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Version finale

35e législature, 1re session
(29 novembre 1994 au 13 mars 1996)

Le mercredi 20 septembre 1995 - Vol. 34 N° 77

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Table des matières

Affaires courantes

Affaires du jour


Journal des débats


(Dix heures cinq minutes)

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Mmes, MM. les députés, nous allons nous recueillir quelques instants.

Je vous remercie. Veuillez vous asseoir. À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons procéder aux affaires courantes.

M. le leader du gouvernement, sur une question de règlement?

M. Chevrette: Oui, M. le Président.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Chevrette: M. le Président, hier soir, j'ai fait parvenir au secrétaire général de l'Assemblée nationale, par l'entremise de mon directeur de cabinet, une motion, tel que je l'avais annoncé, et ce matin, en ouvrant le feuilleton, je constate que cette motion n'est pas inscrite, tel que prévu, au feuilleton. J'aimerais en connaître les raisons.

Le Président: Oui, M. le leader du gouvernement, effectivement, j'ai été avisé de cette demande de dépôt au feuilleton par le secrétaire général, avec qui je me suis assez longuement entretenu hier, en fin de soirée. En fait, il faut se rappeler que la conduite d'un député en Chambre est soumise à l'observation du règlement. Au cas d'une violation d'une de ses règles, le président, soit de lui-même signale la violation en fonction de l'article 38 de notre règlement – s'il vous plaît! – soit elle lui est signalée par un député, en fonction de l'article 39. Et, dans l'un et l'autre des cas, le président intervient alors pour faire observer le règlement, conformément à l'article 2, troisième alinéa.

La conduite que l'on veut réprouver par la motion qui m'a été transmise pour inscription au feuilleton est reliée aux manquements identifiés aux paragraphes 5°, 6°, et 7° de l'article 35 de notre règlement. Or, en l'espèce, la procédure appropriée aurait dû être celle prévue à l'article 39 du règlement, soit d'attirer l'attention du président sur le champ, qui, s'il y a lieu, aurait éventuellement sévi.

Dans le cas d'une question de règlement, lorsque les faits sont choses du passé – et j'insiste, dans le cas d'une question de règlement – il n'est pas permis qu'on revienne sur ceux-ci, d'autant plus que le président seul est autorisé à faire observer le règlement, et non pas l'Assemblée, comme le réclamerait le libellé de la motion.

La motion est donc irrecevable puisqu'elle va à l'encontre de l'économie d'ensemble du règlement. En effet, une question de règlement se règle par un rappel au règlement selon les modalités qui sont prévues, justement, au règlement, et je vous réfère, à ce moment-là, aux articles 38, 39, 40 et 41, donc, de notre règlement. Et c'est pour cette raison que j'ai décidé de ne pas inscrire cette motion au feuilleton, conformément, donc, à l'article 193 du règlement, qui me fait obligation de refuser tout préavis contraire au règlement.

M. Chevrette: M. le Président...

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Chevrette: M. le Président, dans l'économie de nos règlements, l'opposition a une motion de censure pour en arriver à juger de la conduite d'un gouvernement. Hier soir, votre vice-président a rendu une décision par rapport à l'article 35 de nos règlements, alors que la veille j'avais posé une question de privilège que vous aviez correctement reçue en fonction de l'article 69 de nos règlements. Pour un acte exactement similaire, hier soir, utilisant exactement la même procédure, l'article 69 de nos règlements – exactement la même procédure – c'était devenu une nouvelle procédure, maintenant, en vertu de 35.

Si vous voulez que les parlementaires utilisent le règlement, il faudrait qu'il y ait une constance dans les décisions. Comment voulez-vous, une journée, utiliser l'article 69 et y référer et, le lendemain, dire: Ce n'est plus 69, c'est 35, et c'est moi, comme président de l'Assemblée nationale, qui ai à juger? C'est parce que, dans pareille situation, il n'y a pas un leader, de quelque côté de la Chambre que ce soit, qui peut conduire le règlement si, une journée, c'est par le biais d'une procédure et, le lendemain, pour un même motif exactement identique, ce n'est plus la même procédure.

M. le Président, je vous ferai remarquer que j'avais soulevé correctement un privilège, puisque vous vous êtes retiré et avez délibéré pendant au moins 40 grandes minutes pour juger de la recevabilité du privilège. Et vous avez jugé, en revenant sur le banc, à votre siège, qu'elle était recevable en fonction de nos règlements. Et, comme il y a eu récidive hier soir, exactement dans le même sens, j'ai invoqué exactement la même procédure que vous aviez reconnue, et un de vos vice-présidents a dit que c'était en fonction de 35, cette fois-ci.

(10 h 10)

Moi, je veux bien suivre le règlement, je veux bien ne pas contester aucune de vos formules, aucune de vos procédures, mais je voudrais que vous m'indiquiez, en termes de demande de directive, quelle est la procédure à suivre exactement, et on va faire exactement ce que vous allez nous dire comme président de l'Assemblée nationale. Ça va aider, d'ailleurs, au décorum, par la suite, j'en suis sûr, si vous nous dites: Voici la procédure exacte à suivre. On va s'y conformer. Je voudrais savoir quelle est la procédure, M. le Président, à suivre, exactement, pour sanctionner la conduite que, nous, on croit être condamnable et comment on peut correctement, sans brouhaha, sans bouleversement en cette Assemblée, être capables de poser des gestes sans qu'une journée ce soit une position et le lendemain l'autre. Comment? J'aimerais connaître.

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle, sur cette question de règlement ou cette demande de directive.

M. Paradis: Pour collaborer avec le leader du gouvernement, M. le Président, à savoir quelle serait la procédure appropriée dans les circonstances. Quand il y a généralement consentement de part et d'autre en cette Chambre, entre les parlementaires, on réussit toujours à trouver une manière, sur le plan procédural, qui nous permet de fonctionner, le fond de l'histoire étant que la vérité soit connue par la population qui nous écoute.

Dans ces circonstances, M. le Président, on pourrait suggérer que l'opposition pourrait donner son consentement à la question de privilège du député de Joliette et leader du gouvernement, mais, compte tenu que nous sommes présentement dans le cadre d'un débat prioritaire sur une motion déjà présentée par le leader du gouvernement, nous pourrions amender la motion du leader du gouvernement de la façon suivante, en ajoutant, aux motifs de convocation de la motion concernant cette séance extraordinaire, motion qui a été adoptée jeudi, le 7 septembre 1995, le texte qui suit: Les débats prévus aux articles 315 et suivants doivent être tenus avant l'ajournement prévu pour la campagne référendaire, et ce, afin que, subséquemment, la commission de l'Assemblée nationale siège, le cas échéant, avant le 30 octobre 1995 et que les personnes susceptibles d'être assignées à comparaître devant ladite commission se rendent disponibles pendant la période référendaire, et notamment les personnes suivantes: Jean Royer, Diane Wilhelmy, Jean-François Lisée, Guy Chevrette, Jacques Parizeau, Roger Bertrand et toute autre personne jugée opportune d'assigner.

Le Président: Alors, on va régler une chose à la fois. En ce qui regarde la demande de conseil ou d'indication que me formule le leader du gouvernement, je dois vous rappeler, d'une part, que la présidence n'a pas à agir comme conseiller de quelque groupe parlementaire que ce soit au niveau de la procédure ou de la façon d'inscrire une motion. Je vous dis également que j'ai suivi de très près les échanges d'hier soir en ce qui regarde le cas que vous avez mentionné et que, bien sûr, la position tenue par le vice-président qui agissait à la présidence m'apparaît tout à fait conforme à notre règlement et à nos règles.

Par ailleurs, il est vrai que vous avez... Je vous ai reconnu le droit d'intervenir sur une question de privilège il y a déjà, je crois, deux jours. Vous aviez indiqué votre intention, ayant reconnu ce droit-là, au terme de votre intervention, d'inscrire une motion. Je n'ai pas à vous indiquer de quelle façon vous pouvez l'inscrire ou pas. Tout ce que je peux faire à ce moment-ci, c'est prendre note de votre intention éventuellement d'inscrire une motion, selon la procédure que vous jugerez appropriée à ce moment-là.

Ceci étant dit, sur la demande que vous m'avez faite hier soir, ma décision est rendue et m'apparaît tout à fait conforme à l'esprit et à la lettre de notre règlement. M. le leader du gouvernement.

M. Chevrette: M. le Président, est-ce que vous pourriez prendre en délibéré, tout au moins, le fait que ce n'est pas la même procédure d'une journée à l'autre, pour qu'on sache... Moi, je m'excuse, M. le Président, mais ça a été le même argument; même les parlementaires qui étaient contre le fait que je soulève l'article 69 reconnaissent au moins que c'était exactement la même procédure hier que la veille. Est-ce qu'on peut savoir, de la part de la présidence de l'Assemblée nationale, comment, dans un cas similaire, on peut avoir deux positions différentes de la présidence? Est-ce qu'on peut, au moins, nous expliquer cela?

Le Président: Effectivement, M. le leader du gouvernement, je prends cette question en délibéré et je vais vous indiquer, à un moment ultérieur, au cours des prochains jours, quelles sont les distinctions qu'il faut faire dans les cas que vous avez soulevés, ceci de façon à pouvoir, mon Dieu, si possible, expliquer de façon encore plus claire qu'on ne l'a fait jusqu'à présent quelle était la logique derrière les décisions qui ont été prises dans les cas que vous mentionnez.

M. le leader de l'opposition officielle, sur une question de règlement?

M. Paradis: Oui, M. le Président. Dans le même sens et dans le but, toujours, de dénouer l'impasse et de trouver une solution qui satisfasse l'ensemble des parlementaires, je réitère l'offre de consentement et, dans votre délibéré, nous vous saurions gré d'en tenir compte. Et comme le leader a prévenu les membres de ce Parlement que nous ajournerions nos travaux aujourd'hui et que cette question touche le débat référendaire comme tel et que, suivant toute vraisemblance, l'Assemblée nationale ne sera pas reconvoquée avant le vote sur le référendum, est-ce que vous auriez l'obligeance, sans précipiter votre décision, de faire en sorte qu'on connaisse votre décision avant l'ajournement de nos travaux?

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle, pour permettre, justement, de considérer votre motion ou votre proposition, il me faudrait, à ce moment-ci, d'abord l'assentiment des membres de cette Chambre. Est-ce qu'il y a consentement? Est-ce qu'il y aurait consentement pour qu'on puisse procéder selon la proposition de M. le leader de l'opposition officielle? M. le leader du gouvernement.

M. Chevrette: M. le Président, je veux attendre votre décision, c'est bien évident. À partir de votre décision, si je dois changer ma position, je la changerai. Mais je veux au moins savoir pourquoi.

Le Président: Je vous rappelle ici, M. le leader du gouvernement, qu'il ne s'agit pas d'ajouter une décision aux décisions qui existent déjà, mais de vous donner tous les éclairages sur les fondements des décisions qui ont été prises.


Affaires courantes

À ce moment-ci, j'inviterais les membres de la Chambre à bien vouloir entreprendre l'étape des affaires courantes.

Il n'y a pas de déclarations ministérielles.

Pas de présentation de projets de loi.


Dépôt de documents

Au chapitre du dépôt de documents, Mme la ministre de la Culture et des Communications.


Rapport annuel du ministère de la Culture et des Communications

Mme Beaudoin: Oui, M. le Président. J'ai l'honneur de déposer le rapport annuel 1994-1995 du ministère de la Culture et des Communications.

Le Président: Alors, ce document est déposé.

Il n'y a pas de dépôt de rapports de commissions.

Dépôt de pétitions. M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui. Un dépôt de documents. Pour faire suite au débat que nous avons amorcé hier soir en cette Chambre, est-ce que je pourrais solliciter le consentement des membres de cette...

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle, vous savez que, à ce moment-ci de l'étape de nos travaux, seul le gouvernement peut déposer des documents, à moins qu'il y ait consentement. Est-ce qu'il...

Des voix: ...

Le Président: O.K. Alors, je vais laisser M. le leader de l'opposition officielle poursuivre, pour connaître le contenu du document que vous voulez déposer, et ça me prendra le consentement pour pouvoir procéder.

M. Paradis: Oui, M. le Président, les lettres dont il a été question hier concernant l'affichage de la publicité électorale, les lettres adressées hier par le sous-ministre des Transports au comité du Non, demandant aux fonctionnaires du ministère des Transports d'enlever l'affichage du comité du...

Le Président: Bon, à ce moment-ci, je pense qu'on sait de quoi il s'agit. Est-ce qu'il y a consentement?

M. Chevrette: Oui, oui. Oui, on sait quoi... M. le Président.

Le Président: Un instant. Non, le contenu de... À l'ordre! On a fait largement référence, hier soir, au contenu détaillé de ces documents. Est-ce qu'il y a consentement, à ce moment-ci...

M. Chevrette: M. le Président, à 10 h 40, hier soir, de consentement unanime de la Chambre...

Le Président: Un instant.

M. Chevrette: Aïe, je «peut-u» parler?

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: À l'ordre! M. le leader du gouvernement.

M. Chevrette: Est-ce que je peux y aller?

Le Président: Oui.

M. Chevrette: Merci, M. le Président. De consentement unanime de la Chambre, hier, ces documents ont été déposés, en plus de l'article 304, M. le Président, de la loi votée par les libéraux en 1986.

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui, M. le Président. Il y a eu dépôt, effectivement, comme vient de le mentionner mon bon ami, le leader du gouvernement, sauf que les lettres envoyées au comité du Non n'ont pas été déposées, de même – de même, M. le Président – qu'une note d'un agent de liaison du comité du Oui...

Une voix: C'est ça.

(10 h 20)

M. Paradis: ...qui se lit comme suit: «L'opération affichage prévue pour samedi le 23 est devancée à mercredi le...»

Le Président: Alors, encore une fois, le second document, donc, n'a pas été déposé. On y a fait référence également hier soir et je pense qu'on sait de quoi il s'agit. Est-ce qu'il y a consentement pour le dépôt du document?

M. Chevrette: M. le Président, ce qui a été déposé, pour bien clarifier, là... Ce n'est pas de ma faute, moi, si les absents ont toujours raison... ont toujours tort. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chevrette: On a déposé la lettre du Non. On a déposé la lettre du Oui. On a déposé la législation, M. le Président – article 304 – présentée par le ministre Marc-Yvan Côté, votée en cette Chambre: une loi libérale de 1986 mise en vigueur au mois de juin 1987. Tout ça a été déposé en cette Chambre. Il y a seulement l'avis interne du PQ... Merci de la publicité que vous nous faites: il y aura un affichage plus vite que prévu.

Et un petit dernier mot: en plus de ça, on respectera la loi de Marc-Yvan Côté dans notre affichage.

Le Président: Est-ce qu'il y a donc consentement pour le dépôt du dernier document mentionné? Il n'y a pas consentement. Alors, vous vous souviendrez... À l'ordre! Vous vous souviendrez que le consentement doit être obtenu de la totalité des membres de cette Assemblée.

Alors, nous en sommes... À l'ordre, s'il vous plaît! M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui, strictement, là... Je regardais, comme c'est mon habitude, mon bon ami d'en face, le leader du gouvernement, qui n'a pas refusé son consentement. Je n'ai pas vu non plus de députés ministériels, en face, refuser leur consentement. De votre siège, vous avez une vue beaucoup plus globale de cette salle, pourriez-vous nous identifier... Pourriez-vous nous identifier, si vraiment il y a un refus, qu'on en témoigne, qu'on le constate, qu'on en soit tous témoins finalement, M. le Président?

Le Président: Non, non. À ce moment-ci, tel qu'il est de notre habitude, j'ai constaté effectivement qu'il n'y avait pas consentement. Il suffit, dans une telle procédure, que la présidence constate le non-consentement d'au moins...

À l'ordre, s'il vous plaît! En cette journée, qui sera probablement, possiblement, la dernière du débat, j'en appellerais à votre discipline, de façon à ce que cette dernière journée se termine dans l'ordre.

Je vous invite maintenant, s'il n'y a pas d'autre dépôt... M. le leader du gouvernement.


Lettre adressée au secrétaire général de l'Assemblée par le leader du gouvernement

M. Chevrette: Oui, M. le Président. Je voudrais déposer la lettre que j'ai fait parvenir au secrétaire général de l'Assemblée nationale hier soir.

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement pour le dépôt de la lettre?

Des voix: ...

Le Président: Oui, il y a consentement.

Des voix: ...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Mme la députée de Jean-Talon, s'il vous plaît!

Des voix: Oh! Oh!

Le Président: S'il vous plaît!

Nous en sommes au dépôt de pétitions. Il n'y a pas de dépôt de pétitions.

Interventions sur une violation de droit ou de privilège ou sur un fait personnel. Il n'y a pas de telles interventions.


Questions et réponses orales

Nous en sommes à la période de questions et de réponses orales. M. le chef de l'opposition officielle, pour une question principale.


Motifs de la non-divulgation de certaines études de l'INRS

M. Johnson: Oui, M. le Président. Lors de notre dernier entretien, le premier ministre et moi avons discuté des études commandées par le ministre délégué à la Restructuration. Les réponses du premier ministre alors – c'est lundi – et celles de son ministre en même temps, hier, ont laissé croire que la non-disponibilité, la non-publication de ces études était le résultat du choix de l'Institut national de la recherche scientifique, que la non-publication était le résultat de la non-transmission au secrétariat du ministre des études que nous réclamions et qui ont été rendues publiques par d'autres moyens et par d'autres gens que le ministre responsable de ces choses-là. Est-ce que le premier ministre maintient aujourd'hui cette version des faits ou entend-il soumettre à la Chambre de nouvelles explications?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Parizeau: M. le Président, vous m'excuserez si je n'ai pas la voix très forte, je fais une pharyngite qui va m'empêcher d'avoir des réponses longues. Vous ne vous en plaindrez pas, j'en suis certain.

M. le Président, j'en reste essentiellement aux explications que j'ai données. Je sais qu'on a demandé hier... Enfin, le ministre à la Restructuration a demandé hier à l'INRS de rendre publics les quatre textes, dans une version... enfin, la dernière des versions que l'INRS a pu constater.

D'autre part – je pense qu'on pourrait peut-être laisser le ministre à la Restructuration faire cela – aujourd'hui, nous allons rendre disponibles, pour ces quatre études, les réactions techniques que le ministère a eues à l'égard de ces quatre études dans leur version préliminaire. Et on constatera, effectivement, que le gouvernement avait, à l'égard de ces études, un certain nombre de questions essentiellement techniques qui, dans un bon nombre de cas, n'ont pas été satisfaites et expliquent que l'INRS n'a pas transmis de copie finale au gouvernement. La thèse reste substantiellement la même.

J'aimerais en donner un exemple. Pour ce qui a trait à cette étude de M. Bernier, dont on fait tellement de cas aujourd'hui, une des demandes du ministère de la Restructuration, c'était ceci: Auriez-vous l'obligeance d'incorporer dans vos commentaires, à l'égard de l'ALENA, par exemple – des ententes commerciales de ce type – l'avis juridique de Rogers & Wells? C'était normal. L'avis juridique de Rogers & Wells avait été déposé. On en avait connaissance. Or, on recevait une première version d'une étude qui examinait la même question sans faire état du tout de cette question. Est-ce que c'était déraisonnable de dire: Pourriez-vous faire état de l'étude de Rogers & Wells? Ce n'était pas déraisonnable du tout, et on va voir que toutes les autres réactions du ministère de la Restructuration sont de ce genre-là. Il n'y a rien à cacher à cela.

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle...

M. Johnson: Oui, M. le Président...

Le Président: ...pour une question complémentaire.

M. Johnson: ...le premier ministre est quand même passé juste un petit peu à côté de la question. Je lui ai demandé s'il entend maintenir la version que nous avons entendue ici, en Chambre, les raisons de la non-publication, raisons qui, selon son ministre, reposaient sur la non-transmission des versions de ces études au ministère à la Restructuration.

Est-ce que le premier ministre continue à nous dire que la décision de non-publication et de non-disponibilité de ces études appartient toujours à l'INRS et que ce n'est pas plutôt à la demande – à la demande – de son ministre que ça s'est produit?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Parizeau: J'en reste à la version que j'ai présentée, M. le Président. On retombe, là, comme d'habitude, dans les histoires d'accusations ou d'insinuations. Je n'embarque pas là-dedans. J'ai dit ce que je savais de ça, et on rend tout public, de part et d'autre, de façon que tout le monde puisse voir de quoi il s'agit.

Une voix: C'est ça.

Une voix: C'est l'INRS qui rend public.

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle, en question principale.


Processus entourant la rédaction des études commandées à l'INRS

M. Johnson: Oui, M. le Président. Je constate, avec tout le monde, que le premier ministre maintient fermement ses propos et implicitement ceux de son ministre sur le fait que les études n'étaient pas disponibles parce que l'INRS voulait les remettre en cause, les requestionnait, ne les trouvait pas valables et ne les transmettait pas en raison de ces faits.

(10 h 30)

Les faits sont connus, M. le Président. Ce sont les conséquences qui restent à venir. Les faits sont connus. On s'en souvient, lorsque le ministre délégué à la Restructuration a donné le mandat à l'INRS, le mandat était rédigé de telle sorte qu'il dictait pratiquement les conclusions des chercheurs, à tel point qu'on a même titré dans un journal que «Le Hir a les auteurs à l'oeil». Le Hir a les auteurs à l'oeil. C'est ce qu'on disait à l'époque. Mais, surtout, M. le Président, quels sont les faits? Les faits sont que le ministre dit que son secrétariat lui-même n'a pas vu les études. L'INRS dit avoir transmis les textes des 16 études. Les faits sont que, quant au contenu, le ministre et le premier ministre nous disent que la méthodologie posait un problème, que des interrogations subsistent, alors que l'INRS dit que c'est à la demande du gouvernement qu'elles ne sont pas disponibles et, troisièmement, que la publication est due à un choix – mot à mot, c'est ce qu'on a dit hier et avant-hier – de l'INRS et non pas à un choix du gouvernement, comme l'INRS le dit.

Le Président: Question, s'il vous plaît.

M. Johnson: M. le Président, devant ces faits, devant ce contexte, est-ce que le premier ministre pourrait d'abord nous dire qu'il compte arrêter ces manoeuvres qui visent à soustraire de l'information, des renseignements à nos concitoyens; deuxièmement, qu'il entend publier l'ensemble de ces études et, finalement, que devant le comportement, les décisions et les réponses de son ministre à la Restructuration il entend le démettre de ses fonctions, parce qu'il a menti à la population et à la Chambre?

Des voix: Oui! Bravo!

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle, vous savez très bien que le mot «mentir» ne peut pas être utilisé en cette Assemblée, et je vous prierais de bien vouloir le retirer. Et, d'autre part, je vous rappelle également les dispositions de l'article 35, aux alinéas 5, 6 et 7, en ce qui regarde l'imputation, soit de motifs indignes ou se servir d'un langage qui peut être blessant à l'adresse d'un membre de l'Assemblée.

M. le chef de l'opposition officielle.

M. Johnson: M. le Président, avec mes excuses, je demanderais au premier ministre... je demanderais...

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle, à ce moment-ci, je vous demande simplement de retirer le mot «mentir». Votre question... À l'ordre! Votre question, à ce moment-ci, est posée.

M. Johnson: M. le Président, je me conforme à votre décision, je remplace le mot «mentir» par «induire la Chambre en erreur et tromper la population».

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle, s'il s'agit d'«induire la Chambre en erreur», effectivement, ce n'est pas nécessairement fait... on n'impute pas nécessairement un motif incorrect, ça peut se faire de façon non volontaire, mais quand on parle de «tromper la population», je pense que, eu égard simplement au décorum en cette Assemblée... À l'ordre! Non. Je vous demanderais également de retirer ce mot.

M. Johnson: Je me plie à votre décision, M. le Président.

Le Président: Alors, M. le premier ministre.

M. Parizeau: M. le Président, tout ça n'a pas beaucoup d'importance. J'imagine qu'avec ça il a la première page des journaux pour demain matin. Alors, voilà, revenons aux choses sérieuses.

Des voix: Oh!

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Parizeau: Je tire, M. le Président, du communiqué de l'INRS, hier, la phrase suivante: l'INRS a avisé le Secrétariat qu'elle ne nous transmettrait pas de version finale de ces études. D'où la controverse actuelle sur le statut réel de ces rapports. C'est clair, c'est l'INRS qui ne les a pas transmis. L'INRS rend publics ces rapports aujourd'hui.

D'autre part, oui, il y a des faits qui manquent effectivement. Les faits qui manquent, ce sont ces questions posées par le Secrétariat à l'INRS pour quatre de ces études, les quatre études en cause. Toutes les questions, les interrogations que le gouvernement se posait à l'égard de ces études sont clairement identifiées ici. J'incite tout le monde à regarder ça. On va voir. On ne cache rien.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Parizeau: On veut savoir...

Le Président: S'il vous plaît! M. le premier ministre.

M. Parizeau: Ce n'est pas... On ne cache rien, on ne cache rien. On essaie de mettre tout sur la table. Et plus on retourne à des études importantes, plus on se rend compte qu'on ne nous avait pas tout dit. Par exemple, au moment du débat des chefs... J'entends souvent le chef de l'opposition dire: Donnez-moi un exemple pour lequel il faudrait faire la souveraineté. Donnez-moi une raison pour laquelle... Il l'a déjà fait, mais il ne nous a jamais montré l'étude sur laquelle il s'était basé. Au moment du débat des chefs, je l'avais abordé là-dessus, il avait nié. Eh bien, là, je lui redemande à nouveau: Est-ce qu'il est vrai qu'en décembre 1992 le chef de l'opposition officielle a dit ceci: Le fédéralisme nous coûte une fortune, le fédéralisme est tout croche à cause de l'«encroachment», évidemment, du fédéral, ce qui nous coûte une fortune, c'est ça qui coûte 30 000 000 000 $ de déficit essentiellement? Le chef de l'opposition a été aussi loin que ça. Sur quelle étude est-ce qu'il base une conclusion aussi dramatique?

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle, pour une question complémentaire.

M. Johnson: M. le Président, est-ce que le premier ministre est en train de nous dire que l'INRS a refusé de son propre gré, de sa propre décision, de ne pas transmettre les études, alors qu'on sait, dans le même communiqué dont il est question, que l'INRS considère ces études valables et que c'est devant le refus du ministère d'accepter ces études que ça n'a pas été transmis? Est-ce que ce n'est pas évident, ça? Et comment le premier ministre fait-il pour maintenir sa version des faits lorsque les faits sont contraires exactement à ce qu'il nous dit ici? Et comment peut-il, sans rire, garder dans son cabinet le ministre délégué à la Restructuration, qui est le maître d'oeuvre de la plus grande opération de manipulation et de cachotterie...

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle, vous rappelant toujours les dispositions de notre règlement, je vous inviterais à retirer les mots «manipulation» et «cachotterie», en se rappelant que l'annexe à laquelle s'apprête à référer peut-être le leader de l'opposition officielle ne constitue qu'une indication. M. le chef de l'opposition officielle. À l'ordre! S'il vous plaît! M. le chef de l'opposition officielle, je vous inviterais à bien vouloir retirer vos paroles, s'il vous plaît.

M. Johnson: Considérez que c'est fait, M. le Président.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Parizeau: Maintenant que tout est sur la table, M. le Président, que vraiment tout ce qu'on peut sortir dans ce dossier-là a été déposé en cette Chambre ou va l'être par l'INRS ce matin, vraiment, là, je ne vois pas très bien ce que le chef de l'opposition peut chercher, sauf la première page.

Ça étant dit, pourquoi, comme président du Conseil du trésor, a-t-il caché les études que son gouvernement...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M. le premier ministre, je vous inviterais à bien vouloir retirer ce mot et reformuler votre question.

M. Parizeau: Excusez-moi: n'a pas publié, n'a pas rendu publiques ces dizaines d'études qui avaient été faites sur le coût des dédoublements entre le gouvernement fédéral et le gouvernement de Québec, sur les effets de la restructuration? Est-ce que c'est de ces études qu'il avait tiré la conclusion que le fédéralisme nous coûtait 30 000 000 000 $ de déficit, comme je viens de l'indiquer? Alors, pourquoi il n'a pas rendu publiques ces études-là, si elles arrivaient à un résultat aussi formidable? Parce que, comprenons-nous bien, s'il avait raison, le chef de l'opposition... Moi, je ne suis jamais allé jusque-là, je n'ai jamais dit que ça coûtait ça – 30 000 000 000 $, c'est de l'argent! Je n'ai jamais été aussi loin que lui. Mais, s'il le croit vraiment, est-ce que c'était sur ces études, dont jamais il n'a voulu publier une seule, qu'il se basait pour lancer un chiffre pareil?

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle, toujours en question complémentaire.

(10 h 40)

M. Johnson: Oui, M. le Président. Je suis heureux de voir que le premier ministre revient en santé, déjà: il est passablement long dans ses réponses. Est-ce que le premier ministre pourrait nous indiquer où il va chercher de telles réponses? Est-ce que le premier ministre pourrait nous indiquer en vertu de quoi son ministre délégué à la Restructuration, responsable de rendre public ce qu'il commande avec les fonds publics, trouve le moyen ici, en Chambre, de dire que la non-publication de ces documents est attribuable à l'INRS et non pas à son secrétariat, à lui-même, à ses collaborateurs ou à qui que ce soit dans son ministère? Et comment le premier ministre fait-il pour garder dans son cabinet quelqu'un qui dit le contraire de ce qui se passe ici, en Chambre, et à la population?

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le premier ministre.

M. Parizeau: Imaginez, M. le Président, ce qui se serait passé si M. Bourassa avait agi à l'égard de son président du Conseil du trésor comme l'ex-président du Conseil du trésor demande que je réagisse. Mais il l'aurait mis dehors immédiatement. Le président du Conseil du trésor a fait préparer des études...

Le Président: S'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre! À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, M. le premier ministre a la parole à ce moment-ci. J'aimerais qu'on respecte son droit de parole. M. le premier ministre.

M. Parizeau: Toutes les études, de notre côté, sont publiques. Pas une n'a été rendue publique, de l'autre côté. Pas une. Jamais. Pendant un certain temps, l'ancien président du Conseil du trésor a même nié qu'elles existaient et puis, finalement... Oui, oui, oui, il a nié qu'elles existaient. Évidemment, ça permettait mieux de ne pas les publier. Finalement, on a appris... Nous les avons publiées en arrivant au pouvoir. Oui, on a donné accès à ça deux ans après qu'elles eurent été faites. Je réitère ma... Est-ce que c'est de ces études qui n'ont pas été publiées sous l'ancien gouvernement que le chef de l'opposition officielle tire la conclusion que le fédéralisme canadien nous coûte 30 000 000 000 $? Est-ce que c'est de ces études-là... Oui, 30 000 000 000 $. Et je vois le chef de l'opposition qui me regarde, il ne se rappelle même plus ce qu'il a dit. Et, à cet égard, je tiens à la disposition...

Le Président: S'il vous plaît!

M. Parizeau: Je tiens à la disposition des journalistes, dont le chef de l'opposition veut tellement attirer l'attention, un enregistrement qui n'est pas mauvais dans ce sens-là.

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle, en question complémentaire.

M. Johnson: Oui, M. le Président. Je remarque que le premier ministre n'est pas aussi bien que je le pensais. Je m'excuse d'avoir dit ça tout à l'heure.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: Encore une fois, à l'ordre, s'il vous plaît! En cette journée... À l'ordre, s'il vous plaît! Vous me permettrez d'intervenir ici sur une question d'ordre. En cette journée qui sera probablement, fort possiblement la dernière du débat, est-ce que je peux faire appel à la collaboration des membres de cette Chambre, et notamment de ceux qui, normalement, devraient donner l'exemple en cette Chambre, s'il vous plaît, de bien vouloir – à l'ordre, s'il vous plaît! – de bien vouloir non seulement se conformer au règlement, mais à son esprit, et faire en sorte que le débat ici, aujourd'hui, soit à la hauteur des questions qui sont sous la considération de l'Assemblée? M. le chef de l'opposition officielle.

M. Johnson: Oui, en principale.

Le Président: En principale.


Nature de l'entente annexée au projet de loi sur l'avenir du Québec

M. Johnson: Oui. Maintenant qu'on vient de découvrir que le ministre délégué à la Restructuration et député d'Iberville fait toujours partie du gouvernement et que, dans un avenir prévisible, le premier ministre continue à faire confiance au député d'Iberville, à qui il a confié la tâche d'éclairer la lanterne de tous les Québécois à l'occasion du débat référendaire, on pourrait tourner notre attention vers la question référendaire, M. le Président. Cette question référendaire dans laquelle apparaît une référence à l'entente du 12 juin 1995. Un énoncé qui laisse croire d'ailleurs à certains de nos concitoyens – il suffit de circuler dans les comtés, d'écouter les lignes ouvertes – qu'il y aurait une entente entre le Québec et le reste du Canada, déjà conclue. C'est de cette façon-là. Je vois le leader du gouvernement qui nie ça. Je l'invite à écouter les lignes ouvertes. Je l'invite à vérifier auprès de nos concitoyens quel effet de confusion la référence à l'entente du 12 juin a eu sur certains de nos concitoyens et sur la discussion la plus éclairée possible du débat public.

Compte tenu du fait qu'il s'agit là d'une entente sur laquelle est fondé l'avenir du Québec comme l'envisage le premier ministre, compte tenu qu'il a indiqué qu'il s'agissait, quant à lui, d'une entente entre trois chefs de parti, donc d'une entente partisane, comment le premier ministre peut-il justifier d'inclure dans un projet de loi déposé à l'Assemblée nationale et dans une question solennelle soumise à nos concitoyens une telle référence à une entente purement partisane qui, selon les dires mêmes du ministre délégué à la Restructuration hier... Il dit qu'il s'agit d'ententes déjà conclues entre partenaires – comprenons partenaires souverainistes – et qu'il s'agit d'ententes auxquelles le gouvernement n'est pas partie. Que l'entente ne lie aucunement le gouvernement et que les Québécois devront se prononcer..

Le Président: En terminant.

M. Johnson: ...là-dessus comme si c'était du solide et du réel.

Une voix: C'est ça!

Le Président: M. le premier ministre.

M. Parizeau: Le ministre délégué à la Restructuration parlait des ententes portant sur l'agriculture avec d'autres pays. Ça n'avait aucun rapport.

Une voix: C'est exact.

Le Président: À l'ordre! À l'ordre, s'il vous plaît! S'il vous plaît! Alors, j'aimerais qu'on laisse le premier ministre répondre. M. le premier ministre.

M. Parizeau: M. le Président, quand le chef de l'opposition officielle était plus jeune, on parlait de la bonne entente. Ça n'avait pas de rapport non plus. Il s'agissait d'autre chose.

Une voix: Le Château Bonne Entente.

M. Parizeau: Il y a le Château Bonne Entente aussi. Il ne faut pas... Non, vraiment... Le texte de l'entente apparaît, on le sait, en annexe au projet de loi. La distribution, dans tous les foyers, a été commencée hier. Il y aura donc le préambule qui découle de la Déclaration de souveraineté, le texte de la loi et le texte de l'entente. Le texte de l'entente joue un rôle, je pense, très particulier, très exceptionnel ici en ce sens qu'il trace les bases de la proposition, de l'offre de partenariat qui sera faite au reste du Canada. C'est, d'autre part, un texte qui a été écrit dans autre chose qu'un langage juridique. Il est parfaitement accessible, tout à fait clair, écrit – comment dire – sans ambiguïté. Et ce qu'on peut faire de mieux, à l'heure actuelle, c'est de dire à tous ceux, à tous les Québécois et les Québécoises qui vont recevoir ça chez eux, de passer à travers ce document – il a 23 pages – à la fois pour le préambule, le projet de loi et le texte de l'entente. On voit très clairement, à partir de ce document, où on veut aller, ce qu'on veut faire, où on veut amener le Québec. On veut faire la souveraineté et on veut proposer, formellement, au Canada, un nouveau partenariat économique et politique.

(10 h 50)

Voilà nos objectifs. Nous les montrons clairement, nous les expliquons, et je souhaite vivement que tout le monde va en prendre connaissance. Il y aura 3 000 000 de copies en français, 500 000 copies en anglais. Il y a une version en inuit, en cri et, évidemment, il y a une édition, ça se comprend, en braille. Voilà! Alors, tout le monde y a accès.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le député de Châteauguay, pour une question principale.


Divulgation de toutes les études commandées par le ministre délégué à la Restructuration

M. Fournier: Oui, M. le Président. À l'occasion de l'étude des crédits, en avril dernier, le ministre délégué à la Restructuration nous dressait une liste d'une vingtaine d'études, en plus des 19 études commandées à l'INRS, pour faire un total d'une quarantaine. Ce matin, je voudrais demander au ministre pourquoi il n'a pas rendu publiques plusieurs de ces études, dont, notamment, les études: un, de Sodem, pour 35 000 $; deux, d'Alain Paquet, pour 12 000 $; trois, d'Yvan Fecteau, pour 170 000 $; et, quatre, de CPDG, pour 235 000 $ – toutes des études économiques. Pourquoi?

Le Président: M. le ministre délégué à la Restructuration.

M. Le Hir: M. le Président, dans les jours qui viennent, les études en question vont toutes être rendues publiques, et le courageux député de Châteauguay, comme on a pu le voir cette semaine, sera en mesure d'apprécier le travail qui a été fait.

Le Président: M. le député de Châteauguay, pour une question complémentaire.

M. Fournier: M. le Président, le ministre peut-il nous dire où sont les études commandées à Yves Bélanger, pour 130 000 $, et à Marcon, pour 185 000 $, soit plus de 300 000 $ d'études consacrées à l'industrie militaire en vue d'une armée québécoise? Où sont ces études?

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: M. le ministre délégué à la Restructuration.

M. Le Hir: M. le Président, ces études font partie d'une série qui sera publique la semaine prochaine, dans le cadre de l'opération «restructuration».

Le Président: M. le député de Châteauguay, pour une question complémentaire.

M. Fournier: M. le Président, le ministre peut-il nous dire où sont les études de Gestik, pour 186 000 $, de Comsol, pour 188 000 $, de Guay, Montpetit, GMA, pour 130 000 $, des études que le ministre connaît bien pour en avoir discuté toute la semaine? Où sont ces études?

Le Président: M. le ministre délégué à la Restructuration.

M. Le Hir: M. le Président, je constate que le courageux député de Châteauguay est plus impatient qu'il est courageux. Il aura l'occasion d'avoir la réponse à toutes ses questions, la semaine prochaine, quand on rendra publiques toutes les études sur la restructuration.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le député de Châteauguay, toujours en complémentaire?

M. Fournier: Une dernière, M. le Président. Le ministre peut-il nier les informations à l'effet que, mal pris par l'annonce qu'il y aurait, au total, une quarantaine d'études, le gouvernement a décidé de scinder en 20 études une seule étude portant sur la réorganisation administrative, de manière à se rendre au compte de 40, tout en masquant les études que le gouvernement ne veut pas dévoiler?

Une voix: Exact!

Des voix: Ah! Ah! Ah!

Des voix: Bravo!

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M. le ministre délégué à la Restructuration.

M. Le Hir: M. le Président, je peux vous assurer qu'il n'y a aucune intention de la sorte que prétend le député de Châteauguay, le courageux député de Châteauguay, et que toutes les études vont être rendues publiques et qu'il sera très clair pour tout le monde que tout ce qui a été commandé a été rendu public.

Des voix: Bravo!

Le Président: Complémentaire? En complémentaire?

Une voix: Principale.

Le Président: Pour une question principale, M. le député de Rivière-du-Loup.

M. Dumont: Merci, M. le Président. Il y a quelques mois, les contribuables québécois apprenaient...

Le Président: Un instant! Un instant! Je pense que j'ai entendu des réactions.

On applique tout simplement la règle que j'ai, à plusieurs reprises, expliquée en cette Chambre: une question principale par trois séances. Nous en sommes à la troisième séance et, normalement, le député indépendant se voit reconnaître une question principale à la quatrième question, et nous sommes à la cinquième. M. le député de Rivière-du-Loup.

M. Dumont: Merci, M. le Président.

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle, sur une question de règlement?

M. Paradis: Oui, sur une question de règlement. Tout simplement pour s'assurer que les députés sont traités équitablement. Le député de Montmorency, hier, s'est vu refuser par le Bureau de l'Assemblée nationale un budget de recherche équivalant à celui du député de Rivière-du-Loup...

Des voix: Ha, ha, ha!

Des voix: Bravo!

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Le député de Montmorency avait posé la dernière question. Alors, c'est le principe d'alternance. M. le député de Rivière-du-Loup.


Crédits d'impôt relatifs à des investissements en recherche et développement

M. Dumont: Oui. Après cette interruption du supporteur du Parti Égalité, M. le Président, je continue. Il y a quelques mois, les contribuables québécois apprenaient que les gouvernements du Québec et du Canada avaient décidé d'annuler rétroactivement des crédits d'impôt relatifs à des investissements en recherche et développement.

Suite à cette décision, le gouvernement du Québec réclame à plus de 15 000 citoyens le remboursement de ces crédits, et ce, de façon rétroactive, soit, dans la plupart des cas, pour les années 1989, 1990 et 1991. Un arrangement a déjà été proposé par le ministère du Revenu aux individus concernés, proposition qui comporte une date limite: le 30 septembre prochain. Cette offre a été faite de façon unilatérale, sans consultation avec les principaux intéressés. M. le Président, le temps presse. Dans quelques jours, plusieurs milliers de citoyens québécois seront placés dans une situation où ils auront à rembourser des crédits d'impôt que leur gouvernement leur avait dûment accordés il y a quelques années. Pour plusieurs milliers d'entre eux, la seule solution risque d'être la faillite.

Ma question au ministre du Revenu. Est-ce que le ministre trouve acceptable que le gouvernement du Québec agisse de façon rétroactive en réclamant des contribuables qui ont investi de bonne foi en recherche et développement le remboursement de crédits d'impôt accordés il y a quelques années et qui ont été obtenus en suivant les règles établies par Revenu Québec?

Le Président: M. le ministre du Revenu. À l'ordre, s'il vous plaît! M. le ministre du Revenu.

M. Campeau: M. le Président, je voudrais d'abord remercier le député de Rivière-du-Loup...

Des voix: Oh!

Le Président: M. le ministre.

M. Campeau: Je veux bien dire «remercier le député de Rivière-du-Loup», ça me permet d'éclaircir la situation vis-à-vis, M. le Président, d'un dossier hérité de l'ancien gouvernement.

Des voix: Ah! Bon!

Une voix: C'est la faute du fédéral!

M. Campeau: Non, ce n'est pas la faute du fédéral, c'est la faute du Parti libéral, de l'ancien gouvernement du Parti libéral.

Des voix: Bravo!

Une voix: C'est un peu la même chose!

M. Campeau: Et ce que nous offrons...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, je crois qu'on dévie actuellement par rapport à l'ordre qu'on doit observer dans cette Chambre. La question principale de M. le député de Rivière-du-Loup était tout à fait conforme. On a eu l'occasion de l'écouter dans le silence. J'aimerais qu'on puisse écouter la réponse du ministre du Revenu dans le silence également. M. le ministre.

M. Campeau: M. le Président, donc, je disais: un dossier hérité de l'ancien gouvernement qui a mis dans ses comptes à recevoir des sommes importantes qui viennent affecter les équilibres financiers. Et, en passant, c'est un gouvernement... hérité du Parti libéral, du gouvernement du Parti libéral. Et ce qu'on nous rapporte à Ottawa, parce que Ottawa est aussi impliqué dans le même dossier, c'est que les relations vont très bien. Ce qui veut dire que, dans un Québec souverain, le partenariat va très bien opérer.

Des voix: Ha, ha, ha!

Des voix: Bravo!

M. Campeau: Il y a des actions concrètes qui ont été entreprises au ministère du Revenu. Il y a une lettre pour chacun des investisseurs qui sera postée ces jours-ci. La date du 30 septembre s'applique peut-être au fédéral; elle ne s'applique pas pour le gouvernement du Québec. Elle est repoussée plus loin. C'est un dossier...

Le Président: S'il vous plaît! M. le ministre.

(11 heures)

M. Campeau: Je disais donc, M. le Président, qu'il y a une lettre qui sera envoyée à chacun des investisseurs. Il y a des rencontres de prévues encore. Il y en a une de prévue, par exemple, pour vendredi de cette semaine, le 22, entre le ministère et le président de l'Association des contribuables qui ont investi dans des projets de recherche et développement. Le travail se poursuit, mais je tiens aussi à dire que l'offre qui a été faite, l'élaboration d'offre, M. le Président, c'est des millions, ça. C'est 47 000 000 $ à 60 000 000 $.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre! M. le ministre, en terminant, s'il vous plaît. S'il vous plaît! Veuillez vous asseoir, messieurs! M. le ministre, en terminant, s'il vous plaît.

M. Campeau: Oui, M. le Président. S'il y a des erreurs qui ont été faites par l'ancien gouvernement, qu'on essaie de les corriger, on pourrait peut-être en prendre note.

Une voix: Oui.

M. Campeau: Bon. Alors, il y a des rencontres qui sont prévues, comme je le disais. Mais l'offre qui a été faite et qui est en train d'être peut-être fignolée encore davantage, qui a été discutée, bien, elle a été approuvée par les représentants de l'Association. Il y a des recommandations qui sont faites, qui sont sur le point d'être faites pour que les investisseurs approuvent les recommandations faites par le ministère du Revenu.

Le Président: M. le député de Rivière-du-Loup, pour une question complémentaire.

M. Dumont: Oui. En m'excusant de ne pas partager l'obsession constitutionnelle de l'opposition, est-ce que le ministre... Est-ce que le ministre du Revenu considère...

Le Président: Directement à votre question, s'il vous plaît.

M. Dumont: Est-ce que le ministre du Revenu considère normal que ce soit le 30 septembre, au plus tard, que des contribuables ayant agi dans le respect des règles et des lois seront considérés par le ministère du Revenu au même titre que des fraudeurs?

Le Président: M. le ministre du Revenu.

M. Campeau: M. le Président, il y a deux dossiers. Il y a le dossier du simple citoyen et il y a le dossier des promoteurs. Je ne pense pas qu'il ait été question de fraudeurs là-dedans, mais ils doivent être traités différemment.

Le Président: M. le député de Rivière-du-Loup, pour une question complémentaire?

M. Dumont: Oui. Est-ce que le ministre, qui s'est engagé à prolonger le délai, peut assurer la Chambre qu'il va profiter de ce nouveau délai pour rencontrer lui-même les gens de l'Association des contribuables ayant participé à des projets de recherche et de développement, afin de trouver une solution équitable et juste pour ces gens-là?

Le Président: M. le ministre du Revenu.

M. Campeau: M. le Président, pour le moment, ces gens rencontrent les responsables du ministère du Revenu. S'il y a lieu que je les rencontre, je les rencontrerai avec plaisir.

M. Filion: Complémentaire, M. le Président.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: Allez-y brièvement. Allez-y.

M. Filion: M. le Président, est-ce que le ministre peut expliquer davantage ce en quoi ça retourne, la problématique avec les frais de recherche actuellement? C'est quoi qui se passe puis c'est quoi le règlement qu'il s'attend d'offrir aux gens, M. le Président?

Le Président: M. le ministre. À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre! M. le ministre.

M. Campeau: M. le Président, c'est une solution qui est discutée avec chacun des investisseurs et qui est discutée avec chacune des associations, selon les critères établis. Il s'agit d'analyser chaque dossier un par un et de voir où est-ce qu'on aboutit.

Une voix: C'est ça.

Le Président: M. le député de Nelligan, en complémentaire.

Une voix: M. le Président...

M. Ciaccia: M. le Président, en principale.

Le Président: En principale, M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: M. le Président, je voulais poser ma question au premier ministre. Je voulais poser ma question au premier ministre. Est-ce qu'il est...

Le Président: Alors, s'il vous plaît! M. le député de Mont-Royal, pour une question principale.

M. Ciaccia: Pardon?

M. Chevrette: M. le Président...

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Chevrette: ...lorsque j'ai... On me demande si le premier ministre... Il a quitté, M. le Président. On peut y aller avec le vice-premier ministre.

Le Président: Alors, M. le député de Mont-Royal, pour votre question principale.


Impact du traité de libre-échange sur l'industrie du bois d'oeuvre

M. Ciaccia: L'industrie du bois d'oeuvre du Québec a fait l'objet de contestations devant le tribunal de règlement de différends du traité de libre-échange. Quand le Québec argumentait sa cause comme s'il était un pays indépendant – et les lois américaines le permettaient – nous ne sommes allés nulle part et les producteurs ont continué à payer des droits compensateurs, des centaines de millions de dollars. Quand nous avons décidé de fonder notre argument sur la solidarité fédérale-provinciale, l'approche canadienne a eu gain de cause et les droits payés jusqu'alors ont été remboursés à l'industrie. Alors, l'entente du libre-échange a une importance capitale et favorise cette industrie qui exporte 1 400 000 000 $ aux États-Unis, crée 13 000 emplois et est responsable pour des dizaines de municipalités dans les régions du Québec.

Même le sous-ministre des Affaires internationales a admis qu'il n'y aurait pas d'accession automatique à l'ALENA, qu'il va falloir renégocier. Il l'a admis au Mexican News .

Le Président: Votre question, s'il vous plaît.

M. Ciaccia: M. le Président, ma question: Quand le gouvernement, quand le vice-premier-ministre, le premier ministre, allez-vous exercer votre responsabilité d'informer la population des véritables enjeux et que la réalité d'un vote oui met en péril les ventes de cette industrie dans les conditions actuelles? Quand allez-vous dire la vérité à la population sur les conséquences d'un vote oui à votre question?

Le Président: M. le vice-premier ministre.

M. Landry (Verchères): M. le Président, quand le député de Mont-Royal parle de solidarité canadienne en matière de libre-échange, il me fait sourire, parce que le premier ministre du Canada actuellement en poste et son parti, dirigé par M. John Turner, se sont battus bec et ongles contre le libre-échange, et, s'il n'y avait pas eu presque unanimité au Québec, il n'y aurait jamais eu de traité. Le traité de libre-échange, c'est l'oeuvre de la solidarité québécoise.

Des voix: Bravo!

M. Landry (Verchères): Deuxièmement, M. le Président, si le Québec était souverain, avec ou sans partenariat – partenariat profondément souhaité – le député de Mont-Royal ne pourrait même pas poser sa question ce matin pour la simple raison que, dans l'actuelle cause, il n'y a que la Colombie-Britannique, province du Canada, qui est visée et que le Québec n'est même pas en cause, à cause de ses politiques exemplaires en matière de gestion des forêts.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le député de Mont-Royal, pour une question complémentaire.

M. Ciaccia: M. le Président, est-ce que le vice-premier ministre pourrait expliquer pourquoi, même avec cette situation qu'il vient de décrire de la Colombie-Britannique, quand le Québec prenait la position qu'il fallait être traité comme un pays indépendant, malgré les conditions du bois d'oeuvre au Québec, on n'allait nulle part et on payait des droits compensateurs? On se faisait pénaliser parce qu'on ne respectait pas la solidarité canadienne. Et, quand nous avons adopté la position canadienne, c'est à ce moment-là qu'on a eu gain de cause. Comment expliquez-vous ça?

Le Président: M. le vice-premier ministre.

M. Landry (Verchères): Le député répond lui-même à sa question. On s'est fait traîner, par un mauvais comportement de l'industrie canadienne en matière de droits de coupe, dans un différend auquel nous n'aurions même pas dû être partie.

Une voix: C'est ça.

Une voix: Il n'a jamais compris.

M. Landry (Verchères): L'industrie québécoise... Ce conflit a commencé en 1981, ce qui m'a donné l'occasion d'en connaître les tenants et aboutissants dès l'origine. Quand nous allions négocier directement avec M. Baldrige, secrétaire du Commerce des États-Unis, on a réussi à se faire exempter avant même le traité du libre-échange, tellement la cause du Québec était bonne et était claire. C'est vrai qu'on a eu des mécomptes. Elle s'est embrouillée par la suite, quand le député de Mont-Royal, qui occupait mes fonctions à l'époque, par solidarité canadienne, a risqué la forêt québécoise!

Des voix: C'est ça! Oui! Bravo!

Le Président: Alors, c'est la fin de la période de questions.

Des voix: Ha, ha, ha!

Des voix: Oh!

(11 h 10)

Le Président: S'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre! M. le leader du gouvernement.


Dépôt de documents

M. Chevrette: Oui, M. le Président, je solliciterais le consentement de la Chambre pour déposer les documents relatifs aux études dont a parlé le premier ministre.

Le Président: Alors, est-ce qu'il y a consentement pour autoriser le dépôt des études? M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui, M. le Président, si on peut avoir un peu plus de détails, là, sur le contenu des documents...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Paradis: ...qui sont déposés avant de donner le consentement. C'est tout.

Le Président: Un instant! Un instant! Un instant! M. le leader du gouvernement.


Commentaires du Secrétariat à la restructuration sur quatre documents de travail relatifs aux finances publiques d'un Québec souverain

M. Chevrette: Il s'agit des commentaires du Secrétariat à la restructuration sur le document de travail intitulé «Les finances publiques et le projet de souveraineté du Québec». Il s'agit des commentaires du Secrétariat à la restructuration sur le document intitulé «La dimension juridique des relations commerciales d'un Québec souverain». Il s'agit des commentaires sur «Le déficit budgétaire d'un Québec souverain», et également des commentaires sur le document intitulé «L'union monétaire Québec-Canada».

Le Président: Alors, est-ce qu'il y a consentement? Consentement. Ces documents sont déposés. M. le leader du gouvernement.

M. Chevrette: M. le Président, hier, à la période de questions, on nous avait indiqué qu'il était primordial et important de poser des questions sur la santé. Je voulais faire remarquer qu'il n'y en a pas eu une.

Le Président: À l'ordre! M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui, je suis conscient...

Le Président: À l'ordre!

M. Paradis: Je suis conscient, là, qu'il a été question de la santé du premier ministre, ce matin, mais, outre, si le leader du gouvernement, dans un souci de collaboration, comme ancien ministre de la Santé lui-même, priorise encore cette question, le député de Viau a une question qu'il adresserait immédiatement au ministre de la Santé concernant l'hôpital Saint-Michel.

Le Président: Alors, il n'y a pas de réponses différées. Est-ce qu'il y a... Bon, un instant! À l'ordre! Moi, j'ai compris qu'il n'y avait pas de consentement. Enfin, est-ce qu'il y a consentement? Il n'y a pas consentement.

Il n'y a pas de réponses différées, pas de votes reportés.


Motions sans préavis

Motions sans préavis. Aux motions sans préavis, M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: M. le Président, j'aimerais faire motion. Je sollicite le consentement des membres de cette Assemblée afin de présenter la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale exige du gouvernement du Parti québécois qu'il rende publiques dans les plus brefs délais toutes les études dont il dispose sur les impacts économiques de la séparation et tienne, dans les meilleurs délais et avant le référendum, un débat sur les finances publiques d'un Québec séparé.»

Le Président: Alors, est-ce qu'il y a, premièrement, consentement pour débattre de cette motion?

M. Chevrette: M. le Président, comme on a annoncé qu'on...

Le Président: Un instant!

M. Chevrette: Comme on a...

Le Président: Un instant! M. le leader du gouvernement.

M. Chevrette: Comme on a annoncé qu'on les rendrait toutes publiques, les études, il y a à peine quelques minutes, là, je ne vois pas qu'on empiète le temps pour une échéance. Merci.

Le Président: Alors, il n'y a pas consentement. À l'ordre! À l'ordre! Il n'y a pas consentement.

Nous sommes toujours aux motions sans préavis. M. le député de Rivière-du-Loup.

M. Dumont: Oui, M. le Président, suivant les engagements de l'opposition officielle hier et l'appui qu'ils ont reçu de Preston Manning, je sollicite le consentement de cette Chambre pour déposer la motion sans préavis suivante:

«Que l'Assemblée nationale réclame du premier ministre du Canada qu'il s'engage dès maintenant à reconnaître les résultats, quels qu'ils soient, de l'exercice le plus démocratique pour les citoyens, soit celui de choisir par référendum d'assumer leur propre destin, de définir leur statut politique et d'assumer leur développement économique, social et culturel.»

Le Président: Est-ce que l'Assemblée accepte d'être saisie de cette motion? M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui, sous réserve de prendre connaissance du texte. On croit que c'est le même texte qui a été présenté hier matin. À ce moment-là, nous avions dit que nous pourrions discuter de cette motion une fois que le texte de la question référendaire aura été adopté avec les amendements qui ont été soumis par l'opposition officielle.

M. Chevrette: M. le Président...

Le Président: À l'ordre!

M. Chevrette: M. le Président...

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Chevrette: Oui. Mais, étant donné, M. le Président, que ce n'est pas une question d'un texte de question, c'est une question de principe sur l'acceptation d'un processus démocratique d'un peuple, quant à nous, on donne le consentement.

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement? Il n'y a pas consentement. À l'ordre! À l'ordre, s'il vous plaît!

Toujours aux motions sans préavis, M. le leader du gouvernement.


Motion proposant d'entériner une entente intervenue entre les leaders afin que la CAPA procède à une consultation générale sur l'avant-projet de loi modifiant la Loi sur la protection du territoire agricole et d'autres dispositions législatives

M. Chevrette: Oui, M. le Président. Afin d'entériner l'entente intervenue entre les leaders le 29 juin 1995, je fais motion pour «que la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation procède à une consultation générale et tienne des audiences publiques sur l'avant-projet de loi intitulé Loi modifiant la Loi sur la protection du territoire agricole et d'autres dispositions législatives afin de favoriser la protection et le développement durable des activités agricoles, à compter du 21 août 1995».

C'était l'entente du 29 juin. Ce que je propose, en fait, c'est d'entériner l'entente qui a eu lieu le 29 juin.

«Que la durée maximale de l'exposé de chaque organisme soit de 20 minutes et l'échange avec les membres de la commission soit d'une durée maximale de 40 minutes partagées également entre les membres du groupe parlementaire formant le gouvernement et les députés formant l'opposition;

«Que le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, le ministre d'État au Développement des régions et ministre des Affaires municipales de même que le ministre de l'Environnement et de la Faune soient membres de la commission pour la durée du mandat;

«Que les mémoires soient transmis au Secrétariat des commissions au plus tard le 11 août 1995.»

Vous comprendrez que c'est pour entériner une entente qu'on avait.

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui. Pour bien comprendre, M. le Président, il s'agit d'une motion de ratification d'une entente qui avait eu lieu au mois de juin. La commission a déjà siégé une journée, et c'est pour ratifier cette séance, finalement, que l'on a besoin de cette motion. C'est le sens du texte que vous déposez?

M. Chevrette: Exact.

M. Paradis: Consentement, à ce moment-là.

Le Président: Il y a donc consentement? Alors, l'Assemblée accepte donc d'être saisie de cette motion? Je comprends que c'est sans débat.


Mise aux voix

Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Président: Adopté. Nous en sommes aux avis touchant les travaux des commissions. Il n'y a pas de tels avis.


Renseignements sur les travaux de l'Assemblée

Aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée, M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Nous mettrons fin vraisemblablement à nos travaux au cours de la journée. Il demeure de nombreuses questions qui préoccupent les Québécois et les Québécoises dans leur quotidien, qui ont été acheminées à divers ministres du gouvernement et qui sont inscrites au feuilleton de l'Assemblée nationale. Le leader a déposé, au cours de la présente semaine, quelques réponses. Quand nous viendront les nombreuses autres réponses qui se font attendre, dans certains cas, depuis près d'un an?

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Chevrette: Je peux rassurer le leader de l'opposition, M. le Président, que, contrairement à ce qu'ils ont fait, aucune question qui aura été posée ne mourra au feuilleton, c'est-à-dire qu'ils auront les réponses au bon moment.

Le Président: Toujours aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée, M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui. Un peu plus spécifiquement, M. le Président, à titre d'exemple, vous avez au feuilleton une question du 5 avril 1995 qui est adressée au ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation et qui touche toutes les ententes internationales que le gouvernement du Canada ou le gouvernement du Québec ont déjà signées et qui ont un impact sur l'agriculture. Dans le cadre du débat référendaire, les réponses à cette question pourraient être utiles pour que les agriculteurs votent en toute connaissance de cause.

Est-ce qu'on peut convenir d'un mécanisme, que ça soit acheminé à votre bureau, M. le Président, et que ce soit distribué aux membres de l'Assemblée nationale, de façon à ce que les agriculteurs, entre autres, aient tout l'éclairage nécessaire?

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Chevrette: M. le Président, soyez...

Le Président: À l'ordre!

M. Chevrette: Soyez assuré que les agriculteurs québécois sauront, en toute connaissance de cause, prendre leur décision, M. le Président, soit par des recherches qui ont été faites, par des études qui ont été conduites ou bien par des réponses appropriées du ministre de l'Agriculture. Mais je vous répète que les questions au feuilleton recevront des réponses, contrairement à ce qui nous est arrivé, comme formation politique, M. le Président, où une multitude de questions sont mortes au feuilleton avec la disparition du Parti libéral.

(11 h 20)

Le Président: Alors, c'est la fin des affaires courantes.


Affaires du jour

Nous en sommes aux affaires du jour.


Affaires prioritaires


Reprise du débat sur la proposition du premier ministre visant l'adoption d'une question référendaire portant sur la souveraineté du Québec et sur une offre de partenariat avec le Canada, et sur la motion d'amendement

Aux affaires prioritaires, l'Assemblée reprend le débat sur la motion de M. le premier ministre. Cette motion se lit comme suit:

«Que les versions française et anglaise de la question devant faire l'objet d'une consultation populaire et être inscrite sur le bulletin de vote, conformément aux articles 8, 9 et 20 de la Loi sur la consultation populaire, soient les suivantes:

«Acceptez-vous que le Québec devienne souverain, après avoir offert formellement au Canada un nouveau partenariat économique et politique, dans le cadre du projet de loi sur l'avenir du Québec et de l'entente signée le 12 juin 1995?

«Oui. Non.»

«Do you agree that Québec should become sovereign, after having made a formal offer to Canada for a new economic and political partnership, within the scope of the Bill respecting the future of Québec and of the agreement signed on June 12, 1995?

«Yes. No.»

Et sur la motion... S'il vous plaît! Et sur la motion d'amendement de M. le député de Châteauguay. Cette motion se lit comme suit:

Que la motion en discussion soit amendée:

a) par l'ajout, dans la première ligne du deuxième alinéa et après le mot «devienne», des mots «un pays»;

b) par le remplacement, dans la première ligne du troisième alinéa, du mot «sovereign» par les mots «a sovereign country».

Je vous informe qu'il reste 2 h 40 min avant la fin de ce débat. Le groupe parlementaire formant le gouvernement a utilisé 16 h 41 min, l'opposition officielle 15 h 7 min, et je serais maintenant prêt à donner la parole au prochain intervenant. Alors, M. le ministre, vous avez la parole.


M. Serge Ménard

M. Ménard: M. le Président, la campagne référendaire commencera bientôt. Ce référendum, il est voulu par la population qui connaissait nos options lorsqu'elle nous a élus. Il est nécessaire. Il ne faudrait pas que la campagne soit inutilement déchirante. Elle doit être menée dans le respect de l'autre. Pour cela, elle doit partir de certaines prémisses trop peu souvent exprimées par les hommes publics.

Premièrement, les fédéralistes québécois, comme les souverainistes, poursuivent fondamentalement le même objectif: non seulement la survie, mais bien plutôt l'épanouissement d'une culture originale en Amérique, fondée sur la langue française. Cette prémisse s'applique non seulement aux fédéralistes québécois francophones, mais aussi aux anglophones et aux membres des communautés ethniques qui ont décidé de demeurer au Québec et qui aiment le Québec.

Deuxièmement, les fédéralistes québécois ont, dans la très grande majorité, une vision généreuse du Canada: un beau grand pays où s'épanouiraient côte à côte et fraternellement deux grandes cultures basées sur les deux grandes langues de l'Occident, en s'enrichissant mutuellement et de façon moderne, avec ouverture sur les cultures qu'apportent les immigrants et que nous ont conservées les premières nations. Je comprends cet idéal, je l'ai déjà partagé. Je dois avouer qu'il me séduit encore. C'est en prenant conscience que cet idéal généreux rassemblait une majorité insuffisante au Canada anglais que je suis devenu indépendantiste.

Troisièmement, je sais que la majorité des fédéralistes québécois ne sont pas heureux du statut constitutionnel du Québec, qu'ils voudraient un Canada différent. Ils ont exprimé ce désir à maintes reprises, par des formules comme «maîtres chez nous», «égalité ou indépendance», «la société distincte», «les deux cultures», «les peuples fondateurs», et même «la souveraineté culturelle», et par les nombreux projets de réforme constitutionnelle que ces formules ont inspirés.

Je fais appel à tous ces fédéralistes généreux pour qu'ils mesurent le plus objectivement possible les conséquences d'un non au prochain référendum, pour qu'ils évaluent avec réalisme les chances de bâtir, dans un avenir prévisible, le Canada de leur idéal et de faire les transformations auxquelles ils ont consacré tant d'énergie au cours de ces dernières années. J'invite également les souverainistes à reconnaître l'idéal généreux de la majorité des fédéralistes québécois et à conduire le débat référendaire en fonction de l'objectif ultime que nous partageons tous: celui de l'épanouissement de cette société originale en terre d'Amérique, société qui nous a été léguée par nos ancêtres au prix de luttes incessantes, menées avec acharnement et dont nous sommes tous très fiers.

Ce qui nous sépare, ce n'est pas l'amour du Québec que nous partageons tous jusqu'à la passion, ce n'est pas la confiance que nous avons dans les capacités des gens d'ici à maîtriser toutes les facettes d'un État moderne, ce n'est pas non plus la fierté d'être Québécois ni la conviction que cette différence valait la peine d'être sauvegardée, que nous avons tous et toutes le désir de développer avant de la transmettre à nos enfants pour qu'ils la chérissent, la développent et la transmettent à leur tour, sans arrogance pour les autres cultures, sans complexe de supériorité, avec un esprit ouvert et tolérant. Non. Ce qui nous sépare, fédéralistes et souverainistes, ce n'est ni l'amour, ni la fierté, ni la confiance; c'est la perception que nous avons de la capacité du reste du Canada à tirer les conséquences de notre différence, à reconnaître que le Québec ne peut être considéré comme une province comme les autres, qu'il a besoin de plus de pouvoirs que l'Île-du-Prince-Édouard ou, bientôt, que le Yukon, parce qu'il est le seul gouvernement en Amérique du Nord à être élu par une majorité de francophones.

Nous savons tous que nous n'occupons pas la place qui devrait nous revenir au Canada en fonction de notre poids démographique. Nous savons tous que, dans la haute fonction publique fédérale comme dans les institutions financières et à la tête des grandes entreprises, nous avons toujours été et sommes encore sous-représentés. Il est vrai que, ces dernières années, nous avons fait des percées remarquables dans le domaine des affaires. Mais je crois bien que tous ceux qui les ont faites ont bien senti que, pour un Canadien français, il fallait toujours être bien meilleur, bien plus compétent qu'un Canadien anglais pour atteindre un même niveau de richesse et de pouvoir économique. Le Canada a été d'abord bâti pour les conquérants, puis pour la majorité.

Je ne me moque pas de l'absence de programme constitutionnel des libéraux qui, hélas, doivent être nos adversaires dans cette campagne référendaire. Ils sont bien conscients que tout programme de réforme constitutionnelle susciterait immédiatement les questions suivantes: Est-ce plus que Charlottetown ou même que Meech? Et, si oui, qu'est-ce qui nous fait croire que le reste du Canada accepterait de tels changements? Dès lors, ils ont dû se rabattre sur leur présente attitude. Ce sont les souverainistes qui ont le fardeau de la preuve. En 1980, ils n'hésitaient pas à proposer une alternative au statu quo et à la souveraineté. Ils nous assuraient qu'un non au référendum ne signifierait pas un non au changement. Que de déceptions ils ont vécu depuis! Et nous aussi.

Quand j'étais avocat et qu'un témoin refusait, par toutes sortes d'artifices, de répondre clairement à une question simple, j'avais l'habitude de conclure, après quelques essais infructueux: «Vous savez, M. le témoin, ne pas répondre, c'est aussi une réponse; je vais m'en contenter.» Et, généralement, le jury donnait un sens précis à ce refus de répondre et lui accordait une grande crédibilité.

Un peu de la même façon, cette insistance à nous dire que nous avons le fardeau de prouver les avantages de la souveraineté démontre bien, d'une part, que les fédéralistes québécois n'osent pas défendre le statu quo et, d'autre part, que tout ce qu'ils voudraient proposer comme changement ne sera évidemment pas accepté du reste du Canada, pas plus que Meech, pas plus que Charlottetown. Ce n'est donc pas de la faute des fédéralistes québécois s'ils sont incapables de présenter un programme constitutionnel crédible. C'est parce que le reste du Canada n'accordera jamais au Québec les changements nécessaires avant d'être vraiment convaincu que nous sommes prêts à partir si aucun de ces changements n'est apporté au Canada tel qu'il est. Pour changer son attitude, le Canada anglais a besoin de l'électrochoc d'un vote favorable à la souveraineté.

Donc, fédéralistes généreux et souverainistes, nous sommes unis par l'amour que nous portons à un Québec différent, par le désir de cultiver et de développer cette originalité dans un monde moderne, par la conviction que le Canada aurait dû changer et devra changer pour permettre le plein épanouissement de cette société originale, par le constat que, dans un avenir prévisible, la majorité, dans le reste du Canada, n'est prête à consentir aucun changement. Mais il y a aussi une autre conviction qui doit bien nous unir, c'est celle que nous sommes capables, si nous le souhaitons, de réaliser notre indépendance. Jamais un peuple ne fut plus prêt à faire son indépendance, jamais il n'a disposé d'autant d'avantages.

La diversité de notre économie, le niveau d'éducation de notre population, la maîtrise des technologies anciennes et nouvelles, la qualité de nos institutions politiques, juridiques et sociales sont à la hauteur des pays les plus civilisés et les plus riches de la planète, et même souvent les dépassent. Sur le plan économique, nous disposons d'abondantes richesses naturelles. Les mines, la forêt, le papier, l'hydroélectricité ne sont que quelques exemples des richesses qui, il faut bien le reconnaître, ont d'abord été surtout exploitées à l'avantage des autres mais que nous sommes maintenant capables d'exploiter pour nous-mêmes. Nous sommes remarquablement performants dans un certain nombre d'industries de pointe: les produits pharmaceutiques, l'aviation et l'aérospatiale, les télécommunications et les logiciels de toutes sortes. D'ailleurs, s'il y a bien un virage que nous n'avons pas manqué, c'est bien celui de l'informatique. On en donne souvent comme preuve la réussite spectaculaire de la compagnie Softimage née, soit dit en passant, dans le comté que j'ai l'honneur de représenter dans cette Assemblée, celui de Laval-des-Rapides.

(11 h 30)

Dans un domaine tout différent, un autre exemple que l'on a souvent donné de la capacité des Québécoises et des Québécois d'inventer et de réussir sur le plan international, c'est le Cirque du Soleil. Le Québec n'avait aucune tradition dans ce domaine. En moins de 10 ans, les Québécoises et les Québécois ont littéralement réinventé le cirque et ils l'ont fait avec le génie du Québec moderne. Ils y ont apporté beauté, finesse et humour. Le cirque est un art qui peut se permettre toutes les fantaisies. Pourtant, avant le Cirque du Soleil, cet art était enfermé dans des stéréotypes de plus en plus ridicules, des costumes à plumes et à paillettes, des musiques surannées, des présentations dithyrambiques. Le Cirque du Soleil a tout renouvelé. Des costumes totalement fantaisistes et tellement beaux, tellement mieux adaptés à embellir les prouesses ou à soutenir l'humour et la fantaisie. Il a voulu une musique plus légère et originale. Il a remplacé le verbiage inutile par la subtilité de la mise en scène. Mais, surtout, il a chorégraphié les numéros d'adresse et de force, il a mis de la beauté dans le suspense. Que plusieurs d'entre nous aient mentionné le Cirque du Soleil comme exemple de réussite québécoise est significatif. Nos compatriotes ont puisé profondément dans l'âme québécoise moderne pour rejoindre l'universel. Ils sont applaudis tout autour de la planète.

Nous pourrions donner bien d'autres exemples de la capacité des Québécoises et des Québécois à s'adapter au monde moderne et d'y réussir. Nous ne pouvons d'ailleurs nous empêcher d'évoquer, ne serait-ce que sommairement, les ingénieurs québécois qui sillonnent la planète et y sont tellement appréciés parce qu'ils ont cette combinaison rare de la très grande compétence sans arrogance.

Mais inutile d'en donner plus. Fédéralistes comme souverainistes, nous savons que nous sommes capables d'exercer tous les attributs de la souveraineté. Nous avons des richesses naturelles, nous avons une industrie diversifiée, nous maîtrisons, maintenant, la finance et l'art d'exporter. Nous avons toutes les compétences. Non, jamais un pays ne fut aussi bien préparé pour accéder à la souveraineté.

Mais, alors, qu'est-ce qui nous retient? Chez la majorité de nos amis d'en face, je ne crois pas que ce soit la peur, même si, parfois, pour gagner la bataille référendaire, ils ne résistent pas toujours à la tentation de l'exploiter et qu'ils ont pour cela l'aide de publicitaires remarquables. Je crois que ce qui nous retient encore, c'est l'image d'un certain Canada, bien différent de celui qui existe, en tout cas plus conscient de la richesse qu'aurait pu représenter pour lui sa plus importante minorité, plus ouvert aux changements légitimes dont elle avait besoin, avec aussi, il faut bien le dire, moins de mépris pour cette minorité.

Quand nous pensons au Canada, nous espérons toujours qu'il puisse changer et qu'alors ce serait vraiment un bien beau et bien grand pays. Peut-on espérer le voir changer après une victoire du Non? Chacun peut apporter sa réponse à la lumière des 35 dernières années, et même bien avant, car c'est bien pire. Nous, nous ne le croyons pas. Mais c'est en prenant acte de l'attachement que portent encore plusieurs Québécois au Canada, de leur idéal, que nous avons conclu l'entente tripartite si bien résumée par la question référendaire.

Ce que nous proposons, c'est de faire la souveraineté la main tendue vers l'autre. Nous voulons donner une dernière chance à l'espace Canada, une dernière chance d'y voir grandir une relation d'égal à égal. Nous sommes prêts à coiffer ce partenariat d'une structure politique légère pour y gérer uniquement et sur la base de consensus ce que nous désirerions y mettre en commun. Je crois que nous aurons bien des choses à mettre en commun, une fois passée la mauvaise humeur du Canada anglais, lui qui se berce depuis si longtemps de l'illusion que le Québec n'osera jamais voter la souveraineté et que, par conséquent, les changements qu'il demande peuvent toujours attendre.

Ceux qui annoncent avec tant d'assurance que le Canada dira toujours non à une offre de partenariat ont peut-être trop souffert de la mesquinerie qui a toujours rencontré leur généreux projet de changement. Pourquoi les Canadiens auraient-ils peur d'un Québec qui fait toutes ses lois, qui gère tous ses impôts, qui passe tous ses traités avec les autres pays et qui ne leur demande ni ne leur coûte rien? Comme le dit si joliment le député de Laviolette, «s'ils tiennent tant à nous, c'est qu'ils ont peut-être quelque chose à perdre, et, s'ils ont quelque chose à perdre, c'est peut-être qu'on a quelque chose à gagner».

Des voix: Bravo!

M. Ménard: Puisque, après un oui, nous aurons la main tendue vers l'autre, je crois qu'il vaut la peine de commencer la campagne référendaire de la même façon. Par cette entente, nous avons recherché le consensus le plus large entre les souverainistes et tous ceux qui ont voulu un Canada différent et qui sont encore attachés à cet idéal. Nous avons voulu placer la question référendaire au-dessus des partis, de sorte que la victoire du Oui ne sera pas que celle du Parti québécois, de même que la victoire du Non sera surtout celle du reste du Canada.

Je dis à tous les fédéralistes généreux: Écoutez votre coeur et écoutez votre raison. Souvenez-vous de votre idéal et des frustrations que le reste du Canada vous a fait subir. Sachez tirer les leçons du passé: dites oui au changement.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M. le ministre de la Sécurité publique et député de Laval-des-Rapides. Je demanderais aux parlementaires de bien vouloir reprendre leur place. À l'ordre, s'il vous plaît!

Je suis maintenant prêt à céder la parole à un prochain intervenant et je vais céder la parole à Mme la députée de Rimouski. À vous la parole, Mme la députée.


Mme Solange Charest

Mme Charest: Merci. M. le Président, avant d'aborder la question qui nous réunit ici aujourd'hui, permettez-moi de remercier très sincèrement tous mes collègues de l'Assemblée nationale qui m'ont témoigné leur sympathie lors du décès de mon mari, il y a 17 jours exactement. J'ai particulièrement apprécié les bons mots de M. le premier ministre à l'endroit de Raymond Lemieux, un patriote mort debout. Le projet que nous proposerons aux Québécois et aux Québécoises dans quelques semaines, mon mari l'a soutenu par son militantisme patient et persévérant pendant plus de 25 ans. En continuité avec son engagement politique, en continuité avec mon engagement politique, je peux assurer toutes les Québécoises et tous les Québécois de mon comté et de ma région de mon appui indéfectible à la cause du Québec, soit la défense des intérêts supérieurs du Québec.

Maintenant, la souveraineté, une suite logique et naturelle pour le peuple du Québec. La question que nous soumettrons à nos concitoyens et concitoyennes dans quelques semaines intéresse au plus haut point les gens du comté de Rimouski. Toute la région de l'Est du Québec est bien placée pour comprendre ce que c'est que de se faire continuellement déposséder. En effet, pour moi, le projet que nous leur proposons s'inscrit tout naturellement, tout logiquement dans le long processus de prise en main amorcé avec les opérations Dignité 1 et Dignité 2. Vous vous rappellerez que les gens du Bas-Saint-Laurent, notamment dans le comté de Rimouski, sont descendus dans la rue au début des années soixante-dix pour empêcher la fermeture de leur village et pour réclamer des gouvernements les moyens de prendre en main leur développement économique. Ils se battaient pour Esprit-Saint, Trinité-des-Monts, Padoue, Saint-Octave-de-l'Avenir, et j'en passe. Ce qu'ils disaient, M. le Président: Chez nous, c'est chez nous. D'autres mouvements populaires depuis, comme la Coalition Urgence rurale, ont de nouveau lancé un cri d'alarme il y a quelques années. Malgré tout cela, nous n'avons pas réussi à arrêter l'exode rural et l'appauvrissement d'un bon nombre de localités rurales.

Nos gens ont combattu de bonne foi. Ils croyaient alors que le problème venait des politiciens avant de comprendre que c'est le cadre politique actuel qui était la cause principale de leurs maux. Car c'est en effet le gouvernement fédéral qui détient actuellement la plupart des leviers économiques. Or, les priorités d'un gouvernement contrôlé par les provinces anglophones ne sont pas celles du Québec. C'est ainsi que le développement économique a surtout pris la route de l'Ontario, de l'Alberta, surtout pas celle de l'Est du Québec. Alors, chaque fois qu'un projet intéressant s'est présenté chez nous depuis la naissance des opérations Dignité, nos gens ont eu à subir d'interminables querelles de juridiction, des chicanes dévoreuses de temps et d'énergie, des déceptions nombreuses.

(11 h 40)

Chez nous comme dans le reste du Québec, la petite partisanerie a aussi souvent été un frein au développement économique parce que la couleur politique des gouvernements du Québec et du Canada n'est presque jamais la même. Nous avons, chez nous encore, tout frais à la mémoire, la saga de la papeterie de Matane. Québec était prêt à faire sa part, mais Ottawa se laissait tirer l'oreille. Et combien d'autres exemples pourrions-nous trouver?

Il y a une vingtaine d'années, entre 1975 et 1978, pendant la guerre du câble, une entreprise de câblodistribution de Rimouski, en partenariat avec Québec-Téléphone, avait obtenu un permis d'exploitation de la Régie des télécommunications du Québec. Mais, après un long débat judiciaire, le CRTC, l'appareil de régie fédéral, s'est vu confirmé l'entière compétence dans ce secteur et l'entreprise de câblodistribution a été condamnée à disparaître. Ironiquement, Québec-Téléphone, qui s'est vue contrainte à demander il y a quelques années d'être placée sous la juridiction fédérale, se voit maintenant refuser par le CRTC la permission d'offrir des services de câblodistribution sous prétexte que ce sont des intérêts étrangers qui détiennent la majorité des actions de la compagnie. Le CRTC se montre tout à coup bien scrupuleux quand on pense qu'au Canada anglais les émissions de divertissement diffusées à la télévision sont très majoritairement importées des États-Unis, et le CRTC semble trouver ça normal, alors qu'au Québec la production locale, respectueuse de notre culture propre, atteint 90 %.

Il ne faut pas oublier qu'à Québec-Téléphone les décisions sont prises en région et en français. Cette entreprise comprend 1 800 employés et fait preuve d'un réel dynamisme autant dans la dispensation de services téléphoniques modernes et efficaces que dans le développement de l'autoroute électronique et l'exportation de sa technologie en Amérique latine. Est-il normal que Québec-Téléphone ait besoin de demander des permissions à Ottawa pour continuer à se développer? C'est un exemple qui se passe de commentaires.

Mais vous savez, le plus beau gâchis, on le retrouve au chapitre des transports. Le gouvernement fédéral, après avoir exercé aveuglément son pouvoir de dépenser pendant des décennies, doit maintenant se serrer la ceinture et veut se départir de plusieurs ports et aéroports. Dans le Bas-Saint-Laurent, des députés fédéraux ont réussi à faire jusqu'à quatre élections en promettant chaque fois la construction du port de Cacouna. Des centaines de millions ont été engloutis pour construire des ports et des quais pour servir des intérêts électoralistes pendant que d'autres quais ou ports ont été laissés à l'abandon. Aujourd'hui, M. le Président, l'avenir du port de Rimouski-Est dans mon comté est menacé justement à cause du manque de vision du gouvernement fédéral, qui a érigé l'incurie en système.

Tout récemment encore, une petite entreprise de transformation des produits marins située à Saint-Fabien de Rimouski, Les Caviars RS inc., a réussi à réunir le capital nécessaire à son démarrage et a obtenu les permis nécessaires du ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec. Or, le fédéral lui a fait des misères. Vous ne savez pas pourquoi, hein? Vous ne vous douterez jamais pourquoi. On lui a fait des misères en refusant de lui donner son permis sous prétexte que la peinture utilisée pour peindre les murs de la bâtisse n'était pas conforme à ses normes.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Charest: En passant, alors que les adversaires de notre projet s'emploient à rapetisser les Québécois et à mettre en doute leur capacité à s'occuper de leurs affaires, cette toute petite entreprise de Saint-Fabien a déjà déniché au Japon un marché où elle exportera toute sa production.

Des voix: Bravo!

Mme Charest: Tout serait tellement plus simple si le Québec exerçait seul la juridiction dans tous les domaines, si nous gérions nous-mêmes tous nos impôts.

M. le Président, ces messieurs dames du non tentent de ridiculiser l'entente du 12 juin dernier en l'appelant «la patente». Or, il se trouve que, samedi dernier, en compagnie de ma collègue de Matapédia et du ministre de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie, M. Paillé, j'ai eu l'occasion de rencontrer l'Association des inventeurs du Bas-Saint-Laurent. J'aimerais dire à l'opposition officielle, même si elle est très absente durant nos discours, que ce qu'on appelait autrefois une patente, dans le langage populaire, s'appelle maintenant une invention. Or, il m'a été donné de constater samedi combien les Québécoises et les Québécois ont un esprit inventif et créateur. Nos collègues du non devraient savoir qu'un bon nombre d'entreprises québécoises ont été créées à partir de patentes, comme ils disent, à commencer par la motoneige, inventée par un homme de Mont-Joli, développée par Bombardier, qui devait devenir, plus tard, une multinationale québécoise.

Des voix: Bravo!

Mme Charest: On peut se demander si, en employant le mot «patente», les gens du non n'ont pas voulu mépriser un peu beaucoup nos inventeurs. Non, l'entente est une entente, le contraire de la chicane. C'est une bonne entente. C'est la bonne entente avec le pays voisin, le Canada.

De plus en plus de gens dans le comté de Rimouski, dans le Bas-Saint-Laurent, ont maintenant compris qu'il y a un gouvernement de trop. Ils ont compris aussi que le développement économique de l'ensemble du Québec passe par le développement économique de chacune de ses régions. Lors des audiences de la commission du Bas-Saint-Laurent sur l'avenir du Québec, nombreux furent les intervenants à parler de régionalisation, de décentralisation. Malheureusement, contrairement à ce que prétendent certaines personnes, ce transfert de pouvoirs ne peut se faire que très partiellement dans le cadre politique actuel. Comme je l'ai dit tout à l'heure, c'est à Ottawa que se trouvent les principaux leviers économiques. C'est donc en rapatriant ces pouvoirs au Québec que l'on peut faire une véritable régionalisation et décentralisation.

Je le dis à mes compatriotes du Bas-du-Fleuve et de la Gaspésie: Dans le système fédéral, les régions sont toujours en queue de train; dans un Québec souverain, la région, c'est comme une locomotive de tête. Dans le cadre constitutionnel actuel, le gouvernement du Québec ne dispose que de la moitié des pouvoirs et des impôts d'un État normal. Le gouvernement québécois ne peut donc pas faire grand-chose en matière de régionalisation sans risquer de s'affaiblir lui-même face au reste du Canada et aux autres pays.

Alors, comme il me reste peu de temps, je vais... Oui, c'est ça. Évidemment, il faudra créer un Québec souverain, une structure qui deviendra la locomotive d'un développement régional responsable de lui-même et de ses gens. C'est justement dans ce sens que le débat sur la régionalisation est maintenant engagé.

À cet égard, rappelons un fait, là, qui est très actuel. La ville de Rimouski, qui veut, depuis longtemps, se doter d'une salle de spectacle digne de ce nom, à la suite d'un arbitrage mémorable, le gouvernement libéral précédent, à la fin de juin 1994, a écarté le projet présenté par les autorités municipales. Le financement de ce projet devait être assuré par les gouvernements du Québec et d'Ottawa ainsi que par la municipalité. Combien d'énergie dépensée en pure perte! Il a fallu négocier et renégocier la part de chacun. Et voilà que le nouveau conseil municipal vient de réactiver à nouveau ce dossier. C'est donc dire qu'on n'a pas fini d'en entendre parler, puisqu'il faudra encore une fois renégocier le financement avec les partenaires, et on sait très bien que le fédéral se fait toujours tirer l'oreille pour finir par fournir une petite part – dans la meilleure des hypothèses. Combien d'argent et de temps pourrons-nous économiser lorsqu'on aura répondu oui lors du prochain référendum et que les champs de compétence rapatriés d'Ottawa auront été clairement distribués entre les régions et le gouvernement du Québec?

Ce que le camp du changement nous propose, il me semble, a tellement de bon sens que tous mes concitoyens et concitoyennes du comté de Rimouski devraient voter oui. D'un côté, nous nous donnons les moyens, par la souveraineté, en rapatriant chez nous notre entière marge de manoeuvre financière, c'est-à-dire les quelque 28 000 000 000 $ d'impôt que nous envoyons actuellement à Ottawa, et nous récupérons du même coup tous les pouvoirs qui sont actuellement assurés par ce niveau de gouvernement.

Par ailleurs, nous établissons nous-mêmes une façon de fonctionner, intelligente, efficace, économique, qui correspond à nos vrais besoins, en évitant les conflits de juridictions et les dédoublements coûteux. Ce nouveau partage des responsabilités et de l'assiette fiscale se traduira inévitablement par une plus grande responsabilisation des gens dans chacune des régions du Québec, mais aussi par une diminution de la dépendance par rapport au pouvoir central. Disposant de plus de pouvoirs et de ressources financières plus grandes, les régions seront aussi inévitablement portées par un dynamisme nouveau. Elles auront donc plus de chances de réussir leur développement économique en donnant une plus-value à leurs ressources propres, en complémentarité avec les autres régions. Déjà ouvertes sur le monde, les régions disposeront de ressources encore plus grandes pour accroître leur présence sur les marchés extérieurs. À cet égard, le Bas-Saint-Laurent ne pourra que sortir gagnant d'un oui, puisque, déjà, la moitié de ses emplois dans le secteur manufacturier sont redevables aux exportations.

D'autre part, le Québec sera riche de la richesse et de la diversité de toutes ses composantes. Je souhaite, par exemple, que l'activité culturelle reflète chacune des régions du Québec. Aussi, quand Téléfilm Canada annoncera qu'il cessera de subventionner le Carrousel international du film de Rimouski pour ne financer désormais que les festivals des métropoles, j'y trouve une autre bonne raison de voter oui.

(11 h 50)

En terminant, M. le Président, j'aimerais lancer un appel à la solidarité de toute la population de mon comté, un comté qui s'est déjà dit oui en 1980, et à la population du Bas-du-Fleuve. Des exemples de solidarité, nos concitoyens et concitoyennes en ont donné dans le passé. C'est chez nous que le mouvement coopératif s'est répandu le plus rapidement. C'est chez nous que sont nés les mouvements de prises de conscience collectives. C'est chez nous qu'ont été les réussites des opérations Dignité. C'est donc aussi de l'Est que doit partir ce grand mouvement de fierté collective qui nous conduira à un oui massif lors du prochain référendum. M. le Président, j'invite toutes les Québécoises plus particulièrement à appuyer majoritairement le Oui. Dans Rimouski, les deux députées sont des femmes. Suzanne Tremblay, du Bloc québécois, et moi, nous croyons en notre avenir collectif.

Moi, Solange Charest, citoyenne et députée, j'invite le Québec à se reconnaître, à s'assumer, à se dire oui. C'est pourquoi je vais dire oui le 30 octobre prochain.

Des voix: Bravo! Bravo! Bravo!

Le Vice-Président (M. Bélanger): Je vous remercie, Mme la députée de Rimouski. Je demanderais aux parlementaires de bien vouloir reprendre leur place. À l'ordre, s'il vous plaît!

Je suis maintenant prêt à céder la parole au prochain intervenant et je vais céder la parole à M. le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques. À vous la parole, M. le député.


M. André Boulerice

M. Boulerice: M. le Président, après vous avoir salué et salué mes collègues, je vous rappelerai quelque chose que vous savez. Je suis député du Vieux-Montréal, du Centre-Sud et du Plateau Mont-Royal. Je représente une population qui est fière, une population respectueuse de ses différences, les siennes comme celles des autres, à qui la vie, souvent, n'a malheureusement pas fait de cadeau et qui risque de tout perdre avec la réforme Chrétien-Axworthy qui viendrait avec un non suicidaire. Une population dont les hommes et les femmes ont été les premiers à dire oui au Québec en 1970.

Mon quartier, M. le Président, chers collègues, se rappelle qu'il fut le Quartier latin, lieu de création et de pensée. Qui donc osera affirmer que la culture n'est pas un des enjeux majeurs au Québec? Qui, à part l'opposition libérale, peut honnêtement dire que l'identité québécoise ne tire pas de nombreuses racines du fait que nous sommes résolument différents linguistiquement et culturellement et non pas spécifiques et bilingues? Cette différence culturelle, marquée d'abord et avant tout par la langue française que chaque Québécois et Québécoise devrait partager – ce qui n'est malheureusement pas le cas – nous caractérise et nous définit.

Une partie de notre population, issue du monde anglo-saxon et de l'immigration générale, pour une foule de raisons qui tiennent tout à la fois au vieil empire britannique, à l'histoire et aux choix économiques, a comme développé un processus d'intégration «Canadian» plutôt que québécois. Ceci tient au fait, d'une part, que le Québec, de plus en plus, avec le temps, a cessé d'être considéré comme cofondateur mais plutôt comme une province comme les autres, et, d'autre part, à la profonde division de son groupe le plus homogène et qui forme toujours 80 % de sa population.

C'est à cette partie du Québec, à cette partie qui, par son obstination, ses sacrifices, ses souvenirs et sa pratique de la langue française a créé et maintenu une réalité incontournable, c'est à elle que revient la décision. Elle en aura le mérite si elle parvient à faire pencher la balance en faveur de créer le pays du Québec. Elle sera la seule – je dis bien la seule – responsable si ce pays n'émerge jamais. Décidons-nous, nous autres compatriotes. Nos autres compatriotes vont nous emboîter le pas, j'en suis convaincu. Beaucoup, d'ailleurs, n'attendent que cela. C'est un appel à la fierté, à la confiance en l'avenir, un appel à l'effort et à l'audace.

Et quoi de mieux pour illustrer nos capacités à relever les défis que de rappeler la réussite de nombreux créateurs qui ont jalonné notre histoire culturelle de ce demi-siècle. Cette liste est longue, mais il vaut la peine d'en énumérer quand même quelques exemples.

Le «Refus global», qui lance le Québec dans la modernité avec Borduas, Riopelle, suivis des Molinari, Robert Lepage, qui révolutionne l'art de la mise en scène et triomphe en Europe ainsi qu'en Asie avant de présenter son premier film au Festival de Cannes. L'Orchestre symphonique de Montréal, qui se produit dans les meilleures salles des grandes villes du monde. Le marché des émissions télé pour enfants, qui se tient en Australie et qui célèbre chaque année une production télévisuelle québécoise.

La pièce de Michel Tremblay, «Les Belles-Soeurs», déjà traduite en 17 langues et jouée en yiddish devant un auditoire montréalais ravi. Le kiosque des Éditions de la courte échelle est sans doute un des plus fréquentés à la Foire du livre de Francfort, en Allemagne, alors que Chrystine Brouillet voit ses livres pour adolescents traduits en arabe et en chinois. «Le Temps d'une paix», émission que nous avons regardée et aimée, est devenue à la télévision espagnole «El tiempo de une paz». Les galeries d'art du Québec sont présentes aux importantes foires d'art contemporain de Chicago et de Paris.

Carbone 14 et des chorégraphes comme Jean-Pierre Perrault et Hélène Blackburn, pour ne nommer que ceux-là, ont littéralement créé une danse contemporaine qui fait école. Et que dire de nos musées nationaux et régionaux? Pensons au Musée de la civilisation, ici, à Québec, au Musée de la Pointe-à-Callière, dans le Vieux-Port de Montréal: deux vocations différentes, deux succès.

En télévision, en danse, en musique, en muséologie, en théâtre, en écriture comme en peinture et en sculpture, ces femmes et ces hommes qui sont nos artistes font preuve d'un dynamisme et d'une créativité exceptionnelles, à Montréal.

Des voix: Bravo!

M. Boulerice: Créativité à Montréal, à Québec, à Rimouski, à Gaspé comme à Hull, mais aussi à Paris, à Berlin, à Venise, à New York et à Mexico. Nous voyons bien que, pour nos artistes, le Canada, c'est déjà trop petit: c'est le monde, qu'on veut.

Des voix: Bravo!

M. Boulerice: Trouvez-moi un peuple de 7 000 000 d'habitants qui a une création culturelle aussi avant-gardiste que la nôtre. Oui, nous sommes bons. Oui, nous sommes capables. Oui, nous pouvons faire encore plus et, forcément, compte tenu de nos talents, nous pouvons faire encore mieux. Mais, pour faire mieux, outre l'imagination, il faut une cohésion d'actions. Cette cohésion est toutefois impossible dans le présent régime fédéral, comme nous le démontrent d'ailleurs les dernières années.

Depuis la Révolution tranquille, les différents gouvernements du Québec ont constamment revendiqué la compétence exclusive pour le Québec en matière de culture. Ainsi, en 1966, Daniel Johnson le grand, le père, déclare que le Québec doit être maître de ses décisions en ce qui a trait à l'épanouissement culturel du Québec. Ottawa lui dit non.

En 1969, Jean-Jacques Bertrand affirmera pour sa part que les affaires culturelles sont de la compétence du Québec. Ottawa lui dit non.

En 1971, le Québec de Robert Bourassa, phase I, demande au gouvernement fédéral un réaménagement des pouvoirs constitutionnels dans le domaine de la culture. Ottawa lui dit non.

En 1973, le Québec réclame encore une fois le rapatriement de la politique culturelle dans sa totalité, y compris les budgets. C'est l'époque de la souveraineté culturelle. Robert Bourassa se fait répondre non.

En 1975 et 1976, le Québec propose au gouvernement fédéral que chaque province puisse légiférer en matière culturelle de façon exclusive. C'est toujours non.

En 1978, le Québec invoque sa responsabilité première en matière de patrimoine culturel et demande l'ouverture de négociations Québec-Ottawa sur la restitution par le fédéral des biens culturels ainsi que des sites et biens historiques en territoire québécois: No, no and no!

Des voix: Ha, ha, ha!

(12 heures)

M. Boulerice: En 1980, le livre beige du Parti libéral propose que la Constitution canadienne attribue aux provinces une compétence générale en matière culturelle. Claude Ryan, ancien chef du non, se fait dire non. Puis, en 1985, Robert Bourassa, dernière phase, demande à nouveau que le versement par Ottawa des subventions aux individus et aux institutions oeuvrant dans le domaine de la culture soit obligatoirement soumis à l'approbation du gouvernement du Québec. On lui a dit non. Finalement, en 1991, le rapport Allaire, renié par les libéraux, recommandait que la culture relève de la compétence exclusive du Québec. C'est non. La même année, la commission Bélanger-Campeau fait état, dans son rapport, de la nécessité d'attribuer au Québec, à titre exclusif, les compétences et responsabilités liées à la culture. Les libéraux fédéralistes signent, renient leur signature.

Une petite parenthèse, M. le Président: cette période fut suivie, au Parti libéral, par une gigantesque vague d'épuration idéologique se traduisant par l'expulsion de Mario Dumont et de plusieurs centaines de jeunes libéraux qui croyaient qu'une position constitutionnelle libérale pouvait se faire debout et non pas à genoux.

Des voix: Bravo!

M. Boulerice: Le gouvernement d'Ottawa, malgré l'ensemble des exigences québécoises en matière culturelle, a toujours fait la sourde oreille. Rien n'a été fait, et ce, depuis les tout débuts de notre association avec le régime constitutionnel d'Ottawa. En 1992, la ministre libérale fédéraliste de la Culture, actuelle députée de Marguerite-Bourgeoys, résumait la situation Québec-Ottawa en ce domaine par ces phrases, je la cite: «La véritable concertation est presque inexistante et, lorsqu'elle se produit, c'est souvent à la demande du Québec.» Elle nous demande de voter non. «Le maintien du pouvoir fédéral illimité de dépenser encourage de plus la multiplicité des chevauchements et des dédoublements coûteux, résultats des interventions culturelles de deux paliers de gouvernement.»

On se retrouve donc, aujourd'hui, avec deux réseaux d'institutions culturelles dont chaque composante a son équivalent. Étant donné l'état des finances publiques du Canada, c'est-à-dire une dette de 600 000 000 000 $ – et le fédéralisme, ce n'est pas gratis – nous aurons éventuellement à choisir entre le Conseil des arts et des lettres du Québec ou le Conseil des arts d'Ottawa; la Bibliothèque nationale du Québec ou la Bibliothèque nationale d'Ottawa; les Archives nationales du Québec ou les Archives nationales d'Ottawa; la Place des Arts et le Grand Théâtre de Québec ou le Centre national des arts d'Ottawa.

Le réseau culturel fédéral intervient ainsi sans se soucier des objectifs, des orientations et des modalités du réseau culturel québécois. Confusion, gaspillage, inefficacité pour les intervenants du milieu. En ce sens, le peuple québécois peut-il s'épanouir si la politique culturelle est déterminée par un gouvernement très majoritairement anglophone à Ottawa? L'héritage culturel francophone peut-il s'enrichir en Amérique du Nord si la créativité est d'inspiration pancanadienne? Pour Ottawa, il n'y a pas de culture québécoise. Ottawa veut la rendre «Canadian». Nous sommes la seule communauté majoritaire francophone en Amérique du Nord.

Cette compétence exclusive nous permettrait de récupérer définitivement les importants pouvoirs législatifs en matière de radiodiffusion, comme le disait ma collègue de Rimouski, et des droits d'auteur qu'Ottawa détient exclusivement. De plus, cette compétence exclusive véritable permettrait de mettre fin au pouvoir fédéral de dépenser par lequel Ottawa établit ses propres priorités sans respecter celles des Québécois. Au lieu d'investir dans la culture, Ottawa construit pour 2 000 000 000 $ de chars d'assaut en Ontario.

N'est-ce pas la vice-présidente du Non, actuelle députée de Marguerite-Bourgeoys, qui disait, il y a quelques années, et je la cite de nouveau, que «le Québec s'est toujours élevé contre un affaiblissement de ses pouvoirs en matière de culture. Le Québec doit avoir, disait-elle, la maîtrise des pouvoirs et des fonds afférents pour tout ce qui touche la culture et le développement des arts sur son territoire.» Et elle ajoutait: «Le gouvernement fédéral s'est immiscé par son pouvoir de dépenser au détriment du pouvoir provincial.» La députée de Marguerite-Bourgeoys vous demande de voter non; il est encore temps pour elle de changer d'idée.

Établissons nous-mêmes nos priorités. Supprimons les chevauchements. Assumons la pérennité de la langue française dans l'expression de notre culture. Ne l'oublions jamais, nous sommes, nous, francophones, 40 fois minoritaires en Amérique du Nord. La seule véritable garantie, c'est la souveraineté. Depuis 30 ans, Ottawa nous dit constamment non! À l'exemple des femmes et des hommes de Sainte-Marie–Saint-Jacques, si, ensemble, nous tous, Québécois, nous nous disions oui à nous-mêmes? Merci, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M. le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques. Je demanderais aux parlementaires de bien vouloir reprendre leur place. À l'ordre, s'il vous plaît! Je demanderais aux parlementaires de bien vouloir reprendre leur place.

Je suis maintenant prêt à céder la parole à une prochaine intervenante et je vais céder la parole à Mme la députée de Sherbrooke. À vous la parole, Mme la députée.


Mme Marie Malavoy

Mme Malavoy: M. le Président, c'est avec beaucoup de fierté qu'en tant que députée de Sherbrooke je prends la parole aujourd'hui en cette Chambre pour défendre à mon tour le projet de loi sur la souveraineté du Québec. Du plus loin que je me souvienne, rien dans ma vie publique ne me tient plus à coeur, rien ne m'inspire plus que ce défi magistral et pourtant si simple de l'avènement d'un pays. Je suis heureuse de me trouver enfin à ce moment décisif de notre histoire, avec la conscience d'y tenir un modeste rôle, mais combien emballant.

C'est avec ce désir au coeur que je suis entrée en politique, c'est avec ce rêve que j'y ai fait mes premières armes. Je suis convaincue que le temps est venu de partager ce rêve avec toute la collectivité québécoise pour qu'il se matérialise sous nos yeux et par le travail de nos mains. Car ce pays, il ne s'agit pas seulement de le dire, mais bien de le construire, à l'image du peuple que nous sommes depuis les origines de notre existence. À l'image aussi de ce que nous voulons devenir pour la suite de notre histoire.

Nous avons mis quelques siècles à nous forger le caractère. Les générations qui nous ont précédés ont fait la terre dont nous vivons, ont transformé la nature en ressources, ont bâti des cités pour concentrer notre main-d'oeuvre, ont tissé des liens avec le reste du monde. En soi, cela ressemble à ce que d'autres ont vécu en terre d'Amérique. Et, s'il n'y avait que cela, nous n'aurions peut-être pas besoin de nous distinguer.

Ce qui rend notre aventure unique, c'est d'avoir été dès le début et d'être demeuré, contre vents et marées, un peuple majoritairement francophone. Il a fallu pour cela une grande détermination de la part des hommes et des femmes qui ont peuplé ce coin de terre, et ont maintenu vivante notre culture, souvent avec des moyens simples, ceux de la tradition orale et des enseignements que l'on se transmet de père en fils, de mère en fille. Je pense à ma belle-mère qui a eu 17 enfants et qui connaissait tout le répertoire des vieilles chansons françaises. C'est grâce à des personnes comme elle que nous avons continué de parler, chanter, rire et rêver en français. Je tiens aujourd'hui à leur rendre hommage.

Depuis toujours, donc, nous avons, en terre québécoise, un visage francophone. Mais il n'est pas suffisant de nous le répéter à nous-mêmes. Qu'il s'agisse d'un individu ou d'un peuple, la véritable identité passe par le regard des autres. Or, les autres justement ressentent face à nous une certaine ambiguïté. Beaucoup d'étrangers nous croient francophones de façon un peu folklorique. Ils sont étonnés d'apprendre que la majorité des gens de chez nous ne parle pas d'autres langues.

(12 h 10)

On ne peut, toutefois, leur en tenir rigueur parce qu'ils nous renvoient simplement l'image qu'ils ont captée du Canada, ce pays qui nous abrite maladroitement et refuse de reconnaître notre spécificité. Car il ne sera jamais vrai de dire que nous sommes une province comme les autres, un quelconque dixième d'un grand ensemble. Tous les premiers ministres du Québec qui se sont tenus debout ont revendiqué le droit de légiférer de façon autonome dans les domaines nécessaires à notre survivance.

Malheureusement, les derniers épisodes de nos rapports avec le Canada ont consacré notre incompréhension mutuelle. Et, petit à petit, avec des glissements de sens subtils, on nous dépossède même de ce qui, à l'origine, définissait notre pays d'adoption: le bilinguisme et le biculturalisme. Personnellement, je n'y ai jamais beaucoup cru, mais je reconnais qu'il y avait dans ces concepts une forme de respect de notre identité. Nous sommes bien loin de tout cela maintenant. Sous le prétexte d'un soi-disant modernisme, voici qu'on nous abreuve maintenant du multiculturalisme. Cela, pour nous, est totalement vide de sens. Nous ne sommes pas de nouveaux arrivants en terre d'Amérique; nous sommes parmi les peuples fondateurs et nous revendiquons, à ce titre, et cela, depuis toujours, une place à part.

De même que nous ne sommes pas une province parmi 10 autres, nous ne serons jamais non plus une culture parmi des dizaines d'autres. Nous reléguer à cela, c'est vouloir, petit à petit, nous absorber dans un grand ensemble anglophone qui aura, tout au plus, la générosité de nous laisser conserver des bribes de notre culture. Nous n'avons pas fait tout ce chemin pour devenir des vestiges de la francophonie en Amérique du Nord. Nous nous devons plus à nous-mêmes, comme à nos parents et à nos enfants.

Le temps est venu pour nous de rompre avec la dépendance, de sortir de l'impasse continuelle des permissions à demander, de cesser d'espérer, en provenance d'ailleurs, l'augmentation de nos pouvoirs. Il y va du respect de notre identité. C'est là le coeur du projet de souveraineté du Québec, reconnaître, une fois pour toutes, que nous avons les caractéristiques d'un pays, que nous habitons un espace précis, que nous avons une langue commune, que nous partageons une culture originale, que nous savons nous gouverner et traiter avec le reste du monde.

Le projet de loi qui est soumis à cette Assemblée n'invente rien. Il n'est pas le résultat d'un rêve sorti de l'imagination de quelques penseurs idéalistes, mais bien l'affirmation de ce que nous sommes déjà. Notre pays est à portée de main et, si nous en sommes à la cueillette, c'est que le fruit, durant des siècles, a mûri, un fruit qui porte en lui la semence d'un nouvel arbre, fier d'occuper son propre espace.

M. le Président, je crois fermement que cette démarche est irréversible. On ne revient pas en arrière sur le chemin de l'autonomie d'un peuple. L'histoire du Québec a franchi bien des caps, a fait bien des détours, a tenté bien des accommodements, mais elle est arrivée à un point de non-retour. Nous savons maintenant que le Canada nous aime, puisqu'il le prétend, comme nous sommes et qu'il ne fera pas de nouvelle tentative de rapprochement.

Si, comme ce fut le cas pendant la plus grande partie de l'histoire de l'humanité, le monde se développait à un rythme lent, l'urgence de notre choix serait peut-être moins grande. Mais nous avons acquis la certitude que le monde se transforme très vite sous nos yeux et que le moindre faux pas peut nous mettre, à tout jamais, en dehors du circuit. S'il est un domaine dans lequel cela est évident, parce qu'il est particulièrement fragile, c'est bien celui de la culture.

Il suffit d'un exemple pour illustrer l'ampleur de cet enjeu, celui de l'autoroute de l'information dont on a même peine à suivre l'évolution du nom, depuis l'autoroute électronique jusqu'à l'inforoute. Comme devant d'autres révolutions technologiques, nous sommes un peu en état de choc face aux conséquences qui sont anticipées. Pour le meilleur ou pour le pire, voici qu'un immense réseau pourra relier les individus les uns aux autres et au monde entier, mais quelle en sera la langue commune? Quelles valeurs et quels modèles y circuleront? Comment les différentes cultures y prendront-elles leur place? Quelle sera la marge de manoeuvre des États? Ces questions sont vitales pour nous, comme pour les peuples de la terre.

Mais ce qui est grave dans notre cas, c'est que nous dépendons d'une autre culture pour y faire face, puisqu'il est maintenant établi que le Québec n'a plus le pouvoir de légiférer en matière de radiodiffusion et de télécommunications. C'est pour cela que le temps presse. Nous avons besoin d'avoir dès maintenant les coudées franches pour promouvoir notre culture et notre langue francophones, d'autant plus que notre position est fragile en Amérique du Nord.

Nous sommes bien loin du temps où il suffisait à la tradition orale de transmettre d'une génération à l'autre les bases de notre identité collective. Si nous ne voulons pas risquer de perdre cet héritage, nous n'avons pas d'autre choix que de nous gouverner par nous-mêmes. Le seul risque à prendre cette fois-ci, c'est celui de la souveraineté. Tout autre choix serait, même à court terme, dangereux pour la suite de notre histoire.

M. le Président, nous sommes et nous voulons demeurer l'un des peuples francophones du monde. À l'instar de chacun d'entre eux, nous sommes influencés par un espace géographique et une histoire qui nous sont propres. Mais nous partageons aussi avec eux une langue commune qui nous donne accès directement les uns aux autres, qui nous rassemble au-delà de nos différences, plus que tout autre véhicule politique ou économique.

Or, cette langue a continuellement besoin de surveillance dans l'espace international. Je reviens de la quatrième conférence des Nations unies sur la condition des femmes dans le monde et je puis vous assurer qu'il a fallu se battre pour que les grandes décisions se prennent, entre autres, sur la base de textes en français. Et je puis vous assurer aussi que le Canada, malgré sa politique officielle de bilinguisme, n'est pas le pays le plus sensible à ces questions.

Tout le temps où j'ai été là au milieu de tous les pays du monde, j'ai rêvé que, la prochaine fois, nous y aurions notre place à nous. J'ai côtoyé de tout petits États en termes de superficie et de population qui avaient droit à leur plaque d'identification, à leur siège, à leur vote. Je me disais qu'il n'y avait aucune raison pour que nous soyons condamnés à vivre par pays interposé.

Des voix: Bravo!

Mme Malavoy: Je pense que nous sommes arrivés à la pleine maturité de nos ressources et je pense aussi que les autres sont prêts à nous reconnaître comme tels. Mais ils attendent, avec raison, que nous en fassions la preuve. Ils attendent le signal qui fera enfin de nous des partenaires à part entière. Je sais que nous en avons les capacités. Je souhaite que nous en ayons maintenant la volonté.

M. le Président, nous avons devant nous un projet de loi décisif pour notre avenir collectif. Il contient tous nos espoirs comme peuple francophone d'Amérique du Nord. Il marquera le tournant de notre histoire en nous donnant une place à la table des nations du monde. Il nous permettra enfin de bâtir dans cet espace la société qui nous convient. Je souhaite de toutes mes forces et de toute mon âme que le peuple du Québec partage mon espérance.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Bélanger): Je vous remercie, Mme la députée de Sherbrooke. Je demande aux parlementaires de bien vouloir reprendre leur place. À l'ordre, s'il vous plaît!

Je suis maintenant prêt à céder la parole à un autre intervenant et je vais céder la parole à M. le député de Salaberry-Soulanges. À vous la parole, M. le député.


M. Serge Deslières

M. Deslières: Merci, M. le Président. Laissez-moi d'abord vous exprimer ma fierté et ma grande satisfaction de prendre la parole à l'Assemblée nationale, en tant que député de Salaberry-Soulanges, sur le projet de loi 1 sur l'avenir du Québec. La question qui nous est posée consiste donc à savoir si, enfin, nous voulons être des gagnants dans un pays souverain ou éternellement les perdants dans un ensemble fédéral. Avez-vous déjà vu, M. le Président, une équipe de hockey accepter de jouer toutes ses parties à un contre cinq? Pourtant, depuis 128 ans, nous discutons à un contre 10, soit un gouvernement face à 10 gouvernements. Dans de telles règles, comment se surprendre que nous perdions presque tout le temps?

(12 h 20)

Ce que nous recherchons avant tout par cette question et, bien sûr, par une réponse du Oui, c'est d'établir le principe d'égalité entre les deux peuples fondateurs. Toute cette analogie, M. le Président, pour bien nous faire comprendre que nous adhérons depuis plus d'un siècle à un système fédéral sclérosé, inefficace, dominateur et empêtré dans un bourbier de chevauchements et de dédoublements. Comment voulez-vous, dans de telles conditions, que le Québec y retrouve son compte et puisse aspirer à son plein épanouissement?

Seulement au chapitre du fouillis administratif et du gaspillage éhonté résultant du chevauchement des programmes fédéraux et provinciaux, mentionnons qu'au total 119 ministères, sociétés d'État et organismes fédéraux gérant un budget global de 96 000 000 000 $ ont été associés à plus de 453 programmes distincts du gouvernement fédéral. Et 40 % de ces programmes, représentant des dépenses de 40 000 000 000 $, se superposent directement à des interventions provinciales analogues. En somme, le chevauchement, M. le Président, constitue la norme plutôt que l'exception. L'élimination de ce phénomène engendrerait, selon la commission Bélanger-Campeau, des économies de plusieurs milliards de dollars. Uniquement dans le domaine de la formation professionnelle, le dédoublement coûte 250 000 000 $ par année aux contribuables québécois.

Nous sommes ici au coeur même du fédéralisme dysfonctionnel et paralysant, une paralysie que l'on a réalisée au fil des ans. Que dire, de plus, des iniquités du fédéral à l'endroit du Québec? Des statistiques officielles provenant d'Ottawa démontrent clairement que, dans bon nombre de secteurs, le Québec reçoit beaucoup moins que sa juste part. On peut citer les achats fédéraux de biens et services, les investissements fédéraux, l'agriculture, la recherche et le développement – mes collègues en ont amplement parlé – le développement régional, la défense. Et mon collègue, avant moi, ici, en a fait mention: Le dernier contrat accordé par le gouvernement fédéral au niveau de l'armée, 2 000 000 000 $, il est où? À London, en Ontario. On a récupéré 300 000 000 $, 15 % seulement. Encore là, M. le Président, le Québec n'est pas traité à sa juste part.

Et dire que, depuis plusieurs années, les Québécois et les Québécoises ont lutté pour réussir à survivre dans ce véritable carcan du fédéralisme qui n'a, cependant, jamais cédé, malgré la multiplicité des conférences constitutionnelles. Pour tenter de rafistoler le vieux régime, ils se sont étendus sur 30 ans de négociations infructueuses, 30 ans de discussions pour que le Québec se fasse constamment refuser, de Victoria à Charlottetown, en passant par le lac Meech, son simple droit à la différence, M. le Président.

Rappelons-nous: il faut ramener chez nous «notre butin», disait Maurice Duplessis. Il faut une entente d'égal à égal entre le Québec et le Canada. Ce n'est pas M. René Lévesque qui a dit ça le premier; c'est M. Adélard Godbout. Soyons «maîtres chez nous», formulait Jean Lesage. «Égalité ou indépendance», écrivait Daniel Johnson père. Que dire enfin des commentaires de la commission Laurendeau-Dunton, tenue il y a de ça 32 ans? Ils gardent encore toute leur pertinence. Les Canadiens de langue anglaise, en général, doivent venir à reconnaître l'existence au Canada d'une société francophone vigoureuse. Il faut donc qu'ils acceptent comme nécessaire à la survivance du Canada une association réelle, comme il ne peut en exister qu'entre partenaires égaux. Ils doivent être prêts à discuter franchement et sans préjugé des conséquences pratiques d'une telle association.

Comment comprendre que, depuis tout ce temps, nos interlocuteurs fédéraux n'ont encore rien compris et qu'ils persistent à nous subjuguer et refusent de nous traiter comme des partenaires égaux? Depuis ses toutes premières revendications, le Québec réclame simplement d'être reconnu comme peuple et de se voir attribuer les moyens et les outils nécessaires à son développement. Quoi de plus naturel, quoi de plus légitime, quoi de plus normal!

Nous nous sommes, malheureusement, laissé berner par l'illusion que le régime fédéral reposait sur le principe de l'égalité entre les deux peuples fondateurs. Le contraire s'est toutefois révélé à nous, avec grand fracas. L'histoire du Québec dans le Canada n'aura été que l'histoire d'une minorité essuyant systématiquement des échecs et des batailles perdues. Il n'y a qu'une façon de se sortir de ce cercle vicieux, c'est de se doter de la plénitude des pouvoirs et des responsabilités en devenant un pays souverain. Le temps est venu qu'on nous traite d'égal à égal via un partenariat fondé sur le respect mutuel et l'égalité des peuples, M. le Président. Le Québec ne pourra prétendre bénéficier de ce nouvel équilibre qu'une fois qu'il aura récupéré le pouvoir exclusif de voter et d'administrer toutes ses lois, et d'être le seul gouvernement à le faire au Québec; deuxièmement, de percevoir et de contrôler tous ses impôts – ça représente une somme de 30 000 000 000 $ – et, bien sûr, de pouvoir conclure tous les traités avec les autres pays, y compris le pays du Canada.

Si le Québec a tout de même pu atteindre le niveau de développement et d'émancipation sociale et économique dont il peut aujourd'hui se targuer, et ce, en dépit de la rigidité et de la camisole de force que le régime fédéral lui a imposées tout au long de ces années, qu'en serait-il du Québec, aujourd'hui, s'il avait eu les pleins pouvoirs d'un peuple souverain? Dans un contexte de pays autonome et indépendant, le potentiel de développement du Québec est énorme, et ce, tant au chapitre de la situation géographique que de ses ressources naturelles et de son savoir-faire. Nos ressources humaines sont compétentes et inventives, nos ressources naturelles sont parmi les plus riches et diversifiées au monde, et notre économie est l'une des plus fortes en Occident. Les pays qui ont l'avenir économique pour eux sont ceux qui ont une population jeune et instruite, ceux qui ont des richesses naturelles et ceux qui se spécialisent dans des échanges commerciaux.

Le Québec, c'est ça et plus encore, car il faut ici bien comprendre que le Québec a définitivement sa place dans le concert des nations. Il figurait, en effet, dans le peloton de tête des pays les plus riches. Mentionnons que le Québec a enregistré un surplus de 5 000 000 000 $ de son commerce extérieur, en 1994. En dépit de cette situation qui nous est favorable, M. le Président, le Québec est, en effet, le seul pays de plus de 7 000 000 de personnes en Occident à ne pas avoir atteint le statut de souveraineté politique, alors que 95 % de la population occidentale vit dans des États-nations.

D'autre part, si on analyse notre démarche dans un contexte mondial, cette aspiration à la souveraineté du Québec va dans le sens de l'histoire avec un grand «h». En effet, 205 pays sur les 253 du monde entier sont indépendants, dont 144 depuis la dernière guerre. La Norvège, pays comparable au Québec, est un bel exemple de réussite et de prospérité à cet égard. De nombreux autres pays européens de configuration semblable à la nôtre offrent également à leurs citoyens un niveau de vie supérieur à la plupart des grandes puissances. Pensons à l'Autriche, au Danemark, à la Suisse et à la Suède.

Alors, il y a 253 pays ou entités sur le globe; 238 de ces pays sont moins riches que le Québec, 234 sont plus petits et 164 sont moins populeux. À l'exemple d'ici, quand on nous dit: Le petit pays du Québec, il faudrait peut-être que des gens revoient un petit peu leur... Oui, je la montre. Oui, je la montre, c'est important. Alors, l'Angleterre, la France et le Québec. Petit pays, le Québec? On repassera.

Je termine. Oui, en somme, M. le Président, le temps d'être minoritaire et locataire est révolu. Le temps est venu d'être majoritaire et propriétaire chez nous, dans notre Québec, un Québec souverain, M. le Président.

Des voix: Bravo!

M. Deslières: Nous ne voulons plus être une simple province contre les autres, nous ne voulons plus être une province comme les autres, nous ne voulons plus être une province parmi les autres; nous voulons être un pays, un pays qui s'appellera le Québec, M. le Président! Aux tenants du Non, M. le Président, je rappellerai que le peuple québécois possède tous les attributs d'une nation, à commencer par une langue et une culture spécifiques, un territoire qui lui est propre, un état de droit national qui a été conçu au fil des années et une histoire collective de près de 500 ans, M. le Président.

(12 h 30)

Je vois que vous me faites signe. Le temps file. M. le Président, en terminant, je tiens à dire que c'est pour moi un grand honneur de pouvoir représenter depuis un an déjà à l'Assemblée nationale les gens de mon comté, de Salaberry-Soulanges, qui couvre la belle région du suroît, formé de gens courageux, audacieux et généreux qui ont bâti la région au prix d'un dur labeur. C'est à leur fierté que je fais aujourd'hui appel pour que nous puissions enfin nous doter d'un avenir qui nous appartient et qui réponde à nos aspirations pleines et entières. M. le Président, le 30 octobre, je voterai oui au changement, oui à l'avenir, oui à un pays souverain, oui à mon pays, le Québec. Merci, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M. le député de Salaberry-Soulanges. Je suis maintenant prêt à céder la parole à un autre intervenant. Je vais céder la parole à M. le député de Vimont et délégué régional de la région de Laval. À vous la parole, M. le député.


M. David Cliche

M. Cliche: Merci, M. le Président. Et c'est également à titre d'adjoint parlementaire du premier ministre pour les Affaires autochtones et responsable de ce dossier au gouvernement du Québec que je prendrai la parole.

Comme vous le savez, le Québec est à l'avant-garde quant à l'établissement des relations modernes basées sur l'égalité et le respect mutuel avec les nations autochtones habitant notre territoire. Ces 11 nations autochtones du Québec qui totalisent environ 60 000 citoyens peuvent également être désignées comme peuples indigènes ou peuples aborigènes du Québec.

La Convention de la Baie James et du Nord québécois et la Convention du Nord-Est québécois, respectivement signées en 1975 et 1978, ont été les premiers traités modernes, signés au Canada, à assurer l'autonomie gouvernementale à des nations autochtones, soit les Cris, les Naskapis et les Inuit du Nunavik.

Le 20 mars 1985, par une résolution, l'Assemblée nationale du Québec était la première Législature au Canada à reconnaître l'autonomie des nations autochtones habitant son territoire et à s'engager à déterminer par la voie des négociations l'exercice de cette autonomie. Tel que le concluait récemment la Commission royale sur les peuples autochtones, et je cite, «sur la question de l'autonomie gouvernementale, le gouvernement du Québec est, de tous les gouvernements provinciaux, celui qui a le plus favorisé le désir des peuples autochtones d'exercer un contrôle accru sur leur vie et sur les affaires de leur communauté». Fin de la citation.

Nous croyons que notre projet de souveraineté-partenariat doit permettre aux nations autochtones du Québec de continuer à se développer politiquement, socialement et économiquement. Les négociations concernant l'autonomie des nations autochtones, qui n'ont pas été une priorité pour le gouvernement libéral qui a été au pouvoir, comme vous le savez, de 1985 à 1994, ont été relancées par notre gouvernement. Dans sa première déclaration publique après l'élection de septembre 1994, le premier ministre, M. Jacques Parizeau, déclarait notamment, et je le cite: «Le Québec compte accorder aux autochtones une large mesure d'autonomie gouvernementale. Nous nous engageons à cet effet à permettre aux autochtones québécois d'être aussi, sinon plus responsables de leur propre développement que tout autre groupe autochtone en Amérique du Nord.» Fin de la citation.

Notre politique gouvernementale en matière autochtone est articulée autour de deux concepts fondamentaux: autonomie et partenariat. Autonomie pour les nations autochtones qui ont le droit à des administrations ou gouvernements locaux responsables et financièrement de plus en plus autonomes, grâce à la participation grandissante des autochtones au paiement des services qu'ils reçoivent. Partenariat entre les nations autochtones et les Québécois dans le développement économique et social du Québec. Partenariat entre les gouvernements locaux autochtones et le gouvernement du Québec dans une série de domaines d'intérêts communs, notamment dans le cadre de toutes ces ententes qui visent à convenir mutuellement de l'exercice de l'autonomie gouvernementale des autochtones à l'intérieur du Québec. Et ces ententes se multiplient depuis quelques mois, les trois dernières portant sur le transfert des programmes de formation professionnelle Administration régionale Kativik, une entente-cadre pour l'autonomie gouvernementale des Hurons et la reconnaissance du corps de police des Mohawks de Kahnawake.

Nous n'avons pas l'intention de modifier le rythme des modifications et de la signature d'ententes quel que soit le résultat du référendum sur la souveraineté du Québec.

La souveraineté, telle que nous la concevons, est tout le contraire du repli sur soi. La souveraineté du Québec, c'est le prolongement de notre ouverture au monde et aux aspirations des communautés autochtones qui habitent notre territoire. Ces nations autochtones aspirent à protéger leurs droits dans un Québec souverain et elles aspirent à l'autonomie leur permettant de se développer politiquement, économiquement et socialement.

Depuis 1990, le Parti québécois prépare activement l'accession du Québec à la souveraineté, et ce, même lorsqu'il formait l'opposition officielle à l'Assemblée nationale jusqu'en septembre 1994. Ainsi, je peux affirmer avec assurance que toutes les mesures ont été prises et continueront d'être prises pour associer les nations autochtones à l'élaboration de notre projet de société, projet qui ne doit pas porter préjudice à leurs droits mais plutôt leur permettre, à l'instar des autres Québécois, de se développer et de mieux contrôler leur avenir politique.

L'avant-projet de loi sur la souveraineté du Québec, déposé à l'Assemblée nationale en 1994, prévoyait une protection pour les autochtones dans un Québec souverain. Cet avant-projet de loi a fait l'objet d'une vaste consultation à la grandeur du Québec au début de 1995. Bien que les chefs des nations autochtones aient décidé de ne pas participer officiellement à cette consultation, on dénombre plus de 300 interventions pour la question autochtone provenant d'autochtones et de Québécois. De plus, plusieurs commentaires m'ont été faits par les leaders autochtones. C'est ainsi que le projet de loi 1 sur l'avenir du Québec a été bonifié; ses dispositions concernant les autochtones visent, entre autres, la protection de leurs droits constitutionnels existants.

Voyons ce que dit l'article 8 du projet de loi 1. Citation:

«8. La nouvelle constitution affirmera la primauté de la règle de droit et comportera une charte des droits et des libertés de la personne. Elle affirmera également que les citoyens ont des responsabilités les uns envers les autres.

«La nouvelle constitution garantira à la communauté anglophone la préservation de son identité et de ses institutions. Elle reconnaîtra également aux nations autochtones le droit de se gouverner sur des terres leur appartenant en propre et de participer au développement du Québec; en outre, les droits constitutionnels existants des nations autochtones y seront reconnus. Cette garantie et cette reconnaissance devront s'exercer dans le respect de l'intégrité du territoire québécois.

«Des représentants de la communauté anglophone et de chacune des nations autochtones doivent être invités par la commission constituante à participer à ses travaux pour ce qui est de la définition de leurs droits. Ceux-ci ne pourront être modifiés que suivant des modalités particulières.» Fin de la citation de l'article 8 du projet de loi.

D'autres articles du projet de loi concernent la protection des droits des autochtones et des obligations gouvernementales à leur égard. Ainsi, l'article 21 stipule que les ententes ou contrats conclus par le Canada seront maintenus en substituant le gouvernement du Québec à la partie canadienne. Ainsi, le Québec assumera toutes les obligations canadiennes dans les ententes ou contrats existants entre le Canada et les nations autochtones du Québec, telle la Convention de la Baie James et du Nord québécois. Les obligations canadiennes plus spécifiques en matière de logement, d'éducation ou d'aide sociale seront assumées par le Québec. Comment le Québec financera-t-il ces services? Tout simplement en récupérant les impôts et les taxes actuellement prélevés par le Canada au Québec et qui s'élèvent à quelque 28 000 000 000 $. Le Québec aura les moyens de remplacer le Canada auprès des autochtones.

De plus, l'article 24 du projet de loi prévoit que la constitution transitoire, qui sera en vigueur de la date d'accession à la souveraineté jusqu'à l'adoption de la nouvelle constitution, devra assurer la continuité des droits constitutionnels des nations autochtones, notamment ceux garantis par l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 du Canada.

Nos intentions sont donc précises. Le Québec succédera au Canada pour toutes les obligations envers les nations autochtones. Il reconduira, en les bonifiant, les garanties constitutionnelles dont elles disposent et il poursuivra ses efforts pour définir, par traité, l'autonomie gouvernementale de chacune.

D'autres aspects du projet de loi sur l'avenir du Québec méritent l'attention des nations autochtones du Québec. Les Québécois sont des libre-échangistes. N'eût été de notre appui déterminant en 1988, il n'y aurait peut-être pas de libre-échange en Amérique du Nord. Le traité de partenariat avec le Canada vise à maintenir et, dans certains cas, à renforcer la libre circulation des marchandises, des services, des capitaux et des personnes entre le Québec et le Canada.

Les nations autochtones du Québec tiennent à maintenir des contacts, notamment des liens politiques et culturels avec les membres de leur nation vivant à l'extérieur du Québec. Nous pensons ici, entre autres, aux Cris, aux Inuit et aux Micmacs. Le traité de partenariat leur permettra de le faire.

(12 h 40)

Plusieurs de ces nations ont également des entreprises faisant des affaires au Canada. Comme les autres Québécois, les entrepreneurs autochtones sont des libre-échangistes. Nous nous engageons, au lendemain du référendum gagnant, à offrir formellement un traité de partenariat avec le Canada afin de maintenir et d'améliorer l'espace économique existant. Le Canada a intérêt à signer un tel traité, ses intérêts économiques en dépendent. De plus, les marchés financiers feront rapidement pression sur le Canada pour qu'il s'entende avec nous sur le partage et le remboursement de la dette canadienne.

Le projet de loi 1 ne sera pas adopté avant le référendum. Il le sera une fois le référendum gagné, dans le cadre d'un débat en commission parlementaire et à l'Assemblée nationale. Nous souhaitons, et ceci est une invitation, recevoir des nations autochtones des commentaires concernant cet avant-projet de loi ou toute suggestion qu'elles jugeraient appropriées pour le bonifier avant son adoption.

Le Québec deviendra souverain suite à une déclaration de souveraineté de l'Assemblée nationale. Lorsqu'ils nous reconnaîtront, le Canada et les autres États seront en mesure de constater qu'un Québec souverain reconnaît pleinement l'existence et les droits des communautés autochtones du Québec. Ces même États auront pu, également, constater que les nations autochtones du Québec ont été appelées à participer à toutes les étapes du processus d'accession à la souveraineté du Québec afin de promouvoir elles-mêmes leurs droits et leurs intérêts. La souveraineté du Québec doit permettre aux nations autochtones de se prendre en main et de se donner les institutions nécessaires à leur propre développement.

Je suis souverainiste parce que je suis convaincu qu'un Québec souverain sera plus prospère et que le Québec que je laisserai à mes enfants sera plus propice à leur épanouissement. J'ai confiance en mes moyens et en ceux de mes concitoyens. La souveraineté du Québec donne aux nations autochtones du Québec une occasion unique de redéfinir elles-mêmes leur place dans notre société moderne. Nous, Québécois, leur tendons la main, et nous comptons définir avec elles une alliance nouvelle, basée sur le respect de nous-mêmes, le respect mutuel et la confiance. Le brillant avenir que je vois pour le Québec, je le vois aussi pour les nations autochtones du Québec. Et les autochtones savent, comme moi, que tout ce que nous faisons, nous le faisons pour le bénéfice de nos enfants. Merci.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M. le député de Vimont. Alors, je demanderais aux parlementaires de bien vouloir reprendre leur place. Je suis maintenant prêt à céder la parole à un autre intervenant. Je vais céder la parole à M. le député de Louis-Hébert, ministre de la Justice et ministre responsable de l'application des lois professionnelles. À vous la parole, M. le ministre.


M. Paul Bégin

M. Bégin: M. le Président, chers collègues. Le Québec se trouve aujourd'hui à la croisée des chemins. Nous vivons un moment crucial de notre histoire. Nous devrons bientôt choisir la meilleure voie pour assurer le développement économique, le développement social et le développement culturel du Québec. À l'occasion du référendum qui vient, nous ferons un choix déterminant pour notre avenir. Après des décennies de revendications constitutionnelles formulées par tous les gouvernements du Québec, les résultats sont désastreux. Beaucoup de discussions n'ont mené à rien. Inefficacité, incohérence, stagnation. En se prêtant de bonne foi aux discussions constitutionnelles, le Québec s'est toujours buté à l'incompréhension et au refus.

La situation est maintenant claire. Il est inutile d'attendre davantage de flexibilité dans le cadre du régime canadien. Les événements de 1982 ont creusé davantage le fossé entre le Québec et le reste du Canada. Rappelons que, lors de cet épisode peu glorieux de l'histoire du Canada, le gouvernement fédéral et les autres provinces ont isolé le Québec et ont modifié la Constitution sans son accord. L'Assemblée nationale fut alors dépouillée de pouvoirs importants contre son gré. Où est-il, le référendum fédéral qui aurait demandé l'accord des Québécois sur cette modification unilatérale de la Constitution canadienne?

Inefficace et contreproductif, le fédéralisme canadien est dépassé, anachronique, d'un autre siècle. Les exemples de cette inefficacité sont nombreux. Les disputes incessantes dans le dossier de la main-d'oeuvre, du développement de la main-d'oeuvre, et la multitude de programmes dans le domaine de la sécurité du revenu illustrent bien à eux seuls cet état de fait. Il appartient aux Québécois et aux Québécoises de tirer les conclusions qui s'imposent.

Les tenants du non leurrent la population en prétendant naïvement que le fédéralisme évolue. Dédoublement de compétences, empiètement continuel du gouvernement central dans les juridictions exclusives sont devenus la marque de commerce du fédéralisme canadien, un système qui coûte très cher au Québec.

Nous pouvons et nous devons mettre un terme à ce gaspillage. Pour détenir tous les leviers indispensables à l'essor du développement du Québec moderne, il faut incontestablement plus que des changements constitutionnels. La Constitution canadienne est devenue un carcan qui paralyse le Québec. Nous ne pouvons plus nous permettre d'investir nos espoirs dans son renouvellement. La voie qui ouvre les perspectives les plus prometteuses pour le Québec est, on ne peut plus en douter, la souveraineté.

En effet, les défis qui se présentent à la société québécoise nécessitent que l'on se donne tous les moyens pour les relever. Le Québec doit, sans tarder, prendre toutes les décisions qui le concernent et maîtriser tous les instruments permettant d'agir dans son meilleur intérêt.

L'affirmation de nos distinctions en tant que peuple est à la base même de notre identité. Nous réalisons tous les jours la richesse de notre langue et de notre culture et nous constatons combien différente est notre façon de concevoir ou de faire les choses, et cela est positif. Nous le savons et nous en sommes fiers. Nous apprécions les apports des autres cultures et, en tout respect à l'égard des autres, nous voulons, au Québec, exprimer ce que nous sommes dans toute notre originalité. La souveraineté nous permettra de nous réaliser tels que nous sommes. Nous définirons nos priorités sans avoir à nous débattre dans une structure qui épuise nos énergies et nos talents. Nos partenaires canadiens feront de même, et ce sera très bien comme cela.

Dans le domaine de la justice, nous avons su préserver un des traits distinctifs les plus importants façonnant l'identité québécoise, à savoir le Code civil du Québec. Tout au long de notre histoire, nous avons su consolider et enrichir cet héritage juridique. Des juristes de tous les pays consultent et apprécient la qualité de ce document unique.

Bien que nous ayons plusieurs points en commun avec nos partenaires canadiens relativement à l'organisation de notre système judiciaire, nous refusons sur bien des sujets l'uniformité canadienne. Au Québec, nous avons développé des façons de faire différentes, notamment en matière de protection de la jeunesse et de jeunes contrevenants, en matière de lutte à la violence et en matière de lutte aux conséquences sociales de la criminalité. Nous avons des conceptions différentes en matière de lutte à la drogue et en cas de traitement non judiciaire d'infractions mineures.

Pourquoi devons-nous nous astreindre au respect des normes canadiennes quand nous savons que les normes québécoises sont plus adéquates? Pensons-y! Nous avons tout à gagner à établir nous-mêmes les lois, les règlements, les programmes et les autres normes qui doivent nous régir.

Nous sommes très fiers quand nous observons des athlètes québécois décrocher des médailles aux Jeux olympiques. Nous admirons leur ténacité, leur courage, leur acharnement au travail et leur volonté de dépassement. Tout comme pour les Jeux olympiques, la mondialisation des échanges et des marchés ainsi que la rapidité des communications à l'échelle internationale nous mettent tous les jours en compétition avec les autres pays.

À l'échelle mondiale, notre culture, le savoir-faire de nos ressources humaines et la détermination de nos entreprises permettront de nous hisser dans le peloton des pays qui atteignent l'excellence. Les Québécois ont la volonté de réussir dans tous les domaines. Donnons-leur les moyens de se réaliser. Le projet de souveraineté, assorti d'un partenariat économique et politique, vise cet objectif. Nous devons avoir confiance en notre capacité, en nos talents.

Le camp du Non nous invite à adopter une attitude de timorés, de peureux. Il y a une contradiction profonde chez certains gens d'affaires qui se prononcent également pour le non. Seraient-ils là où ils sont aujourd'hui s'ils n'avaient pas eu une confiance profonde en leur capacité, s'ils n'avaient pas osé? Pourquoi nous invitent-ils, aujourd'hui, à n'être que le gérant de la succursale au lieu d'être le patron de l'entreprise?

Des voix: Bravo!

M. Bégin: M. le Président, le camp du changement propose aux Québécois un projet de société à l'occasion du référendum. Le Oui ouvre les perspectives d'avenir, l'accès à des outils de développement pour toutes les régions du Québec et la possibilité d'établir nous-mêmes nos priorités. Le Oui permettra au Québec d'accéder à sa souveraineté en proposant au gouvernement du Canada la conclusion d'un traité de partenariat économique et politique. Le Non, c'est le statu quo, l'inexorable cul-de-sac. C'est d'accepter d'être une province parmi les autres, sans reconnaissance de notre histoire, et de notre langue, et de nos différences, au même rang que Terre-Neuve ou l'Île-du-Prince-Édouard.

(12 h 50)

Maintenant, M. le Président, j'aimerais dire quelques mots au sujet de la constitution du Québec souverain. Les Québécois partagent avec beaucoup d'autres peuples des idéaux et principes démocratiques. Ils placent les libertés et droits de la personne au sommet de leurs valeurs. Ils désirent vivre dans un pays où l'on pratique la tolérance, un pays ouvert sur le monde et en harmonie avec les autres peuples de la terre. Aussi, la constitution du Québec, comme le prévoit le projet de loi 1 portant sur l'avenir du Québec, sera fondée sur la primauté de la règle de droit et incorporera l'actuelle Charte des droits et libertés de la personne. Elle affirmera, également, que les citoyens ont des responsabilités les uns envers les autres. À cet égard, rappelons que le Québec est doté d'une Charte des droits et libertés depuis 1975. La Charte québécoise précède, de plusieurs années, la Charte canadienne et est plus complète que cette dernière.

Des voix: Bravo!

M. Bégin: Elle prévoit le droit au respect de la vie privée, le droit à la libre disposition de ses biens et le droit au secret professionnel. Ces droits sont inscrits dans la Charte québécoise, mais non dans la Charte canadienne. De plus, la Charte québécoise couvre non seulement les rapports entre l'État et les citoyens, mais également les rapports des citoyens entre eux. Il s'agit, là encore, d'un avantage considérable au bénéfice de ces derniers qu'on ne retrouve pas dans la Charte canadienne.

Je crois important de souligner qu'il y aura continuité des lois et des règlements adoptés par le gouvernement du Canada lorsque le Québec acquerra le statut d'État souverain. Toute disposition légale existante sera maintenue en vigueur tant et aussi longtemps qu'elle n'aura pas été démocratiquement modifiée, remplacée ou abrogée par notre Assemblée nationale. À titre d'exemple, le Code criminel canadien sera applicable tel quel tant que le Québec n'aura pas cru bon de le modifier. Également, les ententes et les contrats conclus par le gouvernement du Canada, l'une de ses agences ou l'un de ses organismes et qui sont en vigueur au moment où la souveraineté sera prononcée seront maintenus en substituant, s'il y a lieu, le gouvernement du Québec à la partie canadienne. Enfin, faut-il le préciser, les tribunaux judiciaires continueront d'exister. La Cour d'appel du Québec deviendra le tribunal de dernière instance sous réserve de l'institution d'une cour suprême par la nouvelle constitution.

En terminant, M. le Président, j'aimerais comparer la situation actuelle à la situation dans laquelle étaient placés les Québécois lors de l'élection provinciale de 1962 – cela fait un peu plus de 30 ans – une situation comparable sous plusieurs aspects à l'important choix devant lequel les Québécois de 1995 sont placés. Vous vous souviendrez qu'en 1962 les Québécois étaient placés devant un choix crucial. La nationalisation des compagnies d'électricité visait à acheter les actifs des compagnies faisant alors affaire au Québec pour un montant de 604 000 000 $ de 1962. En dollars d'aujourd'hui, il s'agissait d'une décision impliquant 3 345 000 000 $. Le Québec de cette époque était pauvre et recherchait les moyens de sortir de son sous-développement.

Il a fallu beaucoup d'audace aux Québécois de 1962 pour passer outre aux appels à l'immobilisme, au refus du changement et au maintien du statu quo. Les Québécois de 1962 ont aussi été soumis à une véritable campagne de la peur. Ils se sont fait dire, comme maintenant, qu'ils n'étaient pas capables, qu'ils n'étaient pas assez instruits et qu'ils n'étaient pas assez fortunés pour prendre en main de telles entreprises. Malgré cela, ils ont relevé le défi qu'on leur proposait, et ils ont parié sur la maîtrise de leurs ressources, sur la confiance en soi, sur notre savoir-faire, et ils ont voté oui à la volonté d'être maîtres chez eux. Et nous bénéficions tous aujourd'hui de cette courageuse et clairvoyante décision.

Ces Québécois et ces Québécoises ont maintenant 50, 60, 70 ans et plus. Les tenants du Non tentent encore de leur faire peur une seconde fois. Mais je suis convaincu que, comme en 1962, ils résisteront à ces menaces et qu'ils voteront oui le 30 octobre prochain.

Des voix: Bravo!

M. Bégin: M. le Président, avec ces courageux Québécois de 1962, tous ensemble, nous sommes invités, au prochain référendum, à faire le seul choix qui s'impose naturellement pour notre avenir. Nous devons tourner la page d'un fédéralisme archaïque et incapable de se renouveler. Procurons-nous tous les outils d'un État moderne en votant pour la souveraineté assortie d'un partenariat économique et politique.

Je convie la population à prendre connaissance du projet de loi 1 présenté par le premier ministre. Le projet proposé par le camp du changement y est décrit. En votant oui ensemble, nous pouvons changer les choses si nous le désirons. Nous avons la responsabilité de définir notre avenir en tant que peuple. Nous connaissons maintenant le choix qui s'offre à nous: le changement avec le camp du Oui; le statu quo avec le Non. Allons voter. J'ai la ferme conviction que les Québécoises et les Québécois décideront ensemble de se faire confiance. Le Oui va gagner. Nous allons nous donner un pays. Merci, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Une voix: Félicitations, Paul!

Le Vice-Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M. le ministre de la Justice. Alors, M. le leader du gouvernement.

M. Chevrette: Je propose la suspension de nos travaux jusqu'à 15 heures.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Alors, compte tenu de l'heure, nous allons suspendre les travaux jusqu'à cet après-midi, 15 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 57)

(Reprise à 15 h 1)

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Veuillez vous asseoir. À l'ordre, s'il vous plaît! Si vous voulez bien regagner vos places. L'Assemblée poursuit le débat sur la motion de M. le premier ministre portant sur l'adoption d'une question devant faire l'objet d'une consultation populaire sur la souveraineté du Québec et une offre de partenariat avec le Canada, et sur la motion d'amendement de M. le député de Châteauguay.

Je vous informe qu'il reste 1 heure 13 minutes avant la fin de ce débat, dont 20 minutes réservées pour la réplique de M. le premier ministre. Le groupe parlementaire formant le gouvernement a utilisé 18 heures 8 minutes; il lui reste donc, au total, 37 minutes, et l'opposition officielle, 15 heures 7 minutes; il reste donc 28 minutes à l'opposition officielle.

Alors, je serais prêt, maintenant, à donner la parole au prochain intervenant. M. le député de Jeanne-Mance, vous avez la parole.


M. Michel Bissonnet

M. Bissonnet: Alors, M. le Président, nous achevons notre débat sur la question. Il est important de rappeler que, tout au long de cette discussion, notre formation a soulevé le fait que la question était nébuleuse et piégée. Comme le disait le député de Saint-Laurent, lorsque le premier ministre a été interviewé par un journaliste du Los Angeles Times , il disait que, pour réaliser ses objectifs, à compter de maintenant, ce n'est que tactique et stratégie. Même le leader parlementaire du gouvernement, le député de Joliette, vantait le processus démocratique de 1980 et disait que les seuls maîtres, c'est la population du Québec – il voulait même qu'on en tire une leçon, M. le Président – alors que le processus d'aujourd'hui, c'est l'Assemblée nationale, pour ne pas dire le PQ, qui décidera de la séparation du Québec. Le leader n'a pas tiré leçon de ses affirmations. C'est la confusion.

Le premier ministre avait pourtant promis une question claire et simple. Pendant des mois, le premier ministre a lui-même suggéré la question suivante: Voulez-vous que le Québec devienne un pays souverain en date du...? Pourtant, le premier ministre a omis, délibérément, d'inclure le mot «pays» dans sa question. Et, lorsque le chef de l'opposition officielle lui a demandé, la semaine dernière, en cette Chambre, d'inclure le mot «pays», il a répondu que, si le chef de l'opposition officielle incite les gens à voter oui, il acceptera l'amendement. Pour servir ses propres intérêts, le premier ministre est prêt à changer la question, mais pas pour les citoyens. Ce n'est pas une raison suffisante.

Le gouvernement tente de faire dévier le véritable enjeu en parlant d'un partenariat qui réfère à une «patentente» – M. le député de Bourassa – purement partisane. Pas facile à dire!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bissonnet: On demande aux Québécois de voter sur quelque chose qu'on ne connaît pas. L'offre ne sera pas dévoilée, c'est ce qui apparaît, mes chers auditeurs, dans Le Soleil du 12 septembre: L'offre ne sera pas dévoilée. Et je me rappelle du député de Lac-Saint-Jean, lors de l'accord de Charlottetown. Il disait: Nous voulons les textes juridiques. Aujourd'hui, nous voulons l'offre qui sera faite au reste du Canada, avant de voter le 30 octobre, M. le Président.

Des voix: Bravo!

M. Bissonnet: Suite au grand party péquiste, au Grand Théâtre de Québec, pour le préambule, la Déclaration de souveraineté, un party qui a coûté 175 000 $ à tous les Québécois, M. le Président... Mais, par contre, la députée de Marguerite-Bourgeoys et M. le député de Bourassa, dans leur discours, ont ramené à l'ordre le gouvernement, qui tente de nous faire passer pour un peuple à genoux, un peuple opprimé, et ils ont bien exprimé ce que signifie vraiment le «Nous, peuple d'ici»: nous tous qui vivons au Québec, qui sommes fiers de notre histoire, fiers du développement du Québec, fiers d'être Québécois et Canadiens, fiers de vivre ensemble, M. le Président. Comme ajoutait le député de D'Arcy-McGee: Pour quelqu'un qui n'est pas francophone, il est pratiquement considéré comme un étranger, impliqué dans l'histoire du Québec par charité grâce aux cinq lignes sur six pages du préambule, M. le Président.

L'option proposée par le gouvernement: la séparation du Québec, la brisure du Canada. Selon le gouvernement, la séparation est une option indispensable pour le Québec, qui, selon lui, n'a pas évolué au fil des ans et n'évoluera pas dans le futur. Selon le député de Bourget, depuis 1982, le Québec est confiné à l'esclavage.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bissonnet: Et je vais citer le député de Bourget intégralement. Il a dit, la semaine dernière: «Par ce geste unilatéral – parlant du rapatriement unilatéral de la Constitution – le pacte confédératif dépossédait, humiliait le Québec, le chassait de la famille canadienne, le menottait dans un statu quo qui le confinait à l'esclavage.» On est confinés à l'esclavage depuis 1982, selon le député de Bourget.

Des voix: Ah!

M. Bissonnet: Est-ce que le député de Bourget croit que c'est de l'esclavage, ce que le premier ministre, lors de son discours inaugural en novembre 1994, et je le cite... Il disait ceci: «70 % de notre économie est contrôlée par des intérêts québécois. Nos petites caisses populaires sont devenues notre premier employeur privé. Le Québec est maintenant le berceau de très grandes entreprises, qui ont pour noms Bombardier, Quebecor, Cascades, SNC-Lavalin et dont la réputation internationale n'est plus à faire. Nos films, nos danseurs, notre théâtre, notre cirque, nos logiciels portent aujourd'hui aux quatre coins du globe le message que le Québec moderne, dynamique, est présent au monde.» Tout ça dans le système canadien, vous ferais-je remarquer, M. le Président.

En parlant d'esclavage, tel que le dit le député de Bourget, les nombreux députés péquistes qui ont participé aux différents congrès du Commonwealth, dans les autres provinces, ont-ils été bien reçus? Qu'en pensent Mme la ministre de l'Emploi, Mme la députée de Marie-Victorin, M. le député de Marguerite-D'Youville, M. le whip en chef du gouvernement? Plutôt que de parler d'esclavage, comme le député de Bourget, on doit parler d'évolution au Québec, au sein du Canada et au Canada lui-même. La preuve, c'est qu'aujourd'hui plus de 300 000 enfants anglophones à travers le Canada sont inscrits dans des classes d'immersion française, comparativement à moins de 38 000 en 1977.

Une voix: Bon!

Des voix: Bravo!

(15 h 10)

M. Bissonnet: Le fédéralisme se dirige vers une décentralisation accrue de ses pouvoirs en faveur des provinces. D'ailleurs, comme le disait l'éditorialiste de La Presse , Alain Dubuc, il est déjà clair que le processus est sérieux et que les perspectives d'un renouveau du fédéralisme sont sans doute meilleures qu'elles ne l'ont jamais été depuis deux décennies. Les provinces canadiennes concentrent leurs efforts pour atteindre un équilibre budgétaire.

Comme le disait le député de Jacques-Cartier, qu'attend le Québec pour gérer? Il est temps que le gouvernement s'occupe des vraies priorités des Québécoises et des Québécois plutôt que de nous faire croire qu'on est encarcané et qu'on ne peut rien faire. D'ailleurs, comme le rappelait le député de Marquette, M. Parizeau lui-même avait déclaré, en 1977 et 1983, qu'avant de devenir indépendant il faudrait s'occuper des finances publiques et de la dette. Or, le bilan du PQ depuis qu'il est au gouvernement est désastreux. L'option proposée, c'est de donner un chèque en blanc au gouvernement. Le PQ annonce dans sa publicité: «Oui au changement». C'est plutôt «Oui au chambardement», M. le Président.

Divorcer pour se remarier avec la même femme, c'est une affaire. Ensuite, détruire pour ensuite reconstruire... Comme le disait le député de Mont-Royal, la preuve est dans le projet de loi 1, où l'on retrouve plus souvent les mots «maintenir, maintenir, maintenir» que le mot «souverain», M. le Président. Comme le disait le député de Frontenac, les gens se bousculent à notre porte pour faire partie du Canada. Si le Québec se sépare du Canada, M. le Président, selon un expert économiste, il perdra des gains nets d'environ 2 600 000 000 $. Ces gains varient d'une année à l'autre, mais ils existent depuis 1972. Comment peut-on prétendre que le Québec est désavantagé?

M. le Président, il faut être fier, et je suis très fier d'être un Québécois, d'être un Canadien, d'être un Montréalais. Et, comme le disait le chef de l'opposition officielle lors de la fin de son intervention, la semaine dernière, et je le cite intégralement, M. le Président: «La vie d'un peuple, c'est un combat et une grande aventure. C'est un combat jamais terminé, un défi toujours renouvelé. [...] Au-delà des petites chicanes et des différences, avec la fierté de ce que nous avons bien fait, avec la conviction de tous ceux qui ont vécu et qui ont vu le monde et qui savent que nous avons une société et un pays que nous avons raison d'aimer, avec la volonté et l'espoir qu'inspire à bon nombre de Québécois la poursuite de l'aventure canadienne, nous, du Parti libéral du Québec, disons à nos concitoyens: Parce que le Québec nous tient à coeur, à la séparation, "nous avons raison de dire Non".» Et je remercie M. le chef de l'opposition officielle, au nom de tous les Québécois et de toutes les Québécoises, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Président: Je remercie le député de Jeanne-Mance. Si vous voulez bien vous asseoir, s'il vous plaît. Nous continuons donc le débat sur la motion de M. le premier ministre et les amendements de M. le député de Châteauguay. M. le leader du gouvernement.


M. Guy Chevrette

M. Chevrette: «M. le Président, aujourd'hui et pour toujours, le Québec est capable de s'assumer lui-même.» Voilà une phrase dite par le premier ministre Bourassa, le 26 juin 1990, phrase qui a donné naissance à Bélanger-Campeau, phrase qui a donné naissance à des déclarations du type: Jamais plus à 11! On est allés à 17, on est allés à 18 – ha, ha, ha! – on est allés à 19, négocier.

À écouter nos amis d'en face, ça va tellement bien, je me demande pourquoi ils ont tout fait ça. Ça va tellement bien qu'on s'épanouit à merveille. Ça va tellement bien que la formation professionnelle, c'est réalisé. Ça va tellement bien qu'on a tous nos leviers économiques. Ça va tellement bien qu'il n'y a plus aucune chicane, aucun contentieux. Ça va tellement bien qu'on a plein contrôle sur nos lois et nos impôts, sur notre culture, sur notre langue. Ça va tellement bien qu'on a une très bonne politique de développement régional. Ça va tellement bien que l'habitation, il y a eu des coupures parfaites, mais ça va bien.

Franchement, je voudrais d'abord, d'entrée de jeu, remercier mes collègues de l'Assemblée nationale, de ce côté-ci de la Chambre, qui ont véritablement, au cours de ce débat, essayé de démontrer clairement, chacun dans leur branche spécifique, les avantages de la souveraineté, la certitude que représente la souveraineté; la certitude de mettre fin à des chicanes stériles; la certitude d'avoir le plein contrôle sur nos impôts, sur notre argent; la certitude d'avoir enfin le contrôle sur la formation professionnelle, sur nos politiques de main-d'oeuvre; la certitude de voir également enfin poindre une politique de développement régional qui, couplée à une décentralisation, permettra carrément aux régions du Québec de se prendre en main; la certitude de ne pas avoir la tour de Pise penchant toujours sur le même bord, ayant amputé la loi 101 de façon dramatique; la certitude que notre culture, notre identité, nous la contrôlerons parce que nous aurons tous nos leviers législatifs, tous nos leviers économiques, toutes possibilités de signer nos propres traités.

C'est ça que nous avons voulu démontrer, M. le Président, de ce côté-ci de la Chambre.

Nous avons la certitude de ne pas être mis à ration. Quand il s'agit d'avoir des investissements payants, le Québec n'a jamais sa part, même si on assume 25 % de l'assiette. Vingt-cinq pour cent, c'est ce qu'on paye. Pourtant, quand on arrive dans l'achat de biens et de services, c'est 17 %. Quand on arrive en matière de recherche et de développement qui est créateur, générateur d'emplois, c'est 18 %. Quand on arrive dans l'habitation, c'est générateur d'emplois, c'est 19 %. On n'a jamais notre quote-part dès qu'il s'agit d'avoir des montants d'argent qui génèrent de l'activité économique, qui génèrent de l'emploi. Ça, c'est une certitude avec la souveraineté, M. le Président, et je pense que notre Oui sera retentissant à cause de ces certitudes, précisément.

Quant au Non, M. le Président, non seulement il y a de l'incertitude de continuer... Il y a une certitude, oui, avec le Non – excusez – il y a une certitude de maintenir les chicanes. Ça, ça va continuer, M. le Président. D'ailleurs, en 1997, M. Chrétien nous annonce déjà, peut-être éventuellement, qu'on parlera de constitution. Mais, M. le Président, ce que ça cache, un non, ce qui est dramatique dans un non, et personne ne l'a dit dans leur publicité, M. le Président... Parce qu'advenant un non qu'est-ce qui arrive? Faites vos jeux! Page blanche.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chevrette: Advenant un non, qu'est-ce qui va se passer en matière de formation professionnelle? Un autre 30 ans de tergiversations, un autre front commun québécois, même avec Ghislain Dufour dedans pour essayer de régler cela. Avec un non, M. le Président, en février, qu'arrivera-t-il des pensions de vieillesse quand on nous annonce qu'elles passeront à 67 ans au lieu de 65 ans? Qu'arrivera-t-il pour la perspective des jeunes, à ce moment-là? Quelle perspective d'avenir ont-ils avec des décisions du genre qu'on ne nous dit pas avant, qu'on nous dira après? Qu'arrivera-t-il, M. le Président, avec le 1 000 000 000 $ de coupures dans l'assurance-chômage? Qu'arrivera-t-il avec la réforme Axworthy? Qu'est-ce que l'on fera, au mois d'avril prochain, avec 1 000 000 000 $ additionnels de coupures dans les paiements de transfert? Qu'est-ce qui arriverait, en 1997, avec 2 400 000 000 $ dans les paiements de transfert? On va couper quoi, au Québec? C'est ça que ça signifie, un non, et c'est ce que défend avec acharnement le camp du Non.

Nous, on ne veut plus vivre ça, M. le Président. On veut contrôler nos impôts, on veut contrôler nos lois, on veut signer nos traités, puis on est capables de signer dans un très bon partenariat sur ce qui nous unit et non pas sur ce qui nous divise. C'est ça, l'approche du camp du Oui, une approche positive, M. le Président, qui met fin aux chicanes inutiles, coûteuses. Fini, les dédoublements de 3 500 000 000 $ par année! On va contrôler, M. le Président, notre argent et la manière de le dépenser.

Des voix: Bravo! Bravo!

M. Chevrette: Le statu quo, M. le Président, ça veut dire quoi? Ça veut dire le maintien du gaspillage, du dédoublement d'argent, du dédoublement épouvantable d'énergies perdues, alors que le Québec tout entier doit se mobiliser pour assurer un développement économique des citoyennes et des citoyens.

(15 h 20)

Le statu quo, c'est l'impossibilité de renouveler le fédéralisme, vous le savez. Qui mieux qu'eux autres en ont fait la preuve? Avec leurs grands frères fédéraux, ils n'ont même pas été capables de conclure une entente administrative. Je me rappelle encore du bon député de Salaberry, le député Marcil. Imaginez-vous, M. le Président, il a annoncé quatre fois qu'il avait une entente administrative avec le fédéral. Et Jean Chrétien, avec beaucoup de courtoisie, lui a dit: C'est un caprice, ça! C'est ça qu'on lui a dit, M. le Président.

Le statu quo, ça veut dire, si on vote non: Maintenant, vous allez payer, et, plus tard, on va vous annoncer encore de plus grandes coupures. C'est ça que ça veut dire, fondamentalement. Au mois de février, au mois de mai, on va nous annoncer une avalanche de coupures.

Voter non et conserver le statu quo, c'est placer le Québec exactement sur un pied d'égalité avec l'Île-du-Prince-Édouard, avec la Nouvelle-Écosse, avec Terre-Neuve. Voter non, c'est laisser entre les mains de Clyde Wells le soin de décider si on doit s'émanciper, si on doit se développer, si on doit s'assumer. C'est ça que ça veut dire, voter non, M. le Président!

Des voix: Bravo! Bravo! Bravo!

M. Chevrette: M. le Président, voter non, ça veut dire perpétuer tout ce qui se fait présentement. Perpétuer tout ce qui se fait présentement, ça veut dire qu'il faut aller demander: «Y a-tu» moyen qu'on ait une politique de main-d'oeuvre? Non! «Y a-tu» moyen qu'on ait une politique de développement culturel? Non! «Y a-tu» moyen qu'on puisse avoir notre argent en habitation – on ne reçoit que 19 % et on paie 25 %? Non! «Y a-tu» moyen qu'on puisse régler nos chicanes en ce qui regarde la langue?

Des voix: Non!

M. Chevrette: Non! «Y a-tu» moyen, M. le Président... C'est ça que ça veut dire, le statu quo. Je pourrais continuer ad vitam aeternam à questionner, mais, fondamentalement, ceux qui se font les promoteurs du Non, les défenseurs du Non, c'est parce qu'ils se complaisent dans les chicanes et ils se complaisent dans leur incapacité de faire quelque chose.

Quand on dit oui, M. le Président, c'est en toute confiance. C'est en toute confiance de nos capacités de faire puis de nos capacités d'agir. Y «a-tu» plus noble que de gérer ses affaires? Y «a-tu» quelque chose de plus noble que d'être capable de transiger d'égal à égal avec un autre? Y «a-tu» quelque chose de plus noble pour un peuple que de contrôler tous ses leviers de développement économique, social, culturel? Y «a-tu» de quoi de plus noble que ça pour un peuple, pour une nation?

Il me semble que le camp du Oui, avec l'entente de partenariat que nous ferons, et d'ailleurs qui a fait très mal... J'en profite pour en parler. Elle a fait tellement mal que – ha, ha, ha! – le camp du Non s'est agité, a consacré des énergies monstres à essayer de combattre l'offre de partenariat. Je comprends! Quand on n'est pas capable de se comporter d'égal à égal, on se comporte comme un tapis de porte. Mais, quand on a la conscience, la conviction d'être capable de traiter d'égal à égal, c'est avec fierté qu'on le fait. Et les Canadiens anglais nous respecteront, le Canada anglais nous respectera le jour où, très officiellement, le peuple du Québec aura décidé d'être traité d'égal à égal. Et c'est par un oui, ça.

Des voix: Bravo!

M. Chevrette: M. le Président, Daniel Johnson père – il ne faut pas confondre – écrivait, et je le cite... S'il est une raison pour laquelle le chef du clan du Non, ou le sous-chef du clan du Non, ou l'adjoint de Jean Chrétien, pourrait voter oui, je lui demanderais de relire son père. «Sans animosité, disait Daniel Johnson père, mais sans détour, je tiens à dire clairement que la Confédération n'est pas une fin en soi. Il en est qui veulent sauver la Confédération même au prix de l'autonomie du Québec. Moi, je suis prêt à sauver l'autonomie du Québec même au prix de la Confédération.»

Des voix: Bravo! Bravo!

M. Chevrette: C'est dans la lignée des Daniel Johnson que l'on s'inscrit dans la continuité, Daniel Johnson père; c'est dans la lignée des Jean Lesage, avec «Maîtres chez nous»; c'est dans la lignée des René Lévesque, qui nous proposait une souveraineté politique doublée d'une association économique, d'où l'origine de son mouvement MSA, Mouvement souveraineté-association; c'est dans la lignée de progressistes libéraux et du rapport Allaire que s'inscrit la démarche que nous faisons présentement. Voter oui, c'est être conscient qu'on veut changer des choses. Voter oui, ça veut dire qu'on est prêt à faire les efforts pour changer ces choses. Voter oui, c'est avoir confiance qu'on est capable de changer des choses. Voter oui, c'est de démontrer notre volonté de mettre des termes à des aberrations.

Il n'y a pas un Québécois qui est venu devant nous, dans les commissions régionales, pas un Québécois – qu'on les rencontre partout à travers le Québec, dans les colloques sur la décentralisation, qu'on les rencontre dans des assemblées, qu'on les rencontre dans de petits groupes, qu'on les rencontre dans des cuisines, M. le Président – il n'y a pas un Québécois qui ne nous dit pas: Voulez-vous bien arrêter les chicanes constitutionnelles? M. le Président, avec un oui, fini, les chicanes constitutionnelles. Oui, c'est fini! Il n'y a pas un Québécois présentement qui ne nous dit pas, M. le Président: Il faut faire plus avec l'argent que vous venez chercher dans nos poches. C'est ça que les Québécois nous disent. C'est là le défi des hommes et des femmes politiques, M. le Président, à l'aube des années 2000: en donner au citoyen pour son argent.

Comment peut-on justifier, de quelque côté de la Chambre que nous soyons, qu'on laisse dépenser en dédoublements futiles, inutiles, au-delà de 3 500 000 000 $ par année, quand les gouvernements sont obligés de sabrer dans les services? Comment justifier une industrie, une industrie constitutionnelle épouvantable de 300 000 000 $ à 400 000 000 $ dépensés au cours des quatre, cinq dernières années, exclusivement en chicanes constitutionnelles? Quand ce n'est pas Beaudoin, c'est Dobbie; quand ce n'est pas Dobbie, c'est Spicer. 300 000 000 $. Qu'est-ce qu'on peut faire? Donnez-moi 300 000 000 $ dans le domaine du logement social, moi, comme ministre responsable de l'Habitation, puis je «peux-tu» vous dire qu'au Québec ça va bouger? C'est ça qu'on nous demande d'arrêter.

Des voix: Bravo!

M. Chevrette: Tous les Québécois que l'on rencontre, M. le Président, nous disent: Rapprochez donc les pouvoirs de décision de nous. On veut participer à la vie démocratique; on veut être plus responsables de notre gestion de services. Rapprochez les centres de décision de nous. Comment voulez-vous qu'on partage ce qu'on n'a pas? On en a pour 29 000 000 000 $ qui ne nous appartiennent pas, M. le Président. Avec un oui au référendum, ce sera un partage avec les régions, ce sera un partage avec le milieu. On pourra véritablement se créer une dynamique de développement régional très intéressante, très prometteuse et qui donnera des lueurs d'espoir à des jeunes, comme en Gaspésie, par exemple, comme au Saguenay–Lac-Saint-Jean, où on a une migration des jeunes vers les villes présentement parce qu'ils n'ont pas de lueurs d'espoir dans leur propre milieu. Dans un Québec souverain, avec un oui, nous partagerons cette enveloppe, nous partagerons ces responsabilités et nous ferons en sorte que les régions du Québec puissent connaître une plus grande équité que celle qui existe présentement, M. le Président.

M. le Président, notre Oui en est un de fierté, je le répète. Oui, M. le Président. Et inutile à l'opposition de nous dire qu'on est à ration. On le sait qu'on est à ration, à ration sur les politiques de développement; on est à ration, M. le Président, en matière d'habitation; on est à ration en matière d'investissement dans les biens et services. On est à ration, c'est vrai. Ce n'est pas nécessaire que vous payiez pour nous le dire, on en est bien conscients, M. le Président. On est à ration.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chevrette: Le Oui au référendum, M. le Président, c'est un oui à la réparation de 128 ans d'iniquité.

Des voix: Bravo!

(15 h 30)

M. Chevrette: M. le Président, quand on nous a élus, qui que nous soyons dans cette Chambre, M. le Président, c'était pour qu'on prenne les intérêts supérieurs des Québécois non seulement au niveau du discours, mais dans les faits. Nous, on pense, M. le Président, qu'on a atteint cette maturité totale d'être capables de gérer l'entièreté de notre portefeuille, l'entièreté de nos impôts, selon les aspirations de l'ensemble des Québécois. C'est un oui à la fierté, oui à la capacité, à la confiance en la collectivité québécoise, et notre oui sera d'autant plus retentissant que des gens de bonne foi, quelle que soit leur allégeance politique, comprendront que la façon de s'en sortir véritablement et pour longtemps, c'est par un oui.

Une voix: Bravo!

Le Président: Merci, M. le leader du gouvernement.

Alors, nous en sommes à la partie, je dirais, finale du débat. Il reste essentiellement deux interventions. En ce qui regarde l'opposition officielle, il reste 18 minutes. Pour le gouvernement, il reste la réplique de 20 minutes de M. le premier ministre.

À ce moment-ci, j'aimerais que, comme dans les deux dernières interventions, on puisse s'assurer que les deux personnes qui prendront la parole, qui seront probablement les chefs des groupes parlementaires, puissent s'exprimer sans être interrompues. Alors, j'en appelle donc, bien sûr, à votre compréhension dans ce moment, je pense, important qui marquera la fin dudit débat.

Alors, à ce moment-ci, je vais céder la parole à M. le chef de l'opposition officielle. Vous avez 18 minutes.


M. Daniel Johnson

M. Johnson: M. le Président, on vient de nous prédire la fin des chicanes, en votant oui. Venant de quelqu'un qui a la réputation de partir des chicanes dans une salle vide, vous me permettrez d'être quelque peu sceptique.

M. le Président, ces 35 heures de débat devaient nous permettre de regarder l'avenir, de regarder vers l'avant. C'est ce à quoi nos concitoyens s'attendaient. Mais je dois dire que j'ai constaté, comme il y a 15 ans, que le rétroviseur était surutilisé par le gouvernement. On a eu droit à un discours qui ne concernait pas, pendant ces 35 heures, l'avenir du Québec, mais qui jetait un regard sombre sur 350 ans d'histoire, qui a décrit un peuple où je ne me reconnais pas tant il est opprimé, accablé, humilié, dominé. Je n'ai pas reconnu le peuple que le gouvernement a décrit.

On a également fait un retour en arrière de 35 ans. Encore une fois, je n'ai pas reconnu, dans les propos des intervenants qui souhaitent la séparation politique du Québec du reste du Canada, le palmarès de réalisations absolument incomparables dont les Québécois peuvent tous s'enorgueillir depuis une longue, très longue génération des 35 dernières années.

On se serait attendu de ceux qui nous proposent un changement aussi radical à des raisons de les appuyer, à des raisons de voter oui, de voter oui à la création d'un nouveau pays; un geste solennel et urgent que celui de briser les liens qui nous unissent à ceux qui nous entourent. Cette solennité et cette urgence doivent être démontrées et fondées au moins sur les récriminations et les plaintes qui auraient créé ce mal si aigu, profond et permanent qu'on veut extirper du coeur de la société québécoise. J'attends toujours ces explications.

Ce geste, à la rigueur, pourrait être fondé sur les perspectives d'amélioration de notre sort, de meilleures chances évidentes de liberté, de prospérité, d'exercice de la démocratie. M. le Président, j'attends encore, avec nos concitoyens, une telle démonstration.

Et nous en arrivons enfin à la décision, la décision dont je dois redire, car c'est important, jusqu'au 30 octobre ou à la date du référendum, que nos concitoyens le sachent, que cette décision d'appuyer éventuellement, hypothétiquement, le projet du gouvernement sera irréversible, que ses conséquences, notamment en matières économique et sociale, seront irréparables et qu'elle est fondée, cette décision qu'on tente d'arracher aux Québécois, sur l'illusion d'un partenariat irréalisable.

La décision, d'abord, est irréversible car, en effet, l'accession du Québec à sa pleine souveraineté, à son statut de pays à la suite d'un oui majoritaire au Québec, est totalement inconditionnelle. Aucun événement ne doit ou ne peut, ne devrait intervenir entre le Oui et la séparation politique du Québec du reste du Canada, sinon, oui, la présentation d'une offre formelle, par ailleurs introuvable encore aujourd'hui, car le gouvernement refuse et a déjà annoncé son refus de présenter publiquement, pour que nous la comprenions et la saisissions, cette offre qu'il prétend être la clé d'un nouveau partenariat avec nos voisins. Cette décision est irrévocable. Rien ni personne n'y pourra changer quoi que ce soit. Avec un oui majoritaire, il n'y a pas d'occasion de revenir en arrière.

L'alternative, évidemment, celle de voter non, fait en sorte que toutes les portes sur notre avenir soient ouvertes, que toutes nos relations avec nos voisins puissent nous donner des occasions d'améliorer notre participation pleine et entière aux changements qui, inévitablement, devront se produire dans les années et les générations qui viennent. Nous avons l'obligation de participer avec nos voisins aux changements que l'économie, que la démographie, que les défis des finances publiques nous imposent et nous avons le choix, aujourd'hui, de nous séparer de nos voisins, de tenter inutilement et sans succès de nous isoler des décisions qu'immanquablement ils doivent prendre en raison de l'accumulation du fardeau financier sur les épaules de tous les citoyens du monde occidental. Et nous avons le choix de subir les décisions de nos voisins ou de participer à ces décisions. C'est ça, l'alternative au caractère irréversible de fermer la porte une fois pour toutes aux relations avec nos voisins.

Deuxième élément: les conséquences de cette décision en matière économique seront irréparables. On n'a jamais demandé au gouvernement de nous prouver l'amélioration du sort économique des Québécois suite à la séparation politique du Québec du reste du Canada. Ce n'est pas ce qu'on a demandé. Mais on a demandé, à tout le moins, qu'on nous démontre le maintien et la conservation de ce que nous avons déjà. Et cette démonstration que nous pouvons compter pour toujours sur ce que nous avons construit et sur ce dont nous avons hérité se fait toujours attendre.

(15 h 40)

Il y avait un engagement, ma foi, passablement honnête et direct du gouvernement d'éclairer tous les citoyens du Québec avant le vote, de désigner même un ministre responsable de l'éclairage de nos concitoyens. On connaît depuis quelques jours le triste sort que cette responsabilité a connu entre les mains du député d'Iberville. On a vu comment, d'une façon sans précédent, des mandats ont été dessinés afin de dicter des conclusions, comment, d'une façon inacceptable, des professionnels se sont vu dicter des changements que certains ont refusés. La punition était évidente, M. le Président: pas de publication. M. le Président, il a fallu les efforts répétés de l'opposition et d'un chercheur professionnel, honnête, pour faire savoir à l'ensemble des Québécois ce qu'ils avaient acheté avec leurs deniers, pour que tout le dossier soit connu. M. le Président, ces conséquences sont irréparables, les conséquences économiques réelles. Le gouvernement n'a même pas tenté de démontrer que les Québécois conserveraient ce qu'ils ont déjà.

L'alternative, M. le Président, c'est, à partir de ces acquis, de les faire fructifier. C'est précisément, c'est essentiel, je dirais, à ce moment-ci où l'économie, avec une fragilité apeurante, est en train de dessouder notre société. Alors que nous avons tous devant nous, comme élus responsables, la responsabilité de consolider les liens que nous devons construire dans une société, alors que nous avons la responsabilité d'épauler les entreprises dans les défis internationaux sans précédent qu'elles ont à relever, alors que nous devons secourir les jeunes qui regardent un avenir bouché, alors que nous avons à soulager le désespoir qui saisit les familles qui subissent les contrecoups d'une conjoncture non seulement difficile mais dramatique, on nous convie à un chambardement, à des perturbations qui ne peuvent qu'avoir un seul effet, celui d'empirer la situation que les Québécois et les Québécoises traversent.

M. le Président, dans un troisième élément, cette décision est fondée sur l'illusion, pour aller chercher le vote des Québécois à l'appui de la thèse du Parti québécois, qu'un partenariat pourrait être réalisé avec nos voisins. On sait que ce partenariat est fondé sur une entente, une entente entre des gens qui s'entendent comme larrons en foire et qui ont démontré par le passé l'incapacité de s'entendre avec leurs voisins en dehors du Québec. M. le Président, une entente qui est irréalisable parce qu'elle est inacceptable. Inacceptable pour nos voisins du reste du Canada, oui. On tente de leur imposer un troisième niveau de gouvernement. On tente de leur faire avaler que nous pourrions bloquer toutes les décisions qui nous concernent, tous autant que nous sommes, 30 000 000 au nord des États-Unis. On tente de les amener à promettre aux Québécois, à 7 000 000 de Québécois qui n'habiteraient même pas au Canada qu'ils auraient le droit au passeport et à la citoyenneté canadienne. C'est inacceptable pour nos voisins. Mais, plus profondément, plus profondément, c'est inacceptable pour les Québécois, c'est inacceptable, ce recul économique qu'on veut nous faire subir en affaiblissant la qualité de l'intégration et des liens économiques qui nous lient actuellement à nos voisins. C'est un recul démocratique dans la disparition de la représentation, que j'évoquais tout à l'heure, dans des institutions qui décideront dans des matières qui affecteront tous les 30 000 000 d'habitants du Québec et du reste du Canada. Les décisions importantes que nous avons à prendre, comme société moderne, ouverte, mais lourdement taxée et endettée, nous affecteront tous les uns les autres.

Pourquoi nous priver d'avoir accès à l'influence que nous avons exercée depuis des générations à l'intérieur du Canada, dans un contexte où tout a changé, où le véritable partenariat peut s'exercer autour des dimensions importantes pour l'avenir, de constater combien la diminution du poids de l'État, des dépenses publiques, le réalignement, le rééquilibrage des responsabilités deviennent autant de priorités qui ne peuvent être traitées que d'une seule façon? Pas dans un traité entre deux pays étrangers, mais à l'intérieur d'un système qui nous relie tous ensemble comme concitoyens du même pays.

It is also expedient and right at this point to underline the contribution of English-speaking Quebeckers and all other Quebeckers, tremendous economic contribution, a contribution that translates itself not only in what it has done here for generations, but in the window on the rest of the world... that the network to which English-Quebeckers belong also provide for all Quebeckers, for the sensitivity of a different culture... that the imperatives of a different social upbringing or outlook also mean in terms of enrichment of Québec society. Certainly, English-Quebeckers' own view and all other Quebeckers' own view of Québec's role as a society within Canada is welcome in this debate and always will be welcome in Québec and in the rest of Canada.

Certainement, M. le Président, à ce moment-ci, nous avons la responsabilité de renouveler notre avenir. Nous avons la responsabilité de tenir compte des solidarités qui existent avant de les briser, des solidarités qui existent, dont nous sommes les bénéficiaires et auxquelles nous participons à l'intérieur du Canada, solidarités en matières économiques dans un système qui prévoit spécifiquement la redistribution des richesses et, donc, l'égalité des chances pour tous, où qu'ils habitent, sur un immense territoire, un territoire qui est un continent, une solidarité au niveau social qui fait en sorte que la redistribution de la richesse permet de façon équivalente, égale, d'assurer un niveau de services à 30 000 000 de concitoyens. Quelle que soit la pauvreté ou la richesse des lieux qu'ils habitent dans l'ensemble du pays, ils ont cette garantie d'être traités comme leur voisin, qu'il habite à 10 km, 100 km ou 1 000 km.

C'est ça, la solidarité sociale concrète du Canada, une solidarité, pour nous, la majorité francophone du Québec, à l'endroit des francophones hors de nos frontières et dans le reste du Canada, ce million de francophones en dehors du Québec qui assurent une résonance et un écho à nos ambitions et à nos aspirations et qui permettent également leur épanouissement, qui vient ajouter à leurs efforts ceux de l'influence et du poids de 6 000 000 de francophones, alors que le geste que nous demande de poser le gouvernement, qui dénonce l'assimilation des francophones hors Québec, n'a pour seul résultat évident que l'accélération d'une telle assimilation.

(15 h 50)

J'entendais, moi aussi, au Grand Théâtre, que c'était «le temps de la moisson dans les champs de l'histoire». Connaissant les auteurs de ces quelques mots, j'ai été, comme nous tous, touché par cet appel à ce qu'il y a de plus profond entre nous: un regard vers le passé et la définition de nos espoirs pour l'avenir. Si j'ai été touché, c'est parce que je me suis aperçu que le champ dans lequel les Québécois oeuvrent est très grand. Je dis à mes concitoyens et concitoyennes que le Canada n'est pas trop grand pour nous. Le champ est tellement plus grand que celui auquel on veut nous confiner. Alors que partout dans le monde nous repoussons les frontières, on nous appelle à en ériger de nouvelles. Nous avons la responsabilité non pas de construire des murs mais de les abattre. Nous avons la responsabilité de léguer à ceux qui nous suivent plus et non moins que ce que nous avons reçu. Nous avons la responsabilité, à l'occasion de cette campagne, d'exiger des raisons de voter oui. M. le Président, je n'en ai pas entendu, mais je vous ai donné et nous donnerons à nos concitoyens des raisons de voter non.

Des voix: C'est beau! Bravo!

Le Président: Alors, je vous remercie, M. le chef de l'opposition officielle, et je remercie les membres de cette Assemblée d'avoir permis que M. le chef de l'opposition officielle puisse faire son intervention sans interruption. À ce moment-ci, je céderais la parole à M. le premier ministre pour son droit de réplique. M. le premier ministre, vous avez 20 minutes.

Des voix: Bravo!


M. Jacques Parizeau (réplique)

M. Parizeau: M. le Président, la question que cette Assemblée va adopter tout à l'heure est cruciale pour l'avenir des Québécois. Elle est cruciale parce que les femmes et les hommes du Québec doivent choisir entre se donner un nouveau départ sur des bases saines en votant oui, ou alors voter non et rester dans une impasse ruineuse pour le Québec, néfaste pour l'emploi, débilitante pour notre économie.

L'impasse canadienne frappe les Québécois de plein fouet dans leur dignité et dans leur portefeuille. Cette impasse, elle intensifie l'insatisfaction, l'incertitude et l'instabilité. C'est un constat tellement criant que le président des Québécoises et Québécois pour le Non, M. Michel Bélanger, a utilisé exactement ces trois mots pour décrire le Canada actuel: l'impasse intensifie l'insatisfaction, l'incertitude et l'instabilité. Il l'a écrit en toutes lettres dans le rapport qu'il a signé, le rapport Bélanger-Campeau. Les membres libéraux de la commission, qui sont ses collègues d'aujourd'hui, l'ont tous signé aussi. Vont-ils se faire traiter de caves pour autant? Peut-être, mais pas par moi.

Le coût sur l'économie québécoise de l'impasse canadienne et de la chicane continuelle est écrasant, et le chef de l'opposition le sait très bien. Il n'a pas nié ce matin avoir posé le diagnostic terrible qu'il faisait lorsqu'il était chargé des comptes de l'État québécois, lorsqu'il était président du Conseil du trésor. Dans une phrase courte et claire, il a déclaré, et je le cite: «Le fédéralisme est tout croche.» À cause de «l'encroachment», évidemment, du fédéral, ce qui nous coûte une fortune; c'est ça qui coûte 30 000 000 000 $ de déficit, essentiellement. On peut chipoter sur les chiffres, mais pas sur le constat de base. Le chef des forces fédéralistes a raison, c'est le fédéralisme qui nous coûte une fortune. C'est la volonté folle des gouvernements fédéraux, notamment ceux de Pierre Trudeau et de Jean Chrétien, de nous vendre leur fédéralisme à même nos cartes de crédit qui nous coûtent une fortune. Le déficit fédéral de 30 000 000 000 $ par année, le fardeau imposé à nos générations, M. Johnson a raison, c'est le fédéralisme qui l'a créé. Et il n'y a qu'une façon de cesser l'endettement, de mettre de l'ordre dans nos affaires, c'est de quitter ce fédéralisme, c'est de voter oui.

Depuis quelques jours, le camp du Non a entrepris une opération coup de poing: affiches illégales, accusations sans preuves, refus de reconnaître le verdict démocratique, intimidation des journalistes de Radio-Canada par son président, l'ancien ministre fédéral de la Culture. Beaucoup de fumée, M. le Président, beaucoup d'éclats, mais pour cacher quoi? Pour cacher ce que les chefs du Non savent très bien, pour cacher que l'empereur fédéral est nu, pour cacher que ce pays dont on nous vante les mérites, il a été construit à crédit, avec les épargnes de nos travailleurs et en hypothéquant l'avenir de nos jeunes pour masquer les échecs répétés, constants et de plus en plus durs de toutes les tentatives de réformer ce fédéralisme tout croche, pour parler comme le chef de l'opposition, qui saigne l'économie du Québec.

L'impasse que nos amis défendent avec un tel acharnement, le régime que M. Chrétien nous promet de perpétuer sans changements et sans fin, qu'a-t-il donné au Québec, sinon plus de chômage et de pauvreté qu'ailleurs au Canada? Le ministre Ouellet nous l'a dit l'autre jour, ce que le fédéralisme, ce que M. Chrétien a fait pour le développement de Montréal: Mirabel. Ils nous ont donné Mirabel!

Bien sûr, on le sait, le Québec et le Canada disposent de beaucoup de ressources naturelles, et cela fait d'eux des pays riches en ressources naturelles: 1 000 000 $ par habitant, dit un rapport de la Banque mondiale; 1 000 000 000 $, ajoute La Presse de Montréal pour ne pas être en reste, trois zéros. Toutefois, ce qui distingue le Canada des autres pays, c'est le peu d'attention qu'il porte à la qualification de sa main-d'oeuvre. Ce que les chiffres de la Banque mondiale indiquent aussi, c'est que le Canada tombe au 25e rang lorsqu'on le compare sur la base des ressources humaines. On n'a pas le droit d'abandonner les gens au chômage comme le fait le fédéral. Il faut permettre aux travailleuses et aux travailleurs d'accroître leurs compétences pour qu'ils puissent conserver leur emploi et améliorer leur qualité de vie.

Le régime dont les chefs du camp du Non vantent les mérites, c'est celui qui a pris les taxes de nos travailleuses et de nos travailleurs et les a divisées en deux. Il en a pris une partie pour créer de bons emplois en Ontario, en recherche et en développement en Ontario, en dépenses structurantes en Ontario; il a pris l'autre partie pour investir dans le chômage au Québec. C'est ça, le régime qu'il veut continuer: les bons emplois en Ontario, le chômage au Québec. Non!

Je n'ai pas parlé des achats de biens et services du fédéral, de ces achats qui font rouler les entreprises et qui créent des emplois, des dépenses de recherche et de développement, d'investissements. Même cette année, même dans une année référendaire, le Québec, qui forme 25 % de la population canadienne, ne reçoit que 16 % des investissements fédéraux. Le message d'Ottawa est clair: Il n'y a qu'une façon d'avoir notre juste part pour les 10, pour les 20, pour les 100 prochaines années, c'est de voter oui et de faire la souveraineté.

Des voix: Bravo! Bravo!

M. Parizeau: Depuis quelques jours, le chef de l'opposition monte sur ses grands chevaux au sujet d'un document qu'il n'aurait pas lu, pas vu, pas approuvé. Mais où sont-ils, les vrais documents du Parti libéral? Où est-elle, la vraie plate-forme du Parti libéral? Où se cachent les membres du comité constitutionnel du Parti libéral? Depuis une semaine, ils sont muets comme des carpes, ils ne répondent à aucun appel, ne donnent aucune explication. M. Maurice Richard, président du comité, a-t-il le début d'un bout de papier à montrer aux Québécois sur ce qui les attendrait après un non? C'est le cas de le dire: Non!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Parizeau: Depuis des mois, les libéraux sont censés produire des documents pour dire aux Québécois ce qui se passera s'ils votent non. Avec quels résultats? Aucun! Ils n'ont rien fait. Le chef libéral aurait-il nommé un comité d'incapables? Vont-ils être traités de caves par leur président ou est-ce qu'ils ont été convoqués au bureau de M. Jean Chrétien, comme MM. Johnson et Bélanger cet été, comme Mme Robillard la semaine dernière, comme M. Preston Manning hier? Est-ce qu'on les a fait taire?

Des voix: Bravo! Bravo!

(16 heures)

M. Parizeau: Est-ce qu'on leur a interdit de dire ce qu'ils savent, de dire que le fédéralisme est tout croche, de dire que le fédéralisme nous coûte une fortune, de dire que l'impasse canadienne, si on vote non, va intensifier l'incertitude et l'instabilité? Nous, nous avons des choses à dire aux Québécois. Nous n'avons pas peur de mettre les cartes sur la table. Nous avons envoyé notre proposition dans tous les foyers pour que chacun puisse lire, juger, commenter, questionner.

Nous, nous savons que les conséquences d'un oui, c'est d'améliorer la vie des Québécois, d'améliorer l'emploi, d'améliorer le sort des jeunes et des aînés, de cesser l'endettement et de se faire respecter, oui, comme francophones d'Amérique. Les conséquences d'un oui, elles sont positives, constructives, emballantes. On le sait et on le dit. Et, d'ailleurs, je tiens à souligner la contribution exceptionnelle de M. André Ouellet au débat sur l'avenir du Québec. Si j'en crois une dépêche de La Presse canadienne d'hier, je cite: Dressant la liste des vertus du Canada, dont la pureté de l'air et la propreté de l'eau, M. Ouellet a dit que «tout cela pourrait être menacé par un oui au référendum». Fin de la citation.

Des voix: Ha, ha, ha! Bravo!

M. Parizeau: Très intelligent, M. le Président! Très fort! Évidemment, j'espère que personne de l'autre côté de la Chambre ne va le traiter de cave. Mais, les conséquences d'un non, pourquoi le silence de l'autre côté? Est-ce qu'ils savent des choses qui ne sont pas disables, pas écrivables? Est-ce qu'ils savent que Jean Chrétien attend le 31 octobre pour s'attaquer aux pensions de vieillesse? Oui, ils le savent. À Ottawa, la réforme est prête, mais ils la cachent. Ils la sortiront après le référendum, si les Québécois votent non. Est-ce qu'ils savent que Jean Chrétien attend le 31 octobre pour réduire les prestations de chômage et frapper de plein fouet des dizaines de milliers de femmes et d'hommes du Québec? Oui, ils le savent. Ils savent que, l'an dernier, le fédéral a déjà poussé 12 000 foyers québécois sur l'aide sociale. Ils savent que les propositions envisagées à Ottawa pousseraient 40 000 autres foyers québécois sur l'aide sociale après un non et réduiraient les prestations de 28 000 autres foyers. Ils savent qu'après un non les travailleurs qui ont cotisé vaillamment pour leur assurance-chômage vont devoir se priver de 5 % à 10 % de leurs prestations; 10 %, M. le Président, ça fait tout un trou dans un budget familial.

Est-ce qu'ils savent que M. Jean Chrétien attend le 31 octobre pour couper encore dans les transferts aux provinces et qu'il va faire payer les Québécois pour leur décision de rester dans le fédéralisme? Oui, ils le savent. Mais le fédéral nous cache l'ampleur du coup qu'il s'apprête à porter au Québec. Nous l'avons évalué à 650 000 000 $ de coupures l'an prochain, à presque 2 000 000 000 $ l'année suivante. C'est autant de nos impôts, de notre argent qui ne nous sera pas retourné. C'est autant d'argent de moins pour la santé, l'éducation, la formation.

Est-ce qu'ils savent que Jean Chrétien attend le 31 octobre pour envahir encore plus les champs d'autonomie québécoise, pour faire encore plus d'«encroachment», pour parler comme le chef de l'opposition? Oui, ils le savent. Ottawa s'est déjà donné le moyen d'imposer des normes pour l'éducation postsecondaire et veut continuer à couper les budgets de la santé tout en nous imposant ses normes nationales. Ils le savent et leur silence est coupable. Les chefs du Non ont monté une opération coup de poing pour détourner l'attention du coup de poing que les Québécois vont encaisser du fédéral si jamais ils votaient non.

Des voix: Bravo!

M. Parizeau: Les chefs du Non proposent aux femmes et aux hommes du Québec de mettre leur avenir entre les mains de Jean Chrétien, de Clyde Wells et de Roy Romanow. En cachant leur position, en taisant ce qu'ils savent, les chefs du camp du Non veulent que les Québécois signent un chèque en blanc à Chrétien, Wells et Romanow, ceux-là mêmes qui ont passé les 15 dernières années à nous bousculer, à nous rapetisser, à nous endetter. Ça ne marchera pas, M. le Président. Ça ne marchera pas. Les femmes et les hommes du Québec ne sont pas les caves que décrit le président du comité du Non. Ils ne se feront pas avoir à faire confiance à des gens qui n'ont rien à faire de leurs intérêts, à des gens qui ne les respectent pas. Parce que, à la base de tout, il doit y avoir le respect, et il en manque, M. le Président. Il en manque chez nos amis d'en face envers l'intelligence des Québécoises et des Québécois. Il en manque au Canada envers la dignité des Québécoises et des Québécois.

Plusieurs fois pendant le débat, les tenants du Non ont demandé une raison de faire la souveraineté. Je comprends qu'ils ont été distraits par leurs sparages, mais ces raisons, ce sont les mêmes que celles qu'ils avaient, eux, lorsqu'ils étaient favorables à la souveraineté, lorsqu'ils votaient pour une Loi sur la souveraineté, lorsqu'ils adoptaient un programme contenant la souveraineté. Mais c'est aussi la même raison pour laquelle ils ont adopté le livre beige de Claude Ryan, la même raison pour laquelle ils ont proposé l'accord du lac Meech. La raison, c'est que le Québec forme un peuple et que cette réalité doit être reconnue pas seulement parce qu'un peuple mérite le respect et la reconnaissance, ce qui est déjà beaucoup, mais parce qu'un peuple reconnu a la capacité de gérer ses affaires comme il l'entend. La raison, c'est aussi que ce peuple aspire à l'égalité comme les autres peuples. La reconnaissance et l'égalité, tous les membres de cette Assemblée sans exception se battent pour l'obtenir. Le fédéralisme canadien, de plus en plus dogmatique et intransigeant, refuse de l'accorder au Québec.

En fait, nous avons assisté il y a quelques jours à l'exact reflet de ce que le fédéralisme dogmatique propose aux Québécois. Interrogé sur la société distincte, sur l'importance de reconnaître le principe, le premier ministre du Canada, spontanément et avec toute la candeur qu'on lui connaît, s'est donné en exemple. Il a expliqué qu'être distinct, c'est parler anglais avec un accent.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Parizeau: Nous voulons un changement, M. le Président, parce que nous voulons être respectés par nos voisins, mais aussi par nos concitoyens. Nous voulons une société où, pour reprendre un exemple un peu malheureux récent, le capitaine des Canadiens de Montréal trouve normal de respecter la langue officielle de l'endroit où il se trouve. Nous voulons une société où un premier ministre libéral ne se moque pas de sa population francophone.

Pendant le débat des derniers jours, plusieurs membres de l'Assemblée se sont beaucoup intéressés à l'offre de partenariat, à son contenu et à son fonctionnement. Je peux vous dire, en tout cas, que l'intérêt suscité par cette offre est remarquable. Malgré le barrage de commentaires des politiciens du Canada anglais, la moitié de nos voisins se disent favorables – je dis bien «favorables» – à un partenariat économique et politique. La majorité de nos voisins immédiats de l'Ontario et des Maritimes se disent aussi favorables à ce partenariat. Et, quand on demande à tous les Canadiens, au-delà de leurs opinions personnelles, s'ils pensent que ce partenariat va exister, ils répondent majoritairement: Oui, il va exister. Il y a donc chez nos voisins une sagesse collective qui s'installe sur ce que doivent être les rapports entre un Québec souverain et son voisin canadien. Eux aussi, au Canada, ils veulent une souveraineté tranquille. On s'en doutait; maintenant, on le sait.

Dans La Presse de samedi dernier, M. Alain Dubuc, qui, comme on le sait, n'est pas exactement membre de mon fan-club...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Parizeau: ...a écrit ce qui suit, et je le cite: «Il est parfaitement exact que le reste du Canada, face à la souveraineté, à moins d'être suicidaire, ne pourra pas fermer ses frontières au commerce et sera donc forcé de maintenir ses échanges avec le Québec.» Il poursuit en écrivant: «Cette admission aurait ravi les souverainistes il y a quelques années.» Je corrige: Elle nous ravit aussi aujourd'hui.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Parizeau: Nous n'avons jamais douté de ces choses, de notre côté, car c'est l'évidence même. C'est la réalité économique qui imposera le maintien de l'espace économique et monétaire.

Il y a une douzaine de jours, le premier ministre de l'Ontario, donc de notre principal partenaire commercial, a indiqué qu'après un oui les relations commerciales avec le Québec seraient maintenues et que l'Ontario traiterait avec le Québec. Je cite: «À égalité avec les États-Unis.»

Une voix: Parfait!

M. Parizeau: Résumons-nous: si on vote oui, non seulement le Québec maintiendra ses relations commerciales avec ses principaux partenaires, mais, en plus, il sera reconnu et traité d'égal à égal, avec le respect que l'on doit à un voisin comme les États-Unis. Je dis bravo!

Jamais, en 128 ans de négociations et d'échecs constitutionnels, ceux qu'on continue d'appeler nos amis d'en face n'ont réussi à obtenir un tel résultat. Depuis l'entente du 12 juin, nous, on n'a pas trop mal réussi sur ce plan.

Et ce n'est pas tout. Dimanche, à Saint-Joseph-de-Beauce, la ministre fédérale responsable des relations avec le Québec, Mme Lucienne Robillard, a indiqué que non seulement les rapports commerciaux seraient maintenus, mais que le Canada pourrait – je la cite, là – «conclure une entente commerciale avec le Québec souverain». De mieux en mieux! Alors, vous voyez, en quelques mois nous avons réussi à convaincre une majorité de Canadiens et les représentants des gouvernements ontarien et canadien qu'une association économique avec le Québec était inévitable, car elle est dans l'intérêt des deux parties. De plus, les citoyens de nos voisins immédiats sont majoritairement favorables à un partenariat économique et politique avec le Québec de demain.

Ça en quelques mois, M. le Président? Imaginez ce que ce sera lorsque nous aurons voté oui. Merci, M. le Président.

(16 h 10)

Des voix: Bravo! Bravo! Oui! Oui! Oui! Oui! Oui! Oui! Bravo!

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre! S'il vous plaît! Merci, M. le premier ministre. À l'ordre, s'il vous plaît!

Cette intervention met fin au débat sur la motion de M. le premier ministre portant sur l'adoption d'une question devant faire l'objet d'une consultation populaire sur la souveraineté du Québec et une offre de partenariat avec le Canada, et sur la motion d'amendement de M. le député de Châteauguay. Conformément à l'ordre de l'Assemblée du 14 septembre dernier, les votes sur ces motions se feront par appel nominal, et, en conséquence, nous appellerons dans quelques instants les députés. Pendant ce temps, je convoque immédiatement les leaders des groupes parlementaires à une brève réunion afin d'organiser la mise aux voix de la motion de M. le premier ministre et la motion d'amendement de M. le député de Châteauguay, conformément à l'article 9 de la Loi sur la consultation populaire.

Alors, nous suspendons quelques instants. Et qu'on appelle les députés!

(Suspension de la séance à 16 h 13)

(Reprise à 16 h 16)

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! Mmes, MM. les députés, veuillez vous asseoir! Veuillez regagner vos places, s'il vous plaît! Veuillez vous asseoir! À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, s'il vous plaît, à l'ordre! Avant que ne débute le vote, je souhaiterais qu'on garde le silence le plus possible, parce qu'il arrive des fois que l'enregistrement du vote soit difficile simplement parce qu'il y a un certain bruit. Alors, juste pour faciliter l'enregistrement du vote, j'aimerais qu'on garde le silence, bien sûr.

Alors, nous allons procéder à la mise aux voix des motions. Cette mise aux voix se déroulera de la façon suivante. Je mettrai d'abord aux voix la motion d'amendement présentée par M. le député de Châteauguay et la motion, amendée ou non, selon le cas, de M. le premier ministre. La motion de M. le premier ministre se lit comme suit:

«Que les versions française et anglaise de la question devant faire l'objet d'une consultation populaire et être inscrite sur le bulletin de vote, conformément aux articles 8, 9 et 20 de la Loi sur la consultation populaire, soient les suivantes:

«Acceptez-vous que le Québec devienne souverain, après avoir offert formellement au Canada un nouveau partenariat économique et politique, dans le cadre du projet de loi sur l'avenir du Québec et de l'entente signée le 12 juin 1995?

«Oui. Non.»

«Do you agree that Québec should become sovereign, after having made a formal offer to Canada for a new economic and political partnership, within the scope of the Bill respecting the future of Québec and of the agreement signed on June 12, 1995?

«Yes. No.»

Et la motion d'amendement de M. le député de Châteauguay se lit comme suit:

Que la motion en discussion soit amendée:

a) par l'ajout, dans la première ligne du deuxième alinéa, après le mot «devienne», des mots «un pays»;

b) par le remplacement, dans la première ligne du troisième alinéa, du mot «sovereign» par les mots «a sovereign country».

La motion, telle qu'amendée, se lirait comme suit:

«Que les versions française et anglaise de la question devant faire l'objet d'une consultation populaire et être inscrite sur le bulletin de vote, conformément aux articles 8, 9 et 20 de la Loi sur la consultation populaire, soient les suivantes:

«Acceptez-vous que le Québec devienne un pays souverain, après avoir offert formellement au Canada un nouveau partenariat économique et politique, dans le cadre du projet de loi sur l'avenir du Québec et de l'entente signée le 12 juin 1995?

«Oui. Non.»

«Do you agree that Québec should become a sovereign country, after having made a formal offer to Canada for a new economic and political partnership, within the scope of the Bill respecting the future of Québec and of the agreement signed on June 12, 1995?

«Yes. No.»

(16 h 20)


Mise aux voix de la motion d'amendement

Alors, que les députés en faveur de cette motion d'amendement veuillent bien se lever, s'il vous plaît.

Le Secrétaire adjoint: M. Johnson (Vaudreuil), M. Paradis (Brome-Missisquoi), M. Bourbeau (Laporte), Mme Gagnon-Tremblay (Saint-François), M. Ciaccia (Mont-Royal), M. Middlemiss (Pontiac), M. Gauvin (Montmagny-L'Islet), M. Vallières (Richmond), Mme Frulla (Marguerite-Bourgeoys), M. Cusano (Viau), M. Maciocia (Viger), M. Gobé (LaFontaine), M. Lafrenière (Gatineau), M. Thérien (Bertrand), Mme Dionne (Kamouraska-Témiscouata), M. Parent (Sauvé), Mme Bélanger (Mégantic-Compton), M. Bissonnet (Jeanne-Mance), M. Brodeur (Shefford), M. Benoit (Orford), M. Williams (Nelligan), M. Gautrin (Verdun), M. Marsan (Robert-Baldwin), M. Lefebvre (Frontenac), M. Farrah (Îles-de-la-Madeleine), M. Sirros (Laurier-Dorion), M. Tremblay (Outremont), Mme Delisle (Jean-Talon), M. Beaudet (Argenteuil), M. LeSage (Hull), M. Poulin (Beauce-Nord), Mme Houda-Pepin (La Pinière), M. Ouimet (Marquette), Mme Loiselle (Saint-Henri–Sainte-Anne), M. Fournier (Châteauguay), M. Cherry (Saint-Laurent), M. Charbonneau (Bourassa), M. Mulcair (Chomedey), M. MacMillan (Papineau), M. Quirion (Beauce-Sud), M. Copeman (Notre-Dame-de-Grâce), M. Bergman (D'Arcy-McGee), Mme Vaive (Chapleau), M. Kelley (Jacques-Cartier).

Le Président: Que les députés contre cette motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît.

Le Secrétaire adjoint: M. Parizeau (L'Assomption), M. Chevrette (Joliette), M. Landry (Verchères), M. Campeau (Crémazie), M. Brassard (Lac-Saint-Jean), M. Ménard (Laval-des-Rapides), Mme Marois (Taillon), Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve), M. Garon (Lévis), M. Rochon (Charlesbourg), M. Trudel (Rouyn-Noranda–Témiscamingue), M. Rivard (Limoilou), M. Perron (Duplessis), M. Boucher (Johnson), M. Laurin (Bourget), M. Paillé (Prévost), Mme Dionne-Marsolais (Rosemont), M. Julien (Trois-Rivières), M. Dufour (Jonquière), M. Bégin (Louis-Hébert), M. Landry (Bonaventure), Mme Blackburn (Chicoutimi), M. Boisclair (Gouin), M. Gendron (Abitibi-Ouest), M. Jolivet (Laviolette), Mme Beaudoin (Chambly), M. Léonard (Labelle), M. Le Hir (Iberville), M. Beaulne (Marguerite-D'Youville), Mme Doyer (Matapédia), M. Baril (Berthier), M. Bertrand (Charlevoix), M. Cliche (Vimont), Mme Caron (Terrebonne), Mme Vermette (Marie-Victorin), M. Blais (Masson), Mme Robert (Deux-Montagnes), M. Rioux (Matane), M. Paré (Lotbinière), Mme Malavoy (Sherbrooke), M. Baril (Arthabaska), M. Beaumier (Champlain), M. Boulerice (Sainte-Marie–Saint-Jacques), M. Bourdon (Pointe-aux-Trembles), M. Brien (Rousseau), Mme Carrier-Perreault (Chutes-de-la-Chaudière), M. Charbonneau (Borduas), Mme Charest (Rimouski), Mme Barbeau (Vanier), M. Kieffer (Groulx), M. Gaulin (Taschereau), M. Gagnon (Saguenay), Mme Signori (Blainville), M. Dion (Saint-Hyacinthe), M. Deslières (Salaberry-Soulanges), M. Désilets (Maskinongé), M. Lachance (Bellechasse), M. Laprise (Roberval), M. Jutras (Drummond), M. Lazure (La Prairie), M. Facal (Fabre), M. Lelièvre (Gaspé), M. Pelletier (Abitibi-Est), M. Payne (Vachon), M. Morin (Dubuc), M. Létourneau (Ungava), M. Paquin (Saint-Jean), M. Morin (Nicolet-Yamaska), M. Côté (La Peltrie), M. Perreault (Mercier), M. Pinard (Saint-Maurice), M. Simard (Richelieu).

M. Dumont (Rivière-du-Loup), M. Filion (Montmorency).

Le Président: Y a-t-il des abstentions?

Le Secrétaire: Pour:44

Contre:74

Abstentions:0

Le Président: Cette motion est rejetée.


Mise aux voix de la proposition du premier ministre

Je mets maintenant aux voix la motion de M. le premier ministre. Cette motion se lit comme suit:

«Que les versions française et anglaise de la question devant faire l'objet d'une consultation populaire et être inscrite sur le bulletin de vote, conformément aux articles 8, 9 et 20 de la Loi sur la consultation populaire, soient les suivantes:

«Acceptez-vous que le Québec devienne souverain, après avoir offert formellement au Canada un nouveau partenariat économique et politique, dans le cadre du projet de loi sur l'avenir du Québec et de l'entente signée le 12 juin 1995?

«Oui. Non.»

«Do you agree that Québec should become sovereign, after having made a formal offer to Canada for a new economic and political partnership, within the scope of the Bill respecting the future of Québec and of the agreement signed on June 12, 1995?

«Yes. No.»

Que les députés en faveur de cette motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît.

Le Secrétaire adjoint: M. Parizeau (L'Assomption), M. Chevrette (Joliette), M. Landry (Verchères), M. Campeau (Crémazie), M. Brassard (Lac-Saint-Jean), M. Ménard (Laval-des-Rapides), M. Bélanger (Anjou), Mme Marois (Taillon), Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve), M. Garon (Lévis), M. Rochon (Charlesbourg), M. Trudel (Rouyn-Noranda–Témiscamingue), M. Rivard (Limoilou), M. Perron (Duplessis), M. Boucher (Johnson), M. Laurin (Bourget), M. Paillé (Prévost), Mme Dionne-Marsolais (Rosemont), M. Julien (Trois-Rivières), M. Dufour (Jonquière), M. Bégin (Louis-Hébert), M. Landry (Bonaventure), Mme Blackburn (Chicoutimi), M. Boisclair (Gouin), M. Gendron (Abitibi-Ouest), M. Jolivet (Laviolette), Mme Beaudoin (Chambly), M. Léonard (Labelle), M. Le Hir (Iberville), M. Beaulne (Marguerite-D'Youville), M. Brouillet (Chauveau), Mme Doyer (Matapédia), M. Baril (Berthier), M. Bertrand (Charlevoix), M. Cliche (Vimont), Mme Caron (Terrebonne), Mme Vermette (Marie-Victorin), M. Blais (Masson), Mme Robert (Deux-Montagnes), M. Rioux (Matane), M. Paré (Lotbinière), Mme Malavoy (Sherbrooke), M. Baril (Arthabaska), M. Beaumier (Champlain), M. Boulerice (Sainte-Marie–Saint-Jacques), M. Bourdon (Pointe-aux-Trembles), M. Brien (Rousseau), Mme Carrier-Perreault (Chutes-de-la-Chaudière), M. Charbonneau (Borduas), Mme Charest (Rimouski), Mme Barbeau (Vanier), M. Kieffer (Groulx), M. Gaulin (Taschereau), M. Gagnon (Saguenay), Mme Signori (Blainville), M. Dion (Saint-Hyacinthe), M. Deslières (Salaberry-Soulanges), M. Désilets (Maskinongé), M. Lachance (Bellechasse), M. Laprise (Roberval), M. Jutras (Drummond), M. Lazure (La Prairie), M. Facal (Fabre), M. Lelièvre (Gaspé), M. Pelletier (Abitibi-Est), M. Payne (Vachon), M. Morin (Dubuc), M. Létourneau (Ungava), M. Paquin (Saint-Jean), M. Morin (Nicolet-Yamaska), M. Côté (La Peltrie), M. Perreault (Mercier), M. Pinard (Saint-Maurice), M. Simard (Richelieu).

M. Dumont (Rivière-du-Loup).

Des voix: Bravo!

(16 h 30)

Le Président: Que les députés... À l'ordre, s'il vous plaît! S'il vous plaît! À l'ordre! S'il vous plaît! Que les députés contre cette motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît.

Le Secrétaire adjoint: M. Johnson (Vaudreuil), M. Paradis (Brome-Missisquoi), M. Bourbeau (Laporte), Mme Gagnon-Tremblay (Saint-François), M. Ciaccia (Mont-Royal), M. Middlemiss (Pontiac), M. Gauvin (Montmagny-L'Islet), M. Vallières (Richmond), Mme Frulla (Marguerite-Bourgeoys), M. Cusano (Viau), M. Maciocia (Viger), M. Gobé (LaFontaine), M. Lafrenière (Gatineau), M. Thérien (Bertrand), Mme Dionne (Kamouraska-Témiscouata), M. Parent (Sauvé), Mme Bélanger (Mégantic-Compton), M. Bissonnet (Jeanne-Mance), M. Brodeur (Shefford), M. Benoit (Orford), M. Williams (Nelligan), M. Gautrin (Verdun), M. Marsan (Robert-Baldwin), M. Lefebvre (Frontenac), M. Farrah (Îles-de-la-Madeleine), M. Sirros (Laurier-Dorion), M. Tremblay (Outremont), Mme Delisle (Jean-Talon), M. Beaudet (Argenteuil), M. LeSage (Hull), M. Poulin (Beauce-Nord), Mme Houda-Pepin (La Pinière), M. Ouimet (Marquette), Mme Loiselle (Saint-Henri–Sainte-Anne), M. Fournier (Châteauguay), M. Cherry (Saint-Laurent), M. Charbonneau (Bourassa), M. Mulcair (Chomedey), M. MacMillan (Papineau), M. Quirion (Beauce-Sud), M. Copeman (Notre-Dame-de-Grâce), M. Bergman (D'Arcy-McGee), Mme Vaive (Chapleau), M. Kelley (Jacques-Cartier).

Le Président: Est-ce qu'il y a des abstentions?

Le Secrétaire adjoint: M. Filion (Montmorency).

Le Secrétaire: Pour:75

Contre:44

Abstentions:1

Le Président: Alors, cette motion est adoptée.

Des voix: Bravo!

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, Mmes, MM. les députés... À l'ordre!

J'attire votre attention sur le fait que des pages, actuellement, procèdent à la distribution d'un document important du secrétaire général, dont la communication à chacun d'entre vous est prévue par la Loi sur la consultation populaire. Alors, je vous prierais de bien vouloir en prendre note.

M. le ministre responsable de la réforme électorale.


Motions du gouvernement


Motion octroyant une subvention de 50 cents par électeur à chacun des comités nationaux de la consultation populaire

M. Guy Chevrette

M. Chevrette: Oui, M. le Président, tel que prévu dans l'ordre de la Chambre, j'ai tout d'abord un mot du lieutenant-gouverneur, qui a pris connaissance de cette motion que je vais faire, que je vais présenter, et qui en recommande l'adoption à cette Assemblée.

Je fais donc motion, M. le Président: «Que le montant de la subvention devant être versée à chacun des comités nationaux conformément à l'article 40 de la Loi sur la consultation populaire soit fixé à cinquante cents par électeur dans l'ensemble des circonscriptions, selon le plus élevé des nombres suivants:

«le nombre d'électeurs inscrits sur les listes électorales suite au recensement ainsi que le nombre d'électeurs inscrits sur le registre des électeurs hors du Québec au moment de la prise du décret;

«le nombre d'électeurs inscrits sur les listes électorales ayant servi au scrutin.»

Le Président: Merci, M. le leader du gouvernement. Alors, est-ce qu'il y a des interventions sur cette motion de M. le leader du gouvernement? M. le leader de l'opposition officielle?


M. Pierre Paradis

M. Paradis: Oui, M. le Président, il s'agit d'une motion de fond en vertu de l'article 187 de notre règlement. Il y aurait normalement de prévues des interventions de 20 minutes par député. Mais, compte tenu des discussions que nous avons eues avec la formation ministérielle, strictement quelques questions d'information à l'endroit du leader du gouvernement pour s'assurer que nous comprenons bien le sens de cette motion.

Cette motion, qui prévoit les montants que vous avez énumérés, ne comprend pas – corrigez-moi, M. le leader du gouvernement, si je fais erreur – le montant de quelque 25 000 000 $ que le gouvernement a déjà dépensé dans sa propagande pour le Oui...

Le Président: Bon, à ce moment-ci, s'il n'y a pas d'autre intervention, je vous demanderais de vous limiter, s'il vous plaît, à de très brèves remarques pertinentes directement à la motion.

M. Paradis: Je serai très bref, M. le Président. J'aurais pu le prendre sous forme d'intervention de 20 minutes. J'adresse les questions à mon bon ami, le leader du gouvernement, pour m'assurer... et je pourrais lui donner le détail des 25 000 000 $ s'il le requiert, là, la ligne 1-800, les envois, la carte postale, etc. Et je veux m'assurer également que ça ne comprend pas les 67 500 $ qui ont été versés au député de Rivière-du-Loup avant qu'il signe l'entente du mois de juin dernier, qu'il s'agit de nouvelles sommes d'argent qu'on nous demande de voter pour l'exercice référendaire à partir de l'émission des brefs. C'est strictement les précisions dont j'ai besoin, M. le Président.

Le Président: Alors, M. le leader du gouvernement.


M. Guy Chevrette

M. Chevrette: M. le Président, il me fait un extrême plaisir de répondre au leader de l'opposition. Tout d'abord, M. le Président, les sommes dépensées pour renseigner la population sont des pinottes infimes par rapport à toutes les économies que nous allons faire suite à un oui au référendum.

Des voix: Bravo! C'est beau!

M. Chevrette: Je voudrais également lui dire, M. le Président, qu'exclusivement au chapitre des dédoublements c'est 3 500 000 000 $ par an, et que la part que nous irons chercher dans l'achat de biens et services, qui ne se fait pas présentement, 17 % par rapport à la facture de 25 % que nous payons, est une économie d'échelle extraordinaire. Également, M. le Président, en recherche et développement – le premier ministre vient d'en parler, on en a tous parlé – ce seront des économies extraordinaires. Et l'argent que nous mettons dans le présent référendum, ce sont des investissements en faveur du Québec et des Québécois et en faveur de notre avenir, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Président: Alors, il avait... S'il vous plaît! À l'ordre! Il avait été convenu, donc, que de brèves remarques pourraient être présentées respectivement. C'est fait à ce moment-ci.


Mise aux voix

Est-ce que cette motion de M. le leader du gouvernement et ministre responsable de la Réforme électorale est adoptée?

Une voix: Adopté.

Le Président: Adopté. M. le leader du gouvernement... M. le député de Rivière-du-Loup, sur une question de règlement?

M. Dumont: Bien, M. le Président, tel qu'il avait été convenu avec le leader...

Le Président: Un instant, s'il vous plaît. À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Rivière-du-Loup.

M. Dumont: M. le Président, tel qu'il avait été convenu avec le leader de l'opposition officielle, même si c'était en dehors de la période normalement prévue, avec le consentement de la Chambre, on pourrait adopter la motion sans préavis suivante: «Que l'Assemblée nationale réclame au président...

M. Paradis: M. le Président.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M. le leader de l'opposition officielle, sur une question de règlement.

M. Paradis: Strictement, M. le Président, pour que les choses soient bien claires entre les parlementaires. Il avait été convenu que, si la question référendaire était clarifiée, il y aurait consentement. Le député de Rivière-du-Loup a voté contre l'amendement, contre son pays. À ce moment-là, on ne peut pas aller plus loin dans le débat.

(16 h 40)

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! M. le leader du gouvernement, sur une question de règlement?

M. Chevrette: Oui, M. le Président. Il est de coutume en cette Assemblée, quand quelqu'un se lève pour une motion et qui demande le consentement, qu'on entende d'abord la motion.

Le Président: M. le leader du gouvernement, je comprends très bien votre point de vue, mais, actuellement, nous ne sommes pas à la période des affaires courantes, à l'étape des motions sans préavis. À l'ordre, s'il vous plaît! À ce moment-ci, puisque nous ne sommes pas à cette période-là, j'aurais d'abord besoin du consentement de la Chambre pour permettre à M. le député de Rivière-du-Loup de lire sa motion. Alors, est-ce qu'il y a consentement?

Des voix: Non! Ha, ha, ha!

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre! Alors, je souhaiterais – à l'ordre! – que cette séance puisse se terminer dans l'atmosphère très respectueuse que vous avez su observer tout au long de la journée. M. le leader du gouvernement.

M. Chevrette: M. le Président, considérant que le premier ministre a le pouvoir de convoquer la Chambre en tout temps, j'ai quand même tenu à garder à peu près les paramètres habituels après un événement de cette envergure. Je fais donc motion pour que nous ajournions nos travaux au mardi 28 novembre 1995, à 14 heures, tout en présumant qu'on puisse revenir avant, mais que seul le premier ministre peut, à ce moment-là, se servir de sa prérogative.

Le Président: Sur cette motion, M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: M. le Président, vous conviendrez, et mon bon ami le leader du gouvernement conviendra également qu'il s'agit d'une motion qui est débattable. Mais, comme le mot final appartiendra à tous les Québécois et à toutes les Québécoises, c'est sur le terrain que la question fondamentale sera débattue, et l'Assemblée nationale peut ainsi ajourner ses travaux.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Chevrette: J'apprécie énormément que les commentaires soient aussi brefs. Moi aussi, M. le Président, comme il appartiendra aux Québécois de se faire justice et aux Québécoises de se faire justice, je suis convaincu que les Québécois et les Québécoises seront conscients de toute l'importance d'un oui massif pour notre avenir. Merci.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! En conséquence, est-ce que cette motion de M. le leader du gouvernement est adoptée?

Des voix: Oui!

Le Président: Adopté. Alors, l'Assemblée est ajournée en conséquence.

(Fin de la séance à 16 h 43)


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