témoin, M. le Président, l'honorable ministre de la Justice et Procureur général du Québec qui assiste à nos débats, présentement, et qui, si besoin est, saura vous rappeler l'importance de cette notion qui représente, comme je le disais tantôt, la pierre d'assise de toute société démocratique.

M. le Président, vous pouvez remonter aussi loin que Montesquieu, «De l'esprit des lois», vous pouvez retourner quelques siècles en arrière, mais jamais ces principes de séparation des pouvoirs dans le système parlementaire britannique n'ont été contredits par quelque Parlement que ce soit, par quelque président que ce soit d'un Parlement qui fonctionne en fonction de ces règles de droit.

Ceci étant dit, M. le Président, je vous soumets respectueusement que la motion de mon bon ami le leader du gouvernement, telle que libellée, et je la lis à partir du feuilleton: «Que la commission des institutions se réunisse afin de déterminer de quelle manière les travaux de cette commission pourront préparer et faciliter la démarche d'information et de participation qui aura lieu sur l'avant-projet de loi sur la souveraineté du Québec», serait, prise isolément, n'eût été des autres éléments de faits que je vais porter à votre connaissance, probablement recevable.

Mais, au moment où cette motion a été déposée à l'Assemblée nationale du Québec par le premier ministre du Québec, le chef de l'exécutif a déposé en même temps, simultanément et au même moment à l'Assemblée nationale du Québec un document qui s'intitulait, et qui s'intitule encore: «La participation des citoyens au projet de la souveraineté», document déposé à l'Assemblée nationale par M. Jacques Parizeau, premier ministre, le 6 décembre 1994.

Vous retrouvez, M. le Président, à l'intérieur de ce document, sous le titre «La commission nationale», la citation suivante: «Les présidents de chacune des commissions seront réunis dans une commission nationale qui coordonnera l'ensemble de l'opération et, lorsque le processus sera suffisamment avancé, fera rapport sur la marche à suivre pour que la population puisse se prononcer démocratiquement sur son avenir.»

La même journée, le chef de l'exécutif, le premier ministre du Québec, en conférence de presse, déclarait ce qui suit, faisant référence à la motion qui est devant nous aujourd'hui, M. le Président: «J'ai déposé une motion, aujourd'hui, au nom de M. Chevrette, qui demande à la commission des institutions de se réunir et de déterminer le meilleur moyen, justement, de faciliter l'apparition de ces commissions régionales. D'ores et déjà, je peux répondre, cependant, sur une chose spécifique: elles seront créées en vertu d'un décret – elles seront créées, je répète, M. le Président, en vertu d'un décret – et la commission des institutions nous éclairera – voici le véritable mandat de la commission des institutions – dans les jours qui viennent, sur la façon de faciliter ça, de les organiser, de les mettre au point.»

M. le Président, vous conviendrez avec moi que la commission des institutions est une émanation de l'Assemblée nationale. Vous me permettrez donc de dire, et le leader du gouvernement en conviendra, que l'Assemblée nationale, à partir du moment où cette motion serait déclarée recevable, devient le bras exécutoire de l'exécutif, l'instrument de réalisation des oeuvres de l'exécutif, et jamais, au grand jamais, un gouvernement de type britannique ne s'est servi de l'institution parlementaire pour exécuter ses mandats. Si la commission était décisionnelle, si les travaux de la commission, si la décision faisait rapport à l'Assemblée nationale du Québec, si la décision de l'Assemblée nationale du Québec était exécutoire, je vous soumets, M. le Président, que nous serions dans un processus étanche, de respect des assises fondamentales de notre démocratie de la séparation des pouvoirs entre l'exécutif et le législatif.

M. le Président, qu'il me soit également permis, à ce moment-ci, de vous rappeler vos rôles et vos fonctions que je sais... M. le Président, le...

M. Chevrette: M. le Président, question de règlement.

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le leader du gouvernement, question de règlement.

M. Chevrette: Depuis le début, je l'ai laissé aller, M. le Président. C'était...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Quel article, M. le leader du gouvernement?

M. Chevrette: C'est une question de règlement, parce que c'est non conforme... La plaidoirie sur la recevabilité, M. le Président... Si vous me laissez l'exprimer, je vais le faire, mais, là, vous êtes debout.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Oui, je sais bien, mais je vous demande simplement en vue de quel article.

M. Chevrette: M. le Président, en raison de la pertinence. La question de règlement qui est demandée sur la recevabilité est en fonction du fait qu'on ne doit pas discuter de cette motion, et on en est rendu à vouloir parler de vos responsabilités. Je m'excuse, M. le Président, il y a la question de la pertinence, il y a la question...

Des voix: Ah! Ah!

M. Chevrette: Le choeur de l'armée rouge pourrait-il me laisser parler?

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le leader du gouvernement, il a tout simplement fait allusion à mon rôle. Là, je verrai ce qu'il va dire à propos de mon rôle et je verrai si c'est pertinent ou non. Je vous demanderais de terminer, s'il vous plaît.

M. Paradis: Oui, M. le Président. Je me dois quand même de souligner les propos de mon bon ami le député de Joliette et leader du gouvernement, qui ont sans doute dépassé sa pensée; je l'ai laissé aller. M. le Président, vous êtes le maître de nos travaux, vous êtes le protecteur des droits de l'Assemblée nationale, et c'est vous qui donnez le droit de parole aux députés en cette Chambre, ce n'est pas le député de Joliette et leader du gouvernement, M. le Président.

Simplement, M. le Président, pour qu'on se rappelle ensemble les fonctions de la présidence de l'Assemblée nationale. Le président lui-même a cité une partie du règlement ce matin, à l'occasion de la période de questions. Permettez-moi, à ce moment-ci, de vous citer l'article 2 du règlement de l'Assemblée nationale: «Outre les pouvoirs que la loi lui confère, le président: 8° exerce les autres pouvoirs nécessaires à l'accomplissement de ses fonctions et au maintien des droits et privilèges de l'Assemblée et de ses membres.»

Ce que je plaide devant vous, M. le Président, aujourd'hui... Vous êtes notre seul rempart pour protéger les privilèges de notre Assemblée nationale, pour protéger le privilège du législatif, M. le Président. Vous êtes celui qui doit protéger nos institutions. Ce que nous propose le leader du gouvernement aujourd'hui, c'est de se réunir en commission, de discuter. Mais ce que le premier ministre nous propose en même temps quant à cette démarche, ce que le chef de l'exécutif, le chef du pouvoir exécutif nous propose, c'est que, quels que soient les résultats de nos travaux, ce sera le pouvoir exécutif, ce sera le Conseil des ministres qui décrétera de quelle façon ça va fonctionner. Est-ce qu'on va permettre, est-ce que vous allez permettre, vous, M. le Président, le gardien de notre institution, à notre institution de servir de caution à ce gouvernement? Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors...

Des voix: Bravo! Bravo!

(15 h 20)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, merci, M. le leader de l'opposition. Maintenant, je vais reconnaître et céder la parole à M. le leader du gouvernement.


M. Guy Chevrette

M. Chevrette: Oui, M. le Président. Le 18 décembre 1992, le Parti libéral au pouvoir proposait ceci en cette Chambre, une motion exactement comme celle qu'on propose, et je vous la lis: «Que la commission des institutions procède à une consultation générale et tienne des auditions publiques à compter du 9 mars 1993 sur l'Accord de libre-échange nord-américain.» Et c'est la commission qui est allée se réunir et qui a décidé comment tenir ses consultations.

En vertu de l'article... M. le Président, s'il vous plaît. Même le chef. En vertu de l'article 146...

Des voix: Ah! Ah! Ah!

M. Chevrette: ...M. le Président...

Une voix: ...

M. Chevrette: Non, non. En vertu de 146, le règlement dit ceci: «L'Assemblée peut envoyer en commission l'étude de toute matière – toute matière. Elle le fait – M. le Président, et je continue – soit sur une motion du leader du gouvernement – c'est ce que j'ai fait en bonne et due forme hier – qui ne peut être amendée mais peut faire l'objet d'un débat restreint d'au plus une heure.»

En vertu de l'article 146, M. le Président, j'ai donc déposé une motion pour qu'on aille étudier la possibilité de la démarche de consultation en marge d'un avant-projet de loi. Tout est dans les règles, tout est dans les normes. Le pouvoir exécutif, ce qu'il fait, M. le Président, c'est qu'il propose à l'Assemblée nationale – et on va en décider ici – de référer à la commission des institutions le fait d'étudier la démarche de la participation et de la consultation du public: «Que la commission des institutions se réunisse afin de déterminer de quelle manière les travaux de cette commission pourront préparer et faciliter la démarche d'information et de participation qui aura lieu sur l'avant-projet de loi sur la souveraineté du Québec.»

On peut donc référer toute matière, M. le Président, que ce soit le libre-échange, que ce soit en fonction d'une consultation, c'est tout à fait conforme à nos règlements, et la motion que j'ai déposée hier a même un précédent très récent qui est en 1992, sous le régime libéral, pour que la commission des institutions ait un mandat. Si on votait contre ici, on ne pourrait pas aller aux institutions en discuter.

La manière, donc, logique, la recevabilité même, prima facie, M. le Président, c'est clair que c'est juridiquement correct; dans sa forme, il n'y a rien qui cloche. On a utilisé exactement l'article qu'il fallait, on a utilisé exactement un mandat, et c'est à l'Assemblée nationale ici, démocratiquement, de dire s'ils veulent ou pas que la commission des institutions s'en prévale. C'est clair, ça. Il n'y a pas d'autre alternative.

La recevabilité, quant aux propos qu'un premier ministre peut avoir dit sur la démarche qu'il entendait faire... Tout gouvernement responsable d'abord prévoit des démarches. Tout gouvernement responsable. Il dit: Voici comment nous allons procéder. On a même déposé en toute transparence à l'Assemblée nationale le fonctionnement pour la participation.

M. le Président, ce n'est pas là qu'est le problème et ce n'est pas là que le bât blesse. Ils sont obligés de s'objecter à tout parce qu'ils ne veulent pas participer. Bien, ils voteront contre! Ils voteront contre la motion. Mais qu'on ne vienne pas dire que c'est irrecevable au point de vue du règlement parce qu'ils ne veulent pas participer. Ça, c'est leur problème à eux. Et on verra tantôt, sur la motion, M. le Président, pourquoi ils ne veulent pas participer. J'ai l'intention de vous en parler.

Donc, sur la recevabilité, M. le Président, nul doute que l'Assemblée nationale a le pouvoir, ici, de référer cela à une de ses commissions. C'est là l'objet de la motion. Qu'on ne vienne pas dire que c'est irrecevable. L'objet même de la motion, c'est de donner un mandat à la commission des institutions pour qu'ils aillent étudier les modalités de consultation et de participation. S'ils ne veulent pas participer, ils feront leur choix, mais on ne peut pas... Ils veulent même s'objecter au processus parlementaire. Ils ne veulent même pas que le Parlement étudie la possibilité en commission. C'est ça, fondamentalement.

M. Paradis: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le leader du gouvernement, j'aimerais que vous argumentiez, comme vous l'avez très bien fait jusqu'à maintenant, sur la recevabilité ou non et non pas sur, je ne sais pas, moi, les raisons fondamentales autres que les raisons réglementaires.

M. Chevrette: Si j'ai bien fait jusqu'à maintenant, pourquoi je ne continuerais pas?

Le Vice-Président (M. Brouillet): Jusqu'à maintenant, c'était... Ça commençait à déraper, là. C'est pour ça.

M. Chevrette: Je vais vous rappeler votre rôle, M. le Président. Mon collègue s'est permis de vous rappeler votre rôle; je vais me permettre de vous rappeler votre rôle.

L'Assemblée nationale, à la rigueur, pourrait voter contre une référence à la commission des institutions. C'est une motion de forme, ça, M. le Président. C'est pour ça que c'est un débat restreint d'une heure, et je ne vois pas en quoi le leader de l'opposition peut s'objecter à une question de forme pour référer, M. le Président. Il n'a donné aucun motif, si ce n'est que d'invoquer le fait que l'exécutif a une procédure pour la nomination de ses commissions. M. le Président, votre rôle, c'est de trancher, non pas sur les motions, mais sur le juridique de nos règlements.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je remercie le leader du gouvernement.

Une voix: Je n'ai pas dérapé.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Écoutez, je pense que je suis suffisamment informé, là. J'ai entendu longuement les interventions de part et d'autre. À moins que vous vous en teniez strictement à de l'interprétation réglementaire, je vais vous donner une dernière intervention, mais il faut que ça s'en tienne exclusivement à de l'argumentation réglementaire, et non pas à autre chose.


M. Pierre Paradis

M. Paradis: Je tiens à vous assurer, M. le Président, que je n'ai pas l'intention de déraper. Je veux m'en tenir strictement, M. le Président, aux objections que nous avons présentées. Je vous avais dit, au tout début, que nous ne connaissions pas, de ce côté-ci, de précédent, de situation analogue. Mon bon ami le leader du gouvernement vous a apporté ce qu'il considère, lui, être un précédent; un seul, d'ailleurs, il n'en a pas apporté d'autres. Je tiens immédiatement à...

Une voix: Qui a la parole?

M. Paradis: M. le Président, est-ce que je pourrais continuer? Mon bon ami le leader du gouvernement vous a soumis un précédent. Je vous demande de ne pas tenir compte de ce précédent, M. le Président, parce qu'il ne contient pas les éléments que contient, cette fois-ci, la motion qui est devant vous. Le précédent qui vous a été soumis par mon bon ami le député de Joliette et leader du gouvernement n'était pas dans le cadre d'un autre document soumis à l'Assemblée nationale le même jour par le pouvoir exécutif, n'était pas, non plus, dans le cadre d'une conférence de presse suivie, où le premier ministre, président de l'exécutif, a dit que ce serait suivi d'un décret, donc que ce n'est pas l'Assemblée nationale qui déciderait, mais que ce serait le pouvoir exécutif.

Je n'ai pas entendu, M. le Président, de la part de mon bon ami le député de Joliette et leader du gouvernement d'autres arguments quant à la séparation des pouvoirs. Il s'agit d'une notion de base dans notre société. Je ne reprends pas les arguments que je vous ai soumis tantôt; je vous ai simplement soumis que vous étiez le gardien de cette séparation des pouvoirs, qu'il nous apparaît d'une première importance que la démocratie québécoise soit basée sur cette séparation des pouvoirs et que nous ne voulons pas, en aucun temps, dans un processus aussi important que celui que nous connaissons, dans aucun temps, que l'Assemblée nationale serve de bras d'exécution au désir de l'exécutif qui passe sa commande et qui, s'il n'est pas satisfait de nos travaux, peut toujours décider, par décret, de la façon que le référendum va fonctionner. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, M. le leader du gouvernement.


M. Guy Chevrette

M. Chevrette: M. le Président, quand on veut mêler tout le monde, on complexifie tout.

L'article 146 existe pour donner un mandat à une commission. C'est à l'Assemblée nationale, ici, à se brancher si on donne un mandat ou pas. C'est ça, la question fondamentale: Est-ce qu'on a le droit, en vertu de l'article 146 de nos règlements, de confier un mandat à la commission des institutions? Et, à ce titre, l'Assemblée peut envoyer en commission l'étude de toute matière, M. le Président.

J'ai donné l'exemple d'un mandat qu'on avait donné ici, en 1992, à la commission des institutions. C'est ici que ça commence, le processus. Et c'est à la commission, M. le Président, c'est à la commission de décider. C'est à la commission de décider et non pas au leader de l'opposition. C'est à la commission des institutions de décider quel sera le mode, et non pas... Ici, c'est un mandat que l'on donne. Et, en tout respect, M. le Président, ça ne résiste même pas à l'analyse, l'argumentation du leader de l'opposition.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, de part et d'autre, pour vos explications, vos argumentations. Vous allez comprendre que je vais suspendre quelques minutes, parce qu'on me demande de trancher les relations très étroites du législatif et de l'exécutif. C'est un grand débat dans nos démocraties parlementaires. Alors, je ne pourrai pas, sur le champ, trancher tout ça. Alors, je vais suspendre quelques instants les travaux.

(Suspension de la séance à 15 h 30)

(Reprise à 17 h 59)


Décision du président sur la recevabilité

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'ordre, s'il vous plaît! Veuillez vous asseoir. Tel que convenu au moment de la suspension, je vais maintenant rendre ma décision sur la recevabilité de la motion du leader du gouvernement inscrite au feuilleton et préavis le 7 décembre 1994 et qui se lit comme suit, et je cite:

«Que la commission des institutions se réunisse afin de déterminer de quelle manière les travaux de cette commission pourront préparer et faciliter la démarche d'information et de participation qui aura lieu sur l'avant-projet de loi sur la souveraineté du Québec.»

Cette motion est présentée en vertu de l'article 146 du règlement de l'Assemblée nationale. Cet article se lit comme suit, et je cite:

«L'Assemblée peut envoyer en commission l'étude de toute matière. Elle le fait soit sur une motion du leader du gouvernement, qui ne peut être amendée mais peut faire l'objet d'un débat restreint d'au plus une heure, soit sur une motion d'un député de l'opposition le mercredi, après la période des affaires courantes. Le mandat confié par l'Assemblée est prioritaire.» Fin de la citation.

(18 heures)

J'aimerais, à ce moment-ci, rappeler aux membres de l'Assemblée quels sont les mandats susceptibles d'être confiés par l'Assemblée à une commission. Ceux-ci sont énumérés à l'article 119 de notre règlement. Ainsi: «À la demande de l'Assemblée, les commissions étudient: 1° les projets de loi; 2° les crédits budgétaires; 3° toute autre matière qui leur est confiée.» Par ailleurs, l'article 146 détermine comment se fait l'envoi en commission de l'étude de toute matière.

À la lecture même de la motion, nous ne pouvons que constater que les critères de recevabilité énumérés aux articles 119 et 146 ont été respectés. En effet, le mandat confié à la commission des institutions dans la motion du leader du gouvernement est de la catégorie des mandats dont il est question à l'alinéa 3° de l'article 119. Il s'agit de toute matière susceptible d'être confiée à une commission par l'Assemblée. Quant à l'article 146, il habilite le leader du gouvernement à envoyer en commission l'étude de toute matière.

Quant au fond de la motion, il s'agit de vérifier si le mandat confié à la commission des institutions est de la compétence de cette dernière. Pour ce faire, il suffit de lire le libellé de la motion, telle qu'inscrite au feuilleton et préavis. Le contexte entourant son inscription au feuilleton de même que les déclarations faites ultérieurement ne doivent pas être pris en considération parce qu'ils ne sont pas partie à la motion comme telle. Que l'exécutif s'exprime sur la même question ne peut avoir d'incidence sur le principe même de la motion.

La motion a essentiellement pour objet de confier à la commission des institutions le mandat, non pas d'organiser les travaux des commissions régionales, mais plutôt de préparer et faciliter la démarche d'information et de participation qui aura lieu sur l'avant-projet de loi sur la souveraineté. La commission des institutions se voit donc confier le mandat d'éclairer l'Assemblée quant à la façon de préparer et de faciliter cette démarche. Il s'agit d'un mandat tout à fait conforme à l'esprit de l'article 146. D'ailleurs, dans le traité de jurisprudence parlementaire de Beauchesne, sixième édition, à la page 230, l'auteur écrit, et je cite: «Les comités permanents, constitués en application du Règlement, ont pour mandat de scruter l'activité des organismes gouvernementaux et des ministères, ainsi que d'étudier les prévisions budgétaires, puis de faire rapport à la Chambre de leurs conclusions. La Chambre peut cependant les charger d'études ou d'enquêtes diverses, comme elle l'entend.» Fin de la citation.

Au terme de l'exécution de son mandat, la commission des institutions fera rapport à l'Assemblée, et ce, conformément à l'article 174 de notre règlement. Ce rapport contiendra, le cas échéant, les observations, conclusions et recommandations de la commission des institutions, et ce, toujours dans le but d'éclairer l'Assemblée. Ce rapport sera pris en considération dans les 15 jours suivant son dépôt à l'Assemblée, conformément à l'article 94 de notre règlement. Puis, selon l'article 95 de notre règlement, le débat sur le rapport de la commission des institutions ne pourra entraîner aucune décision de l'Assemblée. Toute action prise par le gouvernement ne pourrait être contraire à la volonté de l'Assemblée, puisque celle-ci ne se sera pas exprimée.

La démarche poursuivie par le leader du gouvernement est en tout point conforme à notre règlement. La motion est, en conséquence, recevable.

Alors, il est 18 h 5. Nous allons suspendre nos travaux jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 h 5)

(Reprise à 20 h 5)

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'ordre, s'il vous plaît! Je vous prierais de vous asseoir.

Nous entreprenons le débat sur la motion du leader du gouvernement, et, comme je vous le disais cet après-midi avant la suspension de nos travaux, je vous rappelle que, conformément aux dispositions de l'article 146 du règlement, cette motion ne peut être amendée et fait l'objet d'un débat restreint d'au plus d'une heure.

Je vous informe de la répartition du temps de parole établi pour sa discussion. Mise à part la réplique de 10 minutes accordée à l'auteur de la motion et les cinq minutes allouées au député indépendant, les deux groupes parlementaires se partageront également la période consacrée à ce débat, soit 22 minutes et demie chacun.

Alors, je cède la parole à M. le leader du gouvernement.


Débat sur la motion


M. Guy Chevrette

M. Chevrette: Oui, M. le Président. Tout d'abord, M. le Président, je voudrais dire que cette motion que nous allons débattre pendant la prochaine heure, je pense qu'elle est d'une importance capitale, en ce sens, M. le Président, que cette motion vise à faire participer l'ensemble des parlementaires, comme c'est la tradition, d'ailleurs, dans le Parlement, quand on confie un mandat à une commission, participer à réaliser le mandat que lui confie l'Assemblée nationale. À toutes fins pratiques, ce que nous votons ce soir, sur quoi nous aurons à voter ce soir, c'est un mandat que nous voulons donner à la commission des institutions, celui de nous faire les suggestions d'usage en ce qui regarde la consultation et la participation des citoyens et citoyennes du Québec.

M. le Président, le gouvernement aurait pu mener une opération à partir de ses objectifs, de ses politiques, la mener seul, sans consulter les parlementaires, sans leur demander de nous dire ce qu'ils pensaient de cette démarche, sans nous dire ce qu'ils suggéraient comme type de commission, de composition de commission, de travail de commission, comment ils pouvaient faire les choses dans chacune des régions. Cette consultation que nous proposons, M. le Président, nous offrons l'opportunité aux parlementaires, comme pouvoir exécutif, comme gouvernement, de nous faire leurs suggestions.

C'est arrivé dans le passé, M. le Président, et à maintes reprises dans ce Parlement, que nous donnions des mandats à une commission précise et qu'on soit en profond désaccord. Comme formation politique, moi, je me souviens combien de fois nous avons été référés à une commission, pendant neuf ans sur les banquettes de l'opposition. Combien de fois j'ai été référé, M. le Président, comme député, à une commission à laquelle je n'avais pas le goût d'aller et que j'étais contre, carrément, dès le départ, le sujet qu'on allait me faire étudier. Mais les citoyens de mon comté, les citoyens du Québec qui nous ont élus, nous demandent de faire notre travail. Les citoyens qui nous ont élus nous demandent, M. le Président, d'aller dire ce qu'on pense, qu'on soit pour ou qu'on soit contre. Les citoyens qui nous ont élus nous demandent de faire notre travail à partir de nos orientations, bien sûr, de parti politique, d'options que nous avons, mais, en conscience – et c'est le rôle fondamental des députés en cette Chambre, individuellement – nos citoyens ne nous ont pas dit, ne nous ont pas donné le mandat de nous dérober à nos responsabilités.

Le mandat que le gouvernement propose à la commission des institutions, c'est d'aller dire ce qu'on pense sur une consultation. Vous avez entendu, depuis mardi, depuis le début de cette motion et de cet avant-projet, M. le Président, une foule de questionnements. Illégitimité! C'est effrayant! C'est illégitime! C'est cachottier! J'ai entendu toutes sortes de mots, même antiparlementaires. Mais, M. le Président, est-ce que c'était cachottier, est-ce que c'était cachottier d'avoir l'option du fédéralisme renouvelé? Est-ce que c'était illégitime de faire une commission exclusivement sur le fédéralisme renouvelé? Est-ce que c'était illégitime de créer deux commissions, dont une était exclusivement sur les avantages ou les inconvénients du fédéralisme? Est-ce que c'est illégitime, pour une formation politique qui se fait élire avec une option claire et qui, durant toute la campagne électorale, parle de sa volonté politique de faire un référendum auprès de la population québécoise, est-ce que c'est illégitime que de la soumettre en consultation, M. le Président? Ce qui est illégitime et ce qui est surtout, M. le Président, inacceptable en droit parlementaire, c'est de ne pas reconnaître le droit à un gouvernement démocratiquement élu d'aller de l'avant avec ses engagements.

(20 h 10)

La loi 150, il y en avait deux options dedans, M. le Président: il y avait le fédéralisme renouvelé – parce que, le statu quo, personne n'en voulait, c'est ce qui nous reste sur la table présentement, mais le fédéralisme renouvelé, c'était une option – et il y avait la souveraineté. Et la loi 150 prévoyait, M. le Président, qu'on pouvait aller au peuple dans un cas comme dans l'autre. Quand le gouvernement libéral de M. Bourassa a décidé d'aller au peuple sur le fédéralisme renouvelé, est-ce que les souverainistes, dans cette Chambre, élus – puis j'en reconnais plusieurs qui étaient là – est-ce que l'on a refusé de remplir nos fonctions de parlementaires? Est-ce qu'on n'est pas allé dire dans les commissions ce qu'on en pensait? À chaque fois, M. le Président, à chaque fois, les parlementaires de notre formation politique se présentaient et entendaient des mémoires, ont écouté les spécialistes, ont questionné. Même s'ils ne partageaient pas, ils ont rempli leur rôle de députés démocratiquement élus pour faire valoir le pour ou le contre des choses. C'est ça, le rôle des parlementaires, M. le Président. Et, depuis mardi, on essaie de faire croire que c'est illégitime. Mais, le Parti québécois a été élu avec quelle option? Il a été élu avec l'option, bien sûr, d'en appeler au peuple, à l'intérieur même d'un calendrier très serré, d'aller au peuple pour soumettre son option.

Et si vous avez des choses à cacher, M. le Président, de l'autre côté de la Chambre, nous autres, on n'en a pas. Je me rappelle, moi, au référendum de Charlottetown, on voulait faire voter pour ou contre une option qui était comprise dans un document, puis on ne sortait pas le document. Rappelez-vous! On a été obligés, nous qui étions dans le camp du non, de publier le document et même de l'annoter pour l'expliquer, M. le Président. Puis les citoyens ont voté, puis ils ont battu l'option du fédéralisme renouvelé.

Nous, on a une option qui est la souveraineté, puis on ne s'en cache pas. On le dit en toute transparence... M. le Président, si le député de Saint-Louis veut parler, qu'il demande la parole. Je ne les fatiguerai pas quand ils parleront, moi.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, s'il vous plaît, je vous rappelle aussi, tout le monde, à l'ordre et... Enfin, non, il n'y a pas d'intervention sur ça. Tout simplement, le règlement est très clair, le règlement dit qu'on ne doit pas intervenir pour interrompre un député qui parle. Alors, je vous inviterais, s'il vous plaît, à suivre le règlement, de part et d'autre.

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Brouillet): S'il vous plaît! Nous ne sommes pas à la période de questions, où les réponses ne doivent pas susciter de débat. Mais, c'est évident que, dans une intervention sur une motion, à ce moment-là, que ça suscite des débats, c'est normal, on est là pour ça. La seule chose, c'est qu'il faut attendre d'avoir le droit de parole pour en débattre. Alors, M. le leader du gouvernement.

M. Chevrette: Donc, M. le Président, je disais donc qu'au référendum de Charlottetown ce n'était pas les deux options qui étaient sur la table, ce n'était pas la proposition de Charlottetown ou la souveraineté, c'était la proposition de Charlottetown. Puis on a participé, M. le Président, à toutes les préparations et à tout le processus référendaire. Cette fois-ci, M. le Président, ce n'est pas Charlottetown. Il n'y en a plus, de fédéralisme renouvelé; ça a été rejeté par les Québécois lors du référendum. Il reste un statu quo auquel s'accrochent nos amis d'en face, M. le Président. Statu quo rejeté par plus de 70 %, même des fédéralistes. Il y a même des fédéralistes, M. le Président, qui rejettent le statu quo. Ce n'est pas de notre faute s'ils n'ont pas d'option à présenter, s'ils sont accrochés à un statu quo que personne ne veut. Ça, ce n'est pas de la faute des parlementaires dans cette Chambre. C'est à une formation politique de s'en définir une, option politique, M. le Président, sur le plan constitutionnel.

Nous, on en a une. On a eu le courage politique de prendre l'engagement de la soumettre au peuple. On a pris l'engagement politique, M. le Président, de consulter la plus vaste portion de la population. On a pris l'engagement politique et gouvernemental de le distribuer dans le porte-à-porte, pour que les citoyens sachent exactement ce que c'est. Vous conterez les peurs, M. le Président, vous savez, les pensions de vieillesse. Là, ça va être marqué que les pensions, il y a un droit à la pension, il est inaliénable. M. le Président, c'est ça. On voudrait qu'on cache ça. On ne le cachera pas. Il n'y a rien de plus démocratique et de plus formidable, en politique, que d'être transparent et de réaliser ses engagements. C'est ça qui retisse le lien de confiance entre les citoyens.

M. le Président, oui, on a l'intention de consulter la commission des institutions pour qu'ils nous fassent des suggestions. Je prends, par exemple, le cas du député de Rivière-du-Loup, qui participera à la commission des institutions et qui viendra nous dire: Moi, je veux un représentant, au moins, sur chacune des commissions. C'est le genre de discussion qu'on va avoir, à la commission des institutions. C'est le genre de dialogue qu'on va avoir. Et on veut procéder, peut-être, par des audiences de mémoires, peut-être par du courrier, même, que la commission pourrait recevoir, peut-être par des forums que l'on pourrait organiser. C'est ça qu'on veut faire, M. le Président, des suggestions pour enrichir le mécanisme de consultation et de participation de la population.

M. le Président, en démocratie, de quoi peut-on avoir peur d'aller au peuple? Expliquez-moi donc, M. le Président, nous, les députés, ici, dans cette Chambre, hommes ou femmes qui allons solliciter le vote de chacun de nos citoyens, en leur disant: Votez pour moi, je vous assure que je serai correct. Je vais venir vous voir, je vais venir vous consulter. On ne va pas les voir seulement pour «seiner» un vote; on va les voir, M. le Président, pour savoir ce qu'ils pensent. C'est ça qu'on veut faire dans la consultation. Qu'est-ce qu'il y a d'affolant dans ça? Qu'est-ce qu'il y a d'épeurant dans ça? Oui, mais vous allez leur présenter seulement la souveraineté. Bien oui, mais vous leur présenterez votre fédéralisme de statu quo. C'est votre choix. M. le Président, à voir les réactions dans cette Chambre, on dirait qu'il y en a qui ont honte de leur position, puis ils ont peur d'aller l'exprimer, ils ont peur d'aller s'asseoir devant les citoyens qui vont venir dire ce qu'ils pensent de l'option souverainiste. C'est clair.

Et j'espère, M. le Président, que celui qui répliquera tantôt pourra expliciter son option. C'est quoi? C'est quoi, le rôle du Québec dans un Canada? Quelle évolution voit-il? Quels mécanismes met-il de l'avant pour sortir des ornières des 30 dernières années? Qu'est-ce qu'ils prétendent, qu'est-ce qu'ils voient comme juridiction du Québec en matière de communications? Comme la critique, transférer au plus sacrant les juridictions au fédéral? Qu'est-ce qu'ils voient en matière de développement régional? Est-ce qu'ils voient que c'est le Québec qui devrait avoir les fonds, les gérer de façon cohérente? En matière de formation professionnelle, est-ce qu'ils voient la juridiction exclusive du Québec? Qu'ils le disent, et qu'ils aient le moyen... Pas écrire des petites lettres: On aimerait avoir ça.

Nous, on veut en sortir, de ce carcan. Ça fait 30 ans, M. le Président, ça fait 30 ans qu'on piétine, puis, quand on piétine, on recule. Vous savez ça, quand on reste sur place, on recule, on n'avance pas. M. le Président, on n'a jamais autant reculé. On n'a jamais autant reculé, au cours des neuf dernières années, qu'avec le gouvernement qu'on a eu. Hé! ils se battaient; 34 000 000 $ pour le référendum fédéral, rappelez-vous. On est allé chercher ça dans une semaine et demie, nous autres. Pourquoi? Parce qu'ils savent que, nous, quand on veut quelque chose, on le veut, puis quand on dit qu'on va représenter les citoyens et qu'on va respecter nos engagements, ils savent qu'on va le faire.

Rappelez-vous ce qu'on avait fait en 1976. M. le Président, en 1976, l'équipe qui est de ce côté-ci de la Chambre s'était présentée en disant: On va régler la question linguistique; il y a eu la loi 101. On va régler la question du zonage agricole; il y a eu la loi 90. On va régler la loi sur l'aménagement du territoire; on a eu la loi 125. On a dit: On va orchestrer et on va encadrer le financement des partis politiques; on a eu la loi 2. On a dit: Les jeunes, ça n'a plus d'allure, dans l'assurance automobile – c'étaient des 5 000 $, 6 000 $ d'assurance – on a dit: Loi sur l'assurance automobile; on l'a eue, M. le Président. Et on a dit qu'on tiendrait un référendum à l'intérieur du premier mandat, et on l'a tenu. On a un passé éloquent sur le respect de nos engagements, M. le Président, nous.

Mais, quand une formation politique nous fait voter une loi 150, où plusieurs parmi eux, là, assis en face de nous, M. le Président, ont voté pour à trois reprises: ils ont voté pour le dépôt, ils ont voté pour le principe, ils ont voté pour le rapport puis ils ont voté pour la troisième lecture. Quatre fois! Quatre fois, ils nous ont dit qu'il y aurait un référendum advenant un échec sur le fédéralisme renouvelé, il y aurait un référendum sur la souveraineté et, un an, jour pour jour, après, on serait souverain.

(20 h 20)

M. le Président, le chef de la formation libérale a dit: M. Bourassa n'a jamais pensé qu'il l'appliquerait. Le législateur qui dit ça? Comment voulez-vous que la population ait un lien de confiance avec les hommes et les femmes politiques avec de tels jugements? Un premier ministre qui, à Granby, s'en va dire: Moi, si je suis élu, je ne représenterai pas les souverainistes, je vais représenter seulement que les fédéralistes. M. le Président, c'est quoi, ce type de démocratie que l'on a? C'est quoi, ce type de démocratie que l'on veut exercer au Québec? C'est quoi, cette crainte d'aller dire ce qu'on pense comme manière de participation ou de consultation? «C'est-u» parce qu'on n'a pas d'idées qu'on ne veut pas participer? Ça n'a pas de bon sens!

Quoi de plus noble, en démocratie, que d'aller au peuple? Et si les gouvernements, par exemple, veulent retisser ce lien de confiance avec la population, ils devront faire comme dans le mouvement syndical – et je vois le député de Bourassa. Dans le mouvement syndical, pour confirmer tes positions, pour les mettre à l'épreuve, qu'est-ce qu'on fait? On va à la base. En politique, la base, c'est la population du Québec. C'est ça, fondamentalement, qu'on fait: on retourne à la base même, à la source même, à ceux et celles qui nous font confiance et qui nous disent: Proposez-nous des choses et on les jugera.

M. le Président, qu'est-ce qu'il y a de plus noble, en démocratie, qu'est-ce qu'il y a de plus beau, en politique, que de soumettre à une consultation populaire, et leur dire: Qu'est-ce que vous en pensez? Moi, je n'y comprends plus rien, M. le Président. J'ai dit, lors d'une interview radiophonique, qu'il faut avoir des motifs pour agir de même. Et, les motifs, à mon point de vue, c'est parce que – je vais le dire; je les comprends un peu – quand un citoyen va leur demander: Quelle est ta position constitutionnelle? Ils n'en ont pas, puis ils ne veulent pas en définir une, ils ont peur de se déchirer entre eux. Je les comprends! C'est embêtant d'aller dire ça devant une population. Je les comprends aussi, d'aller s'asseoir devant du monde et de se faire demander: Mais où vous vous en allez, sur le plan du fédéralisme renouvelé, là, vous autres? Vous vous accrochez à à peu près tout ce qu'il y a de plus conservateur... Eh, le Chrétien des années quatre-vingt: un non voulait dire un oui au Québec. Qu'est-ce que ça nous a donné, dans le fédéralisme, ce non qui voulait dire un oui au Québec, depuis 1980? Ils vont devoir répondre à ces questions, c'est bien sûr. Je les comprends, M. le Président, qu'ils soient hésitants à participer.

Mais je voudrais faire appel, cependant, M. le Président, à tous les députés de cette Chambre, qui ont été élus non pas pour boycotter les décisions de cette Assemblée nationale, qui ont été élus pour dire ce qu'ils pensaient, en toute conscience. Ils ont été élus, M. le Président, pour venir dire oui ou non, et pourquoi. Ils n'ont pas été élus, M. le Président, pour essayer de finasser. Tous ou toutes, les femmes et les hommes politiques, ici, en cette Chambre, M. le Président, ont le devoir de participer aux travaux parlementaires, de dire ce qu'ils pensent, même s'ils ne sont pas d'accord. C'est ça, le rôle de la démocratie, M. le Président. Pas d'entourloupette pour essayer de boycotter les choses.

En conscience, M. le Président, c'est ce à quoi nous convoquent les citoyens et les citoyennes. Et, quant à moi, M. le Président, j'aime pas mal mieux me présenter devant un peuple qui veut savoir, un peuple désireux d'apprendre et de comprendre, un peuple qui n'est pas obnubilé par la partisanerie, un peuple qui pose ses choix, un peuple qui aura le dernier mot, M. le Président. Ce n'est pas cette Assemblée nationale qui aura le dernier mot, ce seront ceux et celles qui nous ont élus, tous. Et, M. le Président, si j'étais député libéral, je penserais un tantinet à ça. Merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Merci, M. le leader du gouvernement.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le leader de l'opposition.


M. Roger Lefebvre

M. Lefebvre: M. le Président, le processus astucieux du premier ministre a été imaginé de telle sorte que le gouvernement voulait se retrouver seul sur la glace. Alors, on va lui donner l'occasion de le faire ce soir. Et je voudrais... Et ce n'est pas une intervention sur la motion, c'est un commentaire et une information: nous n'avons pas l'intention d'intervenir, M. le Président. Les parlementaires d'en face pourront utiliser les 22 minutes et 30 secondes qui nous étaient allouées puisque, en vertu des règles reconnues, le temps qu'on n'utilise pas sur une telle motion accroît celui de la partie adverse. On vous laisse toute la place. Allez-y!

Une voix: Amusez-vous. Envoie!

Le Vice-Président (M. Brouillet): Avant, je vais reconnaître M. le député de Rivière-du-Loup, pour cinq minutes.


M. Mario Dumont

M. Dumont: Merci, M. le Président. Un des dangers, en pareille circonstance, c'est que le souci de continuer dans la direction qu'on a imprimée, j'oserais dire, une forme d'entêtement à vouloir poursuivre dans une direction parce que c'est celle qu'on avait hier, risque de prendre le dessus sur l'impact réel des décisions qu'on est en train de prendre sur l'avenir.

Le leader du gouvernement nous a parlé assez longuement de consultation, nous a parlé du droit du gouvernement de présenter son option. Comme député et au nom du parti que je représente ici, il n'est certainement pas question de contester la notion de «consultation», pas plus que de contester le droit fondamental du gouvernement de présenter, de défendre l'option qu'il a défendue avec vigilance durant toute la campagne électorale.

Maintenant, il est évident que le processus, depuis qu'il a été lancé, suscite plus d'inquiétude que d'enthousiasme, suscite plus d'appréhension que d'engouement. La réaction qu'il a provoquée chez l'opposition, la motion elle-même qui a obligé un long délibéré tant elle n'était pas pratique courante, notre connaissance d'une très grande probabilité que les débats sur la motion soient repris en commission parlementaire, à cause de la forme même de cette motion-là, m'amènent à conclure, comme plusieurs, comme plusieurs éditorialistes, comme plusieurs personnes de réflexion au Québec, que c'est mal parti.

L'histoire du Québec, les réflexions qui entourent notre avenir constitutionnel sont en cours depuis longtemps. Or, je me permets, ce soir, de demander aux membres du parti gouvernemental, même de demander au premier ministre, peut-être de prendre quelques jours de plus pour que la poussière retombe, pour qu'on évite de s'embourber.

Je soumettais, plus tôt dans la journée, au leader du gouvernement, un exemple d'une motion qui aurait suscité beaucoup moins de débats, qui aurait certainement stimulé la participation, même à cette Assemblée, de tout le monde, probablement – je me permets de vous la lire: «que la commission des institutions se réunisse afin de déterminer une démarche de consultation, d'information et de participation qui aura lieu sur l'avenir constitutionnel du Québec, incluant notamment l'avant-projet de loi sur la souveraineté du Québec» – qui n'empêche certainement pas le gouvernement de présenter son option, qui n'empêche certainement pas le gouvernement de promouvoir, de défendre son option, comme il l'a fait depuis des décennies.

(20 h 30)

Le leader du gouvernement nous disait: La population du Québec nous dit: Proposez-nous des choses, on en jugera. Il nous présentait ça comme l'esprit de la consultation. Je suis certainement d'accord. Et ce n'est, finalement, rien de plus que ça qui est demandé par bien des gens: l'assurance, la capacité de proposer des choses, l'espace, l'oxygène nécessaires, à l'intérieur du processus de consultation, pour proposer des choses, de sorte que les gens puissent, de fait, en juger. De permettre ça – pour répondre à certaines des préoccupations du leader du gouvernement – ne fera que mettre en lumière, ou mettre en relief s'il est des groupes ou des partis qui n'ont pas d'option à proposer.

Pendant que, ce soir, les parlementaires du côté gouvernemental, eux-mêmes inquiets de la démarche, eux-mêmes sensibles à tout ce qui se dit concernant la démarche, sont regaillardis par la performance oratoire du leader du gouvernement, il y a partout au Québec des gens qui continuent à se poser des questions, partout au Québec des gens qui ont le goût d'être consultés, qui sont conscients que le gouvernement a été élu sur une option, qui sont prêts à en discuter mais qui ont la ferme impression qu'il y a un petit coup de volant à donner, qui ont la ferme impression qu'il y a un petit coup de barre à donner, à ce stade-ci.

L'adoption de cette motion-là, avec un certain empressement dans le temps, ce soir, signifierait un pas de plus, sans donner ce petit coup de volant, sans donner ce petit coup de barre. Vous savez le souhait de la population dans tout ça? Pour bien des gens, la plupart des articles du projet de loi sont de bien peu d'intérêt. Ce qui intéresse bien des gens, c'est de savoir dans quel genre de Québec ils vont vivre, c'est de savoir ce qu'il va advenir, dans l'avenir du Québec, de l'endettement public par rapport à leur avenir économique, comment est-ce qu'ils vont faire travailler leurs enfants, quel genre de système d'éducation on va se donner pour être à la hauteur dans l'ensemble du monde, comment on va se procurer des soins de santé. Et le fait de limiter le débat à un corridor plus restreint ne contribue en rien à permettre à ces gens-là d'exprimer tout ce qu'ils ont à l'esprit.

Je suis convaincu, conscient que la volonté que cette démarche-là n'est pas une affaire de parti mais bien une affaire de tout le Québec, est une volonté sincère, sincère dans l'esprit de la plupart, probablement de tous les membres du gouvernement. Pour avoir discuté moi-même, personnellement, à plusieurs occasions avec des gens du parti gouvernemental, je connais une préoccupation sincère pour faire de la démarche qu'ils sont en train de lancer une question de société et non une affaire de parti.

Maintenant, à ce stade-ci, il serait utile d'agir en conséquence, de laisser tomber cette motion pour l'instant, de revoir une motion. J'en ai proposé humblement une. Je ne suis sûrement pas le meilleur pour en préparer, compte tenu de ma courte expérience parlementaire, mais de s'assurer qu'un processus de consultation sera un processus qui tendra à rehausser le niveau de confiance de la population, qui tendra à améliorer le climat dans lequel le débat va se faire. Et je me permets même d'espérer, j'aurais peut-être même l'audace de me permettre d'être convaincu que la décision du parti gouvernemental, ce soir, de retirer cette motion, de ne pas aller de l'avant avec cette motion, amènerait l'Opposition officielle à retirer une motion de censure qui est prévue à notre ordre du jour pour demain, qui est loin d'être plus constructive, ce qui permettrait de reprendre ce débat important, probablement unique pour l'avenir du Québec, dans un climat, dans une situation plus saine et plus susceptible de rendre la population confiante qu'elle va nous mener à des résultats intéressants.

Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Rivière-du-Loup. Maintenant, je suis prêt à entendre M. le leader adjoint du gouvernement.


M. André Boisclair

M. Boisclair: M. le Président, je ne sais pas si, à l'occasion de la dernière campagne électorale, les électeurs ont désigné en cette Chambre un médiateur, mais je dois vous dire que c'est certainement avec beaucoup de sérieux et beaucoup d'intérêt que les membres députés ministériels ont pris connaissance et entendu et écouté avec beaucoup d'attention les propos du député de Rivière-du-Loup. Le fait, d'abord, de manifester un certain nombre d'inquiétudes et de propositions quant au processus qui est en cours est certainement légitime, et le premier ministre a eu l'occasion de le dire au moment de la période de questions. Quant au processus, je pense qu'il y a possibilité – lui-même l'affirmait – il y a la possibilité d'en arriver à un certain nombre d'aménagements. Cependant, pour pouvoir discuter de ces aménagements, il nous faut des partenaires, il nous faut des interlocuteurs, il nous faut des gens qui sont prêts à s'asseoir à la table.

Je voudrais rappeler aux membres de cette Assemblée, M. le Président, que la motion qui est déposée devant nous, d'aucune façon, n'arrête, de façon précise, le processus. Bien au contraire, la motion que nous étudions ce soir invite les membres de la commission des institutions à s'asseoir, à discuter, comme nous le faisons ici en ce moment, pour voir de quelle façon il serait le plus efficace et le plus pertinent d'échanger et de consulter la population.

Nous le faisons dans un esprit, aussi, M. le Président, où nous sommes conscients des efforts qui ont été faits au cours des dernières années. Il est clair, pour les membres de la majorité, qu'il ne serait aucunement question de reprendre le débat que nous avons fait à Bélanger-Campeau. Les Québécois et Québécoises ont eu l'occasion de se réunir dans un forum sans doute remarqué par tous, autant par l'enthousiasme que ce débat a suscité dans l'ensemble des régions que par les conclusions certainement propres à faire cheminer le peuple québécois. Cette commission nous est arrivée avec des recommandations claires quant à l'avenir du Québec et proposait, de façon limpide, les deux avenues qui s'adressaient à l'ensemble des Québécois et Québécoises. Les voeux des commissaires de Bélanger-Campeau se sont traduits dans un projet de loi que nous avons adopté ici, à l'Assemblée nationale, et pour lequel les membres de l'opposition d'aujourd'hui, alors au gouvernement, ont voté à plusieurs reprises. Et ils ont eu l'occasion, tous, les uns après les autres, de s'exprimer de façon favorable sur ce projet de loi. On prévoyait – et ça a été rappelé de nombreuses fois en cette Assemblée – un référendum sur la souveraineté du Québec. On nous disait: Un an après le référendum, le Québec sera – jour pour jour, disait-on – un pays souverain. Bien, ça, ça a existé, M. le Président; ça fait partie de notre histoire. On ne peut pas, aujourd'hui, vouloir collectivement se redonner un nouveau Bélanger-Campeau.

Vous connaissez l'histoire récente. On connaît, on a vu toutes ces commissions aussi nombreuses les unes que les autres et aussi coûteuses les unes que les autres: commission Spicer, Beaudoin-Dobbie, Charest. Souvenez-vous de tout ce processus de consultation qui a été mis sur pied. Des gens, sur l'option, sur cette volonté de renouveler le fédéralisme, ont été entendus. Bien, pour la troisième fois, M. le Président, après le rapatriement unilatéral de la Constitution, après Meech, Charlottetown, pour la troisième fois, le rêve de ceux qui croient au fédéralisme renouvelé s'est éteint. C'est ce qui faisait dire à mon collègue, député de Lévis, que c'est aussi difficile de réformer le fédéralisme que de se mordre le front avec les dents d'en haut. Le député de Lévis, M. le Président, avait sans doute – et il le fait dans un langage beaucoup plus coloré que le mien – bien raison.

Donc, de ce point de départ, qu'est-ce qui s'offre à nous? La volonté du gouvernement, c'est de reprendre le processus là où il avait été laissé par le gouvernement libéral. Le processus prévoyait que si les offres et les propositions de renouvellement du fédéralisme n'étaient pas concluantes il nous fallait proposer un référendum sur la souveraineté du Québec. Voilà donc la démarche du gouvernement, et ce n'est pas rien qu'une démarche d'un gouvernement, ce n'est pas rien que la démarche d'un exécutif, c'est la démarche de l'ensemble de ceux et celles qui ont participé à Bélanger-Campeau et qui, de façon claire, se sont prononcés sur cette alternative.

(20 h 40)

La motion qui est devant nous, M. le Président, nous permet d'aller, ensemble, discuter dans nos institutions, dans ce forum démocratique sur lequel l'ensemble des parlementaires de l'Assemblée nationale conçoivent leur efficacité et conçoivent aussi leur valeur démocratique: au sein de nos institutions. On se dit: On va se servir d'une de nos commissions et on va définir un processus; on va définir et regarder ensemble de quelle façon il nous serait utile et efficace de procéder. C'est à cette discussion, M. le Président, que la motion du gouvernement nous convie.

Je pense que, en toute sagesse, il nous faut participer à cette discussion. On ne peut pas, de façon simpliste, dire: Bien, moi, je ne m'engage pas, moi, je ne participe pas. Nous avons tous été élus ici, à l'Assemblée nationale, pour faire valoir notre point de vue, pas pour se taire. Et ceux qui le font, sans doute pour des raisons qu'il leur reviendra d'expliquer... On pourrait en évoquer plusieurs. Le leader du gouvernement a bien fait comprendre que nos amis d'en face se trouvent dans une situation politique un peu difficile. C'est quoi, leur option? On ne la connaît pas. Peut-être qu'ils ont peur de venir s'asseoir et de discuter. Mais, à tout le moins, ils pourraient, avec nous, échanger. On ne peut pas tout simplement dire: Je boycotte, je ne m'assois pas, je ne parle pas, je reste dans mon coin. Ce n'est pas pour ça qu'on a été élus. Et je me demande bien qui, en cette Chambre, brime le plus les institutions politiques: ceux et celles qui veulent s'en servir ou ceux et celles qui les boycottent?

Ceux qui nous écoutent ce soir, M. le Président, seront certainement à même de porter un jugement. Je pense que nous agissons de façon sage; nous ne fixons pas d'avance le processus, les dés ne sont pas pipés. Il nous revient à nous tous, ici, dans cette Assemblée, avec les règles qui sont les nôtres et qui ont fait leurs preuves, puisqu'elles sont réussies et qu'elles ont résisté à l'épreuve du temps, nous proposons de nous asseoir ensemble, de définir ces règles de consultation. Et je pense que si nous sommes tous capables de faire preuve de l'ouverture et du courage dont le député de Rivière-du-Loup parlait tout à l'heure, je pense que, collectivement, nous pourrions faire un grand pas. C'est à ça, M. le Président, que le gouvernement convie l'ensemble des parlementaires de cette Assemblée et l'ensemble des Québécois et Québécoises. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le leader adjoint du gouvernement. Maintenant, je cède la parole au leader du gouvernement, pour la réplique. Vous disposez d'un temps maximum de 10 minutes, M. le leader du gouvernement.


M. Guy Chevrette (réplique)

M. Chevrette: Oui, M. le Président. Vous aurez remarqué, M. le Président, que l'opposition officielle a choisi de se taire, ou a choisi de s'exprimer par l'intermédiaire du député de Rivière-du-Loup. C'était vraiment sage, dans ce cas-ci, parce qu'on a eu droit, au moins, à des propos sensés.

Donc, M. le Président, je voudrais dire que vous voyez très, très bien, là, la violation de l'esprit même de ce que c'est que le parlementarisme. M. le Président, quand on se refuse à participer... Vous savez, il y a un proverbe qui dit que les absents ont toujours tort. Ils ne seront pas là. De toute évidence, ils ont décidé de se taire, ils n'ont rien à dire. Pourtant, ils savent très bien que, en cette Chambre, à tous les jours on se lève puis on commande à une commission d'aller faire du travail, M. le Président, et les deux formations partent puis vont travailler.

Parce que, M. le Président, ça ne correspond pas à leur point de vue, parce qu'ils n'ont pas d'idées, parce qu'ils n'ont pas d'option, parce qu'ils ne se sentent pas le courage politique d'affronter la population québécoise, ils se refusent, M. le Président, à participer. Franchement, là, c'est du jamais vu, ça, dans l'histoire du parlementarisme! Une formation politique, M. le Président, qui pousse le culot à essayer de défaire ce qu'il y a à peu près de plus noble – la consultation d'un peuple – en se targuant d'illégitimité, quand on sait qu'on a été élus, M. le Président, avec une option claire; on ne s'en est pas caché, M. le Président. À tous les jours, on a dit aux citoyens du Québec: Notre option, c'est la souveraineté du Québec. Ça fait 30 ans qu'on tergiverse d'un fédéralisme renouvelé à un autre, qui recule et qui nous fait reculer continuellement. Qui mieux qu'eux autres, M. le Président, en cette Chambre, et vous le savez, qui mieux qu'eux autres ont fait la démonstration, hors de tout doute raisonnable, que le fédéralisme était dans un cul-de-sac? C'est bien eux autres. C'est leurs petits frères rouges, à Ottawa, qui ont rapatrié tous les pouvoirs en communications. C'est les petits grands frères rouges d'Ottawa qui n'ont jamais voulu nous donner la formation professionnelle, la formation de la main-d'oeuvre. C'est leurs grands frères rouges d'Ottawa qui sont en train de nous couper systématiquement les paiements de transfert en santé.

Et, rappelez-vous, l'ex-ministre de la Main-d'oeuvre, M. Marcil, qui a annoncé trois fois la signature d'une entente avec le fédéral sur la main-d'oeuvre. Ha, ha, ha! Rappelez-vous. C'était rendu que les journalistes n'osaient même plus aller à ses conférences de presse: Il va nous l'annoncer une quatrième fois, puis il n'aura pas encore l'entente. Franchement, M. le Président! Si le ridicule avait tué, on n'aurait pas eu d'élection, parce qu'on n'aurait pas eu de députés en face de nous autres. Franchement!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chevrette: Qui mieux qu'eux autres ont fait la démonstration que ça ne marchait pas? Aujourd'hui, nous, on dit: Écoutez, démocratiquement, on a été élus. Avec beaucoup de transparence, on a exposé notre option. On a même pris l'engagement d'aller voir le peuple. Et là on veut prendre les moyens pour informer et faire participer le peuple. Ce n'est pas des farces, ça, M. le Président. Ça «peut-u» être bien, bien plus démocratique que de prendre ton option, la mettre dans un texte, l'envoyer au citoyen puis lui demander ce qu'il en pense? Qu'est-ce qu'il y a de plus démocratique que ça?

Moi, je ne comprends pas leur peur. Certains, oui, M. le Président, je les comprends. Si jamais la couronne de la reine d'Angleterre pouvait se promener, ils la porteraient.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chevrette: Ça, c'est clair. Pour certains, ça, je les comprends. Mais, pour d'autres, je ne suis pas certain. Il y a sans doute parmi eux des personnes très mal à l'aise ce soir, parce qu'il y en a qui croient à l'accroissement des pouvoirs du Québec. Il y en a certains parmi eux qui croient en la capacité des Québécois de faire. Ça, il y en a beaucoup, M. le Président. Ils ne sont pas tous du même acabit; ils ne sont pas tous du même acabit, M. le Président. Et il y en a qui sont fort mal à l'aise de voir aller ça, là, depuis quelques jours. Il y en a qui se sentent mal parce qu'ils savent très bien qu'ils ont été élus pour dire ce qu'ils pensaient. Et notre système parlementaire – et, là-dessus, je rejoins le député de Rivière-du-Loup – ne permet pas à ces individus de se lever, malheureusement, puis de dire ce qu'ils pensent, sous prétexte qu'il y a une grande solidarité de parti.

M. le Président, quand on a à faire un choix sur l'avenir d'un peuple, il me semble qu'on doit se tenir debout puis être capable d'afficher ses convictions. Puis j'en vise certains quand je dis ça. Puis je sais qu'il y en a qui se sentent visés quand je dis ça.

On ne peut pas avoir été plus transparents. Dans le programme électoral, l'option a été claire. Dans nos engagements électoraux, on a toujours dit ce qu'on ferait. On a dit qu'on irait en référendum. Et ce n'est pas vrai qu'on va cacher aux citoyens du Québec quelle est notre option. Ils vont l'avoir dans chacun des foyers du Québec. Ils vont pouvoir l'étudier. Ils vont pouvoir venir dire ce qu'ils en pensent. Ils vont pouvoir venir l'enrichir. Ils vont pouvoir venir l'amender. Et, si les libéraux se complaisent à ne pas participer, bien, au moins je voudrais les inciter à prendre ce temps pour se définir une position constitutionnelle. Réunissez-vous entre vous, entredéchirez-vous entre la reine et le fédéral, et tâchez de vous en définir une, si vous voulez vous bâtir une crédibilité.

Au niveau constitutionnel, M. le Président, ils n'ont aucune crédibilité. 70 % des gens rejettent le statu quo. Parmi eux, les principaux leaders s'accrochent à ça. Et ils sont même en train de marier leur vocabulaire avec leurs grands frères d'Ottawa. Écoutez Sheila Copps, hier, écoutez Chrétien, écoutez le chef de l'opposition, écoutez le leader de l'opposition, écoutez le député de Laurier, écoutez la députée de Saint-François, ils ont marié leur vocabulaire. Ils ont une trame de fond fantastique. Ils veulent effrayer la population.

M. le Président, franchement, là, ça a l'air de quoi, ça? J'aurais le goût de le baptiser, mais je ne le ferai pas. Mais je suis venu à un cheveu de le faire. Avec une telle orchestration de mots et de vocabulaire, avec de telles attitudes, je comprends pourquoi, le 12 septembre dernier, les citoyens du Québec ont décidé de les faire changer de bord de la Chambre. Je comprends, M. le Président, pourquoi les citoyens du Québec ont décidé de les faire changer de bord de la Chambre. Je comprends, M. le Président.

(20 h 50)

Et, quant à moi, M. le Président, je voudrais inciter nos concitoyens, toutes les forces vives du Québec, qu'ils soient pour ou qu'ils soient contre, je voudrais inviter toutes les associations, le communautaire, le monde syndical, le monde industriel, le monde commercial, je voudrais inciter les associations de développement économique dans nos régions, je voudrais inciter les élus municipaux qui croient en un Québec, au potentiel québécois, qui croient, M. le Président, qu'on se doit d'avancer comme peuple – on ne peut pas se permettre de piétiner et de rester sur place, de faire du sur place, M. le Président – j'invite tous ces gens-là à venir dire ce qu'ils pensent, qu'ils soient pour ou qu'ils soient contre.

M. le Président, le respect, ça se gagne dans l'expression d'opinions. Mais les faux-fuyants, ceux qui cherchent de fausses luttes stratégiques, des tactiques, M. le Président, en inventant n'importe quoi sur la légitimité et autre, sont souvent des personnes, M. le Président, qui n'ont pas le courage de se confronter, même entre eux, sur leurs propres idées. Que le Parti libéral québécois, M. le Président, ait le courage de soumettre à la discussion sa position constitutionnelle, entre eux. Qu'ils aient déjà ce courage-là, à court terme, et ils auront fait peut-être progresser un petit peu le Québec au lieu de foutre les jeunes dehors, comme ils l'ont fait. M. le Président, que le Parti libéral québécois ait donc le courage politique de présenter des alternatives à la population du Québec. Pas le statu quo, M. le Président, pas une formule qui nous fait reculer, pas une formule qui nous ratatine, qui nous rapetisse, mais qu'on ait une option, comme la nôtre, qui se veut, au moins, M. le Président, une volonté d'évoluer, d'avancer, de progresser et de s'épanouir comme peuple.

Et qu'est-ce qu'il y a de plus noble au monde que d'aspirer à maîtriser complètement ses leviers? Qu'est-ce qu'il y a de plus noble au monde, M. le Président, comme peuple, que de vouloir se gérer soi-même? Qu'est-ce qu'il y a de plus noble au monde, M. le Président, que de pouvoir dire: Nous, là, on a la capacité de faire quelque chose, on a la volonté de le faire, puis on va le faire. C'est ça, M. le Président, qu'on offre aux Québécois, rien d'autre.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je remercie M. le leader du gouvernement. Cette motion de M. le leader du gouvernement est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.


Vote reporté

M. Chevrette: M. le Président, je voudrais, conformément au règlement, que vous remettiez le vote après la période de questions, demain.

Des voix: Ah! Ah!

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, le vote sera reporté à demain, après la période de questions. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boisclair: M. le Président, j'appelle l'article 2 du feuilleton.


Projet de loi 41


Reprise du débat sur l'adoption du principe

Le Vice-Président (M. Brouillet): L'Assemblée va reprendre le débat sur l'adoption du principe du projet de loi 41, Loi modifiant le Code de procédure civile et la Loi sur les cours municipales. Y a-t-il d'autres interventions sur l'adoption du principe de ce projet de loi? M. le député de Drummond, je vous cède la parole.


M. Normand Jutras

M. Jutras: Alors, M. le Président, j'interviens ce soir sur le projet de loi 41, qui a été déposé par le ministre de la Justice et qui a pour but de modifier le Code de procédure civile et la Loi sur les cours municipales. Le but principal de cette législation, M. le Président, est de diminuer les délais que l'on retrouve devant nos différentes cours de justice. Vous savez, M. le Président, que ces délais sont devenus, à travers les années, un problème majeur, et cette situation, au lieu de s'améliorer à travers les années, elle se détériore.

Devant la Cour supérieure, présentement, M. le Président, tout dépendant des districts judiciaires, on retrouve des délais qui varient entre un an, deux ans, et, dans certains cas, c'est même plus que deux ans. Devant la Cour d'appel, c'est là que nous avons un problème très sérieux; devant la Cour d'appel, M. le Président, nous sommes rendus avec des délais qui sont de l'ordre de cinq ans. Alors, ça veut dire, si on regarde une application pratique de ces délais-là, qu'aujourd'hui, par exemple, un justiciable confronté avec un problème de droit, avec une situation litigieuse, et qui doit soumettre son problème au tribunal, ça veut dire que, s'il est chanceux, il verra la lumière au bout du tunnel en l'an 2000. Alors, vous comprendrez, M. le Président, que cette situation ne peut plus durer, qu'il faut donc réagir et qu'il faut remédier à cette situation-là.

Les problèmes que ça entraîne, les délais, M. le Président, devant les cours de justice – et je l'ai vécu, comme praticien du droit, durant plus de 20 ans – ils sont variés, ils sont nombreux et ils sont sérieux. D'abord, il y a une question de coûts que les délais entraînent. Il y a un adage qui dit: Le temps, c'est de l'argent. Alors, quand vous vous retrouvez avec une situation de droit, un problème d'ordre juridique qui dure quatre, cinq ou six ans, ce sont des coûts que ça entraîne.

Il y a aussi, M. le Président, que, quand quelqu'un doit s'adresser au tribunal, c'est parce qu'il vit une situation conflictuelle, c'est parce qu'il vit un problème qu'il veut voir réglé. Et, évidemment, vivant une situation conflictuelle, cela veut dire qu'il y a un certain stress qui accompagne cette situation-là. Avec, encore, les délais que nous retrouvons, ça veut dire que la personne se voit donc confrontée à son stress tant que son litige n'est pas résolu.

Il y a aussi, M. le Président, une question de confiance envers notre système judiciaire, que ça entraîne, ces délais-là. Combien de fois, comme praticien du droit, je me suis fait demander par des gens: Mais, comment ça se fait que ça prend tant de temps? Comment ça se fait qu'il n'y a pas moyen d'être entendu? Comment ça se fait que c'est encore reporté? De sorte que ça veut dire que les gens en viennent, à un moment donné, à douter du système; ils se demandent si les juges travaillent, ils se demandent si les avocats font leur travail, ils se demandent si le personnel de l'administration de la justice fait son travail.

Il y a aussi des situations bien pénibles que l'on rencontre, M. le Président, à cause de ces délais-là. Je pense, entre autres, même, à des questions de survie d'entreprises, que l'on a vues à travers les années. On voit aussi des gens qui connaissent bien ce qu'il en est des délais de justice et qui profitent de ces délais-là. Cependant, M. le Président, lorsque ça se fait, ça se fait au détriment d'une autre partie. Et, combien de fois il est arrivé, à l'intérieur de notre système judiciaire, que des entreprises, comme on dit, si vous me permettez l'expression, «ont sauté» parce que l'entreprise attendait son argent et, confrontée à des délais qui n'en finissaient plus, bien, à un moment donné, cette entreprise n'en pouvait plus et devait abandonner. Et c'est une situation, dans ma pratique, que j'ai rencontrée à plusieurs reprises. De sorte que ça fait en sorte que des gens se découragent, et ça fait aussi en sorte que des gens renoncent à faire valoir leurs droits.

Il y a un adage qui dit, M. le Président, que: Le pire arrangement vaut mieux que le meilleur des procès. Personnellement, comme praticien du droit, je ne suis pas d'accord avec cet adage-là, mais avec des délais comme ceux qu'on retrouve présentement dans notre système judiciaire, ça l'accrédite, cet adage-là. Et je peux comprendre, effectivement, que des justiciables, à un moment donné, se disent: Bien, je préfère prendre la moitié présentement que d'attendre le double dans cinq, six ou sept ans, si mon débiteur est encore de ce monde et peut me payer à ce moment-là.

(21 heures)

C'est un engagement, M. le Président, que, durant ma campagne électorale, j'avais pris parce que, comme praticien du droit, j'étais confronté quotidiennement avec ces problèmes-là, et c'était le genre de problèmes que je ne pouvais pas accepter. C'est pourquoi, M. le Président, je salue l'initiative du ministre de la Justice qui, dès cette première session, présente ce projet de loi là, parce que le problème, il est rendu tellement aigu – je vous mentionnais tantôt le délai de l'ordre de quatre à cinq ans devant la Cour d'appel – que ça n'a pas de sens et, comme on dit: Aux grands maux les grands remèdes. Il faut donc, dans cette situation-là, M. le Président, adopter des moyens qui vont permettre aux justiciables de s'adresser à la justice et de voir leur litige résolu dans un délai raisonnable.

Si on regarde les dispositions du projet de loi, on a, en premier, l'article 1 de cette loi-là, du projet de loi, devrais-je dire, qui veut modifier le Code de procédure civile et la Loi sur les cours municipales et qui veut porter la juridiction, la compétence, dis-je, de la Cour d'appel de 15 000 $ à 20 000 $. Alors, on sait que, présentement, pour aller en appel d'une cause, il faut que le jugement soit de 15 000 $ et plus. Le but du projet de loi est de porter cette juridiction de la Cour d'appel à 20 000 $, c'est-à-dire qu'un justiciable pourra aller en appel d'un jugement de 20 000 $ et plus.

J'entendais une critique, cet avant-midi, du député de Chomedey, qui se demandait s'il y avait lieu de limiter ce droit d'appel. Effectivement, M. le Président, ça veut dire que, pour les causes de 15 000 $ à 20 000 $, alors qu'auparavant il y avait un droit d'appel, maintenant il n'y aura plus de droit d'appel. Cependant, et je reviens à ce que je disais tantôt, notre problème de délai en justice est tellement rendu grave qu'il faut prendre des moyens pour le régler, et c'en est un en allégeant le fardeau de la Cour d'appel. Parce que les juges de la Cour d'appel, M. le Président, sont surchargés, ils ne fournissent pas. La preuve en est qu'ils font des sessions intensives et, malgré ces sessions intensives, M. le Président, on se retrouve avec des délais de quatre à cinq ans. Alors, en enlevant de la juridiction de la Cour d'appel les causes de 15 000 $ à 20 000 $, bien, on enlève donc un certain nombre de causes à ce tribunal-là, de sorte que les autres causes pourront donc, nous l'espérons, être entendues dans un délai qui est plus rapide.

Évidemment, en référant aux commentaires du député de Chomedey, ce matin, qui disait: Oui, mais, pour les causes de 15 000 $ à 20 000 $, il n'y a plus d'appel, il demeure, cependant, M. le Président, que l'article 26 du Code de procédure civile, deuxième alinéa, qui permet de loger un appel devant la Cour d'appel avec la permission de la Cour d'appel lorsque c'est une question qui devrait être soumise à cette Cour-là, cet article-là est là. Ça demeure une soupape, de sorte que, quand la question en est une d'intérêt, qui devrait être soumise à la Cour d'appel, le recours est encore là.

Une autre disposition de ce projet de loi, M. le Président, est d'augmenter la compétence de la Cour du Québec, chambre civile, d'augmenter cette compétence-là de 15 000 $ qu'elle est maintenant... On sait que, présentement, la Cour du Québec entend les causes de moins de 15 000 $. On veut porter cette compétence-là de 15 000 $ à 30 000 $. Encore là, il s'agit d'une disposition qui, nous prétendons, pourra abréger les délais, en ce sens que, présentement, les causes de 15 000 $ à 30 000 $ étaient entendues par la Cour supérieure. En les confiant maintenant à la Cour du Québec, chambre civile – avec le personnel de juges qu'ils ont, nous croyons qu'ils pourront absorber ces causes-là – ça veut dire que, au niveau de la Cour supérieure où on a de sérieux problèmes de délais aussi, le fardeau de la Cour supérieure s'en trouvera allégé, M. le Président. Ils n'auront plus à entendre ces causes de 15 000 $ à 30 000 $. Elles seront confiées à la Cour du Québec, de sorte que les délais, encore là, devraient s'en trouver améliorés devant la Cour supérieure.

Une autre disposition, M. le Président, qui, à mon avis, améliorera aussi les délais que l'on retrouve devant nos cours de justice, c'est l'article 3 du projet de loi, alinéa 1°, qui dit que, dans un cas de saisie avant jugement, pour aller en appel de ce jugement-là, cet appel-là devra se faire dans les cinq jours de la date du jugement. Le député de Chomedey, ce matin, encore là, M. le Président, a dénoncé cette situation-là, disant qu'il s'agissait d'un délai qui était bien bref. Je peux vous dire que, effectivement, M. le Président, pour un praticien du droit, c'est vrai que c'est un délai qui est bref. Mais je pense que ça se comprend et ça s'explique, parce qu'on est en matière de saisie avant jugement. Et, quand on est en matière de saisie avant jugement, M. le Président, ce que le Code de procédure civile prévoit aux articles 733 et suivants, c'est qu'il s'agit d'une procédure spéciale. Ce n'est pas une procédure usuelle, ce n'est pas une procédure de tous les jours; c'est une procédure spéciale, premièrement.

Deuxièmement, M. le Président, quand vous saisissez un bien avant jugement, vous le mettez sous main de justice, de sorte qu'il peut arriver que la partie qui aurait droit à ce bien s'en voie privée de l'usage. Alors, on comprend, M. le Président, qu'il y a donc lieu de procéder avec célérité pour disposer de cette saisie-là. Et il y a une logique, aussi, à ce délai de cinq jours, M. le Président. C'est que l'article 738 du Code de procédure civile prévoit déjà un délai de cinq jours lorsqu'on veut faire casser une saisie avant jugement. Si vous procédez à une saisie avant jugement, le délai pour l'annuler, selon l'article 738 du Code de procédure, M. le Président, il est de cinq jours. Alors, on retrouve donc, ici, reproduit par analogie, l'article de cinq jours, sauf que c'est dans un cas d'appel. Mais, comme je vous le mentionnais, il y a une logique, parce que, en matière de saisie avant jugement, qui est une procédure spéciale, il y a lieu, M. le Président, de procéder avec célérité.

Une autre disposition qui a pour but, M. le Président, d'accélérer les délais devant nos cours de justice, c'est l'article 4 du projet de loi. Alors, l'article 4 du projet de loi prévoit que, dans les cas d'appel abusif ou dilatoire, il y a possibilité pour la Cour d'appel de se prononcer dans un cas comme celui-là. La procédure d'appel, telle que nous la connaissons présentement au Québec, malheureusement, M. le Président, entraîne des délais, parce qu'on connaît le principe à l'effet qu'un appel formé devant la Cour d'appel suspend l'exécution du jugement. Alors, combien de fois un débiteur condamné, pour ne pas avoir à exécuter le jugement, va loger un appel et, ainsi, pouvoir retarder son paiement?

Alors, les articles qui sont dans le projet de loi vont permettre à la Cour d'appel d'ordonner, dans certains cas, l'exécution provisoire. Remarquez que nous avions déjà, dans le Code de procédure civile, des dispositions d'exécution provisoire pour certains jugements; je pense, entre autres, aux cas de pensions alimentaires. Mais ce que le projet de loi prévoit, c'est que, lorsque la Cour d'appel considérera qu'il y a une raison jugée suffisante, il pourra y avoir exécution provisoire du jugement. Ça m'apparaît, M. le Président, une disposition qui est heureuse, parce que je pense que, dans bien des cas, ça peut décourager des appels qui sont abusifs ou dilatoires.

Encore là, ce matin, M. le Président, le député de Chomedey, lorsqu'il faisait ses commentaires sur ce projet de loi, était inquiet par rapport au fait que cet article 4 dit: «La Cour – en parlant de la Cour d'appel – peut rejeter une requête fondée sur le paragraphe 5 du premier alinéa sans entendre les parties.» Et là, le député de Chomedey posait la question: Est-ce que ce n'est pas une violation de la règle audi alteram partem, qui est un principe de droit bien connu et qui est même un principe de justice naturelle, à savoir que, dans toute affaire, il faut toujours entendre l'autre partie? Comme on dit, il faut voir l'autre côté de la médaille, il faut donner la chance aux deux parties de s'exprimer.

(21 h 10)

Cependant, M. le Président, il ne faut pas oublier que le but de ce projet de loi, c'est toujours de régler un problème qui dure depuis des décennies au Québec, et non seulement au Québec, on le retrouve aussi dans d'autres provinces: le problème des délais interminables dans le domaine de la justice. Je vous faisais part, au début de mon intervention, des conséquences que ça entraîne.

Cependant, je répondrai à ce que mon collègue d'en face disait ce matin. C'est que cette disposition-là va s'appliquer seulement lorsque la cour veut rejeter la requête. Si la cour avait l'intention, par ailleurs, d'accueillir la requête, là, les deux parties devront être entendues. Et je peux vous dire aussi, M. le Président, pour avoir plaidé maintes fois devant la Cour d'appel, que la jurisprudence qui a été établie par la Cour d'appel, c'est de donner la chance au coureur, et, avant de rejeter un appel parce qu'il est abusif et dilatoire, il faut vraiment que l'appel soit abusif et soit dilatoire. Les mots veulent dire ce qu'ils veulent dire, les mots ont leur sens. Lorsqu'on parle d'un appel dilatoire, on parle d'un appel pour gagner du temps, qui est fait uniquement pour gagner du temps. Et, lorsqu'on parle d'un appel abusif, on parle d'un appel qui est non fondé à sa face même et qui est fait dans un but d'abus, dans un but de profiter du système.

C'est pourquoi, M. le Président, je comprends que, de prime abord, on puisse se poser des questions par rapport à cette disposition-là, mais, tenant compte de la jurisprudence déjà établie par la Cour d'appel dans ce domaine-là et tenant compte du fait que la Cour d'appel voudrait accueillir ce recours-là, je suis confiant que les intérêts des justiciables seront bien servis.

L'article 5 du projet de loi et l'article 6, ce sont deux dispositions de droit nouveau et, à mon avis, ce seront des dispositions qui seront efficaces. Je suis convaincu que, par contre, les plaideurs, les praticiens du droit vont les trouver contraignantes, ces dispositions-là, mais je pense qu'elles sont heureuses et qu'elles pourront régler en bonne partie les problèmes que l'on retrouve devant nos cours de justice.

Présentement, le système fonctionne comme ceci. Vous logez un appel, l'appelant doit produire son mémoire devant la Cour d'appel et, s'il ne le fait pas dans les 120 jours, c'est à l'intimé – l'autre partie – de réagir et de présenter devant le tribunal une requête pour rejet d'appel. En pratique, ce que l'on voit souvent, M. le Président, c'est que l'intimé ne la fait pas, sa requête, de sorte qu'on voit souvent des délais; seulement à ce niveau-là, au niveau de la procédure, on voit souvent des délais d'un an et de deux ans qui vont être encourus.

Ce qui est intéressant dans les deux nouvelles dispositions qu'on retrouve à 503.1, c'est-à-dire à l'article 5 qui veut modifier l'article 503 et à l'article 6 qui veut modifier l'article 504, c'est que l'appelant devra produire son mémoire. Et, s'il ne produit pas son mémoire, ce sera à lui de revenir devant la Cour d'appel et de dire pourquoi il n'a pas produit son mémoire. La même chose pour l'intimé, ça sera à lui de produire son mémoire et, s'il ne le produit pas, ça sera à lui de venir devant la Cour d'appel et de demander une extension de délai.

Alors, vous me faites signe, M. le Président, je devrai donc abréger. Mais, à tout événement, ce que je voulais vous dire, en terminant, concernant, entre autres, les deux dernières dispositions auxquelles j'ai fait référence, c'est qu'elles m'apparaissent heureuses et je pense bien que, avec toutes ces dispositions-là ensemble, nous devrions améliorer considérablement les délais devant nos cours de justice et ramener ces délais-là à des délais qui sont raisonnables.

J'entendais aussi, ce matin, le député de Frontenac qui disait que les délais en matière de justice, ça pouvait se comprendre, et je citerai même l'expression qu'il utilisait; c'était de dire que la justice se presse lentement. Je pense qu'il s'agit là d'une conception de l'administration de la justice qui est tout à fait dépassée. Ça pouvait se comprendre il y a plusieurs années; et, même encore, il y a plusieurs années, ça m'apparaissait inadmissible. Mais, au rythme où nous vivons aujourd'hui, M. le Président, que nous nous retrouvions avec des délais comme nous en avons présentement, quand j'entends dire, de la part d'un ancien ministre de la Justice, que la justice se presse lentement, je trouve ça, M. le Président, tout à fait inadmissible. La justice doit être rendue dans des délais raisonnables et il y va de l'intérêt des gens du Québec. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je remercie M. le député de Drummond. Je vais reconnaître maintenant M. le député de Shefford. M. le député, je vous cède la parole.


M. Bernard Brodeur

M. Brodeur: Merci, M. le Président. Ça me fait plaisir de prendre la parole ce soir. Je serai bref pour laisser la chance à d'autres confrères d'intervenir. M. le Président, comme je le disais tout récemment, il me fait plaisir d'intervenir sur cette loi modifiant en particulier le Code de procédure civile. Vous savez que le Code de procédure civile est une des bases de notre démocratie. C'est aussi une loi qui permet à chacun des justiciables de se présenter devant un tribunal et d'avoir des chances égales de se faire entendre. Je profite de l'occasion ici pour demander au parti ministériel de s'inspirer toujours du Code de procédure civile pour chaque loi qu'il adopte ou chaque processus de loi qu'il entreprend, pour voir à ce que cette mentalité, cette façon de voir les choses soit toujours respectée et que chacune des parties puisse se faire entendre. Et ça vaut aussi pour la Loi sur la souveraineté qu'ils ont déposée cette semaine.

Mis à part ça, M. le Président – je vais revenir au vif du sujet – pour moi, c'est très important de favoriser l'accession à la justice pour tout le peuple du Québec. Vous savez que les coûts engendrés par les procédures sont souvent exorbitants et, dans le cas dont je veux plus longuement vous parler... Je veux spécialement vous parler des causes qui sont souvent reliées à la vie familiale, particulièrement à la séparation et au divorce. Vous savez que maintenant les coûts qui sont engendrés par les procédures judiciaires sont tellement élevés que les gens, que les couples actuels... On a de plus en plus de divorces ici. Il y a plusieurs collègues avocats. Je vois le ministre de la Justice, ici, et un autre collègue avocat qui discutaient du projet de loi tantôt. Moi, naturellement, je ne suis pas avocat, je suis notaire et ça me fait plaisir quand même de discuter avec eux. On a souvent eu des taquineries entre avocats et notaires, et c'est pour ça que, ce soir, j'aimerais préciser certaines choses.

Naturellement, étant un spécialiste des lois matrimoniales, le notaire, vivant tout le temps près des gens, près des vies familiales, reçoit les gens pour des contrats de mariage, des testaments, etc., et, de plus en plus, on le consulte pour d'éventuels séparations ou divorces. Vous savez que les coûts engendrés par ces divorces-là, comme je le disais tantôt, font en sorte que souvent un couple attend, prolonge l'agonie du mariage souvent, prolonge l'agonie aussi d'une vie familiale troublée, prolonge le calvaire des enfants qui vivent à travers ça, et ça a un impact important sur notre vie sociale. Ça contribue aussi beaucoup à l'appauvrissement des couples québécois.

Aujourd'hui, par exemple, M. le Président, seulement un avocat peut déposer devant les tribunaux un projet d'accord, soit en séparation ou en divorce. Et là, j'incite les collègues ici, les collègues avocats, les collègues notaires, à oublier ces vieilles rancoeurs-là et plutôt à penser à l'intérêt public, à l'intérêt de chacune des familles. En cette Année internationale de la famille, je crois qu'on devrait quand même laisser aller ces rancoeurs-là, nos intérêts personnels, l'intérêt de chacune des corporations professionnelles à soutirer cette clientèle au détriment de chacune de nos familles, des intérêts des enfants qui vivent dans des familles qui, éventuellement, seront brisées par une séparation ou par un divorce.

(21 h 20)

Vous savez aussi que le notaire a, en définitive, une compétence du moins égale, de façon juridique, à celle de l'avocat – nous avons été dans les mêmes universités, avons suivi les mêmes cours – et que le notaire est tout naturellement consulté par la population, de façon toute naturelle, depuis des centaines d'années parce qu'il fait vraiment partie de la vie familiale, de la vie économique de tous les jours de la population du Québec.

D'ailleurs, le notaire est considéré comme un professionnel de la conciliation, un professionnel qui, habituellement, est teinté de non-partisanerie, contrairement à la pratique usuelle des avocats. N'en déplaise aux avocats qui sont ici, dans la salle, souvent, le notaire a une nature, du moins, un peu plus objective étant donné qu'on n'a pas à défendre l'intérêt d'une seule partie; on a plutôt à être juge tous les jours. D'ailleurs, M. le Président, pour prouver cette affirmation, il n'y a pas si longtemps... Vous savez qu'être président ou vice-président de l'Assemblée nationale, ça demande – comment dire – une grande sérénité ou bien une grande justesse, et de voir les deux parties, de juger d'une situation de façon tout à fait objective. Vous savez que, jusqu'à un passé très récent, il était de tradition que le président de l'Assemblée nationale soit un notaire, justement à cause de ces qualités. O.K., merci beaucoup. Y a-t-il un autre notaire ici?

M. le Président, pour imager un peu ce que je veux vous dire, je vais reprendre des propos de la présidente de la Chambre des notaires du Québec, Me Louise Bélanger. D'ailleurs, je sais que notre ministre de la Justice a une très bonne relation, sûrement, avec la Chambre des notaires du Québec. Je le voyais, tout dernièrement, dans un congrès, ici, pas loin, assis à la même table que la présidente de la Chambre des notaires, sûrement en train de discuter de ce problème-là qui est évident au Québec depuis plusieurs années. Et je cite ici un texte de Me Louise Bélanger, qui va imager, et vous comprendrez, M. le Président, toute la problématique de la dispute entre notaires et avocats, ici, au Québec.

Et je cite: «Au cours des derniers jours, le Barreau du Québec a déposé des plaintes contre des notaires qui exerceraient illégalement la profession d'avocat en matière de divorce à l'amiable. L'objectif du Barreau est évident: créer chez les couples en instance de divorce un sentiment d'insécurité en leur laissant croire que les procédures pour en arriver à un divorce à l'amiable sont compliquées au point de devoir absolument recourir aux services d'un avocat. Il est malheureux que les milliers de couples qui ont choisi de dissoudre leur union à l'amiable, donc sans avoir à se déchirer devant un tribunal, soient les victimes de cette campagne d'intimidation du Barreau. À l'instar d'autres dossiers, telles la Cour des petites créances et l'assurance automobile, le Barreau du Québec semble éprouver une difficulté majeure à élever les débats au-dessus de ses intérêts corporatistes.

«Le 5 juin 1992, dans la page éditoriale de La Presse , Pierre Gravel écrivait, à propos de ce dossier: "Cette prétention des avocats à intervenir en exclusivité dans des dossiers où il n'y a strictement rien à plaider s'apparente à un combat d'arrière-garde pour protéger jalousement une poule aux oeufs d'or." On ne pourrait mieux résumer la motivation du Barreau à vouloir saboter des ententes à l'amiable de couples en instance de divorce. Le législateur québécois pourrait pourtant, et rapidement, mettre fin à cette croisade du Barreau s'il complétait la réforme du divorce à l'amiable amorcée il y a quelques années. En effet, depuis les années quatre-vingt, le législateur a rendu plus humains la séparation et le divorce des époux en supprimant la règle de la contestation obligatoire de chacun des époux devant le tribunal. Depuis, il est permis aux époux en instance de rupture de s'adresser eux-mêmes au tribunal en présentant une requête conjointe qui doit être accompagnée d'un projet d'accord qui porte règlement des conséquences de leur séparation, notamment, quand on partage des biens patrimoniaux, la garde des enfants, la pension alimentaire et le droit de garde et de visite. Présentement, le juge, à sa discrétion, sur l'examen de l'acte d'accord et de la demande conjointe, peut entendre des conjoints ou les en dispenser. Cette nouvelle mesure permet très certainement de pallier à l'encombrement des tribunaux et à l'inflation des coûts résultant du recours à l'appareil judiciaire.

«Les époux en instance de rupture peuvent aussi recourir aux services d'un conseiller juridique. Les notaires appelés à agir en pareil cas préparent des projets d'accord, procèdent à la qualification des droits patrimoniaux de chacun des conjoints, président à la liquidation du régime matrimonial ayant existé entre eux.

«En 1992, un jugement de la Cour supérieure a confirmé le droit des notaires de rédiger les projets d'accord. Cependant, le jugement réserve aux avocats la rédaction et le dépôt au tribunal de la requête qui doit accompagner le projet d'accord. C'est, semble-t-il, pour avoir rédigé cette requête que le Barreau poursuit certains notaires. Le Barreau insiste sur le fait que les notaires ne peuvent pas préparer et rédiger une demande conjointe en séparation de corps ou en divorce bien que la requête apparaisse comme le complément et la suite du projet d'accord et le fondement essentiel de son accomplissement. En conséquence, sa rédaction devrait être faite par le notaire artisan du projet d'accord. Exceptionnellement, le projet d'accord pourra être rejeté par le juge ou par les parties qui préféreront alors retirer leur consentement mutuel. Il est acquis qu'en pareil cas le notaire doit se retirer et laisser la place à deux avocats choisis par chacune des parties pour les représenter dans la contestation.

«Hormis ces deux situations absolument exceptionnelles, il faut offrir au public un service juridique complet, avec le professionnel qu'il a librement choisi. L'exclusion du notaire à la dernière étape complémentaire ne peut se justifier face à l'intérêt public. Voilà pourquoi la Chambre des notaires a demandé au législateur de parfaire sa réforme en matière de divorce à l'amiable et de permettre aux notaires de mener à terme la procédure engagée. Mais, jusqu'ici, le lobbying du Barreau du Québec a été plus déterminant et plus considéré que les intérêts de la population.

«Depuis toujours, en vertu du droit en vigueur, les notaires ont oeuvré comme officiers publics et conseillers juridiques dans le droit ancré sur la famille. Les notaires agissent en matière de tutelle, d'adoption, de convention matrimoniale, de testament et de règlement de succession. Le public a conservé l'habitude de s'adresser aux notaires dans le cadre des événements qui gouvernent la vie familiale. Le législateur doit respecter ce choix du public et permettre aux notaires du Québec de mener à terme la procédure engagée à l'amiable par un couple désireux de s'entendre.»

Donc, M. le Président, je crois que ce texte rédigé par Me Louise Bélanger, présidente de la Chambre des notaires, est très éloquent. C'est pour ça, ici, que je profite de l'occasion, tout simplement – et je profite en plus de l'occasion parce que le ministre de la Justice est présent ici – pour solliciter une volonté du gouvernement du Québec de régler ce litige entre deux groupes de professionnels, qui tout simplement nuit à l'intérêt de la population du Québec. À présent, pour vous donner un exemple de l'imbroglio qui existe toujours, jusqu'à date, il y a déjà 400 chefs d'accusation contre des notaires, contre en particulier 53 notaires, et ce nombre s'accroît d'environ une douzaine par mois de poursuites contre des notaires.

M. le Président, cette suggestion est, je dirais, dans la foulée du Sommet de la Justice de 1991 et suit aussi une recommandation... Nous entendions, ce matin, mon collègue, le député de Chomedey, ancien président de l'Office des professions du Québec. L'Office des professions du Québec avait fait – le ministre me reprendra – en 1992, je crois, la recommandation que soit le notaire ou l'avocat, au choix du client, pourrait déposer ces requêtes au tribunal compétent. Donc, M. le Président, c'est très important d'avoir en tête, quand on énonce un tel projet de loi, en premier lieu l'intérêt du public avant l'intérêt des corporations professionnelles, des groupements professionnels qui s'arrachent cette clientèle. C'est aussi une façon d'avoir une plus grande accessibilité à la justice, une justice plus humaine, et c'est de première importance pour la famille moderne d'aujourd'hui.

C'est pour ça que je profite aussi de l'occasion – et je demande l'attention du ministre – pour lui demander de modifier, tout simplement, l'article 9e de la Loi sur le notariat afin de faire en sorte que les notaires du Québec puissent présenter ces requêtes en séparation ou en divorce devant le tribunal compétent. Donc, ce serait un moyen plus efficace de gérer notre justice, moins onéreux et, surtout, une façon plus humaine de voir la vie familiale des années quatre-vingt-dix. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Shefford. Je vais reconnaître maintenant un autre notaire, M. le député de Saint-Maurice.

(21 h 30)


M. Claude Pinard

M. Pinard: Merci, M. le Président. Mes confrères avocats ont traité amplement de l'accessibilité de la justice que favorisera cette loi qui est déposée par le ministre de la Justice. Permettez-moi, M. le Président, qu'un notaire se joigne bien humblement à ce concert pour souligner l'importance et la justesse du dépôt de cette loi pour notre population tout entière.

M. le Président, les tribunaux judiciaires font face actuellement à des délais qui, aux yeux de tous, sont beaucoup trop longs, quand ils ne sont pas considérés comme déraisonnables. La situation, actuellement, peut être vue comme acceptable à la Cour du Québec, sérieuse à la Cour supérieure et très grave à la Cour d'appel. En effet, actuellement, à la Cour d'appel, où nous retrouvons 23 juges, il y a un retard de cinq ans. Il y aurait actuellement tout près de 6 000 dossiers inactifs et 1 800 dossiers attendent une date d'audition. M. le Président, en 1992-1993, 3 800 causes ont été déposées et seulement 2 500 ont été traitées. Donc, nous nous retrouvons actuellement avec 1 300 causes non traitées. Peut-on extrapoler? Dans 10 ans, à ce rythme, tout près de 13 000 causes attendront devant la Cour d'appel leur audition.

Diverses interventions ont été faites par la magistrature au cours des dernières années. Quelques mesures ont été prises, mais plusieurs demeurent à prendre. Par ailleurs, on peut déplorer que les juges de la Cour d'appel du Québec n'aient pas droit de regard sur la suspension de l'exécution d'un jugement dont une partie veut appeler en Cour suprême. Enfin, certaines difficultés pratiques rencontrées par les bureaux de la publicité des droits en regard des ordonnances des tribunaux qui n'ont pas un caractère définitif doivent trouver définitivement une solution simple et efficace.

Dans la foulée de ses préoccupations, il importe pour le gouvernement de proposer immédiatement quelques modifications au Code de procédure civile qui devraient soit améliorer à des degrés variables la situation au niveau du fonctionnement des cours, soit répondre à certaines des préoccupations de la magistrature et contribuer à améliorer le statut de la Cour du Québec, soit également affirmer la compétence du Québec en matière de suspension d'exécution des jugements portés en Cour suprême, ou encore améliorer le fonctionnement des bureaux de la publicité des droits.

M. le Président, toutes ces mesures constituent, à mon point de vue, un pas de plus dans la recherche et la mise en oeuvre de solutions qui n'entraînent que peu ou pas de coûts pour le gouvernement tout en apportant des améliorations significatives dans le processus judiciaire.

Voilà les propositions et incidences que nous retrouvons dans ce projet de loi: en regard de la compétence de la Cour du Québec, porter le seuil de la compétence monétaire de la Cour du Québec de 15 000 $ à 30 000 $ et limiter l'appel de plein droit à la Cour d'appel aux causes de 20 000 $ et plus. Les avantages seront d'améliorer le statut de la Cour du Québec sans que cela n'entraîne pour autant une augmentation du nombre de juges, puisque les études démontrent que cette cour peut absorber le surcroît de travail qui en résulterait, et qui devrait équivaloir à 16 juges à temps plein; également, de délester la Cour supérieure des causes de 15 000 $ à 30 000 $, cela entraînera sûrement une amélioration certaine de ces délais; également, de soustraire de la compétence de plein droit de la Cour d'appel les dossiers de 15 000 $ à 20 000 $, et, donc, de contribuer à une amélioration de ces délais.

M. le Président, en regard de la Cour d'appel: d'instaurer un mécanisme de rejet administratif des appels en Cour d'appel, lorsque les mémoires ne sont pas déposés dans les délais prescrits; d'élargir la discrétion du tribunal d'ordonner l'exécution provisoire d'un jugement de première instance; de diminuer le délai pour porter appel d'un jugement qui prononce sur une requête en annulation d'une saisie avant jugement; d'attribuer, également, à la Cour d'appel le pouvoir de rejeter, sans entendre les parties, une requête pour rejet d'appel, et ce, en raison de son caractère abusif ou dilatoire; et, enfin, d'attribuer à la Cour d'appel ou à l'un de ses juges le pouvoir d'ordonner la suspension de l'exécution d'un jugement de cette cour, lorsqu'une partie établit clairement son intention d'en appeler à la Cour suprême.

M. le Président, les avantages que nous y retrouverons seront de répondre à une demande précise de la Cour d'appel; de permettre d'accélérer le traitement des dossiers; de forcer les parties à prendre position, et ce, rapidement; de diminuer les appels futiles, abusifs et dilatoires; de diminuer l'encombrement de la cour; et de permettre d'améliorer le cheminement des dossiers. Tout cela va améliorer l'image de la justice, va permettre au citoyen de reprendre rapidement possession d'un bien saisi sans droit, le cas échéant. Et nous allons affirmer la compétence du Québec en matière de procédure civile, en regard des tribunaux du Québec, notamment, à l'égard du fédéral, qui a présenté un projet de loi à cet effet, en juin dernier, lequel n'est pas encore adopté.

(21 h 40)

M. le Président, en regard des bureaux de la publicité des droits, le projet de loi, enfin, précisera qu'il n'y a pas lieu à exécution provisoire lorsqu'on portera au registre de la publicité des droits une inscription relative à un droit réel. L'avantage sera de permettre de régler efficacement une question d'interprétation du Code civil du Québec qui, de notre point de vue, va dans le sens de cette proposition et qui a pour objectif d'éviter des inscriptions sans valeur ou, à tout le moins, prématurées au registre de la publicité.

M. le Président, ce projet de loi va permettre au justiciable d'améliorer les délais, et c'est un bienfait pour la population tout entière que de constater que ses élus, en début de mandat, s'attardent immédiatement à faire en sorte que le plus petit des citoyens a également droit au service judiciaire. Merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je remercie M. le député de Saint-Maurice. Maintenant, est-ce qu'il y a d'autres interventions? Alors, je vais reconnaître M. le ministre de la Justice pour son droit de réplique de 20 minutes. Vous avez un maximum de 20 minutes, M. le ministre. Vous avez la parole.


M. Paul Bégin (réplique)

M. Bégin: Merci, M. le Président. D'abord, je voudrais souligner que, comme je l'ai mentionné au début de mon intervention, ce matin, on est en présence d'un projet de loi, évidemment, de nature très technique. C'est, je pense, toujours le cas lorsqu'on parle de procédure civile. Cependant, on en connaît l'importance, et c'est pour ça qu'il faut prendre le temps de regarder attentivement ce qu'il en est.

Deuxièmement, il y a une caractéristique, également, pour les projets de loi concernant la procédure civile, que les débats ne sont pratiquement jamais partisans, et, à cet égard, je voudrais remercier les intervenants, mes collègues de Chomedey, de Frontenac et de Shefford qui, au-delà des remarques qu'ils ont faites à l'égard du projet de loi, ont respecté cette règle. Et je les en remercie.

J'ai compris aussi qu'ils étaient ouverts à discuter de plusieurs aspects du projet de loi, et on le fera sans doute en commission parlementaire. D'avance, je leur dis qu'ils auront toutes les informations qu'ils ont mentionnées tout à l'heure et qu'ils voulaient avoir – et je pense qu'ils sont en droit d'avoir – à l'égard d'un tel projet de loi. Donc, en commission parlementaire... Je m'excuse, je ne connais pas encore tout à fait tous les rouages, aussi bien que mes collègues, étant donné qu'il s'agit de ma première présence. Mais, en commission parlementaire, on aura l'occasion de discuter en long et en large.

Je profite aussi de l'occasion pour souligner à mon collègue de Chomedey que, cette semaine – en fait, hier – j'ai rencontré des représentants d'Alliance Québec qui m'ont fait part, effectivement, de problèmes à l'égard de la version anglaise du Code civil. Je ne veux pas être malicieux, je veux dire simplement que nous allons faire le plus vite possible. Mais, étant donné que ça vient tout juste d'être adopté par un ancien gouvernement dont vous faisiez partie, vous comprendrez que je vais m'appliquer à faire un travail efficace, et c'est ce que j'ai dit à Alliance Québec. Donc, des gens travaillent déjà à mon ministère à cet égard, et on devrait être en mesure d'avoir une version qui sera intéressante prochainement.

Je voudrais aussi, avant d'aller plus loin, mentionner que mes collègues ont offert plusieurs éléments de réponse à des questions que mes collègues d'en face se posaient et je les en remercie. Je n'ai pas l'intention, donc, ce soir, de reprendre chacun de ces aspects-là. On aura, comme je l'ai dit tantôt, l'occasion aussi d'aller plus loin.

Maintenant, à l'égard aussi d'autres aspects soulevés par les intervenants de Chomedey et Frontenac, je veux leur dire que, à l'égard de chacune des dispositions qui est dans ce Code, nous avons consulté, après avoir remis en branle le comité tripartite magistrature, Justice et Barreau, donc il y a eu consultation sur ces aspects, et on pourra faire état de chacune des remarques et des considérations que ces intervenants ont faites au ministre de la Justice avant de le présenter. À cet égard, je ferai remarquer qu'un seul article, peut-être, n'a pas fait l'objet d'observations de la part du Barreau et je référerais au commentaire que faisait mon collègue d'en face sur l'article 12 concernant les causes pendantes. Je ferais remarquer qu'il y a deux articles concernant les causes pendantes. À l'égard de l'article 13, la magistrature a été consultée et elle a fait des remarques. Ce que nous retrouvons dans le paragraphe 13 est conforme à ce qui a été convenu.

Par contre, à l'égard du paragraphe 12, il n'y a pas eu consultation. Cependant, je ferais remarquer que ceci est conforme à ce qui a été fait par le gouvernement libéral, par le gouvernement antérieur, par l'adoption du projet 93 adopté en 1993. Et je ferais remarquer que l'article 18 de ce projet de loi visait également à porter l'appel de 10 000 $ à 15 000 $. Nous retrouvons, à l'article 12 du projet de loi soumis, exactement mot à mot la même disposition. Donc, si on considère que ce n'est pas adéquat, je ferai remarquer que ça a été déjà utilisé antérieurement, et c'est donc quelque chose qui est de même nature.

En ce qui concerne, le Code civil, et je voudrais le dire de la manière la plus correcte qui soit, l'application des dispositions du Code civil dans le délai qui a été imposé entraîne des problèmes considérables à différents niveaux, entre autres au niveau du registre foncier. Il y a des problèmes considérables qui se sont manifestés, et nous devrons prendre des dispositions à cet égard. Il en est de même à l'égard du registre mobilier pour les droits mobiliers. Il y a des problèmes d'engorgement, d'adaptation, de procédures adéquates pour mettre en vigueur les dispositions du Code de procédure civile. Il en est de même, malheureusement, à l'égard du... – excusez, là – des droits de la... pas des droits de la personne, mais... Voyons! J'y reviendrai, de toute façon.

Un troisième volet pose également des problèmes importants. Je pense que ça a été fait trop rapidement. Ça a été implanté trop rapidement et, actuellement, les contribuables et, je pense, les justiciables subissent des problèmes considérables à cet égard, et je devrai revenir dans les prochains mois devant cette Chambre pour faire des modifications à cet égard.

Mes collègues d'en face ont soulevé différents problèmes suite à des entrevues que j'ai données dans les journaux. Je voudrais vous dire, entre autres, que nous aurons certainement l'occasion de parler de médiation familiale. Nous aurons certainement l'occasion de parler de perception des pensions alimentaires. Et, très prochainement, nous aurons aussi... Et je souligne à mes collègues d'en face que je rencontre M. Rock, ministre de la Justice fédéral, demain pour parler des sujets dont le député de Frontenac a fait état tout à l'heure.

Oui, l'enquête préliminaire devrait être supprimée, et j'ai bien l'intention d'insister fortement pour obtenir qu'elle ne soit plus présente dans notre système.

Par ailleurs, nous aurons encore l'occasion de parler d'aide juridique. Vous avez entendu comme moi le discours inaugural et vous savez de quoi il s'agit. J'ai mentionné – vous avez pu le lire également dans les journaux – que j'avais l'intention de regarder la possibilité de hausser le seuil de l'aide juridique. Et j'ai également dit, dans des interventions faites devant les médias, à des émissions de télévision, que j'avais l'intention de regarder du côté du panier de services pour voir s'il n'y avait pas possibilité de faire des choses.

Comme vous voyez, il y aura un menu très important au cours de l'année 1994, mais aussi au niveau de l'année 1995, dans le domaine de la justice, et nous aurons l'occasion d'en reparler longuement.

Aussi, ce soir, je n'irai pas plus loin pour revenir sur chacune des dispositions du projet de loi, mes collègues l'ont fait, et ils ont répondu à certaines interrogations que vous manifestiez. Et, lors de la commission parlementaire, nous pourrons aborder en long et en large chacune de ses dispositions.

Alors, merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre. M. le leader de l'opposition.

M. Lefebvre: Je voudrais poser une question à M. le ministre, M. le Président, s'il veut bien accepter. M. le ministre, question.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Vous acceptez une question, M. le ministre? Oui? Très bien.

M. Lefebvre: M. le Président, M. le ministre de la Justice a-t-il entendu tout à l'heure son collègue de Drummond, qui me reprochait d'avoir indiqué ce matin que la justice devait se presser lentement au niveau des principes, des modifications aux principes? Est-ce qu'il l'a entendu me reprocher d'avoir fait ce commentaire-là, alors que lui-même, M. le ministre de la Justice, vient d'indiquer qu'on est allés un petit peu trop vite quant à la réforme du Code civil, réforme du Code civil qui s'est échelonnée sur une période de 40 ans? Il vient de dire qu'on est allés trop vite.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, M. le ministre.

M. Bégin: M. le Président, chaque chose doit être faite de la bonne manière et, des fois, en allant lentement, on va trop vite, et des fois, en allant trop vite, on fait beaucoup de tort. Et je pense qu'on doit, dans certaines circonstances, peser bien les gestes que l'on fait et éviter d'essayer d'avoir – comment je dirais – une image trop belle, parce que, en ce faisant, on cause des torts qui sont souvent très durs à corriger par la suite. Et je pense que, dans certains domaines, on a péché de ce côté-là dans les années antérieures.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Brouillet): Merci, M. le ministre. Le principe du projet de loi 41, Loi modifiant le Code de procédure civile et la Loi sur les cours municipales, est-il adopté?

Une voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. Alors, M. le leader adjoint du gouvernement.

(21 h 50)


Renvoi à la commission des institutions

M. Boisclair: M. le Président, tout en remerciant l'opposition pour son appui, je ferais motion pour que le projet de loi soit déféré à la commission des institutions pour étude détaillée et également pour que le ministre de la Justice en soit membre.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Cette motion est-elle adoptée? Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boisclair: M. le Président, je ferais motion pour ajourner le débat.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, est-ce que cette motion est adoptée?

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors...

M. Boisclair: ...d'ailleurs, je m'excuse, M. le Président, l'opposition allait me corriger, avec raison.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Oui, si vous voulez vous reprendre.

M. Boisclair: Le débat n'ayant plus d'affaire à l'ordre du jour, le débat était donc déjà ajourné. Il faut donc, à ce moment-ci, ajourner nos travaux.

Le Vice-Président (M. Brouillet): C'est très bien, M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boisclair: Bien sûr, nous ajournons à demain, le vendredi 9 décembre, 10 heures.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, adopté?

M. Lefebvre: Je comprends que le leader adjoint du gouvernement vient de proposer une motion pour l'ajournement des travaux...

M. Boisclair: Oui.

M. Lefebvre: ...à demain matin, 10 heures. C'est ça?

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, tout le monde est consentant, d'après ce que je peux voir? Alors, les travaux sont donc ajournés à demain matin, 10 heures.

(Fin de la séance à 21 h 52)


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