(Dix heures dix minutes)Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'ordre, s'il vous plaît!
Veuillez vous asseoir.
Affaires du jour
Nous reprenons aux affaires du jour, et j'inviterais M. le leader adjoint du gouvernement à nous indiquer le menu.
M. Boisclair: D'abord, bonjour, M. le Président. En ce début de journée, il nous semblerait intéressant d'entendre le ministre de l'Éducation, et je vous prierais donc d'appeler l'article 14 de notre feuilleton.
Projet de loi 95
Adoption du principe
Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 14, M. le ministre de l'Éducation propose l'adoption du principe du projet de loi 95, Loi modifiant la Loi sur les établissements d'enseignement de niveau universitaire. M. le ministre, vous disposez d'un temps de parole de 60 minutes. Je vous cède la parole.
M. Jean Garon
M. Garon: M. le Président, c'est un plaisir pour moi de parler sur ce projet de loi ce matin, que j'ai déposé le mercredi 10 mai dernier à l'Assemblée nationale, le projet de loi 95 ayant pour but d'amender la Loi sur les établissements d'enseignement de niveau universitaire.
Dès le départ, je tiens à rappeler la note explicative de ce projet de loi, car elle fait référence aux trois objectifs que je développerai par la suite. «Ce projet de loi fait obligation à tout établissement d'enseignement de niveau universitaire visé aux paragraphes 1° à 11° de l'article 1 de la Loi sur les établissements d'enseignement de niveau universitaire de joindre aux états financiers qu'il transmet annuellement au ministre de l'Éducation un état du traitement des membres de son personnel de direction.» C'est-à-dire que chaque université va transmettre un état financier, comme elle le fait actuellement, au ministre de l'Éducation, mais elle va joindre à l'état financier un état du traitement des membres de son personnel de direction. Je reviendrai sur ce qu'on entend par «traitement».
Ce projet de loi précise aussi «que les états financiers, incluant les états de traitement, sont déposés devant l'Assemblée nationale et que la commission parlementaire compétente en la matière examine au moins une fois tous les deux ans les états de chaque établissement et entend à cette fin ses dirigeants».
Quand on parle du traitement, qu'est-ce qu'il s'agit comme traitement? C'est défini dans la loi pour bien qu'on comprenne qu'il s'agit de tout le traitement pas seulement le salaire et il y a une jurisprudence là-dessus. L'article 4.4 dit: «L'état du traitement, en ce qui concerne les membres du personnel de direction supérieure, décline le nom de chacun de ces membres et indique pour chacun la fonction exercée ainsi que la valeur pécuniaire de chacun des éléments suivants:
«1° le salaire de base;
«2° les autres éléments du traitement;
«3° les frais remboursés les frais de dépenses, si on veut;
«4° les indemnités de départ accordées quelle qu'en soit la nature, le cas échéant;
«5° les sommes ou avantages directs ou indirects reçus d'une fondation ou d'une personne morale qui sollicite du public le versement de sommes ou de dons pour le soutien financier de l'établissement concerné.
«Sont membres du personnel de direction supérieure il ne s'agit pas de tous les cadres d'université, mais, les membres, quels sont-ils?
«1° le recteur, le vice-recteur, le vice-recteur adjoint ou associé; le principal, le vice-principal, le vice-principal adjoint ou associé dans le cas des universités anglophones, on parle de principal le président, le vice-président, le vice-président adjoint ou associé il s'agit de titres équivalents dans certaines universités québécoises;
«2° le premier dirigeant d'un établissement visé aux paragraphes 10° et 11° de l'article 1;
«3° le doyen d'une faculté ou le personnel de direction de rang équivalent;
«4° le secrétaire général.»
Alors, M. le Président, il s'agit essentiellement des cadres supérieurs qui, habituellement, dans une université, au Québec, je pense, ne dépassent pas une vingtaine dans chacune des universités.
Maintenant, il y a des cadres qui occupent des emplois supérieurs d'autre nature. Vous avez 4.5 qui le précise:
«L'état du traitement, en ce qui concerne les autres membres du personnel de direction il ne s'agit plus de direction supérieure prévoit les catégories suivantes:
«1° le personnel de direction des composantes de l'établissement, savoir les facultés, les écoles, les départements, les centres ou instituts, ainsi que les secteurs, les familles et les modules au sens des règlements généraux adoptés en vertu de la Loi sur l'Université du Québec (L.R.Q., chapitre U-1);
«2° le personnel de direction des services;
«3° le personnel de gérance des emplois de soutien.
«L'état indique, pour chacune de ces catégories, l'effectif total de la catégorie, la valeur pécuniaire moyenne de chacun des éléments du traitement visés aux paragraphes 1° à 3° du premier alinéa de l'article 4.4 ainsi que la valeur la plus et la moins élevée de chacun de ces éléments.»
À ce moment-là, ça permet à ceux qui lisent les rapports de comprendre quelle est la structure de rémunération des cadres ou du personnel de direction de l'université.
Comme on n'a pas voulu indiquer chacun des noms, parce que, dans certaines universités, ça peut vouloir dire jusqu'à près de 600 personnes, alors, il s'agit de voir par catégorie la moyenne la plus élevée et la moins élevée. Et lorsque les gens viendront rencontrer la commission parlementaire, il sera toujours loisible aux membres du Parlement de poser des questions.
Afin d'assurer une compréhension globale de ce projet et de manière à éviter que le débat ne soit orienté vers un angle particulier, sans perspective d'ensemble, voici brièvement présentés les trois objectifs de ce projet de loi.
Premièrement, le projet de loi poursuit un objectif de divulgation du traitement du personnel de direction des universités, en obligeant tous les établissements universitaires à joindre aux états financiers qu'ils transmettent annuellement au ministre de l'Éducation un état du traitement de leur personnel de direction.
Deuxièmement, le projet de loi poursuit un objectif de transparence en demandant au ministre de l'Éducation de déposer les états financiers incluant les états de traitement devant l'Assemblée nationale.
Et, troisièmement, le projet de loi poursuit un objectif d'imputabilité en mandatant la commission parlementaire compétente pour examiner, au moins une fois à tous les deux ans, ces états financiers incluant les états de traitement et pour entendre les dirigeants d'universités.
Vous remarquez, M. le Président, que, quand nous marquons dans le projet de loi «la commission parlementaire entend au moins une fois tous les deux ans», je ne voulais pas que les parlementaires soient soumis au traitement que nous avons eu dans l'opposition, où il fallait demander à la majorité ministérielle d'entendre, et, si elle ne le voulait pas, bien, on n'entendait pas. Je parle de l'ensemble des projets de loi.
Au fond, si on veut un organisme de surveillance, en vertu du règlement de l'Assemblée nationale, au fond, les parlementaires peuvent demander, mais, si la majorité au sein d'une commission dit non, bien, là, il n'y a pas d'entente et, donc, on n'entend pas les gens. J'ai voulu le mettre dans la loi expressément pour que ça soit une obligation légale, c'est-à-dire que le rôle du député s'en voie renforcé et que le député, à ce moment-là, joue véritablement son rôle. Et il n'a pas à le quémander, il n'a pas à quémander pour jouer son rôle, M. le Président. Ce n'est pas mauvais d'être dans l'opposition. Ça nous apprend à comprendre mieux certains phénomènes. Et, comme je suis un partisan des institutions parlementaires qui fonctionnent, je n'ai pas voulu que les parlementaires aient à faire des grands débats pour avoir le droit de faire leur travail mais, au contraire, que la loi leur permette de le faire.
Une fois tous les deux ans. Pourquoi une fois tous les deux ans? C'est important, quand on parle d'une fois tous les deux ans. Ça aurait pu être une fois à tous les ans. Mais, comme il y a plusieurs établissements, ça permet aux gens s'ils veulent le faire à tous les ans, ils pourront le faire aussi peut-être de passer plus de temps, de voir telle et telle chose qui paraît, prima facie à première vue pour les parlementaires, faire l'objet davantage de discussions ou d'interrogations.
Tous les parlementaires connaissent bien l'autonomie que le législateur a toujours reconnue aux universités. Je mentionne, dès l'ouverture de ce débat, que l'actuel projet de loi reconnaît cette autonomie des universités. En effet, ce sont les chefs d'établissements universitaires qui peuvent le mieux rendre compte de l'usage qu'ils font des fonds publics. Les universités québécoises reçoivent d'ailleurs beaucoup de fonds publics. À titre de rappel du contexte financier global, on peut faire référence aux états financiers de l'année 1993-1994. Sur des revenus de fonctionnement de 2 657 000 000 $ imputables aux fonds de fonctionnement avec et sans restriction, les sources de revenus des universités québécoises étaient ainsi réparties: le gouvernement du Québec leur fournissait 61,7 % de leurs revenus, les étudiants 12,7 %, le gouvernement fédéral 9,1 %, les autres sources de revenus 16,5 %. Le fonctionnement des universités est, à l'évidence même, largement financé à même les fonds publics.
Dans une société démocratique, la divulgation des renseignements qui concernent la vie et le fonctionnement de nos institutions publiques constitue le meilleur fondement de la confiance que les citoyens et citoyennes peuvent avoir en elles. Et, moi, je suis un partisan farouche de ces dispositions de divulgation parce que je pense que c'est la base d'une société démocratique. On ne peut pas faire de débat démocratique si on n'a pas les renseignements et il faut commencer par là, donner aux gens des renseignements pour qu'ils puissent en débattre. Je sais qu'il y a d'autres personnes qui pensent que ça prend des gardiens de but, genre inspecteur général. Je sais aussi quelles sont les limites de ces gardiens de but, alors que, quand il s'agit de divulgation de débats publics ou de renseignements publics, l'ensemble des citoyens est à même de voir, et les parlementaires peuvent aussi se poser des questions que l'ensemble des citoyens se posent.
Il en va ainsi pour les universités qui reçoivent une bonne part de leurs revenus par l'intermédiaire des crédits approuvés par l'Assemblée nationale, puisque, pour une bonne part 61,7 % des revenus ce sont des crédits qui sont votés par l'Assemblée nationale, et ces crédits sont indispensables à la conduite des opérations courantes des universités, mais c'est le rôle des parlementaires de s'enquérir ou de vérifier l'utilisation des fonds publics.
Certains auraient souhaité que la divulgation du traitement du personnel de direction se réalise administrativement au moyen d'une règle budgétaire. J'ai personnellement préféré, et c'était la décision du gouvernement, une disposition législative à un tel mécanisme de règle budgétaire. Pourquoi? Parce que la divulgation est non seulement de nature administrative, mais aussi de nature politique. Je reviendrai plus tard sur ce sujet, lors de la présentation du mécanisme d'imputabilité inclus dans ce projet de loi.
(10 h 20)
D'ailleurs, une règle administrative de divulgation n'aurait pu créer, à elle seule, le mécanisme d'imputabilité que véhicule le présent projet de loi. En créant une obligation de divulgation du traitement du personnel de direction des universités, le projet de loi reconnaît le droit des citoyens d'accéder à une information simple, directe et facilement compréhensible.
D'ailleurs, l'état de traitement qui sera joint aux états financiers comportera quelques pages établissant un tableau clair et synthétique de la situation. Une première page portant sur le personnel de direction supérieure, une seconde portant sur les autres catégories de personnel de direction qui sont mentionnées dans l'article 4.5 du projet de loi. Cette information, mise en relation avec l'ensemble des revenus de l'université, permettra de saisir les principales tendances qui se dégagent de la rémunération des diverses catégories d'emploi qui forment le personnel des universités. Jusqu'à maintenant, on a souvent mentionné que les compressions budgétaires donnaient lieu à des rationalisations dans les dépenses de fonctionnement, à des réorganisations dans le secteur des emplois de soutien.
Plus récemment, on a mentionné diverses hypothèses de restructuration administrative, d'aucunes affectant l'organisation même des établissements universitaires. Dans le contexte budgétaire que nous connaissons présentement et qui s'annonce difficile pour les prochaines années, il est important que les citoyens et citoyennes aient la conviction que tous et chacun mettent l'épaule à la roue dans l'effort collectif et solidaire de mieux contrôler les dépenses publiques. En ce sens, la divulgation du traitement du personnel de direction des universités ne sera qu'un élément parmi d'autres visant à établir l'indispensable solidarité qu'exigent la réduction des déficits d'opération du gouvernement et la réduction de la dette publique du Québec.
Divulguer des traitements du personnel de direction est une action certes pertinente dans les circonstances. Cette action serait incomplète si elle était dépourvue de perspective d'ensemble. C'est pourquoi les états financiers et les états de traitement seront déposés devant l'Assemblée nationale. Le but d'un tel dépôt, on le comprend aisément, est orienté vers l'autodiscipline, dont les vertus préventives sont maintes fois supérieures en efficacité au contrôle étatique et bureaucratique.
Je dois vous dire, M. le Président, que je suis personnellement quelqu'un qui est complètement convaincu de ce que je viens de dire, parce que c'est l'observation de plus de 20 ans de fonctionnement des institutions publiques qui me fait réaliser personnellement, je le dis avec beaucoup de conviction, que la divulgation est la base d'une société démocratique, parce qu'elle permet aux gens de faire des débats sains au sein d'une démocratie, parce qu'ils ont les renseignements. Seulement nommer des gardiens sous prétexte que les gardiens vont s'occuper de ça pour nous, sans qu'on sache ce qui se passe, je pense, au contraire, qu'il y a des limites beaucoup plus grandes que la divulgation des renseignements qui est nécessaire dans une société démocratique.
Par un tel dépôt, le projet de loi reconnaît explicitement l'autonomie des établissements universitaires. En effet, les chefs d'établissement universitaire continueront, comme par le passé, de prendre les meilleures décisions possibles avec les fonds publics qui leur sont alloués. Ces décisions autonomes continueront de se manifester dans tous les domaines: de la définition des conditions d'admission à des programmes d'études conduisant au diplôme jusqu'à la négociation des conventions collectives et des protocoles d'embauche du personnel cadre.
On ne saurait trop insister sur l'importance de préserver cette autonomie des universités, si vous voulez, cette responsabilité administrative. Mais préserver l'autonomie signifie aussi gérer avec transparence, rendre compte au public de l'usage qui est fait des fonds publics, accepter de répondre différemment aux besoins que manifeste la société dans son ensemble relativement à la transmission des connaissances, au développement des connaissances par la recherche scientifique, au développement socioéconomique des régions.
Ainsi donc, déposer à l'Assemblée nationale les états financiers et les états de traitement est aussi une tâche proprement éducative, celle de vulgariser pour le public les principaux éléments ayant trait aux sources de revenu des universités, aux catégories de dépenses, à la ventilation des masses salariales selon les catégories d'emploi. Je m'attends, d'ailleurs, à ce que les représentants des établissements universitaires, de concert avec les fonctionnaires du ministère de l'Éducation, adoptent le principe et la pratique de publication récurrente à cet égard.
Les pratiques de concertation entre les universités et le ministère de l'Éducation ont beaucoup contribué à rendre plus transparente la gestion des universités, notamment par la confection d'un système conjoint d'information sur les admissions, les clientèles, les octrois de recherche, les ressources financières, les diplômes délivrés. Ces pratiques de concertation sont d'ailleurs reconnues comme étant très dynamiques par les universités des autres provinces, et il y a lieu de le souligner en cette Chambre. La transparence dont il est aujourd'hui question prolonge donc ces activités plus opérationnelles en portant certains de leurs contenus à la connaissance des parlementaires et du public en général.
Considération faite de l'opinion publique, il y a lieu de se référer à la publication récente du rapport annuel de l'Université de Toronto à l'intérieur du quotidien The Globe and Mail , dans l'édition du 25 mars dernier. Diffusée à l'échelle canadienne, cette publication de 24 pages décrit ce qu'a accompli et entend accomplir l'Université de Toronto pour desservir la population canadienne. On y trouve des renseignements utiles sur les revenus et les dépenses; à l'intérieur de neuf pages, on procède à l'énumération des noms des personnes qui ont fait des dons à cet établissement ça serait donc beau si nos journaux faisaient ça; s'ils annonçaient, s'ils pouvaient décrire, par exemple, quels sont leurs annonceurs ou quels sont leurs souscripteurs, ce serait donc beau. On y trouverait...
Parce que chaque député, lui, est obligé de publier... la loi nous oblige à publier chaque souscripteur de 3 000, mais je dois vous dire, ce serait donc beau de savoir si nos journaux... pour savoir mieux qui est-ce qui est derrière les journaux. Si on savait, par exemple je parle d'une règle de divulgation, je ne parle pas pour des annonces de 50 $ ou une annonce funéraire quels sont les annonceurs au-dessus de telle masse de dollars, tant de montant d'argent, quels sont les annonceurs des journaux, ou ceux qui reçoivent beaucoup de souscriptions, quels sont les montants des souscriptions. Il me semble que ce serait correct parce qu'on est encore là dans le domaine du public. Alors, c'est pour ça que...
À l'intérieur, donc, de ces neuf pages, l'Université de Toronto procède à l'énumération des noms des personnes qui ont fait des dons à cet établissement. Au Québec, on sait qu'il y a plusieurs membres du personnel de direction des universités qui donnent non seulement de leur temps, mais aussi de leur argent à l'établissement universitaire, et cela dans le cadre des campagnes de souscription. Le dépôt des états financiers à l'Assemblée nationale permettra aux parlementaires d'entendre les dirigeants d'université sur tous ces sujets d'actualité. En ce sens, les états financiers et les états de traitement sont en définitive des outils visant à rendre possible un mécanisme d'imputabilité efficace.
L'imputabilité dont il est question ici concerne les chefs d'établissement universitaire en relation avec les parlementaires réunis dans le cadre de la commission parlementaire de l'éducation, dont le ministre de l'Éducation est, pour les fins de cette loi, membre d'office. En vertu du projet de loi, la lecture et l'analyse des états financiers seront partagées par des parlementaires qui, toute allégeance politique confondue, pourront entendre les dirigeants universitaires au moins une fois tous les deux ans, afin de les interroger sur l'usage des fonds publics. Le projet de loi 95 reprend aujourd'hui une tradition d'ailleurs instituée par des députés de l'autre côté de la Chambre, lors de l'adoption du projet de loi 198. On s'en souvient, sanctionnée le 15 juin 1993, la Loi sur la réduction du personnel dans les organismes publics et l'imputabilité des sous-ministres et des dirigeants d'organismes publics, projet de loi 198, comportait quatre sections: la première sur l'interprétation; la seconde sur la réduction du personnel dans les organismes publics, la troisième sur l'imputabilité des sous-ministres et des dirigeants d'organismes publics et la quatrième sur d'autres dispositions.
En vertu du deuxième alinéa de l'article 6 de la deuxième section de cette loi, la commission parlementaire compétente de l'Assemblée nationale pouvait convoquer au moins une fois par année le dirigeant de chacune des universités afin de discuter du rapport préparé par l'établissement universitaire au sujet de l'implication des règles budgétaires annuelles sur le niveau de ses effectifs. Les premières convocations ont permis d'entendre les recteurs principaux des universités à l'automne 1993. L'expérience s'est avérée très satisfaisante pour tous les parlementaires impliqués, selon ce qu'ils m'en ont dit.
Or, le projet de loi 55, sanctionné le 8 février 1995, a entraîné l'abrogation des deux premières sections du projet de loi 198, n'en conservant pour l'essentiel que la troisième portant sur l'imputabilité des sous-ministres et des dirigeants d'organismes publics. De plus, il est devenu impossible de convoquer les dirigeants d'universités en raison d'une définition technique, les dirigeants d'universités ne pouvant être considérés comme des dirigeants d'organismes publics visés aux paragraphes 1° et 2° de l'article 4 de la Loi sur le Vérificateur général.
(10 h 30)
Lors de la séance extraordinaire du 27 janvier 1995 à l'Assemblée nationale, la perspective de cette abrogation fut ainsi commentée par le député de Verdun, M. Henri-François Gautrin, et je le cite, M. le Président ouvrez les guillemets: «Je signalerai, M. le Président, et je crois qu'en étude article par article on pourra avancer un peu [...] qu'il y aurait peut-être lieu de maintenir d'une certaine manière, c'est-à-dire le fait que, chaque année, les recteurs des universités du Québec doivent venir devant la commission de l'éducation pour rendre compte, en une heure, de ce qui s'est passé dans leur université. Ça m'a l'air d'un mandat d'imputabilité important qui respecte cependant l'autonomie des universités.» Fermez les guillemets. Ces paroles sont citées dans le Journal des débats de la première session, Trente-cinquième Législature, 27 janvier 1995, volume 34, no 19, page 1284.
En qualité de ministre de l'Éducation... Et je sais que là-dessus, M. le Président, le député de Verdun et moi nous partageons plusieurs points de vue. D'ailleurs, je souhaite que ce projet de loi soit voté à l'unanimité. C'est là qu'on verra si le député de Verdun a réussi à convaincre son caucus ou s'il a changé d'idée maintenant qu'il est dans l'opposition. On verra. Mais je sais que, sur ce plan-là, le député de Verdun a toujours souhaité dans le passé qu'il y ait plus de transparence. En qualité de ministre de l'Éducation, je partage fondamentalement ce point de vue du député de Verdun quant à l'importance pour les parlementaires de pouvoir entendre les recteurs et principaux des établissements universitaires; importance sur le bon fonctionnement des institutions démocratiques; importance pour le rôle de député quant à l'examen de la dépense des fonds publics; importance pour les dirigeants d'universités de savoir qu'ils peuvent être entendus et faire valoir leurs points de vue dans un cadre statutaire, celui de la commission de l'éducation.
Encore là, il ne faut pas penser que ceux qui viennent devant une commission parlementaire ce sont des accusés devant un tribunal. Ce n'est pas ça du tout, ce sont des gens qui viennent donner des renseignements à des parlementaires qui votent des fonds publics et qui veulent être mieux renseignés. Cette dernière phrase justifie ce que je viens de dire, d'entendre les dirigeants d'universités un commentaire additionnel. On peut reconnaître que les membres du personnel de la direction supérieure des universités pourraient utiliser le forum de la commission parlementaire de l'éducation pour faire valoir leurs points de vue en de multiples domaines: les sources de revenu et le rôle des droits de scolarité; les compressions budgétaires et les dépenses incompressibles; la hausse de la diplomation et l'amélioration des taux d'encadrement des étudiants; le besoin de développement des connaissances et le rôle des professeurs chercheurs, etc.
Le mécanisme d'imputabilité prévu au projet de loi 95 reconnaît explicitement que ce sont les dirigeants d'universités qui peuvent le mieux rendre compte de leur action. Ce sont eux qui parleront. Les parlementaires auront ainsi non seulement l'occasion de poser des questions au ministre de l'Éducation, comme c'est déjà le cas dans le cadre de la commission de l'éducation responsable de l'étude des crédits, ils auront aussi l'occasion de poser eux-mêmes des questions aux dirigeants d'universités, lors de l'audition sur les états financiers et les états de traitement du personnel de direction.
On pourrait enfin situer ce mécanisme d'imputabilité des dirigeants d'établissements universitaires en fonction du cadre d'imputabilité visant l'ensemble des ministères et organismes. Ainsi, les planifications stratégiques des ministères et organismes ont été déposées au Conseil du trésor pour approbation. Le projet de loi 95, dont le principe est aujourd'hui à l'étude, s'inscrit dans ce vaste mouvement des mécanismes d'imputabilité. Les objets propres du projet de loi 95 sont la divulgation du traitement du personnel de direction et la mise en perspective de ces traitements avec les états financiers.
Le mécanisme d'imputabilité exprimé par l'audition des dirigeants d'universités reflète pour sa part l'importance que le législateur reconnaît aux universités en regard du développement du Québec, en regard de leur contribution à la saine gestion des fonds publics ainsi qu'en regard de leur contribution à l'établissement de l'indispensable solidarité qu'exigent la réduction des déficits d'opération du gouvernement et la réduction de la dette publique du Québec. M. le Président, tous les gens savent que, dans une société démocratique, pour que les choses se passent correctement, il est bon que les livres soient ouverts et, à plus forte cause, quand il s'agit d'organismes qui ont un caractère parapublic, qui émargent largement aux fonds publics.
Quand on pense qu'aux États-Unis les cinq principaux dirigeants des compagnies privées, mais qui sont inscrites à la Bourse, doivent rendre publique toute leur rémunération sous toutes ses formes, on peut voir à quel point, aujourd'hui, on considère comme d'intérêt public ce qui ne l'était pas il y a peut-être 20 ans, ou 30 ans, ou 40 ans. Les moeurs évoluent et les gens considèrent aujourd'hui que, comme ils paient des taxes, ils ont le droit de savoir comment leur argent est utilisé et, en le faisant, en divulguant, on crée un climat de solidarité important parce qu'on évite bien des soupçons.
On a vu, récemment, quand les étudiants de l'Université de Montréal sont allés devant la Commission d'accès, sont allés devant les tribunaux pour connaître la rémunération des dirigeants de l'Université de Montréal, l'université a choisi d'aller devant les tribunaux pour contester. Les tribunaux ont accepté. La Commission d'accès à l'information, les tribunaux ont accepté que ce soit rendu public, mais ce qui n'est pas normal, c'est qu'il faille aller devant les tribunaux pour que ces choses-là soient publiques. Je pense que le projet de loi, aujourd'hui, va faire en sorte, M. le Président, de rendre normal ce qui est normal et va faire en sorte que, sachant que les rémunérations vont être rendues publiques, non pas interdites, non pas contrôlées dans le sens de dire que ça doit être ça ou ça, mais, à ce moment-là, les rémunérations seront celles que l'opinion publique, qui paie des fonds publics, jugera, je pense, normales.
M. le Président, je pense que c'est un projet de loi important également pour les relations à venir. Quand on va se poser des questions bientôt sur les relations de travail, sur la discussion de l'organisation du travail, la répartition des tâches, quand les étudiants vont venir parler aussi dans le cadre des états généraux, quels devraient être les droits de scolarité, quel devrait être le fonctionnement de nos institutions, je pense que ce projet de loi là, le projet de loi 95 adopté, va permettre un débat beaucoup plus serein parce qu'il n'y aura pas de soupçons.
Autant il y en a qui peuvent dire que le projet de loi a été adopté d'une façon malicieuse, je pense, au contraire, que ce projet de loi là doit être vu comme un projet de loi qui va être bon pour nos institutions universitaires, parce qu'il n'y aura pas de soupçons. Les documents vont être publics et les gens vont être capables, vont pouvoir discuter être d'accord ou pas d'accord, ça, c'est une autre affaire, mais, au moins, il n'y aura pas de soupçons de toutes sortes de choses alors que les organismes à caractère public, les universités, la rémunération des cadres administratifs sera rendue publique.
Ceux qui sont perçus comme ayant les meilleurs, les plus grands avantages, ce sera connu, et je pense qu'en même temps les gens qui discuteront les conditions de chacun, professeurs, chercheurs, étudiants, gouvernement, auront à tenir compte que c'est connu, qu'il n'y a pas de soupçons puisque les gens savent. Dans une société démocratique, je pense que ce qui est mieux, c'est de faire en sorte que les gens sachent pour qu'il puisse y avoir un débat normal avec des gens qui savent plutôt qu'avec des gens qui soupçonnent. Je vous remercie, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre de l'Éducation. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Verdun, M. le député.
M. Henri-François Gautrin
M. Gautrin: Merci, M. le Président. Pour rester dans les termes qui sont les termes acceptés dans cette Assemblée, j'aurais tendance à dire que ce projet de loi démontre la papelardise du gouvernement.
M. le Président, le ministre a très justement parlé sur l'importance de la transparence, l'importance de l'imputabilité et, malheureusement, on accouche, après ce grand discours sur l'importance de la transparence et de l'imputabilité, du projet de loi 95 où, bien sûr, on donne la transparence sur les salaires des dirigeants d'entreprises, mais c'est tellement peu par rapport à ce qu'on devrait avoir comme information de la part des universités. Et ne me dites pas qu'on part de zéro. Comme on l'a rappelé tout à l'heure, on avait avant voté dans cette Assemblée la loi 198 qui avait des effets que je comprends que le gouvernement ne partageait pas, mais qui, au moins, faisait en sorte que, sur tout ce qui était la gestion du personnel, les universités devaient et elles l'ont fait une fois venir devant la commission parlementaire de l'éducation pour expliciter leur gestion du personnel.
(10 h 40)
Lorsque la loi 55 est venue abroger ces parties de la loi 198, ici même, et en commission et en Chambre, j'avais proposé un amendement, au moins une série d'amendements, mais, particulièrement, sur le sujet qui nous occupe aujourd'hui, M. le Président, qui avaient pour effet d'étendre le mécanisme d'imputabilité à l'ensemble de la gestion administrative des universités.
Et, là, aujourd'hui, on accouche et je me serais attendu de beaucoup plus de la part du ministre de l'Éducation du projet de loi 95 qui donne obligation aux universités de divulguer les salaires des dirigeants des universités. Et j'en suis. Mais, bon Dieu! je me serais attendu à tellement plus. C'est un peu comme si, lorsqu'on devrait juger le gouvernement ou les politiques d'un gouvernement, on demandait simplement les états financiers et les salaires des ministres et des différents sous-ministres. Il y a tellement plus qu'on a besoin, comme commission parlementaire, pour porter un jugement sur l'ensemble des universités, qui, comme l'a rappelé le ministre tout à l'heure, coûtent à l'ensemble des Québécois et au trésor public un effort financier important. Et on ne va pas se chicaner sur quelques chiffres. Actuellement, l'effort collectif, dans le monde des universités, dépasse, de la part de chaque Québécois, le milliard et demi 1 500 000 000 $, c'est ça l'effort qu'on fait.
Et le seul élément d'imputabilité serait, lorsqu'on leur demanderait de venir devant les commissions parlementaires, de devoir divulguer les salaires des dirigeants ce qui est un plus, bien sûr; ça devrait l'être, je ne suis pas contre et les états financiers. Mais j'ai besoin de beaucoup plus! On a, comme parlementaires, besoin de beaucoup plus. Comme membres de cette société, on a besoin de beaucoup plus. Et je suis sûr que vous allez être d'accord avec moi, vous, M. le Président, qui connaissez un peu le monde universitaire.
Le taux de diplomation. Le taux de diplomation, qui est une mesure de savoir jusqu'à quel point l'effort que nous faisons collectivement dans la société produit des diplômés, ça, c'est quelque chose qui, dans une rencontre avec les dirigeants des universités, me semble beaucoup plus important comme débat que de savoir si tel ou tel recteur gagne tant ou tant. Le taux de diplomation, c'est-à-dire jusqu'à quel point les inscriptions dans les universités finissent par conduire à des gens qui vont avoir des diplômes, ça, c'est quelque chose que j'aurais voulu voir dans la loi. Ça, c'est quelque chose, je pense, qui aurait été important de pouvoir débattre dans les commissions.
Et, moi, je suis un peu déçu, déçu que le projet de loi, à l'heure actuelle, ne parle que des salaires des dirigeants des universités, sur lequel je suis, bien sûr, d'accord, que des états financiers... Et vous le savez, M. le Président, à quel point les états financiers des universités sont arides et disent peu. Ils sont arides et disent peu. Et si vous n'êtes pas convaincu, je pourrais faire un dépôt, ici, en Chambre, des états financiers des 19 universités. Vous verrez qu'il y a peu d'information dans ces états financiers. Mais il y a des masses d'information qu'on doit pouvoir avoir, si on veut réellement faire des mandats de surveillance et d'imputabilité du monde universitaire, des masses d'information que les parlementaires devraient avoir.
Je vais citer les taux de diplomation et l'évolution des taux de diplomation. Le ministère ne peut pas les avoir, parce qu'il n'a pas l'information comme il l'a au niveau des cégeps, mais chaque institution l'a. Et on devrait pouvoir, comme parlementaires, être en mesure de voir, secteur par secteur, même faculté par faculté, comment évoluent ces taux de diplomation, comment l'effort que nous faisons collectivement dans le monde universitaire finit par produire, comment on doit pouvoir corriger. Ça, c'est un véritable mandat d'imputabilité. Ça, ce serait un véritable mandat de transparence, pas seulement savoir ce que tel ou tel dirigeant, recteur, ou vice-doyen ou doyen a comme salaire. Ce serait, à mon sens, beaucoup plus important.
Deuxième élément qui me semble majeur de la part des comptes que doit rendre une université: le taux de pénétration sur le marché du travail. Ça, ça veut dire quoi? Ça veut dire jusqu'à quel point le diplômé que vous formez est en adéquation avec le marché du travail. C'est bien beau de former des diplômés dans une certaine discipline, mais si le marché du travail ne les emploie pas, donc, on forme des gens qui ne sont pas en adéquation avec le marché du travail. Et, comme parlementaires, on a une obligation de surveiller jusqu'à quel point le monde universitaire est en adéquation avec le marché du travail. M. le Président, j'aurais souhaité que chaque université soit en mesure de nous donner, dans ses mandats d'imputabilité, de nous transmettre jusqu'à quel point, sur un horizon de deux ans ou trois ans, les diplômés des différentes universités ont pu, dans leur propre secteur, trouver un emploi.
Je comprends qu'il y a une crise de l'emploi, etc., mais, indépendamment de la crise de l'emploi, il y a une obligation pour nos universités de s'assurer que la formation qu'elles donnent soit en adéquation avec les besoins du marché du travail. Et, dans un mandat général d'imputabilité, j'aurais pensé, M. le Président, qu'on inclurait ce type d'information qui aurait été donnée aux parlementaires, qui me semble beaucoup plus pertinent que ce que nous avons actuellement dans le projet de loi 95 qui parle ici des salaires des dirigeants des établissements une information intéressante, certes ou des états financiers.
Je pourrais continuer et je vais continuer quand même de vous rappeler aussi, M. le Président, des points qui me semblent importants dans ce qu'on pourrait appeler la transparence et la nécessité pour ces institutions qui émargent d'une manière extrêmement importante au budget du Québec. Le taux de pénétration des technologies nouvelles, c'est-à-dire jusqu'à quel point nos universités ont réussi à suivre les modifications technologiques. Je pense, en particulier, aux technologies de l'information, à l'informatique. Jusqu'à quel point on s'est adapté ou non aux technologies de l'informatique? C'est le genre d'information que, moi, j'aurais aimé avoir, comme parlementaire, à l'intérieur des rencontres avec les dirigeants des institutions. Malheureusement, ce n'est pas prévu actuellement. On se limitera uniquement aux états financiers et aux salaires des différents dirigeants.
M. le Président, l'objection majeure que j'ai au projet de loi 95 n'est pas ce qu'il y a dans le projet de loi 95. C'est justement tout ce qu'il n'y a pas dans le projet de loi 95 et qui devrait y être, si on voulait vraiment satisfaire l'objectif qui a été énoncé par le gouvernement, à savoir l'objectif de transparence et d'imputabilité. Et c'est pour ça que je qualifie ce projet de loi de papelardise, si vous me permettez de vous dire.
M. le Président, ce n'est pas seulement les différents taux de diplomation, le taux de pénétration sur le marché du travail dont on aurait besoin. On aurait besoin aussi d'un rapport de présentation sur les politiques institutionnelles de développement. Dans le cadre de la loi 198, les parlementaires qui étaient ici et qui ont participé à l'exercice ceux qui étaient dans le mandat précédent se rappellent à quel point on n'a pas vraiment discuté des questions de politiques de personnel ou de politiques de rémunération, mais on s'est beaucoup plus concentré sur les stratégies de développement, sur les taux de diplomation, sur ce qui fait qu'une université est un élément important du rouage du développement économique de notre société. Et, si on n'a pas l'information, si on ne nous transmet pas l'information, le rôle des parlementaires, leur fonction première, et je sais que le ministre croit à ça aussi, la fonction première d'imputabilité, c'est-à-dire comme représentants de la population, nous demandons à ceux qui gèrent les fonds pour nous dans le réseau de l'éducation comment ils atteignent les objectifs qui sont les objectifs de notre société. C'est ça, essentiellement, les mandats d'imputabilité. Et, pour les faire d'une manière efficace, il faut qu'on puisse avoir accès à de l'information. Et le projet de loi 95, qui corrige une erreur que le gouvernement avait fait en supprimant le deuxième alinéa du projet de loi 198, ne nous donne pas ce type d'information dont on doit réellement avoir besoin pour faire, d'une manière efficace, ces mandats d'imputabilité.
(10 h 50)
Le ministre a parlé de l'importance de la restructuration administrative. Bien sûr, c'est important aussi qu'on ait de l'information sur la restructuration administrative à l'intérieur des institutions. Comment sont-elles gérées? Que vont-elles faire pour gérer ces fonds qu'on leur confie? Mais ce n'est pas avec le type d'information qui est dans le projet de loi 95 que nous pourrons faire ces mandats corrects d'imputabilité. Ce n'est pas avec ça, ce n'est pas avec le projet de loi 95 qu'on peut réellement satisfaire cet objectif.
Alors, je me sens, comme parlementaire, ici, dans quelle situation? J'ai à la fois un objectif que je partage, qui est stimulant, qui est nécessaire pour les parlementaires, c'est-à-dire l'objectif d'imputabilité, l'objectif de faire en sorte que, et la fonction publique, et le réseau parapublic, et l'ensemble du réseau de la santé, et l'ensemble du réseau de l'éducation soient imputables devant les parlementaires, et je n'ai malheureusement pas tous les instruments pour atteindre cet objectif.
On en a sauvé un petit peu dans la loi 55, qui n'a pas complètement abrogé la loi 198. Je m'attendais que le projet de loi 95 me donne les informations que j'aurais voulu avoir. Sauf que le projet de loi 95, je m'excuse, accouche d'une souris. C'est à peu près rien... Enfin, pas rien, mais ce n'est pas grand-chose. On va me donner l'existence d'une commission parlementaire. On me donne là-dedans les salaires des dirigeants des différentes institutions. Bon, je pouvais l'avoir d'une autre manière, si je cherchais un petit peu. On va pouvoir rencontrer les dirigeants des institutions pour parler des états financiers. Mais, sur les grandes politiques que vont poursuivre ces différents établissements, sur les grandes politiques que vont poursuivre les universités, sur l'atteinte des objectifs qu'on leur donne, tant en termes de diplomation qu'en termes d'accessibilité, on n'aura pas les informations.
Vous savez, M. le Président, que le défi, et ça, ça a été établi par de nombreuses personnes, le défi pour le Québec de pouvoir rentrer, disons, de plain-pied... Et ça, ça dépasse les partis politiques libéraux, péquistes, etc. C'est un défi de société. Le défi pour le Québec de rentrer de plain-pied dans le XXIe siècle, c'est d'être capable d'avoir 35 % des jeunes qui vont rentrer à l'université dans un programme de baccalauréat, de pouvoir dire qu'à peu près 10 % des jeunes vont pouvoir aller jusqu'à la maîtrise et 1 % pour pouvoir avoir accès aux programmes de doctorat. C'est ce que nous aurons besoin comme société dans un monde où la compétitivité va être basée d'abord et avant tout sur la qualité de notre formation. Et pour rentrer, être en mesure de compétitionner avec les autres pays, il va falloir qu'on atteigne cet objectif. C'est fondamental, à ce moment-là, que, année après année, les parlementaires aient l'information pour savoir jusqu'à quel point on se rapproche de cet objectif, jusqu'à quel point nos institutions, qui sont autonomes et dont on respecte l'autonomie et je suis heureux aussi que le ministre respecte l'autonomie de ces institutions mais jusqu'à quel point elles atteignent, elles s'approchent de cet objectif d'accessibilité.
Il y a un autre objectif aussi, qui est l'objectif de diplomation. C'est bien beau de faire rentrer des gens dans les universités, mais il faut aussi qu'ils soient diplômés, qu'ils soient en mesure de sortir avec un diplôme de nos institutions. On a des objectifs de diplomation, au niveau du baccalauréat, d'à peu près 25 % par tranche d'âge, pour pouvoir rentrer de plain-pied dans le XXIe siècle. On a un objectif de 5 % à peu près de diplomation au niveau de la maîtrise et de 1 % au niveau du doctorat. Ça veut dire qu'à peu près, sur 100 enfants dans une couche d'âge, il y en a un qui finit par avoir un diplôme de doctorat. Actuellement, on est loin, on est loin, on est bien loin, bien loin de cet objectif. On est à peu près à 18 % dans la diplomation au niveau du baccalauréat, à 3,5 % au niveau de la maîtrise et à 0,4 % au niveau du doctorat. Il y a donc du chemin à faire dans les cinq prochaines années qui nous séparent actuellement de l'an 2000.
Et comme parlementaires je ne veux pas ici que les parlementaires se substituent à l'autonomie des universités, ce n'est pas ça qu'on demande comme parlementaires, nous avons comme tâche de nous assurer que les efforts importants dans une période de restrictions, actuellement, que les efforts importants que la société québécoise consent aux universités se rapprochent de plus en plus de ces objectifs. Et pour ça, M. le Président, je pense qu'il est important que, dans les mandats d'imputabilité, dans les mandats de transparence, on ait des informations qui soient beaucoup plus complètes, beaucoup plus complètes que ce qui nous est donné actuellement par le projet de loi 95.
Le projet de loi est certes un pas dans une direction, il donne des informations sur les salaires des dirigeants, mais il ne touche pas, d'après moi, les secteurs. Et je m'étonne. Je comprends que le ministre a dû trouver des objections majeures à l'intérieur du cabinet pour occulter ou ne pas transmettre l'ensemble de ces informations, parce que, en général, je dois dire que, dans les débats, il partageait les objectifs qu'il a signalés sur la transparence et l'imputabilité, sauf qu'on ne les atteint pas actuellement avec le projet de loi 95.
Autre élément important, M. le Président: mesurer l'activité de recherche à l'intérieur des universités, savoir comment, lentement, notre réseau universitaire est en train de s'améliorer sur le plan de la recherche, est en train de performer au niveau des organismes subventionnaires fédéraux ou même internationaux, mais sur lesquels nous devons, comme parlementaires, être en mesure de suivre l'évolution, l'amélioration de notre performance dans ces secteurs là. Et il me semble fondamental, M. le Président, si l'on veut et si on croit réellement en la nécessité de la transparence, si on croit réellement en la nécessité de l'imputabilité, qu'on soit en mesure aussi de demander aux institutions, non pas simplement de nous transmettre les états financiers, mais aussi de nous donner des informations beaucoup plus détaillées sur l'ensemble des performances en matière de recherche, parce qu'il faut bien être conscient que dans le 1 500 000 000 $ qu'on consacre comme effort dans les universités, il y en a un certain nombre qui a comme sortie un effort et une qualité de la recherche. Et ce que je déplore à l'intérieur du projet de loi 95, M. le Président, c'est que, tout en allant dans la bonne direction, il ne va pas du tout assez loin.
Deuxièmement, il faut bien être conscient qu'on ne part pas de zéro, on était déjà... Et ça n'a pas été facile, hein! Pour les parlementaires qui sont du gouvernement aujourd'hui, je vais vous rappeler que quand j'étais parlementaire ministériel et que j'ai réussi, avec l'aide d'un certain nombre d'entre nous, à faire passer la loi 198, alors que je n'étais pas membre du cabinet. Ça n'a pas été un travail facile. Et les objections étaient énormes. Et je souhaite bonne chance aux parlementaires qui ne sont pas ministres quand ils vont vouloir faire passer une loi. Les objections étaient énormes. Et on avait quand même réussi à faire en sorte qu'année après année, sur l'ensemble des politiques de gestion de personnel, parce que je ne peux pas parler d'argent, à ce moment-là, les universités rencontrent les parlementaires; tous les ans. Ça ne s'est vécu qu'une année, parce que, après, il y a eu une élection, et après l'élection, eh bien, on n'a pas pu reconvoquer la commission, M. le Président. Mais on avait gagné ça.
Là, on veut me faire croire parce qu'on partage cet objectif d'imputabilité, parce qu'on partage cet objectif de transparence qu'alors qu'on m'a ramené complètement en bas, qu'on a complètement supprimé ce qu'on avait gagné dans la loi 198 par rapport au monde universitaire, on m'en redonne un petit peu et je devrais être content. Bien, je ne le suis pas, content. Je ne le suis pas. Je trouve qu'actuellement on n'est pas en train d'avancer, par rapport à ce qu'on avait dans la loi 198. C'est bien sûr un plus par rapport à zéro, je suis bien d'accord avec vous, mais ce n'est pas réellement, si on croit aux objectifs de transparence, si on croit aux objectifs d'imputabilité, si on croit à la nécessité pour les parlementaires de pouvoir contrôler ces objectifs, ces éléments absolument fondamentaux dans le développement de l'économie générale du Québec, si on croit à la nécessité de l'imputabilité, ce n'est pas avec le projet de loi 95 qu'on va pouvoir l'atteindre.
(11 heures)
Alors, c'est bien beau de divulguer les salaires des dirigeants des entreprises bravo! mais ce n'est pas de ça qu'on a besoin. C'est en partie, mais ce n'est pas de ça qu'on a besoin; on a besoin de beaucoup plus. On a besoin de beaucoup plus. Et je suis sûr qu'il n'y a pas un parlementaire ici qui va me dire: Ce n'est pas nécessaire de suivre les taux de diplomation, de suivre année après année comment on performe dans les taux de diplomation. Je ne pense pas qu'il y ait un parlementaire qui va être contre le fait qu'on tâche de voir jusqu'à quel point nos diplômes correspondent au monde du travail, c'est-à-dire le taux de pénétration sur le marché du travail, ou de mesurer l'adéquation entre la diplomation, jusqu'à quel point notre diplomation est pertinente par rapport au marché du travail. Et ça, c'est une responsabilité que nous avons comme parlementaires en surveillant le monde des universités. Donc, M. le Président, je sais qu'on peut amender ce projet de loi. C'est faisable, amender le projet de loi. Tel qu'il est là, je ne peux pas être d'accord avec. Je ne peux pas être d'accord avec parce que j'avais beaucoup mieux dans 198 et j'avais... Malheureusement, je n'ai pas réussi à convaincre cette Assemblée de ne pas supprimer cet article de 198 et je n'ai pas réussi à convaincre cette Assemblée d'accepter l'amendement qui n'aurait pas abrogé l'article qui était dans 198. J'ai parlé longuement, à l'époque, avec la présidente du Conseil du trésor, il y avait les membres du parti ministériel, j'avais en partie réussi, je pense, à convaincre un certain nombre des députés ministériels, mais la réalité de la solidarité de cabinet et je comprends tout à fait dans quelle situation elle était, dans quelle situation était le ministre de l'Éducation sur ces questions-là a fait qu'on était revenus complètement à zéro. Mais si on croit, M. le Président, à l'imputabilité, si on croit à la transparence, si on croit au rôle des parlementaires de surveiller les institutions, de pouvoir surveiller la manière dont et je vais être un peu technique les paiements de transfert sont dépensés, si on croit à ça... Moi, je suis quelqu'un qui, depuis qu'il a été élu à cette Assemblée en 1989, croit profondément à la nécessité de l'imputabilité. Et ce n'est pas une bataille facile. C'est une bataille qu'on mène lentement et sur laquelle il y a beaucoup de résistance, et on fait des gains.
Ce n'est malheureusement pas avec le projet de loi 95 qu'on peut faire de grands pas dans ce débat sur l'imputabilité. Il faudrait que, dans le projet de loi 95, on soit en mesure de parler des taux de diplomation, qu'on soit en mesure de parler de taux d'adéquation, qu'on soit en mesure de pouvoir avoir de l'information, comme parlementaire, sur les grandes stratégies de développement des institutions universitaires, qu'on ait de l'information sur les programmes, les stratégies de développement de la recherche et sur les éléments de subvention de recherche. Je n'ai pas ça dans le projet de loi 95, M. le Président, je n'ai pas ça, et ce n'est pas dans les états financiers des universités que j'aurai ça. Alors, vous allez me dire... Bien sûr, comme parlementaire, je peux, en faisant un travail de moine, en allant chercher un peu à droite et à gauche, je peux faire le travail de moine et je finirai par trouver ce type d'information. Ce que je crois profondément, puisqu'on est en train, ici, de changer la loi, c'est qu'on pourrait très facilement faire en sorte que cette information nous soit transmise par ceux qui l'ont plutôt que d'être obligé d'aller faire le travail de moine et d'aller chercher à droite et à gauche après cette information.
M. le Président, par exemple, aussi, en termes d'amendement, je rappellerai au ministre que, dans son discours, il a signalé qu'il était important que le ministre soit membre de la commission parlementaire. Je suis d'accord avec lui que c'est fondamental que le ministre soit membre de la commission parlementaire au moment où la commission rencontre chacune des institutions. Même à l'intérieur de ce projet de loi, il va falloir qu'il l'amende parce qu'il n'y est pas, à moins que je ne l'aie mal lu. Il n'y est pas et, statutairement, un ministre n'est pas membre d'une commission parlementaire, à moins qu'une loi sur un objectif particulier, ou dans un mandat bien particulier, ne fasse en sorte que le ministre soit membre de la commission parlementaire. Et je crois que c'est fondamental que, dans tout mandat d'imputabilité, le ministre qui détient quand même beaucoup, beaucoup d'informations soit présent aussi dans le questionnement qu'on va faire envers les différentes universités.
M. le Président, je ne voudrais pas étirer inutilement le temps à l'intérieur de ce débat. Je ne voudrais pas parler pour essayer, ici, de bloquer ce projet de loi. Je vais résumer, si vous me permettez, les trois grands points qui me gênent. Le projet de loi 95 ne va pas assez loin, il ne correspond en aucune manière ou il correspond très, très minimalement aux objectifs énoncés, à savoir la transparence et l'imputabilité. La loi 198, que ce gouvernement a abrogée, obligeait à beaucoup plus de transparence de la part des institutions universitaires. Comme parlementaire qui croit à l'imputabilité, ce n'est pas tellement les salaires des dirigeants des institutions dont j'ai besoin, ce n'est pas tellement les états financiers dont j'ai besoin, mais c'est d'informations qui sont beaucoup plus liées à la vie pédagogique, je dirais, ou à la vie interne de l'institution, qui m'importent, à savoir quelles sont les politiques d'accessibilité, quelles sont les politiques de diplomation, quelles sont les politiques d'évaluation des programmes à l'intérieur des institutions, c'est-à-dire jusqu'à quel point on s'assure que nos programmes restent à la fine pointe et correspondent aux besoins du marché du travail. J'ai besoin d'informations sur l'ensemble de la performance sur le plan de la recherche, et, M. le Président, je n'ai pas ça à l'intérieur du projet de loi 95. J'avais fait un échange lors d'une interpellation avec le ministre. Il m'avait dit: Attendez, vous allez voir, j'arrive avec une loi sur l'imputabilité. J'attendais. Malheureusement, j'ai été déçu, parce que ce qu'on a devant nous ne correspond en aucune manière à qu'est-ce que je pourrais dire? l'étendue de l'échange que nous avions eu dans l'interpellation et à l'étendue des responsabilités qu'on voyait au Parlement envers les institutions universitaires.
Alors, M. le Président, je dois vous signaler ma profonde déception quant à ce projet de loi et l'espoir que, peut-être, j'ai pu convaincre le ministre qu'il sera en mesure, dans l'étude article par article, d'amener nombre d'amendements. Mais, tel qu'il est là, nous ne pouvons pas, de ce côté-ci, être d'accord avec ce projet de loi parce que ça serait accepter alors que les objectifs d'imputabilité tellement nobles, tellement grands, tellement valables sont réduits à leur plus simple expression. Et je ne peux pas, M. le Président, penser que ce que je crois profondément, quant à l'imputabilité des institutions devant les parlementaires, se résume au projet de loi 95.
J'espère avoir réussi à convaincre cette Assemblée que ça dépasse de loin le projet de loi 95; tel qu'il est là, tel qu'il est formulé, nous ne pouvons pas souscrire au projet de loi 95 parce que nous croyons profondément à l'imputabilité, parce que nous croyons profondément à la transparence et parce que nous sommes convaincus que la transparence, ça ne veut pas simplement dire le salaire des dirigeants, ça ne veut pas simplement dire les états financiers, mais ça veut dire beaucoup plus quant aux diplomations, l'accessibilité, les politiques d'évaluation, la vie interne dans les institutions, les politiques de recherche. C'est ça, la véritable transparence, c'est ça que nous voulons, et ce n'est pas ce qu'il y a dans le projet de loi 95. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Verdun. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Saint-Hyacinthe. Vous disposez, M. le député, d'un temps de 20 minutes. Vous avez la parole.
M. Léandre Dion
M. Dion: Merci, M. le Président. Ça me fait plaisir de prendre la parole dans le cadre de la loi que présente M. le ministre de l'Éducation sur la publicité des traitements des cadres des universités. Je vous avoue, M. le Président, que ça me fait plaisir de prendre la parole après M. le député de Verdun, qui est un homme que j'admire beaucoup. C'est un homme que j'estime beaucoup et que j'aime entendre parler, parce qu'il arrive souvent qu'il a des choses très intéressantes à dire et des choses qui nous permettent de réfléchir et d'aller plus loin. Cependant, ce matin il m'a un petit peu déçu, je dois vous l'avouer, beaucoup, beaucoup.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Dion: Par exemple, quand M. le député de Verdun dit que, bon, ce n'est pas ça qu'il nous faut, parce que ça ne va pas assez loin, je trouve ça un peu bizarre. Vous savez, quand on est affamé et que quelqu'un nous présente une pointe de tarte, est-ce qu'on va la refuser parce qu'on n'a pas la tarte tout entière? Je ne trouve pas ça d'une logique extraordinaire, M. le Président. Ensuite, il y a d'autres éléments dans lesquels il m'a déçu. Quand il a insisté, mais qu'il est revenu constamment sur la question de l'objectif de diplomation des universités ou des collèges il parlait des universités dans ce cas-là j'ai été, encore là, déçu. Je ne comprends pas qu'un homme de sa culture parle de l'objectif de diplomation.
(11 h 10)
Si une université a comme objectif de diplômer un certain pourcentage de monde, d'étudiants, alors c'est très simple. Quand arrive la fin de l'année, si les notes ne sont pas assez bonnes, on les relève pour diplômer plus de monde, puis, si les notes sont meilleures, on les rebaisse pour avoir seulement le pourcentage qu'on veut. Et ça donne les aberrations qu'on a vues dans le passé. Ça donne des aberrations comme celles qu'ils ont appliquées il y a une couple d'années quand ils ont rendu obligatoire, au niveau de l'université, l'examen de français pour entrer à l'université. Imaginez donc! Vous êtes un étudiant, depuis le primaire, le secondaire, le collégial, vous avez suivi des cours, vous avez été conforme à des barèmes. Que ces cours-là aient été adéquats ou non, c'est une question. Mais qu'à la dernière minute on dise: Non, ces barèmes-là ne sont plus bons et on les change, au moment où les jeunes se présentent à l'université, c'est une aberration.
S'il y a un problème dans l'enseignement du français et dans l'acquisition des normes de la langue française, bien, il faut l'enseigner d'abord et passer l'examen après. On ne commence pas par modifier l'examen au niveau de l'entrée à l'université puis, après ça, se dire, bien, pendant une dizaine d'années, peut-être qu'il faudrait commencer à l'élémentaire. Je pense qu'il y a des choses qui sont un peu élémentaires là-dedans. Il faut commencer par... Si la connaissance du français n'est pas suffisante pour les gens qui arrivent à l'université et je suis de ceux qui pensent cela, pour l'avoir constaté dans les milieux de travail je pense qu'il faut poser les bonnes questions, il faut diagnostiquer où est le mal. Si on a été plus ou moins permissifs à l'élémentaire, plus permissifs au secondaire et encore au niveau collégial, ce n'est pas le temps de passer des examens pour couler du monde. Il faut commencer par corriger le problème et, après ça, on exigera des examens qui correspondent à l'enseignement qu'on a donné.
Alors, l'objectif de diplomation, à mon avis, c'est une aberration. Ça conduit à toutes sortes de situations injustes et abusives face aux gens. La diplomation ne doit pas être un objectif, M. le Président. Ce qui est un objectif, c'est la compétence et la connaissance. Les universités doivent avoir comme objectif de transmettre la connaissance et les compétences et de développer la pensée et développer de nouvelles avenues de compétence et de développement intellectuel. La diplomation, ce n'est pas un objectif. Ça ne doit jamais être un objectif. La diplomation, c'est une conséquence, M. le Président. Et il me semble que M. le député de Verdun aurait dû réfléchir à ça un petit peu. Parce que, quand on met des objectifs là où ils ne doivent pas être, ça conduit à des abus, ça conduit à des aberrations et ça conduit à des injustices.
Alors, c'est pour ça, M. le Président, que je n'ai pas pu le suivre dans tout ce qu'il a dit, pour des raisons que vous comprendrez. Vous savez, j'insiste encore là-dessus. Une industrie qui fabrique de la nourriture en boîte, mettons, des fèves au lard en boîte, peut avoir comme objectif, une année, de sortir tant de millions de boîtes. Mais une université ne peut pas avoir comme objectif de sortir tant de milliers de diplômés. Parce que des diplômés d'université, M. le Président, ça n'est pas des boîtes de «beans». C'est des gens qui méritent le respect parce qu'ils ont cheminé pendant de longues années pour atteindre une compétence et il faut que cette compétence-là soit reconnue pour ce qu'elle est. Alors, c'est pour ça que je n'ai pas pu suivre, évidemment, mon bon ami, M. le député de Verdun, dans toutes ses élucubrations.
Vous savez, le projet de loi que présente M. le ministre de l'Éducation répond à un besoin. Il répond aussi à des demandes répétées de différentes personnes, mais, entre autres, des étudiants. J'ai ici un article signé par Mme Agnès Gruda, dans La Presse , donc un éditorial, où on dit ceci: Des organisations étudiantes se sont battues pendant près de deux ans pour forcer l'Université de Montréal à révéler les contrats de ses cadres, tous avantages compris. L'hiver dernier, elles remportaient la première manche. Un juge de la Cour du Québec confirmait la décision de la Commission d'accès à l'information et obligeait cette institution à mettre tous les chiffres sur la table.
Alors, ce que demande le projet de loi à cet égard n'est pas très différent de cela, hein, c'est ce que le juge de la Cour du Québec a consenti à demander à l'université, de correspondre à la demande des étudiants et de mettre les chiffres sur la table. Cette semaine, avec le dépôt d'un projet de loi qui obligera dorénavant toutes les universités à tenir leurs livres ouverts au chapitre du traitement de leurs administrateurs, les étudiants ont carrément gagné la partie. L'initiative doit être accueillie avec soulagement.
Et on ne peut pas dire que Mme Agnès Gruda est toujours là pour nous féliciter à tort et à travers, hein, elle est capable d'être critique dans ses articles éditoriaux. Mais, là, je pense qu'elle est obligée de déclarer que c'est une bonne loi, c'est une loi qui va au coeur d'un problème. Il est très important que les gens qui ont à administrer les fonds publics, les gens qui doivent prendre la responsabilité de l'administration des fonds publics, bien, qu'ils sachent ce qu'on fait avec.
Et plus que cela, M. le Président. C'est sûr qu'il faut que les députés sachent où va l'argent et comment il est administré, mais il faut plus que cela, il faut que le citoyen lui-même le sache, qu'il soit au courant afin de pouvoir se faire un jugement pondéré. N'est-ce pas? Je reçois des lettres de mes électeurs où, parfois, on attaque le salaire des députés ou des bureaucrates, des fonctionnaires. C'est excellent que les gens réfléchissent à tout cela mais, si on veut qu'ils réfléchissent en tenant compte de tous les aspects du problème, il faut qu'ils aient l'information.
M. le Président, ce n'est pas que je sois du nombre de ceux qui disent que tout le monde doit gagner la même chose dans la société; je ne serais pas d'accord avec cela. Pour une raison très simple, M. le Président: je pense que chaque chose a son prix et, pour accéder à certaines fonctions, il faut de nombreuses années de renoncement et de sacrifices. Si un jeune, rendu à 18 ans, 19 ans, se rend compte que, même s'il continue à se serrer la ceinture pour faire des études universitaires et aller loin dans sa connaissance et dans la compétence qu'il veut acquérir, tout cela au fond, économiquement, ne lui donnera rien, parce qu'il gagnera le même salaire que l'autre qui, déjà, commence à gagner peut-être un petit salaire, mais un salaire suffisant pour avoir son auto, sa famille et tout ça... Alors, si on veut stimuler chez les gens, chez les jeunes, le goût d'avancer, il faut, je pense, reconnaître, de façon financière, de façon économique, les efforts qui sont faits pour avancer. Et, dans ce sens-là, je pense qu'il n'y a pas personne ici qui va vouloir dire qu'un professeur ou un directeur ou un recteur d'université ou un cadre d'université doit gagner la même chose qu'un autre qui fait un travail qui demande moins de formation, moins de compétence. Je pense que, là-dessus, tout le monde s'entend.
Dans une société, c'est certain qu'il y a deux chemins: on peut prendre la voie facile, la voie qui nous oriente vers des emplois qu'on occupe de façon prématurée, qui demandent peu de formation et qui sont peu rémunérateurs. Ces emplois-là sont généralisés dans certains pays, les pays sous-développés; mais, dans les pays développés, ils sont moins généralisés, parce que, s'il n'y a pas de compétence, il n'y a pas de développement. Et, la compétence étant la condition du développement, il faut primer la compétence excusez l'expression, M. le Président c'est-à-dire qu'il faut accorder à la compétence un salaire supérieur pour stimuler le goût de se former, le goût d'acquérir des compétences pour être plus utile à la société ou être utile différemment et contribuer à l'essor d'une société développée et non pas d'une société sous-développée.
Alors, M. le Président, dans ce sens-là, je pense que l'objectif visé n'est pas d'empêcher que les personnes qui dirigent nos plus hautes instances de savoir puissent être raisonnablement rémunérées, loin de là. Au contraire, il y a peut-être intérêt à ce que la population sache mieux leur rémunération; elle pourra l'apprécier de façon plus équitable peut-être et réfléchir davantage à tout ce qu'a coûté comme sacrifices et comme efforts d'arriver à ce niveau de compétence.
(11 h 20)
Mais, M. le Président, évidemment, toute bonne chose comportant ses inconvénients, il est possible aussi qu'on fasse des erreurs là-dedans. Il est possible que, dans des circonstances particulières, surtout quand l'ensemble du public n'est pas informé, des conseils d'administration, dans un contexte x, y, z, aient des réactions de complaisance et donnent des primes qui ne seraient peut-être pas justifiées si elles étaient connues de l'ensemble du public. Donc, le fait que ce soit public, c'est un chien de garde, je dirais, pour éviter ces erreurs qui sont toujours possibles là où il y a des êtres humains. Alors, je pense qu'à cet égard-là c'est une bonne chose. C'est une bonne chose aussi que l'ensemble des citoyens, quand ils discutent des situations, de l'administration des fonds publics, soient bien informés. À cet égard, M. le Président, s'il y a d'autres secteurs dans la société où les salaires des hauts salariés ne sont pas publics, ils devraient être rendus publics aussi, pas seulement dans l'éducation, pas seulement dans les universités, mais dans le système de santé et partout où il y a des cadres de niveau supérieur. Tout cela devrait être public. Il n'y a pas de honte, je pense, à gagner un bon salaire quand on a acquis la compétence qui le justifie.
Alors, M. le Président, c'est pour ça que je trouve très important que ce projet de loi là soit accepté. M. le député de Verdun a peut-être raison de dire que le projet de loi n'est pas parfait et ne va pas assez loin. Alors, il y aura une commission parlementaire où M. le député de Verdun et les autres députés pourront apporter des amendements, des suggestions, toutes sortes de considérations qui permettront de bonifier cette loi. Là, on en est au principe de la loi, que ces choses-là doivent être publiques pour le mieux-être des gens et aussi pour protéger ces gens-là, parce qu'il se dit n'importe quoi sur les salaires des recteurs et des cadres d'université. Il se dit n'importe quoi. Il se dit des choses abusives aussi. On leur prête parfois des avantages qu'ils n'ont peut-être pas. Et, quand on ne remet pas cet avantage dans le cadre général, on peut être porté à se scandaliser, M. le Président. Mais, quand tout cela est connu, quand on sait l'ensemble de la situation, on peut pondérer ses opinions et retomber dans une situation où, toutes choses étant égales par ailleurs, on peut apprécier les gens à leur juste valeur et apprécier aussi, par-delà les gens, les fonctions.
Alors, M. le Président, c'est donc avec plaisir et avec conviction que j'appuie ce projet de loi et que je serai disposé à appuyer d'autres projets de loi qui pourront permettre dans d'autres secteurs d'aller dans le même sens, de façon à ce que, les choses étant mieux connues, le débat soit plus complet, le débat soit plus serein et qu'il nous permette d'aller toujours davantage vers une plus grande cohésion sociale, qu'il nous permette aussi, M. le Président, de développer cette conscience qu'on a que, notre société, nous en sommes responsables, tous. Et que tous, si nous voulons maintenir notre niveau de vie, et non seulement le maintenir mais l'améliorer, il faut prendre les dispositions qui permettent de stimuler notre jeunesse, qui permettent de stimuler l'ensemble de la société vers des comportements qui conduisent à l'accumulation ou à l'acquisition de plus grandes compétences, qui nous permettront d'être plus utiles à nos concitoyens et qui nous permettront de maintenir un niveau de vie et de développer un niveau de vie dont on pourra continuer d'être fiers, M. le Président. C'est pour ça que j'appuie ce projet de loi avec empressement. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Saint-Hyacinthe. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Marquette. Vous avez 20 minutes.
M. François Ouimet
M. Ouimet: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir également de prendre la parole sur le projet de loi 95, Loi modifiant la Loi sur les établissements d'enseignement de niveau universitaire. Comme mon collègue, le député de Verdun, moi aussi j'ai beaucoup de déception par rapport à ce projet de loi, non par rapport à ce qu'il contient, mais par rapport à ce qu'il ne contient pas. Grande déception également par rapport au discours du ministre et à la contradiction entre le discours du ministre et les gestes qu'il pose de façon concrète à tous les jours, lorsqu'il porte son chapeau, soit de député de Lévis ou de ministre de l'Éducation.
Première déception, M. le Président, c'est que le ministre de l'Éducation s'est appuyé sur des arguments de transparence, d'imputabilité, d'intérêt public, de divulgation pour appuyer son projet de loi. Mais il se rappellera et je lui rappelle, M. le Président, qu'il n'y a pas si longtemps, en commission parlementaire, je lui ai posé plusieurs questions. Moi également, comme député, j'avais besoin d'information, que ce soit en matière d'aide financière aux étudiants: je lui ai posé des questions, je n'obtenais pas de réponse. J'ai passé par le sous-ministre de l'Éducation. Le sous-ministre de l'Éducation me réfère au cabinet du ministre et j'attends toujours des retours d'appel. Je n'arrive pas à obtenir ces informations qui me sont nécessaires pour faire mon travail de parlementaire.
Même chose, M. le Président, au niveau des coûts de la confessionnalité scolaire. Le sous-ministre avait indiqué qu'ils se chiffraient autour de 32 000 000 $. J'ai demandé des documents je pense que la commission parlementaire est terminée depuis plus de quatre semaines maintenant je n'ai pas l'impression que je vais obtenir ces informations-là avant le début de l'été, alors qu'on ne siégera pas comme parlementaires.
Je lui ai demandé également d'autres informations, il s'en rappellera, concernant les commissions scolaires qui ne fonctionnaient pas en public. Et, s'il y a une question qui est importante, c'est bien celle-là. Et le ministre me répondait constamment: Je ne vous en dis pas plus, M. le député, je vous en ai même déjà trop dit. Et, aujourd'hui, il vient utiliser des arguments de divulgation, d'imputabilité, d'accès à l'information, pour nous demander d'appuyer son projet de loi. Il y a une distinction importante entre son discours et les gestes qu'il pose et les gestes qu'il nous demande de poser comme parlementaires.
M. le Président, on peut s'interroger sur les véritables objectifs que poursuit le ministre de l'Éducation en déposant le projet de loi 95. Quant à moi, M. le Président, on me permettra de diverger d'opinion avec le ministre de l'Éducation. En ce qui me concerne et en ce qui concerne bon nombre d'observateurs, le ministre de l'Éducation poursuit, avec son projet de loi, un objectif de vengeance, de vengeance à l'égard des recteurs d'université.
Et ce n'est pas le député de Marquette qui parle. Je vais citer, M. le Président, Lise Bissonnette qui disait ceci dans un article récent dans son éditorial du 17 mai 1995. C'était intitulé: «Des relents de Duplessis.» Et, bien sûr, ça fait appel au comportement du député de Lévis. Mme Bissonnette disait ceci: «M. Garon, populiste local, nourrit depuis près de vingt ans l'obsession de doter son comté d'une université, n'importe laquelle: parfois elle est de sciences de la gestion, parfois technologique, parfois généraliste. Peu lui chaut, pourvu qu'il inscrive son nom au fronton. Pour arriver à sa fin, il ne lésine donc pas sur les moyens les plus odieux.» Ce n'est pas le député de Marquette qui parle, là, c'est Lise Bissonnette. Je continue de citer, M. le Président: «Il a d'abord fait la guerre à l'Université Laval qui s'y opposait; un jour il accusait ses étudiants d'engorger les ponts entre Lévis et Québec, le lendemain il s'en prenait à son recteur et le dénigrait auprès de la communautaire universitaire.»
(11 h 30)
Et là, M. le Président, les propos de Lise Bissonnette sur le projet de loi 95. J'espère que le ministre de l'Éducation m'écoute. S'il n'a pas lu l'article de Lise Bissonnette, je tiens à lui rafraîchir la mémoire. Et c'est tout à fait contradictoire à ce que disait mon prédécesseur, le député de Saint-Hyacinthe. Lise Bissonnette disait ceci: «Le projet de loi totalement inutile qu'il vient de déposer pour forcer les universités à dévoiler le salaire de leurs hauts dirigeants est d'ailleurs un reliquat de sa vendetta contre le recteur de Laval, Michel Gervais, qu'il a vainement tenté de faire passer pour un profiteur. En décembre dernier, autre vendetta ce n'est pas le député de Marquette qui parle, Lise Bissonnette, éditorialiste crédible il a littéralement "vidé" de son ministère un sous-ministre adjoint à l'enseignement supérieur, respecté de tout le milieu québécois, dont le seul tort avait été de signer en 1991 un rapport défavorable à l'implantation d'une nouvelle université à Lévis.»
Heureusement, M. le Président, je pense que le premier ministre a constaté le sérieux de l'affaire. Il a décidé de mettre le projet de l'université de Lévis sur la glace. De faire ce débat-là aux états généraux, c'est comme dire: Il n'y aura pas d'université à Lévis. Un peu plus loin, M. le Président, Lise Bissonnette dit ceci: «Toute cette saleté pour des briques ou du béton dans sa cour à Lévis.» Et, finalement, M. le Président, elle dit ceci: «Il est de notoriété publique, dans le milieu, que la plupart des recteurs se tiennent cois car ils craignent de subir la rétorsion du ministre, qui détient les cordons de la bourse et le leur fait savoir. Mais moins ils se dressent contre ces méthodes de l'âge duplessiste, plus ils auront à les subir. Un jour, ce sera leur tour.»
Le jour est arrivé, M. le Président, le projet de loi 95 est déposé par le ministre de l'Éducation. La vendetta continue. D'autres personnes le disent. Ça fait rire le ministre de l'Éducation. Ce n'est pas le député de Marquette, là. J'ai plusieurs articles de journaux, plusieurs observateurs qui observent les gestes posés par le député de Lévis.
Voici ce que disait M. Michel Auger, dans un article du Journal de Québec , le 29 mai c'est tout à fait récent: «Mais des cas comme le ministre de l'Éducation, Jean Garon dont le fait qu'il veuille construire une université dans sa baronie de Lévis n'est que l'un des problèmes ne s'expliquent pas par un manque au chapitre de la communication. Cela relève plutôt d'un ministre qui n'a pas de vision et qui brasse la cage juste pour le plaisir de la brasser.»
On se rappelle les propos du vice-premier ministre, je pense, qui ont été tenus jeudi ou vendredi dernier, publiés dans Le Soleil . Il n'accordait pas la note de passage au ministre de l'Éducation. Je n'irai pas plus loin, mais il disait même que le ministre de l'Éducation semble avoir des troubles de comportement. J'ajouterais: des troubles de comportement et d'apprentissage, un terme que le ministre connaît sûrement.
Autre article, M. le Président, Le Soleil , 24 mai 1995, les propos du président de la Corporation des services universitaires en Chaudière-Appalaches. «Le président de la Corporation, M. André Roy, a aussi accusé le ministre Garon de chercher, avec son projet, à créer la zizanie parmi les intervenants de la région "pour répondre, on ne sait trop, à quelles querelles ou vengeances politiques".» «Vengeances politiques» encore mentionné.
J'en ai beaucoup, M. le Président. Jean-Jacques Samson, 14 janvier 1995, avant le dépôt du projet de loi 95, mais qui semblait suivre assez bien les gestes posés par mon bon ami, le député de Lévis. Il disait ceci: «Il s'est mis à dos la Fédération des commissions scolaires de façon irrécupérable par le mépris qu'il a affiché à l'égard des élus scolaires. Il perd de plus son temps à régler des comptes régler des comptes, vengeance, vendetta, c'est un terme qui revient souvent dans des petites querelles politiques sur la Rive-Sud de Québec ou à mousser sa marotte d'une nouvelle université à Lévis.»
Et là est le but, M. le Président, de mon intervention. Ce n'est pas tellement de faire la critique sur le comportement du ministre de l'Éducation. Le but de mon intervention, c'est que c'est le premier projet de loi qui sort de son ministère. Le premier projet de loi, on pourrait s'attendre, comme le disait mon collègue, le député de Verdun, que ce soit quelque chose de substantiel, que ce soit quelque chose qui vise, je ne sais pas, moi, à contrer le décrochage scolaire, quelque chose qui vise à parler de la décentralisation, une politique sur la petite enfance, quelque chose qui pourrait régler la violence dans les écoles ou le problème de drogue dans les écoles. La formation des maîtres est un problème toujours rien de la part du ministre de l'Éducation; l'alphabétisation et la liste s'allonge, M. le Président; aide financière aux étudiants, on pourrait avoir une politique.
D'ailleurs, la semaine passée, le député de Limoilou vous attribuait des choses que vous n'avez pas encore faites. Si vous lisez les Débats de jeudi dernier, et je ne sais pas, c'est probablement le service de recherche du Parti québécois qui a transmis la note au député de Limoilou, il lisait son texte, il parlait de deux réalisations du ministre de l'Éducation. Il parlait d'une politique sur les dernières écoles de quartier et une politique d'aide financière aux étudiants alors que ces deux politiques-là n'existent pas. Le ministre le sait parce que, en commission parlementaire, je lui ai posé la question et il m'a répondu: Il n'y aura pas de politique en matière des dernières écoles de quartier. Il n'y en aura pas. On a réglé trois cas, puis on va voir les autres cas éventuellement, puis on ne veut pas faire du mur-à-mur, on va faire du sur-mesure. Pourtant, le député de Limoilou parlait des 11 réalisations du ministre de l'Éducation, et je lui ai dit, quant à deux de ces réalisations-là: Vous vous êtes trompé, votre service de recherche s'est trompé.
M. le Président, pourquoi procéder par un projet de loi, alors que le ministre aurait très bien pu obtenir ou atteindre le même objectif avec un règlement? C'est la question qu'on se pose. Le député de Verdun, qui est le critique en la matière, a dit: On est d'accord avec le fait de l'imputabilité des dirigeants des établissements universitaires. Ce qui nous déçoit, par exemple, c'est pourquoi le faire de cette façon-là, d'une part, pourquoi ne pas concentrer vos énergies sur autre chose?
Il y avait des élèves, un peu plus tôt, d'une école de la province de Québec qui venaient voir les débats ici, à l'Assemblée nationale. Probablement qu'ils n'étaient pas au courant, mais on est en train de déterminer, en grande partie, leur avenir et leur sort. Pourtant, il y a un problème fondamental au niveau des écoles du Québec: le décrochage scolaire. Moi, je préférerais de beaucoup voir le ministre de l'Éducation s'occuper de ces dossiers-là. Je suis prêt à lui offrir toute ma collaboration. C'est vraiment le défi le plus important de son ministère. Pourquoi, à ce moment-ci, la première pièce de législation, le premier écrit important qui sort de son ministère vise à demander aux recteurs d'université de rendre des comptes?
Et on le sait, et on l'a vu, et ça a été déclaré: il s'agit de rien de moins, M. le Président, qu'une vengeance de la part du ministre de l'Éducation, à qui on prête des comportements d'une autre époque, celle de M. Duplessis. Et ce n'est pas comme ça qu'on doit fonctionner au niveau du ministère de l'Éducation.
Vous avez deux prédécesseurs, qui sont toujours sur les banquettes, qui sont, dans un cas, ministre des Ressources naturelles, M. Gendron... Il ne fonctionnait pas de cette façon-là lorsqu'il était ministre de l'Éducation. M. Laurin, on n'était pas d'accord, peut-être, avec les projets de loi qu'il déposait, mais il ne cherchait pas la confrontation. Il ne cherchait pas non plus à susciter la controverse. Vous savez vous-même, M. le Président, le ministre de l'Éducation sait lui-même que, dans la plate-forme électorale de son parti, on parle de mobiliser tous les intervenants de l'éducation, de les rassembler pour que tous les intervenants puissent collaborer, puissent prêter leur concours à affronter les nombreux défis dans le domaine de l'éducation. Et ce n'est pas avec un projet de loi comme le projet de loi 95 qu'on va atteindre cet objectif-là.
Non seulement ça, mais, lorsqu'on regarde juste au niveau de la bureaucratie, M. le Président, ce sera déposé, les comptes qu'on demande aux recteurs d'université, puis on n'est pas contre cette idée-là. Le député de Verdun l'a dit tantôt, ce sera déposé, dans un premier temps au ministère de l'Éducation, dans un deuxième temps à l'Assemblée nationale, dans un troisième temps à la commission de l'éducation.
Il faut se poser la question: Pourquoi faire toutes ces choses-là? Pourquoi avoir tant médiatisé un tel projet de loi? On voit bien ce qui est en train de se passer, M. le Président, c'est le jeu du bâton et de la carotte. Le ministre de l'Éducation voudrait bien voir les recteurs d'université rentrer dans le rang, et le bâton qu'il est en train de sortir, à ce moment-ci, c'est le projet de loi 95, pour les embarrasser. Puis ce n'est pas qu'on est contre ce principe-là, mais il aurait pu le faire via un règlement.
Autre citation, M. le Président. Lorraine Pagé sûrement une alliée du gouvernement, la CEQ, sûrement une alliée du gouvernement disait ceci, pas plus tard que le 25 mai 1995: «On a besoin d'un ministre de l'Éducation qui défende l'éducation, qui saura écouter et exercer un leadership. On n'a pas suffisamment défendu le financement de l'éducation au sein du gouvernement.»
Et on comprend pourquoi, M. le Président: le ministre de l'Éducation concentre ses énergies sur des batailles avec les commissions scolaires, avec les recteurs d'université, avec les gens du Bas-du-Fleuve, M. le Président, et concentre la plus grande partie de ses énergies sur ses projets de comté. On ne pourra pas avancer au niveau de l'éducation.
(11 h 40)
M. le Président, d'autres éditoriaux. Le vendredi 14 avril 1995, Gilbert Lavoie dit ceci: «Le ministre de l'Éducation, M. Jean Garon, affiche une feuille de route désolante dans ses relations professionnelles. Sautes d'humeur, critiques, dénonciations, le ministre soumet ses interlocuteurs à un véritable calvaire "calvaire", c'est le terme qui est employé, M. le Président. Du milieu universitaire aux médias, en passant par les commissions scolaires, tout le monde y goûte», à la médecine du ministre de l'Éducation. Et, pourtant, M. le Président, il devrait se rappeler que sa tâche est là pour les élèves qui étaient parmi nous aujourd'hui, qui sont représentatifs de l'ensemble des élèves de la province.
Déception profonde. Je m'attendais au premier projet de loi qui viserait à venir tenter de régler certains problèmes qui existent dans le monde de l'éducation. Absolument pas! Vengeance avec les recteurs d'université. On va les embarrasser, on va leur demander de déposer tous leurs frais de représentation, leurs frais de vie, leur salaire. Vous allez voir comment ça va marcher avec moi, ministre de l'Éducation.
Pas étonnant, M. le Président, que même Pierre Graveline disait ceci, dans Le Devoir du jeudi 16 février 1995: «Le ministre court partout sur la patinoire comme une poule sans tête et ne cesse de compter des buts... dans son propre filet. [...] Disons-le franchement, il projette l'image désolante d'un politicien de campagne de l'époque de Duplessis.»
J'en avais d'autres, M. le Président, mais mon temps s'écoule rapidement. Je pense que le premier ministre va devoir agir, et assez rapidement. C'est un véritable gâchis depuis huit mois. Pendant combien de temps encore est-ce que le premier ministre va tolérer de telles choses? Je ne le sais pas, M. le Président.
Le chef de l'opposition a fait une offre au premier ministre. Ça a été repris par un éditorialiste, M. le Président. Michel David: «Un remaniement? Pas si bête». Il dit ceci: «Il y a mis le temps, mais le premier ministre Parizeau a fini par comprendre qu'avec son comportement de matamore Jean Garon est en train de causer un tort politique considérable, aussi bien au gouvernement qu'à la cause souverainiste. [...] le premier ministre devrait peut-être réfléchir à la recommandation que lui a faite Daniel Johnson et profiter de la fin de session pour remanier son cabinet. C'est ce que souhaiteraient certains de ses députés. Trop de membres du Conseil des ministres ont failli à la tâche.» Dans le cas de M. Garon, je suis d'accord. Il fait suffisamment de gâchis. Le projet de loi 95, M. le Président: continuité dans ce sens-là. Merci.
Le Vice-Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M. le député de Marquette. Je suis maintenant prêt à céder la parole à un autre intervenant. Donc, nous allons passer au droit de réplique de M. le ministre de l'Éducation. Alors, M. le ministre de l'Éducation, vous avez un droit de réplique pour une durée maximale de 20 minutes, et je vous cède la parole, M. le ministre.
M. Jean Garon (réplique)
M. Garon: Alors, M. le Président, je suis un peu étonné de l'incohérence des propos des gens du Parti libéral, parce que le député de Verdun trouve que le projet de loi ne va pas assez loin, alors que le député de Marquette, lui, trouve qu'il va trop loin. Alors, on voit que le caucus du Parti libéral n'est peut-être pas tout à fait ajusté concernant le projet de loi 95. Et ça ne m'étonne pas, parce que le député de Verdun, dans le passé, a toujours eu des propos qui allaient dans le sens du projet de loi.
Et je me rappelle, lorsque la loi 55 a été adoptée, la ministre responsable du Conseil du trésor était venue me voir et m'avait dit que les députés s'objectaient à des changements dans le projet de loi, mais: Qu'est-ce que j'en pensais? Il y a eu des tentatives d'amendements, à ce moment-là, proposés pour faire en sorte que des dispositions de nature similaire ou, en tout cas, de même nature, si on veut, touchant ces questions-là soient ajoutées dans le projet de loi 55 pour modifier le projet de loi 198. Mais, à cause de l'objectif poursuivi par le projet de loi 55 et le projet de loi 198, il était difficile de faire des amendements qui auraient la clarté des objectifs qu'on trouve dans un projet de loi comme celui que l'on voit aujourd'hui.
Alors, c'est pourquoi, à ce moment-là, la ministre responsable du Conseil du trésor avait dit aux parlementaires de la commission de l'éducation qu'il y aurait d'autres choses qui s'en viendraient puisqu'elle en avait parlé avec moi, et j'avais dit qu'on travaillait sur un projet de loi de cette nature. Alors, c'est le projet de loi qui a été déposé, M. le Président, un projet de loi qui est très simple. J'ai remarqué que le député de Verdun est prêt à aller plus loin. Il a fait des propositions qui sont très intéressantes et pour lesquelles, personnellement, je n'ai pas d'objection. Je pense que, quand on parle des taux de diplomation... Si on veut, lors de l'étude en commission parlementaire du projet de loi, discuter de certaines choses... On parle du taux de diplomation, le député de Verdun a parlé des plans de développement des universités, des rapports entre les finissants et le marché du travail, des objectifs visés et des résultats obtenus, des technologies de pointe, des objectifs de diplomation en termes de baccalauréat, maîtrise et doctorat. Et il a dit avec beaucoup de raison, je suis d'accord avec lui à 100 %, qu'on doit viser des taux de diplomation... Pourquoi? Parce que le taux de diplomation, les diplômes, représente des réussites et que le système d'éducation doit avoir pour objet de mener à la réussite; de ne pas viser l'échec, mais de viser la réussite. Quand quelqu'un s'inscrit au baccalauréat, quand il a obtenu son baccalauréat, il a réussi. Quand il s'est inscrit à la maîtrise et a obtenu une maîtrise, il a réussi. Et la même chose pour le doctorat.
Je peux vous dire que, quand j'étais à l'Agriculture, il y avait des bourses qui étaient données par le ministre de l'Agriculture, et j'avais justement changé, modifié le programme pour qu'il y ait des obligations de résultats. C'est-à-dire qu'il y avait des bourses... À ce moment-là, c'était assez important, c'était 10 000 $; 10 000 $, à ce moment-là, pour des bourses de maîtrise et de doctorat, en matière agro-alimentaire, pour qu'on forme les spécialistes dont on avait besoin pour le développement économique, parce que je suis un de ceux qui croient que du développement économique, ça prend des spécialistes pour y travailler... Et on avait mis aussi des exigences au point de vue du versement des bourses en termes de scolarité, de diplôme et de thèse à faire, dans l'échéancier des versements des montants. Alors, je comprends quand le député de Verdun dit qu'il s'agit d'un défi de société c'est un défi de société, c'est exactement un défi de société et qu'une société moderne, aujourd'hui, doit avoir un certain nombre c'est comme ça qu'on l'évalue un certain nombre de diplômés par 1 000 ou par 100 de population, ou par 100 000 de population, un certain nombre de personnes qui ont un baccalauréat, qui ont une maîtrise ou un doctorat.
L'accessibilité à l'éducation, ça voulait dire que tout le monde pouvait aller dans l'éducation, que tout le monde pouvait, selon ses aptitudes et ses goûts... Quand on a dit «l'éducation accessible», on n'a pas dit que seulement telle filière était bonne. On a dit que chacun, pour aller à l'éducation... que ce ne serait pas une question de fortune de pouvoir faire des études, mais en fonction de ses capacités ou de ses aptitudes et de ses goûts. Je pense que c'est encore de ça que l'on parle quand on parle de chacun des individus de notre société, de chacune des personnes de notre société.
Par ailleurs, comme société globalement, aujourd'hui, on considère qu'un certain niveau de réussite en termes de diplôme obtenu fait partie des objectifs que l'on doit viser comme société. Et je peux vous dire que, personnellement, moi, je n'ai aucune objection j'en ai parlé avec le député de Matane tout à l'heure, j'en ai parlé avec le député de Saint-Hyacinthe, quand ils sont venus me parler à mon siège dans le cadre de la commission parlementaire, qu'il y ait des amendements la commission parlementaire de l'éducation, d'ailleurs, à laquelle je pense avoir fait confiance jusqu'à maintenant pour travailler dans ce sens-là.
Je peux vous dire que je n'ai jamais mis de veto, ce que des ministres faisaient dans le passé. Vous vous demanderez... Le député de Marquette pourrait demander à ses collègues le nombre de veto que son parti imposait aux commissions pour étudier des sujets. Moi, au contraire, j'ai encouragé la commission parlementaire de l'éducation. Pourquoi? Parce que je fais confiance. Je fais confiance aux gens et je pense que les gens qui sont de deux partis différents, auxquels peut se joindre occasionnellement le député de Rivière-du-Loup, ensemble peuvent avoir des bonnes idées, peuvent faire un bon travail. Je ne fais pas partie de ceux qui ont peur. Évidemment, ça peut peut-être ne pas correspondre à ce que certains ennemis politiques qui datent depuis longtemps, vous savez peuvent essayer de véhiculer comme image. Mais qu'est-ce que vous voulez? L'image ne correspond pas au portrait. Alors, les gens s'en rendent compte, ils vont se rendre compte que, au contraire, j'ai beaucoup plus l'habitude de vouloir travailler dans le consensus que dans la division. Mais je ne peux pas empêcher des gens de vouloir opérer et faire des «forcings» qui ne sont pas nécessaires. Mais il y en a qui veulent opérer de cette façon-là.
Moi, je vais vous dire une chose: je n'ai pas de terrain à vendre, je n'ai pas d'intérêt personnel dans quoi que ce soit. Alors, quand les gens me parlent des montagnes de briques, je me sens complètement à l'aise. Je n'ai aucun problème. Et les seules souscriptions qui sont faites à mon parti politique, je suis un de ceux, au contraire, qui les limite à plus bas que 3 000 $. Je suis totalement à l'aise. Quand vous voulez référer à l'Union Nationale, je pense que le Parti libéral ressemble bien plus à l'Union Nationale que le député de Lévis.
(11 h 50)
Alors, dans les souscriptions et dans les montants collectés, vous allez voir que le député de Lévis, ce n'est pas des gros montants qu'il essaie de collecter. Au contraire, c'est une chose que mon parti me reproche, d'ailleurs. Il y en a qui aimeraient ça que je contribue plus. Parce que je ne suis pas quelqu'un qui aime ramasser des fonds. Et, s'il y a quelqu'un qui est éloigné de cette façon de faire la politique qui se faisait dans le temps de Maurice Duplessis, c'est bien le député de Lévis, qui ne pense pas de cette façon-là du tout.
Qu'est-ce que vous voulez? Il y en a, souvent, qui auraient aimé avoir le député de Lévis pour ramasser des fonds pour eux. Et, comme je ne participe pas à ces affaires-là, je n'aime pas ça, j'aime ça être libre, alors, il y en a, je suppose, qui m'en veulent de ne pas participer à leur campagne de financement, où qu'ils soient, j'imagine.
M. le Président, je veux vous dire simplement que, quand on est en politique, on peut chercher des gens qui peuvent chercher noise. Le projet de loi doit être vu en lui-même. Il n'y a pas d'intention cachée. Au contraire, l'intention qu'il y a, et la principale intention qu'il y a, M. le Président, c'est que ça soit un livre ouvert et que les gens n'aient pas de soupçons. Et je pense que la meilleure façon de le faire, c'est d'avoir un livre ouvert, de sorte que les gens n'ont pas de soupçons parce qu'ils voient.
Ils peuvent diverger d'opinion. Par exemple, quand le député de Marquette a parlé de M. Gervais, je veux vous dire qu'il n'est pas au courant de l'histoire, et il semble que la rédactrice du Devoir non plus. Je l'ai dit dans une assemblée du Parti québécois où j'allais, cette journée-là; ça a paru dans Le Soleil , en première page. Une augmentation de l'échelle salariale. Ce n'était pas une augmentation de salaire, c'était une augmentation de l'échelle. Alors que tout le monde était gelé, j'ai dit que c'était inopportun, que ce n'était pas une bonne idée et, au contraire, que ça donnait de mauvais messages, et je pense toujours la même chose. Alors que tout le monde était gelé, changer les échelles des dirigeants, ce n'est pas bon parce que les gens perdent confiance dans les institutions. Je l'ai dit, je le dis encore et je vais le répéter et personne ne va m'empêcher de changer d'idée là-dessus parce que je pense que les dirigeants doivent avoir un comportement plus ouvert encore. Et je pense qu'alors qu'on gèle tout le monde, ce n'est pas le temps pour les dirigeants d'avoir l'air de s'en donner. Alors, je partage cette idée-là, je la véhicule publiquement, et tous ceux qui veulent m'attaquer là-dessus peuvent le faire ouvertement, ça ne me dérange pas, ça ne me fait ni chaud ni froid. Je suis convaincu que les dirigeants doivent avoir un comportement ouvert pour créer la solidarité dont on a besoin dans une société.
Dans une société, il y a des gens qui ne gagnent pas cher. Et, quand on a été député pendant plusieurs années, on réalise à quel point il y a des gens qui ont de l'insécurité, à quel point les gens sont méfiants par rapport à notre société et à quel point les gens ont perdu confiance dans nos institutions, principalement dans nos institutions politiques. Et je suis un de ceux qui pensent qu'on appelle ça comme on voudra, qu'on appelle ça «populiste» ou quoi, moi, je m'en fous je suis un de ceux qui croient aux institutions démocratiques et qui croient que la meilleure façon de rétablir la confiance dans nos institutions, c'est de faire un livre ouvert où les gens pourront savoir ce qui se passe.
Moi, ce qui me frappe quand les gens parlent à mon sujet, mes adversaires essaient de faire des personnalités, mais ne regardent jamais le fond des choses que je fais. Le fond des choses que je fais, j'ai plutôt l'impression d'avoir l'appui de la population. Dans un système démocratique, c'est essentiellement avoir l'appui de la population. Je suis allé rencontrer les parents: j'ai eu l'impression que les parents avaient confiance dans le ministre de l'Éducation. J'ai rencontré les étudiants: j'ai l'impression que les étudiants ont confiance dans le ministre de l'Éducation, le député de Lévis. Je rencontre les professeurs et je pense qu'en gros ils ont confiance également. Savez-vous que ça fait pas mal de monde dans l'éducation, ça.
S'il y en a qui ne sont pas d'accord, qu'ils le disent donc. Qu'ils n'essaient pas de faire des personnalités. Qu'ils disent donc qu'ils ne sont pas d'accord. Un débat démocratique, c'est un débat où on dit: On est d'accord ou on n'est pas d'accord sur telle idée, sur telle idée. Je ne fais pas partie de ceux qui essaient de faire des chicanes pour bâtir des idées. Au contraire, je pense qu'on croit ou on ne croit pas en telle chose. On peut être dans l'erreur. On peut se tromper et on peut ne pas avoir la bonne idée, de bonne foi également, mais je pense que c'est une erreur de faire en sorte d'essayer de combattre des idées, parce qu'on n'a pas le courage de les combattre, en essayant de chercher des intentions cachées qui n'existent pas. Ça, je vais vous dire une chose, c'est la meilleure façon de tuer la démocratie, essayer de créer un soupçon.
Qu'est-ce que le député de Marquette a fait? Le député de Marquette, je pense qu'il n'aime pas la démocratie. Il a essayé de faire quoi? Dire quelle est l'intention cachée qu'a le ministre, quelle est la vengeance qu'il veut assouvir, etc. Je vais vous dire une chose, la plupart des professeurs d'université, d'abord, je ne les connais pas. Je les ai connus depuis... Personnellement, je les ai connus depuis que je suis entré en fonction. Je pense, au contraire, que les gens que j'ai rencontrés sont sincères. Ils ont leurs idées, ils ont leur conception des choses, mais je suis persuadé qu'il va être bon pour tout le monde que ce projet de loi soit adopté et que les gens puissent voir quelles sont les rémunérations de leurs dirigeants, comme ils savent, aujourd'hui, quelle est la rémunération des ministres, des députés, quelle est la rémunération des adjoints parlementaires, du premier ministre. Il y a des gens qui pensent que c'est trop cher, il y en a qui pensent que ce n'est pas assez cher, sauf que personne ne pense que c'est croche. Ils peuvent être d'accord ou ne pas être d'accord, parce que c'est ouvert. Personne n'a des soupçons, parce que c'est ouvert, et je pense que nos institutions s'en portent mieux quand les livres sont ouverts.
Je vous disais tout à l'heure que les Américains ont jugé qu'il était important que les compagnies inscrites à la Bourse, les cinq principaux dirigeants, toutes leurs rémunérations, sous quelque forme que ce soit, soient connues. L'Ontario a adopté une mesure semblable le 1er janvier 1994, je pense, que ce soit connu. Aujourd'hui, au Québec, par exemple on a certains dirigeants d'entreprises dont on connaît la rémunération en lisant les journaux d'affaires de l'Ontario, par l'Ontario, parce que, là, c'est publié. Ici, la meilleure façon, moi, je pense que c'est de le rendre public, et je pense que, parce que c'est public, le climat de discussion va être beaucoup meilleur, surtout dans les discussions qui vont arriver de conventions collectives et les discussions avec les étudiants sur les frais de scolarité, surtout avec la réforme Axworthy, à moins qu'on ne vote oui lors du référendum l'automne prochain. Évidemment, si les gens votent oui, on va être débarrassés de la réforme Axworthy, on va pouvoir arranger nos affaire ensemble, mais, si les gens votent non, il y aura la réforme Axworthy l'an prochain, et on sait à quel point... quel massacre on va vivre dans le domaine de l'éducation et de la santé.
Alors, M. le Président, moi, je pense, comme quelqu'un de prévoyant, qu'il est important, et c'est le but de la loi, de faire en sorte que les livres soient ouverts, qu'il n'y ait pas de soupçons, que les gens sachent quelle est la rémunération des dirigeants, que les gens sachent également quelles sont les rémunérations administratives. Parce qu'il n'y a pas seulement les dirigeants supérieurs, de fonction supérieure, il y a également ceux d'autres fonctions, qui ne sont pas des dirigeants supérieurs, et on va permettre de déterminer quels sont les frais des cadres administratifs, si on veut. Moi, je pense que c'est un bon débat.
Maintenant, le député de Verdun a dit qu'il faudrait aller plus loin. Je n'ai pas d'objection, personnellement. Les différents points qu'il a soulevés, je peux vous dire une chose, en commission parlementaire, si les gens veulent faire une séance de travail au préalable, si les gens de la commission parlementaire veulent faire une séance préalable, qu'ils aimeraient ou qu'ils souhaiteraient qu'il y ait des renseignements additionnels... Je vais vous dire plus que ça, je suis même prêt à leur offrir... à demander aux gens du contentieux de travailler avec eux, dans une séance de travail de la commission de l'éducation, s'il y a des gens qui pensent qu'il y a des amendements. Évidemment, il s'agira de voir si ça va dans le cadre du mandat, et ça ne me fait rien de retourner au Conseil des ministres, en plus de ça. Ça ne me fait rien du tout, M. le Président. Je «peut-u» être plus ouvert que ça? Je pense qu'il y a des propos qui ont été tenus et, quand le député de Verdun a parlé, j'ai remarqué qu'il y a plusieurs députés de la formation, il y en a même qui ont applaudi, qui étaient d'accord avec lui. J'espère qu'il va être capable d'entraîner son parti dans la même direction et que, à ce moment-là, ça fera une excellente commission parlementaire, où les gens vont travailler ensemble pour faire en sorte que les défis de notre société soient mieux évalués, mieux discutés, parce qu'ils sont ouverts, mieux compris. Je suis persuadé qu'il en résultera une meilleure façon de faire de la politique pour tous.
Moi, je suis quelqu'un qui croit profondément aux institutions parlementaires, qui croit profondément aux institutions démocratiques, et la meilleure façon que les gens croient à la démocratie et qu'ils croient aux institutions parlementaires, c'est de valoriser le jeu de ceux qui y travaillent. Alors, c'est pour ça que, dans cette perspective, je vais vous dire une chose, moi: Je vais être ouvert au complet, entièrement, pour qu'on regarde les différents éléments qui ont été mentionnés et que mentionneront les autres députés. Maintenant, j'aimerais...
Une voix: Bravo!
M. Garon: Maintenant, j'aimerais dire, pour que les députés... Le député de Marquette a parlé des questions aux crédits. Les questions aux crédits, il pense avoir ça dans 15 jours. Il y a des questions qui demandent des compilations. Dans le cadre de l'étude de crédits, je pourrais lui dire combien ça prenait de temps pour avoir des réponses dans le temps où j'étais dans l'opposition. Les trois quarts du temps, je n'en avais jamais, puis des fois ça prenait un an, puis des fois plus.
(12 heures)
Vous remarquerez qu'il n'y a aucune question au feuilleton de la part du député de Marquette. Alors, s'il veut poser des questions au feuilleton, parfois ça demande des études. Quand le député de Verdun m'a posé des questions, ça m'a fait plaisir de lui répondre. Il y en a qui demandaient des études. Il y en a pour lesquelles les chiffres n'étaient pas disponibles, je le lui ai dit, d'ailleurs. Je n'avais aucune objection, parce que je pense que le ministère ne m'appartient pas, les bâtisses ne m'appartiennent pas, la brique, vous pourrez le dire à Mme Bissonnette, ne m'appartient pas. Au contraire, si on peut rendre toutes les données disponibles, mais à condition de les avoir. Dans certains cas, les renseignements demandés demandent des compilations considérables qu'on n'a pas immédiatement. Là, c'est plus difficile, ça peut être plus long, et surtout quand on demande des chiffres très récents, on n'a pas encore les données.
Alors, je vous remercie, M. le Président. Je remercie les députés de leur collaboration et je souhaite qu'on fasse de notre commission parlementaire pour étudier ce projet de loi une commission historique où les gens, après ça, disent: On voudrait des projets de loi comme on a étudié le projet de loi 95 sur les établissements universitaires. Je vous remercie.
Mise aux voix
Le Vice-Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M. le ministre de l'Éducation. S'il vous plaît! Alors, le principe du projet de loi 95, Loi modifiant la Loi sur les établissements d'enseignement de niveau universitaire, est-il adopté?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Bélanger): Adopté?
Une voix: Sur division.
Le Vice-Président (M. Bélanger): Sur division. Alors, M. le leader adjoint du gouvernement.
Une voix: Ça m'étonne.
Renvoi à la commission de l'éducation
M. Boisclair: M. le Président, je ferais motion pour que ce projet de loi soit déféré à la commission de l'éducation pour son étude détaillée.
Le Vice-Président (M. Bélanger): Est-ce que cette motion est adoptée?
Une voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Bélanger): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Boisclair: Oui, M. le Président. Nous pourrions revenir au débat que nous avons ajourné hier, et je vous demanderais ainsi d'appeler l'article 7 de notre feuilleton.
Projet de loi 87
Reprise du débat sur l'adoption du principe
Reprise du débat sur la motion de report
Le Vice-Président (M. Bélanger): À l'article 7, nous en étions à l'étape de l'adoption du principe du projet de loi 87, Loi modifiant la Loi sur l'aide juridique. L'Assemblée reprend donc le débat ajourné le 30 mai 1995 sur la motion de report de M. le député de Frontenac proposant que la motion en discussion soit amendée en remplaçant les mots «soit maintenant adopté» par les mots «soit adopté dans six mois». Je vous rappelle le temps qu'il reste dans ce débat restreint. Il reste 55 minutes pour le groupe formant le gouvernement, il reste 43 minutes pour l'opposition officielle et 10 minutes pour le député indépendant.
À l'ajournement du débat, c'était un député de la formation de l'opposition qui avait pris la parole. Donc, je suis prêt à céder la parole à un représentant du parti ministériel. Alors... Oui, M. le député de Jeanne-Mance.
M. Bissonnet: Oui, M. le Président. Compte tenu que nous venons d'adopter sur division le principe du projet de loi qui était devant l'Assemblée, auparavant, est-ce qu'il est possible de suspendre juste pour quelques instants, afin d'informer le bureau du whip pour que nos parlementaires qui doivent parler sur cette motion de report puissent être présents?
Le Vice-Président (M. Bélanger): Alors, je vais suspendre quelques instants.
(Suspension de la séance à 12 h 3)
(Reprise à 12 h 6)
Le Vice-Président (M. Bélanger): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, Mmes, MM. les députés, vous pouvez vous asseoir. Nous allons reprendre nos travaux.
Donc, je suis prêt à céder la parole à un représentant du côté ministériel... Et, donc, je vais céder la parole à M. le député de Jacques-Cartier, au nom de l'opposition officielle.
M. Geoffrey Kelley
M. Kelley: Merci beaucoup, M. le Président. Il me fait plaisir de me lever dans cette Chambre aujourd'hui pour appuyer la motion de report de mon collègue, le député de Frontenac, de l'adoption du principe du projet de loi 87, Loi modifiant la Loi sur l'aide juridique.
Compte tenu des questions importantes qui sont abordées dans ce projet de loi, le gouvernement et le ministre doivent procéder préalablement aux consultations populaires avant de modifier les règles du jeu dans le domaine de l'aide juridique. D'entrée de jeu, M. le Président, je veux indiquer que je ne suis ni avocat ni notaire. Donc, la lecture de nos lois et les connaissances de nos procédures juridiques sont pour moi souvent compliquées. Mais, au moins, j'ai eu l'occasion d'aller à l'université et, en lisant les versions française et anglaise de nos lois, j'arrive à comprendre l'essentiel de notre législation.
Pour les personnes les plus démunies de notre société, c'est moins évident. Pour les familles pauvres, pour plusieurs familles monoparentales, pour les moins scolarisés, nos lois peuvent être écrites en chinois et nos procédures juridiques sont impossibles à comprendre. En conséquence, l'État s'est donné, en 1972, un régime d'aide juridique afin d'aider les personnes les plus pauvres de notre société, afin qu'elles puissent obtenir les services d'un avocat ou d'un notaire. En créant l'aide juridique, l'État s'est doté d'un système pour guider ces personnes à travers notre système juridique.
Je comprends, M. le Président, qu'après 23 ans d'expérience on peut, et même on doit revoir notre système. Une réforme s'impose. À cette fin, mon collègue, le député de Frontenac, a présidé des audiences publiques l'année dernière, alors qu'il occupait le poste de ministre de la Justice. Plus de 40 groupes sont venus pour témoigner en commission parlementaire, des consultations qui ont duré trois semaines. Ces chiffres témoignent du niveau d'intérêt élevé de notre société quand il est question de l'accès aux services juridiques. Les groupes consultés venaient de plusieurs milieux: le Barreau, les regroupements d'avocats, le monde syndical, les regroupements familiaux et les organismes communautaires ont participé aux consultations populaires.
Mr. Speaker, as I have indicated, I am not a lawyer. Reading our legal texts and understanding our legal system are difficult challenges for me. And I am lucky. I have at least the benefit of university education and I am getting acquainted with how legislation is drafted and adopted in our society.
For far too many people, our legal system and our laws are impossible to understand. For the poor, for the illiterate and for the poorly-educated, access to the legal system is nearly impossible. As a result, their ability to protect their most fundamental rights is compromised. How can they obtain a fair hearing, how can they be advised when property rights or individual rights or employee rights are put at risk?
To overcome this obvious disadvantage, the Liberal Government, in 1972, created our legal aid system to help the poorest among us defend their rights and interests before the Courts.
(12 h 10)
Today, the Government wants to reexamine the system. The proposed reform is based in part on the hearings held last year by my colleague, the Member for the Riding of Frontenac, when he was Minister of Justice. Over 40 groups came to Québec City to testify before a parliamentary commission which lasted three weeks. These groups came from all backgrounds, lawyers, union workers, family organizations and community organizations. Their appearances are proof of the interest in our society regarding access to legal services for the less privileged.
Le 11 mai dernier, le ministre de la Justice a déposé son projet de loi 87 dans cette Chambre. Les réactions du milieu furent rapides et négatives. Premièrement, nous avons vu la sortie du Barreau du Québec le 16 mai dernier: Le Barreau du Québec dit non au projet de réforme de l'aide juridique. Nous avons vu les actes de pression des avocats dans plusieurs régions contre le projet de loi, notamment à Québec, à Montréal, à Hull et à Baie-Comeau. Selon Le Soleil du 26 mai dernier, on envisage les mêmes gestes par les avocats de l'aide juridique, cette semaine, à Rivière-du-Loup, à Rimouski, à Joliette, à Saint-Jérôme et à Sherbrooke. Nous avons vu également les sorties faites par le Conseil permanent de la jeunesse, par les regroupements syndicaux, par les représentants des travailleurs et travailleuses accidentés, par les organismes communautaires qui oeuvrent au nom des personnes pauvres, contre ce projet de loi. Alors, il y a une grande réaction dans le milieu. Le milieu conteste ce projet de loi. Compte tenu qu'il touche des principes fondamentaux de notre société, l'accès des personnes démunies de notre société à l'aide juridique pour se défendre devant les tribunaux, pour défendre leurs droits et leurs intérêts, il faut procéder aux audiences publiques sans délai avec le milieu.
Le ministre peut essayer de se cacher devant le fait que les audiences publiques ont eu lieu l'an passé, mais, à ce moment, il n'y avait aucune législation sur la table. Les groupes ont discuté des grands principes, des éléments d'une réforme souhaitée. C'était une consultation générale. Mais le contexte est maintenant complètement nouveau, M. le Président. On ne parle plus d'un système à l'aide juridique dans le meilleur des mondes; on parle des éléments d'un système qu'on peut sauvegarder suite à une commande du Conseil du trésor de couper 18 000 000 $ dans le système, de l'argent, en passant, qu'on va utiliser pour payer, probablement, les études inutiles du ministre délégué à la Restructuration, j'imagine.
The context is changed, Mr. Speaker, since the public hearings were heard last year. At that time, groups came to help the Government design a new and improved legal aid system. The groups testified that the existing system would receive new resources to help more poor people have access to the legal system. With the tabling of Bill 87, these groups were sourly disappointed. The Minister of Justice has received an order to cut 18 000 000 $ from the existing system, no doubt to help pay for more useless studies by the Minister of Restructuration. The Québec Bar Association, the Permanent Council on Youth...
Le Vice-Président (M. Bélanger): M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Boisclair: M. le Président, je voudrais juste rappeler le député de Jacques-Cartier, si je ne m'abuse, à l'ordre et lui rappeler les dispositions de l'article 211: «Tout discours doit porter sur le sujet en discussion.» À ce moment-ci, M. le Président, vous aurez bien compris si vous suivez, et j'en suis convaincu, le débat, des propos du député de Jacques-Cartier, qu'il s'exprime sur le principe du projet de loi. Nous n'en sommes pas à l'adoption de principe ou à discuter du fond du principe, mais bien plutôt à discuter d'une motion de report, et j'aimerais connaître l'opinion du député, à savoir les motifs pour lesquels le gouvernement devrait adopter sa motion de report, la motion déposée par un de ses collègues, et non pas sur le principe du projet de loi, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Bélanger): Sur la question de règlement, M. le député de Chomedey.
M. Mulcair: Oui, M. le Président. La question de la pertinence est soulevée, et on s'étonne quelque peu de ce côté-ci. Évidemment, toute motion se discute dans un contexte pour expliquer pourquoi on demande le report de l'adoption du projet de loi et la tenue d'une commission parlementaire. Il est évidemment nécessaire de situer ce débat, cette motion dans son contexte, et c'est exactement ce que le député de Jacques-Cartier est en train de faire, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Bélanger): Alors, au niveau de la pertinence, M. le leader adjoint du gouvernement, M. le député de Chomedey, évidemment, la motion qui est présentement en discussion demande, finalement, de reporter de six mois l'adoption du principe du projet de loi. Donc, évidemment, les arguments qui portent sur l'adoption comme telle du projet de loi sont à peu près les mêmes que ceux qui font en sorte qu'on demande que cette adoption soit retardée. Alors, je pense qu'il est difficile de faire vu la motion qui est présentement à l'étude la distinction entre la pertinence des deux débats.
La règle de la pertinence est toujours valable et elle doit être suivie, mais, dans le contexte qui prévaut présentement, je pense qu'il est difficile de faire la distinction entre les deux discussions.
Alors, je vous invite à continuer, M. le député de Jacques-Cartier.
M. Kelley: Merci, M. le Président. Effectivement, le contexte. Je pense qu'il est essentiel de rappeler qu'au moment où nous avons déjà fait les audiences publiques il y avait un taux d'intérêt élevé dans notre société. Je pense qu'il y a une cinquantaine de mémoires qui ont été déposés, une quarantaine de groupes qui sont venus témoigner ici, l'an passé.
Alors, je pense que c'est une preuve éloquente qu'il y a un intérêt dans notre société de poursuivre dans les audiences publiques. La raison, de notre côté de la Chambre, pour laquelle on veut avoir un report de six mois, c'est effectivement pour permettre au gouvernement d'organiser des audiences publiques. Alors, je pense que mes paroles sont à point et qu'elles sont fort pertinentes.
Groups have called out demanding that they be allowed to testify before a parliamentary commission. These voices must be heard. Before we alter the system in a dramatic fashion, we should listen to the Bar Association, we should listen to representatives of legal aid lawyers, representatives of workers injured on the job, we should listen to trade unions and to community organizations who will have to work within the new system.
Nous n'avons pas posé les questions suivantes l'année passée, et, ça, c'est les questions qu'il faut poser aujourd'hui: Que pensez-vous du projet de loi 87? Avez-vous des suggestions afin de réaménager notre système pour faire des économies substantielles de l'ordre de 18 000 000 $?
Avant de procéder à l'étude détaillée de ce projet de loi, j'aimerais, M. le Président, avoir l'occasion d'inviter les groupes et de les écouter sur les points suivants: Premièrement, dans le projet de loi 87, il y a toute une gamme de nouveaux pouvoirs pour les directeurs généraux des corporations de l'aide juridique quant à l'admissibilité des personnes à l'aide juridique.
Il me semble que le projet de loi est truffé d'expressions imprécises qui donneraient un énorme pouvoir discrétionnaire aux directeurs généraux des bureaux de l'aide juridique. Par exemple, on prend l'article 6. Il y a une section 4.2, et je le cite: «Le directeur général peut, lorsqu'on lui en fait la demande et avec l'approbation du comité administratif du centre régional, déclarer financièrement admissible une personne dont les revenus nets et les actifs nets et ceux de sa famille excèdent les niveau et valeur d'admissibilité financière déterminés par règlement, s'il considère que des circonstances exceptionnelles le justifient et que le fait de ne pas la déclarer financièrement admissible entraînerait pour cette personne un tort irréparable.»
Alors, comme j'ai dit, je ne suis pas avocat, mais je vois déjà, dans le projet de loi, deux termes qui sont imprécis: «circonstances exceptionnelles», c'est assez large, et «un tort irréparable», sans définition.
Alors, je pense que c'est le genre de choses pour les personnes qui vont travailler dans le système. Il faut les écouter avant de procéder à l'adoption de la loi. Alors, je pense que c'est très, très important d'ouvrir sur les audiences publiques.
Dans la section 4.4, le troisième alinéa se lit comme suit: «pour assurer soit la défense d'une personne, autre qu'un adolescent, qui fait face, devant un tribunal, à une poursuite pour une infraction à une loi du Parlement du Canada punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire, soit la défense d'une personne, qu'il s'agisse d'un adulte ou d'une personne âgée de moins de 18 ans, qui fait face, devant un tribunal, à une poursuite intentée en vertu du Code de procédure pénale...»
M. Boisclair: M. le Président, question de règlement.
Le Vice-Président (M. Bélanger): M. le leader adjoint du gouvernement.
(12 h 20)
M. Boisclair: M. le Président, je rappelle, encore une fois, l'article 211: «Tout discours doit porter sur le sujet en discussion.» Notre collègue est en train de s'exprimer sur un article précis du projet de loi. Non seulement il n'est pas sur la motion de report, non seulement il n'est pas sur un principe, il est, à ce moment-ci, sur une disposition particulière du projet de loi.
Et je rappellerai au député que, s'il souhaite entendre des groupes en commission, il peut se prévaloir de l'article 244 qui prévoit que, avant d'entreprendre l'étude article par article d'un projet de loi, un député peut faire une motion pour convoquer des groupes.
Alors, nous ne sommes ni sur la motion de report, pas plus que sur l'adoption de principe. Le député est en train de déjà nous faire le discours qu'il nous ferait s'il était en commission parlementaire. Nous sommes ici, à l'Assemblée nationale, M. le Président. Il y a une motion sur la table: Est-ce que, oui ou non, on doit reporter de six mois? C'est de cette motion dont nous devons parler. Je comprends qu'il faille appliquer la règle de la pertinence avec toute la souplesse nécessaire, mais, quand même, cette règle est là pour encadrer le débat, et je vous prierais de rappeler le député à l'ordre.
Le Vice-Président (M. Bélanger): M. le député de Chomedey, toujours sur la question de règlement.
M. Mulcair: Oui, merci, M. le Président. Avec respect pour l'avis contraire, notre point de vue est que le député de Jacques-Cartier est en train de faire la démonstration par ses allusions particulières à certaines dispositions de la nécessité, de l'impérieuse nécessité de tenir des audiences publiques et de reporter l'entrée en vigueur dudit projet de loi.
Il est évident, à notre point de vue, M. le Président, que des groupes communautaires s'exprimant comme ils le font à travers la province de Québec en faveur d'un moratoire de l'application de ce projet de loi, en faveur de son report, je comprends l'attitude du gouvernement, c'est très gênant pour un gouvernement qui s'est toujours dit en faveur de l'aide juridique, en faveur d'une aide auprès des plus démunis. Mais les propos de mon collègue de Jacques-Cartier, M. le Président, sont tout à fait pertinents pour démontrer, pour étayer notre argumentation et notre motion à l'effet qu'il faut entendre les groupes communautaires, il faut tenir des audiences publiques et il faut absolument marquer un temps d'arrêt dans l'imposition de ce nouveau projet de loi qui viendra bouleverser le régime d'aide juridique en privant les plus démunis de notre société de leur droit d'être représentés par avocat devant les tribunaux.
Le Vice-Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M. le député de Chomedey, M. le leader adjoint du gouvernement. Je voudrais juste rappeler aux membres de cette Assemblée que la règle de la pertinence, quant à ces motions de report, à ces diverses motions, toujours, la règle de la pertinence est assez... la règle d'interprétation est large. Alors, je peux comprendre le raisonnement du leader adjoint du gouvernement qui dit que, bon, celle-ci pourrait se faire à telle étape plutôt qu'à telle autre, qu'on est en train de parler de la prochaine étape, mais, si, de l'avis d'un député, dans son discours, il préfère, quant à lui, que ça se fasse à cette étape-ci ou s'il propose des choses qui devraient être faites à cette étape-ci, ça revient finalement dans les prérogatives ou dans les droits des députés.
Alors, à ce moment-ci, je pense que la règle de la pertinence doit conserver cette interprétation large et je me fie, à cet effet, d'ailleurs, aux décisions qui ont été rendues par mes prédécesseurs en ce sens. Mais je vous invite, M. le député de Jacques-Cartier, à constamment revenir aussi sur les motifs qui, évidemment, incitent votre formation à présenter cette motion de report. Alors, M. le député de Jacques-Cartier.
M. Kelley: M. le Président, je comprends, je ne veux pas aller trop dans les détails du projet de loi, mais l'autre argument de ce côté de la Chambre, c'est que la loi n'est pas prête. Quand je regarde le texte, je dis... Je ne suis pas avocat, mais je veux attirer l'attention de l'Assemblée sur l'article 4.7. Il y a des expressions, là-dedans, qui sont de nature assez imprécise que, je pense, la loi n'est pas bien pensée, la pensée n'est pas encore mûre. Alors, au lieu d'arriver dans cette Chambre avec une loi précipitée je pense qu'on parle de choses qui sont fondamentales dans notre société il faut prendre le temps qu'il faut.
Et, quand je regarde, il y a quatre petits alinéas, M. le Président, et, avec votre permission, je vais les lire parce que je pense qu'ils sont truffés d'expressions qui, pour un non-avocat comme moi, sont difficiles à voir comment on va gérer ça:
«1° cette affaire on parle des choses qui ne sont pas admissibles à l'aide juridique et on liste quatre catégories de choses qui ne sont pas admissibles a vraisemblablement très peu de chance de succès;
«2° les coûts qu'elle entraînerait seraient déraisonnables par rapport aux gains ou aux pertes qui pourraient en résulter pour le requérant ou, selon le cas, le bénéficiaire;
«3° le jugement ne serait probablement pas susceptible d'exécution;
«4° la personne qui demande de l'aide ou qui en bénéficie refuse, sans motif valable, une proposition raisonnable de règlement de l'affaire.»
Quand je regarde tout ça, I look at it in English as well, the case, «it has in all likelihood very little chance of succeeding», well, it seems to me we are going into very, very subjective matters, ways to try to evaluate whether a law is indeed... whether a case is going to be... It is a presumption of how the Courts are going to handle a case. It is a presumption of what a judge is going to rule and so on and so forth. I find these notions in our law very imprecise and I think they have to be rethought and they have to be reworked before presenting them.
As well as I come back to... I think it is very important for the people who are going to be working in the system, who are going to be applying these rules and regulations to have the occasion to come here and express their point of view. So I think for these two reasons, the first reason being that we would like to have public hearings... We think that there is a great deal of interest in our society since May 11th, when this legislation was tabled in the first place. We have already seen a number of people who have expressed an opinion on their work to rule, or job stoppages within the lawyers who are working in the system, many community organizations have begun to react to this legislation. I think it is important to have un temps d'arrêt, de permettre un certain temps aux personnes pour regarder le projet de loi, formuler une opinion. Je pense que c'est essentiel, pour le ministre de la Justice, de tenir des audiences publiques.
Je pense à un deuxième cas... J'avais d'autres exemples, mais je ne veux pas les citer tous. Mais je pense que, dans la loi et surtout dans tout l'article 6 du projet de loi, il y a beaucoup d'expressions qui laissent un pouvoir discrétionnaire énorme aux directeurs généraux des bureaux. Je pense que c'est essentiel qu'on ait un texte devant nous qui soit nettement plus précis, sinon on peut dire aux directeurs généraux: Faites ce que vous voulez. On peut faire ça, on peut écrire un projet de loi, mais c'est ça qui est le but recherché dans ce projet de loi. Alors, pour ces deux raisons, je veux appuyer la motion de mon collègue, le député de Frontenac, et demander un report de six mois pour le projet de loi 87. Merci beaucoup, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M. le député de Jacques-Cartier. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Chomedey. À vous la parole, M. le député.
M. Thomas J. Mulcair
M. Mulcair: Merci, M. le Président. Depuis hier, M. le Président, nous regardons attentivement un projet de loi 87 qui va avoir un impact radical sur le système d'aide juridique qui existe dans notre province. Suite à diverses interventions de notre part, hier, mon collègue, le député de Frontenac, a présenté la motion de report que nous sommes en train de débattre aujourd'hui.
Vous savez, M. le Président, le système de justice au Québec a des fondements dans des droits. Dans la société dans laquelle on vit, évidemment, il est essentiel que l'ensemble des citoyens puissent avoir des garanties pour l'exercice de leurs droits. C'est pour ça que, de ce côté-ci de la Chambre, on insiste tellement sur la nécessité d'entendre les groupes communautaires, les différentes associations d'avocats, les centres d'aide juridique à travers la province, tous ces mêmes groupes qui nous écrivent et qui écrivent au ministre de la Justice pour lui demander de mettre un moratoire, de marquer un temps d'arrêt, de prendre quelques mois pour bien réfléchir à la question, et de les entendre, et de refaire ses devoirs avec ce projet de réforme de l'aide juridique.
Donc, la motion que nous sommes en train de débattre, M. le Président, vise à reporter tout simplement l'adoption de ce projet de loi, à se donner quelques mois, s'il le faut, pour son adoption. Le ministre de la Justice a un choix, M. le Président. Il pourrait accepter d'ores et déjà d'entendre le Barreau, d'entendre les groupes communautaires, d'entendre les différentes associations qui représentent et qui défendent les intérêts des plus démunis de notre société, mais, jusqu'à date, nos multiples demandes pour la tenue des audiences publiques à ce sujet ont essuyé un refus total de la part du ministre. C'est pour ça qu'on est obligé de présenter maintenant une motion de report, de demander tout simplement au ministre, à ce moment-là, de surseoir au processus d'adoption du projet de loi.
(12 h 30)
Hier, on a eu l'occasion, M. le Président, de souligner à quel point un vaste mouvement, une coalition énorme, jamais vue, de groupes communautaires est en train de se mobiliser contre le projet de réforme du ministre de la Justice. Évidemment, les règles de ce Parlement et le temps dont on dispose nous empêchent de vous donner tous les exemples, mais, précisément, pour expliquer la vision de ces groupes-là et expliquer toute la pertinence et l'urgence de surseoir à l'application d'un projet de loi qui, comme mon collègue de Jacques-Cartier vient de si justement le souligner, a été préparé hâtivement, sans tenir compte des conséquences possibles, je vais me permettre de lire des extraits d'une lettre que je reçois à l'instant du Regroupement des associations des personnes handicapées de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine, M. le Président. C'est extrêmement pertinent pour les fins de notre discussion, parce qu'ils arrivent à la même conclusion que nous, qu'on est en train d'aller trop vite et qu'on n'a jamais tenu compte des réels besoins des personnes handicapées dans notre société.
La lettre s'adressait donc à mon collègue, le ministre de la Justice, et se lit comme suit: «À titre d'organisme communautaire oeuvrant directement dans la collectivité, et plus spécifiquement avec les personnes handicapées, nous désirons vous faire part de notre profond désaccord avec les réductions de services et les modifications importantes que vous vous apprêtez à effectuer au système de l'aide juridique. Nous sommes très étonnés d'apprendre que vous envisagez d'augmenter les barèmes d'admissibilité financière pour les familles en négligeant les personnes seules, faisant en sorte que même les personnes travaillant au salaire minimum, les personnes âgées ne recevant que les prestations de la sécurité de la vieillesse et certaines des personnes recevant une rente d'invalidité de la Régie des rentes n'auront pas accès à l'aide juridique.»
Ça, c'est particulièrement important pour les personnes handicapées qui, rappelons-le, M. le Président, sont souvent des personnes qui vivent seules. Souvent, c'est une réalité qui, en plus de tout le reste, les affecte, c'est que très souvent il ne s'agit pas de personnes qui vivent en couple ou qui ont pu établir des familles. C'est une réalité, ça, M. le Président.
Ils continuent en disant qu'«il est encore plus inadmissible de constater que, pour ce faire, vous enlevez aux plus démunis socialement une partie des services juridiques de base qui étaient offerts, leur permettant de faire valoir leurs droits. Nous sommes en complet désaccord avec une réduction des services, limitant, en droit civil et administratif, le droit aux services d'un avocat exclusivement dans les causes devant les tribunaux. Les services d'un avocat sont également requis afin de faire valoir nos droits devant les bureaux de révision: aide sociale, impôt, logement, éducation, Régie des rentes, Société de l'assurance automobile du Québec, etc.»
Rappelons, M. le Président, que le projet de loi, tel que proposé par le ministre de la Justice, évacue complètement la notion de prévention. Par exemple, en matière d'aide sociale, la première décision est rendue par un fonctionnaire. C'est une décision de la bureaucratie. Vu que ce n'est pas un tribunal, dorénavant, la personne qui a un problème d'aide sociale ne sera plus représentée en première instance. Deuxième instance, encore l'appareil administratif qui rend la décision. Résultat, toujours pas de représentation par avocat pour les plus démunis de notre société.
Où est-ce qu'ils vont enfin être représentés par avocat? Au niveau de la Commission des affaires sociales. Quel serait l'effet prévisible de ça? Plutôt que de faire de la prévention, d'avoir quelqu'un de compétent, un avocat qui peut les diriger à travers ces volumes de législation et de décisions en matière d'aide sociale, ils vont être tout seuls. Résultat: presque inévitablement ils vont perdre. Il va manquer des papiers, le dossier sera mal constitué, le système va s'embourber, la justice ne sera pas rendue. Les gens ne vont pas voir leurs droits respectés. Et c'est seulement plus tard, au niveau de la Commission des affaires sociales, que tout va s'accumuler. Résultat, là aussi, il va y avoir engorgement.
C'était censé être une des priorités de ce gouvernement, M. le Président, d'éviter l'engorgement des tribunaux. Lorsque le premier ministre a nommé le ministre de la Justice, il l'a dit: Les gens n'ont plus confiance. Les tribunaux sont trop embourbés, c'est trop lent. Mettez de l'ordre là-dedans. C'est pour ça que, nous, on dit que le projet de loi a une vision à très courte vue, ne tient pas compte des répercussions et des coûts sociaux, et c'est pour ça qu'on dit qu'il faut marquer un temps d'arrêt. Il faut prendre le temps qui s'impose. Le monde n'arrêterait pas de tourner si on gardait le système actuel pour un autre six mois. Mais, au contraire, on va avoir le temps d'entendre tous ces groupes-là qui ont l'expérience et l'expertise en la matière et qui vont pouvoir nous guider à travers les différentes dispositions, et peut-être qu'avec un peu de créativité, un peu de recherche et un peu de travail de fond on va pouvoir faire les mêmes économies, mais sans brimer les droits, M. le Président.
Le Regroupement des associations des personnes handicapées de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine continue en disant qu'il est illusoire de croire que les personnes défavorisées socialement pourraient seules faire valoir adéquatement leurs droits devant des fonctionnaires, des créanciers ou dans des cours de justice où les règles de procédure sont nombreuses et complexes. C'est pour ça, d'ailleurs, M. le Président, qu'on crée des ordres professionnels. Le public a besoin de protection. On accorde un monopole de pratique à des professionnels bien formés, bien encadrés dans leur pratique, pour s'assurer que le public soit protégé, et, lorsque les gens ne peuvent pas se le permettre, bien, l'État a toujours fourni les services d'un avocat.
Ils continuent en disant qu'ils sont en complet désaccord c'est leur terme, M. le Président avec les coupures drastiques de services que vous imposez ils s'adressent évidemment au ministre de la Justice donc les coupures imposées en matière de droit pénal et criminel. Connaissant bien leur clientèle handicapée, ils poursuivent en disant que cette clientèle requiert les services de l'aide juridique et il leur semble évident que de soustraire l'assistance et la représentation par avocat revient à nier leurs droits, et la notion même d'accessibilité à la justice est niée.
Le changement complet de philosophie de l'aide juridique aurait pour effet de nier l'important travail effectué par les avocates et avocats du réseau d'aide juridique en termes de droit préventif on en a fourni un exemple tout à l'heure d'information, de formation et de démystification du droit. Cette nouvelle orientation de la pratique va à l'encontre de l'objectif de la déjudiciarisation et des modes alternatifs de règlement des conflits.
Ils disent que moins de 1 % du budget total de l'État est alloué à la Justice, c'est-à-dire, sur les 40 000 000 000 $ et quelques qu'on a comme budget. Effectivement, ils ont raison de souligner que seulement 454 000 000 $ vont à la Justice. Comment peuvent-ils donc chercher, à l'intérieur de ça, à couper 18 000 000 $, à couper dans la masse d'un de leur programme, 18 000 000 $, le programme étant l'aide juridique? Est-ce à dire que c'est là toute l'importance qui est accordée à la justice au Québec? Existerait-il deux régimes de droit, l'un pour les personnes à faibles revenus et l'autre pour les personnes qui auront les moyens financiers pour faire valoir leurs droits?
En conséquence, M. le Président, et c'est là où on comprend toute la pertinence de leur intervention à l'égard de notre motion de report, en conséquence, dit le regroupement des personnes handicapées, ils demandent au ministre de la Justice: premièrement, de maintenir la couverture des services offerts à la population du Québec telle qu'elle l'est présentement et d'indexer les barèmes d'admissibilité pour toute la population; deuxièmement, ils demandent un moratoire quant à l'adoption du projet de loi. Nous sommes moins absolus que ça, on précise dans le temps notre intervention; notre motion parle d'un report de six mois, M. le Président. Et, ensuite, ils disent demander la tenue d'une commission parlementaire sur la réforme qui est proposée par le ministre de la Justice du Québec. Ils concluent en disant qu'ils comptent sur son sens profond de la justice pour qu'une réforme d'une telle envergure ne soit pas adoptée sans consultation avec la population.
C'est exactement notre propos, M. le Président. On trouve extrêmement regrettable le fait que le ministre de la Justice du Québec procède si hâtivement avec une réforme en faisant fi, justement, de l'opinion publique et de l'avis de ceux et de celles qui travaillent quotidiennement auprès de ces clientèles démunies. On a eu l'occasion de regarder les effets pervers de ce projet de loi; le fait, par exemple, qu'une femme victime de violence conjugale va être contre-interrogée par son propre agresseur, parce que celui-ci ne sera plus admissible en vertu des critères énumérés dans le projet de loi. Ça, c'est un effet qu'il était peut-être difficile pour les concepteurs du projet de loi de voir, mais qui est devenu évident pour les différents groupes qui représentent les intérêts des femmes victimes de violence dans notre société.
C'est le genre d'exemple qui peut être donné, fourni, mis sur la table et discuté. Je suis persuadé que le ministre de la Justice du Québec n'a jamais souhaité un tel résultat, je n'en doute pas une seconde, M. le Président. Mais, vu que, maintenant, ce genre d'exemple commence à être mis sur la table, il est, à notre point de vue, essentiel que l'on puisse prendre tout le temps qu'il faut pour entendre les divers groupes en question, faire sortir ces exemples-là, mettre toute la lumière qu'il faut sur ces résultats pervers, et, à ce moment-là, on va être en mesure, comme parlementaires, de voter d'une manière éclairée sur cette importante réforme de l'aide juridique.
(12 h 40)
On va affecter sérieusement des notions de base dans notre société, telle la présomption d'innocence. Une personne qui arriverait devant un juge non accompagnée d'un avocat, alors que normalement elle serait admissible à l'aide d'un avocat, va être en train de télégraphier deux scénarios possibles au juge: ou, selon le procureur de la couronne, cette personne-là ne devait pas avoir d'avocat parce qu'on présume qu'il n'y aura pas d'emprisonnement c'est ce que le député de Jacques-Cartier expliquait tantôt, que c'était une des exclusions du projet de loi, et il s'agit à ce moment-là d'une ingérence dans le travail qui doit être fait d'une manière impartiale, une ingérence, donc, dans le travail des tribunaux et le travail des juges ou encore le projet de loi est en train de dire que la personne est récidiviste, parce que les récidivistes vont être exclus aussi.
Vous savez, M. le Président, c'est fondamental, le juge ne doit jamais savoir les antécédents judiciaires d'une personne avant le moment de prononcer la sentence. Le fait d'avoir des antécédents judiciaires est une importante considération pour la sentence, mais, pour ce qui est de la détermination de la culpabilité, encore une fois, le juge doit vraiment rester d'une manière très claire avec le dossier qui est devant lui.
Le Vice-Président (M. Bélanger): Je m'excuse, M. le député de Chomedey. M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Boisclair: Je veux soulever à nouveau la règle de la pertinence. Vous avez, tout à l'heure, invoqué la jurisprudence. La jurisprudence qu'on retrouve aux cahiers est essentiellement, là... Les décisions qui ont été rendues par vos prédécesseurs restreignent et ne donnent pas une interprétation libérale à la règle de la pertinence. Je vous en cite deux extraits: «Il ne faut quand même pas exagérer à ce point qu'on puisse discuter de tout à la fois.» Décision 211/2 du «Recueil des décisions». La décision 211/3: «Même si une certaine latitude doit prévaloir, le débat ne peut porter [...] sur les politiques d'un ministère.»
M. le Président, il faut bien que vous réalisiez que la motion qui est à l'étude devant nous, c'est pour retarder l'adoption de principe. Et, là, le député, pour justifier cette motion de report, plaide sur le détail. Nous voulons adopter le principe, M. le Président, pour aller discuter rapidement en commission parlementaire de chacun de ces articles et peut-être même se ranger aux arguments du député, mais, pour discuter de ces choses-là, ce n'est pas ici, à l'Assemblée nationale, c'est en commission parlementaire qu'on fera ce débat-là.
À cet égard, M. le Président, je vous invite, en vertu de notre règlement, en vertu de la jurisprudence, 211/2 et 211/3, à rappeler le député à l'ordre, et qu'il nous parle de la pertinence de reporter l'adoption du principe pour une période de six mois, parce que ce qu'il est en train de plaider, c'est sur le fond, c'est sur les articles du projet de loi, puis, si on adopte cette motion, on ne pourra même pas le faire, M. le Président, parce qu'on ne pourra pas aller en commission parlementaire faire le débat sur le fond.
Le Vice-Président (M. Bélanger): M. le député de Chomedey, sur une question de règlement?
M. Mulcair: Oui. Dans un premier temps, M. le Président, sur la question de la pertinence. Je comprends que ça puisse être extrêmement gênant pour ce gouvernement d'entendre les exemples qu'on est en train de fournir, mais c'est précisément, comme on a eu l'occasion de l'expliquer dans le cas de l'intervention du député de Jacques-Cartier, en expliquant les effets pervers du projet de loi sur la réforme de l'aide juridique par le biais d'exemples qu'on est capables de contextualiser notre demande de report. Sinon, ça se discute comment? C'est évident.
Je ne suis pas en train de parler du prix du thé en Chine, je ne suis pas en train de parler des politiques d'un ministère, comme le leader adjoint du gouvernement vient de le souligner. Au contraire, on parle du projet de loi, on parle de ses effets pervers, on parle des problèmes qui ont été soulevés par les groupes qui connaissent ça, puis on dit: Reportons le projet de loi, entendons les groupes. C'est très pertinent à la motion sous étude, M. le Président, à notre humble point de vue.
Le Vice-Président (M. Bélanger): M. le leader adjoint du gouvernement, M. le député de Chomedey, je pense qu'il faut faire attention quand on cite des décisions, regarder dans quel contexte ces décisions ont été rendues. Je regarde la décision 211/2, alors que c'était lors d'un débat sur l'adoption d'un projet de loi. Un député de l'opposition faisait référence à une loi qui n'avait qu'un lien indirect avec le projet de loi en étude, ce qui n'est pas du tout pertinent au présent débat.
Maintenant, pour ce qui est de la décision 211/3, au cours du débat sur la prise en considération du rapport d'une commission, un député de l'opposition officielle s'attardait sur un autre projet de loi et sur des réalisations du ministre. Encore là, je pense que la décision qui avait été rendue dans ce contexte-là n'avait rien à voir avec le présent débat.
Le présent débat, c'est un débat sur une motion de report. Quant à moi, les arguments qui sont apportés sur le contenu même du projet de loi peuvent être pertinents quant à la motion de report. Donc, je maintiens les décisions, à date, que j'ai rendues et je trouve pertinent le propos de M. le député de Chomedey. Alors, M. le député de Chomedey.
M. Mulcair: Merci, M. le Président. Alors, effectivement, le projet de loi a plusieurs effets pervers prévisibles pour les groupes qui connaissent ça, qui travaillent auprès de ces clientèles démunies.
Parlons justement de l'exemple que l'on fournissait tout à l'heure à propos des personnes qui sont récidivistes. Vous savez, en rencontrant ces groupes-là et en les entendant, j'ai l'occasion de me faire expliquer, parce que c'est évident qu'on ne peut pas savoir toutes ces choses-là d'avance, que ce sont surtout les itinérants, les ex-psychiatrisés, les prostitués et les drogués qui sont les plus souvent ramenés pour les mêmes infractions devant les tribunaux. Ceci étant le cas, on se trouve justement à priver, et c'est la définition même...
Ce n'est pas un cliché, de parler des plus démunis de notre société, M. le Président. On parle de cas réels. On parle de droits de personnes réelles qui vont être affectés, qui vont être brimés par ce projet de loi. Encore une fois, on ne doute pas une seconde de la bonne foi du ministre de la Justice. Lorsqu'il présente son projet de loi, il vise à faire une économie. Mais ce dont nous nous sommes aperçus à force d'entendre les représentations de ces divers groupes, c'est que les économies sont des économies tout à fait fictives parce que ce sont des économies qui ne vont pas permettre de sauver réellement à long terme de l'argent à l'État au sens large, parce que les coûts sociaux qui vont être reliés à l'application de son projet de loi vont être énormes. Il manque justement une analyse serrée, valable des effets. C'est pour ça que, nous, on dit: Entendons les groupes, prenons le temps qu'il faut pour les entendre. Et il n'y a rien qui va changer. Si on donne le temps à ces groupes-là d'analyser le projet de loi, je suis même persuadé, M. le Président, qu'on va être capable, avec un peu de créativité, un peu d'imagination, qu'on serait capable de réaliser les mêmes économies sans brimer les droits.
Il y a eu un exemple que j'ai réussi à donner au ministre, lorsqu'il a posé la question, puis l'exemple était fourni par une étude préparée par trois économistes qui ont réussi à démontrer que, par une application plus serrée des règles de gestion à l'intérieur de ce système-là, on serait capable d'arriver à des économies importantes. Mais le ministre ne veut pas nous laisser entendre la Commission des services juridiques, il ne veut pas nous laisser entendre le Barreau du Québec, il ne veut pas entendre les regroupements qui représentent les intérêts des personnes handicapées, il ne veut pas entendre les cliniques d'aide juridique qui fonctionnent à travers la province. Pourquoi, M. le Président? Il est où, le problème?
Ces consultations-là peuvent s'organiser d'une manière assez rapide. On l'a vu avec son projet de loi de fusion de la Commission de protection des droits de la jeunesse et de la Commission des droits de la personne. Il s'est rendu compte qu'il fallait tenir des audiences publiques. Il a accepté de le faire. Ça s'est organisé assez rapidement. On pourrait faire la même chose ici, et on offre notre entière collaboration pour lui fournir les noms des organismes qui travaillent auprès de ces clientèles-là, et on espère, de son côté, la même sorte de collaboration dans un seul but, M. le Président, d'assurer la protection des intérêts et la protection des droits de tous les citoyens du Québec. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Bélanger): Alors, je vous remercie, M. le député de Chomedey. Ceci met donc fin au temps imparti pour le parti formant l'opposition. Je suis maintenant prêt à céder la parole à un intervenant du côté ministériel, tout en rappelant qu'il reste 55 minutes au parti ministériel. M. le leader adjoint du gouvernement.
M. André Boisclair
M. Boisclair: M. le Président, c'est à dessein que nous avons laissé les membres de l'opposition s'exprimer en premier lieu sur la proposition, la motion de notre collègue visant à reporter de six mois l'adoption du principe du projet de loi.
Je comprends, M. le Président, que le député de Chomedey soit nouveau en cette Chambre et qu'il ait peu d'expérience du processus parlementaire, mais je voudrais, en utilisant notre règlement et aussi en exprimant certaines particularités sur le fond du projet de loi, faire comprendre aux membres de cette Assemblée que la motion de report proposée par le député de Frontenac est, à mon avis, M. le Président, non justifiée. Et, à bien écouter les motifs utilisés par l'opposition officielle, on comprend bien plus, M. le Président, que ce sont des préoccupations politiques que des préoccupations de fond qui gouvernent l'opposition.
Premier argument de fond invoqué par l'opposition officielle pour justifier sa motion de report, on nous dit: Il n'y a pas eu de consultations. On invoque des consultations, on nous fait valoir, en utilisant des articles de journaux, des opinions de gens, qui sont légitimes, qui doivent, effectivement, être étudiées, qu'on doit prendre en considération, on nous dit: Invitons ces gens en commission parlementaire; on aura six mois pour faire une étude de leur point de vue et, ensuite de ça, aller en commission parlementaire.
M. le Président, je veux rappeler au député de Chomedey et, pourtant, au député de Frontenac qui connaît bien aussi le règlement parce qu'il est leader adjoint de l'opposition, il a été longtemps en cette Chambre, il a occupé les fonctions de leader adjoint du gouvernement, leur rappeler que l'article 244 de notre règlement existe. Et l'article 244 indique qu'avant d'entreprendre l'étude détaillée la commission peut décider de tenir des consultations particulières dans le cadre de son mandat. C'est à la commission, M. le Président, de décider si, oui ou non, il y aura des consultations particulières sur le projet de loi.
(12 h 50)
La motion de report suggérée par l'opposition nous empêcherait de retourner en commission parlementaire, nous obligerait à prendre six mois de plus, si elle était adoptée, pour que le projet de loi puisse être étudié en commission parlementaire et pour qu'on puisse utiliser les dispositions de l'article 244, M. le Président.
La motion proposée par l'opposition, quant aux arguments qui sont utilisés, est viciée sur le fond et, M. le Président, quant à sa face même, n'est pas justifiée.
Deuxième argument, M. le Président, de l'opposition officielle pour invoquer, pour appuyer la proposition de report de six mois de l'adoption du principe, il consiste essentiellement à nous entretenir des nombreux effets pervers. On nous dit, M. le Président: Il y a une série de situations ou des situations que je pourrais appeler des zones grises, des situations délicates où il faudrait revoir un certain nombre de choses.
M. le Président, à dessein, l'opposition a choisi de discuter de dispositions particulières, de discussions techniques, soit, importantes, M. le Président, mais je rappelais tout à l'heure que la commission parlementaire est là pour répondre à ces questions, répondre aux interrogations légitimes, qu'elles soient de l'opposition, ou qu'elles soient du public, ou qu'elles soient même de membres de l'Assemblée. Mais, à dessein, M. le Président, l'opposition n'a jamais, jamais rappelé dans ses interventions les véritables motifs et motivations du gouvernement en appui à ce projet de loi.
Parce que ce projet de loi n'a pas été déposé en cette Assemblée pour créer des effets pervers, pour venir établir de nouvelles zones grises, M. le Président, dans la définition d'un certain nombre de principes. Au contraire, ce projet de loi est là pour déposer, pour appuyer puis venir modifier un certain nombre de principes qu'il nous apparaît urgent d'adopter et qui font suite à des réflexions longtemps faites dans nos rangs, au Parti québécois, et faites aussi depuis longtemps dans la communauté juridique. Que je rappelle tout simplement le rapport Macdonald en 1991, que je rappelle le Sommet de la Justice en 1992 et que je rappelle aussi les travaux d'une commission parlementaire en 1994, qui a eu aussi l'occasion de se pencher sur notre régime d'aide juridique, M. le Président.
Donc, s'il nous apparaît important de rejeter cette motion, s'il nous apparaît important d'adopter le principe rapidement, parce qu'il faut d'abord s'entendre sur le principe, c'est bien parce qu'il y a un certain nombre de dispositions qu'il nous apparaît important d'adopter et parce qu'il nous apparaît important de procéder.
M. le Président, l'urgence d'adopter le principe, j'essaierai de vous en faire la démonstration dans les minutes qui viennent. D'abord, le budget de l'aide juridique au Québec est de l'ordre d'environ 107 000 000 $. Il s'agit d'à peu près le quart du budget du ministère de la Justice. Et, compte tenu de la révision dans laquelle chacun des membres ministériels, chacun des ministres est engagé, le ministre de la Justice a décidé de revoir un certain nombre de programmes. Mais le premier, en fonction des consultations qui ont été faites dans le passé, où il a décidé de faire une réflexion est à l'aide juridique.
M. le Président, depuis 1972, il n'y a pas eu de réforme majeure du régime d'aide juridique. Nous avions promis, en campagne électorale, de bouger, et, aujourd'hui, on nous reproche de respecter nos engagements électoraux, de vouloir mettre à jour nos lois, de vouloir répondre aux préoccupations nouvelles des gens. L'opposition officielle, M. le Président, voudrait nous condamner à rester aux projets de loi et aux règles tels que définis en 1972. C'est ça, l'effet, M. le Président, de la motion du député de Frontenac, appuyée par ses collègues de l'opposition.
Nous voulons, au contraire, M. le Président, revoir un certain nombre de choses. Et permettez-moi de vous rappeler et de poser un certain nombre de questions aux membres de cette Assemblée. Est-ce que nous croyons qu'il faille attendre six mois, M. le Président, pour admettre 160 000 personnes de plus à l'aide juridique à cause du relèvement des barèmes? Est-ce que nous devons attendre six mois de plus pour poser ce geste-là? La réponse, M. le Président, à l'évidence, c'est: Non. Est-ce que nous devons attendre six mois de plus, M. le Président, pour limiter les abus, dénoncés de part et d'autre de cette Chambre, par des gens qui profitent du système d'aide juridique? De ce côté-ci de cette Chambre, nous répondons: Non. Nous comprenons cependant, lorsqu'on voit ce que les membres de l'opposition ont laissé passer alors qu'ils étaient dans le gouvernement, avec la contrebande, qu'ils aient de la difficulté à arriver aux mêmes conclusions que nous, M. le Président, mais nous croyons qu'il faille agir maintenant, ne pas attendre six mois pour limiter les abus, M. le Président.
Est-ce qu'il nous faut, M. le Président, attendre six mois pour que ce régime d'aide juridique continue de financer l'exercice de certains recours coûteux devant les tribunaux judiciaires, alors même que le justiciable dispose d'autres recours, par exemple, devant un tribunal administratif? À cette question, M. le Président, nous répondons, encore une fois: Non, il ne faut pas attendre six mois, il faut procéder.
Autre question, M. le Président, pour bien prendre en compte la proposition du député de Frontenac: Est-ce que nous devons attendre encore six mois avant de voir, lorsque vient le temps d'attribuer ou non de l'aide juridique, si on doit tenir compte qu'un demandant a déjà profité de l'aide juridique pour une cause semblable? M. le Président, il ne faut pas attendre. Il faut immédiatement bouger pour mettre fin aux abus qui sont dénoncés de part et d'autre de cette Chambre.
M. le Président, pendant les deux minutes qu'il me reste vous m'indiquez une minute; je vous indique immédiatement que je continuerai après la pause du dîner j'aimerais indiquer clairement qu'avec ces quatre idées bien campées, M. le Président, les quatre questions claires que j'adresse aux membres de cette Assemblée, il ne nous faut pas attendre et, au contraire, il faut procéder. Et je répète bien que le choix qui est devant nous, au niveau de l'adoption du principe je ne parle pas des dispositions, le député de Chomedey, peut-être à dessein, fait la confusion il nous faut adopter ce principe immédiatement, sans quoi, M. le Président, nous serons condamnés aux dispositions de la loi, aux règles et aux barèmes qui sont ceux et celles adoptés en 1972.
M. le Président, dépoussiérons ça, procédons rapidement avec l'adoption de principe et allons discuter, M. le Président, avant d'aller dîner, en commission parlementaire, là où ça doit se passer, des modalités plus particulières de ce projet de loi. Mais, d'abord, je demande encore une fois à l'opposition officielle de revoir son point de vue, de retirer sa motion, et non seulement ça, mais d'appuyer un principe qui vise à modifier le régime d'aide juridique actuel, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M. le député de Gouin et leader adjoint du gouvernement.
Alors, compte tenu de l'heure, je vais suspendre nos travaux jusqu'à cet après-midi, 15 heures.
(Suspension de la séance à 13 heures)
(Reprise à 15 h 4)
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
Mmes, MM. les députés, nous allons nous recueillir quelques instants.
Je vous remercie. Veuillez vous asseoir.
Présence de M. Ahmed Miss, de la Chambre des représentants du royaume du Maroc
J'ai le très grand plaisir de souligner la présence dans les tribunes du député de la Chambre des représentants du royaume du Maroc, M. Ahmed Miss.
Affaires courantes
Nous allons maintenant procéder aux affaires courantes.
Il n'y a pas de déclarations ministérielles.
M. le chef de l'opposition officielle.
M. Johnson: Oui, M. le Président, précisément à l'occasion des déclarations ministérielles et en vertu de l'article 55, est-ce que le premier ministre, qui nous a annoncé hier qu'il comptait prendre une décision aujourd'hui dans le dossier d'Hydro-Québec, entend se prévaloir de la période des déclarations ministérielles ici, à l'Assemblée, afin de le faire? Nous donnons tout de suite notre consentement. Il n'y a pas eu de déclaration qui a été transmise à l'opposition, en vertu du règlement, mais nous serions parfaitement réceptifs, c'est le moins qu'on puisse dire, compte tenu de l'importance que le premier ministre y accorde, et nous-mêmes, à écouter le premier ministre tout de suite.
Le Président: M. le premier ministre.
M. Parizeau: M. le Président, s'il n'y a pas de déclaration ministérielle qui a été, selon les règlements, communiquée à l'opposition officielle une heure avant le temps prévu, c'est qu'il n'y en a pas. Alors, j'imagine que, comme il y a une période de questions, on me posera la question, et ça me fera plaisir d'y répondre.
Une voix: C'est beau.
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît!
M. le chef de l'opposition officielle, toujours sur une question de règlement?
M. Johnson: Oui, M. le Président, je ne veux pas faire de la procédurite, là. Le gouvernement peut se prévaloir, et avec l'accord des parlementaires, ici, des dispositions du règlement afin de faire une déclaration d'au plus cinq minutes. C'est la disposition importante du règlement.
Quant à la transmission préalable, ça, ça demeure un incident dans la mesure où... Si l'opposition convient et accepte qu'elle n'a pas reçu de déclaration écrite, mais qu'elle accepte en même temps d'écouter le premier ministre ou quelque ministre que ce soit, on pourrait procéder.
Ce que je comprends, c'est que le premier ministre ne veut pas tout de suite prendre cinq minutes pour annoncer à la Chambre la décision qu'il nous a dit hier avoir prise ce matin, ou devoir prendre ce matin.
Le Président: M. le premier ministre.
M. Parizeau: M. le Président, le chef de l'opposition officielle ne m'ayant pas averti préalablement qu'il désirait une déclaration ministérielle, il n'y en aura pas. Alors, je l'incite tout simplement, au moment de la période de questions, à me poser une question. Ça me fera plaisir de lui répondre.
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, on aura compris, M. le chef de l'opposition officielle, que, malgré le consentement que vous offrez, il n'y aura pas de déclaration ministérielle. Toujours sur la question de règlement.
M. Johnson: Sur le fond, M. le Président, je me permets, à l'endroit de cette question de règlement, d'indiquer qu'il est un peu inusité quand même que, pour une décision gouvernementale qui aurait été prise ce matin, le premier ministre accepte d'en discuter dans le cadre de la période de questions, autrement dit, attende qu'on lui demande ce qu'il a décidé pour nous le dire, alors qu'il a annoncé à tout le monde qu'il avait une décision importante à prendre, qu'il a présumément prise, parce que, là, il m'invite à lui poser la question. Alors, je ne comprends toujours pas comment le premier ministre ne peut pas prendre cinq minutes pour nous déclarer quelle est sa décision. Nous pourrons, de ce côté-ci, répliquer, tel que c'est l'habitude, et compléter. Le premier ministre aura un droit de dernier mot, c'est normal.
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, M. le chef de l'opposition, vous avez très légitimement posé la question de la possibilité, pour le premier ministre, de faire une déclaration ministérielle, avec le consentement de l'opposition. M. le premier ministre a très légitimement, également... vous a plutôt invité à poser une question à la période de questions. À ce moment-ci, une brève intervention, M. le premier ministre, et on pourrait passer au prochain point.
M. Parizeau: M. le Président, sachant que j'avais dit hier que le Conseil des ministres délibérerait sur cette question et que je ferais rapport à l'Assemblée nationale à ce sujet au cas où le chef de l'opposition n'aurait pas manifesté d'intérêt quelconque quant à la réponse, j'avais même prévu de planter une question aujourd'hui.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Parizeau: Alors, au cas où l'opposition officielle aurait hésité à s'embarquer...
Le Président: S'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! S'il vous plaît! Écoutez, j'attendrai le temps qu'il faut. Je vous avise et je vous rappelle que nous sommes mercredi; c'est le temps normalement imparti pour la motion de l'opposition. Alors, si vous voulez, question d'économie de temps, là, je vous invite à nous aider à procéder.
M. le premier ministre, s'il vous plaît.
M. Parizeau: Alors, je complète. J'avais donc demandé, au cas où l'opposition se sentirait dans une situation un peu embarrassée par la réponse, j'avais décidé de demander au député de Rouyn-Noranda... j'avais planté une question chez lui. Je comprends que ce ne sera pas nécessaire, M. le Président!
(15 h 10)
Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.
M. Paradis: Oui, strictement, en vertu de 35, M. le Président, simplement rappeler au premier ministre que c'est le chef de l'opposition qui lui a demandé de faire une déclaration ministérielle. S'il en a une à faire, qu'il la fasse; s'il n'en a pas, qu'il n'impute pas des motifs indignes à qui que ce soit.
Le Président: S'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, à ce moment-ci, je pense qu'il serait temps qu'on passe à d'autres points à l'ordre du jour.
Il n'y a pas de présentation de projets de loi.
À l'ordre, s'il vous plaît! M. le leader de l'opposition officielle, sur la question de règlement.
M. Paradis: Il y a une...
Le Président: S'il vous plaît! M. le leader de l'opposition officielle.
M. Paradis: Oui, nous sommes à la période des déclarations ministérielles. Le chef de l'opposition vient d'inviter le premier ministre à rendre publique une décision qu'il a annoncée qui serait prise par le Conseil des ministres ce matin. Le premier ministre nous dit: Je n'ai pas de déclaration ou d'annonce à faire. Qu'a-t-il à cacher?
Le Président: M. le leader de l'opposition officielle, je pense qu'on était loin de la question de règlement, à ce moment-ci. À l'ordre, s'il vous plaît! M. le leader du gouvernement.
M. Chevrette: M. le Président, déjà, c'est une accusation qui, ça, est contraire au règlement: Qu'a-t-il à cacher? Quand il y a une décision au Conseil des ministres qui est prise, M. le Président, si on veut la rendre publique par une déclaration ministérielle, on avise une heure avant. Si on veut la rendre publique par une question en Chambre, c'est notre droit. Si on veut la rendre publique par un «scrum» devant la presse, après la période de questions, c'est notre droit le plus strict. Je ne vois pas quel... Ils ont donc bien hâte de savoir ce qu'on a décidé! Ils ont peur de quoi?
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
Nous passons donc à la présentation de projets de loi. Il n'y a pas de présentation de projets de loi.
Pas de dépôt de documents.
Dépôt de rapports de commissions
Nous en sommes au dépôt de rapports de commissions. Mme la présidente de la commission de l'aménagement et des équipements et députée de Mégantic-Compton.
Étude détaillée du projet de loi 96
Mme Bélanger: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission de l'aménagement et des équipements, qui a siégé le 30 mai 1995 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi 96, Loi modifiant la Loi sur la qualité de l'environnement. Le projet de loi a été adopté avec un amendement.
Le Président: Merci, Mme la présidente de la commission de l'aménagement et des équipements. Ce rapport est déposé.
M. le président de la commission du budget et de l'administration et député d'Arthabaska.
Auditions et étude détaillée du projet de loi 202
M. Baril (Arthabaska): M. le Président, il me fait plaisir de pouvoir déposer le rapport de la commission du budget et de l'administration, qui a siégé le 25 mai 1995 sous la présidence du député de WestmountSaint-Louis afin d'entendre les intéressés et de procéder à l'étude détaillée du projet de loi d'intérêt privé 202, Loi modifiant la Loi constituant en corporation la Société de Saint Vincent de Paul de Québec. Le projet de loi a été adopté avec un amendement, dont un au titre.
Mise aux voix du rapport
Le Président: Merci, M. le président de la commission. Est-ce que ce rapport est adopté? Adopté?
Des voix: Adopté.
Le Président: M. le président de la commission du budget et de l'administration.
Auditions et étude détaillée du projet de loi 235
M. Baril (Arthabaska): Oui. Je me dois de déposer également le rapport de la commission, qui a siégé le 25 mai 1995 afin d'entendre les intéressés et de procéder à l'étude détaillée du projet de loi d'intérêt privé 235, Loi modifiant la Loi concernant le Club de Golf Boucherville. Ce projet de loi a été adopté.
Mise aux voix du rapport
Le Président: Alors, ce rapport est-il adopté?
Des voix: Adopté.
Le Président: Adopté. M. le président de la commission du budget et de l'administration.
M. Baril (Arthabaska): Un dernier projet de loi. La commission a travaillé beaucoup en mon absence.
Des voix: Ha, ha, ha!
Auditions et étude détaillée du projet de loi 240
M. Baril (Arthabaska): Je dépose également le rapport de la commission du budget et de l'administration, qui a siégé la même journée afin d'entendre les intéressés et de procéder à l'étude détaillée du projet de loi d'intérêt privé 240, Loi modifiant la Loi sur la Société mutuelle de... Eh «batêche»!
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Baril (Arthabaska): ...de réassurance du Québec.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Baril (Arthabaska): Ce projet de loi a été adopté avec un amendement.
Mise aux voix du rapport
Le Président: Merci, M. le président. Ce rapport est-il adopté?
Des voix: Adopté.
Dépôt de pétitions
Le Président: Adopté. Nous en sommes au dépôt de pétitions. M. le député de Jonquière.
Assurer l'achèvement de l'autoroute Alma-La Baie
M. Dufour: Oui, M. le Président. Je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale par 48 106 pétitionnaires, citoyens et citoyennes du SaguenayLac-Saint-Jean. Les faits invoqués sont les suivants.
«Considérant que le projet de l'autoroute Alma-La Baie a été initié par le gouvernement du Parti québécois de 1976 et qu'à ce jour il n'y a que d'infimes parcelles de la route qui sont complétées;
«Considérant que les députés du Parti québécois du SaguenayLac-Saint-Jean, Mme Jeanne Blackburn, MM. Francis Dufour, Gérard-R. Morin, Jacques Brassard et Benoît Laprise, ont pris l'engagement durant la campagne électorale précédant leur élection en septembre 1994... On «pourrait-u» arrêter le poulailler, s'il vous plaît? Moi, ça me semble...
Le Président: M. le député de Jonquière.
M. Dufour: ...ont pris l'engagement durant la campagne électorale précédant leur élection en septembre 1994 de voir à la réalisation de l'autoroute Alma-La Baie;
«Considérant qu'il s'agissait du seul engagement à caractère régional de ces députés;
«Considérant que l'autoroute Alma-La Baie est un outil indispensable pour l'intégration et le développement économique de la région du SaguenayLac-Saint-Jean tant au niveau industriel, commercial que touristique;
«Considérant que le projet de l'autoroute Alma-La Baie est appuyé massivement par la population de la région;»
Et l'intervention réclamée se résume ainsi:
«Nous, citoyennes et citoyens du Saguenay Lac-Saint-Jean signataires de la présente, prions l'Assemblée nationale d'intervenir auprès du ministre des Transports pour obtenir la poursuite et la finalisation dans sa totalité de l'autoroute Alma-La Baie et qu'une enveloppe financière soit engagée à cette fin au cours des quatre prochaines années.»
Je certifie que cet extrait est conforme au règlement et à l'original de la pétition.
Le Président: Cette pétition est déposée. Nous en sommes toujours au dépôt de pétitions. M. le député de Jonquière.
M. Dufour: Oui, M. le Président. Je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale par 5 000 pétitionnaires, citoyens et citoyennes du Saguenay Lac-Saint-Jean. Les faits invoqués sont les suivants.
«Considérant que le projet de l'autoroute Alma-La Baie a été initié par le gouvernement du Parti québécois de 1976 et qu'à ce jour il n'y a que d'infimes parcelles de la route qui sont complétées;
«Considérant que les députés du Parti québécois du SaguenayLac-Saint-Jean, Mme Jeanne Blackburn, MM. Francis Dufour, Gérard-R. Morin, Jacques Brassard et Benoît Laprise, ont pris l'engagement durant la campagne électorale précédant leur élection en septembre 1994 de voir à la réalisation de l'autoroute Alma-La Baie;
«Considérant qu'il s'agissait du seul engagement à caractère régional de ces députés;
«Considérant que l'autoroute Alma-La Baie est un outil indispensable pour l'intégration et le développement économique de la région du SaguenayLac-Saint-Jean tant au niveau industriel, commercial que touristique;
«Considérant que le projet de l'autoroute Alma-La Baie est appuyé massivement pas la population de la région;»
L'intervention réclamée se résume ainsi:
«Nous, citoyennes et citoyens du Saguenay Lac-Saint-Jean signataires de la présente, prions l'Assemblée nationale d'intervenir auprès du ministre des Transports pour obtenir la poursuite et la finalisation dans sa totalité de l'autoroute Alma-La Baie.»
Je certifie que cet extrait est conforme au règlement et à l'original de la pétition.
(15 h 20)
Le Président: Merci, M. le député de Jonquière, cette pétition est déposée.
Il n'y a pas d'interventions portant sur une violation de droit ou de privilège ou sur une question de fait personnel.
Questions et réponses orales
Nous en sommes à la période de questions et de réponses orales. M. le chef de l'opposition officielle, pour une question principale.
Enquête publique concernant l'achat d'électricité à des producteurs privés
M. Johnson: Oui, M. le Président, je réitère ma question au premier ministre: Quelle est la décision qui a été prise ce matin?
M. Parizeau: M. le Président, je...
Le Président: S'il vous plaît! M. le premier ministre.
M. Parizeau: Je remercie le chef de l'opposition officielle de sa question, et je vais maintenant y répondre. Le Conseil des ministres a décidé ce matin que le dossier, tel qu'il semble se présenter à l'heure actuelle, de la production d'électricité avec des barrages privés, à Hydro-Québec, présente suffisamment de... mettons, de faits troublants pour que ça justifie que l'on fasse une enquête publique. Il y aura donc une enquête publique. Le mandat de cette enquête reste cependant à définir. Les enquêtes de la police se poursuivront, sur le plan, évidemment, de l'opportunité économique d'avoir procédé à ces opérations. S'il y a, sur le plan de l'éthique, des choses très, très troublantes, très, très troublantes, sur le plan, comment dire, de ramifications possiblement criminelles, il y a encore des renseignements à obtenir. Alors, donc, la semaine prochaine, je l'espère, nous aurons en main tous les éléments nécessaires pour définir spécifiquement le mandat. Il y en a déjà suffisamment, encore une fois, pour justifier l'acceptation de principe, ce matin, d'une commission publique d'enquête. Le mandat exact sera présenté la semaine prochaine par le ministre des Ressources naturelles je pense que c'est normal qu'il en soit ainsi et la composition de la commission aussi.
Alors, donc, oui, il y aura commission d'enquête publique. La semaine prochaine, à la lumière de rapports que nous attendons de deux corps policiers, nous pourrons établir spécifiquement ce que sera le mandat. Merci, M. le Président.
Le Président: M. le chef de l'opposition officielle, pour une question complémentaire.
M. Johnson: Oui, M. le Président, et en disant d'entrée de jeu, à moins qu'on nous indique des précédents, qu'il apparaît inusité à ce moment-ci... Et est-ce que le premier ministre pourrait nous expliquer pourquoi il a choisi cette voie de retenir le principe d'une commission d'enquête publique, mais de ne pas lui donner de mandat? Je me permets de souligner que, d'habitude, si une commission d'enquête publique est mise sur pied, elle doit avoir un objectif, et, donc, on doit lui définir un mandat. Si le premier ministre détient suffisamment d'informations graves, évidemment, pour qu'il y ait une enquête publique, bien, qu'il le fasse et qu'il nous dise tout à la fois le mandat, le nom des commissaires, le cas échéant, et les délais de production de travail, de remise de rapport, ou quoi que ce soit.
Est-ce que le premier ministre pourrait nous indiquer en vertu de quel précédent il procède de cette façon, en deux temps? Compte tenu, et j'y reviendrai tout à l'heure, du fait que, tant qu'on accuse personne et tout le monde, il y a beaucoup de gens qui sont soupçonnés d'on ne sait quoi, il est important qu'il y ait rapidement clarification de tout ça.
Le Président: M. le premier ministre.
M. Parizeau: Je ne comprends pas le chef de l'opposition, M. le Président. Ce n'est pas parce qu'on établit un mandat qu'on accuse des gens spécifiquement. Voyons! Un mandat n'accuse pas. Qu'est-ce que c'est que cette chose? On établit une commission d'enquête publique. Il y a, à la fois sur le plan des décisions, de l'opportunité et de la moralité, d'un certain nombre de décisions qui ont été prises, suffisamment de choses qui justifient une telle commission d'enquête publique. Quant à savoir, dans des opérations plus spécifiquement liées au rapport de police, jusqu'où le mandat devrait s'étendre, la décision viendra la semaine prochaine. Je pense que, à l'heure actuelle, il n'y a vraiment aucune espèce de raison de chercher à se hâter là-dessus, justement au nom de la protection des réputations.
Nos amis d'en face, en cette Chambre, nous ont habitués à ce que le salissage de réputations derrière l'immunité parlementaire soit devenu une sorte de sport, de leur part. Nous, nous ne sommes pas comme ça; nous allons y aller avec une certaine prudence.
Des voix: Bravo!
M. Paradis: Bouffon!
M. Johnson: Oui, M. le Président...
Le Président: À l'ordre!
M. Paradis: Bouffon!
Le Président: M. le chef de l'opposition officielle, pour une question complémentaire.
M. Johnson: Oui, M. le Président. Dans la mesure où, comme le dit le premier ministre, ou l'a soupçonné, à tout le moins, et comme le disent sans aucune espèce de retenue certains de ses collaborateurs, que la réputation, l'intégrité de gens qui ne sont pas encore nommés est en cause, est-ce que ce n'est pas justement un des principes qu'on doit respecter que de faire rapidement afin que les soupçons soient levés à l'endroit des gens qui n'ont absolument rien à se reprocher, et que, parallèlement, les accusations, le cas échéant, soient portées par le Procureur général à l'endroit des gens qui seraient identifiés comme ayant possiblement commis certaines infractions?
Est-ce que, contrairement à ce que vient de dire le premier ministre, il n'est pas absolument essentiel que toute enquête de cette nature, toute commission, tout geste, toute activité d'identification de quoi que ce soit, soient menés rapidement, avec équité, transparence et avec rigueur? On aimerait entendre le premier ministre nous dire que c'est avec célérité, avec rigueur, transparence, justice et équité, qu'il entend procéder.
Le Président: M. le premier ministre.
M. Parizeau: Absolument, M. le Président! Je pense que le chef de l'opposition officielle a tout à fait raison.
Le Président: M. le député de Laurier-Dorion, pour une question principale.
Annulation d'une rencontre avec les chefs autochtones
M. Sirros: Principale, M. le Président. Le 25 avril dernier, le premier ministre prenait tout le monde par surprise en nous disant, devant la commission des institutions, et je le cite: «J'ai accepté l'invitation de l'Assemblée des premières nations du Québec d'aller rencontrer les chefs et les leaders autochtones d'ici quelques semaines. Je vais discuter avec eux sereinement, sérieusement, de plusieurs sujets», etc.
Hier, le premier ministre prenait encore une fois tout le monde par surprise, M. le Président, mais, cette fois, pour une raison inverse. Les journaux titraient: «Parizeau annule une rencontre avec les chefs autochtones». Et son éclaireur politique dans le dossier, le député de Vimont, disait qu'il sentait la soupe chaude et que c'était comme et je cite encore une fois: «un orignal qui descend un sentier [...] et qui sent qu'il y a 42 personnes le long du sentier [...] qui l'attendent avec des intentions inconnues».
M. le Président, à moins que le premier ministre puisse nous dire qu'il craignait pour son intégrité physique à cette rencontre ou qu'il avait des informations à l'effet qu'il serait mal reçu, il a fait un pied-de-nez qui fait sérieusement reculer l'état des relations avec les autochtones.
Ma question, M. le Président: N'est-il pas exact que, suite à la déclaration déplacée, intempestive et inacceptable du ministre de la Sécurité publique la veille, le premier ministre a décidé de sacrifier sa rencontre avec les chefs plutôt que d'avoir à répondre de ce chantage par anticipation que faisait son ministre de la Sécurité publique?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Parizeau: Nous sommes en pleine fiction, M. le Président. Je remercie cependant le député de Laurier de me donner l'occasion de mettre au point un certain nombre de choses dans ce dossier autochtone qui, je pense, évolue fort bien au Québec depuis quelque temps.
M. le Président, je ne sais pas pourquoi...
Le Président: S'il vous plaît!
M. Parizeau: ...ces gens-là protestent. C'est curieux, quand nous avons signé avec M. Coon Come il y a quelques jours, il n'y a pas eu de question en Chambre. Pourquoi? Parce que, au fond, ils aimeraient que ça aille mal?
Une voix: Ça, ça ne les intéresse pas, cette question-là.
Le Président: S'il vous plaît! M. le premier ministre.
(15 h 30)
M. Parizeau: Depuis déjà quelques mois, nous cherchons, sur des questions concrètes, à passer des ententes avec autant de groupes autochtones que possible. Nous avons présenté une offre globale aux Montagnais et aux Attikameks. Ça a un peu retardé avec les Montagnais quant au dialogue, parce que l'unité de négociation, à un moment donné, s'est scindée en deux. Mais, avec les Attikameks, ça a pas mal avancé.
Avec les Inuit, il n'y a pas très longtemps, nous nous sommes entendus sur un certain nombre de choses à réaliser dans Nunavik. Et puis, là, avec les Cris, récemment, il y a eu une entente extrêmement intéressante qui a été signée. Avec l'Assemblée des premières nations, depuis déjà plusieurs semaines, je cherche à faire en sorte qu'on s'entende sur un agenda, sur un ordre du jour précis, en particulier quant à la création parce qu'il faut quand même avancer là-dedans d'une sorte de forum où on pourrait, là, pour la première fois, discuter de façon, comment dire, multilatérale de ces questions, que ce ne soit pas seulement le gouvernement de Québec avec les Montagnais, le gouvernement de Québec avec les Attikameks, le gouvernement de Québec avec les Cris, mais qu'on puisse avoir une sorte de forum où, de façon multilatérale, on puisse s'expliquer les uns les autres et se parler. Or, quant à l'ordre du jour qui prévoirait une discussion à ce sujet, ça accroche.
Le Président: En terminant, M. le premier ministre.
M. Parizeau: Alors, ce n'est pas une question de rompre ou pas, mais je pense qu'on doit, quand on veut
être raisonnable là-dessus, dire: Nous allons avoir des discussions sur un ordre du jour sur lequel nous nous entendrons de part et d'autre. Je continue de le souhaiter. Mais, comme, de toute façon, cet élément-là n'était pas accepté, j'ai préféré...
Le Président: S'il vous plaît!
M. Parizeau: ...que nous reportions cette réunion. Je pense que c'est sage.
Le Président: M. le député de Laurier-Dorion, en question complémentaire.
M. Sirros: La fiction, M. le Président, c'est le patinage artistique pour ne pas répondre à ma question.
Le Président: S'il vous plaît! Votre question.
M. Sirros: Dois-je comprendre de la réponse du premier ministre qu'à moins d'avoir des garanties et des certitudes quant à l'issue des rencontres où il envisage de rencontrer des gens il n'y participe pas?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Parizeau: M. le Président, le député de Laurier, deux fois deux fois s'est fait refuser, alors qu'il était chargé de ce dossier, s'est fait refuser ce type de mécanisme permanent de discussion avec les premières nations. Deux fois, les premières nations lui ont refusé ça. Là, j'essaie une troisième fois. Pourquoi est-ce qu'il me reproche d'essayer? Parce que là où il n'a pas réussi, il ne voudrait pas que nous réussissions, c'est ça?
Le Président: M. le député de Laurier-Dorion, pour une question complémentaire.
M. Sirros: M. le Président, est-ce que le premier ministre comprend qu'essayer ça veut dire entamer la discussion?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Parizeau: Effectivement, ces discussions se poursuivent depuis des semaines. On comprendra à quel point ça peut être un peu, excusez-moi l'expression, mais un peu ridicule pour le député de Laurier-Dorion de dire: Ça va être à cause de la déclaration d'un ministre il y a 48 heures. Ça fait des semaines que ces discussions se produisent, et j'aimerais à cet égard, si on me le permet, M. le Président, déposer une lettre que mon adjoint parlementaire, le député de Vimont, chargé des questions autochtones, a envoyée hier le 29 mai, c'est ça, oui au chef des premières nations, M. Ghislain Picard. Si on me permet de la déposer, ça illustrera l'état des discussions.
Le Président: Alors, est-ce qu'il y a consentement pour le dépôt du document? M. le leader de l'opposition officielle.
M. Paradis: Tout en constatant que ça ne change rien au dossier, consentement.
Document déposé
Le Président: M. le député de Rivière-du-Loup, consentement? Alors, s'il vous plaît! Je ne crois pas avoir donné la parole à quiconque autre que le premier ministre à ce moment-ci. M. le premier ministre, en terminant.
M. Parizeau: Bien, simplement que, M. le Président, je ne comprends pas cette réaction, sur une question de règlement, j'imagine, du leader de l'opposition officielle, qui dit que ça ne changera rien au dossier. Mais qu'est-ce que c'est que ce blocage, de l'autre côté, M. le Président? On essaie de déposer les pièces pertinentes pour que chacun puisse savoir ce qui se passe. Ce n'est pas pertinent au dossier, ça? Ça ne le fait pas changer?
Le Président: Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, pour une question principale.
Reconnaissance de la spécificité de Montréal
Mme Frulla: Merci, M. le Président. Le discours du premier ministre, lundi dernier, devant la Chambre de commerce du Montréal métropolitain et sa déclaration de reconnaître par des moyens tangibles la spécificité particulière de Montréal causent beaucoup de scepticisme dans la métropole, tant de la part de l'administration Bourque, d'ailleurs, que des médias. À preuve, un éditorialiste montréalais écrivait ce matin, et je cite: «...au-delà des paroles, M. Parizeau, quand il a parlé d'un nouveau pacte fiscal, ne s'est pas dissocié de la position de son ministre Chevrette, qui fait porter sa réflexion sur une trentaine de villes-centres, niant ainsi la spécificité du problème de la métropole.» M. le Président, au premier ministre: Est-ce qu'il peut nous dire si M. Alain Dubuc a déformé la réalité?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Parizeau: M. le Président, ce n'est pas nécessaire, pour une fois, que je commente les articles d'un tel ou d'un tel des éditorialistes de Montréal. La Presse , la grosse Presse m'a rendu aujourd'hui le très grand service de publier de larges extraits de mon discours. Alors, ça va. Il suffit de le lire. C'est comme le débat sur la santé samedi dernier. J'ai indiqué en cette Chambre... J'espère que tout le monde l'a regardé, à RDI, pendant le Conseil national, le débat sur la santé. Là, tout ce que je peux dire quant aux positions de mon gouvernement sur la ville de Montréal: Lisez donc la grosse Presse de ce matin, c'est intéressant.
Mme Frulla: Justement, M. le Président, je l'ai.
Le Président: Un instant, s'il vous plaît! À l'ordre! Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, pour une question complémentaire.
Mme Frulla: Justement, M. le Président, je l'ai, la grosse Presse ; grosse Presse , grosse photo. Ils ont dit: Il faut concrétiser la spécificité...
Le Président: S'il vous plaît! Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, donc, pour une question complémentaire.
Mme Frulla: Alors, dans cette Presse , on dit: Il faut concrétiser la spécificité montréalaise. La métropole n'est ni une ville ni une région québécoise comme les autres. Pourtant, le ministre des Affaires municipales a bien dit qu'il ne réglerait aucune... Alors, question au premier ministre: Comment se fait-il, alors, que le ministre des Affaires municipales a bien dit qu'il n'y aurait aucune solution pour Montréal qui serait exportable et que l'on considérerait Montréal et ses problèmes au même titre que les 31 villes-centres du Québec?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Parizeau: Bon. Alors, on peut peut-être essayer de sortir un peu des galéjades, là, ça va permettre de faire un exposé sur la spécificité de Montréal. Je remercie la députée de me donner cette occasion. Bientôt, là, on va avoir en cette Chambre le dépôt d'un projet de loi portant sur la création d'une agence de transport en commun pour la région métropolitaine de Montréal.
Ça fait des années que ça devait aboutir, cette question-là. Enfin, ça aboutit. Nulle part ailleurs au Québec on a quoi que ce soit d'équivalent. Ça fait des années que ça dure, cette affaire-là, et il était temps que ça aboutisse.
La spécificité fiscale de Montréal? Bien, s'il y a une chose sur laquelle le ministre des Affaires municipales et moi nous nous entendons, c'est justement là-dessus. Nos amis d'en face, quand ils étaient au gouvernement, ils ont créé à Montréal, avec la réforme dite Ryan celui que le couple Massé-Robillard encense de ce temps-ci à Ottawa un problème qui a mené directement à une surtaxe sur les immeubles non résidentiels, tel qu'à l'heure actuelle, pour les entreprises, c'est «anywhere but Montréal». Bon. Il faut corriger ça.
(15 h 40)
En attendant qu'un pacte fiscal qui, par définition, doit s'appliquer à toutes les municipalités puisse être prêt, qu'est-ce que fait le présent gouvernement? Il reconnaît justement cette spécificité de Montréal, comme le dit le ministre des Affaires municipales. Et ça a amené, par exemple, un transfert de 50 000 000 $ dans le budget de cette année à Montréal, à partir de l'achat d'un certain nombre de propriétés, en particulier les immeubles du Casino.
Et nous allons continuer, à l'égard de Montréal, à leur donner un coup de main, ce qu'eux n'ont jamais fait tant qu'ils étaient au pouvoir. On va donner un coup de main à Montréal, spécifique, jusqu'à ce qu'un pacte fiscal puisse avoir des applications d'ordre plus général. Merci, M. le Président.
Le Président: M. le député de l'Acadie, pour une question principale.
Relocalisation d'un centre Travail-Québec à Saint-Jérôme
M. Bordeleau: Oui, merci, M. le Président. En question principale. En novembre dernier, la Société immobilière du Québec a émis un appel d'offres pour relocaliser le centre Travail-Québec dans le périmètre de Saint-Jérôme, Saint-Antoine et Lafontaine. Une soumission a été déposée pour un local situé à Saint-Antoine. Après la visite de ces lieux, les fonctionnaires de la Société immobilière du Québec ont dit au propriétaire que l'approbation ne faisait pas de doute et que tout semblait satisfaisant. Cependant, à la mi-janvier, le ministre de l'Industrie est intervenu, à sa manière, pour faire annuler cet appel d'offres complété et éliminer ainsi le soumissionnaire qui, en toute bonne foi, y avait répondu.
Des voix: Ah!
M. Bordeleau: Alors, ma question s'adresse au ministre de l'Industrie: Est-ce que le ministre, qui s'est ingéré dans ce dossier, l'a fait pour protéger des intérêts personnels comme il l'a fait dans le dossier de l'implantation d'une garderie dans son quartier?
Le Président: M. le ministre de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie.
M. Paillé: Non, M. le Président, je n'ai aucun intérêt personnel.
Des voix: Oh!
Le Président: M. le député de l'Acadie, pour une question complémentaire.
M. Bordeleau: Oui, M. le Président, question complémentaire: Pourquoi, dans ce cas-là, l'appel d'offres original du mois de novembre n'a-t-il pas été fait en conformité avec cette limite géographique, si l'objectif de son gouvernement, dont il est membre, était de favoriser le développement du centre-ville de Saint-Jérôme?
Le Président: M. le ministre de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie.
M. Paillé: M. le Président, justement dans le cadre de la revalorisation du centre-ville de Saint-Jérôme, j'ai eu des discussions avec ma collègue la ministre responsable de la SIQ, et il me fait plaisir de lui transmettre la parole.
Le Président: Mme la présidente du Conseil du trésor.
Mme Marois: Je vous remercie, M. le Président. Je remercie le député de cette question parce que ça me permet de redire ici comment nous avons modifié un certain nombre des politiques qu'applique actuellement la Société immobilière du Québec. Et l'une de celles-là, entre autres, c'est de nous assurer que, lorsque nous faisons des investissements, des locations, lorsque nous faisons des modifications quant à l'utilisation de nos locaux, nous allons privilégier, dans tous les cas où cela s'avère pertinent, bien sûr, parce qu'une règle souffre toujours l'exception, la revalorisation et l'investissement dans les centres-villes.
Le Président: M. le député de l'Acadie, toujours pour une question complémentaire?
M. Bordeleau: Exact, M. le Président. La semaine dernière, le ministre se cachait derrière la ministre responsable des garderies, aujourd'hui, il se cache derrière la ministre responsable de la Société immobilière du Québec.
Le Président: M. le député de l'Acadie, nous sommes en question complémentaire, je vous inviterais à y aller directement de votre question.
M. Bordeleau: Oui. Est-ce que, en limitant le périmètre à Saint-Jérôme, les maires de Saint-Antoine et de Lafontaine doivent comprendre que, dorénavant, leur municipalité ne compte pas dans les plans de développement régional du député de Prévost et ministre de l'Industrie?
Le Président: M. le ministre de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie.
M. Paillé: M. le Président, quand j'ai été élu, le 12 septembre, dans le comté de Prévost, on a tenu peu de temps après une grande corvée, parce que ce comté-là était ignoré partout depuis neuf ans. Les gens se sont mis ensemble et ils ont décidé d'un certain nombre de points centraux, notamment la revalorisation de ce que j'ai appelé le trou de beigne de Saint-Jérôme. Quand on a pris, chacun, les décisions en fonction de nos pouvoirs, de notre côté, on a regardé ce qu'on pouvait faire. J'ai eu des discussions avec Mme la ministre responsable de ça, j'ai fait mon rôle de député. Et, d'ailleurs, la population de ce comté-là, M. le Président, était d'accord avec ce qu'on a fait. On a pris les instruments que l'on a et on fait en sorte que le développement du centre-ville de Saint-Jérôme va être autre chose que juste des nuages ou un parking.
Le Président: M. le député de LaFontaine, pour une question principale?
Travaux de construction du toit du Stade olympique
M. Gobé: Oui, M. le Président. À la demande de la ministre du Tourisme, la firme Nicolet, Chartrand, Knoll, en décembre 1994, déposait un rapport produisant les incidences et les travaux nécessaires quant au maintien de la toile du Stade olympique pour une année supplémentaire et ses incidences sur la sécurité du public.
Est-ce que la ministre pourrait nous indiquer pourquoi les travaux n'ont pas encore été commencés, après six mois du dépôt de ce rapport?
Le Président: Mme la ministre du Tourisme.
Mme Dionne-Marsolais: Oui, M. le Président. D'abord, le rapport a été remis en novembre 1994 et non pas en décembre. Et les travaux...
Le Président: Pas toujours, effectivement. Mme la ministre.
Mme Dionne-Marsolais: Et les travaux sont en cours. D'ailleurs, j'ai indiqué, à l'occasion de l'interpellation, qu'il y avait un comité aviseur qui avait été formé et qui était actuellement au travail pour réaliser les études et les travaux requis pour donner suite à la décision que nous avions prise.
Le Président: M. le député de LaFontaine, pour une question complémentaire.
M. Gobé: M. le Président, est-ce que la ministre peut garantir, de son siège, que les travaux préconisés dans le rapport Nicolet sont vraiment commencés et réalisés?
Le Président: Mme la ministre. Mme la ministre.
Mme Dionne-Marsolais: Oui, M. le Président, je peux vous assurer que les travaux du comité aviseur sont en cours. Ils ne sont pas terminés, toutefois.
Le Président: M. le député de LaFontaine, toujours en complémentaire.
M. Gobé: Oui, M. le Président. Est-ce que la ministre peut déposer, tout d'abord, l'échéancier de la réalisation de ces travaux en cette Chambre? Et peut-elle aussi déposer, par la suite, l'intégralité des recommandations du rapport Nicolet, et pas seulement les conclusions, comme elle l'a fait, ainsi que les coûts?
Le Président: Mme la ministre. Mme la ministre.
Mme Dionne-Marsolais: La raison pour laquelle nous avons déposé les conclusions du rapport et non les coûts, c'est que, comme nous n'avons pas arrêté mais suspendu les travaux jusqu'à ce que la RIO ait terminé les études et les évaluations et les validations que nous avons demandées, nous ne pouvons pas déposer les conclusions de l'étude NCK, à la demande, d'ailleurs, de la RIO, parce que nous dévoilerions alors les estimés des négociations qui devront, par la suite, le cas échéant, si on décidait d'arrêter complètement les travaux, être négociés entre Dominion Bridge et la RIO, M. le Président.
Le Président: M. le député de LaFontaine, toujours en complémentaire?
M. Gobé: Ma question n'était pas la négociation de...
Le Président: Votre question, s'il vous plaît.
M. Gobé: ...Dominion Bridge et la RIO, vu que, déjà, la RIO...
Le Président: S'il vous plaît! Votre question, s'il vous plaît, M. le député de LaFontaine.
M. Gobé: M. le Président, ma question était la suivante... Elle n'a pas répondu.
Le Président: Votre question!
M. Gobé: Quel est l'échéancier? Où sont rendus les travaux, s'ils sont commencés et réalisés, premièrement, et est-ce qu'on peut avoir l'intégralité du rapport? Ma question est surtout sur l'échéancier et la réalisation du calendrier des travaux actuels.
Le Président: Mme la ministre.
Mme Dionne-Marsolais: Je comprends, M. le Président, que le député de LaFontaine ne veut pas savoir ce qu'il en est de Dominion Bridge, parce que, comme on l'a bien dévoilé lors de l'interpellation, la RIO avait donné un contrat à Dominion Bridge entre le moment où nous avons été élus et le moment où le cabinet a été formé, avec une pratique pour le moins inusitée d'avances à Dominion Bridge.
Le Président: M. le député de LaFontaine... Un instant! Un instant! S'il vous plaît!
(15 h 50)
M. le député de LaFontaine, toujours en complémentaire? Complémentaire.
M. Gobé: Est-ce que la ministre peut nous assurer que lorsque le contrat a été accordé à Dominion Bridge par la RIO personne de la RIO n'avait validé avec le bureau ou l'organisation du premier ministre, ou du Parti québécois, avant les élections?
Le Président: Mme la ministre.
Mme Dionne-Marsolais: M. le Président, je suis ministre responsable de la RIO depuis le 26 septembre, et, en conséquence, je ne peux pas présumer de ce qui s'est dit avant.
Le Président: S'il vous plaît! M. le député de Robert-Baldwin, pour une question principale.
Processus de consultation entourant la réforme des services de santé
M. Marsan: Merci, M. le Président. Depuis l'annonce de fermetures d'hôpitaux à Montréal, au Saguenay et maintenant à Québec, le ministre de la Santé s'entête à ne pas vouloir entendre la population, les malades, les employés, quant aux conséquences pathétiques de ces fermetures. Enfermé dans sa tour d'ivoire de l'édifice Joffre, le ministre se cache derrière des consultations dont les résultats sont télécommandés à distance et il pousse même l'odieux à refuser des audiences publiques en commission parlementaire lors de l'étude du projet de loi matraque 83, loi sur la fermeture des hôpitaux.
En plus de refuser des audiences publiques, pourquoi le ministre reporte-t-il à la fin juin ses annonces de fermetures pour la région de Québec, profitant ainsi de la période des vacances de la population et de la fin des travaux de cette Chambre?
Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.
M. Rochon: M. le Président, il y a présentement en cours une opération de transformation assez importante d'un système de santé et de services sociaux qui est assez complexe. Cette transformation se déroule dans un processus qui a été très annoncé, qui est très transparent et qui est très démocratique. Les décisions sont prises graduellement au niveau de chacune des régions et validées par le ministre par après. De continuer à répéter que les décisions sont prises à l'avance et sont téléguidées, c'est une fausseté. C'est une fausseté...
Le Président: S'il vous plaît! S'il vous plaît! M. le leader de l'opposition officielle.
M. Paradis: Oui. Je me serais attendu à ce que vous vous leviez quand le mot «fausseté» a été prononcé, M. le Président.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Paradis: M. le Président, à cet effet...
Le Président: S'il vous plaît! Un instant. S'il vous plaît! J'ai accordé la parole au leader de l'opposition officielle sur une question de règlement, alors, lui seul a la parole. M. le leader.
M. Paradis: Oui. M. le Président, dans le lexique que vous avez distribué aux membres de cette Assemblée, le mot «fausseté» apparaît, et vous avez au moins une douzaine de décisions de vos prédécesseurs à cet effet. Dans les circonstances, je vous demanderais de demander au ministre de la Santé de retirer ses paroles.
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Chevrette: M. le Président, quand le mot «fausseté» est utilisé sur une allégation puis que ça ne s'adresse pas nécessairement à un individu... Il n'a pas dit de celui qui affirme: Ceci est un faux.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président: S'il vous plaît! M. le leader.
M. Chevrette: Donc, M. le Président, il est de notoriété dans cette Chambre que, quand on utilise ça pour qualifier des phrases et non pas des individus, c'est admissible; puis il y a de la jurisprudence à profusion là-dessus. D'ailleurs, j'aurais pu me lever, moi aussi, pour dire, par exemple, que l'article 77.1 de notre règlement est très clair: on ne peut pas prêter des intentions, affirmer des choses. Le tout premier, 77.1. Le député a commencé de cette façon-là. Je pense qu'on devrait laisser, quand c'est normal, des choses se dire de même. On devrait laisser les gens questionner plutôt que les interrompre. Je comprends qu'il peut venir à la rescousse du poseur de questions ou de celui qui se permet de questionner, mais ce n'est pas vrai, M. le Président ça, c'est admissible dans notre vocabulaire qu'on a le droit de faire des procès d'intention...
Le Président: S'il vous plaît!
M. Chevrette: ...et de véhiculer des faussetés en cette Chambre, on n'a pas le droit.
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, il est vrai qu'en cette Chambre, lorsqu'on ne prête pas d'intention, je dirais, incorrecte à une personne mais qu'on parle du contenu d'une situation qui s'avère être fausse, il est arrivé effectivement qu'on considère le terme comme étant acceptable. Lorsqu'on accuse carrément une personne, un parlementaire de délibérément dire des choses qui sont fausses, à ce moment-là, ces termes-là doivent être retirés. Je n'ai pas compris de l'intervention du ministre, actuellement, qu'il accusait le député de Robert-Baldwin de délibérément dire des choses fausses. À l'ordre, s'il vous plaît!
Ceci étant dit À l'ordre! il est bien certain que d'utiliser des termes comme ceux-là ne facilite pas un déroulement harmonieux des travaux de l'Assemblée, puisque de tels propos peuvent prêter à interprétation, effectivement. À ce moment-ci, M. le ministre, je vous inviterais à terminer en étant le plus, je dirais, prudent possible quant aux termes utilisés.
M. Rochon: M. le Président, je vais être prudent, mais je vais être aussi ferme. Alors que je décris depuis des mois un processus démocratique et transparent qui se déroule, que j'ai dit et que j'ai répété à chacune des régions, et je vais avoir à le répéter pour 16 régions, M. le Président, que j'ai dit que je faisais une consultation et que je vais prendre mes décisions sur la base de la consultation, si on continue à dire que je téléguide des décisions qui sont prises à l'avance, je vais continuer à dire que c'est faux, parce que c'est faux, M. le Président.
Des voix: Bravo!
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M. le leader le l'opposition officielle, sur une question de règlement.
M. Paradis: Oui, M. le Président. Dans le lexique que vous avez fait distribuer, après le mot «fausseté» suit le mot «faux». Ce sont les deux mots qui sont les plus documentés. Le leader du gouvernement, tantôt, sur la question de règlement, a conclu...
Le Président: S'il vous plaît!
M. Paradis: ...en utilisant le mot «fausseté». Vous avez ajouté de nouveaux mots à ce lexique, et vous êtes incapable...
Le Président: Un instant, s'il vous plaît! S'il vous plaît! En terminant, M. le leader de l'opposition officielle, sur une question de règlement.
M. Paradis: Oui, M. le Président. Je répète que vous avez ajouté, depuis que vous êtes président en cette Chambre, de nouveaux mots au lexique. Le leader du gouvernement, tantôt, a réutilisé le mot «fausseté», utilisé par le ministre de la Santé; le ministre de la Santé vient d'utiliser le mot «faux», et vous êtes incapable de faire respecter le lexique que vous avez distribué, M. le Président.
Le Président: S'il vous plaît! Je suis bien prêt à entendre les arguments d'un côté comme de l'autre, à les écouter sérieusement, mais j'aimerais avoir l'occasion de les entendre parce qu'on garde le silence, par ailleurs. M. le leader du gouvernement.
M. Chevrette: M. le Président, je voudrais réitérer que, quand on qualifie des propos de faux, de contraires à la vérité, ça a été toujours accepté dans notre vocabulaire parlementaire. Ce qui n'est pas accepté, c'est des propos mensongers. On n'a pas le droit. Et, ça, c'est vrai. Mais combien de fois la présidence m'a personnellement demandé de retirer le mot «mensonger». Et on se relevait, M. le Président, et on disait: Ce sont des propos contraires à la vérité, des propos qui sont faux à leur source même. Ça a été accepté. Je ne comprends pas qu'on veuille contester, d'abord, la décision de la présidence, un; et, de deux, M. le Président, qu'on n'accepte pas qu'un ministre... Est-ce qu'on sera obligé de dire que ce qui est contraire à la vérité, c'est vrai, à cause des lexiques parlementaires? M. le Président, quand quelque chose est erroné, qu'il est contraire à la vérité, on a le devoir de le dire.
(16 heures)
Le Président: Alors, le leader de l'opposition officielle est intervenu par rapport à un deuxième mot qui avait été prononcé, qui est le mot «faux». Je réitère à cet égard que M. le ministre, à ce moment-là, dénonçait, semble-t-il, ou qualifiait de fausses certaines prétentions pouvant découler de certaines interventions. À l'ordre, s'il vous plaît! Je vous dis, d'autre part, et je vous rappelle que la liste des mots apparaissant au lexique n'est pas exhaustive et que, d'autre part, un terme doit être interprété dans le contexte où il a été prononcé. Ceci étant dit... Et, bien sûr, j'en appellerais à votre collaboration simplement pour permettre à la période de questions, dans les circonstances, de pouvoir se poursuivre dans l'ordre. Et si quelconque membre de cette Assemblée n'était pas en accord avec la décision que j'ai rendue, il pourra toujours se prévaloir des dispositions du règlement. M. le député de Robert-Baldwin, en question complémentaire.
M. Marsan: M. le Président, devant les faussetés du ministre, le ministre peut-il nous dire comment il se fait que des régies régionales ont approuvé des plans de développement de centres hospitaliers, qu'elles ont approuvé des nominations de nouveaux médecins et que, quelques jours plus tard, on nous annonce que ces hôpitaux sont fermés? Le ministre peut-il nous dire exactement comment ça s'est passé?
Des voix: Bravo! Bravo!
Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.
M. Rochon: M. le Président, le processus de consultation est en marche, à ma connaissance. Je ne sais pas où le député...
Le Président: S'il vous plaît! M. le leader, s'il vous plaît! S'il vous plaît, M. le leader! M. le ministre.
M. Rochon: À la suite du processus de consultation qui est en cours, les recommandations, les décisions finales des régies vont être communiquées au ministre dans les prochaines semaines, et les décisions vont se prendre dans les prochaines semaines. On ne peut pas dire qu'il y a eu des décisions finales de prises, on les prend présentement.
Et je répète, M. le Président, que continuer, de région en région, à colporter et à dire des choses qui ne correspondent pas du tout à la réalité, c'est manquer profondément de respect d'un processus de consultation où des gens sont très actifs et c'est faire de la désinformation systématique, M. le Président.
Des voix: Bravo! Bravo!
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Robert-Baldwin...
M. Marsan: M. le Président...
Le Président: ...pour une question complémentaire.
M. Marsan: ...est-ce que ce n'est pas le ministre qui, à ce moment-ci, annonce des fermetures d'hôpitaux? Est-ce que ce n'est pas lui qui, jusqu'à un certain point, fait de la démagogie, manque à ses responsabilités? Est-ce qu'on peut le confirmer une fois pour toutes, est-ce qu'il peut nous le dire? Est-ce qu'il peut dire, ce soir, aux gens du Christ-Roi qu'il ne fermera pas leur hôpital? Pouvez-vous nous le dire?
Une voix: C'est ça!
Le Président: M. le ministre.
M. Rochon: M. le Président, il n'y a personne qui a nié jusqu'ici. Au contraire. Il y a un consensus à l'effet qu'on a trop de lits d'hôpitaux de courte durée au Québec, que, dans la région de Québec, à laquelle vient de faire référence le député, il y en a 600 de trop qu'il faudra fermer si on veut se donner le système de santé moderne et les services de santé qu'on veut. Et, ce qu'on vient d'entendre, essayer de faire peur au monde en disant qu'on va fermer tel hôpital ou tel hôpital, c'est un exemple de la désinformation systématique à laquelle on assiste depuis plusieurs semaines, M. le Président.
Des voix: Bravo! Bravo!
Le Président: Mme la députée... À l'ordre, s'il vous plaît! Mme la députée de Jean-Talon, pour une question principale?
Mme Delisle: Additionnelle, M. le Président.
Le Président: Complémentaire.
Mme Delisle: M. le Président, le ministre peut-il nous dire s'il partage la vision du député péquiste de Chauveau, qui a déclaré, sur les ondes radiophoniques, que, pour lui, l'accession à l'indépendance du Québec passait avant l'accessibilité et la qualité des soins offerts à la population de son comté?
Une voix: Oh!
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M. le leader du gouvernement.
M. Chevrette: M. le Président, à sa face même, c'est une question inadmissible en vertu des règles de notre règlement. C'est une question d'opinion qui, entre vous et moi, en plus, est tirée par les cheveux quand on veut l'accoler à la principale. Donc, moi, je vous demande, M. le Président, d'appliquer l'article 77 de nos règlements.
Le Président: Alors, M. le leader de l'opposition officielle.
M. Paradis: Pouvez-vous reconnaître Mme la députée de Jean-Talon en principale, s'il vous plaît, M. le Président?
Le Président: Alors, Mme la députée de Jean-Talon, en question principale.
M. Brouillet: M. le Président...
Le Président: Je vous reconnaîtrai en temps et lieu, si vous voulez. Sur une question de règlement? Ah bon! Sur une question de règlement, M. le député de Chauveau.
M. Brouillet: Il y a un article qui dit que, immédiatement après des propos déformés, on peut se lever pour donner quelques brèves explications, alors, je veux me prévaloir de ce point de règlement.
Le Président: Alors, donc, effectivement, M. le député, brièvement, quelques explications.
Alors, à ce moment-ci, la question de la députée de Jean-Talon étant jugée comme irrecevable, j'invite la députée de Jean-Talon, en question principale, à reformuler sa question, et, s'il y a des éléments inexacts dans la question qui sera posée par la députée de Jean-Talon, vous aurez éventuellement l'occasion d'intervenir, M. le député de Chauveau. S'il vous plaît! Mme la députée de Jean-Talon, en question principale.
Propos du député de Chauveau concernant la réforme des services de santé
Mme Delisle: Merci, M. le Président. Est-ce que le ministre de la Santé et des Services sociaux est au courant de la déclaration du député péquiste de Chauveau et peut-il nous dire s'il partage sa vision, lorsqu'il a déclaré sur les ondes radiophoniques qu'il ne mettrait pas son siège en jeu, en tant que député péquiste de Chauveau, et que, malgré la fermeture de Chauveau, l'accession du Québec à l'indépendance passait avant l'accessibilité aux soins offerts à la population de son comté et leur qualité?
Des voix: Bravo!
Le Président: S'il vous plaît! Alors, M. le député de Chauveau, sur une question de privilège?
M. Brouillet: Mais, enfin, simplement, je fais appel à l'article du règlement qui m'autorise, immédiatement après des propos que je considère ayant déformé ce que j'ai dit vraiment, à pouvoir me lever puis à apporter quelques brèves explications.
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Chauveau, dans un premier temps, pourriez-vous m'indiquer en fonction de quel article du règlement vous intervenez?
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président: S'il vous plaît! S'il vous plaît!
M. Brouillet: M. le Président...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! S'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Chauveau.
M. Brouillet: C'est l'article 212, M. le Président.
Des voix: Bravo!
Le Président: Alors, je vous indique, M. le député de Chauveau, que l'article 212 peut être invoqué dans le cadre d'un débat. Nous ne sommes pas dans le cadre d'un débat, ici à l'ordre, s'il vous plaît! à l'ordre, s'il vous plaît! nous sommes à la période de questions et de réponses s'il vous plaît! et, à ce moment-ci, s'il y a des choses à rectifier, je vais demander au ministre de la Santé et des Services sociaux de bien vouloir répondre.
M. Paradis: M. le Président...
Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.
M. Paradis: ...compte tenu que nous sommes dans une situation exceptionnelle et que c'est quelqu'un qui occupe parfois le siège que vous occupez, et à condition que ça ne constitue pas un précédent en cette Chambre, il y aurait consentement pour que le député de Chauveau puisse s'expliquer.
(16 h 10)
Le Président: Est-ce qu'il y a consentement?
M. Chevrette: Oui, M. le Président, il y a consentement.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président: M. le député de Chauveau, brièvement, s'il vous plaît.
M. Brouillet: Bien. Ce que je dis, M. le Président, c'est que, à une réponse qu'on me disait: Si vous démissionniez de votre poste, si vous annonciez que vous seriez prêt à démissionner dans l'éventualité où le centre hospitalier Chauveau était fermé, seriez-vous prêt, donc, à prendre cette décision-là aujourd'hui? j'ai dit: Non, il y a d'autres moyens de défendre un dossier que de démissionner. Ce n'est pas mon genre de claquer la porte comme un enfant à qui on refuse un bonbon.
Ce que j'ai dit, par ailleurs, j'ai dit: J'ai d'autres objectifs dans ma vie politique, et, entre autres, la souveraineté du Québec, c'est un objectif que je poursuis, et je ne verrais pas compromettre cet objectif-là en démissionnant, même si je ne suis pas d'accord avec une décision du gouvernement.
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, la question... À l'ordre, s'il vous plaît! Il reste qu'une question a été posée, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux. S'il vous plaît!
M. Rochon: M. le Président, je n'avais, de toute façon, pas entendu l'interview de mon collègue sur les ondes, et je n'ai aucun commentaire à faire sur les opinions qu'il peut émettre dans cette Chambre. Merci.
Le Président: Alors, ceci met fin à la période de questions et réponses orales.
M. le leader de l'opposition officielle, sur une question de règlement.
M. Paradis: Oui. Le règlement est très clair, M. le Président. Le ministre de la Santé peut refuser de répondre à la question, comme il vient de le faire, s'il invoque les dispositions de l'article 82 de notre règlement. Autrement, il est tenu de répondre aux questions. L'article 82 est très clair: «Le ministre auquel une question est posée peut refuser d'y répondre, notamment:
«1° s'il juge contraire à l'intérêt public de fournir les renseignements demandés; je pense que c'est assez évident qu'il s'agit d'un dossier d'intérêt public.
«2° si les renseignements ne peuvent être colligés qu'à la suite d'un travail considérable que leur utilité ne justifie pas.»
Ce n'est pas le cas. Il doit refuser de répondre si c'est 2° ou 3° de 35. Tout le monde connaît ces événements. Le refus de répondre ne peut être discuté dans ces cas-là, M. le Président. Dans les circonstances, vous avez invité le ministre à répondre, et je demande à ce que vous appliquiez le règlement et que le ministre réponde à une question d'intérêt public qui lui a été adressée par Mme la députée de Jean-Talon.
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Chevrette: M. le Président, tout d'abord, aucun appel au règlement ne peut être fondé sur l'opinion que la réponse à une question posée à un ministre est insatisfaisante. Le ministre s'est levé et il a dit: Écoutez, je ne l'ai pas entendue. Comment voulez-vous que je la commente? Ça en était une, réponse, ça! De ce côté-ci, on répond quand on sait quelque chose; on ne s'improvise pas. Et, M. le Président, suite à l'argumentaire du député de Chauveau, ça m'apparaît clair que le moindrement qu'on a un gros jugement et un gros bon sens, on ne se lève pas pour dire: Le ministre doit répondre. Il dit qu'il ne l'a pas entendue. Franchement, M. le Président, on manque des belles occasions de poser des questions de règlement qui ont de l'allure!
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Bon, je rappellerais donc aux membres de l'Assemblée que l'article 82 dit bien que «le ministre auquel une question est posée peut refuser d'y répondre, notamment...» Le «notamment» indique certaines raisons pour lesquelles il peut y avoir refus. Maintenant, il n'est dit à nulle part, à ma connaissance, là, que le ministre est obligé de répondre à une question en dehors de ces deux motifs-là.
M. le leader de l'opposition officielle.
M. Paradis: Oui, M. le Président, moi, je veux bien suivre mon bon ami, le leader du gouvernement, dans son argumentation, mais le député de Chauveau a pu s'exprimer en cette Assemblée; il a répété en substance ce qu'il avait dit sur les ondes de la radio. Je peux comprendre que le ministre de la Santé, compte tenu de ses occupations, n'ait pas eu le temps de l'écouter sur les ondes de la radio, mais il l'a au moins écouté au moment où il s'est prononcé à l'Assemblée nationale du Québec. Et l'argument avancé par mon bon ami, le leader du gouvernement, ne peut pas tenir. Si le ministre de la Santé a déjà pris des décisions, qu'il ait le courage de les annoncer fermement en cette Chambre.
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Chevrette: M. le Président, il faudrait peut-être que le leader du gouvernement écoute les députés...
Des voix: Bravo!
M. Chevrette: ...qui posent des questions... le leader de l'opposition!
Le Président: Nous aurons, un peu plus tard en cette journée, à discuter d'une motion de l'opposition présentée par le député de Montmagny-L'Islet. Je me dois aussi, d'une certaine façon, de veiller aux intérêts et aux prérogatives d'un député qui a, conformément à notre règlement, introduit une question ou une motion de l'opposition officielle. À ce moment-ci, j'en appelle à la collaboration des deux côtés de la Chambre pour qu'on puisse procéder.
Ceci étant dit, sur l'argument présenté par le leader de l'opposition officielle, en terminant, M. le leader du gouvernement.
M. Chevrette: M. le Président, la députée de Jean-Talon commence: Suite à une interview à la radio... Le ministre répond qu'il ne l'a pas entendue. Comment voulez-vous contraindre? D'abord, c'est une réponse: il ne l'a pas entendue. Et, automatiquement, M. le Président, en plus, il y a un correctif sur les paroles dites. Et le leader de l'opposition voudrait que le ministre réponde à quelque chose qu'il n'a pas entendu puis à un correctif qui ne ressemble plus du tout à la question qui a été posée. Il s'est montré tout simplement plus intelligent que vous.
Le Président: Alors, s'il vous plaît, je pense que ma décision dans ce cas-ci, comme dans les autres, est claire. Alors, nous allons annoncer la fin de la période des questions et des réponses orales. À ce moment-ci, je laisserai les députés qui doivent vaquer à d'autres occupations quitter cette Chambre. À l'ordre, s'il vous plaît!
Alors, il n'y a pas de réponses différées.
Pas de votes reportés.
Motions sans préavis
Nous en sommes aux motions sans préavis. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.
Souligner la Journée mondiale sans tabac
M. Rochon: M. le Président, qu'il me soit permis de présenter la motion suivante: «Que cette Assemblée souligne la Journée mondiale sans tabac, sous le thème: "Le tabac, c'est plus cher qu'on croit"» afin de rappeler que le tabagisme constitue un problème de santé publique majeur causant des maladies qui peuvent être prévenues et des décès prématurés qui peuvent être évités et que le gouvernement entend intensifier son action pour protéger la santé des Québécoises et des Québécois des risques du tabac.
Le Président: Alors, est-ce qu'il y a consentement pour débattre de cette motion? M. le leader de l'opposition officielle.
M. Paradis: Nous avons convenu avec le leader du gouvernement qu'une telle motion serait adoptée sans débat à l'Assemblée nationale, compte tenu du consensus des députés.
Mise aux voix
Le Président: Alors, je comprends qu'il y a consentement, mais sans débat. Est-ce que cette motion est adoptée?
Des voix: Adopté.
Avis touchant les travaux des commissions
Le Président: Adopté. Aux avis touchant les travaux des commissions, M. le leader du gouvernement.
M. Chevrette: Oui, j'avise cette Assemblée qu'aujourd'hui, M. le Président, la commission spéciale poursuivra les consultations particulières sur le projet de loi 90, Loi favorisant le développement de la formation professionnelle, après les affaires courantes, jusqu'à 18 heures, à la salle du Conseil exécutif.
Renseignements sur les travaux de l'Assemblée
Le Président: Merci, M. le leader du gouvernement. Nous en sommes aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée. M. le député de Richmond.
M. Vallières: Oui, M. le Président. Lors de l'étude des crédits, le ministre de l'Agriculture s'était engagé à soumettre plusieurs documents et réponses écrites, entre autres, concernant les modèles de coûts d'établissement, de coûts de production dans l'assurance-stabilisation, comparés à ceux de 1995. Est-ce que le leader peut nous indiquer quand le ministère de l'Agriculture va nous fournir les réponses promises lors des travaux des crédits?
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Chevrette: Je vais m'enquérir le plus rapidement possible et, si j'ai l'information, même, avant 18 heures, il me fera plaisir de vous la communiquer.
Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.
M. Paradis: Oui, la question traditionnelle, M. le Président, je ne sais plus comment la poser, je ne sais plus comment la formuler. Il y a des questions inscrites au feuilleton par le député de Laporte au ministre des Finances qui sont inscrites depuis novembre 1994, et le ministre des Finances, qui est absent cette semaine de cette Chambre, refuse carrément de répondre à ces questions. Est-ce qu'on pourrait avoir un engagement formel du leader du gouvernement que nous allons au moins, au cours de la présente semaine, liquider les questions qui datent de 1994 de façon à ce que les parlementaires puissent obtenir, au nom des électeurs qu'ils représentent en cette Chambre, des réponses à des questions claires et faciles?
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Chevrette: M. le Président, sur une question de règlement, je vous dirai que le leader de l'opposition viole deux règlements dans cette Chambre. D'abord, souligner l'absence d'un ministre, c'est inacceptable dans cette Chambre, et ça l'a toujours été. Deuxièmement, il dit qu'il refuse de répondre. Je m'excuse, mais on ne peut imputer aucun motif; deuxième violation du règlement.
M. le Président, je donnerai en temps et lieu les réponses. Mon rôle, c'est de solliciter auprès de chaque ministre, à chaque semaine, et, dès que j'en ai, ça ne traîne pas, soyez assuré.
Le Président: M. le leader de l'opposition officielle, toujours aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée.
M. Paradis: Oui, je prends la parole de mon bon ami, le leader du gouvernement. Je sais que, lorsqu'il les reçoit, ça ne traîne pas, c'est déposé au cours de la même semaine à l'Assemblée nationale. Ce qui m'inquiète, c'est que des questions posées depuis novembre 1994 qui touchent l'état des finances publiques au Québec n'aient pas obtenu une réponse du ministre des Finances. Est-ce qu'on peut s'engager à déposer ça au cours des prochains 15 jours? M. le Président, on parle, là, de novembre 1994.
Le Président: M. le leader du gouvernement.
(16 h 20)
M. Chevrette: M. le Président, c'est dommage que je n'aie pas avec moi les statistiques de performance du Parti libéral au moment où il occupait ces banquettes. Francis Dufour, député de Jonquière, a posé des questions au tout début du mandat, il n'a jamais eu de réponses. Donc, s'il vous plaît...
M. Paradis: L'autre façon de gouverner.
M. Chevrette: L'autre façon de gouverner, c'est de ne pas faire comme vous autres, on va vous répondre avant la fin du mandat.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président: C'est la fin des affaires courantes.
Affaires du jour
Affaires inscrites par les députés de l'opposition
Motion proposant que l'Assemblée dénonce l'incapacité du ministre d'État au Développement des régions d'exercer un leadership à l'égard des dossiers régionaux
Aux affaires du jour et aux affaires inscrites par les députés de l'opposition, M. le député de Montmagny-L'Islet présente la motion suivante: «Que l'Assemblée nationale dénonce l'incapacité du ministre d'État au Développement des régions à exercer un leadership significatif auprès de ses collègues à l'égard des dossiers régionaux.»
Avant que le débat sur cette motion ne s'engage, je vous informe de la répartition du temps de parole établie pour la discussion de cette motion.
M. Chevrette: M. le Président...
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Chevrette: ...avant que vous ne parliez de répartition du temps, j'ai une question de règlement à soulever.
Le Président: Sur une question de règlement, M. le leader du gouvernement.
Question de règlement sur la recevabilité de la motion
M. Guy Chevrette
M. Chevrette: Oui. J'aimerais soulever une question de règlement quant à sa recevabilité. D'abord, la motion est inscrite en vertu de l'article 97 de notre règlement. Or, lorsque je lis attentivement la motion «que l'Assemblée nationale dénonce l'incapacité du ministre d'État au Développement des régions à exercer un leadership significatif auprès de ses collègues à l'égard des dossiers régionaux» je ne peux qu'en venir à une seule conclusion: c'est que la motion qui est devant nous est une motion de blâme à peine déguisée. Les termes sont clairs: de par son libellé, on cherche à condamner le ministre d'État au Développement des régions.
Le hic, c'est que notre règlement prévoit, à l'article 304, la procédure relative aux motions de censure, et cet article en limite le nombre à six au cours d'une session. Si vous deviez vous prononcer à l'effet que la motion qui est devant nous est recevable, cela équivaudrait à contourner les prescriptions de l'article 304. L'opposition officielle pourrait ainsi multiplier les motions de censure, rendant ainsi la règle de six motions tout à fait inapplicable.
Par ailleurs, je sais qu'il n'y a pas de jurisprudence sur la question que je soulève. Cependant, il existe une multitude de décisions concernant la recevabilité d'amendements aux motions du mercredi, jurisprudence qui, par analogie, nous est très utile. En effet, il fut statué à maintes reprises que les amendements ne peuvent nier la motion de fond ou en dénaturer le sens. Par contre, la présidence fait preuve de souplesse lorsque l'amendement vise à élargir le débat de manière à obtenir un maximum d'appui des parlementaires.
Or, M. le Président, la motion telle que libellée, telle qu'on l'a, je me retrouve dans l'impossibilité réelle de proposer tout amendement qui ne dénaturerait pas la motion de fond. Dès que je touche au mot «dénonce», je me retrouve à attaquer le principe même de la motion. Et je vous réfère à la «Jurisprudence parlementaire de Beauchesne», Règlement annoté et formulaire de la Chambre des communes du Canada, 6e édition, et on peut y lire, à l'article 565: «Le texte d'une motion ne devrait être de style ni polémique ni rhétorique; il ne devrait renfermer aucune disposition inutile ni aucune parole répréhensible. On donne généralement à la motion une tournure affirmative, encore que par son but et par son effet elle puisse avoir un caractère essentiellement négatif.»
Donc, dans Beauchesne, il est clair qu'on retrouve la distinction entre une motion de censure et une motion du mercredi. Le mercredi est une motion de fond, et on ne peut pas se détourner de l'article 304, on ne peut pas faire une motion de censure le mercredi... à une motion des députés qui vise à aller sur des contenus, sur des actions gouvernementales, mais pas sur un jugement à porter sur un député ou sur un ministre.
Remarquez bien que le fait que je suis à la fois ministre du Développement et leader me place dans une situation conflictuelle. Si vous me permettez l'expression, je m'en balance. Je suis ici, moi, par mon rôle de leader, et je vais le jouer, puis je jouerai bien mon rôle de ministre tantôt. Mais je dois vous dire que c'est tiré par les cheveux et c'est détourner complètement l'esprit de l'article 304. Et c'est violer, à mon point de vue, la notion fondamentale de ce qu'est une motion de fond.
Le Président: Merci, M. le leader du gouvernement. M. le leader de l'opposition officielle, sur la recevabilité.
M. Pierre Paradis
M. Paradis: Oui. Très brièvement, M. le Président. Le leader du gouvernement est en effet dans une position très conflictuelle. Ce qu'il fait aujourd'hui, il ne l'a jamais fait pour ses collègues. Il tente de se sauver d'une situation où, effectivement, il est mal pris. Si vous avez accepté, comme président, de recevoir la motion, si vous avez exercé des pouvoirs qui vous sont dévolus en vertu de l'article 193 de notre règlement, M. le Président... Et, là-dessus, lorsque vous avez accepté la motion, vous l'avez jugée, comme telle, prima facie, recevable, ce qui n'empêche pas, j'en conviens, mon collègue, à ce moment-ci, de soulever les arguments qu'il vient de soulever, mais il n'y a à peu près rien qui tient dans son argumentation. Ce qu'il nous dit de plus important, pour lui, c'est qu'il ne peut amender une telle motion. M. le Président, c'est son problème. C'est une question d'imagination, c'est une question de créativité et c'est une question de conformité au règlement. Si les trois ne s'appliquent pas dans son cas, il ne peut en tenir rigueur ni à la présidence ni à l'opposition officielle.
J'ajouterai, M. le Président, que les précédents sont nombreux où le mot «dénoncer» a été utilisé. De mémoire... Il s'agit de se référer strictement au résumé des décisions de l'Assemblée nationale, M. le Président. Vous retrouverez, dans le résumé des décisions de l'Assemblée nationale, entre autres, une décision très, très, très, très claire, très précise, identique, 7 avril 1993 le leader va s'en rappeler auteure, Mme Louise Harel, actuellement ministre de l'Emploi et de la Concertation: Que cette Assemblée dénonce l'incapacité du gouvernement de l'époque, etc. On pourrait en citer de nombreuses autres. À ce moment-ci, ce qu'on fait, M. le Président, et je pense que ça a été fait de bonne foi, je n'en tiens pas rigueur, là, on mange du temps. De façon à ce que vous puissiez quand même vous prononcer, qu'on applique la politique habituelle, que le député auteur de la motion puisse commencer à en débattre en cette Chambre, que vous preniez le tout en délibéré moi, je ne doute pas de votre décision, c'est une question très claire et que le ministre trouve d'autres moyens de se défendre que de faire de la procédure.
M. Chevrette: M. le Président.
Le Président: À ce moment-ci, très brièvement, parce que je pense que le temps nous est compté.
M. Guy Chevrette
M. Chevrette: M. le Président, je pense que le leader de l'opposition ne peut pas plaider son incapacité au moment où il occupait mon siège. Je m'excuse, s'il n'a pas fait appliquer les règlements dans l'esprit et dans la lettre, ça, ce n'est pas mes problèmes. Mon rôle, moi, comme leader du gouvernement, c'est de vous dire que c'est une motion de blâme. Une motion de blâme et une motion de censure, il y en a six, M. le Président, à l'intérieur d'une session, il n'y en a pas plus. Et qu'on n'ait pas pu prendre de moyen détourné pour faire des motions de censure, M. le Président, ou de blâme directement à un ministre... Notre règlement est clair, Beauchesne est surtout très clair. Et, à mon point de vue, M. Beauchesne est pas mal plus éloquent que M. Paradis, de Brome-Missisquoi, leader de l'opposition.
Le Président: Alors, ça va. À ce moment-ci, j'ai entendu les arguments de part et d'autre. Je vais suspendre quelques instants pour délibérer sur cette question, très brièvement, parce qu'on connaît l'importance, quand même... Oui, M. le leader de l'opposition officielle.
M. Pierre Paradis
M. Paradis: M. le Président, j'invoque la tradition qui veut que les questions de règlement soulevées à ce moment-ci soient prises en délibéré par la présidence, que le débat commence quand même et, s'il y a lieu, compte tenu de votre décision, que vous acceptiez l'argumentation de mon collègue, que vous arrêtiez le débat, ça va, mais qu'on utilise des questions de règlement à ce moment-ci, on crée un précédent dangereux et on va priver les députés de pouvoir se servir de cette période qui est consacrée à l'opposition, le mercredi, M. le Président.
Le Président: M. le leader de l'opposition officielle, je suis bien au fait que, par exemple, lorsqu'il s'agit de décider de la recevabilité d'un amendement à une motion déjà considérée comme recevable, effectivement, on puisse continuer le débat. Mais, à ce moment-ci, je pense qu'il faut d'abord établir si la porte peut être ouverte ou pas relativement à la recevabilité de la motion elle-même, la motion principale. Alors, avec votre permission, là, ou avec votre collaboration, je compte délibérer, mais très rapidement, sur cette question-là, quand même, tout en donnant aux arguments des uns et des autres l'importance et l'attention qu'ils méritent. À ce moment-ci, je vais suspendre pour quelques instants.
(Suspension de la séance à 16 h 30)
(Reprise à 16 h 48)
Décision du président
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Veuillez vous asseoir. Alors, je suis prêt à rendre ma décision quant à la recevabilité de la motion du député de Montmagny-L'Islet.
La question de la recevabilité de la motion inscrite soulève le problème entier de ce type de motions. L'écriture de celles-ci a fréquemment été questionnée depuis qu'on a tenté, par cet acte de procédure, de qualifier l'action du gouvernement ou celle d'un ministre en particulier.
Le style qu'empruntaient les auteurs de ces motions s'apparentait souvent à celui que l'on prend pour écrire une motion dite de censure. À titre d'exemple, je citerai un extrait de la motion du 16 mai 1984, qui se lisait ainsi: «Que cette Assemblée, tout en déplorant l'état du réseau routier en milieu rural, dénonce l'irresponsabilité du gouvernement qui n'a pas prévu des crédits appropriés à la construction et à l'entretien dudit réseau routier.» Et un extrait de la motion du 7 avril 1993, qui se lisait ainsi: «Que cette Assemblée dénonce l'incapacité du gouvernement libéral d'obtenir du gouvernement fédéral qu'il se retire des domaines de la formation et du développement de la main-d'oeuvre et qu'il transfère au gouvernement du Québec toutes les sommes d'argent qu'il consacre actuellement à ces fins.»
La motion devant l'Assemblée est ainsi écrite: «Que l'Assemblée nationale dénonce l'incapacité du ministre d'État au Développement des régions à exercer un leadership significatif auprès de ses collègues à l'égard des dossiers régionaux.»
Je reconnais que la motion du député de Montmagny-L'Islet, dans son style, constituerait, si elle était adoptée, un blâme à l'endroit d'un ministre. La question est de savoir si, dans le cadre des motions du mercredi, la formulation peut être celle que l'on emprunte pour la rédaction d'une motion dite de censure.
(16 h 50)
Si l'on s'en rapportait uniquement aux précédents, il serait difficile pour la présidence de trancher par la négative. Cependant, comme je le disais au départ, non seulement faut-il s'interroger sur la manière de formuler la motion de l'opposition, mais encore sur toute l'économie de ces motions. Je préfère, sans créer de précédent, permettre le débat sur cette motion et revoir toute cette question de motion du mercredi au cours des prochaines rencontres de la sous-commission de la réforme parlementaire.
Et, à ce moment-ci, je serai donc prêt, après avoir annoncé les temps impartis pour le débat, à reconnaître un premier intervenant. Donc, avant que le débat ne s'engage sur cette motion, je vous informe de la répartition du temps de parole établie pour la discussion de cette motion. Mise à part la réplique de 10 minutes accordée à l'auteur de la motion et les 10 minutes allouées au député indépendant, les deux groupes parlementaires se partageront également la période consacrée à ce débat. Et, dans ce cadre, les interventions ne sont pas limitées.
Je suis donc prêt maintenant à entendre le premier intervenant, M. le député de Montmagny-L'Islet.
Débat sur la motion
M. Réal Gauvin
M. Gauvin: M. le Président, l'opposition officielle a décidé de dénoncer aujourd'hui, par la motion du mercredi, l'incapacité qu'a ce gouvernement de démontrer sa vision et ses orientations en matière de développement des régions. C'est pourquoi nous avons l'intention de faire ressortir la différence qui existe entre ce que le PQ avait promis et l'action réelle de ce gouvernement depuis neuf mois.
Nous démontrerons, au-delà de toute partisanerie, que ce qui a pris le dessus sur le développement régional, c'est beaucoup plus la préparation à l'option référendaire du gouvernement actuel.
Qu'est-ce qui a amené l'opposition à poser cette motion, comme je le mentionnais, la motion qui se lit comme suit: «Que l'Assemblée nationale dénonce l'incapacité du ministre d'État au Développement des régions à exercer un leadership significatif auprès de ses collègues à l'égard des dossiers régionaux.»? C'est pour montrer, M. le Président, à quel point l'action gouvernementale en matière de développement des régions a perdu tout son sens, toute vision et toute orientation depuis le 26 septembre 1994. En effet, on peut dire sans gêne qu'il ne s'est rien passé dans les régions depuis le 26 septembre, à l'exception de la seule occasion où les gens ont pu voir le gouvernement en région, c'est-à-dire lors des commissions sur la souveraineté.
Pourtant, le Parti québécois, tout au long de la campagne, avait modelé un discours qui semblait répondre aux aspirations des gens. On remarquait aussi, à l'époque, que ce discours était très près de l'action quotidienne pratiquée par le précédent gouvernement libéral, voire les sommets économiques, les MRC désignées et la concrétisation de grands projets. Tout au long de la campagne, le Parti québécois s'est attaché à des slogans comme «Un Québec brisé en deux», qu'il fallait redonner le pouvoir aux régions. Il fallait donner l'autonomie aux régions et faire de la décentralisation le coeur de l'action gouvernementale. Les gens y ont cru, mais se disaient que, finalement, c'était ce qui se passait avec le gouvernement libéral depuis quelques années. Donc, ce discours a créé beaucoup d'espoir additionnel.
Mais, depuis le 26 septembre, on peut dire que la seule action remarquée faite par ce gouvernement au niveau du développement régional a été la mise en place d'une nouvelle structure, c'est-à-dire celle des délégués régionaux, qui venait politiser les structures existantes qui avaient fait leurs preuves à plusieurs niveaux, comme, par exemple, les conseils régionaux de développement dans la plupart des régions au Québec. On venait mettre un patron politique au-dessus de ces gens qui se concertent et définissent entre eux leurs projets. Ils décident ensemble des voies de développement les plus prometteuses pour leur région, et c'est le cas pour chacune, comme je le mentionnais, des régions au Québec.
Pour sa part, le délégué régional avait deux missions: premièrement, organiser les consultations sur la souveraineté qui ont eu lieu aux mois de février et mars et, deuxièmement, s'assurer que tout ce qui est fait en région sera partisan, sera politique et que la régionalisation qui a été promise sera faite en favorisant les projets politiques du gouvernement.
J'ai mentionné tout à l'heure que tout ce qui a été fait en région a été relié à la souveraineté. J'aimerais parler des commissions régionales. On s'est rendu compte que, lors de ces commissions, les gens avaient des suggestions, avaient des propositions pour assurer leur développement et gérer la décentralisation promise en campagne électorale. Les jeunes ont été parmi les plus imaginatifs à ce niveau. La population a passé le message suivant: qu'il y avait d'autres problèmes en région et qu'il y avait d'autres choses à faire plutôt que de parler de souveraineté.
Les régions sont sur la voie du développement et de la prise en main. Les gens sont venus voir s'il y aurait de nouveaux pouvoirs dans le cadre d'un futur Québec souverain. On veut de nouveaux pouvoirs, on veut savoir aussi ce que le gouvernement est prêt à donner. Si on est prêt à l'accepter, ce sera bénéfique pour chacune de nos régions. Mais ce sont des questions qui se posent, souveraineté ou non. Je ferai remarquer à nos amis d'en face que la réforme Picotte a été faite dans le cadre constitutionnel actuel, et je démontrerai un peu plus tard que c'est cette réforme-là qui est encore probablement la plus démonstrative dans les régions.
En plus, ces consultations ont démontré que l'intérêt des gens envers la souveraineté passait bien après leurs préoccupations sur l'avenir de leur région, soit les services de santé, l'éducation, du travail pour une plus grande majorité, surtout pour les jeunes ayant reçu une formation, comme le gouvernement libéral avait compris dès 1992, avec la présentation de la réforme Picotte pour le développement des initiatives et des jobs en région.
On se souviendra tous, lors de l'étude des crédits, que le ministre a voulu même que, d'une part, les salaires payés par le bureau du premier ministre soient 1 300 000 $ de plus; les gens qui travaillaient pour les délégués régionaux étaient sur la liste des employés du cabinet du premier ministre, soit 30 personnes, environ. Les délégués régionaux répondaient de leur action devant le ministre responsable du développement régional. Et, finalement, par la décoration des bureaux, qui a coûté... et l'aménagement, qui a coûté plus de 120 000 $. C'est le Conseil du trésor et la Société immobilière du Québec qui ont payé la facture.
Donc, cela démontre bien que le Parti québécois a créé une bête sur laquelle il n'a aucun contrôle. C'est pourquoi, dans notre motion, nous demandons au ministre d'exercer un leadership auprès de ses collègues à l'égard des dossiers régionaux pour faire en sorte que l'on cesse cet éparpillement d'un côté à l'autre et que l'on se concentre sur les problèmes des gens dans les régions au lieu de se consacrer sur les structures.
Et je pourrais donner comme exemple, à l'occasion du dernier budget, le ministre de l'Énergie et des Ressources, responsable du dossier de la forêt, a pu, lui, avoir une confirmation dans ce budget, avoir la collaboration de son gouvernement pour avoir un budget qui va permettre à des régions, au Québec, des créations d'emploi, du développement de l'emploi et de l'aménagement. C'est peut-être le seul qui a réussi à se faire confirmer, dans le budget présenté récemment, un budget qui aura un impact sur la création d'emplois dans les régions.
Il ne faut pas oublier que les délégués régionaux, lorsqu'ils ont été présentés, le 26 septembre passé, le premier ministre a alors déclaré: Les régions sont maintenant au pouvoir. Les régions sont arrivées à Québec. Eh bien, on a plusieurs exemples, depuis des mois, qui nous démontrent clairement que les délégués régionaux s'appliquent plutôt à politiser tous les dossiers régionaux. Pour ne parler que de quelques-uns, brièvement, je pense qu'on a juste à parler du projet d'université à Lévis. Et j'y reviendrai. Le Centre de formation professionnelle à Saint-Raphaël, c'est un autre dossier; je pense que j'y reviendrai. Et le problème de l'autoroute d'Alma, dans le Lac-Saint-Jean.
M. le Président, on remarque, au niveau de certains délégués régionaux, que leur rôle est plutôt de se faire alliés avec les ministres sectoriels pour faire passer les décisions gouvernementales dans la population. Par ailleurs, M. le Président, pour montrer encore une fois qu'il n'y a rien de nouveau au niveau du développement des régions, on se souviendra tous d'une déclaration du délégué régional de la Montérégie, M. Beaulne, qui vantait les mérites du plan Picotte, du Fonds décentralisé de création d'emplois et du Fonds d'aide aux entreprises, qui ont aidé à créer des emplois dans sa région et qui ont remis les gens au travail, qui ont mis des jeunes au travail et qui ont permis des investissements majeurs au Québec. M. le Président, c'est justement un programme qui a été mis en place par le précédent gouvernement.
Tout ce qu'on a pu voir, c'est le ministre responsable du développement régional continuer d'annoncer des projets dans le cadre du programme des infrastructures fédéral-provincial-municipal parce qu'on n'avait rien d'autre pour le moment à annoncer pour supporter les activités en région.
(17 heures)
Par ailleurs, M. le Président, tous se souviendront des annonces du mois de mars, où le ministre annonçait un forum sur la décentralisation. Dès le mois de mai, tout sera en place, disait-il, on va consulter les gens pour savoir ce qu'ils veulent avant de déposer quoi que ce soit et de décentraliser tout nouveau pouvoir. Tout le monde, les commissions scolaires, les municipalités, les MRC, tout le monde va être impliqué, disait-il, dans ce forum-là, les CLSC et les syndicats. Où en est-il aujourd'hui, M. le Président? On n'entend plus parler du forum. Et le ministre a-t-il plié devant ses collègues? A-t-il reporté à plus tard cette initiative? Finalement, c'était sans doute pour faire suite à l'article 3 de l'avant-projet de loi sur la souveraineté, qui parlait de décentralisation, mais qui, finalement, ne servait qu'à attirer les intervenants régionaux à la commission sur la souveraineté. Mais l'astuce a été dénoncée. Nous avons dit à plusieurs reprises que ce gouvernement n'avait absolument pas l'intention de faire quelque décentralisation que ce soit avant la souveraineté du Québec. Si on se fie aux présents sondages, eh bien, laissez-moi vous dire, M. le Président, que la décentralisation n'est pas pour demain avec ce gouvernement, parce que les propositions vont peut-être être moins concrètes après le référendum.
En plus, le ministre des Affaires municipales, responsable du développement des régions, a renié une de ses promesses: Les régions seront nos partenaires. Et maintenant, M. le Président, si on l'entend, il nous dit: Si vous ne réussissez pas à vous entendre sur ce qui doit être décentralisé avant le mois de juin, moi, j'ai un projet de décentralisation et je vais l'imposer. Ce qui a fait réagir M. Vaillancourt, président de l'UMQ, qui se dit: Il s'en vient une facture de Québec, axée sur le monde, de décentralisation, et on va y goûter. Ça a donné lieu aussi à de nombreux titres de journaux: Les fusions, de gré à gré ou de force, comme à la belle époque du Parti québécois lorsqu'il a fusionné de force Baie-Comeau et Hauterive. Les populations locales s'en ressentent encore aujourd'hui.
M. le Président, la vision péquiste au niveau du développement régional... Bien, laissez-moi vous dire que j'espère que les régions vont se rendre compte que, finalement, l'action de ce gouvernement n'est pas faite pour les régions, mais pour leur option. Le ministre reconnaîtra sans doute qu'à l'exception de ses délégués régionaux, dans les faits, les intervenants régionaux sont chanceux de pouvoir s'appuyer sur l'existence de programmes reliés à la réforme Picotte, car, sinon, il ne se passerait peut-être pas grand-chose en région au niveau d'initiatives pour le développement des emplois.
Du temps où le gouvernement libéral était au pouvoir, je suis un de ceux qui peut témoigner que nous avons réglé des dossiers importants. Je prends comme exemple, dans le comté de Montmagny-L'Islet, la région Chaudière-Appalaches et rappelons-nous le sommet économique de 1990, où des projets promoteurs avaient été présentés et reconnus et sont aujourd'hui réalisés. Nous avons cependant tenté d'être équitables, réalistes et représentatifs dans nos choix. Qu'on parle du domaine de la santé... On a initié, il est vrai, la réforme, mais, au moins, on pouvait nous suivre, de dire les intervenants du milieu de la santé aujourd'hui. À la vitesse où on leur demande de couper présentement, ce n'est pas rassurant, poursuivent-ils, c'est même inquiétant. Et on n'a aucune indication où on s'en va, parce que c'est des directives qui nous viennent directement du ministre, quand ce n'est pas du ministère.
Dans le domaine de l'éducation, c'est une autre façon de débattre des dossiers, comme celui que nous sert le ministre de Lévis, le député Jean Garon, dans son projet, justement, d'université à Lévis. Il a oublié les recommandations du sommet économique de Chaudière-Appalaches, en 1990, qui avaient été entérinées par les intervenants du milieu: faire une meilleure répartition des ressources, et cela régionalement, pour tout rapatrier à un seul centre comme celui de Lévis, par exemple. L'épineux dossier de l'Université du Québec en est un, tout comme celui, comme je le mentionnais, du Centre de formation professionnelle de Bellechasse. On annonce l'implantation d'une nouvelle université même avant de voir quelles seront les recommandations des états généraux sur l'éducation. Cela me rappelle les commissions itinérantes, une autre façon de consulter!
Dans la région Chaudière-Appalaches, les gens me font remarquer qu'il ne s'est pas fait grand-chose depuis neuf mois, comme je le mentionnais, chez nous comme dans l'ensemble du Québec, et ce nouveau gouvernement, à l'exception de parler de souveraineté et de mettre son énergie sur ce dossier... L'annonce de reporter le référendum à l'automne a un effet démobilisateur parce que tous savent très bien que la priorité dans les prochains mois va être de présenter le virage de l'équipe séparatiste et de raffiner la question rassembleuse.
M. le Président, comme je viens de le dire précédemment, les derniers mois nous ont montré, finalement, que l'option passait avant les régions pour ce gouvernement. Je ne suis pas le seul à dénoncer cela aujourd'hui, on a juste à citer quelques journalistes qui ont écrit sur cet intérêt que le gouvernement péquiste a envers les régions. Ils disaient, en fait: La transformation des régions en miniprovinces se situe dans la logique souverainiste. C'est pour des raisons purement politiques que l'on veut donner plus de pouvoirs aux régions, pour échapper, entre autres, à certaines politiques protectionnistes qui lui seraient interdites en tant que pays signataire de l'accord de l'ALENA, si jamais on réussit à être intégré à l'ALENA dans un hypothétique Québec souverain. Sauf qu'il faut s'élever au-dessus de la partisanerie si on veut parler de développement régional. C'est très important, les régions et l'intérêt du Québec. Il en va de la survie de nombreuses municipalités et de nombreuses régions au Québec.
On ne peut pas rester muet devant l'inaction du Parti québécois au niveau du développement régional. La régionalisation péquiste, comme le disait Mme Lysiane Gagnon, de La Presse , n'est pour l'heure que le bon vieux paternalisme, favoritisme ou patronage, qui répond à des appétits de plus en plus insatiables. Comme elle le rajoutait, le phénomène n'a rien de neuf, il est exacerbé parce qu'il s'inscrit maintenant dans la philosophie officielle du gouvernement, ce qui montre bien que lorsqu'il n'y a pas d'intérêt souverainiste ou encore d'intérêt partisan, eh bien, le gouvernement est absent de certaines régions. Certains de mes collègues le feront ressortir avec des exemples concrets, mais, quand on regarde la situation au niveau global, on se rend bien compte que le Parti québécois a laissé tomber les régions après seulement neuf mois de pouvoir. Celles-ci doivent travailler sur la base qu'avait jetée le gouvernement libéral, et c'est grâce à ces outils qu'ils peuvent réussir à les développer, à continuer de les développer.
On peut dire facilement que le gouvernement péquiste n'a aucune vision. Il ne sait absolument pas ce qu'il va faire et il ne consulte personne dans ce qu'il veut faire, surtout pas avant le référendum. Il veut y aller unilatéralement, et j'aimerais beaucoup, moi, qu'on me dise ce que pensent les commissions scolaires de la décentralisation promise par le Parti québécois, alors qu'elles ont été exclues du processus. J'aimerais bien aussi qu'on me dise comment on peut venir dire que les carrefours jeunesse-emploi, par exemple, sont soutenus par tout le monde, alors qu'on sait qu'il y a divers groupes communautaires qui dénoncent le gouvernement Parizeau dans la mise en place de son Secrétariat à l'action communautaire parce que celui-ci n'a pas jugé bon de consulter ces groupes comme il l'avait promis le 17 janvier dernier.
Donc, en conclusion, quand on voit ces exemples, on se demande où on s'en va dans le développement des régions au Québec. C'est très inquiétant parce que personne ne le sait. Personne n'est consulté sur ce qu'il semble se faire, car rien n'est perceptible dans les faits. Peu importe le résultat du prochain référendum, je trouve inacceptable qu'on relie tout ce qui se fait au niveau des régions, quand on sait qu'il n'a que pour but de supporter leur option politique.
J'interpelle donc le ministre des Affaires municipales. Je demande, avec son jugement et le sens d'État du ministre des Affaires municipales, qu'il mette un peu d'ordre dans la structure qu'on lui a mise entre les mains et qu'il réussisse à exercer un certain leadership et à éviter que les régions paient le prix de la non-cohérence et de la non-concordance du discours et des politiques du gouvernement péquiste. Merci, M. le Président.
(17 h 10)
Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Montmagny-L'Islet. Je vais maintenant céder la parole à M. le ministre des Affaires municipales et ministre d'État délégué au Développement des régions. M. le ministre.
M. Guy Chevrette
M. Chevrette: Je vous remercie, M. le Président. M. le Président, tout d'abord, d'entrée de jeu, je suis même heureux que la proposition soit là parce que ça va nous permettre de faire un bilan. Donc, je veux remercier le député de Montmagny-L'Islet et l'inviter, d'ailleurs, à la première occasion qu'il voudra bien, qu'on aille rencontrer son propre CRD, sur lequel il siège. Et nous verrons ensemble comment le CRD Chaudière-Appalaches, par exemple, a eu des devancements d'argent pour le Fonds décentralisé de création d'emplois, qu'on a réussi à régler, contrairement à ce qu'ils faisaient dans leur temps, des projets concrets de création d'emplois dans son CRD. Et ce fut le premier CRD, d'ailleurs, qui a répondu à mes demandes, M. le Président, d'élaborer des hypothèses pour diminuer le nombre de programmes, organiser un guichet unique. C'est de son milieu que j'ai eu les premières réponses positives.
Parce que, dès ma nomination comme ministre d'État au Développement des régions, j'ai entrepris une tournée nationale. Je suis passé dans chacune des régions du Québec. On leur a donné notre façon de voir les choses. Bien sûr qu'ils auraient peut-être aimé qu'on défasse ce que M. Picotte avait fait antérieurement, mais, l'objectif de départ, ce n'était pas de jouer dans les structures, c'était de faire en sorte que ces structures-là se sentent valorisées. C'est ça qui est arrivé, M. le Président, et c'est ça qu'on a fait.
Mais je rappellerai au député de Montmagny-L'Islet... Il n'était pas, bien sûr, sur l'Exécutif de son parti, donc il ne faisait pas partie du gouvernement, mais je me rappelle, moi, comment M. Picotte a bâti sa politique. Je me rappelle des titres de journaux de l'époque. Par exemple: «Ryan donne du fil à retordre à ses collègues», Le Journal de Québec , 13 décembre 1991; la chicane était prise entre Picotte et Ryan. C'est Normand Girard qui écrivait ça. «Son projet bloqué par les ministres, Picotte se fâche et boude», Le Devoir du 13 décembre 1991, sous la plume de Michel Venne. «Violente prise de bec avec Ryan; Picotte en pleine tempête politique», Le Nouvelliste du 13 décembre 1991, de Marcel Aubry. «Le torchon brûle entre Picotte et Ryan», La Tribune du 13 décembre 1991.
M. le Président, c'est dans ce contexte-là que le ministre d'État au Développement des régions d'alors essayait d'implanter une structure. Et, aujourd'hui, je vois le député de Montmagny-L'Islet vanter toute l'approche de son gouvernement pour la mise sur pied d'une structure visant le développement des régions.
M. le Président, dès le 26 septembre, avec mes collègues ministres et avec le concours des délégués régionaux, nous avons voulu revaloriser les régions. Et, aussi, nous avons voulu que les régions aient confiance en elles et qu'elles se donnent des outils nécessaires pour se développer selon leurs priorités. J'ai donc accentué la signature des ententes-cadres et l'adoption de plans stratégiques dans plusieurs régions du Québec. Montréal est signé, Laval est signé, je signerai Sept-Îles le 25 juin prochain, M. le Président, au lendemain de la fête nationale. Ça va bien. Les gens ont eu beaucoup de consultations et de concertation entre eux et on est en train de procéder à des ententes spécifiques, à part ça, là où il y a eu des ententes-cadres de signées. Donc, ça va bien, M. le Président. C'est peut-être ça qui fait en sorte qu'on veut jeter un peu de discrédit en disant: On ne pense pas aux régions, sauf aux commissions régionales.
Je ferai remarquer au député de Montmagny-L'Islet et aux libéraux d'en face que, M. le Président, la tournée qui m'a amené à travers toutes les régions s'est toute faite avant le mois de décembre, même avant qu'on annonce qu'il y aurait des commissions régionales. Ce n'est pas des farces. Et, pour l'information du député, c'est vrai qu'on a parlé de décentralisation et de régionalisation au niveau des commissions régionales sur la souveraineté; plus de 600 mémoires en ont parlé. C'est parce que, les gens, ça les intéresse. C'est parce que les gens sont préoccupés par cela. C'est parce que les gens veulent voir la possibilité concrète de voir plus de citoyens participer au processus de décision dans leur propre région.
M. le Président, c'est heureux qu'il y en ait de plus en plus, à part ça, puis j'espère que ça va se refaire. Et je vous préviens que ça va se refaire, et prochainement, et probablement même avant le référendum. Mais quand le député s'aventure sur ce qu'il ne connaît pas et qu'il dit: Ça ne progresse pas, la décentralisation, bien, il faudrait qu'il consulte les deux unions municipales. Nous avons créé quatre comités qui se sont mis en branle le 16 décembre. Et je vois mon adjoint parlementaire, le député d'Abitibi-Est, qui a assisté au dépôt des rapports des quatre comités, et il a assisté au dépôt de ces rapports-là, aux objets sur lesquels les deux unions s'entendent pour que ce soient des responsabilités décentralisées. Nous sommes à quantifier ces responsabilités-là, parce qu'on a dit, nous, qu'on décentraliserait, mais pas en pelletant des factures, qu'il y aurait des points d'impôt, de l'argent qui accompagnerait ces responsabilités-là. Le monde municipal sait tout ça. Ils ne veulent pas assister à ce que les libéraux leur ont réservé par la loi 145: le pelletage de factures de la voirie tertiaire, du transport en commun et de la police.
Si vous ne savez pas combien ça coûte, demandez à vos citoyens! Demandez à vos citoyens ce que vous avez fait, votre gâchis! Je suis convaincu que ça a contribué, d'ailleurs, à vous faire changer de côté de la Chambre le 12 septembre dernier. Donc, on n'a pas... C'est vrai qu'on ne fera pas comme vous autres. Ça, c'est évident!
Maintenant ils disent: Qu'est-ce qu'ils ont fait pour les régions? Ils ne font rien. Bien, M. le Président, ils n'ont pas encore compris les crédits. Je vais les répéter tranquillement aujourd'hui dans l'espoir qu'ils vont comprendre. Tout d'abord, les budgets prévus pour l'exercice financier commandent une augmentation de 15,6 % de crédits de plus, alloués pour 1995-1996. En pleine période où on fait des compressions à peu près partout, au niveau du développement des régions, 15,6 % de plus, bien, ça, vous pouvez faire vos petits calculs, mais, 15,6 %, ce n'est pas de la petite bière. Allez demander à vos CRD et je vais d'ailleurs demander à celui de Chaudière-Appalaches si 15,6 % d'augmentation, ce n'est pas quelque chose d'assez intéressant.
M. le Président, ils disent: Ils n'ont rien fait pour les régions. Le montant de 37 000 000 $ qui était alloué aux Conseils régionaux de développement est passé à 43 100 000 $; enveloppe de 4 100 000 $ aux Conseils régionaux de développement pour le soutien à l'entrepreneurship; 9 000 000 $ du Fonds conjoncturel, qui vise expressément du développement régional; un contrat de relance afin de permettre aux MRC de compléter leurs projets, il y a un budget de 2 200 000 $; le fonds de démarrage des entreprises, dans chacune des régions du Québec, dont la région de Chaudière-Appalaches est une des premières avec la mienne, Lanaudière, 300 000 000 $ en garanties. Dans chacune des régions... on n'a rien fait pour les régions? C'est une de ces régions qui est la plus prolifique en matière de création d'entreprises, PME et de création d'emplois. Je vais aller en parler aux gens de Chaudière-Appalaches pour voir si ce n'est pas du nouveau en région, ça, si ce n'est pas quelque chose de valable.
M. le Président, je continue. Il y a également le programme qui a été annoncé dans le budget: 6 000 000 $ de fonds régionaux, 100 000 000 $ au total, le Fonds de solidarité de la FTQ, dont 5 600 000 $ à 6 000 000 $ dans chacune des régions du Québec. C'est rien, ça? Je vais en parler au Fonds de solidarité pour voir si c'est rien. Je vais en parler aux Conseils régionaux de développement pour voir si c'est rien, cet argent-là, régionalisé, 5 600 000 $ à 6 000 000 $ par région pour du développement économique. M. le Président, je comprends qu'on n'a peut-être rien fait, mais c'est pas mal plus que ce que j'ai vu pendant neuf ans, au niveau de l'action libérale en cette Chambre, M. le Président.
Une injection, également, au niveau de la création des carrefours jeunesse-emploi. C'est dans chacune des régions que ça va se faire, ça: 10 000 000 $ en 1996-1997; 25 000 000 $ en 1997-1998, des crédits engagés. M. le Président, au niveau de la PME, également, dans les régions, il y aura un nouveau régime qui représentera un soutien annuel aux entreprises du secteur, de l'ordre de 2 000 000 $, à compter de 1996.
Au domaine forestier, les 27 500 000 $ annoncés par M. le député d'Abitibi-Ouest et ministre des Ressources naturelles, 27 500 000 $ pour la création d'emplois, 7 400 jobs en région. En région, M. le Président, c'est rien, ça? Et, en 1996-1997, l'année d'après, 35 000 000 $ de plus. C'est beaucoup, ça, M. le Président, et ce sera de l'argent qui sera dépensé pour la création d'emplois dans les régions.
C'est un allégement, également, de 100 000 000 $ que le gouvernement accordera aux petites et moyennes entreprises de toutes les régions en faisant disparaître l'obligation de transmettre un paquet de formulaires, aider les petites PME à économiser pour injecter dans la création d'emplois plutôt que dans la paperasse et les contrôles futiles.
(17 h 20)
M. le Président, on a signé également, en Gaspésie, la fin du mur-à-mur. On a permis à tous les comtés de la Gaspésie, à toutes les MRC de la Gaspésie de gérer leur programme SAJE par guichet unique. C'est du concret, ça. C'est du gros concret, ça, qui a été fait. Concernant le Centre de traitement des projets, il dit: Les délégués régionaux coûtent de l'argent. Bien, regardez ce qu'ils ont fait, les délégués régionaux. Tout d'abord, on me dit qu'il y a 3 700 emplois directs et indirects qui seront créés grâce à des projets qui ont été débloqués par les délégués régionaux. Il y a 23 projets majeurs, qui impliquent des investissements totaux de 1 200 000 000 $, dont 855 000 000 $, soit 73 %, sont du capital privé. C'est grâce aux délégués régionaux qui ont travaillé sur des dossiers avec le Centre de traitement des projets que nous avons de l'autre côté. Puis il y en aura un tantôt à Montréal, M. l'adjoint parlementaire et délégué régional de Montréal va en parler tantôt. Je pense aux investissements qu'ils ont eus également par la corporation minière Metall, 150 000 000 $. Créer 2 000 emplois directs et indirects dans le projet Troïlus pour exploiter aussi des gisements en Abitibi, c'est du gros concret, ça.
Il ne s'est rien fait... Moi, je m'attendais, aujourd'hui, savez-vous à quel type de proposition? Aujourd'hui, moi, je croyais que les libéraux étaient pour dire: Que l'Assemblée nationale demande au fédéral de se retirer, ou de retirer son projet de loi C-91, qui vise encore une fois à venir empiéter sur les pouvoirs des provinces, qui vise également à provoquer des dédoublements dans chacune de nos régions, à créer des structures et à injecter dans les structures au lieu de la création d'emplois.
Le projet de loi C-91, qui a été déposé et qui a commencé à être étudié lundi, avant-hier, c'est un projet de loi qui montre encore l'État centralisateur d'Ottawa, là, qui vient se mêler de juridictions typiquement de chacune des provinces, qui fait en sorte de créer des dédoublements dans l'ensemble des provinces canadiennes. Au même moment, par contre, où le fédéral se retire des paiements de transfert, coupe dans les paiements de transfert aux provinces en matière de santé et de services sociaux et en matière d'éducation, ce même gouvernement qui coupe allégrement puis qui va obliger les gouvernements à faire des compressions budgétaires monstres, ce même gouvernement fédéral dit: L'argent que je gagne là, moi, je veux m'adresser directement à un organisme sans passer par l'État. Je veux m'adresser directement à une municipalité sans passer par l'État. Je veux même m'adresser directement à des personnes physiques sans passer par l'État, pour donner des subventions. C'est ça qu'est la loi C-91.
Et je m'attendais à ce que les députés libéraux s'inscrivent au moins dans la lignée de la défense des intérêts supérieurs du Québec et demandent au fédéral de retirer cette loi C-91. Pas un mot! Québec ne fait rien, Québec ne bouge pas. Bien, je pense que non seulement il y a une paresse intellectuelle, monsieur, de ne pas lire véritablement ce qui se fait, il y a une paresse intellectuelle pour se promener même dans leur propre milieu, de contacter les personnes qui sont vouées au développement économique de leur région. Pour affirmer de telles choses aussi grossières, il y a des gens qui sont déconnectés des réalités, ça c'est clair.
Si les libéraux ne veulent pas s'inscrire dans la lignée des défenseurs des intérêts supérieurs du Québec, s'ils ne veulent pas s'inscrire dans la lignée de ceux qui veulent voir abolir les dédoublements coûteux, l'empiètement sur nos juridictions, nous leur donnerons à très court terme et j'espère à très court terme l'opportunité d'être francs, de se lever pour ou contre, mais j'ai l'intention, à très brève échéance, dans les quelques heures qui suivent, de leur donner l'opportunité de voir s'ils s'inscrivent véritablement dans la défense des intérêts supérieurs du Québec. Les libéraux devraient s'allier à nous, dénoncer C-91 au plus vite, demander le retrait de cette loi qui veut modifier les pouvoirs de la Banque fédérale de développement puis qui veut recréer dans nos régions des structures additionnelles puis empiéter dans nos juridictions. Et j'ai hâte de voir, demain, M. le Président, si ces gens-là nous soutiendront dans nos efforts pour éviter les dédoublements coûteux.
Et je termine en vous disant, M. le Président, que j'ai eu des questions sur la façon de gérer les fonds soit conjoncturels ou les fonds de FIR, le Fonds d'investissement régional, ou encore le FDCE, le Fonds décentralisé de création d'emplois. Je serais prêt à répondre à toutes ces questions, M. le Président.
Mais je vous dirai que, depuis neuf mois, en ce qui me concerne, M. le Président, je n'ai pas laissé créer par un ami un OSBL pour qu'il donne de l'argent à un copain pour faire son asphalte. Ça, ça n'a pas été ma façon de procéder. Je vous remercie, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre. Je vais vous faire part un peu du temps qui reste pour que vous puissiez organiser les interventions. Au Parti libéral, si nous laissons de côté les 10 minutes de réplique et les 10 minutes réservées pour le député indépendant, il y avait 22 minutes de prévues pour chaque groupe parlementaire. Le Parti libéral, vous avez utilisé 19 minutes. Il reste trois minutes. Mais, comme le député indépendant n'est pas ici, on va partager les 10 minutes de part et d'autre. Alors, vous auriez donc huit minutes.
Une voix: ...
Le Vice-Président (M. Brouillet): Oui, donc, ça ne pose pas de problème à ce moment-là, seulement, je réduirai le temps de réplique du temps que vous utiliserez. Très bien. Et, pour ce qui est du parti, là, c'est 22 moins 15, sept, plus les cinq minutes qu'on vous donne, 12 minutes. Très bien. Alors, je cède la parole à Mme la députée de Saint-François.
Mme Monique Gagnon-Tremblay
Mme Gagnon-Tremblay: Oui, Merci, M. le Président. M. le Président, on ne peut pas dire que ça va aussi bien dans la région de l'Estrie. Alors que le ministre de l'Industrie et du Commerce est en train de torpiller un projet, le projet Zéroplus, un projet qui est très important pour la région de Sherbrooke, laissant ainsi tomber 150 travailleurs ultraspécialisés; alors que le ministre des Affaires municipales a retiré à la municipalité d'Ascot une aide financière de 456 000 $ pour régler un problème de circulation dans les municipalités d'Ascot, de Rock Forest et de Sherbrooke, qui provenait du programme des infrastructures; alors que le ministre des Ressources naturelles refuse de revoir sa décision relative au gel des tarifs d'Hydro-Québec, qui se traduit par une perte nette de plusieurs millions de dollars pour les villes de Sherbrooke, Magog et Coaticook; alors que le ministre de l'Environnement et de la Faune est en train de compromettre le projet d'Enviro-Accès adopté par l'ancien gouvernement et autorisant une aide financière de 4 000 000 $ pour la réalisation de projets de démonstration de technologies environnementales sur des plates-formes expérimentales existantes au Québec; le délégué régional de l'Estrie et député de Johnson, au lieu de faire entendre raison à ses collègues pour que ces dossiers créateurs d'emplois puissent être réglés correctement, sans partisanerie et le plus rapidement possible, lance la serviette, avoue son impuissance, son peu de pouvoir et continue de faire les commissions du gouvernement.
C'est triste, M. le Président. C'est triste pour la région de l'Estrie. L'Estrie paie cher l'autre façon de gouverner et l'Estrie, aussi, paie cher l'absence de ministres au Conseil des ministres. Curieusement, M. le Président, le gouvernement trouve des millions lorsqu'il s'agit de faire des commissions régionales ou des études sur la séparation du Québec. Mais quand il s'agit de trouver de l'argent pour des projets durables créateurs d'emplois, des projets durables, il n'y a plus d'argent, M. le Président, et on renie les engagements pris par le précédent gouvernement.
Je voudrais revenir sur le dossier de Zéroplus, M. le Président, puisque c'est un dossier qui est très important pour la région. Suite à la fermeture de l'usine ABB, mettant à pied des centaines de travailleurs ultraspécialisés, principalement en soudure, l'ex-directeur de l'usine, en collaboration avec des promoteurs, a présenté au gouvernement libéral de l'époque un projet pour la relance des activités de l'industrie et le lancement d'une vitrine technologique pour la protection de l'environnement dans le secteur des pâtes et papiers basé sur la technologie zéro effluent, technologie qui pourrait être exportable, d'ailleurs. À la suite d'une décision gouvernementale du 31 août 1994, le précédent gouvernement avait accordé à Zéroplus un prêt participatif de 3 000 000 $ et une contribution de 7 000 000 $ sans intérêt pour 10 ans.
(17 h 30)
Or, M. le Président, le ministre de l'Industrie et du Commerce profite d'un changement de programme au niveau fédéral pour réduire son aide financière, mettant ainsi en péril le projet.
De plus, M. le Président, depuis la visite en région du ministre pour annoncer la mauvaise nouvelle, c'est-à-dire pour enterrer le projet, l'assassinat politique d'un rêve, comme le mentionnait Jacques Pronovost, l'éditorialiste de La Tribune , et je cite: «Une autre entreprise a annoncé la cessation de ses activités, mettant ainsi au chômage 75 nouveaux employés spécialisés dans le même domaine.»
Qu'a fait le délégué régional de l'Estrie, M. le Président, depuis que son collègue est venu mettre fin à l'espoir de ces travailleurs? Au lieu de se joindre au maire Perreault, maire de Sherbrooke, dans l'espoir de faire grimper la subvention pour Zéroplus au niveau de la promesse du précédent gouvernement, voici ce qu'on retrouve dans le journal La Tribune du 30 mai dernier, et je cite: «Jamais Claude Boucher ne suivra le maire de Sherbrooke, Jean Perrault, dans sa croisade afin d'obtenir du gouvernement du Québec la somme supplémentaire de 7 000 000 $ afin de lancer le projet d'usine Zéroplus.»
Mais, M. le Président, pour qui travaille-t-il? Travaille-t-il pour les travailleurs de la région ou pour ses collègues? On sait à quel point tout député doit batailler fort pour convaincre ses collègues du bien-fondé de ses dossiers. Qu'a fait la députée de Sherbrooke pour ce dossier, M. le Président? Absolument rien. Et, au dire même du promoteur du projet, M. Vincent, qui publiait une lettre dans le journal, il disait: Comment le ministre peut-il expliquer qu'après neuf mois les difficultés ou les contraintes inhérentes au dossier sont demeurées les mêmes pour deux gouvernements différents et qu'elles aient été perçues par le précédent gouvernement comme un défi à relever s'étant soldé par un engagement ferme, alors que, pour le nouveau gouvernement, c'est perçu comme une défaite, pour expliquer, en bout de ligne, son désengagement?
M. le Président, je voudrais parler également d'un autre dossier, celui d'Enviro-Accès, et je suis heureuse de voir que le ministre de l'Environnement est présent ici. Puisque le délégué régional n'a pas réussi à faire le message ou à convaincre son collègue, j'espère qu'il pourra m'entendre et qu'il pourra débloquer ce dossier. On se souviendra, M. le Président, que le précédent gouvernement libéral avait accordé par décret en septembre dernier une aide financière de 4 000 000 $, à raison de 1 000 000 $ par année, M. le Président, à Enviro-Accès pour la réalisation de projets de démonstration de technologies environnementales. Un protocole d'entente devait être signé pour l'administration du fonds ainsi créé. Le ministre devait déposer au Conseil du trésor les règles d'admissibilité, de financement et de sélection des projets pour approbation afin de signer le protocole d'entente, comme l'avait prévu le précédent gouvernement.
Or, M. le Président, comme dans les autres dossiers en Estrie, tout est remis en question, rien ne bouge. On apprend, M. le Président, qu'aucune de ces obligations n'est actuellement respectée parce que le ministre n'a plus l'assurance de pouvoir compter sur les crédits requis et que le projet est maintenant compromis.
Comment, M. le Président, le ministre de l'Environnement peut-il nier la mise en marché de nouvelles technologies environnementales pour le Québec, qui est un des moteurs de l'industrie au Québec, sans oublier toutes les retombées environnementales et économiques d'un tel projet? Et comment peut-il expliquer à la population de l'Estrie que, lorsqu'il s'agit du dossier constitutionnel, on a toujours de l'argent, mais quand il s'agit de projets de développement économique durable, il n'y a plus d'argent? Comment le délégué de la région de l'Estrie et député de Johnson et la députée de Sherbrooke peuvent-ils se faire complices du gouvernement pour dépenser des millions de dollars pour des consultations régionales, ou encore des études non crédibles pour la souveraineté, la séparation du Québec? Comment expliquer aux travailleurs et aux travailleuses de l'Estrie, M. le Président, que le gouvernement les laisse tomber, qu'il n'y a plus d'espoir pour ces gens de retrouver un emploi?
J'espère, M. le Président, qu'on ne s'attend pas à une profession de foi souverainiste des promoteurs de ces quatre dossiers pour les régler correctement. Il est temps de régler ces dossiers en Estrie, et j'espère que la région ne sera pas pénalisée parce que ces dossiers ont été amorcés sous le règne libéral, car, si c'était le cas, M. le Président, ce ne sont pas les députés libéraux de la région de l'Estrie qu'on pénaliserait, ce sont les travailleurs et les travailleuses de la région de l'Estrie, toute une région en serait pénalisée.
En conclusion, l'Estrie n'a pas besoin d'un faiseux de commissions. Ce que l'Estrie veut, ce dont l'Estrie a besoin, ce que l'Estrie a besoin de savoir du délégué régional, c'est: quelle action entend-il prendre auprès de ses collègues pour leur faire entendre raison afin que ces dossiers créateurs d'emplois puissent être réglés correctement, sans partisanerie, et le plus rapidement possible? Après huit mois de pouvoir, le gouvernement ne peut plus se défiler devant ses responsabilités pour camoufler son inaction. Quand la région de l'Estrie aura-t-elle son ministre, aura-t-elle ses projets?
La motion qui a été déposée est appropriée, et c'est pourquoi je voterai pour.
Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la députée de Saint-François. Je vais céder la parole, maintenant, à M. le délégué régional de la grande région de Montréal et député de Bourget. Je vous cède la parole.
M. Camille Laurin
M. Laurin: M. le Président, quand j'ai lu la motion du député de Montmagny, j'ai été étonné, abasourdi, surtout quand on connaît comme il devrait les connaître les éminentes qualités de notre ministre du Développement régional, sa conscience de la nécessité du développement des régions, sa capacité de travail, sa vivacité. Je me suis dit: Il faut attribuer ça soit à l'ignorance ces gens-là ne voient pas ce que fait le ministre ou, encore, ils le voient à travers des lunettes noires, à travers leurs préjugés, ou, encore, c'est de l'aveuglement pur et simple. Et, après avoir entendu son exposé, je suis obligé de confirmer mon diagnostic: c'est ou un aveu d'ignorance, ou un aveu d'aveuglement, ou un aveu de mauvaise foi, car il a dit qu'il ne s'est rien passé en région depuis neuf mois. C'est vraiment extraordinaire d'être frappé de cécité à ce point.
Évidemment, le ministre lui a déjà donné les réponses que son attaque exigeait. Il a cité les chiffres qui montrent à quel point le budget, par exemple, accordait des millions supplémentaires aux régions, ce que ces millions ont déjà permis de réaliser, une sorte de tonnes de briques qui se seront abattues sur les affirmations absolument erronées du député de Montmagny. Mais on pourrait aussi citer bien d'autres faits. On n'aura pas le temps, les 16 délégués régionaux, de nous exprimer, mais, si on avait le temps, on verrait, la population verrait à quel point cette initiative qu'a prise le premier ministre de nommer des délégués régionaux s'est soldée par des résultats véritablement importants, pour ne pas dire spectaculaires, dans plusieurs régions.
Le ministre du développement régional, depuis sa nomination, siège au conseil des délégués des régions, qu'il anime. Il conseille les délégués régionaux, il les pousse à débusquer, à accélérer les projets pour qu'il les présente, justement, au Centre de gestion des projets. Des milliards d'investissements sont déjà sortis de ce Centre de gestion des projets. Le ministre en a mentionné quelques-uns, je pourrais aussi mentionner Falconbridge et les autres à venir, qui comportent des milliers d'emplois nouveaux.
Le ministre du Développement régional est également très présent dans une initiative qu'a prise notre gouvernement de créer pour Montréal un comité spécial où siègent d'une façon statutaire, pour la première fois dans l'histoire de Montréal et du Québec, le maire de Montréal avec son président du comité exécutif, le ministre du développement régional et le délégué régional de Montréal. Ces réunions statutaires nombreuses ont permis de débloquer déjà un bon nombre de projets. Plusieurs autres sont en discussion, et des décisions viendront bientôt, mis à part le pacte fiscal, qui doit attendre, bien sûr, la conclusion des pourparlers et échanges qui ont lieu à la Table Québec-municipalités.
(17 h 40)
À Montréal, également, cette initiative a permis de créer ce qu'on appelle le Comité spécial d'action et d'initiative pour le Grand Montréal, où siègent également le ministre du Développement régional avec le ministre des Finances et les délégués régionaux de Montréal et des couronnes du Grand Montréal. Ce Comité permet de réunir des délégués régionaux qui s'occupent quotidiennement de leur région, M. le Président, et qui viennent se concerter au sein de ce Comité pour harmoniser les activités et les politiques gouvernementales dans cette région qui compte la moitié de la population du Québec. On y discute de transport, on y discute d'éducation, on y discute de formation professionnelle. Il y a des projets qui sont déjà sortis de ce Comité d'initiative et d'action du Grand Montréal et qui sont en voie, maintenant, de réalisation, justement parce que le rôle des délégués régionaux est précisément d'activer les projets, de les accélérer, d'en accélérer la réalisation, à cause d'une ouverture plus grande de la part des ministères sectoriels et de l'appui et de la collaboration qu'ils apportent à la réalisation de ces projets.
Il y a en plus, M. le Président, une formule extraordinairement efficace qui est en train d'être appliquée grâce à ce mouvement vers la décentralisation, c'est celle de la régionalisation des budgets. Par exemple, à Montréal, pour ne citer qu'un seul exemple, le ministère de la Sécurité du revenu vient d'accorder à sa direction régionale la totalité de ses budgets antérieurement dépensés par Québec. Maintenant, ils seront dépensés à Montréal, avec des priorités sur les projets régionaux, et tous les autres ministères se préparent à faire de même. Cette révolution, si on peut l'appeler ainsi, permettra d'adapter les programmes aux clientèles, de les rendre ainsi plus efficaces, de faire en sorte que chaque région dépensera l'argent des budgets selon les priorités que les régions elles-mêmes se sont fixées.
Que dire maintenant des Conseils régionaux de développement, qui, grâce aux délégués régionaux, ont pu accélérer leurs travaux, ont pu adopter leur planification stratégique. Ces planifications stratégiques sont maintenant adoptées par le Conseil des ministres d'une façon beaucoup plus rapide qu'il en aurait été autrement. Et, maintenant que ces ententes sont signées, des ententes spécifiques nous permettront encore d'aller d'une façon plus pointue et beaucoup plus précise dans la réalisation des axes prioritaires de chacune des régions. Ça, c'est véritablement une révolution, M. le Président, et on la doit justement à cette institution du ministère du développement régional, habilement et efficacement dirigé par son ministre.
Et, en ce qui concerne Montréal, comme le ministre vient de le dire, on vient d'ajouter à ce Centre de gestion des projets pour l'ensemble du Québec une antenne, une annexe pour Montréal en raison, justement, de sa grande population, de ses besoins spécifiques. Et ce Centre de gestion des projets permettra d'accélérer encore davantage l'identification des projets, la priorisation des projets et la réalisation des projets, que ce soit sur le plan scientifique, que ce soit sur le plan économique, que ce soit sur le plan culturel. C'est la raison pour laquelle, M. le Président, je ne comprends absolument pas l'aberration, l'aveuglement de l'opposition officielle lorsqu'elle s'en prend à cette institution du ministère du développement régional et à son titulaire, qui a démontré des qualités tellement remarquables de vision, d'efficacité, de conscience dans l'accomplissement de ses fonctions.
Moi aussi, je me serais plutôt attendu à ce que l'opposition porte à notre attention les ravages que sont en train de subir les régions du Québec face aux politiques du fédéral. Encore aujourd'hui, M. le Président, on annonçait que le ministre Martin, responsable du développement régional au Québec, mettait ses menaces à exécution, c'est-à-dire que du budget que possédait antérieurement le Bureau fédéral de développement régional au Québec, et qui était de 176 000 000 $, ce budget sera réduit à 70 000 000 $, M. le Président. Une coupure de 106 000 000 $; une coupure de 60 % par rapport au budget antérieur. Est-ce que ce n'est pas là le vrai massacre, M. le Président?
Et, en plus, cette mesure, cette coupure, comme si elle n'était pas suffisante, va s'assortir de dédoublements avec ce que font déjà très bien nos initiatives ou nos organismes régionaux, puisqu'on le dit M. le ministre l'a dit tout à l'heure on va s'adresser directement aux organismes, aux personnes, aux individus mêmes, pour bien s'assurer de la visibilité du fédéral. Même s'ils dépensent moins d'argent, ils voudront que chacun des dollars serve à la gloire du régime fédéral, alors même que cela va contribuer à une paralysie additionnelle, à une stagnation additionnelle.
Oui, M. le Président, il faut féliciter le gouvernement d'avoir créé ce ministère du développement régional, féliciter le ministre, qui s'acquitte de ses fonctions avec une alacrité remarquable, remercier les délégués régionaux, qui ont bien compris leur devoir et qui remplissent leurs obligations avec dynamisme et vigueur, et, en même temps, il faut regarder avec anticipation le mouvement vers la décentralisation qui est en train de s'amorcer.
Contrairement à ce que pense l'opposition officielle, ce mouvement est très bien amorcé. J'ai vu, comme tous les délégués régionaux, les documents qui montrent que la voie que nous sommes en train de défricher est la bonne. Une décentralisation est en préparation, M. le Président. Je pense qu'elle va correspondre encore davantage aux besoins des régions, aux aspirations des régions que nous avons entendues lors des commissions régionales, et qu'elle sera tout à fait conforme aux objectifs que notre société québécoise doit se donner.
Évidemment, il faut le dire, si les événements politiques nous donnaient raison et si le Québec devenait enfin souverain, cette décentralisation sera beaucoup plus marquée, sera beaucoup plus complète, permettrait d'aller encore beaucoup plus loin dans le sens du développement des aspirations auxquelles les régions nous ont habitués. Évidemment, l'opposition officielle souhaite que, la souveraineté ne se produisant pas, la décentralisation sera avortée. Mais elle ne serait même pas avortée. Dans ce cas-là, M. le Président, il y aura moins de pouvoirs délégués, évidemment, puisqu'un pouvoir additionnel inutile sera maintenu en place. Mais je suis confiant, pour ma part, M. le Président, que nous accéderons enfin à cette souveraineté et que nous aurons une politique de décentralisation qui permettra à toutes les régions d'acquérir leur plein potentiel. Merci, M. le Président.
Une voix: Bravo!
Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Bourget. Il reste maintenant les 10 minutes de réplique de M. le député de Montmagny-L'Islet.
M. Réal Gauvin (réplique)
M. Gauvin: Merci, M. le Président, de me permettre de prendre quelques minutes pour faire certains commentaires, suite à ce que vient de nous présenter le député de Bourget, avant de passer aux réflexions, ou à la confirmation que nous faisait M. le ministre, tantôt, sur l'action de son gouvernement.
M. le député nous parle, nous reproche d'accuser le ministre responsable du développement régional, en fait, de ne pas avoir eu les actions nécessaires dans les derniers neuf mois pour répondre aux aspirations des régions. Nous reconnaissons la capacité du ministre des Affaires municipales de gérer normalement les dossiers quand il a le support de son gouvernement. Mais, ce qu'on dit à ce moment-ci, nous, de l'opposition, c'est que le ministre n'a pas le support de son gouvernement pour mener à bien des propositions de décentralisation et faire la démonstration dans chacune de nos régions qu'il y a une volonté gouvernementale de transférer des responsabilités et, ce que je disais dans ma présentation avant le référendum. Ça, ça nous vient des milieux. Donc, la capacité du ministre est peut-être là, mais il n'a pas le support de son gouvernement, et ça a été démontré dans le dernier budget, d'une part.
(17 h 50)
On a juste à prendre les réactions ici, à relater les réactions d'un journaliste très connu de la région de Montréal, qui, lui, relève les réactions des Montréalais, des gens de la ville de Montréal, suite à l'action du gouvernement ou à la non-action du gouvernement au niveau de la région de Montréal. Le député de Bourget a fait allusion fréquemment à ce qui se fait dans la région de Montréal. Ici, je cite M. Dubuc, de La Presse , qui dit: «La profession de foi soudaine de Jacques Parizeau semble correspondre à un virage par rapport aux gestes et aux paroles qui ont caractérisé les neuf mois de son gouvernement. Ce virage soudain nous paraît assez suspect pour que nous tenions à ce que les nouvelles convictions de M. Parizeau passent à la postérité, ne serait-ce que pour le fortifier dans celles-ci s'il venait à fléchir.
Pourquoi cette méfiance? Parce qu'après les élections le gouvernement de Parizeau n'a pas tenu les promesses formelles et solennelles qu'il avait faites aux Montréalais en campagne électorale...»
Ça, ça vaut pour Montréal, ça vaut aussi pour les régions. Et ma collègue, tantôt, l'a démontré pour l'Estrie, la région de l'Estrie. Et je sais très bien qu'il y a d'autres collègues, ici, qui sont en mesure de faire des démonstrations tangibles qu'il y a des promesses, qu'il y a déjà des décisions qui ont été remises en question. «...les ministres qu'il a mandatés pour s'occuper de Montréal ont fait preuve d'une insensibilité et d'une incompréhension qui frisent l'acharnement. La promesse d'un pacte fiscal a dégénéré en réflexion sur les villes-centres, que le ministre Guy Chevrette a tellement dénaturée...» Ça, c'est les réflexions d'un journaliste qui est au fait des inquiétudes de la population de Montréal.
Je relate aussi, suite aux propos du député de Bourget, qui a admis que le gouvernement actuel n'a pas, dans ses plans, des projets de décentralisation avant le référendum... Parce qu'il nous a mentionné: Si notre projet politique, que nous avons mis de l'avant, était accepté par les Québécois, nous pourrons enfin vivre une décentralisation. Bien, il vient tout simplement de souhaiter, par le parti politique qui forme aujourd'hui le gouvernement... Donc, il vient de nous démontrer que nous avons raison de questionner et le ministre et le gouvernement actuel, pour leur dire: Les régions, la population, les organismes en place, les MRC, les CRCD souhaitent justement que le gouvernement fasse une démonstration, dans les meilleurs délais, de ses intentions de décentraliser. Quels services il veut décentraliser? Quelles propositions il veut faire aux organismes en place? Et je pense que ce que je relate aujourd'hui, d'ici quelques semaines et quelques mois, il y aura des organismes, des représentants de régions qui vont venir le dire de façon plus éloquente au gouvernement.
Je pense que le ministre, tantôt, dans sa présentation, a fait allusion, et je pense qu'il a justement relaté, en fait, il a relaté des régions qui fonctionnaient très bien, soit celle de Chaudière-Appalaches, et il disait aussi la mienne, la région de Lanaudière ou de Joliette, j'imagine. Évidemment, M. le ministre peut en être fier, et j'en suis aussi fier, de cette région-là que je connais bien, celle de Chaudière-Appalaches, parce que le CRCD, dès les premiers mois de ce gouvernement, a été celui qui a présenté, qui a questionné, qui s'est déclaré prêt à prendre l'initiative dans la région pour déjà faire la démonstration au gouvernement qu'il était en mesure d'accepter des responsabilités et de mener à bien certaines initiatives de projets, de supporter des promoteurs. Et il l'a mentionné, M. le ministre l'a confirmé tantôt, ça a été une collaboration de façon exceptionnelle.
Donc, il n'y a pas de raison que le gouvernement actuel ne puisse pas présenter des projets-pilotes pour les régions qui sont les mieux préparées. Et nous avons, dans des régions comme la mienne, et dans des régions, je pense, comme l'Estrie, de l'Amiante et d'autres régions au Québec, des expertises au niveau des MRC. On a vécu pendant une couple d'années les MRC désignées qui avaient un programme de 1 000 000 $ avec lequel elles pouvaient prioriser des projets structurants créateurs d'emplois dans chacune de nos régions. Et la démonstration a été faite que ces MRC, les comités de gestion, de concertation, qui recommandaient les projets au ministre se sont assez bien acquittés de leur tâche. C'est pour ça que je vous dis que, dans certaines de ces régions-là, nous avons des expertises, et les gens en place sont prêts à accepter des responsabilités.
Donc, ça serait, là aussi, de la part du gouvernement actuel, une belle démonstration pour transférer déjà des budgets, des pouvoirs additionnels à titre de projets-pilotes, par exemple, d'abord pour faire la démonstration, oui, qu'il y a une volonté de décentraliser et qu'il y a une volonté de supporter les régions dans leur capacité de se prendre en main.
J'aimerais aussi, à ce moment-ci, vous parler... Le ministre a fait allusion... Il nous a rappelé la loi 145. Bien, j'aimerais justement en parler quelques minutes, et je sais qu'il y a des collègues ici, aussi bien du parti qui forme le gouvernement que de l'opposition, qui sont en mesure aussi de démontrer à chacune de leur région... La loi 145, au niveau du transfert du réseau routier, aujourd'hui et depuis le début, elle est très bien acceptée dans chacune des municipalités, à quelques exceptions. Ils ont compris que l'administration de leur enveloppe à la réfection, à l'amélioration et à l'entretien du réseau routier était un acquis pour eux autres et qu'ils étaient en mesure d'en faire beaucoup plus avec ce qu'eux autres avaient comme disponibilité financière plus les montants qui ont été transférés. Et, ça, vous pouvez aller au niveau de plusieurs MRC, de la très grande majorité des municipalités régionales au Québec, et les municipalités, en très grand nombre, vont être en mesure de vous démontrer qu'elles sont très fières de l'expérience qu'elles ont connue.
Donc, ce qu'on souhaite aujourd'hui, en plus du budget affecté au transfert du réseau routier, ce que mon collègue de Pontiac demande constamment responsable, justement, du dossier transports au ministre des Transports, c'est de nous confirmer dans les meilleurs délais la reconduction du programme d'amélioration du réseau routier, qui vient compléter, justement, la capacité financière pour chacune des municipalités de continuer la construction et la réfection de certains réseaux, de certaines parties de leur réseau, et l'entretien d'autres parties.
Donc, ça, c'est la partie transfert du réseau routier. Je reconnais que plusieurs municipalités sont peut-être encore mal à l'aise avec la partie facturation du service de police, mais elles sont en train, justement... Et la population est en train de reconnaître qu'il est probablement plus facile pour la municipalité de définir clairement quels services elle veut se payer: soit continuer à retenir les services de la Sûreté du Québec ou former son propre corps policier ou s'associer à un corps policier déjà existant.
Donc, M. le Président, c'est ce que je voulais apporter. Oui, les régions sont prêtes à recevoir des responsabilités additionnelles. Il s'agit que le gouvernement fasse une démonstration, dans les meilleurs délais, qu'il a l'intention de décentraliser certains pouvoirs. Qu'il n'attende pas nécessairement que le milieu fasse des propositions; que, déjà, lui, il reconnaisse que tous les intervenants que j'ai mentionnés sont en mesure de prendre ces responsabilités-là.
Et je souhaite que cette motion-là soit majoritairement reconnue pour permettre au gouvernement de prendre conscience que nous sommes en attente des décisions de leur part.
Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Montmagny-L'Islet. Et je serais prêt à mettre aux voix la motion du député de Montmagny-L'Islet.
M. Cusano: Vote enregistré, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Brouillet): Vote nominal, par appel nominal. Alors qu'on...
M. Boisclair: M. le Président, en vertu de l'article 223...
Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le leader.
M. Boisclair: ...de notre règlement, je fais motion pour que le vote soit reporté à demain, après la période des affaires courantes.
Vote reporté
Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, le vote est reporté à demain, aux affaires courantes. C'est très bien. Et nous allons, à cette heure-ci, lever la séance.
M. Boisclair: ...M. le Président, si vous me permettez, je ferais motion pour que nous ajournions nos travaux à demain, jeudi, le 1er juin, à 10 heures.
Le Vice-Président (M. Brouillet): Oui, très bien. Alors, nous allons ajourner nos travaux... Enfin, est-ce qu'on a besoin d'une motion?
M. Boisclair: M. le Président...
Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors...
M. Boisclair: ...comme le règlement le prévoit, je fais motion. Cette motion doit... vous devez vous enquérir de son adoption.
Le Vice-Président (M. Brouillet): Très bien. Alors, la motion est adoptée?
Une voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté.
(Fin de la séance à 18 heures)