(Dix heures cinq minutes)Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Mmes, MM. les députés, nous allons nous recueillir quelques instants.
Je vous remercie. Veuillez vous asseoir.
Affaires courantes
Nous allons procéder aux affaires courantes.
Il n'y a pas de déclarations ministérielles.
Pas de présentation de projets de loi.
Pas de dépôt de documents.
Dépôt de rapports de commissions
Nous en sommes au dépôt de rapports de commissions. M. le président de la commission du budget et de l'administration et député d'Arthabaska.
Étude détaillée du projet de loi 100
M. Baril (Arthabaska): Oui, M. le Président. Je dépose le rapport de la commission du budget et de l'administration, qui a siégé le 8 juin 1995, afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi 100, Loi modifiant la Loi sur les caisses d'épargne et de crédit et la Loi sur les corporations de fonds de sécurité. Le projet de loi a été adopté.
Étude détaillée du projet de loi 71
Également, je dépose le rapport de la commission du budget et de l'administration, qui a siégé la même journée, soit hier, le 8 juin, afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi 71, Loi visant l'amélioration des relations entre le ministère du Revenu et ses clientèles. Le projet de loi a été adopté avec un amendement.
Le Président: Merci, M. le député d'Arthabaska et président de la commission du budget et de l'administration. Ces rapports sont déposés.
Dépôt de pétitions
Nous en sommes au dépôt de pétitions. M. le député de Pointe-aux-Trembles.
Intervenir en faveur d'une meilleure protection des droits de retraite des enseignants
M. Bourdon: Je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale par 3 270 pétitionnaires, membres de l'Alliance de professeurs de Montréal.
Les faits invoqués sont les suivants:
«Considérant que la pénurie d'emplois est la principale préoccupation des Québécoises et des Québécois;
«Considérant que des employés de l'État inscrits au RREGOP n'auront droit à une pleine pension qu'à compter de l'âge de 60 ans, malgré de nombreuses années de service;
«Considérant que l'amélioration des conditions de retraite favoriserait l'accès à l'emploi et la diminution de la précarité dans les réseaux de l'éducation, de la santé et des services sociaux, de même que dans la fonction publique;»
Et l'intervention réclamée se résume ainsi:
«Nous, soussignés, demandons à l'Assemblée nationale d'intervenir en faveur d'une accélération du rythme de négociation, avec la CEQ, sur le dossier de la retraite; d'un accès plus rapide à une meilleure rente de retraite au RREGOP; d'une meilleure protection des droits de retraite en regard de l'aménagement du temps de travail; d'un meilleur contrôle, par les organisations syndicales, de leurs régimes de retraite.»
Je certifie que cet extrait est conforme au règlement et à l'original de la pétition.
Le Président: Merci, M. le député de Pointe-aux-Trembles. Cette pétition est déposée. M. le député de Viger.
Une voix: Non.
Le Président: Pardon, de Vimont.
M. Cliche: Merci, M. le Président. Pour les mêmes considérants que mon collègue le député de Pointe-aux-Trembles, je dépose également l'extrait d'une pétition de 620 pétitionnaires membres du Syndicat des enseignants et enseignantes de Mille-Îles devant cette Assemblée nationale.
Et, pour les mêmes considérants qui ont été lus par le député de Pointe-aux-Trembles, l'intervention réclamée se résume également à:
«Une accélération du rythme de négociation, avec la CEQ, sur le dossier de la retraite; un accès plus rapide à une meilleure rente de retraite au RREGOP; une meilleure protection des droits de retraite en regard de l'aménagement du temps de travail; un meilleur contrôle, par les organisations syndicales, de leurs régimes de retraite.»
Merci, M. le Président.
Le Président: Cette pétition est déposée. M. le député de Drummond.
M. Jutras: Alors, M. le Président, je dépose l'extrait d'une pétition à l'Assemblée nationale signée par 765 pétitionnaires, membres du Syndicat de l'enseignement de la région de Drummondville. Les faits invoqués sont les mêmes que ceux que vient d'invoquer mon collègue, député de Vimont.
L'intervention réclamée se résume ainsi:
«Nous, soussignés, demandons à l'Assemblée nationale d'intervenir en faveur: d'une accélération du rythme de négociation, avec la CEQ, sur le dossier de la retraite; d'un accès plus rapide à une meilleure rente de retraite au RREGOP; d'une meilleure protection des droits de retraite en regard de l'aménagement du temps de travail; d'un meilleur contrôle, par les organisations syndicales, de leurs régimes de retraite.»
(10 h 10)
Je certifie que cet extrait est conforme au règlement et à l'original de la pétition.
Le Président: Merci, M. le député de Drummond. Cette pétition est déposée.
Il n'y a pas d'interventions portant sur une violation de droit ou de privilège ou sur un fait personnel.
Avant la période de questions et de réponses, je vous avise qu'après cette période M. le ministre des Finances répondra à une question posée le 8 juin 1995 par M. le député de Rivière-du-Loup relativement à certains problèmes dans le dossier du casino de Hull.
Je vous avise également qu'après la période de questions et réponses sera tenu un vote sur la motion de M. le député d'Orford, proposant le report de l'adoption du principe du projet de loi 85.
Nous en sommes à la période de questions et de réponses orales... M. le leader de l'opposition officielle.
M. Paradis: Oui, M. le Président, je pense que tout le monde va comprendre le sens de la mise au point qui s'impose à ce moment-ci. Comme le veut l'usage, nous avons été prévenus de l'absence du premier ministre et ministre de plusieurs autres ministères, du vice-premier ministre, du ministre des Transports, du ministre de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie, du ministre de la Santé. Nous constatons également l'absence ou le retard habituel du ministre de l'Éducation. D'autres ministres sont absents.
Hier, le leader du gouvernement et ministre de la moitié des autres ministères a pris sur lui de tenter d'apporter quelques éclaircissements ou quelques réponses à des questions. Aujourd'hui, est-ce que c'est le leader adjoint du gouvernement qui remplace tous ces autres ministres, y inclus le leader du gouvernement, le premier ministre et le vice-premier ministre?
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président: À l'ordre! M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Gendron: M. le Président, j'allais vous indiquer que c'était vrai jusqu'à il y a quelques minutes. Mais, également, j'étais en mesure d'indiquer que le leader du gouvernement se joindrait à nous. Mais, en ce qui nous concerne, hier, le chef de l'opposition lui-même a posé des questions concernant le ministère de la Justice. Le ministre de la Justice est ici, la ministre de l'Emploi est ici, le ministre des Ressources naturelles est ici, l'ensemble des ministres sont ici, et, comme vous le vouliez, hier, encore aujourd'hui, le leader du gouvernement sera en mesure de répondre à toutes les questions habituellement liées au vice-premier ministre et au premier ministre quand les sectoriels sont absents.
Questions et réponses orales
Le Président: Alors, nous en sommes donc... Nous débutons la période de questions et réponses orales. M. le chef de l'opposition officielle, pour une question principale.
Modalités d'accès aux services d'aide juridique
M. Johnson: Oui, M. le Président. Hier, je demandais au leader du gouvernement, en l'absence du ministre de la Justice, comment le gouvernement interprétait la disposition de l'article 4.10 du projet de loi 87, une disposition dont j'ai repris l'essentiel, ici, hier, qui vise essentiellement, dans le libellé, à priver éventuellement de services d'aide juridique des bénéficiaires qui auraient déjà coûté trop cher à l'État entre guillemets à l'occasion de procédures ou d'infractions similaires à celles pour lesquelles ils demandent l'aide juridique.
L'interprétation, par exemple, du professeur Henri Brun, hier, à l'émission de Michel Lacombe, de midi à midi 30 à Radio-Canada, à la radio de Radio-Canada, est très précisément dans le même sens que ce que nous avons fait valoir, c'est-à-dire que la disposition permet de ne pas accorder de soutien financier au titre de l'aide juridique à des gens, dont le gouvernement ou un de ses employés, ou collaborateurs, ou subalternes déciderait que ce n'est pas approprié, compte tenu des frais que cette personne aurait fait encourir à l'aide juridique dans le passé.
Est-ce que le ministre de la Justice pourrait nous indiquer comment il envisage l'application de l'article 4.10, comment il envisage, éventuellement de le corriger, mais surtout pourquoi le 26 mai, à la même émission de Radio-Canada, il a indiqué que le sens de l'article 4.10 est le contraire de ce que la lecture et l'interprétation dictent?
Le Président: M. le ministre de la Justice.
M. Bégin: M. le Président, j'ai mentionné déjà à plusieurs reprises que l'article 4.10 avait été évalué par les juristes de mon ministère avant d'être proposé dans le projet de loi, que j'avais pris connaissance, à 23 heures mardi, je crois, lors de l'audition du Barreau en commission parlementaire, de l'avis du professeur Brun. Et j'ai déclaré également que j'avais demandé à nouveau aux juristes du ministère de vérifier ce qui était mentionné par le professeur Brun, de me faire rapport et de voir à faire en sorte, si on en arrivait aux conclusions qui sont les mêmes que celles du professeur Brun, de modifier la loi en conséquence, ou de proposer un amendement à l'adoption du projet de loi, ou de le maintenir, advenant le cas, ou, selon ce qu'ils avaient déjà dit au préalable, que l'article en question était parfaitement légal et respectait les dispositions de la Charte.
Le Président: M. le chef de l'opposition officielle, sur une question complémentaire.
M. Johnson: Si on doit comprendre de la réponse du ministre que l'article serait changé afin, justement, de restaurer l'accès à l'aide juridique à des citoyens qui auraient commis des infractions, auraient été accusés d'avoir commis des infractions similaires à celles pour lesquelles ils demandent encore une fois l'aide juridique, est-ce que le ministre est en train de nous dire qu'inévitablement cet amendement va apporter une hausse des dépenses à l'aide juridique? Et, dans ce cas-là, est-ce qu'il entend finalement arrêter d'obtempérer aux demandes du ministre des Finances et assurer la couverture à laquelle les bénéficiaires de l'aide juridique sont en droit de s'attendre?
Le Président: M. le ministre de la Justice.
M. Bégin: M. le Président, le projet de loi contient de nombreuses dispositions et, effectivement, comme je l'ai mentionné au procureur de la défense qui était inquiet de savoir si, au lieu d'atteindre 18 000 000 $ d'économies on atteignait 20 000 000 $ ou 21 000 000 $, si jamais on s'en allait vers ça et qu'on était capable de l'établir, on prendrait des dispositions pour ne pas dépasser le montant qu'on avait prévu. Je pense, M. le Président, que chaque disposition a un contenu monétaire, parce qu'on sait le nombre de dossiers, environ, qu'il peut y avoir, combien ce genre de dossiers coûtent généralement en moyenne et qu'en conséquence il y a un coût.
Mais, M. le Président, il y a des coûts, mais il y a aussi des règles de droit, et je pense que, si une disposition a pour effet ou aurait pour effet, selon les opinions juridiques prédominantes, d'aller à l'encontre de la Charte, vous comprenez, M. le Président, que des amendements vont être apportés.
Le Président: M. le député de Chomedey, en question complémentaire?
M. Mulcair: En question principale, M. le Président.
Le Président: En question principale.
Demande de surseoir à l'adoption du projet de loi sur la réforme de l'aide juridique
M. Mulcair: Au cours des derniers jours, justement, la réforme de l'aide juridique a été vivement dénoncée par l'ensemble des intervenants directement concernés. Notamment, plus de 75 organismes communautaires ont indiqué au ministre que sa réforme improvisée abandonne les plus démunis et s'attaque à des services essentiels. D'après le Protecteur du citoyen et la Commission des droits de la personne, il serait hautement périlleux, compte tenu de la nature des droits qui sont en jeu et des disparités régionales qu'elle engendre, de l'adopter à toute vapeur dans les quelques jours qui restent avant la fin de la présente session.
Toujours en réitérant au ministre notre plus entière collaboration, dans la mesure où il répondrait favorablement à notre requête, nous désirons savoir...
Le Président: S'il vous plaît!
M. Mulcair: ...si, oui ou non, il accepte de surseoir à l'adoption de son projet de loi afin que l'on puisse ensemble trouver, au cours de l'été s'il le faut, des solutions qui respectent les droits fondamentaux et conservent une protection adéquate pour les plus démunis de notre société.
Le Président: M. le ministre de la Justice.
M. Bégin: M. le Président, je rappelle à cette Chambre qu'une des dispositions importantes du projet de loi vise à faire en sorte qu'un nombre de 160 000 personnes additionnelles soient admissibles à l'aide juridique et que ces personnes sont des membres de famille et que, je pense, à cet égard, on correspond à ce qui a été demandé depuis de nombreuses années et que le parti de l'opposition n'a pas accordé lorsqu'il était au pouvoir, malgré trois commissions d'enquête qui leur avaient dit qu'il fallait le faire. Quant au reste...
Je vois, M. le Président, que certains ne se rappellent pas, alors je vais rappeler qu'à la commission Macdonald, je vais rappeler qu'au Sommet de la Justice, je vais rappeler qu'à la commission parlementaire de 1994 il avait été recommandé au gouvernement d'alors de hausser les seuils d'admissibilité, ce qui n'avait pas été fait depuis 1985, à l'époque où le Parti québécois formait le gouvernement, et que le parti, à l'époque, n'a pas augmenté, le parti gouvernemental libéral n'avait pas augmenté les seuils d'admissibilité.
M. le Président, les dispositions qui sont là visent à favoriser les familles; d'autre part, visent à faire en sorte que les couvertures...
Le Président: En terminant.
M. Bégin: ...qui doivent être accordées aux plus démunis le soient dans le futur. Merci.
(10 h 20)
Le Président: M. le député de Chomedey, pour une question complémentaire?
M. Mulcair: C'est ça, M. le Président. Merci. Est-ce que le ministre de la Justice peut nous dire s'il a répondu à la lettre que lui a envoyée le délégué régional de la Côte-Nord le 1er juin dernier, et dans laquelle, contrairement à ce que le premier ministre affirmait ici le 2 juin, celui-ci, le délégué de la Côte-Nord, souligne le caractère essentiel des services qui sont coupés à l'aide juridique et le fait que le projet de loi, d'après lui, s'il donne d'une main, reprend doublement de l'autre main? Est-ce que vous avez répondu à votre collègue de la Côte-Nord?
Le Président: M. le ministre de la Justice.
M. Bégin: M. le Président, je n'ai pas répondu au délégué de la Côte-Nord. Je n'ai pas pris, à ce jour, connaissance de cette lettre, étant présent en cette Chambre sans arrêt depuis quelques semaines. Cependant, je dois vous dire, M. le Président, que nous donnons aux familles. Nous avons pris des dispositions à l'égard de certaines couvertures que j'aurais aimé conserver, si l'état des finances publiques l'avait permis, mais que l'on doit retirer, compte tenu, justement, du fait que, dans le passé, certaines décisions qui devaient être prises ne l'ont pas été et que l'on doit les prendre maintenant, M. le Président.
M. Mulcair: M. le Président.
Le Président: M. le député de Chomedey, toujours en complémentaire.
M. Mulcair: Oui, merci, M. le Président. Je demande la permission à cette Chambre pour déposer la lettre du député péquiste de Duplessis, adressée au ministre de la Justice, où il explique qu'effectivement le ministre reprend doublement avec l'autre main, et datée du 1er juin 1995.
Le Président: Est-ce qu'il y a consentement?
Des voix: Consentement.
Le Président: Consentement.
Document déposé
À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre! Alors, ce document est déposé.
Je serais prêt maintenant à donner la parole à un autre intervenant pour une question. M. le député de Laurier-Dorion, pour une question principale?
M. Sirros: Oui, M. le Président.
Le Président: En question principale.
Processus de recensement dans le cadre de la réforme électorale
M. Sirros: M. le Président, la semaine dernière, le ministre responsable de la Réforme électorale, qui doit agir comme gardien de la démocratie, laissait entrevoir la possibilité que les amendements imposant la signature obligatoire sur la fiche de recensement pourraient être retirés. Le Devoir reprenait d'ailleurs publiquement cet engagement dans son édition du 2 juin 1995. Après cette ouverture, le ministre ne nous a plus convoqués en commission parlementaire, nous imposant même un bâillon, M. le Président. Il insiste depuis sur l'imposition de cette clôture pour fermer cette porte qu'il avait lui-même ouverte et veut obliger les électeurs à signer la fiche de recensement pour être inscrits sans entrave sur la liste électorale, à défaut de quoi ils seront contraints de se présenter devant la commission de révision. Toutefois, le ministre est conscient que cette obligation ne peut être appliquée de façon universelle et qu'il devra lui-même prévoir des exceptions.
Est-ce que le ministre peut nous dire combien de dizaines de milliers d'électeurs devront se prévaloir des exceptions prévues?
Le Président: M. le ministre responsable de la Réforme électorale.
M. Chevrette: Oui, M. le Président. À la suggestion expresse du député de Laurier-Dorion, nous avons effectivement introduit dans le projet de loi la possibilité de faire signer la formule de recensement par l'électeur. Et, dans les amendements qui ont été déposés dans les heures requises, il y a deux options: il y a la possibilité de signer, il y a la possibilité de déclarer solennellement, comme le disait le député de Chomedey. Donc, ce sont deux suggestions expresses de nos amis de l'opposition, qui seront concrétisées dans les amendements législatifs qui sont déposés dans le cadre de l'étude du rapport.
Il n'y a pas d'obligation formelle, contrairement à ce que dit le député de... Laurier-Dorion. Deuxièmement, il y a également, à défaut de signer, un casier dans lequel on pourra inscrire un crochet en disant: Je déclare que les renseignements que j'ai donnés sont corrects. Et le rapport de doute, ce n'est pas une automaticité pour le comité de révision. Au contraire, ce sera le rapport de doute qui existait antérieurement, et ç'a été déposé dans les délais prescrits hier, suite à la... Ou il sera déposé? Il sera déposé aujourd'hui.
Le Président: M. le député de Laurier-Dorion, en question complémentaire.
M. Sirros: Pourquoi, à ce moment-là, le ministre a déjà parlé des cas d'exception, M. le Président? Et est-ce que ce ne serait pas plus normal, pour que ce processus de réforme puisse avoir toute la crédibilité nécessaire, que le ministre accepte le compromis, comme il l'offrait, pour qu'on puisse finir l'étude de ce projet de loi correctement en commission parlementaire pour assurer à ce processus de réforme toute la crédibilité nécessaire, à la veille du référendum?
Le Président: M. le ministre.
M. Chevrette: M. le Président, la façon la plus correcte de se bâtir une crédibilité, c'est de dire une chose, puis d'être cohérent par la suite.
Une voix: C'est ça.
M. Chevrette: Ce que le député de Laurier-Dorion a proposé, c'était la signature. Il a commencé à plaider contre la signature après avoir proposé la signature.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Chevrette: Le député de Chomedey a proposé une déclaration solennelle, puis, après ça, il aurait fallu faire exactement le statu quo.
Ce que j'ai fait, c'est que je permets la signature. À défaut de signature, parce qu'il peut y avoir des cas d'exception que je reconnais des analphabètes, des handicapés, etc. il y aura «Je déclare que les renseignements que je donne sont corrects», il y aura un crochet, et c'est le recenseur qui va constater la déclaration. Et il n'y a pas d'automaticité, M. le Président. Au lieu d'essayer de se bâtir une question, ils seraient peut-être mieux d'écouter la réponse.
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! Bon, il s'agit quand même d'une question très importante. On peut comprendre que le groupe formant l'opposition officielle se consulte quant au suivi des questions. Ça m'apparaît tout à fait normal, dans la mesure... À l'ordre! À l'ordre! À l'ordre! Dans la mesure où ça se fait dans un silence relatif, ça m'apparaît tout à fait acceptable. En terminant, M. le leader du gouvernement.
M. Chevrette: M. le Président, le député de Dorion-Laurier a dit ceci: Nous obligerons les gens à aller en révision. C'est faux! C'est le rapport de doute qui existait qui va continuer à exister. Donc, il y a deux possibilités pour l'électeur. On lui présente: Est-ce que vous voulez signer? Il dit: Non. Est-ce que vous déclarez, à ce moment-là, que les renseignements que vous m'avez donnés sont corrects? Oui. Le recenseur va constater la déclaration. S'il y a un doute, il fait comme il faisait antérieurement, le rapport de doute. Je ne vois pas de drame dans ça, M. le Président. J'ai plutôt l'impression que le député de Laurier-Dorion... Dorion-Laurier...
Une voix: Laurier-Dorion.
M. Chevrette: J'ai de la misère avec ça! Il devrait plutôt, M. le Président, chercher à agencer l'ensemble de ses contradictions.
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M. le chef de l'opposition officielle, en question complémentaire.
M. Johnson: Complémentaire, oui. Pour comprendre le leader du gouvernement, est-ce qu'il s'agit d'instaurer des exceptions spécifiques qui devront être justifiées à ce titre pour que la signature ne soit pas requise, ou alors est-ce qu'il y a un automatisme devant le simple refus de qui que ce soit, pour quelque raison que ce soit, de signer le document pour qu'à ce moment-là il y ait ouverture au crochet et à la constatation des recenseurs? C'est extrêmement important, dans la mesure où on semble, par la réponse du leader du gouvernement, indiquer que des gens devront indiquer qu'ils sont soit légèrement déficients mentalement, soit analphabètes, soit dyslexiques, soit quoi que ce soit avant d'avoir recours à l'option que le leader du gouvernement nous indique. Est-ce que le leader du gouvernement pourrait être un peu plus clair à ce sujet-là ou alors nous déposer les amendements pour qu'on les voie une fois pour toutes?
M. Chevrette: Même...
Le Président: À l'ordre! M. le ministre.
M. Chevrette: Même le chef de l'opposition ne sera pas obligé de signer. M. le Président...
Le Président: À l'ordre! Non, c'est le genre de préambule à la réponse, là, qui n'encourage pas le calme dans l'Assemblée, M. le leader du gouvernement. M. le ministre.
M. Chevrette: M. le Président...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Saint-Laurent, s'il vous plaît! M. le leader du gouvernement.
M. Chevrette: M. le Président, j'ai dit: Au lieu d'instaurer une série d'exceptions, il y a bon nombre de citoyens qui acceptent carrément de dire: Oui, je signe, si les renseignements sont exacts. C'est la grande majorité, d'ailleurs, parce que, pour eux, M. le Président, la résidence secondaire, comme question, ce n'est pas un problème 97 % ou 95 % des gens n'en ont pas, de résidence secondaire. Ça ne leur fait rien d'apposer leur signature pour dire: Ce que je déclare, c'est correct.
(10 h 30)
Ceux qui refusent de signer, ceux qui refuseraient par incapacité, par handicap, qui refusent ou bien qui disent: Je ne veux pas signer cela, on leur demandera de faire la déclaration: Est-ce que c'est exact, ce que vous nous avez donné comme renseignements? Il y a un carré sur la formule 8. Les recenseurs vont constater la déclaration, vont signer, eux. Et, si un des recenseurs, ou les deux, ont des doutes sur la véracité c'est exactement la formule de la loi antérieure ils réfèrent au comité de révision. Mais, ce n'est pas de l'automaticité, contrairement à ce qu'a dit le député de Laurier-Dorion.
Le Président: M. le chef de l'opposition officielle, toujours en question complémentaire.
M. Johnson: M. le Président, avant d'invoquer des statistiques, est-ce que le leader parlementaire du gouvernement pourrait nous indiquer d'où il tient les pourcentages sur lesquels il s'appuie? Quels sont ces pourcentages de gens qui, à l'occasion du recensement, sont effectivement à la maison, par opposition à ceux dont l'inscription est effectuée par des gens qui sont dans leur résidence en leur absence? Et, n'importe qui qui a déjà consulté les listes électorales, n'importe qui qui a fait du pointage dans un comté sait que c'est une minorité à certaines heures du jour ou à certaines journées de la semaine une minorité de gens qui sont à la maison pour s'inscrire eux-mêmes. De quoi parle le leader, exactement?
M. Chevrette: Donc, M. le Président...
Le Président: M. le ministre.
M. Chevrette: ...le chef de l'opposition est en train de plaider comment c'est important d'avoir une liste électorale permanente informatisée et qu'on puisse véritablement, au lieu d'aller déranger les gens à deux, trois reprises, faire une liste véritable. Un outil moderne, M. le Président, ça sort du statu quo.
Ceci dit, l'exemple que j'ai donné... Parce qu'il y a une des questions qu'on pose: Quelle est votre résidence principale, votre domicile, conformément à la définition du Code civil? Les gens sont obligés de donner l'adresse. Les libéraux ont plaidé en commission, M. le Président, que ceux qui avaient des résidences secondaires pouvaient faire l'option entre la principale et la secondaire. J'ai dit que, pour la grande majorité des Québécois c'est ça que j'ai affirmé en commission ce n'était pas un problème de savoir où ils demeuraient. Un très fort pourcentage de la population, ils savent à quelle date ils sont nés, s'ils sont citoyens canadiens, ils savent où ils demeurent parce qu'ils ont juste les moyens d'avoir une piaule, dans bien des cas. Et ce n'est pas ceux-là à qui s'adresse la sévérité, parce qu'ils savent où ils demeurent, M. le Président.
Le Président: M. le député de Bellechasse, pour une question complémentaire. Un instant, s'il vous plaît. Est-ce que c'est pour une question complémentaire?
M. Lachance: Principale, M. le Président.
Le Président: Vous allez attendre. M. le chef de l'opposition officielle, pour une question complémentaire.
M. Johnson: Pour revenir à l'essentiel du propos et aux exceptions, le ministre lui-même a parlé des exceptions au principe de la signature. Et il évoque constamment les gens qui souffriraient de déficience intellectuelle ou d'autres handicaps, ou qui sont des analphabètes. Est-ce que le ministre est en train de nous dire, s'il évoque spécifiquement ces exceptions, que les électeurs éventuels devront faire valoir cet état qui est le leur, d'analphabète ou de handicapé, ou de quoi que ce soit, afin de pouvoir requérir les recenseurs d'indiquer par un crochet et de constater sa déclaration en l'absence d'une signature? Pourquoi le ministre nous parle-t-il d'exceptions qu'il va instaurer, alors que les gens n'auront pas à faire valoir ces exceptions?
Le Président: M. le ministre.
M. Chevrette: De façon précise, voici quel sera le texte de l'amendement qui sera déposé en temps et lieu. «La personne... Ils l'ont même en main, M. le Président; il s'agit de sortir de sa paresse intellectuelle et de le lire.
Le Président: S'il vous plaît! S'il vous plaît! S'il vous plaît! M. le leader de l'opposition officielle.
M. Paradis: Oui. Strictement dans le but de faciliter le bon déroulement de nos travaux, M. le Président, j'ai vérifié avec le chef de l'opposition, nous n'avons pas en main ce document. Mais, il y aurait consentement à ce qu'il soit déposé en cette Chambre, M. le Président.
Le Président: Alors, M. le ministre, vous avez la parole.
M. Chevrette: Oui, M. le Président, ce qui est déposé depuis hier, 10 heures, me dit-on, c'est: «La personne qui est incapable ou qui refuse de signer la fiche de recensement doit, pour que cette inscription soit faite, déclarer que les renseignements fournis sont, à sa connaissance, vrais et exacts. Mention en est faite par les recenseurs sur la fiche de recensement.»
M. le Président, je crois que, même pour l'homme du troisième millénaire, ce devrait être important, la loi 40.
Le Président: M. le chef de l'opposition officielle, toujours en complémentaire.
M. Johnson: Dernière question. Dans ce cas-là, pourquoi le ministre responsable de la Loi électorale, de la Réforme électorale, a-t-il dit publiquement qu'il instaurait des exceptions, telles que pour les déficients mentaux, les analphabètes et autres personnes handicapées, si, dans le fond, il n'en parle même pas, ni dans la loi, ni, je présume, dans les règlements?
M. Chevrette: M. le Président...
Le Président: M. le ministre.
M. Chevrette: ...je suppose que le chef de l'opposition a des contacts avec ses députés. Ses députés ont commencé à poser des questions. Qu'arrive-t-il à celui qui ne peut signer? Qu'arrive-t-il à celui qui est incapable, parce qu'il y a handicap? J'ai dit: Oui, je comprends, et ça m'ébranle. Je devrai donc tenir compte de ce facteur-là. Nous avons trouvé une formule plus générale, que nous déposons en amendement. Et nous avons travaillé avec ceux qui nous ont fait des suggestions concrètes. Et ces amendements-là sont présentement déposés, M. le Président, au Secrétariat des commissions. Il y aura un débat sur ces amendements-là, M. le Président. Et, si jamais il devait sortir quelque chose d'encore plus brillant, avant la troisième lecture, il y a toujours un laps de temps pour en corriger encore certains.
Mais ça, M. le Président, à l'Assemblée nationale, on découvre tout à coup une vertu de cohérence, alors que, en commission, on a accumulé les incohérences.
Le Président: M. le député de Laurier-Dorion, toujours en complémentaire?
M. Sirros: Oui, tout en ne relevant pas les inexactitudes du ministre, M. le Président. Qu'est-ce que c'est donc, à ce moment-là, cette nécessité pour que mention soit faite sur la fiche de recensement du refus ou de l'incapacité de signer?
Le Président: M. le ministre.
M. Chevrette: M. le Président, s'il n'y a pas signature, il y a une déclaration. Et s'il y a fausseté dans la déclaration, constatée par les deux recenseurs, il y a une poursuite au pénal de prévue dans la loi. Donc, on a pris exactement les suggestions du député de Laurier, M. le Président, qui, lui, voulait la signature au départ. Le député de Chomedey voulait la déclaration solennelle. Il y a donc une incapacité, dans certains cas, qu'il faut reconnaître, une incapacité de signer.
Donc, il faut permettre la déclaration. Mais, dans un cas comme dans l'autre, M. le Président, il faut que vérité soit faite et que les gens qui déclarent ou qui signent soient responsables de leur signature ou de leur déclaration, et soient poursuivables devant la loi, s'il y a des faussetés. C'est ça, la question!
Le Président: M. le député d'Outremont, pour une question principale.
Publication d'une étude intitulée «Souveraineté et PME»
M. Tremblay: Le ministre de la Restructuration nous disait, lors de la publication de sa dernière étude: Vous ne perdez rien pour attendre. Hier, son Secrétariat à la restructuration rendait discrètement publique, par un communiqué de presse laconique, une étude intitulée «Souveraineté et PME». L'étude affirme que le virage du fédéral envers les petites et moyennes entreprises est tout récent, ignorant ainsi les efforts de milliers de Québécois et de Québécoises à l'emploi du gouvernement fédéral, qui, depuis des décennies, contribuent à l'émergence et au développement de petites et moyennes entreprises situées dans toutes les régions du Québec, notamment par les interventions de la Banque fédérale de développement, par le programme Prêt aux petites entreprises, par les services-conseils, et, également, par l'aide aux dirigeants et dirigeantes d'entreprises pour la PME.
À titre d'exemple, M. le Président à titre d'exemple, seulement: 30 % des interventions de la Banque fédérale de développement plus de 300 000 000 $ par année sont faites aux femmes; un tiers aux femmes. Et, également, 44 % à des jeunes entreprises.
(10 h 40)
Comment le ministre, M. le Président, qui affirme lire et valider toutes ces études, peut prétendre être crédible lorsqu'il publie des études incomplètes et nettement partisanes?
Le Président: M. le ministre d'État à la Restructuration.
M. Le Hir: M. le Président, je veux quand même rappeler que l'étude en question a été faite par trois professeurs de l'INRS, et, en plus, par M. Pierre-André Julien de la chaire Bombardier à l'Université du Québec à Trois-Rivières. Ce sont des gens qui, en la matière, ont toutes les compétences requises, et effectivement le député d'Outremont le sait fort bien parce que c'est des gens qu'il a lui-même eu l'occasion de consulter régulièrement. Et, s'il les a consultés, c'est qu'il estimait qu'ils avaient les compétences requises.
En ce qui concerne les conclusions auxquelles ils parviennent, le député d'Outremont devrait avoir compris que, dans l'étude en question, les informations, ou les faits qu'il allègue ont été pris en compte et qu'on fait un bilan complet. Est-ce qu'on a souligné ces aspects-là? Peut-être que non. Mais ce n'est pas parce qu'on ne les a pas soulignés que le bilan lui-même, quant au fond, n'est pas complet.
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre! M. le député d'Outremont, pour une question complémentaire.
M. Tremblay: Est-ce que le ministre réalise que je ne mets pas en doute la compétence des personnes qui ont rédigé l'étude? Est-ce que le ministre pourrait nous déposer le mandat qu'il a confié à ces personnes, premièrement? Et, deuxièmement, comment se fait-il que l'étude ne parle aucunement de la coopération qui existe entre les gouvernements fédéral et provincial depuis des décennies, notamment, à titre d'exemple, la récente entente signée en avril 1995 avec le ministre de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie, l'Ordre des ingénieurs du Québec, la Banque fédérale de développement, dans le contexte de FORCES technologies?
Le Président: À l'ordre! À l'ordre, s'il vous plaît! M. le ministre délégué à la Restructuration.
M. Le Hir: M. le Président, en ce qui concerne le mandat, ça va me faire plaisir de le déposer en cette Chambre à la prochaine occasion. Pour ce qui est des arguments de mon collègue le député d'Outremont, encore une fois je répète ce que j'ai dit: Ces faits-là ont été pris en compte. Ils n'ont pas été considérés comme étant suffisamment pertinents par les auteurs ou ayant un poids suffisamment...
Des voix: Oh!
Le Président: S'il vous plaît! Il n'y a aucune raison pour laquelle on réagisse ainsi. S'il y a des réactions, je suis toujours prêt à reconnaître le député d'Outremont à l'ordre, s'il vous plaît! en question complémentaire. Mais, à ce moment-ci, j'aimerais qu'on laisse M. le ministre délégué à la Restructuration terminer sa réponse dans le calme. M. le ministre.
M. Le Hir: M. le Président, si les auteurs de l'étude en question, en qui le député prétend avoir confiance, n'ont pas retenu ces arguments-là, c'est qu'ils n'ont pas considéré que leur incidence sur le résultat total était suffisamment déterminante.
M. Jolivet: Parfait!
Le Président: M. le député d'Outremont, toujours en complémentaire.
M. Tremblay: Si le ministre est convaincu de l'importance de cette étude, pourquoi se cache-t-il derrière son Secrétariat à la restructuration et pourquoi n'a-t-il pas fait comme d'habitude: convoquer une conférence de presse et répondre aux questions des journalistes?
Le Président: S'il vous plaît! M. le ministre délégué à la Restructuration.
M. Le Hir: M. le Président, je n'ai aucun doute quant à la validité de l'étude en question. Si nous n'avons pas fait de conférence de presse, c'est qu'elle est sortie d'une façon que nous n'avions pas anticipée, et nous avons émis le communiqué de la façon que nous l'avons fait dans d'autres cas précédemment. Il est donc faux de prétendre que, dans ce cas-là, nous ayons agi différemment de ce que nous avons fait dans le passé.
Le Président: Toujours en complémentaire, M. le député d'Outremont.
M. Tremblay: Est-ce que le ministre...
Le Président: S'il vous plaît!
M. Tremblay: ...peut nous confirmer qu'il a lu l'étude...
Une voix: Ah! Ah! Ah!
Le Président: À l'ordre!
Une voix: C'est important, dans les conférences de presse, on le voit.
M. Tremblay: ...qu'il l'a comprise...
Des voix: Ha, ha, ha!
Une voix: Ah! Ah! Ah!
Une voix: Ça, ce n'est pas certain.
M. Tremblay: ...avant la fuite dans les journaux?
Une voix: Ça, ce n'est pas sûr.
Le Président: Non, effectivement, on n'a pas le droit de parler quand on n'a pas la parole. C'est aussi clair que ça. Je pense que le règlement est très clair: article 32 du règlement. M. le ministre délégué à la Restructuration.
M. Le Hir: Alors, je peux rassurer le député d'Outremont que j'avais effectivement l'étude en main depuis déjà un certain temps. Je l'ai lue à plusieurs reprises, et je lui souhaite d'en faire autant pour comprendre ce qu'il y a dedans.
Des voix: Ha, ha, ha!
Une voix: Bravo!
Le Président: M. le député de Bellechasse, pour une question principale.
Projet de relocalisation de centres de formation professionnelle dans Bellechasse
M. Lachance: Merci, M. le Président. Ma question s'adresse au ministre de l'Éducation.
Des voix: Oh!
M. Lachance: Le 11 octobre 1994...
Le Président: S'il vous plaît! M. le député de Marquette! Votre question, M. le député de Bellechasse.
M. Lachance: Elle n'est pas plantée, M. le Président.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président: M. le député de Bellechasse.
M. Lachance: M. le Président, le 11 octobre 1994, deux semaines après sa nomination au Conseil des ministres, l'actuel ministre de l'Éducation imposait à la Commission scolaire de Lévis-Bellechasse un moratoire sur le projet majeur de relocaliser à Saint-Raphaël de Bellechasse les centres de formation professionnelle des programmes de conduite de chantiers et de montage de lignes situés à Saint-Romuald et à Saint-Henri. Saint-Henri, M. le Président, c'est dans le comté de Lévis. La relocalisation de ces deux options professionnelles avait déjà été autorisée en date du 15 juin 1994 par le précédent ministre de l'Éducation et actuel député de WestmountSaint-Louis, pour une première phase, au coût de 3 200 000 $.
M. le Président, des éléments nouveaux extrêmement importants viennent de survenir dans ce dossier, et ils sont à l'effet que les terrains actuellement loués...
Le Président: Votre question, s'il vous plaît.
M. Lachance: Oui, M. le Président, j'y arrive ...utilisés présentement par la commission scolaire ne seront très prochainement plus disponibles. Devant ces faits nouveaux et l'urgence d'agir, est-ce que le ministre de l'Éducation entend lever le moratoire du 11 octobre 1994 et autoriser enfin la commission scolaire à poursuivre son projet de relocalisation à Saint-Raphaël de Bellechasse?
Des voix: Bravo!
Le Président: M. le ministre de l'Éducation.
M. Garon: M. le Président...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M. le ministre de l'Éducation.
M. Garon: Essentiellement, le montage de lignes est situé à Saint-Henri depuis 1969, dans le cadre d'une entente fédérale-provinciale qui a été établie à ce moment-là et qui s'est terminée en 1987. J'avais demandé au ministre de l'Éducation du temps, quand il avait été question de le relocaliser, quelles étaient les raisons, parce que j'entendais parler de ça depuis des années. Il m'a dit: Parce qu'il y avait une demande d'Hydro. Depuis que je suis ministre de l'Éducation, j'ai demandé de voir la demande d'Hydro, personne ne l'a jamais trouvée.
J'ai regardé également quel était le nombre de placements des étudiants qui finissent en montage de lignes. La moyenne des trois dernières années, c'était 60 %. Je ne vois pas la nécessité d'augmenter un centre ou de changer un centre, alors que la demande ne le justifie pas et alors que ça a été situé à Saint-Henri de Lévis en 1969, alors que sur 64 commissaires de la Commission scolaire Louis-Fréchette il y en avait 18 ou 19 qui venaient de Lévis, le reste venait de Bellechasse de Dorchester, qu'on appelait dans le temps ou des Abénakis, de la Beauce. Et, ensemble, ils avaient décidé de le localiser à Saint-Henri. Comme il n'y a pas de besoin additionnel, je ne vois pas pourquoi on dépenserait de l'argent pour relocaliser un centre, on dépenserait de l'argent sur un centre.
Deuxièmement, la tendance actuelle du gouvernement, c'est de faire participer l'entreprise. Si Gaz Métropolitain a été capable de contribuer à faire en sorte que la formation se fasse en usine et à nous éviter des investissements de 3 000 000 $, je ne vois pas pourquoi Hydro ne ferait pas pareil...
Le Président: En terminant.
M. Garon: Alors qu'il y a tellement de terrains de disponibles, qu'on utilise les terrains qui sont déjà la propriété plutôt que de dépenser 3 500 000 $ pour acheter des terrains, M. le Président.
Une voix: Bravo!
(10 h 50)
Le Président: M. le député de Bellechasse, en complémentaire.
M. Lachance: Oui, M. le Président. Pourquoi le ministre s'acharne-t-il à tronquer la vérité et à dire des faussetés concernant les coûts de 3 200 000 $ pour l'achat de terrains? C'est faux, M. le Président, il a menti.
Des voix: Bravo! Bravo!
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Bellechasse... À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre! M. le député de Jacques-Cartier, s'il vous plaît! M. le député de Bellechasse, vous avez, dans votre question complémentaire, à deux reprises, prononcé des mots qui m'apparaissent, à ce moment-ci, clairement non parlementaires. D'une part, en ce qui concerne l'expression «tronquer la vérité», tronquer la... enfin, le mot «tronquer» de même que «mentir». Alors, je vous prierais de retirer ces mots et de bien vouloir reformuler votre question conformément à notre règlement.
M. Lachance: M. le Président, je connais assez bien le vocabulaire de la langue française, et mentir, c'est dire le contraire de la vérité. Je maintiens mes propos.
Des voix: Bravo!
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, à ce moment-ci... À l'ordre! À ce moment-ci, M. le député de Bellechasse, vous ne me laissez pas grand choix. Je dois vous rappeler à l'ordre une première fois et, si vous ne vous conformez pas à la demande que je viens de vous faire, je devrai vous rappeler à l'ordre pour une deuxième fois. Et vous connaissez les conséquences de ce deuxième rappel à l'ordre, c'est-à-dire que vous n'aurez plus la parole en cette Chambre au niveau de cette séance. M. le député de Bellechasse.
M. Lachance: M. le Président, malgré tout le respect que j'ai pour vous et le poste que vous occupez, c'est le ministre, député de Lévis, qui devrait être rappelé à l'ordre.
Des voix: Bravo!
Le Président: Alors, en l'espèce, je pense que la situation est claire. M. le député de Bellechasse, je vous rappelle donc à l'ordre une deuxième fois et, par voie de conséquence, votre droit de parole est retiré.
Une voix: ...
Le Président: Vous avez raison. Alors donc, je vous rappelle à l'ordre une deuxième fois et, si vous refusez toujours de retirer ces paroles, je devrai vous retirer votre droit de parole.
M. Lachance: M. le Président, je vous répète que j'ai beaucoup de respect pour l'institution et pour vous, mais dire le contraire de la vérité, c'est mentir, et c'est ce que le ministre a fait.
Le Président: Alors, je vous retire, à ce moment-ci, votre droit de parole, M. le député de Bellechasse. M. le député de... Est-ce que c'est en complémentaire?
M. Ouimet: Question complémentaire, M. le Président.
Le Président: En complémentaire, M. le député de Marquette.
M. Ouimet: Le ministre de l'Éducation n'est-il pas en train de nous dire que, s'il ne peut pas y avoir de centre de formation professionnelle à Lévis, il n'y en aura pas pantoute? Est-ce que c'est ça que le ministre est en train de nous dire aujourd'hui?
Des voix: Bravo!
Le Président: M. le ministre de l'Éducation.
M. Garon: M. le Président, j'ai rencontré, hier, le député de Bellechasse. Je l'ai mis au courant de tous les faits. Je vais rencontrer, au début de la semaine prochaine, la commission scolaire de Bellechasse et de Lévis. Mais, cette fois-là, je serai accompagné des fonctionnaires qui diront eux-mêmes, c'est quoi, la réalité, si le député de Bellechasse n'aime pas le croire.
Essentiellement, ce que je lui ai dit, c'est ce que mes fonctionnaires m'ont dit. Et le projet qui devait être de 8 500 000 $ au début avait été ramené à 3 000 000 $, justement parce que ça consistait essentiellement en l'achat de terrains parce que le projet avait été réduit. Et je vais rencontrer, au début de la semaine, les gens pour leur faire part exactement de la situation.
Maintenant, actuellement, ce dont il s'agit, ce sont des installations qui sont là depuis le début des années soixante-dix. L'entente datait de 1969. Je n'étais pas député. Ça a été localisé de cette façon-là, et je ne vois pas pourquoi on dépenserait des millions de dollars pour relocaliser des choses qui n'ont pas besoin de relocalisation, alors qu'on est dans le contexte budgétaire où on est actuellement.
Je pense que... Qu'est-ce que ça donne de relocaliser? En plus, sur le centre de formation professionnelle, au cas où vous ne le sauriez pas, sur 400 finissants, il y en a 320 qui sont placés à Lévis, 60 dans la Beauce, 20 dans Bellechasse.
Le Président: En terminant.
Une voix: Wo!
Le Président: M. le député de Marquette, toujours en complémentaire.
M. Ouimet: En complémentaire, M. le Président. Si c'est ça, la logique du ministre de l'Éducation, pourquoi alors a-t-il autorisé la scission de la commission scolaire de Lévis-Bellechasse si ce n'est pas pour avoir une commission scolaire dans son propre comté?
Une voix: C'est ça.
Le Président: À ce moment-ci, M. le député de Marquette, je vous invite à la prudence. On ne peut pas, par les questions, prêter des intentions...
Des voix: Oh!
Le Président: ...oui, oui, prêter des intentions, formuler la question de façon à ce qu'on prête une intention à un membre de cette Chambre. M. le ministre de l'Éducation.
M. Garon: C'est très simple et, si vous le demandez au député de Bellechasse, vous allez voir qu'il est d'accord là-dessus c'est qu'essentiellement, quand il a été question de répartir la commission scolaire Louis-Fréchette, il devait y avoir trois commissions scolaires: une dans la Beauce, une dans Bellechasse comprenant les Abénakis, et une dans Lévis. À cause, ensuite, de politicaillerie, les Abénakis se sont retrouvés dans la Beauce et Bellechasse s'est retrouvée dans Lévis, alors que jamais les gens de Bellechasse ni de Lévis ne l'avaient choisi. Puis, en plus, on a additionné des commissaires plutôt que de répartir des commissaires selon la représentation de la population, de sorte que 75 % de la population se retrouvait avec 25 % des commissaires. Alors, si c'est ça, le système démocratique, on est en train de corriger ce qui n'aurait jamais dû être et qui aurait dû depuis le début être trois commissions scolaires...
Le Président: En terminant.
M. Garon: ...parfaitement ensemble et qui auraient été à l'aise. Mais, parce qu'il s'est fait de la politique dans le temps, on est obligé de corriger. Mais, au ministère de l'Éducation, dès le point de départ du dossier, jamais il n'a été question d'autre chose...
Le Président: En terminant.
M. Garon: ...qu'une commission scolaire dans Lévis, une dans Bellechasse avec les Abénakis et une dans la Beauce, M. le Président.
Le Président: M. le député de Verdun, pour une question principale.
Résultats des tests de français au niveau collégial
M. Gautrin: Merci. M. le Président, 46 % des finissants de cégep inscrits à l'université ont échoué le test de français, selon le journal Le Devoir . Le ministre est-il conscient que cette piètre connaissance de la langue française par ceux qui seront appelés à assumer des postes de responsabilité dans la société future est une des menaces les plus sérieuses à la survie du fait français au Québec?
Le Président: M. le ministre de l'Éducation.
M. Garon: M. le Président, ça vous donne une idée de l'état dans lequel nous avons pris l'éducation, au Québec, avec le changement de gouvernement. Essentiellement, je ne peux pas dire que c'est le résultat d'un changement de gouvernement qui a eu lieu à la fin de septembre 1994, les résultats du test de français qu'on vient de rendre publics. Essentiellement, c'est l'incurie des dernières années, et c'est exactement ce qu'il faut corriger. Mais je suis étonné de voir, par exemple, que, quand on veut changer quelque chose, il y a beaucoup de gens qui voudraient garder le même système qui donne les résultats que vous venez de mentionner.
Le Président: C'est la fin de la période de questions et de réponses orales.
Nous en sommes aux réponses différées. À l'ordre! Nous en sommes aux réponses différées. M. le ministre des Finances répondra maintenant à une question posée le 8 juin 1995 par M. le député de Rivière-du-Loup relativement à certains problèmes dans le dossier du casino de Hull.
M. Chevrette: M. le Président...
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Chevrette: ...compte tenu que le député de Rivière-du-Loup, pour des raisons qui lui sont propres, n'est pas ici, est-ce qu'on pourrait garder le complément de réponse pour le début de la semaine prochaine?
Mme Marois: Bien oui! Oui, oui, on gardera.
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre! Si M. le ministre préfère effectivement retarder sa réponse, on pourra... M. le leader de l'opposition officielle.
M. Paradis: M. le Président, compte tenu que vous avez donné les avis précédant la période de questions et compte tenu de l'absence du député de Rivière-du-Loup et des circonstances, qui étaient connues une conférence de presse avait été annoncée pour ce matin, elle a dû être préparée de longue main donc, dans les circonstances, il y aurait consentement.
Le Président: Je ne crois pas qu'il soit nécessaire d'avoir un consentement, à ce moment-ci, mais je comprends donc que M. le ministre des Finances... À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, la réponse sera donc reportée à un moment où le député de Rivière-du-Loup pourra être présent.
(11 heures)
Nous en sommes aux votes reportés. Ça va? Alors, je mets maintenant... S'il vous plaît! À l'ordre! Je mets maintenant aux voix la motion de M. le député d'Orford. M. le leader de l'opposition officielle.
M. Paradis: Oui. Strictement une question de directive. Dans le cas où vous rappelez à l'ordre un député conformément au règlement et que vous lui retirez, comme vous l'avez fait, le droit de s'exprimer, est-ce que vous accordez le droit de vote audit député? C'est simplement, M. le Président, une question d'information et de directive.
Le Président: M. le leader du gouvernement. Non? Moi, je vous suggère que nous suspendions quelques instants, juste pour en faire la vérification.
(Suspension de la séance à 11 h 1)
(Reprise à 11 h 4)
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Si vous voulez bien regagner vos sièges. À l'ordre, s'il vous plaît!
Si vous voulez bien vous asseoir.
Alors, suite à la question que me posait le leader de l'opposition officielle quant à la situation du député de Bellechasse: A-t-il ou non droit de vote? je vous réfère à une décision antérieure de M. le président Jean-Pierre Saintonge, du 5 mai 1993. Et je cite une partie de la décision qui rapporte un cas similaire: «En outre, un député à qui la présidence a retiré le droit de parole peut demeurer à l'Assemblée sans pouvoir y prendre la parole et conserve son droit de vote à l'Assemblée.» Fin de la citation.
Alors, en l'espèce, la situation est claire. Alors, nous allons donc procéder.
Votes reportés
Motion de report de l'adoption du principe du projet de loi 85
Je mets maintenant aux voix la motion de M. le député d'Orford proposant que la motion sur l'adoption du principe du projet de loi 85, Loi modifiant la Loi sur le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation et la Loi sur la fiscalité municipale, soit amendée en remplaçant les mots «soit maintenant adopté» par les mots «soit adopté dans quatre mois».
Que les députés en faveur de cette motion veuillent se lever.
La Secrétaire adjointe: M. Johnson (Vaudreuil), M. Paradis (Brome-Missisquoi), M. Bourbeau (Laporte), Mme Gagnon-Tremblay (Saint-François), M. Ciaccia (Mont-Royal), M. Gauvin (Montmagny-L'Islet), M. Vallières (Richmond), M. Cusano (Viau), M. Maciocia (Viger), M. Gobé (LaFontaine), M. Lafrenière (Gatineau), Mme Dionne (Kamouraska-Témiscouata), M. Parent (Sauvé), M. Bissonnet (Jeanne-Mance), M. Brodeur (Shefford), M. Benoit (Orford), M. Williams (Nelligan), M. Gautrin (Verdun), M. Marsan (Robert-Baldwin), M. Lefebvre (Frontenac), M. Farrah (Îles-de-la-Madeleine), M. Sirros (Laurier-Dorion), M. Tremblay (Outremont), Mme Delisle (Jean-Talon), M. Beaudet (Argenteuil), M. Poulin (Beauce-Nord), M. Bordeleau (Acadie), M. Ouimet (Marquette), Mme Loiselle (Saint-HenriSainte-Anne), M. Cherry (Saint-Laurent), M. Charbonneau (Bourassa), M. MacMillan (Papineau), M. Quirion (Beauce-Sud), M. Bergman (D'Arcy-McGee), Mme Vaive (Chapleau), M. Kelley (Jacques-Cartier).
Le Président: Que les députés contre cette motion veuillent bien se lever.
La Secrétaire adjointe: M. Chevrette (Joliette), M. Campeau (Crémazie), M. Brassard (Lac-Saint-Jean), M. Ménard (Laval-des-Rapides), Mme Marois (Taillon), Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve), M. Garon (Lévis), M. Trudel (Rouyn-NorandaTémiscamingue), M. Rivard (Limoilou), M. Perron (Duplessis), M. Boucher (Johnson), M. Laurin (Bourget), Mme Dionne-Marsolais (Rosemont), M. Dufour (Jonquière), M. Bégin (Louis-Hébert), M. Landry (Bonaventure), Mme Blackburn (Chicoutimi), M. Boisclair (Gouin), M. Gendron (Abitibi-Ouest), M. Jolivet (Laviolette), Mme Beaudoin (Chambly), M. Le Hir (Iberville), M. Bertrand (Charlevoix), M. Cliche (Vimont), Mme Caron (Terrebonne), Mme Vermette (Marie-Victorin), Mme Robert (Deux-Montagnes), M. Rioux (Matane), M. Paré (Lotbinière), Mme Malavoy (Sherbrooke), M. Beaumier (Champlain), M. Boulerice (Sainte-MarieSaint-Jacques), M. Bourdon (Pointe-aux-Trembles), M. Brien (Rousseau), Mme Carrier-Perreault (Chutes-de-la-Chaudière), Mme Charest (Rimouski), Mme Barbeau (Vanier), M. Kieffer (Groulx), M. Gaulin (Taschereau), M. Gagnon (Saguenay), M. Dion (Saint-Hyacinthe), M. Deslières (Salaberry-Soulanges), M. Désilets (Maskinongé), M. Lachance (Bellechasse), M. Laprise (Roberval), M. Jutras (Drummond), Mme Leduc (Mille-Îles), M. Facal (Fabre), M. Lelièvre (Gaspé), M. Pelletier (Abitibi-Est), M. Payne (Vachon), M. Morin (Dubuc), M. Létourneau (Ungava), M. Paquin (Saint-Jean), M. Morin (Nicolet-Yamaska), M. Côté (La Peltrie), M. Perreault (Mercier), M. Simard (Richelieu).
Le Président: Y a-t-il des abstentions? M. le leader de l'opposition officielle.
M. Paradis: Oui. Me serait-il permis de solliciter le consentement de mon bon ami le leader du gouvernement, afin d'ajouter le vote du député de Chomedey en faveur de la motion?
Le Président: Il y a consentement? À l'ordre, s'il vous plaît! Donc, est-ce qu'il y a consentement? Consentement. Donc, vote favorable à la motion. Monsieur...
Le Secrétaire: Pour:37
Contre:58
Abstentions:0
(11 h 10)
Le Président: Alors, la motion est rejetée.
Motions sans préavis.
Avis touchant les travaux des commissions
Avis touchant les travaux des commissions. M. le leader du gouvernement.
M. Chevrette: Oui, M. le Président, j'avise cette Assemblée que, aujourd'hui, la commission spéciale poursuivra l'étude détaillée du projet de loi 90, Loi favorisant le développement de la formation professionnelle, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures, de 15 heures à 18 heures et de 20 heures à 24 heures, à la salle du Conseil législatif.
Le Président: Merci, M. le leader du gouvernement.
Nous en sommes aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée. M. le leader de l'opposition officielle.
M. Paradis: Oui, strictement, M. le Président, vous rappeler la question que j'ai adressée hier.
Le Président: Je reviendrai, en réponse à votre question, à une séance ultérieure.
Affaires du jour
Alors, s'il n'y a pas d'autres demandes de renseignements, nous en venons aux affaires du jour. M. le leader du gouvernement.
M. Chevrette: Oui, M. le Président, je voudrais appeler l'article 33 de notre feuilleton.
Projet de loi 84
Adoption
Le Président: À l'article 33 du feuilleton, Mme la ministre de l'Emploi propose l'adoption du projet de loi 84, Loi modifiant la Loi sur l'administration provisoire du Comité paritaire de l'industrie du verre plat et de la Corporation de formation des vitriers et travailleurs du verre du Québec.
Alors, à ce moment-ci, je serais prêt à entendre un premier intervenant. M. le leader du gouvernement.
M. Chevrette: M. le Président, Mme la ministre gardera son droit de parole pour la troisième lecture.
Le Président: Donc, Mme la ministre reviendra plutôt en réplique. À ce moment-ci, est-ce qu'il y a un premier intervenant? Mme la députée de Saint-François, vous avez la parole.
Mme Gagnon-Tremblay: Oui, merci, M. le Président. M. le Président, je serai très brève, parce que...
Le Président: Mme la députée de Saint-François, tout juste pour donner le temps aux députés de quitter cette Chambre, ceux qui, bien sûr, ceux et celles qui ont d'autres... qui doivent vaquer à d'autres occupations.
Alors, Mme la députée de Saint-François, est-ce que vous intervenez comme porte-parole de votre groupe? Oui? À ce moment-là, vous avez une heure pour votre intervention. Alors, Mme la députée de Saint-François, vous avez la parole.
Mme Monique Gagnon-Tremblay
Mme Gagnon-Tremblay: Alors, merci, M. le Président. Écoutez, je serai très brève, étant donné que j'ai fait connaître mes commentaires à la ministre, hier, sur le sujet. Alors, donc, M. le Président, il s'agit d'un projet de loi, d'un tout petit projet de loi qui comporte quatre articles, et, bon, pour permettre à la ministre de se substituer à la Commission des normes, pour nommer les membres à la place de la Commission des normes.
Donc, je pense, M. le Président, que, ce qui est important, c'est que la ministre revienne plus tard avec un projet de loi beaucoup plus substantiel concernant les décrets des conventions collectives, puisque la loi sur les décrets date des années trente, et elle nous a fait part, justement, qu'un comité avait été mis en place dans le but d'apporter des modifications à cette loi. Et on aura à se prononcer plus tard, lorsque la ministre nous fera part d'un projet de loi beaucoup plus substantiel concernant les décrets. À ce moment-ci, M. le Président, je n'ai pas autre chose à ajouter sur ce présent projet de loi.
Mise aux voix
Le Président: Merci, Mme la députée de Saint-François. Est-ce qu'il y a un autre intervenant? Il n'y a pas d'autre intervenant? Alors, est-ce que cette motion est adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Président: Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Gendron: Oui. M. le Président, à ce moment-ci, je vous demanderais d'appeler l'article 7 du feuilleton.
Projet de loi 89
Adoption du principe
Le Président: À l'article 7 du feuilleton, M. le ministre responsable de l'application des lois professionnelles propose l'adoption du principe du projet de loi 89, Loi modifiant le Code des professions.
Est-ce qu'il y a des interventions? M. le ministre, vous disposez d'un temps de parole de 60 minutes.
M. Paul Bégin
M. Bégin: Merci, M. le Président. Le projet de loi 89, Loi modifiant le Code des professions, apporte essentiellement des modifications au Code des professions et consiste plus particulièrement à prévoir un mode de financement nouveau pour l'Office des professions du Québec. Ce projet de loi s'inscrit aussi dans le cadre d'une politique plus large qui concerne les finances publiques en général et la réduction de la charge financière de l'État en particulier.
Je n'entends pas ici me substituer à mon collègue, le ministre des Finances, ni à la présidente du Conseil du trésor pour traiter de ce sujet, ni, encore moins, répéter en détail les orientations déjà prises par le gouvernement à cet égard. Je rappellerai toutefois globalement le contexte de cette politique pour mieux indiquer son application aujourd'hui au domaine des professions réglementées. J'aborderai ensuite, et ce sera le fond de mon propos, la nature, le mandat et la structure de l'Office des professions du Québec, les décisions antérieures du gouvernement quant au financement de cet organisme et, enfin, les principales dispositions du projet de loi 89.
Ce que nous propose le projet de loi 89 vise à atteindre deux objectifs à la fois: réduire les dépenses de l'État sans réduire la protection que la loi a prévue depuis 1973 pour la protection des usagers des services professionnels et faire assumer par le milieu professionnel lui-même les coûts engendrés par la nécessité d'encadrer la mise en oeuvre, par les 42 ordres professionnels, des principes fondamentaux de protection du public qui font l'objet du Code des professions et des lois et règlements professionnels.
Comme on vient de le dire, le projet de loi 89 vise essentiellement à prévoir le financement des activités de l'Office des professions du Québec. Il convient donc de rappeler en quelques mots ce qu'est l'Office des professions. Créé voilà un peu plus de 20 ans par le Code des professions, l'Office a pour fonction première de veiller à ce que chaque ordre professionnel assure la protection du public. C'est donc principalement un organisme de surveillance dont les membres et dirigeants sont nommés par le gouvernement et dont les employés sont nommés et rémunérés en vertu de la Loi sur la fonction publique.
Plus précisément, l'Office est composé de cinq membres dont un président et une vice-présidente qui exercent leurs fonctions à temps plein. Il peut être utile de noter au passage que quatre de ces membres, dont le président et le vice-président, doivent être des professionnels et que trois d'entre eux, dont le président ou le vice-président, sont choisis parmi une liste d'au moins cinq noms que le Conseil interprofessionnel fournit au gouvernement après consultation de tous les ordres professionnels.
Le projet de loi 140 qui modifie le Code des professions, adopté le 15 octobre 1994, a prévu que le cinquième membre de l'Office serait dorénavant une personne issue du public non professionnelle et non membre d'un ordre professionnel. Ces modifications au Code des professions ont permis notamment de renforcer le mandat de surveillance de l'Office des professions en l'habilitant à procéder, à la demande ou avec l'autorisation du ministre responsable, à des enquêtes sur les ordres qui ne s'acquitteraient pas de devoirs qui leur sont imposés par la loi.
Rappelons que, pour exercer son mandat, l'Office des professions du Québec dispose de ressources humaines, soit 38 personnes, et de ressources financières qui s'élèvent à 3 150 000 $ pour 1994-1995 et à 2 916 000 $ pour 1995-1996. Outre le traitement des employés, le budget de fonctionnement de l'Office, pour l'année en cours, est de 1 178 500 $. Cette somme comprend, entre autres, 600 000 $ affectés à la fois à la rémunération des présidents des comités de discipline des ordres professionnels que le gouvernement nomme en vertu du Code des professions et à celle des administrateurs nommés par l'Office pour siéger aux bureaux des ordres professionnels. Quant aux présidents des comités de discipline et aux administratrices et administrateurs nommés, il faut savoir qu'une variation dans le volume des activités des comités de discipline, d'une part, et des bureaux des ordres professionnels, d'autre part, peut entraîner une variation, en général à la hausse, des dépenses de l'Office, puisque l'Office ne peut contrôler la fréquence des activités de discipline. Ces activités de discipline entraînent, pour ces personnes, des honoraires, allocations de présence et frais de déplacement fixés par décret gouvernemental.
Il faut rappeler, M. le Président, que, déjà en 1992, afin de donner suite à la politique de tarification qui faisait l'objet d'un énoncé de politique dans le budget 1992-1993 du gouvernement, le ministre responsable de l'application des lois professionnelles avait alors présenté le projet de loi 67 qui visait à introduire, au Code des professions, les dispositions nécessaires pour permettre le paiement de contributions financières destinées à assurer le remboursement, par les ordres professionnels, des frais engagés par l'Office dans l'accomplissement de ses fonctions. L'adoption de principe a eu lieu en mars 1993, puis le projet de loi fut abandonné. En effet, le ministre responsable de l'application des lois professionnelles de l'époque l'avait troqué pour la réforme du Code des professions, projet de loi 140, qui instituait le comité de révision dans la structure des ordres et pour lequel on faisait valoir plusieurs objections.
(11 h 20)
Plus tard, pour répondre aux demandes de compressions budgétaires déterminées pour l'exercice 1994-1995, l'Office s'était engagé, auprès du Conseil du trésor, à préparer des propositions de modification au Code des professions, visant à faire assumer, par les ordres professionnels, les coûts reliés à la rémunération des présidents des comités de discipline et des administrateurs nommés par l'Office aux bureaux des ordres. Le Conseil du trésor avait également demandé à l'Office de prévoir, à moyen terme, un autofinancement complet de ses activités.
Le projet de loi 89 constitue l'aboutissement de toutes ces décisions. Les trois principaux effets du projet de loi 89 sont les suivants. D'abord, l'Office devient un organisme extrabudgétaire pour lequel le financement sera assumé par tous les membres des ordres professionnels, afin d'accroître l'autogestion des professionnels et des ordres. Enfin, les coûts reliés à la discipline et aux représentants du public aux bureaux et aux comités de révision des ordres professionnels seront désormais assumés par les ordres professionnels eux-mêmes plutôt que par le contribuable. Ainsi, chaque ordre devient responsable d'assumer les frais de la discipline qu'il engendre.
L'article 3 du projet de loi prévoit notamment que soient à la charge des ordres professionnels les allocations de présence et le remboursement des frais raisonnables engagés dans l'exercice des fonctions d'administratrices et d'administrateurs nommés par l'Office aux bureaux des ordres professionnels. L'article 4 du projet de loi prévoit, de façon parallèle, que chaque ordre assume les allocations de présence et les frais raisonnables des membres de son comité de révision qui sont soit administrateurs nommés, soit issus de la liste de candidats fournie par l'Office. Là encore, c'est le gouvernement qui décide des montants auxquels ont droit les intéressés de même que des conditions qui s'y rattachent. De la même façon, le traitement, les honoraires ou les indemnités du président d'un comité de discipline ou des présidents suppléants sont à la charge de l'ordre concerné et, là encore, sont néanmoins fixés par le gouvernement. Enfin, chaque ordre assume désormais les frais de déplacement et de séjour des membres de son comité de discipline, ces frais étant déterminés eux aussi par le gouvernement.
Le Président: M. le leader adjoint de l'opposition officielle.
M. Lefebvre: Je suis un peu embarrassé pour le ministre de la Justice. On est à discuter du projet de loi 89, Code des professions, et il n'y a pas la moitié du quorum. Alors, pour le ministre lui-même, M. le Président, je requiers le quorum.
Le Président: Alors, qu'on appelle les députés!
(11 h 23 - 11 h 24)
Le Président: Le quorum étant rétabli, M. le ministre de la Justice, vous pouvez poursuivre.
M. Bégin: Merci, M. le Président. Comme on peut le voir, les ordres assument ici entièrement l'aspect financier du fonctionnement de leur bureau, comité de révision et comité de discipline. Toutefois, le gouvernement continue de s'assurer par des règles adéquates que le mode de rémunération de même que les conditions de participation des administrateurs nommés par l'Office aux bureaux des ordres, des représentants du public au sein des comités de révision, de même que des présidents des comités de discipline leur permettent de jouir, au moins à cet égard, de l'indépendance qui sied à leurs fonctions.
Le changement que nous faisons par ce projet de loi, quant au financement de l'Office, pourrait se résumer ainsi: les dépenses effectuées par l'Office pendant une année financière sont à la charge des membres des ordres professionnels; les prévisions budgétaires de l'Office doivent toutefois être approuvées par le gouvernement. Ce dernier fixe ensuite le montant que chacun des membres des ordres professionnels doit verser pour une année financière donnée aux fins de contribution aux activités de l'Office. Pour le calcul de ce montant, on se fondera chaque année sur le total des dépenses de l'Office pour l'année de référence, soit l'année précédente, et l'on divisera ce montant par le nombre de membres inscrits au tableau de chacun des ordres au dernier jour de l'année de référence. Quant à eux, les ordres devront percevoir cette contribution à laquelle chaque membre sera tenu et devront refuser de faire figurer au tableau de l'ordre les membres qui ne verseraient pas la contribution dans les délais prescrits.
Pour sa part, il revient à l'Office des professions de recouvrer les sommes déterminées en adressant à chaque ordre une demande écrite de remise de la contribution des membres au plus tard le 1er janvier de l'année qui suit l'année financière pour laquelle la contribution est fixée. Si, pour une année financière donnée, se produisait un écart entre les contributions payées et les dépenses effectuées par l'Office, la contribution des membres serait ajustée en conséquence pour l'année suivante. Enfin, l'ordre doit faire sa remise à l'Office au plus tard le 1er mai qui suit la demande écrite de l'Office.
Mentionnons que ces dispositions d'autofinancement de l'Office commenceront à s'appliquer dès le présent exercice 1995-1996 et que des dispositions transitoires sont prévues à cette fin. L'Office des professions devient, en termes techniques, un organisme extrabudgétaire. Pour résumer, cela veut dire que ses ressources ne sont plus comptabilisées au budget de l'État et que l'organisme financier, comme on vient de le voir, jouit d'une autonomie de gestion plus importante. À titre d'exemple, il peut placer ses fonds à court terme ou, sur autorisation du gouvernement, emprunter des fonds. Toutefois, son budget reste à approuver par le gouvernement, ses livres et comptes devront être vérifiés chaque année par le Vérificateur général et l'Office devra remettre au ministre chaque année, au plus tard le 30 juin, les états financiers de même qu'un rapport d'activité relatif à l'année financière précédente. Ajoutons chose importante que les secrétaires ainsi que les autres fonctionnaires ou employés de l'Office sont et resteront nommés et rémunérés en vertu de la Loi sur la fonction publique, ce qui garantit leur statut à tous égards.
Je voudrais, en terminant, redire en cette Chambre ce que j'indiquais, la semaine dernière, aux présidents des 42 ordres professionnels rassemblés pour célébrer le 30e anniversaire du Conseil interprofessionnel du Québec. La formule de financement choisie pour l'Office des professions n'est en rien un signal que l'Office change de patron ou qu'il relèverait dorénavant d'une autre autorité ou d'aucune autorité partagée. La décision du législateur de transférer les charges financières concernées ne saurait être interprétée, directement ou indirectement, comme conférant autorité sur l'Office à quiconque d'autre que le gouvernement et son ministre responsable. La mission de l'Office reste la même: il s'agit de veiller à ce que les ordres professionnels assurent la protection du public, ce qui suppose avant tout une stricte indépendance dans ses orientations, activités, avis et décisions, de même que dans sa gestion.
Ainsi et pour reprendre la question sous un autre éclairage les cinq membres nommés à l'Office par le gouvernement y sont nommés pour mener à bien le mandat de l'Office. La formule de financement retenue par le projet de loi 89 ne saurait transformer ces membres en actionnaires de l'Office ou, autrement dit, en mandataires des ordres.
Enfin, M. le Président, je voudrais préciser que l'indépendance de l'Office des professions du Québec est essentielle à l'accomplissement de son mandat. Et j'invite cette Chambre, en adoptant, un peu plus tard, ce projet de loi, à prendre acte du fait que rien, dans ce que lui propose le projet de loi 89, n'invite ou n'autorise à porter atteinte à l'indépendance de l'Office, indépendance dont le gouvernement est garant. Merci, M. le Président.
Le Président: Alors, nous en sommes toujours au débat relatif à l'adoption du principe du projet de loi 89, Loi modifiant le Code des professions. Et je serais prêt, à ce moment-ci, à donner la parole à un autre intervenant. M. le député de D'Arcy-McGee, est-ce que vous intervenez comme représentant de votre groupe parlementaire?
M. Bergman: Oui.
Le Président: Bon, vous avez 60 minutes pour votre intervention.
M. Lawrence S. Bergman
M. Bergman: M. le Président, à titre de critique en matière de lois professionnelles, j'ai plusieurs commentaires à formuler à l'égard du projet de loi 89, Loi modifiant le Code des professions.
D'entrée de jeu, M. le Président, je tiens à souligner que le gouvernement libéral avait déjà déposé un projet de loi sur le financement de l'Office des professions du Québec par les ordres professionnels. Il s'agit du projet de loi 67, qui a été déposé par le ministre Raymond Savoie, le 16 décembre 1992. Toutefois, ce projet de loi s'est rendu seulement à l'étape de l'adoption du principe, qui est intervenue au cours du mois de mars 1993.
Ce projet de loi, M. le Président, avait fait l'objet de vives critiques, et, d'ailleurs, le Parti québécois, qui formait l'opposition officielle, s'était opposé à ce projet de loi. En effet, la porte-parole en matière des lois professionnelles, Mme Jocelyne Caron, avait formulé plusieurs critiques lors de l'adoption du principe du projet de loi 67 et également lors de l'étude des crédits de 1993-1994 du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science d'alors.
(11 h 30)
Je tiens à rappeler l'objectif et le contenu général du projet de loi 89. M. le Président, ce projet vise, tel que l'a mentionné le ministre de la Justice et responsable des lois professionnelles, à pourvoir au financement de l'Office des professions du Québec par la contribution de tous les membres des ordres professionnels. Ainsi, la contribution de chacun des membres correspondrait au montant total des dépenses de l'Office pour une année de référence, divisé par le nombre total des membres de tous les ordres. Si on compte qu'actuellement il y a près de 250 000 membres regroupés dans 42 ordres professionnels, pour ne pas dire bientôt 43 avec les huissiers de justice, et que l'Office dispose d'un budget de 2 916 700 $, selon les crédits votés pour l'année 1995-1996, la contribution de chacun de ces membres serait donc d'environ 13 $ par membre. Je tiens à souligner que cette contribution devrait être une condition d'inscription au tableau d'un ordre professionnel.
M. le Président, la méthode de financement proposée est tout à fait inéquitable pour les membres des ordres professionnels puisqu'elle ne tient pas compte du nombre de membres dans un ordre, des cotisations totales qu'un ordre peut percevoir dans une année et, enfin, des revenus gagnés par différents professionnels, qui peuvent varier d'une profession à l'autre. Ainsi, à titre d'exemple, M. le Président, l'Ordre professionnel des infirmières et infirmiers du Québec regroupe environ 65 000 membres, alors que l'ordre des urbanistes compte environ 650 membres. Ainsi, avec les méthodes de calcul des contributions des membres que propose le projet de loi 89, les infirmières et infirmiers supporteraient presque un cinquième du budget de fonctionnement de l'Office des professions du Québec, quand on sait, M. le Président, que ces infirmières et infirmiers sont déjà victimes de nombreuses compressions au niveau de la santé, notamment par la fermeture de plusieurs hôpitaux dans le Québec.
I have had the opportunity to consult with many professional orders. There is a general feeling of inequity as result of this bill. Let me just take, for example, the fact that approximately the cost or the fee will be 13 $ per member. Take, for example, an order whose annual fees are 150 $. This represents an additional 10 % on the annual fees that this profession is paying or that each member of this order is paying to his profession.
Similarly, the same profession with an annual fee of approximately 150 $, its members have a revenue annually of about 30 000 $. If we compare this with a profession where the annual fees are approximately 800 $, this is only 1.8 % of the annual fee paid by a professional to his order. There seems to be a tremendous inequity between these two professions in the example I am giving you.
There has also been a thought of the actual professional orders absorbing this fee within the charge that they are making to each of their professionals. Therefore, if the 13 $ in the example I am giving you is absorbed within the 150 $ annual fee paid by the professional to his respective order, there would have to be an amount taken from another part of the budget of this order in order to substantiate the 13 $ fee. Again here we would see the protection of the public being affected because some area of this profession will not be covered as result of a change in the budget. I am also concerned that in many orders «à titre réservé» members will not retain a membership in an order in order to avoid the payment of this fee, thus commencing an erosion of the system that we have established.
The Minister also seems intent on passing this bill during the current year. Therefore, a special billing will have to go out from each of the orders during the current year and the cost involved would probably be, in addition to the 13 $ per member, 3 $ or 4 $ to the order to send up the billing, to collect and to administer this billing.
Le projet de loi prévoit également que les contributions des membres des ordres professionnels seraient gérées par l'Office des professions du Québec. Ces contributions devraient être collectées par chacun des ordres qui devraient remettre les montants perçus à l'Office. Cette gestion ne peut assurer l'autonomie et l'indépendance de l'Office des professions, puisqu'il doit assurer un pouvoir de surveillance des ordres professionnels et ainsi recommander qu'un membre d'un ordre professionnel soit sanctionné alors que celui-ci contribuera à son financement.
L'Office des professions du Québec a pour principal rôle d'assurer la protection du public. Cela intervient dans plusieurs domaines; pensons à la santé, à l'éducation et aux services juridiques, pour ne donner que quelques exemples. C'est une mission importante dont le gouvernement doit assumer les coûts. Les économies escomptées par le ministre de la Justice, qui sont d'environ 3 000 000 $, ne justifient pas que l'on remette en cause le principe de l'autonomie et de l'indépendance de l'Office des professions du Québec, compte tenu de l'importance que revêt son rôle.
En outre, le projet de loi prévoit également des règles spécifiques à l'égard du contrôle des dépenses de l'Office des professions du Québec sans toutefois prévoir des mesures qui visent à réduire les dépenses de l'Office des professions du Québec, notamment, par exemple, en prévoyant qu'un groupe de professionnels qui désire être constitué en ordre professionnel devrait défrayer les coûts qui en découlent.
À cet égard, lors de l'étude détaillée article par article du projet de loi 80 qui vise la reconnaissance des huissiers de justice comme ordre professionnel, j'ai d'ailleurs abordé avec le ministre de la Justice cette question. En effet, je lui ai demandé quels étaient les coûts qui peuvent découler d'une demande par un groupe professionnel en vue d'être reconnu comme ordre professionnel, ainsi que ceux des analyses que doit effectuer l'Office des professions du Québec. Je n'ai eu aucune réponse, puisque, semble-t-il, cela est difficile à évaluer.
J'espère bien que le ministre pourra me fournir des chiffres et des précisions, puisque je considère comme important le coût des dépenses que peuvent encourir les nombreuses demandes de reconnaissance en ordre professionnel. Ces dépenses peuvent devenir considérables lorsque l'on sait que certaines demandes peuvent être étudiées pendant plusieurs années, tel que l'indiquait le président de l'Office lui-même. Aussi, je considère opportun et approprié que, dans le contexte actuel des finances publiques, ces groupes professionnels assument ces dépenses.
Puisque j'aborde la question des dépenses par l'Office des professions du Québec, je soulignerais également qu'il serait important pour l'avenir qu'on évite la multiplication des ordres professionnel et que l'on mise davantage sur la fusion ou l'intégration de certains professionnels à l'intérieur des ordres déjà existants lorsqu'il y a des ressemblances au niveau de leur pratique professionnelle.
Je me limiterai à ces principaux aspects du projet de loi. Je questionnerai le ministre de façon plus précise lors de l'étude détaillée du projet de loi et, j'espère, après que le ministre aura consulté les groupes directement intéressés. Dans son ensemble, je considère que ce projet de loi est tout à fait irrecevable puisqu'il remet en cause le principe d'autonomie et d'indépendance de l'Office des professions du Québec. De plus, il ne vise qu'à permettre de minces économies alors qu'il s'agit d'un organisme qui vise à assurer la protection du public.
Le ministre a encore fait un projet de loi à la hâte, sans effectuer de consultations véritables, qui ne vise qu'à accomplir de façon irréfléchie des coupures sans tenir compte des impacts. Je crois qu'il serait opportun que le gouvernement procède à des consultations sérieuses sur ce projet de loi avant de procéder à l'analyse détaillée article par article du projet de loi.
(11 h 40)
Mr. Speaker, this august body, the National Assembly of Québec, has the very important and prime duty to assure the protection of the public in all the aspects of this National Assembly and its duties. Similarly, the main «raison d'être» of the «Office des professions du Québec» is the protection of the public, as clearly stipulated in the first sentence of article 12 of the «Code des professions». We must, as legislators, give very serious thought to any legislation which might affect or erode this principle. The bill before us may well bring about a change to this principle, and I think that we should look at this bill article by article with very great prudence.
How can a body such as the «Office des professions», which, as stipulated in the second sentence of article 12 of the «Code des professions», has the obligation to verify the functioning of each of the professional orders, be financed by the members of the same orders themselves? There would seem to be a definite contradiction and a conflict of interests. You cannot have a body which is overseeing the various orders be also financed and maintained by these same orders. The «Office des professions» must not be dependent on the orders for its existence and its finances. All the orders which I have consulted feel that this is a serious conflict of interests. The «Office des professions», for which I have a great deal of respect and admiration, must be an independent body.
Enfin, M. le Président, pour toutes les raisons que j'ai exposées précédemment, je m'oppose à l'adoption du principe du projet de loi 89, Loi modifiant le Code des professions. Merci, M. le Président.
Le Président: Merci, M. le député de D'Arcy-McGee. À ce moment-ci, je serais prêt à céder la parole à un autre intervenant. M. le député de Chomedey, vous avez 20 minutes pour votre intervention.
M. Thomas J. Mulcair
M. Mulcair: Merci, M. le Président. Alors, nous sommes ici, effectivement, pour débattre une première fois du projet de loi 89, Loi modifiant le Code des professions, Bill 89, an Act to amend the Professional Code. M. le Président, comme mon collègue de D'Arcy-McGee vient si éloquemment de le démontrer, le projet de loi dont nous sommes saisis ne doit absolument pas être adopté par cette Chambre.
J'ai eu le plaisir et la charge importante qui était celle de présider l'Office des professions du Québec pendant six ans. Les influences qui peuvent jouer contre des décisions prises par l'Office en vue de la protection du public sont énormes, comme vous pouvez bien vous en douter, M. le Président. Lorsqu'on tente de dompter des entités aussi puissantes que le Collège des médecins dans notre province qui a toujours tenu dans une certaine forme de révérence ces professions-là même si elles ne sont pas en train d'agir dans l'intérêt du public, eh bien, parfois on se sent bien seuls. Et c'est pour ça qu'en régissant l'ensemble des corporations professionnelles il est absolument essentiel de garantir l'indépendance de cet organisme que le Parlement du Québec a créé, voilà 25 ans, pour assurer une seule chose: la protection du public.
Mon collègue de D'Arcy-McGee a souligné avec raison que, dans un premier temps, en décembre 1992, un précédent gouvernement, celui-là libéral, avait proposé des mesures qui visaient la même fin. M. le Président, je me suis opposé publiquement, à cette époque-là, à cette notion et je m'y oppose encore aujourd'hui, de même que les autres membres de notre formation politique le font.
Il est une constatation que nous devons faire malheureusement trop souvent à l'égard des projets de loi préparés par ce ministre de la Justice, mais nous sommes contraints de la faire encore aujourd'hui. Le ministre ne comprend pas les grands principes. Le ministre a une vision étriquée, proprement bureaucratique, de sa fonction. Il ne comprend pas le principe qui a présidé à l'élaboration du rapport Castonguay-Nepveu au début des années soixante-dix. Il ne comprend pas que l'ordre professionnel, qui va finir par payer la note de l'Office des professions du Québec, va tenter d'influencer et ses activités, et la taille de son budget, et, finalement, influencer l'organisme lui-même. C'est un défaut de compréhension qui est fondamental, M. le Président, parce que c'est la seule manière dont on puisse s'expliquer qu'un tel projet de loi ait pu être déposé dans cette Chambre sans la moindre garantie sérieuse contre ce jeu d'influence des ordres professionnels à l'égard de l'Office des professions du Québec, l'organisme qui est censé les réglementer, les superviser, sans que cette indépendance soit garantie.
M. le Président, tout comme mon collègue de D'Arcy-McGee, je vais vous donner quelques exemples, à même le projet de loi, qui vont illustrer notre propos. Et, tout comme mon collègue de D'Arcy-McGee, je tiens à exprimer le vif regret que Mme la députée de Terrebonne, Mme Caron, qui, effectivement, avait tendance à tenir un discours vraiment cohérent, solide, visant une seule chose, la protection du public, lorsqu'elle était dans l'opposition, bien, elle aussi, ait été bâillonnée. Peut-être, tout comme son collègue de Bellechasse aujourd'hui, va-t-elle être obligée enfin de se lever un jour et de dénoncer un ministre responsable des lois professionnelles, qui détruit l'autonomie et l'indépendance de l'Office des professions, un ministre responsable de l'Office de la protection du consommateur, qui enlève absolument le pouvoir d'enquête et le pouvoir sérieux que pouvait avoir l'Office de la protection du consommateur. Et c'est le même ministre, M. le Président, c'est le ministre de la Justice qui fait tout ça. Je suis persuadé que la députée de Terrebonne n'est pas d'accord avec ça; d'ailleurs, elle me l'a dit, M. le Président. Mais j'attends.
On a vu plusieurs exemples, au cours des deux dernières semaines, du côté du gouvernement. On en a vu des illustrations lorsque le ministre a tenté de proposer une fusion de la Commission des droits de la personne et de la Commission de protection des droits de la jeunesse qui n'avait aucun bon sens. C'est trois membres de sa propre formation politique Mme Malavoy, de Sherbrooke; M. Trudel, de Rouyn-NorandaTémiscamingue; et, un troisième, M. Charbonneau qui se sont opposés. Ce sont eux qui se sont levés et ils ont dit au ministre: Ça n'a pas de bon sens, ce que vous êtes en train de faire là! Vous n'y avez même pas pensé. Ça ne marche pas!
Et, en commission, ils ont très vite exprimé leur désaccord avec son projet de loi. Et le ministre, finalement, a été obligé de céder non seulement aux questions persistantes de l'opposition, mais aussi aux questions insistantes et à l'opposition de ses propres collègues ministériels, et de changer de fond en comble le projet de loi qu'il avait déposé. Parce que c'était vrai, M. le Président, le projet de loi proposé n'avait aucun bon sens. On a fini avec une version qui a réussi à réparer les pires écarts, les plus grandes difficultés, et on s'en réjouit.
Espérons qu'il en sera ainsi avec ce projet de loi 89, M. le Président, parce que ce projet de loi est aussi insensé que l'autre, que le ministre de la Justice avait proposé, concernant la fusion de la Commission des droits de la personne et celle de la Commission de protection des droits de la jeunesse, où, justement, la spécificité de la protection des droits de la jeunesse n'a jamais été comprise par le ministre. Et c'est seulement face aux objections de ses propres membres qu'il a réussi à entendre raison.
À l'article premier du projet de loi, M. le Président, on parle de certaines modifications qui remplaceraient l'article 16, dans un premier temps. On parle de l'année financière de l'Office. Et il serait peut-être intéressant, pour un ministre qui est responsable de l'ensemble des professions, dont les trois professions comptables, qu'il se mette un peu à jour dans sa terminologie. Je suis sûr que son collègue, le président de la commission des institutions, se fera un plaisir de lui expliquer que «année financière» est un abominable anglicisme et qu'il faut parler plutôt d'exercice financier. Je suis sûr que les gens à l'Ordre des comptables agréés, entre autres, se feraient un plaisir et un devoir de corriger la terminologie de son projet de loi à cet égard.
(11 h 50)
Pour ce qui est des autres notions contenues dans le projet de loi, on voit, tout de suite à sa lecture, ce que le ministre est en train de faire; évidemment, il veut, encore une fois, enlever une ligne de son budget, puis il va le pelleter chez les autres. Il parle du fait que les livres de l'Office vont être vérifiés, chaque année, par le Vérificateur général. Très bien. Mais, plutôt que d'être obligé de venir en commission parlementaire et de défendre le budget de l'Office des professions du Québec et que ce soient des sommes votées par l'Assemblée nationale, ça va être dorénavant des sommes décidées par le gouvernement. Cette modification nous inquiète parce que, évidemment, les parlementaires sont les premiers qui devraient avoir un droit de regard à ce chapitre.
Pour ce qui est de l'article 4 du projet de loi, on dit que les personnes nommées pour représenter le public sur le conseil d'administration de chacune des corporations professionnelles vont être dorénavant remboursées pour leurs frais de déplacement et leurs jetons de présence par l'ordre professionnel. C'est un autre bel exemple d'une influence indue que l'ordre va pouvoir exercer sur ceux qui sont censés être là pour protéger le public. On a vu, tout à l'heure, comment le jeu va se jouer à l'égard de l'Office des professions lui-même.
Mais les deux, trois ou quatre personnes parce que, selon le type de la profession, c'est le nombre qu'on met de représentants du grand public sur le Bureau de chaque profession justement pour vérifier que tout ça se fasse dans l'intérêt du public eh bien, ces gens-là, s'ils veulent se faire rembourser leurs dépenses, s'ils veulent recevoir le jeton de présence auquel ils ont droit, plutôt que de transiter par quelque chose de gouvernemental, neutre, objectif, externe, ils vont être obligés d'aller quêter. Où? À l'endroit où ils sont censés être les oreilles, puis les yeux du grand public, en train de vérifier si tout ça se fait correctement. Ça va être quoi, le résultat? Quelqu'un qui est un peu trouble-fête, selon la profession, quelqu'un qui pose trop de questions gênantes, quelqu'un qui dit: Ouf! y avez-vous pensé, ce n'est vraiment pas dans l'intérêt du public, pourquoi vous proposez ça? cette personne-là, ça va lui prendre, quoi, six mois pour se faire rembourser ses dépenses.
À l'article 4 du projet de loi, où on est encore une fois en train de diminuer, d'amoindrir, de diluer l'autonomie de l'Office, on est, par la même occasion, en train d'enlever l'autonomie et l'indépendance de ces personnes-là qui doivent veiller à ce que les ordres professionnels assurent la protection du public. Et, vraiment, là, M. le Président, il n'y a pas la moindre garantie d'autonomie, il n'y a pas la moindre indication de... On ne mentionne même pas que ça doit être remboursé dans un délai raisonnable. Imaginez le jeu d'influence qui va se jouer à l'égard de ces nobles représentants du public qui sont là tout le temps pour vérifier que ces ordres professionnels fassent leur travail correctement.
Il y a un autre article qui nous préoccupe particulièrement dans le projet de loi et, encore une fois, il reste à voir si, selon le ministre, ce serait déductible d'impôt. Mais disons ceci: Par une formule qui serait comprise dans un nouvel article 196.3 du projet de loi, le ministre est en train de dire: On va, tout simplement, prendre le budget de l'Office en dollars, on va le diviser par le nombre de membres des corporations professionnelles un budget de légèrement plus que 3 000 000 $ et environ 250 000 professionnels on va faire un simple calcul mathématique et, voilà, le tour va être joué. Tout le monde va payer, en l'occurrence, environ une douzaine de dollars.
Mais, si cette somme-là est déductible d'impôt, comme tout le reste de la cotisation d'une corporation professionnelle, voici un résultat pervers qui va s'opérer. Une infirmière auxiliaire à temps partiel, qui est obligée d'être membre de sa corporation professionnelle parce qu'il y a des actes qui sont délégués aux termes d'un règlement pris en application de la Loi médicale et, si on n'est pas membre, on ne peut pas poser ces actes-là; donc, c'est obligatoire pour cette infirmière auxiliaire de payer sa cotisation elle va payer 12 $ de plus. Dans le cas des infirmières auxiliaires, ça représente environ 8 % d'augmentation de leur cotisation annuelle. Et cette personne-là, souvent, dans le contexte où on est aujourd'hui dans le marché du travail, gagne entre 10 000 $ et 12 000 $ par année. Ça veut dire que son taux de taxation est relativement bas. Donc, si c'est déductible d'impôt, elle paie 12 $ de plus, elle est taxée, admettons, à 20 %, 25 %; en fait, ça lui coûte 9 $ net de ses poches.
Cependant, le médecin, le chiropraticien, l'optométriste qui gagne, admettons, 100 000 $, 150 000 $ par année et qui est taxé à un taux de 50 % ou 55 % va pouvoir, donc, déduire cette somme, ces 12 $. Résultat net: l'avocat, le médecin, l'optométriste paiera moins pour le fonctionnement de l'Office des professions du Québec que l'infirmière auxiliaire, encore une fois, si cette somme est considérée dorénavant comme faisant partie de la cotisation annuelle du membre de la profession et, ainsi, devient déductible d'impôt. Ce n'est pas clair dans le projet de loi si ça l'est ou pas.
On vient de regarder l'hypothèse de la déductibilité. Mais, si ce n'est pas déductible, il y a un autre problème qui va se poser. À l'heure actuelle, toute somme versée par un membre d'un syndicat à son syndicat est à 100 % déductible pour fins d'impôt, parce que c'est une somme qui est réputée être dépensée en vue de gagner sa vie, parce que le fait d'être membre du syndicat régit notre capacité d'accéder au marché du travail dans le domaine où on travaille, en construction, par exemple. Et c'est bien qu'il en soit ainsi, de la même manière qu'une personne en affaires peut déduire les dépenses qui sont effectuées pour gagner un revenu, pour produire des revenus d'entreprise, même s'il s'agit de certaines dépenses affectées à des déplacements ou à des réceptions, ou à des choses comme ça. C'est normal que ça puisse être déduit si ça sert à générer de l'emploi et de la richesse collective.
Mais, si le ministre n'a pas l'intention de permettre la déductibilité ici, on va faire face à une sorte d'ironie, M. le Président. Il va y avoir un paradoxe, car la somme consacrée à l'ordre professionnel et à l'Office des professions du Québec, si jamais le projet de loi est adopté, vise à assurer la protection du public. Alors, si elle n'est pas déductible à 100 %, il va y avoir un problème, parce qu'on va être en train de dire qu'on accorde moins d'importance sociétale... Ça, ce serait leur vision: ils accordent moins d'importance à la protection du public qu'ils n'en accordent à la protection des intérêts socioéconomiques des membres d'un syndicat, par exemple. Les deux doivent demeurer entièrement déductibles si jamais le ministre procède. Mais les effets pervers sur les membres des professions qui gagnent le moins cher doivent absolument être retirés du projet de loi.
Je suis sûr que le ministre a fait faire des études ou, du moins... Non, ce n'est pas vrai. Je suis sûr qu'il n'a pas fait d'études, parce que lui n'en fait pas. Il existe des études qui datent d'il y a trois ans, il n'a qu'à les faire mettre à jour. Je suis sûr qu'il peut trouver quelqu'un pour faire ça. Parce que, comme d'habitude, M. le Président, son travail est un brouillon. Ça a été dicté par ses bureaucrates. Il ne l'a même pas regardé, comme dans le cas de son projet de loi sur l'aide juridique, et il est en train de nous dire: Voici comment on va dorénavant sauver de l'argent au gouvernement. On va dire à ceux qui sont réglementés que ce sont eux qui vont payer celui qui réglemente. C'est la même idée perverse qui se retrouve dans son projet de loi où il tente de faire payer aux producteurs d'hydroélectricité la facture de celui qui est appelé à enquêter sur les méfaits et les écarts, l'inconduite des producteurs d'électricité.
Il ne comprend pas qu'il est en train de les mettre en conflit d'intérêts. Il ne comprend pas que les ordres professionnels vont vouloir jouer un rôle déterminant à l'égard du budget de l'Office. Puis, aussitôt qu'il va être en train de le vivre, ça va être intéressant de voir comment il va essayer de s'en sortir, parce que la prochaine fois qu'il va essayer de déterminer ou de dicter le montant du budget de l'Office des professions du Québec, attendez de voir les récriminations, attendez de voir l'analyse qui va en être faite par les 42 corporations professionnelles.
Elles vont venir le voir. Il dira: Oui, ils font bien trop de recherches. Ah! ils sont allés bien trop souvent en voyage pour rencontrer les corporations professionnelles. Ça n'a pas de sens. Pourquoi ils ont besoin d'une bibliothèque? Mais c'est vrai, finalement. Ça, c'est un argument qui risque de marcher bien avec ce ministre de la Justice. Pourquoi une bibliothèque, alors qu'on n'a jamais besoin de recherches? On peut tout faire sur le coin d'une table, dans une rencontre de deux minutes. Allez, fais-moi une loi là-dessus. Fais-moi une loi là-dessus. Pas de problème. Pas d'analyse. Rien de sérieux avec ce ministre de la Justice là. Il ne comprend même pas les principes de base de ces questions.
Alors, c'est de ça qu'il s'agit, M. le Président. Il s'agit d'un triste torchon, un brouillon...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, M. le député de Chomedey, à ce moment-ci, de qualifier un projet de loi de cette façon est clairement non parlementaire. Je souhaite que vous retiriez vos paroles, à ce moment-ci.
(12 heures)
M. Mulcair: Je retire mes paroles, M. le Président. Ce projet de loi est un brouillon écrit sur le coin d'une table et est le reflet d'un problème grave dans l'administration de la justice depuis que le PQ a été élu, le 12 septembre. C'est que le dossier de la justice, et un récent éditorial du Devoir le disait fort bien... On parle d'une justice ratatinée. On vit ça dans le domaine de l'aide juridique, on vit ça avec le pelletage dans la cour des producteurs d'hydroélectricité, on le vit avec le saccage de l'Office de la protection du consommateur, on le vit encore aujourd'hui avec la dénaturation du mandat primordial de l'Office des professions du Québec, et tout ça pour réaliser de fausses économies, parce que, avec ce que le ministre est en train de nous proposer ici, la raison d'être même de l'Office des professions du Québec va être affectée. C'est l'avis de l'Office des professions du Québec, et il le sait très bien, c'est l'avis du Conseil interprofessionnel du Québec, qui regroupe l'ensemble des 42 professions, et il le sait très bien, et c'est l'avis de l'ensemble des groupes de consommateurs aussi, qui ont déjà eu à se prononcer à ce chapitre, à l'égard de cette idée, cette idée insensée, cette idée qui n'a aucun bon sens et qui n'a aucun fondement.
Si on comprend quoi que ce soit en administration publique, on comprend que le gouvernement est là pour assurer la protection du public et que l'idée même de demander à celui qui est «enquêté» de payer l'enquêteur, de demander à celui qui est vérifié de payer le vérificateur mène nécessairement à des possibilités sérieuses de conflit d'intérêts et qu'il aurait été beaucoup mieux pour le ministre de sauver de l'argent ailleurs dans son ministère. Mais, comme d'habitude, c'est la dernière chose que ce ministre de la Justice va couper. Il ne regarde jamais tout ce qui peut être sauvé à l'intérieur de la machine bureaucratique, parce que la machine bureaucratique lui dicte quoi faire avec ses projets de loi.
C'est dommage, parce que, avant de s'attaquer en premier lieu aux services directs à la population qui sont offerts comme on le fait ici, au lieu de s'attaquer directement à la population par des mesures comme celle-ci, le ministre de la Justice du Québec devrait se poser des questions sérieuses et se dire: Peut-être que cette machine est en train de m'induire en erreur, peut-être que cette machine bureaucratique, pour la nième fois, m'a indiqué des coupures, mais peut-être que je devrais justement commencer à regarder là comme un des endroits où le contribuable pourrait sauver de l'argent. C'est dans le ministère même.
Merci, M. le Président.
Le Président: Merci, M. le député de Chomedey. Alors, à ce moment-ci, nous poursuivons le débat. Est-ce qu'il y a d'autres intervenants? Sinon, M. le ministre de la Justice, avec votre droit de réplique. Vous avez 20 minutes.
M. Paul Bégin (réplique)
M. Bégin: Très brièvement, M. le Président. Le député de Chomedey a fait mention de ce qui serait un anglicisme pour les mots «année financière». Je ferais remarquer que l'article 108 du code des lois professionnelles prévoit les mots «année financière». Alors qu'il était président de l'Office des professions, il aurait été souhaitable qu'il le fasse corriger, alors qu'il pouvait le faire, cet anglicisme.
Quant à une suggestion faite par le député de D'Arcy-McGee à l'effet que les frais d'étude pour les demandes visant à constituer de nouveaux ordres professionnels soient à la charge des groupes ou des personnes faisant une telle demande, je pense qu'il s'agit là peut-être justement d'une avenue qu'on devrait fouiller, puisqu'il y a peut-être lieu de trouver une façon de faire payer, effectivement, ceux et celles qui occasionnent des fois des dépenses assez importantes dans le temps. Cependant, puisqu'on en avait parlé ensemble lors de l'étude des crédits, j'ai déjà demandé à mes fonctionnaires d'analyser, de faire un dossier pour donner satisfaction au député de Chomedey sur cette possibilité-là. Je n'ai pas encore eu de réponse satisfaisante. Cependant, si, dans le temps, j'obtiens ce qu'il faut, ça me fera plaisir d'introduire une disposition dans ce sens-là dans le projet de loi.
Merci, M. le Président.
Mise aux voix
Le Président: Alors, merci, M. le ministre responsable de l'application des lois professionnelles. Est-ce que le principe du projet de loi 89, Loi modifiant le Code des professions, est adopté?
Des voix: Adopté.
Le Président: Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.
Renvoi à la commission de l'éducation
M. Gendron: Je fais motion pour que le projet de loi soit déféré à la commission de l'éducation pour étude détaillée.
Le Président: Est-ce que cette motion est adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Président: Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Gendron: Je vous demanderais, M. le Président, à ce moment-ci, d'appeler l'article 1 du feuilleton d'aujourd'hui.
Projet de loi 76
Reprise du débat sur l'adoption du principe
Le Président: À l'article 1 du feuilleton, M. le ministre de la Justice propose l'adoption du principe du projet de loi 76, Loi modifiant le Code de procédure civile et la Loi sur la Régie du logement. Je serais maintenant prêt à donner la parole à un premier intervenant. Il s'agit bien de l'article 1 du feuilleton? Alors, je serais donc prêt à donner la parole à un premier intervenant. M. le ministre de la Justice, vous avez un temps...
M. Bégin: M. le Président, à moins...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Oui, M. le ministre de la Justice.
M. Bégin: M. le Président, il me semblait que c'était le projet de loi modifiant l'examen des plaintes des clients des distributeurs d'électricité, puisque, sur celui dont il est fait état, j'ai fait mon discours hier soir, avant 23 h 45.
Le Président: Bon. À ce moment-ci, je suggère simplement peut-être que... M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Gendron: Écoutez, M. le Président, moi, comme article, je suis obligé d'appeler cet article-là parce que c'est une décision du gouvernement. Mais ce n'est pas parce que le discours de mon collègue a été fait qu'il n'y a pas d'intervenant l'autre bord. S'il n'y a pas d'intervenant l'autre bord, c'est adopté et on continue. Alors, moi, il faut que j'aille vérifier s'il reste de quoi à dire sur le projet de loi 76. C'est pour ça que j'ai appelé l'article 1, et tout est conforme et correct au feuilleton d'aujourd'hui.
Le Président: Vous avez tout à fait raison, M. le leader adjoint du gouvernement. Donc, M. le ministre de la Justice était déjà intervenu. À ce stade-ci, nous poursuivons donc. Est-ce qu'il y a d'autres intervenants? M. le député de Chomedey, est-ce que vous intervenez comme porte-parole?
M. Mulcair: Exactement, M. le Président.
Le Président: Alors, vous avez un temps de parole de 60 minutes sur l'adoption du principe.
M. Thomas J. Mulcair
M. Mulcair: Merci, M. le Président. Alors, effectivement, on a eu droit hier soir, comme le ministre de la Justice vient de le souligner, à sa lecture des notes préparées pour lui par les bureaucrates du ministère concernant le projet de loi 76, Loi modifiant le Code de procédure civile et la Loi sur la Régie du logement, An Act to amend the Code of Civil Procedure and the Act respecting the Régie du logement, the Québec Rental Board, Mr. Speaker.
The fact of the matter is, Mr. Speaker, in this bill, that once again we see how difficult it is for this Government to save money otherwise than on the backs of the consumer public and the most needy in our society.
Le ministre de la Justice, dans ses notes de présentation, hier soir, traçait brièvement l'historique de la Cour des petites créances, et mon collègue, le député de LaFontaine, a fait une éloquente présentation, justement, de l'historique de cette Cour des petites créances, expliquant comment, au début des années soixante-dix, le ministre de la Justice de l'époque, Jérôme Choquette, avait prévu et proposé et présidé à l'adoption des dispositions nécessaires pour mettre en vigueur ce nouveau tribunal qui serait là seulement pour les causes les moins importantes. Et on n'aurait pas d'avocat là-dedans, pas de procédure écrite, ce serait là vraiment pour régler, comme le nom l'indique si bien, les petites questions qui peuvent survenir pour des gens, sans que cela exige, justement, des dépenses importantes d'avocat et des démarches compliquées en matière de paperasserie.
Je me permets, d'ailleurs, à même un document préparé par le ministre de la Justice du Québec et intitulé «Guide des petites créances», de vous lire quelques indications sur ce tribunal important, et ça va nous permettre de donner un contexte au reste de notre intervention, M. le Président, qui viserait justement à démontrer à quel point, encore une fois, le ministre manque la cible avec sa coupure, parce qu'il va retirer à la Cour des petites créances un de ses éléments les plus intéressants. Il va enlever à la Cour des petites créances la capacité d'exécuter les jugements pour les petits réclamants. Une personne, par exemple, qui a gagné une certaine somme contre un garagiste ou contre la personne qui a réparé sa télévision va dorénavant être obligée d'aller prendre un avocat. Et c'est ça, M. le Président, vraiment dénaturer le sens original de la Cour des petites créances.
(12 h 10)
Alors, ce «Guide des petites créances» préparé par le ministère de la Justice prévoit, explique que la Cour des petites créances entend des causes où une somme d'argent est en litige. C'est une division de la Cour du Québec où la procédure a été grandement simplifiée et devant laquelle on se présente devant un juge seul et sans avocat. C'est l'essence même de ce tribunal qu'est la Cour des petites créances depuis sa création, il y a 25 ans. «Cela ne vous empêche pas il s'adresse, là, aux justiciables qui se procurent ce guide d'en consulter un, avocat, avant de vous présenter en cour pour connaître vos droits ou préparer votre cause.» Ce qui est tout à fait exact, M. le Président. Mais le déroulement même de la cause n'exige aucune procédure compliquée et empêche la présence d'un avocat. Et, historiquement, ça a toujours été un résultat intéressant.
Les conditions pour qu'une cause soit entendue par la Cour des petites créances sont les suivantes: Que la personne qui poursuit soit une personne physique; en d'autres mots, les corporations ne peuvent pas poursuivre en Cour des petites créances. Que la personne qui poursuit soit une personne morale qui, au cours des 12 mois qui ont précédé sa demande, compte au plus cinq membres dans sa direction; ça, c'est une exception. Que la personne ou l'entreprise qui est poursuivie réside au Québec ou y ait un bureau d'affaires. Et que les litiges aient trait au non-respect d'un contrat ou à des dommages causés à la personne ou aux biens.
La créance, par ailleurs, M. le Président, doit être de 3 000 $ ou moins. Ça, c'est le seuil d'admissibilité pour la division des petites créances de la Cour du Québec depuis la plus récente modification qui a été mise en vigueur voilà quelque temps.
Alors, on voit tout de suite, M. le Président, par la somme en cause et par le fait qu'il n'y a pas d'avocat, que la division des petites créances de la Cour du Québec a toujours existé pour assurer que les consommateurs ordinaires qui sont aux prises avec une difficulté puissent justement obtenir un redressement du tort qu'ils ont subi sans avoir engagé des frais importants.
Le projet de loi 76, dont nous sommes saisis aujourd'hui, M. le Président, vient porter atteinte à cet important principe de la Cour des petites créances selon lequel il n'y avait pas d'avocat à la Cour des petites créances. Le projet de loi 76 vise, M. le Président, dans un premier temps, à modifier le Code de procédure civile et la Loi sur la Régie du logement afin de prévoir que, dorénavant, l'exécution forcée des jugements rendus à la Cour des petites créances et celle à la Régie du logement, lorsqu'elle ne vise que le recouvrement d'une petite créance c'est-à-dire moins de 3 000 $ se fera de la façon usuelle.
Voilà une phrase assez anodine en soi. On dit: de la façon usuelle. Bien, si on ne le faisait pas de la façon usuelle avant, une chance qu'on serait venu corriger la situation! Mais, malheureusement, M. le Président, parfois, des mots, de toute évidence, simples, cachent une toute autre réalité. La réalité, M. le Président, c'est que la manière usuelle de faire l'exécution forcée d'un jugement, c'est d'aller engager un avocat, que celui-ci va prendre des huissiers et que vous êtes obligé de suivre toute une procédure très compliquée.
Comme le «Guide des petites créances» l'explique si bien, lorsqu'on obtient un jugement, une fois 10 jours écoulés, si la partie condamnée n'a pas payé ce qu'elle devait, le créancier peut faire exécuter le jugement par le greffier. C'était simple et archisimple, M. le Président. On avait eu recours à ce tribunal du petit monde, et on avait réussi à obtenir le jugement pour les 125 $ pour donner un exemple qu'on avait gagnés contre son garagiste.
Et on avait fait tout ça sans qu'il y ait de débat entre avocats, parce que ça ne sert à rien de commencer à engager des avocats pour une somme de 125 $. Et on allait tout simplement au greffier, un administrateur d'État, pour l'exécution. Ça, ça veut dire, pour aller réaliser la somme qu'on venait de gagner. Le greffier pouvait alors faire saisir les biens meubles, y compris l'automobile, le salaire et les comptes en banque; ils expliquent que ça n'incluait pas les immeubles.
Il faut aussi noter qu'il revenait au créancier, la personne qui avait gagné, de fournir au greffier les renseignements qui lui permettront d'exécuter le jugement. Par exemple, l'adresse où se retrouvent les biens du débiteur, le nom de son employeur, le nom de sa banque ou de sa caisse, etc., M. le Président. Alors, ce qui se passait, c'est que, effectivement, il y avait une somme qui pouvait être chargée pour ce travail-là qui était accompli par le greffier, et cette somme que l'on chargeait pouvait être collectée par la suite à la personne qui avait refusé de payer sa dette. Ça ne coûtait donc pas énormément au gouvernement, et on pouvait toujours jouer sur la somme que l'on chargeait à la personne chez qui on collectait. Ça, ça aurait exigé un minimum de créativité, un minimum de réflexion sur les idées qui ont présidé à l'élaboration des dispositions du Code de procédure civile régissant la Cour des petites créances au début des années soixante-dix, et ça aurait pu se faire sans que cela coûte un cent au public, M. le Président.
Mais, qu'est-ce qu'on a fait à la place? Le ministre a regardé son budget de 454 000 000 $ dans son ministère, et il a dit: Où est-ce que je peux sauver de l'argent? Il va sauver 450 000 $, 0,01 % de son budget, en enlevant complètement ce service oh! combien utile pour la population à la Cour des petites créances. Et il le remplace avec quoi, M. le Président? Il le remplace avec de la bureaucratie. Quelle surprise, venant de ce ministre de la Justice, que ce soit encore la bureaucratie qui sorte gagnante! Qu'est-ce que la bureaucratie va faire? Elle va lui préparer un règlement, un règlement qui va venir édicter le tarif des droits que peuvent charger les avocats. Les avocats n'étaient pas là-dedans avant. Il n'y avait pas d'avocats à la Cour des petites créances. Le ministre de la Justice est en train de les remettre là-dedans. Il va édicter, avec ses bureaucrates, un tarif que les avocats peuvent charger lorsqu'ils viennent exécuter les jugements de la Cour des petites créances. Ça n'a pas de sens, M. le Président.
It is bureaucracy run amuck. Small claims Court, Mr. Speaker, has existed for the past 25 years to take care of those cases that most interest the members of our society...
Le Président: M. le député de Chomedey.
M. Mulcair: Bien, j'attendais que le ministre de la Justice finisse son départ, M. le Président, je vais parler aux autres.
Le Président: M. le député de Chomedey, il est tout à fait normal, dans une journée, qu'un membre de la Chambre qui doit vaquer à d'autres occupations puisse le faire. Je vous prie simplement de continuer votre intervention.
M. Gendron: M. le Président...
Le Président: M. le leader adjoint du gouvernement, sur une question de règlement.
M. Gendron: Oui, c'est très inacceptable, parce qu'il y a des collègues ministériels qui n'ont pas uniquement comme fonction d'entendre un discours qu'on connaît, et surtout pas quand celui qui vient d'indiquer ce qu'il vient d'indiquer était dans une salle, hier, pour inviter des gens à se retirer lorsque le ministre parlait. Ça, c'est pas mal plus irresponsable. Alors, la presse le rapporte ce matin: On n'a pas manqué de remarquer que celui qui a donné le signal de ce mouvement...
Le Président: M. le leader, M. le leader... M. le leader, s'il vous plaît! Alors, je pense que j'ai effectivement indiqué au député de Chomedey, là, que ce n'était pas une façon de procéder que de souligner le départ du ministre. On n'a pas besoin, pour ça, de remonter à d'autres gestes des jours ou de la journée précédente. Je pense que, en soi, le message est clair, ou l'indication de la présidence est claire. À ce moment-ci, M. le député de Chomedey, je vous inviterais à poursuivre au niveau de votre intervention.
M. Mulcair: Merci, M. le Président. Alors, effectivement, on voit à travers les diverses actions de ce ministre de la Justice son manque d'intérêt flagrant pour le public qu'il est censé servir. Une de ces actions, M. le Président, c'est la présentation du projet de loi 76, Loi modifiant le Code de procédure civile et la Loi sur la Régie du logement. Parce que, plutôt que de venir défendre l'institution d'intérêt public qu'est la Cour des petites créances, il est en train de la dénaturer. Plutôt que de venir à la défense des gens qui, dans notre société, ont justement des différends à régler à travers cette intéressante institution, il est en train de dire: On va dorénavant mettre des avocats là-dedans. C'est ça qu'il est en train de nous dire.
(12 h 20)
La Cour des petites créances coûte très peu aux contribuables qui désirent redresser une difficulté, obtenir l'audition d'un problème, et ce sont souvent, justement, en matière de protection du consommateur que ces causes sont entendues. Il s'agit de causes concernant les garagistes, les réparateurs de meubles, d'électroménagers, les réparateurs de télévision, des choses comme ça. Et ce sont justement, comme le nom le dit si bien, des petites sommes qui sont en jeu. Alors, qu'est-ce que le ministre de la Justice nous explique en présentant ce projet de loi là? Qu'est-ce que le ministre de la Justice du Québec nous donne comme indication de sa vision de l'administration de la justice lorsque, par ses actions, par ses diverses actions, il démontre clairement qu'il ne s'intéresse pas aux gens qui se prévalent de ces institutions-là? Le ministre de la Justice est en train de nous dire que, bureaucratiquement, par le biais d'un règlement, dorénavant, on va établir un tarif des droits que les avocats vont pouvoir charger pour l'exécution des jugements. Il y a une expression qui veut que, si c'est brisé, il ne faut pas l'arranger.
En l'occurrence, il n'y a jamais eu nulle part la moindre indication qu'il y avait un problème avec l'exécution des jugements à la Cour des petites créances. Il n'y a jamais eu la moindre indication à cet effet. Alors, pourquoi le ministre est en train de mettre à terre ce service d'exécution, forcer les jugements à la Cour des petites créances? Pourquoi, encore une fois, sur un budget de 454 000 000 $, il choisit de faire une économie de bouts de chandelles là où ça va affecter le plus directement la population? C'est ça qu'on n'est absolument pas capables de comprendre de la part de ce ministre de la Justice. D'enlever à la Cour des petites créances un de ses aspects les plus intéressants, c'est-à-dire le fait qu'on n'avait pas besoin de mettre des avocats là-dedans, que la Cour s'occupait d'aller collecter après que tu avais gagné ta cause, puis, en plus, la somme que tu voulais pour la perception était chargée à la personne qui devait de l'argent; il est où, le problème, avec ça? Est-ce qu'il y a eu une analyse dans son ministère qui a dit que c'était une mauvaise idée? J'en doute fort bien.
On se permet de questionner les motifs qui ont présidé à l'élaboration de ce projet de loi, si ce n'est pas cette vision bureaucratique à très courte vue qu'on a si souvent vue à travers les différentes interventions de ce ministre de la Justice. Puis, comme on l'a vu aujourd'hui encore une fois, par ses actions, il démontre son manque d'intérêt pour ces questions. Il met ses projets de loi sur la table, mais il ne s'intéresse pas aux réels résultats. Il refuse, dans le dossier de l'aide juridique, d'entendre raison de la part de groupes communautaires et il refuse, dans le cas qui nous occupe aujourd'hui, de comprendre l'essence même, la raison d'être même de la Cour des petites créances, parce qu'il est en train de dénaturer l'essence même, la raison d'être de la Cour des petites créances.
Pour ce qui est de certains autres aspects de ce projet de loi, par exemple le fait que, dorénavant, on va pouvoir utiliser le courrier ordinaire, on a écouté attentivement les arguments du ministre, hier, à cet égard-là. Évidemment, ça va être une preuve moins forte, moins étanche que d'utiliser le courrier ordinaire pour la signification de certains documents, mais le ministre a sans doute une analyse qui a été faite de ça, puis il est prêt à prendre la chance. Pour lui, ça ne semble pas être une cause de préoccupation majeure. À notre sens, pour les sommes qui vont être sauvées, ça aurait été peut-être en commission parlementaire, lorsqu'on étudierait cette loi article par article. Peut-être qu'à ce moment-là le ministre de la Justice va être capable de nous dire sur la base de quelles études, de quelles analyses il est arrivé à la conclusion que la difficulté inévitable qui va être posée au niveau de la preuve va pouvoir être compensée par les économies d'échelle qui vont être réalisées par l'utilisation du courrier ordinaire, par opposition aux postes certifiées ou au courrier recommandé. On va sans doute avoir l'occasion de regarder ces études-là avec lui, puis on se fierait justement à cette analyse-là.
Mais force nous est de constater que, dans un monde de procédures, dans un monde où la preuve de la signification, la preuve du fait qu'on a donné un papier à une autre personne est souvent très, très importante, bien, c'est un changement important que le ministre est en train de proposer. Puis, même si on peut relativement facilement comprendre l'intérêt d'une telle économie pour ce qui est de la sorte de courrier à employer, on se permet néanmoins de signaler un certain avertissement au ministre, et on espère qu'avec ses proches collaborateurs au ministère il va garder un oeil vigilant sur la jurisprudence qui va se créer autour de ce mode de signification, qu'il va être en constant contact avec les gens dans les palais de justice pour s'assurer que ce n'est pas en train de causer trop de problèmes. Et, s'il le faut, je suis persuadé qu'il reviendra ici pour corriger son erreur.
Pour ce qui est de l'essentiel, par contre, de ce projet de loi là, outre le léger changement en ce qui concerne le mode de signification, on ne peut que déplorer le fait que ce gouvernement est encore une fois en train de réaliser des petites économies sur le dos du petit monde. Et, cette fois-ci, c'est à la Cour des petites créances.
Dans le dossier de l'aide juridique, on a entendu même la lettre du délégué régional de la Côte-Nord adressée au ministre de la Justice concernant son projet de réforme de l'aide juridique. Après avoir entendu les groupes communautaires, on comprend pourquoi il est si important de prendre le temps qu'il faut pour revoir complètement le projet de réforme de l'aide juridique de ce ministre. On comprend que le Protecteur du citoyen et la Commission des droits ont aussi des choses à dire là-dessus. C'est la même chose ici.
Le projet de loi 76 modifiant le Code de procédure civile et la Loi sur la Régie du logement vient créer un précédent dans les interventions de ce gouvernement, vient nous montrer, par une action directe, à quel point ce gouvernement se soucie peu du petit monde, du monde ordinaire, des gens qui, auparavant, pouvaient avoir recours à la Cour des petites créances, et il ne regarde même pas les conséquences prévisibles. La conséquence prévisible, c'est que la Cour des petites créances va être de moins en moins utile à tous ces gens-là qui pouvaient y avoir recours auparavant, parce qu'on est en train d'ériger une barrière bureaucratique entre le tribunal, qui va bien sûr continuer d'exister... Mais l'application, l'exécution du jugement à l'égard de la personne qui doit de l'argent... Le débiteur de cette somme-là va être dans une meilleure position maintenant qu'avant la proposition du ministre de la Justice de venir mettre un mur bureaucratique entre le citoyen et la réalisation de ses droits tels que déterminés par la Cour des petites créances.
Il est en train de dire: Plutôt que de vous aider, dorénavant, comme on l'a toujours fait à très petits frais, plutôt que d'utiliser un peu de créativité et un peu d'imagination et de changer légèrement les seuils de ce qui peut être perçu par le greffier de la Cour des petites créances, je veux gagner encore un ruban au Conseil du trésor, je vais enlever 454 000 $ de mon budget, 454 000 $ qui vont aller affecter le plus directement la population du Québec.
(12 h 30)
Les gens qui habitent au 1080, avenue des Pauvres vont se souvenir des activités et des actions de ce gouvernement. Le monde ordinaire va se souvenir, parce que, nous, on va se faire un devoir de le rappeler. Et, oui, comme vient de le dire le leader adjoint du gouvernement, effectivement, nous travaillons auprès des groupes communautaires, nous travaillons auprès de ces gens qui sont là pour protéger le public que sont les autres professionnels. Nous travaillons effectivement, M. le Président, avec les gens de la Commission des droits de la personne, avec le Protecteur du citoyen et tous les autres qui viennent dénoncer, jour après jour, les coupures radicales imposées par le Conseil du trésor dans le domaine de la justice.
Vous savez, M. le Président, on dit souvent que les trois missions primordiales de tout État moderne sont, justement, la santé, l'éducation et la justice. Et où est-ce qu'on coupe avec ce gouvernement péquiste? Où est-ce qu'on coupe en tout premier lieu? On coupe à la santé, on ferme les hôpitaux, M. le Président. On ne touche jamais à la bureaucratie. On enlève les services aux gens en premier lieu. Où est-ce qu'on coupe en éducation? On coupe directement les services qui affectent les gens, M. le Président, on ne touche jamais l'administration qui entoure ça. Et, dans la justice, M. le Président, c'est encore la même chose. On est en train, aujourd'hui, d'en avoir la preuve concluante. On a un ministre de la Justice qui va sauver... Si ça marche, parce qu'on ne sait pas encore les coûts indirects qui vont être associés à l'application de son nouveau règlement de tarification des avocats. Mais, sur papier, il peut au moins montrer son bulletin scolaire au Conseil du trésor et dire: Regardez, j'ai réussi, j'ai sauvé une ligne de 400 000 $ dans un budget de 454 000 000 $. Grands applaudissements de l'entourage du Conseil du trésor. Bravo! Pas d'analyse de l'impact sur la population, pas d'analyse sociale, pas d'analyse de l'effet sur le justiciable, pas d'analyse sur l'effet et l'impact en matière de protection du consommateur. Ça, M. le Président, ça ne les intéresse tellement pas que ça ne nous surprend même plus de voir leur réaction à ça. Non.
Les gens dans l'administration, M. le Président, les bureaucrates qui font ces propositions-là à notre ministre de la Justice et aux gens, au Conseil du trésor, qui les accueillent, les gens dans l'administration, ils dorment sur leurs deux oreilles. Ça, il n'y a pas de problème, parce que l'administration ne va jamais subir une cure d'amaigrissement comme on est en train de faire subir à tous les groupes sociaux de la province de Québec, comme on est en train de faire subir aux moins bien nantis de notre société, comme on est en train de faire subir aux plus démunis de notre société. Non, non, non: il y a un référendum qui s'en vient. Toutes les stratégies, toutes les tactiques, dixit le premier ministre au Los Angeles Times .
Alors, qu'est-ce qu'on voit? Bien, on voit un Conseil du trésor qui dit: On «chop», on «chop» aveuglément, on met la hache dans l'aide juridique, on met la hache dans la protection du consommateur, on démolit un des aspects les plus intéressants de la Cour des petites créances et qui affectent le public et on fait quelle économie? sur papier, parce que, encore une fois, M. le Président, une vraie analyse n'a pas encore été faite: 0,1 % du budget de la Justice qui, à son tour, représente 1 % du budget de la province de Québec. C'est quelque chose, M. le Président.
On voit les priorités du gouvernement péquiste. Il s'acharne, en premier lieu, contre le monde ordinaire. Il enlève ce que, pendant 25 ans de législation sociale, dans la province de Québec, on a réussi à ériger pour protéger les intérêts du consommateur, pour protéger le public et venir en aide aux plus démunis de notre société. Il le fait, justement, toujours là où ça fait le plus mal au public. Toujours l'idée première, à la santé, c'est: On ferme les hôpitaux. Ce n'est pas: On fait un réaménagement des structures, des bureaux à l'édifice Joffre. À la Justice, on ne regarde pas le 1200, route de l'Église. Non, non, non, ça, c'est sacro-saint, M. le Président, on regarde les services qui aident le plus le public. Et qu'est-ce qu'on fait? Est-ce qu'on trouve une autre manière de faire? Est-ce qu'on sauve un peu d'argent? Non, on les élimine complètement comme on est en train de faire ici, M. le Président.
C'est le gouvernement péquiste qui agit tout le temps comme ça, M. le Président, parce qu'il est constamment préoccupé par une seule chose: son référendum sur la séparation. C'est ça que le public est en train de voir, M. le Président; c'est ça que les syndicats et les gens qui travaillent dans les hôpitaux, à Montréal et à Québec, sont en train de constater; c'est ça que les 75 groupes communautaires qu'on a rencontrés et entendus jusqu'à date dans le dossier de l'aide juridique sont venus nous dire. C'étaient leurs alliés. Ils utilisent bien le temps passé du verbe, M. le Président. Il s'agissait, auparavant, de leurs alliés. C'étaient leurs groupes. C'est avec eux qu'ils travaillaient. C'est avec eux que travaillait Mme la députée de Terrebonne lorsqu'elle était critique en matière de protection du consommateur et critique en matière de l'Office des professions du Québec, elle qui tenait un discours vraiment formidable sur le besoin de protéger le public, le besoin d'assurer la protection du consommateur. On ne l'entend pas beaucoup, de ce temps-ci, alors que le ministre de la Justice, le même qui nous présente cette loi aujourd'hui... On ne l'entend pas beaucoup nous dire qu'est-ce qu'elle pense du fait qu'au lieu d'avoir 14 enquêteurs à Montréal l'Office de la protection du consommateur, pour assurer la protection d'une population de 3 000 000, va dorénavant disposer de deux enquêteurs, M. le Président.
Comme les associations de consommateurs l'ont si bien fait remarquer, M. le Président, non seulement ça pénalise les consommateurs, mais ça pénalise en même temps les marchands et les commerçants corrects, parce que la personne qui est correcte, qui respecte la loi et qui encourt, il va sans dire, une légère dépense supplémentaire pour rester à l'intérieur de toutes les règles va être pénalisée parce que celui qui est à côté d'elle, qui n'est pas correct, qui est croche, ne va plus se faire inspecter. Il n'y aura plus personne pour venir faire la répression de la fraude dans ces domaines-là. Alors, qui va payer les frais à la fin de la journée? Non seulement les commerçants corrects et les consommateurs, mais, évidemment, l'ensemble de la société, M. le Président.
Mais, quand on comprend l'interconnexion de tous ces aspects-là, quand on comprend que l'un ne se change pas sans avoir un effet sur l'autre, on ne présente pas des projets de loi comme le projet de loi 76, Loi modifiant le Code de procédure civile et la Loi sur la Régie du logement, pour venir dénaturer ce qui est prévu à la Cour des petites créances depuis 25 ans, M. le Président. Depuis 1970 que cette loi a été adoptée pour créer la Cour des petites créances, et ce gouvernement ne comprend même pas que la Cour des petites créances sert à aider les plus démunis de notre société, les gens qui sont avec des problèmes tout simples, qui ne peuvent pas se payer des avocats et qui, souvent, font baisser leur réclamation en dessous du seuil de 3 000 $ juste pour que ça puisse être entendu.
Et ce qu'il y avait d'intéressant à la fin de ça, M. le Président, c'est qu'il y avait exécution du jugement. Ils n'avaient pas à sauter un tas de barrières bureaucratiques pour pouvoir accéder à la réalisation du jugement. Parce que, c'est une chose de dire que vous avez accès à une justice, mais, la justice, ce n'est pas juste le fait d'être entendu, de présenter ses arguments et d'obtenir un jugement qui dit que vous avez raison. Tout ça, ça ne sert à rien si, à la fin de la journée, on ne touche pas l'argent qu'on vient de gagner. Et c'est ça que ce gouvernement est en train d'enlever, M. le Président, par ses amendements au Code de procédure civile, qui vont venir justement chambarder complètement la façon de faire à la Cour des petites créances du Québec. Et c'est regrettable, M. le Président, qu'il n'y ait personne dans ce gouvernement jusqu'à temps qu'on en entende un autre se lever enfin pour dénoncer un de ses ministres... Mais, pour l'instant, il n'y a personne dans ce gouvernement-là qui comprend que, par une série de coupures, de destructions de différents programmes et de structures qui existent depuis longtemps, bien, le meilleur terme qu'on puisse utiliser pour le décrire, c'est celui utilisé par le journal Le Devoir , en éditorial, c'est la «justice ratatinée».
It is the death of a thousand cuts, Mr. Speaker, for justice in the Province of Québec that we are going through right now. Line by line, the Minister of Justice, who simply fails to understand the effects of these cuts, is delivering what has been requested and ordered by the Treasury Board. He is delivering cuts to his budget in those areas where the public is going to be the most directly affected.
And that is what is the most astonishing aspect of this whole exercise, Mr. Speaker. We have got a minister of Justice who simply does not possess an overall vision of the role of the Justice Department of Québec in our society. And it is because of that failure to understand the role of justice in our society, it is because of that absence of an overall vision of justice, that, in the course of one session of this Parliament, the spring session, we get the Justice Minister introducing a dozen odd bills. And odd bills they are, Mr. Speaker.
(12 h 40)
This one is going to take away from the Small Claims Court one of its founding principles, that lawyers would not be involved, that people with small amounts that they wanted to claim from people for example, who had performed certain repairs on their car or on their appliances could go to court without a lawyer, without any major expense, and, from now on, Mr. Speaker, what we are going to have is a bureaucratic wall separating the person who wins his case in the Small Claims Court from the execution of that judgment, from its application. That is why, Mr. Speaker, on this side of the House, today and in the days ahead... Do not be surprised if the Deputy House Leader of the Government is obliged to rise again and complain that, yes, those in opposition who do believe in the protection of the public have manifested publicly with community groups, with consumer groups, with professional groups, to say no to this Government, to say no to these cuts, to say no, in this case, to the destruction of the very fabric of our justice system by all of these changes that are taking away structures and the social order that has been put together over the past generation. We are going to say no today, Mr. Speaker, to this bill. We are going to say no to the others that the Minister has presented that do not make any sense.
And, just so that our purpose is not misconstrued, Mr. Speaker, when the Minister of Justice has presented, on rare occasions, a bill that did go in the public interest, we have granted and we have guaranteed adoption in record time. Que l'on nous comprenne bien, M. le Président, les rares fois où ce ministre de la Justice a eu à présenter des projets de loi qui allaient dans le sens de l'intérêt du public comme c'était le cas pour les sûretés immobilières, il fallait venir avec un projet de loi très rapidement pour corriger un tas de difficultés d'application du nouveau Code civil, M. le Président, un important projet de loi, un projet de loi compliqué ça a franchi l'étape article par article en une heure et demie parce que ça allait dans le sens de l'intérêt du public. Et, nous, comme opposition, on va toujours être d'accord avec toute mesure qui s'inscrit dans cette optique-là, dans cette foulée-là, de protection du public, d'assurer les intérêts du public. On va toujours être là.
Mais notre objection aujourd'hui, elle est fondamentale, M. le Président. On ne peut pas être en faveur d'un projet de loi qui vient dénaturer une des institutions qui fait partie de la «fabric» sociale de notre société, du tissu social, de notre manière de voir la société, qui a été mise en place il y a 25 ans pour aider le public, pour faciliter son accès à la justice. Et rappelons que l'accès à la justice est une des raisons pour lesquelles son ministère existe: assurer un accès à une justice équitable, juste et correcte pour tout le monde.
Ici, M. le Président, le projet de loi 76 vient complètement anéantir un des aspects les plus intéressants et les plus importants de la Cour des petites créances, et notre opposition à ce projet de loi là va être systématique. Vous pouvez être sûr que, tant et aussi longtemps qu'on n'aura pas réussi à convaincre le ministre d'au moins s'essayer auprès de sa collègue au Trésor, bien, on va continuellement lui rappeler qu'il a des choix, qu'il a des choix à l'intérieur de ses budgets de centaines de millions de dollars et que, chaque fois qu'il effectue un choix comme celui-ci, il est en train de démontrer clairement à toute la population du Québec qu'il ne croit pas au monde ordinaire, qu'il ne croit pas aux institutions de justice qui ont été mises en place pour venir en aide au monde ordinaire, qu'il croit seulement aux lignes de son budget et que les choix qu'il effectue vont toujours porter sur les services les plus directs à la population. Effectivement, M. le Président, il ne comprend pas que tout cela se tient ensemble, il ne comprend pas que tout est interrelié dans le domaine de la justice et que c'est une fausse économie que de dire qu'on va sauver 400 000 $ à un endroit, sur un budget de 450 000 000 $, et que cela va, de quelque manière que ce soit, jouer un rôle déterminant sur le budget de son ministère. C'est faux, M. le Président.
Si le ministre croyait dans ces institutions qui ont été mises en place pour assurer la protection du public et promouvoir les intérêts du monde ordinaire, il ne serait pas en train de couper là en premier. Malheureusement, M. le Président, de toute évidence, il ne comprend pas cela; de toute évidence, parce que son projet de loi vient démontrer qu'encore une fois il est en train de couper là où ça intéresse le plus directement la population.
Pour cette raison, M. le Président, notre formation politique exprime son opposition ferme au projet de loi du ministre, et nous avons l'intention, encore une fois, de démontrer au grand public pourquoi ce gouvernement ne mérite pas sa confiance dans le dossier de la justice. Merci, M. le Président.
Le Président: Merci, M. le député de Chomedey. Alors, nous en sommes toujours au débat relatif à l'adoption du principe du projet de loi 76, Loi modifiant le Code de procédure civile et la Loi sur la Régie du logement. À ce moment-ci, je serais prêt à entendre un nouvel intervenant. M. le député de Viau, vous avez 20 minutes.
M. William Cusano
M. Cusano: Merci, M. le Président. J'aimerais me joindre à mon collègue de Chomedey pour démontrer le manque de nécessité de la part du gouvernement d'introduire un tel projet de loi. Et, particulièrement, je vais m'en tenir, M. le Président, en ce qui concerne le projet de loi 76, à la Régie du logement.
M. le Président, lorsque la Régie du logement a été instaurée ici, au Québec, c'était tout simplement pour permettre aux gens qui, pour une raison ou une autre, ne s'entendaient pas, de ne pas avoir à se prévaloir des services d'un avocat et d'embarquer dans une procédure très longue et coûteuse tout simplement pour régler des cas où, dans la majorité des cas, M. le Président, la somme impliquée est minime.
M. le Président, si on regarde au niveau des cas, au niveau justement des décisions qui ont été rendues au niveau de la Régie du logement au fil des ans, il n'y en a pas beaucoup qui touchent 3 000 $, proche des 3 000 $. La plupart des cas, M. le Président, c'est des cas où il y a une réclamation pour un loyer non payé pour une période de un ou deux mois. Et, lorsqu'on parle d'un loyer qui est d'environ 500 $, 600 $ par mois, vous allez vous imaginer, M. le Président, que les cas entendus devant la Régie du logement qui dépassent 1 000 $, ces cas-là sont rares.
Alors, ce qu'on fait ici, M. le Président, par ce projet de loi, on dit: Voici, jusqu'à date les gens ont pu s'entendre. Lorsqu'il y a un jugement qui est rendu envers quelqu'un, M. le Président, les personnes impliquées prenaient de façon très simple les moyens pour que les montants qui étaient dus soient versés, sans aucune complication. Quelque chose de très simple, M. le Président. Maintenant, on dit que, lorsqu'un jugement est rendu du côté de la Régie du logement, on va procéder de la façon usuelle. Ça, la façon usuelle, ça veut dire la façon qu'on procède lorsqu'on passe devant les tribunaux.
Et tout ça, M. le Président, veut dire que l'intention du législateur a toujours été que, devant la Régie du logement, il s'agissait de simplifier la tâche, de simplifier les procédures et de diminuer les coûts, où les deux personnes en litige, M. le Président, faisaient valoir leur point devant le juge, d'une façon très simple, non légaliste, M. le Président, et, suite à ça, il y avait un jugement qui était rendu. On l'avait même facilité, tout simplement par des formulaires très simples, M. le Président, où l'individu à qui on devait de l'argent procédure très facile en dedans de 30 jours, s'il était payé, si on lui donnait les montants qu'il avait réclamés, ça ne coûtait presque rien à personne.
Le gouvernement dit que, dans ce projet de loi, il va y avoir une économie de 450 000 $, 500 000 $. Dans mon langage, M. le Président, lorsqu'on change des choses et qu'on dit qu'il y a une économie, ça veut dire qu'il n'y aura pas de coûts de reliés. Ce que le gouvernement est en train de dire, c'est que, oui, il va y avoir une économie au niveau du ministère, mais il n'y aura pas d'économie de coûts au niveau de la procédure. Ça va même augmenter, M. le Président, parce que, selon la loi la procédure usuelle que vous connaissez, M. le Président après un jugement au niveau de la Régie du logement, il va falloir qu'un avocat, un huissier de justice, etc., embarque dans le dossier pour s'assurer de l'exécution du jugement.
(12 h 50)
Ça, M. le Président, c'est tout simplement d'augmenter la bureaucratie. C'est d'augmenter cette bureaucratie qu'on avait, justement. Le législateur a voulu justement enlever cette bureaucratie en ce qui concerne la Régie du logement. Moi, je ne comprends pas, M. le Président. Je ne comprends pas ce qu'on fait. Est-ce qu'on a présenté ce projet de loi, comme disait mon collègue de Chomedey, parce que le ministre a reçu une commande de la présidente du Conseil du trésor qui lui a dit: Écoutez, M. le ministre de la Justice, j'ai besoin d'argent, il faut faire des économies? Bon.
Alors, le ministre de la Justice a fouillé et a trouvé le moyen d'aller chercher 450 000 $ par année, pas plus, M. le Président, 450 000 $ par année. Ces gens-là sont tellement préoccupés par ça, par une économie de 450 000 $, mais ils ne sont d'aucune façon préoccupés par une ligne 1-800-SÉPARATION qui coûte 250 000 $ par mois. Ça, c'est correct. Ça, c'est parfait. Aucune difficulté sur ça, M. le Président.
Le ministre de la Santé et des Services sociaux est sorti de ses gonds hier en disant qu'il trouvait ça immoral que des fondations dépensent de l'argent pour protéger leurs hôpitaux, M. le Président. On s'apprête à fermer des hôpitaux, et le ministre blâme les gens de prendre des moyens pour véhiculer le message. Mais on n'entend pas dire, de l'autre côté, M. le Président, tout l'argent qui a été gaspillé sur la promotion de la séparation du Québec. Ça, c'est correct.
Je m'aperçois, depuis qu'on siège ici, dans cette Assemblée, depuis la dernière élection, M. le Président, que ce que le gouvernement fait est correct, indiscutable, sans aucune difficulté d'éthique, M. le Président. Mais, lorsqu'il y a des gens qui ne pensent pas comme eux et qui veulent faire valoir leurs droits, M. le Président, ça, c'est des gnochons. Ça, M. le Président, je trouve ça totalement inacceptable, totalement inacceptable.
Alors, pourquoi, M. le Président, compliquer un processus qui est simple, efficace, à l'amiable? Et, vous savez, j'ai tout le respect pour les avocats, M. le Président, mais, normalement, dans une cause, lorsque les avocats s'impliquent, ça coûte plus cher. Et c'est ça que vous allez faire.
Une voix: ...
M. Cusano: Oui, que ce soient des avocats de mon bord ou de votre bord, c'est un peu la perception que nous avons tous: lorsqu'un avocat embarque dans un dossier, ça coûte plus cher au citoyen. Alors, nous avions ici, nous avions une situation...
Une voix: ...
M. Cusano: Oui. Alors, Mme la députée, si vous êtes d'accord avec ce que je dis, pourquoi êtes-vous en faveur de ce projet de loi où on amène les avocats dans le dossier, M. le Président? On amène les avocats dans le dossier lorsque les avocats ne sont pas nécessaires et que ça fonctionne très bien, que c'est simple et efficace, M. le Président. Alors, comme c'est la même chose qui s'applique au niveau de la Cour des petites créances, M. le Président, je suis complètement d'accord avec mon collègue qu'on ne peut pas, de ce côté-ci, appuyer ce projet de loi.
Il faut que le ministre nous explique quelles sont ses raisons. Est-ce qu'il y a eu des gens qui se sont promenés dans la rue, M. le Président, devant son ministère, pour dire: Il faut que ça change? Je n'ai pas vu ça, moi. Pourtant, j'ai vu des 10 000, 17 000 personnes qui se sont promenées dans la rue et qui disent au ministre, qui disent au gouvernement: Écoutez-nous. Mais le gouvernement, de son bord, dit: Non, non, on n'a pas besoin de vous écouter, on sait où on s'en va, M. le Président. Si c'est ça, l'attitude de ce gouvernement, j'ai presque envie de dire, à ce moment-ci: On va les laisser faire, M. le Président. Sauf que je me dois, en tant que représentant des citoyens du comté de Viau, de dire: Ça n'a pas d'allure, ce qu'ils sont en train de faire. Ça n'a pas d'allure, et je vais, avec mon collègue de Chomedey et d'autres, en commission parlementaire, essayer de convaincre le ministre qu'il devrait retirer particulièrement cet aspect du projet de loi, M. le Président.
Je vois qu'on arrive à l'heure de notre suspension et je n'ai pas d'autre chose à dire, M. le Président. Non, je n'ai pas d'autre chose à dire, sauf que je ne comprends pas votre façon d'agir, votre façon, l'autre façon de gouverner, qui est censée être meilleure. Vous avez quelque chose qui fonctionne? On va le compliquer. C'est ça, l'autre façon de gouverner.
Une voix: C'est ça.
M. Cusano: Je ne peux pas dire autre chose que ça, M. le Président: prendre quelque chose qui fonctionne, où les gens sont très heureux, et on change ça, M. le Président. Pour satisfaire qui? Satisfaire la présidente du Conseil du trésor et satisfaire les fonctionnaires. Vous savez, avec ça, il va y avoir beaucoup de fonctionnaires impliqués dans le dossier. C'est peut-être la façon du gouvernement de créer d'autres jobs, M. le Président, mais vous faites payer aux petits citoyens du comté de Viau, qui cherchent une justice, qui n'ont pas les moyens de se servir d'un avocat... Parce que, lorsqu'on va réclamer 500 $ ou 600 $, M. le Président, vous pouvez vous imaginer, juste une visite chez l'avocat, combien ça coûte. Est-ce que c'est une espèce de ticket modérateur qu'on veut imposer à ce moment-ci? Est-ce que c'est une espèce de ticket modérateur? Si la personne réclame 300 $, puis, avec les coûts, justement, pour déposer sa plainte et, par après, des coûts reliés qu'on présente ici, dans ce projet de loi... S'il réclame 350 $ puis, au bout de la ligne, il va en rester 100 $, M. le Président, on va le décourager de se présenter. C'est ça. C'est une autre façon d'introduire un ticket modérateur.
Et c'est pour ça, M. le Président, que je voterai contre le principe de ce projet de loi, et je serai présent en commission parlementaire, M. le Président, pour que le ministre nous explique bel et bien le bien-fondé de ce projet de loi et qu'il nous explique ses intentions, parce qu'au moment où on se parle, M. le Président, les intentions du ministre ne sont pas pour protéger l'ensemble de la population. Merci, M. le Président.
Le Président: Alors, nous en sommes toujours, donc, au débat relatif au projet de loi 76, Loi modifiant le Code de procédure civile et la Loi sur la Régie du logement. À l'ordre, s'il vous plaît! Je constate que... Est-ce qu'il y a d'autres interventions?
Mise aux voix
Est-ce que le principe du projet de loi est adopté?
M. Mulcair: Sur division.
Le Président: Adopté sur division. M. le leader adjoint du gouvernement.
Renvoi à la commission des institutions
M. Gendron: Oui. Je fais motion, M. le Président, pour que le projet de loi soit déféré à la commission des institutions pour étude détaillée.
Le Président: Est-ce que cette motion est adoptée?
M. Gendron: Adopté.
Le Président: Adopté. Tel qu'il est prévu à notre règlement, nous allons suspendre jusqu'à 15 heures.
(Suspension de la séance à 12 h 59)
(Reprise à 15 h 3)
Le Vice-Président (M. Bélanger): Mmes et MM. les députés, si vous voulez bien prendre place. Vous pouvez vous asseoir. Merci.
M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Gendron: Oui, M. le Président. À ce moment-ci, je vous demanderais d'appeler l'article 24 de notre feuilleton d'aujourd'hui.
Projet de loi 70
Prise en considération du rapport de la commission qui en a fait l'étude détaillée
Le Vice-Président (M. Bélanger): Alors, à l'article 24, l'Assemblée prend en considération le rapport de la commission des affaires sociales sur le projet de loi 70, Loi sur certaines mesures relatives aux services de garde à l'enfance. Alors, je suis maintenant prêt à céder la parole à Mme la ministre responsable de la Famille, tout en vous rappelant, Mme la ministre, que 30 minutes vous sont allouées.
Mme Pauline Marois
Mme Marois: Trente minutes.
Le Vice-Président (M. Bélanger): À vous la parole, Mme la ministre.
Mme Marois: Alors, je vous remercie, M. le Président. Nous nous engageons dans la dernière étape en ce qui a trait à l'adoption du projet de loi 70 qui prévoit certains amendements, certaines mesures relatives aux services de garde.
D'abord, je dois dire, d'entrée de jeu, que nous avons fait un bon travail en commission parlementaire, de part et d'autre. Il y a un certain nombre de propositions qui sont venues de la part de l'opposition, que, malheureusement, après en avoir débattu, nous n'avons pu retenir, ce qui n'a pas empêché, au contraire, que nous ayons un débat de qualité, avec, évidemment, certaines objections de part et d'autre quant à certains aspects de ce projet. Et j'imagine que, dans l'année qui vient, puisque le projet de loi que nous étudions aujourd'hui nous permet de faire un temps d'arrêt en ce qui concerne le développement des services de garde au Québec, les questions soulevées, entre autres, par l'opposition seront prises en compte au moment de cette réflexion en ce qui a trait à l'avenir des services de garde au Québec.
J'aimerais d'ailleurs, à cet égard, rappeler très brièvement le but du projet de loi, de même que le travail que nous nous apprêtons à engager et qui, je vous dirais, est déjà en train avec mes collaboratrices et collaborateurs à l'Office des services de garde, de même qu'avec les personnes impliquées dans les services de garde au Québec, qu'il s'agisse des regroupements de garderies, qu'il s'agisse des agences de garde en milieu familial, qu'il s'agisse des parents impliqués dans l'une ou l'autre de ces organisations, des services de garde en milieu scolaire, et aussi de ceux et celles qui sont actuellement impliqués dans des services qui s'adressent aux enfants, soit de type halte-garderie ou jardin d'enfants, que la loi prévoit couvrir, mais pour lesquels nous n'avons pas encore mis en application les articles qui nous permettraient d'adopter des règlements, M. le Président, nous permettant de régir ces différents services de garde.
Alors, je peux vous dire, donc, que le travail est en train et que nous entrerons dans les échéances, tel que la loi nous y oblige, d'ailleurs, puisque la loi prévoit que nous n'émettrons plus de permis de garderie, de même que de permis d'agence de services de garde pendant l'année qui vient, et ce, à compter du moment où nous avons déposé le projet de loi, soit le 29 mars dernier. Donc, le travail est bien engagé et, sinon à l'automne, du moins au printemps, nous devrions venir soit avec des amendements à la loi, soit avec des amendements aux règlements, de telle sorte que, dès l'année 1996-1997, nous puissions, je dirais, redémarrer sur de bonnes bases le développement, d'une façon harmonieuse, des services de garde. Parce que ce qui a justifié le fait que nous prenions ce temps d'arrêt...
Je dis bien un temps d'arrêt quant à la réception des demandes de permis, parce que des permis pourront, d'autre part, malgré ce temps d'arrêt, être émis. En effet, nous avons en banque des demandes pour environ 25 000 places qui, réalistement, parce que des demandes sont là depuis un long moment, peuvent se ramener environ à 18 000 demandes, c'est-à-dire pas 18 000 demandes de permis, bien sûr, mais des demandes de permis pouvant répondre à 18 000 places, à 18 000 enfants dans les familles, dans la garde en milieu familial ou dans la garde en garderie.
Et, donc, cette demande qui est déjà dans nos banques, à l'Office des services de garde à l'enfance, nous permettra d'émettre, pendant l'année qui vient, des permis, compte tenu que ces demandes-là ont cheminé ou chemineront. Et nous croyons que près de 9 000 à 11 000 places pourraient être rendues disponibles à la fin de l'année, malgré ce temps d'arrêt, ce qui veut dire que nous ne pénaliserons donc pas les gens qui ont déjà des projets d'engagés.
Et ceux et celles qui s'apprêtaient à le faire, comme on sait que cela prend un certain temps avant de monter ou d'aller chercher tous les éléments nous permettant soit d'acquérir un logis, soit d'organiser la structure administrative... S'assurer que les aspects financiers des services vont être couverts, cela prend un certain temps. Donc, nous espérons que les gens, qui auront cette année pour préparer leur projet, pourront rapidement redéposer leur demande dès que la loi deviendra caduque, à la fin de l'année, donc, le 29 mars 1996. Et nous serons en mesure, à ce moment-là, de débloquer assez rapidement les demandes, les places qui nous seraient demandées à cette occasion.
Alors, donc, quelles sont les raisons qui ont justifié le fait que nous ayons souhaité ce temps d'arrêt? D'abord, je peux vous dire que, dès que l'on m'a confié le dossier et suite à des engagements pris par notre formation politique, nous avons réinvesti dans les services de garde près de 6 500 000 $ pour nous assurer que les allocations aux garderies prévues pour la hausse des salaires et qui devaient cesser en octobre allaient continuer à être versées compte tenu que cela demeure pour nous une priorité. Bien sûr, la priorité, c'est d'abord et avant tout qu'il y ait des services accessibles disponibles pour les enfants et, bien sûr, pour leurs parents. Mais il y a aussi les gens qui offrent ces services dans les services de garde et qui sont des gens de qualité, de qui nous exigeons, d'ailleurs, sinon de la formation, du moins de l'expérience. Il y a des exigences très grandes pour pouvoir oeuvrer dans un service de garde, M. le Président; donc, notre préoccupation à l'égard des travailleurs et des travailleuses en garderie est aussi grande.
(15 h 10)
Parce qu'il va sans dire que la qualité dont on veut s'assurer dans la prestation de services dans les services de garde dépend aussi de la qualité des personnes et du personnel qui oeuvrent dans les services de garde. Et je crois que, comme société, nous devons reconnaître à sa juste valeur ce que nous demandons à ces personnes, donc qu'elles soient rémunérées en conséquence des exigences de leurs tâches et de leurs fonctions, M. le Président. Alors, donc, je me suis assurée que l'on maintiendrait la somme qui avait été précédemment allouée aux services de garde, mais qui devait cesser d'être versée compte tenu que des mesures fiscales devaient s'appliquer à compter de cette année, M. le Président. Mais, cependant, il y avait évidemment, d'abord, un temps relativement long entre le moment où les garderies cessaient de recevoir ce supplément qu'elles avaient reçu auparavant et l'application de la mesure fiscale. Et, d'autre part, nous avons décidé de maintenir cet investissement, et il est maintenant intégré dans les budgets actuels de l'Office et, donc, des services de garde pour 1995-1996, M. le Président.
Pourquoi, donc, avoir décidé de cesser de recevoir des demandes de permis et, donc, de ne plus émettre de permis? D'abord, je voudrais rappeler que, le 10 février 1992, il y a eu une décision rendue par la Cour d'appel, qui a amené l'Office à devoir délivrer un permis de service de garde en garderie ou d'agence de garde en milieu familial à toute personne qui en faisait la demande, et cela, peu importe qu'il y ait besoin ou non, qu'un quartier soit littéralement saturé, M. le Président, en termes de services. L'Office, à partir du moment où une demande lui était transmise, n'avait pas d'autre choix que d'accepter cette demande et d'émettre le permis.
Ceci nous a amenés d'abord à devoir restreindre les sommes que nous rendions accessibles aux parents qui utilisent les services de garde, parce que nous n'avions plus aucune espèce de contrôle quant au développement des places. Et, quand on subventionne ces places, que les places soient en service de garde dirigé par des parents ou dont le conseil d'administration est formé de parents, ou que ce soient des places de garde en garderie commerciale ou à but lucratif, il est prévu dans notre loi et par nos règlements et par nos programmes que nous aidions les parents qui fréquentent l'un ou l'autre de ces services lorsqu'ils sont admissibles financièrement à cette aide. Il est prévu aussi que nous aidons directement les garderies sous différentes formes, soit la garderie dirigée par des parents ou la garderie commerciale de type corporatif.
Alors, donc, nous avons dû resserrer nos règles de financement parce que, évidemment, l'état des finances publiques, je n'ai pas à vous le décrire, exigeait de nous, à partir du budget que nous avions établi, que nous ne rajoutions pas des sommes supplémentaires. Mais, si nous ne contrôlons pas l'émission de permis et que le nombre de personnes pouvant avoir accès aux subventions grandit sans qu'il n'y ait de cran d'arrêt de prévu, sans qu'il n'y ait de plafond, bien, évidemment, ça devient un budget complètement ouvert et on dépasse les sommes qui nous avaient été allouées. Alors, on a dû, donc, restreindre l'accessibilité à l'aide financière pour les parents qui fréquentaient les garderies qui avaient obtenu des permis sans que ces permis ne se soient inscrits dans un processus de planification. C'est ce que nous a amenés à faire, ce que nous a obligés à faire la décision rendue par la Cour d'appel en février 1992.
Donc, ça, c'était la première chose, évidemment, sur l'aspect financier. On a dû revoir nos règles, ce qui nous a amenés à constater que, dans des circonstances semblables, selon qu'il fréquentait une garderie sous permis prévu dans le plan de développement, le parent pouvait recevoir de l'aide, mais, si le parent fréquentait une garderie avec permis, donc tout à fait conforme et tout le reste, mais non prévue au plan, ce parent ne pouvait pas avoir accès à l'aide financière. On se retrouve donc avec des catégories de personnes qui ont les mêmes niveaux de besoins, qui ont les mêmes problèmes, mais qui n'ont pas accès au même niveau de services. Ça, c'est une première chose.
La deuxième chose, c'est que l'Office, lorsqu'il a pu planifier le développement, l'a fait en s'assurant qu'il y avait une réponse aux besoins qui étaient possibles, d'une façon équilibrée, sur l'ensemble du territoire québécois. Comment on fait ça? C'est relativement simple avec les techniques habituelles et normales que l'on utilise dans les sondages ou dans les analyses statistiques et démographiques. On analyse région par région, ville par ville, s'il s'agit de villes-centres ayant une population suffisamment importante, ou par quartier, dans le cas de grandes villes comme Québec, Montréal, ou Longueuil, ou Laval. On évalue quel est le niveau de besoins à partir de la connaissance que l'on a du nombre d'enfants en âge d'être gardés, du taux d'activité, c'est-à-dire du fait que des femmes et des hommes qui ont ces enfants sont sur le marché du travail, ou désirent y être, et de leur demande. Est-ce qu'ils manifestent un besoin de garde?
Bon, alors, à partir d'un ensemble de données, on établit un niveau de besoins. Parce que je dirais sur les 500 000 enfants et plus en bas de cinq ans, c'est évident que tous n'ont pas besoin des services de garde et ils n'ont pas tous besoin des services de garde en garderie. Il y a toutes espèces de besoins différents, selon les circonstances. Alors, on établit donc un niveau de besoins et, après, on fait une analyse sur cette base régionale ou sur cette base des villes.
Et, quand une demande vient à l'Office, on peut dire au demandeur de permis: Écoutez, il y a dans votre quartier, déjà, par exemple, trois garderies ou deux garderies. Elles répondent aux besoins. Donner un permis en sus, ce serait, dans le fond, ajouter des places qui ne sont pas nécessaires, alors que, par contre, trois quartiers plus loin, ou trois rues plus loin, ou une ville à côté, il n'y a aucun service, ou il n'y a qu'un seul service qui répond à la moitié de la demande. Bon. La planification de l'Office permet donc d'évaluer, sur l'ensemble du territoire, quels sont les besoins et de faire une certaine planification. Elle n'est pas parfaite, bien sûr, il n'y a jamais rien de parfait dans ces domaines, mais elle est assez juste, on a pu le constater.
À partir du moment où quiconque demande un permis peut l'obtenir sans tenir compte de cette planification, bien, vous comprenez que, évidemment, on vient créer, dans un certain nombre de circonstances, des déséquilibres. Et vous allez me dire: Ce n'est pas trop grave, c'est les règles du marché. Mais oui, c'est grave, parce que ce ne sont pas tout à fait les règles du marché lorsqu'on parle de fonds publics considérables, de plus de 200 000 000 $, 240 000 000 $, que l'on investit dans les services de garde. Et, à ce moment-là, il me semble utile que l'on puisse procéder à une certaine planification pour ne pas, justement, gaspiller ces fonds publics inutilement. Et même quand il s'agit d'une garderie à but lucratif, d'une garderie commerciale, compte tenu que nous aidons cette garderie par des subventions directement, même si elles sont plus petites, bien sûr, mais nous aidons aussi ces garderies par le fait que les parents qui les fréquentent peuvent avoir accès à de l'aide financière, M. le Président.
Alors, avec le jugement, nous n'avions plus le choix, l'Office n'avait plus que le choix d'émettre à tout demandeur qui ne demandait pas de sous, bien sûr, à ce moment-là un permis. Puis ils peuvent, ces demandeurs, s'installer n'importe où. Oui, mais, vous allez me dire: Les lois du marché font qu'ils ne vont pas aller s'installer dans un quartier où il y a déjà une bonne couverture des besoins. Eh bien, malheureusement, ce n'est pas toujours l'analyse qui est faite. Et, quand on se situe dans un marché de libre concurrence, on essaie de dire: Si on s'installe là, on va aller chercher la clientèle de l'autre, puis on va, nous, offrir un meilleur service ou offrir des avantages que l'autre n'a pas et les gens vont venir chez nous. C'est vrai lorsqu'on est dans le monde du commerce, je dirais, régulier, traditionnel et conventionnel, mais, là, ce n'est pas de ça qu'il s'agit; on parle de garde d'enfants et on parle d'investissements publics énormes à cet égard, qu'il est nécessaire, à mon point de vue, de mieux organiser.
Donc, le temps d'arrêt, ce qu'il nous permet de faire, il nous permet de voir comment on peut replanifier la réponse aux besoins sur une base un petit peu plus articulée, un peu mieux ordonnée, si on veut, et en associant et ça, c'est une des mes préoccupations majeures, M. le Président mieux, davantage et le plus possible les gens dans les régions, en faisant cette planification sur une base régionale, en associant des partenaires, pas seulement des partenaires garderie par garderie, mais des partenaires dans le sens de la régionalisation, de nos municipalités, les gens impliqués dans le développement régional au niveau des conseils régionaux de développement, qui réunissent des décideurs de tous les milieux. Alors, une volonté très nette, M. le Président, de retrouver des outils de planification, d'associer les partenaires dans le développement des services.
(15 h 20)
Alors, vous allez me dire: Oui, mais est-ce qu'il était vraiment nécessaire, à ce moment-là, de cesser l'émission des permis pour faire ça? Vous auriez pu faire le tout en même temps, en parallèle, un peu ce que m'a suggéré l'opposition, M. le Président. Je dois vous dire, cependant, qu'au rythme où entraient les demandes de permis et où continuent à entrer les demandes de permis on se retrouvait rapidement, pendant qu'on faisait la planification, dans un déséquilibre tel qu'on avait tout un rattrapage à faire, qui aurait pu durer quelques années parce que, justement, il n'y avait plus possibilité de faire cette planification au moment où les permis s'émettaient. Alors, c'est la raison pour laquelle nous avons souhaité plutôt prendre ce temps d'arrêt nous permettant de refaire le point d'une façon plus globale.
Je vais terminer en ajoutant ceci: Nous n'avons pas pris cette décision en vase clos, dans une tour d'ivoire, loin des réalités quotidiennes que vivent les gens. Vous savez que, lorsqu'on m'a confié cette responsabilité, lorsque le premier ministre m'a confié cette responsabilité, j'ai aussi mis en place un groupe de travail à qui j'ai demandé de faire le point sur la situation des services de garde au Québec et qui a sillonné, pas pendant trois ans, pendant quelques mois... Ça a été rapide et efficace; je les en remercie d'ailleurs très sincèrement. Ça a été rapide et efficace. Pendant quelques mois, entre octobre et décembre, on a sillonné le Québec, on a rencontré les gens, on a questionné sur le développement des services de garde, sur l'état de situation.
On a fait l'état de situation et on m'a déposé dès janvier un rapport avec un certain nombre de recommandations pour nous dire ce que l'on devait corriger dans la gestion en général de la loi des services de garde, dans son application, quels étaient les sujets sensibles. L'une de ces recommandations, d'ailleurs, était que nous modifiions la formule de financement, la formule d'aide financière aux garderies. Nous l'avons déjà fait, c'est opérationnel. Un petit comité, donc, en octobre, rapport en janvier, décision en mars et opérationalisation en avril. On ne peut pas dire qu'on souffre de lenteur administrative et d'inefficacité. Alors, donc, c'est déjà fait.
Mais une autre de leurs recommandations, c'était justement que nous instaurions un moratoire, parce que et je ne reprendrai pas tout ce que je viens de vous dire on s'en allait tous azimuts, de façon assez anarchique, en perdant le contrôle d'un développement harmonieux des services de garde, non tatillon, mais harmonieux; je pense que c'est possible de le faire. Ils m'ont donc recommandé et ont recommandé au gouvernement que nous procédions à un temps d'arrêt, ce que nous permet de faire la loi.
Et je puis assurer les membres de cette Assemblée que c'est avec diligence que nous sommes déjà au travail dans le sens des orientations que j'ai déjà énoncées sur la base des recommandations que nous a faites le groupe pour, je dirais, camper les outils nouveaux dont nous allons avoir besoin pour nous assurer de ce développement harmonieux, de cette régionalisation, de cette consolidation de nos services pour mieux répondre encore aux besoins des enfants du Québec qui sont, on va l'admettre entre nous, la plus grande et, je dirais, l'essentielle richesse d'un pays. Je vous remercie, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Bélanger): Je vous remercie, Mme la ministre responsable de la Famille. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Jacques-Cartier, porte-parole de l'opposition officielle en matière de politique familiale. Avant de vous céder la parole, M. le député, je vous rappelle que vous avez un droit de parole maximal de 30 minutes. À vous la parole.
M. Geoffrey Kelley
M. Kelley: Merci beaucoup, M. le Président. Il me fait plaisir de me lever dans le cadre de la prise en considération du rapport de la commission des affaires sociales sur le projet de loi 70, Loi sur certaines mesures relatives aux services de garde à l'enfance.
Je pense que c'est très important de prendre les 30 minutes pour regarder les conséquences de cette loi à laquelle nous nous sommes opposés, et on va continuer de s'y opposer parce que je pense que, malgré sa nature laconique il n'y a que quatre articles, de vrais articles elle aurait un impact néfaste sur le développement des places dans les garderies au Québec. C'est un débat que nous avons eu avec la ministre pendant l'étude de ce projet de loi, mais je pense qu'il y a un principe de base qui est que la ministre est à la fois responsable de la bonification des places existantes, mais aussi du développement de nouvelles places. Et, dans ce projet de loi, on abandonne complètement le deuxième mandat et on mise tout l'argent sur la bonification des places existantes, ce qui est peut-être une bonne nouvelle pour les personnes à l'intérieur de leur réseau, mais qui laisse de côté les personnes qui n'ont pas accès aux places en services de garde au Québec.
Je veux revenir sur ce thème et je pense que c'est très important, d'entrée de jeu, d'expliquer pourquoi l'opposition officielle s'est opposée à ce projet de loi, parce que je pense que, des deux côtés de la Chambre, nous avons pris des engagements quant au développement de nouvelles places, dans nos plates-formes électorales. Chez nous, on a été critiqués de ne pas être assez généreux avec 6 000 places par année. L'opposition, maintenant le gouvernement, a promis 8 000 places par année. Et, quand je regarde, aujourd'hui, la réalité, c'est qu'ils ont oublié leur promesse, ils ont abandonné notre promesse et le développement va être beaucoup plus modeste qu'il était.
Ce projet de loi impose un moratoire d'un an sur l'émission des permis aux services de garde en garderie et aux agences de services de garde en milieu familial. Depuis le 28 mars 1995, toutes les demandes de permis sont refusées par l'Office des services de garde. Ce projet de loi met fin également, pour deux années consécutives, au plan de développement de nouvelles places qui avait été mis en place par le gouvernement libéral, plan qui prévoyait la création de près de 19 000 places en trois ans. Une perte de milliers de nouvelles places qui donneraient droit à une aide financière aux parents.
Je pense que l'autre fait qui est important, c'est que, comme l'implantation d'une garderie prend au moins deux ans, on connaîtra les effets pervers de ce projet de loi dans deux ans seulement. Il y a des projets développés aujourd'hui qui sont déjà dans la banque, mais ça prend en moyenne 18 à 24 mois pour développer un service de garde. Alors, le fait qu'on a un temps d'arrêt ou un moratoire aujourd'hui aura un impact néfaste dans l'avenir, parce que les promoteurs vont abandonner les projets aujourd'hui; ils vont recommencer à mettre ensemble les projets juste en 1996. Alors, il y aura un trou quelque part en 1996-1997 quant au développement des nouveaux projets de garderies.
La ministre a mentionné, dans ses remarques préliminaires, le climat de travail autour du projet de loi, et je pense que nous avons eu un bon départ, parce qu'il y avait les consultations avec deux groupes. Il y avait la Concertaction interrégionale des garderies du Québec et il y avait également les garderies privées du Québec. Ce sont deux groupes avec des perspectives très différentes. Le groupe Concertaction, qui était représenté par Mme Potvin, Mme Gosselin et M. Vachon, a appuyé la position de la ministre. Ils ont demandé de freiner la concurrence déloyale faite par les garderies à but lucratif et ils ont insisté beaucoup sur le problème d'une pénurie de garderies dans certaines régions. Aussi, ils veulent freiner un développement qu'ils ont caractérisé comme anarchique.
Le deuxième groupe, c'était la Coalition des garderies privées, c'est-à-dire les garderies à but lucratif. Ils sont venus pour affirmer que ce projet de loi a été déposé pour éliminer les garderies à but lucratif. Ils ont dit que les services offerts par les garderies à but lucratif sont de qualité et moitié moins cher que les garderies sans but lucratif. Ils sont venus témoigner que ces garderies à but lucratif génèrent 3 500 emplois au Québec et offrent 20 000 places en garderie à travers la province. Je pense qu'il faut souligner aussi que ce sont des petites et moyennes entreprises à 98 % gérées par des femmes. Alors, c'est l'endroit où les femmes ont vraiment l'occasion d'ouvrir une entreprise, d'offrir un service.
(15 h 30)
Je pense que Mme Lafrance, qui était un des témoins à la commission, en est un exemple. C'est quelqu'un qui a commencé une garderie informelle, qui a gardé quelques enfants chez elle. Elle a aimé ça et elle a fait toutes les démarches nécessaires au niveau de chercher le financement, chercher un bâtiment, créer un service. Elle a tout fait ça elle-même. Elle a appris en cours de route. Elle est maintenant une entrepreneure. Elle a une garderie avec une soixantaine de places en banlieue de Montréal, et je pense que c'est une femme qui a réussi. C'est quelqu'un qui a trouvé un emploi, qui s'est créé un emploi elle-même, et je pense que le service qu'elle donne... Il y avait également Mme Rachel Ceppi et M. Daniel Hrycyk qui sont venus aussi pour témoigner au nom de la Coalition. Mais je pense que les deux groupes que nous avons entendus ont donné deux perspectives très différentes. Ils ont une bonne connaissance des dossiers et ont donné beaucoup de renseignements au monde de la commission des affaires sociales.
Mais, à partir de ce moment, il y avait, pour moi au moins, comme député recrue, un grand sens d'empressement de la ministre; elle veut vraiment régler ça à toute vitesse et non passer des heures à regarder les articles. La ministre a dit à maintes reprises j'ai revu des galées du travail de la commission: On est prêt à voter, on est prêt à voter, avec un certain empressement. Et il y a les demandes de renseignements qui ont été faites par l'opposition, sans réponse. Nous avons demandé, par exemple je pense que la ministre l'a mentionné à maintes reprises la question de la ventilation des nouvelles places qui sont déjà dans le système, qui vont être développées au cours de cette année. Alors, nous avons demandé où se trouvent ces projets, à quel moment ces projets sont rentrés à l'Office des services de garde à l'enfance, parce que c'était le genre de renseignements très importants pour mieux comprendre l'article 2 du projet de loi. Et ça, c'est des demandes qui demeurent toujours sans réponse.
Il y avait la question d'un certain avis juridique sur une façon de procéder, aussi, sur l'article 2. Nous avons demandé: Est-ce que ce serait possible de regarder cet avis? Encore une fois, nous sommes toujours sans réponse.
Alors, oui, je pense, nous avons fait notre travail. Nous avons présenté une série d'amendements. Mais, je pense, c'étaient les amendements qui reflétaient les témoignages des deux groupes que nous avons entendus, qui reflétaient également les objectifs que la ministre dit qu'elle aimerait chercher avec ce projet de loi. Et, peut-être, prendre le temps... Parce que, dans la prise en considération d'une... le travail d'une commission... c'est le moment de faire un bilan sur le travail d'une commission, et, je pense, c'est tout à fait approprié de faire rapport ici, dans la Chambre, des délibérations que nous avons eues ensemble quant au projet de loi 70 qui est devant nous.
Mais, avant ça, nous avons commencé nos travaux en disant: Pourquoi un moratoire? Et, surtout, s'il n'y avait aucun lien avec la demande de permis pour une garderie sur la rue Saint-Réal, à Montréal, et, si ce n'est pas le cas, pourquoi est-ce qu'il faut procéder avec un moratoire? Et je pense, ici, qu'il y avait la première différence fondamentale dans notre façon de voir les choses. Parce que, moi, je regarde l'étude que le Conseil de la famille a faite il y a deux ans sur les «Services de garde au Québec; pour un équilibre précaire». Et je pense qu'ils ont mis, dans cet avis du Conseil, une distinction très importante entre les services de garde régis par l'État et les autres services. Parce que, c'est évident, avec toutes les études, des taux de couverture... et on peut revenir faire un autre débat, un autre jour, sur la qualité des études faites par l'Office des services de garde sur les taux de couverture.
Mais on peut dire qu'il n'y a pas assez de places. On a les témoignages qu'il y a peut-être la moitié des places disponibles dans le réseau pour le nombre d'enfants qui en ont besoin. Ça, c'est les chiffres de l'Office... Il y a d'autres personnes qui ont regardé ça, comme le Conseil de la famille, ou la CSN, qui ont regardé ça, qui donnent un taux de couverture beaucoup plus bas.
Mais il y a un besoin de places dans les garderies. Je pense, tout le monde peut convenir qu'on n'a pas trop de places dans les garderies au Québec. C'est le contraire. Et, les places dans les garderies, c'est essentiel pour les familles pauvres, pour les familles monoparentales, pour les femmes qui veulent réintégrer le marché du travail; une place dans une garderie, c'est un outil essentiel. Alors, on manque de places.
Alors, de faire un moratoire, on dit: On ne donnerait aucun permis. L'octroi d'un permis, comme tel, ne donne pas le financement. C'est juste de dire aux parents... de juste rassurer, pour les enfants, que cet établissement respecte les lois et les règlements qui sont adoptés par l'Assemblée nationale. Nous avons beaucoup de règlements, nous avons beaucoup d'exigences pour utiliser les mots «garderie» et «agence de garde en milieu familial» au Québec. C'est une très bonne chose. Quand, moi, comme parent, je me présente devant une place qui s'appelle une garderie, je sais qu'il y a des exigences quant au ratio du nombre d'éducateurs et éducatrices aux enfants. Je sais que, au niveau de la sécurité physique, la grandeur de la garderie, il y a certaines exigences qui sont respectées. Quant à la formation des éducateurs et éducatrices, il y a certaines exigences qui sont respectées aussi.
Il y a toute une gamme d'autres dispositions dans nos règlements, y compris quand on veut mettre de l'oxyde de zinc sur nos petits enfants, c'est prévu dans nos règlements. Alors, il n'y a pas d'incertitude dans nos lois. Alors, pourquoi arrêter l'octroi de permis? Je ne comprends pas, parce que, comme je l'ai dit, ça ne coûte rien à l'État de reconnaître une garderie, ça respecte nos normes. Les parents peuvent être assurés que, si je laisse mon enfant à cet établissement, ça respecte les normes et les lois du Québec. Alors, moi, je ne vois aucune raison.
La ministre a parlé d'un développement anarchique. Je regarde les chiffres, il y a 1 027 garderies à travers le Québec, dont 44 qui ne sont pas admissibles au financement. Alors, sur tout l'ensemble du Québec au-delà de 1 000 places il n'y a que 44 établissements qui sont hors la planification de l'Office des services de garde. Anarchique; «anarchique», pour moi, c'est un terme assez sévère. Anarchique, c'est ce qui se passe dans les coins du monde où les lois ne sont pas respectées, et c'est le désordre, le chaos total. Mais d'avoir 44 établissements, sur le territoire du Québec, non admissibles au financement, je pense que, parler d'anarchie, on exagère un petit peu. Peut-être que, chez nous, en fin de semaine, avec mes enfants, ça, c'est de l'anarchie, mais, ça, c'est une autre histoire complètement!
Alors, je pense qu'on pouvait continuer, je pense qu'on peut reconnaître que, ça, c'est un service de qualité. Il y a des bonnes retombées pour l'État pas uniquement parce qu'on sait où se trouvent ces établissements, mais le ministère du Revenu sait où trouver ces établissements aussi. Parce que le «non-régi», c'est le noir, c'est les relations peut-être plus informelles. Peut-être que c'est les relations sans reçus. C'est quelque chose qu'on paie comptant à la fin de la semaine au lieu d'avoir quelque chose qui est comptabilisé comme il faut, que le ministère du Revenu peut imposer en conséquence.
On a décidé d'imposer un moratoire, alors, ces établissements vont continuer d'exister. Ce n'est pas juste de dire qu'on a mis un moratoire, plus de permis, que les parents qui en ont besoin vont dire: Je vais garder mon enfant à la maison tant et aussi longtemps que la ministre n'a pas encore décidé ce qu'elle veut faire. La vie ne marche pas comme ça. Mes deux collègues de LaFontaine et de Notre-Dame-de-Grâce sont des nouveaux parents, et, bientôt, ils vont commencer la recherche d'une place dans une garderie, j'imagine. Ils n'attendront pas le rapport du groupe de travail de la ministre. Ils doivent trouver quelque chose assez rapidement, ils vont continuer de chercher une place.
Alors, je dis: Pourquoi ne pas au moins continuer de donner cette assurance de qualité aux parents et aux enfants du Québec, que, oui, c'est une garderie? Et, si on a des problèmes ou si on n'est pas certain de la qualité de leurs services, on peut appeler à l'Office des services de garde à l'enfance; il y a toute une mécanique d'inspection, ils peuvent venir pour s'assurer que, quand je suis au travail, mon enfant est gardé dans un endroit sécuritaire. Alors, ça, c'était notre premier débat.
(15 h 40)
Sur toute la question du pourquoi un moratoire ou non, moi, j'avais l'impression que c'était clair, surtout suite à l'arrêt dont la ministre a parlé tantôt, l'arrêt Chouinard. Suite à cet arrêt, le monde comprend que l'octroi d'un permis ne donne pas un accès automatique au financement, et, si les règles du jeu sont bien établies, qu'un permis ne me donne pas un financement automatique de l'Office des services de garde à l'enfance. Si, malgré ça, il y a soit des garderies à but lucratif ou à but non lucratif qui veulent continuer, qui veulent faire une garderie, qui veulent respecter nos normes, qui veulent avoir ce permis pour montrer aux parents qu'ils ont un service de garde de qualité, moi, je dis: Pourquoi pas? Pourquoi est-ce que je dois empêcher ça pour un an? Alors, ça, c'était notre premier débat. Nous sommes dans l'opposition, alors, nous n'avons pas gagné le débat, mais je pense que c'est très important de dire que je n'approuve pas le raisonnement pour cesser d'octroyer les permis, parce que l'octroi de permis ne coûterait rien à l'État. C'est juste une assurance de la qualité des services de garde.
Quand nous avons accepté d'avoir ce moratoire, l'opposition a essayé, en fonction des objectifs de la ministre, en fonction de ce que nous avons entendu des groupes: est-ce qu'il y a des amendements qu'on peut apporter au premier article pour limiter la portée et, bien honnêtement, limiter les dégâts de ce moratoire? La ministre, dans le groupe de travail, elle a mentionné qu'ils ont fait un travail remarquable. Je dois juste souligner que les membres de ce groupe de travail, ce n'était pas complet parce qu'il y avait des personnes exclues de la composition du groupe de travail, y compris les garderies à but lucratif qui ont été consultées mais qui n'étaient pas partie prenante dans la formulation des recommandations à la ministre. Et je pense que c'était une lacune très difficile à accepter pour eux autres parce qu'ils ont le tiers des places en services de garderie au Québec et qu'ils étaient exclus de la formulation des rapports.
Deuxièmement, il n'y avait aucun représentant du patronat. On a dit beaucoup qu'on veut miser sur la création de garderies en milieu de travail. Alors, il n'y avait pas quelqu'un du patronat dans le groupe de travail.
Troisièmement, il n'y avait aucun représentant pour les personnes qui n'ont pas accès aux services de garde. Alors, c'est évident que les personnes qui ont déjà un enfant dans une garderie vont donner des recommandations quand on veut bonifier les places existantes. Mais ce n'est pas la même chose pour quelqu'un qui veut avoir accès. Et ce groupe, cette perspective n'était pas représentée dans le groupe de travail.
Mais, quand même, ils ont fait un bon travail. Au-delà de 310 suggestions proposées, solutions, pistes de solution dans ce rapport; 202 touchent les services de garde en garderie. Et ça a l'air que, ça, c'est le noeud du problème, c'est les garderies. Alors, notre premier amendement, c'était d'exempter tout le réseau des agences de garde en milieu familial. Si le problème est aux garderies, on va appliquer le moratoire aux garderies. Mais, pour les agences en famille, qui sont, en passant, un modèle très intéressant pour les régions, parce que, pour une garderie, il faut une certaine masse critique, il faut avoir une trentaine ou une quarantaine d'enfants pour faire une vraie garderie. Alors, dans un petit village, peut-être qu'il n'y a pas 40 enfants en bas de six ans. Mais, une agence en milieu familial, pour les petits villages dans les places que la ministre a ciblées, où il y a une pénurie, peut-être que c'est un modèle intéressant.
La ministre a déjà exempté le côté des services de garde en milieu scolaire. Alors, il y a déjà une exemption prévue dans la loi. Alors, nous avons proposé: Pourquoi ne pas exempter les agences aussi? La ministre a regardé ça, mais elle a décidé, après un certain débat, que, non, il faut inclure l'agence malgré le fait que, comme je l'ai dit dans le rapport du groupe de travail, ils n'ont pas signalé les graves problèmes dans notre organisation des agences.
Et ça fait mal, M. le Président, surtout quand je pense à ma collègue, la députée de Chapleau. L'Outaouais est la région au Québec où, peut-être, la pénurie de places est la plus prononcée. Il y a un beau projet de 400 places en agence, prêt à partir. C'est quelque chose qu'on peut mettre en place demain, mais c'est pris dans un moratoire parce qu'il y a un développement soi-disant anarchique des garderies à Montréal.
Je ne le comprends pas. Je ne l'accepte pas. Et, moi, si je peux prêcher pour mon comté, parce que, dans le CLSC Lac-Saint-Louis, il n'y a pas assez de places en agence en comparaison avec le reste de l'île de Montréal... J'ai rencontré deux femmes, à Pointe-Claire, qui ont aussi un projet d'agence prêt à partir demain. Il y a les parents qui sont en attente. Mais, à cause du moratoire, M. le Président, c'est mis en attente pour au moins un an. Alors, je trouve que c'est une suggestion raisonnable, et la ministre a dit non.
Deuxièmement, et c'est un amendement proposé par mon collègue, le député de Verdun, qui est un ancien de l'Office des services de garde à l'enfance, compte tenu de la grande efficacité de l'Office et de la ministre, nous avons essayé de limiter les dégâts dans le temps et dire que, avec un moratoire de six mois au lieu d'un an, peut-être qu'on peut faire le travail nécessaire. Parce que, moi, ma préoccupation demeure toujours que, si on coupe les personnes avec les bonnes idées aujourd'hui, le développement aujourd'hui, il y aura une pénurie de places dans 18 mois, dans deux ans, dans trois ans. Et c'est ça, ma crainte, que, en coupant ça aujourd'hui... C'est juste que j'ai déjà parlé à une bonne dizaine de promoteurs qui veulent acheter un terrain, qui ont un projet à développer, qui m'ont appelé en disant: C'est quoi, mes chances, si je mets ça à l'Office cet été? J'ai dit: Il n'y a aucun empressement parce qu'il y a un moratoire. Alors, vous pouvez acheter votre terrain, vous pouvez faire ce que vous voulez, mais, avant le 29 mars ou je ne me rappelle pas la date exacte 1996, ne frappez pas à la porte de l'Office parce qu'on ne peut pas déposer une demande de permis avant ce moment-là. Alors, compte tenu que l'Office est efficace et que la ministre est efficace, nous avons proposé de limiter les dégâts, limiter la durée du moratoire à six mois. Encore une fois, une autre bonne idée de l'opposition qui n'a pas été retenue.
Troisièmement, et encore en prenant l'exemple de la concertation interrégionale, nous avons dit: Si on a vraiment un problème de développement, entre guillemets, anarchique à Montréal, pourquoi pas exempter les régions en pénurie? Alors, il y a des études de besoins. On peut faire un long débat sur la qualité de ces études de besoins, mais, à l'intérieur des études, on peut facilement reconnaître les régions en pénurie de places, déjà. Alors, nous avons proposé, par exemple, la couronne de Montréal, les places comme Laval, Lanaudière, Laurentides, Montérégie, l'Outaouais, SaguenayLac-Saint-Jean. Dans les endroits comme ça où il n'y a pas assez de places, pourquoi un moratoire? Pourquoi ne pas essayer de les exempter?
Cet amendement, la ministre ne l'a pas aimé du tout, alors, elle a fait toute une plaidoirie, et ça a été jugé irrecevable. Alors, on n'a même pas eu l'occasion de faire un débat sur ce qui, je pense, est une solution raisonnable. On a dit: Il y a une pénurie de places dans les régions, alors, on va faire un moratoire dans les régions. Comment est-ce qu'on va solutionner le problème avec un moratoire?
Alors, j'ai dit: Peut-être, donnons les chiffres, les études. On peut facilement établir que l'Outaouais ma collègue de Chapleau, qui est à côté de moi est en pénurie. On n'a pas besoin d'un autre groupe de travail, on n'a pas besoin d'une autre étude, c'est en expansion, il y a beaucoup de jeunes familles dans la région de l'Outaouais. Alors, pourquoi ne pas exempter cette région administrative, en nous basant sur les études de l'Office des services de garde? Et on peut continuer à développer où il y a un besoin, et, si, vraiment, le problème... Selon Concertaction, il y a un développement anarchique à Montréal et à Québec. On va freiner le développement dans les places où il y a trop de places, selon eux autres, mais, dans les endroits où il y a une pénurie, on va leur permettre d'ouvrir les nouvelles garderies.
Comme je l'ai dit, la ministre n'a vraiment pas aimé cette idée, parce qu'elle a fait tout une longue plaidoirie pour la juger irrecevable, malgré le fait que les autres amendements qui ont limité la portée du moratoire ont été jugés recevables. Qu'est-ce qu'on peut dire? Je pense que c'est toujours une bonne idée, et, si la ministre veut, à ce moment, revenir sur sa décision et modifier la loi qui est devant nous, l'opposition est prête à collaborer pour s'assurer qu'on peut faire ça. Ça, c'était le débat que nous avons fait sur le premier alinéa de l'article 1 de la loi qui est devant nous.
(15 h 50)
Le deuxième m'étonnait, M. le Président. On a regardé le deuxième alinéa de l'article 1 qui est devant nous, et ça m'étonne qu'on puisse procéder à l'enlèvement d'un droit d'appel. Avec le moratoire, et avec tout le respect... Mais j'ai eu l'occasion, comme membre de cabinet d'un ministre, de travailler, dans le cabinet, avec les fonctionnaires de l'Éducation, de l'Enseignement supérieur, de la Sécurité publique, des Affaires municipales et les fonctionnaires responsables de l'application de la Charte de la langue française. Nous avons une bonne fonction publique au Québec, je ne veux pas la critiquer, mais tout le monde est capable de faire des erreurs. Et, dans la loi, les articles 20 et 21, on donne à une personne qui a fait une demande pour un permis le droit de faire un appel, et l'Office doit le recevoir et doit donner une décision motivée à la personne qui a fait une demande pour un permis. On enlève ce droit d'être écouté par un fonctionnaire, dans ce projet de loi. Je ne comprends pas. Les fonctionnaires de l'Office des services de garde vont être obligés d'appliquer le moratoire de la ministre. Mais pourquoi avons-nous décidé de couper le droit d'appel dans le projet de loi? Je ne comprends pas, je n'ai eu aucune façon de m'expliquer ça, dans nos délibérations, dans le comité.
On fait la même chose dans le deuxième article sur le financement, qui coupe le droit des parents d'être entendus par un fonctionnaire. La mécanique qui est prévue dans la loi existante, ce n'est pas un appel à la Cour d'appel du Québec ou à la Cour suprême du Canada, c'est une obligation des fonctionnaires de l'Office des services de garde à l'enfance de le recevoir. Dans le premier article, c'est les personnes qui ont fait une demande pour un permis, alors, soit les groupes de parents ou les promoteurs, dans le cas d'une garderie à but lucratif, de s'asseoir avec eux autres pour expliquer leur décision. On enlève ça. Et, si jamais la personne demeure insatisfaite, elle peut prendre un appel à la Commission des affaires sociales. Alors, je pense que c'est très léger, ça va éviter des contestations juridiques. Alors, je pense... le rapport Garant, que le ministre de la Justice est en train de regarder, et les autres choses...
Alors, je ne comprends pas, je ne comprends toujours pas pourquoi la ministre a jugé bon d'annuler ce droit d'appel pour les promoteurs et les groupes de parents, dans le premier article. Dans le deuxième article, on retrouve la même chose, mais, ça, c'est pour les décisions de l'accès à l'aide financière. Les personnes à l'Office vont être tenues d'appliquer les prévisions de la loi. Alors, ce n'est pas de changer la loi, mais si, par exemple, quelqu'un pense que leur projet est rentré à temps et est admissible au financement parce que ça a été reçu antérieurement, il aura l'occasion de s'asseoir avec un fonctionnaire et de dire: Je pense que mes droits ont été brimés et j'aimerais que vous puissiez m'expliquer la décision. On enlève ça, dans ce projet de loi. Et ça m'étonne que notre fonction publique, en toute transparence et avec tout le respect que j'ai pour leur travail... mais je pense que les citoyens peuvent exiger d'un fonctionnaire d'expliquer et de motiver sa décision. Ce n'est pas trop demander. Mais la ministre, à deux reprises, dans l'article 1 et l'article 2, enlève ce droit d'appel de notre projet de loi, et je ne comprends pas.
Finalement, dans l'article 2, je me demande, et je me demande toujours si, à l'article 2, le premier alinéa est nécessaire. J'ai toujours le principe: pourquoi légiférer s'il ne faut pas légiférer? Dans notre loi existante, la ministre est déjà tenue de faire un règlement, ce qu'elle semble avoir oublié, ou je ne sais pas, parce que ce n'est pas encore publié, pour créer les places en milieu scolaire pour l'année 1994-1995 et pour l'année 1995-1996. Alors, la ministre a déjà une obligation de faire un décret pour déterminer le nombre de places en milieu scolaire. Moi, je dis: Au lieu de faire l'article 2 dans le projet de loi et enlever l'obligation de le faire, pourquoi pas, en même temps, juste dire: Le nombre de places déterminé en garderies et le nombre de places déterminé en milieu familial va être zéro pour cette année et zéro pour l'année prochaine? Ça va nous sauver du temps. On peut enlever l'article 2 de ce projet de loi au complet, parce que je pense que la ministre a déjà le pouvoir nécessaire pour mettre ça en vigueur.
Alors, comme je dis en conclusion, M. le Président, je pense que nous avons fait un bon travail de notre côté de la Chambre, nous avons essayé de trouver les idées pour bonifier le projet de loi, pour même répondre aux objectifs de la ministre, et, avec l'empressement de la ministre, elle a décidé: Je vais adopter ça le plus rapidement possible, et tous nos amendements qui, je pense, auront un impact d'améliorer le projet de loi ont été laissés de côté. Alors, c'est dommage, et, pour ces raisons, l'opposition officielle va maintenir sa position de s'opposer au projet de loi 70. Merci beaucoup, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M. le député de Jacques-Cartier. Est-ce qu'il y a d'autres intervenants sur ce projet de loi? Oui, Mme la ministre.
Mme Pauline Marois
Mme Marois: Oui, très brièvement, et je crois avoir un droit de réplique de quelques minutes après chaque intervention.
Le Vice-Président (M. Bélanger): Cinq minutes.
Mme Marois: Cinq minutes, c'est cela. Ce sera très bref. Je veux revenir sur ce que soulevait le député de Jacques-Cartier, sur la question du droit d'appel. Évidemment, à partir du moment où n'existe pas un droit, je ne vois pas comment on ferait pour donner la possibilité d'appeler de ce droit puisque le droit n'existe plus. Et c'est essentiellement ça qu'on fait, on fait une concordance, dans la loi, lorsqu'on dit que la personne ne pourra pas avoir appel sur le fait qu'elle ne peut pas, non plus, déposer de demande de permis. Alors, à partir du moment où elle ne peut pas déposer de demande de permis, on ne peut pas... et on s'est assuré que, en concordance, il y avait de la cohérence. Il va de soi, il est logique qu'elle ne puisse pas appeler du fait qu'on ne l'autorise pas à obtenir un permis puisqu'elle ne peut même pas en demander. Alors, c'est essentiellement et uniquement dans une perspective de concordance. Évidemment, ça va de soi que ça n'enlève pas le droit d'appel qui existe dans la loi de l'Office tant pour les parents que pour les détenteurs de permis qui peuvent se prévaloir, selon les circonstances, et c'est prévu de par la loi, de ce droit d'appel, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Bélanger): Alors, je vous remercie, Mme la ministre responsable de la Famille. Je suis maintenant prêt à céder la parole à un autre intervenant. Je vais céder la parole à Mme la députée de Chapleau, tout en vous rappelant, Mme la députée, que vous avez un droit de parole de 10 minutes. À vous la parole, Mme la députée.
Mme Claire Vaive
Mme Vaive: Merci, M. le Président. Nous sommes maintenant rendus à l'étape de la prise en considération du rapport de la commission des affaires sociales concernant le projet de loi 70, Loi sur certaines mesures relatives aux services de garde à l'enfance.
Comme le temps de parole qui m'est alloué est très court, M. le Président, je ne m'attarderai donc pas à expliquer les articles au projet de loi 70. D'ailleurs, mon collègue de Jacques-Cartier a fait ressortir avec beaucoup d'exactitude les impacts négatifs de ce projet de loi.
Ce que je trouve déplorable, M. le Président, c'est que les dispositions contenues au projet de loi, Loi sur certaines mesures relatives aux services de garde à l'enfance, vont complètement et carrément à l'encontre des attentes et des besoins des parents et des enfants en matière de services de garde au Québec. Dans une période où les parents réclament de plus en plus de places en garderie, dans une période, également, où les parents se font de plus en plus refuser l'accès aux garderies, faute de place, la ministre responsable de la Famille décide non seulement d'imposer un moratoire d'un an sur l'émission des permis pour l'exploitation d'une garderie, mais également de mettre fin au plan de développement de nouvelles places donnant droit à de l'aide financière mis de l'avant par le gouvernement libéral.
Rappelons que ce plan de développement de nouvelles places donnant droit à l'aide financière devait se poursuivre encore pour trois années consécutives et visait à créer un certain équilibre entre les besoins des familles et le nombre de places disponibles. Pour des raisons obscures et nébuleuses, Mme la ministre responsable de la Famille a choisi de favoriser les objectifs poursuivis par certains groupes, objectifs qui vont non seulement carrément à l'encontre des besoins réels des familles en matière de garderie, mais qui vont également à l'encontre des promesses électorales que le Parti québécois avait faites lors de la dernière campagne électorale.
En effet, quand il était dans l'opposition, le Parti québécois dénonçait avec vigueur les efforts qui étaient consentis par le gouvernement libéral pour améliorer l'accessibilité des parents aux services de garde et s'engageait à créer non pas 6 000 nouvelles places par année, mais bien 8 000 nouvelles places par année donnant droit à l'exonération, à l'aide financière et aux subventions.
(16 heures)
Que devons-nous conclure, M. le Président, devant un tel projet de loi, sinon que Mme la ministre ne se préoccupe nullement des difficultés que doivent affronter les familles pour concilier leurs responsabilités reliées au travail versus celles de la famille? En commission parlementaire, dans le cadre de l'étude détaillée du projet de loi, Mme la ministre justifiait son projet de loi en faisant valoir qu'il est issu d'un large consensus découlant d'un comité de travail sur le financement des services de garde qu'elle avait mis sur pied. Mais ce que Mme la ministre ne dit pas, c'est que ce groupe de travail n'était composé uniquement que de membres représentant les garderies à but lucratif et les syndicats. Les représentants des garderies à but lucratif ont été littéralement exclus malgré le fait que celles-ci représentent plus de 40 000 parents utilisateurs de ce service et sans oublier les 5 000 personnes travaillant dans ces garderies. Les parents et d'autres intervenants, comme le patronat, partenaire essentiel dans le développement des services de garde en milieu de travail, ont été également exclus.
Mme la ministre alléguait également qu'elle voulait un temps d'arrêt pour pouvoir poursuivre sa réflexion afin d'améliorer les services de garde à l'enfance et ainsi trouver des solutions pour freiner un soi-disant développement anarchique dans le réseau des garderies. Mme la ministre veut peut-être se donner un temps d'arrêt, mais les parents, eux, n'ont pas les moyens de se le donner. Qu'est-ce que Mme la ministre répond aux parents qui doivent aller travailler et qui se voient refuser l'accès aux services de garde? Qu'est-ce que Mme la ministre répond à la mère chef de famille monoparentale, avec des faibles revenus, qui se voit refuser l'aide financière gouvernementale parce que les places disponibles donnant droit à cette exonération ont déjà été distribuées et qu'aucune nouvelle place donnant droit à cette aide financière ne sera créée avant avril 1996? La réalité, M. le Président, c'est que les parents n'ont ni le temps ni les moyens financiers d'attendre que Mme la ministre chemine dans sa réflexion. Ils n'auront donc pas d'autre choix que de se retourner et de faire appel aux services de garderies clandestines, favorisant ainsi le travail au noir.
Il faut être conscient, M. le Président, que le projet de loi 70 accentuera le développement de ces garderies dites au noir qui ne sont soumises à aucune règle, norme ou inspection de l'Office des services de garde à l'enfance. L'imposition de ce moratoire est d'autant plus dramatique dans ma région, puisque c'est dans l'Outaouais que l'on retrouve le taux de couverture des besoins en garderies le moins élevé de la province. En effet, M. le Président, d'après la dernière estimation des besoins en services de garde régis par la loi du 31 mars 1994, le taux de couverture des besoins dans la région de l'Outaouais s'élevait seulement à 29 %. C'est d'autant plus dramatique que la région de l'Outaouais enregistre à l'heure actuelle l'un des taux les plus élevés de croissance démographique de la province. Qu'est-ce que Mme la ministre a à proposer concrètement et aujourd'hui aux jeunes familles de l'Outaouais qui se verront refuser une place en garderie pour leurs poupons? Non seulement l'Outaouais sortira perdante avec l'application de ce moratoire, mais également plusieurs autres régions du Québec, notamment le Bas-Saint-Laurent, les Laurentides, la Côte-Nord, devront payer la facture qui découle directement de la décision de Mme la ministre.
En commission, Mme la ministre a admis candidement qu'il y avait réellement une pénurie de places en garderie dans certaines régions du Québec. Devant ce fait, nous avons donc proposé, et ce, à deux reprises, un amendement au projet de loi visant à exclure de l'application du moratoire les régions dont le taux de couverture était inférieur à la moyenne nationale, soit 55 %. M. le Président, ces amendements ont été rejetés. Ceci démontre bien qu'il y a un manque d'ouverture dont fait preuve Mme la ministre dans toutes ses prises de décisions. Pour minimiser l'impact et les conséquences de ce projet de loi, nous avons également demandé d'exclure les agences de services de garde en milieu familial de ce moratoire. Encore là, ça a été la même réponse.
Le Parti québécois avait promis d'agir, de faire bouger les choses, de prioriser les régions, et qu'est-ce qu'il nous offre aujourd'hui, M. le Président? Un moratoire synonyme d'attente, de manque de places et de léthargie.
En tant que députée de Chapleau, je ne peux que dénoncer ce projet de loi qui met un frein au développement des services de garde au Québec et met en péril l'accessibilité à des services de qualité qui assurent à nos tout-petits un milieu qui favorise l'apprentissage et le développement, contribuant ainsi à leur mieux-être.
J'ai voté contre l'adoption de principe de ce projet de loi et, à la lumière des événements survenus en commission parlementaire, où Mme la ministre n'a aucunement accepté de diminuer les impacts de sa décision par des amendements nécessaires, je m'opposerai une fois de plus avec vigueur à cette importante étape législative qu'est la prise en considération du rapport. Je voterai donc contre ce projet de loi que je qualifie, M. le Président, d'insensible. Merci.
Le Vice-Président (M. Bélanger): Je vous remercie, Mme la députée de Chapleau. Alors, est-ce qu'il y a d'autres interventions sur la prise en considération de ce rapport? Alors, je vais céder la parole à M. le député de Nelligan, tout en vous rappelant, M. le député, que vous avez un droit de parole de 10 minutes. À vous la parole, M. le député.
M. Russell Williams
M. Williams: Merci beaucoup, M. le Président. Je suis heureux de faire une intervention sur la prise en considération du rapport de la commission des affaires sociales, qui a étudié le projet de loi 70, la loi portant sur certaines mesures relatives aux services de garde à l'enfance.
M. le Président, avant de commencer sur ça, je voudrais très sincèrement féliciter le député de Jacques-Cartier, le porte-parole sur les questions familiales, pour son travail dans ce dossier. Je voudrais féliciter aussi mes autres collègues qui ont étudié ce projet de loi. Je pense qu'il a amélioré le débat sur cette question très complexe. Les personnes qui m'appellent à mon bureau de comté ont voulu que je le félicite. Elles ont trouvé que l'opposition a bel et bien représenté le bien et les intérêts de la famille. Elles n'ont pas dit la même chose sur le côté gouvernemental.
Le vrai titre de ce projet de loi, M. le Président, c'est: loi de moratoire sur les services de garde. Pendant toutes nos discussions à la commission, la ministre était tellement pressée de faire un moratoire in English, we say: She was in a hurry to go nowhere. Je demande: Si nous avions utilisé le temps, pas pour passer une loi qui n'était pas nécessaire, mais pour travailler ensemble, améliorer notre système de services de garde, peut-être que nous aurions eu une situation beaucoup plus positive que nous avons aujourd'hui. Nous étions opposés et nous allons continuer de nous opposer à ce projet de loi, M. le Président, parce qu'on veut s'assurer que les parents, les familles aient accès à des programmes de services de garde le plus tôt possible. Le Parti libéral a toujours encouragé les programmes de services de garde. Nous avons, entre 1987 et 1994, doublé le nombre de places disponibles, passant de 64 000 à 114 000 places.
Pendant les élections que nous avons eues l'année passée, le Parti québécois a promis un niveau de 8 000 nouvelles places chaque année nous en avons promis 6 000 mais, six mois après la prise du pouvoir, la ministre responsable de la Famille dépose un projet de loi qui est totalement en contradiction avec cet engagement, et c'est totalement en contradiction avec ce que nous avons fait pendant des années. C'est un projet de loi qui est effectivement un moratoire sur l'émission des permis aux services de garde en garderie et aux agences de services de garde en milieu familial.
Depuis le 29 mars 1995, toutes les demandes de permis sont refusées par l'Office des services de garde. M. le Président, ça prend du temps, plus ou moins deux ans, pour mettre un service de garde en place. Pourquoi un moratoire? Pourquoi un moratoire et perdre le temps d'avancer les projets dont nous avons besoin? Il n'y a pas un moratoire sur les naissances. Tout le monde l'a admis: nous avons besoin de places en services de garde. Tout le monde le dit, je pense qu'il y a unanimité sur ça. Mais pourquoi retarder l'avancement de ces programmes par un moratoire d'un an?
(16 h 10)
Je voudrais juste citer, M. le Président, chez moi, les problèmes que nous avons. Il y a une lacune de 1 326 places, 1 326. Nous avons besoin de ça aujourd'hui. Ce chiffre-là est pour aujourd'hui. Je ne tiens pas compte du niveau d'accroissement de la population de l'ouest de l'île de Montréal, qui est très haut je pense que la ministre est bien au courant de ce qui se passe dans l'ouest de l'île de Montréal il y a un niveau d'accroissement incroyable à Pierrefonds, à Kirkland, à l'Île-Bizard, à Sainte-Geneviève, Senneville, Sainte-Anne, Baie-d'Urfé. Nous avons besoin de ces places. Il y a une lacune, comme je l'ai déjà mentionné, de 1 326 places. Qu'est-ce que nous allons dire aux parents quand ils cherchent des places en services de garde? Il y a aussi une lacune de 500 places aux agences. Nous avons besoin de bouger tout de suite. Nous n'avons pas besoin d'un moratoire. Qu'est-ce que nous allons dire aux familles qui ont besoin de ce type de services?
La ministre a dit qu'elle a un groupe de travail. Mais ce n'est pas tout le monde qui a été représenté à ce groupe de travail. Les services de garde à but lucratif n'étaient pas là. Mais, au moins, ils ont eu une chance de se présenter pendant les audiences publiques. Ils ont mentionné qu'ils donnaient une très haute qualité de services, qui sont beaucoup moins chers que dans les garderies à but non lucratif. Ils ont aussi mentionné qu'il y a 3 500 emplois qui offrent 20 000 places en garderie. Mais une chose qu'ils ont discutée qui m'a touché beaucoup, ils ont parlé des choix des parents, les choix des parents qui peuvent choisir leur garderie. Moi, je pense que c'est essentiel. Je peux nommer plusieurs garderies à but lucratif dans mon comté, mais ça va être trop long. Je mentionne juste un exemple: Les Trésors de Marie-Claire, à Kirkland, qui donne une excellente qualité de services.
Pourquoi empêcher le développement de ce type de garderies, M. le Président? Pendant l'étude de ce projet de loi, nous avons essayé de faire beaucoup d'amendements. Nous avons essayé d'exclure les agences, comme le député de Jacques-Cartier a déjà mentionné. Nous avons décidé de couper le moratoire de moitié, d'assurer que, au moins, les parents puissent avoir espoir dans six mois. Nous avons essayé de donner une marge de manoeuvre à la ministre pour les régions où il y a un grand besoin. Tous ces amendements ont été rejetés, trouvés non recevables.
Aussi... Et j'ai écouté les réponses de la ministre après les interventions du député de Jacques-Cartier. Je n'ai pas compris encore pourquoi elle a mis deux fois... elle a éliminé le droit d'appel. Elle a éliminé un droit d'appel, et je pense que c'est inacceptable. Je vais lire le libellé ce soir, encore, et essayer de comprendre, une autre fois, la ministre. Je vais lire ça ce soir. La ministre... Parce qu'il y a toujours... Je pense que c'est un concept fondamental, d'avoir un droit d'appel. Peut-être que la ministre ne comprend pas cette importance. Et je vois une tendance, dans ce gouvernement, d'enlever un droit d'appel. Je vois ça dans le projet de loi 83 aussi, la loi qui veut fermer les hôpitaux. Nous devons être prudents quand nous sommes en train de passer les lois, et nous sommes en train d'enlever les droits d'appel. Avec ça, j'espère que la ministre va essayer de me convaincre une autre fois avec son droit de réplique, mais je pense que ça va être assez difficile.
M. le Président, Mr. Speaker, all we have heard from this government, since September 12, is: moratorium. Before September 12, it was 8 000 places in day- care. They were going to do everything better, and bigger, and faster. But, since September 12, what we have heard is: a moratorium. Stop the development of day-care. What we have heard is a removal of the right to appeal for people trying to get permits. We have seen a law that encourages an underground system of day- care, and, finally, probably one of the most worrisome things we have seen is various ministers of this government clearly saying that they do not want day-care in their backyard. A NIMBY phenomena like that, I think, has to be completely and totally challenged. You put that behaviour of this government along with this bill, I think it is obvious that anybody who cares about day- care will actively campaign against this law, and, as this opposition will do, we will vote against this law because it does not help the development of day-care in the Province of Québec. Merci beaucoup, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Bélanger): Alors, je vous remercie, M. le député de Nelligan. Est-ce qu'il y a d'autres intervenants sur la prise en considération de ce rapport? Alors, M. le député de WestmountSaint-Louis, à vous la parole. M. le député, je vous rappelle que vous avez un droit de parole de 10 minutes. À vous la parole.
M. Jacques Chagnon
M. Chagnon: Dix minutes. J'allais vous poser la question si vous m'en laissiez 20 ou 30, mais c'est 10. Dix. Neuf?
M. le Président, il me fait plaisir cet après-midi de prendre la parole sur l'étape de la prise en considération du rapport de la commission des affaires sociales concernant le projet de loi 70, projet de loi qui, à première vue, est un projet de loi qui, en principe, ne devrait pas être très important. Un projet de loi de deux articles, M. le Président. Il tient dans une page. Pour ceux qui nous écoutent: une page, deux articles.
À la lecture de ce projet de loi, j'ai été un peu surpris de constater le contenu du projet de loi. J'ai été aussi surpris de constater que sa marraine, à ce projet de loi, était la ministre responsable de la Famille, Mme Marois, la députée de Taillon. J'ai été surpris de voir que c'était la députée de Taillon qui pilotait ce projet de loi, après l'avoir lu. J'aurais pu penser que le député de Prévost, le ministre de l'Industrie et du Commerce, aurait pu présenter le projet de loi, mais, non, ça a été la députée de Taillon. Je suis surpris parce que je connais la députée de Taillon depuis plusieurs années, on siège ensemble, et je sais qu'elle a un grand coeur, la députée de Taillon. Elle a dû se fendre le coeur pour faire en sorte j'imagine, une commande de son gouvernement de proposer à l'Assemblée nationale d'adopter un projet de loi qui va créer un moratoire sur l'implantation et l'ouverture des garderies pour les deux prochaines années.
M. le Président, c'est assez particulier de voir ce gouvernement, qui s'était targué très longtemps d'être un gouvernement à caractère social-démocrate, faire en sorte de créer, de donner aux gens des garderies non seulement un espoir de création de nouvelles places en garderie, mais de stopper cet espoir-là, de tuer cet espoir-là et de faire en sorte de dire aux gens: Bien, si vous avez un besoin en garderies, vous viendrez nous revoir dans deux ans.
Les gens vont se souvenir que le gouvernement précédent avait d'abord déposé, en 1989, une politique de services de garde à l'enfance. Le gouvernement libéral à l'époque s'était engagé à créer 60 000 nouvelles places en services de garde afin d'obtenir un objectif de 130 000 places en services de garde au Québec. Et, depuis ce temps souvenez-vous, en 1989, vous êtes arrivé cette année-là, M. le Président on a créé, en moyenne, 6 000 places par année donnant droit à une exonération, à l'aide financière et aux subventions. Six mille places par année depuis 1989. Et l'objectif s'est poursuivi annuellement. Mme Violette Trépanier, qui était responsable de ce dossier, avait annoncé l'an dernier que, pour 1994-1995, 1995-1996, il y aurait encore 6 000 places de garderies qui se créeraient annuellement.
D'ailleurs, entre 1989 et 1994, pour vous faire saisir l'importance qu'avait le précédent gouvernement, avait perçu comme importance et avait saisi comme importance, en termes de financement, l'ensemble des services de garde au Québec, le financement est passé de 96 000 000 $ qu'il était en 1989 à 207 000 000 $ en 1994. Mais, là, tous conviendront ici qu'il n'y a pas eu de gaspillage ou quoi que ce soit dans ce dossier-là. Non, il y a eu un nombre de places qui s'est accru. Et, s'il s'est accru, M. le Président, en termes de nombre de places, c'est parce qu'il y a une demande. Il y a une demande intéressante, une demande importante. Le ministre de l'Éducation le sait. Il pourra regarder, dans les statistiques du ministère de l'Éducation, le nombre de places de garderies en milieu scolaire, par exemple, qui ont été créées depuis, je dirais, une dizaine, une douzaine et même une quinzaine d'années. À peu près à chaque fois que se construit une nouvelle école primaire, évidemment, c'est rendu un automatisme, on prévoit la création d'une garderie en milieu scolaire.
(16 h 20)
Or, je vous rappelle, M. le Président, qu'entre 1989 et 1994, l'aide au financement des garderies, des services de garde, est passée de 96 000 000 $ à 207 000 000 $. Que nous promettait l'opposition à ce moment-là? Je me rappelle fort bien avoir entendu, ici, dans cette Chambre, de l'autre côté, Mme la députée de Dorion, Violette Trépanier, lorsqu'elle a fait une déclaration ministérielle pour annoncer qu'il y aurait encore 6 000 places en 1994-1995, 1995-1996. Nos amis d'en face, qui sont devenus nos amis toujours d'en face, mais de l'autre côté de la Chambre, M. le Président, ont déchiré leur chemise. Ils ont carrément déchiré leur chemise. Ils ont dit: Ce n'est pas 6 000 places que ça prend, c'est 8 000 places.
Ils en ont fait un thème pendant la campagne électorale. Pendant la campagne électorale, ils ont dit: Le gouvernement a dit qu'il créerait 6 000 places. Nous, on va en mettre 8 000. L'autre façon de gouverner, M. le Président, est à ce point décevante qu'au premier moment qu'on aurait pu légiférer en cette Chambre, ou même ne pas légiférer, mais faire une déclaration ministérielle pour annoncer qu'on augmentait le nombre de places de 6 000 à 8 000, on nous amène le projet de loi 70, qui va créer un moratoire pour deux ans. Deux ans, pas de place dans les garderies. Six mois après avoir pris le pouvoir.
L'autre façon de gouverner a une tendance rapide à éliminer ses promesses électorales de façon, non seulement urgente, mais absolument, je dirais, un peu sans coeur, parce que les gens ont besoin de places en garderie. On n'aurait pas créé 6 000 places en garderie par année pour le plaisir de le faire. Ces places-là étaient remplies. Donc, on impose un moratoire d'un an sur l'émission des permis aux services de garde des garderies, aux agences de services de garde en milieu familial, et cela, nous, on trouve qu'on dépasse les bornes. Les agences de services de garde en milieu familial ont représenté, dans les régions du Québec, en dehors des grands centres, en dehors de Montréal et de Québec, un des moyens les plus efficaces pour permettre l'organisation, en concertation avec le milieu, de différents niveaux de garderies localement.
Le projet que la ministre nous soumet aujourd'hui risque, dans le fond, de ne faire en sorte que de créer, parce que la pression existe, parce qu'il y a une demande de besoins en garderies, une situation qui a été déplorée pendant plusieurs années par tous les intervenants dans les milieux de services de garde, c'est-à-dire qu'on va créer un service de garde au noir. Des parents ou des gens vont se mettre à garder des enfants au noir, qui n'auront pas les mêmes services que ces derniers retrouvent dans une garderie organisée, structurée, selon les normes de l'office de garde, d'ailleurs.
M. le Président, on remarque aussi que ce projet de loi n'offre rien aux garderies à but lucratif. Il y a deux sortes de garderies: les garderies à but non lucratif, qui font un excellent travail, mais il y a aussi les garderies à but lucratif, qui, rappelons-le, emploient 3 500 personnes, au moment où on se parle, et gardent 20 000 enfants au Québec. Ce projet de loi fait en sorte d'éviter, je dirais, de respecter le choix des parents qui veulent envoyer leurs enfants dans une garderie privée. Les garderies privées, ce n'est pas bon; le gouvernement n'en veut pas. Il est contre ça. Je ne sais pas pourquoi, parce qu'une garderie privée, M. le Président, ça coûte exactement 50 % moins cher à l'État qu'une garderie publique. Je ne saisis pas la raison profonde qui fait que le gouvernement décide qu'il gèle la possibilité de pouvoir créer des garderies privées.
Je rappelle qu'on a demandé à la ministre, en commission parlementaire on m'indiquait ça d'exclure les agences de services de garde en milieu familial du moratoire, et le gouvernement, des membres du Parti québécois, ont voté contre. Encore une fois, on ne peut pas penser que ce projet de loi pourrait faire en sorte de créer ce moratoire-là pour deux ans, ne serait-ce que comme nous l'avons appris d'un collègue de Mme la ministre, le ministre responsable de l'Industrie et du Commerce, qui ne semble pas vouloir avoir de garderie sur sa rue ou ne semble pas avoir cette compassion pour cette institution sociale qu'est la garderie... Qu'il ait voté contre, qu'il vote contre, je pourrais le comprendre, ça serait logique. Mais, encore une fois, que les membres du gouvernement, que Mme la ministre, ministre responsable de la Famille, dépose un projet de loi pour geler pendant deux ans, créer un moratoire pendant deux ans sur cette question-là, ça m'apparaît très difficile à prendre pour l'ensemble des familles québécoises. Et c'est pour cela, M. le Président, que nous voterons contre ce projet de loi qui fait régresser la situation des garderies en milieu familial pour l'ensemble des familles du Québec. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Bélanger): Alors, je vous remercie M. le député de WestmountSaint-Louis. Mme la ministre responsable de la Famille.
Mme Pauline Marois
Mme Marois: Oui, M. le Président. Évidemment, très brièvement, d'abord, il ne s'agirait pas de laisser entendre qu'il y a un moratoire qui va durer pendant deux ans, je pense que ce serait complètement tromper les membres de cette Assemblée, M. le Président, puisque ce que nous faisons est très clairement dit: c'est sur un an. Et, dès que l'année se termine, les permis qui seront prêts seront reçus et leur acceptation pourra même être accélérée, s'il y a lieu, M. le Président.
En fait, ce que je voulais surtout signifier aux membres de cette Assemblée, c'est que nous avons eu des appuis très significatifs en ce qui a trait au moratoire que nous annonçons, entre autres venant de l'Association canadienne pour la promotion des services de garde à l'enfance. Vous allez me permettre de citer une partie de ce texte, et ce sera tout simplement ma réplique, M. le Président. Parce que, s'il y a quelqu'un, ici, qui est sensible aux besoins des familles et des enfants, c'est bien celle qui vous parle.
Le texte publié, donc, par l'Association canadienne pour la promotion des services de garde à l'enfance dit ceci, et c'était en date du 6 avril 1995: La décision du gouvernement du Québec d'imposer un moratoire est raisonnable et bienvenue. Ce moratoire donnera l'occasion aux intéressés éducateurs, éducatrices, parents, services de garde, groupes de femmes, organismes sociaux et communautaires, entreprises de poser les questions qui s'imposent à l'égard du développement du réseau des services de garde au Québec. Il faut en convenir, le Québec se confronte à des choix sérieux en matière de garde à l'enfance, des choix qui auront des conséquences à long terme pour les générations qui grandissent. Si on veut reconnaître aux services de garde à l'enfance leur dimension sociale, éducative et préventive, il faut alors les considérer comme un service public et non comme un simple produit de consommation. Il faut que leur développement se fasse et c'est pour cela, M. le Président, que nous procédons à l'adoption de la loi aujourd'hui de façon cohérente, concertée et contrôlée, et il faut que l'intérêt et le mieux-être des enfants soient servis en premier lieu. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Bélanger): Je vous remercie, Mme la ministre. M. le député de Westmount Saint-Louis, pour une question de règlement.
M. Chagnon: Oui, M. le Président. En vertu de l'article 213, est-ce que je pourrais poser une question à la ministre, s'il vous plaît?
Le Vice-Président (M. Bélanger): Alors, Mme la ministre, vous savez qu'en vertu de l'article 213 un député peut vous poser une question sur votre intervention. Est-ce que vous acceptez qu'on vous pose une question? Alors, M. le député de WestmountSaint-Louis.
M. Chagnon: Oui. M. le Président. La ministre semblait laisser entendre que j'aurais peut-être exagéré en parlant de deux années de moratoire. Est-ce qu'on pourrait s'entendre si on parlait de deux années financières? Le moratoire auquel elle nous amène dans son projet de loi, dont elle nous parle, qu'elle nous apporte dans son projet de loi, est un moratoire qui va porter essentiellement, mais quand même, sur deux années financières du gouvernement, n'est-ce pas?
Le Vice-Président (M. Bélanger): Mme la ministre.
Mme Marois: Alors, M. le Président, bon an mal an, il se développe, en services de garde chaque année, en garderie, si on veut, par exemple, 3 000 places. Nous avons, en retard dans ce développement... Lorsque nous sommes arrivés, là, au pouvoir, ces places étaient prévues non allouées. Nous les avons donc gelées, de telle sorte qu'on puisse avoir les sous, effectivement, pour assumer les responsabilités à l'égard des services existants et nous n'avons pas alloué les places qui devaient être allouées pour les années à venir. Cependant, c'est à cause d'une obligation que nous faisaient la loi et le décret à cet égard et ça ne devrait pas présumer du fait que nous allouerons de nouvelles places pour les années 1996-1997, M. le Président.
(16 h 30)
Le Vice-Président (M. Bélanger): Je vous remercie, Mme la ministre. Alors, est-ce qu'il y a d'autres interventions sur la prise en considération de ce rapport? M. le député de Verdun. Alors, je vais vous céder la parole, M. le député, tout en vous rappelant que vous avez un droit de parole maximal de 10 minutes.
M. Henri-François Gautrin
M. Gautrin: Merci, M. le Président. Oui, oui, vous allez avoir le plaisir de m'entendre sur cette question extrêmement importante, qui est le moratoire qu'on veut imposer actuellement sur le développement des places en garderie. M. le Président, vous savez, parce que vous êtes un jeune père de famille, vous savez non, pas encore? vous allez être bientôt un jeune père de famille que le besoin des garderies est un besoin criant. Si je me permets de rappeler toute la dynamique, il est clair que, personnellement, pendant toute la période où j'ai siégé comme vice-président à l'Office des services de garde à l'enfance j'avais des réticences sur la distinction qu'on faisait, à l'intérieur de la Loi sur les services de garde à l'enfance, entre les garderies sans but lucratif et les garderies à but lucratif. Et le problème qui est devant nous est lié à un jugement qui a eu pour effet d'obliger le développement des garderies à but lucratif, indépendamment de la planification établie par l'Office des services de garde à l'enfance.
Il faut bien être conscient que, un, le besoin existe, deux, l'argumentation de la ministre je comprends qu'elle ne conteste pas l'existence du besoin c'est de dire: Comme les fonds sont nécessairement limités, on va allouer des permis simplement pour les garderies qui sont susceptibles de rentrer à l'intérieur du plan de développement. Implicitement, ce qu'essaie de faire ce projet de loi, c'est de contrer un jugement qui a permis le développement un peu, et je comprends l'opinion de la ministre et je comprends tout à fait la stratégie, anarchique des garderies à but dit lucratif et a impliqué une pression sur le trésor public parce que toute garderie existante a droit à une certaine subvention de la part de l'Office des services de garde à l'enfance, et les parents qui mettent leurs enfants même dans les garderies à but lucratif ont droit à l'exemption fiscale pour frais de garde.
M. le Président, on est probablement d'accord, de part et d'autre, pour dire que le besoin existe. Le besoin existe. L'approche du gouvernement, par ce projet de loi 70, c'est de dire: Oui, le besoin existe, mais nous allons en limiter l'extension. Nous allons contraindre et ne pas permettre d'avoir des garderies. Nous ne permettons simplement le développement des garderies qui sont à l'intérieur du plan de développement stratégique établi par l'Office des services de garde à l'enfance.
Implicitement, qu'est-ce que ça crée? Comprenez-moi bien. Il existe un besoin. On n'a qu'une manière limitée de pouvoir répondre à ce besoin, et on dit: Bien, on empêche l'émission de permis, c'est-à-dire, on fait un moratoire sur l'émission de permis pour éviter une pression sur le trésor public. Alors, comprenons-nous bien quel est l'effet pervers de la loi 70? Il y a un effet pervers dans la loi 70. Parce que le besoin existe, parce qu'il y a des gens qui ont besoin de services de garde, il va se développer d'une manière parallèle, au noir, des garderies qui n'auront pas la protection de la réglementation de l'Office des services de garde à l'enfance.
Bien comprendre, parce que c'est un monde complexe et beaucoup de gens ne le comprennent pas, comment fonctionne l'Office des services de garde à l'enfance. L'Office des services de garde à l'enfance a trois fonctions: Une fonction réglementaire, c'est-à-dire l'Office des services de garde établit des règlements de sécurité, et dit: Une garderie, pour être sécuritaire pour les jeunes enfants, doit satisfaire à telle ou telle contrainte, tel ou tel règlement. L'Office des services de garde à l'enfance a une fonction judiciaire, c'est un tribunal parajudiciaire et, dans ce cadre-là, il surveille l'application de ces règlements. Et, en dernier lieu, M. le Président, l'Office des services de garde à l'enfance est aussi un organisme subventionnaire, c'est-à-dire, il subventionne un certain nombre de garderies. L'approche qui est devant nous par le projet de loi 70, c'est de dire quoi? C'est de dire: Parce que je n'ai pas assez de fonds, je vais limiter l'émission de permis. Au lieu de limiter strictement les subventions, on va dire: limiter l'émission de permis. Ça veut dire que vont se développer des garderies dites au noir, clandestines, parce qu'il y a un besoin économique pour les garderies, sans que ces garderies soient soumises, parce qu'elles seront évidemment, entre guillemets, hors la loi, sans que ces garderies soient soumises à la réglementation de l'Office des services de garde à l'enfance. Alors, j'essaie bien de me faire comprendre ici. Le projet de loi 70, pour des fins budgétaires, veut limiter les émissions de permis, mais la limite de l'émission de permis va avoir pour effet pervers le développement de garderies au noir, garderies dans lesquelles les enfants, qui seront dans ces garderies, n'auront pas, à ce moment-là, la protection de la réglementation émise par l'Office des services de garde à l'enfance. C'est ça essentiellement le débat.
D'un autre côté, du moins de ce que j'ai toujours défendu dans les garderies, j'ai dit: Laissons jouer les lois du marché, c'est-à-dire, laissons jouer les lois du marché dans la mesure, permettons le développement des garderies même à but lucratif, décidons une politique de subvention qui soit une politique de subvention faite par le gouvernement, mais ne limitons pas le développement des garderies dans la mesure où elles satisferont à la réglementation. Parce que le projet de loi 70 va limiter le développement du nombre de garderies même si elles satisfont à la réglementation. Et l'objet de la position qu'on avait défendue, du moins que j'ai il faut bien dire la vérité que j'ai défendue, parce que ça n'avait pas été toujours partagé par les personnes de ma formation politique qui avaient été responsables de ce dossier, le cas échéant... Mais la position que j'avais toujours défendue je peux être parfaitement cohérent avec ma position avait été de dire: Il faudrait laisser dans le domaine des garderies jouer les libres fonctions, les libres forces du marché, s'assurer que le rôle de l'Office soit d'abord et avant tout une fonction réglementaire et faire en sorte que chaque garderie puisse être parfaitement contrôlée et soumise au contrôle de l'Office des services de garde à l'enfance, et ne soumettons pas la politique de subvention à la politique réglementaire.
Et le grand défaut de l'approche, je dirais, gouvernementale, en étant conscient que l'approche gouvernementale a été partagée par les deux côtés de la Chambre, le grand défaut de l'approche gouvernementale, c'est de confondre, dans la même approche, et la politique subventionnaire et la politique réglementaire. Et, ipso facto, c'est bien évident, M. le Président, si on confond les deux, on est amenés logiquement à un projet de loi comme le projet de loi 70 en disant: Parce qu'on n'a pas assez de fonds, automatiquement, parce qu'on n'a pas assez de fonds, on doit limiter l'émission des permis, alors que la logique devrait être le contraire: assurons-nous que les garderies qui se créent satisferont à la réglementation et, en fonction des fonds disponibles, subventionnons les garderies que nous créons. C'est une approche totalement et radicalement différente, mais le choix qui a été fait et, je le répète, en toute honnêteté par les deux côtés de la Chambre, par les gens qui étaient responsables, mène automatiquement au projet de loi 70, c'est-à-dire, c'est un boulot qui a mené automatiquement à ce type de projet de loi. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M. le député de Verdun. Est-ce qu'il y a d'autres interventions sur ce projet de loi? Alors, je vais céder la parole à M. le député de Brome-Missisquoi et leader de l'opposition officielle. À vous la parole, M. le leader.
(16 h 40)
M. Pierre Paradis
M. Paradis: Oui, M. le Président. Vous comprendrez, M. le Président, que l'importance de ce projet de loi pour la population qui nous a élus chacun dans nos comtés mérite une intervention de tous les députés de cette Chambre qui sont encore présents, parce qu'il y en a qui nous ont quittés en ce vendredi après-midi, présents à Québec, pour intervenir pour défendre les intérêts des parents dans leur comté de même que des enfants. Moi, je suis un peu surpris que Mme la députée de Taillon, ministre responsable de ce dossier, ait présenté ce projet de loi. Moi, j'avais connu Mme la députée de Taillon plus intimement, si vous me passez l'expression, M. le Président, comme critique en matière d'environnement. Je l'ai connue comme quelqu'un qui se devait de composer en même temps avec une carrière politique encore prometteuse et des obligations familiales contraignantes, mais des obligations familiales agréables à assumer. D'ailleurs, nous tentions, à l'époque, d'agencer nos travaux de façon à permettre à tout le monde de pouvoir donner le meilleur de lui-même dans les meilleures circonstances.
M. le Président, quelle ne fut pas ma surprise et j'imagine que, dans ce projet de loi, elle se veut un petit peu l'exécutrice des basses oeuvres du ministre des Finances quelle ne fut pas ma surprise de constater que quelqu'un que je considérais avoir une conscience pour ce type de projets pose comme premier geste, comme ministre responsable, comme premier geste législatif, le geste de décréter un moratoire sur la création des garderies! M. le Président, le monde n'a pas commencé avec Mme la ministre et le monde ne se terminera pas avec Mme la ministre. Nous sommes de passage ici, à l'Assemblée nationale, nous sommes des fiduciaires de ce que nos électeurs ont voulu nous confier. J'ai tenté de retrouver dans le budget du ministre des Finances un petit peu de ce que je retrouvais, M. le Président, dans chacun des budgets du ministre des Finances, Gérard D. Levesque. Je vois le député de Bonaventure qui est parmi nous, je suis certain qu'il va se souvenir de chacun des budgets de Gérard D. Levesque comme ministre des Finances. Pas des budgets parfaits, M. le Président, ça n'existe pas, mais, sur le plan de la famille, du support à la famille, sur le plan du support aux enfants du Québec, jamais un ministre des Finances n'a proposé autant de mesures concrètes, jamais un ministre des Finances n'a proposé autant de mesures positives, jamais un ministre des Finances n'aura consacré une proportion aussi importante des dépenses dans le budget que l'ancien député de Bonaventure, que l'ancien ministre des Finances. Pour cet homme, l'avenir du peuple québécois reposait sur l'avenir des familles québécoises. Et, si le gouvernement d'en face n'a pas encore compris l'importance de la famille québécoise dans notre société, il a manqué le bateau, M. le Président. Quand l'actuel ministre des Finances a rompu complètement avec la tradition établie par Gérard D. Levesque de consacrer un passage important du budget, de consacrer une augmentation importante des dépenses gouvernementales à la famille, il a rompu avec ce qu'il y a de plus important.
Mais, que le gouvernement s'abstienne, que le gouvernement arrête d'aider, ça peut se comprendre quand un gouvernement prétend n'avoir plus les moyens. Et, même là, M. le Président, il faut regarder à quoi il dépense. Pourquoi n'avons-nous plus les moyens, nous dit le député de Sainte-MarieSaint-Jacques? M. le Président, on n'a plus les moyens: on dépense 400 000 000 $ de plus cette année que l'an passé. On n'a plus les moyens de garder les hôpitaux, on n'a plus les moyens de créer des places en garderie, mais on a les moyens de payer des études au ministre de la Restructuration, on a les moyens de dépenser dans le dossier constitutionnel, on a les moyens de payer 1 000 000 $ pour un stationnement au jardin zoologique de Hemmingford qu'on visite en auto, soit dit en passant, je ne comprends pas le rapport on a les moyens de dépenses inutiles, on a les moyens de faire voyager les ministres péquistes, on a les moyens de se payer toutes ces choses-là, M. le Président, mais on n'a pas les moyens, on n'a plus les moyens pour la santé puis on n'a plus les moyens pour les garderies au Québec, M. le Président. Et, quand un gouvernement avoue qu'il n'a plus ces moyens, c'est qu'il n'a plus les moyens d'avoir le sens des priorités, M. le Président. Et, quand un gouvernement n'a plus les moyens d'avoir le sens des priorités, il coupe dans ce qu'il y a de plus important pour la population.
Moi, M. le Président, je représente, comme plusieurs d'entre vous qui demeurez à Québec le vendredi, un comté en région, un comté rural, et de me faire dire par Mme la ministre qu'on a suffisamment de places, là, et que ça va bien puis qu'on met un moratoire là-dessus, puis qu'on me demande de voter pour un tel projet de loi, je me dis: Il y a des gens qui se sont éloignés des régions du Québec. Il y a des gens, de l'autre côté, qui ne comprennent pas les problèmes que doivent vivre les jeunes familles au Québec et que, si les générations qui ont passé avant ont pu en profiter, et que, si on a des besoins aujourd'hui, ce n'est pas le temps de décréter des moratoires dans ce qu'il y a de plus important pour pouvoir consacrer l'argent à nos options constitutionnelles et à nos dépenses inutiles comme gouvernement. Puis ça me surprend d'autant plus, de la députée de Taillon, qu'elle est présidente du Conseil du trésor et qu'elle les voit passer, ces dépenses inutiles. Et je la connais suffisamment pour savoir, M. le Président, que ça doit lui faire mal au coeur d'approuver des dépenses inutiles, des dépenses de décoration de bureaux de délégués régionaux quand elle est obligée, M. le Président, d'imposer un moratoire sur les garderies.
Ce gouvernement, qui a à peine neuf mois d'existence, a perdu tout contact avec la réalité, M. le Président. Ce n'est pas un député libéral qui vous le dit. Vous avez déjà des manifestations du jamais vu de la coupure de ce gouvernement d'avec la population, et c'est même allé plus loin, M. le Président, de la coupure de ce gouvernement avec les députés, avec les membres de l'Assemblée nationale, pas les membres libéraux, c'était prévisible, avec les membres péquistes. On a déjà, après neuf mois de gouvernement péquiste, deux députés de l'autre côté qui ne peuvent pas accepter ce manque de sens de priorités. Des députés qui ont dénoncé, pour un, le manque d'honnêteté du budget, qui a décidé d'en parler publiquement. Vous savez c'est quoi, de quelle façon on l'a puni, M. le Président? Surveillez-vous, les autres, là. Si jamais vous commettez une telle infraction, vous allez être obligés d'aller au caucus du Parti québécois. Ça doit être plate, ça doit être difficile, quand on vous donne ça comme punition, là, vous êtes obligés d'aller au caucus du Parti québécois. Après neuf mois, quand ce n'est plus agréable d'aller à un caucus, c'est parce que le gouvernement, le premier ministre et ses ministres ont perdu le contact avec la réalité du terrain.
Aujourd'hui, il y a un autre député du jamais vu, M. le Président il s'est levé en cette Chambre et a traité un ministre de menteur. Vous avez dû, ou la personne qui occupait le fauteuil à ce moment-là, le rappeler à l'ordre à trois reprises. Cette personne a posé un geste à ce point réfléchi que non seulement elle a répété l'accusation qu'elle a portée à l'endroit du ministre, mais elle l'a surenchérie à chaque occasion. Et c'était difficile à voir pour les autres membres du Parti québécois, pour les autres députés qui, servilement, n'ont pas encore commencé à se poser des questions de conscience.
Et, tantôt, lorsqu'on vous demandera de vous lever, ceux à qui il reste encore un petit peu de conscience, dans le salon de bronzage, là-bas, là, et qu'on vous dira: On veut que vous votiez pour qu'il n'y ait plus de places d'ouvertes en garderie, parce qu'on n'en a plus les moyens, qu'on vous dira, je vous demande de scruter les dépenses de chacun des ministères. Allez dans les commissions parlementaires des comptes publics. Regardez ce qui se dépense et, lorsqu'on en arrivera à donner raison à Mme la présidente du Conseil du trésor, qu'il n'y a plus d'argent pour les enfants du Québec, c'est parce qu'on aura vraiment effectué des coupures, pas une augmentation de budget comme on vient de voir cette année, là, pas une augmentation de budget de 400 000 000 $.
Le Vice-Président (M. Brouillet): S'il vous plaît! Simplement... Pour une question de règlement? Très bien, alors, je vous donne la parole.
Mme Vermette: ...et je le rappelle au règlement, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, il vous reste encore quelques secondes pour terminer sur la pertinence... Très bien. Alors, je vous laisse la parole, M. le leader.
M. Paradis: Oui, je reconnais bien là, M. le Président, la tactique d'un gouvernement en position de faiblesse. Vous intervenez, vous tentez de bâillonner, vous tentez de bâillonner l'opposition parce que ça fait mal. Ça fait mal, mais ça ne fait pas aussi mal aux députés en cette Chambre que ça va faire mal aux parents et aux enfants du Québec, ce qu'on nous propose d'adopter présentement.
Moi, je vois des gens qui s'amusent à rire du fait qu'un gouvernement va décréter un moratoire sur les places en garderie. Ceux qui trouvent ça drôle vont trouver ça moins drôle quand ils vont se présenter dans leur comté, M. le Président. Merci.
(16 h 50)
Le Vice-Président (M. Brouillet): Très bien. Alors, je vous remercie, M. le leader de l'opposition. Alors, est-ce qu'il y a d'autres interventions? Alors je vais mettre... M. le député de D'Arcy-McGee, vous avez la parole.
M. Lawrence S. Bergman
M. Bergman: Thank you, Mr. Speaker. Today's debate is probably one of the most important debates that we are going to have here in this National Assembly in this session. We are now talking about the basis of our society, the family unit. A society is built upon individual family units. Outside of the family, there are many, many institutions but, within our society, the basis is the family. A family itself has of course a homelife, must leave the home for the economic life and for a community life. For a society to develop as a society we must have healthy family units, and the family units at the home, in the economy and in community, from statistics, will only show development and progress when there is happiness on a mental, moral, physical and economic development.
How are children raised in today's society? There is the single-parent units, there is of course the husband and wife units. We sometimes see on the family unit the wife staying at home and bringing up the children. We also sometimes see if both, husband and wife, are working, that help is at the home to bring up the children. And, of course, the third choice is the day-care centers. Without a day-care center, that third choice does not exist and that is what we are talking about today the need of our society for day-care centers. In the difficult economy that we are facing in the nineties, more and more couples, the husband and wife are out working, not for the luxuries of life but for the basic, fundamental benefits of bringing up a family.
I often try to analyse how the children are to be looked after in today's society. Of course, as I said, you have the wife or the husband staying home to bring up the children, you have help coming to the home, you have the day-care centers and the last choice is what we sometimes see in our society, home alone, the children being brought up by themselves in their own way. What it is now of what I call home alone? Home alone will start occurring by force in our society if we do not open up day-care centers and make places in day-cares. There is no choice. The husband and wife have to earn the basic fundamental dollars for housing, for clothing, for food. Both, husband and wife, will have to go out and work. If they are going out to work, where will the children be? I just want to analyze with you home alone, because it is very meaningful to me and I am privileged to be able to speak today and I thank you for a place to speak today.
A few weeks ago, I asked a local chaplain to take me to some prisons in the Montréal area, so that I could visit prisoners from my riding or neighbouring ridings of D'Arcy-McGee. And I went there, Mr. Speaker, to sit and talk to the inmates. And I visited two prisons on the «tournée» that I will make through out the summer of the various prisons in the Montréal area. When I walked into the two prisons that I visited, in each one, I talked to about 12 inmates. They asked me: Why are you here? What is your reason for being here? They thought that perhaps I come with a particular reason for being there, a particular profit for myself or that I brought with press for particular publicity for myself, and I tried to explain them that I only came there because I wanted to show an interest, that an elected representative would have an interest in them, what their desires were, what their problems were in prison, and the fact that, when they left prison, there was a life for them after, that society was there to welcome them back.
I have not got off to this just to talk. I want to explain my point, what I am afraid about, because what I heard from these people, and I met a lot of gentlemen who were relatively young and, rather than being good parts of our community, good parts of our work force, are sitting in prisons and losing a lot of time. Why did they come there originally? They came there because there was nothing in society for them, but a life which led them to prisons. We, as Members of this National Assembly, have responsibility to make sure that we could do what we can to have our society fully developed.
And so, I want to go back to my point of home alone. Home alone means children being brought up alone, either going through the stages of their development at home alone, going school alone, eating alone and trying to be brought up alone without their parents, or being brought up by a neighbour, by a friend, to be just pushed around in society while their parents are out trying to make a living.
I realize the children that are going to day-care centers are very young, but they need the care, they need the upbringing and they need the special values which go along with being brought up in today's society. Without those very special values, we, as a society, in years to come, will suffer very much. You only attain those values as a youngster, you only achieve those values by a proper upbringing, and I believe that we have to find a way. There is enough waste in our system, in our governmental system, to find the dollars to open up day-cares to provide the needs of today's society.
In my own constituency of D'Arcy-McGee, there is a need for another 217 additional places. To me, it is a travesty of justice that if you do not find the money for them, 217 youngsters will be «malbrought up», will lose the values that they need for their life. In years to come, that will affect 217 families who will not have had the proper upbringing. It is our responsibility.
We see enough governmental waste and I believe that this Government has taken the wrong attitude, the wrong attitude from day one, from September 12th, 1994. It seems to me that when they got the order to cut down and I understand, in today's budgetary system, with our great deficit, we have got to cut down our deficit there was a way of doing it, a right way and a wrong way. We have heard the frustrations of two of the Members of the National Assembly, of the Parti québécois, wing of the Government, who are expressing their frustrations. Why are they frustrated? They are frustrated because this Government has taken the easy way. The easy way was to walk into a meeting of the Cabinet and just to cut out institutions: one, two, three, four at a time. Did they ever take a look at the hospitals?
(17 heures)
I have been speaking to people from the hospital system. There are millions of dollars which could be saved by a proper analysis of where money is being expended. I would like the Minister of Finance, the Minister of Health to show us that they have taken one hospital and gone through the budget on a line-by-line, day-by-day system, and I will guarantee you, if they would have the ability to stand up here in this House and show us on a line by line basis, we could show them where millions of dollars could be saved. And I would ask and I would beg this House to see what we could do to hold up more day-care units. Thank you, Mr. Speaker.
Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de D'Arcy-McGee. Y a-t-il d'autres intervenants? M. le député de Sauvé, vous avez la parole.
M. Marcel Parent
M. Parent: Je vous remercie, M. le Président. M. le Président, c'est un devoir pour moi de me joindre à mes collègues qui se sont prononcés depuis quelques heures sur ce projet de loi touchant un des éléments bien portant de la vie sociale du Québec, les garderies; les garderies, qui sont synonyme de protection et d'aide à l'enfance, ces enfants-là qui, demain, fréquenteront nos écoles, qui, demain, seront les adultes appelés à occuper des postes importants dans notre société. Déjà, on sent de la part de ce gouvernement une espèce de sentiment de négligence envers ce dossier qui est le plus important.
Nous en sommes rendus à l'étape de la prise en considération, M. le Président, de cette loi 70 dont la ministre nous a fait lecture tout à l'heure, alors que, dans son exposé, elle nous parlait de l'inactivité, enfin de l'absence de l'ancien gouvernement dans ce dossier-là. Avant d'entreprendre le plaidoyer, M. le Président, sur ce projet de loi, j'aimerais vous rappeler qu'en 1989 le dépôt d'une politique sur les services de garde à l'enfance engageait l'ancien gouvernement à créer 60 000 nouvelles places en services de garde afin d'atteindre l'objectif de 130 000 places disponibles au Québec.
C'est aussi l'ancien gouvernement, M. le Président, qui a vu à l'adoption d'un règlement sur la fixation de la répartition annuelle, pour les nouveaux services de garde, du nombre de places pour lesquelles une exonération, une aide financière et des subventions peuvent être accordées et, encore en 1989, M. le Président, à la création en moyenne de 6 000 nouvelles places par année donnant droit à une exonération, à l'aide financière et à des subventions. Cet objectif, M. le Président, devait se poursuivre annuellement pour les années 1994-1995 et 1995-1996. Entre 1987 et 1994, durant cette période, M. le Président, nous avons doublé le nombre de places disponibles, passant de 64 000 à 114 000 places en garderie. Voilà des réalisations qui ont été faites par l'ancien gouvernement. Et, entre 1989 et 1994, l'aide financière accordée à l'ensemble des services de garde est passée de 96 000 000 $ à 207 000 000 $.
Quand il était dans l'opposition, M. le Président, le gouvernement actuel dénonçait avec vigueur le manque de places dans les garderies; manque de places dans les garderies qu'il disait, M. le Président. Un programme pour doubler le nombre de places et injection d'argent de 96 000 000 $ à 207 000 000 $. Après six mois au pouvoir, sept mois au pouvoir, M. le Président, je défie le gouvernement actuel de pouvoir se vanter d'avoir atteint ou d'avoir fait preuve d'une si bonne performance.
Ce projet de loi, M. le Président, en plus de n'être même pas comparable avec ce qui a été fait précédemment, amène un moratoire. Ce projet de loi va totalement à l'encontre des belles promesses et des besoins des parents. C'est un projet de loi qui impose un moratoire d'un an sur l'émission des permis aux services de garde en garderie et aux agences de services de garde en milieu familial. Depuis le 29 mars 1995, toutes les demandes de permis sont refusées par l'Office des services de garde. C'est donc dire que tous les besoins qui se sont fait sentir, tous les besoins des parents, tous les besoins des enfants qui sont apparus depuis le mois de mars 1995 ont été ignorés. Mars, avril, mai, juin. Depuis trois mois, M. le Président, il ne se fait absolument plus rien. C'est le moratoire, c'est l'ignorance complète des demandes.
Ce projet de loi, en plus de ça, M. le Président, met fin, également pour deux années consécutives, au plan de développement de nouvelles places qui avait été mis en place par le gouvernement libéral, plan qui prévoyait la création de près de 20 000 places en trois ans; après un petit calcul facile, une perte de 12 640 nouvelles places donnant droit à une aide financière aux parents.
Puis, vous le savez comme moi, M. le Président, l'implantation d'une nouvelle garderie, ce n'est pas facile. On en a eu la preuve dernièrement à Montréal: un paquet d'inconvénients, un paquet d'impondérables peuvent se produire, des gens en poste important peuvent s'objecter, des ministres peuvent faire avorter l'ouverture de garderies, il peut arriver un paquet de choses. Et ça prend au moins deux ans, M. le Président, pour mettre sur pied un projet de garderie et, comme l'implantation d'une garderie prend en moyenne deux ans, bien, on connaîtra les effets pervers de ce projet de loi dans deux ans seulement. En attendant, tout semble aller dans le meilleur des mondes, mais c'est dans deux ans seulement qu'on en paiera la facture.
Ce moratoire va créer, M. le Président, une pénurie et un vide dans le nombre de places disponibles. Le projet de loi 70 est inacceptable dans une période où les parents du Québec se voient refuser l'accès aux garderies par manque de places. Il y a déjà un manque de places, il y a des gens qui sont prêts à en créer, puis, nous, par un moratoire, on arrête.
La ministre fait valoir que son projet de loi est issu d'un large consensus du Groupe de travail sur le financement des services de garde qu'elle avait formé. Ce que la ministre ne dit pas, M. le Président, c'est que ce Groupe était composé uniquement de membres représentant les garderies sans but lucratif et les syndicats. Les représentants des garderies à but lucratif ont été exclus de ce Groupe de travail, ils ont été ignorés. Les parents et les autres intervenants comme le patronat, un partenaire essentiel dans le développement des services de garde en milieu de travail, n'étaient pas représentés au sein de ce Groupe.
La ministre veut un temps d'arrêt pour poursuivre sa réflexion afin d'améliorer les services de garde à l'enfance et pour freiner le développement anarchique dans le réseau des garderies. Moi, je veux bien que la ministre réfléchisse, c'est tout à son avantage, mais il faudrait qu'elle réfléchisse rapidement. Si ça prend deux ans pour réfléchir, on est en droit de se poser des questions.
Ce que la ministre ne veut pas comprendre, M. le Président, c'est que ce moratoire va créer une autre forme d'anarchie beaucoup plus néfaste pour les enfants, soit la prolifération des garderies au noir, et tout le monde sait ce que ça veut dire, des garderies au noir. Ça veut dire des garderies dont le gouvernement, dont les municipalités ignorent l'existence, où on peut retrouver des abus, où on peut retrouver des enfants qui sont pris en garde par des gens qui ne sont pas compétents ou dans des locaux qui ne sont pas adéquats où leur santé physique et morale peut être mise en danger. Et c'est ça qu'un moratoire va indirectement provoquer dans les grandes régions comme à Montréal et à Québec, M. le Président; on en a été témoins auparavant.
Nous avons demandé à la ministre aussi, M. le Président, d'entendre les intervenants autres que ceux qui siégeaient sur le Groupe de travail. La ministre a refusé notre demande, et on a quand même insisté et obtenu la possibilité d'entendre deux groupes, M. le Président: le groupe Concertaction interrégionale des garderies du Québec, représentant les garderies sans but lucratif et membre du comité de travail, et la Coalition des garderies privées du Québec, représentant les garderies à but lucratif.
Le groupe Concertaction, M. le Président, appuie la position de la ministre, mais demande de freiner la concurrence déloyale faite par les garderies à but lucratif. C'était ça, le principal argument. Et il soutient qu'il y a pénurie dans certaines régions ce que l'on déplore, nous, depuis le début de nos interventions ici cet après-midi et ils veulent freiner le développement anarchique. Je pense que tout le monde est d'accord avec ça, de freiner le développement anarchique du réseau des garderies au Québec, mais je pense que l'on peut concilier les deux. On peut faire preuve de bonne volonté, on peut faire preuve d'une plus grande conscience sociale et faire en sorte que l'on puisse se développer un réseau de garderies privées et un réseau de garderies publiques en toute cohérence et en toute harmonie de façon à ce que toutes les classes de la population puissent avoir accès à ce service essentiel.
Et savez-vous ce que l'autre groupe, la Coalition des garderies privées, disait à la ministre? Il affirme que ce projet de loi a été déposé pour les éliminer, tout simplement, et nous sommes d'accord avec ça. Les services offerts par les garderies à but lucratif sont de qualité et moitié moins cher que les garderies sans but lucratif. C'est ce qui est ressorti de la rencontre avec ce groupement-là. Ces garderies à but lucratif, M. le Président, génèrent 3 500 emplois et offrent 20 000 places en garderie. 3 500 emplois au Québec et 20 000 places en garderies au Québec, c'est quelque chose aujourd'hui, M. le Président, que l'on ne doit pas négliger.
(17 h 10)
Il est important de respecter le choix des parents. Les parents ont le droit de décider, M. le Président, du genre de services qu'ils veulent avoir et du genre de garderies qu'ils veulent avoir pour leurs enfants. C'est pour ça, M. le Président, que je déplore fortement le projet de loi 70 présenté par la ministre, qui a le malheureux objectif, je dirais, de mettre un moratoire sur l'ouverture des garderies à but lucratif au Québec, et je le déplore grandement. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Sauvé. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Jeanne-Mance.
M. Michel Bissonnet
M. Bissonnet: M. le Président, je me dois d'intervenir sur la prise en considération du rapport de la commission des affaires sociales sur le projet de loi 70, Loi sur certaines mesures relatives aux services de garde à l'enfance. Dans mon comté, M. le Président, j'ai toujours à coeur de rendre visite aux garderies et, à chaque trois ou quatre ans, le ministre responsable des forêts nous remet des petits arbres... S'il vous plaît!
Le Vice-Président (M. Brouillet): S'il vous plaît! J'inviterais les parlementaires qui ont des conversations des fois utiles à bien vouloir le faire d'une façon assise, s'il vous plaît, plutôt que... Ça serait plus discret, puis ça distrairait moins l'orateur, l'intervenant. Alors, M. le député de Jeanne-Mance.
M. Bissonnet: Merci, M. le Président. J'apprécie votre aide afin de me permettre d'expliquer à la ministre l'intérêt que j'ai pour les garderies. Alors, comme je vous le disais, M. le Président, à tous les trois ans ou quatre ans, je rends visite à mes garderies pour la semaine de l'arbre. Je leur donne des arbres pour leur apprendre qu'est-ce que c'est, un arbre. C'est bien apprécié de ces jeunes qui sont dans les garderies. Je le fais autant dans les garderies à but lucratif que dans les garderies sans but lucratif.
Évidemment, dans le comté de Jeanne-Mance dont je suis le digne représentant j'essaie de le faire, M. le Président il y a toujours des demandes. Actuellement, selon les statistiques que la ministre connaît très bien, nous avons un déficit dans le comté de Jeanne-Mance, M. le Président, de 660 places. Les agences de services de garde en milieu familial ont une moyenne de 289 demandes de citoyens qui veulent faire garder leurs jeunes enfants en garderie familiale. Je me dois, M. le Président, à l'intérieur de mon budget, Mme la ministre, de mon support au bénévolat...
Le président des élections a parlé du programme de support au bénévolat. Dans le comté de Jeanne-Mance, j'ai une section qui s'appelle le district de Saint-Michel, la paroisse Saint-René-Goupil, qui est un secteur très défavorisé, et je me dois à chaque année, M. le Président, à même mon budget de support au bénévolat, de donner une subvention à la halte-garderie Brin d'herbe qui est une halte-garderie dont les mères sont en extrême difficulté et elles ont besoin de repos; elles ont besoin de se trouver du travail. C'est un secteur très difficile, M. le Président. Cette année, je leur ai donné un octroi dans mon programme de support au bénévolat de 3 000 $.
Je considère qu'en faisant un moratoire sur le développement des garderies... Je sais qu'il y a d'autres garderies qui veulent se développer. Je remarque qu'on peut faire un moratoire sur les garderies, mais, quant aux nouvelles naissances, quand les parents ont des enfants et qu'ils doivent travailler, on sait qu'aujourd'hui, M. le Président, le père et la mère travaillent tous les deux. Il faut actuellement trouver des places en garderie.
Donc, nous avons proposé, à la commission parlementaire, des amendements à l'article 1. Nous avons demandé à la ministre d'exclure les agences de services de garde en milieu familial du moratoire, et la formation politique du gouvernement a voté contre. Nous avons demandé également à la ministre de diminuer le délai du moratoire à six mois, temps suffisant pour faire une réflexion sur les services de garde. Comme il y a une pénurie grave de places en garderie dans les régions, nous avons déposé deux amendements pour exclure du moratoire les régions qui sont en pénurie de places, comme la mienne, M. le Président. Ces deux amendements ont été jugés irrecevables par le président; donc, je ne ferai pas de commentaires là-dessus, M. le Président. Pourtant, l'émission d'un permis ne coûte pas un sou au gouvernement.
Nous avons également demandé à la ministre de supprimer le deuxième alinéa de l'article 1. Cet alinéa enlève les droits de révision à l'Office et d'appel à la Commission des affaires sociales. Cet article abolit une règle fondamentale de justice naturelle, selon le rapport Garant. C'est un projet de loi, M. le Président, qui n'a que deux articles. Nous avons également proposé des amendements à l'article 2. Étant donné la confusion qui existe entre les explications de la ministre et la position que prend l'Office à cet égard, nous avons déposé un amendement afin de clarifier l'article 2.
L'article 2 stipule que, «pour les années 1994-1995 et 1995-1996, aucune nouvelle place donnant droit à une exonération, une aide financière ou des subventions ne peut être déterminée par le gouvernement». Malgré ce projet de loi, la ministre affirme qu'il y aura 11 000 nouvelles places qui seront créées et qui auront droit à l'exonération, à l'aide financière et aux subventions. Cet amendement a été déclaré irrecevable. Alors, si la ministre affirme qu'il y aura 11 000 nouvelles places, dans le comté de Jeanne-Mance, il y a un déficit de 900 places, M. le Président, et, à ce que je sache, avec 125 comtés au Québec, il y a un déficit sûrement de plus de 11 000 places.
Nous avons également demandé de supprimer le deuxième alinéa de l'article 2, qui enlève, encore une fois, le droit à la révision et à l'appel. Le Parti québécois a voté contre ces amendements.
Donc, M. le Président, il ne faut pas arrêter le développement. Nous avions, ici, la députée de Bourget qui, lorsque nous étions au gouvernement, était une personne qui avait l'expérience de garderies privées. Et je pense que les garderies privées, dans le comté de Jeanne-Mance, que ce soit la garderie de L'Escargot, qui est une garderie sans but lucratif, ou la garderie Jarry, qui est une garderie à but lucratif... Moi, j'assiste, à chaque année, M. le Président, à une parade de mode de la garderie Jarry. Ils la font à tous les ans. Ils font ça vers le 26 ou le 28 mars; ça arrive occasionnellement que c'est la journée de ma fête, et je suis très impressionné par la démonstration que ces jeunes filles et ces jeunes garçons de trois à quatre ans font, avec des éducatrices; c'est très, très intéressant à voir. Et, il y a deux ou trois semaines, j'étais à une garderie Montessori, une garderie très spéciale qui a une formule d'enseignement aux jeunes enfants; ce que les enfants font, c'est remarquable, et les parents sont là, les assistent. En tout cas, moi, plus on aura de garderies, plus il va y en avoir, plus ça encourage les parents à avoir d'autres enfants, et c'est important, M. le Président.
Donc, pour tous ces motifs, M. le Président, je vais voter contre ce projet de loi, pour les raisons suivantes. Ce projet de loi favorise uniquement les objectifs des garderies à but non lucratif qui visent l'élimination du libre marché et de la concurrence dans ce domaine, et ne prend nullement en considération les besoins réels des parents et des enfants du Québec. Ce projet de loi également ne respecte aucunement la liberté de choix des parents. Il faut permettre à nos parents de choisir les garderies où ils veulent que leurs enfants soient éduqués. Ce projet de loi va amplifier les problèmes et les difficultés que doivent surmonter les familles pour concilier les responsabilités familiales et professionnelles.
(17 h 20)
Ce projet de loi met fin au soutien apporté aux femmes dans les efforts qui ont été investis pour atteindre l'autonomie financière. Ce projet de loi met fin à l'accessibilité aux services de garde, étant donné que la demande dépasse largement l'offre, tant au strict plan du nombre de places disponibles qu'à celui de la variété et de la souplesse des services en regard des besoins particuliers de nombreux parents.
Et je voudrais, en terminant sur la prise en considération du rapport, inviter Mme la ministre responsable des garderies à venir visiter trois garderies dans mon comté: une garderie sans but lucratif qui est excellente, une garderie à but lucratif qui est excellente et, également, une garderie qui a la méthode Montessori. Et je tiens à vous dire, madame, que vous allez être impressionnée par les trois garderies dont je vous ai fait mention et que ça serait avantageux pour vous que toutes ces garderies soient sur le même pied devant votre ministère. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Jeanne-Mance. Alors, je vais maintenant céder la parole à M. le député de Marquette. M. le député.
M. François Ouimet
M. Ouimet: Merci, M. le Président. Je dois vous dire, dans un premier temps, que ce n'est pas avec plaisir que je prends la parole sur le projet de loi 70, Loi sur certaines mesures relatives aux services de garde à l'enfance. C'est un projet de loi dont il est difficile de comprendre les objectifs qu'il cherche à atteindre, M. le Président.
Remettons certaines choses dans leur contexte. Reportons-nous à la dernière campagne électorale, qui remonte à environ huit, neuf mois, où les candidats du Parti québécois promettaient, M. le Président, de créer plus de 8 000 nouvelles places en garderie par année. Ça, M. le Président, comme dans d'autres dossiers, c'était le discours. Les faits, M. le Président: le projet de loi 70 vise à instaurer un moratoire où il n'y aura aucune nouvelle place de garderie créée cette année, M. le Président. Et, avec la façon dont ça fonctionne, on sait que ça va avoir un effet pendant trois ans, parce que ça prend deux ans, M. le Président, avant que le permis ne soit autorisé et que la garderie puisse voir le jour.
Pourtant, M. le Président, dans mon seul comté de Marquette, il y a un manque de plus de 400 places en milieu de garde. Comment comprendre, M. le Président, l'objectif de ce projet de loi là? Et la seule façon, M. le Président, de le comprendre, c'est que la ministre répond à des commandes du ministre des Finances et à ses propres commandes comme présidente du Conseil du trésor. C'est la seule façon de le comprendre, M. le Président. On fait des économies sur le dos des enfants, sur le dos des familles, sur le dos des jeunes familles. C'est ça qu'on est en train de faire.
Pourtant, M. le Président, à travers la province de Québec, c'est un manque de plus de 500 places. Comment comprendre, dans ce cas-là, le discours de la ministre qui dit qu'elle souhaite avoir un moratoire pour pouvoir mieux évaluer la situation? Si elle veut évaluer la situation, pourquoi imposer un moratoire? Pourquoi ne pas faire ces études sans imposer de moratoire? Parce qu'il y a des besoins criants dans certains comtés, dont dans le comté de Marquette.
Que doit-on penser, M. le Président, de tous les nouveaux développements domiciliaires un peu partout à travers la province, où les jeunes familles vont acheter des propriétés, où les jeunes familles avec des enfants iront s'installer, M. le Président, et où il y aura un besoin essentiel et nécessaire de garderies et où on ne pourra pas obtenir des permis pour créer ces garderies-là, M. le Président? Et tout ça, M. le Président, parce que la ministre, présidente du Conseil du trésor, et ses collègues du Conseil des ministres n'ont pas trouvé d'autre façon de réaliser des économies. Tout ça, M. le Président, pendant qu'on va dépenser plus de 70 000 000 $ pour une campagne de propagande au niveau de la souveraineté du Québec et pour faire un référendum, M. le Président.
Alors, c'est en train de se faire sur le dos de nos enfants, M. le Président. Nos petits-enfants sont en train de payer pour, je dirais je ne veux pas employer le terme les incompétences du gouvernement, mais je pense que le terme s'emploie. Incompréhensible, M. le Président! Incompréhensible! C'est un projet de loi qui comporte à peine deux articles. Pourquoi la ministre, au lieu d'avoir fait des cadeaux aux syndicats au mois de décembre, dans le cadre de la loi sur la construction, qui vont coûter des millions de dollars au Trésor québécois... Pourquoi ne pas avoir hésité, à ce moment-là, avant de faire des cadeaux? Pourquoi, M. le Président, est-ce que c'est les enfants d'aujourd'hui et de demain qui devront payer pour les gestes posés par la présidente du Conseil du trésor? Et là on le voit, c'est au niveau des enfants qui ont de six mois jusqu'à cinq ans, et ça, c'est sans parler de tous ceux et de toutes celles qui sont à l'école primaire et à l'école secondaire qui doivent également payer pour les économies que la ministre tente de réaliser sur le dos de nos élèves.
Je parle, bien sûr, des coupures de 202 000 000 $ dans le monde de l'éducation. Et ça, c'est à part, M. le Président, des coupures qui sont imposées aux patients et aux malades au niveau des hôpitaux. Et là on parle, M. le Président, du 1 400 000 000 $ que le ministre de la Santé doit récupérer. Alors, les économies se font sur le dos de qui, M. le Président? Sur le dos des enfants, sur le dos de nos jeunes, sur le dos des patients, des malades dans les hôpitaux, M. le Président.
Par ailleurs, lorsqu'on regarde les autres gestes posés par le gouvernement, M. le Président, on est en droit de se poser des questions. Vous avez juste à regarder l'offre que faisait le gouvernement, 50 000 000 $, pour sauver un club, Les Nordiques de Québec. Et j'oserais même dire: Heureusement, M. le Président, que cette transaction-là n'a pas pu se matérialiser. Qu'on regarde également, M. le Président, les millions de dollars qui pourraient être récupérés dans le domaine de la santé si le ministre faisait les choses différemment. Et, en commission parlementaire, nous lui avons indiqué plusieurs endroits où il y aurait des économies à faire; le ministre de la Santé en a pris bonne note et a dit que c'étaient des suggestions intéressantes de la part de l'opposition.
Le Vice-Président (M. Brouillet): S'il vous plaît, M. le député. Mme la whip.
Mme Vermette: Question de règlement, M. le Président. Nous sommes sur un projet de loi qui touche les garderies et non pas la santé. Oui, effectivement, quand ce sera le temps d'en parler le loisir lui est possible de parler sur la santé il le fera. Mais, cette fois-ci, j'aimerais bien qu'on revienne à la pertinence du débat. Et, M. le Président, qu'il arrête de parler comme il le fait parce qu'ils oublient qu'ils ont été neuf ans au pouvoir, et c'est ce qui fait la différence...
Le Vice-Président (M. Brouillet): Ça, ça ne fait pas partie du rappel au règlement. Non, non. Tenez-vous-en au rappel au règlement. Effectivement, on peut employer des arguments pour essayer de montrer que la loi... mais il ne faut pas trop déborder et, finalement, tomber dans d'autres sujets. M. le député de Marquette.
M. Ouimet: Merci, M. le Président. M. le Président, il faut quand même regarder les gestes que pose le gouvernement actuellement pour expliquer le pourquoi de ce projet de loi là, le pourquoi d'un moratoire, M. le Président. La députée veut bien faire le bilan des gestes posés par le gouvernement libéral, M. le Président, mais, à ce que je sache, le gouvernement libéral n'a jamais imposé de moratoire au niveau de la création des garderies et le gouvernement libéral, à chaque année, M. le Président, a créé des places en garderie. La députée devrait savoir ça. Et, M. le Président, c'est un projet de loi qui contient deux articles, qui répond à une commande du Conseil du trésor et du ministre des Finances, M. le Président; il faut bien l'exposer, ça, il faut bien que la population comprenne ce qui est en train de se passer.
Ce n'est pas pour rien qu'on veut imposer un moratoire sur la création des garderies, M. le Président, et ce n'est pas les arguments que nous a présentés la ministre qui vont nous convaincre. La ministre nous dit: Nous avons besoin de poser ce geste-là parce qu'on doit évaluer le nombre de places qui existent actuellement par rapport aux besoins au niveau de l'ensemble de la province. Pourtant, il existe des documents, M. le Président. Comment se fait-il que, moi, je sais que, dans mon propre comté, c'est plus de 400 places qui manquent? Comment se fait-il, M. le Président, que le député de Nelligan sait également le nombre de places qui manquent dans son comté? Et c'est vrai pour l'ensemble des parlementaires ici, M. le Président.
(17 h 30)
Il faudrait que la ministre sache également qu'il n'y a pas de moratoire sur la naissance au Québec. Ça m'apparaît important, ça. Il m'apparaît important également de constater qu'il y a plusieurs mesures gouvernementales qui incitent les jeunes familles à avoir des enfants. Où est la cohérence, M. le Président, lorsqu'on a des mesures qui n'ont pas été changées, à ce que je sache, où on encourage les jeunes familles à avoir des enfants, d'une part, mais, d'autre part, M. le Président, on empêche ces enfants-là de trouver des places en garderie? Il y a une certaine incohérence qui est là. Alors, je pense que je dois avoir tout le loisir de pouvoir le dénoncer, n'en déplaise à la députée.
Alors, M. le Président, c'est sûr et certain que je vais voter contre ce projet de loi là, avec beaucoup de conviction. Avec beaucoup de conviction, M. le Président, parce que c'est un projet de loi qui n'a aucun sens, qui est ridicule et qui ne devrait même pas être présenté à cette Chambre. Je vous remercie, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le député de Marquette. M. le député de Nelligan sur un rappel au règlement.
M. Williams: Les pupitres sont presque vides devant moi. Je voudrais savoir: Est-ce que nous avons un quorum?
Le Vice-Président (M. Brouillet): S'il vous plaît! Vous savez, le quorum est de 13; alors, je crois qu'on l'est. Je vais... On est 16, avec le président, le président fait partie du quorum. Alors, M. le député de Nelligan. Est-ce que vous avez une intervention, M. le député, sur le projet?
M. Williams: Non, M. le Président, j'ai déjà parlé.
Le Vice-Président (M. Brouillet): Très bien. Merci bien. Y a-t-il d'autres intervenants? Alors, comme il n'y a plus d'intervenant... Excusez. Ah bon, très bien. Ha, ha, ha! Alors, M. le député de Laporte, je vous cède la parole.
M. André Bourbeau
M. Bourbeau: Merci, M. le Président. Je vous suis très reconnaissant de m'avoir reconnu. Pourtant, ce n'est pas parce que je suis situé très loin de vous, mais je présume que vous avez une tendance plutôt vers la droite que vers la gauche.
De toute façon, M. le Président, il me fait extrêmement plaisir de prendre la parole aujourd'hui sur ce projet de loi que nous propose la présidente du Conseil du trésor et ministre responsable de la Famille, projet de loi qui vise, comme le disent si bien les notes explicatives, à établir un moratoire pour une année sur les permis de services de garde en garderie et d'agence de services de garde en milieu familial et, deuxièmement, à prévoir qu'aucune nouvelle place donnant droit à une exonération, une aide financière et des subventions ne peut être déterminée par le gouvernement pour les années 1994-1995 et 1995-1996.
Comme l'ont dit plusieurs de ceux qui m'ont précédé, M. le Président, il est assez étonnant de voir qu'un tel projet de loi nous arrive à ce moment-ci, et présenté par une personne qui est justement responsable de la famille québécoise. C'est bien à propos qu'on se demande pourquoi un ministre ou une ministre qui est responsable de la famille vient ici aujourd'hui proposer qu'on déclare ou qu'on mette en place un moratoire qui va faire en sorte de réduire le rythme d'augmentation des garderies au Québec et leur financement. La famille québécoise est une des valeurs les plus essentielles de notre société, et Dieu sait, M. le Président, que, dans ce monde dans lequel nous vivons présentement, les valeurs de famille sont peut-être les valeurs les plus essentielles, celles qu'on doit cultiver le plus.
Alors, on voit continuellement sur nos écrans de télévision, dans nos journaux, des descriptions de scènes de toutes sortes qui, parfois, nous horrifient, mais il reste quand même que quand on peut compter sur une valeur de base aussi essentielle que la famille, il y a toujours de l'espoir. Et, quant à moi, je suis de ceux qui pensent qu'on doit fonder une société sur les valeurs familiales en premier lieu et restaurer la confiance des Québécois dans cette valeur essentielle.
Alors, pourquoi le gouvernement choisit-il, lors de son premier budget, de mettre fin à une tradition qui existait au Québec depuis très longtemps, qui est de favoriser des familles québécoises d'une façon particulière? Mon collègue, le leader de l'opposition, tout à l'heure, dans son intervention, a bien signalé que le gouvernement du Québec sous l'administration libérale avait toujours eu ce petit quelque chose de plus pour les familles québécoises dans tous ses budgets, et dans chacun des budgets de Gérard D. Levesque, le leader de l'opposition a bien signalé et rappelé qu'il y avait toujours quelque chose pour les familles québécoises.
Qu'on se rappelle, par exemple, l'instauration de cette nouveauté que constituait l'allocation à la naissance. Pour la première fois, le gouvernement libéral du Québec, sous M. Bourassa, avait instauré cette mesure qui consiste...
Une voix: Question de règlement, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Brouillet): Allez-y, M. le député.
Une voix: Si le député veut prendre la parole, qu'il se lève et...
Le Vice-Président (M. Brouillet): S'il vous plaît, ce n'est pas les gens de la salle qui disposent des questions de règlement, c'est le président. Alors, je vous inviterais à me laisser parler. Écoutez, je vous inviterais à garder le silence le plus possible et, aussi, à prendre en considération qu'on permet de temps en temps qu'il y ait des discussions qui peuvent être utiles entre quelques députés. Alors, il faut établir un juste équilibre entre tout ça. Alors, M. le député de Laporte.
M. Bourbeau: Merci, M. le Président. Je comprends que les députés du côté gouvernemental n'aiment pas tellement les propos que je tiens, mais, n'en déplaise au député de Jonquière et au député de Sainte-Marie Saint-Jacques, avec votre permission, M. le Président, je vais continuer à m'exprimer en restant toujours, bien sûr, dans les limites de notre règlement.
Alors, je disais donc que, sous le gouvernement libéral, on avait instauré ce programme d'allocation à la naissance. Depuis ce temps, les familles québécoises peuvent être assurées que si elles donnent naissance à un enfant, elles auront droit à une allocation: 500 $ pour le premier enfant, 1 000 $ pour le deuxième enfant et 8 000 $ pour le troisième enfant et chacun des enfants subséquents.
C'est intéressant comme formule et ça a donné d'excellents résultats. Le Québec, il y a quelques années, était la société nord-américaine et, probablement, même occidentale qui avait le plus bas taux de naissance: autour de 1,5 enfant par femme en âge de procréer. Or, à la suite de l'instauration de cette mesure par le gouvernement libéral, on a vu le taux de naissance au Québec augmenter année après année. Je n'ai pas les dernières statistiques, M. le Président, mais ça a été évident que, au cours des années qui ont suivi, ça a eu un effet positif. Et c'est compréhensible, parce que, quand on est une famille à faibles revenus, avec des revenus modestes, avoir deux ou trois enfants, ça coûte cher, surtout dans les premières années. Alors, avec le programme qu'on avait mis sur pied, ça permettait aux familles québécoises, à l'égard du troisième enfant, par exemple, de recevoir 400 $ à tous les trois mois pendant toutes les années qui mènent jusqu'à l'école, par exemple, de l'âge d'un an du bébé jusqu'à cinq ans. Alors, ça faisait en sorte, M. le Président, de rassurer les familles québécoises quant aux disponibilités financières sur lesquelles elles pouvaient compter pour faire en sorte de voir à leurs enfants.
Alors, voici que, tout à coup, le gouvernement du Parti québécois, lui, s'inscrit à l'envers de cette tradition-là. Pour la première fois, dans le budget de cette année, aucune mesure, aucune mesure qui concerne la famille québécoise. Et, même l'an dernier, dans le budget que j'ai eu l'honneur de déposer, M. le Président, il y avait des mesures pour la famille. Mon collègue, le leader de l'opposition, a parlé des budgets de Gérard D. Levesque, et il a bien raison de le faire, mais on pourrait aussi parler du budget de l'an dernier, M. le Président. Je vais vous citer un extrait du budget de l'an dernier, où le ministre des Finances de l'époque disait ceci: «Les décisions du gouvernement doivent contribuer à améliorer le niveau de vie des familles et assurer le développement des enfants, qui représentent l'avenir du Québec. Aussi, leur avons-nous manifesté un appui tangible au cours des dernières années. Alors que le soutien financier du gouvernement il faut s'entendre, bien sûr, le gouvernement libéral est passé de 814 000 000 $ en 1985 à 2 559 000 000 $ en 1993.» On a multiplié par trois, M. le Président, l'aide du gouvernement du Québec aux familles, sous le régime libéral.
(17 h 40)
Et, avec le budget de l'an dernier, nous sommes allés plus loin. Nous avons, M. le Président, apporté en premier lieu un soutien additionnel à toutes les familles ayant deux enfants ou plus en portant de 2 250 $ à 2 400 $ le montant prévu par la fiscalité du Québec pour le deuxième enfant à charge et les enfants suivants. Ça représentait, M. le Président, une bonification de 17 000 000 $ de l'aide aux familles du Québec.
En deuxième lieu, M. le Président, et le ministre des Finances, l'an dernier, indiquait qu'en matière de services de garde le gouvernement du Québec poursuivait alors trois objectifs: exprimer sa solidarité envers les parents par un soutien financier accru à la garde des enfants alors, c'est le contraire de ce qu'on voit aujourd'hui, M. le Président; alors, le gouvernement s'inscrit à rebours par rapport à ces objectifs du gouvernement libéral. Deuxième objectif, favoriser le développement de services de garde de plus haute qualité forcément, M. le Président, on doit constater que ce n'est pas l'objectif du Parti québécois. Et, troisièmement, créer les conditions favorables à l'augmentation des salaires des éducateurs et des éducatrices.
M. le Président, vous me faites signe que mon temps achève... une minute. Est-ce que ça comprend l'interruption de tout à l'heure, M. le Président, ou si c'est exclu?
Le Vice-Président (M. Brouillet): Ce n'est pas exclu, mais les rappels au règlement font partie du temps de parole.
M. Bourbeau: M. le Président, je regrette qu'il ne me reste qu'une minute, mais je voulais simplement dire, de toute façon et je vais devoir raccourcir passablement mon propos qu'il est déplorable et malheureux que la présidente du Conseil du trésor, qui jouit d'appuis certains en très haut lieu dans votre gouvernement, comme vous le savez, n'ait pas réussi à convaincre son chef et son ministre des Finances de l'importance d'épargner les familles québécoises dans l'exercice auquel le gouvernement se prête présentement. Je serais le dernier à blâmer le gouvernement de vouloir comprimer ses dépenses, mais pourquoi s'attaquer à la famille québécoise alors qu'il y a tant d'autres domaines où on pourrait le faire?
M. le Président, pour ces raisons-là, je dois dire que je ne peux pas voter en faveur du projet de loi que nous propose la ministre responsable de la Famille. Je vous remercie.
Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Laporte. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Richmond. M. le député.
M. Yvon Vallières
M. Vallières: Merci, M. le Président. Alors, comme mes collègues qui m'ont précédé, c'est avec grand plaisir que je désire m'associer à eux afin de faire part à l'Assemblée nationale de ma position dans un projet de loi qui me concerne largement, qui concerne largement le comté de Richmond, qui concerne également l'ensemble des travailleurs et travailleuses de mon comté et, plus particulièrement, les familles du comté de Richmond et de la région de l'Estrie.
M. le Président, nous sommes ici aujourd'hui, à ce moment précis, pour prendre en considération le rapport des travaux qui ont été faits en commission parlementaire. Vous me permettrez néanmoins, M. le Président, avant d'entrer directement dans les travaux qui ont été effectués en commission, de rappeler ce que ce projet de loi 70 que le gouvernement nous présente vient produire comme effets. M. le Président, un court projet de loi, deux simples articles, mais combien lourds de conséquences, M. le Président.
L'article 1 de ce projet prévoit appliquer en effet un moratoire d'un an sur les permis de services de garde en garderie et d'agences de services de garde en milieu familial qui sont émis par l'Office des services de garde à l'enfance. Bref, toute demande de permis produite après la présentation du projet de loi sera refusée, et ce, pour une période d'un an.
Quant à l'article 2, M. le Président, du même projet de loi, il met fin pour deux années consécutives, soit 1994-1995 et 1995-1996, au plan de développement de nouvelles places mis sur pied par le gouvernement précédent, plan qui prévoyait la création de 6 320 nouvelles places donnant droit à une aide gouvernementale pour trois années consécutives, soit les années 1993-1994, 1994-1995 et 1995-1996. Bref, M. le Président, le gouvernement du Parti québécois ne déterminera aucune nouvelle place donnant droit à une exonération, une aide financière ou subvention pour l'année qui vient de passer, soit 1994-1995, et pour l'année à venir, soit 1995-1996, soit une perte de 12 640 nouvelles places de disponibles.
M. le Président, comment demeurer muets face à pareille proposition du gouvernement? M. le Président, vous me permettrez de rappeler que nous avons travaillé de façon positive en commission parlementaire dans le but d'apporter des amendements à ce projet de loi. Qu'il me suffise de rappeler, M. le Président, que nous avons demandé à la ministre d'exclure les agences de services de garde en milieu familial du moratoire. Le Parti québécois, M. le Président, et ses représentants ont voté contre cette proposition. Nous avons également, M. le Président, demandé à la ministre de diminuer le délai du moratoire pour le porter à six mois, temps suffisant pour faire une réflexion sur l'ensemble des services de garde. Une fois de plus, M. le Président, ça a été refusé par nos amis d'en face. Et, M. le Président, comme il y a pénurie grave en places de garderie dans les régions, dont celle de l'Estrie, nous avons déposé deux amendements pour exclure du moratoire les régions qui sont en pénurie de places. Ces deux amendements ont été jugés irrecevables par le président.
Pourtant, l'émission d'un permis, M. le Président, ne coûte pas un sou au gouvernement. Pour un gouvernement, M. le Président, qui se targue d'être le gouvernement des régions, pour un gouvernement, M. le Président, qui, chaque fois qu'un de ses ministres, chaque fois qu'un de ses représentants se présente en région, nous parle de concertation, de partenariat, de nouvelle façon de gouverner avec les élus et avec les différents intervenants des régions, voici, M. le Président, qu'il dépose en cette Chambre un projet de loi qui ne tient pas compte, mais nullement compte de la réalité vécue dans les régions du Québec. M. le Président, comment ne pas profiter de cette occasion pour dénoncer l'hypocrisie de ce gouvernement? Je pense que c'est vraiment le terme qu'il faut utiliser. L'hypocrisie de ce gouvernement, M. le Président.
J'étais de ces députés en cette Assemblée, il y a de ça un an, M. le Président, où, presque jour pour jour, nos amis d'en face qui occupaient les banquettes de ce côté-ci de la Chambre, M. le Président, dénonçaient avec vigueur le manque de places en garderie au Québec. Mais quel revirement, M. le Président! Qu'est-ce qui arrive à ces gens d'en face qui, tout à coup, ont perdu la mémoire, tout à coup, perdent l'esprit d'analyse requis pour faire le constat, M. le Président, qu'il y a effectivement pénurie de places en garderie, et plus particulièrement dans les régions du Québec?
M. le Président, nous nous devons à ce moment-ci de tirer la conclusion que le gouvernement du Parti québécois manque de vision. Un gouvernement, M. le Président, qui ne veut pas tenir compte des besoins des travailleurs et travailleuses. Un gouvernement, M. le Président, qui, carrément, à maintes reprises, et ça en est une que nous avons devant nous, fera fi, M. le Président, des besoins réels des femmes au Québec. M. le Président, comment ne pas faire de relation directe entre ce qui s'est passé récemment, soit la «Marche des femmes», qui marchaient sur Québec récemment, et l'attitude actuelle du gouvernement, M. le Président?
On constate, M. le Président, que, quand les gestes sont posés par des groupes de pression et que cela va à l'intérieur d'une stratégie, par exemple, référendaire, M. le Président, les messages passent, l'action s'enclenche, mais quand, par ailleurs, ça vient de la part de gens qui ont décidé de passer par les créneaux, je dirais, normaux, bien, là, ce gouvernement devient sourd, M. le Président. Ce gouvernement qui se targue un peu partout de nous indiquer que la famille a une place prépondérante dans ses plans, M. le Président, comment ce gouvernement témoigne-t-il, par ses actions, de sa volonté d'entreprendre des gestes concrets pour aider la famille québécoise?
M. le Président, c'est incroyable de voir jusqu'à quel point le gouvernement actuel tente plutôt de décourager la famille. Si nous regardons avec objectivité ce qui inspire ce gouvernement... Mon collègue de Laporte l'indiquait tantôt, il s'agit de regarder le dernier budget du gouvernement pour constater que, dans les ordres de priorité de ce gouvernement, la famille, M. le Président, figure presque au dernier niveau. Et pourtant, M. le Président, ce même gouvernement trouve des sous, trouve de l'argent pour bien d'autres projets de beaucoup moins d'importance à l'intérieur de la société québécoise.
M. le Président, n'est-il pas de notre devoir en cette Chambre... Je voyais ici tantôt le député de Johnson, M. le Président, je vois ici la députée de Sherbrooke, qui est de la même région que moi. M. le Président, est-ce que ces députés auront l'occasion de s'exprimer en cette Chambre sur cette politique que veut mettre de l'avant le gouvernement du Québec et qui vient pénaliser largement l'ensemble des régions du Québec et, entre autres, la région de l'Estrie? M. le Président, il serait temps pour ces députés de se lever en cette Chambre. Il y en a un, ce matin, du même groupe parlementaire qui a eu l'occasion, lui, le député de Bellechasse, d'indiquer clairement qu'il ne partageait pas le point de vue du député et ministre de Lévis.
(17 h 50)
M. le Président, combien de ces gens auront le courage de, d'abord et avant tout, représenter les intérêts des électeurs pour lesquels ils ont été élus? M. le Président, en tout cas, de ce côté-ci de la Chambre, il nous apparaît prépondérant, important, de faire en sorte que la famille soit valorisée par ce gouvernement, et les interventions de mes collègues en cette Chambre cet après-midi, c'est dans ce but-là, M. le Président. L'intention que nous avons, c'est de sonner la cloche, M. le Président, de réveiller ce gouvernement qui, à peine après huit mois de gouvernement, donne des signes d'un vieillissement. On dirait que ce gouvernement est là depuis 15 ans, M. le Président. Mais quelle vieillesse, quelle vieillesse prématurée, M. le Président! C'est incroyable, M. le Président, ils n'ont plus d'imagination. Oui, M. le Président, j'entends des députés qui chahutent de leur banquette. S'ils ont l'intention de parler, il serait intéressant de les entendre à l'intérieur de ce débat. Je vois le député de Laviolette, le whip du gouvernement, actuellement, s'il a quelque chose à dire sur ce projet pour défendre les électeurs de son comté, M. le Président, qu'il se lève. Qu'il se lève et qu'il le fasse! C'est avec plaisir que nous l'entendrons.
M. le Président, comment ne pas reconnaître que la famille québécoise constitue une cellule fondamentale de notre développement, au Québec? Pour ces gens, M. le Président, qui veulent plaider pour un peuple, pour son développement, qui nous parlent de rendre le Québec indépendant pour se donner de meilleures chances de développement, ces gens-là sont les premiers à abandonner la famille, au Québec, M. le Président. Nous devrions crier, M. le Président, nous devrons crier, M. le Président: Honte aux gens d'en face!
Le Vice-Président (M. Brouillet): S'il vous plaît. La modération a bon goût. Alors, j'inviterais M. le député de Richmond à conclure. Il vous reste, enfin, une demi-minute.
M. Vallières: Oui, je conclurai, M. le Président, en vous indiquant que, de ce côté-ci de la Chambre, rien ne sera négligé pour remettre ce gouvernement à sa place, l'amener à faire les bons choix de priorités. M. le Président, le projet de loi 70 qu'on a devant nous s'inscrit dans la foulée des projets de loi qui sont présentés actuellement par le gouvernement, que ce soit dans le secteur de la santé, que ce soit dans le secteur du travail, que ce soit dans le secteur des listes électorales, M. le Président, tous des projets de loi qui visent de façon fondamentale la société québécoise et où le gouvernement rate sa cible. Il est de notre devoir de le ramener, M. le Président, sur la bonne voie, et c'est ce que nous allons tenter au cours des prochaines heures, des prochaines semaines. Et, je l'espère, M. le Président, nous réussirons à vous convaincre des besoins réels de la population, c'est ce pour quoi nous sommes en cette Chambre, élus par la population qui nous y a délégués. Merci.
Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je remercie M. le député de Richmond. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Viau. M. le député.
M. William Cusano
M. Cusano: Merci. Merci, M. le Président. Nous sommes rendus à l'étape de la prise en considération du rapport de la commission des affaires sociales concernant le projet de loi 70, Loi sur certaines mesures relatives aux services de garde à l'enfance.
Oui, effectivement, M. le Président, il n'y a rien à comprendre. Il n'y a rien à comprendre de ce côté-là, des gens qui forment le gouvernement, M. le Président, des gens qui, durant la campagne électorale, nous ont promis des garderies mur à mur, M. le Président. Oui, et, sur ça, M. le Président, je suis fondamentalement d'accord. Je représente un comté... Oui, applaudissez, M. le député de Sainte-MarieSaint-Jacques. Oui. Votre comté n'est pas... M. le Président, le comté du député...
Le Vice-Président (M. Brouillet): Bon. Non. S'il vous plaît, là, ça fait plusieurs fois, là, que je suis assez tolérant. Si vous avez des remarques, si vous n'êtes pas d'accord, utilisez le droit de parole qui vous est accordé par le règlement. Alors, en attendant, soyez donc silencieux, là, en respectant l'article du décorum, l'article 32. Alors, M. le député de Viau.
M. Cusano: Merci, M. le Président. Je suis content que le député de Sainte-MarieSaint-Jacques soit présent dans cette Chambre, parce que le comté de Viau et le comté de Sainte-MarieSaint-Jacques ont à peu près le même indice de revenu par famille. Il n'y a pas grand différence, M. le Président. Durant la campagne électorale, on a dit, de ce côté-là, M. le Président, que les services de garde à l'enfance, c'était très important, et je suis d'accord avec ça, M. le Président. Dans mon comté, il est extrêmement important de donner, que ce soient des familles monoparentales, que ce soient des immigrants, M. le Président, pour qu'on puisse leur donner la possibilité que leurs enfants, M. le Président, lorsque les parents tentent de travailler , de ne pas recevoir de l'aide de l'État, M. le Président, les parents du comté de Viau qui essaient de travailler, M. le Président, pour qu'ils puissent travailler, il faudrait que leurs enfants soient dans une garderie. Il serait très simple et plus coûteux au gouvernement que ces parents-là disent: Ah, je ne suis pas capable placer mon enfant dans une garderie, je m'en vais sur le bien-être social. «C'est-u» bas, ça? C'est ça que ces gens-là nous disent.
Dans le comté de Viau, il y a une demande énorme en ce qui concerne les garderies privées. Lorsqu'on demande une garderie privée, ça demande quoi au gouvernement en termes de dollars? Absolument rien, M. le Président. Les 125 000 $ que, d'habitude, on donne à d'autres garderies, on ne donne d'aucune façon cet argent-là à des garderies privées. Ces gens-là, M. le Président, dans le comté de Viau, sont prêts à défrayer les coûts. Des gens très fiers, M. le Président. Ils veulent travailler, mais à cause de leur situation, parce qu'ils ont des enfants, de placer ces enfants-là dans une garderie, M. le Président...
Ce qu'on nous dit, de l'autre bord, au moment où on se parle, c'est qu'il faut imposer un moratoire. Ces gens-là, M. le Président, qui sont tellement concernés par le travail au noir... Ce que Mme la présidente du Conseil du trésor ne réalise pas, c'est que c'est bien beau qu'un gouvernement décrète quoi que ce soit, M. le Président, mais lorsqu'il y a un besoin, les gens vont trouver les moyens. Si ces gens-là ne sont pas capables de placer leurs enfants dans une garderie où les normes gouvernementales sont respectées, qu'est-ce que vous pensez qu'ils vont faire, M. le Président? Ils vont les placer ailleurs. Les garderies au noir, M. le Président. Oui, peut-être le député de je ne sais pas trop où, le whip en chef du gouvernement, il n'a pas ce problème-là, lui, dans son comté. Moi, en tant que député du comté de Viau, un comté où il y a beaucoup d'immigrants, M. le Président, il ne faut pas demander à la population l'impossible, M. le Président. Vous ne pouvez pas demander à une population de travailler, et cette population qui veut travailler et qui dit: Moi, j'ai besoin que mes enfants soient gardés, M. le Président, qu'on puisse les garder dans une garderie. On dit: Non, on ne fera pas ça. La solution, M. le Président, le bien-être social. Et, ça, je trouve ça aberrant. Je trouve ça aberrant qu'on encourage par des lois de ce gouvernement que ce soit plus profitable d'être sur le bien-être social que de travailler. M. le Président, je trouve ça totalement inacceptable.
(18 heures)
Et ce que je trouve encore de plus ridicule, et de beaucoup, dans un discours que je prononçais cet après-midi en ce qui concerne particulièrement les gens qui se présentent devant la Régie du logement et où il y a un malentendu, M. le Président, tout d'un coup, le gouvernement, parce qu'il veut faire des économies, on est en train de modifier quelque chose qui fonctionne très bien. Je n'ai pas vu, dans le comté de Viau, des gens qui se promènent dans la rue en ce qui concerne le moratoire qui a été imposé par la ministre responsable de ce dossier, mais j'ai vu, dans le comté de Viau, M. le Président, des gens qui se sont promenés dans la rue, parce qu'ils ont dit: Ça n'a pas de sacré bon sens de fermer un hôpital qui fonctionne très bien, M. le Président. Je ne les comprends pas. Puis je ne suis pas sûr, M. le Président, que, vous, vous compreniez les gens qui sont à votre droite. Il y a des gens qui disent: Oui, on veut participer pleinement au développement de la famille, on veut participer totalement au développement de la société québécoise. Mais ces gens-là disent, en ce qui regarde les garderies, ils ont tous dit qu'il y avait un besoin énorme, et je vais les appuyer, mais, pourtant, il y a un moratoire. Il y a un moratoire.
Mais lorsqu'on regarde la fermeture des hôpitaux, M. le Président, s'il y a des gens qui demandent un moratoire... On a demandé, nous, M. le Président, qu'on puisse reporter l'adoption de ce projet de loi. Non. Non, il n'en est pas question. Et la ministre se plaît à dire qu'elle consulte à droite et à gauche, et ainsi de suite, M. le Président, puis, pourtant, les gens de Viau n'ont jamais été consultés, M. le Président, et, ça, je l'affirme de mon siège.
Des voix: Oh!
Le Vice-Président (M. Brouillet): Excusez-moi, M. le député de Viau, il est 18 heures et vous avez encore deux minutes possibles à votre temps. Alors, vous pourrez, à 20 heures, reprendre, à ce moment-là, s'il n'y a pas consentement présentement. Bon. Étant donné l'heure, nous allons suspendre nos travaux jusqu'à 20 heures ce soir.
(Suspension de la séance à 18 h 1)
(Reprise à 20 h 3)
Le Vice-Président (M. Bélanger): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, Mmes et MM. les députés, si vous voulez bien vous asseoir, nous allons reprendre nos travaux. Nous en étions à l'article 24. L'Assemblée prend en considération le rapport de la commission des affaires sociales sur le projet de loi 70, Loi sur certaines mesures relatives aux services de garde à l'enfance. Au moment où nous avons suspendu, c'était M. le député de Viau qui avait la parole. Il lui restait environ deux minutes comme droit de parole. Je vais donc vous céder la parole, M. le député de Viau, pour votre intervention.
M. Cusano: Merci, M. le Président. Je disais, avant qu'on ajourne pour le souper, que j'ai beaucoup de difficulté à comprendre pourquoi, lorsqu'il y a un besoin énorme au niveau des familles monoparentales, des familles immigrantes, on impose un moratoire. Est-ce que c'est pour faire plaisir au ministre de l'Industrie et du Commerce, qui, lui, ne veut pas avoir de garderie sur sa rue, M. le Président?
Des voix: Ah!
M. Cusano: Moi, je vous dis, M. le Président, que je n'ai aucune objection à ce qu'il y ait des garderies sur ma rue, je n'ai aucune objection à ce qu'il y ait des garderies dans le comté de Viau, M. le Président, parce qu'on en a besoin. Les demandes qui nous arrivent au bureau de comté, M. le Président, c'est pour des garderies privées, qui ne coûtent aucun montant au gouvernement. Pourquoi ces gens-là ont-ils déclaré un moratoire, M. le Président? Je crois que la population du Québec, au moment où on se parle, aimerait bien avoir un moratoire sur la fermeture des hôpitaux, M. le Président.
Des voix: Bravo!
M. Cusano: Le ministre de la Santé et des Services sociaux, M. le Président, et le premier ministre, qui a invité les gens à descendre dans la rue, M. le Président... Parce que, lorsqu'on lui a posé des questions pour lui demander qu'on tienne des audiences publiques, il nous a dit: Où sont les gens, M. le Président? Les gens, oui, on le voit ici, à Québec, il y en a eu 10 000 pour Christ-Roi; il y en a eu 17 000 pour sauvegarder Chauveau, M. le Président.
À ce que je sache, M. le Président... Et vous êtes un de mes voisins, M. le Président. Est-ce qu'il y a eu beaucoup de demandes, chez vous, pour qu'il y ait un moratoire au niveau des garderies, M. le Président? Moi, je n'en ai pas reçues. Ce que j'ai reçu, M. le Président, c'est que... On veut avoir des garderies parce que c'est nécessaire pour les gens qui veulent travailler, M. le Président, les gens qui ne veulent pas être sur le bien-être social, qui veulent justement qu'on puisse placer les enfants dans les garderies.
Une voix: Exact.
Une voix: C'est ça. Bravo! Bravo!
Le Vice-Président (M. Bélanger): Votre temps est...
M. Cusano: En terminant...
Le Vice-Président (M. Bélanger): Votre temps est...
M. Cusano: En terminant... Deux minutes, M. le Président, c'est très court, je réalise ça. Ce que je veux vous dire, M. le Président, c'est que j'ai de la difficulté à comprendre ces gens-là. Lorsque la population demande quelque chose, ils font complètement le contraire, M. le Président. C'est pour ça que je m'objecte à l'adoption de ce projet de loi et à l'adoption de ce rapport, M. le Président. Merci.
Des voix: Bravo!
Le Vice-Président (M. Bélanger): Alors, je vous remercie, M. le député de Viau. M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Gendron: Oui. En ce moment-ci, M. le Président, en vertu de l'article 100, je fais motion pour ajourner le débat.
Le Vice-Président (M. Bélanger): Alors, est-ce que cette motion est adoptée? M. le leader de l'opposition.
M. Paradis: Vote enregistré, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Bélanger): Alors, qu'on appelle les députés.
(20 h 7 20 h 15)
Le Vice-Président (M. Bélanger): Alors, Mmes et MM. les députés, nous allons reprendre nos travaux. Nous mettons donc aux voix la motion d'ajournement proposée par le leader adjoint du gouvernement.
Alors, que les députés en faveur de cette motion veuillent bien se lever.
La Secrétaire adjointe: M. Campeau (Crémazie), Mme Marois (Taillon), Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve), M. Garon (Lévis), M. Trudel (Rouyn-NorandaTémiscamingue), M. Perron (Duplessis), M. Laurin (Bourget), M. Julien (Trois-Rivières), M. Dufour (Jonquière), M. Landry (Bonaventure), M. Boisclair (Gouin), M. Gendron (Abitibi-Ouest), M. Jolivet (Laviolette), Mme Beaudoin (Chambly), M. Bertrand (Charlevoix), Mme Caron (Terrebonne), Mme Vermette (Marie-Victorin), Mme Robert (Deux-Montagnes), M. Paré (Lotbinière), Mme Malavoy (Sherbrooke), M. Baril (Arthabaska), M. Beaumier (Champlain), M. Boulerice (Sainte-Marie Saint-Jacques), M. Bourdon (Pointe-aux-Trembles), M. Brien (Rousseau), Mme Carrier-Perreault (Chutes-de-la-Chaudière), Mme Charest (Rimouski), Mme Barbeau (Vanier), M. Gaulin (Taschereau), M. Gagnon (Saguenay), M. Dion (Saint-Hyacinthe), M. Deslières (Salaberry-Soulanges), M. Désilets (Maskinongé), M. Lachance (Bellechasse), M. Laprise (Roberval), M. Jutras (Drummond), Mme Leduc (Mille-Îles), M. Facal (Fabre), M. Lelièvre (Gaspé), M. Payne (Vachon), M. Paquin (Saint-Jean), M. Simard (Richelieu).
Le Vice-Président (M. Bélanger): Que les députés contre cette motion veuillent bien se lever.
La Secrétaire adjointe: M. Paradis (Brome-Missisquoi), M. Bourbeau (Laporte), M. Cusano (Viau), Mme Dionne (Kamouraska-Témiscouata), M. Parent (Sauvé), M. Bissonnet (Jeanne-Mance), M. Brodeur (Shefford), M. Williams (Nelligan), M. Gautrin (Verdun), M. Chagnon (WestmountSaint-Louis), M. Poulin (Beauce-Nord), M. Bordeleau (Acadie), M. Ouimet (Marquette), M. Charbonneau (Bourassa), M. Bergman (D'Arcy-McGee).
Le Vice-Président (M. Bélanger): Est-ce qu'il y a des abstentions? Oui, M. le leader de l'opposition.
M. Paradis: Est-ce qu'il me serait permis de solliciter le consentement du leader du gouvernement pour que le vote du député de Jacques-Cartier soit ajouté comme un vote contre la motion d'ajournement, M. le Président?
Le Vice-Président (M. Bélanger): Alors, est-ce qu'il y a consentement pour...
M. Gendron: Non, il n'y a pas consentement. Non.
Le Vice-Président (M. Bélanger): Donc, il n'y a pas de... S'il vous plaît! À l'ordre! À l'ordre! Alors, je comprends qu'il n'y a pas de consentement. À l'ordre, s'il vous plaît! S'il vous plaît, à l'ordre! Le vote n'est pas terminé. Oui, M. le leader de l'opposition.
M. Paradis: Oui. Est-ce que je pourrais solliciter à nouveau le consentement de mon ami, le leader du gouvernement, en lui indiquant que le whip adjoint du parti, en l'occurrence le député de Jeanne-Mance, aurait pu rester debout plus longtemps, M. le Président, pour s'assurer de l'arrivée... Compte tenu que nous ne voulions pas retarder les travaux, le whip a accepté de s'asseoir en sachant très bien que le député de Jacques-Cartier était parmi nous. C'est une attitude qui, dans les circonstances, pourrait amener une meilleure collaboration qui est souvent essentielle dans les fins de sessions entre le gouvernement et l'opposition officielle, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Bélanger): M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Gendron: Pourrais-je solliciter la bonne compréhension de mon bon ami, le leader de l'opposition, que c'est beaucoup plus facile d'avoir une bonne collaboration quand on respecte à un minimum notre parole donnée. Tout l'après-midi, vous avez fait autre chose que ce que vous nous aviez indiqué, et, dans ce sens-là, je n'ai pas d'affaire à collaborer avec quelqu'un...
Le Vice-Président (M. Bélanger): À l'ordre, s'il vous plaît! Non. Là, je comprends qu'il n'y a pas eu consentement. Il y a eu une demande de consentement, mais le consentement n'a pas été accordé. On va terminer le vote. Après ça, je vous reconnaîtrai pour votre question. Question de règlement? Question de règlement, M. le leader de l'opposition.
M. Paradis: Oui, M. le Président. Le leader adjoint du gouvernement sait très bien que je n'ai jamais, cet après-midi, donné ni à lui ni au leader du gouvernement une parole quelconque. Je demande, dans les circonstances, qu'il soit suffisamment gentilhomme pour retirer les propos qu'il a prononcés.
Le Vice-Président (M. Bélanger): Là, je vais céder la parole à M. le leader adjoint du gouvernement. Vous comprendrez, cependant, que je n'ai pas envie de partir un débat là-dessus, là. M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Gendron: De tout temps, M. le Président, et le leader de l'opposition le sait très bien, la parole donnée à ceux qui travaillent... C'est exact, il n'a pas donné sa parole à celui qui parle...
Des voix: Ah bon!
M. Gendron: ...mais, de tout temps, il sait bien que, quand on parle à ceux qui collaborent avec nous, c'est ce qu'on appelle communément donner la parole au leader du gouvernement ou de l'opposition, et, en conséquence, d'aucune façon on n'a respecté ce qu'on nous avait indiqué cet après-midi. Moi, j'ai le droit, simplement la preuve, le règlement le prévoit... Est-ce que je donne mon consentement? Non.
Le Vice-Président (M. Bélanger): Bon. Alors, pour le résultat du vote?
Le Secrétaire: Pour:42
Contre:15
Abstentions:0
(20 h 20)
Le Vice-Président (M. Bélanger): La motion est donc adoptée. M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Gendron: À ce moment-ci, M. le Président, je vous demanderais d'appeler l'article 4 du feuilleton.
Projet de loi 85
Reprise du débat sur l'adoption du principe
Le Vice-Président (M. Bélanger): À l'article 4, l'Assemblée reprend le débat ajourné le 8 juin 1995 sur l'adoption du principe du projet de loi 85, Loi modifiant la Loi sur le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation et la Loi sur la fiscalité municipale. Je suis maintenant prêt à céder la parole à un prochain intervenant sur ce projet de loi. Au moment d'ajourner ce débat, c'était M. le député d'Orford qui avait terminé son allocution. Alors, M. le député de Nelligan. À vous la parole, M. le député.
M. Russell Williams
M. Williams: Merci beaucoup, M. le Président. Effectivement, j'ai demandé d'avoir la parole... Je m'excuse, M. le Président, là.
Le Vice-Président (M. Bélanger): Vous avez raison, M. le député de Nelligan. J'aimerais que les députés qui ont à quitter cette Chambre le fassent sans faire de bruit afin de nous permettre, à ce moment-là, de continuer nos travaux. S'il vous plaît! M. le député de Nelligan.
M. Williams: Merci beaucoup, M. le Président, et merci beaucoup pour votre compréhension à l'occasion de ce débat sérieux sur le projet de loi 85, Loi modifiant la Loi sur le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation et la Loi sur la fiscalité municipale. Je suis très heureux ce soir, M. le Président, d'avoir presque deux minutes, comme j'ai eu hier soir, à cause des règles parlementaires. Effectivement, c'est assez difficile de passer le message pendant 120 secondes, mais j'ai essayé de faire ça hier soir.
Hier soir, j'ai ciblé mes commentaires particulièrement sur l'article 1.5° et j'ai cité cet article, l'article 1.5°, l'article 36.2 de la Loi sur le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, qui est modifié. Il y a quatre sous-amendements, mais je voudrais juste citer le paragraphe 5° du quatrième amendement: «qui a acquitté la cotisation annuelle prévue à la section VIII de la Loi sur les producteurs agricoles.»
Moi, M. le Président, j'ai dit hier soir que j'étais carrément contre cet article du projet de loi parce que, dans mon opinion, c'est contre la démocratie, c'est antidémocratique, parce que ça oblige les personnes, les fermiers, à participer dans une association qui est non gouvernementale, et je n'ai jamais vu ça dans mon expérience gouvernementale.
Certainement, tous mes commentaires, M. le Président je voudrais souligner ça dans cette Chambre devant toutes les personnes qui sont ici ce soir c'était... excusez-moi, M. le Président, mes commentaires ne sont pas contre l'UPA. C'est contre l'idée que nous allons obliger le membership obligatoire de tous les fermiers dans cette association. Ce n'est pas parce que je suis contre ça, mais je suis contre l'idée que nous allons avoir cette obligation. Mais, aussi, j'ai besoin de mentionner, M. le Président, que, pendant mon expérience comme membre de la commission Bélanger-Campeau, quand nous avons étudié toutes les questions certainement pas pour la première fois ni pour la dernière fois de souveraineté, l'UPA a pris une certaine position, et je n'ai jamais caché qu'elle n'était pas la mienne. Ils ont dit, et je voudrais citer: L'UPA ne craint pas la souveraineté, ils ont dit, parce que nous avons confiance en nos moyens. Moi, je pense... J'étais déçu à cette époque, car nous avions une association comme ça qui prenait une position sur une question qui ne touche pas vraiment le mandat de cette association. En 1995, l'UPA joue un rôle assez différent, un rôle important pour les fermiers du Québec, mais je suis loin d'être convaincu que cet article 1.5° est utile dans le projet de loi.
I am always against the notion of obligatory membership, whether it is in the UPA or whether it is in any other association, and I think that must be stopped...
M. Cusano: M. le Président, question de règlement.
Le Vice-Président (M. Bélanger): Oui, M. le député de Viau.
M. Cusano: Je comprends très bien qu'aujourd'hui le ministre de Lévis a eu beaucoup de difficultés, mais je demanderais d'appliquer l'article 32, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Bélanger): Alors, en vertu de l'article 32... On demande le respect de l'article 32. Alors, je demanderais à tous les députés de bien vouloir rejoindre la place qui leur a été assignée. Alors, M. le député de Nelligan.
M. Williams: Merci beaucoup. Si j'ai bien compris le comportement du ministre de l'Éducation, il pense que sa place désignée est en dehors de cette Chambre.
Le Vice-Président (M. Bélanger): M. le député de Nelligan, vous savez qu'en vertu de notre règlement on ne peut mentionner la présence ou l'absence d'un député en cette Chambre. Alors, je vous demanderais, s'il vous plaît... Oui, M. le député de Viau.
M. Cusano: Je remarque que le député de Lévis n'est pas encore à sa place, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Bélanger): M. le député de Viau, vous savez que les députés peuvent quitter et revenir à leur siège, il est tout à fait permis, tant et aussi longtemps que ça ne dérange pas le droit de parole des députés. Alors, ça, je pense... Vous êtes un parlementaire d'expérience, M. le député de Viau, vous savez que ça a toujours été la règle dans cette Chambre. Alors, M. le député de Nelligan.
M. Williams: Merci beaucoup, M. le Président. C'est une loi qui, on le voit ce soir, touche les émotions de tous les Québécois. On doit s'assurer que, effectivement... Effectivement, on doit être certains que, avant de passer nos projets de loi, ça a du bon sens. Et, d'obliger la participation de tous les fermiers dans l'UPA, je pense que c'est exactement le contraire de ça.
And Mr. Speaker, in my riding, I have the privilege of one of the head offices... of having the head office of the Québec Farmers' Association, that plays a very crucial role in the development of the strategies and lobbying for farmers across the Province of Québec, particularly English-speaking farmers. But there are other groups, like the «coop des fédérées», the Québec Farmers' Association, the UPA. Why has the Government decided that you have to be a member of the UPA?
Particularly, as I mentioned before, Mr. Speaker, that in the past I am not saying now there have been various positions taken way outside the role of a particular agricultural society. So, technically, it may be legal to do it, but I really suggest that it is immoral. It is immoral that you oblige people to become members of one single agricultural society. What about freedom of choice? What about the ability of farmers to choose what they think is right? I think we must challenge that, and we should be very careful before we pass this law, particularly as we look at in the economic situation that we are living in right now, Mr. Speaker the obligations that that membership means.
Et je pense qu'on doit être prudent. Si on veut que tous les fermiers soient membres d'une association ou d'une autre, je pense qu'on doit s'assurer que particulièrement les jeunes fermiers aient les capacités, d'abord et avant tout, de commencer leur ferme, de faire de l'argent... to make money by growing products for the people of Québec. And I would strongly suggest, before you come up with any kind of regulation, an article of law like 1.5° of Bill 85, that you should build in at the very least some notions of freedom of choice, and if you do not do that and I suggest first and foremost that you should do that you should build in some flexibility so young farmers can have some time, as they are building up equity, as they are building up their cash flow, to participate in that association possibly on a gradual level.
(20 h 30)
Therefore, I think there has to be more openness, and particularly again I really sincerely plead to the minister to take article 1.5° out of the law. But, if he does not... s'il n'enlève pas l'article 1.5° de ce projet de loi, j'espère qu'il pourra ajouter aux autres articles de la loi, qu'il pourra peut-être donner plus de responsabilités aux autres associations, telles celles que j'ai mentionnées, comme les coops fédérées ou le Québec Farmers' Association, parce qu'elles jouent un rôle assez important. Pourquoi est-ce que nous sommes en train de passer une loi qui donne une exclusivité à une association contre une autre?
Mais, M. le Président, je voudrais aussi mentionner qu'il y a un problème parce que, peut-être le ministre, dont j'ai eu le plaisir de visiter son comté plusieurs fois, se demande: Pourquoi un député de l'ouest de l'île de Montréal a-t-il demandé la parole sur le projet de loi 85, qui touche le secteur de l'agriculture? Je voudrais répondre au ministre sur cette question. J'ai des citoyens qui viennent du comté de Nelligan, particulièrement la ville de Pierrefonds et l'Île Bizard qui, nonobstant le fait qu'ils demeurent dans la Communauté urbaine de Montréal, ont des fermes, qui essaient de faire de l'agriculture, qui essaient de faire des carottes, des patates, des légumes comme ça. Ils ont visité mon bureau de comté, M. le Président, et ils m'ont demandé de lire cette lettre à l'Assemblée nationale, pour s'assurer que le ministre puisse prendre connaissance de cette lettre. Et on espère qu'il va répondre à cette lettre, parce que ça fait mal pour les citoyens du comté de Nelligan qui sont touchés par ce projet de loi.
C'est une lettre adressée à moi, M. le Président, et ça dit: «Suite à une lettre de contestation et de faire-part auprès du gouvernement du Québec, plus précisément au ministre de l'Agriculture, M. Marcel Landry, nous vous demandons, M. le député, de nous appuyer dans la démarche de demander au gouvernement du Québec de revenir sur sa décision et de nous accorder le remboursement agricole des taxes foncières et le maintien du minimum de 3 000 $ de production agricole déclarée pour l'année 1994.
«Après s'être fait imposer sans consultation ce refus de remboursement de l'ordre de 10 000 $, pour nous, ici à Pierrefonds je parle de la ville de Pierrefonds et la limite minimum de production agricole de 10 000 $ pour l'année 1995, il est de notre intérêt de contester ce refus et cette imposition.
«Nous demandons également au gouvernement du Québec qu'il mette la limite de production déclarée à 5 000 $ ils ont suggéré un compromis au lieu de 10 000 $, pour les prochains trois ans, et à 10 000 $ pour les années ultérieures aux trois ans.
«Enfin, pour être précis, nous demandons donc au gouvernement du Québec le remboursement de 70 % des taxes foncières municipales et le maintien du 3 000 $ minimum, limite de production déclarée pour l'année 1994. Ces remboursements sont de l'ordre d'environ 10 000 $ pour les producteurs agricoles ici mentionnés: Monique Lauzon, André Lauzon, Luc Lauzon, Lise Lauzon, Claude Lauzon et aussi Claudette Théorêt et Monique Legault.»
M. le Président, j'ai décidé de lire cette lettre en Chambre parce que, peut-être, le ministre n'est pas au courant que, chez moi, il y a des Québécois, des payeurs de taxes de bonne volonté qui ont des problèmes avec ça. Dans une partie, le problème est causé par le projet de loi, dans une autre partie, il est causé par le niveau d'évaluation de la Communauté urbaine de Montréal.
Je voudrais demander très sincèrement au ministre de l'Agriculture de tenir compte de ce problème et de s'assurer que les personnes puissent avoir la flexibilité pour vivre comme un fermier dans les communautés urbaines. Pas nécessairement à Montréal, parce que, selon une information que j'ai reçue... Parce que, une fois que j'ai une demande, comme député, M. le Président, j'essaie de faire des recherches, et j'ai entendu que c'est le même type de problèmes dans les autres territoires, peut-être aussi à Laval, dans Gatineau et Drummondville. Parce que, quand nous avons une population étalée, il va y avoir un impact sur les fermiers.
Je demande très sincèrement, M. le Président, que le ministre prenne au sérieux mes interventions, et peut-être qu'il peut trouver les nuances, dans son projet de loi, pour respecter ces personnes-là, parce que, pendant des années... Et j'ai eu le consentement de ces personnes pour juste citer à cause des changements le niveau de taxation qu'elles vont payer. Et il y a tout un changement entre la valeur... Elles ont payé, avant, 1 440 $ par année, et maintenant c'est presque 13 000 $ par année de taxe foncière. Et je voudrais demander au ministre, pendant les débats sur ce projet de loi peut-être qu'il peut élargir le débat et réfléchir sur les autres idées: Est-ce que ça va être utile d'avoir un plafond sur l'augmentation? Peut-être qu'il peut respecter ces règles qu'il veut établir, mais plafonner, ne pas avoir trop d'augmentation trop vite.
J'ai entendu aussi, M. le Président, d'autres idées, que peut-être il peut, pour les fermes dans les communautés urbaines ou dans les centres plus urbains que ruraux, trouver une autre façon de taxer. Peut-être une taxe sur les revenus et pas une taxe foncière.
And I would like to suggest, Mr. Speaker, that this is a very interesting idea because I think it is absolutely crucial that people understand that, when you are starting to evaluate properties in an urban community based on potential land sale, if you are selling a farm for non-farming purposes, the value is one level. If you want to continue on farming that land, it is an entirely different level. And I would very much encourage the Minister of Agriculture to take note of that. Because I think the debate is more fundamental than what the Bill 85 actually looks at on the surface. We have to ask ourselves: Are we really interested, do you particularly care about keeping agriculture land particularly within urban environment? I think we have to be very serious about that question because by neglect, if we allow this kind of tax increase to happen, what is it going to happen to those citizens? They are obviously going to have to sell their properties. And will they be farms, Mr. Speaker? I doubt it very much. Will they be able to continue to live the life style that frankly those folks have been living for generations? And, because of circumstances, the environment around them has changed. But has their life style changed? No. But their level of taxation based on our laws and the rules that we have given municipalities have changed.
I think it is incumbent on us particularly in the urban environment and maybe this is not a major preoccupation of the Minister of Agriculture because obviously he is interested in other regions. And I do not blame him for that because that is where most of the farms are, but I think there is a certain responsibility here in the National Assembly that, when we pass laws, we take into account as best we can all Quebeckers. When I first heard about Bill 85, I certainly read it with interest. I read it with interest because all laws that come in front of the National Assembly have interest to me. But when I had citizens of my own county come and say this is a problem for them, I began to study it even in greater detail. I believe that, for those people, the increase of 10 000 $ as a minimum sale is unrealistic.
(20 h 40)
Et, selon l'information et je ne demande pas le consentement pour déposer, je vais donner une copie plus tard au ministre, et j'espère qu'il peut faire un suivi de cette lettre. Mais, effectivement, le cas de comté que j'ai expliqué ce soir, M. le Président, est tellement touché par la loi 85... Et, dans mon opinion, on peut être un peu plus flexible, M. le Président, on peut tricoter une certaine, comment je peux dire, flexibilité dans nos projets de loi. Parce que, quand nous avons le développement d'une ville, mais peut-être que vous êtes 10 km en dehors d'une ville, quand il y a un agrandissement de cette ville, quand ça touche juste cinq kilomètres, ça ne change pas, mais, quand ça approche votre ferme, ça change l'évaluation de votre ferme. Avec ça, ça change le niveau de taxation parce que l'évaluation est changée, la taxe foncière est changée. Et ça fait mal. Mais les pauvres messieurs et mesdames, ils ont fait la même chose. Avec ça, je plaide, pour les fermiers du Québec et particulièrement pour ceux et celles qui vivent dans mon comté, d'être un peu plus flexible, trouver les solutions qui peuvent régler j'ai suggéré quelques idées, M. le Président. Un plafond ou peut-être une autre façon de taxer... pas le niveau de taxation. Et j'espère qu'il peut tenir compte de ça.
Avant de terminer, M. le Président, je voudrais répéter, je pense que c'est inacceptable, dans un projet de loi québécois, d'avoir une obligation, avant d'avoir les subventions de l'État, qu'il doit être membre d'une association communautaire, une union, qui, de temps en temps, a eu une position assez politique. Je pense que ça commence, comme nous avons dit, ça commence à mettre une ligne entre l'Église et l'État assez grise. Je pense que c'est inacceptable. Si on veut protéger la démocratie à Québec, on doit s'assurer que l'État est une chose, l'Église est une autre chose, et la politique est une autre chose. S'il y a une possibilité plus tard qu'une association comme l'UPA puisse avoir aussi une chance d'être en contrôle de l'administration de plusieurs projets, they will be judge and juries and I think that it is fundamentally wrong.
Je voudrais, M. le Président, en terminant, juste assurer que tout le monde veut réagir, améliorer notre système dans toutes les questions qui touchent le projet de loi 85. Mais je suis loin d'être convaincu que tous les articles de la loi 85 sont utiles. Et une dernière fois, M. le Président... Oui, je vois vos signes. Je plaide pour, mais mes citoyens dans le comté de Nelligan qui demeurent dans une communauté urbaine veulent trouver dans votre projet de loi, M. le ministre, la flexibilité pour respecter leurs besoins aussi. Merci beaucoup, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M. le député de Nelligan. Je vais céder la parole maintenant à M. le député de Marquette. À vous la parole, M. le député.
M. François Ouimet
M. Ouimet: Merci, M. le Président. Je prends la parole ce soir sur le projet de loi 85, Loi modifiant la Loi sur le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation et la Loi sur la fiscalité municipale. M. le Président, c'est étonnant que ce soit cette loi qui soit modifiée et non pas la Loi sur les producteurs agricoles, et je vais m'expliquer un petit peu plus tard dans le cadre de mon intervention.
L'objectif de la loi, M. le Président, c'est que ce projet de loi vient modifier les conditions d'admissibilité au Programme de remboursement des taxes municipales dont bénéficiaient les agriculteurs. Le MAPAQ, voyant l'augmentation continuelle des dépenses à ce chapitre, vient réviser les modalités et les conditions de remboursement et, à cette fin, le projet de loi 85 établit une nouvelle base de calcul du remboursement.
M. le Président, le projet de loi a très peu d'articles, il en a une quinzaine, dont certains articles, comme le mentionnait mon collègue, le député de Nelligan, n'ont pas vraiment leur raison d'être dans le cadre de ce projet de loi 85.
M. le Président, l'essentiel de ce projet de loi, c'est que le gouvernement, le ministre de l'Agriculture en l'occurrence, vise à obliger les agriculteurs à verser leur contribution à l'UPA. Et la conséquence, M. le Président, si les agriculteurs ne le font pas, c'est qu'ils seront pénalisés et ils seront pénalisés sévèrement. La pénalité, M. le Président, c'est qu'ils ne pourront pas bénéficier des différents programmes du gouvernement qui visent à venir en aide aux agriculteurs, et on sait que le Québec a mis de l'avant plusieurs dispositions législatives pour venir favoriser l'agriculture et le développement de l'agriculture, et ça date depuis de nombreuses années. On sait que le Québec était, lors de sa... Alors que le Québec est devenu une province, c'était une province essentiellement rurale et où l'agriculture jouait un rôle prépondérant dans la vie des citoyennes et citoyens.
Mais, avec la révolution industrielle, M. le Président, plusieurs individus se sont tournés vers l'industrie, les manufactures et les compagnies. Mais le gouvernement a toujours eu comme préoccupation d'encourager les agriculteurs et la production agricole, de telle sorte, M. le Président, qu'il existe des mesures législatives en matière d'impôt, par exemple, qui visent à favoriser l'agriculteur. Le projet de loi que nous dépose le ministre de l'Agriculture vient pénaliser les agriculteurs si ceux-ci n'acquittent pas leur contribution à l'UPA. Et la pénalité, elle est sévère. Elle est sévère dans le sens que normalement les agriculteurs ont droit à au moins 70 % d'exemptions fiscales en matière de taxes municipales et de taxes scolaires. Si le projet de loi est adopté tel qu'il est libellé actuellement et si l'agriculteur ne paie pas sa cotisation syndicale, M. le Président, à l'UPA, il sera pénalisé et il ne pourra pas bénéficier des exemptions fiscales qui sont mises à sa disposition afin de favoriser son entreprise agricole.
J'ai toujours, M. le Président, comme réflexe de m'interroger sur le pourquoi. Pourquoi une disposition législative, pourquoi un nouveau projet de loi est mis de l'avant par un ministre? Et lorsqu'on se pose cette question-là, M. le Président, on commence à identifier certaines réponses. Dans le cas du ministre de l'Agriculture, je me suis posé la même question: Pourquoi le ministre de l'Agriculture dépose-t-il un tel projet de loi? Si jamais le projet de loi 85 est adopté, pourquoi l'État intervient-il dans les relations entre les agriculteurs et ceux qui doivent les représenter, nommément l'Union des producteurs agricoles? La réponse, M. le Président, c'est qu'on n'arrive pas à trouver de motif ou de raison logique, sauf les représentations qu'a pu faire l'UPA auprès du ministre de l'Agriculture et, d'autre part, M. le Président, les pressions qu'a pu exercer le ministre de l'Agriculture sur l'UPA.
L'UPA, on peut comprendre, M. le Président, il en va de son intérêt à ce que ces cotisations syndicales soient acquittées par l'ensemble des agriculteurs du Québec, mais, en ce qui concerne le ministre, c'est quoi, son intérêt, lui, à accorder ce privilège à l'UPA? Pourquoi le fait-il alors que d'autres ministres de l'Agriculture qui l'ont précédé ont décidé que, ça, ça relevait des relations entre les producteurs agricoles et leurs syndicats? En se posant la question, M. le Président, et en regardant les gestes que pose le gouvernement du Parti québécois depuis le 12 septembre dernier, on arrive à voir une certaine logique au niveau de ses interventions.
Et la logique, M. le Président, c'est que les ministres du Parti québécois cherchent à obtenir des appuis en vue du référendum qui devrait survenir l'automne prochain. Lorsqu'on comprend cette dimension-là, M. le Président et ce n'est pas le député de Marquette qui parle, plusieurs éditorialistes ont fait cette analyse les gestes posés par le gouvernement du Parti québécois visent essentiellement à obtenir des appuis afin de réaliser la souveraineté du Québec. À ce compte-là, M. le Président, on comprend un peu mieux la commande qui a été placée sur les épaules du ministre de l'Agriculture de faire tout en son possible pour aller se chercher des appuis.
(20 h 50)
Ce qu'il faut comprendre, M. le Président, c'est que le gouvernement du Parti québécois actuellement est un petit peu en difficulté par rapport à certains de ses alliés. On pense nommément à la présidente de la centrale des enseignants et des enseignantes du Québec, Mme Lorraine Pagé, qui annonçait il y a à peu près deux semaines, M. le Président, qu'elle avait de fortes réserves par rapport au gouvernement du Parti québécois, par rapport aux gestes qu'il a posés depuis le 12 septembre dernier, par rapport aux mesures qui ont été mises en place, par rapport au fait que la préoccupation relativement au référendum est beaucoup trop grande et que plusieurs gestes posés par le gouvernement du Parti québécois n'étaient pas en fonction des intérêts des citoyens et citoyennes du Québec, mais davantage en fonction de son intérêt politique, son intérêt politique étant la souveraineté du Québec. Et lorsque nous avons cet éclairage-là additionnel, M. le Président, on commence à mieux comprendre les motifs derrière les différents projets de loi qui sont déposés, et je vous soumets, M. le Président, que c'est le cas avec le projet de loi 85.
Le projet de loi 85 vise à obtenir un appui de l'UPA pour la prochaine campagne référendaire, et ça, dans le cadre où les appuis du Parti québécois commencent à s'effriter, ils ont besoin d'autres appuis, M. le Président. Parce que, comment expliquer qu'on impose une obligation aux agriculteurs du Québec de verser leur cotisation à l'UPA, alors que, normalement, lorsque les agriculteurs ne versent pas leur cotisation, il existe des recours de l'UPA et des agriculteurs? Parce qu'il faut comprendre, M. le Président, il faut comprendre qu'il y a plus de 1 000 causes devant les tribunaux actuellement, 1 000 causes devant les tribunaux où des agriculteurs ne sont pas satisfaits, pour les raisons qui leur sont propres, de la représentativité de l'UPA, et ce n'est pas... M. le Président, le Parti libéral du Québec ne met pas en doute là les grandes qualités et les grandes capacités de l'UPA; là n'est pas le débat. Le débat est à l'effet de respecter la liberté de chaque agriculteur de contester le fait qu'il estime qu'il n'est pas bien représenté par l'UPA et que, lorsque celui-ci détermine qu'il n'est pas bien représenté par l'UPA, il existe des recours actuellement.
Pourquoi, à ce moment-ci, le ministre de l'Agriculture vient-il régler les contentieux qui existent entre les agriculteurs et l'UPA? Il faut se poser la question et c'est en se posant la question et c'est en faisant l'analyse des gestes posés par le gouvernement du Parti québécois depuis huit ou neuf mois qu'on arrive, M. le Président, à certaines réponses. Et la réponse, elle saute aux yeux: le ministre de l'Agriculture est en train de monnayer un appui dans le cadre de la campagne référendaire et, en échange, il vise à pénaliser les agriculteurs qui ne paient pas leur cotisation à l'UPA. C'est ça qui est le «trade-off», M. le Président, et c'est ça qu'on doit dénoncer ici même, au salon bleu de l'Assemblée nationale.
M. le Président, quelles sont les revendications véritables des agriculteurs du Québec? Les agriculteurs du Québec seraient prêts à laisser aller l'exemption qu'ils ont actuellement. On sait que les agriculteurs peuvent réclamer un remboursement d'impôt de l'ordre de 70 % des taxes municipales, des taxes scolaires sur leur résidence principale. Pourtant, leur résidence principale n'est pas vraiment un outil dont ils ont besoin dans le cadre de leur exploitation agricole; les agriculteurs du Québec le reconnaissent. Ce qu'ils disent, c'est qu'ils seraient prêts à laisser aller cette exemption qu'ils ont, mais, en retour, ce qu'ils demandent du ministre de l'Agriculture, c'est que, pour 100 % des outils dont ils ont besoin afin d'effectuer leur production agricole, le coût d'achat et le coût d'opération soient exemptés, et ça, c'est une demande qui est légitime. Pourtant, M. le Président, c'est une demande qui ne fait pas l'objet de dispositions dans ce projet de loi. Pourquoi le ministre de l'Agriculture n'a-t-il pas jugé important et opportun d'adresser les préoccupations véritables des agriculteurs du Québec? Et pourquoi a-t-il déposé un projet de loi qui ne vise, uniquement, qu'à favoriser les intérêts d'un syndicat, l'UPA? C'est ça qu'est la question, M. le Président. Et c'est là qu'on constate, c'est là qu'on constate que les intérêts des Québécois et des Québécoises ne sont pas bien servis par le gouvernement du Parti québécois. Et ça confirme la thèse de plusieurs analystes et de plusieurs chroniqueurs qui examinent les gestes posés par les ministres du Parti québécois.
Ce qu'on constate, M. le Président, c'est que les intérêts des Québécoises et des Québécois sont sacrifiés dans l'intérêt de la cause référendaire, et ça, M. le Président, même si ça va à l'encontre des intérêts des Québécois et des Québécoises. Et ce projet de loi en est un autre exemple. Il est important, M. le Président, que la population qui nous écoute ce soir, que les agriculteurs qui sont à l'écoute ce soir le réalisent bien, et que ces agriculteurs, M. le Président, fassent pression sur le ministre de l'Agriculture pour qu'il ne puisse pas se défiler de cette façon-là, M. le Président, pour que le ministre de l'Agriculture, que ses véritables intentions soient mises à jour. Et nous sommes en train de les mettre à jour, M. le Président, ses véritables intentions.
Pourquoi, à ce moment-ci, faire des cadeaux à l'UPA? Pourquoi répéter les gestes que la présidente du Conseil du trésor faisait à l'égard de l'industrie de la construction, M. le Président? On a eu la même chose au mois de décembre, M. le Président: des cadeaux de Noël ont été faits à la CSN et à la FTQ, et, maintenant, c'est un autre cadeau qu'on est en train de faire à l'UPA. Et pourtant, M. le Président, on le sait, ça ne sert pas les intérêts des agriculteurs du Québec.
M. le Président, 1 000 causes sont pendantes et il pourrait y en avoir beaucoup plus et le ministre a décidé de faire, entre guillemets, un «deal» avec l'UPA, un «deal» avec le syndicat. C'est ça qui est en train de se passer ici. Pourquoi ce projet de loi? Pourquoi ce projet de loi? M. le Président, l'intervention de l'État, un ministre qui se sert de son pouvoir, un peu comme l'a fait le ministre de l'Éducation, pour dire: Je vais exercer mon pouvoir, un peu comme le bâton et la carotte, et je vais utiliser le bâton, M. le Président, à l'égard des pauvres agriculteurs qui ont des revendications qui sont tout à fait légitimes.
Et, pourtant, la carotte, c'est la carotte de la souveraineté, M. le Président, la carotte de demander aux agriculteurs et demander à l'UPA d'avoir un appui par rapport à la souveraineté. Mais est-ce que c'est véritablement ça, les intérêts des Québécoises et des Québécois? Pourquoi, M. le Président, ne pas tenir compte de leurs intérêts légitimes, de leurs préoccupations légitimes? Pourquoi ne pas faire ça? Pourquoi jouer cette «game» politique qui vise à acheter des appuis, M. le Président? Pourquoi faire ça?
Et c'est lorsqu'on fait l'analyse des gestes posés par le gouvernement qu'on le constate. Et ce sont les agriculteurs qui sont en train de payer pour ça, M. le Président. Imaginez-vous quelqu'un qui a un recours légitime, qui estime qu'il n'est pas bien représenté par l'UPA pour toutes sortes de raisons. Il arrive que les syndicats ou il arrive que les syndiqués estiment qu'ils ne sont pas bien représentés. Ils ont des droits. Mais le ministre est en train de leur dire: Si vous exercez vos droits, moi, je vais vous pénaliser et je vais vous pénaliser de façon si forte que vous allez perdre les exemptions fiscales auxquelles vous avez droit.
M. le Président, il faut être culotté pour présenter un tel projet de loi. Il faut vraiment être culotté, et c'est uniquement lorsqu'on le met à nu, ce projet de loi, qu'on vient de constater les véritables intentions du ministre de l'Agriculture.
(21 heures)
J'irai un peu plus loin, M. le Président. Si on posait la question à l'ensemble des députés du Parti québécois, M. le Président, on nous informe qu'ils ne sont pas en accord avec ce projet de loi. C'est le ministre de l'Agriculture qui répond à une commande de son chef, malgré que d'autres députés du Parti québécois savent que ce projet de loi là est illégitime, M. le Président. Et, pourtant, la ligne de parti joue à ce point qu'ils ne peuvent même pas se lever en Chambre, M. le Président, et prendre la parole. C'est assez incroyable.
Mais il y a eu un député qui l'a fait aujourd'hui, et je tiens à saluer son courage, M. le Président, c'est le député de Bellechasse, comme le député de Montmorency, M. le Président, qui a eu le courage de se lever debout et de dire: Ce n'est pas vrai, ce que le ministre ou les ministres ou le premier ministre sont en train de mettre de l'avant. Il a accusé le ministre de l'Éducation d'être un menteur, M. le Président. Ça prend un certain courage. Ce n'est pas moi qui le dis, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Bélanger): M. le député de Marquette, je vous rappelle à la prudence. Vous savez qu'il y a certains propos qui sont antiparlementaires. Donc, il faut faire attention. En les répétant, on peut des fois faire d'une façon indirecte ce qui n'est pas directement permis. Alors, tout simplement en gardant à l'esprit cette chose.
M. Ouimet: Vous avez raison, M. le Président, et je retire ces propos. Mais je tenais quand même à saluer le courage du député de Bellechasse, qui s'est levé debout, qui s'est tenu debout et qui a dit que ce qu'il voyait étant exercé par le Conseil des ministres était inacceptable. Il a eu, M. le Président, le courage de le dénoncer, comme le député de Montmorency l'a dénoncé. Que va-t-il arriver à ces deux députés-là, M. le Président? Ils seront réprimandés pour avoir dit la vérité. Et, pourtant, ce n'est pas les députés qui disent la vérité qui devraient être réprimandés, c'est les ministres qui devraient être réprimandés, M. le Président, c'est le ministre de l'Éducation qui devrait être réprimandé, comme le ministre de l'Agriculture, qui me regarde actuellement, M. le Président, et qui sent que la vérité sort de la bouche de l'opposition. Il le sent et il le sait, M. le Président. Mais, pourtant, il répond à une commande de son chef en vue, M. le Président, d'obtenir des appuis pour le référendum. Et nous allons continuer à le dénoncer en cette Chambre, M. le Président. Merci.
Le Vice-Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M. le député de Marquette. Maintenant, je vais céder la parole à M. le député de WestmountSaint-Louis. À vous la parole, M. le député.
M. Williams: M. le...
Le Vice-Président (M. Bélanger): M. le député de Nelligan, oui?
M. Williams: Oui. Je voudrais juste m'assurer, avant que mon collègue commence, que nous avons quorum.
Le Vice-Président (M. Bélanger): Un, deux, trois, quatre, cinq, six, sept, huit, neuf... Qu'on appelle les députés.
(21 h 3 21 h 5)
Le Vice-Président (M. Bélanger): Donc, nous allons reprendre nos travaux. M. le député de WestmountSaint-Louis, si vous voulez bien commencer votre intervention.
M. Jacques Chagnon
M. Chagnon: Merci, M. le Président. Je voudrais tout d'abord remercier mes nouveaux collègues qui viennent se joindre aux autres pour, justement, entendre ce discours sur le fond de la loi 85, loi qui concerne, évidemment, comme vous le savez, une loi agricole qui... Ça peut surprendre quelques-uns d'entre nous. Ils disent: Qu'est-ce que le député de WestmountSaint-Louis va nous dire en matière d'agriculture? C'est important de savoir que, dans le comté de Saint-Louis, il y a, entre autres, une institution qui s'appelle l'Université McGill, dont le collège Macdonald est situé dans le comté du député qu'on vient d'entendre, le député de Nelligan. Le collège Macdonald est une des institutions les plus importantes, le ministre en conviendra, en matière d'enseignement agricole, et d'autant plus que, dans le comté de Westmount, M. le Président, un ancien député il n'y a pas, évidemment... il n'y a que le député de Mont-Royal qui pourrait se souvenir de cet événement un ancien ministre de l'Agriculture était député de Westmount, M. Kevin Drummond. Il était tellement compétent, d'ailleurs, que le gouvernement actuel l'a nommé à New York comme délégué général.
M. le Président, dans ce projet de loi, on retrouve deux principes de base: un principe qui concerne le remboursement des taxes municipales et un second principe qui veut lier les subventions gouvernementales à une cotisation syndicale. Et, dans un cas comme dans l'autre... On peut d'abord prendre le premier principe, la question concernant les remboursements de taxes municipales. On sait que, parmi les objectifs du projet de loi, ce projet cherche à modifier les conditions d'admissibilité au programme de remboursement des taxes municipales dont bénéficiaient les agriculteurs. Le MAPAQ, c'est-à-dire le ministère, voyant l'augmentation continuelle des dépenses à ce chapitre, vient réviser les modalités et les conditions de remboursement. À cette fin, le projet de loi 85 établit une nouvelle base, un nouveau calcul pour les fins de remboursement. Le projet de loi 85 propose et je pourrai davantage me servir de ces notes ainsi, d'une part, en six points...
Premier point, A, de supprimer le pouvoir du ministre d'exclure du remboursement les taxes foncières attribuables à certains immeubles. Les immeubles qui ne feront pas partie d'une exploitation agricole seront déterminés par règlement. Cela pose un problème pour plusieurs agriculteurs, plusieurs producteurs agricoles au Québec qui voudraient bien, évidemment, avant d'accepter ce genre d'approche, connaître la réglementation pour savoir si, évidemment, ils seront exclus ou pas de ce futur règlement.
Deuxièmement, de supprimer des avances sur les remboursements et de supprimer l'obligation de rembourser le ministère pour la superficie non productive de l'exploitation agricole, ainsi que de supprimer l'obligation de retourner au MAPAQ certaines sommes dans les cas d'autorisations accordées par la Commission de protection du territoire agricole du Québec.
Troisième point, le projet de loi cherche à étendre le droit à un remboursement aux exploitations agricoles qui n'ont pas généré de revenus bruts minimums fixés en raison d'une production animale nouvelle en phase de démarrage, en raison d'une production limitée pour cause naturelle exceptionnelle. Il s'agit du montant qui permet à des exploitants, à des producteurs agricoles qui, pour une raison ou une autre... On en connaît quelques-uns qui ont tout simplement changé de production en cours d'année et qui ont besoin de cette aide gouvernementale.
Quatrième point, de prolonger la période pendant laquelle une exploitation agricole peut être enregistrée jusqu'au 31 mars de l'année qui suit l'expiration de l'exercice financier pour lequel un remboursement est demandé.
Cinquième point, de prévoir que l'exploitation agricole génère un revenu brut minimal pour avoir droit à un remboursement de taxes; il est prévu de définir des conditions d'enregistrement et de fixer le montant du revenu brut et les exemptions par voie réglementaire. Il y a eu un contentieux, pour le moins, entre le ministère et l'UPA sur cette dernière question, si je me rappelle bien, parce que, entre autres, M. le Président... Ça fait toujours sourire quelques-uns de mes collègues, mais, vous savez, on reçoit des documents d'à peu près... Comme députés, on reçoit des documents et des journaux, on reçoit des lettres, mais, parmi les journaux que nous recevons, auxquels nous sommes des abonnés réguliers, nous recevons La Terre de chez nous , et ça amuse... Des collègues trouvent un peu curieux que je m'intéresse et que je lise régulièrement La Terre de chez nous . Mais, effectivement, La Terre de chez nous , d'abord, un, c'est un journal qui est bien fait; deux, c'est un journal intéressant. Évidemment, il nous amène à mieux connaître, à mieux cerner les dimensions d'un secteur qui est le secteur agricole. Ce n'est pas parce que nous habitons une ville, une agglomération urbaine, que le secteur agricole ne peut pas ou ne doit pas faire partie de nos préoccupations, sinon même de nos priorités. Tout le monde sait, en ville, comme on dit, que si les agriculteurs n'étaient pas là, bien, on crèverait de faim. Et, pour ces raisons, ne serait-ce que cette raison fondamentale, nous avons tous intérêt à être, pour le moins, non seulement concernés, mais être aussi en même temps près de cette priorité qui est une priorité extrêmement importante pour tous les pays, pour tous les endroits au monde.
(21 h 10)
Alors, je disais que... Le cinquième point, prévoir que l'exploitation agricole génère un revenu brut minimal. Le revenu brut minimal était, si ma mémoire est fidèle et le ministre pourra me corriger si je me trompais je pense que, de 1972 à 1990, le montant minimal était de 1 000 $ je remercie le ministre c'était de 1972 à 1983, 1 000 $, je disais «1990». Donc, c'est de 1983 à aujourd'hui, 3 000 $. Je pensais que c'était en 1990 qu'il y avait eu une modification législative à cet effet-là, mais c'était en 1983, comme me le signale le ministre. Je le remercie.
Donc, depuis 1983 jusqu'à aujourd'hui, le montant minimal était de 3 000 $, et le ministère et le ministre avaient l'intention de le monter à 10 000 $. Ça avait causé une certaine commotion dans le monde agricole. Entre autres, La Terre de chez nous suggérait des modifications. Dans son éditorial, le président de l'UPA, M. Laurent Pellerin, écrivait que, «Le 23 mars dernier, sans tambour ni trompette et en catimini s'il vous plaît, le MAPAQ a annoncé, dans un langage tout à fait aseptisé, qu'il "actualise les conditions d'admissibilité à ses programmes d'aide financière au secteur agricole." En clair, le montant brut annuel qu'un producteur agricole devra déclarer pour être admissible aux programmes en question passe comme je l'indiquais et comme on l'indiquait plus tôt de 3 000 $ à 10 000 $. Pour adopter cette modification réglementaire recommandée par le ministre Landry lui-même, le gouvernement a fait fi de toute consultation pour agir de manière parfaitement unilatérale on met entre guillemets "cela deviendrait-il une habitude"?» Je ne répondrai pas aux commentaires de l'éditorial.
Mais il continue en disant: «La loi, effectivement, permet de procéder ainsi dans les cas où l'urgence de la situation s'impose, mais on a beau chercher, ici, on se demande vraiment où est l'urgence? Y a-t-il à ce point péril en la demeure pour M. Landry et son gouvernement pour qu'on aille jusqu'à court-circuiter tout le processus de consultation et de concertation et inventer même de faux prétextes?»
L'éditorial continue ainsi: «Mais le plus odieux, c'est qu'en haussant le seuil d'admissibilité de 3 000 $ à 10 000 $, le ministre Landry et son gouvernement condamnent le principe d'admissibilité et d'accessibilité pour tous les programmes d'aide gouvernementaux.»
C'était l'opinion, je le répète, de M. Pellerin, dans La Terre de Chez Nous . Heureusement, j'en avais gardé copie.
«On introduit purement et simplement de la discrimination au sein même de la classe agricole, selon M. Pellerin. Il y aura désormais, ont décidé le gouvernement et son ministre de l'Agriculture, deux catégories de producteurs agricoles, les petits, délaissés de tout soutien de l'État, et les autres.» Il y avait une caricature aussi, le ministre s'en souviendra, où on voit le ministre en train de faire le tri entre les petits producteurs et les gros producteurs, gardant les gros producteurs et éliminant les petits producteurs. L'éditorial continue dans la même veine.
«Il y aura désormais, ont décidé le gouvernement et son ministre, deux catégories de producteurs: [...] Mais il y a plus. Ce geste unilatéral correspond ni plus ni moins qu'à un bris de contrat entre l'État et la classe agricole.» Ce n'est pas rien.
Ce n'est pas rien, quand on pense que la concertation doit guider l'ensemble de nos positions et de nos actions politiques pour faire en sorte, évidemment, de s'assurer un appui, le plus solide possible, de l'ensemble de la population, particulièrement. Et pas plus particulièrement, dans le fond, dans le monde agricole que dans un autre secteur, mais tout aussi vrai dans le secteur agricole que dans n'importe quel autre secteur.
«Faisant cela, le gouvernement s'attaque au membership et à la représentativité mêmes du syndicat agricole qui représente encore pour l'instant l'intérêt de quelque 50 000 membres. [...] Si au moins l'argumentation du gouvernement était défendable, passe encore. Mais non! La mesure aurait pour effet, dit-on, d'encourager l'expansion des exploitations agricoles...»
Là, je dois reconnaître que l'éditorial crée, M. le Président, et je ne voudrais pas être associé à une imputabilité de motifs qui ne sont peut-être pas ceux du ministre, mais je ne voudrais pas passer pour quelqu'un qui lui fasse un procès d'intention. Mais le procès d'intention qui est fait là-dedans, on peut quand même l'expliquer. C'est qu'il se dit: Si on augmente à 10 000 $ le montant minimal, ça va forcer les exploitants agricoles à vendre, ou à acheter, à devenir plus grands, de façon à avoir au moins 10 000 $ de rendement, de revenu sur leur exploitation. C'est la thèse de M. Pellerin, je le répète, président de l'UPA.
«... mais ce n'est pas du tout réaliste quand on sait que beaucoup de petits exploitants pratiquent justement l'agriculture comme revenu d'appoint et non pas comme une activité principale. C'est ce qu'auraient pu dire au ministre, s'il les avaient consultés, évidemment, les producteurs de sirop d'érable de la Beauce, les producteurs forestiers du Bas-Saint-Laurent, ou encore les producteurs de bovins de l'Outaouais...»
Alors, voilà une vision qui touche spécifiquement le point 5 que je mentionnais: prévoir que l'exploitation agricole génère un revenu brut minimal. Pour avoir droit à des revenus bruts minimaux, on parle de 10 000 $, 10 000 $ par année, évidemment. Pour avoir droit à un remboursement de taxes, il est prévu de définir les conditions d'enregistrement, de fixer le montant du revenu brut et les exemptions par voie réglementaire. Toujours la même fameuse voie réglementaire qui inquiète, qui inquiète, encore une fois, plusieurs des producteurs agricoles, parce que, même si la loi passe, le règlement peut non pas changer la loi, mais peut apporter des modifications substantielles à son état, l'état d'un producteur agricole par rapport aux besoins qu'il a de l'aide gouvernementale en général.
M. le Président, le sixième point et dernier concernant ce premier principe, c'est que le projet de loi propose de fixer à 30 jours le délai d'appel de certaines décisions du ministre auprès de la Régie des marchés agricoles et alimentaires du Québec. Sur l'aspect, l'aspect du premier principe dont je parlais tout à l'heure et qui concerne le remboursement des taxes municipales, encore une fois, dans La Terre de chez nous , dans son éditorial, puis je pense qu'il serait utile de le lire: Un projet de loi à bonifier. Et c'est, encore une fois, signé par M. Laurent Pellerin, Laurent Pellerin, qui est président de l'UPA, je le rappelle.
Le 11 mai dernier le 11 mai dernier, ça fera quasiment un mois demain, M. le Président le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation a déposé le projet de loi 85, projet de loi dont on parle ce soir, pour l'adoption de principe, qui a pour but de réviser les conditions de remboursement des taxes foncières des exploitations agricoles. Un projet de loi qui, s'il est adopté, viendra amputer de 14 500 000 $ le budget total du programme de remboursement, qui est un programme qui vaut 64 000 000 $, une ponction qui représente en moyenne 400 $ de moins en remise de taxes pour chaque ferme participante. Ce n'est pas rien, il y a plusieurs fermes, dont les 400 $, elles en ont besoin. Les producteurs agricoles, 400 $... En général, vous rencontrez les producteurs agricoles, ils ne vous disent jamais qu'ils ont fait bien de l'argent dans l'année puis qu'ils ont 400 $ à donner, surtout au gouvernement, dans n'importe quelle circonstance, peu importe qui est au gouvernement.
Bien qu'il y ait eu une certaine évolution par rapport aux hypothèses présentées il y a quelque temps, traduisant des coupes budgétaires de près de 20 000 000 $, on peut affirmer que le projet de loi tel que libellé présentement s'avère définitivement trop vorace trop vorace et exigeant pour le monde agricole trop exigeant puis trop vorace et ne respecte pas certains principes qui nous apparaissent incontournables. Le gouvernement devait avant tout s'engager à freiner l'appétit fiscal des municipalités, trop gourmandes en matière de taxation. Et là il nous dit ceci, M. Pellerin: Elles taxent davantage parlant des municipalités sachant que les producteurs agricoles seront remboursés. Ça, c'est important de savoir ça, parce que ce que M. Pellerin nous dit, c'est que les municipalités profitent du système de taxation organisé, dans le fond, par le ministère de l'Agriculture pour permettre un système de remboursement de la taxe, pour augmenter leur évaluation de façon à se faire rembourser via le ministère de l'Agriculture.
Il conviendrait, par ailleurs, de porter à son maximum l'effort de remboursement de taxes concernant les actifs immobiliers, la terre et les bâtiments, qui sont les outils de travail du producteur agricole. Viendrait-il à l'idée, en effet, de taxer le coffre à outils d'un artisan, les instruments avec lesquels il gagne sa vie? Mais qu'en est-il de tout cela dans le projet de loi? Entre autres mesures, on soustrait la résidence au régime de remise de taxes pour concentrer le remboursement sur les actifs immobiliers agricoles. Voilà qui va dans un bon sens, conformément, d'ailleurs, à une résolution de l'UPA à son dernier congrès général, mais l'effort est insuffisant puisqu'on ne remboursera que 70 % des taxes foncières sur les terres et les bâtiments et 90 % des terrains évalués, et évalués à plus de 800 $ l'hectare.
(21 h 20)
D'autres irritants ressortent du projet de loi. Il y a le non-remboursement des taxes foncières dépassant 2 % de l'évaluation admissible. Toute somme excédant ce seuil n'est plus remboursée c'est important, ça alors que les municipalités seront appelées à franchir de plus en plus volontiers cette limite. Certes, le projet de loi prévoit le remboursement des premiers 300 $ du compte de taxes, mais il s'agit là, comme le souligne l'UPA et comme le souligne La Terre de chez nous , d'une bien mince consolation.
En somme, le projet de loi 85 est dicté par des impératifs de restrictions budgétaires. Par contre, il s'inscrit bien dans les suites à donner au rapport du Vérificateur général, qui avait décelé de nombreuses lacunes dans ce programme gouvernemental et recommandé d'y redonner sa crédibilité. Et cela, le député de Richmond l'a fait savoir, comme président de la commission de l'agriculture, d'une part, en invitant le Vérificateur général à pouvoir discuter de cette question-là avec la commission, les membres de la commission, les membres libéraux et péquistes de la commission sur l'agriculture. Le député de Richmond, et je l'ai entendu à la radio, de concert avec le Vérificateur général, cherchait justement à permettre de corriger ce dossier le plus rapidement possible.
Il est toutefois impératif pour l'UPA que ce projet de loi soit modifié et bonifié c'est important, ça en fonction des demandes des agriculteurs, soit, notamment, un remboursement de 100 % sur les terres agricoles et sur l'excédent du 2 % d'évaluation et, surtout, la mise en oeuvre intégrale des recommandations de la Table de travail sur la fiscalité municipale des exploitations agricoles. Voilà pour le premier aspect du projet de loi, M. le Président, concernant le remboursement des taxes municipales.
Le second principe de ce projet de loi est de vouloir lier les subventions gouvernementales à une cotisation syndicale. Ce qui vient dire ceci: Si vous voulez avoir droit à un service gouvernemental au ministère de l'Agriculture, à toute forme d'aide gouvernementale venant du ministère de l'Agriculture, ce n'est pas votre carte du MAPAQ qui vous sera nécessaire au remboursement par le ministère de l'Agriculture; le projet de loi vient lier la subvention gouvernementale à l'adhésion à l'UPA, à l'Union des producteurs agricoles par un cultivateur. L'UPA est certainement un organisme qui cherche à bien représenter les agriculteurs, mais, toutefois, le problème que ça pose, au moment où on se parle, il y a près d'un millier de cultivateurs, d'agriculteurs, de producteurs agricoles qui sont en procès vis-à-vis l'UPA pour une reconnaissance peut-être même d'un éventuel autre syndicat agricole. Je ne le sais pas. Je ne pourrais pas le présumer. Sauf que le projet de loi qu'on a devant nous risque de venir créer un effet rétroactif par rapport à une cause qui est déjà devant le tribunal et qui est basée sur la Charte des droits et libertés de la personne, à être membre d'un syndicat. Ce qui fait, M. le Président, un problème de fond et de principe concernant ce projet de loi, au moment où on se parle. C'est la raison pour laquelle je pense que le ministre de l'Agriculture devrait effectivement bonifier et modifier son projet de loi de façon à éviter ce type de situation qui n'est pas saine dans une démocratie comme la nôtre et dans un Parlement qui ne cherche pas à légiférer rétroactivement. Merci beaucoup, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M. le député de WestmountSaint-Louis. Je vais maintenant céder la parole à Mme la députée de Kamouraska-Témiscouata. À vous la parole, Mme la députée.
Mme France Dionne
Mme Dionne: Merci, M. le Président. M. le Président, je suis heureuse d'intervenir sur le projet de loi 85, Loi modifiant la Loi sur le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation et la Loi sur la fiscalité municipale.
M. le Président, le projet de loi 85 nous propose les modifications suivantes: tout d'abord, de supprimer les pouvoirs du ministre d'exclure du remboursement les taxes foncières attribuables à certains immeubles. Les immeubles qui ne feront pas partie d'une exploitation agricole seront déterminés par règlement.
Deuxièmement, M. le Président, de supprimer le versement des avances sur le remboursement, de supprimer l'obligation de rembourser le ministère pour la superficie non productive de l'exploitation agricole ainsi que de supprimer l'obligation de retourner au ministère de l'Agriculture certaines sommes dans le cas d'autorisations accordées par la Commission de protection du territoire agricole.
De plus, d'étendre, M. le Président, le droit à un remboursement aux exploitations agricoles qui n'ont pas généré les revenus bruts minimums fixés en raison d'une production animale nouvelle en phase de démarrage ou en raison d'une production limitée pour cause naturelle exceptionnelle.
De plus, M. le Président, de prolonger la période pendant laquelle une exploitation agricole peut être enregistrée, et ce, jusqu'au 31 mars de l'année qui suit l'expiration de l'exercice financier pour lequel le remboursement est demandé; de prévoir que l'exploitation agricole génère un revenu brut minimal pour avoir droit à un remboursement de taxes. Il est prévu, M. le Président, de définir les conditions d'enregistrement, de fixer le montant du revenu brut et les exemptions par voie réglementaire. Et, en dernier lieu, de fixer à 30 jours le délai d'appel de certaines décisions du ministre auprès de la Régie des marchés agricoles et alimentaires du Québec.
M. le Président, ce projet de loi vient donc modifier les conditions d'admissibilité du programme de remboursement des taxes municipales dont bénéficiaient les agriculteurs. Le ministère de l'Agriculture, voyant l'augmentation continuelle des dépenses à ce chapitre, vient réviser les modalités et les conditions de remboursement ainsi qu'établir une nouvelle base de calcul de remboursement pour tenter d'économiser des sommes importantes. Nous parlons ici, M. le Président, de 20 000 000 $.
M. le Président, j'aimerais profiter de cette intervention afin de porter à votre attention l'alinéa 5° du paragraphe 3° de l'article 1 du projet de loi 85, comme l'ont fait plusieurs de mes collègues avant moi. En effet, M. le Président, l'ensemble du projet de loi porte sur l'agriculture et la fiscalité, sauf, M. le Président, l'alinéa 5° du paragraphe 3° de l'article 1, qui aurait dû se retrouver, à mon avis, dans un autre projet de loi, soit la Loi modifiant la Loi sur les producteurs agricoles.
Effectivement, à la lecture du projet de loi 85, il apparaît évident que ce projet de loi possède deux principes différents. Le premier principe propose un réaménagement du programme de remboursement des taxes municipales et scolaires aux agriculteurs du Québec. Le second principe modifie, M. le Président, la définition du mot «producteur», au paragraphe j de l'article 1 de la Loi sur les producteurs agricoles.
M. le Président, dans le contexte budgétaire actuel, je suis certaine que la majorité des agriculteurs et agricultrices du Québec conviennent que le programme de remboursement de taxes doit être réaménagé. Cependant, nous désirons un projet de loi clair et précis, un projet de loi avec un seul principe. L'alinéa 5°, M. le Président, et je le répète, du paragraphe 3° de l'article 1 introduit un principe totalement différent de celui évoqué autant au titre du projet de loi qu'aux notes explicatives, M. le Président.
Le projet de loi 85 doit exister pour un seul but: le réaménagement du programme de taxes. Et si l'on veut modifier, M. le Président, la définition du statut de producteur agricole, que l'on modifie la Loi sur les producteurs agricoles, M. le Président. Le ministre de l'Agriculture a intérêt à se rappeler sa mission première: soutenir, protéger et développer l'industrie agricole. De ce que je sais, M. le Président, subventionner l'habitation ne fait pas partie de sa mission.
M. le Président, s'il n'y a pas de scission et que ce projet de loi est adopté tel que présenté, le ministère de l'Agriculture se verra malheureusement poursuivi par plusieurs agriculteurs et agricultrices. Et qui paiera la facture, M. le Président, pour les frais juridiques déboursés par le ministère de l'Agriculture? Une fois de plus, ce seront les contribuables québécois, M. le Président. Dans le contexte budgétaire actuel, il est bien certain qu'il y a autre chose à faire avec l'argent des citoyens et des citoyennes que de le dépenser pour des poursuites qui pourraient être évitées, M. le Président, et ce, dès maintenant.
M. le Président, vous devez comprendre que le principe de l'alinéa 5° du paragraphe 3° de l'article 1 du projet de loi 85 suppose que le MAPAQ et l'UPA devront comparer leurs listes respectives de membres.
(21 h 30)
M. le Président, le premier principe sur le réaménagement des taxes fait consensus. En ce qui concerne le second principe, M. le Président, des consultations s'imposent avant tout.
En plus de tout ce qui a été dit, M. le Président, je désire souligner quelques faits relatifs aux notes explicatives du projet de loi 85. Premièrement, le premier paragraphe a pour sujet de nouvelles bases de calcul; le deuxième paragraphe traite des taxes foncières au sujet des immeubles à exploitation agricole; le troisième paragraphe indique les modalités de remboursement pour une exploitation agricole en phase de démarrage; le cinquième paragraphe renseigne au sujet du revenu brut minimum requis pour une exploitation agricole, et le dernier paragraphe réfère à des délais d'appel et à des modifications de concordance.
M. le Président, vous aurez remarqué, tout comme nous, que ces notes explicatives qui, en définitive, nous relatent le grand principe de la loi, ne parlent pas de l'alinéa 5° du paragraphe 3° de l'article 1 du projet de loi 85. M. le Président, je soupçonne que le ministre ait volontairement omis ce léger détail parce qu'il ne voulait pas qu'on s'aperçoive de l'intrusion de ces deux principes contenus dans un même projet de loi. Par chez nous, M. le Président, ça veut dire tenter d'en passer une petite vite. M. le Président, l'article 36.2 de la loi du ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation est modifié dans le projet de loi 85 et je vous rappelle que cet article 36.2 qualifie l'exploitation agricole et non le statut du producteur agricole.
Nous ne pourrions dire que l'exploitation agricole est tenue d'acquitter cette cotisation annuelle prévue à la section VIII de la Loi sur les producteurs agricoles. Même si le ministre s'entêtait et même si le gouvernement nous mettait le bâillon pour passer cette loi, il y aurait, M. le Président, un vide juridique et cette loi serait attaquable en justice. Le but du ministre aurait échoué, sans compter les frais juridiques contractés pour défendre ce que je qualifie comme étant un manque profond du respect de la démocratie, M. le Président.
Par ailleurs, le ministre de l'Agriculture vient établir une nouvelle base de calcul pour le remboursement des taxes municipales. Cette nouvelle base comprend trois façons d'établir le montant maximum admissible: «le montant des taxes foncières et des compensations admissibles au remboursement; le montant représentant 2 % de la valeur totale des immeubles situés dans la zone agricole et faisant partie de l'exploitation agricole; le montant représentant 30 % du revenu brut généré par l'exploitation agricole au cours de l'année civile» d'une demande de remboursement.
De plus, M. le Président, le ministre vient établir deux catégories de remboursements, soit une pour moins de 300 $ et l'autre pour plus de 300 $. La catégorie des remboursements de plus de 300 $, M. le Président, contient une série de mesures additionnelles destinées à réduire davantage le montant auquel les producteurs et productrices auront droit. En effet, M. le Président, lorsque le montant réclamé est supérieur à 300 $, le ministre rembourse, sans toutefois jamais rembourser un montant supérieur au moindre des montants que j'ai mentionnés précédemment, un montant total correspondant au résultat obtenu en additionnant: un montant de 300 $ plus 70 % des taxes foncières scolaires, des compensations et du montant des taxes foncières municipales que l'on obtient en multipliant par le taux d'imposition la valeur totale des immeubles jusqu'à concurrence, M. le Président, de 800 $ par hectare dans le cas de terrains qui excèdent 300 $, plus, M. le Président, 90 % du montant que l'on obtient en multipliant par le taux d'imposition la partie de la valeur du terrain qui excède 800 $ par hectare. C'est un changement important par rapport à la loi actuelle, M. le Président.
De plus, il est clair que la nouvelle base de calcul viendra affecter les producteurs et les productrices. Nous demandons donc, M. le Président, au ministre de nous fournir ses modèles d'analyse pour ainsi pouvoir établir la vraie baisse à ce chapitre. Le ministre devra aussi nous indiquer les montants qu'il entend économiser par ce projet de loi et comment il réaffectera ces sommes dans son ministère. Il est important, M. le Président, que les économies réalisées au cours de l'exercice 1995-1996 bénéficient à la clientèle agricole et ne soient pas retournées au fonds consolidé. M. le Président, à l'intérieur de son budget fermé, le ministre peut réallouer ces sommes économisées à d'autres fins, et je crois savoir que les endroits ne manquent pas. Par exemple, ça pourrait servir à combler l'écart entre le montant additionnel de 5 000 000 $ annoncé dans le Programme d'aide à l'amélioration de la gestion des fumiers et son engagement non tenu d'y verser 10 000 000 $ additionnels, M. le Président.
Le milieu agricole devra savoir les implications réelles de la nouvelle base de calcul. Le ministre, en voulant éliminer les gentlemans-farmers, ne doit pas éliminer d'un même trait les véritables agriculteurs et agricultrices. C'est important, M. le Président. J'ai l'impression que le ministre a voulu gratter et tordre le programme jusqu'à ce qu'il n'en reste plus rien. La clientèle agricole, M. le Président, du ministère était d'accord avec la révision du programme de remboursement des taxes municipales. Ils ont proposé de retirer la résidence principale qui, à leur avis, était une des causes des abus dans le programme. Ils n'ont pas demandé de tout changer et de réduire les montants qu'ils recevaient pour les bâtiments et les terrains relatifs à la production agricole. Ils ont même demandé, M. le Président, une augmentation des remboursements sur le reste du fonds de terre. Le ministre devra rendre des comptes, M. le Président.
En conclusion, M. le Président, le projet de loi 85 en est un qui demande une bonification. La gent agricole le demande. De plus, toute la question des deux principes que le ministre refuse de voir est-ce la technique de l'autruche? nous préoccupe, car ça doit faire l'objet d'un débat plus large, M. le Président. Nous ne sommes pas convaincus que le ministre ait procédé à des consultations sur le sujet car, de toute façon, ce n'est pas son habitude de consulter; il préfère agir seul et en catimini. Mais, M. le Président, le ministre ne réussit pas à nous convaincre et surtout il n'arrive pas à convaincre la clientèle agricole. Et voilà pourquoi nous demandons une consultation élargie sur les deux fondements que contient cette loi. Le ministre s'entête à ne pas vouloir une consultation, et c'est inacceptable pour un gouvernement qui se dit si transparent. Alors, M. le Président, nous allons voter contre l'adoption de ce projet de loi. Merci.
Le Vice-Président (M. Bélanger): Je vous remercie, Mme la députée de Kamouraska-Témiscouata. Je vais donc céder la parole à M. le député de l'Acadie. À vous la parole, M. le député.
M. Yvan Bordeleau
M. Bordeleau: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir de vous adresser la parole ce soir dans le cadre de l'adoption de principe du projet de loi 85, Loi modifiant la Loi sur le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation et la Loi sur la fiscalité municipale. M. le Président, vous allez sûrement vous demander qu'est-ce que le député de l'Acadie peut venir faire dans ce débat. Alors, je dois vous dire que, d'abord, ça me ramène à mes origines un peu. Je voyais, tout à l'heure, ici, dans la Chambre, le député d'Abitibi-Ouest, le ministre des Ressources naturelles. Alors, comme je suis originaire du très beau comté d'Abitibi-Ouest, j'ai eu l'occasion, durant mes jeunes années, de côtoyer les gens qui oeuvraient dans le domaine de l'agriculture.
Et, également, M. le Président, étant de la région de Montréal, vous savez que, en plein coeur de Montréal, on a le Marché central. Et le Marché central est situé dans le beau comté de l'Acadie également, en plein coeur de Montréal. Alors, à l'occasion de visites au Marché central, j'ai eu la possibilité aussi de discuter avec les producteurs agricoles de leurs préoccupations et de leurs problèmes. Alors, c'est un peu dans ce cadre-là, M. le Président, que ça me fait plaisir d'intervenir dans le débat que nous avons aujourd'hui.
Essentiellement, le projet de loi 85 vient modifier les conditions d'admissibilité au programme de remboursement des taxes municipales et scolaires dont bénéficient actuellement les agriculteurs québécois. Ce programme rembourse environ 70 % des taxes municipales applicables à l'exploitation agricole, ainsi que sur la résidence principale. La popularité de ce programme provoque évidemment une augmentation incontrôlée des dépenses. Les crédits du ministère de l'Agriculture totalisent plus de 60 000 000 $ à ce seul chapitre pour l'exercice 1995-1996.
Par ailleurs, le projet de loi 85 contient effectivement deux principes. Il est clair qu'il faut ici considérer tout l'aspect des remboursements des taxes municipales et scolaires comme constituant le premier principe, et l'aspect relié aux cotisations syndicales et à des privilèges gouvernementaux comme un deuxième principe du projet de loi. Ainsi, nous devons entreprendre un autre débat sur la question car les deux principes sont complètement dissociés.
Le ministre s'est donc trompé dans l'élaboration de ce projet de loi. Il n'a pas mis les choses à la bonne place. Au fil des ans, le ministère de l'Agriculture du Québec s'est toujours appuyé sur la définition du statut de producteur pour préciser l'accessibilité à la majorité de ses programmes. Par ce projet de loi, le ministre vient changer les règles. Il vient augmenter le minimum d'accessibilité pour certains programmes majeurs, qui sera porté à 10 000 $ plutôt qu'à 3 000 $ comme le stipule la Loi sur les producteurs agricoles.
(21 h 40)
Le ministre crée ainsi un dangereux précédent, car certains agriculteurs reconnus selon la loi ne pourront plus être admissibles aux programmes du MAPAQ, tandis que d'autres le seront en vertu d'une autre règle complètement arbitraire et où le gagne-petit est encore une fois écrasé. M. le Président, le ministre s'est donc trompé de loi et doit plutôt modifier la Loi sur les producteurs agricoles pour modifier le revenu brut minimum, tel que stipulé dans ladite loi, et faire en sorte d'obtenir une seule définition de ce qu'est réellement un producteur agricole. Le ministre, en nous présentant ce projet de loi, agit à l'encontre de l'esprit du ministère de l'Agriculture et de l'esprit de la Loi sur les producteurs agricoles. Il doit donc modifier son tir.
Nous devons élargir le débat et, ainsi, prouver au ministre qu'il fait fausse route en voulant agir à contre-courant de la définition du statut de producteur agricole. Le ministre doit être le ministre de tous les agriculteurs visés et définis par la loi; il ne peut pas être le ministre d'un seul groupe d'agriculteurs. Vous voyez, M. le Président, que ce projet de loi n'est pas très clair et que nous devons consulter pour être en mesure de doter les agriculteurs d'outils de développement adéquats.
Dans un deuxième temps, il y a une lacune flagrante dans le présent projet de loi, une lacune qui pourrait même remettre en cause ce que veut faire le ministre. En effet, l'article 1 du projet de loi vient modifier l'article 36.2 de la Loi sur le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, et vient lier le remboursement des taxes aux cotisations syndicales de l'exploitation agricole. Toutefois, selon la loi, la cotisation syndicale est liée au producteur agricole. Il y a donc une incohérence, puisque c'est le producteur qui paie la cotisation syndicale et non pas l'exploitation agricole, comme veut nous le laisser croire le ministre.
Ce projet de loi, M. le Président, si nous ne corrigeons pas le tir, pourra être contesté devant les tribunaux avec raison. De plus, si le ministre veut lier les privilèges gouvernementaux au paiement des cotisations syndicales, il doit encore le prévoir dans la Loi sur les producteurs agricoles qui définit ce qu'est un producteur agricole. En exigeant l'acquittement de la cotisation syndicale, le ministre vient redéfinir le statut des producteurs. Dorénavant, il devrait être stipulé, dans la définition de producteur, que ce dernier doit avoir acquitté la cotisation de l'UPA pour être reconnu comme tel. Il est bien clair, M. le Président, que le ministre, en voulant modifier le statut de producteur agricole, vient établir un nouveau principe dans ce projet de loi, qui est fondamental pour toute la gestion du ministère et qui dépasse largement l'établissement d'une nouvelle base de calcul pour le remboursement des taxes municipales. Ce nouveau principe doit être discuté en profondeur pour permettre un débat de fond sur cette question.
Ici, M. le Président, je voudrais vous rappeler que l'importance qu'on accorde à l'UPA dans le présent projet de loi ne fait pas le consensus dans tout le milieu. On nous a mentionné, certains collègues précédemment, qu'il y avait plus que 1 000 contestations qui sont actuellement devant les cours pour la cotisation à l'UPA. Récemment, on recevait aussi, de la part du Regroupement des producteurs agricoles, des représentations et, si vous le permettez, je vais en citer un petit extrait:
«Considérant la Charte des droits et libertés, en ce qui a trait à la libre association;
«Considérant que l'Union des producteurs agricoles est un organisme privé;
«Considérant que des milliers de causes concernant le refus de payer les cotisations à l'UPA ne sont pas jugées, nous tentons de vous alerter concernant le projet de loi 85. Si nous sommes absolument d'accord de hausser le minimum de 3 000 $ à 10 000 $, nous sommes contre le fait que les producteurs agricoles devront être en règle avec l'UPA pour les considérations énumérées précédemment.»
Alors, M. le Président, je ne veux pas faire un débat sur la légitimité des différents organismes dont on parle ici, mais il reste qu'il y a des contestations actuellement. La question d'accorder une obligation de cotiser à l'UPA, dans le projet de loi, est loin de faire l'unanimité dans le milieu et, à ce titre-là, devrait être sujette à un débat ouvert sur cette question au niveau de l'étude du projet de loi en commission parlementaire.
En 1972, l'Assemblée nationale sanctionnait la Loi sur les producteurs agricoles dans laquelle on précise, entre autres, la définition d'un producteur agricole. La loi stipulait alors qu'un producteur agricole est une personne dont la production agricole, destinée à la mise en marché, est supérieure à 1 000 $. En 1990, le législateur portait ce seuil à 3 000 $.
J'aimerais rappeler à cette Chambre qu'à chaque fois que le statut de producteur a été modifié il s'en est suivi un débat houleux. Cette question est extrêmement délicate pour le secteur agricole. Vous comprendrez donc, M. le Président, que, lorsque le ministre veut s'attaquer au statut de producteur, nous sommes en droit de demander des consultations pour être en mesure de bien cibler les préoccupations réelles des agriculteurs. Nous ne sommes pas contre la modification de la définition de producteur, sauf que cette dernière doit être élaborée en collaboration avec les principaux concernés, soit les agriculteurs eux-mêmes. Le ministre ne peut agir de façon unilatérale dans un dossier aussi important et fondamental pour le milieu agricole. M. le Président, le ministre devra donc retirer cet élément du projet de loi 85, tenir des consultations élargies et, ensuite, venir modifier la bonne loi, soit la Loi sur les producteurs agricoles. Voilà une démarche, M. le Président, qui serait cohérente.
En ce qui a trait plus particulièrement à la nouvelle base du calcul de remboursement des taxes municipales, nous ne sommes pas convaincus que le ministre soit sur la bonne voie. Selon le président de l'UPA, M. Laurent Pellerin, le projet de loi 85 est à bonifier. Toujours selon ce dernier, bien qu'il y ait eu une certaine évolution par rapport aux hypothèses présentées il y a quelque temps traduisant des coupes budgétaires de près de 20 000 000 $, le présent projet de loi s'avère définitivement trop vorace et exigeant pour le monde agricole, et ne respecte pas certains principes qui apparaissent incontournables. Le gouvernement aurait dû s'engager à freiner l'appétit fiscal des municipalités trop gourmandes en matière de taxation.
Le présent projet de loi ne rembourse plus les taxes municipales dépassant un certain seuil, transférant ainsi le fardeau fiscal supplémentaire directement aux agriculteurs. L'UPA considère que cette situation est inacceptable et demande au ministre d'envisager d'autres moyens que celui-ci afin de freiner la taxation abusive des municipalités. Toujours selon l'UPA, il est impératif de modifier et de bonifier le présent projet de loi en fonction des demandes des agriculteurs, notamment un remboursement de 100 % sur les terres agricoles et sur l'excédent du 2 % de l'évaluation municipale.
Devant cet état de fait, M. le Président, il appert que nous devons tenir une consultation appropriée pour répondre aux besoins réels des agriculteurs québécois. Le ministre fait fausse route, M. le Président. Il doit donc prendre du recul et permettre la bonification de son projet de loi. L'attitude intransigeante du ministre et son obstination à vouloir agir seul, sans consultation, témoigne une fois de plus de son manque de leadership et de sa vision parcellaire du secteur agricole au Québec. Il s'avère donc impératif de faire toute la lumière en collaboration avec le monde agricole.
Comme je l'ai mentionné précédemment, la popularité du programme de remboursement des taxes municipales provoque une augmentation incontrôlée des dépenses. Il est à noter que certaines municipalités contribuent à ces dépenses importantes en pratiquant une évaluation abusive, tout en sachant très bien que le gouvernement paie la note en bout de ligne. M. le Président, il faut que le gouvernement puisse contrôler les dépenses à ce niveau. D'ailleurs, le monde agricole reconnaît qu'il y a des économies à réaliser. L'UPA est consciente de la situation budgétaire inconfortable du gouvernement et elle est prête à faire des concessions car elle reconnaît qu'il y a présentement des abus. La résidence principale devrait, selon toute logique, être exclue du remboursement des taxes municipales. Les producteurs agricoles sont d'avis que les bâtiments et les terrains servant uniquement à la production devraient faire partie du remboursement. Mais encore faudrait-il connaître les détails d'application des mesures proposées. Nous allons demeurer vigilants afin de nous assurer, de ce côté-ci de la Chambre, que certains producteurs et productrices ne seront pas pénalisés ou mis à contribution de façon exagérée par les mesures proposées dans le présent projet de loi.
Dans les minutes qu'il me reste, M. le Président, j'aimerais peut-être attirer l'attention sur le fait que, dans le dernier rapport du Vérificateur général qui a été soumis à l'Assemblée nationale pour l'année 1993-1994, il y a une section très importante, qui va de la page 39 à la page 60, concernant justement le programme Contribution aux taxes municipales et scolaires sur les fermes. Je crois qu'il serait avantageux, dans le présent débat, que tous les parlementaires aient l'occasion de lire ces pages parce qu'on fait une critique serrée, actuellement, là, de toute cette question-là.
(21 h 50)
Alors, le Vérificateur général s'était penché, comme je le mentionnais, sur ce programme et il a trouvé des lacunes très importantes. En effet, il a constaté que le MAPAQ ne s'assure pas et ne sait pas si les exploitations agricoles satisfont aux exigences d'admissibilité du programme quant aux revenus tirés de la terre et il n'obtient pas, non plus, d'assurance sur l'utilisation agricole de la superficie en question. Le ministre des Finances, dans son dernier budget, déclare la guerre aux contribuables. Il serait logique que son collègue de l'Agriculture augmente aussi les contrôles visant à s'assurer que l'argent des contribuables soit dépensé aux fins pour lesquelles il est destiné.
D'autre part, le Vérificateur a constaté aussi qu'un exploitant agricole peut, en toute légalité, réclamer le coût des taxes pour les terres qu'il loue en zone agricole. À ce titre, le ministère aurait versé plus de 4 700 000 $ en 1993. Voilà un endroit où le ministre pourrait économiser en exerçant une vigilance accrue dans le traitement des demandes de remboursement de taxes.
Au niveau de l'évaluation foncière, le Vérificateur indique que, dans les rares cas où il y a contestation de l'évaluation foncière par les agriculteurs, le ministère n'est pas toujours informé et ne peut réclamer le retour du trop-versé. Depuis la réforme de 1991, le ministère impose une pénalité pour sols improductifs. Le Vérificateur dénote qu'il y aurait, selon les fiches d'enregistrement, 238 exploitants agricoles qui laissent en friche plus de 25 % de la superficie qui leur appartient. L'examen d'une bonne partie de ces dossiers a permis de constater que les exploitants ne déclaraient pas leurs terres en friche dans leur demande de remboursement. Il en résulte que le ministère, qui se base sur la déclaration de l'exploitant et ne réfère pas à la fiche d'enregistrement, n'impose que rarement les pénalités prévues.
M. le Président, je n'ai exposé ici que quelques points relevés par le Vérificateur général à l'endroit du programme de remboursement des taxes municipales et scolaires. À première vue, le présent projet de loi que nous avons actuellement devant nous ne nous permettra pas de régler ces anomalies, car les points soulignés par le Vérificateur relèvent du fonctionnement du ministère plutôt que du processus législatif. Cependant, j'aurais souhaité que le ministre introduise dans ce projet de loi des mesures visant à faciliter les contrôles pour être ainsi en mesure d'éviter les abus qui coûtent trop cher aux contribuables.
D'ailleurs, je voudrais attirer l'attention, M. le Président, sur les commentaires du ministère de l'Agriculture suite aux remarques faites par le Vérificateur général. On disait, ici, en conclusion des commentaires venant du ministère: En résumé, le ministère est d'accord avec plusieurs des correctifs suggérés par le Vérificateur général qui viennent enrichir ses propres analyses. C'est pourquoi il proposera, à l'automne 1994, le dépôt d'un projet de loi et d'un projet de règlement qui, à notre avis, solutionneront un grand nombre de problèmes soulevés dans le rapport. Malheureusement, M. le Président, on doit constater que bon nombre des remarques du Vérificateur général, contrairement à ce que dit le ministère, ne sont pas traduites et ne sont pas réglées dans le présent projet de loi.
Dans la catégorie des immeubles faisant partie de l'exploitation agricole, il serait logique de spécifier directement dans la loi que la résidence principale est exclue. D'ailleurs, les agriculteurs sont d'accord avec cette modification. De plus, le ministre, qui veut faire la guerre aux gentlemans-farmers, devrait savoir que les résidences principales sont au coeur du débat. En effet, il y a des médecins ou d'autres professionnels qui possèdent des résidences luxueuses et qui se déclarent producteurs agricoles pour être en mesure de se faire rembourser les taxes foncières.
De toute façon, il est simplement logique que les producteurs agricoles paient les taxes foncières pour leur demeure, comme tous les autres citoyens du Québec. Ainsi, M. le Président, le programme de remboursement des taxes municipales offert par le ministère de l'Agriculture ne sera destiné qu'à l'agriculture et couvrira seulement les bâtiments et les terres utilisés par l'exploitation agricole. Les agriculteurs sont en accord avec ce principe et le ministre l'a admis hier, en Chambre, lors du débat sur la motion de report. Pourquoi le ministre s'entête-t-il à vouloir agir par règlement alors qu'il y a consensus unanime sur le sujet? Nous tenterons, toutefois, de ramener le ministre à de meilleures intentions...
Le Vice-Président (M. Bélanger): Je m'excuse, M. le député de l'Acadie. M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, pour une question de règlement?
M. Landry (Bonaventure): Oui, article 35, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Bélanger): Article 35?
M. Landry (Bonaventure): Oui. On me prête des intentions relatives aux gentlemans-farmers. Or, M. le Président, je n'ai absolument pas envie d'éliminer qui que ce soit. Alors, on me prête des intentions que je n'ai pas.
Le Vice-Président (M. Bélanger): M. le ministre, j'aimerais tout simplement porter à votre attention qu'en vertu de 35.6 il faut imputer des motifs indignes. Alors, M. le député de l'Acadie, je vous invite à continuer, il vous reste environ une minute.
M. Bordeleau: Alors, je termine, M. le Président. Ainsi, le programme de remboursement des taxes municipales offert par le ministère de l'Agriculture ne sera destiné, comme je le mentionnais, qu'à couvrir les terres utilisées par l'exploitation agricole. Alors, pourquoi le ministre s'entête-t-il à vouloir agir par règlement plutôt qu'au niveau législatif quand il y a un consensus unanime pour le faire? Nous tenterons, toutefois, de ramener le ministre à la raison et nous vérifierons la proposition que le ministre présentera pour respecter ce principe.
En terminant, j'aimerais indiquer que le projet de loi 85 suscite un important questionnement. Les deux principes qui y sont mentionnés nous posent des problèmes. Nous sommes en accord avec le principe de la modification du calcul du remboursement des taxes municipales, car ce programme comporte d'importantes lacunes qui doivent être corrigées. Cependant, le deuxième principe qui est relié à la modification de la définition du statut de producteur agricole nous apparaît de trop dans le présent projet de loi. Nous ne sommes pas contre le principe de modifier le statut, sauf que nous pensons que le ministre vient viser la mauvaise loi et qu'il se trompe en voulant faire une modalité pour le remboursement de la taxe municipale.
Alors, M. le Président, je terminerai là-dessus, en disant que, si nous en sommes là aujourd'hui, c'est entièrement de la faute du ministre qui ne sait pas faire la part des choses et qui ne réussit qu'à semer la confusion avec son présent projet de loi. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M. le député de l'Acadie. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Laporte. À vous la parole, M. le député.
M. André Bourbeau
M. Bourbeau: Merci, M. le Président. Il y a plusieurs façons de s'exprimer sur un projet de loi. J'aimerais, quant à moi, M. le Président, avec votre permission, lire quelques paragraphes d'un texte que j'ai devant moi et qui relate la vie d'un agriculteur de la région des Bois-Francs, qui, s'il vivait aujourd'hui encore, s'opposerait certainement au projet de loi 85.
M. le Président, le texte que j'ai devant moi dit ceci: Beau type. Il y a plus de 30 ans qu'il est mort. Dans l'église d'Arthabaska, son banc se trouvait dans l'allée centrale. À cause de sa nombreuse famille, c'était un banc double: deux bancs réunis, en fait. Naturellement, la place de Solime était au bout, sur l'allée; à l'autre bout, un pilier, mais pas d'issue. Quand, pour l'Évangile ou la préface, Solime se levait, ça faisait deux piliers, un à chaque bout. Ses gars ne sortaient pas pour fumer leur pipe sur le perron de l'église pendant le sermon de Mgr Suzor ou de M. le curé Grenier.
Solime qui, s'il vivait, M. le Président, s'opposerait certainement à la loi 85 vit le jour à Saint-Pierre-les-Becquets, sur la rive sud, en face du grand fleuve. Il savait comprendre les belles étendues et les grands paysages, car il voyait grand et beau. Lui-même était grand et beau très grand même six pieds, deux pouces au moins, et droit comme un peuplier. Il me semblait infini; quand, à 10 ans, je le regardais de bas en haut, j'éprouvais à peu près l'impression actuelle quand je contemple l'immense pan de cathédrale granitique du Cap-Trinité.
Lorsqu'on ouvrit les Bois-Francs, il ne tarda pas à venir y planter la hache d'abord, la charrue ensuite. Il se choisit un beau lopin de terre près du ruisseau Gosselin qui, de Saint-Norbert, vient se jeter dans la rivière Nicolet, en bas de chez Nolin. Le sol était riche, Solime, pauvre, mais fort; la hache ne pesait guère à son bras aussi long que son outil de défricheur. Il déblaya vite le bois nuisible à ce qu'il voulait de terre pour semer. Il garda en bois debout, cependant, ce qu'il fallait pour les sucres: un beau bouquet d'érables des montagnes.
(22 heures)
Voulant une grande terre, il travailla rudement. Le sol fut bientôt libre de toute entrave; épierrée, essouchée, la terre se présenta belle et ferme, jeune et vigoureuse, attendant en hâte ses épousailles avec l'homme et sa charrue. Les deux ne se firent pas attendre; les boeufs étaient solides, Solime aussi. Le fer entra dans le sol et la terre s'ouvrit. Tranquillement le tuf découpé se coucha sur lui-même comme une lame de lave qui se retourne, se cabre et se fige. Les sillons, droits et profonds, se succédèrent en cadence. Les guides autour du col, l'homme se tenait attentif et pensif au bois de sa charrue. Le bruit monotone, harmonieux, du soc fendant de son étrave aiguisée la terre vierge le berçait. L'âme du pionnier s'unissait ainsi à l'âme de la terre et, déjà, sa pensée dépassant son travail voyait la houle dorée des blés déferler sous le vent.
Croyant et pieux, sa journée commençait et s'achevait dans la prière; son travail se faisait aussi sous le signe de la croix. Parfois c'était plus; un jour, j'en fus témoin et le souvenir m'en est resté gravé les semailles finies, Solime était debout, ses gars et ses aides couverts de son ombre s'étendant immense dans la rougeur du couchant. Il enleva son grand chapeau, s'épongea le front, se fit une espèce de toilette il était soigneux de sa personne, on doit le dire et d'un geste mâle s'abattit à genoux sur la glèbe. «Mes hommes, disons le Notre Père! nous avons fait tout notre travail, demandons à Dieu de faire le reste!»
Nous ne restâmes pas debout.
Après avoir préparé la terre et bâti sa maison, il prit femme. La moisson fut abondante. Pour les premiers, il était très orgueilleux lorsqu'il partait au baptême dans son plus bel équipage: cheval au pelage poli, beau «buggy» verni clair et reluisant à se mirer dedans, avec un fouet en nerf, debout comme un fanion à portée de sa main. Quand vinrent le douzième et le quinzième enfant, l'équipage était encore plus beau les enfants lui apportèrent l'aisance seulement Solime se cachait un peu dans le fond de la voiture conduite par un des jeunes; il ressentait vaguement les taquineries de ses amis.
Les enfants grandirent; il devint presque riche pour le temps et l'endroit. Ses terres grandirent aussi; les faiblesses de ses voisins furent sa force. Ce fut un fermier dans le sens le plus large et non pas seulement un producteur de blé ou un éleveur de bestiaux. Il ne confia pas son sort à une seule denrée, mais, avec le sens pratique et l'amour de ses ancêtres normands, il s'était donné entièrement à la terre qui se donna à lui.
Le bois de la forêt, transformé par ses soins, devint son premier abri. Plus tard, la glaise de son champ lui fournit la brique, la belle brique rouge dont il se servit pour construire la grande maison à pignons en bordure du chemin du Roy. La laine de ses brebis, et le lin, et le chanvre lui procurèrent le vêtement, avant que par l'échange de ses produits variés il put acheter, au magasin, les objets fabriqués.
Le surplus de ses nombreux troupeaux servit à sa table où la chère était abondante et riche, car les bouches étaient nombreuses et les appétits voraces. À l'air libre, au soleil, au travail, au froid, de grand matin jusqu'à la brunante, l'estomac se creuse et les muscles s'épuisent; il faut bien se refaire.
Les légumes de son potager, le miel de ses ruches, les fruits de son verger variaient l'ordinaire, et les fleurs de son jardin ornaient sa table et sa maison; il avait le sens de la Beauté.
Ce qui, du lait, n'allait pas à la beurrerie ou à la fromagerie se consommait chez lui. Souvent, les services des petits étaient commandés pour la barattée de beurre qui nous intéressait beaucoup. Je ne comprenais pas comment, en poussant et tirant sur une tige, on pouvait transformer le liquide blanc en un pain de beurre jaune, mais on poussait quand même.
Le sucre blanc, granulé, fut presque inconnu; par contre, ses érables lui donnaient au printemps une provision de sirop de sucre doré bien meilleur au goût et à l'oeil que le sucre raffiné.
Dans les débuts difficiles, la lampe à l'huile, c'était du luxe. L'éclairage se faisait à la chandelle de suif coulé sur place tout servait. Les peaux de ses boeufs passées à la tannerie devinrent ses bottes et ses souliers de travail. Mais, pour les dimanches, autre chose: il se chaussait alors d'un soulier fin, car il était fier et, pour rendre visite au bon Dieu, il fallait bien être propre.
Quand on construisit le moulin à farine sur la chaussée de la rivière Nicolet, il en prit sa «part». Après la moisson, l'avoine, l'orge et le blé chargés dans de grands sacs s'en allaient se moudre dans les meules, pour revenir en belle farine dont on faisait le pain. On cuisait chez lui, et quand la miche chaudement colorée d'or en fusion paraissait sur la table, de son grand couteau pointu, il traçait la croix sur le pain, comme il l'avait tracée sur le sillon, la semence et l'épi... Ah! le beau temps où la terre fut vraiment nourricière de l'homme qui en tirait son entière subsistance.
La monnaie de papier ou d'argent n'avait guère cours. On la conservait précieusement en cachette dans un tiroir ou dans le sucrier de l'armoire à clé, pour les dépenses impayables en nature. Les choses ont bien changé depuis.
Solime avait bon coeur. Chaque hiver, vers novembre, il nous envoyait au moins une poche de farine de sarrasin, nous sachant friands de la galette. Le dimanche, en passant pour la grand-messe, il s'arrêtait chez nous. Il aimait les petits, et, pour douceurs, tirait de la poche inférieure de sa veste en serge noire des «paparmannes» blanches, rondes, épaisses, délicieuses. Chez lui, on était bien reçus. Il nous amenait au champ et, pendant son travail, nous parlait longuement. Il parlait de la terre avec amour, comme d'un être vivant, bienfaisant, un peu comme on parle de sa mère ou de son père. Le sien s'appelait Lazare. Une fin de jour, il me prit dans ses bras puissants et me hissa sur son cheval pour le retour à la maison, la voiture restant sur place. J'étais très fier. La grise, sentant l'écurie, pressa le pas, enfila d'un trait dans la porte basse qui me faucha sans plus et je me retrouvai assis sur la dalle de pierre du seuil dont je conserve encore un cuisant souvenir. Ce soir-là, j'eus deux «paparmannes», deux menthes, et Solime me compta sa plus belle histoire pour sécher mes larmes. Il disait si finement!
En fait d'instruction, il n'avait vu que la petite école, l'école du rang. Il voulut, pour ses filles et ses fils, ce qui avait manqué à sa grande intelligence et à son esprit ouvert. Ses gars prirent donc le chemin du collège et les filles partirent au couvent des soeurs. Les frères du Sacré-Coeur étaient tout proches, à un petit mille. Solime les aimait beaucoup; ses garçons les aimaient moins. Un jour, deux d'entre eux, des colosses, décidèrent dans leur sagesse que le collège était fini. Ils arrivèrent chez eux pour annoncer la nouvelle au père. Ce ne fut pas long. Solime déploya ses 225 livres d'os et de muscles, s'en fut dans la remise et revint à la cuisine avec son plus beau fouet. Il en avait toujours, des beaux fouets, comme il disait à la normande, mais, doux, il s'en servait peu. La classe est par là, dit-il, en pointant vers l'est. Les gars partirent sans demander leur solde et le père les suivit jusqu'au collège de son grand pas mesuré qui faisait aisément ses quatre milles à l'heure. Les gars finirent leur cours.
(22 h 10)
Sa figure noble, sa taille imposante, son regard de maître commandaient le respect. Sa vie intérieure, franche et pure, illuminait sa figure. On le sentait vertueux, mais d'une vertu active et forte. Il était, au dedans comme au dehors, un homme viril.
Un hiver, dans un chemin rétréci par les neiges, il revenait chez lui avec un voyage de foin. Son jeune menait le cheval. Solime, fatigué, s'était détendu. Deux freluquets en traîneau léger, ne voyant qu'un enfant, refusèrent la liberté de la route. Solime se leva. Une charge de foin comme piédestal, sa stature énorme encore élargie dans un capot de chat sauvage, il avait à peu près les proportions de Saint-Christophe du Dôme de Cologne sur le Rhin. Très poliment, il demanda la route... Il l'eut!
Ses fils avaient hérité de sa force, surtout Joseph. Celui-là, grand comme le père, était sec et mince comme une lance, avec un teint pâle qui lui donnait un air maladif. Un jour, lui aussi eut une aventure en se promenant en traîneau. Un dimanche après-midi, étant avec sa douce sa blonde en petite carriole dans une route étroite, il rencontre deux types qui veulent lui faire prendre le bord. Joseph descend, se met à parlementer tranquillement. Voyant ce grand gamin si pâle, les deux polissons l'engueulent. Causant toujours posément, mais bleu de colère, Joseph se penche, empoigne d'une main le traîneau de ces hommes, se relève vivement et, d'un coup sec du bras et du poignet, fait basculer le tout dans les trois pieds de neige qui bordaient la route. Puis il repart au grand trot de son cheval de course en criant aux deux naufragés: Quand on vous demandera poliment la rencontre, vous la donnerez.
Solime avait la musique dans le coeur. Sa voix riche et belle, bien timbrée, n'était pas très forte. Au travail, au repos, l'homme heureux chantait. Il chantait malgré ses épreuves. Sa femme, après lui avoir donné 18 enfants, fut, sur le retour, paralysée presque complètement pendant 19 ans. Il la soigna de tout son coeur, et pour lui, pour ses fils et ses filles, ce fut toujours la mère, la mère malgré son impotence et sa déchéance physique. Il n'oublia jamais qu'elle avait été la compagne et le soutien de ses années pénibles, l'épouse jeune et belle qui lui donna ses 20 ans et toute sa vie, la maman tendre et dévouée de ses enfants qui faisaient son orgueil et sa joie de vieil homme, que ses maternités répétées avaient usé son corps et sa santé, mais qu'elle avait accepté noblement son devoir et que, comme un soldat, elle était tombée au champ d'honneur. Toujours il l'aima et l'honora, comme si son pauvre cerveau glacé par le mal pouvait encore exprimer ce que son coeur de femme ressentait: la reconnaissance et l'amour.
Sans jamais s'être plaint, toujours gai, la chanson aux lèvres, remerciant la Providence des épreuves comme des bienfaits, il atteignit la septantaine sans plier... et mourut avant sa femme. Dans la route, un soir de juin, on l'entendit chanter en voiture. On se dit: Tiens, voilà M. Solime qui passe. Il soigna son cheval pour la nuit, se dévêtit, fit sa prière... et s'écroula les bras en croix devant la paralytique terrifiée qui ne put que hurler sa misère. Le prêtre vint à temps, le médecin fut trop tard. À son service, on pleura beaucoup. Si jamais on élève un monument aux pionniers des Bois-Francs pour faire pendant à la croix lumineuse du mont Saint-Michel d'Arthabaska, on pourra prendre pour modèle Solime Bourbeau!
M. le Président, il s'agit là d'un texte qui a été écrit sur mon arrière-grand-père et, puisque je suis moi-même producteur agricole, j'ai pensé qu'il était intéressant d'en faire la lecture. Je ne sais pas si mon arrière-grand-père aurait voté contre la loi 85, mais moi, M. le Président, je peux vous assurer que je vais le faire. Je vous remercie.
Une voix: Ha, ha, ha!
Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, merci, M. le député de Laporte. Je suis arrivé, vous aviez commencé votre récit. C'est un conte vraiment merveilleux. Je lisais le 211: «Tout discours doit porter sur le sujet en discussion.» Habituellement, on m'informe du sujet et, là, j'apprécie les discours. Cette fois-ci, j'appréciais le discours et j'allais m'informer quel était le sujet, justement.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je suis content, vous me l'avez indiqué à la fin, à la toute fin, là. Maintenant, je croyais...
Une voix: ...
Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Gendron: M. le Président, en vertu de 211, dès le début, nous étions conscients que la règle de la pertinence était très douteuse quant à son application, mais le député de Laporte nous avait laissé voir qu'il voulait retourner à sa période de jeunesse où il pratiquait son art oratoire à la Jeune Chambre en faisant des déclamations. Alors, moi, je voulais le laisser faire jusqu'à la fin pour voir si on y trouverait le ton, la forme. Et je ne l'ai pas trouvé. Par contre, c'est le choix qu'il avait fait, et ça illustre un peu aussi comment ces gens-là peuvent se servir de la Chambre pour s'amuser, par ses choix qu'il a faits, et je voulais que le public soit juge.
Le poème, en passant, était très beau. Il a fait le choix de nous entretenir du poème de son père plutôt que du projet de loi. Alors, espérons que d'autres sauront un peu plus parler de la pertinence du sujet. Autrement, on va être pris pour ajourner s'ils n'ont pas d'autre chose à dire sur le projet de loi.
Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, écoutez, là, je suis prêt à reconnaître un prochain intervenant. Mme la députée de Jean-Talon toujours sur le même sujet, le projet de loi cette fois-ci.
Mme Delisle: Oui.
Le Vice-Président (M. Brouillet): Très bien.
Mme Margaret F. Delisle
Mme Delisle: Merci, M. le Président. En introduction, M. le Président, j'aimerais mentionner qu'il m'est agréable d'intervenir sur ce projet de loi qui créera un impact sur une grande partie de la population du Québec, une population qui est en région et qui représente un poids important dans le développement du Québec, c'est-à-dire les agriculteurs.
Le projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui vient modifier les conditions d'admissibilité au Programme de remboursement des taxes municipales dont bénéficiaient les agriculteurs. Le MAPAQ, voyant l'augmentation continuelle des dépenses à ce chapitre, vient réviser les modalités et les conditions de ce remboursement. À cette fin, M. le Président, le projet de loi 85 établit une nouvelle base de calcul de remboursement qui, comme nous le verrons plus tard, n'est pas très, très claire.
M. le Président, à la lecture de ce projet de loi, on se rend vite compte que c'est un brouillon. On se souviendra qu'on a d'ailleurs proposé une motion de report sur ce projet de loi pour la bonne et simple raison que plusieurs articles ne concordent pas, sont mal présentés, sont mal agencés. Il y en a même un qui se retrouve dans la mauvaise loi. Donc, M. le Président, c'est la raison pour laquelle on a proposé de reporter ce projet de loi.
J'aimerais revenir, M. le Président, sur quelques-unes des raisons qui nous ont amenés à demander le report de quatre mois de ce projet de loi. En effet, c'était pour demander de tenir des consultations et être en mesure d'éclairer à la fois les membres de cette Chambre et aussi les agriculteurs et les agricultrices des impacts de ce projet de loi. Il ne faut surtout pas oublier, M. le Président, que souvent, bien qu'on renseigne les syndicats qui représentent les agriculteurs, il n'y a rien comme une bonne consultation pour y entendre les gens des différents syndicats qui sont regroupés au sein de l'Union des producteurs agricoles du Québec selon les élevages, selon les productions, pour comprendre réellement les impacts du projet de loi.
Je ne veux surtout pas ici remettre en question le rôle de l'UPA ni sa compétence, au contraire, je dis seulement que pour améliorer le débat il est toujours intéressant de pouvoir consulter, pouvoir compter sur une consultation élargie où on entend des gens qui viennent vraiment traiter de toutes les implications possibles d'un projet de loi.
Cette consultation s'avère justifiée par les erreurs importantes, comme je l'ai mentionné, dans ce projet de loi. Premièrement, la fixation du revenu brut minimum et l'obligation d'avoir acquitté la cotisation syndicale, d'après moi, ne font pas partie de la bonne loi. Le ministre devrait plutôt modifier la Loi sur les producteurs agricoles pour amener cette obligation.
(22 h 20)
En plus, il y a l'obligation de payer la cotisation liée à l'exploitation agricole qui devrait se retrouver dans la Loi sur les producteurs agricoles car, en effet, M. le Président, ce sont les producteurs qui sont visés et, preuve à l'appui, l'article 14 du projet de loi stipule clairement que la présente loi est faite aux fins de remboursement de la taxe foncière et des compensations payables pour tout exercice foncier, scolaire, à compter de celui de 1995-1996 et pour tout exercice financier municipal à compter de celui de 1996.
Le ministre tente de passer ce projet de loi à toute vapeur malgré les erreurs flagrantes qui s'y retrouvent. Je me demande bien pourquoi. L'urgence ne peut sûrement pas être évoquée, car, en bout de ligne, ce projet de loi a d'abord été pensé et est applicable seulement pour l'année prochaine. Nous avions donc demandé de reporter le projet de loi pour qu'on puisse tenir cette consultation élargie et être en mesure de procéder à un projet de loi en octobre et tout serait quand même prêt, M. le Président, pour l'an prochain.
D'ailleurs, nous ne sommes pas les seuls. L'UPA aussi demande de modifier cette loi. C'est spécifiquement pour fournir des instruments adéquats pour les producteurs agricoles, prendre le temps de bien regarder le projet et combler ses lacunes importantes, car nous croyons toujours que le projet de loi devrait être reporté à plus tard, mais le ministre en a décidé autrement.
Le ministre, M. le Président, veut faire passer rapidement ce projet de loi malgré les erreurs que l'on retrouve à l'intérieur du projet de loi 85. Dommage! C'est qu'on se rend bien compte que le ministre, avec son manque de leadership et son empressement, a fait des erreurs majeures et veut continuer dans ce sens-là. Il a mélangé les choses et s'est trompé de voie, et c'est pourquoi nous demandons un débat de fond pour donner les outils nécessaires au plan agricole, pour ne pas être obligés de recommencer ce même processus pour venir remodifier ces lois, parce qu'il y a bien des erreurs qui ont été commises, d'après nous, par les services juridiques du ministère qui, sans évidemment blâmer les fonctionnaires, n'ont pas identifié les bonnes lois, les bonnes implications pour déposer les articles de ce projet de loi.
J'aimerais aussi, M. le Président, revenir un peu sur quelques-uns des éléments que ce projet de loi propose. Ainsi, il propose de supprimer le pouvoir du ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation d'exclure du remboursement des taxes foncières attribuables à certains immeubles qui ne feront pas partie de l'exploitation agricole. Ces immeubles seront déterminés par règlement. C'est ce même gouvernement qui vient nous parler de la fin du mur-à-mur qui vient déterminer des clauses comme celle-ci, par règlement.
Il y a un élément, M. le Président, que j'aimerais soulever à propos de ces règlements. Il ne faut pas oublier qu'un règlement est quelque chose qui peut se faire sans qu'il soit soumis au vote de l'Assemblée nationale. C'est donc dire que le ministre dispose, dans sa loi, de certains éléments qui lui permettent de revenir avec des règlements plus précis, sans consultation, sans être soumis au processus parlementaire et en obligeant les agriculteurs et les producteurs à se plier à certaines de ses exigences.
Par ailleurs, un autre élément sur lequel je me pose beaucoup de questions, c'est celui qui propose de supprimer le versement d'avances sur le remboursement ainsi que l'obligation de rembourser le ministère sur la superficie non productive de l'exploitation agricole. Le ministre supprime aussi l'obligation de rembourser ce dernier dans le cas d'autorisation accordée par la Commission de protection du territoire agricole du Québec.
J'ai de la misère à m'expliquer, M. le Président, pourquoi le ministre a levé le versement d'avances, car plusieurs producteurs qui avaient des comptes de taxes très élevés, souvent de plus de 15 000 $, utilisaient cette possibilité pour ne pas amputer le fonds de roulement de leur ferme. Je ne sais pas si le ministre le sait, mais les entreprises agricoles sont maintenant d'une telle ampleur qu'il s'agit de véritables PME et qu'elles doivent être gérées de façon logique.
Pouvez-vous m'expliquer pourquoi un agriculteur aurait à verser, pour sa ferme, en un seul coup, une somme de 15 000 $, d'autant plus qu'il pourrait la verser en deux ou trois fois? Et, M. le Président, il ne faut pas oublier qu'il la versait à l'avance et, dans ce cas-ci, il n'y aurait pas de retard et cela n'engendrerait aucun coût additionnel pour le ministère.
Par ailleurs, il ne faut pas oublier qu'il y a des saisons et que les dépenses de la ferme varient, M. le Président, selon les saisons. Il y a des saisons, comme par exemple celle des semences, où il faut acheter les graines et mettre la machinerie en marche pour préparer les terres. C'est une saison qui coûte très cher. Alors, M. le Président, on voit mal, pendant cette saison, comment un producteur pourrait arriver à verser 15 000 $, alors qu'on sait que, l'hiver, tout est au ralenti. Cependant, au niveau de la production laitière, durant la production d'été et durant la production d'hiver, l'argent entre de façon plus équilibrée. Alors, le fait de pouvoir payer à l'avance sur certaines périodes de l'année, comme, par exemple, l'automne, il y a plus d'argent qui entre à cause de ces récoltes. M. le Président, c'est justement pour éviter une autre mesure de mur-à-mur et pour permettre aux agriculteurs de verser leurs sommes quand ils le souhaitent que nous tentons de convaincre le ministre. D'autant plus, comme je l'ai dit plus tôt, qu'il s'agit d'avances, et ce ne sont pas des retards qui ont pour effet d'amener l'imposition de taux d'intérêt ou de perte d'argent pour le gouvernement.
Finalement, M. le Président, j'aimerais rappeler qu'il y a deux principes dans ce projet de loi: le premier, le principe de remboursement de taxes municipales, qui lie les subventions gouvernementales à une cotisation syndicale, c'est-à-dire que l'on se base sur le seuil de revenu nécessaire pour être membre de l'UPA, et, deuxièmement, le versement des subventions gouvernementales. Et nous croyons que cet article, bien que nous ne sommes pas contre, se doit d'être bonifié, doit être revu en consultation élargie pour, encore une fois, M. le Président, s'assurer d'être équitable. Le ministre a parlé de 10 000 $ et est maintenant revenu à 3 000 $, et, comme il dit, il a fait marche arrière. Alors, M. le Président, tant qu'à jouer au yo-yo comme ça, pourquoi ne pas tout simplement retarder le projet de loi afin de le bonifier? Mais on constate malheureusement que le ministre n'a montré aucune ouverture d'esprit, qu'il continue à «bulldozer» et aller de l'avant avec ce projet de loi tel quel.
Donc, je vous annonce dès maintenant que nous serons de retour en cette Chambre pour, encore une fois, parler des mêmes articles dont nous venons de vous entretenir parce que, d'après nous, le ministre n'aurait pas fait son travail convenablement. Alors, M. le Président, puisque le ministre s'est trompé, qu'il ne veut pas le reconnaître et qu'il y a bel et bien deux principes dans ce projet de loi, nous nous opposons à son adoption. Nous sommes en faveur du premier principe qui vise le remboursement des taxes municipales, mais nous ne sommes pas suffisamment éclairés sur le deuxième principe qui vise à lier les cotisations syndicales à l'obtention de privilèges gouvernementaux.
M. le Président, le rôle de l'opposition n'est pas de vous dire: Oui, sans réserve, vous pouvez aller de l'avant, l'opposition est d'accord. Non. Le rôle, notre rôle dans l'opposition, c'est justement de poser des questions, c'est de dénoncer des situations que nous jugeons exagérées et c'est ce que nous avons fait lors du débat sur ce projet de loi, c'est ce que nous continuerons à faire, surtout quand le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation continue de nous prouver son manque de leadership en ce qui a trait à l'agriculture au Québec.
M. le Président, je suis déçue et inquiète de voir que les agriculteurs et les agricultrices ont à travailler avec un collaborateur qui ne se soucie pas de leur bien-être, de leurs véritables besoins, qui ne les écoute pas et qui a refusé une consultation élargie, qui va maintenant de l'avant pour faire passer ce projet de loi que l'on considère comme un brouillon incomplet et qui, de toute façon, devra être réamendé parce qu'il comporte des lacunes importantes. Merci, M. le Président.
(22 h 30)
Le Vice-Président (M. Brouillet): Mme la députée de Jean-Talon, je vous remercie. Je suis prêt à céder la parole à un autre intervenant. M. le député de Beauce-Nord, vous avez la parole.
M. Normand Poulin
M. Poulin: M. le Président, comme bon nombre de mes collègues, il me fait plaisir de prendre la parole dans le cadre de l'adoption du principe du projet de loi 85, Loi modifiant la Loi sur le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation et la Loi sur la fiscalité municipale. Ce projet de loi, déposé le 18 mai dernier, vise spécifiquement: premièrement, à supprimer le pouvoir du ministre d'exclure du remboursement les taxes foncières attribuables à certains immeubles en un mot, M. le Président, cela signifie que les immeubles qui ne feront pas partie d'une exploitation agricole seront déterminés par règlement du gouvernement deuxièmement, à supprimer le versement des avances sur le remboursement; à supprimer l'obligation de rembourser le ministère pour la superficie non productive de l'exploitation agricole ainsi qu'à supprimer l'obligation de retourner au ministère certaines sommes, dans les cas d'autorisations accordées par la Commission de protection du territoire agricole du Québec; troisièmement, à étendre le droit à un remboursement aux exploitations agricoles qui n'ont pas généré le revenu brut minimum fixé, en raison d'une production animale nouvelle, en phase de démarrage, ou en raison d'une production limitée pour des causes naturelles exceptionnelles; également, à prolonger la période pendant laquelle une exploitation agricole peut être enregistrée jusqu'au 31 mars de l'année qui suit l'expiration de l'exercice financier pour lequel un remboursement est demandé; à prévoir que l'exploitation agricole génère un revenu brut minimal pour avoir droit à un remboursement de taxes, le tout fixé par voie réglementaire; à fixer à 30 jours...
M. Gautrin: M. le Président, en fonction de l'article 32...
Le Vice-Président (M. Brouillet): Excusez, M. le député de Beauce-Nord. M. le député de Verdun, pour un rappel au règlement?
M. Gautrin: ...
Le Vice-Président (M. Brouillet): Oui. Alors, que l'on appelle les députés.
(22 h 31 22 h 32)
Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, nous allons reprendre nos travaux, et je cède la parole à M. le député de Beauce-Nord.
M. Poulin: J'en étais, M. le Président, au projet de loi 85. Je disais donc, M. le Président, à fixer à 30 jours le délai d'appel de certaines décisions du ministre auprès de la Régie des marchés agricoles et alimentaires du Québec. Voici donc les objectifs.
Maintenant, voici le problème. Ce projet de loi contient deux principes: le principe du remboursement des taxes municipales et le principe de lier les subventions gouvernementales à une cotisation syndicale. Nous nous opposons donc au projet de loi 85, car il est mal rédigé. Le ministre ne veut pas reconnaître qu'il n'a pas mis les choses à la bonne place. À l'article 1, par exemple, traitant du remboursement de taxes à l'exploitation agricole, une erreur législative majeure y a été inscrite. En effet, la cotisation de l'Union des producteurs agricoles est liée au producteur agricole en vertu de la Loi sur les producteurs agricoles. Il y a donc incohérence, car cette législation vise le producteur lui-même et non pas l'exploitation agricole.
Par ailleurs, au fil des ans, le ministère de l'Agriculture du Québec s'est toujours appuyé sur la définition du statut de producteur pour préciser l'accessibilité à la majorité de ses programmes. Par ce projet de loi, le ministre vient changer les règles. Il vient augmenter le minimum d'accessibilité pour certains programmes majeurs qui sera porté à 10 000 $ plutôt que 3 000 $, comme stipule la Loi sur les producteurs agricoles. Le ministre crée ainsi un dangereux précédent, car certains agriculteurs reconnus selon la loi ne pourront être admissibles aux programmes du MAPAQ tandis que d'autres le seront en vertu d'une autre règle complètement arbitraire.
M. le Président, le ministre s'est donc trompé de loi et doit plutôt modifier la Loi sur les producteurs agricoles pour modifier le revenu brut minimum, tel que stipulé dans ladite loi, et faire en sorte d'obtenir une seule définition de ce qu'est réellement un producteur agricole. Le ministre, en nous présentant ce projet de loi, agit à l'encontre de l'esprit du ministère de l'Agriculture et de l'esprit de la Loi sur les producteurs agricoles. Il doit donc modifier son tir. Le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation aurait dû prendre le temps nécessaire afin d'éviter une telle bévue, afin de ne pas présenter un projet de loi contenant deux principes différents.
M. le Président, dans le contexte budgétaire actuel, je suis certain que la majorité des agriculteurs du Québec conviennent que le programme de remboursement de taxes doit être réaménagé, mais pas de n'importe quelle façon. On voit bien que le vrai objectif de ce gouvernement, à travers ce projet de loi, celui qui est caché, ce sont les besoins financiers du gouvernement. En effet, cette pièce législative contient toute une série de mesures d'ajustement, de modifications qui, en bout de ligne, vont permettre au gouvernement de réaliser des économies, de couper ses dépenses dans le Programme de remboursement des taxes municipales et scolaires.
M. le Président, en 1972, l'Assemblée nationale du Québec sanctionnait la Loi sur les producteurs agricoles, dans laquelle on précise, entre autres, la définition d'un producteur agricole. La loi stipulait alors qu'un producteur agricole est une personne dont la production agricole destinée à la mise en marché est supérieure à 1 000 $. En 1990, le législateur portait ce seuil à 3 000 $. J'aimerais rappeler à cette Chambre qu'à chaque fois que le statut du producteur agricole a été modifié il s'en est suivi un débat houleux. Cette question est extrêmement délicate pour le secteur agricole. Vous comprendrez donc, M. le Président, que, lorsque le ministre veut s'attaquer au statut du producteur, nous sommes en droit de demander des consultations pour être en mesure de bien cibler les préoccupations réelles des agriculteurs.
Devant cet état de fait, M. le Président, il appert que nous devons revoir le projet de loi afin de permettre la tenue d'une consultation appropriée de façon à répondre réellement aux besoins des agriculteurs québécois. Le ministre fait fausse route, M. le Président. Il doit donc prendre du recul et permettre la bonification de son projet de loi. L'attitude intransigeante du ministre et son obstination à vouloir agir seul, sans consultation, témoignent, M. le Président, une fois de plus, de son manque de leadership et de son manque de vision du secteur agricole au Québec.
Il s'avère donc impératif de revoir ce projet de loi pour faire toute la lumière, et ce, en collaboration avec le monde agricole. Le milieu se pose de sérieuses questions sur le nouveau calcul de remboursement des taxes foncières, sur l'article 4, entre autres, qui vise à abroger le pouvoir du ministre de faire un versement d'avance sur le remboursement. Pourquoi le ministre a-t-il supprimé le versement d'avance, utile aux producteurs agricoles qui avaient des comptes de taxes de plus de 15 000 $? Pourquoi leur enlever ces avances et ainsi forcer et amputer le fonds de roulement de leur ferme?
Comme ce projet de loi contient des erreurs majeures et vient affecter le fondement même du statut de producteur agricole, il est capital que le ministre et le gouvernement refassent leurs devoirs. M. le Président, le projet de loi 85 a sa raison d'être, et ce, pour un seul et unique but: le réaménagement du programme de taxes. Et, si jamais le gouvernement souhaite modifier la définition du statut de producteur agricole, qu'il modifie la Loi sur les producteurs agricoles. Même si le ministre s'entêtait et même si le gouvernement nous mettait le bâillon pour passer cette loi, il y aurait un vide juridique, et cette loi serait attaquable en justice. Le but du ministre aurait échoué, sans compter les frais juridiques contractés pour défendre ce que je qualifie comme étant un manque profond de respect de la démocratie.
M. le Président, le ministre de l'Agriculture a intérêt à se rappeler sa mission première: soutenir, protéger et développer l'industrie agricole. De ce que je sais, subventionner l'habitation ne fait pas partie de sa mission. S'il est adopté, ce projet de loi viendra amputer près de 14 500 000 $ du budget total du programme de remboursement, une ponction qui représente en moyenne 400 $ de moins en remise de taxes pour chaque ferme participante. Nous ne pouvons donner notre accord à l'adoption de ce projet de loi pour toutes ces raisons, car il contient deux principes.
Toutefois, je tiens à préciser que nous sommes en faveur du principe de remboursement des taxes municipales. Par ailleurs, nous ne sommes malheureusement pas suffisamment informés sur le principe visant à lier les cotisations syndicales à l'obtention de privilèges gouvernementaux. C'est pourquoi nous demandons au ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation de tenir des consultations sur ce sujet. Que le ministre assure le leadership auquel les producteurs agricoles sont en droit de s'attendre, qu'il assume pleinement ses responsabilités et accepte de les entendre. Qu'il mandate la commission de l'agriculture pour questionner les groupes et organismes concernés afin d'obtenir tout l'éclairage possible, et ce, afin de prendre une décision éclairée.
(22 h 40)
Voilà donc pourquoi, M. le Président, je tenais à prendre la parole dans le cadre de ce débat. Je ne voulais pas rester muet face aux dispositions contenues dans cette pièce législative. L'agriculture est une activité économique trop importante au Québec pour la traiter de la sorte. Voilà donc, en substance, pourquoi je m'oppose fermement à l'adoption du principe de ce projet de loi. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Beauce-Nord. Y a-t-il d'autres intervenants? M. le député de Verdun, je vous cède la parole.
M. Henri-François Gautrin
M. Gautrin: Merci, M. le Président. Je représente un comté asphalté, un comté urbain. C'est important, quand même, qu'on remarque les comtés urbains qui représentent une population et qu'on regarde un peu les avantages qu'ont les agriculteurs. C'est intéressant, des remboursements de taxes; c'est intéressant, des suppressions de... quand les autorisations ont été données injustement, on supprime l'obligation de rembourser. J'ai vu ça dans le projet de loi. En général, c'est le contraire. J'ai vu, par exemple, quand l'aide sociale fait une erreur, la manière dont on poursuit les gens pour les forcer à rembourser. Ici, ce n'est pas ça. Je veux dire, on supprime l'obligation de retourner au ministre certaines sommes dans le cas d'autorisations accordées par la Commission de protection du territoire agricole. Bien, écoutez, là, j'ai appris énormément en lisant ce projet de loi.
Je reconnais, M. le Président, comme j'ai un comté qui n'est pas tellement un comté agricole, que je n'avais pas tellement prêté attention aux lois qui touchent le monde agricole, mais je dois dire que je suis absolument effaré des avantages qu'on donne aux producteurs agricoles. Vous comprenez, la moyenne... Si on disait ça au monde ordinaire et s'il savait les avantages qu'ont ces gens-là, je vous dis, ça serait drôle. Les remboursements de taxes foncières... Alors, je comprends qu'on a des gens privilégiés. Alors, je ne suis pas ici pour retirer des privilèges aux gens qui les ont, mais, bon Dieu, écoutez ça: le montant remboursé de taxes foncières, le montant de taxes foncières remboursées... Il y a bien des gens qui aimeraient ça avoir le remboursement de leurs taxes foncières. Je vois la députée de Taillon, je suis sûr qu'aussi, dans le comté de Taillon, il y a pas mal de... il y a peu de producteurs agricoles, disons, et je ne suis pas sûr qu'ils n'apprécieraient pas non plus d'avoir des remboursements de taxes foncières.
Mais là n'est pas mon propos, M. le Président. Il y a parfois des aberrations dans nos lois avec lesquelles nous devons vivre, alors nous vivrons avec, aussi, certaines de ces aberrations. Je dois dire, après ces remarques qui sont quand même instructives, que j'ai appris énormément. Je vous jure, là, j'aurais quasiment le goût de devenir producteur agricole en voyant ça.
Je me permets de dire qu'il y a deux points, pour nous, qui soulèvent des objections à cette loi-là. Pour bénéficier de la manne, de la manne qu'on distribue à droite et à gauche pour les producteurs agricoles, si j'ai bien compris il faut avoir acquitté la cotisation annuelle prévue à la section VIII de la Loi sur les producteurs agricoles. Ça, essentiellement, c'est d'avoir payé sa cotisation à l'UPA. Donc, on vous dit: Il y a un paquet de bénéfices, mais on ne vous les donnera que dans la mesure où vous avez payé votre cotisation à l'UPA. Bon, je n'ai rien contre, mais je ne vois pas pourquoi il faut absolument qu'on lie un programme, sur lequel, j'imagine, il y a eu consensus depuis longtemps entre les parlementaires, au fait que la personne ait payé une cotisation à un organisme syndical.
Ça n'existe pas tellement, hein, ça, M. le Président? Je vous pose la question. Vous êtes professeur d'université, moi aussi. J'imagine mal qu'on associe un remboursement éventuel de nos taxes foncières, auquel vous et moi, on n'a pas droit, au fait qu'on soit membre de notre syndicat. Ça n'a jamais été le cas et ça m'a l'air d'une aberration intellectuelle difficilement acceptable dans ce projet de loi. Je ne comprends pas pourquoi il faut absolument qu'on lie le fait d'avoir acquitté sa cotisation à l'UPA aux avantages je ne veux pas les qualifier ici qui sont inclus dans le projet de loi pour les agriculteurs.
M. le Président, l'adhésion à un organisme syndical est un choix libre et réfléchi. Le fait de payer une cotisation dans le secteur manufacturier, vous connaissez comme moi la formule Rand, est lié à une décision d'un juge pour les avantages ou les protections qu'on peut avoir par le biais de l'application d'une convention collective. Je ne vois pas le gouvernement lier un programme gouvernemental de remboursement de taxes foncières au fait que vous ayez acquitté vos cotisations syndicales. Je n'y arrive pas. Et, honnêtement, comment peut-on faire le lien intellectuellement entre le fait de payer sa cotisation syndicale à l'UPA et avoir droit à un remboursement de taxes? Ça n'a pas de bon sens. Sérieusement, ça n'a pas de bon sens. Ça ne se tient pas debout, sinon qu'on essaie de dire: L'UPA a peut-être bien du mal à recruter ses membres et à se faire payer ses cotisations. Et puis on dit: Voici, si vous voulez... Le gouvernement, pour donner un coup de main à l'UPA, va leur dire: Pour avoir droit au remboursement de taxes, il faut que vous ayez payé votre cotisation à l'UPA. Je ne vois vraiment pas pourquoi, comme parlementaires, on doit donner cette aide, que je considère tout à fait inappropriée, à l'Union des producteurs agricoles. Mais ce n'est pas tout. Moi, je sais pourquoi, enfin je l'imagine, compte tenu de la prise de position du président de l'UPA, mais enfin j'ai un peu de difficulté...
L'autre chose, M. le Président, c'est cette question de limite du montant de production. Si j'ai compris, et je vous avoue que je ne connais pas bien le monde agricole, on va demander que la ferme ou l'exploitation agricole ait une production au minimum de 10 000 $ pour avoir droit au remboursement de taxes. Le problème, si j'ai bien compris, c'est qu'il y a d'autres programmes d'aide à l'agriculture qui, eux, demandent simplement que la ferme ne produise que 3 000 $. C'est-à-dire qu'on va créer dans le gouvernement des exploitations agricoles qui ont droit au remboursement de taxes parce qu'elles sont, disons, dans la classe des exploitations agricoles...
M. Charbonneau (Bourassa): M. le Président...
Le Vice-Président (M. Brouillet): Excusez, M. le député de Verdun. M. le député de Bourassa.
M. Charbonneau (Bourassa): ...
Le Vice-Président (M. Brouillet): Le quorum, je vais faire ça rapidement.
Alors, il nous manque quelques membres. Si vous voulez appeler les députés, s'il vous plaît.
(22 h 47 22 h 48)
Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, M. le député de Verdun, vous pouvez poursuivre, et j'inviterais les membres à prendre leur siège, s'il vous plaît.
M. Gautrin: M. le Président, j'essayais d'expliquer aux députés ministériels les deux raisons de notre opposition à ce projet de loi. La première raison, c'est parce que ce projet de loi lie le remboursement de taxes foncières au fait que vous ayez payé votre cotisation syndicale à l'UPA. C'est une première chose à laquelle, je crois, en termes tout à fait législatifs, j'ai énormément de mal à souscrire.
Le deuxième élément d'opposition, c'est que la définition d'une exploitation agricole qui donne droit au remboursement est ici celle d'une exploitation agricole qui aura eu une production agricole d'au moins 10 000 $, alors que, dans d'autres programmes du MAPAQ, du ministère de l'Agriculture, vous avez des conditions où la manière d'être déterminé ou défini comme producteur agricole, on demande simplement une production agricole de 3 000 $. Donc, j'y vois, à l'intérieur de ce projet de loi, une forme d'incohérence. Ou bien on remonte tous les barèmes à 10 000 $, en y payant le prix politique de remonter le niveau à 10 000 $, ou bien on ne remonte pas ce niveau.
M. le Président, j'ai énormément appris en lisant ce projet de loi, comme je vous l'ai dit au début. J'ai vu les énormes avantages qu'ont les producteurs agricoles, mais avantages qui, j'imagine, sont justifiés ou, du moins, sont justifiés pour des raisons historiques. Vous savez à quel point l'histoire peut avoir des raisons que la raison ne connaît pas, ou comprend mal. Mais, néanmoins, dans ce que vous faites comme modifications, ces deux modifications me semblent justifier, de notre part, une non-adhésion au projet de loi 85.
Je signalerai aussi que les éléments où on permet aux gens des dispenses de remboursement me semblent, pour le moins, extrêmement contestables. Sinon, si elles étaient étendues aux autres citoyens, qui, suite à des erreurs de l'État, pourraient être dispensés des remboursements, ils en seraient fort aises.
M. le Président, vous vous imaginez facilement, lorsque, par exemple, dans la loi de l'impôt, quelqu'un à l'impôt aurait fait une erreur dans votre cotisation et dirait: Bien, je supprime ce que vous devez... Vous, vous lui devez en plus. Si jamais il y a une erreur dans les cotisations dans le régime de prêts et bourses, vous savez comme moi que l'étudiant se doit de rembourser ses prêts et bourses. Vous savez comme moi que, si jamais il y a une erreur dans la prestation d'aide sociale, pour les gens qui sont les plus démunis, ils se doivent de rembourser la prestation d'aide sociale.
À moins que je ne comprenne mal, on supprime cette obligation pour les producteurs agricoles, dans le cas d'autorisations accordées par la Commission de protection du territoire agricole. Alors, je comprends qu'on a affaire ici à une classe de citoyens sinon privilégiés, du moins particulièrement choyés par l'État. Je dois dire que l'échange, en quelque sorte, pour bénéficier de l'ensemble de ces bénéfices est de devoir payer la cotisation à l'UPA, point sur lequel j'ai, personnellement, beaucoup, beaucoup de difficultés.
Alors, M. le Président, je résume les trois points qui, pour moi, à part de m'avoir énormément édifié sur les énormes avantages, je ne dirais pas indus, mais, enfin les énormes avantages concédés aux agriculteurs... J'aimerais ça, dans un comté qui, comme le mien, est un comté asphalté, comme vous le savez, pouvoir peut-être en bénéficier un peu. Mais les trois points qui sont pour nous difficiles et qui font le blocage, du moins de ma part, au projet de loi, c'est l'obligation d'avoir acquitté sa cotisation à l'UPA pour pouvoir bénéficier de cette manne qui tombe du ciel; deuxièmement, cette distinction que vous avez en remontant le seuil de 3 000 $ à 10 000 $ pour cette partie des programmes du MAPAQ sans l'étendre aux autres programmes du MAPAQ; et cet avantage de suppression de l'obligation de rembourser, qui est rare, pour moi, du moins assez rare, à l'intérieur des programmes gouvernementaux.
Alors, pour ces trois raisons, M. le Président, de ce côté-ci, nous avons énormément de difficulté à adhérer au projet de loi 85. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Brouillet): Merci, M. le député de Verdun. Est-ce qu'il y a d'autres intervenants? Alors, M. le député de Bourassa, je vous cède la parole.
M. Yvon Charbonneau
M. Charbonneau (Bourassa): M. le Président, les circonstances font que nous devons aborder ce projet de loi à une heure aussi tardive, un vendredi soir de juin.
Une voix: Ça va jusqu'à minuit.
M. Charbonneau (Bourassa): M. le Président, nous savons que la maîtrise de l'horloge, pour nos travaux parlementaires, est entre les mains de la majorité. Les conditions dans lesquelles nous devons faire ce genre de débat, M. le Président, ne sont pas les conditions idéales. C'est des conditions dans lesquelles le dialogue est difficile. L'échange d'arguments est difficile aussi... M. le Président, je vous prierais de faire taire le whip, qui lance des remarques sans arrêt.
Le Vice-Président (M. Brouillet): Je suis justement debout.
M. Gautrin: ...
Le Vice-Président (M. Brouillet): Bon, écoutez, là, on va essayer de respecter le règlement pour le temps qu'il reste. Alors, j'inviterais les gens à respecter le droit de parole et aussi, pour ceux qui sont ici, dans l'enceinte, à occuper leur siège.
Alors, j'inviterais tous les membres, si vous voulez, à occuper leur siège le plus rapidement possible. Alors, M. le député de Bourassa.
M. Charbonneau (Bourassa): M. le Président, tout de même, étant donné les circonstances difficiles que j'évoquais, il n'en reste pas moins que mon intervention sur ce projet de loi, elle est fondée non pas sur l'expérience immédiate que j'ai des réalités du monde agricole... Vous savez que je représente un comté urbain dans la région de Montréal, M. le Président. Cependant, il était un temps, pas si lointain, avant que je ne sois élu, M. le Président, où j'avais l'occasion, chaque mois ou chaque deux semaines, de me rendre dans la région de Mont-Laurier, une région rurale, où j'ai une résidence secondaire, où vivent mes parents, où j'ai grandi, M. le Président, où j'ai vécu toute ma jeunesse, et je retourne avec plaisir dans cette région rurale, agricole; j'y ai beaucoup d'amis. C'est le comté de Labelle. J'ai beaucoup d'amis, j'ai beaucoup de connaissances et j'ai vécu toute ma jeunesse dans ce milieu. Je me souviens, il y a plusieurs années maintenant, de ces années où mon père et ma mère étaient petits exploitants d'une ferme, avec la terre qui était en culture et des animaux. Et je me souviens de ces périodes aussi où j'allais visiter nous étions jeunes à l'époque la famille, les membres de la famille, autant du côté de mon père et de ma mère, qui étaient dans l'exploitation agricole, et il y en a plusieurs qui le sont encore. Donc, ce n'est pas sans une certaine connaissance non pas technique, au sens d'y avoir travaillé, mais une connaissance que nous amène la vie, une connaissance intuitive des réalités de ce milieu que j'interviens aujourd'hui.
Nous voici devant un projet de loi, un autre projet de loi de ce nouveau gouvernement. Mais, M. le Président, quand j'emploie l'expression «nouveau gouvernement»... C'est déjà des mots que j'ai peine à vraiment assimiler, «nouveau gouvernement». Un gouvernement qui a déjà pris l'allure d'un gouvernement usé, d'un gouvernement d'un autre âge. Après neuf mois, on dirait que ça fait neuf ans, ou je ne sais pas, que ça fait très longtemps. Le gouvernement du Parti québécois semble incapable de mettre sur la table, de mettre devant nous, d'inscrire à l'ordre du jour un projet de loi qui ne suscite pas la controverse, qui ne suscite pas des tollés, à gauche et à droite. On le voit dans le domaine de la santé, on le voit dans d'autres domaines. M. le Président, vous savez fort bien ce qui se passe dans le domaine de la santé: vous n'avez jamais été aussi populaire vous-même, dans votre comté, en rencontrant des gens. Il n'y a jamais eu autant de monde qu'il y en avait à l'hôpital Chauveau, qu'il y en avant dans le temps de votre campagne électorale. C'est une manière de légiférer qui suscite la mobilisation sans précédent de la population, mais contre les projets de loi.
(23 heures)
Le projet de loi qui est devant nous, c'est encore l'illustration de cette manière de légiférer, M. le Président. Ce sont des projets de législation mobilisateurs, mais contre celui qui les propose, le gouvernement. Vous savez, M. le Président, que, pour beaucoup de Québécois et de Québécoises, l'agriculture, on pourrait même dire l'industrie agricole, c'est la première industrie qui a constitué le Québec ou qui est à la base du Québec qu'on appelle «moderne» maintenant. Dans les années soixante, même à la fin des années cinquante, industrialisation massive; mais la base du Québec était agricole à ce moment-là, et il y a eu une transformation. Et tout ça a ses retombées, a laissé une marque dans la culture québécoise. Dans le berceau de notre population, il y a un trait, il y a une racine qui est du côté agricole.
Alors, c'est par l'occupation de notre territoire que nos ancêtres ont réussi à développer les régions du Québec que nous connaissons aujourd'hui. Je me souviens de cette période non pas de la colonisation du Nord ça, c'est la période qu'ont connue mes parents, dans les années vingt jusqu'aux années cinquante mais de la période où les gens traversaient la région des Laurentides, traversaient la région de Mont-Laurier et se rendaient dans l'Abitibi, une région que je connais bien, et celui qui est aujourd'hui le ministre des Ressources, député d'Abitibi-Ouest, et de nos amis, de nos connaissances, des membres de nos familles sont allés vers le Nord-ouest, sont allés dans des régions comme Normétal, comme La Sarre, comme Val-Saint-Gilles et plusieurs autres villes et villages que représente aujourd'hui le député d'Abitibi-Ouest, avec beaucoup de dignité. Ça, ça illustre le mouvement de développement de l'agriculture. Je ne sais pas si, après quelques décennies, on trouve toujours très, très sage d'avoir développé l'industrie de l'agriculture dans des régions parfois difficiles, où le climat est peu propice... Ça, c'est une autre histoire. La population, elle, a bougé dans ce sens-là.
Alors, notre avenir a été façonné par ceux et celles qui ont fait avancer, à travers nos forêts, nos lacs, nos routes, qui ont fait avancer le développement du Québec dans l'industrie agricole. En bûchant à force de bras, nous avons développé depuis 200 ans une solide industrie maraîchère, céréalière, porcine, laitière et de productions agricoles très variées, et nous avons gagné beaucoup en autosuffisance aussi dans les années soixante-dix, dans les années quatre-vingt. Malgré un climat difficile, les Québécois et les Québécoises ont su développer un attachement profond à la terre que nous occupons et que nous exploitons, ont su développer passez-moi l'expression et l'image, M. le Président des racines profondes d'occupation de ce sol qui est le sol québécois.
C'est dans cette continuité que les gouvernements qui se sont succédé dans cette Assemblée nationale ont pris fait et cause pour ces agriculteurs développeurs prospères et fertiles. Grâce à eux, M. le Président, les Québécois et les Québécoises se sont multipliés sur cette terre qui est la nôtre. La vie n'a pas toujours été facile. C'est pourquoi, jusqu'à maintenant, les représentants du peuple ont toujours été à l'écoute des besoins de ces bâtisseurs, de ces constructeurs, de ces explorateurs du sol québécois. Au début du siècle dernier, avec l'arrivée de cette période de grande évolution industrielle, le phénomène de l'urbanisation est venu chambarder la vie tranquille mais difficile de nos agriculteurs courageux et travailleurs. Tranquillement, nos terres ont commencé à cesser d'être explorées, développées pour des fins d'agriculture; il y a eu un recul en termes d'occupation, de superficie non pas seulement de volume de production, mais de superficie. Ce phénomène a été le point de départ de ce mouvement qui a amené le retour vers ce qu'on pourrait appeler le macadam et les usines, vers les villes, vers les milieux urbains; c'est le signal d'un retour de plusieurs dizaines de milliers de nos fils et de nos filles d'agriculteurs. Et moi qui ai grandi dans une région, comme je vous disais tout à l'heure, Mont-Laurier, le comté de Labelle, j'ai connu, à la fois, le mouvement qui a occupé le sol à travers les exploitations agricoles et j'ai connu aussi le mouvement qui a consisté en un certain reflux, en un certain retour vers les villes, vers les milieux urbains.
Aujourd'hui, M. le Président, on produit davantage, plus rapidement et avec moins de main-d'oeuvre; cela est un fait. En contrepartie c'est là le point qui est en jeu à travers ce projet de loi il est de plus en plus difficile pour la relève d'acquérir la capacité financière d'acquérir une ferme. Aujourd'hui, une ferme, ce n'est plus 10 000 $, 20 000 $, 50 000 $; ça va facilement du côté du 500 000 $ ou du 1 000 000 $, M. le Président. C'est devenu une PME, c'est devenu une entreprise, rien d'autre. Voilà la raison pour laquelle il faut bien réfléchir au projet de loi 85. Le gouvernement du Parti québécois propose, entre autres, de rehausser le seuil d'admissibilité aux programmes d'aide du gouvernement de 10 000 $ de production par année, alors qu'il était à 3 000 $, de le rehausser à 10 000 $. Donc, ça exclut plusieurs agriculteurs qui étaient intéressés par ces programmes. Ce choix du gouvernement fait supporter aux plus petits de nos agriculteurs, probablement aux agriculteurs qui démarrent, qui essaient d'entrer dans ce circuit. Il nous en faut, M. le Président. On ne peut pas concevoir une société qui ne soit faite que d'urbains, que de gens vivant dans les villes et attendant que les produits agricoles arrivent dans les marchés. Il faut des gens, des familles. Il faut des travailleurs et des travailleuses. Il faut des gens qui se consacrent à l'agriculture, qui travaillent de manière efficace pour pouvoir faire en sorte que les gens dans les villes et eux-mêmes d'ailleurs dans toutes les régions du Québec puissent avoir sur leur table ce qu'il leur faut pour se nourrir.
Donc, le choix que fait le gouvernement en rehaussant le seuil d'admissibilité à 10 000 $, bien c'est un choix qui fait porter un fardeau plus lourd aux plus petits, à ceux qui essaient d'entrer dans ce circuit de la production agricole au détriment des principes fondamentaux d'équité, je pense, et d'accessibilité à ce segment du marché du travail et du circuit de production. Un gouvernement, M. le Président, doit gouverner, on se le dit souvent, mais il doit gouverner dans l'intérêt commun et avec discernement. Ce n'est pas parce qu'il est au gouvernement qu'il doit décréter à tort et à travers ses volontés. Un gouvernement qui oublie les plus démunis, les plus faibles, les catégories de la population qui font de leur mieux pour entrer dans le circuit, pour devenir productifs, pour pouvoir contribuer à la société au plan économique et au plan social, un gouvernement qui fait obstacle à ces gens-là je pense qu'il pose des gestes qu'il faut savoir condamner. Alors que le gouvernement a un grand besoin de relève agricole, M. le Président, ce gouvernement s'attaque pour des raisons comptables, je ne sais trop, à court terme, à courte vue, à ceux et celles qui ont le plus besoin de l'aide et du support du trésor public. Il ne faut pas se leurrer, M. le Président, cette mesure qu'on appelle le projet de loi 85 aura un impact direct chez les jeunes.
La semaine prochaine, M. le Président, se tient ici à Québec à une rue de notre enceinte, l'Assemblée nationale, se tient un Forum jeunesse-emploi. On va parler, il va y avoir des centaines de personnes qui vont causer savamment de toutes sortes de programmes pour favoriser l'emploi des jeunes. M. le Président, le projet de loi 85 va dans un autre sens. Il bloque l'accès au travail des jeunes qui voudraient se vouer à l'agriculture. Il y aura des gens du gouvernement, il y aura des ministres la ministre de l'Emploi il y aura toutes sortes de personnages importants qui vont causer, qui vont discuter, qui vont faire des projets sur l'emploi des jeunes. M. le Président, de ce côté-ci de la rue avec le projet de loi 85 on bloque l'accès des jeunes à l'emploi. Comment voulez-vous, M. le Président, que nos jeunes réussissent à faire leur chemin dans l'agriculture si, au point de départ, le gouvernement du Parti québécois leur met les bâtons dans les roues? Impossible.
D'un autre côté, il faut noter aussi que ce projet de loi qui est injuste pour les plus démunis ou pour les débutants, subordonne l'admissibilité à des programmes gouvernementaux au paiement des cotisations à l'Union des producteurs agricoles. M. le Président, nous touchons là à un point sensible, mais il faut avoir le courage de ses opinions et je crois que ce gouvernement supporte à travers cette mesure du projet de loi 85, une organisation qui n'a pas besoin de cette entorse à la liberté pour assurer son avenir ou sa représentativité. M. le Président, l'Union des producteurs agricoles est une organisation très respectable, qui a pignon sur rue, qui est très représentative, et elle a acquis ce statut, pas par l'aide gouvernementale, M. le Président, par l'engagement de ses dirigeants, de ses militants et de ses membres, par le dévouement des personnes, des cadres et des dirigeants qui supportent cette organisation, par la qualité de ses services, par sa réputation d'intégrité et de compétence.
(23 h 10)
Donc, vous voyez, M. le Président, toute ma bonne disposition d'esprit à l'égard de l'UPA, malgré la remarque que je tiens à faire. Mais je ne vois pas que l'UPA ait besoin elle n'en a pas eu besoin dans le passé pour se rendre où elle en est aujourd'hui je ne vois pas que l'UPA ait besoin maintenant, à compter de 1995, de la protection gouvernementale pour continuer à assurer sa représentativité et son statut dans le Québec. L'UPA s'est bâtie par le dévouement et l'engagement des personnes qui en sont membres, qui l'ont dirigée. Bravo! Chapeau! L'UPA n'a jamais quémandé de subsides, d'appui ou de tutelle gouvernementale pour se développer. Alors, je ne vois pas pourquoi, M. le Président, aujourd'hui, pour avoir accès à l'argent public... Ce n'est pas l'argent des producteurs agricoles qui est dans une caisse. Ça, je comprendrais, à ce moment-là, qu'on puisse, puisque l'UPA est à peu près la seule organisation largement représentative, je comprendrais qu'il pourrait y avoir, à ce moment-là, quelques conditions d'admissibilité à cette caisse, si elle venait du circuit des producteurs agricoles. Mais, M. le Président, il s'agit de l'argent du trésor public ici. Il s'agit de l'argent des urbains, des ruraux, des non-agricoles, de tout le monde. Pourquoi est-ce qu'il faudrait avoir une carte de membre de l'UPA pour avoir accès à cet argent-là? Ce n'est pas logique, M. le Président. S'il fallait que ça fonctionne comme ça dans d'autres programmes sociaux, on n'irait nulle part, M. le Président.
Je pense que, en définitive, l'UPA n'a pas besoin de la tutelle gouvernementale, n'a pas besoin de cette espèce de coup de pouce, pour ne pas dire plus, que le prévoit à son endroit le projet de loi 85. Je pense que, ce faisant, le gouvernement a fait la preuve d'un manque de jugement, une espèce de biais dans le jugement. Je ne sais pas si c'est un geste qui est inspiré par le passé de l'actuel ministre de l'Agriculture. On n'a pas droit de prêter des intentions, mais on peut au moins forger des hypothèses, M. le Président. Ou bien encore est-ce que c'est inspiré par quelque geste ce courtoisie ou de tentative de séduction préréférendaire à l'égard d'un certain segment qui a toujours été reconnu pour son sens critique, M. le Président, et son sens du réalisme, et qui ne s'est jamais laissé leurrer dans le passé par le batifolage des souverainistes. Est-ce que c'est à cette fin qu'on a inscrit cette mesure dans le projet de loi 85, M. le Président?
Ce sont des hypothèses, des hypothèses. Je ne prétends pas que c'est le dernier mot du débat. D'ailleurs, il y a mes collègues qui s'en viennent pour compléter le débat. Je ne peux pas tout dire moi-même, M. le Président. On a un temps limité et, après tout, un certain nombre d'idées aussi particulières. Mais je crois que ce gouvernement, encore une fois, manque de jugeote, embrouille, brouille les pistes avec un projet de loi comme celui-là, essaie de faire des illusions, essaie de multiplier les mirages, et prépare au Québec, M. le Président, un lendemain de désillusion et de division, de discorde et de controverse. Il ne faut pas, M. le Président, laisser un projet de loi comme celui-là, pas plus qu'un certain nombre d'autres, parce que ces projets de loi nous mènent à avoir encore plus de problèmes, nous mènent à se comprendre moins dans l'avenir, entre Québécois et Québécoises. On n'a pas besoin d'interventions de ce genre-là qui nous divisent entre nous, qui nous opposent entre nous, qui nous font se regarder comme des chiens de faïence: des privilégiés, qui ont leur carte de membre et qui ont droit aux programmes gouvernementaux, et d'autres, qui n'ont pas leur carte de membre, qui ne sont pas dans le circuit du support public ou de l'assistance financière à même le trésor public. Qu'est-ce que c'est que cette mentalité, M. le Président? C'est une mentalité purement corporatiste. On dirait que c'est un gouvernement de dinosaures, un gouvernement archaïque, un gouvernement rétrograde, un gouvernement néo-libéral, comme ils disent dans les analyses de l'UQAM, les «uqamologues», les grands savants de science politique qui disent «les néo-libéralistes». Il est de l'autre côté, M. le Président, le néo-libéralisme, le corporatisme, la protection des corporatistes, M. le Président. C'est ça qu'il faut savoir détecter à travers le projet de loi 85. Alors, je pense que je vous en ai assez dit pour que vous puissiez continuer d'y réfléchir, M. le Président, et...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Charbonneau (Bourassa): ...je suis sûr que, plus vous y pensez, vous aussi, plus vous avez hâte non seulement d'en entendre un autre que moi, mais vous avez hâte d'avoir quelques moments de répit pour pouvoir approfondir la qualité des arguments que je viens de vous donner.
Merci beaucoup.
Des voix: Bravo!
Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le député de Bourassa. Y a-t-il d'autres intervenants?
M. le député de Viau, je vous cède la parole.
M. William Cusano
M. Cusano: Merci, M. le Président. Vous serez peut-être surpris du fait que j'intervienne sur ce projet de loi, M. le Président, parce que, dans le comté de Viau, comté situé dans le nord-est de la ville de Montréal, il n'y a pas beaucoup d'agriculteurs. Je comprends qu'il y a beaucoup de mes concitoyens du comté de Viau qui ont des jardins dans leur cour, M. le Président, des jardins communautaires, et cette loi ne vise pas ces gens-là. Vous serez certainement surpris de voir que j'interviens à ce moment-ci pour vous dire, M. le Président, que je ne comprends pas pourquoi ce gouvernement insiste pour dire et pour privilégier un groupe... On dit de ce que je comprends du projet de loi 85 que pour avoir le droit à certaines subventions, à des exemptions il faut être membre de l'Union des producteurs agricoles du Québec, M. le Président. Ça, c'est un principe, M. le Président...
M. Ouimet: M. le Président.
Le Vice-Président (M. Brouillet): Excusez, M. le député de Viau. M. le député de Marquette.
M. Ouimet: Avons-nous le quorum suffisant, M. le Président, pour poursuivre nos délibérations?
Le Vice-Président (M. Brouillet): Nous l'avions, nous ne l'avons plus... et nous l'avons à nouveau. Alors, j'inviterais M. le député de Viau à poursuivre s'il vous plaît.
M. Cusano: Merci, M. le Président. Je comprends qu'il est aujourd'hui vendredi 23 h 17, vendredi soir, ou 11 h 17 p.m., M. le Président, et ce gouvernement qui nous a dit que l'autre façon de gouverner c'était de s'assurer qu'on n'ait pas à légiférer, qu'on n'ait pas à débattre en plein milieu de la nuit, M. le Président... Vous avez été assis sur ce trône, M. le Président, aux petites heures du matin: c'est l'autre façon de gouverner. L'autre façon de gouverner, c'est de dire ce qu'on pense mais on fait le contraire, M. le Président. On dit: Il ne faut pas absolument qu'on siège la nuit...
Mme Vermette: Question de règlement, M. le Président. La pertinence... 211, en vertu de la pertinence du débat.
Le Vice-Président (M. Brouillet): Une minute, s'il vous plaît. Oui. Excusez, monsieur. Question de règlement.
Mme Vermette: M. le Président, ce n'est pas à cause de l'heure, il n'est que 23 h 15, mais c'est à cause de l'orateur s'il y a peu de monde ici. S'il disait des choses plus intéressantes, on serait peut-être...
Le Vice-Président (M. Brouillet): S'il vous plaît, tenez-vous en au point de règlement que vous soulevez, et, pour les commentaires, on pourra revenir après quand nous aurons terminé nos travaux. Alors, M. le député de Viau, la pertinence, vous savez que la loi sur l'agriculture, là, il faut rattacher ça, à un moment donné, là, au contenu du projet de loi.
(23 h 20)
M. Cusano: M. le Président, que je sache, je n'ai pas mentionné dans mon discours qu'il n'y a pas de gens qui sont ici, M. le Président. Ce que j'ai dit, c'est que je me pose la question, et j'ai le droit de me poser la question, à savoir ce que ces gens de l'autre côté, qui sont assis à votre droite, ce qu'ils prêchent et ce qu'ils font. Une grande différence, M. le Président. On nous a dit qu'on ne siégerait aucunement la nuit pour adopter des projets de loi, et pourtant on est ici à 23 h 19 maintenant, 11 h 19 p.m., M. le Président, pour discuter d'un projet de loi qui est extrêmement important. Le principe de ce projet de loi, M. le Président, est extrêmement important. Je sais que la députée de Marie-Victorin, comme moi, nous n'avons pas beaucoup d'agriculteurs dans notre comté. Mais c'est le principe ici, M. le Président, qu'il faut défendre. Le principe de dire que, pour avoir droit à certaines réductions, il faut être membre d'une association, M. le Président. C'est la même chose, en ce qui nous concerne, de dire que, pour être un vrai Québécois, il faut être membre du Parti québécois; c'est l'équivalent. M. le Président, je ne suis pas membre du Parti québécois et je peux vous dire, en toute franchise, je ne le serai jamais. Pourquoi? Oui puisque... je vois ça de l'autre côté, ils ne voudraient pas m'avoir non plus, M. le Président, parce que je n'ai pas l'esprit étroit comme ces gens-là qui sont à votre droite, M. le Président.
Imaginez-vous qu'on dit que, pour avoir le droit à des subventions gouvernementales, des réductions que ce soit de taxes municipales, de taxes scolaires il faut être membre d'une association. Où avez-vous vu ça, M. le Président, où avez-vous déjà vu ça, vous qui connaissez les différents pays dans ce monde, où on dit aux gens: Vous n'avez pas le droit à l'aide gouvernementale si vous n'appartenez pas à une association spécifique, M. le Président? Ce n'est pas dans un pays démocratique, c'est plutôt ce qu'on voit dans des républiques de bananes. Dans des républiques de bananes, M. le Président. Et depuis que ces gens-là, à votre droite, ont pris le pouvoir, M. le Président, ils n'ont agi que de cette façon.
Imaginez-vous que le ministre des Finances dit, au niveau de la taxe, de la TVQ, si vous allez voter contre le référendum, on va vous imposer beaucoup plus de taxes, M. le Président. Ça, je trouve ça totalement inacceptable et je sais fort bien que différents députés, qui sont assis à votre droite, M. le Président, si on entendait de tels propos venant d'autres pays, ils seraient les premiers à se lever pour les condamner.
Alors, ce projet de loi, projet de loi 85, est-ce que ça aide nos agriculteurs? Est-ce que, par le projet de loi 85, on fait en sorte que nos producteurs agricoles produisent plus? Est-ce qu'on fait en sorte, M. le Président, que des jeunes, des jeunes oui, M. le ministre veuillent s'installer de plus en plus sur nos fermes, M. le Président? C'est ça qui est en jeu ici avec le projet de loi 85. On dit: Oui, appartenez à un syndicat et, à ce moment-là... Et si on disait, M. le Président, vous avez le choix d'appartenir au syndicat X, Y, Z, aucun problème, mais on vous dit: Non, vous ne devez qu'appartenir à un syndicat en particulier et, à ce moment-là, si vous appartenez à ce syndicat, on va vous donner des avantages, M. le Président. Ça, je trouve ça totalement inacceptable, M. le Président, totalement inacceptable. C'est quoi l'avantage? C'est, en ce qui nous concerne, M. le Président... et je vous rappelle, je représente un comté urbain, je n'ai pas beaucoup d'agriculteurs dans mon comté, M. le ministre. Comme je vous disais, les gens, chez nous dans mon comté, ils font un jardin dans leur cour. Avec l'aide de la ville de Montréal, ceux qui n'ont pas de cour, M. le Président, il y a des jardins communautaires. Ce n'est pas des producteurs agricoles, pas du tout, et ce n'est pas ces gens-là que je veux défendre, mais le principe de liberté.
Vous ne connaissez pas ça, les gens à votre droite, M. le Président, c'est quoi la liberté. J'ai été dans un pays, M. le Président, où la liberté a été souvent brimée, et je suis très heureux du fait que mon père, à un certain moment, a quitté ce pays-là pour venir au Québec, au Canada, où il y a une grande liberté, M. le Président. Et j'en suis fier, heureux. Mais là, lorsqu'on arrive avec un projet tel quel, M. le Président, projet de loi 85, ce n'est plus une liberté. Vous dites: Oui, nous, le gouvernement, on va vous aider à condition que vous apparteniez à un syndicat. C'est, M. le Président, en ce qui me concerne, totalement inacceptable. Ça brime les droits de liberté individuelle.
Le ministre, lui, qui a vécu au Québec, au Canada depuis sa naissance, il n'a pas connu ça, M. le Président, c'est quoi d'avoir certains droits brimés. Il ne sait pas c'est quoi de se faire ramasser, comme on dit en bon québécois, par la police, amener en prison sans aucune raison. C'est ça la question ici fondamentale. Vous allez dire que c'est un peu loin, là, mon argument est un peu loin, M. le Président, mais c'est comme ça que ça commence. C'est comme ça que ça commence, M. le Président. C'est que, dans un pays démocratique, il me semble que, si le ministre veut aider les agriculteurs puis je crois fondamentalement qu'il faut aider les agriculteurs il ne faut pas, d'aucune façon, conditionner ça à l'appartenance à un syndicat. Il ne faut pas, M. le Président, qu'on me dise que j'ai la liberté d'expression si j'appartiens à un parti. Est-ce que j'ai moins ou plus de liberté d'expression en appartenant au Parti québécois ou au Parti libéral, M. le Président? C'est ça qu'il est en train de nous dire par son projet de loi. C'est que seulement les gens qui appartiennent à un syndicat ont droit à certaines choses, à certains avantages. Les autres n'ont aucun avantage.
(23 h 30)
Mais ça ne me surprend pas du tout qu'on présente ce projet de loi. Ça ne me surprend pas, parce qu'on voit, dans l'action de ce gouvernement, que seulement ceux qui pensent comme eux possèdent la vérité, seulement ceux qui pensent comme eux qui ont le droit de s'exprimer. Le ministre de la Santé et des Services sociaux, qui fait partie du Conseil des ministres, ne s'est pas gêné, en tant que membre du Conseil des ministres, d'approuver des dépenses en ce qui concerne la souveraineté du Québec. Que l'on parle des pamphlets qui ont été distribués à travers la province, qu'on parle des coûts, M. le Président, des commissions itinérantes, qu'on parle de la ligne 1-800, M. le Président, 1-800-SEPARATION, qui coûte 250 000 $ par mois. C'est seulement les gens qui sont en faveur, qui croient comme eux, qui sont des Québecois. Ceux qui pensent le contraire, M. le Président, ne sont pas de bons Québécois; ils trahissent la nation.
M. le Président, je suis un immigrant ici, au Canada, au Québec. J'ai été et je suis très fier d'avoir été accepté dans ce pays, le Canada, le Québec, M. le Président. Mais, lorsqu'on arrive avec des projets de loi tels quels, où on dit «vous avez seulement le droit à des subventions si vous appartenez à un syndicat», c'est de la dictature, M. le Président. Est-ce qu'on aide les jeunes à vouloir travailler au niveau de l'agriculture? Non, pas du tout. On dit, dans ce projet de loi: Si vous voulez avoir des subventions du gouvernement, il faut que vous soyez membres de ce syndicat.
Et j'ai entendu la députée de Deux-Montagnes qui disait, hier soir, que c'était normal, qu'il y avait eu beaucoup d'avancement du côté des femmes dans l'agriculture. Je comprends ça. Mais de là, M. le Président, à dire que, pour recevoir des avantages du gouvernement, il ne faut être membre que d'un syndicat... Ce projet de loi avantage qui? L'agriculteur ou bien le syndicat comme tel, M. le Président? Ces gens-là qui essaient d'acheter, de part et d'autre, des appuis pour cette souveraineté, ils oublient que le devoir fondamental de nous tous, ici dans cette Assemblée, ce n'est pas de diriger une population vers quelque chose, mais c'est plutôt de bien représenter une population.
Ce gouvernement qui est en face de nous, M. le Président, insiste pour dire qu'ils ont la vérité absolue. Vous l'avez vécu vous-même, M. le Président, en ce qui concerne la fermeture des hôpitaux. On nous dit qu'il y a eu une grande consultation à travers la province, qu'il y a eu une consultation un peu partout, mais on s'aperçoit que les gens sont dans la rue. Si les gens sont consultés, pourquoi seraient-ils dans la rue, M. le Président? Si ce gouvernement représente bien la volonté des gens, pourquoi manifestent-ils, M. le Président? Pourquoi sont-ils contre les décisions de ce gouvernement? C'est parce que ce gouvernement, ce n'est pas le citoyen qu'il a à coeur, ce n'est pas le producteur agricole qu'il a à coeur, ce ne sont pas les gens de votre comté, qui ont besoin des services de santé, qu'il a à coeur. Ce que ce gouvernement veut faire, M. le Président, c'est de dire aux gens: Je possède toute la vérité et, si vous êtes d'accord avec moi, ça va; si vous êtes en désaccord, vous n'êtes pas un bon Québécois. Ça, on a dénoncé ça ici, en cette Assemblée, en ce qui concerne d'autres pays, des républiques de bananes, M. le Président. Et ces gens-là qui s'apprêtent à faire du Québec un pays indépendant... Si on s'apprête à faire du Québec une république de bananes, M. le Président, d'aucune façon, moi, en tant que député, je ne vais accepter ça.
Ces gens-là, de l'autre côté, prêchent la vertu, on le voit, avec une loi au niveau du recensement sur la réforme électorale. Et on nous dit, qu'à cause du fait vous me permettez, c'est mon opinion, M. le Président qu'il y a des gens qui siègent ici, en cette Assemblée, qui ont fraudé notre système électoral, que, là, tout d'un coup, tout le monde, c'est des fraudeurs, M. le Président. Bien, ce n'est pas ça, ce n'est pas ça. Les Québécois, M. le Président, que vous connaissez, sont bien plus intelligents que ça, M. le Président, beaucoup plus intelligents. C'est des gens qui aiment...
Le Vice-Président (M. Brouillet): Votre temps est dépassé, M. le député...
M. Cusano: Je vais terminer, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Brouillet): ...de plusieurs secondes. Vous concluez votre dernière phrase parce que...
M. Cusano: Merci, M. le Président, pour votre gentillesse. Ce que j'essaie de dire, M. le Président, c'est qu'il faut laisser aux gens, aux Québécois, le droit de la libre expression, la libre affiliation, et ce projet de loi ne le permet pas. C'est un projet de loi qui est antidémocratique, M. le Président, et c'est pour ça que je vais me joindre à mes collègues qui représentent des comtés agricoles pour voter contre ce projet de loi. Merci.
Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors merci, M. le député de Viau. Y a-t-il d'autres intervenants? M. le député de D'Arcy-McGee, vous avez la parole.
M. Lawrence S. Bergman
M. Bergman: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir de prendre la parole en cette Chambre à l'occasion de l'adoption du principe du projet de loi 85, Loi modifiant la Loi sur le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation et la Loi sur la fiscalité municipale. Après avoir passé des heures et des heures à débattre du projet de loi qui crée des précédents, qui donne des pouvoirs arbitraires à des ministères, voilà que ce bon gouvernement fait maintenant dans la complaisance. J'aurai l'occasion de revenir un peu plus loin dans cette attitude servile de nos amis d'en face. Tous ceux et celles qui s'intéressent de près ou de loin à la réalité, seront intéressés de connaître les orientations que le ministère de l'Agriculture entend prendre avec ce projet de loi.
(23 h 40)
Tout d'abord, il importe de mentionner que la vitalité du monde rural repose largement sur l'exploitation des ressources agricoles. Par conséquent, des mesures justes et équitables, pour l'ensemble des producteurs et productrices, se doivent d'être prises pour favoriser et maintenir un climat propice au développement des activités du secteur agricole. À partir du moment où le projet de loi du ministre de l'Agriculture implique un changement profond dans les conditions d'admissibilité d'un programme du ministère, il est normal de demander des questions sur le bien-fondé et la pertinence des modifications qui sont apportées à cette loi afin de la rendre conforme aux attentes du milieu.
On retrouve, au début des notes explicatives du projet de loi que celui-ci a pour but, notamment, de réviser les modalités et les conditions de remboursement de la partie des taxes foncières remboursée par le ministre. Et, un peu plus loin, le projet prévoit aussi que l'exploitation agricole devra avoir généré un revenu brut minimal pour avoir droit à un remboursement de taxes.
On se souviendra, M. le Président, que le ministère de l'Agriculture avait annoncé, au début du printemps, que, pour être admissibles à tous les programmes d'aide financière du MAPAQ, les agriculteurs devraient avoir réalisé des ventes d'au moins 10 000 $. La mesure s'appliquait à partir du 1er avril 1995. Un vent de panique avait alors soufflé chez les producteurs, et avec raison. Tout d'abord, parce que la mesure était rétroactive, les producteurs n'ayant pas l'opportunité de hausser leur revenu brut à 10 000 $ dans l'année déjà en cours. Cela équivalait, pour bon nombre d'entre eux, à signer leur arrêt de mort à titre de producteurs, car les petits producteurs sont largement tributaires des programmes du ministère de l'Agriculture. À ce moment-là, le ministre avait invoqué qu'il voulait éliminer les gentlemans-farmers de l'agriculture. Visa le noir tua le blanc, comme c'est l'habitude de ce gouvernement, M. le Président, qui rate à tout coup la cible lorsqu'il se mêle de législation. Il aurait fallu que l'UPA s'en mêle et sollicite une rencontre avec le premier ministre pour ramener à la raison son ministre de l'Agriculture, qui s'était emballé. La mesure s'appliquerait uniquement pour l'instant au programme de remboursement de taxes et les producteurs auraient jusqu'au 1er décembre 1995 pour prouver qu'ils ont atteint le seuil de 10 000 $.
À la suite de cet épisode, le ministre de l'Agriculture a présenté le projet de loi que nous avons devant nous. En le lisant attentivement dès le premier article, au paragraphe 5° du premier alinéa, on peut y lire «qui a acquitté la cotisation annuelle prévue à la section VIII de la Loi sur les producteurs agricoles». On se rend donc bien vite compte que derrière ce texte d'un article du projet de loi se cache un autre principe, car le paragraphe 5° étudie bel et bien, à notre avis, un autre principe, M. le Président, n'en déplaise au ministre. En effet, rien dans la Loi sur les producteurs agricoles ne fait référence à l'acquittement des cotisations syndicales à une association dûment accréditée. Et c'est pourtant dans cette même loi qu'on retrouve les conditions pour qu'un producteur soit reconnu comme tel par le MAPAQ.
Or, une des conditions d'admissibilité au programme de remboursement de taxes est justement d'être reconnu producteur au sens de la Loi sur les producteurs agricoles. Donc, le ministre par le présent projet de loi vient modifier substantiellement et subtilement une autre loi, en l'occurrence la Loi sur les producteurs agricoles.
Ce qui nous amène à conclure que le projet de loi 85 renferme deux principes, le premier étant les modalités et les conditions de remboursement de la partie des taxes foncières remboursée par le ministre, et le deuxième, une modification au statut de producteur agricole, qui devrait dorénavant avoir acquitté sa cotisation syndicale.
Je tiens à préciser, M. le Président, que l'opposition officielle n'est pas contre ce principe, loin de là. Sauf que nous disons qu'il n'a pas sa place dans l'actuel projet de loi. Il aurait été préférable et même souhaitable que le ministre utilise le canal approprié en de pareilles circonstances pour modifier le statut de producteur ou apporter des modifications par voie législative à la Loi sur les producteurs agricoles.
Ceci étant dit, j'aimerais m'attarder sur un autre aspect du projet de loi, celui qui permet au gouvernement, par règlement, de fixer le montant du revenu brut minimal donnant droit au remboursement et, s'il y a lieu, de déterminer les exemptions. Encore là, le gouvernement ne joue pas franc jeu. Après avoir déclaré que tous les programmes du ministre étaient visés par la hausse du seuil d'admissibilité à 10 000 $ et être revenu sur sa décision en affectant seulement le programme de remboursement de taxes municipales et scolaires, voilà que le ministère récidive. Au lieu d'introduire dans la loi elle-même le seuil d'admissibilité de 10 000 $, il le fait par voie de règlement. C'est donc dire, M. le Président, que c'est donner beaucoup de pouvoir à l'exécutif, qui pourrait quand bon lui semble, au gré de son humeur, jouer avec le seuil d'admissibilité du programme.
Le ministre veut peut-être se donner de la latitude pour ainsi pouvoir exclure du remboursement des taxes un certain nombre de producteurs, lorsqu'il aura de la difficulté à rencontrer les objectifs de l'enveloppe fermée de son ministère. C'est un danger, M. le Président. À quoi donc peuvent s'attendre les producteurs? Quelle est cette épée suspendue au-dessus de leur tête? On a bien vu une fois le ministre s'emballer; il n'est sûrement pas à l'abri d'une rechute. Il me semble qu'il aurait été bien plus simple, si telle était véritablement l'intention du ministre de maintenir ce seuil de 10 000 $, de l'insérer dans la loi. Si, par la suite, le ministre change d'idée, il se doit de revenir devant l'Assemblée nationale devant les députés élus par la population pour soumettre à leur jugement toute demande de modification du seuil. C'est la façon de faire, M. le Président, lorsqu'on veut gouverner pour le mieux-être de la collectivité, dont, entre autres, la communauté rurale. Des changements aussi fondamentaux dans une loi doivent obéir à des règles largement approuvées dans notre système démocratique et non pas être laissés au pouvoir réglementaire, qui ne dispose pas d'un encadrement aussi strict.
Un autre élément du projet de loi vient corroborer cette propension du ministre et de son gouvernement à légiférer à la va-comme-je-te-pousse. En effet, dans le présent projet de loi, on retrouve, et je cite: «Les immeubles qui ne feront pas partie d'une exploitation agricole seront déterminés par règlement du gouvernement.» Les immeubles auxquels il est fait référence sont, notamment, tout immeuble principalement utilisé ou destiné à des fins d'habitation, d'industrie, de commerce, d'agrément, de loisir ou de sport. En clair, on parle, entre autres, de la résidence principale qui se retrouve faussement dans une entreprise agricole. Tous s'entendent à dire qu'un système équitable pour l'ensemble des contribuables d'une municipalité doit faire en sorte que les taxes municipales et scolaires de la résidence où vit le contribuable soient à sa charge.
On peut donc comprendre que le producteur, au même titre que le contribuable non producteur, paie sa part des taxes sur sa résidence. Par contre, il en va autrement en ce qui concerne ses outils de travail, si je peux m'exprimer ainsi, soit la terre, les bâtiments de ferme, bref, tout ce qui est nécessaire à l'exploitation agricole. On parle ici d'investissements importants de la part des producteurs, investissements qui se reflètent, bien évidemment, dans leur compte de taxes. La logique commande donc que le producteur ne soit pas pénalisé indûment et c'est justement la raison pour laquelle le ministère de l'Agriculture a instauré son programme de remboursement des taxes foncières.
Auparavant, l'ensemble de l'exploitation agricole était pris en compte dans le calcul du remboursement des taxes par le ministère. Cette faille du programme avait d'ailleurs été soulevée par le Vérificateur général du Québec, à l'occasion de son rapport annuel. L'opposition officielle, par la voix de son porte-parole, le député de Richmond, avait d'ailleurs évoqué le retrait de la maison ou le calcul à une valeur moyenne, ceci dans le but de corriger les abus des gentlemans-farmers qui, dans leur maison de 200 000 $, profitent du statut de producteur agricole pour obtenir le remboursement de leurs taxes foncières et scolaires.
(23 h 50)
Donc, le ministre de l'Agriculture, dans un geste fort louable, a décidé d'exclure la résidence principale du programme. Mais, encore une fois, il s'y est pris de la mauvaise manière, c'est-à-dire par voie réglementaire, ouvrant une fois de plus la porte toute grande à l'exécutif. Faut-il qu'on tienne le ministre par la main, M. le Président, et qu'on lui dise quoi faire et surtout comment le faire? Pourquoi ne pas inscrire tout simplement cette modification importante au projet de loi et être ainsi rassurés quant à son sort. Je ne veux pas ici faire le procès du pouvoir réglementaire, mais je reproche au ministre de l'utiliser trop souvent et de mauvaise manière, surtout lorsque les correctifs qu'il souhaite voir apportés à la loi sur le MAPAQ font consensus dans le milieu.
Je viens de m'attarder plus longuement à deux aspects du présent projet de loi. D'autres méritent également notre attention, mais le temps me manque pour en discuter. J'aimerais toutefois ouvrir une importante parenthèse sur une erreur législative flagrante que comporte ce projet de loi. En effet, l'article 1 du projet de loi modifie l'article 36.2 de la loi sur le MAPAQ, qui lie le remboursement des taxes municipales et scolaires à l'exploitation agricole. Or, cette modification impose aux producteurs l'obligation de paiement des cotisations syndicales pour être en mesure de demander le remboursement des taxes. Cependant, nous constatons une incohérence dans le libellé même de cet article: une exploitation agricole «qui a acquitté la cotisation annuelle prévue à la section VIII de la Loi sur les producteurs agricoles». Le problème, M. le Président, c'est que la Loi sur les producteurs agricoles vise le producteur et non pas l'exploitation agricole. En plus clair, ce n'est pas l'exploitation agricole qui paie sa cotisation à l'UPA, mais le producteur lui-même. La nuance est de taille, M. le Président, et nous démontre une fois de plus que le ministère ne peut pas comprendre le secteur agricole.
Je ne comprends pas d'ailleurs pourquoi le comité de législation a pu laisser passer une pareille erreur qui, manifestement, si elle n'était pas corrigée, ouvrirait la porte à des contestations. Il y a peut-être une autre explication, M. le Président, soit que le ministre a, avec intention, introduit cette mesure pour donner l'impression de faire un cadeau à l'UPA, tout en sachant fort bien que cet article est contestable. Si le ministre veut réellement changer les choses de cet ordre, il n'a qu'à le faire directement en prenant le bon véhicule et en modifiant la loi appropriée. En tant que législateurs, nous devons fournir des lois qui sont claires, précises, et qui sont à l'abri, dans toute la mesure du possible, de toute contestation judiciaire. Ce projet ne nous donne malheureusement pas cette assurance, M. le Président.
En terminant, le projet de loi que nous avons devant nous comporte plusieurs aspects qui reçoivent notre assentiment comme opposition officielle, mais qui gagneraient tout de même à être bonifiés. En tant qu'opposition officielle, nous sommes prêts à collaborer avec le ministre à mener une consultation élargie et ainsi pouvoir élaborer un projet de loi qui répondra réellement aux attentes du secteur agricole. Présentement, le ministre s'entête et ne veut absolument pas bouger de sa position. Il nous présente un projet de loi avec deux principes fondamentaux et refuse toute consultation servant à bonifier ce projet. C'est trop, M. le Président, et c'est pour cette raison que nous nous opposons au principe du projet de loi 85. Je vous remercie, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Brouillet): Je remercie M. le député de D'Arcy-McGee. Y a-t-il d'autres intervenants? Oui, alors, M. le leader adjoint.
M. Gendron: Compte tenu de l'heure et pour ne brimer aucun parlementaire dans son droit de parole, à ce moment-ci, je voudrais faire motion pour que nous ajournions nos travaux au lundi 12 juin 1995, à 10 heures.
Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, cette motion est adoptée? M. le leader de l'opposition.
M. Paradis: Comme l'a indiqué le leader adjoint du gouvernement, que les droits de parole de Mme la députée de Chapleau soient complètement préservés, à ce moment-là, il n'y a pas de problème.
Le Vice-Président (M. Brouillet): Oui, très bien. Alors, Mme la députée de Chapleau s'était levée, et on va lui accorder son droit de parole au retour. Alors, nos travaux sont ajournés à lundi, 10 heures.
(Fin de la séance à 23 h 55)