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Version finale

35e législature, 1re session
(29 novembre 1994 au 13 mars 1996)

Le jeudi 15 décembre 1994 - Vol. 34 N° 13

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Table des matières

Présence de l'ambassadeur de la république de Colombie, M. Alfonso Lopez Caballero, et du consul général de la République italienne, M. Carlo Selvaggi

Affaires courantes

Affaires du jour


Journal des débats


(Dix heures cinq minutes)

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

Mmes, MM. les députés, nous allons nous recueillir quelques instants.

Veuillez vous asseoir.


Présence de l'ambassadeur de la république de Colombie, M. Alfonso Lopez Caballero, et du consul général de la République italienne, M. Carlo Selvaggi

J'ai le très grand plaisir de souligner la présence, dans les tribunes, de M. l'ambassadeur de la république de Colombie, Son Excellence M. Alfonso Lopez Caballero.

Également, j'ai le grand plaisir de souligner la présence du consul général de la République italienne, M. Carlo Selvaggi.


Affaires courantes

Alors, affaires courantes.


Déclarations ministérielles

Déclarations ministérielles. M. le ministre de la Justice... Excusez-moi, M. le député de... M. le ministre de la Sécurité publique. Pardon.


Implantation du système de loteries vidéo d'État


M. Serge Ménard

M. Ménard: Merci, M. le Président. M. le Président, on assiste au développement d'une économie souterraine propice à l'implantation du crime organisé et qui favorise la délinquance. Ce phénomène se traduit dans le domaine de l'alcool par la présence de réseaux importants de contrebande. Le ministre des Finances estime les pertes de revenus du gouvernement à plus de 200 000 000 $. Les loteries vidéo représentent aussi un domaine hautement lucratif d'une économie souterraine au contrôle incertain. On observe des difficultés d'implantation du système de loteries vidéo d'État.

Conformément à l'engagement électoral du Parti québécois, j'ai mené, au mois de novembre dernier, une consultation auprès des intervenants du milieu afin de vérifier les données concernant l'industrie qui ont pu évoluer depuis l'adoption de la loi 84 et si toutes les voies d'implantation du système d'État ont bien été examinées. Dans le cadre de ces processus, j'ai rencontré cinq organismes du secteur privé ainsi que les partenaires et organismes gouvernementaux concernés. J'ai écouté très attentivement les représentations et j'ai analysé avec soin la documentation qu'ils ont soumise.

La consultation a permis de dégager plusieurs demandes du secteur privé que l'on peut résumer ainsi: 1° que le gouvernement prenne une décision claire dans ce dossier et qu'il l'applique; 2° qu'il réexamine le rôle et la rémunération du secteur privé; 3° qu'il est nécessaire d'améliorer la gestion quotidienne du réseau de Loto-Québec.

En ce qui a trait à la première demande, il faut souligner que les tergiversations du gouvernement libéral dans ce dossier ont conforté divers individus et groupes dans leur boycott des appareils légaux et dans le maintien d'un réseau d'appareils illégaux. Si cette inaction persiste, elle entraînera des pertes estimées à près de 74 000 000 $ pour le gouvernement du Québec. La décision claire qui est demandée par tous dans ce dossier est la suivante: Le gouvernement du Parti québécois entend maintenir les orientations de base de la loi 84 et lui donner la chance d'être appliquée. Notre gouvernement entend donc faire respecter la loi dans ce domaine comme dans les autres.

Rappelons que cette loi, présentée par le gouvernement libéral, a été adoptée en juin 1993, à l'unanimité des députés ministériels et de l'opposition. Elle répondait à un consensus social non équivoque en matière de jeux. Les principes ayant mené à son élaboration sont: 1° le contrôle de l'intégrité et des impacts négatifs du jeu; 2° le contrôle de la probité de l'industrie; 3° l'établissement d'une source additionnelle de revenus pour l'État. Ces principes demeurent incontournables et ont conditionné nos réflexions entourant la consultation auprès des intervenants.

Quant au secteur privé, il n'a jamais été question de procéder à son éradication. Bien au contraire, il a un rôle important au sein du système d'État, mais il est encadré afin de répondre à des considérations de probité et de saine concurrence. Il agit, en premier lieu, à titre de fabricant fournisseur d'appareils ainsi que de sous-traitant pour leur installation et leur entretien. Ces contrats totalisent 75 000 000 $. Faire participer les opérateurs à la propriété des appareils d'État et leur attribuer une rémunération basée sur un taux préfixé – mettons 30 % des profits – représentent une perte de revenus bruts de 142 000 000 $ par année pour l'État. Sur un strict plan financier, la demande à l'effet de revoir le rôle des opérateurs m'apparaît injustifiée.

(10 h 10)

Un certain nombre d'opérateurs ont refusé de poursuivre des activités légitimes selon l'encadrement de l'industrie instauré par la loi 84, et ils ont décidé de défier la loi. Dans ce contexte, des problèmes subsistent quant aux préoccupations de sécurité publique qui ont mené à l'établissement du système d'État. Le secteur privé continuera à agir à titre d'exploitant de sites d'appareils de loteries vidéo. Ces derniers reçoivent, actuellement, une rémunération basée sur un taux de 20 % des profits; ce taux sera bonifié pour atteindre 30 %.

Des améliorations notables dans les services connexes et dans les méthodes de gestion du système d'État seront apportées. Quant aux dépanneurs, ils ne peuvent exploiter d'appareils de loteries vidéo pour des raisons de politique sociale eu égard à la jeunesse. On ne nous a donné aucune raison valable de changer cette politique.

Le gouvernement est convaincu que son orientation en matière de loteries vidéo respecte la volonté des Québécoises et des Québécois à l'effet que les profits que génère ce secteur doivent bénéficier à tous plutôt qu'être à l'avantage de certains. A fortiori, si ces derniers ont développé et défendent leur expertise en ne respectant pas la loi. Il n'y aura plus de prime pour le non-respect de la loi.

Quant aux appareils illégaux en circulation, ceux-ci devront immédiatement être débranchés et remisés hors la vue de la clientèle. Ils devront être remis sans délai, et au plus tard le 15 janvier 1995, aux propriétaires opérateurs qui détiennent une licence de manufacturier. Si le propriétaire opérateur ne détient pas une telle licence, les appareils devront être remis à la Régie des alcools, des courses et des jeux ou à la Sûreté du Québec. Je déposerai, sous peu dans cette Chambre, en fait, aujourd'hui même, un projet de loi afin de doter le gouvernement des outils plus efficaces pour l'application de la loi.

Le Président: Merci, M. le ministre. Je cède maintenant la parole à M. le député de Frontenac pour ses commentaires.


M. Roger Lefebvre

M. Lefebvre: Merci, M. le Président. M. le Président, on aura, j'imagine, tous compris que, sur l'essentiel, l'opposition officielle souscrit à l'énoncé ou à la déclaration ministérielle de M. le ministre de la Sécurité publique.

On souscrit, évidemment, à une déclaration, une démarche suggérée d'inciter les citoyens à respecter la loi et à respecter l'ordre. L'opposition officielle, M. le Président, depuis le 29 novembre, a, à plusieurs reprises et de toutes sortes de façons, indiqué aux citoyens du Québec que la loi devait être respectée, que les institutions devaient être respectées et que le non-respect de la loi et le non-respect des institutions, effectivement, devait être sanctionné.

Vous savez, M. le Président – et j'apprécie que le ministre l'indique dans sa déclaration – le gouvernement péquiste continue dans le même sens que le gouvernement libéral. Ce sera l'application – et c'est noté textuellement, M. le Président – de la loi 84, en donnant une chance à cette loi d'être appliquée. Alors, j'apprécie, M. le Président, que le ministre reconnaisse qu'il continue le travail déjà commencé par le gouvernement libéral.

Il y a, cependant, certaines questions et certaines interrogations que je veux indiquer à M. le ministre. Comment se fait-il qu'en campagne électorale, comment se fait-il, M. le Président, que plus ou moins 75 candidats du Parti québécois se soient engagés, envers tous les intervenants concernés par ce dossier, à ce qu'il y ait une table de concertation avant qu'une décision soit prise alors que le ministre a fait le contraire, pour arriver peut-être à des résultats acceptables? Mais la démarche a été complètement contraire à ce qui avait été indiqué en campagne électorale, à savoir une table de concertation, et, dans ce sens-là, M. le Président, non seulement des députés péquistes se sentent mal à l'aise, mais il y a également, M. le Président, plein d'intervenants qui ont l'impression et même la certitude de s'être fait conter des histoires pendant la campagne électorale, M. le Président.

M. le Président, je voudrais savoir du ministre, et j'aimerais qu'il me l'indique à l'occasion de sa réplique... Lorsqu'il mentionne que les propriétaires des machines qu'on retrouve actuellement dans les bars, dans les brasseries et dans les tavernes auront jusqu'au 15 janvier pour les remettre à qui de droit, est-ce que M. le ministre peut m'indiquer, si, entre-temps, l'opération perquisition de la Sûreté du Québec sera suspendue? Alors, c'est une question que je pose au ministre.

Et, M. le Président, le ministre nous indique également en conclusion, c'est la dernière phrase qui apparaît dans sa déclaration ministérielle, qu'un projet de loi sera déposé incessamment. J'aimerais savoir: Quand, M. le Président, ce projet de loi sera-t-il déposé? Et est-ce qu'il y aura une possibilité de consultation? Est-ce qu'on invitera certains intervenants à donner leur opinion quant à la démarche suggérée par le ministre de la Sécurité publique et son gouvernement? Merci, M. le Président.

Le Président: Merci, M. le député de Frontenac. Je cède la parole maintenant à M. le ministre de la Sécurité publique pour son droit de réplique.


M. Serge Ménard (réplique)

M. Ménard: D'abord, je tiens à remercier le député de Portneuf pour l'appui...

Des voix: De Frontenac.

M. Ménard: De Frontenac, je m'excuse.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Ménard: Pardon. Le député de Portneuf, aussi président, peut-il me dire... J'ai cinq minutes? Merci. C'est cinq. O.K. Merci.

Alors, je remercie le député du beau comté de Frontenac de l'appui qu'il donne, au nom de sa formation, à la politique de fermeté dans l'application de la loi 84. J'espère que les gens qui ont décidé de défier cette loi et qui veulent continuer, s'ils étaient tentés de continuer à le faire, sauront qu'ils trouveront devant eux l'unanimité des députés de cette Chambre et que nous rencontrons un très large consensus dans la population québécoise à l'effet que, si l'on doit accepter une certaine forme de jeu dans notre société, dans la mesure du possible, les plus grands profits de cette forme d'activité doivent aller à l'avantage de tous les citoyens plutôt qu'à l'enrichissement d'un petit groupe.

Il y a cependant un changement radical entre ce gouvernement et celui qui nous a précédé, c'est que, lorsque nous passerons une loi et lorsque nous établirons des règlements, nous avons l'intention de prendre les moyens pour les appliquer. Nous avons hérité d'une situation pourrie, dans le domaine des loteries vidéo, parce que, justement, après avoir passé sa loi – et je vous signale que ça fait quand même un certain temps et que vous avez été au pouvoir pendant un certain temps aussi après le passage de cette loi – soudainement, on n'a pas appliqué la loi.

Dans les consultations que j'ai menées, ce que j'ai trouvé le plus triste à un moment donné, c'est de voir des représentants de petits commerçants, qui passent des heures à maintenir leur commerce pour des profits relativement limités, nous dire: M. le ministre, quand la loi est passée, moi, ces machines-là, je les ai prises et je les ai sorties. Mais je me suis aperçu, soudainement, que ceux qui ne les avaient pas sorties, la police n'allait pas les arrêter, que certains qui les avaient sorties les reprenaient, que, finalement, tout le monde continuait à opérer ces machines. Bien, moi, pour la survie de mon commerce, j'ai été obligé de ramener ces machines.

C'est la politique qu'on a faite. C'est ce genre de situation qui est propice, justement, au maintien ou au développement du crime organisé – je ne parle pas chez les petits commerçants, mais chez ceux qui viennent les fournir – et auquel nous avons décidé de mettre fin.

Je voudrais signaler que, dans toutes les provinces canadiennes qui ont installé un système de vidéoloterie, il y en a seulement deux, le Nouveau-Brunswick et l'Île-du-Prince-Édouard, qui utilisent les opérateurs, c'est-à-dire les propriétaires de machines à pourcentage. Les autres font comme nous, c'est-à-dire qu'elles demandent des soumissions publiques de façon à avoir les meilleurs prix pour l'entretien.

Vous m'aviez posé... Quant à la consultation, je signale que dans la lettre que nous avions signée, en réponse à la lettre que nous avait adressée l'Association de l'amusement – ils nous demandaient un moratoire quant à l'application de la loi – la lettre est très claire, nous refusions ce moratoire. C'est donc que nous disions que nous appliquerions la loi. La question, justement, était de savoir avec quelle vigueur allions-nous l'appliquer. Bien, à partir du moment, c'est la vigueur la plus totale.

(10 h 20)

Maintenant, nous avions dit que nous étions ouverts à une concertation pour évaluer l'application de la loi. Mais pour évaluer l'application d'une loi, pour évaluer ces choses, il faut que cette loi soit appliquée. Alors, je reste ouvert à une consultation et à une concertation du milieu dans un certain délai inférieur à un an, mais, évidemment, qui tiendra compte... au moins six mois d'application, et qui tiendra compte aussi des autres échéances importantes que nous aurons à vivre dans cette année. Et, à ce moment-là, on pourra repenser toute la question des dépanneurs, et de la participation plus large du secteur privé. Les perquisitions ne seront pas suspendues, au contraire, les perquisitions vont être faites. Ce que nous demandons aux gens qui ont ces machines, c'est immédiatement de les débrancher, et de les mettre à l'extérieur de la vue du public, d'appeler leur opérateur, s'il a une licence, ou la Sûreté du Québec s'il n'en a pas, pour qu'on passe les chercher. C'est évident que ça va prendre un certain temps, et on estime que, le 15 janvier, tout pourrait être fini.

Enfin, quant au dépôt du projet de loi, je l'ai ici, je crois qu'il est prévu au feuilleton. Vous verrez, parce qu'il est quand même très court, étant donné ses dispositions, s'il est nécessaire de faire une consultation large. Quand vous en aurez pris connaissance, je serai prêt à recevoir vos suggestions pour que nous ayons, sur cette question, une politique commune, comme nous l'avons eue sur la loi 84. Je vous remercie.

Le Président: M. le ministre. En rappelant aux membres de cette Assemblée que l'on doit s'adresser à la présidence lorsque l'on prend la parole. M. le ministre...


Présentation de projets de loi

Nous en sommes maintenant à la présentation de projets de loi, M. le leader du gouvernement.

M. Chevrette: Voulez-vous, M. le Président, appeler l'article a, s'il vous plaît, du feuilleton.


Projet de loi 50

Le Président: À l'article a du feuilleton, M. le ministre de la Sécurité publique présente le projet de loi 50, Loi modifiant la Loi sur les loteries, les concours publicitaires et les appareils d'amusement et la Loi sur les permis d'alcool. Alors, M. le ministre de la Sécurité publique.


M. Serge Ménard

M. Ménard: Alors, M. le Président, il me fait plaisir de présenter à cette Chambre ce projet de loi, qui modifie la Loi sur les loteries, les concours publicitaires et les appareils d'amusement afin de préciser un pouvoir réglementaire de la Régie des alcools, des courses et des jeux, en matière de licence de loterie vidéo. Le projet de loi modifie également la Loi sur les permis d'alcool afin de prévoir les obligations des détenteurs de permis à l'égard des boissons alcooliques et des appareils de loterie vidéo dont ils peuvent tolérer la présence dans leur établissement.


Mise aux voix

Le Président: Merci, M. le ministre. Est-ce que l'Assemblée accepte d'être saisie de ce projet de loi? Adopté. M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui. À ce moment-ci, M. le Président, je vous demanderais d'appeler l'article c du feuilleton.


Projet de loi 194

Le Président: À l'article c du feuilleton, M. le député de Viau présente le projet de loi 194, Loi concernant le régime de rentes pour le personnel non enseignant de la Commission des écoles catholiques de Montréal. M. le député de Viau.


M. William Cusano

M. Cusano: Merci, M. le Président. Le présent projet de loi a pour objet d'améliorer certaines dispositions du Régime de rentes pour le personnel non enseignant de la Commission des écoles catholiques de Montréal, à même le surplus actuariel, sans entraîner d'augmentation des cotisations salariales et patronales. Ainsi, ce projet a pour objet de donner la possibilité à tous les participants du Régime de choisir entre la formule d'indexation actuellement en vigueur et une autre, plus avantageuse, limitée toutefois à un maximum d'augmentation de 4 % par année, sans excéder les taux d'indexation prévus à l'article 117 de la Loi sur le régime de rentes du Québec.

Ce projet de loi a aussi pour objet d'offrir, jusqu'au 31 décembre 1996, aux participants actifs, la possibilité de prendre leur retraite sans réduction après 32 années de participation au Régime. Enfin, ce projet de loi propose de diminuer la réduction annuelle applicable pour la retraite anticipée.

Le projet de loi a également pour objet de permettre au comité de retraite du Régime d'utiliser, avec l'autorisation préalable du gouvernement, les surplus actuariels futurs pour bonifier les rentes versées aux participants et pour introduire des mesures temporaires de retraite anticipée, pour une période n'excédant pas trois mois. Merci, M. le Président.

Une voix: Bravo!

Le Président: Merci, M. le député de Viau. Effectivement, il s'agit bien du personnel non enseignant.


Mise aux voix

Est-ce que l'Assemblée accepte d'être saisie de ce projet de loi? Adopté.


Dépôt de documents

Nous en sommes au dépôt de documents.

M. le premier ministre.


Rapport annuel du Conseil permanent de la jeunesse

M. Parizeau: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport annuel 1993-1994 du Conseil permanent de la jeunesse.

Le Président: Ce rapport est déposé. M. le ministre des Finances.


Rapport annuel de l'Inspecteur général des institutions financières

M. Campeau: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport annuel 1993-1994, de l'Inspecteur général des institutions financières.

Le Président: Ce rapport est déposé. M. le ministre de l'Éducation.


Rapport des universités sur l'implication des règles budgétaires annuelles sur le niveau de leurs effectifs

M. Garon: M. le Président, je dépose le rapport des universités sur l'implication des règles budgétaires annuelles sur le niveau de leurs effectifs 1994-1995.

Le Président: Ce document est déposé. M. le ministre de la Justice.


Rapport annuel du Fonds d'aide aux recours collectifs et rapport annuel concernant les recommandations du Commissaire aux plaintes des clients des distributeurs d'électricité

M. Bégin: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport annuel 1993-1994 du Fonds d'aide aux recours collectifs.

Je dépose également, M. le Président, le rapport annuel 1993-1994 concernant les recommandations du Commissaire aux plaintes des clients des distributeurs d'électricité.

Le Président: Merci, M. le ministre. Ces documents sont déposés.

Il n'y a pas de dépôt de rapports de commissions, pas de dépôt de pétitions, pas d'interventions portant sur une violation de droit ou de privilège ou sur un fait personnel.


Questions et réponses orales

Nous en sommes à la période de questions et de réponses orales et je reconnais M. le chef de l'opposition officielle.


Envoi dans tous les foyers du Québec de l'avant-projet de loi sur la souveraineté

M. Johnson: Oui, M. le Président. Le premier ministre nous a annoncé, hier, que, dès la fin de semaine, tous les foyers du Québec à partir de samedi recevraient une copie de l'avant-projet de loi qu'il a déposé ici, à l'Assemblée nationale, le 6 décembre dernier. Le premier ministre disait d'ailleurs de cet avant-projet de loi qu'il ne soutient pas ou n'argumente pas pour la souveraineté du Québec, mais qu'il l'affirme. Je ferai remarquer au premier ministre, M. le Président, que le projet de loi ou l'avant-projet de loi, parce qu'il s'appelle un avant-projet de loi et non un argumentaire, affirme également que le Québec souverain utiliserait la monnaie canadienne, que les personnes âgées continueraient de recevoir des prestations de vieillesse et que le Québec prendrait...

Des voix: Bravo!

Le Président: S'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! M. le chef de l'opposition officielle.

M. Johnson: On aura compris que le meneur de claques est le ministre de Sainte-Marie–Saint-Jacques.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Johnson: Le projet de loi, et j'ai hâte d'entendre les applaudissements, l'avant-projet de loi indique également, et je cite, que le Québec prend les mesures pour rester membre de l'OTAN et du Commandement de la défense aérospatiale de l'Amérique du Nord. On ne prétend pas que le Québec deviendra membre de NORAD ou de l'OTAN, que le Québec serait aujourd'hui membre de l'OTAN et que le Québec prendrait les mesures pour rester membre de l'OTAN. M. le Président, ce n'est plus de l'information ou de la consultation, c'est de la propagande, à moins qu'on nous indique de l'autre côté si c'est la ministre des armées qui représente le Québec à Colorado Springs, à NORAD, déjà.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Johnson: M. le Président, ma question est la suivante au premier ministre. Afin de faire en sorte que l'avant-projet de loi qu'il compte distribuer avec les fonds publics ne soit pas un exercice de propagande, ne soit pas un document argumentaire de son projet politique, est-ce que le premier ministre accepterait ou envisage-t-il d'amender le texte qu'il distribuera afin de donner l'heure juste à tous nos concitoyens, en précisant que les articles 2, 3, 5, 6, 7, 8, 9, 11 et 15 de l'avant-projet de loi sont carrément hypothétiques, sujets à négociations ou que leur réalisation n'est absolument garantie par personne?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Parizeau: Je pense, M. le Président, que le chef de l'opposition a un peu de difficultés avec la règle de succession d'État...

Une voix: Un docteur en droit.

M. Parizeau: Oui. Lorsqu'un nouveau pays apparaît, la règle de succession d'État fait qu'il est engagé – à moins, vraiment, plus tard, au moment de leur échéance, de les dénoncer – il est engagé par les traités qui ont été signés en son nom. Et voilà ce que reflètent certains des articles auxquels faisait allusion le chef de l'opposition.

D'autre part, mais, ça, il ne faut pas confondre ça, par exemple, avec la déclaration, dans un avant-projet de loi – et, je l'espère, dans un projet de loi, bientôt – de la monnaie nationale. Tout pays doit déclarer quelle va être la monnaie légale chez lui. Alors, dans cet avant-projet de loi, on déclare que la monnaie légale, dans un Québec souverain, est le dollar canadien. C'est tout à fait dans les attributions d'un projet de loi comme celui-là de le dire clairement.

(10 h 30)

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle, pour une première question complémentaire.

M. Johnson: M. le Président, comment la règle de succession d'État, qui peut effectivement, et tout le monde le sait, s'appliquer dans certains cas précis, évidents – et la règle de l'automatisme pourrait jouer – comment cette règle, selon le premier ministre, joue-t-elle dans les conditions d'admission du Québec à ces organismes internationaux? Quelles sont les garanties qu'aujourd'hui le premier ministre peut offrir qu'un Québec souverain, séparé du reste du Canada, serait réadmis au traité de libre-échange, serait réadmis à NORAD, serait réadmis à l'OTAN aux mêmes conditions qu'aujourd'hui ou à des conditions plus favorables?

Une voix: Oui!

M. Johnson: C'est ça qu'on lui demande.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Parizeau: Au contraire, M. le Président, il est important, pour assurer ses partenaires, ses voisins, ses alliés, il est très important qu'un gouvernement du Québec et d'un Québec qui devient souverain affirme, à la face du monde, qu'il va respecter les alliances et les traités dont il fait partie. C'est très important de le dire. Il faut être capable de dire: Toutes les obligations, mais les droits aussi qui découlent de ces traités, nous allons les assumer. On ne peut pas imaginer de preuve, comment dire, de bonne foi aussi claire et aussi explicite que celle-là.

Une voix: Bravo!

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle, pour une question complémentaire.

M. Johnson: M. le Président, comment le premier ministre ne se rend-il pas compte que ce qu'il est en train d'essayer de dire, c'est que, par une déclaration de mariage unilatérale, tout va être consommé? Est-ce que le premier ministre n'est pas en train de nous dire...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Johnson: Est-ce que le premier ministre ne pourrait pas indiquer sur la foi de quels précédents, de quelles discussions et, surtout, de quelles assurances il aurait reçues, comment peut-il garantir l'admission du Québec, par exemple, au traité de libre-échange nord-américain aux conditions dont les Québécois et les Québécoises bénéficient aujourd'hui? En vertu de quelles assurances, quelles sont les garanties que le PQ et le premier ministre peuvent apporter aux Québécois et aux Québécoises sur l'adhésion du Québec séparé au traité de libre-échange nord-américain? Dites-nous donc ça!

Le Président: M. le premier ministre.

M. Parizeau: Dimanche dernier, 34 chefs d'État élus ou chefs de gouvernement des Amériques du Nord et du Sud ont indiqué clairement leur intention de faire en sorte que l'ALENA s'étende, règne dans tout l'hémisphère occidental. Alors, moi, je vais retourner ça au chef de l'opposition: Mais pourquoi est-ce qu'il ne les croit pas?

Des voix: Ha, ha, ha!

Une voix: Bravo!

M. Parizeau: Les craintes, M. le Président, du chef de l'opposition vont tellement loin que, hier, en cette Chambre, quand le ministre des Affaires internationales s'est levé pour proposer une motion, une de plus, à nouveau, sur le libre-échange, cette fois-ci, pas seulement nord-américain, mais hémisphérique des deux continents, quand il s'est levé avec une motion à cet effet, les libéraux ont eu tellement peur d'en discuter qu'ils ont refusé leur consentement au débat. Entre nous, c'est la première fois, M. le Président, à ma connaissance, en cette Chambre, qu'une motion de libéralisation du commerce n'a pas été débattue parce qu'un des deux partis ne voulait pas le faire. Qu'est-ce qu'ils craignent?

Des voix: Bravo! Bravo! Bravo!

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle, en question complémentaire?

M. Johnson: Oui. Tout en comprenant que depuis l'énoncé ou l'affirmation du premier ministre qu'il était intervenu afin que le Chili soit admis au traité de libre-échange nord-américain, avant-hier, laissant soupçonner que Bill Clinton n'a qu'à bien se tenir, à l'avenir, devant le chef du gouvernement, est-ce qu'on ne pourrait pas...

Des voix: Ah! Ah!

M. Johnson: Est-ce que le premier ministre peut nous expliquer, à partir d'une déclaration de principe de 34 chefs d'État des pays de l'Amérique du Nord, de l'Amérique centrale et de l'Amérique du Sud, comment, à partir de cet énoncé de principe, peut-il prédire les conditions d'admission du Brésil, de l'Argentine, du Nicaragua ou du Québec séparé, au traité de libre-échange nord-américain? Est-ce qu'il peut nous dire... En vertu des assurances qu'il détient, de ce qu'on lui a dit, de ce qu'on lui a affirmé et garanti, est-ce qu'il peut se retourner et prétendre, dans tous les foyers du Québec, qu'il y a une garantie de l'adhésion du Québec, et des Québécois et des Québécoises, au traité de libre-échange, aux mêmes conditions qu'aujourd'hui?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Parizeau: Ce n'est pas ça que l'avant-projet de loi dit. L'avant-projet de loi dit que le Québec est membre de l'ALENA et le demeure. C'est ça que ça dit. Quant aux conditions, les mêmes conditions...

Des voix: Oh!

M. Parizeau: Qu'est-ce qui fait croire, qu'est-ce qui fait croire au chef de l'opposition qu'elles seraient différentes? Oui, je sais, je sais qu'à un certain moment on soutient que les Américains, à l'occasion de discussions, seraient probablement intéressés à rouvrir les clauses culturelles qu'ils n'ont pas pu obtenir avec les Canadiens au moment où le premier traité de libre-échange est passé. C'est sûr qu'ils vont essayer! La vie, c'est comme ça. Et qui les Québécois vont-ils avoir, comme meilleurs alliés, à l'égard des Américains, à ce moment-là? Les Canadiens anglais eux-mêmes! Mais oui! Mais oui! C'est ça, les règles d'une discussion qui a un certain bon sens. Et qu'on soulève cette question-là au Canada anglais, à l'heure actuelle, ils savent très bien qu'ils devront appuyer le Québec chaque fois que les Américains chercheront à rouvrir les clauses culturelles de l'Accord. Tout le monde comprend ça. Que le chef de l'opposition ait à ce point peur de l'avenir, ça, c'est une autre paire de manches. Mais ce n'est pas parce qu'il ne voit vraiment le Québécois idéal que quand il est petit, un peu ratatiné, qu'on doit le suivre dans une voie pareille.

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle, en question complémentaire.

M. Johnson: Est-ce que le premier ministre n'est pas plutôt d'accord que ce qui est ratatiné, dans tout ça, c'est le sérieux de son argumentation, que, dans le fond, il est en train de nous dire qu'il faut se séparer de nos meilleurs alliés pour accomplir quelque chose? C'est ça qu'il vient de nous dire. Quels seront nos meilleurs alliés? Ce seront les Canadiens. Pourquoi ne dit-il pas pourquoi il faut se séparer de nos meilleurs alliés?

Une voix: Bravo!

Le Président: M. le premier ministre.

M. Parizeau: M. le Président, pour que les Canadiens deviennent...

(10 h 40)

Le Président: Un instant, s'il vous plaît! Mmes, MM. les députés, À l'ordre, s'il vous plaît! M. le premier ministre.

M. Parizeau: Pour que les Canadiens, M. le Président, deviennent nos alliés, il faut d'abord qu'ils soient eux et que nous soyons nous. On ne peut pas être les alliés des Canadiens si on est, comme le disait autrefois René Lévesque, comme deux scorpions dans une bouteille. Ces deux grandes communautés au Canada, ces deux grandes nations n'en finissent plus de se chicaner, n'en finissent plus de se paralyser. Le Canada, tel qu'on le connaît à l'heure actuelle, petit à petit, devient invivable psychologiquement aux deux communautés et il est temps...

Le Président: Écoutez, s'il vous plaît! Je pense que l'ensemble des membres de cette Chambre connaissent les dispositions de notre règlement, notamment en ce qui regarde l'article 32 portant sur le décorum. Je vous invite à respecter, s'il vous plaît, la parole de la personne que je reconnais. M. le premier ministre, en terminant, s'il vous plaît.

M. Parizeau: Il est temps que les Canadiens retrouvent leur pays et que les Québécois retrouvent le leur. Il est temps que nous trouvions, les Canadiens et les Québécois, chacun un pays. Bien sûr qu'on va être des alliés. D'abord, on va être des voisins indéfiniment. Pour l'éternité, on va être voisins. Alors, aussi bien être amis et alliés quand on est condamnés par l'histoire et par la géographie à être voisins. On va l'être, alliés, et on va l'être, amis, oui, une fois qu'on se sera sortis de ce climat...

Le Président: S'il vous plaît, encore une fois! S'il vous plaît! M. le premier ministre.

M. Parizeau: ...une fois, M. le Président, qu'enfin, j'allais dire et en quelque sorte, nous nous serons libérés les uns des autres. Le chef de l'opposition ne voit plus qu'une seule chose: le statu quo. Un statu quo où on est mal pris puis on reste mal pris. Il a cherché, hier, à dire: Ce sera le statu quo jusqu'à un non; après un non, je ferai des propositions constitutionnelles. M. Chrétien lui a répondu, hier: Le statu quo, ça veut dire: Ça suffit, c'est très bien sur le plan constitutionnel, ça donne, par exemple, Axworthy. Bien, voilà! Voilà où on en est, à un statu quo où on se rend au fédéral.

Le Président: En terminant, M. le Président.

M. Parizeau: C'est ça que veut le chef de l'opposition? Moi, je ne mange pas de ce pain-là, je ne veux pas entendre parler de la poursuite des chicanes dans un pays où les gens méritent mieux.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le député de Châteauguay, pour une question principale.


Rôle des délégués régionaux dans la composition des commissions régionales

M. Fournier: M. le Président, comme le premier ministre trouve normal, tel qu'il l'affirmait en cette Chambre hier, que le gouvernement dresse des listes et des fichiers de citoyens selon leur profession de foi au dogme du séparatisme, comme le premier ministre trouve normal que les fonctionnaires fournissent aux délégués régionaux et aux instances du PQ des listes de renseignements nominatifs qu'ils détiennent dans l'exercice de leurs fonctions, et comme le premier ministre réunit, cet après-midi, ses délégués régionaux afin de poursuivre l'opération de pointage avec les fonds publics, le premier ministre est-il en mesure de s'engager à déposer à l'Assemblée nationale chacune des listes produites par les délégués régionaux?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Parizeau: M. le Président, là, le député de Châteauguay, comment dire, dérape un peu, en toute gentillesse.

Une voix: Ce n'est pas nouveau.

M. Parizeau: Oui, bien sûr, les délégués régionaux, comme d'autres, d'ailleurs, comme bien d'autres gens, on leur demande s'ils peuvent ramasser des suggestions quant à la composition des commissions régionales, des présidents, des vice-présidents. C'est des suggestions qui sont présentées, ça. Les gens... On s'en est même rendu compte, puisqu'il y a eu une fuite hier. Un de ceux dont le nom apparaît sur la liste, consulté par les journalistes, a dit: On ne m'en a jamais parlé. Effectivement, on n'en a jamais parlé!

Est-ce que des gens, entre eux, peuvent se faire des suggestions puis des propositions? Eh oui! Et puis est-ce qu'on va rendre toutes ces listes publiques? Bien, écoutez, ça embarrasserait beaucoup certains de ceux qui sont sur les listes. Ça pourrait heurter leur modestie, dans certains cas; il y en a pour qui j'ai le plus grand respect. Il y en a d'autres où ça n'a pas de sacré bon sens, parce qu'on sait très bien... Je regarde ça un peu avec l'expérience que j'ai, qu'un tel, il n'a jamais voulu toucher à des affaires comme ça; ce n'est pas aujourd'hui qu'il va commencer, etc., etc.

Et, alors, il y a quelque chose d'anormal, vraiment, à demander à une foule de gens des suggestions, des propositions? Savez-vous comment ça s'appelle, M. le Président? Ça s'appelle de la consultation. Ça s'appelle de la concertation. Bien oui! Puis on va commencer à en avoir. On va commencer à être gênés par ça? Jamais de la vie!

Le Président: M. le député de Châteauguay, en question complémentaire, sans préambule, s'il vous plaît!

M. Fournier: En complémentaire, M. le Président. Est-ce qu'il n'est pas anormal que l'Assemblée nationale ne puisse recevoir ces listes, alors qu'elles sont expédiées aux exécutifs du Parti québécois dans tous les comtés pour vérifier ces noms-là?

Le Président: M. le premier ministre.

Une voix: Votre première participation!

M. Parizeau: Le dérapage continue! Ce n'est pas envoyé dans les comtés pour vérification, ça vient des comtés. Qu'est-ce qu'il fait, le délégué régional? Il dit à tout le monde, dans les comtés, avez-vous des propositions à faire? Puis il ramasse ça, puis il les envoie sur un fax. Puis, là, à un moment donné, quelqu'un prend ça, puis il s'étonne.

Moi, je vais vous proposer une chose, M. le Président, puis on va faire ça, tiens, avec le député de Châteauguay. Est-ce qu'il nous enverrait ses listes? J'aimerais ça avoir ses suggestions, moi. Je les demande. Envoyez-nous des propositions, vous allez voir, on va être très intéressés! D'ailleurs, comme je l'ai dit hier, dans certaines régions où les libéraux ont clairement une majorité de la représentation, j'aimerais ça voir leurs suggestions, moi; je trouverais ça intéressant. Je pense que tout le monde trouverait ça intéressant. Et je ne lui demande pas de les déposer, juste de les envoyer. On va regarder ça avec intérêt!

Le Président: M. le député de Châteauguay, pour une complémentaire.

M. Fournier: M. le Président, le premier ministre ne sait-il pas que le premier alinéa de l'article 59 de la loi d'accès aux documents des organismes publics stipule – et je cite: «Un organisme public – Communication-Québec – ne peut communiquer un renseignement nominatif sans le consentement de la personne concernée»? Le premier ministre n'agit-il pas dans l'illégalité et n'incite-t-il pas Communication-Québec à agir dans l'illégalité en demandant à cet organisme de contrevenir à l'article 59 de la loi d'accès aux documents des organismes publics?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Parizeau: M. le Président, on demande à Communication-Québec simplement de faire un travail qu'ils font couramment. Si le député de Châteauguay s'adresse à un bureau de Communication-Québec en disant: Pourriez-vous nous donner l'adresse et le numéro de téléphone de la chambre de commerce de tel endroit, pensez-vous qu'ils vont dire non? C'est là pour ça. Bon. Si on demande à Communication-Québec d'assurer la distribution d'un certain nombre de documents qui ont été déposés dans cette Chambre, qui sont, par exemple, l'avant-projet de loi ou des choses comme ça, pensez-vous qu'ils disent non? C'est leur travail, voyons! On ne leur demande rien de plus que leur travail habituel.

Le Président: M. le député de Châteauguay, en question complémentaire. Brièvement.

M. Fournier: M. le Président, le premier ministre n'est-il pas mal à l'aise avec le fait que, d'une part, des listes ont été dressées sans le consentement des personnes qui y sont identifiées et, d'autre part, sans que la Commission...

Des voix: Oh!

M. Fournier: ...et, d'autre part, M. le Président, sans que la Commission d'accès à l'information n'ait été avisée préalablement à la confection des fichiers, le tout, contrairement à la loi, l'article 76?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Parizeau: Non, M. le Président, il n'y a pas de fichier, il y a des propositions qui sont faites entre des gens qui, occupant des postes de députés, de délégués régionaux, de ministres, dans certains cas, se font des propositions entre eux de façon à éclairer la décision quand elle viendra. C'est dans l'ordre normal des choses. Là, vraiment, le député de Châteauguay va trop loin. Encore une fois, là, il dérape, mais plus sérieusement. Merci.

M. Fournier: Une dernière additionnelle.

(10 h 50)

Le Président: M. le député de Châteauguay, pour une dernière question complémentaire.

M. Fournier: Une dernière additionnelle: Est-ce que 15 délégués, 40 noms par délégué, et ce n'est qu'un début, 600 noms, ça ne constitue pas le début de l'établissement d'un fichier qu'il faut craindre?

Le Président: M. le premier ministre.

S'il vous plaît. S'il vous plaît! À l'ordre!

M. le premier ministre.

M. Parizeau: Non, M. le Président, ce n'est même pas l'amorce d'un CAD. Et, si le jeune député de Châteauguay ne sait pas ce que ça veut dire, il se renseignera.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle, en question principale.


Rumeurs concernant la citoyenneté de la députée de Sherbrooke

M. Paradis: En question principale, M. le Président. Ma question s'adresse au premier ministre et concerne l'affaire Malavoy.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: S'il vous plaît! S'il vous plaît!

M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Donc, en question principale, M. le Président, ma question s'adresse au premier ministre et concerne l'affaire Malavoy. À l'émission Raison Passion diffusée...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Paradis: Je reprends, M. le Président. À l'émission Raison Passion diffusée à Radio-Canada le 3 décembre 1994, la députée de Sherbrooke a déclaré avoir entendu, le 18 novembre 1994, que des rumeurs circulaient dans son ministère au sujet de l'affaire Malavoy, soit la veille de sa rencontre avec le premier ministre.

D'autre part, le journaliste de La Presse , Éric Clément, dans l'édition du 26 novembre 1994, a affirmé avoir personnellement parlé de cette affaire à Marie Malavoy au téléphone quelques jours après son assermentation du 26 septembre 1994. Laquelle de ces deux versions le premier ministre choisit-il de retenir: celle de la députée de Sherbrooke ou celle du journaliste de La Presse ?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Parizeau: M. le Président, il s'agit là de déclarations dans les médias, qui sont publiques. Moi, je vais laisser le leader de l'opposition choisir laquelle des deux fait son affaire. Moi, je n'ai pas de choix à faire là-dedans ou interpréter des choses qui sont dites, dans un cas dans un journal, dans l'autre cas, à la télévision. Franchement, là!

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle, pour une première complémentaire, sans préambule, s'il vous plaît.

M. Paradis: M. le Président, en complémentaire. N'est-il pas de la responsabilité du premier ministre de choisir entre la version de sa députée qui situe le moment de l'information à l'extérieur du délai de prescription, suivant le Directeur général, et la version du journaliste de La Presse , qui, lui, situe l'affaire à l'intérieur du délai de prescription. C'est là toute la différence et cette affaire devrait être tirée au clair par le premier ministre, qui devra poser des gestes en conséquence.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Parizeau: Non, M. le Président, cette question a déjà été réglée par le Directeur général des élections, et je n'ai pas l'intention de réviser son jugement.

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle, pour une deuxième question complémentaire.

M. Paradis: En principale, M. le Président.

Le Président: En principale.

M. Paradis: Le Directeur général des élections, je le soumets respectueusement au premier ministre, n'a jamais réglé cette question de propos différents. La députée de Sherbrooke a affirmé à la population du Québec avoir entendu les rumeurs, la première fois, à l'extérieur du délai de prescription. Elle l'a fait publiquement à une émission publique sur les ondes de Radio-Canada. Le journaliste de La Presse , lui, dit qu'il en a personnellement informé la députée de Sherbrooke à l'intérieur du délai de prescription. Qui le premier ministre choisit-il de croire: le journaliste de La Presse ou sa députée de Sherbrooke?

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le premier ministre.

M. Parizeau: M. le Président, moi, je crois ce que j'ai entendu le 19 novembre. Puis j'ai eu à prendre un certain nombre de décisions en fonction de ça. Et, quant, maintenant, à porter des jugements sur des émissions d'affaires publiques ou des textes publiés dans les journaux, pourquoi je ferais ça? De quoi s'agit-il?

Moi, je crois ce que j'ai entendu le 19 novembre. Et, en fonction de ce qu'on m'a dit le 19 novembre, j'ai pris des sanctions que je n'ai pas trouvé drôles à prendre. Je les ai prises parce que je pensais que je devais les prendre. Voilà. Moi, je suis, comment dire, à l'aise avec moi-même là-dedans. Que le leader de l'opposition revienne tous les jours en pourchassant les articles de journaux, libre à lui.

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle, en question complémentaire.

M. Paradis: Question complémentaire, M. le Président. Le premier ministre ne croit-il pas qu'il est de sa responsabilité, lui qui a refusé la démission de Marie Malavoy comme députée de l'Assemblée nationale, de s'enquérir de tous les faits de façon à savoir s'il maintient sa décision ou s'il ne la change pas?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Parizeau: Oui, M. le Président, j'ai décidé effectivement que la députée de Sherbrooke ne ferait plus partie du Conseil des ministres. C'est ça, la décision que j'ai prise. Je l'ai prise avec difficulté, de bonne foi. La sanction me paraît suffisante. C'est mon jugement, le jugement d'un homme qui n'a pas trouvé ça facile à faire, et je la maintiens, cette décision. Je crois que c'est la décision appropriée. Et le reste, M. le Président, est, pour moi, simplement, une chicanerie dont je cherche toujours à savoir exactement vers quoi elle mène. Et qu'on ne me dise pas que le mot «chicanerie» n'est pas parlementaire; évidemment que c'est parlementaire.

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle, une question complémentaire?

M. Paradis: Oui. Le problème, M. le premier ministre, c'est que vous êtes en face de deux versions contradictoires. Laquelle... Laquelle...

M. Chevrette: Question de règlement, M. le Président.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Chevrette: M. le Président, d'abord, on s'adresse à la présidence. Deuxièmement, M. le Président, ce n'est pas une expression d'opinion, le problème du premier ministre. Lisez l'article 77: ni expression d'opinion, ni argumentation, ni être fondées sur des suppositions, etc.

Le Président: Alors, s'il vous plaît, M. le leader de l'opposition, en s'en tenant aux dispositions du règlement, votre question.

M. Paradis: En m'en tenant aux dispositions du règlement, M. le Président. Le premier ministre choisit laquelle des versions: celle de sa députée de Sherbrooke, qui lui dit avoir entendu la rumeur la veille de sa visite chez lui, ou le journaliste de La Presse qui affirme avoir téléphoné à Mme Malavoy quelques jours après son assermentation comme ministre du cabinet, soit à l'intérieur des délais de prescription? Quelle version choisissez-vous de retenir, M. le premier ministre?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Parizeau: M. le Président, je répète que, pour ce qui a trait au délai de prescription, la question a été tranchée par le Directeur général des élections et que je n'ai pas à rouvrir cela. Voilà. C'est ma réponse. Il peut bien me poser la même question 14 fois, il va avoir la même réponse. Bon.

Le Président: M. le député de Rivière-du-Loup, en question principale.


Maintien de la démarche de consultation populaire

M. Dumont: M. le Président, dans la démarche qu'il a lancée pour consulter sur un avant-projet de loi sur la souveraineté, le premier ministre a soulevé plusieurs inquiétudes. Plusieurs personnes avaient de l'intérêt à savoir comment cela allait prendre forme par la suite. À ceux qui ont boycotté la démarche, on leur a reproché; à ceux qui ont proposé des améliorations, on a annoncé de l'ouverture.

Le résultat, M. le Président, c'est qu'au-delà des propos des conseillers du premier ministre il y a déjà des réponses qui sont données dans l'action et dans la réalité. Par exemple, le budget prévu à l'envoi est déjà engagé pour présenter à la population une seule option. En région, les délégués régionaux ont déjà entamé ce qui semble être leur vrai mandat, de mélanger l'action des hauts fonctionnaires de l'État avec l'organisation du Parti québécois. M. le Président, les envois sont engagés, l'organisation est enclenchée, alors que la commission parlementaire mandatée pour travailler là-dessus n'a pas encore fait ses suggestions, ne s'est pas encore réunie.

M. le Président, d'ici la fin de la session, le premier ministre a-t-il l'intention d'annoncer une révision de sa démarche ou de s'enliser dans ce qui n'aurait pu être, avec un peu de bonne volonté, que des ratés de départ, mais qui est en train de devenir une triste parade?

(11 heures)

Le Président: M. le premier ministre.

M. Parizeau: Non, je ne vois pas, M. le Président, ce qu'il y a de choquant dans le déroulement actuel des choses. La commission des institutions doit effectivement commencer à examiner cette question. J'ai déjà expliqué, je pense assez clairement, que nous avions l'intention, rapidement, de faire en sorte que l'avant-projet de loi soit partout, dans tous les foyers, que les gens, pour une fois qu'on s'engage dans une opération comme celle-là, reçoivent des textes clairs, qui indiquent clairement où le gouvernement veut aller.

Dans une société, il faut que ça soit clair, ça. Il faut que les gens sachent où leur gouvernement veut aller. Bon, il dépose un avant-projet de loi, le gouvernement, et il l'envoie partout. Il engage des fonds? Oui, bien sûr qu'il engage des fonds, parce que je ne vois pas comment on peut faire en sorte qu'un texte présenté à l'Assemblée comme un avant-projet de loi par le gouvernement puisse entrer dans les foyers de chacun sans que ça coûte quelque chose. Entre nous, ne nous faisons pas d'illusions, ça ne coûte pas grand-chose, quand on commence à faire certaines comparaisons. C'est la moitié du coût total – un instant, on va y venir – c'est la moitié du coût total, par exemple, de primes de séparation négociées par le gouvernement précédent qui n'a pas consulté le public avant de les faire engager, hein? Ah oui, oui!

Des voix: Bravo!

Le Président: Brièvement, M. le premier ministre. S'il vous plaît!

M. Parizeau: Au prix des séparations acceptées par l'autre gouvernement...

M. Paradis: Question de règlement.

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle, sur une question de règlement.

M. Paradis: Oui, strictement pour rappeler au premier ministre les dispositions de l'article 79 de notre règlement, qu'il viole à répétition ce matin: «La réponse à une question doit être brève, se limiter au point qu'elle touche – ça, ça veut dire qu'on doit répondre aux questions – et ne contenir ni expression d'opinion ni argumentation. Elle doit être formulée de manière à ne susciter aucun débat.» Combien, M. le Président, y a-t-il de violations à cet article de la part du premier ministre?

Le Président: Alors, s'il vous plaît! Alors, la présidence a pu constater effectivement qu'en cette Chambre, aujourd'hui, à la période des questions et réponses, à plusieurs reprises, autant dans les questions que dans les réponses, on s'est largement étendu. S'il vous plaît! J'ai noté que certaines questions avaient dépassé largement les deux minutes, à titre d'exemple, et que certaines réponses avaient été également relativement longues. Donc, j'inviterais les membres de cette Chambre à collaborer et à respecter le règlement. M. le premier ministre, en terminant, s'il vous plaît.

M. Parizeau: Je suis désolé, M. le Président, d'avoir fait de la peine à nos amis d'en face, n'est-ce pas, mais je ne promets pas que je ne recommencerai pas. Cela étant dit, je poursuis. Après, une fois que tout le monde va avoir reçu ça, il va y avoir deux démarches: une courte, à la commission des institutions, et puis, après ça, début février, on commence les commissions régionales. Ça va jusque... bien, jusqu'à l'ouverture de la Chambre, probablement jusqu'au milieu de mars. Après ça, là, les commissions régionales vont – comment dire – remettre leur rapport et la commission parlementaire des institutions va recevoir tout ça. Et, là, il faut transformer l'avant-projet de loi en projet de loi, en tenant compte, justement, de toutes les propositions, les suggestions, les amendements qui ont été faits un peu partout.

C'est certainement, enfin, à ma connaissance, en tout cas, moi, depuis que je suis dans cette Chambre, la démarche à la fois la plus parlementaire et la plus démocratique qu'on ait connue, et j'ai bien l'intention de la poursuivre comme ça.

Le Président: M. le député de Rivière-du-Loup, pour une question complémentaire sans préambule.

M. Dumont: En complémentaire, M. le Président. Est-ce que le premier ministre reconnaît qu'il rend le gouvernement du Québec vulnérable à des attaques à sa légitimité par son processus unilatéral contrôlé et contrôlant à même des fonds publics, en même temps qu'il pousse à l'Assemblée nationale une réforme électorale, une première, sans entente entre les partis, si proche du référendum?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Parizeau: Je pense que le député de Rivière-du-Loup, M. le Président, n'a pas très bien compris le chef de l'opposition. Le chef de l'opposition qui, tout de suite après l'élection, disait: Le gouvernement, le nouveau gouvernement, avec le mandat qu'il vient d'avoir et les engagements qu'il a pris, est maintenant parfaitement légitimé de poursuivre sa démarche. Il aurait mieux fait d'écouter le chef de l'opposition. Moi, je suis d'accord avec le chef de l'opposition, tout au moins avec sa déclaration du 13 septembre aux journaux. Oui, il a raison, le gouvernement est parfaitement légitimé, après que les fédéralistes eurent connu échec après échec, le nouveau gouvernement, en arrivant au pouvoir, est parfaitement légitimé de proposer à la population du Québec la souveraineté du Québec.

Le Président: M. le député de Rivière-du-Loup, pour une deuxième question complémentaire.

M. Dumont: Merci, M. le Président. Le premier ministre peut-il reconnaître que son attitude rigide contribue à une polarisation extrême du débat qui pousse ceux qui ne sont pas décidés à l'avance, ceux qui réfléchissent quant à leur choix d'avenir à s'éloigner de sa démarche plutôt qu'à s'en approcher?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Parizeau: M. le Président, il faut faire attention, ici, au choix des mots. Si je comprends bien, la polarisation, c'est quand les souverainistes disent: Bon, nous allons proposer la souveraineté du Québec. Et quand d'autres sont au pouvoir et qu'ils disent: Bon, eh bien, nous allons proposer le fédéralisme, ça, c'est la preuve d'une grande ouverture d'esprit. C'est ça? Bon. Je ne pense pas ça. Je pense que, après l'échec flagrant du fédéralisme, l'échec flagrant même des formules les plus réformistes que le Parti libéral avait acceptées, en particulier celle d'un certain nombre de libéraux dissidents que le député de Rivière-du-Loup connaît très bien, toutes les tentatives de réformer le fédéralisme ont échoué.

Le premier ministre du Canada propose maintenant le statu quo. Le chef de l'opposition propose le statu quo avec, peut-être, des changements après. Dites non, on verra après. On a déjà joué dans ce film-là, nous autres. C'est ça qui reste devant nous. Et, maintenant, ce serait de la polarisation de dire, après tous ces échecs: Voilà, nous allons vers la souveraineté du Québec. Nous allons mobiliser les Québécois pour se bâtir un pays. Nous voulons sortir de ces ornières. Nous voulons sortir de ces échecs. Nous voulons commencer à bâtir, tous ensemble, notre avenir. Moi, je suis plutôt fier de cette démarche-là.

Le Président: Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, en question principale?


Réforme de la fiscalité municipale

Mme Frulla: Oui, M. le Président. M. le Président, le 30 septembre dernier, les Montréalais étaient surpris et heureux. Le délégué régional de Montréal, le chien de garde, l'empêcheur de tourner en rond, annonçait une baisse de taxes pour Montréal, en 1995. En effet, dans un article du Devoir , celui-ci déclarait que le premier ministre étudiait très sérieusement la proposition d'un nouveau pacte fiscal, incluant, entre autres, l'accès à un pourcentage de la taxe de vente provinciale ou autres hypothèses pouvant donner aux villes l'équité fiscale. Or, l'Assemblée nationale étudie actuellement un projet de loi modifiant la Loi sur la fiscalité municipale, et on n'y retrouve rien qui se rapproche de l'ampleur des promesses faites aux Montréalais par le Parti québécois.

Ma question, M. le Président, au ministre des Affaires municipales: Peut-il nous dire où est la reforme fiscale annoncée en grande pompe aux Montréalais durant la campagne électorale?

Le Président: M. le ministre des Affaires municipales.

M. Chevrette: Oui, M. le Président. Le Parti québécois a pris, effectivement, des engagements sur la réforme fiscale, et c'est demain après-midi, à la Table Québec-municipalités que va s'enclencher tout le processus de révision de la fiscalité municipale et de révision des responsabilités. Et, contrairement aux libéraux, il n'y aura pas de transfert de pouvoirs et de responsabilités sans transfert d'argent, M. le Président.

Le Président: Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys en question complémentaire.

(11 h 10)

Mme Frulla: Ça nous fait plaisir de le savoir, M. le Président, mais, jusqu'à maintenant, on ne voit que des amendements de dernière minute. Il y a 1 800 000 000 $ à...

Le Président: Mme la députée, on est en question complémentaire. Sans préambule, s'il vous plaît.

Mme Frulla: Comment le ministre, M. le Président, entend-il respecter la promesse du délégué régional de Montréal de faire immédiatement une réforme fiscale sérieuse, dont les conséquences pourraient s'appliquer au compte de taxes des Montréalais dès 1995, comme on l'annonce dans l'article du 30 septembre du Devoir ?

Le Président: M. le ministre des Affaires municipales.

M. Chevrette: M. le Président, une réforme fiscale qui a été détruite précisément par le Parti libéral, par la loi 145, doit être revue en profondeur. Quant à Montréal spécifiquement, j'ai créé un comité sur lequel le délégué régional participe, avec, également, un représentant élu de la ville de Montréal. Leur rapport est finalisé au moment où on se parle; il sera remis à la fois au premier ministre et au Conseil des ministres dès le prochain Conseil, et nous étudions des spécificités montréalaises. Est-ce qu'on viendra en aide, oui ou non, immédiatement, ou si on le fera dans le cadre de la réforme fiscale complète? C'est une décision à prendre, mais je dois vous dire que le rapport est déjà définitif et qu'il sera remis au Conseil des ministres la semaine prochaine.

Le Président: Alors, c'est la fin de la période de questions et réponses orales.


Avis touchant les travaux des commissions

Nous en sommes maintenant aux avis touchant les travaux des commissions.

À l'ordre, s'il vous plaît! M. le leader du gouvernement.

M. Chevrette: Oui. Avis touchant les travaux des commissions. Donc, M. le Président, je voudrais aviser cette Assemblée...

Le Président: S'il vous plaît! Alors, on peut comprendre que des collègues doivent vaquer à d'autres occupations. Je vous inviterais à le faire dans le calme et la discrétion, s'il vous plaît. M. le leader du gouvernement.

M. Chevrette: Oui, M. le Président, j'avise cette Assemblée qu'aujourd'hui, après les affaires courantes, jusqu'à 13 heures, de 15 heures à 18 heures et, si nécessaire, de 20 heures à 24 heures, à la salle Louis-Joseph-Papineau, la commission des institutions poursuivra son étude détaillée du projet de loi public suivant: projet de loi 41, Loi modifiant le Code de procédure civile et la Loi sur les cours municipales. Après 18 heures, huit articles d'approuvés, M. le Président.

Le Président: Merci, M. le leader du gouvernement.


Renseignements sur les travaux de l'Assemblée

Nous en sommes aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée.

M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui. M. le Président, nous avons pris connaissance, au feuilleton de ce jour, que le leader du gouvernement avait inscrit, en vertu de l'article 146 du règlement, une motion à l'effet que la commission des institutions, dans le cadre du projet de loi 40, Loi sur l'établissement de la liste électorale permanente et modifiant la Loi électorale et d'autres dispositions législatives, procède à des consultations particulières et tienne des auditions publiques le lundi 19 décembre 1994. Une liste très limitative d'intervenants apparaît, très encadrés, avec très peu de temps pour faire valoir leur point de vue.

Lorsque nous avions interrogé mon bon ami, le député de Joliette et leader du gouvernement en cette Chambre, il s'était engagé à tenir des consultations générales sur ce projet de loi qui touche l'ensemble des parlementaires et de la population du Québec. Pourquoi a-t-il changé d'idée, M. le Président?

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Chevrette: M. le Président, d'abord, j'ai même un organisme de plus que celui dont ils ont parlé dans leur discours depuis le début. M. le Président, c'était la Commission des droits et libertés, c'était le Protecteur du citoyen, c'était la Commission d'accès à l'information, l'union municipale, l'Union des municipalités régionales de comté, et j'ai ajouté également, M. le Président, la Corporation des officiers municipaux et la Fédération des commissions scolaires.

Donc, M. le Président, c'étaient les organismes, et tous les discours de l'opposition, à venir jusqu'à date, n'en donnaient même pas autant d'organismes, M. le Président. Et je vous rappellerai que ces organismes-là ont été consultés largement dans l'élaboration du consensus du temps du Parti libéral du Québec, M. le Président, par M. Marc-Yvan Côté, par le DGE, par les structures; tout le monde a pu s'exprimer là-dessus.

M. le Président, on voit manifestement bien que les libéraux veulent tout boycotter dans cette Chambre.

Des voix: Oh! Oh!

Le Président: M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Simplement pour rappeler à mon bon ami le député de Joliette et leader du gouvernement que le lundi 5 décembre 1994 – et je vous prends à témoin, M. le Président; vous occupiez à ce moment-là le banc de la présidence – j'ai posé la question au leader du gouvernement: «...je voudrais savoir du ministre s'il a l'intention de fournir aux intéressés de se faire entendre en commission parlementaire à l'occasion d'une consultation générale.» On n'exclut personne, là, dans une consultation générale.

Le leader, M. Chevrette, me répond... vous répond, c'est-à-dire, il s'adressait à vous: «Oui, M. le Président.» Ma question est bien simple: Pourquoi avoir changé d'idée?

Une voix: Ah! Ah!

M. Chevrette: M. le Président, je n'ai jamais...

Le Président: M. le leader...

M. Chevrette: En tout cas, si j'ai mal compris, je n'ai jamais...

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Chevrette: ...proposé de quelque manière que ce soit... Relisez mon discours sur la loi, j'ai toujours dit que j'étais intéressé à recevoir en particulier les municipalités, le monde scolaire et les trois organismes chargés des droits individuels. Donc, M. le Président, moi, je n'ai pas changé d'idée du tout. Non seulement je n'ai pas changé d'idée, mais je suis prêt à les entendre. Mais on ne veut tellement pas les entendre, M. le Président, que, délibérément, on fait obstruction à tout, tout ce qui se passe dans le Parlement, en commission, M. le Président, à l'Assemblée nationale; c'est des mesures dilatoires. Et, que voulez-vous, on est en train de concrétiser un consensus, un large consensus qui a été établi non pas cette année, M. le Président, mais depuis 1992.

Quant à la consultation générale, on en a parlé au comité de travail et on en a parlé au Comité consultatif. Le leader de l'opposition sait très bien que c'est sur des sujets nettement politiques, par exemple, comme le droit de vote à date fixe. Ça, ça ferait partie d'une consultation générale. C'est toujours le propos que j'ai tenu. Moi, je ne change pas d'opinion, j'ai une seule parole, M. le Président, contrairement au leader qui, hier, avait promis son consentement et qui l'a refusé.

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui, M. le Président. De façon à faciliter votre jugement sur cette affaire, vous me permettrez de déposer, et je sollicite le consentement de mon bon ami le député de Joliette et leader du gouvernement pour ce faire, le «transcript» du Journal des débats de l'Assemblée nationale où, formellement, devant cette Chambre, le leader du gouvernement avait pris l'engagement, face à l'opposition officielle et aux membres de cette Assemblée nationale, de tenir des consultations. Et je suis certain qu'il va consentir au dépôt de ce document, M. le Président.

M. Chevrette: M. le Président, non seulement je...

Le Président: M. le leader du gouvernement, vous avez la parole.

M. Chevrette: Oui, M. le Président. Vous pouvez accepter, bien sûr, le dépôt de la question, le dépôt de mon discours, et je vous donnerai les comptes rendus des comités consultatifs, y compris du groupe de travail auquel l'opposition officielle a refusé de participer, M. le Président, le Comité consultatif. Je n'ai jamais vu une formation politique refuser de participer au consensus qu'elle a contribué à établir.

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement pour le dépôt?

Des voix: Oui.


Document déposé

Le Président: Oui? Attention! Consentement? Alors, le document est déposé. M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Strictement une petite mise au point, M. le Président, pour que les propos de mon bon ami le député de Joliette...

M. Chevrette: Question de règlement.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! Je rappelle aux membres de cette Chambre que nous en sommes aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée. Alors, M. le leader de l'opposition officielle, si vous avez une question à poser...

M. Chevrette: M. le Président, question de règlement. Où est-ce que ça existe...

Le Président: M. le leader du gouvernement, je viens d'indiquer et d'inviter les membres de cette Chambre, au stade des demandes de renseignements sur les travaux de l'Assemblée, à bien vouloir exprimer leurs demandes s'il y a lieu. Alors, M. le chef...

M. Paradis: Oui. Encore une fois, je devrai vous...

Le Président: ...le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui. Encore une fois, je devrai vous prendre à témoin, M. le Président. Sur la question de l'application stricte du règlement, mon bon ami le député de Joliette et leader du gouvernement a raison. Toutefois, vous lui avez laissé la latitude nécessaire pour s'exprimer et accuser l'opposition de s'être absentée d'un comité consultatif. J'étais simplement, pour les fins de votre information et celle des parlementaires, M. le Président, sur le point d'expliquer... Je comprends que lui peut s'exprimer. Est-ce qu'on peut avoir la même égalité des chances de s'exprimer aussi?

Le Président: À ce stade-ci, MM. les leaders, s'il y a une demande de considérer éventuellement la recevabilité de la motion, je serais prêt à vous entendre, mais je vous rappelle encore que nous sommes, à ce stade-ci, au stade des demandes de renseignements sur les travaux de l'Assemblée et qu'on doit s'en tenir à ces dispositions.

M. Paradis: Oui. M. le Président, lorsque, dans la planification des travaux, on cédule un comité consultatif immédiatement avant une adoption de principe, on ne laisse pas le temps aux parlementaires de consulter leur caucus sur ce qui se discute au comité consultatif, et ça, ça fait partie d'une approche que l'on veut unanime en cette Chambre. Maintenant, directement, le leader du gouvernement a changé d'idée; maintenant, il veut des commissions particulières. Dans ces commissions particulières, il a indiqué, comme il l'a fait tantôt, quels sont les groupes qu'il souhaitait entendre. Est-ce que...

(11 h 20)

Le Président: Bon. Votre question doit porter sur les renseignements sur les travaux de la Chambre.

M. Paradis: Oui, oui, M. le Président. Est-ce que le leader du gouvernement ne considérerait pas essentiel, à l'occasion d'une consultation qu'il a choisie de rétrécir, d'entendre celui qui est peut-être, comme institution, l'organisme ou la personne la plus au point de cette réforme électorale, celui qui y a collaboré de très près, le Directeur général des élections? Ce n'est pas inscrit dans l'avis. Est-ce que mon bon ami, le député de Joliette et leader du gouvernement, accepterait que les parlementaires puissent discuter de cette réforme avec le Directeur? L'exclure, moi, m'apparaît, M. le Président, non pas simplement un oubli, mais de la mesquinerie à l'endroit du Directeur général des élections.

Est-ce qu'on pourrait également entendre, M. le Président...

M. Chevrette: Question de règlement, M. le Président.

Le Président: S'il vous plaît! M. le leader, vous n'avez pas la parole. Sur une question de règlement, M. le leader du gouvernement.

M. Chevrette: M. le Président, il m'accuse carrément de mesquinerie parce que je n'ai pas mis le DGE, M. le Président. Un, c'est contraire au règlement. Deux, M. le Président, le DGE, c'est lui qui a rédigé le projet de loi pour les deux consensus, les deux formations politiques. S'il le veut, M. le Président, là, qu'il vienne au Comité consultatif faire ses suggestions. Qu'il arrête de se réfugier dans le dilatoire. Ils ne veulent pas fonctionner. Ils veulent boycotter tout, M. le Président. Que voulez-vous que je vous dise? Ils prennent des abonnements, même, à une question. Vous les avez vus? Il n'y a pas eu une question sur l'économique depuis le début. C'est leur choix stratégique, mais qu'on ne vienne pas nous taxer, dans les travaux parlementaires, de ne pas donner, M. le Président, les réponses.

Le Président: S'il vous plaît, s'il vous plaît! Alors, à ce stade-ci, en terminant votre question quant aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée.

M. Paradis: M. le Président, en continuant la question quant aux renseignements, je prends acte de l'ouverture que vient de faire mon bon ami le député de Joliette et leader du gouvernement, à l'effet que nous pourrions convenir d'ajouter comme invité le Directeur général des élections. On se doit, là, de souligner cette ouverture.

Maintenant, est-ce qu'il y aurait également possibilité – et j'explique pourquoi – d'entendre les représentants de la Régie de l'assurance-maladie du Québec? On sait que, pour la liste électorale permanente, qui est un des éléments importants de cette réforme, on nous suggère de nous approvisionner, comme base de renseignements pour monter cette liste, de la liste de la Régie de l'assurance-maladie du Québec. On sait également que le ministre qui est responsable, M. le Président, de la Régie de l'assurance-maladie du Québec, c'est le ministre de la Santé. Nous sommes intéressés, comme parlementaires, de façon à garantir les droits de tous les citoyens à la confidentialité et à la non-politisation de cette liste, d'entendre, à la fois...

M. Chevrette: Question de règlement, M. le Président. Question de règlement.

Le Président: Sur une question de règlement, M. le leader du gouvernement.

M. Chevrette: M. le Président, ce n'est pas au titre de renseignements sur les travaux. Quand un leader veut participer, il apporte sa liste et il dit: Est-ce que tu l'acceptes ou pas? J'ai fait ça pendant neuf ans, de l'autre côté, M. le Président. Manifestement, on veut encore gruger du temps pour ne pas procéder au principe. C'est leur droit. Je vous dis: Quand il y aura une liste, là... Au lieu qu'il se lève 40 fois pour me nommer 40 groupes, qu'il produise sa liste, M. le Président, et je lui donnerai une réponse, comme tout leader doit faire, M. le Président. Mais, quand on veut perdre du temps et qu'on ne veut pas collaborer, qu'on veut se servir du règlement pour ça, c'est ça qu'on fait.

Une voix: Procès d'intention.

Le Président: Très brièvement, M. le chef de l'opposition officielle... M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Je ne suis pas chef, moi, mais leader. M. le Président, je suis prêt à être bref, mais je suis prêt également à vous demander une application correcte du deuxième alinéa de l'article 86 de notre règlement, qui stipule que c'est à ce moment-ci que ça doit se passer et que ça doit se passer de façon correcte, à l'Assemblée nationale, pour que les parlementaires aient toutes les informations et qu'on puisse, si possible, améliorer le fonctionnement de nos travaux.

Je vous lis le deuxième paragraphe de l'article 86: «Les demandes de renseignements doivent porter sur des affaires inscrites au feuilleton.» J'ai indiqué, au tout début de mon intervention, M. le Président, que cette affaire était inscrite au feuilleton de ce jour. Si on veut se préparer correctement, parce que c'est convoqué dans de très courts délais, on a besoin de la collaboration de mon bon ami le député de Joliette et leader du gouvernement.

La deuxième demande, M. le Président, est aussi justifiée que la première. Je commençais à indiquer à mon bon ami, par votre entremise, M. le Président, la nécessité d'entendre les représentants de la Régie de l'assurance-maladie, de même que la ministre...

Le Président: Alors, je vous rappelle encore une fois que nous sommes à l'étape des renseignements sur les travaux de l'Assemblée. Je l'ai rappelé à plusieurs reprises. À ce stade-ci, s'il n'y a pas d'autres demandes de renseignements sur d'autres sujets – je pense que ce sujet-ci a déjà été largement couvert – nous passerons donc aux affaires du jour.

M. Paradis: M. le Président, ce sujet n'a pas été largement couvert. Nous avons souligné l'absence du Directeur général des élections au leader du gouvernement. Le leader du gouvernement a fait montre d'ouverture, a pratiquement acquiescé à ce que le Directeur général des élections vienne. Nous en sommes maintenant à lui suggérer de réfléchir quant à l'opportunité ou la nécessité d'entendre et le ministre de la Santé, qui est responsable de l'organisme où on va s'abreuver, où va s'abreuver le Directeur général des élections pour confectionner une liste des électeurs au Québec, et d'entendre également...

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle, M. le leader du gouvernement, nous sommes...

Une voix: Je n'ai rien dit.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: S'il vous plaît! Nous en sommes donc aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée. Des questions ont été posées relativement à la motion qui apparaît aujourd'hui en préavis pour la première fois. Des réponses ont été données aux questions...

M. Paradis: M. le Président, question de règlement.

Le Président: S'il vous plaît, à l'ordre! Alors, je comprends qu'on peut être satisfait ou insatisfait des réponses qui ont été apportées, mais elles ont été apportées, et, avec votre collaboration, je vous inviterais à ce que nous procédions aux affaires du jour.

M. Paradis: M. le Président, question de règlement.

Le Président: Sur une question de règlement.

M. Paradis: Oui, M. le Président. J'ai, à ce moment-ci, posé une question au leader du gouvernement. Le leader du gouvernement m'a apporté une réponse. J'étais à poser une deuxième question au leader du gouvernement. Vous me dites qu'on n'a pas le droit de poser deux questions à ce moment-ci? Est-ce que c'est une nouvelle jurisprudence?

Le Président: Je constate que le libellé de la question, si on peut parler d'une question à ce moment-là, se rapprochait beaucoup, effectivement, d'une argumentation. Si vous avez une question à poser, je vous inviterais à la poser maintenant, mais, s'il vous plaît, qu'elle ne contienne pas d'argumentaire.

M. Paradis: M. le Président, je tentais tout simplement – et je pense que l'argumentaire à la première question a aidé à convaincre mon bon ami le leader du gouvernement de répondre oui...

Le Président: Votre question.

M. Paradis: Est-ce que je peux avoir la même possibilité, la même latitude pour indiquer l'importance de la comparution devant cette commission et du ministre de la Santé, qui est responsable politiquement du fichier de la Régie de l'assurance-maladie du Québec, et des représentants de la Régie de l'assurance-maladie du Québec? S'il y a une ouverture de ce côté-là de la part du ministre responsable de la Réforme électorale qui se doit d'être approuvée par l'ensemble des parlementaires en cette Chambre, parce que cette institution mérite au moins ce respect, M. le Président...

Le Président: M. le leader du gouvernement, s'il vous plaît, brièvement.

M. Chevrette: M. le Président, qu'il produise sa liste et on verra.

M. Paradis: Oui...

Le Président: Alors, nous en sommes maintenant aux affaires du jour, avec votre permission.

M. Paradis: M. le Président, sur une question de règlement, à ce moment-ci.

Le Président: Sur une question de règlement, M. le leader.

M. Paradis: Le leader du gouvernement vient, encore une fois, de faire une ouverture. Nous n'avons pas l'intention de la laisser passer, nous avons l'intention d'en profiter pour entendre ces gens-là. Oui, M. le Président, lorsque le leader du gouvernement me demande si nous sommes prêts à proposer une liste à l'opposition de façon à ajouter des groupes qui, selon nous, devraient être entendus, nous sommes disposés à le faire, M. le Président, et nous le ferons dans les minutes qui suivent.

Le Président: Alors, nous passerons donc maintenant aux affaires du jour.

Une voix: Non.

Le Président: Je vous ai peut-être mal compris, M. le leader de l'opposition officielle?

M. Paradis: M. le Président, à ce moment-ci, on demande aux membres de l'Assemblée: Est-ce qu'il y a d'autres questions touchant les travaux de la Chambre? Je pense que c'est comme ça que le règlement se doit d'être interprété, M. le Président.

Le Président: S'il vous plaît! Alors, est-ce qu'il y a d'autres demandes sur d'autres sujets relativement aux travaux de l'Assemblée?

Une voix: C'est épouvantable!

Le Président: S'il vous plaît!

M. Paradis: Très bien, M. le Président. C'est exactement le sens de mon intervention. Oui, il y a une autre demande qui touche un autre sujet qui apparaît aujourd'hui au feuilleton. À la page 8 de notre feuilleton de ce matin, on constate que la commission de la culture est convoquée pour étudier des engagements financiers. Est-ce que je peux me permettre de demander à mon bon ami, le leader du gouvernement et député de Joliette, si les vérifications ont été faites auprès de chaque membre de la commission pour qu'il renonce au délai de convocation de 15 jours prévu à l'article 23 de nos règles de fonctionnement?

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Chevrette: On me dit que la vice-présidente avait donné le consentement pour siéger demain.

M. Paradis: La vice-présidente est présente parmi nous, M. le Président. Avec la permission de mon bon ami, le leader du gouvernement, on pourrait lui demander de confirmer ou d'infirmer.

(11 h 30)

Le Président: Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.

Mme Frulla: ...ce que j'ai dit, c'est que nous sommes prêts à entendre les engagements, mais qu'il fallait qu'il y ait un arrangement préalable avec les leaders, tout simplement.

M. Chevrette: M. le Président...

Mme Frulla: Alors, j'ai été surprise de voir que ça avait été convoqué. Il faut juste un arrangement, on est prêts.

M. Chevrette: Oui, M. le Président...

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Chevrette: ...je voudrais parler du type d'arrangement. On sait que les engagements financiers, ce sont tous les engagements financiers du précédent gouvernement, et notre objectif a été bien transmis au leader de l'opposition, c'était de faire tous les engagements financiers du gouvernement libéral avant Noël. Malheureusement, M. le Président, là-dessus aussi, il y a boycott.

M. Paradis: M. le Président...

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: ...le leader du gouvernement a en partie raison. Nous avions également convenu de regarder l'ensemble du processus, du fonctionnement de cette commission, de façon à donner plus d'efficacité au fonctionnement de nos institutions parlementaires. Le leader du gouvernement a oublié de le souligner, nous n'avons pu en venir à une entente là-dessus non plus.

Maintenant, M. le Président, je vous demande, dans les circonstances, d'appliquer le règlement et que les avis, qui se doivent d'être donnés, à moins qu'il n'y ait entente, soient donnés.

M. Chevrette: M. le Président...

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Chevrette: ...effectivement, j'ai même fait parvenir, avant même de la montrer à mon caucus, une proposition pour, éventuellement, amender le règlement, mais, entre-temps, on a fait, pendant neuf ans, des engagements financiers, et c'est complètement boycotté par nos amis d'en face; ce sont leurs propres engagements qu'ils ne veulent même pas étudier. Qu'est-ce que vous voulez que je vous dise, moi? On verra. Quand on ne veut pas participer au niveau d'une Chambre, M. le Président, il faut prendre d'autres moyens. Je prendrai d'autres moyens.

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Je vais vous demander de rendre une décision, tout en offrant à mon bon ami, le leader du gouvernement, notre pleine collaboration pour finaliser cette négociation.

M. Payne: Question de règlement, M. le Président.

Le Président: Alors, nous...

M. Payne: Question de règlement.

Le Président: M. le député, je m'excuse, je ne vous vois pas... O.K. M. le député.

M. Payne: M. le Président, la commission a adopté une résolution: que la commission de la culture siège dans les plus brefs délais. C'est à la suite de cette proposition adoptée que le secrétaire de la commission a communiqué avec la vice-présidente, la semaine passée, pour vérifier ses disponibilités. Sa disponibilité...

M. Paradis: Question de règlement.

M. Payne: Sa disponibilité...

Une voix: Il est sur une question de règlement.

M. Paradis: Oui, mais question de règlement.

Une voix: Il fait un discours, là.

M. Paradis: Question de règlement.

Le Président: Je vais finir d'entendre, si vous voulez, M. le député et...

M. Paradis: Je vous souligne, M. le Président...

Le Président: S'il vous plaît! Brièvement.

M. Payne: L'entente était à l'effet... On a demandé la disponibilité de la vice-présidente, elle a indiqué que sa disponibilité était pour demain, à 15 heures.

Le Président: Bon! Alors, s'il vous plaît! S'il vous plaît!

Mme Frulla: Sur la question de règlement...

Le Président: Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.

Mme Frulla: Sur la question de règlement, M. le Président, on appelle en nous demandant notre disponibilité. Alors, comme je l'ai dit tantôt, on est prêts à regarder les engagements, puisque, effectivement, c'est les nôtres, excepté que, cela dit, quand on donne un ensemble de disponibilités, ça aurait pu être cet après-midi, ça aurait pu être demain, ça peut être lundi, ça peut être mardi.

Une voix: Il n'y a rien de décidé.

Mme Frulla: Mais ce qui a été dit, c'est qu'il fallait une entente préalable avec les leaders, justement pour organiser l'ensemble des travaux. Moi, je le dis, je suis disponible aujourd'hui, demain, lundi, mardi, s'il le faut. En janvier, je n'ai pas de problème, excepté que ça prend une entente avec les leaders. Cela a été très bien communiqué.

M. Chevrette: Question de règlement, M. le Président.

Le Président: O.K. Alors, si vous voulez bien... M. le leader du gouvernement.

M. Chevrette: Oui. Je veux bien qu'on affirme n'importe quoi, on peut être disponible en tout temps. Je pose la question, M. le Président: Dès qu'il y a entente entre les commissions, dans la conjoncture du règlement actuel, est-ce que je vais céder au chantage de révolutionner le règlement pour leur faire plaisir à court terme, sans qu'il se fasse de débat? Je dis que les crédits, les engagements financiers seront étudiés – comme ils l'étaient avant, pendant neuf ans – et qu'on verra, par la suite, à créer une commission spéciale. C'est ce que j'ai dit au leader. Mais, M. le Président, ce n'est pas de ma faute si... Il voudrait avoir, en neuf semaines, ce qu'il n'a pas été capable de donner en neuf ans.

Le Président: Écoutez, je pense avoir... Brièvement.

M. Paradis: Oui, M. le Président. Le leader du gouvernement, mon bon ami, le député de Joliette, a mentionné son point de vue dans la négociation comme telle. La partie qu'il a mentionnée est, en partie, véridique, M. le Président. Ce que j'ai proposé au leader du gouvernement, c'est tout simplement d'en arriver à une entente, de façon à ce que nous puissions procéder, une fois cette entente scellée entre les deux leaders et confirmée par la présidence de l'Assemblée nationale, en vertu des anciennes règles pour l'examen des engagements financiers de l'ancien gouvernement et que ça soit déjà convenu d'avance que l'on procède en fonction de nouvelles règles qui amélioreraient le fonctionnement de notre institution pour les engagements financiers du nouveau gouvernement. C'était là la base de la proposition. Je pense que nous sommes très près d'une entente, mais, d'ici à ce qu'il y ait entente, la marge de manoeuvre que vous avez, M. le Président, c'est d'appliquer le règlement.

Le Président: Je vous soumets qu'en se fondant sur les nombreux précédents à cet égard la présidence de la commission elle-même a toute latitude de convoquer les réunions selon ce qui est décidé par la commission, et la présidence de l'Assemblée nationale n'a pas à se substituer à la présidence d'une des commissions à cet égard. Donc, conformément, il sera procédé selon la convocation déjà parue, parce que la présidence de l'Assemblée n'a pas, elle, à se substituer à la décision de la commission elle-même.

M. Paradis: M. le Président, nous sommes à l'organisation des travaux de la Chambre, et vous êtes celui qui est responsable de l'application du règlement de l'Assemblée nationale comme tel. S'il n'y a pas de consentement de renonciation aux délais qui sont prescrits par la réglementation, le gouvernement peut, à ce moment-là, fonctionner comme il l'entend, en suivant les délais qui sont convenus. Si on peut s'entendre sur une renonciation aux délais avec chacun des membres ou avec le leader qui la garantit pour chacun des membres, à ce moment-là, on peut procéder de façon beaucoup plus facile.

Le Président: Je vous soumets encore une fois qu'il reviendra à la commission elle-même de statuer quant à la décision de procéder conformément à la convocation. Il revient à la commission elle-même et à ses membres d'en disposer en temps et lieu; c'est la compétence de la commission.

M. Paradis: ...

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: ...question de nous éclairer, là, quelques précédents qui sous-tendent votre décision.

Le Président: Le règlement statue très clairement qu'il s'agit là de la compétence de la commission. Il me fera plaisir de vous faire parvenir, si vous le voulez bien, en temps et lieu, très rapidement, les précédents qui apparaissent dans les décisions antérieures de la présidence. Alors, avec votre collaboration... M. le député de Jeanne-Mance.

M. Bissonnet: J'annonce immédiatement que je renonce aux délais, donc la commission siégera après les délais... C'est-à-dire, je ne renonce pas aux délais. À ce moment-là, la commission ne pourra pas siéger avant 15 jours des avis qu'elle doit donner.

Le Président: Est-ce qu'il y a d'autres renseignements? Est-ce qu'il y a d'autres demandes de renseignements?


Affaires du jour

Alors, nous en sommes donc aux affaires du jour. M. le leader du gouvernement.

M. Boisclair: L'article 1 du feuilleton, M. le Président.


Projet de loi 40


Reprise du débat sur l'adoption du principe

Le Président: À l'article 1 du feuilleton, l'Assemblée reprend le débat, ajourné le 14 décembre dernier, sur l'adoption du principe du projet de loi 40, Loi sur l'établissement de la liste électorale permanente et modifiant la Loi électorale et d'autres dispositions législatives. Et je reconnais à ce stade-ci Mme la députée des Chutes-de-la-Chaudière.


Mme Denise Carrier-Perreault

Mme Carrier-Perreault: Je vous remercie, M. le Président. M. le Président, c'est la première fois que j'ai l'occasion, depuis l'avènement de la Trente-cinquième Législature, de m'adresser ici à vous, en cette Chambre, et je peux vous dire que je suis particulièrement contente de le faire pour débattre en faveur de l'adoption du principe du projet de loi 40, convaincue de représenter ainsi la majorité de la population qui m'a fait confiance le 12 septembre dernier. Et je pourrais dire, M. le Président, d'après les commentaires, les articles et les discussions qu'on a pu entendre, que je pense que ce projet de loi vient aussi combler les désirs d'une bonne majorité des Québécois et des Québécoises.

Le projet de loi qu'on a devant nous vise essentiellement, M. le Président, à établir une liste électorale permanente. Alors, c'est un projet, comme je vous le disais, dont on parle depuis fort longtemps, qui a déjà été très sérieusement considéré, et il y a seulement deux ans déjà – et nos amis d'en face devraient s'en rappeler, puisque c'était leur collègue, le ministre responsable, à l'époque, M. Marc-Yvan Côté, qui faisait la manchette de tous les journaux à ce moment-là, qui avait fait des demandes en ce sens-là, de vérification auprès du Directeur général des élections... Et on peut voir les éditoriaux qu'il y avait à ce moment-là aussi, qui disaient: Enfin, ça va peut-être être le moment. Et je revois le même éditorialiste, M. le Président – M. Gravel, pour ne pas le nommer – qui nous répète aujourd'hui, encore une fois, les mêmes propos: Il est, oui, grand temps de faire une réforme électorale au Québec, et qui va dans le même sens, justement, que l'objectif visé par le projet de loi qu'on a devant nous.

(11 h 40)

Alors, oui, on a un projet de loi qui est clair, qui se parle depuis longtemps, qui fait consensus. C'est un projet de loi qui vise un peu aussi à mettre le Québec à l'ère de la modernité. On parle d'une liste électorale informatisée; je pense qu'il n'y a pas grand-chose qui ne se fait pas par le biais de l'informatique, au Québec, aujourd'hui, M. le Président. Alors, c'est une façon d'améliorer, de progresser; je pense que tout le monde s'entend là-dessus.

Quand on regarde les objectifs, pourquoi une liste électorale permanente, je pense que c'est un peu dans ce sens-là aussi que la majorité des gens souscrivent à un tel projet de loi, à un tel progrès, si on veut, au niveau de notre Loi électorale. Ces objectifs-là, M. le Président, je sais que plusieurs d'entre nous en ont parlé – j'ai entendu beaucoup de monde de l'autre côté discuter de ce projet de loi – mais je pense qu'il faut les répéter ici, ce matin, pour le bénéfice des gens qui prennent leur téléviseur et qui commencent à nous écouter ce matin.

Alors, les objectifs de ce projet de loi, c'est sûr, c'est pour réduire, d'abord, la durée des périodes électorales. Ici, dans cette Chambre, nous sortons d'une campagne. Tous les députés ici présents ont fait campagne, et on s'est fait dire à plusieurs reprises que, cette campagne-là, ça n'avait pas de bon sens, ça avait trop duré. Les gens en avaient un peu assez. Même, à toutes fins pratiques, M. le Président, on peut dire que les deux dernières semaines, c'était le commentaire qui était généralisé: Si on peut voter, là, notre idée est faite, puis c'est assez. On le sait, ce que vous avez à nous proposer, on sait ce que les gens discutent, on a compris. C'est vrai que, cette fois-ci, c'était peut-être un peu particulier, parce que les gens avaient l'impression... Dans mon comté, surtout, je me suis fait dire ça à plusieurs reprises: On a l'impression qu'on est en campagne électorale depuis l'arrivée du nouveau chef du Parti libéral, puisque, en fait, on nous promettait des élections. On les attendait, M. le Président, et tout le monde avait l'impression que cette campagne était enclenchée depuis fort longtemps.

Alors, d'une part, on sait que les 15 premiers jours après le déclenchement sont consacrés à faire le recensement. Donc, si on a une liste électorale permanente, c'est évident qu'on en vient à réduire de 15 jours, en tout cas de ces 15 jours-là au moins, la période électorale. Tout le monde s'en portera mieux: les candidats qui n'en finissent plus de répéter les mêmes choses et surtout la population qui en a assez, plus qu'assez, de se faire répéter les mêmes propos, les mêmes annonces télévisées, les mêmes publicités. Enfin, tout le monde sera très heureux de ce premier objectif qui est visé par la loi.

Un autre objectif aussi qui est visé et qui n'est quand même pas le moindre, on parle de réduire le coût des listes électorales, puisqu'on élimine les recensements, et ce, pour chacun des niveaux de gouvernement. Vous savez qu'il y a des recensements pour le provincial, des recensements municipaux, des recensements pour les élections scolaires, bref, un paquet de recensements. Il y a des analyses qui ont été faites, M. le Président, et on parle de 34 500 000 $ sur quatre ans, uniquement pour faire des recensements. C'est sûr que, faire une liste électorale, il y a des gens qui pourront dire: Mettre en place un tel processus, monter une telle liste par le biais d'un système informatique, ça coûte très cher. Oui, je pense que c'est vrai que ça coûte très cher. On a eu beaucoup d'exemples des coûts générés par les programmes informatiques qui ont été mis en place assez récemment, et j'y reviendrai, mais il reste que, dans ce cas-ci, on parle quand même de coûts qui vont être repris assez rapidement, puisqu'on voit les coûts des recensements qui sont évalués à 34 500 000 $ sur quatre ans. Seulement au Québec, M. le Président, on s'en rappellera, on entendait comme commentaire que, uniquement faire le recensement pour le provincial, ça coûtait autour de 15 000 000 $. Alors, on se répète à chaque fois avec un recensement, et, à chaque fois, c'est 15 000 000 $.

Bien sûr, il y a d'autres objectifs. On parle de rendre permanente l'inscription d'un électeur tout en maintenant la liberté pour celui-ci d'être inscrit sur la liste électorale. Les gens ne sont pas obligés d'être inscrits, ils ne sont pas obligés d'avoir un statut d'électeur. Remarquez qu'on peut s'interroger sur le pourquoi, pourquoi les gens ne veulent pas se prévaloir de leur droit de vote, puisque c'est un exercice démocratique essentiel. Maintenant, c'est le choix de l'électeur. Donc, cette façon de faire va maintenir quand même la liberté de l'électeur d'être ou non inscrit sur la liste électorale.

On veut aussi, M. le Président, bien sûr, assurer un meilleur contrôle des inscriptions des électeurs en éliminant, entre autres choses, les doubles inscriptions. Ça, c'est un fait, et il y a des cas connus, il y a des cas qui sont devenus un petit peu de notoriété publique, si on veut, suite aux dernières élections. Maintenant, on sait qu'il y a beaucoup de choses qui se passent comme ça dans la plupart des comtés, et je pense que, dans la plupart de nos comtés, pour avoir fait plusieurs campagnes électorales, on a relevé certaines possibilités de cette nature-là, certaines possibilités de fraude, et je pense que c'est un élément qu'il faut corriger parce que, comme je le disais tout à l'heure, voter, c'est un exercice très démocratique. C'est ce qui permet de choisir nos représentants. Alors, c'est pour ça qu'il faut être très sérieux et très sévère dans l'exercice de ce droit.

On veut aussi améliorer la qualité des listes électorales. Tout ça va faire en sorte, bien sûr, d'améliorer la qualité des listes électorales. Je pense qu'on ne peut pas faire autrement – ni de ce côté-ci ni de l'autre de la Chambre – que de souscrire à ces objectifs-là. Je pense que tout le monde s'entend là-dessus; les objectifs visés, on ne peut pas faire autrement qu'être d'accord. Je pense que, tout le monde, on est pour. C'est difficile d'être contre la vertu, on se comprend là-dessus. Alors, c'est normal, c'est demandé partout où on en a discuté, où les gens se sont penchés sur ce sujet-là. Je pense qu'il y a unanimité.

On peut cependant avoir des interrogations. J'entends depuis quelques jours... J'ai assisté à plusieurs débats, là, qui ont eu lieu en cette Chambre. J'ai entendu les allocutions de plusieurs députés du côté de l'opposition officielle. Il y en a, bien sûr, qui ont des interrogations. Je pense que, oui, il y a des interrogations qui sont légitimes, parce que, effectivement, je parlais tout à l'heure de la difficulté, dans certains cas, d'établir ou de mettre en place un nouveau système informatique. Là-dessus, je suis persuadée que nos amis d'en face, l'opposition officielle, sont très sensibles, M. le Président, à certaines difficultés; en tout cas, ils doivent se rappeler certaines difficultés. Parce que, vous le savez, au Québec, présentement, il y a des organismes gouvernementaux qui sont aux prises avec des problèmes absolument épouvantables à cause, justement, d'une mauvaise planification dont le gouvernement a fait preuve, là, en mettant en place de nouveaux services informatiques.

J'en donnerai seulement deux exemples. On a juste à regarder ce qui se passe au niveau du registre de l'état civil. Le Protecteur du citoyen pourra sûrement, puisque notre ministre responsable et leader du gouvernement a dit qu'il l'inviterait à venir discuter avec nous, faire état de certaines difficultés qui se passent au niveau des registres de l'état civil par rapport à la non-planification, en tout cas la planification pas suffisamment longue qui a été faite pour la mise en place de ces genres de services.

Moi, dans un domaine qui me touchait encore plus lorsque j'étais porte-parole de l'opposition officielle, le domaine des services de garde. M. le Président, on a vu – probablement que cet aspect-là doit aussi inquiéter les députés de l'opposition – ce qui s'est passé à l'Office des services de garde, M. le Président, quand le ministre, à l'époque, a décidé de centraliser les services d'exonération financière à Montréal, tout en mettant en place un nouveau programme informatique pour tout remettre sur informatique l'exonération financière au niveau des services de garde. Il a fait ça, les deux choses, en même temps. Très mauvaise planification. Très mauvaise décision administrative, effectivement. Ça a eu pour effet que les garderies, plusieurs garderies, ont été obligées de fonctionner sur leur carte de crédit... sur leur marge de crédit. Pardon, M. le Président. Plusieurs de ces garderies-là ont eu des difficultés majeures. Plusieurs ont été presque au bord de la fermeture. Et, aujourd'hui, on se rend compte, encore une fois, toujours sur le même système informatique – comme si ça n'avait pas été suffisant, M. le Président, à ce moment-là – que le gouvernement, en plein mois de septembre, lors de la campagne électorale, décide que la nouvelle exonération financière, suite au budget, va entrer dans le nouveau service qui n'est pas rodé; on s'entendait là-dessus. Alors, encore une fois, on est dans le trouble total. Et, encore une fois, les garderies ont de la difficulté à gérer ce système.

Je regarde le député de Saint-Louis, qui n'a pas l'air de comprendre. Effectivement, je pense que, oui, vous devez être inquiet de la difficulté apportée...

M. Benoit: Est-ce que je pourrais demander la pertinence à...

Le Vice-Président (M. Bélanger): Alors, M. le député d'Orford, c'était... Excusez-moi? Je ne vous avais pas encore cédé la parole, M. le député d'Orford. Maintenant, je vous cède la parole pour une question de règlement.

M. Benoit: Excusez-moi, M. le Président. Je demanderais la pertinence, M. le Président. La députée nous parle des garderies. Je ne vois pas ce que ça a à voir. Depuis cinq minutes qu'elle parle des garderies. Je ne vois pas ce que ça a à voir avec le projet de loi 40, qui porte, M. le Président, sur la carte des électeurs, là, la liste des électeurs.

M. Boisclair: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Bélanger): M. le leader adjoint.

M. Boisclair: ...d'abord, simplement rappeler qu'en vertu de nos dispositions, M. le Président, un député qui décide de souligner une question de règlement doit d'abord le faire en indiquant quel article il souhaite invoquer. Je voudrais indiquer au député qu'il ne l'a pas fait. Deuxièmement, sur la question de la pertinence qu'il soulève...

(11 h 50)

Le Vice-Président (M. Bélanger): Je pense que je suis assez éclairé pour rendre ma décision. Je demande tout simplement à Mme la députée des Chutes-de-la-Chaudière de continuer son intervention, tout en se basant sur le projet de loi qui est présentement devant cette Assemblée.

Mme Carrier-Perreault: Oui, M. le Président, je vous remercie. Effectivement, si je parle de ce dossier-là, c'est que je peux comprendre, M. le Président, les interrogations de certains de mes collègues de l'opposition officielle concernant la mise en place des services informatiques, et je donnais des exemples. C'est un exemple récent, qui est vécu encore par des garderies qui ont des difficultés. Et je pense que, là-dessus, les députés de l'opposition officielle ont raison de s'interroger sur certaines technicalités du projet de loi. Là-dessus, je les comprends parfaitement, M. le Président. C'était tout simplement le but de mon propos, c'était pour rappeler des exemples récents qui ont été décidés par le gouvernement libéral d'alors et qui ont mis dans le pétrin beaucoup de monde au Québec.

Alors, je peux comprendre les interrogations sur les technicalités, M. le Président; ce que j'ai entendu, je n'ai pas de problème avec ça. Là où j'ai le plus de difficultés, je l'admets, c'est de voir les propos et commentaires, entre autres – entre autres, parce qu'il y en a d'autres qui ont repris – du leader de l'opposition officielle quand il nous dit qu'on va «bulldozer», hein. Là, le gouvernement «bulldoze» avec un projet de loi comme celui-là. Ça va être adopté à toute vapeur, on n'aura pas le temps d'en discuter.

M. le Président, ça fait cinq ans que je suis ici, dans cette Chambre. Il n'y a pas longtemps, il y a quelques mois, j'étais assise de l'autre côté. Et, quand on parle de «bulldozage», M. le Président – et je prends les propos de mon collègue de Brome-Missisquoi quand je prends ce mot-là – j'ai vu pire, M. le Président. On a vu pire, de notre côté. On a vu des demandes de rencontres pour des groupes, qui n'ont jamais été accordées. Le Protecteur du citoyen, il y a quelques mois, M. le Président, rappelez-vous, ce n'était pas quelqu'un invité dans nos commissions. Jamais le gouvernement ne nous aurait permis de rencontrer le Protecteur du citoyen. Si je dis ça, ce n'est pas du tout des intentions que je leur prête, M. le Président, ce sont des faits. On peut en témoigner, et plusieurs personnes ici peuvent en témoigner.

Alors, aujourd'hui, on est dans une situation, on dit: Ce projet de loi, ça fait des années qu'on en parle. Ils étaient d'accord. Nous étions d'accord. On est rendu au moment où il faut prendre une décision. C'est vrai qu'il n'y en avait pas eu, de décision, M. le Président, mais, là, il faut la prendre, cette décision-là. C'est assez. Alors, le projet de loi est écrit, il est en place, on est à l'adoption du principe, tout le monde s'entend sur les objectifs, tout le monde s'entend sur le principe. Ça va. Mais, là où on a des questions... Le leader du gouvernement le redisait tout à l'heure encore à son collègue d'en face: aucun problème, M. le Président, le projet de loi sera discuté article par article, contrairement à beaucoup de projets de loi qui ont été présentés ici, dans cette Chambre, et malgré les demandes répétées de l'opposition du temps, M. le Président.

À plusieurs reprises on a eu à discuter avec ce gouvernement pour demander des rencontres, pour demander que les projets de loi soient discutés article par article au lieu d'être adoptés à toute vapeur. Et, ça, c'était toute vapeur. Dans notre cas, aujourd'hui, je suis assez fière de mon gouvernement. Je suis assez fière du ministre responsable. Et, dans ce sens-là, je suis très contente de témoigner sur ce projet de loi. Je sais que nous ferons les choses autrement – je pense que ça vous le démontre un peu – et, c'est clair, il y aura des rencontres, le projet de loi sera discuté article par article. Les questions légitimes par rapport à certaines technicalités seront discutées aussi. Et je pense que tout le monde devrait avoir l'éclairage et devrait avoir une connaissance approfondie du projet de loi quand on pourra prendre la décision.

On n'est pas obligé de mettre un bâillon. Ici, dans cette Chambre, M. le Président, on a assisté à des votes avec bâillon sur 28 projets de loi. On a vécu ça. Alors, quand on nous arrive et qu'on nous dit: On «bulldoze» la Chambre, on «bulldoze» l'Assemblée, on va adopter des projets de loi à toute vapeur, et que ça nous vient de nos amis d'en face, après l'expérience que j'ai vécue ici, en cette Chambre, depuis cinq ans, M. le Président, j'ai beaucoup de difficultés à accepter ça.

Alors, M. le Président, je pense que c'est un bon projet de loi. Il est temps, au Québec, que nous prenions une décision sur ce dossier-là. Ça fait assez longtemps que ça dure. Ça fait assez longtemps que ça traîne. Il y a de la place pour l'amélioration. Le projet de loi sera discuté. Les interrogations pourront être faites au bon endroit, puisque les gens concernés seront rencontrés. On pourra discuter article par article du projet de loi et on pourra l'adopter en toute quiétude, M. le Président. C'est ce que je souhaite, et c'est pour ça que je serai en faveur de ce projet de loi. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Je vous remercie, Mme la députée des Chutes-de-la-Chaudière. Je suis maintenant prêt à céder la parole à une autre intervenante et je reconnais Mme la députée de Kamouraska-Témiscouata. Je vous cède la parole, Mme la députée, pour une période de 20 minutes.


Mme France Dionne

Mme Dionne: Merci, M. le Président. M. le Président, le gouvernement soumet à cette Assemblée, pour adoption du principe, le projet de loi 40 intitulé, comme on le sait, Loi sur l'établissement de la liste électorale permanente et modifiant la Loi électorale et d'autres dispositions législatives. Les sujets que touche ce projet de loi sont des plus importants. En effet, M. le Président, le choix que font les électeurs de leurs gouvernants ou d'une question référendaire par un suffrage universel constitue la base de la démocratie. La formulation de ce choix et la protection de cette liberté transcendent toute notre Loi électorale. Ce régime est d'ailleurs à l'avant-garde des démocraties occidentales et a fait ses preuves depuis plusieurs années.

C'est aussi dans cet esprit que se sont inscrites toutes les modifications législatives à cette loi fondamentale, sous le gouvernement du Parti libéral. Je pense ici, notamment, à la loi 104, Loi électorale, qui fut sanctionnée en mars 1989 et qui avait pour objet le remplacement de la Loi électorale et de la Loi sur la représentation électorale. Cette réforme, M. le Président, a permis de consacrer, de la façon la plus élargie, la primauté du droit de vote sur les procédures et les règles qui en régissent l'exercice. C'est ainsi que fut reconnu le droit de vote aux personnes handicapées mentalement et aux personnes temporairement absentes du Québec. De plus, on mettait en place un mécanisme de vote itinérant grâce à la localisation de bureaux de scrutin dans les centres hospitaliers et les centres d'accueil. Enfin, M. le Président, une période de révision tardive fut introduite de même que diverses dispositions permettant l'accessibilité au vote par anticipation. En 1992, le gouvernement libéral améliorait certaines dispositions relatives au recensement, aux bureaux de dépôt, à la révision, au vote par anticipation, au vote des détenus et au vote itinérant. Ainsi, M. le Président, ce projet de loi modifiait l'article 302 afin de permettre au directeur du scrutin d'établir plus d'un bureau de vote par section de vote si le nombre d'électeurs le justifie.

Ce sont là, M. le Président, les principales réformes que nous avons adoptées. Vous constaterez avec moi, M. le Président, qu'essentiellement elles avaient pour objet de faciliter l'exercice du droit de vote. Je tiens également à souligner qu'elles ont été rendues possibles suite à la recherche de consensus et dans le cadre d'une démarche prudente et respectueuse de nos institutions, qui laissait le temps aux partis politiques et aux intervenants d'en analyser tous les aspects. C'est la nature même de la Loi électorale qui commandait cette démarche.

Vraisemblablement, ce n'est pas là la démarche qu'entend adopter le nouveau gouvernement. Celui-ci cherche plutôt à nous imposer cette réforme en cinquième vitesse, dans une démarche des plus précipitées. On peut aisément deviner les motifs du gouvernement qui le poussent à agir de façon aussi brusque, M. le Président. Il veut que tout soit fin prêt pour la seule échéance qui compte pour lui, soit le référendum sur la séparation du Québec.

Pourtant, M. le Président, la Loi électorale, les mécanismes et surtout les droits qu'elle protège nécessitent qu'une modification au texte existant ne soit pas prise à la légère et qu'on laisse suffisamment de temps au divers intervenants afin d'analyser tous les impacts de la réforme avant d'aller plus loin. Cette démarche permettrait, M. le Président, d'une part, d'asseoir le projet de loi sur des assises solides et, d'autre part, de s'assurer que les droits fondamentaux des citoyens sont adéquatement protégés. À cet égard, il est opportun de rappeler, M. le Président, l'avis exprimé par le président de la Commission des droits de la personne qui, dans une lettre adressée au Directeur général des élections, le 8 décembre dernier, souligne le très court délai accordé pour formuler des commentaires, compte tenu de la nature des droits qui sont en jeu.

(12 heures)

Par ailleurs, M. le Président, puisque la réforme proposée touche directement les mécanismes visant à permettre à l'électeur de voter et qu'elle amende plusieurs lois, je crois qu'il est de la plus haute importance que la consultation qui l'entoure soit la plus large possible afin d'entendre tous les intéressés et que l'Assemblée nationale soit suffisamment informée quant à toutes les conséquences qu'aura l'établissement d'une liste électorale informatisée.

Par exemple, M. le Président, cette consultation permettra d'entendre la Commission d'accès à l'information qui, dans un avis adressé au Directeur général des élections suite au dépôt du projet de loi 40, se montrait des plus inquiètes, M. le Président, eu égard à un droit tout aussi fondamental que le droit de vote, soit le droit au respect de la vie privée, M. le Président.

Il sera donc fort intéressant d'entendre également l'Union des municipalités du Québec et l'Union des MRC du Québec, car ces deux organismes émettaient de sérieuses réserves en 1993 quant à l'opportunité d'établir un tel registre permanent. Le gouvernement libéral a, d'ailleurs, été à même de constater la réticence, M. le Président, de certaines municipalités, au printemps dernier, lorsqu'il a procédé à une consultation de celles-ci quant à la réalisation d'une expérience-pilote sur l'île de Montréal. En effet, certaines des municipalités concernées craignent pour leur autonomie face à tel projet.

Quant au projet de loi 40, M. le Président, je ferai ici quelques commentaires. On nous dit que le but principal est de réduire la durée de la campagne électorale. À la lumière de la dernière campagne électorale, on peut penser que les périodes électorales sont trop longues. Cependant, on peut se demander, M. le Président, si l'établissement d'une liste électorale informatisée est le seul moyen d'y parvenir. La question mérite d'être posée, M. le Président, car, en 1990, le Directeur général des élections, dans une étude sur la réduction de la campagne électorale, présentait une série d'hypothèses selon lesquelles il était possible de réduire la durée des campagnes électorales par des mécanismes autres que la liste électorale informatisée. Dans l'une de ces hypothèses, M. le Président, on parlait même d'une réduction possible de 10 jours à cette campagne.

Face à cette critique, M. le Président, on nous dit que l'établissement d'un registre permanent créera des économies importantes pour l'État. Sur ce dernier point, je ne peux que partager les inquiétudes de la Commission d'accès à l'information qui ne croit pas que des raisons d'efficacité, de commodité et même d'économie soient, à elles seules, suffisantes pour justifier l'atteinte d'un droit tout aussi fondamental que celui du respect de la vie privée.

Quant au droit démocratique protégé par le texte actuel de la Loi électorale, sans y porter atteinte, on ne peut qu'être des plus perplexes face à l'établissement d'un registre permanent. En effet, avec le système proposé, M. le Président, on élimine la visite à domicile, le porte-à-porte, durant le recensement. Cette mesure n'est sûrement pas de nature à faciliter l'exercice du droit de vote. Au contraire, M. le Président, elle fait courir le risque de la sous-représentation de certaines classes de la population et d'un faible taux d'inscription de certains groupes sur la liste électorale. Ce serait ainsi la première fois, M. le Président, en plus de 20 ans, que le Québec adopterait une mesure dont l'objectif principal n'est pas de faciliter l'exercice le plus complet possible des droits des électeurs.

Face au risque inhérent de l'abandon du recensement de porte-à-porte, le gouvernement propose un mécanisme de mise à jour qui se fie presque exclusivement sur les données fournies par la Régie de l'assurance-maladie du Québec. Qu'est-ce qui nous garantit, M. le Président, que cette procédure aura une efficacité à la hauteur des droits qui sont en jeu? Rien, dans le rapport du 31 mars 1993 du Directeur général des élections sur l'informatisation des listes électorales, ne rassure quant à l'exactitude des fichiers à la Régie.

À cet égard, M. le Président, je me permettrai de citer un document publié par le Directeur général des élections en 1982, qui s'intitule «Rapport sur le projet d'implantation d'un registre des électeurs au Québec». En page 29, on peut lire ceci: «...le mode de mise à jour des renseignements contenus dans le registre, uniquement sur la base d'échanges entre certains fichiers gouvernementaux, ne garantissait pas une qualité adéquate de ces renseignements au fil des mois.» Certaines mesures correctives, afin, justement, d'améliorer la qualité des adresses inscrites au registre des électeurs, seraient sûrement nécessaires. Selon ce rapport, il ressort donc que les fichiers, tels que ceux de la Régie ou de la Société de l'assurance automobile du Québec, ne peuvent garantir à eux seuls la qualité de la liste entre deux élections générales.

On propose donc des moyens correctifs, M. le Président, qui sont au nombre de deux, dans le projet de loi 40. Le premier repose sur une mise à jour suite à la révision de la liste lors d'un scrutin municipal ou scolaire. Certes, c'est sans doute un moyen théoriquement des plus efficaces puisque l'actualité du débat ou de l'élection incite les personnes à s'inscrire. Cependant, l'efficacité de ce moyen repose sur la fréquence de l'opération et sur le taux de participation à ces scrutins. Or, on se rappellera du faible taux de participation lors de récentes expériences: environ 15 % au niveau scolaire et à peine 35 % au niveau municipal. De plus, M. le Président, dans une ville comme Montréal, on ne pourra compter sur une telle mise à jour avant 1998, à moins, bien sûr, qu'une élection générale ne se déroule entre-temps.

L'autre moyen, M. le Président, proposé pour cette mise à jour de la liste, fait reposer sur les épaules du citoyen la responsabilité, entre deux scrutins, d'aviser, par écrit, le Directeur général des élections de sa nouvelle adresse ou de ses nouvelles conditions. On peut douter, M. le Président, que la population du Québec ait le temps de se familiariser avec cette nouvelle pratique d'ici le référendum.

Il y a un dernier point concernant le projet de loi 40 que j'aimerais aborder rapidement, M. le Président. On sait qu'actuellement la Loi électorale prévoit qu'une personne qui est absente du Québec depuis moins de deux ans conserve le droit de voter lors des élections générales. En 1993, une proposition visant à étendre ce délai à cinq ans pour les fonctionnaires oeuvrant à l'étranger avait été soumise au Comité consultatif. Après analyse au sein d'un groupe technique, le Comité consultatif établissait le consensus, en juin dernier, qu'il était plutôt souhaitable d'étendre le délai de deux à cinq ans pour tous les Québécois qui résident temporairement à l'étranger, qu'ils soient ou non fonctionnaires.

Que fait le projet de loi 40, M. le Président, à l'égard de ce consensus? Non seulement ne le reprend-il pas, mais encore il propose exactement le contraire, soit le maintien du délai de deux ans et la création d'une exception seulement pour les fonctionnaires provinciaux ou fédéraux et leur famille immédiate. À voir, M. le Président, le nombre des récentes nominations partisanes au sein des délégations du Québec à l'étranger, il est fort probable que, dans quelques années, le nombre des fonctionnaires péquistes en poste à l'étranger soit des plus importants. Ainsi, le parti politique dont est issu le présent gouvernement pourra grandement bénéficier de cette exception qui n'est valable que pour les fonctionnaires plutôt que pour tout Québécois ou Québécoise temporairement à l'extérieur du Québec.

Dans ce contexte, M. le Président, on ne peut que déplorer la démarche précipitée qui entoure le projet de loi 40. Pourtant, et je l'ai souligné, cette réforme soulève des inquiétudes importantes qu'on ne peut se permettre de négliger. Une modification à nos règles démocratiques, M. le Président, exige que le gouvernement fasse preuve d'une démarche beaucoup moins brusque, faisant plutôt place à la réflexion et à la prudence. Entre autres, il faudra se demander s'il est opportun pour l'Assemblée nationale d'adopter une réforme qui n'améliore en rien le régime existant quant à la protection des droits des électeurs. Je l'ai souligné tout à l'heure, ce serait là une première en plusieurs années.

De plus, M. le Président, face aux nombreuses questions et problèmes que soulèvent les mécanismes de mise à jour de la liste électorale, la nature des droits qui sont en jeu, M. le Président, commande une prudence élémentaire et une consultation qui soit la plus large possible avant l'adoption du principe de ce projet de loi. Merci, M. le Président.

(12 h 10)

Le Vice-Président (M. Bélanger): Je vous remercie, Mme la députée de Kamouraska-Témiscouata. Je suis maintenant prêt à céder la parole à un autre intervenant sur le même sujet. Je reconnais M. le député d'Orford. Je vous cède la parole, M. le député, tout en vous rappelant que vous avez un droit de parole de 20 minutes.


M. Robert Benoit

M. Benoit: Merci, M. le Président. Dès le moment où j'ai eu vent, comme plusieurs d'entre nous, qu'il y aurait un projet de loi de déposé sur ce sujet-là, j'ai demandé à mon whip de me permettre de prendre la parole, ici, en cette Assemblée. Il me semblait que c'était tellement important, en démocratie, qu'on regarde tous les aspects de cette liste-là. Je commencerai par une citation d'un étudiant qui écrivait au Devoir , il y a quelque temps, David Schulze, qui étudie au Barreau. Il disait: «Voter est un droit fondamental de tout citoyen, alors que conduire est un privilège et que payer ses impôts est un devoir.» On voit qu'il y a un niveau dans tout ça. Et voter, M. le Président, c'est un droit fondamental.

Je reconnais qu'il y a différents aspects d'organisation alentour d'un vote dans notre province. D'abord, il y a eu la réforme de la carte électorale. Je rappellerai, M. le Président, que ça a duré des mois, et des mois, et des mois. Ils sont venus rencontrer nos citoyens. Dans mon cas, il y avait une section qui voulait demeurer dans le comté d'Orford. Ça a été très long, ça a duré des mois et des mois. Les députés ont pu se prononcer individuellement ici, à l'hôtel Hilton, devant le Directeur général des élections. Ils sont venus nous rencontrer ensuite dans les régions. Tout ça, on a eu l'impression qu'il y avait eu une bonne écoute, que le Directeur général des élections avait fait son travail. Il est arrivé avec une conclusion et, effectivement, il n'y a pas eu trop de contestations. On avait bien écouté ce qu'il avait à dire, on a apporté les bonnes améliorations.

Le deuxième aspect de l'organisation électorale au Québec, c'est la représentation. Est-ce qu'on vote pour un individu? Est-ce qu'on vote, ensuite, sous forme de représentation proportionnelle? Bon. Je sais que nos amis d'en face, pendant des années, à l'interne, chez eux – si c'était si simple que ça, ils auraient décidé ça dans un petit conseil général – pendant des années et des années, ils ont eu des discussions à ce sujet-là, je le rappelle, les années 1976, 1977, 1978, où il semblait qu'à chacune de leurs réunions, dans ce parti, on revenait avec la problématique de la proportionnelle. Or, si c'était si simple, l'organisation du vote, peut-être qu'ils n'en auraient pas parlé trois, quatre ans, peut-être que la réforme de la carte électorale aurait pris une petite fin de semaine rapide.

Je suis un peu surpris, M. le Président, quand on arrive à la troisième mécanique du vote, soit: Est-ce qu'on fera le tour de chacune des résidences et on vous inscrira sur une liste ou est-ce que vous serez déjà inscrits sur une liste qui est informatisée? Là on est capables de tout décider ça, ici, entre le 15 et le 22 décembre, rapidement, alors que les deux éléments antérieurs ont pris des mois, pour ne pas dire des années, pour souvent ne pas arriver à une conclusion positive! Dans le cas de votre parti, je vous rappellerai qu'ils ne sont pas arrivés à une conclusion, on est encore avec le même système. Le Parti québécois en a débattu pendant trois ans pour en arriver au même système, à ne pas le changer, finalement.

Je suis un peu surpris de la rapidité avec laquelle on veut procéder avec le projet de loi 40. Moi, je vous dirai encore une fois que, dès que j'ai su qu'on voulait changer ça, j'ai commencé à me poser toutes sortes de questions, peut-être, d'abord, parce que j'ai été un bénévole dans un parti politique. Oui, j'ai fait du recensement; oui, je suis allé demander aux gens quel était leur nom, si leur nationalité était canadienne, s'ils vivaient là l'été ou seulement l'hiver. Oui, j'ai fait ça. Puis j'ai trouvé que c'était un système qui était un peu compliqué, je vous l'admettrai franchement et, de prime abord, je me rallierais à dire que je n'ai fondamentalement rien contre cette liste qu'on veut mettre en place, mais il y a un paquet de questions qu'on doit poser.

D'abord, peut-être à cause de ma déformation de gens d'affaires: Combien va coûter cette aventure, M. le Président? J'ai entendu le député, ici, nous dire que ça coûterait plus cher. J'ai entendu des gens, de l'autre bord, nous disant que ça coûterait moins cher. J'ai entendu des gens, de ce côté-ci, nous dire qu'on n'était pas trop sûrs. Je pense qu'on devra répondre à cette question-là: Est-ce qu'au total on fait une économie ou est-ce que ça va nous coûter plus cher? Qui va payer pour le «all fit», M. le Président?

Je sais qu'on veut inviter, maintenant, les municipalités; on apprenait ça un peu plus tôt. Mais est-ce que les municipalités, quand on va leur remettre les listes, vont payer pour ces listes-là? Dans le projet de loi, à moins que – je n'ai pas tout lu en détail – peut-être je ne l'ai point vu, mais je n'ai pas trouvé nulle part où on dit comment les municipalités vont en assumer le coût. Comment les commissions scolaires, M. le Président, vont assumer le coût quand on va leur donner? Est-ce que ce sera selon l'évaluation des résidences? Les municipalités, est-ce que ce sera selon le nombre de gens qui vivent dans la municipalité? Il faudrait nous éclairer un peu là-dessus. Moi, j'aimerais ça que le Directeur général des élections m'éclaire lors d'une commission où on pourra lui poser ces questions-là.

Ensuite, on nous dit: Bien, écoutez, on va prendre la Régie de l'assurance-maladie pour organiser tout ça, faire ces très belles listes là par informatique. Vous êtes député, M. le Président; je suis député, M. le Président. Combien de fois le téléphone, dans votre bureau, a sonné aujourd'hui, et dans mon bureau, des gens me disant qu'ils ne sont pas capables d'avoir leur carte d'assurance-maladie, que le document a été perdu, que c'est tout croche, qu'il y en a des retards? On a lu des histoires d'horreur hier encore dans les journaux à cet égard-là. Et on me dit que c'est avec cette liste-là qu'on va faire la liste électorale. Permettez-moi de poser des questions au gars qui va venir s'asseoir devant nous autres pour savoir combien de délai ils ont dans tout ça. Est-ce que, le monde qui est sur la liste, ils sont vraiment sur la liste? «C'est-u» 35 000, au Québec, qui ont des cartes et qui n'ont pas le droit d'en avoir, ou si c'est 100 000? Combien de temps ça va prendre pour tout mettre ça à date, cette histoire-là?

La notion de résidence, je vais y revenir. Je vais finir mon discours avec ça, M. le Président. C'est un élément important dans le comté d'Orford, important.

La confidentialité de l'information. Et, là, il y a des avis, dans les dernières semaines, qui sont sortis. J'aimerais ça pouvoir questionner les gens là-dessus. J'ai eu le plaisir de participer à une commission parlementaire lors des cinq premières années, avec le ministre des Communications. On a entendu des histoires d'horreur extraordinaires. Ça n'avait pas d'allure, ce qu'on a entendu! Des gens qui n'étaient plus capables de se trouver une job parce qu'un jour ils sont allés louer un film pornographique, et ça a embarqué sur une liste, quelque part, cette histoire-là, et, quand les agences de recrutement essayaient de trouver si on pouvait l'engager ou pas, on s'apercevait que le gars, là, oup! peut-être que... Ou parce qu'il avait été acheter des prescriptions de médicaments, un bon jour, pour ses enfants qui étaient malades, on l'a aussi embarqué sur des listes, et, là, on disait: Peut-être que c'est un gars qui prend trop de médicaments, alors que c'était pour sa femme, alors que c'était pour ses enfants. On trouve ça comique, de l'autre bord. C'est ça qu'on nous propose, de se servir de ces listes-là, M. le Président.

Moi, ce que je vous dis, c'est qu'il y a une confidentialité, et on devra faire bien attention là-dedans, et il y a des questions. Et, à cette commission parlementaire où nous avions posé des questions, à l'époque, je vous garantis qu'on avait ouvert les yeux. On avait ouvert les yeux. Il y a des causes célèbres, au États-Unis, à cet égard-là. Alors, tout l'aspect de la confidentialité.

M. le Président, j'aimerais aussi poser des questions aux experts. Le Directeur général des élections, j'aimerais ça, lui demander comment, aux États-Unis, ça fonctionne, ce système-là, quel est le taux de gens qui vont voter, aux États-Unis. Les gens les plus démunis dans la société américaine, sans aucun préjugé, on sait que c'est les Noirs. On sait que ces gens-là votent à un pourcentage beaucoup moins élevé. Est-ce que c'est culturel ou est-ce que c'est parce qu'ils déménagent plus? Est-ce que c'est parce qu'ils sont moins dans les listes? Est-ce qu'ils sont moins organisés? J'ai des questions importantes à poser, là aussi, M. le Président.

On nous dit: Il n'y en aura pas, de problème. Je trouve qu'il y en a qui ont la mémoire un peu courte, M. le Président. On vient de sortir un registre unique de l'état civil. Je ne sais pas, vous autres, dans vos bureaux de comté, messieurs dames les députés, mais, si c'est différent dans mon comté, vous me le direz. On me dit que c'est 10, 12, 15, 20 appels par jour de gens qui me disent: Ce registre unique, c'est épouvantable! On n'est pas capable d'avoir l'information. Les lignes sont congestionnées. Et on veut, ici, nous dire qu'on s'en va sur un registre unique puis que ça va être très bon! Je vous lirai ce que ce grand penseur de la Grèce disait: Celui qui ignore l'histoire répète, à l'occasion, les erreurs du passé, même si, à ses yeux, ses propres aberrations lui semblent nouvelles et inédites.

M. le Président, on s'en va nous proposer une liste unique, alors que l'expérience qu'on vit quotidiennement dans nos bureaux de comté, c'est un désastre, en ce moment, la liste de l'état civil. Tous les jours, on me dit à mon bureau – et, quand je suis là, j'en prends, de ces appels-là – des gens me disent: Ça n'a pas d'allure, ce qui se passe. Vous auriez dû laisser ça dans les mains des fabriques. Je ne suis pas sûr non plus, mais on a fait du tapis mur-à-mur, et on a tout voulu changer d'un seul coup, et puis, là, on est dans une situation. Pensons-y deux fois avant de s'embarquer là-dedans.

Pourquoi, M. le Président...

Une voix: ...

M. Benoit: Profitons des expériences des gens avant nous. Moi, je n'ai pas de problème à profiter des expériences de mes parents et à m'en servir à bon escient. Que ce soit le parti avant vous ou le parti en place, madame, je n'ai aucun problème avec ça. Ce que j'essaie de dire...

M. Boisclair: Question de règlement.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Oui, M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boisclair: M. le Président, tout simplement inviter le député d'Orford à respecter le règlement et à s'adresser à la présidence.

Le Vice-Président (M. Bélanger): M. le leader adjoint de l'opposition.

M. Lefebvre: Je suis d'accord avec le député de Gouin et leader adjoint du gouvernement, mais je lui rappelle qu'il y a une autre partie du règlement qui empêche les députés d'interpeller, comme vient de le faire Mme la députée de Marie-Victorin, whip adjointe du gouvernement, qui interpelle mon collègue au moment où il fait son intervention, lui, en respectant toutes les règles, M. le Président, de nos règlements. Mme la députée, ramenez-la à l'ordre, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bélanger): M. le leader adjoint de l'opposition, je constate qu'il y a infraction de part et d'autre. D'un côté, M. le député d'Orford ne s'adresse pas à la présidence et, d'un autre côté, j'entends des députés du côté ministériel qui interpellent des députés de l'autre côté. Alors, je demanderais, à ce moment-là, aux deux partis de se conformer au règlement et je demande au député d'Orford, s'il vous plaît, de continuer votre intervention.

(12 h 20)

M. Benoit: Merci, M. le Président. Alors, je veux rappeler cette pensée de ce grand penseur, qui disait: Celui qui ignore l'histoire répète à l'occasion les erreurs du passé, même si, à ses yeux, ses propres aberrations lui semblent nouvelles et inédites. Je pense, M. le Président, que l'état civil dans lequel nous nous sommes embarqués... et nous en sortirons et on va l'organiser, mais, en ce moment, ça ne fonctionne pas. Je vous dis: Attention, on a des questions à poser.

Moi, ce que je suggérerais, M. le Président, c'est qu'on aille en commission parlementaire, qu'on écoute, qu'on s'assure que tous les éléments sont regardés. Je proposerais même, possiblement, pour éviter ce qu'on a fait avec l'état civil, qu'on fasse un test dans un ou deux comtés. Les magasins McDonald's, là, quand ils ont commencé avec les chaussons aux pommes, ils n'ont pas mis ça dans tous les magasins à travers le monde, les chaussons aux pommes McDonald's; ils ont commencé dans deux ou trois magasins. Ils ont vérifié si le client aimait ça, si c'était assez chaud, si l'emballage était adéquat, etc., et, au fur et à mesure de l'expérience, ils les ont ajustés à la grandeur du pays, du continent, du monde. Moi, ce que je vous dis: On aurait peut-être avantage à faire, au moment du référendum, une expérience dans un certain nombre de comtés pour voir comment ça fonctionne et, après ça, si ça fonctionne bien, on ira plus large, M. le Président, avant de s'embarquer dans une affaire comme le dossier unique de l'état civil dans lequel, en ce moment, nos citoyens nous disent: Attention!

L'autre question que j'aurais à poser, M. le Président: Les gens qui se sont marginalisés dans la société pour toutes sortes de raisons – et on le déplore constamment, nous, les «influenceurs» des sociétés – ces gens-là qui n'ont pas de carte d'assurance-maladie, les itinérants de Montréal, en ce moment, les itinérants de la ville de Sherbrooke, de la ville de Québec, ils n'ont pas de carte d'assurance-maladie, ces gens-là, sur quelle liste ils vont se ramasser, là, ces gens-là qui n'ont pas de permis de conduire parce qu'ils sont trop âgés, souvent, ils ont perdu le permis de conduire, ces gens qui ne paient pas d'impôt? Comment on va les embarquer sur les listes, M. le Président, s'ils n'étaient pas déjà sur une liste électorale en plus et qu'on ne va plus de maison en maison? Souvent, ces gens-là, étant peut-être un peu moins instruits, auront des problèmes à se faire mettre sur ces listes-là.

M. le Président, j'aurais tellement d'autres questions, mais, comme il me reste peu de temps, je vais revenir sur la notion du domicile versus la résidence. Vous savez que, si vous quittez votre domicile pour une période de temps, soit pour aller travailler, soit pour aller étudier, soit parce que vous êtes dans un centre hospitalier ou dans un centre d'accueil, vous ne perdez pas votre droit de vote. Mais, soudainement, vous quittez pour votre deuxième résidence, qui souvent est votre première résidence, vous vous en allez sur le bord du lac à North Hatley, sur le bord du lac à Mansonville, et, soudainement, vous êtes à votre retraite, vous allez passer là trois mois, quatre mois. Souvent c'est même pour vous, finalement, votre résidence. Alors, le Directeur général des élections émettait, pendant la campagne électorale, une note, à cet égard-là. Je pourrais toute la lire, M. le Président, mais je n'ai pas assez de temps. Il disait: «La notion de domicile est une notion difficile d'interprétation.» Ce n'est pas moi qui dis ça, c'est lui. Effectivement, pour avoir vécu avec cette problématique-là, il y a des gens qui venaient à nos bureaux, qui nous demandaient s'ils avaient le droit de voter. Nous, on les envoyait chez le Directeur général des élections. On n'a jamais voulu se prononcer, dans le comté d'Orford, là-dessus. On réalisait que la notion de domicile était drôlement compliquée à interpréter, M. le Président.

Et, quand je lis le Code civil, ça ne m'aide pas bien, bien plus. On dit: Le domicile peut donc être défini comme étant l'endroit qu'une personne considère comme sa principale demeure. Or, votre chalet où vous passez trois mois l'été, votre chalet où toute votre vie familiale a été les fins de semaine, la période de Pâques, une période de l'année, votre vie sociale souvent aussi, est-ce que votre chalet devient votre résidence ou seulement un domicile? M. le Président, je suis arrivé à la conclusion, après cette réflexion avec les gens de mon exécutif, que la façon de régler ce problème de la résidence versus le domicile, c'est de laisser à l'électeur le choix de décider quelle est sa résidence et quel est son domicile. Quand vous prenez un passeport, M. le Président, c'est vous qui décidez de votre résidence et de votre domicile; quand vous faites votre rapport d'impôts, c'est vous qui décidez de votre domicile ou de votre résidence; quand vous avez pris votre carte d'assurance-santé, M. le Président, c'est vous qui avez décidé; quand vous avez pris votre permis de conduire, c'est aussi vous qui avez décidé de votre lieu de domicile et de résidence. Mais, soudainement, quand on arrive à faire voter quelqu'un, là, il faut laisser les fonctionnaires tout décider ça. Alors, on se ramasse dans une cacophonie, M. le Président, comme on a vécu lors de la dernière campagne électorale, où même nos présidents d'élection ne savaient plus trop quoi penser.

Je vous donne des cas. La personne qui vit quatre jours par semaine à son chalet et trois jours par semaine à Montréal, où est sa résidence, M. le Président? M. le Président, la personne qui vit trois jours par semaine à son chalet, mais qui est marguillier dans le village où est son chalet, qui a été en charge de faire bâtir le champ de balle-molle – c'est des cas que j'ai vécus cet été – qui a été en charge de se battre pour l'environnement à cause d'une marina qui voulait s'installer, est-ce que, sa résidence, elle est là, ou elle est à Longueuil?

La personne qui a un appartement seulement à Montréal, et qui a une maison de grande valeur, et qui passe toute sa vie économique et sociale ou à peu près sur le bord du lac à North Hatley, dont un ancien député de l'autre formation politique, où était sa vraie résidence, M. le Président? La personne qui demeure – et ça, c'était un beau cas qui a été porté à mon attention – à Sherbrooke six jours semaine, mais qui a voulu laisser tout le courrier aller à son chalet depuis nombre d'années parce qu'elle vivait là, alors le Directeur général des élections lui a dit: Ah bien! si ton compte d'électricité va à Austin, tu vas voter là. M. le Président, il n'y a pas un pays au monde où on décide du droit de voter à partir d'un compte d'électricité. Puis c'est ça que les présidents d'élection ont été obligés de faire, M. le Président.

Ces gens-là... Et je vous en cite un dans La Tribune de cette semaine, et vous le connaissez tous, Richard Séguin, qui demeure dans le comté de Mégantic-Compton, qui nous explique son sens de l'appartenance au milieu. M. Séguin dira: Tout d'abord, c'est parce que ça m'a été demandé – on lui a demandé d'être président d'une fête de la famille, là-bas – par des gens de mon village de Saint-Venant-de-Paquet où je demeure depuis déjà 22 ans – on sait qu'il est là les fins de semaine. Je me sens très lié à ce coin de terre et aux personnes qui l'habitent et je sentais le besoin de m'impliquer avec eux dans une cause à laquelle je crois.

M. Séguin, ce qu'il nous dit, là, c'est que son vrai sens de l'appartenance, là, c'est à Saint-Venant-de-Paquet, lui. Laissons-lui le droit et le choix de décider de voter là. Il ne connaît probablement même pas son député dans le comté où il est, à Montréal. Il passe probablement juste ramasser son courrier en passant, M. le Président.

M. le Président, dans mon comté, on a accusé 386 citoyens. Le parti gouvernemental a fait une enquête, M. le Président. Des gros méchants, ils en ont trouvé 386. Des gens de 87 ans, voyez-vous, M. le Président, qui ont un chalet là, des gens qui passent des années, des générations à leur chalet. Alors, ils ont comparé des listes: la liste du compte d'électricité avec... Puis, là, ils sont arrivés à la conclusion que ces 386 personnes-là – alors que j'ai gagné avec 4 000, là – c'étaient des gros méchants. C'est incroyable qu'on soit capable de dire des choses comme ça, M. le Président.

Il y a même un citoyen de mon comté qui a écrit au chef de ce parti-là expliquant comment, lui, il avait été brimé dans ses droits les plus fondamentaux parce qu'un compte d'électricité s'en allait à Montréal. C'est ça qu'il a dit à votre chef. Puis, il a demandé qu'à l'avenir le droit de vote soit décidé par l'individu.

M. le Président, je vous dirai en finissant – j'avais encore un peu plus long à faire, là, mais mon temps est écoulé – que j'aimerais qu'on reçoive le Directeur général des élections, j'aimerais qu'on reçoive le Barreau du Québec. Moi, je n'ai pas une formation d'avocat. J'aimerais ça pouvoir les questionner sur toute la notion de résidence versus la notion de domicile. Et je vous dirai, M. le Président, s'il y en a qui pensent que c'est loufoque ce que je suis après dire, là – ça arrive des fois de l'autre bord – que la Communauté économique européenne – ce n'est pas des enfants d'école, ça, là, ils sont 300 000 000, 13 pays, en ce moment – bien, eux, après trois mois que tu as quitté, là, tu as le droit de voter dans l'autre pays, pas l'autre village à côté, pas l'autre ville à côté, pas à la place où tu as ton chalet, dans l'autre pays à côté, tu as le droit de voter, pour l'autre premier ministre de l'autre pays.

Alors, M. le Président, on ne demande pas quelque chose de bien, bien élevé ici. On demande que ce soit le citoyen qui puisse décider de son droit de vote. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M. le député d'Orford. Je suis maintenant prêt à céder la parole à un autre intervenant sur le même sujet. Et je reconnais M. le député de Matane. Je vous cède la parole, M. le député.


M. Matthias Rioux

M. Rioux: M. le Président, j'en profiterai certainement pour rappeler au député d'Orford quelques chaussons aux pommes dont se nourrissaient les libéraux lorsqu'ils étaient au pouvoir. Je parlerai de l'objectif de la loi, du projet de loi, de la rentabilité de ce projet de loi, de la constitution de la liste électorale et de sa mise à jour.

(12 h 30)

Ce projet de loi, qui vise l'établissement d'une liste électorale permanente devant servir à la tenue d'un scrutin provincial, municipal et scolaire, nourrit des objectifs dont l'ancien ministre responsable de la Réforme électorale et parlementaire, M. Marc-Yvan Côté, a parlé abondamment dans cette Chambre et en dehors de cette Chambre. Et ce qui est assez extraordinaire, c'est qu'on a eu l'impression, à une époque, que tout le monde était d'accord sur l'objectif, mais qu'on s'enfargeait peut-être un peu sur les moyens ou les modalités. Rappelons quelques faits juste à notre mémoire de façon à ce qu'on se rappelle un tout petit peu comment les choses ont évolué au cours des dernières années.

En 1972, adoption d'un projet de loi prévoyant la tenue du recensement annuel. L'objectif, c'était de réduire la durée des campagnes électorales et de permettre aux municipalités et aux commissions scolaires de les utiliser. Le résultat, on a dit: Le coût annuel va être énorme; ce n'est pas justifié, les autres paliers de gouvernement ne pouvant utiliser ces listes faute d'harmonisation sur la qualité d'électeur et des territoires électoraux.

En 1978-1980, projet de loi visant la création d'un registre d'électeurs, très important. Le projet de loi repose sur un échange réciproque de données entre le Directeur général des élections et la Régie de l'assurance-maladie du Québec, et l'utilisation du numéro d'assurance-maladie qui est à la base du système projeté. Rappelons qu'à cette époque la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels n'existait pas encore. Les craintes soulevées quant à la protection de la vie privée ont fait avorter le projet. C'est un rappel important, ça, de se souvenir de tout ça.

En 1989, la nouvelle Loi électorale abolit le recensement annuel coûteux et le plus souvent inutilisé, obligeant ainsi la tenue d'un recensement au cours de la période électorale. Le résultat, un rallongement terrible des campagnes électorales. On passe de 47 à 53 jours, M. le Président. Vous avouerez avec moi que ce n'était pas la trouvaille du siècle parce qu'on sait que, suite à la dernière campagne électorale, tout le monde reconnaissait que c'était beaucoup trop long et qu'il fallait réduire ça un jour ou l'autre.

Alors, en 1992, l'Assemblée nationale confie au Directeur général des élections le mandat de procéder à une étude de faisabilité sur l'informatisation des listes électorales, tant au niveau provincial, municipal que scolaire. Bonne idée, très bonne idée. Le dépôt du rapport du directeur recommande l'instauration d'une liste électorale informatisée, ce que souhaitait tout le monde, finalement. L'objectif, c'était de réduire la période électorale et de permettre des économies substantielles.

Et, quand on regarde ce qu'écrit le Vérificateur général – et ça, ça semble faire l'unanimité des partis politiques, ici: «La situation financière du gouvernement est difficile, note-t-il. Ce dernier accumule d'année en année des déficits incroyables» – l'unanimité se fait, dit le directeur, aisément quant à l'urgence de diminuer ce déficit et aussi d'adopter des façons plus économiques pour faire fonctionner l'appareil public. Bien, là, on a un bel exemple, une belle proposition qui nous permettrait de faire des économies absolument substantielles.

À l'occasion d'une réunion du Comité consultatif, le ministre responsable de la Réforme électorale demande au Directeur général des élections d'évaluer la faisabilité d'un tel projet-pilote sur le territoire de l'île de Montréal. Ça aurait été une occasion en or de tester le mécanisme sur une base pragmatique. Bien, malgré des conclusions positives de l'étude de faisabilité, il n'y a eu aucune suite de donnée à ce projet qui était intéressant et qui aurait permis d'apporter des correctifs intelligents.

En 1994, au cours de la campagne électorale, il était devenu difficile, M. le Président, voire impossible pour le Parti québécois de ne pas promettre aux électeurs et aux électrices du Québec de revenir sur la question, compte tenu de l'évolution technologique à l'heure de l'autoroute électronique, compte tenu du constat désormais unanime de l'inefficacité et de l'anachronisme du recensement que nous connaissons ou que nous avons connu jusqu'à ce jour et des préoccupations à peu près de tous et de toutes de réduire les dépenses de l'État. Autant de facteurs, donc, qui amènent le Parti québécois en campagne à s'engager, de façon claire et de façon définitive, sur cette voie d'une liste électorale permanente informatisée.

Réduire la période électorale, c'est sûr que tout le monde est d'accord avec ça, même les libéraux. Réduire le coût de confection des listes électorales par l'élimination du recensement à tous les niveaux de gouvernement, Québec, municipalités, commissions scolaires, je pense qu'on est tous d'accord avec ça. Assurer un meilleur contrôle des inscriptions des électeurs, en éliminant notamment la double inscription, puis améliorer la qualité de la liste, ça va de soi. Il y a une rentabilité à ça. Il y a des coûts à ça et on se doit, comme législateurs, comme députés, comme représentants du peuple, d'en tenir compte. Ça coûtera 34 500 000 $ au cours des quatre prochaines années si on continue avec le même système; ça coûte 15 000 000 $, le recensement. Je pense qu'à un moment donné il faut être sérieux. Il va falloir se la poser, la question: Est-ce qu'on a les moyens, compte tenu de la modernité que nous connaissons sur le plan de l'informatique, de continuer un système semblable? Je pense que, là-dessus, on est unanimes.

La liste électorale permanente sera constituée d'un fichier des électeurs, établi à partir de la liste électorale de septembre 1994, et d'un fichier des territoires. Intéressant! Aux fins de la constitution du fichier des électeurs, la liste électorale du 12 septembre sera soumise à un processus de validation auprès de la Régie de l'assurance-maladie du Québec, d'abord, et auprès des électeurs dans le cas où la validation avec la Régie de l'assurance-maladie n'a pu être établie. Pour procéder à la validation des renseignements contenus dans la liste du 12 septembre 1994... J'aimerais ça que le député d'Orford soit là parce qu'il manque d'informations, le pauvre homme.

Le Vice-Président (M. Bélanger): M. le député, vous savez que vous ne pouvez indiquer la présence ou l'absence d'un député en cette Chambre. Je vous demanderais de vous conformer au règlement, s'il vous plaît.

M. Rioux: Avec plaisir. Mais ça me tentait de le dire.

M. Lefebvre: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Bélanger): M. le leader adjoint de l'opposition.

M. Lefebvre: La règle voulant qu'on ne puisse pas faire référence au fait qu'un député n'est pas à l'Assemblée, c'est parce que ce député-là, que ce soit un député de la formation ministérielle ou de l'opposition officielle, peut être à son travail à des commissions parlementaires, à son bureau. Il n'est pas nécessairement absent du Parlement.

Le Vice-Président (M. Bélanger): M. le leader adjoint, vous n'avez pas à commenter le bien-fondé de ma décision. Je pense que ma décision a été rendue. J'ai demandé au député de, tout simplement, se conformer au règlement, je pense que je l'ai fait. Et je vous demanderais de vous asseoir, s'il vous plaît. Je vous remercie.

Alors, maintenant, je vous invite, M. le député de Matane, à continuer votre intervention, en respectant les règlements.

M. Rioux: M. le Président, c'était par souci pédagogique que je faisais cette remarque à l'endroit du député d'Orford. Nul ne peut s'objecter à recevoir de l'information, surtout si elle est pertinente au débat.

Dans tous les cas où les renseignements relatifs à un électeur ne pourront être appropriés, le Directeur général des élections communiquera avec l'électeur concerné pour lui demander de confirmer, corriger ou compléter les renseignements le concernant. Ça, c'est également une précaution qui est dans le projet de loi, qui est très intéressante.

Le fichier des territoires sera constitué des circonscriptions électorales, des secteurs électoraux et des sections de vote, de même que des districts électoraux des quartiers municipaux et de ceux des commissions scolaires.

Quant à la mise à jour, il appartiendra à l'électeur de faire connaître au Directeur général des élections tout changement dans les renseignements le concernant. Il y a là une responsabilité du citoyen qui est clairement indiquée dans le projet de loi. L'électeur pourra en tout temps demander d'être inscrit ou radié de la liste électorale permanente. C'est un droit. La mise à jour se fera aussi à partir de renseignements qui seront communiqués au Directeur général des élections par un organisme avec lequel il aura conclu une entente à cette fin.

(12 h 40)

Enfin, les modifications apportées, M. le Président, lors d'une révision précédant un scrutin provincial ou municipal seront transmises au Directeur général des élections pour les fins de la mise à jour. Aucun nouvel électeur ne sera toutefois inscrit sans que le Directeur général des élections n'ait communiqué avec ce dernier pour s'assurer qu'il désire bien être inscrit et que les renseignements le concernant sont corrects. Toute demande d'inscription devrait être accompagnée de deux documents à l'appui. La fiabilité de la liste permanente repose donc sur la communication avec l'électeur – c'est très important – l'existence de pièces justificatives et l'existence de sources diversifiées de mise à jour. Quant au fichier des territoires, il sera mis à jour à partir des modifications apportées périodiquement aux délimitations des territoires électoraux des trois paliers de gouvernement: provincial, municipal et scolaire.

On ne peut pas passer sous silence, non plus, M. le Président, la confidentialité de la liste, ce dont le député a parlé tout à l'heure. Il l'a évoqué à plusieurs reprises. Le projet de loi énonce clairement le caractère confidentiel des renseignements qui sont donnés lors de la confection de la liste électorale. On crée une infraction spécifique pour quiconque communique ou fait usage de renseignements ou de son contenu à d'autres fins qu'électorales. On ne peut pas utiliser les renseignements pour d'autres fins qu'électorales ou des fins référendaires. Enfin, le Directeur général des élections ne peut, sans le consentement des personnes concernées, communiquer des renseignements sauf, encore une fois, pour des fins électorales et référendaires. En somme, le projet de loi établit clairement que la liste électorale permanente ne peut servir qu'à produire des listes électorales devant servir à la tenue d'élections ou, le cas échéant, d'un référendum tant au niveau provincial, municipal que scolaire.

La période électorale, on en a parlé, je ne voudrais pas y revenir, mais le fait qu'elle soit raccourcie non seulement ça permet des économies d'échelle, ça empêche l'essoufflement, mais ça empêche aussi l'écoeurement de l'électorat qui, après 50 jours, vous en conviendrez, en a un petit peu beaucoup d'entendre des discours électoraux et de voir les journaux remplis d'informations sur les périodes électorales. Si on n'est pas capables, en 30 et quelques jours, de passer un message à l'électorat, je pense qu'on a des problèmes de fonctionnement et on doit questionner, à l'intérieur de nos machines politiques, notre façon de travailler et notre façon de communiquer avec les Québécois et les Québécoises.

Quant à la notion de domicile, là aussi, le député d'Orford en a beaucoup parlé. Eh bien, s'il avait examiné le projet de loi, il aurait vu que le projet de loi vient préciser que le domicile de l'électeur est le même que celui établi en vertu du Code civil, soit celui où il demeure de façon habituelle, ça va de soi. Il ne s'agit pas là d'une règle nouvelle, mais d'une précision de la règle pour éviter des ambiguïtés. Je pense qu'il y a eu des leçons qui ont porté. Je pense que le projet, dans sa rédaction, vise à éviter des cas difficiles.

Le vote hors Québec. Encore là, ce n'est pas une mince affaire. Le projet de loi accorde à un électeur affecté temporairement à l'extérieur du Québec... Il lui conserve son droit de voter. Qu'il soit à l'extérieur du Québec, pour le gouvernement du Québec ou celui du Canada, ou qu'il travaille pour un organisme international ou pour un autre gouvernement, il conserve son droit de vote lors d'une élection ou d'un référendum. Le conjoint, puis les personnes à charge d'un tel électeur bénéficient de ce même droit. Ça, c'est intéressant.

Je voudrais passer rapidement sur la révision puisqu'il y a d'autres collègues qui en ont parlé abondamment. Je ne veux pas m'attarder à cet aspect-là du projet de loi. Je voudrais signaler que l'établissement d'une liste électorale permanente aurait pu être jumelé à l'introduction d'une carte d'électeur. On en a beaucoup parlé, au Québec, au cours des dernières années. Nous avons, cependant, choisi de mettre de côté un tel scénario, considérant peu souhaitable la multiplication des cartes obligatoires qui existent ou qui sont en circulation actuellement.

Nous croyons que les mécanismes mis en place, tant au niveau de l'inscription à la liste permanente qu'au niveau de la révision en période électorale, offrent des garanties suffisantes de fiabilité. L'élimination du recensement conduit à modifier le mode de calcul du délai imposé avant la prise d'un décret ordonnant la tenue d'un référendum, pour parler du référendum. Le délai minimum entre l'adoption de la question ou du projet de loi devant être soumis à la population ou à la consultation populaire et la prise du décret est donc de 10 jours. La durée de la période référendaire est identique à la période électorale ordinaire, c'est-à-dire entre 38 et 39 jours.

Je terminerai en parlant des consultations. Il y en a qui aimeraient qu'on consulte, qu'on reconsulte et qu'on recommence les exercices qui ont été faits antérieurement. M. le Président, dans le cadre du mandat d'analyse de faisabilité pour l'informatisation de la liste électorale confié en 1992 par l'Assemblée nationale au Directeur général des élections, ce dernier a tenu une très large consultation auprès des municipalités, des commissions scolaires et de tous les organismes représentatifs. Le ministère de l'Éducation et des affaires sociales également ont été consultés au cours de l'exercice. La Commission d'accès à l'information, le Protecteur du citoyen, la Commission des droits de la personne ont été invités également à faire connaître leur point de vue et à formuler leurs commentaires sur ce projet.

Enfin, conformément à la pratique qui s'est développée au cours des dernières années en matière électorale, l'opposition officielle a été saisie du projet avant son dépôt et une réunion du Comité consultatif, créé en vue de la Loi électorale et regroupant des représentants de tous les partis à l'Assemblée nationale, a été tenue en décembre 1994, soit avant le dépôt du projet. Il faut donc conclure que des consultations, il y en a eu, mais, cependant, de ce côté-ci, on entend aussi être raisonnables, ouverts et disponibles à écouter tout ce qui pourrait venir de constructif de l'opposition ou d'ailleurs.

Moi, j'inviterais les partenaires municipaux et scolaires à venir faire connaître leur point de vue au sujet du projet de loi, s'ils en ont le goût. Un engagement également qu'on peut prendre: les avis de la Commission d'accès à l'information, du Protecteur du citoyen, de la Commission des droits de la personne ou, au besoin, d'autres organismes. S'ils ont quelque chose de nouveau, de novateur, qui pourrait améliorer la qualité du projet, je n'ai pas d'objection à ça.

Suite à la réunion du Comité consultatif, il a été convenu aussi de tenir des séances de travail en comité restreint pour étudier toute proposition d'amendement à la Loi électorale. Qu'est-ce qu'on veut de plus? Est-ce que ça manque d'ouverture? Au contraire, je pense que tout est là et j'estime que les libéraux qui, à leur façon, ont été des instigateurs d'une loi, d'une liste électorale permanente informatisée, vont arrêter de tourner en rond et se joindre à l'équipe gouvernementale pour qu'on avance dans ce projet et qu'on le vote au plus vite, pour le plus grand bien des électeurs et électrices du Québec. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M. le député de Matane et délégué régional du Bas-Saint-Laurent–Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine. Je suis maintenant prêt à céder la parole à une autre intervenante et je reconnais Mme la députée de Chapleau.

M. le leader adjoint de l'opposition.

M. Lefebvre: Il nous reste à peine une dizaine de minutes. Mme la députée de Chapleau aura une intervention qui va probablement l'amener à utiliser toute la période qui lui est allouée, c'est-à-dire 20 minutes. On sait que, surtout pour un nouveau député, être obligé de couper son intervention, ce n'est pas facile. Alors, je suggérerais, M. le Président, qu'on suspende et qu'on revienne à 15 heures.

M. Boisclair: M. le Président, ce que je proposerais plutôt...

Le Vice-Président (M. Bélanger): M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boisclair: On est disposés à donner notre consentement, si vous le souhaitez et si le président le reconnaît, pour qu'on puisse continuer jusqu'à 13 h 10 pour permettre, effectivement, au prochain intervenant de prendre les 20 minutes auxquelles il a droit.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Alors, est-ce qu'il y a consentement pour prolonger jusqu'à 13 h 10? Consentement. Alors, Mme la députée de Chapleau, je vous cède la parole pour une intervention ne pouvant dépasser 20 minutes.


Mme Claire Vaive

Mme Vaive: Merci. Si je comprends bien, M. le Président, je peux continuer avec mon discours au complet?

(12 h 50)

Le Vice-Président (M. Bélanger): Oui.

Mme Vaive: Je vous remercie beaucoup. M. le Président, le projet de loi 40 déposé par le gouvernement est majeur parce qu'il viendra changer des habitudes historiques quant à notre processus électoral au niveau de la confection des listes. Il sera intéressant d'entendre les groupes qui viendront témoigner prochainement dans le cadre d'audiences publiques prévues à cet effet. J'étais heureuse, ce matin, lorsque j'ai vu dans le feuilleton d'aujourd'hui une motion du leader du gouvernement, avec une liste de groupes et même l'horaire pour cette journée de consultation. Tout ce que j'espère, M. le Président, c'est que, à cette liste-là, d'autres groupes se rajoutent et que tous ces groupes, à la fin, viendront, nous l'espérons, bonifier ce projet de loi.

Par ailleurs, disons-le d'entrée de jeu... Je m'excuse, je suis comme le ministre Landry, j'ai attrapé la grippe, moi aussi. Ce n'est pas parce qu'on est sortis ensemble, je veux bien éclaircir des choses!

Des voix: Ha, ha, ha!

Une voix: Des rumeurs.

Mme Vaive: Le projet de loi 40 n'a rien à voir avec une réforme en profondeur et, surtout, ne risque en rien de prolonger l'action de démocratisation engagée par l'ancien premier ministre du Québec. Ce projet de loi vise, comme on l'a compris, à établir la liste électorale permanente. Cette modification ne serait que l'amorce de la réforme promise et annoncée.

Nous le savons, cette liste vise, d'abord et avant tout, à faire en sorte que seuls les électeurs qui en ont le droit votent. Par ailleurs, cette liste sera établie à partir de l'élection du 12 septembre dernier et à l'aide du fichier transmis par la Régie de l'assurance-maladie du Québec. Si l'on en croit le projet de loi 40, cette nouvelle liste s'en tiendra à l'essentiel, comme le nom, le sexe, l'âge et l'adresse qui ne sont pas considérés comme des renseignements nominatifs au sein de la loi d'accès à l'information. Enfin, pour qu'une telle liste soit établie comme c'est la coutume depuis plusieurs années, les modifications devront faire consensus ou, encore mieux, l'unanimité de tous les intervenants.

Il n'en demeure pas moins que ce projet de loi contient certains avantages, mais que plusieurs interrogations sont encore sans réponse. C'est pour cette raison que nous sommes d'avis qu'il faut prendre tout le temps nécessaire pour étudier les tenants et les aboutissants d'une législation aussi importante sur l'avenir de notre démocratie. Ce doute, M. le Président, c'est la façon pressée d'enclencher une telle législation. Depuis quelques semaines qu'il est au pouvoir, ce gouvernement a le don de s'étirer le cou dans toutes sortes d'engagements dont il est incapable, parfois, de nous tracer ou de dégager les impacts objectifs de tel ou tel projet de loi.

De ce côté-ci de la Chambre, nous nous méfions un peu de cet état d'esprit dans la façon ou la manière de ce gouvernement d'amener des législations devant l'Assemblée nationale. C'est comme si depuis le 12 septembre dernier le gouvernement du Parti québécois se croyait quelquefois tout permis. C'est comme si depuis le 12 septembre dernier le gouvernement avait reçu un mandat tellement large de la population qu'il se permet de l'interpréter en fonction d'objectifs très partisans. Cette façon de penser et d'agir mène à des exagérations, mais, surtout, cette façon d'agir surprend la population à plusieurs égards, parce que j'ai l'impression qu'on essaie d'imprégner une sorte de gestion de démocratie dangereuse à moyen et à long terme.

Oui, M. le Président, tranquillement, progressivement, lentement mais sûrement, l'action de ce gouvernement en matière législative aura un effet de corrosion, et ce, dès le début de son mandat. Nous n'aimons pas l'état d'esprit des projets enclenchés par le gouvernement du Parti québécois. Un doute s'installe, des preuves s'accumulent et nous voilà devant des réformes pourtant anodines à première vue, mais notre devoir demeure toujours le même: en déceler les intentions qui iraient à l'encontre des intérêts de la population.

L'avantage de cette façon d'agir repose sur le fait que le gouvernement a très tôt annoncé ses couleurs. Vous aurez compris que j'en réfère au dépôt de la loi sur la souveraineté du Québec. Bien que ce projet de loi ne soit pas l'objet de la présente discussion, je m'en prends surtout à la façon d'agir du gouvernement lorsque vient le temps de nous proposer des projets et qu'on nous demande de voter telle ou telle mesure à toute vapeur. Depuis quelques semaines, cette façon de travailler a conduit le gouvernement a ériger un immense échafaudage dans toutes sortes de domaines.

Lorsqu'on demande aux membres de l'Assemblée nationale de se plier à un processus sur l'étude de la souveraineté du Québec, basé sur des objectifs essentiellement partisans, sans que toutes les options aient été mises sur la table, je dis qu'on joue dangereusement avec la démocratie. Lorsqu'on expose à la population, par le biais d'exposés à l'Assemblée nationale, des états financiers fondés sur des principes essentiellement partisans et politiques, je dis, là encore, qu'on essaie d'induire la population en erreur sur les gestes, par exemple, de l'ancien gouvernement libéral qui a tout fait pour gérer sainement les finances publiques. Je dis aussi, M. le Président, qu'on tente de gérer une démocratie dans un cadre tellement partisan qu'à la longue c'est toute cette démocratie qui finit par être erronée.

Ce petit détour, M. le Président, me permet d'en arriver au projet de loi étudié. Je ne voulais pas créer de doute, mais simplement inciter le gouvernement du Parti québécois à la prudence quand vient le temps de déposer des législations en cette Chambre. Le projet de loi 40 n'est pas une véritable réforme électorale; c'est tout au plus un projet de loi visant à la confection d'une liste électorale permanente qui aura pour effet, entre autres, d'éliminer le recensement périodique. Ce projet de loi 40 permettra de réduire de 14 jours la durée de la période électorale, un point qui rencontre le consensus d'à peu près tous les intervenants du Québec.

En effet, les campagnes électorales sont longues, ici. Ce n'est pas juste une question de tous ceux et celles qui participent à cet exercice démocratique, mais souvent, dans le passé, on a eu l'impression que l'intérêt de la population y perdait avec le temps. À peu près tout le monde juge anormale la longueur des campagnes électorales, et le projet de loi 40 constitue un avantage à cet égard. Personne ne se plaindra de l'intention du gouvernement de raccourcir ce marathon périodique, mais il faudra trouver des moyens originaux et astucieux peut-être, comme le disait le premier ministre, pour inciter les nouveaux électeurs à s'inscrire et à voter. C'est là la base essentielle de l'exercice d'une démocratie, celui de voter. Dans certains pays, on va beaucoup plus loin. Des amendes sont imposées à ceux et celles qui refusent de voter. Ici comme ailleurs en Amérique du Nord, on préfère, à bon droit, laisser la liberté d'exercer ce droit à tous ceux et celles qui sont inscrits sur les listes.

Par ailleurs, M. le Président, certains observateurs ont souligné que cette refonte des lois électorales et référendaires constituait un exercice qui nécessitera beaucoup plus de temps et d'application que ne le prévoyait, par exemple, le leader parlementaire du gouvernement. C'est cela que je voulais dire lorsque je parlais d'état d'esprit en matière de législation de ce gouvernement. Dans toutes sortes de domaines, on veut aller trop vite. Dans celui-ci, il faut éviter à tout prix une hâte qui aurait pour effet d'escamoter les droits fondamentaux des électrices et des électeurs du Québec. Il faut s'assurer que ce projet rencontrera vraiment l'unanimité de tous les intervenants au Québec. Si ce projet de loi ne peut être adopté avant le congé des Fêtes, alors, je dis simplement que la saine démocratie méritera qu'on s'attarde un peu plus longtemps que prévu à cet important projet de loi qui constitue un fondement important de notre vie démocratique.

D'autre part, en plus de resserrer le mécanisme de révision de la liste électorale, le projet de loi 40 fait en sorte que le Directeur général des élections aura besoin d'un minimum de six mois pour informatiser cette liste et mettre en route les nouvelles dispositions.

(13 heures)

Le Directeur disait, il y a quelques jours, vouloir être prêt pour l'automne, que ce soit pour le référendum sur la souveraineté ou pour les élections qui auront lieu en novembre dans quelque 707 municipalités. Le Directeur des élections disait prendre pour acquis l'accord de principe des parties. Mais cet accord, M. le Président, est conditionnel. Oui au principe, nous l'avons déjà exprimé, mais nous nous posons plusieurs questions sur les modalités de ce projet de loi. À aucun prix je ne voudrais qu'un quelconque gouvernement profite de cet exercice pour abuser des droits des citoyens. Je m'explique, M. le Président.

Pour établir cette liste électorale permanente, le gouvernement du Québec devra avoir recours à des organismes gouvernementaux comme la Régie de l'assurance-maladie ou tout autre organisme qui possède une liste des contribuables. Comme l'indique le projet de loi, la mise à jour de cette liste sera constante et elle pourra également être exécutée à partir de procédures de révision mises en place lors d'élections municipales et scolaires. Chaque électeur pourra, en tout temps, demander à être inscrit ou radié de la liste permanente. Donc, le gouvernement, M. le Président, pour mettre à jour cette liste électorale à partir du registre d'adresses de n'importe quel organisme gouvernemental, se servira de l'appareil de l'État. C'est ce type d'exercice qui est dangereux dans une démocratie. Déjà, d'ailleurs, plusieurs commissions ou conseils consultatifs ont dénoncé dans le passé l'utilisation de tout système d'informatique par l'État québécois ou le secteur privé.

J'estime qu'il ne faudrait pas avoir recours tous azimuts à n'importe quel système informatique qui permette l'identification des contribuables québécois, à quelque fin que ce soit. Si l'on doit recourir à ce moyen, il faut que la loi soit claire pour que l'État ait accès aux renseignements dont il a besoin pour dresser une liste électorale, et non pas aux dossiers médicaux.

Dans une démocratie comme la nôtre, les électeurs et électrices ont droit à cette discrétion qui fait en sorte que leur nom ne sera pas galvaudé à droite et à gauche. Déjà, les lois sont claires et l'État ne peut vendre ou louer ses services en vue de fournir des listes de noms au secteur privé. Il faut que cette pratique se perpétue dans l'avenir et, surtout, aucun gouvernement, quel qu'il soit, ne doit être en mesure de pouvoir jouer avec le système et, le cas échéant, tripoter des listes électorales pour s'en servir à des fins partisanes.

Lors de l'étude article par article de ce projet de loi, nous serons à même de vérifier les doutes que nous pourrions entretenir pour faire en sorte que les listes électorales soient établies et mises à jour grâce à un système intouchable sur le plan de l'intégrité.

M. le Président, comme je le disais au début de mon allocution, ces ajustements mécaniques n'ont rien à voir avec une réforme en profondeur dans notre système électoral, mais les propositions soumises par le gouvernement du Québec méritent une étude attentive des tenants et aboutissants de ce projet. C'est pour cette raison que je suis d'avis qu'il faut prendre tout le temps nécessaire pour étudier de long en large les impacts et la portée de ce projet. S'il comporte des avantages certains, il inclut également nombre d'interrogations auxquelles il faudra trouver réponse de la part du gouvernement.

Je lui demande encore une fois de ne pas bousculer les procédures parlementaires pour faire adopter à toute vapeur ce projet de loi. L'opposition libérale posera toutes les questions appropriées pour une saine gestion de notre démocratie. Nous nous opposerons à toute intention du gouvernement du Parti québécois de vouloir faire adopter à toute vapeur le projet de loi 40. Si, comme il le prétend, le projet de loi 40 constitue une véritable réforme en profondeur de notre système électoral, c'est alors que nous sommes en droit de nous poser plusieurs questions quant aux tenants et aboutissants de cette législation.

Voilà, M. le Président, l'essentiel des remarques que je voulais formuler dans le cadre de l'étude du projet de loi 40 sur l'établissement de la liste électorale permanente. Quant aux autres modifications et dispositions législatives de ce projet de loi, nous aurons l'occasion de revenir. Par exemple, le projet de loi ne prévoit pas comment seront inscrits les renseignements relatifs à la confession de l'électeur... et élections scolaires. Cependant, on sait que les prochaines élections scolaires n'auront lieu que dans quatre ans, et d'autres ajustements devront nécessairement être apportés. Mais nous aimerions savoir tout de suite, de la part du gouvernement, ses plans et moyens pour parvenir à solutionner ce problème.

Enfin, on sait que les coûts relatifs à la fabrication des listes seront aux frais des municipalités et des commissions scolaires pour les élections de leur juridiction. Sur ce point, il sera intéressant d'entendre les réactions des intervenants du milieu. Nous demanderons aux municipalités, notamment, si elles sont d'accord ou non avec les objectifs et modalités de ce projet de loi. Nous demanderons également aux intervenants, de quelque milieu que ce soit, s'ils sont d'accord, non seulement avec les objectifs généraux du projet de loi 40, mais également avec leurs modalités. Nous nous assurerons d'un consensus – pour ne pas dire de l'unanimité – de toute la population québécoise afin que jamais les fondements de notre démocratie ne puissent être sapés de quelque façon que ce soit par un projet de loi de la sorte. Nous devons perpétuer le volet intégrité de notre système électoral, et jamais un gouvernement ne devra tenter, par quelque moyen détourné que ce soit, de contourner le système. Je vous remercie, M. le Président, de votre attention.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Je vous remercie, Mme la députée de Chapleau. Alors, compte tenu de l'heure, je vais suspendre les travaux de cette Assemblée jusqu'à cet après-midi, 15 heures.

(Suspension de la séance à 13 h 7)

(Reprise à 15 h 2)

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'ordre, s'il vous plaît!

Asseyez-vous!

Nous allons reprendre nos travaux, ajournés le 14 décembre... Nous allons reprendre nos travaux sur le projet de loi 40, Loi sur l'établissement de la liste électorale permanente et modifiant la Loi électorale et d'autres dispositions législatives.

Mme la députée de Chapleau a été la dernière intervenante; elle avait terminé son intervention. Y a-t-il d'autres intervenants? M. le député de Laporte, je vous cède la parole.


M. André Bourbeau

M. Bourbeau: Merci, M. le Président.

M. le Président, nous sommes donc en présence d'un projet de loi qui est présenté par le gouvernement et qui vise l'établissement d'une liste électorale permanente et qui, en conséquence, modifie la Loi électorale. C'est un projet de loi qui est d'une grande importance, quand on sait l'importance que peut conférer notre système démocratique au fait qu'une loi électorale existe ou n'existe pas dans un pays. La Loi électorale, c'est, en fait, un des éléments essentiels de notre système démocratique, et quand on touche à la Loi électorale, M. le Président, on doit le faire avec beaucoup de circonspection.

Ce qui m'étonne un peu, dans le cas qui est devant nous, ici, c'est l'empressement que semble manifester le gouvernement à faire adopter, un peu à la vapeur, un projet de loi d'une aussi grande importance. On connaît les événements qui nous attendent au cours des prochains mois, on sait qu'on se dirige rapidement vers un référendum, et on doit s'assurer que l'outil qui servira à la confection de la liste électorale soit un outil de qualité.

Or, M. le Président, pourquoi est-ce que le gouvernement a attendu comme ça à la dernière minute pour nous jeter dans les bras un projet de loi aussi important et aussi complexe, je dois le dire? Ça m'étonne un peu, parce que, vous vous souviendrez, M. le Président, durant la campagne électorale, le Parti québécois nous disait qu'il était prêt, tout à fait prêt à gouverner. Or, normalement, d'après les règles qui nous régissent, l'Assemblée nationale aurait dû être convoquée le troisième mardi du mois d'octobre. C'est ce que prévoit le règlement. Le gouvernement du Parti québécois n'étant pas prêt, semble-t-il, à légiférer, a retardé l'ouverture de la session au 29 novembre, c'est-à-dire cinq à six semaines plus tard qu'originalement prévu.

La question que je pose, M. le Président, c'est que si le Parti québécois, le gouvernement du Parti québécois était à ce point pressé de modifier la Loi électorale et qu'il était prêt à le faire, comme il nous le disait depuis toujours en campagne électorale, pourquoi a-t-on attendu à la veille de la période des fêtes pour déposer devant l'Assemblée nationale un projet de loi aussi important et demander au Parlement, à l'Assemblée nationale de voter, à la vapeur, un tel projet de loi?

Et, M. le Président, je ne suis pas le seul qui me déclare surpris de cette hâte, un peu suspecte d'ailleurs, je dois le dire, du gouvernement de faire adopter un projet de loi d'une telle importance. Dans les commentaires qu'ils ont fait récemment, à l'occasion du dépôt du projet de loi et de son étude par l'Assemblée nationale, certains organismes qui conseillent le gouvernement ont eux-mêmes émis des réserves quant à l'urgence de procéder.

J'ai justement devant moi, ici, une lettre datée du 2 décembre, alors c'est tout récent, lettre provenant du président de la Commission des droits de la personne, adressée au Directeur général des élections, et qui dit ceci, M. le Président, et je cite: «Comme vous me le demandiez hier – alors, hier, c'était donc le 1er décembre – voici une première réaction au projet de loi sur l'établissement de la liste électorale permanente et modifiant diverses dispositions législatives. Étant donné le court délai...» – c'est le président de la Commission des droits de la personne qui parle... Je comprends, M. le Président, on l'a appelé le 1er décembre et il devait répondre le 2 décembre, la lettre est datée du 2 décembre. En fait de délai, on peut difficilement trouver plus court délai, et le président dit: Bien, je n'ai pas eu beaucoup de délai pour me prononcer, et voici ce que j'ai à vous dire d'une façon préliminaire. Et quand on regarde les autres organismes qui se sont exprimés, tous ces organismes-là font état de ce très court délai qu'ils ont eu pour donner leur réaction.

Et c'est préoccupant, M. le Président, c'est très préoccupant de voir que ces organismes-là, dont on ne peut pas dire qu'ils sont partisans, dont l'objectivité ne peut être mise en cause, témoignent eux aussi de leur crainte à l'endroit de cette façon de procéder, d'amender non pas une loi ordinaire, une loi comme on peut trouver partout dans les ministères, mais la Loi électorale, celle sur laquelle est assis notre système démocratique. Alors, raison additionnelle pour être prudent.

Et c'est pourquoi, M. le Président, l'opposition, en toute bonne foi, a demandé au gouvernement de retarder l'adoption de cette loi pour une période de trois mois afin de nous permettre d'étudier cette loi-là avec un peu plus de sérieux et afin de permettre aussi au gouvernement et à l'Assemblée nationale de pouvoir consulter les organismes qui ont des choses, semble-t-il, assez importantes à nous dire.

Et qu'est-ce qu'ils ont à nous dire, ces organismes-là? On en a une petite idée quand on regarde les opinions qui ont été émises par ces organismes-là. Entre autres, si je prends le cas de la Commission des droits de la personne, dont je parlais tout à l'heure, on voit que la Commission nous dit ceci: Dans le processus projeté de constitution d'une telle liste – on parle de la liste électorale permanente – un des droits fondamentaux reconnus par la Charte – la Charte des droits et libertés de la personne – soit le droit de toute personne au respect de sa vie privée, est en jeu. M. le Président, c'est important. La Commission des droits de la personne nous dit qu'un des droits fondamentaux, le droit au respect de la vie privée, est en jeu. Il me semble, dès qu'on dit ça, dès qu'on écrit ça et qu'on le dit, qu'on devrait être prudents.

(15 h 10)

Nous, M. le Président, nous ne nous sommes pas officiellement déclarés contre ce projet de loi là. L'opposition officielle ne dit pas que ce projet de loi n'est pas un projet intéressant. Une liste électorale permanente, ça peut avoir des effets intéressants, ça peut être un outil utile. On avait coutume, jusqu'à maintenant, de faire des recensements avant la période électorale. C'était long, c'était coûteux. Parfois, ce n'était pas très efficace. Beaucoup de personnes pouvaient être absentes de leur domicile. Il fallait retourner. Quand ces personnes-là n'étaient pas encore présentes, il fallait, après ça, les inscrire a posteriori. C'est un système qui a fonctionné, mais qui pourrait être amélioré, j'en conviens.

Cependant, ce système-là a quand même donné des résultats. Le Québec et le Canada – parce que c'est le même système qui fonctionne partout au Canada – le Québec est un endroit où le taux de participation, lors des élections ou des référendums, est très élevé, un des plus élevés, d'ailleurs, au monde, si on exclut les pays communistes – ha, ha, ha! – où la participation est obligatoire, les pays totalitaires. Mais, parmi les pays démocratiques, nous jouissons d'un taux de participation extrêmement élevé.

Alors, là, il ne faut pas venir nous dire, et je ne dis pas qu'on prétend ça non plus, que notre système est à ce point pourri qu'il faut le changer à la vapeur parce qu'il y a péril en la demeure. Il n'y a pas péril en la demeure, c'est bien évident. Nous avons un bon système qui a fait ses preuves et qui a même permis à ce gouvernement de remplacer l'ancien. Donc, il ne doit pas être si mauvais.

M. le Président, je me dis ceci: Pourquoi, comme ça, tout à coup, cette rage, cette urgence de changer un système qui a fait ses preuves, qui a donné des bons taux de participation? Alors, nous nous posons des questions. Qu'est-ce qu'il y a derrière ça? Pourquoi ce gouvernement-là est-il si pressé de faire adopter à la vapeur un projet de loi aussi important?

Et nous ne sommes pas les seuls à poser des questions. Les organismes dont je viens de parler se les posent aussi, en attirant notre attention sur des problèmes importants. Alors, la Commission des droits de la personne nous signale certains problèmes. J'en citerai d'autres, M. le Président, pour vous éclairer davantage si vous avez besoin de l'être. On dit que, pour la Commission, par exemple, la situation apparaît tout autre en ce qui a trait à la mise à jour de la liste permanente. Alors, une fois que la liste sera confectionnée, on la mettra évidemment à jour d'une façon régulière. Et on signale, ce qui est important, que le droit de vote, au Québec, bien sûr n'est pas obligatoire. C'est facultatif, personne n'est obligé de voter. Et on veut rappeler que l'inscription sur la liste électorale, actuellement, dans le système actuel, n'est pas obligatoire et qu'une personne peut même refuser d'être inscrite sur la liste électorale si elle ne veut pas voter.

Il y a des gens, dans notre société, qui estiment qu'ils ne veulent pas voter et qu'ils ne veulent pas être inscrits sur la liste électorale. Évidemment, là ça crée un problème parce qu'ils vont être inscrits malgré eux. Ils vont être inscrits parce que le système que l'on prévoit fait en sorte qu'on puisse inscrire des gens sur la liste électorale sans leur consentement. Le système fait en sorte que, en utilisant le fichier de la Régie de l'assurance-maladie du Québec, on pourra inscrire des gens en puisant leur nom, leur numéro d'assistance sociale sans même que ces personnes-là aient été consultées. Donc, ça crée un problème pour la Commission des droits de la personne.

Ça crée également un problème pour d'autres organismes. Le Protecteur du citoyen a émis des réserves; la Commission d'accès à l'information a émis des réserves.

Et il y a toute une série de problèmes, M. le Président, qui surgissent à l'occasion d'une modification comme celle-là. Prenons, par exemple, le milieu municipal. La qualité d'électeur n'est pas la même quand on vote à l'échelon provincial ou quand on vote aux échelons municipal et scolaire. À titre d'exemple, un individu qui n'est pas domicilié dans une municipalité peut voter dans cette municipalité-là s'il est propriétaire d'un immeuble, par exemple, ou s'il occupe une place d'affaires dans la municipalité. Alors, là, c'est différent, le cens électoral est différent. L'individu qui vote dans une municipalité, qui n'y est pas domicilié, doit avoir été propriétaire pendant au moins 12 mois, ou encore occupant d'une place d'affaires pendant 12 mois. Et, s'il est domicilié dans la municipalité, il doit avoir résidé, avoir été domicilié pendant 12 mois. Cette règle-là n'existe pas au niveau provincial. Il y a donc des nuances, des différences.

Est-ce que le projet de loi va pouvoir facilement concilier ces différences-là? Lorsque le président des élections dans une municipalité va vouloir obtenir sa liste électorale du Directeur général des élections, il ne pourra pas prendre la liste provinciale, ça ne fonctionnera pas parce que la liste provinciale ne contient pas... La loi provinciale ne fait pas l'obligation d'une résidence de 12 mois, d'une période de probation de 12 mois avant de pouvoir exercer le droit de vote. Or, comme c'est le cas dans le milieu municipal, il va falloir que le Directeur général des élections confectionne une liste spéciale pour les élections municipales, qui va être différente de la liste provinciale, en retranchant, pour chacune des municipalités aussi, les noms des électeurs qui ne sont pas domiciliés dans la municipalité, qui n'y étaient pas domiciliés au cours des 12 derniers mois. Enfin, c'est un problème, on le voit.

D'autre part, M. le Président, on sait aussi que les corporations, les compagnies, ont droit de vote à une élection municipale si elles possèdent un immeuble; les associations aussi, un bureau quelconque, je ne sais pas, moi, un bureau d'avocats qui posséderait un immeuble. Alors, là, dans ces cas-là, on a des procurations, chacun délègue une personne pour voter au nom de l'association. Ou, dans le cas d'une compagnie, résolution de la compagnie nommant un individu porte-parole pour voter au nom de la compagnie. On n'a pas cette règle-là au niveau provincial. Au niveau provincial, les compagnies n'ont pas le droit de vote, les associations non plus. Alors, il y a une différence importante entre la qualité de voteur au niveau provincial et la qualité de voteur au niveau municipal et, même, au niveau scolaire, il y a aussi des différences.

Ça, M. le Président, ça mérite d'être regardé attentivement. Il ne faudrait pas... Et l'expérience nous prouve que, quand on passe des projets de loi à la vapeur, parfois on oublie des choses qui n'ont pas été portées à l'attention du législateur. Je ne dis pas que le gouvernement n'est pas au courant des faits que je viens de porter à son attention. Ce que je me demande, c'est si on les a étudiés suffisamment et si on a tenu compte de tous les détails, toutes les particularités, et si, vraiment, lorsque la loi sera adoptée, elle pourra être fonctionnelle.

Et je soumets bien respectueusement que, si le gouvernement acceptait d'entendre en commission parlementaire les représentants des municipalités, l'Union des municipalités du Québec ou l'Union des municipalités régionales de comté, ou, encore et surtout, le Protecteur du citoyen, la Commission des droits de la personne, la Commission d'accès à l'information, on aurait un éclairage beaucoup plus complet et on éviterait peut-être de faire des erreurs qu'on aura plus tard à corriger.

C'est donc, M. le Président, dans un souci de prudence que je fais appel au gouvernement pour réfléchir à tous ces problèmes que je viens de signaler et exhorter le gouvernement à un peu plus de prudence et, surtout, un peu moins d'anxiété dans l'exercice du pouvoir qu'il détient de faire adopter un projet de loi à la vapeur. Peut-être que ça fait l'affaire de certains d'accélérer les travaux, d'y aller en grande vitesse, comme on dit, et peut-être que, subséquemment, on estimera que cette urgence qu'on a invoquée n'était pas dans le plus grand intérêt des électeurs.

(15 h 20)

Alors, M. le Président, il y a aussi la question des coûts. On nous dit que, présentement, la confection des listes électorales coûte cher. On a à faire des listes électorales lorsqu'il y a des élections municipales, lorsqu'il y a des élections scolaires, des élections provinciales, des élections fédérales. Bon, j'en conviens, ça doit coûter cher, tout ça. D'où l'attrait que peut avoir la confection d'une liste permanente qu'on pourrait utiliser, après ça, à chaque élection. Il faut bien penser, cependant, que ces listes-là, elles ne sont pas statiques. À chaque jour, il y a des personnes qui meurent. Il y a des personnes qui déménagent. Il y aura donc des coûts à maintenir la liste en vigueur, la maintenir à jour. Comment va-t-on procéder? Est-ce que ces façons de procéder là vont respecter le droit de tout citoyen de voir ses renseignements personnels ne pas être utilisés par tout le monde? La qualité de la vie, le fait, M. le Président, que, dans notre société, un principe est admis: on ne doit pas avoir accès indûment à des renseignements sur la vie personnelle des gens. Une fois que ces renseignements-là sont disponibles pour toute autre fin que les fins pour lesquelles les renseignements ont été communiqués, on ne sait pas les abus que ça peut donner.

Alors, les coûts, M. le Président, peuvent être un peu plus élevés qu'on pense pour maintenir cette liste permanente. Au niveau informatique, par exemple, ça va demander énormément plus de développement informatique que ce qu'on peut avoir présentement dans les municipalités, et il ne faudra pas compter sur les municipalités pour tenter de venir défrayer les coûts additionnels que pourrait encourir le gouvernement. Le leader du gouvernement nous a dit ce matin qu'il ne ferait pas de transfert de responsabilités aux municipalités sans leur transférer des ressources financières additionnelles; et si ce projet de loi là avait pour effet de créer une pression additionnelle sur les finances des municipalités, on peut d'ores et déjà conclure que les municipalités ne seraient pas d'accord. Alors, il conviendrait donc, à mon avis, d'entendre, en commission parlementaire, ces municipalités-là pour s'assurer qu'elles sont d'accord avec le projet de loi. Si elles ont des modifications à proposer, qu'on le sache de façon à ce qu'on modifie le projet de loi avant son adoption et non pas revenir après, lors de la prochaine session, pour de nouveau avoir à modifier le projet de loi.

M. le Président, vous me faites signe que mon temps est à peu près écoulé. J'aurais eu bien d'autres choses à dire. J'aurais aimé citer, entre autres, les organismes dont j'ai parlé tout à l'heure. D'autres auront certainement le temps de le faire après moi, mais je conclus en disant qu'il m'apparaît très, très sage, M. le Président, que le gouvernement accepte la proposition qui est faite par l'opposition de ne pas adopter ce projet de loi à la vapeur, sans entendre les organismes crédibles qui ont demandé d'être entendus et que l'opposition aussi demande d'entendre. Le Parlement, l'Assemblée nationale y gagnerait, M. le Président, sur tous les plans. Et, de toute façon, ce projet de loi là, il pourrait être adopté quand même un peu plus tard.

Alors, M. le Président, c'est sur ces paroles que j'incite le gouvernement à la réflexion, et j'espère que les arguments que j'ai développés sauront les convaincre. Merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le député de Laporte. Je vais reconnaître maintenant M. le député de Gatineau. M. le député, je vous cède la parole.


M. Réjean Lafrenière

M. Lafrenière: Merci, M. le Président. M. le Président, le projet de loi 40 présenté par le gouvernement aura pour effet d'éliminer le recensement des électeurs pour le remplacer par une liste électorale permanente informatisée. Cette liste servira aux élections provinciales, municipales et scolaires. Les coûts relatifs à la fabrication des listes seront aux frais des municipalités, des commissions scolaires pour les élections de leur juridiction.

M. le Président, ce projet de loi comporte des points positifs. Dans quelques minutes, je vais en souligner quelques-uns. Mais plusieurs interrogations sont demeurées sans réponse jusqu'à maintenant. Le processus parlementaire prévoit l'étude article par article de ce projet de loi. Ce sera l'occasion pour l'opposition officielle de poser des questions qui seront précises, et nous espérons recevoir des réponses appropriées de la part du gouvernement.

D'autre part, nous aurons l'occasion d'entendre des organismes et des individus qui viendront tour à tour présenter leur point de vue sur ce projet de loi important mais qui ne ressemble en rien à un projet de réforme électorale. En effet, le gouvernement du Québec veut inscrire ce projet de loi dans cet élan de démocratisation de l'ancien premier ministre du Québec, mais, en réalité, il n'en est rien. Il ne s'agit, en fait, que des modifications à une loi déjà existante qui mettra sur pied une liste électorale permanente où apparaîtront sur celle-ci le nom, l'adresse, le sexe et la date de naissance de chaque électeur.

On nous dit également que l'on ne retiendra plus la profession, qui n'est pas un renseignement permettant d'établir la qualité d'électeur. Mais la première interrogation qui me vient à l'esprit concerne ce recours à tous les systèmes informatiques du gouvernement, soit les sociétés d'État ou des organismes publics et parapublics, pour la confection de cette liste.

C'est ainsi que la Régie de l'assurance-maladie du Québec transmettra ultérieurement au Directeur général des élections la liste des changements d'adresse et des personnes ayant atteint 18 ans, donc ayant acquis le droit de vote depuis le 12 septembre dernier.

Cette mise à jour sera constante. La liste pourra également être mise à jour à partir des procédures de révision mises en place lors d'élections municipales et scolaires dans chacun des quartiers. Le point important à retenir, M. le Président, c'est que le gouvernement pourra puiser dans toutes les données et les banques informatiques de l'appareil de l'État.

Je me méfie, personnellement, de ce genre d'opération. Ce qui est en cause ici, c'est toute l'idée ou le concept de la discrétion des renseignements sur les individus que possède l'État dans plusieurs ministères. Quoi que l'on dise, l'État québécois doit faire preuve de discrétion quant à la circulation des informations concernant les individus et les organismes. Or, lors de la confection de cette liste électorale permanente, le gouvernement devra avoir accès à plusieurs types de banques de données.

M. le Président, j'aimerais ici adresser une mise en garde au gouvernement. Il faut se méfier, dans une société aussi moderne que la nôtre, de l'intention de n'importe quel gouvernement d'avoir accès à trop de renseignements sur les individus qui composent notre pays, notre province, notre municipalité ou notre ville. Le public a droit à une certaine discrétion sur ses propres renseignements. Le citoyen, de son côté, doit tout faire pour que ses dossiers soient protégés le mieux possible.

Nous avons, au Québec, une loi d'accès à l'information. Nous avons également une loi qui prévient les abus de toute entreprise privée qui serait tentée d'avoir accès à des données qui auraient pour effet d'enfreindre la vie privée.

Dans un autre ordre d'idées, le gouvernement du Québec voudrait que ce projet de loi soit adopté le plus tôt possible. Mais qu'est-ce qui presse? Qu'est-ce qui presse tant ce présent gouvernement à mettre sur pied ce fameux fichier, cette liste électorale permanente? De notre côté, nous estimons qu'une loi aussi importante que celle-là, surtout que le gouvernement l'interprète comme étant un projet de réforme électorale majeur... S'il veut demeurer dans cette logique, nous lui demandons: Pourquoi adopter à toute vapeur une telle législation?

M. le Président, nous voulons prendre tout le temps nécessaire pour étudier de fond en comble une mesure qui bouleversera, jusqu'à un certain point, nos habitudes électorales. D'ailleurs, depuis qu'il a été élu, ce gouvernement a pris l'habitude de proposer des mesures qui nécessitent temps et énergie pour en mesurer les impacts dans l'ensemble de la société québécoise mais qu'il désire voir adoptées au plus vite. Lorsque le gouvernement a soumis sa Loi sur la souveraineté du Québec, c'est à se demander s'il ne souhaitait pas qu'elle soit adoptée une heure après sa présentation.

(15 h 30)

On dirait, de l'autre côté de la Chambre, M. le Président, qu'on désire bouleverser. C'est comme si, à partir du 12 septembre dernier, on avait acquis un mandat illimité permettant à ce gouvernement de faire n'importe quoi et, s'il le faut, de bouleverser les moeurs et les traditions qui caractérisent notre processus parlementaire. Or, l'opposition libérale est suffisamment importante, aussi bien en nombre qu'en termes de proportion de votes acquis le 12 septembre dernier, pour que le gouvernement prenne le soin d'analyser de fond en comble les mesures qu'il propose et de vérifier s'il obtient le consensus de l'ensemble de la société québécoise.

Le 12 septembre dernier, M. le Président, ce n'est pas une victoire éclatante que le Parti québécois a obtenue. Bien au contraire, cette victoire les a presque déçus, dans la mesure où ils se sont aperçus que les résultats du suffrage universel étaient loin de ceux attendus en début de campagne électorale. Alors, il faut vivre avec ces résultats et surtout savoir les interpréter à leur juste valeur.

Un fait demeure: l'écart entre les libéraux et les péquistes, le 12 septembre dernier, est si mince que le nombre de sièges ne correspond pas à la réalité, comme ce fut le cas dans maintes élections dans le passé, au cours des années soixante et soixante-dix. Alors, nous disons au gouvernement du Parti québécois: Attention! Nous lui demandons de faire preuve de prudence, de finesse et de cesser d'user uniquement de procédés astucieux pour tenter de prouver une force dont il ne détient pas de véritables racines. La force de tout gouvernement, quels que soient les résultats électoraux obtenus le soir, se retrouve dans cet art de gérer une démocratie. La vraie force d'un gouvernement, c'est cette capacité d'obtenir des consensus entre tous les partenaires de l'État québécois.

Parmi les points à vérifier, M. le Président, il y a cette indication à l'effet que le Directeur général des élections pourra mettre à jour une liste électorale à partir du registre d'adresses de n'importe quel organisme gouvernemental. On cite, par exemple, la Société de l'assurance automobile, avec laquelle, d'ailleurs, le Directeur général des élections prendra entente conformément à la loi sur l'accès à l'information. La loi précise qu'il ne pourra, à son tour, transmettre à un tiers les renseignements obtenus sans le consentement de l'électeur concerné. De notre côté, nous voulons être sûrs que la loi protégera entièrement le citoyen. Le citoyen a ses droits, dans une société libre et démocratique comme la nôtre. M. le Président, le Directeur général des élections n'aura accès qu'aux renseignements dont il a besoin pour dresser la liste électorale permanente et non pas, par exemple, aux dossiers médicaux. Pour leur part, les municipalités seront responsables de l'inscription à la liste électorale des propriétaires et des commerçants.

Ces modifications à la loi sont importantes. Il s'agit, en effet, d'un virage majeur. Mais, en bout de piste, c'est le droit de l'électeur d'être inscrit sur une liste électorale qui importe d'abord et avant tout. D'un autre côté, je reviens sur cette notion de droit à la vie privée des citoyens. Il ne faut en aucun cas ériger un système qui fasse en sorte qu'on puisse, un jour ou l'autre, jouer avec les informations relatives à la vie des citoyens. Or, pour effectuer une telle étude, l'opposition officielle aura besoin de temps, de beaucoup de temps, ainsi que des avis d'organismes du milieu pour vérifier les tenants et aboutissants des modifications proposées par le gouvernement.

Enfin, M. le Président, il est évident que le gouvernement du Québec cherche à tout faire pour que le processus de cette liste électorale permanente soit mis en vigueur pour le référendum qui s'en vient.

De notre côté, nous disons que si une étude approfondie s'impose et que nous devions prendre le temps nécessaire pour étudier les tenants et aboutissants d'une telle législation, nous ne voyons pas pourquoi un tel processus n'entrerait pas en vigueur pour le prochain référendum. D'ailleurs, si le gouvernement respecte son engagement de tenir le référendum en 1995, on devra, à toutes fins pratiques, se servir de la liste électorale du 12 septembre dernier. Le Directeur général des élections n'aura, dans ce cas, qu'à prévoir une période de révision de la liste électorale.

De notre côté, nous ne voyons aucune urgence à adopter une telle législation, surtout si le projet de loi 40 est le prolongement de l'action de démocratisation engagée par René Lévesque, tel que le précisait le chef du Parti québécois dans son discours d'ouverture de la session.

M. le Président, parmi les avantages de ce projet, signalons l'élimination du recensement. Il est certain que l'État réussira, de cette façon, à diminuer les dépenses publiques. Cette liste qui sera mise à jour grâce au registre de la Régie de l'assurance-maladie conserve toutefois le droit du citoyen, la liberté d'inscription ou non sur la liste électorale. D'un autre côté, l'élimination du recensement, qui occupait 18 jours de la période électorale, permet de réduire la durée des campagnes – 47 à 33 jours – et d'économiser, selon les chiffres du Directeur général des élections, une somme de 34 000 000 $.

Il faudrait, en principe, se féliciter d'une telle mesure, mais, encore une fois, M. le Président, nous voulons que les droits des citoyens soient protégés d'une façon aussi importante qu'ils le sont aujourd'hui, malgré les imperfections de tout système électoral. Au sujet du référendum, en vertu du projet de loi 40, il s'écoulera environ 45 jours, au lieu de 47 aujourd'hui, entre le moment du dépôt de la question référendaire et le jour du scrutin. Donc, aucun avantage à adopter rapidement cette législation, puisque les économies, à ce chapitre, sont minimes.

M. le Président, ce projet de loi 40 contient des avantages et des inconvénients. Nous aurions aimé que le gouvernement du Québec porte ses efforts en vue d'inciter la population québécoise à se prévaloir de son droit de vote aux niveaux municipal et scolaire. Le gouvernement du Québec aurait pu profiter d'une telle occasion pour effectuer une véritable réforme électorale et donner le temps à tous les intervenants de venir exprimer leur opinion et, en même temps, élargir le champ d'étude de ce projet de loi. Au lieu de ça, M. le Président, le gouvernement du Québec a peut-être choisi d'y aller à la pièce. Mais tel n'est pas le véritable sens d'une législation qui vise à réformer, de façon majeure, un système électoral.

Pour y arriver, il faut y voir clair dans les intentions d'un gouvernement, car il faut savoir mettre cartes sur table afin de faire preuve de transparence et permettre à toute la population de se prononcer sur un sujet aussi important que l'exercice des droits démocratiques. Si le gouvernement veut accélérer le processus parlementaire pour faire adopter son projet de loi en vue du référendum, c'est qu'il y a d'autres raisons qui se cachent derrière cette planification. Nous voudrions savoir les véritables intentions du gouvernement, le véritable pourquoi de cette hâte qui semble caractériser ce gouvernement depuis le début de la session.

Oui, M. le Président, la gestion d'une démocratie est complexe. De plus, ce concept de droit démocratique demande de la maturité de la part de n'importe quel gouvernement. Nous ne sommes pas sûrs, à cet égard, que le gouvernement du Parti québécois en fasse toujours preuve, en tentant plutôt de pousser les législateurs à adopter des mesures à la vapeur.

(15 h 40)

Nous aurions souhaité que le gouvernement du Parti québécois profite de cette occasion pour élargir les horizons de la vie démocratique du Québec. Nous aurions aimé qu'il fasse preuve de maturité, d'un sens aigu de la planification à moyen et à long terme, pour que cette démocratie puisse continuer à vivre dans un état d'esprit positif et pleine de sérénité. Au lieu de ça, le gouvernement nous arrive avec des projets de loi partiels, des demi-mesures qu'il tente de faire passer pour un projet de réforme électorale majeure. Nous voulons bien le croire, mais qu'il commence par nous prouver ce qu'il avance. Ensuite seulement, les intervenants du milieu deviendront des partenaires majeurs dans l'élaboration des lois qui visent à améliorer la qualité de vie de notre démocratie. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Gatineau. Je vais maintenant reconnaître M. le député de Laurier-Dorion. M. le député, je vous cède la parole.


M. Christos Sirros

M. Sirros: Merci, M. le Président. Je constate, M. le Président, que les ministériels ont décidé que ce n'était pas assez important dans nos moeurs démocratiques pour qu'ils expliquent un certain nombre de choses devant cette Assemblée, et ils ont adopté une attitude qui est d'abandonner leur droit de parole, de se désister, de ne pas expliquer pourquoi ils sont tellement pressés de vouloir absolument adopter ce projet de loi, même avant les fêtes si c'était possible, M. le Président.

M. le Président, la loi qui nous est présentée est une loi qui vise à modifier nos moeurs, notre façon de faire au niveau du processus électoral. C'est une loi qui vise essentiellement à établir une liste permanente d'électeurs à travers tout le Québec et propose des modalités pour le faire. Nous avons un gouvernement qui nous avait promis – et c'est là que j'ai commencé à être un peu soupçonneux, si vous voulez, de la façon de faire des gens qui sont de l'autre côté de cette Chambre, M. le Président – d'agir autrement, une autre façon de gouverner. Je pense que je viens de saisir un peu mieux, un peu mieux tous les jours, d'ailleurs. Chaque fois que les gens nous répondent en Chambre, chaque fois qu'on voit des gestes qui sont posés, je commence à saisir et à cerner beaucoup mieux ce que ça veut dire exactement, M. le Président, cette autre façon de gouverner.

Dans ce cas-ci, c'est l'exemple d'une action qui, sous la guise de vouloir agir, nous amène à avoir un projet de loi précipitamment amené à l'Assemblée nationale, où le gouvernement, sur une chose aussi délicate et aussi sensible que notre système de votation, M. le Président, adopte des attitudes qui ressemblent, comment je peux dire, concordent mieux à des situations autres qu'une loi de cette nature.

Il a toujours été vrai que, de tous les temps, chaque fois qu'on a touché à un projet de loi touchant notre système de votation, qui est à la base même de la démocratie, il a toujours été important qu'on établisse un consensus et même l'unanimité des personnes représentées en cette Assemblée, M. le Président. Indépendamment des options qu'on peut défendre, indépendamment des différences qu'on peut avoir au niveau de nos programmes politiques, j'imagine, on s'entend tous, des deux côtés de la Chambre, sur la nécessité de soutenir notre système parlementaire et démocratique. Et le fondement même, M. le Président, de ce système démocratique, c'est justement le respect, par l'ensemble des parlementaires, des institutions. Et s'il y a une institution qui est au coeur et au centre de tout le processus démocratique, c'est bien les votes que nous exerçons à tous les quatre ans, et c'est régi par la Loi électorale. C'est dans ce sens-là que je dis que je commence à mieux comprendre comment ce gouvernement entend agir, en disant qu'il va agir d'une autre façon, c'est la façon de qui se veut l'unique détenteur de toutes les vérités.

Quelqu'un, dans un autre siècle auparavant, avait dit: L'État, c'est moi. Alors les gens de l'autre côté agissent un peu de cette façon. C'était Louis XIV, M. le Président, le roi Louis XIV. On soupçonne des fois pourquoi ces gens sont des souverainistes, on se demande si ce n'est pas parce qu'ils aimeraient ça, avoir un souverain pour décider des choses. Avec cette attitude qu'ils affichent, c'est un genre de «étatcémoiisme», M. le Président, qui leur permet de prétendre avoir toutes les vérités. Et, dans le cas qui nous préoccupe, je suis extrêmement surpris de l'attitude qu'affiche un gouvernement qui se vante d'avoir été, dans un autre mandat et – je le souligne – avec d'autres dirigeants, beaucoup plus soucieux de la démocratie et des processus démocratiques et des institutions que ceux qui sont ici aujourd'hui, M. le Président. Il se vante d'être à l'origine, un peu, de ce genre de choses. C'est pour ça que je m'étonne de voir l'attitude du leader du gouvernement en particulier, qui insiste presque, comme si c'était une question de vie ou de mort, que ce soit adopté et vite, à tel point où il a enlevé le droit de parole à tous les députés ministériels. Il leur a dit: Ça suffit, là, vous avez assez parlé; ne parlez pas, laissez-les parler pour qu'on puisse procéder plus vite. Ça va les forcer à parler, de l'autre côté, et on va pouvoir essayer de faire ce qu'on veut bien faire. Alors, M. le Président, je trouve ça dommage, parce que ce n'est pas comme ça qu'on va pouvoir établir le consensus nécessaire à ce que nos institutions soient respectées.

Ça m'amène peut-être à un autre sujet: le respect des institutions et, en particulier, du droit de vote, qui serait au centre du fait qu'on devrait effectivement procéder à des changements, possiblement. Mais pour rentrer un peu plus dans le sujet qui nous est présenté, la première question qu'on a: C'est quoi, la hâte avec laquelle ce gouvernement veut procéder? Quand on saisit aussi le contexte dans lequel nous nous trouvons, le contexte préréférendaire, moi, je pense qu'on se trouve carrément en contexte référendaire, M. le Président, étant donné que, à partir de quelques jours, le gouvernement, dans ce même genre d'attitude de non-respect du sens réel de la démocratie... Oui, oui, techniquement, légalement, selon tel article ou tel article, ils ont le droit de procéder et de faire ce qu'ils vont faire, au niveau du processus qui est proposé. Personne n'a jamais contesté la légalité de procéder de la façon qu'ils vont le faire, mais c'est extrêmement dommage qu'un gouvernement qui se disait fier de son option, prêt à agir, est rendu au point où il faut qu'il se défende derrière des technicalités et des légalismes pour justifier des choses, en disant: Oui, oui, où, dans la loi, est-ce que c'est écrit? L'article 7 dit telle chose. La question fondamentale, quand on veut vraiment respecter la démocratie, c'est de traiter les options sur un pied d'égalité devant le citoyen, qui aura à choisir, donc de permettre, à tous les points de vue, de s'exprimer.

Et c'est le même sens qui est un peu derrière ce qui nous est proposé, ou, plutôt, la façon dont c'est amené ici, en Chambre, M. le Président. Je trouve plus que déplorable le fait que le gouvernement, sur un projet de loi aussi central à notre institution démocratique qu'est la Loi électorale, décide de prendre des moyens qui me font penser à ce qu'un autre leader, à une autre époque, dans les années 1980-1981, avait dit: On va vous passer sur le corps. Et ils étaient fiers, à ce moment-là, de pouvoir dire à l'opposition qu'ils allaient nous passer... Vous vous rappelez, M. le Président, parce que... Non. Vous n'étiez pas là, non plus, à cette époque-là.

Une voix: Il est jeune, il est jeune.

M. Sirros: Mais je me rappelle très bien. Je me rappelle, et je vois le député de Terrebonne...

Une voix: De Masson.

M. Sirros: ...de Masson, qui se rappelle également du leader, qui avait menacé, justement, de passer sur le corps de l'opposition.

Peut-être sur un projet de loi d'une autre nature, où c'est un choix politique qui découle du programme électoral, strictement parlant, du parti qui est pouvoir, on aurait pu comprendre ce genre d'attitude, mais dans un projet de loi qui requiert, au minimum, un consensus, et ce serait bien souhaitable d'avoir l'unanimité dans cette Chambre... Et jamais, si ma mémoire est bonne, on a modifié la Loi électorale auparavant, même quand, nous, on était de l'autre côté, sans l'assentiment de l'opposition dans la forme et dans le contenu également, M. le Président.

Alors, sur la forme, nous avons des réserves et des inquiétudes quant à la façon de fonctionner et de procéder de ce gouvernement. On se pose des questions sur le pourquoi, sur le pourquoi. On sait que le premier ministre se frotte les mains en disant qu'on est rendus à l'étape où c'est juste une question d'astuces, de stratégies et de tactiques, M. le Président. Ce serait bien dommage de voir le gouvernement associé à son processus de stratégie et de tactique en réforme sur le système électoral comme tel.

(15 h 50)

Mais, moi pour un, c'est un peu ce que je soupçonne, parce qu'il n'y a rien qu'ils ne sont pas capables de faire, et, ça, ça va être de plus en plus clair, avec le temps, pour atteindre des objectifs. Plier, bafouer les règles, c'est des choses qui se font. Interpréter comment on pourrait agir pour se tenir, ce que le premier ministre disait, viser à établir un lien de confiance, quand on voit des situations ou des explications qui sont données en cette Chambre sur les questions de personnes qui exercent leur droit de vote sans l'avoir, ce droit de vote, et quand on voit comment c'est cavalièrement, oh... tu sais, avec un «so what?» tout simple, ça, M. le Président, je trouve que c'est une indication qu'au moins un feu jaune doit être allumé pour dire: Questionnons un peu plus les motifs qui sont derrière ce gouvernement quand vient le temps de présenter des projets de loi comme ça. Parce que ce n'est pas vrai qu'on peut prendre ce qu'on veut puis laisser ce qui ne fait pas notre affaire et prétendre être des démocrates.

Alors, on nous propose de constituer une liste permanente d'électeurs. Moi, j'aimerais commencer en disant que, d'abord, le meilleur instrument, dans une loi électorale, quant à la constitution des listes ou de la liste de ceux qui ont le droit de vote, serait, en théorie, je dirais, à chaque fois un recensement fait avec les instruments les plus capables de nous donner une photo complète de qui, le jour du vote, a le droit de vote, où il habite et où il peut l'exercer. C'est un peu ce que la loi actuelle essaie de faire avec le système du recensement, un système de révision, par la suite, qui essaie, avec sa base, les 125 comtés, les partis politiques en lice, d'envoyer des bénévoles dans le champ pour aller cogner à toutes les portes à travers le Québec, et recenser et voir, demander combien de personnes habitent ici et qui ont le droit de vote, leur nom, leur âge, etc., pour confectionner une liste à partir de ça.

Les problèmes qu'on rencontre, ce n'est pas tellement la façon dont c'est conçu. Ce sont des problèmes surtout d'ordre financier qui nous amènent, à ce moment-ci, à vouloir envisager des changements. C'est aussi le fait que, plus on a étendu notre système démocratique aux municipalités, aux commissions scolaires, plus on se retrouve souvent, comme ça a été le cas cette fois-ci, avec trois élections dans un espace de deux ou trois mois... Cet exercice est répété et, donc, devient à la fois un peu plus cher et également, des fois, peut déranger ceux qui sont sollicités trois fois pour avoir à peu près les mêmes informations.

En plus de ça, il faut ajouter le fait que, si c'est bon en théorie, il y a des failles pratiques. Des fois, les recenseurs n'ont pas tous la capacité de faire leur travail de façon diligente, efficace, exacte et parfaite. Des fois, il y a des portes qui sont manquées. On rencontre ces problèmes quand on fait des campagnes électorales, puis j'en ai fait quatre et j'ai pu voir, à différents moments, des problèmes qui surgissent. C'est vrai qu'il y a des difficultés avec le système actuel. Il n'en demeure pas moins, M. le Président, que ce système, en théorie, permet d'avoir la meilleure idée de qui est électeur le jour du vote.

On nous propose de remplacer ce système surtout pour des raisons d'efficacité économique, et personne, dans ces temps de contraintes financières qu'on vit, n'est contre un examen très minutieux des éléments qui peuvent nous amener à faire des économies substantielles, peut-être même tout en facilitant l'exercice. Mais c'est le deuxième élément qui doit aussi primer beaucoup. Ça doit faciliter l'exercice du droit de vote, M. le Président. Et, comme j'avais dit au préalable qu'il nous semble que nous sommes suspects un peu des motifs tout en n'attribuant pas de motifs, parce que je ne peux pas le faire, selon le règlement, je peux quand même avoir certains soucis quant à la motivation réelle qui peut être derrière ce gouvernement quant à l'urgence d'agir. On sait bien qu'ils ont promis de bouger et d'agir, et ils essaient de trouver des choses pour démontrer que: Voilà, on bouge, on bouge, on fait des choses! Mais ce n'est pas le genre de projet de loi sur lequel il faut agir à la hâte, M. le Président. C'est le genre de projet de loi où il faut agir avec beaucoup de prudence, beaucoup de responsabilité et beaucoup d'examens minutieux. D'ailleurs, il est absolument en dehors de toute compréhension qu'on ait à marchander avec le gouvernement pour essayer d'avoir des consultations générales de tous ceux qui voudraient normalement se faire entendre, M. le Président, pour exprimer leur point de vue sur un projet de loi comme ça.

Autre élément que je peux apporter aussi à considérer – et je souhaite que les députés ministériels vont écouter un peu, et, peut-être que ça va provoquer quelques-uns d'entre eux, je ne sais pas, à inviter leur leader à changer d'opinion puis leur permettre de parler – ça serait, M. le Président, de dire: Si on va commencer à ouvrir la Loi électorale, pourquoi ne pas prendre le temps de le faire correctement ou plus complètement? Parce que ce n'est pas seulement la question de la liste électorale qu'il faudrait regarder, il y a une multitude d'autres éléments qu'on voit, chaque fois qu'on fait une campagne électorale, qu'il faudrait dresser. Je pense, entre autres, en particulier au déroulement du vote, le jour du vote, M. le Président.

Chaque élection que j'ai faite depuis les quatre dernières élections, chaque fois, M. le Président, dans certains polls bien choisis ou ciblés par ceux qui forment aujourd'hui le gouvernement et leurs représentants dans le champ, il y a des tentatives systématiques de retarder le vote, de bloquer ceux qui, le Parti québécois estime, votent trop massivement pour le Parti libéral. Et ils essaient systématiquement – et je l'ai vu à chaque campagne électorale – en posant des questions, en incitant les gens, en insistant à ce que le directeur des élections assermente des gens de façon systématique, de retarder le vote.

Ça, ce n'est pas très démocratique, M. le Président. Ça, ça pourrait être une des choses qu'on pourrait examiner et, peut-être, apporter des amendements législatifs qui clarifient comment le vote peut se dérouler le jour du vote, comment est-ce qu'on peut éviter de se trouver dans des situations où des citoyens ou des partis politiques tentent de priver systématiquement des citoyens de leur droit de vote. Et, ça, ce n'est pas dressé, à ce que je sache, dans le projet de loi. Ce n'est pas tous les jours qu'on touche à notre Loi électorale. Ce n'est pas tous les jours qu'on va voir le coeur, le fondement même de notre système démocratique, M. le Président, et il n'est certainement pas quelque chose qu'on doit faire avec l'urgence inexistante.

S'il s'agit de corriger quelque chose pour une élection qui s'en vient ou un référendum qui s'en vient, pour qu'on n'ait pas à reprendre la façon de faire antérieure, ce n'est pas le cas. Le gouvernement nous a dit qu'il y aura un référendum en 1995. Il y a eu un recensement en 1994; il pourrait y avoir la même liste, avec une période de révision, M. le Président, sans qu'on soit obligé de refaire un recensement. Donc, pas question d'avoir des coûts supplémentaires.

Alors, c'est où, l'urgence de passer ça ici, maintenant, tout de suite, à la vapeur, presque en nous passant sur le corps? Presque, pas tout à fait encore. Mais on ne sait pas, on se méfie, effectivement, parce qu'on ne sait pas à quoi, ce gouvernement, jusqu'où il peut aller, M. le Président.

Alors, d'une part, il n'y a aucune urgence, dans les faits, de confectionner une liste électorale tout de suite. On sait que ça prend six mois, au moins. Il n'y a pas d'urgence de la confectionner tout de suite. On a un certain nombre d'années devant nous avant la prochaine élection. On va souhaiter que ça se raccourcisse, mais, que voulez-vous? Au moins deux ans, M. le Président; donc, on a le temps en masse.

On a déjà des signaux de gens qui prennent le temps d'examiner ça soigneusement: la Commission d'accès à l'information... Et, d'ailleurs, ça a toujours été un des éléments qui a fait en sorte que chaque fois – parce que ce n'est pas nouveau, ce qui est proposé – que ça a été proposé, dans le passé – et ça a été proposé, également, par un autre gouvernement du Parti québécois; je pense que c'était en 1978, M. le Président – ça n'a pas été fait, justement, parce qu'il fallait être très attentif à toute la problématique de protection des droits des citoyens, l'accès à l'information, la vie privée.

Et nous avons un signal tout allumé, un feu rouge très, très, très grand, M. le Président, de la part de la Commission d'accès à l'information qui dit: Attendez, c'est dangereux, ce que vous faites, parce que vous allez utiliser le fichier de la Régie de l'assurance-maladie. Vous allez transmettre ça à un autre fichier sans que les gens, nécessairement, qui ont donné leurs informations pour une raison x aient donné leur accord pour que ça soit transmis comme ça. Dès que l'État commence à jouer avec ces informations, on ouvre des portes qui mènent à plusieurs endroits. On ouvre une porte qui mène à l'échange d'informations entre différents agents du gouvernement. On ouvre la porte à la possibilité d'avoir un genre de registre de la population, M. le Président, sans qu'il y ait eu débat véritable.

Alors, ce qu'on demande au gouvernement, c'est d'agir en démocrate, d'agir véritablement comme des gens qui sont soucieux de la démocratie. D'ailleurs, ils se targuent de nous dire que c'est leur cas. Alors, prenez le temps qu'il faut pour faire un travail soigneusement examiné. M. le Président, merci.

(16 heures)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je remercie M. le député de Laurier-Dorion.

J'aimerais attirer l'attention sur un point de règlement qui m'a été suggéré à l'occasion de l'intervention de M. le député de Laurier-Dorion. Il a dit qu'il devait s'abstenir de prêter des motifs et, souvent, on intervient en rappel au règlement sur cette question-là. J'aimerais vous préciser que ce sont des motifs indignes qu'on ne peut pas imputer. Je ne voudrais pas que les parlementaires s'imaginent que des motifs nobles pourraient être empêchés, si vous voulez. Alors, j'invite même, au contraire, les membres de cette Assemblée à prêter à leurs collègues de nobles motifs. Oui, M. le député.

M. Sirros: Je m'apprêtais à suggérer que, peut-être, une des motivations, c'était de ne pas avoir le souci de la démocratie qu'il faut avoir. Est-ce que ça aurait été permissible?

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, là, ça aurait été un peu... Vous avez bien fait de ne pas le faire, M. le député de Laurier-Dorion. Ha, ha, ha! Alors, simplement, je voulais signaler cela, là. Souvent, on se lève, on peut prêter des motifs, mais tout dépend de la nature des motifs: des motifs indignes. Alors, j'invite les membres de l'Assemblée à tenir compte de cet aspect du règlement.

Alors, je vais reconnaître maintenant M. le député de Pointe-aux-Trembles. M. le député, je vous cède la parole.


M. Michel Bourdon

M. Bourdon: Alors, M. le Président, j'ai écouté les efforts laborieux que le député de Laurier-Dorion a faits pour dire du mal d'un projet de loi qui vise une seule chose: que seuls les citoyens ayant le droit de voter votent. Maintenant, comme c'est l'habitude depuis le début de la fin de session, on nous dit que le gouvernement intervient à la hâte. Je voudrais rappeler au député de Laurier-Dorion et à ses cinq collègues présents en Chambre, de même qu'à mes 20 collègues qui sont présents...

M. Lefebvre: M. le Président, question de règlement. Question de règlement, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le leader adjoint du gouvernement, question de règlement.

M. Lefebvre: M. le Président, c'est vous ou votre collègue, ce matin, qui nous avez encore rappelé, à ceux et celles qui étaient présents à l'intérieur de l'Assemblée, qu'on ne peut pas faire référence au fait qu'il y a des parlementaires absents. On ne peut pas le faire ni directement, ni indirectement, M. le Président. Et je rappelle ce que je disais à ce moment-là: On peut être ailleurs qu'à l'Assemblée, à l'intérieur du Parlement, et, entre autres, à des commissions parlementaires. Et ça vaut pour les collègues des deux côtés de l'Assemblée, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, M. leader adjoint du gouvernement.

M. Boisclair: Sur la question de règlement, M. le Président, je ne peux qu'appuyer entièrement les propos du leader adjoint de l'opposition officielle. Je pense que les membres de cette Assemblée ont tous intérêt à bien respecter le règlement.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, j'appuie tout à fait ces interprétations de nos deux leaders. C'est un peu un «gentlemen's agreement», pour parler un langage que tout le monde comprend. Alors, M. le député de Pointe-aux-Trembles, je vous cède la parole.

M. Bourdon: Alors, M. le Président, mon intention n'était pas de dire du mal des absents, mais de saluer les présents.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bourdon: Alors, M. le Président, j'ai lu, parce que je l'avais dans mon pupitre il y a un an, un rapport très bien fait du Directeur général des élections sur une liste électorale permanente et informatisée. C'était sous l'ancien gouvernement libéral. Pourquoi on le fait maintenant? C'est parce qu'ils ne l'ont pas fait il y a un an. C'est la seule raison. Il s'agit, par ce projet de loi, de dire que les citoyens vont être inscrits sur la liste et qu'on va cesser d'utiliser une méthode du Moyen Âge pour faire le recensement. On est à l'ère de l'informatique et il est relativement facile d'établir une liste fiable sur laquelle on va placer uniquement les personnes qui ont le droit de vote.

À cet égard, M. le Président, je voudrais rappeler des souvenirs. En 1989, une personne que je connaissais était dans l'immeuble, en banlieue de Montréal, et son patron lui a demandé de fournir la liste des 300 condos invendus dans cette localité de banlieue. Elle lui a demandé pourquoi, puis il lui a dit candidement: C'est qu'il y a un parti politique – je ne le nommerai pas, ce n'est pas le mien – qui voulait faire voter des gens à la place et au lieu des personnes qui n'avaient pas encore acheté les condos. Nos amis d'en face ont à cet égard une longue tradition de faire voter des personnes absentes. Et le projet de loi...

M. Lefebvre: Question de règlement, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le leader adjoint de l'opposition.

M. Lefebvre: M. le Président, je suis extrêmement déçu d'entendre de tels propos. À date, sauf dans de très rares exceptions, on avait eu droit à un débat qui s'adressait à l'intelligence des parlementaires. Évidemment, on vient de changer de ton avec le commencement de l'intervention du député de Pointe-aux-Trembles. Il n'a pas le droit, d'aucune façon – puis il trouve ça drôle; il m'écoute, là, et il trouve ça drôle, M. le Président – d'imputer des motifs indignes à un parlementaire de cette Chambre. Parce que, vous savez, on est très mal placé, de ce côté-là, lorsqu'on veut faire référence à ce qui s'est...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Bon! M. le leader, il ne faut pas que vous tombiez dans le péché que vous dénoncez, dans la faute que vous dénoncez, non plus. Alors, je vous demanderais, effectivement, d'essayer de vous en tenir à des faits et à des opinions, mais non pas d'imputer des motifs indignes à quelque autre membre de cette Assemblée. C'est la règle, si vous voulez. Alors, je vous invite à vous y tenir, s'il vous plaît. M. le député de Pointe-aux-Trembles.

M. Bourdon: Alors, M. le Président, il y a une partie de l'intelligence qui s'appelle la mémoire et je faisais appel à la mémoire des membres de mon groupe parlementaire. En matière d'inscription sur les listes, on en a vu des vertes et des pas mûres. Et surtout, M. le Président, c'est que ça n'a pas de bon sens d'avoir un système où on sonne aux portes pour dire: Qui êtes-vous? Puis, à l'occasion, on peut le leur demander trois fois dans le même mois – une fois pour l'élection québécoise, une fois pour l'élection municipale et une fois pour l'élection scolaire – alors que l'État a dans ses registres les noms et adresses de toutes les personnes habiles à voter. C'est assez simple de faire ça. Et la loi actuelle, qui est par ailleurs exemplaire, comporte des trous. C'est ainsi que, si un citoyen inscrit sur la liste est victime d'un télégraphe – le nom le plus français, c'est «supposition de personne» – on l'assermente et il vote.

Je voudrais aussi dire, M. le Président, que la liste électorale permanente va être valable pour les élections québécoises, les élections municipales et les élections scolaires. Donc, une économie considérable, mais aussi plus de démocratie. On sait qu'à la CECM, à la dernière élection, 30 000 personnes n'avaient pas été inscrites sur les listes. Ça commence à être du monde! À la commission scolaire Jérôme-Le Royer, dans la municipalité de Saint-Léonard, les élections scolaires se sont tenues dans des circonstances scandaleuses. Il y avait des attroupements à la porte des écoles. On intimidait les gens qui entraient dans l'école. Après une personne présumée pas du bon bord de l'administration sortante de la commission scolaire Jérôme-Le Royer, on faisait signe: deux! puis deux personnes pas inscrites sur les listes allaient s'assermenter pour voter pour plus qu'annuler le vote de la personne qui n'était pas du bon bord qui était venue voter.

(16 h 10)

On croyait que c'était réservé, ces méthodes, à Maurice Duplessis et aux années cinquante où nos amis d'en face avaient combattu avec énergie contre ces moyens de détourner la volonté populaire. Voilà qu'aujourd'hui on nous dit: Pas maintenant, ce n'était pas le temps l'année passée, ce n'est pas le temps cette année, ce ne sera pas le temps l'année prochaine. Il me semble qu'on peut, d'une part, économiser des fonds publics considérables en faisant le recensement avec les moyens modernes dont nous disposons.

J'écoutais, ce matin, un orateur dire: La personne qui s'inscrit à la Régie de l'assurance-maladie n'a pas autorisé d'avance de communiquer son nom au Directeur général des élections. Vous me permettrez de trouver que c'est un raccourci. Aller chercher le nom dans un fichier qui est le plus complet, ce serait une intrusion dans la vie privée, mais aller cogner à la porte pour dire: Qui êtes-vous? ça, ce n'est pas une intrusion dans la vie privée.

En commission parlementaire, on aura l'occasion de répondre aux objections sérieuses que le Protecteur du citoyen, la Commission d'accès à l'information et la Commission des droits de la personne ont faites. Ces organismes jouent un rôle de chien de garde. Ils font toujours une analyse de tous les projets de loi de tous les gouvernements, parce qu'il faut ici, en cette Chambre, être soucieux des droits des citoyens, et je pense qu'ils vont être entendus. Mais, à cet égard-là, M. le Président, je trouve que, cette année, si on me permet, parce que j'ai cinq années d'expérience, l'opposition «filibuste» bien de bonne heure. D'habitude, ça se fait en commission parlementaire, mais, là, ils sont survoltés et ils en sont à attaquer la légitimité de quoi que ce soit que ce gouvernement fait. On veut une liste électorale honnête où les gens vont être inscrits facilement, puis qui va faire en sorte que certains abus vont pouvoir être réprimés.

L'autre aspect, M. le Président, il faudrait quand même parler de l'élection de 1989. Le gouvernement libéral a déclenché l'élection en plein été. Dans une ville comme Montréal, les étudiants universitaires étaient partis chez eux. Alors, à cet égard-là, on estime qu'en 1989 il y a à peu près 20 000 étudiants universitaires qui n'ont été inscrits nulle part, parce que le recensement date du Moyen Âge. C'est l'idée que, pour connaître une personne, l'État doit cogner à sa porte, alors que tous les citoyens ont leur nom dans le fichier, notamment, de la Régie de l'assurance-maladie. En 1989, c'est 20 000 étudiants qui n'ont pas voté sur l'île de Montréal. Les libéraux avaient pris et ont maintenu l'habitude de déclencher les élections l'été dans l'espoir que le moins de monde possible vote. Alors, c'est ça, et dans le système actuel, M. le Président, n'importe qui peut inscrire n'importe qui. Les recenseurs qui arrivent à la porte, si on dit qu'on a trois chambreurs, ils sont tenus de les inscrire tous les trois.

J'ai entendu un orateur de l'autre côté, hier, parler de la question de la citoyenneté. C'est bien sûr qu'en l'absence d'autres moyens de contrôle un parti politique qui appréhende que des personnes n'ayant pas la citoyenneté ont voté en est réduit à y aller sur la base de l'orthographe du nom de chaque personne, alors que l'État a des moyens de vérifier si on remplit la condition sine qua non pour voter à une élection d'avoir la citoyenneté canadienne.

L'autre aspect, M. le Président, c'est que, dans le système actuel, on vote où on veut. On l'a bien vu à la dernière élection, alors que, dans Bertrand, des personnes, dont on soupçonne fort qu'elles n'avaient pas leur résidence principale dans Bertrand, sont venues voter en masse. Les tribunaux sont...

M. Lefebvre: Question de règlement, M. le Président. Question de règlement, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le leader adjoint de l'opposition.

M. Lefebvre: M. le Président, volontairement, malicieusement, contre toutes les règles...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Excusez, monsieur. C'est bien, mais, M. le leader, vous ne pouvez pas, non plus, prêter des motifs indignes. Vous dites «malicieusement». Alors, ce n'est pas plus permis, du fait qu'on soulève une question de règlement, de...

M. Lefebvre: ...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Oui, très bien, vous pouvez poursuivre.

M. Lefebvre: De deux choses l'une, M. le Président: ou le député de Pointe-aux-Trembles est complètement ignorant de ce qui se passe...

M. Boisclair: M. le Président...

M. Lefebvre: Un instant!

M. Boisclair: ...question de règlement. Question de règlement sur...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Non. Il y a une question de règlement, on va l'entendre d'abord. Non. Une minute, s'il vous plaît! Je vais voir tout d'abord sa question...

M. Boisclair: ...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Monsieur, s'il vous plaît, asseyez-vous. C'est une question de règlement; il faut commencer par entendre ce qu'il veut nous dire sur ce point de règlement avant de vous lever. M. le leader adjoint de l'opposition.

M. Lefebvre: M. le Président, de deux choses l'une: ou le député de Pointe-aux-Trembles est complètement ignorant de ce qui se passe au Québec ou encore il est malicieux dans son intervention lorsqu'il fait...

M. Boisclair: M. le Président, question de règlement.

Le Vice-Président (M. Brouillet): S'il vous plaît! Non, j'aimerais simplement que vous fassiez d'abord allusion à l'article en question. Ce serait plus facile en partant par l'article.

M. Lefebvre: 35.3°

Le Vice-Président (M. Brouillet): 35.3°. Alors, sur 35.3°, s'il vous plaît.

M. Lefebvre: M. le Président, on ne peut d'aucune façon faire référence à une affaire qui est pendante devant les tribunaux. C'est aussi simple que ça, mon point. Et ce n'est pas vrai que le député de Pointe-aux-Trembles ne connaît pas l'existence de cette règle-là. Puis ce n'est pas vrai, non plus, qu'il n'est pas...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Écoutez, j'admets votre première partie d'argumentation. Effectivement, cette question-là, à ma connaissance, est sub judice. Alors, on va se dispenser d'en discuter et d'en parler, s'il vous plaît.

M. Boisclair: M. le Président, sur une question de règlement.

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le leader du gouvernement.

M. Boisclair: M. le Président, tout en partageant l'argumentation du leader adjoint de l'opposition, qui soulève une disposition sur 35.3° et nous le rappelle, je pense que vous avez rendu une décision que je ne conteste d'aucune façon et je suis convaincu que le député va s'y soumettre. Cependant, pour l'avenir, lorsque le leader adjoint est intervenu, il l'a fait d'une façon qui n'était pas conforme au règlement et c'est pour ça, M. le Président, que je me suis levé.

M. Lefebvre: Question de règlement, M. le Président. Question de règlement, M. le Président!

M. Boisclair: Vous allez me laisser finir, là.

M. Lefebvre: Question de règlement!

Le Vice-Président (M. Brouillet): Après. On verra après, si vous voulez. Terminez, là.

M. Boisclair: Ce que je veux, tout simplement, rappeler, M. le Président, à l'ensemble des membres de cette Assemblée, ce sont les dispositions de l'article 39 de notre règlement que j'aimerais partager avec tous ceux qui sont ici aujourd'hui: «Un député peut, à tout moment, signaler une violation du règlement.» C'est ce que le leader adjoint de l'opposition a fait tout à l'heure. «Il doit le faire avec diligence, en mentionnant l'article du règlement qu'il invoque et en limitant son exposé strictement au point soulevé.» C'est pour cette raison que je me suis levé, tout à l'heure, sur une question de règlement alors que le leader adjoint de l'opposition le faisait. Et je veux, tout simplement, vous soumettre que, lorsqu'on invoque une question de règlement, chaque membre de cette Assemblée a le droit de le faire, mais il doit le faire en respectant les dispositions de l'article 39 du règlement.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie d'avoir répété ce que j'ai dit tantôt; ça va permettre aux gens de bien saisir l'article. C'est en plein ce que j'ai dit à M. le leader de l'opposition quand je me suis levé. Alors, c'est toujours préférable de signaler, tout d'abord, l'article, et c'est ce que j'ai indiqué au leader adjoint de l'opposition. Alors, M. le député de Pointe-aux-Trembles.

M. Bourdon: M. le Président, le système actuel permet à une personne qui a sa résidence habituelle dans un comté d'aller voter dans un autre comté. Il est facile, avec ce qui est devant nous, de faire en sorte que les gens votent où ils ont leur résidence habituelle. Et, dans le fond, c'est l'intégrité du processus qui est en cause. L'énumération par porte-à-porte date d'un autre âge. L'État détient des renseignements qui n'ont pas un caractère confidentiel, des renseignements à l'effet que telle personne habite tel endroit, et peut ainsi faire une liste fiable, honnête, intègre. À cet égard, si on veut savoir s'il y a eu des inscriptions abusives – et je termine là-dessus, M. le Président – on n'aura qu'à comparer le nombre total d'électeurs qui auront été inscrits selon cette méthode avec le nombre total d'électeurs inscrits au 12 septembre dernier. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je remercie M. le député de Pointe-aux-Trembles. Je vais reconnaître M. le député de Papineau. M. le député, je vous cède la parole.


M. Norman MacMillan

M. MacMillan: Merci, M. le Président. J'aimerais mentionner au député de Pointe-aux-Trembles que, jusqu'à un certain point, vous avez peut-être raison, mais, comme on dit en anglais: «You have to practice what you preach». C'est qu'on connaît des personnes qui étaient sur la liste, qui n'avaient pas leur citoyenneté canadienne. Alors, il faut vraiment, peut-être, ne pas mettre tous les points que vous avez mis sur la table, M. le député de Pointe-aux-Trembles, parce que je pense qu'on a, dans ce débat-ci, respecté vos idées, de votre côté, sans attaquer personne.

(16 h 20)

On se demande, de ce côté-ci de la Chambre, M. le Président, l'urgence d'apporter le projet de loi 40 qui est présenté par le gouvernement et d'éliminer le recensement des électeurs pour le remplacer par une liste électorale permanente informatisée. Le recensement que je me rappelle qu'on fait et que nos organisations surveillent durant une campagne électorale, c'est une certaine incitation aux gens à aller voter à l'élection, comme on vient de la passer le 12 septembre. Dans le comté de Papineau, au-delà de 81 % des gens ont été voter grâce aux deux organisations qui incitent les gens à voter. Mais l'intérêt est certainement causé par ces gens-là qui vont cogner aux portes, comme le député de Pointe-aux-Trembles vient de le mentionner. Ça leur montre que, oui, il y a une élection qui s'en vient, oui, ils ont le droit de voter, et ça leur indique aussi à quel endroit ils ont le droit de voter. Alors, c'est un point important.

Il ne faudrait pas tout de suite dire que, le recensement, on devrait mettre ça de côté complètement. Ce serait un point dans les rencontres où on pourra entendre les gens en commission parlementaire, les experts. On pourrait discuter avec ces gens-là pour peut-être l'améliorer, peut-être changer la manière de faire le recensement, peut-être faire le recensement dans les quatre semaines, dans les 32, 33 ou 34 jours qu'on a de campagne électorale. Je suis complètement d'accord d'avoir une campagne électorale de 32, 33 jours. Je suis d'accord avec ça. Mais peut-être que, dans ce temps-là, dans les deux semaines, pendant que, nous, les candidats de chaque parti, nous promenons dans leur comté, nous les rencontrons dans des assemblées de cuisine, nous incitons les gens... On parle de notre programme. Les gens de l'autre côté parlent aussi de leur programme. Pourquoi on n'aurait pas, quand même, le recensement dans ces 32, 33, 34 jours d'une campagne électorale?

Je crois fermement, M. le Président, que le recensement devrait peut-être demeurer. C'est un contact direct. À chaque porte de chacun de nos comtés, c'est une incitation à amener les gens, les Québécois et Québécoises, à voter. Et il y a les deux partis, notre côté, l'autre côté, qui sont représentés ensemble, qui cognent à la porte ensemble, qui font la liste. Ça pourrait être changé, peut-être. Peut-être que les gens qui sont à la maison devraient être présents. On parlait tantôt des gens qui demeurent ou des gens qui sont là en location, en chambre. Peut-être que les recenseurs, des deux côtés et même des trois avec le nouveau parti, pourraient inciter ces gens-là à se mettre sur la liste électorale, mais toujours dans le temps qui est alloué, dans les 32, 33, 34 jours. C'est peut-être à regarder.

On suggère des rencontres avec les experts, des rencontres dans nos régions, la Communauté urbaine de l'Outaouais, par exemple. Les MRC devraient absolument être rencontrées pour trouver la solution et le changement que vous voulez apporter avec ce projet de loi là. Le droit des citoyens, tout le monde l'a mentionné. Tout le monde a mentionné, des deux côtés de cette Chambre, comment important c'était de donner le droit aux gens de voter pour le parti, le chef, la personne qui les représente dans chacun des comtés et, à chaque élection, de choisir la meilleure personne qui devrait les représenter.

C'est quoi, l'urgence d'amener ça immédiatement, juste avant, peut-être, le référendum qui s'en vient? Pourquoi? On veut cacher quoi? On veut empêcher des gens de voter en faisant ça d'une vapeur...

M. Boisclair: Question de règlement.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, M. le leader adjoint du gouvernement.


Question de règlement du leader adjoint du gouvernement


M. André Boisclair

M. Boisclair: En vertu des dispositions de l'article 35.3°, M. le Président, le député sait fort bien qu'il ne peut imputer des motifs indignes à des députés et, si ce n'est pas prêter des motifs indignes que de croire que des gens du gouvernement et que les députés ministériels veulent empêcher des gens de voter, je me demande de quelle façon il faudrait bien définir les motifs indignes. Et, pour cette raison, je vous demanderais de demander au député de retirer ses paroles.

M. Lefebvre: M. le Président...

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Bon, enfin, oui, je peux la rendre tout de suite. Effectivement, dans notre démocratie, les valeurs démocratiques tiennent tellement à coeur à tous les gens qui sont ici, et c'est une valeur tellement importante que remettre en question l'intention démocratique d'un membre de cette Chambre peut me paraître assez près de l'indignité. Alors, je vous inviterais, s'il vous plaît, à éviter de remettre en question les intentions démocratiques des membres de cette Assemblée.

M. Lefebvre: M. le Président, sur la question de règlement, là, je m'excuse, là...

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le leader adjoint de l'opposition.

M. Lefebvre: M. le Président, d'aucune façon le député de Papineau, dans la dernière partie de son intervention, n'a pointé un parlementaire de cette Chambre. Je ne comprends pas l'interprétation que le député de Gouin donne aux propos de mon collègue. Si lui pense autre chose que ce que le député de Papineau a bien voulu dire, c'est son problème. Jamais, d'aucune façon, le propos de mon collègue ne visait à pointer un parlementaire de cette Chambre, de sorte qu'il n'a pas à retirer ou à corriger son propos, M. le Président.

M. Boisclair: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le leader du gouvernement.

M. Boisclair: M. le Président, vous savez très bien que celui qui a la parole n'est pas obligé de viser spécifiquement un individu. Ce que je reproche au député, c'est d'avoir visé l'ensemble des membres ministériels qui déposent ce projet de loi. Il nous impute des motifs indignes en laissant croire que nous, de ce côté-ci de cette Chambre, voulons priver des Québécois et des Québécoises de leur droit de vote. Cette allégation et cette accusation sont suffisamment graves pour que vous lui demandiez de retirer ses paroles, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, écoutez, dans la mesure où vous avez, effectivement, désigné un groupe en particulier, dans cette mesure-là, je vous demanderais, si vous voulez, enfin, de retirer ces paroles quant à l'intention non démocratique, si vous voulez, ou antidémocratique à l'égard d'un geste posé par un groupe dans cette Assemblée.

M. Lefebvre: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, M. le...

M. Lefebvre: Je m'excuse, M. le Président...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Votre dernière intervention, s'il vous plaît.

M. Lefebvre: Oui, M. le Président. Je m'excuse, M. le Président. D'aucune façon – et, s'il faut suspendre et réécouter ce que mon collègue a dit, M. le Président, on va le faire – les propos...

Une voix: ...

M. Lefebvre: Non, non! M. le Président...

M. Boisclair: Question de règlement, M. le Président. Vous avez rendu une décision. Le député ne peut pas se lever, il ne peut pas contester votre décision.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Écoutez, ça, c'est à moi à en décider, à un moment donné, là.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Vice-Président (M. Brouillet): Écoutez, là, laissez-moi au moins ce pouvoir, cette possibilité, à l'égard de mes propres décisions.

M. MacMillan: M. le Président, je m'excuse, mais les propos que le leader adjoint du gouvernement a mentionnés, je n'ai jamais dit ça. Si j'avais dit ça, ça me ferait plaisir de retirer ces paroles-là, mais j'ai parlé de l'urgence du débat qu'on a sur notre table, pourquoi, pourquoi on veut faire ça le plus vite possible, sans avoir une commission parlementaire. C'est ça que j'ai mentionné. Je n'ai pas accusé des deux bords; j'ai mentionné...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, vous être d'accord pour dire que, si vous l'avez dit, vous retirez vos paroles. C'est bien ça?

M. MacMillan: M. le Président, je ne l'ai pas dit; donc, je ne retire rien.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, si vous ne l'avez pas dit – on pourra vérifier par la suite – vous resterez avec votre affirmation, là. Nous allons voir un peu plus tard. Mais, écoutez, je ne crois pas que... Il faudrait suspendre et aller vérifier le texte. Alors, si la seule façon, si vous voulez, de s'en sortir est de suspendre, alors je vais suspendre et nous allons vérifier le texte. Alors, je suspends pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 16 h 29)

(Reprise à 16 h 33)


Décision du président sur la question de règlement

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'ordre, s'il vous plaît!

Veuillez bien vous asseoir.

Nous avons entendu, à nouveau, le vidéo et tout, et il est bien dit ici: C'est quoi, l'urgence? On veut cacher quoi? Qu'est-ce qu'on veut cacher? On veut empêcher les gens de voter.

Alors, c'est évident que le contexte s'adressait aux membres de la majorité en cette Chambre. Et c'est bien ce qui a été dit: On veut empêcher les gens de voter. Pourquoi l'urgence?

C'est évident que c'est l'urgence du projet de loi qu'on présente, et tout. Alors, je crois qu'il y a eu là, vraiment, l'imputation de motifs indignes au groupe parlementaire majoritaire. Alors, s'il vous plaît, je veux... Une directive?

M. Lefebvre: M. le Président, évidemment, je suis d'accord avec l'interprétation donnée à mon collègue tout à l'heure. On ne peut pas discuter une décision de la présidence; c'est textuellement ce qu'on dit à 41, deuxième paragraphe. Mais on peut demander une explication sur la décision. Parce que, à chaque fois que vous rendez une décision, M. le Président, ça fait jurisprudence. Bon.

Alors, ce que je veux savoir: Est-ce que, M. le Président, je dois comprendre que vous interprétez les propos de mon collègue pour rendre votre décision? Vous ne prenez pas, autrement dit, le verbatim, vous l'interprétez? C'est ce que je veux comprendre, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Il y a toujours une interprétation quand on lit un texte. Et, le contexte du texte nous permet d'interpréter le texte; et, le contexte, c'est que ça s'adressait aux membres de la majorité parlementaire en Chambre. Il n'y a pas, si vous voulez, d'ambiguïté sur ce point-là. Alors, à ce moment-là, quand on dit: «On veut empêcher des gens de voter», c'est prêter une intention au groupe parlementaire majoritaire en cette Chambre. C'est le contexte qui l'impose, cette interprétation-là.

Alors, M. le député de Papineau, simplement, si vous voulez retirer ces paroles.

M. MacMillan: ...interprétation, M. le Président. «On» peut dire beaucoup de monde, pas seulement les gens qui sont ici – je m'excuse. Mais, en tout cas, je vais les retirer, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Merci.

M. MacMillan: Pour le bien du débat.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Merci bien.


M. Norman MacMillan (suite)

M. MacMillan: Alors, après avoir été interrompu aussi brusquement par le leader adjoint du gouvernement, je veux quand même revenir sur un point qui, pour moi, est très important dans ce débat-là: c'est le droit des électeurs et électrices, des citoyens et citoyennes du Québec, qui doivent avoir le choix, eux-mêmes, de participer à l'élection ou un à référendum, quoi que ce soit.

Et, je le répète, M. le Président, je pense clairement que le recensement est vraiment une incitation à avoir une liste électorale, peut-être permanente, mais qu'il y ait un recensement qui devrait être fait – je ne sais pas – une fois par année, par les gens, des deux côtés de la Chambre, les représentants de chacun de nos partis. Et je pense que c'est important, que ça peut être fait dans ce sens-là.

Mais il est nécessaire, M. le Président, d'entendre en commission parlementaire les commentaires des personnes et organismes intéressés à ce projet de loi. Et, parlant de ma région, les MRC de ma région, de tout l'Outaouais, MRC de Papineau, MRC des Collines-de-la-Gatineau, MRC de La Vallée-de-la-Gatineau et de Pontiac, et la CUO, la Communauté urbaine de l'Outaouais, eux aussi, les municipalités, les commissions scolaires, eux devraient avoir le droit de venir ici rencontrer la commission parlementaire pour émettre une opinion. Une opinion: Oui au changement! Oui, des périodes électorales qui durent 65 jours, ou 62 jours, c'est trop! Et tout le monde, je suis certain que chaque côté de la Chambre, est d'accord avec ça. À un moment donné, après quatre ou cinq semaines, les gens se répètent, c'est les mêmes promesses, les mêmes personnes qui les disent. Alors, les gens viennent... Je pense qu'après quatre semaines c'est le temps de donner une chance aux gens d'aller au vote, et je pense que tout le monde est d'accord avec ça.

Mais, l'urgence, c'est la question qu'on se pose: Pourquoi pas une commission parlementaire? Se donner trois, quatre mois, cinq mois, même six mois s'il le faut, pour vraiment avoir un projet de loi sur lequel toute la population du Québec aurait un mot à dire par ses intervenants, qui sont les élus: les maires, les conseillers, les commissions scolaires, les commissaires, les préfets. Nous devons, et c'est notre devoir, inviter ces gens-là, M. le Président, à venir émettre leur opinion.

M. le Président, de notre côté, nous estimons qu'une loi aussi importante que celle-là, surtout que le gouvernement l'interprète comme étant un projet de réforme électorale majeure... S'il veut demeurer dans cette logique, nous lui demandons, au gouvernement: Pourquoi adopter cette législation-là immédiatement? Pourquoi ne pas rencontrer les gens dans chacun de nos comtés, des régions, ici, à Québec, ou aller dans la région pour les entendre? Nous voulons prendre le temps nécessaire, M. le Président, pour étudier le fond de cette mesure qui va changer toutes nos habitudes électorales.

Depuis que le gouvernement a été élu, il propose régulièrement des mesures qui nécessitent beaucoup de temps et d'énergie pour en mesurer les impacts sur l'ensemble de la société québécoise, mais qu'il désire voir adoptées au plus vite. Lorsque le gouvernement a soumis sa Loi sur la souveraineté du Québec, M. le Président, c'est à se demander s'il ne souhaitait pas qu'elle soit adoptée une heure après sa présentation, comme mon collègue de Gatineau l'a mentionné tantôt. On désire bouleverser, on désire avancer le plus rapidement possible. Depuis le 12 septembre, ce gouvernement se dit avoir obtenu un mandat illimité. L'opposition libérale a quand même, suite à l'élection, avec le nombre de députés qui sont ici, en Chambre, une proportion qui... On doit demander au gouvernement de vraiment analyser à fond le débat du projet de loi qui a été présenté sur cette table.

(16 h 40)

Nous devons aussi donner la chance à tout le monde du changement de cette loi, et, cette loi-là, on en a besoin. Je pense que, essentiellement, des deux côtés de la Chambre, on veut avoir des changements pour notre future campagne électorale ou le référendum. Oui, mais pourquoi cette urgence? C'est la question qu'on se pose. Pourquoi il n'y a pas de commission parlementaire? Pourquoi on ne donne pas la chance à tout le monde de venir rencontrer ici la commission parlementaire? C'est important, M. le Président.

Alors, nous lui demandons de faire preuve de prudence, de finesse et de cesser d'user uniquement de procédés astucieux pour tenter de prouver une force dont il ne détient pas la véritable racine. La force de tout gouvernement, M. le Président, quels que soient les résultats de l'élection obtenus le soir du vote, se retrouve dans cet art de gérer une démocratie. La vraie force d'un gouvernement, c'est cette capacité d'obtenir des consensus avec tous les partenaires de l'État québécois.

Parmi les points à vérifier, M. le Président, il y a cette indication à l'effet que le Directeur général des élections pourra mettre à jour la liste électorale à partir des registres d'adresses de n'importe quel organisme gouvernemental. On cite, par exemple, la Société de l'assurance automobile, avec laquelle, d'ailleurs, le Directeur général des élections prendra entente conformément à la loi sur l'accès à l'information. La loi précise qu'il ne pourra, à son tour, transmettre à un tiers des renseignements obtenus sans le consentement de l'électeur concerné. De notre côté, nous voulons être sûrs que la loi protégera entièrement le citoyen. Le citoyen a des droits, dans une société libre et démocratique comme la nôtre.

Le Directeur général des élections n'aura accès qu'aux renseignements dont il a besoin pour dresser la liste électorale permanente et non pas, par exemple, aux dossiers médicaux. Pour leur part, les municipalités seront responsables de l'inscription à la liste électorale des propriétaires et des commerçants. Ces modifications à la loi sont importantes. Il s'agit, en effet, d'un virage majeur. Mais, en bout de piste, c'est le droit de l'électeur d'être inscrit sur une liste électorale qui importe d'abord et avant tout. D'un autre côté, je reviens sur cette notion du droit à la vie privée des citoyens. Il ne faut en aucun cas ériger un système qui fasse en sorte qu'on puisse, un jour ou l'autre, jouer avec les informations relatives à la vie des citoyens. Or, pour effectuer une telle étude, l'opposition officielle aura besoin de temps, de beaucoup de temps, comme je le mentionnais tantôt, ainsi que des avis d'organismes du milieu pour vérifier les tenants et aboutissants des modifications proposées par le gouvernement.

Enfin, M. le Président, il est évident que le gouvernement du Québec cherche à tout faire pour que le processus de cette liste électorale permanente soit mis en vigueur pour le référendum qui s'en vient. De notre côté, nous disons que, si une étude approfondie s'impose et que nous devions prendre le temps nécessaire pour étudier les tenants et aboutissants d'une telle législation, nous ne voyons pas pourquoi ce tel processus n'entrerait pas en vigueur pour le prochain référendum. D'ailleurs, si le gouvernement respecte son engagement de tenir le référendum en 1995, on devra se servir de la liste du 12 septembre dernier.

Je veux vous mentionner encore une fois que, au 12 septembre, je pense que la moyenne des gens qui ont voté, exemple, dans mon comté était de 81 % et la moyenne du Québec était de 78 %, 79 %. Alors, il y a quand même quelque chose de bon dans le système qui existe actuellement. Il est important, et je me répète, il est important de dire que, dans ce recensement qui est fait actuellement, il y a quelque chose de bon. Il y a vraiment quelque chose de bon dans ce recensement-là s'il y a 81 % des gens qui ont voté à la dernière élection dans le comté de Papineau. Alors, nous devons absolument regarder tous ces points positifs, des points importants, pour remplacer et avoir une liste électorale permanente.

M. le Président, avant de terminer, j'aimerais mentionner un article qui est passé cette semaine et qui a été écrit, dans Le Devoir , par Gilles Lesage. Je pense qu'il est très important de, peut-être, terminer et de laisser le message aux gens ici de l'importance d'avoir une commission parlementaire et de prendre le temps voulu de faire une réforme électorale de a à z, mais le faire bien et le faire avec tous les intervenants de notre société.

Alors, M. Lesage termine son article en disant: «Il n'en reste pas moins que la hâte et la précipitation du ministre Guy Chevrette ne sont nullement appropriées à l'étude sereine et ordonnée d'un projet, en apparence anodin, qui touche à des questions fondamentales. De part et d'autre, hélas, la campagne référendaire est déjà en cours et obnubile tout le débat. La fatigue aidant, il n'en sortira rien de valable et de durable. Il vaudrait mieux prendre congé pour les fêtes – et je répète, il vaudrait mieux prendre congé pour les fêtes – entendre tous les intéressés durant l'hiver, en toute quiétude, et procéder normalement par la suite aux autres étapes parlementaires.»

Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M. le député de Papineau. Je suis maintenant prêt à céder la parole à un autre intervenant. Alors, je reconnais M. le député d'Argenteuil, et je vous cède la parole, M. le député, en vous rappelant que vous avez un temps de parole de 20 minutes. À vous la parole, M. le député.

M. Beaudet: M. le Président, je dois noter que, comme mes confrères de l'autre côté, à leur nombre de 15 ou 16, n'interviennent pas, je vais me lever pour le faire.

Le Vice-Président (M. Bélanger): M. le député d'Argenteuil, vous ne pouvez passer de commentaires sur le nombre de députés ni sur les absents ou les présents. Je vous demanderais de commencer immédiatement votre intervention.

M. Lefebvre: M. le Président, j'aimerais avoir une... C'est une question de directive, M. le Président. Tout à l'heure...

Le Vice-Président (M. Bélanger): M. le député... Pour une question de règlement, M. le leader adjoint de l'opposition? Alors, je vous reconnais pour une question de règlement.

M. Lefebvre: M. le Président, votre prédécesseur, tout à l'heure, a permis au député de Pointe-aux-Trembles de faire référence à ceux qui étaient là plutôt qu'à ceux qui étaient absents. Alors, c'est ce que le député d'Argenteuil vient de souligner: 15 députés sur 77, et il tenait à le dire, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Alors, j'ai donné mes recommandations et directives au député d'Argenteuil. Je vous demande, M. le député d'Argenteuil, de bien vouloir commencer votre exposé.


M. Régent L. Beaudet

M. Beaudet: J'ai bien pris note, M. le Président. Je me lève aujourd'hui pour parler sur la loi de l'établissement de la liste électorale permanente et modifiant la Loi électorale parce que je pense que c'est un élément essentiel dans notre vie de démocratie au Canada et au Québec.

Comme vous le savez, la liste électorale est très importante et c'est un droit fondamental que nous avons d'exercer notre droit de vote. Et il est important que tous et chacun aient au moins la chance d'être inscrits à cette liste.

D'avoir une liste permanente, je pense que c'est un avantage important, et ceci éliminera sûrement le recensement que nous faisons à répétition, que ce soit aux différents paliers de gouvernement, que ce soit le gouvernement provincial, municipal ou pour les commissions scolaires. Comme vous le savez, à ce moment-là, la liste électorale permanente pourrait être utilisée pour toute élection qui pourrait se tenir au Québec.

Par ailleurs, ce que nous notons actuellement, c'est l'importance de l'urgence que le côté parlementaire semble vouloir prêter à la nécessité de modifier cette loi le plus rapidement possible. À cause de l'importance de cette liste électorale et que tous et chacun qui y participent devraient avoir le droit d'intervenir et de faire remarquer leurs problèmes et leurs remarques importantes à ce sujet, je comprends mal, M. le Président, que l'on veuille aujourd'hui nous la faire passer tellement rapidement qu'on aura peu de temps pour y apporter des changements majeurs et importants.

Nous convenons tous, de ce côté-ci de la Chambre, avec nos confrères d'en face, et consoeurs, devrais-je dire, que ceci amènera une réduction de la campagne électorale et, tous, nous souhaitons une diminution de la campagne électorale. Pour en avoir vécu une il n'y a pas tellement longtemps, je pense que c'est fort souhaitable que la campagne électorale diminue.

(16 h 50)

Et je pense aussi que le contexte dans lequel mon confrère, M. le député de Papineau, a mentionné tantôt – l'importance du contact humain lors du recensement – ne devrait pas non plus être négligé, parce que ceci incite les gens à participer d'une façon très active au vote. Et je pense que la performance de la population du Québec, actuellement, avec sa participation au vote, probablement, revêt peu d'égal dans les autres démocraties que nous connaissons.

Par ailleurs, il me semble que d'avoir la liste permanente et informatisée s'adresse beaucoup plus à la mécanique. Et, comme le disait Gilles Lesage dans Le Devoir d'aujourd'hui: «Les modifications proposées par le gouvernement sont de nature mécanique, mais elles touchent à des questions vitales. [...] Le projet de loi risque de miner la confiance du public si le gouvernement s'obstine à mettre à jour la liste électorale à l'aide du registre de l'assurance-maladie.» Et j'y reviendrai.

Sans doute qu'il y aurait une économie importante en ayant une liste électorale permanente et informatisée, mais le but recherché dans une liste électorale ne doit pas être d'abord l'économie, mais surtout la participation de la population au vote. Et je pense que ceci est crucial dans notre démocratie.

Évidemment, nous avons vécu des fraudes électorales dans les années passées, et aussi cette année. Et cette mesure, possiblement – je dis bien «possiblement» – éviterait de telles difficultés à pouvoir fonctionner et éviterait aussi les problèmes que nous vivons en Chambre actuellement avec des situations du genre.

Vous comprendrez, M. le Président, que même la liste de la Régie de l'assurance-maladie du Québec contient de nombreuses erreurs. Et je ne suis sûrement pas le premier à soulever ce problème, où de nombreux étrangers viennent au Québec profiter de notre système d'assurance-maladie alors qu'ils n'y ont aucun droit. Et, malgré toutes les mesures que le gouvernement voudra bien prendre, il y aura toujours la possibilité qu'à l'intérieur de cette démarche se glissent des erreurs, et ceci, non pas en nombre négligeable, mais en nombre important. Et ça a été soulevé à de multiples reprises dans le passé, où nombre de citoyens n'étant pas du Québec, ne résidant pas au Québec, viennent profiter de nos systèmes sociaux. Alors, il faut quand même être prudent dans l'utilisation du fichier de la Régie de l'assurance-maladie du Québec.

Mais où je m'inquiète énormément de la situation actuelle dans le projet de loi, tel qu'il est mentionné, d'utiliser la RAMQ pour les fins de fichiers... Vous comprendrez que, lorsque les citoyens ont donné confidentiellement ces informations à la RAMQ, au début des années soixante-dix, ils l'ont fait en toute confiance avec les dirigeants du moment, parce qu'ils se sont fait dire clairement: Ces données, ces détails que vous nous donnez ne seront jamais transmis à personne, et nous respecterons la confidentialité. Or, nous savons que depuis ce temps il y a eu, à 16 reprises, des modifications à l'article 65, permettant à d'autres organismes gouvernementaux d'utiliser la liste de la Régie de l'assurance-maladie du Québec. Alors, quand on vient aujourd'hui nous dire que cette liste électorale sera confidentielle, vous me permettrez de soulever des doutes, parce que, dans 10 ans ou dans 15 ans, on modifiera l'article de loi permettant l'accès à d'autres organismes gouvernementaux pour la leur refiler et, à ce moment, on brisera, à nouveau, le lien de confiance et le lien de confidentialité, aussi, qui a été donné par le gouvernement à ce moment. Et je pense que cette situation-là n'est pas négligeable.

Vous savez, même si les secrets de 1970-1971 ont été conservés pendant quelques années, on les a bafoués littéralement depuis ce temps, et il ne faudrait pas qu'on en vienne à bafouer le même système de liste électorale unique, confidentielle, dans les années qui viennent.

Comme vous le savez, M. le Président, le droit de vote est quelque chose de particulier dans la démocratie, et c'est un des éléments les plus importants, auquel nous tenons. Mais il demeure une grande liberté où, même si les gens ont le droit de vote et que c'est un devoir pour eux de s'acquitter de ce droit de vote, il n'en reste pas moins que bon nombre de gens ne l'exercent pas.

Par ailleurs, le système actuel nous donne un rendement que peu de pays peuvent se targuer d'obtenir avec leur système de recensement. Actuellement, on nous demande de voter, M. le Président, sur le principe bien avant que nous puissions entendre tous les intervenants qui ont des questions ou des questionnements eu égard au texte de la loi tel qu'il est stipulé actuellement. C'est un peu comme celui qui entre chez les moines sans connaître les lois monacales. Et, lorsqu'il apprendra que, subitement, il doit se lever à 4 heures du matin, il va trouver ça un peu difficile.

Et je pense que, dans une situation telle que nous la vivons aujourd'hui, on veut nous faire accepter un principe avant de nous donner toutes les informations que nous désirons obtenir. Et aussi de permettre à tous les intervenants de venir exprimer leurs souhaits, leurs désirs quant à cette loi... Et je pense que c'est inacceptable de vouloir nous faire voter d'avance sur un principe avant de pouvoir en connaître tous les éléments.

Comme vous le savez, plusieurs commissions, plusieurs groupes ont demandé à intervenir auprès d'une commission ou auprès du gouvernement afin de faire valoir leur point. La Commission d'accès à l'information, elle aussi, a fait valoir son point par différents textes qu'elle a fait parvenir à différents intervenants. Et, là aussi, elle s'inquiète de façon très active, à savoir: qu'adviendra-t-il des renseignements qui auront été donnés à la Direction générale des élections?

Vous me permettrez, M. le Président, de soulever ma propre inquiétude quant au rôle du politique à l'intérieur de la liste électorale. Tel que le projet de loi est stipulé actuellement, la Régie de l'assurance-maladie devra fournir la liste de tout le fichier à la Direction générale des élections. Or, je n'ai pas à intervenir longuement pour vous faire comprendre que la Régie de l'assurance-maladie relève directement du ministre de la Santé et des Services sociaux. C'est une ingérence politique directe dans un processus dans lequel nous ne devons, en aucun temps, trouver une intervention politique, à quelque niveau que ce soit.

Je pense que, dans cette situation, le gouvernement doit trouver un autre mécanisme afin d'établir un fichier dans lequel aucun intervenant politique ne pourra venir s'immiscer. Je ne prête aucune intention au ministre de la Santé actuel, mais connaissant la nature humaine et sa faiblesse, ou ses faiblesses, devrais-je dire, personne ne peut me certifier aujourd'hui que, dans les années futures, il n'y aura pas une intervention politique directe à l'intérieur de ce mécanisme de transmission entre la Régie de l'assurance-maladie du Québec et la Direction générale des élections. Et, dans une telle situation, je pense qu'il est important que ce mécanisme de transfert soit révisé et que, ou le mécanisme est abandonné pour en trouver un autre, ou il y a un mécanisme par lequel le ministre, d'aucune façon, ne peut intervenir à l'intérieur de cette transmission d'information.

(17 heures)

Je comprends qu'on s'adresse surtout à la mécanique actuellement, et aussi à certains autres éléments tels que raccourcir la période électorale, s'assurer que les gens qui n'ont pas droit de vote ne puissent voter, et même que ceux qui ont droit de vote votent dans le comté où ils doivent le faire. Par ailleurs, M. le Président, la liste électorale partira d'un fondement qui a été celui qui nous a servi à l'élection du 12 septembre 1994. Je dois donc comprendre que ce n'était déjà pas si pire.

Dans le sens des modifications que nous demandons dans ce projet de loi, il m'apparaît primordial de protéger la confidentialité à l'égard de tous les citoyens du Québec. Ces gens ont confié, je dis bien «confié», les informations à la Régie de l'assurance-maladie en toute quiétude, avec l'assurance qu'on leur avait donnée, dès le début de la loi initiale de l'assurance-maladie, en 1970, que ces données seraient confidentielles. Aujourd'hui, 24 ans plus tard, bientôt 25 ans, ils apprennent que ça fait déjà 16 fois qu'on modifie la loi pour transmettre ces mêmes informations à d'autres organismes gouvernementaux.

Je pense que la population est en droit de s'inquiéter de l'orientation que pourront prendre dans l'avenir la liste électorale permanente et les différents organismes gouvernementaux auxquels le gouvernement pourra la transmettre. Et, dans une telle situation, il nous faut absolument, nous, en tant que parlementaires, trouver un mécanisme par lequel on pourra corriger une telle situation et prévenir de tels incidents.

On se doit aussi d'assurer le bon fonctionnement d'un système informatisé. Vous savez, M. le Président, pour l'avoir vécu personnellement, et sûrement d'autres l'ont vécu, l'informatisation d'une liste aussi importante que celle de tous les électeurs du Québec ne se fait pas du revers de main. C'est quelque chose qui prendra sûrement plusieurs mois, qui sera farci d'erreurs, initialement. Et je ne pense pas que, dans la pratique des choses, quel que soit le moment du référendum qui viendra dans l'année 1995, l'on soit en position d'utiliser la liste électorale permanente sur fichier informatique, tel que proposé actuellement par le gouvernement. Donc, je me questionne encore plus sur l'opportunité de l'urgence manifestée par nos amis d'en face.

Quant au coût, vous savez très bien que les 34 000 000 $ d'économie qu'on nous mentionne aujourd'hui vont probablement s'avérer un déficit majeur lorsqu'on aura comptabilisé toutes les dépenses et tous les équipements qui devront entrer en ligne de compte dans la mise en place d'une telle liste.

De plus, M. le Président, certains comtés, en particulier dans la région métropolitaine, certains comtés ont une fréquence de mouvement des électeurs importante. Il y a des comtés, en particulier à Montréal, qui ont jusqu'à 17 % de déménagement de tous les gens qui y demeurent dans une période d'une année.

Et vous comprendrez, en particulier les gens qui sont peu ou pas familiers avec nos modes de fonctionnement, notre mode de vie, notre culture, notre milieu, vont être très hésitants à venir nous informer de leurs va-et-vient, parce qu'ils n'y sont pas habitués. Et, pour eux, cette obligation d'aller informer de tous leurs mouvements, c'est comme un certain contrôle qu'ils ont peut-être connu dans leur pays d'origine et auquel ils ne veulent pas à nouveau se soumettre. D'où l'importance du contact personnel, lors des recensements, avec le système que nous avons. À demander à ces gens de venir se présenter spontanément pour nous transmettre leurs informations, je pense que nous allons dans l'avenir priver un grand nombre d'individus de notre population active, de notre population capable de voter, de leur droit le plus essentiel, leur droit le plus important, le plus de base, le plus fondamental dans une démocratie, qui est celui du vote.

Et j'allais passer sous silence nos aînés, qui ont beaucoup de difficultés, à l'occasion, à se déplacer, qui ont des hésitations à demander à d'autres de les aider, voulant toujours garder leur autonomie ou leurs choses personnelles, ces même personnes vont se retrouver absentes de la liste électorale, et, encore une fois, on privera un groupe important de notre population de leur droit le plus fondamental, celui de voter.

Vous comprendrez, M. le Président, que devant de tels événements que je soulève, de tels problèmes contre lesquels je mets en garde, je demeure inquiet devant la loi telle que proposée et il m'apparaît essentiel que les différents intervenants, que ce soit l'Union des municipalités régionales de comté, l'Union des municipalités du Québec, le Protecteur du citoyen, qui, d'ailleurs, a même demandé à venir, à être entendu, il m'apparaît essentiel que ces différents intervenants aient l'occasion de venir manifester leur difficulté à vivre avec une telle loi, de manifester aussi leurs propositions au gouvernement, parce que, avec le système dans lequel nous vivons, les lois peuvent venir du gouvernement, mais les informations peuvent aussi nous être transmises par la population.

Je reviens aussi, à nouveau, sur la nécessité de maintenir le lien de confidentialité. Il est primordial que les informations que tous les intervenants nous auront transmises soient gardées de façon confidentielle. Je ne voudrais pas que, dans ce fichier rattaché à la liste électorale, nous retrouvions, dans quelques années, toutes les informations transmises de façon générale, sous prétexte que le gouvernement a des besoins particuliers.

En terminant, M. le Président, l'élément le plus important que l'on doit regarder et garder toujours en mémoire, devant la loi qui nous est présentée, c'est de respecter la démocratie. Et, dans le respect de la démocratie, nous devons permettre à tous les intervenants qui le désirent de venir exprimer leur hésitation, leurs demandes devant le projet de loi du gouvernement, afin que tous les citoyens du Québec gardent le droit le plus fondamental que nous ayons en démocratie, c'est-à-dire notre droit de vote. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M. le député d'Argenteuil. Alors, toujours sur le même sujet, je suis prêt à reconnaître un nouvel intervenant. Je reconnais M. le député de Jeanne-Mance, et je vous cède la parole, M. le député, en vous rappelant que vous avez un droit de parole de 20 minutes.


M. Michel Bissonnet

M. Bissonnet: Merci, M. le Président. Alors, voter est un droit fondamental de tout citoyen, alors que conduire est un privilège et payer ses impôts est un devoir. Alors, nous sommes aujourd'hui saisis du projet de loi 40, Loi sur l'établissement de la liste électorale permanente et modifiant la Loi électorale et d'autres dispositions législatives.

Le sens électoral a très évolué au Québec. Rappelons-nous qu'en 1969, lorsqu'il y avait des élections municipales, seuls le propriétaire et le locataire pouvaient voter. Et nous avons changé ce cens électoral par un cens de vote universel. Permettez-moi, M. le Président, de vous rappeler les notes explicatives de ce projet de loi. Alors, ce projet de loi établit la liste électorale permanente par la constitution, à partir de la liste électorale ayant servi à l'élection du 12 septembre 1994, d'un fichier des électeurs et d'un fichier des territoires.

Ce projet prévoit les modalités de la première inscription de l'électeur à la liste électorale permanente, soit par une comparaison avec les renseignements fournis par la Régie de l'assurance-maladie du Québec, soit à l'aide des renseignements fournis par l'électeur. Il prévoit également que le fichier des territoires est constitué des circonscriptions électorales, des secteurs électoraux et des sections de vote, de même que des territoires électoraux municipaux et scolaires.

(17 h 10)

Dans un système comme le nôtre, les mécanismes assurant la démocratie et l'expression du choix des électeurs sont essentiels. Après la Charte des droits et libertés de la personne, la Loi électorale est sans doute l'une des plus importantes lois actuellement en vigueur au Québec. Personne dans cette Assemblée ne mettrait ceci en doute. Il est en effet inacceptable qu'une assemblée législative modifie des règles démocratiques aussi brusquement, bouleversant au passage les formations politiques, nos institutions, de même que les électeurs eux-mêmes. Lorsque l'Assemblée nationale prend des décisions aussi importantes, elle se doit de prendre le temps nécessaire pour soupeser les avantages et inconvénients et analyser tous les effets de ses décisions.

De récents événements tendent à démontrer cette prétention. Ainsi, le 5 décembre dernier, le gouvernement déposait le projet de loi 40. Ce projet de loi poursuit des objectifs louables et pertinents et, en apparence, il ne présentait, à l'époque, aucun problème majeur. Or, voilà que depuis, trois organismes importants, des organismes très importants au Québec, le Protecteur du citoyen, la Commission d'accès à l'information et la Commission des droits de la personne, ont émis des réserves sérieuses et inquiétantes. La Commission des droits de la personne souligne même expressément le court délai accordé pour procéder à l'analyse et à l'étude de ce projet de loi.

De plus, ces trois organismes sont unanimes quant aux dangers liés aux abus possibles lors de la transmission d'informations entre les organismes gouvernementaux. Entre autres, on signale qu'afin de respecter la loi sur la protection des renseignements personnels il faudrait que la Régie de l'assurance-maladie du Québec obtienne le consentement des personnes avant qu'elle puisse transmettre des informations concernant des citoyens à un autre organisme gouvernemental, soit le Directeur général des élections. Cet obstacle n'est certes pas négligeable car il crée un coût supplémentaire d'opération pour le nouveau système qui réduira d'autant les économies escomptées.

Dans ce contexte, M. le Président, puisque la question amenée par la présentation de projet de loi est fondamentale, il nous apparaît impératif que l'Assemblée nationale ait l'opportunité de consulter et d'entendre la Commission d'accès à l'information, la Commission des droits de la personne et le Protecteur du citoyen. Il est également impératif qu'elle entende l'Union des MRC du Québec, l'Union des municipalités du Québec, la Fédération des commissions scolaires et le Directeur général des élections lui-même dans les plus brefs délais et qu'il y ait une consultation générale. Cette consultation alimentera la nécessaire réflexion et permettra surtout à l'Assemblée nationale de prendre des décisions éclairées. Cela me semble essentiel, M. le Président. Comment se prononcer sur le principe d'un projet de loi alors que la Commission d'accès à l'information elle-même soulève des doutes quant à l'opportunité de mettre en place un registre permanent? Ce doute, par respect pour les Québécois, on ne peut pas l'évacuer comme le gouvernement tente actuellement de le faire.

Je me permettrai de citer, dans l'avis de la Commission d'accès à l'information qui a été transmis à M. le ministre délégué à la réforme parlementaire, certains extraits de ce rapport que j'ai reçu. L'enjeu réel de ce projet de loi, c'est une banque de données centralisée, et je cite. «L'enjeu réel et les dangers de ce projet résident dans la création d'un fichier unique et permanent sur plus de 4 millions d'électeurs, soit tous les Québécois et Québécoises âgés de 14 ans et plus.» Je cite le président de la Commission d'accès à l'information, M. Paul-André Comeau. «La loi sur l'accès limite aux seules fins de la nécessité la collecte, la conservation et l'utilisation des renseignements personnels. Le législateur souhaitait ainsi préserver la vie privée des citoyens et citoyennes et éviter les abus, toujours possibles, en ce domaine.

«Or, la Commission s'interroge sur le bien-fondé de centraliser, dans un même fichier et en un seul endroit, des renseignements nominatifs actuellement détenus séparément par trois paliers de gouvernement.

«Est-il suffisant d'invoquer des raisons d'efficacité, de commodité et de rentabilité, pour justifier la création d'un fichier qui équivaudra, à toutes fins pratiques, à un registre d'une large section de la population?

«Faut-il ajouter un nouveau fichier permanent aussi vaste sous prétexte que les listes électorales actuelles sont vite périmées ou mal constituées?

«Quand on considère que notre régime démocratique ne crée aucune obligation de voter, la Commission s'interroge encore sur la nécessité de conserver, de façon permanente, des renseignements nominatifs en vue de l'exercice, facultatif, du droit de vote.

«La mise en oeuvre de ce projet contredit l'un des principes de base de la Loi sur l'accès: c'est-à-dire la communication périodique et régulière de renseignements nominatifs par la RAMQ sans le consentement des personnes concernées. Qui plus est, le projet de loi prévoit l'interrogation de certains autres fichiers qui ne sont d'ailleurs pas mentionnés, ni identifiés.

«Néanmoins, si le gouvernement – et je cite toujours le président de la Commission d'accès à l'information, et c'est pour ça que nous voulions l'entendre avant de voter sur le principe, M. le Président – et le législateur décidaient d'aller de l'avant avec le dépôt et l'adoption du projet de loi tel que soumis, il conviendrait d'apporter des modifications importantes afin de respecter les principes de la Loi sur l'accès au chapitre de la protection des renseignements personnels et minimiser les atteintes de la vie privée.

La Commission d'accès à l'information, en bout de ligne, fait les recommandations suivantes:

«L'électeur ne doit pas avoir l'obligation, assortie de menaces de sanctions, de communiquer au DGE tout changement aux renseignements apparaissant sur la liste électorale et qui le concernent;

«La nature des deux documents qui devront être fournis au DGE, lors d'une inscription, devra être prévue à la loi;

«Lors de la confection de la première liste électorale, la Commission considère plus conforme à l'esprit de la loi que ce soit le DGE qui communique à la RAMQ la liste électorale ayant servi à l'élection tenue le 12 septembre 1994. La RAMQ pourra alors procéder aux vérifications pertinentes et procéder à la première mise à jour prévue par l'article 8 du projet de loi.

«Pour les mises à jour subséquentes, la communication de renseignements au DGE ne pourra se faire sans le consentement de la personne concernée. Ce consentement doit être fourni à l'organisme qui entend communiquer des informations au DGE conformément aux dispositions de la Loi sur l'accès et le DGE ne doit pas avoir la possibilité de conclure des ententes;

«Des mécanismes additionnels doivent être prévus afin de limiter l'éventuel élargissement de la portée de l'article 40.13.»

On ne peut donc pas permettre à un gouvernement de forcer l'Assemblée nationale à prendre une décision qui ne sera pas pleinement réfléchie et éclairée. Est-ce que c'est parce qu'il craint que d'autres avis négatifs ne soient prochainement émis que le gouvernement se dépêche et précipite l'adoption du projet de loi 40? À cet égard, je crois important de souligner que l'opposition a demandé certaines précisions concernant le projet de loi 40 et qu'elle n'a toujours pas reçu de réponse satisfaisante. Entre autres, nous avons demandé des études comparatives de manière à mieux évaluer les impacts et les coûts de la réforme. Les documents soumis jusqu'à maintenant ne chiffrent pas ces coûts comparatifs et n'évaluent pas les impacts, comme, par exemple, sur le taux de participation à une élection. À titre d'exemple, dans mon comté, j'ai le secteur Saint-Michel, où, en quatre ans, près de 50 % des électeurs déménagent dans d'autres secteurs de la ville.

Par ailleurs, M. le Président, je me réjouis que le gouvernement ait fait suite à notre demande et accepte d'élargir les amendements, afin de toucher plus d'un aspect de la Loi électorale. Le débat n'en sera que bonifié, car, si la Loi électorale du Québec crée un régime qui fait l'envie de plusieurs gouvernements, elle demeure perfectible.

Mon expérience personnelle lors de la dernière campagne, ou, à un autre niveau, lors des précédentes campagnes, suscite chez moi plusieurs réflexions. Ainsi, le texte de loi actuellement en vigueur prévoit que la localisation des bureaux de vote est à la discrétion du directeur du scrutin. Malheureusement, certains de ceux-ci sont réticents face à nos propositions à ce sujet. Par exemple, trop souvent on refuse d'établir des bureaux dans les résidences privées pour personnes âgées. Dans la municipalité de Saint-Léonard, M. le Président, nous avons la résidence Émilien-Gagnon. Lors d'élections fédérales, lors d'élections municipales, lors des élections scolaires – il y a 204 logements – ces gens peuvent voter à ces élections dans leur résidence. Et, lorsqu'il s'agit des élections provinciales, c'est le seul niveau de gouvernement où ils doivent aller à l'école, et ils n'ont pas ce même privilège qu'ils ont dans les trois autres élections.

(17 h 20)

Donc, je pense que ces changements devraient être apportés dans ces lois-là pour permettre à des personnes qui ont plus de 65 ans de voter dans la résidence où elles habitent.

Autre élément, M. le Président, l'affichage et la publicité électorales. Jamais je n'ai constaté autant de graffitis et de vandalisme sur les pancartes que lors de la dernière campagne électorale, et vous les avez sûrement vus, M. le Président. Enfin, M. le Président, une autre question me vient à l'esprit suite au dépôt du projet de loi 40. Son objectif, on le sait, vise à informatiser des listes électorales, faisant ainsi bénéficier des avantages de la technologie. Tant qu'à moderniser les systèmes, ne serait-il pas opportun d'analyser les modalités selon lesquelles on pourrait tirer avantage de la technologie, telle que celle du télécopieur? Lorsque les distances sont longues, dans certains comtés, ceci pourrait limiter certains irritants.

Quant au registre permanent lui-même, M. le Président, je partage avec plusieurs de mes confrères une certaine inquiétude. Jusqu'à quel point le transfert des responsabilités qu'il opère quant à l'initiative de l'inscription sur la liste électorale n'est-il pas de nature à diminuer le taux de participation à un scrutin? Cette question, nous l'avons posée au gouvernement, et il n'a toujours pas répondu de façon complète. Pour ma part, je crois primordial qu'on réponde à de telles questions avant de procéder à l'adoption du principe.

Finalement, M. le Président, sur l'objet et les principes contenus dans le projet de loi, il nous est difficile, à ce stade-ci, de nous prononcer. Les Québécois et les formations politiques ont besoin de plus d'information suite aux mises en garde formulées, notamment par la Commission d'accès à l'information. Non pas que nous soyons contre le projet de loi 40, mais nous sommes contre la démarche précipitée avec laquelle le gouvernement veut nous l'imposer. En tant que membres démocratiquement élus de l'Assemblée nationale, nous demandons au gouvernement de faire preuve de prudence et de respect pour nos institutions puisque cette loi constitue l'un des piliers sur lesquels repose notre société. Il nous faut obtenir plus d'éclairage suite au premier feu rouge du Protecteur du citoyen et du président de la Commission d'accès à l'information, permettant ainsi d'analyser pleinement les conséquences que vivront les électeurs. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M. le député de Jeanne-Mance. Maintenant, je suis prêt à céder la parole à un autre intervenant sur le même sujet. Je reconnais M. le député de Marquette, et je vous cède la parole, M. le député, en vous rappelant que vous avez un droit de parole de 20 minutes, maximum. À vous la parole.


M. François Ouimet

M. Ouimet: Merci, M. le Président. Il me fait extrêmement plaisir de prendre la parole sur le projet de loi 40, projet intitulé Loi sur l'établissement de la liste électorale permanente et modifiant la Loi électorale et d'autres dispositions législatives.

J'aimerais rappeler les objectifs de cette loi, de cette réforme. L'un des objectifs, c'est, bien sûr, de réduire la durée de la campagne électorale en éliminant la période de recensement. Autre objectif, la rationalisation des coûts liés à une élection en éliminant les coûts liés au recensement et, donc, en confectionnant une liste électorale permanente.

Dans la présentation du projet de loi, on voit qu'un certain nombre de lois existantes sont modifiées. La Loi sur l'assurance-maladie est modifiée; la Loi sur la consultation populaire; la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités; la Loi sur les élections scolaires est également modifiée; la Loi électorale et la Loi sur les jurés.

J'aimerais revenir, M. le Président, sur la Loi sur les élections scolaires. Peu d'intervenants sont intervenus au niveau de l'impact que la réforme aura sur la Loi sur les élections scolaires. Et je suis solidaire de tout ce que mes collègues ont dit par rapport au projet de loi 40, mais je vais m'attarder, personnellement, aux dispositions de la Loi sur les élections scolaires.

Le projet de loi contient sept articles qui touchent la Loi sur les élections scolaires. Il s'agit des articles 61 jusqu'à 67. On aura noté que, dans cette vaste réforme électorale, alors que la Loi sur les élections scolaires, elle, comporte plus d'une centaine d'articles, 285 articles, pour être plus précis, le projet de loi 40 vient modifier cette loi-là, qui est fondamentale au niveau des élections scolaires, ne vient la modifier qu'avec six articles, ou sept articles.

Notre Loi électorale actuelle garantit un des plus hauts taux de participation en Amérique du Nord et dans les pays civilisés. Le taux de participation à l'élection de 1994 – nous avons eu les résultats qui ont été déposés récemment par le Directeur général des élections – était de l'ordre de 81,5 %. Le taux de participation aux élections générales provinciales, en 1989, était de l'ordre de 75 %.

Dans un article du journal Le Devoir daté du 26 avril 1993, le journaliste Michel Venne disait que, quand l'électeur a la charge de s'inscrire – il faisait référence au système américain – le taux de participation en ce pays-là est de l'ordre d'à peine 50 %, ce qui est très inquiétant, parce qu'on sait que le projet de loi 40 actuel est basé en partie sur le devoir de l'électeur de s'inscrire. Donc, lorsqu'il y a un recensement, le taux est élevé. Lorsque l'électeur a le devoir de s'inscrire, le taux est beaucoup plus bas.

L'article 7, que j'aimerais citer, du projet de loi 40 dit ceci: «La personne qui a transmis les renseignements demandés permettant d'établir son identité, son domicile au sens du Code civil et sa qualité d'électeur, appuyés des documents requis, est inscrite au fichier des électeurs.» Et l'article 8, au deuxième alinéa: «Avant d'inscrire au fichier un nouvel électeur, le directeur général des élections lui transmet la même demande que celle visée à l'article 5. L'électeur qui désire être inscrit doit répondre en la manière qui y est prévue.» Donc, tous les nouveaux électeurs devront s'y inscrire.

Ce qui m'inquiète, M. le Président, c'est au niveau du taux de participation que ça pourrait avoir par rapport aux élections scolaires. À Montréal et à Québec, et, ça, à Montréal, depuis 1973, le taux de participation aux élections scolaires est extrêmement bas. Il varie entre 12 % et 18 %, 19 % selon les quartiers, selon les années également. Et c'est la même situation à Québec. Même si, dans certaines commissions scolaires, et ce sont des cas d'exception, le taux de participation est élevé, et c'est quelque chose qu'il faut absolument encourager, il n'en demeure pas moins que, dans les grandes villes comme Montréal, et comme la grande région métropolitaine et la ville de Québec, le taux de participation est extrêmement faible.

J'aimerais maintenant citer un article dans La Presse daté du jeudi 20 octobre 1994, où on disait ceci: «La CECM veut éviter la fraude aux élections.» Donc, c'était avant la tenue du scrutin qui avait lieu le 20 novembre. Ici, l'article est daté du 20 octobre 1994. Les paragraphes se lisent comme suit: «Les commissaires à la CECM ont adopté hier une résolution visant à contrer toute fraude électorale lors des élections scolaires du 20 novembre prochain. Si le président des élections acquiesçait à la demande des commissaires, il se pourrait que les électeurs n'ayant pu s'inscrire sur la liste électorale aient à montrer une pièce d'identité ou une preuve de résidence pour pouvoir voter.» Déjà à ce moment-là on signalait des problèmes qu'on envisageait. Je vais revenir un peu plus tard pour vous dire que les mêmes problèmes ont été vécus en 1990.

Quelques jours plus tard, le 24 octobre 1994, on disait ceci: La fraude serait possible grâce à l'article 127 de la loi scolaire. Et là on parle non pas des commissaires, mais des présidents d'élection. Les présidents d'élection des deux plus grosses commissions scolaires de l'île de Montréal, la CECM et la CEPGM, sont mal à l'aise avec l'article 127 de la loi scolaire, qui prévoit qu'un électeur non inscrit sur la liste électorale puisse voter tout de même. Cet article ouvre potentiellement la porte des fraudes, c'est certain, de déclarer André Mousseau, président d'élection à la CECM, qui ajoute que, en 1990, 5 % des électeurs à l'élection scolaire ont utilisé cet article pour voter. Il reste que, si nous avions une liste électorale permanente au Québec et une carte d'électeur, ces problèmes seraient évités, de conclure André Mousseau.

(17 h 30)

Alors, voilà les présidents d'élection qui mettent en garde le gouvernement du Québec, qui mettent en garde le Directeur général des élections. Et il faut se rappeler que nous sommes actuellement dans le processus où nous nous apprêtons possiblement à adopter le principe du projet de loi 40, alors que les commissions scolaires et la Fédération des commissions scolaires n'ont même pas été entendues pour nous donner leur point de vue par rapport aux expériences qu'elles ont vécues, à la fois en 1990 mais également en 1994.

Trois jours avant le jour du scrutin, dans une manchette de La Presse , on disait ceci: «Incapables de voter parce que ni catholiques ni protestants. Plus de 30 000 Montréalais ne font pas partie de la liste électorale pour le scrutin scolaire de dimanche tout simplement parce qu'ils se sont déclarés d'une religion "autre" que catholique ou protestante lors du recensement de septembre dernier.» Or, ces 30 000 électeurs potentiels ont le droit de vote et auraient normalement dû être inscrits sur la liste. Un peu plus loin, on dit ceci: «C'est incroyable la difficulté qu'on peut avoir à caser les individus aux bons endroits, déplore le président des élections, qui estime que la loi 106 aurait tout avantage à être simplifiée [...] par l'instauration de listes électorales permanentes et informatisées.»

Face à tous ces problèmes, on sait ce qui est arrivé le 20 novembre dernier. Il y a eu d'énormes problèmes au niveau de la liste électorale dans certaines commissions scolaires, et plus particulièrement la commission scolaire de Montréal. Et j'aimerais bien rappeler ici que le projet de loi 40 s'intitule Loi sur l'établissement de la liste électorale permanente et modifiant la Loi électorale et d'autres dispositions législatives, dont la Loi sur les élections scolaires. Or, lorsqu'on lit les six articles du projet de loi 40 qui concernent la Loi sur les élections scolaires, on constate que ça ne répond aucunement, mais vraiment aucunement, à toutes les mises en garde qui ont été faites depuis 1990. Et pourtant, on s'apprête à s'embarquer dans un processus important, mais qui ne tient même pas compte des difficultés rencontrées lors de la dernière élection, en 1994.

Et les problèmes sont tels, M. le Président, que le ministre de l'Éducation a décidé d'ouvrir une enquête et il a nommé un juge, le juge Richard Beaulieu, pour faire enquête sur tout ce qui s'est déroulé à la CECM, entre autres. Il est intéressant de constater le mandat que le ministre de l'Éducation a donné à l'enquêteur. On disait ceci, dans Le Devoir du 9 décembre dernier: «Le ministre de l'Éducation, Jean Garon, a nommé hier un enquêteur qui devra lui faire rapport sur les événements entourant les élections scolaires du 20 novembre dernier.

«Cet enquêteur, le juge Richard Beaulieu, de la Cour du Québec, disposera d'un mandat "ouvert". Il devra étudier le processus de confection des listes électorales, examiner la façon dont les présidents d'élection ont accompli leur devoir et entendre tout individu et tout groupe qui s'estime lésé à la suite de ces élections.»

La question qui se pose, M. le Président, c'est: Pourquoi aller de l'avant si rapidement avec le projet de loi 40, alors que le ministre de l'Éducation vient tout juste de nommer un enquêteur pour vérifier, pour faire enquête sur la situation au niveau des élections scolaires, particulièrement à Montréal, reliées à toute la problématique concernant la Loi électorale, et à la lumière également de la recommandation des présidents d'élection d'en venir à une liste électorale permanente?

La préoccupation qu'on a, c'est: pourquoi ne pas attendre que l'enquête soit terminée? Et le ministre de l'Éducation a donné à l'enquêteur jusqu'au 30 juin 1995 pour faire rapport sur la situation. Pourquoi ne pas attendre à ce moment-là et puis, par la suite, faire le travail correctement, le faire une fois mais le faire de façon définitive pour, finalement, éviter que d'autres problèmes comme ceux qui ont été vécus récemment ne surviennent à nouveau. Parce qu'il ne faut pas oublier: c'est entre 30 000 et 48 000 électeurs qui ont été privés de leur droit de vote. Et on s'apprête à vouloir voter le projet de loi 40 à toute vapeur, sans même tenir compte des conclusions du rapport éventuel qui sera déposé par le juge Richard Beaulieu.

Autre volet, autre source de préoccupation, c'est en ce qui concerne la Loi sur les élections scolaires, et je rappelle que mon intervention se limite à la Loi sur les élections scolaires, mes collègues ayant passablement bien épluché le reste du projet de loi. La présidente de la Fédération des commissions scolaires, Mme Diane Drouin, disait ceci récemment, après la tenue des élections scolaires. Mme Diane Drouin déplore les conditions difficiles dans lesquelles doit s'exercer la démocratie scolaire qui ne rendent pas justice à cet important rendez-vous électoral.

Et elle a un certain nombre de suggestions qui avaient déjà été faites auparavant, mais elle les répète ici dans son communiqué. Mme Drouin est d'avis que, pour une démocratie saine, le gouvernement doit maintenant retenir les suggestions faites par la Fédération depuis plusieurs années et bonifier la Loi sur les élections scolaires, particulièrement en faisant en sorte que les élections scolaires puissent se tenir plus tôt en automne, soit le 1er dimanche de novembre; qu'il n'y ait pas d'élection scolaire l'année d'une élection municipale; d'accorder aux candidats le même remboursement de dépenses qu'aux élections municipales et provinciales. Et voici maintenant la disposition importante: de mettre en place une liste électorale permanente, ce qui éviterait certaines confusions et favoriserait une participation accrue.

Et elle y va de trois autres recommandations, M. le Président, et ça pourrait vous intéresser: de mandater le Directeur général des élections de publiciser les élections scolaires au même titre que les élections municipales et provinciales; de faire passer de deux à trois semaines la période des mises en candidature; et, dernièrement, d'améliorer le statut du commissaire d'école, particulièrement en obligeant les employeurs à accorder un congé sans rémunération à un employé qui doit s'absenter pour exercer ses fonctions de commissaire.

Lorsqu'on lit les six articles concernant la Loi sur les élections scolaires, dans le cadre du projet de loi 40, aucune de ces recommandations-là ne s'y trouve: aucune des recommandations faites par la Fédération des commissions scolaires, qui est quand même un organisme extrêmement important; aucune, bien sûr, des recommandations que fera l'enquêteur qui a été nommé par le ministre de l'Éducation, parce qu'on s'empresse à aller de l'avant avec l'adoption de ce projet de loi là avant même que l'enquête ne soit terminée. Et on peut se poser une question sur les fonds publics qui seront dépensés dans le cadre de cette enquête, alors que le ministre des Affaires municipales et responsable de la Réforme électorale ne veut même pas en tenir compte.

Est-ce qu'au sein du cabinet des ministres le ministre de l'Éducation parle au ministre des Affaires municipales? Est-ce que la main gauche sait ce que la main droite fait? Manifestement, il y a un problème de communication. Et le problème que nous voyons, bien sûr, c'est qu'on s'apprête à adopter une loi qui ne tiendra pas compte, qui n'apportera aucune modification qui devrait s'imposer et qui devrait s'appliquer.

J'ai une autre question, également. C'est que le ministre de l'Éducation ne semble parler à personne. Il y avait un éditorial assez révélateur ce matin, dans Le Devoir , où on s'interroge: Où est le ministre de l'Éducation? Que fait-il? Est-il 20 000 lieues sous les mers? On se pose la question. Pourtant, il y a tellement de problèmes, il y a tellement de problèmes en matière d'élections scolaires, et c'est relié à la liste électorale.

(17 h 40)

M. le Président, le ministère de l'Éducation... Non seulement le ministre de l'Éducation ne parle pas à d'autres intervenants, mais il ne semble même pas parler à ses fonctionnaires. J'ai entre mes mains un rapport de consultation, «Propositions d'organismes scolaires et recommandations de la Direction générale des services administratifs au réseau», daté du mois de mars 1993, qui fait une série de recommandations par rapport à des modifications à être apportées à la Loi sur les élections scolaires et qui touchent directement la confection d'une liste électorale permanente. Pourtant, on ne voit absolument aucune de ces modifications-là, suggérées par ses propres fonctionnaires, dans le projet de loi 40. J'invite le ministre de l'Éducation, s'il m'écoute ou s'il lit les galées, à prendre connaissance du projet de loi modifiant la Loi sur les élections scolaires qui est daté du 10 août 1993, et, une fois qu'il aura pris connaissance des documents qui touchent son ministère, qui touchent l'ensemble des commissions scolaires, à parler à son leader, à parler au ministre responsable de la Réforme électorale pour le sensibiliser aux modifications à être apportées avant d'aller plus loin avec ce processus-là.

La question qu'on se pose: Pourquoi aller si rapidement alors que le travail n'est pas fait, M. le Président? Je vous remercie.

Une voix: Très bien.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Alors, je vous remercie, M. le député de Marquette. M. le député de Gouin et leader adjoint du gouvernement, pour une question de règlement?

M. Boisclair: Compte tenu de l'intérêt soulevé par le propos de notre collègue et de la pertinence de ses propos, est-ce qu'il pourrait, s'il le souhaite – et c'est ce que nous lui demanderions – déposer les deux documents qu'il vient de citer? Il n'est pas obligé de le faire, mais, dans un esprit de saine collaboration, puisque nous sommes soucieux de ses recommandations, je lui demanderais s'il consentirait à déposer ces documents.

Le Vice-Président (M. Bélanger): M. le député de Marquette.

M. Ouimet: ...

Documents déposés

Le Vice-Président (M. Bélanger): Excusez-moi. M. le député de Marquette. Donc, je prends note que ces documents seront déposés, qu'il y a consentement de la Chambre pour que ces documents soient déposés.

Maintenant, je suis prêt à céder la parole à un autre intervenant, et je reconnais M. le député de Bellechasse. Je vous cède la parole, M. le député, en vous rappelant que vous avez un droit de parole de 20 minutes. À vous la parole, M. le député.


M. Claude Lachance

M. Lachance: Merci, M. le Président. Je n'ai pas l'intention de «verbier» pendant 20 minutes. Ceux qui suivent nos débats depuis quelques heures maintenant doivent très bien se rendre compte que nos amis d'en face, comme on les appelle généralement, utilisent toutes sortes de prétextes et de faux-fuyants pour faire perdre le temps de la Chambre et nous radoter les mêmes sornettes depuis des heures. Qu'on ne s'y méprenne pas, à peu près tous les travaux, que ce soit en commission parlementaire ou ici, au salon bleu, sont à toutes fins pratiques bloqués depuis maintenant deux jours.

On nous reproche de fonctionner à toute vapeur alors que nous avons devant nous un projet de loi qui touche un secteur qu'on discute depuis au moins 20 ans. C'est une drôle de vapeur, M. le Président. C'est vrai que, eux qui étaient au pouvoir depuis neuf ans, avec l'immobilisme qu'on a connu au moment où ils étaient au pouvoir, peut-être que ça leur apparaît être un peu rapide.

M. le Président, je voudrais reprendre certains éléments du projet de loi qui a été déposé par le ministre responsable de la Réforme électorale et leader du gouvernement, le projet de loi 40, projet de loi qui a été déposé le 5 décembre.

Essentiellement, cette loi prévoit l'établissement d'une liste électorale permanente, et cette liste devrait servir à la tenue d'un scrutin au niveau québécois, au niveau municipal ou au niveau scolaire. Comme je vous le disais tout à l'heure, ça fait 20 ans qu'on en parle, M. le Président, 20 ans de réflexion et de tentatives de toutes sortes pour en arriver à ce qu'on s'adapte à l'ère moderne, à l'ère de l'informatique. Je rappelle que, en 1972, déjà, on avait adopté, à l'époque, une loi prévoyant la tenue d'un recensement annuel. Et le but, essentiellement, c'était de réduire la durée des campagnes électorales et de permettre aux municipalités et commissions scolaires d'utiliser ce recensement. Comme résultat, on a constaté que les coûts annuels étaient énormes, non justifiés, et on a constaté que, malheureusement, les commissions scolaires et les municipalités n'utilisaient à peu près pas ce recensement annuel.

En 1978, 1980, un projet de loi visant la création d'un registre des électeurs a été déposé, mais, là encore, ça n'a pas eu de suites. Ça n'a pas eu de suites parce qu'il y avait des craintes qui avaient été soulevées quant à la protection de la vie privée qui ont fait avorter le projet de loi.

En 1989, on a aboli, par la nouvelle Loi électorale, les recensements annuels coûteux et souvent inutilisés. Et, comme résultat, M. le Président, bien, ça a donné des périodes électorales rallongées, avec une durée de 47 à 53 jours. Alors, c'est en vertu de cette Loi électorale de 1989 que nous avons vécu la dernière campagne électorale, qui, comme vous le savez, a duré 50 jours – 50 longues journées – entre le 24 juillet et le 12 septembre.

En 1992, M. le Président, au moment où nos amis d'en face étaient au gouvernement, le ministre responsable de la Réforme électorale, le député de Charlesbourg, M. Côté, avait confié au Directeur général des élections, en utilisant l'Assemblée nationale pour appuyer sa demande, le mandat de procéder à une étude de faisabilité relativement à l'informatisation des listes électorales provinciale, municipale et scolaire.

Alors, quand on dit que c'est à toute vapeur... Toute la discussion, ou, essentiellement, la discussion que nous avons aujourd'hui a déjà été abordée il y a déjà 48 mois.

En 1993, le Directeur général des élections a fait rapport, et, à ce moment-là, il s'est montré tout à fait d'accord avec l'instauration d'une liste électorale informatisée dont le principal objectif était de réduire la période électorale et de permettre une économie substantielle par l'élimination des recensements.

À l'occasion d'une réunion du Comité consultatif, en 1993, le ministre délégué, M. Côté, avait demandé au Directeur général des élections d'évaluer la possibilité d'un projet-pilote sur le territoire de l'île de Montréal pour les élections de cette année. Parce que, comme vous le savez, cette année, il y avait une élection au Québec, il y avait également une élection municipale dans plusieurs villes et une élection scolaire. Le résultat, c'est que, malgré la conclusion positive de l'étude de faisabilité, aucune suite n'a été donnée au projet, ce qui signifie des dépenses de plusieurs millions de dollars.

Et, finalement, au cours de la campagne électorale qui s'est terminée, comme vous le savez, par la victoire du gouvernement actuel le 12 septembre 1994, j'ai eu personnellement l'occasion, à plusieurs reprises, d'échanger avec des électeurs qui trouvaient scandaleux qu'on gaspille, qu'on dilapide les fonds publics en 1994, à l'ère ou l'informatique est omniprésente et où on travaille encore avec les méthodes qui existaient il y a un siècle. Alors, le Parti québécois avait promis, et c'est l'engagement que nous avions pris et que nous voulons réaliser dans les meilleurs délais, de doter le Québec d'une liste électorale permanente.

M. le Président, ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement. Ces propos tenus il y a trois siècles ne semblent pas vouloir s'appliquer à nos amis d'en face. Parce que, pour ceux qui nous écoutent, on constate que la même argumentation revient, d'un orateur à l'autre. Les objectifs poursuivis par une liste électorale permanente ou informatisée ne sont plus à faire: réduire la durée des périodes électorales; réduire les coûts de confection des listes électorales, parce que vous savez que ce n'est pas une mince affaire, une élection au Québec. Et, justement, nous avons eu le dépôt, cette semaine, du rapport des résultats officiels du scrutin du 12 septembre 1994, dans une immense brique de plus de 900 pages, et on constate là-dedans, par exemple que – quelques statistiques, là – il y avait 20 787 bureaux de vote ordinaires lors de ce scrutin, qu'il y avait 4 893 465 électeurs inscrits et qu'il y a eu 3 913 789 votes valides, pour un taux de participation de 81,58 %. Alors, ce n'est pas une mince tâche.

(17 h 50)

La liste électorale informatisée va permettre également de rendre permanente l'inscription d'un électeur tout en maintenant la liberté, pour un électeur, d'être inscrit sur la liste électorale. Ça va permettre également d'assurer un meilleur contrôle des inscriptions des électeurs en éliminant, notamment, les doubles inscriptions. Et, enfin, on vise à améliorer la qualité des listes électorales.

Une chose qui n'est pas négligeable dans les conditions actuelles, où il y a des compressions budgétaires dans la plupart des ministères, c'est l'économie de 34 500 000 $ qu'on compte faire en utilisant la liste électorale informatisée et qu'on compte faire au cours des quatre prochaines années.

M. le Président, les amis d'en face semblent être apeurés par la possibilité que des informations obtenues pour confectionner la liste puissent être utilisées à d'autres fins. Quand on constate qu'à peu près tout le monde, dans son portefeuille personnel, qui contient beaucoup de cartes... Il y a tellement d'informations qui sont en circulation à droite et à gauche, d'institutions avec lesquelles on fait affaire, que, moi, je n'ai pas tellement de crainte à ce niveau-là. On n'a qu'à se rappeler la carte d'assurance sociale que nous possédons – donc il y a un fichier sur nous à ce niveau-là à Ottawa – notre carte d'assurance-maladie, maintenant, que nous avons avec la photo, le permis de conduire, à la Société de l'assurance automobile du Québec, l'immatriculation du véhicule, l'assurance du véhicule. Je continue à fouiller dans mon porte-monnaie, M. le Président, et je vois ma carte d'appel de Québec-Téléphone, je vois ma carte de guichet automatique, qui a sans doute nécessité que des informations personnelles soient acheminées pour pouvoir l'obtenir, et des cartes de crédit d'institutions bancaires ou d'institutions financières connues. Ma carte de l'Hôtel-Dieu de Lévis, c'est la même chose, j'ai dû remplir des formulaires. Ma carte de l'hôpital D'Armagh, dans mon comté, la carte de l'assurance-vie avec laquelle on fait affaire, une autre carte, qui est celle de l'Association québécoise du personnel de direction des écoles, dont je fais partie, la carte, aussi, de l'Association des diplômés de l'Université Laval. Et, voyez-vous, je continue. La Société historique de Bellechasse, la radio communautaire Bellechasse, le Comité de restauration de la rivière Etchemin, ont sans doute des informations personnelles me concernant, la Société de généalogie de Québec, dont je fais partie, la Société généalogique canadienne-française, la Société du patrimoine, bon, etc. Vous voyez, comme échantillonnage, que des informations circulent partout.

C'est là, M. le Président, une brève illustration des informations nous concernant qui sont à peu près partout maintenant. Et, comme à peu près toutes les organisations possèdent l'informatique, c'est relativement facile de pouvoir concentrer ces informations-là. Et je ne vois pas, mais vraiment pas, le sérieux qui existe chez nos amis d'en face à ce moment-ci pour utiliser toutes sortes de faux-fuyants pour essayer d'apeurer la population sur l'utilisation qui pourrait être faite concernant ces informations qui sont disséminées un peu partout. Et j'ai oublié, certainement, Hydro-Québec, les informations de la municipalité où l'on réside, la MRC possède également des informations, la commission scolaire, les institutions financières, sans compter, M. le Président, Revenu Canada, pour peu de temps encore, je l'espère, puis Revenu Québec.

Alors, tout ça pour vous dire, M. le Président, que cette argumentation n'est pas tellement sérieuse. Elle n'est pas sérieuse tellement, et j'espère que nos amis d'en face vont se rendre à l'évidence qu'il n'y a vraiment pas de quoi fouetter un chat avec ça. Surtout que le leader du gouvernement et ministre responsable de la Réforme électorale a décidé, et il l'a communiqué à la Chambre aujourd'hui, de convoquer en consultations particulières pour tenir des auditions publiques lundi prochain, le 19 décembre, ici même, à l'Assemblée nationale, des organismes comme la Commission d'accès à l'information, la Commission des droits de la personne du Québec, le Protecteur du citoyen, l'Union des municipalités du Québec, surtout les villes, l'Union des municipalités régionales de comté du Québec, la Corporation des officiers municipaux agréés du Québec et la Fédération des commissions scolaires du Québec.

M. le Président, chacun de ces organismes va avoir environ une heure – 20 minutes pour présenter un exposé et 40 minutes pour permettre des échanges avec les parlementaires; donc, au total, une heure – pour faire valoir les modifications ou la bonification qui pourraient s'exercer au niveau du projet de loi que nous avons à étudier.

Alors, ce qui devait être dit d'essentiel sur ce projet de loi là a déjà été dit, et je compte sur la collaboration de nos amis de l'opposition pour revaloriser le rôle du Parlement. M. le Président, on entend souvent – vous avez entendu – la population dire que, à l'Assemblée nationale, il se passe des choses qui ne sont pas sérieuses là-dedans, que c'est pire qu'une garderie. Je suis obligé de confirmer ces appréhensions, et ce n'est certainement pas en agissant comme l'opposition agit depuis quelques heures que nous allons revaloriser le rôle du parlementarisme. Alors, j'espère que l'opposition va nous donner un coup de main, qu'on va travailler en étroite collaboration, et non pas pour perdre notre temps, pour ensuite être capable de dire: Ah, il ne s'est rien passé, il ne s'est pas adopté de projets de loi!

M. le Président, en terminant, je souhaite vivement que le sérieux reprenne le dessus en cette Chambre et que nous travaillions de concert pour passer à autre chose, pour travailler pour le bien-être de la population que nous représentons ici. Merci.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M. le député de Bellechasse.

Compte tenu de l'heure, je vais suspendre les travaux jusqu'à ce soir, 20 heures.

(Suspension de la séance à 17 h 57)

(Reprise à 20 h 2)

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, veuillez vous asseoir. L'Assemblée reprend le débat sur l'adoption du principe du projet de loi 40, Loi sur l'établissement de la liste électorale permanente et modifiant la Loi électorale et d'autres dispositions législatives. Je vais reconnaître M. le député de l'Acadie avec plaisir. M. le député, je vous cède la parole.


M. Yvan Bordeleau

M. Bordeleau: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, M. le Président, je suis très heureux, ce soir, d'intervenir dans le cadre du projet de loi 40, Loi sur l'établissement de la liste électorale permanente et modifiant la Loi électorale et d'autres dispositions législatives. Comme vous le savez, M. le Président, c'est une loi qui, essentiellement, vise à mettre en place une liste électorale permanente, ce qu'on a appelé, au fond, la liste informatisée. Ça implique aussi d'autres changements au niveau du fait que, dorénavant, il incombe à l'électeur d'aviser le Directeur général des élections de tout changement dans les renseignements le concernant. Alors, c'est une nouvelle obligation qu'on fait, à ce moment-là, à l'électeur.

Il y a également d'autres aspects qui sont impliqués dans ce projet de loi, comme l'abolition des bureaux de dépôt et la création de la commission de révision. On modifie également et on précise la définition du domicile de l'électeur. On traite également des électeurs qui sont affectés temporairement à l'extérieur du Québec, et aussi, de façon très importante, on vient apporter des modifications à la loi qui s'applique aux scrutins municipaux et aux scrutins scolaires. Alors, comme vous le voyez, M. le Président, c'est un projet de loi qui est excessivement important et qui touche aux fondements mêmes de notre vie démocratique québécoise. Donc, dans les faits, c'est une loi qui va affecter la vie de tous les concitoyens quand on parle d'élections scolaires, d'élections municipales et d'élections provinciales. Alors, ça implique, dans ce sens-là, les trois niveaux de gouvernement.

Donc, les enjeux de la loi sont importants et les décisions qu'on a à prendre par rapport à l'étude de ce projet de loi font en sorte que l'importance du projet de loi nous oblige à l'aborder avec sérieux et un sens des responsabilités. Je crois, M. le Président, qu'il faut prendre le temps de faire un bon travail et de regarder toutes les conséquences et tous les aspects d'un tel projet de loi. Et on voit, depuis que le projet de loi a été déposé, une foule d'interrogations qui sont soulevées par les citoyens et par les observateurs également de la scène politique. Donc, il y a quelque chose de sérieux dans ce projet de loi et on doit faire en sorte que le travail se fasse dans les meilleures conditions.

Actuellement, on doit constater que ce ne sont pas les meilleures conditions que le gouvernement nous impose pour aborder l'étude du projet de loi 40. Essentiellement, ce qu'on fait, c'est qu'on veut subordonner l'étude de ce projet de loi à des considérations qui sont des considérations, au fond, souvent partisanes. On sait très bien qu'on a un référendum qui s'en vient, tout le monde en est conscient, puis on sent très bien également que le gouvernement tient absolument à ce que ce projet de loi là passe pour être appliqué au référendum, et ça, peu importent les problèmes que ça peut causer et les conséquences que ça peut avoir.

Vous savez, M. le Président, il y a quelque temps, un de mes collègues disait, en parlant de toute la question référendaire, qu'on ne voulait pas soumettre, au fond, l'option de la séparation aux citoyens; on voulait soumettre les citoyens à l'option. Et, dans le cadre de ce projet de loi, c'est un peu la même chose: on veut faire une réforme électorale, mais on ne veut pas soumettre la réforme électorale aux parlementaires et leur laisser analyser les conséquences et tous les aspects de cette réforme-là; on veut soumettre les parlementaires à une réforme qui doit se faire, pour des raisons dont on peut se douter, dans des délais et dans des conditions inacceptables.

Il n'y a pas d'urgence, M. le Président, pour régler ce problème-là de la réforme. C'est une réforme qui est importante, mais les urgences qu'on veut nous laisser croire n'existent pas. Actuellement, il y a une liste électorale qui a été faite pour la dernière élection, qui est en vigueur jusqu'en septembre 1995. Et, si le référendum a lieu d'ici là, la liste est déjà faite. On n'a pas à faire un nouveau recensement; on a à faire une révision de cette liste. Donc, où est l'urgence, M. le Président, pour nous obliger à travailler à toute vapeur et à adopter un projet de loi qui a des conséquences aussi importantes pour la vie de tous les citoyens du Québec, quand on parle d'élection provinciale, d'élection scolaire, d'élection municipale?

Quand on aborde une dimension aussi importante de la vie démocratique, il faut essayer de développer les meilleurs consensus possible. Et les meilleurs consensus possible doivent impliquer les partis politiques, l'ensemble des parlementaires de tous les partis politiques qui sont représentés à l'Assemblée nationale et les citoyens. Et il faut prendre le temps afin que ces gens-là s'assoient, discutent, échangent et qu'on en vienne à établir ces consensus. De la façon dont on procède maintenant, M. le Président, ce n'est pas très sérieux. Et on veut nous imposer l'étude de ce projet de loi qui a une importance énorme, qui, quand il sera adopté, aura des conséquences pour de nombreuses années à venir. Et on veut nous forcer à faire ça dans des conditions qui ne sont pas les conditions optimales.

Vous savez, M. le Président, comme parlementaires, on doit analyser les choses, on doit réfléchir et, ensuite, on doit agir. Et, présentement, ce n'est pas ce que semble vouloir le gouvernement du Parti québécois. Il faut bien comprendre aussi un dernier aspect, c'est que, si on se retrouve dans cette situation, c'est en grande partie causé par une décision du gouvernement. Selon les règles de l'Assemblée nationale, l'Assemblée nationale devait être convoquée, M. le Président, le 18 octobre dernier. Le gouvernement a décidé de convoquer les parlementaires le 29 novembre, pour faire une session d'à peu près deux semaines et demie, trois semaines. Alors, ça, c'est la décision du gouvernement et le gouvernement doit vivre avec cette décision-là, mais il ne doit pas imposer un rythme de travail et une façon d'aborder un sujet aussi important à partir d'un choix qu'il a fait. Je pense, M. le Président, que c'est un sujet important et, là-dessus, on en convient, tous les parlementaires présents ici, mais on va l'aborder avec sérieux, on va analyser toutes les conséquences et on verra à arriver à une décision dans les meilleures conditions possible.

Quand on regarde, M. le Président, le contexte actuel de la Loi électorale et des élections provinciales, vous savez, le taux de participation des électeurs aux élections provinciales peut être cité en exemple à de nombreuses reprises. On a, au Québec, un système qui a des imperfections, mais qui a permis aux citoyens d'exercer leur droit de vote, et ce, dans des proportions qui sont appréciables. On a mentionné à plusieurs reprises dans les interventions un peu le pourcentage de participation. Je veux juste signaler, par exemple, que, dans le comté de l'Acadie, à l'élection de 1989, 74,7 % des électeurs inscrits ont voté; au référendum de 1992, 85,8 %; à l'élection de 1994, 84,3 % des électeurs ont voté. Alors, si l'exercice du droit démocratique, c'est d'abord et avant tout et c'est fondamentalement de permettre la plus grande accessibilité et la plus grande participation possible des électeurs au choix démocratique du gouvernement, je pense que ces données-là nous fournissent un exemple qui est extrêmement positif. Et, avant d'amener des changements, je pense qu'il convient d'analyser les conséquences et de réfléchir avant de poser des gestes.

(20 h 10)

Dans un article qui est paru dans Le Devoir le 26 avril 1993, on faisait référence au fait qu'aux États-Unis, où l'électeur a la charge de s'inscrire lui-même, le taux de participation atteint à peine 50 % contre 75 % au Québec. Alors, on sait que, quand on arrive aussi dans un recensement, il y a là un certain rappel qu'on fait au citoyen de l'importance du droit de vote et aussi de son devoir, comme citoyen, d'aller voter. Alors, je pense que c'est un élément qui est important à signaler et je pense que, quand on regarde ça, il ne faut pas faire des changements dont on ne peut pas mesurer exactement les conséquences.

Et il y a suffisamment de points qui ont été soulevés par les citoyens, les parlementaires et les observateurs qu'on doit s'arrêter un peu et réfléchir au problème, et on doit le faire dans un contexte plus large d'une réforme complète où on fait le travail de façon correcte et de façon responsable, M. le Président.

Comme je le mentionnais tout à l'heure, si le but fondamental d'une loi qui régit les élections est de permettre aux citoyens éligibles de pouvoir exercer ce droit-là dans les meilleures conditions possible et pour le plus grand nombre de citoyens possible, il faut, à l'intérieur de notre réflexion, nous interroger sur le problème des personnes âgées et des personnes handicapées. Tous les parlementaires ici ont eu dans leur comté des cas de personnes qui ont eu de la difficulté à pouvoir exercer leur droit de vote à cause de problèmes de mobilité.

Alors, dans ce projet-là, il y a des aspects qui sont reliés à la mobilité. On crée, au fond, une liste et, ensuite, on dit que l'électeur aura l'obligation de la compléter, de faire les corrections. Il doit se déplacer pour aller faire ça à une commission de révision ou il doit procéder par écrit. On sait très bien que ces conditions-là, ce ne sont pas des conditions qui facilitent le travail ou la participation des personnes âgées ou des personnes handicapées. Il faudrait, M. le Président, qu'on s'arrête à cet aspect-là, qu'on y réfléchisse et qu'on voie de quelle façon on peut tenir compte de cette réalité.

Il y a le problème des étudiants. On sait que les étudiants sont souvent dans des situations difficiles. Ils sont à un endroit durant l'année scolaire et à un autre endroit, possiblement, au moment de l'élection. D'ailleurs, ce problème-là a été soulevé par le Protecteur du citoyen dans l'avis qu'il a fourni au gouvernement, en date du 2 décembre dernier. Et je cite, ici, juste un extrait du document du Protecteur du citoyen: «Nous considérons intéressant l'ajout des commissions de révision dans les cégeps et les universités. Cependant, compte tenu de la nouvelle règle concernant le domicile et des règles régissant le processus de révision, l'étudiant ne devra-t-il pas se rendre au lieu de son domicile ou recourir à un parent pour faire valoir son droit d'être inscrit sur la liste électorale de la section de vote où est situé son domicile?» Je pense que c'est important qu'on essaie d'approfondir cet aspect-là et ce serait peut-être intéressant qu'on ait la possibilité de discuter avec certaines fédérations ou associations qui représentent les étudiants afin de voir comment ils réagissent au projet de loi. Parce qu'il y a des articles spécifiques qui vont impliquer les étudiants dans ce projet de loi.

On parle des communautés culturelles. Le Québec, de plus en plus, devient multiculturel à cause de la présence de nombreuses communautés qui sont venues s'établir ici et qui doivent exercer leur droit de vote, au même titre que tous les autres citoyens québécois. Et, dans l'avis, encore là, du Protecteur du citoyen, on soulève un problème relié à ces gens. Et je cite, ici: «Puisque, pour l'ensemble des électeurs, la citoyenneté canadienne sera prise pour acquise, même si elle est un élément essentiel de la qualité d'électeur, est-il acceptable que l'article 211 impose à un électeur l'obligation de prouver cette citoyenneté du seul fait que quelqu'un l'a mise en doute? On pourrait se retrouver avec des demandes visant toute personne dont le nom est à consonance étrangère, avec le résultat que, de façon discriminatoire, chacune de ces personnes devrait faire la preuve de sa citoyenneté canadienne. Le maintien du statu quo à cet égard ne serait-il pas préférable?» C'est le Protecteur du citoyen qui pose la question, M. le Président. Voilà un autre problème sur lequel on devrait se pencher parce que ça a des conséquences énormes pour un grand nombre de nos concitoyens.

Au niveau des avis qui ont été demandés par le Directeur général des élections, il y a un certain nombre de problèmes importants qui ont été soulevés par des gens très sérieux et je pense, ici, à la Commission d'accès à l'information du Québec, à la Commission des droits de la personne du Québec et au Protecteur du citoyen. On a soulevé le problème du transfert de renseignements nominatifs sans le consentement des citoyens. Et la Commission d'accès à l'information mentionnait dans son avis: «La mise en oeuvre de ce projet contredit l'un des principes de base de la loi sur l'accès, c'est-à-dire la communication périodique – parce qu'il y aura des mises à jour – et régulière de renseignements nominatifs par la Régie de l'assurance-maladie du Québec sans le consentement des personnes concernées.»

C'est important, ça, M. le Président. Et les gens de la Commission font également référence à une réalité qui reflète très bien la préoccupation des citoyens; ils font référence à un sondage. Ils disent: «Or, des sondages récents tendent à démontrer que les citoyens croient de plus en plus, à tort ou à raison, que des renseignements personnels circulent librement au sein de l'appareil gouvernemental et que leur vie privée est ainsi de moins en moins protégée. Dans ce contexte, comment rassurer le citoyen qui confie des renseignements personnels à la Régie de l'assurance-maladie du Québec? Ce dernier ne viendra-t-il pas à croire que la confidentialité du fichier des bénéficiaires n'est qu'un leurre?»

C'est ça, la réalité perçue par les citoyens. Il faut prendre le temps de discuter ouvertement des problèmes et des aspects du projet de loi et de sensibiliser et de faire comprendre aux concitoyens tous les aspects reliés à cet échange d'informations qui peut se faire. Le même aspect a été soulevé également par la Commission des droits de la personne.

On parle d'un autre aspect important, celui de la liberté du vote. Et je me réfère ici, encore, M. le Président, à l'avis donné par la Commission d'accès à l'information, où on mentionne, je cite: «Par ailleurs, puisque l'exercice du droit de vote n'est pas obligatoire, la Commission ne parvient pas à admettre que l'électeur ait l'obligation de communiquer au DGE tout changement aux renseignements apparaissant sur la liste électorale permanente et qui le concernent. De plus, la Commission s'interroge sérieusement sur les impacts qui pourraient découler de l'infraction pénale prévue au paragraphe 10° de l'article 551. En vertu de cette disposition, serait passible d'une amende quiconque, sachant qu'il est inscrit sur la liste électorale d'une section de vote sans en avoir le droit, omet de faire les démarches nécessaires pour se faire radier.»

On dit, d'un côté, qu'une personne a le droit de vote ou la liberté de l'exercer ou non, et a la liberté de se faire inscrire actuellement sur une liste ou non, et ici on parle de pénalité qui serait applicable aux gens qui, automatiquement, seront inscrits sur une liste, mais qui pourraient omettre de se faire radier. Alors, il y a des aspects qui sont également importants à ce niveau-là et qu'il faut regarder de façon sérieuse.

Un autre aspect qui est relevé par la Commission d'accès à l'information, ce sont les utilisations possibles de l'information qui pourrait être cumulée. Le même organisme mentionne: «Ainsi, même si le projet de loi précise que la liste électorale informatisée ne sera utilisée que pour les seules élections provinciales, municipales et scolaires, déjà, le rapport de mars 1993 laissait entrevoir qu'elle pourrait satisfaire aux besoins du gouvernement fédéral, servir aux élections des régies régionales du secteur de la santé et des services sociaux. Les craintes de la Commission à cet effet sont d'autant plus réelles qu'une façon de rentabiliser une liste électorale permanente serait justement de la faire servir à d'autres usages.» C'est sérieux, M. le Président, ces interrogations-là qui sont soulevées par un organisme aussi crédible que la Commission d'accès à l'information du Québec.

(20 h 20)

Il y a d'autres points qui sont à clarifier également et qui méritent qu'on prenne tout le temps nécessaire pour les clarifier correctement. Je veux, ici, signaler un extrait qui touche les organismes habilités à communiquer des renseignements au Directeur général des élections: «Enfin, la Commission s'interroge sur l'article 40.7 de la Loi électorale. Cette disposition permet au Directeur général des élections de conclure des ententes avec tout organisme public. Ces ententes seraient réalisées à quelles fins? Quels sont les autres renseignements qui seraient nécessaires au Directeur général des élections pour la réalisation des objets du projet de loi et qui ne seraient pas communiqués par la Régie de l'assurance-maladie du Québec?» Voilà, M. le Président, beaucoup d'interrogations et il n'est pas vrai qu'on va nous faire faire un travail qui a des conséquences aussi importantes dans les conditions où on nous force à le faire actuellement.

Et ça va un peu à l'encontre – le temps passe et je vais essayer de conclure – de ce que nous avait dit, il y a à peine quelques jours, le leader du gouvernement, au moment où on lui a posé la question. Le 5 décembre dernier, le leader de l'opposition demandait au leader du gouvernement: «Je voudrais savoir du ministre s'il a l'intention de fournir aux intéressés – alors, les intéressés, c'est beaucoup de monde, ça – de se faire entendre en commission parlementaire à l'occasion d'une consultation générale.» Et le leader du gouvernement a répondu: «Oui, M. le Président.»

On a plusieurs commentateurs qui vont dans le même sens et qui sont préoccupés par l'ampleur des modifications qu'on doit faire et qui devraient se faire à l'intérieur d'une réflexion beaucoup plus large qui impliquerait une réforme électorale complète. Et je veux citer, ici, dans un article du 6 décembre dernier, le journaliste Gilles Lesage qui disait: «Le ministre Chevrette a promis que tous les intéressés pourront se faire entendre et que, comme c'est la coutume à Québec depuis 20 ans, les modifications devront faire consensus ou, encore mieux, unanimité.» Alors, ce n'est pas l'opposition qui le mentionne; c'est un journaliste qui a été témoin, comme tous nous autres, des engagements que le gouvernement avait pris de faire entendre toutes les personnes qui pouvaient être intéressées à se prononcer sur cet aspect.

Il faudrait, de toute nécessité, M. le Président, à cause de l'ampleur du projet de loi, écouter la Commission d'accès à l'information, le Protecteur du citoyen, la Commission des droits de la personne, l'Union des municipalités du Québec, l'Union des municipalités régionales de comté du Québec, la Fédération des commissions scolaires, qui est directement impliquée, et certaines associations étudiantes. On a parlé des personnes âgées, de la FADOQ, la fédération des clubs de l'âge d'or, de l'Office des personnes handicapées; alors, je pense que ce serait des gens qui auraient quelque chose à dire sur un projet de loi qui va venir affecter et avoir des incidences sur l'exercice du droit de vote de tous les citoyens du Québec.

Enfin, je termine en mentionnant une conclusion qui est mise en évidence, ce matin, dans Le Devoir , par le journaliste Gilles Lesage qui a observé un peu ce qui s'est passé depuis quelques jours ici sur le projet de loi 40. Le journaliste Lesage – et je vais citer quelques extraits – nous dit: «Pressé par sa propre échéance référendaire, le gouvernement péquiste a tout mis en oeuvre pour faire adopter sans délai le projet de loi 40, établissant une liste électorale permanente et informatisée à partir de celle du 12 septembre dernier.» Un peu plus loin: «Mais d'autres considérations impérieuses doivent être prises en compte quand il s'agit de modifier une pièce aussi fondamentale que la loi électorale et référendaire.»

Il poursuit: «Si intéressantes soient-elles en principe, les modifications proposées par le gouvernement sont de nature mécanique, mais elles touchent à des questions vitales.» Faisant référence aux organismes qu'on a mentionnés tout à l'heure, c'est-à-dire la Commission des droits de la personne, le Protecteur du citoyen et la Commission d'accès à l'information, M. Lesage mentionne: «Ces trois organismes n'en apportent pas moins des suggestions et des nuances – des feux jaunes – qui méritent également une étude approfondie. Le gouvernement ne peut se servir à sa guise des opinions qui font son affaire et laisser de côté celles qui manifestent de l'inquiétude. [...] Il n'en reste pas moins que la hâte et la précipitation du ministre Guy Chevrette ne sont nullement appropriées à l'étude sereine et ordonnée d'un projet de loi, en apparence anodin, qui touche à des questions fondamentales.» Et il conclut: «Il vaudrait mieux prendre congé pour les Fêtes, entendre tous les intéressés durant l'hiver, en toute quiétude, et procéder normalement par la suite aux autres étapes parlementaires.»

Voilà, M. le Président, une opinion qui me semble raisonnable, valide compte tenu de l'importance du projet de loi. Et il n'est pas vrai, M. le Président, que, pour un échéancier référendaire ou pour des raisons partisanes, le gouvernement va nous bousculer et va nous obliger à voter une pièce législative aussi importante dans les conditions à l'intérieur desquelles on veut nous obliger à travailler; ce n'est pas vrai, M. le Président! L'opposition conçoit que c'est un projet de loi important; on est prêts à apporter notre collaboration et on veut que toutes les personnes qui ont quelque chose à dire sur ce projet-là aient l'occasion de le dire. Il y a trop d'interrogations qui ont été soulevées par une foule d'intervenants. À partir de là, on pourra faire un travail sérieux, responsable, mais pas un travail qui nous sera imposé par une stratégie partisane.

Alors, là-dessus, M. le Président, je vous remercie et je veux assurer le gouvernement de la collaboration de tous les membres de l'opposition pour faire un travail sérieux dans ce contexte. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je remercie M. le député de l'Acadie. Je vais reconnaître maintenant Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne. Mme la députée, je vous cède la parole.


Mme Nicole Loiselle

Mme Loiselle: Merci, M. le Président. Le gouvernement du Québec a présenté le projet de loi 40 portant sur l'établissement de la liste électorale permanente qui constitue, selon lui, un projet de réforme électorale majeur. Cette affirmation, M. le Président, est vraie et fausse à la fois. En soi, la simple confection de la liste électorale permanente, traduite dans un projet de loi, ne constitue pas un projet de réforme globale ou d'ensemble de notre système électoral. Toutefois, il s'agit d'un élément nouveau de notre vie démocratique, qui aura des répercussions importantes aussi bien sur notre vie collective qu'individuelle.

Si ce projet de loi comporte des avantages, il inclut également nombre d'interrogations auxquelles nous exigeons des réponses de la part du gouvernement du Québec. M. le Président, la première question qui me vient à l'esprit concerne la confection elle-même de cette liste électorale permanente. En vertu du projet de loi, le Directeur général des élections pourra confectionner et mettre à jour la liste électorale à partir du registre d'adresses de n'importe quel organisme gouvernemental. Par exemple, on aura recours à la Société de l'assurance automobile avec laquelle, d'ailleurs, le Directeur général des élections aurait pris entente, conformément à la loi sur l'accès à l'information. Le projet de loi prévoit une contrainte, à savoir que le Directeur général des élections ne pourra, à son tour, transmettre à un tiers les renseignements obtenus sans le consentement de l'électeur concerné.

Mais – et c'est là un point d'interrogation important relatif au bon déroulement de notre vie démocratique – il n'est pas du tout certain, M. le Président, qu'il ne sera pas possible pour l'État québécois ou pour un gouvernement quelconque de se servir des données informatisées pour d'autres fins que celles pour lesquelles elles ont été confectionnées. D'ailleurs, des organismes commencent à poser les mêmes questions que l'opposition officielle, à savoir que la notion de confidentialité des renseignements sur les individus est loin d'être sécurisante à moyen et à long terme.

C'est ainsi que la Commission d'accès à l'information, dans un avis qui aurait été présenté au ministre responsable de cette réforme électorale, émet de sérieuses réserves sur l'ensemble de ce projet de loi. Selon la Commission, M. le Président, la méthode de confection et de mise à jour de la liste électorale permanente retenue par le ministre risque de miner la confiance des citoyens dans la sécurité qui doit entourer les renseignements détenus par le gouvernement. Donc, il est logique de dire que le gouvernement du Québec devrait tout mettre en oeuvre pour conserver cette confiance du citoyen dans un réseau informatisé et financé en totalité par des fonds publics.

Le gouvernement propose ainsi de remplacer le recensement des électeurs effectué avant chaque élection par une liste informatisée et mise à jour automatiquement grâce à un fichier d'adresses de l'assurance-maladie. La liste servirait également dans le cadre des élections municipales et scolaires. Dans ces deux derniers cas, il revient aux municipalités et aux commissions scolaires de financer la confection de cette liste.

(20 h 30)

M. le Président, la Commission d'accès à l'information semble préférer que ce registre des électeurs ne voie jamais le jour. Par contre, si tel devait être le cas, on suggère plusieurs modifications, dont une qui mérite une attention particulière. Cette suggestion repose sur le fait que chaque citoyen devrait donner son consentement explicite et éclairé avant que son nom soit transmis au Directeur général des élections. À cette suggestion, j'en ajoute une autre. En effet, on ne cesse d'affirmer tout haut que le citoyen doit faire son devoir lorsqu'il est appelé aux urnes. Or, il revient à l'État québécois de trouver et de mettre en oeuvre les moyens appropriés pour inciter les citoyennes et citoyens du Québec à se prévaloir de leur vote, aussi bien dans le cadre des élections provinciales que municipales ou scolaires.

En vertu de ce projet de loi, M. le Président, la mise à jour de cette liste électorale permanente fait l'objet d'un transfert du fardeau au contribuable. En effet, il reviendra à ce dernier d'avertir le bureau du Directeur général des élections de tout changement d'adresse ou d'un déménagement. C'est là que le bât blesse. Je veux bien qu'on responsabilise le citoyen de façon concrète, mais je ne voudrais en aucun cas que l'État québécois n'assume plus cette responsabilité d'inciter ceux et celles qui ont le droit de vote de le faire.

De plus, M. le Président, on commence à se demander, dans certains milieux, ce qui presse le gouvernement du Parti québécois à vouloir faire passer ce projet de loi devant l'Assemblée nationale avec autant de précipitation. Bien sûr, la perspective référendaire explique, en partie, cette hâte du gouvernement péquiste à faire adopter cette loi portant sur la liste électorale permanente. Mais, encore là, si une telle loi ne pouvait être mise en application assez tôt pour la tenue d'un référendum, c'est la loi actuelle qui s'appliquerait automatiquement, puisque le Directeur général des élections serait tenu de se servir des listes du 12 septembre dernier. Il devrait également prévoir une période de révision.

M. le Président, cette loi est suffisamment importante pour laisser aux parties intéressées le temps nécessaire pour formuler les recommandations susceptibles de bonifier ce projet de loi. On ne peut jouer impunément avec le processus de notre vie démocratique, sinon c'est toute la confiance du système qui est remise en cause.

Je ne crois pas que c'est là l'objectif du présent gouvernement. C'est pourquoi nous lui conseillons fortement de prendre tout le temps nécessaire pour bien évaluer les tenants et les aboutissants d'une loi aussi importante que la confection d'une liste électorale permanente. Les interrogations d'un organisme aussi sérieux et responsable que la Commission d'accès à l'information méritent qu'on s'y arrête et qu'on étudie chacune des modifications proposées dans le cadre de l'étude de ce projet de loi. Il est certain, M. le Président, que l'opposition officielle se questionne sur l'attitude du gouvernement du Parti québécois de vouloir procéder avec autant d'empressement à l'adoption d'un projet de loi qui modifie en profondeur nos règles démocratiques.

M. le Président, c'est une drôle d'impression qui se dégage quant à la façon de légiférer de ce gouvernement élu le 12 septembre dernier. La population a donné le mandat au gouvernement du Parti québécois de gérer l'économie de manière à améliorer notre qualité de vie. Mais cette même population n'a sûrement pas demandé au Parti québécois d'outrepasser son mandat en «bulldozant» une réforme aussi importante, puisqu'il s'agit ici de modifier une pièce aussi fondamentale que la Loi électorale. Aucun gouvernement, même obsédé par son échéance référendaire, n'a le droit, à mon avis, de pousser à outrance le processus parlementaire et faire en sorte que les objectifs partisans passent avant les intérêts supérieurs du Québec.

M. le Président, nous désirons qu'une étude approfondie des impacts véritables sur ce projet de loi ait lieu en bonne et due forme. Il est nécessaire d'entendre en commission parlementaire les commentaires, les suggestions des personnes et organismes intéressés à ce projet de loi. Nous devons non seulement les écouter, prendre note de leurs modifications, mais, s'il le faut, bonifier et rendre ce projet de loi acceptable à tout le monde. C'est là, M. le Président, le sens d'une véritable vie démocratique. C'est également faire preuve de leadership et de responsabilisation que de prévoir une information complète et éclairée à tout changement de notre système électoral. Si, pour une raison ou une autre, des citoyens n'arrivaient pas à s'inscrire sur la liste électorale permanente, alors, là, je dis que ce contexte idéal du droit de vote n'est pas respecté. Si, pour une raison ou une autre, des citoyennes et citoyens ne se sentaient pas suffisamment informés pour suivre tout le déroulement qui suivra l'adoption de ce projet de loi, alors je dis que l'État n'a pas assumé sa responsabilité et que ce contexte idéal du droit de vote n'est pas atteint.

Des organismes aussi sérieux que la Commission d'accès à l'information ont parfaitement raison de s'interroger sur l'impact du projet de loi 40. Il met en doute non pas l'objectif tel quel de la loi, mais le processus et les risques d'abus quant au procédé visant à confectionner cette liste. Ces questions sont suffisamment importantes, M. le Président, pour que l'on prenne le temps de s'y arrêter et de chercher les moyens pour rendre parfaitement étanche tout abus qui suivrait l'adoption d'un tel projet de loi. Si le gouvernement refusait de faire un tel exercice, nous nous poserions alors des questions sur ses véritables intentions. Ce serait là le rôle de l'opposition officielle, celui de surveiller les moindres gestes du gouvernement en matière de vie démocratique.

M. le Président, à entendre les critiques qui fusent de toutes parts, on devrait bien se rendre compte que ce projet de loi est loin d'être aussi parfait qu'on voudrait nous le laisser croire. Progressivement, on s'aperçoit que l'application de la liste électorale risque d'entacher, plus qu'autre chose, le déroulement du processus électoral, mais surtout le fait que la confidentialité des renseignements personnels ne soit nullement ou peut-être pas assez protégée dans l'avenir. La confidentialité des renseignements personnels est un domaine très sensible, dans une société comme la nôtre. Au rythme où les informations s'accumulent dans différents ministères, au rythme également où elles peuvent circuler d'un organisme à un autre, on ne peut se permettre de risquer de compromettre cette notion de confidentialité que nous prenons pour acquise jusqu'à maintenant. En définitive, M. le Président, plus l'on prend connaissance des détails de ce projet de loi, plus la prudence s'impose.

Pour notre part, nous sommes prêts à collaborer et à bonifier cette loi, et c'est pourquoi nous demandons au gouvernement d'éviter de précipiter l'adoption du projet de loi 40, lequel modifie en profondeur nos règles démocratiques et touche à certaines valeurs fondamentales de notre société. Nous, de l'opposition officielle, réitérons notre requête au gouvernement du Parti québécois afin d'entendre en commission parlementaire tous les intervenants et groupes qui ont des suggestions, des inquiétudes, des modifications et des nuances à apporter à ce projet de loi afin d'assurer la mise en place d'un système suffisamment solide pour poursuivre le bon déroulement de notre vie démocratique. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je remercie Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne et je vais reconnaître maintenant M. le député de Shefford. M. le député, je vous cède la parole.


M. Bernard Brodeur

M. Brodeur: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir, aujourd'hui, d'intervenir dans le cadre de l'adoption du principe du projet de loi 40, loi intitulée Loi sur l'établissement de la liste électorale permanente et modifiant la Loi électorale et d'autres dispositions législatives. Comme vous le savez, nous avons présentement une loi électorale, un système électoral qui permet, sur le plan démocratique, un des plus hauts taux de participation dans le monde, du moins dans le monde de la démocratie qu'on connaît ici, dans notre pays nord-américain.

Comme le disait tout récemment mon collègue et député de Brome-Missisquoi, ce système électoral, cette Loi électorale a d'abord été adoptée et ensuite modifiée suite à des consensus entre les différentes formations politiques et suite à une adoption unanime par les membres de l'Assemblée nationale du Québec. Il est de toute évidence qu'il y a des lacunes à corriger au système électoral, mais il faut aussi avoir à l'esprit que notre loi actuelle, que notre système actuel constitue également un joyau à protéger et que nous devons agir avec la plus grande prudence possible.

Malgré que nous entrions dans ce vif débat, nous avons quand même un préjugé favorable. Nous devons toujours avoir à l'esprit que cette loi, qui est l'une de nos bases démocratiques et qui incite et encourage tout citoyen à exercer son droit de vote, doit conserver ses acquis et n'être révisée que si l'on maintient la règle première: que chaque citoyen puisse exercer en toute liberté, avec les moyens les plus simples et avec le moins d'irritants possible, son droit fondamental de s'exprimer démocratiquement.

(20 h 40)

M. le Président, je disais qu'il fallait agir avec prudence, et vous conviendrez qu'agir avec prudence implique une analyse la plus complète possible des conséquences de tout amendement au meilleur système démocratique sur cette planète.

M. le Président, dans une législation si délicate, nous nous devons d'agir, en premier lieu, de façon réfléchie et ordonnée. Je crois que nous devons d'abord et avant tout consulter, interroger, et surtout bien écouter les organismes qui doivent être consultés lorsque nous modifions une loi si chère au peuple québécois, et qui régit le droit que chacun a de s'exprimer à travers son représentant élu.

Je pense, entre autres, et tout comme le citait mon collègue, leader de l'opposition, à la Commission d'accès à l'information, à la Commission des droits de la personne, au Protecteur du citoyen, à la Régie de l'assurance-maladie, à la Société de l'assurance automobile du Québec et à la Régie des rentes du Québec.

M. le Président, vous connaissez ma maigre expérience parlementaire, mais jamais, depuis que je siège dans cette Assemblée, je n'ai participé à l'étude d'un projet de loi si important, si important que je crois profondément qu'il ne peut être adopté à la hâte pour satisfaire un agenda guidé par on ne sait trop quoi. M. le Président, il vaut mieux réfléchir avant d'agir et agir ensuite plutôt que de simplement dire que l'on fait ce que l'on dit.

Il serait important également d'avoir à l'esprit de faciliter le droit de vote de nos personnes âgées, de nos personnes handicapées ou de toute personne en perte d'autonomie. M. le Président, pourquoi ne pas faciliter un vote par anticipation, par exemple, à des gens ayant atteint un âge qui, de ce seul fait, réduit leur capacité de déplacement? Nous savons tous que cette clientèle n'est pas nécessairement celle du parti ministériel, mais tel geste ne serait-il pas une amélioration à notre démocratie?

Vous savez, M. le Président, que, présentement, le seul fait d'avoir un âge avancé ne justifie pas nécessairement le droit de voter par anticipation. Ce ne serait que reconnaissance à tous ces Québécois et Québécoises qui ont fait de notre société ce qu'elle est aujourd'hui.

Nous devons également faciliter l'exercice du droit de vote à tous ces gens marqués par leur propre histoire de vie, ces gens marqués, trop souvent, par la peur de l'appareil gouvernemental, qui, plutôt de réclamer leurs droits, préfèrent se taire et subir une démocratie qui est celle des autres. M. le Président, l'objectif d'une nouvelle législation doit en être un de démocratie totale où 100 % de nos citoyens doivent avoir un droit de s'exprimer, du moins ceux qui sont reconnus juridiquement de tous comme ayant droit de vote.

M. le Président, même les politiciens municipaux questionnent la mise en vigueur d'une liste électorale informatisée, la liste électorale unique. En effet, plusieurs élus municipaux croient que les avantages d'une liste unique n'ont pas été démontrés. Plusieurs élus croient que le recensement a un effet sur l'appel du vote. C'est une façon de publiciser l'élection. Par exemple, je cite la mairesse de Sainte-Foy qui déclarait à un journaliste du journal Le Devoir , et publié dans un article du 1er juin 1993, et je cite: «Un des problèmes de la société de demain, ce sera d'attirer les gens au vote.» Dans le domaine municipal, on craint également que le choix de s'inscrire ou non risque d'entraîner une rapide détérioration de la liste électorale.

M. le Président, je désire citer un personnage que j'ai fréquenté durant quelques semaines, et qui, j'en suis certain, fait l'unanimité au sein du parti ministériel. En effet, M. le Président, je reprends un passage du même article de Michel Venne, dans le journal Le Devoir du 1er juillet 1993, alors qu'il citait mon bon ami, le maire d'Austin M. Roger Nicolet, et je cite: «Il faudrait réfléchir avant de démanteler le système en place, estimant qu'il serait prématuré d'aller de l'avant [...] M. Nicolet suggère au gouvernement de créer sa liste informatisée pour ses propres besoins, et on verra avec le temps comment y greffer les municipalités.»

M. le Président, nous devons nous donner le temps de nous former une opinion éclairée sur le sujet, et surtout d'éviter de commettre des erreurs majeures qui pourraient avantager l'un ou l'autre des partis politiques, ce qui fausserait complètement le processus.

M. le Président, comme l'ont dit plusieurs des orateurs précédents, un tel empressement n'est pas nécessaire. Nous ne sommes qu'au lendemain d'une élection et beaucoup trop près d'un rendez-vous référendaire pour mettre sur pied un système qui laisse encore beaucoup d'interrogations sur son application.

M. le Président, pourquoi ne pas s'assurer, dans les mois qui suivent, de l'étanchéité d'un tel système par des consultations qui s'imposent. M. le Président, quelques mois dans l'histoire d'une société démocratique, c'est très court, mais trop important pour ne pas les utiliser.

Je sollicite donc l'attention des collègues pour que, dans tout ce processus de modification de la Loi électorale, nous ayons à l'esprit que notre fonction première est de protéger la démocratie et le droit de tous les Québécois et toutes les Québécoises de s'exprimer démocratiquement.

Je vous remercie, M. le Président...

Une voix: ...

M. Brodeur: Merci beaucoup! Je vous remercie, M. le Président, et je laisse la chance à d'autres de mes collègues de s'exprimer. Merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je remercie M. le député de Shefford. Je vais reconnaître maintenant Mme la députée de Saint-François. Mme la députée, je vous cède la parole.


Mme Monique Gagnon-Tremblay

Mme Gagnon-Tremblay: Merci, M. le Président. Comme tous mes autres collègues, M. le Président, il me fait plaisir d'intervenir sur ce projet de loi qui est tellement important pour la vie démocratique de tout notre système, qui est le projet de loi 40, qui est la Loi sur l'établissement de la liste électorale permanente et modifiant la Loi électorale et d'autres dispositions législatives.

Et pourquoi, M. le Président, ce projet de loi est si important à ce moment-ci? Mais c'est parce qu'on est dans une campagne référendaire. On essaie de nous faire croire qu'on est dans la campagne préréférendaire, qu'on a enclenché le référendum, mais je dois dire qu'on a plutôt déclenché immédiatement la campagne référendaire. Et c'est pour ça, M. le Président, qu'on s'inquiète, parce qu'on se rend compte que le gouvernement veut adopter cette loi très rapidement. Et, elle est majeure, parce que, actuellement, notre loi... Il n'y a pas eu énormément de modifications; ça fait quand même depuis 1992 que les dernières modifications ont été apportées à la loi. C'était des modifications qui étaient importantes; bien sûr qu'il faut les moderniser, il faut les adapter, nos lois, on est ici pour ça, pour légiférer. Mais bien sûr que ce projet de loi, cependant, est un projet de loi important, comme je le mentionnais, parce que ces dernières modifications qui ont été apportées en 1992 avaient fait consensus. C'est important d'obtenir le consensus des deux côtés de la Chambre pour réussir à adopter un tel projet de loi. Mais, aussi, nous avons actuellement un des meilleurs systèmes, le meilleur système électoral au monde. Actuellement, on serait peut-être le seul État au Canada, entre autres, à ne plus avoir de recensement. C'est ce qui nous distingue, d'ailleurs, des États-Unis.

Mais, M. le Président, ce projet de loi, qu'est-ce qu'il comporte exactement? Ce projet de loi établit qu'on veut établir une liste permanente par la constitution, à partir de la liste électorale ayant servi à l'élection du 12 septembre 1994, d'un fichier des électeurs et d'un fichier des territoires. Quant à la liste permanente informatisée, je pense bien, M. le Président, qu'on n'est pas contre. Je pense qu'il est peut-être temps qu'on ait une liste informatisée; il est peut-être temps, aussi, qu'on se modernise en fonction, bien sûr, de l'autoroute électronique.

Et il est peut-être temps, aussi, qu'on raccourcisse comme telle la campagne électorale. On sait, par exemple, ce qui se passe actuellement au niveau de nos recenseurs. On sait, par exemple, que, lorsqu'on décrète l'élection, il y a des recenseurs qui commencent à faire le porte-à-porte, qui vont frapper à chaque porte, qui informent les gens, qui prennent, entre autres, tous les renseignements pour fabriquer, ou, c'est-à-dire, préparer cette liste électorale.

Alors, là, bien sûr que c'est très différent: les gens auront, à partir d'une liste, s'ils veulent se faire inscrire, des démarches à faire. Ça sera très différent, et c'est certain qu'on se questionne, actuellement, sur le taux de participation. Je pense qu'il faudrait voir aussi si ça peut avoir un impact sur le taux de participation.

Donc, je reviens sur la question de la liste comme telle. Je pense qu'on veut bien moderniser le système. Mais, ce qui accroche et ce qui fait un peu problème, c'est comment cette liste permanente, comment on va pouvoir avoir cette liste. C'est-à-dire que, lorsqu'on parle du fichier des électeurs et d'un fichier des territoires, c'est là qu'on s'inquiète. Et, justement, le projet de loi 40 propose trois moyens pour mettre à jour le fichier des électeurs, afin que la liste demeure fiable entre deux élections générales.

Premièrement, des données fournies par la RAMQ – la Régie de l'assurance-maladie du Québec – à intervalles réguliers. Le rapport, au 31 mars 1993, du Directeur général des élections sur une liste informatisée suggère un intervalle hebdomadaire qui informe le Directeur général des élections des changements. Notamment, cette opération a pour but de signifier les changements d'adresse ou encore les décès.

(20 h 50)

Aussi, par la mise à jour, suite à la période de révision, lors d'un événement électoral au niveau municipal ou scolaire. Ainsi, lorsque se déroule un scrutin sur le territoire d'une ville donnée, on laisse la possibilité aux électeurs de s'inscrire, de se faire radier ou de faire les corrections qui s'imposent quant à leur inscription sur la liste électorale, durant une période de révision.

Et, suite à cette opération, les informations sont transmises par le Directeur général des élections et par la signification des changements d'adresse ou des conditions par l'électeur, ici même, au moyen du formulaire prescrit entre deux événements électoraux.

C'est là, M. le Président, que nous avons des réserves, c'est sur la question du fichier. Et pourquoi nous avons des réserves? Nous ne sommes pas les seuls, bien sûr, à être à côté, nous ne sommes pas les seuls à avoir des réserves. Nous avons des organismes, comme, par exemple, la Commission d'accès à l'information, comme la Commission des droits de la personne et bien d'autres, qui sont des organismes qui sont fiables, des organismes avec des conseils d'administration, qui sont là, justement, pour être certains chiens de garde à toutes les lois qu'on pourrait passer et qui pourraient faire problème. Et ces organismes nous disent: Attention! Attention! nous avons certaines réserves quant au fichier des électeurs. Et ici, entre autres, je regarde, par exemple, et je me fie à l'avis qui a été donné par la Commission d'accès à l'information, et ils ont de sérieuses réserves.

Vous savez, M. le Président, ce projet de loi est un projet de loi qui est quand même assez considérable, assez complexe, et, déjà, on a déposé près de 17 amendements. Et on voudrait qu'on adopte ça très rapidement, avant les fêtes. Et ça fait problème. Ça fait problème, parce que je reviens encore sur la question de l'avis qui a été donné par la Commission d'accès à l'information, et on dit, justement, dans cet avis, que, en raison de la nature même de ce projet, on comprendra facilement que celui-ci interpelle directement la Commission d'accès à l'information.

La création d'une liste électorale permanente informatisée. On mentionne qu'un tel projet n'est pas nouveau au Québec. Je le mentionnais tout à l'heure, ce n'est pas là qu'est le problème. Ce dernier tire son inspiration d'un rapport récent, déposé à l'Assemblée nationale le 31 mars 1994 et qui est intitulé «Une liste électorale informatisée». Ce rapport affirme que l'existence, depuis 1982, de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels a créé les conditions favorables à l'implantation d'une liste électorale informatisée, car elle vient préciser et déterminer les rôles des ministères et organismes en matière de respect de la vie privée.

Et cette affirmation pourrait être juste, s'il s'agissait simplement d'informatiser les listes électorales actuelles. C'est ce que je mentionnais, M. le Président. L'informatisation des banques de données nominatives, détenues par les organismes publics, n'est plus, en effet, un phénomène marginal. Et la loi sur l'accès reconnaît aux citoyens certains droits dont l'exercice ne doit pas être nié par l'utilisation d'outils technologiques quels qu'ils soient. Cependant, la nature véritable du projet de loi n'est pas l'informatisation de la liste électorale. Ce n'est pas l'informatisation – on est d'accord avec l'informatisation – mais plutôt la création d'une liste unique et permanente. Et l'enjeu réel et les dangers de ce projet résident, justement, dans cette création d'un fichier unique et permanent sur plus de 4 000 000 d'électeurs, soit tous les Québécois et Québécoises âgés de 18 ans et plus. Or, la Commission s'interroge, tout comme nous, on s'interroge, sur le bien-fondé de centraliser, dans un même fichier, et en un seul endroit, des renseignements nominatifs actuellement détenus séparément par trois paliers de gouvernement.

M. le Président, est-il suffisant – comme le mentionne, justement, l'avis de la Commission d'accès à l'information – d'invoquer des raisons d'efficacité, de commodité et de rentabilité pour justifier la création d'un fichier qui équivaudrait, à toutes fins pratiques, à un registre d'une large section de la population? Faut-il ajouter un autre fichier permanent aussi vaste, sous prétexte que les listes électorales actuelles sont vite périmées ou mal constituées? On y lit que la mise en oeuvre de ce projet contredit l'un des principes de base de la loi sur l'accès, c'est-à-dire la communication périodique et régulière de renseignements nominatifs par la Régie de l'assurance-maladie du Québec sans le consentement des personnes concernées. Qui plus est, le projet de loi prévoit l'interrogation de certains autres fichiers qui ne sont d'ailleurs pas mentionnés ni identifiés.

Et j'ajoute, M. le Président, dans ce même avis où l'on parle d'un détournement de finalité, qu'on dit: «Un citoyen communique à la RAMQ des renseignements personnels de bonne foi uniquement aux fins de bénéficier du régime d'assurance-maladie.» S'il savait que le Directeur général des élections pourrait s'alimenter à cette banque de données, je pense qu'il serait en droit de penser, au niveau des apparences du moins, que ces renseignements servent effectivement à d'autres fins que celles pour lesquelles il les a fournis. Est-ce qu'il les fournirait, ces renseignements? Je pense qu'on est en droit de répondre à ces questions.

Et, dans ce contexte, comment rassurer le citoyen qui confie des renseignements personnels à la Régie de l'assurance-maladie? Ce dernier n'en viendrait-il pas à croire que la confidentialité du fichier des bénéficiaires n'est qu'un leurre? De plus, comment peut-on justifier l'utilisation de renseignements fournis à des fins d'assurance-maladie pour permettre l'exercice du droit de vote, qui, faut-il le rappeler, n'est pas obligatoire au Québec? Ça, M. le Président, ce n'est pas moi qui le dis, c'est la Commission des droits... c'est la Commission d'accès à...

Une voix: C'est ça que vous voulez...

Mme Gagnon-Tremblay: Je comprends que ça fait peut-être plusieurs fois que vous l'entendez...

Le Vice-Président (M. Brouillet): S'il vous plaît! S'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît, deux minutes! Écoutez, là, j'aimerais qu'on continue un peu dans le décorum qu'on a tenu depuis le début. J'inviterais les gens à se retenir et à attendre leur temps de parole pour pouvoir manifester et exprimer leurs opinions. Alors, je fais appel à votre bonne volonté. Alors, Mme la députée de Saint-François.

Mme Gagnon-Tremblay: M. le Président, je comprends que ce sont des arguments que, de l'autre côté, bien sûr, on entend depuis une journée, deux jours. Je comprends. Mais pourquoi vouloir s'entêter à poursuivre le débat? Pourquoi vouloir le faire d'une façon si rapide? M. le Président, on a été élus le 12 septembre, hein! On a été élus le 12 septembre. On nous a convoqués dans cette Chambre le 29 novembre 1994. Si c'était si urgent, pourquoi vous ne nous avez pas appelés avant? Si c'était si urgent, si vous n'avez rien à cacher, pourquoi vous ne nous avez pas convoqués auparavant? Moi, monsieur...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Écoutez, là, je vous demande... Vous avez toute l'occasion de parler quand les temps de parole vous sont accordés. Profitez-en si vous avez des choses à dire, mais, entre-temps, laissez donc la personne qui a le droit de parole s'exprimer! Prenez des notes s'il le faut, là, pour savoir quoi dire quand vous vous lèverez. Alors, Mme la députée de Saint-François.

Mme Gagnon-Tremblay: Merci, M. le Président. Alors, je disais: Pourquoi, à ce moment-là, vouloir précipiter l'adoption de ce projet de loi alors qu'on a été convoqués le 29 novembre? Si c'est si urgent, s'il faut le faire avant la campagne référendaire, bien, je suis prête, mes collègues aussi. On est prêts à revenir ici le 10 janvier, le 15 janvier, on est prêts. Mais, cependant, il faut aussi entendre les représentants des organismes concernés qui s'inquiètent de ce projet de loi, qui ont le droit de savoir comme, nous, on a le droit de savoir.

Je le mentionnais, M. le Président, ce n'est pas sur la question de la liste comme telle, la liste informatisée, c'est sur la question du fichier. Vous savez, on a beau dire ce qu'on veut, mais on est en droit, de ce côté-ci aussi, de se poser des questions et de se demander pourquoi on veut tant précipiter. Moi personnellement, je m'inquiète, parce que, vous savez, en campagne électorale, M. le Président, j'avais beau m'évertuer à parler du programme du Parti québécois... Parce qu'ils n'osaient pas en parler, de leur programme, on nous disait: Élisez un gouvernement et, après, on parlera du référendum. J'en ai parlé durant toute la campagne électorale. Non, il ne fallait pas en parler.

(21 heures)

Vous vous souviendrez, M. le Président, même que les candidats et candidates du Parti québécois avaient reçu un ordre de ne pas parler du programme du Parti québécois. Bien, dans ce programme, on en parlait aussi, des modifications qu'on devait apporter au niveau de notre système électoral. Je me souviens même qu'on parlait d'une question de proportionnel.

Alors, M. le Président, je pense qu'on a raison actuellement de se poser des questions, de se demander pourquoi on veut précipiter l'adoption d'un projet de loi tel que celui-là et pourquoi, finalement, on ne répond pas aux inquiétudes des différents organismes, des différents groupes, actuellement. Ça fait combien de fois, M. le Président, ça fait combien de jours qu'on demande de rencontrer les gens en commission parlementaire? J'étais contente, ce matin, de constater que, finalement, dans notre petit Feuilleton et préavis , on retrouvait une motion du leader du gouvernement afin que des groupes, comme la Commission d'accès à l'information, la Commission des droits de la personne, le Protecteur du citoyen, l'Union des municipalités du Québec, l'Union des municipalités régionales de comté, la Corporation des officiers municipaux du Québec, la Fédération des commissions scolaires du Québec... Mais, là, il en manquait quelques-uns, il manquait quelques organismes. Mais j'ai senti une certaine ouverture pour pouvoir entendre ces groupes.

Et je pense, M. le Président, que, quand on aura entendu ces différents représentants d'organismes, on aura un éclairage qui nous permettra de prendre position et de voter sur un projet de loi qui est important. On ne peut pas nous demander de voter sur un projet de loi alors que des organismes comme la Commission d'accès à l'information, le Protecteur du citoyen nous avisent et disent: Attention, attention! Vous êtes des législateurs, vous ne pouvez pas voter n'importe quoi. Vous êtes là pour préserver aussi la vie privée des citoyens et des citoyennes du Québec.

Donc, M. le Président, c'est un projet qui est important, mais c'est un projet aussi qui nous indique la prudence. Même le Protecteur du citoyen a beaucoup de réserves, et je lisais ses commentaires. Il y a aussi la Commission des droits de la personne. C'est tellement rapide, on nous demande d'agir dans un délai tellement court que même le président de la Commission des droits de la personne disait: «J'aurais préféré que ces commentaires puissent être soumis pour adoption à l'ensemble des commissaires de la Commission, mais le très court délai consenti pour les formuler fait en sorte que seuls le vice-président et moi-même ont pu les approuver.» Alors, je pense que c'est important que tous les membres de la Commission des droits de la personne aient le temps de regarder ce projet et de nous indiquer qu'est-ce qui peut faire problème, comment on peut l'améliorer, qu'est-ce qu'on peut faire pour l'améliorer.

Parce que, comme je le mentionnais, M. le Président, pourquoi ne pas avoir convoqué ces groupes rapidement? Peut-être qu'on serait déjà rendu en deuxième lecture! Pourquoi ne pas l'avoir fait à ce moment-là? Qu'est-ce qu'on veut cacher? Est-ce qu'on a l'assurance que la vie privée des citoyens sera protégée? Peut-on nous donner l'assurance que cette liste sera aussi harmonisée ou encore aura le même langage que la liste du gouvernement fédéral? On fait affaire avec différents paliers de gouvernement. Je comprends que, de l'autre côté de la Chambre, on n'est pas nécessairement d'accord avec tous les paliers de gouvernement, mais c'est important aussi que l'on puisse harmoniser cette liste.

M. le Président, vous savez, quand on raccourcit le délai réglementaire, on augmente aussi, en même temps, la période qu'on appelle la période d'astuce, qui est non réglementée. Et, moi, c'est ça qui m'inquiète. C'est ça qui m'inquiète parce qu'on a déposé dans cette Chambre, tout récemment, un avant-projet de loi sur la séparation du Québec. Parce que le programme du Parti québécois, qu'on a camouflé au cours de la campagne électorale, m'inquiète; parce que, M. le Président, on embauche par la suite... Lorsqu'on a embauché, par exemple, des personnes comme Jean-François Lisée ou encore Pierre Bourgault, qui sont prêts à...

Une voix: À faire n'importe quoi!

Mme Gagnon-Tremblay: ...faire à peu près n'importe quoi, quand j'entends, par exemple...

Une voix: Ah! Ah! Ah!

Mme Gagnon-Tremblay: ...quand j'entends, par exemple, le premier ministre...

Une voix: Un instant!

Mme Gagnon-Tremblay: ...quand j'entends le premier ministre qui...

M. Lefebvre: M. le Président, je m'excuse pour Mme la députée de Saint-François.

Le Vice-Président (M. Brouillet): S'il vous plaît! M. le leader de l'opposition.

M. Lefebvre: Vous avez compris, M. le Président, que je me lève tout simplement pour vous permettre de rappeler à nouveau à mes collègues d'en face les dispositions de notre règlement. Vous le leur avez dit à deux reprises, à ma connaissance, tout à l'heure, que Mme la députée Saint-François doit pouvoir s'exprimer en toute quiétude.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, écoutez, un peu de retenue! Et, Mme la députée, je vous demanderais, s'il vous plaît, de conclure. Le temps est écoulé.

Mme Gagnon-Tremblay: Merci, M. le Président – oui, je conclus.

Vous savez, M. le Président, j'en étais rendue aux astuces. Quand on est rendu, là, qu'on dit, par exemple, que tout n'est désormais que tactique ou stratégie, ou encore, par exemple, qu'on dit... Ce que le premier ministre a répondu en Chambre, c'est: Qu'est-ce qu'ils nous reprochent? Ils nous reprochent d'être organisés? Bien oui, M. le Président, on ne leur reproche pas d'être organisés, M. le Président, mais on leur reproche et on a peur d'être, nous, organisés ou que la population du Québec soit organisée.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, Mme la députée de Saint-François. Je vais reconnaître... Oui, M. le député de Duplessis.

M. Perron: Oui, M. le Président, sur une question de règlement, en vertu de 213. Est-ce que la députée de Saint-François me permettrait de lui poser une question?

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, Mme la députée, est-ce que vous acceptez une question?

Mme Gagnon-Tremblay: M. le Président, je pense que, si on avait écouté attentivement mes propos...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vais reconnaître maintenant M. le député de Taschereau. M. le député, je vous cède la parole.


M. André Gaulin

M. Gaulin: M. le Président, pourrais-je commencer en rappelant à Mme la députée de Saint-François que, lorsqu'ils ont été élus en 1985, le 25 septembre, ils n'ont convoqué la Chambre que le 28 novembre?

Alors, comme le disait, hier, la députée de Chapleau, il faut prendre son temps, reprenant là un refrain libéral, un air connu. Elle nous disait, M. le Président, qu'on était en train de changer le processus historique. J'imagine que c'est quelque chose de normal, puisque nous sommes dans l'histoire et que nous évoluons.

Justement, en parlant de ce processus, il faut rappeler que nous sommes la septième Législature depuis 23 ans à nous pencher sur la question du recensement. En 1972 – quelques rappels de mémoire – le gouvernement de Robert Bourassa I faisait ou créait le recensement annuel, un recensement que, par après, on a jugé coûteux, qui servait peu, puisqu'il n'était pas polyvalent, ne pouvant servir à différents types d'élections, et qu'il a été abandonné par le gouvernement de Robert Bourassa II.

Sous la gouverne du regretté René Lévesque, on avait également fait un projet de registre des électeurs. Le gouvernement, après une longue discussion, beaucoup d'auditions, a fini par battre en retraite parce que, à l'époque, on avait craint que ce registre n'affecte, d'une certaine manière, la protection de la vie privée. On devait cependant se rendre compte, par la suite, qu'avec les moyens informatiques modernes que nous avions tel n'était pas le cas. Cependant, on en était quitte pour le regret. On avait, d'ailleurs, à l'époque, comme encore aujourd'hui, opposé les droits de la personne aux droits du citoyen. J'y reviendrai. Et, comme par hasard, cet abandon a été fait juste avant le référendum de 1980.

Quand, en 1989, sous la Trente-troisième Législature, le gouvernement de Robert Bourassa II annule le recensement annuel, les campagnes électorales en sont automatiquement allongées – période de recensement – ce qui nous a amenés à des campagnes électorales allant jusqu'à plus de 50 jours, soit près de deux mois.

Et, curieusement, M. le Président, les deux élections qui suivent se font en rognant sur l'été. On sait que le soleil est rare au Québec, que, l'été, les Québécoises et les Québécois se reposent, et on a profité, justement, du fait que les campagnes étaient plus longues pour les enclencher dès le mois d'août. Ç'a été le cas de deux campagnes électorales: celle de 1989 et celle de 1994. En plus, ces campagnes étant très longues, elles ne sont pas nerveuses, elles empêchent d'aller au coeur des débats et de présenter des programmes nets et non pas improvisés, comme on l'a vu du côté libéral au fil des sondages.

M. le Président, depuis plusieurs jours, on entend dans cette Chambre le discours de la prudence. C'était en particulier ce que nous rappelait encore aujourd'hui le député de Laporte. La prudence, je veux bien, mais quelle prudence? En fait, cette loi 40 s'inscrit dans le sens de la démocratie électorale. Après qu'on eut passé ici, dans cette Chambre, en 1976 ou au début 1977 – en tout cas, dépôt en 1976 – la loi très importante du Parti québécois sur le financement populaire, on a déjà commencé à s'assurer d'une démocratie propre, d'une démocratie nette, d'une démocratie claire. On savait, à partir de ce moment-là, et beaucoup de pays nous l'ont envié, qui paie pour qui. On est sortis, à cette époque, de la grande noirceur des caisses électorales. On a procédé, par la suite, à la réforme de la carte électorale à quelques reprises, parce qu'on estime que cette réforme est quelque chose d'important parce qu'elle assure une représentation des députés par rapport au prorata de la population, prorata des villes, prorata des campagnes.

(21 h 10)

M. le Président, il ne faudrait surtout pas noyer le poisson, comme on tente de le faire, d'un certain côté de cette Chambre, avec la loi 40, et empêcher qu'on en arrive enfin à avoir une liste électorale permanente. Nous savons, de ce côté-ci de la Chambre, au Parti québécois, que l'établissement d'une liste électorale de convention politique est quelque chose qui nous est sacré et très important. Peut-être que c'est moins évident de l'autre côté, étant donné que la plupart n'ont pas été élus par des conventions.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gaulin: La liste électorale, comme le disait le député de Saguenay, mon voisin, est une liste dont la pratique d'établissement est anachronique. Elle favorise, entre autres choses, la «jobine» – vous excuserez l'expression – ce petit pécule qu'on remet aux démarcheurs et démarcheuses du hasard qui font le porte-à-porte très souvent devant des portes vides, où n'importe quel résident qui s'y trouve peut inscrire, finalement, n'importe qui et s'inventer toute une parenté, toute une famille, et des voisins, bien entendu, même si en principe ça ne doit pas se faire.

Combien de gens votent, au Québec, qui n'ont pas la qualité de voteur non seulement dans tel comté, mais au Québec lui-même? Combien de gens passent encore des télégraphes? On pensait cette méthode-là digne du plus noir duplessisme. Combien de gens votent à plusieurs endroits? Au nom de la mise en garde qui faisait dire, qui faisait invoquer au député de Gatineau cette fameuse atteinte à la sécurité de la vie privée, est-ce que, en invoquant cet argument, on va encore user de procrastination? Pourquoi, semblent dire les libéraux, faire aujourd'hui ce qu'on peut faire demain? En fait, M. le Président, il faut dire aux citoyens et citoyennes que leur vie privée n'est pas menacée. Faire une liste électorale permanente, c'est sortir de l'époque du travail à la mitaine et mettre l'informatique d'aujourd'hui au service de la démocratie.

Le député de Bellechasse nous l'a rappelé avant le repas du soir en sortant toutes ses cartes. Je ne pense pas qu'il soit pour autant fiché. Nous avons besoin, bien entendu, M. le Président, et je voudrais rassurer les gens dans cette Chambre et ceux qui écoutent, celles qui écoutent, de protéger la personne, la vie privée des personnes. Mais, en poussant cet argument à l'absurde, en poussant à l'absurde ce souci obsessif, compulsif, de protéger la vie privée, n'y aurait-il pas danger d'enregistrer les actes de naissance, les actes de mariage, les actes de mortalité? Cette même société qui fait cela ne peut-elle pas aussi établir, sans préjudice, une liste électorale permanente qui protège sa démocratie, l'un de ses plus grands biens?

Pourquoi la citoyenne Laliberté de Saint-Roch ou de Saint-Jean-Baptiste verrait-elle son vote annulé trois fois par quelqu'un qui s'est inscrit deux fois, par quelqu'un qui lui a passé un télégraphe, facilité par la liste actuelle, surtout dans les villes? Pourquoi le citoyen Lafrance du Vieux-Québec devrait-il ne pas pouvoir voter parce qu'il vit seul et s'est absenté pendant le temps du recensement et de sa révision?

Nous avons tous à y gagner avec cette loi et cette liste électorale permanente, à courte, à moyenne et à longue échéance. Ça manque vraiment, cette liste, à l'édifice démocratique du Québec moderne. À quoi bon faire montre de l'expertise démocratique québécoise à l'étranger si, à certains égards, nous en sommes encore presque au XIXe siècle dans l'établissement, dans la manière d'établir cette liste des électeurs et des électrices, qui, par ailleurs, est quelque chose de sacré? N'en déplaise à nos bons amis libéraux, comme dirait un non moins ineffable ami libéral, cette législation est tellement capitale, elle a tellement été empêchée depuis 20 ans qu'il faut croire que quelqu'un, quelque part, à courte vue, pourrait y voir intérêt à rester sur son quant-à-soi électoral.

Je dirais, M. le Président, que ce genre de loi doit venir précisément en début de mandat d'un gouvernement, parce que ce n'est pas une loi facile, qu'il faut faire vite, justement, parce qu'il y a, au Québec, un consensus là-dessus, sur le droit inaliénable d'être un citoyen, une citoyenne à part entière, en consacrant le principe: un citoyen, ou une citoyenne, un vote.

Il y a 25 ans, nous nous sommes donné une Assemblée nationale. En 1976, nous nous sommes donné une loi sur le financement populaire. La loi 40 va dans le même sens. Je crains, M. le Président, que, pour les libéraux, la prudence et la responsabilité n'aillent pas dans le même sens, pour reprendre les mots du député de Laurier-Dorion, que nous. La prudence, chez eux, ressemble plus à de l'immobilisme; je dirais même qu'ils sont tombés en catatonie. Nous ne sommes pas, M. le Président, tellement lilliputiens que cette tâche d'établir une liste électorale permanente soit au-dessus de nos forces. S'il y a des obstacles à franchir, il y en a. S'il y a des questions à se poser, il y en a. Posons-nous ensemble ces questions, franchissons ensemble ces obstacles pour établir, enfin, cette liste électorale.

(21 h 20)

Nos vis-à-vis cherchent plutôt à gagner du temps. L'exercice parlementaire que nous faisons ensemble de réussir une liste électorale permanente n'est pas – comme quelqu'un, tout à l'heure, de leur côté disait – un acte partisan. C'est un acte national. Il concerne, il en appelle, cet acte-là, à tous les partis. Il veut protéger toute la nation et il veut protéger, en fait, ce que nous avons de plus précieux, la vie démocratique québécoise. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le député de Taschereau. Je vais reconnaître maintenant M. le député de Robert-Baldwin. M. le député, je vous cède la parole.


M. Pierre Marsan

M. Marsan: M. le Président, le gouvernement nous présente un projet de loi portant sur la confection de la liste électorale permanente, qui aura de nombreux effets dans notre cadre de vie démocratique. Dans son discours d'ouverture de la présente session, le premier ministre avait élevé au rang de symbole son projet de réforme électorale, prolongeant l'action de démocratisation engagée par l'ex-premier ministre du Québec.

Certes, si ce projet permet d'établir hors de tout doute que seuls les électeurs qui ont droit de vote pourront le faire, voilà un avantage certain pour le projet de loi 40. Mais cette législation renferme de nombreuses interrogations, comme nous l'avons fait valoir dans le cadre d'une motion de report au cours des dernières heures.

Pour l'essentiel, le projet de loi 40 éliminera le recensement des électeurs pour le remplacer par une liste électorale permanente informatisée. Cette liste servira aussi bien aux élections provinciales et municipales que scolaires.

M. le Président, le gouvernement pourrait profiter de cette occasion pour améliorer notre système électoral, comme, par exemple, faire en sorte que cette liste permanente puisse également servir pour l'élection des représentants de la population dans le cadre des élections aux conseils d'administration des établissements de santé et de services sociaux, ainsi qu'au sein des régies régionales.

Ces élections aux conseils d'administration des établissements de santé et de services sociaux doivent faire l'objet de règlements consécutifs à la loi 120. Il serait donc important, M. le Président, d'inclure un chapitre dans le projet de loi 40, qui engloberait les élections des quatre représentants de la population aux conseils d'administration des différents hôpitaux, des établissements de santé et de services sociaux, de même que des régies régionales.

De plus, il m'apparaît approprié que cette loi puisse permettre l'implantation d'une véritable démocratisation des conseils d'administration des établissements de santé qui, malheureusement, M. le Président, trop souvent, ont pu être noyautés par différents groupes de pression.

Je souhaiterais, M. le Président, que nos amis d'en face puissent vraiment porter une attention particulière à cette recommandation qui consiste à élargir le projet de loi 40 aux établissements de santé et de services sociaux. Je pense que ce serait très important. La loi 120 est quand même assez jeune. Il y a eu une première élection il y a quelques années, il y a près de trois ans. Il devrait y en avoir une autre prévue dans le début de l'année 1995, et ce serait sûrement une occasion, une chance en or qu'on aurait d'améliorer tout cet aspect démocratique de nos institutions, particulièrement les établissements de santé et de services sociaux.

Mais, pour atteindre cet objectif, il faudrait que le gouvernement accepte d'écouter les propositions, que nous pensons intéressantes, que seraient en mesure de formuler de nombreuses organisations du réseau de la santé. On pense à l'Association des hôpitaux, aux différentes régies régionales, aux différents représentants des patients et autres intervenants impliqués, de près ou de loin, dans le monde de la santé. J'apprécierais grandement qu'une telle suggestion puisse être supportée par le ministre de la Santé et des Services sociaux et par l'équipe ministérielle.

Il y a un autre point qui m'intéresse plus particulièrement, M. le Président, à savoir que cette liste sera mise à jour grâce au registre des adresses de la Régie de l'assurance-maladie du Québec. Pour avoir oeuvré moi-même pendant plusieurs années dans un centre hospitalier, je peux vous dire que le nombre de renseignements informatisés dans l'appareil de l'État est complexe, et une législation comme celle qui nous est proposée aujourd'hui mérite qu'on s'y attarde quelques instants, à tout le moins.

À l'instar de la Commission d'accès à l'information, il y a plusieurs questions d'éthique qui se posent dès maintenant. Dans le projet de loi présenté par le gouvernement, on y mentionne très clairement que le Directeur général des élections aura besoin d'un minimum de six mois pour informatiser la liste électorale et mettre en route les nouvelles dispositions de la loi. Nous l'avons fait remarquer hier, le Directeur général des élections semble avoir pris pour acquis l'accord de principe des partis politiques. C'est ainsi que, le 5 décembre dernier, le Directeur publiait des appels d'offres pour des fournisseurs aptes à conceptualiser les logiciels qui serviront à l'établissement de cette liste permanente et à sa mise à jour. Heureusement que ces appels d'offres dépendent de l'adoption du projet de loi!

Ma première remarque concerne justement cette façon de voir et de légiférer du gouvernement du Parti québécois. On semble pressé de tout faire en même temps. Je suis un nouveau parlementaire, M. le Président, je ne suis pas particulièrement habitué à toutes les procédures et je sens qu'on est un petit peu bousculés ou qu'on nous presse vraiment à adopter un projet de loi qui est tellement important, qui est un fondement pour la démocratie. Oui, peut-être, je m'y habituerai, mais pour le moment j'ai décidé, en tout cas, de faire valoir... et je pense qu'on a une occasion, comme députés de l'opposition, d'apporter une modeste contribution à chacun des projets de loi qui nous sont présentés. J'espère, M. le Président – en tout cas, c'est assez sérieux, les remarques qu'on peut apporter en cette Chambre – qu'elles pourront être à tout le moins écoutées et peut-être prises au mérite par les ministres concernés.

Alors, on n'hésite pas à changer les habitudes parlementaires et à faire en sorte que des projets de loi deviennent presque des lois même avant d'être adoptés. C'est une mauvaise habitude, M. le Président. J'espère que ça pourra s'améliorer avec les prochains projets de loi. En effet, les législations déposées durant la période, par exemple, de 1976 à 1985, au moment où l'actuel premier ministre a fait son premier et son deuxième mandat, prévoyaient ni plus ni moins la mise en place d'un Québec indépendant. Dans de nombreux secteurs, on avait essayé de faire croire à la population que l'indépendance du Québec était quelque chose d'acquis et qu'il fallait déjà légiférer, à ce moment-là, pour préparer l'après-référendum. C'est comme si on reprenait la même façon, cette autre façon, aujourd'hui, mais avec les mêmes moyens, sauf que, cette fois-ci, il s'agit d'un projet de loi extrêmement important. Je pense savoir qu'il y a des gens qui, des deux côtés de la Chambre, savent quels sont les enjeux d'un tel projet de loi et l'impact démocratique pour les parlementaires.

C'est un projet de loi qui met en cause des notions aussi essentielles pour notre vie démocratique que le respect, la confidentialité des renseignements personnels sur les individus. C'est ainsi qu'en vertu du projet de loi 40 on trouvera sur la liste électorale le nom, l'adresse, le sexe et la date de naissance de chaque électeur. On ne retiendra plus la profession, qui n'est pas un renseignement permettant d'établir la qualité de l'électeur, et, sur ce point, le projet de loi 40 constitue un avantage certain. À une date ultérieure, la Régie de l'assurance-maladie du Québec transmettra au Directeur général des élections la liste des changements d'adresse et la liste des personnes ayant atteint 18 ans, donc ayant acquis le droit de vote depuis le 12 septembre. Il s'agit là d'une mise à jour constante qui pourra également être effectuée à partir de procédures de révision mises en place lors d'élections municipales et scolaires et, nous le souhaitons, mises en place également lors d'élections pour les membres de conseil d'administration des établissements de santé et de services sociaux et des régies régionales.

(21 h 30)

Chaque électeur peut en tout temps demander d'être inscrit ou radié de la liste permanente. De plus, et je me pose plusieurs questions quant à la notion d'équité qu'engendrera la mise en place d'un tel projet de loi, le Directeur général des élections pourra mettre à jour la liste électorale à partir du registre de n'importe quel organisme gouvernemental, comme par exemple la Société de l'assurance automobile du Québec. Paraît-il, d'ailleurs, que le Directeur général des élections pourra prendre entente, conformément à la loi sur l'accès à l'information, avec tous ces organismes publics. La Commission d'accès à l'information se pose plusieurs questions sur ce point. Il serait intéressant de les entendre également.

Selon elle, comment rassurer le citoyen qui confie des renseignements personnels à la Régie de l'assurance-maladie du Québec, si ces mêmes renseignements peuvent circuler d'un organisme à un autre, comme celui du bureau du Directeur général des élections? Est-ce que, selon la Commission d'accès à l'information, le citoyen n'en viendra pas à croire que la confidentialité du fichier des bénéficiaires n'est qu'un leurre? En effet, s'il sait que le Directeur général des élections pourra s'alimenter à cette banque de données, ce citoyen sera en droit de penser, au niveau des apparences du moins, que ces renseignements servent à d'autres fins que celles pour lesquelles il les a fournis. C'est là une raison suffisante qui pousse l'opposition officielle à demander au gouvernement du Parti québécois de prendre tout le temps nécessaire pour étudier cette législation.

Cette seule intervention de la Commission d'accès à l'information est majeure quant à la définition du cadre de notre vie démocratique. En effet, M. le Président, notre système électoral actuel est un des meilleurs au monde. Il fait l'envie de plusieurs pays et sert de modèle à d'autres qui viennent s'alimenter en matière d'information, sur les procédures et sur le cadre de la Loi électorale québécoise.

Si, pour une raison ou pour une autre, cette loi devait devenir l'objet d'abus de la part de l'État québécois ou de tout intervenant de l'appareil public et parapublic, alors je dis que nous risquerions, à ce moment-là, de miner la confiance en ce système dans son ensemble. Ce point de vue peut paraître anodin au gouvernement du Parti québécois, mais, pour nous, il s'agit de protéger les libertés individuelles, comme nous l'avons fait historiquement. En effet, la notion de droits individuels inclut cette confiance que doit avoir un citoyen à l'égard de ses dirigeants et dirigeantes. Cette confiance, le citoyen québécois doit l'avoir à l'égard de l'État, qui transige quotidiennement des milliers, voire des millions de renseignements personnels sur les individus.

Une autre question d'éthique sur laquelle la Commission d'accès à l'information... concerne cette nécessité de centraliser des renseignements qui sont présentement détenus et utilisés par trois paliers de gouvernement et la nécessité de conserver, de façon permanente, des renseignements nominatifs. La Commission ne croit pas que des raisons d'efficacité, de commodité ou même d'économie soient à elles seules suffisantes pour justifier une telle opération.

Cette inquiétude s'explique, entre autres, par le fait qu'un tel fichier, qui serait constamment mis à jour, serait unique au Québec et extrêmement attrayant pour qu'il soit utilisé à d'autres fins. Cette question du fichier central a déjà fait l'objet de nombreux débats à l'Assemblée nationale, entre 1976 et 1985, au cours des premier et deuxième mandats de M. Parizeau.

À peu près toutes les politiciennes et tous les politiciens québécois ont dénoncé cette volonté d'un gouvernement, quel qu'il soit, de centraliser des renseignements personnels sur des individus dans un fichier central. Alors, voilà qu'on ressort des cartons un tel projet, en vue de la confection d'une liste électorale permanente. Certes, l'opposition officielle a donné son accord de principe, mais dans la mesure où la loi qui nous est proposée aujourd'hui serait suffisamment étanche pour empêcher toute bavure susceptible de détourner les objectifs de la présente loi à d'autres fins.

M. le Président, cette façon de nous proposer la législation finit par irriter, à la longue, parce qu'on a l'impression que le gouvernement cherche à manier la démocratie à certaines fins, à des fins plutôt politiques et partisanes. Or, notre rôle de parlementaire consiste, d'abord et avant tout, à légiférer en fonction des intérêts supérieurs de la population québécoise, et ce, conformément au mandat que nous avons reçu lors de la dernière élection. Et c'est bon pour les deux côtés de cette Assemblée.

Si la confection d'une liste électorale permanente constitue un de ces objectifs qui répondent à des intérêts supérieurs de la population, alors nous disons, de ce côté-ci de la Chambre, qu'il vaut la peine de s'y arrêter et de prendre le temps nécessaire pour étudier tous les tenants et aboutissants d'un tel projet.

Mais tel ne semble pas être le cas, puisque le gouvernement du Parti québécois cherche à adopter... En tout cas, on sent une pression, on sent une certaine vapeur, là, pour faire adopter cette législation. S'il nous donne pour raison que la perspective référendaire constitue un impératif quant à l'adoption rapide d'un projet de loi, alors, je pense qu'il nous faut dire que cela ne tient pas. La raison est bien simple, M. le Président, le gouvernement respecte son engagement, c'est-à-dire d'obtenir un référendum au cours de l'année 1995. La loi prévoit que le Directeur général des élections se serve de la liste électorale du 12 septembre dernier et qu'il prévoie simplement une période de révision pour la liste électorale. Alors, quels sont les autres impératifs qui poussent le gouvernement du Parti québécois à aller si rapidement?

J'aurais préféré, de loin, que le gouvernement profite de cette occasion pour apporter des modifications susceptibles d'améliorer notre cadre de vie démocratique. J'aimerais ça, M. le Président, si vous êtes d'accord, vous apporter quelques exemples. Pourquoi ne pas avoir fait en sorte que les petits centres d'accueil, c'est-à-dire ceux qui comportent plus ou moins 50 lits, puissent bénéficier d'un avantage et que soit installé un bureau de votation dans ces centres d'accueil? Pourquoi n'auraient-ils pas le privilège de voir installer un bureau de votation dans un centre hospitalier de longue durée? On sait que ça se fait dans certains cas, mais est-ce qu'on ne pourrait pas le réglementer pour être certain que c'est fait dans l'ensemble et que les patients qui sont dans des centres d'hébergement – que ce soit des centres d'accueil, des centres de longue durée ou encore des centres hospitaliers de courte durée qui ont un permis en longue durée – bien, qu'ils puissent avoir ce droit fondamental de voter. On n'en parle pas dans le projet de règlement, et je crois, M. le Président, qu'il y aurait vraiment un avantage important, autant pour la démocratie que pour les patients qui sont peut-être plus vulnérables à ce moment-là.

C'est ce genre de bonification que nous aurions pu étudier. Et vous pouvez être assuré, M. le Président, qu'on aurait mis tous les moyens pour le faire rapidement. Je pense que c'est important, c'est intéressant de mieux desservir la population québécoise sous le sceau de la qualité, lors des prochaines élections ou encore de la tenue d'un éventuel référendum.

Cette réforme ressemble davantage à une extension de notre cadre de vie démocratique actuel par la mise en place d'une liste électorale permanente. Et, déjà, des dizaines de questions sont posées par des intervenants du milieu, comme la Commission d'accès à l'information, qui s'inquiètent, par exemple, de la création d'un fichier centralisé d'une telle ampleur. Tous les Québécois âgés de 18 ans et plus y seraient inscrits, avec leur adresse et leur date de naissance. Le ministre responsable de la Réforme électorale a déjà promis que tous les intéressés pourront se faire entendre, que, comme c'est la coutume au Québec depuis plus d'une vingtaine d'années, les modifications devront faire consensus ou, encore mieux, unanimité. Dans ce cas-ci, j'estime qu'il faut que les modifications fassent l'objet d'une unanimité de la part des parlementaires et des intervenants, sinon, nous nous interrogerons sérieusement sur le véritable enjeu du gouvernement en matière de vie démocratique.

Et pourquoi ne pas attendre, M. le Président, tant qu'à y être, que le gouvernement nous propose d'abord et avant tout une réforme d'ensemble, incluant celle de la confection d'une liste électorale permanente, avant d'adopter quoi que ce soit qui puisse influencer notre cadre de vie électorale pour les prochaines années? Pour l'heure, nous sommes disposés à étudier sérieusement et à entendre les différents groupes d'intervenants qui peuvent améliorer ce projet de loi. Et je me permets d'insister à nouveau, en tout cas, dans le domaine de la santé, il y aurait sûrement des modifications importantes que nous aimerions présenter au gouvernement, et je souhaiterais qu'on puisse être entendus à cet effet.

Nous profiterons d'une occasion où on pourrait discuter davantage de ce projet pour poser des problèmes de fond au gouvernement. Nous lui demanderons comment il entend gérer ce qu'il a convenu d'appeler l'étique en matière de démocratie. Nous lui demanderons également ce qu'il entend faire pour assumer un rôle responsable de la part de l'État québécois, en encourageant la population à se prévaloir de son droit de vote, aussi bien au niveau provincial qu'aux niveaux municipal et scolaire.

Je vois que vous me faites signe, M. le Président, que le temps passe rapidement. Je voudrais, à titre de conclusion, simplement rappeler et demander au parti au pouvoir de nous supporter et de travailler ensemble, particulièrement pour que ce projet de loi là puisse être d'un intérêt extrêmement important pour les patients, pour ceux qui sont en centre d'accueil, en centre d'hébergement, en centre de longue durée, mais aussi pour mieux démocratiser tous les conseils d'administration des établissements de santé et de services sociaux des régies régionales. Pourquoi ne pas prendre le temps de le faire comme il faut? Merci, M. le Président.

(21 h 40)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je remercie M. le député de Robert-Baldwin. Je vais reconnaître Mme la députée de Rimouski. Mme la députée.

Mme Doyer: Matapédia.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Oh! Matapédia. Excusez madame.

Mme Doyer: Oui.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Enfin, c'est deux beaux comtés.

Mme Doyer: Je vous pardonne, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Ha, ha, ha! C'est deux très beaux comtés.

Mme Doyer: Oui, oui. Je vous pardonne.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Mme la députée de Rimouski.

Mme Doyer: Comté de Matapédia.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Matapédia, excusez.

Mme Doyer: Alors, M. le Président, j'aimerais souligner la présence de M. Léopold Marquis, qui a représenté le comté de Matapédia au service de ses concitoyens et concitoyennes pendant neuf années à l'intérieur de...

Des voix: Bravo!

Mme Doyer: Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Très bien. Alors, je m'en vais reconnaître maintenant un prochain intervenant, M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous cède la parole.


M. Jean-Claude Gobé

M. Gobé: M. le Président, je pourrais indiquer au député de Duplessis qu'il peut rester, c'est toujours un plaisir de l'avoir en face de soi.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gobé: Malheureusement, je dois constater...

Une voix: Aïe, aïe!

M. Gobé: M. le Président, il me fait plaisir d'intervenir sur le projet de loi 40, car chacun sait et chacun peut voir que, de prime abord, il s'agit d'un projet de loi qui semble partir de bonnes prémisses. En effet, quel député, quel citoyen n'a pas trouvé les campagnes électorales longues, fastidieuses? Quel citoyen n'a pas eu la frustration, étant absent de son domicile lors d'un recensement, de ne pas voir son nom inscrit sur une liste électorale ou de devoir se déplacer dans un bureau de révision ou un bureau de dépôt pour faire inscrire son nom et ceux de sa famille, afin d'exercer ce droit fondamental, qui est celui des citoyens dans cette province, dans ce pays, le Québec, de voter, d'y élire leur gouvernement?

Je pense là, M. le Président, que, de prime abord, en effet, le principe du projet de loi nous semble très honorable et très intéressant, sauf qu'il faut regarder de plus proche. Il faut voir maintenant qu'en effet, au-delà des beaux principes, la réalité nous rattrape, car, pour corriger quelques anomalies qui peuvent se produire lors de recensements, lors d'élections – je dis bien «quelques anomalies» – qui pourrait penser, en cette Chambre, que l'ensemble de nos concitoyens, l'ensemble des électeurs québécois – qui participe à au-delà de 85 % au scrutin – qui pourrait penser que ces citoyens sont des gens qui peuvent voter sans en avoir le droit ou qui peuvent aller s'inscrire dans d'autres circonscriptions que celles auxquelles ils sont généralement ou habituellement reconnus comme des résidents?

Certes, cela peut arriver, le fait de quelques individus qui, pensant résider dans un endroit plutôt que dans un autre – à cause de villégiatures ou de périodes, peut-être, à cause d'une semi-retraite, plus longues dans un endroit que dans l'autre – peuvent confondre, à un moment donné, la notion de résidence principale et celle de résidence secondaire, ou alors de quelques personnes – et, moi, j'en suis un – qui, arrivées au Canada, au Québec plus récemment ou depuis plus longtemps, peuvent à l'occasion oublier, à cause de la grande ouverture démocratique de notre système, que, pour voter, il faut être citoyen canadien. Ma foi, il y a là quelques débordements, quelques aberrations à l'occasion.

Mais est-ce que cela nécessite, M. le Président, alors que nous sommes certainement, de tous les pays que je connais... Et je peux dire que, après 45 ans ou 40 et quelques années d'existence – j'ai voyagé dans beaucoup de pays – j'ai découvert, j'ai vu beaucoup de systèmes semblables ou différents du nôtre en termes d'électorat. J'ai même été, M. le Président, observateur d'élection en Afrique, j'ai même été chef de mission d'élection en Afrique. Mon collègue aussi, le député de Gouin, est allé faire des conférences dans les mêmes pays que moi, en Afrique, sur la démocratie. Et nous avons pu nous rendre compte, en effet, M. le Président, des limites du système démocratique, de l'inscription sur les listes électorales. Et je crois que ce projet de loi, qui part de bonnes prémisses, risque, à un moment donné peut-être, de créer des problèmes plus importants aux citoyens de notre société ou des obligations plus contraignantes que les problèmes que quelques individus, en mal de reconnaissance de nos lois ou en méconnaissance de nos lois ou règlements, peuvent occasionner à la démocratie.

Aussi, M. le Président, je me pose certaines questions. Pourquoi établir un fichier permanent? Pourquoi avoir constamment, quelque part dans une officine publique de l'État, le nom, l'âge, la citoyenneté, la date de naissance, l'état familial de nos concitoyens? Pourquoi établir ce fichier? Est-ce vraiment nécessaire? Est-ce vraiment utile à la démocratie que des contrôleurs, des informaticiens, des clercs, des secrétaires passent leurs semaines et leurs mois à taper des listes et des noms dans des ordinateurs – avec tout ce que ça comporte comme informations – passent leur temps à vérifier dans des dossiers, dans les listes de la Société de l'assurance automobile, de l'assurance-maladie, avec tout ce que ça comporte comme débordements, comme exactions?

Rappelez-vous, M. le Président, nous avons eu, il y a quelques années – il n'y a pas tout à fait deux ans – des audiences publiques sur la loi d'accès à l'information, à la protection des renseignements personnels. Les gens nous mettaient en garde et disaient: Attention! Danger! Danger, M. le Président, d'entrer dans la vie privée de tout le monde, d'entrer dans la chambre à coucher des gens. Je me souviens, l'opposition en face, il y a quelques années, nous disait...

Une voix: Les boubous macoutes.

M. Gobé: Justement, Mme la députée. L'opposition nous disait: Attention! En contrôlant les gens sur l'aide sociale, vous entrez dans la vie privée des gens, vous entrez dans leur quotidien, dans ce qu'ils ont de plus personnel, de plus secret. Ne rentrez pas dans leur chambre à coucher. C'était l'image, le slogan. Et j'ai l'impression... Et je vois des députés qui rient, mais ce n'est pas très risible. Si on entrait dans la vôtre, vous seriez un peu plus surpris, M. le député.

Est-ce qu'il est nécessaire, pour corriger les exactions ou les débordements de quelques personnes qui peuvent aller voter sans en avoir le droit et d'autres qui s'inscrivent peut-être par mégarde à d'autres adresses parce qu'ils y résident plusieurs autres mois par année, de faire cette vaste opération de recensement et de fichage de notre population? Je ne le crois pas, M. le Président.

Le Québec, la marque de commerce, la marque qui fait qu'on reconnaît le Québec à travers le monde, c'est la démocratie, la liberté des citoyens. Comme jeune immigrant, quand je suis arrivé il y a 25 ans, c'est ce qui m'a le plus surpris. Je pouvais circuler dans ce pays sans carte d'identité, sans photo sur mon permis de conduire, sans carte d'électeur. On me faisait confiance. C'est ça, la qualité du Québec et du Canada. Et là, du jour au lendemain, on dit: Non, nous n'avons plus confiance en nos concitoyens. On va les lister, sinon ils ne pourront pas voter. On va les ficher, M. le Président.

J'ai même écouté un député, le député de Taschereau, et que disait-il, le député de Taschereau? Certes, c'est un jeune député. Il disait: Le recensement, des jobines pour le petit peuple d'élection. Bien, M. le Président, ce n'est pas vrai que c'est des jobines pour le petit peuple d'élection. Dans tous les comtés, je mets au défi tous les députés d'aller leur dire, à leurs recenseurs, que ce sont des jobines pour le petit peuple d'élection. Les gens sont fiers de faire ce travail-là, ils sont heureux de le faire et demandent à le faire. Je trouve ça arrogant, prétentieux et une méconnaissance totale de ce que doit être le rôle d'un député pour la reconnaissance de ces travailleurs. Inadmissible, M. le Président, quand on est député élu en cette Chambre, de dire que les gens qui font le recensement font des jobines de petit peuple d'élection. Quelle arrogance! Inadmissible! Ça fait neuf ans que je suis député et jamais je n'aurais osé quantifier un de mes recenseurs comme ça.

M. le Président, ce n'est là certainement qu'une anecdote qui démontre que ce n'est peut-être pas là les grands esprits de la réforme. On cherche par tous les moyens à convaincre qu'il faut faire cette loi, qu'il faut faire cette liste électorale permanente. Ma foi, après tout, allons-y avec des arguments qui font peur. J'entendais la semaine dernière, au début du débat ou au début de la semaine, des gens qui disaient: Il y a des immigrants qui n'ont pas le droit de voter puis ils vont voter; ça prend des listes. Là, j'entends dire: C'est des petites jobines pour le petit peuple.

M. le Président, on veut faire peur aux citoyens du Québec. On veut leur faire dire: Si vous êtes inscrits sur la liste, vous êtes les vrais, les citoyens qui ont le droit; les autres, ils n'ont pas le droit. Pourquoi on fait ça, M. le Président? Parce qu'on s'en va vers un référendum. On veut mettre d'un côté les bons et, de l'autre, les moins bons. Comme d'habitude, on quantifie, et je trouve ça déplorable.

(21 h 50)

C'est très loin du Québec que j'ai connu il y a 25 ans, quand je suis arrivé. Et pourquoi moi et un grand nombre d'immigrants – nous sommes quelques millions à être restés ici, M. le Président – sommes-nous restés en ce pays, en cette province, malgré le froid, le climat, les crises économiques, les crises politiques? Pourquoi avons-nous adopté ce pays? En particulier à cause de la démocratie, à cause de la liberté d'esprit qui y régnait. Et je ne parle pas avec démagogie, je le dis, je le pense et je le crois, M. le Président, et il faut préserver ça. Quand j'ai quitté la France, à 18 ans, j'avais un permis de conduire avec photo, une carte d'électeur et un livret militaire avec photo, une carte d'assurance sociale avec photo, une carte d'usine, pour entrer à l'usine, avec photo. Nous n'avons pas ça ici, et je ne le voudrais jamais pour aucun de nos citoyens. Aucun citoyen du Québec, M. le Président, ne mérite ce genre de traitement là, et c'est malheureusement ce vers quoi nous nous dirigeons avec cette liste.

Quand je lis ce qu'il y a dans ce projet de loi là, je me sens un peu frémir de ça, des fichiers: fichier général, du territoire. On a entendu ces mots-là sous d'autres époques. Comme si l'ensemble de notre population se préparait à frauder ou à avoir un comportement qui ne correspond pas aux lois électorales en vigueur; comme si l'ensemble des immigrants ou des citoyens néo-canadiens se préparaient à aller voter sans en avoir le droit.

M. le Président, il y a aussi un certain nombre de choses, la protection des renseignements personnels, et, je le disais tout à l'heure, pourquoi ne pas entendre le Protecteur du citoyen? Pourquoi ne pas aussi, M. le Président, entendre le Barreau du Québec? Pourquoi aussi ne pas entendre l'Office de la protection du consommateur? Pourquoi ne pas demander des avis à ce qu'il y a parmi notre société comme personnages, comme groupes, comme expertise? M. le Président, le Collège des médecins. Je voyais mon collègue, le député, qui disait: Les renseignements personnels, en termes de santé, il y a une influence. Bon, le Collège des médecins du Québec, c'est important, ça. Pourquoi ne pas leur demander ce qu'ils en pensent? Pourquoi ne pas, M. le Président, demander aussi des expertises dans d'autres pays? Il y a des endroits où il y a des listes électorales permanentes qui existent. Pourquoi ne pas les consulter, voir quels ont été les abus, quelles ont été les réglementations, c'est quoi, les problèmes qui en découlent? Non, on y va à la vapeur. Il faut le passer à tout prix, ce projet de loi là, car il fait partie de la stratégie référendaire. M. le Président, est-ce qu'on veut faire une réforme électorale ou est-ce qu'on va envoyer un message aux gens, aux électeurs, avant le référendum, que ceux qui sont sur la liste, c'est parce que c'est des bons Québécois? C'est ça qu'on veut faire, M. le Président.

M. le Président, j'entends des grognements à côté et je souhaite que vous puissiez, dans cette Chambre, maintenir la dignité qu'elle demande, surtout lorsqu'on étudie un projet de loi aussi important. N'oubliez pas qu'on touche à l'électoral, qu'on touche à la réforme électorale. Généralement, ça demande l'unanimité en cette Chambre. Je n'ai jamais vu ou je n'ai jamais, à ma connaissance – et s'il y en a qui l'ont, qu'ils me le disent – vu de projets de réforme électorale qui ont été votés sans l'unanimité de cette Chambre, sans consensus, M. le Président. Pourquoi? Parce que ça touche la vie des citoyens. Ça touche la vie de tout le monde dans ce qu'il a de plus profond, dans ce qu'il a de plus personnel: son droit de vote, le droit de se prononcer pour ou contre un gouvernement, pour ou contre une administration provinciale, fédérale, scolaire ou municipale. C'est très important.

M. le Président, je vois aussi quelques zones grises. Prenons les municipalités. Vous savez comme moi, et tout le monde en cette Chambre le sait certainement – il y en a plusieurs qui étaient des anciens maires, ici, ou échevins – que, pour voter au municipal, dans les municipalités, ce n'est pas tout à fait les mêmes critères que pour voter au provincial. À titre d'exemple, à Montréal, un payeur de taxes peut voter même s'il ne réside pas dans la municipalité. Est-ce à dire que les gens seraient sur deux listes électorales, une dans un comté quelconque et l'autre dans un autre comté, parce qu'ils paieraient des taxes dans cette ville-là au municipal, puis, au provincial, ils ne le seraient pas? Comment allons-nous faire? Au scolaire, on tombe encore avec un autre genre de complications. Au scolaire, est-ce que le fichier va marquer si vous êtes protestant, si vous êtes catholique, si vous êtes anglais ou si vous êtes français, selon la commission scolaire? Quelle est la norme qui va régir ça? Je pose la question, M. le Président. Allons-nous avoir un fichier qui va donner, en plus, ces détails-là? Est-ce que ça va être marqué «catholique», «protestant», «athée»? La question est lancée. Est-ce que c'est prévu dans cette loi? Je ne l'ai point vu. J'attends des réponses.

Des voix: Oui, c'est prévu.

M. Gobé: J'entends les députés dire: C'est prévu. La démonstration n'a pas encore été faite, M. le Président, et on verra, lorsque le projet de loi sera adopté, si, vraiment, ça a été prévu, et de quelle manière on peut le régler.

Je vais donner un exemple. C'est bien beau de vouloir faire des fichiers et de faire de la bureaucratie et de la technocratie. Le fichier de l'état civil du Québec, qui a été mis en place il y a un an, peu importe le gouvernement qui l'a mis en place...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gobé: Si vous permettez. C'est une administration publique qui l'a mis en place, comme celle que vous dirigez actuellement. Tout le monde reconnaît aujourd'hui que c'est un fouillis complet, c'est une erreur de l'administration publique. Est-ce qu'on doit prendre la chance, à la veille d'un référendum, d'un événement important, comme le dit le chef de l'opposition...

Une voix: Très bonne question.

M. Gobé: Est-ce qu'on doit prendre la chance de se retrouver avec un tel fouillis, alors que les Québécois et les Québécoises vont être amenés à se prononcer s'ils veulent rester, s'ils veulent quitter, casser les liens avec le Canada, ou rester dans ce grand pays qui est le nôtre? Est-ce qu'on doit se permettre de prendre la chance et de faire une expérience au niveau du fichier électoral? Moi, M. le Président, je dis que, si nous étions responsables et raisonnables, nous dirions: Peut-être qu'il y a là, certainement qu'il y a là un bon principe, certainement qu'il y a là des choses intéressantes à voir. Mais prenons donc le temps, rien ne presse.

Depuis que je suis arrivé au Québec, 1973, ma première élection; 1976, ma deuxième élection, et j'ai continué, M. le Président. La terre ne s'est pas arrêtée de tourner au Québec. Je n'ai jamais vu d'élections, à ma connaissance, qui ont été annulées tellement les cas de fraudes et d'exagérations étaient évidents. Quelques personnes ont voté sans avoir le droit; d'autres ont changé de comté. Mais, M. le Président, c'est dans la marginalité. Il ne faut pas tenir compte de cela.

M. le Président, est-ce qu'on doit faire la cause de ces cas-là, suite à l'expérience positive du système électoral québécois, faire cette expérience-là à la veille d'un événement aussi important que le référendum? Est-ce qu'on doit prendre le risque de cafouillage? Imaginez, dans nos comtés, nos circonscriptions, dans les jours qui précèdent un référendum, les gens qui découvrent que la liste électorale n'a pas fonctionné. Un peu comme le fichier d'état civil, où ça prend un an, deux ans, et beaucoup d'erreurs, avant de recevoir son extrait de naissance? Est-ce qu'on doit prendre cette chance? Est-ce qu'on doit faire de l'expérimentation, M. le Président, à la veille d'un jour aussi important pour nous tous collectivement? Moi, je dis non. Je dis, M. le Président, que, si l'on veut aller avec cette loi, si on veut procéder, soit. Parfait. Mais il faut travailler dans les normes. Rencontrons les gens et les groupes. Prenons le temps de les rencontrer, de les écouter. Pas juste les recevoir en commission parlementaire pour quelque 10, 15, 20 minutes comme ça se fait: vous avez 20 minutes pour parler, l'autre a 20 minutes, puis l'autre 20 minutes. C'est fini, on se frappe les mains. Prenons le temps, demandons-leur des mémoires; et que nous fassions des études, aussi. Faisons venir des experts étrangers. Qu'est-ce qui s'est passé? Prenons les moyens de faire en sorte de protéger la vie privée des gens, M. le Président. Et, surtout, ne faisons pas d'expérience hasardeuse à la veille d'un événement aussi important que celui qui nous attend: le référendum. Parce que l'avenir de millions de Québécois en dépend. M. le Président, nous ne saurions, avec cette loi, faire en sorte d'entacher d'irrégularités et de problèmes administratifs cette démarche que les gens attendent depuis longtemps, afin, certainement, de porter leur jugement, si, oui ou non, ils veulent la séparation du Québec ou s'ils veulent rester dans le Canada. Merci, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je remercie M. le député de LaFontaine. Je vais reconnaître maintenant M. le député de Hull. M. le député, je vous cède la parole.


M. Robert LeSage

M. LeSage: Merci, M. le Président. Je tenterai, M. le Président, dans les quelques minutes qui me sont accordées, de convaincre le gouvernement et le ministre des Affaires municipales de reporter l'étude du projet de loi 40, soit la Loi sur l'établissement de la liste électorale permanente et modifiant la Loi électorale et d'autres dispositions législatives.

(22 heures)

M. le Président, je débuterai par vous faire part de quelques expériences personnelles en ce qui concerne la confection de listes électorales.

J'écoutais, cet après-midi, le député de Pointe-aux-Trembles nous faire remarquer que nous en étions à l'ère de l'informatique. Ça me faisait rire que lui venait de réaliser que nous en étions à l'ère de l'informatique, M. le Président. En 1970, alors que j'étais président de scrutin – président d'élection, si vous voulez – à Hull, j'avais décidé d'informatiser la liste électorale. Le bon Dieu était de mon côté, M. le Président. N'eut été de cette décision, l'élection municipale dans Hull en 1970 n'aurait pu être tenue tel que prévu.

En effet, M. le Président, l'élection était prévue pour le premier dimanche de novembre 1970. Dans la nuit du 28 au 29 octobre – M. le député de Masson, il ne pleuvait pas, c'était plus sérieux – l'hôtel de ville a brûlé. Alors, les listes, également, ont brûlé. Les boites de scrutin et tout ce qu'on y retrouve à l'intérieur étaient détruits. Étant donné que la liste électorale était informatisée, il a été facile de récupérer, du service informatique qui était à l'extérieur de l'immeuble de l'hôtel de ville parce que, même à ce moment-là, il n'existait pas de service informatique à la ville de Hull...

M. le Président, nous avons tenu le scrutin tel que prévu parce que la liste était informatisée. Alors, on n'a pas à me convaincre du bien-fondé d'informatiser la liste électorale provinciale. Mais, M. le Président, avant d'informatiser la liste électorale, nous avions procédé à un recensement porte à porte. Et nous avions également procédé à la révision de la liste électorale, tel que le prévoit la loi, et c'était d'autant plus facile de faire la révision et de réviser nos listes parce que ça se faisait d'une façon informatique, comme ça pourrait se faire au niveau provincial.

Alors, M. le Président, qu'on ne vienne pas nous dire qu'on ne veut pas progresser. Nous sommes ouverts à l'informatisation de la liste électorale. Cependant, c'est de la façon dont on va l'informatiser. Au moment où on s'apprête à demander aux Québécois et aux Québécoises de voter sur l'avenir du Québec, soit au sein du Canada ou soit dans un Québec indépendant, on veut changer les règles du jeu.

M. le Président, je vous ferai remarquer que nous avons des règles en cette Chambre et des règlements. Les citoyens, par notre entremise, se sont également donné des règles à suivre pour notre démocratie, et, si les citoyens n'étaient pas là, on ne serait pas ici, M. le Président. Et changer les règles du jeu avant un événement aussi important que la tenue d'un référendum sur l'indépendance du Québec, je pense qu'on court après les troubles.

Et je pense également, M. le Président, que les citoyens et les citoyennes du Québec commencent à se poser des questions sur la légitimité de modifier les règles du jeu avant la tenue d'un référendum sur l'indépendance du Québec.

M. le Président, on a mentionné en cette Chambre que René Lévesque avait comme objectif de changer le système électoral. Moi, M. le Président, je pense que René Lévesque avait un objectif, qu'il a atteint, c'était d'assainir le financement des partis politiques.

Il m'a été donné, M. le Président, d'assister à une conférence de Ted Turner, le président de la chaîne de télévision CNN, devant des membres de la Chambre des représentants et des sénateurs américains. M. Turner demandait à ces élus américains s'ils savaient compter. Il leur disait: Je ne comprends pas, vous gagnez 50 000 $ par année et vous avez un mandat de quatre ans, et vous dépensez 500 000 $ pour vous faire élire. Ça clochait un petit peu dans sa tête, et c'est compréhensible. Et, de continuer, de poursuivre, M. le Président, M. Turner leur a dit: Peut-être que dans vos campagnes de financement politique, de partis politiques ou d'individus, vous allez chercher peut-être 1 000 000 $, 1 500 000 $, 2 000 000 $. Il venait de comprendre. Ce système existe encore, et il n'existe plus au Québec, M. le Président. Et, Dieu merci, ce n'est pas juste les riches qui peuvent se présenter dans une élection, mais tout le monde, sur un même pied d'égalité.

Il existe aux États-Unis, au moment où on se parle, des systèmes de confection de listes semblables à celle qu'on veut proposer au Québec maintenant. Il existe également aux États-Unis un système pour voter d'une façon électronique. Il existe également aux États-Unis, lorsqu'on va voter, une gamme de niveaux de Parlement pour lequel on peut voter: au niveau de l'État, au niveau municipal, au niveau scolaire, le shérif, le «district attorney», mettez-en, ils en ont une liste longue comme ça, M. le Président. Puis ce n'est pas long, voter, ça se fait d'une façon électronique.

Moi, j'aurais pensé, M. le Président, que le gouvernement, tant qu'à modifier le système électoral, il aurait pris en considération une suggestion que j'avais faite à la commission des institutions alors que l'actuel ministre des Affaires municipales était présent et qu'il abondait dans le même sens que moi. M. le Président, si le gouvernement a réellement en tête de sauver des deniers publics, couper les dépenses, qu'il aille vérifier dans les galées de la commission des institutions pour cette recommandation, appuyée par l'actuel ministre des Affaires municipales, à l'effet qu'on tienne des élections au Québec dans les municipalités en même temps que dans le scolaire. M. le Président, on dépense des millions dans ces deux paliers de gouvernement.

Lors de cette discussion, le Directeur général des élections était également présent, M. le Président, et je lui demandais si son rôle à lui n'était pas de faire en sorte que ceux qui peuvent voter votent et de faire en sorte également que la plus grande majorité des gens aillent voter. M. le Président, au fédéral, il y a 70 %, 75 % des gens qui votent. Au provincial, ça se situe à près de ces chiffres-là également. Au municipal, on descend peut-être à 60 %, 65 %. Au scolaire, bien, on a élu des commissaires, M. le Président, avec 10 %, 12 % du vote. Le greffier d'une ville qui devient président d'élection publie un avis pour annoncer son élection; le secrétaire de la commission scolaire fait pareil. Le greffier d'une ville va préparer sa liste électorale; le secrétaire de la commission scolaire fait pareil: un recensement d'un côté, un recensement de l'autre; une révision d'un côté, une révision de l'autre; il y a un dédoublement. Et, M. le Président, pour une élection comme dans la ville de Hull, par exemple, on parle de 250 000 $, 300 000 $. Si l'élection municipale et l'élection scolaire étaient tenues le même jour, on viendrait de couper les dépenses en deux. Hull, c'est une des 1 500 ou 1 600 municipalités du Québec. Imaginez les sommes d'argent dépensées pour rien, au Québec.

(22 h 10)

Ce qui est plus intéressant dans ce cas-là, M. le Président, le type qui va voter pour le maire ou pour un conseiller municipal, puis qu'on lui remet un bulletin pour voter pour un commissaire, il serait peut-être tenté de voter pour le commissaire. Peut-être qu'aux élections scolaires, à ce moment-là, il y aurait une plus grande participation des citoyens et des citoyennes. L'actuel ministre des Affaires municipales était d'accord avec ça, le Directeur général des élections était d'accord avec ça. Il me semble, M. le Président, que l'on devrait retenir cette suggestion. Qu'est-ce qui presse, au moment où on se parle, de modifier cette loi, d'autant plus qu'on s'en va vers un processus qui est très important pour plusieurs Québécois et Québécoises? Et on veut changer les règles du jeu.

M. le Président, on a parlé qu'on pourrait utiliser des données, des fichiers, pour ficher les personnes. Pour faire une première liste, on pourrait utiliser les données à la Régie de l'assurance-maladie du Québec. J'ai même entendu dire qu'on pourrait utiliser les permis de conduire, les factures d'Hydro-Québec. M. le Président, les factures d'Hydro-Québec, là... Il y en a plusieurs qui louent des logis, des loyers, puis ils sont logés et le prix comprend le chauffage et l'électricité. Ils n'en ont pas, de facture d'électricité. M. le Président, en ce qui concerne les permis de conduire, ce n'est pas tout le monde qui a un permis de conduire. Et je reviens encore à ce que le député de Pointe-aux-Trembles disait cet après-midi: Il faut avoir une liste pour que seuls les gens qui ont le droit de vote aient le droit de vote. Alors, j'en viens à la Régie de l'assurance-maladie du Québec.

M. le Président, on peut avoir une carte de l'assurance-maladie du Québec et ne pas être Canadien. Et, à ce que je sache, il faut être Canadien pour voter. Mais encore plus, M. le Président. Puis, ça, ce n'est pas sub judice. Je vais vous raconter une anecdote récente, un cas. Sur combien? Il faudrait peut-être s'informer auprès de la Régie de l'assurance-maladie du Québec. Un type se présente à mon bureau; il me remet une douzaine d'enveloppes. Vous savez, ces fameuses enveloppes que l'on reçoit pour renouveler notre carte d'assurance-maladie du Québec, pour aller se faire photographier, pour embarquer dans le fichier conforme à la RAMQ. Alors, je lui ai demandé: Qu'est-ce que tu fais avec ces enveloppes? Il m'a dit: Vérifie les enveloppes. Alors, j'ai vérifié les enveloppes, M. le Président. Tous des noms différents, toutes la même adresse, même numéro civique, même rue, même appartement. Alors, j'ai transmis ça aux autorités, au ministère, pour leur demander de faire enquête. Il est revenu, le monsieur, pour me porter d'autres cartes, d'autres grandes enveloppes. On est rendu à une cinquantaine. Ce logement-là, il n'est pas occupé par l'Armée du salut, ou je ne sais quoi. Il y a un jeune couple qui demeure là avec un ou deux enfants.

M. le Président, si on avait, ou si on maintenait le recensement, le porte-à-porte, ces gens-là ne se seraient pas ramassés sur la liste électorale. Lorsque les recenseurs se seraient présentés à cet appartement, ils se seraient rendu compte qu'il y avait un couple qui demeurait là et les deux avaient le droit de vote, pas une cinquantaine. Qui aurait enlevé les noms sur cette liste? Le principe énoncé par le député de Pointe-aux-Trembles et d'autres personnes en cette Chambre, que seuls les gens qui ont le droit de vote auront le droit de vote, ne s'applique pas, M. le Président, et je viens de vous citer un cas. Il y en a d'autres.

M. le Président, on a parlé également d'intrusion dans la vie privée des personnes. On trouve ça anormal que des gens viennent nous déranger chez nous pour nous dire: On est des recenseurs, on passe pour le recensement. Il y a une élection provinciale qui s'en vient. M. le Président, entre me faire déranger à la porte pour me demander si je veux être inscrit sur la liste électorale et me faire dire que j'ai été inscrit sur la liste électorale, que je le veuille ou non, il y a une marge. Je vous ferai remarquer également, M. le Président, qu'il y a des Québécois et des Québécoises dont la religion ne permet pas de voter, et, par l'entremise de la Régie de l'assurance-maladie du Québec, ces gens se retrouveront sur la liste électorale contre leur gré.

Il me semble, M. le Président, que nous avons assez d'arguments pour dire aux Québécois et aux Québécoises: Nous allons étudier l'ensemble du processus électoral au Québec. Je ne vous dis pas qu'il faut prendre le système américain. Je ne vous dis pas, non plus, qu'il faut prendre le système ontarien. Mais, entre le système qui nous est proposé sans consultation... Ah! on va peut-être rencontrer quelques dirigeants d'organismes, comme le DGE; je ne suis pas convaincu que le DGE va changer d'idée si le gouvernement marche, puis je n'entrerai pas dans ce domaine-là trop, trop parce qu'il y a eu une décision de la présidence. Mais, M. le Président, il me semble que nous avons assez d'arguments pour dire aux Québécois et aux Québécoises: Nous allons réviser le système électoral dans son entier, nous allons faire en sorte qu'il y ait moins d'argent, de deniers publics dépensés pour la tenue d'un scrutin ou pour organiser le processus de la tenue d'un scrutin, tant au scolaire, tant au municipal, tant au provincial, et j'irai même plus loin, M. le Président – parce que, moi, le prochain référendum, je suis convaincu qu'il ne sera pas accepté par l'ensemble des Québécois et des Québécoises – qu'on fasse en sorte que le langage utilisé dans les services informatiques soit compatible avec celui du gouvernement fédéral. M. le Président, nous venons de couper les trois quarts, les dépenses pour la confection de listes électorales dans quatre niveaux d'élection au Québec. Là, je pense, M. le Président, que le gouvernement du Parti québécois poserait un geste responsable et nous montrerait, pour une fois, qu'il se préoccupe des deniers publics des Québécois et des Québécoises.

M. le Président, si le ministre des Affaires municipales était d'accord avec ma recommandation à la commission des institutions et si le Directeur général des élections au Québec était également d'accord avec cette recommandation, je lui demande, ce soir, M. le Président, d'y donner suite et de reporter l'étude de ce projet de loi et de faire en sorte que l'ensemble des processus de préparation électorale, tant scolaire, municipale, provinciale que fédérale, soit revu en profondeur. Et je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M. le député de Hull. Je suis maintenant prêt à céder la parole à un autre intervenant, et je reconnais M. le député de Châteauguay. Je vous cède la parole, M. le député, en vous rappelant que vous avez un droit de parole de 20 minutes.


M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier: Merci, M. le Président. Ça me fait plaisir de venir vous entretenir de mes appréhensions et de mes compréhensions du projet de loi 40, et, comme j'ai eu l'occasion d'entendre plusieurs de nos collègues qui sont venus discourir sur ce projet de loi, je pense qu'il est important de mettre en contexte, avant de commencer à faire le tour des dispositions et de l'esprit de cette loi-là... Il faut peut-être regarder un petit peu, pour nous mettre en éveil, ce qu'on retrouvait dans les journaux. «Le projet de loi de liste électorale permanente: une menace pour la protection de la vie privée des citoyens.» Un article de Gilles Lesage, «Liste électorale: feu rouge». Et Michel Venne, dans le même esprit, «Liste électorale permanente: premier feu rouge».

(22 h 20)

M. le Président, avant même de lire un premier article de ce projet de loi là, on a déjà une tentation à être prudent. Il y a une démarche qui est engagée. Je pense qu'on s'est entretenus abondamment dans cette Chambre qu'il fallait être prudent, qu'il fallait faire le tour de la question et des intervenants pour voir si on avait bien saisi tous les risques qui pouvaient être engendrés par ce projet de loi. J'ai eu la chance de prendre connaissance de l'avis de la Commission d'accès à l'information relatif au projet de loi 40 et, si vous me permettez, M. le Président, je n'en ferai évidemment pas la lecture complète, mais il y a des passages qui me semblent importants, qui campent les difficultés qui sont soulevées par ce projet de loi, et je voudrais mettre en relief ces difficultés. Alors, si vous me permettez, je vais lire quelques passages.

«Or, la Commission s'interroge sur le bien-fondé de centraliser, dans un même fichier et en un seul endroit, des renseignements nominatifs actuellement détenus séparément par trois paliers de gouvernement.» La Commission s'interroge. On sait qu'elle a une crédibilité, et probablement qu'on devrait partager ses interrogations.

Un peu plus loin: «Quand on considère que notre régime démocratique ne crée aucune obligation...», je ferais peut-être une pause ici, M. le Président, puisque je viens de passer sur le mot «démocratique». Je sais que c'est un mot qu'on utilise dans cette Chambre et qui sert de fondement à notre présence ici. Je pense que c'est quelque chose d'excessivement important. Il faut prendre toutes les précautions pour protéger cette démocratie. On a peut-être tendance à croire qu'elle est acquise et qu'on va la conserver toujours. Mais, dans nos actes, dans nos déclarations, dans le quotidien, est-ce qu'on la protège suffisamment? Je reviendrai tantôt, M. le Président, sur des actes qui sont posés et qui nous permettent aussi d'allumer des feux rouges sur la démocratie qui ne concernent pas nécessairement ce seul projet de loi là. Mais donc, quand même, la Commission d'accès, qui considère que notre régime démocratique ne crée aucune obligation de voter, et «...la Commission s'interroge – encore une fois – sur la nécessité de conserver de façon permanente, des renseignements nominatifs en vue de l'exercice, facultatif, du droit de vote.»

Un peu plus loin, on nous dit: «Ainsi, même si le projet de loi précise que la liste électorale informatisée ne sera utilisée que pour les seules élections provinciales, municipales et scolaires, déjà le rapport de mars 1993 laissait entrevoir qu'elle pouvait satisfaire aux besoins...» de d'autres instances, gouvernement fédéral, régies régionales et plein d'autres paliers où on va vouloir procéder à des élections.

Il y en a d'autres, M. le Président. L'important, c'est de retenir qu'il y a des difficultés avec le projet de loi qui est soumis, difficultés qui sont révélées par la Commission d'accès à l'information, qui est quand même un chien de garde assez important, on va le reconnaître.

Il reste que le projet de loi est fondé aussi sur des principes qui ne sont pas nécessairement mauvais. Lorsqu'on propose une démarche législative qui sert à diminuer les coûts, à éviter les dédoublements, il faut être attentifs à ça. Ce n'est pas inintéressant; au contraire, c'est une démarche qui est utile, qui est à l'avantage de l'ensemble de nos concitoyens et il faut s'y intéresser.

Dans le contexte actuel, la question véritable c'est: Comment? Comment on peut arriver à être plus efficaces, à être moins coûteux et faire en sorte qu'une loi, fondée ou qui sert ces buts-là, permette de préserver et, je dirais, d'améliorer le caractère démocratique de nos élections et, il va sans dire, par la même occasion, de notre société que nous habitons?

Alors, tout le projet de loi, il faut le regarder avec cet esprit. Est-ce que, effectivement, on sert les fins: réduire les coûts, éviter les dédoublements? Est-ce qu'on augmente, est-ce qu'on améliore la qualité démocratique de notre société, des élections ou des référendums, puisque, dans ce cas-ci, c'est bien cette prochaine période à laquelle on s'adresse, et on peut s'interroger – je ne sais même pas si ça vaut la peine de se poser des questions, je pense que c'est assez clair, quand même, le projet vise cette période qui vient littéralement...

Je me demandais, M. le Président, tantôt, lorsqu'on regarde le projet de loi et qu'on voit qu'il est fondé sur des idées qui, à la base, sont valables, sont valides, il faut quand même voir la manière dont on s'y prend pour atteindre le résultat qu'on vise. D'abord, il y a cette première question qui nous arrête tous un peu. C'est le changement radical qu'on va provoquer du transfert de fardeau: Qui est responsable de fixer les noms sur la liste? Est-ce que le gouvernement entreprend, lance cette démarche d'inscription ou est-ce qu'on transfère le fardeau chez l'électeur?

Vous conviendrez, M. le Président, que, s'il advenait que l'on devait faire ce transfert, s'il était exact qu'il servait la démocratie... La question, c'est celle-là, M. le Président, ce qu'on cherche ici, si c'est de faire des économies pour réduire la qualité démocratique de notre société, on se trompe, et on trompe beaucoup de monde. Alors, donc, il faut plutôt chercher, dans les dispositions, si on réussit à améliorer la qualité démocratique. Alors, ce transfert de fardeau, qui est excessivement important, majeur, s'il advenait qu'il était essentiel pour améliorer la qualité démocratique de notre société, comment peut-on le faire passer, ce transfert, de manière acceptable? Est-ce que, l'espace de deux, trois, quatre mois, les gens vont déjà accepter ce transfert de fardeau? Est-ce qu'il n'y a pas un exercice pédagogique de longue haleine? C'est un changement radical. Est-ce qu'il n'y a pas un exercice pédagogique important à faire pour que les gens sachent que, maintenant, ils ont le fardeau, ils ont la responsabilité?

Et, M. le Président, je vais vous dire, j'ai eu à pratiquer le droit quelques années, comme d'autres ici, peut-être vous, M. le Président, et les expériences que je vais vous relater, vous les avez connues. Tout le monde connaît quelqu'un, même ceux qui ne pratiquent pas le droit, qui ont vécu ces expériences-là. Combien avons-nous vu de gens, nos voisins, nos parents, pas nécessairement des gens qui ne savent pas lire et écrire, là, des gens qui reçoivent un billet de contravention et négligent tout simplement de lire ce qu'on a sur ce billet de contravention et, tout à coup, se retrouvent avec une amende, avec des frais. La personne se dit: Comment ça se fait que c'est rendu si loin, cette affaire-là? Là, tu dis: As-tu lu ton papier? On ne peut pas défendre quelque chose quand c'était à toi à faire l'exercice. Ils ont une responsabilité. Ils doivent l'assumer.

Nous, on part d'un point où les gens n'ont pas ce fardeau en ce moment et on veut le leur transférer très rapidement. Alors, je suis inquiet. Je me dis: Est-ce que tous ces gens-là, qui ne sont pas habitués, vont avoir le temps d'accepter, d'embarquer dans cette mécanique?

On a, au Québec, un taux de participation aux élections qui est important. C'est utile lorsqu'on essaie de camper la légitimité d'un gouvernement. Et, surtout, je le dis pour l'ensemble de mes collègues, les gouvernements qui se succèdent et qui posent des actes importants doivent s'appuyer sur une légitimité. Ce gouvernement-ci a décidé de nous amener dans un processus dont le résultat référendaire n'a de valeur que parce qu'il s'appuie sur la légitimité. C'est comme ça que la déclaration unilatérale d'indépendance permettrait, à un certain moment donné, si tant est qu'il y avait contrôle effectif et reconnaissance internationale, de pouvoir dire que le Québec est indépendant. C'est un facteur de légitimité. Or, cette légitimité-là, elle s'attarde aussi à un taux de participation. Essayer d'appuyer une légitimité sur une participation de 30 %, 40 %, 50 %, ça peut causer des désordres.

(22 h 30)

Encore une fois, M. le Président, le sens de mon intervention n'est pas de dire que les propositions qu'on fait n'ont pas à être analysées. Au contraire, c'est excessivement intéressant de pouvoir s'attarder à une réforme. Ça ne veut pas dire qu'il faut bousculer. Ça ne veut pas dire qu'il faut «bulldozer». Ça veut dire qu'un projet comme celui-là doit améliorer la démocratie, protéger la légitimité des gouvernements que l'on a, parce que la société respecte les gouvernements qui, eux-mêmes, ont une base solide de légitimité. Et c'est important de garder ça à l'esprit. Donc, pourquoi se précipiter, surtout sur cette question du transfert du fardeau qui peut peut-être nous amener à connaître un taux de participation qui serait inférieur?

Il y a quelques questions aussi, dans le projet de loi, qui soulèvent des interrogations, je dois vous l'avouer, M. le Président, qui ne sont pas aussi fondamentales pour moi que celle de s'assurer du caractère démocratique et de sa protection. Il y a celle, par exemple, sur la qualité des listes qu'on va être capable de confectionner, et ce, malgré les différences, les distinctions dans le cens d'éligibilité que l'on retrouve soit au provincial, au municipal ou au scolaire. Qui sait, peut-être qu'on voudra créer d'autres paliers et qu'on voudra créer d'autres cens d'éligibilité?

Pour citer les idées du gouvernement qui est en place, on a là de grands projets de régionalisation. Évidemment, des projets qui, comme bien d'autres, ne se réaliseront qu'advenant qu'il y ait eu un résultat positif au référendum. On reporte beaucoup de décisions, mais, néanmoins, on entend beaucoup parler de régionalisation. Peut-être qu'il sera important de créer d'autres forums d'élection et d'autres cens d'éligibilité. Alors, il y a une question qui se pose là, au niveau de la confection des listes, multipliant les cas, même ceux qu'on peut connaître; il y a déjà trois cas que l'on connaît.

Il y a une autre distinction qui mérite sans doute qu'on ait quelques explications, celle du vote des gens qui sont à l'étranger. Alors que, pour ceux qui sont fonctionnaires de l'État, on a une période indéfinie, pour les autres on a une période qui est limitée. Je ne sais pas si c'est une disposition qui est limitée dans le temps pour ce qui est des fonctionnaires, en s'assurant toujours que ceux qui sont à l'étranger ont vraiment, vraiment les mêmes idées que ceux qui assument le gouvernement, mais il y a là une question à se poser, M. le Président: Pourquoi on essaie de faire cette distinction-là entre les gens qui sont à l'étranger pour servir qui l'État, qui une corporation ou pour d'autres fins?

Puis, il y a cette question plus fondamentale, surtout lorsqu'on arrive en troisième période – ce n'est pas moi qui le dis – et qu'on s'en vient changer les règles du jeu. Il y a une espèce de projet-pilote qu'on nous lance pour le référendum. Moi, ce qui me chicote, M. le Président – je vais vous le dire bien franchement – depuis le temps qu'on a mis ça sur la table comme idée, c'est qu'on va réduire les délais de la campagne. Ah! je comprends l'idée du recensement, puis tout ça, je n'ai pas de problème avec ça. Des fois, on trouve ça bien long, une campagne. On a été candidats, on sait ce que c'est, puis c'est long. Mais ne pensons pas comme des candidats, ne pensons pas comme des gens qui font campagne jour après jour. Pensons comme ceux que nous servons, pensons à eux, M. le Président. Est-ce qu'ils gagnent à ce que l'on réduise les périodes de focus, les périodes intensives où sont présentés devant eux les enjeux, les réels enjeux?

M. le Président, nous sommes dans une période, en ce moment, où le gouvernement a volé le départ de la campagne référendaire. Il a lancé une opération qui lui permet d'être dans tous les foyers avec une seule version. Cette période va s'étendre durant de longs mois et, lorsque la lettre de la Loi sur la consultation populaire s'appliquera, puisque l'esprit, on l'a oublié, on voudra que les délais soient plus courts. Je vous pose la question, M. le Président. Je sais que vous ne pouvez pas y répondre, mais est-ce que le citoyen que l'on sert gagne à ce qu'on réduise cette période de réflexion, d'information, de véritable débat démocratique? On ne parle pas ici de prétendue commission de consultation. On parle d'un véritable débat où les deux parties ont le droit et des moyens égaux de présenter leurs convictions.

Moi, M. le Président, bien honnêtement, ce qui me fait peur là-dedans... L'idée d'un projet de loi comme celui-là qui vise à réformer, à la base, ce n'est pas une idée qui est mauvaise. Mais, pourquoi on le fait si vite? Pourquoi on change les règles en troisième période? Pourquoi on précipite la chose? Pourquoi on veut réduire les délais? Pourquoi on a volé le départ? C'est quelque chose, M. le Président, qui est...

M. Jolivet: M. le Président, question de règlement.

Le Vice-Président (M. Bélanger): M. le whip du gouvernement.

M. Jolivet: M. le Président, ça fait la deuxième fois que le député parle de voler. Je pense que c'est un terme qui est antiparlementaire. Vous devriez lui demander de ne pas utiliser ce terme en cette Chambre.

Le Vice-Président (M. Bélanger): M. le leader adjoint de l'opposition.

M. Lefebvre: M. le Président, tout le monde aura compris qu'il s'agit tout simplement d'une figure de style. C'est une expression consacrée.

Des voix: Ah!

M. Lefebvre: Bien, voyons donc! M. le Président, c'est une figure de style, tout simplement.

Le Vice-Président (M. Bélanger): M. le whip du gouvernement.

M. Jolivet: M. le Président, je pense qu'on ne peut pas prêter quelque intention que ce soit à la personne qui est en face de nous. Je pense que le député n'a pas raison et que vous devriez lui demander de retirer ses paroles.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Si je comprends bien, les paroles que vous voudriez qu'il retire, c'est le terme «voler le départ»? Vous savez que, pour considérer si un terme est antiparlementaire, ce n'est pas uniquement le terme qu'il faut considérer, mais aussi le contexte dans lequel il a été utilisé. Dans les circonstances, je ne considère pas que le terme doit être retiré.

Veuillez continuer, M. le député de Châteauguay.

Une voix: Très bonne décision.

M. Fournier: Merci, M. le Président. Vous me permettrez d'ajouter que, même si je n'ai pas besoin de retirer mes paroles, il n'est absolument pas dans mes intentions de référer à la notion pénale à laquelle ce mot peut faire référence. Loin de moi. C'était une expression qui était utilisée et qui servait à identifier que, dans le débat référendaire, la période où les parties, les camps sont à parité, cette période-là, elle est réduite. Et, pour la période dans laquelle nous sommes, où il n'y a pas parité, où il n'y a pas véritable exercice de la démocratie, selon moi, M. le Président, il y a un problème en réduisant la période référendaire par ce qu'on veut nous amener.

Je pense que la raison peut venir, devant cet état de fait, d'une affirmation que le chef du gouvernement a faite au Los Angeles Times . Et je prends la version que Lise Bissonnette écrivait: «Au journaliste qui lui demande comment il convaincra les 10 % ou 15 % d'indécis devant le grand saut de la souveraineté, il répond que tout n'est désormais que tactique et stratégie.» Et il dit: «Donnez-moi une demi-douzaine d'Ontariens qui piétinent le drapeau québécois, et j'y suis...»

M. le Président, je conclus là-dessus en disant que je pense que ce qui motive le gouvernement à aller si vite, ce sont peut-être tactique et stratégie. Et je dis: Il y a des feux rouges. Ne précipitons pas les choses. Faisons une bonne réforme, mais pas sur le dos de la démocratie et de nos concitoyens. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M. le député de Châteauguay. Je suis maintenant prêt à céder la parole à un autre intervenant et je reconnais M. le député de Verdun. Je vous cède la parole, M. le député, pour une intervention ne pouvant dépasser 20 minutes.


M. Henri-François Gautrin

M. Gautrin: M. le Président, on a devant nous une réforme qui, comme toute réforme de la Loi électorale, est une réforme importante. On a une réforme qu'on essaie de faire rapidement, et j'ai beaucoup d'inquiétude lorsqu'on veut procéder rapidement dans une réforme de la Loi électorale et je me pose la question, souvent: Où est le piège? J'avoue que j'ai lu le projet de loi et je cherche. Mais je m'interroge toujours: Pourquoi vouloir agir avec autant de célérité dans l'adoption de ce projet de loi?

(22 h 40)

Mes interrogations, M. le Président, dans ce projet de loi, vont être limitées à quatre points qui sont quatre points essentiels. Premier point, le principe d'avoir une liste électorale permanente et même informatisée. Deuxième point, la question qui est liée au transfert de fichiers, autrement dit, si vous me permettez, au fait que des fichiers au gouvernement, comme le fichier de la Régie de l'assurance-maladie du Québec, puissent être utilisés à d'autres fins que ce pour quoi ils sont constitués. Troisième point sur lequel je voudrais m'interroger, l'article 40.5 du projet de loi, qui, dans les cas de modifications de domicile ou de résidence, donne obligation à l'électeur d'aller s'inscrire ou d'aller signifier sa modification à la liste électorale. Et j'expliquerai à l'Assemblée tous les problèmes que cela, à mon sens, pourrait créer.

Premier point, le principe d'une liste électorale permanente, je crois que personne ne devrait être contre. Le principe d'une liste électorale permanente, c'est quelque chose que, normalement, on devrait souhaiter. Ça éviterait les quelques abus qu'on a pu voir, de temps à autre, quant à des listes qui étaient mal constituées, qui faisaient disparaître des pans complets d'électeurs, rajoutaient des électeurs n'existant pas, faisaient mettre sur la liste électorale des électeurs qui n'avaient pas le droit de vote.

Ceux qui, comme moi, pratiquent le sport électoral depuis plus de 30 ans ici, dans cette province, ont vu beaucoup de ces choses-là. Et je vois mon ami, le député de Pointe-aux-Trembles, qui a pratiqué ce sport, aussi, pendant un certain temps, qui se rappelle aussi tous les abus qu'on a pu voir dans les listes électorales. Ça se fait moins maintenant, mais je me rappelle avoir vu des listes électorales où étaient énumérées des maisons qui n'existaient pas. C'est quelque chose qu'on voit moins maintenant, mais, enfin, ça a existé dans nos pratiques. Je me rappelle aussi des listes électorales où, lorsqu'un électeur se présentait pour aller voter, il y avait déjà un autre électeur qui avait été, avec célérité, voter à sa place. Ça s'est déjà vu dans nos pratiques électorales. Enfin, je comprends qu'il y a des jeunes députés ici qui n'ont peut-être pas connu ça, mais ça existe.

Alors, l'utilisation, M. le Président, d'une liste électorale permanente est un geste, à mon sens, dans la bonne direction. C'est un geste qui va permettre de stabiliser en quelque sorte les électeurs, et je dois dire que je partage cette recherche pour faciliter l'établissement d'une meilleure démocratie, c'est-à-dire faire en sorte que chaque personne qui vote ait réellement le droit de vote et que chaque personne puisse voter.

Néanmoins, M. le Président, une fois qu'on est d'accord sur ce principe général de reconnaître la pertinence d'avoir une liste permanente et de revoir nos processus d'établissement de liste des électeurs, j'ai deux interrogations. Ma première interrogation va toucher le fait de confectionner cette liste électorale ou de valider la liste électorale, pour être plus précis, parce que le projet de loi va constituer la liste électorale à partir de la liste établie pour la dernière élection et va valider la liste en comparaison avec le fichier de la Régie de l'assurance-maladie du Québec. À première vue, on aurait tendance à dire: Il n'y a rien là, c'est quelque chose de banal. Mais ça met une première brèche sur un principe qui avait été, dans la gestion des choses de l'État, que les fichiers constitués par le gouvernement ne sont utilisés que pour les fins pour lesquelles ils ont été constitués.

On a, dans le gouvernement – et je me rappelle à quel point les collègues qui sont maintenant du parti gouvernemental, lorsqu'ils siégeaient dans l'opposition, étaient sensibles à cette dimension – établi de nombreux fichiers; que ce soit les fichiers de la Régie de l'assurance-maladie du Québec, que ce soit les fichiers qui colligent les impôts de l'ensemble des Québécois et des Québécoises, que ce soit les fichiers de la Régie de l'assurance automobile du Québec, il existe de nombreux fichiers informatiques au gouvernement du Québec.

Et, avant de vouloir, même pour une cause qu'on peut juger valable, commencer à mettre une première brèche sur le principe qui a toujours été défendu jusqu'à aujourd'hui, aussi bien par les députés de ce côté-ci de la Chambre que par les députés d'en face, on doit être extrêmement prudents lorsqu'on utilise les fichiers où les données sur l'ensemble de la population sont colligées et, surtout, M. le Président, on doit éviter les communications entre les fichiers.

Ce n'est pas la première fois, si vous me permettez... Par exemple, le ministère de la Sécurité du revenu aurait voulu avoir accès au fichier du ministère du Revenu. Par sagesse, pour pouvoir protéger le citoyen, le législateur n'a jamais permis les communications interfichiers. Le fichier de la Régie de l'assurance-maladie du Québec comporte des renseignements, bien sûr, nominatifs quant à l'adresse, l'âge, le sexe, le nom de l'individu, mais comporte beaucoup d'autres renseignements sur l'état de santé de la personne. Est-ce qu'il est sain, M. le Président, actuellement, d'utiliser ce fichier pour constituer la liste électorale permanente? J'en doute. J'en doute.

Et, lorsqu'on aura, probablement en commission, à discuter le projet de loi article par article, j'aurai tendance à échanger avec les représentants du gouvernement pour voir s'il n'y aurait pas d'autres moyens, d'autres méthodes, sans briser le principe d'herméticité des fichiers, pour pouvoir valider la liste électorale telle qu'établie pour l'élection du 12 septembre dernier. Je crains énormément – même si la cause est valable, même si on peut justifier qu'on le fait pour une bonne cause et qu'on va prendre toutes les précautions nécessaires – que, si on lève la première brèche sur le fait que les fichiers informatiques sont des fichiers qui doivent être protégés, on est en train d'ouvrir une brèche extrêmement grave et, demain, le principe qu'on aura pris les fichiers pour établir la liste électorale pourra être utilisé pour utiliser les mêmes fichiers à d'autres fins.

(22 h 50)

Donc, M. le Président, je voudrais, ici, signaler à ceux qui ont la responsabilité de voir à la rédaction de cette loi-là – et on est, bien sûr, dans un processus où, de part et d'autre, on échange – je voudrais leur demander de faire marcher leur imagination pour voir si on ne peut pas atteindre le même objectif, à savoir établir une liste informatisée et permanente, mais pouvoir la valider à partir d'autres méthodes que l'utilisation du fichier de la RAMQ. Là, c'est la première interrogation majeure que j'avais sur ce projet de loi.

J'ai une deuxième interrogation sur le projet de loi et ça touche l'article 40.5, M. le Président, et les articles de même nature qu'on retrouve à l'intérieur du projet de loi, parce qu'il y en a un certain nombre. Actuellement, le fait de s'inscrire, c'est-à-dire d'être inscrit sur une liste électorale, est un geste où on va demander à l'électeur de s'inscrire. Autrement dit, deux recenseurs passent dans l'ensemble des foyers du Québec et inscrivent les gens sur la liste électorale. Actuellement, si quelqu'un déménage, si quelqu'un change de résidence, si quelqu'un change d'adresse, ma lecture de la loi va l'obliger à devoir lui-même faire la démarche pour modifier les informations sur la liste électorale permanente.

Donc, au lieu, pour l'électeur, de devoir strictement réagir et donner son nom aux deux énumérateurs qui passent de porte en porte, il devra faire un geste tout à fait concret, c'est-à-dire prendre contact avec le Directeur général des élections et faire inscrire sur la liste électorale qu'il a déménagé. La réalité de la population, particulièrement dans les comtés les plus démunis, fait que ce n'est pas nécessairement la première priorité d'une personne qui va déménager, lorsque c'est une famille monoparentale qui a deux ou trois petits enfants, de penser que la première chose qu'elle fait lorsqu'elle change de domicile, ça va être d'aller changer son nom sur la liste électorale permanente.

Je crois sincèrement, M. le Président, qu'il y aurait lieu de voir à d'autres mécanismes pour corriger les listes électorales permanentes que celui de l'obligation qui est faite à l'électeur de devoir lui-même faire la correction. La crainte que j'ai, c'est que beaucoup d'électeurs ne feront pas ces démarches, n'iront pas, parce que ce n'est pas une de leurs premières priorités, faire leur changement d'adresse et risquent ainsi de perdre leur droit de vote.

M. le Président, je crois qu'il y a là une inquiétude que je voudrais, en cours de débat avec le parti gouvernemental, essayer de bien préciser. Il faut bien comprendre que nous vivons ici, lorsqu'on débat entre nous, à l'Assemblée nationale, dans un monde un peu fermé. Nous pensons que la chose politique est probablement la chose la plus importante et nous vivons sur l'importance de passer telle ou telle loi. Je suis sûr que, pour 95 % des Québécois et des Québécoises aujourd'hui, il est plus important de penser à l'achat des cadeaux de Noël que de savoir quelle loi nous sommes en train de passer à l'Assemblée nationale.

Je suis sûr, M. le Président, que l'intérêt que l'on porte à la chose politique... De notre point de vue, il est clair que c'est une chose fondamentale et extrêmement importante, mais, pour l'ensemble de nos concitoyens, je doute qu'ils aient la même passion que nous avons pour la chose politique et que, dès qu'ils vont déménager, la première chose qu'ils vont faire, c'est se précipiter chez le Directeur général des élections et vouloir se faire enregistrer sur la liste électorale permanente. Je doute que ça soit, à l'heure actuelle, la préoccupation majeure de l'ensemble des citoyens du Québec.

Et la crainte que j'aurais, M. le Président, c'est que l'obligation pour chaque citoyen de faire les modifications risque, pour ceux qui, pour toutes sortes de raisons, l'ont oublié, parce qu'ils ne sont pas tellement intéressés, parce qu'il y a tellement de choses plus importantes que le vote ou la participation électorale, de leur faire perdre ainsi leur droit de vote.

Aussi bien du côté de l'opposition que du côté du gouvernement, ceux d'entre vous qui ont fait des élections savent à quel point, souvent, il est difficile, entre guillemets, de sortir le vote, de faire en sorte que les gens aillent même voter le jour d'une élection. Souvent, lorsqu'il y a une élection, on a identifié nos partisans de part et d'autre et, même si, spontanément, vous, M. le Président, et la majeure partie des membres, ici, de cette Assemblée, vont aller voter, on a un travail important de les inciter à aller voter. Croyez-vous que les gens vont, à ce moment-là, spontanément, considérer qu'il est important et naturel de devoir s'inscrire sur la liste électorale, de devoir s'enregistrer même sur la liste électorale? J'en doute, M. le Président, et je crains qu'on soit amenés, à ce moment-là, à voir nombre de nos concitoyens, parce qu'ils n'auront pas, au moment où ils ont fait leur déménagement, fait les modifications qui étaient importantes à la liste électorale, risquer de perdre leur droit de vote.

Alors, M. le Président, l'objectif est louable: assainir les pratiques électorales, maintenir une liste permanente, j'en suis. Mais avoir trop de précipitation et ne pas voir certains effets pernicieux qu'il pourrait y avoir dans le projet de loi, je crois, risque de nous entraîner dans, parfois, quelque chose qui serait pire que ce que nous avons actuellement. Je répète mes deux interrogations majeures: première interrogation majeure, l'utilisation des fichiers de la Régie de l'assurance-maladie du Québec pour d'autres fins que ce pour quoi ils sont constitués; deuxièmement, l'obligation à l'individu de s'inscrire sur une liste électorale permanente.

Le troisième point sur lequel je peux m'interroger, c'est les délais de campagne. Alors, à première vue, on pourrait toujours dire: Oui, c'est vrai, les campagnes électorales durent trop longtemps. Pour ceux qui ont fait du porte-à-porte ou qui ont fait, chacun, des campagnes électorales, on sait à quel point on peut être assez fatigués et on trouve que la campagne dure longtemps. C'est vrai, sauf que, et là je voudrais mettre en garde le parti ministériel dans la rédaction de cette loi: même s'il est important de vouloir réduire le temps effectif de campagne électorale...

Vous m'indiquez que j'ai... Merci. Je voudrais brièvement, M. le Président, parce qu'il me reste très peu de temps, terminer là-dessus. Même s'il peut être important de vouloir réduire le temps de campagne électorale – le temps de campagne électorale est une période dans laquelle les activités des partis sont clairement limitées et délimitées – est-ce qu'il n'y aurait pas lieu, tout en réduisant le temps de campagne électorale effectif, d'étendre la période dans laquelle les activités, particulièrement les dépenses des partis, sont plus contraignantes et plus limitées? Je pense qu'on aura à échanger là-dessus.

Merci, M. le Président, mais je pense qu'il est important de ne pas y aller trop vite et de pouvoir lentement, tout en comprenant les objectifs, éviter que certains pièges se trouvent à l'intérieur de la loi. Merci, M. le Président.

(23 heures)

Le Vice-Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M. le député de Verdun. Je suis prêt, à ce stade-ci, à reconnaître un nouvel intervenant et je reconnais M. le député de Masson, délégué régional pour la région de l'Outaouais. Je vous cède la parole, M. le député, en vous rappelant que vous avez un droit de parole de 20 minutes. À vous la parole.


M. Yves Blais

M. Blais: Merci beaucoup, M. le Président. M. le Président, je ne voulais pas, pour aucune considération, intervenir sur ce projet de loi. Nous voulons, par ce projet, avoir une liste électorale propre, propre, propre. Il me souvient que M. Lévesque, dans le temps, voulait que la Loi électorale soit, elle aussi, avec une caisse propre, propre, propre.

M. le Président, de la façon dont, de l'autre côté, on nous sert les phrases suivantes: Le parti ministériel veut nous «bulldozer» dans une loi... Où avez-vous été guillotinés ou «bulldozés» depuis le début? Il y a une limite! Il y a une limite de dire aux gens qu'on les «bulldoze» quand on ne les «bulldoze» pas. On vous laisse aller depuis le tout début. On a dit qu'on ne ferait aucune guillotine, qu'on vous laissait aller et vous laissez croire au monde...

Le Vice-Président (M. Bélanger): M. le député de Masson, je vous demanderais de vous adresser à la présidence, s'il vous plaît.

M. Blais: Avec plaisir, M. la présidence!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Blais: M. le Président... M. le Président, nous avons décidé, de ce côté-ci, de légiférer; de l'autre côté, il semble qu'ils vont «luciférer». C'est ce qu'ils nous disent depuis le début. Nous, on croit que le paradis est de ce côté-ci et Lucifer de l'autre côté, de la façon dont on parle. On nous dit: On voudrait entendre différents acteurs qui ont affaire à la liste électorale. Notre leader, M. le Président, nous a dit: Nous allons faire venir la Commission d'accès à l'information, afin que la Commission d'accès à l'information nous dise comment rendre cette liste propre, propre, propre. Ensuite, la Commission des droits de la personne; au cas où il y aurait des failles dans le projet de loi, on a dit: On va les faire venir en commission parlementaire pour nous dire comment rendre cette liste propre, propre, propre. Ensuite, on a dit, on va faire venir le Protecteur du citoyen pour dire: M. le Protecteur du citoyen, regardez donc notre projet de loi, on veut un projet de loi propre, propre, propre. Dites-nous s'il y a quelque chose qui n'est pas....

Une voix: Propre.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Blais: Voilà! En plus, nous allons demander aux unions des municipalités de venir nous dire quelles seraient les failles dans notre projet de loi afin que le but que nous visons, nous l'atteignions. Ensuite, la Corporation des officiers municipaux, ensuite la Fédération des commissions scolaires du Québec.

Nous avons dit à l'opposition: Nous allons faire venir tous ces groupes, et, si vous voulez que d'autres groupes soient entendus, dites-nous qui et quel groupe. Comment peut-on nous taxer, M. le Président, de vouloir être ombrageux, marécageux? C'est strictement impossible, et c'est le langage qu'ils tiennent. D'autant plus que, au tout début, les premiers intervenants de l'autre côté, disaient, comme ils ont dit en 1992, quand ils ont amené ce projet-là en Chambre, eux-mêmes... C'était M. Côté, on avait voté à l'unanimité pour une liste électorale unique et propre, propre, propre. Ils ne l'ont pas passée, même si on avait voté à l'unanimité. Pourquoi est-ce qu'ils ne l'ont pas passée? Parce qu'elle devait être propre, propre, propre. On veut revenir sur cette idée de 1992; c'est ce que nous voulons. Si vous voyez quelques failles, fussent-elles petites, infimes, infinitésimales, «coquerelliques», dites-nous-le, nous allons faire les correctifs voulus pour que cette liste soit propre, propre, propre.

M. le Président, je ne veux pas prendre mon 20 minutes, mais je suis fatigué, depuis deux jours, d'entendre dire que notre leader les «bulldoze» pendant qu'on les laisse aller comme ils veulent. S'ils voulaient vraiment, vraiment, que cette loi-là passe, et avoir une liste propre, propre, propre, ils collaboreraient avec nous; ils ne veulent pas. Et, personnellement, c'est par fierté, M. le Président, que je voudrais que cette liste passe. M. Lévesque a fait des correctifs dans la Loi électorale, et on a la meilleure Loi électorale d'Amérique du Nord et peut-être même de tous les pays démocratiques du monde. Et, la liste, elle a quelques failles. À cause de la Charte des droits et libertés, c'est curieux, on ne peut pas demander, lorqu'on frappe aux portes: Est-ce que vous êtes citoyen ou citoyenne canadienne? Pour le moment, c'est ce qu'on dit. On ne peut pas leur demander. Comment voulez-vous que nous vérifiions s'ils le sont, si on n'a pas une liste permanente avec les moyens de vérifier s'ils sont vraiment des citoyens? Les gens de l'autre côté nous disent: Nous voulons que chaque électeur et chaque électrice vote, par respect.. Aidez-nous donc à ce faire. Aidez-nous à ce faire plutôt que de retarder le processus. Les gens vous regardent, vous savez, depuis plusieurs heures. Qu'est-ce que les gens se disent? Nous ne sommes pas – il faut que je regarde par là? – en 1942, M. le Président, on est en 1994 et les gens comprennent ce qui se dit en Chambre. Ils voient bien que, de l'autre côté, ils font de l'obstruction. Pas nous, eux et elles de l'autre côté, M. le Président. Ils mettent de l'obstruction. Les gens en ont certainement marre parce que les gens veulent cette liste électorale propre, propre, propre, afin que des gens qui ne sont pas citoyens ou citoyennes ne votent pas. Il y a des conséquences énormes pour la démocratie. Ils y a des conséquences énormes. Il y a plusieurs personnes de l'autre côté, M. le Président, qui sont des...

M. Copeman: Question de règlement, M. le Président.

M. Blais: ...groupes minoritaires. Il y en a plusieurs.

Le Vice-Président (M. Bélanger): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, pour une question de règlement.

M. Copeman: Merci, M. le Président. Question de règlement. En vertu de l'article 35, alinéa 6°, je demanderais au président de rappeler au député de Masson qu'il ne peut pas imputer des motifs indignes à un député ou refuser d'accepter sa parole. Je prétends, M. le Président, qu'en nous attribuant un motif de ralentir les travaux de cette Chambre il nous impute un motif indigne. Alors, je demande au président de rappeler le député à l'ordre.

Le Vice-Président (M. Bélanger): M. le leader du gouvernement, pour une question de règlement.

M. Chevrette: M. le Président, je pense que je vais me contenter de sourire.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Je vous inviterais à continuer, M. le député de Masson.

M. Blais: M. le Président, j'aimerais beaucoup que ce soit vrai que le rappel au règlement que monsieur vient de faire, vous ayez à me reprocher de le faire. Je leur dis qu'ils retardent indûment les travaux et c'est lui qui croit que c'est indigne, ce n'est pas moi. Je ne l'ai jamais dit. C'est pour cela, pour que ce soit un peu plus juste envers tout le monde, que je demanderais aux gens de l'autre côté de bien penser à l'obstruction qu'ils font à cette loi désirée par l'ensemble de la population québécoise. J'ai une chose à vous dire, M. le Président. On nous reproche beaucoup de choses, beaucoup de choses. On nous dit toujours... L'avant-projet de loi sur le référendum, on nous dit qu'on est illégitime, que le peuple ne le veut pas. J'aimerais que vous regardiez, demain matin, le sondage qu'il va y avoir dans le Journal de Montréal . Vous allez voir que la population est avec nous et approuve la façon dont on a mené cette Chambre depuis notre élection. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M. le député de Masson. Je suis maintenant prêt à céder la parole à un autre intervenant. Je reconnais M. le député de Notre-Dame-de-Grâce et je lui cède la parole pour une période ne pouvant excéder 20 minutes. À vous la parole.


M. Russell Copeman

M. Copeman: Merci, M. le Président. M. le Président, nous sommes devant un projet de loi qui me semble, au minimum, un projet de loi fondamental pour les Québécois et les Québécoises. Quand on propose des amendements à une loi aussi fondamentale que la Loi électorale, je pense que cela impose, M. le Président, une certaine prudence, qu'une certaine prudence est de mise. Selon moi, M. le Président, il n'y a presque rien de plus important que l'exercice du droit de vote comme citoyen du Québec.

(23 h 10)

Mr. Speaker, it is in this regard that some members of this side of the House have raised some questions regarding the manner in which the Minister responsible for Electoral Reform has chosen to proceed in this present session.

Et je profite de l'occasion, M. le Président, pour référer la Chambre à l'éditorial d'aujourd'hui dans Le Devoir . M. le Président, tantôt le député de Masson parlait de «bulldozer». Je ne sais pas si c'est un terme français.

Une voix: Oui.

M. Copeman: Alors, c'est un terme français. Moi, je préfère, M. le Président, ne pas commenter nécessairement là-dessus. M. le Président, là je vous réfère à l'éditorial du Devoir où l'éditorialiste Gilles Lesage, et je le cite, écrit ce qui suit: «...Mais d'autres considérations impérieuses doivent être prises en compte quand il s'agit de modifier une pièce aussi fondamentale que la Loi électorale et référendaire. Avec les années, et grâce à l'apport successif des gouvernements, surtout celui de René Lévesque, cette loi a fait consensus et atteint un équilibre de bon aloi. Avant de balancer le premier et de bousculer le second, il faut des motifs graves.»

M. le Président, ayant posé cette question, ayant soulevé la problématique d'un motif grave, l'éditorialiste du Devoir continue et il dit: «Ce n'est évidemment pas le cas.» Je continue de citer l'éditorial, M. le Président. «Il n'en reste pas moins que la hâte et la précipitation du ministre Guy Chevrette ne sont nullement appropriées à l'étude sereine et ordonnée d'un projet en apparence anodin qui touche à des questions fondamentales.»

Alors, il est très clair à mon esprit, M. le Président, que nous avons des exemples très sérieux, des réserves graves quant à la manière de procéder du ministre responsable de la Réforme électorale. On a un autre exemple, je crois, M. le Président, de cette hâte et de la précipitation du ministre. Et là je fais référence à des groupes qui seront peut-être intéressés à se prononcer sur le projet de loi devant cette Chambre. Pour ma part, M. le Président, je pense que ça aurait été pertinent qu'un organisme tel que l'OPHQ, l'Office des personnes handicapées du Québec, soit consulté là-dessus.

Là-dessus, j'aimerais expliquer un peu plus ma pensée. L'accessibilité des personnes à l'exercice de leur droit de vote est très importante. En tant que porte-parole de l'opposition officielle pour les personnes handicapées, c'est une de mes premières préoccupations. Et là je vous invite, M. le Président, et j'invite cette Chambre à faire un petit survol de la situation actuelle en termes d'accessibilité des personnes handicapées à l'exercice de leur droit de vote.

Je soulève ce point, M. le Président, parce que toute cette question n'est pas touchée dans la réforme actuelle proposée par le ministre responsable de la Réforme électorale. Le projet de loi du ministre est largement muet sur la question fondamentale de l'accessibilité des personnes handicapées à l'exercice de leur droit de vote. Si on fait un survol des provisions présentement dans la Loi électorale concernant l'accessibilité des personnes handicapées au droit de vote, on trouve, à l'article 132, la mention que le bureau du directeur de scrutin doit être accessible aux personnes handicapées; à l'article 188, que le bureau de dépôt devrait, sauf circonstances exceptionnelles, être accessible aux personnes handicapées; à l'article 195, les commissions de révision, les endroits où les commissions de révision siègent doivent être accessibles aux personnes handicapées. Et peut-être l'article qui peut intéresser le plus le ministre – et je comprends qu'il est au courant, après tant d'années de vie active en politique – c'est que les bureaux de vote par anticipation doivent être accessibles aux personnes handicapées.

M. le Président, il est opportun, je pense, de poser une question: Est-ce que ces mesures prévues par la Loi électorale actuelle sont suffisantes en 1994? Je prétends, M. le Président, qu'elles ne le sont pas. Le fait que les bureaux de vote par anticipation soient accessibles aux personnes handicapées est un peu limitatif, M. le Président. It practically forces, Mr. Speaker, persons with difficulty in mobility to vote in the advance poll, and I will explain a little further along in my exposé, Mr. Speaker, why it forces them to do so.

This poses several problems for anyone with reduced mobility, Mr. Speaker. It is very often the case in a riding such as mine that there are only two locations where the «vote par anticipation», advance polling, is located. Two locations for the entire riding, for example, Mr. Speaker, in NDG. The fact that those locations are limited to two, in the case of my riding, means that a handicapped person has to travel excessive distance in order to get access to his or her right to vote.

Ces endroits de vote par anticipation, M. le Président, peuvent être très loin pour une personne avec une mobilité réduite, très loin, et je prétends que c'est très limitatif dans leur exercice du droit de vote. Peut-être, M. le Président, que je pourrais prendre quelques minutes afin de regarder la situation, rendu au jour du vote comme tel. Dans le cas de mon comté, le comté de Notre-Dame-de-Grâce, lors de l'élection générale du 12 septembre 1994, seulement 14 des 23 endroits de vote étaient accessibles aux personnes handicapées le jour du vote, et j'insiste beaucoup, M. le Président, sur cette notion, le jour du vote. Dans le cas de mon comté, ça représentait 95 des 152 sections de vote qui étaient accessibles. Je pense que vous conviendrez avec moi, M. le Président, que ce n'est pas un chiffre énorme en ce qui concerne la possibilité des 23 endroits de vote, mais si on prend le comté du ministre responsable de la Réforme électorale, le comté de Joliette, et qu'on examine, selon les mêmes critères, l'élection générale du 12 septembre 1994, dans son propre comté, M. le Président, le propre comté du ministre responsable de la Réforme électorale, seulement trois des 26 endroits de vote englobant 18 des 172 sections de vote étaient accessibles aux personnes handicapées le jour du vote. Oui, effectivement, M. le Président, je pense qu'on ne peut pas se vanter de ces chiffres. On ne peut pas se vanter du fait que, dans juste 18 sections de vote dans le comté du ministre responsable de la Réforme électorale, les personnes handicapées auraient pu exercer leur droit de vote le jour de l'élection comme telle.

(23 h 20)

M. le Président, quel est le but qu'on devrait regarder? Quel est l'objectif, à mon sens, M. le Président? Pour moi, on devrait, comme Assemblée nationale, adopter l'objectif d'assurer le droit de vote des personnes ayant une déficience de mobilité et des personnes ne pouvant quitter leur domicile. Je pense, M. le Président, que cet objectif-là, et je suis convaincu que les gens d'en face partagent mon opinion, serait très noble, M. le Président, de s'assurer que tous les Québécois, peu importe la possibilité d'une déficience de mobilité ou le fait qu'ils ne peuvent pas quitter leur domicile, aient la possibilité fondamentale d'exercer leur droit de vote.

I believe that that would be a very noble objective for this House, Mr. Speaker. The objective would be to ensure that each and every Quebecker, regardless of the fact that they may be afflicted with a condition that reduces their mobility or afflicted with a condition that requires that they remain within their domicile, be permitted to exercise that most fundamental of all rights, Mr. Speaker, which is the right to vote in a free, open and democratic society. And I am sure, Mr. Speaker, that the Members of the Government would agree with me that that should be our objective when bringing forth amendments to the Electoral Law as the Minister responsible for Electoral Reform is doing at this very moment.

M. le Président, quelles sont les solutions possibles pour assurer le droit de vote aux personnes ayant une déficience de mobilité et aux personnes ne pouvant quitter leur domicile? Il y en a plusieurs, M. le Président, et j'aimerais prendre quelques instants pour résumer, à mon sens, les trois possibilités qui existent ou qui peuvent exister pour atteindre cet objectif noble, M. le Président.

L'article 303 de notre Loi électorale indique: «Les bureaux de vote d'un secteur électoral doivent être regroupés et situés dans un endroit facile d'accès. Ils doivent, dans la mesure du possible, être accessibles aux personnes handicapées.» Et je vous ai déjà fait la démonstration, M. le Président, dépendamment du comté, comment on applique «dans la mesure du possible». Dans certains comtés, comme le comté de Joliette, d'une façon très restreinte; dans d'autres, d'une façon plus large, et j'aurai un exemple un peu plus tard, M. le Président, où il y a un comté qui applique cette notion d'accessibilité d'une façon très large, même à 100 %.

Alors, il y a une possibilité, M. le Président, de simplement rayer des petits mots, «dans la mesure du possible», et que le législateur ici, en cette Chambre, exige que tous les bureaux de vote soient accessibles aux personnes handicapées. Ça, c'est une possibilité, M. le Président. Je profite également de cette occasion pour souligner que c'est une possibilité qui existe dans d'autres juridictions nord-américaines, M. le Président. Après avoir fait un tout petit peu de recherches, j'ai découvert que les bureaux de scrutin doivent être accessibles aux personnes handicapées lors du jour du vote dans les juridictions suivantes: dans la loi fédérale du Canada, in the Province of Newfoundland...

Une voix: Oh!

M. Copeman: Oh! Well, this is not necessarily a reference for some of our Members facing us, but, Mr. Speaker, if the Province of Newfoundland can insure that all of their sites where people vote are accessible to handicap, I cannot believe, Mr. Speaker, that the Province of Quebec could not do likewise. The federal law in the United States, Mr. Speaker, requires that all of the sites where voting booth are located be accessible, as do the States of Connecticut, Maine, Massachusetts and New Hampshire. So there, Mr. Speaker... Là, M. le Président, on a plusieurs exemples des juridictions nord-américaines qui s'assurent que, le jour du vote, les personnes handicapées ont un accès facile en ce qui concerne l'exercice de leur droit de vote.

M. le Président, il y a une autre possibilité, il y a la possibilité peut-être, qui est moins large dans sa portée, mais qui est quand même intéressante, la possibilité de permettre le déplacement de l'urne jusqu'à une certaine distance de l'entrée principale du bureau de votation. Ça peut être, je pense, M. le Président, une autre suggestion possible. Une personne qui est handicapée, en fauteuil roulant, qui peut se déplacer le jour du vote jusqu'à sa section de vote pour voter mais qui se trouve devant une situation où il y a des marches et qui ne peut pas rentrer dans la salle comme telle, on retrouve la possibilité que l'urne, dans cette section de vote, se déplace pour accommoder l'électeur.

Et ça aussi, M. le Président, ça se fait ailleurs. Ça se fait dans la Colombie-Britannique, avec la réserve que les conditions le permettent. Ça intéresse le ministre de l'Éducation, ça; je vois ça. Ça se fait dans la province du Manitoba aussi, et ça se fait dans la province de l'Ontario, M. le Président, la province la plus peuplée au Canada. Alors, ça c'est une autre possibilité.

Il y a une troisième possibilité, M. le Président, qui serait de permettre le droit de vote par la poste, lorsque les personnes ont une déficience de mobilité ou ne peuvent quitter le domicile. Ça aussi, c'est une autre possibilité, M. le Président. On le permet pour les électeurs hors Québec, de voter par la poste, pourquoi pas permettre aux électeurs handicapés, avec une mobilité réduite, de le faire ici, à l'intérieur du Québec, M. le Président? Et ça aussi se fait ailleurs, M. le Président: ça se fait dans la Colombie-Britannique, le Manitoba, l'Ontario et la Saskatchewan.

M. le Président, ayant fait un exposé très bref des possibilités de résoudre ou d'atteindre le but que je considère très noble de s'assurer que tous les Québécois, nonobstant des difficultés de mobilité, peuvent exercer leur droit de vote, je déclare mon intention, M. le Président, de procéder avec des suggestions d'amendements, lors de l'étude détaillée en commission parlementaire, de cette façon, pour qu'on puisse tous ensemble, M. le Président, s'assurer de respecter le droit fondamental des Québécois et Québécoises d'exercer leur droit de vote. Merci beaucoup, M. le Président.

(23 h 30)

Le Vice-Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. Je suis prêt maintenant à céder la parole à un autre intervenant, et je reconnais M. le député de D'Arcy-McGee, et je vous cède la parole, M. le député.


M. Lawrence Bergman

M. Bergman: Merci, M. le Président. L'Assemblée nationale, aujourd'hui, est saisie du projet de loi 40; c'est la Loi sur l'établissement de la liste électorale permanente et modifiant la Loi électorale et d'autres dispositions législatives. L'essentiel de mon propos à ce sujet ne portera pas sur le contenu lui-même du projet, mais bien sur la rapidité et la façon pour le moins cavalière avec laquelle on veut nous l'imposer.

I want to speak about how fast this has to be pushed to the House and the illogical manner in which it has been presented to us. Dans un système comme le nôtre, les mécanismes assurant la démocratie et l'expression du choix des électeurs sont essentiels. Après la Charte des droits et libertés de la personne, la Loi électorale est sans doute l'une des plus importantes lois actuellement en vigueur au Québec. Personne, dans cette Assemblée, ne mettra ceci en doute. Cependant, M. le Président, le présent gouvernement semble prendre très à la légère la Loi électorale. Il est en effet inacceptable qu'une assemblée législative modifie les règles démocratiques aussi brusquement, bouleversant au passage les formations politiques, nos institutions de même que les électeurs eux-mêmes. Lorsque l'Assemblée nationale prend des dispositions aussi importantes, elle se doit de prendre le temps nécessaire pour soupeser les avantages et inconvénients et analyser tous les effets de ses décisions.

Les récents événements tendent à démontrer cette prétention, M. le Président. Ainsi, le 5 décembre dernier, le gouvernement déposait le projet de loi 40. Ce projet de loi poursuit des objectifs louables et pertinents et, en apparence, il ne présentait, à l'époque, aucun problème majeur. Or, voilà que, depuis, trois organismes importants – le Protecteur du citoyen, la Commission d'accès à l'information et la Commission des droits de la personne – ont émis, M. le Président, des réserves sérieuses, inquiétantes.

And it is up to this Assembly to take the time to study their propositions. We cannot just rubber-stamp a piece of legislation so that it comes through. But we owe it to the citizens of the Province of Québec to examine the worries of these three bodies. La Commission des droits de la personne souligne même expressément le court délai accordé pour procéder à l'analyse et l'étude de ce projet de loi. They worry about the short time, Mr. President, that is given to study this piece of legislation, and they ask that the legislation be studied in a quieter, lengthier and more calm atmosphere.

De plus, ces trois organismes sont unanimes quant aux dangers liés aux abus possibles lors de la transmission d'information entre les organismes gouvernementaux. Entre autres, on signale qu'afin de respecter la Loi sur la protection des renseignements personnels il faudra que la Régie de l'assurance-maladie obtienne le consentement des personnes avant qu'elle puisse transmettre des informations concernant les citoyens à un autre organisme gouvernemental, soit la direction générale des élections.

They worry and I worry about the privacy of the information. The fact of transmitting information from one government organization to another causes a loss of privacy of individual citizens. And they themselves must be consulted before using their personal information and transfering it from one department to another. Cet obstacle n'est certes pas négligeable, car il crée un coût supplémentaire d'opération pour le nouveau système, ce qui réduira d'autant les économies escomptées.

Dans ce contexte, M. le Président, puisque la question amenée par la présentation de ce projet de loi est fondamentale, il nous apparaît impératif que l'Assemblée nationale ait l'opportunité de consulter et d'entendre la Commission d'accès à l'information, la Commission des droits de la personne et le Protecteur du citoyen. We should take the time to hear the concerns, discuss them and ameliorate the law in question.

Il est également important qu'elle entende l'Union des MRC du Québec, l'Union des municipalités du Québec, la Fédération des commissions scolaires et le Directeur général des élections dans les plus brefs délais. We must hear them in the shortest time possible. Cette consultation aiderait la réflexion nécessaire et permettrait surtout à l'Assemblée nationale de prendre des décisions éclairées.

This consultation will certainly help us make much more efficient decisions on behalf of the people of Québec. Cela me semble essentiel. Comment se prononcer sur le principe d'un projet de loi, alors que la Commission d'accès à l'information elle-même soulève des doutes quant à l'opportunité de mettre en place un registre permanent? Ce doute, M. le Président, par respect pour les Québécois, on ne peut pas l'évacuer comme le gouvernement tente actuellement de le faire.

We cannot put aside the doubts of so many organizations. We must examine what their doubts are before we try to pass this piece of legislation. The Government is trying to rush the piece of legislation through the House and through the National Assembly. Je me permettrai, d'ailleurs, de citer l'avis de la Commission d'accès à l'information. On peut y lire, et je cite: «Or, la Commission s'interroge sur le bien-fondé de centraliser, dans un même fichier et en un seul endroit, des renseignements nominatifs actuellement détenus séparément par trois paliers.»

Non, M. le Président, les conséquences d'une erreur en matière électorale sont trop importantes; elles sont parfois même irréparables. We cannot afford to make a mistake of this nature at this threshold of our dear Province. Too many decisions await the people of Québec to allow us to make a mistake in this piece of legislation.

On ne peut donc pas permettre à un gouvernement de forcer l'Assemblée nationale à prendre une décision qui ne serait pas pleinement réfléchie et éclairée. We must ask this National Assembly to make a decision on this piece of legislation, a decision which is thougtful and well-discussed amongst the various groups which have an interest, and, of course, always on behalf of and for the citizens of Québec.

Est-ce que c'est parce qu'il craint que d'autres avis négatifs ne soient prochainement émis que le gouvernement se dépêche et précipite l'adoption du projet de loi 40? Est-ce que c'est un agenda caché qui le pousse à se presser autant?

Does our Government have a hidden agenda which will... Do they have other items which they want to ramp through this National Assembly? This worries me. À voir agir le gouvernement, on se sent embarqué à l'intérieur d'une locomotive. Je ne crois pas que cette locomotive nous amène sains et saufs à notre destination, soit l'amélioration de notre processus démocratique. The Government seems to want to take us down an autoroute, an autoroute which does not have a sane destination. We must try to ameliorate the democratic process with thoughtful, careful action, Mr. President. We owe it to the people of Québec to be careful with their rights, the most fundamental right in democracy: the right to vote.

À cet égard, je crois important de souligner que l'opposition a demandé certaines précisions concernant le projet de loi 40 et qu'elle n'a toujours pas reçu de réponse satisfaisante. Where are these answers? Why can they not be answered? We have asked questions. The Opposition is here to ask constructive, positive questions. We have asked them and we have not had an answer from our Government. Why, I ask you, Mr. President, are these answers not forthcoming?

En outre, nous avons demandé des études comparatives, de manière à mieux évaluer les impacts et les coûts de la réforme. We have asked answers to better be able to understand the cost and efficiency of these reforms. We are entitled to these answers. The people of Québec are entitled to these answers as soon as possible.

Les documents soumis jusqu'à maintenant ne chiffrent pas ces coûts comparatifs et n'évaluent pas les impacts, par exemple, sur le taux de participation à une élection.

We have asked for comparative figures. One of the figures we have asked for is the comparative participation in an election on an electoral list or in the present system, a system which has worked throughout this century. Why change a system at this crucial moment in our history?

(23 h 40)

De plus, l'administration gouvernementale semble tout aussi irrespectueuse des institutions dans sa démarche, puisque, avant même que l'Assemblée nationale n'ait adopté le projet de loi, le Directeur général des élections fait déjà publier des offres d'appel.

I cannot understand why, before the National Assembly has adopted the law which is proposed by the Government, the Director General of Elections has already made offerings to purchase the equipment proposed by the law. This again is another example of the railroading that this Government wants to accomplish, an undemocratic fashion of proceeding which is not acceptable for all people of goodwill of this Province of Québec.

Par ailleurs, M. le Président, je me réjouis que le gouvernement ait fait suite à notre demande et accepte d'élargir les amendements afin de toucher plus d'un aspect de la Loi électorale. Le débat n'en sera que bonifié car, si la Loi électorale du Québec crée un régime qui fait l'envie de plusieurs gouvernements, elle demeure perfectible.

We can construct a piece of legislation which becomes perfect and will be a model for all governments to follow, but this takes time, this takes consultation and a thoughtful process, not in a rush of a piece of legislation through this National Assembly.

Mon expérience personnelle, lors de la dernière campagne, ou, à un autre niveau, lors des précédentes campagnes, suscite chez moi plusieurs réflexions. I am able to think through with you the various experiences which we had during the past election campaign.

Ainsi, le texte de loi actuellement en vigueur prévoit que la localisation des bureaux de vote est à la discrétion du directeur du scrutin. Malheureusement, certains de ceux-ci sont réticents face à nos propositions à ce sujet. Par exemple, trop souvent on refuse d'établir des bureaux dans les résidences privées pour personnes âgées.

We have asked that voting stations be set up in senior citizens homes to make it easier for senior citizens to vote. In this last election, I witnessed senior citizens who had to be taken by bus to the various polling stations. This constitutes a tremendous disruption in their personal lives and makes it very difficult for them. I, as a candidate, watched this happen at many polling stations. This is unfair to the people of Québec. We have got to give this proper thought, to establish polling stations in senior citizens homes, and not to disrupt our dear senior citizens on the day of a vote.

C'est dommage, car cette mesure permettra peut-être de réduire l'achalandage au bureau de vote par anticipation. On sait aussi que les bureaux de vote par anticipation sont établis les dimanche et lundi de la semaine qui précède le jour du scrutin, avec des heures d'ouverture s'étendant de 14 heures à 21 heures. J'aimerais, M. le Président, cependant, souligner que certains électeurs m'ont manifesté qu'il serait peut-être utile de voir à modifier ces heures d'ouverture de façon à ce qu'une personne puisse voter en matinée.

Would it not be more sensible to take a look at the voting hours on the prevote, which, right now, are between 2 p.m. and 9 p.m.? We could certainly accept the suggestion of many citizens to allow them, on the prevote, to vote in the morning, in the daylight hours, rather than having them vote from early afternoon to early evening. This is certainly a request which we can study on a proper manner and accede to.

Autres éléments, M. le Président: l'affichage et la publicité électorale. Jamais je n'ai constaté autant de graffitis et de vandalisme sur les pancartes que lors de la dernière campagne. N'y aurait-il pas lieu de s'interroger à ce sujet? Peut-être que cette réflexion permettra de trouver des solutions efficaces. We have a wonderful society here in Québec. Yet, during the election campaign, we saw signs being put up, defaced, torn down, graffiti put on these signs. Certainly, for all the citizens of Québec, more time could have been taken in the legislation with respect to these signs.

Enfin, M. le Président, une autre question me vient à l'esprit suite au dépôt du projet 40. Son objectif, on le sait, vise à informatiser la liste électorale, faisant ainsi bénéficier l'État des avantages de la technologie. Quant à moderniser les systèmes, ne serait-il pas opportun d'analyser les modalités selon lesquelles on pourrait tirer avantage de la technologie, telle que celle du télécopieur? Lorsque les distances sont longues dans certains comtés, ceci pourrait éliminer certains irritants. Quant au registre permanent lui-même, M. le Président, je partage avec plusieurs de mes confrères une certaine inquiétude. Jusqu'à quel point le transfert de responsabilités qu'il opère, quant à l'initiative de l'inscription sur la liste électorale, n'est-il pas de nature à diminuer le taux de participation à un scrutin? I feel that the participation rate will be lowered by this particular system that is being installed. Cette question, nous l'avons posée au gouvernement, et il n'a toujours pas répondu de façon complète. Why have they not answered this question that we have asked the Government, that the participation rate will fall because of the new system? This answer must be had from the Government.

Pour ma part, je crois primordial qu'on réponde à de telles questions avant de procéder à l'adoption du principe. Finalement, M. le Président, sur l'objet et sur les principes contenus dans le projet de loi, il nous est difficile, à ce stade, de nous prononcer. Les Québécois et les formations politiques ont besoin de plus d'information suite aux mises en garde formulées notamment par la Commission d'accès à l'information. Non pas que nous soyons contre le projet de loi 40; nous sommes contre la démarche avec laquelle le gouvernement a voulu l'imposer. En tant que membres démocratiquement élus à l'Assemblée nationale, nous demandons au gouvernement de faire preuve de prudence et de respecter nos institutions, puisque cette loi constitue l'un des piliers...

Le Vice-Président (M. Bélanger): Je vous demande de conclure, s'il vous plaît.

M. Bergman: Je conclus, M. le Président. Cette loi constitue l'un des piliers sur lesquels repose cette société. Il nous faut obtenir l'éclairage, suite au premier feu rouge, permettant ainsi d'analyser pleinement les conséquences que vivent les électeurs.

I would ask that the Government not ramp through this law, and study the law properly. I thank you, Mr. President.

(23 h 50)

Le Vice-Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M. le député de D'Arcy-McGee. Je suis maintenant prêt à céder la parole à un autre intervenant et je reconnais M. le député des Îles-de-la-Madeleine et whip de l'opposition. Je vous cède la parole.


M. Georges Farrah

M. Farrah: Oui, merci, M. le Président. Alors, c'est avec plaisir, à ce stade-ci, que j'interviens sur le projet de loi 40, Loi sur l'établissement de la liste électorale permanente et modifiant la Loi électorale et d'autres dispositions législatives. M. le Président, c'est un projet de loi excessivement important, compte tenu que c'est un peu l'assise de la démocratie. Un projet de loi qui touche la Loi électorale, évidemment, et, dans ce sens-là, M. le Président, nous convenons tous qu'il y a lieu d'apporter certaines modifications, compte tenu que, nous tous, dans chacun de nos comtés, au cours des périodes électorales, au cours des élections, nous convenons tous que la loi actuelle est perfectible. Il s'agit sûrement d'y apporter certaines modifications afin de l'améliorer. M. le Président, compte tenu de l'importance d'un tel projet de loi, compte tenu aussi que, traditionnellement, il est très important, je pense – c'est une question fondamentale – qu'un tel projet de loi nécessite l'unanimité de cette Chambre.

Lorsqu'on parle de démocratie, on parle de loi électorale. Il est tout à fait important qu'une telle démarche nécessite l'acceptation de l'ensemble des membres de cette Chambre. Et antérieurement... Et je présume quand même, parce que je pense que, de l'autre côté, vous êtes soucieux de la démocratie également, je pense bien que notre rôle, c'est de faire entendre aux gens du gouvernement... de faire en sorte que ces modifications puissent être acceptées par l'ensemble des membres de cette Chambre.

M. le Président, comme je l'ai mentionné, la loi, on doit possiblement l'améliorer. Sur le fond, nous convenons tous qu'il faut l'améliorer. Mais je ne pense pas, quand même, qu'il y ait panique, qu'on doive paniquer, M. le Président, parce que, malgré que la loi doive être améliorée, jusqu'à présent et en général, je pense que cette loi-là nous a donné, au niveau démocratique, un rendement qui est très intéressant. Lorsqu'on regarde, entre autres, le taux de participation au Québec, qui est absolument phénoménal au niveau électoral, c'est un des meilleurs taux de participation, je dirais même dans le monde entier. Moi, je prends mon comté comme exemple, M. le Président, à la dernière élection, où ça a voté dans une proportion d'au-delà de 87 %. Je pense que ça démontre nettement que la loi actuelle atteint les objectifs qu'on s'était fixés au départ: faire en sorte que la majorité des Québécois et des Québécoises puisse avoir accès à ce droit de vote, élément fondamental au niveau de la démocratie, M. le Président.

Qu'est-ce qu'on constate, M. le Président, avec les changements qu'on nous propose? C'est des changements importants, qui nécessitent une réflexion et qui nécessitent également que les parlementaires de cette Assemblée soient alimentés de gens qui puissent les éclairer relativement aux conséquences des modifications qui peuvent être apportées, M. le Président. C'est dans ce sens-là que, nous, on dit que le processus est un peu à l'envers: avant de déposer le projet de loi, je pense qu'il aurait été nécessaire qu'on puisse consulter des organismes qui sont très crédibles, pour faire en sorte, justement, de nous éclairer pour l'étude de ce projet de loi, au niveau de toutes les étapes. Là, nous sommes devant un gouvernement qui bouscule les choses, qui bouscule les choses, M. le Président. Parce qu'il n'y a pas de panique au niveau de la Loi électorale. Il n'y a pas de panique. Je pense que, jusqu'à date, on a eu des résultats intéressants, et c'est la raison pour laquelle il faut s'assurer de faire notre travail de façon adéquate et correcte.

Quand on voit la qualité des organismes que nous avons au Québec qui peuvent nous éclairer sur un projet de loi qui apporte des changements majeurs et très importants... On parle de la Commission d'accès à l'information, la Commission des droits de la personne, le Protecteur du citoyen, la Régie de l'assurance-maladie du Québec, la Société de l'assurance automobile du Québec, la Régie des rentes du Québec, M. le Président, et d'autres organismes aussi dont les membres sont élus, qui peuvent nous éclairer aussi face à leurs élections ou ce qui se passe au niveau électoral par rapport à leur secteur d'activité. Alors, l'Union des municipalités du Québec, l'Union des municipalités régionales de comté, l'UMRCQ, la Fédération des commissions scolaires, les municipalités et commissions scolaires qui en exprimaient le souhait, c'est important que ces gens-là puissent venir nous éclairer.

Je vois le ministre de l'Éducation qui est présent dans cette Chambre et qui, à juste titre, a donné mandat à une personne pour l'éclairer sur des procédures qui ont pu arriver au niveau des dernières élections scolaires, et, dans ce sens-là, je pense que ça serait important d'attendre le rapport de ce comité ou de cette personne qui va éclairer le ministre de l'Éducation et, par conséquent, qui pourra éclairer cette Chambre.

Pour être cohérents au niveau de notre démarche, nous pourrions faire en sorte d'influencer, d'améliorer le projet de loi en fonction des éclaircissements qui pourraient nous être soumis, entre autres, par le ministre de l'Éducation, suite à certaines manoeuvres électorales qui ont eu lieu au cours des dernières élections scolaires, et, à juste titre, il a donné mandat.

Et, quand je prends, M. le Président, l'avis que le président de la Commission d'accès à l'information a transmis au leader de l'opposition officielle, député de Brome-Missisquoi, critique officiel au niveau de la réforme électorale, et, lorsqu'il parle des banques de données, d'une banque de données centralisée, et je cite, M. le Président, le président de la Commission d'accès à l'information dit: «L'enjeu réel et les dangers de ce projet résident dans la création d'un fichier unique et permanent sur plus de 4 000 000 d'électeurs, soit tous les Québécois et Québécoises âgés de 18 ans et plus.

«La Loi sur l'accès limite aux seules fins de la nécessité la collecte, la conservation et l'utilisation des renseignements personnels. Le législateur souhaitait ainsi préserver la vie privée des citoyens et citoyennes et éviter les abus, toujours possibles, en ce domaine.

«Or, la Commission s'interroge sur le bien-fondé de centraliser, dans un même fichier et en un seul endroit, des renseignements nominatifs actuellement détenus séparément par trois paliers de gouvernement.

«Est-il suffisant d'invoquer des raisons d'efficacité, de commodité et de rentabilité, pour justifier la création d'un fichier qui équivaudra, à toutes fins pratiques, à un registre d'une large section de la population?»

Alors, vous voyez, il y a des questions quand même très pertinentes, très importantes qui sont posées, et c'est la raison pour laquelle il faut consulter en profondeur cette question, compte tenu des impacts, des impacts – et on ne le souhaite pas – peut-être négatifs qu'on pourrait retrouver éventuellement si on ne consulte pas adéquatement.

Et le président de la Commission d'accès à l'information continue en disant: «Plus de 14 000 fichiers de renseignements personnels sont présentement détenus par les divers ministères et organismes publics. Ils visent, dans la plupart des cas, à administrer des programmes et services gouvernementaux (permis, rentes, indemnités, allocations, services de santé, d'éducation, etc.) dont bénéficient directement les citoyens.

«Faut-il ajouter un nouveau fichier permanent aussi vaste, sous prétexte que les listes électorales actuelles sont vites périmées ou mal constituées?

«Quand on considère que notre régime démocratique ne crée aucune obligation de voter, la Commission s'interroge encore sur la nécessité de conserver de façon permanente des renseignements nominatifs en vue de l'exercice, facultatif, du droit de vote.

«La mise en oeuvre de ce projet contredit l'un des principes de base de la Loi sur l'accès: c'est-à-dire la communication périodique et régulière de renseignements nominatifs par la RAMQ sans le consentement des personnes concernées. Qui plus est, le projet de loi prévoit l'interrogation de certains autres fichiers qui ne sont d'ailleurs pas mentionnés ni identifiés.»

Cet après-midi, j'entendais le député de Pointe-aux-Trembles qui disait: Quelle est la différence entre ficher des gens, notamment par le fichier de la RAMQ... Il disait: On dit que c'est faire une intrusion au niveau de la vie personnelle des individus. Par contre, c'est la même chose lorsque les recenseurs cognent à la porte et qu'on recense les gens. Mais je pense qu'il y a une différence fondamentale, M. le Président, au niveau des deux procédures. Je ne vous dis pas que l'une est meilleure que l'autre, mais je pense qu'il faut se questionner. Lorsqu'on cogne à la porte chez l'individu, l'individu a toujours le droit et la possibilité de ne pas donner les informations. On n'oblige pas les individus, lorsqu'on cogne aux portes pour faire le recensement, à s'identifier, à nous donner des coordonnées. Au niveau du fichier, c'est fait à l'insu de l'individu, et, par conséquent, compte tenu que ces fichiers-là seront utilisés par différentes instances gouvernementales, il faut avoir le souci de s'assurer de préserver la confidentialité.

(minuit)

Compte tenu, M. le Président, que ces éléments sont fondamentaux et très importants, je pense que c'est la raison pour laquelle nous voulons être prudents dans cette démarche. Nous voulons nous assurer de consulter adéquatement, pour faire en sorte que la démocratie s'en porte mieux. Simplement, M. le Président, je le répète, tout le monde s'entend sur le fait que des modifications doivent être apportées, mais il n'y a pas urgence. Et, si tel était le cas, M. le Président, pour quelle raison avoir appelé la Chambre le 29 novembre dernier, tandis que le premier ministre actuel... le Cabinet a été assermenté...

M. Perron: ...

M. Lefebvre: M. le Président, question de règlement. Question de règlement, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bélanger): M. le leader adjoint de l'opposition.

M. Lefebvre: M. le Président, vous avez sûrement entendu comme moi, là, M. le député de Duplessis. Oui, oui.

M. Perron: Moi, je vous entends.

M. Lefebvre: Ce n'est pas un nouveau ici, celui-là, M. le Président. Pouvez-vous le rappeler à l'ordre, là? S'il veut parler, là, s'il a un peu de courage, il va se lever puis il va intervenir, puis, s'il a une question de règlement à soulever, M. le Président, qu'il se lève, qu'il la soumette, puis vous allez décider.

Une voix: Mais, en entendant, qu'il se ferme.

Le Vice-Président (M. Bélanger): J'ai bien compris votre question de règlement, M. le leader adjoint de l'opposition et je demanderais à tous les députés en cette Chambre de respecter le droit de parole des députés qui parlent et de ne pas s'interpeller les uns les autres.

Alors, je vous demande de continuer M. le député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Farrah: Merci, M. le Président. On pourrait entendre le député de Duplessis sur ce projet de loi, qui est sûrement un grand démocrate...

Une voix: Peut-être.

M. Farrah: ...sûrement un grand démocrate. On veut bien l'entendre sur ce projet de loi. Je comprends que vous êtes aussi soumis à la solidarité ministérielle, mais, sur un projet de loi d'une telle importance, je pense qu'il est important que chaque parlementaire puisse faire valoir ses arguments, puisse se faire entendre sur ce projet de loi, car il s'agit d'une assise fondamentale et principale de notre démocratie. C'est la raison pour laquelle, M. le Président, sur un projet de loi d'une telle importance, malgré que je comprenne la ligne de partie, la solidarité ministérielle, je comprends très bien cela, mais, sur un projet de loi aussi important, je pense qu'il serait important, justement, que les membres de cette Chambre puissent intervenir et nous soumettre leurs commentaires, et surtout leurs commentaires personnels, au-delà de la ligne de parti, compte tenu de l'importance d'un tel projet de loi.

Or, M. le Président, avant d'être interrompu par le député de Duplessis, je disais que, s'il y a urgence, pour quelle raison avoir convoqué la Chambre si tardivement? On sait que le Conseil des ministres a été assermenté le 26 septembre dernier. On convoque la Chambre le 29 novembre. Et, là, on veut nous faire adopter à la vapeur un projet de loi d'une grande importance, M. le Président. Et je persiste à croire... Nous allons essayer encore de convaincre nos amis de la majorité ministérielle de faire en sorte que le processus soit suivi correctement. Qu'on consulte. Le respect du Parlement. Qu'on consulte, dans un premier temps, qu'on consulte des organismes qui sont très importants et qui pourront encore nous éclairer sur ce projet de loi. Par la suite, nous apporterons les modifications requises pour faire en sorte qu'on développe plus qu'un consensus, l'unanimité autour de ce projet de loi et qu'on s'assure que le respect des citoyens et des citoyennes du Québec soit assuré par un tel projet de loi.

Et, fondamentalement, c'est ceux et celles que nous représentons, c'est la raison pour laquelle nous sommes ici. Et, raison de plus, c'est la raison pour laquelle nous devons assurer que ce processus soit fait de façon efficace pour, justement, qu'on respecte le droit de vote de chaque Québécois et chaque Québécoise. Alors, je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je remercie M. le député des Îles-de-la-Madeleine. Y a-t-il d'autres intervenants?

Je vais reconnaître M. le député de Chomedey. M. le député, je vous cède la parole.


M. Thomas J. Mulcair

M. Mulcair: Merci beaucoup, M. le Président. Comme mon collègue le député des Îles-de-la-Madeleine vient de le mentionner, M. le Président, le projet de loi portant réforme de notre système électoral touche un des fondements de notre système démocratique. C'est pour cette raison, M. le Président, qu'il est, à notre sens, si important de s'assurer que toutes les consultations nécessaires aient eu lieu.

M. le Président, je reviens d'une commission parlementaire au cours de laquelle on a été amplement en mesure de constater que le gouvernement n'aime pas consulter, M. le Président. Il prépare ses projets de loi à la vapeur et n'aime pas se faire poser des questions là-dessus. J'ai eu plusieurs exemples de ça au cours des derniers jours, M. le Président.

Le système électoral sur un de ses fondements, à savoir le fait que les citoyens soient recensés par des gens qui vont chez eux recueillir les informations nécessaires, ne saurait être changé sans une réelle consultation, M. le Président. Une consultation qui permettrait à des groupes communautaires, qui sont censés être si chers pour l'autre côté de cette salle, une consultation qui donnerait le temps à des organismes tels la Commission d'accès à l'information, la Commission des droits de la personne, l'Office des personnes handicapées du Québec, pour des questions d'accès et combien d'autres, de délibérer adéquatement et de formuler un avis circonstancié pouvant «informer les décisions» de cette Chambre.

Ce que l'on nous propose, au contraire, M. le Président, c'est une consultation hâtive où on ferait venir très vite les gens pour qu'ils se prononcent. Lorsqu'on voit le peu de temps que l'on accorderait à ces gens dans ces importantes organisations pour se préparer adéquatement, on est en mesure de comprendre à quel point le gouvernement n'a pas confiance en son programme législatif, n'a pas confiance dans le sérieux de la rédaction et la préparation de ses projets de loi. Il ne veut pas de réelles consultations au cours desquelles on pourrait scruter à la loupe, comme nous venons de le faire en commission parlementaire avec un autre projet de loi; il veut des «rubber stamps», M. le Président.

Et pourquoi? Le système que nous avons au Canada et au Québec, bien entendu, fait l'envie de plusieurs juridictions dans le monde, M. le Président. C'est vrai que ça coûte une somme importante à chaque élection d'aller vers les gens, d'aller les chercher dans leur foyer, d'aller prendre les informations qui s'imposent. Mais, quel beau résultat, M. le Président! Plutôt que d'exiger que les gens soient assez habiles, assez informés, assez capables de se déplacer, eux, de trouver les endroits, de rencontrer des exigences bureaucratiques, on va les chercher dans leur demeure. On le fait avec deux personnes, normalement représentant les deux formations politiques principales en place, afin de s'assurer que tout soit le plus correct possible, M. le Président. Si on compare ce système avec celui qui existe aux États-Unis, on comprend facilement pourquoi il ne faut pas changer légèrement ce merveilleux système dont on est doté dans notre système parlementaire canadien.

(0 h 10)

One need only look briefly, Mr. Speaker, to the situation as it exists in the United States to understand how our system of going out to the residences of voters and actively seeking their enumeration on a list of voters is by far one of the best that can exist. In Canada, Mr. Speaker, we have the great fortune to have a system that allows for the participation of the greatest number possible. Mr. Chairman, we all know that there is a substantial proportion of the population that is considered, to use the term of the experts, «functionally illiterate». What is meant by that term, Mr. Speaker, is that there are many people in our society who cannot follow simple written instructions, who would have a great deal of difficulty following the bureaucratic guidelines that would be set out under a system where they would be the ones required to go out and have themselves enrolled on a voters' list.

The change being proposed, Mr. Chairman, is fundamental. It affects the very nature of the democratic process here in Québec. Mr. Speaker, before changing a system that is the envy of many jurisdictions in the world, we would be well advised to take council in those many groups, government agencies and other bodies that exist to help inform the decisions in this Chamber.

M. le Président, avant d'entreprendre une démarche visant à anéantir un système qui nous a si bien servis pendant de très nombreuses années, il serait opportun de prendre tout le temps nécessaire, de consulter ceux et celles que la loi, et l'argent des contribuables, M. le Président, met en place afin de bien «informer nos décisions».

Si nous regardons la situation telle qu'elle existe aux États-Unis, où il y a des organisations bénévoles, communautaires, qui existent dans le seul but, M. le Président, de s'assurer que les plus démunis de la société puissent exercer leur droit de vote, force nous est de constater que nous sommes face à un projet de loi qui chambarderait considérablement notre façon de faire et qui mérite une attention particulière, voire minutieuse. Aux États-Unis, on a constaté que ce sont souvent les plus démunis de la société qui perdent la franchise, qui perdent le droit de vote, car ils sont, soit par des obstacles bureaucratiques, soit par des obstacles géographiques, soit par des obstacles culturels, empêchés de voter.

C'est pour ça, M. le Président, qu'avant de changer un système qui nous a si bien servis pendant de si nombreuses années on se doit de marquer un temps d'arrêt et de prendre avis de ceux et celles qui ont la compétence nécessaire pour nous avertir correctement sur les impacts prévisibles de ce projet de législation, sur des questions aussi importantes que le droit à la vie privée, l'accès aux personnes handicapées. L'effet sur l'ensemble de notre système démocratique, M. le Président, doit être analysé, soupesé. La vaste expérience des services de recherche, d'analyse et de législation dans un organisme comme la Commission des droits de la personne, par exemple, M. le Président, pourrait faire une analyse comparative de notre système de recensement actuel avec celui qui existe dans d'autres juridictions, notamment chez nos voisins du Sud, aux États-Unis.

If such research is carried out, Mr. Speaker, it will become easily obvious to anyone who analyses it that we have a far better system here, in Québec, and one that we should not change without taking the time to make sure that things are being done properly.

Mr. Speaker, a little bit of over a year ago, the Government of Québec undertook to change a very simple procedure. In the past, we all held health insurance cards, with their untranslatable name of the «carte-soleil», that for years had been criticized as being an inadequate safeguard because it allowed perhaps too easy access to a very generous health care system by persons who were not even identified by a photograph. So, after much discussion and debate, and proper consultation with the appropriate authorities, people who are well versed in matters concerning privacy and safety, it was decided that a new card, a series of cards would be issued in which people's photographs would now appear.

Mr. Speaker, the Québec Ombudsman, the Protecteur du citoyen, was obliged to intervene vigorously following the establishment of this new process. La raison pour laquelle le Protecteur du citoyen, M. le Président, a été obligé d'intervenir sur cette question était que, selon ses calculs, jusqu'à 17 % des personnes qui étaient aptes à recevoir une carte-soleil nouvellement conçue avec photo n'y avaient pas accès. Au début, certaines personnes, dont certains personnages politiques, s'étaient même félicités en disant: Vous voyez, voici les chiffres, il y a tant de dizaines de milliers de fraudeurs parce que ces gens-là n'ont pas eu leur carte. Fort de sa vaste expérience en matière d'aide auprès du public, le Protecteur du citoyen a été en mesure d'informer correctement les parlementaires sur les vraies raisons ayant présidé au fait qu'autant de personnes n'aient pas renouvelé leur carte.

Vous vous souviendrez sans doute, M. le Président, que le Protecteur du citoyen a signalé que, pour bon nombre de citoyens, le fait même de demander d'aller faire des procédures bureaucratiques, d'aller dans un CLSC, d'aller se faire photographier, de payer pour une telle photo, de remplir des documents, des fiches, c'est une barrière à leur accès, M. le Président. Après les interventions du Protecteur du citoyen, M. le Président, les choses ont changé, des ressources suffisantes ont été allouées. On s'est rendu compte qu'il fallait aller beaucoup plus proche des gens et, un des constats principaux après cette opération que le Protecteur du citoyen décrit avec éloquence et beaucoup de détails dans son rapport annuel, un des constats principaux, c'est que, lorsqu'on prépare un changement qui, à sa face même, paraît anodin, comme celui de requérir une simple photo sur une carte donnant accès à notre système de santé, bien, même pour un changement de cette nature-là, M. le Président, il faut absolument prendre le temps qu'il faut. Il faut consulter, il faut mettre en place les systèmes, les dispositifs, les services nécessaires pouvant donner effet à une volonté du législateur d'améliorer un système.

(0 h 20)

M. le Président, personne dans cette salle, j'en suis persuadé, ne met en doute la pertinence de vouloir faire en sorte que nos élections, au Québec, continuent de se tenir de la manière la plus ouverte, la plus correcte possible. Personne, je crois, M. le Président, ne pourrait mettre ça en doute, mais je mets l'emphase sur le mot «continu». On dit, en anglais, «If it ain't broke, do not fix it». Avant d'être convaincu que ce système-là, où les gens vont être obligés d'aller surmonter des barrières bureaucratiques et autres avant de pouvoir avoir le cens électoral, le droit de voter, bien, M. le Président, j'attends des preuves, et ces preuves peuvent venir. Si on nous fait la preuve que ce système doit changer dans un sens donné, on va pouvoir, de part et d'autre, tirer profit de l'expérience de gens comme le Protecteur du citoyen du Québec, d'organismes comme la Commission des droits de la personne, la Commission d'accès à l'information et de protection des renseignements privés. C'est ça qu'il faut faire si nous voulons une démarche ouverte, pouvant conduire à un résultat valable, M. le Président. Mais, ce que nous sommes en train de voir, malheureusement, c'est un gouvernement avec très peu de confiance dans les moyens qu'il propose, un gouvernement nerveux de rencontrer les gens compétents sur ces questions-là, un gouvernement qui tente de pousser très vite un projet de loi qui n'aurait aucunement besoin d'être analysé dans tous ses détails par l'ensemble de ces intervenants-là que cette Législature a chargés d'étudier ces questions-là au cours des 25 dernières années. Autant d'individus, d'organismes et d'institutions, M. le Président, qui sont là pour une seule chose: assurer l'application de la loi dans le meilleur intérêt de la protection du public.

Before adopting any legislation that will put the burden on citizens to go and enroll themselves before they can become eligible to vote, we must, Mr. Speaker, we must, as legislators who take their job seriously... It is incumbent upon us, to meet with, to question, to spend the necessary time informing ourselves with those persons and institutions who have been trusted by this Assembly with the analysis and the study of such questions.

One can ask oneself, Mr. Speaker: Why the Government is so nervous about having these organizations, these government bodies, theses different agencies and individuals perform a proper study of its legislation? For if they were not nervous, Mr. Speaker, why would they be pushing us to proceed with such haste? Why would they be making us sit through the night if they were indeed interested in a true open public consultation, Mr. Speaker? What they would be doing is saying: We are going to set an agenda together. This is one of the corner stone of our democratic process, Mr. Speaker. They would be saying: Join with us, we will set a serious agenda, we will give those government bodies, agencies and groups sufficient time to analyze, to study, to comment and to prepare themselves, and we will invite them, Mr. Chairman, we will invite them into the commission rooms of this Assembly and we will study with them, clause by clause, the proposals. We could bring in expert witnesses, Mr. Speaker; we could bring in people from community groups in the United States who would be able to explain to us their experience with the voter registration system that does not come close to ours in terms of its democratic aspects, Mr. Speaker. Instead of such a process, what we are being proposed is a very rapid overview. The minimum respect for these government agencies and bodies is not being accorded, Mr. Speaker.

M. le Président, comme tous les autres élus ici, à l'Assemblée nationale, je ne veux qu'une chose, c'est qu'en saine démocratie notre législation sur un sujet aussi important soit étudiée, analysée, soupesée avec toute l'attention et tout le sérieux que cela mérite, et en s'adjoignant l'aide, l'assistance, le conseil des experts dans les organismes et agences qui sont là justement en de telles occasions, M. le Président, pour bien informer nos décisions. Merci beaucoup.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je remercie, M. le député de Chomedey. Est-ce qu'il y a d'autres intervenants? Je vais reconnaître M. le député de Westmount–Saint-Louis. M. le député, je vous cède la parole.

Des voix: En anglais!


M. Jacques Chagnon

M. Chagnon: (S'exprime en italien).

M. le Président, ça me fait plaisir ce soir – ce matin plutôt, à minuit et vingt-cinq. Le leader du gouvernement avait pourtant bien promis à ses députés, particulièrement à ceux qui avaient déjà connu l'opposition, que jamais on ne les ferait veiller de nuit parce que, l'autre façon de gouverner, évidemment – évidemment – évitait de faire en sorte qu'on passe des nuits à discuter des projets de loi. La petite lumière qui guide les travaux du leader du gouvernement, au moment où on se parle, fait en sorte que l'autre façon de gouverner a rapidement vieilli, très rapidement vieilli, trop rapidement vieilli.

Les observateurs de la scène politique qui vont pouvoir assister à ce débat vont se dire: Franchement, ceux qui nous avaient promis du changement, ceux qui nous avaient promis de faire en sorte que l'autre façon de gouverner amènerait des changements quant à la façon d'orienter nos travaux parlementaires... Ils seront éminemment déçus, profondément déçus.

M. le Président, l'exercice que l'on fait ce soir fait rire plusieurs membres du gouvernement. Ce n'est pas vraiment important, dans le fond, un exercice de démocratie aussi majeur que de réformer sa liste électorale ou sa Loi électorale, pas tellement important. Il y a quelque chose, M. le député de Joliette?

M. Chevrette: ...

M. Chagnon: M. le Président, est-ce que vous pourriez rappeler à l'ordre...

Le Vice-Président (M. Brouillet): S'il vous plaît, je vous demanderais... Ecoutez, là, ce n'est pas... S'il vous plaît! S'il vous plaît! Alors, j'inviterais tout le monde à respecter le droit de parole. Vous aurez l'occasion, dans quelques minutes probablement, d'intervenir. Alors, M. le député de Westmount–Saint-Louis.

M. Chagnon: Évidemment, M. le Président, je comprends que nos travaux, à cette heure-ci, font en sorte que le leader du gouvernement commence à craquer lui-même. Il est un peu fatigué. Je le comprends. Nous allons l'excuser de ses propos pour le moins vulgaires.

M. le Président, je représente le comté du centre-ville de Montréal de Westmount–Saint-Louis, maintenant depuis presque 10 ans. C'est un comté avec lequel et dans lequel nous avons connu des expériences assez particulières concernant la confection des listes électorales. Le recensement qui, avant chaque élection et même avant chaque référendum, si on pense à celui de 1992, pose certains problèmes assez particuliers, pose des problèmes particuliers dans les circonstances où... Vous comprendrez que, dans le centre-ville de Montréal, où on trouve un grand nombre de blocs appartements, des appartements qui retrouvent, par exemple, 400, 450 unités de logements, et même plus si on pense à Place du Parc, où on retrouve près de 1 500 unités de logements, il est très difficile de faire un recensement intelligent dans ce secteur-là, pour la bonne et simple raison que les gens viennent, rentrent et font une vie plutôt nocturne dans leurs appartements au centre-ville. Alors, il appert qu'il devient difficile de faire un recensement dans ce contexte-là. Souvent, les recenseurs vont faire deux fois, trois fois des visites, et les gens n'y sont pas. Ce qui fait que, dans la loi électorale que nous connaissons, les gens ont la capacité de pouvoir se présenter devant le bureau de dépôt, le comité de révision, et de faire en sorte de se faire inscrire, au bureau de dépôt particulièrement.

On retrouve, dans le comté de Westmount– Saint-Louis, au-delà de 5 000 personnes qui vont s'y faire inscrire à chaque élection ou chaque référendum. C'est le plus grand nombre d'auto-inscriptions qu'on retrouve au Québec. Évidemment, il s'agit d'un comté dans un contexte le plus urbain connu au Québec, et il n'en demeure pas moins qu'il y a aussi une certaine difficulté, parce que c'est un comté cosmopolite. Il y a une difficulté de recenser des Canadiens de différentes origines ethniques, particulièrement dans les... Pardon? Est-ce qu'il y a un problème, M. le Président?

M. Lefebvre: Question de règlement, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le leader de l'opposition, sur une question de règlement.

M. Lefebvre: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Quel article, s'il vous plaît?

M. Lefebvre: L'article 32, paragraphe 2°, M. le Président. Je vois des députés, là, qui ne sont pas à leur banquette, et moi, je suis tout mêlé, là.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lefebvre: Le député de Berthier, qui n'est pas à sa banquette. Le député de Lotbinière, qui n'est pas à sa banquette. Ça travaille mieux quand tout le monde est...

(0 h 30)

Le Vice-Président (M. Brouillet): S'il vous plaît, ce n'est pas la coutume de désigner des députés qui ne sont pas à leur banquette. Alors, je demanderais à chacun, effectivement, de retourner à sa banquette. Alors, très bien.

Alors, M. le député de Westmount–Saint-Louis, si vous voulez reprendre votre droit de parole.

M. Chagnon: Je vous remercie, M. le Président. L'expérience qu'on vit dans le comté de Westmount– Saint-Louis, je le disais, est assez particulière, d'une part, en ce qui concerne la capacité de recenser et, deuxièmement, les taux d'inscription extrêmement élevés que nous retrouvons dans les comités de révision, la difficulté aussi de recenser nos concitoyens qui sont d'autres origines. Ce processus, malgré le fait qu'il soit connu, mérite d'être amélioré. Moi, j'en conviens. J'en conviens sans aucune difficulté même si, encore une fois, on oblige le Parlement, en fait même si l'Exécutif et le leader du gouvernement obligent le Parlement à siéger à minuit et demi pour discuter de lois dont l'organisation démocratique de notre système parlementaire dépend. Ça ne devait plus se faire évidemment, encore une fois, M. le Président, mais ça se fait et ça se fera. Bienheureux les naïfs qui ont cru qu'il y avait véritablement une autre vision et une autre façon de gouverner de l'autre côté.

Toutefois, un processus, processus qui est choisi par le gouvernement, est inquiétant lorsqu'on s'aperçoit, lorsqu'on se rappelle de la façon que le premier ministre a fait état du processus de la soi-disant consultation qui, jour après jour, se voit dégonflée; se voit dégonflée dans l'opinion, se voit dégonflée dans les médias. Le processus de consultation préréférendaire est déjà remis en question par à peu près tous ceux qui réfléchissent un peu dans cette société-ci, et on s'aperçoit que le processus comme tel va nous amener à un exercice de manipulation et à une consultation bidon, à une consultation dans laquelle on organisera des gens du Parti québécois et du Bloc québécois qui auront...

M. Boisclair: Question de règlement.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Question de règlement, M. le leader du gouvernement. Quel article, s'il vous plaît?

M. Boisclair: L'article 35.6°, M. le Président. «Manipulation» est un terme qui est antiparlementaire. Il y a déjà des décisions qui ont été rendues. Je demanderais au député de retirer ses propos.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Vous aviez dit «manipulation»?

M. Boisclair: J'ai dit la même chose que vous avez compris, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, M. le leader de l'opposition.

M. Lefebvre: M. le Président, je m'excuse, le député de Gouin fait erreur. «Manipuler» et «manipulation», ce n'est pas pareil, M. le Président. «Exercice de manipulation», M. le Président...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, s'il vous plaît, nous suspendons pour quelques minutes, là.

(Suspension de la séance à 0 h 34)

(Reprise à 0 h 35)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Comme je n'ai pas en mémoire tout ce qui a pu se décider depuis les débuts de cette noble et auguste Assemblée, j'ai pris le temps de voir si quelqu'un avant moi l'avait décidé. Et, effectivement, le mot «manipuler» a été déclaré comme pas très gentil dans cette Chambre et peut être blessant. Alors, je vais suivre la tradition et inviter le député de Westmount–Saint-Louis à vouloir, peut-être, retirer cette parole. Alors, M. le député de Westmount–Saint-Louis.

M. Lefebvre: M. le Président, pour bien comprendre votre décision, vous demandez au député de Saint-Louis de retirer un propos antiparlementaire, que vous lui indiquez comme étant «manipuler», alors qu'il n'a jamais dit, M. le Président, «manipuler». Je veux bien comprendre. Il a...

Le Vice-Président (M. Brouillet): «Manipuler», «manipulation», ça a exactement la même signification. Alors, je ne vois pas, si vous voulez, qu'on puisse faire appel à cela pour modifier la décision. Ça a la même signification. Alors, M. le député de Westmount–Saint-Louis.

M. Chagnon: M. le Président, c'est la première fois que ça m'arrive qu'on me reproche d'avoir utilisé un terme qui aurait été antiparlementaire. Alors, évidemment, vous le radiez.

Je parlais d'une consultation avec un terme antiparlementaire. Mais cette consultation-là a été tordue...

M. Paquin: M. le Président, question de règlement, s'il vous plaît.

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le député de Saint-Jean, à quel article?

M. Paquin: L'article 211: «Tout discours doit porter sur le sujet en discussion.» C'est la liste électorale, c'est le processus électoral: pas ce gouvernement, pas la façon de fonctionner. Et, je demanderais au député de s'en tenir à ça.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, M. le député, voyez à discuter et débattre du sujet du projet de loi. Je vous cède la parole.

M. Chagnon: M. le Président, je vous remercie. On voit comment ces députés sont rendus à tel point serviles de leur exécutif et de leur gouvernement. Ils ne sont même pas capables de se rendre compte que la phase I d'une stratégie, qui est astucieuse, semble-t-il, peut-être...

M. Boisclair: M. le Président, je demanderais...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Messieurs, s'il vous plaît! S'il vous plaît, M. le leader adjoint du gouvernement, question de règlement.

M. Boisclair: Article 35.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Effectivement, s'il vous plaît, là, c'est la dernière fois que je vous le rappelle: Restez à vos sièges. M. le député de Duplessis. Bon. Écoutez, là, on est des adultes. M. le leader du gouvernement.

M. Boisclair: M. le Président, il existe, en vertu des dispositions de l'article 35 et des suivants de notre règlement, vous savez très bien, M. le Président, et le député de Westmount–Saint-Louis, qui est ici en cette Chambre depuis plus longtemps que moi, sait fort bien qu'il y a un certain nombre de mots qui sont reconnus ici comme antiparlementaires. Le mot «servile», qu'il vient tout juste d'utiliser, est un de ceux-là. Il y a une décision qui a été rendue le 18 décembre 1986 par Louise Bégin qui était votre prédécesseure. Je demanderais, par votre entremise, M. le Président, au député de retirer ce mot-là.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, effectivement, le mot «servile» a déjà été déclaré ici, en cette Chambre, comme étant non parlementaire. Alors, je vous demanderais, monsieur... Écoutez, là, essayez donc, s'il vous plaît, de vous détendre un peu et d'éviter d'employer des termes blessants, et tout. Alors, c'est vrai pour tout le monde, là. Écoutez, je pense que ce serait intéressant de dresser la liste des mots qui ont déjà été déclarés et de l'envoyer à chacun d'entre vous. On ne peut pas avoir ça à l'esprit à tous les jours, là. Mais ça serait bon, peut-être, de vous l'envoyer pour que chacun puisse la lire au moins une fois et puisse être prudent, si vous voulez, dans ses propos. M. le député de Westmount–Saint-Louis.

M. Chagnon: M. le Président, deux fois, c'est trop, le même soir, sûrement. Alors, vous voudrez bien encore radier ce terme qui sera antiparlementaire. Parlons, dans ce cas-là, des membres du gouvernement qui sont de véritables automates, qui ne savent pas voir la différence entre la phase I de l'astuce, qui est, ni plus ni moins, celle d'avoir organisé une consultation bidon, et la phase II, c'est de venir tricoter une nouvelle loi électorale qui pourra aussi avoir pour objet de modifier, évidemment, dans le cours et dans le sens de la volonté du gouvernement, une volonté qu'on peut remettre en question, une volonté d'essayer de ramasser, par tous les moyens possibles, le plus de Oui possible à un futur et éventuel référendum, dont on ne sait pas et dont on ne connaît pas même la date aujourd'hui.

(0 h 40)

Si on siège à une heure moins vingt le matin, c'est, entre autres, à cause du fait que les travaux parlementaires ont été mal dirigés et mal organisés par le Parlement, mal organisés par le leader du gouvernement. On ne nous a pas convoqués ici avant le 29 novembre, M. le Président. Après avoir été élus le 12 septembre, après avoir vu un gouvernement se faire assermenter le 26 septembre, on ne nous a pas convoqués ici avant le 29 novembre. Et, aujourd'hui, on fait siéger le monde, là, à 0 h 40, 0 h 45. Je vois des gens qui semblent être un peu fatigués, un peu fatigués. Remarquez que...

M. Lefebvre: Question de règlement, M. le Président, question de règlement, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Oui, M. le leader de l'opposition, question de règlement. L'article, s'il vous plaît, pour se situer au point de départ?

M. Lefebvre: Il y a le whip du gouvernement qui n'est pas à sa banquette, pour commencer, M. le Président. Est-ce que vous pouvez inviter le whip à prendre sa banquette, M. le Président?

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je demanderais, s'il vous plaît, à tous les députés qui ne seraient pas à leur siège de venir à leur siège. Alors, écoutez, je vais suspendre les travaux pour quelques minutes.

(Suspension de la séance à 0 h 41)

(Reprise à 0 h 54)

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, veuillez vous asseoir. M. le leader du gouvernement.

M. Chevrette: Compte tenu de l'heure, M. le Président, je voudrais faire une offre officielle au leader de l'opposition: qu'on soit un de chaque côté à parler après la période de questions demain. On pourrait, à ce moment-là, ajourner nos travaux, si l'offre tient.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, écoutez, il y a une offre. M. le leader adjoint de l'opposition.

M. Lefebvre: Il n'est pas dans les habitudes et les coutumes de l'Assemblée que des suggestions ou des propositions comme celles-là se fassent devant les caméras, un, et en présence de tous les parlementaires. M. le leader du gouvernement sait très bien que ce n'est pas la façon de faire. Il y a encore au moins une dizaine de députés, de ce côté-ci de l'Assemblée, M. le Président, qui veulent intervenir sur un projet de loi aussi important, et c'est ce qu'ils vont faire, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, l'opposition officielle n'a pas l'intention d'accepter, finalement, l'offre. Alors, nous allons poursuivre, mais je tiens cependant à vous signaler que, pour maintenir l'ordre, le décorum minimum, très souvent, je n'ai pas d'autre possibilité que de suspendre, ce que j'ai fait. Et le règlement dit très bien que, dans un tel cas, pour maintenir l'ordre, le président peut à tout moment suspendre ou lever la séance. Alors, j'appelle chacun à ses responsabilités.

Alors, nous allons poursuivre la discussion. M. le député de Westmount–Saint-Louis, il vous reste quatre minutes.

M. Chagnon: M. le Président, l'importance de ce projet de loi ne fait aucun doute dans l'esprit de tous les membres de l'opposition. Nous avons, depuis quelques jours, manifesté l'intention de voir une commission parlementaire qui entendrait de nombreux groupes, de nombreuses personnes, de nombreux représentants d'organismes qui ont l'intention de se faire entendre en commission parlementaire sur ce projet-là. D'ailleurs, plusieurs observateurs ont déjà indiqué que de vouloir mettre le pied sur l'accélérateur pour forcer l'adoption de ce projet de loi, en «bulldozant» l'Assemblée nationale, n'amènera sûrement pas ou ne donnera pas de plus grande chance à notre régime qui fait en sorte d'organiser le système électoral, ne donnera pas de plus grande chance de l'améliorer, et cela, c'est assez évident. On est en train de forcer une réforme qui mérite d'être analysée en profondeur. Il y a des tas de questions qui seront soulevées et qui devront être soulevées en commission parlementaire non seulement dans l'étude article par article, mais pour entendre chacun des groupes qui ont demandé d'être entendus.

Le leader du gouvernement a déjà dit: Nous allons entendre des groupes. Mais, jamais le leader du gouvernement a dit: Nous entendrons les groupes, par exemple, au mois de janvier, de telle date à telle date, quand cette commission parlementaire pourra étudier et entendre ces groupes-là. Jamais de dates n'ont été annoncées, jamais. On aurait intérêt, par exemple, à mieux planifier nos travaux, à nous dire: Bon, bien, du 15 janvier à une session qui pourra se terminer autour du 20, 25 janvier, nous entendrons les différents groupes sur le projet de loi 40, loi sur l'établissement de la liste électorale permanente. Et, après cela, nous procéderons à une étude article par article du projet de loi.

Nous avons intérêt à prendre, pas des mesures dilatoires, on a intérêt à prendre notre temps pour étudier ce projet de loi là de façon sérieuse, pas nécessairement de bonne heure le matin, mais sûrement faire en sorte que la création d'un fichier informatique puisse se faire dans les meilleures conditions possibles, s'il y a lieu de le faire.

Moi, je pense, compte tenu de l'expérience que je vous mentionnais tout à l'heure dans le centre-ville de Montréal, que ce n'est pas nécessairement une mauvaise idée, mais que ça ne peut pas se faire n'importe quand et n'importe comment. On ne peut pas demander à la Régie de l'assurance-maladie du Québec, on ne peut pas demander à différents organismes de participer à la conception non seulement de l'infrastructure technologique, mais de la transmission des données, particulièrement pour les jeunes de plus de 18 ans, dans le cas de la RAMQ, à qui on demande de fournir la liste des noms des jeunes de plus de 18 ans, à partir du 12 septembre 1994. Après tout, puisqu'une bonne partie du projet de loi 40 repose sur l'affirmation qu'il nous faut absolument partir des listes électorales qui ont permis l'élection du 12 septembre 1994, il me semble être en droit de penser que, d'une part, ces listes-là n'ont pas été si mal faites, puisque ce sera la base du futur fichier que nous propose la loi 40, d'une part. Deuxièmement, on peut penser aussi que, si le projet de loi était adopté à la vapeur, jour et nuit, on risquerait d'avoir une sorte de projet de loi qui serait aussi susceptible d'être difficilement applicable.

M. le Président, encore une fois, je manifeste une inquiétude non seulement comme parlementaire de l'opposition, mais comme simple citoyen. Nous avons été pris dans l'enclenchement d'un processus référendaire qui nous a amenés dans l'organisation de multiples commissions, de consultations bidon en région, et nous aurons, en phase II, peut-être – peut-être – un tripotage de notre Loi électorale. Je souhaite que non, mais je pose la question encore une fois, M. le Président, et souhaite que nous puissions prendre le temps qu'il faut pour analyser ce projet de loi dans les délais les plus sérieux qui pourront permettre aux parlementaires de prendre action sur chacun des aspects de ce projet de loi le plus rapidement possible, M. le Président.

(1 heure)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, merci, M. le député de Westmount–Saint-Louis. Maintenant, je vais reconnaître le prochain intervenant, M. le député de Sauvé. Je vous cède la parole, M. le député.


M. Marcel Parent

M. Parent: Alors, merci, M. le Président. Il est une heure du matin. Malgré toutes les promesse et les engagements que nous avions entendus préalablement, nous en sommes revenus à la même formule, à l'ancienne formule, je dirais peut-être la bonne vieille formule, parce que c'est celle-là qu'on utilise depuis que ce Parlement existe, où on siège à peu près à n'importe quelle heure. Mais, devant le projet de loi que nous avons devant nous, Loi sur l'établissement de la liste électorale permanente et modifiant la Loi électorale et d'autres dispositions législatives, je pense, M. le Président, que ça vaut la peine de siéger après minuit, lorsqu'on a à décider et à étudier un projet de loi aussi important. Ce qui me chicote et ce qui me porte à m'interroger sur ce projet de loi, M. le Président, c'est que, déjà, au Québec, chez nous, on possède probablement une des meilleures lois électorales au monde. Les gens viennent de partout nous consulter, consulter le Directeur général des élections pour connaître en détail notre Loi électorale, de quelle façon nous l'appliquons. Et, aujourd'hui, même nous, qui sommes les champions, sentons le besoin de refaire, de bonifier, d'améliorer cette loi. Alors, c'est tout à l'honneur, M. le Président, des membres de cette Assemblée de siéger 24 heures sur 24 s'il le faut pour tâcher d'améliorer nos standards.

Nous en sommes, M. le Président, non pas à l'adoption de ce projet de loi, mais nous en sommes à l'adoption du principe. Un membre de l'opposition me disait d'une façon informelle et amicale tout à l'heure: Pourquoi vous vous énervez, nous n'en sommes qu'à l'acceptation de principe. Eh bien! M. le Président, je vous ferai remarquer qu'il y a des gens qui meurent pour des principes; on vit pour des principes. Et, nous, les politiciens, M. le Président, vous le savez, à l'intérieur de nos formations politiques, à l'intérieur de nos caucus, on n'est pas toujours d'accord. Des fois, les orientations que prennent nos partis, on est satisfaits à 50 %, 60 %, 65 % mais on dit: Enfin, ce n'est pas la perfection, mais à 75 %, c'est bon, on y va, solidarité ministérielle. Mais, lorsqu'un parti politique, ou qu'un caucus, ou qu'un gouvernement amène une orientation, M. le Président, qui heurte nos principes de base, qu'est-ce qui se fait? Lorsque nos principes sont attaqués, M. le Président, on voit des schismes, on voit des gens qui dorment mal et on voit des gens qui prennent leurs responsabilités, et on l'a vu en cette Chambre.

Une voix: ...

M. Parent: M. le Président, je vous demande de faire respecter mon droit de parole. J'entends des remarques qui me distraient. Je peux continuer, M. le Président?

Le Vice-Président (M. Brouillet): Oui. Mais avant, je voudrais rappeler qu'on s'est entendus que chacun occupe son siège et j'aimerais que, de façon très spéciale, d'ici la fin de la soirée, on respecte cette consigne, parce que je n'ai pas l'intention qu'à tout bout de champ chacun rappelle à l'ordre sur ce point-là. Alors, qu'on accepte l'ordre pour le reste de la soirée sur ce point-là d'une façon stricte et ça va éviter beaucoup de désagréments. M. le député.

M. Parent: M. le Président, je voulais simplement insister sur l'importance de l'étude d'un projet de loi lorsqu'on est à l'étude du principe du projet de loi. Parce que la loi repose sur le principe. Si on est contre le principe, si on ne connaît pas tous les détails du principe, on ne peut pas aller plus loin dans l'étude d'un projet de loi sans en faire un cas de conscience. Et c'est pour ça, M. le Président, qu'ici, l'opposition, nous entendons scruter et nous interroger sur tous les articles de ce projet de loi de façon à faire la lumière et à faire en sorte qu'il soit encore meilleur que l'ancien projet de loi que nous possédons, qui est déjà un des meilleurs au monde.

Et mon attention, M. le Président, elle a été attirée par deux articles à l'intérieur des notes explicatives de ce projet de loi. On dit, dans le troisième paragraphe: «Ce projet de loi modifie la Loi électorale notamment afin d'éliminer le recensement, de prévoir que la liste électorale permanente sert à toute élection et d'établir les mécanismes de mise à jour et de révision de cette liste. Concernant la mise à jour, il stipule qu'il incombe à l'électeur d'aviser le Directeur général des élections de tout changement dans les renseignements le concernant.» C'est surtout sur cette dernière partie, M. le Président, du troisième paragraphe, que je m'interroge, et sur le dernier paragraphe de tout qui dit: «Ce projet de loi modifie par ailleurs les lois applicables aux scrutins municipaux et scolaires», lorsqu'on sait que les scrutins municipaux et scolaires ont des particularités que l'on ne retrouve pas dans les élections provinciales. Il prévoit notamment que le responsable du scrutin est tenu de... etc. Alors, autrement dit, M. le Président, il y a, à l'intérieur de ce projet de loi, des éléments sur lesquels on doit sérieusement et honnêtement s'interroger, pas pour les critiquer, M. le Président, mais pour les améliorer, pour les bonifier.

Alors, par ce projet de loi, ce que le gouvernement a comme objectif, M. le Président, c'est de permettre, en fin de compte c'est simple, au Directeur général des élections d'établir une liste électorale permanente. Le projet de loi 40 risque d'avoir des impacts énormes sur notre cadre de vie démocratique. Pourtant, à première vue, il paraît simple. Entre autres modalités, le Directeur général des élections pourra faire appel à des organismes publics ou parapublics en vue de s'enquérir des informations fournies dans les banques de données informatisées. Sur ce seul élément, M. le Président, les organismes publics se posent déjà des questions. Plusieurs de mes collègues l'ont souligné avant moi, la Commission d'accès à l'information, par exemple, a émis plusieurs réserves sur cette intention du gouvernement qui ne paraît pas respecter correctement le caractère privé des renseignements personnels des individus. Je pense qu'il faudra fouiller cet élément-là du projet de loi.

Enfin, la Commission d'accès à l'information pose plusieurs questions au gouvernement sur lesquelles nous devrons bien avoir un jour des réponses. C'est un peu pour cette raison, M. le Président, que l'opposition a, jusqu'à maintenant, demandé au gouvernement de prendre tout le temps nécessaire pour étudier les impacts d'un projet de loi si important. C'est un peu pour cela que des organismes commencent à poser des questions au gouvernement. Nous aurons d'ailleurs l'occasion de revenir sur ce sujet, puisque le ministre responsable de la réforme électorale a déjà indiqué qu'il permettrait à tous ceux et celles désireux de se faire entendre sur cette législation de venir exposer leur point de vue. Et nous aurions aimé, M. le Président, avant d'accepter le principe de ce projet de loi, que ces gens-là aient eu la chance, aient été convoqués en commission pour venir nous faire connaître leurs doléances et leurs inquiétudes.

Mais, sur cette importante question d'avoir accès à n'importe quel organisme du gouvernement, comme la Société de l'assurance automobile du Québec, il faut être assuré, il faut s'assurer aussi que des fonctionnaires du bureau du Directeur général des élections n'utilisent pas, à d'autres fins que celles pour lesquelles elles ont été recueillies, ces informations.

C'est là, M. le Président, un des points sur lesquels s'appuie la Commission d'accès à l'information pour demander des comptes au gouvernement. D'ailleurs, la loi prévoit à cet effet une certaine étanchéité, et nous appuyons cette modalité. Toutefois, qu'est-ce qui empêchera le gouvernement, quel qu'il soit, d'être tenté à un certain moment – et je fais attention, j'avais écrit «manipuler» – je dirais d'utiliser, M. le Président, des données contenues dans des réseaux informatisés de l'État du Québec? Or, la façon dont est rédigé le projet de loi, tout ne semble pas clair quant aux droits fondamentaux des citoyens et des citoyennes du Québec. Par exemple, est-ce que cette loi permettra à l'État québécois de continuer à assumer son rôle de leadership et de responsabilité pour inciter tous ceux et celles qui ont qualité d'électrice et d'électeur à voter? Et, pour se rassurer, il nous faut poser certaines questions à ce gouvernement.

(1 h 10)

Par exemple, est-ce qu'en vertu de cette loi les personnes handicapées pourront jouir pleinement de leur droit d'aller voter et surtout d'aller se faire inscrire? Et comment s'articulera toute cette politique nouvelle en matière d'établissement d'une liste permanente informatisée? Est-ce que les personnes handicapées, qui auront un effort plus grand que les autres à faire, se déplaceront pour aller se faire inscrire? Est-ce qu'on aura une formule d'accueil pour leur donner la chance d'être présentes et d'exercer leur droit démocratique à chacune des élections? Des analphabètes, M. le Président, une clientèle loin d'être privilégiée, qui a besoin du soutien de l'État pour les encourager à aller accomplir leur devoir de citoyen et de citoyenne, est-ce que le projet de loi 40 prévoit quelques mesures pour informer adéquatement cette clientèle, qui n'est pas la plus favorisée, afin qu'elle puisse être en mesure de se prévaloir de son droit de vote de façon libre et accessible? En ce qui a trait aux personnes âgées, est-ce que l'on a prévu, M. le Président, des mécanismes de loi pour aller les informer d'une façon plus particulière, à cause de leur âge, des nouvelles modalités qui seront en vigueur suite à l'adoption du projet de loi 40?

Une autre question importante, qui est reliée au même sujet, concerne la participation des communautés culturelles. Depuis plusieurs années, les gouvernements qui se sont succédé ont mis en place des mesures visant à améliorer une meilleure intégration des membres des communautés culturelles. Plus exactement, on cherche, par tous les moyens possibles, à les intégrer à la société québécoise en leur précisant qu'ils n'ont pas à renier leur culture, mais qu'ils ont à prendre part, d'une façon active, au cheminement politique et social du Québec. Alors, qu'adviendra-t-il, M. le Président, de la participation du vote de toutes ces communautés culturelles? Et qu'est-ce que le gouvernement du Québec va faire à l'intérieur de cette loi pour s'assurer qu'adéquatement les nouvelles modalités prévues dans le projet de loi aident ces gens à venir s'inscrire?

Moi, dans mon comté, M. le Président, le comté de Sauvé, dans Montréal-Nord, j'ai à peu près 20 %, 22 % de gens de communautés culturelles d'origine autre que québécoise de souche. Je connais des personnes de langue italienne, par exemple, qui ont 60 ans et plus, qui, malheureusement, ne sont pas pleinement intégrées – je le déplore comme vous – à la société québécoise. Et, lorsque l'on connaît leurs traditions, leurs moeurs et leur façon de vivre, on sait bien que ces personnes âgées, ce serait difficile de les faire se déplacer, si elles n'ont pas été inscrites, pour aller se faire inscrire dans un bureau. Ces gens-là craignent la bureaucratie, ces gens-là craignent le tatillonnage que l'on voit souvent dans nos officines publiques. Et ces gens-là – et je parle des autres communautés culturelles qui sont peut-être moins bien intégrées que nos amis canadiens italiens – qui n'ont pas encore développé ce sentiment d'appartenance au Québec, qui ne sont pas encore conscients de leurs responsabilités et de leurs devoirs et qui voient de quelle façon, dans quel climat on vit ici, au Québec – actuellement, on s'affronte au Québec, vous le savez comme moi, on s'affronte pour un choix de société, et ces gens-là, souvent, viennent de pays où ils ont eu à affronter des situations semblables, et ils fuient la chicane, ils fuient les affrontements – est-ce que, ces gens-là, on va prendre le moyen de les sécuriser de façon à ce qu'on soit assuré que leurs noms apparaissent sur les listes électorales?

Alors, le projet de loi 40, M. le Président, encourt justement, jusqu'à un certain point, à déshumaniser notre système électoral. Alors, je demande au gouvernement, encore une fois – je m'interroge, M. le Président – je lui demande tout simplement, à ce gouvernement, quels moyens il entend prendre pour augmenter le taux de participation, au Québec, de l'ensemble de la population québécoise, peu importe où les gens se trouvent, et dans quelle région ils se trouvent, et quelle langue ils parlent.

M. le Président, à mesure que nous prenons connaissance des détails du projet de loi 40, j'estime que nous devons prendre tout le temps nécessaire pour en étudier les incidences futures. Par exemple, est-ce que le gouvernement s'est assuré que l'administration et l'implantation d'une telle liste électorale informatisée rencontreront tous les critères de qualité et d'excellence? Dernièrement, on apprenait que tout le système de registre civil était mal en point, qu'il souffrait de carences majeures, à un tel point que ça prend des mois avant de pouvoir obtenir un certificat de naissance ou un certificat de décès. On a des périodes d'attente interminables.

(1 h 20)

On pense à un référendum au Québec, M. le Président, d'ici six à 10 mois, si j'en crois les annonces que j'ai entendues durant la campagne électorale. On disait de huit à 10 mois. Ça fait déjà deux mois que l'élection est terminée, alors d'ici six à 10 mois. Est-ce qu'on va avoir le temps, M. le Président, d'implanter un système sécuritaire, un système démocratique, un système universel, de façon à ce que chacune des Québécoises et chacun des Québécois ait la chance d'être inscrit et d'aller exercer son droit de vote lorsque le peuple du Québec sera appelé à définir son choix de société? C'est ces choses-là qui m'inquiètent, parce qu'on est près de l'échéance référendaire.

Alors, je me demande si on a le temps. On ne l'a pas rodé encore ce système-là. Il est louable, hein. Il n'y a personne dans cette Chambre, ici, qui est contre l'institution d'une liste électorale unique, on est tous pour ça. On veut améliorer la logistique de l'élection, au Québec, et on a raison, et le gouvernement a raison de se pencher sur ça aussi. Mais est-ce qu'on le fait dans les meilleures conditions pour s'assurer que, lors du prochain scrutin, qu'il soit référendaire ou que ce soit une élection, on ait le temps de l'avoir rodé au moins d'une façon partielle?

Vous savez, M. le Président, lorsque l'on dit aux gens: On ne vous recensera plus de maison en maison, les recenseurs ne passeront plus chez vous quérir les renseignements nécessaires à l'établissement de la liste électorale, on va partir de certains documents, de listes informatisées que nous possédons et, tous ceux qui ne seront pas dessus, on va vous demander d'aller vous inscrire, vous savez comme moi, M. le Président – vous étiez ici quand je suis arrivé en cette Chambre, il y a 10 ans – que le taux de participation des électeurs, au Québec, est un des plus hauts taux, s'il n'est pas le plus haut en Amérique du Nord, parce qu'on se donne la peine d'aller à la maison. Ah! c'est fastidieux. C'est fastidieux, ce n'est pas facile, surtout en milieu urbain, comme dans mon comté, d'aller chercher le renseignement pour s'assurer que chacune et chacun des Québécois exerce pleinement son droit de vote.

Aux États-Unis, M. le Président, les gens vont s'inscrire. Vous suivez comme moi la vie politique américaine et vous voyez qu'on vote à 52 %, 53 %, 54 %, 55 %. Alors, M. Clinton, le président des États-Unis, et M. Bush avant lui, et leurs prédécesseurs sont souvent élus par à peu près 50 % et souvent moins de 50 % de la population. Alors, je pense, M. le Président, qu'il nous faut être prudents dans la façon dont nous allons organiser la logistique de la prochaine élection ou de la prochaine rencontre référendaire.

En tout état de cause, j'estime que telle n'était peut-être pas l'intention du gouvernement du Québec en nous présentant cette loi, mais ce sera malheureusement une conséquence qui risque de survenir si nous ne procédons pas à des modifications visant justement à faciliter le droit de vote aux Québécois et aux Québécoises plutôt que de multiplier les étapes bureaucratiques qui feraient en sorte de les éloigner du système électoral.

Vous savez – on peut se dire ça entre nous, on est à la télévision – les gens ne nous ont pas en haute estime plus que ça, les politiciens. Les gens se désintéressent aussi du système électoral et l'on se doit, M. le Président, de faire tous les efforts possibles pour que les Québécoises et les Québécois reprennent confiance en leur institution, et pour ça il faut les inciter à aller voter.

Moi, ce projet de loi, sa plus grande faiblesse que je vois, et peut-être que je la vois seulement ici, au moment où on en fait l'étude du principe, peut-être que ça va se corriger durant l'évolution de ce projet de loi, mais ma plus grande hantise, c'est de faire baisser le taux de participation des électeurs québécois lors d'une prochaine élection ou du prochain référendum. Je me serais attendu que le gouvernement propose des mesures concrètes, susceptibles d'intéresser la population québécoise aussi bien aux élections provinciales qu'aux élections municipales et scolaires.

On parle de l'implantation d'une liste maîtresse, une liste maîtresse qui servirait à toutes les élections: les élections provinciales, les nôtres, les élections municipales et les élections scolaires. Mais est-ce que ce projet de loi prévoit, M. le Président, ou a prévu que la règle d'enregistrement ou de recensement des électeurs au municipal et au scolaire n'est pas la même que la nôtre, celle que nous utilisons? Alors, M. le Président, je pourrais vous dire qu'au scolaire il faudrait séparer les catholiques des protestants, si on veut faire une liste potable. Je pourrais vous dire qu'au municipal il faut prendre en considération le lieu de résidence des gens et les propriétaires aussi. Les gens ne résidant pas dans le comté ou dans le quartier peuvent aller voter au municipal. Et on parle de résidences secondaires ou de résidences permanentes. Je ne sais pas de quelle façon c'est défini. La résidence permanente, j'imagine que c'est celle où on a feu et lieu; la résidence secondaire, je ne sais pas si c'est celle où on parque ses skis durant l'hiver, mais, par contre, il y a un paquet de choses qu'il nous faudra clarifier.

Alors, M. le Président, vous m'avez fait signe que mon temps achève; je n'ai pas la moitié de mon texte de passé. Je voulais vous en dire beaucoup sur ce projet de loi. Alors, je vous remercie, M. le Président, et je souhaite que ce projet de loi soit à l'honneur des Québécoises et des Québécois.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je remercie M. le député de Sauvé. Je vais reconnaître maintenant Mme la députée de Jean-Talon. Mme la députée, je vous cède la parole.


Mme Margaret F. Delisle

Mme Delisle: Merci, M. le Président. D'entrée de jeu, M. le Président, je vous dirais que je suis très déçue de voir la façon dont se déroule ces débats en Chambre, à 1 h 20 du matin, sur un projet de loi qui est si important pour les Québécois et les Québécoises. Et l'impression que j'ai, M. le Président, c'est qu'on essaie de «bulldozer», tout simplement, ce projet de loi.

Le projet de loi 40, qui est présenté par le gouvernement et qui aura pour effet d'éliminer le recensement des électeurs et des électrices pour le remplacer par une liste électorale permanente informatisée, aura des impacts importants sur notre vie démocratique. Mon intervention, ce soir, se limite à énumérer des raisons pour lesquelles le gouvernement doit tout mettre en oeuvre pour assurer le droit de vote à tous les citoyens, à toutes les citoyennes du Québec, et qui sont, évidemment, citoyens et citoyennes du Canada.

Dernièrement, le chef du gouvernement disait vouloir présenter une telle législation, dans la foulée du travail accompli par l'ex-premier ministre du Québec. Or, M. le Président, lorsqu'on lit attentivement le projet de loi 40, relativement à l'établissement de la liste électorale permanente, on est loin de cette réforme d'ensemble qui a pourtant été promise par le gouvernement du Parti québécois. Il s'agit, essentiellement, d'une loi complexe à administrer, et je suis loin d'être certaine que les droits des électeurs et des électrices québécois seront respectés dans leur intégralité.

D'abord, M. le Président, on nous dit que cette liste servira aux élections provinciales, municipales et scolaires. Voilà un avantage certain. Mais il faut savoir que, lorsqu'on est un électeur au provincial, on n'a pas les mêmes critères que lorsqu'on est le voteur au municipal et au scolaire. Dans un cas, on peut être résident depuis un an; dans un autre, on peut être résident depuis six mois. Pour un référendum au niveau municipal, le sens d'éligibilité n'est pas le même que lorsqu'on est l'électeur pour l'élection municipale. Donc, beaucoup de prudence, je pense, et beaucoup d'interrogations, surtout, sur comment va être confectionnée cette liste, et comment on va définir l'éligibilité de l'électeur et de l'électrice québécois et québécoise.

Et je m'interroge, M. le Président; je me demande pourquoi le gouvernement du Parti québécois n'a pas profité de l'occasion pour, par exemple, uniformiser les procédures de vote, justement, aux niveaux provincial, municipal et scolaire. En effet, les municipalités et les villes québécoises vivent une situation particulière. Comme je l'ai mentionné tout à l'heure, l'application de ces lois électorales ne sont pas les mêmes par rapport aux autres niveaux de gouvernement.

Plusieurs de mes collègues sont venus s'exprimer dans cette Chambre plus spécifiquement sur d'autres éléments, au cours de ce débat, pour vous expliquer les tenants et aboutissants des différences qui existent entre les niveaux de gouvernement par rapport à la votation. Pour ma part, je tiens à insister sur le fait que l'établissement d'une liste électorale permanente devra et doit, d'une part, respecter le caractère privé des renseignements personnels sur les individus. D'autre part, M. le Président, il me semble que le projet de loi 40 devrait faire en sorte que le droit de vote des électrices et des électeurs soit reflété dans ce projet de loi. À ce stade-ci, il m'apparaît que cette législation est nettement insuffisante, quant aux détails de procédure et d'application à venir.

Cela m'amène, M. le Président, à demander au gouvernement du Parti québécois les raisons qui le poussent à présenter si rapidement ce projet de loi. On voudrait, de l'autre côté de la Chambre, que le projet de loi 40 soit adopté et mis en application en vue du prochain référendum. Il faut sérieusement s'interroger sur les véritables intentions de cette formation politique. J'espère que le gouvernement du Parti québécois présente cette loi au nom des véritables intérêts du droit de vote des Québécoises et des Québécois. Pour ma part, je m'opposerai à toute tentative de ce gouvernement de bousculer les procédures parlementaires, qui aurait pour effet de bafouer le droit des citoyennes et des citoyens au regard de notre système électoral, aussi bien aux niveaux provincial et municipal que scolaire.

M. le Président, j'ai de sérieuses réserves sur ce projet de loi 40 au chapitre de la circulation des renseignements privés sur les individus qu'engendrera nécessairement l'application de l'implantation d'une liste électorale permanente. D'abord, en vertu du projet de loi 40, la liste électorale permanente sera mise à jour grâce au registre des adresses de la Régie de l'assurance-maladie. Mais le projet de loi va beaucoup plus loin. Le Directeur général des élections pourra mettre à jour cette liste à partir de n'importe quel organisme gouvernemental, comme la Société de l'assurance automobile du Québec et peut-être même le ministère du Revenu du Québec. Toutefois, le Directeur ne pourra, à son tour, transmettre à un tiers les renseignements obtenus sans le consentement de l'électeur concerné. Cette réserve m'apparaît très importante. Toutefois, rien n'empêchera un gouvernement, quel qu'il soit, d'être tenté de manipuler les données contenues dans tous les réseaux informatiques de l'État québécois. C'est là, à mon avis, que notre vie démocratique peut être bafouée dans tous les sens du terme, M. le Président.

C'est pour ça, M. le Président, et pour d'autres raisons, que, nous, de ce côté-ci de la Chambre, disons qu'il faut prendre le temps d'étudier ce projet de loi, d'étudier tous les tenants et aboutissants de ce projet. Il est trop important et renferme des impacts trop considérables sur l'ensemble du processus de notre vie démocratique au Québec pour que nous adoptions à la vapeur cette pièce législative.

Mais il y a plus. J'imagine que ce projet de loi 40, qui ne constitue en rien une réforme globale électorale, sera suivi d'autres mesures présentées dans cette même Chambre. C'est pour cette raison que je vous souligne, M. le Président, que nous devons prendre tout le temps nécessaire pour étudier toute réforme électorale importante qui sera soumise devant les membres de l'Assemblée nationale.

J'aimerais savoir ce que le gouvernement du Parti québécois a vraiment en tête, mis à part l'établissement de cette liste électorale permanente, avant d'aller plus loin dans l'étude de toute réforme qui vise à modifier nos habitudes de vie démocratique. Bien franchement, M. le Président, je n'aime pas tellement l'idée que l'État se donne le droit d'aller fouiller dans des réseaux informatisés aussi complexes que ceux que possède l'État, pour la seule mise à jour de la liste électorale permanente. D'ailleurs, les remarques de la Commission d'accès à l'information sont dans le même sens, sans voir plus loin dans cette notion. Cette ouverture risque de devenir, si l'on n'y prend garde, une sorte d'État fouilleur, parce que les renseignements portant sur les individus circuleront d'un ministère à l'autre et obéiront, si on n'y prend garde, à des objectifs autres que ceux prévus aux lois votées par l'Assemblée nationale.

D'ailleurs, M. le Président, l'opposition officielle n'est pas la seule à émettre des réserves par rapport au projet de loi 40 concernant la réforme électorale. Des organismes aussi crédibles que la Commission d'accès à l'information semblent portés à croire que, si le Québec veut rehausser le niveau de confiance des électeurs, ce projet de liste électorale permanente informatisée risque, au contraire, de la miner si l'on s'obstine à vouloir mettre à jour la liste électorale à l'aide du registre d'adresses de la Régie de l'assurance-maladie du Québec. En effet, la Commission d'accès à l'information n'y va pas de main morte, et avec raison. La méthode de confection et de mise à jour de la liste électorale permanente retenue par le ministre responsable de ce projet de loi risque de tromper la confiance des citoyens dans la sécurité qui doit entourer les renseignements détenus par le gouvernement. De plus, la Commission demande bien franchement comment rassurer le citoyen, M. le Président, qui confie des renseignements personnels à la Régie de l'assurance-maladie du Québec. On semble craindre que le citoyen en viendra à croire que la confidentialité du fichier des bénéficiaires n'est qu'un leurre. Le citoyen sera donc en droit de penser, au niveau des apparences, du moins, que ces renseignements servent à d'autres fins que celles pour lesquelles il les a fournis.

(1 h 30)

Il serait approprié que le gouvernement du Québec étudie attentivement toutes les suggestions de modifications apportées par la Commission d'accès à l'information. Parmi elles, la Commission estime que chaque citoyen devrait donner son consentement explicite et éclairé avant que son nom ne soit transmis au Directeur général des élections. Comme l'avance cette Commission, cette exigence entraînerait des coûts, mais le projet en serait certainement plus crédible et plus attrayant. C'est là, M. le Président, le prix à payer pour sauvegarder la liberté des citoyens et des citoyennes et, surtout, pour assurer une pleine et entière confiance de ces derniers à l'égard de l'État québécois. On ne peut pas se permettre de jouer avec notre vie démocratique, qui ne fait aucune obligation de s'inscrire sur la liste, ni même de voter. Si c'est l'intention du gouvernement du Québec d'obliger les citoyens et les citoyennes à s'inscrire ou à voter, alors, qu'il le fasse savoir bien franchement dans un projet de loi.

En vertu de ce projet de loi, le gouvernement fait en sorte que la responsabilité d'inscription sur les listes électorales retombe sur les épaules des électeurs et des électrices. C'est là une autre interrogation, M. le Président, qui s'ajoute et sur laquelle nous devrions avoir des réponses précises de la part du gouvernement, avant que ne soit adopté ce projet de loi qui risque de devenir controversé si des modifications importantes n'y sont pas apportées. En effet, s'il revient aux électrices et aux électeurs de se responsabiliser et de voir à ce que leur nom soit bien inscrit sur les listes électorales, je dis alors que l'État québécois abandonne cette fonction qui lui est propre, soit celle de s'assurer de la participation maximale du vote des citoyennes et des citoyens.

Pour avoir oeuvré moi-même sur la scène municipale, je sais jusqu'à quel point il est difficile d'inciter les contribuables à se prévaloir de leur droit de vote, le moment venu, lors de la tenue d'élections municipales et, surtout, lors de la tenue d'élections scolaires. Certes, la nature même et la dynamique de notre société font en sorte que, parfois, les enjeux électoraux ont pour effet d'augmenter la participation du vote québécois. Mais il y a d'autres cas, M. le Président, où les personnes hésitent ou, simplement, n'ont pas le goût d'aller voter, et on ne peut, dans ces cas, se contenter d'une interprétation voulant que les absents aient tort. Il revient à l'État québécois d'encourager tous ceux et celles qui ont droit de vote à se prévaloir de cet exercice de base qui régit notre démocratie.

De plus, M. le Président, je demande au gouvernement du Parti québécois de nous dire s'il a prévu des mécanismes pour encourager le droit de vote à l'ensemble des Québécoises et des Québécois. Il faut s'assurer, d'abord et avant tout, que les citoyennes et les citoyens, de quelque région qu'ils proviennent, aient accès à une information complète et claire quant à l'exercice de leur droit de vote. C'est là un enjeu, je dirais, existentiel qui constitue une base d'un régime démocratique comme le nôtre. Nous tenons, M. le Président, de ce côté-ci de la Chambre, à ce qu'une législation aussi importante contienne des précisions pour faire en sorte de se conformer au respect du droit de vote des citoyens. En effet, le droit de vote n'est pas seulement un devoir, mais, son nom le dit clairement, c'est un droit, et il revient à l'État québécois d'assumer toutes ses responsabilités, comme il l'a fait jusqu'à maintenant. Or, en transférant le fardeau sur l'épaule des contribuables, on risque fort de rater la cible essentielle de notre vie démocratique, celle de l'accessibilité et du droit de se prévaloir du droit de choisir ceux et celles qui nous gouvernent ou d'une option dans le cadre d'un référendum et ce, de façon égale et équitable pour tout le monde. Il faut également, M. le Président, s'assurer que toutes et tous au Québec qui ont le droit de vote puissent détenir une information complète sur la ou les façons de s'inscrire sur une liste électorale permanente, peu importe le contexte législatif qui régit cet élément essentiel de notre vie démocratique dans une société aussi moderne que la nôtre.

Enfin, M. le Président, nous assistons à une opération qui aura pour effet de centraliser des renseignements qui sont présentement détenus et utilisés par trois paliers de gouvernement. La loi, si elle est adoptée de cette façon, aura également comme effet de conserver de façon permanente des renseignements nominatifs en vue de l'exercice – rappelons-le – facultatif du droit de vote. Pour sa part, la Commission d'accès à l'information ne croit pas que des raisons d'efficacité, de commodité ou même d'économie soient à elles seules suffisantes. En effet, un tel fichier, constamment mis à jour, serait unique au Québec et deviendrait extrêmement attrayant selon la Commission d'accès à l'information. Mais rien n'empêche que ce fichier soit utilisé plus tard à d'autres fins. Et c'est là, également, que nous nous interrogeons sérieusement sur les véritables intentions de ce gouvernement. Il faut donc faire en sorte, M. le Président, que des modifications importantes soient apportées pour cimenter – si l'on peut choisir une telle expression dans ces circonstances – le droit de vote des citoyens et des citoyennes et proposer des mesures qui auront pour effet de faire circuler des renseignements personnels sur ces derniers.

M. le Président, on ne le répétera jamais assez. Le 12 septembre dernier, le gouvernement du Parti québécois a été élu pour assurer une saine gestion des finances publiques. Il a aussi été élu pour remplir ses engagements pris dans le cadre de la dernière campagne électorale. Mais ce mandat obtenu auprès de la population québécoise ne lui assure d'aucune façon une quelconque volonté de présenter des pièces législatives qui risqueraient de contourner ou d'éroder notre vie démocratique. Puisque telle semble être la volonté du gouvernement du Parti québécois, nous sommes donc en droit de le dénoncer et de l'accuser carrément d'outrepasser son mandat. La confection de la liste électorale permanente est une opération beaucoup trop complexe et beaucoup trop importante pour que l'Assemblée nationale donne son aval sans qu'aucune question ne soit posée et surtout répondue.

Nous aurons l'occasion, M. le Président, d'entendre des groupes et des individus sur le projet de loi 40. L'opposition officielle sera très attentive aux propos de tous ceux et celles qui viendront nous donner leur avis sur cette pièce législative combien importante et conséquente sur notre vie démocratique. Nous exigeons que le gouvernement du Québec prenne en considération tout ce qui sera dit et expliqué dans le cadre de ces audiences publiques. Nous exigeons également que le gouvernement du Parti québécois n'hésite pas à modifier le projet de loi 40 pour répondre aux interrogations de ceux et celles qui se seront exprimés. Il faut se conformer, M. le Président, à l'idée que notre vie démocratique ne doit d'aucune manière être érodée ou contournée par une mesure comme l'établissement d'une liste électorale permanente.

(1 h 40)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je remercie Mme la députée de Jean-Talon. Je vais reconnaître M. le député de Beauce-Sud. M. le député, je vous cède la parole.


M. Paul-Eugène Quirion

M. Quirion: M. le Président, le gouvernement présente une importante modification d'une partie de notre processus électoral. Le recensement sera éliminé pour le remplacer par une liste électorale permanente informatisée. Cette liste, comme le prévoit le projet de loi 40, M. le Président, servira autant aux élections provinciales que municipales et scolaires.

Le projet de loi 40 prévoit, soulignons-le, M. le Président, que les coûts relatifs à la fabrication des listes seront aux frais des municipalités et des commissions scolaires, pour les élections de leur juridiction. Toutefois, j'aimerais souligner qu'au niveau des élections scolaires le projet de loi ne prévoit pas comment seront inscrits les renseignements relatifs à la confession de l'électeur aux élections scolaires. Mais, d'ici les prochaines élections scolaires qui n'auront lieu que dans quatre ans, j'imagine que le gouvernement aura le temps d'apporter d'autres ajustements, lesquels seront soumis devant les membres de l'Assemblée nationale. Mais, pour revenir plus spécifiquement à la confection de la liste électorale permanente, disons qu'elle sera mise à jour à l'aide d'un registre comme celui de l'assurance-maladie. Toutefois, les citoyens conservent la liberté d'inscription et pourront refuser d'être inscrits sur la liste électorale.

Soulignons au passage, et c'est là un bon point du projet de loi 40, que l'élimination du recensement, qui occupait 18 jours de la période électorale, permettra de réduire sa durée de 47 jours à 33 et d'économiser quelque 34 000 000 $ sur les quatre prochaines années, selon les estimations du Directeur général des élections.

Personne ne se plaindra, M. le Président, que les campagnes électorales au Québec durent moins de 47 jours. Sur ce dernier point, l'unanimité des partis politiques au Québec est à peu près faite. On juge que 33 jours suffiront amplement pour laisser le temps aux partis politiques de livrer leur message aux électrices et électeurs.

Cependant, le projet de loi laisse à peu près inchangée la durée des campagnes référendaires, à cause du délai qui doit être maintenu pour permettre aux comités-parapluies du Oui ou du Non de se constituer, soit 11 jours. Sur ce point, j'aimerais insister sur le fait que le processus parlementaire mis de l'avant par le gouvernement du Québec, du Parti québécois, en déposant son projet de loi sur la souveraineté du Québec, crée de sérieuses entorses au déroulement de la campagne référendaire.

Nous aurons amplement l'occasion de revenir sur ce sujet, mais disons que l'opposition officielle est contre toute tentative du gouvernement du Parti québécois de se servir des institutions parlementaires pour mousser des objectifs essentiellement partisans. Le processus de législation du Québec doit servir, d'abord et avant tout, les intérêts supérieurs de la population québécoise. En ce qui a trait aux objectifs partisans, les différents partis politiques disposent de tribunes et d'occasions suffisamment nombreuses pour faire valoir leurs points de vue respectifs.

L'Assemblée nationale a comme premier mandat de légiférer dans le sens des véritables intérêts de la population québécoise. La façon dont s'y prend le gouvernement du Parti québécois pour mousser certains projets de loi me semble carrément aller à l'encontre de cet objectif et ce rôle que nous avons, comme parlementaires.

Pour revenir plus spécifiquement au projet de loi 40, disons qu'il prévoit resserrer le mécanisme de révision de la liste électorale. M. le Président, lorsque l'on prend connaissance, de façon détaillée, de ce projet de loi, on se rend vite compte qu'il ne s'agit aucunement d'une réforme en profondeur de notre système électoral. Certes, l'application de cette loi bouleversera des habitudes quant au processus électoral, notamment au niveau de la confection des listes. Mais souvenons-nous que le premier ministre avait annoncé, en début de session, que le premier geste législatif de son gouvernement prolongerait l'action de démocratisation engagée par l'ex-premier ministre du Québec.

Or, la liste vise, d'abord et avant tout, à faire en sorte que seuls ceux qui ont la qualité d'électeurs ou d'électrices pourront se prévaloir de ce droit. Cette liste sera établie à partir de celle qui a servi aux élections du 12 septembre dernier. Cette nouvelle liste s'en tiendra à l'essentiel: le nom, le sexe, l'âge et l'adresse, qui ne sont pas considérés comme des renseignements nominatifs au sens de la loi d'accès à l'information. La profession de l'électeur ne sera plus indiquée, ce qui est une bonne chose, M. le Président.

Comme le précise le projet de loi, la liste permanente dressée par le Québec servira également aux scrutins municipaux et scolaires. En soi, cette mesure constitue un avantage certain, mais pourquoi le gouvernement n'a-t-il pas profité de cette occasion pour informatiser le système électoral des trois paliers de gouvernement? En effet, on sait que certaines procédures reliées à l'élection de l'un des trois niveaux du gouvernement ne sont pas les mêmes. Le gouvernement aurait dû profiter de cette occasion pour rendre les procédures de vote égales à tous les niveaux de gouvernement. D'autre part, le ministre responsable de la Réforme électorale a promis que tous les intéressés pourront se faire entendre. Les modifications devraient faire l'objet d'un consensus ou, encore mieux, l'unanimité. Ce dernier point est particulièrement important dans la mesure où une modification, si minime soit-elle, de notre système électoral doit rencontrer l'assentiment de toute la population québécoise. Il ne s'agit pas ici uniquement d'un travail visant à rendre cohérente et réaliste une loi, mais il est important que les bases essentielles qui régissent notre système électoral soient étanches et reflètent nos habitudes acquises en matière de démocratie.

M. le Président, plusieurs organismes profiteront de cette occasion pour venir faire valoir leur point de vue. Parmi ceux-ci, la Commission d'accès à l'information a déjà émis son avis au ministre responsable de cette réforme et demeure pour le moment perplexe devant les véritables intentions de ce gouvernement. Son premier point concerne la notion de renseignements personnels sur les individus. Le projet de loi prévoit que le Directeur général des élections peut conclure une entente, par exemple, avec la Société de l'assurance automobile du Québec, qui devra transmettre périodiquement au Directeur général les renseignements nécessaires à l'inscription sur la liste permanente d'un nouvel électeur ou le changement d'adresse d'électeurs déjà inscrits. Par la suite, c'est le Directeur général des élections qui écrira à ces personnes pour leur demander si elles veulent ou non être inscrites sur la liste électorale. En procédant de la sorte, le Directeur général des élections pourrait identifier tous les résidents qui ne veulent pas être inscrits sur la liste électorale ou qui ne désirent même pas être... Selon la Commission d'accès à l'information, c'est là une atteinte à la liberté car l'État peut identifier des électeurs, du moins quant à leur intention de poser ou non un geste lors des périodes de votation. Or, le Directeur général des élections n'a pas à mettre son nez dans les affaires qui regardent le droit strict de l'individu de se prévaloir ou non de son droit de vote. Certes, nous encourageons, de ce côté-ci de la Chambre, tous les électeurs et électrices du Québec à faire preuve de responsabilité pour aller voter la journée d'un vote, mais ce geste repose, d'abord et avant tout, sur une volonté personnelle et sur un droit d'individu de s'y prévaloir ou non.

Un second point, M. le Président: la Commission s'inquiète de la création d'un fichier centralisé d'une telle ampleur que tous les Québécois âgés de 18 et plus y seraient inscrits avec leur adresse et leur date de naissance. La loi de l'accès à l'information et sur la protection des renseignements personnels prévoit que de tels fichiers ne peuvent être créés que si cela est nécessaire, et ce, dans le but de protéger la vie privée et d'éviter les abus. C'est pourquoi la Commission s'interroge sur la nécessité de centraliser de tels renseignements. De plus, la Commission ne croit pas que des raisons d'efficacité, de commodité ou même d'économie soient, à elles seules, suffisantes pour centraliser de tels renseignements. Cette inquiétude de la Commission d'accès à l'information peut être partagée ou non par l'ensemble de la société québécoise. À ce stade-ci de l'étude du projet de loi 40, il est important de poser des gestes au gouvernement.

(1 h 50)

La Commission d'accès à l'information s'inquiète également du fait qu'un tel fichier puisse servir à la revente de cette liste, pouvant devenir une façon de la rentabiliser. Nous ne croyons pas, de ce côté-ci de la Chambre, que tel est l'objectif du présent gouvernement, mais comment rendre la loi suffisamment étanche pour que de tels abus ne se commettent pas? Ce sont autant d'interrogations qui pourraient être étudiées en commission parlementaire et dans le cadre d'audiences publiques, dans la mesure où le gouvernement du Parti québécois acceptera de prendre tout le temps nécessaire pour étudier les tenants et aboutissants d'une telle législation.

Comme vous le savez, M. le Président, à cette notion de renseignements personnels sur les individus s'ajoute celle de la liberté de s'inscrire ou non sur une liste électorale. Pour préserver cette liberté, le citoyen doit avoir le droit de ne même jamais déclarer son existence au Directeur général des élections, si cela est sa préférence. C'était là un des éléments de l'avis de la Commission d'accès à l'information sur lequel il vaudra la peine de revenir plus tard.

Souvenons-nous que, dans le passé, de tels débats ont eu lieu lorsque fut créée la loi sur l'accès à l'information. Plusieurs organismes sont alors venus nous exposer leur point de vue en commission parlementaire, et, dans une société aussi démocratique que la nôtre, un tel débat n'est jamais fermé. La présentation du projet de loi 40 laisse toutes grandes ouvertes des portes qui feraient en sorte que soient érodées les bases mêmes de notre système démocratique. Aussi, on nous dit: Prenons garde.

Nous comprenons l'intention du gouvernement du Québec. Il s'agit essentiellement de la confection d'une liste électorale permanente. Mais il y a tant de questions et d'interrogations qui se posent quant à son impact, lorsque viendra le moment de l'appliquer, qu'il vaut la peine de s'arrêter et d'étudier sérieusement les tenants et aboutissants de cette loi.

Pour toutes ces raisons, l'opposition officielle, bien qu'appuyant le principe de ce projet de loi, est contre toute intention du gouvernement du Parti québécois d'adopter ce projet de loi à la vapeur. L'argument souvent invoqué concerne la tenue du référendum. Sur ce point, le cheval de bataille du Parti québécois est d'avance perdu. En effet, si le gouvernement du Parti québécois respecte ses engagements, il devra tenir son référendum dans l'année qui suit. Dans un tel cas, le Directeur général des élections n'aura qu'à prévoir une période de révision de la liste électorale du 12 septembre dernier.

Quant aux prochaines élections générales, je ne crois pas qu'elles aient lieu cette année. On peut donc prendre tout le temps nécessaire pour étudier les moindres impacts de ce projet de loi. La raison est bien simple. Un gouvernement, quel qu'il soit, ne peut impunément jouer avec notre système démocratique. On ne peut, du jour au lendemain, changer des règles du jeu sans se poser plus de questions sur les véritables impacts dans la vie de tous les jours. C'est celle des citoyens qui se posent de nombreuses interrogations sur la confection d'une liste électorale permanente. La vie de tous les jours, ce sont ceux et celles qui, jusqu'à maintenant, ont pu avoir confiance en ceux et celles qui les dirigent, mais, au préalable, il a bien fallu les choisir, ces dirigeants. Le système actuel convient parfaitement aux électrices et aux électeurs du Québec.

On veut aujourd'hui améliorer le cadre, mais dans la mesure où cette loi sera étanche et sécuritaire pour les véritables objectifs contenus dans cette loi et que nul ne pourra, par de multiples subterfuges, outrepasser un jour ou l'autre.

L'opposition officielle offre toute sa collaboration pour bonifier cette loi. En d'autres termes, nous tendons la main au gouvernement pour faire en sorte que toutes les interrogations inhérentes à ce projet de loi trouvent des réponses et, le cas échéant, qu'on propose des modifications appropriées pour satisfaire l'ensemble de la population québécoise. Si le gouvernement du Québec refuse cette occasion d'améliorer le projet de loi 40, des milliers d'intéressés se dresseront contre lui pour dénoncer les anomalies qui y sont contenues. À ce stade-ci de nos travaux parlementaires, M. le Président, nous avons tout le loisir d'étudier de long et en large ce projet de loi visant l'établissement de la liste électorale permanente. Je dis simplement au gouvernement de ne pas rater cette occasion de bonifier un projet de loi, de faire en sorte que notre cadre de vie démocratique soit toujours aussi parfait qu'il l'a été jusqu'à maintenant. Certes, on dira qu'aucun système n'est parfait. C'est vrai, en théorie; mais, dans la pratique, notre système électoral, et tout le processus qui le sous-tend, fait l'envie de beaucoup de pays. Alors, c'est à nous de maintenir notre réputation de démocrates. C'est à nous également de voir à ce qu'une loi comme celle proposée subisse un examen complet et de faire en sorte que l'État assume ses responsabilités en répondant à toutes les interrogations qui se poseront.

M. le Président, au nom de la qualité de notre vie démocratique, nous disons simplement au gouvernement qu'il ne sert à rien d'aller trop vite dans toute cette aventure. La Commission d'accès à l'information a, par exemple, posé suffisamment de questions pour qu'on prenne le temps de s'arrêter et de trouver les réponses appropriées. Nous avons là une occasion de prouver, une fois de plus, que le Québec est en mesure de se doter d'un cadre de vie démocratique qui correspond aux attentes de la population. À nous d'en profiter. Il revient aux parlementaires d'offrir à la population une alternative plus que valable quant à la confection d'une liste électorale permanente, dans la mesure où des notions aussi générales mais importantes que la circulation de renseignements privés sur les individus n'auront pas trouvé de réponse qui satisfasse tous les milieux intéressés de près ou de loin au système électoral québécois.

En terminant, M. le Président, je rappelle à ce gouvernement qu'il a été élu le 12 septembre dernier pour répondre d'abord et avant tout aux besoins et aux aspirations de la population québécoise. Je lui rappelle également qu'il ne sert à rien de bousculer le rythme des travaux parlementaires pour faire passer des objectifs partisans. Jamais nous ne souscrirons à de tels impératifs, tout en offrant cependant une collaboration digne de l'opposition officielle pour bonifier telle ou telle loi.

Nous désirons également que le gouvernement du Parti québécois fasse connaître ses véritables intentions, aussi bien à l'égard du projet de loi 40 que de toute autre législation à venir visant une réforme d'ensemble de notre système électoral. Telles étaient mes remarques dans le cadre de l'étude du projet de loi 40 visant la confection d'une liste électorale permanente. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je remercie M. le député de Beauce-Sud. Je vais inviter maintenant M. le député de Beauce-Nord. Vous avez la parole, M. le député.


M. Normand Poulin

M. Poulin: M. le Président, le projet de loi 40 présenté par le gouvernement aura pour effet d'éliminer le recensement des électeurs pour remplacer cette opération par une liste électorale permanente informatisée. Cette liste servira aux élections provinciales, municipales et scolaires. Il faut comprendre, M. le Président, que le gouvernement cherche ainsi à réduire la durée des campagnes électorales et à rationaliser les coûts d'une élection générale en éliminant la période de recensement. Sur ces objectifs, M. le Président, on pourra aisément faire consensus. En effet, les campagnes électorales sont devenues trop longues, autant pour les politiciens que pour les électeurs.

Le processus parlementaire prévoit, M. le Président, l'étude article par article de ce projet de loi. Ce sera l'occasion, pour l'opposition officielle, de poser des questions qui seront précises, et nous espérons recevoir des réponses appropriées de la part du gouvernement.

(2 heures)

De plus, nous espérons entendre des organismes et des individus qui viendront tour à tour présenter leur point de vue sur ce projet de loi important mais qui ne ressemble en rien à un projet de réforme électorale. Il s'agit de rien de moins que de modifications à une loi déjà existante, qui mettraient sur pied une liste électorale permanente où apparaîtront le nom, l'adresse, le sexe et la date de naissance de chaque électeur.

L'interrogation qui me vient à l'esprit concerne ce recours à tous les systèmes informatiques du gouvernement, soit des sociétés d'État ou des organismes publics et parapublics, pour la confection de cette liste. C'est ainsi que la Régie de l'assurance-maladie du Québec transmettra ultérieurement au Directeur général des élections la liste des changements d'adresse et la liste des personnes ayant atteint 18 ans, donc ayant acquis le droit de vote depuis le 12 septembre. C'est une mise à jour qui sera constante. La liste pourra également être mise à jour à partir de procédures de révision mises en place lors d'élections municipales et scolaires. Le point qui est important à retenir, M. le Président, c'est que le gouvernement pourra puiser dans toutes les données et toutes les banques informatiques de l'appareil d'État. Je me méfie, personnellement, de ce genre d'opération. Ce qui est en cause ici, c'est toute l'idée ou le concept de la discrétion des renseignements sur les individus que possède l'État dans plusieurs ministères. Quoi que l'on dise, l'État québécois doit faire preuve de discrétion quant à la circulation des informations concernant des organismes ou des individus.

M. le Président, les modifications que le projet de loi 40 propose sont inquiétantes. En créant un registre permanent, le gouvernement s'apprête à faire disparaître définitivement le recensement et les visites à domicile. Ainsi, la responsabilité de l'inscription sur la liste électorale devient celle de l'électeur. Pour plus d'une raison, cela n'est pas de nature à faciliter l'exercice du droit de vote. Par contre, on nous dit que cela va générer des économies. L'adoption par l'Assemblée nationale du projet de loi 40 créera donc un précédent. Pour la première fois depuis plusieurs années, l'objectif essentiel de la modification ne sera pas de faciliter l'exercice du droit de vote.

Par ailleurs, M. le Président, trois organismes, soit le Protecteur du citoyen, la Commission des droits de la personne et la Commission d'accès à l'information, sont unanimes quant au caractère inquiétant et potentiellement dangereux d'une telle mesure. Entre autres, le Protecteur du citoyen est préoccupé quant à la transmission d'informations entre organismes gouvernementaux. L'article 11 du projet de loi 40 modifie l'article 65 de la Loi sur l'assurance-maladie, qui a déjà été modifiée sept fois en moins d'un an. Aussi, il sera possible pour le Directeur des élections d'obtenir de la Régie de l'assurance-maladie des informations telles que les numéros d'assurance sociale et autres renseignements contenus dans ces fichiers. Ainsi, un nombre important de données et de dossiers confidentiels sont susceptibles d'être transmis.

Dans un autre ordre d'idées, le gouvernement du Québec voudrait faire en sorte que ce projet de loi soit adopté le plus tôt possible. Mais qu'est-ce qui presse autant ce présent gouvernement de mettre sur pied ce fameux fichier, cette liste électorale permanente? Nous voulons, M. le Président, prendre tout le temps nécessaire pour étudier à fond une telle loi qui bouleverse, jusqu'à un certain point, nos habitudes électorales. Nous voulons être sûrs que la loi protégera entièrement le citoyen. Le citoyen a des droits dans une société libre et démocratique comme la nôtre.

Enfin, M. le Président, il est évident que le gouvernement du Québec cherche à tout faire pour que le processus de cette liste électorale permanente soit mis en vigueur pour le référendum qui s'en vient. Nous disons, M. le Président, que, si une étude approfondie s'impose, nous devons prendre le temps nécessaire pour étudier les tenants et aboutissants d'une telle législation. Nous ne voyons pas pourquoi un tel processus entrerait en vigueur pour le prochain référendum. Nous n'aurions alors qu'à procéder de façon habituelle soit à l'aide d'un recensement et à l'énumération tel que nous le connaissons en vertu de la loi actuelle. Un gouvernement responsable ne peut pas se permettre de modifier nos règles démocratiques sans d'abord s'assurer que les droits fondamentaux ne sont pas mis en péril sous prétexte que l'informatique génère des économies. Cette assurance, M. le Président, nous ne pourrons l'obtenir qu'après une analyse approfondie des impacts de la réforme proposée. Cette analyse permettra à l'Assemblée nationale de bénéficier de l'expertise de certains intervenants, telle la Commission d'accès à l'information, ou encore, l'opinion de personnes ou institutions touchées par les modifications, telles les municipalités ou les commissions scolaires.

M. le Président, je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M. le député de Beauce-Nord. Maintenant, je suis prêt à céder la parole au prochain intervenant. Je reconnais M. le député de Pontiac. Je vous cède la parole, M. le député.


M. Robert Middlemiss

M. Middlemiss: Merci, M. le Président. Pour un gouvernement qui... Un leader qui nous disait que c'était fini, de passer des nuits ici, qu'on était pour faire tout durant la période de jour... Pourtant, M. le Président, s'il y a un projet de loi important pour la démocratie, c'est bien celui-ci.

Qu'est-ce qu'on fait? On nous oblige, M. le Président – pour quelles raisons? on se le demande – à le débattre durant la nuit. Oui, M. le Président, on nous oblige à le débattre durant la nuit. Au point où, M. le Président, on a même, comme opposition officielle... notre porte-parole officiel a même demandé, a fait une motion de report pour reporter dans trois mois, pour donner une chance à tout le monde, dans une période, M. le Président, où nous ne serons pas forcés par une date finale pour la fin d'une session... donc, M. le Président, le projet de loi le plus important, au nom de la démocratie.

Et, M. le Président, dans un premier temps, j'aimerais certainement vous indiquer et indiquer aux gens... s'il y a des citoyens qui nous regardent ce soir, leur donner un peu, par la lecture des notes explicatives, c'est quoi, le projet de loi.

M. le Président, comme vous le savez fort bien: «Ce projet de loi établit la liste électorale permanente par la constitution, à partir de la liste électorale ayant servi à l'élection du 12 septembre 1994, d'un fichier des électeurs et d'un fichier des territoires.

«Ce projet prévoit les modalités de la première inscription de l'électeur à la liste électorale permanente, soit par une comparaison avec les renseignements fournis par la Régie de l'assurance-maladie du Québec, soit à l'aide des renseignements fournis par l'électeur. Il prévoit également que le fichier des territoires est constitué des circonscriptions électorales, des secteurs électoraux et des sections de vote de même que des territoires électoraux municipaux et scolaires.

«Ce projet de loi modifie la Loi électorale notamment afin d'éliminer le recensement, de prévoir que la liste électorale permanente sert à toute élection et d'établir les mécanismes de mise à jour et de révision de cette liste. Concernant la mise à jour, il stipule qu'il incombe à l'électeur d'aviser le Directeur général des élections de tout changement dans les renseignements le concernant. La mise à jour s'effectue également à partir des modifications apportées lors des révisions qui précèdent la tenue d'un scrutin provincial ou municipal et à partir de tout renseignement fourni par un ministère ou un organisme avec lequel le Directeur général des élections a conclu une entente. Concernant la révision, le projet abolit les bureaux de dépôt et prévoit qu'une demande d'inscription, de correction ou de radiation est présentée directement devant la commission de révision compétente. De plus, il modifie cette loi afin de préciser le domicile de l'électeur et de prévoir qu'un électeur affecté temporairement à l'extérieur du Québec par le gouvernement du Québec ou le gouvernement du Canada ainsi que son conjoint et ses personnes à charge, s'ils possèdent la qualité d'électeur, peuvent voter.

«Ce projet de loi modifie également, afin de tenir compte de l'abolition du recensement, la Loi sur la consultation populaire en ce qui concerne le mode de calcul du délai imposé avant la prise d'un décret ordonnant la tenue d'un référendum. Le projet apporte de plus des modifications de concordance à cette loi.

(2 h 10)

«Ce projet de loi modifie par ailleurs les lois applicables aux scrutins municipaux et scolaires en prévoyant notamment que le responsable du scrutin est tenu de dresser la liste électorale municipale ou scolaire à partir de la liste des électeurs inscrits à la liste électorale permanente transmise par le Directeur général des élections.

«Enfin, ce projet de loi apporte des modifications de concordance à la Loi sur l'assurance-maladie et la Loi sur les jurés.»

M. le Président, comme l'indiquait notre porte-parole, le député de Brome-Missisquoi, c'est cette loi-là qui nous permet, à nous, d'être ici. Et si on regarde les résultats que nous avons obtenus au Québec comparativement aux résultats qu'ils obtiennent aux États-Unis, c'est que, ici, en 1989, on vait 75 % de participation, ou de vote, tandis qu'aux États-Unis, M. le Président, c'était 50 %. Donc, le système que nous avons, avec tous ses problèmes, c'est un système, M. le Président, qui donne la chance, l'opportunité à tous les citoyens d'exercer leur droit. Et pourquoi, M. le Président? Il faut le regarder. Même s'il y a des députés dans cette Chambre, du côté ministériel, qui ont un peu ridiculisé le rôle des recenseurs durant une élection, les petits organisateurs, M. le Président.... et c'est ça qui donne la dynamique, c'est ça qui crée l'intérêt, qui crée l'intérêt dans une élection. Ces gens qui vont de porte à porte et qui vont recenser les gens, M. le Président, ça crée une dynamique. Les gens le savent qu'il y a une élection, ils s'y intéressent et, M. le Président, c'est pour ça qu'il y a un succès.

Nous sommes totalement d'accord, M. le Président, sur le principe que, si nous pouvons améliorer, avoir une liste qui va assurer que seulement ceux qui ont le droit de vote puissent voter, que ceux qui n'ont pas le droit de vote parce qu'ils ne sont pas des citoyens canadiens n'aient pas le droit d'exercer ce vote, que si les gens devraient être inscrits à l'endroit de leur domicile, qu'ils y soient inscrits, M. le Président, on ne fera pas les gorges chaudes sur ça, M. le Président.

Donc, réellement, voici la situation. C'est une loi fort importante. Pourtant, M. le Président, on a eu tellement, si on regarde... Et qu'est-ce qu'on a demandé au gouvernement? On a demandé une motion de report. On a même demandé, vu qu'on a défait – avec la majorité gouvernementale, on a défait cette motion de report – on a demandé: Au moins, regardez, qu'on ait une consultation avant. Avant! On a dit: Oui, vous allez l'avoir en commission parlementaire. Mais, non, on a demandé avant. M. le Président, le gouvernement a refusé. Il a refusé de nous accorder ce droit-là. Pourtant, M. le Président, si on regarde tous les avis qu'a reçus le ministre responsable de l'application de la Loi électorale, de la Réforme électorale, il semble, M. le Président, qu'il y a eu suffisamment d'indications d'être prudents, vu que cette loi-là est tellement importante.

Et, M. le Président, j'aimerais certainement citer un peu Gilles Lesage, M. le Président, dans Le Devoir : «La liste électorale: un feu rouge.» Il dit, et je cite, M. le Président: «Pressé par sa propre échéance référendaire, le gouvernement péquiste a tout mis en oeuvre pour faire adopter sans délai le projet de loi 40 établissant une liste électorale permanente et informatisée à partir de celle du 12 septembre dernier. Pour la même raison et nullement désireux de faciliter la vie à leurs successeurs, les libéraux utilisent des astuces parlementaires pour faire ajourner l'étude du projet au printemps prochain, et c'est l'impasse.» Comme je l'indiquais tantôt, M. le Président, on voulait se donner le temps de réellement étudier ce projet-là.

«Les arguments en faveur d'un fichier qui élimine le recensement périodique des électeurs sont bien connus: économie appréciable de temps et d'argent, assurance que seuls les électeurs votent et là où ils résident, diminution de la période électorale proprement dite, utilisation de la liste aux plans scolaire et municipal. Ces motifs étaient et restent valables. En ces matières où les fonds publics sont largement mis à contribution, l'efficacité n'est pas négligeable, bien au contraire. Mais d'autres considérations impérieuses doivent être prises en compte quand il s'agit de modifier une pièce aussi fondamentale que la Loi électorale et référendaire. Avec les années, et grâce à l'apport successif des gouvernements, surtout celui de René Lévesque, cette loi a fait consensus et atteint un équilibre de bon aloi. Avant de balancer le premier et de bousculer le second, il faut des motifs graves. Ce n'est évidemment pas le cas. Si intéressante soient-elles en principe, les modifications proposées par le gouvernement sont de nature mécanique, mais elles touchent à des questions vitales.

«Ainsi que Le Devoir y a fait largement écho lundi, la Commission d'accès à l'information a allumé un feu rouge quant à la protection de la vie privée des citoyens. Le projet de loi risque de miner la confiance du public si le gouvernement s'obstine à mettre à jour la liste électorale à l'aide du registre de l'assurance-maladie. Voilà un avis majeur qui mérite un examen sérieux. Depuis lors, le gouvernement a reçu d'autres commentaires qui lui semblent plus favorables, notamment ceux de la Commission des droits de la personne, du Protecteur du citoyen et de la Corporation des officiers municipaux agréés du Québec. Ces trois organismes n'en apportent pas moins des suggestions de nuances, des feux jaunes qui méritent également une étude approfondie. Le gouvernement ne peut se servir à sa guise des opinions qui font son affaire et laisser de côté celles qui manifestent de l'inquiétude.

«Certes, on peut prêter toutes sortes de motifs aux mesures dilatoires et au «filibuster» déguisé des libéraux à l'Assemblée nationale pour gêner la marche gouvernementale. Il n'en reste pas moins que la hâte et la précipitation du ministre Guy Chevrette ne sont nullement appropriées à l'étude sereine et ordonnée d'un projet, en apparence anodin, qui touche à des questions fondamentales. De part et d'autre, hélas, la campagne référendaire est déjà en cours et obnubile tout le débat.»

Le Vice-Président (M. Bélanger): M. le leader adjoint de l'opposition.

M. Lefebvre: Je vous demanderais de vérifier le quorum, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Nous avons le quorum. Nous pouvons continuer.

M. Lefebvre: Nous avons maintenant le quorum.

Le Vice-Président (M. Bélanger): M. le député de Pontiac.

M. Middlemiss: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Bélanger): M. le leader adjoint de l'opposition, c'est pour une question de règlement?

M. Lefebvre: Selon l'article 32, paragraphe 2°, M. le Président, chaque député doit être à sa banquette.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Alors, je constate que tout le monde est assis à sa banquette. Alors, on peut continuer.

M. le député de Pointe-aux-Trembles, vous avez une question de règlement?

M. Bourdon: Est-ce que les trois députés libéraux sont à leur banquette?

Le Vice-Président (M. Bélanger): Je vous demande de continuer, M. le député de Pontiac, s'il vous plaît.

M. Middlemiss: Merci, M. le Président. En terminant, je vais citer Michel Venne, du Devoir , aujourd'hui. Il dit: «Le ministre responsable de la réforme électorale, Guy Chevrette, a fait valoir un argument plus politique pour inciter les députés à adopter le projet de loi: "On pourra dire que le Québec, encore une fois, est à l'avant-garde. Et quand on peut dire ça, dit-il, nos complexes s'atténuent. On devient sûrs de nous-mêmes. On se sent capables de faire des choses comme les grandes personnes. On acquiert un degré d'autonomie extraordinaire. On peut se considérer comme égaux".»

M. le Président...

Le Vice-Président (M. Bélanger): Je vous demande de continuer, M. le député de Pontiac. Si on attendait d'avoir le silence complet pour siéger, on n'aurait pas beaucoup siégé aujourd'hui.

(2 h 20)

M. Middlemiss: M. le Président...

M. Lefebvre: Un instant, M. le député de Pontiac.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Oui, M. le leader adjoint de l'opposition.

M. Lefebvre: J'aimerais, M. le Président – c'est une question de directive – comprendre le sens de votre remarque, là. M. le député de Pontiac a été interrompu par des interpellations, des rires, des ricanements. Ça n'a rien à voir avec le silence complet, ce n'est pas ce qu'il demande, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Vous savez, M. le leader adjoint, que j'ai entière discrétion pour pouvoir déterminer ce qui est un manquement au décorum et ce qui est un manquement à l'ordre dans cette Chambre. Je considère que, présentement, l'ordre dans cette Chambre est suffisant pour qu'on puisse entendre M. le député de Pontiac.

M. Middlemiss: M. le Président, si j'ai arrêté, M. le Président, je m'en excuse. Tantôt, les gens n'étaient pas à leur place, ils m'ont dérangé puis ils me dérangent encore. Il me semble que j'ai été ici longtemps ce soir...

Une voix: ...

M. Middlemiss: Non, non, mais, M. le Président, il me semble qu'il y a deux côtés dans cette Chambre: à votre droite et à votre gauche. Et, ce soir, les bruits viennent de votre droite. Et il me semble que vous devriez aussi...

Le Vice-Président (M. Bélanger): M. le député de Pontiac...

M. Middlemiss: Oui.

Le Vice-Président (M. Bélanger): ...je vous demande, s'il vous plaît, de continuer votre intervention, sinon je passerai à un nouvel intervenant.

M. Middlemiss: Mon Dieu, M. le Président, vous allez me bâillonner, comme le gouvernement veut le faire.

Donc, en terminant, M. le Président, on peut dire qu'on est quasiment souverains, et c'est un peu ça, je pense que c'est là, là, c'est très clair. C'est exactement la seule chose qui motive ce gouvernement et surtout le leader: le référendum. C'est ça, M. le Président, c'est le référendum qui le motive. Ces gens n'ont aucun respect, M. le Président, pour la démocratie.

J'ai dit tantôt, M. le Président...

Des voix: ...

M. Middlemiss: M. le Président, je disais tantôt qu'il me restait une minute. Je croyais que je terminais, parce qu'on m'avait indiqué qu'il me restait une minute, mais on m'a fait signe, après, qu'il restait cinq minutes.

Certains problèmes, M. le Président, que je voudrais soulever...

Une voix: ...

M. Middlemiss: M. le Président, regardez, là, hein!

Le Vice-Président (M. Bélanger): Je suis d'accord avec vous, M. le député de Pontiac. Je demande aux députés, s'il vous plaît, de respecter le droit de parole du député de Pontiac.

M. Middlemiss: Dans la liste électorale permanente qui devrait servir pour les élections municipales et les élections scolaires, il pourrait y avoir énormément de problèmes. Je vais vous en donner... Tu sais, on la fait à partir de la RAMQ, mais lorsqu'on demande... Dans une circonscription électorale qui est tout près d'une frontière, M. le Président, et qu'il y a des propriétaires qui ne sont pas des résidents du Québec, de quelle façon on pourrait procéder à s'assurer... Ce n'est pas en allant à la RAMQ qu'on va être capables d'obtenir le nom de ces personnes-là; elles ne sont pas des résidentes du Québec. De quelle façon allons-nous procéder?

Donc, c'est des choses comme ça qu'on avait demandé qu'on puisse avoir, rencontrer les gens et trouver la façon qu'on pourrait s'assurer... Parce que si, réellement, on veut donner une chance à tout le monde d'exprimer leur droit de vote, que ce soit au scolaire, que ce soit au municipal, que ce soit au provincial, il me semble qu'on devrait améliorer notre façon de procéder. Et lorsqu'on voit les résultats qu'on obtient, à date, avec le système qu'on a, avec tous ses défauts, M. le Président, rendu à 75 %, c'est très bien.

De l'autre côté, M. le Président, il me semble qu'on a tout le temps au monde. Il y a d'autres problèmes avec la Loi électorale: de faciliter, la journée du vote, M. le Président, de faciliter... afin que tout le monde puisse aller exprimer leur droit. Et, ça, ce n'est pas nécessairement en ayant une liste permanente qui est faite à partir de la RAMQ ou d'autres organismes, M. le Président, qu'on va assurer une meilleure participation. Et la raison qui nous amène, que ce soit des gens qui votent dans une circonscription où ils ont une résidence secondaire ou des gens qui votent même s'ils ne sont pas des citoyens canadiens, ça, je pense que, M. le Président, ça fait partie de la minorité, ce n'est pas les gros problèmes. Les gros problèmes, M. le Président, ce n'est pas ça. Même si le...

Des voix: ...

M. Middlemiss: M. le Président, si le député de Masson et le député de Joliette aiment ça rire entre eux autres, puis...

M. Chevrette: Je n'ai rien dit.

M. Middlemiss: Non, ils n'ont rien dit. Ils ont le droit, M. le Président.

Une voix: ...

M. Middlemiss: Bien oui.

M. Chevrette: Je m'excuse, M. le Président...

Le Vice-Président (M. Bélanger): M. le leader du gouvernement.

M. Chevrette: M. le Président, le député n'a pas le droit d'interpeller. Je n'ai pas dit un mot, puis je suis à mon siège. Je m'excuse, mais on ne peut pas dire n'importe quoi, là, parce qu'on a le droit de parole. C'est sur la motion de fond, c'est sur le principe de la loi. Je m'excuse, là, mais qu'il s'excuse lui-même.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Je vous demanderais de conclure votre intervention, s'il vous plaît, M. le député de Pontiac.

M. Middlemiss: M. le Président, ce n'est pas nécessaire de parler. Se retourner de bord puis regarder le député de Masson faire des commentaires, c'est ça, M. le Président. Ça, je l'ai vu. Donc, M. le Président...

Des voix: Ah!

M. Middlemiss: Non, non, regardez, je n'ai pas dit qu'il avait parlé. Tout ce que j'ai dit, M. le Président, c'est que c'est le député de Joliette qui a fait ça.

Donc, M. le Président, il y a énormément de préoccupations de la part de suffisamment de gens. Il y a des gens qui ne sont même pas reliés, qui ne sont pas membres d'un parti politique, qui avisent le gouvernement: Faites attention, il y a un feu rouge ou des feux jaunes; c'est une pièce réellement importante. C'est réellement un projet de loi. Est-ce que la hâte, c'est de tenter de l'avoir pour le référendum? Regardez, il n'y a pas de problème pour avoir une liste, si c'est ça. On peut avoir une liste du Directeur général des élections à partir de la liste qui a été utilisée le 12 septembre dernier. Avec une révision, ce serait adéquat pour un référendum au printemps. Si c'est ça, M. le Président, à l'automne on pourrait prendre le temps nécessaire, s'il y a un changement majeur à apporter à cette loi, pour le faire une fois pour toutes, M. le Président. Souvent, lorsque ces gens-là étaient de ce côté-ci de la Chambre, M. le Président, ils critiquaient qu'on ne voulait pas consulter; aujourd'hui, c'est votre chance. Agissez donc comme vous aviez dit que vous agiriez quand vous étiez de ce côté-ci de la Chambre. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M. le député de Pontiac. Maintenant, je suis prêt à céder la parole à un autre intervenant. Je reconnais Mme la députée de La Pinière. Je vous cède la parole, Mme la députée.


Mme Fatima Houda-Pepin

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir de prendre la parole pour intervenir sur le projet de loi 40, Loi sur l'établissement de la liste électorale permanente et modifiant la Loi électorale et d'autres dispositions législatives. Cette loi, M. le Président, est d'une extrême importance parce qu'elle est au centre de l'exercice de la démocratie. C'est pour cela que nous sommes ici en train d'en débattre et voir à ce que cette loi-là soit améliorée et qu'elle soit accessible à tous.

En tant que députée nouvellement élue, j'ai pu me rendre compte de la nécessité de l'amélioration de la Loi électorale à cause d'un certain nombre d'incidents qui sont arrivés lors de la dernière élection et qui ont rendu nécessaire le recours au Directeur général des élections, pour des banalités, je dirais, en termes d'accessibilité à des lieux de votation, en termes aussi de permissions qu'il fallait, à chaque fois, aller chercher, afin de permettre à des personnes âgées qui avaient de la difficulté à lire ou qui voulaient se faire accompagner, de voter. Je crois que, sur le principe, il y a lieu d'arriver à un consensus qui pourrait se dégager autour de l'amélioration du processus électoral, de façon à ce qu'il soit tout à fait conforme et qu'il ait le consensus de toutes les parties.

Ce qui fait, par contre, problème, c'est le contexte dans lequel ce projet de loi a été soumis et auquel il a été référé. Je fais ici explicitement référence au contexte référendaire. Il a été souligné aussi par de nombreux observateurs, des journalistes, entre autres, que le contexte référendaire est, en fait, la raison fondamentale pour laquelle le gouvernement tente de faire passer cette loi à toute vapeur. Mais, considérant son importance, je crois qu'il est nécessaire de prendre le temps de l'analyser et d'en analyser les implications avant de vouloir l'adopter en toute hâte. Donc, de nombreuses organisations, très crédibles, ont soumis leurs commentaires et leurs critiques. En ce qui me touche particulièrement, je voudrais référer à la Commission des droits de la personne, qui a rappelé au Directeur général des élections l'article 22 de la Charte, qui stipule que «toute personne légalement habilitée et qualifiée a droit de se porter candidat lors d'une élection et a droit d'y voter.»

Ceci étant dit, M. le Président, la Commission ne s'objecte pas au principe de l'établissement d'une liste électorale permanente, et, sur ce point, plusieurs avis concordent. Par contre, les objections portent sur la pertinence d'avoir un fichier central, sous forme de banque de données, centralisé à la Régie de l'assurance-maladie du Québec. Là encore, je joins ma voix à tous ceux qui m'ont précédé, pour insister sur le fait qu'il ne faut pas précipiter l'adoption d'une telle loi et, surtout, éviter, en fait, que ce système...

(2 h 30)

M. Lefebvre: M. le Président, presque depuis le début de l'intervention de Mme la députée, j'entends, à ma gauche, des ricanements.

Le Vice-Président (M. Bélanger): M. le leader adjoint de l'opposition, c'est pour une question de règlement? Je vous cède la parole, M. le leader adjoint.

M. Lefebvre: Pour à peu près, M. le Président, la vingt-cinquième fois ce soir, la question de règlement que je soulève, c'est l'article 32, le décorum. À ma gauche, j'entends des ricanements, des grognements, toutes sortes de bruits qui n'ont rien à voir, M. le Président, avec l'atmosphère normale d'un Parlement. Regardez, M. le Président, pendant que j'interviens pour faire un rappel à l'ordre sur l'éthique, sur le décorum de l'Assemblée, c'est le président du caucus, M. le Président, qui m'interpelle, le président du caucus du Parti québécois.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M. le leader adjoint, pour ce rappel au règlement qui, je suis certain, sera profitable à tous les membres de cette Assemblée et que nous devons toujours garder à l'esprit.

Et je vous demande, s'il vous plaît, Mme la députée de La Pinière, de bien vouloir continuer votre intervention. Je vous remercie.

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. Donc, je faisais ici référence à une autre citation de la Commission des droits de la personne en ce qui concerne les inquiétudes relatives à la divulgation des informations personnelles, vu que plusieurs organismes, trois organismes en tout cas, du gouvernement sont intervenus dans cette liste-là. Alors, la Commission dit: «Dans toutes ces lois, le principe du consentement à la divulgation d'une information personnelle à un tiers est au coeur de la protection de la vie privée.» Et ces inquiétudes-là ont été soulevées, encore une fois, par plusieurs intervenants.

En tant que porte-parole de l'Immigration et des Communautés culturelles pour l'aile parlementaire libérale, je suis aussi extrêmement préoccupée par la question du vote des communautés culturelles. Ces inquiétudes, M. le Président, se rapportent à plusieurs déclarations qui ont été faites, notamment, je le rappelle pour votre attention, celle du premier ministre, M. Parizeau, qui, le 23 janvier 1993, avait déclaré que la souveraineté pourrait se faire sans le vote des allophones et des anglophones, et, plus récemment, celle du ministre des Affaires internationales, de l'Immigration et des Communautés culturelles, qui a été rapportée dans Le Journal de Montréal du 29 octobre 1994, et selon laquelle M. le ministre s'inquiétait que la démocratie était à la totale merci des groupes ethniques.

Alors, ces déclarations, évidemment, sont loin de rassurer beaucoup de gens au sein des communautés culturelles. Et, à cet effet, je tiens à souligner que le projet de loi, tel que formulé, présente un certain nombre de blocages pour les gens des communautés, qui, souvent – et je réfère surtout ici aux gens de la nouvelle immigration – ont des difficultés à communiquer avec les institutions. Or, le projet de loi rend le processus assez bureaucratique, et beaucoup de gens de la nouvelle immigration, M. le Président, ne savent pas parler le français et ne peuvent pas communiquer aisément, surtout par écrit, avec l'administration. Donc, ce processus-là pourrait paraître tout à fait intimidant pour eux, et c'est pour cela que j'insiste pour que le processus de consultation puisse inclure un certain nombre de groupes des communautés culturelles qui ont cette préoccupation-là et qui pourraient nous apporter des éléments de réflexion qui pourraient améliorer le processus et, en même temps, le projet de loi. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Je vous remercie, Mme la députée de La Pinière. Maintenant, je suis prêt à reconnaître le prochain intervenant, et je reconnais Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.

Mme Liza Frulla

Mme Frulla: M. le Président, ça me fait plaisir, en cette heure, ce matin, d'être ici avec vous tous en grand nombre pour parler de la démocratie. En effet, si nous sommes ici ce soir, c'est parce que, au Québec, on croit en un processus démocratique et on croit à l'importance aussi de voter, donc au projet de loi qui est présenté par le gouvernement et qui aura pour effet, entre autres, d'éliminer le recensement des électeurs pour le remplacer par une liste électorale permanente, informatisée, qui aura des impacts importants sur notre vie démocratique.

Si le projet de loi paraît être très attrayant au début, il faut quand même se poser certaines questions. Alors, M. le Président, mon intervention de ce soir, ou de ce matin, se limitera à énumérer des raisons pour lesquelles le gouvernement doit tout mettre en oeuvre pour assurer le droit de vote à tous les citoyens et citoyennes du Québec, d'une part, et, évidemment, aux nouveaux citoyens et citoyennes qui ont adopté le Québec et le Canada comme patrie.

Dernièrement, le chef du gouvernement disait vouloir présenter une telle législation dans la foulée du travail accompli par l'ex-premier ministre du Québec. Or, quand on lit attentivement le projet de loi 40 relativement à l'établissement de la liste électorale permanente, on se pose certaines questions. Il s'agit, oui, d'une loi qui est complexe à administrer, et je suis loin d'être certaine que les droits des électrices et des électeurs québécois soient respectés dans leur intégralité, comme c'est la volonté de tous, d'ailleurs, de respecter nos droits. Et, bien évidemment, nous allons apporter certains amendements, collectivement, pour, justement, le soin de cette démocratie.

D'abord, on dit que cette liste servira aux élections provinciales, municipales et scolaires. Ça, c'est l'avantage du projet de loi 40, mais, question: Pourquoi le gouvernement du Parti québécois n'a-t-il pas profité de l'occasion pour uniformiser, par exemple, les procédures de vote aux niveaux provincial, municipal et scolaire, entre autres? En effet, les municipalités et villes québécoises vivent une situation qui est particulière, c'est-à-dire l'application des lois électorales qui ne sont pas les mêmes par rapport aux autres niveaux de gouvernement. D'autres de mes collègues sont venus spécifiquement nous parler sur ce sujet au cours du débat pour expliquer les tenants et aboutissants des différences qui existent entre les niveaux de gouvernement par rapport à la votation. Je tiens cependant à insister sur le fait que l'établissement d'une liste électorale permanente devra, d'une part, respecter le caractère privé des renseignements personnels sur les individus, ayant été responsable de la loi d'accès à l'information. Évidemment, M. le Président, il y a toujours cette conscience que nous sommes tous fichés et qu'il est très facile aussi pour le gouvernement d'aller piger ou d'aller chercher des renseignements sur nous tous. Donc, prudence à cet égard.

Il me semble aussi que le projet de loi 40 devait faire en sorte que le droit de vote des électrices et des électeurs soit reflété dans le projet de loi. À ce stade-ci, il apparaît que cette législation est nettement insuffisante quant aux détails de procédure et d'application à venir. Ça m'amène, M. le Président, à demander au gouvernement du Parti québécois les raisons qui le poussent à présenter, évidemment, si rapidement le projet de loi. On a dit que c'était la suite de ce qu'on avait mis sur pied, d'une part. C'est vrai que tout le monde demande certaines modifications, mais, honnêtement, M. le Président, pourquoi maintenant et, surtout, pourquoi à cette heure?

On voudrait, de l'autre côté de la Chambre, que le projet de loi 40 soit adopté et mis en application en vue du prochain référendum, qui est le prochain rendez-vous électoral. Je m'interroge quand même sur les véritables intentions de cette formation politique. J'espère que le gouvernement du Parti québécois présente cette loi au nom des véritables intérêts du droit de vote des Québécois et Québécoises. Évidemment, M. le Président, nous allons nous opposer à toute tentative du gouvernement de bousculer les procédures parlementaires, ce qui aurait pour effet de bafouer les droits des citoyens en regard de notre système électoral, aussi bien au niveau provincial qu'aux niveaux municipal et scolaire, parce que cette loi affecte tous ces niveaux.

M. le Président, nous avons de sérieuses réserves sur le projet de loi 40, au chapitre de la circulation des renseignements privés sur les individus, comme je le disais tantôt, qui, évidemment, serait engendrée à l'application de l'implantation d'une liste électorale permanente. D'abord, en vertu du projet de loi 40, la liste électorale permanente sera mise à jour grâce au registre des adresses de la Régie de l'assurance-maladie. Mais le projet de loi va plus loin. Le Directeur général des élections pourra mettre à jour cette liste à partir de n'importe quel organisme gouvernemental, comme la Société de l'assurance automobile du Québec et peut-être même le ministère du Revenu. On se rappelle, M. le Président, que, dans certains cas où on voulait, justement, prendre certains fichiers et faire des interactions entre ces fichiers pour aller piger des renseignements, il y a eu des tollés de le part de la protection du consommateur et, évidemment, de la Commission d'accès à l'information.

(2 h 40)

Toutefois, le directeur ne pourra pas, à son tour, transmettre à un tiers les renseignements obtenus sans le consentement de l'électeur concerné. Cette réserve, évidemment, M. le Président, protégeant notre vie privée est importante, et nous l'appuyons. Toutefois, rien n'empêche un gouvernement, quel qu'il soit, d'être tenté de manipuler les données contenues dans tous les réseaux informatiques de l'État québécois, sachant que nous sommes tous fichés. C'est là, à mon avis, que notre vie démocratique peut être bafouée, et ce, dans tous les sens du terme.

C'est un peu pour cette raison, M. le Président, que nous disons de ce côté-ci de la Chambre qu'il faut quand même prendre le temps d'étudier tous les tenants et aboutissants de ce projet de loi. Il est trop important et enferme des impacts trop considérables sur l'ensemble du processus de notre vie démocratique au Québec pour que nous adoptions à la vapeur cette pièce législative.

Il y a aussi autre chose. Le projet de loi 40 ne constitue en rien une réforme globale électorale, et, évidemment, on parle que ce projet de loi soit suivi d'autres mesures présentées en cette Chambre. C'est aussi une autre raison pour laquelle nous soulignons que nous devons prendre tout le temps nécessaire pour étudier toute réforme électorale importante qui sera soumise devant les membres de l'Assemblée nationale.

J'aimerais savoir, M. le Président, ce que le gouvernement du Parti québécois a en tête, mis à part l'établissement de cette liste électorale permanente, avant d'aller plus loin dans l'étude de toute réforme qui vise à modifier nos habitudes de vie démocratique.

M. le Président, il ne faut pas que l'État se donne le droit d'aller fouiller dans des réseaux informatisés aussi complexes que ceux que possède, évidemment, cet État, pour la seule mise à jour de la liste électorale permanente. D'ailleurs, les remarques de la Commission d'accès à l'information vont dans le même sens, s'en vont plus loin et aussi nous demandent d'aller peut-être un peu plus loin et de fouiller plus loin dans cette notion. Cette ouverture risque de créer, si on n'y prend garde, une sorte d'État fouilleur, parce que les renseignements portant sur les individus circuleront d'un ministère à l'autre et obéiront, si on n'y prend garde, à des objectifs autres que ceux prévus par la loi votée à l'Assemblée nationale.

D'ailleurs, M. le Président, l'opposition officielle n'est pas la seule à émettre des réserves par rapport au projet de loi 40 concernant cette réforme électorale. Tous les organismes crédibles en cette cause, comme la Commission d'accès à l'information, semblent portés à croire que, si le Québec veut rehausser le niveau de confiance des électeurs, ce projet de liste électorale permanente informatisée risque, au contraire, de le miner, si on s'obstine à vouloir mettre à jour la liste électorale à l'aide d'un registre d'adresses de la Régie de l'assurance-maladie du Québec. Donc, M. le Président, réserve face, justement, à cette liste informatisée à base de nos réseaux d'information.

Il y a plus, aussi, M. le Président, en terminant. C'est qu'il y a aussi ceux, comme le disait ma collègue tantôt, qui ont des réserves, justement, à faire partie d'une liste. Je parle des nouveaux arrivants au Québec, par exemple, et je parle aussi de ceux qui ont eu des expériences par le passé et qui seraient, je dirais, réfractaires à ce que leur nom soit listé dans cette nouvelle formule qu'est la nouvelle liste électorale. On parle d'à peu près, peut-être, 300 000 personnes qui pourraient hésiter à faire partie d'une liste électorale informatisée – tout simplement parce que celles-ci se disent que, bon, compte tenu des expériences qu'elles ont eues et des expériences passées, ça pourrait peut-être être dangereux pour elle – et qui, finalement, n'exerceraient pas leur droit de vote parce qu'elles n'accepteraient pas d'être sur cette liste permanente.

Donc, encore une fois, M. le Président, il ne faut pas bousculer les choses et il faut être extrêmement prudent sur cette réforme électorale, ce changement aussi que l'on demande de par cette réforme dans nos modes de recrutement, si on veut, et de recensement. Donc, on n'est pas contre la liste informatisée, ce que l'on dit, c'est: Prudence. Ce que l'on dit aussi, c'est qu'il ne faut pas que l'État, qui décide, par ses réseaux, d'accepter de donner des informations sur chacun des citoyens, décide aussi de pousser un peu plus loin l'habitude et de fournir, par exemple, des informations sur des citoyens dans d'autres cas.

Autre chose, M. le Président, il n'y a rien, à ce que je sache, dans cette loi qui favorise l'accès, par exemple, à des personnes qui sont handicapées, à des personnes qui voudraient voter, mais qui, pour toutes sortes de raisons physiques, auraient de la difficulté à le faire. Alors, on verrait d'un bon oeil que ceci soit ajouté.

Donc, M. le Président, je pense qu'on ne le répétera jamais assez, le droit de vote, le droit à la démocratie, est, évidemment, la valeur fondamentale de notre système. Il s'agit de le faire et, évidemment, d'en prendre soin. Quand on parle d'une réforme électorale, on parle du principe même de ce droit de chaque citoyen de voter. C'est pour ça que nous sommes ici à parler sur ce projet de loi, puisqu'on le considère fort important. Deuxièmement, aussi, M. le Président, on a une tendance à dire: Prudence, prudence sur les changements qu'on veut y apporter. Ils ont l'air tout à fait logiques, à prime abord, mais je pense qu'il est important aussi d'en étudier les conséquences. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Je vous remercie, Mme la députée. Je suis maintenant prêt à céder la parole à un autre intervenant. Je reconnais M. le député de Bertrand.


M. Robert Thérien

M. Thérien: M. le Président, je suis très fier d'intervenir sur la loi 140 et, particulièrement, d'intervenir...

Des voix: 40.

M. Thérien: Excusez-moi, 40. Vous savez, à cette heure-ci, on peut rajouter des «1».

Le Vice-Président (M. Bélanger): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre! M. le député de Bertrand.

M. Thérien: Si ma présence, ici, a permis de réveiller certains parlementaires, ça me fait plaisir, et particulièrement aussi de parler devant le leader parlementaire, mon voisin, pour qui, en dehors de la Chambre, je fais sûrement partie de ses favoris. Je veux le rassurer, lui aussi, c'est un de mes favoris. Comme parlementaire.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Thérien: Donc, M. le Président, ce qu'il est important de remarquer avant la loi 140, parce que... la loi 40, excusez-moi, M. le Président. Je vous l'avais dit, M. le Président, ça a permis de réveiller les collègues – que je félicite, d'ailleurs, d'être ici à 2 h 50 du matin – et, surtout, de faire remarquer aux gens qui nous écoutent – parce qu'il y a peut-être des gens qui souffrent d'insomnie qui nous écoutent...

M. Lefebvre: M. le Président. M. le Président...

Le Vice-Président (M. Bélanger): Oui, M. le leader adjoint de l'opposition.

M. Lefebvre: Question de règlement, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Pardon?

M. Lefebvre: Question de règlement. M. le Président, vous aurez compris que je veux encore invoquer l'article 32, qu'on permette à M. le député de Bertrand d'intervenir. Il a droit à la même réception que tous les autres parlementaires, sauf que, de votre côté ou chez les parlementaires qu'on retrouve à votre droite, on n'a pas à s'en préoccuper parce que c'est le silence total. Mais je voudrais qu'on permette à mon collègue de bien vouloir intervenir, dans le respect de l'article 32 et de ses prescriptions. À cette heure-ci, M. le Président, vous devez être très vigilant, très vigilant.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Alors, M. le député de Bertrand, je vous demanderais de continuer votre intervention. Je rappellerai à tous les membres de cette Assemblée de respecter le droit de parole du député de Bertrand. Merci.

M. Thérien: Donc, M. le Président, sur la loi 40, il me fait plaisir d'intervenir, mais vous faire remarquer surtout... Je signalais, tantôt, l'heure tardive. Qu'est-ce qui fait que mon voisin, le député de Joliette, le leader parlementaire, manque à sa parole de ne pas siéger la nuit? Lui-même, qui connaît nos institutions parlementaires, avait dit constamment, à tous ceux qui voulaient l'entendre, que les libéraux passaient des lois à la vapeur, passaient des lois particulièrement la nuit et que c'était fini sous le régime du Parti québécois.

(2 h 50)

On sait très bien que le député de Joliette n'aime pas manquer à sa parole. Qu'est-ce qui fait qu'on se retrouve à 2 h 50 du matin et qu'on parle sur la loi 40, une loi importante? Je pense que tout le monde l'a signalé, des deux côtés de la Chambre – puis je pense que les deux côtés de la Chambre, je n'ai pas écouté tous les discours, mais les deux côtés de la Chambre... Je vois la ministre du Tourisme, qu'il m'a fait plaisir de rencontrer samedi dans mon comté, et je la remercie de son passage samedi dans notre région. M. le Président, je m'excuse, parce que la députée et ministre semblait réjouie de mes propos, et je lui signalais que...

Des voix: ...

M. Thérien: M. le Président, je continue.

Le Vice-Président (M. Bélanger): M. le député de Bertrand, je vous demanderais, s'il vous plaît, la pertinence et d'en venir sur l'objet du débat.

M. Thérien: Excusez-moi de m'éloigner un petit peu et de mon enthousiasme, comme disait mon collègue, mais je reviens sur le fait: Comment se fait-il que le député de Joliette a manqué aussi rapidement à sa parole de siéger la nuit sur la loi 40, sur une loi importante pour les citoyens du Québec? Qu'est-ce qu'il fait? C'est quoi, les motifs? Surtout – et je le dis bien parce que ça s'est passé entre nous hier, les deux côtés, les deux partis ont célébré la Noël, M. le Président – on aurait pu retarder ça, puis siéger hier, M. le Président, où les gens auraient pu nous écouter plus facilement, M. le Président, sur une loi aussi importante.

Je vous le rappelle, M. le Président: les deux côtés de la Chambre sont d'accord sur l'orientation de la loi. Où le parti de l'opposition, le Parti libéral du Québec, s'oppose ouvertement et fermement, c'est sur la façon et les moyens d'arriver à la loi 40. C'est à ça que les gens s'opposent. C'est pour ça que les gens interviennent ici ce soir. Ce n'est pas sur l'ensemble du fond, l'objectif visé, mais sur, particulièrement, la façon d'arriver à une liste, d'arriver à identifier les gens. C'est là-dessus, M. le Président, que les gens de l'opposition ont demandé un report de quelques mois. En plus de refuser...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Thérien: On est plus vite excité à cette heure-là, M. le Président, hein? On est plus vite...

Le Vice-Président (M. Bélanger): M. leader du gouvernement, sur une question de règlement.

M. Chevrette: Oui, M. le Président, je comprends que ça a ricané – je dois vous avouer que ce n'est pas de ce côté-ci – à cause du fait qu'il y a eu un geste de posé par quelqu'un de l'autre côté, puis on a ri. On peut tout de même nous faire taire, mais, pas rire...

Le Vice-Président (M. Bélanger): M. le leader du gouvernement, je vous ferai remarquer qu'il n'y a eu aucun rappel à l'ordre qui a été fait. Alors, je demanderais tout simplement au député de Bertrand de s'en tenir à l'objet du débat.

M. Thérien: Donc, M. le Président, la loi 40, qui est une loi importante, comme je le disais... Et surtout pour vous démontrer que ce n'est pas une question du Parti libéral, une question de l'opposition, qui fait qu'il y a des gens de l'autre côté de la Chambre qui disent qu'il ne faut pas aller si vite dans notre démarche, c'est des éditoriaux – des gens qui, comme M. Venne, comme M. Lesage – où je vais prendre des passages, M. le Président, indiquent très bien qu'ils ont de l'expérience parlementaire, qu'ils ont de l'expérience de la vie politique au Québec, du bien commun du Québec, et qui disent: La liste électorale permanente: premiers feux rouges. Je comprends qu'on n'aime pas la couleur du feu, mais c'est un avertissement, M. le Président, et je vous le lis tout simplement. Donc, ce n'est pas un député libéral, ce n'est pas quelqu'un de l'opposition, ce n'est pas quelqu'un qui veut retarder indûment un objectif tout à fait louable, c'est la façon de procéder, c'est le danger de procéder. Et je vous le lis, M. le Président: «Québec veut rehausser le niveau de confiance des électeurs – je pense que tout le monde est d'accord là-dessus. Le projet de liste électorale permanente informatisée risque, au contraire – et c'est là-dessus, M. le Président, qu'il faut s'arrêter – de miner la confiance du public, si l'on s'obstine à vouloir mettre à jour la liste électorale à l'aide d'un registre d'adresses de l'assurance-maladie.» Donc, ce qui cloche, ce n'est pas, en soi, d'améliorer la loi qui existe, ce n'est pas de lui donner un meilleur encadrement ou une meilleure clarté, c'est tout simplement la façon pour y arriver. Et c'est là-dessus, M. le Président, que les députés libéraux demandent aux gens du gouvernement d'écouter des gens neutres, des gens... Oui, des éditorialistes, des gens qui, plus souvent qu'à leur tour, ont critiqué le gouvernement libéral. On les écoutait, M. le Président. On les écoutait. Oui.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Thérien: Vous voyez, M. le Président, je ne veux pas déroger à la loi 40. Je continue ma lecture, M. le Président: «C'est du moins ce que souligne la Commission d'accès à l'information.» C'est une commission neutre, une commission qui est là pour protéger les valeurs démocratiques de tout citoyen versus les institutions. On nous dit que la liste électorale à l'aide du registre d'adresses de l'assurance-maladie, ça peut miner la confiance du public.

Une voix: C'est l'exemple du siècle.

M. Thérien: M. le Président, vous avez entendu le leader du gouvernement...

Une voix: Le whip.

M. Thérien: Excusez, le whip. Excusez-moi, je lui ai donné un avancement. Excusez-moi.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Pour une question de règlement, M. le leader adjoint de l'opposition.

M. Lefebvre: Question de règlement. Alors, M. le Président, c'est mon propre collègue qui l'a indiqué, qui vous l'a indiqué...

Une voix: ...

M. Lefebvre: Oui, effectivement. Vous le voyez, là? C'est le whip, ça, M. le Président, ex-vice-président de l'Assemblée nationale. Ex-vice-président!

Une voix: ...

M. Lefebvre: Puis? «So what?» C'est l'ex-vice-président de l'Assemblée nationale qui ne respecte pas l'article 32. «So what?», c'est ce qu'il m'a dit, M. le Président. Regardez-le faire!

Le Vice-Président (M. Bélanger): M. le leader...

M. Lefebvre: Bel exemple pour les nouveaux députés! Très bel exemple!

Le Vice-Président (M. Bélanger): M. le leader adjoint de l'opposition, s'il vous plaît! J'en appelle à tous les membres de cette Assemblée, vu l'heure tardive, de bien vouloir maintenir le décorum dans cette Assemblée. M. le député de Bertrand, si vous voulez continuer, s'il vous plaît.

M. Thérien: Merci, M. le Président. Je continue concernant la Commission d'accès à l'information: «Les dangers que comporte le projet de la liste électorale permanente pour la protection de la vie privée.» Je pense que ça a été un acquis fondamental dans la démocratie qu'on connaît, la protection de la vie privée des citoyens. Est-ce qu'on y touche? Est-ce qu'on l'attaque par la liste permanente? Il y a des gens qui diront oui, il y a des gens qui diront non. Il faut prendre le temps de s'assurer que la vie privée des gens est sauvegardée, protégée. M. le Président, vous qui connaissez le droit, donc, c'est la base de la démocratie.

Je continue l'article de M. Venne: «Donc, la Commission semble préférer que ce registre des électeurs ne voie jamais le jour, mais, si le gouvernement va tout de même de l'avant, elle suggère plusieurs modifications.» C'est exactement ce pourquoi on intervient. On n'intervient pas pour qu'on ne fasse pas une loi. On n'intervient pas pour dire qu'il n'y a pas lieu d'améliorer une loi ou toute autre loi qui mériterait d'être améliorée. Des modifications sont nécessaires. Pourquoi, et je reviens là-dessus... Je pense que le leader et député de Joliette avait raison: on a avantage, on a toujours avantage à ne pas siéger durant la nuit. Et, si on a commis, dans le passé, ce genre d'intervention, bien, il faut faire mieux. Il faut faire mieux. Vous aviez dit à vos électeurs...

Le Vice-Président (M. Bélanger): M. le député de Bertrand, je vous demanderais, s'il vous plaît, de vous adresser à la présidence.

M. Thérien: M. le Président, je reviens à vous. Je m'excuse. J'avais... C'est parce que j'entends des voix. Je ne sais pas si vous les entendez, M. le Président, mais...

Des voix: Ha, ha, ha!

(3 heures)

M. Thérien: Ha, ha, ha! Je continue, M. le Président. Donc, ce que je vous mentionnais particulièrement, c'est que les gens de l'accès à l'information disaient que, si le gouvernement décide d'aller de l'avant, donc le gouvernement a décidé d'aller de l'avant – ça prenait certaines modifications dont l'une n'est pas négligeable: chaque citoyen devrait donner son consentement explicite et éclairé avant que son nom soit transmis au Directeur général des élections. Est-ce qu'on a l'assurance que cette modification va être respectée? À ce qu'on sache, non. C'est une modification tout simplement pour respecter, comme je disais tantôt, la vie privée des gens. Donc, c'est une modification; ce n'est pas un changement sur le fait d'établir, ou de corriger, ou d'améliorer, ou d'éclaircir la loi existante. C'est tout simplement dans le but de sauvegarder la vie privée.

Je continue toujours dans le même article, M. le Président, de la loi 40. Le projet de loi sur la liste électorale prévoit que la Régie de l'assurance-maladie du Québec, les municipalités, les commissions scolaires ou tout autre organisme avec lequel le Directeur général des élections conclurait une entente devra transmettre périodiquement au directeur les renseignements nécessaires à l'inscription sur la liste permanente d'un nouvel électeur ou le changement d'adresse d'électeurs déjà inscrits. Par la suite, le Directeur général des élections écrirait à ces personnes pour leur demander si elles veulent ou non être inscrites sur la liste électorale. Donc, des modifications claires.

La question qu'on se pose aussi, M. le Président, c'est à savoir... Parce qu'on leur demande de consulter le plus de monde possible, ces gens-là nous disent: On va faire un envoi dans les familles pour consulter le plus de monde possible. Et on nous dit que c'est la nouvelle façon de gouverner. Là, on leur demande, pour une loi aussi importante de consulter le plus de monde possible, M. le Président, et les gens disent non. Et c'est là qu'on peut se poser la question: Est-ce qu'il y a anguille sous roche? Pourquoi agir aussi rapidement? Parce que l'accès à l'information, au contraire, nous dit: Il faut modifier, mais il faut prendre son temps pour être sûrs, M. le Président, d'être capables de faire respecter la vie privée de chacun des citoyens et citoyennes du Québec.

Je continue, M. le Président: «En procédant de la sorte, le directeur général pourrait identifier tous les résidents qui ne veulent pas être inscrits sur la liste électorale et qui ne désireraient même pas être connus de lui. Il s'agit ici, écrit la CAI, d'une atteinte à la liberté, contrairement à la possibilité offerte par la procédure actuelle de ne pas s'identifier auprès des recenseurs.» Donc, il y a des zones grises, M. le Président. Je pense, bien humblement, que les gens veulent corriger des zones grises dans la loi existante, mais, pour corriger des zones grises, il ne s'agit pas de créer des zones qui sont encore plus graves et de toucher à l'intégrité, à la vie privée des gens.

J'aurais d'autre chose à dire de l'éditorial de M. Venne, mais il y a aussi d'autres personnes. Je parlais, tantôt, de M. Gilles Lesage du Devoir; quand même, M. Lesage est à la tribune parlementaire – je n'ose pas donner le nombre d'années – depuis plus de 20 ans. Donc, M. Lesage connaît nos lois. Et, je disais tantôt: C'est des gens neutres, parce que c'est des gens qui ont critiqué plus souvent qu'à leur tour le gouvernement libéral et le gouvernement péquiste de l'époque 1976 à 1985. Donc, lui aussi dit: «Pressé par sa propre échéance référendaire...» Donc, il y a un motif autre que le motif invoqué par le gouvernement. Il faut qu'il y ait un motif autre. Corriger, améliorer, définir mieux, bravo! Mais le motif, c'est le motif référendaire. Je continue, M. le Président: «...le gouvernement péquiste a tout mis en oeuvre pour faire adopter sans délai le projet de loi 40 établissant une liste électorale...»

Donc, M. le Président, vous m'indiquez qu'il me reste deux minutes; je vais conclure avec l'article de M. Lesage qui dit: «Le gouvernement ne peut se servir à sa guise des opinions qui font son affaire et laisser de côté celles qui manifestent de l'inquiétude.» C'est ça, M. le Président, ça traduit très bien... Et on sait très bien que, dans cette institution, les lois sur les réformes électorales se sont toujours faites dans la négociation, la concertation et – je ne veux pas aller, historiquement, dire quelque chose de faux – unanimement, je pense. Je ne suis pas un expert en historique là-dessus, mais je pense que, dans l'ensemble, historiquement, c'est par unanimité.

Donc, M. le Président, vous me signalez qu'il me reste une minute. Sans s'opposer à la loi 40, on s'oppose à l'urgence, à la rapidité pour améliorer cette loi dont les objectifs, de jour en jour, sont de plus en plus connus, c'est-à-dire de préparer une liste habilitante pour le référendum. Donc, M. le Président, ça m'a fait plaisir d'intervenir, même si l'heure est tardive. Merci.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M. le député Bertrand. Je suis maintenant prêt à céder la parole au prochain intervenant, M. le député de Frontenac et leader adjoint de l'opposition.


M. Roger Lefebvre

M. Lefebvre: Merci, M. le Président. M. le Président, je ne suis pas le premier à le faire remarquer, mais ça me frappe autant que tous ceux et celles qui l'ont dit avant moi: il est 3 h 8. On est en pleine nuit. Ça ne devait plus jamais se produire. C'est ce que M. le leader du gouvernement nous avait dit alors qu'il était de ce côté-ci de l'Assemblée. C'est ce qu'il avait dit en campagne électorale, que ça ferait partie de la nouvelle façon de gouverner: d'abord et avant tout, permettre aux parlementaires de s'exprimer, selon lui, selon son gouvernement, à des heures correctes. On est à 3 h 8 ou 3 h 10, M. le Président. Alors, voilà, déjà, un premier engagement formel pris par ce gouvernement auquel on fait faux bond cette nuit.

Vous savez, M. le Président, c'est particulièrement inquiétant compte tenu de l'importance du projet de loi 40. Ça a été dit de toutes sortes de façons, et ce soir, et cet après-midi, et hier, par tous ceux et celles qui sont intervenus. On s'entend, à tout le moins, là-dessus. De notre côté, M. le Président, lorsque viendra le vote, lorsque vous appellerez le vote sur la motion suggérant l'adoption du principe, on sera à peu près, sauf exception, tous intervenus, alors que, du côté des ministériels... Et ça, c'est questionnable et inexplicable sur un projet de loi aussi fondamental qui appelle tous les intervenants du Québec, puisque ça concerne ce qu'il y a de plus essentiel, à savoir la démocratie, la mécanique qui fait qu'on peut ou non se retrouver, ici, à l'Assemblée nationale, c'est-à-dire le droit de vote et l'expression du droit de vote. Sur quelque chose d'aussi fondamental et essentiel, M. le Président, à date, il y a plus ou moins 15, 17 parlementaires de la formation ministérielle qui sont intervenus. Questionnable, inquiétant et inexplicable, M. le Président!

Vous savez, lorsqu'on a leurré, on est encore capable de leurrer. La population est déjà leurrée sur l'engagement qu'on avait pris, comme je viens de l'expliquer, de siéger à des heures normales. J'aimerais, pour essayer de comprendre quelle est la face cachée du projet de loi 40, essayer d'examiner la conduite de ce gouvernement depuis 90 jours. On est à un peu plus, même, que 90 jours. L'élection s'est tenue le 12 septembre. On est le 16 décembre. Ça fait 93 jours que ces gens-là ont été élus par la population du Québec.

(3 h 10)

On a, de notre côté, des inquiétudes majeures, fondamentales, expliquées et explicables sur le contenu du projet de loi 40. Si ce gouvernement a leurré la population, à date, sur différents engagements qu'on avait pris en campagne électorale, on peut prendre pour acquis qu'il y a, dans le projet de loi 40, des choses qu'on n'a peut-être pas encore saisies et qu'on ne pourra saisir qu'à l'occasion d'une étude sérieuse en commission parlementaire, avec des gens qui ont une expertise en ce domaine. Et, également, tout à l'heure, je ferai des suggestions plus précises: la possibilité de pouvoir consulter d'autres élus à d'autres niveaux de gouvernement, entre autres, les gouvernements municipaux et les commissions scolaires.

Qu'y a-t-il, dans ce projet de loi, que les ministériels veulent nous cacher? Déjà leurrés par ce gouvernement, on risque de l'être encore dans ce projet de loi, par cette législation qu'on tente de nous entrer dans la gorge de force en «bulldozant», M. le Président, les parlementaires à peine trois semaines après le début de la Trente-cinquième Législature. Autre façon de gouverner. Désolant et inquiétant. Leurrés, oui, M. le Président. On en a parlé ce matin à l'occasion d'une déclaration ministérielle qui a été faite par le ministre de la Sécurité publique sur le dossier des vidéopokers. Tout le monde sait qu'il y a au moins la moitié du caucus des ministériels qui était en désaccord avec l'engagement qui a été pris ce matin, engagement cependant valable. Oui, la démarche indiquée par le ministre de la Sécurité publique quant à la conclusion, elle est correcte. Mais la mécanique, la consultation promise à plein de gens au Québec au cours de la campagne électorale, cet engagement-là n'a pas été respecté, et ceux et celles qui sont les plus agressifs envers le ministre et le gouvernement qui a manqué à sa parole, ce sont ses propres collègues, M. le Président.

M. le Président, pour comprendre ce qu'il y a dans le projet de loi 40, il faut comprendre l'attitude de ce gouvernement. Leurrés dans plusieurs dossiers, on risque de l'être encore dans le projet de loi 40. Est-ce qu'on a été leurrés à date dans d'autres dossiers, M. le Président? Oui, dans le dossier de la MIL Davie, un dossier qui touche toute la grande région Chaudière-Appalaches, un dossier difficile, j'en conviens. Qu'est-ce qu'on avait dit en campagne électorale? Dans 10 jours, 15 jours, trois semaines, avec ou sans le gouvernement fédéral, le dossier de la MIL Davie sera réglé. Et, 93 jours plus tard, rien, rien, M. le Président. On nous a leurrés dans ce dossier-là. On risque de l'être encore par ce projet de loi 40, qu'on veut forcer l'Assemblée nationale à adopter à 3 h 14, le 16 décembre, M. le Président, projet de loi fondamental pour tous les Québécois, toutes les Québécoises, et on devrait le comprendre, ici, M. le Président.

On nous a leurrés dans d'autres dossiers, également: les médecins en région. C'est la population, elle-même, dans la grande région de l'Abitibi... Le député d'Abitibi-Est, qui est ici à ma gauche, est-ce qu'il a participé à cette démarche dans la rue, dans sa région?

M. Pelletier: Oui.

M. Lefebvre: Il me dit que oui, M. le Président. Bravo, s'il a dénoncé lui-même son propre gouvernement! Je le félicite, M. le Président. Ce gouvernement a leurré la population dans différents dossiers, et il risque de nous leurrer et de nous tromper également dans ce projet de loi 40, M. le Président. Est-ce qu'on a été leurrés dans d'autres dossiers, hein? Est-ce qu'on a été leurrés dans d'autres dossiers? Déception totale dans le dossier extrêmement important de l'éducation. Ce matin, on lisait l'opinion d'un journaliste crédible, Pierre Graveline, qui passe un savon, c'est le moins que l'on puisse dire, au nouveau ministre de l'Éducation. Et voici, j'ai pris une partie seulement de l'opinion de ce journaliste.

Une voix: La pertinence!

M. Lefebvre: La pertinence? Oui, la pertinence. Je fais un parallèle, M. le Président. Je fais un parallèle. Si on nous a leurrés sur cinq, six ou sept engagements majeurs pris en campagne électorale, M. le Président... Le projet de loi 40 invite la population à une démarche fondamentale, essentielle. Il faut être certain que ce gouvernement, que les ministériels, que le leader du gouvernement, parrain du projet de loi, ne veulent pas leurrer la population, ne veulent pas tromper la population. Et la seule façon de le savoir, M. le Président, c'est de vérifier ce qu'on a fait à date depuis 93 jours. M. le Président, si on a été leurrés dans différents engagements majeurs, on risque de l'être encore une fois. Et c'est un parallèle que je fais et qui est reconnu, M. le Président, au niveau de nos règles parlementaires.

Qu'est-ce qu'a dit le journaliste en parlant du nouveau ministre de l'Éducation? «On était raisonnablement en droit de s'attendre à ce que le ministre profite de la nouvelle session de l'Assemblée nationale pour, sinon amorcer les réformes prévues au programme de son parti, à tout le moins s'attaquer à certains problèmes importants.» Le résultat? Rien. Le résultat, c'est un journaliste qui le dit. On nous a leurrés dans le dossier de l'éducation. On risque, M. le Président, de nous leurrer encore une fois dans, quant à moi, un projet de loi encore plus fondamental, plus important, plus questionnable, plus inquiétant pour la population, le projet de loi 40, modifications à la Loi électorale et à toute la mécanique qui amèneraient les Québécois et les Québécoises à décider de l'avenir du Québec et du Canada à l'occasion du prochain référendum. Et on n'aurait pas le droit de se questionner de ce côté-ci?

La démarche a été, à date, décriée par des observateurs absolument objectifs, souvent sévères avec le Parti libéral du Québec. Un de mes collègues, tout à l'heure, et c'est le député de Bertrand, a fait référence à l'article, qu'on retrouve aujourd'hui dans Le Devoir , de M. Lesage. M. le Président, voici le conseil qu'il donne au gouvernement, au leader du gouvernement. «La fatigue aidant...» 3 h 16, 3 h 17 du matin, hein? Est-ce que le conseil du journaliste Lesage ne tombe pas à point: 3 h 17, le 16 décembre 1994, M. le Président? Qu'est-ce qu'il a dit, M. Lesage, hein? «La fatigue aidant, il n'en sortira rien de valable et de durable.» On parle du projet de loi 40.

Une voix: ...

M. Lefebvre: Est-ce que vous pourriez, M. le Président, rappeler à l'ordre le whip du gouvernement, ex-vice-président de l'Assemblée nationale, qui m'interrompt, moi, comme il l'a fait avec tous ceux et celles qui se sont adressés à vous ce soir? Vous aurez compris qu'on ne parle que de ceux qui sont de ce côté-ci de l'Assemblée.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Alors, je demanderais à tous les membres de cette Assemblée de respecter le droit de parole des parlementaires. Alors, M. le député de Frontenac, vous pouvez continuer.

M. Lefebvre: Merci, M. le Président. Alors, qu'est-ce que suggère M. Lesage? «La fatigue aidant, il n'en sortira rien de valable et de durable.» Ce n'est pas un libéral, ça. «Il vaudrait mieux prendre congé pour les Fêtes, entendre tous les intéressés durant l'hiver.» C'est qui, les intéressés? C'est ceux et celles dont on a parlé depuis deux ou trois jours: la Commission d'accès à l'information, le Protecteur du citoyen, la Commission des droits de la personne, les élus municipaux, les élus scolaires. Ce sont ces gens-là qu'on voudrait entendre, qui ont une expertise considérable en regard de cette démarche qu'on suggère afin de modifier la Loi électorale.

Et ce que je trouve assez extraordinaire, M. le Président, c'est que la suggestion de M. Lesage correspond exactement à ce qu'on a proposé, et c'est moi-même qui l'ai plaidée hier, dans la motion de report. Pourquoi, hier, on a proposé à M. le leader du gouvernement de reporter, de décaler de trois mois l'étude de ce projet de loi là absolument fondamental et important? C'est exactement pour les mêmes raisons que celles mentionnées par M. Lesage. On est fatigués, on a besoin de repos; la période des Fêtes, ce temps-ci de l'année, M. le Président, n'est pas propice à l'étude d'un projet de loi aussi important.

(3 h 20)

C'est tellement vrai, M. le Président, qu'il est 3 h 20 du matin. On est le 16 décembre 1994, pas 1993 ni 1992. C'est le leader du gouvernement péquiste qui a décidé qu'on siégerait à 3 h 20, le 16 décembre 1994. Pourquoi, M. le Président? Parce qu'on a décidé, après que ce gouvernement a été formé le 26 septembre, d'attendre 60 jours avant de convoquer l'Assemblée nationale, de sorte que le leader, le premier ministre et son gouvernement se sont placés dans une situation absolument précaire, fragile, à la merci de l'opposition officielle qui, jamais, M. le Président, ne profitera de la situation pour bloquer des démarches qu'on nous suggérerait comme étant légitimes, correctes pour la population; correctes pour la population, pas pour le Parti québécois. L'Assemblée nationale n'existe pas pour le Parti québécois. L'Assemblée nationale existe pour tous les parlementaires.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Excusez-moi, M. le député de Frontenac. Je voudrais juste, peut-être, porter à votre attention l'article 239 qui parle de l'objet du débat. «Le débat porte exclusivement sur l'opportunité du projet de loi, sur sa valeur intrinsèque, ou sur tout autre moyen d'atteindre les mêmes fins.» Je vous demanderais, s'il vous plaît, de peut-être un peu plus centrer votre propos sur cet article 239.

M. Lefebvre: Oui, M. le Président. Je vous ai indiqué, tout à l'heure, que je tente de vous démontrer, de vous convaincre, vous et peut-être certains collègues en face de moi – on ne sait jamais, avec un petit peu de réflexion, peut-être que je pourrai en convaincre quelques-uns – de l'importance du projet de loi. Et aussi, je vous ai expliqué, tout à l'heure, M. le Président, que, si la population du Québec, en si peu de temps, 90 jours, a été leurrée dans des dossiers aussi importants que ceux que j'ai énumérés tout à l'heure, ça nous amène à nous questionner sur les objectifs réels du gouvernement lorsqu'il propose, d'une façon aussi désordonnée, aussi échevelée, aussi brusquante, le projet de loi 40.

Et je ne peux pas être plus pertinent, M. le Président, je ne peux pas être plus pertinent. Parce que, essentiellement, on se questionne, ici, sur l'objectif vrai et réel du gouvernement et on ne l'a pas trouvé, sinon deviné. Si on insiste autant pour pouvoir faire adopter cette législation, c'est probablement et sûrement qu'on y trouve son compte pour l'exercice qui s'en vient bientôt, en 1995, le référendum. Et ça, ça nous inquiète.

Et je conclus, M. le Président, en répétant la proposition que j'ai faite à M. le leader du gouvernement, au nom de mon propre leader: il est encore temps et, si, d'ici 24 heures, M. le leader du gouvernement et son équipe décidaient, finalement, d'accepter la proposition que nous avons faite de reporter de trois mois le processus législatif de sorte qu'on puisse entendre tous les intervenants dont on a parlé abondamment depuis trois jours, je pense que ça serait faire preuve de sagesse. Ça serait, M. le Président, faire preuve d'un sens de l'État qu'on peut encore espérer du leader du gouvernement et de ce nouveau gouvernement.

Alors, M. le Président, je souhaite qu'on accepte notre proposition d'aller moins vite, de permettre qu'on puisse entendre ceux et celles qui veulent se faire entendre, de sorte qu'on nous explique ce qu'il y a, finalement, dans le projet de loi 40, qui peut, et on l'a dit, pour plusieurs éléments, être souhaitable. Il y a des questions auxquelles on n'a pas eu les réponses et la seule façon d'obtenir ces réponses-là, M. le Président, c'est que le gouvernement accepte notre proposition: aller moins vite, décaler de quelques mois, permettre aux experts d'être entendus en commission parlementaire dans le calme, M. le Président. Je m'arrête là-dessus et je demande au leader du gouvernement de réfléchir et de nous revenir dans quelques jours avec: Oui, on a réfléchi. On s'est parlé au caucus et on accepte la proposition de l'opposition officielle. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M. le député de Frontenac. Je suis prêt à reconnaître un nouvel intervenant et je reconnais M. le député de Mont-Royal. Je vous cède la parole, M. le député.


M. John Ciaccia

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Un droit fondamental qui existe dans notre société, c'est d'exercer le droit de vote avec le moins de contraintes possible. Nous l'avons, ce droit, présentement; nous avons un système, vraiment, qui fait l'envie du monde entier. Ce n'est pas suffisant de donner le droit de vote; il faut qu'il y ait le moins de contraintes possible. Et, comme exemple, le droit de vote existe dans certains pays – par exemple, aux États-Unis – mais nous savons que, dans certains endroits dans le sud des États-Unis, il y a eu tellement d'obstacles au droit de vote qui existait que ça a, effectivement, exclu une bonne partie de la population. Alors, il faut être très prudent quand on fait des changements à une loi électorale et quand on impose des contraintes.

La première question qu'on peut se poser, c'est: Pourquoi ce présent projet de loi, maintenant, qui veut modifier notre Loi électorale qui fait, comme je le disais tantôt, l'envie du monde entier? Pourquoi? On a tellement d'autres problèmes à résoudre: des problèmes économiques, des problèmes de nos jeunes, des problèmes scolaires, toutes sortes de problèmes, et on insiste pour faire ce débat maintenant et, même, on veut rappeler l'Assemblée nationale au mois de janvier pour ce projet de loi.

Il y a un autre principe de notre société démocratique, que nous avons toujours respecté, ce sont les traditions. Savez-vous, les traditions, dans une société, même quand elles ne sont pas écrites, donnent l'équivalent des droits. Si vous prenez l'exemple de la Grande-Bretagne, elle n'a même pas de constitution écrite – avec l'exception de la Grande Charte – mais les traditions préservent les droits des citoyens. Alors, il faut être très prudents quand nous voulons changer ces traditions, quand nous voulons changer une loi aussi importante que la Loi électorale.

Un autre principe de notre société, c'est le droit à la protection des informations personnelles, «the right to privacy». Et ceci a toujours été respecté par tous les gouvernements. Et je vais vous donner un exemple où même un gouvernement du Parti québécois a tellement été conscient de ce respect qu'il a retiré un projet de loi semblable à celui que nous avons devant nous ce soir. Alors, M. le Président, la loi 40 touche et change nos droits fondamentaux, et ouvre la porte à des pratiques dangereuses pour une société comme la nôtre, alors que les pratiques que nous avons eues jusqu'à présent font vraiment l'envie du monde entier.

Un de mes collègues a déjà fait valoir le point que le gouvernement du Parti québécois veut prendre le contrôle politique du droit de vote des Québécoises et des Québécois. Quand on donne des pouvoirs à des instances gouvernementales, il faut examiner ce processus et on doit juger le gouvernement par ses actes et par les décisions qu'il a prises jusqu'à date. Quand on voit le changement, par exemple, de délégués à certains bureaux à l'étranger, le changement qui a eu lieu à la fonction publique pour que ces gens-là reflètent les ordres du gouvernement, le point de vue du gouvernement, on peut se poser la question sur le fait que nous allons donner, dans ce projet de loi, à certaines instances, à certains organismes gouvernementaux contrôlés par l'Exécutif certains droits qui vont toucher le droit de vote. On peut se poser de sérieuses questions, tenant compte des actes, des gestes que ce gouvernement a déjà posés.

(3 h 30)

Et le principe fondamental de la confidentialité des informations personnelles est bafoué dans ce projet de loi, pour permettre à une instance politique de s'en servir en sa faveur. C'est exactement ceci que ce projet de loi nous propose, et on veut faire cela pour exercer le droit de vote. Je vous le dis, M. le Président, ça n'a pas de sens. Ça va contre toutes nos valeurs et nos traditions.

Je vais vous donner une raison fondamentale pourquoi ce projet de loi devrait être retiré. Je voudrais vous rappeler, M. le Président, un projet de loi semblable, à quelques virgules de différence, qui a été présenté à l'Assemblée nationale par le gouvernement du Parti québécois de 1979. Effectivement, on voulait préparer une liste permanente, une liste électorale permanente et, nous, qui étions dans l'opposition à cette époque, nous nous sommes objectés. On s'est objectés essentiellement pour les mêmes raisons qu'on s'objecte aujourd'hui. Le gouvernement de l'époque, le Parti québécois, le gouvernement du Parti québécois de 1979 a retiré, a ajourné le débat sur ce projet de loi, le 15 mai 1979, un an avant le référendum de 1980, parce qu'il a réalisé, vraiment, qu'on ne pouvait pas effectuer de tels changements à la Loi électorale à moins d'avoir le consentement unanime de cette Chambre. C'est un précédent qui a déjà été créé, M. le Président, par le gouvernement actuel quand il était au pouvoir en 1979. Ils l'ont retiré, ce projet de loi, ils ne l'ont plus jamais représenté. Ils ont tenu leur référendum un an après, mais avec la loi actuelle, avec les principes, les traditions qui existent présentement.

Alors, M. le Président, tout changement à une loi électorale ne devrait pas pouvoir se faire sans le vote unanime des membres de cette Chambre, comme c'est le cas de l'élection du président de l'Assemblée nationale. Les électeurs ont le droit à la même protection. On obtient le consentement unanime de la Chambre pour le président. Pourquoi? Parce que le président protège nos droits, nos droits de parole, nos droits de décision comme parlementaires. La Loi électorale protège les droits des citoyens, et, pour faire des changements à cette loi, vous vous devez d'avoir le consentement unanime de cette Chambre. Vous l'avez déjà créé, ce précédent, en 1979, avec un projet de loi semblable. C'est non seulement un précédent, mais c'est la logique, c'est l'impartialité, c'est la règle de la décence, du respect de la démocratie, c'est ça qu'on demande.

C'est vrai qu'il y a des changements qui pourraient être faits. Il y a certains abus qui se font dans la présente situation, mais, pour corriger quelques faiblesses de notre système actuel, on ne doit pas appliquer des remèdes démesurés, tout comme on ne fait pas un pontage cardiaque à quelqu'un qui a mal aux dents. Aucun projet de loi n'empêchera une personne mal intentionnée de se faire passer pour une citoyenne canadienne pas plus qu'aucune loi n'empêchera non plus certains citoyens de considérer leur chalet comme leur domicile principal. Il y a des moyens de faire respecter ces principes et ces accrocs à la loi actuelle.

Alors, certes, personne n'a le droit de voter deux fois, mais est-ce que les moyens envisagés dans le projet de loi que nous étudions ne sont pas excessifs sachant que toute une catégorie de personnes risque de ne pas voter une seule fois? Je m'explique. Le processus de révision prévu dans le projet de loi ne peut que décourager certains membres des communautés culturelles du Québec à participer au prochain référendum. Les nom, adresse, âge et citoyenneté des personnes inscrites sur la liste électorale du 12 septembre seront soumis pour corroboration avec le fichier de la Régie de l'assurance-maladie, et la moindre divergence entre les coordonnées recueillies obligera le Directeur général des élections à envoyer un formulaire prescrit sur lequel le citoyen devra enregistrer le correctif approprié pour, ensuite, retourner le document demandé à l'adresse indiquée.

Mais tout ce processus-là, M. le Président... On se dit qu'on est une société ouverte, accueillante, tolérante, respectueuse des droits de nos minorités. Bien, M. le Président, pensez à ce processus-là. Ça peut être un nom mal épelé: au lieu du nom Nguyen avec un «u», on va le mettre avec un «o». Ça veut dire que, pour ce fichier, les formulaires seront envoyés. Il y a des détails qui vont justifier le Directeur à envoyer ce formulaire, mais beaucoup de groupes de défense des intérêts des personnes immigrantes pourraient témoigner en cette Chambre des craintes qu'inspire aux immigrants la réception de quelque formulaire que ce soit de la part du gouvernement. Ils ont souvent quitté des régimes politiques où, justement, les personnes étaient fichées soit par la police, par l'armée ou carrément par l'État lui-même. On peut donc comprendre leur réticence instinctive à recommencer à sentir l'omniprésence de l'État dans leur vie. N'étant tout de même pas obligés de retourner le formulaire, plusieurs choisiront d'abandonner leur droit de vote, tout simplement.

M. le Président, c'est important de réaliser l'effet de certains aspects de ce projet de loi, le chambardement, le changement complet de nos coutumes, de nos traditions, le changement complet, même, du précédent qui a été créé par le gouvernement, en 1979, quand un projet de loi semblable a été retiré après que les arguments que nous faisons maintenant eurent été portés à l'attention du gouvernement et où il y a plusieurs groupes qui se sont plaints, qui ont fait des représentations à l'effet que ça changeait complètement l'exercice du droit de vote. Vous avez créé ce précédent, mais, même si vous ne l'aviez pas créé, de la même façon que nous nommons le président de l'Assemblée nationale par un vote unanime de l'Assemblée, les mêmes raisons militent pour qu'un projet de loi qui change la Loi électorale soit adopté à l'unanimité en cette Chambre.

C'est ça le respect de la démocratie, le respect d'un droit aussi fondamental dans un processus dans lequel nous allons être appelés à décider l'avenir du Québec et l'avenir de toute la population du Québec à l'intérieur du Canada, où on leur demande de voter pour la séparation. C'est un droit fondamental. Les enjeux sont majeurs.

Alors, M. le Président, on n'a pas le droit de faire ces changements maintenant. Je pourrais répéter les mêmes plaintes qui ont été faites par plusieurs de mes collègues, à cette heure-ci du matin, dans le milieu de la nuit, de nous forcer – oui, quelqu'un a mentionné 3 h 45 – quand on nous a fait des représentations que jamais plus on ne serait appelés à voter sur des projets de loi dans le milieu de la nuit... Mais maintenant non seulement dans le milieu de la nuit, mais un projet de loi si important pour toute la population du Québec. Ça affecte tout le monde. Puisque ça affecte tout le monde, ça demande l'unanimité de l'Assemblée nationale. C'est ça, les règles fondamentales de notre démocratie.

Si le gouvernement déposait un projet de loi à l'effet que la nomination du président de l'Assemblée nationale ne requiert pas l'unanimité, je crois qu'il y aurait un tollé contre un tel projet de loi; les mêmes raisons pour celui-ci.

(3 h 40)

This law, which proposes to reform the electoral law, will disenfranchise a great number of voters. It brings the right to vote under the political control of a government. This is a precedent in our laws. In 1979, when the Parti québécois proposed a similar law, they withdrew it, because they realized that they could not adopt such a law without the unanimous consent of the National Assembly. This law is designed, in part, to intimidate the minorities.

M. Boisclair: M. le Président, question de règlement.

Le Vice-Président (M. Bélanger): M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boisclair: Nous avons été tolérants toute la soirée, compte tenu de l'heure tardive. Mais de se faire dire, comme le député de Mont-Royal l'a dit, que cette loi est conçue pour intimider les immigrants, c'est contraire, de façon claire, explicite, aux dispositions de l'article 35 de notre règlement, et je tiens à le rappeler à l'intention du député. À 35.7°, on dit qu'il est interdit de «se servir d'un langage violent, injurieux», et les propos du député sont injurieux. Ils sont non seulement injurieux, mais ils sont blessants à l'adresse des députés ministériels, et je vous demanderais, M. le Président, qu'il retire ses paroles, à défaut de nous offrir ses excuses.

Le Vice-Président (M. Bélanger): M. le leader adjoint.

M. Lefebvre: M. le Président – je m'excuse, M. le député de Mont-Royal – je veux m'assurer que les propos de M. le député de Mont-Royal ont été bien saisis et par vous et par tous les parlementaires de cette Assemblée, M. le Président, sans vouloir faire injure – et là je suis très, très, très sérieux – à qui que ce soit. Compte tenu de l'heure, compte tenu que mon confrère s'exprimait en anglais, M. le Président, je veux être certain que ses propos ont été bien saisis, parce que, quant à moi, ça ne m'apparaissait pas antiparlementaire, comme l'a exprimé M. le député de Gouin.

Le Vice-Président (M. Bélanger): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: M. le Président, si le leader adjoint du gouvernement se sent plus à l'aise...

Une voix: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Bélanger): C'est pour la question de règlement, M. le député? C'est pour la question de règlement, M. le député?

M. Ciaccia: M. le Président, si le député se sent plus à l'aise, je pourrais dire qu'un des effets de cette loi, M. le Président...

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Bélanger): Je m'excuse, M. le député de Mont-Royal, il y a une demande de retrait de paroles. Si vous maintenez votre demande, je vais demander, à ce moment-là, d'écouter les galées pour être certain de bien comprendre, de bien avoir entendu les paroles. Est-ce que vous maintenez votre demande?

M. Boisclair: M. le Président, j'ai très bien compris; «designed to intimidate», ça veut dire «faire exprès pour intimider». Je maintiens...

Le Vice-Président (M. Bélanger): M. le leader adjoint du gouvernement, c'est la présidence qui n'a pas très bien compris les paroles. Alors, à ce moment-là, si vous me demandez de retirer les paroles, je vais aller écouter ces paroles et, si je juge que ces paroles sont antiparlementaires, je demanderai, à ce moment-là, au député de les retirer. Alors, à ce moment-là, est-ce que vous demandez que ces paroles soient retirées?

M. Paquin: M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Alors, M. le député de Saint-Jean.

M. Paquin: Oui, l'article 32. Il y a des députés qui ne sont pas à leur place.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Je vous demanderais de regagner vos sièges.

M. Ciaccia: M. le Président, un des effets de ce projet de loi va être d'intimider les minorités. Et je crois, M. le Président, que même le gouvernement du Parti québécois, en 1979, a réalisé l'importance d'un tel projet de loi; il l'a retiré le 15 mai 1979, un an avant le référendum. Tout ce que je demande, pour la protection de toute la population, M. le Président, c'est de suivre le précédent de votre gouvernement en 1979 et de faire la même chose, de retirer ce projet de loi. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M. le député de Mont-Royal. M. le ministre responsable de la Réforme électorale, pour votre droit de réplique, qui est de 20 minutes, M. le ministre.


M. Guy Chevrette (réplique)

M. Chevrette: M. le Président, c'est à regret, effectivement, que nous sommes contraints de siéger à une heure aussi tardive. Depuis quatre jours, dont trois en plein coeur de journée, aux heures les plus stratégiques, on a écouté, M. le Président, jusqu'à date, 43 députés libéraux sur 47. Manifestement, M. le Président, dans le langage ou dans notre jargon politique, c'est clair que c'est une mesure dilatoire. Et je voudrais m'excuser surtout auprès de mes collègues de siéger à une heure du genre pour les motifs suivants.

M. le Président, c'est précisément parce que je veux, dès lundi matin, consulter les organismes auxquels ils ont référé durant tous leurs discours qu'il faut adopter le principe avant d'aller les voir. Je l'ai inscrit au feuilleton, pour bien leur montrer la volonté que j'avais de consulter la Commission des droits de la personne, le Protecteur du citoyen, la Commission d'accès à l'information, les deux unions municipales, M. le Président, la Fédération des commissions scolaires et les fonctionnaires municipaux. C'est précisément pour ça que je veux le terminer, parce que demain après-midi, à 13 heures, je rencontre la Table Québec-municipalités, de 13 heures à 18 heures ou 19 heures demain.

M. le Président, ils le savaient et ils ne voulaient surtout pas donner le principe de la loi, c'est bien évident. Ce n'est pas un bâillon. Ils disent qu'on est des bulldozers. En quoi on les a «bulldozés»? On les a écouté répéter les mêmes rengaines bourrées de contradictions.

Une voix: Ciaccia demande le retrait.

M. Chevrette: M. le député de Mont-Royal demande le retrait; la députée de Marguerite-Bourgeoys a dit que c'est une bonne chose, qu'il faut l'étudier correct; le député de LaFontaine, que c'était très bon ce projet de loi là. J'écoutais le député de Notre-Dame-de-Grâce dire qu'il fallait suspendre tout ça. Les délais sont trop longs pour un, ils sont trop courts pour l'autre. On a entendu un tissu... Il y a juste qu'on reconnaissait la trame de fond de celui qui écrivait les discours parce que «l'État fouineur» est revenu à peu près dans 10 discours bien écrits. Mais, à part de ça, M. le Président, on a appris un paquet de faussetés, d'allégations complètement fausses. Exemple: les gens ne voudraient pas être sur les listes. C'est marqué en toutes lettres qu'ils ont la liberté de se faire radier de ces listes. Ils ont prétendu, un bon nombre, qu'il y avait une obligation d'être sur les listes; c'est faux complètement. Ils ont dit: La RAMQ, c'est épouvantable. Ils ont 16 ententes, la RAMQ, pour des renseignements nominatifs avec toutes sortes d'organismes. Faussetés épouvantables, M. le Président.

J'ai entendu un paquet de contradictions, des contradictions, par exemple, allant que c'était une bonne loi jusqu'à dire qu'il fallait que ça soit retiré, en mettant des monstres. Vous savez, la peur, là. Ça va intimider le monde!

Qu'est-ce qu'on veut, M. le Président? Nous, on veut simplement – il n'y a pas de «bulldozage» – présenter une loi qui correspond à un engagement électoral. On dit: Seuls les électeurs qui ont la qualité d'électeur devront voter ou devraient voter, c'est tout. Il y en a même un qui a affirmé, M. le Président, que ça empêcherait de voter massivement. Bonne mère du ciel! s'il y a un taux de participation aux élections, c'est au Québec: 80 %, 81 % de l'électorat qui se prononce, c'est quasiment unique ça, puis 86 % dans certains comtés. En quoi ça va empêcher, ça, que les vrais électeurs votent? Au lieu d'aller voter dans un comté, ils voteront dans le leur! Ça ne leur enlève pas le droit de vote; je ne vois pas en quoi ça peut empêcher quelqu'un.

On a cité abondamment M. Lesage. M. Lesage dit: Il y a un feu rouge. Bien oui! moi aussi, je l'ai dit, le feu rouge. On va les convoquer, puis on le va demander à chaque groupe spécialisé dans la protection des droits individuels, puis, s'ils font des suggestions, on va les prendre. M. le Président, il n'y a rien là. La loi, on ne prétend pas régler tout dans cette loi-là. Je n'ai jamais dit ça. J'ai dit que c'était pour répondre à un engagement électoral sur la liste informatisée permanente, c'est tout.

J'ai même accepté des suggestions du Parti libéral. On a ajouté 16 amendements qu'on va déposer en commission, à leur suggestion du Comité consultatif, M. le Président, puis ils ne viennent même pas au dernier conseil consultatif. Manifestement, ils ont décidé, M. le Président, de tout boycotter le Parlement; 241 minutes en commission des institutions pour adopter un trait d'union entre deux mots, M. le Président. Ils boycottent systématiquement, 24 heures pour faire 10 articles en commission, M. le Président.

(3 h 50)

Une voix: Parallèle.

Le Vice-Président (M. Bélanger): M. le leader adjoint de l'opposition.

M. Lefebvre: Je ne vois pas, M. le Président, quelle est la relation entre la commission des institutions et le projet de loi 40 qui est ici, à l'Assemblée nationale.

Une voix: ...

M. Lefebvre: Le député de Pointe-aux-Trembles, M. le Président, qui m'interpelle, il est 3 h 55 et il m'a interpellé à 14 h 30 cet après-midi, ou 15 h 15, puis il continue.

Le Vice-Président (M. Bélanger): M. le leader adjoint, voulez-vous, s'il vous plaît, y aller avec votre question.

Une voix: La pertinence.

Le Vice-Président (M. Bélanger): La pertinence. Si vous avez constaté, M. le leader adjoint, j'ai été très souple quant à la pertinence et je serai très souple aussi quant à la pertinence de la réplique.

M. Chevrette: M. le Président, la volonté ferme de notre gouvernement, elle est clairement exprimée. On veut en arriver avec une économie. Ils voulaient qu'on adopte une loi pour faire disparaître le déficit. On dit: Nous autres, on va se forcer pour le faire disparaître, le déficit d'opérations. M. le Président, c'est une économie de 34 000 000 $, ce projet de loi là, 34 000 000 $. Dans une conjoncture où on le sait que les finances publiques ne sont pas drôles, avec surtout, M. le Président, le trou béant qu'ils nous ont laissé en sous-évaluant les dépenses puis en surestimant les revenus, M. le Président, ça prend du culot, ça prend du culot pour dire qu'on légifère trop vite.

On rentre dans le Parlement, on dépose une loi, on leur laisse faire leurs cocoricos pendant des heures, quatre jours. Il n'y a pas eu de bâillon. Ce n'est pas un bâillon que vous avez eu. Vous avez pu vous exprimer, tout le groupe. M. le Président, ils vont pouvoir questionner en commission parlementaire. Ils vont pouvoir apporter des amendements si ce n'est pas correct. Ils vont pouvoir, M. le Président, interroger les unions municipales. Imaginez-vous, le leader de l'opposition m'a envoyé une liste, M. le Président, de consultation. Le Directeur général des élections, je lui dis tout de suite que je vais consentir à ce qu'il soit entendu; la Régie des rentes du Québec; la Société de l'assurance automobile du Québec; la Régie de l'assurance-maladie du Québec; la Communauté urbaine de Montréal... Je pensais que l'UMQ représentait toutes les villes, je pensais que l'UMRCQ représentait toutes les municipalités; la ville de Rimouski, je ne sais pas pourquoi, ça doit être à cause du nouveau maire.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chevrette: La Commission des écoles catholiques de Montréal, je pensais que la Fédération des commissions scolaires les représentait toutes. M. le Président, après ça, regardez bien ça. Les partis politiques, on est tous représentés, les libéraux sont de l'autre bord et les péquistes sont ici, puis on va être en commission. Imaginez-vous, le Congrès national des Italo-Canadiens, le congrès hellénique du Canada, le Congrès juif canadien. Je comprends que c'est canadien, puis canadien, puis canadien, mais c'est des Québécois, puis ils vont être représentés. Je suppose que vous allez tous les représenter correctement et nous autres aussi.

Franchement, on ne veut pas, M. le Président... On n'a pas eu de bâillon: 43 sur 47, ça doit être une pas pire moyenne, on n'a jamais vu ça dans le Parlement, en deuxième lecture. C'est le principe de la loi qu'on adopte, et ce principe, il vient d'où, M. le Président, ce principe de cette législation-là? C'est Marc-Yvan Côté, libéral, ministre de la Réforme électorale en 1992, qui nous a fait cheminer, toutes les formations politiques, pour proposer à cette Chambre une liste informatisée permanente des électeurs. On réalise en neuf semaines ce qu'il n'a pas été capable de faire en neuf ans, puis on nous reproche d'aller trop vite. On va trop vite. C'est vrai qu'ils ne sont pas habitués à ce rythme-là, eux autres. Ils promettent à une élection, ils repromettent à la deuxième, puis ils ne font rien à la fin, puis là on les met dehors. C'est ça qui arrive.

Mais, fondamentalement, ce projet de loi là est le fruit d'un consensus entre les partis politiques. Je ne comprends plus ce qui se passe, moi. Ils renient même leur volonté politique probablement par, je dirais, jalousie – je ne sais pas si c'est antiparlementaire – parce qu'un gouvernement a eu le courage, lui, de faire ce qu'il a dit qu'il ferait, M. le Président. C'est probablement ça. Mais qu'on ne vienne pas nous dire qu'il y a de «bulldozage» ici. On a écouté de brillants démocrates, comme le député de Bertrand, s'exprimer, puis on n'a pas dit un mot. On n'a pas dit un mot, M. le Président. On a écouté, tout au cours... Bien voyons!

Le Vice-Président (M. Bélanger): Question de règlement, M. le leader de l'opposition.

M. Lefebvre: M. le Président, je voudrais comprendre si c'est un reproche qu'on nous fait, de s'être exprimés sur le projet de loi? Deux ou trois fois, M. le Président...

Le Vice-Président (M. Bélanger): Ce n'est pas une question de règlement. Vous pouvez vous lever pour une question de règlement, mais ce n'est pas une question de règlement, M. le leader adjoint, et vous le savez.

M. Chevrette: M. le Président, non seulement je ne leur reproche pas de s'être exprimés, ce que je n'accepte pas, c'est qu'ils nous disent qu'on est des bulldozers. On a même été patients pour entendre les mêmes redondances écrites probablement par la même recherchiste – l'État fouineur.

Ils disent que ça va trop vite. Ça va trop vite. La Corporation des officiers municipaux du Québec, des gens qui connaissent un peu ce que c'est, des élections dans les municipalités, ils nous envoient un mot: «La date du 15 août, M. le ministre, fixée à l'article 10 du projet de loi 40 pour verser les données des territoires électoraux municipaux au fichier des territoires, nous semble tardive.» Ils veulent qu'on aille plus vite, ils nous suggèrent d'aller plus vite. Ils croyaient parler au nom de tout le monde en disant: On légifère trop vite. Ils veulent qu'on mette la date avant, et ça presse. Mais, pour leur mettre les dates, il faut que ça opère, il faut la faire, cette cueillette de données. C'est un gouvernement qui réalise ses engagements. Moi, je suis prêt, sereinement, à écouter tous les arguments des libéraux. Et, si on se fie sur la brillante députation de la commission des institutions à laquelle ira ce projet de loi là, 24 heures pour huit articles, on n'est pas sortis du bois à la commission des institutions, M. le président. Et ça, je pourrais en prendre à témoin le ministre de la Justice qui subit ça présentement.

M. le Président, en plus de ça, plus on retarde – et je les prierais d'écouter – plus on risque d'être obligés de payer de 15 000 000 $ à 17 000 000 $ pour un prochain recensement, encore, qui serait inutile. Les gens qui veulent voir disparaître les déficits, on ne se trompera pas de 1 000 000 000 $ par année dans chaque discours du budget certain, nous autres, parce qu'on va y voir. On prend les moyens pour le baisser, ce déficit-là, justement. Et ce n'est pas en l'an 1996 qu'on va réaliser cela, c'est tout de suite, et on va commencer tout de suite. Ça, c'est clair.

Quant à la crainte, M. le Président, pour les immigrants québécois, les immigrants québécois qui ont leur citoyenneté, il n'y a aucune crainte; ce sont des citoyens à part entière qui ont le droit de vote. Ce qu'on veut – et ça, allez consulter tout votre monde dans vos comtés – c'est que les gens, d'abord, votent dans leur circonscription électorale, premièrement; deuxièmement, qu'ils aient la qualité d'électeur comme on a toujours eue. C'est tout! Il n'y a rien là. Qu'est-ce que vous recherchez de plus? Qui peut être contre cela, que ceux qui doivent exprimer leur vote doivent avoir la qualité d'électeur et qu'ils doivent voter à leur lieu de résidence? J'écoutais ça, des députés qui disaient: C'est vrai, c'est bon, ça; d'autres qui disaient: Ah bien, moi, chez nous, trois jours à la maison, trois jours au chalet, trois jours je ne sais pas trop où. Voyons, M. le Président! Relevez la cacophonie des interventions. C'est à se bidonner. L'histoire nous dira... Quelqu'un qui prend les 43 interventions, à part la trame de fond de l'État fouineur, essayez de me trouver une grande cohérence d'une intervention à l'autre. C'est effrayant!

On nous reproche de vouloir aller vite. M. le Président, on va l'étudier sérieusement, le projet de loi, c'est clair. On va prendre le temps de l'étudier, comme on a pris le temps aujourd'hui. Mais, là, il était temps que vous alliez vous informer, par exemple. M. le Président, il faut leur dire ça, il faut leur dire qu'il était temps qu'ils aillent s'informer auprès de la Commission des droits de la personne, lundi matin, auprès de l'Union des municipalités, auprès de l'UMRCQ, auprès du Protecteur du citoyen. Ça va leur faire du bien de se renseigner. Ils vont le dire. Ils vont dire que c'est une heureuse initiative – le Protecteur du citoyen dit ça – parce qu'un droit de vote et une démocratie, ça, c'est important aussi, très important!

(4 heures)

Et ce n'est pas vrai, M. le Président, qu'on va laisser aller les folies antérieures. Ce n'est pas vrai qu'on va laisser aller les folies qui se sont produites. Des folies à la commission scolaire de Montréal, furieuses à part de ça, au point qu'on a été obligé de nommer un enquêteur pour vérifier tout ça. Des folies qui se sont passées à l'élection provinciale, que vous connaissez. Des municipalités, M. le Président, juste à une période de révision, qui ont 91 résidents à plein temps, puis qui se retrouvent avec au-delà de 250 voteurs inscrits sur une liste. On «peut-u» laisser faire ça? Les gens du milieu ont-ils droit à leur choix démocratique?

M. le Président, on ne vit pas exclusivement dans un régime de droits individuels; il y a un droit collectif aussi. Et la démocratie fait partie d'un droit collectif dans le respect des valeurs individuelles. Puis, qu'on ne vienne pas dire que, par le fait de dresser une liste électorale, on vient entraver les droits individuels d'une personne. On vient plutôt les confirmer, leurs droits individuels. Puis, le droit individuel d'un électeur de voter ou de ne pas voter, M. le Président, c'est lorsqu'il a la qualité d'électeur; pas ceux qui ne l'ont pas. Il faut se dire ça très clairement ici.

Celui qui viendra soutenir, M. le Président, que le système actuel permet tout, c'est justement pour ça qu'on le change. Il n'y a pas d'autre motif, M. le Président. Puis, on va définir mieux le lieu de résidence, conformément au Code civil. C'est ça qu'on dit dans la loi. Je pense qu'on ne l'a vraiment pas lue, à entendre les interventions. La loi est claire, M. le Président. Elle vise, d'abord et avant tout, à faire une liste d'électeurs, une liste informatisée permanente qui va permettre la tenue correcte d'une élection, qui va permettre de tenir des référendums, qui va permettre aux municipalités et au scolaire, au lieu de payer des recensements, d'avoir un système unique, puis qui fait économiser 34 000 000 $.

Donc, M. le Président, moi, je dois vous le dire très honnêtement, je me demande maintenant comment ils vont voter. Ça, c'est une question de fond, parce qu'on l'a demandé à plusieurs, puis il y en a un qui a dit – le député, je crois, d'Outremont: Bien, moi, je ne le sais pas, il me manque de l'information. Puis, il y en a un autre qui a dit: Bien, moi, je suis pour la loi, mais ça va prendre des amendements. C'est le député de Verdun. Un autre dit: Moi, je suis contre, ça intimide l'électeur. Ça va être beau de voir lever ça, M. le Président, en cacophonie.

Il me semble que, quand on fait une lutte, en cette Chambre, sur des principes, comme ils disent... Sur le principe, je n'en ai pas entendu un s'exprimer clairement pour dire qu'il n'était pas... À part de... Oui, je m'excuse, il y en a trois ou quatre qui ont dit qu'ils étaient contre le principe, fondamentalement. Mais les autres ne se sont pas prononcés contre le principe, mais c'est à l'étape du principe qu'on est. On n'est pas à l'étape article par article pour amender et bonifier. On est à l'étape d'adopter un principe pour consolider notre régime démocratique, pour l'assurer d'une meilleure efficacité à part de ça.

Je ne vois pas en quoi, M. le Président, on a refusé, d'ailleurs, il y a trois heures, l'offre de ne pas siéger aussi tard. On leur a tendu une perche, après avoir entendu autant d'arguments, pour qu'on puisse siéger à une heure décente. Ils ont refusé, M. le Président. C'était leur droit. Mais, avez-vous remarqué, après avoir refusé cette perche, dans les interventions, on a dit: Il est 2 h 50, il est 3 h 5, il est 3 h 10, il est 3 h 20. M. le Président, il aurait été 0 h 50 et ça aurait été terminé, puis on aurait eu une loi adoptée demain.

Je voudrais, en terminant, M. le Président, m'excuser auprès de mes collègues. J'aurais bien aimé, moi aussi, finir à une heure très raisonnable, mais je crois qu'à un moment donné il faut prendre ses responsabilités, et nous les avons prises dans le respect du droit de parole de l'opposition, sans «bulldozer», sans presser, M. le Président, en entendant des ritournelles qui se ressemblaient à peu près toutes dans leurs contradictions, tantôt pour, tantôt contre. Mais, fondamentalement, M. le Président, vous n'avez pas su ce qu'ils pensaient du principe de la loi.

On va adopter, demain après-midi, cette loi après la période des affaires courantes et c'est là qu'on verra à quoi correspondaient les discours, M. le Président. C'est là qu'on le verra. Mais, quant à moi, je voudrais féliciter mes collègues et leur demander un petit peu pardon d'avoir siégé. J'aurais bien aimé que la perche qu'on a tendue nous permette d'avoir terminé il y a à peu près trois heures. Donc, je leur dis merci et, demain, nous serons fiers de nous lever, en ce qui nous concerne, pour voter pour le principe de la loi 40.

Des voix: Bravo! Bravo! Bravo!

Le Vice-Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M. le ministre. Le principe du projet de loi 40, Loi sur l'établissement de la liste électorale permanente et modifiant la Loi électorale et d'autres dispositions législatives, est-il adopté?

Des voix: Vote enregistré.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Vote enregistré?

M. Chevrette: En vertu de l'article 223, M. le Président, je remets le vote après la période des affaires courantes de ce matin.


Vote reporté

Le Vice-Président (M. Bélanger): Alors, le vote sera reporté après la période des affaires courantes. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boisclair: À ce moment-ci, je ferais motion pour ajourner nos travaux à ce matin, 10 heures.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Est-ce que la motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Donc, les travaux de cette Chambre sont ajournés jusqu'à demain matin...

Une voix: Ce matin.

Le Vice-Président (M. Bélanger): ...pardon, ce matin, 10 heures.

(Fin de la séance à 4 h 5)


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