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Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le jeudi 6 juin 1996 - Vol. 35 N° 32

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Table des matières

Affaires courantes

Affaires du jour


Journal des débats


(Dix heures trois minutes)

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

Nous allons nous recueillir quelques instants.

Si vous voulez bien vous asseoir.


Affaires courantes

Aux affaires courantes, déclarations ministérielles.

Présentation de projets de loi.


Dépôt de documents

Dépôt de documents. M. le vice-premier ministre et ministre d'État de l'Économie et des Finances.


Rapport annuel de l'Association des courtiers et agents immobiliers du Québec et rapport d'activité du Fonds d'indemnisation du courtage immobilier

M. Landry (Verchères): M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport annuel 1995 de l'Association des courtiers et agents immobiliers du Québec et le huitième rapport d'activité 1995 du Fonds d'indemnisation du courtage immobilier.

Le Président: Alors, ces documents sont déposés.


Dépôt de rapports de commissions

Dépôt de rapports de commissions. Mme la présidente de la commission de l'aménagement et des équipements.


Étude détaillée du projet de loi n° 1

Mme Bélanger: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission de l'aménagement et des équipements qui a siégé les 28, 29 et 30 mai 1996 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 1, Loi sur le ministère de la Métropole. La commission a adopté le projet de loi avec des amendements.

Le Président: Ce rapport est déposé. Mme la vice-présidente de la commission de la culture.


Étude détaillée du projet de loi n° 28

Mme Frulla: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission de la culture qui a siégé le 4 juin 1996 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 28, Loi sur la Société de télédiffusion du Québec et modifiant la Loi sur la programmation éducative et d'autres dispositions législatives. La commission a adopté le projet de loi avec un amendement.

Le Président: Ce rapport est également déposé. M. le président de la commission des affaires sociales.


Consultations particulières sur le projet de loi n° 33

M. Bertrand (Charlevoix): M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission des affaires sociales qui a siégé les 28, 29, 30 mai, les 3, 4 et 5 juin 1996, afin de procéder à des consultations particulières et tenir des auditions publiques sur le projet de loi n° 33, Loi sur l'assurance-médicaments et modifiant diverses dispositions législatives.

Le Président: Alors, je crois, M. le président de la commission des affaires sociales, que vous avez un autre rapport.


Audition du président du Conseil médical du Québec en vertu de l'article 8 de la Loi sur l'imputabilité des sous-ministres et des dirigeants d'organismes publics

M. Bertrand (Charlevoix): Oui. Je m'excuse. J'ai l'honneur, M. le Président, de déposer le rapport de la commission des affaires sociales qui a siégé le 7 mai 1996 aux fins d'entendre le président du Conseil médical du Québec sur sa gestion administrative ou sur toute autre matière de même nature en vertu des dispositions de la Loi sur l'imputabilité des sous-ministres et des dirigeants d'organismes publics.

Le Président: Ces rapports sont donc déposés.


Dépôt de pétitions

Au dépôt de pétitions, Mme la députée de Mille-Îles.

Mme Leduc: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer l'extrait d'une pétition...

Le Président: Mme la députée, je m'excuse. Je voudrais vous signaler à vous et à tous les membres de l'Assemblée que, dorénavant, on va essayer de faire les choses d'une façon un peu plus conforme. D'abord, quand on sait que la pétition n'est pas totalement conforme au règlement, il faudrait d'abord demander le consentement avant de lire la pétition, puis, par la suite, dans un deuxième temps, on aura la possibilité de lire la pétition, le texte de la pétition.

Alors, est-ce qu'il y a consentement pour présenter une pétition qui n'est pas totalement conforme? M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui. M. le Président, avant de donner ou de refuser le consentement, est-ce qu'on peut connaître le sujet?

Le Président: Pardon?

M. Paradis: Avant de donner ou de refuser le consentement, est-ce qu'on peut connaître le sujet?

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, c'est un extrait de la même pétition qui a été déposée par la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne cette semaine.

Le Président: M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Oui. S'il s'agit d'une pétition qui touche le projet de retarder l'équité salariale, il y aurait, à ce moment-là, compte tenu de l'importance du sujet, consentement.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Je pense que c'est assez évident que ce n'était pas une question de règlement, M. le Président, que ça n'avait pas sa place à ce moment-ci.

Une voix: C'est vrai.

Le Président: La demande de consentement, à ce moment-ci, pour pouvoir déposer une pétition qui n'est pas totalement conforme... Je crois que, si on voulait être efficaces, on pourrait effectivement, dans l'avenir, faire en sorte qu'on identifie le sujet sans lire le texte qu'on doit normalement lire. Je comprends que, néanmoins, à ce moment-ci, il y a consentement pour que la députée de Mille-Îles présente sa pétition. Alors, Mme la députée.


Retirer les coupures prévues à l'aide sociale, adopter une loi proactive sur l'équité salariale et augmenter le salaire minimum

Mme Leduc: Je vous remercie, M. le Président. J'ai l'honneur de déposer l'extrait d'une pétition signée par 17 500 pétitionnaires, citoyens et citoyennes du Québec.

«Considérant que les personnes prestataires de la sécurité du revenu vivent déjà bien au-dessous du seuil de pauvreté;

«Considérant que le salaire minimum actuel ne permet même pas à une personne seule de vivre au niveau du seuil de pauvreté;

«Considérant que l'avant-projet de loi sur l'équité salariale que le gouvernement du Québec a déposé est loin de satisfaire aux besoins de toutes les femmes;»

L'intervention réclamée se résume ainsi:

«Nous, soussignées et soussignés, demandons à l'Assemblée nationale d'intervenir auprès des ministres concernés afin que les coupures prévues à l'aide sociale soient retirées, et que soit adoptée une loi proactive sur l'équité salariale qui soit satisfaisante, et que le salaire horaire minimum soit augmenté à 7,60 $, le 1er octobre 1996.»

Je certifie que cet extrait est conforme à l'original de la pétition.

(10 h 10)

Le Président: Cette pétition est déposée.

Il n'y a pas, par ailleurs, d'interventions portant sur une violation de droit ou de privilège ou sur un fait personnel.


Questions et réponses orales

Nous en arrivons maintenant à la période des questions et des réponses orales. M. le chef de l'opposition officielle.


Nature des sujets discutés au cours de la visite du premier ministre aux États-Unis

M. Johnson: Oui, le premier ministre, chez nos voisins de la Nouvelle-Angleterre, est allé donner, pendant deux jours, et surtout hier, une performance proprement extraordinaire.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.

M. Johnson: Et ceux de ses collègues qui ont compris l'objet de ma question n'applaudissaient pas, M. le Président. Vous l'aurez remarqué.

Le premier ministre est allé en Nouvelle-Angleterre représenter tous les Québécois. Il n'était pas, dans ces rencontres qu'il a eues, dans un forum partisan. Je le lui rappelle. Ici, dans les forums partisans, on est habitué au double langage du premier ministre. On voit que, sur de nombreux sujets, il a les vérités variables assez faciles et des sincérités successives. Il a franchi un autre pas, hier, sur cette voie. Le premier ministre a voulu, et tout le monde le sait, cacher une évidence, c'est-à-dire celle qui préoccupe nos concitoyens, oui, mais également nos voisins.

La question que je pose au premier ministre est toute simple: Pourquoi a-t-il tenté de cacher aux Québécois que nos voisins américains sont intéressés et inquiets par l'option du gouvernement? Pourquoi avoir tenté de faire croire aux Québécois et aux Québécoises que l'option du premier ministre n'a aucun impact sur nos relations avec l'étranger? Pourquoi avoir dit le contraire de la vérité aux Québécois?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, j'ai été très heureux de pouvoir me rendre aux États-Unis pour discuter des choses que ce gouvernement fait, et je peux vous dire que j'étais fier d'expliquer à mes vis-à-vis, en privé comme en public, ce que nous faisons pour créer de l'emploi au Québec, pour restaurer les finances publiques, remettre de l'ordre dans la maison financière du Québec, et tout le monde est extrêmement satisfait de cela, M. le Président. Et je dois dire que j'ai été très bien reçu, sachant très bien que c'était le Québec qui était bien reçu par nos voisins.

Ceci étant dit, M. le Président, m'adressant en public à une prestigieuse société d'études et à une tribune new-yorkaise importante, j'ai rappelé les paramètres de la situation politique, les grands éléments du calendrier politique et j'ai insisté, d'une façon extrêmement importante, sur la nécessité dans laquelle nous nous trouvons, les États-Unis comme nous, nos partenaires des États américains comme nous, d'accélérer les échanges commerciaux, compte tenu du fait que les bienfaits de l'ALENA se manifestent de plus en plus. Au cours des cinq dernières années, le Québec a accru ses exportations aux États-Unis de 16 % par année, pendant cinq ans, ce qui est une création d'emplois; il faut continuer sur cette lancée, et tout le monde est d'accord aux États-Unis, M. le Président.

Pour ce qui est de cet incident auquel fait référence le chef de l'opposition, M. le Président, il s'agit d'un rapport que j'ai fait hier, à la fin de la journée, d'entrevues avec quatre gouverneurs que j'avais eues, où j'ai dit que nous avions parlé d'économie, ce qui est vrai, mais où, à une question qui m'a été posée concernant «Est-ce qu'on a montré de l'inquiétude sur l'instabilité économique qui pourrait résulter du projet souverainiste québécois?», j'ai répondu: Non, il n'y a pas eu de discussion là-dessus, ça n'a pas été soulevé. Ayant mal compris, ensuite une question additionnelle portait sur «Qu'est-ce qui arriverait pour le Canada anglais?». J'avoue, et je le dis en toute modestie, que, dans la fatigue du moment, à la fin du voyage, je n'ai pas saisi la question, et le «scrum», comme on l'appelle, s'est terminé.

Un de mes assistants m'a dit immédiatement: M. Bouchard, vous oubliez qu'à la fin de la rencontre le gouverneur Weld s'est informé de ce qui arriverait au Canada anglais après la souveraineté. J'ai dit: C'est vrai. J'ai tout de suite dit aux journalistes: J'ai oublié de vous dire, en effet, que j'ai eu une question là-dessus. J'ai répondu franchement...

Une voix: Bravo!

M. Bouchard: ...j'ai répondu franchement que personne ne peut répondre pour le Canada anglais là-dessus, que c'est leur décision, ils la prendront à la lumière des événements qui surviendront, et que, si on me demande ce que j'en pense, je pense que c'est une véritable nation en soi, et qu'ils resteront ensemble. Voilà.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le chef de l'opposition.

M. Johnson: Est-ce que le premier ministre est en train de vouloir nous faire croire qu'à sept reprises, pas trois, à sept reprises le premier ministre a oublié que, pendant une conversation d'une demi-heure – c'est plus court que la période de questions, ça – son option a été mentionnée par au moins un de ses interlocuteurs, que les effets de la réalisation de son option de séparation sur le reste du Canada ont été mentionnés par son interlocuteur, que, pendant une conversation d'à peine une demi-heure, le négociateur en chef de l'entente avec le reste du Canada d'un Québec séparé a oublié qu'un gouverneur voisin avait parlé de son option? Est-ce que le premier ministre nous prend pour des caves?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, il s'agit d'un voyage de deux jours qui était rempli comme un oeuf, au point de vue de son horaire, qui m'a fait rencontrer des douzaines et des douzaines de personnes, des gens qui investissent au Québec, des gens qui achètent nos obligations, des gens qui les vendent, des investisseurs privés. Il y a eu de multiples rencontres en privé, en public, et je n'ai refusé de répondre à aucune des questions qui m'ont été posées, et j'y ai répondu franchement.

Pour ce qui est de cette dernière entrevue, l'avant-dernière, je crois, avec le gouverneur Weld de Boston, je me suis rappelé, après qu'on me l'eut souligné, qu'il y avait eu une question de posée à la fin, mais à la fin d'une rencontre qui avait porté sur l'économie, les échanges commerciaux, à l'instar des autres rencontres qui ont précédé.

M. le Président, nous n'avons rien à cacher. Ce que nous disons ici, nous le disons là-bas. Je l'ai dit en public, à New York, devant les 350 personnes qui s'étaient réunies au Plaza pour entendre ce que nous faisons au Québec et pour savoir ce qui arrivait du projet souverainiste. Je n'ai rien à cacher, les Québécois non plus. Nous sommes fiers de ce que nous faisons et de ce que nous ferons ensemble.

Des voix: Bravo! Bravo!

Le Président: M. le chef de l'opposition.

M. Johnson: Que M. le premier ministre n'ait rien à cacher, il faut s'entendre, c'est une question d'opinion, ça, bien évidemment; une question d'appréciation de sa part, de façon assez originale.

Est-ce que le premier ministre est en train de nous dire que personne d'autre, pendant deux jours, des milieux financiers, des milieux d'affaires, des milieux académiques, des milieux des médias et des milieux politiques, personne d'autre que le gouverneur Weld n'aurait abordé, accidentellement et accessoirement, si je comprends le premier ministre, la question de son option fondamentale? Est-ce que le premier ministre, négociateur en chef, chef d'un parti dont l'article 1 vise à faire du Québec un pays séparé du reste du Canada a la mémoire aussi sélective – aussi sélective – lorsqu'il est question de parler de son option à lui, qu'il est en train de vouloir nous faire croire qu'une seule personne, en 48 heures, de toutes celles qu'il a rencontrées, lui a parlé de ça? C'est ça qu'il est en train de nous dire?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, je viens de dire que j'en ai parlé moi-même durant mon discours devant la Foreign Policy Association à New York, et je faisais un compte rendu pour les rencontres avec les quatres gouverneurs. Je me rappelle même d'avoir mentionné, durant le «scrum» que j'ai fait, que le midi même, hier midi même, j'ai rencontré des gens, des investisseurs, des gens du milieu économique, du milieu des médias et de différents milieux de Boston, qui m'ont parlé de la question. Ils m'en ont parlé. Nous en avons discuté, parce que c'était une discussion très élaborée, c'était un dîner qui a duré quelques heures où ça a été abordé. Ça a été abordé dans les rencontres avec les investisseurs. C'est normal que les gens s'interrogent de ce qui se passe au Québec.

Je leur ai expliqué, M. le Président, que la souveraineté du Québec, ça se ferait par une démocratie, qu'il y aurait un vote pour savoir s'il y aurait un référendum d'abord, que la population allait décider, que le Québec était une population de libre-échange, que nous exportons, que nous allons continuer de faire des affaires avec le reste du Canada comme avec les Américains. Les Américains, ce qu'ils veulent, c'est la continuité des échanges.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le chef de l'opposition.

M. Johnson: Si le premier ministre souscrit à l'énoncé que, pour lui, toute vérité n'est pas bonne à dire, est-ce qu'il pourrait se rendre compte que, comme premier ministre des Québécois, il doit dire la vérité et qu'il ne doit pas tenter de faire croire aux Québécois que ce qui préoccupe certains de nos voisins américains, bien au-delà du seul gouverneur Weld, c'est justement l'option du Parti québécois? Est-ce que le premier ministre est prêt à réitérer ici que personne d'autre que lui, apparemment, et que le gouverneur Weld n'a parlé, de cette façon-là, dans les rencontres privées qu'il a eues, des impacts de son option? Est-ce que le premier ministre est prêt à nous dire qui lui en a parlé et dans quels termes ça s'est fait?

(10 h 20)

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, vous allez me permettre de m'étonner que le chef de l'opposition ne s'informe pas de ce qui a fait l'objet à peu près total de mes rencontres avec les gouverneurs, notamment avec celui de New York, où nous avons parlé du libre-échange. Je ne peux pas comprendre pourquoi il ne s'intéresse pas à cette question qui va créer de l'emploi au Québec, qui va ouvrir des marchés nouveaux et qui va faire en sorte que nous allons améliorer la situation au Québec.

Et, deuxièmement, M. le Président, je dirai qu'une inquiétude que j'ai constatée aux États-Unis par rapport au Québec, c'est l'immense dette que le chef de l'opposition a contribué à créer de façon irresponsable.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le chef de l'opposition.

M. Johnson: M. le Président, au lieu de réitérer une sornette qui a été démentie et démontrée à de nombreuses reprises, la vérité étant que c'est son prédécesseur qui a le record de tous les temps des déficits financiers au Québec, la réalité étant celle-là, est-ce que le premier ministre ne se rend pas compte que ce qu'il a fait hier est exactement le contraire de ce qu'il devrait pratiquer comme premier ministre de tous les Québécois lorsqu'il nous représente à l'étranger: dire la vérité et, comme il le prétend lui-même, faire ça à visage découvert?

Des voix: Bravo!

M. Bouchard: M. le Président, faut-il rappeler que les Américains perçoivent le Québec comme un grand partenaire, son huitième ou son neuvième partenaire en échanges commerciaux, qu'ils savent que nous sommes un pays, une société amie des Américains, que nous avons une culture qui nous est propre, que nous allons la défendre, que nous allons la promouvoir, qu'elle est enrichissante et qu'ils respectent, et que nous sommes une démocratie qui va prendre ses décisions?

Nous avons dit à nos amis Américains que le projet souverainiste – ce que j'ai dit d'ailleurs – est un projet fondamentalement démocratique – c'est le peuple qui va décider, M. le Président – et que, pour le moment, en raison des priorités économiques et sociales et en raison des agendas politiques que nous connaissons, le gouvernement du Québec est en train, avec l'appui de la population, d'assainir les finances publiques, de créer de l'emploi, de remettre le Québec sur les rails pour l'avenir.

Des voix: Bravo!

M. Johnson: M. le Président, je commence à comprendre le premier ministre qui ne se souvient pas d'éléments d'une conversation de 30 minutes, il a oublié les éléments de ma question d'il y a cinq minutes.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Johnson: Est-ce que le premier ministre se rend compte que ce qu'il a fait à l'étranger, ce qu'on l'a vu faire à la télévision, ce qu'on l'a entendu dire à la radio, ce qu'on peut lire dans les journaux, c'est qu'il n'a pas dit la vérité lorsqu'on lui a posé des questions, et qu'à sept reprises il a tenté de cacher la vérité aux Québécois, et qu'il n'a pas le droit de cacher la vérité aux Québécois?

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, je m'attendais à ce que vous interveniez suite à la question qui a été posée par le chef de l'opposition, parce qu'on ne peut, M. le Président, imputer des motifs indignes à un député, encore moins au premier ministre.

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: M. le Président, il faudrait que vous en concluiez à ce moment-là que d'établir ce qui s'est vraiment passé, c'est quelque chose d'indigne à cette Assemblée.

Le Président: Je crois que l'article 35, paragraphe 6°, est clair: on ne peut pas «imputer des motifs indignes à un député ou refuser d'accepter sa parole». En conséquence, je pense que le chef de l'opposition officielle, qui... Le président est ici pour faire appliquer le règlement, pas pour plaire à qui que ce soit. Alors, M. le chef de l'opposition officielle, je vous demanderais de faire en sorte que les propos que vous tenez respectent l'esprit du règlement.

M. Johnson: Oui, M. le Président. Je reconnais que vous pouvez interpréter que j'ai imputé des motifs indignes au premier ministre; ce n'est pas ce que j'ai fait, je lui reproche son comportement indigne.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, je peux comprendre que le chef de l'opposition est malheureux de voir la réception positive que nous avons eue à New York. Extrêmement positive, M. le Président, extrêmement sympathique.

Des voix: Bravo!

M. Bouchard: Des gens qui veulent faire des affaires avec le Québec.

Une voix: Menteur!

M. Bouchard: Et je crois que le premier souci d'un chef de l'opposition, même s'il siège de l'autre côté de la Chambre, ce serait de s'assurer que...

Une voix: Il y en a un qui crie «menteur».

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre! On ne peut, quand on a la parole, utiliser des propos qui sont défendus par le règlement, mais on ne peut, quand on n'a pas la parole, faire en sorte que l'expression d'autrui soit compromise. Alors, j'inviterais les membres de l'Assemblée, et je ne veux pas être obligé de nommer qui que ce soit, à respecter le règlement, non seulement la lettre mais l'esprit du règlement.

Alors, le premier ministre a la parole, et c'est lui seul qui a la parole pour le moment. M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, je vous remercie. Je suis, j'avoue, extrêmement déçu par le chef de l'opposition.

Des voix: Ah!

M. Bouchard: Je peux comprendre la petite «game» partisane qu'il mène, M. le Président...

Des voix: Ah!

M. Bouchard: ...je peux la comprendre, mais, ceci étant dit, il y a les intérêts supérieurs du Québec, il y a les gens qui chôment au Québec, il y a l'aide sociale au Québec, M. le Président, il y a la confiance qu'il faut inspirer à ceux qui investissent au Québec, à ceux qui nous prêtent, et je pense qu'on devrait compter davantage sur l'appui de l'opposition, dans l'intérêt public du Québec.

Des voix: Bravo!

Le Président: En principale, M. le député de Châteauguay.


Questions sur la souveraineté posées au premier ministre au cours de sa visite aux États-Unis

M. Fournier: Oui, merci, M. le Président. Qui ne se souvient pas, M. le Président, qu'il y a à peine un mois le gouvernement du Québec inventait de toutes pièces une crise politique. Après avoir faussement invoqué l'urgence, après avoir fait suspendre les règles de notre Assemblée à deux reprises, après avoir cancellé une rencontre avec le premier ministre de la Saskatchewan, après avoir appelé une réunion spéciale du Conseil des ministres et avoir songé à déclencher des élections, au début de la semaine, aux États-Unis, le premier ministre déclarait maintenant que toute cette affaire n'était qu'un fait divers, il n'y a rien là, M. le Président.

Déjà amoché au niveau de la crédibilité, le premier ministre en a remis hier, alors qu'avant d'admettre la vérité il a nié à sept reprises avoir discuté de souveraineté dans une rencontre d'une demi-heure. Si le premier ministre, pour la cause, n'ose même pas admettre les sujets de discussion abordés, les Québécois ne peuvent qu'être inquiets de la teneur et du contenu de ces discussions.

Est-ce qu'il faudra, M. le Président, poser huit fois la question au premier ministre pour qu'il explique honnêtement son comportement et nous expose à nous, Québécois, ici, au Québec, les inquiétudes formulées par les Américains à l'égard des impacts de la séparation?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, concernant le préambule du député qui n'a pas été suivi d'une question qui en découlait, je voudrais rappeler au député que toute la question de l'attaque du gouvernement fédéral aux côtés de Me Bertrand quant au droit du Québec de disposer de lui-même s'est résolue, en ce qui nous concerne, par cette résolution de l'Assemblée nationale où nous avons statué majoritairement contre l'opposition que le Québec avait le droit de disposer de lui-même. Ce ne sont pas les tribunaux qui vont trancher la question. Et j'ai dit, à la fin de mon discours, que nous ne parlerions plus de cette histoire, que nous n'allions plus parler du droit du Québec de disposer de lui-même, sauf pour l'exercer lorsque le moment viendra. En conséquence...

Des voix: Bravo!

M. Bouchard: Et, entre-temps, M. le Président, dans l'intérêt de tous, souverainistes comme fédéralistes, nous sommes en train de reconstruire les bases économiques du Québec, et, en particulier, puisque nous envoyons 30 000 000 000 $ par année de taxes à Ottawa, je n'ai pas d'hésitation à rencontrer le chef du gouvernement fédéral pour discuter d'économie, de création d'emplois et de retombées des argents qu'on envoie à Ottawa, au Québec.

Une voix: Bravo!

Le Président: M. le député.

(10 h 30)

M. Fournier: Une additionnelle qui reprend la question, M. le Président, puisque je n'ai pas eu de réponse: Est-ce que le plan de match du premier ministre, en allant aux États-Unis et en revenant au Québec, finalement, ce n'était pas de venir faire croire aux Québécois que personne ne s'inquiétait des impacts de la séparation? Et, finalement, est-ce que son comportement de détournement de vérité, qui fait office de politique de ce gouvernement, ne vise rien d'autre...

Des voix: Ah!

Le Président: Je pense que, M. le député de Châteauguay, quand vous utilisez l'expression «détournement de vérité», vous allez trop loin. Alors, je vous redemande de formuler votre question complémentaire en évitant d'utiliser des propos qui sont à l'encontre du règlement.

M. Fournier: M. le Président, ce que tout le monde décode, ce qu'on demande au premier ministre, c'est: Est-ce que son comportement qui vise à contourner la vérité n'a pas finalement pour but de tromper les Québécois et est-ce que le prochain livre de Jean-François Lisée, ce ne sera pas plutôt «Le menteur»?

Des voix: Ha, ha, ha! Bravo!

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, vous savez très bien qu'on ne peut utiliser l'expression «tromper les Québécois» en cette Chambre.

Le Président: Non seulement les... M. le député de Châteauguay, je pense que vous savez très bien, comme parlementaire expérimenté, que vous êtes allé trop loin dans les propos que vous avez utilisés. Au-delà de ça, l'article 35, paragraphe 7° est aussi très explicite: Il est interdit de se servir d'un langage violent, injurieux ou blessant à l'endroit de qui que ce soit. Alors, M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Très brièvement, pour vous rappeler les précédents. M. Lisée n'est pas député de l'Assemblée nationale, il a déjà écrit un autre livre et le titre de l'autre livre a été utilisé, lorsque ces gens-là étaient dans l'opposition, à profusion et a toujours été permis par la présidence de l'Assemblée nationale. On demande simplement une application équitable du règlement de l'Assemblée.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, le leader de l'opposition sait très bien que ce n'est pas un mot en soi qui est antiparlementaire, c'est un contexte dans lequel il est utilisé. Et, quand on dit «trompé les Québécois», on impute directement des motifs indignes à un membre de cette Chambre, M. le Président.

Le Président: Alors, ce que j'ai indiqué au député de Châteauguay, sans indiquer un terme en particulier, c'est que sa question allait à l'encontre du règlement, dans le sens où elle était formulée de façon non seulement à enfreindre le paragraphe 6°, mais également le paragraphe 7° de l'article 35. On ne peut pas imputer des motifs indignes, mais on ne peut pas non plus se servir d'un langage violent, injurieux ou blessant qui que ce soit. Ma responsabilité ici, ce n'est pas de me demander comment, à une autre époque, le règlement a été appliqué, mais comment il doit être appliqué pour faire en sorte que le décorum règne dans cette Chambre. Alors, M. le député de Châteauguay, je vous demande de reformuler votre question complémentaire en utilisant des termes qui respectent la lettre et l'esprit du règlement.

M. Fournier: M. le Président, question de directive avant de poser ma question. La question que je posais, justement, cherchait à demander au premier ministre des explications sur son comportement, qui, décodé par la presse et les médias, que tout le monde sait, M. le Président, nous amène à comprendre qu'il a contourné la vérité. Je pose la question au premier ministre et, s'il me répondait, s'il me disait quel est son plan de match, peut-être qu'on pourrait comprendre. Mais, pour l'instant, tout ce qu'on voit, c'est qu'il trompe le Québec.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: C'est évident, M. le Président, que ce n'est pas une question de règlement que le député de Châteauguay a faite, c'est tout simplement qu'il essaie de poser d'autres questions, M. le Président.

Le Président: À l'ordre! À l'égard de la question de directive qui est posée par le député de Châteauguay, je conçois très bien que les membres de l'opposition, que le député de Châteauguay en particulier, qui a la parole à ce moment-ci, puisse questionner le gouvernement et en particulier le chef du gouvernement, le premier ministre, qui est allé aux États-Unis, lui poser des questions à l'égard de ses propos, de l'interprétation qu'on peut donner ou que les uns et les autres ont pu faire de ses propos. Mais il y a une façon, qui est consignée dans notre règlement, à l'égard de l'esprit et de la lettre du règlement, qui nous oblige à formuler les questions de telle sorte que, pour cette fin dont vous venez de signaler votre objectif, il y a une façon de questionner. Alors, il y a des propos et il y a des termes qu'on ne doit pas utiliser. M. le député de Châteauguay.

M. Fournier: M. le Président, si vous pouvez considérer la question posée, on pourrait appeler la réponse, tout simplement.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, je me suis expliqué sur le contexte de cette fin de «scrum» un peu mouvementée où j'ai oublié une parole ultime prononcée à la fin d'une entrevue d'une longue journée, où je suis revenu immédiatement pour dire aux journalistes: Oui, c'est vrai, elle a été posée et voici ce qui s'est passé. Ceci étant dit, sur ces questions, M. le Président, je suis très heureux de savoir que c'est le peuple du Québec qui décide et qui jugera de ma réputation et de ma sincérité pour servir ses intérêts, et non pas les députés en mal de parti.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle. En complémentaire.

M. Johnson: Oui, en dernière complémentaire, au premier ministre, qui prend son indignation pour de la probité: Comment se fait-il que lui, qui est le porteur de l'option, ne se souvenait pas de cette conversation alors que M. Tibbets et le gouverneur Weld et M. Lisée, également présents, eux, se souvenaient de ça quand on leur a demandé?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, je ne suis pas infaillible. Il m'arrive d'être... Je ferai une grande confession, M. le Président...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, je confesserai qu'il m'arrive d'être fatigué au terme d'un voyage comme celui-là et qu'il est absolument certain que la rencontre a porté à peu près exclusivement sur l'économie. À la toute fin, une question a été posée, non pas sur ce qui arrivera au Québec, mais ce qui arriverait au Canada après la souveraineté, et je n'ai pas fait le lien avec les questions; on me l'a rappelé immédiatement. Je me suis immédiatement, en gentilhomme, dépêché d'ajouter qu'en effet il y avait eu une question comme celle-là. M. le Président, je plaide le droit au bénéfice du doute pour quelqu'un qui est de bonne foi.

Le Président: M. le député de Marquette, en principale.


Implantation de commissions scolaires linguistiques

M. Ouimet: M. le Président, même dans le village de Corleone, en Sicile, les gens respectent davantage l'opération «Mains propres» que les activités clandestines et, au Québec, on n'a pas besoin de Don Luciano.

Le premier ministre du Québec s'est engagé à quelques reprises devant les Québécois et les Québécoises de la communauté anglophone et de la communauté francophone à discuter avec le premier ministre Chrétien, dès ce printemps, d'une modification bilatérale à l'article 93 de la Constitution canadienne, pour permettre l'implantation des commissions scolaires linguistiques au Québec. Demain, le premier ministre du Québec rencontre le premier ministre du Canada. Le premier ministre se rappelle-t-il de cet engagement? Et, si oui, a-t-il l'intention de le respecter?

Le Président: M. le premier ministre.

(10 h 40)

M. Bouchard: M. le Président, l'engagement que le gouvernement a contracté, c'est de prendre les mesures pour mettre en place les commissions scolaires linguistiques. Ça, c'est l'engagement. Le gouvernement sait qu'il y a plusieurs voies pour y arriver, les unes moins bonnes que les autres, et que l'une des voies, en effet, une des voies possibles, c'est un amendement à l'article 93. Mais il y a également une autre voie, qui est explorée avec beaucoup de sérieux présentement par la ministre de l'Éducation, qui a fait rapport au Conseil des ministres, et que nous allons explorer à la limite pour savoir quelle est la meilleure. Nous allons emprunter la meilleure voie, la plus efficace, qui va nous amener à la meilleure solution pour faire en sorte que nous ayons des commissions scolaires linguistiques fonctionnelles, M. le Président.

Le Président: M. le député.

M. Ouimet: Je répète ma question: Le premier ministre va-t-il respecter l'engagement qu'il a pris de rencontrer le premier ministre Chrétien et de discuter avec le premier ministre Chrétien de la possibilité de modifier l'article 93 de la Constitution canadienne? C'est ça, ma question.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: L'engagement qui a été contracté, c'est de mettre en place des commissions scolaires linguistiques. Le moyen importe dans la mesure de son efficacité et de sa facilité de réalisation. Il y a eu des consultations élaborées qui ont été faites par la ministre de l'Éducation, et, la semaine prochaine, elle sera en mesure d'annoncer le résultat de ces travaux, de ces consultations et de la décision du gouvernement, qui va s'inscrire, sans aucun doute, dans la direction de l'engagement contracté de constituer des commissions scolaires linguistiques fonctionnelles.

Une voix: Bravo!

Le Président: M. le député.

M. Ouimet: Le premier ministre du Québec va-t-il respecter l'engagement qu'il avait contracté de discuter, demain, avec le premier ministre du Canada, de la possibilité de modifier l'article 93 de la Constitution? C'était son engagement. Ma question: Va-t-il respecter cet engagement?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: Soyons précis, M. le Président, soyons précis! L'engagement, c'est de mettre en place des commissions scolaires linguistiques et de prendre les moyens appropriés pour y arriver. Si un des moyens appropriés s'était révélé, et le seul, être un amendement à 93, c'est sûr que j'en aurais discuté de façon formelle avec le premier ministre Chrétien. D'ailleurs, il avait eu un préavis de cela. Il avait déjà eu un préavis. Il est certain qu'actuellement ce n'est pas la voie qui est envisagée, c'est ce que je comprends. Il y a une voie qui nous semble préférable, davantage appuyée sur les consultations démocratiques qui ont été faites, et qui va nous permettre d'arriver à l'efficacité du résultat. Je pense que le député conviendra que l'important, c'est que nous puissions arriver à constituer ces commissions scolaires linguistiques, qu'elles soient viables et fonctionnelles et atteignent les objectifs qui ont été fixés.

Le Président: En principale, Mme la députée de Saint-François.


Report de l'étude du projet de loi sur l'équité salariale

Mme Gagnon-Tremblay: Oui, M. le Président. Pour justifier le report de son projet de loi sur l'équité salariale, le premier ministre laisse entendre, d'une part, aux groupes de femmes que son adoption est assurée en décembre et qu'il n'entrevoit pas que ce projet soit modifié. Le but d'une consultation plus large, dit-il, ce n'est pas de diluer le projet, c'est de permettre à tout le monde de venir l'examiner, de dire ce qu'ils en pensent. Il laisse entendre, d'autre part, M. le Président, aux employeurs, qu'ils auront amplement l'occasion de faire valoir leurs revendications alors qu'il est clair, il faut bien l'admettre, que le report du projet de loi est uniquement consenti pour se garder l'appui des employeurs à son sommet économique de l'automne prochain.

M. le Président, dans le dossier de l'équité salariale, quelle est sa vérité?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: J'ai pris un engagement, je crois que c'était en mars, dans le dossier de l'équité salariale. L'engagement que j'ai contracté, d'ailleurs, après en avoir discuté avec le caucus, ça a été de déposer, au plus tard le 15 mai, un projet de loi sur l'équité salariale. L'engagement a été rempli, de sorte que, moins de quatre mois après mon accession à mes fonctions actuelles, je suis le premier premier ministre dans l'histoire du Québec qui ait déposé un projet de loi sur l'équité salariale en conformité de l'engagement qu'il avait contracté.

Deuxièmement, pour ce qui est de savoir quel serait le calendrier de l'adoption de la loi, je n'avais pris aucun engagement. J'avais même indiqué à des vis-à-vis, en particulier du côté des femmes, que, pour ce qui était de la date d'adoption, je ne pouvais pas garantir que ce serait avant la fin de la session et qu'il faudrait voir. Et, la semaine dernière, j'ai pris un autre engagement, le premier du genre: que le projet de loi, avec l'appui de la députation du Parti québécois, le parti ministériel, que ce projet de loi sera adopté d'ici la fin de l'année. Ça, c'est l'autre engagement que j'ai contracté et qui, j'en suis convaincu, sera respecté.

Pourquoi avoir décidé de ce calendrier, M. le Président? Il s'agit d'une mesure sociale extrêmement importante, la première du genre au Québec, l'une des premières du genre au monde, qui va comporter des effets considérables dans le monde du travail. Et il faut faire en sorte que les intéressés aient le loisir d'examiner ce projet et d'en discuter, de l'améliorer, de le rendre plus efficace et de faire en sorte que, lorsque nous l'aurons adopté, il aura un accueil favorable dans le milieu du travail, où il devra porter ses fruits.

Le Président: Mme la députée.

Mme Gagnon-Tremblay: M. le Président, le premier ministre reconnaît-il qu'il y a une différence entre déposer un projet de loi et l'adopter? Et, compte tenu de ce qui est arrivé, justement, hier, en Nouvelle-Angleterre, comment peut-on le croire?

M. Bouchard: M. le Président, je crois savoir, en effet, qu'il y a une certaine distinction à établir entre un projet de loi et une loi. Je sais aussi qu'il y a une distinction à établir entre un projet de loi et pas de projet de loi, ce qui était la solution du régime libéral à l'époque...

Des voix: Oui!

M. Bouchard: ...où la députée de Saint-François était ministre.

Des voix: Oui!

Une voix: Pas de projet de loi.

Des voix: Bravo!

Le Président: En principale, M. le député de Chomedey.


Projet de loi proposant la réforme du régime d'aide juridique

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Lors du dépôt du budget, le premier ministre assurait le public que seulement la machine administrative serait touchée par les coupures. Hier, une coalition de 27 groupes communautaires ainsi que le Barreau du Québec, par communiqué de presse conjoint, ont dénoncé le fait, et je cite, «que les droits des plus démunis seront encore menacés par un projet de loi de son gouvernement, celui coupant dans l'aide juridique».

Est-ce que le premier ministre continue d'affirmer que les citoyens ne sont pas affectés par ses coupures?

Le Président: M. le ministre de la Justice.

M. Bégin: M. le Président, le projet de loi sur l'aide juridique vise, entre autres choses, à faire en sorte que 650 000 personnes qui ne sont pas actuellement admissibles à l'aide juridique puissent le devenir...

Une voix: Bravo!

M. Bégin: ...dans la mesure, bien sûr, où on adopte le projet de loi. Et je pense que ce que nous avons entendu hier, c'est le processus normal d'une commission parlementaire. C'est que des gens viennent dire: Sur tel aspect ou tel aspect ou tel article, nous aimerions qu'il y ait des changements. Mais ce que nous avons entendu hier de la part du Barreau, c'est une liste de six ou sept points sur lesquels il se déclare entièrement satisfait par rapport à l'an dernier. Il offre sa collaboration pour le suivi des dispositions du projet de loi, et j'y ai répondu positivement.

M. le Président, je pense que ce projet de loi favorise les droits des plus démunis dans notre société, et c'est ce que l'on a retenu de la part des gens au-delà des questions de détails qui ont pu être soulevées.

Une voix: Bravo!

Le Président: M. le député.

M. Mulcair: De toute évidence, le syndrome de Pinocchio, ça s'attrape.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: M. le député de Chomedey, vous êtes en complémentaire, d'une part. Et je pense que, comme habile juriste, vous savez très bien que vous ne pouvez pas faire indirectement ce que vous n'avez pas le droit de faire directement.

M. Mulcair: Est-ce que le premier ministre est conscient que la vérité dans le dossier de l'aide juridique, c'est qu'une personne qui travaille à temps complet au salaire minimum n'est, dans aucun cas, dans aucune circonstance, admissible à l'aide juridique et que, même une personne qui travaille au salaire minimum à temps partiel, on va lui demander de contribuer pour 800 $ avant de pouvoir se défendre avec un avocat dans une cause criminelle, soit un mois de salaire? Est-ce que le premier ministre est capable de comprendre que, contrairement à ce que vient d'affirmer son ministre de la Justice, c'est ça, la vérité de son projet de loi?

Le Président: M. le ministre.

M. Bégin: M. le Président, cette même personne dont vient de parler le député de Chomedey, actuellement, ne peut absolument pas bénéficier des services d'aide juridique.

Une voix: Voilà.

(10 h 50)

M. Bégin: Oui, maintenant, elle pourra en bénéficier. Et, plus son revenu sera élevé, plus sa contribution sera forte. Mais il y a beaucoup de gens – et je l'ai dit tantôt – qui vont bénéficier de l'aide juridique gratuite. Il y a 125 000 personnes qui n'ont droit d'aucune manière à l'aide juridique et qui vont l'avoir gratuitement, complètement, dorénavant, et 525 000, dépendamment de l'état de leur revenu, avec une contribution qui va de 100 $ à 800 $, auront droit à l'aide juridique, ils ne paieront que le montant qui est prévu à ce revenu, et, ensuite, il ne dépassera jamais le montant maximum des coûts du service.

Le Président: En complémentaire, M. le chef de l'opposition officielle.

M. Johnson: Au premier ministre, qui a entendu les questions et les réponses: Est-ce qu'il trouve qu'un déductible d'un mois de salaire donne une ouverture réelle, plutôt que virtuelle, à l'aide juridique?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, en effet, j'ai entendu les échanges entre le député et le ministre. Je pense que le chef de l'opposition ne les a pas entendus lui-même, puisque ce que le ministre vient d'apprendre au député de l'opposition, c'est que les gens qui devront payer ce 800 $ d'honoraires, ce sont des gens qui ne sont pas couverts présentement par l'aide juridique. Ce qui veut dire que tout honoraire encouru par une cause au-delà de 800 $ sera maintenant payé par les fonds publics. C'est un gain. C'est un gain pour les gens.

Le Président: M. le député de Saint-Jean, en principale.

M. Paquin: En complémentaire.

Le Président: En complémentaire.

M. Paquin: Oui. Je voudrais que le ministre nous indique, suite à l'adoption de la loi sur l'aide juridique, de quelle manière on pourrait comparer les résultats ici, en termes d'accessibilité et de couverture, par rapport aux autres provinces et territoires du Canada?

Le Président: M. le ministre.

M. Bégin: Je remercie le député de Saint-Jean pour sa question, qui va permettre peut-être aux membres de cette Assemblée de comprendre. Aucune province, aucune province n'offre plus que ce que le Québec offre. Mais, dans plusieurs domaines, le Québec offre au moins autant, sinon plus que dans les autres provinces. Ce qui veut dire que le Québec a la meilleure couverture de l'ensemble du Canada en termes d'aide juridique, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le député de Chomedey, en complémentaire.

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Est-ce que le ministre de la Justice du Québec peut admettre dans cette Chambre et dire à ses collègues ce qui s'est passé hier, en commission parlementaire, à l'effet que le Barreau du Québec et l'ensemble des groupes communautaires qui sont venus ont dit, et c'est le terme employé le plus souvent, M. le Président, que le projet de loi du ministre de la Justice n'avait pas de bon sens et que ça venait enlever tout l'essentiel de l'aide juridique, tel que ça existe depuis 25 ans au Québec, et que, contrairement à ce que le ministre vient d'affirmer, dans les autres provinces canadiennes, la couverture est plus large? Et, avant, on avait un discrétionnaire que le ministre est en train d'enlever. C'est ça, la vérité, M. le Président.

Le Président: M. le ministre.

M. Bégin: M. le Président, je dois dire que la vérité dont parle le député de Chomedey n'est pas celle que j'ai entendue hier. Ce que les gens du Barreau sont venus dire, c'est qu'ils étaient prêts à s'asseoir pour faire le suivi de l'application de la loi, ensemble, pour s'assurer que l'évolution se fasse correctement. Si ça s'appelle une opposition, je ne comprends pas le sens des mots. J'ai entendu Mme Lemieux-Brassard, représentant les handicapés, non seulement dire, mais écrire qu'elle était très heureuse de voir que, suite aux rencontres qu'elle avait eues avec des gens de mon ministère, les modifications qui seraient apportées seraient tout à fait acceptables et qu'elle serait très contente du projet de loi.

M. le Président, on peut vouloir entendre des choses et s'en faire des lubies – c'est, je pense, ce qu'on est en train de faire de l'autre côté – mais la réalité des choses, c'est que les intervenants, hier, ont fait des propositions de modifications. Plusieurs ont été acceptées de ma part, et les gens sont prêts à collaborer et trouvent le projet de loi excellent.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, en complémentaire.

M. Copeman: Oui. Est-ce que le ministre n'est pas prêt à admettre dans cette Chambre que sa capacité d'entendre des groupes est très sélective? Est-ce qu'il admet que Mme Lucie Lemieux-Brassard, présidente de la COPHAN, a clairement indiqué qu'au niveau administratif, droit administratif, son projet d'aide juridique accuse un net recul pour les personnes handicapées au Québec? C'est dans les registres. S'il faut, on va les sortir pour que le ministre puisse en prendre connaissance.

Le Président: M. le ministre.

M. Bégin: Alors, M. le Président, on sortira l'extrait dans lequel Mme Brassard nous dit qu'elle a été reçue avec d'autres de la coalition au ministère, qu'elle a eu une excellente collaboration, qu'elle est tout à fait en accord avec les modifications qui seront apportées. Elle aurait préféré, cependant, que la partie du volet social se retrouve dans la loi plutôt que dans le règlement – c'est ce qu'elle a dit, et je peux comprendre qu'elle l'ait dit – mais ceci ne signifie pas qu'elle est en désaccord, loin de là.

M. le Président, la faculté d'écoute dépend simplement de la liste que m'a proposée l'opposition et que j'ai acceptée.

Le Président: C'est la fin de la période de questions et de réponses orales.

Il n'y a pas de réponses différées ni de votes reportés.

Nous en arrivons maintenant aux motions sans préavis.


Avis touchant les travaux des commissions

Alors, aux avis touchant les travaux des commissions, M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, j'avise cette Assemblée qu'aujourd'hui la commission de l'aménagement et des équipements procédera à l'étude détaillée des projets de loi suivants, et ce, dans l'ordre indiqué, soit le projet de loi n° 17, Loi abrogeant la Loi concernant les environs du parc du Mont Sainte-Anne, et le projet de loi n° 24, Loi modifiant la Loi sur les cités et villes, le Code municipal du Québec et d'autres dispositions législatives, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures, à la salle du Conseil législatif;

Que la commission des affaires sociales procédera à l'étude détaillée du projet de loi n° 10, Loi modifiant la Loi sur le régime de rentes du Québec, de 15 heures à 18 heures et, si nécessaire, de 20 heures à 24 heures, à la salle du Conseil législatif;

Que la commission des institutions poursuivra les consultations particulières sur le projet de loi n° 20, Loi modifiant la Loi sur l'aide juridique, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures et de 15 heures à 16 heures, par la suite, la commission procédera à l'étude détaillée du même projet de loi de 16 heures à 18 heures et de 20 heures à 24 heures, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine;

Que la commission du budget et de l'administration poursuivra et terminera les consultations générales sur la Loi sur les valeurs mobilières après les affaires courantes jusqu'à 13 heures et de 15 heures à 18 heures, à la salle Louis-Joseph-Papineau;

Que la commission du budget et de l'administration procédera aux consultations particulières sur le projet de loi n° 36, Loi modifiant la Loi sur l'administration financière et d'autres dispositions législatives, après les consultations, la commission procédera à l'étude du même projet de loi, de 20 heures à 24 heures, à la salle Louis-Joseph-Papineau.

Le Président: Je vous avise, de mon côté, que la commission de l'Assemblée nationale se réunira aujourd'hui, à compter de 15 heures, à la salle 1.38 de l'édifice Pamphile-Le May. L'objet de cette séance est de statuer sur diverses affaires courantes, dont la mise sur pied de la sous-commission sur la réforme parlementaire.

Est-ce qu'il y a consentement pour déroger à l'article 145 du règlement qui prévoit que trois commissions peuvent se réunir simultanément pendant que l'Assemblée procède aux affaires du jour? M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui, M. le Président, les avis viennent d'être lus, mais, compte tenu qu'il y a eu des atteintes à des privilèges de membres de l'Assemblée nationale hier soir, reconnues par la présidence, entre autres des atteintes au privilège du député de Robert-Baldwin, possiblement celui du ministre de la Santé, les discussions ont été rompues, on a dû siéger tard dans la nuit. Dans les circonstances, les avis viennent d'être lus très rapidement, M. le Président, je demanderais une suspension de quelques brèves minutes pour prendre connaissance des commissions qui vont siéger et s'assurer que c'est tout conforme au règlement.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, je constate que... Suite au spectacle d'hier, je comprends que le leader de l'opposition aurait voulu qu'on finisse plus tôt. Ça, je comprends ça, vu le spectacle, je pense, assez disgracieux qu'on a vu hier. Alors, M. le Président, il y aurait consentement, de ce côté-ci de cette Chambre, à donner...

Le Président: Alors, nous allons suspendre les travaux quelques instants. Et je demande aux députés de rester à leur place, s'il vous plaît.

(Suspension de la séance à 10 h 59)

(Reprise à 11 h 7)

Le Président: Veuillez vous asseoir.

Alors, M. le leader de l'opposition officielle, vous aviez demandé quelques instants pour prendre connaissance des avis avant, éventuellement, de donner le consentement pour qu'une quatrième commission, c'est-à-dire la commission de l'Assemblée nationale, puisse siéger. Alors, est-ce qu'à ce moment-ci vous êtes en mesure de nous donner des indications?

M. Paradis: Oui, M. le Président, j'ai pris connaissance des avis et, également, j'ai resitué le tout dans son contexte où ça fait au moins trois semaines de suite que vous vous levez du trône pour demander la possibilité de faire siéger la commission de l'Assemblée nationale. Compte tenu des événements qui se sont déroulés au cours de la soirée d'hier et de la nuit d'aujourd'hui comme telle, M. le Président, je ne pourrais consentir à ce qu'une quatrième commission parlementaire siège.

Toutefois, dans le but de mettre fin à ce qu'on peut appeler un petit théâtre d'improvisation, depuis 24 heures, de la part du leader du gouvernement, me serait-il permis de suggérer qu'il remplace, à ce moment-ci, une des commissions, à son choix, dont il a convoqué le travail pour aujourd'hui par la commission de l'Assemblée nationale? De cette façon-là, nous pourrions procéder à entreprendre la réforme parlementaire, et ça donnerait la journée au leader du gouvernement pour se ressaisir et replanifier ses travaux de fin de session.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, quant au théâtre d'improvisation, les gens qui ont regardé à la télévision, hier, le comportement des députés pourront constater le comportement desdits députés et juger, par le comportement qu'ils ont vu à la télévision, où était le théâtre. Je pense que je n'ai absolument aucune crainte à cet effet, M. le Président. Et les galées d'ailleurs sont très éloquentes relativement au comportement de certains députés dans ce théâtre qui a eu lieu hier soir, M. le Président.

Alors, M. le Président, quant à nous, nous ne pouvons retirer aucune commission, les trois commissions qui sont là sont pour débattre de projets de loi importants. Nous consentirions à ce que la CAN puisse siéger malgré qu'il y ait trois commissions.

Le Président: Alors, est-ce que je dois comprendre qu'à ce moment-ci il n'y a pas consentement pour qu'une quatrième commission siège, puisque le leader du gouvernement refuse la proposition du leader de l'opposition officielle? Il n'y a donc pas consentement. Vous voyez le président de nouveau placé dans une situation fort délicate et malheureuse. On ne peut pas à nouveau mettre en place la sous-commission de l'Assemblée nationale sur la réforme parlementaire et, à ce moment-là, tout ça est retardé.

Alors, comme je n'y puis rien, je vais être obligé, à ce moment-ci, de prendre acte de cette situation et de tenter à nouveau, avec votre collaboration, de réunir la commission de l'Assemblée nationale dans les meilleurs délais.

Alors, aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée. Puisqu'il n'y a pas de questions à cet effet-là...

M. Paradis: M. le Président.

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.

(11 h 10)

M. Paradis: Oui, est-ce que le leader du gouvernement pourrait nous indiquer, à ce moment-ci, la liste des projets de loi qu'il se propose d'appeler, s'il la connaît?

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Alors, le leader de l'opposition s'est remis de ses émotions de la nuit dernière, je pense qu'il va pouvoir avoir une bonne écoute quand je vais lui dire, M. le Président, que le prochain article que je vais appeler est l'article 9, qui mentionne le projet de loi n° 116. À ce moment-là, si évidemment le leader de l'opposition est prêt à nous aider à faire adopter ce projet de loi assez rapidement, nous pourrons appeler d'autres projets de loi, mais on me dit qu'il semble y avoir une certaine réticence de la part des députés de l'opposition relativement au projet de loi n° 116.

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Je ne veux pas prêter d'intention au leader du gouvernement. Ma question était très précise: Quels sont, dans l'ordre s'il connaît cet ordre, les projets de loi qu'il se propose d'appeler aujourd'hui? Son prédécesseur, le député de Joliette, qui a occupé cette fonction pendant de nombreuses années, dans toutes les fins de session se faisait toujours un plaisir de communiquer, parce qu'il l'avait planifié, l'ensemble des travaux de la journée. De cette façon, nous pouvons travailler plus constructivement. Si on commence à jouer à la cachette, on va retomber dans une ligue d'improvisation. Je sais que le député qui est en face de moi s'y plaît. De ce côté-ci, on trouve ça moins drôle.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, quand le leader de l'opposition sera en mesure de nous dire les projets de loi sur lesquels ils sont prêts à collaborer, à ce moment-là nous pourrons discuter.

Je peux vous dire, M. le Président, que, maintenant, depuis quelques jours déjà, nous avons, je pense, fait des travaux d'une façon excessivement efficace en cette Chambre, justement parce que les deux cabinets se parlent. Nous avons quand même, au niveau du principe, je pense que ce n'est pas loin d'une quinzaine de projets de loi qui ont été adoptés en cette Chambre. De nombreux projets de loi aussi sont sortis des commissions. Je pense qu'à date ça va très bien, M. le Président. Lui, évidemment, le cirque qui s'est passé hier soir, malheureusement, le théâtre, pour reprendre les termes utilisés par l'opposition officielle... Mais, encore là, le théâtre, ce sont les spectateurs qui ont vu le théâtre pour en juger, M. le Président.

Le Président: M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: M. le Président, ma question est simple. Je pense que tout le monde en cette Chambre l'a bien comprise. Le leader du gouvernement nous informe qu'il va appeler l'article 9 du feuilleton. Quels sont les autres articles du feuilleton qu'il se propose d'appeler dès que nous aurons disposé de l'article 9 du feuilleton, de façon à ce que nous puissions préparer les interventions de part et d'autre? Si on ne connaît pas les secrets ou l'absence de planification du leader du gouvernement, nous sommes dans l'impossibilité de continuer cette collaboration qui a amené l'Assemblée nationale, jusqu'à date, à adopter des projets de loi dans l'intérêt public. M. le Président, moi, je ne comprends pas cette attitude cachottière ce matin.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, je pense que, du côté du leader de l'opposition, le réveil a été pénible. Ce matin, on n'a pas retourné nos appels relativement au cabinet du leader de l'opposition et tout simplement... Si le leader de l'opposition est prêt, M. le Président, à nous dire combien il y a d'orateurs sur le projet de loi n° 116, article 9, je pourrai à ce moment-là lui dire exactement quels sont les projets de loi que je pourrais appeler.

Le Président: Bon, écoutez, je crois que, de toute évidence, le leader du gouvernement n'est pas prêt à se rendre à l'invitation ou à la demande du leader de l'opposition officielle. C'est son droit. Alors, à ce moment-ci, je pense qu'on pourrait carrément... Est-ce que vous avez d'autres interventions sur les renseignements touchant les travaux de l'Assemblée nationale?

M. Paradis: Pour les fins des «trancripts», M. le Président, je suis informé – et je ne veux pas en faire une question importante – que, si les appels n'ont pas été retournés, c'est parce qu'ils n'ont pas été placés. Habituellement, c'est le leader du gouvernement qui est responsable de la planification des travaux. Ce n'est pas le leader de l'opposition qui appelle le leader du gouvernement pour lui dire comment procéder au cours de la journée. Ce n'est pas comme ça que ça se passe en droit parlementaire, M. le Président.

Ceci étant dit, mettons ça de côté. Nous sommes ici pour faire fonctionner les travaux de l'Assemblée nationale. Supposons qu'on se serait retourné des appels ce matin, qu'est-ce que vous auriez dit comme menu de la journée?

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, je pense que j'ai répondu très bien tout à l'heure à la question qui m'avait été posée. Ce que je constate, c'est que le leader de l'opposition n'est pas en mesure de me dire combien il y aura d'orateurs sur le projet de loi n° 116, article 9.

Alors, M. le Président, les droits de l'Assemblée nationale sont à l'effet que tout député peut prendre la parole. Alors, à ce moment-là, quand nous verrons combien de députés de l'opposition veulent parler sur le projet de loi, nous serons en mesure d'appeler d'autres articles qu'il y a au feuilleton.

Le Président: M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: M. le Président, je tiens à rassurer le leader du gouvernement. Il n'y a pas, quant aux indications que nous lui avions données hier, en fin d'après-midi, quant à ce projet de loi, de modifications de notre côté.


Affaires du jour

Le Président: Bon. Alors, cet échange, je pense, étant terminé, nous allons passer aux affaires du jour. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, je vous demanderais de prendre en considération l'article 9 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 116


Reprise du débat sur l'adoption du principe

Le Président: À l'article 9, l'Assemblée reprend le débat, ajourné à la séance précédente, sur l'adoption du principe du projet de loi n° 116, Loi modifiant de nouveau la Loi sur les services de santé et les services sociaux. À ce moment-ci, je serais prêt à reconnaître un nouvel intervenant. M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.


M. Russell Copeman

M. Copeman: Merci, M. le Président. C'est à trois niveaux que j'interviens sur le projet de loi n° 116: en tant que député de Notre-Dame-de-Grâce – pour des raisons qui vont devenir très évidentes – en tant que critique de l'opposition officielle en matière de services aux personnes handicapées et en tant que membre de la commission des affaires sociales, bien sûr, commission qui a entendu 18 groupes...

M. Lefebvre: Question de règlement.

Le Président: M. le leader adjoint de l'opposition.

M. Lefebvre: M. le Président, vous avez constaté tout comme moi qu'il n'y a pas quorum. Je demande le quorum.

Le Président: Alors, qu'on appelle les députés.

(11 h 17 – 11 h 18)

Le Président: Très bien. Alors, nous allons reprendre la séance. M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Copeman: Merci, M. le Président. On constate à quel point le sujet intéresse les députés du parti ministériel.

M. le Président, sur le projet de loi n° 116, nous avons, à la commission des affaires sociales, entendu en audiences particulières 18 groupes. Un court mot sur le cheminement encore une fois tout à fait particulier de ce projet de loi. Il a été présenté en décembre 1995 par le ministre de la Santé, il est resté au feuilleton pendant un bout de temps, et on sait pourquoi: comme le projet de loi d'aide juridique, l'ancien projet de loi d'aide juridique, le projet de loi n° 116 a soulevé un tollé de réponses parmi les établissements – CLSC, centres hospitaliers, centres de réadaptation – et les groupes communautaires qui oeuvrent dans le domaine, groupes qui représentent la défense des usagers. Tout ce tollé de réactions provoqué par un projet de loi qui touche la réorganisation du réseau, la réponse a été tellement forte que le ministre a été obligé de dire: Bien, écoutez, on ne procède pas avec 116, on ne procède pas avec ce projet de loi là, on va aller consulter en douce. Assez curieux comme cheminement, M. le Président. C'est son droit, mais c'est assez curieux de consulter en douce et d'envoyer une petite lettre aux établissements, le sous-ministre qui demandait des réactions.

Alors, cette période de consultation en douce a duré quelques mois. J'espère que le ministre a reçu les réactions des divers groupes. J'imagine qu'il a reçu, il a demandé... Je sais pertinemment bien que des groupes ont répondu à cette invitation de consultation en douce.

(11 h 20)

Et là on revient en commission parlementaire, on reconvoque une commission parlementaire et on confie à cette commission parlementaire la tâche d'écouter en audiences particulières des groupes. Alors, consultation en douce dans une consultation en public.

Fait curieux, M. le Président, entre-temps le ministre n'a pas du tout indiqué s'il allait bonifier son projet de loi entre la consultation en douce de janvier et la consultation en audiences particulières. Le seul texte que les groupes consultés avaient, c'est le projet de loi. On procède à cette consultation: 18 groupes sont venus à la commission des affaires sociales, 18 groupes avaient des suggestions importantes de changements à apporter au projet de loi n° 116. On termine nos consultations, et le ministre de la Santé nous remet, à 17 heures hier, une liste d'amendements. Il y avait une demande de dépôt de ces amendements faite cette nuit par le député de Robert-Baldwin. Je ne sais pas si le ministre s'est conformé à cette demande de dépôt pour que tous les membres de l'Assemblée puissent prendre connaissance des amendements. Alors, un cheminement très curieux.

Au niveau du processus, M. le Président, ça a occasionné des difficultés majeures, parce que, nous qui avons écouté les groupes en commission parlementaire, nous, on voulait vérifier avec ces mêmes groupes si les amendements amenés par le ministre cette nuit étaient conformes à leurs attentes. Une démarche tout à fait légitime, je pense, M. le Président. Mais, non, le gouvernement ne nous laisse pas le temps de vérifier avec les gens les plus touchés, les gens des établissements, les gens de la communauté, et appelle pour considération le projet de loi à minuit et quelque, cette nuit. Aucun temps pour vérifier avec la clientèle, aucun temps pour vérifier avec les établissements si les amendements proposés par le ministre sont conformes à leurs attentes. On est dans l'obligation, M. le Président, de procéder quand même.

C'est le choix du gouvernement. Mais c'est très curieux, c'est comme si le gouvernement ne voulait pas que les groupes qui ont été invités à venir en commission parlementaire soient saisis des amendements. C'est ça, l'impression que ça me donne, M. le Président, je suis dans l'obligation de le constater. On procède si rapidement, à toute vapeur, et ça me donne l'impression que le gouvernement ne veut pas que les 18 groupes qui sont venus en commission parlementaire soient saisis de ces amendements. J'ai l'impression que le gouvernement ne veut pas donner à ces 18 groupes la possibilité de réagir, parce que, si on leur donnait la possibilité de réagir, on serait dans l'obligation de constater que les amendements ne sont pas plus acceptables que le projet de loi.

Au fond des choses, M. le Président, l'article qui touche les services pour les personnes handicapées, les articles qui touchent principalement les services aux personnes handicapées dans le projet de loi n° 116 sont l'article 1 du projet de loi, qui parle d'une fusion obligatoire des conseils d'administration des cinq centres de réadaptation sur le territoire de la régie régionale de Montréal. En fin de compte, M. le Président, on parle de créer un unique conseil d'administration pour tous les centres de réadaptation sur un même territoire de régie régionale. Le ministre a dit hier, cette nuit, que, en fin de compte, l'article 1, l'impact de ça était seulement de reconnaître ce qui se passe à travers le Québec, qu'il y a un certain désir de fusionner des conseils d'administration dans les centres de réadaptation physique à travers le Québec et que son projet de loi venait simplement renforcer les choses qui sont déjà sur le terrain: la fusion des conseils d'administration pour les personnes atteintes d'un handicap physique. C'est une constatation assez forte. Le ministre reconnaît que sur l'île de Montréal, ce n'est pas du tout le cas. Il le reconnaît. Au moins le ministre a eu la préséance de dire: Oui, mon plan, l'article 1, ne peut pas s'appliquer au territoire de la régie régionale de Montréal.

Mais je veux tout simplement, M. le Président, soulever le point de vue de la Confédération québécoise des centres d'hébergement et de réadaptation, un de ces 18 groupes qui ont comparu devant la commission des affaires sociales, qui a reconnu la spécificité de Montréal, mais qui a dit également, et je cite le mémoire à la page 6: «L'introduction dans la loi de règles générales supportant l'administration par un conseil d'administration unique de tous les établissements exploitant un centre de réadaptation pour les personnes ayant une déficience physique, sans égard à la clientèle desservie, peut représenter, dans certaines régions, le modèle idéal correspondant aux besoins de la population. Cependant, les avantages qui se révèlent dans une région en particulier pourraient se transformer en obstacle majeur dans une autre. C'est pourquoi il faut être prudent et éviter de chercher à appliquer la règle générale sans discernement dans l'ensemble des régions du Québec.»

Alors, déjà une hésitation majeure de la part de la Confédération québécoise des centres d'hébergement et de réadaptation quant à l'application générale dans toutes les régies régionales du territoire québécois.

Mais parlons du cas spécifique de la région de Montréal, M. le Président. Le ministre a reconnu que son projet de loi, l'article 1, ne fait pas l'affaire de personne; de personne, M. le Président, qui connaît le domaine à Montréal. Il ne fait pas l'affaire du milieu pour trois raisons majeures. Il y a cinq centres de réadaptation à Montréal, cinq, que le ministre propose de fusionner, dans l'article 1, en un seul conseil d'administration. À l'intérieur des cinq, on a diverses catégories de clientèles: on a la déficience motrice, la déficience visuelle, la déficience auditive, et peut-être une dernière clientèle, les toxicomanes.

M. le Président, déjà, de fusionner ces différents types de clientèles sous un même conseil d'administration est très questionnable. Les besoins des personnes à déficience motrice ne sont pas les mêmes que les personnes atteintes d'une déficience visuelle, parce qu'ils ne sont pas semblables à ceux de la personne atteinte d'une déficience auditive. Alors, au simple point de vue de la clientèle desservie, il est questionnable de fusionner cinq centres avec des missions de clientèles très différentes. Très différentes.

Au niveau du statut des cinq établissements, la fusion en un est également très questionnable, M. le Président. Sur les cinq centres de réadaptation sur l'île de Montréal, il y en a deux qui ont le statut de privé conventionné. Pour le bénéfice des personnes qui nous écoutent, pour le bénéfice des députés en face, «privé conventionné» veut dire qu'il y a une partie du budget de ces centres qui vient d'autres sources que le financement du gouvernement.

Et c'est très utile. C'est très important, parce que le gouvernement du Québec, avec des centres de réadaptation privés conventionnés, sauve, dans un cas, 2 000 000 $ annuellement, parce que ces sommes-là viennent de la communauté, viennent d'autres sources que les impôts des Québécois et des Québécoises. Ils ont des fondations, ils sont des corporations propriétaires. Ce n'est pas pareil avec un établissement public. Ça, c'est très clair, M. le Président.

Alors, de fusionner des types d'établissements privés conventionnés avec beaucoup d'input de la communauté, incluant le financement, avec des centres de réadaptation purement publics, ça, ça ne marche pas, M. le Président. Et tout le monde reconnaît que ce serait très difficile de faire ça.

(11 h 30)

Il y a une troisième raison pour laquelle ça ne marche pas: il y a des considérations linguistiques et culturelles que tout le monde reconnaît, M. le Président; les cinq centres de réadaptation le reconnaissent. Deux de ces cinq centres de réadaptation – pardon, c'est trois, M. le Président – desservent largement une clientèle anglophone – pas exclusivement, mais largement – et je parle du centre Mackay, situé à Notre-Dame-de-Grâce, du centre de réadaptation Constance-Lethbridge, également situé à Notre-Dame-de-Grâce, et de l'Association de Montréal pour les aveugles, également située à Notre-Dame-de-Grâce, dans mon comté, M. le Président.

Alors, ces trois centres de réadaptation desservent une clientèle majoritairement anglophone. Et Dieu sait – même le premier ministre le reconnaît – que la question de la dispensation des services en langue anglaise et en langue française, c'est une question importante. Pour pouvoir bénéficier des services, il faut que ces services soient adaptés aux particularités linguistiques. Le premier ministre le reconnaît, le réseau est bâti en partie en fonction de ça dans les réseaux de réadaptation physique. Alors, il y a une crainte là-dessus, M. le Président.

There's a concern there that three of those five rehabilitation centers in the Montréal area serve a clientele that is largely English speaking. Not exclusively English speaking, Mr. Speaker, but largely English speaking. And to force the merger of those three with two centers which serve a clientele which is exclusively French speaking would be very difficult, Mr. Speaker. It would be counterproductive, frankly, and the two rehabilitation centers that serve the French-speaking population recognize that it would be counterproductive.

Alors, au niveau de la clientèle, au niveau des particularités linguistiques, c'est discutable de procéder à une telle fusion. M. le Président, l'amendement amené par le ministre est également inacceptable... Parce qu'il a amené un amendement à l'article 1. Ce n'est pas présenté en Chambre encore, mais l'essence de l'amendement proposé par le ministre, c'est qu'il reconnaît qu'il y a une spécificité à Montréal, et sa réponse, c'est de dire: Bien, c'est moi qui vais régler les cas. Donnez-moi, l'Assemblée nationale, les pouvoirs, comme ministre de la Santé, de régler le cas des centres de réadaptation sur l'île de Montréal.

Mais là vous pouvez comprendre une certaine hésitation, comme Montréalais, devant un tel amendement. Une hésitation parce qu'on nous demande, les Montréalais, de faire confiance, pour l'organisation des services de réadaptation physique, au même ministre qui a fermé sept hôpitaux sur l'île de Montréal. On nous demande de lui faire confiance. Bien, l'ironie est très, très évidente. Comment voulez-vous, comme député qui représente une circonscription montréalaise, que, moi, je fasse confiance, pour l'organisation des services, au même ministre de la Santé qui a fermé sept hôpitaux sur l'île de Montréal? Ça ne m'inspire pas beaucoup confiance.

Alors, l'amendement est aussi inacceptable, quant à moi, M. le Président, que la proposition originale dans la loi n° 116. Le ministre n'a rien réglé avec son amendement. Et j'ai fait une vérification sommaire ce matin avec plusieurs directeurs généraux de ces centres de réadaptation et eux autres trouvent également que l'amendement du ministre en aucune façon ne règle leurs problèmes. Clairement inacceptable, M. le Président, pour la clientèle desservie par les centres de réadaptation physique sur l'île de Montréal.

Il y a une autre faille dans le projet de loi n° 116, qui a été soulevée par la Confédération québécoise des centres d'hébergement et de réadaptation, celle de l'absence de reconnaissance d'une mission suprarégionale pour ces cinq centres de réadaptation à Montréal – et autres, M. le Président, il faut le dire. C'est un gros mot, «suprarégional», mais qu'est-ce que ça veut dire? C'est très clair, les cinq centres de réadaptation sur l'île de Montréal desservent 60 % de la clientèle qui a besoin de services de réadaptation physique au Québec.

Ça veut dire que les personnes qui ont besoin des services viennent de toutes les régions. Elles viennent de la région de la Montérégie, elles viennent à Montréal pour obtenir des services; elles viennent de Laval pour obtenir des services de réadaptation; elles viennent du Grand Nord, elles viennent du territoire du député d'Ungava; elles viennent de partout au Québec pour obtenir des services à ces cinq centres de réadaptation situés sur l'île de Montréal, et en aucune façon le projet de loi n° 116 ne reconnaît cette mission suprarégionale de ces cinq centres. C'est une faille importante qui a été soulignée par la Confédération québécoise.

J'aimerais parler brièvement, M. le Président, du processus électoral, de l'article 12 qui soulève beaucoup d'inquiétude aussi. Parce que, avec des nouveaux amendements contenus dans la loi n° 116, on injecte la notion, pour être habilité à voter aux élections au conseil d'administration des établissements, on injecte la notion de résidence principale. C'est une notion, je pense, qui a besoin d'être clarifiée, M. le Président. Mais ça peut avoir un effet très pervers pour les centres de réadaptation qui ont une mission suprarégionale. Et je m'explique, M. le Président. Ce n'est pas très compliqué, malgré tous les grands mots.

On sait fort bien que les cinq centres de réadaptation, comme je viens de le dire, sur l'île de Montréal, desservent une clientèle qui vient d'ailleurs que de leur région. Pourquoi est-ce qu'un usager du centre Raymond Dewar, pour les personnes atteintes de déficience auditive, un usager qui vient de la région de Laval sera exclu du processus électoral parce qu'on le limite à voter pour des conseils d'administration dans la région où est sa résidence principale? Il demeure à Laval, il faut qu'il vote uniquement pour des établissements à Laval.

Et je sais que ça peut préoccuper le ministre de l'Environnement et de la Faune, le ministre responsable de la région de Laval. Je sais. Parce que, pertinemment, M. le Président, quelqu'un qui demeure à Laval, qui utilise les services de n'importe quel centre de réadaptation sur l'île de Montréal, sera empêché de voter pour le conseil d'administration de ces centres de réadaptation, même comme usager, parce que sa résidence principale n'est pas dans la même région que l'établissement.

Pire que ça, M. le Président, ça peut empêcher certains de siéger à un conseil d'administration d'un établissement qui n'est pas situé dans leur lieu de résidence, par des mécanismes qui sont énumérés dans le projet de loi. Alors, non seulement une personne ne peut pas voter, même si elle est usager, aux élections à ce conseil d'administration parce qu'elle ne demeure pas dans la région où il est situé, mais elle ne peut pas se porter candidate non plus, elle ne peut pas siéger au conseil d'administration.

Ça peut priver, M. le Président, des centres de réadaptation pour personnes physiques, ça peut les priver des membres du conseil d'administration en provenance d'autres régions. Et c'est un effet très pervers de la loi n° 116. Pas de droit de vote pour les personnes qui ne demeurent pas sur le même territoire, même si elles sont des usagers, pas de droit de se porter candidates, même si elles sont des usagers. Et Dieu sait, M. le Président, les centres de réadaptation, qu'ils ont besoin des usagers à leur conseil d'administration, ils ont besoin des gens qui ont une compétence, en dépit d'où ils demeurent au Québec. Et, ça, c'est l'effet pervers.

(11 h 40)

Le ministre tente de nous convaincre, par le processus de coopter des membres au conseil, qu'il va régler ça pour les centres à vocation suprarégionale. Il a dit, en commission parlementaire: Je comprends, il y a un problème là, on va le régler autrement. Moi, je vais nommer des gens, en dépit de leur résidence, à des conseils. C'est moi qui vais équilibrer ce problème créé par mon propre projet de loi. Mais là, encore une fois, M. le Président, avec tout le respect que j'ai pour le ministre de la Santé, et je sais qu'il m'écoute attentivement, je ne peux pas lui faire confiance à cet égard. Ce serait beaucoup mieux d'amender son projet de loi, de reconnaître la vocation suprarégionale des centres de réadaptation et de constater qu'à cause de ce volet suprarégional il y a des particularités qui devraient être adressées.

Mais, non, il dit, dans son projet de loi: Je crée un problème moi-même, c'est moi qui le crée, avec l'injection de la notion de résidence principale, je vais le solutionner par un pouvoir réglementaire. Mais, M. le Président, c'est curieux comme approche de reconnaître que je crée un problème au lieu de régler le problème par la même voie, c'est-à-dire des changements dans la loi. Il dit: Non, non, non, je ne peux pas faire ça, on va le corriger par règlement. C'est une drôle de façon de procéder, M. le Président, une drôle de façon.

M. le Président, je ne voudrais pas abuser de mon temps de parole, mais je crois très sincèrement, pour toutes les raisons que j'ai énumérées, qu'il est essentiel que le projet de loi ne soit pas adopté dans sa forme actuelle. C'est ça que demande la table des regroupements des établissements de Montréal, c'est ça que demande la Confédération, c'est ça que demandent les personnes handicapées touchées et c'est ça que je demande, très humblement, M. le Président. Je vous remercie.

Le Président: Je reconnais maintenant le député de Papineau.

M. MacMillan: Merci, M. le Président. Avant de commencer, j'aimerais que vous appeliez le quorum, M. le Président, s'il vous plaît.

Le Président: Effectivement, nous n'avons pas quorum, alors nous allons suspendre la séance et qu'on appelle les députés.

(11 h 42 – 11 h 43)

Nous allons reprendre la séance. M. le député de Papineau.

M. MacMillan: Merci, M. le Président...

Le Président: Ça va. Alors, M. le député de Papineau, je pense qu'on avait un problème d'ajustement technique. Alors, vous avez la parole.


M. Norman MacMillan

M. MacMillan: Ça prend deux caméras pour me couvrir. Ha, ha, ha!

Merci, M. le Président. L'objet, aujourd'hui, du débat à l'Assemblée nationale, sur le projet de loi n° 116, Loi modifiant de nouveau la Loi sur les services de santé et les services sociaux... Un bref historique, M. le Président, de la loi n° 116. Pour bien comprendre certains aspects importants de ce projet de loi, un bref rappel historique s'impose. Le projet de loi n° 116 a été déposé en décembre 1995 et le ministre n'a pas jugé bon de le rappeler, puisque certains éléments ne faisaient pas consensus au sein du réseau de la santé et des services sociaux.

À la suite de la controverse, le ministre a entrepris, en janvier dernier, une consultation par écrit auprès de tous les intervenants. Toutefois, il est important de mentionner que le document qui a été transmis aux intervenants touchait plus largement les aspects de la loi 120 que ceux modifiant dans la loi n° 116.

En effet, le ministre Rochon a toujours promis un projet de loi visant la déréglementation du réseau de la santé et des services sociaux. Il a donc étendu la consultation privée sur un projet de loi beaucoup plus large que celui qu'il nous présente à l'Assemblée nationale. Dans une lettre signée par le ministre, les différents intervenants interrogés devaient répondre par écrit au sous-ministre, Luc Malo, quant à leur opinion sur l'ensemble du projet de loi. Le ministre a également rencontré les intervenants les plus importants pour connaître leur position, comme l'AHQ, la Fédération des CLSC, la Coalition Solidarité Santé, la FIIQ, etc. À la suite de cette consultation, il n'a toujours pas modifié le projet de loi, et ce, malgré toutes les interventions qui ont été faites contre celui-ci.

De plus, M. le Président, il est important de savoir que le projet de loi n° 116 touche deux aspects: d'une part, il autorise les fusions entre les CLSC, les CHSLD et les CHSCD de moins de 50 lits; d'autre part, il établit des nouvelles règles pour la formation des conseils d'administration des régies régionales et abolit l'assemblée régionale.

Malgré les promesses répétées du ministre, on ne retrouve aucune disposition qui touche à la déréglementation demandée par le réseau et qui pourrait assurer la continuité de la réforme de la santé et des services sociaux. En outre, il est important de rappeler que le Conseil de la santé et du bien-être ainsi que toute la réforme de la santé et des services sociaux amorcée en 1992 s'orientaient vers cette déréglementation. Voilà pourquoi le réseau s'attendait à ce que le ministère prévoie des modifications réglementaires afin de donner plus de souplesse à chaque région pour créer un système de santé à son image.

Essentiellement, le projet de loi n° 116 propose un nouveau mode de formation de conseils d'administration chargés d'administrer l'ensemble des établissements qui exploitent sur le territoire d'une régie régionale un centre de réadaptation pour les personnes ayant une déficience physique. Il prévoit également la possibilité pour une régie régionale de proposer au ministre de la Santé et des Services sociaux la formation d'un seul et même conseil d'administration pour administrer certains établissements dans une région. À ce titre, il propose qu'un établissement qui exploite un CLSC et un établissement qui exploite un centre d'hébergement de soins de longue durée dont le siège est situé sur le territoire desservi par le premier pourraient être administrés par le même conseil d'administration. Ainsi donc, le ministre propose qu'une régie régionale ait le pouvoir de proposer la fusion entre des CLSC et des établissements disposant de 50 lits et moins, par exemple, la fusion entre un CLSC, un centre d'hébergement de soins de longue durée et un centre hospitalier de soins de courte durée de moins de 50 lits, sans égard aux missions de chacun.

De plus, ce projet de loi apporte des modifications à la composition de divers conseils d'administration qui seront formés notamment en prévoyant l'ajout de nouveaux membres cooptés. Enfin, le projet de loi introduit de nouvelles mesures relatives au processus de renouvellement des membres des conseils d'administration des régies régionales et prévoit l'abolition de l'assemblée régionale, dont la principale fonction était d'élire parmi les membres des personnes qui formaient les conseils d'administration des régies régionales.

D'entrée de jeu, M. le Président, il est impératif de rappeler au ministre son manque de respect envers nos institutions dans sa façon de procéder. En effet, le ministre a attendu à la dernière minute pour nous présenter des modifications qu'il proposait à ce projet de loi. Pour cette façon de faire, il était conscient que l'opposition officielle ne disposerait pas du temps nécessaire pour bien les analyser et surtout des délais requis pour contacter les groupes qui ont été consultés et qui auraient pu nous dire si ces amendements correspondaient à leurs attentes. De plus, bien que ce projet de loi soit déposé devant l'Assemblée nationale depuis décembre 1995, le ministre choisit d'en adopter le principe en pleine nuit.

(11 h 50)

À la lecture de ces amendements, on découvre rapidement que le ministre a voulu corriger les nombreux oublis que comportait la première version de son projet de loi et non pas répondre aux attentes des groupes entendus. Ainsi donc, il nous présente 19 amendements sur les 55 articles que contenait le projet de loi. De plus, M. le Président, il est important de vous rappeler que les deux articles les plus contestés étaient l'article 2, qui proposait les fusions et leurs modalités, et l'article 31, qui abolissait l'assemblée régionale à l'intérieur des régies régionales. Force est de constater que le ministre est demeuré sourd aux revendications des groupes, puisqu'il propose un amendement très souple de l'article 2 et qu'il ne modifie en rien l'article 31.

Voici donc les principaux amendements présentés, M. le Président. Le ministre de la Santé et des Services sociaux s'est contenté de créer un cas d'exception pour Montréal, ce qui ne répond pas aux demandes des centres de réadaptation en déficience physique, qui voulaient que le ministre prévoie le respect des besoins spécifiques des clientèles, tel que prévu dans la loi actuelle. Le ministre, en plus de ne pas répondre aux attentes des groupes entendus, ne se donne aucune obligation de consulter les établissements concernés et se laisse toute la marge de manoeuvre à son bon vouloir. Avec cet amendement, le ministre prétend protéger la mission des établissements et prévoit l'obligation de les consulter sans pour autant être tenu de tenir compte de leur avis.

Toutefois, le ministre a omis de limiter la fusion aux centres d'hébergement de soins de longue durée de moins de 100 lits. De plus, au lieu de retirer cet article, comme plusieurs groupes le demandaient, le ministre a décidé de limiter les fusions en spécifiant que les centres hospitaliers visés devaient nécessairement avoir des soins d'urgence et des soins généraux. Il a également profité de l'occasion pour établir des cas d'exception dans la région de Laval et la belle région de l'Outaouais, ce que désapprouve la Fédération des CLSC.

L'article 2, 126.2. Le ministre oblige les régies régionales à consulter les établissements avant de leur proposer la fusion des conseils d'administration. Toutefois, rien n'oblige la régie régionale à tenir compte des résultats de cette consultation.

L'article 2, 126.4. Le ministre amende sa loi qui prévoyait que tous les membres des conseils d'administration des nouveaux établissements seraient formés après une période de transition, et ce, tous à la même date. L'amendement prévoit que certains des premiers conseils d'administration provisoires seront en fonction plus longtemps que d'autres, sans qu'on sache lesquels.

L'article 2.1 modifie l'article 128. Le ministre ajoute à cet article la notion de respect de la nature de la clientèle. Ainsi, le ministre ménage la chèvre et le chou, diluant l'article 126.1 et donnant l'illusion de bonifier l'article 128 qui lui permettait déjà d'effectuer des fusions.

L'article 10, M. le Président. Par ces amendements, le ministre vient de nous prouver, une fois de plus, son improvisation, puisqu'il avait omis de prévoir de nouveaux membres sur le conseil d'administration lors de l'implantation des centres hospitaliers universitaires et centres hospitaliers affiliés.

L'article 38, M. le Président. Le ministre pouvait, par règlement, déterminer la date de la tenue des élections des conseils d'administration de toutes les régies régionales. Non satisfait de ce pouvoir, par son amendement il s'attribue à lui seul la décision quant à la date où aura lieu le renouvellement des conseils d'administration et ainsi abolit la notion d'uniformité, puisque les dates pourront être différentes.

Enfin, M. le Président, on remarque que l'article 31 n'a pas été amendé, et ce, malgré le fait que c'était l'article le plus contesté de tout le projet de loi. Rappelons que l'article 31 abolit les assemblées régionales qui étaient le seul mécanisme qui permettait aux régies régionales de rendre des comptes à la population. Bien qu'il semblait évident, M. le Président, que ce mécanisme avait des failles, l'ensemble des intervenants voulait que ce processus soit bonifié ou remplacé ou, si cela n'était pas possible, remplacé par un autre mécanisme qui rendait les régies régionales imputables devant la population. Cette recommandation était quasi unanime de la part des groupes entendus, de l'opposition officielle et de trois députés ministériels, soit le député de Lévis, le député de Johnson et le député de Salaberry-Soulanges.

En terminant, M. le Président, ces amendements ne répondent pas aux attentes qui avaient fait consensus lors des auditions et, pour ce, nous demeurerons contre le projet de loi n° 116. Toutefois, il est important que vous sachiez que le ministre a consenti à répondre par un amendement à au moins une demande, soit de diminuer de trois sièges à deux sièges la représentation du milieu scolaire au sein des conseils d'administration. Merci, M. le Président.

Le Président: M. le député de Châteauguay, maintenant.


M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier: Merci, M. le Président. J'interviens sur le principe du projet de loi n° 116. M. le Président, je dois vous avouer que j'étais ici la nuit dernière pour utiliser mon temps de parole qu'on me laisse, qu'on me donne pour que je puisse commenter, faire part de mes remarques sur le principe de ce projet de loi, et les premières remarques vont aller justement, M. le Président, sur la façon dont on nous amène à discuter de ce principe sur le projet de loi n° 116.

Nous l'avons mentionné hier, M. le Président, mais pour ceux qui ont eu droit à une vraie nuit de sommeil, ils n'ont pas pu constater la façon dont on a présenté ce projet de loi, le débat que nous avons en ce moment, la présentation des amendements à ce projet de loi. Il faut comprendre une chose, c'est un projet de loi qui est en cette Chambre depuis un bon bout de temps, il y a eu des consultations, mais, tout à coup, d'une façon un peu incompréhensible... Et je dois avouer que, pour ma part, j'ai de la difficulté à saisir ce qui a motivé le comportement, le choix de stratégie du gouvernement. Bien sûr que le gouvernement a sa stratégie, c'est à lui de décider des gestes qu'il peut poser. L'ensemble des Québécois peuvent cependant, M. le Président – ils conservent leur capacité de jugement – juger les choix que le gouvernement fait.

Quelle serait et quelle est l'opinion des Québécois lorsque l'on constate le procédé qu'a utilisé le gouvernement dans le débat sur le projet de loi n° 116 qui nous a été amené à 23 heures hier? Rappelons d'abord ceci. À 17 heures, hier après-midi, 19 amendements à 55 articles nous ont été présentés, ce qui n'est déjà pas banal, M. le Président, pour d'abord regarder quels sont les effets de ces amendements sur les dispositions qui avaient déjà été présentées, comment, nous, on conçoit l'interdépendance entre ces articles et les amendements et ce qu'il y avait avant, les contacts qui doivent être faits avec les gens du milieu qui ont à vivre avec le projet de loi n° 116 ou qui auraient à vivre avec le projet de loi n° 116 dans l'état où il est présentement, si tant est que le gouvernement n'écoutait pas nos représentations.

Et je le dis, M. le Président, parce que ça me semble important de dire que le rôle de l'opposition... J'aurais pensé que le rôle du gouvernement aussi, il allait dans ce sens-là. Malheureusement, il n'assume pas ce rôle et cette responsabilité. Mais le rôle de l'opposition, M. le Président, lorsqu'il y a des projets de loi, lorsqu'il y a des amendements qui sont déposés, c'est, bien sûr, d'aller voir quels sont les effets de ces nouvelles pièces législatives sur l'ensemble de la communauté, sur l'ensemble des intervenants.

Alors, imaginez-vous, M. le Président, nous, on reçoit ces amendements à 17 heures, nous sommes appelés pour un débat sur le principe à 23, 24 heures, en fait, à 24 heures, mais, comme il n'y avait plus rien en Chambre, on a essayé de l'avancer à 23 heures. Tout ça, M. le Président, pendant que le ministre responsable et le critique de l'opposition sont à respecter un ordre de l'Assemblée au salon rouge pour entendre des représentations sur une autre pièce législative du même ministre, sur l'assurance-médicaments, notamment, et qui est une pièce excessivement importante pour laquelle il y a bonne source d'inquiétude chez les Québécois.

La question est la suivante: Si nous voulons bien faire notre travail, nous devons avoir la possibilité de contacter les gens du milieu, d'aller voir ce qu'ils peuvent penser de ces amendements. Mais, en amenant le débat et les amendements au moment où le critique lui-même est piégé par le gouvernement dans une autre salle, qu'il n'a pas la possibilité d'analyser en profondeur les amendements, et surtout d'aller voir sur le terrain les impacts, ce que le gouvernement fait, c'est d'utiliser un processus similaire à l'essence de leur projet de loi n° 116, M. le Président. Et c'est pourquoi ça me semble important de s'arrêter sur l'aspect du processus de ce débat que nous avons entamé tard la nuit dernière, parce que ce processus oublie, omet de tenir compte des citoyens, oublie et omet que, lorsqu'on parle de décentralisation...

(12 heures)

Parce que ce gouvernement, faut-il le rappeler, en a parlé abondamment avant le référendum, on s'en souviendra, hein, de la décentralisation. On voulait responsabiliser les gens dans les milieux, on voulait les aider, les écouter. Mais, une fois que le référendum est passé, M. le Président, la décentralisation, oubliez ça. La véritable décentralisation, celle qui responsabilise, celle qui s'intéresse au milieu, celle qui dit: Quels sont vos besoins, comment vous voyez l'affaire? Non, ça, c'est terminé. Et le projet de loi n° 116, justement, est dans cette nouvelle cuvée gouvernementale, celle où, après avoir parlé de décentralisation, maintenant on ne fait tout simplement qu'agir contrairement à la décentralisation, c'est une histoire connue.

Le gouvernement du Québec fait, depuis l'arrivée de son nouveau premier ministre, à peu près, à peu près – laissons quelques marges pour quelques nuances superficielles – toujours le contraire de ce qu'il a dit – et, dans ce cas-là, c'est clairement le contraire de ce qui avait été dit – et, encore une fois, ce qui est le plus effrayant, nous propose des amendements quelques heures avant le débat, alors que le critique et le ministre sont ailleurs, ne peuvent même pas communiquer avec les gens sur le terrain visé par le projet de loi pour connaître leur point de vue là-dessus. Et on veut – et ça a été plaidé hier dans une des scènes probablement sans précédent en cette Chambre... Il faudrait tout au moins qu'on nous les présente, les précédents, s'il y en a eu.

Le ministre de la Santé, parrain du projet de loi n° 116, est à quelques pas de cette salle – en marchant, ça doit prendre 25 secondes, se déplacer d'une salle à l'autre – parrain de cette loi. Il est ici. Il n'est pas à l'extérieur, il n'y a pas d'urgence non plus. Il est ici, à côté de nous, M. le Président, et on va demander au ministre des Affaires municipales de présenter le projet de loi n° 116 alors que l'autre ministre est juste à côté. On peut s'interroger sur le sérieux de la démarche, sur l'importance qu'accorde ce gouvernement aux pièces législatives qu'il nous dépose et l'importance qu'il accorde aux Québécois et aux Québécoises qui sont visés, touchés par ce projet de loi. Et je peux vous le dire, M. le Président, ils sont nombreux, ceux qui sont intéressés par ce projet de loi, touchés par ce projet de loi, de par les appels qu'on a reçus déjà à l'époque lorsque le projet de loi a été déposé. On l'a su par les consultations, au nombre d'intervenants – et j'y reviendrai tantôt – qui ont présenté leur position, dénoncé le projet de loi. On le sait, c'était unanime.

Il y a des amendements qui arrivent, M. le Président. On doit s'attendre, c'est le moins qu'on puisse dire, à un peu de sérieux, à beaucoup moins d'improvisation. On peut bien comprendre que le gouvernement peut avoir, à l'occasion, des événements qui surviennent et qui doivent, peuvent changer son ordre du jour, mais on ne peut pas décemment imposer à des parlementaires qui ont à coeur de faire leur travail pour essayer d'améliorer des pièces législatives, de voir si elles correspondent à des besoins, à des préoccupations... On doit, c'est le moins qu'on puisse dire, respecter l'institution, parce que, cette institution, elle incarne ce que nous avons à coeur: le Québec, les citoyens, les Québécois et les Québécoises.

Et, si on ne le fait pas, on aura beau se draper dans la transparence, la démocratie et le respect des intérêts supérieurs du Québec, tant que ce gouvernement agira de façon contraire à ses beaux discours, il ne récoltera que ce qu'on voit de plus en plus resurgir dans les journaux, dans les médias, chez les alliés mêmes de ce gouvernement, qui, depuis quelques semaines, mettent en doute le discours, les promesses, les engagements qui sont de plus en plus des illusions que tout le monde voit.

Malheureusement, nous sommes face à des gens, à un gouvernement qui a créé des attentes qu'il ne pouvait pas rencontrer et qui aujourd'hui nous dit – enfin, nous dit – j'allais dire nous dit et nous transmet des informations, essaie de nous cacher que, dans le fond, ça ne les intéresse pas, la démocratie, la transparence et les intérêts supérieurs du Québec, les Québécois et les Québécoises. C'est ce qu'on voit dans ce genre de démarche.

Il y a cette démarche, ce processus que le gouvernement adopte à l'égard d'un débat sur le principe. On n'en est pas ici à vérifier si les virgules sont aux bons endroits dans chacun des articles, on est à vérifier si le principe de ce projet de loi – et j'y reviendrai sur le fond de ce principe tantôt... On est ici à discuter du principe, dans quel cadre intervient ce débat.

Mes collègues en ont parlé, ils ont cité de nombreux cas de collègues de cette Chambre, ministériels, qui, avec nos collègues de l'opposition, ont travaillé de façon constructive, M. le Président, en commission, ont écouté les consultations, en ont tiré des conclusions. Mais, M. le Président, ces conclusions ne se sont pas rendues jusqu'à l'oreille du gouvernement, de l'exécutif, que nous, pourtant, membres de cette Assemblée nationale, devons être capables de circonscrire, devons être capables d'amener à écouter ce que le Québec profond demande.

Nous avons, des deux côtés de cette Chambre, remarqué un des éléments de ce projet de loi inquiétant: l'aspect de l'imputabilité. M. le Président, les deux côtés de cette Chambre qui vivent sur le terrain ce que sont les régies régionales, qui vivent sur le terrain comment c'est difficile pour les gens d'avoir accès à des décisions, de pouvoir se faire entendre pour la prise de décision... Et, s'il y a une chose qui est importante pour tout le monde ici, M. le Président, vous-même, j'en suis convaincu, c'est cette notion d'imputabilité, cette notion où, si on accorde l'indépendance à quelqu'un pour prendre une décision, encore faut-il savoir sur quelle base, sur quels critères, quels sont les impacts de ces décisions. Et, des deux côtés de cette Chambre, avant le débat sur le principe qui nous a été amené hier, de façon constructive, il y a eu des propositions qui ont été faites.

Alors, il ne s'agit pas, pour le gouvernement, de dire: Nous amenons le débat sur le principe en catimini, la nuit, parce que l'opposition serait toujours en train de critiquer. Je peux concevoir que, pour un gouvernement, c'est achalant d'avoir une opposition qui fait son travail. Je peux le concevoir, et je permets très facilement que cette opinion de désapprobation de la part du gouvernement soit exprimée, sans aucun problème, de la même façon que je m'attends à ce que le gouvernement respecte nos droits de parole et respecte le temps de réflexion que nous devons avoir pour bien exprimer nos positions, bien exprimer nos positions qui sont, M. le Président, le reflet de ce qu'on entend sur le terrain, de ce que ceux qui sont concernés nous disent.

Je trouve inadmissible, incompréhensible que, suite à une période où les gens de l'opposition et du parti ministériel, de façon constructive, ont découvert, dans ce projet de loi, des lacunes, ont notifié... non seulement ils ont découvert des lacunes, ont identifié, M. le Président, les solutions, les façons qu'on pouvait améliorer le projet de loi. Je me serais attendu à ce que des amendements soient déposés en conséquence des propositions qui ont été faites, qu'on tienne compte de ces propositions. Après tout, qui sommes-nous? Si, des deux côtés de cette Chambre, nous nous entendons sur des améliorations, qu'est-ce qui peut bien empêcher qu'on en tienne compte, puisque ces améliorations sont le reflet de ce qu'on entend sur le terrain? Alors, je me serais attendu à ce que les amendements, d'une part, reflètent ce consensus développé des deux côtés de la Chambre. Je me serais attendu, M. le Président, à ce que ces amendements, nous les ayons bien avant que nous ayons à discourir sur le principe, pour que nous puissions réfléchir, analyser les impacts de ces amendements.

Un projet de loi, ce n'est pas quelque chose qui se fait en deux secondes. Il faut qu'on puisse voir quelles sont les conséquences, les impacts et puis qu'on puisse aller voir, dans les conseils d'administration, les gens qui, souvent, M. le Président, bénévolement, l'a-t-on assez dit, travaillent, offrent des services à l'ensemble de la population que nous avons à servir. Est-ce qu'on va ne pas les écouter, M. le Président? Est-ce qu'on va être sourds à ce que des gens qui se dévouent pour la communauté que nous devons servir nous disent, aux propositions qu'ils nous font? Est-ce qu'on va être assez déviants pour passer à côté des règles normales que nous devons avoir pour étudier un projet de loi? Je ne le pense pas.

Je ne comprends pas et je n'accepte pas, M. le Président, qu'on ait procédé de la façon dont on a procédé en essayant d'empêcher l'opposition, et notamment notre collègue de Robert-Baldwin... Il fait un travail incroyable – je le dis et je sais que, des deux côtés de cette Chambre, on l'a remarqué – pour défendre l'intérêt des Québécois et des Québécoises, pour écouter ce qu'ils ont à dire sur l'ensemble des pièces législatives du ministre de la Santé, qui essaie d'aller rondement, d'aller rapidement, quitte à ce que, parfois, il y ait un bon nombre de problèmes. Mais l'important quand on est sourd à ce que le monde dit, c'est qu'on ait une pièce adoptée, M. le Président. Qu'elle soit bonne ou mauvaise, ce n'est pas grave.

(12 h 10)

Bien, nous, notre travail, c'est d'allumer une petite lumière rouge au ministre. Et on aimerait bien un peu de coopération de la part de ceux qui, de l'autre côté, ont pu constater, ont même participé, ont même développé des propositions d'amendement à ce projet de loi nécessitées par les acteurs, les intervenants, mais auxquels le ministre a décidé lui-même, seul, avec quelques-uns de son entourage peut-être, qu'il ne fallait pas donner suite, qu'il ne fallait pas écouter ce que les intervenants avaient à dire.

M. le Président, un des aspects de ce projet de loi qui m'étonne le plus, c'est celui... Et c'était un peu paradoxal de voir que le gouvernement entendait faire ouvrir ce débat sur le principe et faire fermer ce débat sur le principe par le ministre des Affaires municipales, dont un des thèmes favoris de discussion est la fusion. Après l'époque décentralisation, c'est l'époque fusion. Et, M. le Président, l'article 128 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux qui existe actuellement est une disposition législative non seulement qui existe, mais qui permet la fusion, mais une fusion un peu différente de celle que le ministre de la Santé avait en tête: une fusion lorsque le projet de fusion est issu de la volonté du milieu.

Alors, tantôt, M. le Président, je vous ai parlé du processus qui nous amène à ouvrir un débat sur le principe du projet de loi n° 116, un processus irrégulier qui nous empêche d'aller voir le milieu. Je vous dis avec assez d'étonnement: Ce projet de loi amène des dispositions législatives permettant des fusions, alors qu'il existe déjà une disposition législative qui permet la fusion, disposition qui la permet, mais avec un bémol. Et c'est là peut-être qu'on découvre les vrais démocrates. Il faut aller écouter le milieu, il faut s'intéresser à la volonté du milieu. Et, là, on nous arrive avec une façon de faire qui a été dénoncée.

On a bien dit, de la part de gens qui s'investissent des heures et des jours pour servir leur communauté bénévolement, pour être là auprès des leurs dans des secteurs où on a tellement de besoins... Ces gens-là sont venus dire: Mais est-ce qu'on ne compte pas pour vous? Est-ce qu'on n'aurait pas le droit de dire quelque chose, M. le Président? Est-ce que c'est normal que ce soit envoyé à la régie régionale, à qui on enlève des éléments d'imputabilité? Pourquoi? Parce qu'on dit, on prétend que ces mécanismes d'imputabilité – l'assemblée régionale – ne fonctionnent pas. Je veux bien, M. le Président. Je veux bien qu'on entre dans ce raisonnement, mais alors je dis: Dans le projet de loi n° 116, qui vise à abolir cette assemblée régionale parce qu'elle ne remplit pas les missions qu'elle devait remplir, où est le mécanisme qui se substitue à cette mécanique qui, dit-on, ne fonctionne pas? Comment a-t-on trouvé le nouveau moyen d'assurer l'imputabilité à une régie qui va prendre des décisions sans s'intéresser à la volonté du milieu?

On me dira qu'un des amendements permet la consultation. Imaginez. Il a fallu attendre des amendements pour permettre la consultation. Mais ce que les gens veulent, M. le Président, parce que c'est eux qui sont impliqués, parce que c'est eux qui sont visés par le projet de loi, c'est être partie à la décision, parce que ce sont eux qui livrent les services, ce sont eux qui font l'action. Ce ne sont pas des gens à des kilomètres de distance qui ont dans le visage, le matin, les gens qui attendent leurs services. Ce sont ceux qui sont directement impliqués, pour qui on devrait avoir la plus grande estime, M. le Président, pour qui on devrait avoir la plus grande estime, pour qui, il nous semblerait, me semble-t-il, fondamental qu'ils soient à la base même, le coeur de l'intervention gouvernementale, de l'intervention législative. Et c'est tout le contraire. Et, après avoir parlé de décentralisation, de responsabilisation, d'écoute, qu'on était donc ouvert au milieu, M. le Président...

Vous m'indiquez que je dois terminer là-dessus. Je suis sûr qu'on pourra revenir dans des débats sur ce projet de loi pour amener non seulement le gouvernement, mais les membres de cette Assemblée, des deux côtés, qui ont déjà réussi, à s'unir pour amener des amendements. Nous n'avons pas encore réussi, mais nous allons continuer, et, à la fin, espérons que le gouvernement, après avoir été sourd, ne sera pas non plus aveugle. Merci.

Une voix: Bravo!

Le Président: M. le député de Rivière-du-Loup.


M. Mario Dumont

M. Dumont: Merci, M. le Président. Je suis heureux d'intervenir sur ce projet de loi important pour notre système de santé, sur le projet de loi n° 116. J'ai l'impression que, sur plusieurs des projets de loi qui sont à l'étude devant nous, il y a une espèce de prise de position du gouvernement dans un débat entre les bureaucraties... entre les tours à bureaux et les citoyens. Quand je dis qu'il y a une prise de position du gouvernement, c'est que je sens à l'intérieur des projets de loi une prise de position fréquente du gouvernement en faveur des tours à bureaux, en faveur des bureaucraties, je serais tenté de dire en faveur des technocraties.

On cherche par différentes façons des moyens de donner plus de pouvoir aux bureaucraties, d'éloigner par le fait même – parce que le pouvoir, si on l'aspire vers un endroit, il est moins ailleurs – d'enlever du pouvoir dans les mains des citoyens. Puis, en faisant ça, bien, on connaît ce modèle-là, on a été durant des années à jouer dans ce modèle-là, à grossir les structures. Les structures deviennent de plus en plus lourdes, elles répondent de moins en moins rapidement. Non seulement elles répondent de moins en moins rapidement, mais les structures, quand elles grossissent puis elles s'alourdissent, elles en viennent à un point où les structures ne veulent même plus se faire poser de questions. Les structures disent: Nous, on connaît ça, puis on ne veut pas se faire poser trop, trop de questions.

D'ailleurs, dans plusieurs des projets de loi puis dans plusieurs des initiatives du gouvernement, quand le nouveau premier ministre est arrivé en poste, il a dit: On va oser, ça va être de l'action, on va s'attaquer aux vraies choses. Mais on s'aperçoit que c'est le même travers habituel. C'est que, dans le fond, les projets de loi qu'on amène, les débats qu'on met devant nous sont beaucoup plus des débats de structure. Ça veut dire que parfois on en arrive à essayer de camoufler des problèmes réels qui sont vécus sur le terrain en transposant le débat au niveau des structures.

Le projet de loi n° 116 en est un de cet ordre-là. On veut encore changer les structures. Il n'y a pas véritablement de travail précis pour améliorer le système de santé ou améliorer la qualité des soins qui vont être donnés à notre population. C'est un projet de loi pour changer les structures qu'il va y avoir en région.

Et, pour donner... Je parle de l'article 2 du projet de loi: une régie régionale peut proposer au ministre que soit administré par le même conseil d'administration... et là on donne la liste de tout ce qui peut être administré par le même conseil d'administration. Parlons-en. On donne un nouveau pouvoir aux régies régionales; parlons-en, des régies régionales, M. le Président.

Les régies régionales: le pouvoir aux citoyens. J'invite les gens du gouvernement, le ministre, les députés à aller dans la rue, à se promener dans les établissements puis à dire ça aux gens: Les régies régionales, c'est le pouvoir aux citoyens. C'est un sentiment qui n'est pas partagé. Curieusement, c'est seulement à l'intérieur de la bureaucratie elle-même qu'on véhicule ce message-là. C'est ça qui est extraordinaire. C'est que seulement la bureaucratie elle-même considère qu'elle donne le pouvoir aux citoyens. Mais il n'y a pas un citoyen qui, à l'inverse, considère que c'est le cas, et je suis convaincu que les parlementaires qui sont là l'entendent. Personne n'a l'impression que dans ces régies-là il y a un pouvoir si grand que ça aux citoyens. Ce qu'on entend des C.A., un peu partout à travers le Québec, c'est que les décisions sont souvent prises à l'avance, puis c'est des rapports ça d'épais, puis, si on ne les adopte pas à soir, bien, là, c'est quasiment la faillite technique. Et c'est de cette façon-là qu'on entend que les choses se passent. Le pouvoir aux citoyens, il est dilué plusieurs fois. Le pouvoir à la bureaucratie, il est solide. Le pouvoir aux bureaux, il est solide.

Le Bas-Saint-Laurent, on est privilégiés, nous autres. Pour bien illustrer la bureaucratie, on a ouvert une rue pour construire la régie régionale pour être certains... Ça a jusque permis d'ouvrir une rue. On ferme des lits, mais on ouvre des rues pour construire des régies, construire des tours à bureaux. C'est ça qu'on est en train de se donner comme système de santé, c'est ça, comme choix, qu'on est en train de faire.

(12 h 20)

Je vois les députés qui réagissent, mais, dans les derniers crédits, c'est malheureux, mais, dans le dernier livre des crédits, les choix budgétaires du gouvernement, malgré des coupures partout, il y avait de disponible plus d'argent pour les régies. Parce que, contrairement aux entreprises privées, notre gouvernement, notre bon gouvernement, a cette façon-là de fonctionner: il faut engager du monde pour administrer les coupures. Dans une entreprise, on dit: Si on coupe certains services, on va avoir besoin de moins de monde pour administrer tout ça. C'est logique, tu sais, tu as besoin de moins de monde pour administrer moins de choses. Mais, au gouvernement, on fait des coupures et on engage du nouveau monde pour administrer les coupures. Plutôt que de se dire: On va avoir besoin de moins d'administration parce qu'il va y avoir moins de choses à gérer, on engage plus d'administration parce qu'il faut administrer ces coupures-là. Alors, c'est la spirale dans laquelle on est entré, M. le Président, Bon, présenté comme ça, ça peut avoir l'air farfelu, ça peut avoir l'air drôle, mais c'est drôlement triste parce que c'est le service aux citoyens qui écope.

Je voudrais parler un peu des régies régionales comme pour mettre la table à ce que ce nouveau projet de loi, par la modification de l'article 126.1, l'article 2 du projet de loi, nous amène. On dit: Moins de conseils d'administration, on veut fusionner. Dans certains cas, ça peut être intéressant. J'ai, moi-même, dans mon comté, un cas précis de conseils d'administration qui, de plein gré, parce que c'est plus petit, parce que toutes les unités en question sont plus petites, sont déjà en collaboration. Les C.A. se sont parlé et les C.A. ont pris ensemble la décision d'une fusion. Dans ce cadre-là, pour eux, c'est bien adapté. Il n'y a pas de mécanisme dans la loi, actuellement, qui leur manque, qui rend ça impossible. Ce n'est pas la régie qui l'a décidé, c'est les gens du milieu, des conseils d'administration, des gens qui vivent dans la place, des gens qui connaissent le domaine et qui connaissent les besoins de leur population. Mais là ce qu'on veut rajouter, c'est maintenant le pouvoir, pour les régies, de proposer au ministre de faire la même chose, de réduire le nombre de conseils d'administration.

Bon, posons certaines questions. Ça coûte quoi, un conseil d'administration, dans l'ensemble des coûts d'un système, des bénévoles qui se réunissent pour discuter? Ça coûte quoi, un conseil d'administration par rapport à une bureaucratie qu'est la régie? Il paraît que ce n'est pas là qu'est l'argument fort. Ce n'est pas parce que ça coûte trop cher de réunir des citoyens pour prendre des décisions.

Par contre, un conseil d'administration, ça pose des questions, c'est des gens qui ne sont pas à temps plein là-dedans, dont l'intérêt principal, comme administrateurs, c'est de représenter une population – j'en connais personnellement plusieurs, des gens qui ont siégé à ces conseils d'administration – dont l'intérêt, au nom de ce qu'ils entendent dans leur milieu, c'est de donner un point de vue et d'essayer d'administrer les soins de santé des établissements ou de l'établissement qu'ils ont à gérer de la façon la plus adéquate possible. Par contre, quand il y a des réformes qui viennent de la régie, qu'il y a des suggestions qui viennent de la régie, quand ça vient trop vite et quand ça vient avec un bulldozer, bien, ces gens-là posent des questions, ces gens-là sont préoccupés par ce qui va se passer sur le terrain.

Alors, dans cet esprit-là, M. le Président, il ne m'apparaît pas que le projet de loi soit hautement justifié. D'autant plus, M. le Président, qu'on entre dans un débat de fusion d'établissements dont les vocations sont passablement différentes.

Alors, on a entendu plusieurs argumentations de la part de gens, entre autres des gens qui étaient des partenaires du gouvernement qui est aujourd'hui au pouvoir au jour où ils ont créé des services de première ligne, les CLSC, avec une mission précise, et c'est ces mêmes gens là qui viennent dire au gouvernement, aujourd'hui, juste au moment où il commence à y avoir un équilibre, juste au moment où on commence à mettre en place dans notre système les conditions optimales pour que les CLSC prennent vraiment leur essor, prennent vraiment leur place, bien, au même moment, on est en train, dans bien des cas – il faut voir l'ordre de grandeur des chiffres – de noyer le rôle des CLSC, de les noyer dans toute cette réforme-là.

Alors, tout ça, M. le Président, pour dire que je ne vois pas en quoi le projet de loi n° 116, entre autres par son article 2 et certains autres de ses articles, il est susceptible d'améliorer l'organisation de nos soins de santé dans nos régions, comment il est susceptible de nous ramener plus vers un système souhaité. Ce que nos gens nous demandent, ce que notre population nous demande, c'est d'aller de plus en plus vers un système qui va être centré sur les besoins du citoyen, vers un système où les questionnements et les choix de budgets vont toujours se faire en se demandant: Est-ce qu'on répond un peu plus aux besoins du citoyen lui-même? Est-ce qu'on répond un peu plus aux besoins de nos personnes âgées elles-mêmes qui ont besoin de soins? Est-ce qu'on répond un peu plus aux besoins de nos personnes malades? Bien, quand j'utilise ces lunettes-là, des besoins des citoyens, pour regarder le projet de loi n° 116, ça ne paraît pas évident qu'on est dans la bonne direction. Au contraire.

Il me paraît qu'on veut redonner plus de pouvoirs – je l'ai dit tout à l'heure – aux bureaucraties, qu'on veut ramener les décisions plus fermement dans les tours à bureaux, avoir moins de C.A. qui posent des questions et que ce soit plus facile à gérer pour la régie. Parce qu'on le sent, il faut le voir sur le terrain, c'est les régies qui gèrent les C.A., qui gèrent toute l'affaire. Les C.A., c'est une espèce de tampon. C'est un peu de lousse dans la conduite, les C.A. On aimerait mieux ne pas les avoir, la conduite serait plus directe, serait plus facile. Mais ça pose des questions, des fois. Alors, c'est un peu ça du point de vue des régies, du point de vue des bureaucraties. C'est de cette façon-là que le problème se présente.

Et je suis surpris. Bien, surpris; je ne peux pas être surpris parce qu'il y a plusieurs parlementaires du côté gouvernemental, les députés du Parti québécois, qui n'ont pas encore, en troisième lecture, voté en faveur de ce projet de loi là. On peut s'attendre à tout. On peut s'attendre à tout de leur part, parce que, eux-mêmes, je pense, comme parlementaires, ceux qui ont eu, dans bien des cas, à travailler avec les régies, quand on pose des questions, qu'on essaie de comprendre ce qui va se passer dans nos propres comtés, quand on essaie de savoir le pourquoi de tout ce qui se passe, parfois, sur le terrain, chez nous, on s'aperçoit que, nous, on est des élus, les élus du peuple, élus par la population pour représenter un comté, mais, quand on cogne aux portes des régies... Je veux dire, un élu, ça ne fait pas branler les murs. On a juste été mandaté par la population pour les représenter. Je vois des députés qui sourient, qui ont sûrement vécu la même chose, hein? Dans une bureaucratie, on veut moins de C.A., bien, peut-être que, au fond, on pourrait avoir moins d'élus, un peu moins de ces gens qui sont des députés et qui ont été élus par la population pour surveiller ce qui se passe. S'il y en avait moins, ils auraient la paix, là, les bureaucrates, pour prendre les décisions. Ils ne seraient pas pris avec des gens qui ont à répondre à la population.

J'ai l'impression que c'est de cette façon-là que la philosophie est en train de se dégager. Et je dois vous dire, M. le Président, que, en mettant sur la table des projets de loi comme le projet de loi n° 116 et d'autres que j'ai commentés cette semaine, des projets de loi pour faire circuler l'information tout partout dans le gouvernement, on a l'impression qu'il y a des élus qui, le jour où ils tombent au gouvernement, s'éloignent de la population, s'accrochent après la machine et se laissent porter par la machine, et ce que la machine suggère, bien, c'est bon, on y va avec ça, et qu'on est de plus en plus loin des besoins réels de la population.

Alors, c'étaient mes commentaires, M. le Président, à ce stade-ci. Je me passe de commentaires sur la façon dont tout ça s'est fait. Je pense que ça témoigne d'une certaine forme d'improvisation. Ça démontre que le gouvernement lui-même, là, les amendements de dernière minute... Et c'est souvent le genre de projet de loi – on l'a vu dans le passé – qu'on regrette après, parce que, là, on voulait le passer à la dernière minute, puis les amendements n'étaient pas prêts et on ne savait plus dans quelle poche on les avait mis. C'est en plein le genre de projet de loi pour lequel, souvent, après coup, on s'aperçoit qu'on a répondu à des appels de la machine, mais qu'on n'a pas nécessairement rendu service aux citoyens du Québec.

Alors, c'est pour ça que je demande à tous les parlementaires, et particulièrement à ceux qui comprennent très bien ce dont je parle quand je parle des besoins des citoyens, les députés qui ne sont pas au gouvernement, qui ne sont pas à l'Exécutif une fois par semaine, mais qui sont avec leurs concitoyens et leurs concitoyennes, de se questionner sérieusement avant d'appuyer un projet de loi comme celui-là. Merci, M. le Président.

Le Président: Je reconnais maintenant Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.


Mme Nicole Loiselle

Mme Loiselle: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir d'intervenir sur le principe du projet de loi n° 116. Vous savez, nous, de l'opposition, nous avons de nombreuses raisons de nous opposer à ce projet de loi, mais, si vous me permettez, avant même de parler du contenu du projet de loi n° 116, je dois, avant tout, prendre quelques minutes pour dénoncer l'attitude du ministre de la Santé et des Services sociaux dans ce dossier particulièrement.

(12 h 30)

Hier soir, M. le Président, en pleine nuit, le ministre de la Santé a décidé de procéder à l'adoption du principe du projet de loi n° 116, qui, il le sait très bien pour avoir passé des heures et des heures en commission parlementaire à écouter des groupes, ne fait pas consensus au sein du réseau de la santé et des services sociaux. En tentant de faire adopter ce projet de loi, M. le Président, en pleine nuit, nous sommes en droit de nous demander, nous, l'opposition officielle, et le public, et la population du Québec, si le ministre essaie de cacher ses actions au public et aux partenaires dans le réseau de la santé.

Nous dénonçons aujourd'hui tout particulièrement l'attitude désinvolte, voire mesquine, du ministre de la Santé et son manque de respect pour nos institutions démocratiques. Le ministre, M. le Président, a eu l'audace de demander l'adoption du principe du projet de loi n° 116 en pleine nuit et de déposer toute une série d'amendements, attendus par l'opposition et par le réseau de la santé depuis fort longtemps, à seulement quelques heures de l'adoption du principe de ce projet de loi.

Le ministre de la Santé savait fort bien que le député de Robert-Baldwin et critique en matière de santé siégeait, avec lui, en commission parlementaire jusqu'à minuit hier soir et qu'en déposant les amendements vers 17 heures, à quelques heures du dépôt de son projet de loi, son vis-à-vis et porte-parole en santé n'aurait pas le temps de vérifier si les changements, les amendements proposés répondaient aux demandes des organismes consultés en commission parlementaire.

Le ministre de la Santé devait avoir ses raisons, M. le Président, pour agir ainsi. Peut-être savait-il que ces amendements ne répondent aucunement aux revendications des groupes ou tout simplement voulait-il alors les déposer dans l'espoir qu'ils passeraient inaperçus. Le ministre n'a rien à craindre, M. le Président, l'opposition officielle se fera un devoir de dénoncer haut et fort le manque de transparence du ministre et de ce gouvernement ainsi que la nette insuffisance des amendements qu'il a déposés hier soir, en douce.

M. le Président, revenons maintenant au contenu du projet de loi n° 116. Ce projet de loi propose un nouveau mode de fonctionnement de formation des conseils d'administration chargés d'administrer l'ensemble des établissements de santé sur le territoire d'une régie régionale qui exploite un centre de réadaptation pour les personnes ayant une déficience physique.

Il prévoit également, ce projet de loi n° 116, la possibilité, pour une régie régionale, de proposer au ministre la fusion de conseils d'administration pour administrer certains établissements dans une même région. Le ministre donne ainsi le pouvoir à une régie régionale, par exemple, de proposer des fusions entre un CLSC, un centre d'hébergement de soins de longue durée et un centre de soins de courte durée de moins de 50 lits.

Finalement, M. le Président, le projet de loi n° 116 apporte des modifications à la composition des divers conseils d'administration des régies régionales et prévoit l'abolition, tout simplement l'abolition, de l'assemblée régionale qui avait pour fonction d'élire des personnes qui formaient les conseils d'administration des régies régionales.

Ce projet de loi, M. le Président, fait partie de tout le processus de reconfiguration du réseau de la santé, qui a mené à de nombreuses fusions d'établissements et, malheureusement, à de nombreuses mises à pied. Le ministre de la Santé et des Services sociaux a déposé, comme je l'ai dit tantôt, ce projet de loi en catimini, en douce, le 4 décembre 1995, sachant fort bien que le projet de loi comportait de nombreux oublis et que d'importants éléments ne faisaient pas consensus au sein des réseaux de la santé du Québec. Le ministre, M. le Président, a alors tenté de reculer en entreprenant, dès janvier, une consultation par écrit auprès des différents intervenants.

Par la suite, le ministre a décidé, sûrement, M. le Président, à contrecoeur, d'entreprendre une consultation en commission parlementaire. Cette consultation, M. le Président, nous a permis de constater une fois de plus que le ministre improvise dans ce dossier comme dans l'ensemble du processus de la reconfiguration des réseaux de la santé. Il est évident que le ministre ne sait pas où il s'en va et que dans tout le processus il y a un manque flagrant de coordination et de concertation.

Le ministre, à l'issue des consultations sur le projet de loi, a dû enfin se rendre compte qu'il n'a pas su se rallier les principaux intervenants du réseau de la santé et des services sociaux. Le ministre de la Santé avait toujours promis un projet de loi visant la déréglementation du réseau de la santé et des services sociaux. Et plusieurs des organismes qui ont participé à la consultation en commission des affaires sociales, dont l'Association des hôpitaux du Québec, ont réclamé d'inclure dans la législation davantage de décentralisation et de déréglementation.

M. le Président, au lieu de faire ça, le ministre, lui, réglemente davantage avec son projet de loi.

Comme je l'ai toujours mentionné et que je l'ai mentionné encore ce matin, ce projet de loi donne le pouvoir aux régies régionales de proposer la fusion des établissements de courte ou de longue durée de moins de 50 lits, M. le Président, et de CLSC, s'ils ont tous, il va sans dire, des sièges sur le même territoire. En commission parlementaire, tous les intervenants ont dénoncé cette mesure. Pas un, pas deux, tous les intervenants ont dénoncé cette mesure que le ministre veut mettre en application. Certains, comme les CLSC, qui forment la base même du virage ambulatoire, ont dénoncé le fait que les missions respectives des institutions pourraient être mises en péril.

Je rappellerai au ministre les propos tenus par la Fédération des CLSC du Québec en commission parlementaire, c'est la Fédération qui parle, M. le Président: «Le risque d'émiettement des dimensions promotion et prévention des services de première ligne devient encore plus grand lorsqu'on regroupe un CLSC ayant peu d'effectifs avec un centre d'hébergement de soins de longue durée ou un centre hospitalier de soins de courte durée comptant un nombre important de ressources humaines. Minoritaires par rapport à leurs collègues des autres vocations, les intervenants du CLSC ont peu de chances d'accéder au conseil d'administration dans un contexte où tous et chacun, M. le Président, sont portés à vouloir représenter et protéger la mission du centre dans lequel ils oeuvrent.» C'est la Fédération des CLSC du Québec qui a dit ça en commission parlementaire.

Il est vrai que le ministre a apporté des amendements à l'article visant cette fusion, mais ces changements ne vont nullement, M. le Président, je dis bien nullement, dans le sens demandé par les différents intervenants au cours de la consultation.

Il y a l'article 31, M. le Président. L'article 31 du projet de loi est également très contesté. Cet article vise à abolir l'assemblée régionale à l'intérieur des régies régionales. Les assemblées régionales, bien qu'elles aient eu des problèmes de fonctionnement – tout le monde est d'accord avec ça – représentent un mécanisme permettant aux régies régionales de rendre des comptes à la population, et de nombreux organismes entendus en commission se sont opposés fermement à leur abolition. Encore une fois, M. le Président, le ministre est demeuré sourd aux revendications des groupes, puisqu'il ne modifie en rien l'article 31 dans la version du projet de loi n° 116 que nous avons devant nous.

Je dois enfin mentionner que l'article 1 de ce projet de loi pose de nombreux problèmes pour l'opposition officielle. Par cet article, le ministre veut créer un seul conseil d'administration pour tous les établissements qui desservent une clientèle souffrant d'une déficience physique dans le territoire d'une régie régionale. Cet article, M. le Président, comme certains groupes l'ont mentionné en commission parlementaire, pose des problèmes majeurs, puisque la création d'un seul conseil d'administration pour toute une série d'établissements ne permet pas de tenir compte de la diversité et des besoins spécifiques de cette clientèle.

Au lieu de répondre aux revendications légitimes de ces groupes, le ministre, dans l'amendement qu'il propose, donne un chèque en blanc et se donne toute la marge de manoeuvre nécessaire pour fusionner les établissements comme bon lui semble, M. le Président. Ce geste ne nous surprend pas, nullement, parce que venant de ce ministre et de ce gouvernement, car nous savons tous, M. le Président, que c'est le ministre qui a pris toutes les décisions quant aux fermetures d'hôpitaux et nous savons qu'il est dans ses habitudes de vouloir s'attribuer le maximum de pouvoirs possible.

C'est une tendance de ce gouvernement, qui nous inquiète beaucoup et qui inquiète la population du Québec. Ce n'est pas seulement le ministre de la Santé qui aime le pouvoir. La ministre de l'Éducation en a pris aussi un grand goût, M. le Président. Nous verrons que, dans un autre projet de loi qui s'en vient, le projet de loi n° 37, visant la conclusion d'ententes dans le secteur de l'éducation, la ministre de l'Éducation suit l'exemple du ministre de la Santé et s'approprie les pouvoirs pour imposer des mesures à ses partenaires en éducation, du secteur de l'éducation, M. le Président.

Cette tendance à vouloir s'approprier le maximum de pouvoirs tout en ignorant les revendications tout à fait légitimes de ses partenaires n'augure pas bien pour les transformations majeures que subit actuellement le réseau de la santé et pour la qualité des services de santé qui seront offerts à la population du Québec.

(12 h 40)

Et c'est pourquoi, M. le Président, nous, de l'opposition officielle, nous voterons tous et toutes contre le projet de loi n° 116. Encore une fois, les actions de ce gouvernement vont carrément à l'encontre du discours de compassion, de transparence qu'il nous donne, qu'il nous sérénade depuis des mois. Et, M. le Président, je ne peux que me dissocier de ce projet de loi n° 116. Merci, M. le Président.

Le Président: Alors, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.


Mme Liza Frulla

Mme Frulla: Merci, M. le Président. Je désire prendre quelques instants, moi aussi, à mon tour, pour intervenir sur l'adoption du principe du projet de loi n° 116, le projet de loi qui modifie de nouveau la Loi sur les services de santé et les services sociaux, projet de loi qui modifie aussi diverses dispositions de la Loi sur les services de santé et les services sociaux relatives à la formation, à la composition des conseils d'administration des établissements publics et des régies régionales. J'interviens aussi pour rappeler, à la lumière des nombreuses contestations qui ont été soulevées, qu'il est de notre responsabilité, pour le bénéfice des établissements qui risquent d'être touchés par le projet de loi et pour la population qui risque d'y perdre, nous y croyons, de voter contre le projet de loi n° 116.

Tout d'abord, j'aimerais rappeler que ce projet de loi propose un nouveau mode de formation du conseil d'administration chargé d'administrer l'ensemble des établissements qu'il exploite sur le territoire d'une régie régionale, un centre de réadaptation pour les personnes ayant une déficience physique. Il prévoit aussi la possibilité pour une régie régionale de proposer au ministre de la Santé et des Services sociaux la formation d'un seul et même conseil d'administration pour administrer certains établissements dans une région. Autrement dit, le ministre donne le pouvoir aux régies régionales de lui recommander qu'un CLSC se situant sur son territoire ou un territoire donné, qu'un centre d'hébergement de soins de longue durée et même qu'un centre hospitalier de courte durée de moins de 50 lits puissent être fusionnés en un seul conseil d'administration.

Il appert que ce nouveau pouvoir risque d'être conflictuel et que cette fusion potentielle ne représente en rien les missions réciproques de chacun des établissements et qu'elle ne reflète pas la réalité de chacun d'eux. À cet égard, il y a lieu de s'interroger sur la pertinence d'agir de cette manière, si ce n'est que pour appliquer aussi les commandes du ministre, qu'elles soient financières ou autres. De même, cette situation pourrait s'appliquer pour deux ou plusieurs établissements qui exploitent un centre hospitalier de soins généraux et spécialisés de 50 lits ou plus et qui ont leur siège social sur le territoire d'une régie régionale.

Par ailleurs, ce projet de loi apporte des modifications à la composition des divers conseils d'administration qui seront formés, notamment en prévoyant l'ajout de nouveaux membres cooptés. Finalement, le projet de loi prévoit l'abolition des assemblées régionales dont les principales fonctions étaient d'élire, parmi ses membres, les personnes qui formaient le conseil d'administration des régies régionales.

M. le Président, ces différentes modifications nous inquiètent et inquiètent plusieurs intervenants du milieu de la santé et des services sociaux. J'aurai l'occasion, au cours de cette intervention, de rappeler au ministre certaines inquiétudes qui lui ont été soulevées au cours des derniers mois, voire des dernières années ou de la dernière année, plutôt.

Or, l'article 1 du projet de loi, qui oblige la fusion en un seul conseil d'administration, la gestion de certains centres de réadaptation pour les personnes ayant une déficience physique sur le même territoire, nous laisse perplexe. Cette nouvelle disposition semble inadéquate quant aux réalités des besoins spécifiques des différentes clientèles desservies par les établissements respectifs. Nous pouvons aller jusqu'à penser, par exemple, aux particularités linguistiques de ces clientèles qui dépassent bien souvent largement une vision limitée par un territoire, comme le propose l'article 1.

Il est normal que les établissements puissent se situer à proximité l'un de l'autre et avoir des vocations différentes, avoir des objectifs aussi différents et des philosophies aussi distinctes. Pourquoi, dès lors, se donner le droit de les fusionner sous prétexte d'un profil territorial? À ce titre, les centres de réadaptation en déficience physique de la Régie de Montréal-Centre proposaient, lors des consultations, ce qui suit: «Nous sommes en complet désaccord de partir de modèles administratifs plutôt que de partir des besoins de la population desservie, des besoins des programmes et des ressources desservis ou encore de l'ensemble des ressources disponibles. Nous demandons au ministère de la Santé et des Services sociaux d'insister plus sur la collaboration interrégionale et sur l'interdépendance régionale. Il n'est pas opportun de confier l'administration par un conseil d'administration unique de tous les établissements qui exploitent un centre de réadaptation pour les personnes ayant une déficience physique.»

M. le Président, le ministre doit prendre en considération cette revendication et ne pas laisser sa conduite être dirigée uniquement par l'obsession budgétaire. Comment peut-on prétendre qu'un conseil d'administration unique pourra veiller avec autant d'intérêt, d'attention et de rigueur sur le développement des programmes et la qualité des services qui sont dispensés dans chacun des établissements qu'il supervisera? Comment établira-t-il aussi ses priorités? Est-ce par service offert, par clientèle desservie ou, tout comme les ministres, par commande budgétaire? Ces questions se posent, M. le Président. Y a-t-on répondu? Ça ne m'apparaît pas très clair.

Par ailleurs, l'article 2 modifie l'article 126.1 de la loi actuelle sur la santé et les services sociaux. Par cette disposition, le ministre autorise une régie régionale à lui proposer que soit administré par le même conseil d'administration un CLSC, un ou plusieurs établissements qui exploitent un centre d'hébergement de soins de longue durée et un ou plusieurs centres hospitaliers de soins de courte durée de moins de 50 lits qui ont tous leur siège sur le même territoire. M. le Président, cet article nous laisse croire que la mission fondamentale de chaque établissement risque d'être diluée et non respectée par la mise en vigueur de cet article. D'ailleurs, plusieurs intervenants se sont inquiétés, pour ne pas dire rebellés contre cet article. La majorité ont dénoncé le fait que les missions respectives pourraient être mises en péril. Et plusieurs autres ont jugé insatisfaisant ce même article qui est au limitatif quant aux fusions acceptées.

Permettez-moi, M. le Président, de vous faire part des commentaires de certains de ces organismes qui se sont présentés en commission parlementaire pour être entendus par le ministre de la Santé et des Services sociaux et pour dénoncer avec vigueur certaines dispositions du projet de loi et surtout de l'article 2.

Prenons, par exemple, la Table des regroupements provinciaux d'organismes communautaires et bénévoles qui mentionnait, et je les cite: «D'emblée, nous nous opposons à la fusion par en haut d'établissements qui possèdent à l'heure actuelle leur conseil d'administration propre. Cette opposition tourne au refus global quand on touche aux CLSC.»

De même, la Fédération des CLSC du Québec disait: «Le risque d'émiettement des dimensions promotion et prévention des services de première ligne devient encore plus grand lorsqu'on regroupe un CLSC ayant peu d'effectifs avec un centre d'hébergement de soins de longue durée ou un centre hospitalier de soins de courte durée comptant un nombre important de ressources humaines. Minoritaires par rapport à leurs collègues des autres vocations, les intervenants du CLSC ont peu de chances d'accéder au conseil d'administration, dans un contexte où tous et chacun sont portés à vouloir représenter et protéger la mission du centre dans lequel ils oeuvrent.»

M. le Président, qu'est-ce que le ministre de la Santé et des Services sociaux répond à ce genre d'argument? Est-il conscient de cette réalité? Peut-il écouter, comprendre et constater ce fait ou préfère-t-il continuer de foncer la tête baissée? Je m'inquiète sincèrement lorsque j'entends ce genre de réflexion. Il me semble que la réforme du ministre a entre autres pour effet d'augmenter la charge de travail des CLSC en favorisant le virage ambulatoire et en compensant pour les centres hospitaliers qui ont été fermés par le gouvernement du Parti québécois. Si les inquiétudes de la Fédération des CLSC du Québec s'avèrent fondées, n'y a-t-il pas lieu de s'interroger sur les pouvoirs et influences qu'exerceront les centres hospitaliers à l'intérieur même de leur conseil d'administration?

Finalement, M. le Président, je désire citer l'Association des hôpitaux du Québec qui, s'exprimant en commission parlementaire, disait: Nous vous demandons – en parlant du ministre – de revoir et d'élargir les dispositions des articles 126.1 et 126.2 qui nous semblent beaucoup trop restrictifs. Nous croyons qu'une régie régionale devrait être habilitée à proposer au ministre que deux ou plusieurs établissements indépendants des missions qu'ils exploitent puissent être administrés par un même conseil d'administration s'il y a consensus à cet effet par les établissements concernés ou encore si l'intérêt public est en jeu, notamment quant à l'efficacité et à l'efficience qui le commandent.

M. le Président, l'expérience nous apprend toujours qu'il est préférable d'obtenir consensus si nous souhaitons avoir des résultats concrets et positifs dans ce que nous entreprenons. Il n'est jamais souhaité de forcer la main afin d'arriver à nos fins, surtout lorsqu'elles ne font pas l'unanimité. Et je ne veux pas donner, surtout pas, de leçon au ministre, mais le mettre en garde.

(12 h 50)

D'ailleurs, une expérience dans mon comté me permet de parler avec conviction de ce que j'avance. Bien qu'ils soient d'une dimension supérieure aux établissements touchés par le présent projet de loi, la fusion du Centre hospitalier de Verdun et de l'Hôpital général LaSalle est un exemple de consensus, d'efficacité et d'efficience. En effet, dans un esprit de rationalisation des dépenses et de développement d'une complémentarité des services, les deux hôpitaux ont pris l'initiative, et ce, avant la réforme du ministre de la Santé et des Services sociaux, de discuter et de regrouper leurs forces sous un même centre hospitalier sans se sentir bousculés et sans se faire imposer quoi que ce soit. Le Centre hospitalier de Verdun ainsi que l'Hôpital général LaSalle se sont assis à la même table et, par l'entremise d'un comité spécial, ont entamé, début 1995, des discussions sérieuses quant à l'avenir des deux centres hospitaliers. Résultat: le 1er avril 1996, naissait le nouveau centre hospitalier Angrignon.

Bien qu'il n'y eût pas de fusion forcée, je vous dirai que cela ne s'est pas fait sans certaines frictions et sans certaines pressions des différents intervenants touchés directement ou indirectement par le projet. J'ai suivi le dossier suffisamment de près pour comprendre que le mot «fusion» n'est généralement pas très apprécié. Malgré toute la bonne volonté de part et d'autre, je suis dans l'obligation de constater aujourd'hui qu'il risque d'y avoir une mainmise d'un établissement sur l'autre et, vous l'aurez compris, qu'il s'agit du plus gros sur le plus petit. J'ai même dû intervenir auprès du ministre afin qu'il accorde une attention particulière à ce dossier et qu'il autorise le plus rapidement possible le processus de nomination du nouveau directeur général.

Je veux profiter aussi, M. le Président, de l'occasion pour le remercier, remercier le ministre de la rapidité avec laquelle il a répondu à ma demande. Par ailleurs, je me permets de lui rappeler que – ville LaSalle, entre autres – le comté de Marguerite-Bourgeoys ne pourrait accepter qu'on réduise les services offerts à la population que je représente.

Cela dit, j'aimerais mentionner que l'expérience m'a appris que, malgré un relatif consensus, la population laSalloise demeure inquiète quant aux services qui peuvent lui être offerts et aussi quant à sa représentation au sein du nouvel établissement. Or, je crois que je peux faire le parallèle entre cet exemple et l'article 2 du projet de loi, à un point tel qu'il m'est permis d'affirmer que cette nouvelle façon de faire sera beaucoup plus nuisible et ne contribuera pas à établir un climat de confiance dans notre système de santé.

Bref, M. le Président, d'expérience je suis en accord avec les inquiétudes relevées par plusieurs groupes quant à l'objectif à être atteint par l'article 2.

Maintenant, sans m'attarder sur les articles 3 à 30, qui prévoient de nouvelles modalités pour nommer les membres des conseils d'administration des nouveaux établissements fusionnés, je désire m'attarder quelques instants sur l'article 31; article qui a été l'un des plus contestés de ce projet de loi n° 116. Cet article, M. le Président, propose l'abolition de l'assemblée régionale, mécanisme qui était prévu afin que les régies régionales rendent des comptes à la population sur la réorganisation des services de santé et des services sociaux dans chaque région. Certes, nous pouvons questionner l'efficacité de cette assemblée, cependant, il est clair que son abolition ne peut se faire sans trouver un autre mécanisme d'imputabilité des régies régionales.

Considérant le grand pouvoir qu'exercent les régies régionales et leurs responsabilités envers les citoyens et citoyennes, je considère qu'il est primordial qu'elles soient imputables par tout autre mécanisme qui permettrait d'atteindre les objectifs. À ce titre, je me permettrai de citer à nouveau quelques groupes qui, forts de leur expérience, ont voulu faire prendre conscience au ministre de l'erreur qu'il est en train de commettre.

La proposition de la FTQ, par rapport à cet article, était la suivante: «Nous ne sommes pas d'accord avec l'abolition de l'assemblée régionale. Nous ne croyons pas que le caractère public des séances du conseil d'administration d'une régie, sa séance publique annuelle d'information, le dépôt de son rapport annuel d'activité à l'Assemblée nationale et son audition devant la commission parlementaire des affaires sociales constituent à eux seuls les moyens suffisants pour assurer la reddition des comptes et l'imputabilité d'une régie régionale. Nous suggérons que le ministère évalue d'abord pourquoi cette instance essentielle à la régionalisation ne fonctionne pas comme elle devrait et qu'il propose ensuite des solutions pour la bonifier.»

De même, la Table des regroupements provinciaux des organismes communautaires et bénévoles s'objectait fermement, en disant, et je cite: «Nous disons un non ferme à l'abolition de l'assemblée régionale. Régionalisation veut dire démocratisation. L'assemblée régionale, malgré ses imperfections notoires, nous semblait aller dans la bonne direction. Elle était comme un compromis entre l'élection au suffrage universel de la régie régionale proposée par la commission Rochon et les anciens du CRSSS.»

Pour sa part, la Fédération des CLSC mentionnait, et je cite: «Il est important de préserver le principe de reddition des comptes et d'imputabilité au niveau régional. Ainsi, en abolissant l'assemblée régionale, le conseil d'administration deviendrait l'acteur unique sur le plan régional. Il faudrait prévoir dans la loi, pour une régie régionale, de tenir des audiences publiques afin de préserver son imputabilité.»

Or, M. le Président, ces propos me rappellent l'époque où le ministre de la Santé et des Services sociaux d'alors, s'inspirant d'un rapport de l'actuel ministre, le Dr Rochon, nous vantait la démocratisation de notre système de santé avec l'adoption de la loi 120. La situation actuelle m'inquiète, et je me demande si le ministre n'est pas en train de changer son fusil d'épaule avec cet article, sans alternative. Je m'interroge, M. le Président.

Finalement, pour cet article, je crois qu'il demeure primordial de penser à un autre mécanisme, si le ministre maintient l'abolition de l'assemblée régionale, afin de s'assurer de l'imputabilité des régies régionales devant la population. Il faut, par ce mécanisme, éviter de donner un trop grand pouvoir aux régies régionales, alors qu'elles seraient exclues de jugement devant leurs pairs. Nous proposons donc que les régies soient redevables devant les élus de l'Assemblée nationale et également devant la population, et ce, par un mécanisme introduit dans la loi.

En terminant, M. le Président, je prendrai quelques instants pour désapprouver l'attitude du ministre de la Santé et des Services sociaux quant à la façon de travailler face à ce projet de loi. Je trouve inacceptable que nous nous retrouvions à en adopter le principe alors que ce projet de loi est devant nous depuis décembre 1995. Il en va de même des modifications apportées à son projet. Pourquoi avoir attendu à la dernière minute si ce n'est que pour nous empêcher de faire notre travail?

Malheureusement, à la lecture de ces amendements, on constate que le ministre a corrigé les nombreux oublis que comportait la première version et non pas répondu aux attentes des groupes entendus. M. le Président, le ministre nous présente 19 amendements sur 55 articles que contenait le projet de loi d'alors. De plus, nous devons malheureusement constater que le ministre est demeuré sourd aux demandes et revendications des organismes, puisqu'il ne fait qu'effleurer l'article 2 et ne modifie aucunement l'article 31, qui, je le répète, sont très controversés.

M. le Président, l'exemple d'aujourd'hui me confirme, une fois de plus, l'indifférence du gouvernement face aux recommandations qui sont généralement apportées dans la bonification des projets de loi qui sont présentés par l'équipe ministérielle. On écoute le moins possible et, surtout, on fait à sa tête au détriment, bien souvent, de l'opinion des autres, et je trouve ça dommage, surtout dans un secteur aussi névralgique que celui de la santé. Pour toutes ces raisons, M. le Président, je voterai contre le projet de loi.

Le Président: Merci beaucoup, Mme la députée. Écoutez, il reste à peine deux minutes, je pense que ce serait... M. le député de Shefford, si vous êtes d'accord, on pourrait vous reconnaître dès la reprise de nos travaux, cet après-midi, après l'ajournement. Alors, je vais suspendre les travaux jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 59)

(Reprise à 15 h 9)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Veuillez vous asseoir, s'il vous plaît.

Alors, nous reprenons nos débats aux affaires du jour. Nous étions à débattre du principe du projet de loi n° 116, Loi modifiant de nouveau la Loi sur les services de santé et les services sociaux. Alors, je vais maintenant céder la parole au prochain intervenant, et c'est M. le député de Montmagny-L'Islet. M. le député.


M. Réal Gauvin

M. Gauvin: M. le Président, le projet de loi n° 116 a été déposé le 4 décembre dernier par le ministre, et il n'a pas jugé bon de le rappeler, puisque certains éléments ne faisaient pas consensus au sein du réseau de la santé et des services sociaux. Suite à la controverse qu'il a soulevée, le ministre a entrepris, en janvier dernier, une consultation par écrit auprès de tous les intervenants. Toutefois, il est important de mentionner que le document qui a été transmis aux intervenants touchait plus largement un projet de déréglementation qui devait faire suite à la loi 120 que les modifications proposées par la loi n° 116.

(15 h 10)

Le ministre a toujours promis un projet de loi visant la déréglementation du réseau de la santé et des services sociaux. Il a donc noyé la véritable consultation sur le projet de loi n° 116 dans un document beaucoup plus large que celui qu'il a présenté à l'Assemblée nationale. Vous voyez donc, M. le Président, que l'attitude du ministre démontre le peu de considération qu'il a pour les intervenants relativement à ce projet de loi.

Mais je vais poursuivre la démonstration encore plus loin. Le ministre a même exigé des intervenants qu'ils fassent part de leurs commentaires par écrit au sous-ministre quant à l'ensemble du projet de loi. Pris de remords, il a entrepris une brève tournée de consultations privées auprès des intervenants les plus importants pour connaître leur position. À titre d'exemple: l'Association des hôpitaux du Québec, la Fédération des CLSC, la Coalition Solidarité Santé, la Fédération des infirmières et infirmiers du Québec. Et tous ces groupes, M. le Président, ont justement eu la chance d'être consultés par le ministre. Toutefois, cette consultation ne l'a toujours pas amené à modifier le projet de loi, et ce, malgré toutes les interventions qui ont été faites contre celui-ci.

Ce qu'il faut savoir, M. le Président, c'est que le projet de loi n° 116 touche deux aspects: d'une part, il autorise les fusions entre les CLSC, les centres d'hébergement de soins de longue durée et les centres hospitaliers de soins de courte durée de moins de 50 lits; d'autre part, il établit une nouvelle règle pour la formation des conseils d'administration des régies régionales et abolit l'assemblée régionale. Ce qui est important, c'est que, malgré les promesses répétées du ministre, on ne retrouve aucune disposition qui prévoit la déréglementation demandée par le réseau et qui pourrait assurer adéquatement la continuité de la réforme de la santé et des services sociaux. Il est important de rappeler que le Conseil de la santé et du bien-être ainsi que toute la réforme de la santé et des services sociaux amorcée en 1992 par le gouvernement libéral s'orientaient vers cette déréglementation. Le réseau s'attendait donc à ce que le ministère prévoit des modifications réglementaires afin de donner plus de souplesse à chaque région pour créer un système de santé à son image, soit à l'image de chacune des régions du Québec.

Bien des groupes veulent se faire entendre, et les commentaires ne sont majoritairement pas très bons. On se plaint à raison que le virage est trop rapide, désorganisé à bien des points de vue. Plusieurs intervenants craignent que les économies recherchées à un endroit ne soient perdues ailleurs. Je me demande s'il y a un vocabulaire parlementaire pour qualifier la démarche du ministre qui donne l'illusion de consulter certains groupes sans toutefois observer leurs commentaires.

M. le Président, j'aimerais prendre les minutes qu'il nous reste pour vraiment expliquer à la population ce que contient ce projet de loi et la raison pour laquelle on doit se méfier de ce que le ministre de la Santé planifie.

À l'article 1 du projet de loi, on constate que le ministre oblige à ce que l'administration de l'ensemble des établissements qui ont leur siège dans le territoire d'une régie régionale et qui exploitent un centre de réadaptation pour les personnes ayant une déficience physique soit assurée par un seul conseil d'administration. Le ministre veut donc créer un seul conseil d'administration pour tous les établissements qui desservent une clientèle souffrant d'une déficience physique, sans tenir compte de la nature de celle-ci, et ce, pour l'ensemble du territoire d'une régie régionale.

Cette nouvelle disposition est inadéquate quant aux réalités des besoins spécifiques des clientèles et démontre une insensibilité du ministre de la Santé aux particularités de ces clientèles, qui dépassent largement une vision limitée par un territoire, comme il le propose dans l'article 1, ce qui a fait dire aux centres de réadaptation en déficience physique de la région de Montréal-Centre, lors des consultations, et je cite, M. le Président: «Nous sommes en complet désaccord de partir des modèles administratifs plutôt que de partir des besoins de la population desservie, des besoins des programmes et des ressources disponibles. Nous demandons au ministre de la Santé et des Services sociaux d'insister plus sur la collaboration interrégionale et sur l'interdépendance régionale. Il n'est pas opportun de confier l'administration à un conseil d'administration unique de tous les établissements qui exploitent un centre de réadaptation pour les personnes ayant une déficience physique.» Encore une fois, on demandait au technocrate ministre de la Santé de considérer les besoins de la population desservie, les besoins des programmes ainsi que les ressources disponibles. On n'a pas besoin d'avoir un seul conseil d'administration pour tous les établissements exploitant un centre de réadaptation pour les personnes ayant une déficience physique lorsqu'on laisse agir les gens dans le milieu, qui développeront des relations interrégionales, ou l'interdépendance régionale, comme je le mentionnais.

L'article 2, M. le Président, modifie l'article 126.1 de la Loi actuelle sur les services de santé et les services sociaux. Par cette disposition, le ministre autorise une régie régionale à lui proposer que soient administrés par le même conseil d'administration un CLSC ou plusieurs établissements qui exploitent un centre d'hébergement de soins de longue durée ou un ou plusieurs centres hospitaliers de soins de courte durée de moins de 50 lits, s'ils ont tous leur siège social sur le même territoire.

Par la suite, le ministre prévoit un alinéa pour chacune des formules suivantes. On proposerait la fusion entre deux ou plusieurs CLSC qui ont leur siège social sur le même territoire et on proposerait une fusion entre deux ou plusieurs CLSC s'ils ont leur siège ailleurs que dans le territoire d'une MRC. On permettrait la fusion d'un ou plusieurs CLSC avec un ou plusieurs centres d'hébergement de soins de longue durée et un ou plusieurs centres hospitaliers de soins de courte durée de moins de 50 lits si tous ont leur siège social dans le même territoire d'une MRC.

En autorisant les régies régionales à proposer des fusions entre divers établissements – des CLSC, centres d'hébergement de soins de longue durée, centres hospitaliers de soins de courte durée ayant moins de 50 lits – on met définitivement un terme au respect de la mission de chaque établissement. Mais, ça, M. le Président, ce n'est pas une préoccupation pour un technocrate, comme je le mentionnais tantôt. Ce qui est important, c'est de gratter du papier, d'élaborer des plans, c'est de faire tout autre chose que de soigner les gens qui s'attendent à être soignés, qui ont droit à des services de qualité, qui connaissent le système et qui ne s'y retrouvent plus dans ce qui est proposé pour le ministre, qui n'a aucune considération aussi pour la volonté du milieu.

Lorsque j'analyse ce projet, M. le Président, j'ai à la mémoire la fable de la grenouille qui voulait devenir aussi grosse que le boeuf. M. le Président, encore une fois, le ministre de la Santé va dire que l'opposition ne comprend rien. Ce n'est pas nouveau comme réaction de la part du ministre. Pourtant, on n'est pas les seuls à désapprouver l'article 2 de ce projet de loi, et ce, pour plusieurs raisons différentes. La majorité des intervenants qui se sont présentés en commission parlementaire, lors des consultations, ont dénoncé le fait que les missions respectives pouvaient être mises en péril, et les autres ont jugé insatisfaisant ce même article, qui est trop limitatif quant aux fusions acceptées. Alors, on doit être plusieurs personnes à ne pas comprendre, M. le Président.

Je vais prendre du temps pour rafraîchir la mémoire du ministre et lui parler de la position de certains organismes qui ont été entendus relativement à l'article 2 du projet de loi n° 116. Parlons de la Table des regroupements provinciaux d'organismes communautaires et bénévoles. Ses représentants indiquaient, et je cite à nouveau: «Nous nous opposons à la fusion par en haut des établissements qui possèdent, à l'heure actuelle, leur conseil d'administration propre. Cette opposition tourne au refus global quand on touche aux CLSC.»

(15 h 20)

La Fédération des CLSC du Québec, quant à elle, avait autre chose à dire au ministre, et je voudrais rapporter ses propos: «Le risque d'émiettement des dimensions promotion et prévention des services de première ligne devient encore plus grand lorsqu'on regroupe un CLSC ayant peu d'effectifs avec un centre d'hébergement de soins de longue durée ou un centre hospitalier de soins de courte durée comptant un nombre important de ressources humaines. Minoritaires par rapport à leurs collègues des autres vocations, les intervenants du CLSC ont peu de chance d'accéder au conseil d'administration, dans un contexte où tous et chacun sont portés à vouloir représenter et protéger la mission du centre dans lequel ils oeuvrent.»

L'Association des hôpitaux du Québec, pour sa part, indiquait, et je cite à nouveau: Nous vous demandons de revoir et d'élargir les dispositions des articles 126.1, 126.2 qui nous semblent beaucoup trop restrictifs. Nous croyons qu'une régie régionale devrait être habilitée à proposer au ministre que deux ou plusieurs établissements indépendants des missions qu'ils exploitent puissent être administrés par un seul conseil d'administration s'il y a consensus à cet effet par les établissements concernés ou encore si l'intérêt public... notamment quand l'efficacité, l'efficience le commandent.

M. le Président, il est clair que tous les intervenants semblent insatisfaits des dispositions de l'article 2, qui modifie l'article 126.1. Le pouvoir donné aux régies régionales de soumettre au ministre des fusions d'établissements prévu à l'article 2 du projet de loi n° 116 semble faire consensus pour être retiré de ce projet de loi. Par ailleurs, il est important de rappeler que l'article 128 de la loi actuelle permet déjà de fusionner des établissements quand ce projet est issu de la volonté du milieu. C'est évident que ce n'est pas assez pour le ministre, la volonté du milieu: il aime bien mieux décider lui-même. Le ministre n'a pas à donner de pouvoirs supplémentaires aux régies régionales pour permettre des fusions entre divers établissements. Cet article de loi nous semble donc inutile quant à son objectif et abusif quant aux pouvoirs supplémentaires qu'il accordera aux régies régionales et au ministre.

M. le Président, je vous ai fait part des commentaires des organismes qui sont intervenus lors des consultations publiques. Ces organismes nous ont renforcés dans notre intention de proposer l'abolition de cette disposition, puisque l'insatisfaction est généralisée quant au pouvoir déjà trop grand des régies régionales. Il me semble que ça a déjà été démontré. Le ministre devrait écouter, regarder ce qui se passe réellement de temps à autre et arrêter de faire complètement à sa tête, comme les commissions parlementaires l'ont démontré dans les dernières heures.

M. le Président, vous me permettrez de vous parler également de l'article 31 de ce projet de loi, qui propose l'abolition de l'assemblée régionale, mécanisme qui était prévu afin que les régies régionales rendent des comptes à la population sur la réorganisation des services de santé et des services sociaux de chacune des régions. Bien que l'assemblée régionale n'ait pas donné les résultats escomptés dû à des problèmes de fonctionnement, il est clair que l'abolition de l'assemblée régionale ne peut se faire sans trouver un autre mécanisme d'imputabilité des régies régionales. M. le Président, ce principe d'imputabilité des régies régionales était à la base de la modification qui a été apportée par notre gouvernement lors de la réforme de la santé et des services sociaux.

Encore une fois, M. le Président, je peux vous faire état des positions des organismes qui avaient été entendus sur l'article 31 du projet de loi n° 116. Je vais en prendre un, par exemple, celui de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec. La FTQ nous disait, et je mentionne: «Nous ne sommes pas d'accord avec l'abolition de l'assemblée régionale. Nous ne croyons pas que le caractère public des séances du conseil d'administration d'une régie, sa séance publique d'information, le dépôt de son rapport annuel d'activité à l'Assemblée nationale et son audition devant la commission parlementaire des affaires sociales constituent à eux seuls des moyens suffisants pour assurer la reddition des comptes et l'imputabilité d'une régie régionale. Nous suggérons que le ministre évalue d'abord pourquoi cette instance essentielle à la régionalisation ne fonctionne pas comme elle le devrait et qu'il propose ensuite des solutions pour la bonifier.»

M. le Président, la Table des regroupements provinciaux d'organismes communautaires et bénévoles nous a dit en commission parlementaire ce qui suit: «Nous disons un non ferme à l'abolition de l'assemblée régionale. Régionalisation doit nécessairement rimer avec démocratisation. L'assemblée régionale, malgré ses imperfections notoires, nous semblait aller dans la bonne direction. Elle était comme un compromis entre l'élection au suffrage universel de la régie régionale proposée par la commission Rochon et l'ancien CRSSS.»

Il me semble que le ministre devrait puiser dans la sagesse de ces propos des éléments susceptibles de nourrir sa réflexion. On dirait que ce n'est pas encore assez. Il va falloir qu'on lui redonne, encore une fois, la position de la Fédération des CLSC. La Fédération nous disait, et je cite à nouveau: «Il est important de préserver le principe de reddition des comptes et d'imputabilité au niveau régional. Ainsi, en abolissant l'assemblée régionale, le conseil d'administration deviendrait l'acteur unique sur le plan régional. Il faudrait prévoir dans la loi l'obligation pour une régie régionale de tenir des audiences publiques afin de préserver son imputabilité.»

M. le Président, il se dégage une idée essentielle de toutes ces interventions: il est clair que l'abolition de l'assemblée régionale, voie choisie par le ministre de la Santé et des Services sociaux, doit obligatoirement s'accompagner d'un autre mécanisme pour rendre les régies régionales imputables devant la population. Le fait d'abolir l'assemblée régionale donne un pouvoir trop grand aux régies de décider à elles seules de l'organisation des services, et ce, sans qu'elles consultent systématiquement la population. Ce grand pouvoir qui serait donné aux régies est, de l'avis de tous, inacceptable.

Nous proposons, M. le Président, que les régies soient redevables devant les élus de l'Assemblée nationale, mais également devant la population, et ce, par un mécanisme introduit dans la loi. Cette intention est partagée par les deux côtés de la Chambre, soit par l'opposition officielle, mais également par plusieurs députés ministériels membres de la commission des affaires sociales et par l'ensemble des groupes que nous avons entendus.

Vous comprendrez donc, M. le Président, à la lumière des faits que je vous ai présentés, que nous ne pouvons être en faveur du projet de loi n° 116, d'autant plus qu'avant même le début des audiences publiques le ministre de la Santé et des Services sociaux, conscient de la désapprobation généralisée à l'égard de son projet de loi, nous informait qu'il envisageait de déposer des amendements pour changer de façon significative le projet de loi n° 116. Aujourd'hui, nous sommes en mesure de constater que cet engagement n'a pas été respecté, et c'est pour ces motifs que je voterai contre l'adoption de principe du projet de loi n° 116. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Montmagny-L'Islet. Je vais maintenant céder la parole à Mme la députée de Jean-Talon. Mme la députée.


Mme Margaret F. Delisle

Mme Delisle: Merci, M. le Président. J'interviens cet après-midi sur le projet de loi n° 116, projet de loi qui modifie de nouveau la Loi sur les services de santé et les services sociaux. Ce projet de loi, M. le Président, modifie diverses dispositions de la Loi sur les services de santé et les services sociaux, modifie des dispositions qui sont relatives à la formation et à la composition des conseils d'administration des établissements publics et des régies régionales.

(15 h 30)

Mon collègue, député de Robert-Baldwin et critique de l'opposition officielle, a eu l'occasion, hier soir, de nous faire des remarques et de nous démontrer très clairement et de façon très réaliste des lacunes que comporte ce projet de loi et comment il aurait été facile, M. le Président, de s'entendre avec les divers milieux pour répondre non seulement à leurs attentes mais aussi à leurs besoins.

M. le Président, il faut vraiment se questionner sur ce qui se passe avec ce gouvernement. Après avoir complètement chambardé notre système de santé et la livraison des services sociaux sans jamais en avoir parlé pendant la campagne électorale, après avoir déposé récemment un projet de loi sur l'assurance-médicaments et semé la panique autant chez les familles que chez les aînés, voilà que le ministre de la Santé et des Services sociaux en remet, voilà que le ministre de la Santé et des Services sociaux s'avise de changer encore une fois, encore une fois depuis un an, les règles du jeu.

Alors que les citoyens sont encore sous le choc d'une première réforme, qu'ils ne se retrouvent aucunement dans ce système qui leur a été imposé, alors qu'ils doivent s'habituer à subir des situations toutes aussi pénibles les unes que les autres, voilà que le ministre de la Santé et des Services sociaux leur enlève ou plutôt leur retire quelques bouées, quelques structures auxquelles la population s'était habituée et qui commençaient, il faut bien le dire, à faire leurs preuves. Certaines requéraient qu'on les améliore, d'autres, peut-être, qu'on les change, mais certainement pas qu'on fasse des changements de façon aussi radicale que d'en retirer complètement les structures.

À lire les diverses dispositions du projet de loi n° 116, on se demande quelles raisons, M. le Président, motivent le ministre à procéder, et à procéder à des changements aussi radicaux, et ce, malgré les nombreuses réticences soulevées par les intervenants du milieu.

M. le Président, si vous ne le savez pas, je vous apprends qu'au-delà d'une vingtaine de mémoires ont été présentés en commission parlementaire. Les intervenants de divers milieux sont venus répondre aux questions, exprimer leurs inquiétudes, leurs attentes quant à cette réforme à laquelle ils ne croient absolument pas et faire des propositions au ministre. Quand on prend la peine de lire l'ensemble de ces mémoires qui ont été présentés à la commission parlementaire, on ne peut que s'interroger sur l'entêtement du ministre, sur son obstination, malgré les feux rouges allumés par le milieu, à aller de l'avant avec le projet tel que présenté.

M. le Président, est-ce que le ministre pourrait descendre de sa tour d'ivoire? Pourrait-il écouter et entendre les réticences et les cris d'alarme du milieu? Pourrait-il cesser de préparer des plans qui affectent les citoyens et non seulement des structures? M. le Président, que cherche le ministre? Rationaliser les dépenses? Rationaliser les ressources disponibles du milieu? Encore faudrait-il qu'il nous démontre concrètement les avantages réels de tous ces chambardements. On s'attendrait à ce que le ministre nous démontre un peu de compassion et un peu de sensibilité à l'égard du milieu. D'ailleurs, des études nous démontrent, hors de tout doute, qu'il y aura augmentation de l'ordre de 5 % des coûts actuels avec le chambardement auquel il nous prépare.

Ce projet de loi, M. le Président, propose un nouveau mode de formation du conseil d'administration chargé d'administrer l'ensemble des établissements qui exploitent sur le territoire d'une régie régionale. Je ne reprendrai pas l'ensemble des articles parce que, d'abord, je n'ai que 20 minutes – il ne m'en reste que 15 – mais je m'attarderai à certains articles qui, d'après moi, méritent une réflexion plus particulière.

L'article 1 oblige à ce que l'administration de l'ensemble des établissements qui ont leur siège dans un territoire d'une régie régionale et qui exploitent un centre de réadaptation pour les personnes ayant une déficience physique soit assurée par un seul conseil d'administration. Il est clair, M. le Président, que le ministre veut créer un seul conseil d'administration pour tous les établissements desservant une clientèle souffrant de diverses déficiences physiques. Cette nouvelle disposition semble inadéquate, quant aux réalités des besoins spécifiques des clientèles, incluant les particularités linguistiques et/ou culturelles qui dépassent largement une vision limitée par un territoire, comme le propose l'article 1.

À ce titre, les centres de réadaptation en déficience physique de la région de Montréal-Centre proposaient, lors des consultations: «Nous ne sommes pas en complet désaccord de partir des modèles administratifs plutôt que de partir des besoins de la population desservie. Nous demandons au ministère de la Santé et des Services sociaux d'insister sur la collaboration interrégionale et sur l'interdépendance régionale.»

L'article 2 du projet de loi n° 116 modifie l'article 126 de la loi actuelle sur la santé et les services sociaux. Par cette disposition, le ministre autorise une régie régionale à lui proposer que soient administrés par le même conseil d'administration un CLSC, un ou plusieurs établissements qui exploitent un centre d'hébergement de soins de longue durée et un ou plusieurs centres hospitaliers de soins de courte durée de moins de 50 lits, s'ils ont tous leur siège dans le même territoire.

M. le Président, la modification à l'article 126.1, telle que prévue à l'article 2 du projet de loi n° 116 est le fondement de ce projet de loi. En effet, en autorisant les régies régionales à proposer des fusions entre divers établissements – qu'on pense aux CLSC, aux centres d'hébergement de soins de longue durée, aux centres hospitaliers de soins de courte durée ayant moins de 50 lits – on met définitivement un terme au respect de la mission de chaque établissement.

On peut facilement s'imaginer ce qui adviendra des priorités budgétaires de ces établissements-là. Comment garantir que les crédits qui allaient à un établissement et qui étaient la priorité – à titre d'exemple, pour un centre hospitalier de courte durée – n'iront pas dans du béton ou n'iront pas, pour une priorité jugée – passez-moi l'expression – plus prioritaire, dans un centre hospitalier pour des soins de longue durée? On n'a aucune garantie que les crédits seront affectés là où ils devraient l'être, puisque les missions ne sont pas les mêmes. Et on choisit, le ministre choisit, dans ce projet de loi là, de fusionner ou de ne faire qu'un seul conseil d'administration, ce qui déjà cause une grande difficulté, M. le Président.

Les divers intervenants qui se sont présentés en commission parlementaire, lors des consultations, ont tous désapprouvé l'article 2 du projet de loi n° 116, pour des raisons différentes. La majorité a dénoncé le fait que les missions respectives pourraient être mises en péril et les autres ont jugé insatisfaisant ce même article qui est beaucoup trop limitatif quant aux fusions acceptées.

J'aimerais vous faire part de quelques commentaires; j'en ai choisi quelques-uns au hasard. Alors, la Fédération des CLSC du Québec, concernant justement l'article 126: «Le risque d'émiettement des dimensions promotion et prévention – c'est important, là, des dimensions promotion et prévention – des services de première ligne devient encore plus grand lorsqu'on regroupe un CLSC ayant peu d'effectifs avec un centre d'hébergement de soins de longue durée ou un centre hospitalier de soins de courte durée comptant un nombre important de ressources humaines.»

L'article 31 du projet de loi n° 116 propose l'abolition de l'assemblée régionale, un mécanisme qui avait été prévu afin que les régies régionales soient imputables devant la population sur la réorganisation des services de santé et des services sociaux, et ce, pour chacune des régions du Québec. On sait qu'il y a eu des lacunes, on sait que l'assemblée régionale n'a peut-être pas donné les résultats qu'on souhaitait, surtout dû à des problèmes de fonctionnement, mais il est clair que l'abolition de l'assemblée régionale ne peut pas se faire sans qu'on trouve un mécanisme pour le remplacer, un mécanisme d'imputabilité des régies régionales, donc des gens qui y siègent.

(15 h 40)

Pourquoi n'a-t-on pas cherché, M. le Président, plutôt qu'abolir l'assemblée des régies régionales, à les bonifier? Pourquoi n'a-t-on pas cherché un mécanisme qui aurait fait en sorte que tout le monde y aurait trouvé son compte et que les élus demeureraient imputables devant la population qu'ils représentent?

La Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec en avait gros sur le coeur et avait bien des choses à dire, M. le Président, et je la cite: «Nous ne sommes pas d'accord avec l'abolition de l'assemblée régionale. Nous ne croyons pas que le caractère public des séances du conseil d'administration d'une régie – sa séance publique annuelle d'information – le dépôt de son rapport annuel d'activité à l'Assemblée nationale et son audition devant la commission parlementaire des affaires sociales constituent à eux seuls des moyens suffisants pour assurer la reddition des comptes et l'imputabilité d'une régie régionale. Nous suggérons – c'est toujours la FTQ qui parle – que le ministère évalue d'abord pourquoi cette instance essentielle à la régionalisation ne fonctionne pas comme elle le devrait et qu'il propose ensuite des solutions pour la bonifier.»

La Table des regroupements provinciaux d'organismes communautaires et bénévoles avait, elle aussi, ce commentaire, et je la cite: «Nous disons un non ferme à l'abolition de l'assemblée régionale. "Régionalisation" doit nécessairement rimer avec "démocratisation". L'assemblée régionale, malgré ses imperfections notoires, nous semblait aller dans la bonne direction. Elle était comme un compromis entre l'élection au suffrage universel de la régie régionale proposée par la commission Rochon et les anciens des CRSSS.»

La Fédération des CLSC nous dit qu'il est important de préserver le principe de reddition de comptes et d'imputabilité au niveau régional. Ainsi, en abolissant l'assemblée régionale, le conseil d'administration deviendrait l'acteur unique sur le plan régional.

L'article 37 du projet de loi n° 116 prévoit l'ajout de nouveaux membres au sein des conseils d'administration des régies régionales. Il est proposé que trois membres soient issus du réseau scolaire. Tous les groupes entendus semblent d'accord sur la présence de ces représentants du monde de l'éducation mais demandent que le nombre de sièges accordés soit diminué à deux personnes.

M. le Président, il nous semble évident que le projet de loi n° 116, en plus de ne répondre en rien aux attentes du réseau de la santé et des services sociaux, démontre encore une fois la grande improvisation du ministre de la Santé, qui n'a pas su se rallier les principaux intervenants du réseau et qui a procédé à contre-courant.

De plus, le pouvoir donné aux régies régionales de soumettre au ministre des fusions d'établissements, tel que prévu à l'article 2 du projet de loi n° 116, semble faire consensus, consensus pour être totalement retiré du projet de loi n° 116. D'ailleurs, il est important de rappeler que l'article 128 de la loi actuelle, Loi sur les services de santé et les services sociaux, permet déjà de fusionner des établissements quand ce projet est issu de la volonté du milieu. Ainsi donc, le ministre n'a pas à donner de pouvoirs supplémentaires aux régies régionales pour permettre des fusions entre divers établissements. Cet article de loi nous semble totalement inutile quant à son application, M. le Président.

M. le Président, avant de conclure, j'aimerais revenir sur certains points. J'aimerais que le ministre de la Santé et des Services sociaux nous dise où est l'urgence. Ce projet de loi a été déposé en décembre, les consultations ont été complétées, plus de 20 mémoires ont été entendus, et la quasi-totalité des gens sont furieux contre le ministre de la Santé et des Services sociaux; pas juste l'opposition, là, les organismes, les intervenants du milieu, les gens ne sont pas contents. Il y a des articles de loi là-dedans avec lesquels ils ne sont complètement pas d'accord. Ou on les retire ou on les retravaille.

Un autre élément, M. le Président. Je dois m'opposer vigoureusement au fait qu'on a dû adopter le principe de ce projet de loi hier soir – pas adopter mais présenter l'adoption du projet de loi – en pleine nuit et que le ministre n'a pas jugé opportun de remettre à l'opposition la série d'amendements qu'il propose à son projet de loi avant même qu'il prononce son allocution ou ses remarques sur le projet de loi n° 116. C'est quand même un peu manquer de respect puis démontrer un peu de mépris à l'égard des gens qui veulent travailler au bien-être puis au mieux-être des concitoyens et des concitoyennes. Et je pense que l'opposition et les groupes qui ont pris la peine de venir s'exprimer en commission parlementaire, ou, s'ils n'ont pu y venir, ont envoyé un mémoire, auraient certainement mérité plus d'égards de la part du ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. le Président, donc, en terminant, je refais rapidement la liste. J'aimerais faire une mise en garde au ministre de la Santé et des Services sociaux. On ne peut pas mêler des missions qui sont différentes. On ne peut pas demander à des gens de siéger sur des conseils d'administration et leur demander, à ces gens-là, qui, de bonne foi, représentent un organisme ou représentent un établissement – puisque, ici, on parle de centres d'hébergement soit de longue durée soit de courte durée, soit de CLSC, – d'oublier le milieu d'où ils viennent et d'oublier la mission qu'ils représentent.

On va donc forcer des gens à s'asseoir autour d'un conseil d'administration avec des missions différentes. Ces gens-là vont devoir décider d'un budget, de priorités budgétaires, d'objectifs pour l'année ou pour les deux ans ou les trois ans qui viennent. Et, moi, j'envisage, comme bien d'autres d'ailleurs – je ne suis pas la seule à en parler – du tiraillage, et on n'avancera pas. On va tourner en rond parce que chacun va vouloir tirer la couverte de son bord. Alors, on va se retrouver avec des gens, dans la région, qui ne pourront pas aller de l'avant parce que d'autres vont peut-être vouloir privilégier leur mission plutôt que celle des autres.

Quelle garantie avons nous, M. le Président, que, en fusionnant ces conseils d'administration là ou en fusionnant les conseils d'administration des établissements, les objectifs mis de l'avant pour trois à cinq ans par chacun des centres seront respectés? Qui va décider ou qui va jauger ou mieux juger qu'on a besoin de tel équipement plutôt qu'un autre? Qui va décider que ça va aller dans le béton ou pas dans le béton, dans des lits ou pas dans des lits? C'est très difficile, finalement.

Alors, M. le Président, je terminerais en vous citant quelques extraits d'un article publié par Jacques Fournier, qui est un représentant du personnel au conseil d'administration d'un CLSC. C'est pris dans La Presse du 8 décembre 1995, et je cite: «La vision "big is beautiful". On croit alors faire des économies importantes au chapitre de l'administration, on rêve de réduire les postes d'encadrement, on savoure à l'avance l'efficacité plus grande de divers services. Pourtant, plusieurs études récentes tendent à montrer qu'il n'en est rien.»

«S'il faut céder à la mode des fusions – je continue de citer M. Fournier – on pourrait au moins limiter les dégâts en fusionnant des établissements ayant la même mission – des petits centres hospitaliers avec des petits centres hospitaliers – ce qu'on appelle des intégrations horizontales. Par contre, fusionner un centre hospitalier et un CLSC – ce qu'on appelle intégration verticale – apparaît inapproprié: quand le pot de terre et le pot de fer de la fable de La Fontaine se frappent, c'est toujours le pot de terre qui se casse. En l'occurrence, la mission de services psychosociaux et d'action communautaire des CLSC risquerait – et je termine M. le Président – de devenir le parent pauvre de l'établissement fusionné.»

Je me dois donc, M. le Président, de vous dire que je vais voter contre l'adoption du principe du projet de loi n° 116.

(15 h 50)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la députée de Jean-Talon. Je vais maintenant céder la parole à Mme la députée de Saint-François. Mme la députée.


Mme Monique Gagnon-Tremblay

Mme Gagnon-Tremblay: Oui, merci, M. le Président. Alors, comme plusieurs de mes collègues, j'interviens sur le projet de loi n° 116, Loi modifiant de nouveau la Loi sur les services de santé et les services sociaux. Ce projet de loi, entre autres, touche toute la question du mode de formation du conseil d'administration chargé d'administrer l'ensemble des établissements qui exploitent sur le territoire d'une régie régionale un centre de réadaptation pour les personnes ayant une déficience physique; ça peut être différentes sortes de déficience physique. Il prévoit aussi la possibilité pour une régie régionale de proposer au ministre de la Santé et des Services sociaux la formation d'un seul et même conseil d'administration pour administrer certains établissements dans des circonstances que le projet de loi précise. Aussi, la décision du ministre d'accepter les propositions d'une régie régionale devra faire l'objet d'un décret gouvernemental déposé à l'Assemblée nationale.

En plus, ce projet vient préciser la composition du conseil d'administration applicable dans ces nouvelles circonstances et apporte des modifications à la composition des divers conseils d'administration formés en application de la loi, notamment en prévoyant l'ajout de nouveaux membres cooptés en fonction de la vocation régionale ou suprarégionale des établissements concernés.

Ce projet introduit aussi de nouvelles mesures relatives au processus électoral ou de nomination des membres du conseil d'administration des établissements publics et aux conditions d'éligibilité des personnes à ces postes, et puis, aussi – on en a parlé longuement – prévoit l'abolition des assemblées régionales – c'est ce qui semble faire problème actuellement – dont la principale fonction était d'élire parmi leurs membres des personnes qui formaient le conseil d'administration des régies régionales.

Donc, M. le Président, il s'agit d'une reconfiguration et, comme le mentionnait récemment Le Courrier parlementaire , une reconfiguration qui s'annonce pressée. En somme, on disait que, si beaucoup d'intervenants du secteur de la santé estiment nécessaire la réforme du réseau, plusieurs d'entre eux appelés à s'exprimer sur le projet de loi n° 116 étudié en commission parlementaire se sentent bousculés par la rapidité de la reconfiguration entreprise par le ministre Rochon. Et c'est la commission des affaires sociales qui était présidée, justement, par l'ex-président du caucus du Parti québécois qui a procédé récemment à une consultation sur la loi modifiant les services de santé et les services sociaux.

Certains groupes se sont plaints aux membres de la commission de ne pas avoir été consultés ou encore écoutés par les régies régionales dans tout le processus de reconfiguration du réseau qui a mené à de nombreuses fusions d'établissements, que ce soit hospitaliers, ou encore à des mises à pied. L'Association des cadres supérieurs a mis le gouvernement en garde contre les fusions forcées, les conséquences du manque de concertation dans plusieurs régions. Je ne dirais pas dans toutes, par exemple, M. le Président, parce qu'il y a des régions qui ont consulté peut-être un peu plus en profondeur que d'autres et en sont arrivées à des consensus, alors que d'autres ont eu beaucoup plus de difficultés à y arriver.

Donc, M. le Président, on se rend bien compte que c'est une reconfiguration qui bouscule un peu dans le sens que, bon, tout ce qu'on fait de ce temps-ci au niveau de la santé, vous comprenez qu'on n'y était pas habitué, donc on prend les bouchées doubles. Et, dans ce sens-là, tout le monde et toute la population, on se sent bousculé.

Je pense que la première question qu'il faudrait se poser, M. le Président, suite au dépôt de ce projet de loi, la première, entre autres, que je me suis posée, c'est: Pourquoi un tel projet de loi? Est-ce que c'est pour faire des économies ou encore c'est pour donner de meilleurs services à la clientèle, des services de qualité?

Bon, je me suis dit: Si c'est pour faire des économies, on ne peut pas nécessairement être contre ça. Mais, par contre, il faut faire attention, il faut y aller avec prudence, parce que, déjà, dans le réseau de la santé, avec, par exemple, actuellement, les fermetures d'hôpitaux et tout ce qu'on demande... En somme, c'est l'effort considérable qu'on demande à la santé, au ministère de la Santé, parce que ce gouvernement n'a pas priorisé la santé. Alors, il faut, à ce moment-là, prendre les bouchées doubles avec des enveloppes fermées, et c'est ce qui est inquiétant, M. le Président. Je pense qu'on n'est pas contre une réforme, loin de là, on n'est pas contre une reconfiguration, mais ce sont des gestes que l'on pose qui modifient... Il faut modifier non seulement les mentalités mais ce sont des gestes aussi qu'on doit apprivoiser, qu'on doit faire au fur et à mesure sans trop bousculer. Donc, je reviens, M. le Président, en parlant d'économie. Si c'était pour faire des économies, d'un autre côté, on ne peut pas être contre ça, mais j'invite à la prudence.

Si, par contre, ce projet de loi est déposé en vue d'améliorer des services, de donner des services de qualité, de rendre ces services plus accessibles pour la population, pour le bénéficiaire, bien, je dis: Bravo, M. le Président. C'est ce qu'on doit viser. On doit viser à rendre nos services le mieux possible, parce que, actuellement, il faut bien l'admettre, il y a des ratés, c'est inévitable. Parce qu'on modifie de façon considérable tout un réseau et on voudrait que ça se fasse sans heurt, sans peine et sans que la population ne soit affectée de quelque manière que ce soit.

Alors, comme, M. le Président, mes collègues le disaient, il y a eu une consultation qui a été tenue en commission parlementaire, qui faisait suite, bien sûr, au dépôt du projet de loi l'automne dernier. On se souvient que ce projet a été laissé en suspens jusqu'à tout récemment, jusqu'à cette commission parlementaire, et, à cette commission parlementaire, plusieurs intervenants sont venus manifester leur désir d'apporter des modifications audit projet de loi. Dans plusieurs cas, on était tout à fait en accord. Dans d'autres cas, on était en désaccord, mais on se rend bien compte qu'il n'y a pas eu consensus, qu'il n'y a pas consensus, et je pense qu'on doit bien admettre que ce sont pour des raisons tout à fait différentes. Dans certains cas, on se rend bien compte d'une certaine guerre corporatiste. Dans d'autres cas, on prend un peu plus en considération le bénéficiaire.

Donc, malheureusement je n'ai pu participer à cette commission parlementaire, ces consultations qui ont été tenues récemment, puisque je participais à d'autres commissions parlementaires. Mais j'ai pris connaissance de certains mémoires qui ont été déposés et, donc, je vais vous faire part de certains commentaires, de certaines inquiétudes de différents groupes. Non pas, bien sûr, de tous les commentaires de tous les groupes, mais de certains avec lesquels je n'étais pas nécessairement d'accord. Mais je sentais qu'il valait la peine de les faire connaître à la population.

Donc, M. le Président, le premier c'est celui de l'Association des hôpitaux du Québec. Alors, l'Association des hôpitaux du Québec suggérait – ça, c'est le 20 mai 1996; c'est quand même tout récent – au ministre de la Santé et des Services sociaux de revenir aux conclusions de son propre rapport qui, en 1988, proposait l'élection au suffrage universel des membres du conseil d'administration des régies régionales. En attendant, l'Association des hôpitaux du Québec souhaitait que soit révisé le processus de désignation, jugé parfois trop discrétionnaire, des groupes communautaires et socioéconomiques.

Et vous allez vous rendre compte que, d'un groupe à l'autre, on n'est pas nécessairement d'accord avec ce que disent l'un et l'autre. Donc, toujours, je cite une partie du mémoire de l'Association des hôpitaux du Québec qui disait que «ces désignations étaient parfois jugées trop discrétionnaires. Des groupes communautaires et socioéconomiques au sein des régies demandent que les professionnels de la santé et les salariés du réseau soient aussi représentés dans leur conseil d'administration». Quant à la configuration du réseau, ils mentionnaient: «Il ne fait aucun doute à l'Association que notre système doit se transformer, mais, pour réussir à le faire, il faut laisser libre cours aux solidarités naturelles et favoriser les alliances stratégiques qui feront émerger les nouveaux réseaux intégrés de soins, de services autant sur une base locale que sous-régionale.» Ils mentionnaient également: «Nous ne sommes pas uniquement des supertechniciens, et nos centres hospitaliers ne sont pas des supergarages, disent ces administrateurs. C'est une conception réductionniste qui n'a rien à voir avec le rôle moderne d'un établissement hospitalier.»

(16 heures)

L'Association invitait le ministère à faire davantage confiance aux citoyens décideurs qui, en connaissant mieux les besoins de leur communauté, sont réellement en mesure de choisir les moyens et les modes d'organisation les plus pertinents pour offrir des soins de santé et les services à la population. Elle préconisait aussi que soit préservé un juste équilibre entre les missions et les services au profit d'un réel partenariat au sein de réseaux intégrés de services centrés sur la clientèle.

Donc, M. le Président, l'Association se faisait insistante sur les quatre principes fondamentaux au succès de la transformation du système de santé et de services sociaux, c'est-à-dire, bien oui, décentraliser, il fallait démocratiser, mais aussi débureaucratiser et déréglementer. Voilà pour certains commentaires de l'Association des hôpitaux du Québec, qui se faisait entendre lors de la commission parlementaire.

QQuant à la Coalition Solidarité Santé, toujours à cette commission parlementaire, et je cite: «Nous sommes déçus, parce qu'un certain nombre de recommandations, en particulier celle forçant la fusion des conseils d'administration d'établissements, constitue, à nos yeux, une contre-réforme.» Et, bien sûr, ils ajoutaient également que toute cette question, tout ce mouvement, dont celui préconisé en matière de santé et de bien-être, est «une approche globale et préventive, la démocratisation du système, l'adoption d'une politique de la santé et du bien-être, la préservation des principes d'universalité et d'accessibilité et l'élargissement de la prise en charge publique des services sociosanitaires. Le développement des services de première ligne et le renforcement du réseau des CLSC font aussi partie de ce qu'ont toujours réclamé un large éventail de mouvements sociaux, d'organismes populaires et communautaires et d'organisations syndicales».

Comme on le voit, M. le Président, en somme, ce qu'on désire, c'est que le bénéficiaire soit le grand gagnant de toute réforme de la santé et que, en bout de ligne, lorsqu'il arrive à un établissement quelconque, on soit capable de lui donner ce service et qu'il n'y ait pas de maille manquante à la chaîne.

M. le Président, on faisait remarquer dans ce même mémoire que les mariages forcés ne sont pas toujours les meilleurs et on parlait, bien sûr, en plus – et vous comprenez, M. le Président, que je ne cite pas tout le mémoire, je prends certains commentaires – des fusions des centres de réadaptation et, sur les fusions, on disait: «La fusion généralisée des centres de réadaptation pour les personnes ayant une déficience physique est inopportune.» Pourquoi? On semblait dire que «les problèmes sont trop différents, par exemple, entre ceux vécus par des personnes ayant une déficience auditive et ceux vécus par des personnes ayant une déficience visuelle». Alors, on donnait l'exemple, entre autres, de l'institut Nazareth et Louis-Braille avec le centre Raymond Dewar, qui «nous apparaîtrait – entre autres – relever d'une vision bureaucratique».

M. le Président, à première vue, quand on regarde, on se dit: Peut-être qu'il y aurait possibilité de s'entendre, hein, peut-être qu'il y aurait possibilité de s'entendre, mais on vit dans un monde où on peut s'entendre sur papier, mais, dans les faits, quand il s'agit de modifier des structures, de faire une nouvelle reconfiguration, ça ne se passe pas toujours aussi facilement. Donc, c'est la raison pour laquelle il faut tout prévoir dans des projets de loi, de sorte que ce soit toujours, comme je le mentionnais, le bénéficiaire, en bout de piste, qui en soit le grand gagnant.

On nous mentionnait, toujours dans ce mémoire de la Coalition Solidarité Santé, que les fusions d'établissements entraînent les conséquences néfastes suivantes: on parlait de diminution du nombre de citoyens impliqués bénévolement – parce que ce sont des gens, justement, qui s'impliquent bénévolement dans les conseils d'administration; ils parlaient de la diminution, également, du nombre de membres du personnel impliqués bénévolement dans les conseils d'administration qui pouvait provoquer un affaiblissement d'un mécanisme important de la gestion participative; d'une diminution du sentiment d'appartenance du personnel d'une grosse boîte, provoquant une démobilisation, une perte potentielle d'efficacité; confusion dans les missions; diminution de l'importance du pouvoir local, et j'en passe.

Donc, M. le Président, bien sûr que ce groupe s'inquiète beaucoup, et on se rend compte que ce groupe, aussi, travaille beaucoup avec les CLSC. Donc, toute la phase, comme il le mentionnait, de consolidation actuelle des CLSC peut nous permettre d'entrer dans une nouvelle ère. Plus qu'un réseau, les CLSC deviennent un système, la pierre d'assise d'un nouveau modèle où la première ligne joue un rôle prééminent dans l'organisation des soins de santé et des services sociaux au Québec. Donc, comme il l'a mentionné, il est indispensable que l'on retrouve dans chaque communauté du Québec un CLSC qui est bien identifié, qui est autonome, qui dispose des ressources nécessaires à l'exercice de sa mission. Et c'est ce qu'il voulait, bien sûr, signifier par la préservation de l'intégralité du réseau des CLSC. C'est leur point de vue, M. le Président, et bien sûr qu'on ne peut pas ignorer les opinions des différents groupes, même si, parfois, elles sont divergentes.

Mais à la commission parlementaire aussi, M. le Président, j'ai pris connaissance des propos qui ont été tenus par la présidente de la Régie régionale de l'Estrie, présidente que je connais très bien puisque je proviens de cette région, et qui est également vice-présidente de la Conférence des régies régionales de la santé et des services sociaux. Mme Roy, justement, disait que le projet de loi propose des modifications ayant des incidences significatives sur la composition des conseils d'administration des régies régionales, des établissements et sur la reconfiguration du réseau de la santé et des services sociaux. Elle mentionnait – parce qu'il faut le dire aussi, je pense, comme je disais que j'avais pris certains commentaires dans certains mémoires – que le projet de loi était perfectible, mais elle disait en même temps qu'il n'en demeure pas moins qu'il apporte certaines solutions à des difficultés observées de tous. Il fournit de nouveaux outils visant à faciliter l'organisation du réseau afin que ce dernier reflète la réalité de chaque milieu, et ainsi, bien sûr, améliorer les services à la population. Donc, elle mentionnait: Nos commentaires vont donc dans le sens de bonifier le projet de loi et ont comme fondements la simplification et la diminution du débat sur les structures.

Alors, donc, M. le Président, la vice-présidente des régies régionales mentionnait qu'elles étaient d'accord avec l'abolition des assemblées régionales. Mais, en même temps, elle mentionnait que, dans la majorité des régions, pourquoi on était en accord, c'est parce que ce mécanisme, dans plusieurs régions, s'est avéré non efficient. Il était dispendieux, peu efficace, très lourd dans l'exercice de ses fonctions. Alors, c'est le constat que la régie régionale faisait. Mais, en même temps, je me dis: une fois qu'on a fait ce constat, est-ce qu'il est possible, par contre, d'y apporter des modifications et de voir, par exemple, si la régie régionale ne pourra pas être imputable, que ce soit, par exemple, devant les députés, comme l'avait mentionné le député de Lévis, ou encore devant, je ne sais pas, moi, des organismes locaux, le CRD, la Chambre de commerce, mais au moins que la régie régionale puisse faire rapport?

Je dois vous dire, M. le Président, que, dans la région de l'Estrie, ça ne fait pas nécessairement problème, parce que la régie régionale a consulté largement. La régie n'a pas nécessairement bousculé la population, malgré que la population se soit sentie bousculée. Mais, cependant, on a pris le temps, et c'est peut-être la raison pour laquelle on accepte plus facilement. Bien sûr que le projet de loi devrait, à mon avis, par contre, permettre à la régie de se faire entendre.

Mais ce qui est important, M. le Président, puisqu'il ne me reste qu'une seule minute, pour moi, c'est le bénéficiaire. Les structures, c'est une chose; ça ne doit pas être une guerre corporatiste. On doit penser au bénéficiaire au tout début de la chaîne, et il faut que le service soit donné, le meilleur service possible. Il faut éviter, par exemple, comme un cas malheureux que j'ai actuellement, que des personnes de 96 ans, 93 ans soient à domicile, atteintes de cancer, qu'on ne soit pas capable de les placer alors que la famille ne peut plus les garder, n'ayant plus la santé de le faire. Il faut éviter des cas pathétiques qu'on retrouve actuellement. Et bien sûr qu'avec la réforme, comme je le mentionnais, nécessairement les gens se sentent un peu bousculés. On ne peut pas tout prévoir, mais il faudrait essayer de tout prévoir.

Donc, dans ce sens-là, M. le Président, surtout l'article 31, je demande au ministre s'il y a possibilité encore de réfléchir et de voir comment la régie régionale pourrait être imputable, dans le but, bien sûr, comme je le disais, de donner le meilleur service à la clientèle et d'éviter... Pour moi, comme je vous le dis, les corporations ou les guerres corporatistes, M. le Président, me préoccupent très peu. C'est le bénéficiaire qui me préoccupe en bout de ligne.

(16 h 10)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, Mme la députée de Saint-François. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Jeanne-Mance. M. le député.


M. Michel Bissonnet

M. Bissonnet: M. le Président, je désire intervenir sur l'adoption du principe du projet de loi n° 116, Loi modifiant de nouveau la Loi sur les services de santé et les services sociaux. Ce projet de loi modifie diverses dispositions de la Loi sur les services de santé et les services sociaux relatives à la formation et à la composition des conseils d'administration des établissements publics et des régies régionales.

À regarder le ministre de la Santé et des Services sociaux piloter l'adoption de son projet de loi n° 116, je n'ai pas l'impression de me retrouver à l'Assemblée nationale, mais plutôt de participer à un match de la Ligue nationale d'improvisation, au Spectrum de Montréal.

Hier, le 5 juin, M. le Président, le député de Robert-Baldwin, qui est porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé et de services sociaux, a, premièrement, participé à la période de questions lors des affaires courantes. Il a été en commission, pour une consultation particulière sur le projet de loi n° 33, Loi sur l'assurance-médicaments et modifiant diverses dispositions législatives. Le député de Robert-Baldwin a, de 11 heures à midi, étudié avec la commission et le ministre qui est ici présent un mémoire de l'AQDR et un mémoire du Conseil de la santé et du bien-être. Cette commission a été ajournée à 13 heures. De 15 heures à 17 heures, un mémoire a été présenté par la Fondation québécoise du cancer et la Conférence des régies régionales de la santé et des services sociaux du Québec. À 17 heures, le ministre de la Santé et des Services sociaux transmet une vingtaine d'amendements au projet de loi n° 116. Notre porte-parole – et je parle du rôle d'un député dans l'opposition officielle, pour qu'il ait l'excellence, le temps de bien faire son travail, et je sais que le député de Laviolette va bien comprendre mes propos, lui qui a tant d'expérience à cette assemblée – à 17 heures, il reçoit les 20 amendements.

Lorsqu'on est porte-parole officiel dans un dossier, M. le Président, lorsqu'on reçoit une vingtaine d'amendements, on a des groupes à consulter, des groupes qui ont présenté des mémoires à la commission parlementaire pour le projet de loi n° 116, loi dont nous en sommes à l'adoption du principe. Et le député de Robert-Baldwin, en recevant ces 20 amendements à 17 heures, a des consultations à faire concernant ces amendements avec les groupes qui se sont présentés, et je vais les nommer: Comité provincial des malades, Fédération des CLSC du Québec, centres de réadaptation spécialisés en surdité et en communication, l'Association des directeurs généraux des services de santé et des services sociaux du Québec, l'Association des hôpitaux du Québec, la Confédération québécoise des centres d'hébergement et de réadaptation, l'Association des cadres supérieurs de la santé et des services sociaux, la CSN, la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec, la confédération des régies régionales de la santé et des services sociaux du Québec, la Fédération des infirmières et infirmiers du Québec, la Table des regroupements provinciaux d'organismes communautaires et bénévoles, la FTQ, l'Association québécoise de défense des droits des personnes retraités-es et préretraités-es, Alliance Québec, l'Association des gestionnaires des établissements de santé et de services sociaux, l'Association des centres jeunesse du Québec, la Coalition Solidarité Santé, la Centrale de l'enseignement du Québec – la CEQ – la Fédération des services communautaires juifs de Montréal.

Alors, M. le député de Robert-Baldwin, qui est le porte-parole de l'opposition officielle, doit consulter quelques organismes ou plusieurs organismes pour discuter du contenu des amendements proposés par le ministre de la Santé et des Services sociaux. Et il est 15 heures. M. le député de Robert-Baldwin, comme toute autre personne ici dans cette Assemblée, à un moment donné, il faut qu'il aille manger, il doit souper. Mais, à 20 heures, la commission des affaires sociales poursuit ses travaux sur le projet de loi n° 33. Alors, le député de Robert-Baldwin, qui reçoit 20 amendements à 17 heures, qui doit au préalable discuter de ces amendements-là avec ses coéquipiers qui font partie de sa commission parlementaire à l'opposition officielle, doit de plus contacter des organismes qui ont présenté des mémoires à la commission.

Mais, là, en plus de ça, il doit se préparer pour réviser les mémoires qui sont présentés à la commission parlementaire à 20 heures sur le projet de loi n° 33. Un mémoire a été présenté par l'Association des pharmaciens des établissements de santé du Québec, un mémoire d'une vingtaine de pages. Il doit réviser ça, parce que, vous savez, quand on est en commission parlementaire, il faut poser les bonnes questions à ceux qui présentent des mémoires. Le député de Robert-Baldwin a consulté ces mémoires, mais il doit les réviser pour poser les bonnes questions à la commission. Ça, c'était à 20 heures.

Un autre mémoire a été présenté par la Conférence des régies régionales de la santé et des services sociaux du Québec; c'est un autre mémoire qui a été présenté hier soir vers les 21 heures. Un autre mémoire était présenté par l'Association canadienne des compagnies d'assurance de personnes, et on sait que c'est très important. Il a dû préparer sa commission, préparer ses questions. Et un autre mémoire était présenté par la Commission de la construction du Québec. Et là on arrive à 23 heures.

Là, à 23 heures, le leader du gouvernement, M. le Président, vous qui avez plusieurs années dans cette Chambre, pendant que la commission des affaires sociales siège sur la consultation des mémoires pour la Loi sur l'assurance-médicaments, le projet de loi n° 33, le leader du gouvernement appelle en Chambre le projet de loi n° 116, alors que le ministre et le porte-parole de l'opposition officielle, le député de Robert-Baldwin, sont en commission parlementaire. Lorsqu'on appelle un projet de loi dans cette Assemblée, je crois qu'il est prioritaire que le ministre qui présente son projet de loi soit présent.

On parle de réforme parlementaire, on veut que la commission de l'Assemblée nationale étudie la réforme parlementaire. Là, on a une situation où un porte-parole de l'opposition officielle dans un dossier majeur est pris en commission parlementaire, doit questionner sur des mémoires à la commission, en même temps étudier 20 projets d'amendements, et il n'est pas en Chambre lorsqu'on appelle le projet de loi. Donc, je pense que c'est un peu une révélation pour moi et, sans aucun doute, je dirais que le ministre de la Santé, à cet effet-là, est la révélation de l'année, lui qui, comme dans le dossier de l'assurance-médicaments, nous a livré toute une performance.

On peut parler d'improvisation, à ce moment-ci. En effet, avec son projet de loi n° 33 et le projet de loi n° 116 que nous débattons actuellement, le ministre va à contre-courant des principaux intervenants concernés. Malgré des promesses répétées, le ministre ne permet aucune forme de déréglementation dans cette pièce législative, revendication maintes fois réclamée et qui aura pour effet d'assurer la continuité de la réforme de la santé et des services sociaux. Comment comprendre toute la portée et le principe guidant la rédaction de ce projet de loi lorsque celui-ci, qui l'a présenté hier soir, était absent? C'est la première fois que je vois ça à l'Assemblée nationale. Improvisation. Incroyable, mais c'est ce qui s'est passé.

(16 h 20)

J'aimerais attirer votre attention sur quelques articles du projet de loi n° 116 qui méritent qu'on s'y attarde. On n'a pas besoin d'entreprendre une longue lecture, le premier article pose problème, M. le Président. En résumé, cet article oblige que l'administration de l'ensemble des établissements qui ont leur siège social dans un territoire d'une régie régionale et qui exploitent un centre de réadaptation pour les personnes ayant une déficience physique soit assurée par un seul conseil d'administration. Par cet article, le ministre veut créer un seul conseil d'administration pour tous les établissements qui desservent une clientèle souffrant d'une déficience physique, peu importe si celle-ci est de nature auditive, motrice, visuelle, et ce, pour l'ensemble d'un territoire d'une régie régionale. Beaucoup de documents.

En plus d'être un bon improvisateur, le ministre de la Santé et des Services sociaux est aussi un homme à tout faire avec tous les pouvoirs qu'il se réserve. À lui seul, le projet de loi n° 33 sur l'assurance-médicaments contient une vingtaine de pouvoirs réglementaires attribués au ministre.

Suit ensuite l'article 2, et celui-ci mérite aussi qu'on s'y attarde, d'autant plus qu'il est le fondement de ce projet de loi. Cet article vise à autoriser une régie régionale à lui proposer, au ministre, que soient administrés par le même conseil d'administration un CLSC, et un ou plusieurs établissements qui exploitent un centre d'hébergement de soins de longue durée, et un ou plusieurs centres hospitaliers de soins de courte durée de moins de 50 lits s'ils ont tous leur siège dans le même territoire. Cette disposition est complètement insensée, car elle met définitivement un terme au respect de la mission de chaque établissement. Tous les intervenants s'entendent pour désapprouver cet article, et certains ont même proposé son retrait pur et simple.

De son côté, l'article 31, qui propose l'abolition de l'assemblée régionale, a aussi suscité la controverse. Bien que ce forum n'ait pas donné les résultats escomptés, ce qui est attribuable à des problèmes de fonctionnement, son abolition est inacceptable si aucun nouveau mécanisme n'est prévu pour le remplacer. De nombreux groupes ont fait connaître leur position, mais, encore une fois, le ministre a fait la sourde oreille. À leurs yeux, il est essentiel qu'une autre structure soit mise en place afin de rendre les régies régionales imputables devant la population québécoise.

Par un revirement inespéré et à la satisfaction générale, le ministre de la Santé et des Services sociaux a consenti à amender l'article 37 de son projet de loi proposant initialement que trois membres issus du réseau scolaire siègent au sein des conseils d'administration des régies régionales. Le ministre a accepté de diminuer à deux personnes les représentants de ce milieu.

Ainsi donc, à la lumière de tous ces faits, nous ne pouvons être en faveur du projet de loi n° 116, d'autant plus qu'il va à l'encontre de toute la philosophie de régionaliser le réseau et de laisser place aux citoyens au cours des décisions. Je limiterai ici mon intervention afin de permettre à mes collègues de prendre également la parole dans le cadre de ce débat qui, je le rappelle, est capital puisqu'il touche l'ensemble de la population québécoise.

Et, en terminant, et ce, afin de bien comprendre le sens de mon intervention, je tiens à indiquer que le projet de loi n° 116 a été déposé en décembre 1995 et qu'il n'a pas fait consensus. Et j'ai beaucoup de regret de ce qui a été fait au porte-parole de l'opposition officielle dans ce dossier. Je crois que le leader du gouvernement n'aurait pas dû appeler le projet de loi hier, au moment où le porte-parole de l'opposition officielle était au niveau de la commission des affaires sociales pour étudier le projet de loi n° 33, et, je veux dire, je suis fier du député de Robert-Baldwin, parce qu'il a fait toute une journée hier. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Jeanne-Mance. Je vais maintenant céder la parole à M. le député d'Argenteuil. M. le député.


M. Régent L. Beaudet

M. Beaudet: Merci, M. le Président. Vous comprendrez l'importance du projet de loi n° 116. L'importance, d'ailleurs, nous est manifestée par l'intérêt que le ministre y a mis: ça fait deux fois qu'il nous le présente. Ce projet de loi a été déposé déjà en décembre, puis il est mort au feuilleton et a été réintroduit au début de la session actuelle.

Le projet de loi, M. le Président, revêt d'autant plus d'importance que le parti ministériel nous a inondés de notions de respect des régions. D'ailleurs, la régionalisation a été, pour le parti au pouvoir, un élément important dans sa campagne électorale il y a déjà plus de 18 mois, mais, comme bien d'autres éléments, il semble l'avoir oublié rapidement. Nous n'avons pas encore reçu les grandes lignes, les grandes règles qui régiront la décentralisation. Les grandes lignes n'ont pas encore été énoncées que, déjà, pièce à pièce, on va chercher des morceaux ou donner des morceaux à gauche et à droite. Dans le projet de loi qui nous est présenté aujourd'hui, M. le Président, on va chercher les pouvoirs dans les régions. Pourtant le parti ministériel nous avait bien promis d'en laisser encore plus, parce que, les vrais décideurs, ce sont les gens du milieu, les gens qui sont présents sur le tas.

Malgré toutes ces promesses, comme bien d'autres déjà, on recule. Au lieu de laisser le pouvoir aux gens du milieu, le ministre de la Santé et des Services sociaux va chercher des pouvoirs dans le milieu pour se les approprier. Se les approprier, parce qu'il fait disparaître, dans les faits, les assemblées régionales. Au lieu de laisser les gens du milieu faire leurs propres discussions, régler leurs propres problèmes eux-mêmes et suggérer à leur régie régionale les solutions aux problèmes qu'ils connaissent dans leur vécu, le ministre s'approprie lui-même ces pouvoirs. Alors, on fait abstraction de toute la dimension locale et de son rôle qui est très important dans le milieu, dans les espaces où les gens sont vraiment les décideurs. Pourquoi les décideurs, M. le Président? Parce que ce sont eux qui vivent le quotidien. Ce sont eux qui sont soumis à toutes les iniquités de la vie et qui transmettent à leur régie régionale les problèmes et aussi les solutions. Mais, malheureusement, le ministre a décidé de s'approprier ces pouvoirs-là et que lui-même devra décider pour l'ensemble des régions.

De plus, M. le Président, comme ce projet de loi avait déjà été soumis en décembre, qu'il est mort au feuilleton et qu'il a été réintroduit, le ministre avait tout le temps, mais tout le temps voulu pour nous transmettre ces amendements-là. Subitement, hier, à 17 heures, on est surpris de recevoir une vingtaine d'amendements, les uns plus importants que d'autres; des amendements reçus en fin de journée, à la veille de discuter du principe, alors que nous n'avons eu aucune possibilité – ou pratiquement aucune – de rejoindre les différents intervenants concernés par ce projet de loi. Concernés par le projet de loi, parce que plusieurs ont fait état de craintes, de démarches et de souhaits de changements, mais nous n'avons pu les rejoindre pour savoir s'ils étaient d'accord avec les amendements que le ministre nous a soumis.

Vous comprendrez qu'on est d'autant plus inquiets devant une telle démarche que nous croyons qu'elle ne respecte pas les principes fondamentaux de la démocratie, c'est-à-dire de permettre à l'opposition de jouer son rôle, son rôle d'opposition, c'est-à-dire de s'assurer que le gouvernement transmet les bonnes données pour répondre aux besoins de la population. Malheureusement, le ministre n'était même pas là pour présenter lui-même son projet de loi, occupé qu'il était à écouter en commission parlementaire les différents groupes venus l'informer de leurs objections, de leur opposition au projet de loi n° 33, qui est celui de l'assurance-médicaments.

(16 h 30)

Pendant ce temps, M. le Président, nous avons eu l'honneur d'avoir le ministre des Affaires municipales pour nous présenter le projet de loi. Et, sans aucun doute, le ministre de la Santé aurait eu avantage à s'inspirer des démarches entreprises par le ministre des Affaires municipales auprès des municipalités qu'il encourage à se fusionner. Avantage, parce que, d'abord, il se serait associé aux régions, il se serait associé aux gens du milieu pour essayer de modifier son projet de loi et aussi, surtout, de respecter la base du pouvoir qui est vraiment les gens dans les régions, dans leur milieu de travail, dans leur milieu de fonctions. Au lieu de consulter la région, de consulter les régies sur les amendements que nous n'avons eu la chance de voir qu'hier, à 17 heures, et rapidement, le ministre a préféré faire ce travail seul, sans aucune consultation.

En plus, le ministre des Affaires municipales a consulté l'Union des municipalités régionales, il a consulté les MRC, et le ministre de la Santé et des affaires sociales n'a même pas laissé la chance à l'opposition de consulter les groupes qui s'étaient manifestés pour montrer leur intérêt au projet de loi et, surtout, leur objection. Il ne nous a pas laissé cette possibilité. Il a passé outre à l'intérêt des groupes pour s'attribuer lui-même des pouvoirs.

Il a aussi oublié les établissements. Parce que, dans le projet de loi, l'article 128 de la loi 120 laissait quand même au ministre suffisamment de latitude pour initier les fusions avec les différents établissements qu'il souhaitait, et, malgré cela, il ne nous a pas laissé le choix et le temps, surtout, de consulter ces gens. Nous n'avons pas eu le temps, évidemment, de consulter les régies régionales pour savoir si elles étaient d'accord avec les amendements que le ministre nous a soumis. Il ne nous a pas donné non plus la chance de consulter les assemblées régionales, qui, elles, disparaîtront avec son projet de loi, si jamais il est adopté, si jamais le ministre persiste dans sa décision de le laisser au feuilleton.

Il n'a pas non plus mis d'incitatifs. Il y a des régions où c'est peut-être souhaitable que les CLSC soient fusionnés avec d'autres établissements, des endroits où, aussi, c'est peut-être souhaitable que les CLSC soient fusionnés. Mais, M. le Président, il y a diverses façons d'avoir des fusions. Une, évidemment, c'est de les imposer, comme le ministre semble vouloir se diriger aujourd'hui. D'autres, c'est de négocier avec eux, ce qui n'est pas nécessairement la plus grande qualité du ministre. Et, finalement, l'autre, c'est de donner les incitatifs, d'où l'avantage, dont le ministre aurait pu bénéficier, de s'inspirer du ministre des Affaires municipales, qui a mis en place un groupe d'incitatifs pour s'assurer que les municipalités pourront ou, au moins, souhaiteront se fusionner à cause des incitatifs présents; incitatifs qui auraient pu être sous la forme d'objets financiers, incitatifs sous la forme de relocalisation du personnel, incitatifs sous différents aspects que le ministre aurait sûrement pu imaginer lui-même avec la capacité d'innovateur qu'il a. Il aurait pu trouver des mécanismes incitatifs.

L'article 131 du projet de loi, paragraphe 6°, par lequel les directeurs généraux des établissements fusionnés où le ministre aura procédé à sa fusion siégeront au conseil d'administration, je dois vous dire, M. le Président, que j'ai de la difficulté à voir l'économie qui résultera de cet arrangement où les gens qui auront subi la fusion imposée par le ministre se verront quand même dotés de pouvoirs, puisqu'ils siégeront au conseil d'administration. S'ils siègent au conseil d'administration comme D.G. – directeur général – c'est donc qu'ils garderont leurs fonctions et qu'ils bénéficieront de leur salaire. Et, lorsque les D.G. des établissements fusionnés continueront à bénéficier de leur salaire, je vois mal comment nous arriverons à faire des économies lorsque la structure administrative demeurera en place.

Le ministre aurait sûrement pu, dans cette lancée de fusions, au moins éliminer les postes de la structure administrative les plus hauts, s'il y a une fusion, afin d'en arriver à des économies importantes. Alors, je me dis: Pourquoi faire des fusions, si ce n'est que d'avoir un seul conseil d'administration, d'ailleurs qui est un conseil bénévole, et que les gens qui y siègent sont les mêmes personnes des différents établissements qui continuent à recevoir leur salaire, tel qu'ils en ont bénéficié au préalable? Donc, il n'y a pas d'économie, M. le Président, du moins à première vue, puisque la structure dirigeante demeurera en place. Il n'y a pas d'économie non plus parce que, si le directeur général demeure en place, les autres éléments de la structure demeureront en place.

Alors, ça devient de plus en plus difficile de comprendre certains articles du projet de loi n° 116 parce que ce projet, définitivement, laisse beaucoup de questions dans l'esprit, en fait, au moins de l'opposition, sûrement de plusieurs personnes au sein du gouvernement, et en particulier de plusieurs groupes d'intervention qui auraient souhaité être à nouveau entendus par le ministre afin de voir à corriger certains des amendements qu'il a proposés tardivement, sans laisser le temps à l'opposition de vraiment contacter les différents groupes qui auraient pu ou souhaité intervenir.

Vous comprendrez, M. le Président, que, devant une telle pression soumise, un tel empressement à passer le projet de loi que le ministre nous soumet pour une deuxième fois, qu'il avait d'ailleurs laissé mourir au mois de décembre pour consulter, nous avait-on dit à ce moment-là, les différents groupes... Et pourtant ceux que nous avons eu le temps de consulter aujourd'hui, en particulier les gens de Solidarité rurale et d'autres groupes, n'ont pas eu la possibilité de se faire entendre sur les amendements du ministre. Ces gens-là l'auraient souhaité, M. le Président, non pas dans le but d'aller à l'encontre du projet du ministre, mais dans le but de le bonifier, de l'améliorer.

On trouve souvent, en commission parlementaire, non seulement pour le ministre des Affaires sociales et de la Santé, mais aussi pour d'autres ministres, que, lorsque nous présentons des amendements, ils ont le réflexe de s'opposer subitement à tout changement, alors que, nous, de l'opposition, nous soumettons toujours les amendements dans le but de bonifier le projet de loi. Et, c'est souvent et malheureusement trop souvent perçu comme de l'obstruction, alors que nous aimerions tant être perçus comme des gens de bonne foi qui aimeraient améliorer les projets de loi.

Nous trouvons que le ministre s'octroie des pouvoirs démesurés, dans le projet de loi n° 116. Et, devant les amendements soumis à la toute dernière minute, M. le Président – je dois vous dire, on a eu le temps de consulter à peine quelques groupes – nous sommes vraiment hésitants à endosser un tel projet. Ce n'est pas seulement une hésitation, c'est un engagement que nous avons d'aller à l'encontre de ce projet, parce que nous trouvons que le ministre s'octroie des pouvoirs excessifs, dans le contexte actuel, excessifs par rapport à ceux qu'il avait d'ailleurs dans la loi 120 qui sont déjà très importants, comme pouvoirs, des pouvoirs quasi de vie ou de mort sur les institutions, sur les différents établissements, et que le ministre n'avait pas besoin d'aller chercher de pouvoirs additionnels.

(16 h 40)

Et, devant une telle démarche, on comprend mal que le ministre persiste à vouloir pousser l'adoption de son projet de loi avec une telle pression et un tel empressement. Quand on nous arrive, la veille de la présentation d'un projet de loi, avec 20 amendements que l'opposition n'a pas eu le temps de vérifier à fond, qu'elle n'a pas eu le temps de consulter à fond les différents intervenants qui auraient été intéressés à venir se faire entendre, vous comprendrez que, devant une telle situation, nous sommes très inquiets.

Un dernier point que j'aimerais toucher, M. le Président, c'est celui des différentes fondations, dans les différents milieux, qui seront touchées éventuellement par les fusions que le ministre pourra – je dis bien «pourra», pas nécessairement fera mais pourra – faire. Lorsque les gens se sont impliqués dans un milieu et qu'ils ont donné à une institution bien conçue, bien structurée, de leur argent personnel afin de monter une fondation pour aider le milieu à être mieux servi par les gens de l'institution, et que, subitement, le ministre s'octroie le pouvoir de faire disparaître ces institutions, nous questionnons le bien-fondé du même pouvoir sur les différentes fondations. Qu'adviendra-t-il de ces fondations, qu'adviendra-t-il des fonds? Et le ministre n'a pas encore répondu à ces différents éléments.

Alors, vous allez comprendre, M. le Président, malgré notre bonne volonté, malgré notre intérêt devant les besoins de la population, la difficulté dans laquelle le ministre nous place de supporter son projet de loi alors qu'il n'en a pas besoin du tout pour faire ce qu'il souhaite, que la loi 120, telle qu'elle est actuellement, lui donne suffisamment de pouvoirs, mais aussi lui amène des restrictions qui sont importantes, laissant aux différents établissements un certain pouvoir de regard avec le ministre. Je pense que, devant une telle situation, où toutes ces possibilités d'intervention de leur part seront disparues, disparaîtront avec son projet de loi, nous ne pourrons, malheureusement, supporter son projet de loi.

Nous aurions souhaité avoir été informés au préalable, depuis plusieurs semaines, des amendements qu'il a soumis hier, à la fin de la journée. Nous aurions souhaité voir les amendements que l'opposition avait proposés au mois de décembre, et déjà, maintenant, nous souhaiterions que le ministre puisse au moins retirer son projet de loi. Et, advenant le non-retrait de son projet de loi, je dois vous dire, M. le Président, que nous nous opposerons fortement à son adoption et que, malheureusement, je devrai voter contre l'adoption de son projet de loi. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député d'Argenteuil. Je céderai maintenant la parole à la députée de Mégantic-Compton. Mme la députée.


Mme Madeleine Bélanger

Mme Bélanger: Merci, M. le Président. M. le Président, nous sommes à l'étape de l'adoption du principe du projet de loi n° 116, Loi modifiant de nouveau la Loi sur les services de santé et les services sociaux. Ce projet de loi a été présenté en décembre 1995 par le ministre de la Santé et des Services sociaux et n'avait pas été rappelé parce que de nombreux éléments ne faisaient pas consensus dans le réseau de la santé et des services sociaux.

M. le Président, à plusieurs reprises, nous, de l'opposition officielle, avons demandé au ministre une consultation générale sur ce projet de loi, vu son importance pour l'avenir de notre réseau de santé. Le ministre a refusé. Il a préféré tenir une consultation par écrit, en cachette, avec les intervenants qu'il avait lui-même choisis. Il a ensuite procédé à des consultations particulières, oubliant d'inviter tous ceux qui ne pensaient pas comme lui. Ce projet de loi aurait pourtant mérité une consultation le plus large possible afin que tous les groupes et tous les citoyens intéressés puissent se prononcer sur un projet qui affecte directement leur quotidien.

Pendant plusieurs mois, nous avions espéré que le ministre ferait preuve de bon sens et modifierait de façon substantielle ce projet de loi et qu'il présenterait un projet de loi qui correspondrait à ses engagements, soit une véritable déréglementation dans le réseau. Mais, encore une fois, le ministre renie ses engagements. La déréglementation est reléguée aux oubliettes. M. le Président, je ne peux passer sous silence le culot du ministre de la Santé et des Services sociaux qui appelle ce projet de loi en pleine nuit, après avoir déposé une vingtaine d'amendements que je pourrais qualifier de bidon ou d'illusions, en fin d'après-midi, le jour même.

Mais j'ai une mauvaise nouvelle pour le ministre. Le porte-parole et député de Robert-Baldwin a eu le temps d'étudier chacun des 19 amendements et il nous a affirmé qu'ils ne correspondent en rien aux attentes de tous les intervenants du milieu. Ils ne font que combler les oublis juridiques du ministre. Le projet de loi n° 116, tel qu'amendé par le ministre, est aussi inacceptable que le projet de loi initial. Plus encore, cette pluie d'amendements à la dernière minute ne fait que prouver hors de tout doute la totale improvisation du ministre de la Santé et des Services sociaux dans la réorganisation du réseau. Cette preuve d'improvisation a d'ailleurs été faite à plusieurs reprises dans le passé, notamment en ce qui concerne les fermetures d'hôpitaux et, plus récemment, dans le dossier du régime d'assurance-médicaments.

M. le Président, les principaux objectifs du projet de loi qui est devant nous concernent la formation des conseils d'administration chargés d'administrer l'ensemble des établissements dans une région et l'abolition de l'assemblée régionale dans chacune de ces régions, deux propositions qui ont été dénoncées de façon véhémente par tous les intervenants du milieu de la santé.

Je commencerai donc par dénoncer l'article 1 de ce projet de loi, qui prouve la totale insensibilité du ministre et sa pensée de technocrate. Comment peut-on penser fusionner des établissements qui ont des missions de réadaptation complètement différentes? En effet, par cet article, le ministre veut créer un seul conseil d'administration pour tous les établissements qui desservent une clientèle souffrant d'une déficience physique, peu importe si celle-ci est de nature auditive, motrice, visuelle, et ce, pour l'ensemble du territoire d'une régie régionale. Le ministre confond complètement les besoins et les services spécifiques destinés à ces clientèles, et ce, à leur détriment.

Encore une fois, M. le Président, les économies sont la seule motivation et préoccupation du ministre. Les plus démunis paieront de leur autonomie et de leur avenir pour les décisions technocrates du ministre. Le ministre répète souvent qu'il faut avoir une vision globale. Il nous serine sans cesse de regarder la forêt plutôt que les arbres. J'invite le ministre à cesser de regarder la forêt de haut et à regarder ce qui se passe sur le terrain où des personnes, et non des arbres, souffrent en raison de ses actions.

L'article 2 du projet de loi propose que plusieurs établissements, quelle que soit leur mission, puissent être dirigés par un même conseil d'administration. Ainsi, une régie régionale peut proposer qu'un CLSC, un centre d'hébergement de soins de longue durée et un centre hospitalier de soins de courte durée soient tous dirigés par un seul conseil d'administration s'ils ont tous leur siège dans le même territoire. Je tiens à rappeler à cette Chambre que le ministre avait réussi à faire l'unanimité contre cette proposition. Tous les intervenants étaient insatisfaits et ne se sont pas gênés pour le dire au ministre.

Ainsi, la Fédération des CLSC du Québec s'inquiétait des missions respectives des établissements du réseau et disait: «Le risque d'émiettement des dimensions promotion et prévention des services de première ligne devient encore plus grand lorsqu'on regroupe un CLSC ayant peu d'effectifs avec un centre d'hébergement de longue durée ou un centre hospitalier de soins de courte durée comptant un nombre important de ressources humaines. Minoritaires par rapport à leurs collègues des autres vocations, les intervenants du CLSC ont peu de chances d'accéder au conseil d'administration dans un contexte où tous et chacun sont portés à vouloir représenter et protéger la mission du centre pour lequel ils oeuvrent.»

(16 h 50)

Il est clair, M. le Président, qu'avec cet article du projet de loi le ministre de la Santé et des Services sociaux relègue les CLSC à un rôle de second et même de troisième ordre, lui qui s'est toujours vanté du rôle primordial qu'il voulait donner aux services de première ligne. Les CLSC devaient être la pierre angulaire du virage ambulatoire. Encore une fois, les actions du gouvernement péquiste sont le contraire de ses déclarations et de ses promesses. M. le Président, j'ai l'impression de toujours dire la même chose, mais je ne m'habitue pas à la tradition que le gouvernement péquiste est en train d'instaurer, soit de faire exactement le contraire de ce qu'il dit et de ce qu'il promet.

Avant même l'adoption du projet de loi n° 116, les intervenants étaient unanimes à déplorer les trop grands pouvoirs des régies régionales. Il est important de rappeler que le seul organisme qui était d'avis que les régies régionales pouvaient avoir plus de pouvoirs était évidemment la Conférence des Régies régionales, c'est-à-dire le représentant de toutes les régies régionales. M. le Président, le ministre, avec la grande capacité d'écoute et de consultation qu'on lui connaît tous, a donc répondu en augmentant considérablement les pouvoirs des régies régionales alors qu'elles n'ont pas su répondre de façon satisfaisante à ceux qu'elles ont dans la loi actuelle.

M. le Président, quant à l'abolition de l'assemblée régionale dans chacune des régions, ce n'est rien de moins qu'un scandale. L'assemblée régionale était le seul mécanisme qui était prévu dans la loi afin que les régies régionales puissent rendre des comptes à la population sur la réorganisation des services de santé et des services sociaux dans chacune des régions du Québec. Bien que ce mécanisme n'ait pas donné les résultats escomptés, il aurait été impératif qu'il soit remplacé dans la loi par un autre mécanisme d'imputabilité des régies régionales. Ce souci est d'ailleurs partagé par les députés des deux côtés de la Chambre et par l'ensemble des groupes, tel que nous avons pu le constater lors des consultations particulières devant la commission des affaires sociales. Les régies régionales prennent des décisions majeures qui affectent directement le bien-être des Québécois et des Québécoises et qui engagent d'énormes sommes d'argent provenant des contribuables, et le ministre demande à cette Chambre de leur signer un chèque en blanc.

M. le Président, l'Assemblée nationale a adopté récemment une loi, la loi 198, pour rendre les sous-ministres et les dirigeants d'organismes imputables devant la population. Cette imputabilité est l'un des moyens les plus efficaces pour que la population reprenne confiance en ses dirigeants. Notre système démocratique a bien besoin de la confiance des Québécois. Nous, en tant que politiciens, nous en avons également un besoin urgent. Personne ici, aujourd'hui, ne peut le nier.

M. le Président, dans ce contexte, on peut se demander comment le ministre peut, sans rougir, demander à cette Chambre d'accepter que les régies régionales n'aient de comptes à rendre qu'au seul ministre de la Santé et des Services sociaux. Est-ce là rapprocher les décisions du citoyen? Est-ce vraiment cela que le ministre veut lancer comme message? Les régies régionales peuvent faire ce qu'elles veulent. Le seul amendement présenté par le ministre de la Santé et des Services sociaux qui réponde tant soit peu aux recommandations des groupes entendus concerne le nombre de représentants du monde de l'éducation sur les conseils d'administration des régies régionales. Le ministre, encore une fois, a écouté seulement ce qu'il voulait entendre et oublié ce qu'il ne voulait pas livrer.

M. le Président, je vais conclure en rappelant au ministre que le gouvernement libéral a amorcé la réforme de la santé et des services sociaux en 1992 afin de régionaliser le réseau et de placer les citoyens au coeur des décisions. Le projet de loi n° 116 va à l'encontre de toute cette philosophie en réglementant de façon éhontée le réseau et en empêchant les Québécois et les Québécoises de prendre part aux décisions qui les touchent directement mais surtout quotidiennement.

Les Québécois pouvaient être fiers de leur système de santé, mais, surtout, nous pouvions lui faire confiance. La qualité du système, mais également son accessibilité, nous donnaient un sentiment de sécurité primordial à notre bien-être. La fermeture improvisée et trop rapide de plusieurs hôpitaux a créé une brèche dans notre sentiment de sécurité. Cette brèche est malheureusement agrandie aujourd'hui avec le projet de loi n° 116, car le système de santé appartient de moins en moins à la population et de plus en plus aux structures du ministre. Le ministre va à contre-courant, et c'est une situation que je ne peux accepter et contre laquelle je voterai. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la députée de Mégantic-Compton. Je cède maintenant la parole au député de Bertrand. M. le député.


M. Robert Thérien

M. Thérien: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir de prendre la parole sur le projet de loi n° 116 et de signaler immédiatement que le ministre de la Santé a pris rapidement des mauvais plis. On sait que c'est un nouveau venu, on espérait beaucoup de lui. Il a pris rapidement les mauvais plis des anciens ténors qui dénonçaient des coutumes de l'ancien gouvernement à l'effet de passer des projets de loi la nuit.

M. le Président, vous avez vécu, hier, les côtés un peu négatifs possibles – et je pense que vous vous en êtes quand même fort bien tiré – des difficultés de passer des projets de loi la nuit. Je veux rappeler au ministre qu'il y a des gens, dont le député de Joliette qui a été leader parlementaire, qui disaient: Écoutez, si le Parti québécois prend le pouvoir, des projets importants – comme les projets de la santé – jamais on ne passera ça la nuit. Jamais on ne passera ça la nuit. En espérant que le nouveau parlementaire qui a été nommé ministre dise: Écoutez, je trouve ça important que, lorsqu'on parle d'un projet tel que la santé, on fasse ça le jour, on fasse ça à des heures raisonnables... Mais non. Il a pris un mauvais pli, même pire que ça, il a présenté son projet sans que lui puisse le présenter. C'est grâce un peu aux efforts de la partie de l'opposition pour dire: Nous, le ministre de la Santé, il a un projet de loi, on veut l'écouter, on veut qu'il vienne nous dire c'est quoi ses objectifs...

Donc, je dis au ministre de la Santé: Écoutez, votre projet de loi n° 116, vous l'avez déposé en 1995, et il n'y a pas eu de consensus en 1995. Il y a eu des consultations, il y a des gens qui se sont exprimés, puis, ça, on en remercie le ministre, parce qu'il n'a pas été fort sur les consultations lorsque est venu le temps de fermer les hôpitaux.

Il s'est retranché vis-à-vis des régies régionales, qui sont à peu près ses hommes de main, ces temps-ci. Je ne sais pas si on leur a tous promis un travail, parce qu'on voit qu'une présidente du syndicat vient d'avoir un travail quelconque, dernièrement. Bien, c'est ses hommes de main. Il fait attention à eux, les directeurs de régie régionale. Assez que, moi, dans une de mes régions – parce que j'étais député de deux régions administratives – j'ai le même directeur depuis 11 ans, et, lorsque les libéraux coupaient des sommes à la santé, il dénonçait ça. Mais là il a eu le courage de dire: Il y a moins de fonds puis les gens vont être mieux servis.

Je vais vous dire une affaire, c'est extraordinaire qu'il dise ça, parce que les citoyens ne disent pas ça, M. le Président, absolument pas. Donc, je dis au ministre: Écoutez...

Le ministre, il arrive avec des bonnes intentions, il a un projet de loi n° 116 qu'il a essayé de déposer en 1995, qu'il n'a pas réussi à déposer parce que les gens s'y opposaient. Et là il décide de le déposer en 1996. Il commence la nuit, puis il n'est pas là, en plus. Mais là je peux vous dire... Il était là... Il était au... Excusez-moi.

Une voix: ...

M. Thérien: Non. Vous êtes venu ici, et je le reconnais, à minuit trente. Mais, lorsqu'il a été déposé, à 23 h 15, vous étiez en train de travailler – et je vous félicite là-dessus – vous étiez en train d'écouter des groupes. Mais je peux vous dire que ce n'est pas la coutume, surtout pour quelqu'un qui aurait souhaité, comme des gens dont le député de Joliette, changer la vie parlementaire à l'effet qu'on ne passerait plus de projets la nuit, qu'on essaierait d'être le plus explicite possible... Et on fait exactement le contraire. Je pense que, pour un...

Une voix: Plus ça change, plus c'est pareil.

(17 heures)

M. Thérien: C'est peut-être l'autre façon de dire: Bien, on va faire la même chose, mais par d'autres personnes.

Donc, M. le Président, le projet de loi n° 116 a été déposé. Le ministre a présenté tardivement, hier, son opinion, ses orientations. En plus, il nous a déposé, quelques heures avant, 19 amendements. Écoutez, il nous demande, il demande aux gens de l'opposition, qui sont les représentants de la population, de lui faire confiance: Écoutez, mon projet de loi n° 116 n'était pas bon en 1995, j'ai consulté, je vous donne des amendements, puis, deux heures après, on commence l'étude du principe. M. le Président, écoutez, ce n'est pas sérieux, parce que l'étude des amendements... Puis, il le sait que ce n'est pas sérieux, sauf qu'il a peut-être été bousculé, aussi. Écoutez, je l'ai dit hier pour une loi municipale, souvent c'est des fonctionnaires qui guident un peu. Puis, le côté technocrate, dont la député de Mégantic parlait, du ministre, là, il ne l'a pas tout à fait perdu. Écoutez, c'est peut-être pour répondre aux fonctionnaires qui ont hâte de voir disparaître certains conseils d'administration ou autres. Puis, le ministre, il faut qu'il fasse plaisir à ses fonctionnaires, aussi; il faut que ça aille bien.

Mais, dans l'ensemble, ce n'est pas normal, M. le Président, de présenter 19 amendements, puis deux heures après, on commence à étudier le principe. Heureusement, on a eu le temps de consulter certaines personnes sur les amendements, et les amendements ne conviennent pas encore, ne répondent pas aux besoins que les citoyens avaient exprimés. J'espère que le ministre entend quelque chose, mais je sais qu'il n'entend pas, parce que, écoutez, il dit: Nous, on fait une réforme de la santé avec les citoyens. Il y a 4 000 personnes dehors qui ne veulent pas qu'un hôpital ferme; eux, ce n'est pas des citoyens. Mais quelques membres de la régie régionale, où on ne coupe aucun budget, eux, c'est les représentants du peuple. J'ai de la misère à comprendre ça, moi, un peu, M. le ministre. Vous allez m'expliquer ça. Tous ceux qui ont contesté des fermetures, qui étaient de bonne foi, des travailleurs, des citoyens qui voulaient conserver leur outil de développement qui était un outil de santé, eux, ils n'ont pas raison, ce n'est pas des citoyens.

Vous faites votre réforme avec vos citoyens, vos citoyens que vous gavez. Parce que, comme on a dit et que vous le reconnaissez, est-ce qu'elles ont été coupées, les régies régionales? Absolument pas. Même le député de Rivière-du-Loup disait, puis je l'écoutais: On a même créé une route pour bâtir une bâtisse de la régie régionale, pour mener à la bâtisse. Et, ça, est-ce que ça guérit des malades, une régie régionale? Ça, on a de la misère à comprendre ça, M. le ministre, puis surtout...

Mme Caron: Question de règlement, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: Oui, M. le Président. Le député de Bertrand a suffisamment d'expérience en cette Chambre, le règlement n'a pas changé là-dessus, 35.4: il doit s'adresser à la présidence et non au ministre.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, Mme la leader adjointe, je retiens vos propos. Et, M. le député de Bertrand, vous qui êtes un parlementaire aguerri, vous connaissez très bien votre règlement, et je suis persuadé que vous allez vous y plier. M. le député de Bertrand.

M. Thérien: Volontiers, puisqu'on a la chance d'avoir le ministre, on a tendance – puis je l'ai presque en face de moi – à s'adresser personnellement; mais je vais le faire par vous. M. le Président, justement la députée de Terrebonne se lève... J'ai un exemple que je vais utiliser tantôt dans cette Chambre.

Il nous demande de faire confiance à son projet de loi. Écoutez, une des nouvelles, ce matin, c'est presque la risée pour l'hôpital dans L'Assomption. C'est ça. On a annoncé en grande pompe, avant le référendum, un hôpital. Et je lis: «Le projet d'un nouvel hôpital dans L'Assomption a du plomb dans l'aile – écoutez bien. Annoncé en grande pompe par le premier ministre Jacques Parizeau, le projet d'un nouvel hôpital, situé dans le comté de L'Assomption...» Mais ce qui est encore pire... Et je suis convaincu que les gens souhaitaient cet équipement-là, et la députée de Terrebonne le sait, et j'ai fait partie de cette région-là pendant des années. Les critères de pauvreté, au niveau de la santé et au niveau de bien d'autres équipements, dans Lanaudière, sont déficients. Mais, encore pire, on a localisé l'hôpital dans une zone inondable. Bien, dites-moi, si un élu municipal ou un élu provincial ne connaît pas les schémas pour dire... On a annoncé ça, j'ai vu ça à la télévision, M. le Président. L'hôpital allait là. Il n'y a personne du côté ministériel qui a été capable de dire que c'était en territoire inondable. Mais le pire, le pire vient après, M. le Président: Plusieurs sources dans le réseau de la santé – plusieurs sources dans le réseau de la santé, ça veut dire que c'est des fonctionnaires – ont souligné que depuis le début du projet – puis, je m'excuse de l'anglicisme qui est marqué là – c'est un «running gag»... Ça veut dire que les fonctionnaires...

Une voix: Question de règlement.

M. Thérien: M. le Président, je m'adresse à vous, là. C'est quoi? Je m'adresse...

Le Vice-Président (M. Pinard): Excusez-moi, M. le député de Bertrand. Lorsqu'on appelle au règlement... Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: Oui, M. le Président. Nous en sommes à l'adoption du principe, et je voudrais rappeler l'article 239: «Le débat...»

Le Vice-Président (M. Pinard): L'article... Excusez-moi.

Mme Caron: L'article 239: «Le débat porte exclusivement sur l'opportunité du projet de loi, sur sa valeur intrinsèque ou sur tout autre moyen d'atteindre les mêmes fins.» Et l'article 211: «Tout discours doit porter sur le sujet en discussion.»

Le Vice-Président (M. Pinard): Mme la leader adjointe, vous soulevez une question de pertinence et vous savez que, lors des débats, il y a quand même une tradition de tolérance, en autant qu'on revient sur le sujet. Alors, nous avons, hier, appliqué cette règle de tolérance à l'égard de certains députés qui ont pris la parole en cette Chambre, et, en autant que le député de Bertrand revient sur ce qui est l'objet de la discussion, à ce moment-là, nous allons remettre immédiatement la parole au député de Bertrand. M. le député.

M. Thérien: Merci.

Mme Caron: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Pinard): Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: ...vous avez bien exprimé qu'effectivement il faut revenir au sujet, mais, depuis le début de l'intervention du député de Bertrand... Le sujet sur la loi n° 116, c'est les structures des régies régionales de la santé et des services sociaux. Le député de Bertrand nous a parlé des fermetures d'hôpitaux et là il nous parle de l'hôpital non pas du comté de L'Assomption, parce que ce n'est même pas dans le comté de L'Assomption, donc je pense que ce serait important qu'il revienne rapidement, parce qu'il n'a pas commencé à parler encore des structures du projet de loi sur les régies régionales.

Le Vice-Président (M. Pinard): Mme la leader adjointe, je suis persuadé que le député de Bertrand a maintenant terminé son grand préambule et que, suite à l'intervention que vous venez de faire, il va véritablement se diriger en ce sens. M. le député de Bertrand.

M. Thérien: M. le Président, si vous avez remarqué, j'ai parlé des amendements, j'ai parlé des consultations. Je sais que ça blesse un peu la députée de Terrebonne, parce que, vous savez, dans cette enceinte, il faut dire la vérité, puis la vérité, c'est dire que l'hôpital, c'est un «running gag». C'est ça qui est dit par les fonctionnaires. C'est ça, la vérité, puis j'ai peur que le ministre fusionne le conseil d'administration de l'hôpital qui n'existe pas au CLSC. Ça, c'est ma crainte. On ne sait jamais.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Thérien: Il va peut-être y avoir un conseil d'administration, l'hôpital n'est pas là. Ça fait que, ça, c'est pertinent, M. le Président, de dire aux gens... Écoutez, on nous demande de voter une loi la nuit, on consulte des gens, on nous envoie de nombreux amendements, et là je souligne un exemple jusqu'à quel point on ne peut pas faire confiance totalement puis aveuglément. On a induit des gens en erreur, on a annoncé un hôpital, puis présentement c'est la risée au ministère. Et le ministre pourrait nous dire que ça n'a pas de bon sens non plus lorsqu'on est en train de tout rationaliser ça. On sait très bien qu'il y a une élection partielle le 10 juin, mais je tenais à le souligner, parce qu'on est en train de faire toutes sortes d'aménagements, dont la loi n° 116, et on vient nous dire aujourd'hui: Nous, on a le monopole de la vérité, puis, eux, ils ont tort. On va vous «pitcher» ça la nuit. On va faire tout ça.

Écoutez, ce n'est pas ça qu'on dit. On dit: Le ministre, il a eu sa chance de faire des consultations, il en a faites, il a fait des amendements, il n'a pas écouté les amendements, puis, aujourd'hui, on ne peut pas être autrement que contre sa loi.

On a appris aujourd'hui que le premier ministre, il n'est pas infaillible. Lui non plus, il ne l'est pas, infaillible, j'imagine. Peut-être qu'il va nous dire que lui-même ne l'est pas. On a appris ça aujourd'hui. On a appris toute une vérité, aujourd'hui, que le premier ministre n'était pas infaillible puis qu'il pouvait être fatigué. Peut-être que le ministre de la Santé, lui aussi, est fatigué, mais qu'il ne nous dise pas...

Une voix: Il est fatigant.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Thérien: S'il y a des députés, M. le Président, qui veulent prendre la parole, ça me fera plaisir de les écouter. Je n'en ai pas entendu un sur la loi n° 116, je n'en ai pas entendu un. S'il continue, il va faire des fautes sur son ordinateur, M. le Président.

(17 h 10)

Mais, indépendamment de ça, M. le Président, c'est que la loi n° 116, ça comporte le fusionnement de conseils d'administration, de C.A. En soi, on n'est pas contre, mais qu'est-ce qu'on fusionne et qu'est-ce qu'on sauve?

Une voix: Pas contre...

M. Thérien: Non, non. Pas contre le principe de fusionner ce qui est fusionnable, ce qui est là.

Des voix: Ah!

M. Thérien: J'imagine qu'il va y avoir beaucoup de députés ministériels qui vont parler sur la loi n° 116, après. Oui? J'imagine, hein? Je n'en ai pas entendu encore, là. Je n'en ai pas entendu.

Des voix: ...

Une voix: S'il vous plaît!

M. Thérien: Ça ne me fait rien de les réveiller, moi, mais...

Le Vice-Président (M. Pinard): MM. les députés... Alors, M. le député de Johnson, s'il vous plaît. J'apprécierais beaucoup que les débats se poursuivent d'une façon tout à fait correcte. Alors, M. le député de Bertrand, je vous recède la parole et je vous indique qu'il reste cinq minutes à votre intervention, cinq minutes, temps maximum.

M. Thérien: J'ai presque envie d'en obtenir plus, parce qu'on m'a dérangé pendant au moins quatre, cinq minutes, pour essayer de convaincre une fois pour toutes le ministre...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Thérien: ...qu'il veut se donner des pouvoirs additionnels, imaginez-vous, puis il n'a pas le don d'infaillibilité. J'espère qu'il va reconnaître ça. Il veut se donner des pouvoirs additionnels. Quand il parle... Surtout, il parlait de son virage ambulatoire. Je veux lui conter un exemple, dans mon comté, que le directeur du CLSC me racontait.

Écoutez, le virage ambulatoire...

Des voix: ...

M. Thérien: M. le Président, s'ils n'ont rien à dire, l'autre bord, moi, j'ai quelque chose à dire, puis j'ai de la difficulté à le dire.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le député de Bertrand, actuellement, vous prononcez des paroles qui suscitent un débat, et vous savez que, en vertu du règlement, c'est tout à fait prohibé. Alors, moi, j'ai le plaisir de vous écouter et j'apprécierais beaucoup que vous mainteniez votre rythme.

M. Thérien: Pour donner l'exemple du CLSC que le directeur me racontait, il y a un jeune amputé qu'on a sorti de l'hôpital, naturellement, et à qui on doit donner des soins, c'est-à-dire changer les pansements. Et, les changements de pansements, ça ne nécessite pas des bénévoles, ça nécessite des gens qui sont professionnels. Mais ce n'est pas budgétisé. Il faut changer ça à des heures qui peuvent aller soit tard le soir et, en plus, on vient de lui couper 40 000 $, au CLSC. On a dit: Le virage ambulatoire, ça se fait avec les citoyens. Mais cet amputé-là, là, il ne vit pas ça comme ça.

Le ministre, je pense que, son côté technocrate, là... Il n'est pas allé sur le terrain trop, trop. On sait que ses alliés, les directeurs de la régie régionale, qui est un petit groupe ensemble, qui décide de protéger le ministre, je ne sais pas pour quoi en échange, là, mais la situation est différente...

Des voix: ...

M. Thérien: Ah! Écoutez, on vient de voir ça avec Mme Gosselin, qui a eu quelque chose en échange d'un appui. Écoutez, on vient de voir ça, là. Ça ne serait peut-être pas la seule.

Mais, M. le Président, juste pour vous dire que la loi n° 116, de donner des pouvoirs excessifs au ministre, on ne peut pas accepter ça, surtout avec ce qu'on vient de vivre depuis un an, sur la façon qu'il nous dit que ce changement d'attitude, ce changement de réseau se fait en collaboration avec les citoyens. C'est faux. Qu'il veuille faire certaines économies... Mais comment les faire? Puis, vous savez, quand vous allez à l'épicerie, s'il y a un montant d'argent à dépenser, vous avez 400 $ pour un panier d'épicerie, vous dépensez 400 $ puis après vous ne dépensez plus. Qu'est-ce qui est important? Si c'est la santé qui est importante, là, qu'il arrête de sortir du manger du panier d'épicerie pour mettre d'autres choses. Si c'est ça qui est vraiment important, qu'il essaie de nous raconter qu'il fait ça avec les citoyens, pour le bien des citoyens... C'est faux. Puis je suis convaincu, M. le Président, que, dans vos bureaux de comté, vous en entendez parler. Vous ne pouvez pas le dire, par solidarité ministérielle, mais vos citoyens qui vont vous voir vous le disent que les services ont diminué. Le ministre le sait aussi. Il y a un travail de bras à faire, il le fait. Il essaie de le faire. Il a essayé de le faire cette nuit, en plus.

On lui dit, M. le Président, qu'on va être contre, puis on va être contre parce que je pense que la loi 120 lui a donné assez d'autorité, assez de pouvoirs, qu'on ne peut pas lui en donner de façon additionnelle. Mais surtout, on va être contre parce que les groupes qui ont été consultés sont contre, et on représente les citoyens avant tout, et ces citoyens-là sont contre la loi, ils sont contre les amendements. Donc, de 1995 à une loi qui a avorté... elle est représentée en 1996 avec les mêmes anomalies, et aucune correction pour le bien des citoyens. Merci, M. le Président, puis on va être contre la loi n° 116.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Bertrand. J'accorde maintenant la parole au député de D'Arcy-McGee. M. le député.


M. Lawrence S. Bergman

M. Bergman: Merci, M. le Président. Nous sommes rendus à l'étape de l'adoption du principe du projet de loi n° 116, Loi modifiant de nouveau la Loi sur les services de santé et les services sociaux.

Le projet de loi propose d'abord un nouveau mode de formation du conseil d'administration chargé d'administrer l'ensemble des établissements qui exploitent, sur le territoire d'une régie régionale, un centre de réadaptation pour les personnes ayant une déficience physique. De plus, M. le Président, le projet de loi donne le pouvoir à la régie régionale de proposer au ministre de la Santé et des Services sociaux la fusion des conseils d'administration en un seul et même conseil qui administrerait les différents établissements.

Le projet de loi introduit également de nouvelles mesures relatives au processus électoral ou de nominations des membres du conseil d'administration des établissements publics. Par ailleurs, le projet de loi prévoit l'abolition des assemblées régionales, qui avaient comme mandat, notamment, d'élire parmi leurs membres des personnes qui formaient le conseil d'administration des régies régionales. De plus, le projet de loi comporte des modifications de nature technique, de terminologie ou de concordance avec des dispositions transitoires.

M. le Président, mon intervention portera spécifiquement sur trois points. Premier point: l'article 1 propose un nouveau mode de fonctionnement du conseil d'administration chargé d'administrer l'ensemble des établissements qui exploitent, sur le territoire d'une régie régionale, un centre de réadaptation pour les personnes ayant une déficience physique. Dans les faits, M. le Président, qu'est-ce que ce langage juridique veut vraiment dire? À cet égard, permettez-moi, d'informer les membres de cette Chambre que, dans la Loi sur les services de santé et les services sociaux, on retrouve des dispositions aux articles 121, 122 et 123 qui prévoient un conseil d'administration distinct pour les centres de réadaptation oeuvrant auprès des personnes ayant soit une déficience auditive, une déficience visuelle ou une déficience motrice.

The bill has the effect of fusioning the administrative councils of the various establishments whose missions, Mr. Speaker, are completely different. When we speak of a mission, we speak of very specific needs for the various different clienteles whose services are rendered and who require very specific and diversified needs. Each of the administrative councils have precise objectives concentrating on the development of persons who have audual, visual or motor deficiencies, in order that these people have all the specialized services to assist them in their own development and to assist them to have some independence. Therefore, we can conclude that it's completely illogical and impertinent to fusion administrative bodies whose missions have different goals.

Mr. Speaker, if we regroup the various missions under one roof, we will deny them the specificity of the services which are offered to the people. Moreover, this PQ Government affirmed to us that budgetary cuts would not be made on the backs of the most vulnerable and fragile persons in our society. Well, the decisions taken by the Minister of Health prove quite the contrary. Once again, the actions of this PQ Government are not the same and do not correlate whatsoever with the speeches preaching compassion, the speeches preaching equity, the speeches preaching social justice, which are being made by this PQ Government, or, should I say, which were made by this Government during the recent referendum campaign.

You know, Mr. Speaker, having discussions with a Governor of an American State, and then denying that you discussed sovereignty with the same Governor, and then, when you're caught redhanded that you did discuss it, saying that you did discuss it, who knows what the truth is coming and emanating from this Government. And how will we know in the future, when the Premier says something, that that is the truth? Mr. Speaker, I cannot help but reminding the members of this Assembly of the vast sums of money which were blatantly wasted during the recent referendum campaign and the pre-referendum campaign. I cannot imagine, you cannot imagine the total sums of money which could have gone into health care and which were blatantly wasted.

(17 h 20)

Je voudrais maintenant aborder mon deuxième point. Le projet de loi n° 116 vise la fusion d'un établissement qui exploite un centre local de services communautaires, c'est-à-dire un CLSC, avec soit un centre d'hébergement de soins de longue durée ou soit avec un centre hospitalier général de moins de 50 lits. Cette fusion, dite à la verticale, M. le Président, a été fortement dénoncée par les divers intervenants qui se sont présentés en commission parlementaire lors des consultations particulières. En effet, la majorité des intervenants ont fait valoir leur inquiétude concernant le fait que les missions respectives de chacun de ces établissements pouvaient être mises en péril. De plus, les CLSC ont fait valoir le danger que ces fusions représentent pour la vocation de prévention et de promotion de la santé, sans compter, M. le Président, que ces fusions auront pour effet de faire courir le risque aux CLSC de diluer la mission des services de première ligne.

Le Conseil médical du Québec pose un diagnostic assez juste quand il affirme qu'il y a un manque de continuité des soins et des services à la population, c'est-à-dire un lien, M. le Président, entre les services curatifs et les services préventifs. Nous ne croyons pas, M. le Président, comme la Fédération des infirmières et infirmiers du Québec est venue le dire en commission, que cette intégration des différentes catégories d'établissements permet d'atteindre véritablement le but recherché, c'est-à-dire assurer la continuité des soins offerts à la population.

As was mentioned by the Federation of Québec Nurses, it would be wiser to use means which are less restraining to assure the continuity of services and care which are offered to the population. It would be more opportune to favor a formula such as the interestablishment agreements, such as many partners have already combined in different regions of Québec.

Mais, malheureusement, M. le Président, le ministre de la Santé et des Services sociaux n'a pas la réputation d'écouter les recommandations des personnes qui connaissent bien les besoins de la population. Fidèle à lui-même, le ministre de la Santé continuera de faire croire à la population qu'il a consulté et que ses décisions découlent des diverses recommandations du milieu. Mais, M. le Président, la population n'est pas dupe, elle sait que les décisions du ministre sont axées uniquement pour générer des économies, et ce, au détriment des besoins de l'ensemble de la population.

Le ministre de la Santé et des Services sociaux a déposé à toute vapeur une série d'amendements quelques heures seulement avant l'adoption du principe du projet de loi n° 116, voulant ainsi donner l'impression qu'il donnait suite aux recommandations des groupes qu'il avait entendus. Après analyse de ces différents amendements, on s'aperçoit et on réalise très rapidement que ces amendements ne font que combler les oublis juridiques de la part du ministre. Mais, M. le Président, je peux vous assurer que ces amendements ne changent en rien le fondement même de ce projet de loi.

Le troisième point que j'aimerais aborder vise l'abolition des assemblées régionales. Fait surprenant, M. le Président, quand on se rappelle les beaux discours de responsabilité des régions, de faire des régions nos partenaires en les impliquant, en les consultant, encore une fois, M. le Président, on décèle ici les contradictions entre tous les beaux discours et les gestes qui sont posés.

M. le Président, permettez-moi de rappeler que ces assemblées régionales avaient été mises en place afin que les régies régionales rendent des comptes à la population sur la réorganisation des services de santé et des services sociaux dans chacune des régions. Bien sûr que le gouvernement nous servira l'argumentaire que les assemblées régionales n'ont pas donné les résultats escomptés et qu'elles ont eu des problèmes de fonctionnement. Au lieu de les abolir, ne vaudrait-il pas mieux chercher à connaître les causes du désintérêt et trouver de nouveaux moyens pour favoriser la participation à ces assemblées régionales? Il faut mentionner que ces instances avaient un mandat très limité et que les participants avaient un rôle très marginal.

M. le Président, il serait important de trouver des solutions afin de rendre responsables les membres officiels des assemblées régionales, afin d'augmenter leur participation et leur implication. Il est important de préserver le principe d'imputabilité au niveau régional si nous voulons éviter que le conseil d'administration devienne l'acteur unique sur le plan régional. Donc, si le ministre maintient l'abolition de l'assemblée régionale, il doit absolument mettre sur pied un autre mécanisme efficace pour rendre les régies régionales imputables devant la population.

Les contribuables québécois et la population ont le droit de consulter et de questionner à ce sujet. D'ailleurs, ce pouvoir ultime qui serait donné aux régies régionales était, de l'avis de tous, inacceptable. Certains ont même dénoncé des lacunes relativement au caractère public des séances des conseils d'administration des régies régionales et des lacunes également relatives à la transparence de leurs décisions. En effet, certains groupes ont fait référence à certains huis clos décrétés lors des séances des conseils d'administration, ont dénoncé l'obligation pour les observateurs de se procurer des laissez-passer pour pouvoir y assister. De plus, il y a beaucoup de difficultés rencontrées dans presque toutes les régions et dans presque toutes les régies régionales relatives à la consultation des documents, au processus de consultation et à l'encadrement trop rigide des périodes de questions.

Alors, M. le Président, in the name of transparence and in the name of democracy, it is extremely important to institute a mechanism whereby the régies régionales render an accounting to the population of their orientations and decisions. We can therefore conclude, Mr. Speaker, that the big losers of this restructuration will be the citizens of the province of Québec and that it'll affect the mission of prevention of sickness and the promotion of health care. Far from placing the citizens at the center of his preoccupations, the Minister is only worried about saving a few dollars, and these savings are not worth the sacrifice being brought upon our society. For these reasons, I will vote against the adoption of the principle of this bill. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de D'Arcy-McGee. Je cède maintenant la parole à la députée de La Pinière. Mme la députée.


Mme Fatima Houda-Pepin

Mme Houda-Pepin: M. le Président, en décembre 1995, le ministre de la Santé et des Services sociaux avait déposé le projet de loi n° 116, Loi modifiant de nouveau la Loi sur les services de santé et les services sociaux. Six mois plus tard et malgré l'opposition quasi unanime des organismes consultés, le ministre rappelle à nouveau ce projet de loi et dépose des amendements mineurs qui ne touchent pas au fond des articles litigieux, notamment l'article 2, l'article 31 et l'article 37.

(17 h 30)

Le ministre de la Santé et des Services sociaux a réussi à faire l'unanimité contre lui en proposant un projet de loi qui ne tient pas compte des besoins spécifiques de la population en région et qui remet en question les principes mêmes de l'accessibilité, de la qualité et de l'adéquation des services de santé et services sociaux.

Ainsi, dans les notes explicatives du projet de loi, on pouvait lire: Cette législation «propose d'abord un nouveau mode de formation du conseil d'administration chargé d'administrer l'ensemble des établissements qui exploitent, sur le territoire d'une régie régionale, un centre de réadaptation pour les personnes ayant une déficience physique. Il prévoit ensuite la possibilité, pour une régie régionale, de proposer au ministre de la Santé et des Services sociaux la formation d'un seul et même conseil d'administration pour administrer certains établissements dans des circonstances que le projet de loi précise.» Fin de la citation.

En effet, M. le Président, l'enjeu du projet de loi n° 116 tourne autour de deux points majeurs. Premièrement, celui de la fusion entre les centres locaux de services communautaires, les CLSC, les centres d'hébergement de soins de longue durée et les centres hospitaliers de soins de courte durée de moins de 50 lits. Le deuxième enjeu porte sur l'abolition de l'assemblée régionale, qui a comme principal mandat d'élire les membres des conseils d'administration et d'en approuver les priorités.

Le projet de loi n° 116 introduit donc de nouvelles règles de formation des conseils d'administration. Le moins que l'on puisse dire, M. le Président, est que ce projet de loi va à l'encontre du discours faussement entretenu par le gouvernement Bouchard sur la décentralisation. Il entrave du même coup la déréglementation amorcée par le gouvernement libéral en 1992 en matière de santé et services sociaux, et qui tenait compte des spécificités particulières des régions, leur permettant de développer des systèmes de santé et de services sociaux en fonction de leurs besoins propres.

L'article 1 du projet de loi n° 116, dans sa version initiale, oblige l'ensemble des établissements qui ont leur siège dans un territoire de régie régionale et qui exploitent des centres de réadaptation pour les personnes ayant une déficience physique à se doter d'un seul conseil d'administration. Le ministre de la Santé et des Services sociaux a introduit à la dernière minute, à quelques heures, d'ailleurs, de l'adoption du principe du projet de loi n° 116, des amendements mineurs qui soustraient les régions de Montréal, Laval, Québec et l'Outaouais au principe de la délimitation territoriale appliquée aux autres régions du Québec, et dont la configuration des services est déterminée sur la base des MRC, ce à quoi s'oppose, d'ailleurs, la Fédération des CLSC.

Or, une telle proposition ne règle en rien le problème des besoins spécifiques des différentes clientèles qui souffrent d'un handicap, dans la mesure où les personnes handicapées sont considérées dans ce projet de loi comme un groupe monolithique, alors qu'elles ont des besoins différents et que leur vécu est là pour témoigner de leurs besoins particuliers selon qu'elles sont frappées par un handicap visuel, moteur ou auditif.

À cet effet, il est utile de rappeler la position des centres de réadaptation physique de la région de Montréal-Centre, telle qu'exprimée lors des consultations particulières, où il est clairement dit, et je cite: «Nous sommes en complet désaccord de partir de modèles administratifs plutôt que de partir des besoins de la population desservie, des besoins, des programmes et des ressources disponibles. Nous demandons au ministère de la Santé et des Services sociaux d'insister plus sur la collaboration interrégionale et sur l'interdépendance régionale. Il n'est pas opportun de confier l'administration par une conseil d'administration unique de tous les établissements qui exploitent un centre de réadaptation pour les personnes ayant une déficience physique.» Fin de la citation.

L'article 2 est au coeur du débat sur le projet de loi n° 116, car il modifie l'article 126.1 de la loi actuelle sur la santé et les services sociaux et a une portée lourde de conséquences sur l'avenir des établissements qui se voient contraints par ce projet de loi de se faire coiffer par un seul conseil d'administration. Une telle approche ne fera qu'accentuer la centralisation des décisions et augmenter les coûts de gestion, sans compter qu'elle met en péril les missions des différents établissements.

Ainsi, s'il est du ressort des CLSC et des centres hospitaliers d'offrir des soins médicaux, il en est tout autrement des centres d'hébergement de soins de longue durée, dont la mission première est d'offrir de l'hébergement de longue durée à des personnes en perte d'autonomie. Ces centres sont aussi des milieux de vie et ne peuvent être fusionnés avec d'autres établissements dont la vocation première est d'offrir des soins d'urgence et des soins généraux.

Or, en regroupant des établissements qui ont des missions très différentes, le risque est grand que les ressources soient redéployées en fonction des priorités de certains établissements au détriment des autres. Les centres d'hébergement de longue durée peuvent se voir marginalisés dans le processus de centralisation des décisions au sein d'un même conseil d'administration. Or, faute de ressources appropriées, ces centres d'hébergement risquent de devenir, en bout de ligne et faute de moyens, de véritables mouroirs, et c'est encore les aînés qui seront pénalisés dans leur qualité de vie.

On peut parfois être tenté de croire que cette fusion administrative va améliorer la livraison des services et l'utilisation des ressources, mais il n'en est rien. Plusieurs groupes qui ont participé à la consultation ont demandé au ministre de retirer l'article 2 du projet de loi n° 116. Au lieu d'écouter les représentations du milieu, qui sont fort justifiées et pertinentes, le ministre a décidé de noyer le poisson en proposant des amendements sans conséquences réelles et de maintenir, au fond, la volonté d'imposer sa philosophie de gestion aux régies régionales et à la population du Québec.

Ainsi, par ce projet de loi, on assistera à la fusion, au sein d'un même conseil d'administration, de plusieurs établissements ayant des vocations différentes et qui s'adressent à des clientèles très diversifiées avec des besoins spécifiques, en l'occurrence les CLSC, les centres d'hébergement et de soins de longue durée et les centres hospitaliers de moins de 50 lits.

Les amendements proposés à la dernière minute par le ministre de la Santé et des Services sociaux ne changent en rien le fond des choses, car, même s'il prévoit consulter les établissements, la loi ne lui fait pas obligation de tenir compte de leur avis. De plus, l'obligation faite aux régies régionales de consulter les établissements avant de proposer le modèle de fusion n'est que symbolique, puisqu'elles ne sont pas liées par les résultats de ladite consultation.

Non seulement le projet de loi n° 116 met un terme au respect de la mission des établissements concernés par sa fusion, mais l'article 31 prévoit l'abolition de l'assemblée régionale, le seul lien par lequel la population pouvait s'exprimer et avoir un mot à dire sur les priorités régionales en matière de santé et de services sociaux. Aucun mécanisme crédible n'a été mis en place pour voir à ce que les régies régionales rendent des comptes à la population quant à la réorganisation des services de santé et des services sociaux dans chaque région.

Il est vrai, M. le Président, que les assemblées régionales n'ont pas toutes fonctionné selon les attentes escomptées et qu'une évaluation de leur fonctionnement s'imposait, mais, de là à les abolir sans rien mettre en place, voilà qui me paraît inacceptable, car, en définitive, la population pour qui les services sont destinés doit avoir son mot à dire sur les priorités, la qualité et l'accessibilité de ces services aux différentes clientèles.

Ce point est très important, car il confirme les appréhensions des organismes du milieu, comme la Table des regroupements provinciaux d'organismes communautaires et bénévoles, qui a clairement affirmé, et je cite: «Nous disons un non ferme à l'abolition de l'assemblée régionale. Régionalisation doit nécessairement rimer avec démocratisation. L'assemblée régionale, malgré ses imperfections notoires, nous semblait aller dans la bonne direction. Elle était comme un compromis entre l'élection au suffrage universel de la régie régionale proposée par la commission Rochon et les anciens du CRSSS.

(17 h 40)

La Fédération des CLSC, pour sa part, a abondé également dans le même sens en déclarant, et je cite: «Il est important de préserver le principe de reddition des comptes et d'imputabilité au niveau régional. Ainsi, en abolissant l'assemblée régionale, le conseil d'administration deviendrait l'acteur unique sur le plan régional. Il faudrait prévoir dans la loi l'obligation pour une régie régionale de tenir des audiences publiques afin de préserver son imputabilité.» Fin de citation.

Pour toutes ces raisons, M. le Président, et par souci de défendre les intérêts de mes concitoyennes et de mes concitoyens de La Pinière et de la MRC Champlain, je ne peux que questionner le bien-fondé d'un tel projet de loi et la volonté du ministre de la Santé et des Services sociaux de vouloir amalgamer les missions des différents établissements pour de simples motifs bureaucratiques. C'est pourquoi je ne peux que déplorer le manque de vision et de sensibilité du ministre de la Santé et des Services sociaux, qui a refusé toutes les propositions qui ont été faites, tant par l'opposition officielle que par les organismes concernés, afin de retirer l'article 2 de ce projet de loi. M. le Président, pour toutes ces raisons, je voterai contre le projet de loi n° 116. Merci beaucoup.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la députée de La Pinière. Je cède maintenant la parole au député de Marquette. M. le député.


M. François Ouimet

M. Ouimet: Merci, M. le Président. J'aimerais rappeler dans quel contexte nous avons procédé, cette nuit, à l'étude de cet important projet de loi. Rappelons que le ministre était au salon rouge en train de débattre d'un autre projet de loi. Il était 11 h 15 et, de l'autre côté de la Chambre, on appelait déjà l'adoption du principe sur le projet de loi, alors que les parlementaires étaient de l'autre côté. Les amendements ont été déposés à 17 heures. Le critique officiel de l'opposition, qui fait un travail remarquable – et heureusement que nous sommes vigilants au niveau de la santé et des services sociaux – a reçu les amendements à 17 heures. Et on appelait le projet de loi quelques heures plus tard, alors que le critique était occupé par le ministre de la Santé à étudier un autre projet de loi. On veut bousculer l'opposition, dans cet autre projet de loi là.

J'écoutais attentivement, hier soir, au salon rouge, les propos du député de Lévis, qui avait des leçons à donner au ministre de la Santé. Il lui rappelait, alors qu'il était ministre, le député de Lévis, comment les fonctionnaires lui avaient donné des garanties et des assurances par rapport à la Loi sur l'assurance automobile, à l'effet que la confidentialité des informations serait préservée. Il nous expliquait ses vives inquiétudes de voir ni plus ni moins un ministre de la Santé qui suit à la lettre les recommandations de ses fonctionnaires et qui a adopté un comportement bureaucratique. Tout cela nous a menés à la situation suivante: au cours des derniers mois, fermeture de sept hôpitaux à Montréal.

Le ministre de la Santé suit les recommandations de ses fonctionnaires. La régie régionale ne cesse de grossir, ne cesse d'avoir de pouvoirs, alors qu'il n'y a pas une seule personne au sein de la régie régionale de la santé qui dispense des services de santé. C'est de ces gens-là que le ministre est en train de suivre les conseils et, par la suite, il est en train de leur donner d'autres pouvoirs, et des pouvoirs extrêmement importants, des pouvoirs de fusionner des organismes de santé et de services sociaux qui ont une vocation différente, une mission différente sur le même territoire, et le ministre va leur donner le pouvoir de prendre ces décisions. Et non seulement auront-ils le pouvoir de prendre ces décisions – parce que, dans plusieurs cas, des fusions, ça peut s'apparenter à presque des fermetures, il ne faut pas l'oublier, ça – non seulement auront-ils ces pouvoirs-là, mais ils n'auront à peu près aucun compte à rendre au public, sauf au ministre de la Santé, qui, lui, suit leurs recommandations presque à la lettre, sans aucune préoccupation par rapport aux craintes véhiculées par des citoyens.

M. le Président, je vais regarder quelques articles ici à la lumière d'un mémoire qui a été déposé par la CEQ, qui, elle aussi, une alliée traditionnelle du gouvernement, manifeste pour une deuxième fois ses grandes inquiétudes par rapport au manque de transparence du gouvernement du Parti québécois. La CEQ disait ceci dans son mémoire: «Nous jugeons essentiel que les instances régionales responsables de l'organisation des services aient un fonctionnement transparent et que la population de même que les travailleuses et les travailleurs du réseau puissent réellement y faire entendre leur voix.» Or, on sait que le projet de loi qui a été déposé devant nous vise ni plus ni moins, entre autres, à abolir l'assemblée régionale, l'assemblée régionale qui devait rendre des comptes au public de ses décisions.

M. le Président, il y a un article qui a été amendé, l'article 38, qui vient amender l'article 397 sur la composition du conseil d'administration de la régie régionale. Au départ, au sous-alinéa 4°, on n'avait prévu que trois personnes élues – et on dit ceci – «élues par les établissements d'enseignement ayant leur siège dans la région, choisies parmi les administrateurs et les membres des conseils d'administration de ces établissements». À quels établissements est-ce qu'on fait référence? Et, lorsqu'on pose la question, on se rend compte de l'improvisation qui existe dans ces articles.

Pourquoi improvisation, M. le Président? Bien, les établissements d'enseignement au niveau du Québec, on parle d'écoles et, à ce que je sache, on n'a pas de conseil d'administration dans une école, on n'a pas d'administrateur dans une école. On a des comités d'école, on a des conseils d'orientation, on a des directeurs ou des directrices d'école. Alors, une lacune importante. Est-ce qu'on pense, maintenant... Sauf pour les écoles du ministre. Les écoles du ministre ont un conseil d'administration. Mais il en existe deux au Québec. Et, à bien entendre la ministre de l'Éducation, malheureusement pour le député de Lévis, la ministre de l'Éducation va mettre la hache dans son projet, dans son projet où le député de Lévis répondait – répondait, lui – à un engagement électoral de la part de l'ex-premier ministre. Rappelez-vous de ses propos, rappelez-vous de la commande qu'avait donnée l'ancien premier ministre au député de Lévis, et qu'il a remplie en créant les écoles du ministre.

Or, M. le Président, à quoi est-ce qu'on fait référence en cet article? Est-ce qu'on fait référence à des commissions scolaires? Si, la réponse, c'est oui, bien, une commission scolaire, son conseil d'administration, ça s'appelle un conseil des commissaires, et les administrateurs, ça s'appelle des commissaires. Or, voilà une indication que c'est une réforme improvisée. Et le ministre n'est pas conscient – parce que ce sont les bureaucrates qui sont en train de lui faire passer ça à toute vapeur – de ce qui est contenu dans son projet de loi.

(17 h 50)

Je vais vous donner un autre élément, M. le Président. Un peu plus loin, à l'article 397.2, on dit ceci: «Le ministre peut déterminer – autre pouvoir du ministre – pour toute région qu'il indique [...] en vue d'assurer une représentation équitable des établissements publics et privés» dans le cadre des établissements d'enseignement. Le projet de loi initial prévoyait trois sièges au conseil d'administration de la régie régionale. L'amendement déposé par le ministre en prévoit maintenant deux, sièges. Comment est-ce que le ministre va pouvoir assurer une représentation équitable entre des établissements publics et privés, alors qu'il y a 10 fois plus d'établissements publics au Québec qu'il y en a de privés? Et là on est avec un chiffre de deux représentants. S'il nomme un représentant du public et un représentant du privé, on ne pourra pas obtenir une représentation équitable, parce que le domaine public est 10 fois plus important, au niveau de son nombre, que le réseau privé. Si le ministre décide de donner deux sièges au public et aucun siège au privé, alors, là, on se retrouve dans la situation où le secteur privé n'est aucunement représenté. Le ministre est-il conscient de ce que ses fonctionnaires au niveau du ministère et les fonctionnaires et les bureaucrates au niveau de la Régie régionale sont en train de lui faire avaler? C'est ça qui est dangereux.

Et pourquoi est-ce que c'est important, la représentation du monde scolaire au niveau de la régie régionale? Eh bien, bien sûr, c'est important à cause du rôle joué par les CLSC dans l'ensemble des écoles primaires et secondaires du Québec. Et là il y a une préoccupation véritable. Véritable, M. le Président, parce que le ministre de la Santé va donner à la régie régionale le pouvoir de fusionner des établissements, dont des CLSC. Quelle sera la voix des CLSC lorsqu'ils se retrouveront dans un conseil d'administration qui comprendra des centres hospitaliers de courte durée et des centres hospitaliers de longue durée? Le ministre fait signe de tête que, non, ça ne semble pas le préoccuper. Bien, ça préoccupait quand même la CEQ.

La CEQ, M. le Président, disait, par ailleurs, ceci, dans son mémoire: «La fusion des établissements. Le projet de loi, à l'article 2, propose la fusion au sein d'un même conseil d'administration de plusieurs établissements à vocation différente. Cela suscite de vives inquiétudes dans nos rangs. Elle est perçue comme une menace pour l'établissement qui est minoritaire. On craint, par exemple, que la mission de promotion de santé et de prévention de la maladie soit délaissée au profit des soins aigus. Il en va de même de la vocation d'hébergement et de soins de longue durée.»

M. le Président, je partage les préoccupations de la CEQ, surtout dans le contexte du lien qui existe, lien important, partenariat important, entre le CLSC et l'ensemble des écoles du Québec. Et, là, on voit également la place que veut réserver le ministre au monde de l'éducation dans le cadre d'une régie régionale: à peine deux sièges.

M. le Président, dans un article qui paraissait le 8 décembre dernier dans La Presse , sous le titre «Services de santé: "big is beautiful" peut être dangereux»... Et, je suis convaincu que le ministre, l'ancien ministre de l'Éducation, le député de Lévis, partage mes propos, parce que lui également avait beaucoup de craintes par rapport au principe du «big is beautiful». Il visait des écoles plus humaines, des écoles plus petites, et je dois dire qu'il avait raison d'aller dans cette direction-là. Quant au ministre de la Santé, qui semble très loin des préoccupations des citoyens et des citoyennes, lui, il se dirige plutôt vers de superorganismes bureaucratiques comme la régie régionale, où la place pour le citoyen, la place pour les membres du public qui voudraient avoir des comptes par rapport aux décisions qui sont prises, eh bien, plus ça va, moins il y a de place pour ces choses-là parce que le ministre veut abolir l'assemblée régionale, entre autres.

M. Jacques Fournier disait ceci: «En l'occurrence, la mission de services psychosociaux et d'actions communautaires des CLSC risquerait de devenir le parent pauvre de l'établissement fusionné. Compte tenu de leur mission locale, fusionner deux CLSC de taille moyenne ou grande – et, là, si le député de Lévis m'écoute, ça va sûrement lui donner des frissons – ce serait comme fusionner deux grosses écoles polyvalentes. Le monde de l'éducation ne propose pas cette incongruité.»

M. le Président, il y a des dangers qui nous guettent par rapport au projet de loi déposé par le ministre de la Santé. Et ce n'est pas pour rien que le projet de loi arrive à ce moment-ci de nos travaux, qu'il est arrivé hier, à 11 h 20, que les débats se sont poursuivis jusque dans la nuit, jusqu'à 2 h 30, la nuit, que le ministre n'était pas présent, que le critique n'était pas présent, et que, là, on est en train de vouloir passer ce projet de loi là à toute vapeur, alors que, les intervenants qui ont été consultés, le ministre ne répond pas à leurs objections, les objections par rapport à deux articles qui sont vraiment le fondement de ce projet de loi.

Alors, la population qui nous écoute, la population doit se rendre compte comment le ministre, qui suit les recommandations de ses fonctionnaires qui tentent de faire une plus grosse place pour la bureaucratie, qui tentent d'obtenir plus de pouvoirs... Ils ont obtenu, dans le député de Charlesbourg, le profil de ministre qu'ils souhaitent avoir: quelqu'un qui répond à ces exigences-là, mais quelqu'un qui ne répond aux besoins de la population, aux besoins des citoyens. Et la plus belle preuve de tout cela, c'est la fermeture d'hôpitaux, où le ministre de la Santé a suivi à la lettre, semble-t-il, les recommandations de la régie régionale, qui, loin d'être imputable devant la population – parce que ces gens-là sont des salariés, ils n'ont pas à se faire élire – a proposé rien de moins que la fermeture d'établissement hospitaliers.

Et c'est ça que le ministre est en train de suivre, M. le Président. Et on n'a qu'à penser aux liens entre l'école et les CLSC et à la bureaucratie qui continue de s'alourdir sous le député de Charlesbourg, où la bureaucratie continue d'obtenir de plus en plus de pouvoirs. Et, par rapport aux petits établissements, on leur enlève les pouvoirs, on les fusionne, et le tout sera sous le contrôle du ministre, qui, lui, est contrôlé par ses fonctionnaires.

Alors, vous comprendrez pourquoi, M. le Président, nous, qui avons à coeur la défense des intérêts des citoyens, des citoyennes, des personnes qui sont touchées en première ligne par les décisions du gouvernement...

Et on a vu comment le gouvernement disait, par rapport à l'ensemble des compressions: Les citoyens ne seront pas touchés. On a vu comment ça frappe de plein fouet. Tant au niveau du domaine de la santé et des services sociaux qu'au niveau de l'éducation, on s'attaque à ceux et celles qui ne peuvent pas se défendre, on s'attaque à ceux et celles qui n'ont à peu près aucun lobby auprès du ministre, soit de la ministre de l'Éducation ou du ministre de la Santé et des Services sociaux, et ces deux ministres sont en train de se faire contrôler par la machine bureaucratique.

Qu'est-il arrivé dans le cas du député de Lévis, lui qui voulait peut-être – peut-être – démontrer qu'il avait une préoccupation par rapport aux besoins des citoyens? On l'a carrément tassé. C'est la machine administrative qui l'a tassé, M. le Président. Ça n'arrivera pas au député de Charlesbourg et ministre de la Santé, parce que lui est en train de donner aux fonctionnaires ce qu'ils demandent: plus de pouvoirs et une bureaucratie de plus en plus grosse, de plus en plus lourde, aucune imputabilité par rapport aux décisions prises.

(18 heures)

Quand nous questionnons le ministre en Chambre, il dit: Ce n'est pas moi, c'est la régie. Comment voulez-vous que nous puissions questionner les autorités de la régie lorsque ces gens-là ne sont d'aucune façon imputables et qu'ils disent: Nous appliquons le plan du ministre? Alors, voilà un autre exemple d'un projet de loi qui n'est pas dans l'intérêt des Québécois et des Québécoises. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Marquette. Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: Oui, M. le Président. Je sollicite le consentement pour déposer...

Le Vice-Président (M. Pinard): Excusez-moi, Mme la leader adjointe du gouvernement. Puisque nous sommes actuellement sur un débat, je présume que vous allez nous demander d'ajourner le débat à 20 heures ce soir.

Mme Caron: Oui, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, est-ce qu'il y consentement?

Des voix: Consentement.

Le Vice-Président (M. Pinard): Consentement. Alors, Mme la leader adjointe du gouvernement.


Avis touchant les travaux des commissions

Mme Caron: Je sollicite le consentement pour déposer un avis touchant les travaux des commissions.

Alors, M. le Président, j'avise cette Assemblée qu'aujourd'hui la commission de l'aménagement et des équipements procédera à l'étude détaillée des projets de loi suivants, et ce, dans l'ordre indiqué: soit le projet de loi n° 24, Loi modifiant la Loi sur les cités et villes, le Code municipal du Québec et d'autres dispositions législatives, et le projet de loi n° 22, Loi modifiant la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, de 20 heures à 24 heures, à la salle du Conseil législatif.

Le Vice-Président (M. Pinard): Y a-t-il consentement?

Des voix: Consentement.

Le Vice-Président (M. Pinard): Consentement. Alors, considérant l'heure, nous suspendons nos travaux à 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 h 2)

(Reprise à 20 h 4)

Le Vice-Président (M. Pinard): MM. les députés, veuillez vous asseoir.

Nous allons poursuivre les affaires du jour. Alors, aux affaires du jour...

M. Bertrand (Portneuf): Oui, à l'article 9 du feuilleton, s'il vous plaît, M. le Président.


Reprise du débat sur l'adoption du principe du projet de loi n° 116

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, l'Assemblée reprend le débat ajourné le 5 juin 1996 sur l'adoption du principe du projet de loi n° 116, Loi modifiant de nouveau la Loi sur les services de santé et les services sociaux.

Alors, je suis maintenant prêt à reconnaître un intervenant. M. le député de LaFontaine.


M. Jean-Claude Gobé

M. Gobé: Merci, M. le Président. Le projet de loi n° 116 est un projet qui a été appelé la nuit dernière, à minuit moins quelque chose, et il a la particularité d'avoir été présenté non pas par le ministre de la Santé, alors qu'on parle d'un projet de loi qui traite de la réforme du réseau de la santé, mais par le ministre des Affaires municipales.

Alors, M. le Président, quelle nouvelle façon de procéder! Car, en effet, chacun en cette Chambre et nos compatriotes qui nous écoutent ce soir vont convenir avec moi que, normalement, lorsque l'on présente un projet de loi qui traite du réseau des services de santé... Un réseau très, très important au Québec, très important parce que très sensible, c'est un réseau qui a à accueillir nos concitoyens, nos compatriotes, les hommes, les femmes qui vivent au Québec lorsqu'ils sont malades, lorsqu'ils sont souffrants. Aussi, lorsqu'on traite de ce réseau, je pense que tout le monde s'attendrait à ce que le ministre lui-même vienne déposer son projet et nous l'expliquer.

Alors, malheureusement, nous avons dû, M. le Président, nous, de l'opposition, prendre des mesures dilatoires afin de faire en sorte que le ministre assume sa responsabilité et vienne lui-même déposer et commenter son projet de loi, car, en effet, nous considérons que cela est très important. Et je suis très étonné que le ministre des Affaires municipales, qui a certainement d'autres dossiers à faire, d'autres dossiers à régler, d'autres urgences à régler, se soit prêté à ce jeu-là de venir remplacer, dans un domaine qu'il ne connaît pas, un domaine qui n'a rien à voir avec le sien, car, en effet, le sien est de gérer des municipalités, de faire en sorte de légiférer pour améliorer la gestion des municipalités, qu'il se soit prêté à ce jeu de venir présenter un projet de loi dans, vraiment, un domaine qui n'est pas le sien.

Alors, il y a une autre particularité du projet de loi n° 116, c'est qu'on y retrouve un style que je qualifierais de technocratique, pas celui d'un projet de loi qui vise à répondre aux besoins ou aux interrogations des citoyens et des administrateurs de centres hospitaliers ou de CLSC, mais une espèce de style technocrate, écrit probablement par des fonctionnaires, ou alors, si c'est par le ministre, M. le Président, alors certainement à l'image de la réforme qu'il veut faire: une réforme basée sur les structures et non pas sur les citoyens. Car, rappelons-nous, l'objet de toute réforme quelle qu'elle soit, mais particulièrement dans le domaine des services de santé, doit être basé sur les citoyens et leurs préoccupations afin de répondre à leurs besoins.

Alors, je ne suis pas forcément un grand spécialiste, moi non plus, dans le domaine de la santé, parce que, comme député, quand même, depuis une douzaine d'années – 11 ans bientôt que je suis élu – j'ai eu à traiter différents dossiers. M. le Président, vous savez que chaque député, bien souvent, est interpellé dans sa circonscription par les problèmes, ou les difficultés, ou les succès que connaissent les établissements qui y sont établis. À titre d'exemple, nous avons tous, dans nos circonscriptions, des CLSC. Moi, j'en ai deux dans la mienne, en partageant une avec mon collègue, le député de Pointe-aux-Trembles, dans l'extrémité de mon comté. J'ai eu l'occasion, très souvent, de m'associer aux démarches de ces CLSC, de m'associer à leurs réunions, de collaborer avec eux, avec mon collègue de Pointe-aux-Trembles, d'ailleurs, dans le sien, et dans l'autre partie, celle de Rivière-des-Prairies, bien entendu, tout seul.

C'est là que j'ai vu l'importance d'avoir une représentativité des citoyens. J'ai vu l'importance du rôle du citoyen dans la gestion et les prises de décision de ces organismes qui sont là, de première ligne, pour les servir, pour leur donner les services auxquels ils sont en droit de s'attendre. Et je dois dire que je ne retrouve pas dans cette loi cette préoccupation. Je ne retrouve pas, dans la loi du ministre, cette orientation qui devrait être cette philosophie de service au citoyen, d'accessibilité, de responsabilisation du citoyen.

(20 h 10)

Alors, M. le Président, ce projet de loi là amène quelques changements et quelques bouleversements qui vont à l'encontre de la responsabilisation et même de la régionalisation du système de santé. On se rappellera que, lorsque les régies régionales furent créées il y a quelques années, c'était parce que le constat, à l'échelle du Québec, était qu'il fallait rapprocher des gens, rapprocher des utilisateurs ces immenses structures, ces machines extrêmement lourdes qui semblaient et qui étaient, d'ailleurs, un peu déshumanisées, qui étaient coupées des réalités que les gens, les malades en particulier ou les gens qui y ont affaire, doivent vivre tous les jours, et on pensait que le ministre aurait continué dans cette direction-là. On aurait pensé que le ministre, si on se fie au discours de son parti, aurait même accentué ce rapprochement. Ce n'est pas le cas, M. le Président. Au contraire, nous devons constater un recul de plusieurs façons.

Un des premiers reculs, c'est qu'on va permettre et qu'on va faire en sorte que des organismes, certains établissements comme des centres hospitaliers en santé mentale, entre autres, ou d'handicapés puissent se regrouper avec des CLSC pour avoir un même conseil d'administration. Alors, on comprendra que c'est des établissements à vocation totalement différente.

Un CLSC est là pour donner des services de base, de première ligne à la population: des services de vaccination, de consultation, de conseils en matière de prévention des grossesses, de maladies transmissibles. C'est là le rôle d'un CLSC, entre autres rôles. Et même on doit faire en sorte d'accroître dans le CLSC le rôle de première ligne, de consultation, pour faire en sorte que nos compatriotes, nos concitoyens, qui généralement devaient se rendre dans les urgences attendre de longues heures dans des salles parfois peu accueillantes, puissent obtenir une consultation, très souvent avec leurs enfants. Nous devons tendre et nous devons faire que ces CLSC soient la porte d'entrée du système, comme ça a déjà été dit. Et, pour ce faire, on doit leur donner leur autonomie, on doit faire en sorte qu'ils soient des entités distinctes qui correspondent aux particularités de leur région, de leur quartier. Ce n'est pas ça qu'on fait. En les regroupant avec des établissements plus lourds de 50 lits et moins en termes d'établissements hospitaliers, tout ce que nous faisons, c'est un amalgame d'établissements qui ne seront maintenant plus dans la même mission, dans la même vision qu'ils avaient avant.

Je ne crois pas que cela est propice à la prise de participation des citoyens; au contraire, je pense que ça aura pour effet d'éloigner ou de mettre sur la touche un certain nombre de personnes, de nos compatriotes ou de nos collègues, des gens que nous connaissons dans nos quartiers, dans nos comtés qui s'impliquaient dans ces CLSC là. Nous y retrouverons peut-être de plus en plus des spécialistes, des gens qui peut-être ne seront pas dénués de qualifications ou de qualités, mais qui ne seront pas issus du milieu, qui ne seront pas des gens qui auront mission, qui auront vocation surtout de s'occuper de leur quartier, de leurs semblables. Et c'est là un des vices fondamentaux, M. le Président, que nous retrouvons dans ce projet de loi là, c'est que ça va créer un éloignement, une barrière à la participation des citoyens, à la base même du système.

Et on sait, M. le Président, qu'il y a des régions qui ont des problèmes différents. Prenons, par exemple, Montréal, où nous retrouvons un grand nombre de gens qui sont des itinérants, qui ont des maladies ou des problèmes liés à l'itinérance: alcoolisme, toxicomanie, maladies transmissibles sexuellement et d'autres. Ce n'est pas les mêmes que dans d'autres régions. Ce n'est pas les mêmes qu'au Saguenay–Lac-Saint-Jean, peut-être. Ce n'est pas les mêmes qu'à Montmagny-L'Islet. Ce n'est pas les mêmes peut-être qu'à Joliette. D'autres problèmes, d'autres situations existent dans ces régions, qui demandent des solutions ou des approches différentes qui correspondent aux besoins et à la particularité de la demande aussi.

Alors, l'importance d'avoir des gens issus du quartier, de la région et du milieu sur le conseil d'administration est très importante pour avoir cette connaissance, cette orientation particulière, afin de ne pas laisser le système géré par les technocrates. Trop souvent, la population, les citoyens reculent devant la poussée des technocrates. Nous avons réussi, avec cette régionalisation, avec la régie, et aussi, dans le temps, lorsqu'on a fait les conseils d'administration des CLSC; ça a été un des gains majeurs pour les Québécois et Québécoises, dans les quartiers. On avait mis à portée des citoyens la possibilité de gérer eux-mêmes leur établissement, d'intervenir, d'y démontrer les orientations. Et là on va faire en sorte, peut-être, dans certaines régions, dans certains quartiers, de compromettre ça, et, ça, je ne pense pas que nous pouvons l'accepter. Je ne pense pas que ce soit une bonne chose pour la cohésion des quartiers et des régions et pour les soins de santé de nos concitoyens.

M. le Président, le projet de loi a été déposé en 1995. Nous sommes en 1996. Pourquoi n'a-t-il pas avancé, jusque-là? Parce que, justement, les gens avaient des problèmes avec le projet de loi, avaient des contestations, et il a fallu tenir des consultations publiques. Il a fallu faire en sorte que le projet de loi soit étudié par les citoyens, que les gens puissent donner leur opinion, que les groupes particuliers, la FTQ, la CEQ, la CSN, les groupes importants, les groupes au bas de l'échelle... Trop souvent, on va écouter seulement les groupes organisés, on en prend l'habitude – le Conseil du patronat, l'Association des manufacturiers du Québec, le Barreau – dans différents projets, pas forcément seulement dans celui-là, et on oublie qu'il y a une grande partie de nos concitoyens qui ne sont pas représentés dans ces organisations, et qui sont des gens qui ont des statuts parfois précaires. Prenons tous les travailleurs à statut précaire, les travailleurs qui ne sont pas syndiqués, qui sont seulement sous les normes minimales du travail. Tous ces gens-là qui ne sont pas organisés, les groupes populaires, c'est les gens qu'il faut écouter lorsqu'on fait un projet de loi comme ça. On ne peut pas se passer du concours et de l'expertise, surtout, de ces citoyens, de ces personnes, parce qu'ils vivent, eux, beaucoup plus intensément, bien souvent, que nous ou que d'autres personnes les problèmes à la base. Alors, M. le Président, on aurait pu penser que ces consultations auraient permis au ministre de bonifier son projet de loi, de le rendre plus proche des attentes des citoyens, vers une plus grande participation, une plus grande responsabilisation, aussi une plus grande régionalisation.

Alors, M. le Président, je me repose la question: Comment peut-on penser qu'un même conseil d'administration peut diriger, tout en ayant une attention particulière aux problèmes de la région, un CLSC et un centre d'hébergement en soins de longue durée? M. le Président, je pense qu'il y a là une incongruité, il y a quelque chose qui est tout à fait anormal dans cette situation, et je crois que le ministre devrait revenir sur cette décision et devrait présenter un amendement au projet de loi pour faire en sorte que l'on respecte le conseil d'administration des CLSC.

M. le Président, un autre paradoxe dans cette réforme, c'est qu'en regroupant ces centres, en faisant en sorte de regrouper un CLSC plus un centre hospitalier, on fait des gros centres, on fait des gros centres à nouveau, et on déshumanise à nouveau. On a voulu rendre ça plus accessible pour les citoyens, et là on refait des mégastructures, avec tout ce que ça comporte comme administration, comme lourdeur, comme impersonnalité. Alors, moi, je ne peux pas accepter ça. Et on l'a vu dans l'est de Montréal, M. le Président, on l'a vu, où, à cause d'une concentration importante de gros hôpitaux dans le centre-ville de Montréal, et pour les garder ouverts, ou tenter de les garder ouverts, on a fermé des petits hôpitaux dans d'autres quartiers. On a fermé des petits hôpitaux dans l'est de Montréal en particulier, avec le résultat, M. le Président, que les citoyens sont obligés, maintenant, de faire de longues heures de transport en commun, de voiture, pour se rendre au centre-ville, à 25 ou 30 km de chez eux, pour se faire soigner, pour obtenir des soins, alors que, d'après moi, dans un but d'humanisation du système, nous aurions dû, au contraire... Ces gros hôpitaux, qui correspondaient, à une époque où il y avait beaucoup de monde dans le centre-ville – malheureusement, les citoyens sont allés habiter ailleurs – auraient dû, eux, être peut-être moins nombreux et on aurait dû ouvrir des hôpitaux de plus petite taille, plus humains, plus proches des citoyens, en plus grand nombre dans les périphéries. C'était là une des solutions.

Non. On préfère toujours la grosse structure, le gros béton et puis la grosse machine. Bien, la grosse machine, la grosse structure, M. le Président, elle ne donne plus les services aux citoyens. La grosse structure, elle n'est plus capable d'assurer aux citoyens les services dont ils ont besoin. Au contraire, elle ne fait que déshumaniser et elle ne fait que créer des problèmes, et ça, je ne pense pas qu'on peut accepter un projet de loi qui va dans ce sens-là.

(20 h 20)

M. le Président, il y a aussi, bien sûr, une autre particularité à ce projet de loi là: c'est qu'il abolit les assemblées régionales. L'assemblée régionale, c'est l'assemblée qui était imputable dans la régie régionale à la fin d'une année fiscale, par exemple. Bien, on l'abolit. Ça veut dire qu'on enlève aux citoyens, à la population le droit ou la possibilité d'aller faire valoir ses points et d'aller questionner la régie régionale. Alors, qu'est-ce qu'on fait avec ça? On redonne à la régie le pouvoir et le droit de faire à peu près tout ce qu'elle veut sans être imputable et sans pouvoir être questionnée et répondre au public de ses gestes et des décisions qu'elle a prises. Pourquoi fait-on ça? Est-ce que c'est pour des raisons financières ou est-ce que c'est pour des raisons de donner plus de concentration à certains organismes encore, parce qu'on considère que le peuple, la population n'est pas assez brillante, n'est pas assez impliquée pour pouvoir demander à ces gens-là d'être imputables devant eux? Moi, je crois que c'est là certainement un recul, encore. Je pense que c'est une démonstration d'insensibilité de la part du ministre.

Quand je parlais, au début de mon intervention, d'approches technocratiques, on voit là l'approche de technocrates, de gens qui n'aiment pas rendre compte à la population, de gens qui n'aiment pas être questionnés, et je dois vous dire qu'après 11 ans en politique force est de constater qu'il y a des gens dans les officines gouvernementales – je ne parle pas des élus, là – qui n'aiment pas ça rendre des comptes aux élus. Et, chaque fois qu'on les oblige à rendre compte aux élus, ils s'arrangent pour essayer de ne pas le faire. Quand un organisme comme une assemblée régionale dans une régie existe, ça en dérange un certain nombre. Et, si on peut l'abolir, on l'abolit; et ça, M. le Président, je trouve ça totalement déplorable et inacceptable. C'est antidémocratique, mais surtout, à un point de vue: non seulement ce n'est pas pour la démocratie, mais ça va encore une fois couper la participation des citoyens à l'administration de leurs centres de santé et, ça, c'est encore un recul par rapport à ce qui avait déjà été fait dans le temps.

Alors, M. le Président, moi, je ne peux pas... En conclusion, la loi n° 116, qui devait continuer la régionalisation, qui devait continuer à remettre proche des citoyens la gestion de leurs outils de santé, ne remplit pas ce rôle-là. Au contraire, elle a des effets pernicieux, des effets qui vont avoir des conséquences sur la participation des citoyens et sur la qualité et la personnalisation des services qu'on donne dans une région particulièrement, par rapport à une autre région.

Alors, M. le Président, je pense que le projet de loi n° 116 n'est pas un bon projet de loi, ce n'est pas un projet de loi qui rend service à la population. C'est un projet de loi, M. le Président, qui ne correspond pas à ce que les citoyens s'attendent. Et, personnellement, je vais voter contre et je crois que l'ensemble des députés devraient voter contre et obliger le ministre à faire ses devoirs et à apporter, à ce moment-là, un autre projet qui correspondra aux attentes de la société et de la population. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de LaFontaine. Je cède maintenant la parole au député de Jacques-Cartier. M. le député.


M. Geoffrey Kelley

M. Kelley: Merci, M. le Président. À mon tour, c'est un plaisir pour moi de me lever, ce soir, pour intervenir dans le débat sur l'adoption de principe du projet de loi n° 116, Loi modifiant de nouveau la Loi sur les services de santé et les services sociaux, Bill 116, An Act to again amend the Act respecting health services and social services.

D'entrée de jeu, je pense que c'est le moment opportun de souligner le travail d'un des députés de cette assemblée qui a travaillé sans cesse pour souligner l'importance de l'imputabilité des fonctionnaires envers les élus, les représentants des citoyens et citoyennes du Québec. Comme vous avez deviné, M. le Président, je parle de notre député de Verdun, qui a travaillé sans cesse, comme j'ai dit. Parce qu'il y a un principe de base très, très important, aussi, que nos fonctionnaires, la fonction publique, les professionnels qui travaillent à travers les domaines de l'éducation et de la santé et des services sociaux, avant tout, sont à l'emploi des citoyens et des citoyennes du Québec. Et c'est très important de renforcer le droit de regard, le droit de surveillance de nos citoyens envers l'appareil gouvernemental, peu importe le niveau.

Alors, comme députés, nous avons l'honneur de représenter les citoyens de nos comtés ici, à l'Assemblée nationale et à travers l'appareil gouvernemental du gouvernement du Québec. Mais, à plusieurs niveaux – on pense au niveau des commissions scolaires, on pense à nos municipalités, on pense également à tous nos organismes de santé et services sociaux – il y a le principe qui est mis en place pour que les citoyens aient un droit de regard. Et ce qu'on a devant nous ce soir, c'est un projet de loi qui va sévèrement limiter ce droit de regard dans tout le réseau de la santé et des services sociaux.

Alors, c'est un enjeu très, très majeur, et c'est pourquoi, de ce côté de l'Assemblée, hier soir, nous avons trouvé ça complètement inacceptable que le gouvernement, en catastrophe, ait présenté ce projet de loi vers minuit sans que le ministre ni notre porte-parole, le député de Robert-Baldwin, qui a travaillé très fort dans ce dossier, aient l'occasion de participer à notre débat.

Règle générale, je suis toujours d'accord avec mon collègue, le député de LaFontaine. Mais mon collègue de Nelligan, hier soir, a indiqué que c'était peut-être dommage que le ministre des Affaires municipales n'ait pas eu l'occasion de présenter ce projet de loi, parce que le ministre des Affaires municipales, dans son projet de fusion des municipalités, a compris un principe que le ministre de la Santé et des Services sociaux ne comprend pas, c'est l'importance d'avoir des fusions sur une base volontaire et non imposées en haut par le grand ministre et ses marionnettes sur les régies régionales. Et, également, il a compris l'importance de chercher un consensus.

Alors, le travail qui est fait par le ministre des Affaires municipales, c'est de chercher les consensus et de prendre le temps qu'il faut pour avoir des fusions et des regroupements de nos municipalités à travers le Québec. Malheureusement, on ne voit pas le même principe, ici, dans le projet de loi n° 116. C'est vraiment quelque chose qu'on va imposer, qui va limiter, comme je l'ai dit, le contrôle et le droit de regard des citoyens sur leurs établissements de santé et de services sociaux.

Je pense que, parmi tous les mémoires qui ont été présentés devant la commission des affaires sociales, un qui résume très, très bien les enjeux majeurs de ce projet de loi a été déposé le 23 mai par la Coalition Solidarité Santé. Et ils ont énoncé cinq principes. Et, parmi les cinq enjeux majeurs, qu'est-ce qu'on voit? La notion de faire des fusions, soit plus d'un CLSC sur un territoire; prendre les CLSC et les fusionner avec d'autres établissements comme les hôpitaux de soins de longue durée; et également tout le regroupement qui est proposé pour les centres de réadaptation. Je vais revenir à ça dans un moment, mais je pense que c'est très important de prendre ces cinq principes et de voir comment ils vont nuire à l'imputabilité de nos établissements de santé et de nos établissements de services sociaux envers les citoyens du Québec.

Premièrement, qu'est-ce que la Coalition Solidarité Santé a indiqué? On va voir une diminution du nombre de citoyens impliqués bénévolement dans les conseils d'administration, provoquant un affaiblissement de la démocratisation du système. Alors, au lieu d'avoir le lien, le sens d'appartenance avec un établissement, il y aura moins de monde impliqué. Ça va être les grands conseils d'administration. Prendre, par exemple, la notion de mettre tout le monde dans une MRC, plusieurs CLSC qui peuvent être sur le territoire. Alors, ça va créer un grand conseil d'administration au lieu de quelque chose de local. Alors, l'appartenance à la communauté, au quartier, va être limitée par le projet de loi qui est devant nous. Et c'est très important, parce que le ministre, dans ses autres réformes, est en train de bouleverser tout ce système. Alors, au moment où on est en train de causer des changements majeurs dans le système, on va limiter l'implication des citoyens. Ce n'est pas logique, et c'est juste dire que nos structures, nos organigrammes et toutes les choses que nous avons planifiées ici, à Québec, sont nettement plus importantes que l'implication locale des citoyens. Je pense vraiment qu'il faut aller dans le sens contraire et travailler plutôt à impliquer davantage les citoyens, parce qu'il y a beaucoup de changements, il y a beaucoup d'éléments dans le virage ambulatoire, qu'il faut comprendre, qu'il faut ajuster. Il faut que les citoyens soient impliqués et comprennent les implications de ce virage, parce que ça va bouleverser, veux veux pas.

(20 h 30)

Et on sait que, de ce côté de l'Assemblée, nous avons mis beaucoup de réserves sur le projet, surtout au niveau de la fermeture des hôpitaux et des autres éléments de la réforme du ministre, mais je pense que s'il y a un moment privilégié pour impliquer les citoyens, c'est effectivement maintenant. Et qu'est-ce qu'on voit ici? C'est: On va diminuer le nombre de citoyens impliqués dans la démocratie locale.

Deuxièmement, on va avoir une diminution du nombre de membres du personnel impliqués bénévolement dans les conseils d'administration, provoquant un affaiblissement d'un mécanisme important du «participative management». Encore une fois on est à un moment où on cherche le bénévolat, parce qu'on sait que les moyens de l'État sont limités en ce moment, on veut encourager le monde, on veut encourager les professionnels dans le système à s'impliquer davantage comme bénévoles dans la gestion de leur CLSC, dans leurs centres d'hébergement, et ce qu'on voit ici, c'est le contraire. On va décourager les professionnels, décourager le monde de s'impliquer dans leurs établissements. Alors, c'est vraiment aller dans la mauvaise direction, et au lieu d'aller recruter le monde pour remplacer le désengagement de l'État, on va dire: On n'a plus besoin de vous autres. Vous pouvez rester chez vous. Et c'est le mauvais message à envoyer de ce temps-ci. Je pense que c'est nettement plus important d'encourager le monde à participer, à développer des liens, à faire du bénévolat dans leur établissement local.

Il y a également la diminution du sentiment d'appartenance du personnel à une grosse boîte, provoquant une démobilisation et une perte potentielle d'efficacité du personnel. Encore une fois, la question du «local ownership». Et c'est comme bizarre. On voit, même dans le titre: c'est le centre local de services communautaires, et on va remplacer le «local» par une gestion régionale. C'est un contresens. C'est contradictoire de dire qu'on va prendre notre centre local – local, c'est les gens du coin, c'est les gens du quartier, c'est les gens de la municipalité, c'est les gens de ma communauté – on va enlever cette notion, on va la remplacer avec une grosse boîte. Et, comme je dis, quand on voit l'article 126.1, le deuxième sous-paragraphe, on parle d'avoir des conseils d'administration qui peuvent couvrir le territoire d'une MRC au complet. Il y a des MRC au Québec qui sont assez grandes. Alors, au lieu de promouvoir cette notion de l'appartenance locale, on est en train de la miner dans le projet de loi n° 116 qui est devant nous.

Quatrièmement, et, ça, c'est très important, on va semer la confusion dans les missions lorsqu'il y a fusion des établissements à vocation différente. On va prendre, par exemple, juste un centre hospitalier de soins de longue durée, règle générale, avec une clientèle plus âgée, on va mélanger ça avec un CLSC où il y a d'autres personnes qui sont visées, la jeunesse, tous les problèmes de santé de la jeunesse; on a également les soins à domicile, on a les services de première ligne, on a tous les services de prévention, de conseil. Alors, c'est vraiment mélanger deux missions complètement différentes. Un CLSC est là pour toute la communauté, est axé sur la prévention, doit avoir un accès facile, vraiment faire les soins de première ligne et on va mélanger ce conseil d'administration avec un conseil d'administration pour un hôpital de soins de longue durée, avec des enjeux très, très différents, des questions et des problématiques qui ne sont pas liées du tout.

Alors, encore une fois, au lieu d'avoir des personnes qui connaissent les problématiques, qui connaissent le domaine, on va juste rendre ça plus difficile pour les bénévoles, parce que le monde des conseils d'administration, règle générale, c'est des bénévoles. Ça va devenir plus difficile pour eux autres de comprendre l'enjeu, la mission des établissements sous leur gouverne. Et ça va juste augmenter le pouvoir, autour de la table, des permanents, des fonctionnaires. Parce que, si le conseil d'administration a trop d'enjeux et a trop de dossiers à régler, c'est les permanents, les personnes qui travaillent à temps plein qui auront plus de pouvoirs. Et le bénévole, qui vient après avoir travaillé pendant la journée, sera moins habile, moins capable de saisir les enjeux pour l'établissement, à cause de la grandeur de ça.

Et, cinquièmement, il va de soi, c'est la diminution de l'importance du pouvoir local. Alors, au lieu d'avoir un CLSC qui travaille peut-être de concert avec sa municipalité, la commission scolaire, l'école locale, on va agrandir ça sur tout le territoire d'une MRC, par exemple, et la notion locale va être perdue. Je pense que les principes de base qui sont dans l'article 2 sont très, très importants parce qu'on va limiter le droit de regard des citoyens.

Very quickly, Mr. Speaker, what is very important in the bill that is here before us is that it puts structures ahead of citizens. And, instead of reinforcing citizens'right to see how their taxpayers dollars are being spent, to see how social service institutions in their communities are being governed, we are setting that aside because we are going to build bigger and bigger boards of administration that will be farther and farther away from the communities and will make it more and more difficult for this citizen who gets involved in his or her community who gets elected to a board, as a volunteer. These are not people who are getting a big huge salary to do this. People who sit on the boards of administrations of CLSCs, local hospitals, and other health and social service agencies are volunteers drawn from the community who care about their community.

And those people power are being undermined by Bill 116 which is before us tonight. And I think the government is going in a bad direction, particularly at a time when the health and social service system is being changed very radically by the reforms proposed by the Minister of Health and Social Services. So, at a time where we would want to encourage citizens as volunteers to get involved, to follow the changes to make sure they respond to the needs of the community, we are discouraging them. We are saying: We don't need you, thank you very much, stay at home.

Alors, c'est ça, l'enjeu majeur qu'on voit dans la loi n° 116 ce soir, c'est vraiment de miner la démocratie locale, de miner l'implication des citoyens dans leur droit de regard sur la gestion des établissements de santé et de services sociaux dans leur communauté. Alors, c'est un triste développement.

J'ai mentionné, tantôt, aussi, dans le premier article, le changement qui touche spécifiquement les centres de réadaptation et qui est un enjeu très, très différent dans l'ouest de Montréal. On prend, par exemple, la fusion potentielle de cinq établissements avec une vocation très, très différente, notamment le Montréal Association for the Blind, L'Association montréalaise pour les aveugles, qui a une mission très spécifique; le centre de réadaptation Constance-Lethbridge qui travaille avec les personnes avec des problèmes physiques – c'est un centre de réadaptation physique – également le Mackay Center qui est une combinaison de plusieurs pour les personnes qui sont aveugles, mais les autres; le centre Raymond-Dewar pour les problèmes auditifs et le centre Lucie-Bruneau.

Alors, c'est dans l'ouest de Montréal, mais c'est quand même des établissements avec des missions très, très différentes et avec la contribution... Même leur nature... Trois des cinq sont des organismes publics, deux sont des organismes privés conventionnés, deux au moins ont des fondations qui participent activement aux campagnes de financement et au financement annuel de ces établissements. Alors, c'est vraiment prendre des pommes, prendre des poires et essayer de tout mélanger ensemble.

Mais ça va être très difficile, parce que les personnes qui s'impliquent sur la problématique des personnes qui sont aveugles connaissent beaucoup moins les enjeux pour les personnes avec des problèmes auditifs. Il y a des personnes qui, comme mon père qui a longuement fait du bénévolat au centre de réadaptation Constance-Lethbridge, travaillent avec les accidentés du travail, les personnes qui ont des problèmes moteurs. Elles travaillent avec ces gens-là. Comment est-ce qu'on va garder la mission spécifique de chacun de ces établissements dans une fusion faite en haut par le ministre qui dit juste: On va mettre tout ça ensemble parce que ça fait mon affaire? Je ne vois pas pourquoi on veut couper le lien entre ces établissements, les communautés et les personnes, les bénévoles qui ont longuement supporté leurs efforts.

(20 h 40)

Comme je l'ai mentionné tantôt, au moment du désengagement de l'État, où il y a moins de moyens à cause du problème des finances publiques, on veut encourager davantage les gens à s'impliquer dans leurs établissements locaux. On veut dire: Allez faire du bénévolat, allez vous impliquer dans votre CLSC, allez vous impliquer dans un centre de réadaptation pour faire du bénévolat. Ça doit être ça, le message du gouvernement, mais le message qu'on voit dans le projet de loi qui est devant nous ce soir, c'est le contraire, c'est-à-dire: Restez chez vous, on n'a plus besoin de vos efforts. Et ce n'est pas vrai, parce qu'on ne peut pas supporter notre système surtout des services sociaux au Québec sans le bénévolat. Le gouvernement le sait, les autres membres de l'Assemblée, de notre côté, le savent; il faut promouvoir cette implication, ce bénévolat.

Alors, moi, je partage la position qui a été prise par les représentants des centres de réadaptation en déficience physique de la région de Montréal qui ont dit, et je les cite: Nous sommes en complet désaccord de partir de modèles administratifs plutôt que de partir des besoins de la population desservie, des programmes et des ressources disponibles. Nous demandons au ministre de la Santé et des Services sociaux d'insister plus sur la collaboration interrégionale et sur l'interdépendance régionale. Il n'est pas opportun de confier l'administration à un conseil d'administration unique de tous les établissements qui exploitent un centre de réadaptation pour les personnes ayant une déficience physique. Alors, c'est clair, c'est une mauvaise idée; l'option qui est prise par le ministre est vraiment allée dans le mauvais sens.

Une autre élément, surtout dans la région de Montréal, mais également dans les autres régions du Québec, c'est très important: certains de nos établissements de santé et de services sociaux ont une appartenance aux communautés linguistiques et, dans le cas de la communauté juive de Montréal, ont une certaine appartenance avec cette communauté. Et ça, c'est une autre chose qu'on est en train de noyer avec la proposition qui est devant nous. Il faut rappeler qu'en 1983 le regretté député de Mercier, M. Gérald Godin, a modifié le préambule de la Charte de la langue française pour faire une reconnaissance explicite du réseau des établissements de la communauté d'expression anglaise. C'était une déclaration de cette Assemblée, une reconnaissance dans la loi, dans la Charte de la langue française, de l'importance de ce réseau.

Mais ce qu'on est en train de faire ici avec les fusions, avec les fermetures d'hôpitaux, c'est vraiment effacer ce réseau de la carte québécoise. On a juste à rappeler, dans les deux, trois dernières années, le nombre d'hôpitaux de la communauté d'expression anglaise qui sont fermés: 30 sur l'île de Montréal. L'hôpital Reine Elizabeth qui, ironiquement, fête cette année son centième anniversaire. Malheureusement, il n'y aura pas un cent unième anniversaire pour cet hôpital, parce qu'il ferme ses portes. Lachine General Hospital, qui a toujours donné des soins de qualité pour les personnes de Lachine et Dorval, dans mon comté.

Il y a plusieurs gens du personnel de l'hôpital Lachine qui demeurent dans mon comté, qui ont été profondément blessés par la fermeture de cet hôpital, hôpital, il faut le rappeler, qui a été cité par l'ancien premier ministre, Jacques Parizeau, comme un modèle pour le Québec parce que c'était vraiment un des leaders dans le virage ambulatoire. Alors, ça, c'était le beau discours de M. Parizeau pendant la campagne électorale. Le fruit que ça a apporté pour l'Hôpital général de Lachine, c'est la fermeture. Il y a également The Reddy Memorial Hospital, au centre-ville, qui a toujours donné un service de qualité. Et on ajoute à ça le Sherbrooke General Hospital qui a toujours donné des services de qualité pour les anglophones des Cantons-de-l'Est, et également le Jeffery Hale Hospital, ici, à Québec, qui a fermé ses portes récemment.

Alors, ce sont des grandes pertes et ce sont tous des établissements qui se sont ajustés à la réalité québécoise, qui ont toujours été capables de fournir des services, des soins de qualité en langue française. Mais il y avait un ajout à ça, une appartenance à la communauté d'expression anglaise au Québec. Et nous avons fermé ça. Et, avec le projet de loi qui est devant nous ce soir, ça va accélérer parce que, dans les fusions, les établissements qui historiquement venaient de la communauté d'expression anglaise vont être perdus.

Juste en terminant, il y avait des manchettes, il y avait le comité aviseur du ministre qui a signalé ces problèmes, toujours sans réponse. Alors, pour ces raisons, je vais me joindre à mes collègues et voter contre le projet de loi n° 116. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Jacques-Cartier. Je cède maintenant la parole au député de Verdun. M. le député.


M. Henri-François Gautrin

M. Gautrin: Merci, M. le Président. Alors, M. le Président, nos amis d'en face ont un discours. Ils ont un discours qui était un discours d'imputabilité, dans lequel ils disaient: Nous croyons que la fonction publique doit rendre compte à des élus, à la population. Vous étiez de ceux et vous êtes de ceux qui pensent que les fonctionnaires, ceux qui gèrent les fonds publics, se doivent de rendre compte. Et je suis sûr, M. le Président, que, parmi mes collègues députés ministériels actuellement, la grande majorité d'entre eux pensent ça. Mais je vais vous dire, à l'heure actuelle, chers amis, si cela est le discours auquel vous croyez, la réalité que votre gouvernement vous propose est tout autre. La réalité, à l'heure actuelle, telle qu'elle est exprimée par le projet de loi n° 116, va exactement à l'encontre d'une reddition de comptes au citoyen, mais bien plus vers une augmentation des pouvoirs des fonctionnaires et des bureaucrates qui pullulent et se multiplient à l'intérieur des différentes régies régionales.

Alors, M. le Président, ce n'est pas nécessairement facile à comprendre, et je vais être obligé d'essayer d'expliquer avec vous de quoi on parle. À l'heure actuelle, dans le réseau de la santé, vous avez des hôpitaux, vous avez des CLSC, vous avez des centres de réadaptation, enfin, vous avez un paquet d'organismes, de petits organismes, souvent, pour la plupart, dans lesquels siègent des conseils d'administration, conseils d'administration formés essentiellement de bénévoles, de gens qui acceptent de passer une soirée ou deux, tous les 15 jours, pour voir à la gestion de leur CLSC, hôpital ou de différents centres.

Si l'institution est relativement petite, si elle est encore de taille humaine, il est possible pour ces citoyens, qui sont des citoyens comme vous et comme nous, de rapidement avoir une réelle influence sur le fonctionnement de leur CLSC, de leur hôpital, du centre de réadaptation, de l'hôpital de longue durée. Et vous avez tous, vous connaissez tous dans vos comtés de ces conseils d'administration formés de personnes de bonne volonté qui travaillent à la gestion et à la surveillance, M. le Président, de ceux qui doivent gérer les institutions. Pour cela, il y a deux nécessités: il faut que l'institution ait une taille humaine, c'est-à-dire qu'elle ne soit pas trop grosse, et qu'ils puissent être en mesure de surveiller et de faire leur fonction d'imputabilité, de contrôleurs de la gestion de l'appareil public.

Alors, la raison pourquoi nous, de l'opposition, nous croyons justement à cette imputabilité, parce que nous croyons qu'il est important que ceux dans le réseau de la santé qui gèrent chacun de ces établissements soient en mesure de rendre compte à des représentants de la population, eh bien, ça, M. le Président, c'est en train de disparaître, et je vais vous en donner deux éléments. L'article 1 et l'article 2 du projet de loi n° 116 – mes collègues en ont parlé moult fois – qu'est-ce que ça a comme effet? Ça a comme effet de dire: Nous allons unifier les conseils d'administration. Au lieu que nos bénévoles, nos gens qui se sont fait élire dans leur village ou dans leur quartier viennent gérer un CLSC, on va unir les conseils d'administration. Ce n'est plus un établissement qu'ils auront à gérer; c'est 5 ou 6. Et là on est rendus dans une situation où les conseils d'administration vont être dépendants des fonctionnaires qui vont leur donner l'information. Et c'est pour cela qu'on s'oppose à ce projet de loi.

(20 h 50)

Il n'y a pas d'effets financiers. Comprenez-moi bien, il n'y a pas d'effets financiers; il y a strictement des facilités de gestion, des facilités de contrôle. On contrôle beaucoup plus facilement des gens qui doivent gérer un gros établissement, qui le font d'une manière bénévole en siégeant un soir par semaine et qui n'auront l'information que par le directeur de l'établissement qui voudra bien leur dire ce qu'il veut, qu'on peut contrôler un petit établissement qui est encore de taille humaine. Nous croyons profondément, de ce côté-ci de la Chambre, à ce modèle de société dans lequel les gestionnaires de fonds publics quels qu'ils soient se doivent de rendre compte à des élus, de rendre compte à des conseils d'administration élus par la population, et ça, M. le Président, nous le voyons disparaître par le projet de loi n° 116.

La fusion des conseils d'administration va faire des conseils d'administration beaucoup plus contrôlables, beaucoup plus malléables, beaucoup plus faciles à diriger par les fonctionnaires des régies régionales, et ça, c'est la loi n° 116. C'est ça, la loi n° 116. Il y a bien d'autres choses dans la loi n° 116, mais ça, c'est le vice, un des vices de fond de la loi n° 116 qui veut, sans nécessité budgétaire, mais strictement pour des facilités administratives, des facilités de contrôle par les fonctionnaires, forcer la fusion des conseils d'administration entre des CLSC, des petits centres hospitaliers qui justement avaient encore une taille humaine, qui justement avaient une taille suffisamment restreinte pour que le membre du conseil d'administration soit en mesure de connaître par lui-même ce qui se passait à l'intérieur de l'établissement et de faire réellement sa fonction de gestionnaire dans ce conseil d'administration.

Ce n'est pas par hasard, M. le Président, si, les parlementaires de l'opposition, nous allons tous nous opposer à ce projet de loi; c'est parce qu'il y a là un changement fondamental de la philosophie qui avait prévalu lorsqu'on avait passé la loi 120, qui était celle de tâcher de ramener le plus proche possible des citoyens la gestion de l'appareil, du réseau de la santé. Alors, là, on assiste à la fois à un discours qui se veut très, très centralisateur, à un discours qui dit: Nous allons ramener le pouvoir réel aux citoyens, et à un projet de loi qui va exactement dans le sens contraire du discours.

Je suis sûr que beaucoup de mes collègues parlementaires ministériels partageaient ce discours. Et, s'ils prennent avec moi la peine de lire, de lire, de lire le projet de loi n° 116, de s'arrêter simplement aux deux premiers articles du projet de loi n° 116, ils comprendront que, par la fusion des conseils d'administration, on va diminuer la possibilité qu'avait le citoyen de chacun de vos villages, le citoyen de chacun de vos quartiers d'avoir un réel impact sur la gestion de son centre hospitalier ou de son CLSC, parce que celui-là avait une taille humaine.

Lorsque vous avez à gérer un immense centre hospitalier, lorsque vous serez membre d'un conseil d'administration qui regroupera un CLSC, un centre d'accueil, un centre de réadaptation, un petit hôpital, croyez-vous réellement que le citoyen pourra avoir un impact véritable? La réalité des faits, c'est que le citoyen qui siégera sur un conseil d'administration sera virtuellement prisonnier de son directeur général. Ce qu'on fait par ce projet de loi, on est en train de prendre le pouvoir que le projet de loi 120 et Marc-Yvan Côté, à l'époque, avaient réussi à donner aux citoyens pour le retransférer dans les mains des gestionnaires, des fonctionnaires, des bureaucrates qui, comme je l'ai dit tout à l'heure, malheureusement, pullulent et ont tendance à se reproduire à une grande vitesse à l'intérieur du réseau de la santé. Ça, c'est la première raison, M. le Président, pourquoi nous nous opposons avec vigueur à ce projet de loi.

Il y en a une deuxième, M. le Président. C'est un peu plus compliqué à expliquer; je vais quand même vous l'expliquer. Il y a des gens qui ont entendu parler des régies. Probablement que le monde ne sait pas exactement ce que c'est qu'une régie. Alors, dans chacune des régions du Québec, a été instaurée une régie de la santé et des services sociaux qui a essentiellement pour fonction de gérer les fonds transférés par le ministère et de s'assurer qu'il y a un équilibre dans la région entre les différents centres hospitaliers.

J'ai pris la peine, M. le Président, de sortir la loi 120 pour de vous dire ce que font les régies. Les régies, elles ont pour objet d'assurer la participation de la population à la gestion du réseau public – c'était le premier élément; vous voyez qu'on est en train de l'assurer et de l'améliorer – d'élaborer les priorités de santé et de bien-être en fonction des besoins de la population; d'établir des plans d'organisation de services; d'allouer les budgets destinés aux établissements et d'accorder des subventions; d'assurer la coordination des activités médicales; de mettre en place les mesures visant la protection de la santé publique; et d'assurer une gestion économique et efficiente des ressources humaines, matérielles et financières qui sont mises à la disposition de la population. Alors, la régie, ça fait quoi, essentiellement? Ça gère. Ça a la fonction de répartir entre les différents établissements, que ce soit les centres d'accueil, les hôpitaux de longue durée, que ce soit les CLSC, que ce soit les centres hospitaliers de courte durée, et de coordonner le travail sur le réseau.

Les régies, vous allez me dire: Est-ce que c'est important sur la plan budgétaire? Bien, M. le Président, je vous parlerai de la Régie de Montréal-Centre, par exemple. C'est une régie qui gère un budget qui dépasse – dites-moi un chiffre, je vous le donne en mille – le 1 000 000 000 $, qui dépasse mille millions. C'est ça, le budget de la Régie régionale de la santé à Montréal, à l'heure actuelle. Ce n'est pas rien, vous en conviendrez avec moi. Et ça répartit les différents budgets entre les différentes organisations du territoire de Montréal, comme la Régie de la Montérégie répartit les budgets transférés par le ministère sur les territoires.

Cette régie est administrée par un conseil d'administration. Ce conseil d'administration, il n'est pas venu par génération spontanée. Ce conseil d'administration était un conseil d'administration qui a été élu. Il a été élu par une assemblée générale qui représentait la population. Cette assemblée générale représentait les mouvements communautaires, le milieu municipal, le milieu de la santé. C'était une assemblée des gens qui étaient concernés, une immense assemblée avec énormément de gens là-dedans, qui était évidemment difficile à contrôler, qui était là et qui demandait réellement à chacune des régies et à chacun des dirigeants de la régie de rendre des comptes. C'était ça, l'assemblée générale. C'était difficile à contrôler, c'était difficile à manipuler. Ça ne se manipulait pas facilement, une assemblée générale de régie régionale. Et, parce que ça ne se manipulait pas facilement, parce que ce n'était pas contrôlable et manipulable, le ministre, dans le projet de loi n° 116, nous propose tout simplement de la supprimer.

Le projet de loi n° 116, à l'heure actuelle... Pour des gens qui prétendent défendre l'imputabilité, pour des gens qui prétendent réellement faire en sorte que le citoyen soit en mesure de contrôler plus facilement les dépenses publiques, pour des gens qui prétendent, à l'heure actuelle, être en mesure de dire: Nous allons mieux gérer les fonds publics, cet organisme, difficile à contrôler, on en convient tous, cet organisme qui s'appelait une régie régionale, vous le supprimez. Vous supprimez, actuellement, la régie régionale.

(21 heures)

Et ça, c'est l'article 31 du projet de loi n° 116 qui supprime, purement et simplement, la régie régionale, M. le Président. C'est très facile à voir. C'est écrit dans un langage sibyllin, et on dit simplement, dans le deuxième alinéa de l'article 340: Les éléments situés après le mot «ministre» sont supprimés. Ha, ha, ha! Ça, ça voulait justement dire qu'il existait une assemblée générale à laquelle le conseil d'administration devait faire rapport.

Et là qu'est-ce qu'on va... Voyez-vous le modèle, le modèle qui avait été conçu dans la loi 120, où il y avait d'énormes fonds mais où on essayait d'impliquer réellement le citoyen? On voulait impliquer le citoyen dans des structures petites, dans un petit CLSC, dans un petit centre d'accueil, dans un petit CHLD, c'est-à-dire centre hospitalier de longue durée. Bien là, d'abord, on a fusionné tout ça et, donc, au niveau de la régie régionale, ceux qui répartissaient les fonds ont dit: Le conseil d'administration va devoir rendre compte de ce qu'il fait devant une assemblée générale.

Bien sûr, à 200, 300 ou 400 personnes, parce que je pense que c'était la taille de l'assemblée générale de la régie régionale à Montréal, on ne peut pas gérer à 300 ou 400 personnes, mais, devant 300 ou 400 personnes, on doit rendre des comptes et on ne peut pas raconter des balivernes devant 300 à 400 personnes et faire croire à des balivernes devant 300 à 400 personnes. Il faut rendre des comptes. C'était difficile, M. le Président, et tous les présidents et directeurs généraux de régie régionale vous diront: Nous avions des difficultés avec nos assemblées générales de régie régionale. Ça ne se manipulait pas facilement, ça posait des questions, ça voulait être informé, ça voulait savoir comment les fonds avaient été distribués. Ça se posait des questions, et c'était normal.

Et, évidemment, parce que, à ce moment-là, on posait des questions, on voulait avoir des réponses, parce qu'on était rendu au moment où peut-être on gênait les bureaucrates, comme je vous dis, qui pullulent et se multiplient actuellement à l'intérieur des régies régionales et de toute la structure du réseau de la santé, parce qu'on gênait ces bureaucrates, et, vraiment, purement et simplement, le ministre et ses amis ont trouvé la solution parfaite, c'est très simple: on supprime. Ha, ha, ha! On supprime la régie régionale! On supprime l'assemblée générale de la régie régionale! C'est réellement la manière de régler le problème: Parce que vous posez trop de questions, parce que vous voulez réellement être informés, parce que vous voulez réellement savoir comment, vous, vous avez été en mesure de dépenser le 1 000 000 000 $ qui constitue la Régie régionale de la santé du Montréal-centre, par exemple, de celle de la Montérégie, là vous avez heurté certains fonctionnaires, certains dirigeants de régie régionale, et le ministre, pour vous récompenser, eh bien, vous dit: Vous n'existez plus. C'est à peu près la situation.

Il y avait un de mes collègues, qui n'est pas de ma formation politique, M. le Président, qui est le député de Lévis. Le député de Lévis, c'est un député avec qui depuis maintenant plus de neuf ans je partage... Il y a un point fondamental que je ne partage pas et qui est la question de la souveraineté, mais, sur le reste, sur la gestion des fonds publics, je partage le même point de vue. Et le député de Lévis, lui aussi, a compris que toutes les questions d'imputabilité qui étaient contenues normalement dans la loi 120, toutes les questions de rapport et de retour vers le citoyen, bien, on les supprimait.

Il avait proposé, lui, une méthode alternative: que les régies régionales soient imputables devant des assemblées de parlementaires de la région. C'est une voie intéressante. Le député de Lévis – et je dois réellement aujourd'hui lui payer tribut parce que je sais que c'est quelqu'un qui croit réellement au fait que les citoyens doivent être en mesure de contrôler la gestion des fonds publics – était conscient, lui aussi, qu'avec le projet de loi n° 116, comme beaucoup de parlementaires ministériels qui, je sais, sont des gens qui croient réellement à la question de l'imputabilité... Beaucoup de ces parlementaires, lorsqu'ils liront réellement le projet de loi n° 116, comprendront qu'on est en train de retirer au citoyen la gestion des fonds de la santé pour les confier à cette multiplicité de bureaucrates.

M. le Président, nous sommes contre, nous sommes contre et nous sommes contre le projet de loi n° 116.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Verdun. Je cède maintenant la parole au député de Viau. M. le député.


M. William Cusano

M. Cusano: Merci, M. le Président. Nous sommes à l'étape de l'étude du principe, deuxième lecture, qu'on appelle dans le jargon parlementaire, du projet de loi n° 116.

Comme vous le savez, M. le Président, ce projet de loi a été déposé en décembre dernier et, suite à des revendications de notre critique, de notre côté, et de plusieurs autres groupes, le ministre a décidé, à ce moment-là, de s'engager dans une consultation ici, à l'Assemblée nationale, une commission parlementaire. Et ce qui est étrange, M. le Président, c'est que le ministre, même s'il a été confronté par des gens qui sont venus témoigner et qui lui disaient: M. le ministre, s'il vous plaît, descendez de votre tour d'ivoire, ce n'est pas comme ça que ça se passe, et nous avons des suggestions à vous faire, des suggestions très concrètes... Effectivement, je crois que les arguments ont été tellement bien illustrés que même les députés ministériels présents à cette commission étaient d'accord que, justement, il fallait revoir certaines choses et qu'il était nécessaire de faire une consultation un peu plus approfondie.

M. le Président, effectivement, le ministre, à ce moment-là, il a décidé qu'il allait justement faire une consultation un peu plus élargie. Mais, à ce moment-là, pour se protéger, il s'est renfermé dans sa tour d'ivoire et a fait une consultation particulière au niveau de ses fonctionnaires. C'est beau, ça, M. le Président, faire une consultation au niveau des fonctionnaires. Et, à ce moment-là, le ministre, dans toute sa largesse, a voulu donner un mandat extrêmement large à ces fonctionnaires-là, et les fonctionnaires en étaient très fiers.

Mais, effectivement, qu'est-ce qui s'est passé après tout le travail qui a été fait par ces gens-là? On s'aperçoit que d'aucune façon les consultations qui ont été tenues ici ou même des consultations qui ont été tenues ailleurs n'ont donné de fruits, parce que, à la fin du compte, le projet de loi tel qu'il avait été déposé et même les amendements qui ont été déposés rendent encore le projet de loi plus inacceptable au niveau de l'ensemble de la population.

Ce ministre, M. le Président, le ministre de la Santé et des Services sociaux, responsable aussi pour la région de Québec, qui est toujours plus intéressé de s'occuper d'un zoo – d'un zoo, hein, de Charlesbourg... Il a plus une préoccupation de maintenir ça, de maintenir les animaux. J'aime bien les animaux, mais, je vais vous dire, si j'ai besoin de choisir entre une vie humaine et la vie d'un animal, M. le Président, vous allez comprendre que, moi, personnellement, et je ne me gêne pas pour le dire, je vais choisir une vie humaine. Alors, le ministre de la Santé et des Services sociaux, ça ne semble pas être sa préoccupation. Et le fait de consulter les gens, pour lui, c'est un exercice obligatoire, qui s'impose. Mais écouter ce que les gens viennent lui dire, ce que le monde du milieu lui suggère, ça, pour lui, ce n'est pas important. Pour lui, qu'est-ce qui semble être extrêmement important? C'est un peu comme un général dans une armée qui, dans sa tente, a une espèce de carte géographique et, sur cette carte géographique, il y a toutes sortes de planifications, ainsi de suite. Et, si la carte géographique est bien délimitée avec différentes couleurs, il est très heureux. Mais ce n'est pas ça, être ministre de la Santé et des Services sociaux, M. le Président. Je pense que c'est de répondre aux besoins de la base. Moi, j'ai toujours compris qu'un élu représentait la volonté de la base. Mais je m'aperçois, depuis une couple d'années maintenant, depuis que ce gouvernement est au pouvoir, que cette base ne compte aucunement. Je m'aperçois, en réalité, que les voeux de la population sont rarement respectés. Et la personne la plus coupable dans cette Chambre, M. le Président, c'est le ministre de la Santé et des Services sociaux.

(21 h 10)

L'historique de ça, M. le Président? Vous vous rappelez la fermeture des hôpitaux dans la grande région de Montréal? Le ministre a annoncé son plan sans avoir consulté qui que ce soit, suite à une commande, à ce moment-là, du président du Conseil du trésor, alors il avait décidé, lui, qu'il fallait fermer certains hôpitaux à Montréal. À ce moment-là, il y a eu une semi-révolte au niveau de la population, qui a dit: Écoutez, là, M. le ministre, ça n'a pas d'allure, ce que vous faites. Alors, le ministre, pour justifier sa décision, il a même inventé une grille. Il a inventé une grille d'évaluation et, dans cette grille, il a tenté de justifier la fermeture de certains hôpitaux. Mais il s'est trompé dans l'évaluation, puis il l'a admis lui-même.

Effectivement, si on regarde la grille que lui-même avait faite et l'évaluation qu'il avait faite, on s'aperçoit que les hôpitaux les plus performants dans le Grand Montréal, que ces hôpitaux-là ont été fermés; entre autres, chez nous, l'hôpital Saint-Michel. Oui, et mon collègue de Marquette, exactement la même chose. C'est des hôpitaux qui avaient été reconnus non pas par qui que ce soit, par l'Association des hôpitaux, au niveau de différents professionnels qui avaient ces services à dispenser. Mais, pour le ministre, ça, ça n'avait aucune importance. Il a quand même fermé les hôpitaux. Et savez-vous ce qui est ridicule dans tout ça, M. le Président? Chez nous, l'hôpital Saint-Michel, on l'a fermé pour le transformer. Savez-vous qu'ils sont en train de dépenser plus d'argent pour le transformer que s'ils l'avaient gardé? Savez-vous ça, M. le député? Effectivement, on m'informe qu'il y a des millions et des millions de dollars, justement, qui sont dépensés pour réaménager l'hôpital Saint-Michel. Ça n'a pas de sacré bon sens.

J'ai visité, justement, l'hôpital l'autre jour, M. le Président, puis on m'a dit que, avec les nouvelles normes, où c'était suffisant, le nombre de toilettes qu'on avait dans l'hôpital lorsqu'on y soignait les personnes malades, là, quand on fait une transformation, on leur dit: Il n'y a pas assez de toilettes. C'est ça, le ridicule, et c'est avec ça qu'on a beaucoup de difficultés. Oui, M. le député. Avant, à l'hôpital Saint-Michel, qui était reconnu comme un des meilleurs hôpitaux dans la région de Montréal, effectivement, un hôpital bien géré, puis ainsi de suite, il n'y avait pas de problèmes. Il n'y a pas un patient qui se plaignait qu'il n'y avait pas assez de toilettes. Mais maintenant la régie régionale est entrée là et elle dit: Voyons donc, si on va héberger d'autres personnes pour longue durée, on a besoin de plus de toilettes.

Une voix: ...

M. Cusano: Mon collègue me dit que c'est la même chose au Reine Élizabeth, M. le Président. Ça n'a pas de sacré bon sens. D'un côté, on nous dit: On va sauver de l'argent en coupant. Puis, de l'autre côté, bien, on y va, il n'y a pas de problèmes, on va dépenser tout l'argent nécessaire.

Alors, j'ai de la difficulté à comprendre tout ça, particulièrement lorsqu'on arrive au projet de loi qui est devant nous. Et j'ai aussi de la difficulté, M. le Président, et vous allez me comprendre, parce que, lorsqu'on prend un projet de loi et qu'on en arrive au principe... Au singulier. Bon, je pense que vous allez être d'accord avec ça, M. le Président. Lorsqu'on parle du principe du projet de loi, c'est au singulier. On ne parle pas des principes – au pluriel – des projets de loi. Puis là je m'aperçois, en examinant ce projet de loi, que, effectivement, il n'y a pas seulement qu'un principe. Il y en a deux, principes. Je voyais le député... Je ne le mentionnerai pas parce que vous allez me rappeler à l'ordre, M. le Président. Il trouve ça drôle, mais, effectivement, je dois comprendre à son sourire qu'il est d'accord avec moi, que, effectivement, dans ce projet de loi là, il y a deux principes. Pourquoi le ministre s'est-il permis de présenter un projet de loi qui contient plus qu'un principe? C'est pour mélanger les choses. C'est toujours cette question du double langage qui est tenu par les personnes, les ministres qui sont devant nous. Alors, M. le Président, ce double langage... Puis je continue... Le ministre, lui, qui se pense...

Moi, je pense que le ministre de la Santé et des Services sociaux aurait voulu être président du Conseil du trésor. Il aurait voulu être président du Conseil du trésor, parce que, effectivement, ce qu'il fait comme ministre de la Santé, ce n'est pas de s'occuper de sa mission principale qui est de s'occuper des malades, des personnes qui ont besoin des soins de santé. Sa préoccupation numéro un, c'est d'aller ramasser de l'argent pour le président du Conseil du trésor. Oui, effectivement, on l'a vu avec la loi qui a été adoptée par ces gens-là, justement sur la fermeture des hôpitaux. On le voit avec le projet de loi qui a été déposé devant nous, M. le Président, le projet de loi n° 33 sur l'assurance-médicaments.

On a essayé de faire croire aux gens que ce gouvernement était tellement généreux qu'il allait fournir des services médicaments pour tout le monde. «C'est-u» beau ça? Je suis d'accord avec ça, moi, M. le Président. Je suis d'accord avec ça, fournir des services, des médicaments à l'ensemble de la population, et particulièrement aux personnes les plus démunies. On a réussi, de l'autre bord, à parler d'assurance, de franchise, de coassurance. Personne ne comprend plus rien, là, dans tout ça, M. le Président. Personne ne comprend plus rien. Est-ce qu'on parle de l'assurance gouvernementale, est-ce qu'on parle d'une assurance privée, lorsqu'on parle de coassurance, et ainsi de suite? Non. Une coassurance, pour votre information, ce n'est pas une coassurance dans le sens dont tout le monde parle de coassurance; c'est une deuxième franchise. Et, effectivement, par ce programme, par ce projet de loi n° 33, ce double langage, on a essayé de dire au monde: Voyez-vous si on est fin pour vous? On est très fin. Ce gouvernement péquiste qui dit aux gens: On veut prendre soin de vous, en même temps, il s'en va chercher 300 000 000 $ dans leurs poches.

Une voix: Le shérif de Nottingham.

M. Cusano: Oui, le shérif de Nottingham, pour ceux qui connaissent l'histoire de Robin des bois. Effectivement, on leur dit: On «est-u» bon envers vous! Mais, en même temps, on ne le leur dit pas, mais on s'en va chercher 300 000 000 $ par année dans leurs poches. Ce gouvernement, s'il avait eu un peu de culot, il aurait dit: Écoutez, on est dans une situation, à cause des dépenses folles qu'on a faites à cause d'un référendum qu'on a voulu gagner, aujourd'hui, la situation est telle qu'il faut aller chercher 300 000 000 $ dans la poche des concitoyens. Je pense que les concitoyens auraient au moins eu un peu plus de respect envers ce gouvernement si le gouvernement avait eu le culot de leur dire: Écoutez, on a besoin de 300 000 000 $, on va l'imposer, le 300 000 000 $. Non. Il dit: Écoutez, on ne vous imposera pas, on ne vous touchera pas, sauf qu'on va faire mieux que ça, on va vous assurer. Moi, je ne comprends pas pourquoi, lorsqu'on parle d'assurance, particulièrement du côté du gouvernement. En ce qui me concerne, moi, j'aurais toujours pensé que le gouvernement était une compagnie à but non lucratif.

Une voix: Ce n'est pas le cas?

M. Cusano: Ce n'est pas le cas, non. Ce n'est pas le cas, exactement. Par le projet de loi n° 33, ce n'est pas une compagnie à but non lucratif, ça devient une compagnie qui va faire beaucoup de profits. Et on parle de 300 000 000 $ par année. Je considère ça totalement inacceptable.

(21 h 20)

Le projet de loi tel quel, M. le Président... C'est vraiment classique, ce projet de loi. Pour des gens qui disent qu'ils vont oser, qu'ils vont faire l'indépendance d'un Québec qui va être un exemple mondial au niveau de son système démocratique... Savez-vous qu'est-ce qu'on fait par ce projet de loi? Des personnes qui sont élues à un conseil d'administration... Et, normalement, lorsqu'on parle d'élection, vous le savez fort bien, M. le Président, si on regarde les commissaires d'école aujourd'hui, ils sont élus pour une période donnée, fixe dans le calendrier. Il y a un temps. Ils sont élus pour un certain moment. Si on regarde les élus municipaux, il y a des élections à tous les quatre ans; c'est normal. Et on s'aperçoit, par l'article 38 de ce projet de loi, que désormais ce ne sera plus ça au niveau de la régie régionale. C'est le ministre qui se donne le pouvoir à savoir quand il va y avoir des élections. C'est lui qui va décider à quel moment il va y avoir une élection dans une certaine région pour élire les membres de la régie régionale, M. le Président. Moi, je ne comprends pas ça, là. Je ne comprends pas ça. Et je pense que, si on avait vu ça dans une république de bananes, ces gens-là auraient été les premiers à se lever debout et à condamner de telles choses. Sauf que je dois dire que c'est pire qu'une république de bananes, M. le Président, ils ont agi comme des administrateurs d'une république de bananes vertes, même pas jaunes, vertes! Vous avez des gens qui vont... Oui, des petites bananes, vous avez absolument raison, M. le député de Lévis, des petites bananes.

Lorsque vous donnez des pouvoirs à un ministre de dire que vous allez... M. le ministre, si un conseil d'administration ne fait pas son affaire, il déclare des élections. Ça veut dire que les personnes qui sont élues ne savent pas si elles vont être là pour trois mois, six mois, quatre ans, six ans. Il semble ne pas y avoir de limites, M. le Président, au niveau du mandat. Ça veut dire quoi? Au moment où ces gens-là osent parler au nom de la population contre le ministre, on les met dehors. Oui, c'est ça qui est le problème... Mais vous m'indiquez qu'il me reste très peu de temps.

En réalité, M. le Président, je suis très gêné. Vous savez, l'autre jour, vous étiez ici présent, on a présenté une délégation de parlementaires d'Italie. M. le Président, au déjeuner, ces gens-là m'ont posé une question, et j'avais vraiment honte d'y répondre. Ces gens-là m'ont dit: Est-ce que nous avons bien compris que ce gouvernement... Ils disent: On comprend qu'il y a toujours une espèce de double langage, M. le Président. Ces gens-là m'ont dit: Est-ce que c'est vrai que le premier ministre du Québec s'est comparé à un caractère fictif d'un film, Don Michael Corleone? J'ai eu honte. Oui, d'essayer de confondre la fiction avec la réalité...

Puis ça, c'est normal, de leur côté, M. le Président. De confondre la fiction avec la réalité, ils font ça tous les jours. Mais que le premier ministre se soit comparé... qu'il trouvait comme son héros, pas un joueur de hockey, pas un joueur de baseball, un criminel, M. le Président, un bandit. Un bandit, oui. Si on regarde bien la trilogie du Parrain, Michael Corleone n'est un héros aux yeux de personne. C'est un meurtrier, c'est un gars qui n'a jamais tenu sa parole. Oui, vous riez. Ce n'est pas vrai? Regardez-le, ce soir, M. le député, vous allez voir. Une personne qui, même lorsqu'il se confessait, lorsqu'il s'est confessé... Parce qu'il faut regarder les trois chapitres du Parrain. Au troisième, M. le Président, lorsqu'il se confesse, il dit: J'ai donné des ordres de tuer du monde. J'ai donné des ordres de tuer des personnes très proches de moi. Il dit: J'ai même fait tuer le fils de ma mère. Même au moment où il se confessait, il n'avait pas assez de courage pour dire qu'il avait fait tuer son frère. Il a fait tuer le fils de sa mère, M. le Président. Et le premier ministre trouve que ce caractère... il se compare à ce caractère.

Mais vous pouvez rire, mais, moi, j'ai honte. J'ai honte, M. le Président, qu'un premier ministre... Oui, puis lisez Company , là, peut-être qu'ils ont dit... Ça serait bon s'ils disent ça à New York, hein. Ça serait bon de dire ça à New York. Je vais dire une affaire, les gens, à New York, le Parrain, ils l'ont quelque part, hein. Ils l'ont quelque part, M. le Président. Et que le premier ministre du Québec se compare à un meurtrier, M. le Président, moi, là, je ne comprends pas.

En terminant, M. le Président, ce que le premier ministre et ses conseillers n'ont pas réalisé, c'est que ce que Mario Puzzo a tenté de dire dans le Parrain, c'est «Once a crook, always a crook.» C'est ça. Et si je traduis ça, M. le Président, le premier ministre s'est rendu pour dire: On ne parlera pas de souveraineté, on va parler d'économie. Si on traduit: Une fois souverainiste, on est toujours souverainiste. Lorsqu'on est menteur, on est menteur, M. le Président. Merci.

Des voix: Bravo!

M. Brassard: M. le Président, question de règlement.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Brassard: Question de règlement, M. le Président. Là, le député poussait un peu trop loin ses propos, mais, à la fin, il a utilisé des propos carrément antiparlementaires à l'égard du premier ministre, et je vous prie de lui demander et d'exiger qu'il les retire.

Des voix: Oui.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Oui, M. le Président. Je remarquais le député de Lac-Saint-Jean qui était un petit peu distrait pendant l'allocution du député de Viau. Effectivement, le député de Viau a parlé de Don Corleone comme de quelqu'un qui aurait possiblement menti. Menteur un jour, menteur toujours, M. le Président.

Mme Caron: Question de règlement.

M. Paradis: À ce moment-là, comme le leader...

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader de l'opposition, je pense que l'intervention est effectivement sur le mot «menteur», et... S'il vous plaît! Je suspends, quelques instants, pour faire sortir les galées.

(Suspension de la séance à 21 h 28)

(Reprise à 21 h 39)

Le Vice-Président (M. Pinard): Mmes, MM. les députés, veuillez vous asseoir.

J'ai eu le privilège de revoir et d'écouter les propos qui ont été prononcés par le député de Viau, alors je les redis: «Le premier ministre a dit: "On ne parlera pas de souveraineté, on va parler d'économie." Si on traduit: Une fois souverainiste, on est toujours souverainiste. Lorsqu'on est menteur, on est menteur.»

Alors, il ne fait aucun doute dans mon esprit que les propos visent effectivement le premier ministre du gouvernement – on vise un des membres de cette Assemblée – et que les propos sont non parlementaires et interdits par l'article 35, paragraphe 6°, et l'article 35, paragraphe 7°, que je tiens à relire: «Le député qui a la parole ne peut imputer des motifs indignes à un député ou refuser d'accepter sa parole.» Et l'article 35.7°, qui est, d'après moi, beaucoup plus important, en l'occurrence: «Le député qui a la parole ne peut se servir d'un langage violent, injurieux ou blessant à l'adresse de qui que ce soit» membre de cette Assemblée.

(21 h 40)

Alors, M. le député de Viau, je vous prierais, à ce stade-ci, de bien vouloir retirer les propos que vous avez prononcés.

M. Cusano: M. le Président, ce que je regrette c'est, qu'effectivement le premier ministre n'ait pas choisi de s'être comparé à un Charles de Gaulle, à un Winston Churchill...

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le député de Viau... M. le député de Viau, je vous demande tout simplement, s'il vous plaît, de bien vouloir retirer les propos que vous avez prononcés, notamment: «Lorsqu'on est menteur, on est menteur.»

M. Cusano: Effectivement, M. le Président, le premier ministre a dit: Je suis comme Michael Corleone et, en ce qui me concerne, M. Corleone, le caractère, est un bandit, un menteur.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le député de Viau... M. le député de Viau, je n'ai point entendu «je retire les propos que j'ai prononcés». Voulez-vous s'il vous plaît le mentionner, «je retire les propos»? Et, si vous désirez clôturer votre intervention d'une autre façon, allez-y, on vous écoute.

M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: M. le Président, il faut donner la chance, lorsqu'on est dans des questions de retrait de propos, de qualifier. Vous avez donné une interprétation que nous respectons aux propos qui ont été prononcés par le député de Viau, mais, s'il ne s'agissait pas là de son intention directe, qu'il voulait la qualifier, il faut lui donner la chance, au moment où on lui demande de retirer ses propos, de qualifier le retrait de ses propos, sinon, à ce moment-là, le député est privé du droit d'exprimer librement et correctement, suivant le règlement de l'Assemblée nationale, les propos qu'il a quant à la teneur d'un certain projet de loi.

M. Brassard: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: Adjoint.

M. Brassard: ...ça va faire, les finasseries. Quand on tient des propos antiparlementaires en cette Chambre, il y a juste une chose à faire, et c'est ce que vous avez recommandé au député de Viau: c'est de les retirer. C'est la seule chose qu'il a à faire.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader adjoint du gouvernement, je ne veux pas recommencer un débat. Je vous stipule qu'à l'article 41, paragraphe 2, la décision du président ne peut être discutée.

Une voix: Question de directive.

Le Vice-Président (M. Pinard): Je n'accepte point de question de directive. Tout ce que je vous demande, tout simplement, M. le député de Viau, c'est de vous conformer à la décision que je vous ai donnée et de retirer les propos que vous avez mentionnés, conformément à la décision que j'ai rendue tout à l'heure, notamment en vertu de l'article 35, paragraphe 7°. Je ne vous demande pas de faire un préambule là-dessus, je vous demande tout simplement de retirer ces propos.

M. Paradis: M. le Président, tout en concédant qu'un député se doit d'obtempérer à une décision présidentielle, nulle part le président ne peut, d'office, refuser une question de règlement ou de directive sans la connaître. Vous créeriez ainsi un précédent qui serait dangereux pour le déroulement des travaux de l'Assemblée nationale.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le député de Viau.

M. Cusano: Question de directive, M. le Président. Comment puis-je retirer la citation qui a parue dans le journal, signée par Donald Charette, où le premier ministre dit qu'il est comme Michael Corleone. Et, dans mon esprit, M. le Président, je ne pourrai pas changer ça, Michael Corleone est un menteur et un bandit, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, M. le député de Viau, vous avez le droit d'avoir une opinion sur Michael Corleone. Mais, en ce qui nous concerne, les propos que j'ai écoutés tout à l'heure à la reprise, vous avez carrément stipulé que, lorsqu'on est menteur, on est menteur, et ces propos-là, vous les avez attribués, non pas à Michael Corleone, mais bel et bien au premier ministre du Québec. Et, de ce fait, je vous demande, s'il vous plaît, pour la dernière fois, de bien vouloir retirer ces propos.

M. Cusano: En ce qui me concerne, Michael Corleone est un menteur. Que le premier ministre ait choisi de se comparer à Michael Corleone, je ne peux pas retirer ça, M. le Président. C'est le premier ministre qui a décidé de se comparer à Michael Corleone. Ce n'est pas moi qui l'ai comparé à Michael Corleone, c'est lui qui l'a choisi, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): L'article 41.2. M. le député de Viau, vous avez une longue expérience dans cette Chambre. Alors, je vous rappelle l'article 41.2 et je vous rappelle également à l'ordre pour la première fois. Alors, s'il vous plaît, je vous prierais de bien vouloir vous exécuter.

M. Cusano: M. le Président, je comprends que, si vous avez regardé les trois, quatre dernières phrases de mon intervention, oui, vous avez absolument raison. Mais le fait que je parlais, dans un paragraphe qui a commencé justement à parler de la déclaration du premier ministre, que lui a décidé de se comparer à Michael Corleone... Écoutez, vous n'allez pas m'empêcher d'avoir une opinion sur Michael Corleone, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Comme je l'ai mentionné tout à l'heure, M. le député de Viau, il n'y a personne en cette Chambre qui va vous empêcher d'avoir une haute ou une basse opinion concernant Michael Corleone. Toutefois, je ne suis pas ici pour porter un jugement sur Michael Corleone, mais je suis ici pour porter un jugement sur les propos que vous avez prononcés et que j'attribue... Ces propos-là, je les attribue directement au premier ministre. Et, conformément à l'article 35, paragraphe 7°, vous n'avez point le droit de le stipuler. Donc, je vous demande... C'est une question d'interprétation que vous ne partagez certainement pas, mais c'est la mienne qui prime ici, ce soir. Alors, en vertu de l'article 41.2, je vous demande de retirer ces propos, s'il vous plaît.

M. Cusano: M. le Président, je comprends que vous avez visionné la cassette, mais ce que je vous demande peut-être, c'est de retourner peut-être visionner la cassette...

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le député de Viau, à l'ordre, pour la deuxième fois. Là, là, écoutez... Écoutez, on n'est pas pour passer six heures à savoir si les propos du... Lorsque le président est debout, habituellement... Bon. M. le député de Viau... M. le... M. le député de Viau, je... Messieurs, s'il vous plaît! Messieurs, s'il vous plaît!

Je rappelle que c'est une question d'interprétation. Vous avez le droit, M. le député de Viau, d'avoir votre interprétation, mais, comme président de cette Assemblée, j'ai une toute autre interprétation après avoir écouté la cassette. Alors, considérant que c'est mon interprétation qui prime en ces lieux, à ce moment-là, je vous demande tout simplement, conformément à l'article 41, paragraphe 2, je vous demande, s'il vous plaît, de retirer vos paroles. Et vous pouvez, soit tout simplement mentionner: Je retire mes propos. Ou encore, vous pouvez les remplacer par d'autres propos, en autant qu'ils sont parlementaires.

M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: M. le Président, nous sommes dans une situation où il y a déjà un avertissement de servi au député de Viau, qui est assez corsé. La difficulté, je vous le soumets, M. le Président, découle de l'interprétation – et nous la respectons – que vous avez faite des «transcripts» que vous avez relus ou de la bande vidéo que vous avez observée.

Si les propos du député de Viau concernaient Michael Corleone comme tel, vous avez déjà indiqué au député de Viau qu'il pouvait avoir une haute ou une basse impression de Michael Corleone. Sur le plan parlementaire, il y a plus de latitude, disons, à ce moment-là. Le problème réside dans le fait que le premier ministre a débuté son intervention à New York en disant: Je suis comme Michael Corleone. Et, ça, ça place le député de Viau, je vous le soumets, M. le Président, au niveau de la sémantique du français... Non, non. Je veux qu'on se comprenne, là. On tente... Bien non... Si vous ne voulez pas de solution...

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader de l'opposition, je comprends très bien votre argumentation. Maintenant, vous allez comprendre également que, comme président de cette Assemblée, je me dois de faire respecter le règlement de l'Assemblée nationale et je le fais avec mes capacités et mes facultés. Et, à ce stade-ci, j'interprète le règlement à ma façon, vous allez le mentionner sûrement, mais il n'en demeure pas moins que, pour moi, les propos qui ont été prononcés ici, qu'ils le soient à l'égard de n'importe quel membre de cette Assemblée, qu'il soit premier ministre ou simple député, ce sont des propos que je considère non parlementaires, et je vous demande, conformément au règlement, de bien vouloir les retirer, s'il vous plaît.

(21 h 50)

M. Paradis: M. le Président, je comprends la difficulté dans laquelle vous vous retrouvez. Les propos, l'intention du député de Viau, et il le confirmera s'il a l'intention de le confirmer, s'adressaient à Michael Corleone. Vous en avez décidé autrement suite à la lecture. Nous respectons cette décision. L'impasse, et je le souligne, dans laquelle nous nous retrouvons, c'est que le premier ministre a débuté son intervention à New York en disant: Je suis Michael Corleone. Comment peut-on trouver une solution qui fait en sorte que, sur le plan du règlement de l'Assemblée nationale, du respect de ses traditions, etc., le député de Viau puisse prononcer son allocution correctement et qu'en même temps c'est le premier ministre qui, lui, s'attribue ces propos-là, et non le député de Viau qui les attribue au premier ministre?

M. Cusano: M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le député de Viau.

M. Cusano: Oui, depuis le nombre d'années que je suis ici, je comprends que je dois me soumettre, en tant que parlementaire, à votre décision. Alors, vous me demandez de retirer quelque propos que ce soit, M. le Président? Je vais retirer les propos que vous voulez que je retire, M. le Président. Mais – mais – comment retirer les propos du premier ministre, M. le Président, que, lui, a décidé de dire, et je le cite: «Je suis comme Michael Corleone»? Et vous n'allez pas m'empêcher, M. le Président, de penser – de penser, et l'ensemble de la population le pense – que le caractère, le personnage Michael Corleone, à qui le premier ministre a décidé de se comparer, le personnage fictif que le premier ministre a décidé que, tout d'un coup, il était un héros, M. le Président, bon...

M. Brassard: Question de règlement.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader adjoint du gouvernement, si vous permettez. J'aimerais ici stipuler quelque chose, M. le député de Viau, qui me semble excessivement important.

Ce que je vous demande de retirer, ce n'est pas «Michael Corleone», du tout. Alors, que le premier ministre se soit comparé à Michael Corleone, moi, là, ce soir, ça ne me dérange aucunement, comprenez-vous? Mais ce qui me fatigue et ce que je tiens absolument à maintenir comme cap, c'est le respect du règlement de l'Assemblée nationale. Alors, à partir de ce moment-là, ce que je vous ai mentionné tout à l'heure, c'est que ce sont les mots «lorsqu'on est menteur, on est menteur», et je vous prierais de retirer ces paroles-là.

Une voix: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Pinard): S'il vous plaît, M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Brassard: M. le Président, j'ai compris les propos du député de Viau. J'ai compris qu'il a retiré les paroles que vous lui avez demandé de retirer. Mais, cependant, il a terminé son 20 minutes. Alors, il ne recommencera pas un autre 20 minutes. Il les a retirées, ces paroles. Maintenant, passons à quelqu'un d'autre.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci beaucoup, M. le député de Viau.

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le député de Viau! Alors, les officiers qui sont mes adjoints me mentionnent qu'effectivement... je n'ai point perçu, mais on me mentionne que vous avez effectivement retiré tous les propos. Alors, je vous remercie et, à partir de ce moment-là...

Une voix: Question de règlement, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Sur une question de règlement? M. le député de Viau.

M. Cusano: M. le Président, n'est-il par vrai que, dans cette Chambre, lorsqu'on tient le temps, il n'y a pas une cloche qui sonne, M. le Président, et, normalement, lorsqu'on nous avise que notre temps est terminé, on nous donne, depuis les 15 dernières années, d'un côté comme de l'autre, au moins une minute pour pouvoir terminer notre intervention?

Le Vice-Président (M. Pinard): Effectivement, et je dois vous mentionner, M. le député de Viau, que, depuis que j'ai été élu, je me fais toujours un devoir de rappeler aux membres ici présents qu'il leur reste cinq minutes, trois minutes, deux minutes, une minute. Alors, lorsque vous avez effectivement terminé votre intervention, vous avez terminé votre intervention, et... Oui, mais vous avez terminé votre intervention. Nous avons visionné sur la cassette tout à l'heure qu'effectivement vous avez eu droit à une salve d'applaudissements de la part de vos collègues qui ont apprécié votre allocution. Et, à partir de ce moment-là, je serais prêt maintenant à reconnaître un autre intervenant.

M. Cusano: M. le Président, question de règlement. Si on se souvient bien, M. le Président, à un certain moment, pendant que je faisais mon intervention, peut-être vers la fin, M. le Président, vous avez décidé de suspendre les travaux. Je n'ai d'aucune façon eu le... Ah! ce n'est pas ça, là?

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le député de Viau, il est vrai que je vieillis et que, graduellement, probablement que, moi aussi, je serais atteint de la maladie d'Alzheimer, mais, pour l'instant, je peux vous confirmer, après avoir vu également à l'écran, et j'étais également en présence du secrétaire adjoint, je peux vous mentionner qu'effectivement vous aviez complété votre intervention et que vous avez eu droit à une salve d'applaudissements. Et l'intervention du leader adjoint du gouvernement est venue par la suite.

M. Cusano: Je m'excuse, M. le Président...

Le Vice-Président (M. Pinard): Oui.

M. Cusano: ...ce qui s'est passé, M. le Président, ce que je me souviens... Peut-être que, moi aussi, j'ai des problèmes d'Alzheimer. M. le Président, ce que je me souviens, c'est qu'au moment où j'allais faire ma conclusion, le leader adjoint du gouvernement s'est levé sur une question de règlement et je me suis assis, M. le Président, je n'ai pas terminé mon intervention.

Le Vice-Président (M. Pinard): Je regrette, M. le député de Viau. Je vous invite à passer à mon bureau, demain, dans le courant de la journée; on pourra visionner ensemble la cassette et vous allez partager avec moi le fait qu'effectivement votre intervention était complétée.

Alors, à ce stade-ci, je serais prêt maintenant à reconnaître un autre intervenant. Alors, pas d'intervenants? Alors, le principe du projet de loi n° 116, Loi modifiant de nouveau la Loi sur les services de santé et les services sociaux, est-il adopté?

Une voix: Adopté.

M. Paradis: Vote enregistré, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Vote enregistré?


Vote reporté

M. Brassard: Alors, M. le Président, je vous demanderais de reporter le vote à demain, après la période des affaires courantes.

Le Vice-Président (M. Pinard): Très bien.

M. Brassard: Et, là-dessus, M. le Président, je voudrais faire...

M. Paradis: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): Le vote nominal, reporté à demain?

M. Paradis: Oui, mais avant, avec le consentement du leader adjoint du l'opposition officielle, compte tenu qu'il s'apprêtait à faire une motion, M. le Président, quelle que soit cette motion, et compte tenu que nous avons l'occasion, à 20 heures – il n'est même pas 20 heures – ce soir, d'avoir...

Une voix: 22 heures.

M. Paradis: ...22 heures, excusez, M. le Président, que nous avons l'occasion de nous retrouver ensemble en compagnie du ministre de la Santé et des Services sociaux et du député de Viau, serait-il possible, M. le Président, que l'on utilise la fin de la session parlementaire pour également avoir la possibilité d'appeler des projets de loi qui pourraient bénéficier, dans le domaine de la santé, aux gens qui en ont le plus besoin et qui vivent des situations critiques?

M. le Président, dans les circonstances, vous aurez compris que je sollicite la bonne entente et le consentement du gouvernement pour appeler l'article 48 du feuilleton, le projet de loi n° 90, dont le parrain est le député de Viau, et qui vise à faire en sorte que les gens qui sont en attente de dons d'organes puissent bénéficier également des travaux de l'Assemblée nationale du Québec avant que nous mettions fin à nos travaux. Il y a des gens qui, présentement, sont en attente; leur vie dépend de ces initiatives de l'Assemblée nationale du Québec.

Je peux assurer le leader du gouvernement, au-delà des stratégies parlementaires, des partisaneries politiques, que, s'il nous fait cette faveur, à ceux qui en ont besoin – je ne dirais pas: à nous, l'opposition officielle – d'appeler ce projet de loi, nous...

M. Brassard: On n'appelle pas...

Une voix: Question de règlement.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Brassard: M. le Président...

M. Paradis: ...

M. Brassard: Bien, on la connaît.

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce que c'est une question de règlement?

M. Paradis: Oui.

M. Brassard: On la connaît, on la connaît.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: ...que nous pourrions compléter à moins qu'il y ait...

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): À l'ordre! M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: ...à moins qu'il y ait des objections, et ce n'est pas ce que j'ai perçu de la part du premier ministre ni des membres du gouvernement au moment du dépôt du projet de loi, que nous pourrions adopter le principe de ce projet de loi avant 24 heures. Les commissions parlementaires, de toute façon, siègent jusqu'à 24 heures ce soir. Nous sommes en présence du ministre de la Santé et des Services sociaux, nous sommes en présence du parrain du projet de loi et nous pourrions, M. le Président, bénéficier de ce temps – le critique de la santé est ici – nous pourrions bénéficier de ce temps pour adopter le principe de ce projet de loi, M. le Président, et je ne pense pas que personne dans la société québécoise ne nous en tiendrait rigueur.

(22 heures)

Si jamais, de l'autre côté, on ne faisait pas preuve de l'ouverture nécessaire, M. le Président, vous connaissez les dispositions de l'article 2 du règlement de l'Assemblée nationale que nous avons eu l'occasion de plaider hier soir. Comme président de l'Assemblée nationale, vous auriez même cette latitude de suspendre les travaux à ce moment-ci, de convoquer une conférence des leaders ou des leaders adjoints pour faire en sorte que ce projet de loi traverse une étape cruciale et que les gens qui en attendent l'adoption puissent être assurés que ce projet de loi sera adopté avant la fin des travaux, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader adjoint du gouvernement.


Motion d'ajournement de l'Assemblée

M. Brassard: Je suis vraiment tenté par la grandeur d'âme du leader de l'opposition, mais je pense que quand même tout le monde a besoin de repos, de sorte que je fais motion pour ajourner nos travaux au vendredi 7 juin...

M. Paradis: M. le Président...

M. Brassard: ...à 10 heures.

M. Paradis: M. le Président...

M. Brassard: La motion est faite.

Le Vice-Président (M. Pinard): Excusez-moi. Je n'ai pas compris, là.

M. Brassard: Motion pour ajourner nos travaux à demain matin, le 7 juin, à 10 heures.

M. Paradis: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce que je dois conclure que cette motion est acceptée?

M. Paradis: M. le Président, non. M. le Président, j'étais debout sur une question de règlement avant que mon honorable...

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: ...collègue, le leader adjoint du gouvernement, puisse compléter sa motion.

À ce moment-ci, M. le Président, j'insiste, si le leader adjoint du gouvernement s'obstine à ne pas permettre l'adoption d'un projet de loi ou l'appel d'un projet de loi qui est bénéficiaire pour les citoyens, et on en a tous dans nos circonscriptions électorales, je fais appel à l'ensemble des membres de l'Assemblée nationale du Québec. Je vous demande de vous prévaloir de l'article 2 du règlement, de constater que, pour ces individus, la situation est grave, sérieuse et urgente, de convoquer une conférence des leaders et de faire en sorte que nous puissions – il est à peine 22 heures, M. le Président – nous entendre sur un calendrier qui ferait en sorte qu'on ne brûlerait pas de temps parlementaire, que le projet de loi traverserait rapidement, avec la collaboration et de l'opposition et du gouvernement, l'étape de l'adoption de principe, M. le Président. Je pense que tout le monde pourrait en bénéficier; peut-être vous un jour, M. le Président.

M. Brassard: Il y a une motion d'ajournement, disposons de la motion. M. le Président...

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, M. le leader de l'opposition, si nous regardons le règlement avec lequel nous devons travailler, à l'article 2, paragraphe 5°: «Outre les pouvoirs que la loi lui confère, le président:

«5° convoque et préside les réunions des leaders de groupes parlementaires.»

Alors, ce sont les réunions qui sont déjà prévues dans notre règlement qui doivent être convoquées et présidées par le président et, à ce stade-ci, si, du côté gouvernemental, on s'en tient à la motion qui été présentée et que, d'une part, on n'est pas intéressé à assister à une réunion concernant votre demande, donc, à ce moment-là, on va tout simplement disposer de la motion telle qu'elle est donnée. M. le leader.

M. Paradis: Est-ce que vous pourriez, dans ces circonstances, M. le Président – et je me plie à votre interprétation du règlement – demander aux deux partis en cette Chambre s'il y a consentement à une réunion des leaders? Dans le cas de refus de consentement, que vous continuiez à appliquer le règlement, c'est la seule possibilité qui vous reste à ce moment-là, mais vous aurez constaté que... Vous l'avez fait hier soir, d'ailleurs. Vous avez, de votre fauteuil, dans une situation qui était corsée, vous vous êtes levé, vous avez demandé: J'invite les leaders des gouvernements à me joindre pour une conférence des leaders. Je vous demanderais simplement d'appliquer la même jurisprudence qu'hier à ce moment-ci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Brassard: M. le Président, écoutez, très simplement, il y a une motion d'ajournement qui a été dûment présentée par le gouvernement.

Le Vice-Président (M. Pinard): Oui, effectivement.

M. Brassard: Alors, disposons de la motion d'ajournement. C'est tout.

Une voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, à ce stade-ci, je constate qu'il n'y a pas d'acceptation pour assister à une réunion des leaders, donc, à ce moment-là, on va d'abord trancher sur la motion.

M. Paradis: M. le Président, moi, je n'ai pas compris qu'il y a eu la répétition de ce que vous avez établi comme jurisprudence hier. Vous n'avez pas usé de votre discrétion, appliqué l'article 2 et invité les leaders du gouvernement. Moi, je n'ai pas pu dire oui, je n'ai pas pu dire non, parce que vous n'avez pas utilisé ce pouvoir, à l'article 2. Au moment où nous sommes, M. le Président, est-ce que vous refusez d'exercer ce pouvoir ou est-ce que vous l'exercez?

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader de l'opposition, lorsque, hier, j'ai convoqué les deux leaders à une rencontre au salon des drapeaux, c'était pour essayer de dénouer l'impasse sur la présence ou non du critique officiel de l'opposition en cette Chambre et du ministre de la Santé et des Services sociaux. C'était pour un sujet très précis, très particulier. À ce stade-ci, vous aimeriez que le gouvernement appelle un projet de loi. Maintenant, le gouvernement, lui, comme c'est le gouvernement qui est maître d'oeuvre et maître de son agenda, décide non pas de vous appuyer dans cette démarche, mais bel et bien de faire une motion pour ajourner les travaux.

Donc, à partir de ce moment-là, je ne sens pas, aujourd'hui, que mes fonctions me permettent... je ne sens pas que c'est une obligation, à ce stade-ci, de convoquer, alors que le gouvernement veut terminer les travaux. Alors, la motion a été faite par le leader adjoint du gouvernement, et, à ce stade-ci, je demande si la motion est acceptée. M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: M. le Président, est-ce qu'on peut interpréter votre décision, à ce moment-ci, comme étant la suivante: Vous ne voulez pas, à ce moment-ci, pour des raisons qui vous appartiennent, vous prévaloir des pouvoirs qui sont les vôtres, suivant le règlement de l'Assemblée nationale, et inviter les leaders parlementaires à une conférence des leaders? Si vous répondez non à cette question, M. le Président, à ce moment-là... Et vous vous devez de répondre parce que je l'ai posée, la question, positivement ou négativement, c'est votre discrétion. Lorsque cette étape...

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, je suis en mesure de répondre immédiatement, M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Vous ne voulez pas...

Le Vice-Président (M. Pinard): Vous désirez avoir une rencontre; je ne sens pas, du côté gouvernemental, l'intérêt à assister à cette rencontre. Alors, moi, en ce qui me concerne, je ne le juge pas à propos, à ce stade-ci. Alors, il y a une motion qui est déposée et nous allons en discuter ou... Est-ce que cette motion d'ajournement à vendredi, 10 heures, est acceptée?

Des voix: Adopté.

M. Paradis: M. le Président, un instant. Le règlement n'est pas suspendu, on n'est pas encore... Elle est débattable, cette motion, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Vous voulez la débattre?

M. Paradis: Oui, bien oui.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, conformément à l'article 106... Alors, sur la motion, c'est l'article 106 de notre règlement qui prévaut: «L'auteur de la motion a un temps de parole de 10 minutes, il en est de même pour le représentant de chaque groupe parlementaire d'opposition. L'auteur a droit à une réplique de cinq minutes.» Alors, M. le leader adjoint du gouvernement.


Débat sur la motion


M. Jacques Brassard

M. Brassard: M. le Président, j'ai fait une motion d'ajournement parce que le gouvernement veut ajourner ses travaux, les travaux de l'Assemblée nationale.

Des voix: Ha, ha, ha!

(22 h 10)

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, je cède maintenant la parole au député de Viau. M. le député.


M. William Cusano

M. Cusano: M. le Président, le député de Lac-Saint-Jean, leader adjoint du gouvernement, est normalement un individu, un parlementaire qui n'est pas à court de paroles. C'est un parlementaire aguerri, et la seule chose qu'il peut nous dire, à ce moment-ci, c'est qu'effectivement le gouvernement a décidé d'ajourner les travaux.

Quelques minutes auparavant, M. le Président, lorsqu'il a fait la motion, en premier lieu, il nous a dit qu'effectivement il voulait ajourner les travaux parce qu'ils sont fatigués, M. le Président, ils sont fatigués. Ils sont fatigués. Ils n'étaient pas fatigués hier soir, M. le Président, à 2 heures et quelques du matin...

Une voix: À 2 h 20.

M. Cusano: ...à 2 h 20 du matin, parce qu'il fallait, dans la nuit, M. le Président, «bulldozer», excusez-moi l'expression anglaise, M. le Président, il fallait «bulldozer»...

Mme Vermette: M. le Président, question de règlement.

Le Vice-Président (M. Pinard): Excusez-moi, madame. Écoutez...

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): Écoutez! Il y a des gens qui nous écoutent, il y a des gens dans les gradins, et j'entends quelqu'un qui a un magnifique sifflet à la Roger Whittaker. Alors, s'il vous plaît... S'il vous plaît, la parole est au député de Viau, et j'apprécierais que tout le monde l'écoute sagement. M. le député.

M. Cusano: M. le Président, je trouve ça un peu étrange que ce gouvernement passe la nuit à présenter un projet de loi où on donne des pouvoirs énormes à un ministre, un ministre qui abolit à sa façon une démocratie qui existe présentement dans le monde de la santé, M. le Président, un ministre qui se donne des pouvoirs. Oui, regardez le projet de loi, vous allez le voir à l'article 38. Peut-être que vous ne l'avez pas lu. Lisez-le et vous allez voir qu'il se donne des pouvoirs extraordinaires justement parce que, M. le ministre, vous savez, lorsqu'il y a des gens qui ne sont pas d'accord avec lui, qui ne sont pas d'accord avec lui, M. le Président, il les met de côté. Parce que ce n'est pas tout le monde qui a été un doyen d'université, M. le Président. Ce n'est pas tout le monde qui a la possibilité d'être dans une tour d'ivoire, M. le Président. Ce n'est pas tout le monde au Québec qui a le pouvoir de gérer un budget de 13 000 000 000 $, M. le Président. Alors, il n'est pas content de ça, M. le Président. Il veut encore s'assurer que, s'il y a des conseils d'administration à travers le Québec qui représentent la population, si ceux-là osent, M. le Président, si ces personnes-là osent contredire le ministre, il se donne le pouvoir de dire: Écoutez, on va déclencher des élections, demain matin vous êtes dehors. C'est ça, là, M. le Président.

Ils avaient la force, hier soir, de le faire. Ce soir, à 22 h 12, ils sont fatigués, M. le Président. Ils sont fatigués. Ils sont peut-être déjà un gouvernement usé, M. le Président. En réalité, la proposition que mon leader parlementaire a essayé de faire valoir, c'est qu'on aurait pu passer, dans le temps qu'on va prendre pour argumenter sur la motion d'ajournement, on aurait pu, justement, adopter un projet de loi qui contient trois articles, un projet de loi qui, une fois adopté et sanctionné, sauverait des vies humaines.

Moi, il faut que je vous dise, M. le Président, il y a 15 ans, je ne pensais aucunement qu'à un certain moment j'aurais été une personne à recevoir le coeur de quelqu'un d'autre. Je ne pensais pas à ça, moi, à ce moment-là, M. le Président, pas du tout. Sauf qu'il y a un individu à un certain moment qui, lui, a décidé de signer sa carte de don d'organes. Puis, lorsque j'ai été frappé par ce malheur, M. le Président, j'ai eu l'opportunité, j'ai frappé le gros lot, le gros lot parce que, vous savez, il y a plus de gagnants du 6/49 au Québec qu'il y a de receveurs de coeur, j'ai été une de ces personnes chanceuses.

Et, le projet de loi que j'ai présenté cette semaine, il n'y a pas eu d'objection de leur côté lorsque je l'ai présenté. C'est un petit projet de loi. Il a seulement trois articles, M. le Président. Seulement trois articles. Puis on aurait pu s'entendre ici pour adopter le principe du projet de loi, il y aurait eu un intervenant de chaque côté, puis, rendu à 22 h 20 – on va être rendu là quand même – on aurait, nous, comme parlementaires, fait un geste humanitaire positif envers des gens qui, aujourd'hui, au moment où on se parle, Mme la députée... Au moment où on se parle, il y a des personnes qui décèdent, parce que...

Une voix: Le Président.

M. Cusano: M. le Président, je m'adresse à vous. J'espère que le député écoute, M. le Président. C'est qu'au moment où on se parle, à cause que ce ministre de la Santé et des Services sociaux est beaucoup plus préoccupé à être un adjoint au Conseil du trésor, à ce moment-là... On aurait pu établir un projet de loi très simple, et je dois vous dire que déjà, M. le Président, sur le projet de loi, le président de la Régie de l'assurance-maladie est d'accord. Il est d'accord. Il est d'accord, M. le Président, sauf ces gens-là, ils ne sont pas d'accord. Ils ne veulent pas prendre 10 minutes pour adopter un projet de loi qui permettrait, qui faciliterait à des gens de dire: Oui, je suis un donneur, M. le Président.

Des voix: Bravo!

M. Cusano: Parce que ce ministre et le ministre des Transports, qui est ici, le ministre des Transports, lui qui s'est permis, M. le Président, d'enlever... Peut-être que c'est pour ça qu'il s'objecte, parce qu'il se sent un peu coupable, lui qui a autorisé le ministère à éliminer du permis de conduire l'indication à l'effet qu'un individu au Québec était un donneur potentiel, M. le Président. C'est peut-être ça, là, on ne veut pas en parler.

Une voix: Ça ne coûte rien, ça.

M. Cusano: Regardez bien votre permis de conduire, M. le Président, si vous avez l'ancien permis...

Une voix: Vous l'avez.

M. Cusano: Si vous avez le nouveau permis qui a été...

Une voix: Le permis Brassard.

M. Cusano: Oui, le permis du député Brassard, on a enlevé cette indication qu'un individu peut être un donneur potentiel, M. le Président.

C'est effectivement le projet de loi, prenez-en connaissance, il dit tout simplement que l'Assemblée nationale demande que le ministre de la Santé et des Services sociaux s'assure que, les deux ministres, celui responsable de la carte d'assurance-maladie et celui responsable du permis de conduire, on puisse laisser un espace où un individu peut dire: Oui, j'ai consenti qu'on prélève mes organes pour sauver des vies – sauver des vies. Il ne faut pas se retrouver dans des situations, parce qu'on est en train de revenir... On se souvient de Diane Hébert, il y a maintenant 10 ans, une transplantée qui a été obligée d'aller se faire transplanter à Toronto. J'ai déjà soulevé cette question, ici, au ministre de la Santé, parce que nous sommes dans une situation maintenant, au Québec, où non seulement il y a certaines difficultés en ce qui concerne d'identifier un donneur potentiel, mais où nous avons aussi des spécialistes qui quittent cette province pour aller ailleurs, et on se trouve dans une situation où on a des donneurs potentiels, M. le Président, mais on n'a pas de transplanteurs pour effectuer la transplantation.

Ça, M. le Président, je me permets de dire que c'est presque criminel que l'on choisisse, ici dans cette Assemblée, de dire qu'on est fatigué. Y en «a-tu» qui sont fatigués ici, là?

Des voix: Non, non, on est prêts, nous autres.

M. Cusano: Moi, je ne le suis pas, M. le Président. Je suis prêt à rester ici pour un 10 minutes, pour adopter ce projet de loi. Mes collègues sont ici...

Des voix: Oui, oui.

M. Cusano: ...ils sont prêts à prendre 10 minutes pour adopter ce projet de loi, et je vous mets au défi de demander à chacun des députés qui sont assis en face de moi s'ils sont trop fatigués, M. le Président, pour adopter un tel projet de loi. La seule personne qui semble être fatiguée, parce que, peut-être, elle est un peu gênée, c'est le leader adjoint du gouvernement.

Une voix: C'est ça.

M. Cusano: Parce que c'est lui qui est le responsable, justement, qu'au Québec, aujourd'hui, nous ayons moins de donneurs, parce que, justement, lui, il a décidé que, sur le permis de conduire, M. le Président, on enlevait l'indication de donneur potentiel. Dans un autre pays, c'est un acte presque criminel de ne pas sauver la vie des personnes qui sont en danger de mort.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, conformément à l'article 106, l'auteur de la motion a un droit de réplique de cinq minutes. Est-ce que vous désirez l'exercer, M. le leader adjoint?

M. Brassard: Simplement pour dire, M. le Président, que ce n'est pas le ministre des Transports actuel qui a fait ce que reproche le député de Viau au gouvernement, tout simplement. Motion d'ajournement.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, le temps de parole étant expiré sur cette motion, est-ce que cette motion est adoptée? M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Oui, si ce n'est pas lui le responsable, M. le Président, c'est le complice de cette chose-là en refusant 10 minutes à l'Assemblée nationale pour adopter un projet de loi qui pourrait sauver la vie des gens.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Pinard): Nous étions sur: Est-ce que cette motion du leader adjoint du gouvernement concernant l'ajournement des travaux à vendredi, le 7 juin, à 10 heures, est adoptée?

Des voix: Adopté.

M. Paradis: Sur division.

Le Vice-Président (M. Pinard): Sur division. Alors, les travaux sont maintenant ajournés à vendredi, le 7 juin, à 10 heures.

(Fin de la séance à 22 h 20)


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