(Dix heures six minutes)Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
Mmes, MM. les députés, nous allons nous recueillir quelques instants.
Je vous remercie. Veuillez vous asseoir.
Alors, j'ai le très grand plaisir de souligner...
Des voix: ...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
Présence de l'ambassadeur de Sa Majesté la reine du Danemark, M. Jorgen M. Benhke
J'ai le très grand plaisir de souligner la présence, dans les tribunes, de l'ambassadeur de Sa Majesté la reine du Danemark, Son Excellence M. Jorgen M. Benhke.
Affaires courantes
Nous allons procéder aux affaires courantes.
Il n'y a pas de déclarations ministérielles.
Pas de présentation de projets de loi.
Dépôt de documents
Au dépôt de documents, M. le leader du gouvernement.
Rapport annuel de la Corporation des hygiénistes dentaires
M. Chevrette: Oui, M. le Président. J'ai l'honneur de déposer le rapport annuel 1993-1994 de la Corporation professionnelle des hygiénistes dentaires du Québec, au nom de mon collègue, le ministre de la Justice.
Le Président: Donc, au nom du ministre responsable de l'application des lois professionnelles, ce document est déposé.
Dépôt de rapports de commissions
Nous en sommes au dépôt de rapports... S'il vous plaît! au dépôt de rapports de commissions.
Décisions sur diverses affaires courantes
Je dépose le rapport de la commission de l'Assemblée nationale qui a siégé le 17 mai 1995 afin de statuer sur diverses affaires courantes. M. le vice-président et député d'Anjou.
M. Bélanger: M. le Président, je propose l'adoption de ce rapport.
Le Président: Le rapport de la commission de l'Assemblée nationale est-il adopté?
Des voix: Adopté.
Le Président: Adopté.
Dépôt de pétitions
Dépôt de pétitions. M. le député de Jonquière.
Intervenir en faveur d'une meilleure protection des droits de retraite des enseignants
M. Dufour: M. le Président, je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale par 230 pétitionnaires membres du Syndicat du personnel de soutien scolaire de Jonquière.
Les faits invoqués sont les suivants:
«Considérant que la pénurie d'emplois est la principale préoccupation des Québécoises et des Québécois;
«Considérant que les employés de l'État inscrits au RREGOP n'auront droit à une pleine pension qu'à compter de l'âge de 60 ans, malgré de nombreuses années de service;
«Considérant que l'amélioration des conditions de retraite favoriserait l'accès à l'emploi, la diminution de la précarité dans les réseaux de l'éducation, de la santé et des services sociaux, de même que dans la fonction publique;»
Et l'intervention réclamée se résume ainsi:
«Nous, soussignés, demandons à l'Assemblée nationale d'intervenir en faveur d'une accélération du rythme des négociations avec la CEQ sur le dossier de la retraite, d'un accès plus rapide à une meilleure rente de retraite au RREGOP, d'une meilleure protection des droits de retraite en regard de l'aménagement du temps de travail, d'un meilleur contrôle par les organisations syndicales de leurs régimes de retraite.»
(10 h 10)
Je certifie que cet extrait est conforme aux règlements et à l'original de la pétition.
Le Président: Merci, M. le député de Jonquière. Cette pétition est déposée.
Avant la période des questions et réponses orales, je vous avise qu'après cette période sera tenu un vote sur la motion de M. le député de Montmagny-L'Islet présentée hier aux affaires inscrites par les députés de l'opposition.
Questions et réponses orales
Nous amorçons la période des questions et de réponses orales. M. le chef de l'opposition officielle, pour une question principale.
Processus de consultation entourant la réforme des services de santé
M. Johnson: Oui, M. le Président. On voit de plus en plus que le débat qui a été amorcé sur la santé par le ministre de la Santé et des Services sociaux préoccupe beaucoup plus nos concitoyens que le gouvernement ne semblait le croire, et que ça ne semble préoccuper le gouvernement. Il y a quelques jours, par exemple, j'ai demandé ici au premier ministre ce qu'il entendait dire aux gens qui étaient dans la rue, afin de préserver le sort de leur hôpital et de demander des consultations beaucoup plus larges.
Le premier ministre, je m'en souviens, m'a demandé: Quels gens dans la rue? Il m'a demandé ça littéralement: Quels gens dans la rue? Ce matin, M. le Président, on voit le contraste entre les préoccupations du gouvernement, qui annonce qu'on peut composer une ligne 1-800 pour obtenir les réponses du gouvernement et du Parti québécois à son projet politique, pendant qu'en même temps, dans les journaux, le même journal, on voit que 10 000 Québécois de la ville de Québec sont allés réclamer que leur hôpital et que l'accessibilité aux soins de santé soient préservés.
Je comprends que, comme dit le député de Chauveau, l'accession à la souveraineté, c'est plus important que l'accès aux soins de santé. Je demanderais cependant au premier ministre: Quand entend-il admettre que les Québécois et les Québécoises réclament d'être entendus davantage et que les décisions qui affectent l'accessibilité aux soins de santé et aux établissements hospitaliers doivent faire l'objet de consultations beaucoup plus larges que la décision bureaucratique de son ministre?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Parizeau: La consultation est effectivement beaucoup plus large. Les régies régionales de santé ont siégé, dans certains cas je pense à celle de Montréal pendant, sauf erreur, trois semaines, et les journaux ont rapporté d'ailleurs ces consultations, à peu près tous les jours. Il est sorti de là la nécessité de fermer un assez grand nombre de lits de courte durée, d'ouvrir des lits de longue durée, des places en centres d'accueil, et d'augmenter considérablement les soins de première ligne ou les services. C'est ce que nous sommes en train de faire. Nous y accordons évidemment, d'abord et avant tout le ministre de la Santé beaucoup d'efforts, beaucoup de compréhension.
Je ne sais pas si c'est vrai dans toutes les régies le ministre pourrait nous le dire mais certaines des régies régionales de la santé recommencent, quant à des hôpitaux spécifiques, une nouvelle ronde de consultations, je crois, au mois de juin. La population est consultée, elle doit être consultée. Et, quand on la consulte, bien, ce n'est pas quelque chose qu'on applique juste à un secteur ou à une opération en particulier.
Oui, c'est vrai qu'il est sorti des commissions régionales sur l'avenir du Québec un très grand appétit de renseignements. Les gens ont dit: On voudrait avoir des réponses à nos questions. Et c'est de là qu'apparaît aujourd'hui cette publicité dans les journaux auxquels le chef de l'opposition faisait allusion: une ligne 1-800 sur l'avenir du Québec où on cherche à répondre à des questions. Les premières questions auxquelles on cherche à répondre... Par exemple, la souveraineté du Québec, pourquoi? Les forces d'un Québec souverain; les relations Québec-Canada après un oui. C'est intéressant, ces sujets.
Le Président: En terminant, s'il vous plaît.
M. Parizeau: Oui, on consulte la population. Elle nous demande des réponses: on en donne, sur la souveraineté, sur les hôpitaux...
Des voix: ...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Parizeau: ...sur l'économie, sur l'avenir du Québec. Oui, M. le Président.
Le Président: M. le député de Robert-Baldwin, en complémentaire? En principale?
M. Marsan: Oui, mais, avant, j'aimerais avoir l'autorisation de la Chambre pour déposer un document qui confirme que le ministre de la Santé n'entendait pas fermer des hôpitaux. C'est en date du 27 janvier. Je voudrais avoir le consentement, s'il vous plaît.
Une voix: Faussetés. Des faussetés.
Le Président: Est-ce qu'il y a consentement pour le dépôt du document? M. le leader du gouvernement.
M. Chevrette: L'identification du document? Est-ce que c'est une coupure de presse? C'est quoi?
Le Président: Un instant, s'il vous plaît! Un instant, s'il vous plaît! S'il vous plaît! M. le député de Robert-Baldwin.
M. Marsan: C'est une entrevue qui a été accordée par le ministre et qui s'intitule: «Rochon n'entend pas fermer des hôpitaux, mais changer la vocation de quelques-uns». C'est en date du vendredi 27 janvier 1995, et c'est sous la signature de M. Gilles Normand. Faussetés.
Le Président: S'il vous plaît! S'il vous plaît! J'entends des interventions des deux côtés, sans que les personnes aient obtenu la parole. S'il vous plaît! M. le leader du gouvernement.
M. Chevrette: M. le Président, déposer La Presse en cette Chambre, tout le monde l'a lue!
Le Président: Alors, est-ce que je comprends qu'il n'y a pas consentement?
M. Chevrette: ...
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! S'il vous plaît! Alors, je souhaite qu'on ne reparte pas les excès qu'on a connus hier. S'il vous plaît! Je comprends qu'il n'y a pas consentement? Il n'y a pas consentement. M. le leader de l'opposition officielle.
M. Paradis: Oui, M. le Président. Il y a des propos qui ont été prononcés en cette Chambre, qui ont soulevé des réactions de part et d'autre, qu'à peu près tous les parlementaires ont entendus, de même que les membres de la galerie de la presse. Je conviens que ces propos ne sont pas au lexique comme étant antiparlementaires, n'ayant jamais été prononcés en cette Chambre, est-ce que, dans les circonstances, on pourrait, en vertu de notre règlement, demander à l'auteur de retirer ses propos?
Le Président: Je comprends... Même si ces propos, probablement, n'apparaîtront pas au procès-verbal, puisqu'ils ont été prononcés au moment où M. le leader n'avait pas la parole, je l'inviterais quand même à retirer ses paroles.
M. Chevrette: Comme balai, M. le Président.
Des voix: ...
Le Président: S'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, je comprends que ces propos sont retirés. M. le député de Robert-Baldwin, en question principale ou...
M. Marsan: En principale.
Le Président: En principale.
Manifestation contre la fermeture de l'Hôpital du Christ-Roi, à Québec
M. Marsan: M. le Président, pendant que plus de 10 000 personnes manifestaient hier contre la fermeture de l'Hôpital du Christ-Roi, à Québec, le caucus des députés péquistes et le ministre lui-même brillaient par leur absence, trop occupés, semble-t-il, comme le mentionnait elle-même la députée de Vanier. Quand à lui, le député de Chauveau contrecarrait les tentatives de son ministre de faire croire que le ministre consulte. En effet, il a déclaré ici même, en cette Chambre, et je cite: «C'est une décision du gouvernement.» On se rappelle également que le premier ministre disait: Où sont-ils, les citoyens dans la rue? C'est du jaunisme, nommez-les. Eh bien, M. le Président, ils étaient à l'Hôpital du Christ-Roi hier soir, et plus de 10 000. Devant une telle réaction que provoque la décision du ministre au sein de la population quant aux fermetures d'hôpitaux, pourquoi le ministre de la Santé n'a-t-il pas eu le courage de venir rencontrer les 10 000 personnes présentes à Christ-Roi?
Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.
M. Rochon: La réponse directe à la question, pourquoi je n'étais pas à Christ-Roi, c'est assez simple, je n'avais pas été invité à aller à cette manifestation.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Rochon: Non, mais c'est la réalité.
(10 h 20)
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M. le ministre.
M. Rochon: Alors, ça, c'est tout simple. Si le député de Robert-Baldwin avait quelque chose à dire dans les invitations, il aurait dû y penser avant plutôt qu'après la manifestation, s'il voulait m'inviter.
M. le Président, pour aller au fond de ce qu'il y a derrière cette question-là. Il se passe quelque chose de très important actuellement parce qu'on se prépare à prendre des décisions qui sont importantes. La population pose des questions et a un certain degré d'insécurité, et c'est tout à fait normal, et ce qu'on doit donner à la population c'est de l'information, de l'information correcte et de la vraie information. C'est ça qui se passe. Et là on se prépare à prendre des décisions, M. le Président, que le gouvernement précédent n'a pas prises pendant trois ans, alors que tout le monde bougeait autour de nous. Ça, c'est la réalité. Et là on nous arrive pour nous demander d'autres mesures dilatoires. Alors qu'on est à la fin d'un processus qui dure depuis 1985, il y a eu commission d'enquête... Sous leur gouvernement, ils ont fait tout le bout de chemin qu'il fallait jusqu'à la réforme de structure qui a été faite et là ils ont eu peur de continuer. Ils ont eu peur de prendre les décisions que l'Ontario prenait, que la Saskatchewan prenait, que le Nouveau-Brunswick prenait, que des pays européens prenaient. Ils ont eu peur pendant trois ans et ils ont encore peur, même si ce n'est pas eux qui vont prendre la décision.
Des voix: Bravo!
Le Président: M. le député de Robert-Baldwin, pour une question complémentaire.
M. Marsan: M. le Président, est-ce que le ministre s'engage à tenir des audiences publiques générales, des consultations générales, dans le cadre du projet de loi 83, au lieu de limiter à seulement 15 groupes les audiences qu'il accepte, dans une dernière tentative de pseudotransparence, et ce, suite à la manifestation d'hier?
Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.
M. Rochon: M. le Président, le projet de loi 83, qui va apporter certains amendements à la Loi sur les services de santé et les services sociaux, va être discuté ce matin, si je comprends bien, après la période de questions, et j'aurai toute l'occasion d'expliquer pourquoi ce projet de loi est présenté, dans quel contexte et sur quelle base reposent les propositions qui sont dans ce projet de loi, M. le Président. Alors, je pense que ce n'est pas un débat qu'on peut entamer présentement parce que toute la consultation est faite. Là aussi, on en est rendu à la décision, M. le Président. Merci.
Le Président: Mme la députée de Jean-Talon, pour une question principale.
Mandat des élus de la région de Québec et réforme des soins de santé
Mme Delisle: Merci, M. le Président. Hier soir, 10 000 personnes du comté de Vanier sont venues manifester leur angoisse et leur soutien à leur hôpital de quartier qu'est Christ-Roi. On se souviendra, M. le Président, que, lors de la Commission régionale sur l'avenir du Québec, les 10 députés péquistes de la région de Québec étaient tous présents. Hier soir, M. le Président, ils étaient tous absents.
Le délégué régional de Québec peut-il nous dire si lui et tous les députés péquistes de la région vont enfin devenir le porte-voix de la population et remplir le mandat qui leur a été confié, qui est de défendre les vraies priorités de leur population?
M. Rivard: M. le Président, comme l'indiquait le ministre de la Santé, je n'ai pas reçu l'invitation hier. Je sais qu'il y a une station de radio qui s'occupait de faire les invitations, mais ce n'est pas la radio que j'écoute à tous les jours.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Rivard: Maintenant, bien sûr, c'est un dossier qui nous préoccupe, les élus de la région de Québec. Le ministre a indiqué que la régie régionale était en consultation et fera des recommandations. Je supporterai mon gouvernement, mais j'aurai mon mot à dire lorsqu'on connaîtra quel hôpital sera fermé, s'il y a lieu, ou quel hôpital verra sa vocation modifiée, en temps et lieu, vous pouvez me croire.
Une voix: Bravo!
Le Président: M. le député de Laurier-Dorion, pour une question principale?
Rupture des discussions avec les leaders et chefs autochtones
M. Sirros: Oui, M. le Président. La volte-face du premier ministre, basée sur la recommandation de son conseiller politique en matière autochtone, détruit presque d'un coup cinq ans d'efforts constants de rapprochement avec les premières nations.
L'ensemble des chefs autochtones a formellement rejeté la poursuite des discussions par l'entremise de l'adjoint du premier ministre, le député de Vimont. Ils prennent dorénavant le premier ministre au mot, quand il disait, et je cite: «J'ai décidé de m'impliquer personnellement, par considération pour les chefs et les leaders autochtones qui sont des chefs de nations.» Fin de la citation. Cela n'a pourtant pas empêché, M. le Président, le premier ministre de faire un pied-de-nez irresponsable à ces mêmes chefs de nations.
Est-ce que le premier ministre comprend que, son conseiller politique ayant perdu...
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Chevrette: Article 77, M. le Président, de notre règlement. Vous savez très bien qu'on n'a pas à porter des jugements, pas du tout, sur un député, encore moins un ministre, dans l'exercice de ses fonctions. Les propos, lors d'une question, ne doivent pas susciter de débat, ne doivent pas... l'expression d'opinion. Regardez, M. le Président, très clairement à l'article 77. Je n'ai pas l'intention de me lever à chaque fois, mais j'ai l'intention, M. le Président, quand ça dépasse les bornes, de vous le signaler.
Le Président: M. le député de Laurier-Dorion, je ne pense pas qu'on ait dépassé la mesure à ce moment-ci, mais on est très près... À l'ordre, s'il vous plaît! J'invite les membres de cette Chambre, s'il vous plaît, à rester en deçà de ce que permet le règlement et non pas à se promener toujours à la frontière, parce que ça provoque justement des interventions qui nous enlèvent du temps pour la période des questions.
M. le député de Laurier-Dorion, en terminant votre question.
M. Sirros: Merci pour votre compréhension, M. le Président. Ça aura permis peut-être au premier ministre de réfléchir un peu à la question. Ça ne l'a pourtant pas empêché, comme je le disais, de faire un pied-de-nez irresponsable à ces mêmes chefs de nations. Est-ce que le premier ministre comprend que son conseiller politique, ayant perdu toute crédibilité aux yeux des principaux intéressés, est dorénavant un poids mort dans le dossier?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Parizeau: Bien, M. le Président, pour un poids mort, il est singulièrement actif.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Parizeau: J'aimerais lire, daté du 23 mai, le communiqué conjoint suivant: «David Cliche, adjoint parlementaire du premier ministre pour les affaires autochtones, et le chef Billy Diamond, négociateur pour la nation crie, ont signé aujourd'hui une entente confirmant la relance du dialogue entre le gouvernement du Québec et les Cris. Cette signature a été faite en présence du premier ministre, M. Jacques Parizeau, du grand chef Matthew Coon Come, ainsi que des chefs des communautés cries. Les deux parties ont convenu que cette entente constitue une première étape pour établir le cadre nécessaire à des discussions et à une coopération efficace entre le Québec et les Cris.»
M. le Président, lorsqu'ils étaient au pouvoir, nos amis, ils auraient aimé ça avoir des corps morts comme ça.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président: M. le député de Laurier-Dorion, en complémentaire, s'il vous plaît.
M. Sirros: M. le Président, si, selon le premier ministre, ça va tellement bien avec les différentes nations, pourquoi a-t-il refusé à ce moment-là de rencontrer l'ensemble de ces mêmes nations réunies en réunion?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Parizeau: Pour une raison, M. le Président, que le député de Laurier-Dorion, quand il avait ce dossier, connaît très bien. Il y a moyen, avec un peu de bonne volonté, bilatéralement, avec chacune des nations autochtones que nous avons reconnues en 1985 en cette Chambre, lorsque nous étions au pouvoir, comme nations autochtones, comme nations distinctes, en discutant avec chacune d'entre elles, de régler un grand nombre de choses.
Ce qui manque au Québec à l'heure actuelle, c'est un forum où, en un certain sens, tout le monde serait représenté et où on pourrait discuter des choses qui intéressent l'ensemble des nations autochtones et le Québec. Deux fois, le député de Laurier-Dorion a essayé d'obtenir ça, d'obtenir qu'on puisse discuter de ce forum. Deux fois ça lui a été refusé et là ça vient de m'être refusé à nouveau.
Alors, qu'est-ce que je fais? Je rapporte «progrès» dans toute une série de dossiers bilatéraux. Nous avons fait, depuis quelques mois, des progrès considérables, et j'aimerais à cet égard demander l'autorisation de déposer le communiqué qui a été émis le 25 avril dernier, qui représente un bilan des activités gouvernementales avec les autochtones.
(10 h 30)
Des voix: ...
Le Président: S'il vous plaît!
M. Parizeau: Nous avons fait des progrès bilatéraux considérables. Il est clair que, dans l'établissement d'un forum de l'ensemble des premières nations avec le gouvernement, ça n'est pas encore pour demain. Alors, puisque ça n'a pas marché cette fois-ci, on essaiera à nouveau. Un jour, ça marchera.
Document déposé
Le Président: Alors, est-ce qu'il y a d'abord consentement pour le dépôt du document? Il y a consentement? Donc, il y a consentement, M. le leader? Oui? M. le député de Laurier-Dorion, pour une question complémentaire.
M. Sirros: M. le Président, il est faux d'affirmer que ça a été refusé une troisième fois, parce que ça n'a jamais été présenté, M. le Président. Le premier ministre a refusé...
M. Chevrette: M. le Président!
M. Sirros: Est-ce...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! S'il vous plaît! M. le leader du gouvernement.
M. Chevrette: M. le Président, il y a deux infractions au règlement dans le court préambule. D'abord, on est en complémentaire, M. le Président, il n'y a pas de préambule. Deuxièmement, «il est faux de prétendre», c'est une infraction au lexique qui est cher au leader de l'opposition. M. le Président, c'est en complémentaire, il doit aller directement à la question.
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Effectivement, je vous demanderais de passer directement à votre question, M. le député.
M. Sirros: N'est-il pas exact, M. le Président, qu'on ne peut pas refuser quelque chose qui n'a jamais été proposé? Et, deuxièmement, devons-nous comprendre que, même si l'interlocuteur principal du premier ministre n'a plus la confiance de ceux avec lesquels il est supposé faire le lien, il a toujours la confiance du premier ministre?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Parizeau: Comme il a manifestement toujours la confiance de M. Billy Diamond, des Cris avec qui il signait une entente il y a huit jours; huit jours. Ah oui!
M. le Président, c'est vrai que je voulais que cette réunion porte, avec l'ensemble des premières nations, sur l'établissement une tentative, en tout cas, d'établir ce forum multilatéral. Je pense que c'est une chose importante. Bon, ça n'a pas marché cette fois-ci, on n'a pas pu organiser l'agenda autour de cette question qui me paraît importante. On recommencera quand le climat s'y prêtera davantage.
Il me semblerait, M. le Président, que le député de Laurier-Dorion doit avoir une longue habitude d'échecs, lui, après les quelques années qu'il a passées dans ce dossier-là. Nous, ce qu'on peut dire, c'est que, un à un, ça va bien, on avance. Ensemble, eh bien, il y a des choses qui ne marchent pas. Voilà la démonstration qu'on a faite. J'espère qu'on va être en mesure, au fur et à mesure que le temps va passer, de pouvoir rencontrer ensemble ces nations autochtones et être capables de discuter de questions d'intérêt commun.
Le Président: En terminant, s'il vous plaît.
M. Parizeau: Sans doute pas aujourd'hui, mais un jour, peut-être pas très lointain. Merci, M. le Président.
Le Président: M. le député de Viger, pour une question principale.
Sauvegarde du statut universitaire de l'hôpital Maisonneuve-Rosemont
M. Maciocia: Oui, M. le Président. Comptabiliser le nombre des virages effectués par le gouvernement péquiste devient une tâche de plus en plus ardue. En effet, on assiste, encore une fois, à un revirement de position du caucus des députés péquistes de l'est de Montréal pour la défense du statut universitaire de l'hôpital Maisonneuve-Rosemont.
Le mutisme des députés péquistes, expliqué par un prétendu malentendu, est sans aucun doute étroitement lié avec la mauvaise presse que reçoit, ces jours-ci, le gouvernement en raison des fermetures d'hôpitaux, bien plus que par son souci réel face à l'avenir de l'hôpital de Maisonneuve-Rosemont.
Réalisant les conséquences de cette débâcle, les députés ont voulu se donner bonne conscience et, quant à lui, fidèle à ses habitudes, le ministre de la Santé et des Services sociaux reste muet et se cache derrière ses structures bureaucratiques.
Ma question, M. le Président. Au-delà des beaux discours et de la poudre aux yeux, est-ce que le ministre de la Santé et des Services sociaux peut nous confirmer l'annonce du délégué régional de Montréal, de la ministre de la Concertation, de la ministre du Tourisme et des députés péquistes de l'est de Montréal à l'effet que le centre hospitalier Maisonneuve-Rosemont conservera son statut universitaire?
Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.
M. Rochon: Oui, M. le Président. Je pense qu'il est très clair qu'un statut universitaire pour l'hôpital Maisonneuve-Rosemont n'a jamais été remis en question. Il est un hôpital qui est affilié à l'Université de Montréal, avec une mission universitaire sur le plan de l'enseignement et de la recherche dans certains domaines, et ça, ça n'a jamais été contesté.
La décision qui a été prise de faire un CHU au centre-ville de Montréal CHU adulte, comme on dit, en plus du CHU pédiatrique à Sainte-Justine a été assortie d'une autre décision qui était de mettre sur pied un comité d'examen, qui est présidé par M. Pichette, le directeur général de l'institut Armand-Frappier, et qui, avec les responsables de l'hôpital Maisonneuve-Rosemont, de Sacré-Coeur, de l'Université de Montréal et de la Régie, regarde deux questions, parce que ce nouveau CHU au centre-ville fait une configuration différente du réseau universitaire de Montréal. Les deux question sont: Est-ce qu'il y a lieu de faire une fusion entre les deux hôpitaux, Sacré-Coeur et Maisonneuve? Et, si cette fusion donnait de meilleurs services à la population, s'il y a lieu de faire cette fusion, est-ce que ça indiquerait qu'il devrait y avoir un deuxième CHU, complémentaire au CHU centre-ville, avec ce nouveau regroupement d'hôpitaux? On en est là.
Le Président: En terminant.
M. Rochon: Oui, je termine, M. le Président. Alors, on en est là. Donc, que Maisonneuve-Rosemont ait un statut universitaire, ça n'a jamais été remis en question. Le comité, en travaillant en collaboration avec le comité d'implantation du CHU de Montréal, à l'automne, va faire rapport pour nous éclairer sur quel type d'affiliation, quel type de statut universitaire devraient avoir les différents hôpitaux pour qu'on ait vraiment un réseau complémentaire et bien équilibré. Et, là-dessus, je pense que tout le monde s'entend. Là, il faudrait laisser travailler le comité, le laisser nous faire des recommandations et, là-dessus aussi, on va en rediscuter et prendre les décisions à l'automne. Merci, M. le Président.
Le Président: M. le député de Richelieu, pour une question complémentaire?
M. Simard: Principale, M. le Président.
Le Président: En principale?
M. Simard: En principale.
Le Président: On va revenir tout à l'heure en question principale. M. le député d'Argenteuil, en question principale.
Mesures de transition dans la restructuration des services de santé
M. Beaudet: M. le Président, la vague de fermetures que nous vivons actuellement ne peut faire autrement que de susciter des craintes et des difficultés. Comme on avait dit au ministre, il y a déjà plusieurs semaines, qu'il allait trop vite, qu'il mettait la charrue devant les boeufs, à ce moment-ci, je dois confirmer au ministre que ce sont les patients qui ont peur. Le ministre n'a pas mis en place les mécanismes nécessaires pour permettre la transition ou la fermeture des hôpitaux, et les patients sont inquiets et ils ont peur.
En effet, M. le Président, on apprend que des médecins des hôpitaux déjà ciblés ont commencé à faire des démarches pour quitter vers d'autres hôpitaux, vers d'autres provinces ou même vers d'autres pays, et ça, ça met de la crainte...
Le Président: S'il vous plaît. M. le député d'Argenteuil.
M. Beaudet: Ça, M. le Président, ça sème la crainte. Les gens sont insécures et le Dr Rochon, ministre de la Santé, devrait bien le savoir. Ma question au ministre de la Santé et des Services sociaux: Quelles mesures concrètes entend-il prendre pour sécuriser les patients, pour leur maintenir le lien intime que l'on doit toujours avoir entre médecins et patients et pour s'assurer que ces gens qui ont été bousculés depuis plusieurs semaines, pour ne pas dire des mois, enfin retrouvent une certaine sécurité et puissent au moins jouir du lien qu'ils ont toujours maintenu avec leurs médecins?
(10 h 40)
Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.
M. Rochon: M. le Président, à mesure qu'on approche de la décision, comme c'est le cas à Montréal, région à laquelle réfère le député d'Argenteuil, on met en place, effectivement, les mécanismes pour assurer une transition correcte qui va développer des services alternatifs, avant de faire la transformation indiquée, et qui va s'assurer que tous les employés et que tous les médecins seront vraiment réorientés vers les nouvelles fonctions qu'ils pourront remplir avec la transformation du système. C'est ce qui se passe présentement.
En ce qui regarde les médecins plus spécialement, je pense que, s'ils sont en bons contacts avec leurs dirigeants syndicaux, ils savent sûrement que nous sommes déjà en discussion avec les dirigeants des deux fédérations de médecins, omnipraticiens et spécialistes, pour justement mettre conjointement ensemble ces mécanismes en place, pour s'assurer que les médecins sont toujours disponibles pour leurs patients et vont bien suivre la transformation.
Ce qui inquiète beaucoup la population, M. le Président et c'est normal qu'elle pose des questions et qu'elle veuille être informée c'est de maintenir toujours une campagne de désinformation. Moi, tout ce que je demande, ceux qui ne veulent pas s'impliquer, ceux qui ne veulent pas nous aider... Et, le député pourra très bien savoir ça, on l'a appris ensemble sur les bancs de l'école, il y a un bon vieux principe en médecine qui dit: d'abord, ne pas nuire. C'est tout ce que je leur demande, M. le Président.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président: M. le député d'Argenteuil, pour une question complémentaire.
M. Beaudet: M. le Président, j'aimerais savoir du ministre qu'est-ce qu'il veut dire par «d'abord, ne pas nuire», parce que, actuellement, tout ce que l'on a, c'est des nuisances.
Le Président: M. le ministre.
M. Rochon: D'abord, ne pas nuire, M. le Président, ça veut dire donner une information correcte, factuelle, à la population. Dire à la population, M. le Président, que de fermer des hôpitaux actuellement au Québec est la dernière chose à faire, c'est complètement irresponsable. Parce qu'on sait qu'on a trop de lits et on sait que c'est à partir de ces lits...
Des voix: ...
Le Président: S'il vous plaît! M. le ministre.
M. Rochon: M. le Président, il est très bien établi, et il y a un consensus là-dessus, qu'on a trop de lits de courte durée au Québec et que nos ressources sont bloquées dans ces lits et nous empêchent de donner aux Québécois et aux Québécoises des lits de longue durée, du maintien à domicile et un tas de services sur une base externe, que les nouvelles technologies permettent. Ça, c'est très bien connu.
Je l'ai déjà dit en cette Chambre, en Ontario, au cours des trois dernières années, alors que le gouvernement précédent ne faisait rien, ont transformé 7 900 lits. En Saskatchewan, ils ont transformé 50 hôpitaux sur 130. Le Nouveau-Brunswick a fait pareil. Tout le monde l'a fait autour de nous, sauf un gouvernement qui avait peur de bouger. D'abord, ne pas nuire, ça veut dire d'arrêter de tenir des propos irresponsables devant la population du Québec. C'est ce que ça veut dire, M. le Président.
Des voix: Bravo! Bravo! Bravo!
Le Président: M. le député d'Argenteuil, toujours en complémentaire.
M. Beaudet: En complémentaire, M. le Président. Je demande au ministre de nous expliquer les mesures concrètes qu'il prendra. On sait actuellement que les médecins ont déjà commencé à quitter les hôpitaux, et moi j'y perds mon latin sur les bancs de l'école. Vous n'avez pas pris de mesures actuelles pour que les malades se sentent sécurisés dans toutes les transformations que vous êtes après mettre en place.
Le Président: M. le ministre.
M. Rochon: M. le Président, il faudrait qu'on se fasse une idée; ou bien on travaille avec les partenaires et on consulte ou bien on décide tout seul. On est à discuter avec les deux fédérations représentant les médecins pour les établir, ces mécanismes. Le député me demande de prendre une décision et de vous dire ce matin quels vont être les mécanismes. On est après les discuter. Alors, ses collègues médecins devraient se tenir en contact avec leurs dirigeants; leurs dirigeants vont les informer quels sont les mécanismes, ils vont prendre leurs suggestions, et là ils vont nous aider à mettre en place les mécanismes correctement plutôt que dire n'importe quoi, n'importe où et n'importe comment, M. le Président.
Des voix: Bravo!
Le Président: M. le député de Richelieu, pour une question principale.
Subventions à un projet de célébration de l'an 2000
M. Simard: M. le Président, ma question s'adresse au ministre des Affaires municipales et responsable du développement régional. Nous apprenions dans La Presse de ce matin, sous la signature de Denis Lessard, qu'un projet de fêtes de l'an 2000 avait reçu au-delà de 400 000 $ de subventions au cours des deux dernières années et que ce projet mirobolant avait été piloté par deux ex-adjoints: le premier, du chef de l'opposition actuel et alors premier ministre, et l'autre, du député de Laporte et alors ministre des Finances.
M. le Président, j'aimerais demander au ministre des Affaires municipales, à un moment où il y a des coupures nécessaires dans des endroits qui sont souvent très douloureux pour la population, s'il peut encore faire quelque chose pour réclamer ces sommes et faire toute la lumière sur un comportement totalement scandaleux?
M. Chevrette: M. le Président, vous me permettrez...
Le Président: M. le ministre... À l'ordre, s'il vous plaît! M. le ministre des Affaires municipales.
M. Chevrette: Vous me permettrez d'apporter un correctif, M. le Président. Sylvain Patry, qui était attaché politique de M. Johnson, ce n'est pas au moment où il était premier ministre, c'est antérieur. Mais c'est vrai que lorsque le leader de l'opposition en cette Chambre, au niveau de l'étude des crédits, m'a posé une question à savoir qu'est-ce que c'était, l'histoire des fêtes de l'an 2000, j'ai donc demandé aux fonctionnaires de me dire ce que c'étaient, ces fêtes-là de l'an 2000, pour découvrir, M. le Président, exactement qu'en 1993, plus précisément le 27 septembre, au moment où encore Sylvain Patry était à l'emploi d'un cabinet il s'agit de l'ex-ministre des Finances créait une compagnie à but lucratif et que, plus tard, après sa sortie, deux mois après, il créait une compagnie ou un OSBL, un organisme sans but lucratif. Et à peine quelques jours, 15 jours plus tard, le ministre d'État au développement des régions accordait une première subvention de 200 000 $ à cet organisme sans but lucratif qui, immédiatement, a confié un contrat à la compagnie à but lucratif.
Des voix: Ah!
M. Chevrette: Et en avril 1994, il y a une deuxième tranche de 200 000 $ qui a été octroyée, une deuxième subvention de 200 000 $ qui a été octroyée au même OSBL, ou organisme sans but lucratif.
Ce que j'ai fait, M. le Président, à ce moment-là... Parce que tout ça s'est passé après que tout fut ficelé... Même, en janvier, il y a eu un dernier chèque, en vertu du protocole, de versé. Et suite à la question du leader de l'opposition, à l'étude des crédits, c'est là que j'ai découvert le pot aux roses et j'ai demandé à mon sous-ministre de faire en sorte que justice soit faite.
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! S'il vous plaît! M. le leader de l'opposition officielle, en complémentaire.
M. Paradis: Est-ce que le ministre responsable de ce budget peut confirmer à cette Chambre qu'il vient d'autoriser une subvention de 1 000 000 $ pour le stationnement du Parc Safari, à Hemmingford, au moment où on n'a pas d'argent pour garder les hôpitaux ouverts?
Le Président: Je pense qu'on est loin, à ce moment-là, du sujet principal. En principale? Alors, en principale... M. le leader...
M. Chevrette: Je ne voudrais surtout pas qu'il la retire, parce que nul autre que l'ex-député de Saint-Jean était maître de cérémonie à l'annonce du 1 000 000 $ du Parc Safari, M. le Président, pris dans les infrastructures Québec-Canada, pour, précisément, M. le Président, faire un projet de développement touristique qui va accroître de 6 000 à 10 000 le nombre de personnes qui vont pouvoir y aller chaque jour, pour des retombées économiques extraordinaires en Montérégie, M. le Président. Tout le monde est unanime dans ce coin-là, sauf le député de Brome-Missisquoi. Assistez de temps à autre à votre CRD, vous en apprendrez!
(10 h 50)
Le Président: M. le député de Saint-Maurice, est-ce que c'est en question complémentaire? Non, en principale. À ce moment-ci, Mme la députée de Saint-HenriSainte-Anne. S'il vous plaît! Mme la députée de Saint-HenriSainte-Anne. À l'ordre! À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, je pense que la présidence est en droit de s'attendre à ce que les parlementaires, qui, en plus de ça, occupent des postes, je dirais, comme ceux de leader ou de whip, donnent l'exemple à un moment donné. Alors, Mme la députée de Saint-HenriSainte-Anne.
Mandat des corporations intermédiaires de travail
Mme Loiselle: Merci, M. le Président. Pour des raisons obscures, nébuleuses et inexplicables, la ministre de la Sécurité du revenu a émis récemment de nouvelles directives pour changer le mandat des corporations intermédiaires de travail. Ces directives, M. le Président, vont carrément à l'encontre de l'intégration en emploi des prestataires de la sécurité du revenu et vont carrément à l'encontre des contrats signés avec les organismes communautaires. Ces nouvelles directives, M. le Président, obligent dorénavant les corporations intermédiaires de travail à offrir aux prestataires de la sécurité du revenu uniquement et je dis bien uniquement des emplois à temps partiel. M. le Président, c'est le monde à l'envers.
Comment la ministre de la Sécurité du revenu peut-elle, avec plus de 800 000 assistés sociaux, avec un taux de chômage et un taux de pauvreté élevés, sans aucune mesure concrète dans le budget Campeau pour lutter contre la pauvreté, comment peut-elle pénaliser les prestataires de la sécurité du revenu et exiger que les corporations intermédiaires de travail leur offrent dorénavant des emplois à temps partiel et des emplois de courte durée?
Le Président: Mme la ministre de la Sécurité du revenu.
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. M. le Président, je suis heureuse de la question, mais je voudrais dire au préalable que, si la députée avait lu correctement ou même écouté le discours du budget, elle saurait qu'il y avait des mesures dans le discours du budget. Cependant, les corporations intermédiaires de travail ont la responsabilité de former, d'encadrer les prestataires et d'éviter toute substitution d'emplois. Qu'est-ce qui arrive actuellement? On a créé des corporations intermédiaires de travail, un peu à la va-vite, et ces corporations intermédiaires de travail, qui reçoivent un prestataire avec un programme PAIE, reçoivent également le salaire de l'entreprise qui veut l'embaucher. Alors, la corporation reçoit, comprenez bien, deux salaires, ça nous coûte une fois plus cher, et, qui plus est, elle place ces personnes, dans certains cas, dans des multinationales où on subventionne la part de l'employeur. Non seulement y a-t-il substitution d'emplois, mais, à sa face même, ce n'est pas tolérable. Alors, ce que nous avons demandé... Il y a des corporations intermédiaires qui travaillent bien et qui ont d'excellents résultats parce qu'elles ont développé ce qu'on appelle des plateaux d'emploi, où il n'existe pas de possibilité d'avoir de la permanence dans l'emploi: par exemple, en agriculture, les travailleurs agricoles; dans l'environnement...
Le Président: En terminant, s'il vous plaît.
Mme Blackburn: ...ou en sylviculture. Alors, dans ces plateaux d'emploi là, ça va très bien. Cependant, les corporations intermédiaires sont en train de faire de la substitution d'emplois et de placer des prestataires à coût fort élevé en subventionnant les salaires pour des multinationales. Je ne suis pas d'accord, et j'ai demandé qu'on refasse l'évaluation de ces corporations intermédiaires de travail et qu'elles reviennent à ce qu'était leur mandat...
Le Président: En terminant.
Mme Blackburn: ...travailler dans des plateaux d'emploi pour combler, pour de courtes durées, le travail dans certaines entreprises, pour faire, au total, un salaire.
Le Président: Mme la députée de Saint-Henri Sainte-Anne, en question complémentaire.
Mme Loiselle: Couper des emplois à temps plein, M. le Président, est-ce que c'est là les premières bribes de la grande réforme que la ministre tarde à nous annoncer? Couper dans l'intégration en emploi pour les assistés sociaux?
Le Président: Mme la ministre.
Mme Blackburn: M. le Président, on dirait que la députée n'écoute pas plus les réponses qu'elle n'a écouté le budget. Alors, si elle avait écouté la réponse, elle comprendrait que les centres Travail-Québec, ils peuvent référer, sur des emplois qui sont des offres d'emploi. On n'a pas besoin de passer par une corporation intermédiaire de travail pour faire ça. La corporation intermédiaire de travail avait le mandat, a toujours le mandat de travailler sur des parties d'emploi, deux semaines, trois semaines, un mois, pour faire l'équivalent d'une année. C'était ça, les corporations intermédiaires, et ce n'est plus ça qu'elles font. Pour une part d'entre elles, pas toutes heureusement, elles se sont adonnées à une pratique qui fait de la substitution d'emplois et qui accorde des subventions salariales à de grandes entreprises qui, je n'ai pas besoin de vous le dire, s'en passeraient bien. Je ne voudrais pas les nommer ici parce que j'en oublierais et ça risquerait de créer des préjudices.
Le Président: Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, pour une question principale.
Rémunération du nouveau président du Conseil de la langue française, M. Marcel Masse
Mme Frulla: M. le Président, après avoir fait un limogeage sans précédent, et ce à tous les niveaux, nous apprenions, ce matin, que M. Marcel Masse, ex-vice-président de la commission nationale sur la souveraineté et président de la Commission régionale de Montréal, succède à M. Pierre-Étienne Laporte, démis de son poste de président du Conseil de la langue française.
Des voix: Bravo! Bravo!
Le Président: S'il vous plaît! À l'ordre! S'il vous plaît! Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.
Mme Frulla: Je disais, succède à M. Pierre-Étienne Laporte, démis de son poste de président du Conseil de la langue française, et ce, malgré qu'il ne lui restait que quatre mois. Vous auriez pu être patients.
Considérant que M. Masse a été député fédéral et député provincial, ministre au provincial et ministre au fédéral, j'aimerais savoir, de la part du premier ministre, si, dans la rémunération attribuée à ce dernier, sont considérés les montants des pensions fédérale et provinciale qu'il reçoit à titre d'ex-député-ministre?
Le Président: M. le premier ministre. S'il vous plaît! M. le député de Joliette, s'il vous plaît! M. le député de Saint-Laurent, s'il vous plaît! À l'ordre! M. le premier ministre.
M. Parizeau: Selon une pratique, M. le Président, qui a été établie maintenant depuis plusieurs mois, la pension payée par la Législature du Québec à M. Masse est réduite de la moitié, comme c'est maintenant la coutume. La moitié est enlevée puisque, maintenant, un salaire lui est payé par Québec. Quant à la pension fédérale, bien, ça, on n'y peut rien. On ne va pas commencer à tenir compte de la pension payée par un autre gouvernement, ça va de soi.
Le Président: Alors, c'est la fin de la période de questions et de réponses orales. À l'ordre, s'il vous plaît!
Votes reportés
Motion proposant que l'Assemblée dénonce l'incapacité du ministre d'État au Développement des régions d'exercer un leadership à l'égard des dossiers régionaux
Il n'y a pas de réponses différées, nous en sommes aux votes reportés. Ça va? Alors, nous allons maintenant procéder au vote, tel qu'annoncé précédemment.
À l'ordre, s'il vous plaît! Tel qu'annoncé précédemment, je mets maintenant aux voix la motion de M. le député de Montmagny-L'Islet, présentée hier aux affaires inscrites par les députés de l'opposition, proposant:
«Que l'Assemblée nationale dénonce l'incapacité du ministre d'État au Développement des régions à exercer un leadership significatif auprès de ses collègues à l'égard des dossiers régionaux.»
Que les députés en faveur de cette motion veuillent bien se lever.
(11 heures)
Le Secrétaire adjoint: M. Johnson (Vaudreuil), M. Paradis (Brome-Missisquoi), Mme Gagnon-Tremblay (Saint-François), M. Ciaccia (Mont-Royal), M. Middlemiss (Pontiac), M. Gauvin (Montmagny-L'Islet), M. Vallières (Richmond), Mme Frulla (Marguerite-Bourgeoys), M. Cusano (Viau), M. Maciocia (Viger), M. Gobé (LaFontaine), M. Lafrenière (Gatineau), M. Thérien (Bertrand), Mme Dionne (Kamouraska-Témiscouata), Mme Bélanger (Mégantic-Compton), M. Bissonnet (Jeanne-Mance), M. Brodeur (Shefford), M. Benoit (Orford), M. Williams (Nelligan), M. Gautrin (Verdun), M. Marsan (Robert-Baldwin), M. Chagnon (WestmountSaint-Louis), M. Lefebvre (Frontenac), M. Farrah (Îles-de-la-Madeleine), M. Sirros (Laurier-Dorion), M. Tremblay (Outremont), Mme Delisle (Jean-Talon), M. Beaudet (Argenteuil), M. LeSage (Hull), M. Poulin (Beauce-Nord), M. Chenail (Beauharnois-Huntingdon), M. Bordeleau (Acadie), Mme Houda-Pepin (La Pinière), Mme Loiselle (Saint-HenriSainte-Anne), M. Fournier (Châteauguay), M. Cherry (Saint-Laurent), M. Charbonneau (Bourassa), M. MacMillan (Papineau), M. Quirion (Beauce-Sud), M. Bergman (D'Arcy-McGee), Mme Vaive (Chapleau), M. Kelley (Jacques-Cartier).
M. Dumont (Rivière-du-Loup).
Le Président: Alors, que les députés contre cette motion veuillent bien se lever.
Le Secrétaire adjoint: M. Parizeau (L'Assomption), M. Chevrette (Joliette), M. Landry (Verchères), M. Ménard (Laval-des-Rapides), Mme Marois (Taillon), Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve), M. Garon (Lévis), M. Rochon (Charlesbourg), M. Rivard (Limoilou), M. Perron (Duplessis), M. Boucher (Johnson), M. Laurin (Bourget), M. Paillé (Prévost), Mme Dionne-Marsolais (Rosemont), M. Julien (Trois-Rivières), M. Dufour (Jonquière), M. Landry (Bonaventure), Mme Blackburn (Chicoutimi), M. Boisclair (Gouin), M. Gendron (Abitibi-Ouest), M. Jolivet (Laviolette), Mme Beaudoin (Chambly), M. Léonard (Labelle), M. Le Hir (Iberville), M. Beaulne (Marguerite-D'Youville), Mme Doyer (Matapédia), M. Baril (Berthier), M. Cliche (Vimont), Mme Caron (Terrebonne), Mme Vermette (Marie-Victorin), M. Blais (Masson), Mme Robert (Deux-Montagnes), M. Rioux (Matane), M. Beaumier (Champlain), M. Boulerice (Sainte-MarieSaint-Jacques), M. Bourdon (Pointe-aux-Trembles), Mme Carrier-Perreault (Chutes-de-la-Chaudière), M. Charbonneau (Borduas), Mme Charest (Rimouski), Mme Barbeau (Vanier), M. Kieffer (Groulx), M. Gaulin (Taschereau), M. Gagnon (Saguenay), Mme Signori (Blainville), M. Dion (Saint-Hyacinthe), M. Deslières (Salaberry-Soulanges), M. Désilets (Maskinongé), M. Lachance (Bellechasse), M. Laprise (Roberval), M. Jutras (Drummond), Mme Leduc (Mille-Îles), M. Facal (Fabre), M. Lelièvre (Gaspé), M. Payne (Vachon), M. Létourneau (Ungava), M. Paquin (Saint-Jean), M. Morin (Nicolet-Yamaska), M. Côté (La Peltrie), M. Perreault (Mercier), M. Pinard (Saint-Maurice), M. Simard (Richelieu).
Le Secrétaire: Pour:43
Contre:61
Abstentions:0
Motions sans préavis
Le Président: Alors, la motion est rejetée. Nous en sommes aux motions sans préavis. Madame... Oui, M. le leader du gouvernement.
Motion proposant que l'Assemblée exige du fédéral qu'il revoie son projet de loi C-91
M. Chevrette: Oui, M. le Président. Je voudrais faire une motion, qui est la suivante. Je demande le consentement de cette Assemblée pour que soit présentée la motion suivante:
«Que l'Assemblée nationale du Québec exige du gouvernement fédéral qu'il revoie son projet de loi C-91 dont l'effet est de consacrer l'ingérence du gouvernement fédéral et d'accroître les dédoublements en matière de développement régional.»
Des voix: ...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Est-ce qu'il y a consentement pour débattre de cette motion? M. le leader de l'opposition officielle.
M. Paradis: M. le Président, effectivement, il y a consentement avec débat complet.
M. Chevrette: Merci, M. le Président.
Le Président: Un instant, s'il vous plaît! Donc, il y a consentement. M. le leader du gouvernement.
M. Guy Chevrette
M. Chevrette: Merci, M. le Président. M. le Président, je suis particulièrement heureux que l'opposition se joigne à nous, et j'espère qu'ils se joignent à nous non seulement au niveau du consentement pour en débattre, mais qu'ils voteront avec nous. Chaque fois, M. le Président, que le gouvernement central ou le gouvernement fédéral a voulu procéder à des empiètements sur nos juridictions, il est de coutume dans cette Chambre que l'ensemble des parlementaires s'unisse pour contrer, pour combattre cette ingérence, M. le Président.
On sait que c'est seulement au Québec, M. le Président, que le fédéral a installé dans chacune des régions, comme par hasard, des bureaux de développement des régions comme par hasard, ce n'est qu'au Québec pour dédoubler, M. le Président, s'ingérer, contrer même, M. le Président, les plans de développement stratégiques que se sont donnés les régions. On signe des ententes-cadres présentement avec les conseils régionaux de développement, on établit nos axes prioritaires de développement, et, M. le Président, on voit le fédéral, par son projet de loi, vouloir venir passer par-dessus la tête du gouvernement du Québec, pour pouvoir négocier directement avec des entités dans les régions, indépendamment des axes de développement, indépendamment du plan stratégique de développement. Il va jusque, M. le Président, à vouloir s'ingérer à négocier directement avec des individus en région pour des projets spécifiques.
C'est tout à fait contraire à l'esprit, M. le Président, et j'en appelle aux libéraux là-dessus. M. le Président, c'est tout à fait contraire à l'esprit même de la réforme Picotte, si on veut aller jusqu'au bout, où la réforme Picotte visait précisément à ce que les régions, le monde municipal, le monde économique, le monde communautaire, toutes les forces vives du milieu, en santé, en éducation, se réunissent, se concertent, décident de leurs axes de développement et, par la suite, signent une entente-cadre avec l'État pour, ensuite, négocier des ententes spécifiques dans plusieurs secteurs.
M. le Président, cette ingérence risque précisément d'aller à l'encontre carrément de ces ententes-cadres, de ces plans stratégiques de développement. D'ailleurs, M. le Président, je dois vous dire qu'au fédéral, présentement, le Bloc québécois mène une lutte contre ce projet de loi là depuis lundi.
Le Président: Excusez-moi, M. le leader, je me dois de vous interrompre. Je pense que les parlementaires connaissent bien la raison pour laquelle je dois interrompre le leader à ce moment-ci. J'inviterais les personnes qui ont des choses à discuter à bien vouloir aller les discuter à l'extérieur.
M. Chevrette: Oui, M. le Président.
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Chevrette: Et on m'informe que ce qui est encore plus malheureux dans cela, c'est l'ex-sous-ministre de l'ex-ministre de l'Industrie et du Commerce, Renaud Caron, qui est rendu au niveau de la BFD, qui est en train de vouloir faire passer ce genre de chose. M. le Président, on se sert toujours d'un Québécois à Ottawa pour essayer de faire la job au Québec. Moi, je trouve ça dégueulasse, répugnant, personnellement. Et, M. le Président, j'espère de tout coeur...
Puis je n'ai pas l'intention d'être long parce que je crois que ça saute aux yeux, je pense que, de toujours, les Québécois sont capables de s'organiser avec leurs programmes, sont capables d'avoir beaucoup plus de cohérence quand ils sont les seuls à gérer une politique de développement. Je demande donc au fédéral, M. le Président, et je fais appel aux Québécois qui siègent dans le parlement fédéral, je leur dis ceci: Donnez-nous l'argent pour notre développement économique régional. Nous allons le dépenser en fonction des axes prioritaires de développement, en fonction des plans stratégiques que nous nous sommes donnés dans chacune des régions; nous allons vivre avec nos erreurs mais aussi nos succès, et nous sommes capables. Merci, M. le Président.
Des voix: Bravo! Bravo!
Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.
M. Daniel Johnson
M. Johnson: Oui, M. le Président, sur la motion. L'intervention du ministre responsable du développement régional a été extrêmement courte et brève, compte tenu qu'à sa face même l'importance qu'il y accorde est littéralement démesurée compte tenu de tout ce que nous avons à régler comme problèmes ici, au Québec, actuellement. On a évoqué ce qui se passait dans le domaine de la santé, on peut évoquer, dans le bulletin notamment que je me suis permis de décerner au gouvernement, un tas d'absences et de négligences du gouvernement à régler les vrais problèmes. On n'a qu'à suivre ce qui se passe aujourd'hui dans le milieu de l'éducation avec le ministre de l'Éducation. Enfin, on peut prendre les dossiers un après l'autre.
Et, aujourd'hui, il faudrait consacrer du temps de la Chambre, selon le leader du gouvernement, à dénoncer ce qu'il appelle une incursion du gouvernement fédéral dans le développement régional. Le ministre a été extrêmement discret sur la raison qui l'a amené à se lever ici, en Chambre, pour dénoncer, encore une fois, le gouvernement fédéral. Il a été discret parce que, je vais vous dire franchement, M. le Président, il n'y a pas de cause, il n'y a pas de cause.
Ce qui a été soulevé à l'occasion du dépôt du projet de loi C-91, c'est que la Banque de développement du Canada, autrefois, ne pouvait répondre affirmativement à des organismes de quelque province que ce soit, à des entreprises privées auxquelles nous pourrions être associés par un programme de subventions ou de détention d'actions ou quoi que ce soit, ne pouvait répondre positivement à une demande d'aide spécifique. Ce que le gouvernement fédéral semble vouloir faire, à sa face même, dans l'article 20 du projet de loi C-91, c'est de modifier la loi sur la Banque de développement du Canada pour lui permettre, à demande, de dire oui à des organismes du titre de la couronne du Québec ou à des organismes municipaux dans certains cas, je présume, qui sont soucieux d'accorder des services d'aide, de gestion et des services financiers à des entreprises, de répondre, donc, positivement à des demandes qui émanent de différentes entreprises, différents organismes, des institutions. C'est ça, le fond de l'affaire.
(11 h 10)
Ce que le ministre est en train de faire, c'est de se faire l'écho, j'en suis convaincu encore une fois, de ce que le Bloc québécois est en train d'imaginer à Ottawa pour installer une autre corde à son arc, s'insurger contre l'existence même du gouvernement fédéral et contre l'existence même d'un régime fédéral au Canada. Ça manque un peu de crédibilité, ça manque même beaucoup de crédibilité, un discours comme celui du leader du gouvernement et responsable du développement régional, de vouloir prendre du temps de la Chambre pour dénoncer, sans expliquer pourquoi, là il ne l'a pas expliqué, il ne nous l'a pas dit un geste appréhendé, pour ne pas dire carrément inventé, du gouvernement fédéral.
Ce qu'il faut avoir à l'esprit, M. le Président, c'est que, par exemple, les organismes municipaux ici, au Québec, demeurent absolument sujets à tous égards à la législation de l'Assemblée nationale du Québec quand vient le moment de transiger, s'ils voulaient le faire, avec le gouvernement fédéral.
On sait qu'on a passé des lois ici, et il y en a qui existent depuis, je dirais, la formation même du gouvernement, de la Législature, qui viennent consacrer le principe de l'autorité ultime, exclusive de l'Assemblée nationale sur des organismes provinciaux ou municipaux ici, au Québec. Le gouvernement fédéral n'est pas en train de s'imaginer, par un amendement à la Banque fédérale de développement, qu'il va modifier les lois des provinces pour obliger les entreprises, un organisme municipal, à transiger avec lui, le gouvernement fédéral. Ce n'est pas ça du tout qui se passe.
Très, très souvent, dans des projets de développement économique dans nos régions, dans toutes nos régions et c'est une dimension du développement régional intéressante pour nous et pour les entreprises de toutes les régions du Québec il y avait, en complémentarité souhaitée, une aide possible de la Banque fédérale de développement, de la Banque de développement du Canada, comme on l'appelle. La Banque de développement du Canada n'avait pas l'autorité juridique, sa loi ne lui permettait pas de dire: Oui, on va vous aider.
Est-ce qu'on est en train de dire ici qu'il faut abolir la Banque de développement du Canada? Ça, c'est une chose. Évidemment, si c'est ça qu'est l'objectif ultime... Et on va reconnaître que c'est l'objectif ultime du gouvernement du Parti québécois. En permettant, en souhaitant, en facilitant et en réalisant la souveraineté du Québec, il est évident qu'il n'y aura pas de Banque fédérale de développement sur le territoire du Québec. Ça, tout le monde a compris ça.
Mais on n'en est pas là. On en est, dans toutes nos régions, à souhaiter qu'on puisse, dans des projets de création d'emplois, amener quelquefois la Banque fédérale de développement à venir soutenir un projet. Ça, personne ne le met en doute. Je n'ai jamais entendu où que ce soit que la Banque fédérale de développement devrait terminer ses opérations, fermer ses bureaux partout au Québec et que le gouvernement fédéral devrait annuler tous les crédits qui sont consacrés au développement économique.
Le tout, dans le cadre de la réforme Picotte, je le souligne, en pleine collaboration avec les instances du développement régional du gouvernement du Québec, protocole d'entente dont j'ai déjà discuté avec le premier ministre d'aujourd'hui, alors que nous occupions les sièges inverses, à l'occasion de l'étude des crédits en 1994. On expliquait, volet par volet, les ententes que, de gouvernement à gouvernement, nous avions signées afin d'arrimer les interventions du gouvernement fédéral aux décisions, je dirais, de priorité que nous donnons volet par volet au développement régional, la façon dont on consacre des sommes considérables on parle de centaines de millions dans des plans quinquennaux nous, au Québec. On décide comment on fait ça, quels sont les ministères maîtres d'oeuvre, quels sont les sujets dont on doit se préoccuper, et le gouvernement fédéral a été amené, du temps qu'on était là, à tout le moins on nous expliquera si c'est différent maintenant à s'arrimer aux décisions qu'on appelle stratégiques de nos régions de privilégier certains volets, certains axes de développement. Ça s'était reflété, après ça, dans nos politiques de développement régional, et on amenait le fédéral, avec les sommes qu'il y consacre partout au Canada, à respecter ces choix-là qu'on avait faits.
Pour respecter ces choix-là, il faut qu'il nous donne un coup de main, si on croit que c'est important. Et, à partir de ce moment-là, si la Banque de développement du Canada n'a pas le pouvoir de dire: Oui, on vous donne un coup de main, dans le plein respect de la maîtrise d'oeuvre, dans le plein respect des décisions qui sont prises dans les régions, bien, là, vraiment, je ne comprends pas. On est bien malvenu, du côté gouvernemental, de dénoncer l'amendement à la loi constitutive de la Banque de développement du Canada pour lui permettre de dire oui à des projets qui émanent de chez nous et qu'on finance chez nous, que le privé finance, que le gouvernement du Québec finance, que les organismes municipaux peuvent financer. C'est là qu'on en est. C'est une question de partenariat qui est facilité.
Ça ne règle en rien, je veux dire, ça ne rouvre en rien les contentieux très réels qui peuvent exister sur l'incursion du gouvernement fédéral dans un champ d'activité ou un autre, ça n'a rien à voir. Ou bien on permet qu'une partie de l'argent des impôts des autres Canadiens, incidemment, soit utilisée au développement économique du Québec ça, c'est la réalité financière du fédéralisme fiscal, de la péréquation et de la redistribution des revenus, de la richesse au Canada ou bien, donc, dis-je, on permet que l'argent des impôts d'autres Canadiens serve au développement économique du Québec, comme c'est le cas actuellement, ou bien on ne le permet pas.
C'est ça, la question de fond, là. C'est ça, la question de fond. Et je trouve malheureux qu'on laisse croire que, sur un amendement à portée extrêmement limitée, qui permet au gouvernement fédéral, à la demande d'un projet qui émane du Québec, de venir donner un coup de main... Que le gouvernement décide aujourd'hui, je dirais, de déchirer ses vêtements là-dessus, d'en faire un autre morceau de son procès permanent du fédéralisme canadien, je dirais, M. le Président, qu'il est passé un peu à côté de la «traque», qu'il est passé à côté de la «traque». Parce qu'il est important qu'on cherche tous les moyens. Tant et aussi longtemps qu'on fait partie de la Fédération canadienne, que les moyens existent, que la redistribution de la richesse telle qu'on la connaît au Canada existe, et, dans certains cas, soit avantageuse, notamment dans ce cas-là, pour le Québec, bien, qu'on s'en prive sous prétexte de mener une bataille vers l'accession du Québec à sa souveraineté...
On aura, à l'égard de cette motion, M. le Président, je le dis tout de suite, une proposition d'amendement, tout à l'heure, qui vise là, c'est une question de langage pas à dénoncer mur à mur un geste du fédéral, mais à reconnaître clairement deux choses: qu'on doit se prévaloir, chaque fois qu'il est possible, des moyens additionnels qui pourraient être mis à la disposition d'un projet de développement économique au Québec, y compris, dans ces moyens additionnels, de source fédérale, et, deuxièmement, je le dis tout de suite, assurer que d'aucune façon il n'y ait quelque velléité de consacrer, ou d'inventer, ou d'initier une incursion du gouvernement fédéral dans ce qui est très, très clairement, au point de vue de la maîtrise d'oeuvre, du ressort de l'Assemblée nationale du Québec, et des organismes du Québec, et de nos organismes municipaux un peu partout sur le territoire.
Le leader de l'opposition et responsable, comme critique en matière de développement régional, de ce dossier amènera tout à l'heure un amendement, mais je dis tout de suite, pour que le débat ne parte pas dans toutes les directions, que l'objectif de notre amendement est de faire en sorte qu'on pourrait réaliser un consensus, l'unanimité ici, en Chambre, autour de ce dossier, reconnaissant, si le gouvernement fédéral veut bien et si, je dirais, la masse de la richesse canadienne pouvait être utilisée à des fins de développement de certains projets dont nous avons la maîtrise d'oeuvre ici, au Québec, avec ou sans les organismes municipaux, avec ou sans les organismes privés, que ce soit mixte ou que ce ne le soit pas, que, d'une part, on ne se prive pas de ça, mais, deuxièmement, que l'Assemblée nationale réitère, en matière de dépenses du gouvernement fédéral, que ça ne serve pas d'excuse pour rentrer dans un champ de juridiction, donc une compétence qui est très, très clairement celle du gouvernement du Québec.
Alors, c'est une question de langage ici. Je regarde la motion du leader du gouvernement, c'est couché dans les termes auxquels il nous a habitués, M. le Président. Son discours, je dirais, je ne sais pas si c'est à cause de l'heure de la journée, il est trop de bonne heure ou il est trop tard pour lui, peu importe, c'était passablement... c'était tranquille...
Des voix: ...
M. Johnson: Du calme! Laissez-moi finir mes phrases avant de vous énerver, là. C'était sur un ton particulièrement serein, je trouve, beaucoup plus serein que celui de la période de questions, incidemment, de la part du leader du gouvernement. Mais il faut regarder les choses comme elles sont, d'une part. Deuxièmement, il faut examiner le libellé très, très précisément.
(11 h 20)
Quel est l'objectif recherché par le gouvernement, actuellement, dans sa motion? Dénoncer le régime fédéral. Bien oui, comme d'habitude, il n'y a rien de bien, bien surprenant là-dedans. Quel serait l'objectif recherché par la motion d'amendement, par l'amendement que nous suggérions un peu tout à l'heure, tout de suite ou à peu près? C'est d'assurer qu'on ne prive pas les projets de développement économique du Québec du soutien financier qui pourrait leur être accordé par la BFD. Ce n'est pas la fin du monde, ce n'est pas sacrilège, etc., puis ce n'est pas, comme dit le premier ministre, dans le Nouveau Testament qu'on n'a pas le droit de se servir de ces sommes-là.
Et, deuxièmement, c'est de réitérer qu'en matière d'incursion du gouvernement fédéral dans les champs de compétence du Québec, ce projet de loi ou les amendements qu'il peut y avoir à certains de ces articles ne servent pas de tremplin, effectivement, pour faire des incursions en ce qui est clairement, clairement, et ce qui a toujours été défendu ici, de la maîtrise d'oeuvre et de la compétence exclusive du gouvernement du Québec.
Le Président: M. le leader du gouvernement.
Avis touchant les travaux des commissions
M. Chevrette: Oui, M. le Président. Je sollicite le consentement pour faire un avis. Étant donné que c'est une commission qui a des consultations, il est de coutume qu'on leur permette d'aller siéger immédiatement. C'est que la commission spéciale pourrait poursuivre ses travaux de consultations particulières sur le projet de loi 90, Loi favorisant le développement de la formation professionnelle, de 11 h 20, naturellement, là, à...
Le Président: M. le leader, si vous me permettez. Donc, est-ce qu'il y a consentement? Parce que, autrement, les commissions ne pourront pas siéger.
M. Chevrette: Oui, consentement pour elle.
Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.
M. Paradis: M. le Président, pour qu'on se comprenne bien, le leader du gouvernement a été clair, il a demandé le consentement quant à une commission. Vous avez souligné «les» commissions; il y a une différence entre «le» et «les».
Le Président: Tout à fait.
M. Paradis: Il y a consentement pour «le», il n'y a pas consentement pour «les».
Le Président: Il y a consentement. M. le leader.
M. Chevrette: Il y a consentement, donc, pour «la» commission spéciale, loi 90, Loi favorisant le développement de la formation professionnelle, à compter de ce moment-ci jusqu'à 13 heures, de 15 heures à 18 heures et de 20 heures à 24 heures, à la salle du Conseil exécutif.
Reprise du débat sur la motion
Le Président: Alors, je vous remercie, M. le leader du gouvernement. À ce moment-ci, je serais prêt à accorder la parole à un autre intervenant. M. le premier ministre.
M. Jacques Parizeau
M. Parizeau: M. le Président, nous sommes en face d'une nouvelle tentative de changer le fonctionnement et la vocation d'un organisme fédéral bien connu, qui existe depuis longtemps, et cela, effectivement, a un certain nombre de conséquences que notre leader cherchait à esquisser tout à l'heure et que je voudrais comment dire développer, accentuer un peu.
Un aspect qui n'est pas ressorti jusqu'à maintenant, c'est que la Banque de développement du Canada, comme elle va s'appeler maintenant, l'ancienne Banque fédérale, passe du financement de dernier recours à un financement multiforme, varié, comme une institution financière ordinaire, comme une banque ordinaire.
On ne comprend pas très bien le sens de ça. Le système bancaire fonctionne assez bien. Les entreprises ne se plaignent pas du fait qu'il manque une banque. Quelque chose qui, un peu comme notre SDI, était une sorte de financement de dernier recours, là, devient une institution financière au même titre que n'importe quelle autre, sauf qu'elle est faite par le gouvernement fédéral avec, pour pas loin du quart, notre argent.
Je ne suis pas, moi, certain que ce soit particulièrement intelligent pour le gouvernement fédéral de faire ça. Mais, s'il veut accentuer sa visibilité au Québec, j'imagine que c'est une façon comme une autre de le faire, tant qu'il demeure au niveau des prêts ou des prises de participation dans les entreprises; dans les entreprises. Mais le deuxième amendement important, c'est que la Banque fédérale de développement, enfin la Banque de développement du Canada, comme elle va s'appeler, se donne maintenant les pouvoirs de conclure des accords avec tout organisme, institution ou personne morale ou physique pour faire des opérations avec eux, les financer ou donner des mandats de financement. Eh bien, là, ce n'est plus une banque, M. le Président; là, ça devient un instrument pour intervenir dans le financement d'institutions qui, dans l'immense majorité des cas, sont des créatures du gouvernement du Québec que l'on cherche à coordonner avec nos politiques, nos ministères, notre façon de voir les choses.
Ce n'est pas depuis huit mois que les municipalités sont, comme on dit, les créatures de Québec, ça a toujours été. Les MRC, ça a été créé, ça, par Québec. Il n'y a pas de réunion des préfets de MRC à Ottawa, c'est ici que ça se fait. Les hôpitaux du Québec dépendent des régies régionales de la santé, qui sont des organismes québécois. Les CRD, les conseils régionaux de développement, ce n'est pas le fédéral qui les a créés, ce sont des organismes québécois. Les régions signent avec Québec des ententes de développement. On cherche à savoir où vont être les priorités pour les années qui viennent, et Québec assure qu'un certain financement va être accordé à ces fins et va se coordonner avec du financement qui vient localement. C'est comme ça que nous l'avons monté.
Et, quand je dis «nous», là, je ne parle pas du gouvernement actuel. Les libéraux au pouvoir, le financement et les premières ententes-cadres, le financement des CRD, c'est dans une bonne mesure leur oeuvre, et on la poursuit. Et là nous apprenons qu'un organisme fédéral pourra mettre le financement qu'il désire et qu'il entend partout là-dedans.
Évidemment, ils s'appuient sur le fait que des organismes, qui, surtout dans la conjoncture budgétaire actuelle, manquent d'argent souvent, vont se dire: Bien, s'il y a de l'argent là, pourquoi on n'irait pas le chercher? C'est comme ça que commencent les chevauchements et les dédoublements, puis les gaspillages. Ce que je viens de décrire à l'occasion d'un projet de loi qui est devant le Parlement canadien, c'est notre histoire depuis 30 ans.
Il est déjà arrivé qu'il y ait des réactions. M. Lesage, qui a été premier ministre du Québec et qui était libéral, à ce que je sache, et qui était fédéraliste, à part ça, et qui était un ancien ministre fédéral, nous a tirés de 29, qu'on appelait, programmes conjoints d'un seul coup, à frais partagés là, au nom justement de l'élimination des doubles emplois, et des gaspillages, et des chevauchements.
C'était le même dialogue, la même discussion. Le chef de l'opposition a raison, c'est à cause de choses comme celle-là qu'on veut sortir. Ce n'est pas la seule raison pour laquelle on veut sortir du système, parce qu'on sort, on s'en débarrasse, on arrête le fédéral; il recommence trois ans après. Là il est en train de nous faire exactement le même coup avec une autre loi qui s'appelle C-88. C-88.
Les provinces canadiennes, le Québec en tête, sont en train de négocier une entente interne comment dire de libre-échange qui règle des problèmes d'échange entre les provinces, qui sont déjà réglés avec les États-Unis, qui sont déjà réglés avec le Mexique, et ça va bien, et l'entente va intervenir le 1er juillet prochain. Et on continue de négocier. Il y a encore des choses, moi, qui ne me satisfont pas là-dedans. J'aimerais mieux un tribunal de règlement des différends commerciaux qui a un peu plus de dents.
(11 h 30)
Mais, au moment où, justement, on a pris l'habitude de travailler ensemble sur ces questions, le fédéral arrive avec C-88 en disant... J'ai eu l'occasion de l'appeler la loi des mesures de guerre commerciales. Le gouvernement fédéral, il peut désigner n'importe quelle province comme délinquante et prendre à son égard à peu près n'importe quoi comme mesure, c'est-à-dire faire en sorte qu'une loi fédérale cesse de s'appliquer dans la province en question ou bien qu'il y ait une loi fédérale qui porte juste sur cette province, prendre à peu près n'importe quelle mesure. On recommence, ou, plutôt, ça continue, ça continue.
Je ne demande pas aux gens d'en face de participer à notre projet politique. Ils nous ont démontré trop souvent ce qu'ils en pensent. Je le déplore, mais je le comprends; de leur point de vue, il faut qu'ils réagissent comme ça. Mais seulement, dans l'intérêt du Québec, pour éviter qu'on recommence encore une phase de tensions, puis d'engueulades, puis de discussions, puis de chevauchements avec nos municipalités, avec nos CRD, avec les régions, avec les MRC, plutôt que de recommencer ça, ce ne serait pas plus simple et mieux qu'on vote tous ensemble en faveur de cette résolution et puis qu'on essaie d'arrêter le fédéral pendant qu'il y a peut-être une chance qu'on puisse encore l'arrêter? Je sais bien que ça ne réglera rien fondamentalement; il va essayer encore quelque chose dans un mois et demi. Mais, au moins, si on était capables, tous ensemble, de temps à autre, de dire: Non, arrêtez ça, on ne marche pas, on refuse de marcher dans quelque chose qui est désordonné, qui est une source de gaspillage.
Quand on dit, là, qu'on a deux taxes de vente différentes, la TPS et la TVQ. Regardez les économies qu'on a tirées tout simplement, dans le dernier budget, en disant: Il n'y aura plus, en fait, qu'une seule taxe; la base des deux taxes va être la même. On les additionnera, mais ce sera deux taxes qui seront substantiellement, essentiellement les mêmes. La réaction de la Fédération de l'entreprise indépendante, ça a été de dire: Nos entreprises vont sauver entre 300 000 000 $ et 400 000 000 $ par an avec cette mesure. C'est ça, un chevauchement.
Quand deux mesures, une fédérale, une provinciale, comme on dit, un organisme fédéral, un organisme provincial, cherchent à faire la même chose, se mettent les pieds dans la même bottine, le gaspillage part, s'accumule, puis, à un moment donné, on se dit: Comment ça se fait qu'on est rendus là? Il faut arrêter les choses avant qu'elles partent. C'est pour ça qu'on demande à l'opposition de voter avec nous sur cette motion.
Le Président: Toujours sur cette motion du ministre d'État au Développement des régions, M. le député de Rivière-du-Loup.
M. Mario Dumont
M. Dumont: Oui. Merci, M. le Président. D'abord, je dois dire que je supporterai cette motion du leader du gouvernement. D'abord, il faut être député d'un comté en région, d'un comté majoritairement rural, pour comprendre combien tous les projets qui sont en place sont souvent pris dans un jeu de ping-pong entre les approbations du fédéral et du provincial, et comment les intervenants en place peuvent être fatigués ou exaspérés par ces situations.
Selon l'expérience qu'on a au Québec des interventions du gouvernement fédéral et sûrement que les parlementaires qui ont plus d'expérience en cette Chambre et le député de Châteauguay, qui a travaillé longuement dans le domaine, sont au courant ça commence toujours par des situations où c'est le gros bon sens qui est supposé prévaloir, un peu plus d'efficacité qui est supposée prévaloir. Et où on se retrouve, c'est qu'au bout d'un certain nombre d'années, bien, le fédéral vient d'entrer, le fédéral vient de mettre ses pattes dans un nouveau domaine, et, au bout de 10 ans ou de 20 ans, bien, c'est un état de fait: il y a dédoublement de juridiction.
Je dois vous dire, M. le Président, toujours en support à cette motion du leader du gouvernement, qu'il n'est, à mon avis, pas arrivé souvent en cette Chambre qu'un chef de parti, si ce n'est le chef du Parti Égalité, défende les interventions du gouvernement fédéral. Je constate que l'opposition officielle, qui est passée à une étape par la tolérance des interventions fédérales, par une espèce d'abstraction mentale des revendications du Québec, vient maintenant de franchir une nouvelle étape et passe de l'autre côté de la clôture, c'est-à-dire du côté de la promotion des interventions fédérales, et, comme député qui siège à l'Assemblée nationale, ça ne peut pas faire autrement que m'inquiéter.
À mon avis, l'enjeu fondamental du débat n'est pas tant la portée de l'amendement, n'est pas tant, à court terme ou à moyen terme, quelle quantité d'interventions la Banque fédérale de développement ou la nouvelle Banque de développement du Canada pourrait faire. La question, c'est: Est-ce que, comme Assemblée nationale, on a suffisamment confiance en nous pour croire que le domaine, le champ du développement régional, qui a été organisé par on a parlé de la réforme Picotte le gouvernement du Parti libéral, il y a quelques années, dans des efforts de régionalisation qui sont poursuivis par l'actuel gouvernement et qui font, règle générale, assez consensus entre les partis au Québec, est-ce qu'on se fait suffisamment confiance pour croire que la juridiction en matière de développement régional devrait être exclusive au Québec? Et, d'ailleurs, la réclamation du gouvernement fédéral d'une juridiction exclusive pour le Québec en matière de développement régional avec pleine compensation financière, à mon avis, aurait même pu faire partie de cette motion, et je n'aurais été que plus enthousiaste à l'appuyer.
Quant aux amendements, parce que je sens que c'est là-dedans qu'on va glisser tout à l'heure, qui pourront être apportés pour diluer ou pour modifier la motion, qui, à mon avis, risquent tout simplement pour peu que la motion veuille véritablement dire quelque chose d'en diminuer la signification, je serai certainement difficilement d'accord avec de tels amendements. Moi, je vous le répète, l'amendement que je préférerais voir, c'est que, pour donner plus de force à la motion... D'ailleurs, si l'opposition officielle est d'accord, je suis convaincu que le gouvernement serait d'accord pour qu'on ajoute la juridiction exclusive du Québec en matière de développement régional, qui a d'ailleurs fait partie, il n'y a pas très longtemps, du programme politique de l'opposition officielle.
Là-dessus, M. le Président, je conclus en répétant que chaque fois que le gouvernement fédéral s'est donné de nouveaux leviers, chaque fois que le gouvernement fédéral a entrouvert la porte, c'était sans grandes menaces, c'était pour des raisons qui apparaissaient toujours techniques, qui apparaissaient toujours bénignes a priori, mais qui permettaient, au fil des années, au fédéral de prendre une place de plus en plus solidement ancrée dans des domaines où le Québec et les intervenants du Québec ne le souhaitent pas. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Brouillet): Merci, M. le député de Rivière-du-Loup. Y a-t-il d'autres intervenants? Mme la députée de Jean-Talon.
Mme Margaret F. Delisle
Mme Delisle: M. le Président, sur la motion qui est présentée par le ministre des Affaires municipales et ministre responsable du développement régional, vous me permettrez de vous signaler ou de vous souligner mon étonnement, pour un gouvernement qui parle constamment de décentralisation et de développement régional, de vouloir, ce matin, nous faire croire ou faire croire à la population qui nous écoute, aux citoyens et citoyennes du Québec qui nous écoutent, que le gouvernement canadien, par le biais d'un amendement qui est apporté à la loi qui régit la Banque de développement du Canada, viendrait, encore une fois, créer des chevauchements et, par le fait même, faut-il croire le premier ministre qui nous a parlé, il y a quelques minutes, causer préjudice, encore une fois, aux Québécoises et aux Québécois.
Je suis un peu étonnée, je vous dirais, de lire et d'entendre les propos tenus à la fois par le ministre responsable du développement régional et le premier ministre. Le premier ministre nous fait part qu'il n'est pas surpris de constater, qu'il est normal que le Parti libéral du Québec s'oppose à ce type de motion et soit d'accord avec le projet de loi C-91 qui est présenté à la Chambre des communes. Moi, je vous dirais, M. le Président, que je ne suis absolument pas surprise d'entendre les propos du ministre responsable du développement régional et ceux du premier ministre, puisque je vais leur renvoyer la balle il est évident que, à la minute où le gouvernement fédéral propose des projets de loi ou amende ses projets de loi, on dirait que c'est toujours, à leurs yeux, «détrimentaire» et à l'encontre des intérêts des Québécoises et des Québécois.
(11 h 40)
Quand on parle de développement régional, je pense que tout le monde s'entend pour dire que le développement de nos régions est très important. Et tous les mécanismes, tous les organismes, tout ce qui peut susciter et qui pourrait nous permettre de développer économiquement, culturellement et socialement nos régions doit être regardé, et regardé très sérieusement.
Le projet de loi C-91 qui est présenté à la Chambre des communes et qui amende les dispositions de cette Loi sur la Banque fédérale de développement, je pense que c'est important, pour les gens qui nous écoutent, qu'on le lise. Alors, dans un article qui s'appelle l'article 20, c'est une disposition proposée qui se lit comme suit: «La Banque peut conclure des accords avec les ministères ou organismes fédéraux ou provinciaux, tout autre organisme ou toute personne et agir comme mandataire de ceux-ci pour la prestation de services ou de programmes, en leur nom ou conjointement avec eux, et, sous réserve du paragraphe 14(3), fournir une aide financière en leur nom.»
À ce que je sache, il n'y a personne qui est obligé de conclure un accord avec la Banque de développement du Canada, mieux connue jusqu'à récemment sous le nom de Banque fédérale de développement, et, s'il y en avait, s'il y avait des municipalités, des organismes ou des personnes qui souhaitaient conclure des ententes, je pense qu'il faut le voir dans la mesure, dans la perspective où on souhaite le développement de nos régions.
Ce gouvernement-là, il faudrait peut-être qu'il nous explique vraiment ce qu'il veut. Est-ce qu'il veut, est-ce qu'il souhaite le développement de ces régions, avec la complicité, avec le partenariat des gens qui suscitent des projets dans nos régions, ou bien est-ce qu'ils veulent carrément centraliser et être les seuls à avoir les bonnes idées et à pouvoir payer, finalement, ou contribuer à ce développement-là? Le soutien financier, quant à moi, qu'il vienne de la Banque de développement du Canada, qu'il vienne du gouvernement du Québec, qu'il vienne des municipalités, qu'il vienne des organismes qui oeuvrent sur le territoire, je pense qu'on devrait pouvoir se réjouir du fait qu'on y aura accès, comme citoyens et citoyennes dans les diverses régions du Québec, qu'on aura accès à ce soutien-là.
Moi, je ne comprends pas comment ça se fait que, ce matin, le ministre responsable du développement régional fait tout un plat avec les amendements qui sont apportés à cette Loi sur la Banque fédérale de développement. Je ne suis pas surprise du tout d'entendre le premier ministre nous dire qu'il fallait bien qu'on soit contre. Moi, je lui renvoie la balle en lui disant: Je ne suis pas surprise du tout qu'il nous dise qu'il faut être contre le projet de loi C-91 puisqu'il va être «détrimentaire» à la population du Québec.
Et j'inviterais le gouvernement actuel à surveiller d'autres projets de loi. On parle de développement régional, on parle d'acquis dans nos régions. Le projet de loi C-89 vise à privatiser les installations du Canadien National; je n'ai rien particulièrement contre ça, sauf qu'il faudrait peut-être que ce gouvernement-là et les députés de la région de Québec surveillent, justement, la privatisation du pont de Québec. Je n'ai jamais entendu parler de ça ici, moi. Et, en privatisant les installations du CN, on sait que ce sera certainement des actifs étrangers qui seront les seuls susceptibles de pouvoir acheter toutes les installations du CN.
Qu'arrivera-t-il du pont de Québec qui est un joyau de notre patrimoine ici, pas juste du patrimoine canadien, mais du patrimoine de la région de Québec? Alors, il y a une proposition, qui a été faite par le responsable de la coalition, qui a été envoyée au ministre Doug Young. J'ai personnellement envoyé une lettre et j'espère que nos députés qui nous représentent à la Chambre des communes feront la même chose pour demander au ministre de retirer le pont de Québec de ce projet de loi là afin de s'assurer qu'il y aura des réparations de faites dessus et qu'on conservera pour des années à venir ce patrimoine-là.
Concernant le chevauchement et le gaspillage auxquels faisait référence le premier ministre, encore là, je vous le dis bien sincèrement, je ne vois pas en quoi le fait d'avoir accès, par le biais de cette disposition-là de l'article 20 de la Loi sur la Banque fédérale de développement, vient, en fait, créer et des chevauchements et du gaspillage. Du gaspillage, comment? Si les organismes, les ministères, qu'ils soient fédéraux ou provinciaux, ou les personnes ont le droit, par le biais de cette nouvelle disposition-là, d'investir dans le développement régional, comment peut-on sincèrement concevoir que c'est du gaspillage, M. le Président?
Alors, encore une fois, le ministre des Affaires municipales et responsable du développement régional, et le premier ministre n'ont qu'une seule chose en tête: prendre toutes les occasions, sans vraiment aucun discernement, pour essayer de tenter de démontrer que le fait que nous fassions encore partie du Canada soit «détrimentaire» aux Québécoises et aux Québécois. Et, je vous le dis bien sincèrement, je suis bien contente d'être contre cette motion-là.
Le Vice-Président (M. Brouillet): Merci, Mme la députée de Jean-Talon. Y a-t-il d'autres intervenants? M. le ministre de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie, vous avez la parole.
M. Daniel Paillé
M. Paillé: M. le Président, il me fait plaisir d'intervenir sur cette motion-là parce que c'est, effectivement, un exemple flagrant que ce que le reste du Canada et ce que le Québec veut, ce n'est pas la même chose. Pendant la campagne électorale et depuis ce temps, les régions nous disent: Nous, on veut décentraliser le pouvoir. Le ministre des Affaires municipales et responsable des régions fait ce genre de travail là. Le programme de démarrage d'entreprises, M. le Président, que l'on a mis sur pied est très décentralisé. Il est succursale par succursale. Donc, on a une structure, au Québec, différente qui fait en sorte que l'on veut donner aux régions, qui sont différentes les unes des autres, des pouvoirs et la façon d'utiliser ces pouvoirs-là comme bon leur semble.
Le gouvernement fédéral, par ce projet de loi que l'on dénonce aujourd'hui, le C-91, sur le développement régional, va totalement à l'envers. Il dit: Nous, on centralise, on veut que ce soit nous qui puissions décider, à Ottawa, avec nos moyens, nos leviers. S'ils veulent faire ça, tant mieux pour eux. Ce genre de pays qu'ils veulent, laissons-leur tous les outils qu'ils veulent pour le faire, mais chez eux, pas chez nous. C'est ça, le problème, et je pense que c'est une image exacte de la situation politique entre la façon de gérer nos choses, au Québec, et la façon dont les Canadiens veulent gérer leurs affaires.
M. le Président, la nouvelle Banque de développement du Canada va concurrencer qui, va décider comment, va faire ça de quelle manière? Alors, là, ils se sont donné divers instruments et ils se disent: Nous, on va pouvoir émettre des choses, on va pouvoir émettre des valeurs mobilières, on va pouvoir réunir toutes sortes de capitaux, mais on va décider. On décide de changer la notion de ce que doit être un gouvernement pour décider d'aller concurrencer d'autres entreprises dans le domaine des institutions financières.
Nous, on a une volonté gouvernementale qui se dit: Un gouvernement doit faire des choses demandées par les Québécoises et les Québécois que le milieu privé n'offre pas ou s'il ne permet pas que la situation soit correcte. Alors, quand on parle de prêt de dernier recours que la BFD faisait ou était appelée à faire, c'est qu'à un moment donné les services financiers n'ont pas ce produit-là.
Bel exemple, encore le programme de démarrage. Les institutions financières du Québec n'avaient pas l'habitude d'appuyer les Québécoises et les Québécois dans le démarrage d'entreprises sous forme de prêt ou sous forme d'équité. Alors, qu'est-ce qu'on a fait, au gouvernement? On a dit: Il y a un trou, il y a un manque du côté de l'offre publique, de l'offre des institutions financières; on va tenter d'amener les institutions financières à prendre conscience qu'il y a un marché, à s'habituer à traiter avec ces gens-là et, je l'espère, à faire commerce dans ce milieu-là. C'est ça, un gouvernement; c'est de faire prendre des habitudes, qu'elles soient commerciales, industrielles ou financières.
Un autre exemple que je peux citer, M. le Président, c'est au moment où le ministre des Finances d'alors, qui est devenu premier ministre, a fait le Régime d'épargne-actions. Fin des années soixante-dix, au Québec, on faisait des affaires, mais on jouait à la Bourse. Ce n'était pas sérieux, la Bourse. On n'émettait pas d'actions. Les Québécois n'achetaient pas d'actions et les courtiers en valeurs mobilières du Québec, ils vendaient des obligations municipales, puis des obligations d'épargne, puis des obligations. Le gouvernement a vu ce trou-là et il a dit: Bon, bien, maintenant, nous devons aider les Québécoises et les Québécois, du côté des acheteurs et des émetteurs, à combler ce trou. C'est fait. Le Régime d'épargne-actions a pu faire en sorte qu'au Québec, maintenant on a l'habitude de la capitalisation. Programme de démarrage; il y avait un problème. On a dit: On va tenter de le faire.
(11 h 50)
Là, avec la BFD, qu'est-ce que le gouvernement fédéral fait? Il dit: Il y a un marché des institutions. Je vais y aller, moi aussi. Je vais concurrencer ça. Il y a une SDI au Québec dont on est en train de revaloriser le rôle, de réorienter le rôle là où le marché est faible, là où il y a un trou dans l'offre. Là, la BFD, via son nouvel organisme qui va s'appeler la Banque de développement du Canada, va pouvoir entrer là-dedans, faire ce qu'elle veut, concurrencer, puis créer des comités, puis des bureaux consultatifs régionaux, puis se donner des pouvoirs.
Qu'est-ce qui va arriver? On va encore avoir des chevauchements, des dédoublements, des choses compliquées pour faire en sorte qu'un chien ne retrouve plus sa chienne, de sorte que les Québécoises et les Québécois vont encore trouver ça difficile de faire des affaires. Ils vont se dire: Bon, bien, là, qu'est-ce qui marche? Est-ce que la SDI vient? Est-ce que le Fonds de solidarité... Le ministre des Finances écoute le Fonds de solidarité, dans son discours du budget, puis il dit: On va faire, dans les 16 régions du Québec, à 6 000 000 $ par région, 100 000 000 $ pour que les régions puissent se prendre en main en capital de risque.
Là, il va y avoir un autre organisme qui va pouvoir venir, puis qui va dire: Bien, moi, je concurrence ça. J'offre de meilleurs services, de meilleurs taux. Puis je fais ça avec l'argent du public. Que quelqu'un vienne, M. le Président et je serai court là-dessus du marché et dise: Moi, je veux envahir un marché; je veux émettre un produit, puis je veux faire en sorte que ce produit-là soit acheté, qu'il le fasse avec ses propres ressources, pas de problème. Si ça marche, s'il fait du bénéfice, c'est qu'il est plus efficace qu'un autre. Mais, là, c'est le gouvernement fédéral qui dit: Moi, je le fais avec les impôts.
Bien, c'est dans ce sens-là, M. le Président, que le ministre de la Santé et des Services sociaux, tantôt, disait qu'un des bons principes en médecine, c'est d'abord de ne pas nuire. Bien, je pense que ça s'applique tout à fait à C-91 que nous dénonçons aujourd'hui. Je pense que c'est un projet de loi qui fait en sorte que le fédéral va nuire. Et il le fait comment? Avec nos impôts, avec nos taxes.
Et je terminerai là-dessus, M. le Président: quand on dit qu'on a un projet de société, quand on dit qu'on veut aller chercher tous nos crédits, toutes nos taxes pour faire nos lois et signer nos traités, c'est afin de faire en sorte que l'on puisse, nous aussi, avec nos impôts, appliquer nos priorités dans notre champ de décision, puis décider ça ici, pas ailleurs. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre. Il y a d'autres intervenants? M. le député de Châteauguay, je vous cède la parole.
M. Jean-Marc Fournier
M. Fournier: Merci, M. le Président. J'interviens sur cette motion d'abord pour noter que j'ai l'impression que le virage est de plus en plus un mirage. On tente, depuis quelques semaines, pour ne pas dire deux mois, quelques mois, de faire d'un projet de séparation un projet d'union. Partout, on nous amène à croire que le gouvernement du Québec, issu du Parti québécois, va renégocier toutes les ententes que nous avons déjà avec le Canada, pour eux, disent-ils dans des phrases que j'entends des fois, le pays étranger.
Ils nous parlent de l'union monétaire. Ils nous parlent de l'union douanière. Ils nous parlent d'un tribunal de règlement de conflits, d'assemblées parlementaires conjointes. Ils ont complètement changé l'axe de leur projet et ce qu'ils font dans ce beau virage, M. le Président, c'est de nous faire voir qu'ils sont ouverts à la collaboration, au partenariat, qu'ils sont ouverts à ca. Ils ont compris que les Québécois, c'est ce qu'ils voulaient. Les Québécois ne veulent pas la rupture et la séparation; ils veulent des contacts, des échanges, de véritables partenariats.
Alors, évidemment, pour un gouvernement qui a le réflexe de la chicane, l'angle de vision et d'analyse est un peu obstrué, pour ne pas dire beaucoup obstrué, pour ne pas dire complètement obstrué, M. le Président. La collaboration fédérale-provinciale dans le domaine du développement régional se fait, M. le Président, au Québec, dans le cadre d'un concept qui s'appelle la maîtrise d'oeuvre. Et à qui est confiée cette maîtrise d'oeuvre, M. le Président? Du côté du gouvernement, on semble vouloir nous faire croire que ce serait le gouvernement canadien, le gouvernement fédéral qui aurait la maîtrise d'oeuvre, mais c'est tout le contraire, M. le Président. C'est tout le contraire.
Je vais vous parler, peut-être pas de cas de comté, mais de cas de région. Cette semaine, enfin dans l'édition d'hier d'un hebdomadaire de mon comté, on cite le délégué régional de la Montérégie, qui est donc fier de pouvoir annoncer que, dans le cadre du programme d'infrastructures fédéral-provincial, il y aura des investissements dans la municipalité de Châteauguay. Comment se fait-il qu'on ne se souvienne pas que, dans ce programme d'infrastructures fédéral-provincial, qui fait bien l'affaire du délégué régional de la Montérégie et, j'imagine, de tous ceux qui ont pu en profiter ici, la maîtrise d'oeuvre a été confiée, est accordée, est détenue par le Québec?
Ah, de l'autre côté, quand le gouvernement fédéral est arrivé avec le programme d'infrastructures, on devait se lécher les babines, on devait se dire: Ah, on va pouvoir leur taper dessus, prouver que ce sont des ennemis des intérêts du Québec. Et là on revoit l'obstruction du raisonnement et de l'analyse, eux qui nous préparent un faux virage, parce que, pour eux, tout ce qui vient d'Ottawa ou de partenaires que nous avons, c'est mauvais. Semble-t-il qu'avec la magie référendaire ça va devenir bon. Les ennemis d'aujourd'hui seront les alliés de demain par une chimie encore incompréhensible.
Mais, M. le Président, il faut se souvenir qu'en matière de développement régional, c'est au Québec que nous avons la maîtrise d'oeuvre et en aucun temps vous n'allez entendre des gens de ce côté-ci dire que nous désirons que le Québec perde la maîtrise d'oeuvre dans le domaine du développement régional. Jamais. Mais il ne faut pas voir, dans des documents, simplement des éléments de querelle en les inventant. Il faut voir ce que ça dit.
Dans un système fédératif, soit-il le système canadien, M. le Président, ou le système exercé dans d'autres fédérations, il y a une notion de base fondamentale avec laquelle on doit vivre. Je vous dirais que c'est une notion qui se vit aussi à la grandeur de la planète entre des pays qui ne sont pas des fédérations ou de fédération à fédération. Mais, dans une fédération, on la retrouve à l'intérieur même du pays. Ce concept, cette notion, cette valeur fondamentale, c'est le partenariat, la collaboration, l'entraide.
Il y a ici aussi une notion qui est le partage de la richesse, la péréquation. De l'autre côté, parfois, on nous dit: Ah, la péréquation, ce n'est pas bon; c'est une incitation à la pauvreté. On a entendu ça déjà. Un peu plus tard, on a entendu le ministre à la propagande parce que c'est bien comme ça qu'on doit l'appeler, M. le Président, maintenant qui est venu nous dire que la péréquation, ça, ce n'était pas bon parce que nos revenus variaient d'année en année; on ne savait pas si on gagnait 3 700 000 000 $ ou 3 500 000 000 $ ou 3 900 000 000 $. C'était dérangeant. Alors, c'est un avantage de faire l'indépendance: on avait zéro. Ça, c'était stable, on savait que les recettes étaient pour être stables. Ça, c'est l'argumentation du ministre à la propagande. Mais, deux jours après, il propose une étude et là il dit: C'est épouvantable, on n'a pas assez dans le domaine de la péréquation.
(12 heures)
Alors, voyez-vous, c'est tout ce cheminement-là où on mélange les concepts d'empiétement de juridiction avec le concept, la valeur fondamentale, qui est le partenariat, la collaboration, la mise en commun d'énergies et de ressources pour servir les fins de qui, M. le Président? Les fins du Québec. Dans le cas du Québec, des intérêts des Québécois.
S'il y a des dangers à ce que la mise en commun soit contradictoire, que les intérêts soient à contresens, bien, alors, il faut se référer à une autre notion, c'est la notion dont je parlais tantôt, la maîtrise d'oeuvre, la maîtrise d'oeuvre dans le domaine du développement régional, qui appartient au Québec. Le Québec peut se doter d'outils, s'est déjà doté d'outils. La Loi sur le ministère du Conseil exécutif comporte des outils pour faire en sorte, par exemple, que le niveau municipal, que les organismes paramunicipaux transigent par la voie du gouvernement du Québec dans le cadre de ses transactions avec le gouvernement fédéral. Il n'y a rien qui empêche le gouvernement du Québec de maintenir sa loi, de faire persévérer sa loi, d'en faire d'autres, lois. Il n'y a absolument aucun empêchement là-dessus, M. le Président.
J'ai noté tantôt un mot de la part du premier ministre, un mot, et c'est ça qui le chatouille, M. le Président: la visibilité. Vous savez, quand on est sur l'autoroute de l'indépendance, on n'aime pas ça qu'il y ait quelqu'un d'autre avec soi dans l'autobus. Mais, lorsqu'on a à coeur d'autres choses que le simple projet de se retirer, de renoncer aux acquis que nous avons ou de les mettre en péril, ce qui nous anime, c'est de faire en sorte que l'on soit seul visible. Il ne faut pas que l'autre soit visible. Tout à coup que les Québécois s'apercevraient que c'est bon, la mise en commun, que c'est bon, la collaboration, ça serait épouvantable, M. le Président.
Mais, voyez-vous, nous croyons... On approche l'an 2000, M. le Président, et l'époque où tout se passait dans son jardin sans qu'on s'intéresse à ce qui se passe dans le jardin de l'autre est bel et bien révolue. Le Québec le prouve lui-même déjà avec les outils dont il dispose pour voir à son épanouissement sur la scène internationale, et il le fait à la grandeur de la planète, et c'est très bien et c'est très bien. Je me souviens encore du premier ministre, au discours du trône, qui nous rappelait les progrès du Québec au sein du Canada. Il ne l'a pas dit, mais c'était ça quand même. À ce moment-là, le peuple québécois, il existait et il n'était pas à la veille de mourir. Il n'était pas à la veille de mettre fin à son existence. La séparation... J'écoutais, M. le Président... Je fais une parenthèse. J'ai, ce matin, vu dans les journaux une annonce sur la ligne 1-800-SÉPARATION qui a été mise de l'avant. Alors, on peut pitonner et on écoute la propagande. Ils se sont bien prévalus de dire la vérité, on se consacre aux demi-vérités.
Par exemple, on paie 29 000 000 000 $, enfin, eux autres, ils ont arrondi ça à 30 000 000 000 $, on paie 30 000 000 000 $ de contribution aux recettes fédérales. Combien est-ce qu'on retire? Bien, il n'en est pas question. Ça, ils ne le disent pas, là. On peut tout pitonner, là, de 20 000 000 000 $ à 29 000 000 000 $, là, ils ne vous le diront pas, combien on en retire. On en retire 40 000 000 000 $, M. le Président, 40 000 000 000 $. Des demi-vérités, c'est comme ça que ça fonctionne. Et la visibilité qu'on veut éviter de donner aux partenaires, parce qu'il va bien falloir l'avouer à un moment donné, M. le Président, les Québécois, ils profitent de leur participation au Canada.
J'ai parlé de la péréquation, je viens de parler de rentrées de bénéfices que l'on retire, de 40 000 000 000 $, contre des recettes de 29 000 000 000 $ que l'on fournit. Je parlais, et je commençais tantôt là-dessus, sur les paroles du premier ministre lors du discours inaugural, où il disait les progrès du Québec. Il parlait de notre cirque, nos danseurs, notre théâtre, nos entreprises, nos logiciels qui rayonnent aux quatre coins du globe, disait-il, M. le Président. Bien, oui, dans le cadre canadien, nous sommes arrivés à ça parce que nous croyons à l'idée de collaboration, non pas à celle de l'empiètement, non pas à celle de la direction par le centre de nos intérêts, non, mais à celle d'une saine collaboration, à celle où les intérêts des Québécois sont mis en relief, mis en valeur, défendus et dont on fait la promotion, M. le Président. Il y a des fonds qui sont disponibles, des moyens disponibles qui vont servir à la création d'emplois au Québec. À en croire la motion du gouvernement, nous devrions y renoncer. Demain, l'an prochain, quand cette modification aura été apportée, quand il y aura eu de la création d'emplois, quand le développement régional, toujours sous la maîtrise d'oeuvre du Québec, ne l'oublions pas, là... C'est important de le garder à l'esprit même si on voulait l'oublier pour essayer de faire croire son message. C'est important.
Demain, l'an prochain, s'il est encore en poste, le ministre de la propagande viendra nous dire qu'on n'en reçoit pas assez. Il viendra nous dire que la nouvelle Banque de développement du Canada néglige le Québec. Je vous le jure, il va venir nous le dire. Il va venir nous dire: On passe à côté; ils vont donner toutes les garanties ailleurs, mais, au Québec, on n'en reçoit pas assez. Bien, tu sais, pour en recevoir, pour prendre sa place dans le cadre canadien et profiter des sommes d'argent qu'on investit, bien, il faut qu'on soit présents, il faut qu'on défende nos intérêts. Il faut qu'on parle, qu'on agisse dans le sens et gardant à l'esprit cette notion de collaboration, cette notion de partenariat qui est le nôtre.
Alors, M. le Président, je ne fais que constater et je vais terminer là-dessus que cette motion prouve que ce qui anime les forces souverainistes, ce n'est pas du tout d'avoir un partenariat avec nos partenaires actuels, pas du tout. Ils n'ont aucune notion de ce que signifie le partenariat, la mise en commun, la collaboration. Je suis persuadé qu'il y a quelqu'un qui va se lever tantôt et qui va essayer de faire entendre, M. le Président, que, dans notre esprit, le partenariat et la collaboration, c'est se mettre à genoux. Je les vois déjà penser à cette idée. Ils voudraient bien que le monde pense ça, parce que ça fait partie de la propagande.
Je me demande si ce n'est pas un des numéros sur la ligne 1-800-SÉPARATION. Ça doit être là quelque part. Mais, M. le Président, j'ai dit au début et je vais le réaffirmer à la fin: Le développement régional, la maîtrise d'oeuvre et le délégué régional de la Montérégie est bien au courant de ça c'est sous la maîtrise d'oeuvre du Québec. Et nous avons les outils pour continuer d'avoir un développement régional cohérent, qui va servir les intérêts de tous les Québécois et les Québécoises et viser la création d'emplois, M. le Président.
Alors, essentiellement, je retiens de cette motion, M. le Président, que ce gouvernement n'a aucune crédibilité quand il nous parle de son virage, que ce qu'il vise véritablement, c'est de couper tous les ponts, tous les liens. La ministre aux Affaires intergouvernementales canadiennes, M. le Président, s'est même déjà laissé aller à dire que, dans le cas d'un non au référendum, bien, il faudrait fermer les délégations du Québec à l'étranger, la Bibliothèque nationale, les Archives nationales. Il faudrait abandonner ça. Dans la vision d'un fédéraliste qui défend les intérêts du Québec, qui défend la maîtrise d'oeuvre, il n'est pas question d'abdiquer rien ni de céder à des chantages comme ceux-là.
(12 h 10)
Nous savons que nous avons des outils pour nous développer et nous ne refusons pas la mise en commun des énergies et des ressources avec nos partenaires de manière à ce que les intérêts des Québécois soient le mieux servis. Qu'il y ait dans d'autres secteurs, M. le Président, des aménagements et des améliorations à apporter, cela va de soi et il faudra y voir. Mais, en ce moment, ce gouvernement qui tente de nous amener vers une voie sans issue avec un faux virage ne nous a pas trompés, et on décèle aujourd'hui qu'il n'a qu'une idée en tête: la rupture pleine et entière. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Châteauguay. Je vais maintenant céder la parole à Mme la ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes. Mme la ministre, vous avez la parole.
Mme Bélanger: M. le Président, en vertu du règlement, en vertu de l'article 32, est-ce qu'on permet le port du vêtement jean dans cette enceinte, alors qu'il est prohibé dans les casinos?
Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vais prendre en délibéré parce qu'il faudrait que je voie un petit peu quelles sont les coutumes et traditions. Je n'ai rien vu dans le règlement qui explicitait un peu la nature du vêtement. Alors, je n'ai pas de décision à prendre concernant cela aujourd'hui.
M. Chevrette: M. le Président.
Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le leader du gouvernement.
M. Chevrette: Sur la question de règlement. Je pense que le port du jean, c'est le pantalon jean. C'est toujours ça qui a été interprété, M. le Président, dans cette Chambre. Et, à l'époque il n'y a pas de cachette, en plus c'était destiné aux mâles qui mettaient des jeans. Je me souviens très bien, en 1976, où ça a été soulevé. Si c'est le seul moyen de se faire distinguer, M. le Président, au niveau du règlement...
Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, écoutez, ce n'est pas une question métaphysique profonde qui est sur la table; on n'a pas à méditer longtemps. Je reverrai ce qui a été dit dans le passé concernant cela et puis nous reviendrons, à savoir si on modifie les choses ou non à ce moment-là. Alors, Mme la ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes.
Mme Louise Beaudoin
Mme Beaudoin: Oui, M. le Président. Je voudrais tout simplement, en commençant, en effet, m'excuser si je ne respecte pas exactement le code vestimentaire. J'ai appris, depuis mon arrivée comme députée, qu'il y avait un lexique, et je suis très attentive, justement, à l'utilisation des mots dans cette enceinte, mais, effectivement, je n'étais pas au courant et, si j'ai pu heurter quelque sensibilité, je m'en excuse. Mais je dois dire que mon modèle, et l'exemple m'est venu, ou l'idée, en tout cas, au moment de la dernière session intensive, alors que la députée de Marguerite-Bourgeoys est arrivée une nuit en costume de jogging avec ses Addidas. Alors, je présumais que je pouvais, ce matin...
Des voix: ...
Mme Beaudoin: Alors, par conséquent, je réitère donc à la députée que, si j'ai pu heurter sa sensibilité, je m'en excuse et, si j'ai enfreint le règlement, encore davantage. Alors, si je peux me permettre maintenant de commencer mon intervention.
Alors, au moment où le gouvernement fédéral réduit sensiblement ses transferts financiers, au moment où le gouvernement fédéral refuse aussi de payer ses factures, qui sont nombreuses et qui atteignent 333 000 000 $, voilà donc qu'il crée, le gouvernement fédéral, un autre dédoublement, un chevauchement.
Quand on regarde, justement, le paiement des factures que nous doit le gouvernement fédéral, il est vrai, comme le disait le député de Châteauguay, et je regrette son absence, que l'on trouve que le Parti libéral défend de moins en moins les intérêts du Québec. Parce que ces différentes factures, celles concernant la crise d'Oka, celles concernant les jeunes autochtones, ce sont des factures qui datent du temps où le gouvernement libéral était au pouvoir. Mais il était tellement peu chicanier, justement, ce gouvernement, qu'il les a réclamées, mais en catimini. On a retrouvé, en arrivant, un certain nombre de lettres, un certain nombre de documents qui nous prouvaient bien qu'en effet ces factures étaient réelles, que les dossiers étaient circonstanciés, mais le gouvernement précédent ne s'est pas vraiment débattu pour les obtenir.
Et depuis, d'ailleurs, que nous sommes au pouvoir et que nous faisons en sorte de tenter de récupérer cet argent, on n'a pas entendu une fois ni le député de Châteauguay, non, ni aucun des députés du Parti libéral appuyer le gouvernement dans ses démarches, ce qui est quand même très symptomatique. Si ce n'est pas d'être à genoux, comme il le disait, comme il pensait bien que je lui ferais remarquer, disons que c'est une affirmation tranquille, très, très, très tranquille et très, très, très discrète des intérêts du Québec. D'ailleurs, c'était l'appellation exacte de ce qui s'est retrouvé dans leur document constitutionnel.
Donc, ce qu'on voit au gouvernement fédéral, avec ce dépôt du projet de loi C-91, c'est une entreprise qui n'est pas ponctuelle, c'est une vision centralisatrice du pays qui s'appuie sur un certain nombre de projets de loi, que ce soit C-88, auquel le premier ministre a fait référence, que ce soit C-76, qui est extrêmement important, ce projet de loi C-76, parce que c'est lui qui va faire en sorte que le transfert social canadien, qui doit remplacer les programmes établis et le RAPC dans un seul paquet, et qui sera donc considérablement réduit quand l'argent va nous arriver au Québec au bout de la ligne... Mais, ce projet C-76, non seulement il y aura à la clé, pour obtenir ces fonds-là du gouvernement fédéral, un certain nombre de conditions qui existaient, par exemple, dans la Loi sur la santé, mais on en ajoutera probablement, en tout cas l'hypothèse est sur la table pour l'éducation postsecondaire, ce que jamais, de ce côté-ci ou de l'autre côté de la Chambre, on n'a accepté. Donc, il y a un certain nombre de projets de loi qui sont sur la table, qui vont tous dans le même sens, et C-91 n'en est qu'un exemple.
Cette vision du fédéralisme, et le nouveau Canada qui se dessine, c'est celui, donc, très centralisateur qu'on nous prépare et qu'en effet, si jamais les Québécois disaient non au moment du référendum, l'on nous imposera sans nous demander, bien sûr, notre avis, pas plus qu'on l'a fait en 1982, quand on nous a imposé le rapatriement de la Constitution. Et donc, quant à savoir si cette notion de partenariat dont parlait le député de Châteauguay est possible, je pense qu'on a tout essayé, eux comme nous, d'ailleurs, pour que ce partenariat existe à l'intérieur de la Fédération canadienne. Et puis on a vu l'histoire du Québec depuis 150 ans est extrêmement éloquente à cet égard que c'est impossible. Et les derniers avatars, ce sont, bien sûr, Meech et Charlottetown. Alors, quant à nous, en effet, l'avenir n'est pas au fédéralisme. D'ailleurs, l'avenir dans le monde n'est pas au fédéralisme. On voit très, très bien que ce ne sont pas des fédérations qui se forment et qu'il n'y a pas de fédéralisme politique. Ce qui existe, ce sont des unions économiques et ce sont des pays souverains qui discutent d'égal à égal, ce qui est, bien sûr, notre objectif. Et donc, cette motion qui est sur la table aujourd'hui démontre une fois de plus, comme je le disais, cette approche très centralisatrice, alors que le gouvernement du Québec, lui, décentralise et régionalise de plus en plus ses actions dans le cadre de ses politiques.
Et on voit bien le danger qu'il y a que le gouvernement fédéral, via C-91, intervienne en passant outre aux organismes mis sur pied par le Québec et vienne mettre en cause nos orientations de développement mises sur pied dans chaque région et consignées dans les planifications stratégiques de chacune des régions. C'est une attaque de front, C-91, de la politique de développement régional du Québec par la mise sur pied d'un organisme central canadien qui pourra intervenir à sa guise dans chacune des régions du Québec et qui ne respectera pas, absolument pas, les compétences et la juridiction du Québec sur le développement régional. C'est donc une autre intrusion, et c'est pour ça que, par la motion, nous demandons que le gouvernement fédéral revoie son projet de loi C-91. Merci.
(12 h 20)
Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la ministre. Je vais maintenant céder la parole à Mme la députée de Saint-François.
Mme Monique Gagnon-Tremblay
Mme Gagnon-Tremblay: Oui, merci, M. le Président. M. le Président, lorsque le ministre responsable du développement régional est intervenu lors de la motion de mon collègue de Montmagny-L'Islet hier, il nous avait fait part qu'il reviendrait aujourd'hui avec possiblement une motion. Finalement, compte tenu des propos qu'il tenait hier, on avait l'impression, M. le Président, qu'il s'en venait avec quelque chose de dramatique, de catastrophique, et que ce que le gouvernement fédéral proposait, c'était impensable et inimaginable. Alors, j'avais bien hâte, M. le Président, de m'enquérir de ce fameux projet de loi C-91 et surtout de l'article visé par la motion. Et, finalement, comme bien d'autres projets du gouvernement, bien, écoutez, je pense qu'on peut facilement dégonfler, M. le Président, tout cet esprit de «catastrophie» qui sous-tend, finalement, cet article. Et on se rend bien compte que ce qui est derrière... ce pourquoi, finalement, on intervient de façon aussi ouverte ce matin, c'est justement, c'est à cause de toute cette histoire ou ce discours de la séparation du Québec. Et, finalement, on cherche par tous les moyens à créer la bisbille entre les deux paliers de gouvernement. Malheureusement, M. le Président, on en a entendu parler durant la campagne électorale, on en entend encore parler, et on va en entendre parler encore pour plusieurs mois. C'est pourquoi on aurait bien souhaité avoir ce fameux débat référendaire au mois de juin, pour mettre fin une fois pour toutes à tout ce débat entre le fédéral et le provincial, et le gouvernement du Québec, et passer, finalement, aux priorités, discuter des véritables priorités qui sont importantes pour les Québécois et les Québécoises.
Alors, malheureusement, M. le Président, non seulement le débat référendaire a été reporté à l'automne, mais il faut encore se poser la question, à savoir: est-ce qu'il aura bien lieu encore cet automne? On va encore, malheureusement, se faire casser les oreilles par toutes sortes de propositions. Et aussi, dès que le gouvernement fédéral bouge dans quoi que ce soit, il faut que ce soit mauvais, il faut le dénoncer à tout prix, et, naturellement, c'est la stratégie qu'utilise le gouvernement actuel pour mousser son option de séparation du Québec.
M. le Président, je pense qu'on est à un point où il faut se questionner sur ce qu'on veut comme société, et aussi, lorsque, par exemple, on fait partie d'une société moderne où il faut, bien sûr, travailler ensemble, où il faut faire compétition, non pas aux autres provinces du Canada ou au gouvernement fédéral, mais à d'autres gouvernements je ne dirais même pas aux États-Unis, mais à d'autres gouvernements, comme le Japon ou encore l'Europe et qu'on a à concurrencer ces pays, nous, on se chicane; on se chicane au lieu de regarder ce qu'on peut faire ensemble, s'associer dans différents dossiers. C'est la stratégie, finalement, qu'on utilise.
Et, comme le disait Guy Bertrand, qui est un ex-candidat du Parti québécois: Pourquoi continuer à se chicaner? Cessons donc nos chicanes et essayons donc de bâtir ensemble cette société moderne qui implique les gouvernements dans une révision de l'ensemble de ses programmes, dans une révision, aussi, de ses finances publiques. Et comment on va pouvoir diminuer ou on va pouvoir assainir nos finances publiques? C'est, bien sûr, en regardant ce que chaque palier de gouvernement peut faire et lequel des paliers de gouvernement peut donner le service à la population à moindre coût.
Mais, avant d'accuser, M. le Président, le gouvernement fédéral, il faut commencer par faire son propre ménage, à l'interne. Il faut commencer, comme gouvernement du Québec, à regarder, au niveau de l'ensemble de nos ministères, ce qu'on peut faire, ce qu'on peut transférer, aussi, aux municipalités, qui peuvent donner certains services meilleurs à la population à moindre coût parce que ces municipalités sont plus près de la population. Qu'est-ce qu'on peut faire, par exemple, avec les commissions scolaires?
Donc, avant de parler de chevauchement ou de duplication au niveau fédéral... Et là je ne veux pas dire, M. le Président, qu'il n'y en a pas, de duplication ou de chevauchement, et je ne veux pas dire non plus qu'on ne sera pas obligés d'en discuter afin d'assainir nos finances publiques à tous les paliers de gouvernement, mais, dans un premier temps, je pense qu'il faut faire le ménage chez soi et voir comment, nous, on peut faire pour améliorer notre situation avec les municipalités, avec les commissions scolaires, avec l'ensemble des programmes qu'on met en place aussi.
Vous savez, tout à l'heure le ministre de l'Industrie et du Commerce parlait des fonds de solidarité, 6 000 000 $ par région, ce qui équivaut à près de 100 000 000 $ au niveau du capital de risque. Je dois dire, M. le Président, que lorsqu'on a déplafonné le Fonds de solidarité et quand, par exemple, on décide d'en créer un autre avec la CSN, il y a aussi des coûts pour la population: c'est près de 200 000 000 $, M. le Président, de crédits d'impôt qu'on accorde à des personnes qui ont le moyen, bien sûr, d'investir dans ces fonds-là. Il y a des coûts pour la population, mais, aussi, il n'y a pas uniquement des coûts, il faut se poser la question: à quoi vont servir ces fonds?
Ces fonds, lorsque, par exemple, on déplafonne, c'est parce qu'on en a peut-être trop, de fonds de capital de risque, et ce sont peut-être les projets qui manquent. Il faudrait se poser la question lorsqu'on décide d'investir dans les régions; il faudrait peut-être poser la question au Fonds de solidarité: Est-ce que c'est parce qu'on n'a pas suffisamment de projets à la grandeur du Québec et qu'on va être bientôt obligé d'aller investir ailleurs, dans d'autres pays ou dans d'autres provinces, qu'on est obligé de créer des fonds? Et est-ce que les fonds qui sont créés dans les régions, est-ce qu'ils seront comptabilisés comme étant des fonds investis ou bien si on les comptabilisera comme investis uniquement lorsqu'ils auront été utilisés ou investis dans des entreprises du Québec? C'est la grande différence qu'il faut faire, M. le Président, parce que je pense que, du capital de risque, en région, nous en avons déjà. Ce que nous n'avons pas, par contre, ce sont des projets, des véritables projets de création d'emplois durables.
Donc, M. le Président, je me serais attendue, ce matin, qu'au lieu de dénoncer à nouveau le gouvernement fédéral on aurait peut-être parlé de priorités. On connaît les priorités. Bon, ce ne sont pas des priorités pour le gouvernement, étant donné que sa principale priorité, c'est toujours la séparation du Québec, cette option, je dirais, cette obsession. Mais lorsqu'on parle, par exemple, de la santé, ce n'est pas nécessairement une priorité, M. le Président, et la preuve que ce n'est pas une priorité, on entendait ce matin le ministre de la Santé défendre son projet en voulant accuser le précédent gouvernement de s'être traîné les pieds.
Je dois vous dire, M. le Président, que le précédent gouvernement avait accordé un taux de croissance de 1 % par année, au cours des prochaines années, à la santé et à l'éducation parce que, pour nous, c'était une priorité. En santé, M. le Président, il faut bien le dire, le gouvernement va trop vite, et nous ne sommes pas les seuls à le dire. Dans ma propre région, même le président du syndicat de la CSN est intervenu et a dénigré ouvertement le gouvernement, dénoncé le gouvernement et averti le gouvernement qu'il va trop vite dans sa réforme. Avant de pouvoir donner des services à la population pour les personnes qu'on devra sortir des hôpitaux, de faire les services ambulatoires ou encore de donner des services à domicile, encore faut-il avoir fait les économies, puisqu'il n'y a pas d'argent pour la transition. Alors, M. le Président, je pense que la santé n'est pas nécessairement une priorité pour ce gouvernement.
J'aurais souhaité aussi... On parle beaucoup de pauvreté. Actuellement, vous avez des personnes qui dénoncent la pauvreté. La démographie aussi, on semble oublier la démographie. Alors, vous savez, M. le Président, que pour être capable de maintenir notre poids démographique au sein de la Fédération, on aurait besoin de 1,8 enfant par femme et de 55 000 immigrants par année, alors qu'actuellement nous avons 1,6 enfant par femme et nous sommes en diminution au niveau de l'immigration. Nous atteignions environ 40 000, 45 000 il y a quelques années, et je suis persuadée que, cette année, ce ne sera peut-être pas beaucoup plus que 30 000 ou 35 000.
Alors, c'est bien beau, vouloir conserver sa langue, c'est bien beau, vouloir être un pays, c'est bien beau, vouloir donner cette fierté, qu'on dit, au peuple, mais encore faut-il aussi qu'on le conserve, qu'on conserve notre population, qu'on ne disparaisse pas, M. le Président. Alors, je pensais que la démographie aussi pourrait être une priorité au lieu de se chicaner avec le gouvernement fédéral.
Et parlons de la création d'emplois, M. le Président, la création d'emplois qui fait défaut. On nous avait promis, on se souviendra, une politique de plein- emploi. Après huit mois, on tarde toujours à connaître cette fameuse politique de plein-emploi.
Alors, M. le Président, pour revenir à la Banque de développement du Canada, ce que je trouve curieux, M. le Président... Tout à l'heure, justement, le député... non pas de Châteauguay, je m'excuse, de Rivière-du-Loup disait: Les gouvernements se lancent la balle. Donc, quand vient le temps de programmes, ils se lancent la balle; la population ne sait plus où donner de la tête. C'est curieux, M. le Président, que les gouvernements se lancent la balle quand il s'agit de programmes où, par exemple, on n'est pas tout à fait d'accord avec certains programmes du fédéral, mais quand il s'agit de venir donner le coup de pouce à certains projets, là, on ne se lance plus la balle. À ce moment-là, on est très fiers.
Moi, je me souviens, M. le Président, lorsqu'on a créé les CRD, justement. Je me souviens de cette planification stratégique qui a été faite dans toutes les régions du Québec, et principalement dans la mienne, puisque j'y ai pris part, dans la région de l'Estrie. Je me souviens à quel point les fédéraux, les députés fédéraux, naturellement, étaient discrets, parce qu'on leur demandait d'être discrets au niveau de cette planification stratégique. Il s'agissait vraiment du développement régional, de compétence exclusive du gouvernement du Québec. Ils étaient très discrets.
(12 h 30)
Mais lorsque arrivait le temps... Et, là, je me reporte peut-être avant la création des conseils de développement régional. On revient aux sommets. Prenons les sommets. Les sommets, c'est une créature qui avait été créée, justement, par le gouvernement actuel qui était, à l'époque, au pouvoir. Lorsqu'on arrivait aux sommets, on était toujours très fiers, cependant, d'obtenir l'aide du gouvernement fédéral pour un projet qui était bloqué ou pour un projet pour lequel on n'avait pas l'argent nécessaire ou pour un projet pour lequel il fallait avoir le coup de pouce. Alors, on était toujours content d'avoir l'aide du gouvernement fédéral.
Et c'est la même chose au niveau des CRD. Combien, M. le Président, de projets, dans chacune des régions, ne pourraient voir le jour si, par exemple, on n'avait pas cette collaboration avec les représentants du gouvernement fédéral, avec les fonctionnaires? Parce que, dans les régions où ça fonctionne bien, le développement régional, ce sont des régions où on travaille en collaboration, quel que soit le palier de gouvernement. Quel que soit le palier de gouvernement, que ce soit fédéral, provincial, municipal, ce qui est important pour nous, c'est de pouvoir concrétiser des projets de création d'emplois et c'est de pouvoir répondre à la population. Non, ça ne vient pas nécessairement des députés, ça provient, M. le Président, de projets de la population, des nombreux intervenants socioéconomiques de la population.
Alors, combien de fois on a voulu avoir l'aide du gouvernement, on souhaitait avoir l'aide du gouvernement. Et c'est la même chose, M. le Président, pour le projet Enviro-Accès. Je prenais la parole hier, justement, sur cette motion de mon collègue, dont je faisais mention tout à l'heure, le projet Enviro-Accès. Quand on parle de projet Enviro-Accès, M. le Président, c'est qu'il y a trois centres de développement technologique au Canada; pas au Québec, au Canada. Et, si le projet Enviro-Accès a été créé à Sherbrooke, c'est grâce au député conservateur qui était ministre de l'Environnement, à l'époque, Jean Charest. Alors, nous sommes fiers, dans la région de Sherbrooke, d'avoir ce projet, c'est-à-dire cette institution de projet Enviro-Accès pour être capables de développer de nouvelles technologies en environnement.
M. le Président, le précédent gouvernement, notre gouvernement, par décret, avait accordé à Enviro-Accès une somme de 4 000 000 $, à raison de 1 000 000 $ par année, pour expérimenter des projets de technologie environnementale sur les plateformes déjà existantes. Mais, M. le Président, qu'est-ce qui arrive? Le ministre de l'Environnement remet en question ce projet, semble-t-il, faute d'argent. La décision avait été prise par l'ancien gouvernement et, maintenant, ce projet est remis en question.
Et, comme je le mentionnais hier, M. le Président, quand il s'agit de trouver de l'argent pour la cause référendaire, la cause constitutionnelle, pour les nombreuses commissions régionales, pour tout ce qui peut toucher la séparation du Québec, on trouve l'argent. Pour les études, par exemple, les études non crédibles, on trouve l'argent. Mais, quand il s'agit, par exemple, de trouver de l'argent pour créer des emplois durables, il n'y en a plus, M. le Président.
Alors, n'eût été du gouvernement fédéral, nous n'aurions pas ce centre à Sherbrooke. Et on espère bien que le gouvernement du Québec va revenir sur sa décision, va pouvoir respecter l'engagement du précédent gouvernement, non pas pour les députés libéraux de la région, mais pour la population de la région de Sherbrooke.
Donc, M. le Président, je pense que, quand on parle de la Banque de développement, ça ne veut pas dire concurrence, ça ne veut pas dire ingérence, mais ça peut vouloir dire complémentarité. Et c'est ce qui est important. Et souvenons-nous, rappelons-nous aussi, on devrait penser à la centrale d'hypothèques et de logement. Est-ce que ça veut dire, M. le Président, que, parce que la centrale d'hypothèques et de logement prête à des emprunteurs du Québec, on devrait l'éliminer? Est-ce que la Banque de développement du Canada, qui peut aider des entreprises ou qui peut aider des promoteurs du Québec, on doit l'éliminer? Pourquoi ne travaillons-nous pas ensemble, M. le Président?
C'est tout simplement parce que ce gouvernement ne veut pas travailler avec le gouvernement fédéral. Ce gouvernement crée de la bisbille. Ce gouvernement ne veut pas s'entendre avec le gouvernement fédéral. Nous avons réussi à nous entendre, à plusieurs occasions, que ce soit au niveau de l'immigration ou que ce soit encore avec les programmes d'infrastructures. Je me souviens des débats que nous avions faits pour avoir la maîtrise d'oeuvre. Nous l'avons obtenue, la maîtrise d'oeuvre des programmes d'infrastructures. Nous avons décidé, dans le volet 4, M. le Président, différents projets.
Alors, donc, dans ce sens-là, M. le Président, on comprend pourquoi le ministre responsable du développement régional arrive avec cette motion ce matin. Mais nous ne pouvons pas jouer ce jeu. Je pense que ce qui est important, c'est que le ministre règle les différents problèmes qui existent dans les différentes régions du Québec. Une fois qu'il aura réglé ces différents problèmes, par la suite, M. le Président, on pourra s'associer à tout projet créateur d'emplois et non pas à des motions uniquement pour créer de la bisbille avec le gouvernement fédéral ou encore pour mousser l'option de la séparation du Québec.
Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la députée de Saint-François. Je vais maintenant céder la parole à Mme la ministre déléguée à l'Administration et à la Fonction publique et présidente du Conseil du trésor. Mme la ministre.
Mme Pauline Marois
Mme Marois: Je vous remercie, M. le Président. J'écoutais avec attention les propos de ma collègue d'en face, la députée de Saint-François, et j'ai eu un doute. Je me suis demandé: Est-ce qu'elle a vraiment lu l'objet de la motion qui est présentée devant les membres de cette Assemblée, M. le Président?
Une voix: Elle ne l'a même pas lue.
Mme Marois: Parce qu'elle nous accuse de vouloir nous chicaner avec Ottawa. Moi, je lis la motion qui est devant nous, elle dit ceci: «Que l'Assemblée nationale du Québec exige du gouvernement fédéral qu'il revoie son projet de loi C-91 dont l'effet est de consacrer l'ingérence du gouvernement fédéral et d'accroître les dédoublements en matière de développement régional.» On dit «revoir le projet de loi», M. le Président. Est-ce que ce n'est pas l'attitude qui marque la meilleure volonté possible de souhaiter que nous discutions avec Ottawa pour qu'il revoie ce projet qui nous apparaît, oui, créer des dédoublements, M. le Président?
Moi, j'avais l'impression que, de l'autre côté de cette Assemblée, on était capable de se tenir debout, on était capable de défendre les intérêts du Québec et, surtout, les intérêts des Québécois et des Québécoises, M. le Président. Et, à cet égard, il y en a eu dans leur gouvernement qui ont été capables de telle prise de position.
J'ai devant moi, entre autres, un communiqué qui avait été émis par le ministre responsable du Développement régional de l'époque, qui était le ministre Yvon Picotte. Qu'est-ce qu'il disait? Il disait ceci, c'était le titre de son communiqué, M. le Président: «Le ministre craint un gaspillage des fonds publics ce n'était pas le ministre Chevrette, c'était le ministre Picotte et le bris des consensus régionaux établis au cours des dernières années». Et je le cite, parce que c'est entre guillemets dans son communiqué: «Camouflée sous l'appellation plus discrète de bureau fédéral du développement régional du Québec a déclaré M. Picotte la création de ce ministère risque de coûter très cher aux régions du Québec à moyen terme. Le gouvernement fédéral ne dispose en effet pas de l'expertise nécessaire pour s'assurer que les projets qu'il financera s'inscriront bel et bien dans le cadre des priorités de développement régional dégagées au cours des dernières années par l'ensemble des intervenants régionaux dans chacune des régions du Québec», M. le Président.
Ça, c'était l'attitude d'un ministre responsable, conscient que les dédoublements, ce n'était pas le Québec qui les créait, mais c'était Ottawa, par ses décisions, qui les créait. Et je fais un parallèle avec ce qui se passe maintenant, M. le Président. J'aurais souhaité et il n'est pas trop tard, puisque le vote n'est pas pris, M. le Président et je souhaite encore que, de l'autre côté de cette Assemblée, on ait la même attitude qu'avait leur ancien collègue lorsqu'il était de ce côté-ci pour dire: Pas de chicane, on ne veut pas de chicane avec Ottawa, mais on veut cependant que les juridictions soient respectées, on veut cependant qu'on cesse de dédoubler des services, des projets, des mesures dont le Québec se dote et qu'il met en place.
(12 h 40)
On veut, M. le Président, non seulement que cela cesse dans le régime actuel, puisqu'on y est encore, mais on souhaite que cela cesse définitivement parce qu'on pense qu'on pourrait passer à un autre régime, M. le Président, qui serait celui de la souveraineté du Québec et du peuple québécois, M. le Président. Et, quand je vois les propos que tiennent les gens d'en face sur cette question, ça m'inquiète parce que je me dis: Quelle sorte de défenseurs aurons-nous? Quel consensus pourrons-nous faire, M. le Président, à l'égard d'interventions comme celles que fait le fédéral lorsqu'il souhaite adopter le projet C-91 qui présente des risques, M. le Président? On ne dit pas que cela va se passer exactement comme on croit que cela peut arriver, mais cela présente des risques. Et ce qu'on dit, on dit: Ces risques sont assez grands, et on espère, on espérerait et je le dis encore, il n'est pas trop tard, M. le Président que les gens d'en face se tiennent debout et défendent avec nous cette position qui n'est pas de l'ordre de la chicane, M. le Président, qui est de l'ordre de la discussion et de l'échange pour qu'il puisse revoir le projet de loi C-91.
J'écoutais la députée de Saint-François nous dire que notre gouvernement ne se préoccupait pas de l'emploi, que ce qui le préoccupait, c'était... moi, je dis: la souveraineté du Québec, elle utilisait d'autres termes à cet égard, M. le Président.
D'abord, j'aimerais peut-être rappeler aux membres de cette Assemblée et particulièrement aux gens d'en face que, lorsque le ministre des Finances a déposé son budget, le 9 mai dernier, il a fait état d'un certain nombre de mesures concrètes, d'un certain nombre de décisions qu'a prises le gouvernement à l'égard de l'emploi, qui sont particulièrement significatives et qui donnent des résultats, M. le Président. Et je relevais, en l'entendant, un certain nombre de ces mesures, n'est-ce pas?
Je pense, entre autres, au plan Paillé d'aide et de soutien à l'entreprise, M. le Président. On parle de près de 50 000 emplois qui seraient créés par le démarrage de nouvelles entreprises. Mais, évidemment, on va dire, de l'autre côté, qu'on se préoccupe de chicane avec Ottawa et non pas d'emploi. Moi, je pense que, quand on fait ça, on s'occupe d'emploi. Quand on permet la réouverture de l'usine de Donohue Matane, qui concerne 265 personnes, on pourrait peut-être aller demander aux gens de Matane si on parle d'emploi ou pas, M. le Président. Quand on parle des investissements miniers dans le Grand Nord québécois et qu'on évalue à près de 10 000 emplois... pardon, à près de 10 000 personnes qui pourraient retrouver un emploi, j'imagine que, ça, c'est du rêve, ce n'est pas de la réalité, hein, M. le Président. On ne se préoccupe pas d'emploi quand on fait ça. Quand on permet qu'effectivement le Fonds de solidarité puisse investir dans des fonds régionaux de création d'emplois, quand on permet qu'apparaisse un nouveau fonds, j'imagine que ce n'est pas parce qu'on est préoccupé d'emploi, M. le Président.
On est à ce point préoccupé d'emploi, d'ailleurs, que ce que l'on souhaite, c'est de posséder tous nos outils, tous nos instruments pour coordonner, de la façon la plus cohérente possible, toutes nos politiques en matière de formation professionnelle, en matière de soutien à l'entreprise, en matière de développement régional. Pas comme le fait le gouvernement d'Ottawa, M. le Président. Qui a-t-il consulté avant de proposer un projet comme celui-là qui va venir créer des dédoublements?
Non seulement la souveraineté est essentielle au progrès et à l'avenir du peuple québécois, mais c'est un outil. C'est aussi un outil, M. le Président, pour nous permettre d'agir d'une façon cohérente, rigoureuse en matière d'emploi, pour faire en sorte que les politiques puissent aller dans le même sens, M. le Président, et non pas se dédoublent, et non pas créent des situations complètement inadmissibles. Je pense, entre autres, au secteur de la formation de la main-d'oeuvre qui est dénoncé par tous les intervenants du Québec, ceux qui sont dans l'opposition y compris. J'espère qu'ils ont conservé ce même point de vue, parce qu'on ne sait plus, n'est-ce pas, quelle est leur position au plan constitutionnel, compte tenu qu'ils n'en ont plus. Mais j'imagine qu'au moins, sur la question de la formation professionnelle, ils sont respectueux du consensus qui s'est établi au Québec et qui demande, dans le contexte actuel, et sans se chicaner, qu'on rapatrie ici toutes les sommes, et toutes les mesures, et tous les programmes affectés à l'insertion en emploi et à la formation professionnelle.
Alors, non seulement le projet de souveraineté d'un peuple, du peuple québécois, est-il essentiel au progrès, à l'avancement de notre culture, à notre place comme peuple en Amérique du Nord, mais il est un moyen aussi, il est un moyen pour nous permettre de mieux intervenir d'une façon cohérente à l'égard de l'emploi, M. le Président. Et, quand le fédéral veut poser des gestes comme celui-là, il vient justement briser cette volonté de cohérence que nous avons.
Et c'est pour ça que nous souhaitons aller au bout du processus, que nous souhaitons pouvoir en débattre avec nos concitoyens et nos concitoyennes, pour que nous n'ayons pas seulement la moitié des outils et qu'on ne soit pas non plus susceptibles, à tout moment, de voir le fédéral arriver avec ses gros sabots et sa capacité de dépenser sans nous consulter, sans nous associer, en déposant des projets de loi, en adoptant des mesures budgétaires. Il ne se gêne pas, par exemple, M. le Président, pour adopter des mesures budgétaires qui réduisent les sommes qu'il verse aux provinces.
Ma collègue, la ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes, en a parlé tout à l'heure, la réduction des transferts aux provinces, en les ramenant sous un tout, le grand transfert social canadien. M. le Président, il faut juste ajouter que ce sera moindre que ce qu'on nous versait déjà. Cependant, en même temps, M. le Président, on rend disponible pour la Banque de développement du Canada des sommes qui passent de l'ordre de 475 000 000 $ à 1 500 000 000 $, parce que, ça, c'est le projet qui est véhiculé par la loi C-91, M. le Président.
Pourquoi ne pas nous transférer des points d'impôt pour les sommes comparables au Québec? On n'est pas trop mal pour se doter d'outils d'intervention au plan économique, qui sont d'ailleurs des outils tout à fait de l'ordre du privé, où l'État n'intervient pas, d'aucune espèce de façon, si ce n'est par des mesures fiscales. Je pense, entre autres, à ces fonds de solidarité qui se créent au Québec, M. le Président. Pourquoi ne pas nous donner les points d'impôt, pourquoi ne pas nous transférer les points d'impôt, pourquoi ne pas nous permettre d'avoir accès aux mêmes sommes, M. le Président? On a suffisamment d'imagination et on a suffisamment de moyens pour bien canaliser ces sommes aux fins qui nous apparaissent les plus pertinentes, en évitant toute espèce de dédoublement.
Je ne vois pas là, M. le Président, matière à chicane; je vois là matière à un fédéralisme intelligent, M. le Président. C'est ça qu'on leur demande. Ils nous disent depuis des années: Ce fédéralisme est flexible, il est capable d'adaptation, il est capable d'intelligence. Alors, fions-nous à leurs propos, M. le Président. D'abord, soyez cohérents. Qu'ils soient cohérents, M. le Président, qu'ils votent avec nous pour que l'on puisse avoir des preuves pour leur permettre de dire ensuite aux citoyens et aux citoyennes du Québec: Bien oui, ce fédéralisme, il est possible que le Québec puisse y trouver son compte. Le modèle fédéraliste dans lequel nous sommes permettra au Québec d'y trouver son compte. Des débats comme ceux-là sont possibles. Oui, on est prêts à revoir le projet C-91 pour que le Québec puisse être capable d'utiliser l'outil qui est proposé de la façon dont il juge que ce soit le plus utile pour lui. Pas pour lui, pour ses citoyens et ses citoyennes, M. le Président.
Il me semble, et j'espère, j'ose espérer que nos amis d'en face feront la preuve avec nous que, oui, le fédéralisme est flexible, que, oui, on peut l'utiliser aux fins de faire des représentations auprès d'Ottawa et qu'il puisse dans ce sens respecter les intérêts du Québec. Ils devraient donc voter pour notre motion et accumuler ainsi une preuve leur permettant, j'imagine, de faire une démonstration à l'égard de la population québécoise, mais, jusqu'à preuve du contraire, ce n'est pas le cas, M. le Président. Je vous remercie.
Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la ministre. Y a-t-il d'autres intervenants? M. le député j'ai un petit blanc de mémoire d'Argenteuil...
M. Beaudet: Ça arrive, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Brouillet): ...je vous cède la parole.
M. Régent L. Beaudet
M. Beaudet: M. le Président, c'est avec plaisir que je me lève pour parler sur la motion qui nous a été transmise par le ministre des Affaires municipales et leader du gouvernement. Vous comprendrez que la motion, telle qu'elle nous est présentée aujourd'hui, demande de revoir le projet de loi C-91 du gouvernement fédéral. Bien, M. le Président, je me questionne beaucoup sur le fait qu'on devrait revoir un projet de loi du fédéral, alors que, pendant la campagne électorale, le Parti québécois clamait sur tous les toits que les régions, c'était ce qu'il y avait de plus important, que, pour lui, c'est un engagement électoral de voir au développement des régions, de favoriser l'implication des régions pour qu'elles se prennent en main, et qu'il favoriserait toutes les démarches qui pourraient être favorables à une telle situation.
(12 h 50)
Même qu'on a fait des commissions régionales pour favoriser les régions, pour aller entendre ce que les gens des régions avaient à dire, pour vraiment être à l'écoute. Un exercice démocratique, d'ailleurs, dans lequel, M. le Président, on avait 53 000 personnes qui se sont présentées. Même dans la région de Québec, il y avait plus de monde qui marchaient hier autour de l'Hôpital du Christ-Roi qu'il y en a eu aux commissions régionales de Québec. Et la notion des régions a été cultivée par le gouvernement actuel pendant la campagne électorale et depuis qu'ils ont pris les rênes du gouvernement.
Mais, dans les faits, M. le Président, dans les faits, ce qu'on a retrouvé, c'est un abandon des régions. Le ministre de l'Industrie et du Commerce est après liquider les entreprises qu'on a dans les régions et, éventuellement, les propriétaires s'accapareront des technologies qui sont sur place, probablement de la main-d'oeuvre, et ils vont s'en aller avec ce qu'on a de plus cher, ils vont s'en aller dans un autre pays, probablement aux États-Unis, parce que le volume est là. Et l'exportation que nous aurions pu développer, et créer plus d'emplois encore dans ces régions, bien, on vient de perdre une occasion rêvée de le faire.
On a aussi Biolyse, qui est une entreprise québécoise qui a développé une expertise dans la fabrication d'un médicament contre le cancer, qui est localisée à Port-Daniel en Gaspésie et qui s'en va à Montréal dans les jours qui suivent. Et, M. le Président, on clame qu'on veut protéger les régions. Bien, vous me permettrez d'en douter, et d'en douter au plus haut point.
Par ailleurs, dans la situation actuelle, il y a même des régions, M. le Président, qui ont signé des accords avec la banque canadienne de développement, et ces accords ont été signés récemment même avec la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre. Ce que la députée de Taillon nous mentionnait tantôt, c'est déjà fait, M. le Président. Avec la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre, il y a déjà des ententes avec la banque canadienne. Alors, déjà on a réussi à s'entendre à certains niveaux. Mais, à chaque occasion qu'une notion du gouvernement fédéral monte en cette Chambre, M. le Président, c'est toujours un non. C'est toujours un refus. C'est une option qu'ils ont prise, et qu'ils maintiennent, et qu'ils vont maintenir jusqu'au bout. C'est une religion, M. le Président, ce n'est même pas une option, c'est une religion. Ils veulent aller jusqu'au bout, et tout ce qu'ils ont en tête, c'est la séparation.
Vous allez comprendre que, dans bien des notions où la banque canadienne peut être impliquée et aider des régions... On nous dit, aujourd'hui: Mais révisons cette situation-là, ça n'a pas d'allure! Ils veulent aider les régions, M. le Président. Qui peut être contre? Qui peut s'opposer à aider les régions qui ont des difficultés? La Banque met des montants d'argent disponibles, de l'argent qui va nous coûter beaucoup moins cher que le Fonds de solidarité, le Fonds de solidarité qui nous coûte 40 %, au moins, 30 % à 40 % pour faire un investissement, aux dépens des contribuables québécois. Et le Fonds a fait toutes sortes d'«enfirouâpettes» et d'entourloupettes pour nous justifier qu'il peut faire un investissement de 40 % de ses fonds, qui sont à capital de risque.
M. le Président, quand je vois ça, je ne comprends pas que, du côté gouvernemental, on s'oppose à faire des ententes avec la banque canadienne pour favoriser le développement des régions qui sont si défavorisées actuellement, défavorisées au point où on a des taux de chômage complètement inacceptables, élevés, inacceptables, que ce soit en Abitibi, que ce soit au Témiscamingue, que ce soit dans la région du Saguenay, ou en Gaspésie, ou même dans la région du Grand Montréal, régions qui sont défavorisées, étiquetées comme telles. Et on va refuser, aujourd'hui, de tendre la main à la banque canadienne de développement qui veut aider les régions.
M. le Président, même dans mon comté, on aura à avoir recours à un tel support financier. Le Canadien Pacifique vient de nous annoncer qu'ils abandonneront les voies ferrées, la voie ferrée qui va entre Thurso et Saint-Augustin. Et, déjà, les entreprises privées sont à regarder la possibilité de faire l'acquisition de cette voie ferrée pour l'opérer. Mais les fonds qui seront disponibles par cette banque canadienne vont être accessibles à des gens du milieu, des gens qui connaissent le milieu, qui peuvent opérer et connaissent les besoins de la région. Et, là, aujourd'hui, il faudrait qu'on accepte que la motion qui nous est présentée de revoir le bill C-91. Évidemment, quand on parle de revoir, c'est de nous amener à changer la loi, de sorte que le fédéral...
À chaque fois qu'on mentionne que le fédéral fait un pas dans la province, c'est les cris, on est aux abois. Mais, M. le Président, on fait partie d'une fédération et, tant et aussi longtemps qu'on en fera partie, il faudra accepter qu'on a un rôle à jouer, mais que le fédéral aussi a un rôle à jouer. Mais, au lieu de s'obstruer et d'obstruer, de s'objecter à toute démarche du fédéral, M. le Président, il faudrait qu'on essaie de s'entendre, qu'on essaie de faire des démarches de collaboration et, comme on a si souvent entendu par le premier ministre, leur tendre la main, M. le Président, leur tendre la main. C'est de ça qu'on a besoin aujourd'hui. Pas d'une objection de principe, pas d'un refus. On a besoin de leur tendre la main pour voir qu'est-ce que, ensemble, on peut faire pour que les régions qui sont actuellement pénalisées au Québec, qui souffrent d'un haut taux de chômage, puissent bénéficier d'argent additionnel et finir, M. le Président, par amener une contribution au milieu, amener une contribution importante au milieu.
Tantôt, la députée de Taillon nous parlait du plan Paillé, le plan Paillé, M. le Président, qui a créé des emplois. Mais ce sera, et déjà c'est commencé... Vous savez que ce n'est pas long pour une entreprise de faire faillite. Alors, on a déjà des entreprises qui ont été fondées grâce au support du plan Paillé, avec des critères qui sont plus ou moins acceptables... Et vous comprendrez que, quand les banques se voient protégées à 90 % des fonds qu'elles vont y mettre, avec tout le dégrèvement d'impôt qu'elles ont avec les pertes, ça ne les inquiète pas trop d'avoir une perte de 10 % d'un investissement, et c'est ce qui se passe actuellement, M. le Président. Et je mettrais quasiment au défi le ministre de l'Industrie et du Commerce de nous déposer en Chambre combien il y a d'entreprises formées avec le plan Paillé qui, déjà, ont fait faillite, déjà ont engagé des sommes que nous, comme contribuables, devrons payer et rembourser. Et ces sommes-là, M. le Président, dans une situation économique difficile... Je pense qu'il faut agir avec beaucoup plus de prudence que ça n'a été fait dans le plan Paillé.
Aujourd'hui, on nous offre une contribution fédérale, une aide fédérale, et la démarche, c'est de dire: Ils viennent empiéter sur notre terrain. Mais pourquoi ne pas leur tendre la main, M. le ministre, leur tendre la main pour participer avec eux à l'élaboration d'un plan de fonctionnement pour aider les régions, les régions qui en arrachent, M. le Président, les gens qui ont de la difficulté à manger. Et aujourd'hui on va leur dire: Bien, écoutez, là, nous autres, ça ne nous intéresse pas, on est au Québec, puis on ne veut pas voir le fédéral, puis gardez-le, votre argent, on ne veut rien savoir. Mais, M. le Président, on ne peut pas accepter, nous, devant une démarche comme celle-là, de voir qu'on demandera au gouvernement fédéral de revoir le bill C-91 dont l'effet... Et ce n'est pas, justement, une ingérence du gouvernement fédéral, c'est une aide. Le gouvernement fédéral nous offre une aide et on appelle ça une ingérence. Le gouvernement fait un pas et on appelle ça une guerre. Qu'on change de discours! C'est ça, la nouvelle façon de gouverner, c'est la guerre à chaque fois qu'on a une offre du gouvernement fédéral?
Je pense qu'on devrait être capable d'accepter une aide, de tendre la main dans des situations où on a des besoins manifestes. On a des éléments qui crient au plus haut point afin d'avoir de l'aide pour, justement, commencer et mettre en branle des entreprises, tout comme le plan Paillé, sauf que les ressources qui seront à leur disponibilité, bien, ce seront des ressources additionnelles.
Ça, M. le Président, ce n'est pas du capital de risque, c'est des gens qui s'impliquent dans leur milieu. Le capital de risque, on a des milliards de disponibles aujourd'hui, au Québec, en capital de risque; on ne sait même pas quoi en faire. On ne sait même pas quoi en faire, on ne sait même pas où l'investir, alors que le gouvernement fédéral nous tend la main pour nous permettre d'avoir accès à des ressources qui vont nous aider à partir des entreprises, mais dans les régions, M. le Président, dans les régions.
Vous qui êtes de la région de Québec, probablement que vous souffrez beaucoup moins de ces difficultés de chômage. Québec est une ville favorisée. Favorisée. Favorisée par le gouvernement actuel sous toutes sortes de démarches, mais aussi favorisée sur le plan fonctionnel parce que la majorité, ce sont des fonctionnaires. Mais en dehors, c'est bien différent, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le député d'Argenteuil, je dois vous interrompre, il est actuellement 13 heures. Vous avez utilisé 11 minutes; vous pourrez poursuivre à 15 heures, si vous le désirez.
M. Beaudet: M. le Président, merci.
Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, étant donné l'heure, nous allons suspendre nos travaux jusqu'à 15 heures cet après-midi.
(Suspension de la séance à 13 heures)
(Reprise à 15 h 3)
Le Vice-Président (M. Brouillet): Veuillez vous asseoir.
M. le leader du gouvernement.
M. Chevrette: Juste demander si le député d'Argenteuil avait terminé, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Brouillet): Le député d'Argenteuil, ce matin, a parlé durant 11 minutes. Il aurait le droit, s'il était ici... Mais je ne sais pas, là. Alors, à ce moment-là... Bien, écoutez, nous allons, tout d'abord, indiquer à l'Assemblée où nous en... Oui, pardon, oui, allez.
M. Paradis: ...si le député d'Argenteuil était ici. Effectivement, il est retenu dans son comté cet après-midi. Mais il pourra poursuivre, si nous avons le consentement de mon bon ami le leader du gouvernement, plus tard ce soir. Il sera de retour de son comté et il pourra poursuivre l'allocution.
Le Vice-Président (M. Brouillet): Bien oui. Alors, ça prend un consentement, vous savez, parce que... Bon, alors, vous avez consentement pour, si jamais il revient plus tard... Très bien.
Écoutez, nous reprenons donc aux affaires courantes. Et nous étions à débattre de la motion sans préavis présentée par le ministre d'État au Développement des régions. Et je vais céder la parole à M. le député de Laviolette et whip du gouvernement. Vous avez la parole, M. le député de Laviolette.
M. Jean-Pierre Jolivet
Motion d'ajournement du débat
M. Jolivet: Merci, M. le Président. Je voudrais, à ce moment-ci, M. le Président, faire une motion en vertu des dispositions de l'article 100 du règlement de l'Assemblée nationale et demander que le débat en cours soit ajourné.
Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, est-ce que cette motion est adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, on a un temps de quelques minutes, je pense, avant, 10 minutes. C'est bien ça, 10 minutes, je crois? Alors, question de règlement. Très bien, allez, M. le leader, excusez.
M. Paradis: M. le Président, j'aurais cru que vous l'auriez soulevée vous-même. Nous sommes totalement pris par surprise par cette manoeuvre des ministériels, dilatoire, il est évident. Nous n'en sommes pas aux affaires du jour. Nous sommes aux affaires courantes, M. le Président. C'est l'équivalent d'un député ministériel qui se lèverait en plein milieu de la période de questions et qui, non satisfait de la question d'un ministériel, demanderait d'ajourner la question du ministériel comme telle. Les motions d'ajournement sont...
Le Vice-Président (M. Brouillet): Écoutez, moi aussi, j'ai été pris par surprise. Vous me permettez de regarder un peu. D'après le règlement ici, là, il n'y a pas de difficultés pour qu'on puisse proposer une motion d'ajournement du débat sur une motion sans préavis. Bon, on dit: «L'ajournement du débat peut être proposé à tout moment de la séance. Il ne peut l'être qu'une seule fois, sauf par un ministre ou un leader adjoint du gouvernement. Une telle motion ne requiert pas de préavis et ne peut être amendée .»
Maintenant, les temps de parole: «L'auteur de la motion et un représentant de chaque groupe parlementaire ont chacun un temps de parole de 10 minutes. L'auteur de la motion a droit à une réplique de cinq minutes.»
Alors, en application, donc, de ce règlement, je céderai la parole à un représentant de...
M. Paradis: M. le Président, simplement question de directive, à ce moment-ci. Moi, il y a 15 ans à peu près, moins longtemps que mon bon ami le leader du gouvernement, que je siège en cette Chambre. C'est vrai que des motions d'ajournement ont, à plusieurs reprises, au moment des affaires du jour, été présentées en cette Chambre. Je ne me souviens pas, mais, là, là-dessus, vous pouvez m'éclairer... Je vous pose une question de directive d'une motion d'ajournement à l'étape des affaires courantes de la journée. Ce sont des choses qui sont appelées par le gouvernement, suivant le voeu du...
Le Vice-Président (M. Brouillet): Bon, écoutez, on suspend deux minutes, puis je vous reviens, parce que ce n'est pas la coutume et l'habitude ici. On suspend deux minutes et je vous reviens, puis on vous donnera une réponse plus adéquate concernant cette question d'ajournement, là, des débats. Très bien.
(Suspension de la séance à 15 h 7)
(Reprise à 15 h 13)
Le Vice-Président (M. Brouillet): Nous avons examiné rapidement les articles qui se réfèrent à l'ajournement du débat, et il est clair qu'une motion d'ajournement du débat est possible dans le cadre d'un débat sur une motion sans préavis. Il n'y a rien qui restreint cela. Et, pour certains, j'indiquerais aussi qu'il y a une différence entre l'ajournement du débat et les conditions d'ajournement de l'Assemblée: l'ajournement de l'Assemblée ne peut se faire qu'aux affaires du jour, tandis que l'ajournement du débat se fait dès qu'il y a débat, que ce soit à n'importe quel moment de la séance. Les temps de parole, à ce moment-là, sont, comme je le disais tantôt, de 10 minutes de chaque côté et de cinq minutes pour la réplique. M. le député de Laviolette.
M. Paradis: M. le Président...
Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le leader de l'opposition.
M. Paradis: Tout en respectant votre décision, question de directive, de façon à faciliter la poursuite de nos travaux. Est-ce que vous pouvez, à ce moment-ci, m'indiquer, étant donné que le débat va être ajourné, si c'est le cas, et je pense que c'est la volonté gouvernementale j'aurai 10 minutes pour en parler tantôt de quelle façon les parlementaires, sur cette motion fort importante qui est également aujourd'hui discutée à Ottawa, vont pouvoir reprendre le débat comme tel? Il s'agit d'une motion qui est non annoncée, donc qui n'est pas annoncée, en définitive, sur laquelle on se doit, comme parlementaires, de réagir spontanément. Elle a été présentée par le leader du gouvernement.
Et de quelle façon elle va pouvoir revenir moi, je présume qu'elle était urgente, dans les circonstances, également demain? De quelle façon elle va réapparaître à notre feuilleton, dans nos travaux, pour qu'ensemble nous puissions poursuivre le débat très constructif qui s'était amorcé entre le gouvernement et l'opposition officielle?
M. Chevrette: M. le Président...
Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le leader du gouvernement.
M. Chevrette: Je voudrais rassurer le député de Brome-Missisquoi, et je pourrais peut-être lui fixer à peu près l'heure où elle sera rappelée également, mais je vais m'en abstenir à ce stade-ci. Mais elle sera rappelée très bientôt, très, très bientôt, et je suis convaincu qu'à ce moment-là ce sera très calme en Chambre, au moment où je la ramènerai. Étant donné qu'on est dans un horaire de fin de session, je voudrais l'assurer qu'elle sera rappelée. Elle demeure au feuilleton, et c'est le leader du gouvernement qui rappelle le menu législatif en cette Chambre.
Le Vice-Président (M. Brouillet): Oui, effectivement, ce n'est pas au président de rappeler les choses, là, alors M. le leader verra bien à la rappeler en temps et lieu. Alors, M. le député de Laviolette, s'il vous plaît... M. le leader de l'opposition.
M. Paradis: Oui. Je prends pour acquis que M. le leader, mon bon ami le leader du gouvernement, souhaite rappeler le sujet, mais, étant donné que ça ne peut plus être rappelé au niveau des motions non annoncées, étant donné qu'elle a été annoncée, est-ce que vous pouvez m'indiquer si c'est aux affaires du jour ou aux affaires courantes, dans un premier temps, que ça peut être rappelé? Et, si c'est aux affaires courantes, à quelle étape? Et, si c'est aux affaires du jour, à quelle étape?
Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, on m'indique que ça pourrait être indiqué au feuilleton, à ce moment-là, et, à partir du feuilleton, on pourra procéder pour l'appel de la motion.
M. Paradis: M. le Président, on vous indique que ça peut être au feuilleton, mais, moi, je ne sais pas, là... Est-ce que vous avez des précédents comme tels où des motions non annoncées ont été annoncées au feuilleton?
Le Vice-Président (M. Brouillet): Elle sera indiquée comme motion sans préavis. Alors, M. le député de Laviolette.
M. Jean-Pierre Jolivet
M. Jolivet: M. le Président, simplement pour vous indiquer que j'ai utilisé, en présentant ma motion, mes 10 minutes auxquelles j'ai droit.
Le Vice-Président (M. Brouillet): Bon. Alors, je vais céder la parole maintenant au porte-parole du groupe de l'opposition, M. le leader de l'opposition.
M. Pierre Paradis
M. Paradis: Oui, M. le Président. Tous les députés qui sont intervenus en cette Chambre, manifestement, ont pu constater que le leader du gouvernement, ce matin, lorsqu'il a présenté sa motion, n'avait pas beaucoup de choses à dire. Ça a été très court. Ça ressemblait à quelque chose qui était télégraphié, d'ailleurs. Les parlementaires ministériels qui sont intervenus n'étaient pas préparés, ils n'avaient manifestement pas lu le projet de loi fédéral. On avait plutôt l'impression, de ce côté-ci c'est peut-être ce qui explique qu'on a attendu, pour présenter une motion d'ajournement, à 15 heures cet après-midi que les députés ministériels étaient gênés par le projet de loi du ministre de la Santé, qu'on nous avait dit qu'on appellerait cet après-midi.
Des députés de Québec, M. le Président et je sais que votre poste vous empêche de vous exprimer sur le sujet nous ont déjà indiqué qu'ils s'apprêteraient à voter contre le projet de loi présenté par le ministre de la Santé, qu'ils ont fait des démarches auprès du leader de façon à ce qu'il collabore pour retarder l'adoption du principe du projet de loi du ministre de la Santé, qui vise à fermer des hôpitaux comme tels, que le leader leur a dit qu'il pourrait voir ce qu'il pourrait faire et que le leader, finalement, a collaboré avec ces députés qui voyaient des hôpitaux fermer, autant dans la région de Montréal, mais surtout, M. le Président, dans la région de Québec comme telle.
C'est un des éléments qu'on nous a soumis ce matin, justifiant le manque de planification. On sait que les proches du ministre de la Santé étaient disponibles, ce matin, pour commencer le débat en deuxième lecture, on sait que le ministre lui-même était présent en Chambre et souhaitait amorcer son débat comme tel, et on sait que le leader aurait pu, au plus tard, à 11 heures, ce matin, présenter cette dite motion d'ajournement qu'il savait conforme à notre règlement, M. le Président. Mais il a préféré ne pas la présenter, de façon à retarder l'adoption du projet de loi auquel tient le ministre de la Santé, auquel les bureaucrates de la Santé tiennent et auquel les députés de l'Assemblée nationale comme telle ne tiennent pas, comme tel.
Maintenant, M. le Président, il y a plusieurs députés de ce côté-ci qui se sont demandé: Pourquoi le leader a-t-il improvisé, ce matin? Il fallait prendre connaissance, M. le Président et je vous le soumets du feuilleton non pas de l'Assemblée nationale du Québec, mais du feuilleton du Parlement du Canada, parce que c'est de là que le leader prend ses ordres. Ce n'est pas de son chef à Québec, mais plutôt de son chef à Ottawa. Et je le vois s'esclaffer de rire, à ce moment-ci, M. le Président, et plaider l'ignorance.
M. le Président, moi, je vous soumets respectueusement que, de son siège, le leader du gouvernement ne peut affirmer qu'il n'a pas concocté cette motion sous les directives du chef du Bloc québécois à Ottawa.
(15 h 20)
M. Chevrette: De mon siège, M. le Président...
Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le leader.
M. Chevrette: ...je n'ai jamais parlé à un élu politique d'Ottawa.
Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, s'il vous plaît, M. le leader de l'opposition, vous pourrez poursuivre. Et je ferai remarquer qu'il y a toujours un droit de réplique pour le parti gouvernemental. Alors, je vous demanderais d'attendre et d'être patient. Chacun son tour. Alors, M. le leader de l'opposition.
M. Paradis: Oui, moi, je prends la parole de mon bon ami le leader du gouvernement, à l'effet qu'il n'a parlé à aucun élu à Ottawa. Il a été assez spécifique. Mais on sait que les élus sont entourés de conseillers politiques, de chefs de cabinet, de chefs de cabinet adjoints et que, clairement, l'improvisation dont a fait part le gouvernement dans cet état de choses, dans ce dossier, nous indique que les ordres venaient d'ailleurs, que le fond du dossier n'a jamais été discuté, que lui-même et là j'aimerais qu'il se relève si ce n'est pas le cas n'a jamais lu le projet de loi fédéral sur lequel il a présenté une motion. C'est incroyable, dans cette Chambre, que de telles choses puissent se produire.
M. Chevrette: M. le Président, on me pose une question, je suis prêt...
Le Vice-Président (M. Brouillet): On n'est pas à une période de questions. Ha, ha, ha! M. le leader de l'opposition.
M. Paradis: M. le Président, depuis ce matin, et vous l'aurez remarqué avec nous, le leader du gouvernement est un petit peu soupe au lait c'est parlementaire, il va me le permettre sans doute dans ses dossiers: des remarques intempestives, des motions non annoncées, non encadrées, un travail désorganisé. Nous en sommes au début d'une période de session intensive, et, si on veut s'assurer que les projets de loi d'intérêt public qui sont dans l'intérêt de nos citoyens soient adoptés et que les autres soient battus, le gouvernement va devoir planifier mieux les travaux en cette Chambre.
J'ai également annoncé, et c'est le chef de l'opposition qui l'a fait au moment de son discours, que, de ce côté-ci, sur ce débat, nous avions un amendement à proposer à la motion non annoncée de mon bon ami le leader du gouvernement pour renforcir sa motion, c'est-à-dire pour la préciser et pour faire en sorte que nous puissions, comme parlementaires, voter tous ensemble ladite motion. Tout le monde souhaite en tout cas, de ce côté-ci, c'est clair; de l'autre côté, on verra au moment du vote que nous puissions signer des ententes de collaboration, des ententes administratives avec le gouvernement fédéral, que nous puissions nous entendre sur des sujets qui bénéficient au développement régional et qui bénéficient aux individus qui interviennent dans le développement régional dans chacune de nos régions respectives.
Moi, je déplore qu'on ne puisse pas le faire aujourd'hui, le leader du gouvernement m'empêchant de pouvoir la déposer. Nous aurions pu sortir d'ici cet après-midi ou ce soir avec un vote unanime sur une motion qui va dans le sens de la défense des intérêts du Québec. Je pense que même le chef de l'ADQ, qui sur ces sujets-là est généralement plus péquiste que d'autres choses, aurait pu se joindre au député de Joliette, à la formation politique ministérielle et aux députés de l'opposition, et nous aurions pu avoir une motion unanime. Malheureusement le manque de planification... Et je me dois de le déplorer, parce que, là, on joue avec l'agenda de ministres importants, de ministres qui ont des occupations, de ministres qui ont des préoccupations, de ministres qui veulent faire des choses, bien ou moins bien. On joue avec l'agenda de ces gens-là. Ce n'est pas une façon raisonnable de fonctionner, M. le Président.
Dans les circonstances, dans le but d'en arriver à une entente à l'amiable, si on pouvait convenir du nombre d'intervenants de part et d'autre. Moi, je fais cette suggestion-là, M. le Président, publiquement à mon bon ami le leader du gouvernement et député de Joliette. On pourrait même s'entendre sur le nombre d'intervenants, sur le temps que l'on pourrait prendre au cours de l'après-midi. On ne dépasserait pas 18 heures...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Paradis: On pourrait prendre cet engagement-là, M. le Président, de ne pas dépasser 18 heures. Ça nous permettrait, de ce côté-ci, de remettre les horloges à l'heure, de présenter la motion d'amendement, d'obtenir l'assentiment du député de Joliette. Probablement que le ministre de la Santé également, qui était fort préoccupé par le contenu de cette motion, pourrait nous aider à l'améliorer, peut-être lui-même en présentant un amendement, M. le Président, de façon à ce qu'on puisse évoluer constructivement.
Là, ce qui va se produire, M. le Président, si le leader s'entête dans son manque de stratégie, on va suspendre le débat, parce que le vote majoritaire du Parti québécois va faire en sorte que le débat va être suspendu, on va s'embarquer dans un autre débat, revenir dans ce débat-là. Est-ce qu'on va avoir gagné du temps quelque part ou est-ce qu'on va avoir défendu avec plus... Comment je pourrais le dire? À partir du moment où il le sait que c'est discuté à Ottawa, si on pouvait harmoniser nos stratégies dans le but de la défense des intérêts du Québec. Est-ce que des petits jeux parlementaires vont faire en sorte qu'on ne puisse pas, au même moment où, à Ottawa, c'est débattu, à Québec, supporter les gens qui vont dans le même sens? Des petits jeux parlementaires, M. le Président, qui, en toute fin de ligne, nuisent à la défense des intérêts du Québec, parce que, du côté du gouvernement, on n'a pas su planifier nos travaux, qu'on commence à parler de quelque chose, qu'on vous demande à vous oui, M. le Président de nous arrêter, qu'on parle d'autres choses, qu'on mélange les gens qui nous écoutent, finalement.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Paradis: Ce n'est pas compliqué, M. le Président, on a un débat présentement, qui est important, sur la défense des intérêts du Québec dans le cadre fédéral. Le gouvernement, ou bien il est séparatiste et il ne veut pas qu'on en parle, ou bien le gouvernement souhaite des ententes avec Ottawa, souhaite qu'on en parle et qu'on vote tous ensemble, ou le gouvernement se cache, ramène un projet de loi sur la fermeture des hôpitaux pour cacher la motion du leader du gouvernement, parce que cette motion-là ne va pas dans le sens d'un fédéralisme constructif mais va plutôt dans le sens de la séparation du Québec.
M. le Président, ce sont mes dernières paroles. Vous êtes maintenant en mesure de rendre une décision sur cette motion, sur cet ajournement de nos travaux. Si on procède avec le projet de loi du ministre de la Santé, M. le Président, c'est votre hôpital, dans votre comté, qui sera fermé.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Vice-Président (M. Brouillet): J'allais vous remercier, M. le leader de l'opposition. Maintenant, le droit de réplique sera...
M. Chevrette: Selon les règlements, M. le Président, vous aurez observé, avant que vous vous asseyiez...
Le Vice-Président (M. Brouillet): Oui, très bien, M. le leader.
M. Chevrette: Bien, merci. Selon le règlement, M. le Président, c'est 10 minutes au proposeur, 10 minutes à chacune des formations politiques et cinq minutes de réplique. Donc, je prends le 10 minutes de notre formation politique, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Brouillet): Oui, très bien. Alors, il y avait, en plus de l'auteur, 10 minutes de chaque côté. Alors, M. le leader du gouvernement.
M. Guy Chevrette
M. Chevrette: Je vous remercie, M. le Président. M. le Président, si le ridicule tuait, on aurait un parlementaire de moins en cette Chambre. Essayer de nous faire croire qu'il ne finasse pas sur les règlements. J'aurais cru spontanément, moi, que l'opposition, ce matin, M. le Président, appuie cette motion qui demandait au fédéral de revoir sa loi C-91. C'était tout, revoir. Ils sont tellement valets, M. le Président, et mous, des valets affaiblis, ramollis, qu'ils ne sont même plus capables d'avoir le réflexe qu'ils avaient au moment où ils étaient au gouvernement, au moment où ils ont occupé les banquettes du pouvoir, ici.
Yvon Picotte occupait le poste que j'occupe et, pour un simple décret fédéral, voici ce que Picotte, Yvon, disait, M. le Président: «Le ministre Picotte craint un gaspillage de fonds publics et le bris de consensus régionaux établis au cours des dernières années.» Exactement ce que j'ai dit dans la présentation de ma motion, M. le Président. Dans un communiqué de presse du 8 août 1991, au moment où il était ministre d'État au Développement des régions, M. Picotte, de dire: «Le ministre responsable du Développement régional au Québec, M. Picotte, n'a pas tardé à réagir au décret d'Ottawa qui confirme la création d'un ministère fédéral de développement régional et la nomination d'un sous-ministre à ce ministère.» Voici ce qu'il disait, entre guillemets, M. le Président: «Camouflée sous l'appellation plus discrète d'un bureau fédéral du développement régional au Québec, a déclaré M. Picotte, la création de ce ministère risque de coûter très cher aux régions du Québec à moyen terme. Le gouvernement fédéral ne dispose pas, en effet, de l'expertise nécessaire pour s'assurer que les projets qu'il financera s'inscriront bel et bien dans le cadre des priorités de développement régional dégagées au cours des dernières années par l'ensemble des intervenants régionaux dans chacune des régions du Québec.»
C'est exactement ce que je disais, M. le Président, et ils n'ont même pas eu le réflexe, avec la présentation de ma motion, de s'en servir pour dire: Oui, mais Picotte l'a même dit avant vous, M. Chevrette. Ils auraient pu au moins dire ça. Bien non, ils s'inscrivent comme en valets, ils rampent par le dessous de la porte.
(15 h 30)
Le fédéral, il ne faudrait pas leur dire qu'ils ne font pas bien. C'est une succursale, M. le Président, une succursale de Jean Chrétien que nous avons devant nous, pas plus et pas moins. Ils n'ont même pas assez de colonne vertébrale pour être cohérents par rapport à ce qu'ils ont tenu comme propos. Franchement! C'est la première fois que je vois une formation politique, moi, à l'Assemblée nationale, en 19 ans de vie politique, ne pas se lever et appuyer n'importe quelle motion contre l'intrusion fédérale. C'est la première fois que je vois ça. «Faut-u» être tapis de porte, M. le Président! Franchement, je n'en reviens pas!
Là, le leader se lève et dit: Ça aurait été intéressant d'entendre le ministre de la Santé. C'est justement pourquoi on vous arrête, pour que vous l'entendiez de jour. Mais vous allez terminer de nuit, d'après ce que je peux comprendre. M. le Président, c'est clair. On peut jouer au fou en cette Chambre, mais, quand on a des motions sérieuses, où on fait appel au sérieux des parlementaires pour appuyer le Québec contre une invasion fédérale, au profit des intérêts supérieurs des Québécois, M. le Président, et qu'on s'amuse à faire ce qu'ils ont fait en sortant leur pièce de musée, à part ça, parce que, manifestement, ils ne l'ont pas lue, la loi C-91... On l'a lue, on l'a analysée au développement régional, on l'a analysée à l'Industrie et Commerce, on l'a analysée au niveau des relations fédérales-provinciales, on l'a analysée au niveau de trois ministères, minimum, et l'Exécutif en plus. M. le Président, on a fait nos devoirs. On sait ce à quoi sert le C-91, puis on va s'y objecter, nous autres. Puis, un jour ou l'autre, on va voter dessus aussi. On va l'appeler. On va l'appeler, puis il y en a qui se présenteront peut-être en habit de jogging pour le voter, mais ils vont le voter aussi. Ça, c'est clair, M. le Président. On ne jouera pas au fou dans cette Chambre. On ne jouera pas au fou. Sur des sujets aussi sérieux que ça, M. le Président, je suis persuadé qu'on va aller au bout du cheminement.
Mais, pour l'instant, c'est de jour qu'on va entendre les arguments du ministre de la Santé. Vous ne nous traînerez pas jusqu'à 23 heures ce soir pour faire en sorte que, sur un projet de loi aussi important, on ne reçoive pas les informations de base à ce projet de loi là, M. le Président. Ça va être cet après-midi, puis dans très peu de temps, parce que vous comprendrez que ça se joue à deux, le jeu parlementaire. Il y a d'autres motions qui s'en viennent, et vous verrez ma réaction. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, merci, M. le ministre du développement régional. Dans le droit de réplique, M. le député de Laviolette, cinq minutes.
M. Jean-Pierre Jolivet (réplique)
M. Jolivet: M. le Président, quand je suis arrivé en cette Chambre, bien avant le député de Brome-Missisquoi, j'avais toujours espéré qu'on en arrive à des conditions où on puisse discuter ouvertement, convenablement de certains sujets. Quand le ministre responsable du développement régional, ce matin, nous est arrivé avec une motion où on espérait que, dans le contexte normal d'une discussion, on en arrive à une discussion moins longue que celle qu'on a connue, d'autant plus qu'on a souvent débordé du sujet, il me semblait tout à fait normal que, comme dans toutes les questions de motions non annoncées, qu'on appelle sans préavis, elle puisse être adoptée dans un délai normal et convenable.
D'ailleurs, la tendance habituelle, c'est de prévoir, dans des circonstances comme celle-là, un qui parle d'un bord ou une autre personne qui parle de l'autre côté puis, après ça, on passe à l'adoption de la motion. Ce n'est pas le cas. Et, comme nous avons aussi, dans nos discussions à venir, un sujet très important et que nous avons l'intention de le faire à la pleine clarté, de jour, j'ai proposé, M. le Président, une telle motion qui nous permettra de revenir sur le sujet plus tard, mais, pour le moment, venir à un sujet aussi important. Puisque nous croyons que celui que nous avions devant le bureau ce matin, devant l'Assemblée, était un sujet important et que, de l'autre côté, on a voulu traiter ça autrement, je pense que nous allons voter la motion d'ajournement du débat actuel et poursuivre les discussions quant aux affaires courantes pour arriver maintenant aux affaires du jour, qui est la loi du ministre de la Santé et des Services sociaux.
Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, cette motion est-elle adoptée?
Des voix: Un vote.
Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, qu'on appelle les députés pour un vote, appel nominal. Qu'on appelle les députés.
(15 h 35 15 h 46)
Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'ordre, s'il vous plaît!
Mise aux voix
Nous allons procéder au vote sur la motion d'ajournement du débat sur la motion présentée par le ministre d'État au Développement des régions. Alors, tous ceux qui sont en faveur... Oui, motion d'ajournement. Alors, que ceux qui sont en faveur de la motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît.
Le Secrétaire adjoint: M. Chevrette (Joliette), M. Ménard (Laval-des-Rapides), Mme Marois (Taillon), Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve), M. Garon (Lévis), M. Rochon (Charlesbourg), M. Rivard (Limoilou), M. Perron (Duplessis), M. Boucher (Johnson), M. Laurin (Bourget), M. Paillé (Prévost), Mme Dionne-Marsolais (Rosemont), M. Julien (Trois-Rivières), M. Dufour (Jonquière), M. Boisclair (Gouin), M. Jolivet (Laviolette), Mme Beaudoin (Chambly), M. Le Hir (Iberville), M. Beaulne (Marguerite-D'Youville), Mme Doyer (Matapédia), Mme Caron (Terrebonne), Mme Vermette (Marie-Victorin), Mme Robert (Deux-Montagnes), M. Rioux (Matane), M. Boulerice (Sainte-MarieSaint-Jacques), M. Bourdon (Pointe-aux-Trembles), Mme Carrier-Perreault (Chutes-de-la-Chaudière), M. Charbonneau (Borduas), Mme Charest (Rimouski), Mme Barbeau (Vanier), M. Kieffer (Groulx), M. Gaulin (Taschereau), Mme Signori (Blainville), M. Dion (Saint-Hyacinthe), M. Deslières (Salaberry-Soulanges), M. Désilets (Maskinongé), M. Lachance (Bellechasse), M. Jutras (Drummond), Mme Leduc (Mille-Îles), M. Facal (Fabre), M. Lelièvre (Gaspé), M. Payne (Vachon), M. Morin (Dubuc), M. Létourneau (Ungava), M. Paquin (Saint-Jean), M. Morin (Nicolet-Yamaska), M. Côté (La Peltrie), M. Perreault (Mercier), M. Pinard (Saint-Maurice).
Le Vice-Président (M. Brouillet): Que ceux qui sont contre la motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît.
Le Secrétaire adjoint: M. Johnson (Vaudreuil), M. Paradis (Brome-Missisquoi), Mme Gagnon-Tremblay (Saint-François), M. Ciaccia (Mont-Royal), M. Middlemiss (Pontiac), Mme Frulla (Marguerite-Bourgeoys), M. Maciocia (Viger), M. Gobé (LaFontaine), M. Lafrenière (Gatineau), M. Thérien (Bertrand), Mme Dionne (Kamouraska-Témiscouata), Mme Bélanger (Mégantic-Compton), M. Bissonnet (Jeanne-Mance), M. Brodeur (Shefford), M. Benoit (Orford), M. Williams (Nelligan), M. Gautrin (Verdun), M. Marsan (Robert-Baldwin), M. Chagnon (WestmountSaint-Louis), M. Lefebvre (Frontenac), M. Sirros (Laurier-Dorion), M. Tremblay (Outremont), Mme Delisle (Jean-Talon), M. LeSage (Hull), M. Poulin (Beauce-Nord), M. Chenail (Beauharnois-Huntingdon), M. Bordeleau (Acadie), Mme Houda-Pepin (La Pinière), Mme Loiselle (Saint-HenriSainte-Anne), M. Fournier (Châteauguay), M. Charbonneau (Bourassa), M. Quirion (Beauce-Sud), M. Bergman (D'Arcy-McGee), Mme Vaive (Chapleau), M. Kelley (Jacques-Cartier).
Le Vice-Président (M. Brouillet): Que ceux qui s'abstiennent veuillent bien se lever, s'il vous plaît.
Le Secrétaire: Pour:49
Contre:35
Abstentions:0
Le Vice-Président (M. Brouillet): Motion adoptée. À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! Avant de céder la parole au leader du gouvernement, je vais vous indiquer la suite du menu.
(15 h 50)
Qu'on se lève et qu'on me demande... c'est très bien. S'il y a d'autres motions sans préavis...
M. Johnson: Oui, M. le Président, je demanderai le consentement de cette Chambre afin que nous présentions et discutions de la motion suivante: «Que l'Assemblée nationale du Québec exige du gouvernement fédéral qu'il revoie son projet de loi C-91 pour s'assurer qu'il n'aura pas pour effet de provoquer l'ingérence du gouvernement fédéral et d'accroître les dédoublements en matière de développement régional.»
Des voix: Bravo!
Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'ordre, s'il vous plaît! Y a-t-il consentement? Il n'y a pas de consentement. S'il vous plaît! Avant de donner la parole au leader du gouvernement... Une autre motion sans préavis. M. le député de Robert-Baldwin, vous avez la parole.
M. Marsan: Je sollicite le consentement de cette Assemblée afin que la motion suivante soit acceptée: «Que cette Assemblée appuie le chef du Bloc québécois, M. Lucien Bouchard, dans sa proposition en faveur d'un élargissement des consultations actuelles entourant la réforme des soins de santé au Québec.»
Des voix: Bravo!
Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre! Y a-t-il consentement? Alors, il n'y a pas de consentement. Je vous inviterais, s'il vous plaît, à vous en tenir au consentement, à l'avenir. Alors, Mme la députée de Jean-Talon.
Mme Delisle: J'aimerais, M. le Président, présenter une motion. Et je sollicite le consentement. Est-ce que j'ai le consentement?
Des voix: ...
Mme Delisle: «Que cette Assemblée demande au ministre des Affaires municipales de tenir un forum sur la décentralisation avant de prendre toute décision qui pourrait occasionner des fusions contre le gré des municipalités.»
Le Vice-Président (M. Brouillet): Y a-t-il consentement? À l'ordre, s'il vous plaît! Y a-t-il consentement? Alors, pas de consentement. Alors, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.
Mme Frulla: Merci, M. le Président. J'aimerais que l'Assemblée nationale consente à ce que... et présenter cette motion sans préavis: «Que l'Assemblée nationale souligne la Journée mondiale du développement culturel et rende hommage à tous ceux et celles qui contribuent, par leurs connaissances, talents et intérêts, à son épanouissement.»
M. Chevrette: M. le Président...
Le Vice-Président (M. Brouillet): Y a-t-il consentement?
M. Chevrette: ...compte tenu de ce qui s'est passé cet avant-midi, mais compte tenu de l'importance de la motion, s'il n'y a pas de débat, je la considérerais comme adoptée.
Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, est-ce qu'il y a consentement?
M. Paradis: M. le Président...
M. Chevrette: Sans débat, il y a consentement pour l'adopter.
M. Paradis: M. le Président...
Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, M. le leader de l'opposition.
M. Paradis: ...strictement parce que nous sommes plus tard dans la journée, rappeler à mon bon ami le leader du gouvernement qu'il y avait entente entre son bureau et le bureau du leader de l'opposition à l'effet qu'il y aurait un intervenant de part et d'autre. Ce sont les ententes qui prévalent, et nous avions la parole du leader du gouvernement sur ce sujet.
Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, brièvement, M. le leader du gouvernement.
M. Chevrette: Oui. La joute parlementaire, M. le Président, elle se joue à deux. Sans débat, il y a acceptation de la motion. C'est correct?
Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le leader de l'opposition, est-ce que vous acceptez le consentement sans débat? Je crois que le règlement...
Une voix: ...
Le Vice-Président (M. Brouillet): Oui, très bien, mais au moins signalez un tout petit peu la nature de l'article.
M. Paradis: Non. M. le Président, moi, je voudrais qu'on prenne le temps de faire un appel au calme pour que...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Paradis: ...nos travaux puissent se dérouler normalement. Le leader du gouvernement sait ce que veut dire une entente entre les leaders et l'importance, pour le fonctionnement serein de notre Assemblée, que les ententes soient respectées comme telles. Un débat un-un veut habituellement dire que les intervenants interviennent à peu près et je suis prêt même à la modifier, l'entente cinq minutes de part et d'autre de façon à ce que, du côté ministériel, du côté de l'opposition, on puisse s'exprimer. Si le leader de l'opposition reprend sa parole dans le débat, M. le Président, nous en tiendrons compte à l'avenir.
M. Chevrette: M. le Président...
Le Vice-Président (M. Brouillet): Très bien. Oui, oui. M. le leader du gouvernement, je vous cède la parole.
M. Chevrette: Merci. M. le Président, à 13 heures exactement, j'ai dit à Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, compte tenu des circonstances, que je me rendrais à l'acceptation de la motion sans débat. Je lui demanderais d'en témoigner si je ne le lui ai pas dit.
Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, écoutez, je constate... S'il vous plaît! Une minute, s'il vous plaît. À l'ordre! Je constate qu'il n'y a pas consentement, alors, à ce moment-là...
Des voix: ...
Le Vice-Président (M. Brouillet): Non. Il n'y a pas de consentement, alors nous allons... M. le leader du gouvernement.
M. Chevrette: M. le Président, quand une motion c'est une demande de directive est jugée d'une importance où les formations politiques consentent au moins à la présenter et à l'adopter, je vous ferai remarquer que, de ce côté-ci, on est prêts à voter pour le contenu de la motion présentée par Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, mais sans débat, compte tenu des circonstances.
Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! M. le député d'Outremont.
Motion proposant que l'Assemblée appuie le ministre de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie dans ses représentations auprès du gouvernement de l'Ontario afin que Nova Bus se porte acquéreur d'Ontario Bus Industries
M. Tremblay: Oui, sur une motion sans préavis, M. le Président. Alors, je sollicite le consentement de cette Assemblée pour qu'elle appuie sans débat le ministre de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie dans ses représentations auprès du gouvernement de l'Ontario, dans le but de permettre à l'entreprise Nova Bus de Saint-Eustache de se porter acquéreur de l'entreprise ontarienne Ontario Bus Industries, M. le Président.
Mise aux voix
Le Vice-Président (M. Brouillet): Y a-t-il consentement?
Une voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. M. le député de WestmountSaint-Louis.
M. Chagnon: M. le Président, je sollicite le consentement de cette Chambre pour présenter la motion suivante. Je voudrais que cette motion... Je sollicite le consentement de cette Assemblée pour appuyer la date du 5 octobre comme étant la Journée internationale des enseignantes et des enseignants et leur rendre hommage, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Brouillet): Y a-t-il consentement? À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre! À l'ordre, s'il vous plaît! Pas de consentement.
M. Chevrette: Je pense que des motions aussi sérieuses que celles qui ont été présentées par Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys et même par le député de Verdun doivent se faire sans qu'on tourne au ridicule un processus de motions sans préavis.
Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, il n'y avait pas beaucoup de directives que vous me demandiez dans cette question-là. Alors, M. le leader de l'opposition, brièvement.
M. Paradis: M. le Président, compte tenu des propos de mon bon ami le leader du gouvernement, je lui indiquerai que c'est vrai que, sur le fond, les motions présentées méritent que l'Assemblée nationale y consacre du temps, mais que, si on veut y consacrer... Je refais l'offre, M. le Président, dans le but de permettre à mon bon ami le leader du gouvernement de respecter la parole qu'il nous a donnée ce matin: débat, une intervention de part et d'autre, cinq minutes de chaque côté, adoption du projet de loi, 10 minutes, c'est terminé. La parole du leader n'aura pas été violée et la motion sera adoptée.
(16 heures)
M. Chevrette: Que Dieu me garde de mes amis! Mes ennemis, je m'en occupe!
Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, M. le député de LaurierDorion.
M. Sirros: J'aurais une motion à annoncer, M. le Président. Je solliciterais le consentement de cette Chambre pour que cette Assemblée réitère l'appui aux 15 principes adoptés en 1985 envers les chefs autochtones et incite ces mêmes chefs autochtones, M. le Président, à poursuivre la discussion pour arriver à la création du mécanisme permanent d'échanges et de dialogue, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Brouillet): Remarquez, M. le député, que ça nous prend un texte écrit pour... Alors, à ce moment-là... S'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! M. le leader du gouvernement.
M. Chevrette: Oui, M. le Président. D'abord, un député qui est depuis 10 ans en cette Chambre doit savoir que ça prend un texte écrit, un. Deuxièmement, je vous réitère, M. le Président, que l'item à l'ordre du jour, qui est motions sans préavis, est un item très sérieux et ne doit pas être tourné en ridicule.
Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le leader de l'opposition.
M. Paradis: M. le Président, si le leader du gouvernement veut passer des commentaires sur la nature des motions qui sont présentées, il peut le faire en intervenant dans le cadre du débat comme tel, autrement il n'a qu'à dire oui ou à dire non, comme c'est son droit en vertu du règlement. Mais, vous ne pouvez pas lui permettre, sur chacune des motions, de s'exprimer, de manger le temps de cette Chambre, M. le Président, que l'on pourrait utiliser pour adopter la motion présentée, entre autres, par la députée de Marguerite-Bourgeoys.
Le Vice-Président (M. Brouillet): Écoutez, je vous ferai remarquer que cette dernière remarque s'applique à peu près aux deux côtés. Ça, vous l'admettrez avec moi. Bon. Et plus on veut en mettre, plus on perd du temps, et plus on retarde les débats. Alors, je suis ici pour faire respecter l'ordre et le décorum, et je puis vous dire que ce n'est pas toujours facile, ce n'est pas toujours facile, et, si on n'a pas votre collaboration, on va continuer à agir comme on agit actuellement. Alors, est-ce qu'il y a d'autres intervenants? M. le député de Robert-Baldwin.
M. Marsan: Je sollicite le consentement de cette Assemblée afin que la motion suivante soit acceptée:
«Que l'Assemblée nationale exige du ministre de la Santé et des Services sociaux qu'il tienne une consultation générale avant d'entreprendre l'étude du projet de loi 83, et ce, afin d'entendre tous les intéressés.»
Le Vice-Président (M. Brouillet): Est-ce qu'il y a consentement? Alors, il n'y a pas de consentement. Alors, s'il n'y a pas d'autres intervenants, avant de donner la parole au leader du gouvernement, je m'en vais vous faire part du résultat de mes quelques recherches concernant le sort de la motion d'ajournement du débat.
Alors, il y a un précédent qui date du 9 mars 1994, même situation, et la motion apparaîtra aux affaires du jour du feuilleton, à l'item «Motions du gouvernement». Alors, c'est ce qui avait été décidé au précédent, si vous voulez, et ce sera, si vous voulez, le sort de cette motion qui a été ajournée. Alors, M. le leader du gouvernement.
Avis touchant les travaux des commissions
M. Chevrette: Oui, M. le Président, je voudrais faire les avis suivants. Tout d'abord, j'avise cette Assemblée qu'aujourd'hui la commission de l'aménagement et des équipements entreprendra l'étude détaillée du projet de loi 65, Loi modifiant la Loi sur la Société québécoise d'assainissement des eaux, de 16 h 15 à 18 heures et de 20 à 24 heures, et que la commission de l'éducation entreprendra l'étude détaillée du projet de loi 95, Loi modifiant la Loi sur les établissements d'enseignement de niveau universitaire, après les affaires courantes jusqu'à 18 heures, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine.
Le Vice-Président (M. Brouillet): Renseignements, maintenant, sur les travaux de l'Assemblée. M. le leader du gouvernement, est-ce que vous avez des renseignements concernant les travaux de l'Assemblée?
M. Chevrette: ...
Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, très bien. M. le leader de l'opposition.
M. Paradis: Oui, M. le Président, nous avions été prévenus et, là-dessus, je demande une précision, soit par le bureau de la présidence ou par le bureau de mon bon ami le leader du gouvernement, que, aujourd'hui, pour apporter une réponse à une question de règlement que nous avions soulevée, nous présenterions, de part et d'autre, nos argumentaires quant au projet de loi 196, de façon à ce que la présidence puisse, dans les meilleurs délais, nous rendre une décision quant au parrainage du projet de loi 196.
Maintenant, je ne sais pas si c'est de votre bureau ou du bureau de mon bon ami le leader du gouvernement; de notre côté, nous sommes prêts à argumenter, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le leader du gouvernement.
M. Chevrette: Oui, M. le Président, c'est vrai qu'il devait y avoir une courte plaidoirie de chaque côté. S'il veut y aller, il a beau!
Question de règlement concernant le parrain du projet de loi 196
Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, très bien. Si vous voulez, nous pouvons procéder, s'il y a consentement pour qu'on procède immédiatement. Alors, M. le leader de l'opposition.
M. Pierre Paradis
M. Paradis: Oui, M. le Président, très brièvement, le projet de loi 196, qui s'intitule Loi constituant Fondaction, le Fonds de développement de la Confédération des syndicats nationaux pour la coopération et l'emploi, a été présenté par le député de Pointe-aux-Trembles. Nous nous sommes levés, de ce côté-ci de la Chambre, sur une question de directive à la présidence, quant à savoir si un député peut présenter un projet de loi lorsque des fonds publics sont requis pour la mise en vigueur et l'application dudit projet de loi. Le règlement comme tel nous paraissait clair à cet effet. Lorsqu'on requiert l'approbation de fonds publics comme tels, non seulement le projet de loi ne peut être présenté par un député, il doit être présenté par un ministre et il doit, également, être précédé d'un message du lieutenant-gouverneur, si ma mémoire est fidèle, en vertu de l'article 54 ou 55 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique.
Nous vous soumettons que le projet de loi déposé par le député de Pointe-aux-Trembles et ce sont les faits dont nous vous saisissons, et dont vous êtes informellement saisi; nous vous les rappelons, M. le Président est un projet de loi qui affecte des fonds publics comme tels.
D'ailleurs, si vous retournez au budget, présenté il y a quelques semaines par le ministre des Finances, le budget 1995-1996 du gouvernement du Québec, dans cet élément, vous retrouvez la citation suivante: «La Confédération des syndicats nationaux, la CSN, s'apprête à mettre sur pied un fonds de travailleurs dont l'objectif est de créer des emplois et d'investir dans les PME québécoises. Ce budget prévoit un crédit d'impôt égal à 20 % des sommes placées par les contribuables dans ce fonds.»
Je sais qu'on va être tenté de faire et c'est correct de le faire, M. le Président un parallèle entre ce projet de loi et le projet de loi qui a créé le fonds de la FTQ, le fonds des travailleurs du Québec, qui avait été présenté, à l'époque, par Robert Dean, député de Prévost. Mais aucune question de règlement n'avait été soulevée, à ce moment-là, si bien que le projet de loi a traversé les différentes étapes sans que, ni la présidence, ni les formations politiques, ni le Secrétariat général de l'Assemblée nationale, n'apporte une réponse à cette question importante.
Vous avez, M. le Président, à avoir recours, dans votre décision, à l'article 192 de notre règlement, qui est clair: «Seul un ministre peut présenter une motion le projet de loi est une motion visant: 2° l'imposition d'une charge aux contribuables.»
Vous lisez ce texte très clair, vous l'accolez au discours du budget, et on se doit de constater que, dans le cas qui nous préoccupe, le parrain du projet de loi doit automatiquement être changé, comme tel.
On peut prétendre que, en vertu de 232 du règlement, M. le Président, la présidence a pris connaissance du projet de loi au moment de son dépôt. Nous sommes tous d'accord que la présidence l'a fait. Mais ça n'empêche pas d'intervenir, d'un côté ou de l'autre de la Chambre, pour soulever à l'attention de la présidence des éléments qui auraient pu, au moment du dépôt comme tel, à la présidence, du projet de loi, échapper à l'attention ou à la vigilance de la présidence.
(16 h 10)
M. le Président, dans les circonstances et dans le but de faciliter le travail de tout le monde et d'empêcher une contestation, également, des dispositions du projet de loi, nous requérons de votre part une décision. Est-ce que ce projet de loi, qui requiert l'appropriation de fonds publics, peut être présenté par un député, suivant l'interprétation que la présidence fait de l'article 232, ou ce projet de loi se doit-il, suivant ce que nous prétendons, être présenté par un ministre, de façon à ce que, lorsqu'un projet de loi prévoit l'appropriation de fonds, ce soit un membre du gouvernement comme tel qui le parraine?
Et je le dis en toute amitié pour le député qui a présenté le projet de loi. Nos prétentions ne visent pas à l'attaquer. Il peut s'associer il l'est déjà, dans l'opinion publique, associé audit projet de loi. C'est dans le but de s'assurer d'un respect correct de la procédure parlementaire et de s'assurer que, si le projet de loi est adopté, il ne prête pas flanc à des attaques devant les tribunaux sur ce point.
Le Vice-Président (M. Brouillet): Très bien. Merci, M. le leader de l'opposition. Je vais céder la parole à M. le leader du gouvernement.
M. Guy Chevrette
M. Chevrette: Oui. Je voudrais également faire quelques remarques pour rassurer le leader de l'opposition qui s'inquiète du fait que le projet de loi 196 sur le Fonds de développement de la Confédération des syndicats nationaux a été présenté par un député au lieu d'un ministre. L'inquiétude du leader de l'opposition découle de l'article 30 de la Loi sur l'Assemblée nationale qui stipule qu'un projet de loi qui a pour objet l'engagement de fonds publics, l'imposition d'une charge aux contribuables, la remise d'une dette envers l'État ou l'aliénation de biens appartenant à l'État doit être présenté par un ministre. Cet exercice se retrouve également à l'article 192 du règlement de l'Assemblée nationale qui prévoit que des motions qui affectent les fonds publics doivent être présentées par un ministre.
Cette Assemblée a déjà examiné à quelques reprises la portée exacte de ces dispositions. Tout d'abord en 1976, le président de l'époque, M. Jean-Noël Lavoie, a décidé que seul un ministre pouvait proposer une motion qui avait pour objet d'imposer une charge additionnelle sur les revenus publics ou aux contribuables. Ainsi, seul un ministre serait habilité à présenter une mesure susceptible de diminuer les revenus potentiels de l'État. Cette règle a été reformulée en 1986 par M. Jean-Pierre Saintonge. Ces décisions démontrent que les articles 30 de la loi et 192 du règlement de l'Assemblée nationale visent véritablement à préserver la santé des finances publiques et, en conséquence, empêchent qu'un député puisse, par ses agissements, créer un manque à gagner pour l'État.
Je tiens à rassurer immédiatement le leader de l'opposition relativement à la portée du projet de loi 196. D'ailleurs, quelqu'un qui prend la peine de le lire, je vous garantis qu'il ne soulève pas une question de règlement. Après avoir minutieusement relu le projet de loi 196, je n'ai trouvé aucune mesure fiscale que ce soit. Les crédits qui seront accordés aux individus qui auront contribué au Fonds proviennent plutôt du budget, et je pourrais en déposer la copie pour le prouver, donc du budget 1995-1996 qui a été présenté par M. le ministre des Finances, et vous pourrez lire la page 8 de ce budget-là.
Le projet de loi 96, ce qu'il fait, c'est qu'il offre plutôt à un travailleur la possibilité de se faire prélever un certain montant sur sa paie pour lui permettre d'acquérir des actions du Fonds de développement de la CSN. Le projet de loi peut donc exister correctement, permettre au travailleur de se faire enlever des actions de sa paie, mais sans pour autant qu'il y ait une déduction fiscale. La déduction fiscale, elle ne vient pas du projet de loi, elle vient du discours du budget. Donc, c'est tout simplement un outil utile pour la planification d'une retraite pour le travailleur. C'est ça, le fond du projet de loi. Il ne s'agit donc pas d'une charge fiscale imposée unilatéralement au contribuable par l'État; il s'agit plutôt d'une mesure qui relève du libre choix d'un travailleur qui est désireux d'épargner en vue de sa retraite.
C'est d'ailleurs pour ces raisons que cette Assemblée a accepté de se saisir à d'autres reprises de projets de loi similaires également présentés par des députés sans que la présidence ni l'opposition n'y trouvent quoi que ce soit à redire. En 1983, le député de Prévost, M. Robert Dean, présentait le projet de loi 192 créant le Fonds de solidarité des travailleurs du Québec (FTQ) qui, je tiens à le souligner, prévoyait également la possibilité pour le travailleur de se faire effectuer des retenues sur son salaire. En 1993, plus récemment, le député libéral de Salaberry-Soulanges, M. Serge Marcil, présentait le projet de loi 390, Loi modifiant la Loi constituant le Fonds de solidarité des travailleurs du Québec (FTQ). En substance, ce projet de loi augmentait le nombre d'administrateurs du Fonds et réitérait la possibilité pour le travailleur d'avoir recours à une retenue sur son salaire. À ces deux occasions, la présentation des projets de loi par des députés n'a fait l'objet d'aucune discussion.
Donc, en terminant, M. le Président, je tiens à rappeler les propos de Jean-Pierre Saintonge du 16 décembre 1991, qui, à cette occasion, soulignait que les députés ont le pouvoir de proposer des mesures législatives de portée majeure, comme celle proposée par le député de Verdun en 1991 dans le projet de loi 198 qui visait à limiter l'embauche dans les organismes publics.
J'espère que ces quelques remarques auront contribué à éclaircir la situation et, par voie de conséquence, M. le Président, auront éclairé également le leader de l'opposition, et que nous pourrons appeler ce projet de loi dès demain pour l'étude du principe.
Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le leader du gouvernement. Alors, nous allons prendre en considération, là, les remarques des deux leaders et puis nous rendrons notre décision le plus rapidement possible.
Affaires du jour
Ainsi prend fin la période des affaires courantes. Et nous abordons les affaires du jour. J'inviterais M. le leader du gouvernement à nous indiquer...
M. Chevrette: M. le Président, je vous prierais d'appeler l'article 5 de notre feuilleton.
Projet de loi 83
Adoption du principe
Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 5, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux propose l'adoption du principe du projet de loi 83, Loi modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux.
Je vais céder la parole à M. le ministre de la Santé et des Services sociaux. Vous disposez d'un temps de 60 minutes.
M. Jean Rochon
M. Rochon: M. le Président, il me fait plaisir de présenter à cette Assemblée le projet de loi 83. Je voudrais d'abord en décrire le contexte immédiat, présenter de façon plus spécifique les amendements qui sont proposés parce qu'il s'agit d'amendements à la Loi sur les services de santé et les services sociaux, connue comme la loi 120 et, troisièmement, M. le Président, je voudrais expliquer quelle est vraiment la finalité de ce projet de loi, parce qu'un projet de loi est un moyen qu'on se donne pour atteindre des objectifs et qui vise, dans ce cas-ci, à s'assurer qu'on continue à développer notre système de santé et de services sociaux pour la santé et le bien-être des Québécois et des Québécoises, et qu'on s'assure que ce système est performant et vise des objectifs qui correspondent aux besoins actuels des gens, et qu'on utilise les services pour qu'ils soient les plus adaptés aux besoins des citoyens et des citoyennes du Québec.
Ce projet de loi se situe dans le contexte d'un certain nombre d'améliorations qui sont prévues à la Loi sur les services de santé et les services sociaux et qui, graduellement, en cours d'année, permettront de compléter les consultations qui sont en cours pour améliorer les processus électoraux qui sont prévus, pour modifier un peu la composition des conseils d'administration et assurer une meilleure représentation des différents groupes de la population, que ce soit des représentants des municipalités, des groupes socioéconomiques, des groupes communautaires, du réseau de la santé même et du milieu scolaire. Et on prévoit aussi continuer d'améliorer ce système en introduisant une déréglementation pour assouplir l'administration du système et appuyer la décentralisation que l'on a entreprise au cours de l'automne afin de donner aux régies régionales, qui sont des instances décentralisées sur le plan administratif, tous les moyens d'assumer leurs responsabilités.
L'ensemble de ces modifications nécessite qu'on continue certains travaux. Il y aura un document de consultation qui sera distribué dans les prochaines semaines, et nous reviendrons éventuellement pour compléter la bonification de notre projet de loi.
À cet égard, pour se donner le temps de compléter toutes ces études et toute cette consultation, surtout, nous proposons, dans le projet de loi 83, des mesures qui visent à reporter, à prolonger d'une année le mandat des membres des conseils d'administration de tous les établissements du réseau et des conseils d'administration des régies régionales. Ces personnes ont été élues en 1992 c'était la première élection avec la nouvelle structure de notre système avec un mandat de trois ans, et, normalement, on devrait avoir des élections à l'automne de cette année, à l'automne de 1995.
(16 h 20)
Mais, comme je le soulignais, il y a un besoin sur lequel il y a un très large accord dans l'ensemble du réseau et dans les groupes de la population que nous avons consultés, il y a un besoin d'apporter un certain nombre d'améliorations quant au processus électoral, à la composition des conseils d'administration, et il y a besoin de compléter une certaine déréglementation. Il apparaît tout à fait logique qu'au lieu de procéder à des élections cette année, avant d'avoir fait toutes ces modifications, on reporte d'une année, on prolonge d'une année le mandat des membres des conseils d'administration, de sorte que la prochaine élection, après un mandat de quatre ans qu'ils auront fait au lieu de trois ans, puisse se faire avec les bonifications qu'on voudra apporter à cette loi.
Il ne s'agit pas d'une contre-réforme, il ne s'agit pas d'une modification en profondeur de la structure comme telle, mais il s'agit d'améliorations qui vont changer la façon et qui vont nous assurer d'avoir une meilleure représentativité de la population au niveau des conseils d'administration de l'ensemble du réseau. Donc, un report d'une année pour permettre à ceux qui sont là...
M. Marsan: M. le Président...
M. Rochon: ...qui ont déjà entrepris...
Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le député de Robert-Baldwin.
M. Marsan: Oui, je voudrais juste vous rappeler, je crois que c'est en vertu de l'article 30, de vérifier le quorum, s'il vous plaît.
Le Vice-Président (M. Brouillet): Une petite minute, je m'en vais, là... Un, deux, trois, quatre, cinq, six, sept, huit, neuf, 10. Effectivement, nous n'avons pas tout à fait quorum. Alors, il vient de se reconstituer rapidement. Alors, je vais encore vérifier pour être bien sûr. Un, deux, trois, quatre, cinq, six, sept, huit, neuf, 10, 11. Alors, nous avons quorum. Alors, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux, vous pouvez poursuivre votre exposé.
M. Rochon: J'apprécie que le député de Robert-Baldwin, M. le Président, s'assure que nous ayons tout ce qu'il faut pour le fonctionnement démocratique de notre Assemblée, comme tout le processus que nous avons mis en place, d'ailleurs.
Donc, cette première modification, disais-je avant cette interruption, vise à reporter les élections d'une année, à maintenir les équipes que l'on a en place sur les conseils d'administration, des conseils d'administration, d'ailleurs, qui ont entrepris, avec beaucoup de compétence, beaucoup de dévouement, en consacrant beaucoup d'efforts, cette transformation de notre système et qui vont pouvoir nous permettre de compléter un premier circuit, si vous voulez, avant de passer la main à ceux qui leur succéderont.
Le deuxième type de changement que nous visons dans ce projet de loi consiste à moderniser une partie de notre système qui en a besoin de façon un peu urgente, parce qu'il y a un anachronisme important dans ce projet. Ça nous donne vraiment une structure un peu d'un autre âge. Même si cette loi a été adoptée en 1990, elle a reporté un bon nombre de mesures de l'ancienne loi que nous avions. Et l'ancienne législation était inspirée des années soixante, soixante-dix, qui étaient des années de développement. Et, à cette époque, on ne prévoyait pas du tout je pense que ça ne passait dans la tête de personne quand on constituait un établissement avec une mission spécifique, qu'on aurait éventuellement à la modifier de façon importante, possiblement, qu'on aurait à intégrer certains établissements et qu'on aurait même peut-être besoin de retirer les permis d'exploitation, parce que l'évolution de nos ressources nous demandent de faire des équilibrages pas mal différents.
Alors, nous avons un peu la situation curieuse d'une loi qui prévoit que le ministre peut confier des missions et donner des permis à des établissements pour assumer la responsabilité des services qui correspondent à cette mission, mais le ministre et personne, d'ailleurs n'a pas vraiment le pouvoir de modifier ces missions et de modifier les permis au-delà d'une simple petite modification qu'on dit quant à la quantité de la mission. C'est-à-dire que le ministre peut, à la rigueur, diminuer le nombre de lits dans un établissement, mais il ne peut pas transformer la mission d'un établissement, d'un hôpital de courte durée pour avoir une mission de soins d'hébergement et de longue durée; seulement jouer un peu avec le nombre de lits.
Alors, dans tous les systèmes de production de services qui existent aujourd'hui, que ce soit dans le domaine privé, dans le domaine public, c'est une situation qui est complètement incompréhensible et inacceptable. Il faut que ceux qui sont responsables de gérer, ceux qui sont responsables de diriger et de gouverner au nom de la population, avec les mécanismes appropriés, bien sûr, aient les pouvoirs qui correspondent aux responsabilités qui leur sont données et puissent faire évoluer notre système selon les besoins, ce qui veut dire être capables de faire certaines transformations au-delà de ce que la loi permet actuellement.
Alors, nous avons donc un système où les mécanismes de décision se trouvent tronqués, où on peut avoir toute une consultation, des décisions à différents niveaux, et où un petit groupe de personnes ayant une majorité de justesse sur un conseil d'administration peut empêcher de modifier la mission d'un établissement ou de transformer le permis d'un établissement alors qu'on aurait un consensus général pour pouvoir le faire. Alors, il y aura donc une autre série de modifications à la loi actuelle permettant tout simplement que le ministre, dans des conditions que je décrirai d'ailleurs, puisse terminer un processus normal de consultation et un processus de décision, et permettre que l'on assume des responsabilités qui sont données par la population au gouvernement.
Parlant de ces missions, ça peut avoir l'air un peu du jargon, alors je me permettrai de rappeler de quoi on parle quand on parle des missions dans le domaine de la santé et des services sociaux. Il y a cinq types de missions qui correspondent à cinq types d'établissements que la loi décrit d'ailleurs dans les articles 79 et suivants. Il y a d'abord ce qu'on appelle, qu'on connaît bien au Québec, un CLSC, un centre local de services communautaires, dont la mission est d'offrir, et je cite la loi, «en première ligne à la population du territoire qu'il dessert des services de santé et des services sociaux courants, de nature préventive ou curative, de réadaptation ou de réinsertion». Une autre mission est celle du centre hospitalier, avec laquelle on est aussi plus familiers de façon générale, dont la mission est d'offrir des services diagnostiques et des soins médicaux généraux et spécialisés.
Une troisième mission est celle du centre de protection de l'enfance et de la jeunesse. La mission est d'offrir des services de nature psychosociale, aussi des services d'urgence sociale qui sont requis par la situation d'un jeune en vertu de la loi de la protection de la jeunesse ou de la loi des jeunes contrevenants. Les centres de protection de l'enfance et de la jeunesse offrent aussi des services en matière de placement d'enfants, de médiation familiale et d'adoption.
L'autre type de mission que nous avons est celui du centre d'hébergement et de soins de longue durée dont la mission est d'offrir, de façon temporaire ou permanente, un milieu de vie substitut pas simplement un lit, mais un milieu de vie substitut de même que des services d'hébergement, d'assistance, de soutien et de surveillance, de même aussi que des services de réadaptation, des services psychosociaux, des services infirmiers, des services pharmaceutiques, à des gens qui sont à un degré de perte d'autonomie fonctionnelle et qui demandent une assistance particulière dans un milieu de vie qui est adapté à leur situation.
Finalement, la cinquième et dernière mission qui existe, le cinquième type d'établissement dans notre réseau, est celui du centre de réadaptation qui est le centre qui offre des services d'adaptation ou de réadaptation et d'intégration sociale autant pour des gens qui ont des problèmes de déficience physique ou intellectuelle que pour des gens qui ont des difficultés d'ordre comportemental, psychosocial ou familial ou des gens qui ont des problèmes d'alcoolisme ou autres toxicomanies.
Alors, voilà les missions dont il est question, et l'objectif, en ayant la possibilité de modifier ces missions et de les ajuster les unes sur les autres et en pouvant modifier au besoin les permis, est d'assurer que ce système, cet ensemble de missions demeure un continuum de services et que, à partir de la première ligne jusqu'à des services plus spécialisés ou très spécialisés, on s'assure que le continuum existe et, dans chacune des régions, offre, de façon très accessible, les services qui correspondent aux personnes, encore une fois, au bon endroit et au bon moment. Tout ça est prévu pour évoluer et pour se faire dans le contexte d'une rationalisation dont on voudra augmenter la capacité de fonctionnement.
On a un autre organisme qui est la régie régionale et dont on parle un peu plus ces jours-ci, et c'est bon de se rappeler quel est le rôle de la régie régionale, parce que les pouvoirs qu'on veut donner au ministre pour prendre une décision sont conçus pour fonctionner en accord avec le fonctionnement des régies régionales. Alors, la régie régionale il y en a 18 au Québec, 18 régions a principalement pour objet, et je cite la loi, «de planifier, d'organiser, de mettre en oeuvre et d'évaluer [...] les programmes de santé et de services sociaux élaborés par le ministre».
(16 h 30)
Parmi les objets particuliers qui font partie de la mission et de la responsabilité de la régie régionale, rappelons qu'il y a celui d'assurer la participation de la population à la gestion du réseau, et c'est pour ça qu'on voit, par exemple, actuellement les régies régionales qui sont responsables de mettre en oeuvre et de faire des consultations auprès de la population sur les projets de transformation qu'on a. Ça fait partie de leur mission, tel que le prévoit la loi.
Une deuxième responsabilité de la régie régionale est celle d'élaborer des priorités en matière de santé et de bien-être. On sait que nous avons une politique, au Québec, une politique gouvernementale de santé et de bien-être, et, dans le cadre de cette politique et des stratégies prévues dans la politique, les régies régionales ont déjà, après consultation de la population, après sondage, après enquête, déterminé, pour chacune des régions, de façon un peu plus fine, des priorités qui correspondent aux besoins des gens de leur région.
Une autre responsabilité de la régie est celle d'établir des plans d'organisation de services de son territoire et d'évaluer l'efficacité des services. Et, enfin, citons une autre responsabilité de la régie, qui est celle d'allouer les budgets dans le cadre des paramètres budgétaires qui sont donnés par le ministre.
Alors, je rappelle tout ce contexte parce qu'on ne peut pas parler de la modification des missions, de la modification des permis sans réaliser qu'on est dans un système qui fonctionne vraiment comme un système, qu'il y a des responsabilités à différents niveaux et qu'on est dans un système qui est décentralisé sur une base régionale, avec des responsabilités complémentaires à différents paliers, le ministre élu et le gouvernement étant, en dernière instance, ceux qui assument la responsabilité d'assurer le fonctionnement démocratique de ce réseau et d'assurer que les décisions sont prises en tenant compte des règles de jeu qui ont été établies.
Voyons de façon un peu plus précise, maintenant, ce que prévoit le projet de loi. Les mécanismes qui sont prévus sont là pour baliser ces pouvoirs qu'on donne au ministre. Dans certains commentaires qu'on a déjà faits, on a dit: On ne peut pas donner à un ministre des pouvoirs de modifier des permis, de modifier des missions, un peu comme ça. Évidemment, ça ne pourrait pas se faire dans une société démocratique. Alors, les amendements que l'on propose le projet de loi 83 dans le cas d'une modification de permis, prévoient que la décision du ministre devra se prendre en consultation avec la régie régionale. Je viens de rappeler quelle est la mission, quelles sont les responsabilités de la régie régionale, qui, elle, a, dans sa mission, la responsabilité de consulter la population et d'établir un consensus. Donc, le ministre doit s'ajuster avec ce que la régie régionale va recommander.
Et, de plus, la loi que nous proposons prévoit que la personne responsable d'un établissement, le titulaire ou le conseil d'administration responsable d'une mission dans un établissement, en vertu du projet de loi, a la possibilité de présenter des observations avant que le ministre ne prenne sa décision, de sorte que le ministre puisse vraiment tenir compte de tous les inconvénients, et les avantages, et la situation concrète qui sous-tend la décision du ministre. Et, une fois la décision prise, la loi prévoit que l'établissement en question a un délai de six mois pour mettre en oeuvre les modifications qui auraient été décidées par le ministre. Alors, pour une modification de mission, on a donc une balise qui fait que le ministre agit en concertation avec le milieu et avec ceux pour qui on planifie ces services, pour s'assurer qu'on prend vraiment la décision qui améliore la situation des gens.
Dans la situation où le ministre devrait aller jusqu'à retirer un permis parce qu'un établissement serait vraiment de trop et qu'il faut vraiment développer un tout autre type d'établissement ou augmenter des services dans un tout autre secteur, parce qu'on a vraiment un surplus dans un domaine, là, des balises sont encore plus serrées. Le ministre peut agir directement, mais doit aussi tenir compte des recommandations des régies régionales. Pour cette décision, le ministre doit aussi avoir l'autorisation du gouvernement. Donc, s'il est question d'un retrait, ce n'est pas un ministre seul qui peut décider, mais il doit être appuyé par le Conseil des ministres dans cette décision. Il faut que la décision de retrait d'un permis soit justifiée par une question d'intérêt public. Et cette expression légale d'«intérêt public» réfère, par exemple et comme on en donne l'exemple dans la loi, pour être bien sûr qu'on sait de quoi on parle à s'assurer que le retrait d'un permis vise à améliorer la gestion, l'efficacité de la gestion de l'ensemble du réseau dans une région ou dans une sous-région.
De plus, une fois la décision prise, le ministre doit en donner avis dans la Gazette officielle . Et c'est un avis de 45 jours, qui permet donc à tout le monde de prendre connaissance de cette intention qu'a le ministre et, donc, de réagir, de formuler des commentaires, des suggestions dont le ministre devra tenir compte avant, finalement, en bout de ligne du processus, de procéder par décret pour modifier et, dans ce cas-ci, pour retirer un permis et utiliser autrement les ressources d'un établissement.
Finalement, quant à l'application des décisions, soit dans le cas d'une modification ou dans le cas d'un retrait, la loi que nous présentons prévoit que l'établissement qui est visé par la modification, par le changement doit, dans les 30 jours de la décision, présenter un plan, un plan qui prévoit des mesures selon lesquelles les patients ou les usagers du service vont être relocalisés et on va s'assurer que les gens ne vont pas tomber en plan, qu'on va vraiment avoir un plan pour les réorienter ailleurs et aussi pour l'orientation du personnel.
Parce qu'il faut bien comprendre qu'un établissement comme tel prend sa signification dans son fonctionnement dans le contexte d'un réseau. Et, si un établissement n'est plus requis tel qu'il est dans son fonctionnement ou si on n'en a pas besoin dans une région spécifique, le personnel, lui parce que, en général, quand on fait ça, c'est pour développer des nouveaux services, des services différents on veut le garder pour l'orienter vers les nouveaux services. Et le plan doit prévoir, donc, et la relocalisation des patients et l'orientation du personnel.
Et, finalement, la loi, spécifiquement, prévoit que le ministre doit assurer à l'établissement concerné toute l'assistance requise pour que cette modification, cette transition se fasse de façon correcte, de façon souple et en protégeant les intérêts des patients, des usagers et des employés. Alors, voilà donc, M. le Président, ce que contient cette loi et le contexte qui nous amène à proposer cette loi à ce moment-ci.
Maintenant, la finalité de tout ça. Je me disais: Ça, c'est un moyen, c'est un moyen qu'on se donne. Ce qui lui donne tout son sens, c'est vraiment ce qu'on vise comme but pour la population. On en a parlé beaucoup ces jours-ci. On est à l'époque de décisions importantes, et c'est important, c'est essentiel qu'on se donne les moyens d'aller jusqu'au bout du processus de décision dans lequel on est engagé.
D'abord parce que, pour assurer la continuité des services et assurer qu'on a un système qui fonctionne en relation pas essentiellement, d'abord, avec des établissements, mais avec des personnes qui ont des besoins, avec des communautés qui ont une organisation et qui ont besoin d'être supportées dans les différentes organisations qui sont développées, même au niveau de la communauté, on sait qu'il faut rééquilibrer notre système, rééquilibrer nos ressources pour assurer une meilleure continuité. Essentiellement, ce que ça veut dire, c'est qu'il faut diminuer le nombre de lits de soins de courte durée parce qu'on en a trop. Il faut, par contre, augmenter les lits de soins de longue durée et d'hébergement. Il faut augmenter la capacité de nos établissements de donner des services sur une base externe.
Un hôpital, aujourd'hui, peut donner beaucoup de services sans être obligé d'hospitaliser des patients. Alors, ce qui est important, c'est que l'hôpital ait moins de lits, mais plus de moyens pour donner les mêmes services, et même d'autres services, sur une base externe, ce qu'on a appelé le virage ambulatoire. Le virage ambulatoire, ce n'est pas mystérieux, c'est simplement qu'au lieu de prendre quelqu'un puis de le mettre dans un lit pendant plusieurs jours, on peut, par exemple, faire toute l'investigation nécessaire avant une chirurgie et que les gens sauvent deux ou trois jours d'hospitalisation; ils sont opérés la journée de leur hospitalisation. Beaucoup d'opérations, maintenant, ne demandent même plus une hospitalisation. Un exemple qu'on cite souvent, qui est peut-être un des plus fréquents, que tout le monde connaît et comprend, c'est celui des cataractes. Quand on avait une cataracte à enlever, il y a encore quelques années, il fallait être à l'hôpital trois, quatre, cinq jours, voire une semaine. Maintenant, on enlève des cataractes et sauf si on est dans la situation d'une personne qui a un état de santé qui présente d'autres problèmes par ailleurs, qui demanderaient une hospitalisation dans la plus grande proportion des situations, les gens peuvent être opérés le jour même qu'ils se présentent à l'hôpital; c'est un service qui est donné sur une base externe.
Alors, on ne veut pas faire disparaître des hôpitaux, il faut que les hôpitaux deviennent des organisations qui ont plus de moyens pour donner plus de services sur une base externe, qui sont donnés, en général, sur une base externe, de façon beaucoup moins coûteuse. Et, avec les mêmes budgets, on peut donner plus de services, et des services plus variés, plus adaptés, et ça contribue pour beaucoup à l'équilibre qu'on veut donner dans nos services, dans cette continuité qu'on veut refaire.
(16 h 40)
Et, finalement, on sait qu'on a un grand besoin d'augmenter de façon très importante la capacité de nos établissements; c'est surtout des CLSC dont il est question en ce moment-ci et tout ce que sont les possibilités de soins et de services de maintien à domicile. Il y a beaucoup de situations qui peuvent être prévenues et qui peuvent éviter qu'une personne doive se retrouver un samedi soir dans une salle d'urgence et passer quelques jours dans un couloir de salle d'urgence ou d'hôpital avant de trouver un lit, parce qu'on garde trop de lits qui deviennent occupés par des gens qui devraient être dans des établissements de soins de longue durée. Parce qu'on n'a pas des soins de longue durée, on les garde dans les lits de courte durée, où ça coûte plus cher de les garder là. Et, comme on bloque les lits de courte durée qui devraient être disponibles, on a des gens qui attendent dans des urgences d'hôpitaux ou dans des couloirs d'hôpitaux, alors que, dans bien des cas, il aurait pu y avoir un service à domicile qui aurait prévenu le besoin de se rendre à l'hôpital un peu en catastrophe ou en urgence. Dans les salles d'urgence, on voit beaucoup de choses qui ne sont pas l'urgence traumatique, qui ne sont pas le résultat d'un accident, mais qui sont le résultat d'une faille de notre système d'être capable de donner le bon service au bon moment.
Alors, la finalité de ce qu'on veut faire là, en étant capable d'ajuster les missions, de modifier les permis des établissements, c'est de rebâtir cet équilibre, de le refaire en fonction de la technologie qui s'est développée et en fonction de l'évolution des besoins de la population.
Je donnais l'exemple des personnes âgées. C'est très réel et c'est un changement qui est avec nous pour longtemps. Parce que, présentement, les personnes âgées de 65 ans et plus représentent de 10 % à 12 % de la population, selon les régions. On prévoit que, au tournant du siècle, au tournant de l'an 2000, on sera rendu autour de 14 %, 15 %, selon les régions. Et, autour de l'an 2030 ça va venir assez vite, ça, M. le Président ça sera 20 % de la population qui aura 65 ans et plus.
Avoir 65 ans et plus, ça ne veut pas dire qu'on est malade et qu'on a besoin de services de santé ou de services sociaux sur une base continue, mais ça nous amène dans une tranche d'âge où la probabilité que l'on doive requérir un service de santé ou un service social est beaucoup plus grande et où, effectivement, la consommation de services est plus grande parmi ces gens-là. Donc, c'est important qu'on se rééquilibre rapidement dans les prochaines années, parce que la population, elle, n'attendra pas. Sa structure démographique va changer.
La technologie est à nos portes, et il faut se donner les moyens de l'utiliser de façon efficace. Est-ce qu'on peut faire ça? Est-ce qu'on peut faire ça dans le contexte actuel, dans le contexte financier actuel? La réponse à ça est oui, si on se donne, justement, les moyens qu'on veut avoir pour faire ce changement. La réponse est oui, parce que, au Québec, on consacre déjà 10 % de ce qu'on appelle le produit intérieur brut, ce qui est 10 % de notre richesse collective, aux services de santé et aux services sociaux. Ça nous place à part les États-Unis qui ont un système de fonctionnement tout à fait différent, qu'ils veulent d'ailleurs changer pour en faire un système comme celui du Canada, parce qu'il est complètement inefficace... Si on exclut les États-Unis, on est le pays qui met le plus haut pourcentage de sa richesse collective dans des services de santé et des services sociaux. C'est 10 % de notre produit intérieur brut. Le pays qui nous suit de plus près après, d'après les dernières données qu'on a de l'OCDE, l'Organisation de coopération et de développement économique, qui regroupe les pays de l'Europe de l'Ouest essentiellement, le pays qui vient après nous, c'est la France, avec 9 %. Et, après ça, on retrouve un pays comme le Danemark, un pays comme l'Angleterre, où l'état de santé de la population est très comparable à notre population et, à certains égards, qui présente de meilleurs indices, où là on consacre 6,5 %, 6,8 % du produit intérieur brut aux services de santé et aux services sociaux.
Il y a donc une marge de manoeuvre où on peut vraiment, avec les montants d'argent qu'on a, développer d'autres genres de services, si on bouge les ressources. Si ça reste bloqué, littéralement, dans la brique et le mortier de planchers de bâtisses où on a des lits d'hôpitaux plutôt que de faire d'autre genre de services, on se prive des services dont on a besoin. Et, si la mission de l'établissement est modifiée et réorientée, et rapidement, dans les prochains mois et les prochaines années, là, on a vraiment une marge de manoeuvre.
D'ailleurs, récemment, une étude pancanadienne, qui a été faite par une équipe conjointe de l'Université Queen's et de l'Université d'Ottawa, a très bien démontré qu'on peut sauver si on compare la façon dont on utilise nos services de santé actuellement entre 10 % et 15 % de nos budgets pour développer d'autres genres de services; 10 % à 15 % de nos budgets, simplement, selon cette étude, avec une utilisation plus appropriée et en ajustant, avec toutes les technologies modernes, les pratiques professionnelles dans le réseau. Ça, ça veut dire, dans notre système, nous, où on met notre 10 % du produit intérieur brut... Ça représente 10 000 000 000 $. C'est énorme. Alors, c'est 1 000 000 000 $ à 1 500 000 000 $ qu'on peut mobiliser pour développer les services qu'il nous faut. Mais, pour ça, il faut changer les missions et rééquilibrer les missions des établissements.
Les lits d'hôpitaux. Certains disent on les entend ces jours-ci que c'est la dernière chose à faire que de transformer un hôpital pour faire d'autres choses. Alors, ces gens-là n'ont pas compris ce qu'ils auraient dû comprendre depuis longtemps: on a trop de lits d'hôpitaux; 42 % de notre budget est consacré à des lits d'hôpitaux; on est le pays au monde qui affecte le plus de son budget dans des lits d'hôpitaux. L'Ontario, c'est 36 % de son budget qu'elle met dans des lits d'hôpitaux. Alors, de dire que c'est la dernière chose à faire, c'était peut-être, il y a 20 ans, la dernière chose à faire, mais aujourd'hui c'est devenu la première chose à faire, parce que l'Ontario, qui est à 36 %, a commencé il y a trois ans cette transformation, et, depuis trois ans, ils ont transformé 7 900 lits d'hôpitaux de courte durée pour développer d'autres services comme ceux que je viens de décrire.
La Saskatchewan, qui n'est pas une province où on diminue les services de santé et les services sociaux par orientation, est le berceau canadien de nos programmes sociaux dans le domaine de la santé et des services sociaux. C'est eux qui ont mis sur pied, sur une base provinciale, l'assurance-hospitalisation au début des années cinquante, 10 ans avant toutes les autres provinces. C'est eux qui ont suivi avec l'assurance-santé, aussi une décennie avant toutes les autres provinces. Alors, la Saskatchewan procède présentement à une réorganisation de son système, à un rééquilibrage, et, sur 130 hôpitaux qu'elle avait, il y en a 50 qui sont transformés. Alors, c'est de l'ampleur dont on parle.
Alors, de dire que les lits d'hôpitaux qu'on a en trop et une situation où on doit aller d'une norme actuelle de quatre lits par 1 000 habitants vers une norme de 2,5 lits par 1 000 habitants, de dire que c'est la dernière chose à faire, c'est complètement irresponsable, parce que c'est la clé de la transformation de notre système de santé, et il est devenu urgent de le faire.
Maintenant, on prend ça comment, une décision comme ça, pour appliquer les responsabilités et les pouvoirs que donneront la loi? Il y a déjà au Québec, présentement, tout un processus de décisions qui est en cours, M. le Président. On a qu'à regarder ce qui se passe. On a pris des décisions d'abord sur un plan technique où, avec toutes les données qu'on a, en comparant avec d'autres pays, des équipes techniques développent les scénarios possibles. Qu'est-ce qu'on peut faire dans une région pour faire cette transformation? On doit d'abord établir quel est le nombre de lits de courte durée qu'on a en trop. Quand on dit qu'on en a 600 de trop à Québec, qu'il y en a 1 200 de trop à Montréal, c'est établi sur des études techniques, sur des études très validées, et c'est une décision très prudente, parce que le nombre total que l'on a en trop est probablement le double de ça. Alors, on y va à 50 % pour pouvoir ajuster à mesure que cette première intégration de transformation va se faire. Alors, c'est très conservateur, comme approche. Ce n'est pas le saccage du système; au contraire, c'est un rééquilibrage fin qui est fait sur une base technique très solide.
Une fois que la décision technique nous a conduits aux scénarios des façons possibles de faire, on passe à une consultation. Et, dans chaque région, c'est la responsabilité des régies régionales, qui leur est donnée par la loi, de consulter la population, d'amener une participation de la population à cette décision. Ça permet d'aller en entonnoir et de resserrer, parmi les scénarios possibles, quel est celui ou quel est un autre scénario, qui apparaît avec la consultation, qui semble être la meilleure façon de faire cette transformation. Une fois cette consultation faite, le scénario choisi, la régie régionale a la responsabilité de prendre une décision et de faire une recommandation, et le ministre a la responsabilité de valider cette information, de s'assurer que le processus a été bien suivi, de la confirmer, de faire les ajustements nécessaires et de procéder.
Maintenant, c'est là que présentement, en voulant faire ça dans les prochaines semaines, dans les prochains mois, on est prêts à prendre ces décisions. Et on pourrait être bloqués dans un processus tout à fait démocratique, en agissant pour l'intérêt public, on pourrait être bloqués par un petit groupe de personnes qui voudraient résister de toute façon, après que toute cette consultation, tout ce consensus soit établi, qui voudraient résister et empêcher la majorité de se donner l'organisation des services dont elle a besoin, ce qui nous tiendrait, avec la loi qu'on a actuellement, dans un débat stérile, qui tourne en rond, où on discute, on refait des scénarios, on refait de la recherche, on recommence tout le temps, mais on revient toujours aux mêmes solutions, parce que les solutions connues sont étayées présentement, et il y a un consensus général sur ce que je dis là, M. le Président, qu'il faut faire cette transformation. L'Association des hôpitaux, les fédérations médicales, les fédérations de cadres dans les établissements, tout ce monde-là est d'accord sur la nécessaire transformation, et la nécessaire transformation tout de suite.
(16 h 50)
Là, évidemment, quand on arrive à la décision finale, tout le monde, bien sûr, souhaiterait que ce soit plutôt le voisin qui soit le plus impliqué dans la transformation et qu'on évite le plus possible les inconvénients d'un changement; ça se comprend, c'est très humain. Que la population soit inquiétée, ça se comprend. Il faut prendre le temps d'expliquer et de faire comprendre aux gens. Mais, qu'on doive le faire, tout le monde est d'accord; même ceux qui sont visés par la transformation sont d'accord qu'il faut le faire. Ils aimeraient mieux que ça se fasse autrement. La consultation est là pour ça, mais il faut en arriver, finalement, à décider. Là, on nous dit aussi: Ce n'est pas nécessaire de faire ces changements de loi là, il faut plutôt repartir en consultation, parce que, c'est prématuré, on n'a pas ce qu'il faut pour prendre des décisions. Quand on dit ça, M. le Président, là encore, on est irresponsable. On est vraiment irresponsable, parce qu'on est, en bout de ligne, dans un processus qui a commencé en 1985 au Québec.
On a eu une commission d'enquête. On a eu le gouvernement précédent, qui, sous deux ministres... Mme Lavoie-Roux et M. Côté ont fait un bon bout de chemin pour amorcer cette transformation, ont d'abord validé les recommandations de la commission d'enquête qui a fait son rapport en 1988, ont amorcé et ont fait la structure qui est dans la loi qu'on a actuellement. Ça a été fait par le gouvernement précédent. C'est essentiellement une bonne structure; il y a des modifications, il y a des améliorations à faire, à l'expérience, mais c'est une bonne structure.
Mais, pour différentes raisons, on a arrêté en 1992, on n'a pas amorcé l'étape suivante de la transformation, alors que l'Ontario le faisait, la Saskatchewan le faisait, les pays européens l'entreprenaient. Nous, on a arrêté; ça fait trois ans qu'on ne bouge pas, ça fait trois ans qu'on prend du retard, ça fait trois ans qu'on n'a pas nos services à domicile, ça fait trois ans qu'on manque de lits de longue durée de façon importante. Et on a l'air de s'imaginer que ça va nous venir du ciel, comme ça, en ne faisant pas l'effort de la transformation. On est en retard de trois ans.
Alors, de dire qu'on n'est pas prêt, que c'est prématuré, qu'il faut refaire des consultations encore, c'est de la fuite en avant et c'est une projection de ce qui a été, M. le Président, un gouvernement qui n'était pas capable de prendre des décisions et qui ne peut pas comprendre que, maintenant, il y a un gouvernement qui peut prendre des décisions de façon démocratique et de façon transparente.
Alors, c'est très, très important qu'on n'informe pas la population n'importe comment. Il faut dire aux gens quelles sont les choses, quelles sont les options qui sont devant nous et ce qu'elle peut retirer de son système de santé, cette population, si elle donne à ceux qui ont des décisions à prendre de façon démocratique, qui devront rendre des comptes à la population pendant tout le cours du processus, les moyens d'agir et de faire avancer le système.
Finalement, M. le Président, l'inquiétude qu'il y a, actuellement, quant au rythme de ces changements, ça, je voudrais rassurer la population, parce que, dès qu'on a la capacité de confirmer des décisions, après cette consultation dont j'ai parlé, une fois la décision prise, là, on est en position de passer à une autre opération, qui s'appelle la transition. Et c'est bien sûr que ça ne se fera pas du jour au lendemain. Ce n'est pas demain matin qu'on va fermer les lits d'hôpitaux à un endroit, pensant que les services se sont développés, par hasard, pendant la nuit, au lendemain de la décision. Ce n'est pas comme ça que ça va se passer.
Il va falloir, d'abord, développer plus de services à domicile. Il va falloir faire plus de lits de longue durée. D'ailleurs, hypothéquant sur ce que va être notre transformation, on a déjà bougé là-dessus. On a annoncé si on tient compte de la recommandation de la régie régionale de Montréal et de la décision que le gouvernement a pu prendre qu'il y a 4 000 lits de soins de longue durée qui peuvent donner des services pour plus de trois heures, trois heures et demie par jour, par patient, ce qui est le niveau dont on a besoin. Il y en a 4 000 qu'on a annoncés, qu'on va développer au cours des deux prochaines années.
Mais, pour pouvoir le faire et avoir les ressources autant en personnel qu'en ressources financières, il faut qu'on aille les chercher où elles sont, alors qu'on n'en a pas besoin, c'est-à-dire dans les lits d'hôpitaux. Alors, c'est pressant, dans ce sens-là, parce que le besoin est clair. Les décisions sont prises de ce qu'on veut faire; il faut maintenant se donner les moyens pour pouvoir soutenir ce changement-là.
Alors, la transition va se faire, d'abord, en se donnant les moyens de financement. Mais, pour avoir le financement, pour pouvoir hypothéquer, pour pouvoir capitaliser une partie de nos coûts, compte tenu du contexte budgétaire et des états financiers actuels du Québec, il faut que ce soit très clair que c'est quels lits d'hôpitaux qui vont être fermés ou transformés, à mesure que les ressources alternatives vont être préparées. C'est la poule et l'oeuf. Il faut commencer quelque part.
Tant qu'on n'a pas identifié d'où on prend les ressources pour faire la transformation, on ne pourra jamais mobiliser les ressources qu'il faut pour le faire. Alors, ce qui va se passer, une fois les décisions prises, là, vraiment, on va pouvoir développer des services alternatifs à différents niveaux. Et, à mesure qu'ils sont prêts, la deuxième étape va être, évidemment, de s'assurer que chacun des patients, que chacun des usagers a une évaluation de sa situation et est progressivement orienté vers ces nouvelles ressources, qui vont lui donner un service beaucoup plus dans sa communauté, beaucoup plus près de sa famille, dans bien des cas à domicile, ou, si on est en soins de longue durée, des services adaptés.
Parce que les gens qui sont dans des hôpitaux de courte durée, il y a peut-être 20 %, en gros, de nos lits dans des hôpitaux de courte durée, qu'on doit utiliser pour garder des patients qui ont besoin de services de longue durée. Mais ce type de services dans un lit d'hôpital de courte durée, c'est complètement inefficace. On a vu, en décrivant la mission de l'établissement d'hébergement de longue durée, c'est des établissements qui établissent des milieux de vie pour des personnes qui sont en perte d'autonomie.
Le lit de l'hôpital de courte durée, ce n'est pas fait pour ça, c'est pour hospitaliser quelqu'un, faire une certaine investigation quand on ne peut pas la faire sur une base externe, appliquer un traitement et, quand tout est complété... Et la moyenne de séjour au Canada est autour de six jours par personne qui rentre à l'hôpital. Ce n'est pas un endroit où on reste longtemps. Quand on garde quelqu'un longtemps, c'est en attendant. Ça peut faire, mais, quand on est obligé d'attendre six mois puis un an et plus dans le cas de bien des gens, c'est des gens qui ne reçoivent pas les services auxquels ils ont droit parce qu'on n'a pas transformé ces lits-là pour en faire un milieu de vie de longue durée pour des gens qui sont en perte d'autonomie. Alors, les besoins des patients vont être évalués, chacun va être orienté sur une base personnelle, selon le type de services dont il a besoin, à mesure que les services vont être développés.
Et, finalement, dans cette transformation, le personnel va être pris en compte, parce que c'est une transformation qu'on fait avec les gens. 80 % du budget, c'est pour payer les salaires des employés. C'est impressionnant, nos équipements des grands hôpitaux, mais les équipements des grands hôpitaux, les hôpitaux surspécialisés, ça correspond à peu près à 3 % à 5 % de la consommation de services dans une population dans une année. C'est minime. À l'hôpital général moyen, c'est à peu près 10 % à 12 % de la consommation des services dans une année; 85 % du volume de services, c'est en dehors de l'hôpital, alors... Et c'est donné par des gens; c'est des gens qui donnent des services à des gens, ça se passe sur une base humaine. Donc, les effectifs sont essentiels.
Et, dans le plan de transition, ce qu'on a déjà commencé à faire avec les syndicats, d'ailleurs, au cours des derniers mois, c'est de prévoir la mobilité de toute la main-d'oeuvre dans le réseau, la formation des effectifs, la réorientation de leur plan de carrière pour qu'ils puissent aller donner le nouveau type de services qu'il y a à développer. Mais, pour pouvoir tout faire ça, il faut prendre la décision de ce qu'on veut faire, où on veut aller. Tant qu'on n'a pas pris cette décision-là, tout le reste, c'est un discours qui tourne en rond là aussi. Alors, il y a une étape nécessaire à franchir, et ce qu'on propose dans cette loi-là est un outil essentiel si on veut que le débat se fasse, se conclue et se termine.
Alors, en conclusion, ce que je voudrais dire, M. le Président, c'est qu'on est à un moment où on complète un long processus d'une dizaine d'années, où on amorce une orientation qui va redonner à notre système la capacité de développer des services en suivant l'évolution des besoins, de nous assurer la quantité adéquate des services, d'en assurer la qualité et même l'amélioration de la qualité et de centrer tout ce système sur des personnes humaines, pas sur des bâtisses, sur des personnes humaines qui ont besoin des services. Et la loi 83 est présentée pour qu'on donne au gouvernement au ministre et au gouvernement les moyens d'assumer ces responsabilités de façon démocratique, de façon transparente, avec la collaboration de tous ses partenaires. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Robert-Baldwin, porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé et de services sociaux. Avant de vous céder la parole, M. le député, je voudrais vous rappeler que, en tant que représentant de votre formation, vous avez un droit de parole de 60 minutes. À vous la parole, M. le député.
M. Pierre Marsan
M. Marsan: M. le Président, je vous remercie de me donner l'opportunité de présenter la position de l'opposition sur le projet de loi 83. Je voudrais peut-être, dans un premier temps, rappeler les objectifs, les grands objectifs de notre système de santé, peut-être les rappeler au ministre. D'abord, c'est de s'assurer de l'accessibilité aux soins pour toute la population, de s'assurer également de la gratuité des soins à toute la population et de s'assurer de l'universalité des soins pour tous les Québécois, pour toutes les Québécoises.
(17 heures)
Notre formation, nous sommes en accord avec ceux qui pensent que l'on doit faire une rationalisation dans notre système de santé, avec ceux qui pensent que le fardeau d'endettement au Québec et au Canada est trop élevé. Donc, nous devons diminuer les coûts et nous devons dire comment.
Lorsqu'on nous a parlé du virage ambulatoire, la façon dont ça nous a été présenté, eh bien, c'était un peu comme si le monde venait de commencer il y a seulement quelques mois. Le virage ambulatoire a été pris depuis plusieurs années, M. le Président. Il y a plusieurs exemples dans le réseau qui pourraient être soumis à l'attention du ministre. Le maintien à domicile: il y a eu des améliorations extrêmement importantes au cours des dernières années, et il faut maintenir absolument cet objectif. Alors, il y a sûrement plusieurs objectifs sur lesquels, le réseau de la santé et l'opposition, nous allons être rapidement d'accord, on l'a déjà mentionné.
Nous trouvons quand même qu'il y un certain nombre de questions qui doivent être posées, dont la première lors du dépôt du budget du ministre des Finances. Nous avons une certaine difficulté à comprendre comment il se fait que, d'un côté, les dépenses augmentent, de l'autre côté, les revenus augmentent, et que, malgré tout, il faut fermer des hôpitaux. Où est-ce qu'il va, l'argent? On peut se questionner sérieusement sur le fait que les dépenses augmentent, les revenus augmentent, puis qu'il manque de l'argent pour faire fonctionner les hôpitaux.
Alors, à nouveau, M. le Président, nous disons un gros oui à la rationalisation, nous disons un gros oui à un regard sur les conditions économiques qui nous entourent actuellement, et il faut les adapter. Mais nous disons en même temps un gros oui aux patients, et c'est pour ça que nous sommes dans le réseau de la santé et des services sociaux à différents niveaux. Dans tous les gouvernements nord-américains, la priorité numéro un d'un gouvernement, eh bien, ça doit être la santé. On n'a qu'à constater, le ministre en a fait état longuement, les autres provinces que le Québec, jusqu'à quel point c'est important, la santé, pour eux. Malheureusement, M. le Président, pour notre gouvernement, ce n'est pas la santé. Vous savez quelle est la priorité de ce gouvernement.
Pour que la santé soit vraiment une priorité, on peut regarder quelle importance on accorde aux services de santé par rapport à d'autres services. Et, dans le cas qui nous concerne, eh bien, je voudrais faire référence au premier budget de M. Johnson, qui confirmait une augmentation du budget de la santé, du budget de l'éducation et de l'aide sociale de 1 %, alors que tous les autres postes, au budget, étaient coupés de 5 %. Malgré cette augmentation, ceci entraînait un défi extrêmement important pour l'ensemble du réseau le défi a été appelé le Défi «Qualité Performance» qui demandait une réduction des dépenses de 750 000 000 $ sur une période de trois ans. Tout au cours de la période électorale, j'ai entendu, j'ai même eu l'occasion de débattre avec certains d'entre vous du fait que c'était ignoble, cette coupure-là, que ça n'avait pas de bon sens. En tout cas, il n'y a pas de termes qu'on trouvait assez pour dénoncer une coupure de 750 000 000 $ malgré une augmentation de 1 % des budgets de la santé.
Nous avons vite déchanté au lendemain de l'élection. Au lendemain de la nomination de ce ministre de la Santé, nous avons appris que la santé était coupée sur une période de trois ans. Une coupure de 1 400 000 000 $. On doublait la coupure prétendue des libéraux, on la doublait à 1 400 000 000 $. On nous a dit tantôt on a fait référence à des études pancanadiennes qu'on peut sauver de 10 % à 15 % à l'intérieur du réseau, et nous voulons joindre notre voix à ceux qui pensent comme ça, M. le Président. Il y a certainement des économies à faire en regardant de près ce qui se passe dans notre réseau de la santé. Fermer un hôpital, c'est vraiment la dernière des solutions. Fermer un hôpital, c'est la dernière des solutions.
Au moment de l'étude des crédits, j'ai eu la chance de questionner le ministre pour savoir comment ça allait au niveau des conventions collectives. On nous a dit qu'il y avait des ententes-cadres de signées, que ça allait rondement, qu'on aurait des annonces bientôt à nous présenter. J'ai demandé au ministre si c'était possible que l'impact des négociations sur les conventions collectives... s'il y avait des économies potentielles suite à des ententes de gré à gré avec les employés, si ces économies-là s'appliqueraient au niveau de ce qu'il appelle la reconfiguration, donc ce qui entraînerait une diminution de l'ampleur des fermetures d'hôpitaux. Donc, la question: Est-ce que la négociation des conventions collectives peut générer un certain pourcentage d'économies qui entraîne une diminution dans le nombre de fermetures d'hôpitaux? Le ministre a clairement indiqué que, oui, c'était une possibilité.
Le reproche que nous pouvons faire, à ce moment-ci, au ministre, c'est d'avoir pris la contrainte du gouvernement, 1 400 000 000 $, 545 000 000 $ par année, et d'avoir pris un seul moyen pour y arriver, celui de reconfigurer tout ce réseau. Reconfigurer, pour le parti au pouvoir, ça veut dire: On repart à zéro, il n'y a rien qui a existé avant le 12 septembre dernier, c'est tout nouveau, on recommence à zéro, on prend notre Lego, on joue avec, on le brasse comme il faut et on bâtit selon les modèles appris antérieurement et selon les intérêts du moment.
Si on fait ce projet de reconfiguration et si on impute à la reconfiguration tout le poids de la coupure budgétaire, 545 000 000 $, au moment où les conventions collectives ne sont pas encore renégociées... On sait que ces conventions prennent bon an, mal an près de 80 % des budgets des établissements, 80 % dans ce qu'il est convenu d'appeler la masse salariale. On sait également que nos employés bénéficient de la sécurité d'emploi. Donc, avec les conventions actuelles et avec la prévision de fermetures d'hôpitaux, c'était difficile d'atteindre une certaine équation, alors que la renégociation des conventions collectives pourrait sûrement être adaptée à 1995. Nous savons pertinemment, depuis plusieurs années, que les conventions que nous avons remontent aux années soixante-dix.
J'aimerais vous donner quelques exemples de ces conventions qui manquent dans certains cas de flexibilité et de mobilité et auxquelles nous croyons que c'est notre devoir de travailler, dans le plus profond respect des organisations syndicales et des employés. Vous savez que, dans un service alimentaire ou service de diététique, eh bien, le préposé aux légumes ne peut pas couper les gâteaux. On pense qu'il y aurait peut-être des améliorations à apporter et nous croyons que les employés sont prêts à les apporter. Vous savez que, dans un service d'entretien ménager ou service sanitaire, l'employé qui lave les planchers ne peut pas épousseter. Là encore, nous faisons confiance au bon sens de nos employés et nous croyons qu'ils peuvent sûrement accepter d'étudier ça selon le bon sens. Quant au service de buanderie, l'employé qui lave le linge, eh bien, il ne peut pas repasser. Alors, là aussi, est-ce qu'il y a des accommodements qui peuvent être faits? Nous pensons que oui.
On parle de réorganisation du travail, M. le Président, ça va plus loin que ça. Toute la réorganisation du travail devrait être faite d'abord et avant tout en sachant que le patient doit être au centre de l'activité d'un établissement de santé. Cependant, ces économies qui peuvent être faites ont un impact certain sur ce que le ministre qualifie de reconfiguration, de là l'affirmation, et je vais poursuivre, que fermer un hôpital devrait être la dernière décision en administration hospitalière.
L'impact de la rémunération des médecins sur son virage ambulatoire, est-ce qu'on pourrait le regarder d'une façon intelligente? On veut déplacer les patients de l'hôpital, l'endroit où on considère que les soins les plus aigus, les soins les plus lourds doivent être faits, et c'est correct de penser comme ça, M. le Président. On veut les déplacer soit dans les cabinets privés, soit dans les CLSC.
(17 h 10)
Est-ce que la rémunération des médecins ne pourrait pas suivre ce virage-là? Est-ce qu'il ne pourrait pas y avoir certains actes, qui sont payés actuellement de la même façon, ou presque, en cabinet ou à l'hôpital, est-ce qu'il pourrait y avoir des changements majeurs peut-être en augmentant du côté du cabinet et en diminuant du côté du centre hospitalier pour les actes de première ligne, tout en respectant les conditions que les médecins doivent faire, c'est-à-dire les systèmes de garde et certains services extrêmement importants comme les services d'urgence? Est-ce qu'on peut regarder ces avenues-là avant de fermer des hôpitaux? La réponse, c'est oui. Pourquoi il faut repartir à zéro tout le temps? À chaque fois, avec ce gouvernement, le gouvernement qui est au pouvoir actuellement, comme la dernière fois lorsqu'il a été au pouvoir, on repart à zéro.
On s'est essayé de fermer trois hôpitaux, jadis. M. le ministre des Affaires municipales était à l'époque le ministre de la Santé. On a essayé de fermer l'hôpital Sainte-Jeanne-d'Arc, l'hôpital Reddy Memorial, et je crois que c'est le Chest Hospital. Je me souviens des difficultés que les gens avaient eues. Pourquoi? Parce que les critères n'étaient pas précisés. L'identification des besoins n'était pas claire, et c'est la principale raison pourquoi ce gouvernement a eu de la difficulté. N'ayant pas encore compris sa leçon des années 1980 à 1984, eh bien, ce gouvernement récidive à nouveau avec une ampleur inégalée jusqu'à maintenant. On parle, à Montréal, de neuf centres hospitaliers; j'en avais annoncé trois dans la région de Québec, ce matin le ministre, en ondes, en a rajouté deux autres.
Il y a d'autres régions qui sont touchées. Le ministre nous l'a dit en cette Chambre et il nous a dit également: Si ce n'est pas ce centre hospitalier, cet hôpital, c'est l'autre à côté, puis dites-le-moi. Parce que, lui, prétendument, ce n'est pas lui qui prend les décisions, alors que, moi, j'affirme et je confirme à nouveau à l'Assemblée nationale et en dehors que c'est lui qui prend les décisions, puis je vais être en mesure de vous le prouver.
Au lieu de reconfigurer, est-ce qu'on n'aurait pas pu demander au ministre de regarder une autre alternative intelligente qui est celle de regrouper les établissements en fonction de la complémentarité, en fonction de la géographie et en fonction de la pression que les patients exercent sur un établissement? Ça se quantifie, aujourd'hui, ça se qualifie aussi. On peut également regrouper un certain nombre d'établissements en fonction de la demande de soins. Jusqu'à maintenant, dans notre réseau, on a toujours été habitués à travailler, ce qu'on dit, horizontalement: les centres d'accueil ou centres d'hébergement ensemble, les CLSC ensemble, les centres hospitaliers ensemble. Et c'était extrêmement difficile d'avoir un décloisonnement d'une catégorie à une autre. Maintenant que l'ampleur des objectifs économiques est sur la table, est-ce qu'on pourrait regarder cette complémentarité beaucoup plus utile, beaucoup plus grande?
Eh bien, au lieu de choisir une avenue qui pourrait être extrêmement importante et intéressante, et je me permets de vous dire que j'ai eu le privilège de participer à certaines de ces avenues-là, le ministre décide, lui, et non la régie, de fermer ces établissements sans même écouter ce qu'ils avaient à dire.
Ceci m'amène à parler du financement de nos établissements de santé. Il faut se rappeler qu'avant 1975 le budget des centres hospitaliers était approuvé par les officiers du ministère. On l'appelait, à l'époque, le budget ligne par ligne. Alors, pour acheter un meuble ou un mobilier, il fallait au préalable avoir l'autorisation du ministère, c'était très, très, très compliqué. À l'époque, c'était M. Charles Chamard qui était le sous-ministre aux Finances, si je me souviens du titre, et c'est lui qui, un peu à l'image d'un visionnaire, avait introduit la notion de budget global dans nos établissements de santé, alors budget global qui était un budget limité. Et, une fois que le budget était déterminé, eh bien, ce budget ne pouvait pas changer, à moins d'avoir des budgets de développement particuliers.
Les budgets des établissements de santé, aujourd'hui, sont toujours sous cette forme-là. Ils ont été rajustés avec les taux d'indexation. Certains établissements ont bénéficié de développement, et les budgets ont été rajustés en conséquence. À l'époque, c'était quand même une trouvaille extrêmement intéressante, parce que c'était la première fois que, les gestionnaires, nous pouvions choisir, à l'intérieur de notre établissement, les priorités. Ça permettait aussi au gouvernement, et je crois que c'est important, de plafonner les dépenses et de savoir vraiment ce que le réseau pouvait dépenser. On sait que nous n'étions pas autorisés à faire des déficits, à l'époque.
Alors, ce mode de financement qui continue aujourd'hui on l'appelle financement avec une base historique est maintenant dépassé devant l'ampleur des coupures auxquelles le réseau est confronté. Est-ce qu'on ne pourrait pas avoir d'autres avenues plus intelligentes et plus utiles? Nous pensons que oui. Et, à la lecture ou suite à plusieurs lectures dans le domaine de la santé, nous pouvons maintenant souligner qu'il peut y avoir des avenues, particulièrement celle qui identifie le coût par diagnostic ou traitement, qui identifie également le nombre de diagnostics et de traitements. Et est-ce qu'on pourrait, à ce moment-là, donner un incitatif certain aux hôpitaux qui reçoivent davantage de patients par rapport à ceux qui n'ont pas, pour différentes raisons, un volume d'activité aussi élevé? M. le Président, c'est une piste, ou des pistes, ou des guides. Alors, j'ose espérer que ces différentes avenues pourraient être prises en considération par le ministre de la Santé. Il sait sûrement que ce sont des choses qui sont discutées actuellement à travers le réseau.
Un autre point qui m'apparaît extrêmement important, ce que nous appelons le décloisonnement des professions. Alors, là aussi, il y a peut-être des actes qui sont posés actuellement par une catégorie de professionnels, qui peuvent être posés par une autre catégorie de professionnels et, souvent, à meilleur coût. Il y a plusieurs expériences dans ce domaine-là en Ontario, et je pense qu'il y aurait plusieurs avantages à regarder également ce moyen pour atteindre les objectifs qui nous sont fixés plutôt que de fermer des centres hospitaliers.
Un autre moyen, M. le Président: réviser les structures administratives. On s'aperçoit que, dans le réseau de la santé et des services sociaux, il y a beaucoup, beaucoup de postes administratifs. Je vous donne un exemple: la Régie régionale de Montréal, 256 postes à temps complet, équivalents temps complet. Et ça, j'ai pu le vérifier lors de l'étude des crédits. Un budget d'un peu plus de 18 000 000 $. Dans cette Régie, il n'y a pas de médecins, pas d'infirmières, évidemment pas de patients. Le ministre va sûrement me dire: Ce n'est pas leur mandat. Je lui demande cependant: Que font tous ces gens-là? Est-ce qu'on peut gérer une région d'une meilleure façon avec moins de monde? Je pense qu'on peut au moins poser la question.
Le ministre nous donne régulièrement comme exemple un projet de regroupement, ou un certain regroupement, sur le plan des activités, de quatre CLSC avec l'hôpital Notre-Dame de Montréal. Je pense qu'on donne vraiment des services, ou, en tout cas, l'expérience mérite d'être faite. Cependant, est-ce qu'on peut regarder si on a toujours besoin de ces quatre structures administratives?
Alors, M. le Président, voilà une autre façon. Il y en a plusieurs, dans le réseau, qui pourraient être soumises à une évaluation. Il y a plusieurs endroits où on considère qu'il y a vraiment trop de postes administratifs, ce qui ne veut pas dire que nous sommes contre les régies régionales. Au contraire, c'est notre parti, notre gouvernement qui a souhaité une décentralisation extrêmement importante. Mais, il ne faudrait pas que les régies régionales viennent remplacer le ministère de la Santé; il ne faudrait pas que les régies régionales, les audiences plubliques des régies régionales viennent remplacer les commission parlementaires, M. le Président.
(17 h 20)
Une autre façon de regarder si on peut donner des soins de qualité mais les adapter au temps d'aujourd'hui, c'est la révision du panier de services. Est-ce que tous les services qui sont dispensés actuellement sont extrêmement nécessaires? J'aimerais tout simplement soumettre au jugement du ministre de la Santé que c'est une responsabilité provinciale, et qu'on peut sûrement, et de façon éclairée, regarder et examiner tous les services qui doivent être assurés. Je vous donne ceci à titre de guide ou de piste, pour qu'on puisse améliorer la gestion de notre système de santé.
Un autre moyen extrêmement important le ministre l'a souligné en campagne électorale; il retarde maintenant de nous en parler c'est la mise en place d'un régime d'assurance-médicaments. C'est extrêmement important, un régime d'assurance-médicaments, aujourd'hui, puisque nous savons que bon an, mal an, il nous en coûte 1 000 000 000 $: à peu près la moitié, les centres hospitaliers qui dispensent les médicaments, et, l'autre moitié, prise dans les officines privées, payés par le ministère de la Santé, donc quand même les revenus des contribuables. Alors, il serait grand temps qu'un système, qu'un régime d'assurance-médicaments, pas nécessairement universel, M. le Président... Je pense qu'il faut adapter ce régime-là à notre temps, mais qu'il faut s'assurer que ceux qui n'ont pas la capacité de payer puissent recevoir cette contribution-là d'une façon certaine.
Alors, M. le Président, j'ai essayé, dans ces quelques suggestions, de faire voir au ministre et à ses collègues qu'il y a d'autres façons de gérer la santé au Québec, que fermer un établissement de santé, c'est la dernière des solutions et que, en aucun temps, nous ne pouvons être d'accord avec cette façon de gouverner.
J'aimerais maintenant, M. le Président, si vous me permettez, parler davantage du projet de loi 83, Loi modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux. Ce projet de loi vise la modification de la loi 120, qui semble être axée sur quatre objectifs, dont le principal est de fermer des hôpitaux, en précisant la procédure qui sera appliquée pour liquider les actifs ça veut dire les terrains, les bâtisses, les équipements alors pour liquider, confisquer les actifs des hôpitaux fermés.
Dans un deuxième temps, le projet de loi 83 vise la prolongation des mandats des membres de conseils d'administration des régies régionales, et ce, pour une durée d'un an. Il vise à modifier le processus de nomination pour les postes vacants, en procédant non plus par élection, mais par résolution adoptée par le conseil d'administration. Je me permets de vous rappeler que le ministre nous dit que ce sont les régies qui vont se consulter sur leur remplacement au conseil d'administration, parce que c'est elles qui doivent faire la consultation du projet de loi.
Explications. M. le Président, on a besoin de plusieurs explications. Les articles 4 et 6 font appel directement à la fermeture d'hôpitaux, au pouvoir discrétionnaire du ministre de fermer des établissements et de procéder à la liquidation des actifs. Les articles 2 et 8 portent sur l'élection des membres des régies régionales.
D'abord, l'article 2. Cet article modifie la procédure de remplacement d'un membre qui siège sur un conseil d'administration de la régie. Dans la Loi sur les services de santé et les services sociaux, il était prévu que les postes vacants doivent être remplacés par élection; la loi actuelle. L'article 2 du projet de loi 83 permet au conseil d'administration de procéder par résolution pour nommer un membre et en remplacer un autre. On ampute donc le processus d'élection pour le remplacer par un processus de nomination interne. Il y a donc un danger que les membres élus soient à la fois juge et partie. Et nous avons un certain nombre de questions à poser en commission parlementaire. Nous nous demandons pourquoi, à ce moment-ci, on ne peut pas, dans chacun des collèges électoraux, tout simplement, reprendre les élections lorsqu'un membre quitte ou suite à la vacance d'un poste au conseil d'administration.
L'article 4. Cet article vient modifier la durée et l'émission des permis des centres hospitaliers. Le ministre peut donc modifier ou retirer le permis d'un établissement public ou privé pour changer soit la mission, soit la classe, le type ou la capacité qui étaient préalablement autorisés. Cet article obligera les administrateurs du centre hospitalier, dans un délai de six mois, à prendre des mesures pour effectuer les modifications qui découlent de la décision du ministre, et ce, peu importe la mission initiale de l'établissement. Je vous rappelle qu'il y avait et qu'il y a encore, dans la loi 120, des modalités qui prévoient la modification des permis, actuellement.
L'article 6 vient modifier l'article 451 de la présente loi par ajout de l'article 451.1. Et, là, c'est vraiment le coeur de ce projet de loi, et vous allez voir jusqu'à quel point on donne un pouvoir abusif au ministre. C'est, en fait, la pierre angulaire de ce projet, puisque le ministre peut, de sa propre initiative ou à la demande d'une régie régionale, aux seules conditions aléatoires de l'intérêt public ou en alléguant simplement une gestion efficace ou efficiente du réseau... Jamais on ne parle des besoins du patient, M. le Président. On dit que, au nom de l'intérêt public et vous savez, tout le monde sait ce qu'un gouvernement peut faire au nom de l'intérêt public on peut retirer le permis d'un établissement public ou privé, c'est-à-dire fermer l'établissement. La décision du ministre est discrétionnaire, finale et sans appel. La seule ouverture que prévoit cet article est la possibilité, pour l'établissement ou la régie, de lui soumettre quelques observations. Il n'y a aucun processus d'appel. Si l'établissement n'est pas content, bien qu'il se la ferme, le ministre a décidé. Deuxièmement, aucun critère sérieux, logique, pour décider de fermer un établissement. Nous croyons sérieusement et sincèrement que ce pouvoir devient abusif.
Le ministre nous dit toujours que ce sont les régies qui vont consulter, ce sont les régies qui vont décider des critères, peut-être que c'est ça qu'il veut nous laisser entendre. Le critère de la région de Montréal ne sera pas le même que celui de la région de Québec, que celui du Saguenay, celui de l'Estrie. Pourquoi, dans un projet de loi aussi important, est-ce qu'on ne nous dit pas les paramètres, les critères sur lesquels on devrait se pencher avant de fermer quelque établissement que ce soit? Et pourquoi, alors que, dans tous les autres dossiers du gouvernement, pas seulement de la santé, on permet aux établissements, aux organisations, aux individus des procédures d'appel, ici, tout ce qu'on permet, c'est de donner quelques observations?
L'article 451.2. Cet article oblige les administrateurs, et ce, dans les 30 jours suivant la décision du ministre, à fermer un établissement et à soumettre un plan détaillé qui contient les mesures pour assurer la cessation des activités des établissements et l'échéancier de leur réalisation. Alors, le ministre, là, une fois qu'il s'est décidé... Et j'espère qu'il est de bonne humeur le matin qu'il a décidé de fermer un établissement, parce qu'il n'a de compte à rendre à personne. Il donne 30 jours aux administrateurs, et: Débarrassez, donnez-moi votre plan, et, si vous ne voulez pas, bien j'ai l'article suivant, je vous mets en tutelle. En passant, la loi actuelle prévoit des tutelles, et on se demande... ou on va sûrement questionner le ministre sur ses véritables intentions.
En plus toujours à l'article 451.2 de ne pouvoir contester la décision du ministre... Ça, c'est un pouvoir que, à ma connaissance, dans tous les partis qui ont travaillé au Québec, tous les partis politiques, jamais ça n'a été refusé, M. le Président. C'est la première fois, en tout cas, qu'un parti ose affirmer ce non-droit, le droit, comme établissement, de contester une décision, maintenant. Alors, en plus de ne pouvoir contester la décision du ministre, les administrateurs devront rédiger en catastrophe le plan de leurs funérailles, la grandeur de leur cercueil. C'est là qu'on en est rendus, M. le Président.
Comme ce n'est pas assez, le ministre, dans sa candeur, à l'article 451.7, a décidé qu'il nommait un liquidateur. Et je pense que le terme est exact.
Le Vice-Président (M. Bélanger): M. le leader adjoint du gouvernement. Excusez-moi, M. le député de Robert-Baldwin. M. le leader adjoint du gouvernement.
(17 h 30)
M. Boisclair: M. le Président, je m'excuse d'interrompre le député de Robert-Baldwin. Je voudrais juste vous demander, M. le Président, de rappeler le député de Robert-Baldwin à la règle de la pertinence. Je comprends qu'au moment de l'adoption du principe, comme vous nous l'avez si bien souligné hier, cette règle doit être étudiée et appliquée avec toute la souplesse nécessaire; il est de tradition de permettre aux membres de cette Assemblée, sur le principe, de s'exprimer assez généralement. Cependant, vous comprendrez bien que nous ne sommes pas à l'étude détaillée du projet de loi ça viendra en commission parlementaire et qu'à cet égard, depuis tout à l'heure, là, on nous fait la nomenclature de chacun des articles du projet. Je pense qu'on a sauté une étape, qui est celle de l'adoption du principe. Le député était bien parti dans sa première demi-heure, s'est exprimé sur le principe, mais, là, carrément, M. le Président, il rentre dans l'étude détaillée du projet de loi. Et, au moment de l'adoption du principe, il est clair, et la règle de pertinence le rappelle bien, que le discours doit porter sur le sujet qui est débattu, sur la motion débattue, et nous discutons du principe du projet de loi, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M. le leader adjoint du gouvernement. Alors, M. le député de Robert-Baldwin, sur la question de la pertinence?
M. Marsan: Oui, M. le Président. À mon avis, écoutez, c'est vrai que c'est assez récent, ma désignation en politique, mais, moi, dans ma préparation, j'ai sorti les articles de loi les plus importants. Je ne fais pas le détail des articles. Je peux vous donner comme exemple dans cette page 451.2, 451.5, 451.7 et 451.12, et je pense que, vraiment, c'est pertinent. Et, à mon avis, en tout cas, je pense qu'on m'enlèverait un droit fondamental de réagir à un projet de loi à ce moment-ci si vous donniez raison aux gens d'en face.
Le Vice-Président (M. Bélanger): Alors, M. le leader adjoint du gouvernement, M. le député de Robert-Baldwin, en vertu de l'article 239, qui réglemente l'objet du débat et les temps de parole, il est mentionné que le débat porte, et je cite, «exclusivement sur l'opportunité du projet de loi, sur sa valeur intrinsèque ou sur tout autre moyen d'atteindre les mêmes fins».
Alors, quant à moi, quand le député de Robert-Baldwin fait référence à des articles précis, il est tout à fait pertinent. Alors, quant à moi, j'invite le député de Robert-Baldwin à bien vouloir continuer son allocution.
M. Marsan: M. le Président, je vous remercie et j'apprécie parce que, comme jeune parlementaire, j'aurais été vraiment déçu et j'aurais eu de la difficulté à comprendre la marche de nos travaux.
Alors, après avoir enterré à grands frais un établissement de santé, après avoir menotté les administrateurs, eh bien, ce n'était pas assez. Le ministre prévoit, à l'article 451.7, la nomination d'un liquidateur. Le terme est exact, M. le Président. C'est «liquidateur». Toutefois, cet article est quand même et c'est important muet sur la sélection des candidats. Et, ce que je veux démontrer encore une fois, c'est que le ministre s'attribue à nouveau un autre pouvoir discrétionnaire, et je crois que c'est le noeud de l'argumentation: le ministre se donne pleins de pouvoirs discrétionnaires, c'est même un abus de pouvoir à peu près à tous les articles.
L'article 451.12. Cet article prévoit la procédure de liquidation d'un établissement. Maintenant, on a fait notre deuil; 30 jours après, on a demandé un plan aux administrateurs; ils ne l'ont pas donné, on l'a mis en tutelle. On a choisi notre liquidateur. Qu'est-ce qu'il va faire, le liquidateur? Bien, il va d'abord payer les dettes de l'établissement ainsi que les frais et les dépenses de liquidation. L'article ne fait aucune distinction entre les dettes relatives à l'exploitation de l'établissement et celles relatives aux biens immobiliers. De ce fait, le gouvernement s'approprie des établissements régis par des corporations propriétaires, qui ne lui appartiennent pas. Il s'approprie donc des biens de corporations, qui ne lui appartiennent pas. Et on sait dans le milieu hospitalier qu'il y a plusieurs corporations propriétaires. On connaît des corporations religieuses, des corporations de généreux donateurs, des corporations de patients, entre autres.
Rappelons que la procédure généralement reconnue pour que le gouvernement s'approprie un immeuble est l'expropriation, M. le Président, mesure qu'aucun gouvernement n'a utilisée à ce jour pour les établissements de santé. Les gouvernements, dans le domaine de la santé, ont préféré négocier ce que nous convenons d'appeler un désintéressement de la part de certaines corporations propriétaires. Alors, n'étant pas propriétaire des biens, comment le gouvernement peut-il, par la liquidation, s'approprier ceux-ci?
Je poursuis, M. le Président, pour un dernier article. L'article 8 prévoit extensionner d'un an le mandat des membres des premiers conseils d'administration. Ainsi, la prochaine élection aura lieu non pas en octobre 1995 mais plutôt en octobre 1996. On se demande pourquoi le ministre, à ce moment-ci, tient à prolonger. Ça fait 20 ans que je suis dans le réseau hospitalier, ça fait 20 ans qu'on a des élections, sous diverses formes, au conseil d'administration. Je crois que les gens qui sont là étaient sûrement prêts, et très rapidement, à faire des élections. Je pense aux représentants des médecins, aux représentants des employés généraux, des infirmières, aux corporations propriétaires, aux différents groupes au collège électoral. Je ne vois pas, à ce moment-ci, l'urgence d'arriver dans un projet de loi avec une reconduction pour une période d'une année des membres de conseil d'administration. On peut se questionner: Par cet article, est-ce que le ministre veut éviter la contestation que certains nouveaux membres pourraient provoquer face à ces projets de fermeture?
Il est demandé au ministre la tenue d'audiences publiques afin que la population et tous les intervenants du milieu puissent être informés quant aux conséquences du projet de loi, projet de loi 83, qui atteint directement, à notre avis, l'accessibilité aux soins au Québec et leur qualité. Jamais un ministre et un gouvernement n'auront été aussi loin pour s'attribuer un pouvoir discrétionnaire dans un dossier aussi important qu'est la fermeture ou non des hôpitaux.
M. le Président, je voudrais vous parler avec mon coeur. Le fait de ne pas avoir de critères pour déterminer quel centre hospitalier ferme par rapport à un autre, c'est vraiment discriminatoire. On n'a pas été habitués à travailler comme ça au Québec. Je pense, et j'espère en tout cas, que certains membres de la députation du gouvernement pourront faire entendre raison au ministre et lui faire comprendre que c'est dans l'intérêt de tout le monde, là, pas d'un politicien en particulier, mais je crois que c'est dans l'intérêt de tout le monde d'avoir des critères logiques, uniformes et comparables et d'avoir aussi une procédure d'appel lorsqu'on n'est pas d'accord avec ce ministre.
Avant même que le virage ambulatoire soit mis en place, avant même que tout soit prêt sur le terrain pour recevoir les patients, avant même que les engorgements des urgences soient réglés, avant même que les listes d'attente soient nulles dans tous les établissements ou, à tout le moins, diminuées de moitié, comme la promesse du ministre le ministre veut procéder aux fermetures des centres hospitaliers. Est-ce qu'on n'est pas en train de travailler à l'envers? Est-ce qu'on n'aurait pas dû diminuer les listes d'attente, régler le problème des engorgements dans les centres hospitaliers, pour ensuite fermer les établissements de santé? Je pense que c'était vraiment de suivre le patient et la pression que les patients peuvent exercer dans un établissement de santé, mais, ça, ça semble être un langage qui est étranger au ministre.
Ceci provoquera, selon nous, des conséquences désastreuses pour la population et les personnes qui sont malades. De plus, l'article 451.1 donne au ministre un pouvoir discrétionnaire final et sans appel. Le ministre n'aura même pas à justifier par écrit ou publiquement ses motifs quant à la décision de fermer un hôpital plutôt qu'un autre. Le ministre n'aura qu'à alléguer une saine gestion au nom de l'intérêt public et, encore là, je vous rappelle tout ce que certains gouvernements ont fait au nom de l'intérêt public pour entériner la décision de retirer un permis à un établissement; c'est abusif. Il est important de noter que les administrateurs se voient imposer une procédure de liquidation, mais n'auront aucune participation dans le processus décisionnel du ministre.
Dans l'article 450 de la loi présentement en vigueur, il est prévu que, lors de la suspension d'un permis pour des motifs d'infraction, les établissements peuvent avoir recours à un droit d'appel à la Commission des affaires sociales. Pourquoi le ministre de la Santé ne prévoit-il pas dans son projet de loi, à l'article 451, ce même mécanisme qui permettrait aux établissements de contester la décision et qui, par le fait même, obligerait le ministre à déposer par écrit les motifs de sa décision? Nous sommes au Québec, M. le Président. C'est dommage que j'aie à le rappeler au ministre de la Santé et des Services sociaux. L'abolition de ce droit d'appel va à l'encontre des règles minimales du devoir d'agir équitablement et des règles de justice naturelle. Bref, ce projet de loi va à l'encontre de tout notre système démocratique présentement en cours, puisque seul le jugement du ministre tranchera toute la question.
L'article 451.12 prévoit la procédure par laquelle les établissements de santé seront liquidés. On ne fait aucune distinction entre la dette et les taxes, la dette pour les équipements et la dette pour la rénovation. Ce projet de loi ne nous indique pas les mesures qui seront prises relativement aux corporations privées. Il ne nous indique pas non plus ce que le ministre entend faire pour les fondations, et vous savez comme moi que les fondations ont jusqu'à maintenant aidé grandement l'ensemble des établissements de santé. C'est souvent des bénévoles, des personnes volontaires qui donnent de leur temps et aussi de leur argent. Alors, on ne fait aucune allusion... Qu'est-ce qui arrive aux fondations des hôpitaux qui vont fermer? Comment on va disposer de ces biens-là? Alors, je pense que ça démontre, encore une fois, que ce projet de loi a été fait à la très, très grande vapeur. Le ministre semble oublier que ce sont des dons des contribuables, des dons qu'ils ont investis pour aider un centre hospitalier.
Les articles 2 et 8 remettent tout en cause, tout le processus démocratique de l'élection d'un membre du conseil d'administration d'une régie. Ces articles vont à l'encontre des principes mêmes de la démocratie. Et, pour ajouter aux difficultés, le ministre nous répond en cette Chambre que ce sont les régies qui feront les consultations sur ce projet de loi. Il faut être conscient que le report des élections va à l'encontre des principes démocratiques comme je viens de le mentionner établis dans le cadre de la réforme de la santé et des services sociaux présentée par notre gouvernement en 1992. Lorsqu'un député qui a une bonne expertise d'un dossier peut choisir de ne pas se présenter aux élections et être élu automatiquement parce qu'il possède, justement, cette expertise, c'est ce qu'on nous demande, M. le Président. Alors, le même principe devrait s'appliquer aux régies régionales. Il semble clair que le ministre, par ce projet de loi, veut garder le contrôle des membres des conseils d'administration déjà en poste dans les régies et ne veut prendre aucun risque d'être contesté par la venue de nouveaux membres ne partageant pas sa vision. Et on pense aux nouveaux membres qui seraient soumis à un suffrage universel.
(17 h 40)
Ce projet de loi va donc à l'encontre de nos grands principes fondamentaux, notre système de santé, notre Charte des droits. Il confère au ministre un pouvoir unilatéral et illimité, ce qui représente un grand, grand danger, puisque le ministre élimine toutes les procédures de contestation et se donne le droit unique, tant au niveau des nominations qu'au niveau du droit de décider de la survie de certains hôpitaux par rapport à d'autres hôpitaux. Donc, le ministre a tous les pouvoirs sans avoir à rendre publics ses motifs, sans avoir à consulter, sans avoir à obtenir un consensus au sein de la collectivité.
De plus, ce gouvernement a fait le choix budgétaire d'augmenter ses dépenses, de couper dans la santé, alors que notre gouvernement avait fait des choix inverses, c'est-à-dire de couper dans ses propres dépenses et d'augmenter les budgets de la santé. À quoi serviront les fonds supplémentaires que le gouvernement s'attribue, alors qu'il néglige et même ignore les vrais besoins de la population en matière de santé? Donc, à nouveau, la priorité de n'importe quel gouvernement en Amérique du Nord devrait être la santé. Ce n'est pas la priorité de ce gouvernement, ce n'est pas la priorité de ce ministre.
C'est pour ces motifs que nous recommandons sérieusement de tout faire en notre pouvoir, nous recommandons à la population, nous recommandons aux employés d'hôpitaux, nous recommandons à tous les intervenants du réseau de travailler avec nous pour demander des audiences publiques, des consultations générales qui permettraient enfin d'entendre raison et d'entendre vraiment ce que les gens pensent, M. le Président.
Je voudrais souligner un témoignage d'appui extrêmement important à la cause que nous défendons que je défends aussi c'est celui de M. Lucien Bouchard, qui, sous un fil de presse, nous a donné son appui. Je vous le lis, M. le Président: «À Montréal, M. Lucien Bouchard s'est prononcé en faveur d'un élargissement des consultations actuelles entourant la réforme des soins de santé au Québec.» Donc, il mentionne clairement qu'il s'affiche contre le projet de loi 83 sans audiences publiques, sans consultations générales. «S'exprimant à titre de citoyen lors de la Première journée québécoise de la recherche en établissements de réadaptation, M. Bouchard a jugé que le virage ambulatoire de Québec n'est pas une mauvaise idée.» Mais, à nouveau, nous pouvons facilement appuyer M. Bouchard sur le fait que le virage ambulatoire est quand même un moyen extrêmement important pour aider notre système de santé. «Il a rappelé qu'il avait lui-même bénéficié de soins à domicile après avoir quitté l'hôpital.» Je me permets de profiter de l'occasion pour lui réitérer nos voeux de bonne santé et également le remercier de son appui. «M. Bouchard estime cependant que le virage doit être envisagé comme une démarche de société pour s'assurer que les changements se fassent dans le sens d'une amélioration des soins.» Et j'aimerais ajouter que ces changements ne se fassent pas en cachette, M. le Président.
Je me permets également de vous présenter... On m'a refusé, ce matin, de déposer un article du journal La Presse , qui avait fait une entrevue avec notre ministre de la Santé et des Services sociaux, l'article de Gilles Normand, du vendredi 27 janvier, et j'aimerais ça, voir l'évolution incohérente d'une pensée. Alors, le ministre n'entend pas fermer les hôpitaux, mais changer la vocation de quelques-uns. D'abord: «S'il faut en croire le ministre de la Santé et des Services sociaux, la réforme des services de santé à laquelle il travaille n'entraînerait pas de fermetures d'hôpitaux à Montréal ou à Québec c'est écrit dans La Presse comme le veut la rumeur, mais des changements majeurs dans la vocation de quelques-unes de ces institutions. [...] C'est ainsi qu'il faut comprendre les propos sibyllins du ministre qui ne veut pas discuter des détails sur la place publique.»
Est-ce qu'on comprend aujourd'hui pourquoi nous demandons des audiences publiques? Est-ce qu'on comprend pourquoi, déjà, le 27 janvier, il ne voulait pas parler de ces difficultés, de fermeture d'hôpitaux sur la place publique?
J'aimerais ici vous rappeler, reprenant les propos en Chambre, qu'il a indiqué que «la transformation du réseau [...] n'est pas causée par la situation financière; c'est une partie de l'environnement de gestion dont il va falloir tenir compte». Alors, ce n'est pas la gestion financière, ce n'est pas les difficultés économiques qui entraînent un tel changement. «S'il n'écarte pas complètement la possibilité que des hôpitaux ferment en région, il affirme qu'il "n'y a pas actuellement de proposition précise de fermer un hôpital à Montréal ou à Québec".» Nous sommes le 27 janvier, M. le Président, le 27 janvier 1995.
Je voudrais vous mentionner également que l'hôpital Reine Elizabeth, qui est un hôpital désigné par le ministre pour fermer, avait reçu jusqu'à tout récemment l'autorisation de construire un appareil radiologique deuxième scan, que la construction va bon train, elle est presque terminée, que le premier examen du premier patient est cédulé pour le 17 juin. Et l'hôpital Reine Elizabeth avait toutes les autorisations de la Régie pour faire ces travaux. Ce n'est pas la Régie qui a décidé, M. le Président, c'est le ministre.
Le 10 avril 1995, la Régie régionale écrit au directeur général de l'hôpital Saint-Laurent: Nous sommes heureux de constater les efforts de rationalisation et de concertation entre vos établissements les trois établissements impliqués, l'hôpital Saint-Laurent, l'Hôpital du Sacré-Coeur, le centre hospitalier Notre-Dame de la Merci. Ces efforts s'intègrent bien dans la démarche de reconfiguration déjà amorcée par la Régie régionale. Le 10 avril 1995. Le 11 mai 1995, le jeudi noir de la santé, l'hôpital Saint-Laurent apprend, en conférence de presse, qu'il doit fermer. Ce n'est pas la Régie qui a décidé, M. le Président.
M. le Président, j'ai de sérieuses difficultés à enjoindre le ministre à convoquer des audiences publiques pour entendre ce que les gens veulent lui dire sur son projet de loi 83. Je me suis permis, à l'invitation de plusieurs établissements, de rencontrer soit des patients, des employés, des leaders syndicaux, des médecins, des dirigeants. Et, depuis la semaine passée, j'ai poursuivi mes rencontres, particulièrement dans des hôpitaux comme Saint-Michel, l'Hôpital général de Lachine, l'hôpital Saint-Laurent. Nous avions, avant-hier, une marche avec plus de 1 000 gens de la communauté qui s'étaient «enjoints» pour demander des audiences publiques au ministre.
Et hier vous avez sûrement vu dans les journaux d'aujourd'hui eh bien, ils étaient 10 000 à demander qu'on puisse avoir un peu plus de transparence dans ce dossier-là, et à ne pas comprendre pourquoi l'Hôpital du Christ-Roi était l'hôpital ciblé par le ministre. Je me permets de vous souligner... Dans un communiqué que la députée de Vanier adressait à la population, elle mentionnait: Il ne faudrait pas, il ne faudrait surtout pas procéder aux coupures de services sans, au préalable, avoir structuré et mis en place les alternatives supportant le virage.
Je ne sais pas pourquoi, M. le Président, le ministre n'écoute personne dans ce parti-là. Moi, je l'ai écouté en fin de semaine. J'ai eu la patience de regarder un réseau important d'information, le réseau RDI, et d'écouter ce que le ministre avait à nous dire. En aucun temps, il n'a parlé des patients, pendant son heure et demie. Je crois qu'il y a une intervenante, à la fin, qui a eu le courage de le faire, et je veux la remercier.
(17 h 50)
C'est toute une approche extrêmement technocratique, une approche qui génère beaucoup de difficultés parce qu'on n'a pas le plan d'ensemble. On s'attaque tout de suite à fermer des hôpitaux, alors que les soins à domicile ne sont pas prêts, le programme d'assurance-médicaments n'est pas prêt, les listes d'attente ne sont pas diminuées, malgré les promesses qu'il nous avait faites.
Lorsque je m'adresse à la population, quand je rencontre les différents établissements de santé et centres hospitaliers, eh bien, j'aime ça leur rappeler, M. le Président, que ce sont nos députés qui se sont levés en Chambre pour défendre leurs établissements. J'aime ça leur rappeler que, les membres du caucus du Parti québécois, ils supportent à 100 % leur ministre et qu'en aucun temps ils ne se lèvent pour défendre leurs établissements.
C'est un peu le message que j'ai dit, hier, à l'Hôpital du Christ-Roi devant je crois qu'on l'a dit dans les journaux près de 10 000 personnes. J'ai souligné à ces gens-là que, nous, de l'opposition, nous allons nous battre. Et j'ai salué le courage de ma collègue, Margaret Delisle, la députée du comté de Jean-Talon, qui a été la seule députée à se lever en cette Chambre pour dénoncer cette mauvaise décision. Je leur ai mentionné que la santé était malade au Québec depuis quelques mois. Je faisais référence à la nomination du ministre de la Santé. Lorsque je leur ai demandé de se souvenir un peu qu'au moment où j'ai fait le décompte des hôpitaux qui devaient fermer vous vous souvenez de ça, j'ai mentionné, un, l'hôpital Reddy Memorial, deux, l'hôpital Saint-Laurent... Alors, je me suis permis de leur rappeler que les députés péquistes se sont moqués d'eux. Et ils comptaient avec moi et en choeur. Je leur ai rappelé le silence de la députée de Vanier, députée de leur comté, qui endosse la décision de fermer leur hôpital, alors que son collègue de Chauveau, qui n'est pas prêt à mettre son siège en jeu, a confirmé à l'Assemblée nationale, hier, que la décision de fermer l'hôpital Chauveau était déjà prise par le ministre.
Le ministre de la Santé, au moment où j'avais fait le décompte des hôpitaux, avait déclaré: Quelle belle nouvelle! Ça a été repris par les journaux. Le ministre des Finances, lui, a déclaré: Un petit peu de ménage, c'était le printemps. C'était sérieux, vous voyez. Et le premier ministre, lui, dans sa grande bonté: Où sont-ils, les gens dans la rue? Ils ont la jaunisse. Nommez-les. Eh bien, ils étaient 10 000, hier, dans un seul établissement, celui de l'Hôpital du Christ-Roi. Et à nouveau je me permets de dire aux gens de ce centre hospitalier qu'ils ont l'appui complet de tout le caucus du Parti libéral, et particulièrement de notre chef, M. Daniel Johnson, le député de Vaudreuil. Le chef de l'opposition m'a permis de transmettre un message à la population, et ce message est un message complet d'appui à la population.
Je me suis permis, les gens m'ont donné beaucoup de temps personne n'était moqueur, à ce moment-là, contrairement à ici de rappeler en campagne électorale qu'on avait eu la promesse de ce parti qui nous gouverne de bâtir un hôpital, un nouvel hôpital dans le comté de L'Assomption, et l'hôpital sera désigné, sera baptisé l'hôpital Parizeau. Jamais en campagne électorale on ne nous a parlé de fermer quelque hôpital que ce soit. Jamais je n'ai entendu ça. J'ai fait plein de débats, mes collègues en ont fait plein, on vous a rencontrés, on a eu plein de tribunes, et en aucun temps on n'a parlé de fermer des hôpitaux. Le ministre de la Santé essaie de nous faire croire que c'est une démarche qui est commencée depuis que le monde a commencé, c'est-à-dire depuis sa réforme, le rapport Rochon, alors que tantôt je vous ai démontré que ces décisions-là viennent tout juste d'être prises, de fermer des hôpitaux. Au moment où je suis entré en politique, jamais, et je vous le répète, jamais je n'ai entendu parler qu'il y avait un programme de fermeture de centres hospitaliers.
J'ai donné une chance, hier après-midi, au ministre de la Santé. Je lui ai demandé s'il voulait nous dire si, oui ou non, l'Hôpital du Christ-Roi devait fermer. Il n'a pas été capable de répondre, il n'a pas été capable de nier encore, et j'ai été obligé de rapporter fidèlement les notes que nous avons dans nos procès-verbaux à ces gens-là. J'ai posé la question: Expliquez-moi, comment se fait-il que ce gouvernement, dans son budget, nous augmente les dépenses, nous augmente les revenus, puis qu'il est obligé de fermer des hôpitaux? Ce matin, lorsque le ministre des Affaires municipales a été interrogé, il a confirmé un octroi, je crois, de 1 000 000 $ à la réfection d'un stationnement dans un zoo, et quelqu'un a sûrement souligné: Comment se fait-il? C'est quoi le choix des priorités qui arrive de l'autre côté?
Je leur ai rappelé le projet de loi 83, le projet de loi matraque, sur lequel aucun critère n'était désigné, qui permettait au ministre de décider à peu près n'importe quoi. Si le ministre se lève de bonne humeur, le réseau est tranquille, on est chanceux. Mais, si le ministre se lève de mauvaise humeur puis si en plus il y a une contestation dans un des établissements ça peut être des médecins, des représentants syndicaux qui incitent à une grève et qu'il n'est pas en forme en plus, bien, le ministre a tous les pouvoirs de fermer cet établissement-là, de refuser les procédures d'appel, d'engager un liquidateur sans aller en soumissions et de vendre, de confisquer les terrains de l'établissement, de prendre l'argent, de le redonner au ministre des Finances. Ce n'est pas beau, ça? C'est ça, le projet de loi.
J'ai demandé aux gens de m'aider et de demander au ministre de la Santé des consultations publiques, des consultations générales, je crois, au texte de la loi, de nos règlements, et à nouveau je me permets de demander au ministre des consultations. Plusieurs ont remarqué que les hôpitaux qui sont ciblés par le ministre, ce sont des hôpitaux de quartier, actuellement. Ce sont des hôpitaux où le tissu social est quand même important. Dans certains cas, il peut aussi être fragile. J'ai eu plein de témoignages de patients qui demandaient, et on entendait le cri du coeur... Par exemple un patient sous dialyse dans un établissement, l'Hôpital de Lachine, disait: Où je vais aller, maintenant que l'hôpital va fermer? Et, à la fin de son témoignage, devant 400 ou 500 personnes, il a lancé un grand cri: M. le ministre, je veux vivre! Ce n'étaient pas des mots qui étaient soufflés par quelqu'un, c'étaient des cris du coeur, et il y a eu plusieurs patients, cette journée-là, qui ont demandé au ministre de l'écouter, qui souhaiteraient se faire entendre. Et j'espère, j'espère que les gens de la députation du parti du pouvoir vont lui faire comprendre que c'est important d'écouter les gens, d'écouter le monde ordinaire, ce qu'ils ont à dire.
Je vais terminer en soulignant une insensibilité importante de la part de notre ministre de la Santé à la douleur des patients. Je vous rappelle et je lui dis souvent qu'il faut parler des patients quand on parle de réforme. C'est eux qui, au premier chapitre, sont vraiment visés et c'est eux qui doivent être au centre d'une réforme, comme notre ministre, qui avait développé la loi 120, l'avait si clairement démontré.
Donc, le projet de loi 83, qui est appelé, est un projet de loi où nous constatons un abus de pouvoir extrêmement important et qui va à l'encontre de toutes les grandes démocraties et de tous les partis politiques et je pense que le parti politique d'en face pourrait en témoigner qui va à l'encontre de tous les grands principes qui gouvernent notre société démocratique.
M. le Président, j'aimerais vous confirmer ce que vous savez déjà, ce que vous avez pu apprendre depuis que je fréquente les établissements de façon assidue, depuis que je rencontre les patients, les employés: que, de tout notre coeur, nous allons voter contre ce projet de loi ignoble, infâme, contre une loi matraque et contre l'adoption du principe. Et c'est au nom de tous les patients que nous avons rencontrés, et de ceux qui nous écoutent, que nous vous déclarons que nous sommes contre l'adoption du projet de loi présenté par le ministre de la Santé et des Services sociaux. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Bélanger): Alors, je vous remercie, M. le député de Robert-Baldwin. Alors, compte tenu de l'heure, nous allons suspendre les travaux de la Chambre jusqu'à ce soir, 20 heures.
(Suspension de la séance à 18 heures)
(Reprise à 20 h 5)
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Veuillez vous asseoir. Alors, nous en sommes à la reprise du débat sur l'adoption du principe du projet de loi 83, et je serais prêt, à ce moment-ci, à donner la parole au prochain intervenant. M. le député de Saint-Hyacinthe, vous avez la parole.
M. Léandre Dion
M. Dion: Merci, M. le Président. Ça me fait plaisir de prendre la parole, ce soir, dans le cadre du projet de loi 83, Loi modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux. On a eu droit, cet après-midi, à un exposé complet...
M. Bordeleau: M. le Président, s'il vous plaît.
Le Président: Un instant, s'il vous plaît, M. le député de Saint-Hyacinthe. M. le député de l'Acadie, sur une question de règlement?
M. Bordeleau: Oui, M. le Président. Alors, comme notre collègue a sûrement des choses extrêmement intéressantes à dire, je crois que vous devriez peut-être vérifier le quorum, s'il vous plaît.
Le Président: Alors, étant donné qu'il y a effectivement des commissions qui siègent, malgré tout je constate qu'il n'y a pas quorum. Alors, qu'on appelle les députés!
(20 h 7 20 h 8)
Le Président: Donc, nous reprenons le débat sur l'adoption du projet de loi 83, Loi modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux. M. le député de Saint-Hyacinthe.
M. Dion: Merci, M. le Président, de me redonner la parole sur le projet de loi modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux. On a eu droit, cet après-midi, à un exposé magistral de M. le ministre de la Santé, M. Jean Rochon, sur l'ensemble du projet de loi. Ça faisait vraiment différent de ce qu'on entend à toutes les périodes de questions, presque, depuis un mois, toutes sortes d'appels au danger lancés par les députés de l'autre côté de la Chambre, M. le Président, pour essayer d'ameuter la population, de la rendre nerveuse et d'ajouter à l'inquiétude des gens.
Au lieu de cela, on a eu un exposé rationnel de ce qu'il fallait faire pour améliorer notre système de santé. Parce que notre système de santé, M. le Président, tout le monde y tient. C'est quelque chose d'important, notre santé. C'est la valeur la plus précieuse qu'on a. Et, comme c'est ce qu'il y a de plus précieux et qu'on sait qu'elle peut être attaquée, on a besoin d'un bon système de santé.
Mais ce qui se passe, M. le Président et, là-dessus, tout le monde est d'accord c'est que notre système de santé, il est, à certains égards, malade, M. le Président. Il est malade, il faut le traiter. Il est malade pourquoi? Il est malade, d'abord, M. le Président, parce qu'il y a de plus en plus de personnes qui, avançant en âge... L'âge moyen de la société étant de plus en plus avancé, eh bien, on a de plus en plus de personnes, parmi les gens qu'on aime, qui, arrivées à un âge avancé, vont perdre leur autonomie, vont devenir dépendantes et ont besoin de lits de longue durée dans des hôpitaux ou des centres d'accueil pour pouvoir les accueillir. Et il n'y en a pas suffisamment. Alors, c'est la raison pour laquelle les transformations doivent être faites, pour mettre à la disposition des gens des lits de longue durée suffisamment nombreux pour que les gens puissent être traités, pour rassurer les personnes âgées, pour rassurer les personnes les plus vulnérables.
C'est ce que se propose de faire M. le ministre de la Santé en transformant certaines vocations de certains hôpitaux ou de certains établissements. C'est ce que la loi va lui permettre de faire. Présentement, la loi lui permet de doter certains établissements de lits ou de missions particulières, mais, venant le jour où ces missions-là doivent changer parce que les besoins ont changé, M. le ministre n'a pas les pouvoirs pour changer la situation. C'est une aberration. Peut-être que ça se justifiait à l'époque, quand on a adopté la loi, M. le Président, mais, présentement, il faut l'adapter aux besoins d'aujourd'hui.
(20 h 10)
Alors, pourquoi je dis aussi que notre système de santé est malade? Parce qu'on a, dans notre système de santé, un trop grand nombre de lits de courte durée, c'est-à-dire pour les gens qui entrent à l'hôpital pour trois jours, quatre jours, cinq jours pour une opération relativement simple, relativement courante et qui n'exige pas une très longue hospitalisation. Je rencontrais dernièrement, M. le Président, une dame qui a été hospitalisée pour une intervention chirurgicale. Elle est entrée à l'hôpital en après-midi. Qu'est-ce qui s'est passé de l'après-midi jusqu'au lendemain matin? Rien, M. le Président, elle était là pour rien. Le lendemain matin, bon, on lui a passé certains examens et on l'a envoyée sur la table d'opération. Elle est restée combien de temps à l'hôpital? Cinq jours, M. le Président.
Et, lorsqu'elle revoit ça par la suite, elle se dit: Au fond, j'aurais pu entrer le matin, être opérée, sortir le lendemain et, avec des services normaux, la possibilité d'appeler une infirmière, un médecin, j'aurais été correcte. Mettons deux jours à l'hôpital, peut-être, ça aurait été rassurant. Mais cinq jours, c'était inutile. Et pourtant, tous les citoyens ont payé pour ça. Et c'est comme ça d'une façon générale. Je ne dis pas qu'il n'y a pas des cas d'exception, parce que les soins de santé, les chirurgies d'un jour, ce n'est pas une invention toute nouvelle; ça existe depuis longtemps. C'est très avancé dans d'autres pays. Aux États-Unis, le pourcentage d'interventions en chirurgie d'un jour est trois fois plus élevé qu'ici.
À Saint-Hyacinthe, une infirmière m'appelle, l'autre jour, pour m'expliquer que ça existe chez nous aussi puisque, à Saint-Hyacinthe, ça fait au moins 20 ans qu'on fait ça, des interventions avec des chirurgies d'un jour. Elle me dit qu'environ 25 lits de l'hôpital servent uniquement à cela. Alors, l'expertise, elle existe. Il s'agit de la généraliser. Et, quand on la généralise, qu'est-ce qui se produit? Bien, il y a un certain nombre de lits qui ne sont pas nécessaires. Bon. À Saint-Hyacinthe, peut-être qu'il n'y aura pas des lits en surplus au point de fermer un hôpital, c'est certain. Mais, dans une ville comme Montréal qui a un si grand nombre d'hôpitaux, bien, il est possible qu'un hôpital, ou deux, ou trois on a parlé de neuf voient leur vocation ou leur mission transformée. Mais, pourquoi les transformer? Pour s'adapter aux besoins d'aujourd'hui. Alors, quand un système est malade, il faut le traiter. Quand il a des problèmes, il faut pouvoir s'attaquer à ces problèmes-là.
M. le Président, vous avez eu connaissance de la commission Rochon, justement du nom de l'actuel ministre de la Santé, qui a étudié notre système et a suggéré des transformations tout à fait adéquates et adaptées. Et on se souvient que, sous le gouvernement antérieur, le ministre d'alors, M. Marc-Yvan Côté, avait proposé des choses fort intéressantes pour lancer la réforme des hôpitaux, des systèmes de santé sur la bonne voie. Malheureusement, M. le Président, il n'a pas eu l'appui de son parti. Il n'a pas eu l'appui de son chef. Alors, le Parti libéral, sous l'emprise du roi de l'immobilisme, a pris panique. Dès que ça s'est mis à bouger un peu, on a eu le vertige et on a tout arrêté ça.
M. le Président, notre ministre, M. Jean Rochon, peut être assuré qu'il va avoir la collaboration la plus entière de son chef, c'est certain, mais aussi de tous ses députés qui vont l'aider dans cette tâche difficile de transformer le système de santé pour l'adapter aux besoins d'aujourd'hui.
Évidemment, M. le Président, il y aura des inquiétudes, c'est normal. Chaque fois qu'il y a des transformations à faire, on est inquiet, on s'interroge, on est un peu insécure; c'est normal, c'est dans la nature des choses. Les travailleurs s'inquiètent, certains craignent de perdre leur emploi. Mais nous savons que, depuis au moins trois mois, il y a des discussions très sérieuses, des négociations qui se font entre le ministère de la Santé et les grandes centrales syndicales pour trouver des façons de faire qui vont protéger les personnes qui ont la stabilité d'emploi dans le système et qui vont leur permettre de s'ajuster aux transformations, de façon à pouvoir avoir la satisfaction de donner à la population des services toujours meilleurs. Parce qu'on sait, M. le Président, à quel point le personnel dans le service de santé est un personnel dévoué, un personnel qui a à coeur de donner aux citoyens les meilleurs services, les meilleurs soins.
J'ai eu, malheureusement, dans ma vie, comme la plupart d'entre nous, l'occasion d'être hospitalisé. Et je peux vous dire que, à chaque fois, j'ai été non seulement satisfait, M. le Président, j'ai été émerveillé de la qualité des soins que donne le personnel du service de santé. Alors, ils peuvent être assurés que, dans ces transformations-là, on aura le plus grand souci de ne pas les écorcher indûment, mais bien de protéger leur sécurité d'emploi, en protégeant en même temps les services de meilleure qualité pour tous les citoyens.
Alors, essayer de faire peur aux gens, essayer de les mettre dans une situation de panique, je pense que c'est de l'irresponsabilité, M. le Président. Alors, ça ne sera pas notre attitude. Je puis assurer M. le ministre de la Santé que nous allons collaborer avec lui, parce que nous savons que nous faisons partie d'un peuple qui est capable de prendre ses responsabilités, d'un peuple qui est arrivé à maturité, qui a assez de fierté pour affronter les problèmes et les régler, M. le Président. C'est pour ça que nous allons appuyer notre ministre de la Santé, pour nous assurer que notre système sera non seulement sauvé, mais qu'il sera meilleur demain qu'il ne l'est aujourd'hui. Merci, M. le Président.
Le Président: Merci, M. le député de Saint-Hyacinthe. Nous sommes toujours au débat relatif à l'adoption du principe du projet de loi 83, Loi modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux. Je serais maintenant prêt à donner la parole à un autre intervenant. M. le député de l'Acadie, vous avez 20 minutes.
M. Yvan Bordeleau
M. Bordeleau: Merci, M. le Président. Alors, je trouve, aujourd'hui, excessivement important d'intervenir dans le cadre du projet de loi 83, Loi modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux. C'est important d'intervenir, et je suis, malheureusement, un peu, en même temps, déçu d'avoir à intervenir sur un tel projet de loi. Je dois vous dire que le projet de loi 83 va certainement marquer d'une façon très négative toute la question des services de santé et des services sociaux au Québec.
L'année 1995 s'annonce être certainement l'année la plus noire de l'histoire des services de santé et des services sociaux au Québec. En effet, le 11 mai dernier, le ministre de la Santé et des Services sociaux annonçait, pour la seule région de Montréal, la fermeture de neuf hôpitaux, et ce, seulement dans la région de Montréal. Comment cette décision-là peut-elle être justifiée quand on a devant nous un gouvernement qui agit d'une façon incohérente par rapport à ses engagements électoraux? Et je ne crains pas de dire que le gouvernement a trompé la population du Québec au moment de la dernière élection.
Si on regarde le programme électoral du Parti québécois en date du 23 juillet 1994, on peut y lire que, pour un gouvernement du Parti québécois, «il importe de reconnaître que l'accès aux services de santé et aux services sociaux est un droit fondamental. Il est essentiel d'assurer un accès équitable à des services de santé et à des services sociaux de qualité correspondant aux besoins des citoyens». Et c'est quoi, la solution pour répondre aux besoins des citoyens? C'est la fermeture de neuf hôpitaux dans la seule région de Montréal. Alors que ce gouvernement n'a jamais parlé, durant toute la campagne électorale, de fermeture d'hôpitaux, on vient prendre une décision aussi importante en escamotant tout débat démocratique ouvert sur une question aussi importante. On a même parlé d'ouverture d'hôpitaux; alors, c'est loin de la fermeture de neuf centres hospitaliers dans la seule région de Montréal.
Si on regarde à la page 47 du programme du Parti québécois, on peut y lire: «Des défis majeurs devront être relevés: vieillissement de la population, vulnérabilité des jeunes, augmentation des problèmes sociaux, émergence et aggravation de certaines pathologies, toxicomanie, violence et délinquance. Ces défis peuvent être relevés par l'innovation, la prévention, la flexibilité, l'emploi optimal des ressources, de même que par une concertation véritable des usagers du réseau, des professionnels de la santé et des services sociaux, des administrateurs et des employés du régime».
Qu'est-ce qu'on voit, M. le Président, dans le budget, d'une façon très concrète? Ça, c'était le discours, mais, dans le budget, d'une façon très concrète, qu'est-ce qu'on peut observer? Au moment où on augmente les dépenses du gouvernement de 1 %, 400 000 000 $ de plus de dépenses dans le budget Campeau, le budget 1995-1996, au moment où on observe une augmentation des dépenses de 400 000 000 $, on voit un gouvernement qui coupe 190 000 000 $ dans les services de santé dans la seule région de Montréal. Est-ce que c'est une priorité pour ce gouvernement-là, les services de santé et les services sociaux? Non, M. le Président. Alors, on voit le discours, on voit la réalité et on voit une grande incohérence qui existe entre les deux.
(20 h 20)
Je vous ai décrit, tout à l'heure, M. le Président, toute une série de défis. On a fait référence à différentes clientèles. D'une façon plus concrète, qu'est-ce que ça signifie, le projet qui nous est présenté aujourd'hui de restructuration des services de santé? Je vais vous le décrire d'une façon très simple: dans les services de santé physique, les services aux personnes âgées, pour la région de Montréal, diminution de 163 000 000 $; services aux personnes ayant des déficiences physiques ou intellectuelles, diminution de 15 000 000 $ sur un budget qui était de 30 000 000 $; services en santé mentale, diminution de 12 000 000 $ sur un budget de 37 000 000 $; services d'adaptation sociale aux jeunes et adultes en difficulté, diminution de 11 000 000 $ sur un budget de 12 000 000 $.
Alors, voilà, M. le Président, de façon concrète, la façon dont ce gouvernement se préoccupe de clientèles qui sont dans des situations difficiles, en coupant dans la disponibilité des services pour ces clientèles. M. le Président, ce n'est pas à une restructuration qu'on assiste actuellement; c'est à une démolition complète de l'acquis que nous avons construit au fil des ans dans le domaine de la santé et des services sociaux. Il s'agit essentiellement d'une démolition aveugle.
Il s'agit de décisions qui sont purement des décisions technocratiques et administratives qui ne tiennent aucunement compte des vrais besoins des citoyens du Québec et qui démontrent, en parallèle, une très grande insensibilité face aux besoins véritables des concitoyens, une insensibilité face à l'inquiétude des malades, une insensibilité, également, face à l'insécurité des médecins, des infirmières, des administrateurs d'hôpitaux, des citoyens en général, les partenaires dont on a besoin actuellement dans une optique où on veut restructurer le service de santé. Alors, on fait fi complètement des vrais besoins des citoyens, pour se préoccuper, tout simplement, d'objectifs administratifs, purement et simplement.
On assiste avec malheur à une dilapidation du patrimoine que nous avons construit, depuis le début du siècle, dans le domaine de la santé et des services sociaux. Et je pense, ici, M. le Président, au travail énorme qu'ont fait les religieuses de nombreuses congrégations, qui ont, de façon désintéressée, de façon dévouée, par leur travail, construit un système de santé jusqu'au début des années soixante, en investissant temps et énergie à construire ce système. Et, aujourd'hui, on met ça de côté, M. le Président. On met également de côté le travail de centaines de milliers de bénévoles qui, à travers la province, ont investi du temps pour améliorer la qualité de vie des citoyens et améliorer, dans leur milieu de vie, la qualité des services de santé et des services sociaux en donnant bénévolement leur temps et leur énergie au service de leurs concitoyens.
En fermant un hôpital, M. le Président, on attaque exactement le travail fait par les religieuses, par les congrégations, au fil des ans, et par les nombreux bénévoles qui ont oeuvré bénévolement avec la bonne volonté de construire des services de santé adéquats pour la population. Ce que le gouvernement fait aujourd'hui, M. le Président, est une honte. Et la population du Québec va s'en souvenir longtemps. Les 10 000 personnes, hier soir, qui manifestaient à Québec auront la mémoire longue, de ce côté-là, M. le Président.
Alors, on est face au projet de loi 83. En quoi consiste exactement le projet de loi 83? Essentiellement, ça permet de donner au ministre de la Santé et des Services sociaux l'outil nécessaire pour frapper à grands coups de hache dans le système de santé et des services sociaux. Ce projet de loi, M. le Président, c'est du jamais vu. Essentiellement, le ministre se donne, à lui seul, tout le pouvoir de décider de la fermeture ou de la modification d'un centre hospitalier. Il a le droit de vie ou de mort sur chacune de nos institutions du réseau de la santé et des services sociaux, si on adopte un tel projet de loi.
Si on regarde, M. le Président, l'article 451.1 et je vais le lire on peut y trouver: «Le ministre, à la demande d'une régie régionale ou de sa propre initiative, peut, s'il estime que l'intérêt public le justifie, notamment pour assurer une gestion efficace et efficiente du réseau de la santé et des services sociaux, retirer, avec l'autorisation du gouvernement et aux conditions que celui-ci détermine, le permis d'un établissement public ou privé conventionné.
«Le ministre fait publier à la Gazette officielle du Québec un avis de son intention de proposer au gouvernement, 45 jours après la publication de cet avis, l'adoption d'un décret l'autorisant à retirer le permis.
«Après la publication de cet avis, le ministre doit donner à l'établissement concerné ainsi qu'à la régie régionale l'occasion de lui présenter leurs observations.»
Qu'est-ce qu'on retrouve essentiellement là-dedans? Je veux attirer l'attention des collègues sur certains points. On dit que le ministre peut retirer de sa propre initiative un permis d'une institution. Ça va loin, ça: de sa propre initiative. À partir de quels critères? De critères vagues. L'intérêt public. C'est quoi, l'intérêt public? Il n'y a rien de précisé dans le projet de loi. L'efficacité et l'efficience. Qu'est-ce que c'est, l'efficacité et l'efficience?
Alors, à partir essentiellement de critères extrêmement vagues, le ministre se donne un pouvoir énorme, un pouvoir démesuré qui frise pratiquement la dictature. Il est le seul à décider, sans procédure d'appel, sans procédure de contestation, sans l'utilisation de critères précis, d'une façon arbitraire, sans aucune discussion ouverte avec les divers intervenants du milieu, si ce n'est de demander à l'établissement concerné ou à la régie de lui présenter leurs observations. Seulement ça. Donc, sans discussion ouverte avec les différents intervenants. Dans un espace de 45 jours, on règle tout et on adopte un décret, à ce moment-là, après un avis dans la Gazette officielle du Québec . Alors, on fait ça vite et en cachette, pour des décisions aussi importantes que la fermeture de neuf hôpitaux dans la seule région de Montréal.
Le gouvernement nous a habitués à parler de partenariat. Quel partenariat peut-il penser développer alors qu'il n'a même pas le respect des intervenants qui sont impliqués dans le milieu, comme les médecins et les infirmières, les administrateurs des hôpitaux et les citoyens en général? Il ne tient aucunement compte de l'opinion de ces intervenants.
Je voudrais également attirer l'attention sur l'article 451.5 où on peut lire: «Si l'établissement néglige ou refuse de fournir le plan prévu à l'article 451.2 ou s'il n'exécute pas ce plan tel qu'il a été approuvé ou n'est pas en mesure de l'exécuter, le ministre nomme une personne qui exerce alors tous les pouvoirs du conseil d'administration, dans le cas d'un établissement public, ou ceux de l'administrateur ou du conseil d'administration, dans le cas d'un établissement privé conventionné.»
(20 h 30)
Alors, si pour différentes raisons le plan qui doit être présenté ne peut être réalisé, et, encore là, je répète, s'il refuse, néglige, n'exécute pas ce plan tel qu'il a été approuvé, voyez-vous jusqu'à quel point on va se rendre? Un plan, s'il n'est pas exécuté tel qu'il a été approuvé ou si on n'est pas en mesure de l'exécuter... Il peut avoir d'excellentes raisons de ne pas être en mesure d'exécuter un plan. Dans toutes ces conditions, le ministre se donne tous les pouvoirs pour nommer une personne qui, à ce moment-là, va remplacer le conseil d'administration qui a été élu démocratiquement par la population pour diriger ces institutions. Alors, M. le Président, c'est un abus du côté du respect des procédures démocratiques. On n'a absolument aucun souci, aucun respect, on bouscule tout le monde et on bouscule toutes les décisions. On met de côté les élus qui forment les conseils d'administration et qui ont été placés là parce que les concitoyens leur ont fait confiance, M. le Président. Et quand on regarde l'article 442.1 concernant les modifications à la mission, essentiellement, je n'entrerai pas dans le détail, mais le ministre se donne exactement les mêmes pouvoirs, puis pouvoirs absolus.
Alors, M. le Président, on pourrait poursuivre encore longtemps, et je vais essayer d'être bref. Je pourrais vous parler des pouvoirs de liquidation qui, essentiellement, correspondent à une confiscation des biens qui appartenaient à une corporation, dans bien des cas, et qui ont été des biens accumulés, comme je l'ai dit tout à l'heure, à travers les années par la contribution des religieuses et aussi des citoyens qui ont souvent investi temps, énergie et argent, par le biais des fondations, pour essayer de s'impliquer et d'assumer leurs responsabilités de citoyens dans leur milieu de façon à se doter d'institutions de santé adéquates. Chacun y a contribué, et, maintenant, le ministre va se donner des pouvoirs de confiscation et de liquidation complète, et les revenus de ça, M. le Président, ce qu'on peut lire dans le projet de loi, ce qu'il y aura de revenus, ce sera versé au gouvernement. Alors, M. le Président, s'il n'y a pas là des abus, il y a quelque chose, en tous les cas, d'assez inusité, vous en conviendrez.
On n'a jamais vu un pouvoir tel que celui que demande le ministre actuellement. On a, dans le cas de certains gouvernements, des pouvoirs d'expropriation où il y a des procédures d'appel, où il y a des procédures de contestation quand on n'est pas d'accord avec la décision, alors que, dans ce cas-là, il n'y a aucune procédure d'appel, aucune procédure de contestation. Et je vais vous rappeler, M. le Président, que jamais un gouvernement n'a utilisé une procédure d'expropriation, malgré qu'il puisse y avoir des façons de contester, jamais une procédure d'expropriation n'a été utilisée dans le cas d'un hôpital. Et, là, M. le Président, on s'apprête à faire pire, on confisque et on liquide.
Je pourrais continuer, M. le Président, mais je vais conclure peut-être en vous citant, je pense, ce qui résume très bien la situation actuellement, l'opinion d'un médecin qui est parue dans Le Soleil du 24 mai. Alors, le médecin, c'est un partenaire du réseau, et c'est avec lui qu'on doit travailler à restructurer notre système. Et, ce qu'on nous dit, je cite: «En ce moment, M. Rochon adopte une attitude napoléonienne, c'est-à-dire sans véritable concertation. On n'a qu'à penser à l'annonce de la fermeture de neuf hôpitaux à Montréal, ainsi qu'à leurs directeurs généraux surpris, voire éberlués, affirmant n'avoir jamais été mis au courant de la fermeture de leur hôpital. En effet, ils ne l'ont appris qu'au cours de la conférence de presse, en même temps que tout le monde.» M. le Président, il y a là un manque de respect absolument inouï.
Un autre extrait du même article: «Tous semblent obéir à un mot d'ordre: "Allons vite, ils en parlant des citoyens n'y verront que du feu." D'ailleurs, le ministre s'est fait remettre les pouvoirs juridiques à l'Assemblée nationale pour fermer ce qu'il veut sans que les administrations hospitalières ou la population puissent s'y objecter légalement!» Enfin, «Avant d'entreprendre de si profonds chambardements, des consultations auprès de la population, des médecins, des infirmières, du personnel de soutien, etc., sont donc nécessaires. Même si la démocratie peut ralentir des processus, c'est tout de même la voie la plus sûre dans le maintien de la paix sociale. Les citoyens, et j'en suis, en ont ras-le-bol de n'être considérés que comme contribuables pendant que des politiciens et les fonctionnaires pensent et agissent sans eux.»
M. le Président, l'opposition officielle appuie les contestations des citoyens quant à la façon dont ça se fait, cette restructuration. Nous ne sommes pas contre une restructuration, nous ne sommes pas contre une restructuration, nous sommes contre le fait qu'on doit récupérer un certain nombre de montants financiers importants, mais de la façon qu'on le fait actuellement, ou qu'on veut le faire, en donnant au ministre les pouvoirs décrits dans le projet de loi 83, jamais, M. le Président, l'opposition ne va accepter qu'on agisse d'une façon antidémocratique et d'une façon aussi dictatoriale que veut le faire le ministre. C'est du jamais vu, ça n'a jamais existé, et vous pouvez être assuré que l'opposition va veiller. Et, dans ce sens-là, la population, les 10 000 citoyens qui contestaient hier à l'Hôpital du Christ-Roi et les 1 000 citoyens qui contestaient à Ville Saint-Laurent, dans une marche sous la pluie mardi soir dernier, pour garder le Centre hospitalier de Saint-Laurent peuvent compter sur l'appui de l'opposition.
M. le Président, dans un débat aussi fondamental, aussi important, nous demandons qu'il y ait une commission parlementaire et que cette discussion se fasse de façon ouverte. Et ce n'est pas vrai qu'on va laisser dilapider le patrimoine que nous avons construit au niveau des régimes de santé et régimes sociaux sans que nous ayons un mot à dire sérieux. Nous ne laisserons pas ça dans les mains de ce ministre qui s'avère un des ministres les plus mauvais que nous ayons eus dans le domaine de la santé et des services sociaux au Québec. Merci, M. le Président.
Le Président: Merci, M. le député de l'Acadie. Alors, nous en sommes toujours au débat relatif à l'adoption du projet de loi 83. À ce moment-ci, je cède la parole à M. le député de Mont-Royal.
M. John Ciaccia
M. Ciaccia: Merci, M. le Président. M. le Président, nous avons au Québec un des meilleurs systèmes de services de santé au monde. Il fournit les services aux plus désavantagés autant qu'à ceux qui sont mieux munis dans notre société. Notre système de santé a servi et sert comme exemple à plusieurs autres pays. Nous n'avons qu'à regarder ce qui se passe avec nos voisins du sud pour voir les avantages que nous avons ici, les services que nous pouvons donner à la population, services qui sont donnés sur la base d'une pierre angulaire de notre système qui est l'universalité, la gratuité et l'accessibilité à ces services pour toute la population, accessibilité d'une façon assez facile, qui répond aux besoins de la population.
Alors, M. le Président, quand on entreprend des changements dans un système qui fait l'envie du monde entier, je crois que nous devons être très prudents et au moins respecter les principes qui ont créé ce système. Parce que ça a pris des années, M. le Président. Si vous vous souvenez, dès le début, quand nous avons commencé à mettre en place le système de services de santé, il y a eu des discussions, il y a eu des négociations, des consultations, il y a eu un consensus, des fois très difficile, pour arriver à la performance que nous avons aujourd'hui. Un système prend des années à construire et à établir sa performance et sa crédibilité. Et nous l'avons, ce système, M. le Président, il répond aux besoins de nos populations. Et, pour faire des changements à un tel système, il faut respecter les mêmes principes qui ont été utilisés, qui ont été mis en place pour le créer.
Est-ce que le système a besoin de réforme? M. le Président, il n'y a aucun système au monde qui est parfait. Certainement qu'il peut y avoir des réformes, certainement qu'on peut l'améliorer, certainement qu'on peut réduire des dépenses et qu'on peut en arriver à certaines suggestions. Mais il faut qu'il y ait des consultations, il faut répondre aux besoins de la population, et on ne peut pas se permettre de prendre ces décisions d'une façon arbitraire ou pour répondre strictement à des objectifs monétaires. Si notre seul objectif, M. le Président, est que, parce que nous sommes pris avec un déficit, nous devons réduire les dépenses, n'agissons pas hâtivement. Ne faisons pas ces changements-là strictement pour dire: Nous avons des objectifs financiers à rencontrer et on va prendre des décisions arbitraires et sans la consultation de la population et des décisions irréfléchies.
(20 h 40)
Pourquoi, M. le Président, sommes-nous contre le projet de loi 83? Regardons ce qui existe aujourd'hui. Et je ne parle pas du réseau de services de santé, je parle des procédures qui ont mis ce service en place et des procédures qui existent pour protéger la population; des décisions peuvent être prises pour réduire les coûts, pour réduire la capacité de certains hôpitaux. Aujourd'hui, M. le Président, la loi ne permet pas au ministre, arbitrairement au ministre ou à aucune personne, que ce soit un ministre ou un autre on ne peut pas, dans notre système démocratique, on ne peut pas, dans un système aussi compliqué, complexe que le système de services de santé, donner le droit à une personne, qu'elle soit ministre ou non, de dire: C'est moi qui vais décider, arbitrairement, sans consultation, sans droit d'appel, de la fermeture d'un hôpital. Sans consulter, sans donner le droit à la population de dire: Écoutez, M. le ministre, peut-être, au lieu de fermer cet hôpital-là, vous devriez faire telle chose pour réduire les coûts, pour arriver à certains objectifs.
Alors, présentement, il n'a pas le droit je parle du ministre arbitrairement, de fermer un hôpital ou de vendre les actifs unilatéralement sans qu'il y ait des protections pour les fondations privées, pour les corporations religieuses. Parce qu'il y a eu des fonds investis, il y a eu une foule de procédures qui ont été prises pour créer le système actuel. Alors, vous ne pouvez pas du jour au lendemain démolir ce système, ou prendre le risque de démolir. Même si un ministre a de bonnes intentions, on n'est pas infaillible, M. le Président, et il faut protéger la population contre des décisions arbitraires. Même si on a les meilleures intentions au monde, même si ce à quoi on veut arriver, on est de bonne foi, il y a des procédures pour ça. C'est pour ça qu'il y a des tribunaux, des tribunaux administratifs. Les gouvernements, les administrateurs sont tous de bonne foi, mais il faut mettre des balises. Il faut dire: Écoutez, pour protéger la population, même si vous êtes de bonne foi, voici ce qu'il faut faire pour éviter des décisions arbitraires, auxquelles on ne peut pas remédier.
Quand vous fermez un hôpital, M. le Président, le dommage est fait, la population va souffrir; ceux qui ont besoin de ce service ne pourront pas l'utiliser. Alors, avant d'arriver à une telle décision, il y a présentement des mesures en place pour que le ministre puisse consulter la population, pour qu'il y ait des droits d'appel, pour que, au lieu de seulement fermer ou prendre une décision arbitraire, le ministre puisse présenter des motifs, les administrateurs puissent faire des plaidoyers. À la fin, c'est le gouvernement qui prend les décisions, mais, au moins, ça se fait dans le respect de nos lois.
Ça serait bien facile aujourd'hui de dire: Si quelqu'un brise la loi, on va le mettre en prison. Oubliez les procès, oubliez les tribunaux! Qui accepterait une telle procédure? Même si les personnes, des fois, sont coupables vous le savez, on le sait mais il y a le respect de nos lois, le respect de nos procédures, le respect de la démocratie, pour que la décision, quand elle est prise, elle soit faite conformément aux besoins de la société et conformément à la volonté de la population. Parce que nos lois dépendent de la volonté de la population.
Mais, aujourd'hui, ce n'est pas ça qu'on fait. On donne au ministre le droit, arbitrairement, de pouvoir fermer un hôpital; pas obligé de présenter des critères sur lesquels sa décision est fondée. Il décide: Non, c'est fermé. Pourquoi? Comment? Est-ce qu'il y a des alternatives? Est-ce que ça devrait être un autre ou non? Peut-être, dans sa tête à lui, le ministre est de bonne foi. Mais, vous savez, dans le monde entier, même le pape est infaillible seulement sur des points de doctrine. Je ne pense pas qu'on soit arrivé à ce point-ci, à l'Assemblée nationale, M. le Président, où la réforme des services de santé est devenue un point de doctrine pour invoquer l'infaillibilité du ministre.
Alors, on n'est pas contre les réformes, on n'est pas contre des changements. Bien, faisons-le dans le respect de nos droits, dans le respect de la population qui a besoin de ces services. Et, dans plusieurs cas, c'est une question de vie ou de mort. Ce n'est pas une question: Bien, est-ce qu'on va donner une subvention à une société pour faire affaire ou non, s'ils l'ont ou ne l'ont pas? Ce n'est pas le même genre de décision quand quelqu'un a besoin de dépendre d'une décision d'un médecin, d'un hôpital, d'un service pour sa survie même dans ce beau monde. Alors, il me semble qu'il faudrait être prudent avant de dire: Neuf hôpitaux vont fermer: celui-là, celui-là...
Pourquoi on ne peut pas consulter la population? Moi, je crois que la vérité sort toujours. On ne devrait jamais craindre de consulter la population. C'est pour ça qu'on a des élections tous les quatre ans, les cinq ans, les trois ans et demi, et la population décide ce qu'elle veut faire. Je crois dans la sagesse du peuple. Alors, pourquoi mettre cette sagesse de côté dans un domaine aussi crucial que le domaine des services de santé? Pourquoi mettre en jeu un système qu'on a pris des décennies à créer, qui a été bâti par des sacrifices, des sacrifices non seulement de ceux qui travaillent dans le système, mais des sacrifices de la population pour payer pour ce système? Pourquoi mettre ça en jeu et laisser ça dans les mains d'une personne? Je ne vois aucune justification pour un tel geste. Je ne vois aucune justification pour mettre dans la main d'une personne le pouvoir de vie ou de mort sur la vie des citoyens. Puis c'est ça qu'on demande. Les services de santé ont le pouvoir.
Quand, moi, je vais voir un médecin, le médecin a le pouvoir de vie ou de mort sur moi, sur vous, sur ceux qui sont à l'hôpital. Et on dit: Non, non, ce n'est plus le médecin, maintenant, ça va être le ministre qui va avoir ce pouvoir-là. C'est ça que vous dites dans ce projet de loi. Vous lui donnez l'autorité totale, finale, de prendre cette décision de fermer un endroit, un hôpital qui, peut-être, donne les services les plus essentiels à la population.
Il y a aussi un aspect culturel. Vous savez, la médecine, ce n'est pas aussi scientifique qu'on pense. Dans la médecine, il y a des aspects culturels. C'est pour ça que la façon de donner des services ici, au Québec, peut être différente de la façon qu'on utilise pour donner des services au Wisconsin ou en Alberta. Il y a cet aspect culturel qui est très important. Quand vous parlez d'un aspect aussi important de services de santé, vous parlez du peuple, vous parlez du monde. Vous ne pouvez pas exclure la population des décisions dans un domaine aussi important que les services de santé. C'est ça qu'on demande. C'est ça qu'on demande au ministre: Revoyez votre projet de loi. On ne peut pas accepter ça. La population ne peut pas l'accepter.
Écoutez, quand il y a des milliers et des milliers de personnes qui font des démonstrations contre des décisions du gouvernement, je pense que c'est un avertissement au gouvernement de ne pas agir d'une façon aussi arbitrale qu'il le fait. Je ne dis pas qu'il faut arrêter les réformes et accéder à toutes les demandes de la population, mais, sur un sujet aussi fondamental que les services de santé, je pense que ça porte à réflexion. Ça porte à réflexion et c'est ça qu'on demande au ministre. C'est ça qu'on demande au gouvernement: Réfléchissez sur ce que vous faites, respectez la population, respectez le système.
Vous savez, il y a des déficits, c'est vrai. Il faut couper nos dépenses. Mais je ne pense pas que les coupures de dépenses doivent se faire sur le dos de ceux qui ont besoin des services. Il y a une série de mesures qu'on pourrait envisager, qu'on pourrait examiner avant de prendre la décision cruciale de dire: On va fermer. Il y a les questions de toute la structure, les questions administratives. Il y a peut-être certains services où on pourrait privatiser pour que ça coûte moins cher. On donnerait le même service à la population. Et je ne parle pas de services médicaux, je parle de services ancillaires, des services rattachés aux hôpitaux.
(20 h 50)
On pourrait revoir les conventions collectives. Je pense que c'est mieux de revoir une convention collective que de foutre le monde à la porte et de les mettre dehors sans aucun travail. On pourrait revoir la rémunération de tous ceux qui sont dans le système, parce que, si on parle de coupures, avant de fermer un hôpital, regardons toutes les autres possibilités. Et je n'ai aucune indication, M. le Président, que le gouvernement a fait ceci. La population n'a aucune indication que le gouvernement a dit: Écoutez, ce n'est pas 875 000 000 $ qu'il faut couper même s'ils étaient contre ces coupures durant les élections c'est 1 400 000 000 $ qu'il faut couper. Très bien! Il faut couper 1 400 000 000 $, il faut faire face à la réalité. Mais, avant de couper les 1 400 000 000 $, au lieu de dire à neuf hôpitaux: Vous n'allez plus donner les services à la population, regardons donc les alternatives qui peuvent exister et qui existent présentement. Et, après ça, on pourra être en mesure de prendre une décision éclairée, une décision avec la participation de la population, avec la participation du milieu concerné.
Il me semble, M. le Président, que c'est le bon sens même qui parle. Les 10 000 personnes qui se sont présentées pour protester contre la fermeture d'un hôpital... Vous savez, c'est une institution qui fait partie de la communauté, qui fait partie de la société, puis on décide qu'on va la fermer sans nous dire la justification autre que de dire: On veut faire une réforme.
M. le Président, c'est très grave. Jamais un ministre et un gouvernement n'auront été aussi loin pour s'attribuer un pouvoir discrétionnaire dans un dossier aussi important qu'est la fermeture ou non des hôpitaux. Et, moi, je ne peux pas comprendre pourquoi le gouvernement ne voit pas la raison et ne dit pas: Écoutez, voici la problématique, il faut réduire les coûts. On est tous d'accord qu'il faut réduire les coûts à travers tous les ministères, pas seulement le ministère de la Santé. Les coûts d'un gouvernement, les impôts qui sont imposés à la population, je pense qu'ils sont arrivés à un point de saturation et il faut trouver d'autres moyens, mais pas d'une façon de même.
Je le regrette, M. le Président, ce n'est pas d'une façon aussi arbitraire. Et je ne mentionnerai pas tout: la fermeture de neuf hôpitaux, je ne mentionnerai pas les engagements qui ont été faits et pas été faits. Je demande au ministre d'être conscient de ce que le gouvernement est en train de faire, d'être conscient des pouvoirs qu'il veut s'attribuer, d'être conscient des difficultés qu'il peut créer à un système qui est un des meilleurs au monde, qui fonctionne, qui donne les services à la population. Ce n'est pas en étant arbitraire de cette façon-là qu'on peut arriver à des réformes.
Parce que, savez-vous, nos lois, M. le Président, on les adopte à l'Assemblée nationale, mais ce ne sont pas les députés, ici, qui adoptent les lois. Oui, techniquement. Nos lois ont de la vigueur et sont acceptées et respectées parce que la population les accepte. Je ne parle pas de certains individus qui enfreignent nos lois, mais, généralement, une loi dépend de l'approbation de la population. Et, si la population n'est pas d'accord avec un geste qui est posé par le gouvernement, là, vous causez des problèmes sérieux dans notre société.
M. le Président, peut-être qu'il n'est pas trop tard pour le gouvernement pour revenir un peu à la raison. Vous savez, il n'y a plus de question d'orgueil, ici. Il n'est pas question de dire: Ah! bien, j'ai pris une décision, mais je dois la garder parce que c'est la décision du gouvernement. Non, non. Il y a du monde à l'autre bout de la décision. Et peut-être que le gouvernement doit revenir à la raison et à la réalisation de l'importance non seulement d'une réforme, mais de la façon dont cette réforme doit être faite, et elle ne peut être faite par une personne, par la décision d'un ministre, quoiqu'il soit compétent comme médecin, comme administrateur. Ça prend la participation de tous ceux dans le milieu, ça prend la participation de la population, et je demande au gouvernement de revoir son approche dans ce projet de loi. Et s'ils sont assez, je pourrais dire, raisonnables pour dire: On a des problèmes, nous sommes prêts à collaborer avec eux, mais pas sur ce projet de loi ci, parce que ce projet de loi va à l'encontre des intérêts de la population du Québec. Merci.
Des voix: Bravo!
Le Président: Merci, M. le député de Mont-Royal. Toujours à l'étape du débat relatif à l'adoption du principe du projet de loi 83, Loi modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux, M. le député de Saint-Laurent, vous avez 20 minutes.
M. Normand Cherry
M. Cherry: Merci, M. le Président. Vous conviendrez que je ne suis pas un de ceux qui abusent du droit de parole à l'Assemblée nationale. Je préfère plutôt écouter les autres, et on dit souvent qu'on apprend plus à écouter qu'à parler. Mais je pense, dans ce cas-ci, qu'il est de mon devoir d'élu de Saint-Laurent d'intervenir en cette Chambre sur le projet de loi que nous propose le gouvernement.
Quand, pour la première fois, j'ai été élu à l'Assemblée nationale, en 1989, notre leader de l'époque nous avait dit: La première responsabilité d'un député, c'est de représenter les électeurs et électrices de son comté, ceux et celles qui lui ont fait confiance. Alors, les gens qui me font l'honneur de les représenter à l'Assemblée nationale sont véritablement choqués de voir la décision que le gouvernement s'apprête à prendre, prétend-il, pour fermer le Centre hospitalier de Saint-Laurent. Les gens ne peuvent pas comprendre, ne peuvent pas accepter que ce qui est le leur, ce dans quoi ils ont contribué depuis de nombreuses années... Et je retiens votre attention, M. le Président, lors de la marche de mardi de cette semaine, au-delà d'un millier de personnes ont rapidement pris la rue pour se rendre à l'Hôtel de Ville pour venir dire tant à leurs représentants du conseil municipal, à l'unanimité, qu'aux deux représentants qui siégeront à l'Assemblée nationale, mon collègue le député du comté de l'Acadie et moi-même, leur attachement à ce centre hospitalier, quelle sorte d'efforts ils y ont investis.
(21 heures)
Ce n'est pas un caprice. Le Centre hospitalier de Saint-Laurent existe depuis au-delà de 80 ans, 83 ans, pour être exact. Depuis de nombreuses années, à cause des services dont la population de Saint-Laurent souhaitait se doter et à cause de certaines restrictions budgétaires, la population de Saint-Laurent, par l'entremise de sa fondation, s'est prise en main et elle, la population de Saint-Laurent, citoyens et citoyennes, a investi, à travers sa fondation, pour se doter de services dans son centre hospitalier, des millions de dollars. Ça, c'est la meilleure façon qu'ont trouvée les citoyens de Saint-Laurent pour exprimer leur attachement à leur centre hospitalier.
Le Centre hospitalier de Saint-Laurent, M. le Président, ce n'est pas seulement l'hôpital comme tel. Il faut regarder l'ensemble des activités de santé qui gravitent autour du Centre hospitalier de Saint-Laurent. Le comté de l'Acadie, où est situé l'hôpital, a eu le privilège d'être représenté, pendant de nombreuses années, par Mme Thérèse Lavoie-Roux, qui a occupé, à l'époque, la fonction de ministre de la Santé. Et il a été décidé là, M. le Président, de vraiment créer, à Saint-Laurent, à partir du coeur qu'est le Centre hospitalier, un ensemble complet de services pour sa population. Des terrains ont été acquis, ont été vendus à la fondation, au prix coûtant, pour pouvoir permettre d'installer, voisin de l'hôpital, des résidences pour personnes âgées, d'autres résidences pour personnes en difficulté, en diminution de moyens. Tout ça parce que le coeur qu'est le Centre hospitalier est celui qui permet l'installation, dans des approches, là... Physiquement, ce sont des terrains adjacents, M. le Président, qui permettent à la population de recevoir ces services-là, services dont elle s'est dotée, et je répète, services auxquels elle a contribué pour des millions de dollars par l'entremise de sa fondation.
On dit que, maintenant... Et, ça, c'est le langage technocratique, là, on appelle ça le virage ambulatoire. Un beau terme. Bien sûr que les hauts technocrates, les fonctionnaires, ont dit: Enfin, on a un ministre qui parle le même jargon que nous autres. Mais, au sein de la population, là, des virages ambulatoires, pour eux autres, là... Ils veulent sentir de quelle façon vont être sécurisés les services qu'ils obtiennent, les services qu'ils se sont donnés, auxquels ils ont contribué.
Le ministre dit que par le virage ambulatoire les CLSC vont fournir de meilleurs services. Bien, le ministre, en fermant le Centre hospitalier de Saint-Laurent, c'est là que loge le CLSC.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Cherry: Voyons, bien, il faudrait peut-être lui dire. Je sais bien que les technocrates qui ont décidé ça ici, à Québec, ne savent pas que, dans la vraie vie, à Saint-Laurent, le CLSC, il est là, et que, autour de l'hôpital, à même des terrains qui ont été acquis et vendus pour que la population... Tout ça gravite au coeur du Centre hospitalier de Saint-Laurent. Bien sûr, bien sûr, ça, là, ce n'est pas des décisions dont on tient compte en haut lieu.
On va aller un petit peu plus loin que ça. Il semble que certains des commentaires que je fais agacent, là, certaines gens, qui disent: Bon, c'est peut-être une approche un peu trop technocratique... On va en prendre...
Une voix: ...
M. Cherry: Oui, j'habite à Laval, vous avez raison. Mais, pendant que vous le soulignez, c'est...
Une voix: Fais-lui donc fermer la...
M. Cherry: Je vous rappelle, M. le Président, que Saint-Laurent est une ville à laquelle j'ai travaillé 36 ans de ma vie, quotidiennement, une ville que j'ai habitée pendant 10 ans, où mes enfants ont fréquenté l'école. Je connais très bien la population, et la preuve...
Une voix: Envoie!
M. Cherry: ...et la preuve, M. le Président, c'est que, lors de l'élection du 12 septembre dernier, ils ont exprimé à celui qui vous parle le plus haut taux d'appui qu'un candidat ait jamais obtenu dans son comté, 25 711 voix.
Des voix: Bravo!
Le Président: S'il vous plaît! On en a au moins pour quelques heures, d'après ce que je peux comprendre, là. Alors, je n'accepterai pas qu'il y ait des interventions comme celle-là alors que j'ai reconnu la parole à un député en cette Chambre. Je pense que c'est une remarque qui peut s'appliquer également à ceux qui l'expriment. M. le député de Saint-Laurent.
M. Cherry: Merci, M. le Président. Bien sûr, en exprimant le nombre de votes des gens qui m'ont fait confiance, je sais que c'est agaçant pour certains qui écoutent, parce que ça représente plus de votes que l'ensemble de la différence exprimée par l'ensemble de la population du Québec pour nos formations politiques. J'ai, chez nous, plus de votes qui m'ont été exprimés, en majorité, que la différence entre votre formation politique et la nôtre. Je sais que ça peut être agaçant, et, si ça peut vous permettre d'un peu mieux dormir, je peux vous dire que les 25 711 voix qui ont été exprimées en faveur de ma formation ne constituent qu'un minimum de ce qu'il y aura quand vous déciderez de la date du référendum. Ça, c'est le plancher à partir duquel on va ajouter des votes aussi. En passant, je tiens à vous le dire. Puis, marquez la date que je vous le dis, ce soir.
M. le Pré...
Le Président: M. le député de Saint-Laurent... Oui, j'allais vous inviter justement à vous adresser à la présidence.
M. Cherry: Vous avez raison, c'est tellement plus agréable de s'adresser à vous; vous avez raison, M. le Président. C'est facilement d'accord avec vous... Je vous ferai remarquer, M. le Président, que vous étiez ici en cette Chambre quand le ministre a dit: Bien sûr, c'est normal, quand on fait des annonces comme celle-là que, dans les premiers temps, il y ait des réactions, que les gens s'agitent un petit peu, mais, avec le temps, on va tout calmer ça, ça va tout bien se passer.
Vous savez, M. le Président, quand on s'éloigne un petit peu, là, des hauts technocrates, puis qu'on s'approche des gens qui reçoivent ces services-là, et ceux et celles qui les dispensent... Alors, moi, je vais vous dire: Les gens que j'ai côtoyés, puis que je représente, leurs préoccupations en tant que patients et je vais prendre celle-là, M. le Président bien sûr, ça, la santé, c'est quelque chose qu'on prend pour acquis, et que, bien souvent, là, on pense toujours que c'est quelque chose qui va arriver aux autres, jusqu'à temps que ça nous arrive.
Le ministre dit: Ne vous inquiétez pas, là, votre dossier va être transféré à un autre centre hospitalier, et, là, on va bien prendre soin de vous. Bien, écoutez, mardi, lors de la marche pour la santé, que j'ai faite avec les gens de Saint-Laurent, une citoyenne m'aborde puis me dit: M. le député, moi, là, j'ai élevé ma famille, ils sont nés au Centre hospitalier. Tout l'ensemble de mon dossier médical est là; j'ai des problèmes de coeur, j'ai des problèmes de poumons. Et elle m'en dit un troisième. Moi, mes trois médecins sont ici, au Centre hospitalier de Saint-Laurent. Donc, quand j'ai besoin de soins de santé, j'ai, ici, et mon dossier complet, et l'ensemble des services dont j'ai besoin, et des professionnels qui me les dispensent. Le ministre, il dit: Ne vous inquiétez pas, votre dossier, il va être réparti à un autre centre hospitalier. Évidemment, les gens pensent à la proximité du centre hospitalier du Sacré-Coeur, qui est déjà débordé, et dont le Centre hospitalier de Saint-Laurent accepte une partie du débordement, et qui est fait chez nous. Donc, il a dit aux gens: Ne vous inquiétez pas! Où il y a déjà trop de monde, où vous attendez trop longtemps, c'est probablement là qu'on va envoyer vos dossiers.
Une fois que mon dossier est rendu là comme me disait la dame, à la marche, M. le Président, mardi elle me dit: Est-ce que je vais avoir l'assurance que les médecins qui me prodiguent ces services-là vont également être désignés au même centre hospitalier où mon dossier va être acheminé? Où est-ce que, quand j'aurai besoin tantôt de services que ce soit pour ses problèmes de cardiologie, ou que ce soit pour ses problèmes pulmonaires... Elle dit: Si mes médecins qui, à l'heure actuelle, me prodiguent ces services-là, tous au même endroit, s'ils sont assignés à des centres hospitaliers différents, est-ce que ça veut dire que j'aurai à me promener à des endroits différents pour continuer à obtenir, des mêmes spécialistes qui me connaissent bien, l'ensemble des services? Je n'ai pas entendu le ministre avoir ce genre de préoccupation là. Je n'ai pas entendu ça. Lui, il parle de virage ambulatoire. C'est un bon mot, ça lui fait bien plaisir avec sa gang de «fonfons». Mais, la vérité, là, ceux qui ont besoin de services, eux, sont inquiets.
Et c'est pour ça qu'il faut se lever en Chambre et vous le dire, M. le Président, par votre entremise, dire au ministre qu'on ne traite pas ainsi des gens qui ont besoin de services de santé, qui ont contribué financièrement, non seulement par leurs impôts, mais, dans le cas de la population de Saint-Laurent, par des contributions très importantes de millions de dollars pour se doter d'équipements pour lesquels ils veulent avoir des services. Et on vient leur dire que, le 16 février, la clef va être mise dans la porte, et que le ministre, par un projet de loi, se dote du droit de pouvoir fermer ça, faire sécession, vendre les biens? Moi, je vous avertis, M. le Président je vais prendre mon langage, là que le ministre, si c'est ça qu'il veut faire, il a un contrat sur les bras à Saint-Laurent. Ça, je peux vous dire ça! Parce que la population ne se couchera pas devant des pouvoirs comme ceux-là: ils y ont mis trop d'efforts, ils y ont consacré trop d'énergie. Et ça, chez nous, ça ne passera pas!
(21 h 10)
Dans un deuxième temps, M. le Président, est-ce que les fonctionnaires qui ont pris ces décisions-là ou derrière lesquels le ministre se cache, est-ce qu'ils ont tenu compte que dans la même ville de Saint-Laurent deux des projets de développement immobilier les plus importants sur le territoire de la Communauté urbaine de Montréal... On n'a qu'à penser à celui de Bois-Franc à cause de la fermeture de l'ancien aéroport de Cartierville sur le terrain qui maintenant est accessible à du développement. Dans la municipalité de Saint-Laurent, il y aura, dans les huit à 10 prochaines années, bien sûr basé sur le contexte économique, 25 000 à 30 000 nouveaux citoyens et citoyennes qui vont venir s'installer dans Saint-Laurent. Parce que l'aéroport de Cartierville, aujourd'hui, n'a plus besoin d'être utilisé les avions vont à Dorval à ce moment-là on développe ça en centres domiciliaires. Des résidences, des nouveaux citoyens et citoyennes. Il va y en avoir entre 25 000 et 30 000 dans les 10 prochaines années. Est-ce qu'on va ajouter ces gens-là aux services de Sacré-Coeur en plus des gens de Saint-Laurent qui sont déjà débordés?
Ça n'a pas de bon sens! Je suis obligé de vous dire ça: Ça n'a pas de bon sens! Il n'y a pas un ministre responsable qui agit de cette façon-là. Une population comme celle de Saint-Laurent, il est normal qu'elle envisage, à cause, comme je viens de le répéter, de ces développements résidentiels, de ces développements immobiliers, selon les normes du même ministère, d'avoir environ 225, 250 lits pour desservir sa population. Elle a un hôpital qui en a 125, puis il décide de mettre la clé dedans. Ça ne tient pas en logique.
Puis, là, bien sûr, en jasant avec le personnel qui y travaille, les gens de première ligne, ceux qui doivent rassurer la clientèle qui se présente à l'hôpital... Ces gens-là, et dans certains cas puis je suis certain que ce qui est vrai à Saint-Laurent l'est également ailleurs des couples, conjoints ou époux, épouses qui travaillent au Centre hospitalier, qui ont réussi, avec les années, à travailler sur le même horaire, les mêmes équipes de travail, les mêmes jours de travail, ce qui, dans certains cas... Elles et eux m'ont exprimé: On a réussi à... On a déménagé. On restait plus loin, on s'est approchés de l'endroit où on travaille. On s'est portés acquéreur d'une résidence à Saint-Laurent ou pas tellement loin. On laisse les enfants à la garderie. C'est comme ça, M. le député, que ça nous a permis d'acquérir une maison. Il faut qu'on place nos enfants.
Donc, dans tout ça, M. le Président, les gens disent: Même si le ministre tente de nous sécuriser avec sa sécurité d'emploi, de quelle façon serons-nous affectés? Est-ce que nous continuerons, comme couple, à travailler sur les mêmes horaires? Travaillerons-nous au même endroit ensemble ou est-ce que tout ça devra être réparti à nouveau, encore une réorganisation de la cellule familiale? Est-ce que ce sont des problèmes qui ont été pris en compte par les gens qui ont conseillé le ministre? Il semble évident que ce n'est pas ça qu'il a priorisé.
Le ministre a trouvé un beau langage: un beau virage ambulatoire. Les gens ne seront pas inquiets. Moi, je vous dis: Tant au Christ-Roi, hier soir, qu'à Saint-Laurent ou ailleurs, le ministre fait fausse route s'il croit que les gens de la population sont rassurés par son virage ambulatoire. Les gens ont besoin d'être sécurisés. Les Québécois contribuent énormément d'efforts, comme payeurs de taxes, et surtout dans le cas de Saint-Laurent que j'ai le privilège de représenter. Je répète: C'est pour des millions de dollars que la fondation a décidé, par des contributions de la population, de se doter d'équipement pour équiper leur hôpital de soins qu'ils veulent avoir, qu'ils se sont donnés, et le ministre pense que, par un projet de loi, il va réussir, lui, à venir faire placarder le Centre hospitalier de Saint-Laurent. Il perd son temps.
M. le Président, vous me permettrez, à ce moment-ci, de vous suggérer qu'il me semble qu'on devrait peut-être vérifier... Je demande de vérifier si nous avons le quorum.
Le Président: Un instant s'il vous plaît! Oui, nous avons le quorum, vous pouvez terminer, monsieur, il vous reste une minute.
M. Cherry: Il me reste combien de temps?
Le Président: Une minute.
M. Cherry: Une minute. Merci, M. le Président. Donc, j'espère, M. le Président, que les arguments que j'ai invoqués ce soir, qui, j'en suis convaincu, expriment le véritable message de la population qui m'a fait l'honneur de la représenter... si ça doit être associé... Et il y a eu, M. le Président, des démarches dans ce sens-là entre Sacré-Coeur, Notre-Dame de la Merci, Saint-Laurent; les gens sont prêts, ils sont conscients qu'il faut faire des efforts. Mais, M. le Président, je vous le répète avec toute la sincérité puis la conviction dont je peux être capable, les gens de Saint-Laurent ne permettront pas que le coeur de ce dont ils se sont dotés comme services de santé à Saint-Laurent, le Centre hospitalier, que le ministre, par un projet de loi, puisse venir rayer ça de la carte. Il a sur les bras, et je le répète, une bataille qu'il ne pourra pas gagner parce que, ça, c'est quelque chose qui appartient à la population de Saint-Laurent, pas au ministre de la Santé. Merci, M. le Président.
Des voix: Bravo!
Le Président: Alors, merci, M. le député de Saint-Laurent. Nous poursuivons le débat à l'étape de l'adoption du principe du projet de loi 83, Loi modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux. M. le député de Nelligan, vous avez la parole pour un maximum de 20 minutes.
M. Russell Williams
M. Williams: Merci beaucoup, M. le Président. Je suis obligé ce soir de faire une intervention sur le projet de loi 83, Loi modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux, parce que c'est un mauvais projet de loi. Le ministre veut fermer les hôpitaux, c'est clair, c'est ça qu'il veut, c'est de ça qu'il rêve. Le ministre de la Santé veut trouver 1 400 000 000 $ pour son ami, le ministre des Finances. Comme, l'autre fois, je l'ai dit dans cette Chambre, je pense que le ministre de la Santé serait mieux d'être nommé adjoint parlementaire au ministre des Finances, parce qu'il ne suit pas les dossiers de santé, il suit juste les questions d'argent et de sous. Je lui ai demandé: Est-ce que... Does he care? Does he have a heart? Does he pay attention to the needs of the population? Il me semble que c'est clair que ce parti, ce gouvernement a assez d'argent pour faire le référendum, pour faire de la partisanerie, pour faire le marketing pour son obsession, mais il n'a pas assez d'argent pour le système de santé et de services sociaux.
M. le Président, avec votre carrière avant, vous étiez impliqué dans le secteur de la santé et des services sociaux, vous étiez très impliqué dans votre réseau et vous savez l'importance des hôpitaux. Vous connaissez les hôpitaux dans chaque ville, dans chaque territoire de Québec, et je pense que vous avez peut-être... Je ne veux pas faire trop d'évaluation sur chaque membre, mais vous avez une expérience pratique dans le réseau, une expérience pratique qui est nécessaire pour prendre ces décisions-là.
M. le Président, le projet de loi 83 a plusieurs choses qui doivent être amendées, qui doivent être enlevées de ce projet de loi. Un, c'est un abus de pouvoir, c'est un abus de pouvoir comme je n'ai jamais vu. Il cherche à avoir le pouvoir unilatéral de fermer les hôpitaux, de fermer plus que les hôpitaux. Et je vais citer les articles de la loi plus tard. Le ministre de la Santé veut avoir le pouvoir de liquider nos établissements, de vendre les biens, fermer ça et liquider tous les biens de plusieurs établissements. Selon mon opinion, M. le Président, c'est de l'expropriation par la porte d'en arrière.
Aussi, le projet de loi, c'est un projet de loi simpliste. Comme on dit en anglais, it is overkill. Si on veut améliorer notre système, nous n'avons pas besoin d'arriver avec un projet de loi 83, et de dire: Je voudrais avoir le pouvoir de fermer quand je veux; pour des raisons que je n'ai pas besoin de dire, je voudrais fermer les hôpitaux. Je pense qu'on doit être beaucoup plus nuancé, subtil et travailler en «partnership» avec notre réseau.
(21 h 20)
Il y a aussi, M. le Président, quatre fois une clause «nonobstant», une clause qui dit: «Malgré toute disposition législative inconciliable». On voit ça dans l'article 4, on voit ça dans les articles 451.12 et plus tard. C'est clair, M. le Président, il y a des contradictions dans nos lois. Mais le projet de loi dit: Oubliez ça, oubliez qu'il y a un équilibre entre le passé, le présent et l'avenir, oubliez ça, et donnez-moi le pouvoir de fermer unilatéralement des hôpitaux.
Aussi, M. le Président, on voit, dans ce projet de loi, un retard des élections. Pourquoi veut-il retarder les élections, M. le Président? On doit questionner ça. On doit le questionner parce que, si nous avons eu des problèmes pour retarder les élections, on peut peut-être mettre des articles de loi, changer la façon de faire les élections. Mais retarder les élections dans les hôpitaux, dans les CLSC, dans nos centres d'accueil, pourquoi? Est-ce que c'est parce que le Parti québécois va être trop impliqué dans son référendum cette année? Est-ce qu'il veut organiser, l'année prochaine, paqueter les élections de chaque centre? Je ne sais pas. J'ai besoin de demander pourquoi. Pourquoi il veut retarder les élections dans nos établissements? Particulièrement quand le monde, la population, les citoyens et citoyennes du Québec ont participé avec bonne volonté, avec bonne foi aux élections. Il y en a qui ont gagné, il y en a d'autres qui ont perdu. Ils ont dit: Correct, c'était démocratique. Mais on arrive avec un projet de loi antidémocratique, qui dit: Non, on veut changer les règles à mi-chemin.
Le système de santé et de services sociaux, M. le Président, est toujours en train de changer. Nous n'avons pas besoin de trouver une excuse pour reporter les élections. Pourquoi ne pas avoir les élections cette année? S'il y a des améliorations dans la façon dont on fait les élections, on peut discuter de ça dans le projet de loi. Mais voilà, trois concepts, dans la loi, assez abusifs: le pouvoir unilatéral de fermer les hôpitaux, le pouvoir de liquider les hôpitaux et aussi un délai dans les élections.
Mr. Speaker, this Government, in the last eight months, has shown no interest and no attempt to improve the system with alternatives, to work with the partners, to work with the medical personnel, our health-care providers, to work with patients, to work with all staffs. They have come with a club and said: The only way we know how, is to slam things shut, close them down. And I want the unilateral power, the minister says, to do this. We have a system, Mr. Speaker, that is one of the best systems in the world.
Et aussi tout le monde dit: C'est trop cher. En comparaison avec les États-Unis, nous avons un pourcentage de PIB de 9 %. Aux États-Unis, c'est plus de 12 %. Le Québec, dans le système pancanadien, était le chef de file, jusqu'au projet de loi 83. Je pense que tous ceux et celles qui ont travaillé dans le réseau de santé et de services sociaux, ils vont être très embarrassés par la logique et la ligne de pensée qu'on trouve dans le projet de loi 83. Et selon mon opinion, M. le Président, il met les concepts et les principes fondamentaux de notre système en doute, ceux d'accessibilité et d'universalité.
Quand vous avez le pouvoir de fermer les hôpitaux, quand vous avez le pouvoir de fermer n'importe quelle institution, je pense que vous êtes en train de mettre tout le système en doute. Et pour être assuré que tout le monde comprend le pouvoir que le ministre cherche, je vais citer l'article 6 qui change l'article 451.1 de la loi de la santé: «Le ministre, à la demande d'une régie régionale ou de sa propre initiative, peut, s'il estime que l'intérêt public le justifie, notamment pour assurer une gestion efficace et efficiente du réseau de la santé et des services sociaux, retirer, avec l'autorisation du gouvernement et aux conditions que celui-ci détermine, le permis d'un établissement public ou privé conventionné.»
Just to make sure, in the public record, people understand what this minister is trying to do. This article says: «The Minister, at the request of the regional board or of his own initiative, may, if he is of the opinion that the public interest warrants it, in particular to insure the effective and efficient management of health and social services network, withdraw the permit of a public institution or private institution under agreement, with the authorization of the Government and on the conditions it determines.»
M. le Président, c'est le pouvoir unilatéral de fermer nos établissements, avec aucun droit d'appel. M. le Président, quand vous êtes en train de fermer un établissement que les bénévoles, les simples citoyens ont bâti, je pense qu'on doit respecter leurs opinions beaucoup plus que ça.
M. le Président, le ministre veut aussi avoir le pouvoir de vendre les bâtisses. And some of these establishments have been built 150 years ago, 100 years ago, 75 years ago. They have been built with the blood, sweat and tears of volunteers. They have been built with the money of private citizens. And what does this Government want to come and do? It wants to expropriate them. It wants to take over them and be able to sell their assets. There is a number of community groups, whether it is religious groups, linguistic groups or special interest groups, that have contributed to the well-being of our public health and social service system. It is not proper, it is not proper, Mr. Speaker, that this Government seeks the power, seeks the power to sell, to liquidate and sell those public institutions. Il n'y a aucune justification.
Le ministre a décidé qu'il veut avoir 1 400 000 000 $ de coupures. Qui a décidé ça, M. le Président? Sur quelle justification? Sur quelle justification aussi est-ce que le ministre est en train de chercher un délai dans les élections? And as an English-speaking Quebecker, who was quite active in the development of some of the legislative guarantees that we all speak about so highly today, that were woven into Bill 120 and first appeared in Bill 142, as an English-speaking Quebecker that has on public record and has been able to read what this party did during the first passage of Bill 142, I think all Quebeckers must be concerned, but the English-speaking community should also be particularly concerned. This is a party that has not shown an interest or desire to work with and protect and promote a network of English language health and social service institutions.
In the proposed closures in Montréal alone, Mr. Speaker, there are four establishments that have a special article of protection, article 113f of the Charte de la langue française, that allows them to be bilingual because of the historic and traditional relationship with the French and the English-speaking community. This Bill, Bill 83, gives the power to unilaterally close them, without any mention anywhere about the special needs, the special needs of a community in terms of its patients, but also in terms of its staff and in terms of the special relationship between an establishment and its community.
M. le Président, je pense que c'est clair. Il y a plusieurs raisons d'être contre ce projet de loi. Mais une chose que je voudrais aussi souligner encore une fois pour m'assurer que la population comprenne, ils ont mis quatre fois dans ce projet de loi la phrase «malgré toute disposition législative inconciliable». Franchement, M. le Président, j'espère que... Et peut-être qu'on peut offrir ça au Parti québécois, il peut retourner au comité législatif, il peut réétudier cette loi. Et, s'il admet quatre fois dans son projet de loi, quatre fois, qu'il y a des contradictions dans la loi, peut-être ça va être mieux. Avant de mettre tout le système en doute, avant de créer tous les problèmes d'incertitude dans le réseau de la santé et des services sociaux, peut-être qu'il peut reformuler ce projet de loi, nettoyer ça, améliorer ça et aussi mettre, je pense, retricoter l'esprit qui a bâti un des meilleurs systèmes dans le monde, c'est l'esprit de partnership, l'esprit de travailler ensemble. Vous n'avez pas besoin, M. le Président, du pouvoir unilatéral de fermer les hôpitaux. Je pense que la chose dont nous avons besoin, et nous avons ça dans la Loi sur les services de santé et les services sociaux, nous avons besoin... Il est utile de travailler ensemble, de trouver les moyens de s'assurer que nous allons continuer, pour avoir le meilleur système dans le monde.
(21 h 30)
Mr. Speaker, nobody on this side of the House is against improvement of the systems, improvement of efficiency and working hand in hand with the health care providers, nobody is against that, but I do not think you need to reconfigure the whole system. You have to, as the Deputy of Robert-Baldwin says, you have to build on the good parts of the system, build on what we have, not throw it all up in the air and wait till the cards fall and rebuild it again. What you have to do is take what is good, take the creativity and the energy of the workers within the system and build on it. What does this Government do? and it seems it is the only thing it knows how to do is to try to cut off these discussions and just close things. It does not seem to have the capability or even the understanding of what it means to work together and build a health care system.
When I look at this law, Mr. Speaker, there is no logic to it. There is an excessive grab for power, there is almost an obsessive grab for power. And again, I refer to your experience, and maybe other people on the Government side do not have the same experience, but there seems to be an understanding on behalf of the Minister that the only way he can make a decision is have all the power himself and just tell people what to do. You know, Mr. Speaker, that the way we build partnership in the system is to work and respect each other and build an effective health and social services system in that way.
M. le Président, j'ai besoin aussi de mentionner, comme le député de Saint-Laurent l'a déjà mentionné, qu'avec les recommandations des régies régionales et aussi la loi 83 on peut avoir des décisions désastreuses qui vont faire très mal dans ma propre communauté. Il y a la possibilité de fermer l'Hôpital général de Lachine, 114 lits. Ils ont recommandé de reporter l'agrandissement de mon Hôpital général du Lakeshore, 106 lits, une perte potentielle de 220 lits.
M. le Président, nous avons besoin des lits. Les travailleurs et travailleuses dans le système, depuis des années, ils ont commencé le virage ambulatoire, pour utiliser un mot du ministre. They have already started to work with a new way of working with the system. I listened to the Prime Minister the other day, and he said that he had actually visited Lachine Hospital during the election, and he said it was one of the most wonderful establishments, and it did already outpatient clinics, it did already very effective day-surgery. He was very complimentary.
Mr. Speaker, I recalled, when the Prime Minister was talking, the Remington commercial, when the owner said: «I liked the product so much, I bought the company.» But I think the Prime Minister got that wrong. He likes the hospital so much, he wants to close it. It does not make any sense, Mr. Speaker.
On doit être très prudents. Qu'est-ce qui est derrière ce projet de loi? Je suis aussi, M. le Président, un ancien membre exécutif d'un conseil régional, le Conseil régional du Montréal métropolitain. Et je me souviens, quand ce parti a été au gouvernement la dernière fois, ils ont essayé aussi de changer la vocation des hôpitaux, ils se sont mis en tête de changer la vocation de Thoracique, Jeanne-d'Arc et Reddy. Au moins, je peux dire ce soir, M. le Président: ils sont tenaces, mais ces hôpitaux-là sont tenaces aussi. They are still there and they are still giving effective high quality services to the people of their region, and they are proud of doing it, and they are going to be there later on, Mr. Speaker, because the population will not accept this kind of unilateral power this «péquiste» Government is trying to take. It will not accept it.
The population will not accept closing nine hospitals on the Island of Montréal alone, particularly when you look at other decisions of this Government. I already said: They are spending public funds to pass their partisan information. Phone this number and you will know where your tax payer's money is going. They are already spending money on things that would much better be spent on health care.
Mr. Speaker, those hospitals will fight very hard to make sure that they have the support of the community. And I know they already do. Look at the manifestations you have already seen, look at the marchers, look at the letters that are coming in, look at the gallery that... People are coming here and they are wanting to express... They are trying to tell this Government: This is wrong. Ça n'a pas de bon sens. That is what they are telling you. And I hope the Government listens. I hope the Government listens very well because we need our hospitals.
Et, comme je l'ai dit avant, je suis prêt à donner une autre chance à ce gouvernement pour ce projet de loi, s'il veut reformuler le projet de loi, retourner et demander à la population. Je pense que nous avons besoin d'auditions publiques, nous avons besoin de ça tout de suite, parce que nous avons besoin d'un débat ici, à l'Assemblée nationale. Et, comme le vrai chef du Parti québécois l'a dit, M. Lucien Bouchard, il veut avoir une consultation beaucoup plus élargie. Pour Lucien Bouchard... Your real chief here, your real leader wants public hearings. Why do not you listen to him like you normally do? Why do not you pay attention and why do not you follow and have public hearings right now?
La population du Québec, le système de santé et de services sociaux méritent beaucoup mieux que ça. On ne va jamais donner le pouvoir unilatéral pour fermer nos hôpitaux. Merci beaucoup, M. le Président.
Le Président: Merci, M. le député de Nelligan. Alors, toujours sur le débat, dans le cadre du débat relatif à l'adoption du principe du projet de loi 83, M. le député de Johnson, vous avez un maximum de 20 minutes.
M. Claude Boucher
M. Boucher: M. le Président, j'ai écouté avec beaucoup de plaisir mes collègues de l'autre côté de la Chambre déblatérer contre le projet de loi. Ces gens-là oublient que le ministre Marc-Yvan Côté avait établi les fondements de la réforme que nous sommes en train d'exécuter. Ces gens-là oublient que c'est grâce à leur collègue, ministre de la Santé et des Services sociaux dans le temps, que nous pouvons maintenant actualiser les principes qui avaient été mis de l'avant. Et je vais leur rappeler c'est quoi ces principes-là, M. le Président, ils semblent les oublier. Ils semblent oublier dans quel état se trouve actuellement le système de santé et de services sociaux au Québec. Ils semblent oublier que le ministre de la Santé et des Services sociaux du temps des libéraux avait mis la clientèle d'abord comme l'objectif fondamental de la réforme, la clientèle d'abord. Ces gens-là défendent des intérêts d'hôpitaux, d'administrateurs, ces gens-là défendent des intérêts de corporations de médecins, ces gens-là défendent les riches de notre société. Ces gens-là ne défendent pas le monde ordinaire. Bien, on sait pourquoi, d'ailleurs. On connaît leurs sources de financement, on connaît leurs réseaux, on sait d'où ils viennent et on sait que ces gens-là ne défendent pas les intérêts du peuple, du monde ordinaire.
Je vais leur rappeler c'étaient quoi les fondements de la réforme. Il y avait quatre principes qui étaient les principes de ce qu'on appelle une approche qualité. Et c'est quoi l'approche qualité? C'est quoi les principes de l'approche qualité? C'est d'abord et avant tout, je viens de le dire, la clientèle avant tout, le client, les gens qui ont besoin de services, c'est pour eux que tout le système de santé existe. Ces gens-là semblent l'oublier.
Deuxièmement, sur quoi est fondée une approche qualité, sur quoi était fondée l'approche de leur ministre libéral? Le partenariat, la complémentarité des établissements. Ces gens-là semblent l'oublier aussi. Ils défendent des hôpitaux, ils défendent des directeurs généraux d'hôpitaux, on les voit. On les voit là, ils ont des noms dans la tête, un ami Untel qui est directeur général ici, une corporation de médecins ici, des amis. On le voit, c'est ça qu'ils font.
Le troisième principe de l'approche qualité, qu'est-ce que c'est? La rationalisation des budgets; l'efficience et l'efficacité. On oublie ça. Ces gens-là oublient que le Québec est en difficulté financière, et c'est eux qui nous ont laissés dans ces difficultés-là. Ces gens-là oublient ça aussi. Et leur ministre, Marc-Yvan Côté, avait dit: Il faut rationaliser les dépenses, il faut viser l'efficience et l'efficacité. Et, ultimement, leur ministre avait dit: Il faut gérer de façon efficace et stratégique les ressources humaines qui sont l'instrument de développement du réseau, les ressources humaines. Je ne sais pas s'ils y pensent aux ressources humaines, ces gens-là. Ils ont l'air de penser juste à l'image, l'image de mon hôpital dans mon quartier. Ils ne pensent pas aux gens qui ont besoin de services concrets qui leur ressemblent, chez eux, ils oublient tout ça.
À partir de ces quatre principes de la réforme, le ministre, qu'est-ce qu'il fait actuellement, notre ministre? Le ministre, d'ailleurs le ministre duquel, nous, nous sommes solidaires... En 1992, ils ont laissé tomber Marc-Yvan Côté, complètement laissé tomber. Et, Marc-Yvan Côté qui était leur organisateur libéral, leur ministre, ils l'ont «flushé», comme on dit en bon québécois, complètement «flushé», si bien que, depuis 1992, il n'y a rien qui se passe dans le réseau, rien. Il y a des D.G. qui sont assis sur leur job, il y a des cadres qui sont assis sur leur job et qui bloquent la réforme.
(21 h 40)
Moi, je vis dans une région, M. le Président, où la Régie régionale, que j'ai respectée dès le départ dans sa démarche, est en train de faire une démarche acceptée par la population, une démarche exceptionnelle, où nous allons fermer un site hospitalier. Imaginez-vous l'horreur! Nous allons fermer un site hospitalier. Et pourquoi nous allons faire ça? Nous allons faire ça parce que nous allons prendre des gens qui sont dans les hôpitaux, qui pourrissent dans les hôpitaux, sans services, nous allons les retourner à domicile et nous allons leur offrir des services à domicile, dans leur milieu naturel, dans leur milieu de vie, et ces gens-là sont très heureux de ça.
Moi, j'ai travaillé dans un CLSC pendant des années, et vous ne pouvez pas vous imaginer le nombre de témoignages de gens qui nous disaient: On est mieux servi dans notre maison, avec des services à domicile de votre CLSC, que dans votre hôpital. Ces gens-là, on dirait... Pourtant, il était là. Pourtant, il était là, leur ministre qui travaillait dans ce sens-là. Ils l'ont oublié, complètement oublié. Et là, aujourd'hui, ils pleurent. C'est triste! Mon Dieu, il y a des gens qui marchent dans la rue! C'est qui, ces gens-là, qui marchent dans la rue, hein?
Une voix: Dix mille personnes qui...
M. Boucher: Non. Vous oubliez qu'il y en a des millions au Québec qui ont des problèmes financiers, qui n'ont pas des services de qualité et qui attendent la réforme. Vous oubliez ça. Ça ne marche pas.
Une voix: ...
Le Président: M. le député de Johnson.
M. Boucher: Vous êtes à côté, complètement à côté de la coche, les amis.
Des voix: ...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre! Juste pour se rappeler, M. le député de Johnson, qu'on doit s'adresser à la présidence.
M. Boucher: M. le Président, comme le collègue, le député de Saint-Laurent, le disait: C'est vraiment plus intéressant de s'adresser à la présidence, évidemment...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Boucher: ...et je vais le faire. Ha, ha, ha!
Alors, je reviens à ce pourquoi notre ministre, le ministre qu'on supporte, nous, de qui on est solidaires et que nous allons accompagner jusqu'à la fin, parce qu'on sait que c'est pour le bien des Québécois que nous faisons ça... Ce n'est pas pour le bien de nos caisses électorales. Ce n'est pas pour le bien des amis du régime. C'est pour le bien de la clientèle que nous faisons ça, et nous allons aller jusqu'au bout.
Essentiellement, la réforme va faire quoi? Et vous le savez très bien, d'ailleurs. La réforme va enlever des personnes dans les hôpitaux, qui pourrissent, je le disais tout à l'heure, et va les amener dans des centres d'accueil. La réforme va faire quoi? La réforme va permettre à des gens de rester à domicile plus longtemps, dans un milieu de vie dans lequel ils se sentent à l'aise, dans lequel ils aiment vivre. C'est ça qu'il va falloir... Et c'est ça qui vous dérange. Ça vous dérange, parce que vous voyez bien que la qualité des services est notre préoccupation. Vous le voyez. Ça vous achale parce que vous n'avez pas eu le courage d'aller jusque-là. Nous allons y aller. Nous allons le faire comment? Nous allons le faire en partenariat avec les gens, et l'Estrie est un modèle, l'Estrie est un modèle de partenariat, de démarche concertée, de démarche articulée avec les dirigeants d'hôpitaux, avec les cadres, avec les employés syndiqués. Notre région est un modèle, d'ailleurs, un modèle que le ministre de la Santé et des Services sociaux, mon collègue, reconnaît et approuve, et sur lequel, j'espère, il se modèle un peu, d'ailleurs.
Notre région a démontré que la population peut supporter une telle démarche. La population peut l'apprécier à sa juste valeur et reconnaître que nous allons dans la direction que votre ministre avait fixée lui-même, et que nous avons pris la relève, et que nous allons aller au bout, là où vous n'avez pas pu aller...
Des voix: Ils n'ont pas voulu y aller.
M. Boucher: ...et vous n'avez pas voulu y aller.
Une voix: Manque de courage.
M. Boucher: M. le ministre... M. le ministre! M. le Président. Ha, ha, ha!
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Boucher: J'ai tellement d'admiration, M. le Président, pour le ministre de la Santé et des Services sociaux, que vous comprendrez...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Boucher: Ha, ha, ha! Je vais terminer, parce que je sais que j'en ai dit tellement que mes collègues d'en face ont hâte que je termine, j'en suis sûr.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Boucher: Ha, ha, ha! Je vais terminer en vous disant que cette réforme-là, nous allons la réussir parce que nous allons la mener sur la base des quatre principes qui ont été établis par votre propre gouvernement, et c'est ce que nous faisons actuellement.
Je vais vous dire que la clef de tout ça, ce sont les ressources humaines. Et nous allons, dans les semaines qui suivent, tout axer notre démarche sur une gestion stratégique et bien planifiée des ressources humaines; nous allons le faire en concertation avec le milieu, avec les cadres du réseau, avec les syndiqués du réseau. Et grâce à ça, et grâce à l'appui que nous avons dans la population, beaucoup plus que vous ne pensez parce que la population n'est pas folle; elle sait, elle, ce dont elle a besoin, et nous répondons à ses besoins nous allons réussir et nous allons faire de notre ministre le meilleur ministre de la Santé et des Services sociaux qu'il y a eu au Québec. Merci.
Le Président: Alors, merci, M. le député de Johnson. Je vous rappelle que nous sommes toujours à l'étape du débat relatif à l'adoption du principe du projet de loi 83, Loi modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux. Et je serais prêt maintenant à céder la parole à un autre intervenant. M. le député de Beauharnois-Huntingdon, vous avez 20 minutes.
M. André Chenail
M. Chenail: M. le Président, je suis très heureux de pouvoir intervenir sur le projet de loi 83, intitulé Loi modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux.
Le projet de loi 83, M. le Président, vise la modification de la Loi sur les services de santé et les services sociaux. Ce projet de loi est axé sur quatre objectifs très précis, dont le principal est la fermeture d'hôpitaux. Ce projet de loi précise les procédures qui suivront pour liquider des actifs des hôpitaux que le ministre de la Santé aura décidé de fermer, M. le Président. Le projet de loi 83 vise à prolonger le mandat des membres du conseil d'administration des régies régionales pour une période d'un an. Par surcroît, ce même projet modifie le processus de nomination pour les postes vacants en procédant, non plus par élection, mais par résolution du conseil d'administration. Cette façon de faire, M. le Président, m'étonne grandement, car les membres élus du conseil d'administration des régies régionales se retrouveront juge et partie à la fois.
M. le Président, à bien y penser, je n'aurais pas dû me surprendre de cette façon d'agir, puisque ça doit être ça, l'autre façon de gouverner. J'espère, M. le Président, que les députés d'en face vont se tenir debout et défendre les citoyens, comme ils ont promis de le faire lors de la dernière campagne électorale. Je me permets de leur rappeler que leur devoir de député est de défendre les concitoyens. M. le Président, le député de Montmorency, M. Jean Filion, a eu l'honnêteté de dire à la population du Québec que son gouvernement avait trompé la population. Il a eu le courage de défendre ses électeurs. Et je suis sûr que la population de Montmorency lui en sera reconnaissante.
Ce gouvernement, M. le Président, est passé maître dans l'art de parler des deux côtés de la bouche en même temps. M. le Président, je viens de réaliser que le gouvernement du Parti québécois veut éliminer les listes d'attente, tout simplement en faisant disparaître les hôpitaux. M. le Président, le premier ministre Jacques Parizeau jouait la comédie durant la campagne électorale. Rappelez-vous, il nous faisait presque brailler lorsqu'il parlait des enfants qui attendaient pour se faire opérer. M. le Président, le Parti québécois disait qu'il était impossible de faire des coupures dans la santé sans que la population en soit pénalisée. L'autre façon de gouverner, M. le Président, nous la connaissons maintenant, c'est de dire quelque chose en campagne électorale et de faire le contraire lorsqu'ils sont élus.
La preuve, M. le Président, c'est qu'ils coupent 2 000 000 000 $ dans la santé. Ce qui est le plus incroyable, c'est que M. Parizeau nous dit, aujourd'hui, qu'en faisant des coupures de 2 000 000 000 $ dans le réseau de la santé, il va améliorer les soins de la population du Québec. Le ministre de la Santé, M. Jean Rochon, répète à tout le monde de ne pas s'inquiéter. D'après lui, il est en train d'améliorer le système de santé au Québec. Il faudrait être simple d'esprit pour croire que le virage ambulatoire va rendre le système de santé plus efficace. M. le Président, le Parti québécois tente de faire croire à la population qu'il peut fermer des hôpitaux partout au Québec et donner les mêmes soins qu'avant. Même un enfant de cinq ans comprendrait que, si je lui enlève la moitié de son argent, il ne pourra pas acheter les mêmes choses qu'avant.
(21 h 50)
M. le Président, j'ai reçu des appels de personnes âgées dans mon comté qui ne comprennent pas comment elles pourraient être opérées à 10 heures et retourner chez elles dans l'après-midi. Imaginez-vous une dame de 75 ans qui est opérée à 10 heures et, cet après-midi, on l'a mise à la porte de l'hôpital en lui disant qu'une infirmière du CLSC passerait la voir demain. Cette nuit, M. le Président, cette femme âgée passera la nuit seule chez elle. J'espère, M. le Président, qu'elle n'aura pas de complications, car, sans cela, elle risquerait de souffrir ou de mourir seule chez elle.
En plus, M. le Président, le gouvernement du Parti québécois ne dit pas toute la vérité, car une des raisons pour laquelle on met les gens à la porte des hôpitaux, c'est pour ne pas payer les médicaments. Lorsque les gens sont à l'hôpital, c'est le gouvernement qui paie les médicaments; à la maison, ce sont les citoyens qui paient de leur poche. Le ministre de la Santé et des Services sociaux me fait penser à un «roadrunner» et la population au coyote. Vous vous rappelez cette bande dessinée où le «roadrunner» gagnait toujours et le coyote perdait toujours?
Est-ce que le ministre de la Santé et des Services sociaux est conscient qu'il met la vie des Québécois et Québécoises en danger? Avec ce projet de loi, M. le Président, le ministre pourra, de sa propre initiative ou à la demande d'une régie régionale, retirer le permis d'un établissement public ou privé, c'est-à-dire fermer des portes sans demander l'avis de personne. M. le Président, est-ce de cette façon que le gouvernement du Parti québécois entend traiter nos personnes âgées dans un Québec indépendant? M. le Président, j'ai l'impression que le ministre de la Santé et des Services sociaux ne vit pas sur la même planète que nous. Les familles d'aujourd'hui ne peuvent prendre sous leur responsabilité leur parenté; presque tous les couples travaillent à l'extérieur du foyer, maintenant. M. le Président, cette réforme nous dirige tout droit vers une médecine pour les riches et une pour les pauvres. Si j'ai bien compris, la seule façon d'assurer d'être bien soigné au Québec, c'est d'avoir les moyens de se payer des soins privés.
M. le Président, laissez-moi vous parler de la réalité des comtés agricoles. Dans ces comtés, M. le Président, l'hôpital est parfois à des dizaines de kilomètres et les services de CLSC se font rares. Je me rappelle très bien d'avoir entendu le gouvernement d'en face dire qu'il serait le gouvernement des régions. Mais, avec cette réforme, c'est tout le contraire qui va arriver, car en doublant, ou presque, le nombre d'habitants par hôpital, ça veut dire qu'il y aura encore moins d'hôpitaux dans les régions. Donc, la population qui vit en dehors des grands centres est pénalisée, encore une fois. J'en ai assez, M. le Président, d'entendre dire qu'il faut sauver les régions parce que, chaque fois que ce gouvernement nous présente des projets de loi, il oublie les régions. Ce gouvernement devrait être oublié. Puisqu'il devra se représenter un jour devant la population, comptez sur moi, M. le Président, pour rappeler à la population de mon comté comment le gouvernement du Parti québécois a traité la population des comtés agricoles.
M. le Président, j'ai l'impression que le ministre de la Santé et des Services sociaux se fout complètement de la population des régions. Ce ministre vit dans sa tour d'ivoire; il fait le virage ambulatoire comme s'il jouait une «game» de Monopoly. On dirait qu'il oublie que c'est la vie des gens qu'il joue. Je suis surpris de voir que des politiciens prennent de si grands risques. À l'âge où je suis rendu, croyez-moi, je n'aurais jamais cru qu'on pourrait réclamer autant de pouvoirs que celui de fermer les hôpitaux du jour au lendemain. Soyez assuré, M. le Président, que je contesterai ce projet de loi, et ce, dans l'intérêt de tous les Québécois et Québécoises. Quand je pense qu'on dépense 60 000 000 $ pour faire un référendum, 10 000 000 $ pour faire des commissions régionales et plusieurs autres millions de dollars pour des études farfelues, permettez-moi, M. le Président, d'avoir honte d'être ici, à l'Assemblée nationale. Je comprends très bien les restrictions budgétaires et les choix que nous devons faire, mais je comprends mal les choix du gouvernement du Parti québécois. Merci, M. le Président.
Le Président: Merci, M. le député de Beauharnois-Huntingdon. Nous sommes toujours, donc, au débat relatif à l'adoption du principe du projet de loi 83. Mme la députée de Saint-HenriSainte-Anne, vous avez 20 minutes pour votre intervention.
Mme Nicole Loiselle
Mme Loiselle: Merci, M. le Président. Nous sommes maintenant rendus à l'adoption du principe du projet de loi 83, Loi modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux. M. le Président, on peut lire, dans les notes explicatives du projet de loi 83, que le ministre peut limiter à des établissements le droit d'offrir certains services. Ce projet de loi confère également au ministre le pouvoir de modifier, outre la capacité indiquée au permis d'un établissement public ou privé, la mission, la classe et le type y apparaissant. Le projet de loi 83 permet également au ministre de retirer le permis d'un établissement privé ou public et d'obliger ce dernier à cesser ses activités.
M. le Président, ce genre de pouvoirs discrétionnaires, sans limite et sans appel, est inacceptable dans une société démocratique comme la nôtre. En termes clairs, ce projet de loi donne au ministre tous les pouvoirs pour fermer les hôpitaux, et ce, sous le prétexte d'une saine gestion ou sous le prétexte de l'intérêt public. Il faut être conscient que la décision du ministre sera non seulement discrétionnaire, mais que la décision sera également finale et sans appel, puisque la seule ouverture que prévoit l'article 6 de ce projet de loi est la possibilité, pour l'établissement hospitalier ou pour la Régie régionale, de lui soumettre quelques observations, sans plus. Ils n'auront aucunement la possibilité de contester ou d'en appeler de ladite décision.
M. le Président, jamais un ministre et un gouvernement n'auront été aussi loin pour s'attribuer un pouvoir discrétionnaire, et ce, dans un dossier aussi important, dont les décisions visent la fermeture des hôpitaux du Québec. Non seulement, M. le Président, ce projet de loi est inacceptable en raison des conséquences désastreuses qui en découleront, mais également parce que ce projet de loi va carrément à l'encontre des promesses et des discours qui ont été faits lors de la dernière campagne électorale par le Parti québécois.
À cet égard, permettez-moi de rafraîchir la mémoire au ministre de la Santé et des Services sociaux en lui rappelant les belles paroles humanitaires et les belles promesses contenues dans un communiqué de presse émis par la directrice des Communications du Parti québécois, en date du 23 juillet 1994, et je cite, M. le Président: «Dans le domaine des soins de la santé, le Parti québécois entend mettre un terme à la prolifération des listes d'attente, au ticket modérateur, à la désassurance, aux coupures de services et à l'abandon des plus vulnérables. Pour ce faire, le Parti québécois reconnaîtra que l'accès aux services de santé et aux services sociaux est un droit fondamental.» Quelles belles paroles, quelles belles promesses, quel beau discours.
Honnêtement, est-ce que c'est en fermant neuf hôpitaux dans la région de Montréal, dont les besoins sont de plus en plus criants en raison de la grande pauvreté qui sévit dans cette région et en raison de sa population qui est de plus en plus vieillissante, que le Parti québécois entend mettre un terme pour reprendre l'expression de leur communiqué de presse à la prolifération des listes d'attente? Est-ce que c'est en fermant le Reddy Memorial, dans le sud-ouest de Montréal, ce centre hospitalier établi depuis 1870 et qui dessert les communautés des quartiers de Saint-Henri, Pointe-Saint-Charles, ville Eymard, Côte-Saint-Paul, Verdun, du centre-ville et de la population multiethnique de Montréal et qui offre à cette population des soins de grande qualité, efficaces et rapides, et à proximité de leur quartier, que le ministre de la Santé mettra un terme à la prolifération des listes d'attente?
M. le Président, lors de la dernière campagne électorale, le Parti québécois promettait également il faut dire que le Parti québécois a beaucoup promis durant la campagne électorale, M. le Président de mettre fin au plan de restructuration, soi-disant, à ce moment-là, par le Parti québécois, scandaleux, que nous avions mis en place dans le système de santé au Québec. Notre plan de restructuration ne prévoyait pas de coupures de 1 400 000 000 $ et prévoyait encore moins la fermeture d'hôpitaux à Montréal ou ailleurs dans les régions du Québec.
M. le Président, je me dois de dénoncer l'incohérence et l'illogisme de ce gouvernement qui ose soutenir que les principes de base de ce système de santé, soit l'accessibilité, l'universalité et la gratuité des services de soins de santé, sont le reflet d'une expression de solidarité collective et que ces principes sont essentiels au projet de société proposé par le Parti québécois.
(22 heures)
Je somme donc le ministre de la Santé et des Services sociaux de sortir de sa tour d'ivoire, et de constater, et, surtout, de prendre conscience que, si le monde descend dans la rue pour contester son projet de loi, c'est précisément parce que le Parti québécois met en péril ces trois principes de base qui constituent les assises du régime de santé au Québec.
M. le Président, comment le ministre de la Santé et des Services sociaux peut-il honnêtement et sincèrement soutenir et affirmer que l'accessibilité, l'universalité et la gratuité des soins de santé au Québec ne seront pas touchés quand ce dernier ferme des hôpitaux? Parce qu'il s'agit bien de fermetures d'hôpitaux et non plus uniquement de changements de vocation ou de réorganisation. M. le Président, même si le ministre essaie de diluer son discours par tous les moyens, il faut que la population sache qu'il s'agit bel et bien de fermetures d'hôpitaux. Le bilan à date est bien sombre: neuf fermetures d'hôpitaux dans la région de Montréal et probablement plusieurs autres à venir dans les régions du Québec.
Pour justifier ce projet de loi que je qualifie d'injustifiable et d'inacceptable, le ministre de la Santé essaie de faire accroire à la population du Québec que rien de tout cela n'existe, que les décisions ne sont pas encore prises, puisqu'il attend toujours les recommandations des régies régionales. C'est complètement faux, M. le Président. La fermeture de neuf hôpitaux de la région de Montréal a été annoncée et confirmée par le ministre, et ce, avant même que la Régie régionale de Montréal ne se prononce et ne dépose son rapport. Si ça n'avait pas été de la vigilance de mon collègue, le député de Robert-Baldwin, qui a découvert le pot aux roses, les cachettes et les astuces du ministre de la Santé et des Services sociaux auraient pu réussir.
M. le Président, la population n'est pas dupe, et le ministre de la Santé va apprendre à ses propres dépens qu'on ne manipule pas toute une population quand il s'agit d'une question aussi importante que la santé des gens, et qu'il est bien malhabile de vouloir user d'astuces en cette matière. Les conséquences, M. le Président, en sont trop graves.
Par manque d'arguments, le ministre de la Santé et des Services sociaux nous accuse de faire de la désinformation dans ce dossier. Permettez-moi, M. le Président, de lui demander ce qu'il entend par «désinformation»; dénoncer la réalité et les faits, c'est ça, de la désinformation. Je comprends que le ministre veuille les oublier, mais je lui rappelle qu'il y a neuf fermetures d'hôpitaux à Montréal et plusieurs autres à venir en région. Je l'informe également qu'il y a eu 10 000 personnes qui sont descendues hier dans la rue en raison de la menace de fermeture du Christ-Roi, à Québec. Le ministre veut l'oublier, mais les gens malades, eux, ne l'oublient pas. Est-ce faire de la désinformation, comme le ministre se plaît à le répéter, que d'informer les gens de la fermeture de 800 lits à l'hôpital Robert-Giffard de Québec, qui a la vocation d'apporter tout le support spécialisé, M. le Président, aux handicapés mentaux?
C'est sûr que le ministre de la Santé et des Services sociaux préférerait qu'on lui dise que tout le monde, il est beau, tout le monde, il est fin et que tout va très bien dans le meilleur des mondes, mais, malheureusement, ce n'est pas la réalité des gens qui sont malades et qui souffrent. Si le ministre est atteint de la pensée magique, nous ne le sommes pas. Comme opposition officielle, nous avons le devoir et la responsabilité de dénoncer les aberrations de ce projet de loi et les effets pervers qui s'ensuivront, et, si c'est cela que le ministre appelle de la désinformation, alors, M. le Président, j'ai bien l'intention d'en faire, que ça lui plaise ou non.
Nous ne remettons pas en question la nécessité d'une restructuration dans le domaine de la santé et des services sociaux. Ce que nous déplorons, comme opposition officielle, c'est qu'une restructuration dans un domaine aussi important que celui de la santé se fasse en toute vitesse, sans planification, sans consultation et sans mettre en place des mesures alternatives avant la mise en application de ce nouveau système. Nous ne contestons pas le fait qu'il faut augmenter le soutien pour le maintien à domicile, prévoir de nouvelles places de longue durée pour les personnes âgées en raison du vieillissement de la population et accentuer les responsabilités et le rôle des CLSC afin de maintenir la qualité des services qui sont présentement offerts, et ça, à moindre coût.
Nous sommes conscients, M. le Président, que d'autres provinces, notamment l'Ontario, ainsi que d'autres pays ont appliqué le virage ambulatoire. Mais ce que le ministre ne dit pas, et je le soupçonne de vouloir le taire, c'est que le virage ambulatoire en Ontario a été appliqué après trois à quatre ans de préparation, de planification, de formation pour les spécialistes de la santé oeuvrant auprès des personnes malades. Ce que le ministre ne veut pas comprendre, c'est que l'Ontario, avant de fermer les hôpitaux et de mettre les patients dans la rue, s'est assuré du changement d'orientation des CLSC en augmentant les effectifs et en leur procurant des équipements spécialisés afin qu'ils puissent offrir des soins de santé de qualité aux personnes qui étaient référées.
Le plus désolant, c'est de constater que le ministre de la Santé et des Services sociaux reste muet quand on lui fait valoir la nécessité, pour les infirmiers, les infirmières et les techniciens touchés par cette réforme et qui auront à promulguer les soins de santé, de suivre de la formation supplémentaire de perfectionnement. Le ministre reste également muet quand on soulève la problématique des frais de médicaments. Qui, M. le Président, va payer les médicaments qui sont présentement offerts gratuitement par les hôpitaux et qui ne le sont pas par les CLSC? Le ministre affirme qu'il mettra sur pied éventuellement éventuellement un système d'assurance-médicaments. Éventuellement, M. le Président. Mais, entre-temps, qu'arrive-t-il au patient qui, suite à la fermeture de l'hôpital de sa région, se retrouve après l'opération précipitamment chez lui? Qui paie les médicaments post-opératoires? Le ministre se refuse de répondre à ces questions. Devant ces inquiétudes, la seule chose qu'il a à dire, c'est qu'il ne faut pas avoir peur de prendre des décisions. Je lui rappelle qu'il ne joue pas avec du papier ou avec des dossiers, mais avec la santé des êtres humains.
Ce projet de loi est inacceptable puisqu'il mettra en péril la qualité et l'accessibilité des soins de santé au Québec. Je réitère donc la demande qui a été faite par l'opposition officielle de tenir une consultation générale sur ce projet de loi afin que tous les intéressés puissent se faire entendre à ce sujet. Quand une partenaire souverainiste convaincue comme la présidente de la CEQ, Mme Lorraine Pagé, dénonce le gouvernement du Parti québécois de trop s'occuper de souveraineté et pas suffisamment des besoins de la population, c'est que ce gouvernement, M. le Président, a un réel problème. Je voterai non, non à l'adoption du principe de ce projet de loi 83, projet de loi matraque, car je suis convaincue que l'application de ce projet de loi aura des conséquences néfastes pour la population du Québec. Merci, M. le Président.
Le Président: Merci, Mme la députée de Saint-HenriSainte-Anne. Nous en sommes toujours au débat sur le principe du projet de loi 83. M. le député de Hull, vous avez un maximum de 20 minutes.
M. Robert LeSage
M. LeSage: Merci, M. le Président. Alors, il me fait plaisir de m'adresser à cette Chambre ce soir sur l'adoption du principe du projet de loi 83, Loi modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux.
D'abord, je remarque que le projet de loi 83 est axé sur quatre objectifs très précis dont le principal est de donner au ministre de la Santé le pouvoir de fermer des hôpitaux. De plus, la procédure pour permettre la liquidation des actifs des hôpitaux fermés y est également précisée. Le projet de loi 83 vise également à prolonger le mandat des membres des conseils d'administration des régies régionales pour une durée d'un an, le temps de permettre au ministre de terminer le massacre qu'il est en train de faire dans les soins de santé au Québec. M. le Président, pour s'assurer qu'il n'y aura personne pour contrecarrer ses plans, le ministre de la Santé propose même dans son projet de loi de modifier le processus de nomination pour les postes vacants en procédant non plus par élection, mais par résolution adoptée par le conseil d'administration.
Ce projet de loi va trop loin, M. le Président. Nous revenons à l'ère du duplessisme et du dirigisme à outrance, avec le ministre de la Santé en tête. En effet, les articles 4 à 6 du projet de loi sont reliés directement à la fermeture des hôpitaux. Le ministre se donne le pouvoir discrétionnaire de fermer des hôpitaux. Le ministre pourra ainsi fermer comme bon lui semble n'importe lequel des hôpitaux au Québec. Jamais un gouvernement n'aura été aussi loin, M. le Président. Le gouvernement d'en face, qui s'est toujours targué d'agir avec concertation, vient, encore une fois, prouver à la population que ce qu'il veut vraiment, c'est de procéder comme bon lui semble et sans vouloir prendre le temps de consulter, car il n'a pas le temps, mais surtout parce qu'il ne veut pas être dérangé. Le ministre est arrivé avec un plan en tête, un plan qui est très différent des attentes qu'il avait créées lors de la campagne électorale. Le ministre veut maintenant «bulldozer» pour faire passer son idée. Il est le seul à posséder la vérité et il veut imposer sa vision des choses.
(22 h 10)
Par ailleurs, le ministre nous indique qu'il consulte, mais j'ose croire que cette discussion ne s'effectue pas que dans un seul sens, soit celui du ministre vers le milieu. Les régies régionales sont peut-être mises à contribution; pourtant, aucune autre instance n'avait prévu la fermeture d'hôpitaux. Alors, pourquoi, et si subitement, décident-elles de cibler des hôpitaux pour rationaliser le système de santé?
Nous parlons de neuf hôpitaux à Montréal, quatre à Québec et plusieurs autres dans d'autres régions. La réalité, M. le Président, c'est que le ministre a ciblé lui-même les hôpitaux, il a demandé aux régies régionales d'entériner sa décision. Il n'y a eu aucune vraie consultation dans toute la démarche de l'actuel ministre de la Santé et dans le plan d'austérité du gouvernement. Le ministre claironne sur tous les toits et à qui veut bien l'entendre que la population n'a pas à s'inquiéter et que les malades seront mieux traités une fois sa chimère réalisée. Pourtant, c'est tout le Québec qui est inquiet des agissements du gouvernement. Les infirmières et le personnel des hôpitaux sont inquiets, les médecins sont inquiets, mais surtout les malades et la population dénoncent les agissements du ministre, et avec raison. La population est incapable de faire l'équation du ministre, qui est: moins d'hôpitaux, aucune perte de services à la population. C'est illogique, M. le Président. La population du Québec a droit à de l'information claire. Le ministre, qui ne veut pas rencontrer les gens, contribue à semer le doute et la confusion.
Les gens de Québec se sont mobilisés hier soir pour éviter la fermeture de l'Hôpital du Christ-Roi. Ils étaient plus de 10 000 personnes à dire au ministre qu'il était dans l'erreur et que l'Hôpital du Christ-Roi devait rester, car il répondait aux besoins des gens de Québec. Ces gens ne sont pas descendus dans la rue parce que le ministre avait réussi à les rassurer, ils sont descendus parce qu'ils ne font pas confiance à l'actuel gouvernement du Québec. Si le ministre est convaincu de ce qu'il avance, alors, qu'il se présente devant ces gens et qu'il leur explique pourquoi la fermeture est nécessaire. Il veut agir unilatéralement, il veut diriger et cibler les fermetures, il veut scraper le système de santé québécois, alors, qu'il fasse face à la musique et qu'il ait la décence et le courage de mener une consultation populaire.
Le président de l'Association des hôpitaux du Québec, M. Serge Bélisle, indiquait, et je cite, M. le Président: «Le projet de loi 83 risque d'ouvrir la porte à des abus de pouvoir et à des choix arbitraires. Le pouvoir de fermer des établissements de santé doit s'exercer dans la plus grande transparence, et le processus doit absolument permettre aux établissements concernés, à la régie régionale et surtout à la population de se faire entendre.» Fin de la citation.
M. le Président, le système de santé au Québec est fondamental, et le présent gouvernement devrait éliminer les gaspillages ailleurs plutôt que de refiler la note aux bénéficiaires de soins de santé et à toute la population du Québec. Les coupures désastreuses que s'apprête à faire le ministre sont dangereuses pour le système de santé québécois. En voulant économiser 1 400 000 000 $ dans le réseau de la santé, le ministre vient remettre en cause des principes aussi fondamentaux que l'universalité, la gratuité et l'accessibilité des soins de santé pour tous les Québécois et les Québécoises. C'est inacceptable, M. le Président.
Il est de plus inacceptable que le gouvernement ne manque jamais d'argent dans le dossier de la souveraineté, mais qu'il doive couper partout ailleurs. Ce gouvernement se décidera-t-il enfin à gouverner plutôt que de concentrer tous ses efforts à séparer le Québec du reste du Canada? De plus en plus d'hôpitaux sont menacés de fermeture, alors que les sommes dépensées pour la souveraineté atteignent des sommets astronomiques. Le gouvernement actuel ne met pas les priorités aux bons endroits. La santé n'est donc pas importante pour le gouvernement d'en face.
M. le Président, le projet de loi 83 permettra au ministre de liquider des actifs des hôpitaux, soit de vendre ces hôpitaux qui fermeront. Encore une fois, le ministre de la Santé va très loin dans sa démarche de massacre du système de la santé québécois. Le gouvernement pourrait-il vendre des équipements dont l'achat a été rendu possible grâce à des dons de la population dans le cadre de campagnes de collecte de fonds organisées par des fondations hospitalières? Le ministre de la Santé liquidera ces actifs et mettra l'argent dans le fonds consolidé de la province? Cet argent, M. le Président, n'a jamais appartenu et n'appartiendra jamais au gouvernement. En d'autres mots, c'est du vol, M. le Président. De plus, en agissant ainsi, le ministre s'approprie des établissements régis par des corporations propriétaires qui ne lui appartiennent pas.
J'aimerais préciser au ministre que la procédure généralement reconnue pour que le gouvernement s'approprie un immeuble ou un bien passe par l'expropriation. Ce genre de mesure n'a toutefois jamais été utilisée par aucun gouvernement dans le cas des établissements de santé, et pour cause. C'est un dangereux précédent que s'apprête à créer le ministre, M. le Président. Où s'arrêtera donc le ministre dans sa frénésie de vouloir tout fermer, et à n'importe quel prix, au détriment de l'ensemble des Québécois et en mettant en péril les soins de santé au Québec?
Comme je l'ai indiqué au tout début de mon intervention, le ministre prolongera le mandat des conseils d'administration des régies, et ce, pour une année supplémentaire. Cette façon de faire permettra au ministre d'arriver à ses fins sans trop d'embûches. En effet, puisque le ministre a déjà la main-mise sur les régies, il vient de s'assurer, par cette mesure, qu'aucun changement indésirable, au sein des conseils d'administration, viendra court-circuiter sa démarche aveugle.
Cette ambition démesurée du ministre de vouloir réformer le système de santé à sa façon le pousse même à modifier le processus de nomination pour des postes vacants. Au lieu d'agir de la façon la plus démocratique qu'il soit, c'est-à-dire par élection, le ministre change les règles du jeu et permettra de procéder par résolution adoptée par le conseil d'administration. On peut y voir encore un habile subterfuge du ministre de faire siéger une personne partageant ses vues au sein du conseil d'administration des régies.
Les articles 2 et 8, qui remettent en cause tout le processus démocratique de l'élection des membres d'un conseil d'administration d'une régie régionale, vont à l'encontre même des principes fondamentaux qui guident ce parti social-démocrate dont est issu le ministre.
Une fois ce mécanisme inscrit dans la loi, personne ne pourra s'y objecter légalement. En effet, le projet de loi 83 confère au ministre un pouvoir unilatéral et illimité, ce qui représente un grand danger, puisque le ministre élimine toutes les procédures de contestation pour la survie des hôpitaux.
M. le Président, à la lumière de ce qui précède, on constate que l'unique préoccupation du ministre technocrate se résume en une simple équation mathématique: il y a trop de lits de courte durée, on ferme les hôpitaux. Cette opération ignore complètement l'aspect humain du système de santé, de ses répercussions tant sur les malades eux-mêmes que sur les familles de ces malades.
(22 h 20)
Et, tantôt, j'écoutais, M. le Président, le député de Johnson, qui nous disait que, nous, de ce côté-ci de la Chambre, on ne comprenait rien au projet déposé par le ministre de la Santé. Il nous disait qu'il voulait améliorer le sort des malades et les retourner chez eux. Un petit peu plus tard, il nous disait qu'il voulait les retourner dans des centres d'accueil. J'aimerais lui faire remarquer, s'il n'était pas ici, en Chambre, lorsque je parlais de cette dame, à Hull, qui était enceinte de plusieurs semaines très avancée et qui s'est présentée à la suite d'un accident d'automobile à l'hôpital, le CHRO à Hull et c'était un accident, je vous ferai remarquer, M. le Président, un «hit-and-run», si vous me permettez l'expression: trop compliqué pour traiter la patiente. On l'a référée à Ottawa; Ottawa lui a fermé les portes.
Je vois la députée de je ne sais pas quel comté qui trouve ça très drôle. Lorsque j'aurai terminé ce que j'ai à mentionner de cette dame de Hull, elle trouvera peut-être ça moins drôle. Et peut-être que son ministre pourra en tenir compte, également, et améliorer les soins de santé au Québec, plutôt que de mettre la hache dans le système.
M. Jolivet: M. le Président, sur une question de règlement, s'il vous plaît.
Le Président: M. le whip du gouvernement, sur une question de règlement.
M. Jolivet: Oui, M. le Président, vous avez remarqué comme moi que le député s'est adressé directement à un député, ce qu'il n'a pas le droit de faire. Qu'il s'adresse à vous. Et il saura qu'on ne faisait aucune chose qu'il indiquait. D'ailleurs, ce n'était pas de ça qu'on parlait, c'étaient des mots qu'il venait de dire et qui n'avaient pas de bon sens.
Le Président: Alors, on se rappelle la règle, effectivement, qu'on doit s'adresser au président. M. le député de Hull.
M. LeSage: M. le Président, je vous ferai remarquer, puis au député, par votre entremise, que je n'ai nommé aucun député en cette Chambre.
Et pour terminer ce que j'ai mentionné, en ce qui concerne cette dame qui a eu un accident: Ottawa lui a demandé de se rendre à Montréal, parce qu'ils étaient trop pleins; l'hôpital était trop plein, on n'avait pas le temps de s'occuper de cette patiente. M. le Président, elle s'est rendue à Montréal. On a dû procéder à une opération, on a dû procéder, par le médecin, à accoucher cette dame par voie d'une césarienne. Et, dans les deux semaines qui suivirent cette intervention, les bébés sont morts, M. le Président.
Au lieu d'améliorer les services de santé dans la région de l'Outaouais, continuer le dossier de rapatriement, qui a été très bien conçu par le gouvernement libéral... Peut-être que le gouvernement du Parti québécois devrait faire en sorte que la région de l'Outaouais soit aussi bien desservie que toutes les régions du Québec, M. le Président.
Je vous ferai remarquer, également, M. le Président, que la Fédération des médecins omnipraticiens, par l'entremise du Dr Clément Richer, disait et je le cite: «On ne ferme pas un hôpital comme une usine. On ne déplace pas des malades chroniques comme des employés d'une agence gouvernementale.» Fin de la citation. Vous voyez, M. le Président, que nous ne sommes pas les seuls à constater que le ministre agit dans ce dossier d'une façon purement cartésienne.
De plus, l'aberrance est poussée à un tel point que l'article 451.1 donne au ministre un pouvoir discrétionnaire final et sans appel. Actuellement, la suspension d'un permis pour des motifs d'infraction permet aux établissements de santé d'avoir recours à un droit d'appel à la Commission des affaires sociales. Pourquoi le ministre Rochon ne prévoit-il pas un mécanisme semblable, qui permettrait aux établissements qui se croient lésés par une décision du ministre d'en appeler devant une autre instance de décision? Par le fait même, ceci obligerait le ministre à déposer par écrit les motifs de ses décisions, de façon à fournir une explication adéquate aux principaux intéressés.
Je conclurai, M. le Président, en m'interrogeant sur l'opportunité du présent projet de loi, où le ministre s'approprie le droit de décider unilatéralement de l'avenir de tout établissement de santé, alors qu'il clame sur tous les toits que les décisions seront prises après consultation du milieu. S'il y a, effectivement, concertation, alors pourquoi un tel projet de loi? En nous présentant ce projet de loi, le gouvernement d'en face nous indique clairement qu'il n'a aucunement l'intention de consulter et qu'il veut simplement agir à sa guise. C'est pour cette raison, M. le Président, que nous allons nous opposer farouchement à ce dérapage ambulatoire que veut nous faire subir l'actuel ministre de la Santé et des Services sociaux. Merci, M. le Président.
Le Président: Merci, M. le député de Hull. Alors, nous poursuivons le débat. M. le whip.
M. Jolivet: ...le député de Hull me permettrait de lui poser une question?
Le Président: Alors, est-ce que vous acceptez une question en vertu de 213?
M. LeSage: Oui.
Le Président: Oui, M. le député de Hull?
M. Jolivet: Merci, M. le Président. J'aimerais savoir ce que le député entend par ce qu'il a dit dans son discours, vers la fin, «esprit cartésien»?
Le Président: M. le député de Hull.
M. LeSage: M. le Président, si le député n'a pas compris le discours que je viens de prononcer, j'ai le «transcript» unilatéral et ça me fera plaisir de lui en remettre une copie.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président: Alors, je félicite les membres de cette Assemblée de se conformer au règlement, puisque la question autant que la réponse doivent être brèves.
Alors, donc, nous poursuivons le débat sur le projet de loi au niveau de l'adoption du principe, le projet de loi 83, Loi modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux. Mme la députée de Kamouraska-Témiscouata, vous avez la parole, et 20 minutes au maximum.
Mme France Dionne
Mme Dionne: Merci, M. le Président. À titre de députée de Kamouraska-Témiscouata et du Bas-Saint-Laurent, effectivement, M. le Président, je dois dénoncer ce soir vivement, et vivement, la présentation par le ministre de la Santé et des Services sociaux du projet de loi 83, Loi modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux, qui vise principalement à permettre au ministre de la Santé d'effectuer la fermeture d'hôpitaux.
M. le Président, si le ministre de la Santé et des Services sociaux croit que nos objections portant sur la façon dont il effectue son virage ambulatoire constituent une nuisance pour son projet, je lui annonce qu'également elles constituent, et c'est cela qui importe, M. le Président, une aide et un appui pour l'ensemble de la population du Québec, qui a de sérieuses inquiétudes et appréhensions à l'égard d'une réforme qui est, on doit le dire, mal structurée.
D'abord, M. le Président, à l'égard de l'opinion publique, il s'agit là d'une question à laquelle je suis très sensible, mais je constate, M. le Président, avec énormément de déception, que le ministre, lui, semble ne pas s'en préoccuper du tout. En effet, il effectue des consultations bidon, alors qu'il a déjà pris la décision de fermer plusieurs hôpitaux, M. le Président. D'ailleurs, dans le cadre de la période de questions du 31 mai dernier, ces quelques jours passés, sinon hier, le ministre, questionné en Chambre, se targuait de dire qu'il ne faut pas faire peur aux citoyens, qu'il est faux de prétendre que les décisions étaient prises d'avance. Pourtant, M. le Président, si cela est vrai, pourquoi avons-nous appris la liste de neuf hôpitaux qui fermeront à Montréal, et cela, de la bouche même du porte-parole de l'opposition officielle, le député de Robert-Baldwin, et ce, avant que le processus de consultation soit terminé?
Malheureusement, M. le Président, ça semble être l'habitude de plus en plus courante au sein du gouvernement péquiste de tenir des consultations alors que les décisions sont déjà prises. Nous en avons des exemples au niveau de la santé, au niveau de l'éducation et je réfère au député de Lévis et à son université au niveau de la justice, pour n'en nommer que quelques-uns. M. le Président, si les résultats des consultations ne peuvent influencer le ministre de la Santé et des Services sociaux et le faire reculer dans sa façon de procéder pour effectuer son virage ambulatoire, peut-il au moins, M. le Président, se rendre à l'évidence que les citoyens et les citoyennes du Québec ne partagent pas du tout, mais du tout, l'opinion du ministre et considèrent prématurée et inquiétante la façon de procéder pour fermer les hôpitaux, M. le Président?
D'ailleurs, ils sont pris par surprise, puisque le Parti québécois n'a jamais parlé ou annoncé la fermeture d'hôpitaux en campagne électorale, ni dans son programme. De plus, M. le Président, en janvier dernier, on pouvait lire, dans un article de Gilles Normand, journaliste dans le quotidien La Presse , que l'intention du ministre de la Santé et des Services sociaux n'était pas de fermer des hôpitaux, mais de changer la vocation de quelques-uns. Et c'est dans ce contexte, M. le Président, qu'une manifestation contre la fermeture de l'Hôpital du Christ-Roi à Québec, qui a eu lieu hier soir, à laquelle seulement 1 000 personnes étaient attendues, a donné lieu à une chaîne humaine, M. le Président, de solidarité de 10 000 manifestants.
(22 h 30)
Cette manifestation, M. le Président, et je sais que vous êtes très sensible à ça, vise à empêcher la fermeture de l'Hôpital du Christ-Roi, mais est également très significative quant à la fermeture d'autres hôpitaux dans la région de Québec. Tous les spécialistes ont l'impression, M. le Président, que le gouvernement a agi de façon expéditive et déplorent le manque de consultation à l'égard d'une décision aussi importante au Québec.
M. le Président, le ministre de la Santé et des Services sociaux n'est tellement plus préoccupé par le point de vue des citoyens et des citoyennes, et de ceux qui travaillent dans le milieu hospitalier qu'il ne s'est même pas déplacé hier soir, M. le Président, pour écouter ceux et celles qui ont manifesté à l'Hôpital du Christ-Roi. Et, M. le Président, je dois le déplorer puisqu'elle n'est pas membre du Conseil des ministres, même la députée de Vanier, qui représente la population de ce comté où se trouve l'Hôpital du Christ-Roi, n'a pas cru opportun de participer à cette manifestation. M. le Président, c'est très inquiétant.
C'est très inquiétant, surtout que la députée de Vanier et le ministre savent très bien qu'il s'agissait là d'une manifestation très importante. Il s'agit, M. le Président, on doit le dire, d'un cri du coeur des citoyens et des citoyennes eux-mêmes de Québec et de la région. Ce n'est pas l'opposition, M. le Président, qui était réunie autour de l'Hôpital du Christ-Roi pour faire une chaîne humaine de solidarité; c'était les citoyens et les citoyennes eux-mêmes et elles-mêmes qui étaient présents.
M. le Président, le critique en matière de santé, M. Marsan, de même que la députée de Jean-Talon ont, à juste titre, à mon avis, jugé primordial de se déplacer pour rencontrer les gens et écouter le message d'angoisse et d'inquiétude qu'ils avaient à faire valoir, à défaut, bien sûr, de pouvoir le transmettre directement au ministre de la Santé et des Services sociaux à l'Assemblée nationale. M. le Président, étant donné que le gouvernement du Québec n'écoute pas les citoyens, cela rend notre rôle d'opposition d'autant plus important et nous avons le devoir, M. le Président, d'exprimer en cette Chambre les inquiétudes qui proviennent soit des patients, soit de ceux qui travaillent en milieu hospitalier ou encore de la population qui est susceptible de bénéficier des soins de santé.
M. le Président, le ministre de la Santé et des Services sociaux parle de virage ambulatoire. Je dirais plutôt qu'avec la façon dont il procède ça risque d'être, malheureusement, un terrible accident ambulatoire. Il est, effectivement, nécessaire, M. le Président, au Québec d'effectuer un virage ambulatoire, et cela, on le reconnaît. Cependant, ce que je reproche au ministre de la Santé et des Services sociaux, c'est la façon dont il procède pour effectuer ce virage. Il a parlé à plusieurs occasions de l'Ontario. Et, quand on sait qu'en Ontario, M. le Président, ils ont pris entre trois et quatre ans pour établir graduellement le virage ambulatoire, j'ai de la difficulté à comprendre que le ministre de la Santé et des Services sociaux se réfère constamment à l'Ontario pour justifier sa démarche.
M. le Président, la population, la société en général au Québec n'a pas eu le temps de s'adapter à ce changement et n'est pas prête à encaisser oui, je dis bien le mot «encaisser» la fermeture d'hôpitaux au Québec. C'est un coup, il faut le dire, porté en bas de la ceinture, qui risque de faire très mal, M. le Président. Je dirais que c'est un monde à l'envers. On ferme les hôpitaux, d'abord, et, ensuite, on fait la restructuration. Et, comme on écoute souvent le ministre de la Restructuration, on sait fort bien qu'on est en danger, M. le Président.
Mais, pendant qu'on ferme les hôpitaux, M. le Président, que fait-on des patients, de ceux qui ont besoin des soins, quand on sait que les autres hôpitaux avoisinants, M. le Président, sont déjà surchargés et ne sont pas, bien sûr, en mesure d'accueillir des patients supplémentaires? Pourquoi, M. le Président, le ministre de la Santé et des Services sociaux n'a-t-il pas d'abord procédé à mettre à zéro les listes d'attente dans les hôpitaux et réglé le problème d'engorgement des salles d'urgence?
M. le Président, il est inconcevable que le projet de loi dote le ministre d'un pouvoir discrétionnaire sans précédent, final et sans appel pour décider de la fermeture des hôpitaux. C'est du jamais vu, M. le Président. Aucun ministre ou gouvernement ne s'est «enquéri» d'un tel pouvoir sur des décisions aussi importantes. D'ailleurs, M. le Président, la façon dont le ministre procède pour faire adopter un tel projet de loi présage mal de la façon dont il risque d'utiliser son pouvoir discrétionnaire.
Il y a un autre aspect, M. le Président, qui m'inquiète énormément et qui démontre à quel point le ministre procède prématurément au virage ambulatoire qui doit s'effectuer au Québec. Le problème, M. le Président, c'est que le système d'assurance-médicaments n'a pas encore été mis en place, alors que la réforme précipitée du ministre a pour effet de favoriser le maintien et les soins à domicile qui entraîneront, bien sûr, on le sait, des déboursés importants de la part de tous les citoyens et citoyennes pour l'achat de leurs médicaments. Comme nous le savons, M. le Président, les médicaments sont payés pour les patients qui bénéficient de soins en milieu hospitalier, mais ils ne le sont pas lorsqu'ils se retrouvent à la maison.
Alors, M. le Président, le problème, c'est que plusieurs Québécois et Québécoises n'ont pas les moyens d'assumer de tels coûts, d'autant plus qu'ils paient déjà des taxes et des impôts pour bénéficier d'un tel service. M. le Président, cela constitue sans doute une économie pour le gouvernement. Mais, si c'est la nouvelle philosophie du gouvernement péquiste d'effectuer des économies sur le dos des malades, M. le Président, je crois que ce n'est absolument pas le mandat que la population québécoise a donné à son nouveau gouvernement le 12 septembre dernier.
Le ministre semble expliquer, M. le Président, que la fermeture d'hôpitaux sera compensée par des services à domicile, par des chirurgies d'un jour. Or, M. le Président, au niveau des soins à domicile, cela est tout à fait irréaliste puisque les CLSC, qui doivent assurer cesdits services, n'ont pas les budgets nécessaires et suffisants pour répondre aux besoins de la population. Qu'adviendra-t-il, M. le Président, alors, de nos gens qui ont besoin de ces services? Assisterons-nous à l'éclosion d'une multitude de petites compagnies privées, constituées d'infirmiers et d'infirmières, qui offriront, moyennant des coûts, les soins à domicile? Dans ce cas, M. le Président, on risque très certainement d'assister au développement d'un système parallèle de santé au Québec, soit d'un système pour les riches et d'un système pour les pauvres. Cela sera, effectivement, tout à fait inacceptable au Québec, et ça, pour les régions du Québec, M. le Président.
Une telle conséquence découle, bien sûr il faut le dire au ministre et le répéter de la mauvaise préparation du virage ambulatoire qui ne se fait pas de façon suffisamment progressive, M. le Président, et qui risque de provoquer des résultats allant à l'encontre directement des principes fondamentaux qui guident notre système de santé au Québec, soit l'universalité, l'accessibilité et, surtout, M. le Président, la gratuité des services au Québec, qui font de notre système de santé, il faut le dire et le répéter... Et les gens, qu'on a rencontrés, d'ailleurs, la semaine dernière, M. le Président vous étiez présent nos amis, les parlementaires du nord-est américain, nous l'ont dit et nous le répètent à chaque occasion: Notre système de santé, c'est le plus envié de l'Amérique du Nord.
M. le Président, en ce qui a trait à la chirurgie d'un jour, il est évident que les objectifs du ministre sont beaucoup trop élevés et il ne tiennent pas suffisamment compte de la réalité telle qu'elle est vécue, tant dans les grands centres que dans les régions, un peu partout à travers le Québec. À cet égard, le ministre est convaincu que les chirurgies d'un jour pourront réduire considérablement l'utilisation des lits dans les hôpitaux. Toutefois, si plusieurs chirurgies d'un jour peuvent s'effectuer, et je le répète, en une journée et permettre que le patient puisse retourner chez lui, il y en a d'autres, M. le Président, qui pourront nécessiter, pour différentes raisons, le maintien du patient à l'hôpital pour plusieurs journées.
Nous ne pouvons, à l'avance, M. le Président, prédire le nombre de chirurgies qui doivent normalement s'effectuer en une journée ou qui nécessiteront des soins prolongés à la suite de complications diverses. C'est pourquoi, M. le Président, il faut être très conservateurs dans nos prévisions. Sinon, c'est les malades qui vont payer pour ces changements. M. le Président, je crois qu'il est plus sage de prévoir à l'avance les conséquences désastreuses que peut entraîner le projet de loi et d'y remédier avant qu'il ne soit trop tard.
M. le Président, il y a un autre aspect que je tiens à dénoncer et qui est une conséquence directe du virage ambulatoire précipité du ministre de la Santé et des Services sociaux. Mon collègue, le député d'Argenteuil, l'a d'ailleurs soulevé lors de la période des questions, lorsqu'il faisait part de ses inquiétudes à l'égard de nombreux départs de plusieurs médecins travaillant dans les hôpitaux en voie d'être fermés.
(22 h 40)
M. le Président, on peut comprendre que les médecins, qui oeuvrent actuellement dans les hôpitaux qui seront fermés, quittent déjà leurs fonctions pour s'établir dans une autre région ou à l'extérieur du Québec. Malheureusement, M. le Président, les citoyens et les citoyennes qui ont toujours eu recours aux services d'un même médecin dans leur quartier, dans leur région, dans leur paroisse ou dans leur MRC, dans la région où l'hôpital est établi, pour l'avenir, devront trouver un autre médecin. De toute évidence, cela brisera le lien de confiance établi depuis de nombreuses années, M. le Président. Et ce qui est encore plus paradoxal, c'est qu'on ferme des hôpitaux pour investir dans de nouvelles structures. Et simplement pour vous donner un chiffre, M. le Président, le gouvernement va fermer plusieurs hôpitaux et réinvestir 165 000 000 $ dans de nouvelles immobilisations, du béton, M. le Président. Et c'est ça le bon virage ambulatoire, M. le Président?
Je me demande également ce que vont devenir des fondations qui ont investi bénévolement du temps, de l'énergie et de l'argent pour aider les centres hospitaliers qui vont devoir fermer. En effet, M. le Président, le projet de loi est complètement muet sur cet aspect. On oublie le travail des bénévoles.
Enfin, M. le Président, avec tous les commentaires que j'ai formulés jusqu'à maintenant, je ne peux que constater que l'autre façon de gouverner du gouvernement péquiste, c'est de prendre des décisions sans vraiment tenir compte des recommandations et, surtout, de l'opinion du public. Pourtant, M. le Président, et j'insiste, durant la campagne électorale, jamais, jamais le PQ n'a parlé de fermeture d'hôpitaux, et ça n'apparaît, non plus, aucunement dans le programme électoral du Parti québécois.
Et je suis certaine, M. le Président, que, s'ils avaient abordé cette question, devant les oppositions massives de la population, les ténors péquistes se seraient sûrement ralliés à la voix de la raison, celle de l'opinion publique, celle du gros bon sens, en suggérant un virage ambulatoire progressif et non aussi drastique que celui présenté par le ministre de la Santé et des Services sociaux. Alors qu'ils ont dit avoir écouté attentivement la population lors de la campagne électorale, aujourd'hui ils n'écoutent plus la population, maintenant qu'ils forment le gouvernement, M. le Président. Et c'est très triste: ça ne fait même pas un an qu'ils sont au pouvoir, M. le Président.
En conséquence, M. le Président, dans l'intérêt de tous les citoyens et citoyennes du Québec, qui peuvent, un jour ou l'autre et vous le savez, vous-même, M. le Président, vous pourriez en avoir besoin être aux prises avec le besoin de recourir aux soins de santé, je demande, par votre intermédiaire, au ministre de la Santé et des Services sociaux la tenue d'audiences publiques générales afin que la population et tous les intervenants du milieu, dans chacune des régions du Québec, puissent être informés des conséquences du projet de loi et puissent indiquer, M. le Président, au ministre des pistes de solution ou des avenues moins drastiques afin d'amener le Québec vers un virage ambulatoire sans affecter les principes fondamentaux, soit la qualité, l'universalité, l'accessibilité ou la gratuité des soins de santé au Québec, M. le Président.
M. le Président, vous comprendrez que, ce soir, je ne pourrai pas cautionner la décision précipitée du ministre de la Santé et des Services sociaux de procéder à un bouleversement complet du régime des soins de santé au Québec sans avoir pris toutes les mesures nécessaires et préalables avant d'envisager comme solution ultime la fermeture au Québec. Alors, M. le Président, je vous le dis, je voterai donc contre l'adoption du principe de ce projet de loi modifiant la santé, et c'est avec beaucoup de tristesse que je le ferai parce que, en 1995, vraiment, la population du Québec n'avait pas demandé ça et elle a besoin de plus que ça de la part de son gouvernement. Merci, M. le Président.
Le Président: Merci, Mme la députée de Kamouraska-Témiscouata. Toujours pour poursuivre le débat sur l'adoption du principe du projet de loi 83, Loi modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux, M. le député de Viau, vous avez un maximum de 20 minutes.
M. William Cusano
M. Cusano: Merci, M. le Président. À ce moment-ci, je trouve un peu étonnant que, sur un projet de loi aussi important que le projet de loi 83, je doive remarquer, M. le Président et ça ne relève pas de vous nécessairement l'absence du ministre de la Santé et des Services sociaux. Je trouve ça déplorable.
M. Boisclair: M. le Président, question de règlement.
Le Président: M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Boisclair: On connaît la propension du député de Viau pour les infractions au règlement. Vous venez à peine de lui donner la parole et, même pas 10 secondes après qu'il a commencé, il viole pour la première fois le règlement. Le député de Viau, qui est dans cette Chambre depuis plus longtemps que moi, sait pertinemment qu'il ne peut souligner ni l'absence ni la présence d'un membre de cette Assemblée et, à cet égard, je vous demanderais de le rappeler à l'ordre, M. le Président.
Le Président: Bon. Alors, effectivement, je pense que c'est bien connu, M. le député de Viau. Je vous prierais donc de bien vouloir respecter cette règle et je vous invite à continuer votre intervention.
M. Cusano: Effectivement, M. le Président, il est vrai que le règlement est très spécifique de ce côté-là, sauf que j'ai toujours pensé que, dans un débat ici, à l'Assemblée nationale, un débat très important comme celui-là, il faut que toutes les personnes intéressées soient présentes, et je trouve ça un peu malheureux, M. le Président.
Le projet de loi 83, M. le Président, contient deux principes fondamentaux: l'un en ce qui concerne l'élection des membres du conseil d'administration, et l'autre principe, c'est le pouvoir qu'on donne au ministre de la Santé et des Services sociaux en ce qui concerne la fermeture ou le changement de vocation de certains hôpitaux.
Le ministre, depuis que ce débat, tout d'un coup, a surgi, suite à des questions de mon collègue, le critique de la santé et des services sociaux, nous a martelés à la période de questions que ce qu'il présente, ce qu'il est en train de faire présentement, fermer des hôpitaux dans la région de Montréal, au niveau de la province de Québec, c'est quelque chose qui a été décidé suite à des nombreuses consultations. M. le Président, en tant que député du comté de Viau, en tant que représentant d'une population qui a été avisée par le ministre que notre hôpital va être fermé... Il va être fermé, M. le Président.
Le ministre nous a dit et vous l'avez entendu vous-même durant la période de questions, M. le Président qu'il y a eu une vaste consultation, un gros processus démocratique jamais vu. On l'a même comparé aux consultations qui ont été faites sur l'avant-projet de loi sur la souveraineté du Québec. Mais je dois vous informer que, moi, en tant que député du comté de Viau, et je suis fort convaincu que le collègue, mon voisin au sud, le député de Gouin, ou plusieurs de ses électeurs qui se servent de l'hôpital Saint-Michel pour des services... Est-ce que ces gens-là ont été consultés? Je pense que c'est la question qu'il faut se poser, M. le Président.
Alors, supposément, selon le ministre, vous-même, vous avez été informé qu'il y a eu une vaste consultation, particulièrement au niveau de l'île de Montréal. M. le Président, moi, je ne sais pas ce qu'on appelle une vaste consultation. Dans mon esprit, une vaste consultation, c'est quand, dans une région donnée, on consulte les organismes, les hôpitaux, les usagers et, lorsqu'on parle de «vastes», dans mon esprit, on parle de consultations qui ont duré des jours, sinon des semaines.
(22 h 50)
Mais, en ce qui concerne l'hôpital Saint-Michel et j'aimerais ça que le ministre me réponde s'il est au courant la grande consultation qui s'est tenue n'a duré que 20 minutes; 20 minutes, M. le Président. Et ce ministre de la Santé et des Services sociaux nous a répété, jour après jour, parlant du grand processus démocratique, qu'il faisait des consultations, que tout le monde était concerné, tout le monde était consulté. M. le Président, lorsqu'on regarde, lorsqu'on voit les gens du comté de Viau, les usagers de l'hôpital Saint-Michel qui viennent du comté de Viau et du comté de Gouin, ils ont été consultés pour un grand total de 20 minutes.
Je connais assez bien le règlement pour dire que, lorsque quelqu'un... Je ne peux pas dire qu'il nous a menti, je ne peux pas dire ça, sauf que, M. le Président, vous devez constater, puis vous l'avez entendu vous-même, des consultations de tout le monde, mais, en ce qui concerne l'hôpital Saint-Michel, avec les usagers, chez nous, une entrevue, une consultation de 20 minutes, M. le Président. C'est ça, les grandes consultations? Vingt minutes. Bon. On va laisser ça de côté; laissons faire les consultations.
Le ministre a décidé, de sa part, qu'il y avait 2 000 lits en surplus au niveau de l'île de Montréal. Je ne peux pas constater ça, je ne peux pas démentir ça; c'est peut-être vrai qu'il y a 2 000 lits qui ont été inoccupés dans certains hôpitaux. Sauf que ce que le ministre ne comprend pas, ne semble pas comprendre, M. le Président, c'est que, lorsqu'on parle d'un hôpital et, croyez-moi, j'ai passé beaucoup de temps dans les hôpitaux, vous le savez fort bien, M. le Président ce n'est pas juste d'être accueilli à l'hôpital et d'occuper un lit comme je l'occupe à l'hôtel. Lorsqu'on parle de lits dans un hôpital, on ne parle pas de lits de la même façon qu'on parle de lits dans un hôtel.
Alors, c'est sûr et certain que, si, dans une région donnée, il y a un certain nombre d'hôtels et un taux de vacance, il y en aura peut-être quelques-uns qui vont fermer. Je comprends ça. Mais, dans un hôpital, M. le Président, ce n'est pas seulement la question d'hébergement, ce n'est pas simplement la question de mettre quelqu'un dans un lit d'hôpital pendant une journée; il y a beaucoup d'autres choses qui se produisent. Il y a beaucoup d'autres choses qui se produisent.
Et, en ce qui concerne particulièrement l'hôpital Saint-Michel, selon des statistiques, M. le Président, du ministère je n'aurai pas besoin de les déposer, mais, si vous voulez, je peux bien déposer les statistiques que je vais citer, M. le Président, c'est des statistiques du ministère; mettons les lits de côté il y a eu pour l'exercice courant, à Saint-Michel, au niveau des consultations externes, 33 081 consultations externes. Je continue, M. le Président. Je ne ferai pas la nomenclature de toutes les activités dans un hôpital, mais je vais vous en souligner quelques-unes qui sont importantes, et je pense que les visites externes sont importantes; il y en a eu 33 081.
Je suis très heureux que l'hôpital Saint-Michel, au niveau de la physiothérapie... Pour accommoder les gens qui ont besoin de physiothérapie, vous savez qu'à l'hôpital Saint-Michel on ouvre les portes, au département de la physiothérapie, à 7 heures le matin et on les ferme à 20 heures. Pourquoi, M. le Président? Parce qu'on a voulu donner un service aux gens qui ont besoin de physiothérapie non seulement de 9 à 5, M. le Président, parce que, vous savez, des fois, on a besoin de physiothérapie, on travaille en même temps et on y va après l'ouvrage, ainsi de suite. Pour les gens qui travaillent, à Saint-Michel, M. le Président, c'est ouvert de 7 heures le matin à 20 heures. Et vous allez peut-être être étonné, M. le Président, au niveau de la physiothérapie, il y a un total de 28 220 personnes-journées-visites qui ont reçu des traitements de physiothérapie. Je vais vous donner plus tard aussi certains autres éléments, M. le Président.
Alors, la question que je me pose, c'est: Si on ferme l'hôpital Saint-Michel, est-ce que les hôpitaux avoisinants vont être capables ils ont de la misère présentement, M. le Président d'absorber les 33 081 patients aux visites externes? Est-ce qu'ils vont être capables d'accepter de traiter, de donner des services aux 28 220 personnes qui ont besoin de la physiothérapie, M. le Président? C'est ça, la question. On ne ferme pas un hôpital parce qu'on prétend que des lits ont été fermés, parce que ce n'est pas seulement ça dans un hôpital, M. le Président. Je ne sais pas quand, la dernière fois, vous avez été hospitalisé. J'y ai passé assez souvent, je le sais. Ce n'est pas juste le fait d'être hébergé. Il y a beaucoup d'autres services, M. le Président.
Alors, là, si le ministre est capable de me dire que, dans les hôpitaux avoisinants, que ce soit Jean-Talon, que ce soit Fleury, que ce soit Santa Cabrini, on est capable d'absorber toutes ces personnes-là, je n'ai pas d'argument. Je n'ai pas d'argument. Mais c'est que les autres hôpitaux, M. le Président, ont de la difficulté présentement à faire face à leur propre clientèle. Comment vont-ils absorber la clientèle additionnelle? C'est ça qui est la question fondamentale, M. le Président. C'est ça qui est la question fondamentale. Je pense que le ministre a trouvé une solution très facile, très facile.
En ce qui me concerne, oui, c'est vrai qu'au Québec, comparé à d'autres provinces canadiennes, comparé aux États-Unis, nos coûts de santé sont plus élevés. Je constate ça, M. le Président. Mais est-ce qu'on a regardé la vraie raison pourquoi nos coûts de santé sont très élevés? Est-ce qu'on a regardé le fait, par exemple, M. le Président, qu'au-delà de 30 % des tests dans les laboratoires des hôpitaux ont été jugés comme des tests pas nécessaires? Comment expliquer aux gens qu'au niveau de la nourriture, à Saint-Michel, M. le Président, il en coûte 19 $ par jour pour préparer les trois repas dont les patients ont besoin et que, dans d'autres hôpitaux, dans la région du Grand Montréal, il en coûte presque 40 $? Moi, j'ai beaucoup de difficultés à comprendre ça.
Pour revenir au niveau des ambulances. Urgences-santé, dans une évaluation qu'elle a faite, M. le Président, elle dit que l'hôpital Saint-Michel est un des hôpitaux les plus efficaces en ce qui concerne l'accueil des ambulances. M. le Président, on regarde à Saint-Michel: il y a eu 5 264 admissions par ambulance à l'urgence. Disons que cinq autres hôpitaux vont accepter ces ambulances qui vont présentement à Saint-Michel, que les autres hôpitaux, dans la région, vont accepter, vont se partager ces 5 000 ambulances-là. Est-ce qu'ils vont être capables, dans un avenir prochain, d'accepter, les cinq hôpitaux avoisinants, 1 000 ambulances de plus par année, M. le Président? Ils ont de la misère comme c'est présentement. Ils ont de la misère.
(23 heures)
Lorsqu'on regarde du côté de l'urgence, M. le Président, lorsque le ministère produit des documents qui disent qu'à Saint-Michel vous avez moins de 1 % des personnes qui arrivent par ambulance qui sont là plus de 48 heures, M. le Président moins de 1 % moi, je pense que c'est un hôpital très efficace. Je suis d'accord, moi, si un hôpital n'est pas fonctionnel, qu'on le ferme, M. le Président, mais il est très clair, en ce qui me concerne et ça fait 14 ans que je suis ici, à l'Assemblée nationale, je pense que je sais un peu la façon que le gouvernement fonctionne, j'ai été dans l'opposition, j'ai été au pouvoir, maintenant dans l'opposition en ce qui me concerne, M. le Président, que le ministre de la Santé et des Services sociaux a reçu une commande. Une commande de qui? Du Conseil du trésor, qui a dit: Voici, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux, nous avons besoin de x millions de dollars. Allez-y! Il a regardé ça de façon très simpliste. Ah! Parfait, on ferme des lits, on ferme des hôpitaux. Une économie? Est-ce que, ça, c'est rendre à la population un service, M. le Président? Non, pas du tout. Pas du tout.
Je disais tout à l'heure, M. le Président, qu'il y a beaucoup de gens qui disent qu'au Québec les frais de santé sont plus élevés qu'ailleurs. Parfait! Essayons d'économiser. Mais ce que je ne comprends pas, M. le Président je ne comprends pas ça du tout, puis c'est simplement de faire des calculs, et vous pouvez les faire avec moi en ce qui concerne l'étude qui est connue par... Bonsoir, M. le ministre. Je suis content que vous soyez arrivé.
Le Président: S'il vous plaît!
M. Cusano: Une étude qui existe au ministère, qui est appelée le NIRU. Ce n'est pas le Pérou, M. le Président, c'est le NIRU. Oui. Et, selon mes informations, ça a l'air que le ministre n'a pris connaissance de cet indice seulement que dernièrement. Le NIRU, M. le Président, c'est quoi? C'est le coût attendu selon l'indice de lourdeur. Ça veut dire quoi, ça, en termes pour qu'on puisse se comprendre? Parce que, vous savez, les fonctionnaires, ils inventent toutes sortes de beaux vocabulaires! C'est combien ça coûte pour avoir un patient dans un hôpital. C'est ça, le NIRU, M. le ministre. Je suis content que vous soyez d'accord avec ça. O.K.
Alors, le ministre nous dit qu'il faut sauver de l'argent. Je suis d'accord avec lui. Sauf que si on regarde à Saint-Michel, le NIRU, M. le Président, puisque le ministre m'écoute, le coût observé, à Saint-Michel, est de 2 977 $, et il se retrouve le deuxième dans la région de Montréal. Je ne nommerai pas les autres hôpitaux, M. le Président, vous la connaissez, cette liste-là, hein, vous la connaissez très bien.
Alors, Saint-Michel, qui se trouve à 2 977 $, on vous dit 3 000 $ pour arrondir, et l'autre hôpital qu'on ne ferme pas, qui est au bout de la liste, ça coûte 4 581 $. Belle économie, hein? Les patients qui auraient été dirigés à Saint-Michel, ça va coûter 3 000 $, tandis que là, au lieu de les accepter à Saint-Michel, parce qu'on ferme Saint-Michel, on va les envoyer ailleurs. Pour le même patient, le même service, ce patient-là, dans un autre hôpital, dans la grande région, s'il va à un des particuliers, ici, c'est 4 581 $. Où est l'économie, M. le Président? J'aimerais bien que le ministre nous explique ça. Où est l'économie, si vous fermez l'hôpital où ça ne coûte pas cher? Puis, ces gens-là, si le service n'est pas là, ils vont aller ailleurs. Ils vont aller dans un hôpital où les services sont plus chers, au gouvernement, pour toutes sortes de raisons. Alors, on nous dit qu'il y a une économie. Où est-elle, cette économie, M. le Président? Je n'en vois pas. Je n'en vois pas.
Dernièrement, M. le Président... Le quartier Saint-Michel, ce n'est pas le quartier le plus riche de Montréal, M. le ministre. Le centre hospitalier Saint-Michel est un centre d'accueil pour les gens de Saint-Michel et les gens de Gouin. Et le député de Gouin va être d'accord avec moi. Lui non plus, il n'a pas un quartier riche dans l'arrondissement, et l'hôpital Saint-Michel dessert cette population, il la dessert très bien. Très bien, M. le Président. Mais, pourtant, le ministre dit qu'il faut le fermer.
À part de ça, en conclusion, M. le Président, suite à des questions de mon collègue au niveau de l'évaluation, j'ai appris cet après-midi, et j'aimerais bien que le ministre, dans sa réplique, me réponde... Lorsqu'il a dit qu'il avait des critères particuliers, puis il a fait une grille, puis ainsi de suite. L'hôpital Saint-Michel, c'est une grille de 1 à 5, c'est ce qui fait le no 1. Ça veut dire, ça, qu'il fallait fermer. Sauf que, suite à des vérifications que j'ai faites avec des gens du ministère j'en connais quelques-uns, M. le Président on m'a dit qu'ils ont fait une erreur et que Saint-Michel ne serait selon les critères établis par le ministre lui-même pas classifié comme 1 mais comme 4, et, en conséquence, ne devrait pas être fermé, M. le Président.
Alors, vous me signalez que mon temps est terminé. Tout ça pour vous dire, M. le Président, que je trouve que le ministre a procédé à l'aveuglette, et je ne peux pas, en toute conscience, voter en faveur de ce projet de loi. Merci, M. le Président.
Le Président: Merci, M. le député de Viau. Nous poursuivons le débat relativement à l'adoption du principe du projet de loi 83. M. le député de Shefford, vous avez 20 minutes maximum.
M. Bernard Brodeur
M. Brodeur: Merci, M. le Président. Je suis heureux d'intervenir ce soir sur le projet de loi 83, loi intitulée Loi modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux. Cependant, M. le Président, je constate une chose. Je déplore le fait qu'il y a très peu de membres du parti ministériel qui désirent intervenir sur ce projet de loi. Je me pose la question si ces gens-là ont peur d'intervenir ou sont en désaccord avec la politique du ministre de la Santé et des Services sociaux. J'imagine que nous en saurons plus long dans un avenir rapproché.
Le projet de loi 83, M. le Président, vise la modification de la Loi sur les services de santé et les services sociaux. Ce projet de loi est axé sur quatre objectifs très précis, dont le principal est la fermeture d'hôpitaux. Ce projet de loi élabore la procédure qui suivra pour liquider les actifs des hôpitaux que le ministre de la Santé aura décidé de fermer.
M. le Président, le projet de loi 83 vise à prolonger le mandat des membres des conseils d'administration des régies régionales pour une période d'un an. Par surcroît, ce même projet modifie le processus de nomination pour les postes vacants en procédant non pas par élection, mais par résolution du conseil d'administration. Cette façon de faire me surprend beaucoup, car nous demandons maintenant aux membres élus des conseils d'administration des régies régionales de devenir juge et partie à la fois.
M. le Président, je n'aurais pas dû me surprendre de cette façon de faire, puisque l'autre façon de gouverner peut vouloir dire aussi gouverner de façon déguisée, où l'on peut imposer à des gens d'obéir au doigt et à l'oeil sous menace d'être rejetés comme de vieilles ordures, si on pouvait dire.
M. le Président, dernièrement, on a pu se rendre compte, par les nombreuses nominations politiques sans précédent dans notre histoire politique québécoise, qu'on a remplacé des gens très compétents pour l'unique raison qu'ils refusaient de faire la profession de foi péquiste ou séparatiste. Le Parti québécois, M. le Président, applique la règle du crois ou meurs. Si on prend, par exemple, l'exemple du député de Montmorency, qui a reçu les foudres de son gouvernement et plus particulièrement de son chef lorsque celui-ci a refusé d'appuyer le budget du gouvernement. Le député de Montmorency a eu l'honnêteté de dire à la population du Québec que la méthode comptable utilisée par le gouvernement cachait la vérité en plus de ne pas être reconnue par l'Ordre des comptables agréés du Québec.
M. le Président, question de règlement, en passant. Le quorum, exactement, doit être de combien de députés pour ce soir?
Une voix: Douze.
Le Président: C'est une question d'information? Alors, c'est effectivement 12, incluant... Non, 13, avec la personne qui préside. Alors, nous avons, je crois, le quorum. Non, je constate que nous n'avons pas le quorum, il manque une personne. Alors, ça va, nous avons maintenant le quorum.
M. Boisclair: ...
Le Président: En vertu de quel article du règlement intervenez-vous?
(23 h 10)
M. Boisclair: Si vous me reconnaissez, M. le Président, je vais vous indiquer que c'est l'article 239. Je voudrais tout simplement que vous rappeliez au député de Shefford que l'objet du débat, au moment de l'adoption de principe, doit porter exclusivement, exclusivement, dit notre règlement, sur l'opportunité du projet de loi, sur sa valeur intrinsèque, ce qui veut dire sur son essence, ou sur tout autre moyen d'atteindre les mêmes fins.
Et, à l'évidence, le député de Shefford nous parlait d'un tout autre sujet. La jurisprudence est très éloquente, M. le Président. Vous devez interpréter l'article 239 de façon très stricte, et je vous demande de rappeler le député à l'ordre.
M. Parent: Question de règlement.
Le Président: Sur la question... À l'ordre, s'il vous plaît! Sur la question de règlement, M. le député de Sauvé.
M. Parent: Merci, M. le Président. Sur le même article évoqué par le député de Gouin, je vous ferai remarquer que mon collègue de Shefford vient à peine de commencer son discours. Donc, il est à l'étape de préambule, il est à l'étape de présentation de son sujet, il est trop tôt pour juger de quelle façon il touche directement la loi 83.
Le Président: Alors, s'il vous plaît! S'il vous plaît! M. le député de Gouin et leader adjoint, il apparaît quand même que les dispositions du règlement sont interprétées de façon assez large, à ce moment-ci, et tout en reconnaissant qu'il faille, pour chacun des membres de cette Assemblée, rester, dans leurs interventions, le plus près possible du sujet, il y a quand même une certaine tolérance de la part de la présidence à ce moment-ci du débat.
Alors, je vous inviterais quand même à rester le plus près possible du vif du sujet, M. le député de Shefford.
M. Boisclair: M. le Président, question de directive.
Le Président: M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Boisclair: C'est une question pour éviter que j'aie à me relever ce soir, puisque je veux bien saisir votre décision. Comment faut-il interpréter l'article 239, lorsqu'on indique que le débat porte exclusivement... Est-ce que vous pourriez, s'il vous plaît, m'indiquer de quelle façon vous interprétez le mot «exclusivement»?
Le Président: De la même façon que le président interprète les dispositions du règlement en ce qui regarde la période des questions, c'est-à-dire quand même avec une certaine tolérance, à plusieurs reprises, de façon à tenir compte de l'énergie en cette Assemblée, ce que je fais actuellement.
Alors, M. le député de Shefford, si vous voulez bien continuer votre intervention.
M. Brodeur: Merci, M. le Président. Pour le bénéfice du leader adjoint du gouvernement, lorsque je prenais comme exemple la situation du député de Montmorency, il comprendra naturellement que c'était par analogie à la décision que pourraient prendre d'autres membres du parti ministériel lorsque nous aurons à prendre un vote sur le même projet de loi, la loi 83.
Donc, M. le Président, il est vrai que le gouvernement nous a montré son vrai visage lors de la présentation de ce projet de loi. Un gouvernement qui est passé maître dans l'art du double discours. Nous venons de réaliser aussi comment le gouvernement du Parti québécois veut éliminer les listes de patients qui sont en attente d'une opération. Le gouvernement croit qu'en faisant disparaître les hôpitaux d'un coup de baguette, il en fera aussi éliminer les listes d'attente.
M. le Président, rappelez-vous la performance théâtrale du premier ministre actuel jouée sur la place publique durant la dernière campagne électorale, lorsque celui-ci s'insurgeait contre les compressions de 700 000 000 $ dans les programmes de santé. Le premier ministre d'aujourd'hui avait revêtu l'habit d'un Robin des Bois en se prenant pour le sauveur de l'humanité. Il avait laissé croire à la population que les compressions dans la santé étaient odieuses et irresponsables, à l'époque. Selon lui, il était impossible de faire de telles coupures sans que la population en soit pénalisée.
M. le Président, je revois encore le premier ministre dans l'une de ses plus grandes prestations, celle où il incarnait un homme humain et compatissant: il était prêt à tout pour prendre le pouvoir. L'autre façon de gouverner, M. le Président, nous la connaissons maintenant. C'est de couper 2 000 000 000 $ dans les services de santé et services sociaux. Mais ce qui est le plus incroyable, c'est que c'est le même acteur de grande scène, le premier ministre actuel, qui dit aujourd'hui qu'en faisant des coupures de 2 000 000 000 $ dans le réseau de la santé et des services sociaux il va améliorer les soins à la population québécoise.
M. le Président, je connais des gens à qui on a fait subir des tests de santé bien spécifiques pour moins d'incohérence que cela. Et quand je dis «incohérence», en voici d'autres exemples. Le ministre de la Santé répète sur toutes les tribunes que l'opposition et la population n'ont pas à s'inquiéter. D'après lui, il ne fait que réorganiser le système de santé au Québec. Le virage ambulatoire que prend son gouvernement rendra le système de santé plus performant et efficace, selon lui.
M. le Président, le Parti québécois tente de faire croire à la population qu'il peut fermer les hôpitaux partout au Québec en s'appuyant sur le fait que les soins postopératoires seront assurés par les CLSC, à la maison. Lorsque nous regardons les enveloppes budgétaires des CLSC, on constate qu'elles sont réduites. Nous savons tous que le mandat actuel des CLSC est déjà très difficile à remplir, compte tenu de la demande toujours grandissante, et encore plus depuis que les familles québécoises éclatent.
M. le Président, je ne pourrais compter les fois où j'ai constaté que le CLSC de mon comté, par exemple, pour des concitoyens qui avaient besoin de services, avec la meilleure volonté du monde, le personnel du CLSC ne pouvait répondre adéquatement à toutes ces demandes par manque d'effectif. Le mandat que le ministre confie à ces institutions est au moins le double, sinon le triple de travail, et ce, M. le Président, avec moins de budget qu'elles en avaient.
Regardons l'impact de ce virage ambulatoire dans la vie quotidienne des Québécois et des Québécoises. Le ministre de la Santé et des Services sociaux me fait penser quelque peu, M. le Président, à un coureur automobile qui tente de négocier un virage à 200 km/h; à cette vitesse, il dérape, frappe de plein fouet le mur et se retrouve éliminé de la course. Ce qui m'inquiète dans ce présent cas, M. le Président, c'est que le ministre de la Santé et des Services sociaux a avec lui, dans son véhicule, toute la population du Québec. Est-ce que le ministre de la Santé et des Services sociaux est conscient qu'il met la vie des Québécois et des Québécoises en danger? Dois-je lui rappeler que la conduite dangereuse est punissable par notre code pénal?
Avec ce projet de loi, le ministre pourra, de sa propre initiative ou à la demande de la régie régionale, retirer le permis d'un établissement public ou privé, c'est-à-dire fermer boutique de façon finale et sans appel. Est-ce là la nouvelle façon de gouverner?
M. le Président, est-ce le respect que porte le gouvernement envers notre population vieillissante? Est-ce de cette façon que le gouvernement du Parti québécois entend traiter nos aînés dans un Québec souverain?
M. le Président, nous serions pointés du doigt par l'opinion internationale si cette dernière savait que le gouvernement actuel a l'intention d'utiliser notre population comme cobaye dans la réforme du système de santé, et ce, aux risques et périls de la population québécoise. Le ministre de la Santé et des Services sociaux, qui se décrit lui-même comme un technocrate, semble ne pas connaître la réalité des familles québécoises. Les parents des familles québécoises sont surchargés de responsabilités sociales, économiques et familiales. Il est utopique de croire qu'on peut ajouter à nos familles d'autres responsabilités sans en absorber les contrecoups sociaux.
M. le Président, cette réforme nous dirige tout droit vers une médecine de riches et une médecine de pauvres; celle des riches, naturellement, est beaucoup plus rassurante. Il est plutôt surprenant de voir un gouvernement, un gouvernement qui se dit social-démocrate, attaquer de telle façon l'universalité des soins de santé. Encore une fois, M. le Président, nous voyons l'incohérence de ce gouvernement. Toujours la même chose: le discours d'un côté et la réalité de l'autre.
M. le Président, dans notre société québécoise, il est surprenant de constater que la médecine offerte aux animaux est mieux organisée que celle offerte aux humains. Vous savez, M. le Président, que je suis un des critiques en matière agricole et que j'ai eu souvent l'occasion, dans ma profession antérieure à celle que je connais aujourd'hui, de fréquenter à quelques reprises l'hôpital vétérinaire de Saint-Hyacinthe, et c'est pourquoi j'aimerais faire une certaine analogie.
Le temps d'attente, à l'arrivée, fut de trois secondes la première fois où j'y suis allé. Rapidement, un médecin et deux stagiaires se sont dirigés vers moi, et immédiatement un des stagiaires prend les signes vitaux et l'autre fait le dossier de santé d'un veau, à l'époque, que j'avais apporté à l'hôpital vétérinaire. Cinq minutes plus tard, ils avaient pris une prise de sang, un échantillon de fumier ainsi qu'un prélèvement de mucus, sans oublier qu'on avait eu le temps de prendre la température de mon veau. Dans la demi-heure qui suivit, un diagnostic complet relatif à l'état de santé de mon animal m'était rendu. Croyez-le ou non, mon veau eût la chance de faire sa convalescence à l'hôpital vétérinaire et non dans l'étable.
M. le Président, ce ne sont pas les traitements que l'on offre aux animaux qui sont anormaux, mais plutôt ceux que l'on offre aux Québécois et aux Québécoises présentement. Je suis toujours surpris de constater à quel point les services médicaux offerts à l'hôpital vétérinaire de Saint-Hyacinthe sont efficaces et professionnels. M. le Président, j'inviterais le ministre de la Santé et des Services sociaux à visiter l'hôpital vétérinaire de Saint-Hyacinthe. Il s'apercevrait que l'on a plus de compassion pour les animaux que ce gouvernement en a pour nos aînés.
(23 h 20)
M. le Président, vous savez que je suis aussi porte-parole en matière de santé, mais en santé animale. J'ai constaté que le budget de l'hôpital vétérinaire de Saint-Hyacinthe a su résister aux compressions budgétaires. On lui a reconnu son caractère essentiel; il pourra maintenir le rythme de croissance de ses investissements. M. le Président, je me réjouis que le MAPAQ maintienne son appui à la santé animale, puisqu'il vient de renouveler ses ententes avec l'hôpital vétérinaire jusqu'en 1998. M. le Président, j'aurais aimé que le ministre de la Santé et des Services sociaux et son gouvernement maintiennent le même standard de qualité pour l'hospitalisation de nos concitoyens que pour l'hospitalisation de nos animaux. Je vous remercie beaucoup, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Bélanger): Alors, je vous remercie, M. le député de Shefford. Et je suis maintenant prêt à céder la parole à un autre intervenant. Je vais céder la parole à Mme la députée de Marie-Victorin et whip adjoint du gouvernement. À vous la parole, Mme la députée.
Mme Cécile Vermette
Mme Vermette: Merci, M. le Président. Alors, sur les derniers propos du dernier interlocuteur, le député de Shefford. En fait, je l'écoutais lorsqu'il faisait la comparaison entre les soins de santé dans le domaine des animaux et dans le domaine de santé qui s'adresse à la population humaine. En fait, je l'écoutais et je me disais: Bon, il est presque en train de faire la démonstration de pourquoi nous sommes en train de vouloir apporter une transformation dans le système de santé. Il y a sûrement quelque chose qui cloche puisque, lui-même, à date, à ce moment-ci, au moment où il fait son intervention, nous n'avons pas fait de fermeture encore, comme il le prétend et à tort, dans certains cas nous n'avons pas encore procédé aux changements majeurs de notre réforme et il dénonce, en fait, une façon d'être du système de santé et, lui-même, il évoque qu'il y a certaines lacunes dans notre système de santé.
Alors, c'est vrai sur le fond, je crois, il admet qu'il faut apporter des réformes, des changements, des transformations dans notre système de santé et qu'il est grand temps que nous passions à l'action. Mais, au contraire, plutôt que de faire une critique constructive, une critique qui serait responsable, ils ont choisi, d'un commun accord, j'imagine, avec leur chef, qui est le chef de l'opposition, ils ont plutôt décidé, en fait, d'alerter la population avec des propos alarmistes, avec un discours de la peur, une désinformation qui, depuis neuf ans, a fait en sorte que les gens au Québec, que ce soient les femmes et les hommes du Québec, ont de la difficulté à croire les hommes et les femmes en politique. Et ce genre de désinformation, dans laquelle ils sont vraiment les champions en ce sens, M. le Président, fait en sorte que la vérité n'a plus ses droits. La vérité, en fait, elle est constamment déformée, et c'est dommage parce que la population s'attend à ce qu'on lui dise les vraies choses pour ce qu'elles sont et elle est prête, cette population-là, à s'ajuster en fonction des transformations qu'on doit opérer dans notre société, parce que, nous, de notre côté, nous avons de la vision.
Nous savons très bien que, dans le système actuel, avec l'évolution de la technologie, avec le vieillissement de la population, la transformation de nos populations, la mutation de nos populations, les déplacements de nos populations, nous ne pouvons plus continuer de maintenir un système de santé tel que nous l'avons, c'est-à-dire des hôpitaux de quartier. Et c'est là, M. le Président, où je ne comprends pas, en fait, ces gens de l'opposition d'alerter, d'une façon tout à fait inexplicable, la population au sujet des changements qui doivent s'opérer dans notre système de santé. M. le Président, je me demandais, à un moment donné, quelle distance d'un hôpital à l'autre peut-il exister, puisqu'il semblait que c'était impensable de pouvoir demander à un citoyen de faire un peu plus de kilomètres, quelques kilomètres de plus pour recevoir ses soins de santé. Ce n'est pas complètement, M. le Président...
À les entendre parler, c'est que nous ne voulons plus traiter la population du Québec, nous ne voulons plus donner de soins de santé et il n'y aura plus de médecins au Québec. À les écouter parler, c'est que c'est fini, le système de santé au Québec, il n'y a plus rien, il n'y a plus rien qui existe. Demain matin, là, c'est terminé, tout est chambardé et puis les gens, en fait, devront souffrir en patience et ne plus recevoir aucun soin de santé. Je trouve ça tout à fait déplorable, M. le Président, il y a un total... un sens d'irresponsabilité des plus marqués, que je n'ai jamais rencontré en tant qu'opposition, M. le Président. Oui, j'ai vécu des moments d'opposition et, à certains moments, on disait: Écoutez, il ne faut pas être trop démagogue, tout de même, il faut en mettre, mais pas trop. Et, là, cette fois-ci, le jupon dépasse pas mal trop, M. le Président.
Je vais vous montrer, en fait, ça a passé dans La Presse du 20 mai. C'est exactement où se situent les hôpitaux sur l'île de Montréal, le nombre d'hôpitaux qui existent sur l'île de Montréal. En noir, ce sont les hôpitaux qui vont demeurer. En blanc, ce sont les hôpitaux qui seront transformés. Et regardez correctement, M. le Président, vous allez vous apercevoir que la distance d'un point noir à un autre démontre hors de tout doute qu'il ne manque pas de ressources sur l'île de Montréal, bien au contraire, qu'il y a suffisamment de ressources pour répondre à la demande. Et si vous regardez, en fait, où sont situés ces hôpitaux, ils sont situés en des points stratégiques où sont placées les agglomérations de population de l'île de Montréal. Et, à mon avis, des propos aussi alarmistes que ces gens d'en face n'arrêtent pas de susciter dans la population, c'est un manque flagrant de responsabilité, M. le Président.
Je comprends pourquoi la population les a renvoyés dans l'opposition. Ils s'attendaient à ce que des gens soient responsables, soient capables de prendre de réelles décisions, et c'est ce que nous faisons, M. le Président. Nous sommes capables de prendre des décisions. Nous ne ferons pas comme ce gouvernement qui a pris des mois et des mois pour décréter de la couleur de la margarine, M. le Président. Nous sommes capables de nous décider. Nous sommes capables de faire des choix, et gouverner, M. le Président, c'est de faire des choix et de les assumer. Et aussi, M. le Président, c'est d'être un catalyseur auprès de la population et d'aider la population à emboîter le pas dans des changements qui sont bénéfiques pour eux, quant à eux.
Notre objectif, M. le Président, c'est de donner plus de soins de meilleure qualité à la population, parce que nous savons qu'à l'heure actuelle, avec tout ce que nous connaissons au niveau de notre système de santé, il y a une réforme à apporter, une transformation à apporter. On ne peut plus continuer comme nous avons toujours fait par les années passées, c'est-à-dire où chacun est un peu centré sur lui-même, chaque établissement, en croyant qu'il n'est pas responsable de ce qui se passe dans l'administration et la gestion de l'autre institution qui est plus près de son environnement.
Ce que nous demandons maintenant, c'est que les régies régionales jouent pleinement leur rôle, leurs responsabilités, avec des gens élus sur les conseils d'administration, qui représentent l'ensemble des établissements d'une région et qu'ensemble ils seront capables de s'asseoir autour d'une même table et de prendre des décisions globales, en concertation, pour le mieux-être d'une population et non pas, comme par le passé, prendre des décisions en faveur d'un développement d'une institution au détriment d'une autre, et de faire des luttes de pouvoir constantes et de faire des pèlerinages constants, aussi, au niveau du ministère de la Santé pour en avoir toujours un petit peu plus et en enlever un petit peu plus à son voisin, parce que, finalement, on se croyait légitimé de prendre plus d'espace et de faire plus de développement. Non, M. le Président, ce moment-là est fini. Nous allons travailler en collaboration avec l'ensemble des partenaires du réseau de la santé, sur un plan régional, avec des gens responsables, mandatés pour prendre des décisions dans le meilleur intérêt de l'ensemble de la collectivité d'une région donnée.
Je pense, M. le Président, que les médecins du Québec ne s'en iront pas tous demain matin parce que nous faisons une réforme. Il y a encore des médecins qui ont bonne conscience. Il y a encore des médecins pour qui la vocation est importante. Ils vont continuer de soigner adéquatement la population du Québec. Je ne peux pas répondre de l'ensemble des médecins, bien sûr, mais il en existe, il en a toujours existé, comme dans toutes les professions, il y a toujours eu d'autres gens qui abusent davantage d'un système plutôt qu'un autre. Et c'est peut-être le jeu de ces gens que les gens d'en face font, les abuseurs du système, M. le Président, ceux qui n'ont pas intérêt à ce que les choses changent.
(23 h 30)
Alors, oui, effectivement, il y a toujours un porte-parole pour ces gens. Il y a toujours une voix prête à se faire entendre, bien sûr, pour défendre le statu quo. Et, ça, on le sait, M. le Président. On est habitués avec ces gens; défendre le statu quo et même, certaines fois, ne pas savoir du tout, n'avoir aucune position. Mais, tout simplement, on critique pour critiquer.
M. le Président, je vous ferai remarquer ce que nous avons comme objectif, nous: l'efficience et l'efficacité. L'efficience et l'efficacité, de quelle façon pouvons-nous l'obtenir? Quels sont les moyens pour y parvenir. M. le Président? C'est en mettant au défi la population d'être capable, elle aussi, d'accepter le changement, une transformation, et aussi de lui demander de collaborer et de participer à ce changement. De quelle façon, M. le Président, tout ça va s'opérer? Bien sûr par des consultations, par de la communication. Peut-être, M. le Président, je vous dirai que le ministre, notre ministre de la Santé, n'a pas dépensé 200 000 $ en campagnes de publicité comme l'ancien ministre de la Santé. Il se peut que nous n'ayons pas mis l'accent sur la publicité de notre réforme. Ce qui est important, quant à nous, par contre, c'est de réellement travailler en concertation avec les gens impliqués de sorte que, lorsque nous serons prêts à appliquer cette transformation, cette réforme, les gens auront déjà été habitués à travailler ensemble, auront déjà été habitués à prendre des décisions ensemble et à collaborer.
Ça vaut beaucoup plus que de faire du tape-à-l'oeil comme l'ancien ministre de la Santé a fait lors de la présentation de sa réforme axée sur le citoyen. Qu'en est-il resté, M. le Président, de cette réforme? Bien, parlons-en. Le ministre de la Santé d'alors, qui était Marc-Yvan Côté, on se souviendra, avait averti tout le monde qu'il les mettrait au pas et au droit. Qu'est-ce qui est arrivé, M. le Président? Pas grand-chose; il a accouché d'une souris. Bien sûr que l'ensemble de la députation ministérielle, à ce moment-là, n'a pas appuyé son ministre de la Santé. Bien au contraire, ils ont défendu des intérêts de groupes très particuliers, M. le Président, des gens qui ont une voix très forte et qui ont aussi les moyens de se défendre et de défendre les intérêts de leurs corporations, M. le Président. Et ça, c'est dommage, parce que ce n'est pas de cette façon-là, en prenant l'intérêt de groupes particuliers au détriment d'un autre groupe, M. le Président... À ce moment-là, croyez-moi, ce n'était pas nécessairement le mieux-être de la population.
Pendant neuf ans, j'ai été présidente d'un conseil d'administration d'un hôpital sur la rive sud, pour ne pas le nommer, l'hôpital Charles-Lemoyne. Pendant neuf ans, j'ai pu voir comment toutes les tractations se passaient. Je peux vous dire, M. le Président, ce n'est pas facile d'établir des consensus dans ce milieu. S'il n'y a pas une volonté politique de faire changer des choses, de faire avancer des choses, c'est les intérêts particuliers qui priment sur l'intérêt, le bien général du malade, M. le Président. Malheureusement, je suis obligée de le dire après tant d'années d'expérience que j'ai eues sur des conseils d'administration et dans les hôpitaux du Québec.
Alors, M. le Président, oui, je souhaitais avoir un ministre de la Santé capable de se tenir debout, qui a de l'échine, M. le Président, capable de prendre des décisions, M. le Président, et qui est capable aussi, tout en prenant des décisions, d'arriver à établir des consensus et de travailler avec ses partenaires les plus essentiels, les gens qui sont de la régie régionale et les gens qui sont sur les conseils d'administration, M. le Président.
Avant de continuer et pour aller un peu plus loin, M. le Président, j'aimerais vous parler de ce qui s'est passé chez nous en Montérégie. Voilà un autre document dont j'aimerais bien que les gens puissent prendre connaissance: «Vers un virage santé et bien-être», qui a été publié au mois de mars 1995. Je vais vous lire le préambule, M. le Président: «La Régie de la santé et des services sociaux de la Montérégie présente au ministre de la Santé et des Services sociaux son plan stratégique triennal de transformation du système "Vers un virage santé et bien-être". Pour ce faire, la Régie régionale de la Montérégie a réalisé une démarche majeure de réflexion.» Ce ne sont sûrement pas les propos que tiennent de l'autre côté, en fait, les gens. Ce qu'ils essaient de faire, c'est de démontrer qu'il n'y a pas eu de consultation, alors qu'au contraire c'est tout à fait l'inverse qui s'est passé, M. le Président. Je sais très bien que les régies régionales... En ce qui nous concerne, chez nous, nous avons eu des rencontres avec le directeur de la régie régionale, nous avons parlé avec le directeur de la régie régionale, nous avons échangé nos points de vue en tant qu'hommes et femmes politiques, M. le Président. Le ministre est venu dans notre région, il a rencontré les directions des régies régionales, il a rencontré le personnel des hôpitaux chez nous, il a rencontré les directions des différentes institutions, tout le monde a été mis à contribution, tout le monde a eu la chance d'échanger et de faire valoir leur point de vue, M. le Président. Dire qu'il n'y a pas eu de consultation, c'est vraiment dire des propos très loin de la vérité et c'est tout à fait affirmer l'inverse de ce qui s'est passé, M. le Président, et ça, c'est de la mauvaise foi de la part des gens de l'autre côté, parce qu'ils le savant très bien qu'il y a eu consultation.
Regardez la plupart des éditoriaux qui ont passé dans les journaux depuis que nous sommes en train de faire cette réforme, des gens avertis, la plupart de ces gens-là et, notamment, Alain Dubuc qui, je pense, n'a jamais été tout à fait de notre côté, M. le Président et je peux vous dire qu'on a eu droit à certains éditoriaux qui nous ont fait mal et nous ont écorchés. Mais, cette fois-ci, M. le Président, cet éditorialiste qu'est Alain Dubuc a même soulevé le courage de notre gouvernement et le courage du ministre. La seule note discordante qu'il pouvait vraiment attribuer en ce qui concerne la réforme, c'est qu'au niveau des communications nous n'avons pas fait exactement le même show qu'avait fait Marc-Yvan Côté, parce que notre préoccupation, ce n'était pas de faire un show, M. le Président, notre préoccupation était réellement de se mettre au travail et de faire en sorte que les citoyens, nos citoyens, les électeurs qui nous ont donné leur confiance ne soient pas trahis, en fait, par nos actions. Nous nous sommes tout de suite mis à l'oeuvre pour arriver à trouver les solutions qui répondraient le plus possible à des services de qualité en tenant compte, M. le Président, oui, du vieillissement de la population.
Il y a 20 ans, lorsque je faisais mes études en administration hospitalière, on nous disait qu'en l'an 2000 nous serions 15 % de la population de 65 ans et plus. Qu'avons-nous fait pour modifier notre système de santé, pour répondre à ces besoins? Rien. On a attendu d'arriver à l'an 2000 pour essayer d'arriver à rattraper les choses, pour répondre vraiment aux besoins de cette population, M. le Président.
Ces mêmes gens d'en face, M. le Président, sont tellement incohérents que, lorsque nous avons eu le budget, le discours du budget, ils nous disaient qu'on ne coupait pas assez, qu'on ne faisait pas comme... à l'exemple de l'Ontario, qu'on n'était pas à l'exemple du Manitoba, qu'on n'était pas à l'exemple de la Saskatchewan. Maintenant, on nous reproche de faire, en fait, des choses similaires à ces provinces, qui ont une avance de trois ans par rapport à nous, M. le Président. Bien sûr, ces gens-là ne sont pas habitués de bouger. Bien sûr, ces gens-là ne sont pas habitués de prendre des décisions. Bien sûr, ces gens-là ont peur de l'action, M. le Président. Ils ne sont pas capables d'accepter qu'ici, de notre côté, nous soyons des gens dynamiques, des gens qui sont capables de susciter une synergie entre les principaux intervenants du milieu de la santé, et que ça marche, M. le Président. Plus encore, ça marche!
Évidemment, les gens descendent dans la rue quand on commence à faire des propos alarmistes, M. le Président. Quand on leur dit que, demain matin, il n'y aura plus de médecins, que la plupart des médecins vont partir, qu'ils n'auront plus de services, qu'ils seront obligés d'aller se faire soigner dans la rue, qu'on est même obligés de mettre des camps de jour comme si on était dans une médecine de guerre, oui, quand on a des propos de même, effectivement, les gens descendent dans la rue, M. le Président. Mais ça n'a rien à voir avec la réalité. Demandez aux gens des conseils d'administration, demandez aux directions générales des hôpitaux si eux considèrent ça si dramatique, à l'heure actuelle. Non. Ce qu'on leur a dit, M. le Président: Nous allons nous donner le temps d'arriver à cette réforme. Nous allons prendre le temps, avec vous, de regarder de quelle façon nous serons capables d'appliquer cette réforme pour mieux servir la population et leur donner de meilleurs soins de santé, M. le Président. Et, dans certains endroits, les gens se disent: Bien, j'aurais pensé que ça aurait été pire que ça, j'aurais pensé que ça aurait été beaucoup plus... en fait, ça aurait pu avoir des conséquences beaucoup plus graves en ce qui nous concerne.
(23 h 40)
M. le Président, je vais terminer avec ça, c'est une opinion qui a été écrite dans La Presse , en fait, par Linda Cazale, qui est une auteure qui est candidate au département de l'administration de la santé de l'Université de Montréal. Et qu'est-ce qu'elle dit, en fin de compte, M. le Président? C'est que ça fait longtemps qu'on avait prévu qu'il y aurait des changements et, dans certains cas, certains hôpitaux, depuis 10 ans, savaient très bien que le changement était arrivé pour eux. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Bélanger): Je vous remercie, Mme la députée de Marie-Victorin. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de WestmountSaint-Louis. À vous la parole, M. le député.
M. Jacques Chagnon
M. Chagnon: M. le Président, après ce discours brillant, on ne sait plus quoi ajouter. On a appris que ça marche maintenant dans les hôpitaux. On en ferme neuf à Montréal puis on en fermera trois ou quatre dans la région de Québec, on en fermera quelques autres dans le SaguenayLac-Saint-Jean, peut-être dans l'Estrie, m'indique-t-on, probablement dans le nord, au nord de Montréal. Ça marche! Ah! pour marcher, ça marche, M. le Président. Il y en avait 10 000 qui marchaient pas plus tard qu'hier pour défendre l'hôpital de leur quartier, Christ-Roi, à Québec, 10 000 hier. Il y en avait quelques milliers qui marchaient cette semaine à Montréal. D'autres milliers vont marcher la semaine prochaine à... Ça marche, les hôpitaux! Ça marche en grand! Beaucoup de monde dans la rue. Tout ce monde-là, évidemment, c'est des gens qui, comme pour l'option du gouvernement en ce qui concerne l'indépendance du Québec, sont évidemment des gens mal informés. Ça fait 30 ans qu'on en parle, mais on est toujours mal informés.
La loi soi-disant modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux aurait fort bien pu se qualifier de loi liquidant la Loi sur les services de santé et les services sociaux. M. le Président, soyons sérieux. C'est un cas carrément de saccage qui se fait à l'heure actuelle dans tout le domaine de la santé et des services sociaux, particulièrement dans les villes-centres. Neuf hôpitaux à Montréal sont appelés à fermer. On aura beau nous dire, et, dans le fond, c'est là un exemple de désinformation: Ah! la consultation n'est pas finie, puis on continue de discuter, puis on va faire... Non, non. On va arrêter de jouer au club d'autruches qu'on a en avant de nous puis arrêter de se sortir... Le gouvernement et les membres du gouvernement, les membres du Parti québécois auraient intérêt à se sortir la tête du sable et à regarder la réalité en face. Il va se fermer au moins neuf hôpitaux à Montréal, il va s'en fermer quelques-uns à Québec, quelques-uns un peu partout dans l'Estrie, dans la région du SaguenayLac-Saint-Jean et dans d'autres régions du Québec. Ça, c'est la nouvelle politique du gouvernement, on ferme les hôpitaux, soi-disant des hôpitaux de quartier.
Vous vous souviendrez, M. le Président, lors de la dernière élection, il y a le chef de l'opposition d'alors, qui est maintenant le premier ministre, qui déchirait sa chemise à Batiscan pour sauver la dernière école de quartier, Batiscan, 38 élèves en six niveaux...
Une voix: 71.
M. Chagnon: 71, me dit-on, 71 élèves à Batiscan. Même chose à Saint-Lucien, même chose à Lefebvre. On jouait dans des nombres entre 40 et 50 élèves. C'était absolument extraordinaire, il fallait éviter de fermer la dernière école dans tous ces quartiers. Mais on n'hésite pas aujourd'hui à fermer l'hôpital de quartier, l'hôpital, l'endroit où on va se faire soigner quand on est malade, où on arrive à l'urgence, où on risque de mourir, où on nous soigne, où on nous remet sur pied, puis on retourne chez nous, sous prétexte qu'il faille faire le virage ambulatoire.
Moi, j'en suis, du virage ambulatoire. Ce n'est pas une découverte du ministre de la Santé, ça, le virage ambulatoire, il n'a rien découvert là. L'hôpital qui a la meilleure performance de tous les hôpitaux canadiens en pédiatrie est l'Hôpital de Montréal pour enfants en ce qui concerne le soi-disant virage ambulatoire, l'opération d'un jour, la meilleure performance au Canada. Je ne leur demanderai pas d'améliorer le score ou d'aller chercher ou de gruger de l'argent sur le budget d'opération de cet hôpital-là, ils sont en avance sur le restant du Québec, du Canada. L'hôpital externe, l'hôpital extramural, ça existe l'hôpital extramural existe est associé avec l'hôpital Maisonneuve. Ce que l'on va faire avec la technique du ministre de la Santé, on va le crucifier carrément. Et les dirigeants de l'hôpital extra muros vous disent: Nous ne serons plus là pour desservir des patients que nous desservons depuis 15 ans dans l'est de Montréal.
La soi-disant stratégie en matière de santé du gouvernement aurait été autrement plus intelligente et mieux organisée, mieux structurée si on avait, d'une part, premièrement, fait en sorte d'associer des hôpitaux avec des organismes qui sont existants, de façon à s'organiser à avoir des conseils d'administration regroupant des services verticaux, du CLSC à l'hôpital, au centre d'accueil, pour être capable de s'assurer, lorsque l'hôpital commencera à ajouter ou à sortir des gens de l'hôpital pour faire en sorte de les renvoyer chez eux, qu'ils aient un service complémentaire déjà au moment où les gens rentreront chez eux. La seule façon d'y arriver, c'est de s'assurer qu'il y ait une ligne de communication directe entre l'hôpital et le CLSC. Non, ce n'est pas ça qu'on fait. On ferme neuf hôpitaux, et là on va ramasser l'argent de la fermeture de neuf hôpitaux pour essayer, éventuellement, d'en ajouter un peu plus dans le service de maintien à domicile, essayer de réorganiser des CLSC. Bref, on s'en va dans un capharnaüm qui n'a aucune espèce de sens, ni sur le plan social ni sur le plan humain.
Ce n'est pas d'essayer de faire peur au monde. On peut voir tout de suite, c'est écrit dans le ciel, ça ne peut pas marcher du jour au lendemain, ce genre de solution là. Outre la pensée magique du ministre et du gouvernement, ça ne fait aucun sens, et tous les gens qui sont concernés dans le milieu de la santé, que ce soient des médecins, des administrateurs, vont vous dire que, si l'objectif est d'arriver à faire en sorte qu'il y ait un virage ambulatoire, le moyen pris par le gouvernement n'a aucun sens. La dernière chose qu'on doit faire, c'est de fermer des hôpitaux.
Dans mon comté, M. le Président, on compte en fermer deux: Sainte-Jeanne-d'Arc et l'hôpital Reddy Memorial. Sainte-Jeanne-d'Arc et Reddy Memorial ont je ne sais quel attrait particulier mais sûrement fatidique pour un gouvernement péquiste. Il y a 10 ans, donc, au gouvernement péquiste première version, à la fin du mandat, on voulait fermer ces deux hôpitaux. Évidemment, une levée de boucliers de la population concernée dans les quartiers du centre-ville de Montréal, de l'ouest, a fait en sorte d'empêcher le ministre de l'époque, qui était M. Pierre Marc Johnson, d'y arriver. On a toutefois réussi, à l'hôpital Sainte-Jeanne-d'Arc, à éliminer ce qui était une des caractéristiques, une des spécialisations les plus importantes de cet hôpital-là, l'obstétrique; plus d'obstétrique à Sainte-Jeanne d'Arc. C'était un hôpital éminemment reconnu pour sa spécialité en obstétrique.
En 1986, ayant pris le problème d'un hôpital dont on avait annoncé la fermeture et pour lequel la communauté avait empêché la fermeture de l'hôpital en s'associant avec les administrateurs d'hôpitaux qui ont poursuivi et gagné contre le gouvernement, à l'époque, eh bien, en ce qui concerne l'hôpital Sainte-Jeanne-d'Arc, il s'est retrouvé avec une nouvelle vocation, une vocation en gériatrie active. C'est-à-dire que, c'est un fait, dans le centre-ville de Montréal, les gens, les résidents du centre-ville de Montréal sont des gens qui ont vieilli. On parlait tout à l'heure d'un 15 % de la population de plus de 65 ans, en l'an 2000. Dans plusieurs secteurs du centre-ville de Montréal, ce pourcentage anticipé pour l'an 2000 est largement dépassé au moment où on se parle. Il était donc sage de faire de l'hôpital Sainte-Jeanne-d'Arc un centre de gériatrie active, un centre qui pourrait recevoir des personnes âgées, des cas de plus en plus lourds, avec tout le personnel requis pour les satisfaire.
(23 h 50)
Conclusion, aujourd'hui, on apprend: on ferme l'hôpital. Ah! beau dommage! Les lits, les quelque 200 lits de l'hôpital sont, entre autres, en grande partie, comblés par des gens qui sont des malades chroniques. Qu'est-ce qu'on va faire avec ces malades chroniques? Le ministre nous dit: On va créer 2 000 lits. Quand? Quand? Dans trois semaines, dans trois mois, dans trois ans? Où? Où on va les créer? Les gens qui sont là ont des familles dans le milieu. On va les transférer de cet hôpital à on ne sait pas où, puis on devrait trouver que c'est génial, cette réforme de la santé, on devrait trouver que c'est plein de bon sens!
Qui souffre? Pas le ministre, pas les députés. Les gens qui sont dans les hôpitaux, par exemple, eux autres sont inquiets. Les parents des gens qui sont dans les hôpitaux, eux autres, ils sont inquiets. Les travailleurs de ces hôpitaux, eux autres, ils sont inquiets. Et, en principe, on devrait trouver que ça a bien de l'allure. Vive le virage ambulatoire! On va régler, à coups de baguette magique, l'ensemble de cette problématique-là? Ça ne fait aucun sens. Ça ne fait aucun sens. Il ne faut pas être un génie pour comprendre que ça ne pourra pas marcher comme le ministre le prévoit.
M. le Président, l'autre hôpital, Reddy Memorial, était aussi ciblé. Il était dans le collimateur du gouvernement, il y a 10 ans. La communauté a fait en sorte de le sauver. On annonce aujourd'hui: Ah, ah, on va finalement vous rachever! Eh bien, il y aura des milliers de personnes qui marcheront dans Montréal mardi prochain.
Une voix: On va être là!
M. Chagnon: Puis je serai là, parce que je pense que ça n'a pas d'allure comme décision. Ah! Il y en aura des milliers à Montréal, des milliers à Québec, des milliers dans l'Estrie, puis des milliers au SaguenayLac-Saint-Jean. On passera tous pour des iconoclastes, au vu et au su du gouvernement, mais, croyez-moi, M. le Président, que, profondément, je suis convaincu que c'est une décision qui n'a pas de sens, qui n'est pas préparée.
Et cela, on aura beau dire, beau faire, il y a des gens qui sont à l'extérieur de cette Chambre, qui sont près du gouvernement... Je pense, entre autres, à Lucien Bouchard, chef du Bloc québécois, un membre de la sainte alliance qui, pas plus tard que cet après-midi, envoyait un communiqué de presse nous disant: Lucien Bouchard s'est prononcé en fonction d'un élargissement des consultations actuelles entourant la réforme des soins de santé au Québec. Mais c'est un vrai débat que ça prend. C'est bien beau de dire, de demander: Nous on attend que la régie régionale, nos fonctionnaires de la régie régionale aient consulté le milieu.
Je «peux-tu» vous dire, M. le Président, que, dans mon milieu à moi, où on fermera deux hôpitaux, il n'y a pas bien du monde dans la population qui était au courant qu'on voulait fermer deux hôpitaux; malgré le fait qu'on s'était essayé il y a 10 ans, il y a eu une grande surprise. Il y a eu une grande surprise aussi dans les sept autres hôpitaux de Montréal, que ce soit à Saint-Laurent, que ce soit à Saint-Michel, que ce soit ailleurs. Il y a beaucoup trop de monde surpris pour qu'on puisse évaluer la qualité de la consultation qui a été faite.
Peut-être que certains médecins, peut-être que certains administrateurs de ces hôpitaux ont pu être approchés, ont pu discuter de ces questions avec la régie, mais ce n'était sûrement pas une consultation populaire. Et c'est cela que nous réclamons, que les gens qui ont quelque chose à dire viennent le dire, que le ministre les écoute, s'il le veut, s'il le peut, s'il en est capable, et cela pourra au moins permettre aux gens d'être rassurés.
On nous annonce peut-être, sur cette loi, une miniconsultation, une douzaine de groupes. C'est des dizaines et des dizaines de milliers de personnes qui ne demanderont pas toutes à être entendues, mais qui veulent avoir une voix, qui veulent avoir la capacité d'être entendues dans ce dossier-là, c'est pas rien; c'est pas rien! Dans le comté de Mme la députée de Vanier, 10 000 de ses électeurs ou des gens de sa région se promenaient dans la rue hier soir, ce n'est pas rassurant pour un député. Ce n'est pas bien, bien... Ce n'est pas évident, en tout cas, qu'on va trouver intelligent, lorsqu'on se regarde, comme représentant de la population, puis qu'on se dit: Ah! ma voisine d'en haut, mon voisin d'à côté, mon mononcle, mon frère et ma soeur sont dans la rue, ce soir. Moi, je suis le député, je représente ce monde-là, je représente tout le monde de mon comté, puis il y a un problème majeur avec l'administration de mon gouvernement. Et où suis-je?
Je n'ai pas à juger les intérêts et les actes de mes collègues. Une chose est certaine: qui que l'on soit, on ne peut pas se permettre d'éviter de comprendre qu'il y a un problème et il est dans notre cour. Puis on pourra faire toutes les accusations possibles, à l'effet que les gens n'ont pas compris, il y a une chose qui est certaine, si les gens n'ont pas compris, ils ont réussi à comprendre quelque chose: qu'il y a quelque chose d'anormal qui se passe chez eux, puis ils risquent d'être les premiers à en écoper. Puis écoper, en matière de santé, c'est pas rien. Écoper en matière de santé, c'est pas rien. On est tous sujets à ce que la nature nous a donné. On ne peut pas présumer qu'on va être en santé. La santé, c'est un voeu qu'on chérit, tous et chacun, mais on a des gens, des amis, des gens de notre âge même qui ont été profondément malades et qui sont dans l'un ou l'autre de ces hôpitaux. Il y a des gens qu'on connaît qui sont dans des centres, dans des lits pour malades chroniques dans ces hôpitaux. Et on ne sait toujours pas ce qu'on va en faire.
Il y a, comme disait Shakespeare: «There is something rotten in the State of Denmark.» Il y a quelque chose de pourri aussi dans le royaume du Québec. Et cela, le ministre sera obligé d'en tenir compte dans ses consultations à venir, parce que c'est non seulement lui, ses collègues, mais tout le gouvernement qui risque d'en être sérieusement bouleversé. Et, cela, s'il en est inconscient, bah! tant pis pour lui, mais la population, par contre, la population saura se rappeler longtemps, très longtemps, le genre de services qu'elle a eu de son gouvernement qui, jamais, au grand jamais, n'avait promis de fermer les hôpitaux à gauche et à droite, de ralentir sa capacité d'avoir des services en matière ambulatoire et en matière hospitalière. Jamais! Et cela, et cela, M. le Président M. le nouveau Président ça, on ne pourra pas longtemps penser que, non seulement sur sa cote de popularité, mais sur la crédibilité même du gouvernement, vous pourrez faire bien du millage.
Il y a, dans ce dossier, quelque chose d'un peu tordu. Dans la loi 83, le ministre vient se chercher un pouvoir absolument inconciliable, je dirais, avec non seulement les besoins que les ministres de la Santé ont toujours eu, mais vient chercher la capacité de pouvoir liquider les permis de n'importe quel hôpital, n'importe où, n'importe comment. C'est plus qu'un pouvoir de tutelle, le ministre a déjà un pouvoir de tutelle sur les hôpitaux. Mécontent d'avoir un pouvoir de tutelle, il va avoir la possibilité de les liquider. Liquider les hôpitaux.
La députée de Marie-Victorin c'est Longueuil, ça disait un peu plus tôt: Ah, quel beau projet! Nous allons avoir un service de santé qui sera maintenant bien amélioré. On a la chance d'avoir un gouvernement très courageux. Mais les gens de Longueuil? Grande chance pour les gens de Longueuil, ils auront la possibilité d'aller au centre hospitalier Charles-Lemoyne ou à l'hôpital Pierre-Boucher. Mais les gens de la rive sud, lorsque leurs services d'urgence, à Charles-Lemoyne puis à Pierre-Boucher, sont débordés, où est-ce qu'on les amène? On les amène à l'hôpital Sainte-Jeanne-d'Arc, justement l'hôpital que le ministre veut fermer. On vient de refaire l'urgence, à Sainte-Jeanne-d'Arc, justement pour permettre à cet hôpital-là de recevoir les débordements de la rive sud. Bien, madame a dit: Ah! pas de problème, le gouvernement doit être courageux. Mais, si le gouvernement doit être courageux, il n'est pas obligé d'être insignifiant puis d'oublier les vraies responsabilités que doit avoir un législateur lorsqu'il prend des décisions comme celle-là.
(minuit)
J'ajouterai, en ce qui concerne les choix stratégiques des hôpitaux qui ont été fermés, que, dans 15 jours, à l'hôpital Reine Elizabeth, on est supposé aller ouvrir le «scan», le même monde, dans la Régie régionale, qui a donné les autorisations pour dépenser des millions de dollars pour permettre une instrumentation technologique de pointe dans des hôpitaux qu'on va fermer. Il y a quelque chose, à quelque part, qui ne marche pas, M. le Président. Il y a quelque chose qui ne marche pas. Et je pense que ce qui ne marche pas est en face de nous depuis déjà huit mois. Mais ce n'est pas un concours, ce n'est pas un concours à savoir qu'est-ce qui pourrait marcher le moins bien. Et, dans ce concours-là, si on cherche à savoir ce qui pourrait fonctionner le moins bien, en tout cas, la première priorité, ça ne devrait pas être la santé ni l'éducation, d'ailleurs.
Une chose est certaine, on a complètement perdu de vue les investissements qui ont été faits dans ces centres hospitaliers pour les rendre adéquats, pour les rendre adaptés, sur le plan technologique, aux besoins de la médecine de la fin du XXe siècle. Et, en même temps, on signale aux médecins, aux administrateurs, aux infirmières et aux patients, aux bénéficiaires, aux gens qui habitent autour de ces centres hospitaliers: On vous ferme, on vient d'investir des millions, des dizaines de millions, et on vous ferme.
Où elle est, la logique? Comment on peut faire pour comprendre ça? Comment? Je pose la question, M. le ministre, et j'espère un jour avoir une réponse, qu'on pourra être capables de le dire aux gens et qu'ils puissent nous comprendre. Ça, ce n'est pas évident. M. le Président, une chose est certaine, l'idée de donner le pouvoir, de donner ce nouveau pouvoir au ministre d'être capable de liquider des hôpitaux en leur retirant leurs permis, en liquidant leurs biens, n'est certainement pas une idée sage. Même si on veut, et j'en suis, faire en sorte d'avoir un virage ambulatoire, de réduire nos frais de santé, etc., la façon et l'approche que le ministre et que le gouvernement prend dans ce dossier-là sont dangereuses et malheureuses à tout point de vue. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le député de WestmountSaint-Louis. Je vais maintenant céder la parole à M. le député d'Orford. M. le député.
M. Robert Benoit
M. Benoit: Merci, M. le Président. Alors, vous comprendrez que j'irai dans le sens du député qui m'a suivi, je voterai contre la loi 83, M. le Président.
Et peut-être commencer par vous conter un peu la dernière campagne électorale dans le comté d'Orford. Il y avait une dame qui se présentait pour le PQ, et cette dame-là a fait toute sa campagne électorale elle venait du milieu social toute sa campagne sur les traitements absolument éhontés qu'on donnait aux gens dans le comté d'Orford. Elle avait ciblé une résidence pour personnes âgées qui est adjacente à l'hôpital. Elle avait sorti une histoire où on lavait les gens seulement une fois par semaine. Et ça, c'est devenu gros, ça a fait les médias, ça a fait la télévision. Alors, la candidate véhiculait ce mythe où les gens âgés, dans le comté d'Orford, étaient lavés une fois par semaine seulement.
J'avais été aux sources, j'avais rencontré le directeur général de cette résidence de personnes âgées qui appartient à la province, et on m'avait assuré que ce n'était pas le cas, que les gens étaient bien traités. J'avais eu l'occasion de parler à un certain nombre de familles, d'ailleurs, de parents de ces gens âgés qui étaient là. On était très satisfait des services. Et cette dame continuait tout le temps de l'élection, et elle a sûrement dépassé la limite, les gens ont dit: Ça n'a pas d'allure, c'est trop gros, et, finalement, on va réélire le député d'Orford. Et, finalement, j'ai été réélu avec 4 000 voix de majorité et, bien sûr, elle fut battue.
Cette même dame là, aujourd'hui, qui s'est gargarisée pendant cinq semaines sur le piètre état de la santé, alors qu'on a une nouvelle urgence à Coaticook et qu'on aura une nouvelle urgence à Magog, là, cette même dame-là, maintenant, elle est secrétaire du délégué régional de l'Estrie. Là, je l'entends pas mal moins parler depuis qu'on est après fermer les hôpitaux dans l'Estrie. Elle s'est comme déguisée en fantôme soudainement. Parce que, dans l'Estrie, oui, M. le Président, on va y goûter, nous autres aussi. Il semble qu'on va être égaux devant le Seigneur et devant le ministre. Il n'y a pas beaucoup de régions qui n'y passeront pas, et l'Estrie ne sera pas laissée pour compte, et, nous aussi, on va y goûter. Mais, comme a expliqué le député avant moi, le député de WestmountSaint-Louis, M. Chagnon, nous aussi, il semble y avoir une approche un peu particulière en ce qui a trait à l'hôpital anglophone coïncidence de ce côté-là, coïncidence de notre côté aussi hôpital qui avait été bâti par la communauté anglophone qui l'avait subventionné, qui a aidé à sa réalisation année après année, qui a donné une qualité de soins très avancée. Alors, déjà, une très grande partie des services sont fermés, M. le Président, et on nous dit qu'il y en a une autre grande partie qui, au fur et à mesure que le temps va avancer, va fermer. Et ça, c'est dans l'Estrie. Les gens qui partiront de la région de Rock Forest, par exemple, devront traverser toute la ville de Sherbrooke pour se rendre à l'autre extrémité de Sherbrooke pour se faire soigner.
Ces mêmes gens, M. le Président, qui, aujourd'hui, sont après fermer 11 hôpitaux à Montréal, à Québec, trois ou quatre, on ne sait trop, dans l'Estrie, quelques hôpitaux, ces mêmes gens, M. le Président je vous parlais tantôt de cette personne qui a fait la campagne électorale disant que les soins étaient tellement épouvantables dans le comté d'Orford, etc. ont fait toute une campagne électorale en nous parlant d'une école de quartier. Je vous avouerai franchement que je trouvais qu'il y avait peut-être bien quelque chose dans votre argumentaire là-dessus. Je l'avoue candidement. Je trouvais que cette école-là, si l'ensemble de la population la voulait, il fallait peut-être la préserver. J'avais un débat semblable chez nous, sur la rue Saint-Patrice, où il y a deux écoles. La commission scolaire voulait en fermer une. Je n'avais pas pris position. Je me disais: On va écouter les parents et on prendra position après ça. La commission scolaire voulait aller dans une direction, les parents dans l'autre. J'ai refusé de prendre position. Je me disais: On va écouter bien attentivement avant de prendre position, et le bon sens a fait que les deux écoles vont rester ouvertes.
Mais, au même moment, M. le Président, où vous essayez de faire survivre une école de quartier, une dernière école de village, on est après fermer des hôpitaux à la grandeur du Québec. Ça m'inquiète, M. le Président, ça m'inquiète, et j'invite le ministre, s'il ne l'a pas fait récemment... J'ai eu l'occasion, en fin de semaine, d'aller dans deux hôpitaux. Une première situation d'urgence dans un hôpital de région, samedi matin. Franchement, il y avait du dévouement dans cet hôpital-là, les gens travaillaient fort, c'était relativement correct.
Lundi matin, 11 heures, le dernier lundi matin qu'on vient de passer, j'ai dû me ramasser à l'hôpital Maisonneuve-Rosemont avec une de mes filles, au département d'ophtalmologie. M. le ministre, qui est devant moi, écoutez-moi. Au département d'ophtalmologie, à Maisonneuve-Rosemont, sur le boulevard Rosemont, lundi de cette semaine, sur un corridor qui n'est pas plus long que la distance entre vous et moi, il y avait entre 200 et 300 personnes debout debout qui attendaient. C'était comme à l'épicerie, M. le Président. On prenait un numéro, et je n'exagère pas, j'avais le no 11, et la madame à côté de moi m'a dit, comme dans l'annonce: Vous êtes bien chanceux, moi, j'ai le no 48. La machine s'était détraquée, mais j'ai compris qu'il fallait passer par 48, un jusqu'à 11 ensuite, avant que je ne puisse passer. J'ai pris mon mal en patience, j'avais un bon volume.
M. le Président, il y avait des gens âgés là-bas, il y avait des gens malades, il n'y avait pas tous des gens en santé. Ces gens-là étaient debout, M. le Président, dans le corridor, il n'y avait pas... Écoutez, 200, 300 personnes dans un corridor grand comme d'ici à vous, les gens étaient debout, plantés là comme des radis, des gens âgés. Alors, à quelques occasions, je me suis assis et, plus souvent qu'autrement, je voyais quelqu'un d'âgé qui passait, alors, ma fille et moi, on offrait nos chaises à ces gens-là. On se disait: Ça n'a pas d'allure. Mais là, là, les hôpitaux ne sont pas encore fermés, M. le Président. Ça, c'était lundi dernier. Là, on a un rendez-vous dans six mois, encore au département d'ophtalmologie; je vais vous tenir au courant, M. le ministre, j'y retourne dans six mois avec ma fille. Là, je vous dirai si on est rendu 600 ou 800 dans le même corridor, s'ils ont rajouté des chaises.
Maintenant, je ne voudrais pas que personne comprenne ici que les gens qui travaillent là n'ont pas fait tous les efforts possibles, et ça, je tiens à le souligner. Ces gens-là, j'ai jasé avec. Tu passes trois, quatre heures dans des corridors, tu jases un peu avec le monde. Ils ne te connaissent pas, alors c'est parfait pour avoir le vrai pouls des gens.
(0 h 10)
Et je vous dirai, M. le Président, que ces gens-là qui étaient là, franchement, là, ils étaient à la guerre. Ils veulent servir la population. Ils veulent que ces gens qui sont malades... Ils avaient beaucoup de compassion, ils avaient beaucoup de compréhension, ils faisaient des efforts. Mais c'était une situation incroyable. Moi, je ne suis pas un Montréalais, alors je suis relativement peu souvent dans les hôpitaux des gens de Montréal, mais je n'ai pas hâte de voir le département d'ophtalmologie quand ils vont fermer les autres hôpitaux. Moi, j'ai l'impression que ça va être l'hécatombe totale.
Mais je vais tenir le ministre au courant, je dois retourner là dans six mois, et puis je lui dirai combien de monde il y a et, là, si c'est le no 11 après le no 48 que j'aurai. Je dirai ça au ministre, et puis on va le tenir au courant de combien de monde il y a dans le passage là, dans six mois.
M. le Président, le ministre, avec le projet de loi 83, c'est bien clair, ce qu'il est après faire, il se donne un droit de tutelle, ce n'est pas compliqué. Je lisais, là, toutes les mesures, article après article. Il peut faire à peu près n'importe quoi, M. le Président, avec ce projet de loi là; c'est incroyable! Il a tous les droits: destruction des documents cinq ans après; nomination du tuteur; il peut prendre la décision «over and above» le conseil d'administration. Il a tous les droits! C'est absolument incroyable.
Pourquoi, M. le Président, quelqu'un voudrait siéger sur un conseil d'administration quand il ne pourra rien décider, c'est le ministre qui va tout décider? Comment allons-nous inviter des gens intéressés, intelligents, des gens impliqués dans leur milieu à aller siéger sur un conseil d'administration d'hôpital sachant pertinemment que Dieu le Père arrive, ferme ça, bing, bang, ça finit là: Va-t-en chez vous ti-gars, on passe à d'autre chose? Ça n'a pas d'allure, M. le Président, ça n'a pas d'allure.
M. le Président, tout ça est discrétionnaire. Le ministre n'a pas à consulter, il n'a pas à appeler, il n'a pas à demander: Qu'est-ce que vous en pensez? C'est discrétionnaire, il a tous les pouvoirs, M. le Président. Et on dit même, quelque part, qu'on ne peut pas le contester. C'est fort ça, M. le Président, on ne peut pas contester. Moi, quand je suis allé en politique, je me suis fait à l'idée que, la première journée que j'étais là, il y a des gens qui contesteraient les décisions qu'on prenait; c'est dans la normalité de la démocratie. Ici, M. le Président, il peut mettre le monde à pied, il peut décider n'importe quoi, n'importe quand, n'importe qui, on ne peut pas le contester. Le processus décisionnel à une seule et même personne, M. le Président, le ministre. Je n'ai jamais vu six ans dans cette Assemblée un projet de loi avec un droit de tutelle, un droit aussi fort donné à un ministre. Jamais un ministre et un gouvernement n'auront été aussi loin, M. le Président, pour s'attribuer un pouvoir discrétionnaire dans un dossier aussi important que la fermeture d'hôpitaux sur le territoire du Québec.
Je veux maintenant parler un peu au ministre de ses consultations. Parce que, oui, j'ai décidé d'y aller, moi, à la consultation, d'aller voir qu'est-ce qui se dit dans ces affaires-là. J'aime ça. Avant de poser un jugement, quand j'étais citoyen, j'allais à mon hôtel de ville, le lundi soir, j'allais entendre ce qui se disait. Maintenant, j'ai un peu moins de temps. Je suis allé à la consultation. Le premier soir qu'ils l'ont tenue, c'était à Coaticook. Je me suis ramassé là, j'étais assis en arrière de la salle, j'ai écouté. Je ne suis pas sûr, M. le Président, qu'on consulte. En tout cas, moi, dans mon livre à moi, quand on consulte, on écoute plus qu'on parle. Là, ce n'est pas ça qui est arrivé. On a un bon directeur général de la Régie régionale, il a fait sa job. Il est arrivé avec sa gang, ils étaient six, sept, le petit vidéo en avant, puis il nous a expliqué la réforme.
Mais je vais vous dire tout de suite, M. le Président, il n'y a pas eu un engouement, là. Le monde, une fois qu'ils t'ont rempli avec les vidéos, qu'ils t'ont distribué la paperasse, je veux dire que le citoyen qui est là, il dit: Aïe! ils sont assez compétents, là, eux autres, je ne suis pas sûr que je vais prendre la parole ici. Alors, il n'y a pas beaucoup de monde qui s'est exprimé, je vais vous le dire tout de suite, et puis je ne suis pas sûr, moi, qu'on est allé au fond des choses dans cette consultation-là.
Je suis ressorti de là en me disant: On informe les gens, mais ce n'est pas une consultation, c'est une opération d'information. C'est une opération comme celle que vous avez faite sur la souveraineté à travers le Québec: vous ne vouliez pas vraiment entendre ce que le monde avait à dire, on a tous compris ça, vous vouliez leur dire des choses. Comme la ligne qu'on peut appeler maintenant là: vous ne voulez pas savoir ce que le monde pense, vous voulez qu'ils vous écoutent.
Moi, c'est un peu que j'ai eu l'impression de cette consultation-là quand j'y suis allé. J'ai écouté. Ça a commencé à 19 heures, ça a fini à 22 heures. La très grande partie, ça a été la personne qui était responsable des groupes sociaux puis ensuite ça a été l'autre personne qui était en charge des budgets, et, finalement, ces gens-là nous ont fait des présentations. Ils n'ont pas consulté, M. le Président. Ils ont fait une belle présentation, on se comprend bien. J'ai beaucoup d'estime pour tout ce beau monde de la Régie régionale chez nous. Mais les vrais citoyens, là, les vrais citoyens qui étaient là, il n'y en a pas eu de consultation.
Et je pense que, là-dessus, vous avez à apprendre une leçon. Le ministre, j'espère qu'il m'écoute. Lucien Bouchard, aujourd'hui et Dieu sait qu'il est allé dans les hôpitaux, M. Bouchard lui, M. Bouchard, il a été très clair. Il a dit: En faveur d'un élargissement des consultations. C'est clair, c'est précis. Un peu plus loin il a dit... C'est Lucien Bouchard qui parle, là, ce n'est pas un libéral, là, de l'autre bord de la Chambre que vous pensez qu'on n'a pas raison. M. Bouchard, il a dit: S'assurer que les changements se fassent dans le sens d'une amélioration des soins. Il n'a pas dit: En fermant les hôpitaux, là. Il a été soigné, lui, M. Bouchard, récemment. Il a été un peu comme moi, dans le département d'ophtalmologie, là. Il a vu ça d'en dedans, lui, puis il s'est dit: Aïe, si on en ferme 11, on va refouler tantôt à quelque part, M. le Président. On réalise nous aussi qu'il y a des ajustements à faire, on concède ça. Finalement, c'est plus sur la façon que c'est après se faire. Je pense qu'on est après «stampeder» l'opération complètement.
M. le Président, une des grandes facettes de la société québécoise, c'est celle que Jean Lesage, un libéral, a créée dans les années soixante, cette universalité de la santé, cette universalité devant la justice, cette universalité devant l'éducation. Le Québec a à être fier de ces grands pans de mur que la Révolution tranquille a amenés. Les gens qui ont vécu avant les années soixante savent de quoi je parle. Mais, une des grandes facettes de la belle société québécoise, c'est cette universalité, cette gratuité et cette accessibilité des soins de santé du Québec. Je me souviens, petit gars, j'avais un oncle qui était médecin et qui nous contait, à Noël, comment les gens n'étaient pas capables de le payer, comment les gens avaient de la misère à entrer dans les hôpitaux. Le Québec, en 1960, a fait un «move». Il s'est installé, il s'est organisé. C'est une des belles réussites du Québec, cette universalité, cette gratuité, cette accessibilité des soins de santé.
M. le Président, j'ai de la misère à penser aujourd'hui qu'on est après requestionner ça. Les gens qui nous arrivent des États-Unis, à cette époque-ci de l'année, nos parents, des voisins, des concitoyens qui nous arrivent des États-Unis, nous disent: Regardez ce qui se passe là-bas, c'est épouvantable. Vous l'avez, on l'a le système ici. Moi, je vis sur le long de la barrière américaine, là, les Stanstead, North Hatley, Rock Island, là. Alors, il y a beaucoup d'échanges avec les Américains, et, s'il y a quelque chose qui fait l'unanimité dans notre comté, c'est bien le fait qu'au Québec on a un système extraordinaire et qu'on veut le préserver, qu'on veut se battre. Pas juste le député d'Orford, 10 000 personnes hier soir dans la rue ici, à Québec. Il y en aura autant la semaine prochaine à Montréal, il y en aura probablement dans l'Estrie aussi puis dans la Beauce, puis dans l'Outaouais, puis dans la Montérégie, partout. Les citoyens du Québec disent: C'est une des grandes réussites du Québec, préservons cette réussite-là. Mais ce n'est pas ça que le Parti québécois s'apprête à faire, M. le Président, et j'en suis tout à fait peiné.
Je finirai en vous disant, M. le Président, qu'il y a des effets pervers qui découleront de cette loi, qui seront désastreux pour la population. Je reviens avec mon département d'ophtalmologie où déjà, lundi à 11 heures, à Montréal, à l'hôpital Maisonneuve-Rosemont, il y avait des centaines de personnes dans un seul département. Parce qu'il y a différents pavillons. Je n'ai pas fait le tour de l'hôpital. Dans un seul département. C'était épouvantable. Je pense, M. le Président, qu'on s'en va devant quelque chose qui ne sera pas agréable.
Moi, j'ai travaillé dans mon comté pour améliorer le système de santé, une nouvelle Urgence à Coaticook. On doit commencer la construction incessamment d'une nouvelle Urgence à Magog. J'y croyais à tout ça. Mais, pendant la campagne électorale, quand j'écoutais la candidate péquiste dire que c'était tellement épouvantable, ce qu'on avait fait, qu'il y avait des gens âgés qui, apparemment, n'avaient pas été lavés dans des résidences de personnes âgées, cette même candidate, qui a véhiculé des affaires comme ça pendant cinq, six semaines, du gouvernement maintenant, je l'entends moins en ce moment, M. le Président, alors qu'on est après fermer des hôpitaux, alors que le comté d'Orford devra traverser la ville de Sherbrooke au complet parce qu'on fermera les hôpitaux du côté ouest de la ville de Sherbrooke.
(0 h 20)
Alors, j'arrête ici, M. le Président. Vous comprendrez que je voterai contre le projet de loi, je pense que ça n'a aucun bon sens. Je demande au ministre, là, en toute humilité, qu'il prenne donc ça... Ça arrive qu'on fait des erreurs. Bon, voyons donc, tout le monde en fait. On n'a pas de problème avec ça, là. Un peu d'humilité, M. le ministre. Admettez que, quand il y a 10 000 personnes dans la rue un soir, quand l'ensemble de vos concitoyens, les gens de votre propre caucus vous disent: M. le ministre, arrêtez, je pense qu'on est dans un cul-de-sac, on ne s'en va pas sur la bonne route. Ça arrive, tu conduis le soir, puis tu prends une sortie, puis ce n'est pas la bonne sortie; bien, tu reviens sur l'autoroute, tu dis: Coudon, je n'avais pas pris la bonne sortie. Je pense, M. le ministre, que vous n'avez pas pris la bonne sortie. Franchement, reculez, reprenez l'autoroute un petit bout de temps, rallumez les lumières, regardez donc de chaque côté, puis on reprendra une autre sortie éventuellement, on fera le virage ambulatoire ensemble cette fois-là, M. le Président, on va le faire le virage ensemble. Mais, là, vous êtes après le faire tout seul, le virage, puis ça m'inquiète des gens qui font des virages tout seuls, surtout, surtout à la vitesse que vous êtes après le faire. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député d'Orford. Je vais céder maintenant la parole à Mme la députée de Rimouski. Mme la députée.
Mme Solange Charest
Mme Charest: Merci, M. le Président. Le projet de loi 83, M. le Président, qui modifie la Loi sur les services de santé et les services sociaux, je peux vous dire tout de suite en partant que je voterai pour, parce que cette loi a comme objet de prolonger, d'une part, la durée des mandats des administrateurs du réseau et, également, de faciliter le remplacement des membres du conseil d'administration d'une régie là où ça s'impose, et elle a surtout comme objet de faciliter la reconfiguration du réseau de la santé et des services sociaux en permettant au ministre de la Santé et des Services sociaux de rendre exécutoires les changements qui sont souhaités dans le cadre de la transformation du réseau, et ce, en regard soit des permis d'exploitation, des missions des établissements, de la classification des types d'établissements et, dans certains cas, de la fermeture d'établissements comme telle.
M. le Président, la transformation du réseau de la santé et des services sociaux implique des changements majeurs au niveau de la mission des établissements, ça veut dire des changements importants au niveau des façons de faire de tous les intervenants du système de santé. Il faut se rappeler que les changements à effectuer vont s'opérer pas seulement dans les centres urbains, mais dans toutes les régions du Québec, et ce, selon les besoins de la population; j'allais dire en conformité avec les besoins de la population.
Les centres de protection de l'enfance et de la jeunesse ont déjà, pour leur part, complété les transformations auxquelles ils devaient se soumettre, suite à une analyse des nouveaux besoins que la population jeune a dans les années quatre-vingt-dix. Les transformations du réseau de la santé ne sont pas exclusives aux établissements de courte durée, les hôpitaux que nous sommes habitués de connaître, que nous sommes habitués de fréquenter pour des soins médicaux, ils sont aussi sujets à des transformations, les établissements comme les CLSC, les établissements de longue durée, d'hébergement et de longue durée, les centres de réadaptation. Alors, tous les types d'établissements, tous les services et tous les programmes qui sont compris à l'intérieur du réseau de la santé et des services sociaux vont être l'objet de transformations majeures.
Mais, vous savez, cette transformation du réseau, ce réalignement des services de santé se fera à partir de trois grands axes. On a choisi de faire la transformation en favorisant la décentralisation, et, à partir de cette décentralisation, les régies régionales de la santé et des services sociaux de chacune des régions sont apparues.
Un autre axe de cette opération, c'est la déréglementation du système et c'est une action concertée sur les déterminants de la santé. La reconfiguration du réseau, M. le Président, ne se fera pas seulement au jour le jour, sans gouvernail, sans guide et sans savoir où on va. Au contraire, les régies ont tenu ou tiennent présentement, au moment où on se parle, des consultations sur les changements à faire, et les régies vont déterminer comment elles vont orienter leurs décisions. Et ces régies-là, elles le font avec tous les partenaires du réseau, dans chacune des régions du Québec. Donc, c'est dire que les transformations que nous allons connaître dans le domaine de la santé vont se faire à partir d'un plan stratégique élaboré dans chacune des régions par les instances concernées, un plan d'action dans lequel on a identifié des changements sur lesquels on doit procéder, de sorte qu'on puisse prévoir la transition de façon réaliste dans chacune des régions. Ce que ça veut dire, c'est qu'on sait d'où on part et on sait où l'on s'en va, parce que, avec les consultations, la concertation, on s'est donné des moyens pour y arriver. Et, dans chacune des régions, on travaille avec les populations, avec les travailleurs, avec le corps médical, avec le personnel infirmier, avec tout le monde, M. le Président, pour que cette transformation se réalise dans l'harmonie la plus grande possible.
Dans tout ce processus de transformation, il va s'en dire que le ministre de la Santé du Québec doit garder la place qui lui revient, et ce, en respectant la marge de manoeuvre des régions tout en évitant de faire du mur-à-mur comme on a connu dans le passé. Ce qu'il faut aussi se rappeler, c'est que le ministre doit aussi, dans le cadre de ses fonctions ministérielles, baliser les grands paramètres de la transformation au plan national. Je pense que c'est très important de rappeler cette chose, de rappeler le rôle du ministre de la Santé du Québec. Il faut se rappeler que c'est le ministre de la Santé et des Services sociaux qui est imputable devant la population des décisions finales, et de là vient la nécessité de la loi 83. En vertu de cette imputabilité, il doit s'assurer de pouvoir entériner et appuyer les recommandations proposées par les régies régionales après que celles-ci ont consulté la population et les partenaires du réseau. Dans le fond, ce qu'il faut faire et ce qu'il faut permettre, c'est que le ministre soit en mesure d'opérer les arbitrages qui sont nécessaires pour respecter les besoins de la population, et toujours dans le cadre budgétaire que nous connaissons.
M. le Président, est-ce qu'il est nécessaire de souligner que la transformation du réseau est une phase d'un processus qui a été amorcé depuis 10 ans au Québec, et ce, vous vous souvenez très bien, avec les travaux de la commission Rochon, qui ont été suivis, en 1985, par une tournée de la ministre du gouvernement libéral d'alors, Mme Lavoie-Roux? Mme Lavoie-Roux avait fait une tournée de toutes les régions afin de valider les recommandations de la commission Rochon. Lui a succédé un autre ministre du gouvernement libéral, M. Marc-Yvan Côté, qui, lui, a poursuivi le processus de la réforme au niveau des structures du système comme tel. Puis, vous savez, en raison de la proximité de la campagne électorale, il y a eu comme un temps d'arrêt et la phase de transformation au niveau des missions et des façons de faire dans le réseau, qui s'imposait comme la suite logique de tous les constats établis, s'est plutôt limitée, depuis 1992, à des opérations de compressions budgétaires. On a fait des opérations comptables plutôt que faire des opérations de réalignement des services en fonction des besoins.
Dans le cadre de la reconfiguration du réseau, ce que fait, depuis quelques semaines, l'opposition libérale, c'est, à proprement parler, de la désinformation, de l'agitation politique partisane, et ce, M. le Président, sur le dos de la population, une population vulnérable. Parce que, vous savez, lorsqu'on se retrouve dans un service de santé, lorsque nous avons besoin, comme individu, d'un service de santé, bien plus souvent qu'autrement nous sommes dans une situation de vulnérabilité, nous sommes dans une situation d'insécurité, et c'est franchement honteux d'oser jouer sur les sentiments d'insécurité de la population pour faire passer des discours démagogiques sur la transformation du réseau de la santé. Avec ces manoeuvres de diversion, ce que l'opposition libérale fait, c'est de rendre impossible, je dis bien impossible, une réflexion intelligente et cohérente sur les transformations à effectuer dans le réseau de la santé.
(0 h 30)
Ce que l'opposition libérale fait présentement, c'est de provoquer une levée de boucliers, de mobiliser tout ce qui bouge. Ce que l'opposition veut avant tout, c'est instaurer un climat de panique chez la population, et ce, de façon malicieuse. L'opposition s'indigne de la fermeture d'un certain nombre de lits de courte durée. Pourtant, ce sont ces mêmes gens formant l'opposition officielle aujourd'hui qui étaient au pouvoir hier, il y a de cela moins d'un an, qui avaient fait des coupures budgétaires aveugles c'était leur marque de commerce lorsqu'ils étaient au pouvoir et ce, sous la direction du président du Conseil du trésor d'alors, qui s'appelait Daniel Johnson.
Des voix: Ah!
Mme Charest: Oui, oui, toujours. Ce qu'il faut se rappeler aussi, c'est que c'était un gouvernement qui, au moment de la campagne électorale, annonçait lui aussi un virage ambulatoire qui aurait mené à la fermeture d'hôpitaux. Ce qui était bon à ce moment-là, M. le Président, c'est drôle qu'aujourd'hui ça ne le soit plus. Aujourd'hui, parce qu'ils forment l'opposition, le virage ambulatoire, la transformation du réseau n'est plus de mise.
L'opposition, au lieu de jouer un rôle de chien de garde, s'insurge pour empêcher le gouvernement d'agir et elle tente de saboter l'opération de reconfiguration du réseau de la santé et des services sociaux. M. le Président, il faut le dire et le redire, cette façon de faire de l'opposition ne sert pas du tout les intérêts de la population ni ceux de l'État québécois. En tentant de compromettre la transformation du réseau, ce que fait l'opposition officielle, c'est qu'elle n'agit même pas en fonction de principes, mais elle tente plutôt de marquer des points de façon électoraliste, parce qu'une transformation de cette ampleur du réseau ce n'est pas nécessairement populaire et c'est, il faut le dire, difficile compte tenu du contexte dans lequel nous sommes. Vous savez, en faisant de l'agitation politique, en tentant d'empêcher le gouvernement d'exercer son mandat, l'opposition va à l'encontre de l'intérêt public.
M. le Président, la reconfiguration du réseau se veut avant tout une réponse aux changements sociaux et technologiques qui surviennent présentement dans la société québécoise et que nous avons connus au cours des cinq, 10 dernières années. Notre système de santé et de services sociaux ne peut pas ignorer ces mouvements de fond. Le système de santé et de services sociaux accapare plus de 30 % des dépenses publiques du Québec. Il compte dans ses rangs environ 250 000 employés qui dispensent des services à 7 000 000 de Québécoises et de Québécois. Le réseau de la santé ne peut faire abstraction des grandes tendances tant sociales, économiques que technologiques qui modifient la société tout entière.
Il est cependant vrai que la reconfiguration du réseau est rendue beaucoup plus difficile compte tenu des impératifs budgétaires que nous connaissons. Tout le monde est au courant, tout le monde le sait et tout le monde est d'accord pour qu'il y ait du changement. La transformation du réseau de la santé est un véritable changement social, c'est un défi de société. Qu'on le veuille ou non, la reconfiguration est en marche, et, même si l'opposition tente de saboter l'opération, les besoins sans cesse croissants et différents de la population d'aujourd'hui et de celle de demain auront tôt fait de nous imposer les changements nécessaires.
M. le Président, si nous effectuons cette transformation à reculons, les premiers à y perdre seront sans aucun doute les personnes qui en ont vraiment besoin, car, vous savez, les sommes qui sont disponibles et les ressources humaines que nous avons ne seront pas utilisées à bon escient, de façon efficace et efficiente. C'est pour tous ces motifs, M. le Président, que j'appuie le projet de loi 83, et j'invite tous les parlementaires de cette Chambre à en faire autant. Je vous remercie.
Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la députée de Rimouski. Je vais maintenant céder la parole à Mme la députée de Saint-François. Mme la députée.
Mme Monique Gagnon-Tremblay
Mme Gagnon-Tremblay: Merci, M. le Président. M. le Président, lorsque autant de députés de l'opposition officielle interviennent sur un même projet de loi il est minuit trente à une heure aussi tardive, c'est parce que nous sommes en désaccord et, si nous sommes en désaccord, M. le Président, c'est sûrement... c'est parce que c'est dû au fait que la population ou certaines clientèles sont également en désaccord et souhaitent que l'opposition officielle intervienne pour défendre leurs intérêts, pour faire entendre raison à ceux et celles qui s'entêtent à vouloir chambarder de façon irresponsable tout le réseau de la santé. C'est pour ça que nous avons été élus; nous avons un rôle à jouer, puis il est heureux que nous puissions nous exprimer.
Le projet de loi 83, M. le Président, vise non seulement à donner au ministre le pouvoir de modifier le permis d'un établissement public et privé conventionné pour changer sa mission ou sa capacité, mais accorde au ministre le pouvoir de retirer le permis d'un établissement public ou privé conventionné, c'est-à-dire fermer des établissements et procéder à la liquidation des actifs. En résumé, M. le Président, ça signifie que, advenant le cas où certains administrateurs d'hôpitaux refusaient de fermer leur hôpital parce qu'ils jugent que les soins aux bénéficiaires seraient affectés, le ministre, si ce projet de loi est adopté, aura le pouvoir de fermer tout hôpital et de procéder à la liquidation des actifs de cet hôpital. C'est un pouvoir discrétionnaire qu'il se donne. La seule ouverture, que prévoit l'article 6 du projet de loi, est la possibilité pour l'établissement ou bien la régie régionale de lui soumettre quelques observations.
Comment peut-on accepter, M. le Président, dans une société démocratique comme la nôtre, ce genre de pouvoir discrétionnaire sans limite et sans appel? Comment peut-on s'emparer d'un bien affecté à une certaine vocation, souvent payé avec des contributions volontaires des particuliers car il n'est pas rare de retrouver, dans plusieurs hôpitaux, des fondations qui ont permis l'achat d'équipements que le gouvernement ne pouvait leur payer?
Lorsque le ministre se sera servi de son pouvoir discrétionnaire pour fermer un hôpital, il obligera les administrateurs de cet hôpital à déposer, dans les 30 jours suivant les décisions du ministre, un plan détaillé qui contiendra les mesures pour assurer la cessation des activités des établissements et l'échéancier de leur réalisation. Ce plan devra prévoir également des mesures pour la relocalisation des usagers, la mise à pied ou la mise en disponibilité du personnel. En plus de ne pas pouvoir contester la décision du ministre, les administrateurs devront rédiger en catastrophe le plan pour expliquer au ministre comment ils doivent procéder pour leur propre mise à pied.
Comme le ministre a la ferme intention de fermer des hôpitaux, que les bénéfices à réaliser sont déjà escomptés dans son enveloppe budgétaire fermée que lui a imposée son gouvernement, il se donne des pouvoirs sans précédent afin d'imposer ses décisions aux administrateurs récalcitrants. Le ministre appelle ça de la consultation, du consensus.
Le projet de loi 83 met en danger l'accessibilité et la qualité des soins de santé au Québec. Jamais un ministre de la santé et un gouvernement n'auront été aussi loin pour s'attribuer un pouvoir discrétionnaire dans un dossier aussi important que la fermeture ou non des hôpitaux. Et c'est ce même gouvernement, M. le Président, qui demande à la population de lui faire confiance dans son aventure de séparation du Québec: Votez pour la séparation et après on vous dira comment on va vous organiser.
Avant même que le virage ambulatoire soit mis en place, avant même que tout soit prêt sur le terrain pour recevoir la clientèle, avant même que les engorgements d'urgence soient réglés, avant même d'avoir réglé la pénurie de médecins dans certaines régions, avant même d'avoir examiné toutes les possibilités d'économie, le ministre veut procéder, malgré toute opposition raisonnable, à la fermeture d'hôpitaux.
Le pouvoir discrétionnaire du ministre étant final et sans appel aura pour effet que le ministre n'aura même pas à justifier par écrit ou publiquement ses motifs quant à la décision de fermer un hôpital plutôt qu'un autre. De plus, les administrateurs se voient imposer la procédure de liquidation, mais n'auront aucune participation dans le processus décisionnel du ministre. Toute décision précipitée provoquera des conséquences désastreuses et possiblement irrémédiables pour la population et les personnes qui sont malades. Pourquoi sommes-nous arriver à discuter de ce projet de loi, M. le Président? Pourquoi le ministre est-il si pressé à vouloir faire adopter son projet de loi? C'est parce qu'il a reçu de la présidente du Conseil du trésor, de son gouvernement, une commande, non pas de 800 000 000 $, M. le Président, mais de 1 400 000 000 $, presque le double de ce qu'avait prévu le précédent gouvernement. Et, pour qu'il puisse atteindre cet objectif, il a décidé de fermer des hôpitaux.
(0 h 40)
Je me souviens, M. le Président, du discours de ce gouvernement péquiste, alors qu'il était dans l'opposition. Il devait régler la pénurie de médecins dans les régions éloignées dès leur arrivée au pouvoir, il devait réduire la liste d'attente des urgences. Je n'ai aucun doute qu'ils vont pouvoir réduire la liste d'attente des urgences, puisque, en fermant les hôpitaux, il n'y aura plus de salle d'urgence; donc, il n'y aura plus de liste d'attente.
Une voix: Ha, ha, ha!
Mme Gagnon-Tremblay: Il promettait de mettre fin au plan de restructuration soi-disant scandaleux que nous avions mis en place. Non seulement ils n'ont pas mis fin à ce plan, mais ils en demandent plus avec moins d'argent.
Souvenons-nous, M. le Président, qu'ils avaient pris un autre engagement, celui de ne pas fermer les hôpitaux. Double discours, M. le Président. La santé n'est pas une priorité pour ce gouvernement; son obsession à la séparation passe bien avant. Dans la seule région de Montréal, on s'apprête à fermer neuf hôpitaux. Dans la ville de Sherbrooke, M. le Président, on fusionnera l'hôpital d'Youville avec Sherbrooke Hospital. On fermera un hôpital. Lequel? Saint-Vincent-de-Paul ou l'Hôtel-Dieu? Et j'aimerais bien que le délégué régional de l'Estrie, député de Johnson, ou encore la députée de Sherbrooke, disent aux usagers de ces hôpitaux lequel ils ont l'intention de fermer.
Les travailleurs et les travailleuses de ces hôpitaux sont inquiets, et avec raison. Et, comme le disait le député de Johnson: Oui, la région de l'Estrie est une région modèle; oui, la région de l'Estrie est une région où la concertation ne fait pas défaut, et grâce à son directeur, M. Jean-Pierre Duplantie, qui a investi des efforts inouïs, des énergies considérables pour bien informer les principaux intéressés des modifications apportées. On ne peut pas dire que la population estrienne n'est pas inquiète malgré tout ça. On ne peut pas dire que les travailleurs et les travailleuses ne sont pas inquiets. D'ailleurs, l'ami du délégué régional et président du syndicat CSN a dénoncé le gouvernement récemment: il trouve que le ministre va trop vite et il demande un temps d'arrêt. Il n'est pas le seul, M. le Président on l'a vu hier, avec la manifestation à Québec 10 000 personnes se sont réunies pour conserver leur hôpital.
M. le Président, le ministre de la Santé, comme je le mentionnais, à cause de son enveloppe fermée, a le pied sur l'accélérateur et se dirige carrément dans le mur de béton. Depuis des semaines, l'opposition officielle, les dirigeants d'hôpitaux, les syndicats, les travailleurs et travailleuses, demandent au ministre de ralentir, de faire une pose, de consulter.
Nous ne sommes pas en désaccord avec une réforme qui s'impose, mais nous sommes en désaccord avec les moyens qu'on prend pour y arriver. Bien sûr, M. le Président, le précédent gouvernement était d'accord avec la réforme et continue à être d'accord avec la réforme, mais ça dépend comment on s'y prend. N'oubliez pas que le précédent gouvernement avait accordé un taux de croissance de 1 % à la santé, à l'éducation, pour permettre justement ce virage, alors que le présent gouvernement n'a donné absolument rien, absolument aucun taux de croissance; alors qu'on sait très bien qu'il y a des coûts de système qu'on doit assumer, que les institutions doivent assumer; alors que, par exemple, près de 80 % des budgets des hôpitaux représentent des salaires. Alors, comment peut-on arriver avec une enveloppe fermée, sans absolument aucun taux de croissance pour permettre ce virage?
Donc, M. le Président, je disais que nous étions d'accord avec une réforme, mais une réforme qui se fait à moyen et à long terme, et non pas une réforme précipitée, à cause d'enveloppes fermées, à cause de besoins qu'a ce gouvernement. Mais, quand c'est le temps de dépenser pour autre chose, on le fait. On dit qu'il y a gel des dépenses, mais, malgré 400 000 000 $ supplémentaires au niveau des dépenses, malgré qu'on ait taxé les contribuables au niveau de l'essence, malgré tout ça, M. le Président, on n'a pas trouvé d'argent pour la santé. On est prêt à dépenser dans toutes sortes d'autres programmes, mais non dans la santé.
Donc, il était normal, pour revenir, entre autres, à l'expérience que vit la région de l'Estrie, dans un premier temps, qu'on mette les structures en place. Le ministre en a fait mention; le précédent gouvernement avait mis les structures en place. Oui, et cela a été fait par la création des régies régionales. Il était normal aussi que chaque régie soumette pour approbation un plan préliminaire permettant aux principaux intéressés de discuter, de regarder les impacts des gestes qu'on s'apprête à poser.
Dans la région de l'Estrie, le dialogue s'est vite enclenché. Il y a eu consultation. Mais, malgré tout, malgré qu'il y ait eu consultation, lorsque la Régie a proposé son premier plan d'intervention, un tollé de protestations s'est élevé. Le directeur de la Régie a poursuivi ses consultations, puis il a fallu, pour rendre le tout beaucoup plus crédible, embaucher une firme privée qui avait pour mandat non seulement de consulter les dirigeants de chaque hôpital, mais d'élaborer des pistes de solution en ayant toujours comme préoccupation première le bénéficiaire. Le bénéficiaire devait être au centre de nos préoccupations: laisser nos intérêts corporatistes de côté tout en ayant en tête le bénéficiaire. Et, comme dernière alternative, dernière alternative, l'ultime, la fermeture d'hôpitaux, comme dernière alternative.
Je me souviens encore, M. le Président, que la députée péquiste de l'époque, Mme la députée de Johnson, était scandalisée. Elle nous reprochait d'avoir accepté que la Régie investisse une somme de 200 000 $ dans une étude qui allait permettre un meilleur consensus afin de poursuivre une réforme de la santé importante, qui s'imposait et qui s'impose encore, j'en conviens, mais à un rythme faisable, à un rythme normal, sans mettre en péril la santé de la population, sans mettre en péril ces acquis précieux des années soixante.
Les dirigeants des hôpitaux de l'Estrie, M. le Président, ont eu le temps de digérer les conclusions de l'étude, parce qu'on le sait, pour être capable d'atteindre les objectifs d'une telle réforme, il faut changer des attitudes, il faut changer des mentalités, ça prend du temps. Ils ont, dans un premier temps, accepté de fusionner des administrations des hôpitaux. Un comité spécial a été créé pour choisir le directeur parmi les trois qui étaient en poste. Le choix a été fait la semaine dernière. On passera aux prochaines étapes en consultant à nouveau les dirigeants, les médecins, les infirmières et infirmiers, le personnel de soutien, les CLSC et tous ceux et celles qui devront fournir des services, pour rassurer la population.
Donc, M. le Président, il faut surtout s'assurer qu'il ne manque aucune maille à la chaîne, et, malgré la bonne volonté qu'ont les dirigeants, tous s'accordent pour dire qu'on ne pourra pas bien faire ce travail, cette réforme, à la vitesse prévue par le ministre. Tous s'accordent pour dire qu'on est inquiets du manque de ressources financières pour faire la transition. On veut sortir les malades des hôpitaux, mais, en même temps, on n'a pas nécessairement l'argent pour faire la transition pour les soins à domicile. Les CLSC s'attendent à obtenir plus d'argent pour pouvoir donner les soins à domicile, pour pouvoir assumer les nouvelles fonctions qu'on veut leur accorder, mais, en même temps, on ne sait pas où on va prendre l'argent pour qu'ils puissent donner ces services.
Les médecins quittent les hôpitaux qui sont sur la liste de fermeture. Dans certains cas, M. le Président, ce sont des équipes complètes de chirurgie qui quittent, qui se replacent ailleurs, laissant derrière elles des patients, qui sont encore dans les hôpitaux dont on a déjà annoncé la fermeture, qui ont besoin de traitements. Qu'arrive-t-il au cours de cette transition? Personne n'est en mesure de le prévoir. Si on ferme des hôpitaux, si on ferme des lits, il y aura moins de patients. Donc, bien sûr que les médecins se questionnent aussi. S'il y a moins de patients, il y aura sûrement moins de médecins. Où vont-ils se relocaliser?
Le gouvernement se comporte en irresponsable. On y va à l'aveuglette en espérant qu'on n'aura pas à le regretter. On a des infirmières à statut précaire à qui on a déjà signifié les mises à pied. On a des infirmières et infirmiers qui, pour conserver un emploi, devront être transférés dans d'autres établissements, dans d'autres villes, alors qu'on n'a pas eu le courage de modifier la clause des 50 km, par exemple. On n'a pas eu le courage de modifier certaines clauses qui auraient permis aux hôpitaux d'atteindre l'objectif pour la deuxième année, entre autres, puisqu'on avait atteint l'objectif pour la première année. On remet en question le rôle des infirmières auxiliaires dans les hôpitaux, alors qu'on continue à en former des centaines annuellement.
(0 h 50)
On ne peut pas faire tous ces changements sans, bien sûr, comme je le disais tout à l'heure, modifier les mentalités, sans préparer la population, sans préparer les gens qui interviennent dans ce milieu. C'est pourquoi, M. le Président, nous demandons au ministre un certain temps d'arrêt, et c'est pour son bien, maintenant qu'on a passé... Et là je parle de la région de l'Estrie, c'est une, je pense, des plus avancées. Imaginez-vous, maintenant, quand on arrive dans une région comme celle de Montréal, où on a eu toujours beaucoup plus de difficulté à faire certaines modifications, vous imaginez ce que ça va prendre comme temps pour pouvoir préparer ses dirigeants, préparer la population, les rassurer, pour pouvoir faire ce virage.
Donc, M. le Président, je disais qu'en Estrie nous sommes très avancés et, maintenant que nous avons passé la première étape, c'est-à-dire qu'on a eu le choc, qu'on doit accepter la réorganisation du travail... Parce que le seul fait de savoir qu'il faut réorganiser notre travail, qu'il faut remettre en cause nos façons de faire, nos façons de procéder, c'est déjà beaucoup, c'est déjà beaucoup de changer ça à l'intérieur d'un établissement. Donc, cette étape, elle est maintenant acceptée, et on l'a faite parce qu'on ne voulait pas que personne ne nous l'impose, personne d'autre ne nous l'impose. Maintenant qu'on commence à se convaincre qu'il faut changer, justement, ces façons de faire, qu'il est important de prendre un peu plus de temps pour s'assurer qu'une fois en place le bénéficiaire n'aura pas à souffrir de la réforme, mais que les dirigeants auront pensé à toutes les formes de services auxquels doivent s'attendre les bénéficiaires, qu'on s'assurera d'avoir l'argent nécessaire pour faire la transition et, surtout, qu'on informera la population de tous les changements qu'on veut faire quant à la distribution des services, à ce moment-là, c'est important de prendre ce temps d'arrêt. Une fois que ces personnes ont commencé à digérer cette réforme, ils vont pouvoir accepter davantage, après, d'autres changements que pourrait apporter le gouvernement. Donc, M. le Président, c'est la seule façon de travailler, en partenariat, comme le souhaite le ministre. Faire autrement, c'est irresponsable, et on ne peut pas, M. le Président, s'associer à une telle démarche dans les circonstances. Merci.
Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la députée de Saint-François. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Jeanne-Mance. M. le député.
M. Michel Bissonnet
M. Bissonnet: Alors, M. le Président, ça me fait plaisir de vous saluer pour l'excellence du travail que vous faites à cette Assemblée. Je voudrais rappeler à mes collègues qui sont ici qu'il est 0 h 55 et que nous avons probablement le projet le plus important à discuter à cette Assemblée, le projet de loi 83, Loi modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux.
Hier, 10 000 personnes étaient à l'Hôpital du Christ-Roi. Comment peuvent-elles, à cette heure-ci, écouter les débats des membres de cette Assemblée, d'un côté ou de l'autre, pour les informer de la situation sur ce projet de loi là? J'avais écouté le leader du gouvernement, suite à l'élection, qui avait promis à la population que l'autre façon de gouverner, M. le Président, c'était de ne pas siéger après minuit. Il semblait que, avant minuit, les gens suivent les travaux, et je remarque, dans cette Assemblée, aujourd'hui, que je ne vois personne, sauf des députés, M. le Président. Je pense, M. le Président, qu'un projet de loi de cette importance devrait être étudié, à son adoption du principe, à des heures normales, et je suis assuré, M. le Président, que vous comprenez bien mon point de vue, que la population le comprend très bien et les journalistes également. Et, si on veut que les membres de cette Assemblée aient de la crédibilité devant leurs concitoyens, que les travaux, tel que l'a promis le leader du gouvernement, se fassent à des heures normales, pendant lesquelles les gens peuvent assister à nos débats.
Alors, M. le Président, ceci étant dit, nous en sommes à l'adoption du principe du projet de loi 83, Loi modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux. Le projet de loi vise la modification de la Loi sur les services de santé et les services sociaux, axée sur quatre objectifs très précis, dont le principal est la fermeture d'hôpitaux, en précisant la procédure qui sera appliquée, également, pour liquider les actifs des hôpitaux fermés.
Dans un deuxième temps, le projet de loi 83 vise à prolonger le mandat des membres des conseils d'administration des régies régionales, et ce, pour une durée d'un an. Il vise également à modifier le processus de nomination pour les postes vacants, en procédant non pas par une élection, mais par résolution adoptée par le conseil d'administration.
Ce projet de loi comprend 11 articles. Cependant, les articles 4 et 6 font appel directement à la fermeture d'hôpitaux, au pouvoir discrétionnaire du ministre de fermer des établissements et de procéder à la liquidation des actifs. Les articles 2 et 8 portent sur l'élection dans les régies régionales et le prolongement du mandat des membres déjà en place; autrement dit, le report des élections dans un an. Alors que nous avions élu tous ces représentants pour une période ferme de trois ans, le projet de loi veut que ces nominations-là soient prolongées, de par cette loi, pour une autre année.
Un rappel des grands objectifs de notre système de santé: s'assurer de la gratuité des soins à toute la population, s'assurer également de l'universalité des soins pour tous les Québécois et toutes les Québécoises.
Le virage ambulatoire on parle beaucoup de virage ambulatoire ça existe depuis plusieurs années. Cela se réalise dans certains hôpitaux, et il y a de très bons exemples, mais il faut maintenir cet objectif.
Je rappellerai aux membres de cette Assemblée qu'au cours de la période électorale, à l'Hôpital général de Lachine qui a augmenté de 50 % le nombre d'opérations, le premier ministre, chef du Parti québécois, a félicité tous les administrateurs, tous les employés, tous les bénévoles de cette performance de haute qualité. Et, aujourd'hui, huit mois ou neuf mois après la visite du premier ministre dans le comté de Marquette, où on félicitait tous les employés pour la réussite des opérations au niveau du virage ambulatoire, on annonce maintenant la fermeture de cet hôpital.
Également, le ministre pourrait-il nous dire si la Régie régionale de Montréal a donné l'autorisation à l'Hôpital général de Lachine, dernièrement, l'argent nécessaire pour développer un département de médecine nucléaire, un nouveau service des laboratoires et de rehausser le service d'hémodialyse? Ça s'est fait tout dernièrement, selon des informations que je possède.
Au niveau du virage ambulatoire, M. Lucien Bouchard, dans un Telbec ou un communiqué... Je vais le lire intégralement: «À Montréal, Lucien Bouchard s'est prononcé en faveur d'un élargissement des consultations actuelles entourant la réforme des soins de santé au Québec. S'exprimant à titre de citoyen, lors de la Première journée québécoise de la recherche en établissements de réadaptation, M. Bouchard a jugé que le virage ambulatoire de Québec n'est pas une mauvaise idée et c'est ce qu'on convient ici également. Il a rappelé qu'il avait lui-même bénéficié de soins à domicile après avoir quitté l'hôpital. M. Bouchard estime cependant que le virage doit être envisagé comme une démarche de société pour s'assurer que les changements se fassent dans le sens d'une amélioration des soins.» Et, si on remarque la démonstration d'hier, où on attendait 1 000 ou 1 500 personnes à l'Hôpital Christ-Roi et qu'il en est venu 10 000, il faut penser que la population demande des consultations générales.
Dans le budget du ministre des Finances, qui a été déposé dernièrement, on retrouve, d'un côté, une augmentation de dépenses; d'un autre côté, on retrouve une augmentation de revenus. Dans le premier budget Johnson, on avait remarqué une augmentation de 1 % pour tous les budgets de la santé, de l'éducation et de l'aide sociale, et on se retrouve, dans le dernier budget, avec une dépense ou une coupure de l'ordre de 1 400 000 000 $ dans les services de santé.
(1 heure)
Dans l'est de Montréal, M. le Président, nous avons l'hôpital Maisonneuve-Rosemont. Selon les 19 critères du ministère pour la désignation d'un CHU, appelé communément hôpital universitaire, l'hôpital Maisonneuve s'est classé deuxième. Le ministre, qu'attend-il pour confirmer le statut universitaire de cet hôpital, puisque tous les députés de l'est de Montréal, qu'ils soient de la formation ministérielle ou de l'opposition officielle, appuient cette demande du conseil d'administration de l'hôpital Maisonneuve-Rosemont?
À la suite des questions de notre porte-parole à l'Assemblée nationale, le député de Robert-Baldwin, le ministre a confirmé que l'hôpital Saint-Michel serait fermé. J'aimerais bien écouter ce soir les députés du gouvernement, de l'est de Montréal, s'ils sont d'accord avec la fermeture de cet hôpital. J'aimerais connaître leur point de vue. L'hôpital Saint-Michel dessert, comme le disait le député de Viau, un milieu très défavorisé. Il s'agit du comté de Viau et d'une partie du comté de Gouin qui sont desservis par cet hôpital et d'une partie du comté de Jeanne-Mance, le secteur de Saint-Michel à Montréal. Le service d'urgence de cet hôpital est reconnu, par Urgences-santé et par le ministère, pour sa haute qualité de performance au niveau du service ambulancier.
Il y aurait eu une vaste consultation. Selon les informations que nous possédons, cette consultation aurait duré à peu près 20 minutes, alors que, suite à l'annonce de cette fermeture, beaucoup d'usagers, les membres du CLSC de Saint-Michel à qui on veut donner d'autres responsabilités, le regroupement des groupes communautaires.... Dans cette section de la ville de Montréal il y a beaucoup de personnes en difficulté, beaucoup de femmes monoparentales, et cet hôpital est le coeur de ce grand quartier de Saint-Michel. Et, selon une étude qui a été faite à la régie régionale, dont M. le député de Viau a fait part à cette Assemblée...
Mais je voudrais rappeler des chiffres. En consultation externe, M. le ministre, M. le Président le ministre écoute avec attention et je le remarque 33 081 usagers ont été à l'hôpital Saint-Michel. Au niveau de la physiothérapie, le centre de physiothérapie est ouvert, à l'hôpital Saint-Michel, de 7 heures à 20 heures pour permettre à des personnes qui travaillent d'utiliser cet hôpital pour les soins de physiothérapie. Un service exceptionnel dans les hôpitaux de la région de Montréal. Où vont-elles aller ces personnes, les personnes qui suivent de la physiothérapie, des consultations en service externe?
Il y a quatre ou cinq hôpitaux régionaux, et je remarque qu'à l'urgence... J'ai été à l'hôpital, j'y ai été à quelques reprises. J'ai eu un accident, comme la plupart des gens le savent ici. Alors, je connais pas mal les services d'excellence que donnent les hôpitaux à tous leurs usagers. Comment expliquer aux citoyens de Saint-Michel qui sont défavorisés, la fermeture de cet hôpital? À l'hôpital Saint-Michel, le coût moyen du service de nourriture à ceux qui sont hospitalisés est de 19 $ par jour, alors que, dans d'autres hôpitaux, le coût moyen est de 40 $ par jour. Alors, si on veut faire une réforme, M. le Président, puis si on veut couper des coûts, il faut étudier en conséquence de ces rapports.
Il y a eu également l'étude NIRU; ça, ça veut dire l'étude du ministère de la Santé et des Services sociaux, que le ministre connaît très bien, M. le Président. Alors, l'étude NIRU ils ont toujours des noms bien compliqués c'est le coût attendu selon l'industrie de lourdeur. Ça veut dire, en bon québécois: Combien ça coûte pour avoir un patient à l'hôpital?
À l'hôpital Saint-Michel c'est le deuxième dans la région de Montréal, au niveau des résultats de l'étude NIRU c'est 2 919 $ de moyenne pour un usager. Dans les autres hôpitaux, il y a certains autres hôpitaux où ça monte à 4 500 $, 4 600 $. Donc, les services sont plus chers dans certains autres hôpitaux. Alors, le comté de Gouin, comme je l'ai dit tantôt, le comté de Viau, le comté de Jeanne-Mance, on appuie que cet hôpital reste au service de la population. Et, selon les critères que le ministre a étudiés pour annoncer, ou la régie régionale, la fermeture de l'hôpital Saint-Michel, il y a des critères de un à cinq, que le ministre pourrait nous expliquer, et, selon nos informations, il y a eu une erreur, ça devrait être quatre au lieu de cinq. Donc un, c'est le critère le plus faible. Mais, dans le cas de l'hôpital Saint-Michel, ça devrait être quatre. Donc, l'hôpital ne devrait pas fermer. Alors, tout ça, M. le Président, cause des inquiétudes à des patients, à des médecins, à des employés.
Nous avons souvent des cas de comté. Il y a le programme CRAN C-R-A-N c'est un programme qui permet des soins à des toxicomanes, au niveau de l'héroïne. Et, dans ce programme-là, que nous avons dans l'est de Montréal, qui est administré par les CLSC, il y a une liste d'attente de plus de 100 personnes qui attendent d'avoir leur place pour pouvoir se sortir de la situation dans laquelle ils sont.
Alors, M. le Président, en conclusion, si nous regardons l'article 6 du projet de loi, qui vient modifier l'article 451 de la présente loi, par l'ajout de l'article 451.1, c'est en fait la pierre angulaire de tout le projet de loi puisque le ministre peut, de sa propre initiative ou à la demande d'une régie régionale, aux seules conditions aléatoires de l'intérêt public ou en alléguant simplement une gestion efficace et efficiente du réseau, retirer le permis d'un établissement public ou privé, c'est-à-dire fermer l'établissement. La décision du ministre est discrétionnaire, finale et sans appel. C'est comme un droit de tutelle.
Pour nous de l'opposition officielle, nous demandons au ministre, tel que le demande son ami, M. Lucien Bouchard, la tenue d'audiences publiques afin que la population et tous les intervenants du milieu puissent être informés quant aux conséquences du projet de loi. Et je me dois, M. le Président, en toute honnêteté et avec tout mon coeur, de m'objecter à ce projet de loi.
J'espère, M. le Président, que le leader du gouvernement, qui est ici, qui a, l'automne dernier, manifesté à tous les citoyens du Québec que cette Assemblée devait siéger à des heures normales afin que nos concitoyens puissent écouter les discussions et le travail qui se fait ici. Et je déplore, malheureusement, ce soir, à 1 h 5 et j'espère que M. le leader du gouvernement comprend très bien ma position, qui est la sienne que, après minuit, l'Assemblée nationale devrait reporter ses travaux à 10 heures le matin.
Le Vice-Président (M. Brouillet): Merci, M. le député de Jeanne-Mance. M. le leader du gouvernement.
M. Guy Chevrette
M. Chevrette: M. le Président, si on ne s'était pas amusé de 11 heures à 16 heures sur toutes sortes de motions dilatoires, on serait probablement sorti d'ici avec l'adoption de la loi, deuxième lecture, la loi sur la santé, et ça se serait fait à des heures que souhaite justement le député de Jeanne-Mance. Mais, naturellement... Au moins, lui, il a eu la décence de ne pas se lever sur des motions sans préavis, je dois l'en féliciter.
Mais ceci dit, M. le Président, j'écoute ces haut-parleurs libéraux, M. le Président, puis je vous avoue qu'ils ont bien étudié une cassette unique, mais ça ne fait pas preuve d'une très grande rigueur d'analyse.
D'abord, je voudrais vous rappeler certaines choses en cette Chambre. En rentrant, les libéraux, qui avaient accumulé les déficits à raison d'une erreur d'à peu près 1 000 000 000 $ par année, c'est une bonne moyenne, ils étaient constants: entre 800 000 000 $ et 1 000 000 000 $ d'erreurs par année, dans les déficits, dans les prévisions budgétaires rendus dans l'opposition, ils ont retrouvé une virginité totale. Là, ça prenait une loi de l'Assemblée nationale pour éviter tout déficit je ne sais pas si vous vous rappelez de ça on voyait l'ex-président du Conseil du trésor, qui contrôlait les finances admirablement bien, la fonction publique a augmenté de 2 %, 3 % le temps qu'il était là, puis il criait à la rigueur, puis il disait: Nous, on est des vrais administrateurs. Des vrais, oui, au point que même les éditorialistes, qui normalement ne sont pas trop pour nous autres, avaient qualifié les budgets Bourbeau de «budgets brouillons» comme le personnage lui-même, d'ailleurs.
(1 h 10)
Donc, M. le Président, c'était une loi que ça prenait, là, une loi pour contrer les déficits. Puis de grâce, s'il vous plaît, voulez-vous contrôler les finances? C'est ce qu'on essaie de faire. On a dit: Sur deux ans, il n'y aura plus de déficit au niveau de l'épicerie; 33 % dès cette année de correctifs puis à l'intérieur des deux ans, donc, deux budgets, il n'y aura plus de déficit d'opération. C'est ça qu'on a dit puis on va le faire, parce que, nous, quand on prend un engagement, on le respecte. Ça, M. le Président, c'est un fait. Tout en nous disant: Ne dépensez pas trop, là, ne faites pas de déficit, ces mêmes gens nous disent: Oui, mais il faudrait continuer comme ça va, en santé, là; écoutez, là, gardez tout ouvert, sans s'interroger sur ce que les citoyens veulent.
Moi, je suis particulièrement fier de venir appuyer le ministre de la Santé. D'abord, c'est moi qui... Je me souviens, en 1985, et le titulaire de cette loi s'en rappellera, je faisais appel à M. Rochon pour qu'il préside la commission Rochon. Et, en 1985, le diagnostic, dont les libéraux auraient pu se servir, d'ailleurs, pour corriger la situation, était dans le rapport de la commission Rochon. Mais, là, eux autres, ils ont pris le rapport puis, comme d'habitude, ils ont dit: C'est bien trop long à lire, ça. Ils ont fait une réforme de structure, donnant l'impression qu'ils décentralisaient, à part ça. Je me rappelle de tous leurs beaux discours sur la loi 120. Aie! ils décentralisaient. Le bilan final: 16 pouvoirs de plus au ministre. Une drôle de décentralisation! C'est une déconcentration tout au plus; ils se sont donné un paravent pour se couvrir vis-à-vis de la population. Ils ont dit à la Régie: Mangez donc un coup, vous autres, moi, je vais être bien bon comme ministre, je vais continuer à décider tout seul, et ils ont donné l'illusion de la décentralisation. C'est ça qui est arrivé: 16 pouvoirs de plus dans la loi 120 concentrés au ministre.
Et, là, M. le Président, on dit: Oui, mais on n'a plus d'argent, on n'a plus d'argent. Il faut donc faire mieux, faire plus avec le même argent. Et on constate les aberrations du système. Un nombre de lits incalculable de soins de courte durée, qui coûtent 550 $ par jour minimum, sont occupés par des malades qui pourraient être hébergés dans un centre d'accueil à raison de 110 $, 115 $, 120 $ par jour. On dit: Voilà une façon d'économiser; fermons ces lits de courte durée, ouvrons des lits de soins de longue durée, on va pouvoir en créer plus avec le même argent, donc, les personnes âgées prises de maladie ou ayant besoin de soins d'une heure, deux heures par jour peuvent être dans des lits de soins de longue durée ou dans des centres d'accueil à un coût beaucoup moindre. Donc, on va servir plus de gens en même temps avec le même argent. Et prenons le tournant du système ambulatoire, la chirurgie d'un jour, en mettant de l'argent sur les soins à domicile et en évitant l'hébergement à 550 $ par jour.
Voilà, normalement, pour toute personne intelligente et qui sait un petit peu calculer, sans être comptable de bout de table, qui est capable de calculer qu'on vise une chose, c'est de faire plus de soins avec le même argent à un ensemble de populations. C'est ça qu'on vise. Mais voilà qu'au moment où les régies commencent à consulter, là...
Je remarquais l'ex-administrateur de Sacré-Coeur, et Dieu merci que l'Hôpital du Sacré-Coeur doit donc bien être heureux de s'en être gentiment j'allais dire un terme qui n'est probablement pas parlementaire...
Une voix: Délesté.
M. Chevrette: ...délesté, pour être poli.
Une voix: Soulagé, guéri.
M. Chevrette: Soulagé, ça, c'est assurément, guéri, j'en suis sûr. Mais, ceci dit, M. le Président, je le regarde se lever: l'hôpital un tel doit rester ouvert, l'hôpital un tel doit rester ouvert; il faut garder le nombre de lits. Qu'est-ce qu'ils feraient, eux autres? Ils feraient ce qu'ils ont fait durant neuf ans. Ce n'est pas gênant, ils n'ont rien fait: 100 lits par année de moyenne pour les personnes âgées à 110 $, 115 $ par jour 100 lits par année. Ils fermaient des lits quand, eux autres? Aux Fêtes puis dans les vacances. Ça, c'était leur grande trouvaille. Aux Fêtes puis aux vacances, n'allez pas à l'hôpital, c'est tout fermé. Puis là ils essayaient de récupérer des budgets, le monde était insatisfait, les listes d'attente s'allongeaient.
C'est ça, fondamentalement, ils n'ont pas compris qu'on pouvait changer un système, qu'on pouvait le modifier, qu'on pouvait chercher, avec le même argent, à en faire plus. C'est exactement l'opération qu'on fait. Je suis persuadé, moi, lorsque cette opération sera très bien enclenchée, qu'il y a un bon nombre de personnes âgées qui sont en attente de soins dans des centres d'accueil, qui vont enfin trouver une place. Puis, quand on aura pris le tournant ambulatoire, il y a des gens qui vont avoir la chirurgie d'un jour puis qui ne s'en plaindront pas parce qu'ils vont pouvoir compter sur l'amélioration des soins à domicile, puis, même, ils vont être plus heureux. C'est ça, fondamentalement, le tournant qui est proposé par la commission Rochon puis par le projet de loi qui est là. C'est de dire: Écoutez, on va arrêter de parler qu'il faut faire quelque chose, on va le faire.
Moi, je vous avoue que je ne comprends pas. Je ne comprends pas qu'aujourd'hui, là, il y a encore un député en cette Chambre qui dise: Il faut tout garder ouvert, il faut garder la situation exacte, mais il faut sauver de l'argent. Mais où? Où est-ce qu'ils le prendraient, eux? En arrivant à la fin de l'année encore avec 1 000 000 000 $ de déficit non prévu? C'est ça, dans le fond, qu'ils nous proposent. C'est ça qu'ils nous proposent, ces gens-là. Vous n'avez pas vu un député, vous n'en avez pas entendu un libéral dire: M. le ministre de la Santé, si nous étions à votre place, nous agirions de telle, et telle, et telle façon. Ils ne peuvent pas le dire. D'abord, ils ont honte de leur passé, puis je les comprends. Ils n'ont aucune position, aucun engagement électoral pour apporter des rectificatifs en santé. Ils ont un bilan tout à fait nul, en termes de création de lits dans les centres d'accueil. Un bilan nul, un bilan qui amène bien sûr la honte de ne pas avoir agi. Ça, c'est clair.
Mais notre devoir, nous, il n'y en aura plus, d'années de vaches grasses. Leurrons-nous pas, l'argent ne rentrera pas au gouvernement. Ce n'est pas prévisible. Même les meilleurs économistes nous disent: Fiez-vous plus sur l'argent, là. Il ne rentrera plus comme il a déjà rentré à certaines époques. Et le défi des années 2000, c'est de faire plus avec le même argent. C'est ça, le défi des années 2000. Puis, pour faire plus avec le même argent, il faut prendre des décisions. Il faut donc faire des économies à certaines places. Il faut corriger notre tir. C'est ça que propose le projet de loi.
Moi, là, je suis très fier, comme équipe gouvernementale, de notre équipe qui annonce 2 000 lits par année en centres d'accueil. Aïe, c'est pas mal plus qu'ils en ont fait, là. En un an, on va faire plus qu'eux autres en neuf ans. Ce n'est pas des farces, là. C'est ça qu'on propose.
Puis, prendre un patient dans un lit qui te coûte 550 $ puis le placer dans un lit de 110 $, tu viens de permettre d'en placer deux autres, avec le même argent. C'est ça qui est proposé. Et, pour ce faire, bien, il faut dégager les sommes. Il faut placer le patient au bon endroit. Il faut mettre l'argent au bon endroit pour arriver à ces fins-là.
J'écoute: l'un parle pour son hôpital Saint-Michel; l'autre parle... Les libéraux ont tout fait pour essayer de fermer Reddy Memorial puis Sainte-Jeanne-d'Arc. J'ai été un an ministre de la Santé, moi, et ils m'amenaient en cour chaque fois qu'on voulait fermer, soit Reddy Memorial ou Sainte-Jeanne-d'Arc. On ne pouvait même pas changer la vocation de l'hôpital pour en faire des centres d'accueil. Ah, eux autres, ils ont fait toute une trouvaille. L'Hôtel-Dieu de Montréal! Sur les roulettes, il se promenait de La Prairie à aller au centre-ville. Ça, c'était formidable.
M. le Président, n'importe quel individu sait très bien que, si on est confiné à faire plus avec le même argent, il nous faut prendre des décisions, il nous faut toucher du doigt exactement les malaises du système. Puis, les malaises du système, ils sont quoi? Il y a des hospitalisations de très longue durée. Moi, j'ai du monde dans mon hôpital qui passe un mois, un mois et demi en attente d'une chirurgie cardiaque à l'Institut de cardiologie. Ils sont à l'hôpital à 550 $ par jour dans un lit. Qu'est-ce que ça coûte à la société, ça? Alors que, s'il y avait des soins adaptés à domicile, un contrôle régulier... Ça n'a pas de bon sens de laisser faire ça, c'est clair. Qu'est-ce que ça coûte, une personne âgée de 85 ans, qui a besoin d'une heure de soins par jour, dans un lit de soins de courte durée à 550 $? C'est ça, les malaises du système présentement. Qu'est-ce qu'il en coûte à une société pour faire des chirurgies de trois jours, quatre jours, cinq jours, parce qu'on n'a pas investi assez dans les soins à domicile? Alors qu'il y a des chirurgies où tu peux procéder le matin; le soir, la personne rentre chez elle, mais elle peut, en tout temps, avoir le service d'un CLSC à des coûts minimes, comparativement à des soins hospitaliers de 550 $ par jour pour un lit.
C'est ça les malaises du système. Si tu sais où sont les malaises, tu les corriges. C'est ce à quoi on est convié. C'est ce à quoi on est convié, et il faut l'expliquer aux personnes âgées au lieu de leur faire peur, au lieu de leur faire peur en disant: Votre hôpital va fermer. Votre hôpital va peut-être changer de vocation, oui, va peut-être changer sa mission. Mais ce n'est plus vrai qu'on va laisser à une corporation le soin de garder une mission complète tout en payant... au détriment de qui? Au détriment des bénéficiaires eux-mêmes, au détriment d'une population qui n'a plus les moyens de se payer le luxe d'un système qui est dépassé. Quand on dit qu'on traîne la patte par rapport à certaines provinces canadiennes, il est temps qu'on réagisse. Je regarde les libéraux qui nous disaient: On veut votre bien. Ils étaient en train de l'avoir «toute» aussi. Il était temps que ça change, c'est évident.
(1 h 20)
Donc, M. le Président, nous, on dit ceci: Oui, on va prendre un tournant, oui, on va l'expliquer. Ce n'est pas vrai qu'on va garder une personne à 550 $ par jour, à 16 500 $ par mois et à 200 000 $ par année parce que c'est ça que ça coûte dans un lit qui pourrait nous coûter à peine 50 000 $. C'est une économie de 150 000 $, ça. Et une économie de 150 000 $, M. le Président, c'est trois Québécois de plus qui sont traités. Juste pour un cas, un cas.
J'ai une de mes tantes qui a été deux ans dans un lit de soins de courte durée, dans un centre hospitalier, parce qu'il n'y avait pas de place en centre d'accueil. Ça veut dire quoi? Elle a coûté bon an, mal an 400 000 $ à notre société, alors que probablement 100 000 $ auraient suffi dans un centre d'accueil avec des soins appropriés. Avec les 300 000 $, on aurait pu rendre service à d'autres Québécois, on aurait pu améliorer les services de soins à domicile pour la chirurgie d'un jour, pour ceux qui en avaient besoin. C'est ça le tournant qu'on prend. Arrêtons d'affoler les gens, arrêtons de leur dire que c'est la catastrophe. On va donner des soins mieux adaptés, qui collent plus à la réalité et qui collent plus à notre capacité de payer pour l'ensemble des citoyens du Québec, pour l'ensemble de notre population qui a besoin de services.
On a seulement à regarder ce que les libéraux ont fait depuis neuf ans. Gardons ça intact et, dans deux ans, le ministre de la Santé sera confiné à faire trois ou quatre choses comme, par exemple, charger pour l'hôtellerie dans les hôpitaux. Il serait confiné à dire: Vous allez payer votre bouffe dans les hôpitaux. Il serait confiné à dire: Vous allez payer pour le linge qu'on lave dans les hôpitaux. Vous allez être confinés à un ticket modérateur de x milliers de piastres, et ce sera tant par membre de votre famille.
Si on ne prend pas le tournant qui nous est proposé, M. le Président, on s'en va vers des aberrations et des folies dans le système. Il faut le prendre le tournant. Il faut le prendre intelligemment. Il faut l'expliquer aux gens, et c'est là qu'est notre défi du côté ministériel, c'est de contrer la démagogie libérale et d'expliquer exactement pourquoi on est obligé de prendre ce tournant-là.
Je dois vous dire, M. le Président, que si on l'avait pris en 1985, en 1986 ou en 1987, maximum, au moment où la commission Rochon avait rendu son rapport public, on ne serait pas obligé actuellement... Le coup aurait été bien moins dur à l'époque; bien moins dur à l'époque. Mais non, on a laissé scléroser ça pendant huit ou neuf ans. Ils se disaient bons administrateurs et, à la fin de l'année, rien qu'un petit milliard d'erreur dans le déficit. Les mêmes sépulcres blanchis qui, aujourd'hui, M. le Président, arrivent et disent: Ça nous prendrait une loi pour empêcher les déficits. Faites ce que je dis et non ce que je fais ou ce que j'ai fait. C'est un peu ça qu'on nous dit, M. le Président.
Véritablement, je pense que, quand on élit un homme ou une femme en politique, quand on les envoie au Parlement, on ne les envoie pas pour qu'ils ferment les yeux sur tout et qu'ils ne fassent pas d'efforts. On a le droit, après qu'on ait été élu, d'être imaginatifs, inventifs, créatifs, mais on a surtout le droit, et c'est ça qui est notre fierté... En tout cas, moi, c'est la mienne depuis 19 ans en politique. Quand on occupe les banquettes du pouvoir, ici, ce que les gens s'attendent, c'est qu'on respecte les engagements qu'on a pris. Les engagements qu'on a pris nous, c'est d'éliminer le déficit d'opération et c'est d'être capable de faire plus avec le même argent qu'on a présentement; c'est ça qu'on a dit aux citoyens. Et de respecter sa parole quand on prend des engagements.
Moi, je suis très heureux chaque fois qu'on peut réaliser un engagement électoral puis, en neuf mois, on en a réalisé un joyeux paquet d'engagements électoraux, M. le Président. Ça fait différent. Bien sûr que ça fait différent. Moi, je me rappelle, le 16 décembre 1985, quand on a perdu le pouvoir, d'abord le premier ministre d'alors n'était pas là, c'était la vice-première ministre il a été élu un mois et demi après qui nous disait, je me rappelle, dans son discours inaugural, d'une voix chevrotante: Nous allons réaliser une charte de l'environnement, nous allons assainir les finances publiques, nous allons équilibrer les dépenses pour qu'il n'y ait plus de déficit. Et, année après année année après année déficit de 700 000 000 $, 800 000 000 $, 900 000 000 $, 1 200 000 000 $, 1 300 000 000 $, d'erreurs; ça, c'est d'erreurs. La dette a doublé en l'espace de neuf ans, la dette québécoise. Vous n'avez jamais vu l'ombre du début du dernier poil de la queue d'une réalisation de la charte de l'environnement; on cherche la charte pas la chatte, la charte.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Chevrette: Vous n'avez jamais vu de charte de l'environnement, des équilibres budgétaires...
Des voix: ...
M. Chevrette: Vous n'avez jamais vu d'équilibres budgétaires. Vous avez vu péricliter les services à nos personnes âgées par la construction d'uniquement 100 lits par année, de centres d'accueil.
Vous avez vu, M. le Président, toutes sortes de politiques. On crée des OSBL pour se donner à sa compagnie. Ce n'est pas des farces; ce matin, là, je n'en reviens pas, moi. Puis justice va être faite, soyez assurés de ça. Un attaché politique, du temps qu'il était attaché politique, qui se crée une compagnie bien comme il faut... il lâche la politique, il se crée un OSBL, il va se chercher 400 000 $ du ministre puis il met ça dans sa compagnie. Un contrat de l'OSBL à sa compagnie; ça part bien une compagnie, ça, 400 000 $, pour les Fêtes de l'an 2000. Puis les Fêtes de l'an 2000, croyez-le ou non, même le leader de l'opposition ne savait pas ce que c'était que les Fêtes de l'an 2000. Il m'a posé la question lui-même en commission parlementaire sur les crédits: C'est quoi, ça, cette histoire de Fêtes de l'an 2000 des ethnies? Bien, j'ai dit: Je ne le sais pas, je vais me renseigner, puis c'est là que le chat est sorti du sac.
C'est comme l'autre, dans le comté de Maskinongé, qui se crée un OSBL puis il donne ça... fait faire l'asphalte à son chum puis l'OSBL est radié le lendemain que l'asphalte est fait. Ça, c'est une façon intelligente de gérer. Ça, c'est tenir compte des priorités des citoyens, M. le Président. Ça, c'est gérer de façon cabotine.
M. le Président, le ministre de la Santé a tout mon respect et toute mon admiration, puis on saura en temps et lieu démontrer que la vérité a ses droits et, surtout, que le respect de ses paroles et de ses engagements, ça compte dans la vie politique quand on veut avoir le respect de notre collectivité.
Des voix: ...
Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'ordre, s'il vous plaît! Merci, M. le leader du gouvernement. Je vais maintenant céder la parole à Mme la députée de Mégantic-Compton.
Mme Madeleine Bélanger
Mme Bélanger: Merci, M. le Président. J'aimerais revenir au moins sur deux points sur lesquels le leader du gouvernement et ministre des Affaires municipales a élaboré, tout en exagérant comme d'habitude. D'abord, il est facile de lancer des roches... c'est très difficile de lancer des roches quand on est dans une maison de verre, M. le Président, puisque, quand le Parti québécois a pris le pouvoir en 1976, le déficit du gouvernement était de 980 000 000 $ et la dette de 5 000 000 000 $. En 1985, quand nous avons repris le pouvoir, le déficit était de 3 500 000 000 $, avec une dette de 30 000 000 000 $, M. le Président. Alors, si on a doublé la dette de 1985 à 1994, eux, ils l'avaient sextuplée. Ça se dit?
Des voix: Oui.
Mme Bélanger: Alors, il faudrait arrêter de lancer des roches...
Une voix: «Septancieux».
(1 h 30)
Mme Bélanger: Oui, c'est assez pardonnable qu'on ne puisse pas dire des mots comme ça. Sept fois plus que ce qu'il était en 1976. Alors, pour les déficits puis la mauvaise administration, on en reparlera. En plus, on parle de l'engagement du Parti québécois sur la création de lits pour les personnes âgées; de 1 500, 2 000 qu'on parle, par année? Bon. Moi, j'aimerais, avant de créer des nouveaux lits, qu'on remplisse ceux qui sont déjà existants. Dans la MRC du Haut-Saint-François, des beaux locaux neufs, 28 places disponibles; 17 demandes d'hébergement. Pas capables d'accepter les patients puisque nous n'avons pas de budget de fonctionnement. Alors, peut-être qu'avant de créer des lits on pourrait remplir ceux qui sont déjà là et donner des budgets pour le fonctionnement. Alors, ceci, c'étaient deux points sur quoi je voulais revenir dans le discours du leader du gouvernement.
Alors, ceci étant dit, M. le Président, c'est un devoir et aussi une obligation pour moi de prendre la parole dans le cadre du débat entourant l'adoption du principe du projet de loi 83 déposé par le ministre de la Santé et des Services sociaux en cette Chambre, le 4 mai dernier. Cette pièce législative, bien que constituée que de 11 articles, poursuit tout un objectif: fermer des hôpitaux à la grandeur du Québec. Comme des milliers de Québécois et de Québécoises, M. le Président, je suis très inquiète et trouve odieuse et inacceptable cette décision du gouvernement Parizeau.
En effet, les modifications proposées à la Loi sur les services de santé et les services sociaux auront des effets catastrophiques sur la qualité des soins de santé jusqu'à ce jour accessibles pour l'ensemble de la population québécoise. En un mot, M. le Président, ce gouvernement a choisi de s'attaquer directement aux Québécois et Québécoises en remettant en question l'accessibilité et la qualité des soins de santé auxquels ils ont droit. Après seulement huit mois au pouvoir, on voit ce que ça donne, l'autre façon de gouverner promise par cette formation politique. Tout en préparant activement son projet de séparation, ce gouvernement a fait le choix de couper dans les soins de santé offerts à la population, tout en augmentant ses dépenses. Quel choix judicieux, M. le Président!
Que l'on soit jeune ou moins jeune, que l'on soit en excellente santé actuellement ou aux prises avec quelques problèmes de santé, ou bien hospitalisé, ou, enfin, que l'on gagne sa vie dans le réseau de la santé et des services sociaux, ces coupures nous touchent et nous toucheront tous à un moment ou l'autre. C'est, d'ailleurs, ce que sont venus dire plus de 10 000 personnes hier en formant une chaîne humaine autour de l'Hôpital du Christ-Roi. Parmi celles-ci, des travailleurs de la santé, bien sûr, mais aussi des patients, des bénévoles, des intervenants et des dirigeants du réseau, des gens provenant de la grande région de Québec et de ses alentours, qui veulent garder leur hôpital de quartier. Ces gens-là, M. le Président, ont lancé un cri du coeur. Comme disait l'un de ceux-là: Fermer un hôpital, c'est la dernière décision à prendre en matière de santé. Il y a beaucoup d'autres choses à faire avant.
Oui, il y a bien des choses à faire et, surtout, il y a une façon de les faire. En toute transparence, il aurait fallu tenir des audiences générales afin que la population et tous les intervenants et intervenantes du milieu puissent être bien informés des effets de ce projet de loi et puissent, également, collaborer à trouver des solutions intelligentes en faisant bénéficier de leur expertise les instances décisionnelles.
En proposant une réforme aussi importante, M. le Président, la moindre des choses est de mettre son jeu sur la table et non pas de cacher ses atouts dans sa manche. C'est de la santé des gens qu'il est question. Le ministre aurait avantage à aborder la question de la santé en faisant preuve d'un peu plus d'humanisme. Lorsqu'on doit prendre des décisions aussi importantes qui touchent directement la santé et la qualité de vie des citoyennes et des citoyens, on doit forcément être sensible aux conséquences de ces décisions.
M. le Président, à la lumière de ces faits, le ministre est devant l'obligation de résultat. Ce n'est pas une mince tâche. Le ministre a une commande du Conseil du trésor. Pour y parvenir, il devra envisager des solutions et des décisions en gardant à l'esprit qu'il s'agit de personnes humaines, non pas de grandes stratégies, de grandes structures, mais plutôt d'une qualité de vie à conserver pour l'ensemble de la société.
Alors que des problèmes criants, tels que les engorgements de salles d'urgence et les listes d'attente encore trop longues dans la plupart des hôpitaux, sont des sources de problèmes importants, le gouvernement péquiste choisit d'en ajouter au lieu de trouver des solutions. En effet, les solutions à ces problèmes, pour le gouvernement péquiste, c'est: On met la clé dans la porte et on ferme les livres. Neuf hôpitaux à Montréal et, selon les dires du ministre lui-même, la même chose s'en vient à Québec. La régie régionale, dans ses recommandations, a déjà envisagé les mêmes créneaux, et c'est surtout dans les trois endroits en question, Québec, Montréal et Sherbrooke.
Mais à quoi pense ce gouvernement? À la souveraineté? Oui. Mais surtout pas à la santé. Comme la majorité des Québécois et des Québécoises, je ne comprends vraiment pas ce gouvernement et encore moins ses priorités, ou plutôt je comprends sa priorité, c'est la séparation. Viscéralement, il veut séparer le Québec du Canada pour donner aux Québécois et aux Québécoises un pays où, visiblement, la santé ne sera pas une priorité. M. le Président, comment le gouvernement péquiste peut-il d'une main proposer, par l'indépendance du Québec, de bâtir une société à notre image et, de l'autre main, démolir ce qui fait et a toujours fait notre fierté québécoise, soit notre réseau de santé de qualité, gratuit, universel et accessible?
M. le Président, pour tous les gouvernements qui se sont succédé au cours des années, l'objectif commun fut de bâtir et de conserver nos acquis en matière de santé. Jamais dans notre histoire un gouvernement n'aura été aussi loin dans l'insouciance et dans le manque d'intérêt pour une question aussi fondamentale que la santé. M. le Président, je dois malheureusement admettre que le ministre de la Santé, avec une formation médicale, n'est pas un médecin sensible à la vulnérabilité des malades, mais un bureaucrate qui coupe. Ce n'est pas tout à fait sa faute, parce qu'il a eu une commande du Conseil du trésor.
Force est de constater que ce gouvernement est complètement déconnecté de la réalité parce que, si on fait des sondages dans la population, comme priorité des priorités de cette population, c'est la santé qui vient en tête de liste. Ce n'est pas la Constitution, puis ce n'est pas l'indépendance qui viennent en tête de liste. Sans la santé, on ne vaut rien. Comme le dit le proverbe, «santé passe richesse». Ce qui veut dire: la santé est plus précieuse que la richesse.
M. le Président, c'est ce qui aurait dû guider le gouvernement dans ses choix. Aujourd'hui, on se retrouve avec un projet de loi qui va à l'encontre des grands principes fondamentaux de notre système de santé et qui s'attaque directement aux principes démocratiques puisque le ministre s'attribue, à l'article 451.1 de son projet de loi, un pouvoir discrétionnaire unilatéral de fermer des hôpitaux, et ce, sans présenter ou rendre publics les motifs qui ont motivé son choix. M. le Président, les effets pervers qu'engendrera le projet de loi 83 seront désastreux pour la population et pour tous les employés du réseau. C'est donc pour toutes ces raisons que je m'oppose avec vigueur à l'adoption du principe du projet de loi 83.
En terminant, M. le Président, j'aimerais inviter toute la population, tous les patients, tous les employés et tous les intervenants à s'unir avec l'opposition officielle afin d'empêcher que le gouvernement n'adopte cette loi matraque qui mettra assurément en péril la base même de notre réseau de santé. Et, enfin, M. le Président, je voudrais unir ma voix à celle de tous les membres de l'opposition officielle pour réitérer au ministre la demande, avant d'adopter ce projet de loi, de tenir des audiences publiques générales afin de permettre à tous de pouvoir s'exprimer sur cette importante question qu'est ce projet de loi. Merci, M. le Président.
(1 h 40)
Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la députée de Mégantic-Compton. Je vais maintenant céder la parole à Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.
Mme Liza Frulla
Mme Frulla: Merci, M. le Président. M. le Président, vous allez me permettre d'intervenir sur le projet de loi 83, la Loi modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux.
M. le Président, avant, je voudrais réagir aux paroles du leader de l'opposition, ministre des Affaires municipales, qui disait d'ailleurs, je lui conseillerais, après sa carrière de ministre, d'adopter une carrière seconde à la radio; CHRC l'emploierait probablement dénoncer la démagogie, par exemple, de l'opposition libérale.
M. le Président, il a parlé aussi de maintenir des patients, par exemple, en cardiologie, à 550 $ par jour, et ça m'a fait réfléchir, parce que, là-dessus, M. le Président, voyez-vous, moi, j'ai vécu des situations, chez moi, où, quand j'ai eu de zéro à 11 ans, là, la maison a été transformée deux fois en hôpital; deux fois. La première fois... Parce que, évidemment, ce n'était pas une question de manque de soins, mais les Italiens n'allaient pas dans les hôpitaux; bon, ils n'y croyaient pas. Alors, il fallait les soigner à la maison.
Alors, la première fois, un grand-père cardiaque. Nous avons transformé la maison au complet pour lui, avec tout ce que ça prenait à l'époque, bonbonne d'oxygène, etc. Excepté qu'il était à la maison. Il recevait des soins: garde-malade privée, etc., excepté qu'on ne pouvait jamais lui assurer les soins qu'il aurait eus et je parle à l'époque, dans les années cinquante par exemple, dans un centre de cardiologie. Alors, quand j'entends et qu'on me dit que garder un malade à 550 $ par jour dans un hôpital, c'est trop pour la société, j'ai de la difficulté avec ça. Et j'aimerais qu'on m'explique, et j'aimerais que le leader du gouvernement vienne m'expliquer ce qu'il a dit.
La deuxième fois, ça a été de garder une grand-mère cancéreuse à la maison, avec tout ce que ça a pris, la batterie de soins, les aides, etc. Excepté que les aides ne sont pas là 24 heures par jour, M. le Président; ils ne sont pas là 24 heures par jour. Et, quand il faut administrer les soins, bien souvent, c'est la famille qui doit le faire.
Alors, oui, il y a du bon dans le virage ambulatoire, par exemple. Oui, il y a du bon en disant: Il faut sortir les patients, les rentrer à la maison et les CLSC vont donner un certain service. Oui, j'en conviens, mais, M. le Président, qu'est-ce qui nous garantit, d'abord, que les CLSC vont avoir l'argent et qu'ils vont être prêts pour le faire et, deuxièmement, qu'est-ce qui garantit, M. le Président, que les services qu'on va leur donner vont être les services adéquats, justement, pour ce genre de traitements? Je l'ai vécu, M. le Président; moi, j'en ai été traumatisée. Il faut quand même y penser, et c'est ça, les questions qu'on pose.
On demande au ministre, par exemple, non seulement de reconsidérer la fermeture d'hôpitaux parce que, selon nous, c'est le dernier moyen qu'on devrait considérer mais, plutôt, d'accepter des consultations publiques, M. le Président, tout simplement pour répondre à ces questions, pour répondre à des questions sincères que les gens se posent. Il y avait 10 000 personnes, M. le Président, hier, à Christ-Roi. Ce sont, tout de même, des gens qui se posent des questions, ce sont tout de même des gens qui sont inquiets. Les malades sont inquiets en se disant: Qui va nous soigner? Où ira notre dossier? Comment on va faire? Est-ce que les CLSC vont être prêts, finalement, à nous donner les soins nécessaires? C'est ça que les malades se posent, d'un côté.
Il y avait, hier, un père, dont le fils est à l'hôpital, «affublé» de la bactérie mangeuse de chair, qui disait: Moi, si mon fils n'avait pas eu l'hôpital tout près, il ne serait pas allé à un autre hôpital et on ne l'aurait pas sauvé. Maintenant, on peut avoir tous les arguments rationnels, excepté qu'il faut les rassurer, ces gens-là. Et je ne dis pas qu'il n'y a pas une rationalisation à faire au niveau du système de santé et une amélioration aussi à faire parce que tout système s'améliore. Mais, à quelque part, il faut donner des réponses à une population qui, oui, est inquiète. Elle a raison d'être inquiète, d'une part.
Deuxièmement, il y a aussi le corps médical, M. le Président, qui se demande: Qu'est-ce qu'on va faire avec nous, etc.? On parle des médecins qui, déjà, regardent ailleurs. Et, quand on parle de regarder ailleurs, ils regardent ailleurs qu'au Québec, ils veulent s'exporter, M. le Président. Alors, on se dit: Pourquoi ne pas faire venir ces gens-là et demander clairement une consultation publique pour qu'on puisse les entendre? Et c'est souvent à l'intérieur de ces échanges-là qu'on peut trouver des réponses, des réponses pour calmer les inquiétudes et, des fois aussi, pour nous faire cheminer, M. le Président. Et c'est ça, le but de mon propos; c'est que, à quelque part, on comprend difficilement la réticence à avoir ces consultations publiques.
On a beau dire: Oui, c'est la Régie, la Régie les fait, les consultations. Je veux bien, mais, quand la Régie reçoit une commande, M. le Président, elle opère en fonction de la commande donnée. Donc, la Régie a reçu la commande et elle s'est retournée vers le ministre et a dit: Voici maintenant comment on doit faire. J'en suis, excepté qu'il y a tout le côté humain, M. le Président, que la Régie ne peut pas considérer ou ne considère pas, tout simplement parce que, dans son système à elle, elle a reçu une certaine commande donnée. Alors, pourquoi le ministre ne se donne pas le privilège auquel il a droit et, à l'intérieur même du processus, refuse, justement, ces consultations publiques? D'ailleurs, le chef du Bloc québécois a lui-même posé les mêmes questions que je pose au ministre. Pourquoi pas faire ces consultations-là, d'une part?
Deuxièmement, c'est vrai qu'on disait: Ils s'opposent à la fermeture d'hôpitaux. Oui, on s'oppose à la fermeture d'hôpitaux parce que, selon nous, ça devrait être le dernier moyen, M. le Président, le dernier moyen. Il y a une autre question que, moi, je vais me poser aussi. C'est qu'on dit: Bon, on va récupérer de l'argent; cet argent-là, on va le redistribuer dans le système. D'un autre côté, on ferme neuf hôpitaux, mais on ouvre 2 000 lits de courte durée à quelque part, et on parle aussi de bâtir certaines infrastructures. Alors, moi, je me demande où est-ce qu'on sauve à quelque part? Où est l'économie? Et est-ce qu'il y aura économie? Donc, est-ce qu'il y aura amélioration de services et est-ce qu'il y aura économie?
Là, je vais revenir à Montréal, M. le Président. Juste à Montréal, la fermeture de neuf hôpitaux touche directement 10 000 employés, et ça, c'est dramatique. La question qu'on a posée la semaine dernière, c'est: Comment va-t-on faire pour replacer tout ce monde-là? Parce qu'on a beau dire: Il y a la sécurité d'emploi, mais, chez certains cadres ou au niveau des cadres, souvent, c'est une sécurité d'emploi de deux ans. Et ce sont des questions que, finalement, on se pose et on en a des gens dans nos familles qui travaillent dans le système, qui sont au niveau du service de la santé, puis tout ça, et qui se les posent aussi, ces questions-là.
Alors, on dit: Oui, mais ce n'est pas grave, on va vous replacer dans un périmètre de 50 km à 100 km. Là, on veut augmenter le périmètre à 100 km. J'en suis, mais les conséquences pour une famille de se faire dire: Maintenant, tu ne travailleras pas à 9 km ou 10 km de chez toi, ou moins; là, on va t'envoyer à 50 km ou peut-être plus... Ça veut dire que, si on accepte le périmètre de 100 km, par exemple, on peut dire à quelqu'un: Là, toi, tu es à Montréal, mais tu t'en vas travailler à Sherbrooke. Ce n'est pas à la porte, ça, M. le Président; tu ne fais pas ça soir et matin. Ça, ça veut dire quoi? Ça veut dire des déménagements. Ça veut dire quoi?
Maintenant, qu'on se dise: Écoutez, on ne peut pas garder tout le monde immobile, puis tout ça, j'en suis. Mais, encore une fois, comment on fait pour répondre à ces gens-là? Qu'est-ce qu'on répond, humainement, M. le Président, à ces gens-là? Comment on va pouvoir appliquer, à Montréal toujours, le virage ambulatoire qui, comme je le disais tantôt, est louable et souvent fort pertinent? Par contre, il n'y a pas beaucoup de monde, comme je le disais tantôt, qui y est préparé.
(1 h 50)
Il y a aussi la fermeture des centres en général qui fait en sorte qu'à Montréal il y a beaucoup d'inquiétude. Il y a la vie de quartier aussi. Neuf hôpitaux, c'est énorme, énorme. Et on se demande aussi, dans une région à forte population concentrée: Comment se fait-il qu'on va les fermer, ces neuf hôpitaux, et qu'on va en ouvrir dans la périphérie? Il y a trop de lits à Montréal. Est-ce qu'on va, ces hôpitaux-là, les transformer en lits de longue durée ou bien donc si on va les fermer complètement? On «va-tu» les placarder? Est-ce que c'est ça, l'idée, de vendre les actifs?
Si c'est ça, l'idée, alors, je me souviens, tantôt, là, le leader parlait de l'Hôtel-Dieu, puis il disait: Ah! on le transportait, etc. Moi, je me souviens du tollé de la fermeture de l'Hôtel-Dieu. Pourtant, à une époque, il y avait un projet remarquez que je n'étais pas chaude là-dessus, ça fait que je suis très à l'aise pour en parler on parlait de transformer l'Hôtel-Dieu soit en différents centres d'enseignement ou enfin de recherche, etc. Mais le tollé que ça avait créé, aussi, la fermeture, et la réaction de l'opposition à la fermeture de l'Hôtel-Dieu sous prétexte, encore une fois, qu'il y avait trop de lits, puis qu'on amenait ça à Rivière-des-Prairies! On a trouvé que ce n'était pas une bonne idée.
Moi, je ne trouvais pas que c'était une bonne idée, non plus. Et, sur le comité du Grand Montréal, je l'ai dit à plusieurs reprises que j'étais contre le déménagement de l'Hôtel-Dieu. Ouvrir un hôpital dans l'est pour desservir la population de l'est de Montréal en première ligne, oui. Mais le déménagement de l'Hôtel-Dieu, pour nous, ce n'était pas la solution que l'on préconisait. Cela dit, on a corrigé le tir. On a eu l'humilité de dire: On s'est trompés et on va corriger le tir. Et c'est ce qu'on a fait, on a corrigé le tir.
À ce moment-là, encore une fois, je plaide auprès du ministre de la Santé d'essayer de revenir ce n'est pas grave, ça de recorriger le tir et de, tout simplement, dire: C'est correct, on en aura, des consultations publiques, de telle sorte qu'on va, tout le monde, se sentir plus à l'aise face à des décisions qui affecteront la vie des patients, de ceux qui y travaillent, qui affecteront aussi toute la configuration d'un quartier, que ce soit au niveau social ou que ce soit au niveau économique.
Je dois dire aussi qu'on a l'impression que le gouvernement s'acharne sur la métropole du Québec et qu'il tient absolument à l'affaiblir la fermeture de neuf hôpitaux le démontre bien parce que la métropole reçoit 39 % des budgets du ministère de la Santé et des Services sociaux et on lui impose plus de 42 % des coupures globales. Lorsqu'on parle de la contribution de Montréal à ces coupures... Il y a aussi toute la philosophie du ministre qui est de prôner la désinstitutionnalisation. Cette façon de faire aura aussi un impact direct sur la pauvreté. On sait que le phénomène de pauvreté à Montréal est particulièrement aigu. C'est là que se retrouve justement le gros des pauvres. Alors, on sait que cela aura un effet direct sur la pauvreté et que la métropole va écoper.
Cela dit, en délaissant pour quelques instants le côté humain, je m'interroge aussi sur l'article 451.12 qui prévoit la procédure de liquidation d'un établissement et spécifie que le liquidateur doit d'abord payer «les dettes de l'établissement ainsi que les frais et dépenses de la liquidation». Il apparaît que le ministre, à l'intérieur de cet article, ne fait aucune distinction entre les dettes relatives à l'exploitation de cet établissement et celles relatives aux biens immeubles. En fait, le gouvernement va s'approprier d'établissements qui ne lui appartiennent pas.
On peut simplement appeler, justement, ce procédé «l'expropriation». N'étant pas propriétaire des biens, comment le gouvernement peut-il, par la liquidation, s'approprier de ces mêmes biens? J'invite d'ailleurs, à ce chapitre, les corporations de propriétaires à être extrêmement vigilantes sur ce projet de loi, parce que, en fait, on dit «le gouvernement», mais c'est le ministre, selon sa seule décision, qui se donne les pouvoirs d'expropriation.
En terminant, M. le Président, je dois dire à mon déplaisir que ce projet de loi va à l'encontre des grands principes fondamentaux de notre système de santé, soit l'universalité, la gratuité et l'accessibilité. De plus en plus, on entend des gens qui sont plus fortunés et qui se disent: Ouais, bien, moi, je vais me payer une police d'assurance. Puis, si je suis capable de me payer, moi, des soins, je paierai pour. Et on s'aperçoit que de plus en plus chemine dans la tête des gens et ça existe d'ailleurs sur le terrain un système parallèle, c'est-à-dire un système pour les riches qui peuvent se le payer, puis un autre système pour les pauvres qui, eux autres, vont bénéficier des soins publics.
Je pense que, comme société, M. le Président, on a toujours dénoncé, si on veut, ces deux systèmes parallèles. On a parlé de l'universalité des soins; c'est un principe canadien dont on se doit d'être fiers. Et je pense qu'encourager, justement, un système parallèle, c'est-à-dire un pour les riches et un pour les pauvres... Il faut être extrêmement vigilants.
Le projet de loi, aussi, accorde au ministre un pouvoir unilatéral et illimité, je le disais tantôt, au niveau de l'expropriation, par exemple, qui, moi, me rend mal à l'aise parce qu'il représente un danger. Le ministre, par ce projet de loi, élimine toutes les procédures de contestation et se donne le droit unique tant au niveau des nominations que pour la survie des hôpitaux. Le ministre aura désormais tous les pouvoirs. Sans avoir à en expliquer les motifs, il pourra passer outre à la consultation.
De plus, ce gouvernement, comme je le disais précédemment, a fait les choix budgétaires d'augmenter ses dépenses et de couper dans la santé, choix qui sont difficilement conciliables, parce que, à notre avis, le choix devrait être inverse, c'est-à-dire, comme on l'a fait, couper dans nos propres dépenses et augmenter le budget de la santé de 1 % par le Défi «Qualité Performance». D'ailleurs, M. le Président, je rappelle que, dans le programme électoral du Parti québécois, on parlait d'augmenter la santé de 1 %. Une question simple, M. le Président: À la lueur du budget Campeau et des choix budgétaires du gouvernement, à quoi serviront les fonds supplémentaires que le gouvernement s'attribue? De quelle ampleur seront les coupures l'an prochain, alors qu'on nous annonce une ponction de 1 000 000 000 $ sur deux ans?
Et, M. le Président, enfin, il est important de comprendre et de se rappeler que la consultation du ministre est sans valeur réelle, et qu'il ne tient surtout pas à faire une consultation publique et générale. À preuve, c'est qu'il se rebute à cette consultation-là. Et, encore une fois, cette consultation-là, M. le Président, je pense qu'elle serait utile pour tous. Elle serait utile pour le ministre, M. le Président, elle serait utile pour la population que l'on doit convaincre, et elle serait utile aussi pour la société québécoise, puisqu'on essaie de changer le système, de l'améliorer, je disais, ce qui est un objectif louable en soi. C'est louable en soi, excepté que, à quelque part, il ne faut pas, non plus, enlever le droit de parole, M. le Président, à ceux qui veulent s'exprimer et qui sont légitimement inquiets.
Alors, encore une fois, M. le Président, je dois m'opposer à ce projet de loi pour deux choses, simplement pour deux choses. La première, le manque de consultations publiques, pas par la Régie. Que le ministre se donne cet outil public. Et, la deuxième, M. le Président, parce que je ne crois pas qu'un ministre, l'ayant été moi-même, puisse avoir un droit plénipotentiaire, c'est-à-dire qu'il se donne le droit de pouvoir exproprier, il se donne le droit justement d'imposer sa propre loi.
En théorie, bien souvent, M. le Président, quand nous étions au pouvoir, ce n'était jamais le ministre qui avait les pouvoirs, jamais, même pas de nomination; c'était le gouvernement. Pourquoi? Parce que, quand c'est le gouvernement qui se donne ces pouvoirs-là, bien, on doit acheminer, à travers certains processus gouvernementaux, les décisions et, bien souvent, en bout de ligne, les décisions qui ont été acheminées ne sont pas les mêmes que celles elles ont été modifiées ou améliorées qui ont été prises au départ. Donc, deux raisons: la première, manque de consultations publiques, et, la deuxième, trop de pouvoirs au ministre. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys. Je vais maintenant céder la parole à Mme la députée de Jean-Talon. Mme la députée.
Mme Margaret F. Delisle
Mme Delisle: Je vous remercie, M. le Président. M. le Président, qu'est-ce qu'on n'entend pas en cette Chambre aux petites heures du matin? D'un côté, on a le leader du gouvernement qui vient nous dire que le gouvernement libéral, alors qu'il était au pouvoir pendant les neuf dernières années, n'a strictement rien fait dans le domaine de la santé. De l'autre côté, on a le ministre de la Santé qui, en fin de semaine, a tracé, brossé un bilan des mesures qui ont été prises à partir du moment où il a été nommé président de la commission Rochon, à partir du moment où le gouvernement libéral a mis en application plusieurs des recommandations de cette commission. Or, j'aimerais bien savoir comment le ministre des Affaires municipales et leader du gouvernement peut expliquer cette contradiction entre ses propos tenus en cette Chambre, M. le Président, et les propos tenus par le ministre de la Santé devant ses partisans à qui il expliquait son cheminement. D'ailleurs, explications fort théoriques et venant évidemment, je pense, de façon très technocratique.
M. le Président, l'étude du projet de loi 83...
(2 heures)
Le Vice-Président (M. Brouillet): S'il vous plaît! Je vous inviterais, là, à baisser le ton et à permettre à Mme la députée d'exposer sa pensée. Alors... Ça va, s'il vous plaît, là! Mme la députée.
Mme Delisle: Je vous remercie, M. le Président. Alors, l'étude du projet de loi 83 prend une saveur particulière sous le gouvernement du Parti québécois. En effet, nous voici devant une formation politique qui a fait miroiter mer et monde, au cours de la dernière campagne électorale, en dénonçant les coupures soi-disant aveugles que l'ancien gouvernement pratiquait dans un souci de saine gestion des finances publiques.
J'aimerais, M. le Président, qu'on m'indique où se trouvait, dans le programme du Parti québécois, l'annonce de la réforme de la santé du ministre de la Santé et des Services sociaux. La population ne s'attendait certainement pas, M. le ministre, à cette réforme qu'il veut faire en catastrophe, alors que le premier ministre actuel, qui était alors chef de l'opposition et député de L'Assomption, promettait des hôpitaux, un hôpital dans son propre comté. Quelle déception pour l'ensemble des citoyens et des citoyennes du Québec de réaliser, une fois la prise du pouvoir par le Parti québécois, que ce n'était pas leur intention d'aller de l'avant avec l'ensemble de leurs promesses et qu'ils avaient caché, à l'ensemble de la population, leur vrai visage!
Nous voici également, M. le Président, devant une formation politique qui, supposément, défendait les travailleurs et les travailleuses, et les moins bien nantis de notre société. Et, pourtant, c'est cette même formation politique qui, aujourd'hui, veut faire sanctionner un projet de loi pour donner au ministre de la Santé le pouvoir de fermer des hôpitaux dans un contexte qu'il n'arrive même pas à expliquer.
Le gouvernement ne semble pas comprendre le contexte et le défi de la santé des années quatre-vingt-dix. M. le Président, le Québec, on le sait tous, doit faire face à des défis de taille. En effet, le phénomène d'une population vieillissante oblige notre société à repenser ses choix en matière sociale. On ne parle pas ici de la fermeture d'hôpitaux, mais d'un débat beaucoup plus large, qui n'a manifestement pas fait l'objet d'une réflexion très longue de la part du Parti québécois.
La population québécoise a pris parti pour la mise en place d'un régime de santé accessible, universel et gratuit, dans la mesure où nous avions les moyens de l'assumer, il y a de ça une trentaine d'années. À l'époque, je vous le rappelle, c'est un gouvernement libéral qui a mis à exécution un véritable projet de société. Aujourd'hui, M. le Président, c'est un gouvernement qui s'est vanté d'être social-démocrate qui se permet de faire voter des lois de cette nature, afin de dévisager et le mot n'est pas trop fort, M. le Président notre réseau de santé et de services sociaux.
Qu'on se comprenne bien, le Parti libéral du Québec ne s'est jamais opposé à la saine gestion des finances publiques. N'importe qui de sensé n'ignore pas que l'époque des ressources illimitées est bel et bien révolue. Mais, de là à vouloir sabrer dans ce que les Québécoises et les Québécois ont mis des années à investir, à raffiner, il y a une limite que le Parti québécois semble prêt à franchir, aujourd'hui, malgré le fait que la population lui démontre clairement, sur une base quotidienne, qu'elle tient à son réseau de santé et de services sociaux.
Que désire de plus ce gouvernement, M. le Président? Désire-t-il une révolution pour lui faire comprendre qu'on ne peut demander à la fois à la population qu'elle ne peut payer le gros prix pour des services qu'elle désire et, de l'autre, se faire priver de ces mêmes services aussi essentiels que la santé? Décidément, M. le Président, le gouvernement manque de jugement. La souveraineté lui bouche la vue, car la gestion des dossiers gouvernementaux est devenue le cadet de ses soucis. Bien franchement, le gouvernement allait-il s'imaginer un instant que la population allait laisser passer cette façon d'agir qui n'hésite pas à venir tripoter dans ce qu'il est convenu d'appeler notre patrimoine? C'est non seulement être naïf de penser une telle chose, mais c'est faire peu de cas de l'intelligence de la population québécoise.
M. le Président, à sa face même, le projet de loi 83 est inacceptable, et je le qualifie de loi matraque. Par exemple, en vertu de ce projet de loi, le ministre peut modifier ou retirer le permis d'un établissement public ou privé pour le faire changer de mission, de classe, de type ou de capacité qui était préalablement autorisée. D'autre part, en vertu de l'article 2 du projet de loi, on permet au conseil d'administration de procéder par résolution pour nommer un membre en remplacement d'un autre. On ampute, quant à moi, le processus de nomination d'élection pour le remplacer par un processus de nomination interne. Et voilà pour la démocratisation de notre système de santé, M. le Président.
Ces deux exemples illustrent bien la direction que ce gouvernement veut donner au secteur de la santé. Et je ne parle pas ici uniquement de l'insécurité créée au sein des organisations syndicales, des partenaires essentiels pour la bonne marche des institutions de santé, mais je parle aussi de cette véritable déstabilisation que le ministre a provoquée dans la population. À chaque fois qu'une région ou une localité sont touchées par les scénarios de fermeture du ministre, on monte aux barricades, parce que le gouvernement refuse la convocation d'audiences publiques sur toute cette réforme. À chaque fois qu'on pose la question aux députés ministériels, s'ils peuvent garantir à la population de leur circonscription respective la qualité des soins, la réponse est toujours la même: On ne peut vous la garantir. J'ai bien aimé, en passant, M. le Président, celle du député de Chauveau, qui déclarait, le plus sérieusement du monde, qu'il fallait penser à d'autres dossiers pour le Québec, comme celui de la souveraineté. Du coup, le député de Chauveau plaçait le dossier de la santé à d'autres niveaux de priorités gouvernementales. Voilà un député qui a vraiment à coeur les intérêts de son comté.
La pierre angulaire de tout le projet de loi se trouve à l'article 6. Le ministre pourra, si ce projet de loi est sanctionné, de sa propre initiative ou à la demande d'une régie régionale, aux seules conditions aléatoires de l'intérêt public ou en alléguant simplement une gestion efficace et efficiente du réseau, retirer le permis d'un établissement public ou privé, en d'autres mots fermer l'établissement. La seule ouverture que prévoit cet article, M. le Président, est la possibilité, pour l'établissement ou la régie régionale, de lui soumettre quelques observations. J'espère bien, M. le Président, que les observations actuelles de la population seront prises au sérieux par ce gouvernement.
Un autre exemple de mesures tout à fait discrétionnaires. À l'article 451.12, le projet de loi prévoit la procédure de liquidation d'un établissement et précise que le liquidateur doit d'abord payer les dettes de l'établissement ainsi que les frais et les dépenses de ladite liquidation. Cet article de loi ne fait donc aucune distinction entre les dettes relatives à l'exploitation d'établissements et celles relatives aux biens immobiliers. De ce fait, le gouvernement s'approprie des établissements régis par des corporations propriétaires qui ne lui appartiennent pas. Il faut rappeler ici la procédure reconnue. Pour que le gouvernement s'approprie un immeuble, c'est l'expropriation qui en est l'outil, mesure, M. le Président, qu'aucun gouvernement n'a utilisée à ce jour pour les établissements de santé. Alors, la question logique: N'étant pas propriétaire des biens, comment le gouvernement peut-il par la liquidation s'approprier ces établissements?
(2 h 10)
Le projet de loi ne nous fournit pas d'indication claire à ce sujet, et sûrement que les administrateurs des institutions aimeraient en savoir plus long avant que ne soit appliquée la réforme du ministre, s'il en est une, en vue d'améliorer la qualité de vie sociale. Et je vous le signale, M. le Président, vous n'êtes pas sans savoir qu'hier soir, ou en fait avant-hier soir, puisqu'on est rendus dans le milieu de la nuit, la population de la région de Québec, et particulièrement la population du comté de Vanier, a démontré sa solidarité pour garder ouvert l'hôpital de quartier, l'Hôpital du Christ-Roi. La population, avec raison, démontrait toute son inquiétude devant les hypothèses de travail du gouvernement.
J'aimerais ici souligner les propos tenus par notre collègue péquiste de Rimouski qui, en cette Chambre il y a à peu près une heure, a clairement montré à ses collègues son vrai visage en balayant du revers de la main l'importance de cette manifestation de 10 000 personnes en disant que l'on nous, les gens du Parti libéral s'associait à tout ce qui bouge. Vous me permettrez de vous dire que je trouve ça très méprisant pour les 10 000 personnes qui se sont déplacées, et ce, en l'absence de leur propre député.
Comme pour rajouter à l'incertitude, le ministre déclarait sur les ondes, le lendemain, que, si ce n'était pas une institution qui fermait ses portes, c'en serait une autre. Alors, je demande au ministre à quel jeu il se livre. Je lui demande de nous dire quelle sera sa prochaine cible dans la région de Québec, quelles sont les raisons exactes pour fermer cette institution qu'est Christ-Roi. Si sa seule réponse est de trouver comme alternative: On trouvera un autre hôpital à fermer, faudra-t-il des manifestations de cette envergure à chaque fois qu'un établissement de santé fera l'objet d'une hypothèse de fermeture pour convaincre le ministre qu'il doit au plus vite retourner à sa table de travail et nous proposer un plan plus cohérent, un plan qui soit plus humain?
Nous ne pouvons appuyer un tel projet de loi parce que le gouvernement fait fi de toute procédure démocratique pour expliquer de long en large à la population québécoise les vraies intentions de la réforme de la santé du ministre. Nous ne pouvons appuyer cette législation parce que cette réforme faite à la hâte risque fort de détruire l'esprit et la lettre d'un système de santé que les Québécois et les Québécoises ont désiré il y a de cela plus de 20 ans. Nous ne pouvons appuyer un tel projet de loi parce que nous sommes convaincus que la population désire que soit intégralement protégé leur système de santé et de services sociaux. Nous ne pouvons appuyer ce projet de loi parce que le ministre de la Santé et des Services sociaux s'appropriera des pouvoirs discrétionnaires qui frisent l'ambition, une attitude qui n'a rien à voir avec la régionalisation du réseau de la santé préconisée par tous les intervenants.
Nous ne pouvons appuyer un tel projet de loi, parce qu'il a déjà comme effet de créer l'insécurité et l'inquiétude chez les travailleurs et les travailleuses de la santé, des intervenants de première ligne de ce système complexe qui comporte plusieurs ramifications. Nous ne pouvons appuyer un tel projet de loi, parce qu'il est une preuve sans précédent de mépris à l'égard de la population des régions, des populations des zones urbaines, et que cela n'a rien à voir avec l'esprit de concertation et de dialogue indispensable à toute opération de décentralisation et de régionalisation. Nous ne pouvons appuyer un tel projet de loi justement parce qu'il créera un précédent dangereux, qui risque de se perpétuer dans d'autres secteurs d'activité gouvernementale, une manière que nous qualifions, sans hésiter, de méprisante sur cette autre façon de gouverner.
M. le Président, l'opposition officielle n'endossera jamais un projet de loi de cette nature, qui aura des effets néfastes sur le réseau de santé des Québécoises et des Québécois. Si le gouvernement choisit de se comporter en propriétaire, alors que, en fait, il n'est que le fiduciaire du patrimoine québécois, il en subira les conséquences. Tout gouvernement, quel qu'il soit, n'a pas le mandat de déchirer le contrat social qui le lie à la population qui lui a accordé sa confiance. Par ailleurs, un gouvernement peut se questionner sur certaines réalités d'une société, quitte à remettre en question certains choix faits dans un contexte différent, mais il ne peut, en toute décence, agir sans avoir l'assentiment de la population qu'il dessert.
Or, le mandat de la dernière élection ne correspond nullement à l'action entreprise par le gouvernement du Parti québécois. C'est vrai, la population a voté pour un changement, mais jamais pour un bouleversement des services pour lesquels elle paie et des services dont elle a besoin pour assumer les défis de demain, en termes de qualité de vie. Une fois au pouvoir, le Parti québécois est en train de transformer un projet de société en cauchemar social, ayant réussi à créer cette incertitude auprès de toute la population, qu'elle soit âgée ou non, qu'elle soit travailleurs, travailleuses dans le secteur de la santé.
Pourtant, notre formation politique est en faveur des mesures qui ont pour effet d'assainir les finances publiques, dans la mesure où elles sous-tendent un plan d'action précis, cohérent et qui n'altère pas les conséquences difficilement acquises dans la société québécoise. Or, la direction empruntée par le présent gouvernement ne répond en rien à ce souci de paver la voie à un avenir de qualité pour l'ensemble de la population.
M. le Président, en terminant, j'aimerais inviter nos collègues péquistes, de l'autre côté de cette Chambre, à le lire, le projet de loi 83, et à exhorter le ministre de la Santé et des Services sociaux à tenir des consultations publiques; des audiences, il y en a eu, c'est vrai, mais des consultations avec les citoyens et les citoyennes qui sont des utilisateurs et des utilisatrices. Et je leur demande, une fois que, ça, ça sera fait, s'ils réussissent à l'obtenir, de voter avec leur conscience. Et jamais ils ne vont voter pour un projet de loi comme le projet de loi 83.
Le Vice-Président (M. Bélanger): Je vous remercie, Mme la députée de Jean-Talon. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Pontiac. Vous avez la parole, M. le député.
M. Middlemiss: Merci, M. le Président. Est-ce qu'on pourrait vérifier le quorum avant de commencer?
Le Vice-Président (M. Bélanger): Nous avons le quorum, M. le député de Pontiac. Vingt et un.
M. Middlemiss: Vingt et un?
Le Vice-Président (M. Bélanger): Nous avons le quorum. Alors, je vous invite à entreprendre votre discours. À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Middlemiss: M. le Président...
Le Vice-Président (M. Bélanger): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre! Je comprends que vous voulez le respect de l'article 32, que chaque député soit... Non? Alors, si vous voulez continuer, vous pouvez commencer.
M. Robert Middlemiss
M. Middlemiss: Merci, M. le Président. Avant de débuter, M. le Président, tantôt, le leader du gouvernement, en réplique à un commentaire qu'avait fait mon collègue de Jeanne-Mance, du fait qu'un projet de loi aussi important pour la société québécoise soit en train d'être discuté à cette heure-ci, il a blâmé l'opposition... Toutefois, si je me souviens bien, M. le Président, ce matin, la motion qui a été proposée concernant le projet de loi C-91 venait certainement du leader du gouvernement, et les conditions qu'on avait établies étaient que ce serait un débat jusqu'à la fin. M. le Président, si nous sommes, à cette heure, en train de discuter du principe du projet de loi 83, je crois que le leader du gouvernement, au lieu de pointer du doigt l'opposition, devrait se faire des mea culpa.
(2 h 20)
Donc, ceci étant dit, M. le Président, j'interviens ce soir en cette Chambre ou ce matin à l'occasion de l'adoption du principe de la loi 83, cette loi qui modifie la Loi sur les services de santé et les services sociaux. Ce projet de loi, M. le Président, poursuit plusieurs objectifs spécifiques, mais, en fait, son objectif principal est de permettre au ministre de la Santé et des Services sociaux de procéder à des coupures sans précédent et à une rationalisation désastreuse des services de santé au Québec, notamment par la fermeture de plusieurs centres hospitaliers.
Actuellement, au Québec, pour opérer un centre hospitalier ou un établissement de santé, qu'il soit privé ou public, une personne doit être détentrice d'un permis émis à cette fin. La loi actuelle prévoit déjà certaines circonstances par lesquelles ce permis peut être retiré, entraînant ainsi la fermeture de ce centre hospitalier. Par exemple, actuellement, le ministre peut suspendre, révoquer ou refuser de renouveler le permis de tout titulaire qui a été déclaré coupable d'un acte criminel relié à l'exercice des activités pour lesquelles il est titulaire d'un permis. Le ministre peut aussi suspendre un permis lorsque, de l'avis de la régie régionale concernée, le titulaire du permis ne peut assurer les services de santé ou les services sociaux adéquats. Ou encore, M. le Président, le titulaire d'un permis peut se voir refuser un renouvellement s'il devient insolvable ou qu'il est sur le point de le devenir. En fait, M. le Président, l'émission d'un permis étant un privilège, il est tout à fait normal que le ministre qui émet un permis puisse le révoquer, suspendre ou refuser son renouvellement si le titulaire de ce permis ne remplit plus les conditions requises lors de l'émission. En ce sens, la loi actuelle reprend des pratiques tout à fait normales et logiques en matière d'émission ou de suspension de permis.
On pourrait, M. le Président, réfléchir par analogie. Nous sommes, tous et chacun, titulaires d'un permis de conduire. N'est-il pas normal, à cet égard, que ce permis soit suspendu lorsqu'une personne fait la démonstration qu'elle est incapable de se comporter adéquatement derrière un volant? Dans la même veine, lorsqu'elle se rend coupable d'une infraction criminelle alors qu'elle conduit, il est tout à fait normal que ce permis puisse être suspendu.
M. le Président, afin de bien faire comprendre jusqu'à quel point le projet de loi 83 modifie le régime actuel en profondeur, je poursuivrai brièvement ma description de ce régime quant à la suspension du permis des établissements de santé. En effet, lorsque le titulaire d'un permis se voit dans une situation où le ministre décide de suspendre, révoquer ou refuser de renouveler ledit permis, ce titulaire dispose de recours lui permettant d'en appeler de cette décision, plus particulièrement l'article 450 de la loi actuelle qui permet au détenteur d'un permis qui a été suspendu ou révoqué d'interjeter appel de la décision du ministre devant la Commission des affaires sociales. De plus, afin que cet appel repose sur des bases juridiques solides et non contestables, tant du point de vue des faits que de la légalité de la décision initiale du ministre, l'article 449 prévoit que, préalablement à la révision devant la Commission des affaires sociales, le ministre doit donner l'occasion au titulaire du permis de se faire entendre et, à cette fin, lui notifier par écrit cette décision en expliquant les motifs de façon claire et précise. Vous le comprendrez, M. le Président, il s'agit, somme toute, des principes essentiels du devoir d'agir équitablement et du respect des principes de justice naturelle.
Ce que vient faire ici le projet de loi 83, c'est d'accorder au ministre un nouveau pouvoir de suspension ou de révocation des permis qui sont déjà émis. Le projet de loi 83 introduit, avec son article 6, un nouvel article dans la loi actuelle, soit l'article 451.1. Avec ce nouvel article, le ministre se donne le droit de retirer le permis d'un établissement public ou privé s'il estime que l'intérêt public le justifie au nom d'une gestion efficace et efficiente. En termes clairs, cela accorde un pouvoir discrétionnaire d'une étendue sans précédent pour fermer des hôpitaux du Québec. Pour reprendre l'analogie que je faisais un peu plus tôt au cours de mon allocution, c'est un peu comme si le ministre des Transports se donnait le droit de retirer le permis de conduire à n'importe quel citoyen au seul motif qu'un quelconque intérêt public le justifierait. M. le Président, personne n'accepterait ça, et, en matière de santé, encore moins, car en retirant des permis, ce que l'on fait concrètement, c'est que l'on ferme plusieurs hôpitaux québécois, on réduit l'accès à des soins de santé adéquats pour tous les Québécois et toutes les Québécoises.
Avec ces dispositions, M. le Président, le ministre se donne le pouvoir de mettre la hache dans les services de santé et de précipiter le Québec dans un virage ambulatoire totalement improvisé. Ce virage, M. le Président, porte atteinte et attaque directement les trois grands principes fondamentaux de notre système de santé québécois, soit l'universalité, la gratuité et l'accessibilité. Il met en péril sérieusement l'accessibilité, M. le Président, vous l'aurez compris, en fermant les hôpitaux. Tous les Québécois et les Québécoises seront atteints par cette mesure. Concrètement, cela signifie la fermeture de leurs hôpitaux de quartier, les hôpitaux où ils se font soigner régulièrement.
Le virage ambulatoire prévu au projet de loi 83 atteint aussi directement les principes de l'universalité et de la gratuité. Ce qu'on est en train de créer avec ce virage ambulatoire, M. le Président, c'est un véritable régime parallèle, un régime pour les riches et un régime pour les pauvres: le régime des riches sera celui où l'on pourra obtenir rapidement des services adéquats et de qualité; le régime pour les pauvres, c'est le régime de seconde classe, le régime moins efficace, des établissements moins bien équipés, moins adéquats. Bref, M. le Président, nous sommes en train d'opérer un véritable clivage de notre société québécoise où la séparation et le fossé entre riches et pauvres seront de plus en plus grands.
La santé est une chose pourtant trop importante. La santé n'a pas de prix. Ceci constitue donc, M. le Président, une brèche inacceptable dans notre tissu social. Ce gouvernement et le parti dont il est issu se cherchent désespérément un projet de société et ne trouvent rien de mieux à cet égard que de bouleverser en profondeur les valeurs fondamentales de notre société. Si les Québécois et les Québécoises sont de plus en plus conscients des impératifs qu'impose dorénavant une saine gestion des finances publiques, ce n'est pas au prix de la perte des acquis chèrement gagnés.
Ceci révèle encore une fois le double langage de ce gouvernement. D'une part, il se réclame le grand défenseur de la société distincte québécoise et, d'autre part, il attaque directement les bases sur lesquelles repose justement cette société distincte. Car, M. le Président, il faut bien le dire, outre la langue, la culture, nos grands programmes sociaux et leur universalité ainsi que leur gratuité constituent jusqu'à un certain point les bases de cette société distincte. Cette société qui a su s'épanouir en Amérique du Nord avec les caractéristiques qui lui sont propres dont, entre autres, un gouvernement nettement plus interventionniste. Avec le projet de loi 83, M. le Président, et le virage ambulatoire, on est en train de créer un régime de santé qui ressemblera de plus en plus à ce qui se fait, par exemple, aux États-Unis. Il s'agit d'un recul, M. le Président, pour les Québécois et les Québécoises, un recul de 20 ans en arrière.
(2 h 30)
Et que ce gouvernement tienne un double langage, ce n'est pas nouveau, M. le Président. Le 27 janvier dernier, dans une entrevue accordée à la presse, le ministre de la Santé, Jean Rochon, déclarait qu'il n'entendait pas fermer les hôpitaux, mais, simplement, il entrevoyait de changer la vocation de quelques-uns d'entre eux. Or, M. le Président, aujourd'hui, avec le projet de loi 83, nous assistons à un nouveau virage. Déjà, on a identifié neuf hôpitaux à Montréal, d'autres dans la région de Québec, et on verra aussi ce qui va survenir dans les régions. Il s'agit d'une volte-face pour le moins inquiétante et stupéfiante, en plein le genre de volte-face propre à créer un climat de grande incertitude parmi la population.
Le ministre annonce en janvier qu'il n'entend pas fermer les hôpitaux et, à peine deux mois plus tard, s'engage dans un sentier de fermetures sans précédent. Son gouvernement y a perdu toute crédibilité auprès de la population, et le ministre Rochon est le grand responsable de l'état de panique qui habite présentement non seulement les patients, mais tous les Québécois et les Québécoises. De plus, en refusant de faire toute la lumière et de confirmer publiquement les hôpitaux qu'il entend fermer, le ministre Rochon alimente lui-même toutes les spéculations et les hypothèses même les plus farfelues et les plus inquiétantes.
Incapables de connaître avec certitude et d'obtenir du gouvernement un état de situation satisfaisant et crédible, plusieurs médecins alertés par diverses rumeurs s'apprêtent maintenant, et certains l'ont déjà fait, à quitter les hôpitaux pour lesquels ils travaillent. Pourtant, il serait si simple pour le ministre de la Santé d'arrêter cette hémorragie. Il n'a qu'à procéder, comme nous le réclamons de ce côté-ci de la Chambre et comme l'ensemble des intervenants le réclame depuis plusieurs semaines, à des consultations publiques afin que les Québécois et les Québécoises soient en mesure de connaître tous les impacts et les effets des fermetures et du nouveau virage proposé. Comme je le disais, nous assistons actuellement à une vague de désertion des médecins, qui, face à la fermeture éventuelle de leurs hôpitaux, quittent ces centres hospitaliers. Il s'agit d'une fuite de cerveaux importante. En effet, les médecins québécois constituent une richesse, une ressource humaine des plus importantes. On ne peut se permettre que certains d'entre eux quittent la pratique québécoise pour l'étranger.
Mais, plus particulièrement pour le patient, cet exode ou le simple fait pour un médecin de quitter un hôpital sur la tête duquel repose l'épée de Damoclès ou la fermeture, cela brise le lien de confiance avec le médecin pratiquant. Or, les médecins, comme l'ensemble de nos professionnels, se doivent d'avoir un lien de confiance des plus étroits avec leurs clients afin d'assurer un service de meilleure qualité. Cela est d'autant plus vrai en matière de santé. Il est en effet tout à fait humain et légitime de développer une assurance, une quiétude, une certaine sérénité envers son médecin traitant. Dans bien des cas, cela augmente les chances de guérison, et, de façon générale, en vertu de ce lien de confiance, le médecin et le patient sont aptes à développer un climat propice qui ne peut que favoriser des soins mieux adaptés et plus particuliers avec le patient.
M. le Président, le projet de loi 83 vise plusieurs autres objectifs spécifiques. Ainsi, il propose, entre autres, de modifier les règles relatives à l'élection des membres des conseils d'administration des régies régionales et des établissements publics de santé. Plus particulièrement dans le cas des régies régionales, il prolonge le mandat d'un an, faisant ainsi en sorte que l'élection qui devait normalement être tenue le 1er octobre 1995 se déroulera le 1er octobre 1996. De plus, le projet de loi 83 propose d'accorder au ministre le pouvoir unilatéral de modifier la capacité qui était préalablement autorisée ou, encore plus grave, sa mission. Enfin, le projet de loi 83 propose aussi certaines règles relatives à la liquidation des établissements que le ministre aura décidé de fermer.
Ces derniers points sont tout aussi importants, mais, vu que l'aspect qui me semblait le plus frappant dans ce projet de loi était celui du pouvoir accordé au ministre de fermer unilatéralement plusieurs hôpitaux québécois, j'ai fait porter mon allocution plus particulièrement sur ces derniers aspects. Je suis convaincu, par ailleurs, que certains de mes collègues aborderont les autres modifications proposées par le projet de loi 83 car elles sont, elles aussi, des plus problématiques. Entre autres, les dispositions revoyant le mode d'élection des administrateurs des régies régionales me paraît une attaque très grave à nos grands principes de démocratie.
En conclusion, M. le Président, je dirai que le projet de loi 83 est inacceptable, inacceptable à plusieurs égards, mais plus particulièrement parce qu'il accorde un pouvoir discrétionnaire sans précédent à un ministre lui permettant de fermer, sans consultation et sans justification, des hôpitaux et des centres de santé. Or, M. le Président, les services de santé et les services sociaux sont, par nature, beaucoup trop importants pour que l'on puisse laisser aller ainsi une mesure sans mieux chercher à la contrôler. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M. le député de Pontiac. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Bertrand. À vous la parole, M. le député.
M. Robert Thérien
M. Thérien: Merci, M. le Président. C'est avec plaisir que j'interviens, à l'heure tardive qu'on est, il est 2 h 35. Si le gouvernement pense endormir les citoyens, M. le Président, nous, on est éveillés là-dessus, éveillés par ce qui se passe. Je ne sais pas si je vais avoir assez de mes 20 minutes, M. le Président, pour être capable de bien communiquer aux gens du gouvernement qu'ils ont une décision importante à prendre. J'écoutais le député de Joliette, qui disait: Nous avons rempli beaucoup de nos engagements électoraux. Le premier engagement, il disait: On va rendre l'Assemblée nationale plus efficace, donc on ne siégera pas plus tard que minuit. L'engagement électoral c'est ça, un engagement électoral c'est de permettre aux citoyens d'être plus près de leurs élus, de cheminer avec eux, à Québec, par l'intermédiaire des débats. Imaginez-vous! 2 h 30, 2 h 35, et on parle d'une loi très, très importante.
M. le Président, le gouvernement me fait penser à peu près à un gros personnage qui se promène sur un petit bicycle avec un gros criard.
Une voix: Badaboum!
M. Thérien: C'est à peu près ça. Oui, oui. Oui, M. le Président, l'exemple est très bonne. L'exemple est très bonne. Ces gens-là...
Une voix: Bon, b-o-n.
M. Thérien: Un bon exemple.
Le Vice-Président (M. Bélanger): S'il vous plaît! S'il vous plaît! Mmes, MM. les députés, je vous demanderais de respecter le droit de parole de M. le député de Bertrand. M. le député de Bertrand.
M. Gautrin: Pourriez-vous, M. le Président, vérifier le quorum, s'il vous plaît?
Le Vice-Président (M. Bélanger): M. le député de Verdun.
M. Gautrin: Oui, j'aimerais qu'on vérifie le quorum, si vous permettez, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Bélanger): Nous avons le quorum, M. le député de Verdun. Alors, M. le député de Bertrand.
M. Thérien: M. le Président, oui, je trouve ça intéressant, d'ailleurs, qu'il y ait des gens pour qu'ils puissent écouter et réfléchir davantage et, particulièrement, je suis fier de voir mon voisin de comté, le député de Prévost. Je le vois plus souvent ici que les citoyens du comté le voient, me dit-on. On n'a pas le droit de déclarer l'absence des députés en Chambre; moi, je souligne sa présence. Ses citoyens soulignent son absence dans le comté. Donc, M. le Président...
Le Vice-Président (M. Bélanger): M. le député de Bertrand, je voudrais, s'il vous plaît...
Des voix: ...
Le Vice-Président (M. Bélanger): S'il vous plaît! S'il vous plaît! Alors, je voudrais tout simplement vous rappeler les dispositions de l'article 239, qui dit que le débat porte exclusivement sur l'opportunité du projet de loi, sa valeur intrinsèque ou sur tout autre moyen d'atteindre les mêmes fins. Donc, je vous demanderais, s'il vous plaît, de vous contenter... je ne dirais pas de vous contenter, mais que votre allocution porte sur, donc, le projet de loi. S'il vous plaît, M. le député de Bertrand.
(2 h 40)
M. Thérien: Si je me suis égaré un peu, M. le Président, je m'excuse. Je reviens. Je reviens au projet de loi. M. le Président, je disais tantôt que le gouvernement me fait penser un petit peu à un gros personnage sur un petit bicycle avec un gros criard, tout simplement pour imager, pour imager qu'ils ont des grosses visions, qu'ils ont un petit véhicule, mais qu'ils parlent fort, qu'ils parlent énormément fort pour indiquer qu'eux ont la bonne méthode. Et, M. le Président, il faut savoir écouter. Il faut savoir écouter les gens, et c'est un peu ce que l'opposition libérale dit au ministre: Écoutez. À cause de l'importance du geste posé par le gouvernement, il serait très important qu'on puisse les écouter davantage, pas juste se réfugier en arrière de la régie. À chaque jour il y a une question, pas juste de députés, de citoyens, parce qu'on est tous, à part égale, les porte-parole de nos électeurs. Et les députés se lèvent et posent des questions au ministre. Le ministre, il dit: Ce n'est pas moi, c'est la régie régionale qui prend les décisions. Et, aujourd'hui, on vote une loi qui lui donne les pleins pouvoirs. Donc, deux poids deux mesures, M. le Président.
M. le Président...
Le Vice-Président (M. Bélanger): Vous avez raison, M. le député de Bertrand. Je demanderais aux collègues de l'Assemblée nationale de ne pas interpeller le député de Bertrand et de ne pas nuire à son droit d'expression en cette Chambre. Alors, M. le député de Bertrand.
M. Thérien: Oui, puis ça me ferait plaisir d'écouter les députés ministériels, parce que ceux qui ont parlé ont lu un texte. Je comprends, parce que si certains... Non, je...
Des voix: ...
Le Vice-Président (M. Bélanger): M. le député de Bertrand, vous comprendrez que, si vous voulez que les députés ne vous interpellent pas, en contrepartie, il ne faudrait peut-être pas non plus interpeller les députés. Alors, je vous demanderais, à ce moment-là, toujours au niveau de la pertinence, que votre intervention porte exclusivement sur ce qui est prévu à l'article 239.
M. Thérien: Ce que je voulais dire par là, M. le Président, c'était tout simplement qu'il fallait que les députés ministériels, par la loi 83, en expliquant les articles théoriques... Mais le bien-fondé, si les citoyens, si les députés... On l'a vu par les députés de Québec hier. Il y a des députés qui disaient, en mots cachés même pas que c'était abominable de voir fermer des hôpitaux dans leur comté. Il y avait d'autres priorités pour ce député-là ou d'autres députés. Mais ce n'est pas facile pour eux, pour, justement, garder la solidarité ministérielle, de dire: Écoutez... Et même le député de Johnson disait qu'il y a eu le meilleur ministre, là... il y a le meilleur ministre en... On oubliait les Camille Laurin, on oubliait les Lazure, on oubliait même le député de Joliette, qui a été ministre de la Santé. Mais, meilleur! Meilleur en fermant les hôpitaux, imaginez-vous! Meilleur en fermant les hôpitaux, M. le Président!
J'ai écouté, M. le Président, le député de Joliette, qui disait que les libéraux s'étaient donné 16 pouvoirs additionnels pour les régies. Bon, 16, ça paraît beaucoup. Mais la loi 83 qu'on vote, ce n'est pas 16 qu'on donne au ministre, c'est tous les pouvoirs, tous les pouvoirs! Il s'est levé. Il s'est levé de sa chaise en disant que c'était abominable, ce que les libéraux ont fait. Et il n'a pas mentionné le fait qu'avec la loi 83, M. le Président, on donnait tous les pouvoirs au ministre, absolument pas. Il a même dit: Écoutez, la seule solution que les libéraux avaient, c'était de fermer des lits durant la période des Fêtes. M. le Président, les Fêtes vont durer longtemps, parce que, là, on va fermer les hôpitaux. Imaginez-vous! Les Fêtes vont durer longtemps, des années, qu'elles vont durer, pas juste des périodes. Puis je tiens à remarquer que le parti gouvernemental a passé une période des Fêtes au pouvoir, et ils ont fermé les mêmes lits, les mêmes lits. C'était passé. Ils ont décidé de fermer les hôpitaux.
J'aurais aimé vous parler de la constatation qu'on aurait pu faire dans les Laurentides, mon collègue voisin, mais le plan n'est pas encore déposé et définitif. On va être en droit aussi d'avoir des coupures. Si on regarde la marée, la vague de Montréal, la vague de Québec, on est convaincus que les Laurentides n'y échapperont pas. On est convaincus qu'il va y avoir des coupures et moins de services.
Est-ce que c'est moi qui provoque, M. le Président?
Des voix: Ha, ha, ha!
Une voix: La vague.
M. Thérien: Je les ai réveillés? Si je les ai réveillés, ça me fait plaisir! Ça me fait plaisir, mais j'aimerais qu'ils écoutent. C'est une question de politesse, de toute façon, puis de respect. Moi, j'aimerais ça, les écouter, mais ils ne se lèvent pas pour parler. Ils ne se lèvent pas pour parler de la loi qui, supposément, autoriserait le ministre à fermer n'importe quel hôpital, et, ça, c'est triste à constater.
Quand on parle de consultations, c'est une longue histoire dans le Parti québécois de dire: Écoutez, ce parti-là est fondé sur la capacité de consulter les citoyens. On est près des gens, on consulte les citoyens. On a mis beaucoup d'énergie et beaucoup d'argent à consulter les gens sur la possibilité de séparer le Québec du Canada, on s'est glorifié qu'il y avait 53 000 personnes à travers le Québec qui avaient participé à ça.
Une voix: Oui! Bravo!
Des voix: Bravo!
M. Thérien: Si c'est 53 000 personnes qui les énervent, vous allez voir, à la fin de la contestation qu'il va y avoir pour les hôpitaux, que le chiffre va être beaucoup plus grand. 10 000 seulement hier, c'est plus que tous les gens qui sont venus à la consultation pour la souveraineté du Québec à Québec. Dans une seule soirée. Et on n'a pas eu besoin de transporter les mêmes personnes d'une réunion à l'autre, cette fois-là.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Vice-Président (M. Bélanger): Non. Là... S'il vous plaît! S'il vous plaît! À l'ordre! À l'ordre, s'il vous plaît! J'aimerais faire remarquer aux membres de cette Assemblée qu'il est presque 2 h 50, alors, si on veut continuer nos débats sur un ton harmonieux en respectant les règles, je vous avise qu'à ce moment-là je vais être beaucoup moins tolérant au niveau des remarques et au niveau du comportement en cette Chambre. Alors, M. le député de Bertrand, je vous invite à continuer, s'il vous plaît.
M. Thérien: C'est toutes sortes de manoeuvres pour essayer de me faire perdre le fil conducteur. Je comprends, je suis un sportif...
Une voix: Pas de fil.
Des voix: Ha, ha, ha!
Une voix: Tu as du fil à retordre?
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Vice-Président (M. Bélanger): S'il vous plaît! M. le député de Bertrand.
(2 h 50)
M. Thérien: Donc, je parlais de la consultation qui a coûté des millions aux citoyens du Québec. Et là les citoyens demandent au ministre... Ils ne demandent pas des millions au ministre, il demandent tout simplement qu'il y ait des vraies consultations. La régie a fait son travail. Dans certains cas, elle l'a terminé. Elle a fait un certain travail, sauf que les citoyens auraient le droit de venir rencontrer leur gouvernement, le ministre, pour discuter. Bien non. Le ministre, il sait très bien ce qu'il va entendre. Il ne veut pas entendre ce que les citoyens ont à dire, et c'est pour ça qu'il y a 10 000 personnes qui se sont ramassées hier soir en face d'un hôpital. Il va sûrement y en avoir tout autant lors de l'annonce de fermeture d'autres hôpitaux.
C'est dans ce sens-là qu'on dit que la consultation, c'est important. Mais ce n'est pas juste important pour la séparation du Québec, c'est important pour tout changement majeur. On n'a jamais dit au ministre, puis il n'y a personne de l'opposition qui dit au ministre qu'il n'y a pas besoin de modifications. Il n'y a personne qui dit ça. Justement, il y a un député qui dit: Comment on va faire ça? Les citoyens vont vous le dire. Vous vouliez savoir des citoyens, qu'ils vous disent comment faire la souveraineté et, là, vous ne voulez pas savoir comment faire la réforme au niveau des hôpitaux. Ça, c'est à peu près incompréhensible, surtout, M. le Président, surtout, M. le Président... Je comprends que vous soyez tolérant à cette heure-ci, il faut tous l'être... surtout, un des premiers gestes que le gouvernement a posés, c'est de dire: Écoutez, pour 43 étudiants, 43 personnes, ou 50, ou... on va garder l'école de quartier. L'école de quartier, là, c'est une âme, une âme pour le village. Un geste louable. Un geste louable. On considère que c'est important de garder une entité au coeur d'une communauté, mais on... Il me reste seulement cinq minutes? Est-ce que vous pouvez additionner tout le temps que... Non? Et est-ce que c'est important? C'est important... M. le Président, il y a des gens qui, de l'autre côté...
Le Vice-Président (M. Bélanger): Je suis tout à fait d'accord avec vous, M. le député de Bertrand. Je demanderais, s'il vous plaît, qu'on respecte les règles de décorum en cette Chambre et qu'on permette au député de Bertrand de s'exprimer. M. le député de Bertrand.
M. Thérien: Donc, je reviens avec l'exemple. Est-ce que ce n'est pas plus important de garder un hôpital qui est bien ancré, parce que, l'hôpital, est-ce qu'il a besoin de modifications? Possiblement. De vocation? Mais, totalement... Pourquoi ça ne serait pas les citoyens qui viendraient dire au ministre: Bien, s'il y a des modifications à faire... Puis il ne faut pas oublier, M. le Président, que, dans la plupart des hôpitaux du Québec, il y a des bénévoles qui oeuvrent, il y a des fondations. Ces gens-là donnent de leur temps pour améliorer, dans bien des cas... Dans tous les hôpitaux, il y a des bénévoles qui oeuvrent, dans presque tous les hôpitaux, il y a des fondations pour améliorer l'équipement, dans bien des cas, ou les services. Qu'est-ce qu'on fait de ces forces vives? On ne veut pas les écouter, M. le Président. C'est trop difficile, trop difficile, parce que la décision semble prise. Même si le ministre se défend que c'est la régie, il n'y a personne qui croit ça. Les 10 000 personnes qui étaient là hier ne croient pas que c'est la régie. La régie a eu une commande, et, la commande, elle vient du ministre ou elle vient du Conseil du trésor ou elle vient du gouvernement, bien entendu.
Quand on regarde évoluer le dossier, c'est là qu'on dit, M. le Président: On ne peut pas laisser tous les pouvoirs au ministre parce que, semble-t-il, il ne les a pas tous puis il réussit à fermer les hôpitaux. Donc, la loi 83 permettrait de mettre à peu près tout le monde en tutelle, peu importe...
Une voix: ...
M. Thérien: Oui... peu importe... Oui, ce serait une loi de tutelle, une loi de tutelle qui permettrait au ministre de poser le geste que lui décidera. Et on ne peut pas laisser ça, M. le Président. Et c'est dans ce sens-là que chaque collègue s'est levé depuis le début de la journée jusqu'à la fin de la journée pour indiquer au ministre, M. le Président, qu'on ne peut pas laisser passer cette loi-là. Et on revient toujours avec, aussi... Écoutez, un des chefs de l'autre côté, qui est M. Bouchard, disait très bien qu'il souhaiterait que la consultation soit élargie davantage, qu'il souhaitait... Et c'est pour ça que, nous, on vous fait aussi l'invitation d'ouvrir la consultation davantage. Et je vois des députés d'expérience, de l'autre côté, qui ont passé les neuf dernières années à dire: Écoutez, vous ne consultez pas assez, vous ne déposez pas assez vos règlements, tout ça. Et ces députés-là manquent de mémoire, hein! Ces députés-là manquent de mémoire, énormément.
Donc, vous m'indiquez qu'il me reste seulement une minute... Oui, s'il y a consentement, qu'on me laisse 20 minutes additionnelles, s'il y a consentement...
Des voix: Consentement.
M. Thérien: ...ça me ferait plaisir. Mais j'aurai fort probablement l'occasion de revenir au courant de la nuit, parce qu'il faut dire à nos citoyens qu'on est dans la nuit. On est en train de...
Une voix: ...
M. Thérien: Oui, puis qu'on est en train... Et le député de Joliette disait qu'il avait rempli des promesses électorales. Et on ne devait pas siéger dépassé minuit, et on se retrouve à 3 heures du matin, première journée de la session intensive. Donc, on dit au ministre, on dit au ministre: Écoutez, réfléchissez, réfléchissez. On le considère comme un être intelligent. Oui, oui, oui.
Des voix: Bravo!
M. Thérien: Oui, mais avec peut-être un manque de jugement.
Des voix: Ah!
M. Thérien: Oui, oui, il faut quand même... Ça fait que, M. le Président, donc, je vais être contre la loi 83. Merci.
Une voix: Bravo!
Le Vice-Président (M. Bélanger): S'il vous plaît! S'il vous plaît! S'il vous plaît! Alors, je vous remercie, M. le député de Bertrand. Je vais maintenant céder la parole à Mme la députée de La Pinière. À vous la parole, Mme la députée.
Mme Fatima Houda-Pepin
Mme Houda-Pepin: M. le Président, j'aimerais, en tant que députée de La Pinière, intervenir sur le projet de loi 83, Loi modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux, par lequel le ministre de la Santé et des Services sociaux veut s'arroger des pouvoirs illimités qui lui permettront, premièrement, de fermer des hôpitaux sous prétexte d'une rationalisation des ressources déjà, la fermeture de neuf hôpitaux de Montréal et de plusieurs autres a été annoncée deuxièmement, de liquider les actifs des hôpitaux qu'il aura décidé de fermer; troisièmement, de prolonger le mandat des membres des conseils d'administration des régies régionales pour une durée d'un an; quatrièmement, de modifier le processus de nomination pour les postes vacants en procédant non pas par élection, tel que prévu par la Loi sur la santé et les services sociaux, mais par résolution adoptée par le conseil d'administration.
M. le Président, nous savons tous que la situation des finances publiques impose une gestion rigoureuse des dépenses, et, de ce fait, je souscris, quant à moi, au principe de la rationalisation des ressources. Mais effectuer des compressions budgétaires de l'ordre de 1 400 000 000 $ sur trois ans, dont 500 000 000 $ dans la seule région de Montréal, tout en prétendant que cela n'affectera pas les services à la population, c'est de la désinformation à l'état pur. D'ailleurs, La Presse du 27 janvier 1995 nous apprenait que, pour la plupart des membres du conseil d'administration de la Régie régionale de la santé et des services sociaux de Montréal-Centre, il est difficilement imaginable d'absorber de telles coupures sans que la qualité des services ne soit affectée.
Le gouvernement péquiste a perdu le sens des priorités, M. le Président. Voilà un gouvernement qui coupe dans le budget de la santé, qui correspond à un besoin vital de la population, et qui augmente ses dépenses, alors que le précédent gouvernement libéral a fait le choix inverse en augmentant de 1 % le budget de la santé et en coupant dans ses dépenses. Ça, c'est ce qu'on appelle une bonne gestion des fonds publics, qui se soucie des vrais besoins de la population.
(3 heures)
Ainsi, M. le Président, l'argument de la rationalisation dans ce cas précis ne justifie pas qu'on mette en péril l'une des missions essentielles de l'État, à savoir la santé des citoyens et des citoyennes du Québec. Aussi valable que soit l'impératif de la rationalisation, il ne doit pas se faire au détriment des personnes les plus vulnérables et les plus démunies de notre société. Il suffit de voir la réaction spontanée de la population, qui s'est mobilisée et qui a organisé de nombreuses manifestations, pour comprendre que l'entêtement du ministre à aller de l'avant avec un tel projet démontre l'insensibilité du gouvernement péquiste aux besoins réels de la population.
Dans un article du Devoir du 27 mai 1995, Pierre O'Neil écrit que, «sur le cas précis de la réforme des services de santé, le premier ministre reconnaît que son gouvernement a commis des bavures, que la Régie régionale de la santé et des services sociaux n'a pas procédé à toutes les consultations qui s'imposaient».
Malgré l'opposition exprimée dans différents milieux par les syndicats, les travailleurs de la santé, les patients, les médecins et la population en général, le ministre de la Santé continue à faire la sourde oreille et s'acharne à s'attribuer des pouvoirs discrétionnaires comme ceux que lui conférerait l'article 4 du projet de loi 83 qui viendrait modifier la durée et l'élimination des permis des centres hospitaliers. En vertu de cet article, le ministre de la Santé peut modifier le permis d'un établissement public ou privé conventionné pour changer la mission, la classe, le type ou la capacité qui est indiquée, s'il estime que l'intérêt public le justifie.
Ce pouvoir discrétionnaire que le ministre s'arroge, il prétend l'exercer dans l'intérêt du public et après consultation avec la Régie régionale. Or, il s'avère que la prétendue consultation, tout comme l'alibi de l'intérêt public, ne sont que des opérations de maquillage pour faire accepter par la population une décision arbitraire, unilatérale et sans appel. Ainsi, le ministre peut, en vertu de l'article 6, de sa propre initiative ou sur une simple demande d'une régie régionale ou encore sous prétexte d'une gestion efficace du réseau de la santé et des services sociaux, retirer le permis d'un établissement public ou privé conventionné.
Le plus grave, M. le Président, c'est que le ministre de la Santé et des Services sociaux est déjà passé à l'action en annonçant la fermeture d'une douzaine d'hôpitaux et plusieurs autres à venir avant même de procéder à une consultation générale et, pire encore, avant même l'adoption du projet de loi 83 par lequel il tente de légaliser et de légitimer une décision aussi arbitraire qu'insensée. Est-ce là la consultation inhérente à l'autre façon de gouverner?
La fermeture des hôpitaux annoncée par le ministre de la Santé et des Services sociaux aura des conséquences graves sur la population qui a besoin de soins et sur la qualité et l'accessibilité des services. Ceci est d'autant plus vrai, M. le Président, que le ministre a décidé de fermer des hôpitaux, donc, de couper des services à la population de façon radicale et sans appel, avant même de mettre en place des mesures concrètes pour outiller les CLSC et les établissements de santé de façon à prendre en charge les besoins de la population, en termes de soins de courte durée, de services d'urgence, de listes d'attente et d'accessibilité gratuite aux médicaments offerts par les hôpitaux.
Cette décision est lourde de conséquences, M. le Président, parce qu'elle remet en question le fondement même de notre système de santé, qui repose sur les trois principes qui font consensus dans notre société, à savoir: l'universalité, la gratuité et l'accessibilité.
Parlant du principe de l'accessibilité, j'aimerais, en tant que porte-parole de l'opposition officielle en matière d'immigration et de communautés culturelles, souligner en cette Chambre les conséquences de la fermeture des neuf hôpitaux de Montréal sur un segment important de la population montréalaise qui sont les Québécois issus des communautés culturelles.
La majorité des hôpitaux dont le ministre a annoncé la fermeture à Montréal sont situés dans des quartiers pluriethniques et desservent des clientèles de différentes communautés. La décision du ministre de fermer neuf hôpitaux dans la région de Montréal met en péril tout un ensemble de mesures concrètes adoptées par le précédent gouvernement libéral et visant trois objectifs: premièrement, l'adaptation institutionnelle à la diversité montréalaise; deuxièmement, l'accessibilité des services sociaux et des services de santé aux communautés culturelles; troisièmement, l'intégration des communautés culturelles dans les établissements de santé et services sociaux. Il est clair que le ministre n'a pas prévu, dans l'élaboration de son virage ambulatoire, des mesures spécifiques pour garantir des services adaptés et adéquats aux communautés culturelles avant de prendre la décision de fermer les neuf hôpitaux de Montréal.
Les problèmes de communication entre les immigrants et les professionnels de la santé ont été clairement identifiés comme une barrière à l'accessibilité des services. Il y a même eu des erreurs de diagnostic, dues à de mauvaises interprétations des symptômes décrits par les patients. Ces erreurs sont souvent attribuables à certaines pratiques culturelles suscitant l'incompréhension des infirmiers et des médecins. Voici pourquoi il faut porter une attention tout à fait particulière aux besoins des Québécois issus des communautés culturelles. Et les nouveaux arrivants, faut-il le rappeler, M. le Président, ont souvent une perception différente de la santé et du rôle des professionnels dans la détermination des diagnostics et des causes des maladies.
Les établissements de santé font parfois des campagnes de publicité ciblées, pour les Québécois issus des communautés culturelles, pour les sensibiliser aux différents programmes de santé publique: par exemple, des campagnes de publicité auprès des femmes issues des communautés culturelles, pour les informer de l'importance des tests de dépistage du cancer du sein.
Les professionnels de la santé doivent être sensibilisés aux spécificités ethnoculturelles et linguistiques de leurs patients, s'ils veulent véritablement répondre à leurs besoins. La place occupée par les communautés culturelles dans le système de santé joue un rôle primordial dans l'adaptation des établissements à la réalité pluriethnique du Québec. Comment le réseau de la santé peut-il continuer d'offrir ces services, surtout des services bien adaptés aux besoins des Québécois issus des communautés culturelles, comme il se faisait dans les hôpitaux de Montréal dont on vient d'annoncer la fermeture, quand le ministre vient d'annoncer des coupures massives de l'ordre de 1 400 000 000 $ dans le domaine de la santé?
Pour toutes ces raisons, M. le Président, et à cause du refus du ministre de la Santé et des Services sociaux d'entendre raison et de s'inspirer de la critique constructive que nous, de l'opposition officielle, avons faite de ce projet de loi, je voterai contre. J'insiste, M. le Président, pour réclamer une consultation générale une vraie consultation qui permettrait à tous les intervenants, et surtout à la population qui est directement concernée et durement touchée par ce projet de loi, de se prononcer. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Bélanger): Je vous remercie, Mme la députée de La Pinière. Alors, je suis prêt maintenant à céder la parole à un autre intervenant. Et je vais céder la parole à M. le député de D'Arcy-McGee. À vous la parole, M. le député.
M. Lawrence S. Bergman
M. Bergman: Merci. M. le Président, il me fait plaisir de prendre la parole, aujourd'hui, dans le cadre de l'adoption du principe du projet de loi 83, Loi modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux. Je saisis cette occasion pour exprimer clairement mon profond désaccord avec ce projet de loi et avec tout ce qu'il représente. Les fermetures d'hôpitaux n'ont pas, à ma connaissance, fait partie du programme électoral du Parti québécois. Et, de plus, pas plus tard que le 27 janvier 1995, on pouvait lire, dans le journal La Presse : «Rochon n'entend pas fermer des hôpitaux, mais changer la vocation de quelques-uns», alors que, aujourd'hui, M. le Président, le 2 juin 1995, on sait que neuf hôpitaux ferment à Montréal et qu'au moins trois hôpitaux ferment à Québec, et ce, sans compter les hôpitaux dans les différentes régions du Québec qui devraient fermer leurs portes.
(3 h 10)
Alors, M. le Président, comment expliquer cette volte-face, ce changement de 180 degrés? Est-ce qu'on doit comprendre que c'est ça, l'autre façon de gouverner? Le programme du Parti québécois, à la page 190, précise que l'un des secteurs privilégiés, expression de la social-démocratie, est celui de la santé, véritable préalable au développement de l'individu et même de la société tout entière. Et plus loin, je cite: «Le Parti québécois croit que le souci de la personne passe nécessairement par une déconcentration et une décentralisation du système. La santé publique sera la responsabilité conjointe du ministère, des régies régionales et des établissements.» Fin de la citation.
M. le Président, est-ce que c'est en fermant les hôpitaux que le Parti québécois exprime son souci pour le bien-être des citoyennes et citoyens du Québec? Est-ce que c'est comme ça qu'on décentralise le système? On donne le pouvoir discrétionnaire au ministre de la Santé de retirer unilatéralement le permis d'un établissement privé ou public. Est-ce que c'est ça, la consultation et le partenariat avec la population et les personnes travaillant dans le domaine de la santé? On ferme les hôpitaux dans les centres urbains: neuf dans la seule région de Montréal. Et le gouvernement veut adopter un projet de loi qui donnera au ministre de la Santé et des Services sociaux le pouvoir unilatéral de fermer un établissement de santé, et ce, sans égard pour les patients, pour le personnel médical et le personnel de soutien.
Si on prend le temps de lire le projet de loi 83, on voit que c'est l'article 6 qui forme la pierre angulaire de tout le projet de loi, puisqu'il permet au ministre, de sa propre initiative ou à la demande d'une régie régionale, aux seules conditions aléatoires de l'intérêt public ou en alléguant simplement une gestion efficace et efficiente du réseau, de retirer le permis d'un établissement public ou privé, c'est-à-dire fermer l'établissement. La décision du ministre est discrétionnaire, finale et sans appel. La seule ouverture que prévoit cet article est la possibilité, pour l'établissement et ou la régie régionale, de lui soumettre quelques observations autrement dit, encore des consultations bidon.
Le gouvernement a oublié le mot «démocratie». En effet, M. le Président, le ministre a effectivement éliminé toutes les procédures de contestation et il s'approprie tous les pouvoirs décisionnels quant à la fermeture des établissements publics et privés de santé. M. le Président, il n'y a aucune balise, aucune protection pour la population contre les décisions arbitraires du ministre de la Santé. Est-ce que c'est ça, la démocratie? Est-ce que c'est comme ça qu'on va permettre à la population d'exprimer sa volonté? Est-ce que ce projet de loi vient du même gouvernement qui s'est vanté, en janvier, février dernier, d'être le champion de la consultation publique? Je ne crois pas.
De plus, autre ironie, M. le Président, le projet de loi 83 oblige les administrateurs à rédiger en catastrophe, soit dans un délai de 30 jours, un plan pour expliquer comment ils doivent procéder pour fermer leurs propres lieux de travail et pour éliminer leurs propres emplois. Ce n'est pas la démocratie. Jamais un gouvernement n'aura été aussi loin pour se donner un pouvoir discrétionnaire dans un dossier aussi important que la santé. Voici donc un projet de loi qui atteint directement l'accessibilité et la qualité des soins de santé au Québec.
M. le Président, un article dans le journal Le Soleil , le 1er juin, me faisait réfléchir sur l'avenir de notre système de santé. Cet article fait état du voyage de deux Québécois à Boston, aux États-Unis, où l'un d'eux est tombé malade. Deux semaines après leur retour au Québec, ils ont reçu un compte de 700 $ d'une compagnie privée pour des examens radiologiques, et quelques jours plus tard, un autre compte de 2 000 $ de l'hôpital couvrant l'ensemble des soins reçus, comprenant les soins d'urgence au montant de 200 $, et aussi les examens radiologiques déjà facturés par la compagnie privée. Il y avait aussi un troisième compte de 375 $ d'une compagnie d'ambulances privée pour le transport à l'hôpital. Un total, M. le Président, de 3 275 $ pour huit heures à l'hôpital.
On peut se demander où s'en va le système de santé américain. Mais, encore plus important, où s'en va le système de santé québécois avec ce virage mal préparé par le ministre Rochon? Est-ce qu'on se retrouvera en peu de temps dans une situation semblable à celle qui prévaut aux États-Unis, où les compagnies privées contrôlent le système de santé et où l'accessibilité est basée sur la capacité de payer? Même le président du conseil d'administration de la régie régionale de la santé, M. Conrad Sauvé, a reconnu le danger lorsqu'il a déclaré récemment, et je cite: «Si on ne réorganise pas bien nos soins de santé, le virage à domicile va se faire de façon sauvage. Il y aura un glissement inévitable vers le secteur privé qui va venir pallier l'inefficacité de notre système.» Fin de la citation.
Les Américains ne cessent de louanger notre système de santé, et on se souvient qu'ils ont récemment tenté d'amorcer d'importantes réformes basées justement sur le système de santé canadien. Et voici le ministre de la Santé et des Services sociaux du Québec qui voudrait, aujourd'hui, nous embarquer dans un processus qui nous mènera, sans aucun doute, vers le démantèlement de notre système de santé basé sur l'universalité, l'accessibilité et la gratuité qui fait l'envie de tout le monde. Moi, c'est certain, je ne souscris pas.
Est-ce qu'on n'est pas en train de créer un système de santé à l'américaine? En fermant les hôpitaux, est-ce que le gouvernement n'ouvre pas la porte justement à des compagnies privées qui voudraient bien profiter du manque de services publics pour offrir leurs services à des prix exorbitants? Personne ne prétendra que la réforme des services de santé n'est pas essentielle dans un contexte de rareté des ressources, mais la fin ne justifie aucunement les moyens privilégiés par le ministre de la santé. La fermeture des hôpitaux est une façon drastique d'amorcer cette réforme et devrait être uniquement considérée comme dernier recours. D'ailleurs, M. le Président, cette décision va à l'encontre de tout ce qui se fait ailleurs, en Amérique du Nord, où la tendance est plutôt de regrouper ou fusionner les hôpitaux dans les grandes villes. Le gouvernement péquiste ignore complètement les vrais besoins de la population du Québec en matière de soins de santé. Aucun respect non plus, M. le Président, pour la volonté de la population dans un domaine aussi crucial que la santé.
(3 h 20)
En effet, M. le Président, tout ce virage est mal engagé, mal pensé, sans aucune vision globale des besoins de la population du Québec. La décision du ministre de fermer neuf hôpitaux dans une ville comme Montréal est irresponsable et nous savons que cette décision aura des conséquences désastreuses pour la population. C'est une décision qui est irresponsable, surtout quand on regarde les listes d'attente dans les centres hospitaliers et l'engorgement des salles d'urgence. Où vont aller ces personnes quand les hôpitaux fermeront? On met littéralement les gens à la porte, M. le Président, sans prévoir d'autres services pour ces malades. C'est près de 40 000 personnes qui ont été admises à Montréal l'an dernier dans les hôpitaux appelés à fermer. M. le Président, c'est un bassin énorme qu'il faudrait transférer rapidement vers d'autres hôpitaux.
C'est aussi des milliers de dossiers médicaux des patients, M. le Président, que le ministre semble parfois oublier, et pas moins de 9 500 employés, des médecins, des infirmières, des cadres, des employés de soutien qui sont affectés. M. le Président, on peut même faire le lien avec la dernière école de village ou de quartier. On se souvient bien des cris joyeux du premier ministre l'été dernier: Tenez bon! il a dit, aux gens de Batiscan. Oui, M. le Président, pendant la dernière campagne électorale, quand ça faisait l'affaire du Parti québécois, il promettait de sauver ces dernières écoles de village afin qu'aucune communauté du Québec ne se retrouve jamais sans les services publics essentiels auxquels elle avait droit. Alors, M. le Président, on comprend: le gouvernement sauve les dernières écoles de village, mais ferme les hôpitaux de quartier. Voilà une façon merveilleuse de garantir le développement d'un réseau à l'égard des services publics, pour répondre véritablement aux besoins de la population québécoise.
Le Parti québécois semble oublier qu'un hôpital n'est pas uniquement un centre de soins. C'est souvent un centre des activités des communautés. Nous savons, par exemple, M. le Président, que l'annonce de la fermeture prochaine du centre hospitalier Saint-Michel a semé l'émoi au sein des groupes communautaires de ce quartier défavorisé de Montréal. C'est toute la population de ce quartier qui serait encore plus diminuée sans son hôpital. M. le Président, même un ex-sous-ministre de la Santé, Réjean Cantin, est sorti contre la réforme du ministre Rochon. M. Cantin, aujourd'hui directeur du centre hospitalier Robert-Giffard, à qui le ministre impose de fermer 789 lits en 10 ans, affirme que le fait de sortir les handicapés mentaux des institutions a atteint ses limites et que les malades qui sont hospitalisés à Robert-Giffard ne peuvent pas vivre hors des murs de l'institution sans la mise en place des ressources et des services dans une autre place, ce que le ministre de la Santé n'a justement pas prévu.
Les CLSC contestent également le virage du ministre. Le ministre manque de vision globale du réseau et dans sa hâte de fermer les hôpitaux il n'a pas prévu d'équiper les CLSC avec les ressources nécessaires pour répondre à la croissance prévisible des demandes de soins à domicile. Oui, M. le Président, le ministre a mis la charrue devant les boeufs et l'accès aux soins est sérieusement menacé par son manque de vision.
Ce n'est pas uniquement les patients, c'est également 9 500 employés dans la seule région de Montréal qui sont affectés par ces fermetures. M. le Président, on démembre des équipes de professionnels multidisciplinaires, dynamiques qui forment le coeur de ces institutions de santé. Malgré ce que le ministre de la Santé prétend, caché derrière ses lunettes roses, la réutilisation des milliers d'employés touchés par les fermetures est loin d'être chose faite. Est-ce que ces personnes seront réaffectées dans des postes similaires? Est-ce que le ministère a prévu des programmes de recyclage pour ces professionnels qui, par exemple, travaillent en soins intensifs et qui devront dorénavant se spécialiser en soins à domicile? Ce n'est pas facile. C'est clair qu'en regard de la rapidité avec laquelle le ministre a procédé avec les décisions de fermer les hôpitaux il n'a pas considéré ces éléments. Et qu'en est-il des nombreux jeunes qui sortent hautement qualifiés de nos institutions scolaires dans l'espoir de travailler dans le domaine de la santé et qui viennent d'apprendre la fermeture des hôpitaux et le gel de toute embauche pour les cinq prochains ans? Voilà une véritable génération perdue.
Mr. Speaker, I just arrived from the City of Montréal where I participated in a public meeting attended by over 2 000 people from the NDG and Montréal West districts. The meeting was held on the grounds of one of the finest medical institutions in this province, the Queen Elizabeth Hospital. The citizens of the area gathered to express their opposition to the closing of the Queen Elizabeth Hospital and also to the Catherine Booth Hospital. This was a genuine, democratic, spontaneous gesture on the part of people, young and old, of all races, colours, creeds and languages. They did not come as members of a political party or as members of any political group. They came as people representing the people of Québec, crying out for help against the Government who so cruelly and sturdily wishes to tear apart and tear out a part of its soul, an essential part of the fabric of its being.
Mr. Speaker, a community such as West Montréal has a long and proud tradition and a history which has been carefully built and nurtured generation by generation. The hospitals in question are part of its foundation. Mr. Speaker, the PQ Government has no legal or moral right to affect the well-being of this community or any other part of our great province. I am proud to stand here tonight shoulder to shoulder with the citizens of the Province of Québec, with the citizens who are served by the Queen Elizabeth Hospital, the Catherine Booth Hospital, proud to wear this green ribbon which is given out tonight to cry out against the PQ Government which does not respect democracy, does not respect humanity... and to ask you to withdraw this shameful bill...
Des voix: Hé! Des propres racistes.
Des voix: Wo! Wo!
M. Boisclair: M. le Président...
Le Vice-Président (M. Bélanger): M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Bergman: ...
Le Vice-Président (M. Bélanger): Non, M. le député de D'Arcy-McGee. M. le député de D'Arcy-McGee, j'ai cédé la parole à M. le député de Gouin et leader adjoint du gouvernement.
M. Boisclair: M. le Président, nous nous faisons le plus tolérants possible pour essayer que ces débats puissent se dérouler dans le meilleur ordre; c'est pour ces raisons que nous ne nous sommes pas levés à bien des occasions où nous aurions pu le faire. Cependant, il y a un certain nombre de limites à ne pas dépasser. Je voudrais rappeler les dispositions de l'article 35.6°: on ne peut imputer des motifs indignes à un député. Et 35.7°: on ne peut se servir d'un language violent, injurieux ou blessant. Lorsque le député affirme «that we are not respecting democracy and we are not respecting humanity», on peut rapidement comprendre qu'il s'agit d'une violation expresse des dispositions de l'article 35.6° et de l'article 35.7° de notre député.
Une voix: Il charrie.
Le Vice-Président (M. Bélanger): Alors, M. le député de D'Arcy-McGee, je vais vous donner quelques secondes, votre temps est tout juste écoulé. Je vous donne quelques secondes pour conclure et en vous rappelant les articles 35.6° et 35.7° tels qu'ils ont été mentionnés. Vos derniers propos étaient carrément à l'encontre de ces articles. À vous la parole.
M. Bergman: I repeat before you, Mr. President, that this PQ Government has begun to show a very troubling consistency in this National Assembly. A consistency where its actions show no caring or sensitivity. These proposals...
(3 h 30)
Le Vice-Président (M. Bélanger): M. le député de D'Arcy-McGee, je vous donne quelques secondes pour conclure, votre temps est presque écoulé. Même, il est écoulé. Donc, vous avez quelques... You have a few seconds to conclude. M. le député de D'Arcy-McGee.
M. Bergman: Est-ce que j'aurais le consentement pour compléter?
Le Vice-Président (M. Bélanger): Vous avez quelques secondes pour conclure.
M. Boisclair: M. le Président, question de règlement, là.
Le Vice-Président (M. Bélanger): Bon. Oui, M. le leader adjoint du gouvernement. Alors, M. le leader adjoint du gouvernement.
Je vous ai, à deux reprises, donné quelques secondes pour conclure, M. le député de D'Arcy-McGee; donc, je dois conclure: votre temps était déjà écoulé. À moins qu'il y ait consentement de cette Chambre pour qu'il puisse...
Des voix: Non.
Le Vice-Président (M. Bélanger): M. le député de Verdun.
M. Gautrin: M. le leader adjoint, dans sa générosité habituelle, laissera au député de D'Arcy-McGee quelques secondes pour qu'il puisse conclure et bien finir d'exposer la totalité de sa pensée.
Le Vice-Président (M. Bélanger): M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Boisclair: M. le Président, je serai aussi généreux qu'ils l'ont été cet après-midi sur les motions sans préavis: pas de consentement.
Le Vice-Président (M. Bélanger): Alors, je suis prêt maintenant à céder la parole à un autre intervenant et je vais céder la parole à Mme la députée de Vanier.
Mme Diane Barbeau
Mme Barbeau: Merci, M. le Président. Il me fait extrêmement plaisir de prendre la parole sur le projet de loi 83, Loi modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux. Ces amendements sont nécessaires pour mener à bien la transformation du système de santé du Québec. C'est vrai que nous bénéficions d'un système qui est bon, qui a énormément de potentiel, mais qui a un réel besoin de rééquilibre, et tout le monde s'entend là-dessus, mais le problème, c'est que personne ne veut de changement dans sa cour. Cela exige une révision de notre organisation et de nos pratiques, et ce, sur l'ensemble du territoire.
C'est dans cette optique que le ministre de la Santé et des Services sociaux a donné le mandat aux régies régionales, qui ont l'expertise nécessaire, de veiller à effectuer le redéploiement des ressources nécessaires, de manière à disposer de plus de services de première ligne médecine familiale, CLSC, etc. de plus de services à domicile, de plus de lits d'hébergement, ainsi que davantage d'activités et de services de support à l'action communautaire.
Le virage ambulatoire réclamé unanimement par tous les intervenants du monde de la santé fera en sorte que nous n'aurons plus besoin d'autant de lits dans les hôpitaux. Par contre, nous devons effectuer des développements importants, notamment au niveau des services de chirurgie et de médecine d'un jour, et des services externes. Il est certain que le gouvernement devra prendre le temps qu'il faut afin que les transformations majeures que nous effectuons se fassent de façon planifiée, structurée et humaine.
J'aimerais rappeler à ceux qui font des campagnes de peur en disant que ça se fait trop vite, que c'est improvisé, qu'on arrive tout d'un coup avec ça, qu'on n'a pas le temps de se préparer que ça fait une dizaine d'années que c'est commencé avec les travaux et le rapport de la commission d'enquête sur les services de santé et les services sociaux, qui a duré de 1985 à 1988, commencée sous le gouvernement du Parti québécois, mais terminée sous celui du Parti libéral qui, lui, avec comme ministre Mme Thérèse Lavoie-Roux, a refait une tournée de toutes les régions pour valider les recommandations de la commission. Après, lui a succédé Marc-Yvan Côté qui, lui, à partir des recommandations et de certaines réorientations et précisions, a poursuivi le processus de la réforme de la santé. Après des commissions parlementaires, de nombreuses discussions et consultations, on s'est retrouvés avec la réforme de 1992. Qu'on nous dise que cela n'a pas été pensé, discuté, qu'aucune consultation n'a été faite, ni discussion au Parlement, c'est induire la population en erreur; ça fait longtemps qu'on en discute.
Le gouvernement précédent le savait qu'il fallait changer les choses, mais s'est contenté de faire des petites «réformettes», de changer les structures, avec quelques coupures par-ci, par-là, mais les vraies décisions, il ne les a pas prises. Le gouvernement libéral n'a pas voulu mettre ses culottes, comme dans plusieurs autres dossiers d'ailleurs. C'est facile de donner des leçons après neuf ans d'inaction.
L'opposition nous accuse de ne pas consulter. J'aimerais leur rappeler qu'il y a des gens dans les régies régionales, dans toutes les régions, qui doivent consulter. Et, jusqu'à maintenant, ça s'est fait et ça se poursuit toujours, dans plusieurs régions. Le ministre Rochon respecte la marge de manoeuvre nécessaire aux régions pour la tenue de leurs consultations respectives, en évitant de faire du mur-à-mur, tout en balisant, cependant, les grands paramètres au plan national. C'est le ministre qui entérinera et appuiera les recommandations qui seront proposées par les régies régionales après qu'elles auront complété leurs consultations. C'est à ce moment-là, et seulement là, que le scénario retenu sera évalué en tenant compte des grands paramètres et des objectifs de la reconfiguration du réseau.
Ce qu'il faut, c'est décider où on veut aller. Après, on décidera comment, par quel chemin on passe et combien de temps on prend pour s'y rendre. Mais il faut toujours bien décider où on veut aller. Alors, lorsque nous aurons défini, dans chaque région, la reconfiguration qui correspond aux besoins et à la réalité de cette région, on prendra le temps de le faire. S'il faut transformer un hôpital ou même en fermer, ça se fera graduellement, avec un plan de transformation qui tiendra compte des réalités, qu'elles soient humaines ou physiques. Il n'est aucunement question de laisser les gens dans la rue et d'agir de façon sauvage, tel qu'on le véhicule.
La transformation du système de santé et des services sociaux ne vise pas à réduire et à couper les services. Elle vise, au contraire, à substituer aux services institutionnels actuels des services plus légers, davantage adaptés aux besoins des citoyens et dispensés plus près de leur milieu de vie naturel. Cela implique des changements importants dans la configuration de notre réseau, mais ces changements en valent la peine.
Je comprends aussi très bien les appréhensions des gens malades, des employés du système et de toute la population, qui sont parfaitement légitimes. Et je comprends également qu'il n'est pas facile de maîtriser tous les éléments de ce dossier, parce que c'est assez complexe. Mais nous l'expliquons, et nous l'expliquerons tant et aussi longtemps qu'il le faudra pour contrer la démagogie qui prévaut présentement. Je respecte les craintes et les appréhensions de toute la population. Ce que je respecte moins, par contre, c'est que des politiciens ou des animateurs de radio...
Une voix: Ha, ha, ha!
Mme Barbeau: ...profitent de ces craintes pour les alimenter et faire de la démagogie à l'état pur.
Des voix: Bravo!
Une voix: C'est bien, ça.
Mme Barbeau: Tout ça pour se faire du capital politique ou pour faire monter les cotes d'écoute. Ça, ça ne prend pas une conscience très épaisse pour faire des choses comme ça.
Une voix: Non, mais il faut être épais.
Mme Barbeau: Oui. Vous savez, lorsque j'ai rencontré le directeur et les gens du conseil d'administration de Christ-Roi qui est, soi-disant, sur la liste de notre médium libéral qui a une boule de cristal je leur ai donné ma position et l'heure juste, comme je l'ai toujours fait, depuis que je suis en politique, avec mes électeurs et mes collègues. Ils ont été très corrects et tout s'est fait dans le respect de nos rôles respectifs.
Quand le directeur m'a téléphoné pour m'inviter à leur chaîne humaine, j'avais déjà un engagement avec d'autres députés et le ministre de la Justice pour discuter des changements à l'aide juridique. J'ai donc choisi de respecter cet engagement parce que j'avais de très grandes inquiétudes face à ces changements et je tenais à en discuter avec le ministre. L'aide juridique touche les personnes les plus démunies. Cela signifie qu'une grande partie des gens de Vanier sont concernés par ce projet de loi.
(3 h 40)
C'est sûr que, lorsque j'ai fait ce choix, j'étais un peu déchirée et je comprends que, pour les gens de Vanier qui sont très attachés à leur hôpital, l'hypothèse de le perdre les effraie. Je comprends très bien ça et je le respecte. Que ce soit par la présentation d'un mémoire, l'organisation d'une manifestation, d'une signature de pétition, il est important que ces gens-là fassent connaître leur opinion et leur position, et je les ai toujours encouragés à le faire. L'Hôpital du Christ-Roi est un excellent hôpital qui a fait ses preuves. Mais la reconfiguration ne se fait pas seulement sur la base individuelle, mais plutôt sur une base régionale. Encore faut-il mentionner qu'il n'y a pas encore, à l'heure où on se parle, de scénario de déposé.
Suite à l'invitation du directeur de participer à cette manifestation, j'ai eu d'autres appels de gens travaillant à l'hôpital, dont un, entre autres, d'une personne qui se vantait d'avoir beaucoup d'amis de l'autre côté de cette Chambre. Alors, elle m'a donné des informations quelque peu inusitées. Elle m'a dit qu'il serait essentiel que j'y sois parce qu'un certain animateur de radio très populaire serait là avec sa gang et l'opposition aussi avec sa gang, et qu'ils auraient tous droit de parole. C'est ce qu'on m'a dit. Vous comprendrez que je ne suis pas du tout d'accord avec des gens qui profitent d'une manifestation de gens honnêtes, qui parlent avec leur coeur, pour se faire du capital politique ou toute autre sorte de capital que ce soit. Je trouve cela totalement inadmissible et vraiment grossier. Il ne faut pas être trop, trop fort; ça vole pas mal bas.
On m'a même dit que je manquais une belle occasion de me faire du capital politique et c'est toujours la même personne qui a des contacts de l'autre côté, là. Il aurait été très facile pour moi de jouer au petit politicien et de défendre des intérêts purement électoralistes, et de déchirer ma chemise sur la place publique pour me faire réélire dans quatre ans. C'est ça qu'on reproche toujours aux politiciens, d'ailleurs. Étant donné l'ampleur de cet événement, je ne suis pas sûre que ma présence aurait été interprétée de la bonne façon. D'ailleurs, j'ai envoyé un mot. On n'a pas pu en lire une ligne.
Je déteste les apparences trompeuses et jouer la comédie. Lorsque j'ai décidé d'aller en politique, et avec le Parti québécois, ce n'était surtout pas dans le but de préparer ma prochaine élection, mais bien parce que j'avais des convictions profondes, que je voulais changer les choses, passer mes idées, défendre des gens et, bien entendu, les gens de Vanier. Vous savez, la politique, c'est beaucoup une question de perception, malheureusement. Souvent, ce qui fait avancer les choses, c'est ce qu'on ne voit pas. Ça, c'est la réalité.
On m'a dit aussi que ce serait mieux si j'étais indépendante. Je pourrais crier fort, déchirer ma chemise, en tout cas, me coucher à terre, etc. Sûrement, sûrement que je le ferais, sûrement, sûrement, mais, moi, j'ai une autre façon de voir les choses et de faire les choses. Pour moi, défendre les citoyens de Vanier, c'est être là où les décisions se prennent et essayer ça réussit des fois, souvent d'influencer mes collègues députés et ministres pour faire en sorte que, dans les décisions du gouvernement, j'aie pu défendre les intérêts de mes électeurs. Il faut être là où les décisions se prennent si on veut faire ça, mais ça, ça ne se voit pas, par exemple. C'est malheureux, mais ça ne se voit pas. Je ne peux pas le crier, je ne peux pas l'écrire. C'est un travail d'équipe et on est une équipe.
Si j'ai adhéré au Parti québécois, ce n'est pas par obligation; c'est par choix, parce que je partage la même vision et des projets communs. Il n'y a personne qui me force et qui me dicte mes actions et mes paroles. Lorsque je ne suis pas d'accord, je le dis aux personnes concernées et j'essaie, avec elles, de trouver une solution. Si j'étais indépendante ou dans l'opposition, j'aurais toutes les tribunes, je crierais à l'injustice, j'aurais de très beaux discours, de très belles paroles, mais ça, c'est la perception, et, avec ça, tu n'a aucune ou si peu d'influence sur les décisions du gouvernement. J'ai décidé d'être honnête et cohérente. Alors, c'est de mon plein gré que je fais des choix et que je les assumerai.
J'ai à coeur la réussite de cette réforme et je crois sincèrement que toute la population en sortira gagnante, y compris les gens de mon comté, en termes de services adaptés à leurs besoins. J'entends donc m'en assurer en suivant ce dossier de très près, comme je l'ai toujours fait d'ailleurs. J'ai confiance en notre ministre de la Santé, qui est un homme très compétent, avec lequel il est très agréable de travailler. Il est très accessible et toujours disponible et, au nom de tous mes collègues, je l'en remercie.
Des voix: Bravo! Bravo!
Mme Barbeau: Pour mener à bien cette réforme qui aurait dû être entreprise il y a longtemps, malheureusement, il faut que le ministre ait tous les outils nécessaires et c'est pourquoi j'appuierai ce projet de loi. Merci, M. le Président.
Des voix: Bravo! Bravo!
Le Vice-Président (M. Bélanger): Alors, je vous remercie, Mme la députée de Vanier. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Verdun.
M. Henri-François Gautrin
M. Gautrin: Merci, M. le Président. Je n'aurai pas les mêmes gentillesses envers le ministre que la députée de Vanier. Je dois dire que j'ai été profondément déçu, déçu que la personne qui avait écrit le rapport, dit rapport Rochon il porte son nom et qui est aujourd'hui ministre de la Santé et des Services sociaux en arrive à proposer le projet de loi 83. Je vais parler très spécifiquement du projet de loi 83 et, après, je parlerai de la réforme qui sous-tend le projet de loi 83.
Le projet de loi 83 donne au ministre des pouvoirs énormes en ce qui touche la fermeture ou le changement des permis. L'esprit du rapport et de la grande consultation qui avait été faite était un esprit de décentralisation et de responsabilisation des institutions et, disons, des régions par le biais de ce qui est devenu les conseils régionaux. Et là, parce que le ministre veut faire cette réforme qui amène et qui va entraîner la fermeture d'un certain nombre d'hôpitaux, ça va, à mon sens, remettre en question des principes qui avaient été les siens à l'intérieur du rapport Rochon, et je trouve ça assez malheureux, M. le Président.
Il y a dans cette Chambre des ministres qui croient à l'imputabilité. La présidente du Conseil du trésor est une personne qui croit réellement au travail des parlementaires et sait à quel point des parlementaires peuvent surveiller les régies régionales. Je dois dire que le ministre de l'Éducation croit aussi aux pouvoirs des parlementaires pour surveiller les différents organismes parapublics. J'aurais aimé que les parlementaires que nous sommes, dans les mandats d'imputabilité, puissent surveiller aussi les régies régionales, faire en sorte que les différentes régies régionales puissent expliquer aux parlementaires que nous sommes la démarche qu'elles font. Et ce n'est prévu nulle part.
Le lien existe entre les régies régionales et le ministre. Le lien existe même lorsque le ministre n'est pas d'accord avec la régie régionale ou lorsque le ministre n'est pas d'accord avec ce que va décider un hôpital. Il se donne, il s'arroge, par le projet de loi 83, le pouvoir de supplanter ses décisions. Et je suis sûr que, si on parlait hors du parlement, ça ne correspond pas à l'esprit qu'il avait au moment où il a fait l'énorme consultation qui a donné comme résultat le rapport Rochon. Or, M. le Président, je dois regretter qu'une personne que nous estimions, qui était Jean Rochon au moment où il faisait son rapport, soit le même ministre qui propose cette loi 83 qui accorde au ministre autant de pouvoirs. C'est, à mon sens, assez regrettable.
(3 h 50)
M. le Président, je vais essayer de camper, dans les quelques minutes que j'ai, à la fois, la problématique et pourquoi je suis en désaccord, à l'heure actuelle, avec la démarche du gouvernement qui a pour effet de fermer certains hôpitaux. Je connais assez les distinctions pour comprendre qu'on ferme des hôpitaux de courte durée. Je vais essayer d'expliquer la différence entre courte durée et longue durée je sais de quoi on parle à ce niveau-là et pourquoi, essentiellement, la démarche du gouvernement actuel, c'est de mettre la charrue avant les boeufs, c'est-à-dire de procéder à des fermetures d'hôpitaux de courte durée, alors que tout le mécanisme pour permettre ce qu'on appelle dans notre langage je vais vous expliquer ce qu'est le virage ambulatoire ou l'hôpital d'un jour n'est pas réellement implanté. Donc, d'un côté, on s'en va couper et fermer les lits d'hôpitaux et, de l'autre côté, on n'a pas déjà implanté le virage ambulatoire, on n'a pas déjà implanté des infrastructures nécessaires au virage ambulatoire.
M. le Président, le problème auquel nous faisons face dans le réseau de la santé n'est pas un problème seulement du réseau de la santé. C'est un problème auquel notre société va devoir faire face dans les années qui vont venir: c'est le problème du vieillissement de la population. Ce problème va avoir un effet direct sur le réseau de la santé, va avoir un effet direct sur les fonds de pension, sur les équilibres actuariels à l'intérieur des fonds de pension. Parce que, dans la mesure où le système de santé est performant et maintient les gens en santé ou en vie, c'est-à-dire que l'âge moyen continue à augmenter, les tables de mortalité aussi vont être changées et les équilibres actuariels de tous nos fonds de pension vont être à repenser.
On est en face d'un débat, M. le Président, extrêmement important, le débat du vieillissement de notre société. Et un des éléments du vieillissement, et je le comprends, c'est la nécessité d'augmenter les lits de longue durée, les places en centre d'accueil. Alors, ça, c'est quelque chose que l'on peut comprendre, de ce côté-ci de la Chambre, c'est-à-dire qu'il est nécessaire d'augmenter le nombre de lits de longue durée, il est nécessaire d'augmenter le nombre de places en centre d'accueil. Ça, je pense qu'on est d'accord avec ça.
Par contre, ce que je ne comprends pas, M. le Président, et ce que les citoyens ont beaucoup de mal à comprendre, c'est tout le discours qui dit: Est-ce qu'on a ou quand est-ce qu'on a trop de lits de courte durée? Et c'est très difficile de comprendre pourquoi on a trop de lits de courte durée lorsqu'on fréquente, par exemple, une urgence et qu'on voit encore parce que ça existe des citoyens qui viennent dans les urgences et qui ne peuvent pas accéder rapidement à des lits d'hôpitaux et qui se retrouvent sur des civières, dans certaines urgences. C'est difficile de comprendre pourquoi on a trop de lits de courte durée lorsque des gens, qui ont des cas qu'on appelle des cas électifs, c'est-à-dire que ce ne sont pas des cas d'urgence, doivent attendre de longs mois pour pouvoir avoir accès à une chirurgie ou avoir accès à un traitement en hôpital.
Et dire dans la même veine: On a trop de lits de courte durée et, en même temps, on a des engorgements dans certaines urgences, c'est totalement inacceptable. On a aussi de longues listes d'attente ou de trop longues listes d'attente particulièrement lorsqu'on doit subir des traitements d'oncologie, c'est-à-dire pour le cancer. C'est difficile de comprendre pourquoi on a trop de lits de courte durée, sauf la mécanique de devoir dire: Bien, parce qu'on doit créer des lits de longue durée, à ce moment-là, bien, il faut couper des lits de courte durée. Moi, M. le Président, je comprends aussi qu'on se trouve dans des situations difficiles sur le plan budgétaire. Mais, avant d'arriver à devoir couper des lits de courte durée, avant d'arriver à fermer des hôpitaux de courte durée, je pense qu'il aurait été possible de faire d'autres choix.
Il aurait été aussi particulièrement possible de mettre sur pied très rapidement, à la fois ce qu'on appelle le virage ambulatoire. Alors, il faut expliquer ce que ça veut dire, le virage ambulatoire. Ça veut dire faire en sorte que les gens soient traités ou retournent chez eux beaucoup plus rapidement après une intervention médicale ou une intervention chirurgicale. Il est possible aussi de concevoir des chirurgies d'un jour.
Il est concevable aussi de comprendre ce qu'on appelle «l'hôpital à domicile». L'hôpital à domicile, ça veut dire que la personne reste chez elle et là on lui procure un certain nombre de traitements. Ce sont des moyens plus efficaces, plus modernes vers lesquels on va obligatoirement être obligés de se diriger, mais dans lesquels nous ne sommes pas prêts à nous diriger. Nous ne sommes pas prêts parce que nos CLSC, actuellement, n'ont pas atteint le niveau de développement suffisant pour pouvoir prendre ce qu'on appelle dans le langage un peu technocratique qui est le nôtre le virage ambulatoire pour pouvoir être en mesure d'assurer l'hôpital à domicile.
Ça veut dire quoi? Ça veut dire qu'il n'y a pas assez d'employés dans les CLSC, il n'y a pas assez d'infirmières, il n'y a pas assez d'heures d'ouverture des CLSC pour pouvoir assumer ces nouvelles responsabilités que les CLSC auraient. Si le gouvernement avait voulu fonctionner d'une manière logique, on aurait commencé d'abord par instaurer la mécanique du virage ambulatoire, par instaurer l'hôpital à domicile et, lorsque ces types de soins auraient été réellement disponibles à la population, lorsque les lits de courte durée n'auraient plus été utilisés parce qu'on aurait trouvé d'autres moyens de procurer aux citoyens les soins, là, on aurait pu envisager, éventuellement, la diminution des lits de courte durée.
Or, ce n'est pas ça qu'on a fait. Ce n'est pas ça qu'on fait. On commence d'abord par couper les lits de courte durée, on va même jusqu'à fermer complètement des hôpitaux de courte durée, et on dit: Bien, avec l'argent qu'on économisera, on envisagera la possibilité d'augmenter les effectifs dans les CLSC, de redéployer le personnel dans les CLSC pour assumer, à ce moment-là, l'hôpital à domicile, pour assumer, à ce moment-là, la chirurgie d'un jour. Comprenez donc que, le citoyen, on lui dit: Bien, on va vous couper ce que vous avez et on vous donnera peut-être quelque chose. On aurait dû, réellement, commencer par établir la solution alternative, créer la solution alternative avant de couper les lits de courte durée. Et ce n'est pas le choix que le gouvernement a fait; ce n'est pas le choix que le gouvernement a fait. Et comprenez donc à quel point les citoyens sont inquiets parce que vous faites un virage carré pas mal, même raide, si vous me permettez de le dire.
Alors qu'on avait, à l'heure actuelle, un certain nombre de pratiques, de soins qui étaient ceux d'avoir accès aux lits de courte durée, on propose une solution alternative qui va être celle de l'hôpital à domicile, des chirurgies d'un jour qui nécessitent, à ce moment-là, un réseau de première ligne, un réseau de CLSC absolument développé. Or, vous le savez, M. le Président, comme je le sais et comme la majeure partie des citoyens et des députés dans cette Chambre le savent, notre réseau de CLSC n'a pas atteint, actuellement, le niveau de développement nécessaire pour assurer pleinement ce virage, d'où la crainte.
Les gens ne sont pas, actuellement, montés parce qu'on fait de la démagogie, ce n'est pas ça; les gens, actuellement, sont profondément inquiets des traitements qu'ils vont pouvoir recevoir lorsqu'on leur ferme les hôpitaux et qu'on leur dit: Peut-être qu'il y aura une solution alternative. Peut-être qu'à long terme il y a aura une solution alternative qui sera moins chère, mais, à très court terme, réellement, dans la vraie vie de tous les jours, la réalité de ce qu'on va vivre, c'est la fermeture d'un certain nombre d'hôpitaux.
(4 heures)
Troisième point, M. le Président, la mécanique absolument bureaucratique et horrible si vous voulez, je vais vous l'expliquer avec laquelle les régies régionales, particulièrement la Régie régionale de Montréal, ont sélectionné les hôpitaux à fermer, c'est-à-dire ceux qu'elles avaient mis de l'avant... Il faut bien comprendre la dynamique de la Régie régionale de Montréal. On parle, actuellement, d'un budget qui voisine le 1 000 000 000 $; on parle d'une population qui représente à peu près le tiers du Québec: 30 comtés; on parle d'un endroit où les consultations, soi-disant, avec les citoyens, ce n'est pas la même chose qu'on peut le faire dans d'autres régions. Et, alors, on a mis un mécanisme assez bureaucratique avec des indicateurs. Il y en a cinq indicateurs: alors, on a des plus et des moins ou des zéros, puis, à la fin, on a une note, et, au terme de ce mécanisme horriblement bureaucratique, on décide si votre hôpital va se trouver sur la liste malheureuse des fermés, ou sur la liste chanceuse des non-fermés.
M. le Président, ce n'est pas comme ça qu'on doit fonctionner. Ce n'est pas comme ça qu'on fonctionne, d'ailleurs, dans les autres régions, ce n'est pas comme ça que la consultation se fait dans les autres régions; il y a une implication de la population, des leaders du coin. Mais, à Montréal, parce qu'on a créé un monstre bureaucratique, qui est la Régie régionale de Montréal-Centre, on se trouve obligé de fonctionner avec des indicateurs absolument barbares. Je dis bien: Absolument barbares, contestables, à prima facie, dans la manière dont ils sont... Pardon?
M. Boulerice: Soyez poli, là!
M. Gautrin: Je dis... M. le Président, vous pourrez...
Le Vice-Président (M. Bélanger): S'il vous plaît! S'il vous plaît! S'il vous plaît! Je voudrais qu'on respecte le droit de parole du député de Verdun. M. le député de Verdun.
S'il vous plaît! À l'ordre! M. le député de Verdun.
M. Gautrin: Pour le député de Sainte-Marie Saint-Jacques, qui a probablement oublié son latin, qu'il a très bien connu du temps où il était plus jeune, je voulais dire: À première vue, M. le Président, utilisant le terme: prima facie. Merci, M. le Président. Et je continue.
Donc, ces indicateurs, prima facie, sont absolument, absolument contestables, et pris à partir de choix arbitraires, où on accorde des un, des zéros ou des moins, suivant les taux d'occupation, les taux de fréquentation, et en réduisant ça sur une échelle 0-1. Ceux qui seraient intéressés à ce que j'explique les distorsions mathématiques que ça crée, je peux les expliquer. Vous créez d'énormes, d'énormes distorsions mathématiques en réduisant... Je pourrais parfaitement vous les expliquer, les distorsions que vous créez, avec le choix que vous avez pris de modèles.
Je reviens maintenant, M. le Président, dans le peu de minutes qu'il me reste, pour vous dire que, si on avait eu un mécanisme d'imputabilité dans le secteur de la santé, comme nous avons dans l'ensemble de la fonction publique, comme nous avons, maintenant, comme nous allons avoir dans le réseau universitaire, on aurait pu questionner, nous, les parlementaires, en commission, comment les régies régionales ont fonctionné, pourquoi elles ont choisi ce type de fonctionnement, pourquoi elles arrivent à ce type de conclusion. Ça, ça aurait été un mécanisme où, nous, parlementaires, dans cette réforme qu'on veut nous faire passer, on aurait pu jouer notre rôle. Mais, là, à l'heure actuelle et je le regrette énormément le projet de loi 83, au lieu de fonctionner dans un esprit de consultation, au lieu de fonctionner dans un esprit de décentralisation du pouvoir, fonctionne dans un esprit de concentration du pouvoir, dans les mains du ministre, ne fait virtuellement pas participer... À part ce débat, dans lequel on peut soulever, par le biais du projet de loi 83, l'ensemble de la question de la fermeture inacceptable des hôpitaux, on n'a jamais pu trouver une place où les parlementaires, qui représentent réellement la population, auraient eu la chance de pouvoir discuter de cette question.
M. le Président, il s'agit d'une question extrêmement grave. Je ne veux pas, ici, prétendre au départ que... faire de la démagogie, dire: Vous ne faites que fermer les hôpitaux. Je comprends que vous avez un objectif; je le comprends. Mais comprenez aussi les inquiétudes de la population, à l'heure actuelle, parce que vous êtes en train de fonctionner vers la fermeture d'un certain nombre de lits sans que l'alternative, c'est-à-dire la présence réelle de ce que vous aviez appelé la porte d'entrée dans le système c'est-à-dire le réseau des CLSC soit réellement implantée dans le milieu, avec une présence réelle dans le milieu pour permettre d'assumer pleinement l'alternative à la fermeture des hôpitaux, qui aurait été le virage ambulatoire ou qui aurait été l'hôpital d'un jour. Or, là, franchement, M. le Président, le gouvernement met la charrue avant les boeufs et, pour ça, on ne peut pas voter pour le projet de loi 83, on ne peut pas voter pour la fermeture des hôpitaux, on ne peut pas voter, en aucune manière, pour soutenir le gouvernement dans ce projet de loi. Merci.
Le Vice-Président (M. Brouillet): Merci, M. le député de Verdun. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Châteauguay. M. le député.
M. Jean-Marc Fournier
M. Fournier: Merci, M. le Président. Quatre heures cinq du matin, M. le Président, et, pour moi qui, comme plusieurs en cette Chambre, est un nouvel élu et qui a écouté en décembre dernier le leader du gouvernement nous dire que jamais nous n'aurions à siéger sur des projets de loi importants à cette heure tardive, on est là, à 4 h 5 pour venir faire entendre notre voix, faire écho aux bruits, aux quatre coins du Québec, qui se font entendre, les bruits qui, semble-t-il, ne sont pas entendus par les gens qui forment le gouvernement.
J'écoutais tantôt la députée de Vanier qui nous a entretenus du plaisir c'est ce qu'elle a dit dans ses premiers propos qu'elle avait de participer à ce débat... et je suis heureux, M. le Président, de voir que ses collègues l'applaudissent. Sans doute que les électeurs de son comté auraient aussi aimé qu'elle ait le plaisir d'aller les rencontrer, mais, ça, les applaudissements de son comté tarderont à venir. Elle nous a entretenus, M. le Président... Et, si je comprends bien, les gens de l'autre côté n'osent pas utiliser le temps de parole qui leur est dévolu, ils osent plutôt parler durant que nous avons un temps de parole. Je vais solliciter, si c'est possible de leur part, un peu de silence pour que je puisse procéder, à mon tour, à faire écho à ce que, moi, j'entends à l'extérieur de ces murs, et peut-être qu'après ils pourront eux aussi utiliser leur droit de parole sur ce projet de loi.
Je pense que c'est un projet de loi important, M. le Président, et, lorsque j'entendais la députée de Vanier tantôt, je me disais: Est-ce qu'elle a bien lu ce projet de loi? Est-elle bien au courant des conséquences de ce projet de loi? Est-elle en contact avec la réalité? Elle a glissé, à un moment donné, quelque chose qui m'a fait un peu sourire, elle a dit qu'elle était très heureuse d'être au gouvernement; faire partie de l'équipe au gouvernement, ça lui permettait d'influencer, de participer. Et je dois vous avouer que, pour un, je considère que c'est une chose très, très importante que de pouvoir espérer faire partie du gouvernement, effectivement, pour l'influencer, pour faire écho à ce que l'on entend. On s'étonne qu'elle ne fasse pas écho à ce que les gens de son comté aimeraient bien qu'elle fasse, qu'elle fasse des représentations, mais ça m'a rappelé aussi les élections de la deuxième période, celles où le Bloc québécois se proposait de former l'opposition et être le vrai pouvoir. Alors, j'ai trouvé qu'il y avait là... la première période, la première période... je m'excuse, c'est la première période. Nous approchons de la troisième période. En fait, nous sommes en retard sur la troisième période; on devrait être dedans, mais elle a été reportée, bon. Alors, on est en supplémentaire de la deuxième période. Et, M. le Président, lorsqu'elle disait ces propos, j'avais l'impression qu'elle contestait Lucien Bouchard, qu'elle contestait le Bloc québécois, mais, ce qu'elle disait, c'est: Il est bon de faire partie, et d'influencer, et de prendre part au gouvernement. Et, ça, je pense que c'est vrai, encore faut-il savoir comment on le fait.
(4 h 10)
Nous avons devant nous, M. le Président, un projet de loi qui vise essentiellement, essentiellement à exproprier pour fermer. Et j'ai eu l'occasion d'utiliser cette expression lorsqu'on a étudié un autre projet de loi en cette Chambre, à une heure moins tardive; 4 h 10 du matin, ça, c'est plutôt tard. Et, dans ce projet de loi, M. le Président, présenté par le leader et ministre des Affaires municipales, on propose d'exproprier pour ouvrir, ouvrir des maisons symboliques, des voies cérémoniales.
La loi sur la Commission de la capitale nationale, M. le Président, laisse entendre qu'elle pourrait servir à acheter le 1080 des Braves. Dans ce cas-là, on va exproprier pour ouvrir dans le cérémonial, dans le symbolique. On est fort là-dedans. Mais, l'incohérence de ce gouvernement, on la voit. Je reviendrai sur le sens des valeurs tantôt. On la voit, M. le Président. L'incohérence de ce gouvernement, c'est lorsqu'on voit que, pour un des secteurs les plus importants, les plus essentiels, une des missions, la première mission du gouvernement du Québec, la santé, bien, là, on ferme les hôpitaux.
M. le Président, quoique, de l'autre côté, on me souffle que c'est l'agriculture, je considère que la santé est extrêmement importante. Peut-être que ceux qui plaident pour l'agriculture de l'autre côté pourraient utiliser leur temps de parole pour nous faire valoir comment ils voient que cette première mission est l'agriculture. On pourrait les écouter.
J'ai parlé de l'incohérence. Maintenant, j'aimerais bien aussi aborder la question du sens des valeurs de ce gouvernement, M. le Président. J'ai eu l'occasion, encore aujourd'hui, d'assister à un événement qui est plutôt répétitif ces temps-ci. C'est le ministre à la propagande qui nous a déposé, produit aujourd'hui une nouvelle étude, une nouvelle étude, M. le Président, au coût de 30 000 $, qui constitue, en fait, une actualisation d'une étude qui a été faite il y a deux ans. Pendant qu'on dépense des sommes d'argent là-dedans, avec un budget de 6 000 000 $ pour des études, M. le Président, on s'en va fermer non pas des lits, non pas pour la période des fêtes, pour des fêtes excessivement longues, on s'en va fermer des hôpitaux au complet. Et personne ne se rend compte de l'importance du geste, des conséquences du geste.
Tantôt, mon collègue de Verdun a bien exposé les étapes normales qui pourraient être envisagées et qui ne sont pas celles qui sont envisagées si on en était rendu à la solution ultime, la solution finale, si on avait essayé d'autres voies de solution, M. le Président. Mais non, non, non! On a décidé de procéder à grands coups. D'un autre côté, 10 000 000 $ pour faire des consultations, des consultation sur les commissions régionales où, je le rappelle, en 436 occasions on a réussi à attirer 53 000 personnes. Et on nous a dit, M. le Président: Voilà une grande consultation. Le peuple s'est exprimé. Eh bien, M. le Président, hier, à Québec, dans un quartier de Québec, en une seule occasion, il y a eu 10 000 personnes qui ont parlé. Alors, j'espère qu'on va les écouter. Le peuple d'un quartier de Québec a parlé. J'espère qu'on va les entendre. Et, dans les prochains jours, M. le Président, si on avait à multiplier par 436 occasions ces 10 000 personnes, on s'apercevrait où sont les véritables préoccupations du peuple québécois. Les soins de santé, on ne veut pas toucher à ça. On veut les améliorer, pas les diminuer.
On a, avec le projet de loi 83, un projet de loi, de toute évidence, antidémocratique, M. le Président, qui va dans le sens contraire de la démocratie. C'est ça que ça veut dire, une loi antirégions, M. le Président, antipopulation. Pour un gouvernement qui se targue de parler du respect des régions, des localités, quand on regarde comment est formé le réseau, comment sont tissés les contacts entre la population et son centre hospitalier, quand on voit les efforts que font... Parce qu'on a beaucoup parlé des patients, des médecins. Parlons donc de l'ensemble des bénévoles, de l'ensemble des donateurs à des fondations, des fondations d'hôpitaux, des gens qui se liguent, qui s'unissent ensemble pour doter leur région eux-mêmes non pas par la voie d'une taxation imposée par le gouvernement provincial, non, non, par une adhésion volontaire des gens qui contribuent volontairement à une fondation pour se doter d'équipements dans leur localité. Un gouvernement qui se targue de respect des localités, de respect des populations s'en va confisquer ce que les gens ont donné volontairement. Et on a le culot de nous parler d'un gouvernement qui respecte la population, qui respecte la démocratie. C'est un projet de loi abusif, arbitraire. Dans ce cas-ci, le ministre n'est rien d'autre qu'un «terminateur».
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Fournier: C'est ça qu'on voit dans ce projet de loi. En ce moment, lorsqu'il y a suspension de permis, il y a des appels possibles, il y a des recours possibles. Il est possible de faire valoir son point de vue. En ce moment, et tant qu'on tiendra le fort, tant que la population sera là pour indiquer à ce gouvernement qu'il a tort...
D'autres avant moi l'ont déjà souligné, mais je tiens à le demander: Où est donc le mandat qu'a ce gouvernement de fermer les hôpitaux? On nous a dit et j'ai entendu des gens, de l'autre côté, nous dire: Ah! bien, le mandat, on l'a, parce qu'on voulait améliorer les services. Drôle de façon d'améliorer les services que de les fermer, de les couper, d'empêcher les gens d'avoir accès à ces services!
On a un projet de loi, prenons l'article 6. On ne fera pas l'étude complète, malheureusement le temps va nous manquer. Prenons l'article 6. Il y a l'article 451.1 qui nous parle d'une décision du ministre. Pas du gouvernement, une décision du ministre, discrétionnaire, finale, sans appel. C'est surprenant qu'on n'ait pas constaté qu'il était peut-être utile de penser à l'Exécutif dans son ensemble lorsqu'on envisageait des gestes comme ceux-là. Non, on a décidé de donner le pouvoir à un seul homme. Étrange, quand même. C'est un précédent. Et puis, tout de suite après, après ce pouvoir arbitraire total laissé au ministre, bien, là, on a l'article 451.2 qu'on vient ajouter, et cet article, il vient dire que c'est aux administrateurs que revient le fardeau de rédiger en catastrophe le plan de fermeture dicté par le «terminateur». Et, si ça ne fait pas, on change tout simplement...
Une voix: «Terminateur», ça...
Le Vice-Président (M. Brouillet): S'il vous plaît! S'il vous plaît! Je n'ai pas... «Terminateur».
Une voix: ...
Le Vice-Président (M. Brouillet): Bien, si c'est... S'il vous plaît! S'il vous plaît! Là, vous... Alors, écoutez, j'ai... S'il vous plaît, quand on veut intervenir, on se lève puis on attend que le président vous reconnaisse, vous cède la parole pour pouvoir discuter. Alors, question de règlement.
Mme Doyer: Question de règlement, M. le Président.
Des voix: ...
Le Vice-Président (M. Brouillet): Non, non.
(4 h 20)
Mme Doyer: Un instant...
Le Vice-Président (M. Brouillet): Ça viendra après, s'il vous plaît.
Mme Doyer: M. le Président, je ne le sais pas, quel règlement. Trouvez-le, c'est votre rôle, et je sais que vous êtes extrêmement compétent pour le faire, mais je trouve que M. Fournier, le député de «Châteautriste»... Châteauguay, parce qu'il y a justement ce député-là comme député... Alors, moi, je n'accepte pas qu'on traite mon ministre de «terminateur». Le ministre de la Santé et des Services sociaux n'est pas un «terminateur». Ils sont pas mal plus «terminateurs», parce que s'ils avaient terminé le travail à faire, bien, on serait pas dans le trouble!
Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous invite à continuer. Nous allons vérifier le sens exact du terme et nous reviendrons sur le terme.
M. Fournier: M. le Président, en continuant, je vais quand même préciser le sens de «terminateur», qui veut dire terminer. Ce sur quoi je m'étonne terminer la Loi sur les services de santé et les services sociaux c'est que la députée qui se lève conteste l'utilisation, mais elle veut nous l'attribuer à nous avec le sens qu'elle-même lui donne, ce que je trouve tout à fait déplorable, M. le Président, parce qu'elle n'a pas le même sens que, moi, je lui donne. Et je trouve ça extrêmement regrettable de sa part, et je suis sûr qu'elle va me laisser terminer les propos que j'ai à tenir sur ce projet de loi.
Le Vice-Président (M. Brouillet): S'il vous plaît! S'il vous plaît! Ce n'est pas comme ça qu'on intervient en Chambre, là. Asseyez-vous un petit peu, s'il vous plaît. Bon. Alors, là, pour le moment, nous allons continuer la discussion et nous reviendrons sur le sens du terme tantôt pour essayer de voir ce qu'il en est. Quel point, monsieur?
M. Jolivet: On ne peut m'imputer, en vertu de l'article 35, des propos qui sont injurieux en ma face même, à la face même du mot, M. le Président. M. le Président...
Le Vice-Président (M. Brouillet): Asseyez-vous! Non, non, asseyez-vous, là! Je vous ai dit que nous allons revenir sur le sens du terme tantôt. Alors, en attendant, on continue la discussion et nous reviendrons sur le sens du terme. Non, monsieur, c'est fini. Asseyez-vous! Non, c'est terminé. Alors, parlez donc, je suis levé. Je ne veux pas que vous reveniez sur cette question-là. Oui, mais pas sur le même point.
M. Jolivet: Merci. M. le Président, j'aimerais avoir de votre part une directive.
Le Vice-Président (M. Brouillet): Ce n'est pas une question de règlement.
M. Jolivet: Oui, mais ça peut être une question de directive ou une question de règlement, M. le Président. Vous avez assisté à quelque chose. Vous nous dites, à ce moment-ci: Nous allons laisser terminer l'individu et, après ça, on indiquera si le mot était bon ou pas bon. J'aimerais, M. le Président, s'il vous plaît, suspendre quelques instants, aller le voir, et on reviendra, mais je n'accepte pas qu'il continue à parler tant que je ne saurai pas de votre part si le mot est bon ou pas bon.
Le Vice-Président (M. Brouillet): Ce n'est pas vous qui allez décider s'il va continuer ou non, c'est moi. Alors, monsieur, continuez, et je reviendrai tantôt.
M. Fournier: Merci, M. le Président. Considérant que le temps file et que je ne pourrai pas continuer à exprimer la pensée que j'ai, je vais me permettre à ce moment-ci de présenter une motion, M. le Président.
Motion de scission
Je propose donc qu'en vertu de l'article 241 du règlement de l'Assemblée nationale le projet de loi 83 soit scindé en deux projets de loi: un premier, intitulé Loi modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux, concernant les articles 2, 7, 8, 9, 10 et 11; et un deuxième projet de loi, intitulé Loi modifiant de nouveau la Loi sur les services de santé et les services sociaux, comprenant les articles 1, 3, 4, 5, 6 et 11, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, qu'on m'apporte le texte de la motion. Alors, nous allons suspendre quelques minutes. Nous allons suspendre quelques minutes pour s'il vous plaît, voulez-vous me laisser parler une minute? vous vous lèverez dans quelques instants discuter de la recevabilité. Maintenant... Aïe! Voulez-vous cesser de vous énerver? Voulez-vous cesser de vous énerver?
Une voix: ...
Le Vice-Président (M. Brouillet): Voulez-vous cesser de vous énerver, M. le whip?
Une voix: ...
Le Vice-Président (M. Brouillet): Soyez donc un petit peu raisonnable, M. le whip! Alors, s'il y en a qui veulent faire entendre quelques remarques avant que nous délibérions, c'est...
Une voix: ...
Le Vice-Président (M. Brouillet): Voulez-vous vous calmer un peu, là?
Une voix: ...
Le Vice-Président (M. Brouillet): Bon. Asseyez-vous un peu, M. le whip! Vous êtes fatigué, allez donc vous reposer.
Une voix: ...
Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le leader.
M. Jolivet: M. le Président, je ne permettrai pas de me faire insulter, M. le Président...
Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le leader adjoint.
Une voix: ...
Le Vice-Président (M. Brouillet): Vous l'êtes déjà.
M. Boisclair: M. le Président, d'abord sur la façon de statuer. Nous avons vécu une conférence des leaders en votre présence, M. le Président, en la présence du leader de l'opposition, en présence aussi de vos adjoints à la table, où nous avons bien convenu que, lorsqu'une motion comme celle-là est présentée, avant que vous preniez une décision sur la recevabilité de la motion qu'on...
Le Vice-Président (M. Brouillet): Mais c'est ça que je vous offre, là. Arrêtez de vous énerver! Je vous ai demandé, avant de délibérer, si vous avez des remarques à nous exposer. Je vous offre la possibilité de le faire. Alors, allez.
M. Boisclair: M. le Président, vous dites que je m'énerve, là. Est-ce que j'ai fait quelque chose qui n'est pas...
Une voix: Ça n'a pas de bon sens.
M. Boisclair: Pouvez-vous m'indiquer quel article du règlement j'ai violé, s'il vous plaît?
Le Vice-Président (M. Brouillet): Je viens de vous demander d'exposer vos remarques. Alors, je vous donne la possibilité de le faire. Alors, c'est tout.
Débat sur la recevabilité
M. André Boisclair
M. Boisclair: Ce qui me surprend, M. le Président, c'est que vous vous soyez levé pour m'interrompre. M. le Président, je veux m'exprimer sur la recevabilité de cette motion puisque à sa face même elle m'apparaît irrecevable. Et je voudrais vous faire valoir un certain nombre d'arguments qui militent en faveur... non pas sur le fond de la motion, mais qui militent, bien sûr, quant à la forme de la motion, à son irrecevabilité. Ce que je voudrais vous faire valoir, M. le Président, c'est que cette motion ne contient qu'un seul principe qui, essentiellement, tourne alentour de l'importance d'adapter la loi de la santé et des services sociaux à la transformation du réseau qui est actuellement en cours. D'ailleurs, ce projet ne modifie qu'une seule loi. Pour statuer sur la recevabilité de la motion, M. le Président, il y a lieu de s'appuyer sur la jurisprudence. La décision 241.4 publiée dans le Recueil de décisions, rendue d'ailleurs, cette décision, le 4 décembre 1990, nous indique un certain nombre...
M. Gobé: M. le Président, je demanderais le quorum, s'il vous plaît.
Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, si vous permettez une seconde, je vais vérifier. Alors, nous avons quorum. Alors, M. le leader.
(4 h 30)
M. Boisclair: Alors, M. le Président, m'appuyant sur la décision 241.4 que l'on retrouve au recueil de jurisprudence, décision rendue le 4 décembre 1990, cette décision nous indique un certain nombre de critères pour évaluer si un projet de loi contient plus d'un principe, s'il contient un seul principe ou s'il en contient plusieurs. Parmi ces critères, je souligne le plus important, je cite la décision et, je pense, critère d'ailleurs qui est celui qui s'applique dans les circonstances, on indique: Chaque partie d'un projet de loi ne constitue pas une fraction d'un tout, le tout constituant le principe. Je suis d'accord pour reconnaître que ce projet de loi est constitué de fractions qui sont certainement facilement identifiables, mais il ne s'agit pas de principe.
La question est de savoir, M. le Président, à ce moment-ci, ce qu'est donc un principe. Et en se référant à la définition usuelle qui est celle que l'on retrouve dans «Le Petit Robert», je voudrais vous présenter deux éléments. D'abord, vous qui avez, je crois, enseigné le latin pourrez revenir au sens étymologique du terme en rappelant que le mot «principe» signifie, de son origine latine, l'origine, le commencement, et qu'ensuite, quant à la définition du mot «principe», on le définit, dans «Le Petit Robert», comme la cause agissante d'une chose. Ainsi, sur cette définition et en fonction de la jurisprudence, à l'évidence, il n'y a qu'un seul principe, essentiellement un principe qui tourne alentour de l'importance d'adapter la loi de la santé et des services sociaux à la transformation actuelle du réseau. Ce que notre collègue et député de Châteauguay identifie comme des principes distincts ne sont, dans les faits, que des fractions qui sont subordonnées, qui sont toutes subordonnées au principe général de l'adaptation du réseau.
Ainsi, premièrement, M. le Président, puisque chaque partie d'un projet de loi ne constitue pas essentiellement un principe en vertu de la jurisprudence, puisque aussi, en passant, la présidence, dans la décision 241.1, ne peut s'appuyer sur les notes explicatives pour identifier les principes ou les modalités et puisque aussi, M. le Président, les modalités ne sont subordonnées qu'à un seul principe et qu'il n'y a qu'un seul principe, je maintiens que cette motion est irrecevable.
En somme, M. le Président, s'il n'y avait pas de transformation du réseau de la santé et des services sociaux, il n'y aurait pas besoin de prolonger les mandats des administrateurs de la régie. S'il n'y avait pas de transformation du réseau, il n'y aurait pas besoin de revoir les modalités pour combler les postes vacants aux conseils d'administration des régies. En somme, aussi, s'il n'y avait pas de transformation du réseau de la santé, il n'y aurait pas besoin de modifier les conditions de permis. Si nous modifions les conditions de permis, M. le Président, c'est parce que la transformation commande des actions immédiates, et qu'à cet égard vous savez comme moi, M. le Président, que les permis sont émis dans bien des cas sur une base de deux ans, et que la transformation en cours demande des actions immédiates. Clairement, M. le Président, au sens du règlement, au sens de la jurisprudence, au sens aussi de la définition du dictionnaire du mot «principe», il n'y a, dans ce projet de loi, qu'un seul principe. Et la motion soumise à votre attention, M. le Président, est donc irrecevable.
Des voix: Bravo!
Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, M. le député de Châteauguay pour quelques remarques, s'il vous plaît.
M. Jean-Marc Fournier
M. Fournier: M. le Président, à sa face même, si la motion a été déposée, il faudrait la lire en fonction du projet de loi. Il est évident que la motion de scission se réfère à un projet de loi. Il faut le regarder, ce projet de loi, avec les dispositions qui sont citées à la motion. Les articles 2, 7, 8, 9, 10 et 11 sont, d'une part, eux, relatifs aux conseils d'administration, donc à une idée de gestion des centres hospitaliers qui n'a, M. le Président, aucun rapport avec l'adaptation à la transformation à laquelle le leader adjoint faisait référence tantôt, puisque la transformation dont nous parlons dans ce projet de loi là, ce n'est pas la gestion par les conseils d'administration, c'est l'effet de la gestion par les conseils d'administration, c'est la fermeture des hôpitaux, M. le Président, c'est le pouvoir d'expropriation, M. le Président.
Donc, d'une part, on a les articles 2, 7, 8, 9, 10 et 11 qui sont relatifs aux conseils d'administration, à la vie d'un établissement, à la gestion courante des soins de santé. Par ailleurs, et c'est l'autre partie de la motion, on retrouve les articles 1, 3, 4, 5, 6 et 11 qui font plutôt, eux, référence aux pouvoirs dont on a abondamment parlé il est maintenant 4 h 35 du matin aux pouvoirs discrétionnaires, arbitraires et sans appel du ministre pour modifier ou retirer un permis, mettre fin à la vie d'un établissement. On a donc, M. le Président, dans ce projet de loi, un premier principe si on les mettait par ordre de priorité qui est le droit de vie ou de mort sur un établissement et un second principe qui est celui de la gestion courante.
Conséquemment, M. le Président, lorsqu'on vient à proposer un projet de loi qui modifie une loi existante... Le leader adjoint disait: Une seule et même loi, et il a raison, effectivement, une seule et même loi, le projet de loi vient modifier une seule et même loi qui existe dans l'état actuel, M. le Président. Et, lorsqu'on regarde le projet de loi, on doit le regarder de la façon suivante: Les dispositions qui s'y retrouvent font-elle effectivement référence à l'adaptation à la transformation dont le leader parle?
Or, il s'avère, M. le Président, lorsqu'on prend connaissance réellement, profondément des dispositions dont j'ai parlé tantôt, qu'on s'aperçoit que les articles 2, 7, 8, 9, 10 et 11, relatifs aux conseils d'administration, M. le Président, ne sont d'aucune manière reliés à l'adaptation à la transformation désirée par le ministre, M. le Président. Pas du tout. Parce que, lorsqu'on parle de la transformation désirée par le premier ministre, on ne parle pas de la gestion courante des conseils d'administration actuels en vertu de la loi actuelle, on parle de modifier de façon radicale cette loi actuelle pour faire en sorte que ce qui est démocratique aujourd'hui devienne arbitraire, du seul pouvoir du ministre de vie ou de mort sur un établissement.
Il s'agit de deux concepts absolument différents, et, s'il faut suivre la logique du leader adjoint sur l'adaptation à la transformation, on est obligé de constater qu'il y a, dans ce projet de loi, les dispositions 1, 3, 4, 5, 6 et 11 qui sont effectivement relatives à l'adaptation à la transformation visée par le ministre, mais que les autres articles, 2, 7, 8, 9, 10 et 11, ne vont pas dans le sens de la transformation radicale visée par le ministre, mais vont plutôt dans un sens d'administration courante des hôpitaux, des centres hospitaliers, qui peut se faire en évitant...
Il va de soi, M. le Président, que les motions de scission sont faites pour aviser le législateur des fautes qu'il pourrait commettre. Donc, en l'avisant et en lui disant: Il est possible de faire des modifications à la gestion courante des hôpitaux dans la loi actuelle en évitant d'aller dans la transformation radicale et complète que vise le ministre, on s'aperçoit alors qu'en faisant un projet de loi qui modifie une seule et même loi, il est possible d'avoir deux principes complètement différents: un qui n'est qu'une adaptation à la gestion actuelle et l'autre qui vise à transformer de façon radicale les procédures actuelles, et tellement radicale, M. le Président, qu'en une seule occasion 10 000 personnes sont descendues dans les rues.
Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le leader adjoint du gouvernement.
M. André Boisclair
M. Boisclair: Très, très rapidement, M. le Président, je ne voudrais pas reprendre mes arguments, mais bien vous souligner que mon collègue erre, d'abord en droit, sur l'interprétation que nous devons faire de notre règlement et de la jurisprudence, qui dit bien que chaque partie d'un projet de loi ne constitue pas une fraction d'un tout, le tout, lui, constituant le principe, et qu'effectivement, si ce projet de loi contient de nombreuses fractions, elles sont toutes subordonnées au principe qui consiste à adapter la loi à la transformation qui est en cours.
Deuxièmement, rappeler ce qu'est la définition d'un principe. Le principe, au sens du dictionnaire, c'est la cause agissante d'une chose. La cause agissante d'une chose, ce n'est pas la modification aux conseils d'administration, ce n'est pas le fait de donner des pouvoirs au ministre, ce n'est pas le fait de changer les modifications quant au renouvellement des postes vacants sur un conseil d'administration; ce ne sont pas les choses agissantes sur une cause, M. le Président.
Alors, en s'appuyant sur la jurisprudence, en s'appuyant sur la définition, je veux vraiment rappeler que, s'il n'y avait pas transformation, il n'y aurait pas besoin de prolonger les mandats des administrateurs des régies, il n'y aurait pas besoin de revoir les modalités pour combler les postes vacants et, finalement, il n'y aurait pas besoin de modifier les conditions d'émission de permis. Revenons à l'essence de ce qu'est un principe et ne confondons pas, comme la jurisprudence nous invite bien à le faire, le principe et les modalités, M. le Président.
(4 h 40)
Le Vice-Président (M. Brouillet): Bon. Quelques remarques pour terminer.
M. Jean-Marc Fournier
M. Fournier: Je vais être très, très rapide, M. le Président. S'il fallait suivre la logique du leader adjoint sur les fractions et le tout, on en arriverait à la conclusion qu'il n'y a plus de place pour aucune motion de scission en cette Chambre. Or, les motions de scission sont possibles, M. le Président. C'est parce que, dans un seul projet de loi, il est possible d'avoir deux parties qui ne sont pas les fractions d'un seul tout, mais deux touts, deux principes, M. le Président.
Or, effectivement, quand le leader adjoint vient nous dire que la modification à la gestion courante est conséquente à l'adaptation à la transformation, il erre. Lui-même, il erre, M. le Président, parce que, pour reprendre un seul des exemples qu'il a utilisés, il est très possible que l'on veuille doter les conseils d'administration de nouvelles manières de substituer des membres aux conseils d'administration sans pour autant, M. le Président, envisager la fermeture pure et simple des institutions que ces conseils d'administration ont à administrer. On voit donc, conséquemment, qu'il y a une différence entre la gestion courante en vertu d'une loi qui existe actuellement et un projet de loi qui vise à changer le régime complètement. Ce n'est pas la fraction qui s'adapte à l'autre, M. le Président, mais deux principes divergents, deux touts dans un même projet de loi. Et, en vertu de notre règlement, il est nécessaire de diviser ces deux touts pour que chacun, dans un projet de loi distinct, retrouve les fractions qui feront son affaire. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, nous allons suspendre et nous allons délibérer sur cette motion de scission.
(Suspension de la séance à 4 h 42)
(Reprise à 5 h 28)
Décision du président sur la recevabilité de la motion
Le Vice-Président (M. Brouillet): Asseyez-vous, s'il vous plaît. Alors, j'ai à me prononcer sur la recevabilité de la motion de scission. Après délibération, je reconnais que cette motion est recevable. Une partie a argumenté au fait qu'il pourrait y avoir un seul principe à l'origine de ce projet de loi et que c'était la transformation du système, l'objectif visé par le ministre, qui servait, dit-on, de principe au projet de loi. Il faut bien reconnaître que, effectivement, nous sommes ici dans l'ordre du principe comme cause finale d'un projet, l'intention poursuivie, l'objectif poursuivi, qui peut effectivement initier un projet de loi. Mais, en l'occurrence, quand nous avons à nous prononcer sur un texte juridique quant au principe qui le constitue, c'est beaucoup plus ce que nous appelons traditionnellement à la cause matérielle, à la cause formelle, au contenu du texte même que nous devons nous référer et non pas à l'intention poursuivie par l'auteur qui a initié le projet de loi.
Alors, en l'occurrence, ici, si nous regardons le texte, le contenu du texte, nous remarquons très bien qu'il y a deux séries de mesures qui, chacune prise en elle-même, constituent un tout cohérent et qu'il y a une vue autonome, propre. Et ces deux séries de mesures, vous devinez, pour ceux qui connaissent le projet, ce qu'elles sont: une première série qui a trait à la composition des conseils d'administration et une autre série qui a trait aux pouvoirs du ministre concernant la vocation et aussi les permis des établissements visés. Alors, en soi, ces deux séries constituent un tout autonome qui a une vie propre et qui peut exister et qui détermine chacun un principe distinct quant au contenu du texte du projet de loi.
Si nous regardons les notes explicatives, qui peuvent très souvent être révélatrices, si vous voulez, d'une certaine façon, ce n'est pas une valeur juridique, mais ça peut-être révélateur. On voit très bien aussi dans les notes explicatives, par les paragraphes qu'on distingue très bien, que, dans les paragraphes, c'est deux séries de mesures. Alors, pour ces raisons, je reconnais donc la recevabilité de la motion de scission.
Alors, nous devons... M. le leader adjoint, une minute.
(5 h 30)
M. Boisclair: M. le Président, je prends bonne note de votre décision. Nous sommes en session intensive, et sans doute que la présidence sera appelée à statuer sur un certain nombre de motions semblables à celle-là. En tout cas, c'est dans le domaine du prévisible. Je voudrais juste bien comprendre. Sans questionner votre décision, vous renversez deux jurisprudences: la première, qui nous indiquait bien que, dans la recherche des principes d'un projet de loi, les notes explicatives de ce projet de loi n'ont aucune valeur juridique en soi. Je voulais juste bien comprendre si cette interprétation est juste.
Deuxièmement, vous nous indiquez qu'effectivement le projet de loi contient un certain nombre de ce que vous appelez des principes en se servant des notes explicatives qu'on peut identifier comme étant un tout qui peut avoir sa propre vie. Cependant, il y avait une autre jurisprudence qui indiquait que...
M. Gautrin: M. le Président, sur une question de règlement.
Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le député de Verdun.
M. Gautrin: La tradition à l'intérieur de ce Parlement, c'est...
Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, si vous voulez brièvement terminer, parce que c'est un peu les arguments que vous avez employés lors de vos remarques au point de départ. Terminez rapidement.
M. Boisclair: Mon objectif, c'est de savoir si ces jurisprudences-là tiennent ou si, par votre décision, vous créez une nouvelle jurisprudence. C'est ce que je voudrais vérifier. Et on disait bien que chaque partie d'un projet de loi ne constitue pas une fraction d'un tout, le tout constituant le principe. Et, dernière chose, M. le Président, j'aimerais connaître votre définition de «principe» pour que nous puissions, dans l'avenir, être bien clairs sur la façon dont on doit interpréter le règlement.
Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, j'ai très bien dit que ma décision ne repose pas sur les notes explicatives, je l'ai dit clairement, et ça n'a pas valeur juridique; ça, je l'ai dit lors de mon exposé.
Deuxièmement, la notion de principe. Alors, dans un texte législatif, en l'occurrence, ici, quand nous parlons d'un principe, nous nous référons au contenu et non pas à l'intention ou l'objectif visé par celui qui élabore le projet de loi. Alors, nous devons nous référer au contenu et voir si, dans le contenu, il n'y a pas, sur les deux ensembles, deux entités qui forment un tout qui peut avoir une vie autonome et une cohérence en soi. Et, si nous analysons le projet de loi, nous jugeons qu'il y a effectivement ces deux séries de mesures: une série qui concerne les conseils d'administration et une autre qui concerne les pouvoirs du ministre concernant la vocation et les permis des établissements. Alors, à ce moment-là...
M. Boisclair: M. le Président, je vous remercie pour ces explications; vous avez répondu à deux de mes préoccupations de façon très claire. La dernière que je voudrais porter à votre attention pour l'avenir: un critère établi, que nous avons toujours utilisé en cette Chambre, voulait que chaque partie d'un projet de loi ne constitue pas une fraction d'un tout, le tout constituant le principe, d'où la question de l'importance de la définition du principe. Je comprends que vous renversez cette décision, puisque vous indiquez que chaque partie constitue donc un principe.
Le Vice-Président (M. Brouillet): Ce que vous avez dit tantôt, c'est évident que le principe constitue un... Ça dépend de ce que vous entendez par «tout». Le tout d'un texte écrit, c'est une chose; un tout cohérent quant au contenu, c'est une autre chose. Vous pouvez avoir dans un tout, un même projet de loi, un texte, plusieurs touts, en ce sens que chaque partie peut constituer, en soi, un tout autonome. C'est ce que je viens d'exposer. Alors, à ce moment-là, il n'y aurait aucun projet de loi qui serait «scindable», si on considère le texte ici comme formant un tout textuel. Le tout textuel, ce n'est pas ce qui détermine, si vous voulez, un principe d'un projet de loi.
Alors, nous allons, si vous voulez, voir à la répartition du temps.
Une voix: ...
Le Vice-Président (M. Brouillet): Très bien. Alors, nous allons suspendre quelques minutes. M. le whip, s'il vous plaît.
M. Jolivet: Oui, M. le Président. Avant de suspendre, est-ce qu'il serait possible de connaître votre décision concernant le mot «terminateur»? Parce que ça va permettre de déterminer si on continue la discussion ou pas. Parce que le député a utilisé un mot qui, à mon avis et à l'avis de plusieurs, n'était pas correct, en termes parlementaires. Il me semble que vous devez nous donner une décision pour savoir si le député doit retirer ses mots avant de prendre la parole.
Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vais vous dire franchement que j'ai été beaucoup plus préoccupé par la motion de scission. On a cherché dans un dictionnaire, et j'ai appris, à ma grande stupeur mes enfants, ça fait longtemps qu'ils ont passé l'âge de la science-fiction je viens d'apprendre que c'était un personnage de science-fiction. Écoutez, je n'ai pas visionné. Certains disent que c'est un tueur. Écoutez, je demanderais, si vous voulez, au député...
Une voix: ...
Le Vice-Président (M. Brouillet): Écoutez, dites donc le sens que vous voulez puis retirez donc le sens du mot qu'on ne doit pas accepter!
M. Fournier: M. le Président, je vais répéter les propos que j'ai dits tantôt. J'utilisais le mot «terminateur» dans le sens de terminer, de terminer la vocation...
Des voix: ...
M. Fournier: C'est ce que j'ai dit tantôt, on pourra reprendre les «transcripts», M. le Président, «terminateur» dans le sens de terminer les pouvoirs, les fonctions, les vocations des centres hospitaliers, M. le Président. Et je comprends que, de l'autre côté, on n'aime pas entendre ça, mais c'est...
Des voix: ...
Le Vice-Président (M. Brouillet): Une dernière remarque, M. le whip.
M. Jolivet: M. le Président, j'ai des enfants qui sont à l'âge de voir la télévision, de voir les vidéos. Tout le monde sait très bien, au Québec, que le mot «terminator», «terminateur», c'est une personne qui est violente, qui tue et qui détruit. Dans ce sens-là, M. le Président, j'aimerais que le député nous indique s'il prend cette définition-là. Sinon, qu'il retire son mot. Parce que le mot «terminateur», M. le Président, «terminator» en anglais, il est clair.
Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, est-ce que vous retirez le sens qui est à rejeter? Parce que, effectivement, si ce n'est pas ça que...
M. Fournier: Si vous me permettez... Il va de soi que, si j'utilise le mot «terminateur» dans le sens de terminer, je ne l'utilise pas dans le sens qu'on nous l'impute, tout simplement, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Brouillet): Bon, ça va très bien. Alors, écoutez...
Des voix: ...
Le Vice-Président (M. Brouillet): S'il vous plaît! S'il vous plaît! S'il vous plaît!
Alors, nous allons passer, si vous voulez, au débat restreint de deux heures sur la motion de scission.
Nous allons suspendre deux minutes pour que les leaders du gouvernement viennent avec moi, et nous allons nous entendre sur la répartition du temps. Alors, nous suspendons quelques minutes.
(Suspension de la séance à 5 h 38)
(Reprise à 5 h 40)
Débat sur la motion de scission
Le Vice-Président (M. Brouillet): Asseyez-vous, s'il vous plaît. Comme vous le savez, le débat restreint dure deux heures, le temps est réparti de la façon suivante. Il y aura 10 minutes réservées pour le député de Rivière-du-Loup, et le reste du temps, donc 55-55, pour les deux groupes parlementaires. À l'intérieur de ça et sans limite de temps pour chacun des intervenants, chacun prend le temps qu'il veut bien. Et le temps non utilisé par une partie, s'il y avait du temps non utilisé dans 55 minutes, c'est l'autre partie, l'autre groupe parlementaire qui pourrait l'utiliser.
Alors, je vais donner la parole immédiatement au député de Robert-Baldwin.
M. Pierre Marsan
M. Marsan: Merci, M. le Président. M. le Président, le député de Châteauguay a clairement démontré que le projet de loi dans sa forme actuelle méritait d'être scindé, étant donné qu'il y avait deux volets complètement différents. D'abord, les articles 2, 7, 8, 9, 10 et 11 sont des articles relatifs au conseil d'administration, et les articles 1, 3, 4, 5, 6 et 11 qui, à notre avis, sont des pouvoirs discrétionnaires, des abus de pouvoir donnés au ministre.
Dans le premier cas, nous considérons que le remplacement des membres au conseil d'administration est davantage des articles qu'on peut considérer comme techniques, même si nous ne pouvons être d'accord avec ces articles parce que nous considérons que le remplacement des membres des conseils d'administration peut être fait normalement avec la loi actuelle, et si, par exemple, les élections devaient avoir lieu dès cette année, eh bien, toutes les difficultés qui ont été identifiées dans le cadre de ces élections seraient rapidement réglées.
Quant à l'autre volet, je me permets d'insister à nouveau pour rappeler et je profite de l'occasion, il y a des nouveaux députés avec nous alors, je voudrais simplement rappeler que le projet de loi ne prévoit aucun critère sur lequel le ministre peut baser sa décision pour fermer un établissement de santé. Et, à notre avis et de l'avis de beaucoup de monde maintenant on en avait 10 000 avec nous à Christ-Roi avant hier les gens, le monde ordinaire, la population est d'accord avec nous pour souligner que ce pouvoir est vraiment, est nettement discrétionnaire.
Cet après-midi, j'ai rappelé l'appui que nous avons reçu, un appui imprévu mais extrêmement important. Alors, c'est M. Lucien Bouchard qui a mentionné, à Montréal, M. Lucien Bouchard s'est prononcé en faveur d'un élargissement des consultations actuelles entourant la réforme des soins de santé au Québec. S'exprimant à titre de citoyen lors de la Première journée québécoise de la recherche en établissements de réadaptation, M. Bouchard a jugé que le virage ambulatoire de Québec n'est pas une mauvaise idée, et, à nouveau, M. le Président, je souligne que nous partageons également cette opinion. Cependant, nous souhaitons que ce virage puisse être pris étape par étape et non pas en catastrophe comme c'est actuellement. Alors, il M. Bouchard a rappelé qu'il avait lui-même bénéficié de soins à domicile après avoir quitté l'hôpital. M. Bouchard estime cependant que le virage doit être envisagé comme une démarche de société pour s'assurer que les changements se fassent...
Le Vice-Président (M. Brouillet): Excusez, M. le député de Robert-Baldwin, question de règlement. M. le leader du gouvernement.
M. Boisclair: M. le Président, rappeler, en vertu de l'article 211 de notre règlement, que tout discours doit porter sur le sujet en discussion. Je comprends que le député veuille nous faire connaître ce qu'il appelle lui-même «un appui dont on pourrait discuter», M. le Président. Il donne une interprétation à des propos. Mais le débat est à savoir s'il est pertinent pour les membres de cette Assemblée de décider de scinder en deux projets de loi le projet de loi présenté par le ministre de la Santé et des Services sociaux. L'objet du débat, ce n'est certainement pas de nous faire part de l'appui ou de l'opposition à la position défendue par l'opposition officielle, M. le Président, c'est sur la motion débattue et que vous avez acceptée tout à l'heure.
Le Vice-Président (M. Brouillet): Oui, étant donné la règle de la pertinence c'est une motion de scission il s'agit d'essayer de justifier le fait qu'on va voter pour ou contre la motion de scission. Alors, là, on laisse une certaine latitude, mais ça doit toujours viser à justifier un vote pour ou contre. Alors, je vous invite, s'il vous plaît, autant que possible, à vous rallier autour de la pertinence.
M. Marsan: M. le Président, ma compréhension d'une motion de scission, je pense avoir l'impression, corrigez-moi, que nous avons le droit de discuter sur les deux volets du projet de loi à ce moment-là, et que, comme je l'ai mentionné, le premier volet, les articles 2, 7, 8, 9, 10 et 11 sont relatifs à la désignation de membres de conseils d'administration; les autres, 1, 3, 4, 5, 6 et 11 font état des pouvoirs discrétionnaires. Eh bien, à mon humble avis, j'ose espérer que nous avons le droit de parler de ce projet de loi autant dans la première partie, le premier volet que nous voulons scinder, que dans le second. Et c'est dans ce sens-là, tantôt, que j'ai présenté la lettre d'appui de M. Bouchard au fait que le virage ambulatoire méritait une consultation générale, une consultation extensive, et que c'est bien pour la démocratie. Et ça serait bon pour l'actuel débat que nous avons, plutôt que d'essayer, à la vapeur, en pleine nuit, tôt le matin, de passer un projet de loi comme ça, alors que l'ensemble des Québécois et des Québécoises sont couchés. Alors, on profite, encore une fois, de ces cachettes ou de ces cachotteries pour essayer de passer des projets de loi qui vont contre la population, qui vont contre les Québécois et les Québécoises.
Je voudrais, M. le Président, et j'ose espérer que c'est extrêmement pertinent, prendre un seul exemple, celui de la Régie régionale de Montréal, qui a présenté un rapport d'une centaine de pages pour expliquer quels étaient les critères sur lesquels elle s'était basée pour arriver à identifier des hôpitaux cibles pour fermer ces hôpitaux-là. Je voudrais, M. le Président, simplement rappeler que, pour la région de Montréal, il y a un objectif de 190 000 000 $...
M. Boisclair: ...
Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Boisclair: Je regrette d'avoir à nouveau à interrompre le député de Robert-Baldwin. Le député est en train de faire une intervention sur les critères qui ont présidé au choix de la fermeture des hôpitaux. C'est certainement un débat intéressant sur lequel nous pourrons revenir en commission parlementaire, là où on pourra faire le point, mais, pour le moment, en vertu de la règle de la pertinence, tout discours doit porter sur le sujet en discussion. Que le député, s'il veut continuer sur cette voie, m'explique en quoi la motion de scission présentée par son collègue de Châteauguay vient régler le problème. La question est: Est-ce qu'on doit scinder le projet de loi en deux, oui ou non? Et c'est à cette question que le député doit répondre.
Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, M. le député, effectivement, vous pouvez utiliser les deux séries de mesures, et tout, mais en vue d'en arriver à établir la justification de la scission, là. Vous pouvez prendre les moyens que vous voulez, mais il faut qu'il y ait un lien, un peu, avec la motion de scission. Alors, on laisse une certaine liberté, mais, à un moment donné, il faut que vous raccrochiez cela au sens même de la motion qui est devant nous. Il s'agit de savoir si on est justifié de scinder ou non, si vous voulez, la motion.
M. Marsan: M. le Président, c'est l'absence de critères dans le projet de loi qui m'amène à regarder de quelle façon on a essayé d'identifier certains établissements cibles pour fermer, pour arrêter complètement leurs opérations et arrêter de donner des services à la population. Il me semble qu'il m'apparaît extrêmement important, surtout dans la deuxième partie de notre motion de scission, d'indiquer à cette Chambre sur quels critères on peut se baser, alors que le ministre, lui, n'a voulu inclure dans son projet de loi aucun critère, sauf «si l'intérêt public le justifie». Et vous savez comme moi comment certains gouvernements, certains dirigeants peuvent interpréter ce que l'intérêt public peut demander.
(5 h 50)
Alors, j'ose espérer que je peux, à ce stade-ci, parler quand même sur certains critères qui sont absents du projet de loi, pour lesquels le ministre nous a dit qu'il appartenait aux régies régionales de faire les consultations. On peut essayer de penser comment, dans ce projet-là, une région va se baser sur certains critères, une autre région sur d'autres critères, une autre, enfin, qui pourrait avoir des critères différents, alors comment tout ça va vraiment s'intégrer dans un véritable projet de loi.
Et, pour le volet 2, si vous me permettez, du projet de loi, alors nous sommes extrêmement inquiets de la façon que ça évolue, à partir du moment où on laisse aux régies régionales le soin de faire ce que nous qualifions de pseudo-consultations. Rappelons-nous la partie 1 du projet de loi, qui est la reconduction de certains membres de conseils d'administration de régies. Alors, si j'ai bien compris le ministre, il dit que ce sont les régies qui vont faire les consultations sur cette partie-là, puisqu'il ne veut pas faire de consultation générale en commission parlementaire.
Alors, j'ai l'impression qu'il y a, à tout le moins, une image de conflit d'intérêts lorsque les régies vont discuter de leurs propres remplacements aux conseils d'administration et, à nouveau, je souhaite que, pour ce volet-là, une fois que la motion aura été acceptée et le projet de loi scindé, on puisse avoir, là aussi, des audiences publiques en commission parlementaire pour permettre à d'autres groupes de nous indiquer clairement ce qu'ils veulent.
Quant au pouvoir de fermeture et aux critères qui devraient en découler, à notre avis, ces critères devraient être intégrés dans le projet de loi, une procédure d'appel devrait être indiquée. Et je me permets de vous rappeler que, dans toutes les procédures que nous avons dans ce gouvernement, dans tous les ministères, à ma connaissance, il y a toujours, pour le citoyen, pour les organisations, une procédure d'appel, généralement. Dans le ministère de la Santé, on peut faire appel à la Commission des affaires sociales. Cette fois-ci, pas de procédure d'appel. Moi, je trouve que ça va à l'encontre de nos principes parlementaires et de nos principes démocratiques...
Le Vice-Président (M. Brouillet): Excusez, M. le député de Robert-Baldwin. M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Boisclair: M. le Président, avec toute la déférence que je dois au député de Robert-Baldwin je comprends que le député est nouvellement arrivé dans cette Assemblée je regrette d'avoir à intervenir une troisième fois, mais je voudrais vraiment être bien clair et me faire comprendre.
La règle de la pertinence indique qu'un député doit intervenir sur la motion qui est présentée devant l'Assemblée. La motion en discussion, c'est: Est-ce qu'on scinde le projet de loi en deux parties, oui ou non? Je comprends que vous devez interpréter cette règle avec une certaine latitude, comme vos prédécesseurs l'ont toujours fait. Cependant, le député est en train de nous parler du contenu du projet de loi actuel, de nous dire les modifications qu'il voudrait y apporter. Il vient encore tout juste de nous parler des critères qu'il voudrait voir ajoutés lorsque la possibilité d'une fermeture d'hôpital se présente, mais il ne nous dit pas en quoi il est important de scinder puisque je présume qu'il est en faveur de la scission, parce que ça vient de sa formation politique en quoi la scission vient améliorer les choses. C'est de ça qu'il doit nous entretenir, M. le Président.
Une voix: C'est ça.
Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, écoutez, on peut interpréter d'une façon restrictive ou très large, mais il y a un juste milieu à maintenir. Effectivement, on peut se prononcer sur les contenus, les deux parties, dans la mesure où ça peut être une justification à la scission. On dit: On peut peut-être être favorable à telle partie, pas favorable à l'autre, et, comme on ne veut pas... Enfin, il y a différentes façons. Mais, comme j'ai dit, il faut quand même interpréter d'une façon un peu large, parce que, écoutez, là, on a deux heures de débat restreint, et c'est évident, si vous voulez vous en tenir uniquement au pourquoi de la scission, sans aller dans les contenus, ça peut aller...
Enfin, alors, je vous demande d'essayer d'établir un juste équilibre, là, et de ne pas déjà exclusivement faire le débat sur ce qui pourrait résulter de la scission, deux projets de loi différents. Je ne dis pas qu'on ne peut pas s'y référer, mais il ne faut pas entreprendre déjà le débat sur ce que seraient les deux projets de loi, à moins que ça puisse nous aider à justifier la scission, plus ou moins directement.
Écoutez, vous savez que l'interprétation a toujours été assez large de ce... J'inviterais aussi l'ensemble de la Chambre à faire un peu preuve de tolérance, parce qu'on devra appliquer la même règle à tout le monde, à tout le monde. Alors, à ce moment-là... Alors, M. le député de Robert-Baldwin.
M. Boisclair: M. le Président, nous allons vous indiquer immédiatement que nous allons tout à fait nous plier à votre décision et, si nous avons à prendre la parole, nous respecterons, à la lettre, non seulement dans son esprit, mais à la lettre, la règle de la pertinence.
Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, M. le député de Robert-Baldwin.
M. Marsan: M. le Président, loin de moi de... Je n'ai aucunement l'intention d'aller contre vos directives. Au contraire, j'apprécie vos commentaires, et ça nous permet de mieux cibler le débat. Mais j'ose penser qu'à partir du moment où on veut séparer un projet de loi, où on veut diviser une motion on peut également apporter un complément à chacun des volets qui sont discutés. Et, dans le cas qui nous préoccupe, eh bien, on parle, d'un côté, du remplacement au conseil d'administration, de substituts et, de l'autre, et ça n'a aucune commune mesure, de fermer des hôpitaux, de liquider des actifs. Et, à mon avis, M. le Président, j'ai voulu tout simplement mentionner, dans un volet comme dans l'autre, les portions manquantes de ce projet de loi maintenant ou en voie d'être scindé.
À nouveau, M. le Président, et en terminant, je voudrais vous souligner que notre parti politique, le Parti libéral, va s'opposer au remplacement des membres aux conseils d'administration, parce que nous croyons que ça peut être fait selon les règles habituelles, selon les règles de la loi 120, Loi sur les services de santé et les services sociaux, et nous allons évidemment fermement nous opposer à la fermeture des hôpitaux, au volet qui donne au ministre le pouvoir discrétionnaire de fermer des établissements, à nouveau, sans critères mais je n'insiste plus, M. le Président. Nous allons également nous opposer aux articles qui donnent, encore une fois, au ministre le pouvoir de liquider, de confisquer les biens des établissements ainsi fermés.
Alors, au nom de notre parti, M. le Président, c'est la position que nous avons prise, et il me fait plaisir de vous la transmettre. Et je vous remercie.
Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Robert-Baldwin. M. le leader adjoint du gouvernement.
M. André Boisclair
M. Boisclair: M. le Président, il me fait grand plaisir d'intervenir sur la motion de scission présentée par le député de Châteauguay.
D'entrée de jeu, M. le Président, je voudrais dire que le chat vient de sortir du sac. Alors qu'à trois reprises je me suis levé pour demander au député de Robert-Baldwin, au nom de sa formation politique, de s'exprimer sur les motifs qui justifient la scission, aucun argument n'est venu du côté de l'opposition officielle. En guise de réponse à la motion déposée devant nous, on nous a dit: On va plaider tout de suite, et ils sont allés sur le fond. Ce que les gens de l'opposition ne nous disent pas, pour justifier leur motion et pour justifier, d'ailleurs, notre position, c'est qu'essentiellement il s'agit là d'une motion dilatoire qui permettra à l'opposition d'exprimer son insatisfaction à l'endroit du projet de loi et avec comme objectif final de reporter l'adoption du projet de loi.
Le député de Robert-Baldwin est allé jusqu'à dire qu'il souhaiterait qu'on scinde le projet de loi en deux pour qu'on puisse, sur chacune des parties du projet de loi, tenir des consultations particulières. Concrètement, M. le Président, ce que ça veut dire, c'est qu'on va discuter en commission parlementaire de ce projet de loi ou juste entendre des groupes. Souvenez-vous, le député de Robert-Baldwin n'était pas là, mais le député de Verdun était présent et d'autres de ses collègues étaient là quand on a entendu les organismes sur la loi 120. On a été en commission parlementaire, M. le Président, au bas mot, au bas mot, deux ou trois semaines à entendre des groupes. Ce que le député de Robert-Baldwin nous demande, c'est de le faire non seulement une fois, mais de le faire deux fois et de reconvoquer tout le monde sur chacune des parties du projet de loi qui en résulteraient, si cette motion de scission était adoptée.
(6 heures)
Ce que nous prétendons, de ce côté-ci de cette Chambre, c'est qu'il est urgent de procéder à l'adoption de ce projet de loi, et, puisque c'est urgent, M. le Président, pourquoi ne pas faire les choses d'un seul coup? Pourquoi vouloir scinder le projet de loi en deux? Qu'est-ce que l'opposition, sur le fond, a à gagner en proposant une scission, si ce n'est que du temps qui sert essentiellement à des fins partisanes et, voyant la façon dont ils utilisent le temps depuis le début de la soirée, je dirais, M. le Président, pour servir non seulement à des fins partisanes, mais pour profiter de l'occasion pour faire de la désinformation, de la démagogie et pour se faire du petit capital politique?
Nous prétendons qu'il est urgent de poser un certain nombre de gestes, et donc d'adopter ce projet de loi, et donc de s'opposer à la motion de scission, puisque ça prendrait davantage de temps. Comment je justifie cette urgence? D'abord, il ne s'agit pas d'être un grand spécialiste du réseau de la santé et des services sociaux, il s'agit peut-être tout simplement d'avoir une bonne lecture de la situation actuelle pour comprendre que la situation a changé, les besoins de nos concitoyens et concitoyennes ont changé, leurs attentes à l'endroit du réseau de la santé et des services sociaux ont changé, les technologies disponibles dans les hôpitaux ont changé.
En nous proposant le statu quo comme les libéraux sont en train de le faire, ils veulent non seulement bloquer un projet politique qui reçoit, dans ses grandes lignes, l'appui de tout le monde, puisqu'on est là à nous questionner sur la façon et non plus sur le fond, mais, en plus de ça, par leurs gestes partisans et à cause des conséquences qu'aurait la non-adoption de ce projet de loi, mettre en péril, en danger notre réseau de santé et de services sociaux. Parce que la réalité est bien là, nous ne pouvons plus continuer à supporter un réseau de santé et de services sociaux dont les coûts croissent à l'indice des prix de la consommation plus environ 1 %, 1,5 % depuis de nombreuses années. Il faut mettre un frein à cette situation, et faire en sorte d'adopter rapidement ce projet de loi, et donc s'opposer à la motion de scission présentée par le député de Châteauguay.
Vous allez me dire: C'est essentiellement un impératif, donc, économique qui est derrière ça et, par les coupures que vous allez imposer, vous allez couper des services à la population. Cet argument invoqué par nos collègues libéraux depuis le début de la soirée ne tient pas. S'il était vrai, cet argument, comment pourrions-nous expliquer que la moyenne des pays de l'OCDE dépense environ 7,85 % du produit intérieur brut aux dépenses de santé, alors qu'au Québec on consacrerait environ 10 % du produit intérieur brut? Est-ce que nous sommes...
M. Gautrin: Question de règlement, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Bélanger): Oui, M. le député de Verdun.
M. Gautrin: Le leader adjoint a invoqué, lorsque le député de Robert-Baldwin parlait, bien des fois l'article 211. Je pense qu'il tombe exactement dans le même défaut que ce qu'il a soulevé: il plaide sur le fond du projet de loi et non pas sur la motion de scission, si vous me permettez.
M. Boisclair: M. le Président, sur la question de règlement.
Le Vice-Président (M. Bélanger): M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Boisclair: Je plaide sur l'urgence qui milite, comme je l'ai expliqué à plusieurs reprises, contre l'adoption de la motion de scission. Le député de Verdun est en train d'interrompre le bon fonctionnement de notre Assemblée.
M. Jolivet: Exact.
Le Vice-Président (M. Bélanger): Alors, évidemment, vu l'heure assez avancée de nos travaux, j'appellerais chacun à la collaboration. Évidemment, l'article 212 qui vise la pertinence s'applique en tout temps. La présidence veille à son application, les députés peuvent faire des rappels aux règlements. Et j'inviterais, à ce moment-là, le leader adjoint du gouvernement à bien vouloir continuer son intervention.
M. Boisclair: M. le Président, je comprends que, puisque vous veillez à l'application du règlement et que vous ne vous êtes pas levé, c'est donc que je respectais le règlement. Alors, je continue ma démonstration. Pourtant, le député de Verdun, qui est un homme dont les capacités intellectuelles sont reconnues, un mathématicien cartésien, sans doute comprendra. Je lui fais une démonstration simple. Je plaide sur l'urgence d'adopter ce projet de loi et, donc, contre la motion de scission, puisque je crois avoir fait la preuve, d'autant plus avec les aveux manifestes du député de Robert-Baldwin, que, si cette motion de scission était adoptée, elle reporterait l'adoption du projet de loi qui est discuté devant nous aux calendes grecques.
Je comprends que le député de Verdun est tellement renversé par le poids de mes arguments qu'il sent le besoin peut-être d'aller consulter ailleurs...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Boisclair: ...mais je reviens sur l'urgence qui milite contre l'adoption de la motion de scission. J'étais à expliquer qu'au Canada, incluant le Québec, on dépense environ 10 % de notre produit intérieur brut aux services de santé et services sociaux. La moyenne des pays de l'OCDE: 7,8 %. D'autres pays dans le monde consacrent 6,6 %; la Suède, 8,6 %. Il n'y a qu'aux États-Unis, un pays développé, un pays membre du G 7, où on dépense plus. On dépense environ 13 %, et tout le monde reconnaît que c'est un système inefficace.
Alors, en quoi l'argument, présenté par l'opposition, qui consiste essentiellement à nous dire: Vous allez amener des coupures de services, alors que ce que nous essayons d'expliquer aux gens, c'est que nous sommes capables de faire des réallocations, des réaménagements, d'être plus efficaces, plus productifs, et, nous dirions même, d'offrir davantage de soins, et de se doter d'un réseau de santé qui, comme dans le passé, a toujours fait la fierté des Québécois et des Québécoises... En adoptant la proposition, M. le Président, de l'opposition, on ne serait même pas capables de faire ce débat-là, on ne serait même pas capables de discuter des aménagements à faire en commission parlementaire, on ne serait même pas capables de faire le point, de répondre à chacune des préoccupations certaines légitimes, je dirais de l'opposition officielle. Nous continuerions dans un dialogue de sourds, puisque le travail de fond, qui doit nous amener à discuter de chacun des articles, ne serait même pas fait. Et l'opposition continuerait à errer sur la perception qu'elle a du principe de ce projet de loi. Il faut donc, M. le Président, rejeter cette motion.
Autre élément d'urgence, M. le Président. Et j'ai débuté cette intervention en rappelant que les besoins de la population ont changé, qu'il fallait maintenant adapter notre réseau de santé et qu'il était urgent de le faire, puisque les besoins de la population avaient changé. Est-ce que les députés de l'opposition sont en train de nous dire, eux qui, dans chacun de leurs comtés, ont des CLSC, reçoivent des personnes âgées dans leurs bureaux, qu'il n'est pas important d'investir plus d'argent dans le maintien à domicile? C'est ça, l'effet pervers de la motion présentée par l'opposition. C'est ça, le message qu'ils envoient par cette motion, puisque, sur le fond, ce qu'ils veulent faire, c'est empêcher l'adoption du projet de loi.
Si j'allais, moi, dans les comtés, me promener dans les comtés de ces députés libéraux, puis que je leur disais: Vos députés sont en train d'utiliser de la procédure à l'Assemblée nationale pour protéger le statu quo et pour faire en sorte que des gens, qui sont sur des listes d'attente pour des services de maintien à domicile, restent sur des listes d'attente. C'est ça, le message qu'ils envoient par cette motion, M. le Président.
Si j'allais me promener, M. le Président, et dire aux gens, dans les circonscriptions représentées par les députés de l'opposition, que la chirurgie d'un jour, c'est quelque chose que l'opposition n'accepte pas, M. le Président, que, malgré les nouvelles technologies, malgré les nouveaux médicaments et les nouveaux traitements pharmacologiques qui existent, on va continuer à garder les gens à l'hôpital pour une semaine, alors que, en quelques jours, on peut rapidement les ramener à la maison. C'est ce que nous essayons d'introduire par ce projet de loi, par la proposition du ministre Rochon, et c'est ce que les députés libéraux combattent, avec tous les moyens à leur disposition, en utilisant toute la procédure possible, et même en introduisant une motion de scission, parce qu'ils disent: Si on a deux projets de loi, ça va prendre plus de temps, sans ajouter un argument sur le fond et nous dire en quoi la motion serait pertinente.
Je reviens sur ma ligne de fond, M. le Président: il est urgent d'adopter ce projet de loi. Dernier élément, M. le Président, pour justifier l'urgence. Ces députés de l'opposition puisqu'ils ont été élus, je vais affirmer qu'ils doivent connaître un peu la réalité de leur quartier, la réalité des gens qu'ils représentent savent tous, comme moi, qu'il y a de leurs concitoyens qui occupent des lits de courte durée, qui bloquent souvent des lits qui engorgent notre réseau de la santé et des services sociaux et qui ne reçoivent pas les soins qu'ils devraient recevoir, puisque leur situation commanderait qu'ils soient relocalisés, qu'ils soient déplacés vers des centres hospitaliers de soins de longue durée, là où il y a une infrastructure beaucoup plus apte à les recevoir et à répondre à leurs besoins. En introduisant cette motion de scission, en militant en faveur du retrait et du report de l'adoption du projet de loi, c'est le message qu'ils sont en train d'envoyer à la population.
(6 h 10)
M. le Président, sur le fond, il nous faut rapidement sortir le projet de loi de cette Assemblée, l'envoyer, pour le bénéfice de toute la population, pour le bénéfice des membres de l'opposition officielle, qui, j'en conviens, n'ont peut-être pas toutes les informations dont le ministre dispose, dont les régies régionales disposent, pour aller débattre de chacun des articles en commission parlementaire... C'est ce que nous souhaitons faire rapidement, M. le Président, et c'est ce que l'opposition se refuse à faire en nous présentant une motion de scission comme celle-là.
Ce que je comprends, M. le Président, c'est que leurs arguments sont si faibles qu'ils ont peur d'aller plaider sur le fond, de nous dire quelle est, eux, leur vision, de nous dire quels seraient les amendements qu'eux apporteraient au projet de loi. Ils préfèrent s'en tenir aux grandes généralités, continuer le débat sur l'adoption du principe puis, en plus de ça, M. le Président, le faire dans deux projets de loi distincts. Vous vous imaginez ce qu'on a entendu depuis le début de la soirée! Il est 6 h 10 du matin, M. le Président, puis nous avons été peu, de ce côté-ci de cette Chambre, à intervenir parce que le débat se faisait à un tout autre niveau, M. le Président, que ça ne valait même pas la peine de répondre aux arguments qui étaient présentés. Là, il faudrait refaire toute la procédure et recommencer sur deux autres projets de loi.
Ce que la population attend de ses élus, ce n'est pas qu'ils s'enfargent dans de la procédure, qu'ils multiplient la procédure, c'est, bien au contraire, bouger, agir, répondre aux besoins, s'adapter. Et, d'ailleurs, M. le Président, c'est pour ça que nous sommes au gouvernement et qu'ils sont dans l'opposition. En utilisant la procédure comme ils le font, ils veulent tout simplement continuer à perpétuer la vieille façon.
On nous dit: Il faudrait consulter les gens, il faudrait entendre les gens. M. le Président, ces gens ont été entendus. Dans ma région, comme député de Montréal, je peux vous dire, pour avoir moi-même assisté aux audiences de la Régie régionale, qu'il y a des centaines de citoyens qui se sont exprimés, des représentants d'organismes qui représentent des milliers de citoyens. Lorsque la Fédération des infirmiers et infirmières s'est présentée, au nom de combien de personnes parlait-elle? Lorsque l'Association des hôpitaux du Québec s'est prononcée, lorsque le maire de Montréal, représentant des millions de citoyens, est venu se prononcer... Est-ce que les gens de l'opposition sont en train de nous dire que la participation du maire de Montréal en était une parmi tant d'autres, qu'elle n'était pas significative, puis que, finalement, le maire parlait en son nom propre sans parler au nom des Montréalais et Montréalaises? Ils sont en train de remettre en cause la légitimité du maire de Montréal, M. le Président? Ils voudraient qu'on recommence tout ça. Ils voudraient qu'on s'enfarge à entendre tout le monde pour desservir essentiellement, M. le Président, des fins partisanes.
Parce que j'admettrai, M. le Président, en toute candeur, qu'il est vrai, pour avoir moi-même fait le tour de nombreux organismes dans ma circonscription, qu'il y a effectivement, à l'heure actuelle, un certain nombre d'incompréhensions qui existent dans la population. Mais, notre rôle, comme parlementaires, c'est de les clarifier, c'est de répondre aux craintes, c'est de répondre aux attentes, et non pas de les perpétuer en multipliant les débats sur des adoptions de principe, alors que nous ne pouvons pas aller dans la substance, dans la chair du projet de loi et répondre à chacune des dispositions qui se trouvent à ce projet de loi.
Je voudrais, M. le Président, aussi ajouter un autre argument. La présidence, tout à l'heure, a reconnu qu'il y avait deux principes. Je me plie volontiers à la décision du président, mais imaginez ça 30 secondes, M. le Président. Nous sommes engagés dans un exercice important de transformation du réseau. C'est un choix politique des membres de cette formation, nous en sommes solidaires, et nous en sommes non seulement solidaires mais nous en sommes fiers, et nous sommes particulièrement fiers du ministre qui nous représente dans ce dossier. Là, si cette motion de scission était adoptée, on se retrouverait avec la possibilité qu'une des parties soit adoptée et que l'autre ne le soit pas, ou que les deux soient adoptées, ou que les deux soient battues. Je ne peux pas présumer du résultat du vote de cette Assemblée, même si j'en ai une petite idée, mais, M. le Président, on pourrait donc se retrouver avec un ministre qui a un bras droit mais qui ne peut pas utiliser son bras gauche.
On nous dit que la question de la fermeture des hôpitaux puis des conseils d'administration sont deux situations distinctes qui, l'une par rapport à l'autre, n'ont rien à voir. M. le Président, on ne peut pas faire les choses à moitié, on ne peut pas juste, soudainement, se questionner sur la question des fermetures d'hôpitaux sans aller au fond des choses. Le projet de loi présenté par mon collègue, ministre de la Santé et des Services sociaux, ne s'appelle pas un projet de loi pour fermer des hôpitaux, ce n'est pas non plus un projet de loi pour modifier la durée des mandats des membres des conseils d'administration des régies régionales. Il faut voir le tout dans sa substance, et je comprends que ce n'est peut-être pas le rôle de la présidence de le faire, mais il faut voir le projet de loi dans son ensemble comme permettant au gouvernement de bouger, d'avoir une vision globale des choses.
Les membres de l'opposition seraient les premiers à nous dire: Vous avez une vision de fonctionnaires, de technocrates. Vous vous engagez dans des technicalités sans vision globale. Derrière ce projet de loi, M. le Président, au-delà des dispositions techniques qu'il peut comprendre, il y a une vision politique, que le ministre s'évertue à expliquer à ces gens d'en face, et il y a surtout une vision globale de ce que devrait être notre réseau de la santé et des services sociaux.
M. le Président, pour ces motifs, je crois qu'il est urgent d'adopter ce projet de loi, de battre la motion de scission. Je crois que les Québécois sont assez capables, assez bons ils l'ont prouvé dans le passé pour mener à terme des projets de réforme comme l'Ontario l'a fait, comme le Nouveau-Brunswick l'a fait, comme l'Alberta l'a fait, comme la Saskatchewan l'a fait. De quoi, M. le Président, l'opposition officielle a-t-elle peur? Je vous remercie.
Le Vice-Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M. le leader adjoint du gouvernement. Je suis maintenant prêt à céder la parole à un autre intervenant et je vais céder la parole à M. le député de LaFontaine. À vous la parole, M. le député.
M. Jean-Claude Gobé
M. Gobé: Merci, M. le Président. Alors, l'opposition a décidé de présenter cette motion de scission, M. le Président, car il est évident que, dans ce projet de loi, il y a plusieurs objectifs. Premièrement, il y a un objectif de gestion. À titre d'exemple, je dirai que les articles 7, 8, 9, 10 et 11 parlent de l'administration générale, entre autres, des conseils d'administration. Il est dit qu'on peut nommer un membre par simple vote du conseil d'administration au lieu d'aller en élection. Il est dit aussi, M. le Président, qu'on reporte d'une année l'élection des membres des conseils d'administration dans les organismes publics. Et, de l'autre côté, M. le Président, on parle de la philosophie générale, de ce qu'on veut faire avec le service de santé, avec le réseau des hôpitaux dans tout le Québec. C'est très important, M. le Président, de faire la distinction entre ces deux parties.
Première partie, administration. Tout le monde peut concevoir qu'on peut passer, pour faciliter l'administration du réseau, certaines mesures; ça se discute en tout cas. Mais pourquoi à ce moment-là le noyer avec cette autre réforme qui amène le gouvernement à prendre la décision de fermer un grand nombre d'hôpitaux, particulièrement dans la région de Montréal, mais aussi, on l'a vu, à Québec, M. le Président? Et ce sont des mesures qui vont toucher la vie de tous les citoyens. Tous nos compatriotes vont, à un moment donné de leur vie ou du temps qu'il leur reste à vivre, être affectés par cette décision. Alors, il serait souhaitable et préférable d'avoir un vaste débat sur cela, un vaste débat public. Et, pour ce faire, M. le Président, il est donc important de faire la part des choses.
Alors, un projet de loi pour l'administration courante et un projet de loi qui verrait à cette transformation nécessaire du réseau de la santé au Québec, mais qui permettrait ou qui aurait l'avantage de permettre non seulement une consultation publique des principaux intervenants, comme on a commencé à le faire, mais, M. le Président, des citoyens, des groupes de pression, des groupes de bénéficiaires. On a vu hier 10 000 manifestants avant-hier, M. le Président, en effet, avec l'heure qui tourne dans les rues de Québec. Une manifestation spontanée, pas organisée par des partis politiques, des syndicats ou autres, spontanée; 10 000 personnes qui ont dit: Halte! Attention! Vous allez faire des choses qui touchent notre qualité de vie, qui touchent nos habitudes, qui touchent peut-être notre sécurité physique et vous ne nous consultez pas, vous agissez rapidement. Il est 6 h 20 le matin, puis on essaye de passer ce projet de loi là rapidement.
(6 h 20)
Alors, M. le Président, justement, une telle scission, ça plaide pour une meilleure consultation et une meilleure préparation et présentation de ce projet. M. le Président, regardez par exemple dans le cas des fermetures d'hôpitaux. On se rend compte, dans la région de Montréal, que neuf hôpitaux vont être fermés. Est-ce qu'on ne devrait pas discuter de ça devant un autre forum que celui des nominations de conseils d'administration? Est-ce qu'on ne devrait pas prendre le temps de le faire, étant donné l'implication? Est-ce qu'on ne devrait pas, comme commission parlementaire, avec un projet de loi distinct, convoquer les régies régionales, comme les commissions parlementaires ont le droit de le faire, et leur demander de nous présenter tout ce qu'elles ont fait comme études, tous les résultats qu'elles ont eus ainsi que les statistiques, ainsi que les chiffres qu'elles ont pour faire ces décisions, pour faire en sorte que le ministre puisse fermer des hôpitaux?
En plus que le projet de loi donne, M. le Président, le pouvoir au ministre de fermer des hôpitaux unilatéralement, ça donne un pouvoir exorbitant, on met ça avec le renouvellement d'un mandat d'une année, pour une année des conseils d'administration. C'est quand même une grande différence, dans un projet de loi, une grande différence. D'un côté, on donne à un ministre la possibilité de mettre la clé dans un hôpital Christ-Roi à Québec, Sainte-Jeanne-d'Arc à Montréal, l'hôpital Saint-Michel, Fleury peut-être, d'autres hôpitaux et, en même temps, petite mesure anodine, les membres sont renommés pendant un an sur les conseils d'administration. C'est quand même deux mesures. C'est quand même important de regarder un peu les causes. Si on renomme quelqu'un pour une année en conseil d'administration, ce n'est pas là d'une grande importance, surtout que les gens ont certainement bien fait leur travail les années précédentes. Mais, lorsqu'on donne au ministre la possibilité de fermer un hôpital, bien, ça, c'est important; cela touche la vie, la sécurité ou la santé de tous nos compatriotes.
Alors, M. le Président, je trouve ça un peu aberrant et un peu fort de mettre ça dans le même projet de loi. Et c'est pour ça que l'opposition a décidé de demander cette scission, de scinder ce projet de loi là. Et je pense que c'est légitime, ce n'est pas exagéré.
Le leader adjoint du gouvernement disait que l'opposition n'avait pas d'arguments. Mais, M. le Président, le meilleur argument, c'est d'agir pour les gens, dans le meilleur de leur intérêt, avec prudence, avec respect des mesures que nous allons prendre et du résultat sur leur vie et sur leur capacité de se faire soigner dans notre réseau. Bien, scinder un projet de loi pour demander qu'on fasse plus particulièrement l'étude de la partie qui amène en particulier des fermetures d'hôpitaux, donc des changements, je pense que c'est agir comme ça. Ce n'est pas des mesures dilatoires, c'est prendre le temps.
Un service comme le nôtre, un réseau comme le nôtre, au Québec, a été déjà parmi les plus performants au monde. Il y a peu d'endroits, dans les pays occidentaux et développés, où l'on va trouver un système de santé aussi, ou qui a été aussi performant que celui qu'on a au Québec. Pour ceux qui voyagent, on se rendra compte que, pour obtenir ce que nous obtenons chez nous, il faut payer très cher, bien souvent de nos propres deniers. Nous avons su bâtir ça. C'est un des côtés particuliers de notre société québécoise, et canadienne d'ailleurs, aussi. Bien, M. le Président, on veut le changer. Certes, changeons-le, mais pas avec précipitation.
M. le Président, la précipitation dans ce domaine peut nous amener à des résultats comme on a pu connaître dans d'autres réformes. On se souviendra de la réforme de l'éducation, il y a 25, 30 ans, où on a chambardé le réseau. Et, aujourd'hui, on voit le gouvernement qui doit prendre des mesures pour remettre ça sur les rails et faire en sorte que ça redevienne efficient, pour que les jeunes puissent réapprendre et préparer leur avenir, pour que les institutions redeviennent humaines. On se rappellera ces chambardements qui ont amené ces grosses polyvalentes un peu déshumanisées plus de discipline. Bien, on a connu ce chambardement. Certainement que les raisons qui ont amené ça, à l'époque, étaient légitimes, et les gens pensaient agir dans le meilleur intérêt de la population.
Je ne dis pas qu'aujourd'hui le gouvernement ne pense pas qu'il agit dans le meilleur intérêt de la population, mais je crois, M. le Président, qu'il devrait agir d'une manière moins pressée, qu'il devrait consulter les gens, qu'il devrait faire en sorte que chacun puisse donner son opinion. Parce que ça nous concerne dans notre santé, dans notre intégrité physique, mais aussi dans l'argent que nous allons y mettre. Parce que, n'oublions pas que c'est toujours le contribuable qui va payer. C'est toujours les gens qui paient des impôts, et, avec nos impôts, M. le Président, nous devons faire beaucoup de choses, et l'argent est maintenant rare. Alors, soyons donc prudents dans les transformations, pour faire en sorte de ne pas créer d'autres problèmes que ceux que nous avons actuellement.
Alors, M. le Président, je pense que c'est tout à fait pertinent de scinder le projet de loi. Et j'aimerais ça, moi aussi, discuter avec le ministre, en commission parlementaire, d'un projet de loi qui verrait, un projet de loi scindé, pour quelle raison on va nommer des présidents ou des membres du conseil d'administration une année supplémentaire. C'est aussi important. Ça n'a pas la même importance que le chambardement qu'on se prépare à faire dans le réseau, mais ça a quand même une importance. M. le Président, pour quelle raison, pourquoi on ne va pas en élection, pourquoi on ne décide pas de faire réélire des nouveaux administrateurs? Peut-être a-t-il des bonnes raisons à nous expliquer, mais il n'aura pas le temps, parce que l'opposition est obligée de parler de la fermeture des hôpitaux, c'est inclus dedans.
Alors, on va donc passer sous silence une mesure qui peut-être est-elle bonne, peut-être ne l'est-elle pas, on ne le sait pas, mais, vu qu'elle est noyée avec une mesure beaucoup plus importante, qui est celle de la fermeture, M. le Président, on ne peut pas en discuter. Alors, c'est, encore là, un argument certainement sur le fond. Le leader disait qu'il n'y avait pas eu d'arguments. Il y a certains arguments, M. le Président, qui sont importants et d'autres aussi qui ont une certaine importance, comme celui de la nomination, des renominations, confirmations pour l'année supplémentaire des administrateurs, M. le Président, de conseils d'administration d'institutions publiques.
Alors, le leader adjoint nous parlait de la transformation du réseau. Il disait: Allons dans les circonscriptions, allons dans les comtés, puis on va dire aux gens: Regardez vos députés qui font retarder les projets de loi. M. le Président, comme élus en cette Chambre, les députés d'en face comme ceux de ce côté-ci, nous avons tous une responsabilité. La responsabilité, c'est de prendre des mesures dans le meilleur intérêt des gens et de la population, ce n'est pas d'appuyer les projets de loi parce que les ministres les amènent. Trop souvent, la machine gouvernementale tend à «bulldozer» ou à pousser, à bousculer les élus pour faire en sorte d'arriver à leurs fins. Et, trop souvent, nous nous rendons compte, après des années de vie parlementaire, que ces projets de loi là sont amenés par des technocrates et des bureaucrates et que les ministres en sont, des fois, simplement les porte-parole.
Nous, comme parlementaires, nous avons cette obligation, qui nous est donnée par la population dans nos circonscriptions électorales et je pense que le leader adjoint le sait parce que lui-même a été réélu parce que, certainement, il écoute ses électeurs d'écouter les gens et d'agir en conséquence selon ce qu'ils pensent qui est le mieux dans leur intérêt. Mais, M. le Président, pour les écouter, encore faut-il tenir des consultations publiques. Et un des moyens de le faire, c'est de scinder le projet de loi. Faisons en sorte qu'on parle de l'administration générale dans un et que nous parlions du coeur, du noeud du projet de loi, qui est la fermeture d'une partie du réseau, neuf hôpitaux dans les régions de Montréal, Québec, en région, et que nous fassions des consultations publiques.
Et je le redisais, je suis certain qu'il y a des gens de l'autre côté qui seraient d'accord avec moi: Pourquoi ne pas faire une commission parlementaire élargie comme on l'avait fait dans la culture, dans le temps, lorsqu'on a fait les états généraux sur la culture? Je me souviens du projet de loi. On avait reçu 175 groupes ou organismes. Nous avons siégé pendant trois mois, M. le Président, une partie de l'été. Eh bien, je ne le regrette pas, j'étais sur cela et je trouvais ça très intéressant. Ça a permis de rétablir les ponts, de rétablir le contact et de faire en sorte qu'un projet de loi important et intéressant soit mis en place pour le monde et les gens du milieu des arts et de la culture. Puis, aujourd'hui, on les voit, M. le Président, très rarement se plaindre et nous dire qu'ils n'ont pas été écoutés et qu'on n'a pas compris quelles étaient leurs préoccupations et leurs priorités. Alors, pourquoi ne pas le faire?
Je suis certain que le leader adjoint serait d'accord avec moi que, dans cette commission, on devrait faire venir les régies régionales. Je le disais précédemment mais je le répète, M. le Président, c'est important, les régies régionales devraient venir. On devrait justifier devant les parlementaires les recommandations qu'elles font au ministre. Ça permettrait aux régies régionales de ne pas se cacher derrière le ministre, puis au ministre de ne pas se cacher derrière les régies régionales. Mais, pour faire ça, M. le Président, quel meilleur outil que de faire un nouveau projet de loi? Scindons celui-là et allons-y. Nous, on est prêts. Il est maintenant 6 h 30, M. le Président, et je dois dire que nous pourrions passer des après-midi et tout l'été, le mois de juillet, à écouter, à faire des consultations et pourquoi pas une commission itinérante aussi. Pourquoi ne pas se rendre dans les régions? Pourquoi faire défiler tout le monde à Québec? Pourquoi ne pas aller près des utilisateurs, des citoyens? Pourquoi pas, M. le Président? On a vu que...
(6 h 30)
Je ne veux pas m'éloigner de la pertinence et je pense que c'est trop important pour aller en dehors de la pertinence, mais un petit aparté. On n'a pas hésité, M. le Président, à faire des commissions régionales pour la souveraineté, où on s'est déplacés. On a dépensé de l'argent du gouvernement pour faire ça. Pourquoi ne pas le faire pour la santé? Est-ce que ce n'est pas plus important? Est-ce que la transformation du réseau québécois de la santé n'est pas aussi importante dans la vie des citoyens que la souveraineté? Si on est prêts, M. le Président, à mettre une ligne 800 pour la souveraineté, est-ce qu'on va mettre une ligne 800 pour consulter les citoyens sur la réforme du réseau de la santé?
Bon, je vais retourner dans le débat, M. le Président, je ne veux pas rendre ce débat partisan, parce que ce qui touche à la santé au Québec ne devrait pas être partisan, c'est tous et chacun de nous autres, et je pense que nos électeurs ne nous le pardonneraient pas. D'autant plus, M. le Président, qu'on se rappellera que nous sommes en droit, les gens sont en droit d'avoir des explications de la part du gouvernement sur ce dossier-là, et scinder le projet de loi le permettrait. Ça permettrait d'étudier la fermeture. Pourquoi, M. le Président? J'explique.
Lors de la dernière campagne électorale, quand avons-nous entendu ce gouvernement promettre aux gens ou indiquer aux gens qu'il était pour fermer des lits d'hôpitaux? Jamais. Au contraire, on a parlé d'ajouter des lits d'hôpitaux. Dans le comté de L'Assomption et dans le comté de LaFontaine, il était prévu par l'équipe ministérielle actuelle, en accord avec celle sortante, d'y construire un hôpital. Donc, on parlait d'ajouter des lits. Maintenant, on en ferme. Vous me permettrez d'être d'accord avec les gens lorsqu'ils sont sceptiques quant à la réforme. Ça mérite la peine que nous nous penchions dessus et que nous réétudions tout cela. Et, pour ce faire, M. le Président, on se devrait donc d'appuyer la motion de scission du député de Châteauguay, qui a été faite, d'ailleurs, dans un but de collaboration avec le gouvernement, afin de permettre d'avoir une meilleure efficience dans nos travaux et d'avoir un meilleur éclairage sur toute cette problématique.
J'écoutais aussi, M. le Président, le député leader adjoint du gouvernement, qui disait: Il faut bouger, il faut agir, il faut décider. Oui, nous sommes tous d'accord avec ça, mais pas n'importe comment et pas avec précipitation. C'est, encore là, pour ça, M. le Président, qu'il y a un argument pour scinder ce projet. N'agissons pas avec précipitation. Ne bougeons pas d'une manière écervelée, dans tous les sens. Et, avant de décider, M. le Président, écoutons les gens, car, je le répète, nous devons, comme parlementaires, agir dans le meilleur des intérêts de nos compatriotes et de nos concitoyens. Nous ne devons pas être des gens qui estampent béatement les projets de loi présentés par des fonctionnaires, par l'entremise d'un ministre.
Trop de nos compatriotes et de nos concitoyens, M. le Président, se posent des questions sur le fonctionnement de ce Parlement et de cette Assemblée. Pourquoi? Parce qu'ils ont l'impression que nous ne sommes là que pour approuver ce que certains ministres nous amènent en cette Chambre d'une manière docile, sans réflexion et sans les écouter. Même certains députés ont hésité à aller devant des citoyens qui manifestaient dans la ville de Québec, alors que la présence d'un député, M. le Président, c'est où sont les citoyens, ce n'est pas où est le ministre. Ce n'est pas le ministre qui les élit, ce sont les citoyens. Puis, ils ne nous élisent pas pour aller dire oui à un ministre. Ils nous élisent, M. le Président, pour aller représenter leurs intérêts.
En effet, M. le Président, la scission permettrait un éclairage particulier sur cette partie du projet de loi, qui en deviendrait un par elle-même, et je ne peux donc que la recommander, M. le Président. Je dois dire en terminant que, oui, nous allons bouger, oui, il nous faut agir et, oui, il faut décider, mais pas n'importe comment.
Je pense qu'en refusant ce projet de scission le gouvernement nous démontre sans aucun doute, M. le Président, qu'il tient absolument à adopter ce projet de loi à la vapeur et qu'il ne tient pas à consulter les gens, d'autant plus qu'il n'a pas, comme je l'avais dit, lors de la campagne électorale, averti les gens qu'il fermerait des hôpitaux, mais qu'il devait en rajouter dans certaines régions.
M. le Président, moi, je suis en faveur de la scission. J'espère que l'ensemble des collègues et députés de cette Assemblée vont voter en faveur, et ça nous permettrait d'avoir un débat beaucoup plus élargi sur la transformation du réseau de la santé, sur la fermeture des lits d'hôpitaux. Et je dis ça sans aucune partisanerie, parce que les mêmes gens se font soigner dans les mêmes hôpitaux, que ce soit dans le comté de Gouin, dans le comté de LaFontaine, de Verdun ou d'autres comtés. M. le Président, ça touche tous nos concitoyens, ça nous touche, nos familles et nos enfants. M. le Président, tout le monde devrait être d'accord avec cette motion qui permettrait d'avoir un meilleur éclairage et un meilleur débat, une meilleure consultation sur l'ensemble de ce projet de fermeture d'hôpitaux, de rationalisation que le ministre nous amène ou que les fonctionnaires nous envoient par l'entremise du ministre. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M. le député de LaFontaine. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Laviolette et whip en chef du gouvernement. À vous la parole, M. le député.
M. Jean-Pierre Jolivet
M. Jolivet: M. le Président, je n'ai pas été très impressionné par les paroles dites par le député de LaFontaine. Le député de LaFontaine a cherché ses mots à plusieurs occasions, a répété la même chose deux et trois fois, mais on s'aperçoit très bien que, dans le fond, tout ce qu'il cherchait à faire en présentant cette motion de scission, c'était à gagner du temps, parce que, comme le disait le leader adjoint du gouvernement, c'est une mesure dilatoire. Il est évident à sa face même que le député de LaFontaine, à pied levé, a décidé d'appuyer le député de Châteauguay en disant que c'était une bonne chose, que ça permettait des bonnes discussions. Il a commencé à parler de commission parlementaire, il est allé vers les commissions itinérantes, il a parlé de commission sur la souveraineté, puis, d'un autre côté, il indiquait que le projet de loi était passé à la vapeur.
M. le Président, je suis ici depuis 10 heures hier matin. Nous avons passé la nuit entière, nous avons laissé parler les libéraux autant qu'ils ont voulu, on ne les a jamais empêchés. De temps en temps, on avait l'occasion de placer, à l'intérieur de ces discussions, quelqu'un de notre bord, parce qu'on ne voulait pas allonger le temps. On voulait tout leur laisser la glace, puis, on le sait très bien, ils sont à peu près 23, 24, 25 qui ont parlé jusqu'à maintenant; ils en ont 47, ils vont tous parler les uns après les autres. On va leur donner la glace, ils vont avoir tout le temps d'expliquer ce qu'ils veulent du projet de loi.
Il y a une chose qui est certaine, on le sait, c'est qu'ils n'en veulent pas. Ça, c'est leur droit, il n'y a personne qui va nier un fait aussi évident, mais, d'un autre côté, présenter une motion de scission... La présidence a accepté qu'elle était présentable, qu'elle était recevable, il faut donc maintenant en disposer. Et c'est dans ce sens-là que nous avons l'intention, à un certain moment, quand le débat de deux heures sera terminé, de passer au vote puis de battre cette motion, puisque nous croyons qu'elle ne vaut pas la peine d'avoir même été discutée. Mais, puisque c'était la décision, nous la discutons.
Le projet de loi, quand on le regarde dans son ensemble, pour avoir participé à des débats à l'intérieur de mon caucus, à l'intérieur du Conseil des ministres, à l'intérieur de toutes les personnes qui en ont parlé, est évident: il a un but principal, c'est toute la transformation du système de santé et de services sociaux au Québec. Le ministre responsable, pour nous, a été responsable d'une commission d'enquête, à l'époque, qui a permis de voir comment on devait changer le système. Il a donné des pistes de solution dont le gouvernement antérieur au nôtre s'est porté responsable jusqu'à un certain niveau. Dépassé ce niveau-là, pour des raisons évidentes, ça a arrêté.
Mais il y a une chose qui est certaine, c'est qu'il y a des gens qui ont travaillé quand même sur des structures, à l'époque et là nous avons l'intention d'aller plus loin mais ils ont travaillé sur ces structures-là, ils ont été nommés sur des conseils d'administration soit parce qu'ils ont été élus, soit parce qu'ils ont été délégués. Vous savez comment fonctionne l'ensemble des conseils d'administration des régies régionales, l'ensemble des centres hospitaliers et autres, donc des gens ont été nommés là. Vous le savez très bien.
Et là je vais donner juste un petit exemple de ce qui s'est passé. J'en faisais d'ailleurs mention, dans nos discussions, alors que le président était en train de prendre une décision sur la recevabilité, à certains députés, puis je leur faisais mention de ce qui s'est passé dans le passé. En 1985, nous avons perdu le pouvoir comme parti du pouvoir de l'époque, mais, entre 1976 et 1985, j'ai été député dans mon comté. Jamais je n'ai interféré pour nommer des membres au conseil d'administration de quelque institution que ce soit dans le système de santé et de services sociaux. Je ne suis pas intervenu. Ça a été drôle, parce que le candidat que j'ai battu en 1985 a décidé, lui, que, parce qu'une personne qui avait été laissée au conseil d'administration, c'était possiblement une personne qui était pour le PQ, et il a décidé de toutes les changer.
(6 h 40)
Juste une petite... Non, mais juste une petite anecdote. Je pense que c'est important, parce que c'est sur l'ensemble des conseils d'administration. Je pense bien que j'ai le droit de parler de ça, sur le conseil d'administration. Voilà que la personne âgée vient me voir, elle dit: M. Jolivet, je ne comprends plus rien. Elle dit: De 1976 à 1985, vous étiez au pouvoir, je m'occupais de ma mère dans un centre d'accueil, j'étais bénévole sur le conseil d'administration, jamais vous n'avez demandé de m'enlever de là même si vous saviez, à l'époque, que j'étais une libérale, que j'étais une personne qui travaillait pour le Parti libéral, qui a même été contre vous. Puis là elle dit: Je ne comprends plus rien, en 1985, je fais élire mon gouvernement, vous restez le député quand même du comté, puis le candidat libéral, qui est devenu membre d'un cabinet de ministre à l'époque, a décidé de m'enlever de là. Elle dit: Je ne comprends plus rien. Elle dit: Moi, je suis une libérale, j'ai travaillé pour eux autres, puis voilà qu'ils sont au pouvoir puis ils m'enlèvent parce qu'ils prétendent que, parce que vous m'avez laissée là, j'étais une péquiste. Elle dit... Là, à partir de maintenant, vous voyez bien que cette personne-là, qui, sur les conseils d'administration, a travaillé, ça a fait en sorte que ça l'a mise en beau fusil. Depuis ce temps-là, elle m'a dit: M. Jolivet, ne vous inquiétez pas, je vais travailler pour vous.
Mais, remarquez bien une chose, par exemple, c'est qu'aujourd'hui il y a des gens qui, entre 1985 et 1994, ont été nommés sur des conseils d'administration, sur recommandation du ministre de l'époque, qui a changé en cours de route, du gouvernement libéral, parce qu'ils étaient d'allégeance libérale. Est-ce que le ministre n'aurait pas intérêt aujourd'hui, pour faire en sorte que sa réforme et, là, je fais le lien entre les deux dans le projet de loi sur les conseils d'administration et sur la réforme qu'il veut mettre sur pied, sur la reconfiguration de tout le système, à dire: Bien, écoutez, il y a peut-être des chances de penser qu'il y a bien des cas où les gens vont mettre des bâtons dans les roues parce qu'ils vont se liguer avec le Parti libéral contre nous. Mais imaginez-vous que, si le ministre pensait de même, il y aurait eu une première tentative de faite, c'est de dire: On va tous les changer. Hein? Non, non, non, je dis: Il pouvait tous les changer. Mais ce n'est pas ça qu'il a décidé. Il a décidé, dans le projet de loi, de mettre une provision en disant que les conseils d'administration seraient perpétués pendant une autre année. Perpétués pendant une autre année, le temps de mettre en place toute la réforme, telle que proposée.
Donc, pourquoi, à ce moment-là, scinder le projet de loi puis dire que, d'un côté, on va discuter des conseils d'administration, puis, d'un autre côté, on va discuter de la formulation, de la reconfiguration de tout le système? Pourquoi ne pas le faire dans le même temps? Et c'est ce que le ministre propose dans le projet de loi. Et c'est pour ça qu'il faut être contre la motion de scission. Il faut être contre ça parce que le ministre dit: Dans un contexte de changement, aussi bien prendre les personnes qui l'ont commencé, leur permettre de le finir parce que, dans l'année qui vient, c'est ce qu'on va faire, puis arriver, au bout de la course, à ce qu'on n'ait pas, en cours de route, des changements. Des changements de membres de conseils d'administration qui arriveraient dans un contexte où il faudrait recommencer à zéro, ce serait une perte de temps, une perte d'énergie, une perte d'argent, puis le ministre est donc conséquent. Il dit: Moi, je ne veux pas perdre de temps, je ne veux pas perdre d'argent, je ne veux pas perdre d'énergie; je veux, avec ceux qui étaient là, faire en sorte que la suite se fasse plus facilement, plus correctement.
Ne vous imaginez pas qu'il n'y a pas eu de discussions dans le caucus et dans les discussions qu'on a eues entre nous autres sur cette question-là. Bien des gens ont dit: Il y a un danger à faire ça, un gros danger. C'est qu'il y a des gens, qui ont été nommés par le Parti libéral de façon à s'assurer qu'ils soient d'allégeance libérale, qui pourraient avoir une tentation, un idéal, une façon d'agir de tout bloquer le système, de tout briser le système. Bien non, nous, on a fait confiance à ces gens. Ils ont été nommés, on espère qu'ils vont faire une job correcte pour l'ensemble de la population, même si ce n'est pas facile. Même si ce n'est pas facile. Non, il y a des gens qui sont nommés, il y a des gens qui sont recommandés, il y a des gens, en plus de ceux qui sont élus, qui sont délégués. Donc, il y a des gens sur les conseils d'administration qui ont des responsabilités et qui font que, dans le contexte que nous avons à vivre... Là, je parle de l'ensemble du secteur de la santé et des services sociaux, pas simplement des régies régionales, de l'ensemble de tous les secteurs, donc il est important de le considérer comme tel, M. le Président.
Vouloir, à ce moment-ci, scinder le projet de loi puis de dire qu'il y a deux principes, moi, je pense que c'est tiré un peu par les cheveux. C'est justement pourquoi je vais être contre. On a jugé la motion recevable, ça ne veut pas dire que le contenu l'est, lui. La proposition en tant que telle est recevable, mais on peut discuter du contenu et c'est de ça que je veux discuter, M. le Président. Je veux dire aux gens qui auront à voter tout à l'heure que nous croyons essentiel et important que le projet de loi ne soit pas scindé, que les deux puissent faire partie de l'ensemble présenté par le ministre, présenté quant à la reconfiguration de tout le système et aidé de ceux qui, actuellement, sont membres des conseils d'administration des régies régionales, de ceux et de celles qui ont participé à l'élaboration jusqu'à maintenant.
Là, l'exemple typique, on va l'avoir dans mon comté et dans ma région. Prenons la Régie régionale de la Santé et des Services sociaux de la région 04, M. le Président. La première fois qu'il y a eu un vote... Et je le faisais, hier, en l'agaçant un peu, en l'asticotant comme on dit en bon québécois... Hier, au Conseil régional de développement où on a eu notre réunion annuelle et notre première réunion de l'année, sur le Conseil régional de développement de la région, j'ai rencontré mon ami Jacquelin Audy, de La Tuque. Je l'agaçais un peu parce que, la première fois qu'il a été élu, quand il a été délégué... Il a été élu, après ça, entre eux autres, comme président de la régie. Imaginez-vous que, la première fois, c'était égal. La deuxième fois, ils ont recommencé; c'était égal. Savez-vous ce qui a été décidé? Le tirage au sort. Puis, là, au tirage au sort, il a été nommé président de la Régie régionale de la Santé et des Services sociaux de la région 04. Puis, là, il me disait: Moi, là, je suis parti de Trois-Rivières et je suis monté à La Tuque puis, tout le long, dans la voiture, en montant à La Tuque, dans la soirée, je me disais: Ça n'a pas de maudit bon sens, j'ai été nommé par tirage au sort, c'est drôle cette affaire-là puis... Il était content tout en étant un peu surpris. Puis, il a dit: Le plus drôle de tout, c'est, en me levant, le lendemain matin, sur Le Nouvelliste , en première page, c'était marqué puis, là, je n'osais pas trop le croire c'était marqué: Jacquelin Audy élu président de la Régie régionale 04, par tirage au sort. Vous savez que ça a une connotation très drôle. Alors, il me disait: Une chance que la deuxième fois, là, j'ai été élu pour le vrai. J'ai été élu pour le vrai parce que les gens ont vu l'ouvrage que j'ai fait pendant l'année, puis, là, ils m'ont élu encore une fois. Ce personnage-là, je le rencontre. Il a pris en charge, depuis deux ans, tout le système de la reconfiguration du système, il a visité tous les hôpitaux, tous les établissements de la Santé et des Services sociaux, les CLSC. Il a fait le tour de partout. Il nous a même rencontrés, nous autres, le caucus du Parti québécois, à notre élection, depuis, trois fois presque quatre, cinq fois maintenant, depuis l'élection. Il a fait le projet INTER, pour faire l'interdépendance, puis il a travaillé à La Tuque parce qu'il était au CLSC de La Tuque, en même temps centre d'accueil. Parce qu'à La Tuque, c'est un centre d'accueil et CLSC en même temps. C'est spécial, dans le coin, mais c'est de même que ça c'est fait. Puis, de là, ils essaient de faire avec l'hôpital, chez nous, toute une organisation d'un centre de santé à partir du CLSC, en montant: service à la population de première ligne, comme on dit, service entre les deux, pour des gens qui entrent à l'hôpital ou qui sortent de l'hôpital, donc tout le système, parce qu'il a travaillé depuis deux ans à faire en sorte que les gens s'allient ensemble, s'«interdépendent» ensemble, comme il appelle le projet INTER.
Pourquoi aujourd'hui vouloir dissocier, dans le projet de loi, ces deux activités-là? Moi, je ne pense pas, M. le Président, que ça soit quelque chose de logique. Les libéraux, de l'autre côté, le parti de l'opposition a décidé de retarder la discussion en nous accusant de la faire en sauvette; c'est ce que le député de LaFontaine disait tout à l'heure. Je trouve ça un peu drôle, M. le Président... de faire ça à la sauvette. On ne fait pas ça à la sauvette. On le fait, là, à ce moment-ci, c'est prévu. Normalement, s'il n'y avait pas eu de mesures dilatoires après la période des questions, à 10 heures hier matin, on serait déjà plus avancé, et probablement qu'on aurait adopté le projet de loi. Mais ça, c'est la responsabilité de l'opposition d'avoir utilisé ces moyens-là.
Mais, finalement, on est là, à ce moment-ci du matin, on est là à discuter d'une motion de scission qui, d'après moi, devrait être refusée parce qu'elle n'a pas de valeur quant à l'esprit dans lequel la réforme, la reconfiguration du système est faite. Le ministre dit: Moi, j'ai une chose à faire, c'est de continuer un travail qui a été amorcé et qui, malheureusement, a été arrêté brusquement en 1992, sous l'ordre de je ne sais pas qui ou une pression de je ne sais pas qui de l'autre côté, alors qu'ils étaient au pouvoir, pour finalement se retrouver à ce moment-ci avec les obligations d'agir. Le ministre a décidé d'agir, le ministre a l'appui des gens, et il doit en même temps être capable de le faire de façon correcte. Et les conseils d'administration, tel que demandé en termes de prolongation de mandat, font, à mon avis, du sens, font du sens dans la mesure où la réforme doit être faite dans les meilleures conditions.
(6 h 50)
Alors, M. le Président, il est évident, et vous comprendrez très bien que je voterai contre la motion de scission pour qu'on puisse, de façon plus rapide, prendre le débat complet, laisser parler ceux qui ont à parler, du côté de l'opposition, puis, après ça, prendre la décision d'envoyer en commission parlementaire, dès lundi probablement, si on l'adopte aujourd'hui, vendredi 2 juin, pour que le ministre puisse travailler convenablement, avec tous les membres de la commission parlementaire et qu'on puisse finalement voir ce projet-là adopté avant la fin de nos travaux de la session actuelle.
Le Vice-Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M. le député de Laviolette. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Verdun.
M. Gautrin: M. le Président, auriez-vous l'amabilité de me dire combien il reste de temps à ma formation politique sur la motion de scission, s'il vous plaît?
Le Vice-Président (M. Bélanger): Il reste 22 minutes à la formation formant l'opposition officielle.
M. Gautrin: Et qu'arrive-t-il des 10 minutes qui touchaient le député indépendant? S'il ne les utilise pas, on devra se les partager?
Le Vice-Président (M. Bélanger): Si le député indépendant n'utilise pas ses 10 minutes, à ce moment-là elles pourront être séparées à parts égales entre les deux formations politiques.
M. Henri-François Gautrin
M. Gautrin: Merci, M. le Président. Alors, je me lève pour parler en faveur de la motion de scission. Je vais parler en faveur de la motion de scission pour expliquer sur le fond pourquoi on pourrait être en accord avec certains articles du projet de loi et pourquoi on pourrait être contre certains articles du projet de loi, ce qui fait que, naturellement et en toute logique, on doit évidemment avoir deux projets de loi pour permettre aux parlementaires, sans vouloir présumer de leur vote, de s'exprimer en toute liberté.
Les articles 2, 7, 8, 9, 10 et 11 du projet de loi touchent essentiellement les conseils d'administration, touchent la prolongation du mandat des conseils d'administration et touchent le pouvoir qui est donné aux conseils d'administration actuels de pouvoir combler les vacances par cooptation, ces deux éléments de ces articles-là. On pourrait concevoir d'être en faveur de ces articles, parce qu'on se dit: Il est clair que, normalement, il doit y avoir des élections dans les conseils d'administration des hôpitaux, des CLSC, des centres d'accueil et que, dans une certaine logique, parce qu'on est dans une période de réorganisation du réseau, on ne voudrait pas procéder tout de suite aux élections des conseils d'administration, et, dans ce sens-là, on voudrait combler les vacances et permettre de pouvoir prolonger les conseils d'administration en exercice. Ça serait une manière de se donner, pendant l'année qui vient, des conseils d'administration dûment constitués, légalement constitués et pouvant fonctionner.
Le problème, il est de tout autre nature pour les articles 3, 4, 5, 6 et 11. À ce moment-là, on n'est pas en train de respecter et de faire en sorte que les organismes locaux que ce soient les régies régionales, les CLSC, les hôpitaux puissent fonctionner dans l'année qui est devant nous, on donne au ministre un pouvoir que je considère, moi, comme exorbitant et inapproprié. On donne au ministre le pouvoir de révoquer le permis malgré l'avis d'un conseil d'administration, ou le pouvoir de changer l'objet du permis. Une des critiques majeures que, de ce côté-ci, nous faisons à toute la démarche qui est la démarche mise de l'avant par le Parti québécois, c'est la suivante: c'est de ne pas vouloir convaincre les organismes en place, mais vouloir procéder par diktat, par ordre, par volonté qui vient d'en haut.
Et là il y a une grande différence entre un consensus qu'on aurait pu établir dans le milieu des conseils d'administration et un consensus possible qui aurait permis aux différents conseils d'administration d'embarquer dans cette réforme qui pourrait être considérée comme nécessaire, c'est-à-dire, et j'y reviendrai, sur le principe de prendre le virage ambulatoire, c'est-à-dire de permettre aux établissements de pouvoir procéder à des chirurgies d'un jour, de faire en sorte que les personnes soient traitées chez elles, suivies par le CLSC, quoique nos critiques restent absolument valables de ce côté-ci, en disant: Vous avez mis la charrue avant les boeufs et vous n'avez pas bâti l'infrastructure nécessaire pour pouvoir aller de l'autre côté, pour pouvoir être en mesure de faire ce virage ambulatoire. On aurait pu concevoir que les différents conseils d'administration, comprenant la réforme, comprenant les objectifs, le consensus qui aurait pu s'établir conseils d'administration que, normalement, on proroge soient en mesure, à ce moment-là, de dire: Oui, on embarque dans la réforme. Et, dans cette approche-là, M. le Président, on pourrait tout à fait dire: Il est nécessaire, parce qu'il y a un consensus dans le milieu, pour pouvoir fonctionner, que les conseils d'administration qui ont existé depuis quatre ans soient prolongés d'une seule année pour être en mesure de faire le virage qui existe, pouvoir être en mesure de répondre à un consensus, si consensus il y avait.
La deuxième partie du projet de loi est totalement différente. On ne parle plus, à ce moment-là, des conseils d'administration, des élus des quartiers. Le député de Gouin a parlé de son morceau de ville, de son hôpital qui représentait réellement sa population. Ce n'est plus ça dont on parle. On parle réellement du pouvoir arrogé, donné d'une manière spécifique au ministre. Et, sur ça, on est dans un domaine totalement différent. J'écoutais j'allais dire ce matin la députée de Marguerite-Bourgeoys lorsqu'elle disait: Encore là, c'est un pouvoir spécifique au ministre et même pas un pouvoir donné au Conseil des ministres pour avoir le frein éventuel du Conseil des ministres. Et on est, à mon sens, M. le Président, vraiment dans deux choses de nature totalement différente. Totalement différente. Et, pour la sérénité de nos débats, pour permettre aux parlementaires d'apprécier le projet de loi 83 dans sa véritable valeur et pouvoir en conscience peut-être apprécier les arguments qui amèneraient les parlementaires à vouloir prolonger le mandat de certains conseils d'administration, de pouvoir donner, à ces conseils d'administration, le pouvoir aussi de combler les postes qui sont vacants, je pourrais concevoir que certains parlementaires, à ce moment-là, voudraient voter en faveur des articles 2, 7, 8, 9 et 11, qui sont des articles qui, essentiellement, s'en vont prolonger, touchent les pouvoirs propres aux conseils d'administration des institutions.
Par contre, M. le Président, je suis sûr que les parlementaires qui sont empreints du respect du pouvoir des élus vont avoir énormément de difficultés à concevoir que l'on dépasse des pouvoirs des conseils d'administration qui sont des pouvoirs qui sont donnés par la population à des élus. Parce que rappelez-vous qu'après la loi 120 la majeure partie des membres des conseils d'administration ont été élus par différents corps: la population, les bénévoles, les représentants des bénéficiaires. C'est ça qui constitue actuellement les conseils d'administration de nos institutions, donc essentiellement des élus. Et les articles 1, 3, 5, 6 et 11 s'en vont retirer ces pouvoirs à des personnes qui ont été dûment élues pour gérer et voir à l'organisation de leur hôpital, de leur CLSC, voire même de leur centre d'accueil et transfèrent ce pouvoir d'une manière... quasiment un rapt de pouvoirs vers le ministre.
(7 heures)
M. le Président, je ne comprends pas. Le leader adjoint a plaidé qu'il était nécessaire d'avoir ces pouvoirs-là pour mettre en place la réforme. Je n'ai absolument pas compris. Je n'ai absolument pas compris. Pourquoi faut-il, pour mettre en place la réforme, au lieu de rechercher le consensus qui, je comprends bien, d'après le ministre, s'établirait parmi les représentants des différents organismes, arroger au ministre des pouvoirs quasi dictatoriaux? Pourquoi faut-il... Quasi dictatoriaux. Quasi plénipotentiaires. Pour faire plaisir. M. le Président, je ne vais pas ici faire, à une heure tardive, un débat actuellement sur les différents mots. Je serais prêt à prendre «quasi plénipotentiaire» puisque c'est le mot qui m'est suggéré par le leader adjoint. Mais, enfin, des pouvoirs exorbitants, et, ça, je suis sûr que le leader adjoint est d'accord avec moi. Ce sont des pouvoirs exorbitants, qu'on n'a jamais vu accordés à un ministre dans un projet de loi.
Le ministre a toujours, comme vous le savez, et le Parlement avait toujours le pouvoir, si jamais un conseil d'administration était délinquant, de procéder à la mise en tutelle, pouvoir même aussi venir au Parlement pour faire une mise en tutelle. Mais ce n'est pas ça. Il présume, au départ, que ces conseils seront délinquants. Il présume, au départ, que les conseils ne comprendront pas. Et je comprends pourquoi les conseils ne comprennent pas, compte tenu à quel point ce qu'il propose est inacceptable. Mais il présume au départ que les conseils n'accepteront pas le projet de réforme qu'il veut leur proposer et, comme il présume que les conseils d'administration n'accepteront pas le projet qu'il veut mettre de l'avant, il s'arroge, dès le départ, le pouvoir de les renverser, de renverser leurs décisions éventuelles. Il s'arroge, dès le départ, le pouvoir de changer la vocation d'un établissement, voire même, M. le Président, de retirer le permis, c'est-à-dire de fermer l'établissement.
Écoutez, vous êtes un démocrate, M. le Président. Vous avez une longue expérience de la démocratie je vous connais depuis longtemps et vous savez à quel point c'est un pouvoir énorme, énorme. Et des parlementaires ici pourraient concevoir, parce qu'ils sont empreints de principes de démocratie, qu'il s'agit là de pouvoirs certainement beaucoup trop importants donnés au ministre dans ce cadre-là, et voudraient voter contre la loi 83, tout en concevant, même si nous ne le faisons pas, néanmoins que, si consensus il y avait, à l'intérieur d'une certaine région, pour aller de l'avant avec certains éléments de la réforme, il y aurait lieu, pour pouvoir la mettre en oeuvre, d'avoir des conseils d'administration dûment constitués.
Alors, je répète mon argument, M. le Président. Il peut y avoir des parlementaires qui n'accepteraient pas ce pouvoir exorbitant donné au ministre par les articles 1, 3, 4, 5, 6 et 11, mais qui seraient prêts à concevoir que, dans le cas où il y aurait consensus dans une région, pour pouvoir aller de l'avant avec la réforme que nous considérons déjà, prima facie, comme étant inacceptable... mais qui voudraient y aller de l'avant avec cette réforme, auraient besoin, pour aller de l'avant de deux conseils d'administration, et, pour pouvoir avoir ces conseils d'administration, ces parlementaires pourraient dire: Nous avons besoin des articles 2, 7, 8, 9, 10 et 11, à savoir les articles qui vont proroger les conseils d'administration en place, les articles qui vont faire en sorte que les conseils d'administration qui existent déjà sont encore en exercice pour éventuellement aller de l'avant avec cette réforme.
Alors, M. le Président, la motion de scission, je crois qu'elle devrait être votée à l'unanimité. Je crois réellement qu'elle devrait être votée à l'unanimité. Elle devrait être votée à l'unanimité pour permettre ce libre choix aux parlementaires, pour permettre aux parlementaires ce libre choix, et c'est extrêmement important. C'est extrêmement important, en termes de démocratie, le libre choix des parlementaires dans le Parlement. Leur permettre, à ceux d'entre nous qui trouvent que les pouvoirs donnés par la loi 83 au ministre briment leur esprit de démocratie, vont beaucoup trop loin, sont réellement exorbitants, mais qui, néanmoins, voudraient aller de l'avant avec le projet de réforme, si consensus il y avait, et qui, pour ce cas-là, ont besoin de prolonger les conseils d'administration... La scission, essentiellement, donne ce pouvoir. Voter pour la scission, c'est voter pour la possibilité, à ceux d'entre nous qui veulent avoir ce choix, d'avoir ce choix.
Je dois dire que, moi, personnellement, je ne le prendrais pas. Je ne le prendrais pas, ce choix, parce que je pense, dès le départ, que, d'un côté, les pouvoirs accordés au ministre sont exorbitants et, de l'autre côté, je suis convaincu que consensus il n'y aura pas dans les régions pour l'adoption du projet de loi.
Néanmoins, néanmoins, il pourrait y avoir parmi nous certains parlementaires, et je ne préjuge pas actuellement des points de vue de mes collègues ou des collègues de l'autre côté de l'opposition... Je vois des grands démocrates, comme le député de Matane, peut-être l'aurais-je convaincu sur l'importance de la scission, ou des grandes démocrates, comme la députée de Chambly, qui est aussi une profonde démocrate, absolument. J'espère que j'ai réussi, elle que je connais depuis longtemps sur ses choix par rapport à la démocratie... de savoir à quel point elle pourrait être tentée, tentée de voter en faveur de la scission, pour permettre à ceux de ses collègues qui voudraient ne pas donner ces pouvoirs exorbitants au ministre, mais pouvoir aussi aller de l'avant avec la réforme en ayant...
Le Vice-Président (M. Bélanger): Je m'excuse, M. le député de Verdun. M. le leader adjoint du gouvernement, pour une question de règlement?
M. Boisclair: Tout simplement rappeler le député à la pertinence, puisque la motion de scission ne permettra, d'aucune façon, si elle est adoptée ou si elle est battue, d'empêcher un de nos collègues ministériels de voter contre un article du projet de loi.
M. Gautrin: M. le Président...
Le Vice-Président (M. Bélanger): Ce n'est pas une question de règlement, M. le leader adjoint du gouvernement. Alors, M. le leader... S'il vous plaît! Alors, M. le député de Verdun, je vous invite à continuer votre...
M. Gautrin: M. le Président, je voudrais répondre, dans mon argumentation, si vous me permettez, à l'argumentation du leader adjoint. Je dirais, à l'heure actuelle, que, si nous ne scindons pas le projet de loi, la personne qui devra donc s'exprimer sur la totalité du projet de loi et qui aura donc à s'exprimer dans un seul vote sur, à la fois, la prolongation des mandats des conseils d'administration, mais aussi sur l'extension... Oui.
Le Vice-Président (M. Bélanger): M. le député de Verdun, je m'excuse. Oui, M. le député de Hull.
M. LeSage: M. le Président, je m'excuse d'interrompre mon savant collègue avec cet exposé extraordinaire, mais j'aimerais que vous vérifiiez le quorum. Je pense que c'est important que les gens de l'opposition écoutent ce qu'on a à dire, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Bélanger): Alors, M. le député de Hull, je vais vérifier le quorum. Alors, qu'on appelle les députés.
(7 h 9 7 h 11)
Le Vice-Président (M. Bélanger): Alors, Mmes, MM. les députés, si vous voulez bien vous asseoir, nous allons reprendre nos travaux.
M. le député de Verdun, vous en étiez à finir votre argumentation sur la question de règlement, tout en vous rappelant qu'il vous reste trois minutes de temps de parole. M. le député.
M. Gautrin: Alors, je vais prendre ces trois minutes, M. le Président, pour convaincre... Je vois, avec l'appel au quorum que nous venons de vivre, qu'un certain nombre de démocrates siégeant dans le parti ministériel actuellement, et que je connais, parce que je les connais depuis longtemps comme étant des démocrates, se sont joints à nous. Sans vouloir la citer, je voudrais réitérer, dans les trois minutes qui me restent, toute la base de l'argumentation.
Voter en faveur de la scission, M. le Président, c'est permettre à ces démocrates, pouvoir permettre aux parlementaires, à ceux, parmi nous, des parlementaires qui voudraient ne pas conférer au ministre les pouvoirs exorbitants prévus dans la loi 83, mais qui voudraient néanmoins prolonger les mandats des conseils d'administration, qui voudraient faire en sorte que les conseils d'administration puissent aussi coopter les différents membres, puissent, en plein respect de leur esprit démocrate, de leur choix pour la démocratie et j'en connais beaucoup, dans les banquettes d'en face, de gens qui se sont battus, battus pendant des années pour des principes de démocratie et qui, j'en suis sûr, vont respecter leur choix profond de leur coeur pour les choix de la démocratie permettre aux parlementaires d'exprimer le vote le plus honnête possible.
Et dans ce sens-là, M. le Président, vous me permettrez de dire que je crois que la motion de scission présentée par le député de Châteauguay devrait être adoptée à l'unanimité. C'est la possibilité, c'est le choix de la démocratie, M. le Président, l'unanimité pour cette motion de scission, afin de permettre à chaque parlementaire de s'exprimer, en son âme et conscience. Veut-il donner ces pouvoirs énormes au ministre ou ne veut-il pas refuser les pouvoirs au ministre tout en donnant, aussi, la possibilité aux conseils d'administration de coopter leurs différents membres?
M. le Président, je vous suggère... Je plaide actuellement: tous les démocrates, ceux qui croient à la démocratie, votez en faveur de cette motion de scission. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Bélanger): Alors, je vous remercie, M. le député de Verdun. Ceci met fin, à toutes fins pratiques, au temps de parole pour le parti formant l'opposition. Je suis maintenant prêt à entendre quelqu'un du parti ministériel. Il reste environ une vingtaine de minutes au parti ministériel relativement à cette motion de scission. Je vais céder la parole à M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.
Des voix: Bravo!
M. Jean Rochon
M. Rochon: M. le Président, tout en faisant une présomption de bonne foi vis-à-vis des collègues de l'opposition, je vais essayer de leur démontrer que ce projet est vraiment une unité et qu'il est une phase préalable à un projet de plus grande envergure qui visera à bonifier et à améliorer notre Loi sur les services de santé et les services sociaux, qu'on connaît comme la loi 120.
Au cours des huit ou neuf derniers mois, et commençant surtout au cours de l'automne dernier, alors qu'après ma nomination comme ministre de la Santé et des Services sociaux j'ai fait le tour de toutes les régions, rencontré les conseils d'administration de toutes les régies régionales et rencontré et discuté avec les présidents, les présidentes et les directeurs et les directrices généraux de tous les établissements du réseau, nous avons pu faire le point sur un certain nombre de questions et, déjà, faire une première consultation, à l'intérieur du réseau, pour identifier un bon nombre de points où il y a largement un consensus quant à des améliorations qui doivent être faites à cette loi, consensus de faire un certain nombre d'améliorations. Mais on a aussi pu identifier qu'il y aura lieu, pour ces améliorations, de permettre une large discussion. Les porte-parole de l'opposition nous disent souvent qu'on va trop vite, qu'on ne prend pas le temps de consulter, qu'on ne prend pas le temps de discuter avec les gens. Alors, pour les modifications d'ensemble au projet de loi, c'est vraiment ce qu'on a voulu faire, se donner le temps, M. le Président, donner l'information à l'avance, c'est-à-dire que, dans quelques semaines, on pourra, pour l'ensemble du projet de loi, mettre en circulation un document qui sera de la nature d'un document de consultation, peut-être sous forme d'un avant-projet de loi, c'est à voir, pour l'ensemble des modifications pour bonifier cette loi.
Ces modifications toucheront, entre autres, trois points principaux. Un premier, c'est un certain nombre d'améliorations qu'il y aura à faire aux processus électoraux. Parce que, en discutant avec les gens dans le réseau, tout le monde a très bien réalisé que, lors de la première élection, des mécanismes, qui étaient tout à fait nouveaux pour la constitution des collèges électoraux, pour la procédure d'élection, pour les critères d'éligibilité à différents postes, ont fonctionné assez bien dans l'ensemble, assez bien pour donner aux organismes, quand même, des conseils d'administration représentatifs. Mais la première ronde d'élections a quand même permis d'apprécier et d'identifier un certain nombre d'imperfections qu'il serait dangereux de laisser aller pour une deuxième élection qui viendrait normalement à l'automne prochain, septembre, octobre. Et il serait donc, pour être vraiment responsable, important de faire ces changements-là.
Un deuxième type de changement qu'il serait important de faire, c'est sur la composition de certains conseils d'administration, pour améliorer la représentativité de ces conseils, autant au niveau des établissements que de la régie, améliorer leur représentativité compte tenu du territoire et compte tenu des groupes, des différents groupes qui sont très actifs, soit dans le réseau de la santé et des services sociaux directement ou soit qu'ils sont très actifs dans des domaines connexes, et qui pourraient renforcer la capacité du réseau de travailler de façon intersectorielle.
Et, finalement, comme on a pris une option très nette vers une plus grande décentralisation, il s'avère important de déréglementer beaucoup le fonctionnement de notre réseau, qui est de prévoir un certain nombre de mesures administratives beaucoup plus légères que des règlements. Comme la loi est faite, M. le Président, il faut procéder par règlement pour à peu près toute décision de nature administrative la moindrement importante. Pour ce genre de modifications, processus électoraux, composition des conseils d'administration, déréglementation, nous sommes entièrement d'accord avec l'opposition quand on nous dit qu'il faut prendre le temps de consulter largement, d'abord de façon informelle et très flexible et de façon plus structurée par après, et c'est ce qu'on va commencer dans quelques semaines sur l'ensemble du projet.
Maintenant, ceci étant enligné, si vous voulez, il faut quand même respecter la dynamique du système, la physiologie du système qui, depuis l'automne dernier, a vraiment accepté la politique que l'on a présentée, l'orientation qu'on a présentée pour faire une transformation des façons de faire, des façons de fonctionner et pour pouvoir mieux équilibrer l'ensemble de nos services et même aller au-delà des services qui visent à régler certains problèmes pour commencer à faire une action plus en profondeur sur les déterminants de la santé. Pour ne pas arrêter cette dynamique, cet élan qui est donné, en attendant seulement le début de l'an prochain, après avoir fait l'ensemble des amendements au projet de loi, donc pour pouvoir profiter de cette dynamique et de cet élan qui est lancé, il est apparu essentiel de faire tout de suite deux modifications, deux modifications qui vont préparer l'analyse du projet de loi plus en profondeur, et deux modifications pour lesquelles il y a déjà un très large consensus dans le réseau.
(7 h 20)
C'était très clair lorsque j'ai fait la tournée à l'automne, c'est très clair par les contacts qu'on a maintenus et les vérifications et les consultations qu'on a faites depuis ce temps-là, il y a un large consensus sur deux choses. Et c'est là qu'on voit le lien et que ça démontre très bien que cette motion de scission s'explique ou bien par un manque de compréhension de ce continuum d'actions dont on parle, d'une continuité, ou bien, mais je n'ose pas en faire un procès d'intention, par le fait qu'on est vraiment devant une procédure dilatoire pour gagner du temps ou pour faire perdre du temps. Mais supposons qu'on n'a pas compris, alors ça vaut la peine d'expliquer.
Ce qui est important, présentement, c'est que les équipes en place dans les conseils d'administration soient maintenues en place pour une autre année, parce que, dans cette dynamique de la transformation, c'est avec ces hommes et ces femmes qu'on a amorcé ce changement-là à l'automne. Ils ont compris le programme, ils ont compris l'orientation, ils ont compris la vision, ils sont entièrement d'accord avec cette orientation. La preuve, c'est que, dans toutes les régies régionales, on a développé, on termine présentement des plans stratégiques pour faire cette transformation. Comme vous le savez, la plupart des régies régionales ont déjà au moins amorcé certaines l'ont déjà complétée une large consultation dans la population sur ces plans de transformation. Alors, ces gens-là qui sont complètement dans l'action, ce serait complètement illogique et un peu injuste de les empêcher de terminer une phase naturelle de la transformation du réseau. Ils l'ont amorcée et ont besoin d'une autre année. Leur demander de renouveler leur mandat ou, à certains d'entre eux, de quitter le réseau et les postes qu'ils occupent dès maintenant à l'automne prochain, ce serait vraiment briser tout un momentum, arrêter un momentum d'une transformation qui est assez complexe et qui est déjà bien amorcée, quoi qu'en dise ou qu'en pense par ailleurs l'opposition.
Donc, ce changement-là est nécessaire, mais, pour l'accompagner, en termes de phase préalable à l'ensemble des modifications à faire, il faut joindre une autre mesure. Ces gens-là étant là, étant en place, ils sont aussi largement d'accord que, à la suite de la consultation qu'ils font, avec les décisions qu'ils vont prendre, les recommandations qu'ils vont faire au ministre, il faut aller jusqu'au bout et il faut prendre les décisions qui vont s'imposer.
On a les outils pour prendre les décisions pour la plupart des mesures qui vont se présenter et qui vont s'avérer nécessaires. Mais il y a un point qui est apparu comme un anachronisme épouvantable, complètement illogique, et ce n'est pas une question de se donner des pouvoirs exorbitants: Est-ce qu'on connaît beaucoup de situations où il est possible de donner une mission, de définir une mission à un établissement, de donner un permis qui balise cette mission, mais de ne pas pouvoir la changer, la mission, de ne pas pouvoir, au besoin, retirer le permis parce que l'équilibre dans une région fait qu'il faut organiser les établissements autrement?
Je ne connais pas de situation où on peut mettre sur pied des choses, des organisations, mais où on ne peut pas, avec l'évolution des choses, modifier ces organisations-là et les organiser autrement. Il y a quelque chose là qui n'est pas vraiment un oubli, mais qui est le reflet d'une période où on développait partout, et on n'avait jamais pensé que, pour continuer à développer, il faudrait transformer, il faudrait changer des choses, les bouger ailleurs dans le système, parce qu'on avait assez de ressources qu'on développait par-dessus et qu'on laissait d'autres organisations ou d'autres parties de mission qui devenaient inutiles ou moins utiles... On pouvait se payer une certaine inefficacité. On ne peut plus se payer ça. On ne peut plus se payer ça, comme tous les pays. On est obligés d'être plus sérieux maintenant parce que, effectivement, les situations financières et l'état des finances publiques nous obligent à beaucoup plus de rigueur.
Alors, c'est tout à fait normal de penser que certaines missions doivent être modifiées, que certains permis peuvent être déplacés dans un réseau comme celui-là. Et c'est normal aussi que, même après un consensus établi, une décision finale soit prise. Et des décisions de cette nature, qui impliquent une responsabilité certaine, ça ne se prend pas juste par un consensus, ça ne se prend pas par des comités, ça se prend par une personne qui nécessairement doit en assumer la responsabilité et qui doit être imputable, d'où cette mesure qu'on associe au fait de garder les mêmes équipes en place pour compléter la première phase.
Il faut aussi donner au réseau le moyen de la compléter, cette première phase, en rendant jusqu'au bout les décisions qu'on a à prendre. Ça, le système qu'on a, nos systèmes parapublic et public, notre type de démocratie parlementaire font que c'est le ministre responsable qui, normalement, prend ce type de décision en bout de ligne. Alors, il ne s'agit pas du tout de préparer une agression contre le réseau. Ce pouvoir donné au ministre pour accompagner et appuyer les actions que les régies régionales font, et qu'elles font en consultation et en concertation avec leur milieu, c'est souhaité par le milieu. D'ailleurs, l'Association des hôpitaux du Québec, les deux grandes fédérations de médecins du Québec, des omnipraticiens et des spécialistes, m'ont fait savoir qu'ils sont entièrement d'accord et avec le report d'une année pour qu'on puisse vraiment compléter la première phase de la transformation en se donnant le temps de voir l'ensemble des autres modifications et ils sont entièrement d'accord aussi pour que le ministre ait le pouvoir de terminer le processus de décision. Ils auront des amendements, ils vont proposer des modifications pour bonifier le projet de loi, c'est sûr, mais ils sont d'accord sur le principe. Ils l'ont dit de façon très claire, et ils l'ont même écrit, mais proposant certains amendements qu'on pourra discuter. Et je pense que c'est normal que, dans le processus de l'élaboration d'une loi, on ait différentes idées à discuter.
Alors, on n'est pas dans une situation où on a besoin, sur la phase préliminaire, sur la phase préalable, M. le Président, de prendre du temps pour faire une autre commission d'enquête là-dessus. Il ne faut pas aller jusqu'au point de ce que nous disait le député de LaFontaine, de partir en commission régionale pour passer à travers le réseau. Je l'ai fait, comme ministre responsable, à l'automne, et sur ces deux points-là il y a un accord dans le réseau. Alors, il ne faut pas toujours tout refaire tout le temps. On sait ça, on a vu ça pendant plusieurs années, avant. Ça empêche de prendre des décisions. On pousse les choses en avant, on reconsulte et, quand on arrive tout près de la décision, on a peur de la prendre un peu, on recommence à consulter, et on recommence tout le temps.
Sur ces deux points, le consensus est là. Il faut juste avoir le courage de faire le pas, de prendre la décision. Et on aura l'occasion, dès qu'on va pouvoir passer à travers toutes les mesures dilatoires et terminer cette discussion sur le projet, on va pouvoir le discuter article par article en commission. Et, s'il y a des bonifications à faire sur ce projet, on va les considérer et on va les faire. Mais, c'est ça qu'il faut faire au plus vite: étudier le projet en détail, le bonifier dans toute la mesure du possible et l'approuver pour qu'on puisse agir. Donc, sur ces deux points-là, ce n'est pas utile de faire la consultation. Il faut plutôt agir vite sur ces deux points-là, ne pas briser la dynamique de la transformation qui est en place et se donner le temps, comme vous le souhaitez, pour l'ensemble des modifications pour lesquelles il faut une consultation beaucoup élargie, pour la mettre en marche comme on désire le faire au cours des prochaines semaines.
Agir autrement, M. le Président, là aussi, ce serait vraiment être irresponsable, et je le dis très sincèrement, à deux égards. Il faut réaliser que les contraintes budgétaires sont telles pour le prochain cycle de trois ans, et spécialement pour l'année en cours... Notre année financière est commencée depuis le 1er avril et, comme ces deux décisions-là sont nécessaires pour prendre les décisions qui vont nous permettre de vivre à l'intérieur du budget et de vivre à l'intérieur du budget qu'on a, des ressources qu'on a, sans saccager le système... Parce que, si on ne fait pas la transformation, là, on va devoir faire ce que le gouvernement précédent faisait, en coupant un peu, en comprimant un peu partout où ça se présente parce que, si on ne fait pas la transformation, on va faire comme ils faisaient, on en prendra un peu partout. Les écarts vont continuer à s'élargir entre les établissements de première ligne, entre les établissements de services sociaux et les centres hospitaliers, et on va laisser le système s'enliser de plus en plus, comme il a commencé à le faire depuis trois ans.
C'est ce qui va arriver si on ne bouge pas tout de suite et si on ne se donne pas les moyens d'agir dès maintenant. Alors que, si on se donne ces moyens-là, c'est encore possible de rescaper le système, c'est encore possible de le sauver, mais ça va déjà être une opération pas facile à faire si on ne bouge pas tout de suite. Et ça, c'est des millions qu'on va perdre. C'est des millions qu'on va perdre si on n'est pas capable de fonctionner à l'intérieur de nos budgets et si on n'est pas capable de fonctionner à l'intérieur de nos budgets en faisant les changements qu'il faut faire plutôt que de frapper un peu partout à l'aveuglette, selon les possibilités qui se présenteront pour entrer à l'intérieur du budget, des millions qu'on va perdre.
(7 h 30)
Faire une consultation sur quelque chose, sur deux questions sur lesquelles il y a largement, déjà, un consensus, c'est encore une perte de temps et une perte d'argent. Juste le temps qu'on prend, là, en faisant toutes ces discussions et ces mesures dilatoires, au salaire horaire de chacun de nous autres, ici, ça fait 24 heures qu'on est là-dessus, avant d'aller aux points sérieux, ce n'est peut-être pas la meilleure façon, M. le Président, d'utiliser les fonds publics. Il y a tellement de travail à faire, on a un calendrier tellement chargé que la bonne façon de procéder, au lieu de prendre toutes les possibilités de gagner du temps et devant cette espèce d'incapacité de réaliser que, face à une décision, on peut la prendre, et procéder à d'autre chose, et trouver tous les moyens pour éviter cette peur un peu... quasi génétique, ma foi, d'être capable de faire face à une situation et de prendre une décision... Ça finit par coûter pas mal cher aux citoyens puis aux citoyennes du Québec, en leur déniant, en plus de ça, le développement des services dont ils ont besoin.
Alors, M. le Président, je pense que, quand on voit vraiment la perspective des changements à faire, qu'on voit vraiment la perspective de la dynamique de la transformation qui est amorcée, les deux modifications qu'on doit faire tout de suite pour garder les mêmes équipes en place et leur laisser compléter cette première phase, avant de passer le bâton en relais aux équipes qui suivront, est de leur donner, pour compléter cette première phase, le moyen de justement la compléter, en s'assurant que les décisions vont pouvoir être prises et prises jusqu'aux dernières instances dans tous les cas nécessaires.
On aura la chance de revenir pour voir plus en détail ce pouvoir qu'on donne au ministre, mais je voudrais quand même souligner un point, parce que ç'a été relevé beaucoup dans plusieurs des interventions. Même si on devait discuter de la motion de scission, on a fait un peu de diversion sur différents aspects. On dit que c'est un pouvoir exorbitant que se donne le ministre, que ce n'est même pas un pouvoir du gouvernement. Il faudrait bien lire le projet de loi. C'est bien écrit dans ce projet de loi là: c'est une responsabilité du gouvernement, parce que le ministre va devoir agir avec l'approbation du gouvernement, donc, du Conseil des ministres. Alors, il ne s'agit pas du tout, quand on regarde l'ensemble des balises qui sont là...
Pour la décision du ministre, on voit très bien que c'est un pouvoir qui est donné pour pouvoir compléter un mécanisme et un processus de prise de décision plutôt que de le laisser en plan, comme on est là, parce que, si on ne fait pas ces deux changements-là, on demande à des équipes de travailler, de nous faire des plans stratégiques, d'aller chercher un consensus dans leur région, et, quand la décision finale est à prendre... Et on sait très bien, sur des décisions de ce type-là, on a un consensus, mais, en général, on ne peut pas avoir vraiment l'unanimité. Un consensus, ça ne veut pas dire unanimité. Un consensus, ça veut dire qu'on a un accord général sur la direction à prendre et sur les moyens généraux qu'on doit prendre pour y arriver. Ça, c'est un consensus.
Mais, là, il y a la décision qu'ils doivent venir à prendre sur les modalités pour atteindre le consensus. Et, à moins d'avoir une unanimité, sans avoir des modifications comme ça à notre loi, on est bloqué. On est bloqué. C'est un mécanisme de décision qui est tronqué, et je pense que c'est un manque de respect pour tous ces bénévoles à qui on demande de consacrer un temps énorme pour faire fonctionner le réseau, pour prendre des décisions au nom de leurs concitoyens et avec leurs concitoyens.
Alors, M. le Président, il m'apparaît très clair qu'il s'agit là d'un seul projet, qui a son unité intrinsèque, et qu'il faut rejeter cette motion de scission qui nous aura fait perdre deux heures, mais qui, j'espère, aura permis de clarifier un certain nombre de concepts et d'idées dans la tête des collègues de l'opposition. Merci, M. le Président.
Des voix: Bravo!
Le Vice-Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux. Maintenant, je vais répartir le temps qui a été imparti pour le député indépendant, c'est-à-dire les 10 minutes qui lui étaient réservées. Donc, je vais donner cinq minutes au parti formant l'opposition officielle et cinq minutes au parti formant le gouvernement. Donc, pour les cinq minutes imparties pour la formation de l'opposition, je vais les céder à M. le député de Jacques-Cartier. À vous la parole, M. le député.
M. Geoffrey Kelley
M. Kelley: Thank you, Mr. Speaker. It is bright and early this morning to get up to talk about something. And I think it is important to look at the English. And I am starting in English quite deliberately, because, when I looked at the «motion de scission», I wanted to find out precisely how we translate that in our parliamentary procedure, and it is a «motion to divide a complicated question». And I am sure the Minister would be the first person to agree with me that the transformations that he is undertaking in the health and social services network is indeed a complicated question.
So, when I look at the bill that is before us this morning, I think it is quite clear just looking... And I understand by the decision by the President who ruled on the question of whether this is a complicated question or not... But it is quite clear in the explanatory notes, if you look at the four paragraphs that are there. The first two paragraphs deal quite precisely with how the boards of directors comment les conseils d'administration are named. So there is one part of the bill, which is article 2, which touches the replacement of members of boards of directors, and then 9 and 10 deal with the elections that are coming. So, it is quite a distinct part of the bill that is there. The second part deals with the permits of hospitals, the closing of hospitals and the naming of a liquidator to divide up the assets of hospitals that are closed. So, it is quite clear that there are two things that are quite different.
Et la chose qui est importante: Pourquoi il faut que l'Assemblée nationale scinde cette question compliquée en deux? C'est effectivement parce que l'échéancier, pour les deux choses, c'est complètement différent, et on mélange les pommes et les poires en mettant dans un projet de loi deux choses qui sont complètement distinctes. Quand on parle de la question des élections, une décision s'impose assez rapidement, parce que les élections sont prévues pour le mois d'octobre de cette année. Alors, l'Assemblée nationale doit se situer tout de suite. Il y a de bons arguments des deux côtés: est-ce qu'il faut aller de l'avant avec une transformation sans faire les consultations les plus démocratiques, c'est-à-dire, les élections? Et, si les transformations sont une bonne idée, les candidats pour les conseils d'administration vont être capables de défendre l'idée, vont être élus ou réélus au conseil d'administration ou, peut-être, on peut dire qu'on va prendre les personnes qui sont en place pour gérer la transformation. Mais, peu importe, il y a une urgence d'agir pour décider de la question de la composition des conseils d'administration, et je pense que c'est complètement distinct de l'autre côté de la médaille qui est toute la question des permis et de la fermeture des hôpitaux.
Et sur ça, je vais prendre le document qui a été publié par la Régie régionale de la santé et des services sociaux de Montréal-Centre, c'est le document de consultation 2, «L'organisation des services de santé et des services sociaux sur l'Île de Montréal». Alors, ça, c'est ce qu'ils ont fait après les premières tournées, après les premières consultations qui ont eu lieu au mois d'avril à Montréal, et je cite c'est Liliane Lacroix qui a écrit dans La Presse , mais c'est la Régie régionale qui endosse les commentaires de Mme Lacroix dans La Presse du 23 avril 1995: «Après cinq jours, certains messages bien clairs ont émergé des audiences publiques organisées par la Régie régionale de la santé et des services sociaux de Montréal-Centre. "Prenez votre temps, l'échéancier de trois ans n'est pas réaliste et devrait au moins être porté à cinq ans." "Même si cela demande un investissement, mettez les ressources en place avant de fermer des lits d'hôpitaux. Ce n'est qu'à ce prix que la restructuration sera réussie." "Les CLSC ne sont pas encore prêts à accueillir ce surcroît des responsabilités. Donnez-leur le temps et les moyens ou ayez recours à d'autres acteurs du réseau, comme les cliniques privées".»
Alors, c'est évident, l'échéancier et les consultations populaires qui se font maintenant disent: Sur la question des permis, sur la question des fermetures d'hôpitaux, il faut prendre le temps qu'il faut. Alors, sur ce deuxième volet du projet de loi, même le milieu nous demande de prendre un temps d'arrêt, faire les consultations populaires avant de donner au ministre les pouvoirs de fermer des hôpitaux. Alors, c'est très clair dans mon esprit que l'échéancier requis pour les deux parties de ce projet de loi est complètement différent. On a une urgence d'agir sur la question des élections, parce qu'il y a un échéancier au début d'octobre qui s'impose. Sur la question de la fermeture des hôpitaux, par contre, c'est très clair que le milieu nous demande de prendre un temps d'arrêt, de prendre le temps qu'il faut pour mettre les ressources alternatives en place, s'il y a lieu, avant de fermer un hôpital.
(7 h 40)
Alors, je pense que c'est très clair qu'il faut aller de l'avant et appuyer la motion de scission de mon collègue, le député de Châteauguay. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M. le député de Jacques-Cartier. Pour les cinq minutes restantes, je suis prêt à céder la parole à un intervenant du côté ministériel. M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Boisclair: M. le Président, le ministre a très bien clos le débat pour nous. Nous serions disposés à voter.
Le Vice-Président (M. Bélanger): Alors, je suis prêt à céder la parole à un député de l'opposition pour cinq minutes. Le temps non utilisé par le parti ministériel peut être, à ce moment-là, utilisé par le parti de l'opposition. Alors, M. le député de Nelligan.
M. Russell Williams
M. Williams: M. le Président, merci beaucoup. C'est assez intéressant que le ministre ne veuille pas continuer de discuter de cette motion. Nous avons essayé, pendant le débat sur le principe, de commencer à expliquer nos inquiétudes sur ce projet de loi. Le projet de loi 83 a plusieurs volets, tel que le député de Jacques-Cartier l'a juste mentionné.
There are three very distinct concepts in the «projet de loi» 83. First and foremost, the Minister is looking for unilateral power to close hospitals. Comme je l'ai dit, je pense, hier soir, quand nous avons commencé le débat, ils ont voulu avoir le pouvoir unilatéral de fermer et liquider les hôpitaux. Mais, il y a aussi, dans le projet de loi, qu'il veut reporter les élections pour une autre année. M. le Président, je pense que les deux choses sont complètement différentes et, comme le député de Jacques-Cartier l'a déjà mentionné, il y en a une qui prend du temps. Même, comme je l'ai dit hier soir, le vrai chef du Parti québécois, M. Bouchard, demande d'avoir plus de consultations. Mais, bientôt, nous allons donc prendre une décision pour les élections.
Mr. Speaker, the people of Québec have participated two and a half years ago in these elections. They are waiting for the elections to come again in October. They have with goodwill participated as volunteers in the creation and development of our health and social service system. In some of the elections people won, and in some of the elections people lost, and people were looking forward to, in fact, going through the democratic process again and make sure that their communities and their perspective were represented. I do not understand the Minister's logic when he says he has to delay the election. If there were problems in the electoral process, he could have... He has a «projet de loi», he could have put them in. But there are two basic concepts here. Basically, what I see when he's trying to delay the elections is really clearly part of the referendum's strategy of the Parti québécois.
Il veut reporter les élections dans le réseau de la santé et des services sociaux, pas parce que le réseau est en train de changer. Il veut reporter les élections parce que ça tombe dans les tactiques et stratégies du référendum.
Une voix: C'est ça.
M. Williams: Il veut occuper... Ah oui. Il dit, non, mais c'est vrai. Il veut utiliser l'année passée, quand il y a plus de temps, peut-être pour paqueter les élections puis essayer de contrôler les conseils d'administration. Et c'est incroyable de mettre comme deuxième priorité le système de la santé et des services sociaux, toujours après votre obsession de la séparation. M. le Président, je pense qu'on doit être clair dans ce projet de loi. On doit faire un débat sur les deux principes inclus dans le projet de loi.
When I look at this bill, when I listen to the people of my county and throughout the Province of Québec, people want to participate in the election process. If the Minister really believes in his reform, if the Minister really believes that this will help health and social services and not just find money for his friend, the Minister of Finance, if he really believes in his reform, he will let people have elections. He will call the democratic process.
Il va faire un appel pour avoir des élections, et les personnes qui croient en sa réforme pourront se présenter, elles pourront gagner, elles pourront perdre. C'est la démocratie. Et il n'y a pas besoin de se cacher en arrière d'une loi qui dit... Nous avons établi les règles démocratiques il y a trois ans, mais, maintenant, à mi-chemin, on veut changer parce que nous avons peur. Ils ont peur de mettre leur option devant la population.
Une voix: C'est ça.
M. Williams: Because if he had a real election right now throughout the province of Québec, the CLSCs, the hospitals, people who believed in his option, who did not believe in his option could present themselves through election. And the real test for the people of Québec would be those elections. But he is afraid of it. He is afraid of it because the people of Québec will reject his option.
Des voix: C'est ça!
M. Williams: M. le Président, c'était clair. Maintenant, je comprends pourquoi le ministre n'a pas voulu prendre ses dernières cinq minutes, il a peur de ça. On doit certainement avoir le plus tard les élections. En terminant, j'espère, après la soirée et après ce débat sur la motion, que le Parti québécois va comprendre que c'est important d'adopter notre motion et de scinder ce projet de loi. Merci beaucoup.
Mise aux voix
Le Vice-Président (M. Bélanger): Alors, je vous remercie, M. le député de Nelligan. Ceci met fin au débat restreint sur la motion de scission qui a été proposée par le député de Châteauguay. Alors donc, je mets aux voix cette motion qui se lit ainsi: «Je propose qu'en vertu de l'article 241 du règlement de l'Assemblée nationale le projet de loi 83 soit scindé en deux projets de loi...» S'il vous plaît! S'il vous plaît! Donc, que «le projet de loi 83 soit scindé en deux projets de loi: un premier intitulé Loi modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux, comprenant les articles 2, 7, 8, 9, 10 et 11; et un deuxième projet de loi intitulé Loi modifiant de nouveau la Loi sur les services de santé et les services sociaux, comprenant les articles 1, 3, 4, 5, 6 et 11».
Alors, est-ce que cette motion est adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Bélanger): M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Lefebvre: M. le Président, dans le but de permettre aux collègues du leader du gouvernement de comprendre son changement de stratégie, à savoir débattre la nuit et voter le matin, je demande un vote nominal.
Le Vice-Président (M. Bélanger): Alors, quand je demande aux membres de cette Assemblée si la motion est adoptée ou non, à ce moment-là je m'attends à entendre tout simplement «adopté» ou «vote nominal». Alors, c'est ce que j'aimerais entendre à l'avenir. Alors, qu'on appelle les députés! Qu'on appelle les députés!
(7 h 46 7 h 50)
Le Vice-Président (M. Bélanger): Mesdames et messieurs les députés, si vous voulez bien vous asseoir. Donc, je mets aux voix...
Est-ce qu'on est prêts pour le vote?
Je vais supendre quelques instants. Qu'on appelle les députés.
(7 h 50 7 h 51)
Le Vice-Président (M. Bélanger): Alors, nous allons procéder au vote de la motion suivante. Je vais relire la motion qui a été proposée par M. le député de Châteauguay.
«Je propose qu'en vertu de l'article 241 du règlement de l'Assemblée nationale, le projet de loi 83 soit scindé en deux projets de loi: un premier intitulé Loi modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux, comprenant les articles 2, 7, 8, 9, 10 et 11; et un deuxième projet de loi intitulé Loi modifiant de nouveau la Loi sur les services de santé et les services sociaux, comprenant les articles 1, 3, 4, 5, 6 et 11.»
Alors, que les députés en faveur de cette motion veuillent bien se lever.
Le Secrétaire: M. Paradis (Brome-Missisquoi), Mme Gagnon-Tremblay (Saint-François), M. Middlemiss (Pontiac), M. Gauvin (Montmagny-L'Islet), M. Vallières (Richmond), Mme Frulla (Marguerite-Bourgeoys), M. Cusano (Viau), M. Gobé (LaFontaine), M. Thérien (Bertrand), M. Parent (Sauvé), Mme Bélanger (Mégantic-Compton), M. Brodeur (Shefford), M. Benoit (Orford), M. Williams (Nelligan), M. Gautrin (Verdun), M. Marsan (Robert-Baldwin), M. Chagnon (WestmountSaint-Louis), M. Lefebvre (Frontenac), M. Farrah (Îles-de-la-Madeleine), M. Tremblay (Outremont), Mme Delisle (Jean-Talon), M. LeSage (Hull), M. Poulin (Beauce-Nord), M. Chenail (Beauharnois-Huntingdon), M. Bordeleau (Acadie), Mme Houda-Pepin (La Pinière), M. Fournier (Châteauguay), M. Cherry (Saint-Laurent), M. Charbonneau (Bourassa), M. Quirion (Beauce-Sud), M. Bergman (D'Arcy-McGee), Mme Vaive (Chapleau), M. Kelley (Jacques-Cartier).
Le Vice-Président (M. Bélanger): Que les députés contre cette motion veuillent bien se lever.
Le Secrétaire: M. Chevrette (Joliette), M. Brassard (Lac-Saint-Jean), M. Ménard (Laval-des-Rapides), Mme Marois (Taillon), Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve), M. Rochon (Charlesbourg), M. Trudel (Rouyn-NorandaTémiscamingue), M. Rivard (Limoilou), M. Boucher (Johnson), M. Paillé (Prévost), Mme Dionne-Marsolais (Rosemont), M. Julien (Trois-Rivières)...
Le Vice-Président (M. Bélanger): À l'ordre, s'il vous plaît! On procède à un vote présentement. À ce moment-là les règles du décorum doivent être interprétées d'une façon très stricte.
Alors, vous pouvez continuer le vote.
Le Secrétaire: M. Dufour (Jonquière), M. Landry (Bonaventure), Mme Blackburn (Chicoutimi), M. Boisclair (Gouin), M. Gendron (Abitibi-Ouest), M. Jolivet (Laviolette), Mme Beaudoin (Chambly), M. Léonard (Labelle), M. Le Hir (Iberville), M. Beaulne (Marguerite-D'Youville), Mme Doyer (Matapédia), M. Baril (Berthier), M. Bertrand (Charlevoix), Mme Vermette (Marie-Victorin), Mme Robert (Deux-Montagnes), M. Rioux (Matane), M. Paré (Lotbinière), Mme Malavoy (Sherbrooke), M. Beaumier (Champlain), M. Boulerice (Sainte-MarieSaint-Jacques), M. Bourdon (Pointe-aux-Trembles), M. Brien (Rousseau), Mme Carrier-Perreault (Chutes-de-la-Chaudière), M. Charbonneau (Borduas), Mme Charest (Rimouski), Mme Barbeau (Vanier), M. Kieffer (Groulx), M. Gaulin (Taschereau), Mme Signori (Blainville), M. Dion (Saint-Hyacinthe), M. Désilets (Maskinongé), M. Lachance (Bellechasse), M. Laprise (Roberval), M. Jutras (Drummond), Mme Leduc (Mille-Îles), M. Lelièvre (Gaspé), M. Pelletier (Abitibi-Est), M. Payne (Vachon), M. Morin (Dubuc), M. Létourneau (Ungava), M. Paquin (Saint-Jean), M. Morin (Nicolet-Yamaska), M. Côté (La Peltrie), M. Perreault (Mercier), M. Pinard (Saint-Maurice), M. Simard (Richelieu).
Le Vice-Président (M. Bélanger): Est-ce qu'il y a des députés qui s'abstiennent?
M. Paradis: C'est simplement pour demander la permission, avec le consentement du leader du gouvernement, d'ajouter le vote de M. le député de Chomedey, s'il y a consentement.
Le Vice-Président (M. Bélanger): Est-ce que le leader... La vraie façon de procéder est qu'on commence par donner le résultat du vote et, après, on peut demander des consentements pour ajouter à ce moment-là, de part et d'autre, des gens. Alors, je vais attendre qu'à la table on me donne le résultat final du vote.
Le Secrétaire: Pour:33
Contre:58
Abstentions:0
Le Vice-Président (M. Bélanger): Alors, maintenant, je comprends, M. le leader de l'opposition, que vous voudriez que soit ajouté aux votes de votre formation le vote M. le député de Chomedey. Est-ce qu'il y a consentement? M. le...
M. Chevrette: Oui. Compte tenu du résultat, je suis moins nerveux.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Vice-Président (M. Bélanger): Il y avait juste un consentement à donner, alors on se serait contenté d'un seul consentement. Alors, M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Boisclair: M. le Président, nous sommes nombreux à avoir la barbe longue. Je ferais donc motion pour que nous ajournions d'abord le débat.
Le Vice-Président (M. Bélanger): S'il vous plaît! S'il vous plaît! La motion n'a pas été adoptée. M. le leader de l'opposition.
M. Paradis: Sauf erreur, M. le Président, il s'agit d'une motion débattable, en vertu de notre règlement?
Le Vice-Président (M. Bélanger): S'il vous plaît! Évidemment, cette motion, comme toute motion, peut être débattable. Alors, M. le leader de l'opposition.
M. Paradis: M. le Président, pour donner suite aux propos du leader adjoint du gouvernement, en ajoutant qu'il y a eu également des femmes qui ont passé la nuit à travailler avec nous dans cette Assemblée nationale, de façon à permettre à tous les membres de cette Assemblée d'avoir quelques minutes à leur disposition afin que nous reprenions nos travaux à 10 heures, nous consentons à l'ajournement du débat.
Le Vice-Président (M. Bélanger): Alors donc, la motion d'ajournement du débat est adoptée? Adopté. Maintenant, M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Boisclair: Tout en soulignant la collaboration de l'opposition dans la façon dont les travaux se sont passés au cours de cette nuit, je ferais dès maintenant motion pour que nous ajournions les travaux de l'Assemblée à ce matin, 10 heures.
Le Vice-Président (M. Bélanger): Alors, est-ce que cette motion est adoptée? Adopté.
(Fin de la séance à 7 h 59)