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Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le mardi 11 juin 1996 - Vol. 35 N° 35

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Table des matières

Affaires courantes

Présence de parlementaires de France

Affaires du jour


Journal des débats


(Dix heures quatre minutes)

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons nous recueillir quelques instants.

Très bien, veuillez vous asseoir.

Je voudrais immédiatement aviser les membres de l'Assemblée que, vers 10 h 55 ce matin, je céderai mon fauteuil à un des deux vice-présidents pour quelques minutes, le temps de remplir mes fonctions de président qui a une rencontre avec le premier ministre de France.


Décision du président sur la caducité de la motion de suspension de certaines règles de procédure inscrite au feuilleton du 10 juin 1996

Entre-temps, je vais commencer par rendre la décision sur la question de la caducité de la motion de suspension de certaines règles de procédure qui avait été inscrite au nom du leader du gouvernement au feuilleton du 10 juin 1996.

En fait, à la séance d'hier, les leaders parlementaires de l'opposition officielle et du gouvernement ont exprimé le voeu que la présidence se prononce sur la possible caducité de la motion de suspension de certaines règles de procédure présentée le 14 mai dernier aux motions sans préavis par le leader du gouvernement et qui apparaissait à l'article 65 du feuilleton du 10 juin 1996.

Après avoir examiné la question, j'en arrive à la conclusion qu'une partie de cette motion est effectivement caduque, ce qui a pour effet de vicier la motion dans son ensemble. Pour en arriver à cette conclusion, deux voies s'ouvraient à la présidence... J'apprécierais que les députés qui ont à «caucusser» entre eux le fassent en silence pour que le président puisse rendre sa décision avec la tranquillité d'esprit qui est nécessaire.

Donc, les deux voies. La première consistait à interpréter les termes «aux affaires courantes» et «aux affaires du jour» que contient cette motion comme faisant strictement référence aux affaires courantes et aux affaires du jour de la seule séance du 14 mai. Dans cette optique, l'Assemblée n'ayant pas disposé de la motion du leader du gouvernement au moment de la levée de la séance, ladite motion aurait dû, à compter de ce moment, être considérée comme caduque, et, en vertu des articles 193 et 194, il eut été de mon devoir de ne pas l'inscrire pour la reprise du débat au feuilleton du lendemain.

Consciemment cependant, et volontairement, j'ai refusé de m'engager dans une interprétation aussi restrictive et irréversible. Aussi, en conformité avec notre pratique, notamment un précédent du 9 mars 1994, ai-je fait inscrire la motion du leader du gouvernement à la rubrique Motions du gouvernement, aux affaires du jour du feuilleton du lendemain. Ce faisant, je n'ai pas pour autant évacué la question de la caducité de cette motion, cette question pouvant être soulevée à tout moment, comme ce fut d'ailleurs le cas hier.

De fait, une lecture attentive de la motion du leader du gouvernement nous conduit à penser que, dès l'appel de cette motion aux affaires du jour de quelque séance que ce soit, la présidence aurait dû donner raison à d'éventuels arguments en faveur de la caducité de ladite motion, compte tenu du libellé d'un certain alinéa de cette dernière. En effet, on ne pouvait logiquement reprendre, et je cite, «à l'étape des affaires du jour» le débat sur une motion qui proposait entre autres que, et je cite à nouveau, «dès l'adoption de la présente motion, il soit mis fin à l'étape des motions sans préavis et procéder aux étapes subséquentes de la période des affaires courantes». Fin de la citation.

Pour ce dernier et seul motif, je déclare caduque la motion inscrite à l'article 65 du feuilleton de la séance du 10 juin dernier. C'est la raison pour laquelle elle n'a pas été réinscrite au feuilleton d'aujourd'hui. Et, comme il est dans l'ordre des choses que l'accessoire suive le principal, j'ai également retiré du feuilleton du 11 juin le préavis transmis par le leader du gouvernement et qui se lisait ainsi: «Que, conformément à l'article 195 du règlement, la motion du gouvernement apparaissant à l'article 65 du feuilleton du vendredi 7 juin 1996 soit retirée.»


Affaires courantes

Alors, nous en arrivons maintenant aux affaires courantes, aux déclarations ministérielles.

Présentation de projets de loi.

Dépôt de documents.

Dépôt de rapports de commissions.

Dépôt de pétitions.


Interventions portant sur une violation de droit ou de privilège

Interventions portant sur une violation de droit ou de privilège ou sur un fait personnel.


Publicité sur le nouveau régime d'assurance-médicaments

J'ai reçu, dans les délais requis, de M. le leader de l'opposition officielle et député de Brome-Missisquoi, une lettre faisant part de son intention de soulever une question portant sur une violation des droits et privilèges de l'Assemblée et de ses membres. Selon M. le leader de l'opposition officielle, cette violation aurait pris la forme d'un outrage commis par le ministère de la Santé et des Services sociaux le 1er juin dernier sous l'autorité du ministre en faisant paraître dans plusieurs quotidiens du Québec une publicité sur le nouveau régime d'assurance-médicaments, et ce, sans aucune mention référant au rôle de l'Assemblée nationale et de ses membres.

Compte tenu du texte qui accompagnait cette lettre du leader de l'opposition officielle et député de Brome-Missisquoi, je prends la question en délibéré, et je vais rendre ma décision très rapidement, si possible dès la séance de demain matin, afin que les choses soient claires pour tout le monde.

Je vous avise, par ailleurs, qu'après la période de questions et de réponses orales sera tenu le vote reporté sur la motion de report de M. le député de l'Acadie relativement à l'adoption du principe du projet de loi n° 33.


Questions et réponses orales

Et nous en arrivons maintenant à la période de questions et de réponses orales. Alors, je suis prêt à reconnaître une première intervention. M. le député de Robert-Baldwin, en principale.


Indexation annuelle du régime d'assurance-médicaments

M. Marsan: Merci, M. le Président. Dans le cadre du programme d'assurance-médicaments, hier, le ministre de la Santé et des Services sociaux nous a présenté un bref communiqué de presse tentant de nous faire croire que c'était là l'équivalent de ces fameux règlements promis. Ce supposé remède à tous les maux contient, encore une fois, plusieurs questions importantes laissées en suspens. Par exemple, la question de l'augmentation des coûts de son régime n'a pratiquement jamais été effleurée par le ministre, alors que l'on sait très bien que ce programme augmente d'environ 11 % par année. Par exemple, au Manitoba, en Saskatchewan, le coût de la coassurance fixé à l'origine à 20 % a augmenté à 35 %.

(10 h 10)

Ma question, M. le Président: Est-ce que le ministre de la Santé peut s'engager à inclure dans son projet de loi, rédigé trop vite, à inclure une limite, un plafond quant à l'indexation annuelle pour éviter que le coût du régime, que le coût de la franchise, que le coût de la prime n'augmentent de façon fulgurante, et ce, d'année en année?

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: Vous me permettrez, M. le Président, de prendre quelques secondes, d'abord, au nom sûrement de mes collègues, pour féliciter les deux personnes qui vont se joindre bientôt à nous en cette Chambre – on sera augmenté d'un côté et de l'autre – M. Saint-André et M. Laporte, que je félicite pour leur élection hier.

Des voix: Bravo!

M. Paradis: M. le Président.

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui, M. le Président, simplement un rappel...

Des voix: ...

Le Président: À l'ordre! À l'ordre! M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui, simplement un rappel au règlement, M. le Président. Le règlement prévoit que c'est le président de l'Assemblée nationale du Québec qui a le mandat d'introduire les nouveaux, d'annoncer l'élection des nouveaux députés. Dans les circonstances, le ministre de la Santé devrait avoir suffisamment de travail avec son impôt-médicaments; qu'il continue, M. le Président, à faire preuve de plus de diligence dans ce dossier-là.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, le leader de l'opposition est un peu à rebrousse-poil ce matin. C'est une tradition en cette Chambre de souhaiter la bienvenue à deux nouveaux membres de cette Assemblée nationale, et je ne comprends pas son intervention, M. le Président.

Le Président: Alors, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: À force d'avoir devant nous des gens qui ne voient rien de positif, c'est que c'est bon de le rappeler qu'il y a des bonnes nouvelles des fois.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Rochon: Bon. On a dit, lors du débat qui est en cours présentement sur la motion de l'adoption du principe de la loi n° 33, que nous allons proposer, dès que – j'espère que ça pourra se faire bientôt, M. le Président – on pourra aller en commission parlementaire pour l'étude article par article, que nous considérons proposer d'inscrire dans la loi même les paramètres reliés à la consommation des médicaments, c'est-à-dire la franchise, la coassurance et le plafond, de sorte que ce soit bien stable. J'ai dit aussi que nous allons proposer d'ajouter un article qui prévoira une révision de cette loi dans trois ans, de sorte que tout soit très transparent, soit très bien campé, et qu'on se donne une obligation de résultat qu'une commission parlementaire reverra dans trois ans.

En ce qui regarde la prime, c'est différent. C'est le mécanisme de financement du système, c'est ce qui devra être ajusté et indexé au besoin, selon l'évolution des coûts du système. La sécurité qu'on retrouve de ce côté-là, c'est les mécanismes de contrôle d'utilisation des médicaments, avec la révision d'utilisation des médicaments et avec la liste des médicaments qui, en plus de la qualité thérapeutique, va tenir compte du juste prix.

Alors, je suis surpris que, d'un côté, M. le Président, les critiques de l'opposition passent leur temps à dire que, quand on fait une liste de médicaments, on ne s'occupe pas du prix, le juste prix, ça n'a pas d'importance, on paie n'importe quoi pour n'importe quoi, ça n'a pas d'importance, et qu'en même temps on insiste pour qu'on ait des mécanismes de contrôle et qu'on assure tout le monde que la prime ne va pas augmenter. Nous, on dit: La prime va être indexée, mais il va y avoir des mécanismes de contrôle.

Le Président: M. le ministre. M. le député de Robert-Baldwin.

M. Marsan: M. le Président, plutôt que de laisser un chèque en blanc au ministre de la Santé, est-ce que le ministre peut s'engager à ce que l'augmentation des coûts se limite à l'augmentation de l'indice des prix à la consommation?

Le Président: M. le ministre.

M. Rochon: M. le Président, je ne pense pas que ce soit ici qu'on ait à discuter des aspects techniques pour contrôler un système comme ça. En plus, M. le Président, d'avoir les paramètres dans la loi, l'autre élément de grande transparence pour la gestion de ce système, c'est qu'il y a un fonds de l'assurance-médicaments qui est créé et que l'argent qui est prélevé par les primes, c'est l'argent qui va dans ce fonds pour assurer le financement.

Alors, ça va être très, très, très transparent, quels sont les coûts du programme. On a des mécanismes de contrôle des coûts, M. le Président. Sur une période de trois ans, compte tenu de ce qu'on a vu comme expérience et de ce qu'on a intégré comme expérience faite ailleurs, il n'y a pas de raison que l'on craigne que ce programme-là ne soit pas sous contrôle pour les trois premières années, après lesquelles il y aura une révision du système par une commission parlementaire. Ça ne peut pas, M. le Président, franchement – quand on a regardé tout ce qui s'est fait ailleurs – être mieux attaché que ça. C'est loin d'être improvisé, c'est prévu. C'est prévu pour partir puis pour aller loin longtemps.

Des voix: Bravo!

Une voix: Très bien! Magistral.

Le Président: En principale, M. le député de Jacques-Cartier.


Financement des services de garde en milieu scolaire

M. Kelley: Merci, M. le Président. La confusion règne au niveau du financement des garderies en milieu scolaire, et ce, neuf jours avant la fin de l'année scolaire. Malgré les promesses du premier ministre et de la ministre de l'Éducation de corriger les erreurs commises au moment du dépôt des crédits, les services de garde en milieu scolaire n'ont pas encore reçu la confirmation des subventions qui leur seront accordées.

J'ai aussi appris que la présidente de l'Office des services de garde à l'enfance avait émis, en date du 16 mai dernier, une lettre à remettre aux parents et aux directrices de garderie concernant les coupures qui seront appliquées. Pour des raisons qu'on ignore, les responsables des services de garde ont eu le mot d'ordre de ne pas remettre les lettres aux parents.

Compte tenu que les services de garde en milieu scolaire doivent planifier et fixer leurs tarifs avant la rentrée scolaire, à la fin du mois d'août, quand la ministre entend-elle envoyer des instructions claires et fiables aux directrices de garderie et aux parents?

Le Président: Mme la ministre de l'Éducation.

Mme Marois: M. le Président, ce ne sont pas des raisons cachées, d'aucune espèce de façon. J'ai déjà répondu à quelques reprises ici. J'ai même eu un débat un vendredi, M. le Président, sur toute cette question. Nous avons prépublié un projet de règlement. Nous avons reçu un certain nombre de commentaires, dont d'ailleurs ceux de l'opposition. Nous sommes actuellement à finaliser la formule de financement pour les services de garde en milieu scolaire de même que la garde en milieu de garderie, et nous publierons, d'ici une semaine ou deux, maximum, le nouveau règlement. Et, à ce moment-là, les directives s'en iront dans les garderies, tant la garde régulière que la garde en milieu scolaire. C'était assez normal effectivement qu'un projet de directive qui ne correspondait pas à ce qu'on allait faire soit retenu à l'Office. Cela allait de soi, M. le Président.

M. Kelley: Mais est-ce que la ministre est consciente du fait qu'en retardant la remise de cette information c'est très, très difficile pour les services de garde en milieu scolaire de fixer les tarifs et c'est très difficile pour les parents qui veulent maintenant savoir quel montant ils doivent réserver dans leur budget familial pour payer les services de garde en milieu scolaire à partir de la fin août 1996?

Le Président: Mme la ministre.

Mme Marois: Nous allons tenter d'accélérer le processus, M. le Président. Cependant, nous sommes en contact régulier avec les agences de garde, avec les services de garde en milieu scolaire, avec les garderies, et, normalement, d'ici la fin juin, toutes ces informations seront disponibles. Les parents auront donc le temps nécessaire pour planifier leur budget pour l'automne prochain, M. le Président.

Le Président: M. le député.

M. Kelley: Mais, étant donné que les enfants vont quitter nos écoles dans neuf jours, est-ce que la ministre peut prendre l'engagement que les parents seront informés avant la fin de l'année scolaire de cette année?

Le Président: Mme la ministre.

(10 h 20)

Mme Marois: Je prends l'engagement, M. le Président, d'informer tous les parents concernés, qu'il s'agisse de ceux qui utilisent des services de garde en milieu scolaire ou les autres parents, de telle sorte qu'ils sachent à quoi s'en tenir en ce qui a trait aux frais à assumer dans les services de garde, M. le Président.

Le Président: En principale, Mme la députée de Kamouraska-Témiscouata.


Consultations sur le projet de loi n° 23 sur la protection des activités agricoles

Mme Dionne: Oui. Merci, M. le Président. M. le Président, nous apprenions ce matin que le gouvernement entend procéder dès ce matin, après la période des questions, à l'étude détaillée du projet de loi n° 23 sur le droit de produire, et ce, sans entendre les groupes qui ont manifesté le désir de le faire, de faire part aux parlementaires, de leur faire part de leurs commentaires et de leurs idées. Des rumeurs sont à l'effet, M. le Président, que le ministre de l'Agriculture fasse fi de ces groupes.

M. le Président, ma question au ministre de l'Agriculture: Pourquoi refuse-t-il d'entendre l'Union des producteurs agricoles, l'Union des municipalités régionales de comté, l'union des municipalités du comté, l'Ordre des agronomes, le Barreau du Québec, l'Union québécoise pour la conservation de la nature, l'Union des citoyens du monde rural, ce nouvel organisme fondé dernièrement, et la Commission des droits de la personne avant de commencer l'étude détaillée du projet de loi? Le ministre a-t-il des choses à cacher? Est-ce qu'il a peur d'entendre les commentaires sur son projet de loi?

Le Président: M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

M. Julien: M. le Président, je remercie de sa question ma collègue, la députée de Kamouraska-Témiscouata.

D'abord, j'aimerais rappeler à l'Assemblée que l'an dernier, après plusieurs mois de travail, on est arrivés à une entente de principe entre quatre ministres, quatre ministères du gouvernement: le ministère des Ressources naturelles, l'Agriculture, les Affaires municipales et l'Environnement, ainsi que l'Union des producteurs agricoles, l'Union des municipalités régionales de comté, l'Union des municipalités du Québec. On s'est entendus sur des paramètres, qui ont été inclus dans un avant-projet de loi qui a été déposé en commission parlementaire. On a eu 28 mémoires, dont 23 ont été étudiés en août et en octobre, ce qui a amené la préparation d'un projet de loi et l'engagement d'un médiateur, Me Jules Brière, qui a été agréé par toutes les parties pour faire la médiation, pour arriver à un projet de loi qui a été déposé il y a quelques semaines à l'Assemblée nationale et dont nous allons commencer, à 11 heures, l'étude article par article.

Alors, à mon point de vue, tous les groupes concernés ont été rencontrés. D'ailleurs, ma collègue et les membres de la commission verront dans le projet de loi plusieurs commentaires qui ont été retenus, autant des deux unions que de l'Union des producteurs agricoles, que du Barreau et d'autres types d'intervenants, au niveau de l'environnement aussi. C'est un projet qui rejoint trois types d'organisation: le social, l'économique et l'environnement. On parle de projet de développement durable. C'est l'objectif de cette loi-là, et c'est ça qui va être déposé en commission parlementaire, article par article.

Le Président: Mme la députée.

Mme Dionne: M. le Président, en additionnelle. Comment se fait-il que, pour les projets majeurs déposés en cette Chambre, la tradition veut que le gouvernement ait toujours accepté de faire des commissions et des consultations particulières, comme sur le projet d'aide sociale par exemple, et que, sur l'agriculture, là où on touche le monde rural de façon particulière, où il y a des intervenants directement impliqués sur le terrain, le ministre refuse d'écouter les commentaires de ceux qui sont directement impliqués, comme les municipalités, les environnementalistes et l'Union des producteurs agricoles, M. le Président?

Le Président: M. le ministre.

M. Julien: Je pense que j'ai bien expliqué que, pour le gouvernement, c'est un projet majeur. Même pour l'adversaire, c'était un projet majeur, le 23, sauf qu'ils ne l'ont pas réglé. Alors, autant pour eux que pour nous, c'est un projet majeur. On a pris un an, un an et demi à consulter. Là, maintenant, il faut décider. C'est bien beau la consultation, à un moment donné, il faut que ça marche. Et ce qu'on fait, c'est qu'à matin, à 11 heures, on va commencer l'article par article. Il faut décider, là.

Le Président: Mme la députée.

Mme Dionne: M. le Président, comment le ministre de l'Agriculture peut-il affirmer ce qu'il vient d'affirmer quand les producteurs agricoles, eux-mêmes, ne sont pas convaincus que son projet de loi va leur donner un plus, dans le monde agricole, en respect de l'environnement?

Le Président: M. le ministre.

M. Julien: Je dois vous dire, M. le Président, que je ne sais pas d'où on tient cette information-là, mais, à ma connaissance, l'UPA supporte le projet. Il y a des questions qui seront posées, évidemment, sur la réglementation. C'est un projet qui rejoint trois groupes d'activité. Je l'ai mentionné tout à l'heure, c'est la première fois, en 18 ans, qu'on va arriver à une façon de s'entendre entre trois ministères, trois partenaires majeurs dans le développement économique régional. Alors, là, écoutez, on va arrêter de niaiser, là, depuis le temps que le monde se chicane entre le monde de l'agriculture et le monde des affaires municipales. Si c'est ça que ma collègue la déléguée veut obtenir, qu'elle continue comme ça et ça va continuer de même. Nous, ce n'est pas ça qu'on veut, on veut favoriser une cohabitation harmonieuse entre le monde agricole, le monde municipal et le monde de l'environnement. C'est pour ça qu'on va le faire à 11 heures, et on va régler ce dossier-là cette année.

Des voix: Bravo!

Le Président: En complémentaire, M. le député de Richmond.

M. Vallières: Oui, M. le Président. Est-ce que le ministre de l'Agriculture peut nous indiquer pourquoi le gouvernement actuel, qui retarde l'adoption de son projet de loi sur l'équité salariale, a suivi le même processus que celui du droit de produire, alors qu'il se refuse de consulter sur le droit de produire, au même moment où, M. le Président, le ministre sait très bien dans quelles conditions les consultations sur son avant-projet de loi ont été tenues, en plein été, où tous les intervenants qui se sont alors exprimés ont indiqué qu'ils auraient préféré avoir plus de temps pour préparer leur mémoire et ont souhaité aussi, quand le projet de loi serait présenté, se faire entendre lors des auditions de la commission parlementaire?

Le Président: M. le ministre.

M. Julien: J'ai mentionné tout à l'heure que le projet de loi a été basé sur celui qu'on a déposé à l'Assemblée nationale, en tenant compte des commentaires retenus en commission parlementaire. Et, en passant, c'est au mois d'août et au mois d'octobre. Au mois d'octobre, à ce que je sache, on n'était pas trop en été. Mais l'important, c'était quoi? L'important, c'est qu'on retienne les commentaires des différents groupes constitués de faire en sorte que le projet de loi représente le plus possible les attentes de tous les gens et rejoigne le plus possible tous les objectifs, sauf que, à quelque part, à un moment donné, il va falloir qu'on le fasse aussi, et c'est ça qu'on va faire.


Présence de parlementaires de France

Le Président: Si vous me permettez de faire une parenthèse durant cette période de questions et réponses orales, juste pour saluer les invités qui sont dans les tribunes, puisque je n'avais pas la liste complète tantôt.

Ce sont tous des parlementaires, sénateurs et députés français qui accompagnent le premier ministre de la France: d'abord, Jacques Legendre, qui est sénateur du Nord et secrétaire général de l'Assemblée internationale des parlementaires de langue française; M. Alain Griotteray, député de Val-de-Marne; M. Gérard Grignon, député de Saint-Pierre-et-Miquelon; M. Jean-Claude Mignon, député de Seine et Marne; M. Yvon Bonnot, député des Côtes-d'Armor; M. Jacques Valade, vice-président du Sénat, président du Conseil régional Aquitaine; M. Jean Delaneau, sénateur d'Indre-et-Loire; M. Victor Reux, sénateur de Saint-Pierre-et-Miquelon.

Alors, sur cette présentation, bien sûr, ce temps de parenthèse ne sera pas pris sur la période de questions et réponses orales.

Alors, M. le député de Verdun, d'abord, en principale.


Questions et réponses orales (suite)


Réévaluation de la cote de classement des finissants du collégial

M. Gautrin: Merci, M. le Président. Le 29 mai dernier, je posais la question à la ministre concernant les effets pervers du changement de la cote Z pour la cote R. Les effets pervers sont particulièrement sensibles pour les jeunes étudiants et jeunes cégépiens provenant des régions éloignées ou provenant des milieux défavorisés. D'ailleurs, la ministre reconnaissait qu'il y avait des effets pervers à l'intérieur de cette cote.

J'ai pu moi-même, M. le Président, documenter un certain nombre de cas de jeunes provenant soit du cégep de Rosemont, soit du cégep de la Gaspésie et des Îles, où, pour avoir la cote minimale pour rentrer, par exemple, dans une faculté de médecine, l'étudiant aurait dû avoir comme moyenne 107 %, c'est-à-dire plus de 100 %, en appliquant les effets de la cote R.

M. le Président, les décisions pour les admissions dans les universités sont en train d'être rendues. Alors, ma question à la ministre, qui, le 29 mai, avait dit qu'elle agirait pour essayer de corriger ces effets pervers, c'est: Qu'est-ce qu'elle a fait pour faire en sorte que ces jeunes provenant des milieux défavorisés ou en régions éloignées ne soient pas pénalisés dans leur carrière lorsqu'ils veulent entreprendre des études de médecine ou dans des programmes contingentés?

Le Président: Mme la ministre de l'Éducation.

Mme Marois: Alors, évidemment, M. le Président, il n'y a pas de système parfait. Il faut cependant choisir la façon de faire qui répond le mieux aux besoins que nous avons. Nous sommes passés d'une cote Z, qui était largement critiquée dans l'ensemble des collèges et institutions du Québec, à une nouvelle façon d'évaluer les rendements de même que la possibilité d'avoir accès à des cours universitaires. Est apparue, donc, la cote R.

Je ne vous donnerai pas les longues explications utiles à toute sa compréhension, c'est une nouvelle cote qui a ses aspects très positifs et qui a des risques, et c'est ce que j'ai répondu au député de Verdun la semaine dernière, qui présente des risques d'effets pervers. Et ce que je lui ai dit, c'est que, si on le constatait effectivement, nous allions voir avec les principaux intéressés à corriger le tout.

J'ai immédiatement, M. le Président, soumis cette question à mon ministère. Il y a, cette semaine, des rencontres avec les personnes concernées, parce que, évidemment, c'est dans les universités que de tels processus s'appliquent, en collaboration avec les cégeps. J'ai donc demandé que l'on évalue si, effectivement, cela avait ces effets pervers, de quels ordres ils étaient et s'il n'y avait pas nécessité de me proposer ou de proposer, parce que c'est eux qui le font, des corrections, de telle sorte qu'on évite ces effets négatifs, M. le Président. Alors, je crois qu'effectivement nous arriverons à les corriger, si tel était le cas, si des personnes devaient être indûment pénalisées.

M. Gautrin: M. le Président... M. le Président...

Le Président: M. le député.

M. Gautrin: ...M. le Président, est-ce que je comprends de la réponse de la ministre que les jeunes provenant des régions éloignées pour lesquels les effets pervers sont évidents, et je pourrais très facilement vous les documenter, ne seront pas pénalisés cette année dans leur demande d'admission lorsqu'ils la font...

Une voix: Ni l'an prochain.

(10 h 30)

M. Gautrin: ...ni les années subséquentes, bien sûr, dans leur demande d'admission dans les programmes contingentés universitaires, et particulièrement en médecine? Autrement dit, les corrections vont être valables pour les admissions cette année, c'est bien ce que je comprends?

Le Président: Mme la ministre.

Mme Marois: M. le Président, je n'ai pas dit ça. Ce que j'ai dit, c'est que nous évaluions actuellement avec les partenaires parce que ce sont eux qui adoptent cette cote, qui l'appliquent, qui croient avoir corrigé des effets beaucoup plus malsains qu'avait la cote Z, M. le Président. On le sait, je pense qu'on n'a pas à se faire de démonstration ici. Cependant, si on peut agir à très court terme et si les institutions peuvent le faire, bien sûr qu'on va le faire. Quelle sorte d'intérêt, M. le Président, on aurait à ne pas corriger la chose si on peut le faire rapidement? Et, si ce n'était pas le cas, nous examinerons les situations particulières qui pénaliseraient des jeunes, si ça devait être le cas, et nous agirons en conséquence.

Le Président: M. le député.

M. Gautrin: M. le Président, est-ce que la ministre pourrait déposer un rapport sur la question avant l'ajournement de la Chambre, sur cette question-là?

Le Président: Mme la ministre.

Mme Marois: M. le Président, je peux déposer évidemment un état de situation. Un rapport, c'est à voir. Je dois moi-même creuser avec mes collaborateurs et collaboratrices cette question suite aux échanges qu'il y aura eu avec nos partenaires. Alors, si c'est pertinent de le faire, je le ferai sans aucun problème, M. le Président.

Le Président: M. le député de Rivière-du-Loup, en principale.


Usines de transformation du poisson en Gaspésie

M. Dumont: Oui. Merci, M. le Président. On sait combien la situation de l'emploi en Gaspésie est précaire. À l'élection de 1994, le Parti québécois avait fait plusieurs promesses, entre autres au niveau de la transformation du poisson. Il avait d'abord promis de rouvrir l'usine de Newport; il y avait aussi un autre projet, à Tourelle, pour lequel le candidat du Parti québécois dans Matane s'était fait particulièrement proactif au cours de la campagne, et il qualifiait de mascarade ce qui avait été fait par l'ancien gouvernement comme débat juridique. Or, M. le Président, on est en juin 1996 et ces dossiers-là ne sont toujours pas réglés. Les emplois en question n'ont toujours pas été recréés.

Le ministre de l'Agriculture a passé par toutes sortes d'étapes, certaines farfelues. Il a même négocié avec une firme bidon américaine, une firme qui n'existait à peu près pas, qui n'avait pas de numéro de téléphone. Pendant ce temps-là, son gouvernement poursuivait, continuait de poursuivre devant les tribunaux des investisseurs québécois. C'est rendu, M. le Président, que les investisseurs québécois sont obligés de se faire protéger par le Protecteur du citoyen tant on est en face d'un gouvernement qui n'est pas prêt à collaborer avec le secteur privé. Pourtant, à l'intérieur du gouvernement, le député de Bourget, le député de Duplessis et d'autres ont déjà pris position dans ce dossier-là.

Ma question au ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation: Est-ce que, dans un parti dit nationaliste, il reste un espoir pour les gens de la Gaspésie ou est-ce qu'il va continuer, comme il le fait, de négocier avec des gens d'ailleurs, de poursuivre devant les tribunaux les investisseurs du Québec? Est-ce que les gens de la Gaspésie peuvent croire en son action? Est-ce qu'il est encore en contact avec un ou des investisseurs ou est-ce qu'il n'a aucun plan de travail pour respecter ses engagements?

Le Président: M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

M. Julien: M. le Président, d'abord, concernant le dossier Newport, j'avais bien expliqué ce qui s'était passé là-dedans. Il y avait trois hypothèses. Une, c'est que le gouvernement s'implique directement dans l'usine. On a décidé que non parce qu'on compétitionnait le privé puis on a calculé que ce n'était pas au gouvernement de compétitionner le privé.

Deuxième hypothèse, c'était de trouver un acheteur ou un locataire de l'entreprise, ce qu'on n'a pas réussi à faire actuellement. Et j'ai demandé à SOQUIA de continuer de faire les démarches, soit de trouver un locataire ou un acheteur ou de faire en sorte que cette usine-là devienne une espèce de condo industriel, parce que c'est une grande superficie, et de subdiviser ça pour faire en sorte de permettre à de petites PME de pouvoir pratiquer leur métier dans le domaine soit des pêches ou peut-être du bioalimentaire. C'est dans ce sens-là qu'on travaille. Et, actuellement, je peux dire au député de Rivière-du-Loup que, sur mon bureau, je n'ai aucune demande, aucun plan d'affaires. J'ai eu une rencontre encore cette semaine avec SOQUIA et, à ma connaissance, ils n'ont rien de déposé concrètement. On en parle, je sais qu'il se dit des choses, je suis au courant de ça. Mais, entre ce qui se dit puis ce qui se dépose, pour moi, il y a une différence.

Alors, j'entends mais je ne vois pas. Quand je verrai, ne vous inquiétez pas pour ça, on est là pour régler les problèmes, pour voir, comment, en termes de développement économique régional, on peut faire de quoi, puis on va le faire, mais il faut que j'aie de quoi puis je ne l'ai pas. Si vous avez quelqu'un à me soumettre, M. le Président, je suis prêt à le rencontrer, ou SOQUIA sera prête à le rencontrer, pour faire en sorte qu'on va faire tout ce qu'il faut pour relancer cette entreprise.

Le Président: M. le député.

M. Dumont: Oui, en complémentaire au ministre responsable du Développement régional: Est-ce qu'il trouve normal que des fonctionnaires d'un ministère bloquent de l'emploi en région? Lui qui a encouragé le recours judiciaire dont il est question dans le cas de l'usine dont on parle, est-ce qu'il trouve normal que, dans le développement des régions, ceux qui veulent les développer soient obligés de se faire protéger par le Protecteur du citoyen? Est-ce qu'il a l'intention lui-même de prendre ce dossier-là en main pour s'assurer qu'on rouvre l'usine de Newport?

Le Président: M. le ministre d'État des Ressources naturelles.

M. Chevrette: M. le Président, d'abord, vous me permettrez de me réjouir, M. le Président, du fait que, depuis le tout dernier mois, c'est 5 000 nouveaux emplois, au Québec, qu'on a créés et que, pour une des premières fois, on est passé en bas de la barre du 11 % de chômage au Québec. C'est le taux de chômage le plus bas depuis les cinq dernières années, M. le Président. Depuis notre arrivée en septembre 1994, c'est 89 000 nouveaux emplois, donc 32 % de tous les emplois du Canada, qui ont été créés au Québec et, depuis le début de l'année, la présente année, c'est 48 000 emplois, soit 27 % de tous les emplois canadiens, M. le Président. Donc, nous sommes à 35 000 emplois de plus que le sommet atteint avant la récession. C'est formidable. En ce qui nous concerne, je pense qu'on a beaucoup à faire mais on a fait beaucoup.

Quant au dossier très précis qui est devant les tribunaux, le député sait très bien que, quand on a recours à des tribunaux, on doit laisser aller les tribunaux et, quand on a recours au Protecteur du citoyen, ce Protecteur du citoyen fait ses recommandations, doit s'exprimer, doit acheminer des recommandations ou bien au ministère qui les prend, qui les applique, ou il les achemine devant les tribunaux et ce sont les tribunaux qui tranchent. Mais je dois vous dire que, notamment pour la Gaspésie, le député sait très bien que, dès qu'il présente au ministre du Développement des régions une demande, il le reçoit; non seulement il le reçoit, mais il organise des rencontres pour ses propres citoyens à la toute dernière minute, comme ça a été le cas, et amenez-en, je le ferai, je serai toujours de même.

Le Président: M. le député.

M. Dumont: En complémentaire, au ministre responsable de la région de la Gaspésie: Est-ce que le ministre qui a promis – on le retrouve dans les coupures de journaux – d'intervenir la semaine prochaine, dans quelques jours, dans quelques heures, dans deux semaines, à maintes et maintes reprises depuis l'automne 1994, est-ce que le ministre, qui écoute ses collègues aujourd'hui, ne trouve pas que la mascarade qui se déroulait avant le 12 septembre 1994 dans le dossier des réouvertures d'usines de pêche en Gaspésie continue?

(10 h 40)

Le Président: M. le ministre du Travail.

M. Rioux: M. le Président, quant à l'usine de Tourelle Marée en Gaspésie, c'est de cela que le député de Rivière-du-Loup parle, lorsque je suis arrivé dans ce dossier-là, ce que j'ai constaté...

Des voix: ...

M. Rioux: ...c'est que le courtier Dubreuil qui voulait un permis pour exploiter une usine à Tourelle en Gaspésie – et le député de Richmond va certainement s'en souvenir – s'est vu refuser son permis. Et je lui ai dit: Il me semble que vous avez une bonne cause. Il est allé devant le tribunal et il a gagné; il s'est vu octroyer un permis par le juge. Et les libéraux, à l'époque, sont allés en appel de la décision du juge de donner un permis à Tourelle Marée.

Alors, M. le député de Rivière-du-Loup, on va faire un peu d'histoire, si vous voulez, si l'usine de Tourelle Marée n'a jamais démarré, c'est la faute des libéraux.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le député de Rivière-du-Loup.

M. Dumont: Dernière complémentaire: Est-ce que, dans ces circonstances-là, on peut être assuré par le député de Matane et ministre responsable de la Gaspésie que l'appel va être retiré au cours des 24 prochaines heures et que le projet va pouvoir démarrer?

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le ministre du Travail.

M. Rioux: M. le Président, vous comprendrez bien que la possibilité de créer 150 emplois en Gaspésie ne pouvait pas faire autrement que d'être un événement pour nous. On souhaitait que le courtier Dubreuil obtienne son permis. J'ai toujours souhaité aussi que le dossier sorte de la filière judiciaire où les libéraux l'avait placé, mais jusqu'à maintenant on n'a pas réussi à le faire.

Le Président: Alors, M. le député des Îles-de-la-Madeleine, en complémentaire.

M. Farrah: Oui, M. le Président, au ministre des Pêcheries: Est-ce que le ministre convient que, par ses propos, alors qu'il dit qu'il n'y a aucune offre pour le dossier Newport ou qu'il dit que, lui, il n'a pas conté d'histoires, qu'il a donné l'heure juste, le député de Bonaventure et ex-ministre, lui, n'a pas donné l'heure juste à la population alors qu'il disait qu'il pouvait ouvrir l'usine? Par conséquent, M. le Président, dois-je comprendre de la réponse du ministre que le député de Bonaventure est menteur, lui?

Le Président: M. le député des Îles-de-la-Madeleine, je vous demanderais, s'il vous plaît, de retirer vos propos.

Une voix: Il suit l'exemple d'autres.

M. Farrah: Oui, M. le Président, je peux dire qu'il est comme son premier ministre qui induit la population en erreur.

Le Président: M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, allez-y.

M. Julien: Alors, M. le Président, d'abord, je veux remercier mon prédécesseur, parce que, lorsqu'il a été nommé, il a pris l'engagement de régler ce dossier-là. Bon. Il a fait un an, il a rencontré du monde, il n'a pas eu les dossiers qu'il fallait, nécessaires en termes de plan d'affaires, pour l'actualiser. Moi, ce que j'ai fait, c'est que j'ai continué ce que lui avait commencé. Donc, dans cette continuité-là...

Des voix: Bravo!

M. Julien: Alors, c'est dans cette continuité-là que je continue d'opérer en associant de façon plus étroite SOQUIA, qui est un de nos bras financiers au ministère dans ce dossier-là.

Des voix: Bravo!

Le Président: En principale, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.


Subvention accordée au Conseil régional de développement de l'île de Montréal

Mme Frulla: Merci, M. le Président. M. le Président, depuis plus d'un an, le Conseil régional de développement de l'île de Montréal, le CRDIM, le seul organisme de concertation à Montréal, demande au ministre responsable du Développement des régions de revoir les budgets de son organisme, qui reçoit 3 200 000 $ annuellement, soit le même montant que les 14 autres CRD, mais pour desservir 35 % de la population du Québec. Aujourd'hui, M. le Président, il y a urgence. Si la subvention n'est pas réajustée très prochainement, le CRDIM ne pourra répondre à son mandat, et ce, dès septembre prochain.

Au ministre responsable de la grande région de Montréal, celui qui disait, en commission parlementaire, qu'il s'occuperait de 47 % de la population, soit celle de la métropole, versus le ministre des régions qui, lui, s'occuperait de l'autre 53 %: Est-ce que le ministre peut prendre l'engagement en cette Chambre, puisqu'il ne l'a pas fait vendredi dernier en rencontrant le CRDIM, de réajuster la subvention à la hausse afin que l'organisme puisse continuer son travail sur 12 mois, et ce, en toute équité avec les autres CRD?

Le Président: M. le ministre d'État à la Métropole.

M. Ménard: J'ai demandé effectivement qu'on m'informe sur la façon dont les budgets sont distribués entre les différents CRD. Et je pense que mon collègue, actuellement responsable de cette distribution, peut mieux vous répondre que moi.

M. Chevrette: M. le Président...

Le Président: M. le ministre responsable du Développement des régions.

M. Chevrette: M. le Président, j'espère que la députée sait très bien que ces 3 000 000 $ ou quelques ont été octroyés par la réforme Picotte à chacun des CRD du Québec. Depuis lors, il y a eu des plans de développement stratégique et il y a eu des ententes-cadres. Dans les ententes-cadres, c'est précisément un contrat qui se signe avec les CRD, on doit donc respecter les contrats qu'on a signés.

Je comprends que Montréal, par rapport à sa population, n'a pas le budget requis ou pourrait avoir beaucoup plus. Mais je crois qu'il faut cesser de parler de une piastre pour une tête de pipe ou une personne, comme on dit en bon québécois. Ce n'est pas de même que ça marche, quand on sait que, sur la Basse-Côte-Nord, en Abitibi, il y a des distances énormes, il y a des projets qui coûtent très cher, puis il y a peu de population. On «veut-u» que les régions se développent le plus possible, au Québec, de façon équitable? Il faut donc un dosage de gros bon sens dans la répartition des argents et non pas penser exclusivement population, argent.

Le Président: Mme la députée.

Mme Frulla: M. le Président, nous sommes en troisième lecture, là, pour le ministère de la Métropole. Est-ce que le ministre d'État à la Métropole trouve ça normal qu'il doive demander la permission à son collègue ministre responsable du Développement des régions pour débloquer les fonds nécessaires, sachant que le seul organisme de concertation sur l'île de Montréal relève du ministre des régions et non pas du ministre responsable à la Métropole et sachant que celui-ci voudrait que le CRD ait plus de fonds?

Le Président: M. le ministre d'État à la Métropole.

M. Ménard: Alors, je pense, M. le Président, que Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys fait bien de signaler que le ministère n'est pas encore créé. Nous sommes en train de relever le défi de créer un ministère tout à fait nouveau pour lequel il n'y a aucun modèle. Actuellement, les budgets sont effectivement dans les autres ministères, et la première fonction du ministère de la Métropole sera justement d'être impliqué dès la conception et l'élaboration des politiques. Mais, évidemment, puisque nous n'existions pas avant le 29 janvier, qu'en fait nous n'existons pas encore, même, légalement, nous ne pouvions être là au moment où les politiques ont été commencées.

Mais je pense justement que c'est, je crois, une anomalie qui devrait être corrigée avec le temps, de réaliser que quand même Montréal, et certainement une partie de Montréal, porte la population la plus pauvre du Québec, la plus difficile et que, dans la conception des politiques de développement régional, elle doit recevoir une part qui tient compte de la gravité de ses problèmes, de la gravité de la pauvreté qu'on y retrouve, de l'aide qui est nécessaire, parce qu'il s'agit quand même d'une des populations les plus importantes.

Des voix: Bravo!

(10 h 50)

Le Président: En principale, M. le député de Bourassa.


Situation du chômage chez les jeunes provenant des communautés culturelles

M. Charbonneau (Bourassa): Oui, M. le Président. Devant l'ampleur du taux de chômage qui sévit chez les jeunes au Québec – quand on dit «les jeunes», les 15-24 ans – un niveau de chômage qui est quasi le double du taux général de chômage, du taux officiel, et le taux réel est encore plus élevé, devant l'ampleur toute particulière du chômage qui sévit chez les jeunes de 15-24 ans dans plusieurs communautés ethniques qui sont concentrées dans la région de Montréal, communautés chez lesquelles le taux de chômage dépasse souvent 50 % pour les 15-24 ans, est-ce que le ministre d'État à la Métropole, qui a tenu à ce que l'emploi soit inclus dans son champ de compétence, peut dire à cette Assemblée quelles mesures particulières il entend prendre ou il entend proposer pour corriger cette situation du chômage chez les jeunes, et plus particulièrement du chômage très élevé et inacceptable chez les jeunes des communautés ethniques concentrées à Montréal?

Le Président: M. le ministre d'État à la Métropole.

M. Ménard: Ce problème est assez complexe pour dire qu'il n'y a pas qu'une solution, il y en aura plusieurs. C'est drôle, vous venez, en succession, de signaler les difficultés qu'il y a à concilier le développement de Montréal avec celui des autres régions du Québec. Mais, là, vous venez de soulever la difficulté qu'il y a, et des contradictions parfois difficiles qu'il y a à l'intérieur de la métropole elle-même où les couronnes ont tellement peur que les mesures prises pour repeupler le centre, le noyau urbain de la métropole soient mauvaises pour elles.

Le problème que vous visez est nettement un problème du noyau urbain. Actuellement, je fais le tour des couronnes pour leur faire comprendre que ce phénomène du trou de beigne, qui existe aux États-Unis, lorsqu'il prend de l'ampleur au point que les gens qui restent à l'intérieur sont les gens qui n'ont pas les moyens d'en sortir, si vous mêlez ça au chômage et si, en plus, vous additionnez des problèmes ethniques comme on a vu aux États-Unis, vous avez là un bouillon dangereux de délinquance, et les gens vont partir du centre parce qu'ils ont peur. Il faut absolument que les gens des couronnes comprennent que c'est dans leur intérêt aussi de développer et de porter notre attention sur la revitalisation du centre.

C'est une des mesures qui aideront. Ce n'est pas la seule, je pourrais en exposer d'autres, notamment avec ma collègue de l'Emploi, avec les collègues de l'Éducation et d'autres ministères et, notamment, mon collègue, ici, dont nous sommes conscients... Mais vous faites bien de soulever ce problème. Je vous en remercie.

Le Président: M. le député.

M. Charbonneau (Bourassa): Le ministre d'État à la Métropole, qui est aussi membre du comité du suivi de la conférence de mars dernier, peut-il nous assurer que les groupes de travail présidés par M. Coutu pour la relance de Montréal et par M. Bérard, économie et emploi, vont apporter des réponses particulières à ces problèmes particuliers du chômage élevé chez les jeunes des communautés ethniques à Montréal?

Le Président: Mme la ministre d'État de l'Emploi et de la Solidarité.

Mme Harel: M. le Président, il faut quand même mettre en garde le député de Bourassa de laisser entendre que tous les jeunes, et particulièrement ceux de familles immigrantes, sont touchés par le chômage. Il faut aussi constater que cela dépend de la communauté d'origine. Il y a des jeunes qui appartiennent à des communautés où le taux d'emploi est plus élevé que chez les Québécois d'origine canadienne-française. Mais il y a particulièrement un problème grave de chômage chez les jeunes appartenant à des minorités visibles.

Et, M. le Président, je veux, ici, faire valoir que l'absence de formation professionnelle chez un grand nombre de ces jeunes, qui ont été, depuis les dernières années, entraînés dans le réseau protestant qui n'offre aucune formation professionnelle au secteur francophone, ne les aide définitivement pas à trouver un emploi, M. le Président, parce qu'ils ne sont pas préparés. Le taux de décrochage est très élevé et, comme c'est le réseau à croissance d'effectifs scolaires, on peut comprendre à quelle collision on se prépare si on ne résout pas rapidement la situation.

Je comprends que le dossier des commissions scolaires linguistiques, même si ça a l'air éloigné, M. le Président, a un lien direct avec le fait que dorénavant ces jeunes auront accès à des équipements, en formation professionnelle, qui leur permettront certainement de mieux se qualifier pour occuper des emplois.

Le Président: En complémentaire?

M. Benoit: En principale.

Le Président: En principale, M. le député d'Orford.


Agrandissement du Centre de tri et d'élimination des déchets de la carrière Miron

M. Benoit: Oui, M. le Président. Aujourd'hui, se tiendra une manifestation devant le Centre de tri et d'élimination des déchets, à Montréal, par des groupes de citoyens dans le Comité de survie Saint-Michel qui s'opposent à l'agrandissement du site d'enfouissement de la carrière Miron. Ces derniers temps, les citoyens demeurant aux alentours de l'ancienne carrière ont remarqué une recrudescence de bruit et ils refusent et ont une volonté profonde de s'opposer à tout agrandissement.

Est-ce que le ministre entend aller de l'avant avec la demande d'agrandissement du Centre de tri et d'élimination des déchets de la carrière Miron quand le Québec en entier procède à une enquête générique sur la gestion des déchets solides?

Le Président: M. le ministre de l'Environnement et de la Faune.

M. Cliche: Merci, M. le Président. C'est un dossier que je connais relativement bien, j'ai travaillé un an dans des études environnementales à étudier ce dossier. Je peux rassurer le critique officiel de l'opposition qu'il n'est pas question qu'on prenne position immédiatement dans ce dossier-là. Il y a eu une demande d'agrandissement de faite par l'administration municipale, de ce qu'on appelle le CTED, le Centre de tri et d'élimination des déchets, de Montréal, et il n'y a pas de décision de prise, les études environnementales ont cours. Et, si jamais il y avait une décision de prise, je veux assurer le critique officiel de l'opposition que cette décision-là ne serait certainement pas en contradiction avec les principes de notre gestion des matières résiduelles, qui, effectivement, est en audience générique à cette étape-ci.

Le Président: Alors, cette réponse met fin à la période des questions et des réponses orales.

Il n'y a pas de réponses différées.

Nous en arrivons à l'étape des votes reportés. Comme je vous l'avais indiqué au début de la séance, je vais maintenant céder le fauteuil au député de Saint-Maurice et vice-président Pinard pour la suite des affaires courantes et des affaires du jour, étant donné que je dois me rendre au salon rouge pour...

Des voix: ...

Le Président: Merci beaucoup.


Votes reportés


Motion de report de l'adoption du principe du projet de loi n° 33

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, nous en sommes à la rubrique des votes reportés. Tel qu'annoncé précédemment, nous allons maintenant procéder au vote reporté sur la motion de report de M. le député de l'Acadie proposant que la motion en discussion, portant sur l'adoption du principe du projet de loi n° 33, Loi sur l'assurance-médicaments et modifiant diverses dispositions législatives, soit amendée en remplaçant les mots «soit maintenant adopté» par les mots «soit adopté dans six mois».

Que les députés en faveur de cette motion veuillent bien se lever.

Le Secrétaire adjoint: M. Johnson (Vaudreuil), M. Paradis (Brome-Missisquoi), M. Bourbeau (Laporte), Mme Gagnon-Tremblay (Saint-François), M. Ciaccia (Mont-Royal), M. Middlemiss (Pontiac), M. Gauvin (Montmagny-L'Islet), M. Vallières (Richmond), Mme Frulla (Marguerite-Bourgeoys), M. Cusano (Viau), M. Maciocia (Viger), M. Gobé (LaFontaine), M. Lafrenière (Gatineau), M. Thérien (Bertrand), Mme Dionne (Kamouraska-Témiscouata), M. Parent (Sauvé), Mme Bélanger (Mégantic-Compton), M. Bissonnet (Jeanne-Mance), M. Brodeur (Shefford), M. Benoit (Orford), M. Williams (Nelligan), M. Gautrin (Verdun), M. Marsan (Robert-Baldwin), M. Chagnon (Westmount– Saint-Louis), M. Lefebvre (Frontenac), M. Farrah (Îles-de-la-Madeleine), Mme Delisle (Jean-Talon), M. Bordeleau (Acadie), M. Beaudet (Argenteuil), M. Poulin (Beauce-Nord), M. Chenail (Beauharnois-Huntingdon), Mme Houda-Pepin (La Pinière), M. Ouimet (Marquette), M. Charbonneau (Bourassa), M. MacMillan (Papineau), M. Copeman (Notre-Dame-de-Grâce), M. Kelley (Jacques-Cartier).

M. Dumont (Rivière-du-Loup).

(11 heures)

Le Vice-Président (M. Pinard): Que les députés contre cette motion veuillent bien se lever.

Le Secrétaire adjoint: M. Bélanger (Anjou), M. Chevrette (Joliette), Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve), M. Ménard (Laval-des-Rapides), M. Léonard (Labelle), Mme Marois (Taillon), M. Bégin (Louis-Hébert), M. Trudel (Rouyn-Noranda– Témiscamingue), M. Campeau (Crémazie), Mme Blackburn (Chicoutimi), M. Gendron (Abitibi-Ouest), M. Bertrand (Portneuf), M. Rochon (Charlesbourg), Mme Doyer (Matapédia), M. Boucher (Johnson), M. Julien (Trois-Rivières), M. Cliche (Vimont), M. Perreault (Mercier), M. Brassard (Lac-Saint-Jean), M. Jolivet (Laviolette), Mme Carrier-Perreault (Chutes-de-la-Chaudière), M. Boisclair (Gouin), M. Rioux (Matane), M. Payne (Vachon), Mme Robert (Deux-Montagnes), Mme Malavoy (Sherbrooke), Mme Caron (Terrebonne), M. Paré (Lotbinière), M. Bertrand (Charlevoix), Mme Vermette (Marie-Victorin), M. Pelletier (Abitibi-Est), Mme Leduc (Mille-Îles), M. Morin (Dubuc), M. Landry (Bonaventure), M. Paquin (Saint-Jean), M. Rivard (Limoilou), M. Baril (Arthabaska), M. Côté (La Peltrie), M. Deslières (Salaberry-Soulanges), Mme Signori (Blainville), M. Beaumier (Champlain), Mme Barbeau (Vanier), M. Lachance (Bellechasse), M. Laprise (Roberval), M. Jutras (Drummond), M. Morin (Nicolet-Yamaska), M. Létourneau (Ungava), M. Gaulin (Taschereau), M. Gagnon (Saguenay), M. Dion (Saint-Hyacinthe), Mme Charest (Rimouski), M. Brien (Rousseau), M. Désilets (Maskinongé).

Le Vice-Président (M. Pinard): Y a-t-il des abstentions? Alors, M. le secrétaire général, si vous...

Le Secrétaire: Pour:38

Contre:53

Abstentions:0

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, la motion est rejetée.

Motions sans préavis.


Avis touchant les travaux des commissions

Alors, nous en sommes rendus maintenant aux avis touchant les travaux des commissions. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, j'avise cette Assemblée qu'aujourd'hui la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation procédera à l'étude détaillée du projet de loi n° 23, Loi modifiant la Loi sur la protection du territoire agricole et d'autres dispositions législatives afin de favoriser la protection des activités agricoles, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures, à la salle 1.38 de l'édifice Pamphile-Le May, et de 15 heures à 18 heures et, si nécessaire, de 20 heures à 24 heures, à la salle du Conseil législatif;

Que la commission du budget et de l'administration procédera à l'étude détaillée du projet de loi n° 29, Loi modifiant la Loi sur le ministère du Revenu et d'autres dispositions législatives, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures, de 15 heures à 18 heures et, si nécessaire, de 20 h 30 à 24 heures, à la salle Louis-Joseph-Papineau;

Que la commission des institutions poursuivra l'étude détaillée du projet de loi n° 20, Loi modifiant la Loi sur l'aide juridique, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures et, si nécessaire, de 20 h 30 à 24 heures, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine;

Que la commission des institutions poursuivra et complétera les consultations particulières sur le projet de loi n° 130, Loi sur la justice administrative, de 15 heures à 18 heures, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine, M. le Président.


Renseignements sur les travaux de l'Assemblée

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, renseignements sur les travaux de l'Assemblée.

M. Paradis: M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Oui, M. le Président, avec le consentement...

Le Vice-Président (M. Pinard): Excusez-moi. Au nombre de députés actuellement debout, c'est très difficile pour la présidence de savoir qui elle doit reconnaître. M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Oui, M. le Président. Avec le consentement du leader du gouvernement, un simple renseignement. Le ministre de la Santé et des Services sociaux s'était engagé, à l'occasion de la période des questions de vendredi dernier, suite à une question du député de Viau qui concernait un jeune qui était en attente d'une transplantation de poumon et que le poumon s'était retrouvé à Toronto, le jeune, finalement... Ça n'avait pas fonctionné. Hier, aux nouvelles, on faisait état d'une jeune fille de la région de Baie-Comeau qui est dans la même situation. Le ministre s'était engagé à fournir à cette Chambre, et au député de Viau particulièrement, un complément de réponse. Déjà deux périodes de questions ont eu lieu depuis ce temps et nous n'avons reçu aucun avis à cet effet.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui, M. le Président. Le ministre de la Santé et des Services sociaux, effectivement, s'est engagé à répondre à cette question. Maintenant, il veut le faire d'une façon complète et détaillée. Alors, il me fait savoir, M. le Président, qu'afin d'avoir tous les éléments de réponse pertinents afin de satisfaire l'opposition et le public en général, il sera en mesure probablement demain de nous déposer un état complet de la situation, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce que ça vous convient, M. le leader de l'opposition? Merci.

M. Dumont: M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée, M. le député de Rivière-du-Loup.

M. Dumont: Merci, M. le Président. Il y a un peu plus de deux semaines, on adoptait, à l'Assemblée nationale, une motion qui donnait un mandat à la commission de l'Assemblée nationale... à une sous-commission de l'Assemblée nationale au sujet de l'étude des nominations partisanes, du processus de nomination des commis de l'État. Et je me souviens que le leader du gouvernement s'était engagé à ce que ce ne soit pas une occasion pour noyer le poisson, à ce qu'on allait procéder avec diligence là-dessus. Alors, je voudrais savoir ce qu'il y a de fait puis c'est quoi son échéancier à ce stade-ci.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, je tiens à rassurer le député de Rivière-du-Loup. Ça nous a fait plaisir de voter en faveur de la motion telle qu'amendée, et nulle n'est mon intention, M. le Président, de noyer l'intention qui a été exprimée par cette Assemblée nationale d'améliorer la situation qui était mentionnée dans cette motion.

Maintenant, je pense que le député de Rivière-du-Loup sait que, la sous-commission, pour qu'elle se réunisse, il doit y avoir avant tout, je pense, la réunion de la CAN. On a quelques problèmes présentement, au niveau des agendas parlementaires, à faire en sorte que la CAN se réunisse. Je crois que, dès que la CAN pourra se réunir, à ce moment-là, le président pourra instituer le processus, entamer le processus.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci. Y a-t-il d'autres interventions sur les renseignements? M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Oui, M. le Président. À l'occasion de l'étude du projet de loi n° 33, l'impôt-médicaments du ministre de la Santé et des Services sociaux, en conférence de presse, vers 16 heures, hier, le ministre s'est engagé à apporter des amendements au projet de loi.

Est-ce qu'on peut, à ce moment-ci, demander au leader du gouvernement ou au ministre de la Santé et des Services sociaux de communiquer aux membres de l'Assemblée nationale les amendements que le ministre a annoncés en conférence de presse?

Le Vice-Président (M. Pinard): Effectivement, je demanderais maintenant au leader du gouvernement s'il peut répondre à la question de notre leader de l'opposition.

M. Bélanger: M. le Président, relativement au projet de loi n° 116, on a eu la gentillesse de donner les amendements avant le temps prévu...

Le Vice-Président (M. Pinard): Excusez-moi. S'il vous plaît! S'il vous plaît! Y a-t-il moyen qu'on termine nos travaux? Il y a beaucoup, beaucoup de murmures et, même si vous parlez dans votre micro, M. le leader du gouvernement ainsi que le leader de l'opposition, j'ai de la difficulté à vous saisir, à vous comprendre, et nous sommes tout près. Alors, s'il vous plaît, je vous demanderais de diminuer un peu votre volume.

M. Bélanger: Oui, M. le Président. Comme je disais, au niveau du projet de loi n° 116, on avait fourni déjà les amendements avant le temps prévu, par gentillesse, et ça nous a coûté cher. Alors, ce que le ministre de la Santé et des Services sociaux me dit, c'est que les amendements seront déposés au moment où ils doivent être déposés, c'est-à-dire au moment de l'étude article par article en commission parlementaire. Et je suis certain que l'opposition collaborera afin que cette étude en commission parlementaire se déroule le plus harmonieusement et le plus rapidement possible.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Oui. Est-ce que je dois comprendre de la réponse du leader du gouvernement que les amendements sont rédigés, qu'ils sont prêts, qu'ils ont été communiqués à l'ensemble de la population par voie de conférence de presse, hier, par le ministre de la Santé et des Services sociaux et qu'on les cache aux membres de l'Assemblée nationale?

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, j'ai répondu à la question. Au temps voulu, au temps nécessaire, selon nos règles de l'Assemblée nationale, les amendements seront déposés.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci. Y a-t-il d'autres interventions? Alors, c'est ainsi que se terminent les affaires courantes.

Avant d'aborder les affaires du jour, s'il y a des députés qui doivent se rendre en commission parlementaire, je vous prierais de sortir immédiatement. M. le leader de l'opposition.

(11 h 10)

M. Paradis: Simplement une question de renseignement, M. le Président. Vous avez, hier, rendu des décisions sur le débat quant au projet de loi que le leader du gouvernement nous a avisés qu'il se propose d'appeler, le projet de loi n° 33. J'ai soumis, comme le président de l'Assemblée nationale l'a souligné ce matin, une question de droit et de privilège. Le Président nous a avisés qu'il la prenait en délibéré et qu'il comptait rendre sa décision avec célérité. Il nous a même indiqué: Demain matin, possiblement.

Toutefois, hier, vous aviez pris l'engagement, compte tenu de l'information qui vous avait été acheminée, de communiquer avec le ministre ou le ministère de la Santé et des Services sociaux de façon à – je pourrais utiliser les termes que vous avez utilisés, si vous me permettez quelques instants – les rappeler à l'ordre quant au respect de l'institution qu'est l'Assemblée nationale du Québec.

M. le Président, un problème additionnel se pose, la publicité dont vous avez pris connaissance indique, au bas de la page, un numéro de téléphone où on peut communiquer. Si vous en êtes venu à la conclusion que les droits des parlementaires étaient violés, à ce moment-là, pourriez-vous prendre, en même temps, les dispositions pour que la publicité cesse et qu'également le ministère prenne les dispositions nécessaires pour ne pas continuer de façon répétée, à chaque coup de téléphone, à violer les droits et privilèges des parlementaires de l'Assemblée nationale?

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Je tiens juste, quand même, à remettre le débat dans le contexte dans lequel ça s'est situé hier. Nulle part dans votre décision, nulle part dans vos propos vous n'avez dit que les droits des parlementaires ont été bafoués ou qu'il y a eu manquement aux privilèges des membres de l'Assemblée nationale. Donc, je pense qu'il faut remettre ça dans le contexte, M. le Président. Pour ce qui est du reste, M. le Président, je vous laisse répondre à la question qui vous a été adressée.

M. Paradis: M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Strictement pour ne pas qu'il y ait de confusion quant aux propos que vous avez prononcés, je les cite au texte, je les ai sous la main. M. le Président, c'est vous qui parlez à ce moment-là. Vous dites: «Il y aura communication entre la présidence et le ministère qui a outrepassé le pouvoir législatif.»

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, nous nous proposons, aujourd'hui ou demain, de rédiger effectivement une lettre dans le sens que nous avons discuté hier soir, pour aviser effectivement le ministère que, tant et aussi longtemps que le législatif n'a pas sanctionné un projet de loi, à ce moment-là, il y a certaines précautions qui doivent obligatoirement se prendre, je crois. Et, malheureusement, il y a eu un impair qui a été commis. La dernière fois que ça s'était fait, il y a déjà six ans, M. Saintonge avait, lui également, fait des remontrances au ministère.

Donc, je me propose effectivement d'écrire, pour la présidence ou le président lui-même, mais la présidence verra à communiquer une directive très claire où l'institution sera mise en relief. Je crois que, dans notre système actuel, on ne peut présumer de l'adoption d'un projet de loi tant qu'un projet de loi n'a pas franchi les trois étapes. Alors, si ça vous convient...

M. Lefebvre: Sur le même sujet, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader adjoint de l'opposition.

M. Lefebvre: M. le Président, vous indiquez que vous allez faire ce que vous nous aviez mentionné hier sur le banc, à savoir écrire au ministère de la Santé. Il m'apparaîtrait sage – et je vous demande de me répondre, à toutes fins pratiques, sur une question de directive où il y a un peu plus peut-être – que votre lettre soit soumise à l'opposition officielle et au gouvernement, de sorte qu'on puisse s'assurer qu'elle va dans le sens de votre propre décision, puis qu'elle rencontre, M. le Président, de façon globale et générale, l'approbation, particulièrement de nous, de notre côté ici, parce que c'est nous qui avons plaidé. Vous avez reconnu sur l'essentiel que nous avions raison. On ne s'entend peut-être pas sur la procédure à suivre après que vous avez reconnu qu'on avait raison sur le fond. Alors, dans ce sens-là, M. le Président, j'apprécierais, moi, que vous nous soumettiez la lettre que vous avez l'intention d'adresser au ministère, de sorte qu'il n'y ait pas de contorsion entre votre lettre et la décision que vous avez déjà rendue sur le banc. Puis je vous dis ça avec tout le respect, évidemment, qu'on doit à la présidence.

Le Vice-Président (M. Pinard): J'écoute avec attention vos propos, M. le leader adjoint, toutefois, je crois qu'il est très sage, à ce stade-ci, de vous rappeler que la présidence ainsi que les deux vice-présidents ont été élus par l'ensemble des parlementaires. Et, si nous avons été élus par l'ensemble des parlementaires, c'est parce que vous croyez que, nous trois, nous sommes en mesure de conserver à cette institution ses lettres de noblesse ainsi que son pouvoir. Et, surtout, vous nous avez élus également parce que vous savez très bien que nous allons défendre les intérêts de l'Assemblée nationale, nous allons également essayer de maintenir et de rehausser le plus possible le prestige de cette Assemblée. Et soyez certains, soyez sûrs que la lettre que nous allons préparer sera préparée dans le même esprit que nous avions, hier, lorsque nous avons prononcé notre décision.


Affaires du jour

Si cela vous convient de part et d'autre, nous allons aborder maintenant les affaires du jour.

Alors, aux affaires du jour, l'Assemblée reprend le débat sur l'adoption du principe du projet de loi n° 33, Loi sur l'assurance-médicaments et modifiant diverses dispositions législatives. M. le député de l'Acadie avait terminé, hier, son intervention en déposant une motion de report. Alors, y a-t-il d'autres interventions?

M. Paradis: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: ...simplement, comme, hier, la séance s'est terminée sur un ajustement procédural...

Le Vice-Président (M. Pinard): Oui.

M. Paradis: ...est-ce qu'aujourd'hui il ne serait pas normal que l'on procède par un appel de l'article de la part du leader du gouvernement?

Le Vice-Président (M. Pinard): Je pense que nous bénéficions ce matin de l'expérience du leader de l'opposition. Je vous remercie. Alors, M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, j'attendais que vous me reconnaissiez, là. J'attendais impatiemment un geste de votre part. Alors, M. le Président, je vous demanderais de prendre en considération l'article 6 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 33


Reprise du débat sur l'adoption du principe

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci. Alors, je me répète. À l'article 6, l'Assemblée reprend le débat sur l'adoption du principe du projet de loi n° 33, Loi sur l'assurance-médicaments et modifiant diverses dispositions législatives.

Comme je l'ai mentionné tout à l'heure, le dernier intervenant ce matin était M. le député de l'Acadie, qui avait déposé également, à la fin de son intervention, une motion de report. Alors, y a-t-il maintenant d'autres intervenants sur l'adoption du principe du projet de loi n° 33? M. le député de Laporte.


M. André Bourbeau

M. Bourbeau: Merci, M. le Président. Nous poursuivons le débat sur le projet de loi n° 33 qui vise, selon les voeux du ministre de la Santé, à faire adopter une loi qui a pour titre «Loi sur l'assurance-médicaments et modifiant diverses dispositions législatives».

Quand je regarde ce projet de loi là, M. le Président, et également la hâte que manifeste le ministre à le faire adopter, j'ai plutôt l'impression qu'on devrait modifier le titre de ce projet de loi. Ça devrait plutôt s'appeler, M. le Président – et j'ai une suggestion à faire au ministre – «loi visant à récupérer au plus tôt 200 000 000 $ à 300 000 000 $ provenant essentiellement des personnes âgées du Québec». Ça m'apparaît que ça décrirait beaucoup mieux le projet de loi, un titre comme celui-là, que celui que nous avons devant nous.

Mais, malheureusement, il semble que... Enfin, je ne sais pas, si je faisais cette proposition-là, un amendement semblable, s'il serait adopté ou non. Il faudrait peut-être le faire un peu plus tard. Mais c'est vraiment, quand on regarde le projet de loi, M. le Président, l'objectif qui est recherché par le gouvernement, c'est-à-dire récupérer, à partir de ceux qui présentement ne paient pas pour leurs médicaments, des sommes d'argent pour le trésor public.

(11 h 20)

En gros, là, l'opération qu'on a devant nous est relativement claire. Il s'agit d'aller chercher dans la poche des personnes âgées essentiellement et un peu aussi des assistés sociaux une somme d'argent qui va varier de 200 000 000 $ à 300 000 000 $, pour permettre au gouvernement de récupérer cette somme-là et de diminuer son déficit. C'est ça, l'objectif recherché.

À partir du moment où on comprend ça, que cette opération-là vise à aller chercher de l'argent dans la poche de ceux qui, présentement, ne paient pas ou ne paient pas beaucoup d'argent pour leurs médicaments, on comprend la hâte – que dis-je, la hâte, M. le Président, c'est beaucoup plus que de la hâte, c'est de l'improvisation, c'est de la précipitation du gouvernement – à déposer un projet de loi qui a été manifestement mal ficelé, mal préparé; tellement mal préparé, d'ailleurs, que le ministre, hier, a été obligé, en catastrophe, d'annoncer qu'il va déposer des amendements pour corriger les nombreuses erreurs de son projet de loi. Ça sent, M. le Président, l'improvisation à plein nez.

Je vous dirais que, moi, personnellement, je suis assez mal à l'aise avec ça; mal à l'aise parce que c'est un phénomène qu'on voit présentement dans un grand nombre de projets de loi de ce gouvernement-là: dépose des projets de loi en catastrophe qui ont été mal étudiés, mal préparés, puis, devant le tollé que suscite dans la population le dépôt de ces projets de loi là, le gouvernement, en catastrophe, décide d'amender ses projets de loi. Pas seulement celui-ci, d'autres, M. le Président.

Je peux vous nommer la loi n° 36, par exemple, où le ministre des Finances est arrivé avec non pas les amendements, mais un document de 8,5 po X 14 po de cinq pages décrivant les amendements qu'il va un jour – un jour – nous déposer. Et, par-dessus le marché, il nous demande de procéder à l'étude du projet de loi alors que les amendements ne sont même pas là. Évidemment, le ministre des Finances a compris qu'on ne peut pas ainsi bousculer l'opposition et le public en général, qu'on ne peut pas littéralement demander à des gens d'étudier un projet de loi qui n'existe pratiquement plus parce qu'on veut l'amender, mais on n'a pas dit comment. Enfin, on n'a pas déposé les amendements.

Alors, c'est un peu la même chose ici. On a un ministre qui nous dit: On va faire adopter le principe d'un projet de loi, le projet de loi n° 33, qu'on a devant nous, ici, projet de loi assez important, M. le Président, puisqu'il contient un grand nombre d'articles. Un grand nombre d'articles, on voit ça, c'est assez important, comme projet de loi: 110 articles, 109 articles et 43 pages de textes légaux. Et on commence à étudier ce projet de loi là. Tout à coup, le ministre nous dit: Arrêtez, arrêtez tout ça, là, je vais modifier le projet de loi. Bon, alors, c'est ce qu'il nous disait hier: Je vais le modifier d'une façon importante.

Mais on n'a pas les amendements, M. le Président. Alors, moi, qu'est-ce que je dois dire aujourd'hui? Est-ce que je suis pour ou je suis contre? Je ne le sais pas, M. le Président, je n'ai pas les amendements devant moi. Est-ce que le ministre va corriger toutes les objections que nous avions? Il va faire en sorte de satisfaire aux désirs de l'opposition, enfin, aux désirs de la population? On a des intentions. Le ministre nous dit ce qu'il veut faire, mais on n'a pas les textes. On n'a pas les textes juridiques.

Alors, il est bien difficile, dans ce cas-là, de procéder à l'étude d'un projet de loi. Et je comprends la motion de report qui a été proposée par l'opposition la nuit dernière pour dire au gouvernement: Écoutez, là, prenez votre temps; déposez les amendements, on va les étudier, puis, après ça, on vous dira si on est maintenant d'accord avec le projet de loi. Bien non, on n'a pas encore vu les amendements, n'est-ce pas? On ne les a pas vus. Les amendements sont encore en train d'être préparés, et, nous, on est ici en train de dire qu'on devrait... Le gouvernement veut qu'on lui dise qu'on adopte le principe de ce projet de loi là.

M. le Président, il arrive parfois qu'on pourrait être d'accord avec le principe d'un projet de loi, mais la nature du projet de loi, sa composition peut faire en sorte que même le principe peut être changé. Moi, je n'ai rien, en principe, contre. Et, d'ailleurs, le Parti libéral du Québec a demandé au gouvernement de préparer un projet de loi qui ferait en sorte de fournir une assurance-médicaments surtout pour ceux qui sont les plus démunis et qui n'en ont pas. Le principe, on est d'accord, sauf que, quand le gouvernement nous dit qu'il va modifier son projet de loi – d'abord, le premier projet de loi était inacceptable, celui qu'on nous demande de voter, effectivement, sur lequel on discoure présentement – les modifications proposées, on ne les a pas vues. Alors, assez difficile, M. le Président, de se prononcer.

Alors, la conclusion qu'on tire de tout ça, c'est qu'on a un gouvernement qui agit, M. le Président, dans l'improvisation, un gouvernement qui rédige des documents sur le bout de la table et qui demande à la population de le croire, qui change d'idée au fur et à mesure que la situation évolue, au fur et à mesure des pressions populaires et puis qui veut nous faire croire que ce projet de loi là est sérieux, bien fignolé, puis qu'il va atterrir correctement. Alors, c'est bien difficile, M. le Président, de croire que nous avons un gouvernement qui gère bien les fonds publics quand on voit ce genre de comportement.

C'est un projet de loi, en plus, qui vient ajouter encore aux impôts et aux taxes qu'ont à payer les citoyens. On avait un gouvernement du Parti québécois qui nous a affirmé, M. le Président, par la voix de son premier ministre, qu'il n'y aurait aucune augmentation d'impôt, aucune augmentation de taxe dans le budget du gouvernement du Québec.

Or, on se rend compte, M. le Président, que, dans le budget du gouvernement du Québec, il y a eu une augmentation – enfin, autour du budget – des tarifs d'électricité. Est-ce que c'est une augmentation d'impôt, une augmentation de tarif? Bien, moi, je pense que oui, parce que, dans le même budget, on voit que les revenus d'Hydro-Québec, les revenus que le gouvernement va piger dans Hydro-Québec augmentent d'environ 200 000 000 $. Hausse des tarifs: le gouvernement encaisse 200 000 000 $ de plus. On voit bien que c'est la hausse des tarifs qui fait encaisser l'argent au gouvernement. Donc, c'est un impôt déguisé.

Les commissions scolaires, M. le Président, on leur coupe des sommes importantes et elles devront taxer davantage. Donc, on vient chercher dans la poche des contribuables québécois des sommes d'argent additionnelles par le biais des commissions scolaires.

Même chose pour les municipalités. Le gouvernement a coupé des sommes d'argent importantes aux municipalités en disant aux municipalités: Bien, si vous n'êtes pas contentes, allez donc taxer vos citoyens; vos citoyens vont vous payer des taxes additionnelles. Donc, ce sont des hausses de taxes indirectes que le gouvernement impose aux citoyens du Québec, après avoir dit qu'il n'y aurait aucune augmentation d'impôt et de taxe.

M. le Président, est-ce que je pourrais vous rappeler également l'attaque en règle du gouvernement contre les personnes âgées dans le budget du Québec? Pas une petite attaque, là, on les attaquait sur trois fronts, à toutes fins pratiques. Les crédits d'impôt pour les personnes vivant seules. On sait qu'un grand nombre de personnes âgées vivent seules, elles avaient droit à un crédit d'impôt, on va l'éliminer progressivement à partir de 26 000 $ de revenus. Même chose pour le crédit d'impôt pour raison d'âge. Vous, M. le Président, vous êtes jeune, il n'y a pas de problème, vous n'avez pas ces problèmes-là, mais les gens qui arrivent à 65 ans et qui, de ce fait, avaient droit à un crédit d'impôt, on va leur enlever à partir d'un certain niveau de revenus. Même chose pour les crédits d'impôt en raison des revenus de retraite. Le gouvernement s'attaque encore là aux personnes âgées.

Donc – et on l'a vu par la déclaration de certains ministres – le gouvernement estime que les personnes âgées sont devenues trop riches. Ce serait, semble-t-il, une classe de la population qui se serait enrichie, au cours des dernières années, plus que d'autres. Donc, il ne faut pas que ces gens-là s'enrichissent trop. Alors, on décide, M. le Président, parce que – nous dit le gouvernement – les personnes âgées se sont enrichies, d'aller les pénaliser davantage. Bon.

C'était déjà assez important, l'attaque contre les personnes âgées dans le budget du gouvernement du Québec; budget du mois de mai. Or, voici que le gouvernement du Québec en rajoute. C'est presque, comme on dit dans le langage commun, ajouter l'injure à l'outrage. Aujourd'hui, on arrive avec un projet de loi qui est un impôt sur les médicaments, littéralement un impôt sur les médicaments. Là, la promesse du premier ministre, elle vient d'être brisée d'une façon importante. Et ce n'est pas moi qui le dit, c'est le ministre de la Santé qui le dit lui-même. On ne peut pas avoir de meilleur témoignage qu'un ministre du gouvernement, un ministre supposément important.

Dans le communiqué de presse qui a été émis hier par le ministre de la Santé et des Services sociaux – on parle d'un communiqué qui a été émis en date d'hier, alors c'est assez récent – on nous annonce, M. le Président, que la prime que devront payer dorénavant les personnes âgées, en particulier – en fait, tous les assurés, là – va être perçue avec le rapport d'impôts. Ah! c'est donc dire que, l'an prochain, quand on fera notre rapport d'impôts, on devra payer, dans le rapport d'impôts, 175 $ par personne, en fait, pour ceux qui gagnent plus que 15 000 $ par année, donc dans le rapport d'impôts.

Mais là on va aller dans les taxes, là, quand on parle de rapport d'impôts, on n'est plus dans des tarifs. Ceux qui disent que les tarifs, ce n'est pas des taxes, je ne comprends pas pourquoi ils disent ça, mais, enfin, il y en a qui disent ça. Mais là c'est dans le rapport d'impôts, alors on ne peut plus prétendre que ce n'est pas une hausse d'impôt. Si une hausse d'impôt, M. le Président, ce n'est pas dans le rapport d'impôts qu'on la trouve, où est-ce qu'on la trouve? Ce n'est pas ailleurs.

(11 h 30)

Donc, dans le rapport d'impôts, l'an prochain, on devra payer un impôt additionnel de 175 $ par personne pour les médicaments. Alors, voilà que le gouvernement du Québec vient, M. le Président, de contrecarrer sa promesse, de renier la promesse du premier ministre du Québec – pas de n'importe qui – qui a dit: Aucune augmentation d'impôts et de taxes. J'ai nommé tantôt les augmentations de tarifs d'Hydro-Québec, j'ai nommé les augmentations, dans le budget, à l'égard des personnes âgées, en retirant les crédits d'impôt pour les personnes âgées. Là, voilà, M. le Président, qu'on nous annonce, dans le rapport d'impôts des Québécois et des Québécoises, un impôt pour les médicaments.

Alors, ça veut dire quoi? M. le Président, prenons, par exemple, une personne âgée qui paie 500 $ par année de médicaments. Ce n'est pas inédit. Souvent, les personnes âgées sont tenues de consommer des médicaments peut-être plus que d'autres. Regardons ce que ça va coûter à cette personne âgée là, M. le Président. Elle dépense 500 $ par année de médicaments. Alors, elle va devoir payer la prime, 175 $. Ça, ça va être dans son rapport d'impôts, 175 $ pour la prime. Après ça, la franchise de 100 $. Le premier 100 $, elle le paie en totalité, 100 $. Donc, ça fait 275 $, hein: 175 $ pour la prime, 100 $ pour la franchise, 275 $. Après ça, elle va devoir payer 25 % de ses médicaments. Alors, comme il y a un plafond, M. le Président, on a établi un plafond pour les personnes âgées, alors, si elle consomme 500 $ de médicaments et puis qu'elle paie ses premiers 100 $ elle-même totalement, il lui en reste 400 $ à consommer. Elle va payer 25 % de ça. Donc, 25 % de 400 $, elle va payer un autre 100 $. Alors, si on additionne ce 100 $ là plus la franchise, plus la prime, elle va payer en tout 375 $ sur ses 500 $. C'est donc dire que cette personne-là va payer 75 % du coût de ses médicaments. Alors, je le dis aux personnes âgées qui consomment 500 $ par année de médicaments, les personnes âgées de 65 ans et plus: L'an prochain, vous allez défrayer 75 % du coût de vos médicaments.

Prenons, M. le Président, une personne qui dépense 400 $ par année de médicaments. Faisons le calcul, ce n'est pas compliqué. La prime de 175 $, la franchise de 100 $ et, après ça, elle paie 25 % de ses médicaments. Dans son cas, ça va être 75 $. Cette personne-là, qui paie 400 $ ou qui achète pour 400 $ de médicaments, elle va défrayer 87,5 % de ses médicaments, elle va défrayer 350 $ personnellement sur les 400 $. C'est donc dire que l'assurance-médicaments, pour elle, ce n'est rien. Ça va simplement lui avoir sauvé 50 $. Alors, M. le Président, aujourd'hui, ça lui coûte 2 $ par prescription. Elle va dorénavant devoir défrayer 87 % de ses médicaments, c'est-à-dire 350 $ sur 400 $.

M. le Président, on pourrait continuer comme ça, des exemples, à l'infini. Et je voudrais simplement dire ceci: On peut, M. le Président, argumenter que peut-être qu'à 2 $, les médicaments, ce n'était peut-être pas suffisant. Peut-être que certaines personnes trouvent que, pour les personnes âgées qui ont un certain niveau de revenu, ça aurait pu être plus que 2 $. Mais entre 2 $ par médicament puis défrayer les trois quarts ou 87 % du coût de ses médicaments, il y a une marge énorme. C'est ça qui est un peu scandaleux dans ce projet de loi là, c'est que le gouvernement aurait pu demander un effort additionnel à tout le monde. Les personnes âgées, c'est déjà fait. Il aurait pu demander à d'autres aussi, dans la population, un effort additionnel. Non. M. le Président, c'est comme si le gouvernement avait une fixation. On s'attaque à ce groupe-là, les personnes âgées, je ne dirai pas presque exclusivement, mais en grande partie, et on leur demande de payer des sommes d'argent beaucoup plus importantes qu'on demande aux autres, proportionnellement, j'entends. Et c'est ça qui est difficile à expliquer. Pourquoi le gouvernement s'acharne-t-il sur un groupe?

Je disais récemment, dans une allocution, M. le Président, qu'il existe au Québec présentement environ 170... ce qu'on appelle les abris fiscaux, des mesures qui permettent à certains citoyens, certains groupes de citoyens de diminuer l'impôt. Ça va de mesures aussi connues que les régimes d'épargne-retraite, le Fonds de solidarité, par exemple; on connaît ces crédits d'impôt. Il y a les crédits d'impôt pour garde d'enfants, crédits d'impôt, M. le Président, on en parlait, pour retraités, pour personnes qui ont 65 ans et plus. Il y en a 170. Tout à coup, on a choisi là-dedans. Qui? On en a choisi un, les personnes âgées.

Je vous donne un exemple, M. le Président. Les gens qui sont sur la CSST, qui est la Commission de la santé et de la sécurité du travail, qui ont eu un accident de travail, retirent 90 % de leur salaire net lorsqu'ils sont sur l'assurance, la CSST; 90 % de leur salaire net, non taxable, c'est quand même intéressant. Même que certains disent que ça les incite à rester le plus longtemps possible sur la CSST. On regarde les gens qui ont l'assurance-chômage, eux, ils retirent à peu près 50 %, maintenant 57 %, et c'est taxable. Donc, c'est pas mal moins intéressant être à l'assurance-chômage qu'à la CSST. Or, ça, cet abri fiscal là – c'est un abri fiscal, M. le Président, la CSST – ça vaut 140 000 000 $. Le gouvernement perd 140 000 000 $ parce que les prestations de la CSST ne sont pas taxables. Autrement dit, c'est libre d'impôt. On peut se poser la question: Pourquoi, ça, c'est libre d'impôt et pourquoi, dans le cas des personnes âgées, on les taxe à outrance? La question est posée, M. le Président, et je pense que le gouvernement aurait intérêt à regarder ça attentivement.

M. le Président, je sais que le temps passe, vous me faites gentiment signe, d'ailleurs. Je voudrais simplement dire, également, que les plafonds... Le gouvernement a mis des plafonds, bien sûr. Autrement dit, quand on aura dépensé une certaine somme d'argent, au régime dont je parlais tantôt, au rythme dont je parlais tantôt, à partir d'un certain montant, les gens n'auront plus à payer les médicaments. Le plafond est de 750 $ par année. Donc, rassurez-vous, tous ceux qui dépensez plus que 750 $ par année, en haut de 750 $ par année, ça sera gratuit; sauf que vous aurez payé une bonne somme d'argent avant d'arriver là.

Mais ces plafonds-là, M. le Président, l'expérience prouve, comme le disait mon collègue le député de Robert-Baldwin, que les coûts des médicaments ont augmenté tellement rapidement dans les autres provinces que, rapidement, tout ça a été indexé et à des taux qui ont largement dépassé l'inflation. Le gouvernement devrait donc nous donner des garanties que les plafonds ne seront pas indexés à 10 %, 15 % par année, comme les coûts des médicaments qui augmentent par année, qu'également la prime ne sera pas indexée à chaque année, de sorte qu'on pourrait commencer aujourd'hui avec un régime et, dans deux, trois ans, se retrouver avec un régime qui aura augmenté d'une façon colossale. Je pense que le ministre doit nous donner ces garanties-là.

M. le Président, il y a des questions qui se posent aussi. Je lisais le projet de loi et je voyais, par exemple... Dans le communiqué d'hier, le ministre nous disait que la prime va être exemptée de la TVQ et de la TPS. On sait que la TVQ est de 6,5 % et la TPS est de 7 %. Or, on sait que, sur les médicaments, il y a une taxe de 9 %. Alors, là, on ne sait pas trop à quoi s'en tenir. Est-ce que, quand il dit que la prime va être exemptée de la TVQ, il parle du 9 % de taxe sur les médicaments? Parce que la TVQ, comme telle, ne s'applique pas sur les médicaments, donc c'est facile de l'exempter; elle ne s'applique pas déjà, alors, ce n'est pas un problème. Mais si c'est la taxe de 9 %, là, on aimerait bien savoir si elle va s'appliquer ou non. C'est une question à laquelle devra répondre le ministre, parce que, de ce côté-ci, ce n'est pas très clair.

M. le Président, je sais que mon temps est expiré. Je termine en disant que, d'une façon générale, même si le principe d'un programme d'assurance-médicaments pouvait être acceptable, ce projet-là est déposé dans une telle précipitation, une telle hâte qu'il est impossible pour quelqu'un de bonne foi de donner son aval à ce projet de loi dans l'état où il est présentement. Et je souscrirais, quant à moi, M. le Président, à la demande de ceux qui demandent au gouvernement de reporter ce projet de loi là pour permettre de faire une étude sérieuse d'un projet aussi important. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Laporte. Je cède maintenant la parole au député de Montmagny-L'Islet. M. le député.


M. Réal Gauvin

M. Gauvin: Merci, M. le Président. D'entrée de jeu, j'aimerais vous rappeler, M. le Président, que le projet de loi n° 33 sur l'assurance-médicaments et modifiant diverses dispositions législatives n'est ni plus ni moins qu'une taxe déguisée, comme plusieurs de mes collègues, avec documents à l'appui et déclarations à l'appui, l'ont démontré dans cette Chambre et comme vient de le faire il y a quelques minutes notre collègue de Laporte.

(11 h 40)

M. le Président, les Québécois et les Québécoises doivent savoir que le gouvernement péquiste cherche par tous les moyens à leur imposer de nouvelles taxes pour réduire son déficit. Le ministre de la Santé utilise le faux prétexte d'améliorer des services aux citoyens pour assainir les finances publiques. Il est en train de concocter une recette pour réaliser des économies sur le dos des contribuables, sur le dos des malades, des personnes âgées et des travailleurs à faibles revenus. Le ministre de la Santé est en train d'oublier qu'il doit servir les intérêts de la population avant ceux du président du Conseil du trésor, et la population, ce qu'elle nous dit, c'est qu'assez, c'est assez. On peut bien vouloir faire le ménage, couper dans le gras, mais, de là à vouloir faire des économies sur le dos des malades, il y a tout un monde.

Le gouvernement du Parti québécois avait pourtant promis de ne pas hausser les taxes et les impôts des contribuables, et ça, à plusieurs reprises. Des déclarations, on pourrait en citer, celles du premier ministre comme celles de la plupart des ministres, d'une part, concernés et celles des députés dans chacune des régions. Dans les faits, il utilise toutes les tactiques – et là je parle du ministre de la Santé et des affaires sociales, ici – toutes les astuces imaginables pour aller chercher des nouveaux revenus dans les poches des contribuables. C'est une façon sournoise de faire indirectement ce qu'on ne peut plus faire directement ou ce qu'on ne voulait pas faire directement. Le ministre responsable d'Hydro-Québec l'a fait en augmentant les tarifs d'Hydro-Québec; le ministre de l'Environnement et de la Faune l'a fait en imposant des tarifs de 2 $ à l'entrée des parcs, et on s'en rappelle, c'est tout récent; le ministre des Transports s'apprête, pour sa part, à rétablir le péage sur les autoroutes; et le ministre de la Santé et des Services sociaux en remet avec son fameux régime sur l'assurance-médicaments. M. le Président, le projet de loi n° 33 met la santé au service du trésor québécois, et c'est lamentable. Pire encore, qui seront les plus pénalisés? Ce sont les personnes âgées et les familles à faibles revenus.

En quelques mots, je vais vous faire un état de compte de l'assurance-médicaments pour les contribuables. D'abord, selon les chiffres du ministre, les citoyens qui n'ont pas de régime privé, et qu'ils le veuillent ou non, devront payer une prime individuelle de 175 $ ou une prime familiale de 350 $. Ils auront également une franchise obligatoire de 100 $ et, sans tout reprendre les chiffres que notre collègue de Laporte nous a présentés tantôt de façon assez détaillée, ensuite, après avoir payé le 100 $ de franchise, ils paieront 25 % du coût des médicaments jusqu'à avoir atteint un plafond qui est imposé pour chacun des groupes. Ce plafond est de 200 $ pour les personnes de 65 ans et plus bénéficiant du maximum du supplément du revenu garanti et pour les prestataires de la sécurité du revenu. Pour les personnes âgées qui ont un supplément de revenu garanti, le plafond sera de 500 $ et, pour toutes les autres, le plafond sera de 750 $. Donc, M. le Président, vous voyez qu'à peu près tous les groupes de la population québécoise seront touchés par ces frais et ces augmentations.

Encore là, même s'ils sont énormes, ces chiffres sont plutôt conservateurs, et le ministre de la Santé pourrait nous réserver d'autres mauvaises surprises. Rien n'est clair dans ce projet de loi, M. le Président. Lorsque je rencontre les citoyens de mon comté, je me rends compte que tout le monde parle de l'assurance-médicaments. Tout le monde veut savoir combien d'argent le gouvernement va aller chercher dans les poches des contribuables avec ce projet. C'est difficile à dire, parce que le ministre de la Santé improvise au fil des critiques, lorsqu'il sent la soupe plus chaude, soit suite à une commission parlementaire, à recevoir des groupes en audition, soit de la pression de différents autres groupes, ne seraient-ce que les déclarations des assureurs privés récemment.

Le ministre a fait un virage hier et rien ne nous dit qu'il ne prépare pas d'autres virages, M. le Président. Pour quelqu'un qui ne suit pas les travaux parlementaires à chaque jour, ça devient difficile à suivre et ce n'est pas rassurant pour la population en général.

Le projet de loi n° 33 n'est pas équitable. Un travailleur dont le revenu annuel est de 14 800 $ n'a aucune exemption; c'est-à-dire qu'il doit payer 275 $ plus 25 % des coûts des médicaments jusqu'à concurrence de 750 $ par année. Croyez-le ou non, les personnes qui gagnent 150 000 $ par année ont droit au même traitement pour la même consommation de médicaments. Donc, c'est à partir d'un exemple comme celui-là qu'on peut se permettre, documents et tableaux à l'appui, de dire que ce programme-là n'est pas équitable. Et je sais très bien, M. le Président, que vous êtes un des premiers qui êtes en mesure de le reconnaître.

Je veux vous faire remarquer que 14 800 $, c'est en bas du seuil de la pauvreté. Le ministre de la Santé ne fait donc aucune distinction entre les plus démunis et les mieux nantis de notre société. Il devrait ranger pour quelques heures son discours de technocrate et faire preuve d'un peu plus de compassion.

M. le Président, il y a des failles et des oublis dans le projet de loi n° 33. Le ministre de la Santé a fait fi des commentaires et des critiques formulés par des dizaines de groupes qui ont défilé en commission parlementaire pendant les dernières semaines. Une foule d'intervenants ont fait des remarques très pertinentes pour bonifier le projet de loi n° 33. Le ministre de la Santé continue à les ignorer et à travailler seul. Il était présent lors des travaux de la commission, mais, contrairement aux députés de l'opposition, on dirait qu'il n'écoutait pas, qu'il n'avait que son projet en tête et qu'il voulait le réaliser coûte que coûte.

Des groupes sont venus nous dire que certains médicaments importants pour le traitement des maladies graves avaient été omis sur la liste des médicaments admissibles au régime. Le ministre n'a pas donné suite à leurs demandes. Nous avons entendu des témoignages émouvants de personnes dont les coûts de la médication peuvent dépasser les 15 000 $ et qui n'ont évidemment pas les moyens de se la payer. C'est le cas notamment pour le traitement de la sclérose en plaques.

M. le Président, le ministre de la Santé est resté muet. On dirait qu'il fait de l'omission volontaire. De la même manière, d'autres groupes sont venus en commission parlementaire pour déplorer le fait que la politique de reconnaissance des nouveaux médicaments n'est toujours pas connue, et c'est encore vrai au moment où on se parle.

De plus, la composition du Conseil consultatif de pharmacologie, chargé de l'analyse de ces médicaments, est contestée par tous les intervenants qui se sont présentés en commission parlementaire et d'autres qui l'ont fait connaître publiquement. Pourquoi? Parce que le Conseil a le pouvoir de prendre des décisions sans consulter les groupes qui représentent les patients.

D'autres intervenants, M. le Président, craignent que les coûts imposés soient si élevés que les patients mettent fin prématurément ou n'entreprennent carrément pas leurs traitements. L'infidélité aux traitements peut causer une augmentation des coûts du réseau de la santé, et le ministre de la Santé n'a pas cherché à savoir combien.

Le ministre oublie qu'il doit servir les intérêts de la population et des malades. Il a plutôt choisi de servir, comme je le mentionnais, ceux du président du Conseil du trésor. Il connaît tellement mal les impacts et les coûts de son nouveau régime qu'il a été forcé de modifier de façon majeure certaines dispositions de son projet de loi en cours de route. Il improvise au gré des critiques. C'est ce qui s'est produit avec son annonce aujourd'hui, c'est-à-dire plutôt hier.

M. le Président, le ministre de la Santé a finalement réalisé qu'il se trompait dans ses chiffres. Il a finalement admis qu'il était inconcevable que les 1 200 000 personnes non assurées relèvent des compagnies privées. Il en a mis du temps avant d'admettre que les coûts des primes de ces non-assurés allaient être exorbitants. Vendredi dernier, il a demandé à ses fonctionnaires de trouver une solution en catastrophe. Ils ont annoncé aujourd'hui que ces personnes – comme je le mentionnais, c'est plutôt hier – relèveront de la Régie de l'assurance-maladie du Québec et non des compagnies d'assurances privées. De ce côté-ci, c'est ce que nous appelons de l'improvisation, M. le Président. Ils ne nous ont rien annoncé de plus, puisqu'on n'en sait probablement pas plus.

(11 h 50)

Le ministre aurait pu en profiter pour annoncer d'autres modifications à son projet de loi. Il aurait pu annoncer d'autres amendements, il aurait pu déposer la liste des médicaments assurés. Il aurait pu aussi annoncer des ajustements pour rendre les contributions plus équitables entre les plus démunis et les mieux nantis. Il n'en a rien fait. Il a fait fi des recommandations des intervenants et spécialistes du milieu. M. le Président, le projet de loi n° 33 sur l'assurance-médicaments est une autre preuve que le gouvernement péquiste ne respecte pas ses engagements et ne tient pas ses promesses, notamment envers les personnes âgées. Rappelez-vous que le ministre de la Santé avait promis, pendant la campagne référendaire, une politique du vieillissement. Il voulait acheter le vote des personnes âgées, et, aujourd'hui, c'est en les taxant qu'il les remercie. M. le Président, si l'assurance-médicaments fait partie de sa politique du vieillissement, on aime mieux qu'il nous épargne la suite. Des cadeaux empoisonnés comme ceux-là, les personnes âgées n'en ont pas besoin, les travailleurs à faibles revenus non plus.

Donc, M. le Président, en conclusion, j'aimerais, pour le bénéfice des membres de cette Assemblée, lire un passage de la page 17 du résumé du programme du Parti québécois; vous vous en souvenez sûrement, du petit fascicule bleu vendu dans les kiosques à journaux au prix de 2,95 $. Et on lisait ceci: «Un gouvernement du Parti québécois s'engage à inclure, comme partie intégrante des services de base dans le régime d'assurance-maladie, la gratuité des médicaments pour personnes âgées, des examens de la vue pour tous et des services dentaires aux moins de 15 ans.» M. le Président, je n'ai pas inventé ce passage, c'est le programme du Parti québécois.

Et en terminant, j'invite le ministre de la Santé à lire ce qui pourrait éventuellement l'amener à ajuster son tir. Donc, M. le Président, je vous remercie, et nous allons, comme groupe de l'opposition, nous assurer que la population soit en mesure de suivre de très près le changement, le virage que fait le ministre de la Santé dans ce dossier-là, et si jamais il y a un virage à nouveau, qu'il soit à l'avantage de la population québécoise. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Montmagny-L'Islet. Je cède maintenant la parole au député d'Orford. M. le député.


M. Robert Benoit

M. Benoit: Merci, M. le Président. J'aimerais, moi aussi, suite à notre confrère de Montmagny, prendre la parole sur le projet de loi n° 33. Et je vous dirai que nous en sommes, pour les gens qui nous écoutent à l'heure du dîner... Il y a probablement plus de monde, M. le Président, qui nous écoute en ce moment qu'il n'y en a eu pendant que le gouvernement, avec le ministre, le leader parlementaire, nous a fait siéger ici cette nuit jusqu'à 5 h 10, M. le Président. Alors, si vous croyez, gens qui nous écoutez, qu'un gouvernement qui légifère en pleine nuit n'a pas des choses à cacher, si vous croyez qu'un gouvernement qui nous fait siéger jusqu'à 5 heures de la nuit... Il faisait même beau quand on a quitté ce parlement. Le soleil se levait, M. le Président. Le jour était après poindre sur le cap Diamant. Et, pendant ce temps-là, ici, à l'Assemblée nationale, on essayait de passer, sans que trop de monde le sache, un projet de loi qui a une ampleur importante dans l'histoire du Québec. Et alors que ce gouvernement...

Et je me souviens des nuits où le leader parlementaire de l'opposition de l'époque disait: Jamais, jamais, quand nous serons au gouvernement, M. le Président – il a dit ça des soirs et des soirs et des soirs – jamais nous ne siégerons de nuit. Eh bien, là, M. le Président, on a une démonstration, le ministre en tête. On a passé une nuit ici à écouter des choses absolument plus rocambolesques les unes que les autres. Et, bien sûr, quand un gouvernement siège la nuit, M. le Président, c'est peut-être parce qu'il a des choses à cacher, parce que, s'il n'avait rien à cacher, peut-être bien qu'il le ferait en plein jour, il le ferait au vu et au su de tout le monde. Alors, je suis heureux de voir que, maintenant, on est réunis et qu'on est en plein jour, et on va pouvoir parler aux gens qui nous écoutent des vrais enjeux de ce projet de loi là, M. le Président.

Pourquoi il y a un problème aujourd'hui et pourquoi l'opposition n'est pas d'accord? Il faut d'abord dire, M. le Président, qu'il y a deux ans on a réclamé ce projet de loi avec force et vigueur. Nous, on a dit au gouvernement que le virage ambulatoire... Je ne sais pas si vous avez eu l'occasion d'aller dans les hôpitaux récemment. Le ministre aura eu beau nous dire, ou M. Parizeau à l'époque, à la télévision, décriant la liste de 3 000 personnes qui attendaient à Sainte-Justine, que c'était un scandale, c'était épouvantable. Je vous rappelle ce débat télévisé des deux chefs où M. Parizeau vilipendait le premier ministre, M. Johnson, lui disant que c'était inacceptable, une liste d'attente de 3 000 à Sainte-Justine. Bien, entre-temps, M. le Président, j'ai eu l'occasion de visiter un certain nombre d'hôpitaux, pour toutes sortes de raisons; un hôpital où, si vous n'êtes pas là à 9 heures, vous êtes dans un petit corridor bien étroit, assis tout croche. C'est surtout des gens âgés qui étaient là, j'ai vu ça à Montréal. J'ai déjà dit au ministre que je lui en reparlerais à chaque fois que j'irais à cet hôpital-là. Alors, la situation ne s'améliore pas; à Rosemont, la situation ne s'améliore pas, M. le Président, et c'est un peu extraordinaire ce qu'on voit là. J'ai vu, la semaine dernière, dans un autre hôpital, des situations où la salle d'urgence n'était pas tout à fait de toute beauté à voir, M. le Président.

Alors, on sait pertinemment qu'avec le virage ambulatoire le Parti libéral a réclamé cette assurance-médicaments, et, dans les faits, anciennement, quand les gens étaient à l'hôpital, les médicaments étaient gratuits. Maintenant qu'on vous opère... J'ai personnellement été opéré à 7 heures pour un oeil, il faut le faire, là, et, à midi trente, 13 heures, j'étais retourné chez nous. Alors, originalement, vous comprendrez qu'on aurait payé les médicaments, mais, à partir du moment où on m'envoyait chez nous, bien, je devais payer ces médicaments-là. Alors, il y a des gens qui, au Québec, ne sont tout simplement pas capables de payer ces médicaments-là.

On sait aussi que les médicaments, de plus en plus, les firmes, dans le monde des médicaments, arrivent avec des médicaments de haute technologie, devrais-je dire, qui sont très dispendieux, ce qui fait qu'ils sont non abordables pour une grande quantité de gens, et le Parti libéral a réclamé, avec le virage ambulatoire, cette assurance-médicaments, ce qui est l'essence même du projet de loi n° 33.

Pour l'opposition, ça devait être quelque chose de relativement simple et facile, jusqu'à ce que M. le ministre, finalement... Et, pour finir d'expliquer, bien, finalement, il y a au Québec à peu près 1 200 000 personnes qui, au moment où on se parle, n'ont aucune forme d'assurance. Pour les députés qui sont ici aujourd'hui, qui font du bureau de comté régulièrement, vous avez eu des cas pathétiques de gens qui étaient sur l'aide sociale, qui, eux, leurs médicaments étaient payés. Mais, l'autre à côté, lui, avec son épouse, un enfant très malade, gagnant des revenus, finalement, minimes, étaient, eux, obligés de payer ces médicaments-là et venaient nous voir, ils imploraient de l'aide. Souvent, nous étions impuissants, hein, parce que le système était ainsi fait, les barèmes étant ainsi faits qu'on ne pouvait pas nécessairement aider ces gens-là. Alors, il y avait un problème, et on l'admet, pour à peu près 1 200 000 citoyens au Québec. Et c'est pour ça d'ailleurs que l'opposition a demandé ce projet de loi depuis longtemps.

Mais, le ministre, il a réussi, vous savez, à faire l'unanimité, ce qui est assez rare en politique. Normalement, ça se tranche à peu près 50-50 dans les débats. On va le voir sur un autre débat que le PQ va partir aujourd'hui en commission parlementaire, sur le droit de produire. Alors, on va s'apercevoir qu'il va y avoir un pourcentage de la société qui va être pour et un autre pourcentage qui va être contre, mais, au total, ça va se balancer à quelque part et le gouvernement décidera de prendre son leadership pour aller de l'avant ou pas, dépendant des pressions et des coalitions qui vont se former.

Dans le cas présent, ce n'est pas compliqué, la coalition, elle est totale, elle est universelle, elle est unanime. Hier, pendant le souper, j'ouvrais la télévision et, là, je voyais que les seuls qui ne s'étaient pas joints au groupe, bien, là, ils se joignaient au groupe hier soir. Alors, là, il y a unanimité, pas pour le projet de loi, M. le Président, contre le projet de loi.

Alors, si l'opposition doit être la voix des gens qui pensent qu'il y a des questionnements, on est prêts à questionner jusqu'à 5 heures du matin. On l'a fait la nuit dernière et, si le ministre veut qu'on le questionne jusqu'à 5 heures demain matin, on va le questionner jusqu'à 5 heures demain matin, M. le Président, parce qu'on pense que c'est trop important quand il y a une coalition, quand l'ensemble des gens du Québec disent: Attention, il y a quelque chose là.

(12 heures)

Quand la dame qui représentait les clubs de l'âge d'or est venue en commission parlementaire, elle a été très claire au ministre, elle a été très claire, elle a dit: Lâchez-nous. Elle n'a pas pris ses gants blancs, elle n'a pas écouté les technocrates alentour du ministre, les attachés politiques, le chauffeur de la limousine. Elle, cette dame-là, est arrivée ici puis elle lui a parlé dans le nez, au ministre, elle lui a dit ce que les gens âgés du Québec pensaient de ce projet-là. Elle lui a dit carré, puis elle ne lui a pas dit préparée avec des firmes de communications, etc. Elle lui a dit ce qu'elle entendait. D'ailleurs, elle lui a dit ce que le ministre entend quand il va dans des clubs de l'âge d'or, quand il va dans les résidences pour personnes âgées, quand son monde fait ces tournées-là. Ou bien il y a deux univers et, quand, moi, je fais ces tournées-là, le monde me dit ça puis il ne le dit pas au ministre. Je ne sais pas. Mais, moi, ce que j'entends, M. le Président, c'est qu'il y a unanimité, à ce point-ci, contre ce projet de loi là.

Vous savez, ce gouvernement, on le connaît un peu. On l'examine, il est quelques pieds en face de nous. Je vous dirais, M. le Président, que, ce gouvernement-là, il est après tomber dans ses vieux démons. Il a un certain nombre de vieux démons – je pense que toutes les formations politiques en ont – et puis j'aimerais en parler un peu en ce qui a trait à ce projet de loi là.

C'était un en-tête de journal qui disait, la semaine dernière, et c'est un des vieux démons du PQ: «Pourquoi faire simple si on peu faire quelque chose de compliqué?» Alors, ça, je pense que c'est la trame de fond d'une affaire que le PQ touche normalement, le gouvernement social-démocrate, membre du parti socialiste mondial. Pourquoi faire quelque chose simple?

Je vois qu'il y a un député qui s'offusque. Je vous rappellerais que le PQ paie sa cotisation annuelle au mouvement socialiste, assiste aux congrès du mouvement socialiste et ne s'est jamais gêné pour inviter les présidents socialistes de France, ici, au Québec, à chaque occasion, même à leurs congrès du PQ. Alors, les gens qui font les grandes «bouffades» de l'autre côté, je leur rappellerais que leur formation politique est membre du mouvement des partis politiques socialistes du monde.

M. le Président, un gouvernement social-démocrate, c'est un gouvernement qui écoute beaucoup sa fonction publique. Il y a deux groupes de gens que tu peux écouter, finalement: les gens qui t'entourent, qui travaillent pour toi ou bien les gens sur le terrain, le vrai monde, le peuple, les gens qui, eux, vont vivre ces réformes-là. Alors, ici, c'est bien évident que, entre les gens de la CSN, de la FTQ, la coalition, les regroupements de gens âgés, les regroupements des mouvements sociaux... ils ont préféré écouter leur fonction publique. C'est un droit. D'ailleurs, on sait qu'une grande coalition de ce parti politique là vient de la fonction publique. Alors, pourquoi faire simple si on peut faire compliqué? Bien, on sait que, quand on lâche un certain nombre de fonctionnaires dans ces histoires-là, vous pouvez être assurés, à chaque fois, M. le Président, que, une affaire simple, quand ils vont la lâcher, ça va être bien compliqué.

Je voudrais juste vous donner un exemple, ici. Moi, je suis porte-parole en environnement, et, quand on comptait les animaux dans un abattoir, c'était: un animal, une tête. Bien, croyez-le, croyez-le pas, M. le Président, dans le secteur du porc, on est rendu qu'on ne compte plus les animaux par les têtes, on compte ça par unités. Alors, s'il y a tant de petits animaux, ça fait une manière d'animal. Puis, s'ils ont tel poids, ça fait une autre manière d'animal. Alors, c'est le plus beau cas, M. le Président. Pourquoi faire simple si on peut faire compliqué? Et, dans le secteur de l'environnement, je peux vous dire qu'ils ont compliqué ça. D'ailleurs, quand on va voir les gens partout au Québec pour parler de la production porcine, les gens ne comprennent rien. Je veux dire, ils ont assez compliqué ça, ce débat-là. Tout ce qu'ils comprennent, c'est que ça va polluer puis que ça va sentir. Mais, dans le calcul, ils ne comprennent pas parce que nos bons amis ont trouvé le moyen de compliquer ça outre mesure. D'ailleurs, pour comprendre les calculs, je vais vous dire que ça vous prend quasiment un expert assis à côté de vous.

Le deuxième démon du PQ, M. le Président: Pourquoi dire la vérité si on peut le faire en pleine nuit puis en cacher des petits bouts? Alors, ça, ils se sont gargarisés pendant des mois et des mois. Jamais ils ne feraient ça. Jamais ils ne feraient ça, eux autres. C'étaient des purs. Et puis ils feraient ça à la lumière, dans le milieu de la patinoire, avec la lampe qui éclairerait le milieu de la patinoire. Bien, cette nuit, je vais vous dire, là, ce n'est pas évident, M. le Président. Tout ça se faisait alors que les gens du Québec n'étaient pas présents, ni ici ni à la télévision, et on essayait, effectivement, de pousser dans la gorge des gens un projet de loi trop important pour qu'on fasse ça en pleine nuit.

L'autre démon qui a toujours pris le PQ par en dedans, bien, on a toujours été un peu anti-entreprise privée au PQ. Je vous rappellerais les discours célèbres de 1976, 1977, 1978 où on disait même aux sièges sociaux qu'ils pouvaient quitter le Québec, où on disait aux Anglais que, s'ils n'aimaient pas le Québec, ils pouvaient le quitter. Dans la vraie vie, c'est ce qu'ils ont fait. Il y en a 400 000, Québécois, qui ont quitté le Québec entre 1976 et 1980. Ils ont quitté avec leurs entreprises, ils ont quitté avec leur personnel, ils ont quitté avec des gens instruits, des gens qui croyaient dans le Québec, mais qui étaient tannés.

Alors, là, par-dessus ça, bien, hier, on apprend qu'on va avoir la police de la langue. Ça va aider à garder des gens au Québec, soyez-en assurés. Mais, ça, c'est un autre démon du PQ. Quand tu es social-démocrate, l'entreprise privée, cela, c'est une bebite épouvantable. Ça, c'est quelque chose, là, comme chez nous dans la famille, là, on appelait ça le Bonhomme Sept Heures. On avait bien peur de ça, le Bonhomme Sept Heures. Moi, je ne l'ai jamais vu, mais j'avais bien peur du Bonhomme Sept Heures, M. le Président. Quand tu es membre du PQ, il faut que tu aies peur de l'entreprise privée. Tu ne sais pas pourquoi, tu ne sais pas ce qu'elle a fait de pas correct, mais il faut que tu aies peur de ça.

Alors, le ministre s'était essayé tranquillement. Il s'est dit: Je vais en donner un petit bout à l'entreprise privée, ces gens-là ont bien démontré... M. Castonguay, son principal conseiller, venait de l'entreprise privée. Alors, il a dit: On va essayer, on va essayer d'aller dans le sens de l'entreprise privée. Moi, j'ai levé mon chapeau à ce moment-là. J'ai dit: Bon, bien, le ministre va tenir tête à son parti, va tenir tête au Conseil des ministres et, franchement, le ministre, là, bravo! Mais ça n'a pas été long. Je ne sais pas qui, je ne sais pas où, je ne sais pas quand, je ne sais pas si c'est en pleine nuit ou en plein jour, mais ils lui ont mis une pelure de banane en dessous des deux pieds, et puis là on a vu l'entreprise privée disparaître du portrait. Alors, là, est-ce qu'ils ont écouté les fonctionnaires? Est-ce qu'ils ont écouté les gens du Québec? On ne le saura pas, M. le Président. Mais, quelque chose de sûr, c'est que l'entreprise privée du Québec...

Et je tiens à dire au ministre, et c'est peut-être le seul point que je voudrais qu'il retienne, parce qu'il y a beaucoup de choses qui se redisent dans ce genre de débat là: Savez-vous, M. le ministre, que le peuple, probablement le plus petit peuple au monde qui a acquis le plus de lettres de notoriété, dans un secteur de la finance, mondialement, c'est le Québec, à cause du monde de l'assurance-vie? Je vous invite, M. le ministre, ce soir, quand vous ferez la Grande Allée, à compter le nombre de sièges sociaux de compagnies d'assurance-vie, et de grandes compagnies d'assurance-vie, dont des Canadiens français sont à la tête, souvent vice-présidents de la maison mère, soit en Angleterre ou ailleurs. Pour n'en nommer qu'un seul, M. Garcia, qui est une autorité reconnue mondialement, mondialement reconnue dans le secteur de l'assurance-vie et qui aurait pu apporter au débat quelque chose d'important, je pense, non seulement lui, mais ces institutions-là.

Alors, hier, on a décidé de scinder le projet de loi, d'en mettre la moitié à la poubelle, finalement le bout qui me semblait le plus probant, dans ce projet de loi là: de donner à l'entreprise privée pour que ce soit dynamique et efficace.

Et, vous, M. le Président, avec vos confrères et consoeurs ici, vous faites du bureau de comté. Où est-ce qu'on a des problèmes, en ce moment, comme députés, dans nos bureaux de comté? Est-ce que ce n'est pas, M. le Président, entre autres, avec la Régie de l'assurance automobile du Québec? Je vous dirais qu'à tous les jours, quand je fais du bureau, moi, s'il n'y a pas, sur la liste de gens qui veulent me voir, trois ou quatre personnes qui viennent me dire qu'à la Régie ça ne marche pas, on ne retourne pas les appels, on ne répond pas après 16 heures, le numéro du dossier a été perdu... Moi-même, quand je me mets au téléphone, c'est de la bouillie pour les chats. Comme le disait l'ex-leader du gouvernement, une chatte ne retrouverait pas ses chatons là-dedans. On entend ça constamment, M. le Président, quand on est député.

L'autre affaire qu'on entend constamment quand on est député: la CSST, une autre patente qu'on a confiée à l'État, alors qu'aux États-Unis ils ont fait un autre choix, ils ont mis ça dans les mains de l'entreprise privée. Alors, nous, on a dit à l'État: Tu vas gérer tout ça, cette affaire-là. On a accumulé des déficits incroyables et, M. le Président, si vous faites du bureau de comté, je suis certain et convaincu, avant de voir la liste des gens qui vous rencontrent, que vous avez toutes les semaines deux ou trois cas de CSST.

M. le Président, vous m'indiquez qu'il me reste peu de temps. Dans les débats, dans les démons qui grugent le PQ par en dedans, M. le Président, il y a celui de la réglementation. Ah bien là, un gouvernement social-démocrate, il faut que ce soit compliqué avec bien des règlements, M. le Président. Je vous rappellerai qu'entre 1976 et 1985, l'époque où le PQ a été au pouvoir, au gouvernement, je vous lance un défi de deviner combien de pages de règlements par année le PQ a écrites? Est-ce que c'est 1 000 pages, 2 000 pages, 5 000 pages, M. le Président, 8 000 pages, 10 000 pages, M. le Président? Bien non, M. le Président. C'est 12 000 pages de règlements par année que le gouvernement social-démocrate, de 1976 à 1985, a imprimées. Il n'y a plus personne qui se retrouve, bien entendu. Alors, quand le ministre m'a dit: Je vais mettre ça dans les mains de mes fonctionnaires, j'ai «flushé» l'entreprise privée, là, ça me rappelle un peu les discours de l'assurance automobile, de la CSST. Et puis là je lui donne un exemple concret, précis: 12 000 pages de feuilles de règlements pendant une époque de neuf ans.

(12 h 10)

M. le Président, je finirai avec cet aspect-là du projet de loi: on nous dit qu'on écoute les gens. Bien, d'abord, on n'a pas entendu grand monde du PQ, hein. Je l'ai dit avant, ils sont un peu comme des statues de l'île de Pâques, on n'entend pas grand monde de leur côté. De notre côté, on a écouté la CSN, en commission parlementaire, on a écouté la FTQ, on a écouté les aînés, on a écouté les âges d'or – cette madame qui a dit au ministre, le doigt en l'air, qui a dit: Attention à ce que vous êtes après faire – les AFEAS. Ces gens-là, on les a entendus. On n'a pas seulement écouté, on les a entendus et on essaie de rapporter leur point de vue. Leur point de vue, c'est celui de recommencer ce projet de loi, de laisser plus d'espace à l'entreprise privée, de faire une équité plus grande entre les gens qui peuvent payer et ceux qui ne peuvent pas payer, de faire attention aux gens âgés. C'est ça, M. le Président, qu'on a entendu pendant toutes ces semaines. Mais ce n'est pas ça que le ministre a conclu, M. le Président.

Alors, on s'en va vers des impacts inconnus. Le ministre lui-même disait hier soir: Vous savez, on a à changer des choses au fur et à mesure des pressions. Bien oui, au fur et à mesure qu'on change des choses, il y a des inconnues, M. le Président, et ces inconnues-là... Nous, ce qu'on dit: C'est un régime important, il nous faut l'étudier en profondeur, il faut le regarder sous toutes ses doublures et sous toutes ses facettes. Et on ne peut pas juste laisser les choses aller comme ça. Il y a un coût à juste essayer de... C'est un régime qui serait tellement important et tellement, je pense, obligatoire. Mais on ne doit pas le faire à la légère comme on est après le faire, en pleine nuit, M. le Président, sans écouter les gens du Québec, les gens qui voudraient s'expliquer et qui nous ont dit: Attention! Attention! Écoutez-nous avant de procéder. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député d'Orford. Je cède maintenant la parole au député de Bertrand. M. le député.


M. Robert Thérien

M. Thérien: Merci, M. le Président. Je pense que c'est très important d'utiliser les 20 minutes qui sont mises à notre disposition, particulièrement l'opposition. Parce qu'on s'aperçoit que le 20 minutes, ce même 20 minutes là, M. le Président, est mis à la disposition des ministériels pour qu'ils puissent nous convaincre, nous, de l'opposition, et aussi la population, de la justesse de ce projet de loi.

M. le Président, nous sommes en face d'un ministre qui n'a pas de compassion. Cette espèce de docteur, cette espèce de médecin ou de docteur qui serait face à un malade mais qui ne verrait plus l'être humain; qui verrait simplement le malade. M. le Président, je pense que le ministre nous a montré, hier ou avant-hier, dans ses réponses, qu'il n'a pas de compassion. On a parlé d'un jeune homme qui, malheureusement, a manqué une transplantation. On attend sa réponse, on attend sa réponse, au ministre, qui n'a pas de compassion pour, cette fois-ci, les personnes âgées et les plus démunis. Et, M. le Président, on se doit de dire la vérité en cette enceinte et on ne peut pas faire autrement, on ne peut pas passer à côté de ça, M. le Président, que le ministre, dans le dépôt précipité de cette loi-là, démontre qu'il ne voit plus l'être humain; il voit tout simplement la personne dans les poches de laquelle on peut aller puiser. C'est ça que le ministre voit, M. le Président, une personne de plus chez qui le gouvernement peut aller chercher de l'argent.

Et je vous donne comme exemple un titre de journal, ce matin, qui traduit très bien ce qu'est en fait le projet de loi. Et je vous le lis, M. le Président, c'est dans La Presse , mardi, 11 juin: «Assurance-médicaments: Québec se presse de passer le chapeau». M. le Président, je vous lis après, et vous avez vécu un petit peu ce qui s'est passé cette nuit, et c'est ça qu'on combattait, M. le Président: «Retraités et assistés sociaux passeront très bientôt à la caisse.» C'est ça, le règlement. Écoutez, le projet de loi... Ah! là, les journalistes... L'opposition ment, l'opposition n'est pas objective, les journalistes aussi ne sont pas corrects. Mais Denis Lessard nous dit aujourd'hui: Écoutez, c'est les assistés sociaux et les aînés qui vont passer très bientôt à la caisse. Bon.

Qu'on nous dise, M. le Président, que ce projet de loi était voulu par les citoyens. On a enrobé ça, on essaie d'enrober le projet de loi par de beaux principes en disant que tout le monde va être assuré. Mais, M. le Président, le but ultime, c'est d'aller chercher 200 000 000 $ tout simplement.

Ce qui s'est passé cette nuit, M. le Président, et vous en avez été le témoin, et je pense que vous devenez presque le champion de ce genre de débat, qui malheureusement porte généralement peu de fruits mais qui est important pour la démocratie... Et je veux juste vous rappeler à cet effet – et vous n'étiez pas dans cette Chambre – que le député de Joliette, qui, à l'époque, était leader, avait du moins autant de talent que le leader de l'opposition pour justement essayer de faire primer les droits de l'opposition. J'écoutais les nouveaux élus, hier, qui dénonçaient le genre de situation que l'opposition faisait. Je tenais juste à leur rappeler bien amicalement et bien aimablement que l'opposition a des droits. L'opposition, c'est le porte-parole des citoyens qui s'opposent, qui s'opposent justement à la précipitation d'une loi fort importante au Québec.

Je veux juste rappeler un peu, M. le Président, que le Parti libéral, à l'époque, parce qu'on voyait les coûts des médicaments monter... On avait décidé par loi d'imposer 2 $ par prescription – et je regarde le député de Dubuc, qui s'en rappelle, qui avait fait des discours, à ce moment-là – et un maximum de 100 $. On a passé des nuits, les gens ont déchiré leur chemise. Ils ont même organisé des gens pour venir dans les tribunes et illégalement lancer des 2 $ ici, dans l'enceinte de l'Assemblée nationale. 100 $! Puis là on nous disait: Vous êtes des gens qui sont inconscients, vous frappez parmi les gens les plus démunis, vous frappez les assistés sociaux.

M. le Président, j'aurais une question à vous poser. Je sais que vous ne pouvez pas me répondre. Le député de Dubuc va peut-être me répondre, justement, parce que j'ai hâte de l'écouter parler sur l'assurance des médicaments. Lorsqu'on a imposé le 2 $ aux aînés et qu'on s'est fait traiter d'irresponsables, est-ce que les aînés et les assistés sociaux sont plus riches depuis ces trois dernières années là? Non, ils sont plus pauvres, et on les frappe encore de façon additionnelle, parce que, là, c'était 100 $; là, c'était 300 $, et le ministre, par condescendance, a décidé que c'était juste 200 $. Mais c'est 100 % d'augmentation de ce que ces gens-là dénonçaient. Puis aujourd'hui on nous dit bien candidement: Bah! c'est si peu, c'est si peu! Bien, c'est pour ça que les gens perdent un peu confiance aux gens élus par rapport à des situations comme celle-ci.

Si les gens, si les aînés et les plus démunis sont encore plus pauvres, et tout le monde le reconnaît, mais pourquoi les frapper davantage, ces gens-là? On avait un choix. Si on voulait établir l'assurance-médicaments, le choix qu'on aurait dû faire, justement, c'était d'exempter ces gens-là. Les plus démunis, à l'époque des libéraux, étaient exemptés, parce que ce n'est pas facile, déjà, d'être un plus démuni de la société. Et là, aujourd'hui, on leur dit: Ce n'est pas grave, la contribution. C'est un double discours.

Comme mon collègue d'Orford le disait, on a tous vécu ça durant la campagne électorale, Sainte-Justine, la liste de 3 000 personnes. Puis c'est vrai que, quand on a des enfants, si un de nos enfants était sur la liste, que ça soit à l'époque des libéraux ou à l'époque du Parti québécois, ce ne serait pas drôle de voir son enfant attendre une opération. Ha, ha, ha! Aujourd'hui? C'était grave en campagne électorale, c'était presque la médecine de guerre. Mais, aujourd'hui, le ministre dit: Ah! c'est un petit problème. Il manque d'anesthésistes. Ça va se régler, puis tous les parents sont au courant. C'est sûr que les parents sont au courant qu'ils vont attendre, mais est-ce que les parents sont contents de ça?

Je n'accuse pas forcément le Parti québécois, je dis juste que c'est une situation intolérable. Ces gens-là avaient promis de la régler, puis ils ne l'ont pas fait. Qu'on ne mette pas la faute sur d'autres! C'est sûr qu'ils sont habitués, eux, de mettre toujours la faute sur le fédéral ou sur d'autres personnes. On a vu ça avec le député de Matane aujourd'hui, dans sa réponse qui était des plus ridicules. Ils sont allés en appel, les méchants libéraux, et il n'a même pas été capable de dire qu'il va retirer l'appel. Imaginez-vous! Imaginez-vous! Quand on décide qu'on veut défendre ses citoyens, on prend des moyens pour le faire.

(12 h 20)

Donc, ce que je vous disais, M. le Président... Et surtout le ministre de la Santé nous disait cette nuit: Les libéraux nous voient bouger et ça les énerve parce que, nous, on bouge. Bien, écoutez, moi, ça ne m'impressionne pas, quelqu'un qui bouge. Il faut qu'il bouge de la bonne façon, M. le Président. Bouger et passer à l'action au détriment des citoyens!

Écoutez, comment pouvons-nous croire le ministre qui nous dit qu'il va y avoir des tarifs presque stables quand on a annoncé, en campagne électorale, un hôpital dans la région de Lanaudière et qu'aujourd'hui c'est une risée au ministère? Écoutez, on n'a pas promis un petit bout de route, là, on a promis un hôpital. C'est quelque chose, ça. Et je n'ai pas entendu le ministre défendre ça; parce que, depuis deux ou trois jours, on attaque l'hôpital. Le ministre, il ne dit pas un mot. Même la campagne électorale qui s'est terminée dans L'Assomption, même le candidat élu n'a pas voulu parler de l'hôpital, parce que c'était très difficile, M. le Président. Que le ministre bouge. Mais on veut qu'il bouge dans le sens des citoyens, dans le bien commun. On ne veut pas qu'il bouge dans le sens du président du Trésor, continuellement. C'est ça qu'on a dit, M. le Président.

Et je tiens à vous témoigner un peu l'expérience qu'on a tous, dans les bureaux de comtés. On a enrobé ça un petit peu en disant que tous les citoyens du Québec vont être couverts. Bien, moi, en 11 ans de vie politique provinciale, j'ai connu quelques cas difficiles qui n'avaient pas de médicaments – je dirais quelques cas – mais je n'ai pas connu de groupes, je n'ai pas connu d'associations qui venaient revendiquer une assurance pour tout le monde. Je n'ai pas vu ça à mon bureau de comté. Et je parlais à d'autres députés, même des députés péquistes, il n'y a jamais eu de revendications là-dessus, M. le Président.

Ça, ça «veut-u» dire que le gouvernement répond à ses propres besoins mais ne répond pas aux besoins des citoyens? Quand on parle de 1 000 000 de personnes qui ne sont pas couvertes, est-ce que ces gens-là ont revendiqué quelque chose? Absolument pas, M. le Président. La vérité est simple. Le gouvernement a besoin de 200 000 000 $ et il les prend sur le dos des plus démunis. Et on enrobe ça en disant: Tout le monde va être couvert et ainsi de suite, même ceux qui n'ont pas demandé d'être couverts. Imaginez-vous, M. le Président, on est élu pour répondre aux besoins de nos citoyens, pour conserver aussi leurs droits et privilèges.

Et je reviens avec les aînés. Imaginez-vous quelqu'un qui, toute sa vie, a essayé d'économiser pour se préparer pour une retraite un peu plus confortable, et là, aujourd'hui, on s'en va sournoisement lui dire qu'il va payer davantage, ne sachant pas qu'il va payer de plus en plus, année après année. C'est ça qui est difficile, M. le Président, à concevoir.

Quand on dit au ministre: Écoutez, reportez le projet... Hier, tout le monde était surpris, des gens de l'autre côté, pensant que reporter un projet... Ce n'est pas d'aujourd'hui. Quand le projet n'est pas fin prêt, quand il y a encore des incertitudes, on reporte le projet et on continue de consulter les gens. Mais ce n'est pas ça qui se fait, de la part du Parti québécois. C'est malheureux, ce n'est pas ça. Quand on nous dit qu'on écoute les gens, M. le Président, votre confrère qui est sur la même chaise avait des milliers de personnes, dans son comté, contre la fermeture des hôpitaux, on n'a pas écouté ces gens-là. Et là, ceux qui disent qu'ils sont contre la loi, on ne les écoute pas. On dit: Non, non, non!

Le ministre a attrapé un peu la maladie du premier ministre, pensant posséder le monopole de la vérité. M. le ministre a le monopole de la vérité, c'est le champion de l'imposition, le champion des coupures. Aïe! Écoutez, il nous dit, hier soir – il faut le faire, M. le Président: Nous autres, là, on n'est pas comme vous autres à l'époque; vous autres, vous coupiez un peu partout. Bien, lui, M. le Président, il ne coupe pas, il ferme. Il ne coupe pas, il ferme complètement les services.

Et là il veut nous embarquer, M. le Président, dans une assurance, une assurance qui, au début, avait un élément de sécurité qui était l'entreprise privée, avec tout le côté compétition qu'on connaît des entreprises privées. C'est un peu comme mon confrère d'Orford disait tantôt: Quand on parle au Parti québécois d'entreprise privée, il leur pousse des boutons. Par contre, ils veulent créer de l'emploi. Mais l'emploi, ça se crée d'abord et avant tout par l'entreprise privée. On se gargarisait ce matin avec des chiffres, mais on a encore 18 000 jeunes de moins au Québec qui travaillent. Ils ne travaillent pas, M. le Président. Et, quand la jeunesse n'est pas active, dans une province ou dans un pays, il y a un danger, il y a une sonnette d'alarme, parce que c'est sur les jeunes qu'on doit s'appuyer.

Donc, le premier projet du ministre, c'était l'entreprise privée. Mais l'entreprise privée, M. le ministre, n'était même pas capable d'assurer au ministre, avec les lois du marché, le tarif de base. Comment voulez-vous avoir confiance en quelqu'un qui nous dit: Ça va coûter 176 $ et après nous dit: Bien, peut-être jusqu'à 200 $, peut-être jusqu'à 230 $? Les seuils changeaient. Savez-vous ce qu'il a fait? Il a dit: Écoutez, l'entreprise privée, on met ça de côté. On vous a fait accroire que vous pouviez être partenaire. Et, surtout, ces gens-là se gargarisent du mot partenariat. On veut être partenaire avec le reste du Canada, partenaire avec nos voisins américains. Là, ils ont voulu être partenaire avec l'entreprise privée. Ça a duré 48 heures. Puis, à ce que je sache, l'entreprise privée n'est pas plus déçue que ça. Imaginez-vous! Si l'entreprise n'est pas déçue, qu'est-ce que ça cache?

Et là, M. le Président, c'est le gouvernement... Et tout le monde est d'accord: dans la société, quand le gouvernement s'occupe de quelque chose, quand le gouvernement gère quelque chose, ça coûte toujours plus cher. Et, ça, là, ce n'est pas d'aujourd'hui. Quand on parle de privatisation du gouvernement, puis je pense que l'autre côté ont utilisé aussi ça, c'est dans le but, justement, de faire des économies. Bien là c'est le contraire, M. le Président. Après 48 heures où on a fait miroiter à l'entreprise privée qu'on avait besoin d'elle, là on décide, M. le Président, que ça va être l'État qui va diriger le régime d'assurance.

Puis c'est vrai ce que disait le député d'Orford. Dans nos bureaux de comté, il y a une quantité énorme de gens qui viennent nous voir sur la Régie de l'assurance automobile, une quantité de personnes qui viennent nous voir sur la CSST, sur la Régie des rentes, des gens qui ont des problèmes au niveau administratif, des problèmes de dossier, de perte de dossier. Puis on s'en vient nous dire, aujourd'hui, qu'on a trouvé la solution, qu'on va vous garantir qu'il va y avoir un seuil, mais on ne nous garantit pas le plafond. J'ai aimé ça, cette nuit, je ne sais pas qui a évoqué ça: Est-ce qu'il y a un plafond à ça? Là, on nous parle du seuil, qui est déjà énorme, qui est déjà beaucoup trop pour les personnes âgées et particulièrement les plus démunis.

Est-ce que ces gens-là ont quelque chose contre ceux qui ont réussi à économiser, à se préparer une retraite un peu plus satisfaisante que d'autres? On parle d'équité. Écoutez, l'équité... Vous savez très bien que la prime ne varie à peu près pas ou pas entre ceux qui peuvent gagner 17 000 $ et 100 000 $. Imaginez-vous, c'est ça, l'équité! Mais, eux autres, leur langage a une signification qu'eux-mêmes possèdent.

Hier, on débattait une loi aux affaires municipales. Écoutez, juste sur un article ou sur la présentation d'un avis public, on s'obstinait sur un mot. Écoutez, quand, au municipal, on n'est pas capable de dire aux gens: On souhaiterait que vous fusionniez vos villes, ce n'est pas ça qu'on dit: On va renforcer vos villes. Écoutez. C'est tous des détournements de langage, comme on a fait au référendum, comme on fait ici. Écoutez, ici, on passe l'assurance-médicaments pour assurer tout le monde. Ça, c'est le canevas de base, c'est le bon principe. Mais, M. le Président, la réalité est tout autre. C'est de 200 000 000 $ qu'on a besoin. Pourquoi on ne le dit pas qu'on a besoin de 200 000 000 $? Mais, s'il vous plaît... Et ces gens-là commencent à réagir, puis ils vont réagir. Qu'on protège les plus démunis puis qu'on protège nos personnes âgées. Si on a besoin de 200 000 000 $, qu'on fasse un choix. Il y a des choix à faire, tout simplement.

Écoutez, il y a d'autres exemples. On a créé des écoles du ministre, on est en train de les fermer. On a fait des promesses aux femmes, on ne les tient pas. Ce n'est pas la première fois. Puis là, aujourd'hui, on se lève, puis on dit: Écoutez, vous allez nous croire sur l'assurance-médicaments. On ne peut pas faire ça. C'est juste ça qu'on dit. Que le ministre s'assoie donc. Si son principe de base est bon, d'assurer tout le monde, qu'il trouve son 200 000 000 $ ailleurs, puis là on regardera les principes de l'assurance. C'est ça, qu'on dit.

(12 h 30)

On ne peut pas être pour une loi votée en toute vapeur tout simplement pour économiser 200 000 000 $ sur le dos des aînés et des plus démunis. Donc, je vais être contre l'adoption du principe.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Bertrand. Je cède maintenant la parole à la députée de Marguerite-Bourgeoys. Mme la députée.


Mme Liza Frulla

Mme Frulla: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir, à mon tour, de prendre quelques instants pour intervenir sur le principe du projet de loi n° 33, loi instituant l'assurance-médicaments. Tout d'abord, je vais vous dire, M. le Président, que je demeure, une fois de plus, surprise un peu de la manière dont le ministre de la Santé et des Services sociaux nous présente ce projet de loi. On se rappelle qu'à la même période l'an dernier on nous imposait la même médecine en nous faisant adopter le projet de loi qui permettait les fermetures d'hôpitaux: pression de fin de session, peu de temps d'analyse, amendements de dernière minute et, bien sûr, le bâillon, pour empêcher les parlementaires de bien faire leur travail et de questionner le ministre sur ce genre d'initiative.

D'ailleurs, je pense qu'il est important de mentionner qu'avec ce projet de loi le ministre entend modifier de façon importante la manière de faire dans les paiements d'ordonnances et, à ce titre, je pense qu'il est fondamental qu'avant d'agir un gouvernement responsable doit regarder toutes les facettes de cette action, bien consulter, réfléchir, permettre aux parlementaires de contribuer substantiellement à son étude et, en ce sens, ne rien faire adopter, surtout, à toute vapeur.

Je ne peux pas comprendre qu'une mesure sociale de cette ampleur puisse faire l'objet de pressions et nécessiter une telle urgence si ce n'est que pour répondre, M. le Président, à une commande du Conseil du trésor. Bien sûr, nous ne pouvons faire abstraction, par les temps qui courent, des contraintes budgétaires. Cependant, on ne peut modifier une mesure sociale de ce genre en prenant pour principale considération cette contrainte.

Il en va aussi, M. le Président, des décisions qui touchent les Québécois et Québécoises et qui auront des incidences importantes, je dirais même majeures, pour plusieurs d'entre eux. C'est pourquoi il est important de mentionner que ce projet de loi reste ambigu et que plusieurs zones grises inquiètent beaucoup de monde. D'ailleurs, les consultations furent vraiment éloquentes en ce sens.

Les moins bien nantis de notre société se demandent s'ils devront choisir entre l'épicerie ou payer leur prime d'assurance. Est-ce que c'est concevable que nous soyons rendus, en 1996, à une période si critique que nous devons faire en sorte que les plus pauvres se posent, à tort ou à raison, ce genre de question? C'est un débat élargi qu'il nous faut, éclairé aussi, un débat de société dans des conditions qui seraient préférables hors fin de session.

Je conviens, M. le Président, que nous devons assurer un certain contrôle sur la consommation de médicaments et s'assurer que tous et chacun en fassent un bon usage. Cependant, je ne crois pas que ce soit sur une base financière que le gouvernement réussira ce genre d'exercice, encore moins lorsqu'on s'attaque aux plus démunis. Il en va de même pour les personnes âgées qui voient dans le projet de loi d'assurance-médicaments un recul énorme. Selon l'AQDR, c'est la panique chez les personnes âgées. Est-il concevable que les personnes âgées se voient dans l'obligation de débourser un montant entre 300 $ et 750 $ par année pour les médicaments qu'elles reçoivent aujourd'hui gratuitement ou moyennant un coût de 200 $, jusqu'à concurrence de 100 $? D'autant plus, M. le Président, que les personnes âgées, on le sait, ont un revenu fixe, c'est-à-dire, basent leur budget sur un revenu qui, en général, n'augmente pas.

Les personnes âgées se considèrent comme les boucs émissaires de cette nouvelle façon de faire, et surtout ceux qui seront les plus pénalisés par cette commande déguisée du Conseil du trésor. À preuve, quelque 200 000 000 $ des 300 000 000 $ que le gouvernement va faire assumer aux contribuables pour financer ce régime va venir de la poche des retraités.

D'autre part, plusieurs pharmaciens craignent l'étatisation déguisée de leur commerce. J'ai eu l'occasion de discuter avec certains d'entre eux et je peux vous assurer, M. le Président, que ce nouveau régime ne leur apparaît pas du tout très clair. De plus, quels médicaments, se demandent-ils, seront couverts? Lesquels ne le seront pas? Qu'adviendra-t-il des coûts des médicaments? Autant de questions qui demeurent aujourd'hui sans réponse précise alors que nous sommes à discuter de l'adoption prochaine du projet de loi. Pour les pharmaciens propriétaires, ce régime revient à une étatisation déguisée des pharmacies, puisque c'est l'État qui fixerait les prix d'acquisition des médicaments, le prix de vente et aussi les honoraires.

Les six journées de consultation qui ont eu lieu au cours des deux dernières semaines nous laissent perplexes aussi et n'ont rien de rassurantes. Ces consultations ont confirmé que l'implantation du régime universel d'assurance-médicaments soulève de nombreuses craintes et qu'il comporte encore, malgré les propos du ministre, certaines zones d'incertitude. Plusieurs ont même accusé le ministre d'agir avec précipitation. Le Conseil du patronat, entre autres, devant les incohérences qu'il voit au projet de loi et les coûts du régime, demande de remettre carrément en cause l'opportunité de la mise en oeuvre.

Le ministre peut-il d'ailleurs nous expliquer pourquoi, outre les contraintes budgétaires, il persiste à nous imposer ce nouveau régime si rapidement? D'ailleurs, au chapitre des coûts, le ministre de la Santé et des Services sociaux ne semble pas pouvoir contredire ce fait. Depuis mars, la population sait que la mise en oeuvre de ce régime doit permettre au gouvernement de faire des économies de l'ordre de 200 000 000 $, cette année seulement. Ainsi, il était facile de déduire que la précipitation avec laquelle le gouvernement entend faire adopter le projet de loi semble motivée par des considérations budgétaires plutôt que par une discussion sur une politique sociale, comme le mentionnait le Conseil du patronat. À preuve, avant même que le ministre de la Santé et des Services sociaux annonce l'implantation du régime universel d'assurance-médicaments, il avait prévu, dans les crédits du mois de mars de son ministère, une coupure de 196 000 000 $ au programme Services pharmaceutiques et de médicaments. Cette coupure massive, qui sera annualisée en 1997-1998, dépassera les 300 000 000 $. Ces faits démontrent, M. le Président, hors de tout doute, que le ministre de la Santé et des Services sociaux, par l'annonce en mai 1996 de l'implantation d'un régime d'assurance-médicaments, vise à atteindre les objectifs financiers plutôt que de répondre aux besoins des 1 200 000 personnes non assurées.

La plupart des éléments essentiels qui constituent ce projet de loi ont été attaqués par plusieurs groupes. Pensons à la part payée par l'usager à l'achat de ses médicaments jusqu'à un plafond annuel qui a été vertement dénoncée. De même, la nouvelle catégorie de riches que le gouvernement du Parti québécois est en train de créer, soit les gens qui gagnent 15 000 $ par année. Comment peut-on prétendre, M. le Président, que ces gens pourront arriver à payer en plus une prime annuelle de 200 $? Est-ce que le ministre est vraiment conscient de ce que représente gagner 15 000 $ par année? Le ministre réalise-t-il que, pour certaines familles, ça veut probablement dire choisir entre la prime d'assurance ou les éléments de base de la vie courante? De même, lors des consultations, le ministre se souvient-il des propos de Mme Madone Landry, du Front commun des personnes assistées sociales, qui disait que les 300 $ maximum par année que ce nouveau régime pourra coûter aux assistés sociaux les forcera à recourir davantage aux banques alimentaires? Ce régime, dit-elle, est une redistribution de la pauvreté entre les pauvres. Malgré une réduction de 100 $ annoncée par le ministre aujourd'hui, on peut encore considérer que les craintes justifiées des regroupements d'assistés sociaux persisteront.

Par ailleurs, comment savoir combien coûte réellement le régime pour les assurés? Le ministre a prévu qu'il en coûtera 400 $ annuellement pour la prime familiale, alors que les assureurs privés estimaient, eux, que cette prime pourrait atteindre 564 $ annuellement. Cette différence serait due aux frais administratifs perçus par l'assureur pour gérer les déclarations. Perplexe devant cette affirmation, le ministre a demandé une étude indépendante à ce sujet. Finalement, nous apprenions hier qu'en raison des différences de coûts entre les études du ministre et celles des compagnies privées, le ministre a proposé que les 1 200 000 personnes non assurées relèvent maintenant de la Régie de l'assurance-maladie du Québec et non des compagnies privées, comme le prévoyait le projet de loi.

À ce titre, M. le Président, je me permets d'ouvrir une parenthèse. À titre de porte-parole des dossiers de Montréal, je me demande si le fait de transférer à la RAMQ la responsabilité des gens non assurés ne risque pas de compromettre une belle opportunité de créer un certain nombre de nouveaux emplois dans le secteur privé; emplois qui pourraient se créer en partie dans la métropole. J'aimerais bien avoir la chance d'entendre le ministre à ce sujet.

Cela dit, M. le Président, nous ne pouvons cependant voir que du négatif dans ce nouveau régime, car, pour la partie non assurée de notre société, les paramètres sont relativement généreux, cela dit, à condition que l'on tienne compte de l'impact sur les plus défavorisés. D'ailleurs, l'Ordre des pharmaciens considère le tout raisonnable et équitable en ce sens. Cependant, ils y mettent un bémol en parlant des personnes âgées et des plus pauvres. Selon l'Ordre, les contributions demandées peuvent exacerber les comportements d'infidélité thérapeutique et les inciter à délaisser le traitement. À ce moment, il y a lieu de s'interroger sur les risques pour la santé des individus, lorsqu'un traitement n'est pas respecté. D'ailleurs, l'Association des hôpitaux a émis la même crainte: la sous-consommation peut entraîner un recours accru de l'hospitalisation.

(12 h 40)

Je n'ai pas besoin de rappeler, M. le Président, que les fermetures d'hôpitaux issues du virage ambulatoire n'ont pas contribué à réduire le débit dans les salles d'urgence. Il serait malheureux de contribuer par ce nouveau régime à les engorger encore plus.

D'ailleurs, il est important de mentionner qu'avec le virage ambulatoire planifié par le ministre de la Santé et des Services sociaux l'assurance-médicaments est devenue nécessaire. En effet, puisque les personnes habituellement hospitalisées deux, trois ou quatre jours pour une intervention chirurgicale sortent plus rapidement de l'hôpital et se font soigner à la maison par le biais du maintien à domicile, les médicaments sont devenus la pierre angulaire de notre système de santé. Ces personnes qui sortent de l'hôpital précipitamment se retrouvaient souvent chez elles sans obtenir les médicaments qui, en milieu hospitalier, leur étaient donnés gratuitement. On se retrouve donc dans la situation où les personnes qui sortent de l'hôpital n'ont pas les moyens ou n'ont pas d'assurance pour payer ces médicaments, et les hôpitaux se déchargent facilement de la responsabilité de leur en fournir. C'est donc de là que découle toute l'importance qu'on a accordée au régime universel d'assurance-médicaments.

D'ailleurs, je crois, M. le Président, qu'il est important de mentionner que l'opposition officielle a réclamé un régime universel d'assurance-médicaments pour annuler les effets pervers du virage ambulatoire et surtout pour s'assurer que tous aient droit aux médicaments dont ils ont besoin, et ce, dans le contexte du virage ambulatoire. Il est également important de souligner que nous sommes et nous avons toujours, surtout, été d'accord, voire les défenseurs de l'implantation d'un régime universel d'assurance-médicaments, mais certainement pas aux conditions actuelles. C'est pour ça que nous aurions préféré continuer la discussion, puisque nous sommes pour un régime d'assurance universel de médicaments, pour bien l'implanter, puisque ce régime d'assurance implique des changements fondamentaux dans le comportement des citoyens.

Quelle est cette philosophie en matière de santé de toujours agir à la hâte? Je me permets de mentionner à nouveau que toute la procédure qui entoure l'implantation du régime démontre l'empressement du ministre. En effet, la grande majorité des groupes entendus ont dénoncé le peu de temps qu'ils ont eu pour étudier le projet de loi et venir présenter leurs commentaires en commission parlementaire.

L'implantation d'un tel régime va plus loin qu'une simple loi qu'on veut adopter, mais on parle plutôt d'un débat de société qui modifiera, comme je le disais tantôt, profondément les modalités qui entourent la consommation de médicaments. D'ailleurs, la grande majorité des groupes a démontré hors de tout doute que le projet de loi du ministre de la Santé et des Services sociaux n'était pas prêt et qu'il contenait plusieurs questions laissées sans réponse, qu'il avait besoin de plus de temps, et a demandé massivement le report de l'adoption du projet de loi, ne serait-ce qu'en automne.

D'autre part, devant cette contestation de plus en plus grande et devant l'ampleur des pouvoirs réglementaires que s'attribuait le ministre dans son projet de loi, il a déposé, à la demande répétée de notre formation politique, les coûts des primes, des franchises et de la coassurance qu'il entendait facturer aux citoyens. Il est important de mentionner que le ministre a choisi, dans un premier temps, de le faire par communiqué de presse plutôt qu'en déposant les projets de règlement, ce qui est évidemment beaucoup moins contraignant, puisqu'il pourra modifier ces tarifs à sa guise en invoquant n'importe quel prétexte. Voilà pourquoi l'opposition officielle jugeait indispensable que les règlements soient déposés en Chambre avant l'adoption du projet de loi. Or, voilà que le ministre nous a annoncé hier des modifications à son projet de loi n° 33.

Bien que nous y retrouvions des modifications, on doit le dire, considérables, force est de constater que, par ce communiqué de presse, le ministre n'a aucune obligation autre que morale, à la limite, de le respecter, puisqu'il n'a aucun effet coercitif. D'ailleurs, à ce jour, nous n'avons toujours pas obtenu les amendements précis dont le ministre nous parle ni les règlements qui consolideraient les tarifs exigés et annoncés pour le paiement de la prime et de la franchise.

Ce matin, mon collègue député de Robert-Baldwin a questionné le ministre sur une autre de nos inquiétudes. Il a demandé au ministre de s'engager à fixer un plafond afin de s'assurer que les contribuables ne se retrouvent pas avec une mauvaise surprise en voyant les frais augmenter. Encore une fois, le ministre est demeuré vague sur ce sujet.

M. le Président, je pense que le ministre devrait se rallier à un consensus général voulant qu'il doit donner plus de temps afin que tous et chacun soient en mesure d'évaluer tous les sous-aspects de ce nouveau régime. La précipitation ne saura être bénéfique dans ce dossier. Il s'agit d'une nouvelle façon de faire, comme on le disait tantôt, et surtout d'une nouvelle façon d'utiliser le système auquel nous sommes habitués. Alors, pourquoi ne pas prendre le temps qu'il faut?

M. le Président, je demande au ministre de la Santé et des Services sociaux de même qu'à l'ensemble de son gouvernement de ne pas choisir, dans un cas comme celui-ci qui nous occupe actuellement, de donner préséance aux contraintes budgétaires. On va s'organiser, M. le Président, pour couper ailleurs. C'est trop important, dans le cas de la santé de tous un chacun et des individus, de le faire, mais de le faire de façon concertée, de le faire de façon positive pour que tous les groupes de la société qui sont touchés par ce changement embarquent dans cette réforme et le fassent avec un consensus, de telle sorte que cette réforme, parce qu'on a besoin d'une réforme au Québec, on n'en doute pas, mais que cette réforme soit appliquée de façon positive et non pas coercitive, que chacun des contribuables sache à quoi s'en tenir, qu'on puisse contrôler les coûts de cette réforme. Et c'est pourquoi on demande, évidemment, de ne pas donner préséance aux contraintes budgétaires, mais plutôt d'accorder toute l'importance à la qualité des services offerts à notre population. Ça n'a jamais été notre façon de faire, et nous continuerons de dénoncer ce genre d'attitude, mais nous faisons confiance aussi au ministre pour qu'il revienne sur sa décision. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys. Je céderai maintenant la parole au député d'Argenteuil. M. le député.


M. Régent L. Beaudet

M. Beaudet: Merci, M. le Président. Vous comprendrez que c'est avec un vif intérêt que je m'adresse à cette Chambre aujourd'hui pour partager mes inquiétudes en ce qui a trait au projet de loi n° 33. Au cours des 30 dernières années, nous avons connu l'État-providence, nous avons vécu l'État-providence, nous avons vécu des années de déficit et nous en sommes rendus aujourd'hui, à cause de ces déficits, à cause de cet État-providence, à amener des coupures importantes dans plusieurs secteurs.

Aujourd'hui, malgré les coupures qu'on doit apporter dans l'éducation, dans la santé, dans l'environnement, dans la création d'emplois, malgré toutes ces coupures, le ministre de la Santé nous propose un autre engagement du gouvernement, nous propose un autre engagement où, bien qu'il nous dise qu'il y aura des bénéfices, pour le gouvernement, de 190 000 000 $, à la longue, M. le Président, nous allons assurer à la population un service que nous ne pouvons nous payer.

On a connu les grands projets de l'assurance-hospitalisation, l'assurance-maladie, la société d'amiante du Québec, Sidbec-Dosco, puis on pourrait continuer comme ça. Et, toujours, M. le Président, toujours, sans aucune faille, ça s'est avéré un échec parce que le gouvernement n'est pas un gestionnaire. Ce n'est pas dans son mandat de gérer, ce n'est pas dans son mandat d'administrer. Son mandat, c'est de voir à ce que les citoyens aient accès à des services de haute qualité au meilleur coût possible. Or, encore une fois, le gouvernement s'ingère, veut devenir le gestionnaire, le gérant d'une autre assurance-médicaments qui, à long terme, aboutira exactement de la même façon que nous vivons aujourd'hui dans la santé, c'est-à-dire des coupures, parce que nous ne pourrons nous les payer.

Le problème, M. le Président, c'est 1 100 000 citoyens qui dépensent bon an mal an 250 000 000 $, 260 000 000 $ en médicaments. Dans ce 1 100 000 citoyens, il y a beaucoup de professionnels, des dentistes, des médecins, des avocats, des notaires, des travailleurs autonomes qui ont décidé de leur propre chef de ne pas s'assurer. On vit dans un pays libre. Le ministre vient nous enlever aujourd'hui une partie de cette liberté, la liberté de choix, la liberté d'association, la liberté d'achat. Il y a aussi des travailleurs qui sont incapables de se payer cette assurance-médicaments-là, et ça, je pense que ce sont les gens que l'on devait viser. Le ministre a vu plus large. Il y avait déjà les gens qui sont de l'âge d'or, il y avait les gens sur la sécurité du revenu, maintenant, on inclut les gens avec des difficultés à arriver, c'est-à-dire ceux qui sont des bas salariés. Les autres, M. le Président, il fallait respecter leur autonomie et leur liberté de s'engager eux-mêmes et d'eux-mêmes aller prendre leur assurance. Aujourd'hui, on va leur imposer une assurance.

La solution qui est proposée par le ministre touche un peu cette situation où il va couvrir les 1 100 000 citoyens. Il a ciblé une partie du groupe. Mon plus grand reproche là-dedans, M. le Président, c'est que le ministre ne respecte pas la liberté des citoyens. Ceux qui veulent s'assurer, qu'ils le fassent; ceux qui ne veulent pas s'assurer, c'est leur choix.

(12 h 50)

Par ailleurs, il y a un principe d'universalité qu'on a toujours défendu au Québec depuis le début des années soixante, de sorte que ce soit accessible à tous: Qu'on soit blanc, qu'on soit noir, qu'on soit jeune, qu'on soit âgé, qu'on soit riche ou pauvre, tout le monde doit avoir accès à des soins de santé, tout le monde doit avoir accès à une couverture de médicaments. Alors, on peut le faire selon nos capacités financières. Ceux qui ne sont pas capables peuvent le faire eux-mêmes. Le ministre a décidé de tout mettre ce monde-là dans un même paquet. Alors, l'universalité, on le sait, ça a déjà commencé à sauter. Pourquoi aujourd'hui l'imposer, alors que c'est une universalité qui est sous une face cachée, parce que les gens vont payer? Alors, ceux qui vont avoir de l'argent, financièrement capables de payer, vont le faire, puis ceux qui ne seront pas capables vont être couverts.

Pourquoi le ministre ne s'est pas surtout adressé aux gens incapables de payer et n'a pas laissé les autres fonctionner par eux-mêmes? Les gens sont capables de se gérer eux-mêmes, et il n'y a pas un gouvernement... Le président Reagan l'avait très bien dit, et on pourrait le répéter aujourd'hui: Personne ne peut mieux gérer mon argent que moi-même, et ce n'est pas le gouvernement qui va mieux gérer mon assurance-médicaments personnelle. Je suis capable de la gérer moi-même. Lorsqu'on s'attaque à la gestion publique, c'est probablement le secteur le plus facile à toucher. On le voit, comment le gouvernement gère ses choses. À chaque occasion, dans les 30 dernières années, où il y a eu une implication sociale ou une décision sociale à prendre, on a toujours fait fi du social et de l'économique. Il y a toujours eu une séparation entre les deux.

Le temps est venu, M. le Président, d'être réaliste. Et, si l'on veut que le système ait un semblant d'autorégulation, on ne peut plus faire abstraction l'un de l'autre, le social devra considérer l'économique. On ne peut pas prendre des engagements sociaux sans prendre en considération les répercussions économiques et financières que ces engagements auront éventuellement sur la société qui paie déjà trop de taxes, puis la seule solution à ça, la seule réponse, ce sera de leur en demander encore plus. Alors, il est temps que l'État accepte de subir la loi, qui est commune à tous, qui interdit à une même autorité d'être le juge et la partie. Le juge et la partie. Le gouvernement décide que c'est pour le bien-être de toute la population qu'il va mettre en place un système d'assurance-médicaments, et aussi la partie parce que c'est lui qui décide d'aller prélever les impôts. Aujourd'hui, il dit: Non, non, on ne prélèvera pas d'impôts additionnels.

Par ailleurs, il est amusant de voir que le gouvernement va assumer les mêmes tâches, encore plus de tâches sur le plan de la responsabilité à payer les médicaments, puis qu'il va mettre dans sa poche 190 000 000 $. Essayez de m'expliquer ça, M. le Président. Ça va venir tout seul? Je ne sais pas si l'imprimerie centrale, à Ottawa, va nous envoyer 190 000 000 $ juste parce qu'on a mis en place l'assurance-médicaments. Si le gouvernement ajoute à sa charge une responsabilité additionnelle de 250 000 000 $ puis que, en plus, il en met 190 000 000 $ dans sa poche, il y a quelqu'un qui va payer. Ces personnes qui vont payer, ce sont les citoyens. Les gens âgés vont avoir une prime à payer, une coassurance à payer, et, ces gens-là, on ajoute déjà à leur fardeau. Il y aura aussi les gens bas salariés qui seront au-dessus d'un montant qui est fixé pour le moment, mais qui va sûrement changer avec le temps parce que le ministre va se rendre compte qu'il n'arrive plus dans ses calculs.

D'ailleurs, en parlant de calculs, M. le Président, je dois vous dire que, le ministre, il est rapide. Il est rapide, comme on disait chez nous, il peut se tourner sur un 10 cents. Mardi dernier, on nous faisait état en Chambre, au salon rouge, en commission parlementaire, par la coalition des syndicats, la CEQ, la FTQ et la CSN, de la possibilité de faire administrer le régime d'assurance par la RAMQ. Force nous est d'admettre, M. le Président, qu'en l'espace de quatre jours le ministre a pris une décision d'aller à la RAMQ et d'en avoir soupesé tous les impacts, toutes les données, et ça, en l'espace de quatre jours, parce que l'entente avait été avec les assureurs privés. Tout d'un coup, c'est la RAMQ qui va prendre la responsabilité de cette situation. Alors, vous comme moi, M. le Président, on sait très bien que la RAMQ, qui est une institution gouvernementale, n'aura d'autre souci ni d'autre obligation que d'engager du personnel additionnel. Il y aura 12 000 000 de données additionnelles à traiter par année, avec ce qu'on connaît des chiffres, et ce 12 000 000, bien évidemment, pour les traiter, il va falloir avoir du personnel additionnel; 12 000 000 de données qui devront être entrées par des individus. Et là on ne fait que commencer. La porte vient de s'ouvrir à des fonctionnaires. Parce que, des fonctionnaires, M. le Président, ça donne naissance à d'autres fonctionnaires. Alors, on aura du personnel additionnel.

Puis, comme ça a été le cas pour l'assurance-maladie – les coûts ont augmenté progressivement – bien, on va vivre la même chose, les coûts vont augmenter progressivement à cause des médicaments. Les médicaments, on le sait, il n'ont augmenté, depuis la période des sept à huit dernières années, que de 1 % par année; alors, ce n'est pas excessif. Alors, ce n'est pas le coût du médicament en soi qui augmente, c'est l'apparition de nouveaux médicaments dispendieux que la Régie devra mettre à la disposition de tous les intervenants. Il y a aussi l'élément de consommation, M. le Président, qui va augmenter par nécessité. Les gens qui avaient une certaine retenue devant les médicaments, bien, aujourd'hui, n'en auront plus; ce sera couvert. Et puis il y aura le facteur administratif, où le nombre de fonctionnaires additionnels va sûrement ajouter aux coûts.

M. le Président, les Québécois étaient mûrs et les Québécois sont mûrs pour un désengagement de l'État dans plusieurs secteurs. Ce n'est pas le temps, aujourd'hui, d'aller réimpliquer l'État dans un nouveau secteur, alors que les citoyens demandent au gouvernement: Veux-tu, reste dans tes affaires, laisse-moi gérer mes affaires. C'est ça qu'on demande au gouvernement. Et, aujourd'hui, le ministre nous propose un nouveau plan dans lequel il va s'ingérer directement dans mes affaires personnelles. Et, comme on le voit dans toutes les sociétés modernes où le gouvernement sort progressivement de plusieurs secteurs, nous, on continue, à l'inverse de toutes les tendances mondiales, actuellement, à vouloir en donner plus. On a un problème, M. le Président, un problème important.

Le ministre avait une occasion rêvée d'arrimer le public et le privé. D'ailleurs, ils avaient négocié ensemble. Quand le privé a dit: Bien, ça va coûter 25 %, 30 % de plus de frais d'administration, il n'est pas parti en peur avec la Régie de l'assurance-maladie du Québec pour dire: On ne sait pas combien ça va coûter. Il a dit, en quatre jours: En marche! Bien, peut-être qu'il aurait dû négocier avec les entrepreneurs privés puis voir que peut-être que l'administration, au lieu d'être 25 %, c'était 10 %, 12 %, 15 %, mais il y avait un terrain d'entente, il y avait une possibilité d'arrimage entre le privé et le gouvernement, et le public, puis le ministre a manqué sa chance à ce moment-là.

L'autre élément important, M. le Président, c'est le temps. Le ministre a fait en quatre jours ce que bien peu de personnes peuvent se permettre. Peu de personnes peuvent se permettre d'impliquer un gouvernement pour des années à venir et le faire en quatre jours. En quatre jours. Les fonctionnaires ont beau travailler 24 heures par jour, M. le Président, jour et nuit, samedi et dimanche, il n'en reste pas moins qu'il y a des retombées importantes qui vont se faire à cause de cette assurance-médicaments. Je trouve que le temps qui a été dédié à cette démarche a été beaucoup trop court pour être capable de peser toutes les retombées et les données.

On a aussi limité le support des gens âgés. Le support des gens âgés, M. le Président, parce que ce sont eux qui vont en grande partie supporter le programme. Alors, qu'est-ce qui presse tant le ministre de mettre en place son système d'assurance-médicaments si ce n'est d'économiser 190 000 000 $? Et cela, M. le Président, il va le faire sur le dos des bénéficiaires. Comme je l'ai dit tantôt, ma grande crainte, M. le Président, aussi, c'est que la RAMQ deviendra une deuxième SAAQ, où le gouvernement va accumuler des surplus et, pour camoufler ses dépenses ailleurs, ira piger à pleines mains dans les surplus qui auront été accumulés à la RAMQ, comme le gouvernement antérieur l'a fait à la SAAQ, mais comme le gouvernement actuel continue à le faire à la SAAQ. Et la RAMQ deviendra une deuxième SAAQ où le gouvernement ira piger des revenus additionnels pour lui permettre de faire des dépenses probablement injustifiées.

(13 heures)

M. le Président, le ministre doit se rendre à la demande de plusieurs groupes, qu'il a entendus d'ailleurs, qu'il a entendus religieusement, avec attention. Ces gens lui ont demandé de remettre son projet, non pas de l'abandonner, de le retarder, parce qu'on juge qu'il n'est pas prêt, qu'il y a beaucoup d'améliorations à apporter, et on juge que ce projet de loi devrait être modifié de façon significative; et, pour ce faire, il doit en retarder l'application, il doit revoir avec le milieu privé un arrimage possible afin d'introduire ce secteur important de notre économie dans le fonctionnement des assurances-médicaments.

Le projet tel qu'il est présenté aujourd'hui, malgré qu'on ne peut jamais être contre la vertu, le projet ne peut recueillir l'assentiment de l'opposition. Je ne peux pas endosser cette situation alors que je sais qu'on a un arrimage possible avec l'entreprise privée, je sais que les économies envisagées ne pourront être réalisées et je sais aussi que le ministre manque une opportunité à long terme de favoriser des économies importantes qu'il ira chercher sur le dos des gens âgés.

Alors, pour toutes ces raisons, M. le Président, vous pouvez être assuré que, le moment venu, je ne pourrai faire autrement que de voter contre le projet de loi n° 33. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci beaucoup, M. le député d'Argenteuil. Alors, Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: Oui, M. le Président. Compte tenu de l'heure, je vous demande d'ajourner nos travaux à cet après-midi, 15 heures.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, vous ajournez le débat à 15 heures, cet après-midi, et je suspends les travaux de l'Assemblée jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 13 h 3)

(Reprise à 15 h 5)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Veuillez vous asseoir, s'il vous plaît. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui, M. le Président. Je vous demanderais de prendre en considération l'article 6 de notre feuilleton.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, nous allons reprendre le débat sur l'adoption du principe du projet de loi n° 33, Loi sur l'assurance-médicaments et modifiant diverses dispositions législatives. Je vais maintenant céder la parole à Mme la députée de Saint-François. Mme la députée.


Mme Monique Gagnon-Tremblay

Mme Gagnon-Tremblay: Merci, M. le Président. Comme plusieurs de mes collègues, je me dois d'intervenir sur le projet de loi n° 33, Loi sur l'assurance-médicaments et modifiant diverses dispositions législatives. Je dois vous avouer que j'ai dû modifier une bonne partie de mon intervention, puisque le projet de loi qui, normalement, devrait faire l'objet de l'adoption de principe a été modifié substantiellement par le ministre suite à la conférence de presse qu'il a tenue hier après-midi. Quant aux nombreux amendements qui modifieront le projet de loi, il est difficile de se prononcer sur la teneur de ces amendements, puisque le ministre refuse de les déposer à l'adoption de principe. Il nous réserve ses surprises à la commission parlementaire, lorsqu'on fera l'étude article par article.

Le ministre a dû remettre sur sa table de travail son projet de loi. Il s'obstine, malgré les demandes répétées des différents groupes, de reporter son adoption afin de lui permettre de mieux fignoler son projet de loi, afin qu'il réponde aux besoins de la population. Et, quand on réalise que le ministre a travaillé sur ces modifications au cours de la dernière fin de semaine, M. le Président, après avoir rejeté les trois propositions soumises par le rapport Castonguay, il est possiblement juste de croire que les amendements proposés par le ministre, lorsque nous aurons eu l'occasion de les regarder, de les étudier en commission parlementaire, auront probablement le même traitement que son projet de loi.

Comment ne pas croire à l'improvisation du gouvernement, alors qu'il a fait fi des trois options – comme je le mentionnais – déjà soumises et qu'il en invente une quatrième. On se rendra vite compte, une fois de plus, que d'autres modifications devront être apportées à ces amendements, d'où l'importance de prendre le temps qu'il faut pour proposer à la population un projet de loi réfléchi, un projet de loi dont tous les impacts financiers ou autres auront été prévus, un projet de loi qui répondra aux besoins de la population, et non aux besoins du Trésor et des Finances.

Le ministre propose à la population non pas un régime d'assurance-médicaments universel, mais un régime universel d'augmentation de taxes. C'est tellement vrai, M. le Président, que la perception de la prime se fera par le ministère du Revenu du Québec via le rapport d'impôts. Donc, on ajoutera, sur nos rapports d'impôts, une autre petite ligne qui s'inscrira assurance-médicaments, comme on le fait, par exemple, pour la surtaxe aux contribuables ou encore pour l'assurance-santé.

Mais le grand gagnant, le grand gagnant de ce projet de loi, c'est le gouvernement Bouchard. Et les grands perdants, ce sont, bien sûr, les contribuables qui devront payer plus de 200 000 000 $ de taxes déguisées en 1996-1997, et près de 300 000 000 $ par la suite. De ces 200 000 000 $ que le gouvernement devra récupérer cette année, 215 000 000 $... c'est-à-dire, de ces 300 000 000 $ que le gouvernement récupérera au fil des ans, 215 000 000 $ devront être assumés par les personnes âgées. C'est une cible privilégiée du gouvernement péquiste.

En effet, après avoir fait des coupures dans les crédits d'impôt en raison de l'âge, après avoir augmenté les tarifs pour l'hébergement des soins de longue durée et les hausses des contributions pour les HLM, le gouvernement a décidé de frapper à nouveau et de faire supporter par les personnes âgées 72 % de la somme exigée cette année par le trésor public, et ce, à compter possiblement du 1er août prochain. C'est ce que le ministre a laissé entendre aux journalistes en conférence de presse hier.

(15 h 10)

On se souviendra, M. le Président, que le projet de loi n° 33, qui a été déposé par le ministre, n'a pas fait consensus. Plusieurs modifications étaient à prévoir, puisque le ministre n'avait pas tout prévu. Il n'avait pas prévu les impacts sur certaines clientèles. Le projet de loi qui se voulait équitable était devenu inéquitable pour les plus démunis de notre société. Ce projet a été décrié par la majorité des groupes, lesquels ont démontré hors de tout doute que le projet de loi du ministre n'était pas prêt, qu'il contenait plusieurs questions laissées sans réponse, qu'ils avaient besoin de plus de temps, pas d'une fin de semaine, pour improviser à nouveau.

Ils ont demandé le report de l'adoption dudit projet de loi, comme d'ailleurs l'opposition l'a fait. Que ce soient le Conseil du patronat, la Fédération des CLSC, le Front commun des personnes assistées sociales du Québec, la CSN, la FTQ, la CEQ, la Coalition des aînés, l'Association québécoise des pharmaciens propriétaires, l'Association des hôpitaux du Québec, et j'en passe, tous ont identifié plusieurs points litigieux.

Les amendements du ministre annoncés hier mais non encore déposés en cette Assemblée et préparés, comme je le mentionnais, à toute vapeur en fin de semaine dernière non seulement ne répondent pas à toutes les inquiétudes des groupes concernés, mais reflètent toujours le rafistolage, l'improvisation, la précipitation, l'urgence à faire assumer par la population une partie du déficit gouvernemental.

Nous connaissons maintenant le double discours du premier ministre: Aucune augmentation de taxes ni d'impôts. M. le Président, quand il s'agit pour le gouvernement de payer l'équité salariale pour les femmes, le premier ministre reporte l'adoption du projet de loi, mais, quand il s'agit de collecter des millions de dollars aux citoyens et citoyennes du Québec, le gouvernement fait fi de toute recommandation, bâillonne l'opposition et adopte avec sa majorité son projet de loi. Donc, double discours du premier ministre qui dit: Aucune augmentation de taxes ni d'impôts pour les contribuables, mais qui agit autrement en imposant une taxe déguisée de 300 000 000 $, qui vient puiser dans les poches des contribuables. Et, comme je le disais, c'est tellement vrai qu'on va retrouver cette taxe dans les lois de l'impôt et du revenu.

Les groupes venus se faire entendre lors des consultations ont permis d'identifier plus de 13 points litigieux ou questions demeurées sans réponse. Permettez-moi, M. le Président, d'en énumérer quelques-uns. Premièrement, le coût réel de la prime. Devant l'insistance des assureurs privés qui mettaient le ministre en garde d'une prime plus élevée que celle qu'il avait prévue, devant l'insistance des assureurs privés qui indiquaient au ministre qu'il avait omis de calculer des frais d'administration, de gestion et que les primes pourraient être augmentées d'au moins 10 %, le ministre, avec ses amendements, a pour réponse qu'il entend se passer des services des assureurs privés. Il a décidé de leur faire ce qu'on pourrait appeler un certain pied de nez. Il a tout simplement décidé que le régime de base pour les clientèles non assurées sera désormais offert exclusivement par la Régie de l'assurance-maladie du Québec.

La prime de base de 175 $ en moyenne par adulte, selon ses revenus, inclut tous les frais administratifs et est exempte de la TVQ et de la TPS. Donc, cela signifie, M. le Président, que la RAMQ devra augmenter le nombre de ses employés pour administrer ce nouveau régime. Donc, l'ensemble des contribuables devra assumer, en bout de piste, les frais d'administration afférents à ce nouveau régime. Comme on le sait, M. le Président, la RAMQ, actuellement, paie les salaires des médecins, l'assurance-santé, hospitalisation. Donc, pour éviter une prime de l'assurance-médicaments, le ministre pourrait être tenté d'augmenter tout simplement les autres frais supportés par l'ensemble des contribuables pour couvrir les frais d'administration de la RAMQ que prévoyaient les assureurs privés. Les assureurs privés lui ont dit que ces frais étaient inévitables.

Le deuxième point litigieux, M. le Président, porte sur les groupes qui sont intervenus et qui représentent les malades sur pied, ceux atteints d'une maladie grave qui nécessite des médicaments coûteux qu'ils n'ont pas toujours le moyen de se payer. Ces groupes voulaient connaître, avant l'adoption de la loi, les médicaments qui pourraient être inscrits sur la liste de la RAMQ. Le ministre n'a toujours pas déposé la liste des médicaments. On a raison de se questionner.

Un citoyen de Sherbrooke, un citoyen de mon comté, atteint de sclérose en plaques, m'écrivait cette semaine afin d'obtenir mon appui pour que le ministre inscrive sur la liste de la RAMQ le médicament Betaseron. Il a raison de s'inquiéter, car, bien que le Betaseron ne guérisse pas la maladie, ses bénéfices sont tout de même importants puisqu'il permet de diminuer le nombre et la gravité des périodes d'incapacité dont peut souffrir une personne atteinte de la forme cyclique de la sclérose en plaques comme lui. Lorsqu'on est gravement malade, comment faire comprendre, M. le Président, à un patient qu'un médicament ne peut pas le guérir et qu'on ne le lui administre pas car il est trop coûteux, quand il croit fermement le contraire? Et, de plus, M. le Président, si ce médicament ne se retrouve pas sur la liste de la RAMQ, les assureurs privés refuseront-ils de le payer? Il est fort possible, M. le Président, qu'on suive la directive de la RAMQ. Comment dire à ce patient qu'il devra, d'une part, payer sa prime pour ce nouveau régime d'assurance-médicaments, comme tout le monde, alors que le seul médicament dont il a besoin pour le soulager, lui, ne sera pas assuré? Je voudrais bien, M. le Président, que le ministre aille convaincre mon commettant du contraire, aille lui dire que, même s'il paie une prime, il se peut que son médicament ne soit pas assuré.

Un autre point litigieux concerne les pharmacies, les pharmaciens privés qui craignaient l'étatisation de leur pharmacie par le pouvoir du ministre d'établir le prix des médicaments et la rémunération des pharmaciens. Le ministre n'a pas modifié le projet de loi à cet égard et conserve toujours son pouvoir d'établir le prix des médicaments et la rémunération des pharmaciens. Je conviens avec le ministre qu'il faut contrôler le prix des médicaments, leur consommation, leur prescription par les médecins, mais il doit y avoir des moyens de le faire sans nécessairement étatiser les pharmacies.

Un autre point litigieux concerne les hôpitaux. Les hôpitaux, avec l'abolition de la circulaire «malades sur pied», obtenaient des budgets fermés pour des maladies spécifiques. L'assurance-médicaments ne prévoit pas de mesure pour assurer la survie de ces sommes d'argent. Il semble que le ministre ne déposera pas d'amendement allant dans ce sens.

Il n'y a toujours pas de plafond non plus fixé quant à l'indexation de la prime. Il y a donc risque d'une augmentation fulgurante du coût du régime d'année en année, et ce, à même les poches des contribuables. Même s'il y a évaluation par une commission parlementaire dans trois ans, une fois que le régime sera en place, il faudra bien en assumer les coûts. Quelle garantie, M. le Président, avons-nous du ministre que la prime se sera pas augmentée pour satisfaire aux demandes du Trésor et des Finances?

Il est clair, M. le Président, qu'avec le changement de cap improvisé du ministre ce dernier n'accorde aucun respect aux groupes consultés et au rôle des parlementaires. Le ministre nous demande de nous prononcer sur le principe d'un projet de loi qu'il a lui-même déposé, mais en même temps il nous demande de l'oublier, ce projet de loi, et de nous prononcer plutôt sur des amendements qui modifient substantiellement son projet de loi mais que nous n'avons pas encore en main. Il faut se fier sur le communiqué de presse d'hier du ministre pour connaître ses intentions. C'est un peu beaucoup exceptionnel, M. le Président.

(15 h 20)

Il est clair que le seul objectif poursuivi par le ministre – je devrais ajouter par le gouvernement péquiste – est la récupération des 200 000 000 $ pour 1996-1997, et ce, par tous les moyens, sans se soucier de l'impact d'une telle décision. Le ministre n'a pas réussi à convaincre ses collègues de couper ailleurs qu'à la Santé. Il n'a pas réussi à convaincre ses collègues que les efforts supplémentaires demandés à la Santé mettent en péril les services offerts à la population. Et, je vous le dis, M. le Président, il faut visiter les hôpitaux de ce temps-ci pour voir ce qui se passe: manque de personnel, personnel démotivé, inquiet. On fait ce qu'on peut. On fait le minimum. Je ne vous souhaite pas, M. le Président, d'être malade et je ne me le souhaite pas non plus de ce temps-ci. Il faut éviter, autant que possible, les hôpitaux.

Pourquoi est-il si urgent pour le gouvernement d'adopter un tel projet de loi? Pour assurer à 1 200 000 personnes l'assurance-médicaments ou pour récupérer rapidement la somme de 200 000 000 $ d'ici le 31 mars 1997? Poser la question, c'est en même temps y répondre. Il est clair que la santé n'est pas une priorité pour ce gouvernement et que le ministre doit répondre à une commande de taxes déguisées. Actuellement, 60 % de la population contribue à un régime privé d'assurance-médicaments. Cette portion de la population continuera à assumer le coût d'un régime privé d'assurance.

Mais il faut se questionner, M. le Président. Nous avons une assurance-médicaments, une assurance privée, sans aucune franchise. Qu'arrivera-t-il une fois que ce programme sera mis en place? Est-ce qu'il y aura une franchise? Est-ce que les assureurs privés ne se baseront pas sur le régime gouvernemental avec une franchise de 100 $, pour arrimer, justement, leur franchise? Ou encore, s'il n'y a pas arrimage de la franchise, ne seront-ils pas tentés d'augmenter les primes des assurances privées? Ce sont des questions pour lesquelles nous n'avons pas encore réponse.

M. le Président, en plus du 60 % de gens déjà assurés, il y a une portion de 15 % à 20 % de la population couverte actuellement qui représente les prestataires de la sécurité du revenu et les personnes âgées de 65 ans et plus. Les personnes de 65 ans et plus, comme on le sait, actuellement, obtiennent leurs médicaments en déboursant 2 $ par prescription, et ce, jusqu'à un maximum de 100 $ annuellement. Après le paiement des 100 $, toutes les prescriptions sont gratuites. Pour les prestataires de la sécurité du revenu, le gouvernement paie au complet les prescriptions et les médicaments à cette clientèle.

Mais les personnes âgées de 65 ans et plus devront dorénavant assumer la prime de 175 $ maximum, dépendamment, bien sûr, des revenus; la franchise de 100 $; plus la coassurance, c'est-à-dire 25 % des médicaments jusqu'à concurrence d'un plafond de 750 $. C'est donc une grande différence avec le petit 2 $ qu'on leur demandait. Et, souvenez-vous, M. le Président, lorsque le Parti libéral avait décidé d'imposer aux personnes âgées un 2 $ par prescription, les gens qui forment maintenant le gouvernement déchiraient leur chemise sur la place publique, c'était incroyable. Alors que, là, on va faire payer à la clientèle des personnes âgées des sommes considérables. On a beau vouloir l'étaler à tous les trois mois, sur une période trimestrielle, mais, en bout de ligne, il faut quand même aller chercher cet argent-là dans nos poches. On a beau l'étaler, mais on doit le payer de toute façon. À la fin de l'année, M. le Président, on l'a payé. Donc, on a beau vouloir assouplir la mesure en permettant aux gens de l'étaler sur certaines périodes de mois, mais, comme je le mentionnais, on doit, en bout de ligne, l'assumer.

Le régime actuel laisse donc, M. le Président, de 15 % à 20 % de la population, soit 1 200 000 personnes au Québec sans aucune couverture. Avec le virage ambulatoire étrangement planifié par le ministre de la Santé et des Services sociaux, l'assurance-médicaments est devenue nécessaire, puisque les personnes sortent plus rapidement des hôpitaux après une intervention chirurgicale et se font soigner à la maison par le biais du maintien à domicile, quand elles peuvent l'obtenir, quand elles peuvent obtenir ce service, parce qu'il est loin d'être uniforme d'un CLSC à l'autre. Les médicaments sont devenus la pierre angulaire de notre système de santé. Et, comme ces personnes ne sont plus hospitalisées pour des périodes aussi longues, elles doivent assumer le coût des médicaments prescrits par les médecins, et plusieurs d'entre elles n'ont même pas les moyens de se payer de tels médicaments à la maison. Donc, quand le ministre a obligé les hôpitaux à retourner les malades chez eux rapidement, il s'est vite rendu compte de la nécessité d'un régime universel d'assurance-médicaments.

L'opposition, M. le Président, est d'accord avec le principe d'un régime universel d'assurance-médicaments pour aider ceux et celles qui doivent assumer les coûts de médicaments dont ils ou elles ont besoin et qu'ils ou elles sont incapables d'assumer. Mais, l'opposition est en désaccord avec un projet de loi de dernière minute adopté à la vapeur, un régime de récupération de taxes. La grande majorité des groupes entendus ont dénoncé le peu de temps qu'ils ont eu pour étudier le projet de loi. Ils devront maintenant recommencer l'exercice. On aurait eu besoin d'un débat beaucoup plus large sur le contrôle des médicaments, sur les prescriptions, sur le prix des médicaments. Le gouvernement préfère récupérer rapidement des millions de dollars sans faire le véritable débat, et c'est malheureux.

L'opposition aurait souhaité faire entendre raison au ministre, au gouvernement, afin de reporter l'adoption du projet de loi, et ce, dans le plus grand intérêt de toute la population québécoise. Comment, M. le Président, l'opposition peut-elle voter en faveur du principe de ce projet de loi, alors qu'elle n'a même pas vu les amendements? Alors, M. le Président, je regrette que le ministre ne puisse revenir sur sa décision et reporter de quelques mois son projet de loi afin de mieux le fignoler. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la députée de Saint-François. Je vais maintenant céder la parole à Mme la députée de Jean-Talon. Mme la députée.


Mme Margaret F. Delisle

Mme Delisle: Merci, M. le Président. M. le Président, on a encore la preuve, depuis hier, de l'improvisation de ce gouvernement. Le ministre de la Santé et des Services sociaux, on le sait, a reçu, au printemps, sa deuxième grosse commande en moins d'un an, en fait, celle à laquelle je fais référence, c'est-à-dire d'aller chercher 200 000 000 $ dans la poche des contribuables. Aller chercher 200 000 000 $ dans la poche des contribuables, M. le Président, ce n'est pas si facile que ça.

Alors, le premier ministre a passé la commande, lui qui avait promis que les citoyens ne seraient aucunement affectés par les coupures, le premier ministre qui, sans doute, ne se rappelle pas d'avoir pris cet engagement, peut-être était-il trop fatigué la journée où il nous a dit, à l'Assemblée nationale, que la machine, l'administration, les appareils, c'est sûr, mais les citoyens ne seront pas touchés. Les citoyens ne seront pas touchés, M. le Président. Comment ce gouvernement, par la voix de son chef et premier ministre élu en toute confiance pour nous gérer, peut-il, le plus sérieusement du monde, induire autant la population en erreur? Pas de nouvelles taxes, pas de nouveaux impôts, nous dit-on du côté ministériel, je ne pense pas qu'il y ait grand monde, M. le Président, qui les croira d'ici la fin de l'année 1996.

Eh bien, M. le Président, le ministre de la Santé et des Services sociaux a répondu à la commande de son chef et a imaginé le projet suivant – je fais référence, ici, au projet de loi n° 33 qui a été déposé il n'y a pas tellement longtemps devant l'Assemblée nationale. Il s'agit de la Loi sur l'assurance-médicaments et modifiant diverses dispositions législatives. Avant d'élaborer plus longuement sur le projet de loi comme tel, j'aimerais, M. le Président, vous brosser un bref historique de ce dossier.

Je pense que, pour bien situer le contexte du projet de loi, il faut savoir comment fonctionne, actuellement, le régime. Voici ce qu'il en est: 60 % de la population contribuent, actuellement, à un régime privé d'assurance-médicaments; 15 % à 20 % de la population représentent les prestataires de la sécurité du revenu et les personnes de 65 ans et plus. Les personnes de 65 ans et plus obtiennent, actuellement, leurs médicaments en déboursant 2 $ par prescription, et ce, jusqu'à un maximum de 100 $ annuellement. Après le 100 $, toutes les prescriptions sont gratuites. Pour les prestataires de la sécurité du revenu, le gouvernement paie au complet les prescriptions et les médicaments à cette clientèle.

(15 h 30)

Vous me permettrez, M. le Président, de vous faire une parenthèse. Je me souviens très bien, en campagne électorale – ça ne fait quand même pas 10 ans de ça, ça ne fait même pas deux ans – la candidate du Parti québécois dans Jean-Talon, donc celle qui m'était opposée, avait déchiré sa chemise et avait même proposé et promis l'abolition du 2 $ qu'on imposait aux personnes âgées pour le paiement des médicaments. J'aurais bien aimé pouvoir la revoir en cette Chambre – malheureusement pour elle, c'est moi qui y suis – mais j'aimerais bien pouvoir la rencontrer, lui demander ce quelle pense de son gouvernement actuellement, avec le projet de loi qui est sur la table, qui est devant nous.

En 1981, avait été implanté ce qu'on appelle la circulaire «malades sur pied». Cette circulaire visait à aider les personnes qui étaient atteintes de maladie grave à obtenir des médicaments coûteux à un prix accessible. Ces personnes avaient donc à débourser 2 $ par prescription, mais ce, sans aucun plafond. Le régime actuel laisse donc de 15 % à 20 % de la population, donc 1 200 000 personnes, au Québec qui n'ont aucune couverture.

Avec le virage ambulatoire, étrangement planifié par le ministre de la Santé et des Services sociaux, l'assurance-médicaments est devenue nécessaire, et je vais vous expliquer pourquoi, M. le Président. Puisque les personnes habituellement hospitalisées pour deux, trois ou quatre jours pour une intervention chirurgicale sortent maintenant plus rapidement de l'hôpital et se font soigner à la maison, les médicaments sont devenus la pierre angulaire de notre système de santé. Donc, les personnes sortent de l'hôpital et sont maintenant obligées de payer leurs médicaments, alors qu'à l'hôpital les médicaments étaient gratuits.

On se trouve donc dans la situation où les personnes qui sortent de l'hôpital n'ont plus ou n'ont pas les moyens ou n'ont pas d'assurance pour payer ces médicaments, et les hôpitaux se déchargent facilement de leur responsabilité pour leur en fournir. C'est donc de là que découle l'importance qu'on a accordée au régime universel d'assurance-médicaments.

Il faut se rappeler aussi, en toute honnêteté, M. le Président, que l'opposition officielle a réclamé, depuis plus de deux ans, un régime universel d'assurance-médicaments pour annuler les effets pervers du virage ambulatoire et, surtout, pour s'assurer que tous aient droit aux médicaments dont ils ont besoin, et ce, toujours dans le contexte du virage ambulatoire. Il est également important de souligner que nous sommes toujours d'accord avec un régime universel d'assurance-médicaments, mais pas dans la façon improvisée de le présenter tel qu'on le fait aujourd'hui.

On sait que ce projet de loi institue un régime général d'assurance-médicaments qui a pour objet d'assurer l'ensemble de la population québécoise. On sait que le projet de loi prévoit une participation financière des personnes couvertes, exige donc le versement d'une prime qui sera maintenue à leur charge, une franchise et une coassurance, et ce, d'une somme maximale. C'est le gouvernement qui va fixer par règlement les montants de la prime et de la franchise, de la part de la coassurance et de la somme maximale.

Le projet de loi propose également des exonérations, des réductions, des compensations au bénéfice des familles à faible revenu, des personnes âgées et des enfants, tout dépendamment des cas.

Il impose également l'obligation de détenir un contrat d'assurance individuelle ou d'adhérer à une assurance collective ou à un régime d'avantages sociaux qui garantit au moins la même couverture que celle du régime général. Ça veut dire qu'il y a 1 200 000 personnes qui ne sont pas couvertes actuellement et qui vont devoir adhérer à un système. Elles n'auront pas le choix. On oblige les assureurs, les intermédiaires du marché en assurance de personnes et les administrateurs d'avantages sociaux à offrir le régime général.

Le projet de loi ajoute des dispositions visant à permettre la perception de la prime afférente au régime général et d'une pénalité prévue en cas de défaut de paiement. Ces dispositions seront appliquées par le ministre du Revenu.

M. le Président, il y a plusieurs dispositions dans le projet de loi n° 33. Je ne les prendrai pas une par une, ça serait beaucoup trop long et le temps qui m'est imparti ne me permet pas de le faire; cependant, j'aimerais vous parler de l'article 58, qui touche la liste des médicaments.

L'article 58 prévoit que le ministre dresse la liste des médicaments dont les coûts sont garantis par le régime d'assurance général. Cette liste va présenter des médicaments d'exception prévus par un règlement du gouvernement dont le coût est couvert par le régime général. Cet article est suivi de l'article 59, qui stipule que la liste doit être mise à jour périodiquement après consultation du Conseil consultatif de pharmacologie. Toutefois, on ne connaît toujours pas quels médicaments seront assurés sur la liste du ministre et on ne sait toujours pas à ce jour si la révision se fera de façon continue. Tous les groupes entendus ont mentionné l'importance de faire inscrire un médicament rapidement car le traitement est primordial pour une maladie. On suggère donc que la révision de la liste puisse se faire à n'importe quelle période de l'année et non pas comme elle se fait actuellement, soit entre le 1er juillet et le 1er janvier de chaque année.

M. le Président, avant même que le ministre de la Santé annonce l'implantation du régime universel d'assurance-médicaments – c'est un peu ce qui nous chatouille, ce qui nous choque, nous, dans l'opposition – c'est qu'il avait déjà prévu dans les crédits du mois de mars de son ministère une coupure de 196 000 000 $ au programme Services pharmaceutiques et médicaments. Cette coupure massive, qui sera annualisée en 1997-1998, dépassera les 300 000 000 $. Ces faits nous démontrent hors de tout doute que le ministre de la Santé et des Services sociaux, par l'annonce en mai 1996 de l'implantation d'un régime d'assurance-médicaments, vise à atteindre ses objectifs financiers – autrement dit, à remplir la commande qui lui a été donnée par le président du Conseil du trésor, donc par le premier ministre du Québec – plutôt que de répondre aux besoins des 1 200 000 personnes qui sont non assurées. On tente depuis plusieurs jours de démontrer que ce nouveau régime n'est en effet qu'un régime de récupération de taxes. Ces coupures se font sur le dos des démunis, sur les plus démunis de notre société, sur les personnes âgées de 65 ans, qui devront contribuer pour 215 000 000 $ sur les 300 000 000 $ que le ministre veut récupérer. Il est très important de mentionner que toute la procédure qui entoure l'implantation du régime démontre l'improvisation et l'empressement du ministre.

La grande majorité des groupes qui ont été entendus ont dénoncé le peu de temps qu'ils ont eu pour étudier le projet et pour venir présenter leurs commentaires en commission parlementaire. L'implantation d'un tel régime va beaucoup plus loin qu'une simple loi qu'on veut adopter, mais on parle plutôt d'un débat de société qui modifiera profondément les modalités qui entourent la consommation des médicaments. Alors, M. le Président, le ministre s'est rangé à une des demandes de l'opposition qui, en fait, exigeait de connaître les primes. On a appris hier que la prime individuelle serait de 176 $ et la familiale de 250 $, la franchise étant de 100 $ pour tout le monde. Quant au plafond, les prestataires de la sécurité du revenu et les personnes âgées de 65 ans et plus ayant le supplément du revenu garanti paieront 300 $; personnes âgées, supplément de revenu garanti partiel, 500 $; tous les autres, 750 $. Toutes les personnes ayant un revenu applicable pour l'exemption totale de la prime devront payer 40 $ de prime pour chaque 1 000 $ supplémentaire de revenus.

Je vous donne à titre d'exemple, M. le Président, un ménage avec un adulte: le paiement de la prime totale obligatoire, si le revenu est plus grand ou égal à... pour un adulte dont le paiement de la prime... si le revenu est plus grand que 14 800 $, un adulte, un enfant, 21 300 $. Un adulte, deux enfants, 23 900 $. Et je terminerai avec deux adultes, deux enfants, à 30 700 $.

(15 h 40)

Comme on peut le constater, les barèmes sont très bas et très peu modulés. Ainsi donc, une personne qui gagne 15 000 $ annuellement devra payer les mêmes montants qu'une personne qui gagne 100 000 $, et ce, pour une consommation de médicaments identique. De plus, il faut savoir que le seuil de pauvreté pour une personne dans les grandes villes est évalué à 15 479 $, ce que le ministre considère comme une personne pouvant assumer tous les coûts des médicaments. J'aimerais que le ministre nous définisse la compassion parce que, M. le Président, on ne sent aucune compassion de la part de ce gouvernement ni de la part de ses ministres.

Le fait de faire payer les personnes prestataires de la sécurité du revenu et les plus démunies peut entraîner des effets pervers, c'est-à-dire des risques majeurs que ces personnes ne prennent pas leurs médicaments et se retrouvent ainsi hospitalisées. Alors, l'économie qu'on aurait souhaitée, bien, on ne l'aura pas parce que les gens vont être hospitalisés à nouveau et auront droit aux médicaments gratuits.

Plusieurs groupes, M. le Président, sont venus s'exprimer devant la commission parlementaire. Je vous en fais grâce; je vous ferai également grâce de l'ensemble des commentaires. Je vous ferai quand même ressortir quelques éléments qui nous apparaissaient assez litigieux. On ne connaît pas les médicaments qui vont être inscrits sur la liste de la RAMQ; il est donc très important que le ministre la dépose avant l'adoption du projet.

La politique de reconnaissance des nouveaux médicaments n'est pas connue et la composition du Conseil consultatif de pharmacologie, chargé de leur analyse, est contestée par tous les intervenants puisqu'il n'y a aucune obligation pour le Conseil consultatif de pharmacologie de consulter des groupes représentant les patients. L'arrimage entre les régimes publics collectifs et les régimes individuels pour les employés occasionnels et à temps partiel n'est pas fait. Le pouvoir du ministre d'établir le prix des médicaments et la rémunération des pharmaciens risque d'avoir pour conséquence une étatisation des pharmacies. On pourrait faire un synonyme et parler de nationalisation des pharmacies. Et je peux vous dire, M. le Président, que les pharmaciens sont fort inquiets.

Les tarifs dorénavant facturés aux plus démunis et aux personnes âgées entraîneront nécessairement l'infidélité au traitement, ce qui augmentera la facture du réseau de la santé par le biais de l'hospitalisation. Il n'y a aucun plafond fixé quant à l'indexation. Il y a donc risque d'une augmentation fulgurante du coût du régime d'année en année, et ce, à même la poche des contribuables. Il n'y a pas de reconnaissance spécifique non plus pour des groupes de personnes atteintes de maladies graves, alors que toute la problématique ne peut être considérée de la même façon pour l'ensemble de la population.

M. le Président, à la lumière de tous ces faits, il est évident que le seul objectif que poursuit le ministre est de récupérer le 200 000 000 $ par tous les moyens, et ce, sans se soucier de l'impact d'une telle décision. Il se limite non pas à être le ministre de la Santé et des Services sociaux, mais à être l'adjoint du président du Conseil du trésor.

M. le Président, en passant d'un régime privé à un régime public, il est évident qu'il n'y aura pas d'économie. On sait que le système public coûte plus cher que le système privé. Le ministre de la Santé et des Services sociaux nous a fait le coup de la baguette magique. Vous vous rappellerez sûrement, M. le Président, la baguette magique du premier ministre, lui qui, à l'époque du référendum, était le chef de l'opposition à Ottawa. Les études Le Hir, ce n'était pas important. Le déficit, pas important. La dette, pas de problème. Tout avait été balayé du revers de la main au nom de la cause. Mais voilà qu'un beau matin il se réveille premier ministre du Québec et doit gérer la dette, le déficit, les promesses, etc. L'une des conséquences de l'arrivée du premier ministre est la commande rapide qu'il a passée à tous ses ministres et à tous ses complices. Le premier ministre coupe, taxe, tarife, invente des moyens sous prétexte d'assainir les finances publiques. Mais les Québécois et les Québécoises ne sont pas dupes, croyez-le. Malgré le fait qu'il nous a promis qu'il n'y avait aucune nouvelle taxe, aucune nouvelle tarification qui serait imposée, M. le Président, s'il le dit, c'est sûrement parce que c'est vrai. On a eu un bel exemple de la véracité de ses propos la semaine dernière au Vermont.

M. le Président, même si le ministre de la Santé et des Services sociaux a effectué un virage hier, même s'il a décidé de confier à la Régie de l'assurance-maladie l'assurance des 1 200 000 personnes qui n'étaient pas assurées, même s'il en a diminué la prime, qui, croyez-vous, paiera le manque à gagner? C'est vous et moi. Ce sont les contribuables du Québec. Ma collègue de Saint-François, celle qui m'a précédée tout à l'heure, mentionnait que le grand gagnant était le gouvernement et que le grand perdant était le contribuable. Je suis parfaitement d'accord avec elle. Parce qu'on sait très bien que, même si c'est le système public qui paie, la différence, le manque à gagner, c'est encore vous et moi qui allons le payer, parce qu'il y aura des impôts... on devra payer plus d'impôts pour combler ce déficit.

Nous avons demandé au gouvernement, M. le Président, de reporter à l'automne le projet de loi n° 33 pour qu'on puisse s'asseoir non seulement avec le gouvernement, mais avec les organismes qui ont pris la peine de venir se présenter devant la commission parlementaire. Ça nous a été refusé. C'est un dossier majeur, qui change profondément les habitudes et qui change aussi la façon de gérer du gouvernement. Alors, pour toutes ces raisons, je serai contre le projet de loi n° 33.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la députée de Jean-Talon. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Rivière-du-Loup. M. le député.


M. Mario Dumont

M. Dumont: Merci, M. le Président. Au moment d'intervenir sur le principe du projet de loi n° 33 sur l'assurance-médicaments, la première question à se poser, c'est: Est-ce qu'on est d'accord? Est-ce qu'on juge souhaitable l'augmentation des revenus du gouvernement, donc l'accroissement du fardeau fiscal? Parce qu'on peut prendre toutes les formes, on peut accroître le fardeau fiscal d'une multitude de façons. Le gouvernement, avec l'assurance-médicaments, nous arrive avec une nouvelle de ces façons-là. Mais je pense qu'il y a une question incontournable, à première vue, en voyant le projet de loi, un projet de loi qui vient chercher, cette année – on parle souvent d'un 200 000 000 $ – 200 000 000 $, mais qui ouvre la porte à ce que, pour les années qui vont suivre, d'ici cinq, 10, 15 ans, on aille chercher Dieu sait combien dans les poches des contribuables.

Est-ce qu'on juge souhaitable que le gouvernement vienne accroître la ponction, le fardeau fiscal des familles, des contribuables du Québec? Moi, ça fait longtemps que j'ai donné ma réponse à ça, M. le Président, c'est non. Les contribuables sont surtaxés, sont étouffés, ne sont plus capables. Il ne faut pas en rajouter.

La deuxième question, c'est: Est-ce qu'un programme d'assurance-médicaments comme celui-là est nécessaire? Est-ce qu'il est réclamé par la population? Est-ce qu'il y a des gens, là... On entend nos concitoyens tous les jours. Ce qu'ils veulent, c'est des emplois. Ce dont ils sont écoeurés, c'est de la taxation excessive. Mais est-ce qu'on les entend quotidiennement réclamer un programme d'assurance-médicaments? Non. Qui est-ce qui l'a demandé, le régime d'assurance-médicaments? Qui sont ces citoyens qui, présentement, ne sont pas assurés? Il y en a 1 000 000, un petit peu plus que 1 000 000, 1 200 000, mais, quand on les catégorise, on s'aperçoit que, là-dedans, il y a pas mal de jeunes, des travailleurs autonomes, des gens qui sont des étudiants, qui, pour plusieurs, d'ailleurs... Et ça, évidemment, dans les méthodes des années soixante-dix, on n'en tenait pas compte; mais, ça, j'y reviendrai tantôt. Qui, évidemment, pour plusieurs, ne souhaitent pas vraiment être assurés, n'ont jamais demandé ça, trouvent déjà que le gouvernement leur cause assez de troubles comme ça puis qui ne voient pas la nécessité, à ce stade-ci, d'avoir un régime d'assurance-médicaments puis de repayer d'autre chose pour ça, ils en paient assez.

Alors, évidemment, on va me dire: Parmi ceux-là, il y en a qui ont des maladies graves, des maladies chroniques. Mais, pour ça, il existait déjà un programme, «malades sur pied». Et si c'est à ce programme-là qu'on voulait s'adresser, si c'est à ces clientèles-là qu'on voulait s'adresser, peut-être qu'on n'utilise pas les bons moyens pour s'adresser au bon problème.

(15 h 50)

L'autre clientèle dont on dit souvent qu'elle n'est pas assurée, c'est les personnes du troisième âge. Pensez-vous qu'ils sont en faveur de l'assurance-médicaments, les personnes du troisième âge? Présentement, on vient, par ce programme-là, siphonner de l'argent dans leurs poches. Partout où on va, les personnes du troisième âge sont révoltées du programme d'assurance-médicaments. Alors, finalement, il n'y a pas... Les gens qui sont d'accord avec ça, les plus gros promoteurs de l'assurance-médicaments, M. le Président, ça va être les gens qui, évidemment... C'est la clientèle du Parti québécois, mais beaucoup des gens qui ont de toute façon une sécurité d'emploi absolue, qui ont de toute façon un régime d'assurance mur à mur, mais qui, dans les principes et dans le discours, trouvent ça beau: C'est universel, c'est un État généreux, on a un bon système, on a un système qui est généreux pour tous les citoyens. Alors, ça leur fait des beaux discours, mais, dans la vraie vie, ce n'est pas eux autres qui sont touchés; eux autres, ils en ont déjà un programme à leur travail. Ce sont des gens qui, pour plusieurs, travaillent au gouvernement ou travaillent dans des emplois stables et font partie de la génération qui... Dieu merci si ça existait à une époque, je ne suis pas jaloux de ça; et puis bravo si ça existait. Mais on le dit souvent, ils avaient deux années de faites dans le bac et ils étaient déjà employés. Alors, il y a eu une époque, les années soixante-dix, où c'était comme ça.

Personnellement, l'urgence, le besoin, la nécessité d'un programme comme celui-là, je ne la sens pas. Moi, je représente une population, je fais du bureau de comté, je fais des activités de comté. Je suis encore en attente du premier citoyen qui va venir me dire: Vous êtes mieux de ne pas voter contre ça, M. Dumont; c'est important, le programme d'assurance-médicaments. J'attends encore le premier. Par contre, il y en a une méchante gang qui m'ont dit: Eh! Eh! Ne laissez pas passer n'importe quoi, là; ils vont trouver d'autres moyens de venir chercher de l'argent dans notre proche. Ça, on se le fait dire. Ça, on se le fait dire régulièrement.

On nous dit: On veut un régime universel d'assurance-médicaments. Je ne peux pas m'empêcher, M. le Président, quand on me parle d'universalité, d'en profiter pour revenir sur la fausse gratuité des soins de santé au Québec. La fausse gratuité. Parce que, on est le fun au Québec, quand même, on a trouvé un critère sur ce que c'était que la gratuité. La gratuité, au Québec, c'est quand tu vas à l'hôpital; c'est gratuit. Chez le dentiste, ce n'est pas gratuit. Un enfant de 15 ans ou un jeune, un adolescent de 15 ans peut avoir une dent, dans la bouche, qui lui pourrit jusqu'à la gencive, ce qui va être, en termes de santé, en termes d'impact à long terme sur sa vie, peut-être plus grave que – je ne sais pas – une grippe ou une otite, dans le fond, qui va passer au bout de quatre, cinq jours. Mais, parce que, politiquement, on veut dire: Au Québec, c'est gratuit, bien, ce qui se passe dans l'hôpital, il faut que ce soit gratuit. Mais les soins dentaires, ça, par contre, ils vont dire: Débrouille-toi. Ça, ce n'est pas gratuit, ça se passe ailleurs, la gratuité. Il y a déjà plusieurs années, M. le Président, qu'on a renoncé à la gratuité des soins de santé. On fait de la gratuité théorique. On a un système qui est tout boiteux, tout à l'envers à cause de ça, avec des critères plus ou moins sérieux. C'est l'édifice, c'est la sorte de plancher et les sortes de murs qu'on a. C'est un hôpital ou ce n'est pas un hôpital qui décide si le soin de santé est gratuit ou pas gratuit ou s'il est essentiel ou pas essentiel.

Puis là on veut aller plus loin dans cette veine-là avec un régime d'assurance-médicaments qu'on va dire universel. Évidemment, dans l'urgence des problèmes, je pense que les différents partis à l'Assemblée nationale peuvent avoir des agendas différents. Quand on regarde le feuilleton, quand on regarde le menu législatif que nous propose le Parti québécois, quand on regarde ça vite, des fois, on a l'impression vraiment que c'est un retour aux années soixante-dix. Le type de problématique auquel on s'adresse, la façon, dans le dernier budget, la fiscalité, la façon très injuste dont on traite les travailleurs autonomes. Ce sont les travailleurs d'aujourd'hui, ça. C'est les jeunes, c'est la génération nouvelle de travailleurs. Eux autres, on vient les claquer dans le dernier budget. Eux autres, ils vont manger une bonne claque. Mais, par contre, on vient, avec des systèmes, grossir le gouvernement, augmenter la bureaucratie, donner plus de pouvoirs au ministère du Revenu: les échanges d'information à l'infini. Le gouvernement ne sera jamais assez gros puis assez puissant.

Puis là on fait une étape de plus, le régime d'assurance-médicaments. C'est extraordinaire comme raisonnement, ce qui se passe. Le régime d'assurance-médicaments, on dit: Les entreprises privées se disent pas capables de nous l'offrir au coût qu'on espérerait; la Régie de l'assurance-maladie va nous l'offrir au coût qu'on souhaite. Moi, j'ai parlé avec des actuaires, j'ai parlé avec des gens dans le domaine, il n'y en a pas un qui croit ça. Il n'y a personne qui croit que ça va marcher, M. le Président. Il n'y a personne qui croit que la Régie de l'assurance-maladie va tellement avoir des coûts d'administration extraordinairement bas, puis va tellement être efficace, puis va tellement être débureaucratisée qu'elle va réussir là où l'entreprise privée ne serait pas capable de réussir. Il n'y a personne qui croit ça, M. le Président.

On pourrait faire la liste des questions qui n'ont pas eu de réponses dans ce projet-là. D'abord, toute la question des systèmes informatiques. Je ne sais pas s'il y a d'autres parlementaires qui se font poser des questions là-dessus, mais il me semble que les lignes téléphoniques pour expliquer l'assurance-médicaments puis les contrats sur le système informatique sont plus avancés que la réflexion elle-même sur les coûts du projet d'assurance-médicaments. Ce n'est pas le chien qui branle sa queue, c'est la queue qui branle le chien.

Ce qui se passe ailleurs aussi. Moi, je sais que dans quelques autres provinces des systèmes comme ceux-là ont été testés, ont été essayés. D'ailleurs, dans le rapport Castonguay, on en cite, à la page 36, un certain nombre. Puis ce qu'on craint au Québec, l'explosion des coûts, là, qui vont être transférés comme fardeau aux contribuables, ça s'est passé ailleurs. Le contrôle des coûts, ça a été un des gros problèmes ailleurs. Or, on ne peut pas voir, M. le Président, au niveau des coûts que le gouvernement prévoit à l'heure actuelle, comment ça va être maintenu. Toutes les indications que j'ai, toutes les vérifications que j'ai fait faire arrivent aux mêmes conclusions: ce système-là va devenir un monstre de bureaucratie comme tant d'autres avant dans le gouvernement, va amener une surconsommation des médicaments, une surconsommation parce que, imaginez donc que, quand les gens vont arriver, quand le montant maximal, ils vont l'avoir payé, comme on dit, ça va y aller «aux toasts».

Puis si, en plus, on va un petit peu plus loin puis si on arrive à mettre en place des systèmes avec une carte, les gens n'auront même plus besoin de demander leur remboursement. Ça va aller vite, ça va être la carte, et les gens vont envoyer la facture directement au gouvernement, comme on le fait avec l'assurance-maladie. Ça n'a pas de bon sens, d'ailleurs, ce qu'on fait avec l'assurance-maladie. Il n'y a personne qui laisse sa carte de crédit pas signée comme ça. Ça fait longtemps que je dénonce une situation comme celle-là, qu'on devrait au moins signer, voir les actes qui nous ont été administrés en termes de soins de santé. Signer. Oui, qu'on ait un système public où c'est le gouvernement qui ramasse la facture, mais qu'au moins on signe, qu'on dise: Oui, j'ai eu tel, tel soin.

Si je me souviens bien, quand on a mis en place l'assurance-maladie, il y a des gens qui questionnaient ça, le contrôle des coûts, qui disaient que ça allait amener une explosion des coûts puis de la facturation excessive à l'acte. À l'époque, on disait: Non, non, non, on ne peut pas questionner nos professionnels comme ça puis on ne peut pas penser, présumer que les gens vont agir de cette façon-là. Puis on s'aperçoit au fil des années que, quand c'est gratuit, puis quand personne ne contrôle rien, puis quand personne ne vérifie rien, puis quand personne ne signe rien, bien oui, il y en a, de la surfacturation puis, bien oui, il y en avait de la double puis de la triple utilisation des mêmes cartes d'assurance-maladie. Puis c'est 20 et quelques années plus tard qu'on a commencé à se poser la question puis peut-être mettre la photo sur la carte et essayer de commencer à exercer un minimum de contrôle parce que, les coûts, on ne les contrôlait plus. Je ne sais pas, j'ai l'impression qu'avec le régime d'assurance-médicaments, à l'heure où on se parle, c'est dans la même direction qu'on s'en va.

Mon impression, M. le Président, c'est qu'on est parti essentiellement de deux problèmes. On est parti d'un problème avec les «malades sur pied», où il y avait une difficulté à résorber les coûts de ce programme-là dans le gouvernement. C'est quelque 30 000 000 $. Pas le même ordre de grandeur. Puis, deuxième problème, on disait: Il faut aller chercher plus d'argent dans la santé. On ne peut plus couper dans les hôpitaux; les régies, bien, ça, c'est la fonction publique, on ne peut pas toucher à ça, c'est nos amis, puis là... On est arrivé à dire: On va aller chercher cet argent-là, qu'il nous faut, dans la santé. Plutôt que de couper, on va aller le chercher dans les poches des contribuables. On ne peut pas dire qu'on va augmenter les taxes, on ne peut pas dire qu'on va augmenter les impôts, ça fait qu'on a combiné ces deux situations-là ensemble, le programme des «malades sur pied» puis la nécessité d'aller chercher de l'argent dans les poches des contribuables, puis là on est parti de ces deux choses-là puis on a créé toute une balloune. Je sais que le mot n'est pas dans le dictionnaire, mais vous pouvez me le prêter, M. le Président, parce que c'est le seul qui convienne. On a créé toute une balloune autour de ça, M. le Président, qu'on a appelée l'assurance-médicaments, puis à partir de laquelle on va venir chercher de l'argent dans les poches des gens par une taxe, une des nombreuses, il faut le préciser, taxes déguisées.

(16 heures)

Or, on a pris une solution, mais il y a une époque où c'était ça, la mode, hein: on partait d'un problème, puis une solution, il fallait que ce soit mur à mur, tous azimuts. On essayait de tout régler les problèmes en même temps, puis les systèmes n'étaient jamais assez gros. Puis, quand le système était en place, on disait: On va mettre des comités pour contrôler le système, puis plus de fonctionnaires, puis une plus grosse machine.

Bien là on reprend ce modèle-là dans le cas de l'assurance-médicaments. Mais je ne comprends pas, M. le Président, parce que c'est ce modèle-là qui nous a amenés dans la situation financière où on est. C'est ce système-là, c'est ces méthodes-là, de tout vouloir régler par des grosses structures gouvernementales, qui nous ont amenés dans le type de problème où on est aujourd'hui financièrement, au niveau du gouvernement. Puis, au même moment où on dit qu'on veut essayer de s'en sortir, on nous revient avec ce même genre de programme là. J'ai bien de la difficulté à comprendre ça. Je serais curieux de savoir, je serais curieux d'avoir d'autres informations, M. le Président.

Maintenant qu'on sait que c'est entièrement la RAMQ qui gérerait un programme comme celui-là, il y a combien de monde qui vont gérer ça? On regarde le gouvernement, différentes structures... Je jasais avec des gens qui gèrent des fois des structures comparables, par exemple les régimes de retraite, la CARRA. Dans le secteur privé, on gère des fonds de proportion à peu près équivalente avec 40 % du monde dont ils ont besoin, 40 % des employés dont ils ont besoin.

Or, je me dis: Avec l'assurance-médicaments, quelle grosseur de structure on va mettre? Qu'est-ce qu'on va mettre comme bureaucratie? Combien de fonctionnaires il va y avoir là-dedans? On «a-tu» une idée de combien de centaines, 300, 500, 600? Ça va être quoi, la grosseur de cette structure-là? Ça va être quoi, la grosseur, au point de départ? Puis ça va être quoi, la grosseur, au bout de cinq ou 10 ans, M. le Président? Parce qu'on sait ce que c'est que de créer des structures gouvernementales, hein. Ça a tendance à enfler, là. Il n'y a pas de médicaments, puis il n'y a pas d'assurance-médicaments contre ça. Une structure gouvernementale, quand tu la mets en place, ça enfle, on le sait, puis ça coûte de plus en plus cher, puis c'est de plus en plus compliqué, puis c'est de plus en plus lent.

On crée aussi là-dedans, dans le projet de loi n° 33, le Fonds de l'assurance-médicaments. En soi, que le gouvernement ait créé des fonds, on ne peut pas avoir d'objection de principe à ça. Mais il faut regarder, au fil des années, ce qui s'est passé quand le gouvernement a créé des fonds: on les détourne.

L'assurance automobile. L'assurance automobile, M. le Président, on a détourné les fonds de l'assurance auto. On a fait payer les gens pour une chose, on a créé un surplus, on est allé siphonner cet argent-là, puis on l'a ramené comme étant une taxe. Le gouvernement d'aujourd'hui était l'opposition dans le temps, il appelait ça un hold-up. Aujourd'hui, il paie, avec nos taxes et nos impôts, des avocats pour aller défendre devant les tribunaux que c'était bien correct ce que les libéraux faisaient dans le temps, que c'était bien beau comme ça, puis qu'il faut garder ces lois-là intactes au cas où on aurait besoin de les utiliser nous autres aussi. Puis là je ne parle pas des 325 000 000 $ qu'ils ont détournés une fois, puis du reste, puis du reste, là.

Là, on crée un nouveau fonds. Ah! C'est sûr que, aujourd'hui, on va nous dire: Ah! ce fonds-là, ce n'est pas pour être détourné. On disait la même chose à la fin des années soixante-dix quand on a créé l'assurance auto. Il n'y a pas un parlementaire dans l'Assemblée qui a dit: Ça, c'est des fonds qu'on va détourner un jour. Personne n'a dit ça. Mais, 10 ans plus tard, on était les deux mains dedans. Bien, il faut y penser au moment où on veut voter quelque chose comme ça. Il faut y penser.

Aujourd'hui, tout le monde a les beaux principes: C'est universel, que l'État est donc généreux, qu'on a donc de l'argent au Québec et que notre gouvernement est donc bien organisé. Mais, dans quelques années, on va faire quoi? On va aller piger, on va aller chercher des cotisations de plus en plus grosses dans les poches des gens, puis on va prendre cet argent-là puis on va le détourner.

Je sais comment, le député de Lévis, les détournements de fonds dans les caisses des sociétés paragouvernementales, ça le préoccupe. Il a été un de ceux qui ont été les plus agressifs, les plus furieux quand l'ancien gouvernement libéral faisait ce genre de manoeuvre là, un de ceux qui ont été les plus critiques, hein, pour leur serrer la vis là-dessus. Bien, aujourd'hui, je ne suis pas capable de voter un projet de loi comme celui-là, M. le Président, sans me poser les mêmes questions. Pas capable.

En résumé, M. le Président, on est devant un projet de loi qui vise essentiellement à récupérer 200 000 000 $ cette année. Nouvelle taxe, aucune raison d'être pour ça. Nouvelle taxe, mais c'est plus qu'une nouvelle taxe, c'est une nouvelle forme de taxe, là. Quand on place un tuyau dans le puits, il ne faut pas juste regarder combien il vient chercher d'eau le matin, là, il faut regarder si à chaque année après ça on va être capable d'aller chercher de l'eau dans le puits. Alors, quand on crée une nouvelle façon d'aller chercher de l'argent dans les poches des gens, il ne faut pas penser juste à la première année, le montant. Il faut dire: L'année prochaine, ça va être quoi? Puis dans deux ans? Puis dans trois ans? Puis dans cinq ans? On a des raisons de s'inquiéter.

Puis j'ai l'impression, M. le Président, peut-être que je me trompe, peut-être qu'il y a des concitoyens qui diront que je me trompe, mais c'est rare que ça baisse. Je ne le sais pas, mais, quand le gouvernement met une tarification, quand il met un programme, quand il met une nouvelle taxe, c'est rare que ça baisse. Je suis heureux d'entendre les membres du gouvernement qui reconnaissent enfin que, avant que l'Action démocratique du Québec soit au pouvoir, il n'y en aura pas beaucoup, de baisses. Il n'y en aura peut-être... Non!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Dumont: Je suis heureux de les entendre.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Dumont: Je suis heureux de les entendre, M. le Président, parce qu'ils soulignent le fait que de plus en plus de Québécois réalisent – d'ailleurs, il y en a presque 17 %, hier, dans le comté de L'Assomption, qui en étaient convaincus – que ça va prendre un parti qui a des méthodes différentes pour gérer pour qu'on puisse espérer alléger le fardeau des contribuables puis arrêter de mettre de nouvelles structures et de nouvelles taxes de toutes sortes.

Une voix: C'est vrai.

M. Dumont: Deuxièmement, on est devant un programme que personne ne veut. Et, le plus drôle, c'est que ceux qu'on utilise pour justifier le programme sont les premiers à ne pas en vouloir. Ceux qu'on nomme quand on parle des personnes non assurées sont les premiers à ne pas en vouloir. Ça répond à une bonne partie de la question.

Deuxièmement, on se lance dans un système qui menace la surconsommation de médicaments, dans un système où personne, aujourd'hui, n'est en mesure d'évaluer la croissance des coûts. Tout le monde sait que les coûts vont aller en croissant. Tout le monde sait qu'on va avoir de la misère à les contrôler. Personne n'est capable d'évaluer l'ampleur de ça. Ce qu'on sait, c'est que ça va nous coûter cher. On s'embarque dans un autre système de bureaucratie, de structures gouvernementales. On n'en veut pas plus, M. le Président, on en veut moins. On en veut moins.

Et je résume toute ma position pour vous dire pourquoi je suis contre le principe du projet de loi n° 33, parce que j'ai l'impression que, le bilan de tout ça fait, là, on va créer beaucoup plus de problèmes que de solutions. Et, quand on crée plus de problèmes que de solutions, on serait mieux de s'abstenir. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le député de Rivière-du-Loup. Maintenant, je vais céder la parole à M. le député de Laurier-Dorion.


M. Christos Sirros

M. Sirros: Merci beaucoup, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le député.

M. Sirros: M. le Président, ça me faisait vraiment plaisir d'entendre le député de Rivière-du-Loup parce que je trouvais qu'il avait pris presque mot à mot les argumentaires et l'argumentation qu'on présentait ici. Il est évident que ses racines du Parti libéral l'ont bien entraîné, parce que, effectivement, ce que nous avons ici, c'est un projet de loi antisocial, inéquitable, coûteux et inutile dans sa forme actuelle. Un projet de loi qui ne correspond à absolument aucun besoin au niveau de la santé des personnes, mais qui correspond à des besoins pour la santé financière du président du Conseil du trésor et qui utilise la voie détournée de taxation par l'instauration de ce qu'on veut dire être un programme universel d'assurance-médicaments pour protéger les gens contre les coûts de la consommation des médicaments, mais qui, en fait, est un puits pour aller taxer les gens davantage.

Parce que, un peu comme ça a déjà été décrit, regardons les choses comme elles sont. Qui va bénéficier de ce projet de loi? Qui va bénéficier de ce programme d'assurance-maladie et qui va payer? Qui est actuellement couvert? Et vous voyez comme je... J'ai un petit mal de gorge, M. le Président, vous m'excuserez. À l'heure actuelle, à l'heure où on se parle, 80 %, huit Québécois sur 10, sont déjà couverts. Parce que, si on regarde ça catégorie par catégorie, la catégorie des personnes âgées, ceux qui sont le plus susceptibles d'en avoir besoin, d'avoir recours à l'utilisation de médicaments vis-à-vis de la santé, ceux dont la santé est la plus fragile, actuellement, ces gens-là sont couverts à 100 % pour 100 $ par année, maximum.

Et je pense que ça a été remarqué, mais je me rappelle très bien, il y a à peine trois, quatre ou cinq ans, quand le précédent gouvernement a instauré un ticket modérateur – entre guillemets – de 2 $ par prescription médicale jusqu'à concurrence de 100 $, maximum, comment les gens qui, aujourd'hui, se présentent comme ceux qui veulent mettre de l'avant ce programme s'étaient choqués. Obstruction épouvantable contre l'instauration de ce petit 2 $, comme ça avait été appelé. Des discours enflammés, des chemises déchirées sous l'angle, M. le Président, du méchant Parti libéral qui taxe les personnes âgées, qui fait payer les personnes âgées. Ça, c'étaient les gens qui, en toute sincérité, à l'époque...

(16 h 10)

Et c'est pour ça que l'approche d'aujourd'hui est une approche hypocrite, une approche qui fait en sorte que les discours d'antan ont été mis dans la poubelle avec les principes et les croyances de ces gens-là. Ça a été mis dans la poubelle, parce qu'ils n'ont pas de principes, surtout pas de principes de sociaux-démocrates, surtout pas de principes de protection sociale, parce que ce qu'on est en train de faire par rapport, en premier lieu, à ceux qui ont le plus grand besoin d'assurance-médicaments, c'est qu'on les fait régresser. On enlève une protection qui existe actuellement à 100 % pour 100 $ et on va vers une formule qui va aller piger dans la poche de ces gens-là, va leur enlever, donc, une protection qui existe, pour leur donner moins de protection.

Et pourquoi ça, M. le Président? Parce que l'autre groupe qu'on devrait examiner, c'est les personnes qui sont incapables de payer, disons les assistés sociaux, ceux qui sont les plus démunis dans la société. On devrait au moins se dire: Bien, ceux-là, ils vont avoir quelque chose de plus avec ce projet de loi. La situation actuelle, c'est que ces gens-là aussi sont couverts à 100 % pour 0 $, dans leur cas. On estime, puis on a toujours estimé, du côté du Parti libéral, que ceux qui sont les plus mal pris, les plus démunis, qui se retrouvent, à un moment donné, dans un programme de dernier recours, dont les barèmes sont calculés en fonction du plus bas que le minimum... Puis on n'a pas calculé dans l'octroi des barèmes une certaine épargne pour que ces gens-là puissent payer pour des imprévus. On les a couverts. Donc, leurs médicaments, actuellement, sont tout à fait gratuits.

Le programme qui est mis de l'avant par le présent gouvernement, qui, jusqu'à il y a quelques années, faisait des larmes de crocodile par rapport au 2 $ qu'on voulait imposer, entre guillemets, ce programme actuel va donc faire payer les gens qui n'ont pas le sou. Donc, un autre recul de la protection sociale, un amoindrissement de la protection sociale, un geste antisocial, un geste qui va dans le sens des plus draconiens des partis de droite, M. le Président. Taxer les pauvres, taxer les vieux à partir de situations qui sont déjà totalement couvertes, donc, pour ces deux groupes, net recul par ce projet de loi.

Il y a aussi un autre groupe de personnes dans la société québécoise, et c'est 60 % de l'ensemble de la population, qui, par le biais de conventions collectives, d'ententes avec l'employeur, est actuellement couvert par le biais d'assurances privées collectives, un arrangement privé entre l'entreprise privée et une collectivité, un groupe de personnes, par exemple l'Assemblée nationale, la fonction publique, les commissions scolaires, les hôpitaux – leurs employés, devrais-je dire. Les entreprises privées contractent avec des assureurs une entente par le biais de laquelle on paie une certaine prime, puis on est couvert pour des médicaments en cas de maladie. Ça convient très bien.

Et, quand on ajoute tout ça ensemble, on voit que les deux groupes qui ont soit le plus besoin au niveau de la santé ou le plus besoin au niveau financier sont actuellement totalement couverts. Un grand groupe de personnes s'arrangent très bien avec un arrangement privé qui leur offre le choix, par exemple, d'aller chercher la compagnie d'assurances qui conviendrait le plus et qui offrirait le mieux un programme adapté à leurs besoins, avec des primes correspondantes. Le jeu de la concurrence se joue là-dedans, la liberté aussi de pouvoir avoir accès à une liste de médicaments probablement plus large que ce que nous allons connaître avec une liste étatisée pour l'ensemble, et ça, ça couvre 80 % de la population.

Alors, la première question qu'il faut se poser, c'est: Pour qui on fait ce projet de loi? Pour le 20 % qui n'est pas assuré, nous dit-on. Moi, ça fait 15 ans que je suis député à l'Assemblée nationale et je ne me rappelle pas avoir eu, durant ces 15 années, beaucoup de personnes qui se sont présentées dans mon bureau pour me demander qu'on instaure, pour ces gens-là, un programme d'assurance-médicaments, ou avoir connu des situations dramatiques. Il se peut, ici et là, qu'il y ait des choses qui arrivent, M. le Président.

Il y a aussi, actuellement, une autre situation qui est tout à fait couverte, qui ne nécessite pas ce programme pour pallier la réalité de ces personnes, c'est les personnes, par exemple, qui vivent des maladies très graves qui nécessitent des médicaments très coûteux. Ça aussi, c'est couvert actuellement par des arrangements spéciaux par rapport à des maladies particulières et rares, en quelque sorte, relativement à l'ensemble de la population, M. le Président.

Alors, pour qui donc on fait ça? On va le faire, nous dit-on, parce qu'il y a 20 % de la population qui n'est pas couverte. Mais la réalité, c'est que le ministre de la Santé va aller chercher 300 000 000 $ pour son collègue du Conseil du trésor, en faisant régresser la protection sociale des personnes âgées, en faisant régresser la protection sociale qu'ont les assistés sociaux et en faisant payer plus cher, de 5 % à 10 %, nous dit-on, donc moins d'argent dans leur poche, tout ce groupe de 60 % qui sont assurés du côté privé, M. le Président.

Alors, où est le bénéfice? Pour le 20 % qui ne le réclamait pas, comme le disait très bien le député de Rivière-du-Loup, on va instaurer un système d'ensemble? Voyons donc! Il faudrait au moins que vous ayez l'honnêteté, de l'autre côté, de nous dire: Ça nous coûte 300 000 000 $ de trop; on ne veut pas payer 300 000 000 $ puis on veut faire régresser la protection sociale des personnes âgées, on veut faire régresser la protection sociale des assistés sociaux puis on veut aller chercher 300 000 000 $. C'est l'essentiel du projet de loi.

Pourquoi cette hâte, cette hâte de faire en sorte qu'on l'adopte à toute vapeur, à l'intérieur d'une période très restreinte par rapport aux effets qu'un projet de loi de cette nature va avoir? Pourquoi ne pas prendre le temps, avec l'opposition, avec les autres partis, avec l'ensemble de la population, d'examiner véritablement comment on peut mieux pallier le besoin qui peut être réel par rapport à des situations où des personnes requièrent une protection par rapport aux médicaments qu'elles doivent consommer suite à des conditions de maladie, M. le Président?

Normalement, si on le regarde d'un autre côté, ça voudrait dire que, pour 300 000 000 $, on pourrait avoir un système vraiment universel, pour tout le monde, où tout le monde serait couvert, sans payer autre chose que des taxes régulières, augmentées de 300 000 000 $, M. le Président. Si on laisse les choses telles quelles, ça voudrait dire qu'il faudrait continuer d'assumer les coûts du système actuel.

Le gouvernement avait des choix, il doit faire des choix. Mais, de la façon qu'ils ont procédé pour faire ces choix, ça a été tout simplement de mettre tous les éléments dans le même collimateur, si je peux parler ainsi, et de faire payer un peu tout le monde sans égard aux effets sur la protection sociale qu'on s'est donnée à travers les années, comme société, sans égard aux effets particuliers sur la santé des personnes que ce projet de loi peut et va avoir, M. le Président.

Parce que vous n'allez pas me faire croire qu'un assisté social à qui, maintenant, on va demander de contribuer 200 $ ne va pas trouver ça un peu difficile de trouver ces 200 $, M. le Président, étant donné que les barèmes qu'on établit pour cette catégorie de personnes, comme je le disais tantôt, n'incluent aucune marge, à l'intérieur du calcul qui est fait, pour l'imprévu. Quand on sait que, pour une personne seule, le seuil de pauvreté dans une ville comme Montréal, par exemple, est tout près de 15 000 $ et qu'une personne assistée sociale reçoit... je pense que c'est tout près de 8 000 $, M. le Président, comme prestations, vous voyez déjà l'écart.

Alors, il n'y a personne qui va faire croire à personne qu'en raison d'équité, comme disait le ministre, l'assisté social doit payer pour avoir accès à ce magnifique cadeau qu'on va lui faire d'avoir maintenant à payer pour les médicaments que, jusqu'à hier, il n'avait pas à payer; que la personne âgée, elle aussi, on va lui faire ce genre de cadeau empoisonné, en lui disant: Tu as trop bénéficié, monsieur, de la société jusqu'à maintenant, fini la gratuité des médicaments pour toi. Dorénavant, nous, grand parti social-démocrate, oubliez le sens de ce que ça veut dire, ça, nous vous faisons payer, maintenant. Nous faisons payer à ces personnes-là des montants qui font reculer leur protection sociale.

(16 h 20)

M. le Président, il est évident que ce projet de loi a été fait en fonction des besoins financiers, non pas en fonction des besoins de la santé des personnes, et fait à la hâte et de façon improvisée. Le ministre nous sert souvent ses grand discours d'équité et de solidarité sociale. Le premier ministre aussi est très fort sur ces mots-là. Mais les gestes réels, concrets de ce gouvernement, jour après jour, démasquent la vérité, démontrent le vrai sens, la vraie nature de ce gouvernement, qui est un gouvernement qui fait des discours mielleux mais des gestes draconiens.

Dans ce cas-ci, par exemple, ils vont faire payer exactement le même montant, même si on parle de solidarité et d'équité sociale, la même prime à quelqu'un qui gagne, par exemple, 15 000 $ ou 100 000 $. Ces deux personnes vont avoir à débourser le même montant. Une famille de quatre personnes, deux adultes, deux enfants, qui gagne 30 000 $ et la même famille qui gagne 300 000 $ vont avoir à débourser exactement la même chose. Qu'on vienne nous dire que, ça, c'est de l'équité sociale, qu'on vienne nous dire que, ça, c'est une approche progressiste. C'est une approche qui est la marque de commerce des partis les plus à droite. La seule différence, c'est que vous couvrez, de l'autre côté, le gouvernement actuel couvre ses gestes avec des discours qui datent d'une époque où peut-être il avait une autre approche vis-à-vis de la vie.

Mais, en plus de ça, tout récemment, le ministre de la Santé nous annonce à la hâte et à la dernière minute que c'est fini, que ça ne sera plus les assureurs privés qui vont assurer, qui vont avoir la possibilité d'assurer le 1 200 000 personnes qui ne sont présentement pas couvertes, mais que ça va être l'assurance-maladie qui va assumer le programme, M. le Président. Donc, un autre – comment je peux dire – pas dans la direction de l'étatisation des programmes: bureaucratie, réglementation, limitation probable des choix possibles, tout ça sous le couvert que ça va coûter moins cher, parce que, supposément, il n'y aura pas de profit à faire pour l'assurance-maladie.

Souvent on a vu à combien de reprises que, même quand il y a du profit à faire, l'entreprise privée, par la voie de la compétition, réussit des fois à être beaucoup plus efficace et à offrir des services à moindres coûts pour le consommateur, pour le payeur de taxes, finalement, pour nous, les citoyens, en fin de compte. Et c'est ça qui compte, au bout de la ligne, plus qu'un appareil étatique géré par l'ensemble bureaucratique avec des conventions collectives, avec la sécurité d'emploi, avec une série de facteurs qui nécessairement alourdissent la facture.

Il est à prévoir très facilement qu'à court et sûrement à moyen terme les coûts de l'assurance-maladie en termes d'administration d'un programme comme celui qu'ils vont administrer vont être plus élevés que ce que ça aurait été si le jeu de la concurrence pouvait jouer, si l'entreprise privée pouvait offrir ces services et ces possibilités-là.

Mais, même avant ça, il faut revenir à la question initiale: Pourquoi ce projet maintenant? L'idée de trouver quelque chose, une façon de faire pour ceux qui sont dans le besoin de défrayer pour des coûts de médicaments, qui sont au-delà de leurs moyens, des fois, qu'on se donne ce mandat comme société, je pense, on va trouver ensemble ici la possibilité de tous dire qu'il faut aller dans ce sens-là. D'ailleurs, ça a été déjà commencé, M. le Président, au préalable.

Mais, quand on regarde les effets de l'application du programme choisi par le ministre, on doit nécessairement constater qu'il y a un recul de la protection sociale pour les personnes âgées, un autre recul de la protection sociale pour les personnes assistées sociales, une augmentation du fardeau fiscal de tous ceux qui sont déjà couverts et une contribution forcée de la part de personnes qui n'ont jamais réclamé d'être couvertes.

Alors, quand on pose la question: Pour qui ce programme est mis de l'avant?, la réponse est très claire: Pour le président du Conseil du trésor, M. le Président. Et, avec ce projet de loi et la façon dont il est mis de l'avant, la hâte avec laquelle on veut le faire adopter et passer, on risque de créer des erreurs fondamentales, des erreurs qui vont avoir des conséquences réelles sur les personnes, sur leur santé et sûrement sur leur santé financière.

Alors, il est à souhaiter que, même en ces dernières minutes, dernières semaines de la session, le ministre puisse voir la lumière, en quelque sorte, et réaliser que, si nous voulons comme société nous donner un projet comme ça, une protection qui va assurer une couverture au niveau des médicaments, M. le Président, ça vaut la peine de prendre le temps de le faire correctement et ne pas procéder de la façon dont ce gouvernement procède. Merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Laurier-Dorion. Je vais maintenant céder la parole à M. le chef de l'opposition officielle et député de Vaudreuil.


M. Daniel Johnson

M. Johnson: Oui, merci, M. le Président. Dans ce dossier-là, le ministre de la Santé agit avec précipitation dans un domaine qui relève de la santé publique. Et je ne veux pas qu'on confonde la précipitation avec la rapidité, la célérité ou, je dirais, l'esprit de décision; c'est vraiment avec précipitation. Comme on dit dans le langage de tous les jours, c'est en se garrochant, dans le fond, que le ministre de la Santé est en train de nous envoyer par la tête un programme qui n'est pas de l'assurance-médicaments, mais qui est un impôt-médicaments.

Ça, ça a été amené avec une improvisation assez extraordinaire – et je me ferai fort de le démontrer – improvisation qu'on comprend, lorsque le ministre de la Santé présente un projet de loi, parce que ça lui est dicté par le ministre des Finances. Il faut faire un petit peu, je dirais de mise en contexte de tout ça pour bien constater que c'est un projet de loi à caractère financier et budgétaire qui est devant nous et que c'est autant le ministre des Finances que le président du Conseil du trésor que le premier ministre qui sont derrière ce projet de loi, avec lequel se débat, ma foi, avec passablement d'habileté bureaucratique, le ministre de la Santé.

On a assisté, M. le Président, depuis quelques heures, à un débat où le silence assourdissant du gouvernement est remarquable. On a devant nous quand même plusieurs douzaines de députés ministériels, du Parti québécois, plus de 70, et on n'entend rien. On n'entend rien, de l'autre côté. En pleine nuit, le ministre de la Santé est venu proposer son projet et, vers 1 h 30 du matin, le brave et toujours fiable député de Masson est allé au bâton pour la majorité ministérielle, avec, évidemment, ses discours à l'emporte-pièce qu'on lui connaît et qui ont fait sa réputation ici depuis une quinzaine d'années. À part ça, pas un mot. Il appartient à l'opposition de dénoncer le projet de loi dans son essence même, qui est un impôt-médicaments.

C'est un projet de loi à caractère financier. C'est un projet de loi qui a été annoncé dans le livre des crédits. Ça, c'est absolument exceptionnel. Dans le livre des crédits, la dernière semaine de mars, on a vu, au titre de la santé et des services sociaux, une économie de 196 000 000 $. On s'est demandé exactement ce qu'il en était, à quel moment on avait trouvé le moyen de faire une compression et une économie de cette nature-là sur le dos des Québécois et des Québécoises, pour découvrir que c'était l'intention du gouvernement et du ministre de la Santé de nous arriver par la tête avec une mesure qui, sur une base annuelle, va probablement coûter quelque chose comme 300 000 000 $, mais qui est essentiellement une mesure d'imposition et de taxe régressive qui touche injustement les gens à bas revenus et qui, dans le fond, avantage les gens à hauts revenus.

(16 h 30)

Parce que ce qui a été choisi comme mécanisme par le ministre de la Santé... En fait, je ne sais pas pourquoi on s'acharne sur lui, le pauvre député de Charlesbourg. C'est le ministre des Finances, le président du Conseil du trésor et le premier ministre qui sont derrière tout ça, qui ont décidé qu'ils équilibraient le budget du Québec sur le dos des malades et des gens qui ont besoin de médicaments.

La genèse de ce projet-là nous permet de voir que d'aucune façon le gouvernement n'a de plan d'ensemble et de priorités dans son approche au titre des finances publiques ou de la gestion gouvernementale de façon générale. Pourquoi est-ce qu'on dit ça? Bien, on dit ça parce que le premier ministre a décidé qu'il campait son gouvernement sous l'enseigne d'un gouvernement responsable qui réduirait le déficit sans toucher aux citoyens. Je n'ai pas inventé ça, je n'interprète pas ça, parce que l'interprétation est tout autre, bien évidemment, les conclusions sont tout autres que ce que je viens d'énoncer, mais c'est ce que le premier ministre a dit.

J'ai l'impression qu'il faudrait lui demander sept fois si c'est bien ça qu'il voulait dire avant qu'il reconnaisse que, dans le fond, il est en train encore une fois de tapocher sur les citoyens, de s'acharner sur les personnes âgées, de traiter les gens qui font 18 000 $ ou 180 000 $ exactement de la même façon, et on doit considérer, à partir de ce moment-là, que le gouvernement approche la lutte au déficit d'une façon purement mécanique et purement bureaucratique, parce qu'il faut encore éclairer la lanterne de certains des députés de la majorité ministérielle qui, encore une fois, ne disent absolument rien. Il n'y a pas un seul des 17 intervenants qu'on a eus depuis minuit hier soir... Il y a le ministre, évidemment, qui a présenté son projet de loi, et on connaît le député de Masson, j'en ai parlé, il a parlé brièvement, mais pas un seul son, pas un son à la défense du projet gouvernemental, pas un son.

Et lorsqu'on a dit: Écoutez, vous agissez avec précipitation, retardez donc ça un petit peu, bien, le gouvernement, évidemment, avec sa majorité, a voté contre la motion de report de l'opposition afin de, je dirais, pousser très fort pour que cette mesure soit en place le plus rapidement possible. Pourquoi? Parce que c'est envisagé comme une mesure purement budgétaire.

Moi, je vais le leur dire, parce qu'il s'est dit et répété beaucoup de sornettes sur notre position en matière de lutte au déficit. La position du Parti libéral du Québec, de l'opposition officielle, est très connue quant à la lutte au déficit. Ça fait deux ans qu'on parle d'une loi antidéficit. On n'est pas obligés de faire plus que ça. On a parlé d'une loi antidéficit, d'une loi antidéficit, d'une loi antidéficit. M. Parizeau, tant qu'il était ici, était contre ça à mort, le député de Crémazie aussi, Mme la députée de Taillon, qui a été brièvement ministre des Finances, était contre ça aussi.

Finalement, on a pu voir, M. le Président, que le gouvernement a dit: Oui, c'est vrai, ça prendrait une loi antidéficit. Mais une loi antidéficit, ça, ça n'exempte pas le gouvernement de nous dire comment il envisage ce qu'il va faire. Ce que le premier ministre nous dit lorsqu'il parle de la lutte au déficit comme de l'objectif de son gouvernement, c'est dire: Voici ce qu'il faut faire, voici l'objectif qu'on doit atteindre. Et ça, on y souscrit, de ce côté-ci, c'est extrêmement important de diminuer le fardeau des dettes accumulées, des déficits annuels les uns après les autres sur les épaules des Québécois, sur les épaules, notamment, de la génération montante qui n'a aucune espèce de raison d'hériter d'un fardeau fiscal, d'un fardeau de dette comme celui qu'on lui réserve si on ne fait pas la lutte au déficit.

Mais la lutte au déficit, ça doit se faire comment? À la lumière de quelles priorités? On ne le sait pas encore. On ne le sait pas encore avec ce gouvernement-là. On le sait d'autant moins que le premier ministre a dit le contraire de ce qu'il fait. Mais, ça, on devrait être habitués, depuis quelques mois, de constater que le premier ministre a dit le contraire de ce qu'il fait, le contraire d'épargner les citoyens, le contraire de ne pas toucher aux gens dans ce qu'ils ont de plus précieux, le contraire de rassurer les gens, d'amenuiser leurs inquiétudes et leurs préoccupations sur leur sécurité, le contraire de tout ce qui a été annoncé, autrement dit, par le premier ministre, alors qu'on voit que cette lutte au déficit se fait sur le dos des citoyens et non pas dans l'administration, non pas simplement dans la machine, comme disait le premier ministre, mais que ça touche tout le monde.

Et ce qui a le moins d'allure là-dedans, c'est que ça touche les Québécois et Québécoises dans ce qu'ils ont de plus intimement précieux, je dirais, c'est-à-dire leur sentiment qu'un gouvernement, et donc notre instrument de protection, de développement et d'épanouissement collectif, devrait être à leur service, être sensible à ce qu'ils ressentent.

Et qu'est-ce qu'il y a de plus clairement personnel que ce sentiment de sécurité physique qu'on peut éprouver? Ce sentiment de sécurité que, s'il nous arrive un malheur ou quelque catastrophe, ou quelque mal que ce soit, ce qu'on a mis sur pied à coups de milliards depuis 25 ans va être toujours là, toujours accessible et qu'on pourra, bien évidemment, en bénéficier. C'est ça qui donne la paix d'esprit, c'est ça qui assure une sérénité à nos concitoyens et concitoyennes, et c'est avec ça que le premier ministre et ses collègues sont en train de jouer. Ils sont en train de jouer dans le sens qu'on dirait que le premier ministre traite la santé comme les couches d'usure d'asphalte, qu'il traite l'éducation ou les garderies en milieu scolaire de la même façon que les subventions aux entreprises, qu'il traite ce que les gens ont de plus précieux, c'est-à-dire les services sociaux, leur accessibilité à un réseau qu'on a mis sur pied depuis 25, 30 ans, de la même façon qu'il traite une campagne de promotion touristique d'hiver dans le Nord québécois. Ça n'a pas toute la même importance, ces choses-là, pour l'avenir, et ça n'a certainement pas la même importance pour les familles québécoises.

Quand on est un gouvernement sérieux et qu'on prétend qu'on va mettre de l'ordre dans les finances publiques, il faut également annoncer comment et où, de façon précise, on va mettre de l'ordre, et il faut surtout protéger les missions essentielles de l'État. Et ce que je viens d'évoquer, c'est que, pour moi, pour l'opposition officielle et pour une vaste majorité des citoyens du Québec, ce n'est pas vrai qu'une couche d'usure sur un rang quelque part dans un de nos comtés, c'est aussi important que la santé. Ça ne se peut pas. Ce n'est pas vrai qu'une campagne de promotion touristique d'été ou d'hiver au Québec, avec ou sans la photo de la ministre, c'est aussi important que l'accès à des soins de santé et de services sociaux de première ligne. C'est ça qu'on dit au gouvernement depuis le début.

Non, mais le gouvernement, que ça soit celui de M. Parizeau ou celui de son successeur, a dit: Bien, on va sauver 1 400 000 000 $ sur trois ans dans la santé. Bravo! Et là on nous a dit que c'était inévitable, ça va aller très bien parce que, voyez-vous, on planifie un changement fondamental de la façon dont la santé est administrée, la façon dont on rejoint les gens, ça s'appelle le virage ambulatoire. Là, on a devant nous un concept qui est parfaitement réel, qui est que l'évolution technologique, les façons d'organiser les soins pourraient sans doute permettre une plus grande efficacité et sans doute permettre des économies, c'est-à-dire qu'on pourrait faire la même chose, assurer le même degré de sécurité pour nos concitoyens et concitoyennes et ça coûterait moins cher.

Mais le virage n'a pas été planifié d'une façon ordonnée pour que le relais se fasse de la façon de faire aujourd'hui, à la nouvelle façon. Ça a été fait à l'envers, pour des raisons budgétaires. Le virage ambulatoire veut notamment que les gens, plutôt que d'être hospitalisés longuement, le soient moins longuement grâce à des interventions différentes au point de vue médical et soient confiés à des ressources plus légères, soient carrément retournés à la maison, notamment en bénéficiant de certains soins que les nouveaux médicaments peuvent assurer. Alors, là on s'est dit: Virage ambulatoire, le monde moins longtemps à l'hôpital, on est sorti, les médicaments qui étaient payés à l'hôpital, là, ne seront plus payés. Là, on va trouver une façon de regarder comment on prend le relais de la situation actuelle avec la nouvelle situation.

Mais au lieu de planifier ça avec les différentes ressources de CLSC, ressources légères, visites à domicile, etc., de différents personnels infirmiers ou auxiliaires, on a regardé bêtement ce que ça pouvait signifier en termes de cents et de piastres pour le gouvernement. On a dit: À l'occasion, justement, de ce virage-là, regardons comment on peut aller économiser des centaines de millions sur le dos des Québécois.

(16 h 40)

Au lieu de poser comme principe que la santé, c'est ce qui passe en premier pour les Québécois et leur famille, on a posé en principe que, dans la lutte au déficit, même ça, ce n'est pas sacré. Et on a trouvé le moyen de présenter comme une mesure sociale ce qui est une vulgaire compression financière. Vulgaire, au sens premier du terme. Une affaire de tous les jours, rien de particulièrement distingué. Quelque chose d'ordinaire, sans aucune espèce, je dirais, de caractéristique qui vient racheter le gouvernement dans une autre tentative de traiter tous les Québécois comme des sources de compressions budgétaires.

Parce que c'est essentiellement ce que le gouvernement a décidé de faire, de regarder d'abord comment l'objectif de piastres et de cents peut être atteint à n'importe quel prix, quant à la paix d'esprit et la sérénité des Québécois, en traitant tous les ministères avec la même importance ou avec la même absence d'importance. C'est l'absence de priorités et de planification du gouvernement qui est la plus frappante dans ça. Et on se réserve des lendemains – juste des lendemains comme demain; pas dans des mois ou des années – extrêmement difficiles en n'ayant pas prévu comment se fait le relais entre le système d'hospitalisation qu'on pratique aujourd'hui et ce qu'on prétend qui est la voie d'avenir.

Mais, une voie d'avenir en matière de santé publique, ça ne se fait pas en improvisation puis en se garrochant à toute vitesse. C'est des planifications de nombreuses années. Et j'irais même dire qu'on devrait même s'attendre à ce que des investissements soient consentis pour assurer cette transition-là, alors que, au contraire, on s'imagine que la mesure sociale, que cette compression financière est en soi la transition et le coût de la transition. Mais, oui, moi, je veux bien que, dans la transition, il y ait des coûts. Mais qui devrait porter ça sinon l'appareil, sinon parce qu'on joue avec la santé d'autres domaines de l'activité gouvernementale? Et c'est ça que je dénonce une troisième fois dans mon intervention, M. le Président, l'absence de planification.

Lorsqu'on lit le discours sur le budget, lorsqu'on regarde le livre des crédits, lorsqu'on écoute le premier ministre lors de son assermentation ou de son discours inaugural, il est impossible de trouver le fil conducteur qui nous permettrait de conclure que ce gouvernement-là sait ce qu'il fait dans la priorisation des besoins des Québécois. Et la meilleure démonstration, c'est qu'il n'a pas encore compris que ce qui préoccupe les Québécois en premier lieu, c'est leur santé physique, leur sécurité, le maintien de cette sérénité, je le répète, qui vient du fait qu'on sait que, collectivement, on va s'occuper les uns des autres.

Et ça c'est, je dirais, ex aequo, ce sentiment-là et ce choix-là que les Québécois ont fait depuis 25 ans, avec le choix d'assurer l'avenir de leurs enfants et des générations qui nous suivent. Mais, ça, ça veut dire, puis je le redis puis je l'ai dit en réponse au discours inaugural: Il y a deux choses importantes pour les Québécois et les Québécoises, la santé et l'éducation. Et ce n'est pas vrai qu'on peut traiter ces deux domaines-là comme des activités qui, au point de vue comptable, oui, si elles sont comparables à toutes les autres, ont néanmoins le même poids dans l'esprit, dans la volonté des Québécois et des Québécoises.

Et ce dont sont coupables le gouvernement et le ministre de la Santé actuellement, c'est justement de ne pas avoir saisi cette différence fondamentale qui existe à l'intérieur d'un gouvernement entre ce qui est dans l'intérêt à long terme des Québécois et ce qui rencontre, je dirais, les exigences du ministre des Finances et du président du Conseil du trésor. Ce sont deux choses distinctes. Ce sont deux choses qui sont, à la limite, irréconciliables lorsqu'un gouvernement décide qu'il coupe partout. Si tu coupes partout en faisant fi des priorités, en faisant fi du poids relatif que ça occupe dans la conscience des Québécois dans les différentes activités gouvernementales, bien, nécessairement, tu ne fais pas ta job comme du monde parce que ça va à l'encontre des volontés des Québécois et des Québécoises.

Et le gouvernement a manqué aussi une belle chance, dans sa précipitation, de faire un vrai débat sur les véritables partenariats – il aime ça, parler de partenariat, notre premier ministre, là; négociateur en chef, comme on l'a vu avec les gouverneurs américains – qui peuvent exister dans notre société entre public et privé. Moi, ce qui m'a frappé et ce qui me désole de ce gouvernement-là, c'est de voir comment il a écarté en quelques secondes – en réalité, il n'y a même pas pensé – la contribution que pourraient faire les assureurs privés du Québec pour cette couverture d'assurance-médicaments – ce qu'on appelle une assurance-médicaments – qui est mise de l'avant.

C'est assez exceptionnel de voir que le gouvernement est retombé dans ses vieilles ornières des années soixante ou soixante-dix, enfin, celles du Parti québécois depuis 1968, de décider que c'est le public qui peut mieux faire tout le temps, puis que, dans le fond, tu ne devrais même pas te préoccuper de ce que le privé peut faire avec le secteur public, alors que le secteur public pourrait, par exemple – le gouvernement – dicter des objectifs au Québec, aux entreprises québécoises et dire aux assureurs québécois: Vous êtes obligés de trouver une façon qui ne coûte pas plus que tant pour assurer les Québécois contre les risques financiers que représente le recours à la médication. C'est aussi simple que ça.

Et ça, c'est une question, moi, je jurerais, que personne ne s'est posée du côté gouvernemental. Ils ont employé la voie de la facilité idéologique, de ne pas remettre en cause leur vieille façon de faire, de retomber toujours et de se maintenir toujours dans les mêmes vieilles ornières idéologiques où le gouvernement peut mieux faire. Bien, les gens qui ont fait, et les juridictions et les provinces qui ont fait ce choix public de ce côté-là sont aujourd'hui en lutte avec des ascensions dans les coûts absolument incontrôlables. Il n'y a pas de concurrence. Il n'y a pas de concurrence, et, à partir de ce moment-là, on réserve aux Québécois, avec le choix que le gouvernement a fait, des lendemains difficiles. Bien, M. le Président, c'est ce qui arrive à chaque fois qu'on confond la santé publique avec l'état des routes, comme continue à le faire le gouvernement actuel.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le chef de l'opposition. M. le leader du gouvernement.


M. Pierre Bélanger

M. Bélanger: Oui, M. le Président, vous me permettrez d'intervenir sur ce projet de loi. Je n'avais pas prévu à ce stade-ci intervenir sur ce projet de loi, mais, en écoutant le chef de l'opposition officielle, je ne pouvais m'empêcher de remettre certaines choses dans le contexte.

Ça prend un certain culot, voire même une certaine audace pour accuser ce gouvernement d'avoir appelé ce projet de loi dans la nuit. Je pense que, si on regarde le procès-verbal de cette Assemblée nationale, on constatera que c'est à trois heures de l'après-midi que j'ai appelé ce projet de loi – trois heures de l'après-midi, pas de la nuit, trois heures de l'après-midi. Alors, à quoi on a assisté? Et le chef de l'opposition officielle a assisté à ça, puisque, évidemment, je ne peux pas dire qu'il n'était pas en cette Chambre. Donc, il était en cette Chambre et il a vu son leader de l'opposition faire question de privilège sur question de privilège, comme c'était son droit, comme c'était son droit de procédure, M. le Président.

On a perdu six heures sur de la procédure hier. Et là on s'étonne, je vois le chef de l'opposition officielle qui s'étonne qu'on se soit rendu dans la nuit. M. le Président, on n'a pas le même calendrier. Je ne sais pas s'il fonctionne sur un autre fuseau horaire. Si on n'avait pas fait de la «procédurite», M. le Président, si on avait voulu faire le vrai débat, c'est à trois heures de l'après-midi qu'on aurait pu faire le débat sur ce projet de loi. C'est à quatre heures de l'après-midi qu'était annoncée la conférence de presse du ministre de la Santé, et on avait même envoyé à l'avance, sous embargo, le communiqué de presse au porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé. Donc, ça prend une certaine audace, pour ne pas dire autre chose, M. le Président – mais je vais rester parlementaire – pour dire qu'on a appelé ce projet de loi en plein milieu de la nuit. Encore là, il était là, le chef de l'opposition officielle, quand il a vu son leader faire des questions de procédure, faire des questions de privilège. Il parle, après ça, de précipitation: Précipitation de ce gouvernement d'agir en toute vitesse.

Il y en a eu des consultations, de nombreuses consultations. De nombreux groupes sont venus, certains disant qu'ils n'étaient pas d'accord avec la façon dont on voulait instaurer le système, craignant certains impacts économiques relativement aux coûts, relativement, maintenant... qu'ils avaient à payer pour certains médicaments. Et il y a des groupes aussi, M. le Président, qui attendent avec impatience ce projet de loi. J'écoutais tout à l'heure le député de Laurier-Dorion qui disait: Non, non, moi, comme député, jamais personne n'est venu me demander une protection au niveau de l'assurance-médicaments, personne; non, non, moi, ça fait 15 ans que je suis député... C'est vrai que ça fait 15 ans qu'il est député. Il a certainement vu, en 15 ans, beaucoup plus de gens que moi j'ai pu en voir en quatre ans comme député.

(16 h 50)

Il dit: Moi, jamais personne ne m'a demandé ça, un régime d'assurance-médicaments. Il y a juste 1 200 000 personnes qui n'ont aucune protection, qui n'ont aucune assurance-médicaments; 1 200 000 personnes sur une population de 7 000 000, ce n'est rien. Le chef de l'opposition officielle, lui, il ne les voit pas, ces gens-là; 1 200 000, ce n'est pas grave. C'est quoi? C'est deux, trois comtés, 1 200 000, peut-être, dans son calcul à lui? Je ne le sais pas.

Rien. Pas un mot, M. le Président; 1 200 000, ce n'est rien. Pour l'opposition officielle, ce n'est rien, 1 200 000. Et ce sont qui, ces gens-là qui nous demandent avec insistance et avec urgence qu'il y ait un système universel d'assurance-médicaments? Ce sont qui, ces gens-là? C'est drôle, moi, j'en ai rencontré, puis je ne pense pas que j'ai passé plus d'annonces dans les journaux pour demander à voir ces gens-là. C'est des gens qui spontanément sont venus me voir comme député d'Anjou. Ce sont des petits salariés. Des petits salariés, M. le Président, la grande majorité de ces gens-là, des petits salariés qui travaillent dans l'entreprise privée, qui sont non syndiqués, qui n'ont pas de régime collectif d'assurance comme nous avons la chance d'en avoir, qui ne veulent pas être sur la sécurité du revenu, qui travaillent, puis qui travaillent dur, pas pour des gros salaires.

Moi, j'en ai un dans mon comté: 20 000 $, deux enfants. Son épouse reste au foyer pour s'occuper des enfants. 20 000 $, ce n'est pas beaucoup d'argent, ça. Il travaille dans une petite PME, ils sont cinq, six employés. Son épouse est tombée gravement malade. Il est venu me voir parce que, il dit: M. le député, qu'est-ce que je peux faire pour faire payer les médicaments de mon épouse? Je n'ai pas les moyens. Ce sont des médicaments très dispendieux qui viennent de sortir et d'être approuvés sur le marché. Je ne peux pas et je ne pourrai jamais payer ça, M. le Président... M. le Président, je ne pourrai pas... M. le député. Il me parlait à moi, évidemment, M. le Président. Et il dit: Qu'est-ce que je vais faire? Il dit: La seule chose que je vois, c'est que je vais me mettre sur la sécurité du revenu, c'est tout gratuit. Automatiquement, à partir du moment où je suis sur la sécurité du revenu, c'est tout gratuit. Mais, moi, je veux travailler, je suis heureux de travailler, j'ai un travail que j'aime, je travaille dur, mais j'ai une fierté à travailler. Et il me demandait de l'aide, mais je devais lui dire que je ne pouvais pas faire grand-chose pour l'aider. Il était en train de se résigner à dire: Écoutez, je n'arriverai pas, je vais faire faillite si je dois payer de ma poche les médicaments pour mon épouse.

C'est un exemple, c'est un seul exemple. Je ne dis pas que tous les cas sont aussi pathétiques que celui-là, mais, vous, dans votre comté, M. le Président, je suis certain que vous en avez rencontré de ces gens-là, des petits salariés qui, ne jouissant d'aucune protection, demandent le plus rapidement possible une protection de l'État. C'est ça qu'on appelle de l'équité. Quand on parle d'équité, c'est-à-dire qu'un ensemble de la population puisse jouir d'une protection. C'est ça qu'on appelle de l'équité. Et le message qu'on veut dire, c'est: Ce n'est plus parce qu'on est jeune, ce n'est plus parce qu'on est âgé, ce n'est plus parce qu'on est nécessairement retraité qu'on a droit à quelque chose par rapport à une autre personne. C'est la capacité de payer qui va déterminer, à ce moment-là, le droit d'avoir une aide ou d'avoir une protection quelconque de la part de l'État. C'est ça, l'équité.

Le chef de l'opposition officielle se demandait pourquoi on n'entend pas les députés ministériels réagir relativement à ce projet de loi. Bien, moi, j'écoutais le chef de l'opposition officielle puis j'ai dit: J'ai hâte qu'il me parle, lui, de ce qu'il va proposer. Je comprends qu'il est dans l'opposition, il n'a pas les moyens que l'État a pour pouvoir, évidemment, faire des scénarios puis pouvoir faire des projections relativement à des systèmes, mais au moins il peut avoir une idée. Une. Je ne lui en demande pas deux, une idée. Le chef de l'opposition pourrait avoir une idée. Non. Rien. Il nous a parlé de tapocher: On tapoche et on garroche. Et je reprends son vocabulaire élaboré, ce sont exactement les termes qu'il a employés: tapocher, garrocher. On tapoche, on garroche. Mais, moi, j'écoutais, j'ai dit: Bon! Après nous avoir dit ça, il va nous dire ce que lui proposerait pour les 1 200 000 personnes.

Rien! Pas un mot! On fait comme si ces gens n'existaient pas. De quoi il nous parle? De sa loi antidéficit. Il a dit: Ah! c'est connu, le Parti libéral du Québec a une position bien connue pour tout régler les problèmes, la loi antidéficit. Comme si une loi allait tout régler comme par magie. Elle va régler le déficit, elle va régler le problème de notre système de santé, la hausse des coûts de nos médicaments. Loi antidéficit? Ça va tout régler, M. le Président. Une loi va tout régler.

Et on se souvient, lui-même, une loi, il en a fait adopter une, la loi qui prévoyait un référendum sur la souveraineté. Il a dit lui-même qu'il n'allait pas la respecter, cette loi-là. On voit le respect qu'il a pour les lois; en tout cas, pour certaines lois. Alors, une loi antidéficit va tout régler les problèmes, selon la vision libérale des problèmes sociaux. C'est ça. Le programme libéral, c'est ça.

Lui, il a été premier ministre. Je me souviens, j'étais dans l'opposition, puis il avait été, finalement, nommé, acclamé premier ministre dans les derniers mois du régime libéral. Qu'a-t-il fait pour amorcer... parce que, évidemment, en quelques mois, on ne peut pas régler tous les problèmes laissés en huit ans par son précédent gouvernement, son gouvernement; il ne pouvait pas régler ça en quelques mois, mais, au moins, il pouvait peut-être annoncer les couleurs, M. le Président, quelques couleurs, au moins. Rien. Il a même indiqué la porte de sortie à son ministre de la Santé, Marc-Yvan Côté. Vous vous souvenez, M. le Président? Il lui a dit: De toute façon, attendez d'avoir mon nouveau ministre de la Santé. Et Marc-Yvan Côté était encore ministre de la Santé à l'époque, celui-là même... Il faut le lui accorder, il avait fait un effort, Marc-Yvan Côté, pour essayer de faire une réforme au niveau de notre système de santé. Il avait fait un effort et, finalement, bon, on lui avait retiré les moyens puis on lui avait dit: Écoutez... son gouvernement l'avait complètement abandonné. Et il avait dû se replier en catastrophe, finalement, sans faire de réforme de la santé. C'est pour ça, d'ailleurs, maintenant, que Marc-Yvan Côté appuie et même salue les efforts de notre ministre de la Santé et des Services sociaux.

Donc, le chef de l'opposition, quand il était premier ministre, lui, plutôt que de régler le problème, il a complètement abandonné son ministre de la Santé et des Services sociaux. Et là, maintenant, il vient nous faire la morale. Il vient nous faire la morale puis, lui, il vient nous dire qu'avec sa loi antidéficit il n'y aurait plus de problème d'assurance-médicaments, tout le monde aurait une couverture probablement uniquement par une loi antidéficit.

Donc, le chef de l'opposition n'a pas à s'étonner pourquoi on ne réagit pas, à date, au discours de l'opposition officielle, parce qu'on attend toujours des propositions, M. le Président. On attend toujours des propositions. Dans l'opposition, on peut être contre. J'ai été dans l'opposition...

M. Chenail: Question de règlement, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Oui, M. le député.

M. Chenail: Mon collègue semble peu intéressant puisque ses collègues à l'Assemblée nationale, de l'autre côté de la Chambre, il y en a un, deux, trois qui sont endormis, allongés.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, à ce stade-ci, vous avez raison de vous réclamer de l'article 32 de l'Assemblée, et je vérifie le quorum, que je constate. Il y a plus de membres de l'Assemblée que le quorum l'exige. Toutefois, vous avez raison. Je vais demander au député de LaFontaine de cesser de parler en même temps que le président et de bien vouloir prendre place. Alors, je vous invite également, M. le député, à aider la présidence à rehausser le standing de l'Assemblée nationale. Et ce que vous nous avez rappelé tout à l'heure, les remarques que vous avez rappelées tout à l'heure, je crois que c'est des choses qui peuvent susciter un débat. Je crois que ce sont des paroles qui peuvent également diminuer la confiance que la population a vis-à-vis de ses élus, et je vous inviterais à de la retenue à ce sujet, considérant que vous allez être d'accord avec moi, puisque je crois que vous étiez en même temps que moi, ce matin, sur les bancs de l'Assemblée nationale, à 5 heures. Je vous ai reconnu toute la journée hier également.

Alors, je crois qu'il n'y a pas beaucoup de professions au Québec qui travaillent, à ce stade-ci, 18 heures, 20 heures par jour. Et les députés qui composent cette Assemblée nationale font des efforts dans le mois de décembre et dans le mois de juin particulièrement. Et ça, je crois que c'est bon de le souligner à la population du Québec, parce que les commissions parlementaires continuent à oeuvrer et les travaux en cette Chambre continuent, malgré un train d'enfer, pour employer une expression que les jeunes utilisent.

(17 heures)

Mais il n'en demeure pas moins que travailler 18, 20 heures par jour, c'est quand même un travail qui est très lourd, qui est difficile, et je vous remercie de votre attention lorsque les allocutions sont prononcées. Si vous le voulez bien, nous allons poursuivre dans l'ordre que nous connaissons actuellement. Alors, M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, je vous remercie pour votre intervention et je pense que la population se doit de savoir que, les députés en cette Chambre, on travaille fort, puis je pense que c'était important que vous le disiez.

Maintenant, j'étais content d'entendre le député de Beauharnois-Huntingdon, ça faisait des mois que je ne l'avais pas entendu en cette Chambre. Je ne me souvenais même plus du son de sa voix. Alors, je suis content de l'entendre.

Une voix: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, comme je l'avais mentionné tout à l'heure... Comme je l'ai mentionné tout à l'heure, la qualité des débats est extraordinaire, à ce stade-ci, et je suis persuadé que nous allons maintenir ce haut calibre intellectuel et que le tout va se poursuivre, se dérouler dans le bon ordre.

M. Chenail: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le député de Beauharnois-Huntingdon.

M. Chenail: ...question de règlement. Le leader de l'opposition n'a pas l'air de se rendre compte...

Une voix: Du gouvernement.

M. Chenail: Le leader du gouvernement n'a pas l'air de se rendre compte que je ne lui souhaite pas qu'il lui arrive l'accident qui m'est arrivé au mois de juin l'année dernière; peut-être que lui ne serait pas revenu encore.

Le Vice-Président (M. Pinard): Messieurs! Messieurs! M. le député de Pontiac. Alors, les débats vont se poursuivre dans l'ordre. S'il vous plaît! M. le leader du gouvernement, je vous signale que, sur votre temps maximum d'intervention qui est de 20 minutes, il vous reste actuellement 5 min 50 s. M. le leader.

M. Farrah: Question de règlement, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le whip en chef de l'opposition.

M. Farrah: C'est que le leader du gouvernement a tenu des propos qui suscitaient un débat, et je n'ai pas vu... vous n'avez pas fait allusion à cela. Je vous inviterais, M. le Président, à faire en sorte que le leader du gouvernement retire ses propos, parce que c'était quand même carrément...

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, M. le leader du gouvernement, à ce stade, vous avez quand même mentionné au député de Beauharnois-Huntingdon... Oui.

M. Bélanger: M. le Président, si le député de Beauharnois-Huntingdon comprend bien, je n'ai nullement attaqué le député de Beauharnois-Huntingdon. J'ai dit que, moi, je n'ai pas écouté ses propos. Ça se peut que ce soit moi qui n'étais pas en Chambre, M. le député.

Une voix: Ah!

M. Bélanger: Alors, je n'ai jamais attaqué... Je n'ai jamais... Je ne sais pas pourquoi il est susceptible. Je n'ai jamais attaqué le député de Beauharnois-Huntingdon et je n'oserais jamais. Mais j'étais étonné, d'ailleurs, qu'il me fasse une question de règlement et m'interrompe, parce que je le connais bien. Dans l'opposition, il était assis près de moi, et c'est un député qui a toujours respecté le décorum en cette Assemblée. J'étais étonné, c'est tout, de son intervention de règlement.

Une voix: Il a eu une commande du whip.

M. Bélanger: Mais jamais je n'ai voulu attaquer le député de Beauharnois-Huntingdon, ça se peut que ce soit moi qui n'étais pas là quand il a fait ses discours.

Une voix: Il a eu une commande du whip.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader du gouvernement, M. le whip en chef de l'opposition, ce que je retiens, actuellement, c'est que nous sommes... Je pense que la présidence doit se réjouir, actuellement, de l'excellent état de santé du député de Beauharnois-Huntingdon, qui a effectivement eu des problèmes de santé très sévères, et, au nom des membres de cette Assemblée, je pense qu'on se doit de se réjouir de sa présence en cette Chambre. Je suis persuadé qu'il saura, dans les jours et les semaines qui vont suivre, alimenter d'une façon très enrichissante les travaux de cette Chambre. Alors, M. le leader du gouvernement, s'il vous plaît, je vous prierais de compléter.

M. Bélanger: Je vous remercie, M. le Président. Alors, vous comprenez que je vais, après ces brèves interruptions, continuer. J'allais d'ailleurs conclure quand le député de Beauharnois-Huntingdon a demandé le quorum. Alors, tout ce que je disais, c'est que j'attends toujours, du côté de l'opposition, des propositions, des propositions de l'opposition à savoir exactement: Que proposent-ils? C'est quoi leur vision? Je ne peux pas croire que ça se résume en une loi antidéficit. Je ne peux pas croire que c'est ça, le règlement des problèmes de santé et services sociaux au niveau de cette opposition.

Alors, j'attends, et, quand il y aura des propositions concrètes qui seront faites, je suis certain que, à ce moment-là, il pourrait y avoir un véritable débat. Mais, pour qu'il y ait débat, il faut qu'il y ait des idées de chaque côté, et on attend toujours, de ce côté-ci de cette Chambre, que l'opposition officielle nous fasse part de sa vision, de ses propositions. Alors, c'est ce qu'on attend, M. le Président. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci beaucoup, M. le leader du gouvernement. Alors, je cède maintenant la parole au député de Pontiac. M. le député.


M. Robert Middlemiss

M. Middlemiss: Merci, M. le Président. Pendant qu'on en est au principe d'un projet de loi qui est censé combler les besoins de 15 % à 20 % de la population, on a le leader du gouvernement qui, lui, a pris la parole pour attaquer le messager parce qu'il n'aimait pas le message. Il n'a pas seulement attaqué le chef de l'opposition...

Une voix: ...

M. Middlemiss: Est-ce que le député de Charlevoix a l'intention de parler, M. le Président? S'il le veut, qu'il vous demande la parole, et il parlera sur le projet. Ces gens-là, qui n'ont pas eu le courage de parler, et là parce qu'on remet un peu aux gens... Le leader qui a attaqué le chef de l'opposition parce qu'il n'aimait pas les vérités, qu'est-ce qu'il a dit sur le fond à part de nous conter un cas de comté? Et, pour les cas de comté que le leader nous a indiqués, il y a toujours des façons de s'occuper des gens dans le besoin. Et ce n'est pas nécessaire... Il disait, le leader du gouvernement, que le cas qu'il a soulevé, parce que la personne avait du coeur au ventre et que cette personne-là voulait travailler, ne voulait pas être aux crochets de la société...

Mais on aurait certainement pu dire: Regardez, des gens avec une marge de salaire de tant à tant, ces gens-là auront le droit à l'assurance-médicaments. On aurait pu le faire. Mais, malheureusement, vous étiez tellement pressés. Et ça démontre exactement que ce n'est pas pour aider la population du Québec que vous avez l'assurance-médicaments, c'est pour renflouer les coffres de l'État. C'est une taxe-médicaments.

Parce que, si on avait réellement eu de la compassion, si on avait réellement voulu aider ceux qui en ont besoin, on ne serait certainement pas en train de demander aux personnes de l'âge d'or de payer plus qu'elles ne paient aujourd'hui. Est-ce qu'on devrait demander aux gens qui vivent de l'aide sociale, non pas par leur choix, de payer encore? Donc, ce n'est pas surprenant que les gens de l'autre côté insultent un député qui était bien malade. Il a été très malade, M. le Président...

M. Bélanger: Question de règlement.

M. Middlemiss: ...M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Question de règlement. Alors, M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Je dois conclure que le député de Pontiac n'écoutait pas quand j'ai dit que je ne visais aucun député par mes propos. Je ne voulais pas blesser un député par mes propos. Je pense qu'il n'a pas compris, le député de Pontiac, et, M. le Président, on ne peut pas non plus, de toute façon, imputer des motifs indignes à un membre de cette Assemblée. Alors, je pense que le député de Pontiac devrait peut-être être plus serein dans ses propos.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le leader du gouvernement. Alors, je pense qu'on doit considérer que l'incident est clos. Et nous en avons discuté tout à l'heure, alors je ne voudrais pas retomber dans la «procédurite»... excusez-moi, dans la procédure.

Une voix: ...le vocabulaire du leader.

Le Vice-Président (M. Pinard): Probablement que c'est mes antécédents notariaux. Alors, M. le député de Pontiac, je vous prierais de continuer, s'il vous plaît.

M. Middlemiss: Oui, M. le Président. C'est bien beau du leader de dire qu'il n'a pas fait ça, mais je l'ai vu. Il y a deux de ses collègues qui l'ont mentionné – et vous ne l'avez pas entendu – souligné, qu'il n'est jamais ici, là, M. le Président, ça, je les ai vus et je les ai entendus. Et, ça, M. le Président, personne...

M. Bélanger: Question de règlement, M. le Président.

(17 h 10)

Le Vice-Président (M. Pinard): S'il vous plaît! S'il vous plaît! Alors, je crois que j'ai fait le point sur cette question tout à l'heure, et je ne veux pas vous entendre, M. le leader du gouvernement, sur ce point.

Je pense que tous les membres de l'Assemblée nationale ont été très peinés de l'incident de santé que notre confrère, notre collègue, a subi l'an passé, et je pense qu'on se doit tous de se réjouir maintenant de la récupération qu'il nous montre et également de sa présence. Et nous sommes persuadés que... Je crois qu'il n'y a personne en cette Chambre qui peut être heureux de voir une banquette libre. Et je pense que c'est la collaboration des 125 députés qui va faire évoluer le Québec. Et le député représente une population, représente des citoyens qui partagent ses idées et qui ne partagent pas ses idées, mais il est le mandataire d'une communauté, et nous sommes très heureux et très fiers de le revoir parmi nous.

Alors, nous allons maintenant, je pense, continuer à travailler sur la motion de principe du projet de loi n° 33, et vous savez très bien que nos discussions vont s'étendre encore pendant de nombreuses heures avant que les travaux soient expédiés en commission parlementaire pour étude du projet de loi article par article, donc je vous prierais de nous faire part de vos sentiments, de vos idées par rapport à ce projet de loi. Alors, M. le député de Papineau.

M. Middlemiss: Oui... Non, de Pontiac, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Excusez-moi.

M. Middlemiss: Oui, d'accord. Donc, M. le Président, on ne devrait jamais souligner l'absence ou le manque de présence à l'Assemblée nationale, et c'est ça que je leur reproche, M. le Président.

Et, M. le Président, si on regarde le projet de loi et si on lit les notes explicatives, on pourrait... Pour les gens qui n'ont pas suivi depuis le début sur le projet de loi, ça dit: «Ce projet institue un régime général d'assurance-médicaments ayant pour objet d'assurer à l'ensemble de la population du Québec un accès raisonnable et équitable aux médicaments requis par l'état de santé des personnes.»

M. le Président, en lisant ça, on dit: Bien, mon Dieu! il y a un grand besoin. Il y a un grand besoin. Mais, M. le Président, je vais répéter, il y en a plusieurs avant moi qui ont indiqué qu'en réalité il y a 60 % des Québécois qui ont une assurance-médicaments. Présentement, aujourd'hui, les gens âgés, les personnes de 65 ans et plus, M. le Président, ont des médicaments pour 100 $, maximum, par année. Les gens qui vivent de la sécurité du revenu, M. le Président, ont le droit aussi. Donc, s'il y avait une partie de la population qui avait un besoin réel et le demandait, pourquoi n'avons-nous pas cherché un moyen de combler ce besoin et non pas de créer un besoin artificiel pour donner, cette année, 200 000 000 $ au gouvernement et, dans les années qui vont suivre, 300 000 000 $, peut-être, ou peut-être plus, dépendant des besoins du gouvernement, M. le Président?

Et, M. le Président, le leader du gouvernement reprochait à notre chef de dire qu'on a fait le débat durant la nuit. Mais, M. le Président, qui a fait les changements dans le projet de loi n° 33 qui ne se ressemble plus? Pourquoi, hier, on voulait que le ministre de la Santé vienne faire son discours sur un projet de loi et, après son discours, faire une conférence de presse pour annoncer des changements importants? Donc, est-ce que c'est un cirque, ça, ici? L'Assemblée nationale, «c'est-u» un cirque, ou est-ce que c'est une place où c'est sérieux? On présente un projet de loi sur le principe et on va le voter sur le principe, mais on fait le discours sur le principe, ensuite on s'en va annoncer des changements.

M. le Président, vous avez rendu une décision hier, mais il me semble que le respect de l'institution, c'est absolument nécessaire. Parce que ça veut dire qu'on pourrait présenter n'importe quel projet de loi, on pourrait débattre un projet de loi, voter sur le principe, puis on pourrait tout à coup le changer puis dire: Bien, là, les changements, on va les faire au moment de la commission parlementaire, article par article. Il me semble que c'est un peu mettre la charrue devant les boeufs, M. le Président.

Mme Vermette: M. le Président, question de règlement.

Le Vice-Président (M. Pinard): Madame...

Mme Vermette: Je crois que nous sommes en train, actuellement, de discuter du principe du projet de loi, et nous ne l'avons pas encore voté. Alors, je pense que les propos du député, à l'heure actuelle, induisent la Chambre en erreur en laissant croire que nous avons voté le principe, ce qui n'est pas le cas à l'heure actuelle. Nous sommes encore à discuter du principe.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la whip adjointe. M. le whip en chef de l'opposition.

M. Farrah: M. le Président, en aucun temps mon collègue n'a présumé que le projet de loi avait été adopté. Si la députée n'écoute pas, ce n'est pas votre problème, et je vous demande à l'instant de reconnaître mon député, qui a des choses très intéressantes à dire concernant ce projet de loi.

Le Vice-Président (M. Pinard): J'écoutais attentivement le député de Pontiac, et le député de Pontiac discutait même quelque peu de la décision qui a été rendue hier après-midi concernant l'introduction ou, si vous voulez, l'argumentation que le leader de l'opposition a effectuée et le jugement qui a été rendu à l'effet que le projet de loi n° 33 était déposé. On discutait de la motion de l'adoption du principe du projet de loi n° 33 et des modifications dont les membres de cette Assemblée ne sont pas encore en possession et qui n'ont pas été rendues publiques, au moment où on se parle. Ces modifications-là vont pouvoir s'effectuer lors de l'étude et seulement lors de l'étude en commission parlementaire où, à ce moment-là, le projet de loi est étudié article par article.

Alors, tel que la décision qui a été rendue hier, je sais pertinemment que vous ne revenez pas en appel de cette décision, parce que, comme je l'ai mentionné hier, l'article 41, paragraphe deux, je le maintiens et je l'applique. Mais, toutefois, vous avez le droit, lors de votre intervention, de discuter, de rappeler la décision que la présidence a effectivement prise hier. Alors, je vous reconnais, M. le député de Pontiac.

M. Middlemiss: Merci, M. le Président. La seule raison pour laquelle je voulais expliquer, c'était parce que le leader du gouvernement a reproché à notre chef d'avoir dit qu'on a discuté durant la nuit. Et il semble que c'était le devoir de notre leader, hier, de protéger les droits de l'Assemblée. Il l'a fait. Donc, parce que le gouvernement et l'opposition ont fait leur travail ici, à l'Assemblée nationale, nous avons commencé le débat plus tard que prévu. C'est la seule raison pourquoi je voulais soulever ça, M. le Président.

Mais, certainement, c'est important que, lorsqu'on soumet à l'Assemblée nationale un projet de loi et le principe du projet de loi... Il me semble que, le principe, c'est important que ce principe-là soit maintenu. Puis je sais qu'hier vous avez mentionné que les notes explicatives, ce n'est pas tellement important. Mais, à relire les notes explicatives, on penserait que c'est l'entreprise privée qui va s'occuper de l'assurance-médicaments, ce qui n'est pas le cas. Ce n'est pas le cas, parce qu'on l'a appris après. Donc, c'est pour ça que je vous dis que c'est important, il me semble, puis vous l'avez indiqué, que vous allez envoyer une note sévère au ministre de la Santé pour s'assurer que dorénavant des situations de cette nature ne se représentent pas.

Bien, M. le Président, ceci étant dit, on donne l'impression que c'est un projet de loi pour lequel il y avait une grande demande, qu'il y avait bien des gens là-bas qui le demandaient, qu'il y avait des gens qui avaient un besoin. Et vous avez entendu, tantôt, le député de Rivière-du-Loup qui a dit que lui ne comprend pas pourquoi. Lui, comme député, personne ne l'a approché. Au contraire, lui semblait indiquer que, dans son entourage, ceux qui n'en ont pas n'en veulent pas nécessairement. Ils n'en veulent pas nécessairement, de l'assurance-médicaments.

Donc, pourquoi donner l'impression que, comme gouvernement, ce gouvernement social-démocrate, ce gouvernement qui, durant le référendum, disait à qui voulait le savoir que jamais au Québec il n'y aurait un vent de droite qui viendrait sabrer dans les avantages sociaux acquis... Non! Le vent n'est pas venu de droite, il est venu de gauche puis il est en train de faire la même chose. Les conséquences sont les mêmes. Les gens vont conserver ces acquis sociaux, mais ils vont payer pour. Payer pour.

(17 h 20)

Déguisé, M. le Président, une taxe déguisée, c'est exactement... On n'a pas le courage de ses convictions et de dire: Regardez, c'est ça, vous allez avoir ces services-là; et ces services-là, on va vous charger pour ça. Non, ce n'est pas ça qu'on fait. On fait accroire qu'il y a un besoin, que, dans la population, il y a des gens qui souffrent. Ils ont tellement besoin de ça qu'il va falloir le leur donner. Mais, en passant, on s'assure que d'autres personnes qui, aujourd'hui, en bénéficient énormément, n'en auront pas.

Et, M. le Président, qu'est-ce qui a pu décider le ministre de la Santé et des Services sociaux de remettre ça à la Régie de l'assurance-maladie? Pourquoi la Régie de l'assurance-maladie, la RAMQ? Pourquoi? Est-ce qu'on a réellement une indication qu'ils sont des bons gestionnaires? Parce qu'il y a 60 % de la population qui est couverte par l'entreprise privée. Est-ce qu'on devrait conclure, parce que le ministre a décidé d'aller à la RAMQ, que le 60 % de la population du Québec est en train de se faire voler dans sa couverture d'assurance-médicaments? Parce que c'est un peu ça, la conclusion du ministre de la Santé et des Services sociaux: On va aller à la RAMQ parce que l'entreprise privée ça coûte trop cher.

Et, il me semble, M. le Président, que 60 % de la population, avec les syndicats puis tous ces gens-là, s'ils pensaient que c'était trop dispendieux, je suis convaincu qu'ils trouveraient une autre façon d'être assurés. Ou bien, est-ce que, peut-être dans un avenir rapproché, on va vouloir nationaliser, et tous ceux qui ont un régime privé d'assurance-médicaments vont être obligés de suivre le régime que l'État va décider d'avoir pour nous? C'est un peu comme les pharmaciens. Eux, ils sont inquiets aussi, en voyant venir ces choses-là. Est-ce qu'on va étatiser, pour ne pas dire nationaliser les pharmacies? Est-ce que c'est ça, M. le Président?

Donc, ça me fait penser un peu, ce gouvernement... La différence entre la contrition parfaite et la contrition imparfaite. Vous vous souvenez, vous l'avez probablement appris, qu'on disait que la contrition parfaite, on avait ça parce qu'on aimait Dieu, et, à ce moment-là, c'était la contrition parfaite. Mais que, si c'est parce qu'on ne pêchait pas, on ne faisait pas des choses de cette nature-là, c'est parce que... Puis, si on le faisait parce qu'on avait peur d'aller en enfer, on appelait ça la contrition imparfaite.

Dans ce cas-ci, le gouvernement a besoin, cette année, d'aller chercher un 200 000 000 $; les années après, peut-être, 300 000 000 $. Et, donc, sous prétexte qu'il y a un besoin ou sous prétexte qu'il y a beaucoup de personnes dans la population qui ont besoin de cette assurance-médicaments, on nous dit: Regardez, là, on va vous donner une assurance-médicaments, tout le monde va payer. Puis, malheureusement, on n'a pas fait la distinction entre les gros salariés et les petits salariés. Tout le monde va payer le même montant. Et on fait accroire qu'on est en train de combler un besoin, lorsque c'est une commande qui a été exigée de la part du ministre des Finances, d'aller chercher un 200 000 000 $ cette année et un 300 000 000 $ l'an prochain.

M. le Président, qu'est-ce qui est le plus triste dans tout ça? On va frapper les personnes de l'âge d'or, ces gens-là qui nous ont permis d'avoir la qualité de vie que nous avons aujourd'hui, qui nous ont permis... Oui, M. le Président, je vois le député de Masson qui fait signe qu'il est peut-être une de ces personnes-là. Ces gens-là nous ont permis d'avoir la qualité de vie. Et il semblerait que, tout d'un coup, ce gouvernement a découvert que c'étaient des nouveaux riches: Ces gens-là ont de l'argent, on va aller le chercher, leur argent, on va aller le chercher; ils nous ont donné beaucoup de choses, mais on va aller le chercher.

M. le Président, qu'on nous donne donc l'heure juste. Au lieu d'appeler ça la Loi sur l'assurance-médicaments, quelque chose qui est un besoin, c'est de dire que le gouvernement avait besoin de revenus. Donc, en échange pour des revenus, les gens de l'âge d'or vont payer plus que dans le passé pour leurs médicaments, les gens qui vivent de la sécurité du revenu vont payer plus et on va forcer des gens qui n'en veulent pas à prendre l'assurance-médicaments. De cette façon, on va aller chercher 200 000 000 $ cette année et 300 000 000 $ dans les années à venir.

Donc, M. le Président, pourquoi ce gouvernement-là ne donne pas l'heure juste au lieu de dire: On ne taxera pas, c'est l'administration, c'est les choses qui vont être... On va demander de faire des sacrifices. Au contraire, de façon hypocrite, on augmente la tarification, on met des taxes déguisées, et, malheureusement, c'est encore les plus démunis de notre société qui devront payer pour. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Pontiac. Je cède maintenant la parole au whip en chef de l'opposition et député des Îles-de-la-Madeleine. M. le whip en chef.


M. Georges Farrah

M. Farrah: Oui, Merci, M. le Président. C'est avec beaucoup de plaisir que j'interviens sur le projet de loi n° 33 au niveau du principe. Plaisir dans le sens, monsieur, que, encore une tentative d'essayer de faire comprendre à ces gens du gouvernement, insensibles auprès des démunis, que le projet de loi sur lequel nous sommes conviés est inéquitable. Il est inéquitable pour une portion de la population qui n'a pas les moyens de défrayer des coûts supplémentaires au niveau des médicaments, compte tenu de sa situation financière, d'une part.

D'autre part, M. le Président, une société comme la nôtre, une société évoluée, une société développée, doit prioriser hors de tout doute différents secteurs au niveau de l'action gouvernementale. Principalement, en ce qui nous concerne comme opposition officielle, entre autres, on doit cibler la santé et l'éducation, deux secteurs absolument essentiels et fondamentaux dans le développement d'une société.

Qu'est-ce que ça veut dire? Lorsqu'on priorise des secteurs comme ceux-là, des secteurs fondamentaux, il nous apparaît qu'un programme comme un programme de médicaments doit être accessible à des coûts raisonnables pour l'ensemble de la population et qu'un gouvernement qui se dit responsable doit prioriser, par exemple, une assurance-médicaments dans un contexte budgétaire peut-être au détriment d'autres choses qui sont moins importantes, M. le Président.

Mais l'assurance-médicaments, avec les soins de santé, à notre point de vue, c'est non négociable. Et, lorsqu'on voit que des assistés sociaux devront payer une franchise de 200 $ par année... Nous, peut-être, on peut penser que c'est peu, que c'est minime, 200 $ par année. Mais, lorsque ces gens-là ont de la difficulté à boucler leur budget à la fin de chaque mois pour payer le loyer... Et, ça, on les reçoit dans nos bureaux de comté. Je suis convaincu que l'ensemble des députés de cette Assemblée sont conscients de cette situation lorsqu'ils reçoivent des gens, malheureusement, qui sont sur l'aide sociale et qui n'ont pas les moyens de payer un sou de plus parce que, eux, maintenant, au niveau de leur budget, possiblement qu'ils seront obligés de prioriser, peut-être, de la nourriture ou des médicaments et avoir un effet au niveau des soins, M. le Président.

Alors, c'est la raison pour laquelle le projet de loi qui nous est présenté, au niveau du principe, est inacceptable; entre autres aussi à cause de l'improvisation que le ministre a démontrée tout au cours des dernières semaines relativement à ce projet d'assurance-médicaments.

(17 h 30)

L'autre élément, M. le Président, l'opposition officielle, comment voulez-vous qu'on se prononce de façon adéquate, qu'on puisse faire une étude approfondie, exhaustive de ce projet de loi, alors qu'on nous propose des amendements qu'on ne connaît même pas, que nous ne connaissons même pas à ce stade-ci, M. le Président. Sur un sujet aussi fondamental dans notre société, il est absurde de travailler, en quelque sorte, en cachette. Quels seront les amendements qui nous seront proposés? On nous a dit qu'il y en aura, des amendements. Nous ne les connaissons pas, M. le Président. Et c'est la raison pour laquelle il y a une rare unanimité au niveau de la société québécoise sur ce projet de loi là.

Lorsqu'on regarde, M. le Président, la majorité des mémoires, sinon la totalité des mémoires qui ont été présentés et soumis à la commission parlementaire, et également lorsqu'on lit les coupures de presse sur le projet de loi du ministre de la Santé, qu'on peut appeler maintenant, peut-être, MTS, le ministre de la taxe de la santé... C'est ça, M. le Président, parce que, essentiellement, ce ministre n'est pas là pour défendre et satisfaire sa clientèle, les patients, les citoyens et les citoyennes du Québec. Essentiellement, ce ministre est là pour satisfaire la soif du ministre des Finances. On comprend que chaque ministre doit trimer dur pour aller chercher son budget pour opérer au niveau de son ministère, mais le minimum qu'on demande à un ministre, M. le Président, ce n'est pas d'être le représentant de son gouvernement auprès de ses clientèles, mais bien d'être le représentant de ses clientèles auprès de son gouvernement. C'est ça, M. le Président, la réalité.

Mais, lorsqu'on voit l'attitude du ministre de la Santé, on se rend compte qu'il est sous la tutelle du ministre des Finances. Et, par conséquent, lorsqu'on lui demande des questions relativement à l'indexation de la prime, dans le futur, de base, ça peut être 200 $ au niveau de la franchise, ça va être combien l'an prochain, combien dans deux ans? Est-ce qu'il va y avoir un plafond au niveau de l'indexation? On ne le dit pas, M. le Président. Alors, par conséquent, est-ce que l'assurance-médicaments va être un moyen pour le gouvernement d'aller chercher des revenus additionnels dans la poche des contribuables, comme ce gouvernement fait au niveau des différentes sociétés d'État, entre autres au niveau d'Hydro-Québec, lorsqu'on a augmenté les tarifs d'hydroélectricité? Alors, quand ce gouvernement-là aura besoin d'argent supplémentaire, on va augmenter les primes de l'assurance-médicaments pour satisfaire la soif du ministre des Finances. Et, M. le Président, ce n'est pas ça, s'occuper de ses clientèles.

Alors, devant cette quasi-unanimité des représentants des groupes qui se sont présentés en commission parlementaire, devant les principaux éditorialistes de la majorité des journaux francophones et anglophones du Québec, M. le Président, on constate, et nous, comme opposition officielle, nous disons au ministre: C'est improvisé, votre projet. C'est improvisé. Alors, allez refaire vos devoirs. Refaites vos devoirs de façon correcte pour faire en sorte, M. le Président, que ce projet de loi, essentiellement, défende les citoyens et les citoyennes du Québec et non pas exclusivement le ministre des Finances.

Alors, j'ai un article devant moi, M. le Président, dans Le Soleil du 10 juin dernier, de M. Jean-Jacques Samson, où son titre est «Un remède improvisé». Et je lis quelques lignes, M. le Président: «Pour la première fois sans doute dans l'histoire, une mesure sociale aussi importante – et c'est vrai que c'est une mesure sociale très importante – est inspirée par l'impératif pour un gouvernement de réaliser des économies de centaines de millions de dollars. D'où la précipitation démontrée par le ministre de la Santé et des Services sociaux, Jean Rochon, pour faire adopter à la vapeur le projet de loi n° 33 créant le nouveau régime d'assurance-médicaments. Le gouvernement Bouchard a même eu la témérité, en mars dernier, d'inscrire ces économies de 250 000 000 $ à son budget de dépenses pour 1996-1997, avant même de déposer son projet.»

Ce qui m'amène à dire, M. le Président, qu'on a même brimé les droits et privilèges de l'Assemblée où, avant que ce projet de loi là soit adopté – il n'est pas adopté encore, nous sommes au principe – on a déjà escompté, dans le livre des crédits du gouvernement du Québec, des revenus de 250 000 000 $. Et on a vu mon collègue, hier, M. le Président, le leader de l'opposition officielle, sur une question de règlement, une question de privilège, même. Vous avez statué, et nous ne contestons pas votre décision, M. le Président, parce que vous avez dit à juste titre: Ce n'est pas correct, ce qu'ils ont fait, on va leur écrire pour faire en sorte que ça ne se produise plus. Je comprends bien votre décision, M. le Président.

Et on a vu, dans les principaux journaux du Québec, une publicité: «Ensemble on s'assure de protéger notre santé. Si vous désirez plus d'information sur le nouveau régime d'assurance-médicaments composez le 1-888-435-7999.» C'est présumer de la décision de l'Assemblée nationale alors que le projet de loi n'a pas été adopté, M. le Président.

Et M. Samson a vu juste en disant que le gouvernement a même eu la témérité d'escompter cet argent-là avant même que le projet de loi soit adopté. Et là, maintenant, pour des impératifs budgétaires, malgré une levée de boucliers, bien, le ministre le passe à la vapeur pour s'assurer qu'il réponde, encore une fois, aux objectifs du ministre des Finances et faire en sorte que les revenus rentrent dans le coffre de l'État.

Alors, c'est ça, M. le Président, la problématique à laquelle nous sommes confrontés et c'est ça l'inquiétude que nous avons au niveau de la prime, au niveau des années futures, alors que, pour des raisons budgétaires, pour des raisons d'un manque de revenus, nous allons faire en sorte, le gouvernement irresponsable peut faire en sorte d'augmenter ces primes pour aller chercher de l'argent pour payer d'autres choses, et ça, toujours au détriment des citoyens et des citoyennes du Québec.

Le ministre disait: Oups! à toutes les fois qu'on bouge – je l'entendais hier soir, il était très tard, M. le Président, vous vous en souvenez – quand on bouge, l'opposition, hop! s'énerve. Ce n'est pas l'opposition qui s'énerve, M. le Président. Lorsqu'on fait le constat de l'ensemble des mémoires qui ont été présentés en commission parlementaire, des principaux éditorialistes au Québec qui disent au ministre: Holà! allez refaire vos devoirs, alors, l'opposition officielle se sent légitimée et est légitimée de poser ses questions et d'essayer de rendre sensible ce gouvernement aux citoyens et aux citoyennes du Québec et non pas seulement pour des impératifs budgétaires.

Il y a un autre élément, M. le Président, qui me fait peur, au niveau de ce projet de loi tel qu'il nous est présenté, et qui nous démontre jusqu'à quel point ce projet de loi a pu être improvisé, c'est l'article 118 de ce projet de loi. Et ça, M. le Président, c'est dangereux, cet article-là. Je vous le lis: «Le gouvernement peut, par règlement, prendre, avant le – la date indiquée lorsqu'il sera adopté – toutes autres dispositions transitoires permettant de suppléer à toute omission pour assurer l'application du régime général d'assurance-médicaments le plus tôt possible après son institution par l'effet de la présente loi.»

Ça, ça veut dire que le ministre prévoit déjà qu'il peut avoir omis des choses, oublié des choses dans son improvisation. Puis là, qu'est-ce qu'il dit par cet article, M. le Président? Le ministre se donne le pouvoir de corriger ses omissions sans revenir devant l'Assemblée nationale, devant les représentants du peuple. Et ça, là, c'est un article qui est dangereux parce que ça peut faire en sorte de tout changer au niveau de ce projet de loi là: augmenter la tarification, changer la liste des médicaments, etc. Alors, c'est fondamental, au niveau du régime. Et le ministre se donne le droit en tout temps de modifier le projet de loi sans revenir devant cette Assemblée où ses représentants ont été dignement élus par la population du Québec. Voilà une preuve, le ministre confirme qu'il a improvisé, parce qu'il prévoit qu'il va y avoir des omissions parce qu'il a mal fait son travail.

(17 h 40)

Alors, M. le Président, l'opposition officielle est légitimée de contester ce projet de loi là tel qu'il nous a été présenté et sans en connaître les tenants et aboutissants.

L'autre problème au niveau de ce projet de loi, au niveau de l'attitude du ministre, c'est qu'on a eu une commission parlementaire où les assureurs privés ont démontré hors de tout doute que le calcul qui avait été mis de l'avant par le ministre et son équipe n'était pas réaliste. Alors, lorsque le ministre a entendu ces gens donner l'heure juste en disant: Vos calculs sont trop conservateurs, ça va coûter plus cher que ça, bien, le ministre, M. le Président, tasse les assureurs privés: C'est moi qui ai raison, c'est vous qui avez tort. C'est ça, l'attitude du ministre dans le dossier. Je suis quels pas? L'ensemble des gens, des groupes qui ont présenté des mémoires en commission parlementaire, unanimement: Le frein, le frein, M. le ministre. Vous nous inquiétez, on vous a vu aller dans différents dossiers, notamment au niveau de la fermeture des hôpitaux, avec les régies régionales, etc. M. le ministre, allez-y tranquillement. «Vous n'avez pas raison, c'est moi qui ai le pas. C'est moi qui ai le pas.» Assureurs privés, attention! Pas contents? Dehors! On va fonctionner, nous autres. Alors, c'est cette attitude arrogante, jusqu'à un certain point, qui suscite de l'inquiétude de la part de ce ministre.

L'autre élément où nous sommes inquiets, M. le Président, dans le projet tel qu'il nous est présenté, c'est l'arrimage entre, également, l'assurance privée et l'assurance publique, un peu, par la Régie de l'assurance-maladie du Québec. Alors, il y a un manque de balises, M. le Président. Et, présentement, au niveau d'une assurance collective privée comme nous avons, nous, comme membres de l'Assemblée nationale, il y a des médicaments, actuellement, pour lesquels nous sommes couverts par notre assurance, qui, après l'adoption de ce projet de loi là, s'il n'y a pas amendement, ne seront plus couverts par notre assurance privée parce que les médicaments ne seront pas reconnus par la Régie de l'assurance-maladie du Québec. L'obligation actuelle, l'obligation ultérieure, après l'adoption de ce projet de loi, s'il passe tel qu'il est, M. le Président, fera en sorte que, si un médicament pour lequel on est remboursé actuellement n'est pas reconnu par la RAMQ, la Régie de l'assurance-maladie du Québec, après l'adoption, bien, notre assurance privée ne pourra pas nous le rembourser, parce que c'est une obligation qu'il soit reconnu par la RAMQ. Alors, ça suscite des inquiétudes, M. le Président.

Et là on peut parler de la liste des médicaments aussi, parce que notre inquiétude, c'est que la liste des médicaments soit régie uniquement par les coûts du médicament. Nous sommes conscients qu'il faut être prudent au niveau de cette liste parce qu'il peut y avoir des coûts astronomiques. Mais, ceci étant dit, M. le Président, lorsqu'on est malade, à ce que je sache, on ne choisit pas notre maladie. Je ne pense pas qu'on choisisse notre maladie. Là, si on tombe sur une maladie, malheureusement, pour laquelle le médicament coûte trop cher puis qu'il n'est pas reconnu, on est dans le trouble. On est dans le trouble, M. le Président. Et, ça, c'est ça que des citoyens sont venus nous dire, au niveau de la fibrose kystique, entre autres, où ce que... Malheureusement, je n'ai pas voulu avoir cette maladie-là; mais, ceci étant dit, je veux que mon médicament soit quand même couvert. Là, si l'unique guide du ministre, c'est le coût du médicament, effectivement, on pourrait se retrouver avec des problèmes majeurs au niveau de la liste des médicaments.

Les pharmacies. On assiste pratiquement à une nationalisation des pharmacies, où les coûts d'achat et de vente vont être régis, régis par ce gouvernement, pas totalitaire, il me semble, M. le Président.

On ne fait pas confiance au secteur privé, aux pharmacies, qui existent depuis de nombreuses années. Ce projet de loi vient s'ingérer au niveau de la concurrence et va faire en sorte de dicter carrément l'achat et le prix de vente du médicament. Boris Eltsine n'aurait pas été si loin que cela.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Farrah: Et la cerise sur le gâteau, la cerise sur tout ça, c'est dans le communiqué de presse du ministre, hier, parce que le ministre, lui, pour brimer les droits de l'Assemblée, il a été annoncer à la presse, dans un premier temps, sa volonté ou ses changements, alors que, nous, nous ne les connaissions pas encore. Et là, à la page 2, on peut y lire: La prime qui sera perçue à la fin de l'année, avec le rapport d'impôts plutôt que mensuellement, est compensée à la fin de l'année. Alors, M. le Président, voilà un gouvernement qui tient un langage où le premier ministre a dit: Il n'y aura pas d'augmentation de taxes et d'impôts, et là on nous confirme que c'est un impôt-médicaments.

Une voix: Hé! Hé! Hé!

M. Farrah: Taxe sur les médicaments à même le rapport d'impôts. Le langage de ce gouvernement et les faits... Alors, vous comprenez que, avec un gouvernement où le citoyen ne compte pas, un gouvernement qui est à la remorque, à la merci de son ministre des Finances, un gouvernement qui n'est pas capable de prioriser dans ses choix, où la santé et l'éducation sont des secteurs névralgiques au niveau de la population...

Par contre, quand ça a été pour le référendum puis pour dépenser des 100 000 000 $, 150 000 000 $, ça, il n'y avait pas de problème. Pas de problème. Mais un assisté social, cependant, devra payer 200 $ de plus par année, alors qu'il n'a pas les moyens de donner un sou de plus parce que, au niveau de son budget, il n'a aucune marge de manoeuvre, et ça, vous le savez lorsqu'on les rencontre dans nos bureaux de comté, ces gens-là. Bien, c'est une question de priorité de ce gouvernement. Quand c'est pour l'option, les banques sont ouvertes, les barils n'ont pas de fond; mais, quand c'est pour protéger les plus démunis de la société, ces gens-là abdiquent à leurs responsabilités. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le whip en chef de l'opposition et député des Îles-de-la-Madeleine. Je cède maintenant la parole au député de LaFontaine. M. le député.


M. Jean-Claude Gobé

M. Gobé: Merci, M. le Président. Bien sûr, nous sommes, cet après-midi, ici pour discuter du principe du projet de loi n° 33, loi instaurant une assurance-médicaments et qui modifie certaines dispositions législatives dans ce domaine.

Tout d'abord, soyons clairs, il est évident que, de ce côté-ci, les députés du Parti libéral ont toujours été conscients de l'importance et de la nécessité d'avoir une assurance-médicaments. Je pense que chacun d'entre nous est conscient que, avec le développement des nouvelles technologies, de la recherche, les coûts importants liés à ces technologies et aux productions de certains médicaments particuliers pour soigner des maladies nouvelles... Et le coût que doivent bien souvent défrayer certains de nos concitoyens ou compatriotes victimes de ces maladies dépasse souvent grandement et largement leurs moyens de payer et met en péril probablement l'établissement de leur vie, ce qu'ils ont acquis et la sécurité qu'ils ont pu gagner et donner à leur famille.

En effet, M. le Président, on se retrouve... On a eu des exemples, chacun d'entre nous, certainement assez proches de nos familles, de nos amis ou de nos compagnons de travail. Nous avons pu voir des gens, des travailleurs, des travailleuses ou des enfants atteints de maladies qui nécessitaient des consommations de médicaments pouvant aller jusqu'à 15 000 $, 20 000 $ ou 30 000 $ par année. Et c'est très important et c'est un fardeau certainement très difficile ou insupportable à court, moyen et surtout à long terme pour ces familles qui n'avaient à ce moment-là aucun secours, aucun support. Il y avait bien sûr la circulaire sur les maladies, de «malades sur pied». Mais il est important, je pense, de clarifier tout ca. Et je crois que chacun d'entre nous au Québec... Je serais surpris de trouver des gens qui sont fondamentalement opposés à ce que l'ensemble des Québécois puissent avoir une assurance qui leur permet de prévenir ces mauvais coups du sort. Car, en effet, une maladie, c'est un coup du sort; mais on ne choisit pas. J'écoutais mon collègue, le député des Îles, qui disait: On ne demande pas à être malade. En effet, on ne demande pas à être malade, ça arrive, ça nous tombe dessus; ça frappe nos enfants, ça frappe nos épouses, ça nous frappe nous-même. Et je pense, à cet effet-là, qu'il est donc important que l'on puisse penser à établir ces choses.

(17 h 50)

D'ailleurs, regardez, certains pays dans le monde l'ont déjà établi. On prendra des exemples de pays qui ont ces assurances. Prenons l'Allemagne. L'Allemagne, comme chacun le sait, a un service social qui fait que les médicaments sont gratuits, et cela, depuis les années d'avant la guerre, si mes souvenirs sont exacts. La France, à côté, rembourse une partie des médicaments; certains médicaments étant remboursés à 75 %, d'autres à 60 %, d'autres n'étant pas remboursés, dépendant des maladies, des types de médicaments qui sont ordonnés. Alors, nous avons là deux systèmes. Force est de constater que ces pays, contrairement au Québec, ont été précurseurs dans ces domaines. Et on peut voir que les citoyens ont pu répondre à ces maladies avec une médication des fois très coûteuse et même des fois moins coûteuse, sans mettre en péril leur sécurité et ce qu'ils ont acquis.

Alors, M. le Président, on pourrait peut-être regarder notre régime à nous de la manière dont les pays européens l'ont fait. La différence, c'est que, depuis de nombreuses années, vu qu'il n'y avait pas de régime, les Québécois et Québécoises, en grande partie, au-delà de 60 %, ont pris l'habitude de s'assurer eux-mêmes. Les entreprises ont fait en sorte, pour attirer des travailleurs et des travailleuses ou pour les garder à leur service, d'inclure dans leurs avantages d'employeurs qu'ils destinent à leurs employés des plans d'assurance, médicaments en particulier. Et on se retrouve aujourd'hui dans une situation qui fait que 60 % de nos compatriotes sont assurés au niveau des médicaments.

Malheureusement, il en reste 1 200 000 qui, eux, n'ont accès à aucune protection. Un certain nombre d'entre eux, M. le Président, sont des gens qui sont prestataires de la sécurité du revenu, donc ils sont aussi, bien sûr, couverts. Mais il reste quand même des travailleurs et des travailleuses qui, étant travailleurs à temps partiel, des travailleurs temporaires, des travailleurs autonomes, sont des citoyens et des citoyennes qui n'ont pas de couverture. Et, bien souvent, on se rend compte que c'est les travailleurs, M. le Président, qui sont peut-être parmi les moins favorisés, les plus fragiles en termes d'emploi et en termes de revenus, bien entendu. Alors, on ne peut que souscrire à faire un plan d'assurance-médicaments.

Le problème, M. le Président, c'est la manière dont il est fait. Encore faut-il que ce plan corresponde à ce dont les Québécois et les Québécoises ont besoin et encore faut-il, M. le Président, que la manière dont il va être mis en application, ou administrativement, il fonctionne, qu'il ne devienne pas encore quelque chose de très lourd à administrer, de très compliqué, qui va coûter très cher et qui ne donnera pas les services pour lesquels il est institué. Car, en effet, M. le Président, on se rappellera que de nombreuses lois à caractère social très progressives qui ont été mises en place au Québec depuis une trentaine d'années ont été détournées de leur sens et du but pour lequel elles avaient été faites à cause de la machine administrative, à cause de la lourdeur et à cause aussi de la réglementation qui suivait par la suite, faisant en sorte que des projets et des lois qui pouvaient nous mettre dans le peloton de tête des pays progressistes sont aujourd'hui peut-être perçus par nos concitoyens comme des fardeaux ou des boulets à traîner, ou des choses qui ne fonctionnent pas bien et qui sont contre-productives et très onéreuses. Alors, encore là, M. le Président, c'est la question à poser.

Et lorsqu'on voit que le gouvernement se dirige encore une fois vers la Régie de l'assurance-maladie pour gérer une partie de ce plan d'assurance-médicaments, on peut se poser certaines questions. D'autant plus qu'on se rappellera qu'il y a encore quelques années et encore certainement aujourd'hui les députés en cette Chambre ont questionné les graves manquements au niveau des contrôles en ce qui concernait les bénéficiaires, les citoyens, les Québécois et les Québécoises qui se faisaient soigner par la Régie de l'assurance-maladie. Il y avait abus ou il y avait sur... pas consommation, mais surutilisation des services. Il y avait des citoyens d'autres pays ou d'autres régions qui venaient profiter du service gratuit très généreux que les Québécois payaient. Alors, M. le Président, on découvre qu'on fait en sorte peut-être encore de créer et d'alourdir la machine de la Régie de l'assurance-maladie du Québec.

Certains diront: On va donner tout ça à l'entreprise privée, ça fonctionne déjà très bien. Oui, certes, c'est là une voie qui pourrait certainement être regardée et qui a été regardée. D'autres diront: Écoutez, pourquoi pas un partenariat entre le gouvernement et l'entreprise privée? C'est là, certainement, encore d'autres possibilités, sauf que ce que le ministre retient, lui, c'est directement le recours, encore une fois, à l'appareil de l'État. Moi, je crois que l'appareil de l'État, il devient de plus en plus compétitif. Et on sait que nos travailleurs de la fonction publique québécoise sont des gens qualifiés, des gens sérieux et des gens qui croient à leur travail, à condition qu'on leur donne les moyens de le faire et qu'on définisse clairement les missions qu'ils ont à remplir, et qu'on n'en fasse pas non plus des boucs émissaires des aléas et des problèmes budgétaires que nous pouvons connaître.

Moi, je sais et je crois, M. le Président – et nous le croyons, de ce côté-ci de la Chambre – que ces gens sont certainement des gens capables d'administrer des plans et des programmes pour donner des soins à la population. Mais est-ce vraiment nécessaire? Est-ce que l'on doit aller automatiquement dans cette direction-là? À un moment donné où on fait une remise en question de tout notre appareil gouvernemental, à un moment donné où les gouvernements successifs, que ce soit celui du chef de l'opposition, l'ancien premier ministre, M. Johnson, ou celui du premier ministre, M. Parizeau, ou du premier ministre, M. Bouchard, il y a au Québec un certain consensus à l'effet de revoir le rôle de l'État, de faire en sorte de redéfinir ses missions, de revaloriser aussi ses interventions en lui laissant peut-être plus de liberté, plus d'autonomie dans certains cas et en le dégageant dans d'autres cas, et en régionalisant des activités dans d'autres cas, M. le Président.

Alors, est-ce qu'il est vraiment pertinent à ce moment-ci de donner un programme supplémentaire? Moi, je crois que l'on devrait faire en sorte que ce programme-là soit administré de manière différente, qu'il soit administré par des entreprises qui ont l'habitude de le faire et que l'État devrait borner son rôle à établir les critères, les paramètres à l'intérieur desquels ça devrait fonctionner. Et l'État devrait garder son rôle aussi, M. le Président, de définition des services qui devraient être donnés. Il devrait y avoir un cahier des charges qui devrait être établi, ce qui permettrait aux entreprises qui le désireraient d'y venir soumissionner. Et on a vu ça dans certains secteurs, parce qu'on le dit très bien, 60 % des Québécois et des Québécoises sont déjà assurés, et ça fonctionne bien. Je n'ai pas vu souvent à mon bureau de comté, comme député, et je n'ai pas lu souvent dans les journaux, non plus, des citoyens qui étaient assurés dans des entreprises ou même les employés de l'État et du gouvernement qui avaient des plaintes, ou des récriminations, ou des dénonciations envers leur compagnie d'assurances lorsqu'ils réclamaient des services médicaux ou des services de médicaments.

Alors, on a là, certainement, M. le Président, une expertise qui est rare dans notre monde occidental, celle d'une très, très grande masse de population qui reçoit des services d'assurance qui, en général, sont donnés dans des pays équivalant au nôtre, équivalant au Québec, par l'État, et je parlais précédemment de l'Allemagne, je parlais de la France – et je termine, M. le Président, en deux minutes, je sais que le temps achève – on pourrait parler aussi de la Belgique, on pourrait parler aussi d'autres pays.

Alors, M. le Président, je pense que nous devrions regarder de ce côté-là, et je ne pense pas que le gouvernement, que le ministre regarde dans la bonne direction. Je ne pense pas qu'il prend les bonnes modalités. Et, aussi, M. le Président, je vois que le temps de la session, de cette séance est maintenant terminé. Je sais qu'il me reste quatre, cinq minutes – vous m'avez fait signe – alors, je demanderais qu'on ajourne les travaux à ce soir, 20 heures, et je continuerai mon intervention à ce moment-là.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, M. le député de LaFontaine, sur votre temps d'intervention qui est de 20 minutes, vous avez actuellement utilisé 11 min 45 s, donc vous êtes en droit de continuer votre intervention à la reprise des travaux de cette Assemblée, car je vais suspendre de ce pas les travaux jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 heures)

(Reprise à 20 h 5)

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, Mmes, MM. les députés, veuillez vous asseoir. Alors, nous poursuivons nos travaux. Nous poursuivons le débat sur l'adoption du principe du projet de loi n° 33, Loi sur l'assurance-médicaments et modifiant diverses dispositions législatives. Alors, comme je l'avais mentionné avant la suspension de 18 heures, M. le député de LaFontaine a déjà utilisé 11 min 43 s de son droit de parole de 20 minutes. Alors, M. le député de LaFontaine, si vous voulez poursuivre, je vous cède la parole.

M. Gobé: Alors, merci, M. le Président. En effet, avant que la session ne suspende les travaux pour quelque temps, j'étais, bien sûr, en train de parler de ce projet de loi qui a été déposé par le ministre de la Santé, le projet de loi n° 33 qui crée ou qui tend à créer la Loi sur l'assurance-médicaments.

Alors, M. le Président, je disais à ce moment-là que, oui, en effet, nous, du Parti libéral, nous, l'opposition, nous croyons fermement et nous croyons sincèrement qu'il est normal et nécessaire pour la population, pour les Québécois et les Québécoises, particulièrement pour ceux qui ne sont pas couverts par un régime d'assurance, qu'il est important qu'il y ait, dans notre société, un régime d'assurance-médicaments. Les raisons qui plaident en cette faveur sont, bien sûr, les coûts qui, maintenant, sont inhérents aux médicaments. Vous savez que, avec les nouvelles technologies, un grand nombre de médicaments ont été découverts après de nombreuses recherches qui coûtent extrêmement cher, et on se rend compte que, pour que tout le monde y ait accès, bien entendu, d'une manière équitable et juste, il serait important que les citoyens puissent être assurés.

Par contre, nous constatons aussi, M. le Président, que 60 % des Québécois sont déjà assurés et sont déjà bénéficiaires de régimes d'assurance privés, ce qui est un fait presque unique dans les pays de l'Occident, car, en général, si on se réfère en particulier aux pays européens, force est de constater que ces pays ont, eux, des régimes étatisés. Alors, je veux parler, bien sûr, de l'Allemagne. Et je fais un rapide rappel, pour les téléspectateurs qui viennent de se joindre à nous, de l'Allemagne. On sait qu'en Allemagne les médicaments sont entièrement gratuits et à la charge de l'État. Alors, vous avez d'autres expériences un peu différentes qui sont celles de la Belgique, de la France, de l'Italie, de l'Autriche. Prenons, par exemple, celle de la France, où on se rend compte que les médicaments sont remboursés par l'État selon certains barèmes. Alors, certains médicaments, sous ordonnance médicale, bien sûr, vont être remboursés à 75 %, 80 %, 70 %, 100 % ou pas du tout, dépendant de la catégorie de médicament et dépendant, bien sûr, de la liste qui est dressée par le ministère. Ça, M. le Président, c'est une autre expérience.

Donc, ceci pour dire et répéter que, bien entendu, il ne faudrait pas penser que les gens du Parti libéral, de la même manière, je pense, que la très grande majorité des citoyens du Québec... Je pense qu'il y a consensus sur un fait, c'est qu'au Québec il est important que l'ensemble de nos concitoyens puissent recevoir des soins de santé, des soins médicaux et en particulier des médicaments de manière accessible à tout le monde, sans mettre en péril leur situation financière. Imaginons, par exemple, une famille dont le père travaille, un salaire de quelque 30 000 $, propriétaire d'un petit bungalow dans la région de Pointe-aux-Trembles, Rivière-des-Prairies ou Terrebonne, qui verrait son épouse, lui-même ou un de ses enfants devenir malade et qui se retrouverait, comme certains d'entre nous le connaissent par des exemples de voisins, d'amis ou de parents, à devoir recevoir un traitement de médicament extrêmement cher. On sait qu'il y a des traitements qui peuvent coûter jusqu'à 15 000 $, 20 000 $, 30 000 $ en médicaments par année. Alors, qu'est-ce que ce père de famille devrait faire à ce moment-là s'il n'avait pas d'assurance? Il devrait commencer par vendre sa maison, emprunter et mettre en péril la situation financière de toute la famille, ceci pour subvenir à ses achats de médicaments.

(20 h 10)

Alors, donc, c'est évident, M. le Président, nous sommes dans une situation où il est reconnu qu'on doit trouver des solutions à ce problème-là, particulièrement depuis une chose importante, une étape particulière, celle qui suit, j'appelle ça la déréglementation, ou le virage ambulatoire que le ministre de la Santé a voulu donner ou insuffler à notre régime d'hospitalisation. On sait maintenant que les citoyens vont devoir, après avoir été opérés, sortir deux, trois jours plus tard et retourner chez eux. Avant, les citoyens, ces patients, ces malades, ces Québécois et ces Québécoises restaient à l'hôpital une semaine ou 10 jours et recevaient les médicaments gratuits, et ça coûtait extrêmement cher.

Là, maintenant, M. le Président, avec ce virage ambulatoire, on va constater de plus en plus que les gens vont recevoir les soins chez eux et, pour ce faire, ils vont devoir payer les médicaments. Voilà un autre désengagement de l'État, une manière un peu pernicieuse de dire aux gens: Vous allez payer une partie de la facture. Car, en effet, ce qui avant était à la charge de l'hôpital sera maintenant à la charge du malade ou de la famille du malade. Et ça peut, à l'occasion, être extrêmement coûteux, extrêmement cher.

Ce que nous déplorons, M. le Président, c'est, de la même manière que les centrales syndicales... Je voyais, ce soir, passer sur le câble, sur le fil des agences de presse – 17 heures, en effet, M. le Président – une déclaration commune de la CEQ, de la CSN et de la FTQ qui demandaient au gouvernement de surseoir à ce projet parce que, disaient-ils, un certain nombre de questions n'ont pas été résolues, un certain nombre de situations restent floues. M. le Président, on ne peut que constater cette communauté de pensée, sur ce dossier très particulier qui touche un domaine très sensible de nos concitoyens, entre les centrales syndicales, qui sont traditionnellement, et peut-être que c'est bien comme ça, à l'avant-garde de l'évolution sociale du Québec et des Québécois, à l'avant-garde de la défense, bien souvent, des plus démunis, et on ne peut que constater cette convergence d'esprit, de pensée du Parti libéral du Québec, de l'opposition avec ces gens. Et je m'en félicite, M. le Président, parce que je pense que c'est là un regroupement de gens qui ont fait le même constat.

Le constat, M. le Président, c'est que cette loi, cette réforme qui devrait être majeure, qui devrait correspondre au meilleur service de nos concitoyens, n'y correspond pas. Et lorsqu'une loi qui amène une réforme aussi importante que ça ne correspond pas à ce à quoi les citoyens sont en droit de s'attendre, aussi bien en termes de finances... On sait que le gouvernement espère récupérer 194 000 000 $, 196 000 000 $ avec cette réforme, mais surtout, M. le Président, ça, c'est de l'argent, mais surtout en termes d'efficacité, en termes de services à la population. Lorsqu'il y a une convergence aussi importante que cela, on se doit de se poser des questions, et le ministre devrait s'arrêter, y réfléchir.

On retrouve aussi, M. le Président, sur le fil, ce soir, sur l'agence de presse, la même demande de la part du Conseil du patronat. Et là on remarque que l'ensemble des forces vives du Québec, moins, cette fois-ci, malheureusement, les députés du Parti québécois – je ne parle pas du gouvernement – qui ont à coeur le bien-être de la population, qui ont à coeur la défense de leurs concitoyens, bien, nous retrouvons l'ensemble de ces forces unies dans une même demande, une même pensée qui dit au ministre de la Santé: M. le ministre, s'il vous plaît, votre réforme est prématurée. Elle va trop vite. Elle ne correspond pas aux besoins, elle ne correspond pas aux demandes. Elle risque plus de créer des problèmes que de régler des cas. Aussi, retirez-la, prenez le temps de la revoir, de la refaire, de la reformuler, et il sera toujours temps de l'amener, M. le Président, lorsqu'elle sera arrivée à sa maturité. Vaut mieux prendre le temps et retirer une loi qui ne fonctionnera pas, qui ne fait pas consensus, pour la refaire que d'aller à la pression et, d'urgence, apporter quelque chose qui est déjà décrié avant même d'être introduit.

Alors, M. le Président, malheureusement, nous ne pourrons pas voter pour cette loi. J'aurais souhaité qu'elle fasse consensus, que l'ensemble des forces vives du Québec et des citoyens, des travailleurs, des syndicats, du patronat et des députés l'appuient. Alors, malheureusement, M. le Président, je vais donc, moi, voter contre et je recommanderai à mes collègues de faire la même chose. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de LaFontaine. Je cède maintenant la parole au député de Bourassa. M. le député.


M. Yvon Charbonneau

M. Charbonneau (Bourassa): Oui, M. le Président, nous devons continuer d'échanger des vues sur ce projet de loi n° 33, Loi sur l'assurance-médicaments. Beaucoup de mes collègues ont déjà démontré de manière fort éloquente – et c'était le cas du député de LaFontaine aussi – plusieurs lacunes de ce projet de loi, tout en exprimant une sympathie de fond pour l'inspiration qui fait que le Québec est à la recherche d'un mode d'assurance, d'un mode de partage des coûts face à cette question de médicaments.

Nous sommes malheureusement, M. le Président, vous l'aurez remarqué, dans un drôle de débat. Nous devons débattre jour et nuit d'un projet de loi qui est devenu une cible mouvante. Il y a deux jours, c'était telle chose et, depuis hier et depuis quelques heures, c'est déjà autre chose, mais sans que nous ne sachions vraiment quelle est la nature des changements survenus. Donc, une cible mouvante est l'objet d'un débat plus difficile, dans un sens.

Mais je crois que l'inspiration initiale du ministre de la Santé est demeurée la même, d'après ce que nous pouvons savoir, malgré ce qu'il appelle ses amendements substantiels. Mon collègue de LaFontaine vient de le rappeler, le point de vue des centrales syndicales demeure le même que ce qu'il était sur la base du premier projet, c'est-à-dire qu'on demande, ces centrales qui représentent 1 000 000 de personnes et leurs familles demandent le report du projet de loi. Donc, elles ont eu le temps d'analyser le document. Et ce ne sont pas des gens du Parti libéral. C'est des gens qui ont diverses allégeances politiques, qui ont leurs propres expertises, leurs propres capacités d'analyse et qui disent: Même s'il y a eu des changements sur le projet de loi n° 33, loi qu'on appelle loi de la taxe sur les médicaments, eh bien, malgré ces changements, nous demandons tout de même le report parce qu'il y a trop d'inconnues, il y a trop d'éléments en suspens. Donc, je crois que cela est une référence crédible dans les circonstances. Et le ministre devrait tendre l'oreille à cet appel qui vient d'organisations qui n'ont pas été hostiles au gouvernement sur toute la ligne, qui n'ont pas offert d'opposition systématique au gouvernement depuis les derniers mois ou les dernières années, M. le Président.

D'autres de mes collègues ont souligné la précipitation avec laquelle le gouvernement a agi: en moins d'un mois après la parution du rapport Castonguay, un projet de loi, et très peu de temps pour en discuter, une commission parlementaire tenue en peu de jours pour limiter l'étendue du débat. Et voilà, nous sommes maintenant, si on s'en remet aux bons voeux du gouvernement et du ministre, en phase finale d'approbation. Je crois que c'est une précipitation qui est indicatrice d'une certaine inquiétude chez ce gouvernement. C'est aussi une précipitation qui l'amène à poser des gestes inconsidérés. On a vu, par exemple, le gouvernement dépenser sans doute des dizaines de milliers de dollars pour des pages de publicité, avec un numéro de téléphone invitant le public à s'adresser à des bureaux du gouvernement, comme si le projet de loi était déjà une loi, était déjà un service disponible. Vous avez d'ailleurs émis un point de vue fort approprié là-dessus en tant que président. Et je crois que c'était vraiment aller au-delà de ce qui est convenable, dans les circonstances, de la part du gouvernement.

Le ministre de la Santé et des Services sociaux, M. le Président, est dans une situation un peu semblable à celle où il était il y a un an avec tout son projet de transformation des services hospitaliers et du virage ambulatoire. Il a fonctionné à ce moment-là de manière précipitée, sans prévoir les structures ou les services de remplacement. On ferme des hôpitaux, on fait ci, on fait ça, et les CLSC s'occuperont de tout. Mais les CLSC n'étaient pas au rendez-vous.

(20 h 20)

Et, dans nos comtés, nous avons dû recevoir des citoyens, des personnes en peine et en panne de services et qui cherchaient à obtenir certains services qui leur étaient accessibles auparavant dans les hôpitaux et qu'ils avaient entendu mentionner devant être disponibles dans les CLSC et qui ne s'y retrouvaient pas. Donc, cette précipitation qui a créé des problèmes l'année dernière, il me semble que le ministre devrait s'en méfier cette année dans la mise au point de ce système d'assurance-médicaments. Tout le monde lui dit, toutes les grandes organisations qui viennent s'exprimer sur la place publique lui disent: Attention, vous bousculez des réalités.

Évidemment, comme on l'a démontré, il y a une explication possible à cette précipitation, c'est que le ministre de la Santé est devenu un agent exécutif du ministère des Finances. Il s'occupe plus du déficit ou de sa contribution à abaisser le déficit du Québec qu'il ne s'occupe de la santé, des médicaments et des personnes qui en ont besoin. C'est un gouvernement qui est inquiétant, la population devrait le remarquer. C'est un gouvernement qui subordonne tout à certains impératifs reliés à sa cote financière. Dans quelques jours, les agences de cotation du crédit vont donner leur verdict, c'est ce qui explique pourquoi le gouvernement tient la ligne raide, la ligne dure actuellement et fait en sorte de montrer patte blanche un peu partout, montrer qu'il fait tout pour maîtriser le déficit.

Nous avons dit ici, lors du débat sur le budget, lors du débat sur les crédits, nous avons dit ici en tant qu'opposition qu'il y avait probablement du nettoyage et quelques économies à faire du côté des dépenses gouvernementales, mais que jamais nous n'arriverions à solutionner nos problèmes seulement par la voie des compressions et des réductions. Il faudrait travailler du côté de la relance économique qui, elle, allait produire des rentrées de taxes et d'impôts et finalement nous permettre d'avoir des services publics de qualité.

M. le Président, ce gouvernement est inquiétant par cette espèce d'ambiguïté et ce zigzaguage permanent dans lequel il nous entretient. Il est inquiétant aussi, je dirais, par cette insensibilité qu'il manifeste devant l'appel des plus démunis ou devant l'appel des groupes sociaux qui font entendre leur voix dans le débat public. C'est surtout là-dessus que j'aimerais insister ce soir dans ma présentation.

Je vais citer quelques extraits de mémoires soumis par divers organismes qui se sont présentés devant la commission des affaires sociales le mois dernier, pour montrer à quel point ce gouvernement souffre non seulement de déficit budgétaire, mais de déficit démocratique, M. le Président.

La Coalition Solidarité Santé disait dans son mémoire: «Malgré nos interventions auprès du ministre de la Santé et de M. Castonguay, notre Coalition n'a pu exposer sa vision du régime universel d'assurance-médicaments durant les travaux du comité mandaté par le ministre.» Là, à l'époque où se sont préparées les bases que le ministre a utilisées par la suite dans son projet de loi, nous n'avons pas pu exprimer nos vues, disent-ils. «Nous constatons que les assureurs et les fabricants de produits pharmaceutiques ont été très directement associés, cependant, à la démarche du comité Castonguay. Alors que des groupes légitimement concernés, comme les associations d'aînés, les associations de consommateurs, les organisations syndicales, ont été exclus, les compagnies de produits pharmaceutiques ont été consultées, mais pas les autres, disent-ils. La conduite – je continue de citer – des travaux du comité Castonguay, le dépôt en catastrophe du projet de loi n° 33, l'absence d'éclairage sur une alternative favorisant une plus grande prise en charge publique sont pour nous des illustrations à l'effet que le processus démocratique a été court-circuité. Les mouvements sociaux, les associations représentant les usagers et les consommateurs, les organisations syndicales n'ont jamais été dans le coup.» Coalition Solidarité Santé.

«Nous sommes pourtant, disent-ils, les héritiers d'une longue tradition par laquelle les consensus en matière de santé sont établis selon des processus rigoureux et démocratiques.» Ils réfèrent ici à la commission Castonguay-Nepveu, à la commission Rochon, du même nom que celui qui occupe aujourd'hui le poste de ministre. Et la Coalition rappelle que, à ce moment-là, il y a eu toujours un effort de rechercher le consensus et la participation la plus large.

Ils concluent: «Nous voulons exprimer notre frustration à l'égard du processus expéditif devant lequel se voient confrontés aujourd'hui la population du Québec et les divers organismes.»

Un autre témoignage que je voudrais invoquer, c'est celui de la Fédération de l'âge d'or du Québec, qui regroupe 170 000 personnes âgées de 50 ans et plus. Qu'est-ce qu'ils disent, nos aînés, M. le Président? «Nous dénonçons fortement la manière dont ce dossier d'une importance capitale pour les aînés québécois a été mené. L'annonce coup sur coup, à un mois d'intervalle, des recommandations d'un comité d'étude suivie de l'annonce d'un cadre législatif qui ne retient que certains aspects des premières auraient exigé que les Québécois connaissent clairement les enjeux.»

M. le Président, les aînés disent qu'on serait en droit de mieux connaître les principes sous-jacents à ce projet de loi et ils disent aussi que nous devrions avoir le temps d'en discuter. Ils déplorent l'information parcellaire, l'information au compte-gouttes, autrement dit. Et ils concluent en disant: «Il est évident que les aînés se sentent pris au piège par les modifications que se propose de mettre en place le régime, ce régime d'assurance-médicaments, et qu'ils s'identifient à une clientèle captive de laquelle on se soucie peu et qu'on place devant un fait accompli.» Les aînés demandent de reporter à l'automne l'étude de ce projet de loi; 170 000 personnes à travers cette organisation, c'est quelque chose, M. le Président. Déficit démocratique, manque de prise en compte des points de vue de la population.

Je voudrais invoquer maintenant le point de vue du Front commun des personnes assistées sociales du Québec, le témoignage en particulier de Mme Champagne, qui a exprimé devant la commission parlementaire – je la cite – «notre colère face au manque de respect du gouvernement québécois de consulter différents organismes dans des délais aussi courts.» Le front commun des assistés sociaux déplore qu'il y ait deux poids deux mesures quand il y a des problèmes complexes. Quand il s'agit d'équité salariale, le gouvernement écoute le patronat et il dit: On en discutera à l'automne, parce qu'il n'y a pas consensus. C'est une bonne décision de reporter quand il n'y a pas consensus, mais quand il s'agit d'assurance-médicaments et que les protestations viennent du côté des plus démunis, là, le gouvernement dit: Il faut que ça passe tout de suite pareil, pas de report.

Le front commun des assistés sociaux s'est rendu compte de cela, M. le Président; il le déplore et il le dénonce. Ils disent: On nous tue à petit feu avec ce genre de taxe additionnelle; on nous invite à redistribuer la pauvreté entre nous. Ce sont leurs propos. Ils disent aussi, prenant un peu de recul et en regardant l'ensemble des actions gouvernementales: Nous sommes aussi inquiets de l'orientation des choix politiques que le gouvernement a pris depuis un certain temps. Écoutez bien ce qu'ils disent: «Il est clair que vous avez pris le vent de droite, celui du néolibéralisme, mais nous vous réaffirmons que nous sommes l'électorat et que la colère gronde dans la population; il ne faudrait pas l'oublier.» Le Front commun des personnes assistées sociales, des gens très lucides, qui ont très très bien vu que le gouvernement «flashait» à gauche puis tournait à droite depuis plusieurs mois.

La Fédération des ACEF – les associations coopératives d'économie familiale – qui travaille depuis 25 ans dans le milieu québécois, qui défend les causes de l'endettement, etc., des familles, dénonce le caractère précipité de cette consultation, demande un large débat public sur cette question. C'est des gens qui s'y connaissent en économie familiale, qui sont au service des familles les plus démunies, celles qui ont des difficultés à rencontrer les deux bouts, comme on dit, à boucler les budgets. C'est des gens qui connaissent très bien l'intimité des situations familiales, les familles qui n'ont pas beaucoup de revenus. La Fédération en question, des associations coopératives d'économie familiale, demande que le gouvernement mette sur pied un comité ou un groupe de concertation composé des divers intervenants du milieu pour faciliter la coordination en matière d'implantation de cette politique assurance-médicaments. Ils ne sont pas les seuls à demander une place aux organismes populaires et à la population dans ces comités qui dirigent l'ensemble de l'administration de cette loi.

(20 h 30)

Ils ne sont pas les seuls. L'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec, M. le Président, demande une plus grande transparence. Je vous parlais du déficit démocratique; je ne suis que le porte-parole de nombreux organismes et de pratiquement, peut-être, 2 000 000 de personnes en disant ça, à travers les organismes que j'ai cités. Savez-vous ce qu'ils disent, les infirmiers et infirmières? «Pour faire le contrepoids au lobby des organismes du secteur pharmaceutique, l'Ordre des infirmières et infirmiers recommande la participation d'infirmières représentant les droits des personnes malades ainsi que les intérêts de la population au Conseil consultatif de pharmacologie. Il demande aussi leur participation au Comité de revue de l'utilisation des médicaments.»

M. le Président, est-ce que vous êtes informé de la position du gouvernement face à ces demandes-là? Aucune sensibilité face à de telles demandes de l'Ordre des infirmières et infirmiers et de la Fédération des associations coopératives d'économie familiale et de tous les autres. Au contraire, qu'est-ce qu'on retrouve dans le projet de loi, M. le Président? Conseil consultatif de pharmacologie, article 51: Le Conseil est composé d'un président et de huit membres. Il y en a quatre qui sont des experts en pharmacologie, un expert en pharmacoéconomique – il compte le coût de ce que dépensent les autres – un qui représente le ministre, un fonctionnaire de la Régie et un autre qui représente les assureurs. Où est la réponse du ministre à la demande qui est faite d'inclure la présence dans le conseil de la pharmacologie de représentants de la population ou de représentants des infirmiers et infirmières, de représentants des usagers? Aucune réponse, M. le Président. Des égards, des places seulement pour les spécialistes et pour les assureurs. C'est légitime, mais ce n'est pas légitime, M. le Président, qu'ils aient toute la place.

Qu'en est-il de l'autre possibilité? C'est le Comité de revue de l'utilisation des médicaments, qui a un rôle très important. Ça aurait pu être une autre porte d'entrée pour les représentants de la population ou des représentants d'autres corps constitués. Aucune place, encore là. Il y a sept personnes dans ce comité, M. le Président: des médecins, des pharmaciens, des doyens de faculté de médecine, des directeurs d'école de pharmacie, et voilà, et l'Ordre des pharmaciens. M. le Président, je crois que ceci illustre très bien ce que je disais au début, c'est-à-dire le déficit démocratique, les lacunes démocratiques de ce projet de loi et aussi de la démarche qui a amené à sa préparation. Pas de sensibilité, pas d'écoute pour des demandes très légitimes.

Alors, ça fait qu'on se dirige, si le gouvernement s'entête à utiliser tous les recours qui sont à sa disposition, et la procédure, et le bâillon, et tout le reste, vers une loi, M. le Président, d'où la population sera exclue, une loi qui va s'abattre sur la population sans qu'aucun de ses représentants autres que des spécialistes et des sociétés d'assureurs, donc une certaine élite sociale, n'aient accès. Les centrales syndicales, dans leur mémoire, ont réclamé de manière très, très éloquente la présence de représentants de la population et des syndiqués dans ces deux comités. Ils ont dit que ça n'avait pas de bon sens, que les groupes sociaux n'ont pas été suffisamment rencontrés. Le processus démocratique, disent les centrales – 1 000 000 de personnes, M. le Président – est ratatiné. J'espère que le terme est parlementaire. Ils disent que c'est un accroc à la démocratie.

Alors, je crois que, devant toutes ces pièces, M. le Président, devant tous ces témoignages, le ministre devrait en revenir de cette fièvre, de cette poussée d'urticaire dont il semble souffrir et de cette poussée irrépressible à faire adopter ce projet de loi avant la fin de la session. C'est un projet de loi bâclé et improvisé. C'est un projet de loi qui n'est pas bien parti, tout le monde l'a dit, qui est là pour impressionner les agences et les cotes de crédit, qui est là pour servir les diktats du ministre des Finances. Mais c'est le petit peuple qui va mettre la main dans sa poche en attendant, mes collègues l'ont prouvé aussi.

Où est l'équité là-dedans, M. le Président, où est le bon sens? Pourquoi ce gouvernement continue-t-il d'inquiéter la population en n'écoutant pas des organismes qui représentent des millions et des millions de citoyens et qui lui font des mises en garde plus que raisonnables, M. le Président? Dans ce contexte-là, nous ne pourrons pas souscrire au projet de loi. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Bourassa. J'accorde maintenant la parole au député de Beauce-Nord. M. le député.


M. Normand Poulin

M. Poulin: M. le Président, j'interviens aujourd'hui sur le projet de loi n° 33, loi prévoyant l'imposition d'une taxe sur la maladie. Oui, j'insiste, la population doit être informée des véritables intentions de ce gouvernement. Nous avons le privilège de représenter, chacun d'entre nous en cette Chambre, des citoyens de tous les âges, de toutes les classes sociales. Nous représentons, tout autant que nous sommes, des personnes, des Québécois et Québécoises qui travaillent durement pour gagner leur vie et faire vivre leur famille, leurs proches, leurs enfants.

Ce gouvernement face à nous, M. le Président, a perdu, je crois, contact avec la réalité. Ce gouvernement face à nous prétend implanter un régime d'assurance-médicaments pour les gens qui n'ont pas la chance d'avoir les moyens de payer des médicaments ou encore de contribuer librement et volontairement à une assurance-médicaments. Ce gouvernement face à nous veut, d'abord et avant tout, soigner les finances publiques. Ce gouvernement en face de nous a l'intention de faire du Québec une espèce de goulag où la liberté des individus de disposer d'eux-mêmes sera réduite à sa plus simple expression. Au lieu d'investir dans la santé, ce gouvernement a choisi de taxer la maladie, d'imposer une nouvelle taxe sur le dos de citoyens qui sont déjà les plus taxés en Amérique du Nord. Voilà, M. le Président, pourquoi nous ne sommes pas d'accord avec ce projet de loi, bâclé et mal ficelé.

Nous avons l'impression que l'empressement du ministre de la Santé est motivé, d'abord et avant tout, pour impressionner les grandes maisons de courtage. Cette façon de procéder avec la santé du public et la capacité de payer des Québécois et des Québécoises est renversante. Le ministre de la Santé est insensible aux effets que risque de produire l'application du projet de loi n° 33 dans les familles québécoises. Les citoyens et citoyennes du Québec, lorsqu'ils verront la facture arriver, auront une poussée dangereuse d'urticaire, ou une épidémie de dépression fiscale sans précédent risque de se propager à la grandeur du Québec.

Nous avons devant nous un ministre sourd qui a entendu comme nous de nombreux intervenants en commission parlementaire, mais, contrairement à nous, le ministre de la Santé de ce gouvernement ne les a pas écoutés. Tous les groupes entendus en commission parlementaire ont émis de très sérieuses réserves. Souvenez-vous, M. le Président, du mouvement syndical du Québec. Ces représentants des travailleurs et des travailleuses du Québec sont parmi les groupes sociaux les plus progressistes. Ils sont parmi les plus farouches défenseurs du développement social dans notre société. La CSN, la CEQ et la FTQ, la plus grande centrale syndicale au Québec qui a l'expérience des régimes d'assurance, qui a négocié des centaines de clauses dans les conventions collectives prévoyant une couverture d'assurance en faveur de son monde, ces syndicats, M. le Président, ont demandé le report du projet de loi du ministre de la Santé.

Est-ce que le ministre les a écoutés? Non, le ministre a toujours le pied sur l'accélérateur. Pourquoi? Pour les gens qui n'ont pas de couverture. Peut-on le croire? Non, M. le Président. Le ministre a été incapable de nous dire combien, parmi les 1 200 000 personnes qui n'auraient pas de couverture, souhaitent vraiment bénéficier d'un tel régime. L'équité, M. le Président, que le ministre allègue est l'astuce pour faire croire à la population que son projet est destiné à aider les personnes les plus fragiles de notre société.

En réalité, le ministre est guidé par le mandat que son ministre des Finances lui a donné, par la commande que le président du Conseil du trésor a annoncée lors du dépôt du budget des dépenses du gouvernement. Ce gouvernement, qui se dit social-démocrate, a choisi de faire payer les pauvres contribuables, les personnes âgées, les petits travailleurs pour remplir les coffres de l'État. Le ministre de la Santé fait penser à une espèce de Robin des bois à l'envers. Il prend dans les poches du petit peuple pour renflouer le déficit de la province. En allant puiser dans les poches des plus démunis et des personnes âgées plus de 300 000 000 $ par année, le gouvernement rembourse son déficit. C'est toujours le petit peuple, le petit travailleur ou la travailleuse qui doit mettre la main dans sa poche pour donner toujours plus pour les politiques de ce gouvernement.

(20 h 40)

Prenons, par exemple, M. le Président, le régime des travailleurs et travailleuses de la construction. La Commission de la construction du Québec a déposé un intéressant mémoire sur le projet de loi n° 33. Il s'agit d'un régime multiemployeur soumis à la négociation entre les parties. La Commission a le mandat d'administrer les régimes complémentaires d'avantages sociaux depuis les années soixante-dix. Depuis 1988, la Commission de la construction a mis en place une carte, la carte MEDIC, par laquelle l'assuré ou les personnes à charge n'ont qu'à débourser la coassurance pour obtenir un médicament en pharmacie. L'impact du projet du ministre de la Santé sur ce régime est inconnu au moment où l'on se parle. Le régime de l'industrie ne couvre pas 521 médicaments apparaissant sur la liste actuelle de la RAMQ, et 1 189 médicaments couverts par le régime de l'industrie n'apparaissent pas sur la liste de la RAMQ. Comment le ministre va-t-il concilier son régime avec celui de l'industrie de la construction?

L'industrie de la construction est tributaire des cycles économiques. Elle est saisonnière, certains travaux ne pouvant pas être effectués en hiver. Ce sont les heures travaillées et déclarées à la CCQ qui sont la base de l'admissibilité à ces régimes. En légiférant pour créer un régime étatique obligatoire pour tout le monde, le ministre de la Santé risque de modifier en profondeur le régime qui s'applique dans l'industrie de la construction et de réduire à néant l'effet incitatif que le régime de l'industrie permet en faveur du travail au blanc. Le ministre, par sa politique, risque de favoriser le travail au noir dans l'industrie de la construction, les travailleurs et travailleuses n'ayant plus intérêt, à cet égard, à déclarer les heures travaillées dans l'industrie.

Le plus important, M. le Président, il ne faut pas l'oublier, c'est que le ministre de la Santé va maintenant demander aux travailleurs et travailleuses de la construction de payer pour un régime qui est entièrement financé par les contributions des employeurs de l'industrie. Actuellement, la CCQ administre un régime d'assurance-médicaments qui couvre plus de 150 000 personnes, incluant les salariés, les retraités ainsi que les personnes à charge. Quatre régimes d'assurance sont accessibles aux travailleurs, selon le niveau de leurs heures travaillées. Le régime A, avec 750 heures de travail durant la période de référence, offre la protection la plus complète et le régime D, avec 300 heures, offre une protection minimale. On retrouve des protections dites intermédiaires offertes par le régime B, à 600 heures, et le régime C, à 450 heures. Le régime A couvre les médicaments à 80 %; la protection décroît à 70 %, 60 % et 50 % pour les régimes B, C et D. Une protection moyennant cotisation est également offerte aux retraités de l'industrie.

On le voit, M. le Président, l'arrimage entre ce système bien organisé, connu des travailleurs et des travailleuses, et le système du ministre est loin d'être simple. La CCQ a négocié une entente de services avec le Centre d'autorisation et de paiement des services de santé. Les transactions des pharmaciens sont acheminées en direct à l'ordinateur de la CCQ pour être validées et autorisées, puis retournées en pharmacie afin de concrétiser l'achat du médicament. Voilà un bel exemple des effets pervers que le projet du ministre de la Santé risque de produire. Comment compte-t-il arrimer son régime avec celui de l'industrie de la construction? Comment compte-t-il arrimer son régime avec tous les régimes existants? Voilà, M. le Président, un des sujets sur lesquels le ministre n'a pas de réponse.

Mais il y a d'autres questions dans ce projet de loi qui soulèvent un examen de conscience. Pourquoi faire supporter près de 80 % du coût de son régime d'assurance aux personnes âgées? Pourquoi le ministre de la Santé ne respecte pas les années de travail et de sacrifices que nos aînés ont données pour le développement du Québec moderne? Au lieu de s'attaquer à nos aînés, pourquoi le ministre n'a-t-il pas songé à demander aux employeurs ou aux entreprises du Québec une contribution équitable et juste au financement d'une protection sociale pour ceux et celles qui sont aux prises avec une maladie qui commande la prise de médicaments onéreux lorsque la capacité de payer du patient n'en permet pas le paiement ou la consommation?

Nous aurions aimé connaître le nombre de cas de sida, d'emphysème ou d'autres maladies graves, mais surtout quels médicaments seront couverts ou non par son régime. On ignore tous les détails de son projet de loi, qui seront décidés par la voie d'une lourde réglementation. Par quels moyens les citoyens et les membres de cette Assemblée pourront-ils intervenir dans les décisions qui seront prises par le Conseil des ministres? Voilà les difficultés réelles.

Par ailleurs, le ministre nous dit qu'il a l'intention d'étaler les paiements des primes et des franchises sur plusieurs mois. Selon lui, il a trouvé la solution pour ceux et celles qui prétendent ne pas avoir les liquidités nécessaires pour payer sa taxe sur la maladie. M. le Président, le vrai monde est déjà à court de liquidités. Le ministre et son gouvernement ne se rendent pas compte à quel point la population est tannée de payer. Non, ils ne se rendent pas compte à quel point la population est tannée de payer, et le ministre en redemande au moment où les citoyens ont atteint le point de saturation.

J'aimerais juste rappeler au ministre de la Santé, qui vit sur une autre planète, que le Québec connaît une hausse fulgurante des faillites personnelles, au cas où il ne sortirait pas souvent de son bureau pour se promener dans les rues de son comté. La Presse du 14 février dernier nous apprenait qu'en 1982, année de récession, les dettes à la consommation, les prêts hypothécaires représentaient 46 % du revenu personnel disponible des Québécois après impôt. Est-ce qu'on peut informer le ministre de la Santé qu'en 1990 ce taux était de 72 % et que, depuis l'élection du Parti québécois, soit depuis deux ans, il se situe à plus de 81 % du revenu? Donc, 81 % du revenu personnel après impôt des Québécois et Québécoises sert à payer les dettes à la consommation et les hypothèques. Pensez-vous qu'il reste de la place pour un autre 300 000 000 $? Avec quel argent les Québécois et les Québécoises vont-ils réussir à payer la nouvelle taxe du ministre? Bien sûr, le ministre nous dit candidement que l'étalement dans le temps va régler ce problème. Dans le fond, M. le Président, ce que le ministre dit aux Québécois et Québécoises, c'est que, contents ou pas contents, on va payer quand même. Voilà la triste réalité.

On sait que l'une des grandes motivations pour instaurer ce régime universel obligatoire d'assurance-médicaments est justifiée par le virage ambulatoire qui amène un plus grand nombre de patients à retourner plus rapidement chez eux après une intervention en milieu hospitalier. Il aurait été tellement plus facile de fournir à ces patients la dose de médicaments utiles pour la période d'hospitalisation qui se retrouve maintenant à se faire au domicile du patient. Il aurait été aussi plus facile d'économiser les millions qu'on cherche à récupérer en taxant la maladie en modifiant les politiques du gouvernement, notamment par la débureaucratisation du réseau de la santé. Mais le chemin le plus simple, le plus respectueux des besoins des personnes malades, le plus équitable à l'égard des personnes âgées et des personnes à faibles revenus n'est, malheureusement, pas le chemin qu'a choisi ce gouvernement.

Voilà, M. le Président, il n'est pas possible de cautionner ce gouvernement incapable d'écouter ceux et celles qui ont pris la peine de venir ici, à l'Assemblée nationale, nous dire ce qu'ils pensaient de la proposition du ministre de la Santé. La grande majorité des groupes qui sont venus sensibiliser le ministre en commission parlementaire demandent plus de temps et le report de l'adoption du projet de loi n° 33. Tous sont du même avis que l'opposition officielle et demandent le report de l'adoption du projet de loi afin de régler toutes les lacunes. L'adoption de ce projet de loi serait donner un chèque en blanc au ministre de la Santé. L'assurance-médicaments doit avoir comme seul objectif de répondre aux besoins des personnes malades et non pas un objectif de contrainte budgétaire. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Beauce-Nord. J'accorde maintenant la parole au député de Papineau. M. le député.


M. Norman MacMillan

M. MacMillan: Merci, M. le Président. J'interviens, ce soir, dans le débat animé concernant le projet de loi n° 33, loi favorisant l'instauration d'une taxe sur la maladie. Je le fais, M. le Président, pour ceux et celles qui sont venus en commission parlementaire dire au ministre de la Santé, et même dire par écrit, M. le Président, ce qu'ils et ce qu'elles pensaient de la proposition du ministre de la Santé. Vous savez, M. le Président, le rôle que nous avons ici, en cette Chambre, est très important. Le gouvernement du Parti québécois doit toujours avoir à l'esprit qu'en démocratie la parole appartient au peuple. C'est donc en me basant sur ce principe que je veux insister auprès du ministre de la Santé pour lui rappeler les impacts antisociaux que produira son projet de loi qui imposera aux pauvres, aux plus démunis de notre société et aux personnes âgées une augmentation sans précédent de leurs impôts. C'est de cela qu'il s'agit, M. le Président.

Le ministre de la Santé nous parle d'équité comme s'il était celui qui détenait la vérité, comme s'il était le seul à comprendre le sens de ce mot. C'est un signe de fatigue, M. le Président. Regardons ce que les porte-parole des victimes du gouvernement du Parti québécois ont dit en commission parlementaire. Regardons, M. le Président, ce que les personnes, qui ont subi depuis l'élection du Parti québécois les plus sérieuses attaques de toute l'histoire du Québec, ont à dire.

(20 h 50)

Le Front commun des personnes assistées sociales du Québec est venu crier son désarroi au ministre de la Santé. Dirigé par Mme Claudette Champagne, cet organisme voué à la défense des personnes les plus démunies du Québec est venu souligner la colère des personnes qu'il représente. Elle disait que le gouvernement du Québec a manqué de respect en consultant les différents organismes dans des délais extrêmement courts, alors que nous sommes présentement en fin de session. Le ministre n'a pas cru bon de considérer, de tenir compte des ressources humaines à la disposition de ces organismes communautaires.

Pour les personnes assistées sociales, le gouvernement du Québec applique la politique de deux poids, deux mesures. La preuve, M. le Président, lorsqu'il s'agit d'instaurer le principe de l'équité salariale en faveur des femmes du Québec, ce gouvernement n'hésite pas à le reporter. Quand il s'agit de faire payer les faibles et les personnes âgées pour trouver les 300 000 000 $ pour diminuer le déficit, ça presse, il faut adopter à toute vitesse le projet de loi. Par le message qu'envoie le gouvernement, doit-on comprendre que les besoins des citoyens sont moins importants que les finances publiques?

Mme Champagne disait en commission parlementaire: «Lorsque ça s'adresse aux employeurs, ce n'est pas l'urgence qui prime, mais le temps, pour eux, de prendre connaissance et d'étudier les projets de loi, et, pour le communautaire, c'est toujours en situation d'urgence. Pour nous, on voulait exprimer cette colère-là de ne pas être traités comme l'ensemble des citoyens du Québec.» Cette seule petite phrase en dit long. Ce n'est pas moi qui parle, M. le Président, on ne peut pas nous accuser de démagogie; c'est une personne qui défend les droits de 800 000 personnes prestataires de la sécurité du revenu du Québec qui s'exprime. Ces citoyens sont venus dire au ministre de la Santé que son projet de taxe sur la maladie aura un impact dramatique sur les personnes assistées sociales.

Je comprends très bien, M. le Président, que le ministre de la Santé puisse avoir de la difficulté à comprendre le discours qu'il a entendu. Je comprends que, lorsqu'on exerce la profession qu'il a exercée, lorsqu'on occupe une fonction importante comme celle qu'il occupe actuellement, il est très difficile de se rendre compte que la moindre augmentation des coûts pour une personne sur le seuil de la pauvreté peut comporter des effets dramatiques. Vous savez, M. le Président, lorsqu'une personne n'a pour seul revenu que la prestation de l'aide sociale, chaque dollar que ce gouvernement tente de lui arracher vaut beaucoup plus que le chiffre inscrit dans les tableaux du ministre.

M. Jean-Yves Desgagnés, l'un des porte-parole du front des assistés sociaux, disait au ministre: «Ce n'est pas parce qu'ils sont sans emploi qu'ils n'ont pas le droit de vivre. On a l'impression, de plus, que, parce qu'on est pauvre, qu'on ne travaille pas, on n'a pas le droit de vivre. On n'est pas loin des chambres à gaz, hein? Souvent, les gens disent: On nous tue à petit feu. C'est ça que les gens nous disent. Puis, dans le quotidien, les gens nous disent aussi: Dans le fond, on nous tue à petit feu. C'est plus hypocrite et c'est plus dur, M. le Président.» Et je cite, madame, M. Jean-Yves Desgagnés. Ce n'est pas moi qui dis ça; c'est des gens qui sont très près de vous autres.

Comment le gouvernement du Parti québécois, qui dit vouloir le progrès social, qui dit vouloir défendre les programmes sociaux, qui dit combattre le vent de droite qui vient de l'ouest, comment ce gouvernement peut-il vouloir aller de l'avant avec ce projet de loi? Comment peut-il continuer de s'empresser à vouloir adopter un projet de loi aussi important lorsqu'on tient en commission parlementaire un tel langage? Est-ce que ce gouvernement a perdu contact avec la réalité? Est-ce que ce gouvernement qui, après avoir «flashé» à gauche, décide sans le dire à personne de tourner à droite pour justifier ce comportement, est-ce que ce gouvernement qui tient un double langage, qui cultive l'ambiguïté est conscient qu'une telle attitude risque de produire un accident dont les principales victimes seront les personnes âgées et les plus démunis de notre société?

Est-ce que c'est le genre de société que les Québécois et les Québécoises souhaitent? Est-ce que c'est le Québec solidaire, le Québec de la solidarité sociale que souhaite le gouvernement du Parti québécois? Une espèce de goulag où la liberté et le respect des citoyens seront limités à leur plus simple expression? Une espèce de goulag, M. le Président, où l'État continuera de prendre toujours plus d'espace en laissant de moins en moins de place à l'initiative, à l'imagination, à la force créatrice des citoyens et des citoyennes?

Ce n'est pas le Parti libéral qui demande au gouvernement de refaire ses devoirs, M. le Président. Le front de défense des personnes assistées sociales est venu dire au ministre, et je cite Mme Champagne, qui ne vient pas de l'opposition officielle... Ce n'est pas dans un esprit partisan que cette demande a été adressée au ministre de la Santé en commission parlementaire. Ce ne sont pas les libéraux qui l'inventent, M. le Président. Je cite le Front commun des personnes assistées sociales du Québec, 800 000 personnes au Québec. «Nous vous demandons donc de refaire vos devoirs sur ce projet de loi et, pour ce faire, nous pensons qu'il serait peut-être important, à partir de la consultation qu'il vient d'y avoir, de préparer un document, un livre blanc et d'aller sur une consultation au début de l'automne, mais surtout de ne pas adopter en toute hâte ce projet de loi parce qu'il est trop important. Je pense qu'il est important de bien prendre le temps nécessaire pour le comprendre, l'évaluer, le réaménager pour atteindre l'objectif d'un régime universel public, gratuit et atteindre une réelle équité sociale en matière d'assurance-médicaments.» Il me semble, M. le Président, que c'est assez clair pour que ce gouvernement arrête un instant, cesse de se préoccuper uniquement de sa cote de crédit et réfléchisse sur la proposition du ministre de la Santé.

J'aurais pu vous entretenir de plusieurs témoignages qu'on a entendus en commission parlementaire. Je pense, par exemple, à la Fédération de l'âge d'or du Québec, à l'Association québécoise de défense des droits des retraités-es et préretraités-es, lauréate du Prix Droits et Libertés en 1990. J'aurais pu vous entretenir longuement de l'excellente présentation de la Coalition Solidarité Santé qui parlait, dans les premières pages de son mémoire, d'un déficit démocratique. M. le Président, ça vaut la peine de citer un petit message du mémoire présenté par cette organisation. Ce n'est pas le Parti libéral du Québec qui parle, ce ne sont donc pas des propos démagogiques, M. le Président. Il s'agit d'une coalition qui s'exprime de bonne foi. Ce groupe n'est pas contre l'idée d'une assurance-médicaments.

Cette Coalition a dit ceci au ministre de la Santé... Et ça m'étonne de voir des gens de l'autre côté qui trouvent ça drôle. C'est des gens que vous connaissez très bien. Ce n'est pas le Parti libéral du Québec qui parle. Écoutez-les. «Malgré nos interventions auprès du ministre de la Santé et des Services sociaux et de M. Claude Castonguay, notre Coalition n'a pu exposer sa vision du régime universel d'assurance-médicaments durant les travaux du comité mandaté par le ministre. Nous constatons que les assureurs et les fabricants de produits pharmaceutiques ont été très directement associés à la démarche du comité Castonguay, alors que des groupes légitimement concernés comme les associations d'aînés, les associations de consommateurs et les organisations syndicales en ont été exclus.»

Voilà, M. le Président, la preuve que cette proposition législative a été mal ficelée, bâclée dans le seul but de faire vite. Le ministre de la Santé s'est subitement transformé en adjoint du président du Conseil du trésor, qui trouvait ça bien drôle tantôt. Le problème, M. le Président, c'est que ceux et celles qui sont légitimement concernés par un régime universel d'assurance-médicaments, les citoyens et les citoyennes, en lisant le projet de loi du ministre de la Santé, n'y voient que l'ombre du président du Conseil du trésor.

(21 heures)

Un repli stratégique, M. le Président, dans le but de mieux servir les citoyens du Québec, de mieux répondre au principe d'équité sociale que son parti prétend défendre serait de loin préférable à un empressement déplacé qui ne peut que mener le ministre de la Santé à un douloureux naufrage. Les citoyens et les citoyennes du Québec méritent qu'on prenne le temps de les écouter. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Papineau. Je cède maintenant la parole au député de Marquette. M. le député.


M. François Ouimet

M. Ouimet: Merci, M. le Président. L'homme le plus heureux dans cette Assemblée nationale depuis que le projet de loi n° 33 a été appelé: c'est le député de Labelle et président du Conseil du trésor. Son homme de confiance, le ministre de la Santé, poursuit son oeuvre. Dans un premier temps, c'était de fermer des hôpitaux. Et, à l'Hôpital général de Lachine, il a réussi son mandat, mais au détriment de la population. Ils sont allés chercher plusieurs centaines de millions de dollars.

Nouveau projet de loi. Parce que le ministre de la Santé avait tellement bien fait la première fois, on lui donne un deuxième mandat: Cette fois-ci, Jean, tu vas aller chercher 300 000 000 $ dans les poches des personnes âgées et tu vas enrober ça en disant que c'est une mesure sociale.

Le Vice-Président (M. Pinard): Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: Oui, M. le Président, le député de Marquette sait très bien qu'il doit absolument appeler le député par son titre.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, M. le député de Marquette, vous allez continuer votre allocution en respectant les règlements de l'Assemblée nationale. M. le député.

M. Ouimet: Merci. Alors, on a tous reconnu – et, bien sûr, la députée de Terrebonne l'a reconnu également – le député de Charlesbourg, le ministre de la Santé, qui est en train d'accomplir les basses oeuvres du Conseil du trésor. Et ce n'est pas le député de Marquette et d'autres parlementaires de la formation politique libérale qui le disent, ce sont des éditorialistes qui ont vu la magouille, qui ont vu ce qui se passait, parce que, dans le livre des crédits, à la page 251, M. le Président...

Mme Caron: Question de règlement.

Le Vice-Président (M. Pinard): Mme la leader adjointe du gouvernement, je vous écoute.

Mme Caron: Oui. M. le Président, le député de Marquette contrevient encore au règlement 35.6° parce que, «de la magouille», c'est imputer des motifs indignes, parce que, pour faire de la magouille, il faut faire des choses... Donc, c'est nous imputer des motifs indignes et c'est utiliser aussi un langage violent, injurieux puis blessant aussi à l'adresse du député.

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, M. le whip... M. le député de Marquette, je vous prierais... Les débats sont très bien engagés depuis cet après-midi, et nous avons assisté à des allocutions de très haut calibre. Vous avez, de part et d'autre, renseigné adéquatement la population du Québec sur le projet de loi. Alors, je vous prierais maintenant de continuer votre allocution tout en respectant en tous points le règlement de l'Assemblée nationale. Alors, M. le député de Marquette.

M. Ouimet: M. le Président, je ne peux quand même pas passer sous silence ce qui est en train de se passer. Dans un premier temps, c'est un communiqué récent qu'émettait le bureau du ministre de la Santé. On parle d'un système de protection sociale contre les risques reliés à la maladie. Pourtant, au mois de mars dernier, dans le livre des crédits, «Renseignements supplémentaires», on prédisait déjà ce qui allait se passer. À la page 251, Services pharmaceutiques et médicaments, on parlait déjà d'une baisse de 200 000 000 $ que le président du Conseil du trésor allait chercher, par le biais du ministre de la Santé, dans les poches, entre autres, des plus démunis de notre société, dont les personnes âgées et les pauvres.

M. le Président, dans un article du Soleil du 10 juin dernier – tout à fait récent – on parlait d'un remède improvisé, et voici ce qu'on disait – et la députée de Terrebonne pourrait peut-être écouter: «Pour la première fois sans doute – et je cite – dans l'histoire, une mesure sociale aussi importante est inspirée par l'impératif, pour un gouvernement, de réaliser des économies de centaines de millions de dollars.» Est-ce qu'on peut passer cela sous silence, M. le Président? C'est ça qui est en train de se passer. Sous le couvert d'une mesure sociale où on semble vouloir être plus équitable, ce qu'on est en train de faire, ni plus ni moins, c'est de répondre aux commandes du président du Conseil du trésor, le député de Labelle. Ce n'est pas pour rien qu'il est ici ce soir, qu'il écoute attentivement: il a hâte que le projet de loi avance et qu'il soit adopté avant le 21 juin. Indépendamment des effets dévastateurs que ça va avoir sur la population, sa préoccupation, la préoccupation du ministre de la Santé, c'est d'aller chercher de l'argent dans les poches du contribuable. Et, ça, M. le Président, c'est pour cette raison que nous l'appelons l'impôt-médicaments ou la taxe-médicaments, parce que d'autres ont vu exactement ce qui était en train de se passer.

Et, pourtant, on se rappelle le double discours du premier ministre lors du dépôt des crédits. Combien de fois le premier ministre, devant cette Assemblée, a dit: On ne touchera pas aux contribuables, les citoyens ne seront pas affectés, les citoyens ne seront pas touchés. Depuis des mois, M. le Président, tout le monde s'est élevé contre les compressions du gouvernement, parce qu'ils sont directement touchés. On pense aux élèves, on pense aux enfants des garderies, on pense aux contribuables, on pense aux personnes âgées, on pense aux plus pauvres de notre société; le gouvernement est en train de s'attaquer à des gens qui ne peuvent pas se défendre. C'est ce qui est en train de se passer.

Et on a vu la caractéristique de notre premier ministre national, qui a une mémoire assez sélective, et on en a vu un bel exemple la semaine passée. Il revenait de son voyage en Nouvelle-Angleterre, on lui a posé sept fois la même question, le premier ministre ne se souvenait pas d'avoir discuté de souveraineté avec les gouverneurs. Cependant, la huitième fois, un de ses conseillers, ancien journaliste qui sait très bien la règle qu'on ne peut pas mentir de façon aussi directe aux journalistes... et c'est à ce moment-là que le premier ministre a décidé d'admettre le mensonge...

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, Mme la leader adjointe du gouvernement, sur une question de règlement. Je vous écoute.

Mme Caron: M. le Président, encore une fois, le député de Marquette contrevient à l'article 35.6°. Il accuse le premier ministre d'avoir menti, M. le Président. Alors, M. le Président, je vous demande de lui faire retirer ses propos.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, article 35.6°: «Paroles interdites et propos non parlementaires. Le député qui a la parole ne peut imputer des motifs indignes à un député.» Alors, M. le député de Marquette, je vous prierais de retirer vos paroles et de reprendre votre allocution. M. le député.

M. Ouimet: M. le Président, je vais employer un terme parlementaire qui décrit la même réalité: il a induit la population en erreur, c'est lui-même qui l'admettait. Il l'admettait ici même, en cette Chambre, et les journalistes l'ont tous compris qu'il avait induit toute la population du Québec en erreur.

Et c'est la même chose cette fois-ci, c'est la même chose depuis que les crédits ont été déposés. Les citoyens, les contribuables sont frappés de plein fouet, alors que le premier ministre prenait un engagement ici même, en cette Chambre, avec sa main sur son coeur, que les citoyens ne seraient pas touchés. On n'a qu'à lire, M. le Président, ce que les éditorialistes disent. Les éditorialistes disent ceci: Il y a désaccord sur la gratuité totale pour les enfants. Les personnes âgées sont littéralement révoltées contre le gouvernement Bouchard qui les a aussi agressées dans le dernier budget. Le gouvernement Bouchard a agressé les personnes âgées. Le gouvernement modifie leurs conditions de vie de mois en mois sans attendre la réforme de la fiscalité. Je comprends qu'on peut être un petit peu fâché par les propos que je tiens ce soir. Pensez aux personnes âgées, pensez aux personnes les plus pauvres de notre société.

C'est ce qui faisait dire à quelques représentants ce qui suit: Quelqu'un qui gagne 15 000 $ par année n'aura pas les moyens de payer sa prime de 200 $ par an. Pour certaines familles, ça veut dire choisir entre la prime d'assurance et la nourriture. Et c'est ce même projet de loi là, M. le Président, dont on veut adopter le principe à toute vapeur avant le 21 juin. C'est ça qu'on veut faire de ce côté-là de la Chambre. Il faut quand même dire les choses comme elles le sont, il faut quand même dire la vérité.

(21 h 10)

M. le Président, il y a énormément de problèmes avec ce projet de loi là. Dans un premier temps, on s'est rendu compte... Et mon collègue le député de Robert-Baldwin a fait un travail magistral pour commencer à démasquer ce qui se passe dans ce dossier-là. On a eu les chiffres qui nous ont été donnés par le Regroupement des assureurs qui affirmait que tout le calcul du ministre de la Santé devait être revu à la hausse. Ça va coûter encore plus cher que ce que le ministre de la Santé nous disait. Le premier ministre disait qu'on devait s'attaquer au fardeau administratif.

Autre exemple de double discours, une éditorialiste à La Presse , Mme Gruda, disait ceci: «Les mécanismes de contrôle – pour le projet de taxe-médicaments – mis au point par l'État ne risquent-ils pas d'aboutir à une bureaucratie de type "Big Brother"?» On va, M. le Président, ajouter au fardeau administratif. Qui est-ce qu'on va faire payer? Les plus pauvres, les plus démunis, les personnes âgées, en d'autres termes les personnes qui ne peuvent pas exercer un lobby auprès du gouvernement. C'est à ces personnes-là que le gouvernement décide de s'attaquer.

Le président du Conseil du trésor pourra nous dire: Écoutez, notre objectif, c'est de réduire le déficit. Si c'est ça, l'objectif du gouvernement, dites-moi donc pourquoi, avant, immédiatement avant la campagne référendaire, vous avez négocié des augmentations salariales avec les principaux syndicats pour obtenir leur appui dans la cause du référendum? Et ça nous a coûté 1 000 000 000 $; c'est ça que ça nous a coûté, c'est ça que ça coûte à l'ensemble de la population. Et, aujourd'hui, on va aller récupérer ce qu'on a donné, mais pas dans les poches où on a donné. Parce que, de ce côté-là, ils ont obtenu gain de cause, ils ont obtenu exactement ce qu'ils avaient marchandé: On vous donne 1 000 000 000 $, vous nous appuyez au niveau du projet souverainiste. Marché conclu.

Là, cependant, M. le Président, l'état des finances publiques au Québec est dans un état un peu difficile, il est un peu précaire. Qu'est-ce qu'on fait? Il faut aller chercher de l'argent. Où est-ce qu'on va aller le chercher? On va couper des services aux élèves, on va augmenter la taxe scolaire, on va refiler une grosse partie de nos compressions aux municipalités qui, elles, vont taxer les citoyens; on va aller directement dans la poche des personnes âgées. Et c'est un éditorialiste qui le disait: «Le gouvernement va aller chercher 200 000 000 $ des 300 000 000 $; ça va venir directement de la poche des retraités.» Ça, c'est Michel Venne, dans un article du Devoir du samedi 8 juin dernier. C'est à ces gens-là qu'on s'attaque, M. le Président.

Et on voudrait adopter ce projet de loi là à toute vapeur avant le 21 juin. Tout le monde recommande au ministre de la Santé: Votre mesure sociale, nous sommes prêts à y collaborer, nous sommes prêts à y participer, mais, cependant, il y a beaucoup de questions auxquelles on n'a pas encore répondu, et ce n'est pas vrai que vous pouvez aller de l'avant avec un tel projet de loi et frapper les personnes les plus démunies de notre société de cette façon-là. On vous demande quelques mois, on vous demande de reporter ça à l'automne pour qu'on puisse y voir un petit peu plus clair.

On parle de prime, on parle de franchise, on parle de coassurance, c'est une façon d'indiquer, et c'est assez clair, que ceux qui ne payaient pas, ceux qui ne voulaient pas payer, on va les faire payer, aujourd'hui. Les personnes âgées qui avaient la gratuité des médicaments, elles devront maintenant payer jusqu'à 750 $ annuellement pour avoir droit à ces mêmes médicaments. Et, ça, ce sont des chiffres très conservateurs, parce que, chaque fois qu'on fouille davantage – et j'ai participé avec mon collègue, le député de Robert-Baldwin, à la commission parlementaire – les intervenants qui viennent nous voir nous éclairent sur le projet de loi et disent au ministre de la Santé: Vous devriez aller refaire vos devoirs, M. le ministre. Vos devoirs ont été mal faits, ça va coûter beaucoup plus cher que ce que vous aviez prévu et ce que vous nous avez indiqué.

Et on entend, de l'autre côté, des gens qui disent: C'est une mesure sociale. Nous, on dit, de ce côté-ci: C'est vraiment une taxe déguisée, c'est la taxe-médicaments, et nous avons eu un aveu hier, une admission de la part du ministre de la Santé, qui dit à au moins deux reprises dans son communiqué de presse, à la page 2, et vous me permettrez de citer: «L'assurance individuelle: les principales améliorations apportées au projet de loi n° 33 concernent d'abord la prime qui sera perçue – et voici la révélation – à la fin de l'année avec le rapport d'impôts.» Ah! avec le rapport d'impôts. Lorsque les individus vont remplir leur rapport d'impôts, on va aller chercher de l'argent. Page 3: «La perception de la prime se fera par le ministère du Revenu du Québec lors de la déclaration de revenus.» On vient de taxer à nouveau les citoyens. On ne l'a pas fait suffisamment dans le domaine de l'éducation, dans le domaine municipal, dans le domaine du transport, dans le domaine de la santé, on le fait à nouveau, et c'est le même gouvernement qui disait: Les contribuables sont trop taxés au Québec. Qu'est-ce qu'on fait depuis le dépôt du budget? On taxe les citoyens davantage. On va piger dans leurs poches et on enrobe ça comme si c'était une mesure sociale. Nous ne sommes pas dupes de ce côté-ci.

La première commande qui est venue, c'était celle du président du Conseil du trésor dans le livre des crédits, les «Renseignements supplémentaires». C'est là où se retrouve la vérité. C'est un projet de loi à caractère financier. C'est une commande du ministre du Conseil du trésor, qui, lui, a une commande du premier ministre, qui est le grand maître d'oeuvre derrière tout ça. Et ce grand maître d'oeuvre réussit à dire, d'un côté de la bouche, qu'on ne touchera pas aux citoyens, qu'on ne taxera pas davantage et, de l'autre côté de la bouche, il siffle au président du Conseil du trésor: N'oublie pas d'aller chercher de l'argent dans les poches des plus démunis, dans les poches des personnes âgées. C'est des centaines de millions de dollars dont on parle, et tout ça, M. le Président, après avoir consenti un beau cadeau de 1 000 000 000 $ aux centrales syndicales la veille, la veille du référendum. Aujourd'hui, on est en train de payer les pots cassés.

Alors, M. le Président, le ministre devrait aller refaire ses devoirs, c'est ce que tout le monde lui recommande, et c'est la raison pour laquelle nous ne sommes pas en mesure de voter pour ce projet de loi à cette étape-ci si le ministre ne le reporte pas à l'automne. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Marquette. Je cède maintenant la parole au député de Jacques-Cartier.


M. Geoffrey Kelley

M. Kelley: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir de me lever ce soir en Chambre sur le projet de loi n° 33, Loi sur l'assurance-médicaments et modifiant diverses dispositions législatives, Bill 33, An Act respecting prescription drug insurance and amending various legislative provisions.

Je pense qu'on ne peut pas passer sans commenter le processus que le gouvernement a adopté pour ce projet de loi important. Comme mon collègue de Marquette l'a mentionné tantôt, tout ça est une commande qui a été faite par le ministre des Finances et le Conseil du trésor pour sauver 200 000 000 $ à toute vitesse. Alors, on a vu des choses qui se sont faites dans l'improvisation, en catastrophe, le ministre qui annonce une série de changements majeurs pour tout bouleverser le système, hier, en conférence de presse, à 16 heures. Alors, il veut quand même adopter ça avant le 21 juin.

(21 h 20)

Je trouve ça étonnant, pour un projet de loi de cette importance, qu'on soit en train d'adopter ça sans prendre le temps qu'il faut. Pour un gouvernement qui se vante toujours qu'ils sont capables de faire les larges consensus sociaux, ils ont réussi, avec ce projet de loi, parce que, cet après-midi même, le Conseil du patronat, la Confédération des syndicats nationaux et la Fédération des travailleurs du Québec ont émis des communiqués en disant: Il faut attendre, le projet de loi n'est pas mûr. Alors, oui, si on ajoute à la liste l'opposition officielle, les pharmaciens, les compagnies d'assurances, il y a un large consensus qui commence à se dégager que la loi n'est pas prête. Alors, il faut à tout prix mettre ça de côté, prendre le temps qu'il faut pour avoir un régime qui a de l'allure. Alors, bravo! le gouvernement. Enfin, un consensus: tout le monde est contre le projet de loi.

Si on ajoute à ça les questions sans réponse... Parce que, de notre côté de la Chambre, nous avons essayé, depuis le dépôt du projet de loi, d'avoir les questions qui demeurent toujours en suspens, et je réfère à une série de questions qui ont été soulevées, mais ça fait juste partie de la longue liste des questions qui ont été posées à la fois par l'opposition, par les regroupements communautaires, par les personnes impliquées dans l'application des régimes d'assurance. Nous avons posé les questions auprès du ministre, nous avons posé les questions auprès du gouvernement, elles demeurent toujours sans réponse.

Prenons comme exemple les deux grands types de familles québécoises qui sont touchées par ce projet de loi. Premièrement, les non-assurés, parce que c'est eux autres... Si j'ai bien compris l'économie de ce projet de loi, le gouvernement a besoin de 200 000 000 $. Alors, au-delà des beaux discours, notre engagement social et tout ça, ce que le gouvernement a besoin, c'est 200 000 000 $ de plus. Mais le premier ministre, qui, jusqu'à récemment, était infaillible, a dit: On ne peut pas imposer une taxe. Alors, de quelle façon on peut faire pour trouver 200 000 000 $? Comme tout le monde a dit, on va imposer des tarifs. Parce que les tarifs, ça, c'est correct; ça, ce n'est pas une taxe. Alors, tout le monde dit la vérité, qu'un tarif c'est une taxe, et même le ministre, hier, a admis qu'il va chercher les primes pour ce régime d'assurance-médicaments. Où? Il va chercher ça sur le rapport d'impôts. Alors, je pense que, tranquillement pas vite, le chat commence à ressembler à un chat. Et ce qu'on a ici, c'est une taxe pour aller chercher les 200 000 000 $. Alors: taxe déguisée. Ce n'est même plus déguisé, c'est une taxe qu'on est en train d'établir ici pour aller chercher 200 000 000 $.

Si j'ai bien compris, les personnes qui sont visées pour aller chercher les 200 000 000 $ sont trois groupes de personnes de notre société. Premièrement, les personnes âgées, parce qu'on a décidé que les personnes âgées, dans notre société, sont trop riches, alors elles ont de l'argent à donner au gouvernement. On va aller chez les assistés sociaux, parce que tout le monde sait que les assistés sociaux sont trop riches, alors on va aller chercher l'argent dans leurs poches aussi. Troisièmement, on va dire: Les familles qui n'ont pas accès à un régime d'assurance présentement. Ce sont qui, ces personnes-là? Ce sont des personnes qui sont en chômage, qui ont des situations de travail précaires, ce sont des étudiants. Alors, nous avons décidé que cette couche de notre société est aussi trop riche. Alors, dans les poches de ces trois groupes de personnes, nous avons décidé d'aller chercher 200 000 000 $ en tarif, en prime, en contribution, en participation, tous les beaux mots de ce gouvernement pour déguiser les choses qui sont des taxes.

Alors, ça, c'est une partie, les familles québécoises à faibles revenus, à revenus modestes qui ont été déjà les victimes des compressions de ce gouvernement dans plusieurs domaines. On a vu ça dans les garderies, on a vu ça dans les compressions de l'aide sociale, nous avons vu ça dans les aides pour le logement. Alors, encore une fois, on ajoute l'augmentation de tarif d'Hydro-Québec. La liste devient de plus en plus longue. On va aller chercher l'argent dans les familles québécoises qui gagnent 20 000 $, 30 000 $, alors, vraiment ce sont les personnes riches qui ont énormément d'argent d'extra à la fin du mois dans leur budget familial qui ont à donner au gouvernement. Ça, c'est la première cible de ce gouvernement.

La deuxième. Je vais ajouter au vocabulaire des mots qui déguisent le mot «taxe» – parce qu'on trouve des personnes déjà assurées, donc les personnes qui travaillent à temps complet, qui ont accès à un régime d'assurance privé... Pour eux autres, encore une fois, ce n'est pas expliqué, on ne sait pas comment ça va coûter pour ces familles, mais il y aura – et c'est un très beau langage qu'on trouve dans le projet de loi n° 33 – il y aura la mutualisation des risques. Ça, ce n'est pas une taxe, M. le Président, on ne peut pas penser ça. Mais, si j'ai bien compris, dans la mutualisation des risques, on va essayer de chercher de l'argent auprès de ceux qui paient, les personnes qui travaillent qui sont couvertes par un régime privé, la mutualisation des risques avec les personnes qui sont couvertes par le régime étatique. Autre chose pour dire que, moi, je vais payer ma prime, comme quelqu'un qui participe dans un régime d'assurance privé, mais je vais, par mes impôts, ajouter dans le fonds pour couvrir d'autres personnes. Alors, je vais devenir membre d'un régime formellement et informellement. Pour être taxé davantage ou mutualisé davantage peut-être, je vais participer à un deuxième régime par mes impôts. Alors, c'est ça qu'on est en train de faire: on va augmenter le fardeau fiscal des familles québécoises à cause des mesures gouvernementales.

I call it a tax, Mr. Speaker. We can call it a lot of other things, but what we are going to do is for one group of Québec families, those who are not insured today, we are going to get $200 000 000 out of the pockets of people who are on welfare, the senior citizens and people who are either not working or who have a very precarious economic situation. Those are the people who are going to get $200 000 000 taken out of their pockets because we have decided they're rich. Our seniors are rich, everyone knows that; our people on welfare are rich, everyone knows that; people who are working part time, people who don't have access to a private drug-insurance plan at work are rich, everyone in this government knows it. Those are going to be the people targeted by this law, those are going to be the people that are going to be the victims of all of this.

C'est ça le premier enjeu. Nous avons demandé à maintes reprises au ministre: Ça va coûter combien, surtout pour les 4 200 000 Québécois qui sont couverts par un régime d'assurance privé? Le ministre dit: Peut-être 5 % d'augmentation des primes. Les assureurs privés ont parlé de peut-être 15 %, mais il n'y a pas d'étude d'impact, il n'y a pas de mesure pour voir ça va nous coûter combien. Il y a très peu de données sur comment le ministre va chercher ces 200 000 000 $. C'est quoi, les résultats des primes qu'il va chercher à la fois chez les personnes sans emploi, les assistés sociaux, les personnes aînées? C'est quoi, les résultats de tout ça? S'il y a un manque à gagner, il va trouver ça où? On ne le sait pas. Alors, c'est ça, le beau projet du ministre, qui est tout attaché, tout ficelé; il n'y a pas de problème avec ça.

La deuxième chose, c'est tout le problème de la gestion. Si j'ai bien compris, le ministre a dit à maintes reprises qu'il y a un problème de coût de gestion du système, mais ce n'est pas surprenant parce qu'on va créer deux systèmes en parallèle: il y aura un système étatique régi par la Régie de l'assurance-maladie du Québec et un autre système qui va être régi par les assureurs privés. Prenons l'exemple d'un chômeur aujourd'hui, quelqu'un qui n'a pas d'emploi. Il va être éligible, il va être obligé de payer 175 $, ou 350 $ pour lui et son épouse, pour faire partie du régime étatique. Mettons qu'il trouve un emploi, le chanceux. Alors, il va être obligé de remplir un formulaire pour quitter le régime étatique et devenir membre de la police d'assurance de la compagnie où il a trouvé un emploi.

Mais mettons que trois mois après la compagnie tombe en grève. On trouve dans l'article 49 du projet de loi qui est devant nous ce soir que la personne qui tombe en grève, après 30 jours de grève va tomber sur le régime étatique encore une fois. Alors, notre pauvre personne qui vient de trouver un emploi est mal prise dans une grève et va être obligée de remplir des formules davantage pour tomber encore une fois sur le régime étatique. D'autres fonctionnaires vont être obligés de traiter toutes les données, faire les changements nécessaires sur l'ordinateur.

La grève dure trois mois. Après la grève, réintégré au travail, alors, j'imagine qu'il va être obligé de remplir les mêmes formulaires pour dire qu'il n'appartient plus au régime étatique parce qu'il est réintégré au régime de la compagnie privée. Mais, mettons, après un autre trois mois, ça va moins bien dans l'affaire, il est mis à pied. Encore une fois, il va être obligé de sortir les papiers, de remplir les formulaires pour dire qu'il ne fait plus partie du régime de la compagnie; il tombe encore une fois sur le régime étatique. Ce n'est pas surprenant, ça va coûter une fortune pour gérer tout ça avec les deux régimes parallèles. On a juste à penser aux personnes qui travaillent d'une façon saisonnière, aux personnes qui sont victimes des grandes mises à pied.

Pensons à GM, à Boisbriand, entre autres, qui a malheureusement été victime de grandes mises à pied. Chaque fois que les personnes sont mises à pied, est-ce qu'elles vont être obligées de transférer d'un régime à l'autre? Et, chaque fois qu'il y a un rappel des travailleurs et des travailleuses pour retourner au travail, est-ce qu'ils vont être obligés de retourner sur l'autre régime? Et on se demande pourquoi les frais d'administration vont être élevés. Ce n'est pas trop surprenant, M. le Président, parce que ce n'est pas bien pensé.

(21 h 30)

Quand je regarde dans la loi, il n'y a aucune chose que... Souvent, lors d'une retraite anticipée, un des avantages que le travailleur ou la travailleuse veut garder, c'est le régime d'assurance privé jusqu'à 65 ans. Alors, est-ce qu'il va être capable, est-ce qu'il aura la souplesse et la flexibilité nécessaires, ou est-ce que ce privilège va être perdu et la personne va automatiquement tomber sur le régime étatique? On ne sait pas. On ne sait pas. Ça, c'est le genre de questions que l'opposition a posées en commission parlementaire. Le ministre n'a aucune réponse. Alors, à mon avis, le projet de loi n'est pas prêt. Mais le ministre, à cause d'une télécommande qu'il a reçue du Conseil du trésor et du ministre des Finances, va continuer, va aller chercher les 200 000 000 $ malgré le fait que son régime, son projet n'est pas mûr.

Il y a d'autres problèmes qu'on voit. Comment est-ce qu'on va freiner les coûts? On sait que la question de la consommation des médicaments au Québec... il y a des longs articles, il y a un projet-pilote dans la région de Montréal pour regarder les patterns de consommation des Québécois, pour voir s'il y a des moyennes qu'on peut établir pour peut-être freiner notre consommation et également freiner les coûts. Mais ce n'est pas évident c'est quoi la liste des médicaments. Mon collègue, le député de Robert-Baldwin, qui a travaillé ce dossier avec beaucoup de diligence, a demandé à maintes reprises: C'est quoi qui va être couvert? Avant qu'on achète quelque chose, un principe de base, c'est qu'on aime savoir ce qu'on va acheter. On ne sait pas, M. le Président. On a posé la question à maintes reprises, et je pense que c'est une question fondamentale. Avant que j'achète quelque chose pour 350 $ pour moi et mon épouse... On achète quoi? Ah! ça va aller plus tard, on va répondre à cette question à l'automne ou à un autre moment. Avant de dire aux contribuables québécois qu'ils vont être obligés d'acheter quelque chose, je pense qu'il faut leur donner une idée de ce qu'ils sont en train d'acheter.

I think it's very important, Mr. Speaker, one of the things that the opposition has asked for is: What, indeed, are we asking the taxpayers to buy? What is the list of drugs that's going to be covered by this new program? We have no answer. I think it's very important that we know, before we ask the Québec taxpayers, those who are not covered by a private regime, those who are seniors, those who are on welfare, they're going to be required to pay up to $175 each or $350 for a couple, plus the cost that we're going to add because there is a deductible of $25 every three months over the year, 25 % of the cost up to a maximum of $750 a year. It's a lot of money that we're going to be asking for the taxpayers to pay. Well, it's $200 000 000. We know that already. It's the $200 000 000 that the Minister of Finance and the President of the Treasury Board have asked the Minister of Health and Social Services to find. But what are the taxpayers of Québec going to get for $200 000 000? We'll tell you later. We don't know for now, we'll find out, we'll get back to you later. Ça, c'est une autre raison pour laquelle l'opposition a dit que le projet de loi n'est pas mûr.

Finalement, M. le Président, je veux aborder la question de la protection des renseignements privés et de la vie privée, les renseignements personnels. Il y avait un projet très intéressant, et je suis très heureux de constater la présence de la députée de Rimouski dans cette Chambre ce soir, parce qu'elle sait qu'il y avait un projet-pilote sur une carte à puce, une «smart card», qui donnait accès aux dossiers médicaux dans la ville de Rimouski. Et un des constats qui ont été faits par la Commission d'accès à l'information dans leur rapport, c'est l'importance de prendre le temps qu'il faut pour s'assurer que tous les partenaires sont ensemble pour travailler dans le même but.

Alors, si je peux citer: «La Commission ne peut pas passer sous silence l'importance d'établir une large concertation entre tous les intervenants impliqués dans l'introduction d'une nouvelle technologie de l'information qui peut avoir un impact sur la circulation des renseignements personnels. En prenant en compte le point de vue de tous les intervenants, y compris celui des patients, l'équipe de la carte-santé a favorisé l'émergence d'un consensus qui a rendu possible le succès que tous reconnaissent au projet de Rimouski.» Alors, ils ont pris le temps qu'il faut, ils ont commencé en 1990, il y avait les consultations, le milieu était impliqué. Qu'est-ce qu'on voit ici? C'est un projet de loi, on a déjà acheté les ordinateurs. Le président de la Commission d'accès à l'information a soulevé deux grandes questions dans l'avis qu'il a présenté devant la commission parlementaire qui portent sur la question de la création d'un fichier central des données. La Commission constate que le projet de loi ne prévoit pas la création d'une banque centrale d'information sur les assurés. Bonne nouvelle. Cependant, l'établissement d'un système central d'information pourrait se concrétiser lors d'une prochaine étape. En effet, le rapport du Comité d'experts sur l'assurance-médicaments recommande, quant à lui, la création d'un système d'information permanent. Alors, c'est dans l'air, ça. C'est une possibilité.

Quand on regarde l'appel d'offres qui a été émis par la RAMQ, il y est clairement question du fichier central dans l'appel d'offres qui était... Je pense que la date de fermeture était le 27 mai. On sait déjà qui a gagné le concours. C'est une compagnie américaine, Fox Meyer, et curieusement, oui, ils sont des experts en informatique, mais avec des gros intérêts dans les compagnies pharmaceutiques. Quelle coïncidence, M. le Président! On ne peut présumer de rien dans tout ça, mais, si je peux aller plus loin, dans l'avis qui a été donné par le président de la Commission d'accès à l'information, il pense qu'il y a un énorme risque qu'on se dirige tranquillement, pas vite, vers la création d'un fichier central. Il a dit ceci, et je pense que tous les élus, tous les parlementaires, ici, doivent prendre ça en considération: «La mise en place du fichier pourrait s'avérer très lourde de conséquences pour chacun des citoyens du Québec. Elle pourrait même institutionnaliser une intrusion permanente dans la vie privée de ces citoyens.»

Moi comme parlementaire, moi comme élu, je trouve ça très troublant. Si on prend l'expérience de la «smart card», la carte à puce de Rimouski, et si on prend le temps qu'il faut, on peut vraiment améliorer toute la question de l'accès aux dossiers médicaux. Mais il faut prendre le temps, il faut se réunir. Quand je lis dans le journal, ce matin, que le ministre de la Santé et des Services sociaux dit qu'il veut mettre ça en place pour le début du mois d'août, c'est évident qu'il n'a aucune intention de prendre le temps qu'il faut de travailler avec la Commission d'accès à l'information, qui était impliquée dès le départ dans le projet-pilote à Rimouski. Il n'a aucunement l'intention d'impliquer les professions, les pharmaciens, les médecins et les autres personnes qui vont être appelées à travailler dans le régime avec les données qui vont être dans le régime d'assurance-médicaments. Il n'a pas l'intention de faire ça. Il n'a pas l'intention de travailler avec les parlementaires, avec l'opposition officielle, de prendre le temps qu'il faut pour bonifier le projet de loi n° 33.

Alors, pour ces raisons, M. le Président, je dois voter contre le principe de ce projet de loi, parce que je suis tout à fait d'accord avec mes collègues de ce côté de la Chambre que ce projet de loi n'est pas encore prêt. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Jacques-Cartier. Je cède maintenant la parole au député de Shefford. M. le député.


M. Bernard Brodeur

M. Brodeur: Merci, M. le Président. Ça me fait plaisir de prendre la parole sur le projet de loi n° 33, projet de loi qu'on appelle aussi l'impôt-médicaments. Je dis que ça me fait plaisir, mais j'aurais préféré ne pas prendre la parole parce que tout comme nous autres, M. le Président, vous assistez à ce débat-là depuis 15 heures, hier après-midi, puis, depuis 15 heures, hier après-midi, que nous répétons, nous essayons de convaincre le gouvernement au moins de faire marche arrière et de réétudier son projet de loi sur l'assurance-médicaments. Et je m'adresse principalement aux gens qui nous écoutent à la maison, qui écoutent ces discours-là depuis hier après-midi. Je dois leur souligner, M. le Président, puis c'est important de le faire, que, pendant le temps que nous essayons de convaincre le gouvernement, il y a quand même des groupes sur le terrain qui essayent aussi de convaincre le gouvernement de faire marche arrière. Le but de notre intervention, M. le Président, depuis 15 heures, hier après-midi, et qui va durer probablement jusqu'aux petites heures du matin, c'est tout simplement de refléter ou de faire part du consensus qu'il y a autant de la part de l'opposition que de la part des intervenants dans notre société.

M. le Président ou Mme la Présidente, pardon...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Brodeur: On a entendu plusieurs de nos collègues ou la plupart de nos collègues nous parler de la répercussion pécuniaire souvent chez les plus démunis de notre société, répercussion qui est engendrée par cette Loi sur l'assurance-médicaments. J'y reviendrai un peu plus tard, si vous me permettez, mais j'aimerais élaborer sur d'autres points qui ont moins été relevés par mes collègues, et je vous dirais, Mme la Présidente, pas du tout par le parti ministériel, un aspect négligé.

(21 h 40)

On n'a pas encore entendu parler tellement des conséquences des médicaments sur les gens. Et quand on parle d'une assurance-médicaments, Mme la Présidente, on parle d'une assurance globale, pour tous les Québécois, pour toutes les Québécoises, donc pour tous les citoyens du Québec. Donc, ce qu'il y a d'évident dans le régime: on veut qu'il atteigne tout le monde. On l'atteint de différentes façons, puis peut-être pas avec tout le temps les effets escomptés, mais il y a une chose qui demeure: il y a des choses qu'on doit absolument corriger dans notre système lorsqu'on amène une loi sur l'assurance-médicaments. Une chose très importante, un problème qui existe déjà présentement puis je pense que c'était l'occasion rêvée pour régler ce problème-là.

Présentement, vous conviendrez qu'il n'y a pas tellement d'encadrement, sinon aucun encadrement dans les pouvoirs de prescription des médicaments. On peut obtenir présentement des prescriptions un peu partout. Puis vous comme nous, puis comme tous les députés qui font du bureau de comté, vous avez souvent l'occasion de rencontrer des gens âgés. Puis lorsque vous visitez ces gens-là, souvent, malheureusement, on parle des petits bobos puis on commence à vous parler des pilules. Ces gens-là s'accaparent d'une série de petits flacons. Quand on visite leur appartement, on voit que c'est plein de pilules et puis on a une facilité extrême, aujourd'hui, à s'en procureur. On se rend à la pharmacie, on peut avoir des prescriptions. C'est souvent facile pour un médecin de prescrire une petite pilule pour un bobo puis une autre pour un autre. Ensuite de ça on va à la pharmacie puis on vide le reste. Donc, on a aussi, comme je vous dis, beaucoup de médicaments sans prescription.

Mme la Présidente, aujourd'hui, ce qu'on veut mettre, c'est un régime d'assurance-médicaments. Mais, pour mettre un régime d'assurance-médicaments sur pied, il faut avoir une vision globale des choses. C'est bien d'essayer au moins de faire un régime global. On n'avait rien contre le principe d'une assurance-médicaments qui est gérée comme du bon sens, sauf que, présentement, on envoie ça «at large», puis je n'ai pas entendu le ministre, je n'ai entendu personne encore proposer un encadrement à la mise en marché de ces médicaments-là.

Donc, je pense, Mme la Présidente, que c'est important de faire ça ensemble. Comme je vous le disais tantôt, on a tous visité des centres d'accueil, on a tous visité des hôpitaux, puis on s'est aperçus que c'était un problème important dans notre société. Moi, je ne comprends pas que, lorsqu'on légifère... Sur l'alcool, par exemple. On va déposer un projet de loi, bientôt, sur les vins. On voit, lorsqu'on dépose un projet de loi sur les alcools, à protéger la population contre les effets de l'alcool. Mais là on dépose un projet de loi sur les médicaments puis on ne voit pas à protéger la population contre les effets de ces médicaments-là. Donc, je pense que ça aurait été de soi de présenter une politique globale d'encadrement de prescriptions ou un encadrement sur la façon ou sur la méthode de se procurer ces médicaments-là en pharmacie. Je pense que l'un ne va pas sans l'autre, Mme la Présidente.

Je pourrais prendre des exemples concrets. J'ai un cas, par exemple, dans mon comté, où une personne en pleine santé avait un petit bobo, s'est acheté un médicament pour un bobo. Puis ça, ça empêche la personne de dormir. Une personne âgée ne dort pas, une autre pilule. Puis, ensuite de ça, si elle ne peut pas aller aux toilettes. Une pilule pour ci, une pilule pour ça. En fin de compte, on ruine la santé de plusieurs de nos concitoyens en n'encadrant pas les méthodes de distribution de médicaments. Et ça, M. le Président, je peux vous garantir que c'est une réalité concrète, puis une réalité concrète pas seulement de quelques citoyens, de plusieurs citoyens. Puis je peux vous le dire en connaissance de cause: mon père est décédé il y a quelques semaines, puis c'est en grande partie à cause d'un non-encadrement de prescription de médicaments. Et je pense que ce serait important, non seulement pour mon cas personnel, mais il y a sûrement ici plusieurs députés qui ont vécu des faits semblables. Puis je pense que ça va de soi. Si on veut, si on se targue de vouloir protéger la population en émettant une assurance-médicaments, pourquoi ne pas émettre en même temps – je pense que c'est une prérogative qui serait de première importance – un programme, une politique globale concernant les prescriptions?

M. le Président, la compassion, on n'a pas vécu vraiment de compassion dans ces cas-là. On a vu cet après-midi, M. le Président, et vous étiez sur votre siège à ce moment-là, le leader du gouvernement dire au député de Beauharnois-Huntingdon: On n'entend pas souvent votre voix. Imaginez-vous, M. le Président, le genre de compassion qu'a le leader du gouvernement pour le député de Beauharnois-Huntingdon, qui a été entre la vie et la mort pendant plusieurs semaines et qui a...

Mme Caron: Question de règlement.

Le Vice-Président (M. Pinard): Mme la leader adjointe du gouvernement, je vous écoute.

Mme Caron: Oui, M. le Président. Je pense que cet après-midi, le leader du gouvernement a été très clair à cet effet-là...

M. Ouimet: Quel article, M. le Président?

Mme Caron: ...et tout a été décidé. Je pense qu'on ne peut pas, selon...

M. Ouimet: M. le Président, en vertu de quel article?

Mme Caron: ...l'article 35.6°, imputer des motifs indignes au leader du gouvernement.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, comme j'étais ici présent cet après-midi, je crois que nous avons véritablement fait le tour de la question. Je vous rappelle, pour ceux qui étaient en commission parlementaire et qui n'étaient point présents en cette Chambre, à quel point la présidence était heureuse de voir que le député était de nouveau parmi nous et en bonne condition. Sûrement que le député va maintenir et va continuer à nous aider au niveau de la poursuite des travaux de cette Assemblée. M. le député de Jeanne-Mance.

M. Bissonnet: Simplement pour vous dire, M. le Président, que le député de Shefford a tout simplement rapporté les paroles qui ont été prononcées dans cette Chambre, et ce n'était pas une question de règlement, M. le Président.

Une voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Pinard): Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: Oui, M. le Président. Oui, c'est une question de règlement, parce qu'il a effectivement imputé des motifs indignes. Il a dit que le leader du gouvernement n'avait pas de compassion et, en preuve, il a cité ses paroles. Donc, il lui a imputé des motifs indignes, d'avoir manqué de compassion pour le...

Le Vice-Président (M. Pinard): Pour le moins, les paroles suscitent un débat. Alors, M. le député de Shefford, s'il vous plaît, si vous voulez compléter votre intervention.

M. Brodeur: Merci, M. le Président. Vous étiez présent cet après-midi et vous pouvez constater, à la lumière des faits exposés, que c'est tout simplement un résumé des conversations qu'il y a eu cet après-midi, sur la base des faits qui ont été vécus par le député de Beauharnois-Huntingdon depuis près d'un an, M. le Président. Et, donc, je crois qu'en situation qu'on a vécue cet après-midi c'est peut-être un manque de savoir-faire ou peut-être... On peut peut-être excuser le leader du gouvernement pour sa toute nouvelle nomination, et c'est peut-être pour cette raison-là qu'il a possiblement donné... qu'il nous a lancé des paroles regrettables.

Pour en revenir, M. le Président, au sujet principal de mon intervention concernant l'assurance-médicaments, qu'on peut appeler aussi l'impôt-médicaments, il y a d'autres choses aussi qu'on a pu constater et qu'on constate régulièrement de la part du gouvernement depuis septembre 1994. On nous dit: On est forts sur les consultations, au gouvernement. On en parle beaucoup. On a eu des consultations dans ce cas-là, dans le cas de l'assurance-médicaments. On a vu des consultations dans d'autres cas aussi, et j'aimerais, M. le Président, tout simplement vous souligner la façon dont on fait une consultation.

Habituellement, quand on fait une consultation – vous avez été, comme moi, dans le secteur privé – donc, on étudie, on fait ça pour étudier, dans le cas qui nous occupe, un projet de loi, on l'analyse, on fait le tour des choses, on essaie de voir où on s'en va avec ça, l'objectif visé, la façon d'y arriver. On cherche, en fin de compte, quand on est un gouvernement, l'intérêt général au-dessus de l'intérêt particulier. Naturellement, tout en protégeant l'intérêt particulier des gens, on doit voir à ce que la grande majorité de la population accepte et considère que le projet de loi favorise son épanouissement et, dans ce cas-là, que le régime d'assurance-médicaments va convenir à ses aspirations. Donc, c'est le devoir du gouvernement de voir à ce qu'il n'y ait pas d'injustices de créées par ça, et là on dit, dans tous ces cas-là: On va faire une consultation.

(21 h 50)

On dit naturellement, puis on entend ça régulièrement ici, on l'entend en commission parlementaire: Nous allons entendre des groupes. Mais, M. le Président, entendre des groupes, ça veut aussi dire les écouter. On ne fait pas juste les entendre, on doit les écouter. Puis, plus que les écouter, on doit essayer de les comprendre. Donc, il faut faire ces distinctions-là, puis je m'aperçois que le gouvernement ne les fait pas toujours.

Ce matin, justement, à la période de questions, je prends à témoin la députée de Kamouraska-Témiscouata, qui a demandé au ministre de l'Agriculture: Est-ce que vous voulez faire des consultations sur le droit de produire? Est-ce que vous allez en faire? On vous en demande. Bien non, on en a fait l'année passée. Bien oui, quand? Au mois d'août, pendant que les agriculteurs faisaient leurs foins. Bien, on a entendu ce qu'on a entendu. Puis ceux qu'on a eus, on les a entendus. On ne les a pas écoutés puis on ne les a pas compris, parce qu'ils veulent se faire entendre encore une autre fois pour être écoutés puis être compris. C'est un peu ce qui s'est passé dans les consultations sur l'assurance-médicaments, M. le Président. On aurait dû au moins les écouter, les entendre, les écouter, puis les comprendre. Puis, pour ça, il faut au moins analyser ce qu'ils ont dit, M. le Président.

Donc, M. le Président, on a entendu des groupes pendant plusieurs jours. Je dis bien «entendu». On les a entendus, peut-être pas écoutés et pas compris. Donc, on en vient un peu à un consensus. Aujourd'hui, vous avez sûrement fait comme nous durant l'heure du lunch tantôt, vous avez peut-être écouté les nouvelles, puis, là, on a entendu, puis on a écouté puis on a compris qu'il y a des gens qui sont contre le principe puis qui disent au gouvernement: Allez faire vos devoirs, il y a des choses que vous n'avez pas faites; vous nous avez écoutés pendant quelques jours, ça a pris quelques heures, le gouvernement a reviré son capot de bord sur une couple de patentes, puis là il nous relance, puis on ne sait pas trop, trop où on s'en va. Donc, ce qu'on dit: Après nous avoir entendus et écoutés, essayez de nous comprendre puis révisez votre position.

Donc, M. le Président, c'est bien important, lorsqu'on fait une consultation, de prendre le temps d'analyser les choses, comme je vous le disais tantôt. Il y a plusieurs de mes collègues, ici, qui ont été sur des conseils d'administration dans l'entreprise privée ou ailleurs, qui ont eu à prendre des décisions. Avant de prendre ces décisions-là, ils ont consulté. Mais je suis certain, M. le Président, si vous avez déjà assisté à ce genre de consultations là, que vous n'avez pas entendu 50 groupes, 60 groupes, puis que votre décision était prise avant d'entendre le dernier. Vous avez pris le temps de les écouter puis de les comprendre, puis ensuite de ça de réanalyser le tout, puis ensuite de ça de prendre une décision éclairée.

Ce qu'on a présentement, on a entendu des groupes jusqu'à tout récemment, et puis ça a pris le temps d'un éclair, on revenait ici, on avait tout compris. Je ne pense pas. On avait entendu, par exemple, mais on n'avait pas écouté. Bien là, à ce moment-là, M. le Président, je pense qu'il serait sage pour un gouvernement de prendre une loi qui se veut si importante et peut-être de la tasser, de la mettre de côté, de l'analyser, essayer de comprendre ce que les gens ont énoncé pour nous revenir avec une loi qui pourrait se tenir debout, qui pourrait satisfaire et qui pourrait faire consensus. Mais ce n'est pas le cas présentement, M. le Président.

Ensuite de ça, je ne voudrais pas que mon temps de parole s'écoule sans parler aussi de la taxe proprement dite. M. le Président, à partir des propos que je vous ai exprimés, est-ce qu'on a vu que le mot «compassion» n'existe pas tellement pour le gouvernement? C'est juste une façon d'aller chercher quelques centaines de millions de dollars. Puis à quelle place qu'on va le prendre, ça? Ça va bien, on fait une assurance-médicaments. Ça, ça va bien paraître, mais la réalité des choses, c'est que ça va coûter plus cher aux catégories de population les plus démunies, puis en fin de compte on met 200 000 000 $, 300 000 000 $ dans nos poches, puis c'est parfait. On a mis sur pied une assurance-médicaments puis on se vantera de ça à nos petits-enfants. Sauf que le mode d'application, M. le Président, pour moi, n'est pas tellement considérable.

Donc, plus ça va, M. le Président, plus on dit que ce n'est pas des taxes, c'est des tarifs. Donc, ça vient de la même place, ça vient de la poche des contribuables. C'est pour ça, M. le Président, dans les quelques minutes qui me restent, j'aimerais tout simplement rappeler au gouvernement qu'il se forge un consensus présentement dans la population, le consensus qui est exprimé depuis hier par l'opposition officielle. Ce consensus dénonce l'improvisation dans le projet de loi n° 33. Et comme je vous le dis, M. le Président, ces gens-là, le grand message qui est lancé est tout simple: Vous nous avez entendus, vous ne nous avez pas écoutés et vous ne nous avez pas compris.

Donc, c'est pour ça, M. le Président, que l'opposition officielle, de même que tous ces groupes-là, lance un grand message au gouvernement. Je pense que c'est important que le gouvernement écoute et c'est important que le gouvernement retourne faire ses devoirs, et spécifiquement sur le projet de loi n° 33 qui revêt une grande importance pour tous les Québécois et toutes les Québécoises.


Motion d'ajournement du débat

C'est pour ça, M. le Président, que je me réfère à l'article 100 de notre règlement et je désire faire motion pour ajourner le débat. L'article 100, il se lit ainsi: «L'ajournement du débat peut être proposé à tout moment de la séance. Il ne peut l'être qu'une seule fois, sauf par un ministre ou un leader adjoint du gouvernement. Une telle motion ne requiert pas de préavis et ne peut être amendée.»

C'est pour cette raison-là, M. le Président, que je demande l'ajournement du débat pour que le gouvernement puisse, après avoir entendu les groupes, les comprendre. Donc, c'est pourquoi je demande d'ajourner le débat. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, conformément à l'article 101: «Temps de parole. L'auteur de la motion et un représentant de chaque groupe parlementaire ont chacun un temps de parole de 10 minutes. L'auteur de la motion a droit à une réplique de cinq minutes.»

Donc, à l'article 102: «Si la motion est adoptée, son auteur est entendu le premier à la reprise du débat. Il peut choisir de reporter son intervention si elle n'était pas commencée au moment de l'ajournement. Dans le cas contraire, il doit la poursuivre dès la reprise, sinon elle est considérée comme terminée.»

Alors, conformément à l'article 101, l'auteur de la motion a un temps de parole de 10 minutes. M. le député de Shefford.


M. Bernard Brodeur

M. Brodeur: Merci, M. le Président. Je disais donc qu'il était de première importance que le gouvernement aille refaire ses devoirs dans le projet de loi n° 33, la Loi sur l'assurance-médicaments, qui est en réalité, comme nous l'avons démontré depuis plusieurs heures, M. le Président, un impôt, un tarif, une taxe qui va toucher principalement les gens les plus démunis, comme plusieurs de mes collègues l'ont souligné. Donc, le but de cette motion, M. le Président, et vous en conviendrez, est de faire en sorte que le gouvernement puisse prendre connaissance des objections qui sont soulevées non seulement par l'opposition officielle, parce que vous conviendrez, M. le Président, qu'on est dans une arène politique ici, mais le gouvernement doit prendre connaissance de tous les faits, de toute l'argumentation du milieu.

Aujourd'hui, M. le Président, et le député de Jacques-Cartier va souligner quelques cas tantôt, la CSN, pourtant un allié du gouvernement, a clairement dit au gouvernement de refaire ses devoirs, donc qui représente un groupe important de notre société, un groupe tellement important, M. le Président, que cette centrale syndicale là représente un bon lot des travailleurs de la santé. Donc, j'imagine que ces gens-là parlent en connaissance de cause. On n'a pas seulement les gens du milieu syndical qui sont contre, on a aussi le Conseil du patronat. Vous allez me dire, M. le Président, que c'est des alliés, peut-être, de l'opposition. Ce n'est pas seulement ça, M. le Président, ils représentent une autre partie de la société. Et, nous ici, nous avons, M. le Président, comme opposition officielle, le devoir de rappeler au gouvernement de faire ses devoirs de façon convenable, convenable pour la population du Québec. Et c'est pour cette raison-là, M. le Président, que je me suis permis d'invoquer l'article 100 et de faire motion pour ajourner les débats pour que le gouvernement, en fin de compte, retourne faire ses devoirs.

(22 heures)

J'ai exprimé, dans le début de mon argumentation, M. le Président, que ce projet de loi avait été déposé de façon improvisée pour plusieurs raisons. Manque d'encadrement. Tout ce qu'on a voulu faire en fin de compte, c'est aller soutirer quelques centaines de millions des contribuables québécois, et je le déplore, M. le Président, souvent des moins fortunés. On a aussi déposé un projet de loi sans penser aux conséquences. Je disais tantôt, M. le Président, et je vous le répète: Lorsque nous déposons un projet de loi sur des médicaments, on doit aussi encadrer les prescriptions, on doit encadrer la mise en marché de ces médicaments-là qui devient un fléau pour plusieurs de nos concitoyens.

M. le Président, je pense que ce n'est pas normal qu'on n'ait pas entendu aujourd'hui de députés ministériels nous parler de ce sujet-là. Si on avait parlé d'alcool... On va parler d'un projet de loi sur le vin dans les prochains jours, et je suis certain qu'en commission parlementaire sûrement certains députés vont soulever les effets souvent néfastes lorsque c'est pris avec aucune modération. On doit faire la même chose, M. le Président, avec les médicaments. Lorsqu'un gouvernement décide de mettre sur pied un régime global d'assurance-médicaments, il se doit d'accompagner ça aussi d'une politique globale de mise en marché de ces médicaments.

Je déplore le fait qu'on n'ait pas soulevé ces questions-là lors du débat, parce que c'est de première importance. Premièrement, lorsqu'on légifère sur la santé ou sur les médicaments, naturellement, ça va de soi qu'on doit faire en sorte que la population soit protégée contre les effets pervers de telles choses. Ce n'est pas parce qu'un phénomène existe depuis plusieurs années qu'on ne doit pas le régler, puis on doit profiter du fait, naturellement, M. le Président, que l'on dépose un tel projet de loi.

On a aussi parlé tantôt de consultations. Parce que c'est certain que l'on peut mettre un projet de loi comme ça de l'avant rapidement lorsqu'on a besoin d'argent, sauf que, au moment où on se parle, on a eu des consultations et, comme je l'ai répété à plusieurs reprises, on a entendu des gens. C'est à la mode ici, puis on dit – ça fait deux ans et demi que je suis ici, M. le Président, depuis février 1994 – que c'est à la mode: à chaque commission parlementaire, on veut entendre des groupes. Mais il faut bien se dire, comme parlementaires, qu'il ne faut pas seulement entendre des groupes; il faut les écouter. Et je ne crois pas, dans le délai que nous avons eu principalement dans l'étude de ce projet de loi là, le projet de loi n° 33, que nous avons eu les délais nécessaires pour pas seulement les entendre, les écouter, mais les comprendre.

C'est pour ça, M. le Président, que la motion que j'ai déposée va faire en sorte que le gouvernement, s'il l'accepte – et je l'invite à voter pour cette motion – va pouvoir comprendre, analyser chacun des groupes qui est venu déposer son mémoire. Donc, ça va permettre à ces gens-là, au ministre de la Santé et des Services sociaux, à ses sous-ministres, aux gens du ministère, d'analyser les pour et les contre des mémoires qui ont été déposés.

On se questionne sûrement, M. le Président, surtout qu'il y a eu un changement à la hâte, dans les dernières heures avant de déposer le projet de loi, avant de commencer l'adoption du projet de loi, et qu'on a envoyé l'administration de cette assurance-médicaments à la Régie de l'assurance-maladie du Québec. Il y a des questions qu'on peut se poser. Ce matin, tout comme moi, j'imagine que vous écoutiez le député d'Orford qui nous disait, puis ce n'était pas bête, ce qu'il nous disait: On dirait que le gouvernement, aussitôt que ça touche au privé, ça lui donne des boutons. On va ramener ça au public.

M. le Président, probablement, tout comme moi, vous vous promenez dans votre comté. Demandez aux gens dans votre comté, à vos commettants, si ces gens-là pensent que ça va coûter moins cher au public ou si ça va coûter moins cher au privé. Je vous défie de faire le test. Moi, je ne suis pas convaincu qu'un régime administré par le public, sans être soumis à la compétition, va avoir les mêmes performances que le secteur privé.

Donc, on doit se questionner, M. le Président, sur l'opportunité de lancer ça à la hâte. Puis je pense qu'il n'y a personne qui peut dire que cette modification n'a pas été faite à la hâte. Nous ne l'avions pas entendue encore la semaine passée. On n'avait pas entendu parler de ça. Donc, on doit se questionner sur le fait que cette administration-là va être prise par la Régie de l'assurance-maladie. Donc, on n'a rien vu encore, de ce côté-ci, qui pourrait nous faire penser que le contribuable québécois va sauver des sous en rendant l'administration à la Régie. Moi, j'ai de la difficulté à comprendre ça, parce que, dans le secteur privé, naturellement, il y a le jeu de la concurrence qui fait en sorte qu'au moins les prix pourront être ajustés à la baisse, suivant la concurrence qui existe dans le secteur privé.

On doit aussi ajouter, M. le Président, que cette motion a aussi pour but de faire penser au gouvernement, au moins, à prendre connaissance, à voir quelle clientèle est touchée par cette loi n° 33, cette loi sur l'assurance-médicaments – on a fait quelques chiffres de ce côté-ci de la Chambre, M. le Président, puis on a regardé le régime d'assurance actuel, puis le régime d'assurance à venir – et qui seront les payeurs de ces 200 000 000 $, de ces 300 000 000 $ ou de ces 350 000 000 $ qui seront soutirés de la poche des Québécois. On a regardé ça rapidement, M. le Président, puis on s'aperçoit qu'en fin de compte c'est deux catégories de citoyens, puis, souvent, des citoyens un peu plus démunis. On n'a pas à penser que les gens âgés sont tous riches. M. le Président, vous en fréquentez dans votre comté; les collègues, ici, en rencontrent souvent. Souvent, les gens âgés n'ont qu'une pension et subviennent à leurs besoins avec cette petite pension-là, parce qu'ils ont des besoins très réduits.

M. le Président, on va faire payer nos citoyens; nos citoyens qui ont bâti le Québec d'aujourd'hui, on va leur faire payer la facture. On va chercher des centaines de millions dans leurs poches. Il ne faut pas penser que ces citoyens-là... Même si on dit parfois que c'est des gens qui ont bénéficié des largesses de nos gouvernements depuis 30 ans, M. le Président, il s'agit d'aller sur le terrain pour s'apercevoir que ces gens-là sont aussi démunis. De même, on fait payer les gens les plus démunis de notre société; aujourd'hui, les gens sur l'aide sociale, les gens sans travail auront à payer la facture.

M. le Président, vous me dites qu'il ne me reste que quelques secondes à mon intervention. C'est pourquoi j'ai déposé cette motion-là et je sollicite le gouvernement d'aller refaire ses devoirs. Comme je vous dis, après avoir entendu les groupes, il faut penser qu'il aurait fallu les écouter, puis, maintenant, il faut les comprendre. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le député de Shefford. Je vais maintenant céder la parole à M. le leader adjoint du gouvernement. M. le ministre.


M. Jacques Brassard

M. Brassard: Oui, M. le Président. Il fallait bien s'y attendre, hein! Hier soir, je devrais plutôt dire cette nuit, on a eu droit à la traditionnelle motion de report. C'est une des armes de l'arsenal de l'opposition, bien connue, bien connue. Alors, ça fait partie de notre règlement: motion de report, motion de scission, motion d'ajournement. Bon. Alors, aujourd'hui, ou ce soir, il s'agit de la motion d'ajournement présentée par le député de Shefford, avec sans doute d'excellentes, de bonnes intentions. Je ne veux pas mettre en doute ses intentions. Je ne veux imputer à aucun député de cette Chambre, M. le Président, des motifs indignes. Dieu m'en garde! Sans aucun doute le député de Shefford, dont on connaît l'honnêteté foncière, a présenté sa motion d'ajournement avec de très bonnes intentions à l'esprit et au coeur. Bon.

Alors, nous voilà devant une motion d'ajournement présentée en bonne et due forme. C'est clair que, pour le gouvernement, il n'est pas question, d'aucune façon, d'ajourner ce débat sur le projet de loi n° 33. Pour nous, le projet de loi n° 33 doit franchir aujourd'hui l'étape décisive de l'adoption de principe. On en est rendu là. C'est maintenant le temps d'adopter le principe de ce projet de loi majeur, j'en conviens. Là-dessus, on a au moins ce consensus-là entre l'opposition et le parti ministériel; nous sommes au moins d'accord pour dire qu'il s'agit là d'un projet de loi majeur. Mais c'est le seul consensus évidemment entre nous sur ce projet de loi.

(22 h 10)

Mais, pour le gouvernement, ce projet de loi majeur doit franchir toutes les étapes législatives, à commencer par celle essentielle de l'adoption du principe. Et, par conséquent, nous n'envisageons pas du tout, dans les circonstances présentes, que le débat soit ajourné à une autre séance de l'Assemblée nationale.

M. le Président, le député de Shefford a avancé un certain nombre d'arguments pour justifier sa motion d'ajournement, mais j'ai le regret de lui dire que ses arguments sont plutôt fragiles et ne sont pas fondés, d'aucune façon. Ça revient d'ailleurs de façon sempiternelle dans les motions de report et les motions d'ajournement, ce genre d'arguments. C'est de dire que le gouvernement improvise, que le gouvernement ne sait pas où il va, que le gouvernement a mal préparé son projet de loi, doit refaire ses devoirs. Enfin, on connaît les arguments sempiternels qui reviennent constamment à l'occasion de ce genre de motion dilatoire. Parce que c'est de cela qu'il s'agit: c'est une motion dilatoire, c'est une motion qui vise à retarder, une motion qui vise à faire obstruction au processus législatif.

Non, parce que, s'il y a un projet de loi qui est bien préparé, bien réfléchi, mûri, c'est bien celui-là. Et l'opposition ne peut pas nous reprocher de ne pas avoir fait une consultation élargie. Pendant des journées entières, le ministre de la Santé et des Services sociaux a entendu de nombreux intervenants qui sont venus en commission parlementaire témoigner, déposer des mémoires, s'exprimer sur ce projet de loi. Et c'était tout à fait normal. C'était tout à fait normal.

Oui. Oui, effectivement, les députés de l'opposition également ont participé aussi très activement à cette commission parlementaire. Ça a été une commission qui a fort bien fonctionné, qui a entendu de multiples témoignages avec évidemment l'intention... Ce n'était pas une consultation bidon, ce n'était pas une consultation pour le plaisir de faire une consultation. C'est parce que le gouvernement souhaitait entendre divers points de vue sur un projet de loi aussi important de façon à le bonifier, à l'améliorer, à apporter des changements compte tenu des témoignages entendus. C'est pour ça qu'on fait une consultation, c'est pour ça qu'on tient des audiences publiques en commission parlementaire. C'est à cette fin-là. Et le gouvernement a voulu le faire sérieusement. On a entendu beaucoup de monde.

Et le ministre de la Santé est un ministre, je pense, dont on ne peut nier la compétence, cela va sans dire, mais c'est un ministre qui se met constamment à l'écoute de la population et des multiples intervenants qui oeuvrent dans le secteur complexe de la santé et des services sociaux. On peut lui faire toutes sortes de reproches, on peut être en désaccord avec ses positions, on peut être en désaccord avec les projets de loi qu'il pilote, mais il y a une chose qui est certaine cependant, c'est que c'est un ministre qui écoute les intervenants et qui tient compte de leurs propos et de leurs témoignages.

Je trouve ça curieux d'entendre le député de Shefford dire, à l'appui de sa motion d'ajournement, que le ministre de la Santé et des Services sociaux n'écoute pas, n'a pas le sens de l'écoute, est sourd aux témoignages et aux points de vue exprimés. Je trouve ça un peu curieux parce que, deux phrases après avoir dit ça, il souligne les changements annoncés par le ministre de la Santé et des Services sociaux, changements qui vont dans le sens de requêtes et de revendications exprimées en commission parlementaire.

Là, il y a comme des propos qu'on pourrait qualifier de contradictoires. On ne peut pas dire: Le ministre est sourd, le ministre n'écoute pas, n'a pas le sens de l'écoute, n'entend rien de ce qu'on lui dit, de ce que les intervenants lui disent, puis, en même temps, lui faire reproche d'avoir introduit ou d'avoir annoncé des changements qu'il va apporter au projet de loi, des changements majeurs qui vont dans le sens de revendications entendues en commission parlementaire par des intervenants majeurs; pas des intervenants marginaux, des intervenants majeurs.

C'est le cas, entre autres, par exemple, d'un changement majeur qui est maintenant connu, qui a été annoncé par le ministre de la Santé à l'effet que le régime d'assurance-médicaments sera administré, sera géré par la Régie de l'assurance-maladie du Québec plutôt que par des assureurs privés, comme c'était prévu à l'origine, au départ. Ce n'est pas un petit changement qui est annoncé. Mais ce changement majeur n'intervient pas, comme ça, par génération spontanée; ça intervient parce que, en commission parlementaire, on l'a demandé, on l'a réclamé. Alors, si le ministre a décidé, et il l'a annoncé, d'apporter ce changement-là, c'est qu'au moins, pour ça, il écoutait, il avait le sens de l'écoute. Il a entendu le témoignage et il a annoncé le changement en conséquence.

Alors, je pense que l'argumentation du député de Shefford est pour le moins, disons, défaillante puisque, reprochant au ministre de ne pas avoir le sens de l'écoute, il lui reprochait également, du même souffle, d'apporter des changements ou d'annoncer des changements majeurs, substantiels qui faisaient suite à ce que le ministre et les membres de la commission avaient entendu en commission parlementaire à l'occasion des audiences publiques sur ce projet de loi. Alors, par conséquent, M. le Président, il ne s'agit pas là, encore une fois, d'un signe d'improvisation, comme l'opposition le prétend; il s'agit, bien au contraire, de la manifestation d'une volonté ferme, clairement affichée de la part du ministre et du gouvernement d'adopter un projet de loi qui répond le mieux aux attentes et aux revendications, aux doléances exprimées en commission parlementaire.

Par conséquent, la motion d'ajournement, M. le Président, est non avenue, si vous me permettez l'expression, n'a aucun sens et n'est pas acceptable dans le processus actuel. Il est maintenant temps d'adopter le principe de ce projet de loi. On en a assez discuté, aussi bien en commission qu'à l'Assemblée nationale, le temps est venu d'adopter le principe et de passer à une autre étape législative qui est l'étude détaillée en commission parlementaire. Pour cette raison, nous allons évidemment rejeter cette motion d'ajournement.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le leader adjoint du gouvernement. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Robert-Baldwin. Vous disposez d'un temps de 10 minutes, M. le député.


M. Pierre Marsan

M. Marsan: Je vous remercie bien, M. le Président. Alors, à mon tour de supporter la motion d'ajournement du débat présentée par le député de Shefford. Pourquoi, M. le Président? Parce qu'il y a beaucoup trop de questions qui n'ont pas été répondues dans un tel projet de loi. Le ministère de la Santé est devenu le ministère de l'improvisation; le ministère de la Santé est devenu le ministère de la taxation et de l'imposition; le ministère de la Santé est devenu le ministère du manque de compassion.

M. le Président, cet après-midi, en fin d'après-midi, nous avons reçu sur fil de presse un communiqué extrêmement important. Le front commun CEQ, CSN, FTQ, qui représente plus de 1 000 000 de personnes, eh bien, a fait part de ses commentaires, M. le Président. Le front commun reconnaît comme une amélioration certains changements apportés dans le projet par le ministre dernièrement. Cependant, plusieurs problèmes soulevés par les centrales lors de la commission parlementaire ne sont toujours pas résolus. M. le Président, il y a un entêtement et une obstination de la part du ministre de la Santé à vouloir écouter les gens qui se présentent en commission parlementaire. Les entendre, c'est une chose; les écouter et retenir leurs meilleures recommandations dans un projet de loi, c'est autre chose.

(22 h 20)

Plusieurs questions fondamentales demeurent sans réponse. Les centrales s'inquiètent du fait que la nouvelle proposition du ministre reste muette sur la mutualisation des risques. Quel groupe va assumer les risques les plus élevés? On est inquiet également sur la liste des médicaments qui seront remboursés. Eh bien, cette liste, c'est encore une grande inconnue. On est inquiet, M. le Président. De l'avis des centrales syndicales, les primes exigées de la part des personnes âgées et des personnes à faibles revenus demeurent encore beaucoup trop élevées. Par ailleurs, on se demande toujours sur quelle base a été déterminée la prime pour l'assurance.

Les trois organisations syndicales prévoient certaines difficultés quant à l'arrimage du nouveau régime public avec les régimes collectifs d'assurance. De même, des problèmes importants se posent concernant les régimes d'assurance collective des retraités. M. le Président, la liste continue. Tout cela exigera du temps, ont expliqué les porte-parole des centrales en commission parlementaire. Or, le ministre semble vouloir persister dans sa volonté d'appliquer rapidement le projet de loi.

D'autres questions soulevées par les centrales n'ont toujours pas obtenu de réponse. Ainsi, la nouvelle proposition du ministre n'apporte rien de neuf au chapitre du contrôle des coûts des médicaments, rien de neuf sur les nouvelles mesures envisagées et sur les économies escomptées, rien de neuf sur le calendrier de leurs réalisations, rien de neuf sur la représentation du public dans les différents organismes administratifs prévus au projet de loi, rien de neuf sur la confidentialité du dossier des médicaments. Ce sont là autant de raisons qui, selon la CEQ, la CSN et la FTQ, qui de nouveau, M. le Président, représentent plus de 1 000 000 de personnes, justifient que l'adoption du projet de loi et son application soient reportées, le temps d'apporter les clarifications nécessaires et de permettre les ajustements requis aux régimes collectifs d'assurance et aux conventions collectives.

M. le Président, ça, c'est un des partenaires de ce gouvernement. Ils sont venus se faire entendre en commission parlementaire. Ils ont revu les amendements qui ont été proposés par le ministre dans un communiqué de presse et ils disent au ministre: Vous n'avez pas réglé grand-chose; est-ce que vous pouvez refaire vos devoirs une fois de plus? À cette voix, M. le Président, s'ajoute celle du Conseil du patronat du Québec qui, ce matin, considérait comme essentiel que tout ce dossier soit réexaminé et, donc, reporté à l'automne. M. le Président, nous avons, d'un côté, les représentants des travailleuses et des travailleurs du Québec; de l'autre côté, les représentants des employeurs. Et, tous ensemble, M. le Président, ils demandent au gouvernement, au ministre de la Santé de refaire ses devoirs parce qu'ils ont été mal faits, M. le Président, qu'ils ont été faits à la dernière minute.

De nombreuses autres organisations s'ajoutent à cette liste. Je ne pense qu'aux pharmaciens propriétaires qui, dans l'état actuel du projet de loi, considèrent ce projet comme une nationalisation, une étatisation de leurs pharmacies. En effet, c'est le ministre qui va décider du coût des médicaments, c'est le ministre qui va décider des honoraires et c'est le ministre qui va décider de la liste des médicaments. Qu'est-ce qu'il leur reste à faire, M. le Président?

M. le Président, nous n'avons pas entendu beaucoup les députés ministériels parler à ce sujet. Une seule intervention, soit du leader qui disait: Qu'est-ce que vous avez à proposer, l'opposition? Bien, M. le Président, on en a une chose à proposer, on l'a dit souvent: Le ministre, au lieu de couper 200 000 000 $, d'aller chercher 200 000 000 $ dans les poches des patients, des contribuables, pourquoi est-ce qu'il ne coupe pas dans sa bureaucratie? Puis la bureaucratie du ministère de la Santé, c'est les régies régionales, M. le Président. Il faut se rappeler que les régies avaient été créées par notre gouvernement pour rapprocher les patients des décideurs, alors que ce gouvernement, le gouvernement péquiste, a rapproché les décideurs du bureau du ministre de la Santé, 15e étage, édifice Joffre, chemin Sainte-Foy. M. le Président, les régies coûtent plus de 100 000 000 $ au Québec et elles font travailler 1 500 employés. Mais, après ça, on n'a jamais soigné un patient encore, une fois qu'on a dit ça. Est-ce qu'on ne peut pas regarder dans la structure ce qui pourrait être coupé avant de s'attaquer aux personnes aînées, avant de s'attaquer au portefeuille des personnes aînées?

M. le Président, le projet de loi tel qu'il est présenté – je pense que nous l'avons démontré et nous l'avons démasqué – ça demeure une taxe déguisée, c'est un impôt-médicaments. Patrons, syndicats demandent au gouvernement de refaire ses devoirs. Ajoutez les voix de la coalition des personnes aînées. Eh bien, ce projet de loi, en plus d'être un objet d'art dans le domaine de l'improvisation, il suscite des inquiétudes auprès des contribuables, il suscite de l'angoisse auprès des patients, M. le Président. Nous avons démasqué les intérêts qui étaient cachés en arrière de ce projet de loi. Le ministre a reconnu qu'il était à la solde du président du Conseil du trésor, à la solde du ministre des Finances...

Une voix: Mercenaire.

M. Marsan: M. le Président...

Une voix: L'homme de confiance.

Une voix: Mercenaire.

Le Vice-Président (M. Brouillet): S'il vous plaît! Je vous inviterais, s'il vous plaît, à prendre vos places. M. le député, il vous reste encore trois minutes.

M. Marsan: M. le Président, l'objet d'un programme d'assurance-médicaments, c'est de donner une assurance pour permettre à tous les contribuables, à toutes les Québécoises et à tous les Québécois, d'avoir une protection en ce qui concerne les médicaments. On appelle ça un programme d'assurance universel de médicaments. Ce que nous avons devant nous, c'est un programme universel de taxes, d'impôts, M. le Président, et c'est pour cette raison que nous avons de sérieuses difficultés avec ce gouvernement. Si on pouvait regarder un seul objectif dans ce projet de loi, l'objectif étant d'assurer 1 200 000 personnes, des Québécoises, des Québécois, eh bien, déjà, on avait suffisamment de travail à faire pour réaliser un tel objectif. Mais non, ce n'était pas suffisant; on a voulu, M. le Président, profiter d'un projet de loi sur la santé pour aller chercher de l'argent dans les poches des contribuables et, surtout, dans les poches des personnes aînées, M. le Président.

Une voix: En pleine nuit, en pleine nuit hier.

M. Marsan: M. le Président, comme le projet de loi n° 116, ce projet de loi a été appelé en pleine nuit. C'est toujours de cette façon que ce gouvernement-là travaille, visière baissée. On a de la misère à montrer les vraies couleurs de ce gouvernement, mais, nous de l'opposition, nous allons continuer à le faire. De nouveau, M. le Président, quand les patrons, quand les syndicats sont d'accord pour dénoncer le gouvernement, le gouvernement devrait écouter, M. le Président. Merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le député de Robert-Baldwin. Maintenant, je cède la parole à M. le député de Shefford pour son droit de réplique de cinq minutes. M. le député.


M. Bernard Brodeur (réplique)

M. Brodeur: Merci, M. le Président. Je m'inspire beaucoup du député de Robert-Baldwin qui défend les positions non seulement de l'opposition, mais d'une grande partie de la population, de la majeure partie de la population, avec une force qui va peut-être faire penser au ministre de la Santé à réviser sa position. On a déposé, il y a quelques minutes, une motion d'ajournement pour un motif très simple, pour retourner le ministre refaire ses devoirs.

J'ai écouté attentivement le député de Lac-Saint-Jean dans sa réplique à la motion. M. le Président, on peut constater, puis le député de Lac-Saint-Jean nous l'a carrément démontré, que le gouvernement est carrément entêté et obstiné dans cette affaire sur le projet de loi n° 33. Le député de Lac-Saint-Jean nous a dit tantôt que ce projet de loi était mûri. M. le Président, si ce projet de loi est mûri, imaginez-vous les autres.

(22 h 30)

M. le Président, possiblement que c'est le premier projet de loi sérieux qu'on a depuis deux ans; depuis deux ans qu'on légifère sur le sexe des anges. Maintenant, on a un projet de loi où on peut, en fin de compte, le critiquer, puis on n'est pas les seuls à critiquer. Je pense que c'est important que le ministre prenne conscience que ce projet de loi fait consensus, on parle souvent de consensus, mais le consensus à l'envers.

M. le Président, j'en profite pour lire des coupures de presse dans les quelques minutes qui me restent. Je pense que c'est important parce que, là, ce n'est pas moi qui le dis, c'est des journalistes et, en fin de compte, ça reflète ce que j'entends, moi, dans mon comté, ce que mes collègues entendent aussi.

On pouvait lire, dans La Presse du 8 juin, sous la plume de Agnès Gruda: «Toutes ces questions soulèvent des craintes justifiées. Cela dit, le problème de fond, c'est l'incertitude entourant la prime que la majorité des Québécois devront débourser annuellement. Tant qu'il n'y aura pas de réponses claires et satisfaisantes sur ce point, le gouvernement ferait mieux de ne pas précipiter les choses. Mieux vaut retarder le traitement que tuer le patient!»

Ensuite de ça, sous la plume de M. Samson, la même journée je crois, il dit, en terminant son article: «Les arguments sont trop solides – pas les vôtres, les nôtres – les enjeux trop importants. Il faut reporter de quelques mois la mise en application d'un tel régime, le temps de peaufiner le programme.»

Donc, M. le Président, on le dit ici depuis 15 heures hier, on s'est répété à plusieurs reprises. Je suis convaincu que le ministre est sensible à ces arguments. Et je dois faire remarquer au député de Lac-Saint-Jean, qui disait tantôt que, oui, le ministre a écouté ce qu'on dit depuis hier. M. le Président, on ne dit pas qu'il n'a pas écouté, on dit qu'il n'a pas compris. Ce qu'on demande tout simplement au ministre, c'est de retourner faire ses devoirs, d'analyser les mémoires qui ont été déposés, les analyser comme il faut et, ensuite de ça, prendre une décision éclairée. On ne peut pas nous faire accroire, ici, qu'on a changé notre capot de bord dans quelques heures, on a ramené l'administration de cette assurance-là à la Régie de l'assurance-maladie du Québec comme ça, puis on a tout analysé après avoir entendu des groupes pendant des jours et des jours. Nous ne pouvons pas croire ici – et c'est incroyable – que le ministre et le gouvernement – je dois dire, le gouvernement – ait pris une telle décision. C'est une décision tout simplement pécuniaire, pécuniaire, M. le Président. On va chercher quelque 100 000 000 $ dans les poches des Québécois et des Québécoises les plus démunis, et, M. le Président, on fait fi des besoins réels de la population du Québec. Ce qu'on fait, on va chercher de l'argent, on met ça dans nos coffres et c'est tout. Donc, M. le Président, c'est pour cette raison-là que j'invite le gouvernement à y réfléchir, et c'est pourquoi nous devons tous voter en faveur de cette motion d'ajournement. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Shefford. Ceci met fin au débat sur la motion d'ajournement du débat. Alors, je vais mettre la motion aux voix.

Une voix: La motion est adoptée.

Une voix: Rejeté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Est-ce que la motion est adoptée?

Une voix: Adopté.

Une voix: Rejeté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, que l'on appelle les députés, on demande le vote par appel nominal. Que l'on appelle les députés.

(22 h 34 – 22 h 41)


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Brouillet): Veuillez vous asseoir, s'il vous plaît! Alors, je m'en vais mettre aux voix la motion d'ajournement du débat. Que les députés en faveur de cette motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît!

Le Secrétaire adjoint: M. Paradis (Brome-Missisquoi), M. Ciaccia (Mont-Royal), M. Middlemiss (Pontiac), M. Cusano (Viau), M. Maciocia (Viger), M. Lafrenière (Gatineau), Mme Dionne (Kamouraska-Témiscouata), M. Parent (Sauvé), Mme Bélanger (Mégantic-Compton), M. Bissonnet (Jeanne-Mance), M. Brodeur (Shefford), M. Williams (Nelligan), M. Gautrin (Verdun), M. Marsan (Robert-Baldwin), M. Chagnon (Westmount–Saint-Louis), M. Lefebvre (Frontenac), M. Farrah (Îles-de-la-Madeleine), M. Bordeleau (Acadie), M. Chenail (Beauharnois-Huntingdon), M. Bergman (D'Arcy-McGee), Mme Houda-Pepin (La Pinière), M. Ouimet (Marquette), M. Mulcair (Chomedey), M. MacMillan (Papineau), M. Copeman (Notre-Dame-de-Grâce), M. Kelley (Jacques-Cartier).

Le Vice-Président (M. Brouillet): Que les députés qui sont contre la motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît!

Le Secrétaire adjoint: M. Bélanger (Anjou), M. Landry (Verchères), M. Chevrette (Joliette), Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve), M. Léonard (Labelle), Mme Marois (Taillon), M. Bégin (Louis-Hébert), M. Campeau (Crémazie), Mme Blackburn (Chicoutimi), M. Gendron (Abitibi-Ouest), M. Bertrand (Portneuf), M. Simard (Richelieu), M. Rochon (Charlesbourg), Mme Doyer (Matapédia), M. Boucher (Johnson), M. Julien (Trois-Rivières), M. Perreault (Mercier), M. Brassard (Lac-Saint-Jean), M. Jolivet (Laviolette), Mme Dionne-Marsolais (Rosemont), Mme Carrier-Perreault (Chutes-de-la-Chaudière), M. Boisclair (Gouin), M. Payne (Vachon), Mme Robert (Deux-Montagnes), M. Blais (Masson), M. Baril (Berthier), M. Facal (Fabre), M. Paré (Lotbinière), Mme Vermette (Marie-Victorin), Mme Leduc (Mille-Îles), M. Boulerice (Sainte-Marie–Saint-Jacques), M. Landry (Bonaventure), M. Paquin (Saint-Jean), M. Rivard (Limoilou), M. Baril (Arthabaska), M. Côté (La Peltrie), M. Deslières (Salaberry-Soulanges), Mme Signori (Blainville), M. Beaulne (Marguerite-D'Youville), M. Beaumier (Champlain), Mme Barbeau (Vanier), M. Lachance (Bellechasse), M. Laprise (Roberval), M. Jutras (Drummond), M. Morin (Nicolet-Yamaska), M. Létourneau (Ungava), M. Kieffer (Groulx), M. Gaulin (Taschereau), M. Gagnon (Saguenay), M. Dion (Saint-Hyacinthe), Mme Charest (Rimouski), M. Désilets (Maskinongé).

Le Vice-Président (M. Brouillet): Y a-t-il des abstentions?

Le Secrétaire adjoint: Pour:26

Contre:52

Abstentions: 0

Le Vice-Président (M. Brouillet): S'il vous plaît! S'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! La motion d'ajournement du débat est rejetée.


Reprise du débat sur l'adoption du principe

Nous allons poursuivre le débat sur l'adoption du principe du projet de loi n° 33, Loi sur l'assurance-médicaments et modifiant diverses dispositions législatives. Y a-t-il des intervenants?

Nous allons permettre aux députés de se rendre à leurs commissions parlementaires pour poursuivre leurs travaux et nous poursuivrons nos débats ici, dans quelques instants.

S'il vous plaît, je vous inviterais, ceux qui ont à quitter, à le faire immédiatement et en silence. S'il vous plaît.

Mme la députée de La Pinière, vous avez la parole.


Mme Fatima Houda-Pepin

Mme Houda-Pepin: M. le Président, le ministre de la Santé et des Services sociaux, après avoir présidé de façon improvisée à la fermeture de plusieurs hôpitaux, après avoir pris le virage ambulatoire à 180°, sans aucune planification stratégique, après avoir imposé des coupures budgétaires qui affectent lourdement la livraison, la qualité et l'accessibilité des services de santé et services sociaux, voilà qu'il introduit, le 15 mai dernier, le projet de loi n° 33, Loi sur l'assurance-médicaments et modifiant diverses dispositions législatives.

Cette façon de procéder n'a rien d'étonnant, venant d'un gouvernement qui a érigé l'ambiguïté et la contradiction en système, un gouvernement qui a promis qu'il n'augmentera pas les taxes et les impôts et qui a pourtant procédé de façon camouflée à une hausse de tarifs et de taxes. Une fois de plus, par le dépôt de ce projet de loi n° 33 sur l'assurance-médicaments, nous avons la preuve qu'il s'agit là, en fait, d'un véritable impôt-médicaments.

Il est utile de rappeler, M. le Président, le contexte dans lequel ce projet de loi n° 33 sur l'assurance-médicaments a été introduit afin d'en mesurer les effets sur l'ensemble de la population. Quand on parle d'assurance-médicaments et de politique sociale, il est inévitable de ne pas parler du Parti libéral du Québec qui a introduit des réformes majeures durant les années où il était au pouvoir. En effet, M. le Président, c'est le gouvernement libéral qui a instauré, dans les années soixante-dix, le régime d'assurance-maladie, et le président de la Commission-Jeunesse du Parti libéral du Québec, M. Jonathan Sauvé, nous faisait remarquer, lors d'un colloque des jeunes libéraux en Montérégie la semaine dernière, que cette idée d'assurance-maladie a pris forme au sein de la Commission-Jeunesse avant d'être reprise par le programme du Parti libéral du Québec et mise en place par le gouvernement. C'est dire toute l'importance que l'opposition officielle accorde aux politiques sociales, à la préservation des acquis et à l'amélioration de notre système de santé et de services sociaux.

(22 h 50)

C'est également dans cet esprit d'équité et de justice sociale que fut créé, en 1993, le comité Demers qui a suggéré l'instauration d'un régime universel d'assurance-médicaments. Jamais le gouvernement libéral n'a tenté de récupérer des taxes pour assurer un régime universel d'assurance-médicaments et encore moins le faire sous forme de taxe déguisée. Au contraire, en cette matière, le gouvernement libéral a toujours fait preuve d'équité et de compassion envers les plus démunis, avec la conséquence qu'actuellement 60 % de la population contribue à un régime privée d'assurance-médicaments, alors que 15 à 20 %, qui représentent des personnes âgées et des prestataires de la sécurité du revenu, sont couverts partiellement ou en totalité par l'État.

Dans le cas des personnes de 65 ans et plus, la situation qui prévaut dans le régime actuel leur permet d'obtenir leurs médicaments moyennant 2 $ par prescription pour un maximum de 100 $ par année, montant au-delà duquel toutes les prescriptions sont gratuites. Les prestataires de la sécurité du revenu, pour leur part, voient leurs prescriptions couvertes au complet par le gouvernement. Par ailleurs, pour les personnes atteintes de maladies graves, la circulaire «malades sur pied» leur permet d'obtenir des médicaments très coûteux à un prix minimum de 2 $ par prescription. Par exemple, les personnes atteintes de fibrose kystique peuvent se procurer un médicament qui pourrait leur revenir à 15 000 $ annuellement en déboursant 2 $ par prescription. Comme ce genre de médicament est généralement prescrit sur une base trimestrielle, cela leur revient à 12 $ par année.

Avec le gouvernement Bouchard au pouvoir, c'est le règne de l'improvisation la plus totale et les citoyens n'ont pas fini de payer pour la cacophonie de ce gouvernement. Le régime d'assurance-médicaments que le ministre de la Santé et des Services sociaux tente de nous imposer par voie législative est une conséquence directe du manque de planification du virage ambulatoire. En effet, en vertu de ce nouveau système, les patients qui subissent des opérations chirurgicales sont généralement renvoyés chez eux dans les 24 heures au lieu d'être gardés à l'hôpital pendant trois ou quatre jours, période durant laquelle ils recevaient gratuitement les médicaments avec les soins de santé appropriés. Le maintien à domicile engendre donc de nouveaux besoins en termes de médicaments que les patients se voient obligés d'acheter eux-mêmes. Or, c'est là tout le noeud du problème, car un très grand nombre de personnes n'ont tout simplement pas les moyens financiers ou les assurances nécessaires pour se payer les médicaments dont ils ont grandement besoin. C'est le cas pour 1 200 000 Québécois qui ne sont pas couverts par un régime d'assurance-médicaments. Or, au lieu d'aider les personnes démunies à avoir une plus grande accessibilité aux médicaments, le projet de loi n° 33 impose aux citoyens à bas revenus une taxe régressive qui pourrait coûter jusqu'à 300 000 000 $.

M. le Président, le projet de loi n° 33, loin de répondre aux besoins réels des personnes malades, répond d'abord et avant tout à une logique bureaucratique qui contribue à déshumaniser notre système de santé. Il s'agit en réalité d'une mesure à caractère budgétaire commandée par le ministre d'État aux Finances et qui a été annoncée dans le livre des crédits en mars dernier. C'est une économie de 196 000 000 $ que le gouvernement Bouchard fait sur le dos des Québécois.

De plus, cette mesure pénalise plus particulièrement les aînés et les personnes défavorisées économiquement dans la mesure où le projet de loi réserve le même traitement aux personnes qui gagnent 15 000 $ qu'à celles qui gagnent 150 000 $. Or, force est de constater que les personnes âgées sont justement celles qui consomment le plus de médicaments, soit 800 $ en moyenne par année. C'est pourquoi, M. le Président, je trouve ce projet de loi tout à fait intolérable pour nos aînés, qui ont déjà largement contribué à financer nos programmes sociaux depuis le début des années soixante. Ce sont ces personnes âgées, qui ont fait de grands sacrifices, qui ont été ciblées par le ministre de la Santé et des Services sociaux dans la mesure où le projet de loi n° 33 sur l'assurance-médicaments va leur faire supporter 80 % des coûts du système. M. le Président, comment le gouvernement Bouchard peut-il continuer à appauvrir nos aînés en leur refilant la facture de l'assurance-médicaments après les avoir lourdement pénalisés lors de la présentation du dernier budget où le ministre des Finances leur a enlevé le crédit d'impôt pour personne seule, le crédit de retraite et le crédit pour les personnes de 60 ans et plus?

M. le Président, le Parti libéral du Québec ne s'oppose pas au régime universel d'assurance-médicaments. Nous en avons même fait une promesse électorale lors de la dernière campagne de 1994. Ce à quoi on s'oppose, c'est à un régime de taxe universelle. Ce qu'on dénonce, c'est l'impôt-médicaments, car ce que ce projet de loi n° 33 vise, c'est de récupérer, dès la présente année, 200 000 000 $ sur le dos des contribuables, alors que ce même gouvernement, qui appelle la population à des sacrifices, ne s'est pas gêné durant la période référendaire pour augmenter de 1 % la masse salariale des employés des secteurs public et parapublic. Où sont les priorités de ce gouvernement et comment peut-on justifier moralement de privilégier la clientèle péquiste au détriment des plus démunis de notre société?

En fait, ce que le gouvernement Bouchard tente de faire par le biais de ce projet de loi, c'est de récupérer à tout prix les 200 000 000 $ pour renflouer les coffres de l'État. L'assurance-médicaments n'est donc qu'un prétexte pour arriver à cette fin. C'est ce qui explique le consensus qui s'est dégagé des consultations publiques en commission parlementaire demandant au ministre de la Santé et des Services sociaux de mettre fin à son improvisation et de reporter le projet de loi afin de permettre un calcul juste des coûts réels de la prime d'assurance ainsi que l'établissement d'une liste exacte des médicaments qui seront inscrits sur la liste de la Régie de l'assurance-maladie du Québec. Il s'agit là de problèmes majeurs qui ont été soulevés par plusieurs groupes qui ont participé à ces consultations et qui n'ont pas encore trouvé de réponses satisfaisantes de la part du ministre. Sur ce point précis, M. le Président, les malades atteints de sclérose en plaques sont très inquiets, à juste titre, car le Betaseron ne figure pas sur la liste des médicaments couverts par le régime que nous propose le projet de loi n° 33.

Ainsi, on peut lire, dans Le Devoir du 4 juin dernier, et je cite: «Les porte-parole de la Société canadienne de la sclérose en plaques ont quant à eux fait valoir que le projet de loi risquait de manquer sa cible en privant les personnes souffrant de cette maladie de tout accès à un traitement. De fait, le Conseil consultatif de pharmacologie a recommandé à Québec de ne pas inclure le Betaseron, qui coûte 17 000 $ par an, à la liste des médicaments couverts par la RAMQ. Or, de tous les médicaments existants, c'est le seul qui a un effet sur cette maladie chronique. L'exclure serait illogique, quand on parle d'un régime universel, puisque les personnes les plus malades risquent de se trouver en plus mauvaise posture après qu'avant l'assurance-médicaments, a soutenu Daniel Larouche, porte-parole de la division québécoise de la Société canadienne de la sclérose en plaques.»

(23 heures)

Le Conseil du patronat, pour sa part, a fortement critiqué ce projet de loi, et je cite: «qui risque fort de revenir, en fin de compte, à une étatisation complète du régime. La précipitation avec laquelle le gouvernement entend faire adopter ce projet de loi-cadre semble être motivée par des considérations budgétaires plutôt que par une discussion de fond sur un projet de politique sociale». Fin de citation.

Le Front commun des personnes assistées sociales du Québec a lancé un cri d'alarme au gouvernement en faisant entendre des témoignages émouvants, comme celui de Madone Landry qui a déclaré devant la commission des affaires sociales, et je cite Le Soleil du 4 juin dernier: «Madone souffre d'épilepsie, l'aide sociale la reconnaît "inapte" au travail et lui verse 689 $ par mois. Son fils de 20 ans vit avec elle et son loyer lui coûte 500 $ par mois. Ses médicaments sont gratuits et coûtent 171,69 $ par mois au gouvernement. Avec l'assurance-médicaments, elle devra débourser 100 $ de franchise puis 20 % du coût de ses prescriptions. Jusqu'à 300 $.» Mme Landry, dans son témoignage émouvant, raconte, et je cite: «Mon budget de nourriture est déjà insuffisant à 189 $ par mois, il faut qu'il m'en reste pour le savon à lessive. Je n'ai pas les moyens de payer 50 $ par mois, pendant six mois, pour l'assurance-médicaments. Je devrai recourir davantage aux banques alimentaires et aux vestiaires.» Fin de la citation.

Face au concert de critiques qui ont décrié le projet de loi n° 33, le ministre de la Santé et des Services sociaux s'est dépêché d'annoncer hier, par voie de communiqué de presse, des changements majeurs, notamment en proposant que le 1 200 000 personnes non assurées relèvent de la Régie de l'assurance-maladie du Québec et non des compagnies privées, comme le prévoyait le projet de loi n° 33. Cette façon pour le moins inusité de procéder laisse dans l'ombre un certain nombre de questions auxquelles le ministre refuse de répondre. Par exemple, malgré les nombreuses représentations des personnes à faibles revenus et du Front commun des personnes assistées sociales du Québec, le ministre maintient le niveau de contribution à 200 $ pour les personnes vivant près du seuil de la pauvreté et des prestataires de la sécurité du revenu. Le ministre refuse également d'expliquer comment se fera l'arrimage entre les régimes public et privé en matière d'assurance-médicaments, tout comme il refuse de déposer la liste de médicaments assurés en vertu de ce nouveau régime.

En conclusion, M. le Président, le ministre de la Santé et des Services sociaux, s'il veut vraiment doter le Québec d'un régime universel d'assurance-médicaments, doit refaire ses devoirs, retirer son projet de loi et en présenter un autre qui tienne compte des propositions et critiques des différents organismes consultés et de l'opposition officielle. C'est pourquoi, M. le Président, je voterais contre le projet de loi n° 33 tel que formulé par le ministre de la Santé et des Services sociaux et je continuerai à plaider en faveur d'un véritable régime universel d'assurance-médicaments, un régime d'assurance-médicaments, un régime juste et équitable qui répondra aux besoins des citoyens et non aux exigences froidement bureaucratiques du ministre des Finances. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la députée de La Pinière. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de D'Arcy-McGee. M. le député.

M. Lefebvre: M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le leader adjoint de l'opposition.

M. Lefebvre: Avant que mon collègue ne commence son intervention, j'aimerais que vous constatiez le quorum. On est à peine une dizaine, dont quatre députés libéraux, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vais vérifier rapidement. Nous avons quorum, oui. Alors, M. le député de D'Arcy-McGee.


M. Lawrence S. Bergman

M. Bergman: Merci, M. le Président. Tout comme mes collègues de ce côté-ci de cette Assemblée, je ne pouvais demeurer muet et ne pas dire à mes concitoyens et concitoyennes et à tous ceux qui nous regardent ce que le gouvernement Bouchard s'apprête à faire à la population québécoise en adoptant, dans sa forme actuelle, le projet de loi n° 33, Loi sur l'assurance-médicaments.

En fait, M. le Président, il existe deux projets de loi sur l'assurance-médicaments: celui déposé le 15 mai dernier et le nouveau projet rendu public hier après-midi par voie de communiqué de presse. However, in one case as the other, the Bouchard Government will install a universal medecine insurance regime which has only one object, that is to take new taxes from the pockets of Québec citizens.

Comme pour le projet de loi n° 116, cette pièce législative sent l'improvisation à plein nez, un bref retour en arrière s'impose donc. Déposé le 15 mai dernier, le projet de loi n° 33 a été vite décrié en commission parlementaire, au cours des deux dernières semaines. Un consensus s'est alors dégagé: le ministre de la Santé et des Services sociaux doit refaire ses devoirs. La Fédération des CLSC, le Front commun des personnes assistées sociales du Québec, le Front commun CSN-FTQ-CEQ, la Coalition des aînés, l'association québécoise des droits des retraités, l'Association québécoise des pharmaciens propriétaires, la table des regroupements des organismes communautaires, le Regroupement des assureurs de personnes à charte, et j'en passe, ont joint leur voix pour demander au ministre de retirer son projet de loi n° 33, et ce, jusqu'à ce que toutes les informations qui sous-tendent la mise en place de ce nouveau régime universel aient été rendues publiques et analysées. Hier, le 10 juin, le ministre de la Santé et des Services sociaux annonçait par communiqué des modifications substantielles à son projet de loi et demandait quelques instants plus tard aux parlementaires, qui, eux, ont la responsabilité de respecter leurs concitoyennes et concitoyens, de se prononcer sur celui-ci. De l'improvisation pure! Le prix à payer, c'est avant qu'il faut le connaître et non pas une fois que nous passerons à la caisse.

Until yesterday afternoon, it was total confusion. What are the real costs of the project before us? What amounts of money do our senior citizens and those living on social welfare have to disburse? There still is a great amount of confusion on this project of law.

En raison des nombreuses dénonciations de la part des groupes et n'ayant plus le choix devant cette contestation généralisée, le ministre de la Santé et des Services sociaux a bien voulu nous transmettre quelques précisions, et elles sont de taille. En conséquence, il est essentiel de prendre le temps nécessaire pour examiner et pour analyser leurs impacts sur la population. Avec cette nouvelle improvisation, le ministre de la Santé et des Services sociaux a vite été démasqué. En fait, avec son projet de loi n° 33, le ministre poursuit un seul objectif: récupérer plus de 200 000 000 $ pour les coffres du gouvernement en faisant fi des besoins des personnes âgées et des plus démunis de notre société. Le budget de dépenses du gouvernement Bouchard en est d'ailleurs le reflet. En effet, les crédits budgétaires 1996-1997 déposés en mars dernier présentaient des économies de 196 000 000 $ à ce chapitre, alors que le projet de loi n° 33 n'était pas déposé à cette Assemblée.

(23 h 10)

Je tiens ici à le rappeler, l'opposition officielle a réclamé un régime universel d'assurance-médicaments, et ce, pour annuler les effets pervers du virage ambulatoire imposé par le ministre. Dans une improvisation ayant pour titre «Le virage ambulatoire», le ministre de la Santé et des Services sociaux a rendu nécessaire l'instauration de cette assurance, et je m'explique. En effet, depuis ce virage, les personnes qui étaient auparavant hospitalisées quelques jours pour une intervention chirurgicale sortent maintenant beaucoup plus rapidement de l'hôpital et passent leur convalescence à la maison par le biais du maintien à domicile. Ces hommes et ces femmes se retrouvent alors chez eux sans les médicaments qui leur sont indispensables et qu'ils obtiennent gratuitement lors de leur séjour à l'hôpital.

In my opinion, it is vital that each individual who is sick and suffering has the right to obtain medication to assure the best quality of life for himself or for herself. Or, le virage ambulatoire mis de l'avant par le ministre de la Santé et des Services sociaux fait en sorte que l'on retrouve aujourd'hui des gens malades, des gens qui souffrent qui n'ont pas les ressources financières ou n'ont pas d'assurance pour payer leur médication. Ces personnes doivent donc se faire réhospitaliser d'urgence suite à des complications. De plus – une mauvaise nouvelle n'arrive jamais seule – on apprenait, dans les crédits budgétaires 1996-1997, que le gouvernement coupait de 196 000 000 $ dans le programme de services pharmaceutiques et de médicaments.

All the measures announced in Bill 33 raise, and with reason, the indignation of the partners in the health and social service network. We just have to read the different newspapers or to listen to the various news bulletins to understand the extensive opposition to this Bill among the whole network of health and social services. We must observe that the Bouchard Government and more particularly its Minister of Health and Social Services are not placing the citizens at the heart of their preoccupations.

Since the presentation of this Bill, the less fortunate in our society are worried. They are asking if they will have to choose between eating or paying their insurance premiums. On the other hand, our senior citizens have the impression of a society going back 30 years. Pharmacists worry that this is a disguised state take-over of their commerces. And the sick worry that medication that they need will not be inscribed on the list of medicines covered by this regime. The Government, while talking about equity and social justice, does not cease to take advantage of the less fortunate in our society.

On se rappelle, M. le Président, les coupures sauvages qui ont été appliquées à l'aide de dernier recours suite à l'adoption du projet de loi n° 115, et permettez-moi d'en citer quelques-unes: on a coupé le barème de participation de 30 $; on a aboli le barème de disponibilité; une autre coupure de 50 $ aura exigé que les personnes qui demandent de l'aide sociale n'aient plus un sou en poche, qu'elles soient continuellement diminuées avant de les rendre admissibles à l'aide de dernier recours.

De plus, ce gouvernement s'est désengagé au niveau des soins dentaires et optométriques. Enfin, 24 heures avant la marche des femmes contre la pauvreté, la ministre de la Solidarité a publié une modification réglementaire visant à couper l'allocation-logement qu'elle versait aux familles vivant de l'aide sociale et aux familles travaillant à faibles revenus et qui sont sur le programme APPORT. Rappelons que, sans ce programme, les familles travaillant à faibles revenus seront désavantagées par rapport à celles qui reçoivent de l'aide sociale.

Aujourd'hui, M. le Président, on leur annonce que, dorénavant, elles devront débourser des sommes d'argent pour se procurer des médicaments essentiels à leur santé. Le ministre de la Santé et des Services sociaux a beau nous servir la sérénade que la prime d'une famille monoparentale ne dépassera pas 175 $, que la prime familiale ne dépassera pas 350 $, que la franchise de 100 $ deviendra trimestrielle au coût de 25 $ par trois mois, que le plafond pour les prestataires de la sécurité du revenu a été diminué à 200 $, il n'en reste pas moins qu'il y a des gens qui ont faim au Québec.

Je demande donc au ministre de lire le rapport qui a été déposé, le 5 juin dernier, par l'Ordre professionnel des diététistes et nutritionnistes du Québec. Il a lancé un cri d'alarme à nos dirigeants, parce qu'il s'inquiète sérieusement de l'insécurité alimentaire que vivent les Québécois causée par la pauvreté, la précarité des emplois et l'inégalité sociale. De plus, le rapport mentionne que cette insécurité alimentaire est aggravée par le coût élevé des logements, des médicaments et de l'alimentation. Le ministre de la Santé et des Services sociaux est-il au courant, du haut de sa tour d'ivoire, qu'une personne sur cinq souffre de la pauvreté au Québec et qu'un Montréalais sur trois en est affligé? Alors, quand les plus démunis viennent lui dire en commission parlementaire qu'ils devront se priver de manger pour payer une partie des médicaments, ils n'inventent rien. Le ministre peut-il comprendre que c'est la triste réalité de tous les jours?

Moreover, to justify the sums of money which will be claimed from our seniors, the Minister declared that the financial situation of our senior citizens was not what it was, because our seniors were better off than they were in prior times. Mr. Speaker, this is not the case. Our senior citizens are vulnerable financially. Again, Mr. Speaker, I invite the Minister to read the last report on poverty published by the Conseil national du bien-être social, which shows that, for the second consecutive year, the rate of poverty in Québec beats all records with respect to other provinces. And the report goes on to mention, and I quote: «In past years, Québec has the highest poverty rate among senior citizens living alone.»

Le ministre de la Santé et des Services sociaux devrait donc se documenter avant de faire des déclarations sans fondement. Since coming into power, this Government has given us compassionate speeches, but in fact never has a government in the past attacked the less fortunate in our society with more aggressiveness. This bill has only one purpose for the Government, and that is to save money on the backs of the less fortunate in our society and on the backs of our senior citizens, and I cannot accept this bill. Merci, M. le Président.

(23 h 20)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de D'Arcy-McGee. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Verdun. M. le député.


M. Henri-François Gautrin

M. Gautrin: Merci, M. le Président. Je pense que vous devez vous poser une question. Laquelle? Comment se fait-il que, depuis deux jours, les députés libéraux parlent contre le projet de loi qui porterait théoriquement le titre «Loi pour établir une régie d'assurance-médicaments»? Je vais vous expliquer pourquoi. Je vais vous expliquer pourquoi, M. le Président, parce que le titre n'est vraiment pas correct à ce qu'il y a dans le projet de loi. Le projet de loi, d'après moi, aurait dû s'établir ou s'annoncer comme loi pour retirer les privilèges aux personnes âgées qui actuellement peuvent avoir accès gratuitement aux médicaments, loi pour retirer aux personnes qui sont sur la sécurité du revenu le privilège qu'elles ont actuellement d'avoir accès gratuitement aux médicaments. C'est ça qu'il y a dans le projet de loi. L'effet pratique du projet de loi, c'est de faire en sorte que chacune des personnes qui, aujourd'hui, ont dépassé l'âge de 65 ans et ont le privilège, un privilège durement acquis, de pouvoir avoir accès gratuitement aux médicaments dont elles ont besoin va perdre ce privilège.

Cette loi va avoir aussi pour effet que les personnes qui, actuellement, sont sur ce qu'on appelle communément l'aide sociale vont perdre, si on passe ce projet de loi, le privilège qu'elles ont de pouvoir avoir gratuitement les médicaments dont elles ont besoin. Et je vais vous expliquer, M. le Président, dans un magnifique projet de loi, quels sont les effets pervers – pervers – de ce projet de loi.

Alors, on établit un régime d'assurance universelle où chacun va devoir payer une prime; chaque personne âgée de plus de 18 ans devra payer une prime de 175 $ par année, à moins que son salaire soit inférieur à 14 000 $. Ça va? On comprend ça. On va dire à tout le monde: Vous devez commencer par payer 175 $ par année. Première chose. O.K.

Deuxième chose. Si vous avez besoin de médicaments – parce que, en principe, c'est un régime d'assurance – quel que soit votre statut, si vous avez plus que 65 ans... Votre mère, M. le Président, par exemple, qui peut avoir plus que 65 ans – absolument, je crois, parce qu'on a à peu près le même âge – a actuellement accès gratuitement à ses médicaments. Avec le projet de loi, votre mère – je vais vous le dire, ça serait intéressant que vous lui disiez, M. le Président – votre propre mère va, si elle a un revenu qui est supérieur à 14 000 $, si elle est seule, ou, s'ils vivent encore en couple, vos parents, s'ils ont un revenu de plus de 25 000 $, M. le Président, vont devoir payer annuellement une prime de 175 $. Donc, vous comprenez bien. Aujourd'hui, votre maman ne paie rien pour avoir un accès gratuit à ses médicaments. Demain, M. le Président, si on vote le projet de loi, votre maman devra payer sa prime d'assurance de 175 $.

Maintenant, on va regarder ce qu'il va y avoir comme accès aux médicaments. Actuellement, votre mère, M. le Président, a un accès gratuit aux médicaments. Demain, votre mère devra payer, par trimestre, un déductible de 25 $. Ça veut dire quoi? Ça veut dire que les premiers 25 $ de médicaments qu'elle va consommer, elle devra les payer de sa poche, M. le Président. C'est ça qui est dans le projet de loi. C'est ça qui arrive à votre mère, M. le Président. Et je n'ai pas terminé pour l'histoire avec votre mère. Vous allez voir, ça continue. Ça continue.

Après avoir dû payer dans son trimestre les premiers 25 $ pour ses médicaments, on va dire: Maintenant, elle serait assurée. Alors, votre maman va être assurée, elle va devoir en payer quand même le quart du coût de ce qui ira plus que 25 $ jusqu'à concurrence d'un certain plafond annuel. Alors, je vais vous dire, les plafonds annuels... Si elle touche la pension de vieillesse du Canada sans supplément de revenu garanti, autrement dit si elle a quand même un petit fonds de pension ou quoi que ce soit, le plafond va être à 750 $, M. le Président.

Alors, je reprends réellement votre maman – parce que c'est important de penser à votre maman, à ma maman, à nos mamans. Alors, votre maman, M. le Président, actuellement, ne paie pas un sou pour les médicaments dont elle a besoin. Demain, si on passe le projet de loi, votre maman devra payer 175 $ pour payer les frais de participation, la prime d'assurance. Lorsqu'elle aura payé ce 175 $ par année pour la prime d'assurance, elle devra payer, par année, les premiers 100 $ de médicaments qu'elle consomme. Elle devra les payer.

Et ce n'est pas tout, ce n'est pas tout. En plus, les médicaments qu'elle consommera, en plus de ces 100 $, elle devra en payer, de sa propre poche, M. le Président, 25 %, c'est-à-dire le quart, jusqu'à concurrence de 750 $. Alors, ça veut dire quoi, M. le Président? Vous savez additionner, je sais additionner, je comprends. La prime de 175 $ plus le plafond de 750 $, ça veut dire que votre maman, M. le Président, va devoir payer, payer pour ses médicaments, l'an prochain, si, malheureusement, les parlementaires ministériels, qui ont la majorité, s'obstinent à vouloir passer ce projet de loi, votre maman, M. le Président, devra payer 750 $ plus 175 $. Ça va faire 925 $. On se comprend. Alors, votre maman, actuellement, M. le Président, qui ne paie pas pour les médicaments dont elle a besoin, va, demain, devoir payer 925 $ pour les médicaments dont elle a besoin.

Le ministre me dit, avec justesse: J'ai un plan universel. C'est vrai. C'est vrai que ça va toucher tout le monde, et il y a des gens qui ne sont pas assurés actuellement qui vont être assurés. C'est vrai, il a raison là-dessus. Il a raison. Mais on assure les gens qui consomment peu de médicaments, parce que, normalement, c'est dans la fin de la vie, quand on est plus âgé, qu'on consomme plus de médicaments. Alors, le projet de loi est absolument magnifique... je m'excuse, je ne voudrais pas sombrer dans le... je dirai «magnifique dans son hypocrisie». M. le Président, je ne sais pas si je suis à la limite du parlementarisme, mais je trouve qu'il est magnifique dans son hypocrisie, parce qu'il va assurer les gens dans les couches d'âge où on consomme peu de médicaments et il va faire en sorte que les gens qui consomment beaucoup de médicaments... Parce que, comme vous le savez, plus vous êtes âgé, plus vous avez une propension à être malade, et, plus on a une propension à être malade, plus on consomme de médicaments. Donc, les personnes âgées qui, actuellement, ne paient pas un sou pour leurs frais de médicaments vont, demain, comme je vous l'ai expliqué rapidement, devoir payer 925 $ pour leurs médicaments. Et on essaie de nous faire croire que ce projet de loi est bénéfique pour la population. J'ai rarement vu un – je vais rentrer dans le parlementarisme, M. le Président, pour ne pas utiliser des termes non parlementaires – essayer de nous faire prendre des vessies pour des lanternes. Je pense que c'est dans le parlementarisme de dire ça. C'est réellement, j'ai rarement vu essayer de nous faire croire quelque chose, alors que c'est quelque chose de totalement différent, totalement différent.

On va plaider avec beaucoup de brio, de la part des ministériels, en disant: Voici, nous étendons à toute la population une couverture, une assurance-médicaments. Mais on oublie de dire, et je n'ai jamais entendu ou insisté... des fois, c'est passé avec délicatesse et subtilité... on oublie de dire qu'il y a actuellement des gens dans notre société qui ont un accès gratuit, gratuit, gratuit – c'est important de comprendre – gratuit, gratuit, aux médicaments et qui, demain, vont devoir en payer une somme importante, et que ces gens-là, M. le Président, sont ceux qui ont le plus besoin de consommer des médicaments parce que ce sont des gens qui sont âgés, parce que, lorsqu'on est âgé, on a une plus grande propension à être malade et, lorsqu'on a une propension à être malade, on est amené à devoir consommer plus de médicaments.

(23 h 30)

M. le Président, c'est simple comme tout. Vous avez pensé à votre maman. Vous avez certainement dans votre comté – j'en ai, le député de Viau en a, le député de Gatineau en a, le député de D'Arcy-McGee en a, le député de Shefford en a, les députés ministériels, chacun, en ont – des familles qui sont sur l'aide sociale. Nous avons tous, malheureusement, dans nos comtés des familles qui sont sur l'aide sociale. Alors, le même scénario se reproduit pour ces gens-là, et on ne parle pas nécessairement des gens qui sont à revenus importants. Les gens qui sont sur l'aide sociale, je comprends, M. le Président, trop importants – il y a des barèmes – ils vont payer des primes moins importantes, c'est vrai. En plus de ça, leur plafond va être moins important que le plafond des autres personnes, c'est vrai. Mais la situation, c'est quoi aujourd'hui? C'est que, si vous êtes complètement dans l'aide de dernier recours, si dans l'aide de dernier recours vous avez besoin d'un médicament, parce que vous êtes malade et que vous êtes un bénéficiaire de l'aide sociale, à ce moment-là, vous avez un accès gratuit aux médicaments. C'est ça, la réalité aujourd'hui, M. le Président.

Et qu'est-ce qu'on nous propose dans le projet de loi, qui est un magnifique, soi-disant, projet de loi d'assurance universelle? Les gens qui sont sur l'aide sociale vont aussi être soumis à la franchise de 100 $, à la coassurance du 25 % et le plafond, pour les gens qui seront bénéficiaires de la sécurité du revenu, va être fixé quand même à 200 $. Et pensez donc, M. le Président, on se comprend bien, là, on parle des gens qui sont des bénéficiaires de l'aide sociale, qui ont énormément de difficultés à vivre, comme vous le savez parfaitement, parce que vous en avez dans le comté de Chauveau, comme il y en a dans le comté de Viau, comme il y en a dans le comté de Verdun.

À ce moment-là, ces gens-là, vous allez leur dire: Actuellement, vous avez un accès gratuit aux médicaments, et je vous propose un nouveau régime universel d'assurance qui vous prive de ce droit-là. Je dis bien «qui vous prive de ce droit-là», parce que, demain, si vous êtes malades, si vous avez besoin de médicaments, voici ce que vous allez devoir payer. Voici ce que vous allez devoir payer, et je recommence: la franchise de 100 $, plus une coassurance de 25 %. C'est-à-dire que vous allez finir par payer 200 $ par année pour les médicaments dont vous avez besoin.

Alors, on se résume, M. le Président. On se résume. Les gens qui sont les plus démunis, soit parce que ce sont des personnes âgées, soit parce que ce sont des gens qui sont sur l'aide sociale, qui actuellement... Et c'était un choix de société que nous avions fait collectivement parce que c'étaient soit des gens qui étaient démunis étant sur l'aide sociale, soit des gens qui avaient, parce qu'ils avaient contribué d'une manière importante dans notre société, gagné ce privilège de pouvoir avoir un accès gratuit aux médicaments. Ces gens-là, le projet de loi qui est devant eux leur retire ce privilège. Le projet de loi, essentiellement, fait en sorte, M. le Président, que les honnêtes citoyens qui, actuellement, pouvaient avoir un accès gratuit aux médicaments ne pourront plus avoir cet accès gratuit aux médicaments.

Et faites attention, M. le Président. Faites bien attention de réfléchir à cette question. Ce sont justement les gens qui consomment le plus de médicaments à qui on retire cette gratuité pour l'étendre à l'ensemble de la population. Parce qu'une personne en bonne santé consomme moins de médicaments. C'est bien facile d'assurer des gens en bonne santé; ça ne coûte rien, parce qu'ils ne sont pas malades. Ha, ha, ha! C'est très drôle. Ça me fait rire. Ce n'est pas drôle. On va assurer l'ensemble de la population qui a une plus grande propension à être en bonne santé et on prive, on prive, à l'heure actuelle, on prive, M. le Président, on prive de l'accès gratuit à la médication les personnes qui sont âgées et les personnes qui sont sur l'aide sociale. Voici le projet de loi qui est devant vous.

M. le Président, vous qui êtes un homme sensible, vous qui avez une mère qui a aussi dépassé 65 ans, M. le Président, vous qui avez dans votre comté des personnes qui sont bénéficiaires de l'aide sociale, pouvez-vous réellement vous faire le complice de ce projet de loi qui a pour effet de retirer à ces personnes l'accès gratuit à la médication? Pouvez-vous réellement, en conscience, retirer aux gens qui, actuellement, ont un accès gratuit aux médicaments cet accès gratuit? Pouvez-vous, en conscience, dire aux gens qui ont plus de 65 ans, 70 ans et 75 ans, 80 ans, pouvez-vous, en conscience, leur dire: Même si vos revenus sont faibles, etc., vous allez devoir payer 975 $ par année pour les médicaments dont vous avez besoin?

Pouvez-vous, en conscience, voter pour ce projet de loi? Pouvez-vous, en conscience, M. le Président, faire en sorte que les personnes les plus démunies dans votre comté, les personnes, actuellement, qui vivent sous le seuil de la pauvreté, les personnes qui sont sur l'aide sociale... Pouvez-vous, M. le Président, en votant pour ce projet de loi, leur dire: Vous qui avez, aujourd'hui, un accès gratuit aux médicaments, demain vous allez devoir payer 200 $ pour les médicaments dont vous avez besoin? Vous qui êtes un homme sensible et sensé, est-ce que vous pouvez réellement, M. le Président, être en mesure de voter pour un tel projet de loi?

Je sais que, si c'était votre coeur qui parlait, M. le Président, vous ne voteriez pas pour un tel projet de loi. Je sais aussi qu'il y a des contraintes du Conseil du trésor qui veut récupérer des fonds, mais il y a d'autres manières de récupérer des fonds. Dites-le clairement: On a besoin de couper, on a besoin de récupérer des fonds. C'est clair. Ça arrive. Mais, sous des dehors de générosité, sous des dehors d'assurance collective, sous des dehors de vouloir assurer tout le monde, n'essayez pas de nous faire croire que vous faites du bien à la population lorsque les personnes âgées vont perdre un droit qui a été chèrement acquis, lorsque les personnes qui sont sur l'aide sociale vont perdre un droit, l'accès gratuit aux médicaments, qui leur a été chèrement acquis. C'est injuste, c'est antisocial, c'est inacceptable. Nous allons voter contre. Merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): S'il vous plaît, oui. S'il vous plaît! Nous allons revenir au débat et aux règles de procédure. Je vous remercie, M. le député de Verdun. Vous m'avez posé beaucoup de questions, mais vous savez que je ne peux pas vous répondre en tant que président et que je ne voterai pas non plus. Ha, ha, ha! Est-ce qu'il y a d'autres interventions? Très bien.


Vote reporté

Alors, le vote sur l'adoption du principe du projet de loi n° 33 est reporté à demain, au cours de la période des affaires courantes.

M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Brassard: M. le Président, il y a une entente entre les partis pour que nous adoptions le projet de loi n° 190 qui a été présenté par le député de Viau, qu'il y ait une intervention de sa part et une courte, également, de notre part, pour adoption de principe.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Pouvez-vous m'indiquer l'article, s'il vous plaît, pour que je puisse lire...

M. Brassard: Au feuilleton, mon Dieu, M. le Président, c'est le projet de loi n° 190, l'article 48 du feuilleton.


Projet de loi n° 190


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Brouillet): L'article 48? Très bien. Donc, à l'article 48, le député de Viau propose l'adoption du principe du projet de loi n° 190, Loi modifiant la Loi sur le ministère de la Santé et des Services sociaux. M. le député de Viau, je vous cède la parole.


M. William Cusano

M. Cusano: Merci, M. le Président. Avant de rentrer dans l'explication du projet de loi, j'aimerais indiquer à cette Chambre que c'est grâce à l'intervention de mon collègue, le leader de l'opposition, qui a réussi, finalement, à convaincre le leader parlementaire et le gouvernement de la nécessité, M. le Président, d'adopter ce projet de loi. Et je voulais que tout le monde sache justement que le leader de l'opposition, le député de Brome-Missisquoi, mon collègue depuis plus de 15 ans maintenant, a fait un travail formidable pour, finalement, faire comprendre aux gens qui sont assis à votre gauche, M. le Président, que nous avons ici un projet de loi qui est extrêmement important pour des gens qui sont en attente de don d'organes.

(23 h 40)

M. le Président, le principe de ce projet de loi, c'est principalement de modifier la Loi sur le ministère de la Santé et des Services sociaux pour obliger le ministre, en collaboration avec l'organisme chargé de coordonner au Québec le prélèvement d'organes et de tissus et leur transplantation – c'est-à-dire ce qui est reconnu par le gouvernement comme Québec-Transplant, M. le Président – à élaborer des politiques favorisant le don d'organes. Le projet de loi prévoit que le ministre doit notamment adopter ou faire adopter des règlements pour permettre que soit apposée sur la carte d'assurance-maladie et sur le permis de conduire d'une personne toute indication permettant d'établir qu'elle a consenti au prélèvement sur son corps d'organes ou de tissus à des fins de transplantation.

Mr. Speaker, I simply would like to give the explanatory notes that come with the bill that is before us. The object of this bill is to amend the Act respecting the ministère de la Santé et des Services sociaux to require the Minister to establish policies that encourage organ donation, in collaboration with the organization responsible in Québec for coordinating human organ and tissue removal and transplantation. Under the bill the Minister is required to adopt or see to the adoption – or see to the adoption – of regulations allowing an indication of consent to organ or tissue removal for transplantation purposes to be placed on a person's health-insurance card or driver's permit.

M. le Président, je dois vous avouer que je n'aurais pas présenté ce projet de loi si la Société de l'assurance automobile du Québec avait maintenu sur le permis, sur le nouveau permis de conduire l'indication qui existait auparavant. Vous savez, M. le Président, on avait fait des pas de géant ici, au Québec, justement lorsque, que ce soit la Société de l'assurance automobile du Québec ou que ce soit la Régie de l'assurance-maladie, par règlement interne de chacune des régies, on permettait qu'on puisse indiquer, soit sur le permis de conduire ou sur la carte de santé, justement l'intention d'un donneur potentiel. À ma grande surprise, puis, je crois, à la surprise de tout le monde, au niveau du ministère des Transports, qui est responsable justement de la Société de l'assurance automobile du Québec, on a jugé bon – on a jugé bon de ce côté-là, à votre gauche, M. le Président – on a jugé que ce n'était pas important d'indiquer sur un permis de conduire l'intention...

Une voix: À droite.

M. Cusano: Excusez-moi. Oui, c'est à votre droite. Il est 23 h 45, M. le Président. Je comprends, ils sont un peu à ma gauche, mais ils sont à votre droite.

C'est qu'au niveau de la Société de l'assurance automobile on a décidé que ce n'était plus important de donner des catégories de permis à l'endos. Alors, après avoir examiné la situation, après avoir regardé ce qui se fait ailleurs à travers le Canada et ce qui se fait ailleurs aussi au niveau des États-Unis, oui, c'est vrai qu'avec des permis plastifiés avec des photos il ne faut pas justement, une fois qu'on l'aurait signé, par exemple, si l'indication y était dès le début... Mais, une fois plastifié, si une personne change d'idée, c'est presque impossible de pouvoir y apporter des modifications.

Alors, principalement, M. le Président, ce que ce projet de loi vise, c'est que, premièrement, l'Assemblée nationale dise aux deux régies en question qu'elles ont la responsabilité, soit sur le permis de conduire ou soit sur la carte d'assurance-maladie, ou même éventuellement sur une carte d'assurance-maladie combinée avec un permis de conduire, une espèce de carte d'identité unique, de réserver un espace pour qu'on puisse y indiquer notre consentement sur les dons d'organes.

Alors, M. le Président, une fois qu'on sera rendus en commission parlementaire, ce que j'expliquerai à ce moment-là – puis ça me fait plaisir de l'expliquer présentement, M. le Président – c'est que, comme on le fait dans plusieurs provinces canadiennes et dans plusieurs États, on permette justement l'exclusivité de pouvoir afficher un autocollant sur le permis de conduire ou bien sur la carte-santé, dans les provinces et dans les États où c'est permis. Et c'est tellement facile, ça, M. le Président. Parce que cette étiquette peut être apposée, puis, si la personne change d'idée, elle peut l'enlever très facilement. Alors, on serait dans le respect de la volonté de l'individu en ce qui concerne toute la question des dons d'organes.

Alors, M. le Président, ce projet de loi n'a pas été seulement conçu par moi-même. Je suis seulement un porte-parole au niveau de nombreux organismes, M. le Président, qui travaillent dans ce domaine-là. Et je m'en voudrais de ne pas mentionner, à ce moment-ci, les centaines et les centaines de bénévoles qui, au fil des cinq, 10 dernières années, se sont dévoués à la cause des dons d'organes. On n'a qu'à penser, M. le Président... Puis je souhaiterais que le fameux virage ambulatoire du ministre de la Santé et des Services sociaux ne nous amène pas à une situation où, comme vous le savez, il y a une dizaine d'années, une dénommée Diane Hébert, qui était en nécessité d'une transplantation de poumons, pour ce faire, a été obligée d'aller à Toronto.

La semaine dernière, j'ai soulevé justement le cas d'un jeune de 17 ans qui, à cause de certains problèmes... Je vais y revenir un peu tout à l'heure. Je dois dire que je ne suis pas prêt, personnellement, à blâmer, que ce soit Québec-Transplant, que ce soit l'hôpital Notre-Dame ou qui que ce soit d'autre, comme certaines personnes ont prétendu vouloir les blâmer. Je dois principalement blâmer le fait que le ministre de la Santé et des Services sociaux ne s'occupe pas de la santé de nos concitoyens, M. le Président. Moi, là, j'aimerais bien que le premier ministre nomme un autre ministre. Ça a l'air qu'il fait une bonne job en tant qu'adjoint au président du Conseil du trésor et adjoint au ministre des Finances pour aller chercher des impôts...

M. Brassard: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Brassard: ...il y a une entente pour qu'on adopte le principe de la loi n° 190. On en est pas mal loin, là. On «pourrait-u» revenir au principe?

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, écoutez, il faisait appel à la pertinence; ça fait partie du règlement. Maintenant, il reste à savoir si ça s'applique. Alors, je vous inviterais, M. le député de Viau, s'il vous plaît, à vous en tenir à ce qui est requis pour établir, enfin, le principe du projet de loi que vous voulez présenter présentement. Alors, M. le député de Viau, je vous cède la parole. M. le député de Viau.

M. Paradis: Sur la question de règlement, M. le Président, simplement pour vous rappeler qu'il était en plein dans la pertinence, le député de Viau...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Bien, ça, M. le leader, c'est au président à décider de ça. Quand on fait appel à une question de pertinence, c'est une question de rappel au règlement. Alors, vous n'avez pas à dire que ce n'est pas un rappel au règlement; c'est un rappel au règlement. Pour ce qui est de juger de la pertinence, c'est le président que ça regarde. Alors, M. le député de Viau, vous avez la parole. Je crois que c'est très clair, là, ce que j'ai dit. Alors, M. le député de Viau.

M. Paradis: M. le Président, question de règlement.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Quel article?

M. Paradis: M. le Président, un rappel à la pertinence pour vous spécifier, sur le même article où vous avez reconnu le leader adjoint du gouvernement – en donnant à chaque côté de la Chambre un traitement équitable, comme la présidence l'a toujours fait en cette Chambre – que, lorsque le député s'est exprimé, en aucun moment n'a-t-il dévié de l'objet de son projet de loi.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Ce n'est pas un rappel au règlement, ça. Oui, il a fait un rappel au règlement, à la pertinence des propos. Alors, c'est correct? M. le député de Viau.

M. Cusano: M. le Président, je ne veux pas perdre de temps sur la question de règlement qui a été soulevée. Le principe, comme il est expliqué dans les notes explicatives, c'est que le ministre de la Santé et des Services sociaux, on lui demande d'élaborer des politiques favorisant le don d'organes, M. le Président. J'ai parlé du don d'organes. Lorsque j'ai parlé de Diane Hébert qui est allée à Toronto, M. le Président, c'est une transplantation qu'elle a eue d'organes, des poumons, M. le Président. Je ne vois pas là... Je veux bien me soumettre à votre directive de rester dans le principe du projet de loi, M. le Président, mais je n'ai pas parlé d'oignons, je n'ai pas parlé de tomates, M. le Président; j'ai parlé... Le principe... Dans les notes explicatives que vous avez devant vous, on parle de politique favorisant le don d'organes, M. le Président.

(23 h 50)

Mais je vais continuer, M. le Président, tout simplement pour dire que ce projet de loi donne à des gens justement comme Diane Hébert qui, suite à sa transplantation, est revenue au Québec, puis qui a justement oeuvré... Par l'entremise de la Fondation Diane Hébert, elle a fait un travail énorme pour sensibiliser la population au niveau de l'importance des dons d'organes. Elle a aussi une maison pour héberger des personnes qui sont en attente de dons d'organes. Ils ne sont pas dans les hôpitaux, en attente, M. le Président; ils sont au niveau d'une résidence qui est financée justement par la Fondation Diane Hébert. Ça ne coûte pas un sou au gouvernement, M. le Président, pas un sou.

Adopter ce projet de loi, M. le Président, c'est aussi remercier les centaines et les centaines de bénévoles, entre autres, des personnes qui ne sont pas nécessairement connues, comme un M. Louis Hodess, par exemple, M. le Président, qui fait un travail énorme particulièrement au niveau des personnes qui sont en attente d'une transplantation. Il a passé à travers une transplantation, il sait c'est quoi; alors, il donne une partie de son temps. Puis c'est une personne qui a réintégré son travail presque à 100 %, parce que l'autre partie, M. le Président, c'est du bénévolat qu'elle fait au niveau des personnes qui sont en attente.

M. le Président, ce projet de loi, lorsque j'en ai discuté avec ces gens-là, ils ont dit: Oui, c'est à peu près temps qu'on arrive à ça. Je voudrais remercier aussi... Puis c'est une suite, le projet de loi, au travail énorme qui a été fait par un jeune homme – un jeune homme; moi aussi, je suis un jeune homme, j'ai le coeur très jeune – M. Richard Tremblay, un bonhomme de Sherbrooke, qui a eu, à un certain moment, la vision de fonder, à Sherbrooke, Québec, M. le Président, l'Association canadienne des dons d'organes qui fait le transport des organes ou des tissus, ou des équipes à travers la province. Et, M. Tremblay, il ne fait pas ça tout seul, là, lui; il fait ça avec l'aide de centaines et de centaines... Oui, je suis content que le député de je ne sais pas trop où, là...

Une voix: Johnson.

M. Cusano: ...de Johnson... Oui, il connaît ça? C'est qu'au niveau justement de l'Association canadienne des dons d'organes, avec le leadership justement de Richard Tremblay, des policiers et des pompiers, à travers le Québec, donnent de leur temps – pas lorsqu'ils travaillent, sur leur temps libre, M. le Président – justement pour faire la navette de tissus ou d'organes entre les différents centres ici, au Québec. Le nombre de kilomètres que ces personnes-là ont parcourus au fil des années, M. le Président, c'est incroyable. Et le gouvernement ne débourse pas une cenne, pas une cenne. Il y a les gens qui font le transport justement, puis la Fondation Canadian Tire, les magasins Canadian Tire, qui s'occupe justement de l'achat de véhicules. L'Association canadienne des dons d'organes a réussi à acheter, au fil des ans, une douzaine de voitures, M. le Président, qui font exclusivement le transport de dons d'organes. Et je laisse à votre imagination, M. le Président, 12 voitures à un ministère, avec du personnel, pendant une année, combien ça nous coûterait en tant que société.

Pourtant, ces gens-là le font bénévolement. Et je peux vous dire, moi, que j'ai une grande admiration pour ces personnes-là, parce que, même la veille de Noël ou la veille du jour de l'An, lorsqu'il y a eu besoin de transporter, il n'y a jamais, au fil des 10 dernières années, un bénévole qui a refusé justement de faire le transport de l'organe en question, que ce soit de Québec avec relais à Drummondville pour aller à Sherbrooke ou de Sherbrooke à Drummondville ou à Montréal et vice versa, M. le Président. J'aimerais remercier ces personnes-là. J'aimerais remercier aussi...

Puis ce projet de loi donne une suite aux idées et à la volonté de certaines gens de travailler, qu'on parle justement du Dr Poirier, à Notre-Dame, qui a fait un travail formidable en tant que transplanteur, M. le Président. C'est une technique qui est très avancée. Ce n'est pas tout le monde, ce n'est pas toutes les provinces qui ont des personnes qui travaillent dans le même sens, M. le Président. Ici, au Québec, on peut dire qu'au fil des ans on a vraiment développé une technique de transplantation et on peut en être très fiers, M. le Président, que ce soit des Poirier, que ce soit des Sabourin aussi, au niveau de Montréal, que ce soit ici à Québec, le Dr Doyle, qu'on connaît, qui a fait beaucoup de pressions auprès de notre gouvernement pour justement pouvoir ouvrir un centre de transplantation, ici à Québec, ce que notre gouvernement, lorsqu'on était au pouvoir, a accordé. Il y a eu des transplantations ici, à Québec, M. le Président. Il faut dire que le taux de succès est énorme. Tu sais, c'est des personnes qui se sont dévouées, qui ne regardent pas l'heure, comme nous, peut-être. Je sais qu'il est 23 h 58, M. le Président. Souvent, on ne regarde pas l'heure. C'est ces personnes-là.

Malheureusement, on en perd quelques-uns. On a perdu un bon transplanteur au Québec, quelqu'un natif du Québec, qui avait des talents particuliers, qui a été envoyé en Californie, qui nous est revenu, le Dr Latter, M. le Président, et, à cause des problèmes... Vous savez, il y a des problèmes dans les hôpitaux. Au niveau des transplantations, M. le Président, au niveau de différents hôpitaux, il y a de petits problèmes aussi. M. le Président, j'ai toujours souhaité que le ministre puisse s'en occuper, parce que principalement on sauve des vies.

Deuxièmement, il y a une technique extrêmement spéciale et il y a des effets ou des bénéfices secondaires. Je suis sûr que le ministre de la Santé, étant lui-même docteur, sait fort bien combien de choses nos transplanteurs ont apprises par les transplantations mêmes. Des fois, que ce soit par erreur – ça arrive, M. le Président – ou que ce soit volontiers, ces transplanteurs-là ont appris certaines choses sur toute la question de compatibilité, la question de fonctionnement d'un organe, M. le Président, et ont pu transmettre tout ça à d'autres collègues dans d'autres domaines reliés.

Alors, ce projet de loi est un peu un hommage à ces personnes qui se sont dévouées au fil des ans. Au moment où on se parle, oui, il y a une certaine difficulté parce que, avec les compressions budgétaires, M. le Président, on voit que, dans certains endroits – sans les nommer, M. le Président, le ministre va savoir très bien ce dont je parle – nous avons des experts, mais il n'y a pas assez de salles d'opération. Je ne demande pas non plus qu'il y ait deux ou trois salles d'opération de disponibles. Dans d'autres hôpitaux autorisés comme étant des hôpitaux transplanteurs, il y a des salles d'opération, mais il n'y a pas de transplanteurs. Il n'y a pas de docteurs. C'est ça qui est le problème.

(minuit)

Et ça choque, M. le Président, parce que, vous savez, on connaît tous des personnes qui sont atteintes de certaines maladies et pour qui on ne peut rien faire au moment où on se parle. Que ce soient des personnes qui sont atteintes de certains cancers, M. le Président, il faut l'accepter et dire: Bon, bien, ça va prendre deux, trois mois, puis l'individu, bien, c'est fini. Les personnes qui sont atteintes de maladies, que ce soit le sida ou d'autres, malheureusement, on n'a pas des médicaments, on n'a pas la chirurgie, on ne connaît pas les techniques pour pouvoir éliminer tout ça. Mais, lorsqu'on arrive du côté de la transplantation, M. le Président... Puis la transplantation, aujourd'hui, au Québec, ce n'est pas... c'était peut-être, à un certain moment, une fiction. Vous vous en rappelez lorsque le Dr Barnard avait fait sa première transplantation, je pense que tout le monde ici se rappelle de ce jour-là, Christian Barnard. Ce qui est étonnant, je ne sais pas si vous le savez, M. le Président... Savez-vous que, lorsque Christian Barnard a fait sa première transplantation, pour vous donner une idée où on en est rendu aujourd'hui comparé à ce moment-là, même les groupes sanguins du donneur et du receveur étaient incompatibles? Aujourd'hui, on en «a-tu» appris des affaires, M. le Président?

Puis au Québec, on en a appris des affaires lorsqu'on regarde au niveau de la technique elle-même, M. le Président, extrêmement spécialisée, lorsqu'on voit une personne qui rentre dans une salle d'opération à 2 heures du matin, puis à 14 heures, M. le Président, la personne a été transplantée, puis elle parle par écrit. On a déjà vu ça, M. le Président, comment ça se fait: par écrit, on donne un petit message au médecin qui nous a sauvé la vie, M. le Président. On a cette technique-là, elle existe. On peut être fier du fait que, à Montréal, avec fierté, M. le Président, peut-être qu'il y en a qui vont prétendre autre chose, mais, moi, je prétends que ça a été ici, à Montréal... Toute la question au niveau du protocole des différents médicaments pour combattre le rejet, M. le Président, c'est ici, à Montréal, que ça s'est fait. Il y aura peut-être d'autres personnes qui vont dire que c'est ailleurs, mais, en ce qui me concerne, c'est justement ici, à Montréal, au lieu de se servir d'un médicament particulier, comme la fameuse ciclosporine – puis je vais y revenir un peu plus tard, M. le Président – qu'il y a eu des protocoles où on a pu réaliser, justement, M. le Président, une espèce de balance entre les différents médicaments pour ne pas que les transplantés soient intoxiqués.

Je comprends que le whip en chef, là, a un peu de difficulté. Il est tard, M. le Président, mais, si ça ne l'intéresse pas, il n'a pas besoin de m'écouter non plus. M. le Président, ce que je veux dire, c'est que nous avons, ici au Québec, au fil des ans, développé une technique extrêmement compétente. Nous avons, M. le Président, et j'en suis fier aussi du fait que... Si on regarde les statistiques, savez-vous que, d'un côté, lorsqu'on parle des organes qui sont envoyés à l'extérieur, c'est déplorable lorsqu'on ne peut pas s'en servir ici, mais la compatibilité, M. le Président, ce n'est pas quelque chose que ni vous ni moi ni le ministre pouvons arranger. Question de compatibilité, M. le Président, c'est très complexe.

Et je veux remercier, M. le Président, l'ensemble des Québécois, parce qu'on est une des provinces, M. le Président, où on a le nombre le plus élevé de personnes qui ont soumis des cartes de don d'organes. Si on regarde les statistiques, M. le Président, au niveau du nombre d'organes – puis je m'excuse de l'expression – qu'on exporte à l'extérieur, on envoie plus d'organes en dehors du Québec, que ce soit en Ontario, que ce soit aux États de la Nouvelle-Angleterre. Parce qu'il faut qu'ils soient dans un certain rayon, M. le Président. Vous savez, ils ont seulement quatre heures, une fois que l'organe est prélevé, pour implanter; quatre heures, c'est le grand maximum, O.K. Alors, on ne peut pas l'envoyer au Japon, là, on s'en tient à un périmètre. Alors, le Québec, nous avons une volonté de la part de la population. Justement, ce qu'il fait, ce projet de loi, c'est de faciliter aux personnes qui ont cette volonté-là, M. le Président, de pouvoir bien l'exprimer.

En terminant M. le Président, en terminant, tout simplement dire que l'adoption de ce projet de loi, en soi, M. le Président, n'aidera pas toute la cause des dons d'organes. Il faut que le ministre s'assure justement que l'article 204.1 de la loi de santé et services sociaux, qui dit que le directeur des services professionnels dans un hôpital doit établir un mécanisme, selon le Code civil du Québec, M. le Président, d'identifier un donneur potentiel... Il faut que le ministre s'assure, M. le Président, que cet article-là est appliqué à travers tous les hôpitaux du Québec. Parce que, veux veux pas, les gens deviennent cadavériques... aujourd'hui, M. le Président, dans un hôpital, alors, c'est important que les mécanismes, à travers nos hôpitaux de la province de Québec, M. le Président, puissent identifier des donneurs potentiels.

Alors, le projet de loi a pour but de faciliter à un donneur de s'identifier. Le ministre, en appliquant, justement, l'article 204.1 de la loi sur la santé et les services sociaux, M. le Président, le ministre, de son côté, peut s'assurer que ces donneurs potentiels soient bien identifiés et que, troisièmement, ce projet de loi, M. le Président, sans les ressources et l'aide financière requises au niveau, justement, des hôpitaux pour pouvoir faire de la transplantation, M. le Président... si les trois ne sont pas appliqués, M. le Président, on n'arrivera à rien. Alors, c'est ça, le but du projet de loi, c'est simplement de faciliter.

Aussi, je me permets de demander au ministre de s'assurer que l'article 204.1 soit appliqué, puis ça ne prend pas grand-chose, M. le Président, c'est juste une directive qui doit être émise, justement, au niveau de son ministère, qui est envoyée à tous les directeurs des services de santé au niveau de chacun des hôpitaux, et, troisièmement, que les chicanes entre différents hôpitaux, c'est des chicanes entre différents hôpitaux, qu'ils prennent le temps de s'asseoir avec ces gens-là puis de dire: Écoutez, on va régler ça une fois pour toutes.

Alors, c'est ça, M. le Président. Je vous remercie. Il est 0 h 5, j'aurais préféré en parler dans une autre situation, mais, M. le Président, je suis quand même fier d'en avoir parlé à 0 h 5, parce que ça démontre, en fin de compte, qu'un transplanté, M. le Président, il n'est pas gêné de travailler, même s'il est minuit...

Une voix: Il est dur à...

M. Cusano: Oui, il est dur à tuer, M. le Président. Même s'il est 0 h 5, on ne se gêne pas de travailler. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Viau. Y a-t-il d'autres interventions? M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Brassard: Oui, M. le Président, tout simplement pour dire que le gouvernement et les ministériels sont d'accord avec le principe du projet de loi n° 190, nous sommes disposés à l'adopter.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, le principe du projet de loi n° 190 est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.


Renvoi à la commission des affaires sociales

M. Brassard: Je voudrais faire motion pour déférer le projet de loi n° 190 à la commission des affaires sociales pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Cette motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Brassard: Je vous prierais, M. le Président, d'appeler l'article 8.


Projet de loi n° 38


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 8, M. le ministre des Transports propose l'adoption du principe du projet de loi n° 38, Loi instituant le Fonds de conservation et d'amélioration du réseau routier. Y a-t-il des interventions?

M. Brassard: Oui.

(0 h 10)

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le ministre des Transports.


M. Jacques Brassard

M. Brassard: M. le Président, oui, j'ai quand même quelques remarques à faire, très brèves, sur ce projet de loi qui concerne le réseau routier. C'est une mesure qui, comme vous le savez, a été annoncée à l'occasion du discours sur le budget. Ce projet de loi a pour objet la création d'un fonds spécifique, d'un fonds qu'on a l'habitude d'appeler «dédié», d'un fonds affecté à une fin particulière qui est celle de prévoir les investissements en ce qui a trait à l'amélioration et à la réfection du réseau routier. Vous savez que le réseau routier constitue un patrimoine important dans l'économie québécoise. On l'évalue à plus de 30 000 000 000 $. Ce n'est pas peu de chose. C'est donc un patrimoine collectif d'une importance considérable. Et il a un certain âge, pourrait-on dire, ce réseau routier, il a été mis en place, particulièrement le système autoroutier, il y a maintenant plusieurs années, dans les années soixante, soixante-dix plus particulièrement. Et, par conséquent, il est de plus en plus requis, nécessaire de voir à sa restauration et à sa remise en état, donc de prévoir et de planifier des investissements pour ce faire.

Les compressions budgétaires, je l'ai déjà maintes fois indiqué en commission parlementaire, particulièrement lors de l'étude des crédits, évidemment créent un problème ou une situation qui font en sorte que nous sommes contraints de réduire le niveau des investissements dans le réseau routier. Cette situation, cependant, ne peut pas perdurer. Je l'ai aussi indiqué. Il faudra prévoir, dans les années qui viennent, un rehaussement, une augmentation du niveau des ressources consacrées au réseau routier, sinon le réseau risque de se dégrader et de se détériorer gravement.

C'est à cette fin que nous créons un fonds spécifique pour la conservation et l'amélioration du réseau routier; un fonds de conservation et d'amélioration du réseau routier. Il sera alimenté, pour cette année, par voie d'emprunt que le ministre des Finances va contracter, en y ajoutant cependant, et ce n'est quand même pas marginal, un 75 000 000 $ de plus que ce qui était prévu au livre des crédits en matière d'investissement routier, ce qui va permettre d'augmenter le niveau des investissements de façon plus acceptable et plus convenable.

Cependant, il faudra prévoir, pour les années futures – et c'est aussi évoqué dans le discours sur le budget – que l'on s'assure que ce fonds spécifique de conservation et d'amélioration du réseau routier soit alimenté par des sources de financement appropriées et suffisantes pour permettre justement de consacrer les ressources nécessaires à l'amélioration et à la réfection du réseau routier. C'est à cette tâche que nous nous occuperons au cours de l'année qui vient.

Donc, dans un premier temps, nous créons le fonds et, dans un deuxième temps, ça viendra à partir de l'an prochain, nous prévoirons un plan d'investissement dans le réseau routier pour un certain nombre d'années – je pense que la durée de cinq ans semble la plus pertinente, donc un plan quinquennal d'investissement – et, en même temps, prévoir les modes de financement, les sources de financement pour alimenter ce fonds de façon, je dirais, à avoir sous la main, à avoir à sa disposition, à avoir disponibles les ressources requises nécessaires pour maintenir en bon état le réseau routier, puis assurer aussi un certain développement.

Je pourrais évidemment entrer dans les détails concernant le fonctionnement, le mode de gestion du fonds. Je pense qu'on pourra y revenir en commission parlementaire, ce sera sans doute le lieu le plus approprié pour ce faire. Je dirais, cependant, que ça correspond à une attente de la population et aussi des divers intervenants qui s'intéressent à l'avenir et à la qualité du réseau routier au Québec. J'ai pu le constater à maintes reprises, la population, très majoritairement, est disposée à appliquer ce qu'on appelle le principe de l'utilisateur-payeur, de l'usager-payeur, en matière d'investissements routiers, sous diverses formes qu'il s'agira de déterminer, à la condition, cependant – et ça, c'est essentiel – qu'ils aient la garantie, que les citoyens et les citoyennes aient la garantie que ce qu'ils vont donner en termes de financement, peu importe la forme que ça va prendre, mais que leur contribution soit pleinement utilisée pour investir dans le réseau routier, et ça, c'est capital. Et le moyen pour faire en sorte qu'on leur assure que l'argent qu'ils vont débourser, que leur contribution financière va être entièrement et totalement consacrée à des investissements dans le réseau routier, le moyen, c'est de créer un fonds spécial, un fonds distinct du fonds consolidé, et de prévoir des modes de financement de ce fonds. Alors, à partir de ce moment-là, je pense que cette garantie qui est exigée par la population va être présente, apparaître de façon très nette et, ainsi, l'acceptabilité sociale sera d'un niveau suffisant pour mettre en oeuvre divers modes de financement pour alimenter le Fonds de conservation et d'amélioration du réseau routier.

Alors, donc, je conclus là-dessus. Je n'en dis pas plus. Je pense qu'on entrera dans les détails à l'occasion de l'étude détaillée. Mais, très concrètement et pour résumer, dans les années qui viennent, il faudra augmenter de façon substantielle le niveau de ressources consacrées au réseau routier. Pour ce faire, il faudra appliquer le principe de l'utilisateur-payeur qui devra contribuer, par divers modes, sous diverses formes, aux investissements que l'on fera dans le réseau routier. Pour s'assurer que le principe de l'utilisateur-payeur s'applique bien, pour donner à la population la garantie, la certitude que sa contribution, entièrement et totalement, ira dans les investissements sur le réseau routier, la façon, le véhicule que le gouvernement a choisi, qui était d'ailleurs réclamé par bien des intervenants, c'est la création d'un fonds spécifique de conservation et d'amélioration du réseau routier. Cette création d'un fonds, c'est l'objet du projet de loi n° 38 que je demande à l'Assemblée nationale d'adopter. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Merci, M. le ministre des Transports. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Pontiac. M. le député.


M. Robert Middlemiss

M. Middlemiss: Oui. Merci, M. le Président. Oui, nous sommes réunis dans cette Assemblée pour débattre le principe du projet de loi n° 38. C'est une loi, comme le disait le ministre, M. le Président, instituant le Fonds de conservation et d'amélioration du réseau routier.

D'entrée de jeu, j'estime important de rappeler que cette pièce législative découle du discours du budget du 9 mai dernier. Donc, l'établissement de ce fonds est loin d'être passé inaperçu, M. le Président, parce que, parmi les commentaires qu'on pouvait lire dès le lendemain du budget: «Un nouveau fonds spécial permettra de faire maintenant des travaux que l'on paiera plus tard. Parmi les points faibles du budget, la disparition, du budget des dépenses, d'une somme de 246 000 000 $ consacrée à l'entretien des routes. Le gouvernement ne passe aux dépenses que l'amortissement...» Donc, M. le Président, on vient de se faire un coussin de 246 000 000 $ sur le déficit prévu pour l'année qui vient.

(0 h 20)

Mais ce qu'il faut comprendre dans tout ça, c'est que le gouvernement Bouchard s'est rendu compte, M. le Président, qu'il avait effectué des coupures à l'aveuglette dans les crédits budgétaires du ministère des Transports au chapitre de la conservation, de l'amélioration et du développement du réseau routier québécois. Donc, voulant réparer les pots cassés, et ce, afin d'assurer la sécurité des usagers et la pérennité de notre réseau routier, on annonce la création d'un fonds de conservation et d'amélioration du réseau routier doté d'une enveloppe supplémentaire de 75 000 000 $.

On se rappellera, M. le Président, que lors du dépôt des crédits on avait constaté un trou de 121 000 000 $ dans les investissements sur le réseau routier 1996-1997 comparé à l'an passé. Pourtant, M. le Président... Et je vois le président du Conseil du trésor qui est ici, qui nous avait promis en commission parlementaire qu'avec une enveloppe fermée il n'y aurait plus de crédits périmés. Pourtant, on a réussi, l'an passé, à périmer 20 700 000 $. Donc, si on avait dépensé... Des enveloppes fermées, le principe, c'est de dire: On peut toutes les dépenser, on ne fera pas comme les autres. Mais, malheureusement, encore une fois, on a périmé avec des enveloppes fermées.

Donc, ces coupures se traduiront certainement par une piètre qualité de la chaussée ainsi que par un frein à l'expansion du réseau. Lorsqu'on voit, M. le Président, que dans toutes les régions du Québec... Une chose, je pense, qu'il faut considérer: que le réseau routier, c'est un investissement, ce n'est pas une dépense. Et en même temps, lorsqu'on parle de vouloir créer de l'emploi, surtout en région, lorsqu'on sait que les retombées dans l'exécution des travaux routiers représentent de 75 % à 80 %, de retombées immédiatement dans les régions... Donc, pendant qu'on tente de vouloir créer des emplois, on coupe dans les budgets de transport.

C'est triste, M. le Président, qu'on ait mis 75 000 000 $; on aurait eu besoin de plus que ça. Mais c'est la façon dont on l'a fait. Le ministre disait tantôt: On va être obligé, dans les années à venir, d'avoir un fonds spécial pour s'assurer de faire l'investissement du 450 000 000 $. Et, en même temps qu'on va être obligé de faire ça, on va être obligé de payer ce fonds-là qui va être dépendant de quel genre de travaux on va faire. Ça peut être sur une période de cinq ans, sur une période de 10 ans ou une période de 15 ans qu'on va payer pour ces travaux-là. Donc, on pave aujourd'hui et on paye demain. C'est de payer un peu l'épicerie à long terme.

M. le Président, la chose qui me préoccupe aussi, puis on l'a indiqué au ministre, c'est qu'il faut faire attention de ne pas négliger le réseau routier. De ne pas le négliger, parce qu'on l'a vécue, l'expérience. De 1976 à 1985, le réseau routier a été négligé et nous avons été obligés, entre 1985 et 1994, de prendre les bouchées doubles. On avait réussi à rendre le réseau routier... Seulement 24 % du réseau routier qui n'était pas en bonne condition, il était à 31 %. Donc, on est encore partis sur la même tangente. Si on ne fait pas attention, notre réseau routier va être encore en désordre.

Et, quand j'entends le ministre parler de l'utilisateur-payeur, ça dépend qui décide que l'utilisateur va payer. Et je vais vous donner comme exemple, M. le Président: on parlait de la Garde côtière qui décide que maintenant on va utiliser le principe de l'utilisateur-payeur. Celui qui doit déglacer, il va payer pour le déglaçage. Mais, avec raison, les industries du Québec qui utilisent le fleuve Saint-Laurent pour faire le transport ont dit: Regardez une seconde, là. Si on veut demeurer compétitifs, il va falloir que quelqu'un d'autre nous aide à payer. Pas seulement l'utilisateur-payeur. Et c'est là où on doit décider d'un système de péréquation.

Mais il faudrait faire attention, là, avec le péage sur les routes ou la façon dont on va vouloir charger, parce qu'on a des camionneurs, on a des camionneurs qui vont être obligés de compétitionner avec d'autres compagnies de camionnage. Si on dit qu'on va charger un péage, il me semble qu'eux aussi ils vont peut-être demander qu'on trouve un genre de péréquation pour leur permettre d'être compétitifs.

Donc, M. le Président... puis je veux le dire au ministre immédiatement. Oui, le travail va se faire certainement au niveau de la commission parlementaire. Mais, vu qu'on vient d'ajouter ce 75 000 000 $, et c'est important... Les travaux qu'on va faire, ça va être des travaux qui sont absolument nécessaires, des travaux pour la sécurité, et on va vouloir savoir avant, M. le Président, où on va dépenser et dans quel genre de travaux le 75 000 000 $ va être dépensé. Et je dois vous dire que, fort probablement, cette décision-là est déjà prise, parce que, si on veut réellement réussir à investir et faire des dépenses cette année, il faudrait bien que ces projets-là soient déjà prêts, prêts pour aller en soumissions, sans ça, M. le Président, on va finir encore avec d'autres crédits périmés, dans une enveloppe qui est censée être une enveloppe fermée.

Et ce qui m'inquiète un peu, M. le Président, c'est que je lisais dans Le Nouvelliste du 29 mai dernier que le député de Saint-Maurice a laissé entendre que d'autres beaux projets seront bientôt annoncés, puisque le gouvernement vient de débloquer plus de 75 000 000 $ pour le ministère des Transports. Il considère comme acquis les travaux d'installation de feux de circulation à l'intersection de l'avenue de la Station et de la côte la Baie, et tout ça va être prêt, M. le Président, le 24 juin. Et, sans dévoiler les projets futurs, il a indiqué que les chantiers de la Cité de l'énergie et du Parc des Chutes commandent l'amélioration des facilités d'accès. J'ai pu lire aussi, M. le Président, que le député de Johnson avait déjà indiqué qu'il y aurait un 6 000 000 $ dans la région de l'Estrie.

Donc, M. le Président, le principe n'est pas accepté, le projet de loi n'est pas adopté et, déjà, on entend dire qu'ici et là... Donc, M. le Président, ça va être certainement important de savoir exactement où s'en va ce 75 000 000 $. C'est parce que le ministre nous disait: Bien, tu sais, il faut faire nos sacrifices, nous autres aussi, au ministère des Transports, puis ce ne sera pas une tragédie cosmique qu'on réduise les budgets. Sauf que, M. le Président, si on ajoute 75 000 000 $, il va falloir que ce soit un 75 000 000 $ qui est bien placé. Quand je vois que le ministre nous dit que c'est important de dépenser des sous sur des routes parce qu'on s'est engagé, durant la campagne électorale... Je ne sais pas si c'est une campagne électorale au niveau provincial ou fédéral. Je me souviens qu'au niveau de la campagne fédérale, la partielle dans Lac-Saint-Jean, à l'automne, il avait été question que l'autoroute Alma–La Baie serait quelque chose... Donc, M. le Président, lorsqu'on doit prioriser, il me semble qu'il faudrait certainement s'occuper, dans un premier temps, des projets de sécurité, des projets aussi pour répondre aux critiques du Vérificateur général, des projets dont on a fait le coût-bénéfice. C'est ça, M. le Président.

Donc, oui, M. le Président, nous sommes d'accord à ce qu'on fasse plus d'investissements sur le réseau routier pour conserver notre patrimoine, pour ne pas être obligé de dépenser encore comme nous avons été obligés de le faire de 1985 à 1994, parce que le réseau routier avait été négligé pendant le terme de ce gouvernement, le gouvernement du Parti québécois, de 1976 à 1985.

(0 h 30)

Donc, oui, M. le Président, nous sommes prêts à coopérer, mais j'avertis immédiatement le ministre qu'on va vouloir avoir en détail où on dépense ce 75 000 000 $, de cette façon-là... Mais je déplore toutefois, M. le Président, qu'on ait décidé de... deux choses qu'on a faites, tu sais, c'est que la fin justifie les moyens. On va être obligés de payer le 75 000 000 $ pendant nombre d'années, M. le Président. Et le problème, c'est qu'en même temps qu'on va être obligés de prendre les bouchées doubles, parce qu'on va l'avoir négligé... parce que, même à ça, le 75 000 000 $ est encore en bas des besoins. Il est bien en bas des besoins, M. le Président. À ce moment-là, on vient d'utiliser une façon, eux qui nous ont accusés, nous autres, M. le Président, d'avoir payé... C'est ça qu'on fait, on est en train de payer l'épicerie! On va être obligés de prendre les bouchées doubles pour ronner le réseau routier, on va être obligés de payer pour les dépenses qu'on va faire cette année et peut-être l'an prochain, M. le Président. Quel genre de gestion c'est ça, M. le Président?

Donc, oui, il faut protéger notre réseau routier, mais la fin... Même si je suis d'accord avec la fin – oui, il faut s'occuper du réseau routier – les moyens, M. le Président, je ne suis pas totalement d'accord avec les moyens qu'on a pris. On aura certainement l'occasion de tout revoir ces choses-là en commission parlementaire. Je vous remercie, M. le Président.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Pontiac. Y a-t-il d'autres intervenants? Alors, le principe du projet de loi n° 38, Loi instituant le Fonds de conservation et d'amélioration du réseau routier, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.


Renvoi à la commission de l'aménagement et des équipements

M. Brassard: M. le Président, je voudrais faire motion pour déférer le projet de loi n° 38 à la commission de l'aménagement et des équipements pour étude détaillée.

M. Jolivet: Bravo!

Le Vice-Président (M. Brouillet): Cette motion est-elle adoptée?

M. Jolivet: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Brassard: Je vous demanderais, M. le Président, d'appeler l'article 11 du feuilleton.


Projet de loi n° 128


Reprise du débat sur l'adoption du principe

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 11, l'Assemblée reprend le débat ajourné le 10 juin dernier sur l'adoption du principe du projet de loi n° 128, Loi modifiant la Loi concernant les conditions de travail dans le secteur public et le secteur municipal.

Une voix: Adopté sur division.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors...

M. Middlemiss: Oui, adopté sur division.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Comme ça, on ne reprend pas le débat, là. Alors, très bien.


Mise aux voix

Donc, le principe du projet de loi n° 128 est-il adopté?

Une voix: Adopté.

Une voix: Sur division.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté sur division. M. le leader adjoint du gouvernement.


Renvoi à la commission du budget et de l'administration

M. Brassard: M. le Président, je voudrais faire motion pour déférer le projet de loi à la commission du budget et de l'administration pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Cette motion est-elle adoptée?

M. Jolivet: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Brassard: Et maintenant je fais motion pour que nous ajournions nos travaux à aujourd'hui, 12 juin 1996, à 10 heures.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, cette motion est adoptée?

Une voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. Nous ajournons nos travaux à ce matin, 10 heures.

(Fin de la séance à 0 h 33)


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