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Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le mercredi 22 mai 1996 - Vol. 35 N° 24

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Table des matières

Affaires du jour

Affaires courantes

Affaires du jour


Journal des débats


(Dix heures quatre minutes)

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'ordre, s'il vous plaît! Veuillez vous asseoir. M. le leader du gouvernement.


Affaires du jour

M. Bélanger: M. le Président, je vous demanderais d'appeler l'article 64 de notre feuilleton.


Motions du gouvernement


Reprise du débat sur la motion d'urgence proposant la suspension de certaines règles de l'Assemblée en vue de permettre la présentation d'une motion réaffirmant la liberté du Québec de déterminer son statut politique

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 64 du feuilleton, aux motions du gouvernement, l'Assemblée reprend le débat ajourné le 21 mai 1996 sur la motion de M. le leader du gouvernement présentée en vertu des articles 182 et 183 du règlement. Je vous informe qu'il y a 30 minutes d'écoulées dans ce débat restreint de deux heures. Il reste donc 40 minutes au groupe parlementaire formant le gouvernement et 34 minutes au groupe parlementaire formant l'opposition officielle. Les députés indépendants disposent de cinq minutes chacun. Je pourrais maintenant entendre le prochain intervenant. M. le ministre des Ressources naturelles, je vous cède la parole.


M. Guy Chevrette

M. Chevrette: Merci, M. le Président. M. le Président, chaque fois qu'un droit fondamental a été mis en cause ou a été menacé, à chaque fois, l'Assemblée nationale du Québec a toujours réagi. Et c'est normal, c'est tout à fait logique, puisque c'est ici que les élus sont chargés de faire respecter ces droits fondamentaux. M. le Président, que ce soient les libéraux qui occupaient les banquettes du pouvoir, l'Union nationale, à l'époque, le Parti québécois, quel que soit le gouvernement, de quelque formation politique qu'il soit issu, chaque fois qu'un droit fondamental du peuple du Québec a été amoché ou a été menacé, chaque fois, l'Assemblée nationale a toujours réagi et, la plupart du temps, elle a réagi de façon unanime pour réaffirmer des droits, pour condamner des gestes. Chaque fois, l'Assemblée nationale, et pratiquement toujours, l'a fait à l'unanimité.

Cette fois-ci, M. le Président, on sait très, très bien ce qui s'est passé. D'abord, on a voulu empêcher le peuple québécois, via les tribunaux, d'exprimer sa volonté quand bon lui semblerait. M. le Président, de toujours, quel que soit le peuple de la terre qui a voulu s'exprimer sur son droit fondamental comme celui de s'autodéterminer, M. le Président, ça n'a jamais été l'affaire des tribunaux, et ce, à travers l'histoire, à travers les peuples et à travers les pays. C'est un droit politique, surtout quand on est dans un processus démocratique, fondamentalement démocratique, pour quelque gouvernement que ce soit, de s'en remettre au peuple. Ce n'est pas un geste juridique que l'on pose ou que l'on veut poser, c'est un geste politique, fondamentalement politique, M. le Président.

Donc, il n'est pas aberrant, il n'est pas surprenant que le peuple québécois s'attende de ses élus de les voir réagir à une menace qui viendrait des tribunaux, M. le Président. C'est comme si un individu faisait appel au tribunal puis empêchait tout un peuple de s'exprimer sur son avenir. C'est un peu ça, la situation si aberrante devant laquelle nous nous retrouvons. Et, malheureusement, malheureusement, le gouvernement central, géré par un Québécois, présidé par un Québécois, un petit gars de Shawinigan comme il se plaît à dire, lui qui a toujours reconnu ce droit fondamental, lui qui a participé aux deux dernières consultations populaires – c'est la troisième fois même, troisième fois – lui qui reconnaissait, qui a toujours reconnu que ce droit fondamental de s'en remettre au peuple était quelque chose de normal, d'accepté... Et, cette fois-ci, M. le Président, il s'acoquine avec quelqu'un en mal de publicité, avec quelqu'un qui veut tenter... par des moyens juridiques, tout un peuple de s'exprimer quand bon lui semblera.

(10 h 10)

M. le Président, c'est dans ce sens-là que le premier ministre actuel du Québec a déposé une motion. Une motion qui réaffirme fondamentalement ce droit inaliénable d'un peuple, qui réaffirme le droit pour un peuple de décider s'il veut obtenir sa souveraineté ou pas, mais c'est au peuple. Et, M. le Président, la formation politique qui présentement occupe les banquettes du pouvoir a toujours prévu, et ce, depuis son origine, depuis plus de 25 ans, que ce droit, M. le Président, d'accéder à sa pleine souveraineté relevait du peuple lui-même. Y a-t-il quelque chose de plus démocratique que cela? Ce n'est pas le Parti libéral du Québec qui réaliserait une souveraineté, ce n'est pas le Parti québécois qui va réaliser la souveraineté, c'est le peuple du Québec qui devra trancher, et, comme formation politique profondément démocrate, M. le Président, on s'en remet au verdict du peuple. C'est ça, fondamentalement, ce qu'on a devant nous, ce qu'on veut réaffirmer aujourd'hui haut et fort, et on veut permettre à chaque politicien, de quelque côté de la Chambre que ce soit, de pouvoir réexprimer haut et fort, par son vote individuel, sa croyance en ce principe fondamental. C'est ça, aujourd'hui, qu'on aura l'occasion de faire comme Assemblée nationale du Québec, M. le Président.

Ce n'est pas une motion qui fait appel à une solidarité d'équipe. Par exemple, parce que je suis libéral, je ne pourrais accéder à un tel principe? Parce que je suis péquiste, il faut que je sois pour tel principe? Ce n'est pas cela. La question qui est posée, M. le Président, c'est: Est-ce que l'Assemblée nationale veut réaffirmer, comme Parlement, comme lieu de décision, ce droit qui relève de notre peuple, le peuple que nous représentons ici, dans chacune de nos circonscriptions électorales? C'est ça, la grande question. Ce n'est pas une motion partisane; ce n'est pas une motion qui fait appel exclusivement à une formation politique; ce n'est pas une motion qui dit: parce que tu es libéral, tu dois voter contre ou parce que tu es péquiste, tu dois voter pour, c'est une motion, M. le Président, qui en appelle à l'intelligence de chacun et chacune d'entre nous.

Nous avons été élus en cette Chambre par 30 000, 40 000, 45 000 ou 50 000 électeurs. Ils nous ont envoyés ici, et on doit dire, chacun, individuellement, tantôt, cet après-midi, on aura à dire: Sommes-nous en faveur ou pas que l'Assemblée nationale du Québec réaffirme ce droit fondamental, ce droit inaliénable que seul le peuple peut s'exprimer, que ce n'est pas aux tribunaux à le faire? M. le Président, c'est ça la question.

Puis, quand le premier ministre du Québec s'est levé en cette Chambre, M. le Président, puis qu'il a proposé cette motion, il visait une chose. Il visait fondamentalement, d'abord, à dire aux tribunaux: L'avenir d'un peuple relève du peuple. L'avenir d'un peuple ne relève pas d'un tribunal, ne relève pas d'un juge de la Cour supérieure, ne relève pas d'un juge de la Cour d'appel, ne relève pas des juges de la Cour suprême, il relève du peuple.

Et, quand on a compris cela, M. le Président, je dois vous avouer que, personnellement, je serais très triste ou je serai très triste si jamais un parlementaire se levait contre une telle motion. Personnellement, M. le Président, je ne comprendrais pas qu'un parlementaire issu de l'Assemblée nationale du Québec s'objecte à un vote qui vise à réaffirmer le droit d'un peuple.

M. le Président, c'est une question de conscience, ça. C'est un débat de fond, ce n'est pas un débat de forme. Ce n'est pas un débat sur un programme politique, ce n'est pas un débat sur un programme d'une option politique. C'est un débat sur un droit, et, un droit, on le reconnaît ou on ne le reconnaît pas. Donc, celui ou celle qui aurait la tentation de voter contre un droit aussi fondamental pour le peuple, M. le Président, devrait s'exprimer devant ce peuple. Il devra au moins dire pourquoi il ne veut pas que l'Assemblée nationale du Québec s'exprime sur un droit aussi fondamental ou pourquoi il est contre un droit aussi fondamental.

J'espère, M. le Président, qu'au cours de ce débat ceux qui ont le courage et la conviction que c'est un droit aussi fondamental le diront haut et fort, au moins par leur vote, et que ceux qui sont contre – il se peut qu'il y en ait en cette Assemblée qui soient contre, parce que eux prétendent qu'on n'est pas un peuple; ça peut être une raison, ils ont le droit de le dire... Mais j'espère qu'ils vont se démasquer, qu'ils ne trouveront pas d'entourloupette pour essayer d'expliquer un vote sur la forme. C'est un vote de fond, ça. C'est un vote libre, M. le Président, celui qu'on a à poser vis-à-vis un droit aussi fondamental que celui de l'autodétermination d'un peuple.

Et j'espère, M. le Président, qu'au cours des prochaines minutes... D'abord, sur la notion d'urgence, parce que c'est vrai qu'il y a une notion d'urgence, et je vais en parler, M. le Président. Si j'ai voulu, d'entrée de jeu, situer le débat sur le droit, M. le Président, c'est parce qu'il y a une menace, et la menace a été nettement identifiée, des procédures judiciaires sont en cours. Donc, il y a une menace, il y a donc une urgence de réaction vis-à-vis de l'Assemblée nationale. On se doit de réagir. Nos commettants se demandent: Qu'est-ce que vous attendez pour réaffirmer haut et fort que ce droit-là n'appartient pas aux tribunaux mais qu'il appartient au peuple? On va le dire fort. C'est une urgence, ça.

Deuxième urgence, M. le Président, c'est qu'il est inconcevable dans un pays dit démocratique comme celui du gouvernement fédéral, lui qui a reconnu, à peine 48 heures après, certains pays de la défunte URSS comme des peuples qui s'étaient autodéterminés... Je me rappelle des Jean Chrétien et compagnie qui, au lendemain de l'éclatement de l'URSS, étaient dans la course pour être un des premiers pays à reconnaître certains peuples: les Lituaniens, les Ukrainiens, les «Lettoniens». Ça pressait, l'orgueil international, voir le fédéral se péter les bretelles et dire: Le Canada, dans les premiers pays au monde, a reconnu ces peuples, a reconnu ces peuples souverains. À l'intérieur même de leur territoire, ils ne le reconnaîtraient pas à l'un des deux peuples cofondateurs qui va s'exprimer par les voies démocratiques? Franchement! C'est une urgence de voir ces gens s'exprimer. Ça va être une urgence de voir le Parti libéral aussi. Ils tâtonnent, ces gens. En pédagogie, on dit: Il y a le procédé rationnel, mais il y a le procédé du tâtonnement. Ils essaient, ils tâtent pour voir ce qu'ils découvrent. Mais, là, M. le Président, il est temps qu'ils tâtent quelque chose, puis qu'ils nous disent s'ils sont pour un Québec qui a le droit de s'exprimer ou pas.

Quand j'entends le chef de l'opposition, Daniel Johnson fils, dire que ça relève du Québec, le droit à l'autodétermination, j'ai hâte de le voir se lever cet après-midi, M. le Président, et nous dire: Je suis pour que l'Assemblée nationale du Québec réaffirme carrément ce droit inaliénable et fondamental. M. le Président, je crains qu'il ne saisisse pas cette urgence. Je crains plutôt, M. le Président, avec l'amalgame des belligérants internes qu'ils ont, qu'ils cherchent des faux-fuyants pour ne pas voter sur la motion. Je sens qu'ils cherchent un moyen entre eux de se trouver un alibi pour dire... Sur la forme, ils vont proclamer qu'il n'y avait pas d'urgence. Ils vont proclamer que c'est du temps perdu, cela. M. le Président, à l'échelon international, tout geste qu'un Parlement pose, ce n'est jamais du temps perdu.

Quant à l'échelle internationale, les autres dirigeants des pays se rendent compte que le Parlement du Québec vient de donner un signal même aux tribunaux en leur disant: Je m'excuse, ce n'est pas une question juridique qu'on a à trancher, c'est une question politique. Et j'ai déjà dit, je crois, en cette Chambre, qu'il y avait une seule constitution au monde qui prévoyait le retrait d'un peuple dans une fédération quelconque, c'était l'URSS. Tous les autres pays sont nés d'un vote. Pas tous, excusez, il y en a que c'est par la force des choses. Mais, ici, et dans tous nos programmes politiques, c'est par la voie démocratique. C'est ça, fondamentalement. Nous autres, c'est par la voie démocratique qu'on veut y accéder. Et la majorité des peuples ont accédé au rang de pays, une centaine ont été reconnus au cours des dernières années, et c'est par la voie démocratique. Puis, même les pays qui s'objectaient à ce que des pays naissent ou voient le jour ou que des peuples s'autodéterminent, le lendemain du geste démocratique, et mon collègue de Richelieu pourrait m'en citer une ribambelle, là les autres pays sont tous dans la course pour être les premiers à reconnaître le vote. Et ça, M. le Président, j'espère que le Canada anglais, le jour où le Québec s'autodéterminera, le jour où le Québec, comme peuple, s'exprimera haut et fort qu'il veut sa souveraineté politique, aura la même spontanéité qu'il a eue lors de l'éclatement de l'URSS pour la reconnaissance de plusieurs peuples. J'ai hâte de voir ça. Et, ça, on pourra dire ça à n'importe qui au Québec: Rappelez-vous notre devise «Je me souviens», mais on va se souvenir un peu, nous aussi, des gestes qu'a posés le Canada depuis quelques années, et que ce sera un des premiers pays, je le souhaite, peut-être après la France, que sais-je, mais, au moins, que le Canada reconnaîtra que rien ne peut arrêter la volonté d'un peuple, surtout quand le processus fut entièrement et complètement démocratique.

(10 h 20)

Donc, M. le Président, il y a urgence, il y a menace, il faut donc réaffirmer ses droits. Il y a urgence de faire comprendre aux tribunaux que c'est au peuple à s'exprimer et non pas au juridique. Je répète que les cours de justice sont là pour interpréter les gestes qu'un peuple décide et non pas pour décider pour le peuple. Ça, c'est fondamental dans une société. Jamais un tribunal ne peut dicter la conduite d'un peuple. Il doit interpréter les volontés d'un peuple par la suite, mais il ne peut pas dire au peuple qu'il a le droit ou pas le droit de poser un geste aussi fondamental que celui de son propre destin. C'est impossible, ça. C'est inacceptable dans une société.

Il y a aussi urgence de dire au fédéral: S'il vous plaît, un petit peu de décence. Vous avez vous-même tenté de réunifier ce pays-là et vous avez fait un référendum à la grandeur du Canada pour essayer de réunifier. Vous n'avez pas réussi. Vous allez nous laisser au moins le droit de nous exprimer. C'est ça, fondamentalement, qu'on réaffirme, c'est ce droit de liberté d'expression comme peuple.

Je dis en terminant, M. le Président, parce que je sais qu'il y a plusieurs de mes collègues qui veulent parler, je dis en terminant également à la formation libérale d'oublier qu'ils sont deux, trois groupes divergents, d'oublier qu'il y a un groupe qui est encore accroché au régime britannique, d'oublier qu'il y a un groupe qui est accroché carrément, exclusivement, à la vie à la mort quoi qu'il arrive au fédéralisme. Quand arrivera le temps de s'exprimer, qu'il y aura un référendum, ceux qui sont fédéralistes à mort, bien, ils voteront pour se maintenir dans le carcan fédéral, ce sera leur choix; ceux qui ne veulent absolument rien savoir de la souveraineté politique du peuple québécois, ils s'exprimeront dans le comité du Non, comme ils l'ont fait, ils inviteront leurs collègues à des grandes manifestations d'amour. Mais l'amour, ça passe d'abord par le respect des droits fondamentaux, surtout, M. le Président, s'il y a des champions des droits puis du respect des droits puis du respect des chartes, ils ont ça dans la bouche à chaque phrase. Eh bien, c'est un droit collectif fondamental que celui de s'autodéterminer, M. le Président, et j'ose espérer que chacun des députés ou chacune des députées de cette Chambre, quand il posera le geste, il ne le posera pas en fonction de l'étiquette politique – PLC, PQ, ADQ ou indépendants – mais qu'il posera un geste en toute conscience, en sachant que le geste qu'il pose, c'est les réaffirmations du droit fondamental de tous les Québécois et les Québécoises à s'exprimer sur leur propre avenir. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre d'État aux Ressources naturelles. Je vais maintenant céder la parole à M. le leader de l'opposition officielle. M. le leader de l'opposition.


M. Pierre Paradis

M. Paradis: Oui, M. le Président. Les gens qui nous écoutent vont sans doute se demander pourquoi l'ancien leader du gouvernement a omis de parler de l'urgence de la situation. Je pense que c'est un député qui fait du bureau de comté et qu'il se rend compte, lui aussi, qu'on ne peut se promener dans cette Chambre, semaine après semaine, et invoquer que ce qu'il y a d'urgent pour les Québécois, c'est de se prononcer sur une motion gouvernementale et solennelle. On l'a dit la semaine passée, je pense que tout le monde sent cette préoccupation-là, la préoccupation des Québécois et des Québécoises, c'est la croissance économique, c'est la création d'emplois, ce sont de meilleurs services de santé, de meilleurs services d'éducation, un gouvernement plus efficace, M. le Président.

Ceci étant dit, les gens qui ont suivi la carrière politique, non pas du petit gars de Shawinigan mais de celui de Joliette, pourront se rappeler ses votes à l'Assemblée nationale du Québec et tenter de mettre son discours en perspective des votes qu'il a déjà prononcés à l'Assemblée nationale du Québec. On va lui rappeler son vote du 27 novembre 1981 sur une motion qui visait à réaffirmer le droit des Québécois ou des Québécoises d'assumer librement leur propre destin et de déterminer seuls leur statut politique et constitutionnel. Le député de Joliette, comme les péquistes à l'époque, M. le Président, a voté contre cette motion qui était présentée par le ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes.

Mais il ne l'a pas fait à une seule reprise, M. le Président, il a récidivé à trois autres reprises à l'occasion du débat sur la loi 150. À trois reprises, le député de Joliette et les autres péquistes ont voté contre ce considérant suivant de la loi 150: «... que les Québécoises et les Québécois sont libres d'assumer leur propre destin, de déterminer leur statut politique et d'assurer leur développement économique, social et culturel...» À trois reprises, le coq a chanté. À trois reprises, le député de Joliette s'est levé et a voté contre cette motion. On ne sait dans quel intérêt ou dans quelle vue partisane, M. le Président, mais sans doute pas dans l'intérêt des Québécois et des Québécoises.

M. le Président, à une cinquième reprise, le député de Joliette s'est levé en cette Chambre, et c'est tout récent, M. le Président, 4 avril 1996. Il ne peut pas l'avoir oublié. Il a refusé d'accepter que les Québécois ont exercé le droit à leur autodétermination à l'occasion du dernier référendum et il refuse encore d'accepter les résultats de ce référendum par lequel les Québécois ont choisi majoritairement de renouveler le fédéralisme canadien. Il aura une autre occasion de le faire, M. le Président, cet après-midi, quand le chef de l'opposition officielle saisira cette Chambre d'une motion qui vise à faire en sorte qu'on place les choses dans leur perspective, qu'on reconnaisse, d'abord, que le droit du Québec à l'autodétermination a été exercé, qu'il y a eu un résultat qui a été majoritairement annoncé à la population du Québec et que le gouvernement refuse toujours d'accepter ce résultat démocratique du référendum, M. le Président.

Oui, on en est à parler des droits et libertés fondamentales. Ce n'est pas, M. le Président, en tripotant les résultats de vote dans des circonscriptions électorales où on s'attendait à perdre qu'on garantit les droits et libertés fondamentales de la population. Ce n'est pas en se présentant à l'Assemblée nationale du Québec et en suspendant, semaine après semaine, sous de fausses prétentions d'urgence... en présentant des motions qui visent à suspendre les droits de parole et de vote des députés de l'Assemblée nationale qu'on va bâtir ici un Québec capable d'assumer ses pleines responsabilités. L'exemple que ce gouvernement donne à la population est un exemple déplorable, M. le Président, d'un gouvernement qui fait passer l'ego de son chef et de son leader avant les préoccupations de la population du Québec.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le leader de l'opposition officielle. Je vais maintenant céder la parole à M. le député d'Iberville. Vous avez un temps d'intervention de cinq minutes. M. le député.


M. Richard Le Hir

M. Le Hir: Merci, M. le Président. Alors, le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes est établi de longue date en droit international. S'agissant du peuple québécois, l'Assemblée nationale a, à plusieurs reprises depuis une trentaine d'années, senti le besoin d'affirmer ce principe sous tous les gouvernements qui se sont succédé aux affaires de l'État. Il va donc de soi que, lorsqu'elle sera présentée, j'appuierai la motion présentée par le premier ministre qui ne fait que rappeler ce que tout le monde sait déjà.

Cela dit, j'éprouve une grande gêne à partager le point de vue du gouvernement sur l'opportunité de suspendre les règles de procédure de l'Assemblée sous le prétexte d'une urgence quelconque. Quelle urgence? Quelle urgence y a-t-il, M. le Président, à rappeler une règle reconnue universellement? Le fait pour le gouvernement fédéral de feindre d'ignorer cette règle à des fins tactiques ne trompe personne, ni au Québec, ni ailleurs. Que les tribunaux canadiens en viennent à dire que le droit constitutionnel canadien ne comporte aucune règle permettant à une de ses composantes de se détacher de la Fédération canadienne ne changerait rien à la réalité politique qui s'imposerait à la suite d'un vote décisif des Québécois à l'effet d'assumer pleinement leur destinée.

Un grand philosophe du droit a dit du droit qu'il était l'expression de la conscience collective. Si la conscience collective des Québécois les amenait, de façon claire et nette, à vouloir confier au seul gouvernement du Québec la totalité de leurs affaires, le droit constitutionnel canadien s'en trouverait modifié par le fait même et le gouvernement fédéral devrait prendre acte de cette nouvelle réalité. Ce principe est tellement fort en démocratie qu'il n'a pas besoin d'être réaffirmé de façon urgente. Au contraire, l'utilisation d'une procédure d'urgence tend à le banaliser, comme si l'on admettait qu'un droit inaliénable puisse être à la merci du premier venu.

Sentir le besoin de réaffirmer ce droit dans un contexte d'urgence fabriquée, dans l'improvisation la plus complète, constitue pour le gouvernement du Québec un aveu de faiblesse et mine son autorité et sa crédibilité dans une période où il a justement besoin de toute l'autorité et de la crédibilité dont il est capable. Qui plus est, au moment où le défi pour les souverainistes consiste à forger les consensus les plus larges possible autour de leurs démarches, le gouvernement sombre dans des tactiques partisanes forcément divisives. Il est vrai que ce qui va sans dire va toujours mieux en le disant, mais il faut savoir choisir la façon et le moment. Le moins qu'on puisse dire, c'est que cette motion, toute nécessaire pourrait-elle être, n'arrive pas à point nommé.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député d'Iberville. Je vais maintenant céder la parole à Mme la leader adjointe du gouvernement. Vous avez la parole.

(10 h 30)


Mme Jocelyne Caron

Mme Caron: Merci, M. le Président. M. le Président, si le gouvernement a décidé de suspendre les règles, c'est parce qu'il y avait effectivement un moment important dans notre Parlement. Et pourquoi avons-nous dû suspendre les règles, M. le Président? Tout simplement parce que l'opposition officielle n'a pas voulu faire le débat sur la motion importante du droit de notre peuple à son autodétermination et, en refusant de faire le débat sur cette motion importante, nous avons dû suspendre les règles, M. le Président. Et cette suspension de règles, l'opposition officielle a décidé, par toutes sortes de procédures, de retarder le débat et nous nous retrouvons dans la situation de devoir suspendre à nouveau les règles.

On a tenté, M. le Président, hier, de dire qu'on présentait la même motion. Nous avons à voter, M. le Président, dans un premier temps, non pas sur la motion de fond, mais sur la motion de suspension des règles. Cette motion – et le président l'a reconnu – est tout à fait différente de la motion que nous avons déposée la semaine dernière, puisque nous ne suspendons même pas les mêmes articles, M. le Président, et puisque nous faisons référence à d'autres éléments de notre loi.

Donc, nous avons dû suspendre les règles. Pourquoi suspend-on les règles? Pourquoi fait-on appel à l'urgence? Il ne faudrait pas oublier, M. le Président, que lorsque le leader du gouvernement fait référence à l'urgence... Et notre règlement est très clair. L'article 183, je le rappelle: «La motion ne requiert pas de préavis si le motif invoqué est l'urgence.»

La semaine dernière, on nous a dit qu'on avait à prouver l'urgence. Et le président a été très clair dans son jugement. Je vais juste rappeler une jurisprudence du 18 juin 1987, au moment où le gouvernement libéral était là. La question était: «Est-ce que le président a le pouvoir de décider s'il y a urgence ou non lorsque le leader du gouvernement, invoquant l'urgence, propose sans préavis une motion de suspension des règles de procédure?» Décision: «Lorsque le leader du gouvernement invoque l'urgence, la motion de suspension des règles ne requiert pas de préavis. Il suffit d'invoquer l'urgence et cette dernière n'a pas à être prouvé... Le règlement ne confère cependant aucun pouvoir au président lui permettant de déterminer si l'urgence invoquée dans une motion de suspension des règles est réelle ou non. Seule l'Assemblée peut décider par un vote à la fin du débat restreint s'il y a urgence de suspendre certaines règles de procédure.» Et nous sommes dans ce débat restreint pour que l'Assemblée puisse décider s'il y a urgence de suspendre.

Nous allons regarder, M. le Président, dans le passé, un passé récent, au moment où j'étais députée de l'opposition et où le gouvernement libéral gouvernait. Quand a-t-on suspendu les règles, M. le Président? Parce que nous avons eu droit à plusieurs suspensions des règles, je m'en souviens très bien, au cours de 1989 à 1994: 17 juin 1993, motion de suspension des règles pour l'adoption d'un projet de loi que le gouvernement voulait absolument faire passer; 17 décembre 1992, suspension des règles pour quatre projets de loi, M. le Président, qu'on voulait faire passer; 22 juin 1992, à la veille de l'ajournement d'été, le leader du gouvernement, invoquant l'urgence de la situation, propose une motion de suspension des règles de procédure afin de faire adopter 28 projets de loi, M. le Président, 28 projets de loi.

Il y avait urgence de faire adopter 28 projets de loi tout simplement parce que le gouvernement n'avait pas réussi à faire avancer ses travaux comme il aurait dû le faire. Une mauvaise planification des travaux, et nous avons dû voter 28 projets de loi sans débattre de ces projets de loi. Au même moment où on célébrait, en même temps, le bicentenaire de nos institutions, où, à l'extérieur, on préparait le spectacle pour célébrer le bicentenaire de la démocratie, 28 projets de loi, M. le Président.

Aujourd'hui, est-ce qu'on suspend les règles pour l'adoption d'un projet de loi? Est-ce qu'on suspend les règles pour l'adoption de 28 projets de loi? Non. On suspend les règles pour quelque chose de beaucoup plus fondamental, parce que, les projets de loi, ils s'amendent, ils se changent. Aujourd'hui, on suspend les règles, M. le Président, pour un droit fondamental, le droit d'un peuple à décider de lui-même. Ça n'a aucune comparaison avec des suspensions de règles pour des projets de loi, et c'est ce que le gouvernement libéral faisait, lui. On suspendait les règles uniquement pour passer des projets de loi. Mais, cette fois-ci, c'est un droit fondamental.

Et pourquoi il y a urgence? Il y a urgence parce que non seulement un quelconque individu a décidé de ne plus reconnaître le droit du peuple à décider de lui-même, mais parce qu'un gouvernement, le gouvernement fédéral, a décidé d'appuyer cet individu dans sa démarche, et c'est là toute la différence, M. le Président. Lorsqu'un gouvernement fédéral, qui a toujours reconnu le droit du peuple à décider, décide qu'il ne le reconnaît plus et qu'il appuie une démarche qui ne reconnaît plus ce droit-là, là, il y a urgence d'agir.

M. le Président, nous avons pris exactement le texte – et le leader de l'opposition l'a dit tantôt – qu'on pouvait retrouver dans la Loi sur le processus de détermination de l'avenir politique et constitutionnel du Québec. Pourquoi ne sont-ils plus d'accord, M. le Président, avec ce considérant-là? Et je vous le lis: «Considérant que les Québécois et les Québécoises sont libres d'assumer leur propre destin, de déterminer leur statut politique et d'assurer leur développement économique, social et culturel». C'est cette loi qui a donné le mandat de la commission des questions afférentes à la souveraineté. J'étais membre de cette commission, M. le Président.

Dans le projet de rapport qui a été déposé, c'était très clair, très clair – et je cite ce rapport, M. le Président, dans son introduction – pour tous les membres de la commission, des deux côtés de la Chambre: «Les membres de la commission partagent la conviction qu'une expression démocratique claire de la volonté du peuple québécois constituerait le fondement légitime d'un geste éminemment politique comme celui de l'accession à la souveraineté.» Un geste éminemment politique, donc, pas un geste juridique, M. le Président. «Les membres constatent, par ailleurs, que cette légitimité a été affirmée à de nombreuses reprises par l'Assemblée nationale. À cet égard, on peut rappeler notamment le référendum de 1980, la Loi instituant la Commission sur l'avenir politique et constitutionnel du Québec, en 1990, de même que la Loi sur le processus de détermination de l'avenir politique et constitutionnel du Québec, en 1991. Enfin, il est opportun de rappeler que la légitimité de cette option a été reconnue à différentes époques par les plus hautes autorités fédérales.»

Pourquoi doit-on agir maintenant? Parce que les plus hautes autorités fédérales mettent en doute ce droit maintenant. On nous a dit, M. le Président, la semaine dernière, du côté du gouvernement libéral: Nous l'avons exercé, ce droit; nous l'avons exercé en 1980, nous l'avons exercé à l'entente de Charlottetown, nous l'avons exercé l'automne dernier, en 1995, M. le Président. Oui, ce qu'on nous dit maintenant, c'est que nous n'aurons plus le droit de l'exercer. C'est pour ça qu'il faut réagir maintenant, parce que ce qui avait toujours été reconnu, le gouvernement fédéral maintenant le met en doute.

Et le chef de l'opposition, M. le Président, est pourtant clair en dehors de cette Chambre. Il a dit: «Les Québécois, nous avons le droit à l'autodétermination, de décider dans un référendum quel va être notre avenir. Prétendre qu'une déclaration unilatérale ne serait pas reconnue... Par définition, si je décide unilatéralement de déclarer quelque chose, essayez donc de m'en empêcher», a ajouté M. Johnson. Pour lui, M. Chrétien «fait songer à quelqu'un qui dirait: Si vous sautez en bas du pont, je vous ordonnerai de remonter avant que vous tombiez par terre». Le chef de l'opposition, M. le Président, le reconnaît en dehors de cette Chambre. Ce que nous demandons maintenant, c'est de le reconnaître aussi dans la motion.

Toujours, M. le Président, au moment de la commission des questions afférentes à la souveraineté, il avait été très clair et approuvé par l'ensemble des membres que: «Le peuple est le principal élément constitutif de l'État. Celui-ci n'existe que pour le peuple. Il est important de définir qui compose le peuple québécois et qui serait ses citoyens. C'est à lui qu'il appartient de choisir ses mandataires.»

(10 h 40)

M. le Président, on nous a dit qu'au moment de la loi 150 les députés du Parti québécois avaient voté contre la loi 150. Mais il faut se rappeler pourquoi le Parti québécois avait voté contre la loi 150. Parce que, dans la loi 150 elle-même, M. le Président, nous avions des articles qui permettaient au gouvernement de ne pas respecter cet engagement de la loi 150, qui était de tenir un référendum à l'automne – il faut s'en rappeler, M. le Président – et que même le responsable du dossier, à l'époque, l'ancien député de Jean-Talon, lui-même reconnaissait qu'il n'était pas évident qu'on se soumettrait à présenter le référendum. C'est pour ça que le Parti québécois a toujours été conséquent avec lui-même, parce qu'on a toujours dit que le peuple était celui qui pouvait lui-même décider de son avenir. Il n'est pas question, pour nous, de soumettre l'avenir d'un peuple à la question juridique. C'est une question politique qui a toujours été reconnue par les deux formations politiques, M. le Président.

On nous dit aujourd'hui que le gouvernement a d'autres urgences. Et pourtant, M. le Président, dans le même souffle, l'opposition a déposé pour étude une motion que nous devons étudier cet après-midi, une motion qui est à l'effet de reconnaître le droit à l'autodétermination du peuple et de reconnaître en même temps le résultat du référendum et le fédéralisme renouvelé. On nous dit que, comme gouvernement, nous utilisons du temps de la Chambre pour quelque chose qui n'est pas fondamental et, en même temps, le parti de l'opposition dépose, la même semaine, une motion pour discuter de ce sujet, mais le discuter à partir de sa propre définition, M. le Président.

Alors, quand c'est pour discuter de sa propre définition de l'autodétermination, il n'y a pas de problème. C'est une motion d'urgence, on a le temps, on peut le faire, il n'y a aucune difficulté. Mais, lorsque c'est pour le faire à partir de notre définition, bien, là, ça pose un problème, M. le Président. Et je vois mal comment le parti de l'opposition, cet après-midi, peut discuter de cette motion-là, puisqu'il a passé la semaine à nous dire qu'il y avait beaucoup d'autres urgences dont on devait s'occuper. Alors, maintenant, ce matin, il y a d'autres urgences, on ne peut pas s'occuper de ce sujet-là, mais, cet après-midi, au moment de la motion des députés, là, il n'y a plus d'urgence sur les autres sujets; il n'y a pas de problème, on pourra discuter de cette urgence de la motion des députés de l'opposition.

Et on insiste toujours, de l'autre côté, M. le Président, sur cet aspect que le gouvernement ne reconnaît pas le résultat du référendum. Bien, M. le Président, si on n'avait pas reconnu le résultat du référendum, on aurait carrément déclaré la souveraineté du Québec. Nous avons reconnu le résultat du référendum. La preuve: nous continuons à gouverner dans le système fédéral que nous connaissons et avec les entraves que nous vivons, parce que nous avons reconnu le résultat du référendum.

Mais, le résultat du référendum, il y en a deux interprétations, M. le Président. Parce qu'il ne faut pas oublier quelle était la question référendaire. Est-ce que, la question référendaire, elle était: Est-ce que vous voulez le renouvellement du fédéralisme? Non, M. le Président, la question n'était pas à savoir si nous voulions le renouvellement du fédéralisme. La question était à savoir: Acceptez-vous que le gouvernement devienne souverain et qu'il fasse une offre de partenariat au gouvernement fédéral? La question, elle était sur la souveraineté et sur l'offre de partenariat à partir de l'entente qui avait été signée le 12 juin avec les trois formations politiques: le Bloc québécois, le Parti québécois et l'Action démocratique du Québec.

La question, elle était sur la souveraineté du Québec et sur l'offre de partenariat; elle n'était pas sur le fédéralisme renouvelé. Donc, lorsqu'on regarde le résultat du référendum, tout ce qu'on peut dire que le peuple a décidé, c'est qu'il ne donnait pas le mandat au Québec, au gouvernement québécois, de faire la souveraineté du Québec avec une offre de partenariat. C'est tout, ça s'arrête là. La question n'était pas de décider si nous voulions renouveler le fédéralisme, oui ou non, et on ne peut pas interpréter la réponse référendaire sur une question qui n'a pas été posée.

Et, si on voulait poser une question sur le fédéralisme renouvelé, il faudrait que ce soit une question sur le fédéralisme renouvelé, ce qu'ils auraient pu faire, M. le Président, au moment où ce parti était au pouvoir et où il s'était engagé à tenir un référendum. Ils n'ont pas eu le courage politique de le faire à ce moment-là. Cette question-là, elle aurait été claire, elle aurait été posée par eux-mêmes, à partir de ce qu'ils voulaient. Ils ne l'ont pas posée, cette question-là, et ce n'est pas celle-là que nous avons posée. Donc, nous ne pouvons interpréter le résultat comme une demande des Québécois d'un fédéralisme renouvelé. Absolument pas, M. le Président.

D'ailleurs, si on regarde le résultat du référendum, avec les chiffres de 49,45 % pour le oui, avec la différence, M. le Président, c'est évident que, dans ce 50 et des poussières pour cent, il n'y a pas 50 et des poussières de citoyens et de citoyennes qui veulent le renouvellement du fédéralisme. Dans ce 50 %, vous avez des citoyens du Québec qui ne veulent aucun changement constitutionnel, aucun changement constitutionnel, donc qui ne veulent pas un fédéralisme renouvelé. C'est complètement faux de prétendre que, dans le vote du non, l'ensemble de ceux et celles qui ont voté non veulent le renouvellement du fédéralisme. Il y en a une partie qui veut le statu quo, une partie qui veut le renouvellement du fédéralisme et, ce mandat-là, ce n'est pas celui-là que nous avons obtenu. Donc, c'est évident qu'on ne peut pas appuyer une motion qui dit que les Québécois ont demandé un renouvellement du fédéralisme; ce n'était pas la question, M. le Président.

Donc, il y a urgence de réagir parce qu'il y a changement d'attitude de la part du gouvernement fédéral et parce qu'il y a urgence pour le peuple de redémontrer au gouvernement fédéral que son Assemblée nationale, avec ses pouvoirs, réaffirme ce droit, que «l'Assemblée nationale réaffirme que le peuple du Québec est libre d'assumer son propre destin, de déterminer sans entrave son statut politique et d'assurer son développement économique, social et culturel».

M. le Président, nous avons à voter, dans quelques minutes, sur l'urgence. Il est clairement déterminé dans notre règlement que l'urgence doit être votée par les membres de l'Assemblée nationale. Ce sont les membres qui décident de l'urgence. M. le Président, nous avons des exemples dans le passé de suspension des règles, où nous avons suspendu les règles pour faire adopter un projet de loi, deux projets de loi, quatre projets de loi, pour faire adopter 28 projets de loi sous le gouvernement libéral, parce qu'on avait mal planifié nos travaux.

Aujourd'hui, il y a urgence parce que le droit du peuple québécois est bafoué et non reconnu par le gouvernement fédéral, et ce droit du peuple a toujours été présenté en cette Chambre et défendu en cette Chambre par l'ensemble des partis politiques, et, à l'extérieur de cette Chambre, par le chef de l'opposition lui-même, M. le Président. Donc, il y a urgence puisqu'on veut changer les règles. M. le Président, je verrais mal que le parti de l'opposition soit contre l'urgence, puisque, cet après-midi, lui-même présente une motion de l'opposition pour discuter de ce droit à l'autodétermination, alors que lui-même nous dit que nous pourrions parler de bien d'autres sujets beaucoup plus urgents.

M. le Président, il y a urgence de voter et il y a urgence que le peuple québécois se tienne debout, parce qu'une assemblée nationale qui ne se respecte pas, elle n'est pas respectée, ni par les autorités fédérales, ni par les autres nations. Je pense que, comme représentants, chacun et chacune, de nos citoyens et citoyennes dans nos comtés, ces citoyens et citoyennes méritent notre respect et méritent que nous reconnaissions ensemble qu'ils sont les seuls maîtres de leur destin. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la leader adjointe du gouvernement. Je vais maintenant céder la parole au prochain intervenant. M. le ministre des Relations internationales, vous avez la parole.


M. Sylvain Simard

M. Simard: M. le Président, nous sommes à étudier présentement une motion d'urgence visant à nous permettre de nous prononcer sur une motion du premier ministre qui vise à ce que l'Assemblée nationale réaffirme les droits de l'Assemblée nationale et, donc, les droits du peuple québécois à déterminer eux-mêmes leur avenir politique.

(10 h 50)

Nos amis d'en face ont plaidé à plusieurs reprises le fait que ce droit avait été exercé. Depuis quand, M. le Président, le fait d'exercer un droit éteint-il ce droit? Le fait d'avoir, à quelques reprises, exercé ce droit à l'autodétermination, c'est-à-dire, pour les Québécoises et les Québécois, de s'être prononcés sur leur avenir, en quoi cela annulerait-il pour l'avenir, pour ces mêmes Québécois et Québécoises, le droit de déterminer quel régime constitutionnel leur convient le mieux?

En fait, il y a eu référendum le 30 octobre dernier, et le gouvernement du Parti québécois, le gouvernement du Québec a respecté parfaitement les résultats de ce référendum. Nous continuons à payer nos impôts à Ottawa, nous continuons à fonctionner à l'intérieur du système fédéral canadien, nous participons même à des réunions fédérales-provinciales, nous participons à des rencontres au niveau ministériel pour faire en sorte que la population du Québec puisse retirer, au maximum dans les circonstances, les avantages possibles du système. J'en veux pour exemple la rencontre qu'a eue notre collègue, le ministre d'État à la Métropole, hier, avec le ministre des Finances du Canada concernant l'avenir économique de Montréal. Nous avons accepté pleinement les résultats du référendum d'octobre 1995 et nous allons continuer à les respecter.

Des voix: Bravo!

M. Simard: Cependant, je rappellerai à mes amis d'en face, qui se font plaisir de m'applaudir sur ce propos, et ils ont bien raison de le faire, que le leader du Parti libéral du Québec, M. Daniel Johnson, déclarait, dans une entrevue donnée l'hiver dernier dans une grande revue américaine, qu'au fond du coeur de tous les Québécois il y avait, indéracinable, le rêve de l'indépendance. Et pourquoi accepterions-nous aujourd'hui que les tribunaux et même le gouvernement canadien, le gouvernement fédéral qui s'associe à cette démarche des tribunaux, puissent un jour enlever, retirer aux Québécoises et aux Québécois la possibilité, un jour, de réaliser ce rêve? Comment arracherions-nous du coeur des Québécois ce rêve dont le leader libéral disait lui-même qu'il était profondément enraciné au coeur de chacune et de chacun des Québécois et des Québécoises? Je pense que nous avons un devoir ce matin, que nous avons un devoir aujourd'hui, un devoir urgent de réaffirmer le droit inaliénable du peuple québécois à déterminer son avenir et les droits des membres de cette Assemblée à être les représentants de ce peuple québécois dans la détermination de ce droit.

D'ailleurs, j'entendais tout à l'heure un honorable représentant de l'opposition plaider que, puisque c'est une évidence, il n'est pas nécessaire de le répéter, il n'y a pas urgence à le répéter. Comment expliquer alors que le Conseil du patronat du Québec et son président, Ghislain Dufour, qui ne peuvent pas, en aucune façon, être taxés de sympathie trop grande à l'égard de la cause souverainiste... Comment se fait-il que le Conseil du patronat ait jugé, lui, urgent, hier, de mentionner, ici même en commission parlementaire, à quel point il était urgent, au contraire, de réaffirmer le droit inaliénable de l'Assemblée nationale à déterminer les conditions d'un référendum éventuel et du peuple québécois à déterminer son avenir?

Comment se fait-il que le Parti libéral du Québec, aujourd'hui opposition officielle, vienne nous dire qu'il n'y a pas urgence à réaffirmer, au moment où il est mis en question, un droit inaliénable, un droit fondamental, un droit sacré des Québécois à déterminer leur avenir? Comment comprendre cette position autrement que par ce que disaient tout à l'heure le leader du gouvernement, le leader adjoint du gouvernement, la leader adjointe du gouvernement? Comment comprendre autrement que par la division qui existe chez ces mêmes libéraux face à notre avenir et face à cette position fondamentale? Comment tenter d'éviter un vote, comment tenter d'éviter de montrer à la population toutes les divisions qui existent au sein du Parti libéral actuellement autrement qu'en cherchant par toutes sortes de procédés à ne pas voter? Eh bien, M. le Président, l'opposition devra voter, l'opposition devra se prononcer, ses divisions paraîtront ou, alors, les Québécois et Québécoises verront que l'opposition ne défend pas ce droit fondamental. Merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre. Je rappelle que j'ai accordé une minute additionnelle. Les deux minutes non utilisées par le député d'Iberville seront distribuées à parts égales; alors, j'ai accordé la minute additionnelle au député. Le groupe parlementaire formant le gouvernement a épuisé son temps de parole pour le moment; s'il y avait, plus tard, du temps non utilisé, je verrai à le répartir équitablement.

Je suis prêt à reconnaître le prochain intervenant. Alors, s'il n'y a pas d'intervenant, je vais mettre la motion...

M. Jolivet: M. le Président, est-ce que je dois comprendre, de la part de l'opposition, qu'il n'y a plus aucun intervenant et que le temps qui reste peut être partagé? Est-ce que c'est ce qu'on comprend?

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, s'il n'y a plus d'intervenants, à ce moment-là, le temps disponible peut être utilisé par le parti au pouvoir. Il reste 31 min 30 s et il y a les 10 minutes des deux députés indépendants qui ne sont pas encore venus; s'ils arrivaient, il faudrait leur laisser leur temps. Alors, nous réserverons les 10 dernières minutes pour les indépendants, s'ils arrivent à ce moment-là. M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Oui. Strictement, M. le Président, pour vous indiquer que le temps non utilisé est imparti. Nous n'avons pas décidé de ne pas utiliser tout le temps; nous nous ajusterons au fur et à mesure des discours qui seront prononcés en cette Chambre.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, à ce moment-là, vous avez le droit de parole, M. le ministre des Affaires municipales.


M. Rémy Trudel

M. Trudel: Merci, M. le Président. En commençant, d'abord, par manifester un étonnement profond à ce que l'opposition n'utilise même pas les minutes qui sont mises à sa disposition pour traiter de cette question absolument fondamentale dans la vie collective des Québécois, le droit de déterminer leur avenir. M. le Président, ça devient incroyable quelquefois, ce qui se passe avec un parti d'opposition qui ne sait plus distinguer l'accessoire de l'essentiel, le nécessaire pour un peuple qui, depuis au-delà de 300 ans, lutte, travaille, s'acharne non seulement à se faire reconnaître, mais à le faire, M. le Président, à l'intérieur des règles démocratiques reconnues par les peuples de la terre qui ont épousé les principes fondamentaux de la grande démocratie telle que nous la connaissons dans la majorité des pays du monde.

M. le Président, la motion qui a été soumise par le gouvernement vise, en somme, à porter le message de façon très haute et très claire à l'ensemble des Québécois, mais aussi à l'ensemble de la communauté canadienne et à l'ensemble des gouvernements concernés par cette question. M. le Président, il est clair que les Québécois et les Québécoises forment un peuple. Nous avons les attributs d'un peuple, nous avons les éléments qui font en sorte qu'à travers l'histoire non seulement nous avons duré, mais ce sont ces attributs que nous avons acquis au cours des siècles, au cours des années, avec l'acharnement des hommes et des femmes qui habitent ce grand territoire, qui occupent les terres, qui travaillent, qui suent, qui font en sorte que nous produisions non seulement un ensemble de biens, mais un ensemble de services qui sont, d'abord, dédiés au mieux-être de nos concitoyens et de nos concitoyennes qui ont fait tout ce cheminement-là à travers une histoire extrêmement difficile, mais à la fois extrêmement respectueuse des règles démocratiques à chaque étape de leur histoire.

(11 heures)

M. le Président, la motion, elle est extrêmement simple. La motion que nous voulons faire adopter, elle vise à dire, à redire très fort, à haute voix, par la plus haute assemblée de la nation, l'Assemblée nationale, que le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, que le droit des Québécois de décider de leur avenir, sans entraves, c'est un droit inaliénable, que chaque Québécois et Québécoise est concerné par cette question, que nous avons tous à l'intérieur de chacun de nous une fibre intime qui vibre à chaque fois que nous faisons appel à la nation, au pays et à cette notion de la capacité de disposer de son avenir, de choisir et de respecter également, évidemment, les résultats lorsque nous décidons collectivement de prendre telle ou telle autre direction en vue de déterminer cet avenir.

M. le Président, il y a des moments dans la vie des peuples qui sont des moments privilégiés. Nous n'avons pas le droit, à l'occasion d'un prétexte saisi par d'autres gouvernements, en particulier par le gouvernement fédéral, de ne pas saisir l'occasion de dire: Nous allons éclairer, de façon technique, ce débat. Personne ne sera dupe, M. le Président. Les hommes et les femmes du Québec savent bien ce que cela veut dire. Le mouvement dans lequel s'est engagé le gouvernement fédéral à l'égard de ce droit indéniable des Québécois, inaliénable, des Québécois et des Québécoises, de disposer de leur avenir, eh bien, la voie dans laquelle on s'est engagé, M. le Président, c'est de vouloir semer le doute, vouloir semer toute la question de la capacité de décider à partir de la volonté de s'affirmer.

M. le Président, on ne peut pas laisser passer ces occasions. On ne peut pas adopter la langue de bois. On ne peut pas se taire dans ces occasions, dans ces moments de la vie des peuples. Et ceux et celles qui, aujourd'hui, pour des raisons de stratégie politique, de tactique à court terme, refusent de s'associer à cette motion, M. le Président, il y a fort à parier – ce n'est pas nous qui allons en décider ici, à l'Assemblée nationale, c'est le peuple qui va en décider – ils auront à régler leurs comptes avec l'histoire, M. le Président. Parce qu'un jour, dans la vie d'un peuple et des individus, il faut toujours finir par régler ses comptes avec l'histoire. Il faut toujours être capable de se rendre compte de la marche des peuples. Et comment nous avons participé et comment nous avons joint notre voix à ceux et celles qui, depuis au-delà de 300 ans, luttent, travaillent, s'acharnent à faire en sorte qu'aujourd'hui nous ayons de plus en plus d'instruments à notre disposition, que nous ayons arraché à chaque moment ces moyens pour bâtir notre avenir, comme tous les peuples fiers de la terre, et qu'aujourd'hui nous aspirions à nous donner le cadre de ce qui est normal pour tous les peuples de la terre: un pays, un pays normal, un pays complet.

Et qu'on se taise devant cette réalité de ceux et celles qui tentent d'imprégner, d'implanter le doute systématique dans l'esprit et la tête de ceux et celles qui ont à déterminer l'avenir de ce pays, nous n'avons pas le droit, M. le Président, de nous taire en ces occasions. C'est pourquoi nous avons déposé cette motion à l'Assemblée nationale, pour réaffirmer haut et clair non seulement la volonté, mais la nécessité de dire, de rappeler à nos concitoyens du reste du Canada cette notion inaliénable.

M. le Président, c'est quand même assez triste de constater, de lire ce que nous avons pu lire en fin de semaine d'un ministre représentant le gouvernement canadien, qui dit tout bonnement, M. le Président, comme si ça allait de soi, que, suite à un vote favorable majoritaire du peuple québécois quant à l'avenir, quant à sa décision sur son organisation, sur son destin, un vote majoritaire ne serait pas démocratique et contraire aux règles du droit international.

M. le Président, l'Assemblée nationale, les femmes et les hommes qui siègent ici n'ont pas le droit de rester muets devant une telle insulte aux Québécois et aux Québécoises. Nous n'avons pas le droit, M. le Président, de laisser dire des choses comme cela en 1996. Nous avons la responsabilité, et c'est une responsabilité morale, M. le Président, de dire, au nom de ceux et celles que l'on représente ici, que, peu importe leur idéologie, peu importe la façon dont ils envisagent l'avenir, nous avons l'obligation de redire ici que c'est le peuple, de façon majoritaire et démocratique, qui a ici, au Québec, comme ailleurs dans le monde, dans les pays démocratiques et tous ceux qui doivent le devenir... que nous devons, M. le Président, répéter, dire, lancer de façon très claire le message et répercuter ce que les hommes et les femmes du Québec veulent dire: Nous avons le droit de déterminer notre avenir et de disposer de notre avenir selon ce que nous en pensons, de la façon dont nous voulons y arriver.

M. le Président, on ne peut pas, au printemps de 1996, laisser un des nôtres dire à la face du monde que la règle démocratique, que les droits internationaux reconnus par les peuples de la terre, que toutes ces règles ne valent pas pour les Québécois et les Québécoises. On ne peut laisser passer un tel message, M. le Président. Il faut riposter. Il faut le dire, il faut l'affirmer. Et quelle est la voix la plus forte qui peut s'exprimer en pareille matière pour le peuple québécois? C'est son Assemblée nationale, M. le Président. Les hommes et les femmes du Québec sont tous représentés ici. Ces hommes et ces femmes, ils et elles veulent parler, ils veulent dire à leurs concitoyens et concitoyennes, à nos voisins, à nos voisines, que nous sommes un peuple démocratique qui veut respecter les règles de la démocratie mais qui veut également travailler et déterminer son avenir à l'intérieur de ces règles, ces règles qui sont reconnues au niveau du droit international.

M. le Président, nous ne sommes plus à l'heure des astuces juridiques. Nous ne sommes plus en face d'une quelconque technicalité qui ferait en sorte que la volonté populaire serait subrogée, serait soumise, en quelque sorte, à la technicalité, à l'artifice d'une disposition juridique, si constitutionnelle que soit cette disposition.

M. le Président, je veux joindre ma voix aux hommes et aux femmes de ce Parlement, de cette démocratie, pour dire: Les Québécois et les Québécoises ont le droit de déterminer leur avenir. Nous avons le droit inaliénable des peuples de disposer de nous-mêmes, de déterminer comment nous allons vivre dans le concert des nations. Voilà pourquoi, M. le Président, nos amis d'en face et tous ceux et celles qui siègent ici doivent y réfléchir, y penser sérieusement quant au message qui nous est envoyé, quant à ce qu'on tente d'implanter dans l'esprit des Québécois et des Québécoises, et dire: Non, ce n'est pas cela. Nous avons décidé de travailler, de déterminer notre avenir à l'intérieur des règles démocratiques. Nous maintenons cette idée de travailler et d'intervenir à l'intérieur des règles démocratiques et nous avons ce droit de poursuivre notre destin à l'intérieur de ces règles, dans le respect de nos voisins et dans le respect des hommes et des femmes qui ont travaillé si fort, qui ont sué si fort pour bâtir ce pays qui aspire à être un pays normal, complet. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre des Affaires municipales. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Prévost. M. le député.


M. Daniel Paillé

M. Paillé: Merci, M. le Président. À défaut non pas de gens d'en face, mais, pour moi, de gens d'à côté, il me fait plaisir de participer à ce débat qui, si j'ai bien regardé la motion, est sur la suspension de nos règles. Or, trois heures pour dire que la mascarade fédérale a assez duré, ça me semble être une bonne transaction. Je vais essayer de le démontrer en faisant une relation avec l'entreprise privée.

Dans l'entreprise privée, généralement, on va aux choses essentielles. On se dit: Il faut atteindre un objectif, il faut atteindre un but, il faut acquérir une entreprise ou bien il faut vendre une entreprise; faisons-le comme on l'entend, mais il faut atteindre l'objectif.

Or, le parlementarisme, pour des nouveaux qui sont arrivés en septembre 1994, réserve à chaque jour des surprises. Et cette espèce de dédale de procédures que nous vivons, ça étonne toujours les plus nouveaux, ça étonne toujours les plus naïfs. Mais il reste, M. le Président, qu'on apprend de ce genre de procédures, et on apprend comment ne pas perdre son temps. Je pense qu'une des choses les plus surprenantes, pour les gens qui osent encore nous regarder à la télévision ou pour les gens qui font de la politique, c'est comment on a l'impression qu'ici il y a du temps qui semble être gratuit.

Or, c'est le Mouvement Desjardins qui dit que «le temps, c'est de l'argent», ou des poètes qui disent qu'«il n'y a pas de temps à perdre, il n'y a que du temps perdu». Et c'est pour ça, M. le Président, que j'ai compris la procédure parlementaire que le leader du gouvernement a proposée, c'est-à-dire, de prendre deux heures maintenant pour éviter de perdre un temps de fou. Or, en termes de rendement, je trouve que le coût, par rapport au bénéfice, est très bien.

(11 h 10)

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Paillé: Qu'est-ce qu'on aurait pu faire? Ce qu'on aurait pu faire, M. le Président, c'est ce qu'on a tenté la semaine dernière, c'est de présenter une motion non annoncée puis de dire: Est-ce qu'on peut affirmer nos règles, selon les règles du parlementarisme, et dire: Bon, bien, un ou deux parlementaires auraient pu discuter sur une motion unanime, et puis vlan! ça aurait été fait en une heure ou deux.

Or, les gens d'en face – en fait, d'à côté – nous ont dit: Non, nous, on veut perdre notre temps. Alors, bon, comme on n'a aucune idée du temps que ça aurait pris, on s'est dit: On va utiliser une autre procédure. Vous savez, pour acquérir une entreprise, la première des choses qu'on fait, c'est qu'on va voir le propriétaire puis on lui dit: Veux-tu nous vendre ton affaire? S'il dit non, on essaie autrement, et on essaie tant bien que mal d'acquérir cette entreprise si elle nous plaît.

Alors, là, ce que j'ai compris, c'est que, si on avait présenté une motion de façon traditionnelle, sans suspendre les règles de cette Assemblée, bien, les gens d'à côté ou les gens d'en face auraient pu discourir chacun 20 minutes, lire le bottin téléphonique ou le dictionnaire «Larousse», à leur choix, et discourir là-dessus 20 minutes chacun – ils sont environ 45, 48 – ensuite, proposer des amendements, rediscourir de 20 minutes chacun, et là ça aurait été un temps fou, un temps monstrueux perdu, et nos commettants, les gens de Saint-Jérôme, ou les gens de Bellefeuille, ou les gens du comté de Prévost auraient pu dire, à raison: Bien, vous avez perdu votre temps.

Là, moi, ce que je comprends, c'est que, pour aller rapidement, on se dit, et ça, malgré toutes les farces et attrapes – et ceci dit avec tout le respect que je lui dois – du leader de l'opposition, avec toutes les farces et attrapes, on a réussi à avoir un débat de deux heures pour indiquer collectivement que nous prendrons, oui, à cette Assemblée nationale, trois heures tantôt pour affirmer nos droits les plus fondamentaux. Et c'est ça qui est important, M. le Président, c'est de savoir pourquoi diable traitons-nous pendant deux heures de la suspension des travaux? C'est justement pour limiter à ce que l'on pense essentiel, à trois heures de débat, pour limiter notre discussion sur notre droit fondamental. Et ça, M. le Président, c'est l'objectif. Il ne faut jamais perdre le nord, et l'objectif, c'est d'affirmer ce droit qu'a le Québec à décider de lui-même. Et ça, c'est évident. Et ça s'énonce très bien.

Vous savez, M. le Président, quand on regarde les gens ici, en cette Assemblée, bon nombre ont des adolescents à la maison, en ont eu ou en auront. Et, dans le fond, arrive toujours cette phrase suicidaire où les jeunes nous disent, où on se fait dire: Écoute, t'auras beau dire ce que tu veux, moi, j'ai décidé d'aller par là. Et c'est ça. Alors, donc, que ce soit indiqué ou non dans la Constitution canadienne, quand le Québec va décider d'aller où il veut, il décidera bien de le faire et il le fera. Et je pense, M. le Président, que, là-dessus, c'est inaliénable. Et, là-dessus, à notre image, quand, nous, on a décidé, adolescents, de s'en aller quelque part, nos parents nous ont respectés. Quand nos adolescents le disent, bien, nous les respectons. Et, donc, quand ce pays se dira: Oui, on s'en va par là, bien, on ira, et les autres nous diront: Très bien, faites-le.

Alors, c'est pour ça, M. le Président, que je pense que c'est une bonne transaction d'affaires que de discuter pendant deux heures – et ça s'achève; il reste à peu près 15 minutes – pour faire en sorte que l'on ne perde pas de temps, que l'on fasse trois heures de débat sur notre droit fondamental plutôt que de risquer de perdre des semaines et des semaines. Et, en voyant travailler l'opposition de ce côté cour d'où j'ai maintenant l'occasion de les regarder, je suis sûr que c'est une excellente transaction, puisqu'ils auraient pris beaucoup plus que trois heures pour voter cette motion que le premier ministre nous a présentée et nous représentera dans quelque temps.

Alors, M. le Président, je voterai donc en faveur de la suspension des règles de cette Assemblée parce que, justement, je pense que c'est un bon moyen d'atteindre notre objectif. Merci beaucoup.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Prévost. Je vais maintenant céder la parole à M. le ministre de l'Environnement et de la Faune. M. le ministre.


M. David Cliche

M. Cliche: Merci, M. le Président. Effectivement, le temps est à l'urgence et le temps est à la suspension des règles normales parce que nos amis d'en face refusent de reconnaître l'urgence de la situation; et, croyez-moi, il y a urgence.

Au lendemain du référendum, on a évoqué deux plans: le plan A et le plan B. Il y a le plan A, que ceux qui croient encore au dernier espoir du Canada auraient voulu voir, qui aurait été, selon eux, le plan normal par lequel le fédéral se serait retiré de champs de juridiction que le Québec et d'autres provinces réclament depuis des années, le plan A qui aurait fait en sorte que, peut-être, le gouvernement du Canada eût été raisonnable, et il y a le plan B. Le plan B, c'est simple, M. le Président. Le plan B consiste à faire peur aux Québécois. Le plan B consiste à évoquer une série de catastrophes légales qui suivraient l'expression démocratique des Québécois.

J'aimerais prendre ces quelques minutes pour expliquer le processus qui va mener le Québec, normalement, à une pleine souveraineté. J'aimerais ramener dans une situation réelle et dans une perspective internationale reconnue le processus qui va mener le Québec à sa pleine souveraineté.

M. le Président, dans le passé, j'ai eu la responsabilité du dossier autochtone et j'ai eu le plaisir d'étudier passablement à fond ces questions qui amènent des concepts comme ceux du droit des peuples à l'autodétermination, du droit des peuples indigènes à l'autonomie, des droits de sécession, du droit à l'intégrité territoriale, du droit de la succession d'États, etc. Donc, les propos que je vais tenir sont le fruit d'une recherche à la fois professionnelle, mais également d'une recherche politique et de plusieurs contacts politiques que j'ai eus avec les pays et les institutions démocratiques qui, éventuellement, reconnaîtront le Québec.

Parce que, au-delà des grands discours de Chrétien et des peurs que Chrétien et ses marionnettes judiciaires comme Guy Bertrand tentent d'apporter au Québec, il y a une chose, une seule et unique chose fondamentale qui va mener le Québec à la pleine souveraineté, c'est la reconnaissance du Québec par ses pairs, c'est le fait que le Québec, au lendemain du référendum, soit reconnu comme un pays par les autres pays du monde. La mécanique que je vais décrire et les principes internationaux que je vais décrire sont ceux qui m'ont été expliqués clairement par les pays qui, éventuellement, nous reconnaîtront. Chrétien aura beau imaginer quelque scénario apocalyptique que ce soit, il y a une seule et unique réalité, qui nous a été expliquée en fond et en large par les pays que j'ai rencontrés, les représentants des pays que j'ai rencontrés: Si 50 % plus un des citoyens habitant le territoire du Québec votent en faveur que le statut de la province de Québec soit modifié en celui de statut pleinement souverain, d'un État pleinement souverain, à ce moment-là, c'est la reconnaissance des autres pays qui fera en sorte que ce résultat d'un exercice démocratique soit reconnu et qui fera en sorte que ces pays, subséquemment à notre reconnaissance, parraineront notre entrée aux Nations unies.

(11 h 20)

Et cette question, elle est fondamentale, parce que les pays, lorsqu'ils nous auront reconnus et parraineront notre entrée aux Nations unies, à ce moment-là, il y a des principes reconnus en droit international et en pratique internationale qui s'appliquent. D'abord, le premier principe qui s'applique d'emblée, c'est le principe de l'intégrité territoriale. J'aimerais prendre quelques mots pour élaborer sur ce principe de l'intégrité territoriale et répondre à la fameuse question qu'on entend trop souvent et qui est maintenant soulevée devant les tribunaux par Me Guy Bertrand, qui est la suivante: Si les Québécois ont le droit à la sécession, pourquoi est-ce que les peuples indigènes du Québec n'ont pas, eux, le droit à la sécession?

C'est la question qui est soulevée, encore une fois, par Guy Bertrand. C'est une question qui a été soulevée depuis des années par ceux et celles, notamment, qui appuient le clan Chrétien, par ceux et celles qui veulent effrayer les Québécois et les laisser penser qu'éventuellement, si les Québécois approuvaient la souveraineté, demandaient la souveraineté, le territoire du Québec pourrait éclater et qu'on soustrairait à ce territoire des portions importantes dudit territoire, notamment le Nord du Québec, qui irait possiblement dans le giron inuit; la Baie-James, qui serait récupérée par les Cris; l'Abitibi-Témiscamingue de mon ami Trudel, ministre des Affaires municipales, serait récupérée par les Algonquins; le Témiscamingue, par les Algonquins; la Mauricie, par les Attikameks; la Côte-Nord, par les Montagnais; la région de Schefferville, par les Naskapis; la région de Montréal, par les Mohawks; la région de la Gaspésie, par les Micmacs.

M. le Président, le seul territoire du Québec qui n'est pas revendiqué par des droits indigènes ou des droits aborigènes, c'est une région qui se situe entre Québec, Saint-Georges de Beauce et Drummondville. Si on écoutait ceux et celles qui pensent que les droits, l'exercice des droits aborigènes au Québec et des droits indigènes au Québec remettrait en péril l'intégrité territoriale du Québec, il faut que vous réalisiez que le seul territoire qu'ils nous laisseraient à ce moment-là, c'est le territoire compris dans un triangle entre Québec, Saint-Georges de Beauce et Drummondville, ce qui serait un pays très populeux, on en conviendra.

Alors, pourquoi est-ce que le Québec a droit à son intégrité territoriale? Pour une raison. Le Québec est un État que l'on qualifie – là, j'utiliserai du jargon international – de semi-souverain, qui a des frontières reconnues. M. le Président, lorsque vous prenez une mappemonde, que vous regardez la carte du monde, vous remarquez que les frontières du Québec, qui a actuellement le statut d'un État semi-souverain à l'intérieur d'une confédération, a des frontières reconnues. Le Québec est donc un État semi-souverain, avec une frontière reconnue. Et lorsque nous serons reconnus comme étant pleinement souverains, le principe qui s'applique, c'est le principe de l'intégrité territoriale. Le territoire que tu possédais, le territoire reconnu que tu possédais est le territoire qui t'est reconnu lorsque tu deviens pleinement souverain. Les juristes disent: C'est le principe de l'intégrité territoriale: uti possidetis, ce que tu possédais, c'est ce que tu posséderas.

Alors, la question à laquelle je reviens: À l'intérieur de ce territoire et de cet État, l'exercice par les peuples autochtones, les nations autochtones du Québec, comme on les appelle ici, mais qui, dans le jargon international, sont décrits comme étant les peuples indigènes ou les peuples aborigènes, l'exercice de leur droit à l'autonomie, qui est reconnu maintenant par l'ensemble des pays, leur exercice de leur droit à l'autonomie ne porte pas préjudice à l'intégrité du territoire de l'État dans lequel ils vivent. Parce que, des peuples indigènes et des peuples aborigènes, il y en a dans la très grande majorité des pays membres de l'OCDE, notamment dans les pays limitrophes au nôtre, comme les États-Unis d'Amérique, l'Alaska, pour ne nommer que ceux-ci, les pays d'Amérique centrale, les pays d'Amérique du Sud, l'Australie, la Nouvelle-Zélande, la Scandinavie, la Suède... Les pays de la Scandinavie: la Suède, la Finlande, la Norvège sont des pays, comme le nôtre, comme le Québec, où il y a des peuples dits aborigènes, des peuples que l'on décrit dans le jargon international comme des peuples indigènes ou aborigènes, qui ont le droit à l'autodétermination, qui ont le droit d'exercer sur des parcelles de territoire dont ils ont la propriété l'exercice de leur autonomie, le droit de se gouverner eux-mêmes avec des gouvernements dont ils ont le contrôle, mais ceci à l'intérieur du territoire de l'État dans lequel ils vivent et à l'intérieur du système juridique de l'État à l'intérieur duquel ils vivent.

Cette question, elle a été étudiée à fond par des experts qui, notamment, avaient été engagés dans la commission sur les questions afférentes à l'accession du Québec à la souveraineté, en 1992, cette commission qui avait suivi la commission Bélanger-Campeau où on avait mandaté, à ce moment-là, une commission pour étudier les questions afférentes à l'accession à la souveraineté du Québec. Donc, ce premier principe de l'intégrité territoriale, il est... Je vais terminer bientôt, M. le Président, mais c'est important, je pense, pour les gens d'en face, de réaliser qu'il y a une pratique internationale, qu'il y a une façon de faire, un modus operandi international qui, lui, fait consensus nonobstant les campagnes de peur complètement irrationnelles que tente d'engager, selon leur plan B, le gouvernement fédéral.

L'autre principe fondamental, c'est celui de la succession d'États, c'est-à-dire que le jour où le Québec sera reconnu comme un État pleinement souverain sur le territoire qui est celui, en ce moment, qu'on lui connaît comme celui de la province de Québec, mais qui sera celui qu'on lui reconnaîtra comme celui de l'État du Québec en vertu du principe de l'intégrité territoriale, le deuxième principe fondamental, c'est le principe de la succession d'États, c'est-à-dire que le Québec, État pleinement souverain, va succéder au Canada pour toutes les lois fédérales et les lois canadiennes d'application qui s'appliquent sur le territoire du Québec. Un exemple qui m'est cher parce que je suis en ce moment dans la problématique des oiseaux migrateurs, par exemple, la protection des oiseaux migrateurs, qui est de juridiction fédérale en vertu d'une loi fédérale sur la protection des oiseaux migrateurs, le jour où le Québec sera reconnu souverain et le jour où le Québec deviendra souverain, deviendra automatiquement une responsabilité du gouvernement du Québec, État pleinement souverain.

(11 h 30)

M. le Président, nier la pratique que je viens de décrire, nier le modus operandi international qui est reconnu par les pays qui nous reconnaîtront bientôt suite à un référendum gagnant, nier une telle pratique, c'est non seulement nier le droit du Québec à décider lui-même de son propre avenir, mais c'est nier une pratique internationale, un droit international et une façon de faire internationale qui est reconnue par tous. En pleine campagne référendaire, M. le Président, en pleine campagne référendaire, j'ai eu le plaisir de recevoir, à Montréal, les représentants de la commission des affaires internationales du Parlement européen, de la commission des affaires territoriales du Parlement européen et le président – les trois présidents – de la commission des droits des peuples indigènes et des peuples aborigènes du Parlement européen, et ils sont venus dire exactement ce que je viens de dire, en pleine campagne référendaire, au centre-ville de Montréal, ils ont décrit le droit et la pratique que je viens de décrire et ils ont dit avec force que, si une majorité de citoyens habitant le territoire de la province de Québec demandait à la communauté internationale que le statut de cette province soit modifié en celui d'un État pleinement souverain, que les pays qui nous reconnaîtraient, selon eux, dans une sorte de formalité, avaient-ils dit, qu'à partir de cette reconnaissance, à ce moment-là, les principes que j'ai clairement décrits et expliqués, le principe de l'intégrité territoriale, le principe de la succession d'États et le principe que l'exercice à l'intérieur de ce territoire intègre, à l'intérieur de notre droit, à l'intérieur de notre juridiction l'exercice des peuples indigènes de leur droit à l'autonomie ne venait aucunement remettre en question l'intégrité territoriale du Québec, M. le Président.

Je tiens à le souligner parce que Me Guy Bertrand, ce matin, encore une fois, soulève ces visions apocalyptiques. Parce qu'ils ont réalisé une chose, M. le Président, et je vais terminer là-dessus, ils ont réalisé que la peur économique n'avait plus aucune prise sur les citoyens, qui sont de plus en plus fiers et qui n'ont plus peur de cette option que nous leur offrons. Ils ont maintenant réalisé que, pour faire peur aux gens, ils devaient explorer d'autres avenues, d'autres arguments qui, de façon évidente, vont tomber bientôt à plat dans l'opinion publique. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre de l'Environnement. Y a-t-il d'autres intervenants?

Une voix: Il n'y en a pas d'autres.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, le débat restreint sur la motion de suspension des règles est maintenant terminé.


Mise aux voix

Je mets aux voix cette motion. Cette motion se lit comme suit:

«Que, en raison de l'urgence de la situation et en vue de permettre la présentation et l'adoption de la motion suivante:

«"Que l'Assemblée nationale réaffirme que le peuple du Québec est libre d'assumer son propre destin, de déterminer sans entrave son statut politique et d'assurer son développement économique, social et culturel."

«Le premier paragraphe de l'article 19, les articles 20 et 21, l'article 52, les mots "ou sur un fait personnel" au quatrième paragraphe et le septième paragraphe de l'article 53, l'article 54, les articles 71 à 73, l'article 84, les mots "ou à la demande d'un député" au premier alinéa de l'article 86 ainsi que le deuxième alinéa du même article, les deuxième, troisième, cinquième et huitième paragraphes de l'article 87, les articles 88 à 101, 105 et 106, 191, les articles 194 à 210, les articles 215, 216, 220, les mots "Le discours et le débat à l'Assemblée sont prioritaires" de l'article 272, les mots "qui suit la fin du débat en commission" de l'article 276, les articles 304 à 312 soient suspendus jusqu'à l'adoption de la motion prévue au premier alinéa;

«Dès l'adoption de la présente motion, il soit permis à un ministre de présenter sans préavis la motion prévue au premier alinéa malgré les articles 188 et 189 et que cette motion ne puisse être amendée;

«Le débat sur ladite motion soit limité à une durée de trois heures, 10 minutes étant réservées à chaque député indépendant ainsi que 15 minutes pour la réplique de l'auteur de la motion, le reste du temps étant partagé également entre l'opposition officielle et les députés formant le gouvernement, et ce, sans limite quant à la durée des interventions;

«L'Assemblée ne puisse, à compter du mercredi 22 mai 1996, procéder aux affaires courantes qu'après l'adoption de la motion prévue au premier alinéa;

«L'ajournement du débat puisse être proposé à tout moment de la séance par un ministre ou un leader adjoint du gouvernement; une telle motion ne requière pas de préavis, ne puisse être amendée ni débattue et soit immédiatement mise aux voix sans appel nominal;

«L'ajournement de l'Assemblée puisse être proposé à tout moment de la séance par un ministre ou un leader adjoint du gouvernement; une telle motion ne requière pas de préavis, ne puisse être amendée ni débattue et soit immédiatement mise aux voix sans appel nominal;

«Le retrait d'une motion puisse être proposé à tout moment de la séance par un ministre ou un leader adjoint du gouvernement; une telle motion ne requière pas de préavis, ne puisse être amendée ni débattue et soit immédiatement mise aux voix sans appel nominal;

«Outre les dispositions prévues à la présente motion, tous les votes soient faits à main levée à moins que cinq députés n'exigent un vote par appel nominal;

«L'Assemblée puisse siéger tous les jours à compter de 10 heures;

«Les règles ci-haut mentionnées puissent s'appliquer jusqu'à l'adoption de la motion prévue au premier alinéa et, pendant ce temps, l'Assemblée ne puisse procéder à aucune autre affaire inscrite au feuilleton.»

Cette motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté...

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Brouillet): ...sur division.

Maintenant, conformément à la motion que l'Assemblée vient d'adopter, nous allons maintenant procéder à la présentation de la motion suivante. Et je cède la parole à M. le premier ministre. Excusez, M. le premier ministre. M. le leader de l'opposition.


Demande de directive


Application du dernier alinéa de la motion de suspension des règles de l'Assemblée aux travaux des commissions


M. Pierre Paradis

M. Paradis: Je veux m'excuser auprès du premier ministre de l'interruption momentanée. M. le Président, une question de directive quant à la motion de suspension des règles qui vient d'être adoptée par l'Assemblée nationale du Québec. On se souvient que, dans un contexte identique ou similaire la semaine dernière, le leader du gouvernement avait déclaré publiquement, lorsque sa première motion avait échoué, qu'il n'avait pas l'intention de retarder le débat sur le discours du budget, qui est prioritaire, de même que de retarder les autres sujets à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale du Québec.

Si on se réfère, M. le Président, à la page 18 du feuilleton d'aujourd'hui, on constate que le programme, sujet à modification, toujours inscrit au feuilleton, prévoit: mercredi 22 mai 1996, débat sur le discours du budget, commission du budget et de l'administration, salle Louis-Joseph-Papineau, de 10 heures à 12 h 30; commission des institutions, salle du Conseil législatif, 10 heures à 13 heures, consultation générale et auditions publiques sur le document de réflexion sur les amendements à la Loi électorale; et consultations particulières à la commission des affaires sociales, salle Louis-Hippolyte-LaFontaine, de 10 heures à 13 heures, Loi modifiant de nouveau la Loi sur les services de santé et les services sociaux.

M. le Président, je vous soumets respectueusement que la motion qui vient d'être adoptée sur division par l'Assemblée nationale du Québec ne réfère aucunement à l'article 275 du règlement de l'Assemblée nationale, qui stipule: «Poursuite du débat en commission. Lorsqu'il n'y a plus d'intervenants ou qu'il s'est écoulé 13 h 30 min depuis le début du discours du ministre des Finances, le débat est suspendu à l'Assemblée. Il se poursuit à la commission du budget et de l'administration au plus tard à la séance suivante. Le ministre des Finances est membre de la commission pour la durée du mandat.» Je vous réfère également, M. le Président, à l'article 10 de la Loi sur l'Assemblée nationale du Québec, qui stipule: «Constitution des commissions. L'Assemblée peut constituer des commissions. Composées de députés, ces commissions sont chargées d'examiner toute question relevant de la compétence que l'Assemblée leur attribue et d'exécuter tout mandat qu'elle leur confie.» Je vous réfère également, M. le Président, à l'article 154 du règlement de l'Assemblée nationale, qui, lui, stipule: «Sauf dispositions incompatibles, les règles relatives à l'Assemblée s'appliquent aux commissions.»

M. le Président – vous me voyez venir – le dernier paragraphe de la motion présentée cette semaine par le leader du gouvernement diffère du dernier paragraphe de la motion de suspension des règles présentée par le leader du gouvernement en ce qui a trait aux commissions. Vous retrouvez d'ailleurs les deux motions inscrites au feuilleton d'aujourd'hui; il vous sera d'autant plus facile de les comparer. La motion de suspension des règles qui vient d'être adoptée sur division, à son dernier paragraphe, se lit comme suit: «Que les règles ci-haut mentionnées puissent s'appliquer jusqu'à l'adoption de la motion prévue au premier alinéa – et sur laquelle vous vous apprêtez à reconnaître l'honorable premier ministre – et, pendant ce temps, que l'Assemblée ne puisse procéder à aucune autre affaire inscrite au feuilleton.»

(11 h 40)

Question à deux volets, M. le Président: Compte tenu que les commissions sont des démembrements de l'Assemblée, est-ce que la motion adoptée sur division fait en sorte que les commissions sont sujettes à cette motion et que, en conséquence, les commissions prévues, dans deux cas en tout cas, ne siégeraient pas, soit celles qui prévoient des consultations générales et des consultations particulières, la commission des institutions et la commission des affaires sociales; et est-ce que, compte tenu des dispositions du règlement qui découlent de l'article 275, un traitement différent, compte tenu qu'il s'agit d'un débat prioritaire, doit être affecté ou attribué à la commission du budget et de l'administration, qui est une continuité du débat en cette Chambre, compte tenu que le leader du gouvernement n'a pas suspendu les dispositions de l'article 275 du règlement, M. le Président?

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, quelques interventions. M. le leader du gouvernement, sur la question.


M. Pierre Bélanger

M. Bélanger: Oui, quelques interventions. Alors, je suis content que le leader de l'opposition ait finalement reconnu que ma motion que j'avais présentée hier était différente de celle de la semaine dernière. Il l'a vu.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bélanger: Il a bien vu qu'elle était différente. Alors, M. le Président... Non, non, je n'ai pas fini, M. le Président.

M. Paradis: Question de règlement, M. le Président.

M. Bélanger: Je n'ai pas fini.

M. Paradis: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Quel est l'article? Je ne vois pas trop, trop une question de règlement. Brièvement.

M. Paradis: Parce que le président a reconnu hier que les deux motions de fond du premier ministre étaient identiques. Le premier ministre lui-même l'a reconnu.

Une voix: Ah oui!

M. Bélanger: M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Si justement, comme l'a si bien lu le leader de l'opposition, je n'ai pas suspendu l'article 275, c'est que, justement, je n'ai pas voulu en faire un ordre de la Chambre à l'effet que les commissions parlementaires étaient suspendues. Alors, à ce moment-là, M. le Président, si on veut tout simplement que... Quand on parle de l'Assemblée, M. le Président, l'Assemblée nationale, c'est ici, c'est en Chambre, ici, au salon bleu.

Alors, M. le Président, si vous voulez prendre ça en délibéré et, à ce moment-là, pendant que le débat va s'amorcer sur la motion du premier ministre, il est tout loisir pour vous d'interpréter la motion de suspension des règles qui a été adoptée, qui est maintenant le seul règlement de notre Assemblée nationale. Et, à ce moment-là, M. le Président, nous nous soumettrons à la directive ou à votre décision relativement à l'impact de la motion de suspension des règles sur les travaux des commissions. Mais nulle n'a été notre intention d'arrêter les commissions parlementaires. Cependant, si le leader de l'opposition veut les arrêter, nous, il n'y a pas de problème relativement à ça, on considère que le débat en cette Chambre est assez important pour, justement, que tous les députés puissent être présents en cette Chambre pour assister au débat qui va suivre.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Une dernière très brève, et après nous allons procéder.


M. Pierre Paradis

M. Paradis: M. le Président, vous aurez compris, comme président de cette Chambre, que ce n'est pas une question de savoir ce que le leader du gouvernement veut ou ce que le leader de l'opposition veut. Il est question de savoir, quant à la motion de suspension des règles qui a été adoptée, compte tenu de l'interprétation des articles qui restent au règlement et qui n'ont pas été suspendus: Est-ce que les commissions parlementaires sont une émanation de l'Assemblée nationale et est-ce que le dernier paragraphe de la motion, adoptée sur division du leader du gouvernement s'applique également aux commissions parlementaires?

Je le répète, M. le Président, il se lit comme suit: «Les règles ci-haut mentionnées puissent s'appliquer jusqu'à l'adoption de la motion prévue au premier alinéa et, pendant ce temps, l'Assemblée ne puisse procéder à aucune autre affaire inscrite au feuilleton.»

Est-ce que ça exclut les commissions parlementaires? Si votre décision est à l'effet que ça comprend les commissions parlementaires, compte tenu du fait que l'article 275 n'a pas été suspendu, est-ce que la même procédure s'applique à la commission du budget et de l'administration, M. le Président? Là-dessus, nous nous soumettrons à votre directive.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, j'ai très bien saisi la question. Si vous voulez rapidement ajouter un dernier élément.


M. Pierre Bélanger

M. Bélanger: Oui, M. le Président, juste pour souligner que l'irrecevabilité, c'était hier. Alors, je comprends que la nuit porte conseil. Il a fait une lecture peut-être plus attentive, à ce moment-là, de la motion qui avait été présentée hier, mais c'était hier, à ce moment-là, qu'il fallait soulever l'irrecevabilité. Nous allons nous soumettre à la décision que vous allez rendre relativement à savoir si les commissions doivent siéger.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Écoutez, là, la question est très claire. Il s'agit de savoir: quand on parle de l'Assemblée, ici, est-ce que ça comprend les commissions? Alors, ce n'est pas chinois comme question. La réponse, moi, personnellement... Il y a certains articles... J'aimerais qu'on suspende deux minutes, simplement pour vérifier avec les personnes ici, à savoir si vraiment, ici, le terme «Assemblée» exclut complètement, si vous voulez, les commissions comme émanation de l'Assemblée.

Je suspends pour quelques minutes.

(Suspension de la séance à 11 h 44)

(Reprise à 11 h 48)


Décision du président

Le Vice-Président (M. Brouillet): Veuillez prendre vos places, s'il vous plaît.

J'ai voulu confirmer un peu ma première perception de la situation et, même si les commissions sont des émanations de l'Assemblée, le terme même d'«Assemblée» ne réfère pas, si vous voulez, aux commissions comme telles, mais réfère seulement à ce forum. Les commissions sont des forums distincts de ce forum dans lequel nous siégeons présentement. Alors, donc, malgré la motion de suspension des règles telle que formulée, les commissions peuvent siéger concurremment. M. le premier ministre.


Motions du gouvernement


Motion proposant que l'Assemblée réaffirme la liberté du Québec de déterminer son statut politique

M. Bouchard: M. le Président, j'ai l'honneur de présenter cette motion dont je donne lecture:

«Que l'Assemblée nationale réaffirme que le peuple du Québec est libre d'assumer son propre destin, de déterminer sans entrave son statut politique et d'assurer son développement économique, social et culturel.»

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous rappelle que, conformément à la motion adoptée par l'Assemblée nationale, ce débat est d'une durée de trois heures réparties comme suit: 10 minutes sont réservées à chaque député indépendant, 15 minutes sont réservées pour la réplique de l'auteur de la motion, le reste du temps étant partagé également entre l'opposition officielle et les députés formant le gouvernement, et ce, sans limite quant à la durée des interventions.

(11 h 50)

Je cède maintenant la parole à M. le premier ministre. M. le premier ministre.


M. Lucien Bouchard

M. Bouchard: Merci, M. le Président. Depuis le début de l'année, le gouvernement des Québécois concentre son énergie sur quelques grands axes qui font consensus. Avec nos partenaires sociaux, nous sommes convenus de solidifier le Québec, notamment en éliminant le déficit, en relançant l'emploi, en réformant l'éducation et la sécurité du revenu.

Pour que la maison québécoise soit plus solide, nous avons du travail à faire, nous avons un effort à consentir. Pour y arriver, nous avons voulu, depuis quelques mois, dégager un espace de sérénité et de solidarité au-delà de nos divergences sur la question de l'avenir politique du Québec. Les femmes et les hommes du Québec de tous les milieux et de toutes les origines ont réagi avec enthousiasme à cet appel à l'effort et à la solidarité.

Cependant, semaine après semaine, les chefs fédéralistes à Ottawa ont insisté pour nous replonger dans le débat constitutionnel. De déclarations incendiaires sur la partition en propos irresponsables sur la démocratie, le gouvernement fédéral s'entête à jeter de l'huile sur le feu. Les Québécois ne se laisseront pas dévier de leur cap par de telles provocations, M. le Président. Leur gouvernement ne modifiera ni son calendrier ni ses priorités pour répondre au voeu des ministres fédéraux. Cependant, la gravité des remises en cause faites ces derniers jours par l'État fédéral exige que l'Assemblée nationale interrompe ses travaux pour réaffirmer, haut et fort, le droit des Québécois. Une fois cette tâche accomplie, une fois ce signal lancé, l'Assemblée, le gouvernement et les Québécois reprendront les tâches qu'ils se sont assignées: solidifier le Québec, notamment en éliminant le déficit et en relançant l'emploi.

Il y a 10 jours, le gouvernement fédéral a pris la grave décision d'intervenir devant un tribunal pour affirmer que l'avenir des Québécois ne leur appartenait pas. M. Chrétien et son ministre de la Justice s'étaient d'abord drapés derrière des arguments légaux pour tenter de minimiser la portée de leur geste. Ils affirmaient, un peu comme le chef de l'opposition, qu'il s'agissait d'obscurs débats d'avocats, de points de droit fins et subtils qui auraient peu d'impact sur le débat politique. Ils protestaient que leurs intentions étaient pures et ne devaient être, en aucun cas, interprétées comme une volonté de bâillonner la démocratie québécoise.

L'urgence, M. le Président, est maintenant plus grande que jamais. Mercredi dernier, à la Chambre des communes, à Ottawa, M. Jean Chrétien a jeté tous les masques, et la vérité a été brutalement dévoilée. Le chef libéral canadien a indiqué, plus clairement que jamais, quelle était sa nouvelle position, sa nouvelle stratégie. Il a déclaré que «même si les Québécois optaient majoritairement pour la souveraineté, même si cette Assemblée nationale votait en conséquence de la souveraineté, même si, donc, la démocratie québécoise s'exprimait, les lois canadiennes – a-t-il dit – doivent être respectées et il n'y aura pas de déclaration unilatérale d'indépendance». Fin de la citation. Et, si cela ne suffisait pas, si cela n'était pas assez clair, tout à l'heure même, devant la Cour supérieure siégeant à Québec, l'avocat du gouvernement fédéral a formellement affirmé au nom de son client, et je cite, au paragraphe 18 de son exposé d'ouverture: «Le Québec ne rencontre pas les conditions du droit à la sécession.» Fin de la citation.

M. le Président, le chef du gouvernement fédéral, l'État fédéral, pour la première fois de notre histoire, viennent d'indiquer que c'est le Canada qui imposera des choix au Québec. Il l'a répété le lendemain, puis le surlendemain, puis le jour d'après. L'État fédéral, par la voix de son premier ministre, veut donc interdire aux Québécois de choisir eux-mêmes leur destin. Il vient de dire aux 94 % de femmes et d'hommes qui se sont déplacés le 30 octobre pour aller voter, 94 % de Québécoises et de Québécois du Oui et du Non qui pensaient décider de leur avenir, qu'ils avaient tort, car la décision, selon M. Chrétien, ne leur appartient pas.

Selon M. Chrétien, l'Assemblée nationale du Québec n'est pas souveraine pour fixer les règles référendaires, pour définir la question référendaire et pour en tirer les conclusions. Selon M. Chrétien, l'Assemblée nationale des Québécois n'est rien de plus qu'un club de discussion sans effets et sans pouvoirs. Qui plus est, le Canada imposera sa volonté aux Québécois par le biais de la Constitution de 1982, une constitution adoptée contre la volonté formellement exprimée par les deux partis représentés à l'Assemblée nationale, une constitution qui n'existe en droit que dans sa version anglophone, une constitution qui ne respecte pas ses propres critères de validité quant à son adoption. Bref, au droit sacré des Québécois à disposer d'eux-mêmes, Jean Chrétien oppose une constitution politiquement illégitime et unilingue anglaise dans sa seule version officielle et légale.

Je comprends que le chef de l'opposition ait voulu, mardi dernier, marquer un point politique partisan avec son propre projet de motion, mais les déclarations qui nous viennent maintenant d'Ottawa nous appellent à notre responsabilité première envers le peuple québécois et envers la démocratie québécoise. Je les invite donc, lui et ses collègues, à s'attarder aujourd'hui à l'intérêt supérieur du Québec et à poser dans cette Chambre un geste solennel qui nous unisse.

Nous avons nous-mêmes eu le souci de cette atteinte du dénominateur commun en utilisant pour la motion formelle que je présente aujourd'hui, M. le Président, un libellé qui reprend presque mot à mot les textes que le Parti libéral du Québec a déjà produits, promus et adoptés. Nous sommes également heureux d'avoir le concours du chef de l'Action démocratique du Québec. Nous nous sommes surtout inspirés d'un texte qui a fait l'unanimité dans cette Assemblée. Il s'agit de la première phrase du préambule de la loi instituant la Commission sur l'avenir politique et constitutionnel du Québec, la loi, donc, qui créait la commission Bélanger-Campeau, qui fut, en soi, un grand moment de l'unité des forces fédéralistes et souverainistes au Québec. Les membres de l'Assemblée, dans ce moment important, avaient alors mis de côté leurs divergences. Et je reconnais, devant moi, les sièges vides de gens qui ont voté pour cette loi et qui ont siégé avec moi à cette commission. Je serais surpris et déçu qu'ils se dédisent aujourd'hui.

Ce texte représentait l'unanimité québécoise à un tel point que ceux qui siégeaient alors sous la bannière du Parti Égalité avaient voté en faveur de son adoption. Qui comprendrait, aujourd'hui, que le Parti libéral du Québec soit moins favorable au droit du Québec à disposer de lui-même que ne l'était il y a six ans le Parti Égalité?

Dans la motion qu'il présentait mardi, le chef de l'opposition voulait faire la promotion de son option, le fédéralisme renouvelé. Je pourrais, dans ma motion et dans ce discours, faire la promotion de la souveraineté, c'est mon option. Je ne le ferai pas, car ce n'est pas aujourd'hui le sujet à l'ordre du jour. Aujourd'hui, il s'agit du droit qui permet aux Québécois de choisir l'une ou l'autre de ces options.

Des voix: Bravo!

M. Bouchard: C'est ce que l'Assemblée nationale est appelée à réaffirmer aujourd'hui par la motion solennelle qui est devant elle. À ceux qui l'auraient oublié, à ceux qui voudraient le nier, à ceux qui craignent la force du Québec, mais surtout à nous-mêmes, nous nous devons de dire haut et fort que nous avons le droit de disposer de nous-mêmes, que nous avons fixé les règles les plus démocratiques qui soient, que nous avons respecté la volonté populaire chaque fois qu'elle s'est exprimée et que, chaque fois, notre démocratie en sort renforcée, chaque fois, notre droit de choisir gagne en solidité.

En 1980, le gouvernement de René Lévesque a proposé aux Québécois la souveraineté-association. Une majorité de Québécois a décliné la proposition. Le gouvernement du Parti québécois a respecté ce verdict sans toutefois cesser de croire en cette cause et sans cesser d'espérer qu'il y aurait, un jour, une autre occasion de donner ce choix aux Québécois, dans le respect de nos règles.

(12 heures)

En 1992, le gouvernement de Robert Bourassa, dont l'actuel chef de l'opposition était un membre important, a proposé aux Québécois un projet de réforme du fédéralisme. Une majorité de Québécois a décliné la proposition. Le gouvernement du Parti libéral a respecté ce verdict sans, toutefois, cesser de croire en cette cause et sans cesser d'espérer qu'il y aurait un jour une autre occasion de donner ce choix aux Québécois dans le respect de nos règles. En 1995, le gouvernement de Jacques Parizeau, avec mon appui, a proposé aux Québécois de réaliser la souveraineté et d'offrir un partenariat au Canada. Une majorité de Québécois a décliné la proposition. Le gouvernement du Parti québécois respecte ce verdict sans, toutefois, cesser de croire en cette cause et sans cesser d'espérer qu'il y aura un jour une autre occasion de donner ce choix aux Québécois dans le respect de nos règles.

Avec quelle question, M. le Président? Avec celle que déterminera l'Assemblée nationale. Et je dois dire que nous trouvons pour le moins excessif d'entendre les leaders fédéraux affirmer que les Québécoises et les Québécois sont trop simples d'esprit pour savoir ce que signifient les mots «souveraineté» et «offre de partenariat». La proposition souverainiste est simple, elle est claire, elle est connue des Québécois et, surtout, elle est positive, à l'image des Québécois et de notre projet. Voilà ce qui, au fond, suscite l'ire fédérale. À Ottawa, on veut présenter les choses sous un jour négatif. C'est compréhensible, et rien ne les empêchera, comme la dernière fois, par exemple, de tapisser le Québec du mot «séparation», si le coeur leur en dit.

Il ne peut donc, M. le Président, y avoir d'entente sur une question claire dans cette affaire. Et il ne peut y avoir de compromis sur la règle majoritaire. Elle est historique. Il s'agit de 50 % plus quelque chose. On entend les exégètes fédéraux citer maintenant les statuts de la CSN à l'appui de leur thèse de majorité qualifiée. Il est cependant curieux que M. Chrétien ne déclare pas nulle l'adhésion de Terre-Neuve à la Fédération car elle ne s'est faite, après deux référendums, qu'avec une majorité de 52 %.

Le chef de l'opposition dit que le droit du Québec de disposer de lui-même est une évidence. Alors qu'il était premier ministre, de ce fauteuil-ci, à l'Assemblée nationale, il avait lui-même clairement réaffirmé: «Il m'apparaît extrêmement clair, a-t-il dit il y a deux ans, qu'au Québec, du point de vue politique, du point de vue de la société québécoise, de l'ensemble de la population, nous avons déjà exercé, en 1980, le droit à l'autodétermination.» Fin de la citation. Et il ajoutait sur le ton péremptoire qui sied à ce genre de chose: «Je ne peux voir pourquoi, tout d'un coup, ce serait disparu.» Fin de la citation.

Voilà pourtant ce que le premier ministre canadien prétend. Lui qui affirmait, quelques jours avant le référendum, que l'avenir du Canada reposait entre les mains des Québécois, affirme maintenant tout d'un coup que ce droit a disparu. C'est pourquoi il nous faut le réaffirmer ici aujourd'hui.

De ce siège aussi, Jean Lesage disait que nous étions maîtres chez nous. Jean Lesage ne proposait pas la souveraineté, mais il savait que la décision nous appartenait. Et, du même fauteuil, Daniel Johnson père défendait l'égalité ou l'indépendance. Il ne proposait pas l'indépendance aux citoyens, mais il savait que la décision leur appartenait. Il en fut de même, bien sûr, de René Lévesque, de Pierre Marc Johnson et de Jacques Parizeau. Mais je parlerai des autres leaders libéraux qui ont défendu ce principe. Je vois devant moi des gens qui ont applaudi lorsque leur chef, Robert Bourassa, notre premier ministre d'alors, a déclaré de ce siège que, et je cite, «quoi qu'on dise et quoi qu'on fasse, le Québec est aujourd'hui et pour toujours une société distincte, libre et capable d'assumer son destin et son développement». Fin de la citation.

Le rapport de la commission Bélanger-Campeau, qui porte notamment les signatures de l'ancien premier ministre du Québec, de l'actuel député de Viger et du député de Nelligan, indique que les membres de la commission ont, je cite, «la conviction profonde que l'expression claire de la volonté du peuple québécois est le fondement du processus politique pouvant conduire à la souveraineté». Dans son propre addendum au rapport de la commission, l'ancien chef libéral, Claude Ryan, écrit ce qui suit, et je cite: «Je souscris entièrement à l'orientation voulant qu'en dernier ressort le peuple du Québec soit appelé à décider souverainement de son avenir collectif.» Fin de la citation.

Même l'actuel critique libéral en matière constitutionnelle, le député de Châteauguay, affirmait en décembre que le droit à l'autodétermination du Québec existe, et il ajoutait: «Le gouvernement élu propose le comment et le quand.» Fin de la citation. Et nous savons tous que le chef de l'opposition a prononcé dans cette Chambre une phrase belle et forte, que je lui emprunte, et je cite: «Nous sommes maîtres chez nous de décider de notre avenir. C'est un droit fondamental que je défendrai ici et partout, en toutes circonstances.» Fin de la citation.

M. Lesage, M. Bourassa, M. Ryan, l'actuel chef de l'opposition ont incarné cette cause. Ils n'ont jamais hésité à la réaffirmer en toutes circonstances. Voici une circonstance où il faut répéter cette évidence. Voici un rendez-vous avec le droit du peuple québécois. La responsabilité nous incombe ici. Elle incombe aussi au premier ministre du Canada, qui devrait savoir que ces gestes braquent le Québec et le Canada anglais. Il devrait savoir qu'en engageant ce débat il avive les différences plutôt que de promouvoir la coopération.

M. le Président, nous voici au coeur du sujet. Si les Québécois décident de devenir souverains, comment les choses se dérouleront-elles avec le Canada? Les fédéralistes, les souverainistes et les membres de la société civile qui ont participé à la rédaction du rapport Bélanger-Campeau ont donné une réponse à cette question. Je vais vous la lire car elle est dénuée de toute polémique. Elle est factuelle, et je cite:

«La Constitution canadienne ne fait pas mention du droit pour une province de faire sécession, c'est-à-dire de se retirer de la Fédération. L'expression démocratique d'une volonté claire de la population québécoise de se constituer en État indépendant, associée à l'engagement du Québec de respecter les principes de l'ordre juridique international, fonderaient la légitimité politique d'une démarche du Québec vers l'accession à la souveraineté.»

Et je continue en citant: «Si les autres membres de la Fédération y consentaient, l'accession du Québec au statut d'État indépendant pourrait se faire par accord. Les modifications constitutionnelles requises pourraient être préparées et les divers arrangements de transition négociés préalablement à la prise d'effet du changement de statut.»

Et je cite toujours: «En l'absence d'un tel accord, la démarche du Québec vers la souveraineté relèverait d'un processus de sécession unilatéral qui devrait se fonder sur une volonté populaire incontestable et clairement exprimée. La réussite du processus reposerait sur la capacité des institutions politiques québécoises d'instaurer et de maintenir à titre exclusif l'autorité publique sur le territoire du Québec. Elle requerrait également, selon le droit international, que d'autres États reconnaissent le Québec comme étant souverain.» Fin de la citation.

Voilà ce qu'ont signé trois personnes qui ont tour à tour eu la charge de premier ministre du Québec: Robert Bourassa, Jacques Parizeau et moi-même, avec l'appui de nos partis. Voilà également le chemin que suivent aujourd'hui les souverainistes. En proposant au Canada une offre formelle de partenariat et une période d'un an pour négocier les arrangements nécessaires, nous affirmons clairement que notre premier choix est une résolution négociée de l'ensemble des questions qui nous intéressent: espace économique commun, partage des responsabilités quant à la dette et aux actifs, organismes conjoints de gestion du partenariat.

Si le Canada et les provinces veulent utiliser cette période pour régler leurs problèmes de droit interne et adopter les amendements appropriés, le gouvernement du Québec ne s'y opposera pas. Nous n'avons cessé de répéter qu'il est dans l'intérêt du Canada et dans l'intérêt du Québec que cette transition vers la souveraineté se fasse dans le calme, dans le respect mutuel et dans l'entente réciproquement avantageuse. Nous notons que, de la même façon, le Canada et beaucoup d'anciennes colonies d'un Empire britannique qui se disait indivisible ont obtenu leur indépendance avec l'assentiment parfois tardif, parfois regimbant, mais l'assentiment tout de même du pouvoir britannique mis en présence des règles incontournables de la démocratie.

(12 h 10)

Notre premier choix est donc d'accéder à la souveraineté après avoir défini un partenariat avec le Canada dans un processus mutuellement acceptable. Nous ajoutons cependant que, si le Canada rejette notre main tendue, si le Canada veut nous imposer des veto, nous retenir dans la Fédération contre notre gré, nous allons nous en retirer en proclamant unilatéralement la souveraineté. C'est notre droit, nous allons l'exercer.

Des voix: Bravo!

M. Bouchard: M. le Président, le premier ministre canadien avait le choix soit de nous attirer dans un débat «divisif» ou de laisser les choses en l'état. M. Chrétien a posé un geste grave qui procède plutôt du calcul d'un chef de parti que des préoccupations d'un chef d'État. Certains, dont M. Claude Ryan, pensent qu'il prépare sa réélection, qu'il a fait une croix sur le Québec et qu'il veut soulever les passions au Canada anglais pour conforter sa réélection. Si c'est le cas, voilà un homme qui est prêt à déchirer le tissu social à son point le plus vulnérable pour des considérations partisanes.

Nous avons ici aujourd'hui une autre responsabilité, celle de nous unir plutôt que de nous déchirer. La société québécoise, aujourd'hui, regarde son Assemblée nationale. Nous sommes les garants de ses droits fondamentaux. Il nous revient de les protéger et de les affirmer. La motion qui est devant nous est sans doute l'une des plus importantes que notre Assemblée puisse adopter, l'une des plus importantes parce qu'il s'agit de notre capacité, en tant que législateurs élus par le peuple québécois, d'incarner la volonté populaire et de la réaliser. En effet, il n'y a rien de plus sacré dans la vie démocratique d'un peuple que sa capacité à disposer de lui-même. C'est l'essence même de sa liberté. Car voilà de quoi il s'agit: Le Québec est-il libre, oui ou non? Est-il libre de ses choix? Est-il libre de partir ou de rester?

Les Québécois qui ont voté non doivent-ils apprendre maintenant que le Canada n'a que faire de leur loyauté car ils n'ont pas la liberté d'agir autrement? Les Québécois fédéralistes, lorsqu'ils apprendront aujourd'hui que l'oeuvre de toute leur vie est vaine car l'appartenance au Canada n'est pas fondée sur le consentement mais sur la contrainte... La liberté des Québécois ne doit jamais leur être contestée, car, alors, ce serait remettre en cause la démocratie elle-même, ce serait remettre en cause l'existence même du peuple québécois.

En tant qu'Assemblée nationale du Québec, nous sommes les gardiens de la liberté et des droits des Québécois, gardiens de leurs droits individuels, d'abord. Nous avons su, il y a plus de 20 ans, adopter ici la première Charte des droits et libertés de la personne, une charte, à maints égards, plus généreuse et plus étendue que celles que d'autres Législatures ont adoptées ailleurs en Amérique du Nord. Nous sommes les gardiens, aussi, des droits collectifs des citoyens: droit d'association, droit à l'équité, droit de vivre dans une société francophone dans le respect des minorités. Mais l'ensemble de notre action repose sur notre autorité en tant qu'Assemblée nationale, et notre autorité repose sur la souveraineté populaire. Le leader de l'opposition avait raison de dire, il y a 18 mois, et je le cite, que «les Québécois sont déjà souverains, en ce sens qu'ils choisiront le statut politique du Québec en toute liberté». Fin de la citation. Parce que les Québécois ont ce droit, ils peuvent nous donner, à nous de l'Assemblée nationale, la responsabilité d'incarner cette souveraineté populaire.

Aujourd'hui, cependant, le gouvernement fédéral veut nier la souveraineté populaire des Québécois et de leur Assemblée nationale. Au Québec, notre position est claire: il appartient aux millions de citoyens québécois de choisir leur avenir. À Ottawa, la position est tout autre. Selon eux, il appartient d'abord à quelques juges de limiter, contraindre, voire nier la souveraineté populaire. Selon eux, il appartient ensuite au gouvernement fédéral et au gouvernement de chaque province du Canada de donner la permission aux Québécois de se choisir un avenir ou alors de retirer cette permission. Selon M. Chrétien, les hommes et les femmes du Québec peuvent bien discuter, réfléchir, se réunir, manifester ou même voter, mais, à la fin, ce ne sont pas les Québécois qui décident; à la fin, ce sont les juges, les premiers ministres de l'Ouest ou de l'Est qui ont le dernier mot sur l'avenir des Québécois.

Il y a peut-être eu une période, M. le Président, où les Québécoises et les Québécois étaient timides, timorés, incertains de leurs droits et de leurs capacités, il y a peut-être eu une période où nos citoyennes et nos citoyens préféraient faire le dos rond et attendre la fin de l'orage, il y a certainement eu une période où les Québécois savaient que les décisions se prenaient ailleurs, par d'autres, malgré eux et sans eux, mais ce temps est révolu. Les Québécois ne laisseront plus jamais d'autres décider à leur place, ils ne se laisseront plus jamais imposer des choix, des constitutions qu'ils n'ont ni voulues ni approuvées. Le Québec de 1996, malgré tous ses problèmes, est immensément plus fort qu'il ne l'était dans le passé: seizième puissance économique au monde, jouissant d'un dynamisme politique et culturel remarquable, s'engageant dans des consensus fructueux pour la création d'emplois, le progrès social et l'élimination de son déficit, le Québec a le muscle, l'intelligence et l'assurance qu'il faut pour affirmer son existence et son droit. On ne bousculera pas, on ne bousculera plus le peuple québécois.

Nous sommes ici aujourd'hui, M. le Président, pour l'affirmer et pour donner avis aux autres peuples et aux autres gouvernements qui voudraient douter de notre conviction et de notre détermination. Nous voulons le faire solennellement, pour bien inscrire notre voix et notre droit. L'Assemblée se prononcera tout à l'heure fort et pour longtemps. La prochaine fois que le gouvernement des Québécois, la prochaine fois que l'Assemblée nationale reviendra sur cette question de notre droit à disposer de nous-mêmes, ce ne sera pas pour le discuter ou pour le réaffirmer, ce sera pour l'exercer. Merci.

Des voix: Bravo!

Le Président: Je cède maintenant la parole au chef de l'opposition officielle.


M. Daniel Johnson

M. Johnson: Merci, M. le Président. Il y a un peu plus de deux mois, le premier ministre disait en cette Chambre: Il y aura moins d'assistés sociaux, il y aura moins de chômeurs s'il y a moins de paroles perdues, moins d'échanges controversés, s'il y a plus d'action dans ce Parlement même, dans l'Assemblée nationale.

M. le Président, depuis maintenant une dizaine de jours, le premier ministre et son Conseil des ministres et l'ensemble du caucus du Parti québécois nous convient ici à des chicanes, à du verbiage et à du théâtre et nous incitent maintenant, après quelques ratés dans les départs, à embarquer dans le train que j'ai dit, M. le Président, que nous ne prendrions pas.

M. le Président, le train que veut nous faire prendre le premier ministre, c'est le train du théâtre; c'est le train de la procédure; c'est le train de la comédie la plus complète; c'est une manoeuvre de diversion. C'est tellement évident que même le premier ministre, tout à l'heure, apparaissait éminemment contrarié de la très courte suspension que le président de l'Assemblée, en toute légitimité, a décrétée afin d'examiner une question qui avait été soulevée à son attention. Le premier ministre tentait, c'était transparent, d'atteindre le moment à l'horloge qui lui donnerait une grande cote d'écoute pour cette représentation.

À tel point qu'il y a environ deux heures, le président de l'Assemblée, appelant les intervenants, a constaté que, de ce côté-ci, nous en avions assez de la procédure et avions hâte d'aller au fond. À la grande surprise du gouvernement, de l'autre côté, on a dû très rapidement mobiliser quelques ministres qui n'ont eu rien de mieux à faire que d'ergoter sur des points de procédure. On a entendu le ministre des Affaires municipales nous dire que, du côté de l'opposition, à l'occasion de ce débat procédurier, comme nous ne prenions pas la parole, nous confondions l'accessoire et l'essentiel.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Johnson: C'est absolument extraordinaire! Le ministre des Affaires municipales a parlé 20 minutes sur l'accessoire.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Johnson: Il a meublé le temps afin que, évidemment, l'horaire de télévision que le premier ministre envisageait puisse être respecté. Le ministre de l'Environnement n'a pas non plus, lui, échappé à cette commande d'on sait où afin de meubler le temps jusqu'à l'arrivée du premier ministre. Le ministre de l'Environnement a même eu le temps de nous parler des oiseaux migrateurs...

Des voix: Ha, ha, ha!

(12 h 20)

M. Johnson: ...pour préparer le terrain sur une motion dont le premier ministre nous dit qu'elle est d'une solennité sans égale ici, à l'Assemblée nationale. Il est évident que le premier ministre était davantage soucieux de mettre sur les rails son train théâtral. Nous n'embarquerons pas dans ce train car ce n'est pas un train réel, sur des voies réelles. C'est un train, encore une fois, virtuel qu'a inventé de toutes pièces le premier ministre en réponse à ce qu'il considère être une attaque sans nom sur sa personne, sur ses convictions et sur ses responsabilités.

Deuxièmement, nous n'embarquons pas dans ce train parce que nous n'avons pas confiance en le conducteur du train. Le conducteur du train nous a habitués, depuis 30 ans, 35 ans, à des zigzags sans égal sur la scène politique canadienne. Un peu plus tôt dans le débat, dans le débat sur... je ne sais plus si c'est la première ou la deuxième motion de suspension des règles, M. le Président – et vous m'éclairerez, parce que je crois comprendre qu'une fois qu'on a disposé de la première la deuxième est encore au feuilleton... Le ministre de l'Énergie, donc, je crois que c'est la semaine dernière, nous a dit que nous étions ici parce qu'un individu avait tourné sur un dix-cents dans sa carrière et se retrouvait devant les tribunaux. Il s'agit, évidemment, de Me Guy Bertrand. Je me suis demandé quand même si le ministre de l'Énergie ne parlait pas de son premier ministre.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Johnson: Le premier ministre pourrait nous dire que tout le monde peut changer d'idée, que chacun peut connaître son chemin de Damas un jour, mais le premier ministre nous a habitués à son chemin de Damas, son chemin de Paris, son chemin d'Ottawa et son chemin de Québec, avant de prendre le chemin de Jonquière. Ça fait beaucoup de chemins, beaucoup de chemins!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Johnson: Le premier ministre, pour bien asseoir son intervention, a passé beaucoup de temps, dans son introduction, à évoquer ses prédécesseurs du Parti libéral du Québec. Il est même remonté assez loin dans le temps, évoquant même la mémoire de mon père, de son slogan et de la conviction qui transparaissait dans son livre «Égalité ou indépendance» publié en 1965. Le premier ministre reconnaîtra là que, à tout le moins, il y a plus de 30 ans, je baignais déjà – et je lui dis que ça faisait déjà longtemps – dans cette atmosphère qui nous amenait en tout temps, en toutes saisons et en toutes circonstances, comme je l'ai dit il n'y a pas si longtemps ici, à l'Assemblée nationale, à reconnaître, définir et défendre ce droit du Québec à l'autodétermination, et ça, il y a déjà 30 ans. Et, pendant ce temps, incidemment, à la fin des années soixante, que faisait le premier ministre? Il peaufinait ses discours qu'il entendait donner à l'Anse Saint-Jean pour appuyer Pierre Elliott Trudeau à l'élection de 1968.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Johnson: Alors, pour les leçons quant à la profondeur des racines des membres de l'Assemblée nationale...

Des voix: Vous repasserez.

M. Johnson: ...le premier ministre voudra bien repasser.

Le conducteur de ce train dans lequel il veut embarquer non seulement l'aile parlementaire du Parti libéral du Québec, mais l'ensemble de nos concitoyens, le conducteur se livre à des artifices. Ce n'est rien d'autre par les temps qui courent, alors que nous connaissons les véritables problèmes concrets dont les Québécois veulent que leur gouvernement s'occupe. Il est évident que le premier ministre a plutôt recours à la diversion pour faire oublier qu'il a décidé de ne rien faire en matière économique jusqu'à novembre prochain, lors de la prochaine conférence socioéconomique.

On pourrait souhaiter que le premier ministre manifeste la même détermination, la même agressivité dans sa lutte au chômage, dans la lutte au sous-emploi, dans la lutte à la pauvreté, qu'il en démontre dans ses discours sur ce qui demeure un artifice et un incident, à bien des égards, quant à la capacité des Québécois de décider eux-mêmes de leur avenir. C'est également un artifice de venir ici, à l'Assemblée nationale, nous dire tout d'un coup que le Parti québécois voterait en faveur du principe du Québec à l'autodétermination, de son droit de déterminer son avenir et de choisir son avenir, alors qu'à quatre reprises, pas trois fois, à quatre reprises, en 1991, le Parti québécois a voté unanimement contre la reconnaissance de ce droit, alors que le Parti québécois a voté unanimement contre l'accord du lac Meech, alors qu'à chaque occasion que le premier ministre et le Parti québécois avaient, justement, de se prononcer en faveur du droit du Québec à l'autodétermination il a failli à la tâche et, pour des raisons purement partisanes, s'est détaché de ce qui, à l'époque, faisait consensus au Québec.

Lorsqu'on s'adresse aujourd'hui à des membres du Parti québécois et qu'on leur rappelle cette évidence: Qu'est-ce qui, tout d'un coup, amène votre chef à vouloir vous faire prononcer en faveur d'un droit contre lequel vous avez voté ici, à l'Assemblée nationale, à quatre reprises? Bien, on a dit: Bien, le premier ministre n'était pas ici à l'époque. Le premier ministre n'était pas ici à l'époque. Avant le premier ministre, le néant; après lui, le déluge. Mais des membres de son gouvernement étaient ici en 1990, en 1991, en 1992, lorsqu'ils ont eu l'occasion, de nombreuses fois, justement, de réaliser un consensus autour de véritables objectifs qui correspondaient à la volonté largement majoritaire des Québécois, qui était de poursuivre sans entrave notre développement et notre épanouissement à l'intérieur du régime fédéral canadien.

Des voix: Bravo! Bravo!

M. Johnson: Nous n'embarquerons pas dans ce train qui est un train de décors de théâtre; nous n'embarquerons pas dans un train mené par un conducteur dont le cheminement est imprévisible sur la scène politique canadienne et québécoise; nous n'embarquerons pas dans ce train, car, de toute façon, il ne s'en va nulle part ou il veut nous amener où nous ne voulons pas aller. Ce train nous offre un «nowhere», comme on dit en langage touristique. Est-ce que le premier ministre est disposé à nous rassurer ici et à nous indiquer que d'aucune façon sa manoeuvre ne vise qu'à rapprocher le Parti québécois de la réalisation de son option? Ou est-ce que le premier ministre veut étirer l'élastique de sa crédibilité, ou ce qui lui en reste, jusqu'à nous faire croire qu'il s'agit d'un geste qui s'inscrit dans la continuité de la volonté populaire des Québécois de travailler honnêtement et de bonne foi au renouvellement du fédéralisme canadien, comme les Québécois l'ont indiqué le 30 octobre dernier et comme une majorité écrasante de Québécois souhaite que son gouvernement et tous les partis politiques, à Québec comme à Ottawa, travaillent dans le sens du renouvellement? Est-ce que l'objectif du premier ministre...

Des voix: Bravo!

M. Johnson: Au lieu de nous amener des motions après motions, après motions, après suspension des règles, au carré, M. le Président, est-ce que le premier ministre est en train de nous dire qu'il entend faire reculer la réalisation de son option de séparation ou de la faire progresser? On voit tout de suite, et il l'a dit tout à l'heure, qu'il n'a aucunement l'intention d'abandonner sur ce principe de la poursuite de cet objectif, et ce, malgré la décision des Québécois le 30 octobre dernier. Et tous les gestes que le premier ministre et le gouvernement posent, tous les gestes sont inspirés par ce seul objectif, cette seule ambition, cette seule aspiration du Parti québécois, des purs et des durs à l'intérieur de son parti, et non pas les aspirations du peuple du Québec. C'est pour ça qu'on n'embarque pas dans un train comme celui-là, car le premier ministre veut nous amener quelque part où la majorité des Québécois ne veulent pas aller.

(12 h 30)

Pourquoi nous retrouvons-nous ici aujourd'hui? On se retrouve aujourd'hui parce que, oui, un avocat de Québec a décidé de traîner un débat politique devant les tribunaux. Et tout allait bien tant qu'on ne s'en mêlait pas.

Mais d'où est venue, depuis quelques jours, cette nouvelle contestation liée? Le premier ministre appréciera l'image en raison de sa formation juridique. Comment en sommes-nous venus là, sinon que, en plaidant avec la panoplie de tous les moyens possibles et imaginables, le Procureur général du Québec est même allé, je dirais, a poussé l'exagération juridique à invoquer que le lendemain d'un oui créait, au point de vue juridique et de la juridiction des tribunaux au Québec, un vide juridique complet.

Le gouvernement fédéral, devant cette attaque... Et le premier ministre peut bien faire des bulles, il a vu, comme tout le monde, quelle est la nature du seul argument juridique que fait valoir le gouvernement fédéral devant les tribunaux. C'est public depuis 11 heures ce matin, que le seul argument vise à indiquer que les tribunaux, lorsqu'il y a des effets juridiques à une décision politique, sont les seuls habilités à décider si oui ou non ils doivent intervenir. C'est ça qu'est l'argument du gouvernement fédéral devant les tribunaux ce matin, selon ce qui a été publié à 11 heures.

Est-ce que le premier ministre n'est pas en train de vouloir mêler les choses exprès? Où est-il allé prendre que ce serait le gouvernement fédéral, ou le Procureur général du Canada, ou Guy Bertrand, qui tentent de faire échec à la volonté populaire? D'aucune façon n'est-il question, pour les membres de cette Assemblée, ni pour quelconque des 7 000 000 de Québécois, de confondre le droit strict où, effectivement, des avocats vont plaider le blanc et le noir quant à la juridiction éventuelle en matière de droit, de règles de droit des tribunaux qui sont sur notre territoire. Ça, c'est un débat qui est fondamental dans notre démocratie, mais qui, en rien, selon nous, en rien n'affecte la capacité des Québécois de décider de leur avenir.

Il est évident que... et je suis sûr que le premier ministre ne viendrait pas plaider pour la création d'un vide juridique suite à un résultat référendaire majoritaire pour le oui, à la sécession. Je ne crois pas que le premier ministre irait jusque-là, mais son Procureur général, lui, est allé jusque-là. Mais d'aucune façon, encore une fois, est-ce qu'on ne doit convoquer l'Assemblée nationale pour réaffirmer une évidence qui, absolument pas, n'est affectée par les débats sur la base que je viens de décrire, qui peuvent se dérouler devant les tribunaux.

Mais, au-delà du théâtre, au-delà des arguments juridiques, au-delà des querelles d'avocats, il reste – et nous en convenons tous ici – la règle du respect de la démocratie. Et ce respect de la démocratie est au coeur de toutes les décisions que nous avons à prendre ici. Il ne passerait pas par l'idée des parlementaires ici de présenter des projets de loi, de voter des projets de loi qui vont à l'encontre de la volonté populaire telle qu'elle s'exprime dans notre système en confiant le gouvernement à une majorité de parlementaires.

Mais, des leçons de démocratie, nous n'avons pas à en recevoir d'un gouvernement qui, à 18 reprises depuis l'automne dernier, a refusé de reconnaître et de prendre compte du résultat référendaire du 30 octobre 1995. Les Québécois – et le premier ministre peut bien rire et s'esclaffer – ont repoussé son option. Les Québécois, dans une vaste majorité, bien au-delà du 51 %, souhaitent que le gouvernement du Québec et le gouvernement fédéral travaillent activement et de bonne foi au renouvellement du fédéralisme canadien.

C'est ça, le message d'action, le message constructif et le message positif qu'il y a dans le référendum du 30 octobre dernier, qui va bien au-delà du rejet du projet du Parti québécois, et c'est à cette réalité et à ce respect de la démocratie québécoise que nous convions le premier ministre et le gouvernement – qui refuse encore et qui va le faire encore des vingtaines de fois, chaque fois qu'on va lui demander, j'en suis sûr – de se rendre à cette évidence et de travailler de bonne foi à renouveler le fédéralisme canadien comme le souhaite la majorité des Québécois.

Des voix: Bravo!

M. Johnson: Mais, au-delà du juridique, de ce respect de la démocratie, il y a la règle politique fondamentale qui est une partie intégrante du droit du Québec à l'autodétermination et du droit des Québécois et des Québécoises de décider de leur avenir, et ça, c'est une règle et c'est une caractéristique qu'aucun jugement de cour ou aucune intervention de qui que ce soit, devant n'importe quel tribunal, ne peut empêcher d'être exercée.

Si une majorité de Québécois, sur une question dont la clarté rejoindrait l'ensemble de nos concitoyens et impressionnerait la communauté internationale, décidait clairement, par des dizaines et des centaines de milliers de voix, de quitter le Canada, comment une injonction, ou un jugement de cour, ou une intervention juridique nous retiendrait-elle dans un pays que nous voulons quitter? Comment? M. le Président, un pays se construit par les adhésions volontaires de ses citoyens. On ne peut retenir de force au Canada des Québécois qui, majoritairement et clairement, décideraient de quitter le Canada. Ce n'est certainement pas en nous tatouant une feuille d'érable ou quoi que ce soit, ou par des injonctions, ou en nous enchaînant à la Tour du CN à Toronto qu'on réussirait à garder les Québécois au Canada. La démocratie aurait parlé.

M. le Président, il est évident que ce droit du Québec à l'autodétermination ne fait aucun doute. Il ne fait aucun doute. Nous l'avons exercé à trois reprises. Personne, d'aucune façon, n'a prétendu que nous ne pouvions le faire. Personne, d'aucune façon, n'a remis en cause les résultats, si ce n'est le gouvernement actuel, qui refuse de tenir compte des résultats du 30 octobre dernier et qui mobilise l'ensemble des moyens de l'État à éventuellement préparer le terrain pour un autre référendum qui divisera encore les Québécois, alors que c'est la dernière chose dont on a besoin. C'est ça que vous êtes en train de faire.

L'exercice du droit à l'autodétermination – et je le dis, avant de conclure – s'il ne permet aux Québécois de dicter les conséquences de leurs gestes et de leurs décisions à leurs voisins... demeure maître de nos choix. Les Québécois, s'ils ne peuvent dicter les conséquences de leurs choix, demeurent maîtres de faire ces choix. Mais ce n'est pas ce à quoi nous convie aujourd'hui le premier ministre, c'est à une manoeuvre de diversion, c'est à une manoeuvre de diversion pour faire oublier qu'il a menacé, comme à son habitude, de déclencher des élections en raison de l'intervention du gouvernement fédéral, devant un tribunal judiciaire, sur un point de droit pointu. Le premier ministre passe son temps à menacer de faire des élections, alors qu'il nous a promis qu'il voulait gouverner. Ce n'est pas la même chose.

(12 h 40)

Le premier ministre tente de faire oublier que l'opposition, bien avant qu'il ne le fasse, le 13 mai dernier, plusieurs jours plus tôt, avait clairement indiqué où elle logeait. Et je me permettrai, M. le Président, de vous relire les commentaires que j'ai faits, les communiqués de presse que j'ai émis le 10 mai dernier, trois jours avant que le premier ministre, d'une façon qu'il voulait solennelle, nous convie encore à une crise existentielle à l'Assemblée nationale grâce à la majorité qui suspend les règles. Belle démocratie. Moment solennel, suspendons les règles. Bâillonnons les députés, c'est un moment solennel. Quelle incohérence du premier ministre!

J'ai d'abord rappelé que le Parti libéral du Québec reconnaît le droit du Québec à l'autodétermination. Il y a déjà eu trois référendums au Québec – 1980, 1992 et 1995 – et personne n'a jamais mis en cause qu'une telle consultation puisse avoir lieu, peu importe la question se rapportant à l'avenir du Québec.

J'ai ensuite souligné que les avocats, qu'il s'agisse de Guy Bertrand, du Procureur général du Québec ou du ministre de la Justice du Canada, peuvent bien s'affronter en cour pour faire trancher leurs prétentions contraires, mais que la réponse politique, elle, se fait attendre. Le gouvernement du Québec de Lucien Bouchard doit respecter le résultat du référendum, qui exige le maintien du Québec à l'intérieur de la fédération canadienne, et le gouvernement du Canada de Jean Chrétien doit manifester un intérêt concret pour le changement, la reconnaissance du Québec et le rééquilibrage des pouvoirs au Canada. Les échanges entre avocats devant les tribunaux ne peuvent pas remplacer les gestes politiques concrets auxquels s'attendent les Québécoises et les Québécois de la part des deux gouvernements.

Finalement, la meilleure façon d'empêcher la tenue d'un autre référendum qui plongerait le Québec dans la division, l'incertitude et l'affaiblissement économique, c'est de s'engager dans la voie du renouvellement du fédéralisme. Les actions en justice peuvent bien faire les manchettes; elles n'amènent pas de solutions concrètes à la cause de l'unité canadienne et risquent même d'y nuire.

C'était, il me semble, assez clair et ça a été fait trois jours avant les déclarations quasi solennelles ou prétendument solennelles du premier ministre.

Nous avons, de notre côté, mis de l'avant une motion qui, quant à nous – quant à nous – réaffirme ce droit du Québec à l'autodétermination, mais a l'avantage additionnel de s'ancrer dans la réalité d'aujourd'hui. Pas dans un passé inventé par le premier ministre du Québec ou pas dans un avenir scénarisé par le premier ministre du Canada, mais dans la réalité où vivent 7 000 000 de Québécois et de Québécoises. Et nous aurons l'occasion, aujourd'hui, de déposer cette motion, selon notre règlement, M. le Président. Et je fais appel au premier ministre pour qu'il nous indique s'il croit que notre motion, elle, comme la sienne, n'est pas amendable. On connaît les petits jeux du Parti québécois à amender et sous-amender les motions qui peuvent émaner de l'opposition afin de nous jeter dans l'embarras partisan le plus complet.

Le premier ministre, par sa position de chef d'un groupe majoritaire à l'Assemblée, a imposé la règle que sa motion à lui n'est pas amendable, qu'elle est dans l'absolu, qu'elle n'a pas à se tenir sur le réel, qu'elle n'a pas à s'ancrer dans les préoccupations de tous les jours des Québécois et des Québécoises. Je demande au premier ministre d'indiquer à son leader parlementaire et à ses collègues que la motion que je présenterai aujourd'hui n'est pas non plus, elle, amendable et qu'elle peut facilement rallier la majorité des Québécois et des Québécoises qui veulent savoir si leur Assemblée nationale réaffirme le droit des Québécoises et des Québécois à l'autodétermination, droit exercé le 30 octobre dernier en choisissant de poursuivre le développement de la société québécoise au sein du Canada et que, en conséquence, elle enjoint les gouvernements du Québec et du Canada de donner suite à cette volonté démocratique en acceptant de négocier de bonne foi le renouvellement du fédéralisme canadien.

C'est une motion qui s'inscrit dans la réalité des souhaits, des désirs de la majorité des Québécois et des Québécoises qui savent que ce droit à l'autodétermination des Québécois existe déjà et existera toujours, mais qu'il ne peut servir de prétexte à poursuivre le projet qu'ont rejeté les Québécois le 30 octobre dernier.

Des voix: Bravo!

Le Président: Je reconnais maintenant le député de Rivière-du-Loup. M. le député de Rivière-du-Loup.


M. Mario Dumont

M. Dumont: Merci, M. le Président. Alors, mon intervention va porter sur le sujet pour donner un appui à la motion. On a devant nous une motion, un texte. Le chef de l'opposition nous a dit qu'il était d'accord avec le contenu du texte. Cependant, il ne nous a pas dit clairement comment il allait voter. Moi, je suis en accord avec le contenu du texte et...

Le Président: Sur une question de règlement, M. le chef de l'opposition officielle.

M. Johnson: Oui, pour le bon déroulement de nos débats, afin que le député de Rivière-du-Loup ne parte pas sur une mauvaise piste, je lui dis tout de suite qu'il n'a pas compris, là, et qu'on va voter contre.

Le Président: M. le député.

M. Dumont: ...texte et en conséquence, il peut se rassurer. M. le président, nous sommes déjà...

Une voix: Toi, tu as compris: tu vas voter pour.

M. Dumont: Moi non plus, M. le Président, tout comme le chef de l'opposition, je n'embarque pas dans un train. Nous y sommes déjà dans ce train qu'est l'évolution du Québec et nous ne l'arrêterons pas. La question qui est devant nous aujourd'hui, c'est sur l'évolution de ce train. Quand des gens veulent mettre des obstacles et des entraves, comment l'Assemblée nationale du Québec prend-elle position? Oui, le chef de l'opposition a raison, on est devant un principe qui a été maintes fois reconnu. Mais le chef de l'opposition ne peut pas se cacher devant le fait que ce principe a été maintes fois reconnu pour ne pas l'appuyer à nouveau, parce que, visiblement, ses cousins du fédéral n'ont pas compris si on se fie à leur attitude. Et, quand une chose n'a pas été comprise, quand un principe valable n'est pas respecté, il est de la responsabilité de ceux qui ont été élus à l'Assemblée nationale du Québec de mettre le poing sur la table pour le faire entendre à nouveau.

Le principe a été reconnu en 1980 par la participation du gouvernement fédéral lui-même au référendum. Il a été reconnu par le Parti libéral du Québec, de la façon la plus magistrale, dans son programme. La dernière fois qu'ils ont adopté un programme en matière constitutionnelle, le titre, c'était: «Un Québec libre de ses choix». Alors, ça ressemble au texte de la résolution, ça, «Un Québec libre de ses choix». Ça devrait les faire réfléchir, M. le Président. Ensuite, ils ont adopté une motion qui amenait la commission Bélanger-Campeau, et, dans les conclusions, on avait quasiment intégralement le texte de la motion. Ça a amené ensuite la loi 150. Et c'est là que le chef de l'opposition est spectaculaire, il nous dit: Le PQ a voté contre la loi 150. Il nous dit qu'il perçoit une incohérence du côté du Parti québécois, mais il ne veut pas être en reste, il nous dit: Je veux être incohérent, moi aussi, et je voterai contre la motion d'aujourd'hui.

En 1992, le principe a été à nouveau reconnu par la tenue d'un référendum au Québec. Et la dernière fois qu'il a été reconnu, c'est en 1995, et 94 % de nos concitoyens et de nos concitoyennes se sont prononcés.

Mais, sur tout ce qui a été fait, sur toutes ces expériences de notre démocratie, aujourd'hui, par son intervention, par les déclarations de son chef, le gouvernement canadien, visiblement, veut qu'on recule. Et on doit se prononcer. Les parlementaires vont se prononcer. Par son vote, le chef de l'opposition et ses collègues vont se prononcer. Est-ce qu'ils sont contre ou est-ce qu'ils sont pour ce recul qu'on veut nous imposer? Est-ce qu'ils sont pour ou est-ce qu'ils sont contre le recul sur des principes qui ont été validés dans des actions au Québec? Ils vont aussi se prononcer sur la valeur de la démocratie au Québec. Il a sûrement lu l'éditorial de Lise Bissonnette, qui nous faisait réfléchir là-dessus il y a une semaine environ.

(12 h 50)

Quand on se moque du Directeur général des élections du Québec à Ottawa, quand on ne respecte pas, on ne prend pas en compte les lois du Québec sur la démocratie, quand on questionne la valeur des référendums au Québec, l'impact réel des référendums par ce qui va survenir dans l'avenir du Québec, on questionne la valeur de la démocratie au Québec. Et, là-dessus aussi, en votant, le chef de l'opposition et ses collègues vont se prononcer sur quelle vision ils ont de la valeur de la démocratie au Québec.

Et c'est malheureux, M. le Président, qu'on noie ces principes-là dans la procédure, comme l'opposition a tenté de le faire. Je dirais que c'est gênant pour la population qui nous regarde, c'est gênant que ce Parlement-ci, dans un débat d'aussi grande importance, se soit vu noyé dans la procédure. Moi, j'ai parlé à du monde en fin de semaine, dans le comté de Rivière-du-Loup, puis les gens ne peuvent pas comprendre que, sur des questions aussi importantes, l'opposition officielle, par peur de se mouiller, par peur de défendre des principes, ait tenté autant comme autant de retarder ça et de noyer ça dans la procédure.

Je ne sais pas ce que le peuple pense des gens qui ne sont pas assez courageux pour prendre des positions et qui doivent se cacher dans la procédure. Bien, aujourd'hui, par leur vote, qu'ils le veuillent ou qu'ils ne le veuillent pas, ils vont prendre une position, une position dont les Québécois vont se souvenir, une position dont les Québécois vont se souvenir longtemps. On s'en souvient, du vote solennel de 1982 de l'Assemblée nationale. Il y a encore des députés ici, en cette Chambre, qui avaient été des dissidents libéraux, qui avaient voté contre. Alors, on s'en est souvenu, de ce vote-là. Ça marque des carrières.

Et qu'ils le veuillent ou qu'ils ne le veuillent pas, aujourd'hui, nos amis de l'opposition officielle vont se mêler à l'affaire Bertrand. Ils vont être mêlés, ils vont être trempés, ils vont baigner dans l'affaire Bertrand par leur position, dans l'affaire Bertrand que j'appelle une poutine, parce qu'il y a un avocat de pratique privée, Me Bertrand, qui a mis des frites pour partir ça, puis M. Chrétien a envoyé du fromage par-dessus ça, mais, aujourd'hui, visiblement, l'opposition officielle du Québec, le Parti libéral, va rajouter la sauce par là-dessus. Ah! Ils vont être trempés dans la poutine de l'affaire Bertrand jusqu'au cou, parce qu'ils n'auront pas eu la colonne vertébrale de prendre des positions au moment où c'était important.

D'ailleurs, sur l'affaire Bertrand, il n'y a pas seulement les éditorialistes qui nous amènent des choses de réflexion qui sont importantes, il y a aussi les caricaturistes. On a tous vu la caricature de Chapleau: Me Bertrand en clown, Jean Chrétien en clown, mais Chapleau, toujours judicieux, a laissé un grand espace blanc au milieu, c'était probablement de la place pour le chef de l'opposition officielle.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Dumont: Et la question à laquelle... Et j'espère que, dans leurs futures interventions – il y a des juristes du côté de l'opposition officielle, je vois le député de Frontenac, je vois le député de Brome-Missisquoi – ils vont au moins répondre à une question que tout le monde se pose: De quel côté du juge ils se trouveraient s'ils étaient en cour? Si l'opposition officielle avait envoyé en cour des avocats, de quel côté du juge ils se trouveraient, si on se fie à leur position d'aujourd'hui? Malgré que le fédéral, malgré que ses cousins d'Ottawa n'aient pas démontré, lors de ses voyages à l'extérieur, une trop grande considération pour lui, il semble que le chef de l'opposition officielle, par ses positions d'aujourd'hui, enverrait ses avocats dans les souliers des avocats de Jean Chrétien. Il semble que c'est ça, la position que l'opposition officielle prendrait.

Or, il faut qu'ils nous les donnent, leurs positions, M. le Président, il faut qu'ils les donnent aussi à ceux... Ils nous parlent de renouvellement du fédéralisme, ils nous parlent de renouvellement des liens entre le Québec et le Canada. Mais, là-dessus aussi, il faut qu'ils nous indiquent des positions, il faut qu'ils nous disent où ils s'en vont. Si, aujourd'hui, ils valident, par une position de faiblesse... si le Parti libéral accepte de valider, par une position de faiblesse, un cadenas sur la Constitution, un cadenas pour renfermer dans le statu quo le Québec et empêcher que les Québécois, par référendum, puissent s'en sortir, bien, par le fait même, ils viennent valider le statu quo comme position constitutionnelle. J'espère que, pour ceux qui, lors de la dernière élection, ont voté pour le Parti libéral du Québec dans un esprit de renouvellement du fédéralisme ou de renouvellement des liens entre le Québec et le Canada, ils vont nous indiquer des positions, parce qu'avec la position qu'ils prennent aujourd'hui, avec le déni de la capacité des Québécois de décider de leur avenir, avec l'affaissement de l'opposition officielle, la poursuite de l'affaissement du Parti libéral du Québec – il faut parler de poursuite, ça n'a pas commencé aujourd'hui quand même – bien, il faut...

Une voix: ...

M. Dumont: Ah! Peut-être... Il faut se rappeler qu'ils ont une responsabilité devant tous ceux à qui ils ont prôné le renouvellement du fédéralisme de dire qu'ils ne font pas partie de ceux qui vont mettre le cadenas sur le système fédéral actuel.

Et j'en viens, devant la position du chef de l'opposition, à m'adresser personnellement à chacun et à chacune des députés du Parti libéral, de l'opposition, à faire une évaluation dans la rue de ce que les gens pensent de l'affaire Bertrand, de ce que les gens pensent de l'intervention du gouvernement fédéral contre le Québec. Je les invite à aller écouter un peu ce que les gens pensent et je dis à chaque parlementaire individuellement, faute d'avoir une position qui leur vienne de leur chef: Posez-vous bien la question, membres du Parti libéral, avant de couler dans le marécage, dans les sables mouvants où vous amène Jean Chrétien, votre nouveau chef, parce que, relisez l'histoire du Québec, les Québécois qui ont fait leur marque sont ceux qui se sont tenus debout. On a cet avantage-là, au Québec, M. le Président, les Québécois qui ont fait leur marque dans l'histoire sont ceux qui se sont tenus debout, et, au Québec, les mitaines et les chiffes molles ont toujours été enterrées par l'histoire dans le cimetière de l'oubli. Merci.

Des voix: Bravo! Bravo!

Le Président: Alors, maintenant, je reconnais le député de Lac-Saint-Jean et ministre responsable des Affaires intergouvernementales canadiennes.


M. Jacques Brassard

M. Brassard: M. le Président, dans les circonstances actuelles, c'est-à-dire au moment où Jean Chrétien, premier ministre fédéral, a décidé de devenir le complice d'un avocat de Québec devant un tribunal pour ensemble s'attaquer de front à un droit fondamental, le droit des Québécois et du peuple québécois de décider de son avenir et de déterminer son statut politique, donc, dans de telles circonstances, il allait de soi que l'Assemblée nationale soit appelée à faire entendre sa voix haut et fort, comme le disait tout à l'heure le premier ministre du Québec. C'était incontournable, il fallait que le Parlement de Québec, l'institution démocratique par excellence, l'incarnation de la démocratie dans une société comme la nôtre, s'exprime sur le débat en cours et surtout, évidemment, sur l'attaque brutale du premier ministre fédéral et de son ministre plénipotentiaire en matière constitutionnelle, l'avocat de Québec. Il fallait que le Parlement s'exprime, et il le fait, il le fera par le biais d'une motion déposée par le premier ministre en cette Chambre.

M. le Président, depuis quelque temps, nous assistons à un changement de cap, à un virage majeur de la part du gouvernement fédéral d'abord et, aussi, de l'opposition officielle du Parti libéral du Québec. Double virage. D'abord, changement de cap du gouvernement fédéral. Jusqu'à tout récemment, jusqu'au référendum de 1995, le gouvernement fédéral, la classe politique fédérale, le premier ministre Chrétien, n'ont jamais remis en doute, remis en question le droit des Québécois de décider de leur avenir. Bien au contraire, tout ce beau monde a participé aux différents scrutins référendaires, que ce soit celui de 1980 ou le tout dernier, celui de 1995.

(13 heures)

Vous le savez, tout ce monde-là était là, présent, participait à la campagne référendaire, incitait les Québécois à voter dans tel sens sans jamais remettre en question le droit des Québécois de décider. Et voilà que, tout d'un coup, le premier ministre Chrétien conteste maintenant ce droit fondamental et va s'acoquiner devant la cour avec un avocat de Québec pour contester ce droit.

Comment expliquer ce changement de cap? Je pense que c'est clair que le gouvernement fédéral est encore fortement traumatisé par les résultats référendaires du 30 octobre dernier, c'est clair, et qu'il est encore en plein désarroi, parce que l'avocat de Québec en question a plaidé la même chose l'été dernier juste avant le référendum, puis le gouvernement fédéral n'a pas jugé bon d'en devenir le complice. Au contraire, il s'est dissocié de cette démarche parce qu'il était convaincu qu'il allait emporter haut la main la victoire référendaire, sans équivoque.

Mais on connaît les résultats et, depuis ce temps-là, c'est le désarroi, et là c'est l'espèce de tentation constante, du côté fédéral, de tenir la ligne dure à l'égard du Québec.

Mais ce qu'il y a de plus attristant, M. le Président, de plus lamentable, c'est le changement de cap de l'opposition officielle, du Parti libéral, ceux qui nous font face. Ça, c'est un spectacle pitoyable. On vient d'assister à un spectacle pitoyable. Le chef de l'opposition accuse le premier ministre de faire du théâtre. Il vient d'en faire, et du mauvais, du très mauvais théâtre, parce que là il vient de nous dire... Le Parti libéral du Québec vient de nous dire qu'il a changé ses positions radicalement. Virage complet. C'est un véritable reniement, de la part du Parti libéral du Québec, de ses positions traditionnelles. Parce que le Parti libéral du Québec a toujours été un parti fédéraliste – bon, très bien – il a toujours défendu cette cause à l'occasion des différents scrutins référendaires, puis c'est son droit parfaitement légitime, mais, au moins, il y avait entre nous un consensus, un consensus sur le droit des Québécois de décider de leur avenir et de déterminer eux-mêmes leur statut politique.

On rappelait tout à l'heure la phrase maintenant célèbre de Robert Bourassa alors qu'il était premier ministre. Je pense qu'il est opportun de la répéter de nouveau. M. Bourassa disait, le 22 juin 1990: «Le Canada anglais doit comprendre d'une façon très claire que, quoi qu'on dise et quoi qu'on fasse, le Québec est aujourd'hui, et pour toujours, une société distincte, libre et capable d'assumer son destin et son développement.» Voilà une reconnaissance sans équivoque du droit du peuple québécois de déterminer son avenir. Le chef de l'opposition vient de nous dire qu'il va voter contre la motion présentée par le premier ministre. Il faut aussi la relire, parce qu'il faut voir, il faut constater ce que ça signifie, voter contre. C'est ça qu'ils vont faire tout à l'heure, ils vont voter contre la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale réaffirme que le peuple du Québec est libre d'assumer son propre destin, de déterminer sans entrave son statut politique et d'assurer son développement économique, social et culturel.»

C'est contre cette motion que les libéraux, tout à l'heure, vont se lever et voter. Si ce n'est pas un virage, si ce n'est pas un changement de cap, je me demande ce que c'est. Si ce n'est pas un reniement des positions traditionnelles du Parti libéral du Québec, je me demande ce que c'est.

Le chef de l'opposition, M. le Président, je suis obligé de le reconnaître, est en train de compléter – puis ce n'est pas une besogne très honorable – le processus de succursalisation du Parti libéral du Québec à l'égard de la maison mère, le Parti libéral du Canada. C'est à ça qu'on assiste. Le processus est complété maintenant. Le chef de l'opposition, du Parti libéral du Québec, accepte d'être le sous-gérant d'une succursale de la maison mère fédérale. C'est ça, le constat qu'on doit faire. C'est ce qu'il fait en jetant aux orties, en mettant au rancart les positions traditionnelles du Parti libéral du Québec. C'est très grave, M. le Président. Le Parti libéral du Québec s'apprête à voter contre la motion que je viens de lire, c'est-à-dire contre une motion qui réaffirme le droit du peuple québécois de décider de son avenir. L'esprit de servilité du Parti libéral du Québec est vraiment incommensurable.

Comment le chef du Parti libéral du Québec peut-il parler – c'est ce qu'il disait tantôt – de respect de la démocratie et voter contre cette motion, puisque le fondement même de la démocratie québécoise, c'est justement le droit du peuple québécois de décider de son sort, de décider de son avenir, de décider du statut futur du Québec? C'est ça, l'assise de la démocratie québécoise, le fondement de la démocratie. Comment peut-il parler de respect de la démocratie et voter contre une motion qui remet en évidence, qui remet en lumière les fondements mêmes de la démocratie?

Le chef de l'opposition disait tout à l'heure: Ça ne fait aucun doute, le droit du Québec à l'autodétermination ne fait aucun doute. Mais où vit-il depuis quelques semaines? Sur quelle planète et dans quelle galaxie le chef de l'opposition vit-il? Le droit du Québec et du peuple québécois de décider de son avenir est attaqué brutalement devant les tribunaux par le gouvernement fédéral et son complice, l'avocat de Québec. C'est ce qui est en train de se faire. Le droit des Québécois de décider de leur avenir est mis en doute. Comment peut-il venir dire à l'Assemblée nationale que ce droit ne fait aucun doute? Mais, vraiment, là, il est complètement décroché de l'actualité, M. le Président. Il est mis en doute, ce droit, par le gouvernement fédéral, par son seigneur et maître, Jean Chrétien, qui a décidé, pour des raisons, des motifs probablement partisans, de fouler aux pieds les principes fondamentaux de la démocratie.

Tout à l'heure, le chef de l'opposition utilisait comme image le train et disait très fortement qu'il n'était pas question pour lui d'embarquer dans le train du premier ministre. Je sais, je le constate, il ne sera pas dans le train, sûrement, du premier ministre. C'est sûr. Il est dans un autre train. Il est accroché à un autre train, le train de Jean Chrétien, le train fédéral. Et son parti est le wagon de queue de ce train. Et le conducteur du train, ce n'est pas lui, c'est Jean Chrétien. C'est ça, la réalité. Alors, train pour train, moi, je préfère le train du premier ministre du Québec, je vous le dis tout net.

M. le Président, nous allons, malgré tout, sauver l'honneur de l'Assemblée nationale, puisque la motion présentée par le premier ministre sera adoptée. C'est regrettable qu'elle ne le soit pas à l'unanimité. Sur une question aussi fondamentale, il aurait été naturel, normal, que l'Assemblée nationale fasse preuve d'unanimité, au-delà des lignes de parti. On s'y attendait. C'est pour cette raison, d'ailleurs, que le libellé de cette motion reprend mot à mot des attendus, des considérants de la loi 150.

L'argument des libéraux à cet égard, c'est de dire: Oui, mais vous avez voté contre la loi 150. Oui. Mais c'est un peu gros, là, comme argument. C'est un peu grossier. On a voté contre la loi 150, ce n'est pas à cause de ce considérant-là. Ce n'est pas parce qu'on était contre le considérant qui rappelait, avec raison, le droit du peuple québécois de déterminer son avenir. On était contre pour d'autres raisons contenues dans la loi. D'abord, entre autres choses, je le rappelle au député de Châteauguay, je le lui rappelle, on était contre la loi 150 parce qu'on n'a jamais cru que le gouvernement de M. Bourassa allait tenir un référendum sur la souveraineté. Et Dieu sait qu'on a eu raison! Dieu sait qu'on a eu raison! C'est pour ça qu'on a voté contre la loi 150. Ce n'est pas parce qu'il y avait un considérant, là, qui est repris dans la motion du premier ministre, pas du tout pour ça. Il faut quand même...

Une voix: Beaucoup d'autres choses.

M. Brassard: Bien oui, puis beaucoup d'autres choses également dans ce projet de loi. Voilà!

(13 h 10)

M. le Président, nous allons donc sauver l'honneur de l'Assemblée nationale et nous allons, tout à l'heure, nous lever, la majorité de cette Chambre, pour proclamer bien haut le droit du peuple québécois de disposer de lui-même, et, pour nous, la primauté de ce droit ne fait aucun doute, n'est nullement remise en question.

Pour ce qui est du gouvernement fédéral, je pense que le gouvernement s'est clairement exprimé sur le prochain scrutin référendaire. M. Chrétien a beau faire le fanfaron, prétendre qu'il va s'ingérer dans le processus démocratique du prochain référendum, en adoptant la motion du premier ministre, l'Assemblée nationale lui envoie un signal on ne peut plus clair: le prochain référendum qui va se tenir dans quelques années va se tenir selon les règles établies par l'Assemblée nationale. Ça, il faut que ce soit très clair. Il n'est absolument pas question d'accepter quelque ingérence que ce soit, sous quelque forme que ce soit, du gouvernement fédéral dans le processus démocratique du prochain référendum. Ce qui veut dire que la question référendaire sera adoptée par cette Chambre, par l'Assemblée nationale, ce qui veut dire que le seuil d'adhésion requis sera celui qu'on retrouve dans la Loi sur la consultation populaire, c'est-à-dire la majorité absolue des voix – c'est ça, la règle – ce qui veut dire aussi que le territoire du Québec, l'intégrité territoriale du Québec sera respectée. Je pense que, en votant cette motion, en adoptant cette motion, l'Assemblée nationale envoie ce message très clair au gouvernement fédéral.

Il a beau faire le matamore, M. Chrétien, pour augmenter sa cote de popularité au Canada anglais, qui est en train de décliner un peu par les temps qui courent, il a beau faire le matamore, il a beau bomber le torse, nous n'accepterons aucune ingérence de la part du gouvernement fédéral dans le processus référendaire, dans le processus démocratique du prochain référendum. Il faut que ce soit très clair et il faut que le peuple québécois le sache, qu'il n'y ait aucune équivoque, aucune ambiguïté à cet effet.

M. le Président, c'est un peu triste aujourd'hui. Je sais que le député de Châteauguay s'apprête à parler. Je trouve que c'est un jour assez triste de voir une grande formation politique, qui a joué un rôle, je pense, considérable dans l'histoire du Québec... Le Parti libéral du Québec, particulièrement surtout à partir des années soixante, de la Révolution tranquille, c'est une grande formation politique – en tout cas, ça a été une grande formation politique – qui a joué un rôle déterminant dans l'histoire du Québec, dans l'histoire contemporaine à tout le moins, et c'est triste de voir ce parti se subordonner de cette façon, s'inféoder de cette façon à l'égard du Parti libéral du Canada, de voir son chef se comporter, en quelque sorte, comme un simple valet du premier ministre fédéral. Ce n'est pas réjouissant de voir ça au Québec. Parce que, moi, je comprends que le Parti libéral du Québec puisse être fédéraliste; c'est son droit, et il défend cette thèse et cette option en toute circonstance. C'est tout à fait normal. Mais que le Parti libéral du Québec, qui a joué un rôle quand même important dans l'histoire du Québec, devienne ainsi une véritable, une simple succursale de la maison mère fédérale, je trouve ça pitoyable, lamentable, je trouve ça triste.

Et, tout à l'heure, quand vous appellerez le vote, M. le Président, quand vous demanderez aux députés de se lever, nous, nous allons nous lever fièrement pour voter en faveur de cette motion, parce que nous croyons fermement, sincèrement, que l'Assemblée nationale se doit, dans les circonstances actuelles, de réaffirmer ce droit fondamental du peuple québécois de décider de son avenir. Et vous verrez, à votre gauche, les députés libéraux se lever et voter contre cette motion. C'est ce qui va faire de cette journée une journée assez triste. Et je suis convaincu qu'il y en a sûrement quelques-uns parmi eux qui auront honte en se levant, qui vont être gênés, M. le Président. Je ne sais pas si ça va être le cas du député de Châteauguay, mais le député des Îles-de-la-Madeleine, la députée de Marguerite-Bourgeoys, dont on dit que ces deux députés font partie, enfin, de ce qui reste des vestiges de l'aile, du courant nationaliste au Parti libéral du Québec... Je dis bien «des vestiges», parce qu'il n'en reste pas grand-chose. Je ne suis pas certain si le député de Châteauguay en fait partie. Si ces députés-là sont là, j'ai l'impression qu'ils vont être mal à l'aise, qu'ils vont être gênés de se lever et de voter contre une motion qui dit:

«Que l'Assemblée nationale réaffirme que le peuple du Québec est libre d'assumer son propre destin, de déterminer sans entrave son statut politique et d'assurer son développement économique, social et culturel.»

Allez-vous avoir honte de voter contre cette motion, M. le député de Châteauguay? Vous sentirez-vous à l'aise en votant contre une pareille motion qui réaffirme un droit aussi fondamental que celui-là?

M. le Président, je voudrais conclure en vous disant que les sondages sont on ne peut plus limpides à cet égard, éloquents; tous les sondages. Quand on pose la question aux Québécois et aux Québécoises: Est-ce que vous croyez que le peuple québécois a le droit fondamental de décider de son sort par la voie démocratique, bien sûr, de façon démocratique, libre et démocratique? la réponse est éloquente, c'est toujours au-dessus de 80 %, c'est toujours plus de 80 %. Donc, ça veut dire fédéralistes et souverainistes ensemble qui disent: Oui, il y une conviction profonde chez les Québécois qu'ils possèdent ce droit-là, que, ce droit-là, ils le détiennent. Ils le croient sans la moindre ambiguïté.

Ce que nous allons faire, par conséquent, tout à l'heure, en adoptant cette motion, c'est de venir et de dire aux Québécois que l'Assemblée nationale, elle aussi, est convaincue que ce droit est fondamental et que, ce droit, nous allons l'exercer de nouveau au moment que nous choisirons nous-mêmes. Pas avant l'élection, puisque la loi ne nous le permet pas. Mais, une fois l'élection générale, la prochaine élection générale faite, si nous sommes reportés au pouvoir, il est clair – nous l'avons dit aux Québécois – qu'il y aura un prochain scrutin référendaire où le projet de souveraineté sera de nouveau proposé aux Québécois. Et là on va encore une fois exercer dans la dignité, dans l'honneur, de façon démocratique ce droit fondamental que, malheureusement, aujourd'hui le Parti libéral du Québec s'apprête à nier, et c'est ça, encore une fois, la tristesse de ce jour. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Lac-Saint-Jean et ministre responsable des Affaires intergouvernementales canadiennes. J'accorderai maintenant la parole au député de Châteauguay. M. le député.


M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier: Merci, M. le Président. Je n'abuserai pas de mon temps de parole, puisque je préfère discuter sur la motion qui suivra la période de questions cet après-midi, la motion du chef de l'opposition qui explique, en fait, le pourquoi et la façon dont nous allons voter et qui explique de quel côté de la Chambre on va retrouver la honte en cette journée triste.

(13 h 20)

Et je veux simplement rappeler au ministre des Affaires intergouvernementales comme au premier ministre, qui a parlé, avant, d'abondance, qui nous ont parlé de réaffirmer le droit à l'autodétermination... Ils en ont parlé énormément. Mais, à chaque fois que nous leur disons que, en plus de ce droit que nous continuons d'affirmer, même si le ministre des Affaires intergouvernementales fait des clips télévisés pour essayer de faire croire – parce qu'il l'invente de pure pièce, c'est de toute beauté – qu'il y a un changement de cap... Ou bien il n'a pas écouté ou bien il ne lit pas. Dans le fond, non, il écoute et il lit, mais il invente parce que c'est utile pour sa cause. C'est toujours sa cause.

Je ne parlerai pas longtemps, je ne veux pas embarquer dans ce débat-là. Je veux simplement rappeler une chose au gouvernement, M. le Président. Je veux simplement rappeler que d'affirmer le droit à l'autodétermination, c'est une chose; respecter l'exercice de ce droit à l'autodétermination, respecter le résultat de l'exercice de ce droit à l'autodétermination, c'est fondamental. Ça va avec le droit à l'autodétermination. Et, si on nous pointait du doigt pour dire qui aura honte dans son vote, moi, je vais simplement vous dire et retourner à l'autre côté: Comment vous sentirez-vous lorsque vous aurez devant vous une motion qui dit que les Québécois ont le droit à l'autodétermination et que les gouvernements doivent respecter le résultat de l'exercice de ce droit? Comment vont-ils se sentir, ceux pour qui le droit à l'autodétermination ne signifie qu'une seule chose, la séparation, le droit de se séparer? Et, quand les Québécois choisissent de rester dans le cadre canadien et d'aménager ce cadre canadien, de continuer cette expérience de cohabitation, là, ce n'est pas le droit à l'autodétermination? Vous sentez-vous à l'aise? Quel est ce double langage? Qu'est-ce que ça signifie, M. le Président, pour les Québécois, d'avoir un gouvernement comme celui-là? Souvenons-nous, M. le Président, de 1980. Le gouvernement péquiste de l'époque avait tenu compte du résultat et avait pris le beau risque. Le premier gouvernement qui nie le droit à l'autodétermination des Québécois parce qu'il nie le résultat de l'exercice de ce droit, c'est le gouvernement de ce premier ministre, M. le Président. Un geste sans précédent.

Et je termine là-dessus en vous rappelant à vous, M. le Président, et à tous ceux qui nous écoutent aujourd'hui: s'il y a une journée triste aujourd'hui, c'est celle que ce gouvernement, par son vote, va réaliser, va concrétiser. Et vous devriez avoir honte de la manipulation que vous faites des règles de ce Parlement pour détourner le vote démocratique des Québécois lors du dernier référendum. Arrêtez de rêver au prochain et réalisez la volonté qui s'est exprimée lors du dernier référendum.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Châteauguay. J'accorde maintenant la parole au député de Bourget. M. le député.


M. Camille Laurin

M. Laurin: Merci. M. le Président, ainsi donc, le gouvernement fédéral a franchi le Rubicon et a décidé d'appuyer de tout son poids la requête obsessionnelle de Me Guy Bertrand, nouveau et ardent croisé de l'unité inconditionnelle canadienne, visant à nier pour toujours au Québec son droit à décider de son avenir par un référendum décisionnel.

Ce qu'il importe ici de dénoncer, ce n'est pas tellement cette association étrange d'un gouvernement aux abois avec la vendetta d'un desperado qui brûle maintenant ce qu'il a adoré et adore ce qu'il a si longtemps brûlé. Car il y a beaucoup plus grave et condamnable, c'est-à-dire une volte-face totale et incroyable, qui sacrifie les principes les plus sacrés de la morale et de la dignité politique sur l'autel du cynisme, du mépris et de la force brutale.

En effet, jusqu'à octobre 1995 et depuis le référendum de 1980, Ottawa avait toujours considéré le droit du Québec à décider de son avenir, à quitter le Canada ou à y demeurer, comme un problème politique et non comme un problème technique, juridique ou légal, ainsi que le prétendent aujourd'hui Allan Rock et Jean Chrétien. Tous leurs écrits et déclarations l'attestent on ne peut plus clairement.

Dans ses mémoires parus en 1985, Jean Chrétien disait, et je le cite: «Nous parions sur la démocratie. Nous convaincrons les gens qu'ils doivent rester dans le Canada et nous gagnerons. Mais, si nous perdons, nous respecterons le voeu des Québécois et nous accepterons la séparation.» Fin de la citation. En août 1995, Jean Chrétien et Allan Rock ont refusé d'appuyer une première contestation de Guy Bertrand, qui visait à empêcher la tenue du référendum québécois. Dans une lettre qu'il lui écrivait, le Procureur général du Canada, Allan Rock, disait à Guy Bertrand, et je le cite: «La vraie question n'est pas de savoir comment se produira la séparation, mais bien plutôt si les Québécois veulent toujours faire partie du Canada.» Fin de la citation. Par la suite, Ottawa s'est engagé à fond dans le comité du Non. Des millions de dollars ont été dépensés en publicité, études, comités de stratégie. On a vu les Robillard, Charest et autres épigones «Canadians» sur toutes les tribunes. N'était-ce pas là une reconnaissance de facto du droit à l'autodétermination dans son exercice même ainsi que dans le choix de la souveraineté qui était proposé au peuple québécois?

Et, pour ajouter un point d'orgue on ne peut plus conséquent et irréfutable, rappelons-nous l'allocution émouvante et quasi désespérée du premier ministre Jean Chrétien au soir du 25 octobre: «La décision – oui, la décision – qui sera prise est sérieuse et irréversible. Elle aura des conséquences profondes. Demeurer canadien ou ne plus être canadien, tel est l'enjeu du référendum», disait-il. Ces déclarations et engagements sont clairs, définitifs.

Pourquoi, alors, après six mois, les renier, les trahir? Pourquoi alors cette amnésie, cet absurde et stupide tête-à-queue? Comment en un plomb vil – celui du technique ou du légal – l'or pur du politique a-t-il été changé? La réponse est simple et claire comme de l'eau de roche: à cause des résultats du référendum – 49,6 % pour la souveraineté, dont 60 % du vote francophone – à cause des changements constitutionnels importants promis par Jean Chrétien en fin de campagne, non réalisés après six mois et désormais enterrés sous la hargne et la grogne épaisse du Canada anglais, à cause de la montée souverainiste également, qui se poursuit depuis lors et qui risque d'évoluer vers un vote fortement majoritaire lors du prochain référendum. La première ligne de défense d'Ottawa, celle de la démocratie, des principes, des droits collectifs fondamentaux, se trouve maintenant débordée.

Ottawa, d'ailleurs, ne l'a toujours utilisée que lorsqu'il était assuré de pouvoir la tourner à son profit. Par exemple, les nobles et hautes discussions sur la répartition des pouvoirs, le veto, le rapatriement de la Constitution et la formule d'amendement ont duré plusieurs années. Mais, lorsque le Québec s'est finalement cantonné dans une opposition irréductible, le Canada anglais lui a passé sur le corps et lui a imposé ses volontés par le canal de la Cour suprême. C'était là un acte illégitime, a bien voulu concéder la Cour suprême, mais c'était tout de même un acte légal auquel le Québec devait se plier. Cet étranglement à la Clennett n'était certes pas beau à voir, mais l'important était que le Québec se retrouve terrassé et ramené sous le joug.

(13 h 30)

Le recours à la légalité, au judiciaire complaisant à qui on indique un coupable qu'il faut condamner et enfermer constitue la deuxième ligne de défense d'Ottawa. Dans sa marche accélérée vers la souveraineté, c'est devant cette deuxième ligne de défense que se retrouve maintenant le Québec. L'heure n'est plus à la lutte scientifique mais au combat extrême. Les masques sont tombés. Ottawa se permettra tous les coups, y compris les étranglements. Allan Rock ne parle pour le moment que de clarification technique, que de défense légale de la Constitution et de la règle de droit, mais il ne montre ainsi que la pointe du couteau qu'il a bien en main et qu'il n'hésitera pas, le moment venu, à plonger jusqu'à la garde dans le coeur du peuple qui se dresse devant lui et lui barre le chemin.

Jean Chrétien ne vient-il pas de déclarer qu'il s'opposera farouchement à toute déclaration de souveraineté du Québec, même si elle constituait la volonté expresse et fortement majoritaire de tout un peuple? Ne vient-il pas de recevoir l'appui massif du Canada anglais, qui se réjouit de le voir soutenir les arguties juridiques de Guy Bertrand? Ne nous promet-il pas, pour demain, d'autres folles attaques, aussi légales que brutales? Par exemple: droit de regard sur la formulation de la question et son possible désaveu; hausse jusqu'à un pourcentage inaccessible de la majorité souverainiste requise; obligation qu'il se donne de continuer à considérer légalement comme faisant toujours partie du Canada les électeurs, comtés et communautés québécois qui auront voté non; reconnaissance du droit à la partition pour qui la veut; charcutage du territoire actuel du Québec; obligation faite à un Québec acquis à la souveraineté de passer sous les fourches caudines d'une formule d'amendement qui requiert l'accord d'Ottawa et de toutes les provinces.

Le message que nous envoient déjà Jean Chrétien et ses comparses, c'est que le prochain référendum n'aura aucune importance à leurs yeux. Sous l'effet de la panique, ils auront, en effet, modifié en cours de route les règles d'un jeu qu'ils craignent désormais de perdre. Ce référendum ne sera plus désormais décisionnel mais consultatif, à la manière d'un sondage élargi. Les Québécois pourront discuter, échanger, s'agiter, exprimer leurs opinions, se prononcer, même largement, pour la souveraineté, mais il n'en résultera aucun changement réel, effectif sur le plan politique. Le cadre constitutionnel demeurera le même, inchangé, soumis à la volonté majoritaire du Canada anglais, qui décidera éventuellement de le modifier, ou pas, dans le sens de ses intérêts.

Derrière ce message d'Ottawa s'en cache un autre qu'il n'ose avouer, celui du vieux lion britannique, et qu'a repris à son compte le Canada anglais: «What I have I hold», ou «Ce que je tiens, je le garde». S'il recourt ainsi à tous les moyens, même féroces, pour assujettir le Québec, c'est que celui-ci lui est utile et essentiel, malgré qu'il ait toujours prétendu que le Québec lui coûte beaucoup plus qu'il ne lui rapporte. Désormais incapable de faire avaler au Québec cette fausseté et ce mensonge, incapable de persuader le Québec des avantages d'un fédéralisme qu'il n'arrive pas à renouveler dans le sens de ses aspirations et besoins impérieux, incapable d'arrêter la montée souverainiste, il ne lui reste plus qu'à l'enfermer de force dans la prison d'un intolérable statu quo, verrouillée à double et triple tour par les cadenas d'un système légal et judiciaire qu'il contrôle et qu'il commande.

Devant cet assaut brutal, comment le Québec peut-il tirer son épingle du jeu? Comment peut-il se sortir de ce piège et de cette prison? En étant fidèle à lui-même, en gardant les yeux fixés sur son destin, comme le dit la motion, en faisant montre d'imagination et de créativité, en gardant confiance dans le véritable processus démocratique selon lequel le pouvoir vient du peuple et s'incarne dans le peuple.

C'est là le sens de la motion que le gouvernement vient de présenter à l'Assemblée nationale. Par solidarité avec le peuple québécois, l'opposition officielle devrait l'entériner comme on le fait d'une évidence, d'autant plus que cette motion, on l'a dit, reprend les termes mêmes du préambule de la loi 150 qu'elle avait fait adopter en 1990 alors qu'elle formait le gouvernement. Il serait honteux pour elle de se dédire et de se renier après si peu d'années, par suite des pressions d'Ottawa et de tensions partisanes internes. Le peuple québécois ne lui pardonnerait pas de chuter ainsi dans des calculs mesquins qui la dégradent.

Pour la suite des choses, le gouvernement continuera de se montrer compétent et responsable en travaillant d'arrache-pied aux multiples chantiers qu'il vient d'ouvrir et qui visent à renforcer le Québec sur tous les plans. Et, le moment venu, au nom du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, il proposera à son peuple et réalisera la souveraineté qui le délivrera de toutes les entraves fédérales et lui donnera enfin les moyens d'atteindre son plein épanouissement. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Bourget. Je cède maintenant la parole à la ministre déléguée à l'Industrie et au Commerce et députée de Rosemont. Mme la ministre.


Mme Rita Dionne-Marsolais

Mme Dionne-Marsolais: Merci, M. le Président. En ce moment, je pense que j'ai beaucoup de tristesse à ce que j'ai entendu dans l'opposition libérale. J'ai beaucoup de tristesse parce que, ce que l'opposition libérale nous a dit, c'est qu'elle rejetait la capacité de choisir des Québécois. Parce que, pour qu'il y ait un choix, il faut qu'il y ait deux options. Or, l'option dont on parle, nous, elle repose sur le droit, pour les Québécois, de décider d'eux-mêmes; elle repose sur la démocratie.

L'enjeu de cette motion, M. le Président, c'est vraiment ça. Est-ce que les Québécois et les Québécoises ont le droit d'exercer un choix libre? C'est ça, l'enjeu de la motion. Est-ce que nous, comme députés, représentons fidèlement les valeurs? La raison d'être de notre fonction de député, c'est de représenter ce que les Québécois ressentent, et ce que les Québécois ressentent, c'est qu'ils sont libres. Et, pour être libres, il faut qu'ils aient la capacité de choisir. Et, dans cette enceinte, c'est de ça dont on parle aujourd'hui.

La position fédérale qui nous a été présentée dans les derniers jours, et très éloquemment tout à l'heure par notre premier ministre, c'est que la démocratie québécoise passe après l'autorité fédérale. Est-ce que c'est avec ça que l'opposition est d'accord? Je ne crois pas qu'un député, à l'Assemblée nationale du Québec, puisse être d'accord pour assujettir la liberté des Québécois à l'autorité fédérale. Ça, ce n'est pas vrai, pas en matière de notre raison d'être. Les Québécois ont le droit de choisir, et, nous, comme Assemblée nationale, nous avons le devoir de leur donner la liberté de choisir. Et, la motion, c'est ce qu'elle vise à faire.

Les règles de la démocratie, on en a parlé beaucoup, elles reposent sur le respect entre les peuples. Or, le Canada dont on parle si éloquemment, dont on veut renouveler les ententes, il repose sur deux peuples, et il y en a un des deux qui, aujourd'hui, se pose une question fort valable: Est-ce que j'ai le droit, moi, de décider de rester? Je veux bien croire que l'on parle de renouveler, que l'on entame une négociation, que l'on souhaite entamer une négociation, mais il faut un interlocuteur, et, pour entamer cette négociation-là, il faut quand même s'engager, nous, sur notre intérêt à l'entamer, et c'est ça, l'enjeu de la motion. Est-ce que les Québécois ont la liberté de décider qu'ils veulent s'asseoir à la table? C'est seulement ça, la motion, et c'est là-dessus qu'il faut voter aujourd'hui.

Le chef de l'opposition a parlé de s'attaquer aux problèmes concrets. Qu'est-ce qu'il y a de plus concret que la liberté des Québécois à choisir? Il a parlé des réalités d'aujourd'hui. Bien, les réalités d'aujourd'hui, c'est 7 000 000 de Québécois et Québécoises qui sont branchés sur le monde, qui sont ouverts sur le monde et qui ont la liberté de décider qui seront leurs partenaires, dans quelle arène ils vont s'associer. C'est ça, l'enjeu de la motion.

(13 h 40)

On nous a dit qu'il fallait s'attarder aux finances, mais quel gaspillage, M. le Président, que de s'embarquer dans des déboires judiciaires qui vont coûter très cher aux contribuables, alors que nous, comme Assemblée nationale, notre première responsabilité, c'est de représenter les Québécois et les Québécoises et de leur offrir ce choix! Pourquoi on utilise les tribunaux pour flouer le droit premier des Québécois, celui de s'exprimer, celui de décider ce qu'ils veulent faire de leur avenir? Pour renouveler une entente, ça prend deux partenaires.

Alors, nous, ce que nous demandons par cette motion, c'est que les Québécois manifestent leur capacité de choisir, parce que nous croyons qu'ils ont le droit de choisir. Nous croyons que, comme Assemblée nationale, nous devons prendre nos responsabilités. Et j'invite l'opposition libérale à avoir le courage des propos qu'elle tient, puisque, si elle veut négocier, il faut qu'il y ait deux partenaires égaux. Merci, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la députée de Rosemont et ministre déléguée à l'Industrie et au Commerce. M. le député de Châteauguay.

M. Fournier: Si vous permettez, j'aimerais poser une question, en vertu de 213, à la ministre de l'Industrie et du Commerce.

Le Vice-Président (M. Pinard): Mme la ministre déléguée à l'Industrie et au Commerce, est-ce que vous acceptez de répondre? Conformément à l'article 213, le député de Châteauguay vous demande si vous accepteriez de répondre à une question.

Mme Dionne-Marsolais: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci beaucoup. Alors, à ce stade-ci, je constate qu'il reste 30 secondes au groupe parlementaire formant le gouvernement. Alors, comme il n'y a pas d'autre intervenant, actuellement... Je regrette, M. le député de Châteauguay, vous vous êtes exécuté sur votre droit de parole. Vous n'avez droit qu'à un droit de parole pendant le débat.

Alors, à ce stade-ci, comme il n'y a pas d'autre intervenant du côté de l'opposition officielle, comme il n'y a pas, actuellement, de députés indépendants qui veulent se prévaloir de leur droit de parole à ce stade-ci, donc j'accorde la parole au ministre des Affaires municipales et député d'Abitibi-Témiscamingue. M. le ministre.


M. Rémy Trudel

M. Trudel: Merci, M. le Président. Certainement que vous vouliez dire le député du comté de Rouyn-Noranda–Témiscamingue. Je conviens que la belle région d'Abitibi-Témiscamingue se confond souvent avec Rouyn-Noranda–Témiscamingue, mais, pour être juste avec l'histoire et les faits, c'est Rouyn-Noranda– Témiscamingue qui est la circonscription que je représente ici.

M. le Président, on entend, oui, un certain nombre de choses assez incroyables, aujourd'hui, au moment où le gouvernement décide d'invoquer l'urgence et de présenter cette motion pour que «l'Assemblée nationale réaffirme que le peuple du Québec est libre d'assumer son propre destin – ce sont des mots assez simples, mais qui ont une portée historique certaine – et cette motion d'ajouter «de déterminer sans entrave son statut politique et d'assurer son développement économique, social et culturel».

Le chef de l'opposition faisait quelques railleries pour essayer de déguiser... ou de se déculpabiliser devant l'histoire, au moment où il a adressé la parole à cette Assemblée en disant que, bon, accessoire essentiel, il ne fallait pas voir là-dedans quelque chose qui marque l'histoire, puisqu'on l'a exercé, ce droit à l'autodétermination, qu'il est inutile de dire ce qui est évident. Le Parti libéral du Québec, le chef de l'opposition et les députés qui se sont exprimés jusqu'à maintenant ont bien indiqué qu'ils n'auront jamais rendez-vous avec l'histoire, qu'ils n'ont pas entendu la voix d'au minimum 49 % de la population et surtout la voix de l'ensemble des Québécois et des Québécoises, peu importe leur opinion, quant à l'avenir du statut politique du Québec.

Le ministre des Affaires intergouvernementales le rappelait il y a quelques minutes, et il faut le rappeler: S'il y a quelque chose de bien clair dans la tête des Québécois et des Québécoises, s'il y a une indication qui est partagée par une impressionnante majorité d'hommes et de femmes dans toutes les régions du Québec, peu importe le statut de ces personnes, c'est bien cette dimension, cette responsabilité qu'assume tout peuple de la terre de déterminer son avenir, de le réaffirmer haut et fort, M. le Président, une notion fondamentale dans la vie des peuples, la liberté de choisir, la liberté d'assumer son propre destin.

On se souviendra, M. le Président, au tournant de juin 1990, après l'échec du lac Meech, nous avions même entendu le premier ministre du Québec, à cette époque, M. Bourassa, nous indiquer que le Québec était libre de ses choix maintenant, dans l'avenir et pour toujours.

M. le Président, il est des occasions, donc, dans la vie des peuples, dans la vie de la plus haute Assemblée de la nation où il faut réaffirmer très clairement ce que le peuple souhaite qu'on dise à travers ses institutions officielles, ses plus hautes instances. Les droits les plus fondamentaux, les réaffirmer.

M. le Président, on peut être en désaccord sur les orientations et sur le statut futur, mais le premier ministre de l'époque, aucunement, mais aucunement ne s'était défilé devant l'histoire, pourrions-nous dire, en réaffirmant ce droit fondamental de la population québécoise. Alors, dans ce contexte-là, au moment où l'on tente d'utiliser un subterfuge juridique pour tenter...

M. Paradis: M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Excusez-moi, M. le député de Rouyn-Noranda–Témiscamingue. M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Oui, M. le Président, je ne sais pas en vertu de quoi vous reconnaissez présentement le ministre des Affaires municipales, qui, lui, ne sait pas trop non plus de quoi il parle. La motion indiquait que, lorsque le temps est épuisé, il n'accroît pas à l'autre formation politique. C'était très clair dans la motion du leader du gouvernement. Il y avait un droit de réplique prévu à la motion du leader du gouvernement, qui était très spécifique à l'auteur de la motion, qui prévaut sur le règlement. Moi, je n'ai pas entendu le député de Rouyn-Noranda–Témiscamingue déposer une motion en cette Chambre. Il n'est l'auteur de rien. Donc, il doit parler sur rien.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, question de règlement.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Alors, M. le Président, tout simplement pour faire remarquer au leader de l'opposition que, la motion de suspension des règles, elle est muette quant à savoir si le temps non utilisé par une des formations politiques est dévolu à l'autre formation. Alors, je pense que le leader de l'opposition est depuis assez longtemps en cette Chambre pour savoir que, quand on est en présence d'un débat restreint et qu'une formation politique... D'ailleurs, c'est lui-même, la semaine dernière, qui me l'a fait remarquer, quand on avait un débat de deux heures, que le temps qui n'était pas utilisé par une partie était à ce moment-là utilisé par l'autre partie.

Alors, puisqu'il n'y a pas de député de l'opposition officielle qui s'est levé tout à l'heure, on a pris en considération qu'ils n'étaient pas intéressés à parler sur ladite motion, et, à ce moment-là, le ministre a, quant à lui, dit: Écoutez, puisque l'opposition officielle ne veut pas parler, n'est pas intéressée à parler sur cette motion, nous allons utiliser le droit de parole de l'opposition officielle.

Le Vice-Président (M. Pinard): Si vous permettez... Si vous permettez... M. le député de Rouyn-Noranda–Témiscamingue et ministre des Affaires municipales, si vous me permettez... Alors, M. le député de Laurier-Dorion.

(13 h 50)

M. Sirros: M. le Président, je suis monté, tantôt, en cette enceinte, parce que je vous ai écouté dire qu'il restait 30 secondes au temps dévolu aux ministériels et j'étais surpris de voir le ministre se lever. J'étais encore plus surpris de le voir toujours en train de parler quand j'ai réussi à monter ici...

Le Vice-Président (M. Pinard): O.K. Alors, vous allez comprendre que je ne pouvais pas réaccorder un droit de parole au député de Châteauguay. En vertu du règlement, il a droit à un seul discours. Alors, à ce moment-là, comme il n'y avait pas, sur les banquettes, de député de l'opposition, puisque le débat doit se poursuivre, comme il n'y a pas non plus, actuellement, en cette Chambre la présence de députés indépendants... Oui.

M. Paradis: Avant que ça aille trop loin, M. le Président...

Le Vice-Président (M. Pinard): Je vous écoute, monsieur.

M. Paradis: ...oui, la motion est très spécifique quant au droit de parole en cette Chambre. Nous sommes face à une motion de suspension des droits de parole des membres de l'Assemblée nationale, et vous vous devez de l'appliquer conformément à la présentation qui en a été faite et l'adoption sur division qui en a été faite par l'Assemblée nationale.

Moi, je ne veux pas... Ce n'est pas en des langues qu'on ne comprend pas, là. Les droits de parole sont dictés par cette motion qui a été adoptée par l'Assemblée nationale du Québec, et c'est très clair: «Que le débat sur ladite motion soit limité à une durée de trois heures – ça, c'est maximum – 10 minutes étant réservées à chaque député indépendant...» J'en ai vu un se lever, exercer son droit de parole, les deux autres ne se sont pas levés. Lorsque vous avez demandé de les reconnaître, ils n'étaient pas là, ils n'ont pas voulu se prononcer. Donc, il y a 20 minutes du temps qui tombent complètement.

Et, par la suite, «...étant réservées à chaque député [...] ainsi que 15 minutes pour la réplique de l'auteur de la motion». Si le premier ministre avait été ici en cette journée solennelle, il aurait pu se lever et exercer son droit de réplique de 15 minutes, le reste du temps étant partagé également entre l'opposition officielle et les députés formant le gouvernement, et ce, sans limite quant à la durée des interventions comme telles.

Nulle part le leader du gouvernement n'a-t-il spécifié que le temps qui n'était pas pris par les députés indépendants ou le temps qui n'était pas pris par les députés de l'opposition accroissait à l'autre formation politique ou à une autre formation politique. Dans les circonstances, vous êtes liés par cette motion qui a été adoptée par l'Assemblée nationale du Québec.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Alors, M. le Président, sur la question de règlement, la motion de suspension des règles – et je pensais que le leader de l'opposition officielle comprendrait un peu plus le fondement d'une motion de suspension des règles, puisqu'il l'a lui-même utilisée à plusieurs reprises quand il était leader du gouvernement – il sait très bien qu'à partir du moment où une règle est suspendue, quand une règle est suspendue, à ce moment-là, M. le Président, c'est ce qui est dans la motion de suspension des règles qui prévaut. D'accord?

Alors, M. le Président, la règle qui dit que le temps n'est pas dévolu à l'un ou à l'autre, elle n'a pas été suspendue, puisque c'est en vertu de la tradition et ce n'est pas en vertu d'une disposition... de notre règlement, M. le Président. Donc, à ce moment-là, M. le Président, c'est la règle de tout débat restreint – parce que c'est un débat restreint, nous l'avons limité à trois heures – et alors, à ce moment-là, quand une partie choisit, comme l'opposition officielle vient de le faire... Elle a choisi de ne pas parler, M. le Président. C'est son droit le plus absolu; je ne veux pas revenir sur leur décision de ne pas parler. Ils ne veulent pas parler, d'accord. Moi, je comprends ça, c'est leur choix et je le respecte. Mais, M. le Président, à ce moment-là, permettez-nous d'utiliser le temps non utilisé par l'opposition officielle, puisqu'ils ont fait ce choix qui, encore là... Et je pense que le leader de l'opposition sera d'accord avec moi, c'est tout à fait leur droit de ne pas parler sur cette motion qui, pour nous, est importante, M. le Président, vous comprendrez.

Le Vice-Président (M. Pinard): Je vous ai entendus tous les deux. Si vous le permettez, je vais tout simplement suspendre quelques minutes afin de regarder le petit problème et je vous reviendrai. Alors, allons-y, M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Simplement insister sur le vocabulaire qu'a choisi le leader de l'opposition et qu'a adopté l'Assemblée nationale du Québec: «...le reste du temps étant partagé également entre l'opposition officielle et les députés formant le gouvernement.» Le terme a été choisi et utilisé par... à moins qu'on ne me dise que le député de Rouyn-Noranda–Témiscamingue est devenu un député de l'opposition, M. le Président, et, là-dessus, M. le Président, il faudrait soumettre la chose au caucus du Parti libéral.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, ce que vous me mentionnez, M. le leader de l'opposition, c'est que la présidence devrait interpréter d'une façon restrictive. Alors, en réplique, M. le leader du gouvernement, s'il vous plaît.

M. Bélanger: Alors, M. le Président, tout simplement pour vous souligner que, nous, du côté ministériel, nous allons nous soumettre à votre décision que nous savons que vous rendrez avec équité.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, je suspends les travaux pour quelques minutes.

(Suspension de la séance à 13 h 55)

(Reprise à 14 h 12)

Le Vice-Président (M. Pinard): Mmes, MM. les députés, veuillez vous asseoir.

Alors, concernant l'intervention du leader de l'opposition officielle sur le temps de parole non utilisé par un groupe parlementaire et confié à l'autre groupe parlementaire, il est évident que, dans la motion de suspension des règles, on n'a pas fixé de limite de temps de parole pour chaque groupe parlementaire. Le président se doit de favoriser le débat plutôt que de le restreindre davantage. Ceci est conforme à une décision du 3 juin 1986, rendue par Louise Bégin. Et le président, en l'absence de députés de l'opposition officielle ou indépendants, accordera le temps de parole aux députés qui seront présents en cette Chambre.

Alors, comme je vais accorder le droit de parole au ministre des Affaires municipales, je lui demanderais, à ce moment-ci, de bien vouloir conclure le plus brièvement possible, et, dès votre conclusion, je céderai la parole à un des membres du groupe parlementaire formant l'opposition officielle.

M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Oui, bien respectueusement, M. le Président, nous n'acceptons pas, de ce côté-ci, pour des raisons qui nous appartiennent et que je pourrai expliquer publiquement, que le député de Rouyn-Noranda– Témiscamingue, qui est un ministre du Parti québécois, se prononce au lieu et à la place de l'opposition officielle.

Le Vice-Président (M. Pinard): Je comprends, M. le leader de l'opposition, que vous n'acceptiez point ce fait, mais il n'en demeure pas moins que la présidence avait... Considérant l'absence, à ce moment-là, de députés de l'opposition, alors j'avais remis, comme je le jugeais opportun à ce moment-là, le droit de parole au ministre des Affaires municipales. Et, à ce stade-ci, je lui demanderais de bien vouloir conclure le plus tôt possible, le plus brièvement possible.

M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Afin, peut-être, de dénouer l'impasse dans laquelle le leader de l'opposition s'est mis, et tout en respectant votre décision, je pourrais proposer, M. le Président, qu'immédiatement le premier ministre fasse sa réplique, et, à ce moment-là, je crois que ça pourrait être tout à fait adéquat pour terminer le débat sur cette motion.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, est-ce que, M. le leader de l'opposition, vous acceptez cette proposition qui nous parvient du leader du gouvernement?

M. Paradis: O.K. M. le Président... M. le Président?

Le Vice-Président (M. Pinard): Oui?

M. Paradis: Oui, M. le Président, j'aurais tendance à acquiescer à cette proposition du leader du gouvernement, mais ça pourrait sentir – et je ne voudrais pas que la présidence soit soupçonnée d'un tel état de fait – la collusion entre le gouvernement...

Des voix: Ah!

M. Paradis: ...parce que le premier ministre était également absent de cette Chambre lorsque vous vous êtes retiré.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader de l'opposition, je tiens également à vous mentionner qu'avant de permettre – si vous-même, vous le maintenez – au premier ministre de faire une réplique, j'ai à demander au ministre des Affaires municipales s'il accepte de terminer, à ce stade-ci, son droit de parole. J'avais donné un droit de parole au ministre des Affaires municipales et je lui demande s'il accepterait de le terminer immédiatement.

M. Trudel: M. le Président, bien sûr que nous allons conclure. Nous sommes toujours prêts à défendre les droits fondamentaux des Québécois et Québécoises, et le premier ministre, plus que quiconque, est en mesure de le faire.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci beaucoup, M. le ministre des Affaires municipales et député de Rouyn-Noranda–Témiscamingue. Alors, j'accorde maintenant le droit... M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Pouvez-vous nous indiquer combien de temps il nous reste?

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, si vous voulez patienter quelques secondes.

Alors, M. le leader de l'opposition, il reste à votre groupe parlementaire 23 min 30 s.

M. Bélanger: Juste une question de règlement, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Est-ce qu'on doit comprendre que l'opposition a retrouvé sa voix?

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Oui, M. le président, c'est à peu près la seule chose qui n'a pas été suspendue complètement encore dans les règles démocratiques de l'Assemblée nationale et du règlement qui doivent gouverner nos travaux. Mais, de l'autre côté, lorsqu'on s'esclaffe de rire dans une situation où les droits fondamentaux de l'institution qu'est l'Assemblée nationale du Québec sont concernés...

Le Vice-Président (M. Pinard): S'il vous plaît, messieurs. M. le leader de l'opposition, est-ce que, à ce stade-ci, je cède la parole au premier ministre pour son droit de réplique ou si vous avez l'intention d'utiliser le 23 min 30 s qui est encore à votre disposition? M. le leader.

M. Paradis: M. le Président, je pensais que vous m'aviez reconnu et que j'étais à l'intérieur de l'enveloppe – sans l'utiliser complètement – du temps que vous aviez reconnu à l'opposition officielle. Je pense que ça non plus, là, ce n'est pas suspendu pour le moment.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader de l'opposition, si vous voulez prendre le droit de parole, aucun problème, et il me fera plaisir de vous reconnaître comme tel. Alors, M. le leader de l'opposition.


M. Pierre Paradis

M. Paradis: Vous m'excuserez, M. le Président, je pensais que c'était déjà fait, mais c'est un petit peu comme la motion que l'on retrouve au feuilleton, aujourd'hui, de l'Assemblée nationale où on en a déjà deux. C'était déjà fait la semaine passée. C'est refait cette semaine. À deux reprises, semaine après semaine, on suspend en cette Chambre les droits fondamentaux des parlementaires qui ont été élus par la population du Québec. Et, lorsqu'on aura procédé, aujourd'hui, à l'adoption de motions, on se retrouvera encore au feuilleton de demain, compte tenu de l'improvisation du gouvernement dans cette affaire solennelle, avec une motion de suspension des règles fondamentales de l'Assemblée nationale et une motion identique re-représentée par le premier ministre du Québec, M. le Président.

(14 h 20)

Moi, je vous soumets que ça fait 15 ans que je siège en cette Chambre et que je n'ai jamais vu une situation aussi ridicule sur le plan du fonctionnement ou de l'aménagement des travaux de l'Assemblée nationale du Québec, M. le Président. Le premier ministre voulait de quoi de solennel, il a de quoi de ridicule devant lui. Il menaçait de déclencher des élections. Le premier ministre menaçait, par la suite, de suspendre tous les travaux, la semaine passée. Ça a été bâclé, mal foutu. Cette semaine, on revient dans une circonstance où c'est encore bâclé, mal foutu. On se doit de recourir à la présidence pour pouvoir se sortir des impasses dans lesquelles on se place.

Mais, sur le fond de la question, M. le Président, les péquistes vont se lever, tantôt, en cette Chambre avec le même bonheur et la même sérénité avec lesquels ils se sont levés il y a quelques heures pour dire: Nos droits de parole, on n'en veut pas. On ne veut pas discuter de cette motion sur le droit à l'autodétermination du Québec, le droit de s'exprimer et de fonctionner en fonction de règles démocratiques adoptées par une institution qui est bicentenaire. Mais, ça, on met ça de côté, puis on est content de mettre ça de côté, parce qu'on ne veut pas s'exprimer là-dessus. On veut restreindre le débat, on veut condamner au silence les membres de l'Assemblée nationale. Et ces gens-là étaient fiers, tantôt. Je ne sais pas s'ils réalisaient qu'ils se muselaient eux autres mêmes, tantôt, mais c'est ce qu'ils ont fait. Ils ne l'ont peut-être pas...

Moi, j'ai écouté quelques discours. En tout cas, ce n'est pas celui du ministre des Affaires municipales ni celui du ministre de l'Environnement qui m'ont convaincu qu'ils étaient conscients de ce qui se passait aujourd'hui à l'Assemblée nationale du Québec. Ces mêmes gens là qui, tantôt, ont accusé les parlementaires de ce côté-ci de la Chambre de ne pas vouloir embarquer dans le train du premier ministre du Québec, ce sont ces mêmes gens qui, en 1991, se sont levés en cette Chambre pour voter contre la motion suivante... Et je le dis pour le bénéfice des parlementaires qui n'étaient pas là, parce que, ceux qui étaient là, ils ont renié leurs principes, ils ont renié leur raison d'être à tellement de reprises que ça ne peut plus rien leur faire sur le plan de la conscience. Mais, les nouveaux qui sont arrivés, je tiens à vous rappeler que ceux et celles qui vous ont précédés comme députés du Parti québécois en cette Chambre, en 1991, ont voté contre la motion suivante présentée par le ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes.

La motion se lisait comme suit: «...réaffirmant ainsi le droit des Québécoises et Québécois d'assumer librement leur propre destin et de déterminer seuls leur statut politique et constitutionnel.» Les gens qui vous ont précédés dans cette Chambre, les nouveaux, les péquistes qui vous ont précédés ont voté contre cette motion le 27 novembre 1991.

Simplement pour rappeler aux gens qui n'étaient pas là non plus en 1991 que les gens qui vous demandent de voter pour, aujourd'hui, ont voté à trois reprises, en 1991, dans le cadre du projet de loi 150, contre la motion suivante – ces gens-là vont nous faire croire qu'ils ont des principes:

«Considérant que les Québécoises et les Québécois sont libres d'assumer leur propre destin, de déterminer leur statut politique et d'assurer leur développement économique, social et culturel...»

M. le Président, à trois reprises, les péquistes qui étaient présents en cette Chambre le 20 juin 1991 ont voté contre cette motion. Qu'est-ce qui est arrivé? Qu'est-ce qui fait en sorte que ces gens-là changent d'idée? Moi, je cherchais les meilleurs mots pour le dire, mais parfois les meilleurs mots pour le dire nous viennent des gens qu'on rencontre dans nos circonscriptions électorales, parfois les meilleurs mots pour le dire nous viennent de citoyens qui, spontanément, écrivent, mettent ou couchent sur papier leur pensée et leurs idées.

Dans le journal Le Soleil du 21 mai dernier – et je sais que ça ne vous a pas échappé, ça a sans doute échappé à l'ensemble des péquistes de l'autre côté, parce qu'ils auraient peut-être eu moins d'enthousiasme à suspendre les règles de l'Assemblée nationale – un citoyen – je pense que c'est permis de citer son nom en cette Chambre, il a signé son nom, ce n'est pas une lettre anonyme envoyée à un journal, ce n'est certainement pas un péquiste – J. Tanguay, Québec...

Des voix: Ha, ha, ha!

Une voix: Ah!

M. Paradis: «Quelle démocratie! M. Brassard dit que la démocratie prime sur les dispositions constitutionnelles. Acceptons pour les besoins de cet écrit que cela soit vrai. Pourquoi avons-nous eu un second référendum en 1995 alors que le peuple du Québec s'était prononcé majoritairement pour le Non en 1980? Nous avons toujours cru qu'un référendum était quelque chose de très sérieux. Le référendum de 1995 a prouvé que le Québec ne voulait pas la séparation. Pourquoi le référendum de 1995 n'est-il pas plus sérieux que celui de 1980 aux yeux des séparatistes? Pourquoi serait-il devenu sérieux si les gens du Québec avaient voté oui majoritairement? Et pourquoi serait-il devenu plus sérieux pour les gens qui ont voté non? Pourquoi le oui éventuel d'un troisième référendum serait-il définitif et plus sérieux et démocratique que les deux premiers? Qui bafoue la démocratie? La folie a ses limites. Nous espérons que les tenants de la souveraineté et les tenants du fédéralisme vont respecter le peuple du Québec. Nous, les Québécois, ce que nous voulons, c'est le maximum de souveraineté à l'intérieur de notre pays, le Canada. La minorité des durs du PQ n'a pas à dicter la décision du peuple québécois. Comme le dit La Rochefoucauld, et je cite, "on peut être plus fin qu'un autre, mais pas plus fin que tous les autres".» Fin de la citation, M. le Président.

M. le Président, si les gens de l'autre côté se sont fait embarquer après quatre votes contre l'autodétermination du Québec, quatre votes officiels enregistrés à l'Assemblée nationale du Québec dans un autre débat, ils auraient peut-être avantage – et je les incite à le faire – à relire la chronique d'un journaliste de Québec, qui suit ici attentivement la scène politique et qui vous met en garde contre la démarche dans laquelle vous vous êtes embarqués, contre le vote que vous allez poser. Relisez ce que Michel David, du journal Le Soleil , disait du chef du gouvernement, sous le titre, M. le Président, et vous l'aurez reconnu, «L'enfirouapeur», parce que je sais que vous l'avez lu et que vous vous en méfiez. Vous retrouvez là des éléments qui portent à réflexion sur la sincérité de la démarche de celui qui occupe actuellement le poste de premier ministre du Québec.

M. le Président, dans son livre, dans son autobiographie, qui s'intitule «À visage découvert», Lucien Bouchard, M. le Président, s'exprimait comme suit: «Qu'attend-on à Québec pour lancer une corvée nationale pour le plein-emploi et contre la pauvreté?» M. le Président, ces mêmes gens qui vont voter contre le Parti québécois de 1991 tantôt sont les mêmes gens qui vont voter plus tard pour un budget présenté par le gouvernement – parce que, au-delà du discours, il y a les actes qui touchent les citoyens – vont voter pour un budget qui prévoit une baisse des investissements créateurs d'emplois au Québec. Ils vont voter, M. le Président, sans se poser la question sur l'effet de désinvestissement que cause l'incertitude politique qu'ils continuent, de façon irresponsable, à faire planer sur l'avenir immédiat du Québec, alors qu'au cours de cette année la population s'est prononcée majoritairement pour demeurer à l'intérieur du Canada et pour modifier le fédéralisme canadien.

M. le Président, ce même budget nous annonce une augmentation du nombre des bénéficiaires de l'aide sociale. Et je sais, M. le Président, que vous êtes sensible, vous avez déjà été critique du ministre de la Sécurité du revenu. Vous ne pouvez accepter qu'un budget prévoie qu'on va ajouter d'autres assistés sociaux aux plus de 800 000 personnes qui dépendent de l'aide sociale pour subsister au Québec et qu'on continue à invoquer l'urgence pour faire des débats qui vont à l'encontre de la volonté démocratiquement exprimée du peuple québécois.

(14 h 30)

Le budget sur lequel ces gens-là vont voter, M. le Président, prévoit qu'on va ajouter d'autres chômeurs aux plus de 400 000 chômeurs que l'on dénombre actuellement dans la province de Québec. M. le Président, entre le livre, «Qu'attend-on à Québec pour lancer une corvée nationale pour le plein-emploi et contre la pauvreté?», et l'application pratique et le budget sur lequel ces gens-là vont être appelés à voter, il y a toute une différence.

Mais, M. le Président, les gens de l'autre côté – je le soumets bien respectueusement, et sans doute que quelqu'un va se reconnaître – il y en a certains qui sont conscients non seulement qu'ils se font enfirouâper, mais qu'ils se font embarquer dans un train, comme l'a indiqué le chef du Parti libéral du Québec, qui s'en va nulle part ou, s'il a une destination, qui ne va pas dans la direction que la majorité des Québécois ont exprimée à l'occasion du dernier référendum. Il y a un député, de l'autre côté, qui s'exprimait comme suit – encore une fois, je cite Michel David, du journal Le Soleil , qui disait ce qui suit: «Un député péquiste – je demande à tout le monde de tenter de se reconnaître ou de reconnaître l'auteur – auquel je demandais dernièrement comment son nouveau chef se comportait au caucus a eu la réflexion suivante: "C'est un charmeur, on a tous l'air d'une gang de serpents dans nos cruches".»

M. le Président, j'ai entendu des rires de l'autre côté, mais s'il y a des députés péquistes qui pensent qu'ils ont l'air d'une gang de serpents dans leur cruche, ne nous demandez pas aujourd'hui d'embarquer dans votre cruche. Ayez au moins l'honnêteté, ayez au moins l'honnêteté de faire face à la situation réelle qui existe au Québec. Ayez au moins l'honnêteté de reconnaître le résultat du dernier référendum. À 18 reprises, M. le Président, des membres de l'Assemblée nationale se sont levés en cette Chambre et ont demandé aux ministériels que l'Assemblée nationale prenne acte et reconnaisse le résultat du dernier référendum tenu il y a quelque neuf mois. À 18 reprises, M. le Président, des gens de l'autre côté ont refusé de reconnaître le résultat du dernier référendum. Et, s'il y a, M. le Président, au-delà des motions, une reconnaissance du droit à l'autodétermination du Québec, c'est l'exercice de ce droit, par voie référendaire, tel qu'il fut conduit il y a neuf mois dans la province de Québec. Si vous n'êtes pas prêts à reconnaître les résultats d'un tel référendum, comment pouvez-vous oser sortir de vos cruches, et vous présenter à l'Assemblée nationale, et embarquer dans le jeu du charmeur de serpents? Vous avez un devoir, comme parlementaires, de représenter correctement la population qui vous a élus. Vous avez un devoir, comme parlementaires, de vous appliquer à apporter des solutions concrètes aux problèmes qui affligent concrètement et quotidiennement les citoyens et les citoyennes qui vous ont élus.

Ce n'est pas, M. le Président, en suspendant les règles qui gouvernent normalement une société libre et démocratique que vous allez inspirer confiance au peuple québécois. Ce n'est pas en dénigrant le système judiciaire que vous allez inspirer confiance au peuple québécois. Dans leur sagesse, M. le Président, nos ancêtres nous ont légué des valeurs fondamentales et des façons de les défendre. Cette institution est une des plus importantes valeurs fondamentales qui nous aient été léguées. Quand je vois, semaine après semaine, le gouvernement se foutre de la Loi sur l'Assemblée nationale, se foutre des règlements de l'Assemblée nationale comme tels, bâillonner les parlementaires, quand je vois ce gouvernement dénoncer des interventions devant les tribunaux, je me dis: Dans quelle sorte de société allons-nous vivre, au lendemain des possibles ou éventuels oui, M. le Président?

Si on suspend les droits fondamentaux des parlementaires, quelle hésitation va-t-on avoir à suspendre les droits fondamentaux des citoyens? Si on est prêt à prétendre que les tribunaux n'ont pas d'affaire à se mêler de notre vie collective, quel genre de société va-t-on avoir, M. le Président? Si on veut tout dicter, si on veut un régime qui ne soit pas démocratique, M. le Président, on n'en a pas besoin, des tribunaux. Si on veut un régime qui ne soit pas démocratique, on n'en a pas besoin de la Loi sur l'Assemblée nationale, on n'a pas besoin du règlement de l'Assemblée nationale. On n'a qu'à se conforter dans ce qu'on appelle la majorité ministérielle. On n'a qu'à être des députés péquistes serviles et contents de voir la suspension des règles de l'Assemblée nationale. On n'a qu'à être des députés péquistes serviles contents de dire: On va vivre dans un pays où les tribunaux ne dicteront pas à quiconque comment arbitrer les litiges.

M. le Président, j'ai entendu, en 15 ans en cette Chambre, suffisamment d'argumentations, de l'autre côté de la Chambre, qui nous rapprochaient d'un régime où le gouvernement gouverne, où le gouvernement n'aime pas être questionné et où, quand ça ne fait pas l'affaire du gouvernement, on suspend tout ce qu'il y a de règles qui puissent empêcher l'action du gouvernement pour appeler nos concitoyens à la méfiance devant ces gestes.

Moi, j'aurais souhaité que le premier ministre arrive en cette Chambre avec une motion dans un cadre normal, une motion qui soit amendable, M. le Président, une motion à laquelle nous aurions tous pu participer. Parce qu'il n'y a personne en cette Chambre – et je pense que je connais à peu près tout le monde des deux côtés de la Chambre – qui doute du droit du Québec à l'autodétermination, mais pas une autodétermination qui met de côté les règles fondamentales de la démocratie québécoise dont on a hérité de nos ancêtres. S'il nous reste quelque valeur à défendre, au lieu de se laisser charmer, au lieu d'embarquer dans des scénarios de comédie ou dans des actes de théâtre, comme l'a déclaré le chef du Parti libéral du Québec, qu'on fouille dans notre coeur, qu'on fouille dans nos tripes puis qu'on fouille dans notre tête et qu'on défende l'héritage démocratique qui nous a été légué par ceux et par celles qui nous ont précédés.

M. le Président, hier, vous avez mis de côté les anciens règlements de l'Assemblée nationale. Je fais également appel à votre contribution pour qu'on s'inspire des valeurs traditionnelles pour protéger les droits démocratiques de la société québécoise. Et, de l'autre côté, vous aurez également à vous prononcer sur une motion du chef de l'opposition cet après-midi. Et vous aurez à voter sur la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale réaffirme le droit des Québécoises et des Québécois à l'autodétermination, droit exercé le 30 octobre dernier en choisissant de poursuivre le développement de la société québécoise au sein du Canada et qu'en conséquence, elle enjoigne les gouvernements du Québec et du Canada de donner suite à cette volonté démocratique en acceptant de négocier de bonne foi le renouvellement du fédéralisme canadien.»

Et, si vous avez compris le résultat du dernier référendum, vous vous lèverez debout et, par respect pour la population du Québec, vous voterez en faveur de cette motion du chef de l'opposition. Et, si jamais quelque doute que ce soit animait votre esprit, rappelez-vous un sondage publié dans La Presse du 16 mai 1996. Rappelez-vous du voeu de l'ensemble de la population du Québec à la question suivante: En avez-vous assez des querelles entre Jean Chrétien et Lucien Bouchard? À cette question posée, le pourcentage des réponses obtenues a été – et, strictement, je pense que ça va confirmer, pour ceux et celles qui font du bureau de comté, ce que vous constatez dans votre comté: 84 % de la population en a assez de ces chicanes stériles; 16 % souhaite que ça continue. Faites-vous partie de ce 16 %?

Le Président: À ce moment-ci du débat, si mes calculs sont corrects, il reste un peu moins de trois minutes pour l'opposition officielle, dans le débat; il reste une réplique de 15 minutes pour la partie gouvernementale, en fait pour le proposeur de la motion; et il y a deux députés indépendants qui, théoriquement, pourraient toujours s'exprimer. Alors, s'ils ne s'expriment pas, selon les décisions qui ont été prises précédemment, le temps serait réparti équitablement entre les deux groupes parlementaires. M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Est-il permis de faire une suggestion, à ce moment-ci, M. le Président? Compte tenu de l'heure, qu'il y a une période de questions qui est prévue – sauf si on suit la motion du leader du gouvernement et qu'on l'abolit – est-ce qu'on pourrait reconnaître immédiatement l'honorable premier ministre de façon à ce qu'au moins le gouvernement puisse répondre de ses actes dans cette Chambre?

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, j'avais déjà offert au leader de l'opposition de reconnaître immédiatement le premier ministre. Alors, ça va de soi que j'accepte la proposition.

(14 h 40)

Le Président: Alors, juste avant, M. le premier ministre, je demanderais au député d'Iberville s'il consent, parce qu'il a un droit de parole et je ne voudrais pas le priver de son droit de parole. M. le député d'Iberville, ça va? Il y a consentement? Alors, M. le premier ministre, dans ce cas-là, pour votre droit de réplique.


M. Lucien Bouchard (réplique)

M. Bouchard: M. le Président, nous avons assisté aujourd'hui à une performance sans pareille de la part du chef de l'opposition.

Des voix: Bravo! Bravo!

M. Bouchard: Ce à quoi on applaudit, du côté de l'opposition, c'est à un monument d'incohérence drapé dans un nuage de faux-fuyants. Le chef de l'opposition jure qu'il a défendu, qu'il défend et qu'il défendra le droit du Québec à disposer de lui-même dans toutes les circonstances, mais aujourd'hui il votera contre. Le chef de l'opposition se déclare d'accord avec chaque mot de la motion présentée aujourd'hui à l'Assemblée, mais aujourd'hui il votera contre. Le chef de l'opposition convient que le libellé de la motion était inclus dans la loi qui a créé la commission Bélanger-Campeau, loi que tous les députés, dont lui-même, ont adoptée ici avec raison; mais aujourd'hui il votera contre.

Le chef de l'opposition a parlé de la loi 150, qui reprenait aussi ce libellé, et il a noté que les députés du Parti québécois s'étaient opposés à cette loi. On se souvient cependant que le chef de l'opposition, en campagne électorale, avait reconnu que personne n'aurait dû croire la promesse de tenir un référendum qui était incluse dans cette loi.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bouchard: Mais lui avait voté pour cette loi contenant le libellé de la motion et il en tire donc la conclusion...

Le Président: À l'ordre, MM. les députés! Il y a des propos qui sont antiparlementaires, qui ne sont pas tenus dans les micros, mais qui non seulement ne sont pas acceptables, mais qui font en sorte qu'on risque de créer une dynamique, encore une fois, où on va perdre le contrôle de la situation. M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui. Très brièvement, M. le Président, j'ai échappé quelques mots qui, j'en conviens, sont antiparlementaires, mais je ne pouvais pas...

Des voix: Ah!

M. Paradis: M. le Président, je ne pouvais pas laisser, et le premier ministre le reconnaîtra... Je ne pouvais pas... Il était absent de l'Assemblée. Je ne pouvais pas lui laisser dire que... Je ne pouvais pas lui laisser dire que tous les parlementaires ont voté pour la loi 150, alors que les péquistes ont voté contre.

Le Président: Alors, on conviendra que ce n'était pas une question de règlement, mais que néanmoins on... Alors, si on voulait terminer le débat correctement, il ne reste que quelques instants. M. le premier ministre, s'il vous plaît.

M. Bouchard: M. le Président, on se souvient cependant que le chef de l'opposition, en pleine campagne électorale, avait reconnu que personne n'aurait dû croire à cette loi et à la promesse qu'elle contenait de tenir un référendum; mais lui avait voté pour cette loi contenant le libellé de la motion et il en tire donc la conclusion qu'aujourd'hui il doit voter contre.

Le chef de l'opposition estime que le droit à disposer de nous-mêmes est une évidence et il votera contre l'évidence. Le chef de l'opposition, qui a passé toute la campagne référendaire à expliquer le vide de sa pensée constitutionnelle en disant que le référendum ne portait pas sur le renouvellement du fédéralisme, mais sur la souveraineté, affirme maintenant que, le 30 octobre, les Québécois ont voté pour le renouvellement du fédéralisme.

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Bouchard: Le chef de l'opposition dit ne pas vouloir monter dans notre train, affirmant que ce train va à la souveraineté, alors que... M. le Président, est-ce qu'il est possible de parler en cette Chambre...

Des voix: Oui!

Le Président: Vous invoquez une question de règlement, M. le leader du... À l'ordre, s'il vous plaît! Il n'y a qu'un président dans l'Assemblée. Il y a un président, et ce message-là s'adresse pour quiconque à l'Assemblée. M. le leader de l'opposition officielle, sur une question de règlement?

M. Paradis: Sur une question de règlement. En vertu des dispositions de l'article 35.4° de notre règlement, que le chef du gouvernement devrait connaître: «Paroles interdites et propos non parlementaires. Le député qui a la parole ne peut s'adresser directement à un autre député», M. le Président. Et, comme il a exagéré, M. le Président, je me suis levé, parce que je sais qu'on lui accorde habituellement une latitude.

Le Président: M. le leader du gouvernement, sur la question de règlement.

M. Bélanger: Je comprends, M. le Président, que ça fait mal, les propos du premier ministre, mais ce n'est pas une raison pour l'interrompre d'une façon tout à fait illégale et sans aucune commune mesure avec le règlement, M. le Président.

Le Président: La nature même du parlementarisme fait qu'à des moments donnés il y a des débats plus intenses, plus fondamentaux, qui concernent les fibres de nos opinions des uns et des autres. Et c'est évident qu'à ce moment-là il y a des propos qui, de part et d'autre, sont plus intenses. J'en ai entendu tout l'avant-midi, des propos de cette nature-là, de part et d'autre. Et l'exigence que nous avons ici, c'est d'être capable d'encaisser quand des propos sont prononcés, d'une intensité qui nous dérange. Et, ça, c'est vrai d'un côté comme de l'autre. Alors, la parole est, à ce moment-ci, au premier ministre, et je demande que l'on respecte son droit de parole comme on a respecté précédemment les droits de parole des députés de part et d'autre. Alors, M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, le chef de l'opposition dit ne pas vouloir monter dans notre train, affirmant que ce train va à la souveraineté, alors que la motion n'utilise ni le mot ni le concept. Il veut cependant nous faire monter dans son train à lui, le train du renouvellement du fédéralisme, mais c'est un train qui n'a ni locomotive ni carburant, car lui-même, qui prétend diriger les forces fédéralistes au Québec, n'a pas le moindre bout de papier à nous montrer comme programme de réforme constitutionnelle.

M. le Président, depuis deux ans qu'ils y travaillent, ils ont produit du vide et ils veulent nous y entraîner. Le chef de l'opposition estime que tout ce débat est une perte de temps et une diversion qui nous distrait, dit-il, des vrais travaux de la Chambre. Pourtant, lui et son leader parlementaire ont tout fait pour prolonger le débat, l'étaler sur deux semaines, faire des discours puis voter contre.

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Bouchard: Le chef de l'opposition se moque des motions. C'est du théâtre, dit-il. Pourtant, il en propose une aujourd'hui et il insiste sur une autre motion que son parti a présentée 18 fois ces derniers mois. Je suppose, M. le Président, que ce n'est pas là du théâtre, mais du mauvais vaudeville.

Ce serait drôle, M. le Président, ce serait drôle si ce n'était pas si triste. Ce serait drôle si un des grands partis politiques québécois ne s'apprêtait pas, dans quelques instants, à miner, pour une génération, sa crédibilité. À 15 ans de distance, tous se souviennent que l'actuel chef de l'opposition, avec son chef, Claude Ryan, avait voté, avec le Parti québécois, une motion condamnant les manoeuvres constitutionnelles de Pierre Trudeau et de Jean Chrétien, en fait pour répudier la Constitution sur laquelle le fédéral fonde aujourd'hui ses attaques sans précédent contre le droit du Québec à disposer de lui-même.

Chacun savait que ce vote allait avoir des impacts partisans à court terme. Au sein du caucus libéral, des voix se sont élevées pour résister à ce geste d'unanimité, et même, il y a eu des dissidents. Il y avait des gens, dans le caucus libéral, qui étaient favorables au coup de force d'Ottawa contre Québec, mais ils ont été mis en minorité. L'intérêt du Québec a primé. Le parti de Jean Lesage n'est pas devenu le parti de Pierre Trudeau.

Il est triste aujourd'hui de constater que le chef de l'opposition n'a pas réussi, comme Claude Ryan avant lui, à contenir ceux de son caucus et de son parti qui veulent s'allier avec le pouvoir fédéral contre les droits du Québec. Pour camoufler son impuissance, le chef de l'opposition fait semblant de ne pas entendre les déclarations de Jean Chrétien, qui nie chaque jour les droits de l'Assemblée nationale. Il se bouche les oreilles et prétend qu'il ne s'agit que d'un avocat de Québec et d'un argument juridique mineur. Incapable de convaincre sa députation de voter pour un principe qu'il déclare évident, le chef du Parti libéral n'a même pas réussi à convaincre sa députation de s'abstenir. Le Parti libéral du Québec va inscrire aujourd'hui, dans les minutes de l'Assemblée nationale, un vote où il va nier, repousser, rejeter le droit des Québécois à disposer d'eux-mêmes. Les motifs, les raisonnements et les arguties seront perdus pour l'histoire; le vote contre une motion fondamentale restera attaché à l'histoire du Parti libéral et de ses membres ici présents comme l'aveu d'une grande démission.

Aujourd'hui, le parti de Jean Lesage est devenu le parti de Jean Chrétien. Aujourd'hui, le Québec, oui, le Québec est en deuil d'un parti en qui il a déjà eu confiance. Les Québécois s'en souviendront. Aujourd'hui, on retiendra surtout que l'Assemblée nationale du Québec, par voie nettement majoritaire, a réaffirmé le droit des femmes et des hommes du Québec à disposer d'eux-mêmes. Aujourd'hui, on retiendra que le gouvernement du Québec et une ferme majorité de l'Assemblée nationale, incluant le chef de l'Action démocratique du Québec, n'ont pas craint de se lever pour défendre un droit fondamental. Aujourd'hui, on reconnaîtra que le Québec s'est tenu debout.

(14 h 50)

Des voix: Bravo!


Mise aux voix

Le Président: Cette réplique du premier ministre met donc fin au débat. Maintenant, je mets aux voix la motion du premier ministre, qui se lit comme suit:

«Que l'Assemblée nationale réaffirme que le peuple du Québec est libre d'assumer son propre destin, de déterminer sans entrave son statut politique et d'assurer son développement économique, social et culturel.»

Alors, que ceux et celles qui sont en faveur de cette motion... Oui, monsieur... Alors, vote enregistré. Qu'on appelle les députés.

(14 h 53 – 14 h 59)

Le Président: Alors, Mmes, MM. les députés, veuillez prendre place, le vote va commencer.

Alors, je rappelle, pour les gens qui suivent les travaux de l'Assemblée nationale, que nous allons voter sur la motion suivante du premier ministre:

«Que l'Assemblée nationale réaffirme que le peuple du Québec est libre d'assumer son propre destin, de déterminer sans entrave son statut politique et d'assurer son développement économique, social et culturel.»

Que ceux et celles qui sont en faveur de cette motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît.

Le Secrétaire adjoint: M. Bouchard (Jonquière)...

Des voix: Bravo! Bravo!

(15 heures)

Le Secrétaire adjoint: ...M. Bélanger (Anjou), M. Landry (Verchères), M. Chevrette (Joliette), Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve), M. Léonard (Labelle), Mme Marois (Taillon), M. Bégin (Louis-Hébert), M. Trudel (Rouyn-Noranda–Témiscamingue), M. Campeau (Crémazie), Mme Blackburn (Chicoutimi), M. Gendron (Abitibi-Ouest), M. Perron (Duplessis), M. Bertrand (Portneuf), M. Simard (Richelieu), M. Rochon (Charlesbourg), Mme Doyer (Matapédia), M. Boucher (Johnson), M. Julien (Trois-Rivières), M. Cliche (Vimont), M. Perreault (Mercier), Mme Beaudoin (Chambly), M. Brassard (Lac-Saint-Jean), M. Jolivet (Laviolette), Mme Dionne-Marsolais (Rosemont), Mme Carrier-Perreault (Chutes-de-la-Chaudière), M. Boisclair (Gouin), M. Rioux (Matane), M. Pinard (Saint-Maurice), M. Payne (Vachon), Mme Robert (Deux-Montagnes), M. Blais (Masson), Mme Malavoy (Sherbrooke), M. Baril (Berthier), M. Facal (Fabre), Mme Caron (Terrebonne), M. Paré (Lotbinière), M. Bertrand (Charlevoix), Mme Vermette (Marie-Victorin), M. Pelletier (Abitibi-Est), Mme Leduc (Mille-Îles), M. Morin (Dubuc), M. Landry (Bonaventure), M. Paquin (Saint-Jean), M. Rivard (Limoilou), M. Baril (Arthabaska), M. Laurin (Bourget), M. Côté (La Peltrie), M. Deslières (Salaberry-Soulanges), M. Beaulne (Marguerite-D'Youville), M. Beaumier (Champlain), Mme Barbeau (Vanier), M. Bourdon (Pointe-aux-Trembles), M. Lachance (Bellechasse), M. Laprise (Roberval), M. Jutras (Drummond), M. Morin (Nicolet-Yamaska), M. Paillé (Prévost), M. Gaulin (Taschereau), M. Gagnon (Saguenay), M. Dion (Saint-Hyacinthe), Mme Charest (Rimouski), M. Brien (Rousseau), M. Désilets (Maskinongé).

M. Dumont (Rivière-du-Loup), M. Le Hir (Iberville).

Le Président: Que ceux et celles qui sont contre cette motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît.

Le Secrétaire adjoint: M. Johnson (Vaudreuil), M. Paradis (Brome-Missisquoi), Mme Gagnon-Tremblay (Saint-François), M. Ciaccia (Mont-Royal), M. Middlemiss (Pontiac), M. Gauvin (Montmagny-L'Islet), M. Vallières (Richmond), Mme Frulla (Marguerite-Bourgeoys), M. Cusano (Viau), M. Gobé (LaFontaine), M. Lafrenière (Gatineau), M. Thérien (Bertrand), Mme Dionne (Kamouraska-Témiscouata), Mme Bélanger (Mégantic-Compton), M. Bissonnet (Jeanne-Mance), M. Williams (Nelligan), M. Gautrin (Verdun), M. Marsan (Robert-Baldwin), M. Chagnon (Westmount–Saint-Louis), M. Lefebvre (Frontenac), M. Farrah (Îles-de-la-Madeleine), M. Sirros (Laurier-Dorion), Mme Delisle (Jean-Talon), M. Bordeleau (Acadie), M. Beaudet (Argenteuil), M. LeSage (Hull), M. Poulin (Beauce-Nord), M. Chenail (Beauharnois-Huntingdon), M. Bergman (D'Arcy-McGee), Mme Houda-Pepin (La Pinière), M. Ouimet (Marquette), Mme Loiselle (Saint-Henri–Sainte-Anne), M. Fournier (Châteauguay), M. Charbonneau (Bourassa), M. Mulcair (Chomedey), M. MacMillan (Papineau), M. Copeman (Notre-Dame-de-Grâce), Mme Vaive (Chapleau), M. Kelley (Jacques-Cartier).

Le Secrétaire: Pour:66

Contre:39

Abstentions: 0

Le Président: Alors, la motion du premier ministre est adoptée.

Des voix: Bravo!

Le Président: Cela termine le débat spécial, et nous en revenons à l'application normale de nos règles parlementaires. Et, à ce moment-ci, nous allons dès maintenant, puisqu'il est 15 heures et quelques minutes, aborder la séance régulière du mercredi 22 mai. Auparavant, je vous prierais de vous lever. Je pense qu'après un débat comme celui-là un moment de recueillement habituel fera du bien à tout le monde. Alors...

Très bien. Veuillez vous asseoir.


Affaires courantes

Aux affaires courantes, aujourd'hui, il n'y a pas de déclarations ministérielles.

Il n'y a pas de présentation de projets de loi.

Dépôt de documents.

Il n'y a pas de dépôt de rapports de commissions ni de pétitions déposées aujourd'hui.

Il n'y a aucune intervention portant sur une violation de droit ou de privilège ou sur un fait personnel.


Questions et réponses orales

Nous en arrivons maintenant immédiatement à la période des questions et des réponses orales. M. le chef de l'opposition officielle.


Barème de contribution des personnes âgées au régime d'assurance-médicaments

M. Johnson: Oui, M. le Président. Dans le dossier de l'assurance-médicaments, qui a été annoncée à l'occasion du dépôt du livre des crédits, il est évident, au fur et à mesure que les jours passent, que le gouvernement nage en pleine improvisation. C'est une mesure carrément budgétaire, ce n'est pas une mesure de service à la population. Et, dans le fond, les personnes âgées, notamment, sont mises à contribution sous le prétexte de l'équité fiscale.

Par exemple, le ministre et le premier ministre nous parlent, sur une base annuelle, de la contribution des personnes âgées, alors qu'en réalité les personnes âgées, qui sont parmi les plus gros consommateurs de médicaments, vont payer très rapidement et atteindre le plafond de 750 $ plus la prime en quelques semaines à peine. Alors, on peut bien parler de budget annuel, mais un budget pour une personne âgée, la plupart du temps, compte tenu de ses revenus fixes, c'est un budget qui est très serré. Et là le gouvernement est en train de débalancer le budget passablement serré, je le répète, le budget personnel des personnes âgées en y ajoutant des mesures d'insécurité.

Le premier ministre, qui se vante toujours de dire la vérité, rien que la vérité, toute la vérité, est-il au courant des conséquences réelles des gestes que son gouvernement a posés? Par exemple, que de faire passer de 20 % à 25 % la coassurance, même si on baisse de 1 000 $ à 750 $ le plafond global de contribution des personnes âgées, en réalité ce n'est pas un cadeau que le premier ministre a fait aux personnes âgées, parce que, au contraire, ça accélère la contribution des personnes âgées qui consomment beaucoup de médicaments. Est-ce que le premier ministre est conscient du fait que les mesures qu'il a annoncées comme étant des cadeaux, en réalité, compliquent la vie des personnes âgées, leur coûtent plus cher plus rapidement? Est-ce que le premier ministre sait ça, oui ou non?

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: Oui, M. le Président. D'abord, il ne s'agit vraiment pas d'une mesure précipitée pour des fins budgétaires. Le chef de l'opposition se rappellera que l'idée de penser et d'étudier la faisabilité d'une assurance-médicaments pour régler le problème de l'accessibilité aux médicaments a été une recommandation d'un comité, qui a porté le nom de son président, le comité Demers, qui avait été créé par le gouvernement précédent et qui avait été créé parce que le gouvernement précédent avait lui-même causé un problème en agissant de façon précipitée et sans plan, sans vision, et en voulant suspendre la circulaire «malades sur pied». Ça a causé un tollé parce que là on causait un problème à des gens. On enlevait littéralement de la bouche de gens des médicaments qu'ils étaient habitués à avoir pour des maladies chroniques puis des maladies graves, et, du jour au lendemain, on les mettait carrément dans la rue. Ça a fait tellement un tollé qu'on a créé un comité, le gouvernement précédent, et ce comité a proposé que, pour s'en sortir, il fallait vraiment regarder la faisabilité de l'assurance-médicaments, ce qu'on a fait dès qu'on est arrivé au pouvoir. On a commencé ça dès l'automne 1994: études au ministère pendant une année pour regarder toutes les possibilités de faisabilité de cette opération-là, le comité d'experts avec M. Castonguay, qui a travaillé avec les partenaires éventuels de l'automne 1995 jusqu'au mois de mars dernier. Il y a eu deux ans de travail, de réflexion, d'examens pour en arriver à ça. Donc, il ne s'agit pas de rien de précipité, il ne s'agit pas d'une mesure d'abord budgétaire, il s'agit d'abord d'une mesure pour assurer l'accessibilité aux médicaments.

Vous me dites que mon temps est écoulé. C'était la première partie de la question. C'était important d'abord de clarifier ça. Si le chef de l'opposition veut que je réponde à la deuxième partie de sa question, il reviendra en question aujourd'hui.

Une voix: Bonne façon de ne pas répondre.

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.

M. Johnson: M. le Président, je ne veux pas des réponses...

(15 h 10)

Une voix: ...répondre à la question.

M. Johnson: M. le Président, je ne veux pas des énoncés bureaucratiques, là. J'ai posé une question précise au premier ministre: Est-ce que le premier ministre se rend compte que, contrairement à la suggestion du rapport Castonguay de porter de 20 % à 25 % la coassurance des personnes âgées, au-delà de ce que ça coûte le premier mois, 100 $, la franchise initiale... Est-ce que le premier ministre se rend compte qu'en passant de 20 % à 25 %, d'une part, même s'il diminue de 1 000 $ à 750 $ le plafond global... Est-ce qu'il n'a pas décidé d'accélérer en quelques semaines ou en quelques mois plutôt que sur une année la contribution des personnes âgées dont le budget est très serré? Est-ce qu'il se rend compte que l'impact financier sur le budget des personnes âgées, qui ont des revenus fixes, cet impact est plus grand avec sa proposition, même s'il l'a présentée comme un cadeau? Ou alors est-ce que le premier ministre veut nous avouer ici, par son silence, qu'il ne comprend pas ce qu'il a fait?

Le Président: M. le ministre.

M. Rochon: M. le Président, vous comprendrez que le premier ministre prend la chance de répondre par la bouche de son ministre de la Santé et des Services sociaux, responsable du dossier.

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: Bon, alors, M. le Président, d'abord en termes d'économie, des simulations ont été faites, c'est donnant, donnant de passer d'un plafond de 1 000 $ à 750 $ par rapport à une coassurance de 20 % à 25 %. C'est le même jeu d'économie. On joue entre les 15 000 000 $ et les 20 000 000 $, donc ce n'est pas une mesure qui a été faite pour faire une plus grande économie. Et, ça, ça a été vérifié et simulé. C'est la même chose.

On va en discuter en commission parlementaire. Si tout le monde est d'avis que c'est le raisonnement que nous présente le chef de l'opposition, on pourra toujours voir si on peut changer de programme. Mais le raisonnement qu'on a fait jusqu'ici a été plutôt que ce qui est préférable pour les personnes âgées, celles qui sont des gros utilisateurs, c'est de baisser leur plafond en termes d'impact financier, que personne n'ait à payer plus que 750 $ et que tout le monde puisse le faire de façon plus accessible plutôt que de voir ceux qui utilisent beaucoup plus de médicaments parce qu'ils sont plus malades être obligés de se rendre jusqu'à 1 000 $. C'est le raisonnement qu'on a fait et c'est l'analyse qu'on a faite. Si on s'est trompé et que tout le monde nous dit le contraire en commission parlementaire, y compris ceux qui représentent les personnes âgées, que, non, ils aiment mieux payer plutôt 20 % de coassurance, mais avoir un plafond seulement à 1 000 $ et payer plus cher, les grands consommateurs, on va les entendre. Et on pourra voir ce qu'il faut faire à ce moment-là, M. le Président.

Le Président: M. le chef de l'opposition.

M. Johnson: M. le Président, est-ce que le premier ministre reconnaît que, dans les crédits, déjà il y avait 200 000 000 $ d'inscrits avant même que le projet de loi soit déposé, que le projet de loi est loin d'avoir été adopté, et que, à moins qu'on nous annonce que, même s'il n'y a pas de projet de loi, on est en train d'implanter la mesure, en réalité, ce qui est en train de se passer, c'est qu'on a modifié, quoi qu'en dise le ministre de la Santé, les barèmes pour que les personnes âgées paient plus rapidement? Est-ce que c'est clair, ça? Est-ce que le premier ministre veut nous dire que ce qu'il cherchait à faire, c'était afin de respecter les objectifs financiers qu'il s'était fixés? Parce que c'est une mesure budgétaire et non pas une mesure de services à la population, parce que les personnes âgées ne paient rien aujourd'hui; 100 $, en réalité, la limite. Est-ce que le premier ministre n'est pas en train de nous signifier que ce soi-disant cadeau consiste à faire accélérer la contribution des personnes âgées aux équilibres financiers du gouvernement?

Le Président: M. le ministre.

M. Rochon: Non, M. le Président, je le répète, ce n'est pas du tout l'intention d'accélérer. C'est un choix entre payer une portion plus grande, mais avec un plafond plus bas à 750 $, ou payer une portion moins grande – 20 % au lieu de 25 % – mais avec un plafond plus haut à 1 000 $. Il y a un jeu à faire. Au point de vue économie, c'est la même chose. Donc, pour le régime, pour l'économie pour le gouvernement, un ou l'autre, c'est la même chose.

Dans notre analyse, on a pensé que les gens préféreraient être plus protégés en rapport avec le plafond plutôt que le 25 %, au lieu du 20 % payé. Mais, encore une fois, c'est ce qui est proposé, et on n'a rien changé, M. le Président, on n'a rien changé. Les premiers paramètres qui sont sortis étaient les propositions d'un rapport d'un comité d'étude qui faisait des recommandations. Après l'analyse et des simulations complémentaires qui ont été faites, on est arrivé à rajuster les paramètres, ce qui était le cours des choses tout à fait normal. Et, après la commission parlementaire, encore une fois, quand on va avoir entendu les gens de façon tout à fait démocratique, si tout le monde nous dit: Non, ajustez plutôt de l'autre côté, on pourra considérer ça puis on pourra faire ça aussi. Le jeu des paramètres un pour l'autre dans la même enveloppe budgétaire est tout à fait flexible, et c'est pour ça qu'on a une commission parlementaire. Merci beaucoup.

Le Président: En principale, M. le député de Robert-Baldwin.


Respect du principe d'équité sociale dans l'application du régime d'assurance-médicaments

M. Marsan: M. le Président, tout en soulignant le silence du premier ministre alors que la population veut être informée sur le nouveau régime d'assurance-médicaments, le gouvernement du Parti québécois et le ministre de la Santé justifient la désassurrance des personnes âgées en nous alléguant le principe d'équité sociale. Toutefois, dans l'application du nouveau régime d'assurance-médicaments, il est clair que cette notion d'équité a été substantiellement diluée. Un exemple concret. Deux citoyens vivant seuls et consommant environ 300 $ de médicaments annuellement; le premier gagne 100 000 $ et le second 20 000 $ par année. Parce que obligées d'adhérer au nouveau régime du ministre, ces deux personnes paieront les mêmes montants, soit la même prime de 176 $, la même franchise de 100 $, la même coassurance de 25 % des 200 $ restants, soit 50 $.

Ma question, M. le Président: Est-ce que le ministre de la Santé maintient toujours que son régime d'assurance-médicaments vise une plus grande équité sociale alors qu'une personne qui gagne 20 000 $ annuellement paiera le même montant que celle qui gagne cinq fois plus, soit 100 000 $? Où elle est, votre équité sociale?

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: Bon. Alors là, la question qui est posée, M. le Président, c'est celle à partir du niveau où tout le monde paie jusqu'au plafond de 750 $. Et, effectivement, la personne qui a un revenu qui est supérieur au revenu où la prime est exemptée ou celui où la prime est compensée partiellement, tout le monde paie la même prime, la même coassurance et le même plafond.

Où il y a quand même équité, c'est que, pour l'ensemble du coût des médicaments, le gouvernement va encore assurer un coût d'à peu près 750 000 000 $ à 800 000 000 $ pour la partie publique du système, et cette partie de 800 000 000 $ est générée nécessairement par les taxes. Et ça, les taxes, les impôts, c'est ce que les gens qui ont les revenus plus élevés paient, eux, en plus. Donc, la personne qui a un revenu de 100 000 $, en plus de payer jusqu'à son plafond qui est le même que pour tout le monde, continue de payer des taxes plus que l'autre personne qui a un revenu de 20 000 $, et une partie de ses impôts revient dans ce que le gouvernement génère pour la valeur de 750 000 000 $ à 800 000 000 $, au moins, dans le régime.

Donc, il y a équité quand on regarde et la contribution par l'impôt et le paiement des médicaments lors de l'achat, M. le Président.

Le Président: En complémentaire, Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.

Mme Loiselle: Oui, toujours sur le principe de l'équité sociale, M. le Président: Est-ce que le ministre de la Santé et des Services sociaux saisit bien les dangers qu'exige une contribution financière jusqu'à 300 $ aux personnes et aux familles vivant de l'aide sociale et que cette participation financière ne fera qu'appauvrir ces personnes et que certaines personnes se priveront même de leurs médicaments et se retrouveront finalement, en bout de piste, en centre hospitalier?

Le Président: M. le ministre.

(15 h 20)

M. Rochon: M. le Président, la situation actuelle est la suivante. C'est qu'effectivement les personnes qui sont des prestataires de l'aide sociale ne paient absolument aucuns frais pour leurs médicaments. Par contre, les gens qui ont un petit revenu, juste au-dessus de l'aide sociale, paient complètement tous les médicaments, à 100 %, et la grande majorité de ces gens-là n'ont aucune couverture. C'est 1 200 000 Québécois et Québécoises qui n'ont aucune couverture. Pour eux, c'est 100 %, et, à 500 $ de différence, il y a quelqu'un qui, lui, ne paie absolument pas ses médicaments. Ça, c'est la situation actuelle aussi.

Et un des effets, en plus d'avoir cette première iniquité qui fait que, quelques centaines de dollars de plus ou de moins, on paie tout ou on ne paie rien, on sait très bien, et ça a été bien démontré, que cette différence trop grande entre les deux groupes fait que le coût des médicaments est devenu un désincitatif très important pour que des gens puissent se libérer de l'aide sociale et prendre un emploi dont le salaire serait plutôt un salaire moyen ou un petit salaire. Alors, la mesure vise à s'assurer qu'on a une progression plus normale, ajustée à la capacité de payer des gens.

Il faut dire que la personne qui était prestataire d'aide sociale n'aura aucune prime à payer et aura seulement à payer et la franchise et la coassurance jusqu'à un maximum de 300 $. Encore là, l'analyse, le jugement a été que, demandant cette contribution aux prestataires d'aide sociale qui doivent prendre des médicaments et nous permettant de transférer une partie des bénéfices sur les gens qui ont des petits revenus, effectivement, on obtient un meilleur équilibre entre les gens selon leurs revenus et non pas selon le statut des programmes du gouvernement dont ils peuvent retirer des sources.

Le Président: Mme la députée.

Mme Loiselle: M. le Président, est-ce que le ministre de la Santé réalise que vivre de l'aide sociale, c'est jongler quotidiennement avec la misère? Et a-t-il l'intention, tel que recommandé par M. Castonguay, par Camil Bouchard et par la Coalition Solidarité Santé, de suggérer à son premier ministre d'augmenter les barèmes de l'aide sociale?

Le Président: M. le ministre.

M. Rochon: La proposition qui est sur la table est complète pour être discutée en commission parlementaire. Il y a en cours, par ailleurs, une réforme de l'aide sociale qui va suivre aussi son cours normal et qui va tenir compte de l'ensemble des besoins des gens. Et, s'il y a des équilibrages à faire, on pourra les faire à mesure qu'on avance dans le temps.

Mais, pour le moment, ce dont on parle, c'est d'équilibrer un système d'assurance-médicaments et, par ailleurs, la réforme de l'aide sociale, et on verra ce que ça donne au bout. S'il y a d'autres ajustements à faire éventuellement, on pourra les faire, mais il faut d'abord fixer une première variable pour commencer à voir clair. Mais, déjà là, on va avoir un gain d'équité énorme entre les gens en fonction de leur capacité de payer, en fonction de leurs revenus, et on va aller protéger 1 200 000 individus, des personnes qui n'ont aucune protection, actuellement, en demandant ce qu'on pense qu'il n'est probablement quand même pas tout à fait déraisonnable de demander comme contribution à l'ensemble des personnes.

Le Président: En principale, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.


Barème de contribution des personnes atteintes de maladies graves au régime d'assurance-médicaments

M. Copeman: Merci, M. le Président. Dans la même veine des conséquences graves quant à l'application du nouveau régime d'assurance-médicaments, prenons l'exemple d'une personne atteinte de la fibrose kystique, qui consomme donc entre 3 000 $ et 40 000 $ de médicaments annuellement et qui occupe un travail à temps partiel, comme beaucoup le font, qui lui assure un revenu très modeste de 17 000 $ par année. Présentement, cette personne, par le biais de la circulaire «malades sur pied», paie 2 $ pour chaque prescription. Avec le nouveau régime Rochon, le gouvernement viendra chercher dans ses poches 926 $ en prime, franchise et coassurance.

Comment, selon le ministre de la Santé, cette personne souffrant d'une maladie grave, avec un revenu très modeste de 17 000 $ par année, va composer avec une facture pour ses médicaments qui passe de 2 $ par prescription présentement à au moins 926 $ par année sur son régime?

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: M. le Président, on a là la situation effectivement extrême de consommation de médicaments. Il faut réaliser qu'une maladie comme la fibrose kystique est une maladie qui est contractée en très bas âge et que la situation est beaucoup plus le fait que la grande majorité des gens qui ont ce problème-là ont moins de 18 ans. On a souvent la situation de familles qui peuvent avoir un enfant qui a ce problème-là. Pour toutes les personnes qui ont moins de 18 ans, il n'y aura aucun coût, ni prime, ni franchise, ni coassurance. Alors, pour la grande majorité des gens qui ont ce type de problème là, la protection qui va être offerte par rapport à la protection actuelle va être très, très, très importante.

Maintenant, effectivement, là il va falloir voir les discussions lors de la commission parlementaire. L'analyse nous amène à pouvoir juger qu'à partir d'un certain revenu, pour une personne seule, le maximum qui devra être payé... La prime qui sera payée mensuellement et la franchise et la coassurance jusqu'à un maximum, un plafond de 750 $, à part la prime, est quelque chose qui serait possible, compte tenu des revenus qu'on a jugés. On va en rediscuter, M. le Président. S'il fallait faire des réajustements, on va voir en commission parlementaire et on va essayer de bonifier le régime le mieux possible.

Le Président: M. le député.

M. Copeman: M. le Président, en répondant ainsi aux deux dernières questions qu'on lui pose, est-ce que le ministre n'est pas en train d'admettre que son programme d'assurance-médicaments est complètement improvisé, sans aucune planification, et qu'il est en train déjà de dire comment il va réparer les gaffes qu'il est en train de poser dans son régime?

Une voix: Bravo!

Le Président: M. le ministre.

M. Rochon: M. le Président, ce n'est pas du tout ce que je dis. Je dis qu'il y a un processus pour fabriquer des lois qui fait qu'on dépose un projet. Et, s'il y a de meilleures idées – on ne peut pas enlever quelque chose s'il n'y a pas de meilleures idées – qui nous viennent lors de la commission parlementaire, si l'opposition a de meilleures formules à proposer, on va les considérer puis on va les adopter. Mais ça fait deux ans que ce régime-là est en préparation – je l'ai dit tout à l'heure, je ne redonnerai pas les détails – et ce qu'il faut vraiment comparer, M. le Président, pour voir le changement qui va être produit, c'est ce qu'on aurait comme situation s'il n'y avait pas de régime.

Reprenons l'exemple qui a été donné, la fibrose kystique. La vraie situation n'est pas celle de la circulaire «malades sur pied»; c'est une formule qui ne peut plus tenir. Le gouvernement précédent l'avait enlevée parce que la formule ne pouvait plus tenir. Alors, la personne avec la fibrose kystique – il n'y avait pas d'avenir avec cette formule-là – elle devait payer le total des médicaments, les 10 000 $, 15 000 $ ou 20 000 $ que ça aurait coûté. C'est ça qui est la vraie situation qui nous attend tout de suite si on n'a pas le régime d'assurance-médicaments. Alors, la différence, ce n'est pas entre zéro et 900 $, y compris la prime. La différence, c'est entre 900 $, y compris la prime... Pour une personne qui a un certain revenu, c'est 900 $ ou 15 000 $. C'est ça, la vraie différence, M. le Président.

Le Président: En principale, M. le député de Jacques-Cartier.


Barème de contribution des jeunes familles au régime d'assurance-médicaments

M. Kelley: En principale, mais dans le même ordre d'idées. Le premier ministre a dit que la famille est le fondement de notre société et que l'État doit simplifier la vie de nos familles. Depuis cette déclaration solennelle, le gouvernement n'a fait qu'augmenter le fardeau fiscal de nos familles. Prenons l'exemple d'un jeune couple qui gagne 30 000 $ par année et consomme 250 $ de médicaments annuellement. Avec le nouveau régime d'assurance-médicaments que le ministre veut implanter, le couple paiera environ 350 $ de prime, 100 $ de franchise par adulte et 25 % sur la balance de 50 $, soit 12,50 $; résultat, cette famille sera obligée de payer 562,50 $, soit une augmentation de 220 % pour les médicaments.

Ma question, M. le Président: Est-ce que le ministre peut confirmer ces chiffres et est-ce que le ministre, compte tenu du fardeau fiscal trop élevé des jeunes familles québécoises, entend alléger l'impact financier de son régime pour les jeunes familles qui n'arrivent pas à boucler leur budget à la fin du mois?

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: Bon, dans l'exemple qui nous est donné, M. le Président, si je l'ai bien suivi, là, le coût des médicaments va correspondre à peu près à ce qu'ils coûtent, franchise et coassurance. Le cas d'espèce qui nous est donné va correspondre à la même situation que si la personne n'avait pas d'assurance. Ce qui fait la différence dans l'exemple choisi, c'est le paiement d'une prime. Et quelqu'un qui ne consomme pas beaucoup, qui va payer sa prime mensuellement, tant par mois – ça ne se peut pas en un seul montant – qui consomme pour quelques centaines de dollars seulement, à l'intérieur de la franchise pour le couple, effectivement, va payer ce que les gens auraient payé de toute façon et il aura payé, en plus, une prime.

Mais là c'est ce qu'il faut accepter puis ce qu'il faut décider: ou bien on se donne un régime d'assurance qui est un régime de protection, ce qui fait qu'on paie moins lors de l'achat... Mais on s'est donné une protection, et le coût de la protection est différent. C'est ce qui finance le système de base. Et ce que ça veut dire pour les gens, c'est que, l'année suivante, peut-être que ces gens-là auront une maladie plus grave dans la famille et peut-être que, à ce moment-là, ils vont consommer pour 1 000 $ de médicaments. Ayant la protection, cette année-là, ils vont rembourser de beaucoup et être gagnants par rapport à l'année précédente.

Alors, dans un régime d'assurance, il faut regarder sur une période de trois, cinq ou d'un certain nombre d'années pour voir qui est gagnant dans l'opération. Et, si vous regardez un profil d'un certain nombre d'années, surtout pour une famille qui a des enfants de moins de 18 ans, qui sont couverts complètement, sans aucuns frais, regardez ça par tranche de cinq ans, M. le Président, et tout le monde, probablement, s'en sort gagnant. Si on sort l'année, et la bonne année chanceuse où on n'a pas consommé de médicaments, cette année-là, on a payé plus qu'on a reçu. Mais, si on regarde l'ensemble d'une période, c'est toute la différence, M. le Président.

(15 h 30)

Le Président: En complémentaire, M. le chef de l'opposition officielle.

M. Johnson: Oui, M. le Président. Au premier ministre: Après cette brève revue des effets réels sur les Québécois et les Québécoises, les familles et les personnes âgées, du programme d'assurance-médicaments, est-ce que le premier ministre est toujours du même avis qu'il était et qu'il manifestait avec beaucoup de vigueur il y a quelques années, à l'effet qu'on ne touche pas aux programmes sociaux, on ne désassure pas les soins de santé, parce que, disait-il, je le cite: «Quand on est malade, on est malade»? Est-ce qu'il trouve encore, là, qu'il doit vivre avec les réponses et les énoncés qu'il a faits en 1993, quand il se comporte aux antipodes de ce qu'il disait il y a à peu près deux ans et demi?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, j'entends comme tout le monde les députés de l'opposition interroger le ministre de la Santé et des Services sociaux sur le régime d'assurance-médicaments. Est-ce qu'ils ne comprennent pas, à l'écouter comme je l'écoute, moi, que c'est un plus pour le Québec, que c'est un plus social, que c'est l'équité qu'on va instaurer maintenant dans la répartition des coûts des médicaments?

N'oublions pas, M. le Président, qu'il y a présentement 1 100 000 à 1 200 000 personnes au Québec qui travaillent, des petits salaires, qui ne sont pas sur l'assistance sociale, qui sont privés de toute protection et qui, grâce à ce régime d'assurance-médicaments, auront une protection parfaitement convenable qui sera payée par ceux qui auront les moyens de la payer, M. le Président.

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.

M. Johnson: Est-ce que le premier ministre peut nous indiquer, pour une catégorie de citoyens, les personnes âgées, qui ont beaucoup donné toute leur vie, comment, de passer de 100 $ à 926 $, quelque soit leur revenu, à partir du moment où elles gagnent 20 000 $ ou 22 000 $... Je regrette, à partir du moment où une personne seule gagne quelques milliers de dollars, qu'elle gagne quelques milliers de dollars ou 100 000 $, à part le fait que les gens, à travers la fiscalité, oui, ont à contribuer, mais, aujourd'hui, les personnes âgées à bas revenus, au lieu de payer 100 $, vont payer presque 1 000 $. Comment c'est équitable, ça?

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: M. le Président, les personnes âgées à bas revenus, c'est les personnes âgées qui ont, en plus de la pension de vieillesse, le supplément maximum de revenu garanti. Ces personnes-là n'auront aucune prime à payer et vont payer leurs médicaments jusqu'à un plafond de 300 $. Jusqu'à un plafond de 300 $. Les familles à bas revenus parmi les personnes âgées de l'autre catégorie, c'est les gens qui ont un supplément partiel du revenu garanti. Eux aussi vont être favorisés, parce qu'il va y avoir un plafond de seulement 500 $, M. le Président. Et les personnes âgées qui auront un revenu plus élevé – là, je n'ai pas les chiffres devant les yeux, mais, pour une personne seule, c'est 15 000 $ à 17 000 $, quelque chose du genre – à ce moment-là, la personne âgée, indépendamment de son âge, est dans la même situation financière que toute personne, jeune ou adulte, qui est dans le même niveau. Alors, un régime d'assurance sociale traite tout le monde selon son revenu et selon sa capacité de payer et non pas selon l'âge, le sexe ou une autre caractéristique.

Alors, les personnes âgées qui ont vraiment des bas revenus, quelques milliers de dollars, vont être protégées par le système, et celles qui peuvent payer, comme les jeunes, comme les moins jeunes, vont contribuer aussi comme tous les autres citoyens, M. le Président.

Le Président: M. le député de Marquette, en principale.


Négociations entre les syndicats d'enseignants et les fédérations de commissions scolaires

M. Ouimet: Merci. Dans le cadre des négociations sur les mesures d'économie de 100 000 000 $, la ministre de l'Éducation indiquait récemment qu'elle n'avait pas l'intention d'intervenir dans les négociations entre les syndicats d'enseignants et les fédérations de commissions scolaires. La ministre peut-elle nous indiquer si les parties en sont venues à une entente?

Le Président: Mme la ministre de l'Éducation.

Mme Marois: J'ai dit, M. le Président, que je ne souhaitais pas le faire. Effectivement, les parties ne semblent pas arriver à une entente, pour ne pas dire qu'elles n'arrivent pas à une entente. Devant ce fait et ayant essayé de rapprocher les parties, ce que chacun, je crois, a fait jusqu'à un certain point de vue, mais constatant qu'il y a un blocage, j'ai l'intention, effectivement, de retenir une solution qui s'appliquera pour assurer l'objectif de réduction de 100 000 000 $, M. le Président.

Le Président: M. le député.

M. Ouimet: La ministre peut-elle confirmer les informations contenues dans une lettre de la Fédération des commissions scolaires adressée à l'ensemble des commissions scolaires, à l'effet qu'elle a refusé à plusieurs reprises des propositions de règlement faites par les commissions scolaires, que la ministre a imposé sa proposition finale aux deux parties et que, si les parties refusent la proposition finale de la ministre, elle entend imposer par législation sa proposition?

Le Président: Mme la ministre.

Mme Marois: D'abord, M. le Président, je n'ai pas refusé des propositions à plusieurs reprises, des propositions que la Fédération des commissions scolaires nous aurait faites quant aux avenues à retenir pour le 100 000 000 $ qui est convenu avec la CEQ. J'ai étudié différentes alternatives, des gens de mon ministère ont échangé avec la Fédération des commissions scolaires, de telle sorte que l'on puisse arriver le plus près possible de ce 100 000 000 $ qui est prévu à l'entente. Cependant, j'ai effectivement signifié aux commissions scolaires de même qu'aux enseignants que, si on n'arrivait pas à une entente, compte tenu des contraintes et des exigences liées aux objectifs des services à rendre aux enfants – bien sûr, on doit s'assurer que les budgets soient maintenant adoptés, vous savez que nous avons largement dépassé ce qui avait été prévu pour convenir de cette entente – que, si ce n'était pas le cas, je retiendrais la dernière proposition que je leur avais déposée.

Le Président: M. le député.

M. Ouimet: M. le Président, la ministre est-elle au courant qu'hier soir les deux fédérations de commissions scolaires ont rejeté sa proposition finale? Et est-il vrai que le premier ministre, ancien négociateur en chef du Parti québécois dans les années quatre-vingt et maintenant bâillonneur en chef, a donné le feu vert à la ministre de l'Éducation de modifier la loi 37 pour faire en sorte que la position du gouvernement soit prépondérante, au niveau des tables de négociation, et donc de légiférer pour imposer la position du gouvernement?

Le Président: Mme la ministre.

Mme Marois: Alors, j'ai eu des contacts fréquents avec la présidente de la Fédération des commissions scolaires. J'ai eu une longue conversation, très tôt ce matin, où elle m'a fait valoir qu'effectivement elle refusait la proposition, qui m'apparaissait un compromis honnête et qui m'apparaît toujours un compromis honnête. J'ai effectivement discuté avec le premier ministre de la possibilité d'imposer ce compromis maintenant et, pour ce faire, je choisirai les moyens les plus utiles pour y arriver. Étant entendu qu'il s'agisse soit d'un décret ou d'une loi, je procéderai après la consultation et l'accord de mes collègues à cet effet, M. le Président.

Une voix: Bâillon!

Le Président: M. le député de Frontenac, en principale.


Autorisation d'absence temporaire de détenus en centres de détention

M. Lefebvre: Merci, M. le Président. M. le Président, le 2 avril, le ministre de la Sécurité publique annonçait la fermeture de cinq, peut-être de six centres de détention, dont celui de Joliette. Le même jour, son sous-ministre, M. Carrier, disait publiquement: On va trop vite. Effectivement, je pense qu'on va trop vite et, surtout, M. le Président, qu'on procède de façon illégale. Pour fermer le centre de Joliette et relocaliser sa clientèle, les responsables de la sécurité publique au centre de détention de Saint-Jérôme ont décidé de libérer un certain nombre de détenus avant le temps, de façon illégale, comme le prouve la directive du 24 avril signée par un fonctionnaire du ministère de la Sécurité publique, M. Jacques Lefebvre. Et je donne rapidement lecture d'une partie de la directive: «Suite à la fermeture de la détention de Joliette en date du 1er mai 1996, notre centre a pour mandat de libérer 40 places afin de recevoir la clientèle de Joliette. Pour ce faire, l'administration locale a instauré de nouveaux paliers pour le programme d'absence temporaire.» M. le Président, la directive est illégale, contraire à l'article 22.2 de la Loi sur les services correctionnels, qui dit qu'un détenu ne peut bénéficier d'aucune absence temporaire avant d'avoir purgé un sixième de sa peine.

(15 h 40)

Ma question au ministre: A-t-il été informé de cette directive, l'a-t-il approuvée ou s'il a très rapidement demandé à ses fonctionnaires d'arrêter ce processus illégal?

Le Président: M. le ministre de la Sécurité publique.

M. Perreault: Oui, alors, M. le Président, le député fait référence à un article paru au mois d'avril dernier. Effectivement, suite à la parution de cet article, je me suis informé auprès du bureau du sous-ministre. On m'a dit que cette directive avait été une interprétation erronée par un fonctionnaire de premier niveau concernant les questions reliées à l'ouverture et au début des procédures liées à la fermeture de Joliette et, effectivement, à la nécessité pour Saint-Jérôme de s'ajuster; que cette directive est caduque – M. le Président, elle est nulle et non avenue; que les processus qui sont suivis actuellement sont parfaitement légaux.

Il est exact que, dans le contexte des décisions de fermeture, un certain nombre de mesures doivent se mettre en opération, un certain nombre de gestes doivent se poser pour qu'on soit capable d'arriver dans le temps et selon l'échéancier. Mais en aucune façon, M. le Président, je tiens à le dire à cette Chambre, nous n'autorisons de gestes illégaux. Et la directive en question a été annulée.

Le Président: M. le député.

M. Lefebvre: M. le Président, est-ce que le ministre pourrait me dire s'il est toujours décidé de procéder à la fermeture à la date prévue, soit le 1er juillet, du centre de détention de Joliette, étant donné qu'à la directive apparaît une date de fermeture, non pas pour le 1er juillet, mais le 1er mai? Alors, ce n'était pas le 1er juillet. Ça aurait été le 1er mai, peut-être. On me dit que le centre de détention de Joliette est encore ouvert. 1er mai? 1er juillet? Je ne sais pas. Est-ce que le centre de détention de Joliette va fermer à la même date que les autres centres de détention, oui ou non, M. le Président?

Le Président: M. le ministre.

M. Perreault: M. le Président, le député est sûrement au courant qu'actuellement un certain nombre de représentants du milieu syndical ont fait devant les tribunaux certaines objections aux fermetures. Alors, je ne voudrais pas, M. le Président, me laisser entraîner sur des propos qui pourraient nous embarquer dans des situations qui ne sont pas permises en cette Assemblée.

Je voudrais simplement dire que les orientations annoncées sont toujours les mêmes. Il n'y a pas de changement dans le cap du gouvernement, bien sûr, sous réserve de ce que seront les décisions des tribunaux. Mais, dans notre esprit, ce que nous faisons, nous avons l'intention de continuer à le faire. Il n'y a donc aucun changement. À ma connaissance, la prison de Joliette n'est pas fermée au moment où on se parle. Et nous continuons dans le sens des démarches entreprises, M. le Président.

Le Président: En principale, M. le député d'Argenteuil.

M. Dumont: En complémentaire.

Le Président: Je m'excuse, M. le député d'Argenteuil. En complémentaire, M. le député de Rivière-du-Loup.

M. Dumont: En complémentaire, est-ce que le ministre de la Sécurité publique nie devant cette Chambre la pratique voulant qu'après moins d'un sixième de la peine on mette les gens dans la rue? Est-ce qu'il nie ça? Est-ce qu'il est prêt à mettre son siège en jeu, qu'on fasse venir à cette Assemblée-ci des directeurs d'établissement pour vérifier? Est-ce que, oui ou non, avant le un sixième de leur peine, les gens sont mis dehors?

Le Président: M. le ministre.

M. Perreault: M. le Président, les informations qui sont les miennes sont à l'effet que, dans le cadre des absences temporaires, il est possible aux directions des centres de détention de procéder à un certain nombre d'autorisations. Si ce dont on me parle, c'est une pratique qui voudrait que les services de détention ne respectent pas la loi, M. le Président, les informations que j'ai sont à l'effet contraire; nous respectons la loi. Nous le faisons dans le cadre des règles du jeu. Les règles du jeu permettent des absences temporaires à l'occasion. Ce qu'on me dit, c'est que c'est dans le cadre de ces règles-là que les services de correction opèrent, M. le Président.

Le Président: M. le député.

M. Dumont: Est-ce que, dans le cas des centres dont il annonce la fermeture, le ministre va être prêt à considérer sérieusement des propositions de partenaires du secteur privé pour réutiliser ces équipements-là, ou est-ce qu'il va rejeter du revers de la main toute possibilité de réutilisation des équipements qui, de toute façon, vont coûter 500 000 $ de fonds publics à la Société immobilière du Québec pour les conserver pour rien?

Le Président: M. le ministre.

M. Perreault: M. le Président, c'est évident que, si on a des propositions de réutiliser des équipements, des bâtiments qui ont été payés, qui sont payés avec les fonds des contribuables, c'est bien évident qu'on va les regarder sérieusement.

Si le député de Rivière-du-Loup fait référence plus spécifiquement à un projet d'une entreprise de privatiser le centre de détention de Rivière-du-Loup, je dois dire là-dessus que nos intentions sont claires, que nos orientations sont claires et que nous n'avons pas l'intention de revenir sur ces décisions.

Le Président: En principale, M. le député d'Argenteuil.


Vente de la MIL Davie au Groupe Cedar

M. Beaudet: Merci, M. le Président. Après les déclarations contradictoires du président-directeur général du Groupe Cedar, est-ce que la ministre déléguée à l'Industrie et au Commerce peut nous confirmer si le chantier maritime MIL Davie a bel et bien été vendu au Groupe Cedar et si les conclusions de cette transaction ont été ratifiées? Et, si oui, quand?

Le Président: Mme la ministre déléguée à l'Industrie et au Commerce.

Mme Dionne-Marsolais: Merci, M. le Président. Si le député d'Argenteuil avait lu le décret de déresponsabilité de la ministre déléguée à l'Industrie et au Commerce, il aurait constaté que la question s'adresse au ministre de l'Économie et des Finances. Alors, je vais lui demander, si vous permettez, parce que la Société générale de financement relève du ministre de l'Économie et des Finances...

Le Président: M. le ministre d'État de l'Économie et des Finances.

M. Landry (Verchères): M. le Président, c'est avec joie que j'accueille la déclaration de fait que la ministre vient de faire et qui est rigoureusement exacte, puisque le décret me confie directement cette responsabilité. Pour l'avenir, le député d'Argenteuil le saura, je suppose.

Vous vous demandez s'il y a une contradiction entre le fait que le président de Cedar Group dise que c'est signé et que d'autres disent que ce ne l'est pas. Non, parce que les deux hypothèses sont, en un sens, vraies. Il y a eu un accord de principe signé, comme on le fait... on signe des protocoles d'entente dans les conventions collectives ou autrement. Mais, dans le jargon anglo-américain des avocats, le «closing», c'est-à-dire la signature finale, est à venir et, quand il sera fait, nous l'annoncerons.

Que se passe-t-il entre la signature de principe et la signature finale? On ajuste les quanta. Il y a des quantités qui ne sont pas absolument fixées, il y a des blancs à remplir dans les contrats, ils le seront et, par la suite, ce sera vraiment final.

Le Président: M. le député.

M. Beaudet: M. le Président, je remercie le ministre d'État à l'Économie et au Commerce des éclaircissements qu'il m'a donnés. La prochaine fois, j'adresserai ma question à la bonne personne.

En attente des quanta, est-ce que le ministre d'État peut nous éclairer sur la proposition qui avait été déposée par le Groupe maritime Verreault et est-ce qu'il pourrait la déposer en Chambre?

Le Président: M. le ministre.

M. Landry (Verchères): M. le Président, je ne peux pas éclairer beaucoup le député, pour des raisons très simples: la firme Price Waterhouse, qui a été mandatée pour gérer cette transaction, a demandé des offres sous promesse et couvert de confidentialité. Alors, ni la firme Price Waterhouse, le mandataire de la SGF, ni le gouvernement ne violeront cette entente de confidentialité. Il y a par ailleurs un moyen de le savoir: c'est que les parties dégagent Price Waterhouse de sa responsabilité et de son engagement de confidentialité. Si une telle chose arrive, nous saurons tout.

Le Président: Mme la députée de Jean-Talon, en principale.


Fusion de municipalités

Mme Delisle: M. le Président, le 13 mai dernier, le ministre des Affaires municipales a annoncé le dévoilement pour le 30 mai prochain de sa nouvelle politique en matière de fusion municipale, à laquelle sera jointe une carte de fusion. Il a également affirmé, et je le cite: «Chaque communauté municipale aura l'obligation de réfléchir et d'échanger avec ses voisins quant à son avenir.» Fin de la citation. Il a réaffirmé cette obligation de réflexion devant les préfets des 20 MRC les plus défavorisées du Québec, et ce, lors d'une réunion la fin de semaine dernière, à Sainte-Foy.

Ma question: Comment le ministre des Affaires municipales entend-il obliger chaque municipalité à réfléchir et à échanger avec ses voisins quant à son avenir?

Le Président: M. le ministre des Affaires municipales.

(15 h 50)

M. Trudel: M. le Président, nous avons annoncé il y a un bon nombre de mois notre intention de renforcer sensiblement les instances municipales au niveau de la prise en charge d'un certain nombre de responsabilités pour assurer le développement des collectivités. Or, un des moyens qui peut être privilégié par une communauté après réflexion, après discussion, après échange avec les membres de cette communauté, c'est le renforcement par le regroupement municipal. C'est pourquoi nous avons indiqué que nous allons publier des indications pour demander à ces communautés de se pencher sur les coûts réels pour assumer les services aux citoyens, et les coûts, donc, qui sont impliqués dans ces services-là, et également ce qui est impliqué au niveau des ressources nécessaires pour la prise en charge d'un certain nombre de développements dans ces communautés. C'est ce que nous allons discuter en particulier, M. le Président, demain et vendredi avec les membres des unions municipales au lac-à-l'épaule, et nous allons, avec les unions, fixer les paramètres de notre réflexion pour renforcer les communautés municipales.

Le Président: Mme la députée de Jean-Talon.

Mme Delisle: M. le Président, le ministre peut-il nous expliquer comment il propose obliger les municipalités à réfléchir? Et peut-il prendre l'engagement devant cette Assemblée que, les municipalités qui choisiront de ne pas réfléchir et de ne pas se concerter, il n'y aura aucune charge fiscale supplémentaire pour ces municipalités-là?

Le Président: M. le ministre des Affaires municipales.

M. Trudel: Alors, M. le Président, ce que nous avons donc indiqué, c'est un mouvement de renforcement des communautés municipales. Bien sûr, nous allons demander à ces communautés de réfléchir, d'échanger et de dialoguer. On ne peut pas forcer l'opposition à réfléchir et à penser ce que ça peut donner comme résultat.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Trudel: Ce que nous allons demander, cependant, aux membres de ces communautés, c'est d'examiner les coûts réels, les coûts impliqués pour rendre des services aux citoyens, et en matière d'équité et de responsabilité, comment on peut prendre en charge ces services-là d'une meilleure façon, d'une façon regroupée, pour en arriver à de meilleurs résultats au niveau des citoyens et des collectivités concernés.

Le Président: Écoutez, à moins qu'il y ait consentement, je sais que Mme la députée de Jean-Talon voudrait poser...

Alors, il n'y a pas de consentement. Ça met fin à la période des questions et des réponses orales.

Il n'y a pas de réponses différées.

Pas de votes reportés non plus.

Nous en arrivons maintenant aux motions sans préavis.


Avis touchant les travaux des commissions

Alors, aux avis touchant, maintenant, les travaux des commissions, M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, j'avise cette Assemblée qu'aujourd'hui la commission des institutions complétera les consultations générales sur le document du Directeur général des élections intitulé «Document de réflexion: amendements à la Loi électorale», après les affaires courantes jusqu'à 18 heures, à la salle du Conseil législatif;

Que la commission du budget et de l'administration poursuivra le débat sur le budget, conformément à l'article 275 du règlement de l'Assemblée nationale, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 18 heures ainsi que demain, le jeudi 23 mai 1996, de 10 heures à 12 h 30, à la salle Louis-Joseph-Papineau;

Que la commission des affaires sociales poursuivra les consultations particulières sur le projet de loi n° 116, Loi modifiant de nouveau la Loi sur les services de santé et les services sociaux, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 18 heures ainsi que demain, le jeudi 23 mai 1996, de 9 h 30 à 12 h 30, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine;

Que la commission des institutions procédera à l'étude détaillée du projet de loi n° 7, Loi modifiant le Code de procédure civile, la Loi sur la Régie du logement, la Loi sur les jurés et d'autres dispositions législatives, demain, le jeudi 23 mai 1996, de 10 heures à 12 h 30, à la salle du Conseil législatif.

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement pour déroger à l'article 143 du règlement concernant l'horaire des travaux des commissions?

Des voix: Consentement.

Le Président: Alors, il y a consentement.

Aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée.


Affaires du jour


Affaires inscrites par les députés de l'opposition

Alors, nous en arrivons maintenant aux affaires du jour et nous passons, selon les prescriptions du règlement, aux affaires inscrites par les députés de l'opposition.


Motion proposant que l'Assemblée réaffirme le droit des Québécois à l'autodétermination et enjoigne les gouvernements du Québec et du Canada de négocier le renouvellement du fédéralisme canadien

Alors, à cette rubrique, M. le député de Vaudreuil et chef de l'opposition officielle présente la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale réaffirme le droit des Québécoises et des Québécois à l'autodétermination, droit exercé le 30 octobre dernier en choisissant de poursuivre le développement de la société québécoise au sein du Canada et qu'en conséquence, elle enjoigne les gouvernements du Québec et du Canada de donner suite à cette volonté démocratique en acceptant de négocier de bonne foi le renouvellement du fédéralisme canadien.»

Avant le débat sur cette motion, je vous informe que la répartition du temps de parole établie pour la discussion de cette motion est la suivante: mis à part la réplique de 10 minutes accordée à l'auteur de la motion et les 10 minutes allouées à l'ensemble des députés indépendants, les deux groupes parlementaires se partageront également la période consacrée à ce débat. Dans ce cas, les interventions ne sont pas limitées.

Et je suis maintenant prêt à reconnaître un premier intervenant, M. le chef de l'opposition officielle.


M. Daniel Johnson

M. Johnson: Oui, M. le Président, enfin une motion dont les règles ne sont pas suspendues, où les députés ne sont pas bâillonnés, où nous pouvons exercer notre droit de parole conformément au règlement. Enfin une motion sur le...

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle... Alors, je demanderais aux députés qui veulent se retirer de l'Assemblée de le faire en silence, en respectant le droit de parole du chef de l'opposition officielle. Alors, ceux qui ont à se retirer, qu'ils le fassent rapidement, s'il vous plaît. M. le chef de l'opposition officielle.

M. Johnson: Je vous remercie, M. le Président. Je disais donc: Enfin une motion où les règles normales ne sont pas suspendues. J'ajouterais que c'est enfin une motion qui porte sur l'avenir du Québec, sur le droit du Québec à l'autodétermination, qui s'ancre dans la réalité. Ce n'est pas une motion qui fait dans l'absolu, comme le souhaite souvent le premier ministre, qui cultive depuis de nombreuses années, par des formules-chocs, des prétextes à des actions radicales, excessives et extrémistes. C'est une motion, celle-ci, qui est dans la lignée de ce que tous les partis politiques, hormis le Parti québécois, ont soutenu à l'Assemblée nationale, à l'Assemblée législative, depuis que le Québec est le Québec.

Cette motion, M. le Président, appelle des explications sur certains de ses termes. Je vais revenir d'abord sur le droit du Québec à l'autodétermination. J'ai indiqué ce matin que ce ne doit pas être, comme le premier ministre l'a fait, un prétexte à relancer des débats, un tremplin pour nous projeter encore et toujours, du point de vue du Parti québécois, vers la réalisation de son option d'indépendance politique du Québec. Ce n'est pas un prétexte non plus à discuter de l'option. Ce devait, selon le premier ministre lui-même, être une occasion où les Québécois se sentiraient solidaires, où nous pourrions nous rassembler autour de ce qui est une idée maîtresse, pour ne pas dire carrément une caractéristique du Québec depuis des générations, c'est-à-dire ce sentiment que nous avons que nous formons un peuple, une nation et qu'en conséquence nous pouvons nous prévaloir de règles qui font en sorte que nous décidons nous-mêmes de notre avenir, à des carrefours que nous décidons également nous-mêmes.

M. le Président, malheureusement, l'intervention du premier ministre, non seulement sa première intervention, mais bien évidemment et encore plus clairement sa réplique, s'alimentait, dans certains cas, à la plus basse partisanerie. Le premier ministre a pris la peine, dans son discours de ce matin, de nous dire que ce n'était pas le moment de faire le plaidoyer de son option; il a dit ça dans le premier cinq minutes de son intervention. Mais il a passé les dernières cinq minutes de son intervention à précisément faire le plaidoyer de son option d'indépendance, de partenariat, de la main tendue, de la déclaration unilatérale de l'indépendance, de brandir la menace de l'éclatement d'un pays en dehors de toutes les règles de droit, que ce soit le droit commun, le sens commun, les règles de droit qui prévalent dans la société où nous vivons, ou même, je dirais, carrément à l'encontre de certaines règles normales du droit international. Le premier ministre, comme d'habitude, a brandi des menaces.

Cette fois-ci, il y a au moins une menace que je lui demande de ne pas brandir et de ne pas mettre à exécution, ce serait celle d'amender la motion de l'opposition, aujourd'hui. Le premier ministre, par la force du nombre, a pu traiter comme il l'a voulu de son point de vue, avec les mots qui ont été choisis par lui afin de les présenter ici à l'Assemblée nationale. Et il s'est assuré, avec la complicité ou le concours du leader parlementaire du gouvernement, de faire en sorte que d'aucune façon nous ne puissions, du côté de l'opposition, changer quelque virgule que ce soit à cette motion. Il n'est pas encore clair si le premier ministre nous menace, par ailleurs, d'amender notre motion, de nous relancer dans un petit jeu d'amendements et de sous-amendements qu'ils amèneraient, de l'autre côté.

(16 heures)

Ce que j'attends d'un premier ministre qui se prétend rassembleur, c'est de traiter, à tout le moins, dans le cadre parlementaire... Un premier ministre qui se dit bon joueur, un premier ministre qui se dit praticien du fair-play, comme il l'a appris notamment, il le souligne souvent, à la Chambre des communes... que le premier ministre ait au moins cette générosité parlementaire de laisser les parlementaires voter sur la motion, telle qu'elle a été présentée aujourd'hui, conformément à nos règles.

Je ne reviendrai pas plus avant qu'avec les mots que j'ai utilisés tout à l'heure pour, moi aussi, évoquer le caractère absolu du droit des Québécois à l'autodétermination. Nous nous rejoignons tous à cet égard, et ce, depuis fort longtemps. Mais, M. le Président, l'exercice de ce droit s'inscrit dans la réalité et – c'est mon deuxième commentaire – pour prouver que ce droit existait, nous avons exercé ce droit le 30 octobre dernier. Nous l'avons exercé dans le respect quasi intégral des règles qui prévalent habituellement lors des scrutins. Je dis quasi intégral parce que le Directeur général des élections a déposé récemment un rapport qui fait état d'une tentative organisée et réussie de la part de tenants du Oui, de certains organisateurs dans de nombreux comtés, de procéder à un vol des votes qui ont été exprimés par des dizaines de milliers de Québécois. Je dis que ce droit à l'autodétermination passe évidemment par le respect du droit de vote pur et simple que les citoyens ont. Et, quant à moi, la journée la plus noire que nous ayons passée depuis aussi longtemps que je me souvienne, c'est celle du 30 octobre, lorsque les forces du Oui ont, de façon organisée, dans un très grand nombre de comtés du Québec, décidé d'exercer par leur choix – les scrutateurs, dont certains seront poursuivis – un vol systématique de milliers et de milliers de votes validement donnés par les électeurs québécois.

M. le Président, ce droit à l'autodétermination, il existe, nous l'avons exercé le 30 octobre. Mais il a mené à un résultat. Encore une fois, le droit à l'autodétermination n'existe pas et ne se pratique pas dans l'absolu que souhaiterait le premier ministre qui, par ses grands discours, tente de nous embarquer dans son train de l'absolutisme. Le résultat de la consultation du 30 octobre traduit les souhaits de la population, et il importe que tous les élus et que l'Assemblée nationale interprètent de la meilleure façon ce que les Québécois ont exprimé le 30 octobre dernier.

On peut le prendre de trois façons. La première façon, bien évidemment, c'est quant à l'option de séparation, assortie ou non d'un partenariat, on le sait, que la population, majoritairement, a rejetée. C'est la première chose dont devraient tenir compte le premier ministre, ses ministres et son gouvernement. La réalité c'est que les Québécois ne veulent pas de l'option du Parti québécois. Pour la deuxième fois en 15 ans, ils ont manifesté, nos concitoyens et concitoyennes, qu'il est préférable de poursuivre notre développement et notre épanouissement à l'intérieur du fédéralisme canadien. Mais je reviendrai un peu plus tard sur ce que ça comporte, ce souhait des Québécois. Mais le premier souhait, à l'évidence, le résultat, là, objectivement, c'est le rejet de l'option du Parti québécois.

Le deuxième aspect du résultat de ce vote, c'est celui que tente d'accréditer le ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes et des Transports. Je ne cesse de m'étonner du choix que le premier ministre a fait d'ainsi joindre ces deux ministères entre les mains d'une même personne...

Une voix: C'est parce qu'il charrie.

M. Johnson: Est-ce que c'est un sens de l'humour qu'on ne connaît pas du premier ministre? Est-ce que ça se veut une symbolique des transports dans lesquels le député de Lac-Saint-Jean lance le dossier des Affaires intergouvernementales? Est-ce que c'est d'allégresse transporté qu'il a accepté ce double portefeuille? Nous n'en savons rien, mais la petite histoire se réécrira un jour, et peut-être comprendrons-nous comment sont complémentaires le ministères des Transports et celui des Affaires intergouvernementales canadiennes.

Mais, de toute façon, ce que le ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes tente d'accréditer, c'est que les Québécois auraient voté pour le statu quo. Les Québécois auraient voté pour rien, les Québécois, dans leur majorité, auraient voté pour le néant, le vide, à entendre le ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes. Je trouve que c'est là faire injure à des dizaines, à des centaines de milliers de Québécois qui se sont exprimés d'une façon honnête, de bonne foi et qui manifestent, eux, comme 7 000 000 de Québécois le font, le désir que le gouvernement fasse avancer les choses, que l'Assemblée nationale se comporte dans l'intérêt des Québécois et qu'en termes, je dirais, naturels...

Il n'y a pas une population que je connaisse, à aucun moment, qui réclame à cor et à cri le statu quo. C'est de l'antipolitique que le député de Lac-Saint-Jean fait en prétendant que des centaines de milliers de Québécois veulent que rien ne change et qu'on soit tous plongés dans l'immobilisme le plus total, que rien ne bouge, qu'aucun progrès ne soit fait, qu'aucune amélioration ne soit apportée à notre qualité de vie, à notre prospérité, à la qualité des services publics, à notre fiscalité ou, dans le cas du débat du 30 octobre, à nos relations et à la pratique de nos relations entre nous, Québécois, et nos concitoyens du reste du Canada.

M. le Président, je ne crois pas qu'il s'agisse là d'une des options qu'envisageaient le Québec et les Québécois. Je suis même prêt à prétendre que, si le bulletin de vote du 30 octobre dernier avait compris trois cases: une qui aurait indiqué le choix de l'électeur en faveur de la souveraineté avec ou sans partenariat, une autre qui aurait parlé du statu quo et une troisième qui aurait parlé du renouvellement du fédéralisme canadien, du renouvellement et de l'amélioration de notre appartenance et de notre place à l'intérieur de la fédération canadienne, cette troisième option, de loin, aurait gagné. Ou, en tout cas, à tout le moins, celle qui aurait eu le moins de voix est celle du statu quo. Ce n'est pas normal qu'une population souhaite ne pas avancer, progresser. Et le discours totalement dénué de fondement historique du ministre des Affaires intergouvernementales, qui, par ailleurs, est un grand plaideur particulièrement cultivé dans ces matières, m'étonne au plus haut point. Peut-être que la concentration de ses efforts dans le monde passablement ordinaire, dirions-nous, de l'asphalte et des trottoirs lui a enlevé certains de ses moyens oratoires et ses leçons de l'histoire pour venir éclairer nos lanternes et interpréter comme il le devrait – mieux et de façon beaucoup plus réaliste – le résultat du 30 octobre dernier.

Donc, le résultat, clairement, rejetait l'option du Parti québécois. À mon sens, ce résultat du 30 octobre n'est aucunement un souhait de – comment dire – cultiver le statu quo, et je vous soumets que le résultat du 30 octobre était plutôt une occasion pour les Québécois de signifier, tout en rejetant l'option du Parti québécois, qu'ils préfèrent appartenir au Canada, mais surtout qu'ils souhaitent qu'on s'occupe de cette aspiration que la vaste majorité des Québécois a en elle d'assurer la place améliorée du Québec au sein du Canada.

(16 h 10)

Le premier ministre a encore une fois, de façon passablement étroite et sans référence aucune à la vérité – je me permets de le dire – prétendu que tout ce qui était en jeu était oui ou non, le rejet de l'option, et, donc, par ses mots, il a souscrit un peu plus tôt aujourd'hui à la théorie du ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes: rejet de l'option de séparation équivaut à statu quo.

M. le Président, la campagne ne s'est pas exactement déroulée comme ça. Il est évident qu'en termes simples où le Oui ou le Non à une question posée par le gouvernement doivent être exprimés la rhétorique, de part et d'autre, s'articule autour des arguments qui militent en faveur du Oui ou du Non. Mais on ne peut pas pour autant évacuer les arguments qui ont eu cours du côté des forces du Non. On ne peut pas évacuer ce qui se passe au Québec depuis 50 ans. On ne peut pas faire fi du progrès des Québécois à l'intérieur du Canada. On ne peut pas faire comme si l'histoire n'avait jamais bougé. On ne peut pas faire comme si rien ne s'était jamais passé. Lorsque les Québécois s'expriment en rejetant l'option du Parti québécois, ils manifestent, à mon sens, également qu'ils souscrivent au fédéralisme canadien et qu'ils souscrivent, par la force des choses, aux attentes qu'ont énoncées les forces fédéralistes, notamment du Parti libéral du Québec, et qui ne sont pas inventées au fur et à mesure, six mois après, pour les fins du discours d'aujourd'hui, mais qui se retrouvent intégralement dans les documents qui ont été publiés à l'époque, y compris, bien évidemment, le manifeste du Non, qui a été distribué à tout le monde à l'occasion de la campagne référendaire.

Quels étaient les enjeux, quant à nous? Je ne parle pas d'un programme constitutionnel qui est déposé, là, avec chapitres et versets. Quels sont les enjeux auxquels s'attendent les Québécois et dont nous devons nécessairement traiter depuis le référendum? Il est évident que ces enjeux sont triples. On les connaît, nous en avons amplement parlé. Ils ont même fait partie fort longtemps du vocabulaire du premier ministre. Cet enjeu, le premier, est celui de la reconnaissance du Québec. Celui de la reconnaissance du Québec, des Québécois et des Québécoises, comme formant, au sein du Canada, ce qu'on a appelé, depuis de nombreuses années, une société distincte par sa langue, sa culture, son système de droit, ses institutions. Je ne peux pas prétendre prêcher par trop grande originalité en reprenant ces termes, mais ils se sont imposés dans la politique québécoise depuis une dizaine d'années. Ils se sont imposés dans le vocabulaire québécois et, je dirais, dans le vocabulaire canadien depuis passablement longtemps.

À l'occasion de lectures récentes, je suis tombé sur des passages de lettres que Sir Wilfrid Laurier, en 1916, écrivait à des amis, où il leur réexpliquait que le Canada n'était pas une union législative, celle des provinces de l'Amérique britannique du Nord, mais avait bien été mis sur pied dans une forme fédérative parce que – et je le cite de mémoire – les Canadiens français, les Québécois, craignaient de voir, par l'union législative, disparaître leur élément distinct. Je ne l'ai pas inventé de toutes pièces pour les fins du débat, je le reprends. Nous avons toujours senti que ce mot, ce concept, recouvrait la différence que nous nous trouvons et que l'étape qui doit être franchie est une étape concrète, formelle de reconnaissance de cet état de fait contre lequel personne ne peut rien.

Nous avons, M. le Président, réussi depuis une trentaine d'années – et lorsqu'on relit des textes, y compris ceux qu'a évoqués le premier ministre un peu plus tôt... Si on retourne 30, 35, 40 ans dans l'histoire de cette Assemblée, on retrouve des textes de nos prédécesseurs, qui faisaient valoir qu'il était important que nous contrôlions l'immigration. C'est ce qu'on fait depuis un bon moment, à toutes fins pratiques. Il était important que nous ayons des pouvoirs qui nous permettent d'assurer l'épanouissement et le développement de notre langue et que d'aucune façon d'autres viennent nous dire comment le faire. Le gouvernement du Parti libéral du Québec, en 1975, a édicté que le français était la langue officielle du Québec. Une succession de partis, une succession de législations, dont la dernière en date est la loi 86, ont créé – le premier ministre nous rejoint sur ce point – un équilibre qui doit être respecté, à l'intérieur duquel il reste des moyens pour assurer un épanouissement encore plus certain du fait français au Québec, le tout dans le respect le plus complet de la langue de la minorité d'expression anglaise au Québec. Et, là aussi, le premier ministre sait que nous pouvons faire ça.

Dans les années soixante, on n'avait pas encore vu que... Et le premier ministre y a participé. La force politique des Québécois, au niveau canadien, a imposé un contexte à l'intérieur duquel il devenait presque naturel de tenter d'acquérir la deuxième langue officielle, l'autre langue officielle du pays, non pas au Québec surtout. Incidemment, nous avons pris nos décisions en matière d'enseignement de la langue maternelle, le français, qui n'ont pas longtemps laissé beaucoup de place à l'enseignement que les parents souhaitent de l'anglais langue seconde. Ce sont des choses qui se corrigent et que nous pouvons nous-mêmes décider de corriger. Mais, quant à ce qui se passe dans le reste du Canada, il était impensable, il y a 30 ans – impensable! – que la situation que nous vivons aujourd'hui, que 300 000 jeunes anglophones du Canada, à l'extérieur du Québec, soient aujourd'hui à l'école en immersion française... Il y en avait 20 000 il y a 20 ans; il y en a plus de 30 000 dans la seule province de Colombie-Britannique aujourd'hui, et 300 000 à la grandeur du Canada.

Il s'est passé quelque chose, dans ce pays. Un processus de reconnaissance de facto s'est produit. Mais ce n'est pas suffisant. J'y reviendrai. Le premier ministre sait de quoi je parle, tout le monde sait de quoi je parle. À partir du moment où des tentatives d'assurer la reconnaissance formelle de ce caractère distinct ont connu les échecs que nous connaissons, il est évident que la reconnaissance de facto n'est plus suffisante et que la première étape obligée des discussions postréférendaires avec nos concitoyens du reste du Canada, c'est cette reconnaissance du Québec comme société distincte à l'intérieur du Canada.

Le deuxième aspect est bien évidemment de requérir l'accord du Québec dans toutes les décisions qui affecteront la Constitution canadienne chaque fois que celle-ci sera amendée. Je ne m'éterniserai pas sur ce qui est une évidence. Toutes les provinces au Canada, et c'est d'autant plus vrai pour nous, requièrent que, normalement, à l'intérieur des juridictions qui nous sont propres, si d'aventure on voulait les modifier, notre accord est requis dans la mesure où nous sommes affectés. Il est évident que les gestes de 1981 et 1982 qui ont, dans les faits, amendé les pouvoirs de l'Assemblée nationale en matière linguistique, dans le domaine de l'éducation ne pouvaient pas être acceptés ni ne seront jamais acceptables pour le Québec et que c'est cette erreur que reconnaissent aujourd'hui certains joueurs de l'époque et que le premier ministre connaît, qu'on rencontre un peu partout au Canada, c'est cette erreur que nous visons et que nous visions, lors des rondes du Lac Meech et de Charlottetown, à corriger.

Mais ça fait partie, ça aussi, des aspirations des Québécois. Et un gouvernement qui refuse de travailler de bonne foi à la poursuite de cette reconnaissance formelle du caractère distinct du Québec dans la Constitution canadienne déçoit, c'est le moins qu'on puisse dire, les attentes des Québécois et des Québécoises et ne tient pas compte du résultat du référendum. Un gouvernement qui ne clame pas avec suffisamment de bonne foi, je dirais, que l'accord du Québec est requis à l'occasion de rondes constitutionnelles que les Québécois souhaitent ne fait pas, là non plus, preuve de sens des responsabilités, consécutivement au résultat du 30 octobre dernier.

(16 h 20)

Et le troisième aspect, après la reconnaissance et la restauration du droit de veto et de l'accord du Québec dans les modifications constitutionnelles, troisième élément qui est une partie intégrante des attentes d'une vaste majorité de Québécois et Québécoises, vise à pouvoir assister à au moins des débuts de discussions sérieuses qui impliquent le gouvernement du Québec de même que les autres gouvernements à améliorer le fonctionnement de la fédération canadienne, à décentraliser davantage certains pouvoirs s'ils peuvent être mieux exercés par le niveau de gouvernement que nous représentons. Certains ajoutent qu'en toute logique, notamment pour les grandes opérations de présence internationale du Canada sur la scène, oui, internationale, nous aurions sans doute intérêt à mettre en commun, comme Canadiens, certains outils de développement qui profitent à tous les Canadiens, indistinctement de leur langue, de leur culture, de leur système de droit et de leurs institutions.

Mais, suite au référendum, je suis obligé de constater que l'attitude de certains des joueurs importants ne va pas du tout dans le sens des intérêts des Québécois, ou certainement pas de leurs attentes. Notamment, l'attitude du gouvernement du Parti québécois en est une de défaitisme, d'abandon, de démission devant ce mandat implicite que les Québécois lui confient à chaque fois qu'il y a une élection. Et, quel que soit le résultat du référendum à l'occasion du 30 octobre dernier, quel que soit l'effet sur le Parti québécois de la défaite de son option de fond, il n'en reste pas moins que la majorité des Québécois et Québécoises s'attend à ce que son gouvernement, le gouvernement de tous les Québécois et Québécoises, s'occupe d'améliorer la situation des Québécois et Québécoises à l'intérieur de la fédération canadienne.

C'est bien beau de clamer le droit du Québec à l'autodétermination dans l'absolu, mais ça doit également s'apprécier dans la réalité, d'où le fait que nous nous sommes opposés à cette motion amenée avec force théâtre et procédures exceptionnelles par le premier ministre et ses complices du gouvernement. Nous nous sommes opposés à cet exercice à peine déguisé de rassemblage partisan afin de présenter nous-mêmes une autre vision des choses que je qualifierais de plus réaliste, car elle correspond au voeu d'une vaste majorité de nos concitoyens et concitoyennes.

Le premier ministre et son groupe parlementaire et son parti vivent encore dans le passé. Je serais tenté de me demander dans quel passé le premier ministre vit: dans son passé de tribun aux côtés de candidats du Parti libéral du Canada dans les années soixante dans le Saguenay–Lac-Saint-Jean, d'organisateur d'élection dans cette même région pour des candidats du Parti libéral du Québec – parce qu'il a quand même un peu d'histoire de ce côté-là – dans le passé de sa représentation, par ailleurs fort digne, du Canada sur la scène internationale dans la Ville lumière, dans son appartenance au Parti conservateur du Canada, où il ne manquait pas une chance de taper sur la tête du ministre de l'Environnement du gouvernement du Québec, comme on s'en souvient...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Johnson: ...dans le passé plus récent au Bloc québécois où il défendait à cor et à cri les programmes sociaux du gouvernement et les démunis dont il coupe les prestations aujourd'hui et les programmes sociaux, tels que l'assurance-santé, dont il ne fallait pas désassurer les services, alors qu'aujourd'hui, plutôt que de coûter 100 $, ça en coûte près de 1 000 $, pour la même consommation de médicaments, à des personnes âgées qui ont des revenus, ma foi, de 16 000 $, 17 000 $, ou 18 000 $?

Le premier ministre a un cheminement imprévisible. Imprévisible. Il a connu plusieurs chemins de Damas. Il est tombé en bas de son cheval tellement souvent que ça fait pitié à voir. Le premier ministre devrait quand même maintenant nous dire, depuis le 30 octobre dernier, quelle est son attitude à l'endroit des attentes des Québécois et des Québécoises qui veulent que nous soyons représentés dans les forums où nous discuterons de l'avenir du Québec et du Canada.

Dans des considérations pratiques, là, concrètes à l'égard de l'exercice de certaines activités, de la gestion de certains programmes, des demandes traditionnelles du Québec en matière de main-d'oeuvre, par exemple, et d'adaptation de la main-d'oeuvre et de formation professionnelle, autant de dossiers où on se serait attendu, compte tenu du résultat, comme René Lévesque l'avait fait après 1980, qu'on se conforme au désir de la majorité de la population. Mais, malheureusement, le premier ministre ne fait pas oeuvre très utile en s'entêtant à cultiver l'option de souveraineté, de militantisme, je dirais, sans nuance qu'il manifeste devant son conseil général à chaque fois qu'il en a une occasion, et même ici, à l'Assemblée nationale – le Conseil national, oui, on me reprend, absolument, le Conseil national du Parti québécois – ou alors à l'endroit des membres de son caucus les plus impliqués et les plus enracinés dans cette option de séparation et d'indépendance politique du Québec.

Le premier ministre, pourtant, a fait, lui aussi, des ajustements, et il est pris un peu, là, avec un de ses derniers virages. Il a voté contre l'accord du lac Meech afin... Bien, il a été... Il a quitté son gouvernement – il me fait des gros yeux. C'est en mai 1990, avant le 23 juin 1990, avant la date ultime que le premier ministre a quitté le navire du gouvernement conservateur, a abandonné le navire, à toutes fins utiles, et, de la même façon, n'a certainement contribué d'aucune façon à convaincre nos concitoyens, et tous nos concitoyens, ceux qui décidaient, de l'importance qu'il y avait de passer l'accord du lac Meech dans toutes les législatures. Le premier ministre ne s'en est pas mêlé. Il a plutôt pris le train de l'option de la séparation, de l'indépendance. Et le premier ministre voit aujourd'hui cette option rejetée, depuis le 30 octobre dernier, par la majorité de la population du Québec. Ils ont été obligés de se demander: Ça le laisse où, ça? Dans les airs, dans les limbes? Le premier ministre, est-ce qu'il a compris le message du 30 octobre dernier, qui est de travailler honnêtement et de bonne foi à assurer une meilleure place pour le Québec à l'intérieur du Canada?

Le premier ministre ne travaille pas sur ce sujet extrêmement important. Le premier ministre s'est même permis le luxe, on me le rappelle, d'avoir voté contre une motion reconnaissant le Québec comme société distincte, à la Chambre des communes. Oui, oui. Alors, il s'esbaudit, il rit, il trouve ça amusant. Bon, évidemment, les rieurs sont tous du même côté. Je veux bien, mais, M. le Président, la réalité, c'est que d'autres joueurs ont compris un signal un peu plus riche d'enseignement du résultat du 30 octobre dernier. À la Chambre des communes, à tout le moins, il aura vu que le gouvernement fédéral commençait – et je ne suis en train de féliciter personne – à livrer des morceaux de marchandise qui laissaient croire qu'on avait compris, de la part du gouvernement fédéral, le message du 30 octobre dernier.

(16 h 30)

Parce qu'il y en a pour le gouvernement fédéral aussi dans la motion. Il y en a pour le gouvernement du Québec, qui n'a pas compris le message du 30 octobre. Il y en a pour le gouvernement fédéral également, qui – je vais être le plus charitable possible – est plutôt lent à comprendre et à agir à l'égard du message du 30 octobre dernier que les Québécois ont signifié à toute la classe politique canadienne. Alors, la motion – et c'est ça qui est réaliste, là, c'est ça qui correspond à ce qui se passe pour vrai – que nous avons mise de l'avant réaffirme le droit des Québécoises et Québécois à l'autodétermination, mais évoque évidemment le résultat du 30 octobre dernier et en appelle au gouvernement du Québec et au gouvernement canadien de se conformer en conséquence et de tenir compte du résultat que les Québécois ont manifesté le 30 octobre dernier.

Et les Québécois, on l'a rappelé tout à l'heure, sont tannés des chicanes entre le premier ministre du Québec et le premier ministre du Canada à ce sujet-là. On aimerait qu'on se penche, dans les deux capitales, sur le message de fond du 30 octobre dernier. Mais, en l'absence d'action et d'activité, même de la part du gouvernement du Québec et largement du gouvernement canadien, le chef de l'opposition ici, à l'Assemblée nationale, ses collègues, ses confrères ne sont pas inactifs. C'est moins connu, c'est la nature des choses que, lorsque le chef de l'opposition se déplace et va à Toronto, ou Calgary, ou Edmonton, ou Vancouver, ou Fredericton, ou qu'il reçoit la visite des gens qui viennent de ces endroits, de Saskatchewan ou d'ailleurs, ça ne fait pas les manchettes, par définition, hein. J'ai appris ça assez longtemps; je suis né dans une famille politique où on sait ce que c'est, la différence entre être dans l'opposition puis au pouvoir. Bon.

Alors, la réalité, cependant – c'est ça qui est important – c'est que nous nous sommes, ici, donné un programme de travail qui fait en sorte qu'en l'absence de toute action des deux capitales et des deux gouvernements il y a au moins des gens qui bougent ailleurs, il y a des gens qui ont compris le message du 30 octobre, il y a des chefs politiques au Canada qui ont compris le message du 30 octobre dernier, il y a des groupes de citoyens, il y a des groupes organisés, il y a des groupes pancanadiens, il y en a dans certaines provinces qui ont compris que les gouvernements, au lieu de se chicaner – ils ont compris ça aussi ailleurs – devraient travailler honnêtement dans le sens du changement.

La différence entre le Parti québécois et le Parti libéral du Québec, c'est que, nous, on croit que le message du 30 octobre est un message qui a un contenu qui est partagé par d'autres Canadiens quant à l'évolution du pays qu'est le Canada, qu'il y a des Canadiens qui savent qu'au Québec on est différents, qu'il y a des Canadiens qui poussent sur leur gouvernement partout dans d'autres provinces pour assurer une base politique plus solide à des chefs de parti qui ont été brûlés aussi par des rondes où c'est l'échec qui en a résulté. Mais, ça, on ne peut pas blâmer les gens de dire: Je ne recommence pas la même affaire, ça n'a pas de bon sens, la dernière fois ça n'a pas marché. Le premier ministre compte là-dessus, il cultive ça. Il cultive ça. C'est ça qu'il prétend, que c'est ça qui se passe partout. Mais, ce qui se passe partout, ce n'est pas ça. Le premier ministre a décidé qu'il ne se promenait pas, lui, dans le reste du Canada, pour dire: Les Québécois veulent du changement, et voici ce qu'il en est, et voici comment je l'interprète, moi, premier ministre du Québec, et voici ce qu'on attend. Bien, il ne croit pas à ça. Son option, c'est la séparation. Il ne se promènera pas ailleurs pour dire: Voyons comment on peut renouveler le fédéralisme canadien.

Mais je considère que c'est ma responsabilité de le faire, c'est celle de l'opposition, c'est celle des fédéralistes, qui sont majoritaires au Québec, et c'est ce que je fais. Et je constate, moi, qu'il y a de plus en plus de Canadiens, dans le reste du Canada, qui veulent contribuer à régler ce problème de l'unité canadienne que posent encore l'absence de reconnaissance du Québec avec nos caractéristiques distinctes, la restauration de notre accord à des changements constitutionnels qui nous affectent et, bien évidemment, travailler dans le sens de la décentralisation de certains pouvoirs, de l'amélioration du fonctionnement du Canada. Il y a des groupes de base dans le reste du Canada qui se préoccupent de ça. Je les rencontre, mes collègues les rencontrent, ils nous visitent, nous les visitons, et ça existe.

Et, quant à moi, je puis affirmer qu'il y a aujourd'hui davantage de Canadiens qui savent que le Québec a une bonne cause, que les Québécois, en majorité, le 30 octobre dernier, ont décidé de signaler qu'ils sont prêts à travailler au changement et que le seul joueur au Québec qui retarde ce dossier, c'est le gouvernement du Québec, qui n'a pas pris acte, en raison de son option, du résultat du 30 octobre dernier. Il s'entête à ergoter, ici, sur des virgules et des points virgules, sur son option, continue à brandir les menaces de sécession unilatérale, alors que le premier ministre sait pertinemment – il a pratiqué la diplomatie internationale – que ça ne veut rien dire, ça, dans les faits. Dans son discours de ce matin, les seuls cas dont il nous a parlé, c'étaient les cas de décolonisation de l'Empire britannique; c'est ça qu'il a évoqué lui-même dans son discours de ce matin. Pour comparer la sécession unilatérale du Québec à un cas de décolonisation, il faut vivre je ne sais pas trop où dans l'histoire contemporaine.

On peut décider de notre avenir, on peut décider de nos aspirations, on peut décider ce que nous souhaitons pour l'avenir, mais on ne peut pas imposer ni dicter les conséquences de notre décision à nos voisins. On ne peut pas imposer la reconnaissance du Québec à des conditions que nous dicterions. Il y a des règles qui vont s'appliquer. Il y a la logique qui va s'appliquer. Il y a la crédibilité qui va s'appliquer. Et c'est bien beau d'avoir 50 % plus un, je répète que c'est un peu fragile, sur la scène internationale, de changer un statut de 7 000 000 de personnes, de briser un pays de 30 000 000 de personnes sur la foi d'un résultat qui suggère «changement par recomptage judiciaire». Mais, quand on sait la propension du camp du Oui, la dernière fois, à détourner les milliers de votes qui étaient contraires à son option, on est obligé de constater la fragilité d'une telle règle; mais elle s'applique quand même. Recomptage judiciaire ou pas, 50 % plus un, il y a plus de monde qui vote pour une gang que pour l'autre. C'est la démocratie. Pas de problème! Mais, après, on fait quoi? Après, on fait quoi?

M. le Président, je persiste à dire, et j'espère que j'aurai l'occasion de voter, avant la fin de la journée, sur une motion qui se lit ainsi:

«Que l'Assemblée nationale réaffirme le droit des Québécoises et des Québécois à l'autodétermination, droit exercé le 30 octobre dernier en choisissant de poursuivre le développement de la société québécoise au sein du Canada et qu'en conséquence, elle enjoigne – l'Assemblée – les gouvernements – pluriel – du Québec et du Canada de donner suite à cette volonté démocratique en acceptant de négocier de bonne foi le renouvellement du fédéralisme canadien.»

Je demande au premier ministre de faire preuve de son fair-play prétendu qu'il a appris lorsqu'il fréquentait les officines politiques, au niveau fédéral, qui l'ont toujours impressionné par la grande démocratie, la grande facilité avec laquelle il pouvait s'exprimer. J'ai compris, d'ailleurs, un peu plus tôt aujourd'hui, que ça l'embêtait royalement de voir son droit de parole interrompu pour des raisons qui appartiennent à cette Assemblée-ci. Mais c'est au premier ministre à se plier aux règles de notre Assemblée et non pas aux règles de l'Assemblée à se plier aux desiderata du premier ministre, je le lui rappelle.

M. le Président, à la lumière de ses règles de fair-play, j'en appelle au premier ministre de nous permettre de pouvoir voter sur cette motion. Il votera contre, nous voterons pour et, M. le Président, les Québécois sauront exactement où logent les deux côtés de l'Assemblée nationale. De ce côté-ci, nous logeons à l'enseigne de réaffirmer le droit des Québécois à l'autodétermination, mais également nous rappelons au gouvernement ses devoirs, au gouvernement du Québec comme au gouvernement du Canada, parce que la volonté majoritairement exprimée et ressentie des Québécois, c'est celle de continuer à appartenir à un pays que nous avons fondé, formé et transformé et qui peut évoluer dans l'intérêt des Québécois.

Des voix: Bravo!

Le Président: Avant de céder la parole au prochain intervenant, je voudrais, à ce moment-ci, pour le reste du débat, faire une mise en garde. Je n'ai pas voulu la faire avant pour deux raisons: d'abord, parce que je ne voulais pas interrompre le chef de l'opposition officielle qui n'a pas porté son argumentation essentiellement sur cette question-là et, d'autre part, parce que des informations m'ont été communiquées pendant son discours.

(16 h 40)

Je fais référence à l'article 35, paragraphe 3° de notre règlement, qui veut que des paroles interdites et des propos non parlementaires... «Le député qui a la parole ne peut parler d'une affaire qui est devant les tribunaux ou un organisme quasi judiciaire, ou qui fait l'objet d'une enquête, si les paroles prononcées peuvent porter préjudice à qui que ce soit.» Et je voudrais référer au fait que non seulement le Directeur général des élections a des pouvoirs quasi judiciaires, mais que les conclusions de son rapport nous incitent à croire qu'il pourrait y avoir éventuellement des poursuites devant les tribunaux criminels et qu'en ce sens-là notre Parlement, comme tous les parlements d'origine britannique, a adopté une règle d'éthique qui est la suivante: c'est qu'en matière de sub judice de causes pénales, donc de causes qui concernent le Code criminel, il y a une règle absolue qui veut que nous n'en parlions ni de près, ni de loin, ni directement, ni indirectement pour ne pas causer de préjudice à qui que ce soit.

Je suis convaincu que ce n'était pas l'intention du chef de l'opposition officielle, mais je pense que cette mise en garde... je tenais à la faire à ce moment-ci pour que les prochains intervenants prennent en considération la disposition de l'article que je viens de signaler dans notre règlement.

M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Pas sur le fond, M. le Président, simplement sur le moment de l'intervention, en concédant que vous ne l'avez pas fait au moment d'interrompre le chef de l'opposition: cette mise en garde aurait pu être faite cet avant-midi suite au discours du ministre de l'Environnement.

Le Président: Je n'étais pas au fauteuil à ce moment-là, et c'est possible, sauf que... Je comprends que la présidence est indivisible, mais il y a trois personnes qui, à des moments donnés différents, le président et ses deux vice-présidents... Et ce qui est important, c'est qu'à ce moment-ci...

Je pense que, la mise en garde étant faite, je suis prêt à reconnaître maintenant le prochain intervenant et je cède la parole au ministre responsable des Affaires intergouvernementales canadiennes et ministre des Transports. M. le ministre.


M. Jacques Brassard

M. Brassard: Merci, M. le Président. D'abord, j'annonce d'entrée de jeu que nous n'avons pas l'intention d'amender la motion du chef de l'opposition. Nous ne sombrerons pas dans les finasseries procédurières, nous allons simplement la rejeter comme telle, parce qu'elle ne nous convient pas. Alors, pas d'amendement.

Le chef de l'opposition a beau faire de la rhétorique et essayer de faire semblant qu'il ne s'est rien passé cet après-midi, c'est probablement pour ça qu'il a inscrit cette motion du mercredi. C'est probablement pour faire oublier le vote de son parti sur la motion présentée par le premier ministre du Québec et portant sur le droit du peuple québécois à disposer de lui-même et à déterminer lui-même son avenir politique, son statut politique.

Mais il aura beau discourir ou ergoter, comme il dit, ad nauseam, il ne réussira pas à faire oublier ce vote de son parti qui a eu lieu cet après-midi, ce vote qui constitue un reniement de la part du Parti libéral du Québec. C'est une faute qu'il va traîner pendant longtemps, un reniement d'un droit fondamental du peuple québécois de décider lui-même de son avenir politique. Et, ce faisant, non seulement il va traîner ce vote-là longtemps comme un boulet, mais il indique très bien à la population du Québec que son parti s'est mis à la remorque du Parti libéral du Canada. C'est ça, la réalité, et c'est ça que ça signifie, le vote auquel on a assisté cet après-midi sur la motion du premier ministre.

Le chef de l'opposition a l'habitude de dire – le premier ministre le signalait tantôt – que le droit du Québec à l'autodétermination, c'est une évidence. Il faut maintenant reconnaître que, même si c'est une évidence, il a voté contre une évidence, et une évidence qui est tout à fait fondamentale, qui est un droit fondamental.

Alors, donc, on essaie de faire diversion pour essayer de gommer, de masquer, de camoufler ce vote fatidique et historique, de la part du Parti libéral du Québec, portant sur le droit du peuple québécois à décider de son avenir. On fait diversion en présentant une motion pour engager le gouvernement dans la voie du renouvellement du fédéralisme. Vraiment, M. le Président, quand le chef de l'opposition, dans sa motion – il a terminé là-dessus – enjoint les gouvernements du Québec et du Canada aussi, dit-il, de donner suite à la volonté de renouveler le fédéralisme canadien, Mon Dieu, quelle audace! Quelle outrecuidance! Il enjoint le gouvernement du Canada. Je suis sûr que le fédéral a vacillé sur ses bases en l'entendant, M. le Président. Quelle audace! Quel courage politique! Enjoindre le gouvernement du Canada de s'engager dans la voie du renouvellement du fédéralisme.

Mais revenons d'abord à l'interprétation et au sens que nous devons donner au résultat du scrutin référendaire du 30 octobre. Ça m'apparaît essentiel, parce que, là, il y a un vaste malentendu entre nous. Énorme malentendu. Et le cheminement du chef de l'opposition est pour le moins tortueux sur cette question, et sa vision, on peut la qualifier de fantaisiste. Le 30 octobre 1995, quel était l'enjeu du débat et du scrutin, M. le Président? L'enjeu du débat et du scrutin, le 30 octobre 1995, c'était notre projet à nous, projet de souveraineté du Québec associé à une offre de partenariat qu'on présenterait au Canada anglais. C'est ça, l'enjeu du 30 octobre. C'était le projet du gouvernement, projet d'un Québec souverain tendant la main au Canada anglais pour lui proposer un partenariat économique et politique. Voilà l'enjeu. Je pense que personne ne le niera, c'était ça, l'enjeu.

Et quel était le mandat recherché par le gouvernement à l'occasion de ce scrutin référendaire? Question qui revient après coup. Immédiatement, une fois qu'on a déterminé l'enjeu, on doit se poser la question: Quel était le mandat qu'on recherchait? Le mandat recherché par le gouvernement du Québec à cette occasion-là, c'était le mandat de faire la souveraineté, de faire en sorte que le Québec accède à la souveraineté. C'était ça, le mandat qu'on sollicitait. On demandait aux Québécois d'accorder au gouvernement ce mandat de faire la souveraineté. Ce mandat a été rejeté par une très mince majorité, une infime majorité. Et, bon, là, le président vient de nous indiquer qu'on ne doit pas entrer dans ces détails concernant le scrutin même du 30 octobre, portant également sur le rapport du Directeur général des élections concernant les bulletins rejetés, la marche pour l'unité. Bon, enfin! N'en parlons pas. Très bien. Même si le chef de l'opposition, lui, en a parlé abondamment. Mais il a surtout parlé des bulletins rejetés; il n'a pas parlé du «love-in», de la grande manifestation d'amour de Montréal à l'égard du Québec. Ça, il n'en a pas parlé, puis il n'a pas parlé non plus du financement extérieur de cette grande manifestation d'amour, qui fut, il faut bien le reconnaître, pour le moins éphémère.

(16 h 50)

Il y avait, par conséquent, M. le Président, un seul mandat qui était en jeu à l'occasion de ce scrutin, c'était le mandat de faire la souveraineté et d'offrir un partenariat économique et politique avec le Canada anglais. C'était le seul, il a été rejeté. Il n'y en avait pas d'autre, il n'y avait pas d'autre mandat. Le chef de l'opposition essayait tout à l'heure de nous faire croire qu'il y avait, à l'occasion de ce scrutin, une alternative, un choix, qu'il y avait un choix entre le mandat proposé par le gouvernement, la souveraineté assortie d'une offre de partenariat, et un projet de renouvellement du fédéralisme. Il essaie de nous faire croire qu'il y avait une alternative.

Mais je me souviens très bien, moi, combien de fois, interrogé par les journalistes, le chef de l'opposition, quand on lui demandait: Oui, mais c'est quoi que vous proposez? Quelle est votre proposition? Quel est votre projet de refonte du fédéralisme en profondeur, puisque vous rejetez la proposition, le projet du gouvernement et de la coalition, vous la rejetez? Le chef de l'opposition répétait toujours la même réponse: Ce n'est pas le temps, ce n'est pas le moment. Le référendum, il ne porte pas là-dessus, il ne porte pas sur la refonte du régime fédéral, du système fédéral. Le référendum, il porte sur la séparation – c'est l'expression qu'ils utilisaient tout le temps – c'est ça, la question.

Et le premier ministre fédéral allait dans le même sens. Le premier ministre Chrétien disait: Il n'est pas question, à l'occasion de ce référendum, de renouveler le fédéralisme, de proposer des changements en profondeur du régime fédéral. Ce n'est pas de ça qu'il s'agit, il s'agit de séparer le Québec du Canada. Vous vous en rappelez, tout le monde. Combien de fois le chef de l'opposition n'a-t-il pas répété cette réponse? Et son chef également, son véritable chef à Ottawa, M. Chrétien, combien de fois n'a-t-il pas répété cette réponse? Ce n'est pas ça qui est en jeu, nous disait-il, ce n'est pas ça qui est en jeu. Ce qui est en jeu, c'est la souveraineté, c'est le projet du gouvernement, c'est la séparation. C'est ça qui est en jeu. Et donc, par conséquent, il n'a pas jugé utile de présenter une quelconque proposition de renouvellement du régime fédéral. Il n'avait rien à proposer, parce que ce n'était pas le moment et que ce n'était pas l'enjeu du scrutin référendaire.

Et, là, maintenant, il vient nous dire que la population faisait un choix entre la souveraineté, d'une part, et le renouvellement du fédéralisme, d'autre part. Non, non, vraiment, là, il faut se comprendre, ce n'était pas ça du tout. Il y avait un seul mandat qui était sollicité, c'était celui de faire la souveraineté, et il a été rejeté. À partir de ce moment-là et à partir du moment où il a été rejeté, il n'en reste plus de mandat. Il n'y en a pas de mandat issu du référendum. Il n'y en a pas, parce que celui qu'on demandait a été rejeté par une mince majorité, encore une fois, je le répète.

Et, là, le chef de l'opposition voudrait que, après 30 ans de bavardages constitutionnels qui ont mené à des échecs répétés, on recommence, on continue de patauger dans la mélasse constitutionnelle. Reprenons, recommençons un autre 10 ans peut-être, un autre 15 ans. On reprend, on recommence, on replonge dans le bourbier constitutionnel. C'est ça, la proposition qu'il nous fait, là, avec la motion qui est devant nous; c'est ça, sa proposition. C'est qu'il veut que le Québec s'embourbe encore à nouveau, replonge dans le bourbier constitutionnel dans lequel on s'est enlisé pendant 30 ans inutilement, parce que ça a toujours abouti à l'échec. Et, si ça a toujours abouti à l'échec, on le sait pourquoi – la commission Bélanger-Campeau l'a clairement mis en lumière – c'est parce qu'il y a un problème de fond au Canada: c'est qu'on est en face de visions, d'aspirations et d'identités qui s'opposent. C'est le choc des visions, des aspirations et des identités. C'est l'expression même du rapport Bélanger-Campeau. C'est comme ça. C'était ça, le diagnostic de la commission Bélanger-Campeau. Et, malgré cette réalité incontournable, le chef de l'opposition nous invite à replonger, à nous enliser encore une fois dans le bavardage stérile constitutionnel. Il voudrait qu'on remette ça de plus belle.

En plus, on sait que ça va encore une fois aboutir à l'échec, puisque, quand on connaît la vision du gouvernement fédéral actuel et de son premier ministre, M. Chrétien, c'est clair que c'est le cul-de-sac assuré, c'est l'impasse assurée. Comme par le passé, et comme pendant 30 ans, ce sera l'impasse. Parce que la vision du gouvernement fédéral et de son chef, M. Chrétien, ça se traduit comment? Ça s'est traduit comment? Puisqu'on parle de renouvellement du fédéralisme, parlons-en un peu.

Ça se traduit comment, la vision du gouvernement fédéral? Ça se traduit d'abord, premièrement, par une motion, qui a été adoptée à la Chambre des communes, sur la société distincte. Motion parfaitement insignifiante et sans portée, purement symbolique, et là, évidemment, il est toujours question de constitutionnaliser ce concept, de l'intégrer à la Constitution. Il en est toujours question. Le chef de l'opposition en a encore parlé tout à l'heure. Mais à quoi ça sert? M. le Président, je vous le demande, à quoi ça sert de constitutionnaliser l'insignifiance? À quoi ça sert? Si le concept de société distincte n'a pas de portée, n'a pas de signification, n'a aucun sens, à quoi ça sert de le mettre dans la Constitution? C'est de ça qu'il s'agit.

Deuxièmement, le premier ministre fédéral a fait adopter une loi, par la Chambre des communes et le Sénat, où il aménage son propre droit de veto. Il prévoit la gestion de son droit de veto à lui, le gouvernement fédéral. C'est ça, la loi sur le droit de veto. Ce n'est pas le droit de veto du Québec, c'est le fédéral qui dit: Voici comment je vais gérer mon droit de veto. Est-il question de le constitutionnaliser? Là, on est, ma foi, très peu loquace sur cette question, même si c'est ce que souhaite le chef de l'opposition.

Puis, troisièmement, qu'est-ce qu'on retrouve dans la vision du gouvernement fédéral en matière de fonctionnement du régime, de fonctionnement de la fédération? On retrouve d'abord un discours, une rhétorique sur la décentralisation, sur la suppression des chevauchements, des dédoublements. Un discours. Et une réalité qui est en contradiction totale avec le discours, avec la rhétorique. Autrement dit, le premier ministre fédéral et les ministres fédéraux fredonnent une chanson, mais la chanson sur la décentralisation n'a aucun lien avec la réalité, avec les gestes, les actions, les décisions du gouvernement fédéral. Ces décisions et ces actions vont toutes encore dans le sens d'une centralisation, dans le sens d'ingérence, d'empiétement dans des champs de juridiction réservés pourtant parfois exclusivement aux provinces.

On pourrait multiplier les exemples: en matière de main-d'oeuvre, par exemple, le fédéral crie sur tous les toits qu'il est disposé à négocier les transferts de ses pouvoirs et des ses responsabilités en matière de main-d'oeuvre au Québec. Les négociations traînent en longueur. Ça fait maintenant quatre mois qu'on a fait une proposition écrite; on n'a toujours pas de réponse de la part du gouvernement fédéral. Mais, le plus drôle, le plus paradoxal, c'est qu'en même temps il initie des programmes dans le domaine de la main-d'oeuvre, programme de stages, par exemple. Au moment où le gouvernement fédéral fait le discours de retrait du champ de la main-d'oeuvre, il continue de l'envahir puis d'initier de nouveaux programmes, en même temps. C'est fort, hein, n'est-ce pas? Alors, comment peut-on le croire? Comment peut-il être crédible dans son discours sur la décentralisation et la fin des chevauchements?

(17 heures)

Même chose pour les garderies, domaine exclusif des provinces, du Québec. C'est reconnu. Et, tout d'un coup, sans même aucun pourparler, aucune discussion, on apprend que le fédéral a l'intention d'initier un programme dans le domaine des garderies, avec 630 000 000 $ de crédits. Il y en a 150 000 000 $ là-dedans qui devraient nous revenir. Mais comment? Est-ce qu'on va respecter nos priorités? Est-ce qu'on va respecter nos besoins? On n'en sait rien. Ingérence, empiétement, toujours la contradiction entre le discours et la réalité.

C'est la même chose en environnement. J'ai bien connu ça quand j'étais titulaire du ministère de l'Environnement et de la Faune, les lois fédérales en matière d'environnement sont très fortement centralisatrices et cherchent à faire de l'État fédéral l'État maître d'oeuvre, l'État dominant en matière d'environnement et qui impose ses normes, ses standards et ses objectifs.

Sur le plan social est apparu un nouveau concept, à Ottawa, c'est le concept de l'union sociale qui vient s'ajouter au concept de l'union économique. Alors, là, non seulement le gouvernement fédéral n'a pas l'intention de se retirer du champ social, mais il conserve et il entend bien maintenir et garder ses pouvoirs normatifs, ses pouvoirs d'imposer des normes et des standards, des objectifs en matière de programmes sociaux.

Alors, ça me fait rire quand j'entends le chef de l'opposition, connaissant cette réalité, venir nous dire: Il faudrait à tout le moins amorcer des discussions sur le bon fonctionnement du régime fédéral. On s'enligne pour un joli bail, hein! On a discuté pendant 30 ans, ça n'a jamais rien donné, sauf des échecs répétés. Alors, là, il faudrait amorcer des discussions. Quand on connaît la vision du gouvernement fédéral, il faudrait amorcer des discussions... Bien, bonne chance, hein! Il ne faudra pas être pressé parce que ça va durer longtemps, des années et des années. C'est ça, la proposition du chef de l'opposition. C'est encore une fois s'enliser dans le radotage constitutionnel sans résultat.

Parce qu'il y a, chez le chef de l'opposition, un phénomène de pensée magique, vous savez, ce genre de... La pensée magique, c'est-à-dire qu'on s'imagine qu'en pensant quelque chose ça devient réalité. C'est ça, la pensée magique; on devient magicien par la pensée. Il y a un phénomène de pensée magique extraordinaire chez le chef de l'opposition, relativement au Canada anglais. Il n'a pas besoin de baguette, c'est juste par la pensée, pensée exprimée par des paroles. Il s'imagine que le Canada anglais a changé; c'est ça, la pensée magique du chef de l'opposition. Il s'imagine que le Canada a changé profondément, qu'il a modifié en profondeur sa vision du Québec et du Canada – c'est ça qu'il s'imagine, c'est ça qu'il nous a dit à la fin de son allocution – ce qui est totalement faux, ça ne correspond d'aucune façon à la réalité.

Et, là, il suffit de se rappeler le dernier sondage de Radio-Canada, il y a quelques semaines, quelques mois, couvrant l'ensemble du Canada, le dernier sondage de Radio-Canada sur les relations entre le Canada anglais et le Québec, les visions respectives du Canada anglais et du Québec concernant l'avenir du régime fédéral, les changements à y apporter. C'est très éloquent. Le Canada anglais n'a pas changé du tout. Il ne veut rien savoir d'un quelconque statut particulier ou spécial pour le Québec. Il s'y oppose farouchement et avec des proportions considérables, dans les sondages. Il ne veut rien savoir de ça. Quand on évoque, au Canada anglais, dans des sondages ou autrement, la possibilité ou l'éventualité que le Québec ait un statut un peu particulier, spécial, parce qu'au Québec vit un peuple différent, distinct, une communauté nationale distincte, aussitôt que vous évoquez ça au Canada anglais, c'est le braquage et le refus systématique et largement majoritaire. C'est toujours le cas. Et c'est ça qu'on appelle la pensée magique. Le chef de l'opposition prétend que le Canada anglais a changé, qu'il y a des ouvertures, qu'il y a un changement dans la vision du Canada anglais à l'égard du Québec. Si c'est le cas, ça n'a pas duré longtemps, ça a duré le temps d'une manifestation à Montréal, avec des autobus nolisés gratuitement par des gouvernements d'autres provinces, tel que décrit dans le rapport du Directeur général. Ça a duré ce temps-là, donc très éphémère. Puis, après le référendum, on est revenu aux bonnes vieilles habitudes puis à la bonne vieille vision qui prévaut, qui prime au Canada anglais à l'égard du Québec. Alors, il n'y a pas de changement dans la vision, de sorte que s'engager encore une fois dans un effort pour soi-disant renouveler profondément le régime fédéral, c'est inéluctablement s'engager dans une impasse, dans un cul-de-sac et c'est voué inéluctablement à l'échec, comme ce fut le cas pendant les 30 dernières années.

Par conséquent, M. le Président, je voudrais conclure là-dessus en répétant d'abord très clairement qu'il n'y a pas de mandat d'aucune sorte qui est issu du référendum, du scrutin du 30 octobre 1995. Il n'y en a pas, de mandat issu de ce scrutin, puisque le seul qui était en jeu a été rejeté. Le seul en jeu a été rejeté. Alors, n'essayez pas de faire croire au monde puis d'essayer de faire croire, ici, à l'Assemblée nationale, par des motions, que, le mandat de faire la souveraineté ayant été rejeté, on se retrouve avec un autre qui est celui de renouveler le fédéralisme. Non, non, non, non. Non, non. Ce n'était pas en jeu, ça. Ce n'était pas en cause du tout.

Donc, il n'y en a pas, de mandat issu du référendum. Par conséquent, le gouvernement, après le 30 octobre 1995, s'est retrouvé avec le mandat général issu d'une élection. C'est ce mandat-là qu'on a reçu en 1994 à l'élection générale, c'est-à-dire le mandat général qu'un gouvernement doit assumer et qui consiste à défendre les intérêts de la population, à bien administrer le Québec, à bien gérer les fonds publics puis à prendre des bonnes décisions quant aux intérêts de la collectivité. C'est ça, le mandat général qui est issu d'une élection. Celui-là, on ne l'a pas perdu, on l'a toujours depuis 1994, depuis septembre 1994, et on continue pleinement de l'assumer.

C'est d'ailleurs dans cette perspective que, vous le savez, M. le Président, le gouvernement québécois s'est résolument engagé dans une vaste opération de redressement des finances publiques, et Dieu sait que ça pressait, que c'était urgent, après le passage du Parti libéral au gouvernement. Il y avait comme urgence. C'est à ça, maintenant, qu'on consacre nos efforts: redresser les finances publiques. Ça va prendre quelques années. Ça ne pourra pas se faire en criant lapin, en un seul exercice budgétaire, on le sait. C'est ça, maintenant, qu'on doit faire.

Relativement au gouvernement fédéral, l'attitude du gouvernement, c'est une attitude empreinte de pragmatisme. Oui, on est prêt à régler des dossiers concrets, puis c'est ce qu'on a fait dans certains cas, puis c'est ce qu'on veut faire également, mais il n'est pas question, d'aucune façon, que ce gouvernement se considère comme mandaté par la population pour s'engager encore une fois dans une voie sans issue qui est celle d'un soi-disant renouvellement du régime fédéral. C'est pour cette raison que nous allons voter contre la motion présentée par le chef de l'opposition. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Lac-Saint-Jean et ministre responsable des Affaires intergouvernementales canadiennes. J'accorde maintenant la parole au député de Rivière-du-Loup. M. le député, vous avez un temps de parole de 10 minutes.


M. Mario Dumont

M. Dumont: Merci, M. le Président. D'abord, lorsque j'ai vu la motion du chef de l'opposition, a priori, il me semblait que, dans le format de la motion, il y avait lieu de s'entendre, et j'aurais été tenté de m'associer à la motion du chef de l'opposition, bien que, avec ce qu'on a vu cet après-midi, ces tristes événements qui vont laisser une trace longtemps, sûrement, sur le Parti libéral du Québec, ça n'ait pas été tentant de s'associer aujourd'hui avec le Parti libéral. Mais, néanmoins, j'ai regardé attentivement la proposition.

(17 h 10)

Il y a cependant un mot sur lequel j'ai accroché et qui était contraire à tout ce que je pouvais espérer, c'est le mot «négocier». «Droit à l'autodétermination», pas de problème avec ça. Le choix référendaire a été accepté par tout le monde. Pas eu besoin du chef de l'opposition pour m'aider le soir même, le 30 octobre au soir, à accepter pleinement de demander au gouvernement du Québec et au gouvernement du Canada de collaborer, de travailler ensemble dans des dossiers. Combien on espère ça, comme les citoyens sont tannés, disent: Le 30 octobre, on a réglé une affaire par un vote. La majorité est mince, mais, en démocratie, c'est le prix à payer. Il y a des membres de l'Assemblée nationale qui se présentent ici, qui viennent représenter une population avec des majorités minces, et c'est une des règles de base de notre démocratie.

Mais de négocier, M. le Président, on sait ce que c'est. On se souvient des épisodes de Charlottetown, on s'en souvient très bien des épisodes de Charlottetown. À l'époque, le Parti libéral du Québec avait pris une position ferme et intéressante avec l'adoption du rapport Allaire. C'est que, dorénavant, on discutait d'un à un avec le gouvernement fédéral. Plus de rondes de négociations interminables, plus d'histoires d'aller s'asseoir à la table. Puis, les tables de premiers ministres, on avait vu ce que ça avait donné avec l'accord du lac Meech: des semaines de temps à ne pas savoir si Terre-Neuve allait être d'accord, puis l'autre, puis tout un chacun tire l'élastique de son bord. On a dit: Plus de ça. C'est Robert Bourassa qui était le premier ministre du Québec, chef du Parti libéral, à l'époque, qui avait dit: Dorénavant, on parlera d'un à un avec le gouvernement fédéral.

Puis, là, aujourd'hui, après qu'on a eu plusieurs années où, à chaque année, on a eu, à l'occasion d'élections, à l'occasion du référendum, des débats constitutionnels, le chef de l'opposition nous amène une motion pour dire au gouvernement: Mettez certaines de vos priorités de côté puis mettez vos énergies pour aller négocier, reprendre les négociations constitutionnelles.

Lui-même, le chef de l'opposition... Et, je dois avouer qu'il m'a amené un éclairage nouveau sur l'utilisation du mot «distinct». Il remontait, je pense, à 1916, avec Wilfrid Laurier. C'est un éclairage historique que je suis heureux d'apprendre, un éclairage historique que je n'avais pas et qui nous rappelle, je pense, à quel point c'est compliqué, à quel point le renouvellement du fédéralisme, ça ne bouge pas. Moi, je pensais que ça faisait aux environs de 30 ans, mais, là, il nous dit que c'est depuis 1916 que le Québec est distinct. Hein, il est poussé! Puis, quand on a essayé de l'enchâsser dans la Constitution, 70 ans plus tard, avec l'accord du lac Meech, on n'a pas réussi. Alors, je pense que le chef de l'opposition – qui était à l'époque au gouvernement, qui a vécu l'échec de Meech et qui, lorsque le premier ministre de l'époque, M. Bourassa, a dit qu'il n'était plus question d'aller négocier à 11, s'est levé pour l'applaudir – aujourd'hui, il arrive avec une motion qui n'est pas cohérente avec les positions de l'époque.

Tout ça étant dit, sur l'esprit de la motion, M. le Président, je suis d'accord que le gouvernement du Québec ait une approche positive, une approche de collaboration dans tous les dossiers avec le gouvernement fédéral. J'avais même préparé un amendement, mais, suite aux demandes du chef de l'opposition et par fair-play, comme il l'a demandé, je ne le déposerai pas. Mais je vais quand même le lire. Moi, j'aurais été prêt à une résolution tout à fait semblable, mais qui dise: Qu'elle enjoigne le gouvernement du Québec à donner suite à cette volonté démocratique en acceptant d'évaluer de bonne foi toute offre formelle de renouvellement du fédéralisme. Parce que je ne pense pas que le gouvernement du Québec, dans les prochaines semaines, les prochains mois, doit tasser ses énergies de l'emploi, tasser ses énergies du redressement des finances publiques puis les mettre sur la négociation constitutionnelle. Je ne pense pas que ça serait une bonne chose, personnellement.

Mais je l'ai dit à plusieurs reprises, l'image que j'ai employée l'automne dernier, au lendemain du référendum, c'est: Il faudra ouvrir le courrier qui nous vient d'Ottawa et l'évaluer de bonne foi, parce que c'est l'option du Non qui a remporté le dernier référendum. Ça a clos un épisode puis ça nous amène à une trêve. Je l'ai dit à plusieurs reprises, pour moi, une trêve, ce n'est pas six mois. Ce n'est pas après neuf mois qu'on recommence à parler de référendum, ce n'est pas après 11 mois. C'est des années, une trêve. C'est des années où on laisse un repos à notre population, où on laisse notre économie repartir, puis on travaille sur d'autre chose. Mais une trêve, c'est aussi qu'on ne remet pas notre gouvernement, qu'on ne reparalyse pas notre gouvernement dans des négociations constitutionnelles. Sauf que, si ceux qui, lors de la campagne référendaire – ils sont même venus nous le dire à Montréal par des marches, puis le premier ministre du Canada était là, puis il faisait des discours, puis il se faisait acclamer – sont venus nous dire qu'on allait avoir du changement, on est en droit, comme élus de l'Assemblée nationale représentant la population du Québec, d'attendre la marchandise, d'attendre le changement. Et je pense qu'on a une responsabilité. Sans donner au référendum les interprétations qu'il n'a pas, on a une responsabilité que les engagements qui ont été pris, même s'ils étaient on ne peut plus flous, par ceux qui ont gagné le référendum d'offrir du changement, de dire: Nous, on va ouvrir l'enveloppe, on va regarder quelles sortes de changements ils nous proposent. On va regarder s'ils sont sérieux. On va regarder si, durant la campagne référendaire, ils ont conté des histoires à la population pour essayer de l'amener à voter Non ou bien s'ils étaient sérieux et avaient véritablement dans leur tête des idées de changement.

C'est sûr que, jusqu'à aujourd'hui, ce n'est pas rassurant. Jusqu'à aujourd'hui, ce n'est pas bien, bien encourageant. Et on a l'impression que le gouvernement fédéral, au contraire, veut continuer à empiéter, veut continuer à avoir la même vision d'affaiblissement du Québec et centraliser les choses. Et, en contrepartie, il fait des menaces sur le Québec. Il fait des menaces. Des avocats, dans l'affaire Bertrand... Mais, il peut changer d'idée, le gouvernement fédéral.

Alors, moi, je dis: Ne plaçons pas le gouvernement du Québec dans une position de faiblesse. S'il vous plaît, ne distrayons pas le gouvernement du Québec de certaines priorités, même si les actions ne sont pas toujours là. Mais, au moins, ne faisons pas exprès, laissons-le travailler sur ses priorités puis ne le poussons pas à aller se réembarquer dans le bourbier. On s'en souvient, les dernières semaines avant l'échec de Meech, les semaines quand Robert Bourassa a décidé de mettre de côté son engagement et de retourner négocier à 11, il y avait des engagements de pris et il n'a pas pu résister à la tentation. Ça a été le début de la fin de ce qui aurait pu être un grand épisode. Le début de la fin. Et là, la fin, on est train de la voir. Aujourd'hui, le Parti libéral, ce n'est pas loin de la fin, quand ils ne sont pas capables de voter, de se lever debout et de voter sur une motion pour réitérer le droit du Québec à l'autodétermination. Mais, quand ça a été le début de la fin, il est retourné négocier, a succombé à la tentation et est retourné négocier à 11.

Passons aux manchettes de journaux, les chicanes... C'est les Maritimes, une province qui n'est pas plus grosse que la ville de Longueuil, et là qui vient dire que ça ne marchera pas et que tout le monde a son droit de veto. Moi, je ne veux pas rembarquer là-dedans. Je ne veux pas. Je ne veux pas que nous, l'Assemblée nationale, on encourage notre gouvernement du Québec à pousser pour qu'on revive le même genre d'horreur, qu'on revive le même genre d'impression de tourner en rond qui n'aboutit à rien. Mais qu'on soit ouvert.

Il y a eu un résultat référendaire. Il y a des gens qui ont pris des engagements et qui ont mis la barre haute. Et, malgré leurs engagements... L'expression que j'ai utilisée le soir du référendum, c'est: Les fondations du Canada, de la Colombie-Britannique à Terre-Neuve, ils les ont senties craquer le soir du référendum, quand ils ont vu évoluer les résultats. Parce que, malgré ça, il y a beaucoup de monde qui ne les a pas crus. Il y a beaucoup de monde qui ne les a pas crus. Mais il y en a une majorité qui les a crus. Alors, là, qu'on attende la marchandise, qu'on attende de voir ce qu'ils ont à nous mettre sur le plateau, comme changements, et puis qu'on l'évalue.

Mais, dans le respect du fair-play que nous a demandé le chef de l'opposition, je conserve mon amendement. Et je me contenterai, M. le Président, de voter contre, pas tellement l'esprit, peut-être une partie de l'esprit de ce qui est recherché, mais sûrement contre ce mandat que donnerait l'Assemblée nationale à son gouvernement de se détourner de priorités – qui sont beaucoup plus fondamentales pour moi – pour retourner dans le bourbier des négociations constitutionnelles. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Rivière-du-Loup. Il reste au groupe parlementaire de l'opposition officielle un temps de parole de cinq minutes, suivi de la réplique du chef de l'opposition de 10 minutes. Alors, au temps de parole du groupe gouvernemental il reste 24 minutes. J'accorde immédiatement la parole au député de Châteauguay. M. le député.


M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier: Merci, M. le Président. Cinq minutes c'est bien court, mais, comme nous parlons de ce sujet depuis maintenant une grosse semaine plutôt que d'avoir un gouvernement qui gouverne, je pense que c'est peut-être suffisant.

(17 h 20)

Rappelons quand même le débat, M. le Président. La question est de savoir, au net-net: Est-ce que les Québécois ont le droit de décider de leur avenir? Oui, ça c'est clair, M. le Président, tout le monde le dit en cette Chambre. La motion qui était déposée par le premier ministre, il faut la comprendre, puisque, en même temps, le chef de l'opposition en déposait une qui demandait, en plus de réaffirmer le droit à l'autodétermination, de créer un pouvoir à cette autodétermination, qu'il y ait un mandat qui découle de cet exercice de l'autodétermination, que ça veuille dire quelque chose, le droit à l'autodétermination. Or, M. le Président, on ne peut plus clairement, le ministre des Affaires intergouvernementales nous a dit: Il ne s'est rien passé le 30 octobre, M. le Président. Notre projet a été refusé, on n'a pas de mandat. Bien, j'ai de petites nouvelles, M. le Président. D'ailleurs, le député de Rivière-du-Loup vient de nous dire combien le camp du Non avait parlé du changement. Le chef de l'opposition a parlé du manifeste du Non. On parlait du changement. Et les Québécois, à mon avis, M. le Président, il y a peut-être juste au niveau du Parti québécois où ils pensent que les Québécois veulent le statu quo. C'est ce qu'ils nous disent. Il ne serait pas tellement logique avec eux de continuer de pousser pour la souveraineté. Ils essaient de nous dire que les Québécois ne veulent rien, qu'ils n'ont pas de mandat.

Mais, M. le Président, il doit bien y avoir une espèce d'obligation, si ce n'est pas légale, morale, à un gouvernement qui a été élu, de représenter les Québécois. Qu'est-ce qu'ils ont dit, les Québécois, le 30 octobre? Ils ont dit: On ne veut pas se séparer du Canada, M. le Président. Et, moi, je ne pense pas qu'ils ont dit: On veut le statu quo. Il y en a un ici, l'autre côté, qui pense ça. Je pense que le ministre des Affaires intergouvernementales sait ce qu'il nous a dit. Lui, il pense ça. Ça ne tient pas la route, M. le Président. Ça ne tient pas la route. Il y a un mandat qui découle de cet exercice du droit à l'autodétermination. Quand, nous, on l'affirme...

Et c'est pour ça que cette motion, M. le Président, est bien plus complète que celle du premier ministre. Cette motion, elle ne fait pas qu'affirmer le droit à l'autodétermination, elle donne l'obligation aux gouvernements qui représentent notre population, le gouvernement du Québec, le gouvernement du Canada, de donner suite à l'exercice de ce droit à l'autodétermination. C'est pourtant simple à comprendre. Quand j'entends le ministre, quand je vois le gouvernement, qui ne veut pas donner effet au droit à l'autodétermination, nous parler de journées sombres pour le Parti libéral du Québec, M. le Président, je leur dis ceci: Nous, du côté de l'opposition, nous nous sommes érigés en rempart de la démocratie et du véritable droit des Québécois à l'autodétermination, parce que le droit à l'autodétermination ne signifie pas seulement que les Québécois choisissent la séparation. Lorsque les Québécois choisissent de rester dans le Canada, qu'ils veulent des changements, ça peut vous embêter, vous pouvez ne pas tellement apprécier, mais, si vous reconnaissez que les Québécois ont le droit à l'autodétermination, reconnaissez le résultat de l'exercice de ce droit.

M. le Président, je n'aurai pas le temps de faire le tour de ce que j'ai entendu de la part du ministre des Affaires intergouvernementales, mais simplement pour lui dire, à propos de la société distincte, qui est une des pistes de changement qui pourrait être suivie par ce gouvernement... Il dit: C'est insignifiant, la société distincte. Je me souviens, moi, M. le Président, que le premier ministre actuel, il était pour ça, la société distincte. Est-ce que son ministre est en train de nous dire que le premier ministre est insignifiant, M. le Président? Je suis sûr que ce n'est pas ça qu'il voulait dire. Je suis sûr que ce qu'il voulait dire, c'est: On ne veut pas qu'il y en ait, des changements, parce que, s'il y en avait, M. le Président, s'il fallait qu'on travaille dans le sens du droit à l'autodétermination, qu'on respecte le résultat, qu'on respecte la démocratie, qu'on respecte les Québécois, on travaillerait pour le changement, on obtiendrait du changement, puis ça serait fini, la séparation. Puis, ça, ils ne veulent pas ça, M. le Président, parce que ce n'est pas leur projet, le Canada.

J'entendais le député de Rivière-du-Loup nous parler de négociation. Lorsqu'ils parlent d'un partenariat, autant le député de Rivière-du-Loup que le monde du Parti québécois, M. le Président, comment ils pensent que ça arrive, ça? Et, s'ils n'ont pas confiance dans le Canada, qu'ils démolissent, qu'ils n'arrêtent pas de nous parler comme si c'était l'ennemi juré, à quel partenariat aspirent-ils? Ils n'ont...

Et je termine là-dessus, M. le Président. Malheureusement, je ne peux pas compléter. Simplement un message à passer à tous ceux qui vont déchirer leur chemise sur la démocratie: se souvenir que le 30 octobre, pas dans trois ans, dans 10 ans, dans 15 ans, le 30 octobre dernier, nous avons exercé notre droit à l'autodétermination. Est-ce que ce n'est pas la meilleure affirmation que nous avons cette capacité? Et, si nous voulons être convaincants, nous allons aujourd'hui, à Québec comme à Ottawa, respecter le résultat, travailler dans le sens des intérêts des Québécois, parce que je ne connais aucun gouvernement du Québec avant celui-ci qui a renoncé à travailler pour les intérêts des Québécois alors qu'il avait été élu pour cela. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Châteauguay. J'accorde maintenant la parole à la députée de Terrebonne et leader adjointe du gouvernement. Mme la leader adjointe.


Mme Jocelyne Caron

Mme Caron: Merci, M. le Président. Les deux intervenants de l'opposition qui ont parlé sur cette motion-là ont commencé de la même façon, le chef de l'opposition en nous disant: Enfin une motion qui va nous permettre de parler sans être bâillonnés – en ne souhaitant pas d'amendement, évidemment, sur notre motion – sans procédure exceptionnelle! Comme si c'était le gouvernement qui avait empêché l'Assemblée nationale de voter, de parler sur une motion sans procédure exceptionnelle.

On va se rappeler c'était quoi, le premier geste du gouvernement. Mardi, 14 mai, le leader du gouvernement s'est levé, a proposé une motion sans préavis, une motion sur laquelle les députés de l'Assemblée nationale pouvaient parler, pouvaient débattre sans restriction et qu'ils pouvaient adopter sans autre procédure. L'opposition avait reçu copie de cette motion trois heures à l'avance. Ils savaient que cette motion serait déposée, ils savaient son contenu et ils avaient le droit d'en débattre. Ils ont choisi de ne pas suivre cette proposition du gouvernement, ils ont choisi de ne pas en débattre. C'était leur choix. Ils ont préféré déposer une autre motion qu'ils ne nous avaient pas fait parvenir, obligeant ainsi le gouvernement à déposer une motion de suspension des règles.

Mais la motion qui a été déposée avant tout, le 14 mai, à l'Assemblée nationale, c'est la motion suivante: «Que l'Assemblée nationale réaffirme que le peuple du Québec est libre d'assumer son propre destin, de déterminer sans entrave son statut politique et d'assurer son développement économique, social et culturel.» Et, comme le texte de cette motion-là était copié directement sur plusieurs textes qui avaient déjà été adoptés par l'opposition au moment où elle était au gouvernement, nous ne nous attendions pas à être obligés de prendre d'autres procédures, parce qu'on s'attendait à ce que, comme tous les partis politiques l'avaient toujours reconnu, le droit du peuple québécois à l'autodétermination soit voté, permettant à chacun de débattre et de voter tout simplement. Le tout aurait pu se faire très rapidement, en peu de temps.

Le député de Châteauguay s'est levé, il nous a dit: Bon, cinq minutes, c'est suffisant pour parler d'un sujet qui a pris beaucoup de temps. Bien, ce sujet-là, il aurait pu prendre très peu de temps. On aurait pu avoir deux intervenants de chaque côté, voter la motion sans autre procédure. Non. On a donc dû, M. le Président, puisqu'on a refusé de voter cette motion-là, présenter une motion de suspension des règles.

L'opposition aurait très bien pu, à ce moment-là, ne pas faire de procédure très longue. On aurait pu avoir un débat restreint de deux heures, discuter sur la proposition, et le vote aurait pu se faire sur cette proposition-là. Non. On a choisi d'avoir des procédures dilatoires, ce qui nous a obligés à ramener cette semaine une motion.

On nous a dit aussi, M. le Président, qu'il était inconcevable de perdre du temps, de perdre autant de temps pour reparler d'une évidence, qu'on ne pouvait pas perdre de temps pour parler d'une évidence, qu'il y avait beaucoup d'autres sujets à aborder, que le gouvernement devait parler d'éducation, de santé, de chômage, d'emplois et de services de garde. Durant toute la semaine dernière et cette semaine, lorsqu'on a fait nos procédures, on nous a répété ça, qu'on n'avait pas de temps, qu'on ne pouvait pas invoquer l'urgence, que l'urgence, c'était de parler d'éducation, de santé, de chômage, d'emploi et de services de garde.

(17 h 30)

Et, en même temps, dès que l'opposition a la chance d'avoir sa journée – c'est la journée de l'opposition, le mercredi – d'avoir sa propre motion pour parler des sujets qu'elle juge importants, qu'elle juge urgents, donc on s'attendait, bien sûr, à ce qu'elle veuille aujourd'hui avoir une motion sur l'éducation ou la santé, ou le chômage, ou l'emploi, ou les services de garde. C'est ça qu'ils nous ont demandé, la semaine dernière. C'était ça, l'urgence, la semaine dernière. Au lieu de nous parler des sujets qu'ils nous disent urgents, ils nous présentent aujourd'hui, dès qu'ils ont une occasion de choisir la motion, une motion qui vient reparler du sujet constitutionnel, mais, cette fois-ci, bien sûr, en l'interprétant à leur façon. Mais, lorsque c'est à leur façon qu'on en parle, là on peut prendre le temps, là ce n'est pas une perte de temps. C'est normal, c'est correct, on peut le faire.

Bien, je pense que ce n'est pas tout à fait ça, et la population aura à juger un parti, une opposition qui, durant deux semaines, nous a dit qu'on devait parler de tous les autres sujets et non parler de cette évidence et qui, dès qu'elle a une occasion, dépose une motion et reparle du même sujet, mais cette fois-ci à sa façon. Alors, ce sera à la population de juger là-dessus, M. le Président.

On nous dit qu'il ne faut pas faire d'absolu du droit à l'autodétermination. Bien, le droit à l'autodétermination, on doit dire que le peuple l'a ou il ne l'a pas. Ce n'est pas quelque chose qui se négocie. Ou on vote pour dire que, oui, on l'a ou on vote pour dire que, non, on ne l'a pas. Il n'y a pas de... C'est un absolu. On n'a pas à faire de nuances sur ce droit-là; on doit le reconnaître, tout simplement.

M. le Président, on nous dit que la motion que nous avons déposée était une motion qui... Dans le discours du premier ministre, il y a eu un cinq minutes, sur l'ensemble du discours qui était de tout près de trois quarts d'heure, où on a parlé de l'option de la souveraineté. Donc, ça rendrait la motion partisane, parce qu'il y a eu un cinq minutes où on a parlé de souveraineté. Bien, je vais vous lire les deux motions et là la population aussi pourra juger quelle motion est la plus partisane.

Une motion, et je répète, celle du gouvernement, disait: «Que l'Assemblée nationale réaffirme que le peuple du Québec est libre d'assumer son propre destin, de déterminer sans entrave son statut politique et d'assurer son développement économique, social et culturel.» Dans cette motion-là, le peuple est libre de choisir. Il peut décider de rester dans un système fédéraliste, il peut décider d'être souverainiste, il peut décider d'être souverainiste avec un partenariat et il peut décider tout autre choix constitutionnel. Il est libre de choisir.

La motion supposément non partisane de l'opposition nous dit: «Que l'Assemblée nationale réaffirme le droit des Québécoises et des Québécois à l'autodétermination, droit exercé le 30 octobre dernier en choisissant de poursuivre le développement de la société québécoise au sein du Canada, et qu'en conséquence elle enjoigne les gouvernements du Québec et du Canada de donner suite à cette volonté démocratique en acceptant de négocier de bonne foi le renouvellement du fédéralisme canadien.» Eh bien, là, c'est leur option qui est dedans, c'est leur choix, alors que, dans notre motion, il n'y avait pas de choix constitutionnel: on a simplement réaffirmé un droit.

Si le chef de l'opposition avait voulu être non partisan, il n'aurait fait que réaffirmer le droit: «Que l'Assemblée nationale réaffirme le droit des Québécoises et des Québécois à l'autodétermination», point. C'est ça, une motion qui n'aurait pas été partisane, où on n'aurait pas décidé d'invoquer un choix partisan. Ils ont décidé d'en mettre un. Et on va même plus loin, M. le Président: le député de Châteauguay nous dit que l'autodétermination – hein, par la motion, on parle d'autodétermination – c'est le peuple qui l'a. C'est le peuple.

Et le peuple, sur quoi il a voté? Bien, c'est ça qu'on va regarder. Parce que dire que l'Assemblée nationale décide de se donner aujourd'hui le mandat de négocier de bonne foi le renouvellement du fédéralisme canadien, c'est décider que ce n'est pas le peuple qui a le mandat; c'est décider que, nous, comme Assemblée nationale, aujourd'hui, nous déciderions que nous voulons renouveler le fédéralisme canadien et que ce droit-là n'appartient pas au peuple. On dit dans la même motion que ça appartient au peuple et, en même temps, en fin de motion, on dit que, là, on va décider de négocier un renouvellement du fédéralisme canadien.

Et pourquoi on ne l'a pas, le mandat? Le mandat, M. le Président, ça part de la question qu'on pose aux citoyens, puis aux citoyennes; ça ne part pas de ce qu'on a dans notre esprit. Mais, ça, je sais que c'est très difficile à comprendre pour l'opposition. Ça, je le comprends très bien. Je l'ai, la question, M. le Président, je l'ai ressortie. C'est ça, le mandat, c'est à partir d'une question, un mandat: «Acceptez-vous que le Québec devienne souverain, après avoir offert formellement au Canada un nouveau partenariat économique et politique dans le cadre du projet de loi sur l'avenir du Québec et de l'entente signée le 12 juin 1995?»

C'était ça, la question, M. le Président. Ce n'était pas: Acceptez-vous le renouvellement du fédéralisme? La question, c'était: «Acceptez-vous que le Québec devienne souverain après avoir offert formellement au Canada un nouveau partenariat économique et politique?» Qu'est-ce qu'ils ont répondu? C'est ça, notre mandat. À cette question-là, ils ont répondu non a 50,6 %, puis ils ont répondu oui à 49,4 %. C'est ça qu'ils ont répondu, M. le Président. Ils n'ont pas répondu autre chose. On ne les a pas questionnés sur le renouvellement du fédéralisme.

Le chef de l'opposition nous dit: Il aurait dû y avoir trois questions. Au moment où son gouvernement dirigeait, il aurait très bien pu faire un référendum avec ces trois questions qu'il souhaitait: souveraineté-partenariat – celle qu'on a posée – statu quo, puis fédéralisme renouvelé. Il aurait pu le faire en 1992, au moment du référendum de Charlottetown. Ça aurait pu être ça: trois choix. Il n'a pas jugé bon de le faire. Mais, si on continue dans son raisonnement, si le bulletin avait dû avoir ces trois choix-là, bien, il y en a un choix qui y était: souveraineté-partenariat; il était là, et ils ont dit oui à 49,4 %. Elle était là, la question, puis ils ont dit oui à 49,4 %.

Donc, pour les deux autres questions, statu quo et fédéralisme renouvelé, il nous reste 50,6 %. Donc, le 50,6 %, contient des gens qui veulent le statu quo, puis des gens qui veulent le fédéralisme renouvelé. Donc, en fait, l'option qui serait la plus forte dans ce que les gens ont voté, c'est, finalement, la souveraineté-partenariat, mais on ne peut pas la faire parce qu'on a posé une seule question. Mais, si on interprétait comme le chef de l'opposition interprète, c'est ça qu'on voulait dire.

Puis on pourrait même interpréter plus loin, M. le Président, parce que, durant toute la campagne référendaire, le camp du Non, sur ses affiches, ce n'était pas écrit Non à la souveraineté-partenariat; c'était écrit Non à la séparation, donc ce qui n'était même pas la question, M. le Président. Et, si on allait dans leur raisonnement, cette question-là, ça voulait dire la séparation. Donc, les Québécois et les Québécoises ont dit non à 50,6 % à la séparation et ont dit oui à 49,45 % à la séparation. On peut interpréter, mais il faut prendre la question réelle. La question réelle, c'est: «Acceptez-vous que le Québec devienne souverain, après avoir offert formellement au Canada un nouveau partenariat économique et politique»? Et ils ont dit oui à 49,45 % et ils ont dit non à 50,6 %. Et on n'a pas le droit d'interpréter leur non.

Chacun dans nos comtés... Dans mon comté, M. le Président, ils ont voté oui à 67 %. Si j'acceptais ce mandat de négocier de bonne foi le renouvellement du fédéralisme canadien, je renierais le vote de mes électeurs et de mes électrices. À 67 %, ils m'ont donné le mandat de faire du Québec un pays souverain. C'est ça qu'ils m'ont donné comme mandat. Et, dans chacun des comtés qui ont voté non à 85 % et à 90 %, M. le Président, je suis convaincue que ces gens-là n'ont pas donné un mandat à 85 % et 90 % de renouveler le fédéralisme canadien, parce que, dans ces comtés-là il y a une portion importante de la population qui veut le statu quo. Donc, on ne peut pas interpréter.

(17 h 40)

Et, si on voulait aller plus loin, il y a eu un résultat à l'entente de Charlottetown. Comment se fait-il que le gouvernement du Parti libéral, qui, au référendum de Charlottetown, s'est fait dire non à 57 %, n'a pas interprété que les Québécois, puis les Québécoises qui ont dit non, en 1992, au renouvellement du fédéralisme, à l'entente de Charlottetown... Ils ont dit non. Est-ce qu'il aurait fallu que le gouvernement libéral, à ce moment-là, interprète que le non à l'entente de Charlottetown, au renouvellement du fédéralisme canadien, voulait dire que les Québécois voulaient la souveraineté? Est-ce que c'est ça qu'il aurait dû faire?

Parce que c'est ça qu'il nous demande de faire. C'est exactement ça qu'il nous demande de faire. Il nous dit: Votre question était sur la souveraineté-partenariat. Ils ont dit non à cette question-là, vous devez interpréter que c'est le renouvellement du fédéralisme qu'ils voulaient. Eh bien, je lui applique le même raisonnement: en 1992, à l'entente de Charlottetown, les Québécois et les Québécoises ont dit non au renouvellement du fédéralisme, à partir de l'entente de Charlottetown, à 57 %; pas à 50,6 %, à 57 %. Donc, le gouvernement libéral aurait dû dire: J'ai le mandat d'aller négocier la souveraineté, ils ne veulent pas le renouvellement du fédéralisme.

M. le Président, ce n'est pas comme ça que ça se passe. Les résultats s'interprètent à partir des questions réelles et non à partir de ce qu'on présume, de ce qu'on souhaite et de ce qu'on espère. Comment interpréter aussi les votes? Parce qu'on a entendu le chef de l'opposition nous dire: Une vaste majorité de Canadiens a demandé le renouvellement du fédéralisme. Sa vaste majorité, c'était 50,6 %. Lorsqu'il nous a parlé d'une possibilité d'un Québec souverain, bien, cette fois-ci, si c'était un 50,6 %, là, c'était très fragile, hein! Quand on parle en termes de fédéralisme, 50,6 %, c'est une vaste majorité; quand on parle en termes de souveraineté, ah! bien, là, ça devient fragile.

M. le Président, le gouvernement, à son option, a eu une réponse, réponse qu'il a acceptée. S'il ne l'avait pas acceptée, il aurait posé des gestes en conséquence. Il aurait dit: Je refuse d'accepter le résultat du référendum et je pose d'autres gestes. Nous l'avons accepté. Et qu'est-ce que nous avons décidé, à partir de ce moment-là, en gouvernement responsable? Nous avons décidé d'agir sur les dossiers dont nous sommes responsables tant et aussi longtemps que nous sommes dans le système canadien. Nous avons donc décidé, comme gouvernement, de préparer un plan d'action pour réduire le déficit, avec un échéancier précis, déficit qui va arriver à un déficit zéro autant au niveau de l'immobilisation que des dépenses courantes en 1998, et nous avons continué de gouverner. Parce que nous avions gouverné avant, il faut le rappeler. On avait quand même, au moment du référendum, 80 % des engagements du Parti québécois qui étaient déjà réalisés.

Qu'est-ce que le gouvernement fédéral a fait, lui, devant le résultat? Alors, nous, de bonne foi, nous avons continué à gouverner, nous avons continué d'agir sur l'emploi, sur le chômage, d'agir sur les dossiers qui nous concernaient, de faire des réformes importantes au niveau de la santé, au niveau de l'éducation – les états généraux s'en viennent – au niveau de l'aide sociale – ça s'en vient – et de présenter un budget responsable. C'est ça qu'on a fait.

Du côté fédéral, qu'est-ce qu'on a fait pendant ce temps-là, M. le Président? Comment on l'a interprété, le résultat du référendum? Eh bien, du côté du fédéral, on a décidé de faire de la provocation. On a présenté le plan B. On a décidé de parler de partition. On a décidé de présenter la notion de foyer, hein, de foyer national; ça, ça n'a pas duré trop longtemps, M. le Président, pas tellement, ça a brûlé assez vite. Et on a décidé d'appuyer M. Bertrand au niveau juridique. Et M. Chrétien est allé plus loin: il a aussi fait des déclarations à la Chambre des communes pour appuyer ça, M. le Président.

Donc, qui n'a pas rempli sa partie de mandat? Quant à moi, M. le Président, c'est clair, c'est le gouvernement fédéral. Et nous avions, bien sûr, devant cette nouvelle attaque... Et ce n'est pas une attaque futile, d'appuyer au niveau juridique M. Bertrand dans ses démarches, c'est un geste grave. Le gouvernement fédéral venait, par ce geste, renier tout ce qu'il avait déclaré jusqu'à maintenant au niveau des référendums. Et c'est évident que l'Assemblée nationale se devait de poser un geste et donc de présenter une motion pour réaffirmer le droit du peuple à l'autodétermination.

M. le Président, nous n'avons pas pu le faire pour des raisons que j'ai de la difficulté à comprendre. Je vous avoue que je fais partie de ceux et celles qui, jusqu'à la dernière minute, cet après-midi, ont espéré qu'au moment du vote... Parce que parler, faire un discours contre une motion qui réaffirme que le peuple du Québec est libre d'assumer son destin, c'est une chose, mais poser le geste de voter contre cette motion cet après-midi, M. le Président... Et je regardais tous les députés qui étaient devant moi et je ne comprenais pas. J'étais vraiment surprise. Et je suis convaincue que les citoyens et les citoyennes qui vivent dans leurs comtés n'ont pas compris non plus qu'on se lève pour voter contre cette motion qui disait: «Que l'Assemblée nationale réaffirme que le peuple du Québec est libre d'assumer son propre destin, de déterminer sans entrave son statut politique et d'assurer son développement économique, social et culturel.» Comment peut-on voter contre une motion qui ne fait que réaffirmer le droit du peuple, qui est neutre, qui n'appuie aucune option?

Mais je sais que les citoyens et les citoyennes de nos comtés vont comprendre que nous votions contre une motion qui nous dit non pas que le peuple a le droit à l'autodétermination, mais qui nous confirme que c'est l'Assemblée nationale qui devrait décider d'interpréter ce que le peuple voulait dire, le 30 octobre dernier. Et ça, les citoyens ne nous le pardonneraient pas parce que, le 30 octobre, la question, elle n'était pas: Est-ce que vous acceptez de renouveler le fédéralisme canadien? Il n'y avait pas trois options, il n'y avait pas trois choix. Il y avait une seule question: «Acceptez-vous que le Québec devienne souverain, après avoir offert formellement au Canada un nouveau partenariat économique?»

Et je termine, M. le Président, en disant que, si le chef de l'opposition nous dit aujourd'hui qu'à la question sur la souveraineté-partenariat il faudrait interpréter le résultat par le renouvellement du fédéralisme canadien, je dis qu'à la question, à ce moment-là, de l'entente de Charlottetown sur le renouvellement du fédéralisme canadien, qui a été rejetée à 57 %, dans sa même logique, il aurait dû aller négocier la souveraineté, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, Mme la députée de Terrebonne et leader adjointe du gouvernement. Alors, M. le chef de l'opposition, vous avez maintenant un droit de réplique de 10 minutes. M. le chef de l'opposition.


M. Daniel Johnson (réplique)

M. Johnson: Oui, M. le Président. La leader adjointe du gouvernement vient de nous servir une conception passablement originale de la démocratie et de son exercice. J'ai entendu la députée nous dire que, le 30 octobre dernier, c'était la démocratie qui s'était exprimée, mais j'ai cru comprendre qu'en même temps c'était notre option qui avait été retenue. J'essaie de voir exactement ce que la députée de Terrebonne a dit tout à l'heure. C'est un peu complexe, c'est vraiment un peu complexe. Elle a dit que notre motion était partisane parce qu'elle évoquait l'alternative à la séparation, souveraineté-partenariat ou pas de partenariat, qui est le renouvellement du fédéralisme canadien.

Elle prétend que notre motion est partisane parce que nous évoquons notre option, à nous. Oui, mais c'est l'option des Québécois, c'est l'option majoritaire des Québécois et des Québécoises. Et, si la députée de Terrebonne faisait comme moi, comme mes collègues, comme ses collègues, se promenait dans son comté et demandait aux Québécois: Qu'est-ce que c'est, votre première option, votre premier choix; est-ce que c'est la séparation ou renouveler le fédéralisme canadien, ou ne rien faire? la réponse est évidente, c'est de renouveler le fédéralisme canadien. C'est ça qui est...

(17 h 50)

On ne peut pas s'asseoir sur une vision du référendum, puis du résultat, puis de la campagne, puis qui a dit qui, puis qui a dit quoi pour en tirer la conclusion que notre motion est partisane. La motion n'est pas partisane; elle demande au gouvernement, à l'Assemblée nationale de réaffirmer le droit du Québec à l'autodétermination et de reconnaître le résultat du 30 octobre dernier. Moi, je peux bien comprendre que le gouvernement a voté quatre fois contre le premier terme et 18 fois contre le deuxième, hein? Ça a été évoqué, le droit à l'autodétermination, ici, quatre fois en 1991; le PQ a voté contre à chaque fois. Et la reconnaissance du résultat du 30 octobre, ça fait 18 fois, ici, depuis le mois de novembre, qu'on exhorte le gouvernement à faire la moindre des choses qui est de reconnaître le résultat du vote. À chaque fois, le gouvernement dit: Non, on n'a pas l'intention de traiter de ce sujet-là. Alors, quatre fois contre dans un cas, 18 fois contre l'autre terme de la motion, je ne m'attendais pas vraiment à ce que vous votiez pour, je vais vous le dire franchement, là.

Mais je ne m'attendais pas, surtout, à ce que le leader adjoint du gouvernement, ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes, nous serve des propos aussi fantaisistes, hein, je dirais une rhétorique aussi fantaisiste que celle-là. C'était fantaisiste surtout, je dirais, dans l'expression de son cheminement personnel et de celui de son gouvernement.

Le ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes a essayé de passer pour une espèce de fédéraliste fatigué qui trouve que les discussions constitutionnelles sont interminables, ne mènent nulle part, sont du verbiage et que, en conséquence, il faut se séparer. Mais, là, sauf erreur et sauf le curriculum vitae du député de Lac-Saint-Jean, avant même d'avoir le droit de vote, à ma connaissance, d'après ce que je sais, il était dans l'Alliance laurentienne, ensuite dans le RIN, ensuite un des fondateurs du PQ. On n'était pas exactement, dans les années cinquante et soixante, dans des interminables discussions constitutionnelles. Le député de Lac-Saint-Jean, comme ses collègues, lui, il est profondément convaincu qu'il faut séparer le Québec du reste du Canada. Ça fait longtemps qu'il pense ça. Ça fait au moins 30 ans qu'il pense ça. Alors, venir nous dire que, finalement, c'est à cause de Charlottetown, comprends-tu, qu'on va se séparer, de la fantaisie comme ça, j'ai rarement vu ça de la part même du député de Lac-Saint-Jean qui est responsable des Affaires intergouvernementales canadiennes...

Une voix: Et des Transports.

M. Johnson: ...et des Transports, étrangement.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Johnson: Deuxième point qui m'a frappé le plus, quelque chose de fond, là; on ne parle plus de rhétorique, on ne parle pas de faire de la comédie, comme sait le faire le député de Lac-Saint-Jean à l'occasion. On parle des responsabilités mêmes, des responsabilités ministérielles du député de Lac-Saint-Jean. Il est ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes. Moi, je lui pose une question: Qu'est-ce qu'il connaît du reste du Canada? Combien de capitales provinciales a-t-il visitées depuis qu'il est ministre? Combien de provinces, à l'extérieur du Québec, sont sur son agenda touristique des prochaines semaines et des prochains mois? Sait-il de quoi il parle?

Moi, je prétends que non, M. le Président. Il ne sait pas de quoi il parle. Il amalgame le reste du Canada comme si c'était un bloc homogène, monolithique, alors que, à l'évidence, le Nouveau-Brunswick, avec un tiers de ses habitants qui sont francophones, le nord de l'Ontario, avec 500 000 francophones, l'Alberta, avec sa tradition d'alliée naturelle du Québec dans un tas de revendications autonomistes, la Colombie-Britannique assaillie, je dirais assiégée, par une immigration asiatique, notamment, n'ont rien en commun les uns par rapport aux autres, sinon cet engagement, que nous partageons, qu'il est avantageux pour 30 000 000 de personnes en Amérique du Nord, au nord du 45e parallèle, de faire partie du même pays, un pays à l'intérieur duquel il est possible, parce que ça a été démontré, de reconnaître la différence que représente le Québec.

Le ministre ne semble vraiment pas connaître les autres Canadiens qui, je le répète, il y a 20 ans, ignoraient, dans les faits de tous les jours, la réalité que représente le fait français au Canada, sauf pour ceux qui nous côtoient immédiatement, et ça, ça se traduisait, et c'est le meilleur exemple qui me vient à l'esprit, par le fait que, il y a 20 ans, il y avait à peine 20 000 jeunes anglophones du reste du Canada qui allaient à l'école en immersion française et que, 20 ans plus tard, il y en a 300 000. C'est du monde à la messe, 300 000! Et cette progression de 20 000 multiplié par 15 à 300 000 sur 20 ans, ça représente la décision, ça, pas d'enfants de 11 ans, puis de 12 ans, mais de millions de parents canadiens anglophones qui décident qu'eux aussi participent à la richesse que représente le pays qui abrite 7 000 000 de francophones dont 6 000 000 sont ici. C'est ça que ça veut dire et c'est ça, le Canada d'aujourd'hui que vous ne connaissez pas ou ne voulez pas connaître. Et, à partir de ce moment-là...

Des voix: Bravo!

M. Johnson: ...quand on prend acte de ça de bonne foi et que les Québécois s'ouvrent à cette réalité également, et que réciproquement des Canadiens dans d'autres provinces s'ouvrent – on le voit par ces chiffres-là – à cette réalité... Je ne parle pas de la réalité des politiciens, puis des élus, puis des luttes de pouvoir, puis des chicanes dont les gens sont tannés. Je vous parle de ce que, dans le quotidien, les citoyens et citoyennes vivent quant à la richesse que représente cette diversité, eux qui font du Canada une société ou un pays qui est distinct, notamment, de son voisin au sud, les États-Unis. Ça, c'est une réalité à laquelle vous vous fermez les yeux, du côté gouvernemental, parce que ça n'intéresse d'aucune façon le gouvernement.

Mme Caron: Question de règlement! Question de règlement!

Le Vice-Président (M. Pinard): S'il vous plaît! S'il vous plaît! Mme la députée! Mme la députée! S'il vous plaît! Il nous reste trois minutes pour terminer nos débats et conclure notre journée. Alors, je vais vous entendre très brièvement, Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: Oui, M. le Président. Je veux, tout simplement, que le chef de l'opposition respecte l'article 35, paragraphe 1°. Non, M. le Président, je veux qu'il ne s'adresse pas du tout aux députés, mais qu'il s'adresse à la présidence.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci beaucoup, Mme la leader adjointe du gouvernement, et vous allez considérer également, messieurs dames les députés, que la remarque est tout à fait pertinente. M. le chef de l'opposition.

M. Johnson: Oui, M. le Président. Non, je me rends à votre décision et à la remarque qui a été faite. C'est entendu qu'à ce moment-ci ce qui est important pour le groupe ministériel, c'est de faire oublier les manoeuvres de diversion auxquelles il nous a conviés depuis 10 jours, c'est de faire oublier que c'est afin de faire oublier son inaction et la décision de ne rien faire qu'il amène des motions ici à répétition; c'est afin de faire oublier son inaction en matière économique, sociale, culturelle, financière pour le Québec qu'il amène des motions qui nous convient dans l'absolu à reconnaître une évidence qui nous unit tous, les Québécois. Mais, en même temps, le gouvernement ne peut pas en arriver à nous faire oublier et à faire oublier à une majorité de Québécois que le résultat du 30 octobre dernier, quoi qu'on en pense du côté gouvernemental, ça convie les deux niveaux de gouvernement, à Québec et à Ottawa, à travailler de bonne foi à renouveler le fédéralisme canadien.

Le député de Rivière-du-Loup s'est cherché, lui, une excuse pour voter contre. Il a trouvé le mot «négocier», comprenez-vous, dans la motion, M. le Président, pour voter contre, parce qu'il dit: Négocier, ça ne donne rien. Je me souviens juste que le député de Rivière-du-Loup a dû négocier pas mal fort avec le gouvernement parce que, au lieu d'avoir 11 000 $ de budget de recherche par député, lui, il a 67 000 $. On peut comprendre d'où vient sa conviction, à l'occasion.

Mais ce que je dis, M. le Président, à l'endroit du premier ministre, à l'endroit du gouvernement, c'est que ça existe, la démocratie. La démocratie n'existe pas seulement quand l'option du gouvernement triomphe; ça existe tout le temps, puis ça existe dans le peuple. Et, le 30 octobre dernier, le peuple a dit non à l'option de séparation, oui au renouvellement du fédéralisme canadien. C'est ça qui est arrivé le 30 octobre.

(18 heures)

Des voix: Bravo! Bravo!

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, les débats étant terminés sur la motion du député de Vaudreuil et chef de l'opposition officielle, qui se lit comme suit: «Que l'Assemblée nationale réaffirme le droit des Québécoises et des Québécois à l'autodétermination, droit exercé le 30 octobre dernier en choisissant de poursuivre le développement de la société québécoise au sein du Canada, et qu'en conséquence elle enjoigne les gouvernements du Québec et du Canada de donner suite à cette volonté démocratique en acceptant de négocier de bonne foi le renouvellement du fédéralisme canadien», est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Mme Caron: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Pinard): Mme la leader adjointe du gouvernement.


Vote reporté

Mme Caron: ...conformément à l'article 223 de notre règlement, je fais motion pour reporter le vote à la période des affaires courantes demain, jeudi 23 mai.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, je présume que vous nous faites également une demande par appel nominal.

Mme Caron: Oui, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci. Alors, considérant maintenant la fin de nos travaux, j'ajourne les travaux de la Chambre à jeudi, 14 heures.

(Fin de la séance à 18 h 2)

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