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Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le vendredi 6 décembre 1996 - Vol. 35 N° 64

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Table des matières

Présence du consul général de la République française à Québec, M. Dominique Boché

Affaires courantes

Affaires du jour


Journal des débats


(Dix heures six minutes)

Le Président: Mmes, MM. les députés, nous allons d'abord nous recueillir quelques instants.

Très bien. Si vous voulez vous asseoir.


Présence du consul général de la République française à Québec, M. Dominique Boché

Pour débuter, j'ai le grand plaisir de souligner la présence, dans les tribunes, du nouveau consul général de la République française à Québec, M. Dominique Boché.


Affaires courantes

Aux affaires courantes, d'abord déclarations ministérielles.


Présentation de projets de loi

Présentation de projets de loi. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, je vous demanderais de prendre en considération l'article a de notre feuilleton.


Projet de loi n° 82

Le Président: À l'article a du feuilleton, M. le ministre des Affaires municipales présente le projet de loi n° 82, Loi reportant l'élection générale de 1996 à la Ville de La Baie. M. le ministre des Affaires municipales.


M. Rémy Trudel

M. Trudel: M. le Président, ce projet de loi reporte de un an la tenue de l'élection générale, qui devait se tenir le 3 novembre 1996, à la ville de La Baie. Il apporte aussi des modifications de concordance rendues nécessaires par le report de cette élection.


Mise aux voix

Le Président: L'Assemblée accepte-t-elle d'être saisie de ce projet de loi? Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: L'article b de notre feuilleton.


Projet de loi n° 83

Le Président: À l'article b du feuilleton, M. le ministre des Affaires municipales présente le projet de loi n° 83, Loi modifiant la Loi sur les cités et villes, le Code municipal du Québec et d'autres dispositions législatives. M. le ministre des Affaires municipales.


M. Rémy Trudel

M. Trudel: M. le Président, ce projet de loi modifie diverses dispositions des lois municipales afin de simplifier certaines procédures, d'accorder de nouveaux pouvoirs et de supprimer des dispositions désuètes.

Ainsi, de façon à simplifier la procédure référendaire, le projet de loi apporte des changements aux règles relatives à cette procédure, notamment quant aux délais à l'intérieur desquels certains actes doivent être faits. Il simplifie également la procédure de publication de certains avis ou règlements.

En ce qui concerne l'octroi de nouveaux pouvoirs, le projet de loi modifie notamment la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités afin d'autoriser les municipalités à faire l'essai de nouveaux mécanismes de votation. Il habilite les municipalités et les communautés urbaines à conclure une entente en matière d'inspection des aliments avec le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation et une autre municipalité. Il accorde aussi aux municipalités le pouvoir d'adopter un programme de revitalisation à l'égard de quartiers existants et les autorise à détenir des parts dans un fonds commun de placement conjointement avec des organismes municipaux et supramunicipaux. Il permet également aux municipalités de céder ou louer leur expertise ou des données concernant leurs territoires ainsi que d'acquérir, d'aménager et d'entretenir des ports.

Le projet de loi modifie aussi la Loi sur la Société d'habitation du Québec afin de permettre à la Société, dans le cadre d'un programme qu'elle met en oeuvre, d'habiliter les municipalités à élaborer un programme complémentaire au programme de la Société d'habitation du Québec.

En outre, le projet de loi modifie certaines dispositions de la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme relatives à la consultation des personnes habiles à voter et sur les règlements municipaux d'urbanisme.

Par ailleurs, le projet de loi instaure finalement une allocation de dépenses pour les membres des conseils des villages nordiques et du conseil de l'Administration régional Kativik et apporte des ajustements à la rémunération du président de l'Administration régionale Kativik.

Enfin, M. le Président, le projet de loi abroge deux autres lois devenues désuètes.


Mise aux voix

Le Président: Est-ce que l'Assemblée accepte d'être saisie de ce projet de loi? Adopté.

(10 h 10)

Au dépôt de documents.


Dépôt de rapports de commissions

Dépôt de rapports de commissions. M. le président de la commission de l'économie et du travail et député de Laurier-Dorion.


Consultations particulières sur le projet de loi n° 50

M. Sirros: Merci, M. le Président. J'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission de l'économie et du travail qui a siégé les 3, 4 et 5 décembre 1996 afin de procéder à des consultations particulières et de tenir des audiences publiques sur le projet de loi n° 50, Loi sur la Régie de l'énergie.

Le Président: Alors, ce rapport est déposé. Au nom de la présidente de la commission de l'aménagement et des équipements, Mme la députée de Jean-Talon.


Étude détaillée du projet de loi n° 72

Mme Delisle: Merci, M. le Président. Alors, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission de l'aménagement et des équipements qui a siégé le 4 décembre 1996 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 72, Loi modifiant les lois constitutives des communautés urbaines et d'autres dispositions législatives. La commission a adopté le projet de loi avec des amendements.

Le Président: Alors, merci. Ce rapport est déposé.

Dépôt de pétitions.

Il n'y a pas d'interventions aujourd'hui portant sur une violation de droit ou de privilège.


Questions et réponses orales

Et nous en arrivons immédiatement à la période des questions et des réponses orales. M. le chef de l'opposition officielle.


Perspectives de création d'emplois

M. Johnson: Oui, M. le Président. Comme tout le monde, je viens de prendre connaissance des statistiques de l'emploi au Québec, et, pour être constant comme il l'est depuis janvier 1996, depuis le début de l'année, le gouvernement a présidé à la perte d'emplois de nombreux Québécois, au rythme de 200 emplois par jour. C'est un rythme qui ne se dément pas depuis que le premier ministre, député de Jonquière, est en poste; 200 emplois par jour sont perdus au Québec. C'est la seule constance du gouvernement, avec celle de taxer.

Il est évident qu'il peut y avoir toutes sortes d'explications, et j'aimerais les explications du gouvernement. Les explications que je suggère sont celles dont on entend parler dans tous les rapports de presse, toutes les rencontres qu'on fait partout au Québec. L'option même du gouvernement, selon les responsables, par exemple, de Prévost Car, il y a quelques heures, l'option constitutionnelle du gouvernement nuit à l'emploi. D'après un sondage de la Chambre de commerce du Québec, un projet d'investissement sur quatre ne se réalise pas en raison de l'incertitude politique qui résulte de l'option du gouvernement, des chicanes linguistiques sur la loi 86 que le premier ministre a rouvertes pour finalement adopter la loi que nous avions mise de l'avant il y a plusieurs années. Pourquoi ne pas avoir fait l'économie d'une chicane et se pencher sur l'économie et la création d'emplois?

M. le Président, en terminant, on le sait, le recours à la fiscalité, à des taxes, au fardeau fiscal, aux tarifs, aux frais additionnels, il y en a pour des centaines et des centaines de millions de dollars qui ont été annoncés, et, si on comprend le budget Campeau, le budget du député de Crémazie, il y en a pour 2 000 000 000 $ depuis que le gouvernement est en place. Je demande à un porte-parole du gouvernement, ce matin, de nous indiquer où sont les politiques d'emploi. À quand les politiques pour l'emploi? Quand allons-nous arrêter de dormir sur la switch? Pourquoi le gouvernement semble-t-il avoir lancé la serviette? Et qu'est-ce qu'il attend pour se réveiller, pour s'occuper des Québécois qui veulent travailler?

Des voix: Bravo!

Le Président: Mme la ministre d'État de l'Emploi et de la Solidarité.

Mme Harel: Alors, merci, M. le Président. Ce matin, les statistiques de Statistique Canada nous révèlent au Canada, en Ontario et au Québec un recul modeste, mais recul réel en matière d'emploi. Et, en écoutant le chef de l'opposition, je me disais que, si cette situation est aussi inqualifiable que celle qu'il décrit, elle est quand même meilleure que celle qui prévalait en novembre 1993, au moment où il annonçait qu'il se portait candidat comme premier ministre: 74 000 emplois de plus au Québec en novembre 1996 comparativement à novembre 1993. C'est 74 000 emplois de plus.

Dois-je rappeler que, durant l'année référendaire au Québec, au moment où siègent les commissions sur l'avenir du Québec et au moment où le déclenchement du référendum devrait nous amener cette période d'incertitude exacerbée dont parle le chef de l'opposition, bien, durant l'année référendaire, nous avons enregistré 48 000 nouveaux emplois au Québec, c'est-à-dire 42 % de tous les nouveaux emplois créés au Canada?

Des voix: Bravo!

Mme Harel: Puis-je rappeler, M. le Président, que la situation de l'emploi s'est détériorée depuis que le non a été enregistré au Québec?

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.

M. Johnson: Renversé, comme tout le monde, de voir que la ministre de l'Emploi est celle, M. le Président, qui, hier...

Le Président: M. le chef de l'opposition. Parce que...

M. Johnson: N'êtes-vous pas renversé comme moi, M. le Président, de voir les commentaires de la ministre de l'Emploi dont la dernière réalisation est la mise sur pied de structures qui ralentissent la création d'emplois, pas plus tard qu'hier, et qui aujourd'hui vient nous dire que la situation dans laquelle vivent des centaines de milliers de Québécois, c'est à cause de l'exercice de la démocratie? Quel mépris pour la démocratie!

Des voix: Bravo!

Le Président: Mme la ministre.

Mme Harel: Alors, M. le Président, dois-je rappeler que la même situation sévit en Ontario et au Canada? Alors, pourquoi est-ce que le chef de l'opposition essaie systématiquement, là, de mettre sur le dos d'une option démocratique comme celle de la souveraineté la situation économique que l'on vit présentement? Depuis trois ans, depuis qu'il était aux affaires de l'État, nous comptons 78 000 nouvelles personnes dans la population active. La réalité, là, qui est incontournable, c'est que la croissance économique réelle... Je pourrais vous donner des chiffres sur les livraisons manufacturières, les ventes au détail, les exportations. Ce sont là des chiffres qui, tous, n'est-ce pas, sont dans la colonne des plus. Exportations, augmentation, 4,2 %; livraisons manufacturières, 2,3 %; ventes au détail, hausse de 1,5 %. On le sait particulièrement dans le marché de la vente de maisons dans la région de Montréal.

Cependant, ce qu'il faut reconnaître, c'est que, présentement, la croissance de l'économie n'est plus synonyme de la croissance de l'emploi. Et la croissance de l'économie, M. le Président, se fait avec les défis de la mondialisation dans les nouvelles technologies, en particulier. Il y a de la productivité, mais cette productivité n'est plus synonyme de croissance de l'emploi, et la croissance de l'emploi, il va falloir s'en occuper autrement qu'avec les structures que nous avons présentement. Oui, il faut réorganiser complètement notre façon de livrer de l'aide à l'emploi, pour la bonne raison que nous dépensons deux fois plus que la moyenne des pays industrialisés membres de l'OCDE et que nous avons les résultats que nous connaissons ce matin.

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.

M. Johnson: Est-ce qu'un quelconque membre du gouvernement, qui est en train d'applaudir la perte de 6 000 emplois, encore, au mois de novembre, pourrait être conscient du fait que le chiffre qui compte, c'est qu'il y a 60 000 Québécois de moins qui travaillent, depuis que le député de Jonquière a été assermenté, et que c'est ça, la réalité? Il y a 200 pertes d'emplois par jour, à tous les jours, sept jours par semaine, quatre semaines par mois, 365 jours par année, depuis que le gouvernement est là. Est-ce qu'il y a le début du commencement d'une politique de création d'emplois ou est-ce que vous êtes assis ou bien sur vos mains ou alors les deux doigts dans le nez?

Le Président: Mme la ministre d'État de l'Emploi et de la Solidarité.

(10 h 20)

Mme Harel: Alors, M. le Président, le chef de l'opposition doit reconnaître que, depuis janvier cette année, il y a 11 000 nouveaux emplois au Québec. Vous allez me dire: C'est modeste. Mais qu'il arrête de prétendre, comme il le fait maintenant, qu'on est en perte systématique: il y a 11 000 nouveaux emplois. Et je voudrais rappeler que, oui, il y a des façons de faire puis on doit s'en inspirer, parce qu'il y a des pays qui ont les mêmes défis que nous, qui réussissent mieux que nous. Et je voudrais rappeler, dans les recommandations du Forum de l'emploi, recommandations que nous avons l'intention d'appliquer, je voudrais rappeler cette référence aux études sur l'emploi menées dans les 25 pays industrialisés membres de l'OCDE, qui rappelle que, pour être efficaces, des services publics d'emploi doivent intégrer les services de placements, le versement des prestations, l'accès à des mesures actives. Et le Forum de l'emploi ajoutait que l'existence de plusieurs réseaux de services au Québec ne facilite certainement pas cet objectif.

Alors, M. le Président, nous allons mettre bon ordre là-dedans, et j'espère que l'opposition ne va pas paralyser les efforts que nous allons faire.

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.

M. Johnson: Maintenant qu'on sait que la ministre de l'Emploi est en charge de créer des structures pour l'emploi, maintenant qu'on sait ça...

Le Président: En complémentaire, M. le chef de l'opposition.

M. Johnson: Oui, M. le Président. Maintenant qu'on sait...

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.

M. Johnson: Oui, M. le Président. Maintenant qu'on sait que la ministre de l'Emploi est en charge de créer des structures qui créent des emplois dans les structures, d'abord, est-ce qu'elle pourrait nous ficher la paix avec ça, arrêter de nous énerver puis de nous impatienter et est-ce qu'on pourrait se retourner vers quelqu'un d'autre? Est-ce que, par exemple, la ministre déléguée à l'Industrie et au Commerce – Industrie et Commerce, ça «peut-u» être assez clair puis concret, là? – a, elle, le début du commencement d'une politique économique pour créer des emplois à Montréal, dans les régions, partout au Québec et dans tous les secteurs? Elle est en charge de ça. Est-ce qu'elle peut nous expliquer ce qu'elle fait avec ça?

Le Président: Mme la ministre.

Mme Harel: M. le Président...

Le Président: Mme la ministre.

Mme Harel: M. le Président, le chef de l'opposition parle de structures. C'est lui qui parle de structures; nous, on parle de services, on parle de coup de pouce, M. le Président, et ce dont on parle, c'est d'un réseau décentralisé de services d'emplois accessibles à toutes les personnes, qu'elles soient en chômage, en emploi, prestataires ou non de l'aide sociale, sans étiquette, qu'elles aient, en définitive, besoin d'un coup de pouce et qu'elles puissent le trouver. C'est de ça qu'on parle, M. le Président, en signalant notamment que c'est la première fois depuis 1989 que le nombre de chômeurs aptes au travail à l'aide sociale a diminué.

M. le Président, il y a aussi des bonnes nouvelles dans notre société et il serait souhaitable que le chef de l'opposition ne s'accroche pas systématiquement tout le temps à ne parler que de ce qui ne va pas sans jamais pouvoir secouer ce qu'il crée comme sentiment de morosité.

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.

M. Johnson: Est-ce que la ministre ou sa collègue de l'Industrie et du Commerce qui demeure étrangement silencieuse et discrète dans tout ça malgré les fonctions qu'elle occupe... Est-ce qu'on pourrait savoir de la ministre...

Le Président: Sur une question de règlement, M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui, M. le Président. À partir du...

Le Président: M. le leader du gouvernement, sur une question de règlement.

M. Bélanger: Oui. M. le Président. Le chef de l'opposition sait très bien que, à partir du moment où une question est posée au gouvernement, c'est au gouvernement de déterminer qui répond à la question. Il n'a pas de commentaires à donner relativement à qui doit répondre à la question. Et peut-il faire un débat sans attaquer les gens?

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.

M. Johnson: En faisant remarquer que j'ai adressé ma question à l'une ou l'autre des ministres, ce qui a échappé au leader du gouvernement, est-ce que la ministre de l'Emploi ou la ministre de l'Industrie et du Commerce – ai-je dit et répétai-je, afin de bien s'assurer qu'il y a quelqu'un qui est en charge de quelque chose là-dedans, on va finir par le découvrir, autre que des structures – pourrait nous donner une bonne nouvelle pour les 60 000 personnes qui n'ont pas de job? Est-ce que la ministre pourrait arrêter de faire du jovialisme avec ses structures et faire du réalisme un peu en matière d'emploi, et s'adresser aux problèmes de l'emploi pour corriger les raisons pour lesquelles il n'y a pas d'emplois au Québec et qui tiennent à l'inaction et au manque d'imagination du gouvernement?

Le Président: Mme la ministre de l'Emploi et de la Solidarité.

Mme Harel: Alors, des bonnes nouvelles, M. le Président, il y en a. Effectivement, plusieurs indicateurs montrent des signes de redressement. J'ai déjà parlé des exportations qui ont augmenté, des livraisons manufacturières. Les bas taux d'intérêt sont aussi très encourageants. Il faut voir l'impact que ça a eu dans les transactions immobilières, en particulier durant le mois de novembre.

Mais il y a aussi des bonnes nouvelles. Je pense, en particulier, aux Carrefours jeunesse-emploi, aux 46 Carrefours jeunesse-emploi, qui couvrent 71 circonscriptions au Québec, et je comprends qu'il y a là, oui, une ressource importante dont bénéficient non seulement les comtés ministériels, mais aussi les comtés de l'opposition; une ressource importante pour permettre à des jeunes, indépendamment de leur étiquette, indépendamment de leur statut, d'aller chercher le parcours qu'il leur faut pour ne plus être des itinérants de programmes, comme ils étaient auparavant.

Le Président: En principale, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.

Mme Frulla: En complémentaire, M. le Président.

Le Président: En complémentaire, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.

Mme Frulla: On cherche les bonnes nouvelles, à Montréal. Est-ce que quelqu'un peut me répondre, en l'absence du ministre de la Métropole, dans le dossier? Comment se fait-il alors, si tout va bien, que, selon StatCan, ce matin, le taux de chômage sur l'île de Montréal a augmenté, par rapport à pareille date l'an dernier, de 2,7 % pour atteindre un chiffre record de 14,9 %, avec une diminution au niveau des investissements étrangers dans la région de Montréal de 4,9 %? Il y a 131 000 chômeurs à Montréal qui attendent la réponse, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Président: Mme la ministre d'État de l'Emploi et de la Solidarité.

Mme Harel: M. le Président, la situation qui prévaut sur l'île de Montréal est inquiétante. Il faut comprendre que le développement de l'emploi se fait essentiellement dans la couronne métropolitaine et qu'à chaque jour c'est 400 000 personnes qui traversent les ponts pour occuper des emplois sur l'île de Montréal. Et je comprends qu'il y a une situation particulière sur l'île de Montréal. Je pense en particulier à la réalité des personnes sans emploi qui demandent de l'aide sociale et qui, sur l'île de Montréal, pour 42 % d'entre elles, sont d'origine immigrante. Il y a un défi très important à relever sur l'île de Montréal et dans la ville de Montréal en particulier, où se retrouvent 87 % des nouveaux arrivants, un défi très, très particulier d'intégration à l'emploi de personnes qui souvent, M. le Président, ont des obstacles plus importants à franchir, n'est-ce pas, avant de pouvoir les occuper.

Mais il y a des signes d'espoir. Je pense en particulier à ce bilan qui a été fait, la semaine passée, avec 102 entreprises d'insertion qui, à Montréal, ont pu bénéficier du Fonds d'aide à l'innovation et qui ont développé de l'entrepreneurship communautaire. Oui, M. le Président, il faut mettre à contribution les milieux locaux, il faut mettre à contribution les partenaires locaux, y compris ceux des communautés immigrantes. Je pense en particulier à la communauté haïtienne, à Saint-Michel, ou à la communauté italienne, à Rivière-des-Prairies, ou à la communauté chinoise, dans le quartier de Saint-Louis. Il faut les mettre à contribution, et c'est ce que le gouvernement entend faire avec la réforme, notamment, de la sécurité sociale qui s'en vient.

Des voix: Bravo!

Le Président: En complémentaire, M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: Oui, M. le Président. Ma question s'adresse à quelqu'un qui pourrait être préoccupé par la création d'emplois dans ce gouvernement-là: Est-ce que quelqu'un au gouvernement a vraiment pris connaissance des données de Statistique Canada, depuis l'arrivée au pouvoir du nouveau gouvernement du PQ, du gouvernement Bouchard, données qui indiquent qu'au Québec...

Le Président: M. le député de Laporte, vous connaissez les règles de notre Assemblée. Alors, je vous demanderais d'identifier les membres de l'Assemblée par leur nom de comté. Merci.

M. Bourbeau: Oui, M. le Président. Depuis l'arrivée du gouvernement du député de Jonquière, est-ce que quelqu'un a pris connaissance des données de Statistique Canada qui indiquent que, depuis cette date, il s'est perdu, au Québec, 60 000 emplois, qu'il s'en est créé 86 000 en Ontario, qu'il s'en est créé 185 000 au Canada? Et enfin, est-ce qu'on ne peut pas en conclure que, finalement, c'est l'option du PQ qui tue l'emploi?

(10 h 30)

Des voix: Bravo!

Le Président: Mme la ministre.

Mme Harel: Alors, M. le Président, j'ai ici les informations qui sont communiquées à partir de l'estimation des principaux indicateurs de la population active et des variations, par rapport aux mois précédents et au cours des 11 premiers mois de l'année 1996, donc depuis l'arrivée du premier ministre Bouchard, donc au cours des 11 premiers mois de l'année, les gains d'emplois...

Le Président: Alors, Mme la ministre, je pense que vous avez compris. Mme la ministre.

Mme Harel: Alors, je me reprends, M. le Président. Au cours des 11 premiers mois de l'année, depuis l'arrivée, donc, du nouveau premier ministre, les gains d'emplois, par rapport aux mois correspondants de l'année passée, ont été de 11 000 nouveaux emplois.

Le Président: En principale, M. le député des Îles-de-la-Madeleine.


Négociations entourant la réouverture de l'usine de transformation de poisson de Newport, en Gaspésie

M. Farrah: Oui, M. le Président. Le dossier de l'usine des pêches de Newport fait encore la manchette avec une lettre incendiaire que Mme Beauchamp, présidente du comité de relance de l'usine de Newport, a publiée hier. Et j'en cite quelques extraits. Mme Beauchamp, au nom des employés de l'usine, dit ceci: «Plusieurs points ne sont pas clairs, et personne dans ce gouvernement ne peut m'éclairer sur ces points. Deux officiels de ce gouvernement, M. Hubert Thibault et M. André Marcil, ont répondu à mes questions par des balivernes et des banalités qui frôlaient le mensonge», dit Mme Beauchamp. Est-ce que l'attitude du premier ministre déteint sur ses conseillers? Un peu plus loin...

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Il est clair que le député des Îles-de-la-Madeleine, M. le Président, par son intervention, impute des motifs indignes au premier ministre, par association. C'est tout à fait contraire à notre règlement, M. le Président.

Le Président: M. le député des Îles-de-la-Madeleine, je pense que, dans le cas qui vient d'être soulevé, effectivement, le leader du gouvernement a raison. Je vous demande de formuler votre question en vous en tenant, finalement, au propos qui est l'essentiel de votre argumentation.

M. Farrah: M. le Président, alors je relis un extrait de la lettre: «Plusieurs points ne sont pas clairs et personne, dans ce gouvernement, ne peut m'éclairer sur ces points. Deux officiels de ce gouvernement, M. Hubert Thibault et M. André Marcil, ont répondu à mes questions par des balivernes et des banalités qui frôlaient le mensonge.» Un peu plus loin, Mme Beauchamp dit ceci: «La population de Newport refuse de se prêter à ces manigances et refuse d'être traitée de façon si irrespectueuse.»

Ma question au ministre des Pêches: Qu'entend répondre le ministre des Pêches aux gens de Newport, qui sont tannés, tannés de ces tergiversations? On cache la vérité. Qu'on donne donc l'heure juste aux gens de Newport une fois pour toutes, M. le Président.

Le Président: M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

M. Julien: Dans le dossier de Newport, toutes les ententes sont faites. On est strictement aux négociations juridiques dans les transferts d'actifs; c'est là que nous en sommes. Donc, le dossier, au niveau du contenu de l'entente, il est réglé, et c'est strictement une question juridique de passation d'actifs créanciers MAPAQ ainsi que SOQUIA. C'est tout. Donc, c'est réglé. Je connais bien Mme Beauchamp et je sais qu'elle sait beaucoup de choses. Elle mêle aussi beaucoup de choses, hein. Alors, moi, je vous dis que le dossier, c'est là qu'il est rendu, point.

Le Président: En complémentaire, M. le député.

M. Farrah: Le ministre, M. le Président, est-il conscient qu'il est irrespectueux à l'égard de Mme Beauchamp? Puis, si elle est mélangée, ce n'est pas à cause d'elle, mais c'est à cause du ministre, qui mélange les gens de Newport, M. le Président.

Le Président: M. le ministre.

M. Julien: M. le Président, ça fait plusieurs fois que je le mentionne, je m'aperçois que mon collègue des Îles, il n'a pas encore compris: les usines qu'on a réglées, c'est eux autres qui les ont fermées, tabarouette! On «va-tu» arrêter d'en parler? On en a réglé deux, il reste celle-là à régler. C'est des questions juridiques, ça fait que je pense que mon collègue le député des Îles devrait savoir qu'on les règle, les dossiers, puis ils sont réglés.

M. Farrah: J'espère, M. le Président, que le ministre sera plus honnête...

Le Président: En complémentaire, M. le député des Îles-de-la-Madeleine. En complémentaire de façon réglementaire.

M. Farrah: Oui, M. le Président. Est-ce que le ministre peut être plus honnête à l'égard des gens de Newport qu'il l'a été à l'égard des agriculteurs lors du congrès de l'UPA?

Le Président: Je pense que la façon dont la question a été formulée était évidemment non parlementaire, parce que, là, on s'adresse directement à la conduite d'un membre de l'Assemblée. Le président, M. le leader de l'opposition officielle, a la responsabilité d'apprécier. Alors, à ce moment-ci, je pense que l'appréciation, c'est que vous devez formuler votre question vraiment d'une façon différente.

M. Farrah: M. le Président, ceci étant dit, je sollicite le consentement de la Chambre pour déposer la lettre de Mme Beauchamp, qui est très, très claire, une lettre qui en dit long, M. le Président, sur l'attitude de ce gouvernement.


Document déposé

Le Président: Alors, il y a consentement pour le dépôt de la lettre. M. le député de Frontenac, en principale.

M. Lefebvre: Oui, M. le Président...

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui. À partir du moment qu'il y a eu une intervention de la part d'un membre de l'opposition, à ce moment-là, il y a un droit de réponse de la part du ministre relativement à l'intervention qui a été faite, M. le Président.

Le Président: Ce qui est la règle que j'ai déjà indiquée, c'est qu'il ne peut pas y avoir, à la période de questions, de dépôt, même avec consentement, si ce n'est pas accompagné d'une question. Je comprends que le dépôt était, d'une certaine façon, la question que posait le député des Îles-de-la-Madeleine. Je n'ai pas vu le ministre vouloir répondre, mais, s'il veut le faire, je pense qu'il a effectivement le droit de réplique. Alors, M. le ministre.

M. Julien: Je pense qu'il y a un élément que je veux rajouter. Quand on a pris le pouvoir, on nous a laissés dans le trou de 6 000 000 000 $, puis on a fermé les usines, ce n'est pas compliqué. Là, on est en train de régler notre déficit puis, en plus, on relance les usines. Newport, elle va être relancée.

Le Président: M. le député de Frontenac, en principale.


Relocalisation des employés de la MIL Davie mis à pied

M. Lefebvre: M. le Président, parmi les 200 travailleurs qui, quotidiennement, malheureusement, perdent leur emploi au Québec, il y a 2 200 ouvriers de la MIL Davie. Il y a deux ans, M. le Président, il y avait, sur les chantiers de la MIL Davie, 2 500 ouvriers. D'ici juin qui vient, il en restera à peine 300.

M. le Président, est-ce que la ministre de l'Industrie et du Commerce a des nouvelles concrètes, précises, rassurantes et encourageantes pour les 2 200 travailleurs qui ne sont plus, malheureusement, M. le Président, des travailleurs mais des chômeurs?

Le Président: Mme la ministre d'État de l'Emploi et de la Solidarité.

Mme Harel: Alors, M. le Président, des nouvelles concrètes, nous en avons. D'ailleurs, aujourd'hui même, mon cabinet a eu l'occasion de rencontrer les porte-parole des travailleurs pour mettre au point un programme qui va s'adresser particulièrement à ceux des travailleurs qui n'ont pas été réembauchés dans la transformation de l'usine. Et je comprends que ce matin... D'ailleurs, les porte-parole des travailleurs se disent très satisfaits de la collaboration obtenue des deux niveaux de gouvernement. Nous allons travailler étroitement, un certain nombre de ministères ainsi que des ministères fédéraux, pour nous assurer que ce programme qui est déjà mis en place, là, donne des résultats et soit très efficace, M. le Président.

Le Président: M. le député.

M. Lefebvre: M. le Président, ma question: Est-ce que la ministre de l'aide sociale à toutes fins pratiques comprend que ce n'est pas à elle que j'adressais la question, mais plutôt à la ministre qui est là pour...

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, j'ai expliqué tout à l'heure que, à partir du moment où une question est posée, elle peut être adressée à un ministre ou à un autre, mais c'est au gouvernement de déterminer qui va répondre à la question. Il n'y a pas de commentaires à avoir là-dessus, M. le Président.

Le Président: Le gouvernement a le droit de choisir qui répond, mais l'opposition, elle, a le droit de poser les questions comme elle le veut, je pense, par ailleurs.

M. Lefebvre: M. le Président...

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Premièrement, dans le préambule qui a été posé ou dans la question qui a été posée, on donnait un autre titre à la ministre et on portait un jugement relativement à savoir qui répondait à la question, et on n'a pas à faire ça, M. le Président.

Le Président: En complémentaire, M. le député.

(10 h 40)

M. Lefebvre: M. le Président, est-ce que je pourrais savoir de Mme la ministre de l'Industrie et du Commerce si elle a l'intention de dire à sa collègue, qui est la ministre de la Sécurité du revenu, de l'aide sociale: Laissez-moi le dossier, je vais rencontrer, moi, les travailleurs de la MIL Davie et la direction de la MIL Davie pour établir un plan de création d'emplois pour permettre à ces 2 200 travailleurs d'avoir des jobs, des emplois et de payer de l'impôt plutôt que de recevoir de l'aide sociale?

Une voix: Au lieu de considérer sa clientèle.

Le Président: Mme la ministre.

Mme Harel: M. le Président, en arrivant aux affaires, si le présent gouvernement avait laissé aller les choses comme nous les avait laissées l'opposition, ce serait 1 200 emplois de moins, puisque c'est grâce à la conversion et grâce, finalement, au maintien de ces emplois dans un chantier industriel, en sachant que les chantiers industriels avaient été abandonnés par le gouvernement précédent...

Alors, on compte 1 000 à 1 200 travailleurs qui peuvent être réembauchés et qui sont assurés d'une job garantie. Pour les autres, le message ce matin du président du syndicat lui-même, c'est: Ne désespérez pas, et le message fait état d'un programme d'embauche pour inciter des employeurs à embaucher ces ex-travailleurs du chantier, qui ont des qualifications sans avoir le papier, en versant une partie du salaire.

Déjà, nous sommes à mettre au point avec le gouvernement fédéral ce programme et nous pensons que les travailleurs vont pouvoir en profiter, M. le Président.

Le Président: En complémentaire, M. le député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Farrah: Est-ce que la ministre déléguée à l'Industrie et au Commerce est consciente que par son inaction elle transfère toute sa clientèle des travailleurs à la ministre de l'Emploi, qui, elle, s'occupe de l'aide sociale?

Une voix: Bien oui.

Des voix: Bravo!

Le Président: Mme la ministre déléguée à l'Industrie et au Commerce.

Mme Dionne-Marsolais: Merci, M. le Président. D'abord, j'aimerais apporter une petite précision. La ministre qui a répondu aux questions, c'est la ministre de l'Emploi, à qui s'adressent ces questions de transferts de candidats qui étaient employés vers d'autres programmes de formation. Alors, je pense que la personne qui a répondu est la bonne personne, M. le Président.

Une voix: Voilà.

Une voix: Bravo!

Le Président: M. le député de Rivière-du-Loup, en principale.


Possibilité d'une hausse de 1 % de la TVQ

M. Dumont: Oui. Merci, M. le Président. On se retrouve aujourd'hui un an, jour pour jour, après le discours qu'avait prononcé l'actuel premier ministre à la Chambre de commerce de Laval, où il avait exprimé les idées de son plan de match en matière de création d'emplois. Sa recette, c'était: moins de réglementation; un environnement propice pour la création d'emplois; la réduction des structures, de la taille du gouvernement; et pas de hausses de taxes et d'impôts.

Au fil de l'année, allant de compromis en compromission avec son parti ou avec les autres alliés de son parti, on se retrouve dans une situation où le Parti québécois a augmenté la réglementation; détérioré le climat d'investissement avec les chicanes sur la langue et un référendum qu'on nous annonce encore devancé; on n'a éliminé aucune structure gouvernementale, au contraire; et – le pire élément – au niveau des taxes, on a à peu près, depuis quelques semaines, à toutes les semaines, des mauvaises nouvelles à annoncer, des hausses de taxes.

Le résultat est là, M. le Président, le plan de match du premier ministre est abandonné, et les pertes d'emplois à chaque mois s'ensuivent. Tout le monde en parle ce matin encore des 6 000 emplois perdus de plus.

Ma question au président du Conseil du trésor: Dans le même discours où le premier ministre faisait allusion à une solution de dernier recours, qui était la hausse de la taxe de vente du Québec de 1 %, est-ce que le dernier recours qui était mentionné, donc, dans ce discours, a été envisagé pour sortir de l'impasse avec les employés du secteur public? Est-ce que ce n'est pas comme ça qu'on a réussi à les garder à la table, en répondant à leur principale demande, qui était d'augmenter le fardeau fiscal des Québécois et des Québécoises?

Le Président: M. le président du Conseil du trésor.

M. Léonard: M. le Président, en ce qui concerne les objectifs du gouvernement relativement à la situation financière, ils ont été atteints en 1995-1996 et ils seront atteints en 1996-1997 quant au déficit. Nous maintenons nos objectifs.

Par ailleurs, je comprends qu'à la fin de sa question le député de Rivière-du-Loup a fait référence à la rencontre d'hier soir, à Montréal. Je dirai simplement que tous, au Québec, je pense, l'opposition avec nous, souhaitent une solution négociée et que la réunion qu'il y a eu hier a été assez utile pour que les représentants des syndicats, des centrales syndicales, fassent rapport à leurs instances et nous répondent lundi. Et, M. le Président, comme tout le monde le sait, dans des négociations qui pourraient s'amorcer, la discrétion est une règle d'or, et je la suivrai.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le député de Rivière-du-Loup.

M. Dumont: Outre la discrétion quant au contenu des négociations, est-ce que le président du Conseil du trésor, après 630 000 000 $ de nouvelles taxes dans le dernier budget, 300 000 000 $ avec l'assurance-médicaments, 525 000 000 $...

Le Président: Je pense qu'il va falloir que tous ceux qui ont à poser des questions à l'Assemblée se rappellent les règles au niveau des questions complémentaires, sinon on va se retrouver avec un dérapage qui risque d'être dangereux. Les questions complémentaires, c'est des questions qui se formulent clairement et directement.

M. Dumont: En espérant que la règle va s'appliquer pour tout le monde.

Le Président: C'est ça.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Dumont: Est-ce que le président du Conseil du trésor peut nous donner la garantie formelle, nous assurer que l'augmentation de la taxe de vente du Québec de 1 % n'a jamais été abordée à la table, hier soir?

Le Président: M. le président du Conseil du trésor.

M. Léonard: M. le Président, j'ai le goût simplement de redire ma réponse de tout à l'heure. Je dirai que nous devons souhaiter, tous ici, d'un côté et de l'autre de la Chambre, qu'il n'y ait pas de commentaires sur la réunion qui ait été faite hier pour ne pas gêner en quoi que ce soit l'ouverture possible de négociations.

Le Président: M. le député.

M. Dumont: Au moins, M. le Président, est-ce que la ministre déléguée à l'Industrie et au Commerce vérifie l'impact sur l'emploi de chacune des...

Le Président: La question, M. le député. La question.

M. Dumont: Je demande, M. le Président, est-ce que la ministre...

Le Président: Écoutez, le bruit de fond qu'on entend ne permet même pas au président d'entendre le député de Rivière-du-Loup. Alors, M. le député de Rivière-du-Loup, de façon réglementaire, s'il vous plaît.

M. Dumont: Oui, tout à fait. Est-ce que la ministre déléguée à l'Industrie et au Commerce vérifie l'impact sur l'emploi de chacune des hausses de taxes? Est-ce qu'elle a vérifié sur l'industrie de la construction, par exemple, l'impact des hausses de taxes qui s'en viennent? Est-ce qu'elle assiste comme spectatrice aux pertes d'emplois que cause son gouvernement ou est-ce qu'elle vérifie qu'à chaque hausse de taxes il y a des pertes d'emplois dans le commerce et l'industrie qui en découlent?

Le Président: M. le président du Conseil du trésor.

M. Léonard: M. le Président, je vois que... J'entends bien la question du député de Rivière-du-Loup, mais je ne vois pas où il a vu une hausse de taxes. Je ne vois pas.

Le Président: En principale, M. le député de Jacques-Cartier.


Maintien des emplois à la compagnie aérienne Inter-Canadien

M. Kelley: Merci, M. le Président. Les compagnies aériennes Canadian et son partenaire Inter-Canadien sont des employeurs majeurs au Québec. Environ 1 500 personnes travaillent chez Canadian dans toutes les régions du Québec. Déjà, les provinces d'Alberta et de la Colombie-Britannique ont indiqué leurs intentions de mettre en place des mesures de soutien à cette compagnie.

Ma question s'adresse au ministre du Travail: Quelle démarche a-t-il déjà pris pour défendre les emplois de 1 500 Québécois et Québécoises?

Le Président: M. le ministre du Travail.

M. Rioux: M. le Président, la question soulevée par le député n'est pas rattachée au ministère du Travail. Ce serait plutôt rattaché au ministère de l'Industrie et du Commerce.

Des voix: Ha, ha, ha!

(10 h 50)

Le Président: Je voudrais... Il y a l'article 32 du règlement, qui est l'article qui concerne spécifiquement le décorum à l'Assemblée. Je pense qu'à ce moment-ci je voudrais inciter les membres de l'Assemblée à lire l'article 32 et à s'y conformer, parce qu'à ce moment-ci je ne suis pas certain que l'Assemblée nationale se comporte comme elle devrait se comporter. Alors, monsieur... Qui répond? M. le ministre du Travail.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Rioux: M. le Président, les compagnies aériennes comme Inter-Canadien, évidemment, les transporteurs de cette nature-là, ça relève du Code canadien du travail, donc ce n'est pas la responsabilité du ministre du Travail, et il n'y a pas de demandes qui ont été faites au Québec.

M. Kelley: Mais, étant donné que les autres provinces ont déjà...

Le Président: M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: Est-ce que le ministre peut indiquer quelle démarche il entend prendre, étant donné que les autres provinces ont déjà pris les mesures pour aider cette compagnie? Qu'est-ce qu'il va faire pour éviter une autre perte d'emplois massive au Québec?

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le ministre du Travail.

M. Rioux: J'aimerais donner au député la réponse que j'ai faite l'autre jour à Mont-Joli lorsque des travailleurs et des travailleuses d'Inter-Canadien sont venus me voir. Je leur ai dit que je me faisais un devoir de rencontrer le ministre québécois des Transports pour discuter avec lui s'il était possible d'avoir des mesures précises pour venir en aide à cette entreprise-là si c'est possible de le faire. Il n'y a pas de demandes.

Le Président: M. le ministre des Transports.

M. Brassard: Oui, M. le Président. Bien, pas plus tard qu'hier, je rencontrais les membres de l'association des transporteurs aériens du Québec, qui sont en congrès ici, à l'hôtel Loews Le Concorde, pour leur faire part, entre autres, des politiques du gouvernement du Québec en matière de transport aérien, mais particulièrement sur le dossier précis de Canadian, pour leur dire, évidemment, qu'on était préoccupé par l'évolution des choses, puisque ça concerne la desserte de plusieurs régions au Québec. Si l'entreprise cessait d'opérer, c'est évident que la concurrence serait réduite.

Mais, à la question précise: «Est-ce que le gouvernement du Québec a l'intention d'apporter quelque forme de soutien financier que ce soit à cette entreprise aérienne?», la réponse, c'est non.

Une voix: Bravo!

Le Président: M. le député de LaFontaine, en complémentaire ou en principale?

M. Gobé: Non, en question principale, M. le Président.

Le Président: En principale.

M. Gobé: M. le Président, hier, en cette Chambre, suite à une question plantée par un de ses collègues, le ministre du Travail...

Des voix: Oh!

Le Président: M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Oui. Alors, M. le Président, hier, je disais donc, suite à une question de complaisance posée par son collègue le député de...

Des voix: Oh!

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, les députés ministériels ont le droit, en cette Chambre, de poser des questions et les députés de l'opposition n'ont pas à passer de commentaires sur les questions posées par les ministériels, M. le Président.

Le Président: M. le député de LaFontaine.


Négociations avec les employés de la Maple Leaf

M. Gobé: M. le Président, suite à une question qui lui fut posée hier par un de ses collègues, le ministre du Travail se réjouissait en cette Chambre et se vantait que, grâce à ses efforts, à ses talents de négociateur, les succursales de la SAQ seraient ouvertes pendant les Fêtes et que les Québécois pourraient consommer de l'alcool.

Aujourd'hui, M. le Président, ma question, à moi, au ministre du Travail, est la suivante: Quels efforts, quelles actions le ministre a-t-il mis, a-t-il utilisés pour faire en sorte que les 110 travailleurs de l'entreprise Maple Leaf puissent conserver leur emploi à la veille des fêtes de Noël?

Le Président: M. le ministre du Travail.

M. Rioux: M. le Président, si le député de LaFontaine habitait une région éloignée comme l'Ungava et que les magasins de la Société des alcools étaient fermés pendant la période des Fêtes et qu'il devait aller chercher sa boisson à Rouyn-Noranda, il comprendrait la pertinence de la question qui a été posée par le député d'Ungava hier, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Président: Je ne voudrais pas être obligé de suspendre la séance pour... Alors, si on pouvait permettre au ministre du Travail de terminer sa réponse, ça nous permettrait de passer à une autre rubrique des affaires courantes. M. le ministre du Travail.

M. Rioux: M. le Président, c'est bon de rappeler de temps en temps qu'il faut avoir une conscience régionale, et c'est ça qu'a manifesté le député d'Ungava. Quant à la Société des alcools, M. le Président, oui, j'ai rencontré l'employeur, oui, j'ai rencontré le syndicat, et on a fait en sorte que ce service-là soit maintenu pendant la période des Fêtes. C'est ça que le député de LaFontaine me reproche?

Des voix: Maple Leaf!

M. Rioux: Quant à la question posée, les problèmes ont commencé à Maple Leaf il y a quatre ans. Ils n'ont jamais réussi à rien régler, eux autres; on va s'en occuper, nous autres.

Le Président: Alors, c'est la fin de la période des questions et des réponses orales.

Il n'y a pas de réponses différées aujourd'hui et il n'y a pas également de votes reportés.


Motions sans préavis

Nous en arrivons maintenant aux motions sans préavis. M. le leader du gouvernement.


Motion proposant que la commission de l'économie et du travail procède à une consultation générale sur le projet de loi n° 79

M. Bélanger: M. le Président, je sollicite le consentement des membres de cette Assemblée afin de présenter la motion suivante:

«Que la commission de l'économie et du travail procède à une consultation générale et tienne des auditions publiques sur le projet de loi n° 79, Loi instituant la Commission des lésions professionnelles et modifiant diverses dispositions législatives, à compter du 28 janvier 1997;

«Que les mémoires soient reçus au Secrétariat des commissions au plus tard le 20 janvier 1997;

«Que le ministre du Travail soit membre de ladite commission pour la durée du mandat.»

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement pour déroger aux règles relatives aux étapes du processus législatif? M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Oui, M. le Président. Avant de donner le consentement, est-ce que je dois comprendre qu'il s'agit bien de la demande qu'avait effectuée le député de LaFontaine auprès du ministre du Travail quant à ces consultations publiques?

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, c'est bien cette demande, et ça démontre l'ouverture de notre gouvernement à écouter les bonnes propositions qui sont faites par l'opposition, quand il y en a des bonnes.

(11 heures)

Le Président: Alors, est-ce qu'il y a consentement?


Mise aux voix

Alors, est-ce que la motion est adoptée? La motion est adoptée?

Une voix: Oui, oui.

Le Président: Alors, je suis prêt à reconnaître une autre motion sans préavis. Mme la députée de Sherbrooke.


Souligner la journée du 6 décembre commémorant les événements de l'École polytechnique

Mme Malavoy: M. le Président, je sollicite le consentement des membres de cette Assemblée afin de présenter la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale du Québec souligne la journée du 6 décembre commémorant les événements de l'École polytechnique et condamne toute violence faite aux femmes.»

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement pour débattre de cette motion?

Des voix: Oui.

M. Bélanger: M. le Président, juste pour faire part de l'entente intervenue: il y aurait deux intervenants de part et d'autre sur cette motion.

Le Président: Très bien. Juste avant que Mme la députée de Sherbrooke commence son intervention, je demanderais aux collègues qui ont à quitter l'enceinte de le faire maintenant pour que la discussion puisse se faire dans l'ordre.

Alors, Mme la députée de Sherbrooke.


Mme Marie Malavoy

Mme Malavoy: M. le Président, aujourd'hui, le drapeau de l'Assemblée nationale du Québec est en berne en signe de commémoration des événements tragiques survenus à l'École polytechnique le 6 décembre 1989. Ce jour-là, l'assassinat de 14 étudiantes a plongé le Québec dans la tristesse et la stupeur. Parce qu'elles avaient emprunté des voies non traditionnelles, elles sont devenues la cible d'un meurtrier rempli de haine envers les femmes, et nous avons encore du mal à comprendre pourquoi cela est arrivé chez nous, alors que nous nous percevons à bien des égards comme une société avant-gardiste.

M. le Président, je voudrais m'associer à ma collègue Louise Harel, ministre responsable de la Condition féminine, pour commémorer ce triste jour. Je voudrais tout d'abord assurer les familles et les amis éprouvés par ce drame que nous n'avons pas oublié. Il est profondément inscrit dans notre mémoire collective. Nous savons aussi, malheureusement, que la violence envers les femmes est encore présente quotidiennement à la grandeur de notre territoire. Sans arrêt, nous en avons sous les yeux des images, nous en subissons les conséquences, nous en percevons l'absurdité. Mais cette souffrance serait stérile si elle ne nous donnait pas la volonté et l'énergie qu'il faut pour la combattre où qu'elle se trouve. Pour cela, nous devons reconnaître les signes de la violence dans nos milieux de vie et de travail pour les dénoncer et les condamner. Plus encore, nous devons prendre la violence à la source pour la contrer avant qu'elle ne prenne de l'ampleur et cause des dommages irréparables.

En ce sens, il n'y aura jamais de meilleure approche que l'éducation pour apprendre aux garçons à régler leurs différends sans utiliser la force et à s'affirmer autrement que par la domination. Nous en avons la responsabilité collective en tant que parents, collègues, citoyennes et citoyens, car c'est d'abord dans la mesure où nous saurons créer de nouveaux rapports entre les hommes et les femmes que nous éliminerons la violence en profondeur.

M. le Président, le 6 décembre 1989, la folie d'un homme traduisait un mal profond de notre société, la présence d'une violence dont les femmes font spécifiquement l'objet. C'est pourquoi d'ailleurs le gouvernement s'apprête à déposer sous peu une politique pour contrer la violence faite aux femmes, car nous n'aurons de cesse de la combattre sous toutes ses formes afin qu'elle disparaisse à tout jamais. Merci, M. le Président.

Le Président: Mme la députée de Saint-Henri– Sainte-Anne.


Mme Nicole Loiselle

Mme Loiselle: Merci, M. le Président. Il est extrêmement troublant de se rappeler la terrible tragédie qui s'est produite à l'École polytechnique de Montréal il y a déjà de cela sept ans, troublant non seulement en tant que femme, en tant que citoyenne du Québec, mais également pour nous tous en tant que parlementaires qui avons le devoir et la responsabilité de tout mettre en oeuvre afin d'enrayer la violence, et plus particulièrement celle qui est faite aux femmes, afin qu'une telle tragédie ne se reproduise plus jamais.

Cette tragédie, M. le Président, d'une violence et d'une gratuité à faire frémir, a coûté la vie à plusieurs jeunes femmes, des jeunes femmes qui étaient remplies d'espoir et qui avaient l'avenir devant elles. Au nom du chef de l'opposition officielle et au nom de tous mes collègues, j'aimerais transmettre aux parents et aux amis de ces jeunes femmes toute notre compassion et leur dire que, nous, nous n'avons pas oublié. Nous n'avons pas oublié qu'ils doivent vivre jour après jour, année après année avec cette douleur qui ne guérit et ne disparaît malheureusement jamais, puisque, ce jour-là, on leur a enlevé une partie d'eux-mêmes. Comment oublier la souffrance que génère la perte d'un enfant, la perte d'un être tellement aimé? J'aimerais également leur dire qu'on n'oublie pas non plus leur détermination, le courage et la force dont ils font preuve, détermination, courage et force qu'ils doivent déployer à chaque jour afin qu'ils puissent, eux, continuer à vivre, et ce, malgré cette profonde déchirure.

M. le Président, la violence sous toutes ses formes constitue un problème de première importance dont les conséquences s'avèrent désastreuses sur le plan humain et sur le plan social. Malheureusement, personne n'est à l'abri de la violence, et certainement pas les femmes. Malgré les efforts investis au plan curatif, malgré les mécanismes de sensibilisation et de prévention mis en place depuis plusieurs années pour contrer la violence, force nous est de constater que la violence en général ne cesse d'augmenter, ou du moins ses ramifications s'allongent. Je pense ici à la violence conjugale, à la violence en milieu familial, à la violence en milieu scolaire aux niveaux primaire et universitaire, à la violence envers les personnes âgées, les personnes handicapées, mais, encore plus révoltante et encore plus déchirante, à la violence qui est faite aux enfants et aux jeunes bébés.

L'ampleur de la violence conjugale chez les personnes âgées échappe aux statistiques officielles. Parce que ces personnes subissent la violence conjugale, les femmes âgées éprouvent de forts sentiments de honte et de culpabilité. On tarde également à reconnaître l'existence et l'ampleur du problème de la violence conjugale chez les femmes qui ont une déficience motrice, intellectuelle, sensorielle ou psychique. M. le Président, une enquête menée par Statistique Canada en 1993 sur la violence faite aux femmes handicapées concluait que 18,7 % de ces femmes limitées dans leurs activités auraient subi de la violence physique de la part de leur conjoint actuel, contre 11,2 % des autres femmes.

Fait extrêmement troublant, pour ne pas dire aussi révoltant, c'est la violence qui est faite aux femmes enceintes. Contrairement à ce qu'on pourrait croire, la grossesse est loin de mettre les femmes à l'abri de leur conjoint violent. Une étude récente de Statistique Canada indique que, chez 23 % des femmes battues, la violence s'intensifie lorsqu'elles sont enceintes. Pire encore, selon les données contenues dans un ouvrage intitulé «Interpersonal Violence Homicide and Spouse Abuse», 25 % à 40 % des femmes violentées reçoivent des coups pour la première fois alors qu'elles portent un enfant.

M. le Président, pour vaincre la violence, il n'y a pas de remède miracle, mais il faut continuer à informer, à sensibiliser la population et certains groupes cibles. Il faut également faire preuve de vigilance et accentuer le dépistage. Il faut continuer à éduquer la population pour qu'elle ait une meilleure compréhension de la problématique de la violence qui est faite aux femmes et pour voir aussi ainsi disparaître certains préjugés sociaux qui subsistent encore sur ce problème qui fait obstacle à l'autonomie et à l'intégrité des femmes.

En terminant, je rappelle que le problème de la violence est un problème de société. Beaucoup de choses ont été faites, mais beaucoup de choses restent à faire, et nous devons continuer à agir. Combattre la violence est l'affaire de tous et chacun. Merci, M. le Président.

Le Président: Mme la députée de Chicoutimi.


Mme Jeanne L. Blackburn

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. C'est avec plaisir et émotion que je me joins à la motion déposée par ma collègue députée de Sherbrooke. Se remémorer la tuerie de la Polytechnique, c'est réveiller des sentiments éprouvés au moment où on apprenait l'horrible nouvelle. Comme aujourd'hui, nous étions en Chambre. Stupeur, tristesse, incrédulité: Pas au Québec! Douleur partagée, souffrance pour les familles éprouvées. La violence a été commise, la violence a été nommée, la violence a été dénoncée.

(11 h 10)

En dépit de nos souffrances, il faut dépasser l'événement et mettre en place les moyens pour former, éduquer, agir pour que de tels événements ne se répètent pas. Je voudrais aujourd'hui vous dire que c'est ce qui se fait un peu partout, mais particulièrement au Québec. Dans ma région, il y a un groupe de personnes du Saguenay qui organisent des cueillettes d'armes déjà depuis 1990. C'est 1 400 armes à feu qui ont été retirées des domiciles depuis le début de leur action et ce n'est pas moins de 10 000 armes à feu qui seraient retirées des domiciles d'ici 1996-1997.

Pour donner à leur action un caractère plus permanent, les promoteurs du projet créaient une fondation appelée: Le silence des armes. Cette fondation a comme marraine l'artiste bien connue Marie-Claire Séguin. En fait, elle procède de la façon suivante: toute personne qui remet une arme reçoit en échange une oeuvre d'art, une estampe d'une oeuvre d'artiste bien connu, une oeuvre d'art en échange d'une arme afin que l'esthétique, la beauté et l'harmonie remplacent les symboles de violence. Un clin d'oeil à l'histoire. Alors que, au cours de la première et la deuxième grande guerre, les pays fondaient les sculptures des artistes pour en fabriquer des armes, aujourd'hui, les artistes fondent les armes pour créer des sculptures.

Je voudrais remercier mes collègues de l'Assemblée nationale de même que le personnel en mon nom et surtout au nom de la fondation Le silence des armes de porter aujourd'hui la broche Le piano pour la paix. Cette broche est la reproduction exacte d'un piano grandeur nature créé à partir d'armes recueillies et qui a été remis à Jean-Bertrand Aristide, président d'Haïti, en 1994 par les jeunes du monde. Ces bénévoles de la Fondation méritent notre appui, et je profite de l'occasion pour saluer, dans les galeries, la présence de son président, M. Pierre Laflamme, et d'un membre du conseil d'administration, M. Antonin Collard.

Je conclus, M. le Président, en faisant la lecture d'un poème de la marraine de la Fondation, Mme Marie-Claire Séguin: «Le silence des armes appelle le rêve, mon frère. Le silence des armes réveille un chant nouveau, ma soeur. Nous sommes capables de paix, de bonheur, de rires et de vie. Le silence des armes me fait m'approcher de toi mon homme. Je n'ai pas peur de toi quand tu es sans arme. Sers ton arme, mon frère, mon fils, mon homme, mon père. Ne me parle pas de cette façon. Je ne veux plus que ta peur et ta souffrance menacent l'humanité. Je ne veux plus de Polytechnique, je ne veux plus de Dublane. Jette ton arme, mon frère, mon fils, mon homme, mon père. Ne me parle plus de cette façon. Arrête de ne voir la vie qu'à travers cette peur qui te tenaille. Arrête de t'enrichir sur la souffrance de l'humanité. Le silence des armes me fait entendre ta voix, ma mère, ma fille, ma soeur. Ne sois plus muette face à l'horreur. Trouve ta parole, ma mère, ma fille, ma soeur. Le silence des armes appelle le rêve. Nous sommes capables de paix, de bonheur, de rires et de vie.» Je vous remercie.

Le Président: Mme la députée de La Pinière.


Mme Fatima Houda-Pepin

Mme Houda-Pepin: M. le Président, c'est avec une profonde tristesse que je prends la parole devant cette Assemblée pour souligner la journée nationale des victimes de la Polytechnique. On se rappellera, M. le Président, que cette journée commémore les événements tragiques survenus à l'École polytechnique de Montréal le 6 décembre 1989, où 14 jeunes femmes ont été tuées à bout portant et plusieurs autres blessées par un tireur fou pour le simple fait qu'elles étaient des femmes.

La circonscription de La Pinière a été endeuillée par la perte de l'une de ses brillantes étudiantes, Nathalie Croteau, une jeune fille pleine de vie et de dynamisme qui faisait partie de cette génération de Québécoises qui ont choisi de relever le défi des professions et métiers non traditionnels, jusque là réservés aux hommes. Nathalie Croteau avait choisi de poursuivre des études supérieures en génie et avait déjà commencé un début de carrière chez Hydro-Québec lorsqu'elle a été fauchée dans la fleur de l'âge lors de cette tragédie.

L'administration municipale de Brossard mérite d'être félicitée pour avoir nommé un centre communautaire en son nom et perpétuer ainsi sa mémoire. Le centre Nathalie-Croteau, qui est situé dans le secteur A de Brossard, où résidait la victime de cette tuerie, est fréquenté par de nombreux groupes, et plus particulièrement les jeunes.

Je profite de ce douloureux anniversaire pour souligner le courage des familles et des proches des 14 victimes de Polytechnique, et de la famille Croteau en particulier.

Au-delà des commémorations officielles et des souvenirs douloureux, la journée nationale des victimes de Polytechnique doit nous inciter à une prise de conscience collective du phénomène de la violence faite aux femmes. Des centaines de groupes communautaires oeuvrent à travers le Québec au niveau de la prévention et de la lutte contre la violence faite aux femmes et aux enfants.

Pour y avoir travaillé moi-même au niveau du terrain, je ne peux que témoigner de l'importance que nous devons accorder comme société à ce phénomène. J'interpelle par la même occasion le gouvernement et le premier ministre, qui a entrepris depuis son arrivée au pouvoir une vaste opération de coupure dans les services essentiels à la population, et lui demande de ne pas sacrifier la mission de lutte à la violence faite aux femmes et aux enfants menée par les groupes communautaires et les groupes de femmes en particulier.

Dans cette période difficile de rationalisation des ressources, M. le Président, il est essentiel que le gouvernement maintienne son financement aux groupes oeuvrant auprès des femmes et des enfants. Pas plus tard que ce matin, M. le Président, Michelle Coudé-Lord publiait dans le Journal de Montréal un article intitulé «1 400 enfants battus, négligés ou agressés laissés à leur sort». Et je cite: «Au moment où vous lirez ces lignes, des enfants au Québec sont battus, agressés sexuellement ou négligés. Ces cas sont connus des services sociaux, mais laissés sans services faute d'argent et de moyens. C'est de nouveau la crise dans les listes d'enfants en besoin de protection au Québec.»

Cette semaine, M. le Président, les centres jeunesse de la Montérégie ont lancé un cri d'alarme pour dénoncer le sous-financement chronique et les compressions budgétaires qui affectent douloureusement les jeunes et les familles de la Montérégie.

La violence sous toutes ses formes est un phénomène grave qu'il faut enrayer de notre société. Le gouvernement a une responsabilité de premier plan. Pour y parvenir, il faut investir dans l'éducation et la prévention pour que les drames comme celui de Polytechnique ne se reproduisent jamais. Merci, M. le Président.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui, M. le Président. Afin de permettre au député d'Outremont de bien vouloir intervenir, parce que c'est arrivé dans son comté, il y aurait consentement pour ajouter un intervenant de part et d'autre. Alors, ça serait Mme la ministre de l'Éducation qui interviendrait. Par la suite, ce sera le député d'Outremont.

(11 h 20)

Le Président: Mme la ministre de l'Éducation.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Merci, M. le Président. Je veux joindre ma voix à celle de mes collègues pour à mon tour témoigner. Évidemment, en me levant ici, M. le Président, je pense d'abord à ceux et à celles qui restent avec, bien sûr, leur peine, avec leurs souvenirs. Je pense aux mères, je pense aux pères, je pense aux soeurs, aux frères, aux amis, et je veux leur dire que, dans le fond, nous voudrions un peu partager avec eux leur peine. Je pense bien sûr à ces jeunes femmes, toutes étudiantes à l'université, à Polytechnique, dans des métiers non traditionnels pour les femmes, ces jeunes femmes à la fleur de l'âge, bien sûr aussi sûrement la tête pleine d'espoirs, pleine de projets et qui, à cause d'un geste essentiellement condamnable, violent, inacceptable, ont vu leurs jeunes vies fauchées. Je nous invite à resserrer les rangs derrière la tolérance zéro à l'égard de la violence et je vous dirai qu'au-delà des partis, au-delà des idéologies, aucune société, et peu importe son état de développement, ne doit se résigner à la violence, M. le Président. Merci.

Des voix: Bravo!

Le Président: Merci, Mme la ministre. M. le député d'Outremont, maintenant.


M. Pierre-Étienne Laporte

M. Laporte: M. le Président, l'événement que viennent de rappeler nos collègues femmes et que veut commémorer la motion de notre Assemblée nationale évoque encore, après sept ans, un souvenir douloureux et qui nous accable toujours du même sentiment d'horreur que nous avons ressenti en soirée le 6 décembre 1989. En tant que député d'Outremont, je veux me joindre à tous ceux et à toutes celles de mes amis et de mes connaissances de mon comté qui ont vécu cette épreuve un peu comme un drame de famille pour le déplorer, tout en sachant qu'il fait néanmoins maintenant partie de notre mémoire.

M. le Président, je veux surtout exprimer ma sympathie à l'endroit des parents des victimes, et je le fais en tant que parent. J'ai, moi aussi, des filles et, pour cette raison, je m'identifie spontanément à la douleur, à la terrible souffrance des parents des victimes, de ces pères et de ces mères qui ont perdu sous le coup d'une violence insensée, absurde et démente ce qu'en tant que parents ces pères et mères avaient de plus précieux.

La violence, M. le Président, est une manifestation du mal. On peut essayer de la comprendre, de l'expliquer, mais ses origines profondes demeurent finalement mystérieuses. On peut et on doit la combattre, mais sans prétendre espérer la déraciner totalement. Ma collègue de Saint-Hyacinthe a bien montré que l'événement du 6 décembre 1989 avait un caractère particulier, qu'il s'agissait d'une manifestation spécifique de violence, d'une violence dirigée contre les femmes et leur volonté collective d'émancipation.

M. le Président, autant l'événement m'avait-il rempli d'horreur lorsque je l'ai appris, autant j'éprouve, aujourd'hui comme hier, la plus profonde compassion pour ceux et celles de mes concitoyennes et de mes concitoyens qui l'ont vécu et le vivent encore dans leur chair. Je demeure tout autant convaincu qu'il faut poursuivre la lutte pour une société juste, équitable et respectueuse des valeurs humaines de fraternité et de solidarité. Le drame du 6 décembre 1989 serait-il venu nous rappeler à ce devoir moral qu'il ne serait pas survenu en vain. Je vous remercie, M. le Président.


Mise aux voix

Le Président: Cette motion est adoptée. Alors, j'inviterais les membres de l'Assemblée à se lever et à garder une minute de silence en mémoire des victimes de la Polytechnique.

(11 h 25 – 11 h 26)

Le Président: Merci, Mmes et MM. les députés. Nous allons reprendre nos travaux.


Avis touchant les travaux des commissions

Nous en sommes maintenant aux avis touchant les travaux des commissions. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui, M. le Président. J'avise cette Assemblée qu'aujourd'hui la commission de l'économie et du travail procédera à l'étude détaillée du projet de loi n° 75, Loi modifiant la Loi sur les décrets de convention collective, après les affaires courantes, jusqu'à 13 heures, de 15 heures à 18 heures et, si nécessaire, de 20 heures à minuit, à la salle du Conseil législatif;

Que la commission des institutions procédera à l'étude détaillée du projet de loi n° 77, Loi modifiant la Loi de police et d'autres dispositions législatives, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine;

Que la commission de l'aménagement et des équipements poursuivra l'étude détaillée du projet de loi n° 12, Loi modifiant le Code de la sécurité routière et d'autres dispositions législatives, de 15 heures à 18 heures et de 20 heures à minuit, à la salle Louis-Joseph-Papineau.

J'avise également cette Assemblée que la commission de l'éducation entendra les intéressés et procédera à l'étude des projets de loi d'intérêt privé suivants: le projet de loi n° 212, Loi concernant Champlain Regional College of General and Vocational Education; le projet de loi n° 235, Loi modifiant la Loi concernant la Fédération des commissions scolaires du Québec. L'étude de ces projets de loi d'intérêt privé se déroulera à la salle Louis-Joseph-Papineau, le lundi 16 décembre 1996, de 20 heures à minuit.

M. le Président, j'avise également cette Assemblée que la commission de l'aménagement et des équipements entendra les intéressés et procédera à l'étude des projets de loi d'intérêt privé suivants: le projet de loi n° 242, Loi concernant la Municipalité régionale de comté du Domaine-du-Roy; le projet de loi n° 225, Loi modifiant la Charte de la Ville de Hull. L'étude de ces projets de loi d'intérêt privé se déroulera à la salle Louis-Joseph-Papineau, le mardi 17 décembre 1996, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures, de 15 heures à 18 heures et, si nécessaire, de 20 heures à minuit.

Le Président: Alors, merci, M. le leader du gouvernement.

Aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée maintenant, M. le leader de l'opposition officielle. Sur les avis d'abord.

M. Paradis: Peut-être, avant les renseignements, sur les avis comme tels, et le leader a donné des avis concernant des projets de loi privés, est-ce qu'il s'agit là de l'ensemble des projets de loi privés qui seront appelés au cours de la présente session?

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui, je crois que oui, M. le Président. Auparavant, on avait prévu peut-être de faire celui de la ville de Montréal, mais, cependant, on a eu une demande de la part du maire de Montréal à l'effet de reporter le projet de loi d'intérêt privé.


Renseignements sur les travaux de l'Assemblée

Le Président: Ça va? Alors, aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Copeman: Merci, M. le Président. Un peu une question de directive à votre égard. Le 23 octobre, j'ai déposé, inscrit une question au feuilleton concernant une série de subventions du Secrétariat à l'action communautaire autonome. Selon la réponse qui m'a été fournie le 2 décembre, la ministre de l'Emploi et de la Solidarité a écrit au leader du gouvernement pour répondre à ma question, le 1er novembre, mais la question a été déposée en Chambre le 2 décembre. Moi, j'aimerais bien savoir pourquoi ou quelles sont les raisons pour lesquelles le leader n'a pas déposé la réponse de la ministre, qui était prête en date du 1er novembre, avant le 2 décembre? Un mois plus tard, M. le Président. Je ne comprends pas.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, moi aussi, j'ai fait le saut quand j'ai constaté ça. Et, après vérification, c'est le 1er décembre qui aurait dû être marqué sur la lettre.

Le Président: Alors, nous allons maintenant passer aux affaires du jour. M. le leader du gouvernement. Mme la députée de Jean-Talon, sur les...

Mme Delisle: M. le Président, dans le cadre du projet de loi n° 77, qui modifie la Loi de police, j'aimerais, avec votre permission, déposer un document qui nous vient de la présidente de l'UMRCQ, et je me suis engagée à déposer le document ici aujourd'hui. C'est une lettre au premier ministre. Ça va?

Le Président: Ce n'est pas prévu à ce moment-ci. S'il y a consentement, M. le leader du gouvernement...

M. Bélanger: ...donner mon consentement, mais ça aurait pu être aussi déposé devant la commission, là, qui commence à siéger tout de suite après. Mais c'est de consentement.


Document déposé

Le Président: Alors, il y a consentement. Très bien.


Affaires du jour

Alors, aux affaires du jour maintenant, M. le leader du gouvernement.

(11 h 30)

M. Bélanger: Oui, M. le Président. Je vous demanderais de prendre en considération l'article 7 de notre feuilleton. Après des pourparlers avec l'opposition, ça serait le porte-parole de l'opposition qui prendra la parole sur cette loi, tout en préservant le droit de parole du ministre par la suite.


Projet de loi n° 65


Adoption du principe

Le Président: Très bien. Alors, à l'article 7 du feuilleton, M. le ministre de la Justice propose l'adoption du principe du projet de loi n° 65, Loi instituant au Code de procédure civile la médiation préalable en matière familiale et modifiant d'autres dispositions de ce code. Alors, je suis prêt à reconnaître un premier intervenant. M. le député de Chomedey.


M. Thomas J. Mulcair

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Alors, comme vous venez de le mentionner, le ministre de la Justice présente le projet de loi n° 65, Loi instituant au Code de procédure civile la médiation préalable en matière familiale et modifiant d'autres dispositions de ce code. Il faut, pour situer la discussion d'aujourd'hui, rappeler brièvement les objectifs de cette loi et la mettre en contexte et en comparaison avec une autre législation qui a déjà été regardée dans ce domaine et adoptée, même, ici, à l'Assemblée nationale. Rappelons que le but principal du projet de loi n° 65 est d'introduire, en matière familiale, la médiation obligatoire, préalablement à l'audition de toute demande mettant en jeu les intérêts des enfants, dès lors que la demande est contestée sur des questions relatives à la garde, aux aliments ou au patrimoine familial. Accessoirement, le projet propose que, dans le cas des demandes où les parties s'entendent sur ces questions, la requête soit directement traitée par le greffier spécial, sans tenue d'audition, plutôt que par un juge.

Il faut aussi noter, M. le Président, que non seulement on annonce aujourd'hui que ce projet va être reporté au printemps – parce qu'au mois de janvier il va y avoir des auditions, des audiences – mais, et c'est un fait, que le projet arrive six mois après que le ministre de la Justice eut promis des gestes concrets du gouvernement en matière de médiation familiale. À cette époque, soit le 26 avril 1996, il s'engageait à faire ce réaménagement, cette nouvelle loi, et je le cite, «dans les prochaines jours». Ça, c'était le 26 avril. On est aujourd'hui au début décembre et, bien entendu, rien ne saurait être fait avant un autre six mois, l'adoption au printemps.

En marge du projet de loi, il est proposé diverses mesures d'importance mineure, mais qui méritent quand même qu'on s'y attarde un peu, concernant la signification des procédures, les manières concrètes d'envoyer les documents. Pour comprendre l'importance d'intervenir dans ce domaine, il est opportun de regarder quelque peu les chiffres qui concernent les divorces ici, au Québec, et l'importance et l'ampleur que cela a et occupe à l'intérieur de nos institutions judiciaires, notamment à la Cour supérieure. On observe, en moyenne, au Québec, depuis quelques années, environ 23 000 divorces, justement, par année. De ce nombre, et c'est important de le noter, 90 % finissent par se régler avant l'audition de la cause, malgré la présence à l'origine de différends sur des questions de garde, de patrimoine ou de pension alimentaire.

Les 10 % restants occupent, annuellement... Et ça, c'est un chiffre assez étonnant et relativement peu connu. Ces causes, les causes de divorce, les 10 % qui finissent devant les tribunaux, finissent par occuper 80 % du temps de la Cour supérieure. C'est-à-dire que toutes les autres matières dont peut être saisie la Cour supérieure – les crimes majeurs, les procès devant jury, les questions compliquées concernant la faillite ou les causes importantes en matière commerciale ou corporative – n'occupent que 20 % de tout le reste de leur travail, toutes les lois fédérales et provinciales et autres qui sont traitées devant la Cour supérieure, et que 80 % du temps de la Cour supérieure est consacré aux divorces. C'est un chiffre vraiment étonnant, et, quand je l'ai lu pour la première fois, je vous avoue, M. le Président, que je ne le croyais pas. J'ai pris la peine de le vérifier, et puis c'était effectivement le bon chiffre: 80 % du temps de la Cour supérieure est consacré à entendre des affaires de divorce et à les régler.

Bien que les statistiques à ce sujet ne soient pas disponibles, les intervenants du milieu estiment qu'une très faible proportion des 90 % qui se règlent avant l'audition l'ont été grâce à la médiation publique ou privée. Ça, c'est important, M. le Président, parce que, à l'heure actuelle, on est appelé à regarder un projet de loi qui vise une fin tout à fait louable. Ça vise à éviter des coûts et, si on peut dire, la judiciarisation, c'est-à-dire d'amener devant des instances qui, par leur nature même, la manière dont elles sont conçues, visent à régler les questions par la contestation.

Si deux parties s'opposent sur un contrat, c'est devant un juge, c'est en contestant, en amenant les preuves des uns et des autres, en amenant les documents des uns et des autres, en amenant les témoins des uns et des autres, en les confrontant. Ça, c'est notre système de droit, M. le Président. C'est une manière d'arriver, on espère, la plupart du temps à la vérité. Mais, lorsqu'on est en matière familiale, il est assez évident de constater qu'une famille déjà éprouvée par ce déchirement n'a strictement pas besoin, en plus, d'avoir plus de difficultés, plus de chicanes, plus de manques d'harmonie. La dernière chose dont ils ont besoin, c'est d'avoir un incitatif à la chicane, si je peux m'exprimer ainsi, M. le Président.

Mais, comme on a déjà vu dans d'autres domaines avec ce gouvernement, la bonne expression «qui trop embrasse mal étreint» risque de s'appliquer. On a vu très récemment que le ministre du Revenu, qui a mis en place un système de perception automatique des pensions alimentaires, est tombé dans ce panneau, a commis cette erreur-là. L'opposition, l'année dernière, M. le Président, a mis le ministre du Revenu de l'époque en garde. On a dit: Faites très attention; vous êtes en train, avec une bonne idée – l'idée d'assurer la perception des pensions alimentaires – de commettre une grave erreur à un chapitre: vous voulez mettre les bons payeurs dans votre système. Par «bon payeur», on entend une personne qui ne manque pas ses paiements, une personne qui, donc, a fait preuve de responsabilité à l'égard de ses obligations. Et on a dit: Pourquoi embourber l'appareil administratif que vous allez concevoir et mettre en place pour appliquer la loi... Pourquoi le rendre plus compliqué avec des cas qui n'ont jamais demandé l'intervention de l'État?

C'est une habitude fâcheuse de ce gouvernement-là, M. le Président, de trouver une raison, un motif, souvent de nature idéologique. On a entendu le ministre du Revenu, l'autre jour, nous le dire, qu'on avait une crainte que, dans certains cas, certaines personnes pourraient avoir des pressions. Mais il faut comprendre que le fait même d'avoir ce lien sur les pensions alimentaires lorsque ça allait bien... On se comprend bien, M. le Président, on n'est pas en train de dire que tout le monde paie sa pension alimentaire, loin de là. C'est pour ça que ça prenait un système, c'est pour ça que l'opposition était d'accord avec un système. Mais on leur a dit: Dans les cas où ça va bien malgré la rupture entre les «ex», épouse et époux, pourquoi mettre le gouvernement là-dedans? Pourquoi mettre l'appareil de l'État même dans des cas où ça va bien? Le ministre du Revenu n'a pas été capable de nous donner une réponse là-dessus, sauf une réponse un peu idéologique où il a dit: Bien, écoutez, il y en a qui prétendent justement que ça peut être un problème, et on a essayé de mettre ça le plus général possible en mettant tout le monde dans cette machine-là.

C'est la même chose qu'on est en train de proposer ici, M. le Président, puis on craint que ça provoque le même résultat. Car le résultat en matière de perception automatique des pensions alimentaires même à l'égard des bons payeurs, le résultat, c'est que la machine a «jammé». Ça ne marche plus. Ce n'est pas juste nous qui le disons. Ce sont les associations vouées à la défense des droits des femmes qui le disent, et c'est même la députée péquiste, la députée gouvernementale de Blainville qui est venue le dire ici, en Chambre, l'autre jour. Elle avait raison, ça ne marche pas. Et ça ne marche pas parce qu'on a visé trop large. À force de vouloir tout contrôler dans la société, à force de vouloir trop réglementer, on commet des gaffes, on commet des impairs et on met en place une structure qui n'est pas capable d'appliquer la partie nécessaire de ces lois, de ces réformes-là.

(11 h 40)

Dans le cas de la perception des pensions alimentaires, la perception obligatoire même dans le cas des bons payeurs, on a enlevé entre les ex-conjoints ce qui était souvent leur seul lien de communication. Je parle dans le cas des bons payeurs, M. le Président. Il y avait un échange, il y avait des documents, il y avait des chèques qui s'échangeaient, il y avait un certain lien qui se conservait. Et les experts dans ce domaine-là nous disent que, tant et aussi longtemps que ça va bien et que les paiements continuent à se faire, c'est une erreur monumentale de mettre le nez du gouvernement dans cette seule courroie de communication qui pouvait continuer à exister entre les ex-conjoints, parce que c'était une manière pour eux autres de garder une certaine communication, d'assurer une certaine harmonie et que les liens qui devaient continuer à avoir lieu, notamment à l'égard des enfants, pouvaient être améliorés à cet égard-là.

Ce qui nous amène au projet de loi n° 65, qui vise à nouveau à en faire trop. Je tiens à le dire clairement tout de suite, M. le Président, l'opposition officielle est en faveur de la médiation en matière familiale. Là où le bât blesse avec le projet de loi n° 65, c'est que le gouvernement du Parti québécois est en train à nouveau de commettre une erreur stratégique. Le gouvernement du Parti québécois, partant avec une bonne idée... L'idée de prévoir un mécanisme pour la médiation est une bonne idée, tellement bonne idée qu'il y a déjà eu une loi adoptée là-dessus et qu'il refuse de la mettre en vigueur. Mais, avec cette bonne idée de base, ils partent et ils font un gâchis, car le projet de loi n° 65, à l'instar de l'erreur qui a été commise dans le domaine de la perception des pensions alimentaires, va rendre obligatoire, universelle, généralisée la médiation.

In English, Mr. Speaker, we talk about an oxymoron. We're, on the one hand, talking about something that is going to be compulsory and, yet, it's something that's by nature normally done at the will of the parties. When you're mediating something, by definition, the parties have agreed to it. Here, the Government has invented the notion of compulsory arbitration. How can those two notions be put together? How can you force people to come together and mediate and discuss their differences when one of them might feel that for whatever reason their legal rights are better protected by a professional in the field of law?

C'est la raison pour laquelle on a tellement de difficultés à suivre le gouvernement sur le projet de loi n° 65 et sa manière de faire, nonobstant le fait que nous avons un appui inconditionnel au principe de la médiation. C'est le principe de leur projet de loi qui cause problème. C'est le principe de la médiation obligatoire dans tous les cas, malgré le fait, comme on vient de le mentionner, que 90 % des cas de divorce se règlent avant le procès, et très peu parmi eux se sont réglés suite à de la médiation. Donc, on part avec une philosophie, on part avec une bonne idée, et, à force de se faire convaincre par la machine bureaucratique que la meilleure solution à tous nos maux, c'est une autre machine bureaucratique, bien, les bureaucrates disent: Tant qu'à y être, on va construire une grosse machine.

Mais le problème, M. le Président – et on a un exemple concret récent – encore une fois, c'est que, à force de vouloir tout contrôler, même ce qui va bien, on va faire une machine qui ne va jamais marcher. C'est ça qu'on craint, de notre côté. Alors, loin d'être contre le principe de la médiation – car on est pour – on est très préoccupés par la manière du gouvernement d'aborder ce problème très délicat.

Actuellement, le district de Montréal dispose d'un service de médiation rattaché à la Cour supérieure. Il est volontaire, global – c'est-à-dire que tous les sujets sont touchés – et fermé – c'est-à-dire qu'il n'y a pas de rapport à la cour et pas de témoignage sur les informations recueillies. Le district de Québec dispose, lui aussi, d'un service volontaire et fermé, mais la médiation est partielle: ça ne traite que de la garde et des droits d'accès. Depuis le début des années quatre-vingt, le secteur privé offre des services de médiation. Les médiateurs de l'Association de médiation familiale du Québec sont notaires, avocats et psychologues. Enfin, il existe présentement 465 médiateurs accrédités en vertu du Règlement sur la médiation familiale pris en application de la loi modifiant le Code de procédure civile de 1993 dont nous allons parler.

En 1993, une des dernières lois sociales présentées par le regretté premier ministre Robert Bourassa concernait ce même sujet, la médiation familiale. C'était le projet de loi 14, Loi modifiant le Code de procédure civile concernant la médiation familiale. Cette loi fut sanctionnée le 10 mars 1993, donc voilà trois ans et demi. Elle n'est toujours pas en vigueur. Cette Assemblée s'est déjà penchée sur la question de la médiation familiale, on a adopté une loi et elle n'est toujours pas en vigueur malgré le fait que sa mise en vigueur était prévue pour l'automne 1994. Il y a eu une élection, comme on le sait, le 12 septembre 1994, et le gouvernement du Parti québécois n'a jamais mis en vigueur la loi sur la médiation familiale adoptée par l'Assemblée nationale. Et, comme on vient de le mentionner, on n'est pas à la veille d'adopter cette loi non plus parce que le gouvernement a décidé de reporter au printemps les audiences sur le projet de loi n° 65.

Le but de ce projet de loi, dans la foulée du sommet de 1992 – je parle du projet de loi 14, la loi adoptée en 1993 – sur l'accès à la justice, était de mettre en place un service de médiation mandatoire, fermé et gratuit pour tout le Québec. Il y a une différence importante, M. le Président, entre la médiation mandatoire et la médiation obligatoire préalable, telle que prévue au projet de loi n° 65. Le projet de 1993 prévoyait que c'était le juge, au moment de l'audition, qui renvoyait les parties à la médiation s'il le jugeait opportun. Donc, suite à son expérience et – même si c'est un pléonasme – dans son jugement, s'il voyait que c'était opportun, il référait. Il s'agit donc de la médiation mandatoire ou sur ordonnance.

Le projet de loi n° 65, quant à lui, rend obligatoire le renvoi des parties à la médiation lorsqu'il y a différend, et ce, dès le dépôt de la requête, c'est-à-dire le document légal en question pour le divorce. Ceci nous amène à faire un premier commentaire important sur cet aspect-là, puisque toute personne qui connaît le moindrement le domaine, n'importe quel médiateur, dira d'entrée de jeu que médiation et obligatoire, comme on le mentionnait tantôt, ne peuvent pas aller ensemble. C'est une contradiction de termes. Mais, au-delà de cette problématique d'ordre sémantique et qui trahit par contre un profond problème de perception, il y a la question du moment où survient la médiation. Le projet de loi n° 65 rend la médiation obligatoire dès le dépôt de la requête, comme on vient de le dire. Le projet de 1993 ne faisait entrer en jeu la médiation qu'au moment de l'audition. Conséquemment, le projet de loi n° 65 vise 100 % des divorces contestés, autant – et ça, c'est important, M. le Président – les 90 % qui se règlent avant l'audition que les 10 % qui se règlent au moment de l'audition par la décision du juge qui tranche. Le projet de 1993, quant à lui, ne visait que les litiges non réglés au moment de l'audition, soit 10 % des divorces au Québec.

Vise-t-on trop large? Possiblement, parce que, tel que nous le soulignions, les 90 % qui se règlent avant procès le sont pour la plupart sans médiation, simplement suite aux discussions normales qu'entretiennent les parties après le dépôt de la requête, mais avec un représentant qui est un expert en matière juridique – c'est-à-dire un avocat dans la vaste majorité des cas; à l'occasion, les étapes préalables sont aussi occupées par les notaires – jusqu'au moment de l'audition.

(11 h 50)

Mais, plus encore, la question du champ d'application et du moment où intervient la médiation soulève celle de son financement. M. le Président, la défiscalisation des pensions alimentaires suite à l'affaire Thibaudeau entraînera des économies importantes pour l'État. Pour ceux et celles qui se souviennent, l'affaire Thibaudeau concernait une femme divorcée qui disait que, en vertu de nos lois, de notre Charte, ce n'était pas à elle et à ses enfants qui recevaient une pension alimentaire de payer les impôts là-dessus.

Mme Thibaudeau a eu gain de cause dans un jugement important, et toute la question a été renvoyée tantôt à Ottawa et tantôt ici, à Québec: Qu'est-ce qu'on fait avec cette décision-là? Parce que c'était une chose de dire que le récipiendaire de la pension ne paierait pas les impôts là-dessus, c'était une autre chose de décider comment on allait, à ce moment-là, payer les impôts. Parce que, lorsqu'un juge est appelé à décider combien doit être payé, évidemment on regarde les besoins et on regarde aussi la capacité de payer. La personne qui paie la pension alimentaire – dans la quasi-totalité des cas, c'est le mari – gagne, dans la vaste majorité des cas, plus que la personne qui reçoit la pension alimentaire. Ceci étant, cette personne-là est taxée à un pourcentage plus élevé. En envoyant la pension alimentaire et en payant la taxe là-dessus au niveau de la personne qui reçoit, le taux marginal d'imposition, le pourcentage d'impôt était plus bas, et on pouvait donc tenir compte de ça et transférer une somme plus importante à cette personne qui recevait. Le résultat de l'affaire Thibaudeau, c'est qu'effectivement, maintenant, l'impôt sur la pension va être payé par la personne qui gagne plus cher, va être à un taux, un pourcentage plus élevé, et cela va provoquer des revenus importants pour le gouvernement. Le gouvernement va profiter de ça.

Toutefois, qui dit «impôt de plus» dit, en même temps, «manque de disponibilité de fonds». La capacité de payer, telle qu'évaluée par les tribunaux, va être analysée. Cette analyse va être faite en fonction de ce qui reste, et, vu qu'il resterait moins, on ordonnerait de payer moins. Dans le net, net – pour employer un terme en droit commercial – on craint que ce soient les enfants et les femmes qui vont être les perdants dans cette formule-là. Mais toujours est-il que, lorsqu'il y a de l'argent nouveau qui arrive au gouvernement, il y a toujours quelqu'un avec une bonne idée qui se retourne vers cet argent-là et qui dit: Bien, moi, j'ai une notion de ce qu'on pourrait faire avec ça, et c'est le cas ici.

Le service de médiation du projet de loi n° 65 sera financé grâce à ces économies fiscales. Le ministre a laissé entendre, le 14 novembre dernier, que le régime coûterait environ 13 000 000 $ pour la première année. Le projet précédent, le projet qui a été adopté par l'Assemblée nationale en 1993, quant à lui, ne coûtait, selon les chiffres du ministère de la Justice – toujours le même ministère – que 3 600 000 $ par année, donc une différence d'environ 10 000 000 $. On comprend aisément que cette différence de 10 000 000 $, lorsque l'on considère que le projet n° 65 vise 100 % des divorces... Donc, la différence est due à ce fait-là, qu'on a besoin de cinq fois plus d'argent environ – quatre, cinq fois plus – parce qu'on est en train de viser l'ensemble des cas, pas juste les cas où il y avait des problèmes qui avaient besoin d'être réglés. Alors que, en 1993, comme on vient de le mentionner, on visait les cas problèmes, environ 10 % des divorces, ceux qui allaient se ramasser, de toute évidence, devant les tribunaux.

En outre, M. le Président – et ça, c'est un fait historique très important et je pense que ça explique quelques-unes des vraies raisons du dépôt de ce projet de loi là – en 1993, le gouvernement a adopté des augmentations de tous les timbres judiciaires en matière civile de 4 $, en plus de créer deux nouveaux timbres en matière matrimoniale de 75 $ chacun. Pour ceux et celles qui ne sont pas familiers avec cette notion-là des timbres, il s'agit des coûts, de certains des coûts inhérents à toute demande devant les tribunaux.

Vous savez que, quand on doit procéder... On dit souvent que la justice coûte cher. Il y a non seulement les services de son conseiller juridique qu'il faut payer, mais, pour financer l'administration de la justice, en partie du moins, on exige, au moment du dépôt d'une requête, d'une motion, d'une procédure à la cour, que la personne qui prend la requête paie certaines sommes. Ce sont des dépens de la cour, les frais de la cour. Et, souvent, ces frais peuvent être récupérés après, lorsqu'on gagne.

Ces frais-là, donc, ont été, pour toutes les procédures en matière civile, tous augmentés de 4 $ en 1993. C'était pour financer justement la médiation en vertu de la loi qui a été adoptée cette année-là. C'était donc pour financer la mise en place du service de médiation qui était, selon les termes du ministère de la Justice de l'époque, complètement autofinancé par cette – et c'était leur expression – taxe judiciaire.

Conséquemment, le gouvernement subséquent, celui qui est en face de nous aujourd'hui, aurait dû, en novembre 1994, une fois que le budget annuel aurait été amassé, sortir l'argent du fonds consolidé du revenu et l'affecter au service de médiation. Il aurait dû aussi, tel que c'était prévu, faire entrer en vigueur la loi afin que les Québécoises et les Québécois obtiennent le service pour lequel ils payaient, en 1994, depuis un an. Rien ne fut fait, pas plus d'ailleurs en novembre 1995 ou en novembre 1996. Si bien, M. le Président, qu'à raison de 3 600 000 $ par année, on peut dire, en date de novembre 1996, le mois dernier, que 10 800 000 $ ont été détournés de leur but original par le ministre de la Justice. Qu'a-t-on financé à la place avec ces sommes, M. le Président? Le ministre n'a jamais été capable de nous le dire. Ce sont des sommes qui ont été, rappelons-le, dûment votées et allouées à l'application d'une loi en matière de médiation familiale. Je disais tantôt, M. le Président, que le ministre de la Justice a ses motifs, tantôt idéologiques, tantôt autres, pour le dépôt de ce projet de loi.

On se permet de suggérer, M. le Président, qu'une des raisons qui motivent le ministre dans cette affaire-là, c'est le besoin de justifier que, malgré le fait que son gouvernement est dans sa troisième année au pouvoir, ils n'ont absolument rien fait en matière de médiation familiale. Et, au printemps prochain, quand on va commencer à discuter en consultation de cette nouvelle loi là, ça va faire quatre ans depuis l'adoption de la loi de 1993, ça va faire quatre ans depuis qu'on a commencé à amasser les fonds avec cette taxe judiciaire, ça va faire, à ce moment-là, tout près de 15 000 000 $ qu'on sera allé chercher, et il n'y aura toujours pas un seul cas qui aura été financé avec ces 15 000 000 $ là.

Alors, face à une situation terrible semblable, on comprend le besoin pour le gouvernement et pour son ministre de la Justice de tenter de trouver une distraction, une manière de détourner l'attention des gens sur leur inaction pendant des années; sur le fait que, parce qu'ils ne sont pas capables de s'organiser, ils ont laissé beaucoup de femmes et d'enfants aller devant les tribunaux alors qu'un service de médiation aurait dû être prévu.

(12 heures)

Mais, M. le Président, c'est une chose de s'inventer une raison pour tenter de se justifier, c'est une autre chose de mettre en place d'une manière irresponsable une structure qui, tous le savent, est vouée à l'échec et qui ne répond pas à un problème réel. Car ça ne s'adresse pas aux cas problèmes. Ce ne sont que 10 % des cas de divorce qui sont de réels problèmes, et c'est à ce 10 % là que la loi originale s'attardait. On ne comprend pas la philosophie, la mentalité, l'idéologie du gouvernement qui les amène, coup après coup, fois après fois, loi après loi, intervention après intervention, à vouloir trop faire. Peut-être que les neuf ans qu'ils ont passés dans l'opposition avant le 12 septembre 1994 leur ont fait oublier les limites de ce que le gouvernement, de ce que la machine bureaucratique peut faire. De toute évidence, ils l'ont oublié dans le cas de la perception des pensions alimentaires.

De toute évidence, dans le cas de la perception des pensions alimentaires, des ministres bien intentionnés... Je ne mets nullement en doute le fait que la loi sur les pensions alimentaires émanait d'une bonne intention, parce qu'on partageait l'idée de faire en sorte que les gens qui devaient payer une pension alimentaire la paient. Pour tous ceux et celles qui ont déjà oeuvré dans ce domaine-là, on sait à quel point c'est facile de soustraire ses biens, de les rendre difficiles à saisir. C'est pour ça que le gouvernement a le droit de tout mettre en oeuvre pour exécuter les jugements contre les mauvais payeurs. Mais, M. le Président, le ministre du Revenu n'a jamais été capable d'expliquer pourquoi ils ont été si convaincus que c'était opportun, approprié, nécessaire

d'appliquer cette mesure-là même dans le cas des bons payeurs. C'était une erreur. Le ministre du Revenu le sait maintenant, parce que c'est lui qui est en charge d'un appareil administratif, d'une bureaucratie qui n'est pas capable de rendre de services pour ceux et celles qui en ont besoin.

À force de vouloir tout réglementer, tout contrôler, on finit par ne même pas rendre le service voulu à ceux qui en ont besoin, et c'est ça qu'on voit avec le projet de loi n° 65. On voit une répétition de ce pattern du gouvernement du Parti québécois de vouloir trop faire, de surestimer la capacité de toute organisation d'ordre bureaucratique de faire un travail extrêmement complexe en matière de gestion et de le faire même dans les cas où ce n'est pas nécessaire.

M. le Président, nous sommes d'avis qu'il n'est pas opportun de faire adopter le projet de loi n° 65, puisque l'Assemblée nationale a déjà adopté le projet de loi 14 en 1993, lequel introduisait la médiation familiale gratuite de façon pragmatique et relativement peu coûteuse pour les couples qui en ont le plus besoin. En plus, les sommes nécessaires à ce service ont déjà été récoltées par la taxe judiciaire et ont été imposées et acceptées afin de se doter de ce service. Conséquemment, M. le Président, dans l'opposition officielle, nous sommes d'avis que le gouvernement devrait s'attaquer à la mise en vigueur de la loi de 1993 de façon prioritaire, quitte à revenir plus tard si démonstration nous est faite que cette mesure est insuffisante et ne répond pas à tous les problèmes réels, pas des problèmes imaginaires auxquels les Don Quichotte en face aiment bien s'attaquer, les problèmes réels.

Ceci, M. le Président, doit bien être compris par le gouvernement. L'opposition – et je le répète pour la troisième fois – est en faveur du principe de la médiation en matière familiale. C'est l'opposition, le parti dont je fais partie, le Parti libéral du Québec, qui a présenté et fait adopter la première loi en la matière en 1993. Toujours pour le principe, c'est notre principe, mais plusieurs groupes sont d'accord avec nous qu'on est en train de vouloir trop faire.

Si 90 % des litiges se règlent de toute façon avant le procès, n'est-il pas exact que ça se fait dans un meilleur climat lorsque les parties sont libres de choisir qui les représente, dans quel forum et de quelle manière elles vont s'entendre? Depuis quand est-ce qu'on se porte mieux quand le gouvernement décide pour nous, à l'avance, que ce sont des fonctionnaires et des gens désignés par l'appareil étatique qui vont prendre ces décisions pour nous? Depuis quand, M. le Président, est-ce que quelqu'un a fait la démonstration que cela est dans l'intérêt du public? Nous, on n'a jamais vu une telle démonstration, M. le Président.

Il s'agit, bien entendu, d'une décision éminemment politique. Mais, comme on dit: «Those who do not learn from the mistakes of history are bound to repeat them.» On invite nos collègues en face, les membres du gouvernement, à songer sérieusement aux résultats de cette intervention en matière de médiation familiale et à leur manière d'aborder le problème.

On craint qu'à l'instar de ce qui s'est produit dans le domaine de la perception obligatoire des pensions alimentaires, même dans les cas où il n'y avait pas de problème, même dans le cas des bons payeurs – on a vu que ça a embourbé la machine bureaucratique – la même chose va se produire ici. On craint qu'on est en train de mettre une trop lourde structure en place par rapport aux besoins réels.

M. le Président, on a dit au début: Qui trop embrasse, mal étreint. L'erreur du gouvernement a été démontrée concrètement dans un dossier, et ce n'est pas juste nous qui le disons, ce sont les membres du gouvernement qui l'ont soulevé, ce sont les experts en la matière qui l'ont dit: en matière de perception des pensions alimentaires.

Alors, M. le Président, que le gouvernement étudie le cas de la perception des pensions alimentaires et se rende à l'évidence qu'on n'est absolument pas capable de mettre en place une telle structure et prévoir son fonctionnement dans tous les cas et que ce n'est absolument pas nécessaire de le faire lorsque 90 % des cas se règlent déjà d'une manière correcte, à la satisfaction des parties. C'est une erreur de vouloir apporter des solutions là où il n'y a pas de problème, surtout que ces solutions vont coûter, au lieu des 3 000 000 $ par année, qui avaient été prévus dans l'autre cas, on parle maintenant de 13 000 000 $ par année. C'est 10 000 000 $ par année de plus pour régler des problèmes qui n'en sont pas.

À un moment où les fonds publics sont si rares, à un moment où on ferme les hôpitaux, où on va couper dans le transport scolaire, où on a coupé dans l'aide juridique, où on a coupé dans tous les services à la population, pourquoi est-ce qu'on va persister? Pourquoi est-ce qu'on va s'obstiner à vouloir mettre en place une nouvelle structure, une nouvelle machine qui ne rend pas un service dont le public a besoin? C'est absolument aberrant, c'est inconcevable de voir le gouvernement procéder ainsi.

Et c'est pour ça, M. le Président, et je termine là-dessus, que, tout en étant totalement en faveur de la médiation familiale dans les cas où il y a des problèmes, dans les 10 % des cas de divorce où il y a des problèmes, nous sommes aussi malheureusement obligés de nous prononcer contre un projet de loi qui est voué à l'échec sur le plan administratif et qui vise trop large, qui vise à ingérer, mettre le nez des bureaucrates, des fonctionnaires dans des cas où, à l'heure actuelle, ça va bien. Le gouvernement a tort de procéder ainsi, c'est un gaspillage des fonds publics, et on ne peut pas souscrire à ce principe, M. le Président. Merci beaucoup.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Chomedey. Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: Alors, M. le Président, je fais motion pour que nous ajournions le débat.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Cette motion est-elle adoptée?

Mme Caron: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. Mme la leader adjointe.

Mme Caron: Oui, M. le Président. Je vous demande de prendre en considération l'article 5 de notre feuilleton et je vous précise que, toujours après entente avec l'opposition officielle, tout en préservant le droit de parole du ministre, nous pourrons entendre le porte-parole de l'opposition officielle.


Projet de loi n° 62


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Brouillet): Bien, merci. À l'article 5, M. le ministre responsable de l'application des lois professionnelles propose l'adoption du principe du projet de loi n° 62, Loi modifiant le Code des professions concernant les comités de discipline des ordres professionnels. Je vais céder la parole à M. le député de Chomedey. Excusez, M. le député, le leader de l'opposition veut intervenir avant. M. le leader de l'opposition.

(12 h 10)

M. Paradis: Oui. Question de règlement et de directive, M. le Président. Le député de D'Arcy-McGee vient de prendre connaissance des «transcripts» de propos qui ont été prononcés en cette Chambre hier par le leader du gouvernement. Il vient tout juste d'en prendre connaissance et il voudrait soumettre à la présidence à ce moment-ci une question de violation de ses droits et privilèges. Je vous demanderais de le reconnaître.

Mme Caron: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Excusez-moi, je... Le règlement est très, très clair, hein.

Mme Caron: Bien oui!

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je crois qu'on peut le faire immédiatement après le fait, le signalement. Dans les autres cas, il faut le faire par écrit avant la période des affaires courantes. Alors, j'aimerais qu'on puisse suivre la procédure et inviter le député de D'Arcy-McGee à présenter demain au président, avant les affaires courantes – mais ce serait lundi, à ce moment-là... Alors, M. le...

M. Paradis: Oui, M. le Président. Comme nous sommes vendredi et que l'Assemblée nationale ne siégera pas avant lundi, nous considérons qu'il serait important à ce moment-ci – et peut-être que vous avez raison sur l'application stricte, M. le Président, du règlement, c'est immédiatement après le fait, la jurisprudence est constante – que nous sollicitions le consentement des ministériels de façon à pouvoir évacuer cette question immédiatement. En l'absence de consentement, le député de D'Arcy-McGee procédera avant la période de questions lundi, mais subira le préjudice tout au long de la fin de semaine. Je pense que ce serait avantageux pour toutes les parties impliquées dans cette affaire – ce ne sera pas tellement long – que nous puissions, de consentement, procéder tout de suite.

Maintenant, si le gouvernement préfère procéder avant la période de questions malgré le préjudice additionnel, je tiens à assurer le gouvernement que ce sera fait lundi.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, Mme la leader adjointe, on demande le consentement.

Mme Caron: M. le Président, il n'y a pas de consentement, on doit appliquer le règlement.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Bon. Alors, ce sera lundi, selon le désir de M. le député de D'Arcy-McGee et selon le règlement, à ce moment-là.

Alors, je vais céder la parole à M. le député de D'Arcy-McGee sur le projet de loi. Est-ce que vous le faites en tant que représentant officiel du... Oui, c'est ça. Alors, vous avez un droit de parole de 60 minutes.

M. Bergman: M. le Président, est-ce que ce n'est pas 60 minutes?

Le Vice-Président (M. Brouillet): Soixante minutes, oui. Vous pourrez...

M. Bergman: M. le Président, je regrette que le gouvernement n'accepte pas de régler la situation qui est survenue hier soir.

Mme Caron: Question de règlement, M. le Président. Le leader avait accepté que le porte-parole de l'opposition officielle puisse intervenir, en préservant le droit de parole du ministre, mais nous sommes sur le projet de loi n° 62, et il n'est pas question de revenir sur votre décision ni sur notre consentement.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Non, il n'est pas question de revenir sur ma décision non plus, hein...

M. Paradis: Non, non.

Le Vice-Président (M. Brouillet): ...puis je ne voudrais pas que vous abordiez la question de droit et de privilège aujourd'hui. Je croyais que vous n'alliez pas le faire. Vous vouliez simplement... Alors, je vous inviterais, s'il vous plaît, à revenir au projet de loi.


M. Lawrence S. Bergman

M. Bergman: M. le Président, franchement, j'accepte votre décision avec très grand respect. J'ai juste exprimé mon regret que le gouvernement n'accepte pas de régler une situation qui est survenue hier soir. Mais j'accepte avec grand respect votre décision en tant que président de cette Chambre.

M. le Président, j'interviens aujourd'hui dans le cadre de l'adoption du principe du projet de loi n° 62, Loi modifiant le Code des professions concernant les comités de discipline des ordres professionnels. Mr. Speaker, I am intervening today with respect to the adoption of principle of Bill 62, An Act to amend the Professional Code with regard to the committees on discipline of the professional orders.

Selon les notes explicatives, ce projet de loi a pour effet de confirmer que les membres du comité de discipline d'un ordre professionnel peuvent continuer à instruire une plainte dont ils ont été saisis et en décider malgré leur remplacement.

Ce projet de loi est en fait composé de trois articles, le premier visant à introduire dans le Code des professions un nouvel article, l'article 118.3, qui se lirait comme suit – je cite: «Les membres du comité peuvent continuer à instruire une plainte dont ils ont été saisis et en décider malgré leur remplacement.» Fin de citation. Le deuxième article a pour but d'établir que cette loi est déclaratoire. Et enfin, le troisième article prévoit que la loi entre en vigueur le jour de sa sanction.

Donc, un projet de loi de trois articles, en apparence fort anodin, mais qui en réalité est d'une très grande importance pour le public et qui n'est pas autre chose qu'une correction des gaffes et des erreurs du ministre de la Justice et responsable des lois professionnelles.

Mr. Speaker, according to the explanatory notes which preface this bill, the effect of the bill is to confirm that the members of the committee on discipline of a professional order may, even though they have been replaced, continue to hear the complaints before them.

The bill in question has three articles, the first amending the Professional Code by introducing article 118.3, which reads as follows, and I quote: «The members of the committee may, even though they have been replaced, continue to hear a complaint of which they have been seized and render a decision regarding this complaint.» The second article states that the bill in question is declaratory. The third article deals with the coming into force of the act.

At first glance, Mr. Speaker, we're dealing with a bill of only three articles, one which might give the impression of being routine. However, the contrary is the truth, and the population of the Province of Québec must be made aware, by loud and clear voices, that we have before us a government which is incompetent, insensitive and far removed from reality.

In particular, the Minister of Justice and Minister responsible for the application of the Professional Code has blatantly and continually shown his incompetence and reluctance to act in the best interest of the protection of the public, in bill after bill presented by him to this National Assembly, culminating with the errors made by him in decree 751-96 of the Government of Québec, dated June 19, 1996; and in decree 752-96 of the Government of Québec, dated June 19, 1996; and in decree 1106-96 of the Government of Québec, dated September 4, 1996, causing delays, confusion, loss of time and money, and severely affecting the protection of the public. This is why, Mr. Speaker, we are faced with Bill 62: to correct the errors of the Minister of Justice and Minister responsible for the application of the Professional Code in the drafting and presentation of the aforesaid decrees to his own Cabinet.

M. le Président, j'ai parlé tout à l'heure des gaffes du ministre de la Justice ou de ses erreurs, puisqu'avec ce projet de loi on tente législativement de couvrir ses erreurs. Il faut dire qu'avec ce ministre nous sommes habitués à ses erreurs ou ses gaffes, surtout en matière de nomination. On n'a, pour s'en convaincre, qu'à ouvrir n'importe quel journal des semaines dernières pour constater, avec l'affaire Therrien, cette nomination au poste de juge de la Cour du Québec, d'un ex-felquiste, un ami des péquistes. Avec le projet de loi n° 62, on vient de réparer une nouvelle erreur du ministre en matière de nomination, et il serait bon ici de rappeler brièvement le contexte de ces erreurs.

En vertu de notre Code des professions, chaque corporation professionnelle dispose d'un comité de discipline, lequel a pour principale fonction d'entendre et de décider de toute plainte formulée contre un professionnel pour une infraction aux dispositions du Code des professions ou un manquement de déontologie de la part de ce professionnel. C'est donc, M. le Président, que ces comités de discipline sont d'une grande importance pour le public et sa protection. En vertu de l'article 117 de ce Code, on établit que les divers comités de discipline sont formés de membres au nombre de trois, dont au moins un président, et que ce dernier est désigné par le gouvernement après consultation avec le Barreau. L'article 118 établit aussi que le gouvernement fixe la durée des mandats des membres du comité de discipline.

(12 h 20)

En 1994, le Code des professions a été modifié afin d'ajouter les nouveaux articles 118.1 et 118.2. L'article 118.1 prévoit que le président ainsi que le président suppléant ne peuvent, à compter de la désignation faite conformément à l'article 117 ou 118, selon le cas, agir comme procureurs ou parties dans une instance disciplinaire régie par le présent Code. Mais, surtout, l'article 118.2 prévoit que les membres du comité demeurent en fonction à l'expiration de leur mandat jusqu'à ce qu'ils soient désignés de nouveau ou remplacés par le gouvernement.

Antérieurement, M. le Président, le gouvernement avait établi comme pratique, à l'expiration des mandats des membres du comité de discipline, de prévoir, dans le décret prévoyant le remplacement ou le renouvellement, un paragraphe à la fin, afin que les instances ou les causes dont les membres sont déjà saisis puissent continuer à être entendues et décidées par ces membres malgré l'expiration de leur mandat ou leur non-renouvellement. Il s'agissait de clauses habilitantes qui disaient grosso modo que les personnes désignées pouvaient, dans l'hypothèse où leur mandat ne serait pas renouvelé ou au terme de cette période, continuer à instruire une affaire dont elles auraient été saisies avant la date de l'adoption du décret ayant pour objet de pourvoir à leur remplacement.

Or, M. le Président, le 19 juin 1996, le ministre et son gouvernement, à l'expiration des mandats de certains membres, ont vu soit à leur renouvellement ou à leur remplacement. Le gouvernement a alors procédé par décret à la nomination de Me Raymond Clair, de Me Marie-Esther Gaudreault, de Me Gilles Gaumond, de Me Germain Jutras, de Me Guy Lafrance, de Me Micheline Leclerc, de Me Guy Marcotte, de Me Jacques Paquette, de Me Jean-François Pelletier, de Me Johanne Roy, de Me François Samson et de Me Nicole Trudeau-Bérard.

Le gouvernement établissait aussi la durée de leur mandat à un an, mais le ministre de la Justice et son gouvernement étaient tellement pressés de procéder à la nomination de leurs amis que, lors de la rédaction de ce décret, ils ont oublié la fameuse clause habilitante qui permet à un membre ou à un président du comité de discipline qui n'est pas renouvelé, mais qui avait commencé à entendre une cause de poursuivre l'étude de cette cause et d'en décider. Il s'agissait, M. le Président, d'un oubli extrêmement grave, puisque, faute de cette habilitation en apparence anodine, dans les faits, ces membres non renouvelés ne pouvaient plus instruire et décider des causes qu'ils avaient commencées.

Alors, les contestations judiciaires commencent avec pour principal argument que les membres visés n'avaient plus juridiction pour entendre les causes en question. On nous signale, M. le Président, que, dans certains secteurs, une soixantaine de causes sont ainsi demeurées en suspens et qu'aucun membre du comité de discipline ne peut poursuivre son étude, puisque les membres qui avaient commencé à les entendre n'ont plus juridiction. Il semble qu'à travers le Québec 200 causes soient ainsi touchées. Je vous le rappelle, M. le Président, dans ce type de dossier, la question de la protection du public contre divers professionnels est toujours en jeu.

M. le Président, qu'a fait le ministre de la Justice lorsqu'il a réalisé son erreur, lorsqu'il a vu l'illégalité du décret de nomination qu'il venait d'effectuer et ses graves conséquences sur les instances pendantes en matière de déontologie professionnelle? Eh bien, M. le Président, lorsqu'il a vu son erreur, le ministre, il a paniqué. On sait ce que ça fait quand le ministre panique, on en a eu un bon exemple dans les semaines passées. En effet, lorsqu'il a été mis au courant que l'opposition allait révéler toute l'affaire du juge Therrien, il s'est empressé d'essayer de tuer la nouvelle dans l'oeuf et de blâmer le Barreau du Québec et la Sûreté du Québec pour sa propre turpitude et de se laver les mains de toute l'affaire en renvoyant le tout devant le Conseil de la magistrature.

On se rappelle aussi, M. le Président, comme c'est le cas ici, cette panique donnait suite à la nomination par le ministre de la Justice. Ce dernier semble effectivement avoir beaucoup de problèmes avec les nominations. Alors, M. le Président, pourquoi était-il si pressé de procéder à des nominations dans les comités de discipline au point de faire un oubli grave et important dans le décret des nominations? La raison est bien simple, M. le Président: il était pressé de nommer ses amis.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: Oui, M. le Président. Le député de l'opposition sait très bien qu'il ne peut pas imputer des motifs indignes à un député. Il n'a pas à chercher les raisons du ministre, il n'a pas à lui imputer de motifs indignes.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, il faudrait éviter d'attribuer, comme ça, des motifs indignes. Alors, je sais que, malheureusement, on a une tendance à glisser sur cette pente, et il faudrait peut-être s'y arrêter le plus rapidement possible. M. le député.

M. Bergman: M. le Président, ce n'est pas des motifs indignes, c'est des faits qui sont arrivés, et je rappelle des faits et je vais continuer à rappeler les faits devant cette Assemblée...

Mme Caron: Question de règlement.

Le Vice-Président (M. Brouillet): S'il vous plaît! Le fait, c'est qu'il a peut-être nommé des gens qui sont peut-être ses amis; ce n'est pas un mal de nommer des amis à quelques postes, mais c'est qu'il ait hâté toutes les choses dans l'espoir de nommer des amis, c'est ça qui est... c'est comme s'il était prêt à faire une erreur au profit de ses amis. Alors, c'est ça qui n'est pas très bien dans le type d'association que l'on fait là. On justifie une erreur parce qu'il était pressé de nommer ses amis, alors c'est ça qu'il faudrait éviter.

M. Bergman: ...je vais vous expliquer la logique, comment c'est arrivé et pourquoi ce ministre continue de nommer ses amis, des amis qui sont, dans certains cas, des ex-felquistes, des amis qui ont la qualification d'être seulement des péquistes...

Mme Caron: Question de règlement.

M. Bergman: ...et je pense que c'est très grave et...

Mme Caron: Question de règlement.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Sur...

Mme Caron: ...assez clair, sur votre décision. Le député de D'Arcy-McGee a imputé des motifs indignes au ministre de la Justice. Relater des faits, c'est dire qu'il y a eu des nominations, mais de dire que le ministre a fait des nominations, a fait des erreurs parce qu'il était pressé de nommer des amis, c'est imputer des motifs indignes et c'est contraire à notre règlement en vertu de l'article 35.6. Et vous avez rendu votre décision, M. le Président.

M. Paradis: M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: On n'en est pas au niveau des intentions, nous en sommes au niveau des faits. Si le ministre de la Justice a commis des actions qui font en sorte qu'il se sent mal à l'aise aujourd'hui suite à ces actions, il n'y a rien au règlement qui interdit à un député, ni au député de D'Arcy-McGee ni à aucun autre député de cette Assemblée nationale, de relater fidèlement les faits qui se sont produits. Et il n'y a pas de jurisprudence en cette Chambre qui fait en sorte que relater des faits qui se sont produits, c'est imputer des motifs à un député.

Mme Caron: Question de règlement.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Mme la leader adjointe.

(12 h 30)

Mme Caron: M. le Président, le député de D'Arcy-McGee n'a pas relaté des faits, il a carrément imputé des motifs au ministre de la Justice, aux faits que le député de D'Arcy-McGee a relatés. Il n'a pas juste relaté des faits; il a relaté des faits, il n'a même pas eu de preuve des faits qu'il a avancés et il a imputé des motifs indignes au ministre à partir des faits qu'il voulait nous relater. Or, M. le Président, c'est inacceptable, vous lui avez dit, et j'aimerais bien qu'on poursuive le débat.

M. Paradis: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Une dernière fois, M. le leader de l'opposition, brièvement.

M. Paradis: Oui. Moi, je ne veux pas reprendre tout le débat d'hier soir, mais...

Des voix: Non, non, non.

M. Paradis: ... – non, non, M. le Président – le ministre de la Justice est capable d'intervenir et de dire à cette Chambre que les faits qui ont été relatés ne sont pas exacts, si c'est le cas. Si le ministre de la Justice veut intervenir, qu'il intervienne suivant son droit de parole. En attendant, M. le Président...

Le Vice-Président (M. Brouillet): S'il vous plaît! Je vous inviterais, s'il vous plaît... Si vous avez à parler, vous demanderez la parole, comme Mme la leader adjointe l'a fait. Et les autres, vous n'avez pas à intervenir dans ce débat-là. Si vous voulez le faire, levez-vous puis demandez la parole.

Écoutez, on est sur des questions de faits, d'interprétation, d'intentions attribuées. Vous savez que la marge est très, très mince. Ce n'est pas toujours facile à interpréter. Alors, dans la mesure où on s'en tient à des faits... Il faut essayer d'éviter d'insinuer, à partir des faits relatés, des intentions malveillantes de la part du ministre. Alors, ça, que voulez-vous, ce n'est pas toujours facile à décider, mais je vous inviterais, si vous voulez, à poursuivre; et, autant que possible, vous devez vous en tenir aux faits en évitant de prêter des intentions indirectement au ministre.

M. Bergman: Pour répéter ce que j'ai dit, M. le Président, je demandais pourquoi il était si pressé de procéder à ces nominations dans le comité de discipline, au point de faire un oubli grave et important dans le décret des nominations. J'ai donné des exemples où il s'est empressé de nommer ses amis et j'étais sur le point de vous donner l'exemple que, pour l'Ordre des ingénieurs, l'Ordre des podiatres et l'Ordre des technologues en radiologie, il a procédé à la nomination de Me Germain Jutras, qui est nul autre que le frère du député de Drummond. Si, ça, ce n'est pas un ami du régime ou du pouvoir, on se demande bien qui le serait. Encore heureux que ce dernier ne soit pas, en plus d'être un ami du régime... Dieu sait qui il est. Qui est-ce qu'il blâmerait, dans ce cas? Ses fonctionnaires? Le Conseil des ministres? Les fonctionnaires du Conseil exécutif?

Donc, comme je le disais, M. le Président, quand le ministre a vu son erreur, il a paniqué et, dans un réflexe de panique, il a cherché à corriger l'illégalité du décret du 19 juin 1996 par un nouveau décret, celui du 4 septembre 1996. Ce décret comporte, à la toute fin, un paragraphe qui se lit comme suit: «Que les personnes désignées ci-dessus puissent, dans l'hypothèse où leur mandat d'un an ne serait pas renouvelé au terme de cette période, continuer à instruire une affaire dont elles auront été saisies avant la date d'adoption du décret ayant pour objet de pourvoir à leur remplacement et en décider.»

Donc, M. le Président, il a cherché à réparer sa propre erreur avec un nouveau décret. Évidemment, cette façon de faire, puisque le décret du Conseil des ministres n'était publié qu'à la Gazette officielle , dispose de beaucoup moins de publicité qu'une loi peut en avoir. Cette façon de faire, M. le Président, avait l'immense avantage d'éviter que toute cette affaire et les erreurs du ministre soient trop publiques. Malheureusement pour lui, M. le Président, dans notre régime de droit, on ne permet pas que soit réparée une erreur dans un décret avec un autre décret. Il s'agirait d'une procédure tout à fait illégale. Donc, la seule solution qui s'offrait au ministre, dans le contexte, pour réparer sa propre erreur était la voie législative, ce qui explique aujourd'hui le dépôt du projet de loi n° 62. C'est à cet effet, M. le Président, que le ministre de la Justice se présente ici, en Chambre, aujourd'hui afin de procéder à l'adoption du projet de loi n° 62 qui, sous des apparences anodines et neutres, dans la langue de bois que l'on connaît habituellement des projets de loi, cache en réalité une erreur du ministre, une grave erreur de sa part, encore une fois, dans un processus de nomination. Le projet de loi, M. le Président, ne vise pas autre chose, et on pourrait facilement l'appeler: projet de loi n° 62, loi modifiant le Code des professions afin de réparer l'erreur du ministre de la Justice.

M. le Président, les Québécoises et Québécois sont en droit de savoir pourquoi le ministre de la Justice et responsable des lois professionnelles a fait cette erreur le 19 juin 1996. Ses collègues ministériels doivent aussi se demander pourquoi, chaque fois que le ministre de la Justice procède à une nomination, ça tourne mal.

En effet, M. le Président, on se souviendra, au tout début de son régime, en 1995, à peine quelques mois après que le ministre ait été nommé, il procédait à la nomination à la chambre criminelle et pénale de la Cour du Québec de la femme du vice-premier ministre. Évidemment, cette histoire avait mal tourné, puisque cette avocate, dont on ne peut remettre en cause la grande compétence, n'avait jamais travaillé en droit criminel. En fait, cette fonctionnaire n'avait jamais plaidé une cause de sa vie ni même oeuvré au sein d'un bureau d'avocats. Pourtant, le ministre l'a nommée juge à la Cour du Québec.

Un peu plus tard, on se souviendra, pressé qu'il était de nommer son ami personnel juge en chef de la Cour du Québec, Louis-Charles Fournier, il l'avait nommé le 30 août 1995 en dépit du fait que ce dernier ne disposait pas d'une résidence à Québec, comme la loi l'y obligeait. Mais, pour le ministre de la Justice, ce qui était important, c'était que son monde soit nommé et que ses amis soient mis en place. Une fois cela fait, il s'en lave les mains et ne se soucie guère de ce qui peut arriver.

On se souviendra aussi que l'opposition avait révélé, quelques mois plus tard, que le juge en chef de la Cour du Québec, Louis-Charles Fournier, huit mois après sa nomination en tant que juge en chef, n'avait toujours pas, comme la loi le prescrivait, établi de résidence dans la ville de Québec ou son voisinage immédiat. Il s'agissait encore une fois, un peu comme nous en sommes victimes avec le projet de loi n° 62, d'une illégalité.

Cette aventure, M. le Président, l'aventure de la nomination d'un ami du ministre à la tête de la Cour du Québec, a eu pour résultat une facture de plus de 77 000 $ que les contribuables québécoises et québécois devront payer. Or, les Québécoises et Québécois se souviendront de ces erreurs et de ce manque de jugement du ministre de la Justice. Ils s'en souviendront pour longtemps.

Mais, M. le Président, les mésaventures du ministre de la Justice avec ses nominations ne s'arrêtent pas là. Nous avons parlé ici des nominations «in respect» de la loi n° 62, nous avons parlé du juge Louis-Charles Fournier, nous avons parlé de l'épouse du vice-premier ministre, mais il y a aussi, encore plus récemment, la nomination de Me Mario Bilodeau au poste de sous-ministre associé aux affaires criminelles et pénales de la Cour du Québec. Encore une fois, les Québécois ont été horrifiés d'apprendre que celui qui décide d'intenter ou non des poursuites criminelles au Québec, et ce, autant à l'égard des bandes de motards et autres, n'est nul autre que l'ex-avocat des Hell's Angels.

(12 h 40)

Encore une fois, on constate dans un processus de nomination, tout comme dans le cas du projet de loi n° 62, de graves erreurs de jugement de la part du ministre de la Justice.

M. le Président, il ne serait pas nécessaire de parler bien longtemps encore d'une autre mésaventure quant aux nominations du député de Louis-Hébert. En effet, que dire de la plus récente de ces histoires, la nomination de Richard Therrien, ex-felquiste, en tant que juge de la Cour du Québec?

This trend continued with the Minister of Justice naming his personal friend, as I just mentioned, Louis-Charles Fournier, as a Chief Justice of Québec. The Chief Justice of the Québec Court, another friend of a separatist in a high position.

M. le Président, le gouvernement du Parti québécois a continué d'annoncer des nominations à des positions de haut calibre qui sont plus que questionnables en ce qui a trait à la compétence, aux qualifications, au code d'éthique et aux valeurs morales de ces personnes.

Mr. Speaker, the bill before us obliges this National Assembly to examine the manner in which the PQ Government has made nominations of various public servants whose competency, ability, ethical and moral standards in many instances are questionable and in some cases non acceptable.

Mr. Speaker, please take note however that almost every person who has been nominated to a position to serve the population of Québec seems to have one major qualification: they believe in the PQ Government's obsession with separation, with the breaking-up of the country in which we live, notwithstanding the severe damage and the ill effects that they are inflicting upon the population of the Province of Québec: a loss of jobs, a poor economy, a lower standard of living. But to this Government, the PQ Government, the end justifies the means notwithstanding the hardships that they are bringing upon the population of Québec.

These are why, Mr. Speaker, these appointments are questionable: nepotism, incompetency, questionable moral standards, and even persons who have committed crimes in the face of the laws of this country.

Mr. Speaker, history has shown that the government which begins its mandate on a low road stays on that road throughout its term. We recall the appointments of nepotism made and which I brought to the attention of this House.

I'd like to further discuss with you the appointment to a high-ranked employment by the PQ government of someone formerly linked with terrorist Front de libération du Québec, Gaëtan Desrosiers, now an assistant deputy minister responsible for economic development in Montréal.

M. le Président, cette suite interminable de nominations empreintes de favoritisme et d'utilisation d'influences a continué avec la nomination...

Une voix: Aïe! Wo!

Mme Caron: Question de règlement.

Une voix: En anglais puis en français, c'est la même affaire.

Mme Caron: M. le Président, le député a...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Non, non. S'il vous plaît! Je suis debout. Bien. Alors, le mot «favoritisme» a été déclaré non parlementaire à plusieurs occasions, comme le mot que vous savez, «patronage», et je vous inviterais, s'il vous plaît, à ne pas l'utiliser dans votre discours. Alors, je vous cède la parole pour poursuivre, M. le député de D'Arcy-McGee.

M. Jolivet: M. le Président, question de règlement.

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le whip du gouvernement.

M. Jolivet: M. le Président, en français ou en anglais, «patronage», c'est la même affaire. Il a utilisé le mot «patronage». Qu'il enlève le mot «patronage», il a été déclaré antiparlementaire.

Le Vice-Président (M. Brouillet): J'ai entendu le mot «favoritisme» et...

Une voix: Un instant.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Bon, bien, alors, mentionnez tout simplement qu'il a dit aussi le mot «patronage», et à ce moment-là je demanderai de... les deux mots. J'ai mentionné aussi que le mot «patronage» est antiparlementaire, non parlementaire, mais je ne l'avais pas entendu aujourd'hui. Alors, ces deux mots-là sont non parlementaires. Si vous les avez prononcés – «favoritisme», je l'ai entendu, mais, si vous avez prononcé l'autre – je vous demanderais simplement de les retirer, s'il vous plaît.

M. Paradis: M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Oui.

M. Paradis: Vous avez rendu une décision quant au mot «favoritisme», qui avait été utilisé dans une autre langue. Qu'il soit en anglais ou en français, le mot fait partie du lexique des expressions interdites en cette Chambre. Maintenant, vous devez rendre des décisions sur ce que, vous, vous entendez. Si le député de Laviolette prétend toutes sortes de choses et vous incite à rendre des décisions sur toutes sortes de choses, on va commencer à jouer ce jeu-là. Moi, je vais dire: Le député de Laviolette a dit, pendant que vous n'écoutiez pas, d'autres choses, et vous allez lui demander de retirer le lexique des autres mots antiparlementaires.

Sur ce que vous avez entendu, vous avez rendu une décision qui était conforme à notre règlement comme tel, et le député était sur le point de s'exécuter lorsqu'il a été interrompu par le député de Laviolette, qui tente de mettre dans la bouche d'autres députés d'autres mots qui auraient pu être antiparlementaires.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, écoutez, je pense que j'avais été assez clair. J'avais mentionné le mot «favoritisme», je l'avais entendu, et j'avais indiqué aussi un autre exemple de mot non parlementaire, que, lui, je n'avais pas entendu ici, le mot «patronage», parce qu'il en a été question hier. Alors, je vous demanderais, s'il vous plaît, de retirer le mot «favoritisme», que j'ai entendu. Pour l'autre, bien, ça, que voulez-vous, je ne...

M. Paradis: Dans notre liste...

Le Vice-Président (M. Brouillet): C'est le mot «favoritisme» que vous retirez, simplement.

M. Bergman: J'accepte vos demandes, M. le Président, avec grand respect à la présidence.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Vous pouvez poursuivre, M. le député.

M. Bergman: Mais, dans la situation économique difficile que nous connaissons actuellement, avec un taux inquiétant et désastreux de chômage créé par les politiques du gouvernement devant nous, épouses, frères et amis du régime au pouvoir ont tous des emplois garantis, alors que les Québécoises et Québécois moyens vivent dans l'insécurité, ne sachant pas si demain ils auront un emploi.

Donc, comme je le disais plus tôt, nous faisons face ici à un projet de loi, le projet de loi n° 62, destiné à réparer une erreur du ministre de la Justice. Sans contredit, étant donné que ce projet de loi vise à réparer une erreur qui, si elle n'était pas réparée, causerait probablement des graves préjudices au public, l'opposition ne pourra s'opposer au projet de loi n° 62. Nous l'appuierons, non sans souligner au passage que, si nous sommes obligés législativement de corriger les erreurs du ministre quant à ces nominations, si les Québécoises et Québécois sont horrifiés par plusieurs des nominations du ministre de la Justice et responsable de l'Office des professions, c'est peut-être parce que cette personne n'est pas apte à procéder à des nominations. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le député de D'Arcy-McGee. Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: Oui, M. le Président, je fais motion pour que nous ajournions le débat.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Cette motion est-elle adoptée? Adopté. Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: Oui, M. le Président, je vous demande de prendre en considération l'article 41 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 42


Adoption

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 41, M. le ministre délégué au Revenu propose l'adoption du projet de loi n° 42, Loi concernant l'harmonisation au Code civil du Québec de certaines dispositions législatives d'ordre fiscal. M. le ministre délégué au Revenu, je vous cède la parole. Excusez-moi, M. le ministre. M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Oui, ça s'adresse soit au leader adjoint du gouvernement, soit au ministre délégué au Revenu. Simplement pour la planification de nos travaux, là. Il est 12 h 50, est-ce que le ministre délégué au Revenu compte terminer son allocution avant que nous suspendions nos travaux pour 13 heures?

M. Bertrand (Portneuf): M. le Président, je compte terminer avant et je serai de retour à 15 heures pour entendre, effectivement, l'intervention de l'opposition officielle, le cas échéant, sur ce projet de loi.

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Bien, je pense que j'avais compris du leader ou du bureau du leader du gouvernement qu'après l'intervention du ministre il y aurait ajournement du débat sur ce projet de loi.

(12 h 50)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: C'est exactement ça, M. le leader de l'opposition.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Ça va. Très bien. Alors, M. le ministre délégué au Revenu.


M. Roger Bertrand

M. Bertrand (Portneuf): Merci, M. le Président. Je soumets à l'Assemblée le projet de loi n° 42, intitulé Loi concernant l'harmonisation au Code civil du Québec de certaines dispositions législatives d'ordre fiscal, en vue de son adoption.

Ce projet de loi a été présenté le 19 juin dernier et le principe en a été adopté le 17 octobre dernier. La commission permanente du budget et de l'administration en a fait l'étude détaillée le 7 novembre et en a adopté les 148 articles. Des amendements ont été adoptés afin, d'une part, de modifier les articles 53, 54, 71, 73, 77, 95, 100, 101 et 105 et, d'autre part, de retirer l'article 76 et de renuméroter le projet. Le rapport a été déposé le 19 novembre dernier et a été pris en considération.

Ce projet de loi, M. le Président, contient 148 articles qui modifient 15 lois, dont la Loi sur les impôts, la Loi sur le ministère du Revenu et la Loi sur la taxe de vente du Québec. Il vise l'harmonisation de plusieurs dispositions de ces lois avec le Code civil du Québec. De plus, ce projet de loi abroge la Loi sur la prescription des paiements à la couronne.

Ainsi, le projet de loi n° 42 donne suite à une mesure d'harmonisation prévue dans le discours sur le budget du ministre des Finances du 14 mai 1992. La majorité des mesures contenues dans ce projet de loi sont de nature terminologique. Ainsi, la principale modification apportée par le projet de loi n° 42 consiste à retirer un concept désuet, soit celui de «corporation», qui se retrouvait à plus de 4 000 reprises dans quelque 1 000 articles de la Loi sur les impôts seulement.

Également, d'autres modifications de moindre envergure ont été apportées par ce projet de loi, dont le remplacement des expressions «dénomination sociale» ou «raison sociale» par le mot «nom»; l'expression «incapacité d'agir» par «empêchement»; le mot «protonotaire» par «greffier»; et le mot «exécuteur» par «liquidateur». On voit donc, M. le Président, qu'il s'agit vraiment d'un projet de loi dont l'impact est essentiellement terminologique et qui consiste essentiellement à ajuster les lois fiscales, en termes de libellé, à ce qu'on retrouve maintenant dans le Code civil. Donc, projet de loi qui contient une série de modifications terminologiques et qui s'inscrit dans le cadre du discours du budget du 14 mai 1992, selon lequel la législation et la réglementation fiscales doivent être adaptées aux nouvelles notions inscrites dans le Code civil du Québec.

En conclusion, je tiens à remercier les membres de la commission permanente du budget et de l'administration qui ont participé à l'étude du projet de loi n° 42. Il faut comprendre, bien sûr, qu'il s'agit de projets de loi relativement arides quant à leur facture, compte tenu de ce que je viens de décrire, et qu'il s'en est fallu de toute la collaboration des membres de la commission pour mener à terme tout de même un exercice aussi exigeant. Alors, je demande à l'Assemblée nationale du Québec d'adopter le projet de loi n° 42, Loi concernant l'harmonisation au Code civil du Québec de certaines dispositions législatives d'ordre fiscal. Je vous remercie de votre attention, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre délégué au Revenu. Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: Oui, M. le Président. Je fais motion pour que nous ajournions le débat.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Cette motion est-elle adoptée? Adopté. Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: Alors, M. le Président, compte tenu de l'heure, je vous demande de suspendre nos travaux jusqu'à cet après-midi, 15 heures.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Étant donné l'heure, nous allons suspendre immédiatement les travaux. Nous les reprendrons cet après-midi à 15 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 54)

(Reprise à 15 h 7)

Le Vice-Président (M. Pinard): Mmes, MM. les députés, veuillez vous asseoir.

Nous reprenons les affaires du jour. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, je vous demanderais de prendre en considération l'article 8 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 66


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, à l'article 8 du feuilleton, M. le ministre délégué à l'Administration et à la Fonction publique et président du Conseil du trésor propose l'adoption du principe du projet de loi n° 66, Loi instituant le Fonds de gestion des départs assistés. Y-a-t-il des interventions sur l'adoption du principe du projet de loi n° 66? M. le président du Conseil du trésor.


M. Jacques Léonard

M. Léonard: Merci, M. le Président. Depuis notre arrivée au pouvoir, il y a maintenant plus de deux ans, notre gouvernement s'est engagé sur la voie de l'élimination du déficit. Cet objectif est partagé par l'ensemble de nos partenaires socioéconomiques, comme en font foi les travaux de la Conférence sur le devenir social et économique du Québec de mars dernier ainsi que du Sommet de Montréal, mais, je dirais, aussi et surtout par l'ensemble des citoyens du Québec qui partagent avec toutes les élites de la société, le gouvernement, les élus, cet objectif d'atteindre la bonne santé financière de nos finances publiques. Alors, c'est dans la foulée des initiatives mises de l'avant pour parvenir à cet objectif nécessaire à la santé financière du Québec que la mesure de départ assisté a été proposée aux employés de la fonction publique.

Le projet de loi qui vous est présenté pour adoption par l'Assemblée nationale a pour but d'établir le mode de financement des coûts de cette mesure et d'instituer le Fonds de gestion des départs assistés. La constitution de ce Fonds s'inscrit dans une série de mesures que le gouvernement met de l'avant afin de réduire de façon significative le niveau de ses dépenses.

Mon exposé pour appuyer ce projet de loi traitera des quatre aspects suivants: premièrement, un rappel des grandes lignes de la mesure de départ assisté adoptée par le Conseil du trésor; deuxièmement, les différentes avenues envisagées pour son financement; troisièmement, la pertinence de l'option retenue pour le financement de la mesure; et, quatrièmement, les grandes lignes de ce projet de loi.

Avec son engagement d'éliminer le déficit d'ici l'an 2000, le gouvernement se doit de réduire ses coûts de main-d'oeuvre, qui représentent 58 % de l'ensemble de ses dépenses de programmes. C'est dans cette optique que le Conseil du trésor a approuvé, le 21 mai dernier, le cadre de gestion de la mesure des départs assistés dans la fonction publique, dont les objectifs étaient d'accroître le taux d'attrition naturelle et de diminuer la masse salariale des organisations; deuxièmement, d'inciter les personnes concernées à prendre leur retraite plus rapidement que prévu en éliminant plusieurs contraintes de la mesure de départ assisté antérieure; troisièmement, de fournir un outil supplémentaire aux gestionnaires des ministères et organismes qui doivent réduire de 100 000 000 $ leurs coûts de main-d'oeuvre, tel qu'il est prévu dans le livre des crédits 1996-1997.

(15 h 10)

Cette mesure s'inscrit dans une stratégie d'ensemble de gestion des ressources humaines et ne limite en rien les efforts attendus de la part des gestionnaires qui doivent utiliser tous les moyens déjà à leur disposition. Des économies récurrentes substantielles estimées à 116 000 000 $ découlent de la mise en oeuvre de ce programme auquel 2 489 personnes ont adhéré. De ce nombre, 2 067 personnes provenaient des ministères et organismes dont le budget est voté par l'Assemblée nationale. Il s'agit d'une contribution majeure au rétablissement de l'équilibre budgétaire du Québec.

Je rappelle, M. le Président, que les employés qui ont bénéficié de cette mesure recevaient une indemnité de départ qui pouvait atteindre 18 mois de salaire et le paiement intégral de leur banque de congés de maladie et de leurs vacances annuelles accumulées. Toutefois, ces personnes ne devaient pas être en préretraite ou en retraite graduelle pour être admissibles à la mesure. Aussi, elles devaient s'engager à ne pas accepter un emploi dans le secteur public au cours des quatre années suivant leur départ.

Le coût total de cette mesure est évalué présentement à 161 000 000 $ et se compose des trois éléments suivants: le paiement des congés de maladie accumulés au 31 mars 1996, évalué à 39 000 000 $; le paiement des vacances annuelles accumulées au 31 mars 1996, évalué à 13 000 000 $; et le paiement de l'indemnité de départ, évalué à 109 000 000 $.

J'aimerais aborder maintenant, M. le Président, les différentes options qui ont été analysées pour le financement de la mesure de départ assisté. Dès le début de cette réflexion, il a été convenu que le mode de financement retenu ne devait pas modifier l'objectif de dépenses prévu au Discours sur le budget. De plus, il devait viser le rapprochement de la dépense et des économies résultant de la mesure de départ assisté. L'option retenue est celle de la constitution d'un fonds spécial. Ce Fonds sera pourvu à même une avance du ministère des Finances. Le coût de son financement sera remboursé à ce ministère sur une période de quatre ans. Elle correspond à la réduction de la durée moyenne de la carrière des employés qui se sont prévalus de la mesure. Enfin, cette période est conforme à la durée de l'engagement des employés à ne pas réintégrer le secteur public.

En plus de la mise en place d'un fonds spécial, le mode de financement retenu prévoit une modification à la pratique comptable à l'égard des jours de maladie et de vacances gagnés par les employés au cours d'une année. Elle consiste à comptabiliser au passif les états financiers du gouvernement. Cette pratique est conforme sur le plan comptable et devrait recevoir l'appui des autorités compétentes, compte tenu que le gouvernement reconnaît son engagement à cet égard. Par ailleurs, la solution retenue comporte les avantages suivants. Elle permet de considérer cette dépense comme un investissement à des fins de productivité. Elle est analogue, à ce titre, aux pratiques comptables en matière d'amortissement des dépenses des fonds spéciaux affectés au financement des activités de vente de biens et de services, au financement de projets en technologies de l'information et à la pratique en vigueur dans le réseau de la santé et des services sociaux. En outre, de pareilles pratiques comptables ont été utilisées ou le seront dans des entreprises comme Bell Canada et Hydro-Québec dans le cadre de programmes similaires.

Deuxièmement, l'étalement sur une période de quatre ans du remboursement du coût de la mesure correspond à la durée restante moyenne de la carrière des employés qui se prévalent de la mesure et à la durée de leur engagement à ne pas réintégrer le secteur public: une économie budgétaire nette annuelle d'environ 116 000 000 $. De plus, la présentation devant l'Assemblée nationale d'un projet de loi instituant un fonds spécial ajoute à la transparence du mode de financement retenu, comparativement à d'autres qui se seraient traduits par des écritures comptables, comme l'inscription de frais reportés aux états financiers. Le Fonds de gestion des départs assistés est pourvu par des avances versées par le ministère des Finances et les crédits alloués à cette fin par le Parlement. Le versement des primes de départ accordées au personnel de la fonction publique et le paiement de la rémunération et des dépenses afférentes aux avantages sociaux des personnes affectés aux activités du Fonds sont effectués à même ce Fonds. La gestion des sommes qui le constituent est confiée au ministre des Finances, alors que sa comptabilité et l'enregistrement des engagements financiers sont tenus par le ministre délégué à l'Administration et à la Fonction publique. La présente loi, une fois sanctionnée, aura un effet rétroactif au 1er juillet 1996, qui est la date d'entrée en vigueur de la mesure.

Au début de mon intervention en faveur de l'adoption du principe de ce projet de loi, je vous ai fait part, M. le Président, de mon intention de démontrer la pertinence du mode de financement retenu pour la mesure de départ assisté. Cette approche est cohérente avec l'action gouvernementale qui vise à réduire les coûts administratifs et à maintenir la qualité du service à la clientèle.

En terminant, M. le Président, je tiens à rappeler que l'État québécois demeure encore un important levier dont dispose notre collectivité grâce, d'ailleurs, à tous ses fonctionnaires qui l'ont servie et qui ont construit cet État québécois au cours des 20, 30, 40 dernières années.

Alors, l'assainissement, par ailleurs, des finances publiques est une condition essentielle pour permettre au Québec d'entrer dans le troisième millénaire sans que sa capacité d'agir soit affectée par un déficit hors de contrôle. Ce projet de loi est parfaitement conséquent avec les grands axes du budget de dépenses de 1996-1997 visant l'organisation du travail et la diminution des coûts administratifs. Cette mesure est un autre signal donné à la population sur la volonté gouvernementale de faire des économies sans pour autant altérer la qualité des services à la clientèle. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre délégué à l'Administration et à la Fonction publique et président du Conseil du trésor. Alors, je cède maintenant la parole au député de Viger. M. le député.


M. Cosmo Maciocia

M. Maciocia: Merci, M. le Président. Nous sommes appelés aujourd'hui à discuter du projet de loi n° 66, Loi instituant le Fonds de gestion des départs assistés, présenté par le président du Conseil du trésor et député de Labelle.

M. le Président, j'ai écouté avec beaucoup d'attention les explications du président du Conseil du trésor. L'ensemble du dossier de la fonction publique retient l'attention des médias et de la population en général. Partout, M. le Président, dans le comté de Viger comme dans les comtés de toutes les régions du Québec, les citoyens et citoyennes commencent à se poser de sérieuses questions sur l'orientation et les décisions de ce gouvernement dans la gestion de ses ressources humaines.

M. le Président, il faut le dire, le gouvernement du Québec est l'employeur le plus important du Québec. On retrouve les employés de l'État dans toutes les régions du Québec. Tout le monde retient son souffle présentement, M. le Président, devant les nombreux virages qu'on impose d'une semaine à l'autre, d'une journée à l'autre, à ces travailleurs et travailleuses de la fonction publique.

J'ai déjà eu à intervenir en cette Chambre, M. le Président, sur un autre projet de loi du président du Conseil du trésor. Il s'agissait du projet de loi n° 34, sur – comme, nous, on l'a appelé – la désintégration de l'Office des ressources humaines.

M. le Président, avec cette loi, ce gouvernement a choisi de confier à la même personne la gestion des ressources humaines et la gestion des cordons de la bourse. Lors de l'étude de ce projet de loi, nous avions manifesté nos inquiétudes, parce que nous croyons que la gestion des ressources humaines est une fonction extrêmement importante qui n'a rien à voir avec la fonction et les responsabilités comptables du président du Conseil du trésor.

En cette période de transformations et de compressions, la gestion des ressources humaines est devenue, dans toutes les grandes entreprises, une préoccupation prioritaire, une activité essentielle à la réussite de l'entreprise. La présentation du projet de loi n° 66 ne fait que confirmer l'addition comptable, mathématique de ce gouvernement dans la gestion des ressources humaines de la fonction publique.

(15 h 20)

La fonction publique québécoise est un actif important de notre société. Bien plus qu'une dépense, elle constitue un investissement majeur des citoyens et des citoyennes du Québec. Elle est le reflet de la volonté des Québécoises et Québécois de vivre dans une société moderne, développée, progressive. Cette fonction publique permet aux citoyens et citoyennes du Québec d'avoir accès à l'égalité des chances, d'avoir accès à l'éducation, d'avoir accès à la santé, d'avoir accès à la sécurité, d'avoir accès à la justice, d'avoir accès aux routes, au logement et à la sécurité sociale.

Considérer les travailleurs et travailleuses de la fonction publique comme un poste budgétaire, une dépense de l'État, me semble être une grave erreur, M. le Président. Ce sont d'abord et avant tout des personnes au service des citoyens du Québec. Le fruit de leur travail est un actif majeur de notre société. Dans un bilan, M. le Président, il n'y a pas que le passif, il faut regarder aussi l'actif. Lorsqu'on réduit les effectifs sans aucune vision de la ressource, on réduit l'actif de notre société.

Je déplore, M. le Président, le manque de vision de ce gouvernement, l'absence de sensibilité à l'égard de notre jeunesse québécoise, de nos communautés culturelles, de celles et ceux qui tentent sans succès de percer le mur du marché du travail, qui tentent sans succès de percer le mur de la fonction publique, inaccessible à toute une génération de Québécoises et Québécois. Je déplore, M. le Président, que ce gouvernement concentre ses efforts sur la colonne du passif sans se préoccuper de la colonne de l'actif.

Je déplore, M. le Président, que ce gouvernement concentre ses efforts sur les départs assistés plutôt que sur la relève assistée de la fonction publique québécoise. Je déplore, M. le Président, que ce gouvernement soit prêt à sacrifier sur l'autel de la comptabilité des milliers d'emplois occasionnels de travailleurs et travailleuses à statut précaire, surnuméraires, sans protection syndicale dans l'actuelle ronde de négociations. M. le Président, ce sont encore une fois des jeunes et des femmes qui écoperont des ententes entre les mieux nantis, les mieux protégés et les plus chanceux d'entre nous.

Selon nos informations, M. le Président, on joue, de l'autre côté de cette Chambre, avec l'avenir de 4 000 à 5 000 travailleurs et travailleuses à statut précaire qu'on s'apprête à remercier dès le 1er janvier prochain. De ces personnes, M. le Président, on ne parle jamais. Personne ne défend les intérêts de ces travailleurs et travailleuses qui, malgré leur statut, ont consacré à la fonction publique de nombreuses années de leur vie, jusqu'à 10 ans dans certains cas, M. le Président.

Auront-ils accès au programme de départ assisté? Non, M. le Président, ils n'auront pas droit au programme de départ assisté. Ils sont considérés comme une quantité négligeable. Ils n'ont pas le support d'une organisation syndicale dévouée et attentive. Ils sont la marge de manoeuvre, le tampon, le pare-choc d'un gouvernement insensible, M. le Président. Il y a entre 4 000 et 5 000 employés occasionnels qui ne sont pas touchés par ça, M. le Président.

En même temps, M. le Président, ce gouvernement accepte de verser à une trentaine de hauts fonctionnaires plus de 3 500 000 $ en primes de séparation ou en mesures de départ assisté. C'est une drôle de façon de considérer la gestion des ressources humaines, M. le Président, c'est une drôle de façon d'appliquer le partage équitable de notre richesse collective. C'est une drôle de façon d'appliquer dans les faits la solidarité dont on parle tant de l'autre côté.

J'ai lu le projet de loi n° 66 avec beaucoup d'attention, M. le Président. J'ai tenté d'y trouver une phrase, un mot qui indique les orientations de ce gouvernement en matière de gestion des ressources humaines. Nous savons que le président du Conseil du trésor veut mettre en place dans son ministère un fonds pour gérer les départs assistés. La loi ne définit pas les mesures de départ assisté. On ne sait pas combien de personnes elles visent, à qui elles s'adressent, combien d'argent on prévoit faire tremper dans ce Fonds, combien de personnes seront embauchées pour en faire la gestion et à quelles conditions.

Pour en savoir un peu plus, les citoyens qui suivent le travail que nous faisons en cette Chambre devraient s'organiser pour mettre la main sur un document du Conseil du trésor. Il aurait été plus facile pour les personnes, les citoyens, pour qui les lois sont votées en cette Assemblée, d'avoir accès à ce document.

Pourquoi ne pas intégrer, en annexe du projet de loi, la mesure de départ assisté à laquelle la loi réfère à l'article 3 de ce projet de loi? Pourquoi ne pas essayer de faciliter la compréhension du lecteur lorsqu'il s'agit de légiférer? Est-ce que cette mesure est arrêtée dans le temps? Est-ce que cette mesure est susceptible d'être modifiée unilatéralement par ce gouvernement? Est-ce que cette mesure peut évoluer au gré des virages dont je parlais tantôt? Il me semble, M. le Président, qu'il s'agit de fonds publics. Pourquoi ne pas essayer d'être le plus transparent possible avec ce Fonds?

Le cadre de gestion de la mesure des départs assistés dans la fonction publique se trouve à être l'une des pièces maîtresses pour comprendre la portée de ce projet de loi et du Fonds qu'il veut mettre en place.

J'ai en main, M. le Président, un document qui semble être le cadre en question auquel réfère l'article 3 du projet de loi. Ce cadre, M. le Président, tient sur deux pages. Deux pages qui portent le numéro 188835 et qui sont suivies d'une annexe. Il est présenté en neuf points: 1° principes directeurs; 2° employés admissibles à la mesure de départ assisté; 3° conditions à respecter pour bénéficier de la mesure de départ assisté; 4° montants versés dans le cadre de la mesure de départ assisté; 5° paiement de la valeur des banques de congés de maladie et des vacances annuelles accumulés; 6° restrictions en cas de l'octroi de la mesure de départ assisté; 7° gestion de la mesure de départ assisté; 8° exclusions; 9° la durée de la mesure de départ assisté.

Je ne voudrais pas entreprendre ici une discussion sur chaque paragraphe de ce cadre. Toutefois, je présume que nous aurons le temps d'en discuter en commission parlementaire, puisque la loi réfère à ce document. Mais, M. le Président, si je comprends bien ce cadre, le Fonds de gestion des départs assistés devra gérer une mesure dont la durée doit être limitée dans le temps. De fait, et c'est l'un des problèmes que je soulève, le cadre auquel réfère la loi devrait s'appliquer, selon le texte, du 1er juillet 1996 au 30 septembre 1996. Puisque nous sommes maintenant en décembre 1996, j'aimerais bien savoir si le document que j'ai en main est celui auquel réfère la loi. Nous savons que les employés concernés par la possibilité de prendre une retraite anticipée avaient un délai à respecter pour faire ce choix. Après la date du 30 septembre, la mesure n'était plus accessible. Selon un article du Soleil du 28 septembre 1996, plus de 4 200 fonctionnaires auraient bénéficié de ce programme à cette date. Selon Pierre-Jude Poulin, attaché de presse du ministre Léonard, tout indique que le gouvernement parviendra à atteindre son objectif de 2 500 départs.

(15 h 30)

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le député de Viger, vous savez que vous n'avez pas le droit de nommer le ministre du comté de Labelle, le président du Conseil du trésor. Alors, veuillez continuer, s'il vous plaît.

M. Maciocia: M. le Président, je m'excuse. C'est le président du Conseil du trésor. Tout indique que le gouvernement parviendra à atteindre son objectif de 2 500 départs. Si le programme qui prévoit le versement d'indemnités variant de six à 18 mois de salaire, tout dépendant du nombre d'années de service, coûtera quelque chose autour de 170 000 000 $ à l'État, on nous dit qu'il permettra, par ailleurs, d'économiser 490 000 000 $ d'ici l'an 2000. En date du 19 novembre, lors d'une interpellation de mon collègue le député de Westmount– Saint-Louis, le président du Conseil du trésor estimait en Chambre à 2 489 le nombre de fonctionnaires ayant bénéficié de ce programme. Voilà pour les départs assistés, M. le Président.

Mais, M. le Président, il ne faut pas sous-estimer les efforts considérables qui ont été faits par les travailleurs et les travailleuses de la fonction publique. Selon un article publié le 5 décembre dernier dans le Journal de Québec , à cause des réductions d'effectifs des secteurs public et parapublic, le gouvernement du Parti québécois aurait économisé depuis deux ans 900 000 000 $ en salaires. Alors que le gouvernement coupe 900 000 000 $ en salaires, il réduit son déficit de 1 000 000 000 $ au cours des mêmes années. Est-ce qu'on peut comprendre une fois pour toutes que la fonction publique est l'acteur principal des efforts de compressions de ce gouvernement? Est-ce que ce gouvernement peut comprendre que la proportion des compressions assumées par les employés de l'État est plus que respectable, raisonnable et, même, remarquable? Peut-on accepter que ce gouvernement contribue encore à l'augmentation du taux de chômage québécois en sabrant dans les effectifs de la fonction publique au moment où le Québec, depuis l'entrée en fonction du premier ministre actuel, a perdu 60 000 emplois, M. le Président?

Faut-il, M. le Président, qu'en plus de 200 emplois par jour qui se perdent au Québec depuis le mois de janvier dernier que ce gouvernement en remette davantage en mettant à pied des milliers de travailleurs et travailleuses de la fonction publique? Est-ce un bon calcul? Est-ce une bonne méthode? Est-ce la meilleure façon de gérer les ressources humaines compétentes et dévouées que de les condamner à se mettre en ligne dans la foulée des 400 000 Québécois et Québécoises à la recherche d'un emploi, dans la file infernale de ces 800 000 personnes démunies, rescapées de la nouvelle économie, qui survivent à peine dans les programmes de la sécurité du revenu qu'on grignote un peu plus à tous les jours?

Selon le Conseil du trésor et l'article du Journal de Québec , les principales réductions d'emplois sont survenues dans la fonction publique. Les différents ministères ont retranché 8 000 fonctionnaires entre 1993 et 1995. Les secteurs de la santé et de l'éducation ont subi une diminution cumulative de l'ordre de 6 000 salariés. C'est énorme, M. le Président, c'est énorme pour une économie qui tourne déjà au ralenti. C'est énorme pour le Québec qui accuse un écart historique au-dessus du taux de chômage canadien. C'est beaucoup de monde, M. le Président, qui a gonflé le nombre de chômeurs et d'assistés sociaux. Est-ce vraiment une économie?

Bien sûr, M. le Président, la mesure des départs assistés est plus douce, elle permet à des personnes proches de la retraite de pencher en faveur de la retraite. Mais le drame, M. le Président, c'est que ceux qui partent ne sont pas remplacés: c'est l'expérience et la compétence qui quittent. Nous aurions aimé travailler avec le président du Conseil du trésor à une formule plus motivante, plus mobilisatrice, une formule qui aurait tenu compte de la relève de la fonction publique, qui aurait fait appel à une certaine solidarité entre les générations, entre celle qui part et celle qui pousse, une formule qui aurait permis de prendre en compte les aspects plus humains de la gestion des ressources humaines, une formule qui aurait permis d'assurer la continuité et la pérennité de l'État québécois dans le respect d'une vision moderne de la fonction publique plus ouverte, plus souple, plus flexible.

Le président du Conseil du trésor nous propose un fonds pour les départs assistés; c'est son choix, M. le Président, et nous allons en discuter en commission parlementaire. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Viger. Nous cédons maintenant la parole au député de Bourassa. M. le député.


M. Yvon Charbonneau

M. Charbonneau (Bourassa): Oui, M. le Président, merci. J'aimerais intervenir à ce moment-ci où nous discutons du principe du projet de loi n° 66, Loi instituant le Fonds de gestion des départs assistés.

C'est un projet de loi qui ne comporte que 13 articles, donc on ne peut pas parler d'un projet de loi complexe, comme dans d'autres domaines où il y a des dizaines et des centaines d'articles, où 10, 15 lois sont amendées. C'est un projet de loi dont le principe est assez simple à saisir. Le gouvernement, dans son organisation, a confié au ministre responsable du Conseil du trésor également la responsabilité de la gestion des effectifs de la fonction publique. Il est responsable de l'administration publique.

Il faut comprendre que, en faisant ce choix, le gouvernement a décidé de confier au même ministre responsable, d'une part, la gestion du Trésor, c'est-à-dire la comptabilité de l'État, du gouvernement, et également en quelque sorte la gestion ultime des ressources humaines.

Certainement que des personnes qui nous écoutent et qui ont quelque expérience d'organisation, que ce soit dans le secteur privé ou dans le secteur public, auront tout de suite remarqué qu'il y a là une anomalie assez importante: confier au même responsable la gestion des ressources financières et également la gestion des ressources humaines. En général, dans des grandes sociétés ou dans des compagnies importantes, on se donne la peine de nommer un vice-président aux finances et une autre personne qui est vice-présidente, par exemple, aux ressources humaines, parce qu'on sait que c'est important qu'arrivent au conseil d'administration, s'il s'agit d'une compagnie, ou du gouvernement, s'il s'agit du Conseil des ministres, plusieurs points de vue, que s'exprime le point de vue de celui qui est responsable de la gestion comptable, de la gestion financière, et on sait que cela doit être rigoureux.

Quel que soit le secteur où on travaille, que ce soit dans le secteur privé ou dans le secteur public, il n'y a pas de fantaisies à faire, il faut des calculs serrés, il faut gérer rigoureusement et de manière responsable les ressources financières et matérielles qui sont les nôtres. Et il est bon aussi qu'arrive, au conseil d'administration si c'est une compagnie ou au Conseil des ministres s'il s'agit du gouvernement, un point de vue particulier qui prend en compte les réalités complexes reliées à la gestion des ressources humaines, à la gestion des personnels.

Le gouvernement a décidé que c'est la même personne, le même ministre qui est responsable des deux, et c'est tellement son intention de fusionner ou, je dirais, de «confusionner», si le mot était permis, les deux fonctions que, il y a quelques mois, avant l'été, on nous a soumis un projet de loi, le projet de loi n° 34, qui a fait disparaître ce qui restait d'apparence d'autonomie de l'Office des ressources humaines du Québec. On a fait disparaître ce qui restait de possibilité d'une gestion distincte en matière de ressources humaines. Même si déjà c'était rendu sous la responsabilité générale du président du Conseil du trésor, on a fait disparaître le reste d'autonomie. La petite cloison qui subsistait, on l'a abolie, entre ressources humaines et ressources financières.

Je crois que c'est bon, à l'occasion d'un débat comme celui-ci, de faire ces rappels. C'est ce qui fait qu'aujourd'hui le ministre responsable du Conseil du trésor et de l'administration publique se présente comme le parrain de la Loi instituant le Fonds de gestion des départs assistés. Quand on parle ici de départ assisté, il faut que tous ceux qui nous écoutent comprennent qu'il s'agit du départ de milliers de personnes qui ont travaillé de très nombreuses années dans la fonction publique ou dans le réseau public, soit de la santé ou de l'éducation, notamment.

Il semble que le gouvernement, à travers ces mesures d'assistance au départ, veuille pousser dans le dos d'un certain nombre de ressources – quelques milliers, on ne sait pas exactement combien de milliers sont visés, mais quelques milliers de ressources – et qu'on leur présente une carotte pour ce faire, c'est-à-dire qu'on essaie de les attirer, d'accélérer leur départ, en quelque sorte. On les aide à réfléchir un peu plus vite, semble-t-il, en mettant quelques dizaines de milliers de dollars devant eux.

(15 h 40)

Peut-être que certaines personnes, parce qu'elles en sont arrivées à ce stade-là de leur vie, vont en profiter véritablement et vont continuer de se développer après avoir profité de ces mesures. Mais peut-être qu'un certain nombre d'autres personnes aussi sont poussées un peu rudement vers la porte de sortie malgré que tout se fasse dans un contexte où tout le monde est bien gentil, puis qu'on a des indemnités, puis que ça a l'air intéressant.

M. le Président, la gestion des ressources humaines, à mon avis, dans un gouvernement, c'est une fonction extrêmement importante, surtout que le gouvernement et ses réseaux, fonction publique, santé, éducation, c'est le plus important employeur du Québec. Et cela est également vrai à l'échelle des régions; c'est le plus important employeur dans l'ensemble des régions du Québec aussi, région par région, quand on fait la somme des employés qui relèvent de l'État d'une manière ou d'une autre.

À notre avis, de ce côté-ci de l'Assemblée, il y a un grand risque: en confondant les genres, à la fois la comptabilité et les ressources humaines au sein du gouvernement, on a une vision, je dirais, réductrice des problèmes et des besoins propres qui existent en matière de gestion de nos ressources humaines, de nos employés, les personnes qui font fonctionner les programmes, les mesures que nous décidons comme législateurs.

Les ressources humaines, il faudrait s'habituer à se dire que ce n'est pas une dépense. On entend souvent des déclarations: Nos dépenses du côté des employés... Ce n'est pas rien qu'un poste budgétaire comme d'autres, M. le Président. Une ressource humaine, un déboursé du côté des ressources humaines, c'est un actif. On mise et on investit dans ce qu'on a de plus précieux comme actifs au Québec, des actifs qui nous permettent d'avoir accès à des services publics compétents, accessibles et diversifiés.

Le ministre aujourd'hui, au nom du gouvernement, nous propose de mettre en place un fonds de gestion des départs assistés. Il y aura là un certain montant, dans les centaines de millions de dollars, qui, dit le gouvernement dans certains communiqués... eh bien, en déboursant ces quelques centaines de millions de dollars, ça va permettre d'économiser quatre ou cinq fois plus d'ici l'année 2000.

M. le Président, ici, on pousse quelques milliers de personnes à traverser plus vite qu'elles ne l'auraient fait la porte, à quitter leurs fonctions. On est prêt à mettre là-dedans 100 000 000 $ ou 200 000 000 $ ou 300 000 000 $ – on verra au bout du programme – et on se dit: On a trouvé une manière d'investir, on va faire 4 $ pour 1 $ avec ça, en mettant notre monde dehors plus vite. La manière d'investir de ce gouvernement, elle est quasiment devenue, si vous voulez, l'inverse du bon sens: on investit pour qu'ils quittent plus vite dans le but de faire des économies plus tard.

M. le Président, je ne sais pas si c'est un nouveau mode de développement du Québec qu'on nous propose à travers ça. Moi qui ai l'avantage de connaître le ministre responsable du Trésor depuis plus de 40, 45 ans, je sais qu'en son for intérieur il serait porté essentiellement à être un homme de développement, il serait porté à être un constructeur. Malheureusement, la commande qu'il a reçue du tandem composé du premier ministre et du ministre des Finances et de l'Économie, c'est d'être un démolisseur actuellement, c'est d'être un rapetisseur du Québec. Je sais que ça ne lui plaît peut-être pas intérieurement, mais là il a la commande et il faut qu'il trouve des moyens d'accélérer le départ des ressources humaines qui sont au service de l'État et qui comptent parmi celles qui ont le plus d'expérience, le plus de savoir-faire. On les pousse plus vite que de raison vers la porte.

M. le Président, je sais que c'est probablement, comme on dit, une job, que c'est probablement une obligation qu'il a dans son métier, et personne ne l'envie, je pense, à ce moment-ci, d'un côté ou de l'autre de la Chambre, d'être obligé de se livrer à ce genre de commande. Il n'en reste pas moins que nous avons le droit de nous poser des questions et de les soulever publiquement. Où en sont les règles d'équité et de solidarité dans tout ça, dont parle souvent le premier ministre? Quand on voit ce qui arrive aux employés les plus précaires, les temps-partiels, les surnuméraires, les temporaires, etc., il y en a plusieurs milliers qui, eux, n'en auront pas de départ assisté, M. le Président. On ne les assistera pas à partir, on va leur annoncer que c'est terminé. Et, à l'autre bout de l'échelle, on trouve plusieurs dizaines de millions pour ceux et celles qui ont des moyens de se défendre en général, qui ont des syndicats et qui sont au summum de leur carrière. Où est l'équité là-dedans, M. le Président?

On peut faire remarquer aussi que la portée réelle du projet de loi n° 66 est peu cernée: À qui exactement elle s'adresse? Pour combien de milliers de personnes? Combien d'argent filera là-dedans? Eh bien, c'est en consultant le cadre de gestion, mais, comme le disait mon collègue le député de Viger, rien n'est trop clair là-dedans. On a entre les mains un cadre de gestion qui serait périmé si on regarde les dates qui y apparaissent, périmé depuis quelques mois. Alors, quel est le cadre de gestion qui vaut maintenant et qui vaudra à travers les quatre ou cinq prochaines années, puisque la loi instituerait un fonds qui aurait une portée s'étendant jusqu'en l'an 2000 ou 2001? Quel sera le cadre de gestion? Est-ce que c'est un cadre de gestion évolutif? Est-ce qu'il va être renouvelable aux deux mois, aux trois mois, aux six mois, une fois par année? À quoi doivent s'attendre les employés qui, dans un an ou deux, en 1998 ou en 1999, auront 25 années, 26, 27 ou 30 ans de service eux aussi? Quand ils vont arriver à ces âges-là ou à ce nombre d'années de service, quel sera le cadre de gestion qui les attend en termes d'assistance au départ? On ne sait pas, M. le Président.

On nous soumet un projet de loi et on dit: Bien, le gouvernement fera des règlements à mesure et aux conditions que celui-ci détermine – on voit ça à peu près sept, huit fois dans le projet de loi – aux conditions qui existeront dans la mesure déterminée par le gouvernement. Les règles sont à venir. Les règles, et de base, on en connaît un minimum, mais les dates qui sont dessus, quant à ces règles-là, c'est des dates qui nous disent que ce cadre-là est périmé. Alors, on aimerait entendre le ministre nous expliquer comment il va gérer ce fonds d'assistance à travers les années.

Puis les personnes qui sont interpellées, je dis les personnes... les catégories de personnes qui semblent visées par le cadre de gestion périmé dont nous disposons, bien, ces personnes-là, elles vont finir par sortir, puisqu'elles sont visées. Mais il y en a d'autres qui vont avoir 25, 26, 28, 30 ans de service aussi dans les prochaines années. Est-ce qu'on s'adresse à elles aussi? Est-ce qu'on leur fait, en quelque sorte, un préavis qu'un jour ce sera leur tour?

M. le Président, je pense que le ministre aurait tout intérêt à bien expliquer, à bien expliciter la portée réelle de ce qu'il vise de manière à envoyer un message clair. Est-ce que c'est une opération genre coup de poing, c'est-à-dire qui va durer un temps limité pour certaines catégories, mais ensuite on va laisser les autres tranquilles? Ou si, à mesure qu'elles vont avoir 25 ans de service ou 28 ans de service, elles aussi vont être appelées à passer dans le système, ici? Il faudrait qu'il nous explique ça, le ministre, dans la présentation de son projet de loi, dans son argumentation. Alors, question d'accessibilité à ce fonds et question de transparence, des clarifications s'imposent.

On aura remarqué que, à cause des coupures des dernières années ou des mesures prises ces dernières années incluant celle-ci, le gouvernement pense pouvoir proclamer une économie ou une réduction de ses coûts d'environ 900 000 000 $. 900 000 000 $, c'est beaucoup. Et on sait que, par exemple, dans le cadre des tentatives de négociations que le gouvernement fait auprès des organisations syndicales, les enjeux sont de l'ordre de 1 000 000 000 $, 1 500 000 000 $ – ça dépend qui parle et à quel moment. Mais le gouvernement a besoin de 3 000 000 000 $ et il essaie d'aller voir s'il n'y a pas moyen d'aller en chercher 1 000 000 000 $, 1 500 000 000 $ du côté des syndiqués. Et vous voyez la résistance que ça provoque, les questions que ça soulève.

Donc, 1 000 000 000 $, c'est très important à l'échelle dont nous parlons. Mais, déjà ces dernières années, par des ponctions diverses, par toutes sortes de mesures, il y a eu ou il y aura, au terme de ces mesures-là, une réduction de 1 000 000 000 $ dans les coûts de main-d'oeuvre du gouvernement et de ses réseaux. C'est dire toute l'importance, toute l'ampleur du chemin parcouru par ce moyen-là, qui n'est pas de l'ordre de la négociation, qui est de l'ordre de la gestion, qui est pris à travers certaines mesures: couper les temporaires, pousser dans le dos de ceux qui ont plus d'expérience, rogner à gauche, rogner à droite. Finalement 1 000 000 000 $, c'est ce qu'ils prétendent pouvoir... 900 000 000 $, c'est ce qu'ils prétendent pouvoir obtenir.

(15 h 50)

Donc, c'est un effort gigantesque à l'échelle où l'on se parle, à l'intérieur des finances québécoises. Des budgets de l'ordre de 40 000 000 000 $, la moitié en main-d'oeuvre, la moitié pour le reste. On va chercher 1 000 000 000 $, déjà, et par des tentatives de négociations et de réouverture de conventions auxquelles se livre le premier ministre, négociateur en chef – et seul négociateur, de toute façon, de toutes ces questions-là, malgré que, normalement, ces responsabilités soient dévolues au président du Conseil du trésor, pendant une bonne partie, dans les rondes de négociations habituelles qu'on a vues à plusieurs reprises dans nos vies depuis 25 ans...

Normalement, le président du Conseil du trésor fait un bon bout. C'est une tâche un peu détestable, un peu haïssable. On se fait dire toute sortes des choses, on se fait critiquer, on est obligé d'argumenter, mais normalement le président du Conseil du trésor ouvre la voie. Il se fait assister, normalement, aussi, du ministre de l'Éducation et du ministre de la Santé et des Services sociaux, parce que c'est les deux plus gros budgets, avec le ministre de la Fonction publique, quand il y en avait un, dans le temps. Il n'y en a plus non plus, parce que tout, maintenant, est entre les mains du Conseil du trésor. Normalement, ce trio de ministres, avec leurs partenaires de réseaux... Ça, ils ne se sont pas occupés de ça, cette fois-ci, ils nous l'ont dit, il les ont consultés aujourd'hui en vue des rencontres d'hier. Alors, normalement, le président du Conseil du trésor assume des responsabilités importantes lorsque arrive le temps de négocier ou de renégocier des ententes de cette ampleur.

Cette fois-ci, étant donné sa très grande modestie – il ne veut pas vraiment déranger le premier ministre dans ses stratégies très, très sophistiquées, à ce qu'il prétend, lui, le premier ministre – alors, ne voulant pas le déranger, bien, il se contente maintenant d'y aller avec l'assistance au départ, des choses comme ça.

M. le Président, je pense que nous sommes dans une période triste avec des projets de loi comme ceux-là. Je ne pense pas que ce soient ceux-là que le ministre responsable du Trésor aime le mieux présenter non plus. Il n'y a pas de développement là-dedans. Quand est-ce que le président du Conseil du trésor va nous amener un programme, un projet de loi pour assister la relève à accéder à la fonction publique? Ça, ce serait un projet de loi intéressant. Toutes les jeunes femmes et tous les jeunes hommes qui ont fait des études, qui ont des bacs, des maîtrises dans différents domaines, qui sont là dans les universités et qui aimeraient accéder à des postes dans le secteur public, dans l'enseignement, dans le domaine de la santé, dans la fonction publique en général, à titre de professionnels ou autrement, ces gens-là frappent à la porte, et certains sont désespérés. Il n'y a plus d'embauche, M. le Président, parce que l'État du Québec est en train de se rapetisser sous la gestion du gouvernement actuel.

Ce qu'il nous faudrait... Et je suis sûr que le président du Conseil du trésor, s'il était maître à bord, lui, il proposerait un programme d'assistance à la relève, assistance au renouvellement de la fonction publique. Ça permettrait aux jeunes d'avoir plus de travail, etc. Mais il est pris dans un contexte, le président du Conseil du trésor, où il a eu une commande, comme on le disait tout à l'heure, une commande du tandem premier ministre- ministre des Finances, et ces gens-là se sont résignés. Il n'aime pas ça, le premier ministre, quand on l'appelle «le premier ministre désigné»; il bondit. Mais, si on dit «le premier ministre résigné», je ne sais pas si ce serait plus acceptable, M. le Président, et son équipe...

Comme ils ne sont pas capables de relancer l'économie, de faire en sorte que les revenus rentrent dans les coffres de l'État, bien, il leur reste une seule voie: il n'est pas question d'augmenter les barèmes de taxes – encore qu'ils nous en passent une de temps en temps, mais indirectement – alors, il leur reste à couper, à comprimer, à assister les départs. C'est des 9-1-1, des ambulances Saint-Jean. C'est à ça qu'ils se confinent comme rôle.

C'était un peu ça ce matin, aussi. On essayait d'avoir un débat. Où est-ce qu'il est, le programme de création d'emplois? On nous référait à la ministre responsable des mesures d'urgence, responsable de la Croix-Rouge. Elle a dit: Là, on a des programmes pour les recycler, on a des programmes pour les former, pour les insérer, pour les tranquilliser. Ce n'est pas ça qu'on disait. Où est le programme pour créer des emplois? Ça réglerait tous les problèmes, tout le casse-tête de la ministre de l'Emploi et de la main-d'oeuvre, s'il y avait de l'ouvrage, s'il y avait des investissements, s'il y avait de la confiance.

Alors, on est devant des mesures de fonds d'assistance au départ de nos meilleures ressources humaines. On est en train de gruger notre patrimoine humain, M. le Président, de le mettre au rancart, parce qu'on n'est pas devant un gouvernement qui a un projet lui permettant d'avancer et de développer le Québec véritablement. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Bourassa. Nous allons maintenant céder la parole au député de Westmount–Saint-Louis. M. le député.


M. Jacques Chagnon

M. Chagnon: Merci, M. le Président. Je voudrais joindre ma voix à ceux qui ont déjà parlé sur le projet de loi n° 66, Loi instituant le Fonds de gestion des départs assistés. C'est un projet de loi dont l'objectif cherche, grosso modo, à diminuer le nombre de personnel dans la fonction publique. Il y a déjà un cadre de gestion qui a fonctionné jusqu'à la fin de septembre, si ma mémoire est bonne – non seulement si ma mémoire, mais j'ai une copie du cadre ici – et ma mémoire est bonne, du 1er juillet 1996 au 30 septembre 1996.

Déjà 2 000 et quelques employés, selon le président du Conseil du trésor, M. le Président, se sont prévalus de ce programme. Ce nouveau cadre, qui devrait, je le suggère au ministre, nous être... le ministre devrait le rendre public, parce que ça nous permettrait au moins de comprendre ce qu'il veut ajouter au cadre qu'il a déjà, à moins que ce soit le même qu'il veut tout simplement reconduire. Ce nouveau cadre, M. le Président, devrait permettre d'assister 2 500 départs, selon l'évaluation du ministre, d'ici l'an 2000 et le président du Conseil du trésor estimait déjà à 2 489 le nombre de départs qui avaient déjà été effectués.

M. le Président, mon collègue de Bourassa a mentionné des problèmes que l'on retrouve de façon de plus en plus structurelle dans notre fonction publique, et ils se composent généralement d'un vieillissement assez accéléré de notre fonction publique. Déjà que – et le président du Conseil pourra toujours me contredire s'il y a lieu – je pense qu'on a un peu moins de 3 % des employés de la fonction publique qui ont 30 ans ou moins, ce qui est assez particulier et qui dénote que la fonction publique est un endroit qui est maintenant fermé à la jeunesse québécoise, celle qui, après des années d'études, aurait pu se dénicher un emploi comme professionnel, comme fonctionnaire ou comme cadre dans le secteur public ou parapublic. Cette carence dans la réorganisation de notre fonction publique n'est évidemment pas modifiée par un appel du pied, une suggestion financière faite aux gens qui ont 20, 25, 30 ans d'expérience de sortir plus rapidement de la fonction publique.

C'est entendu que les indemnités qui seront versées, qui varient entre six et 18 mois de salaire, et qui varient pour les gens qui ont 25 années ou moins de service à 30 années, qui leur permettront d'avoir – en années de service, évidemment, j'entends, M. le Président, pas en âge, en années de service – entre six et 18 mois de compensation, éventuellement devraient permettre au Conseil du trésor de faire une économie, si l'on compare effectivement avec le niveau de dépenses que le Conseil devrait effectuer pour le financement des salaires sur une base de quatre, cinq ou six ans, qui pourraient permettre à ces gens de prendre leur retraite à 35 ans, comme on le retrouve à peu près dans tous les régimes de retraite que nous avons dans notre système public ici, au Québec, M. le Président. Je pense au RREGOP, je pense au RRF, au régime de retraite des fonctionnaires, au régime de retraite des enseignants.

Ce projet de loi, effectivement, va permettre à des gens de quitter à 29, 30 ou 31 ans de service au lieu de se rendre à 35, avec l'indemnité que suggère le président du Conseil du trésor de six à 18 mois. Maintenant, le président du Conseil du trésor évalue à 172 000 000 $ sa dépense. Il évalue son fonds de gestion entre 172 000 000 $ et 181 000 000 $, me dit-il? 161 000 000 $, merci. Je vais me corriger.

(16 heures)

M. le Président, le président du Conseil du trésor évalue à 161 000 000 $ – et je le remercie de sa précision – le montant évalué pour sa dépense sur les quelques années à venir. Une des questions que je me pose, dans l'écriture du projet de loi, à l'article 2, dans le fonds institué par le ministère des Finances, j'aimerais comprendre si ce fonds est constitué par de l'argent qui vient, par exemple, du Fonds de suppléance. Parce que le Fonds de suppléance, maintenant, n'est plus organisé, n'est plus rattaché au ministère des Finances, mais il est bien plutôt rattaché au Conseil du trésor depuis cette première année financière, à ma connaissance en tout cas. Et le président du Conseil du trésor m'indique que j'ai raison là-dessus, à tout le moins. Et le fonds comme tel, s'il est l'émanation ou une extension du Fonds de suppléance pour le financement de ce programme, effectivement ça pourra apporter quelques problèmes de compensation que le président risque d'avoir suite aux demandes, entre autres, du ministre des Finances pour arriver à faire des – et ça, ça sera un problème que vit le ministre responsable du Trésor, de ce temps-ci – commandes qui vont lui arriver des Finances, et qui lui sont déjà arrivées des Finances, pour comprimer des budgets dans différents ministères de façon à avoir des périmés, comprimer et faire des périmés dans certains ministères, parce que les revenus ne sont pas exactement ceux attendus par le ministère des Finances.

Sauf que, évidemment, son Fonds de suppléance est un outil de gestion pour diminuer la pression des compressions de crédits qu'il ne pourra pas utiliser à deux places. Le président du Conseil du trésor a non seulement l'autorité et la compétence, mais il est aussi comptable et il sait bien qu'on ne peut pas utiliser cet argent-là à deux places en même temps. Il ne pourra pas l'utiliser pour le financement de son fonds de départs assistés puis en même temps pour diminuer l'impact de la péremption de crédits dans les différents ministères.

J'ai été surpris – peut-être que le député de Viger en a parlé – de constater dans le projet de loi que les fonctionnaires qui seront affectés à la gestion de ce fonds-là sont financés à même le fonds. Ça, je n'ai encore jamais vu ça. Ça me surprend, en tout cas. Surprise. Je ne comprends pas quel est l'objet, pourquoi le ministère du Conseil du trésor a prévu, à l'article 3, que les fonctionnaires qui travailleraient sur la gestion de ce fonds-là seraient financés par le fonds, et c'est assez nouveau. En commission parlementaire, M. le Président, on aura le moment, évidemment, plus approprié... Mais je souligne tout de suite au président du Conseil du trésor que, moi, c'est une question que j'ai trouvée un peu particulière. Ce n'est pas régulier, ce modèle de fonctionnement là, et je ne comprends pas non plus pourquoi on l'amène là-dedans. Il doit y avoir une raison, et le président du Conseil pourra peut-être en parler lorsqu'il fera son discours de clôture.

J'exprime aussi au président du Conseil du trésor un doute quant à l'article 5, dans ce projet de loi là, qui fait du ministre responsable du Conseil du trésor l'espèce de ministre – je ne veux pas insulter le président – qui le met un peu en tutelle du ministère des Finances, quand on sait que c'est le ministère des Finances qui est responsable de la gestion des sommes constituant le fonds. C'est le ministre responsable du Conseil du trésor qui est le responsable des employés, mais c'est le ministre des Finances qui est responsable de la gestion du fonds. Et, moi, personnellement, je préférerais voir le ministre responsable du Conseil du trésor être responsable de la gestion du fonds. Je le dis clairement: ça m'apparaîtrait souhaitable, plus logique, plus dans le sens de l'imputabilité, même, de la gestion du fonds.

On sait que le président du Conseil du trésor et moi avons eu, déjà, dans le passé, quelques bonnes discussions viriles sur la responsabilité ministérielle, mais c'est sûrement sur un dossier comme celui-là qu'on pourra facilement non seulement s'entendre, mais découvrir qu'il y a une responsabilité que le ministre devrait avoir, qui est le prolongement de sa propre responsabilité vis-à-vis les employés de l'État. Le ministre et président du Conseil du trésor aujourd'hui, et ça, depuis plusieurs années, a un travail qui inclut l'ancien ministère de la Fonction publique. En fait, le président du Conseil du trésor est aussi le ministre de la fonction publique; il est aussi le ministre responsable de ces employés-là. Et les employés du secteur public, de la fonction publique, lorsqu'ils viennent négocier avec les officiers du Conseil du trésor, sont sous l'autorité du président du Conseil du trésor. Et il m'apparaîtrait éminemment souhaitable et plus logique que la responsabilité de la gestion du fonds découle de la même autorité politique de laquelle découle l'autorité sur les employés de l'État.

Je voudrais aussi signifier que ce projet de loi n'est pas en soi une mauvaise chose, quant à moi. Au contraire. Je pense que, sur le plan de la gestion, c'est une façon intéressante et intelligente de pouvoir s'assurer que l'on peut diminuer notre nombre d'employés, mais je dis et je souligne au président du Conseil du trésor qu'il y a un intérêt énorme à faire en sorte qu'on s'ouvre de plus en plus vis-à-vis des demandes pressantes de jeunes qui se cherchent de l'emploi et qui pourraient se faire une niche à l'intérieur de la fonction publique, qui pourraient faire leur vie à l'intérieur de la fonction publique, mais qui voient, comme beaucoup de jeunes de 35 ans et moins – 35 ans, on n'est plus dans la prime jeunesse – leur avenir bouché parce que les perspectives d'avenir, que ce soit dans le secteur public ou dans le secteur privé, sont à peu près nulles au moment où on se parle.

J'aimerais aussi signifier au ministre, je voudrais tout d'abord – je le questionnerai plus tard sur un autre article – parler de l'article 12, qui concerne la rétroactivité de l'application... un dispositif de rétroactivité qu'on retrouve à l'article 12 – j'ai pris une note là-dessus – qui prendrait effet au 1er juillet 1996. J'aimerais savoir si ça implique... si la rétroactivité ferait en sorte que le cadre de gestion découlerait de cette rétroactivité-là ou si la rétroactivité ne s'applique qu'à la disposition de l'ancienne loi, si on veut, de la gestion des départs assistés, et si, par ce fait-là, on va aussi, en même temps, reconduire ni plus ni moins le cadre de gestion qui prévalait jusqu'à la fin septembre.

Il serait bon, M. le Président, que le président du Conseil du trésor soit capable de déterminer combien de personnes seront appelées à gérer ce projet, ce projet de fonds. Ce sera parmi les choses qu'il devrait être capable de nous dire. Et aussi, puis il faut le reconnaître, la gestion de ce fonds-là a aussi une clause crépusculaire qui nous amène à l'an 2001. Ça fait qu'on sait qu'on ne sera pas pris dans le temps pour l'éternité avec un projet de loi dont l'efficience même se mesure dans le temps, puisque sa date d'entrée en vigueur correspondra à sa date de sanction, mais sa date de mise à mort, on la connaît, elle est incluse dans le projet de loi. Et ça, je pense que c'est une nouveauté qu'on retrouve dans un projet de loi, mais c'est une nouveauté qu'on va retrouver de plus en plus souvent dans les projets de loi dans l'avenir. L'effet des projets de loi, particulièrement ceux qui touchent les personnels, devra connaître une date, une fin, ce qu'on appelle une clause crépusculaire.

Dans toute la question de la négociation du renouvellement des conditions de travail, on retrouve ces dossiers-là, qui sont généralement négociés par le biais du comité paritaire que l'on retrouve dans tous les régimes de retraite. Les régimes de retraite sont constitués d'un comité paritaire qui s'appelle le comité de retraite et duquel on retrouve généralement des suggestions pour l'utilisation des surplus des caisses de retraite. Et ça permet évidemment au président du Conseil du trésor de nous déposer des projets de loi concernant les modifications aux régimes de retraite, qui découlent d'ententes, comme je le soulignais, paritaires, entre les patrons et les syndiqués, qui sont ni plus ni moins que les propriétaires de ces régimes.

Ce qui fait que le projet de loi n° 66, après, évidemment, une étude article par article sérieuse en commission parlementaire, à mon avis, devrait être reçu, devrait être adopté. Mais, encore une fois, j'ai souligné, oui, j'ai souligné au président du Conseil du trésor que, si l'étude de ce projet de loi là et son adoption éventuelle peuvent permettre à des gens de pouvoir prendre leur retraite plus rapidement, le président du Conseil du trésor devrait se pencher sur la condition des jeunes face à leur intégration dans la fonction publique. M. le Président, je vous remercie.

(16 h 10)

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Westmount–Saint-Louis. Comme il n'y a pas d'autre intervenant, M. le ministre, est-ce que vous désirez vous prévaloir de votre droit de réplique? Alors, M. le président du Conseil du trésor.


M. Jacques Léonard (réplique)

M. Léonard: Merci, M. le Président. Quelques mots simplement sur les notes que j'ai prises pendant que j'écoutais ces députés de l'opposition. C'est une mesure effectivement d'économie. Cette loi-là permet d'économiser des sommes importantes en faisant en sorte que des gens qui voulaient prendre leur retraite la prennent. Les gens étaient libres de la prendre aux conditions qui étaient posées, et leur supérieur était aussi libre d'accepter qu'ils la prennent ou non, selon les besoins qu'ils avaient dans les organismes et ministères, les ministères surtout. Alors, ce n'est pas, ça n'a pas du tout été une mesure imposée; il n'y a personne qui s'est fait pousser dans le dos. En tout cas, que je sache, cela s'est fait correctement.

Il n'est pas question dans ce projet de loi des employés occasionnels, il est question de gens, de personnes, de fonctionnaires qui prennent leur retraite, donc qui ont au départ 55 ans d'âge, un certain nombre d'années de service et qui pouvaient bonifier leur retraite par le programme qu'il y avait, qui a été mis en place.

Ça n'a pas été un programme qui a été fait en cachette. Je réplique un peu au député de Viger, qui avait quelques doutes là-dessus. Le doute le paralysant, alors j'aime autant le déparalyser puis lui dire que, non, c'est un programme qui a été rendu public partout, affiché partout et qui a permis à 2 489 personnes d'en profiter.

Par ailleurs, j'ai bien noté qu'il a dit que c'était l'expérience et la compétence qui avaient quitté. Je regrette, ce n'est pas très gentil pour ceux qui sont restés. Je veux simplement attirer son attention sur son opinion, la façon, en tout cas, dont il l'a exprimée. Quand il dit cela, c'est comme s'il nous disait que ceux qui étaient incompétents étaient restés. Je regrette, ce n'est pas du tout le cas. Et, s'il y a une chose que je veux dire en conclusion, en deuxième lecture, ici, c'est que les gens qui sont passés par la fonction publique québécoise l'ont construite depuis 30, 40 ans et en ont fait une fonction publique très compétente, très honnête. Nous avons des échos de ce qui se passe dans d'autres pays, je pense que nous pouvons rendre hommage à nos fonctionnaires ici, au Québec. Ils ont fait du Québec un État moderne, bien administré. Et je pense qu'il faut leur rendre hommage à tous, mais en particulier à ceux qui ont pris leur retraite. Je veux les remercier pour ce qu'ils ont fait pour l'État du Québec, de ce qu'ils ont fait pour la population du Québec.

Le député de Bourassa a insisté, lui, sur la disparition de l'Office des ressources humaines, comme si j'avais été quelqu'un aux mains tentaculaires qui rassemblait tous les pouvoirs, bref un dévoreur. Ce n'est pas mon cas, je ne pense pas. L'Office des ressources humaines était un organisme qui avait certaines responsabilités, il y en avait au Conseil du trésor, et nous avons jugé qu'il fallait les intégrer, intégrer l'Office des ressources humaines au Conseil du trésor.

Nous entendons régulièrement des gens dire qu'il faut couper dans les dépenses administratives, cela nous a permis d'économiser au moins 3 000 000 $ en intégrant l'Office des ressources humaines au Conseil du trésor, 3 000 000 $. De la même façon, lorsque nous avons redéfini la CARRA – il y a le projet de loi n° 73, actuellement, qui est devant cette Chambre – nous avons là aussi économisé quelque 9 000 000 $ à 10 000 000 $, de sorte que, simplement, au Conseil du trésor, par différentes mesures, nous avons été chercher environ 12 000 000 $. Bon, voilà. Voilà.

Le député de Bourassa, qui a dit que je cumulais le contrôle des finances, les ressources humaines, aurait dû ajouter le fonds des services gouvernementaux. Vous voyez, je l'écoutais. Puis il est revenu jusque dans mon passé, j'écoutais ça, avec des raisonnements qu'il nous assenait. J'avais l'impression un peu de subir le supplice de la goutte d'eau: une chose après l'autre. Ça n'arrêtait pas. Mais, M. le Président, il faut simplifier les structures de l'État. Cela amène à redéfinir des organismes, à les intégrer, à les fusionner et à économiser au passage: nous l'avons fait.

J'ai bien noté les questions du député de Westmount–Saint-Louis. Il est de coutume générale, s'il pouvait s'en souvenir, que les employés qui administrent les fonds émargent, comme budget de coûts de main-d'oeuvre, à ces fonds, en général. Alors, je pourrai échanger avec lui en commission parlementaire de la même façon que le ministre des Finances recueille tous les fonds à l'intérieur du gouvernement. Tous les fonds. Mais ça n'empêche pas le président du Conseil du trésor d'être responsable de l'administration de la loi. Le fonds consolidé du revenu, je dois le lui rappeler, existe, et le ministre des Finances met la main sur toute espèce de trente-sous qui se promène dans le gouvernement. Alors, voilà une petite remarque là-dessus.

Sur la question de la rétroactivité, nous avions annoncé, je pense, en autant que je me souvienne, qu'il y aurait un projet de loi sur ce fonds. Bref, quoi qu'il en soit, elle s'applique à partir du 1er juillet 1996, date de début du programme, pour que tout coïncide. On verra, à mon sens, qu'il n'y a pas d'effet négatif. S'il y en a, j'aimerais bien qu'on me les soumette en commission parlementaire.

Mais je veux terminer sur un point, M. le Président. J'ai bien noté la question que me posait le député de Westmount–Saint-Louis: les jeunes. Cela me préoccupe beaucoup qu'il y ait peu de jeunes qui entrent dans la fonction publique actuellement. Mais j'ai mis au-dessus des priorités, quant à moi, puis je pense que mes collègues ont aussi mis dans leurs priorités, au-dessus de tout, l'équilibre des finances publiques, la bonne santé financière, parce que, à terme, nous pourrons de cette façon réembaucher des jeunes.

Quand les libéraux, l'opposition, lorsqu'ils étaient au gouvernement dans la dernière année de leur pouvoir, ont fait un déficit de 5 700 000 000 $, si vous calculez à 8 %, cela fait presque 500 000 000 $ d'intérêts par année que nous avons à payer sur notre budget courant durant les 20 années qui suivent ou à peu près. C'est une ponction considérable. Un seul déficit de 5 700 000 000 $ implique un service de la dette d'environ 500 000 000 $ par année pour les 20 années qui suivent. Lorsqu'on raisonne, lorsque l'on songe aux conséquences d'un déficit, c'est là qu'on voit qu'on doit arrêter d'en faire, qu'on doit le plus tôt possible revenir à la barre zéro, puis revenir, on espère, un de ces jours, à des surplus, comme d'autres provinces canadiennes ont fait. Mais il faut se rendre compte de l'impact d'un déficit sur les années qui suivent pour se rendre compte qu'on ne peut pas continuer à en faire.

Quel est l'impact? Simplement, si les revenus stagnent ou n'augmentent pas de façon suffisante, parce qu'ils augmentent à 1 % ou 2 %, et que le coût de votre déficit est à 7 %, 8 % comme il est maintenant, vous avez un décalage constant qui fait que, pour équilibrer votre budget, vous êtes obligé de couper dans les autres dépenses que ceux du service de la dette. C'est une conséquence dramatique et c'est ce qui fait que, petit à petit, nous avons été amenés à couper à chaque année sans espoir même d'équilibrer à l'heure actuelle. Il faut donner un coup de barre majeur, il faut atteindre l'équilibre des finances publiques le plus tôt possible. Et là, simplement par le fait de l'attrition, nous pourrons réengager des jeunes. Nous verrons autrement.

Mais je dis qu'effectivement je partage sa préoccupation à l'heure actuelle, puis nous espérons que, le plus tôt possible, nous allons pouvoir réengager des jeunes. M. le Président, pour notre fonction publique, qui a construit le Québec, il est important qu'il y ait aussi du sang neuf qui vienne, qui représente le dynamisme et la perspective de toute une vie devant eux et qui font qu'on transforme l'État à partir de là.

Alors, nous aurons l'occasion d'échanger en commission parlementaire sur les articles particuliers de ce projet de loi. Nous vous reviendrons. J'ai bien pris note que l'opposition entendait voter pour le projet de loi. Je les remercie de leur appui et les remercie aussi de leurs remarques sur ce projet de loi. Merci.

(16 h 20)

Une voix: Bravo!

M. Chagnon: M. le Président, en vertu de 213, est-ce que le président du Conseil du trésor accepterait une petite question?

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le président du Conseil du trésor.

M. Léonard: Oui.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, M. le député de Westmount–Saint-Louis.

M. Chagnon: Ce sera fort court, M. le Président. Le président du Conseil du trésor nous disait qu'il n'était pas un homme avec une voracité... que ce n'était pas un dévoreur. Et j'ai noté aussi l'autre terme, que ce n'était pas un homme aux tentacules de type pieuvre...

M. Léonard: Aux mains tentaculaires.

M. Chagnon: Aux mains tentaculaires. Il se cite mieux que je ne peux le faire, M. le Président. Comment peut-il expliquer, dans ce cas-là, qu'il y avait 283 employés il y a deux ans au Conseil du trésor et qu'il y en a maintenant au-dessus de 1 800?

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le président du Conseil du trésor.

M. Léonard: M. le Président, tous ces employés existaient dans le Fonds des services gouvernementaux. Et là où il y avait, chez les libéraux, dans le gouvernement libéral, un président du Conseil du trésor, un ministre des Approvisionnements et Services puis un ministre qui était responsable de la fonction publique, il y en a un maintenant. Alors, c'est ce qui explique simplement que l'ensemble du Conseil du trésor maintenant comprend 1 800 employés. Mais il y a un ministre au lieu de trois: ça fait au moins deux limousines de moins, M. le Président.

Des voix: Ha, ha, ha!


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le président du Conseil du trésor. Alors, puisque la réplique est maintenant effectuée, le principe du projet de loi n° 66, Loi instituant le Fonds de gestion des départs assistés, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader du gouvernement.


Renvoi à la commission du budget et de l'administration

M. Bélanger: M. le Président, je fais motion pour que le projet de loi soit déféré à la commission du budget et de l'administration pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, je vous demanderais de prendre en considération l'article 9 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 67


Reprise du débat sur l'adoption du principe


Reprise du débat sur la motion de report

Le Vice-Président (M. Pinard): L'article 9 du feuilleton. À l'étape de l'adoption du principe du projet de loi n° 67, Loi instaurant une procédure de révision administrative en matière d'évaluation foncière et modifiant d'autres dispositions législatives, l'Assemblée reprend le débat ajourné par Mme la leader adjointe du gouvernement le 5 décembre 1996 sur la motion de report suivante de M. le député de Chomedey:

«Que la motion en discussion soit modifiée en retranchant le mot "maintenant" et en ajoutant à la fin les mots "dans six mois".»

Je vous rappelle que le débat sur cette motion n'était pas commencé. Je vous rappelle également la répartition du temps de parole décidée hier pour la durée du débat restreint sur cette motion de report: 10 minutes sont allouées à l'ensemble des députés indépendants; les deux groupes parlementaires se partageront également le reste de la période consacrée à ce débat; le temps de parole non utilisé par l'un des groupes ou par les députés indépendants pourra être redistribué et les interventions ne seront soumises à aucune limite.

Nous sommes maintenant prêts et je cède la parole à Mme la députée de Jean-Talon. Alors, Mme la députée.


Mme Margaret F. Delisle

Mme Delisle: Merci, M. le Président. J'interviens cet après-midi suite à la demande qu'a faite mon collègue de Chomedey demandant le report du projet de loi n° 67 pour au moins six mois et je vais prendre le temps qu'il faut pour vous expliquer les raisons qui motivent notre demande, et je pense sincèrement, M. le Président, qu'elles sont motivées et qu'elles sont réalistes.

J'ai eu l'occasion, pendant le temps qui m'a été alloué hier comme critique, lors de l'adoption de principe du projet de loi n° 67... Peut-être que, pour les gens qui nous écoutent, on pourrait rappeler que c'est un projet de loi qui instaure une procédure de révision administrative en matière d'évaluation foncière et modifie aussi d'autres dispositions législatives. On pourrait dire que ce projet de loi contient en fait deux séries d'articles qui, quant à nous, ouvrent une brèche sur des principes d'équité et de transparence et on souhaiterait, puisqu'on en a l'occasion cet après-midi, M. le Président, tenter de vous démontrer l'importance de reporter le projet et, à la limite, je vous dirais même de le retirer.

Avant de passer au projet de loi comme tel, j'aimerais faire un bref historique de l'évaluation foncière au Québec. On avait une loi – et je rends à César ce qui revient à César – que le Parti québécois a adoptée en 1979, qui est la Loi sur la fiscalité municipale. Cette loi, lorsqu'elle a été adoptée par le gouvernement à l'époque, faisait suite à une longue série de consultations entre le gouvernement et les gens du milieu: qu'on pense aux municipalités, qui sont évidemment très préoccupées, et très près, et concernées par l'évaluation foncière; qu'on pense aux évaluateurs, dont c'est le travail d'évaluer évidemment les unités d'évaluation; et qu'on pense aussi à tous ceux qui ont, sur le terrain, non seulement à faire l'évaluation, mais aussi à traiter cette évaluation une fois qu'elle est déposée dans les municipalités. Parce qu'il faut se rappeler que ces évaluations-là se retrouvent dans un rôle, et ça s'appelle le rôle d'évaluation foncière, et le rôle d'évaluation foncière est déposé dans les municipalités.

Jusqu'en 1979, je vous dirais que l'évaluation foncière, à certains égards, était faite de façon on ne peut plus olé olé. Je ne voudrais surtout pas porter un jugement sur le travail professionnel des évaluateurs, ce n'est pas ce que je fais, sauf qu'on sait que, dans de nombreuses municipalités, pour toutes sortes de raisons, l'évaluation foncière ne représentait pas, M. le Président, la valeur réelle de votre propriété. Le gouvernement, à l'époque, dans sa sagesse, a décidé de réviser cette loi, d'en pondre une qui s'appelle la Loi sur la fiscalité municipale. On avait une très bonne loi. Mais à force de l'amender, de la réamender, de la modifier, on y a apporté tellement de modifications que ceux et celles qui ont applaudi cette loi en 1979, s'ils devaient la revoir aujourd'hui, la relire et la mettre en application, ne s'y retrouveraient pas.

Il faut aussi dire qu'au moment où on a adopté cette loi, M. le Président, on a aussi révisé non seulement l'évaluation foncière, mais la fiscalité municipale, comme je l'ai mentionné, donnant aux municipalités du Québec beaucoup plus d'autonomie en termes de taxation, leur ouvrant davantage le foncier, leur permettant d'aller chercher évidemment une plus large part de revenus à partir du foncier. Il faut se rappeler que, quand on parle du foncier, pour ceux et celles qui nous écoutent, c'est notre propriété. Qu'on soit propriétaire résidentiel, qu'on soit un propriétaire commercial ou industriel, c'est notre acquis, c'est notre possession et on est taxé là-dessus.

(16 h 30)

Je dois vous dire, M. le Président, qu'au fil des ans le gouvernement, quel qu'il ait été, a donné d'une main, mais a souvent repris de l'autre. En reprenant de l'autre, il a ainsi forcé les municipalités à demander et à réclamer des outils pour pouvoir compenser. Alors, on se retrouve aujourd'hui avec une loi qui ne représente plus la réalité sur le terrain. On se retrouve aujourd'hui avec des amendements ou des modifications qui m'apparaissent, tout au moins dans ce projet de loi là, comme ça a été le cas dans d'autres, comme du rapiéçage, ou peut-être même dire, en termes un peu plus québécois – vous me passerez l'expression – un peu de «patchage». Et vous savez comme moi, M. le Président – j'ai utilisé l'expression hier, mais je pense que c'est une expression qui illustre très bien mon propos – lorsque les municipalités ont à réparer un chemin, ou une route, ou une rue, idéalement ce serait de le réparer au complet. Mais parce qu'on doit économiser, parce qu'on n'a pas assez d'argent, parce que les revenus ne rentrent pas, bien, on décide que, pour cette année, on va mettre juste une petite bande d'asphalte et, l'année prochaine, on espérera que ça va rester là. Mais les crues du printemps, les dommages que fait ou qu'occasionne l'hiver à nos infrastructures font en sorte que c'est toujours à recommencer, jusqu'au jour où on doit refaire l'assiette de la rue. Quand vous refaites l'assiette de la rue, bien, ce n'est plus 20 000 $, mais c'est peut-être 200 000 $, 300 000 $ ou 500 000 $, et je suis très, très conservatrice dans mon estimation, dans mon évaluation.

Or, M. le Président, le gouvernement actuel a décidé de procéder à une révision de la Loi sur la fiscalité municipale par le biais de deux principes. Alors, je vais les prendre un par un et je vous expliquerai après pourquoi je pense que non seulement le projet doit être reporté, mais, moi, je souhaiterais même qu'il soit retiré pour qu'on revienne avec une nouvelle loi sur la fiscalité municipale. Et c'est une loi qui est hautement souhaitée, c'est une loi qui est réclamée et demandée depuis des années non seulement par le milieu municipal, mais par les gens qui sont les propriétaires fonciers, par les commerçants, par les industriels, par tous ceux et celles qui paient des taxes et qui investissent chez nous. Quand je dis «chez nous», je parle dans nos villes, dans nos parcs industriels, je parle même dans la province, des gens qui ont à choisir entre investir à Montréal plutôt qu'investir à Longueuil, ou investir à Laval plutôt qu'à Montréal, ou investir sur la rive sud de Québec plutôt que d'investir dans la région de la capitale qui est plus concentrée, là, ville de Québec, etc.

Alors, lorsqu'on a procédé, en 1979, à l'adoption de cette nouvelle loi, on a eu pendant quelques années une loi avec laquelle on a bien travaillé et dont l'application sur le terrain allait bien. Au fil des ans, suite à des modifications, on s'est ramassé avec une loi, comme j'ai mentionné tout à l'heure, qu'on ne reconnaît pas et, aujourd'hui, on demande aux citoyens, et on nous demande, nous, à l'opposition, et on demande évidemment aux municipalités de reconnaître ces amendements-là comme des amendements qui vont régler la situation, qui vont régler les problèmes qu'on a en termes de fiscalité au Québec. Eh bien, M. le Président, je vous annonce tout de suite que c'est impossible de les régler; on ne fait qu'empirer la situation.

En termes d'évaluation foncière, la mécanique habituelle est la suivante. Vous avez des évaluateurs qui se rendent sur place la plupart du temps, évaluent vos maisons, vos unités d'évaluation, et déposent dans les municipalités un rôle. Au Québec, depuis maintenant 1989, les rôles d'évaluation foncière sont déposés dans une municipalité, et ce, pour une durée de trois ans. Lorsque le rôle est déposé dans la municipalité, il est déposé dans la municipalité au plus tard le 15 septembre de l'année qui précède... c'est-à-dire, il est déposé le 15 septembre de l'année – à titre d'exemple, cette année, en 1996; c'est un exemple fictif – et le conseil municipal envoie, évidemment, ses comptes de taxes pour les mois de février ou mars de 1997. Alors, la «réflection» de cette évaluation-là va se retrouver dans votre compte de taxes. Si vous trouvez que ça n'a pas de sens, que votre maison ou votre unité d'évaluation est beaucoup trop élevée, vous avez le choix actuellement d'aller porter une plainte, de porter plainte, de vous défendre devant le Bureau de révision, et vous pouvez avoir gain de cause ou vous pouvez ne pas avoir gain de cause. Je reviendrai au Bureau de révision, je veux rester dans l'évaluation foncière.

Alors, le rôle, il est confectionné pour trois ans. Partout au Québec, c'est la même règle. Toutes les municipalités ou tous les organismes municipaux... Par «organismes municipaux», j'entends MRC, communautés urbaines. Donc, il y a trois communautés urbaines au Québec, il y a 96 MRC. Alors, pour la plupart, ce sont ces organismes municipaux, surtout pour les communautés urbaines, qui confectionnent pour les municipalités qui les composent le rôle d'évaluation foncière. Le rôle d'évaluation foncière, ensuite, est déposé dans chacune des municipalités.

À la Communauté urbaine de Québec – je le cite comme exemple, et vous me pardonnerez, M. le Président, puisque c'est un... vous me pardonnerez de citer l'exemple de Québec, mais c'est l'exemple que je connais le mieux – alors, à la Communauté urbaine de Québec, le rôle est déposé de façon désynchronisée. Alors, je m'explique. Il y a 13 municipalités dans la région de Québec qui forment la Communauté urbaine; leur rôle pour trois ans, pour l'ensemble des villes, n'est pas déposé la même année pour tout le monde. Alors, lorsque la Loi sur la Communauté urbaine a été créée, a été votée, on a dès ce moment-là déterminé quelles seraient les villes – bien, peut-être pas au tout début mais certainement lorsqu'on a décidé de confier à la Communauté urbaine les rôles triennaux – à ce moment-là, il a été décidé qu'il y avait certaines villes qui passaient telle année et d'autres villes qui passaient une autre année, et ainsi de suite, permettant ainsi à la Communauté urbaine de ne pas accumuler, au niveau de la surcharge de travail, trop de dossiers.

Mais ce n'est pas ce qui est arrivé à Montréal, à la Communauté urbaine de Montréal, et c'est ce qui m'amène, M. le Président, à vous parler de l'article 53 de ce projet-là. La Communauté urbaine de Montréal demande, par le biais de l'article 53 de ce projet de loi, de geler le rôle d'évaluation foncière des 29 municipalités pour un an ou deux et, ensuite, de procéder à la désynchronisation.

Je pourrais vous parler pendant des heures des raisons pour lesquelles on ne devrait pas accepter une telle demande. D'abord, parce qu'on touche à un principe fondamental: quand on parle d'évaluation foncière, on parle de la valeur réelle, de la valeur marchande, M. le Président, de votre propriété. Actuellement, à Montréal, les maisons, prenons les propriétés résidentielles ainsi que les propriétés commerciales, ont été évaluées pour la dernière fois en 1992. Leur rôle a été déposé en 1993, donc les taxes sont en fonction de l'évaluation déposée de 1993, mais on sait très bien que ce n'est pas la veille qu'on a fermé le rôle. M. le Président, le rôle a été fermé, souventefois, un an, un an et demi avant. Ce qui veut dire que votre maison, qui vaut aujourd'hui 100 000 $, n'en vaut plus que 90 000 $.

Tout le monde sait que l'immobilier n'est plus ce qu'il était, autant au niveau résidentiel qu'aux niveaux commercial et industriel, et c'est encore pire aux niveaux commercial et industriel. On dit même que, dans la région de Montréal, sur l'île même de Montréal, la moyenne de diminution de l'évaluation serait de l'ordre de 10 % à 15 % et qu'au niveau de l'industriel et du commercial c'est en moyenne 30 %. Donc, si c'est 30 % de moyenne, on peut facilement s'imaginer qu'il y a des bâtisses, des grosses bâtisses à Montréal qui ont subi une baisse peut-être même de 50 %. C'est dramatique, c'est très difficile à accepter, mais, ça, c'est la valeur du marché. Ça, c'est la valeur du marché.

(16 h 40)

Ça cause d'énormes problèmes, M. le Président. Ça cause des problèmes aux municipalités qui voient de nombreux plaignants quant à l'évaluation de leur propriété. Mais ce qui est inacceptable dans la demande de la Communauté urbaine en ce qui a trait au gel – j'y reviendrai, à la désynchronisation – mais, quant au gel, c'est qu'on va vous demander, vous qui avez une propriété, sur papier, de 100 000 $ et qui valait 100 000 $ en 1993... Aujourd'hui, en 1997 – parce que le compte de taxes s'en vient dans quelques semaines – vous savez que votre maison en vaut 90 000 $, on va continuer de vous taxer sur la valeur de 100 000 $. Si, M. le Président, par contre, vous choisissez, vous décidez, vous vendez votre maison – votre maison, elle vaut 100 000 $ – vous voudrez bien avoir 100 000 $. Vous ne l'aurez pas. Je vous convaincs, comme acheteur, que vous me la vendiez 90 000 $; moi, je vais vous la payer 90 000 $, mais je vais continuer, comme nouveau propriétaire, jusqu'au dépôt du nouveau rôle, de payer à la municipalité des taxes sur 100 000 $, et je suis même obligée de payer ce qu'on appelle la fameuse taxe de bienvenue, je vais devoir la payer sur 100 000 $ aussi. Ça commence à faire de l'argent, ça; ça fait beaucoup d'argent à une époque où les gens n'en ont plus, où les gens en ont ras le bol – passez-moi l'expression – d'être taxés à gauche et à droite. Et, sous prétexte qu'on a un rôle, un engorgement au niveau des plaintes, on demande autant aux propriétaires résidentiels, les petits, qu'aux propriétaires commerciaux de faire le sacrifice de payer des taxes sur des valeurs qui n'existent pas. Et ça touche autant le petit propriétaire que ça touche celui dont la valeur au rôle a diminué de 30 %, ou de 25 %, ou de 50 %.

M. le Président, la Communauté urbaine de Montréal, avec tout le respect, sincèrement, que je leur dois, je connais très bien les gens qui sont là, ce sont des gens qui sont consciencieux, ce sont des gens qui travaillent pour le mieux-être de leur population, mais on ne peut pas accepter d'acquiescer à cette demande-là, parce que, ce faisant, on accepte de reconnaître que, pour un an ou pour deux ans, nous allons devoir – on le sait, là, on va le savoir – ces gens-là vont payer des taxes sur une valeur qui n'est plus réelle.

Et ça m'amène à vous dire, M. le Président, que notre fiscalité municipale, elle est malade, elle est en phase terminale. Et si on vous demande aujourd'hui de reporter de six mois le projet de loi et, à la limite, quant à moi, de le retirer, c'est parce qu'on pense qu'il est maintenant temps de revoir, de remplir les engagements que ce gouvernement-là a pris de revoir la fiscalité municipale. Est-ce que, pour ce gouvernement-là, revoir la fiscalité municipale signifie, une fois par session, d'amender la Loi sur la fiscalité municipale, d'y mettre un diachylon ici, un plus gros là, un plus petit ou un plus fin, un moins épais ici et là? Ce n'est pas de la réforme de la fiscalité municipale, ça, M. le Président, c'est rien du tout.

Je vous ai dit que, au fil des ans, autant le gouvernement précédent que le gouvernement qui a précédé celui-là également se sont mis à donner de nouveaux outils aux municipalités pour compenser ce qu'on leur avait enlevé. Et je fais référence ici, M. le Président, aux nombreux outils que les municipalités ont pour essayer d'équilibrer les budgets, essayer d'être le plus équitables possible entre les différents types de propriétaires – j'entends par là le résidentiel, le commercial et l'industriel – tout en maintenant le niveau de revenus pour des services...

M. Beaudet: Un instant. M. le Président...

Mme Delisle: Est-ce qu'il y a une réunion là-bas?

M. Beaudet: ...il semble qu'il y a plusieurs caucus qui se tiennent en même temps dans l'Assemblée.

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le député d'Argenteuil, sur une question de règlement?

M. Beaudet: Oui, M. le Président. Je pense qu'il y a plusieurs caucus qui se tiennent dans l'Assemblée. Les propos de ma consoeur de Jean-Talon sont très importants, et je pense que mes confrères et consoeurs députés devraient les écouter avec attention.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, s'il vous plaît. Effectivement, j'entendais les murmures provenant de conversations fort utiles, je n'en doute pas, mais vous savez que, dans le décorum de l'Assemblée, on doit éviter tout dérangement à l'égard de la personne qui a droit de parole. Je vous inviterais à être plus discrets. Mme la députée de Jean-Talon.

Mme Delisle: Merci, M. le Président. J'allais dire qu'il existe de nombreux outils mis à la disposition des municipalités pour tenter de rendre la plus équitable possible la répartition de la richesse, la répartition des coûts en ce qui a trait aux services que les municipalités veulent bien dispenser à leurs concitoyens. Mais il ne faut jamais oublier que les services qui sont dispensés, outre les services dits essentiels, ce sont aussi des services dont les citoyens ont bien voulu se doter.

Alors, comment être équitable, comment bien répartir cette richesse foncière pour les revenus à partir des taxes? Ce n'est pas facile. On a une commission qui a siégé, qui a été nommée par le gouvernement. Cette commission-là a soumis son rapport au mois d'octobre dernier, lors du sommet économique, et a fait de nombreuses recommandations à l'occasion de ce Sommet. La commission qu'on appelle plus communément, avec beaucoup de respect, la commission D'Amours a intitulé son rapport «Ensemble pour un Québec responsable», et ça touchait l'ensemble de la fiscalité et le financement des services publics.

Je ne toucherai pas les autres domaines, je vais laisser ce privilège-là à d'autres, mais, pour ce qui est du financement local, le financement municipal, il y a de nombreuses recommandations qui ont été faites dans ce rapport, certaines recommandations qui, si j'étais encore à la mairie de ma ville, me feraient sans doute frémir, M. le Président! Mais je suis obligée de vous dire qu'il faut les regarder. Il y a une liste de recommandations qui sont peut-être bonnes, qui sont peut-être moins bonnes, mais on ne peut pas accepter aujourd'hui qu'on les applique au compte-gouttes, qu'on dise: Bien, ça, c'est une recommandation qu'on retrouve dans le rapport sur la fiscalité, puis on va l'insérer dans le projet de loi n° 67, on va avoir fait notre part. Puis là on va prendre la recommandation n° 66, à titre d'exemple, puis on va l'insérer dans un autre projet de loi.

Ça ne marche pas, surtout qu'on sait qu'on a épuisé, au niveau de la fiscalité, toutes les avenues possibles. Alors, pourquoi ne pas être sérieux, pourquoi ne pas s'asseoir avec un comité? Je sais qu'il y a un comité, le ministre nous l'a dit, il y a un comité de suivi du rapport. On ne sait pas qui siège là-dessus. J'espère que le ministre des Affaires municipales a eu la sagesse d'asseoir et d'inviter sur ce comité-là des gens autres que ceux qui sont dans des, j'appelle ça des tours d'ivoire. Je suis obligée de dire les choses comme je le pense, puis j'appelle un chat un chat.

Quand on siège sur un comité puis qu'on a passé notre vie à rédiger des lois et qu'on n'est jamais allé sur le terrain, il faut aller chercher l'expertise et l'expérience des gens qui sont sur le terrain, qui savent de quoi on parle. Il y a des élus qui le savent, il y a des administrateurs publics qui le savent, il y a des évaluateurs qui le savent, au niveau de la fiscalité, plus précisément au niveau de l'évaluation foncière. Mais ce n'est pas le message qu'on a, ce n'est pas ce qu'on entend. On dépose ici une loi qui apporte des modifications majeures au Bureau de révision de l'évaluation foncière et qui, aussi, par son article 53, demande au gouvernement, en fait, c'est la Communauté urbaine qui le demande, de laisser de côté pour deux ans tous les principes qui sous-tendent finalement l'évaluation foncière au Québec, et c'est dommage.

(16 h 50)

Une des recommandations du rapport D'Amours, c'est de revenir au rôle annuel. Je vous avoue franchement que je trouve que c'est une bonne idée, parce que le rôle annuel vous ramène à la valeur marchande de votre propriété.

Je vous dirais même, M. le Président, que notre système d'évaluation foncière est cité en exemple à bien des endroits. En dehors du Québec, au Canada, aux États-Unis, on s'en sert, puis on n'est même pas capables, nous, de respecter les principes directeurs, les principes à la base de notre évaluation foncière.

Je comprends les problèmes de la Communauté urbaine de Montréal. Je sais que ce n'est pas facile. Mais lorsque la Communauté urbaine de Montréal nous parle de l'industrie de la contestation, bien, moi, je vous dirais, M. le Président, que, s'il y a une industrie de la contestation, s'il y a 450 000 000 $ que doivent rembourser les municipalités sur l'île de Montréal – c'est-à-dire Montréal seulement, je m'excuse – à des citoyens qui se sont plaints et qui ont eu gain de cause devant le Bureau de révision de l'évaluation foncière, bien, je suis tentée de vous dire que la valeur marchande, elle ne devait pas être là, puis la valeur de la propriété ou des propriétés des plaignants ne devait pas refléter la valeur réelle du marché. Alors, soit qu'on fasse l'évaluation en fonction de la mécanique qui est prévue...

Moi, je ne sais pas comment ça fonctionne à la Communauté urbaine de Montréal. Je sais, par contre, que Montréal a un problème. Mais on ne peut pas régler le problème de Montréal par un article comme celui-là qui fait en sorte qu'on permettra, finalement, de maintenir le niveau de revenu aux municipalités. Parce que c'est ça qui est en cause, entre autres: les municipalités vont pouvoir maintenir le niveau de revenu. Et c'est normal, parce que ce n'est pas facile de prendre les décisions. Mais qui va payer pour ça? Le petit propriétaire, autant le propriétaire résidentiel que le propriétaire corporatif. Et ça, M. le Président, j'en suis convaincue.

Il est certain que les municipalités ont, comme je l'ai mentionné tout à l'heure, des outils: la taxe d'affaires sur la valeur locative, la surtaxe sur les lots non desservis, la taxe sur les lots desservis, vous avez la taxe d'eau à certains endroits, il y a toutes sortes de taxes de secteurs que les municipalités peuvent utiliser, et j'en passe, M. le Président. Mais est-ce qu'on va continuer d'allonger la liste avec des taxes, ces outils-là qu'on appelle les taxes? Ça n'a pas de sens. Ça n'a pas de sens.

Alors, M. le Président, on ne peut pas s'associer à ça. Une des raisons pour lesquelles on demande le report, c'est qu'on souhaiterait que le ministre et son comité – j'espère que c'est un comité élargi, je souhaite que ce le soit, et j'aimerais qu'il me le confirme lorsqu'on aura l'occasion d'en parler – se penchent sur les recommandations qui ont été faites, avec les unions municipales, avec l'Ordre des évaluateurs agréés, avec tous ceux qui sont immédiatement concernés, et qu'ils puissent pondre une loi qui soit adaptée à la réalité d'aujourd'hui, une loi qui colle à 1996, 1997, et ainsi de suite.

Nos citoyens, lorsqu'on s'est promenés en campagne électorale, qu'est-ce qu'ils nous ont dit? Tous ceux et celles qui sont ici, on s'est tous fait dire la même chose: Simplifiez le système; décomplexifiez le système. Bien, moi, je peux vous dire, M. le Président, on le complexifie à outrance, on ne le simplifie pas, on le complexifie. Qu'est-ce que ça pourrait bien changer d'attendre six mois, à la limite un an? On pourra en reparler, s'asseoir, discuter avec les gens de la Communauté urbaine de Montréal, discuter avec les municipalités, parce que les municipalités sont immédiatement concernées par cet article-là, et trouver une solution. Est-ce qu'on a besoin d'une solution mur à mur? Pas sûr. Moi, je ne suis pas une experte, il y en a sur le terrain qui le sont et ils devraient être entendus et ils devraient venir s'asseoir sur le comité du ministre.

Je pense, M. le Président, avoir démontré, tout au moins dans le temps qui m'est alloué, en ce qui regarde le gel du rôle, combien il était injuste de le faire, aussi justifié soit-il par la Communauté urbaine de Montréal.

Et je ne comprends pas que le ministre des Affaires municipales, en 1995, à l'automne 1995, ait refusé cette demande de la Communauté urbaine de Montréal. Lorsqu'il y a eu changement de titulaire au ministère des Affaires municipales, l'actuel ministre a d'abord refusé de geler le rôle – il devait avoir des raisons pour ça – et, quelques semaines à peine après avoir refusé à la Communauté urbaine de Montréal cette demande de gel, il s'est retourné de bord, et je n'ai aucune idée de ce qui l'a convaincu, il s'est retourné de bord et il a décidé de présenter en papillon, en juin dernier, cet amendement que le président de l'Assemblée a jugé irrecevable parce que cet amendement-là ne respectait pas l'esprit du projet de loi n° 24 qui amendait la Loi sur les cités et villes, le Code municipal et d'autres dispositions législatives. On pensait bien, M. le Président, que c'en était fini de cet article-là. Peut-être qu'après 10 ans j'aurai compris comment ça fonctionne, que j'aurai perdu ma naïveté, mais enfin! On a revu ce projet de loi dans le projet de loi n° 67.

Mais l'article 53 s'accompagne d'une cinquantaine d'autres articles qui touchent aussi la révision complète de la procédure, de la mécanique pour le citoyen qui veut se plaindre de son évaluation et qui, normalement, acheminait sa plainte vers le Bureau de révision et qui, aujourd'hui, va devoir passer par la municipalité ou par l'organisme municipal qui confectionne le rôle au nom de la municipalité.

Je vous ai dit hier, M. le Président, qu'à prime abord, quand j'ai regardé les premiers articles qui concernent plus précisément le Bureau de révision, ça ne m'apparaissait pas une si mauvaise idée que ça. Mais, quand on s'est mis à fouiller, quand on a parlé avec les communautés urbaines, on s'est aperçu que ce serait alourdir la tâche des communautés urbaines, dans ce cas-ci, parce que, dans la région de Québec, c'est la Communauté urbaine qui confectionne le rôle, à Montréal aussi, à la Communauté urbaine de l'Outaouais, c'est la même chose... ça alourdit aussi la tâche des MRC qui ont, elles aussi, à confectionner le rôle pour les municipalités qui composent ces MRC. Ce n'est pas toutes les MRC, je tiens à le préciser, dont les rôles sont confectionnés à partir de la MRC; il y a des municipalités qui engagent des firmes d'évaluateurs agréés. Mais les citoyens vont devoir d'abord passer par la municipalité, se faire expliquer le fonctionnement, vont devoir par la suite acheminer une formule accompagnée d'un montant d'argent vers l'organisme municipal ou vers l'évaluateur agréé, j'imagine, et ensuite, s'ils n'obtiennent pas gain de cause, vont pouvoir se retrouver devant le Bureau de révision.

Ce qui est un peu étonnant, c'est de vouloir automatiquement tenter de régler le litige ou régler l'évaluation entre l'évaluateur et le citoyen. Ce qui signifie que, si vous désirez vous plaindre, M. le Président, de l'évaluation de votre maison, dans votre cas, vous vous rendez à la Communauté urbaine, évidemment, vous allez vous asseoir avec un des évaluateurs et vous allez négocier. Vous allez négocier pourquoi vous pensez que la maison ne vaut pas assez cher et pourquoi elle devrait valoir moins cher ou plus cher. Et c'est avec cet élément-là qu'on a un problème. Parce que le Bureau de révision avait quand même cette grande qualité de neutralité. Et les évaluateurs, dans mon esprit, sont des gens responsables, professionnels, il n'y a pas de problème dans ma tête là-dessus.

(17 heures)

Mais, quand ils vont voir défiler 500, puis 400 personnes dans leur bureau pour tenter d'expliquer pourquoi la maison du voisin vaut un peu moins cher, puis la maison de la voisine vaut un peu plus cher. Puis là il faut que vous expliquiez pourquoi vous avez refait ou la salle de bain puis pas fait la salle de bain, etc., puis refait le garage ou démoli le garage. Mais là ça commence à être compliqué, et les communautés urbaines, celle de Montréal et celle de Québec, ont toutes les deux signifié leur désapprobation à l'égard de ce projet-là.

Donc, il faut se demander qui a demandé au gouvernement, au ministère des Affaires municipales de revoir toute la mécanique de la procédure pour aller devant le Bureau de révision. J'ai cherché, j'ai cherché et j'ai cherché. La seule réponse que j'ai trouvée, c'est que, pour permettre au ministre de passer son article 53, ça lui prenait un projet de loi. Il ne pouvait pas juste le présenter comme ça, là. Et, puisqu'il y a réforme actuellement au niveau de la justice, des tribunaux quasi judiciaires, des tribunaux administratifs, on a pensé que c'était une façon pour le ministère des Affaires municipales d'améliorer le sort des citoyens qui avaient à se présenter devant le Bureau de révision.

Mais, si personne ne l'a demandé, est-ce que c'est nécessaire de présenter un projet de loi? Pourquoi on se retrouve aujourd'hui avec des municipalités qui ne sont pas contentes? Elles sont composantes de deux communautés urbaines qui ne sont pas contentes, et on trouve encore le moyen de leur imposer une procédure qu'elles n'ont même pas demandée. Puis ce qui me fait toujours sourire un peu, M. le Président, c'est que, quand elles demandent quelque chose, il y a bien des fois qu'elles ne l'ont pas, qu'elles ne l'obtiennent pas. Il y a des fois qu'elles l'obtiennent, mais des fois elles ne l'obtiennent pas. Quand elles ne le demandent pas, elles l'ont.

Alors, moi, j'aimerais bien qu'on nous explique qui a fait cette demande. Et, si vraiment il y avait un besoin, il faudrait peut-être l'expliquer aux municipalités pourquoi on doit procéder à cette révision-là. Parce que c'est quand même une révision administrative qui est majeure, elle est importante, mais elle devrait s'inscrire dans une réforme complète, une réforme totale de la fiscalité municipale. Mais ce n'est pas ça qu'on fait. On prend un article ici, on prend un article là.

J'ai fait référence tout à l'heure, M. le Président, à la commission D'Amours, la Commission sur la fiscalité, celle qui s'appelle «Ensemble pour un Québec responsable». On y lit, entre autres, quelques recommandations du groupe de M. D'Amours: «Le gouvernement devrait ajuster les dispositions relatives à l'évaluation foncière selon l'approche suivante: amender la Loi sur la fiscalité municipale pour délaisser le régime des rôles d'évaluation foncière triennaux et revenir au rôle d'évaluation annuel; mettre sur pied un groupe de travail spécialisé dont le mandat consisterait à lui faire des recommandations sur les méthodes d'évaluation les plus appropriées pour déterminer la valeur, pour fins d'imposition municipale, des immeubles institutionnels, commerciaux, industriels, plus particulièrement en ce qui concerne les immeubles à vocation unique.»

Ça veut dire quoi, ça, les immeubles à vocation unique? Ça veut dire un parlement, ça veut dire une université, un palais de justice, un hôpital, une école. Dans votre secteur, M. le Président, s'il y a une maison qui se vend, c'est facile de la comparer aux autres dans le coin, mais il n'y a pas beaucoup d'hôpitaux, surtout pas qui se vendent, on est en train de les fermer. Mais il n'y a pas beaucoup de palais de justice qui se vendent. On les ferme, mais on ne les vend pas. De toute façon, il n'y a pas de comparaison à faire entre le palais de justice et un autre dans le même secteur d'évaluation parce qu'il n'y a pas deux palais de justice l'un à côté de l'autre. Les ventes d'écoles, ce n'est pas évident non plus. Alors, le rapport souhaitait que le gouvernement s'assoie, que le ministre des Affaires municipales s'assoie avec un groupe d'experts et regarde ça.

Une autre des recommandations: «Accorder davantage de responsabilités aux services municipaux d'évaluation dans la révision administrative des évaluations foncières à la suite des plaintes des contribuables et limiter les interventions du Bureau de révision de l'évaluation foncière aux cas non résolus au niveau municipal.» M. le Président, cet article-là, cette recommandation-là, quand je vous faisais tout à l'heure la démonstration qu'on en prend un, on le met dans le projet de loi, puis on en prend un autre, puis on le met dans un autre projet de loi, ça, c'est un bon exemple, c'est ce qu'on a fait sans doute pour se donner bonne conscience, mais sans jamais en avoir parlé avec personne.

«Entamer des discussions avec le monde municipal concernant des exemptions de taxes foncières afin de corriger les situations qui apparaissent les moins justifiables et trouver des moyens de faire contribuer les bénéficiaires de ces exemptions au financement des services municipaux.» Une autre recommandation: «Le gouvernement devrait mettre en place un cadre d'évaluation des dépenses fiscales locales, c'est-à-dire des exemptions et des régimes fiscaux particuliers dont bénéficient certains immeubles.» Il y en a, M. le Président, des dizaines de recommandations. Je ne prendrai pas tout le temps ici pour vous les lire. Je vous invite à le consulter, ce document-là.

Pourquoi le ministre fait-il ça à la pièce? Pour se donner bonne conscience parce qu'il a décidé, en complicité avec les membres de son gouvernement, d'abolir la taxe de vente du Québec; parce qu'il a décidé, en complicité avec ses collègues du cabinet, de forcer les municipalités du Québec à payer 40 000 000 $ de plus pour la sécurité publique; parce que, sans consulter toujours – parce qu'il n'y a eu aucune consultation – il s'est fait le complice des membres de son gouvernement pour faire une ponction de 50 000 000 $ dans la taxe sur les télécommunications, le gaz et l'électricité. Ce n'est pas comme ça qu'on gère. On nous avait promis une autre façon de gouverner, on nous avait promis l'équité, de respecter le sens de l'équité, le choix, l'autonomie. Bien, il n'y en a plus; il n'y a plus d'équité, plus de choix, il n'y a plus d'autonomie.

Alors, M. le Président, la demande de reporter de six mois est justifiée par le fait qu'on devrait une fois pour toutes cesser de promettre la révision de la fiscalité municipale. C'est ça qu'il faut faire. Il faut mettre en place notre comité, il faut trouver des gens compétents, des gens qui sont dans le milieu, pas des gens dans des tours d'ivoire, des gens du milieu, et s'asseoir, pondre une nouvelle politique, pondre une nouvelle législation. On sera d'accord, on va participer, ça va nous intéresser. Et je peux vous dire, M. le Président, à titre de critique des affaires municipales, que, pour avoir été dans ce milieu-là pendant 12 ans – je ne connais pas tout ça, j'en conviens – quand je lis le projet de loi, quand je vois ce que le ministre s'apprête à autoriser à la Communauté urbaine de Montréal, bien ça me fait frémir.

Je sympathise beaucoup avec la problématique de la région de Montréal, je respecte beaucoup les gens qui y sont, mais on ne peut pas, sous prétexte qu'on veut régler un problème à Montréal, être inéquitable à l'égard des autres. On ne peut pas accepter que le reste du Québec ait une fiscalité A et que Montréal... une évaluation foncière, c'est-à-dire, qui est basée sur des principes d'équité, des principes de transparence et sur la valeur marchande et accepter que les gens de la région de Montréal ne l'ait pas.

(17 h 10)

Moi, M. le Président, je suis entrée en politique pensant pouvoir changer les choses. Je n'aurais jamais accepté une telle situation. Je peux vous dire que je demande, moi aussi, et je plaide en faveur de cette motion de reporter de six mois et même de retirer le projet de loi pour que ce projet de loi là nous revienne beaucoup plus étoffé, mais qu'on fasse une révision complète de la fiscalité municipale pour qu'on puisse confier aux municipalités, donner aux municipalités un outil qui soit moderne, un outil qui soit souple, qui ne soit pas complexe et avec lequel tout le monde va pouvoir travailler. Parce qu'on ne réglera pas le problème de Montréal pour autant. On ne le règle pas. Parce que, à partir du moment où vous avez déposé un nouveau rôle, même s'il est désynchronisé, vous aurez toujours un nombre de plaintes qui vont devoir se retrouver devant le Bureau de révision. Et, avec la nouvelle politique du ministre, ce n'est pas devant le Bureau de révision qu'elles vont se retrouver, c'est à la communauté urbaine, dans les bureaux des évaluateurs, à négocier avec l'évaluateur la valeur de leur maison. Bien, moi, j'aimais bien mieux savoir qu'il y avait un évaluateur qui se promenait dans ma rue une fois par trois ans, qui vérifiait si j'avais fait faire des travaux ou pas dans ma maison, je me fiais à ce système-là, puis je n'ai jamais pensé à le contester. Je vous dirais que 90 % puis 95 % des gens pensent comme moi.

Mais, si, maintenant, j'ai la possibilité, lorsqu'on déposera le nouveau rôle dans ma ville, d'aller à la communauté urbaine – parce que ce serait mon cas – de m'asseoir dans le bureau de l'évaluateur puis de négocier, bien, je ne suis pas plus folle qu'une autre, je vais y aller, puis peut-être qu'il va baisser mon évaluation. Parce que, de toute façon, les maisons se vendent difficilement aujourd'hui, M. le Président, et vous le savez. Puis je vais payer moins cher de taxes. Mais est-ce que c'est de ça qu'on parle? Payer plus cher ou moins cher de taxes, est-ce que c'est à la base de tout notre système? C'est rendu que, quand on parle de services, on parle juste en termes de taxes. Il faut trouver d'autres sources de revenus pour les municipalités. Il faut faire comme le gouvernement du Parti québécois; je l'ai dit tantôt, je leur rends ce qui leur revient, en 1979, c'est ce qu'ils ont fait. Mais je peux vous dire que 16 ans et 17 ans plus tard, j'aimerais qu'ils aient cette même énergie à revoir cette loi qui, finalement, est tellement désuète, on l'a tellement modifiée qu'on ne la reconnaît plus.

Alors, M. le Président, je termine en répétant: Le report de six mois, et, quant à moi, le retrait de ce projet de loi là. Merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la députée de Jean-Talon. Je vais maintenant céder la parole à M. le ministre des Affaires municipales. M. le ministre.


M. Rémy Trudel

M. Trudel: Merci, M. le Président, de me donner ce droit de parole sur la motion de pelletage en avant du député de Chomedey. Sauf erreur, c'est le député de Chomedey qui a présenté la motion de report. Effectivement, la motion de report a été présentée par le député de Chomedey à l'égard du projet de loi n° 67, et on vient longuement d'entendre la porte-parole de l'opposition en matière d'affaires municipales... Quoique je me pose des questions à ce moment-ci, M. le Président, si la députée de Jean-Talon est vraiment la porte-parole en matière d'affaires municipales ou en matière d'affaires, ce qui est fort différent quant au cas qui nous intéresse. Et on va s'expliquer un peu là-dessus, M. le Président.

D'abord, au premier degré, sur la motion elle-même, pourquoi reporter dans six mois une situation à régler qui nous a été, disons-le, à l'égard d'une dimension du projet de loi, spécifiquement demandée par tous les maires, sans exception, les 29 maires de la Communauté urbaine de Montréal? J'ai l'habitude de dire, M. le Président, dans plusieurs forums, dans plusieurs circonstances, qu'il y a une chose qui est assez bien répandue sur l'ensemble du territoire québécois, toutes régions confondues et tous secteurs confondus, c'est le jugement et l'intelligence. Ça se répartit assez également dans toutes les régions du Québec, dans le comté de Champlain comme dans le Saguenay, dans Outremont comme, on pourrait dire, dans le Bas-Saint-Laurent. Le gros bons sens et l'intelligence, c'est assez bien réparti.

Quand je constate que, sur l'île de Montréal – ce n'est pas petit ce qui nous occupe – 29 maires réunis autour de la table de la Communauté urbaine de Montréal, sous la présidence de Mme Danyluk, nous font la demande, documentée évidemment, non pas de geler le rôle, mais de resynchroniser autrement le rôle d'évaluation, je vous le dis, M. le Président, il faut à tout le moins qu'on écoute le monde municipal, il doit y avoir quelque chose qui fait en sorte, il doit y avoir des raisons fondamentales que le gros bon sens ou le jugement doit nous amener à conclure lorsque 29 maires élus, à la Communauté urbaine de Montréal, prennent soin d'étudier cette question bien précieusement. Et, M. le Président, avant de passer à l'étape de la présentation de l'article 53 dans notre projet de loi qui est devant nous, le projet de loi n° 67, bien, évidemment, vous n'êtes pas sans vous imaginer que j'ai fait beaucoup de consultations et j'ai demandé aussi à ces gens-là de me faire la démonstration plutôt trois fois qu'une avant de procéder, parce que, effectivement, je dois reconnaître qu'il s'agit d'une question délicate, d'une question importante, il y a des enjeux, et il y a des enjeux de toute nature.

Il y a des enjeux pour les propriétaires au niveau résidentiel, surtout des enjeux au niveau des propriétaires dans le non-résidentiel, et c'est à l'égard de cette dimension particulière, M. le Président, que semble vouloir contester l'opposition, pour pelleter en avant, pour ne pas s'occuper d'une situation que les maires nous demandent de nous occuper, que la Communauté urbaine nous demande de nous occuper, parce que c'est délicat, parce que c'est difficile, parce que c'est une décision qui demande, oui, du courage, des explications, puis qu'il va falloir s'asseoir en commission parlementaire puis étudier article par article ce projet de loi là, puis on va l'étudier dans le détail. Et, s'il le faut, nous entendrons les gens qui ont à nous parler là-dessus, tant au niveau professionnel qu'au niveau des intérêts publics, qu'au niveau de l'intérêt du public et des municipalités. Bien, il faut du courage pour faire ça, il faut avoir l'esprit de décision.

Si vous pensez que le député de Crémazie, à l'époque responsable, ministre des Transports, a trouvé ça facile de présenter le projet de loi sur l'Agence métropolitaine de transport, mais c'était une nécessité! C'était une nécessité. Il l'a défendu, il l'a présenté. Oui, ça demandait, la mise en place de cette Agence, un effort collectif, d'avoir une conscience métropolitaine. Et, s'il avait écouté quelques chantres du report et du pelletage en avant du côté de l'opposition, on serait encore ici, soit à l'Assemblée nationale soit en commission parlementaire, à dire que ça peut arriver que ce soit difficile d'application puis que ça va demander de changer des habitudes, parce qu'on va régler des problèmes qui traînent depuis longtemps et puis qu'on va partager le fardeau de cette preuve-là, de cette difficulté-là.

Alors, M. le Président, on ne peut pas accepter le genre d'arguments que j'ai entendus aujourd'hui à cette étape-ci, on ne peut pas accepter cela, M. le Président. On ne peut pas reporter, on ne peut pas se défiler devant notre devoir. On ne peut pas accepter cela. On ne peut pas accepter une motion de report d'un projet aussi important pour 29 municipalités de la Communauté urbaine de Montréal.

M. le Président, si nous étions – on pourrait penser peut-être à cela – en présence de la demande, on va supposer, théoriquement, de la plus petite municipalité de la Communauté urbaine de Montréal, on pourrait aller, pour illustrer la situation, si c'était la mairesse de L'Île-Dorval qui nous demandait de changer, de geler le rôle d'évaluation, avec le nombre de résidents qu'il y a à L'Île-Dorval, trois, bien ce serait peut-être un peu difficile parce qu'on serait en train d'ébranler un édifice à partir d'un tout petit élément. Mais ce n'est pas ça, on n'est pas en présence de ce phénomène-là, M. le Président. Ce dont nous sommes en présence, c'est d'une demande étudiée, longuement discutée de la Communauté urbaine de Montréal de resynchroniser les rôles d'évaluation à la Communauté urbaine de Montréal.

Bon. M. le Président, donc, on ne se prêtera pas à ce jeu de reporter à plus tard. On a à étudier une demande, on l'a inscrite formellement, comme le ministre des Affaires municipales doit le faire lorsqu'il reçoit une demande motivée de représentants d'au-delà de 1 000 000 de personnes, sur l'île de Montréal, qui nous demandent d'examiner cette situation et qui nous apportent un grand nombre de motivations pour ce faire.

Et, M. le Président, comme le veut notre processus parlementaire, s'il y a des modifications à apporter sur la façon de voir les choses pour les administrations municipales de l'île de Montréal, bien on va étudier ça en commission parlementaire. J'ai d'ailleurs déjà indiqué que j'étais prêt à entendre un certain nombre de groupes, que ce soient les professionnels du secteur, que ce soient les municipalités, la Communauté urbaine, venir nous expliquer, parce que, je le disais d'entrée de jeu, on se demande, à l'argumentation qui nous a été présentée par la députée de Jean-Talon, si elle est la porte-parole en matière d'affaires municipales ou la porte-parole en matière d'affaires. Et là il faut se poser la question, les affaires municipales... c'est-à-dire que c'est une demande des municipalités. M. le Président, cette question a donc été longuement discutée, et on demande au gouvernement d'y donner suite, de trancher après discussion, après éclairage.

(17 h 20)

M. le Président, oui, bien sûr, cela correspond à des conséquences lorsqu'on accepte de donner la possibilité à la Communauté urbaine de Montréal d'adopter un règlement, qui doit être approuvé par le gouvernement avant le 1er février 1997, de resynchroniser son rôle d'évaluation. Je ne veux pas entrer dans les trop nombreux détails de ces questions spécialisées, mais il faut quand même préciser ceci: le rôle d'évaluation des biens taxables, qui se fait maintenant à partir de rôles triennaux, serait, selon la volonté exprimée par les élus municipaux de l'île de Montréal, déposé d'une autre façon, c'est-à-dire qu'en 1997, à la fin du présent cycle de trois ans, eh bien, on serait appelé à redéposer tous les rôles d'évaluation de toutes les municipalités à l'égard de toutes les unités évaluables sur l'île de Montréal, 400 000, au-delà de 400 000. Alors, ce n'est pas petit, évidemment, M. le Président.

Et une première raison qui est invoquée par la Communauté urbaine, c'est de répartir la charge de travail. Lorsqu'on redépose ou qu'on dépose une nouvelle évaluation des 400 000 unités à être évaluées sur l'île de Montréal au même moment, bien il est évident que cela amène un certain nombre de contestations. On pourra d'ailleurs revenir sur le type de contestation qui a été observé, au cours des dernières années, à l'égard de ces rôles d'évaluation ou ce rôle d'évaluation pour les municipalités de la Communauté urbaine de Montréal. Alors, quand on dépose pour une période de trois ans, bien le nombre de contestations augmente singulièrement, et le travail des équipes de professionnels à la Communauté urbaine de Montréal s'en trouve, je dirais, engorgé. Le travail se trouve engorgé parce qu'on a une telle montagne de demandes que le traitement prend plus de temps évidemment, et ça a des conséquences au plan financier pour les municipalités concernées.

Alors, on nous a fait valoir, M. le Président, qu'il vaudrait peut-être mieux répartir le nombre d'unités d'évaluation par année par un rôle triennal mais qui serait – on va le dire comme cela – tiers-tiers-tiers: le tiers des municipalités de la Communauté urbaine la première année, le tiers des municipalités ou des dossiers ou unités d'évaluation la deuxième et, la troisième année, le dernier tiers soit du nombre de dossiers, faire en sorte que le nombre de dossiers, dans un nouveau rôle et donc pouvant possiblement être contestés, soit réparti en des catégories assez similaires pour avoir des quantités comparables en traitement, ce qui permet de maintenir des équipes de professionnels et ne pas se réveiller dans une situation aussi particulière que la MRC de Portneuf, où, suite à la fusion, dans la MRC de Portneuf, entre les deux municipalités de Portneuf et de la municipalité de village, eh bien, on se retrouve avec trois fois le nombre de dossiers réguliers la deuxième année et que, la dernière année du rôle triennal, on se réveille avec très peu de dossiers par rapport à la deuxième année, ce qui fait en sorte que les équipes de professionnels qu'on a engagées, bien on a été obligé de sortir du monde puis de les rappeler après cela, et on perd de l'expertise. Bon. Alors, on nous a demandé, M. le Président, à la Communauté urbaine de Montréal, de répartir le travail efficacement.

Deuxièmement – et ça, c'est une raison fondamentale – il ne faut quand même pas non plus évoquer que c'est pour cette unique raison que la Communauté urbaine a demandé la resynchronisation de son rôle d'évaluation. Alors, pourquoi on l'a fait, M. le Président? Parce que, évidemment, il y a des conséquences pour les municipalités, compte tenu de l'expectative. Et là on se retrouve dans une situation où on est comme dans un cycle de changement, un cycle pendant lequel on s'attend à des modifications au niveau de la valeur. Et là ce n'est un secret pour personne, il faut le souligner, Jean-Robert Sansfaçon, dans Le Devoir du 14 novembre 1996, a fait une excellente analyse de la situation, non seulement de la conclusion, parce que la conclusion, quand on la qualifie d'excellente, c'est généralement qu'elle va dans le sens de celui qui parle, mais ce que je tiens à souligner, c'est l'excellence du travail pédagogique réalisé par M. Sansfaçon dans Le Devoir et également la bonne analyse du jeudi 21 novembre de Mme Gruda dans La Presse .

Alors, phénomène bien expliqué, ce n'est pas l'unique conséquence de répartir le travail. Si on pense qu'il y aura des changements, ça veut dire que ça va avoir des conséquences sur les revenus des municipalités. Au même moment ou à peu près, le gouvernement, fidèle comme toujours à ses engagements, a mis sur pied une commission spécifique qui vient de nous remettre son rapport sur la fiscalité – et j'en cherche le titre bien clairement – la Commission sur la fiscalité et le financement des services publics, et le titre de son rapport, on l'a cité tantôt, qui a été remis à l'occasion du Sommet sur l'économie et l'emploi, est: «Ensemble pour un Québec responsable». Et on a traité de ces questions. Alors, M. le Président, on a donc demandé à un groupe de personnes, hommes et femmes de toutes allégeances dans toute espèce d'horizon, de regarder toute la question, entre autres, de l'équité, toute la question de la fiscalité et du financement des services publics. Ils nous ont fait un certain nombre de recommandations. Et c'est le propre des groupes de travail, des groupes d'examen de soumettre le rapport au gouvernement qui, lui, en dispose suivant la volonté qu'il a d'en disposer de différentes façons.

Bon. Alors, M. le Président, il y a des recommandations à l'égard de la fiscalité municipale qui risquent et qui auraient pour conséquence, lorsqu'elles seraient mises en application, supposons, intégralement, en quelque sorte, de redéfinir un nouveau pacte fiscal entre le monde municipal, les instances locales et le gouvernement au palier national. Alors, le gouvernement a demandé un diagnostic, a fait un scanner de la situation et, on va le dire tout de suite, une excellente radiographie, quant à moi, d'excellentes observations. On ne s'est pas prononcés, comme gouvernement, sur les conclusions, puisqu'on procède actuellement, et j'y reviendrai un petit peu plus tard aussi, déjà à des consultations subséquentes à ce travail pour nous amener, pour nous montrer des avenues possibles au niveau des recommandations qui nous ont été faites pour arriver à de meilleurs résultats, à plus d'équité au niveau de la situation fiscale soit des personnes ou soit des personnes qui sont des contribuables propriétaires de biens fonciers dans les municipalités ou au niveau scolaire.

On a reçu ce rapport, M. le Président, et nous avons tout un travail à réaliser pour mettre en oeuvre, si telle est la volonté du gouvernement, les recommandations qui nous sont faites. Il y en a. Les recommandations 50, 51, 52, 53, les recommandations 54, 55, à plusieurs volets, et 56 ainsi que les recommandations 45, 46, 47, 48 et 49 regardent le monde municipal ou les instances locales. Alors, il faudra regarder ça avec très grande attention.

(17 h 30)

Au moment où nous allons regarder avec la plus grande attention, donc, tout ce secteur des responsabilités locales, de la fiscalité locale et du financement des services publics et des changements possibles, bien, M. le Président, il faut tenter d'avoir une attitude responsable et dire: Pour des administrations municipales, 29, en l'occurrence, ici sur l'île de Montréal – et c'est aussi un argument qui est employé, donc, par les maires de la Communauté urbaine de Montréal – est-ce que nous pourrions nous retrouver dans une situation se rapprochant de la stabilité pour faire en sorte qu'on ne soit pas à bouleverser éventuellement une situation une deuxième fois, si tant est que nous irions donner suite à ces représentations de la Commission sur la fiscalité et le financement des services publics? Justement, est-ce que l'on ne pourrait pas, comme le titrait La Presse , le 21 novembre, sous la plume de Mme Gruda, avoir un répit?

Alors, c'est dans ce sens-là, M. le Président, qu'est présenté l'article 53, et c'est en vertu de cet article-là, en s'appuyant sur cet article-là que l'opposition demande le report, de ne pas s'occuper du problème. Parce que là... Comme c'est compliqué puis comme c'est difficile, qu'il faut faire des choix, puis qu'il faut bien regarder les conséquences, puis que 29 maires représentant au-delà de 1 000 000 de personnes, sur l'île de Montréal, nous le demandant, il ne faudrait pas donner suite à cela. Il ne faudrait même pas l'étudier, M. le Président. Parce que la motion de report – je connais la mécanique – de renvoyer ça dans six mois, c'est-à-dire que, dans six mois, ils vont revenir avec une autre résolution pour le reporter d'un autre six mois. Ils ne veulent pas qu'on le regarde en commission parlementaire.

Pourquoi refuser de faire face à la réalité? Pourquoi refuser de regarder la situation en face? C'est ça qu'ils ont pratiqué pendant neuf ans, ce monde-là, en avant. Regardez ce que ça nous a donné. Ça a donné 5 700 000 000 $ de déficit la dernière année, quand on est revenu aux affaires. Pourquoi? Parce qu'ils pelletaient toujours en avant. Si on regarde, par exemple, les prévisions qu'ils nous donnaient à l'égard des déficits successifs, pendant les neuf années où ils ont été au pouvoir, et les résultats, hein, il n'y a jamais eu une erreur en bas de 700 000 000 $ à chaque année. Je vais vous dire une affaire, ça fait comme une légère erreur, non pas de calcul, mais, dans le fond, une erreur de travail, de manque d'application, de manque d'énergie, de manque de volonté. Et, dans ce contexte-là, ils n'avaient pas une bonne lecture de l'économie, ils avaient de mauvaises prévisions puis ils se surprenaient, après ça, que ça donne de mauvais résultats. M. le Président, il ne faut pas se surprendre de ça. Ça donne des mauvais résultats quand tu as une mauvaise lecture d'une situation. Bien, tu te fies sur ce que tu vois puis, comme tu ne vois pas les affaires droites, bien, ça donne des résultats tout croches.

Ça donne des résultats tout croches, M. le Président, parce que, aussi, on manque de courage pour dire: Bon, là, je me suis peut-être mal dirigé par rapport à telle situation, mais il faut que je corrige tout de suite, immédiatement, il faut que je me donne des mécanismes pour le faire. Et c'est comme ça qu'on arrive à des résultats équilibrés. Quand le budget ou la prévision budgétaire des dépenses indique qu'on va terminer avec un déficit de 3 974 000 000 $, bien, on s'organise pour finir avec 3 974 000 000 $, et, pour ce faire, il faut que tu prennes des moyens en cours de route pour ne pas pelleter en avant, pour obtenir le résultat. Et on a constaté jusqu'à maintenant que prévisions annoncées et résultats, soit par le député de Crémazie, soit par l'actuel ministre des Finances, on a les résultats escomptés. Il faut prendre des moyens pour y arriver, quant à certains correctifs en cours de route, mais il faut avoir le courage de le faire.

Bien, c'est comme ça qu'il faut analyser la situation à l'égard de la demande de report qu'on a actuellement devant nous, M. le Président. Il faut arrêter de se fermer les yeux, il faut arrêter de se dire: Non, on ne le regardera pas, c'est compliqué, puis c'est lourd, puis il y a des intérêts en jeu. C'est évident qu'il y a des intérêts en jeu, M. le Président. C'est évident qu'il faut analyser ça avec une grande minutie. Mais, pour l'analyser, M. le Président, il faut se retrouver en commission parlementaire, il faut que le monde puisse venir nous voir, il faut que les gens puissent venir nous le dire, qu'on soit en mesure d'évaluer leurs arguments, qu'on soit en mesure de prendre le taureau par les cornes et qu'on dise: Bien, il faut corriger; ce n'est pas facile, mais il faut le faire. C'est ça, avoir le courage de ses convictions et des objectifs que l'on veut obtenir en termes de résultats quand on a à appliquer des mesures.

Alors, M. le Président, c'est ça qu'il faut lire comme état de situation à l'égard de la fiscalité municipale et de l'article 53, pour lequel on nous demande de reporter la discussion dans six mois.

M. le Président, il est évident qu'il y a des enjeux sur le plan financier. On va les regarder comme il faut. On connaît assez bien, et la députée de Jean-Talon a une expertise, a de l'expérience dans ce secteur, au niveau de la gestion municipale... et on pourra compter sur sa capacité d'analyse et sa connaissance de ce monde municipal pour être capable d'en arriver à de bonnes décisions et faire en sorte que la lecture de la situation financière de la plus grande des municipalités de l'île de Montréal, de la ville de Montréal, qu'elle soit analysée dans son contexte, soit analysée aussi avec un souci d'équité et d'équilibre au niveau, par exemple, des propriétaires dans le secteur résidentiel et dans le secteur non résidentiel dans la ville de Montréal en particulier.

Ça, c'est la vérité. Parce qu'on aura à passer la situation au scanner, à regarder ça en lamelles très minces et à regarder c'est quoi, la situation actuellement, quels sont les correctifs à long terme, tel que ça nous est proposé pour certaines de ces dimensions à la Commission sur la fiscalité. Mais est-ce qu'on ne pourrait pas entre-temps se donner un certain cadre stable qui nous permette de conduire cette réflexion avec le monde municipal, avec les concernés, avec les unions municipales, qu'on en arrive à une nouvelle définition, si tant est qu'on doive aller dans cette direction, des nouvelles responsabilités locales et des moyens pour y arriver?

M. le Président, c'est absolument cette direction qu'a adoptée le ministre des Finances et qu'adopte le gouvernement lorsqu'il a annoncé, par exemple, la semaine passée, que nous demandons aux municipalités de réaliser un effort qui pourrait aller jusqu'à 76 000 000 $ pour l'ensemble des municipalités du Québec. Pourquoi on fait cela? Pourquoi? En plus de demander cet effort pour atteindre le résultat recherché de l'équilibre des finances publiques du Québec en disant qu'il faut que tout le monde joue dans le film, qu'il faut que tout le monde en fasse un morceau, qu'il faut que tout le monde fasse sa part pour qu'on se retrouve dans une situation où on est dans l'équité, le maître-mot qui doit nous guider dans cette opération actuellement, c'est: Qu'est-ce qu'on prend comme direction à l'égard de cette contribution des municipalités à l'assainissement des finances publiques?

C'est que le gouvernement reverra la fiscalité et le financement des instances locales. Quant on dessine ou qu'on redessine les responsabilités locales, on s'occupe aussi des moyens pour s'occuper de ses responsabilités, avoir le champ d'application nécessaire, avoir les moyens nécessaires pour occuper ses responsabilités et, encore là, dans un souci d'équité quant à ces deux niveaux de gouvernement, les gouvernements au niveau local et le gouvernement au niveau national.

On est dans cette opération, M. le Président. Ça ne se fait pas en 15 jours. C'est pourquoi on le dit au début du mois de décembre 1996 que ce sera au début de l'année 1998, dans une année, dans 13 mois, que s'appliqueront ces modifications si nous en arrivons à des modifications et à des ententes suite à ces consultations que nous effectueront avec les concernés. Et on ne retarde pas ça, là, on ne retarde pas ça. L'annonce a été faite jeudi de la semaine dernière aux municipalités quant à l'effort que nous leur demandons de réaliser avec leur compétence puis avec leur capacité qu'elles ont d'intervention, les municipalités, pour 1997. Dès jeudi matin passé, les unions municipales et les commissions scolaires étaient assises en présence du personnel du ministère et des membres du cabinet du ministre des Finances pour précisément commencer à analyser ce qui nous a été dit par cette Commission sur la fiscalité et le financement des services publics. On a commencé tout de suite.

C'est pour ça, M. le Président, entre autres raisons, que nous amenons l'article 53, qui nous amènerait à ce que la communauté urbaine... Ce n'est pas le gouvernement du Québec, là, qui va imposer une nouvelle synchronisation ou une nouvelle façon de déposer dans le temps les rôles sur l'île de Montréal, c'est la communauté urbaine elle-même, des maires élus. S'ils sont dans le tort, ces maires, si la population est en désaccord, eh bien, ces maires, ils auront à en rendre compte en termes d'imputabilité devant la population. Tout comme on a fait en septembre 1994: on a réglé nos comptes, la population a réglé ses comptes. Si ces gens-là ne sont pas dans la bonne direction, la population va parler, la population va décider.

(17 h 40)

Vous savez très bien, M. le Président, qu'évidemment ces gens aussi comprennent la situation et sont capables de lire la situation en tout état de cause et essaient de nous... Ils nous demandent, en fait, d'avoir une période de stabilité au niveau fiscal pour cette assemblée-là, en se disant qu'on ne pellette pas indéfiniment en avant cette question, cette situation. Période de stabilité et décision d'ensemble, pacte fiscal nouveau pour en arriver à s'en tenir à cette notion fondamentale à laquelle nous adhérons pleinement, la notion de valeur marchande, et j'allais dire de juste valeur marchande pour le bien au niveau résidentiel ou au niveau non résidentiel, pour trouver là aussi de l'équité au niveau du versement qui doit être fait par le propriétaire, qui s'appelle un contribuable dans ce cas-là, au niveau municipal pour qu'on se retrouve dans cette situation-là. Les maires en sont bien conscients, la Communauté urbaine de Montréal est bien consciente de cette situation, et voilà ce qui est recherché fondamentalement par l'article 53.

Quant aux autres dimensions, bien oui, il y a toujours des discussions qui peuvent arriver. Le projet de loi prévoit qu'on va déjudiciariser les contestations au niveau de l'évaluation foncière pour l'ensemble du Québec. Ça se discute, ça peut se préciser au niveau parlementaire. On prévoit aussi ratifier une entente au niveau des communautés autochtones et la ville de Sept-Îles. Ça fait longtemps qu'on attend après cela. On va en profiter pour régler ça en passant.

On va aussi prendre certaines dispositions à l'égard de l'évaluation des immeubles à vocation unique au Québec, mais, en particulier, ça s'applique sur l'île de Montréal, encore que nous allons nous donner le pouvoir – et j'ai eu l'occasion de rencontrer les professionnels du secteur vendredi dernier, à Montréal – de déterminer une méthode d'évaluation à l'égard des immeubles à vocation unique pour ne pas laisser ça traîner trop longtemps en termes de contestation. Mais on ne procédera comme tel par un règlement qu'après consultation des professionnels concernés.

Et, deuxièmement, évidemment, en vertu de la mécanique de la publication des règlements dans la Gazette officielle , il y aura une période de publication de ce règlement pour le grand public, spécifiquement aussi pour les professionnels, pour qu'on puisse en arriver dans ce règlement à établir, avec la contribution des professionnels de ce secteur d'activité, une juste méthode pour en arriver à fixer l'évaluation des immeubles à vocation unique, qu'on retrouve souvent, plus souvent qu'autrement, dans la région de Montréal. C'est vrai pour l'ensemble du territoire québécois, mais c'est plus vrai dans la région... c'est davantage une situation qu'on retrouve sur l'île de Montréal.

Alors, M. le Président, je comprends que l'opposition veut surtout faire porter sa motion de report à l'égard de l'article 53 en disant: Non, non, vous ne changerez pas les affaires dans la région de Montréal, malgré les conséquences. Je ne sais pas à qui ces gens-là parlent; je ne sais pas comment ça se fait qu'ils sont déconnectés à un tel point de la réalité montréalaise et de l'administration publique municipale. Ils peuvent très bien...

J'ai rencontré la présidente de la Communauté urbaine de Montréal vendredi dernier, Mme Danyluk. J'ai dit à Mme Danyluk – une charmante personne au demeurant, remarquable sur le plan professionnel, au travail: Pouvez-vous leur parler. On n'est plus capable parce qu'on ne sait pas s'ils comprennent. Parlez-leur parce que votre demande, partagée par les 29 maires de la Communauté urbaine de Montréal, ça tombe sous le sens commun, et vos motivations, elles ne doivent pas être partagées uniquement par un côté de la Chambre, puisqu'elles sont supportables. On peut les discuter, c'est vrai, on peut les évaluer.

Mais ces gens-là... Comme j'ai dit tantôt, il y a une chose qui est assez bien remarquablement répartie sur tout le territoire québécois, c'est le jugement, l'intelligence, le bon sens. Alors, il y en a des deux côtés de la Chambre. Alors, j'ai dit: Probablement qu'il s'agit de trouver ces personnes-là puis de leur expliquer c'est quoi, votre objectif et que nous puissions procéder. Ou on n'a pas écouté, ou on n'a pas rencontré ces gens, ou on n'a pas réussi à trouver les personnes qui peuvent comprendre cette situation pour, au moins, que nous puissions nous retrouver, en vertu de notre mécanique parlementaire, qu'on puisse se retrouver en commission parlementaire et qu'on regarde ça article par article. Nous pourrions très bien disposer de l'ensemble des 52 autres articles de ce projet de loi, se garder tout le temps nécessaire qu'il faut, avec des auditions particulières, des consultations particulières, entendre un certain nombre de groupes intéressés pour nous aider conjointement à se former un jugement et, ensuite, prendre une décision sur la question après avoir évalué les conséquences.

Bien sûr qu'il y a des enjeux. Bien sûr que ça peut signifier pour une ou deux années des taxes payables au niveau municipal, en particulier à la ville de Montréal, qui soient maintenues par rapport à une autre situation qui serait celle du dépôt d'un nouveau rôle pour trois ans pour toute l'île de Montréal. C'est ce qu'évaluait aussi l'éditorialiste du Devoir du 14 novembre 1996, M. Jean-Robert Sansfaçon, et il le disait bien: «Bien sûr, les sociétés commerciales s'opposent à un tel report qui les priverait d'économies d'impôt supplémentaires.» C'est-à-dire, le report d'un an ou deux, suivant le règlement que nous présentera la Communauté urbaine. «Bien sûr, les sociétés commerciales s'opposent à un tel report qui les priverait d'économies d'impôt supplémentaires. On les comprend, mais on ne peut pas les appuyer.» Jean-Robert Sansfaçon, comme beaucoup d'autres personnes qui se sont intéressées à la question, ceux qui ont écouté la présidente de la Communauté urbaine et les maires de la Communauté urbaine et qui ont participé à la discussion ont dit: Oui, bon, c'est vrai, il y a une situation particulière, il faut évaluer les conséquences. Et les éditorialistes, ça ne nous plaît pas toujours, les conclusions des éditorialistes dans nos journaux, mais la situation a été approfondie. D'évidence, M. Sansfaçon a écouté, et je dirais probablement plus, à lire son texte: il a compris.

Alors, on dit donc, de la part de M. Sansfaçon: On comprend cette situation, mais on ne peut pas les appuyer. «Car, s'il est juste d'affirmer qu'un principe est ainsi bafoué, il est aussi vrai que l'application bête de ce principe de taxation selon la valeur marchande des propriétés en période de forte fluctuation amènerait une nouvelle augmentation du fardeau du secteur résidentiel.» Ah! M. le Président, il y a toutes sortes de conséquences. Il y a toutes sortes de conséquenes. Et on pourrait l'analyser finement si nous étions en commission parlementaire. Donc, «une nouvelle augmentation du fardeau du secteur résidentiel, sans accroissement équivalent de la valeur de ces propriétés». Tiens, tiens, tiens! Dites donc, M. le Président. Dites donc, M. le Président. Peut-être qu'on est en train de découvrir un certain nombre de motivations qui animeraient l'opposition dans sa motion pour reporter en avant, pour ne pas prendre de décision, pour ne pas affronter les situations, pour ne pas voir la réelle situation problématique. Ça aurait pour conséquence de déplacer, peut-être, le poids.

Ce n'est pas ces gens-là qui se posent en défenseurs du petit monde puis qui veulent se porter défenseurs des familles, des familles propriétaires d'un bungalow, propriétaires d'une maison qu'on a réussi à arracher – parce que les prix sont quand même assez élevés dans cette région – qu'on a réussi à s'arracher au cours des années? Tiens, tiens, tiens! Est-ce qu'on n'a pas choisi son camp, M. le Président? Est-ce qu'on n'a pas choisi de ne pas défendre ces personnes, mais plutôt, par rapport à une autre catégorie de personnes, d'avoir les yeux fermés, de plutôt ne pas voir la réalité tout en se disant, M. le Président, que nous devons analyser la situation à long terme?

Nous ne devons pas non plus nous réveiller dans le cas de la situation de Toronto et de ses banlieues. C'est ce que le rapport Golden nous a montré l'année dernière ou il y a 18 mois. Parce qu'on a procédé à une analyse fine de l'évaluation et des taux pour les secteurs résidentiel et non résidentiel dans la région de Toronto et on y retrouve de telles carences, parce qu'on n'a pas respecté ce principe sacro-saint de la valeur marchande de l'évaluation du bien concerné dans cette région. Eh bien, c'est pour ça que, nous, on dit, avec les maires, avec la Communauté urbaine de Montréal: On va regarder ça de façon spécifique; il n'est pas question d'introduire un gel de l'évaluation à long terme.

La députée de l'opposition en matière d'affaires municipales, la députée de Jean-Talon, se demandait comment ça se fait que, dans sa lecture à elle, on aurait comme changé d'idée entre l'automne 1995, le printemps 1996 et l'automne 1996. Non, il n'y a pas eu de changement d'idée, M. le Président. Il y a une constante dans la volonté d'analyser les problèmes qui nous sont présentés et surtout de déterminer, avec nos partenaires, des solutions. Des problèmes, il y en a partout; on est ici pour les régler. Il faut tenter de travailler, il faut tenter d'intervenir et mettre l'énergie nécessaire pour trouver des solutions.

(17 h 50)

Bien, M. le Président, la première demande qui nous a été faite, et à mon prédécesseur et à celui qui occupe la responsabilité des Affaires municipales maintenant, ça a été d'abord une demande de gel du rôle d'évaluation pour trois ans à la Communauté urbaine de Montréal. Alors, il n'y a pas eu de changement d'attitude parce que le ministre des Affaires municipales a dit non. Quant aux objectifs et aux résultats escomptés, on ne peut pas non plus déséquilibrer le système à un point tel que le remède que nous pourrions nous appliquer serait pire que le mal qui est causé.

On pourrait regarder, à l'égard de la stabilité recherchée, du répit recherché et du processus de travail qui est en marche avec la Commission sur la fiscalité et le financement des services publics, comment on pourrait arriver à cette espèce de moment, à cette espèce de période où nous pourrions avoir une nouvelle définition, une nouvelle approche au niveau de la fiscalité locale, des responsabilités et de l'administration de certains services publics en même temps et où nous ne serions pas appelés, entre guillemets, à débalancer les choses à un niveau tel, pendant cette période, que les conséquences seraient trop graves.

C'est ça qu'on a expliqué à la Communauté urbaine de Montréal et en particulier à Mme Danyluk. Les maires sont retournés à leur table, ont discuté intensément de cette question et sont revenus avec une demande de la possibilité de les habiliter à nous présenter un règlement que nous aurions à approuver. Parce qu'il faut lire le texte comme il faut, M. le Président: «La Communauté urbaine de Montréal peut, par un règlement de son conseil approuvé par le gouvernement avant le 1er février 1997, identifier, parmi les rôles d'évaluation foncière des municipalités dont le territoire est compris...», etc. Ça veut dire refaire ou faire une liste des municipalités qui seraient appelées à déposer un nouveau rôle d'évaluation en 1997, la liste des municipalités en 1998, la liste des municipalités en 1999, approuvée par le gouvernement. Ça ne passera pas comme une lettre à la poste, là. On va examiner cela comme il faut, comme on veut le faire actuellement, M. le Président.

Alors, ils ont réévalué la situation, et c'est ce qu'ils nous ont fait comme proposition, toujours en prenant soin d'argumenter et de documenter la question pour en arriver à supporter et à se tenir le plus près possible de cette notion absolument fondamentale au niveau de la taxation sur les biens fonciers: la valeur marchande ou la valeur réelle, la juste valeur, pour que chaque citoyen et citoyenne contribuable ait sa part, mais sa juste part à payer au niveau de la taxation municipale ou la partie du scolaire qui est basée sur les biens, sur le foncier.

Alors, c'est pour ça que Jean-Robert Sansfaçon dit, entre autres choses, qu'il ne peut pas être d'accord lui non plus, après analyse approfondie, parce qu'on déplacerait la situation, on déplacerait le problème, on n'aurait pas abordé les solutions à long terme et on introduirait probablement un mal plus grand par le remède qui est recherché si nous le faisions de cette façon-là. Il dit: On ne peut pas être d'accord avec la catégorie du non-résidentiel qui ferait porter sur les petits propriétaires, sur la très large majorité de la population, ce poids, parce que les dépenses elles-mêmes n'auraient pas le temps d'être, évidemment, possiblement aussi rationalisées qu'on peut peut-être le souhaiter à ce niveau de gouvernement là, comme ailleurs, comme chez nous d'ailleurs.

Alors, Jean-Robert Sansfaçon disait donc, M. le Président, et ça nous aide à comprendre, que tout cela «amènerait une nouvelle augmentation du fardeau du secteur résidentiel sans accroissement équivalent de la valeur de ces propriétés. Or, à ce que l'on sache, la quantité de services municipaux offerts aux uns et aux autres n'a pas changé. Entre deux principes, il faut choisir, et, cette fois, la stabilité du financement des services et l'équité à l'endroit de la majorité de la population invitent à appuyer la position de la Communauté urbaine de Montréal».

C'est vrai, M. le Président, le jugement puis l'intelligence sont assez bien répartis sur l'ensemble du territoire. Leur considération est assez claire, la démonstration est assez évidente. La stabilité du financement des services et l'équité à l'endroit de la majorité de la population invitent à appuyer la position de la Communauté urbaine de Montréal, que l'on retrouve ici exprimée à l'article 53. Nous voulons, M. le Président, en discuter. Nous voulons avoir l'occasion d'entendre les personnes qui, en toute légitimité, peuvent être en désaccord avec nous et ont peut-être des arguments à nous présenter pour que notre analyse soit plus fine et notre jugement à porter plus juste, éventuellement. C'est ce que refuse l'opposition. Ils veulent se fermer les yeux, ils ne veulent pas voir la problématique, ils ne veulent pas voir qu'il y a une situation difficile.

Et Jean-Robert Sansfaçon continuait, parce que son analyse porte aussi sur le long terme: «Cela dit, cette situation ne peut être que temporaire, le temps de revoir le système. Les villes, autant que les contribuables, ont l'urgent besoin d'une réforme de la fiscalité qui rende le régime plus stable, prévisible et équitable.» C'est en plein ça qu'on fait, M. le Président, c'est en plein dans le mille quant aux actions que nous avons entreprises. D'abord, une lecture par des hommes et des femmes de tout horizon, de toute provenance qui nous ont donné ce diagnostic, ce rapport de la Commission sur la fiscalité et le financement des services publics, des recommandations à l'égard de la fiscalité locale, toute une panoplie de recommandations à l'égard de la fiscalité à tous ses niveaux, tant au niveau des particuliers qu'au niveau foncier au palier local.

M. le Président, on dit maintenant: Le gouvernement doit, maintenant qu'il est maître de ce rapport, y donner suite. Et c'est précisément ce que nous avons enclenché dans les jours qui ont suivi la publication de ce rapport, et nous avons accepté cette suggestion qui a été faite par le président de l'Union des municipalités du Québec et maire de Laval, M. Gilles Vaillancourt, que nous rencontrerons dans quelques minutes d'ailleurs, de poursuivre ce dialogue intensif autour des efforts que nous avons tous à déployer, au Québec, pour atteindre nos objectifs d'équilibre financier. M. le Président, on a enclenché tout de suite les mécanismes. Pourquoi? Pour en arriver à ce que cette situation qui est reflétée à l'article 53 du projet de loi n° 67 ne puisse être que temporaire, le temps de revoir le système, puisque «les villes, autant que leurs contribuables, ont l'urgent besoin d'une réforme de la fiscalité qui rende le régime plus stable, prévisible et équitable. En plus du fameux pacte fiscal depuis longtemps revendiqué par l'administration de Montréal, la conjoncture impose qu'on envisage l'introduction de taux d'imposition variables selon le type de propriété, de telle sorte qu'une variation sensible de la valeur des propriétés dans un secteur ne vienne pas pénaliser injustement les autres contribuables. En cette matière, Québec doit cesser de tergiverser comme il l'a fait depuis 10 ans, car il y a urgence.»

Le jugement est lourd, M. le Président, le jugement est lourd: tergiverser depuis 10 ans. Je vous note ça, M. le Président, nos amis d'en face doivent noter cela: 10 ans sans rien faire, à tergiverser. On revient aux affaires en 1994, heureusement qu'il y a des personnes nouvelles, des personnes-ressources nouvelles avec un bon jugement parmi nous, le député d'Argenteuil, par exemple, qui n'était pas au courant de cette situation très certainement, il n'était pas ici, mais qui, là, va en parler à ses collègues. Il va en parler, il va dire: Écoutez, qu'est-ce que vous avez fait pendant 10 ans, qu'est-ce que vous avez fait pendant les neuf années où vous étiez au pouvoir? Écoutez, là, il y a une situation où tout le monde nous décrit cela comme étant inéquitable. On est obligé, oui, de faire vite, mais pas de déstabiliser le système. Qu'est-ce que vous avez fait? Comme dirait le chef de l'opposition, M. le Président, pour prendre une de ses expressions qu'il a employées ces jours derniers, qui n'est pas particulièrement reflétée dans nos expressions de la langue française, pour moi: Il y a quelqu'un qui a dormi sur la «switch», là. C'est lui-même qui nous disait qu'on avait dormi sur la «switch», M. le Président. Ils n'avaient pas trouvé l'interrupteur, eux autres. Ils n'avaient pas trouvé l'interrupteur.

Alors, M. le Président, pour toutes ces raisons, on ne reportera pas ça. On va l'étudier, on va regarder ça, puis on va se faire un jugement, puis on n'aura pas une attitude dogmatique, on n'a pas une attitude fermée de dire: C'est cet article-là, puis on ne le change pas, puis on n'écoute pas personne. On va écouter, on va analyser la situation finement, on va tenter de se former un jugement qui va nous permettre d'atteindre davantage d'équité, davantage de stabilité et davantage de prévisibilité dans notre système de taxation sur les biens fonciers sur l'île de Montréal. Et c'est pour ça qu'on n'accompagnera pas cette motion de report du projet de loi n° 67, parce que nous voulons travailler pour les citoyens et citoyennes de l'île de Montréal.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre des Affaires municipales. Étant donné l'heure, nous allons suspendre nos travaux jusqu'à 20 heures ce soir.

(Suspension de la séance à 18 heures)

(Reprise à 20 heures)

Le Vice-Président (M. Pinard): Mesdames, messieurs, veuillez vous asseoir. Alors, à l'expiration de 18 heures, les travaux de l'Assemblée s'effectuaient sur la motion de report concernant l'adoption du principe du projet de loi n° 67, Loi instaurant une procédure de révision administrative en matière d'évaluation foncière et modifiant d'autres dispositions législatives. Alors, à l'expiration du débat... Mme la ministre de l'Éducation.

Mme Marois: Alors, je demanderais l'ajournement du débat.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, vous demandez l'ajournement du débat. Est-ce que la motion de la ministre de l'Éducation est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, Mme la ministre.

Mme Marois: Oui, M. le Président, je vous demanderais d'appeler l'article 45 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 54


Adoption

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, à l'article 45 de notre feuilleton, M. le ministre délégué au Revenu propose l'adoption du projet de loi n° 54, Loi modifiant la Loi sur le régime de rentes du Québec. Y a-t-il des interventions sur l'adoption du projet de loi n° 54? Alors, M. le ministre délégué au Revenu et député de Portneuf.


M. Roger Bertrand

M. Bertrand (Portneuf): Oui, M. le Président. Alors, je soumets effectivement à cette Assemblée pour adoption le projet de loi n° 54, intitulé Loi modifiant la Loi sur le régime de rentes du Québec. Ce projet de loi a été présenté le 22 octobre 1996 et son principe a été adopté le 7 novembre. La commission permanente du budget et de l'administration en a fait l'étude détaillée et en a adopté tous les articles. Le rapport a été déposé le 5 décembre 1996 et a été pris en considération par la présente Assemblée.

Ce projet de loi, M. le Président, donne suite à la déclaration du vice-premier ministre et ministre d'État de l'Économie et des Finances du 19 juin 1996 en cette Chambre. Et permettez-moi de rappeler, M. le Président, que, pour les années 1966 à 1986, le taux de cotisation au Régime de rentes du Québec, qui est versé à parts égales par les employeurs et les cotisants, était de 3,6 %. La Loi sur le régime de rentes du Québec a été modifiée en 1986 pour prévoir une hausse annuelle de 0,2 % de ce taux pour les cinq années suivantes. En 1991, cette même loi a de nouveau été modifiée pour prévoir une augmentation annuelle du même ordre pour les années 1992 à 1996. Le taux de cotisation atteint donc 5,6 % pour la présente année.

Cependant, aucun taux n'est présentement prévu pour l'année 1997. Il importe donc, M. le Président, pour les employeurs autant que pour le ministère du Revenu, que soit fixé le plus tôt possible le taux de cotisation au Régime de rentes du Québec pour la prochaine année. Le taux prévu par le projet de loi n° 54 correspond à celui proposé aux termes de l'analyse actuarielle du Régime de rentes au 31 décembre 1994 pour l'année 1997.

Par ailleurs, la hausse annuelle des taux de cotisation a toujours été négociée lors de conférences fédérales-provinciales des ministres des Finances. Les taux de cotisation du Régime de rentes du Québec ont jusqu'à maintenant été identiques à ceux prévus par le Régime de pensions du Canada, en raison de l'équivalence souhaitée entre ces deux régimes. Or, M. le Président, suivant la loi applicable au Régime de pensions du Canada, l'augmentation annuelle du taux de cotisation serait de 0,25 % pour les années 1997 à 2001. Cependant, comme cette hausse est insuffisante pour assurer une capitalisation adéquate du régime, le plus récent rapport actuariel de ce régime suggère une hausse de 0,39 %, donc très près du taux proposé dans le présent projet de loi.

Par ailleurs, le document de consultation publique du fédéral propose plutôt une augmentation annuelle plus rapide du taux de cotisation pour les six prochaines années, soit de 0,4 % pour 1997, 0,6 % pour 1998, 0,8 % pour l'année suivante, 1 % pour l'an 2000, 1,2 % pour 2001 et, finalement, 1,3 % pour l'année 2002. Une augmentation de cette ampleur porterait le taux de cotisation au Régime de pensions du Canada à 10,9 % en 2002, pour demeurer stable par la suite.

Alors, dans cette optique, M. le Président, l'éventualité d'une augmentation de 0,4 % du taux de cotisation au Régime de pensions du Canada dès l'année 1997, telle que proposée dans le document de consultation fédéral, corrobore en quelque sorte l'étude actuarielle de la Régie des rentes et incite le gouvernement à agir dès maintenant pour fixer le taux de cotisation pour l'année 1997. Cette décision favorisera une meilleure capitalisation du Régime de rentes à court terme tout en assurant pour 1997, dans la mesure où le Régime de pensions du Canada est modifié conformément aux recommandations de ses actuaires, l'arrimage nécessaire entre les régimes canadien et québécois au chapitre de leur taux de cotisation.

En terminant, M. le Président, vous me permettrez de remercier les membres de la commission permanente du budget et de l'administration pour leur collaboration lors de l'étude du projet de loi n° 54. En conclusion, je demande donc à l'Assemblée d'adopter le projet de loi.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, M. le ministre délégué au Revenu et député de Portneuf. Nous cédons maintenant la parole au député de Verdun. M. le député.


M. Henri-François Gautrin

M. Gautrin: Merci, M. le Président. D'abord, d'emblée, je dois vous annoncer que nous allons voter en faveur du projet de loi.

Des voix: Bravo!

M. Gautrin: Merci. Et on l'a fait en commission et on l'a fait en prise en considération du rapport. Néanmoins, je vais prendre un peu de temps pour vous expliquer pourquoi nous allons voter en faveur. Et ça va être intéressant, vous allez voir.

Une voix: On appréciera.

M. Gautrin: Merci. Il faut bien comprendre, à l'heure actuelle, qu'on est en train de parler du Régime de rentes du Québec, qui a eu une évaluation actuarielle en décembre 1994. Ce régime, à l'heure actuelle, il faut bien être conscient comment il est structuré, c'est un régime qui n'est pas un régime pleinement capitalisé, c'est un régime par répartition. Ça veut dire quoi, un régime par répartition? Essentiellement, ça veut dire que ce sont les personnes qui travaillent, qui sont en activité qui financent en quelque sorte les personnes qui prennent leur retraite. Alors, on peut se poser la question, M. le Président: Pourquoi aujourd'hui augmenter le taux de cotisation, premièrement? Deuxièmement, pourquoi l'augmenter à 6 %? Parce que, malgré tout, le taux de cotisation est une forme de taxe sur la masse salariale. Alors, on va essayer de bien comprendre la situation du Régime.

Si on regarde l'évolution démographique – l'évolution démographique, ça veut dire l'évolution de la population, des personnes qui sont âgées par rapport aux personnes qui sont moins âgées – on voit que, très rapidement, la population du Québec s'en va en vieillissant. Ça veut dire quoi, «elle s'en va en vieillissant»? Ça veut dire qu'il y a de plus en plus, en proportion, de personnes qui ont plus que 65 ans par rapport à des gens qui ont moins de 65 ans. Et cette tendance est une tendance qu'on pourrait qualifier de tendance lourde, M. le Président. Elle va continuer pour au moins jusqu'à 2010 ou 2020.

(20 h 10)

La situation, aujourd'hui, du Régime de rentes... Attendez un instant! Il faut bien qu'on se comprenne. Le Régime de rentes, au début, créé en 1966, avait une cotisation de l'ordre de 3 %, 3,6 %, et, après, on l'a augmentée, ces 10 dernières années, de 2 %, de 0,2 % par année, pour atteindre aujourd'hui 5,6 %, qui est le taux de cotisation partagé équitablement entre employeurs et employés.

Alors, une fois qu'on comprend ça, M. le Président, on regarde ce qui est arrivé au début, bien sûr, d'un régime de rentes par répartition. C'est qu'il y a beaucoup de gens qui travaillent et pas beaucoup de personnes qui ont droit aux bénéfices du Régime de rentes. Le temps avançant, le nombre de personnes qui ont droit aux bénéfices du Régime de rentes s'en va en augmentant, le nombre de personnes qui contribuent et qui cotisent au Régime de rentes va en diminuant.

Il y a un point qui est intéressant, c'est que les sommes qui étaient collectées pour le Régime de rentes étaient déposées à la Caisse de dépôt qui – et il faut bien qu'on clarifie ça tout de suite ici – a extrêmement bien géré les fonds collectifs qu'on avait déposés à la Caisse de dépôt. Autrement dit, le taux de rendement de la Caisse de dépôt s'apparente tout à fait aux meilleurs taux de rendement des fonds de pension. Donc, il n'y a pas ici de débat sur la gestion des fonds qu'on a mis dans la Caisse de dépôt, comme on l'entend auprès de certaines personnes. C'est strictement une analyse démographique qui pose un problème au Régime de rentes, c'est-à-dire l'évolution où aujourd'hui, ce qu'on pouvait déjà prévoir il y a une quinzaine d'années, les personnes sont vieillissantes et on a de moins en moins de personnes plus jeunes sur le marché du travail.

Pourquoi, aujourd'hui, on a fait une commission parlementaire sur le RRQ, M. le Président? Pourquoi, aujourd'hui, on propose d'augmenter le taux de cotisation? Il est important de comprendre que, en 1994-1995, pour la première fois, on a eu, pour le Régime de rentes, dans le compte du Régime de rentes, une décaisse, c'est-à-dire que la Caisse de dépôt a dû sortir 800 000 000 $ des réserves qu'on avait mises dans la Caisse de dépôt pour assumer les sorties de fonds du Régime de rentes. Ça, ça veut dire quoi? Ça veut dire pratiquement que les intérêts accumulés sur les placements et les cotisations des gens qui travaillent n'étaient pas suffisants pour satisfaire aux obligations, en 1994-1995, du Régime de rentes, et que la différence était de 800 000 000 $. Ça veut dire que, petit à petit, ce qui est l'avoir collectif des Québécois sur le plan financier, si on n'agit pas aujourd'hui, on va rapidement vider, en quelque sorte, la Caisse de dépôt.

Alors, déjà, donc, c'est la situation. C'est pour cette raison qu'on a tenu des auditions dans cette Assemblée; c'est pour cette raison qu'on est en train de réviser globalement la situation du Régime de rentes, M. le Président. Alors, une fois qu'on comprend ça, on pourrait se dire: Est-ce que ça ne serait pas préférable d'attendre le dépôt d'une révision globale du Régime de rentes avant d'augmenter le taux de cotisation? La réponse, M. le Président, est non, et c'est pour ça que l'opposition vote en faveur du projet de loi. La réponse est non, car il faut bien être conscients que les augmentations de cotisation, c'est une augmentation, une taxe sur la masse salariale. Ce qui est parfaitement pernicieux sur le plan économique n'est pas tellement le niveau où arrivera cette taxe sur la masse salariale, quoique ça ait des effets pernicieux au niveau de l'emploi, mais c'est le différentiel, les sauts brusques de taxe sur la masse salariale, si tant est que les cotisations au Régime de rentes sont une taxe sur la masse salariale. Ne rien faire aujourd'hui, c'est-à-dire maintenir le taux de cotisation au Régime de rentes à 5,6 %, obligerait, en 1996-1997 et 1997-1998, d'avoir une augmentation de cotisation de 0,8 %, même à 1 %, ce qui, à ce moment-là, serait éminemment pernicieux pour l'évolution, et la situation de l'emploi, et la croissance de l'économie. C'est pour ça, M. le Président, que, de ce côté-ci de la Chambre, lorsqu'on fera la réforme du Régime de rentes, du RRQ, nous plaiderons toujours pour avoir un taux de croissance des cotisations le plus lent possible de manière qu'il ait l'effet le moins pernicieux sur la croissance de l'économie.

Donc, il est important d'agir aujourd'hui et de ne pas attendre le rapport que le gouvernement va déposer sur le Régime de rentes pour augmenter le taux de cotisation. Si nous ne le faisions pas, ça serait, à mon sens, irresponsable. Ça nous entraînerait, en 1997-1998, à avoir des augmentations de taux de cotisation qui seraient extrêmement pernicieuses pour l'économie.

Maintenant, on peut se poser la question aussi, et c'est important de le comprendre: Pourquoi 6 %? Alors, l'analyse actuarielle – il faut l'avoir lue – du 31 décembre 1994 s'est donné un objectif et a essayé, dans les augmentations de cotisation... Et on verra si le gouvernement va changer actuellement cet objectif pour avoir une meilleure capitalisation du régime. On pourra débattre, à ce moment-là, de l'augmentation de la capitalisation du régime. Mais il s'est dit: Il faudrait que, toujours, on maintienne, à l'intérieur de la Caisse de dépôt, au moins plus de deux fois les sorties annuelles prévisibles pour l'année subséquente. Autrement dit, on se dit: C'est bien sûr que le Régime de rentes, c'est un régime où ceux qui travaillent payent pour ceux qui sont pensionnés, mais on se donne au milieu une espèce de petite réserve, et cette réserve doit toujours être deux fois ce qu'on pense qu'on va devoir sortir l'année subséquente.

Alors, si on comprend ce chiffre de deux, enfin, deux minimum, 2,1 ou 2,2, on en arrive à devoir augmenter les taux de cotisation peut-être à un niveau qui ne sera pas acceptable. Et c'est pour ça que le gouvernement déposera, à ce moment-là, une augmentation plus rapide pour augmenter la capitalisation et, ipso facto, augmenter les taux d'intérêt pour arriver à un niveau de taux de cotisation qui sera plus bas. On aura, j'imagine, à débattre de la question en commission. Mais, si on veut obtenir ce taux, ce rapport, si on veut toujours maintenir le rapport de 2, disons supérieur à 2, entre les prévisions de sorties de fonds du Régime de rentes du Québec et ce qu'on maintient comme réserve à l'intérieur de la Caisse de dépôt, il est clair que, pour 1997, nous devons augmenter à 6 % le taux de cotisation au Régime de rentes. Et, si vous regardez l'analyse actuarielle, on monterait à 6,4 % en 1998, à 6,8 % en 1999 et à 7,2 % en l'an 2000. Il est clair que ce taux de croissance n'est pas acceptable pour l'ensemble des citoyens du Québec, et on l'a entendu dans notre commission, c'est pour ça qu'on aura peut-être une accélération du taux de croissance, pour diminuer le niveau maximal dans lequel on va arriver.

C'est tout le débat qui a été fait devant nous dans le livre vert déposé par le gouvernement, et on aura à débattre si on veut un taux de croissance plus rapide de manière à arriver à un niveau plus bas de taux stabilisé pour les années 2015, 2020 et 2030. Ça, c'est essentiellement, M. le Président, la raison pour laquelle il est important d'augmenter, actuellement, le taux de croissance sans nécessairement l'augmenter que pour une seule année. Alors, on pourrait se dire: Pourquoi ne pas l'augmenter pour plus d'une année, n'augmenter que pour une seule année de manière qu'on ait la chance de pouvoir redébattre entre nous de ce qu'on doit faire dans le Régime de rentes du Québec?

(20 h 20)

Il est important, quand même, de bien comprendre que, lorsqu'on analyse un régime de pension, on le fait sur un certain nombre d'hypothèses; hypothèses qu'on pense plausibles et que les actuaires pensent être les hypothèses les plus réalistes. Mais il est bien conscient que ce ne sont que des hypothèses, et après, on a des tests de sensibilité à faire si les hypothèses ne sont pas atteintes ou si les hypothèses sont plus faibles que celles qu'on pense.

À titre d'indication – et je souhaite qu'on arrive à ça – dans l'analyse actuarielle – et vous savez à quel point la démographie est une variable lourde pour l'évolution du Régime de rentes – le taux de fécondité est prévu – si je me rappelle bien, dans les hypothèses ici sur le taux de fécondité – l'indice de fécondité, dans l'analyse actuarielle, est évalué à 1,6 et on le projette à 1,8 à partir de 2005. Vous savez, à l'heure actuelle, que l'indice de fécondité n'est pas loin d'atteindre le 1,6. Je crois, on pourrait me le rappeler, qu'il est aux alentours de 1,4, 1,42, si je ne me trompe pas, à l'heure actuelle.

Donc, il faut être conscients que ces variables sur lesquelles est basée l'analyse actuarielle sont des variables qui sont bien sûr acceptées, mais qui peuvent se réaliser en réalité d'une manière différente, ce qui viendrait modifier les problèmes, si problèmes il y a, du Régime de rentes. Alors, M. le Président, dans ce sens-là, je pense qu'il est important et sage, dès maintenant, même si le projet de loi suite au livre vert n'a pas encore été déposé, c'est-à-dire la réforme que collectivement on doit faire du Régime de rentes du Québec, d'augmenter, pour 1997, le taux de cotisation à 6 %.

Cependant, ceci crée un problème, et je l'ai rappelé hier au ministre lorsqu'on a débattu de la prise en considération du rapport. Ceci crée un problème. Vous savez parfaitement qu'il y a deux régimes au Canada: le Québec, comme société distincte, a son propre Régime de rentes; le Canada a mis sur pied le Régime de pensions du Canada. Et il y avait harmonisation entre les cotisations, les taux de cotisation entre les deux régimes, à l'exception d'une seule année, et, si je ne me trompe pas, c'était 1973, où il y a eu une désharmonisation entre les deux régimes, mais très rapidement elles ont eu tendance, les forces économiques du milieu ont eu tendance à les amener à devoir s'harmoniser.

Actuellement, la proposition du RPC, enfin, du Régime de pensions du Canada, est de monter le taux de cotisation à 5,85 %, ce qui fait qu'il y a actuellement une désharmonisation de 0,15 % entre les cotisations au Régime de pensions du Canada et les cotisations au Régime de rentes du Québec. On aurait pu se dire: Est-ce qu'on aurait dû faire le geste de ne monter le taux de cotisation pour le RRQ que de 5,6 % à 5,85 %, c'est-à-dire de suivre la situation du RPC? Personnellement, je crois que ça n'aurait pas été sage, pour les raisons que j'ai énoncées préalablement, parce que, si nous avions fait ça, ça aurait voulu dire que, en 1997-1998, 1998-1999, les augmentations de taux de cotisation auraient été bien plus importantes et auraient eu un impact plus lourd sur l'économie québécoise. Il est sage, d'après moi, de remonter actuellement le taux de cotisation à 6 % tout en étant conscients qu'on paie le prix d'une non-harmonisation avec le Régime de pensions du Canada.

Alors, les hommes politiques ont des fois à prendre des décisions et, entre eux, à savoir quel est le moindre mal entre deux choses qui, des fois, disons, ne sont pas exactement ce qu'on aurait souhaité. C'est-à-dire, on aurait pu se poser la question: Est-ce qu'il est préférable de maintenir l'harmonisation avec le Régime de pensions du Canada et d'avoir un taux de cotisation plus bas que ce que nous pensons être nécessaire à l'heure actuelle dans le RRQ? Je pense, je suis de l'école, et je crois que c'est l'école aussi du gouvernement, de ceux qui pensent qu'il est préférable d'augmenter le taux de cotisation à 6 %, quitte à se payer la gêne – j'espère, la plus temporaire possible – d'une non-harmonisation de taux de cotisation avec le Régime de pensions du Canada, tout en souhaitant, et je l'ai rappelé hier aux ministériels... et dans sa réplique le ministre en était conscient aussi... J'ai bien compris qu'ils allaient tout faire pour en arriver le plus rapidement possible à une harmonisation avec le Régime de pensions du Canada, vous comprenez facilement pourquoi, M. le Président: il est évident qu'il faut faciliter au maximum la mobilité des travailleurs à l'intérieur du Canada, et, dans ce sens-là, il est utile que vous puissiez avoir le même taux de cotisation.

Alors, je termine là-dessus, M. le Président. Comme je l'ai annoncé au début, nous allons voter en faveur du projet de loi. Nous souhaitons être informés de l'évolution des négociations avec le gouvernement fédéral quant à l'harmonisation entre les deux régimes. Je comprends que la situation du RPC, sur le plan démographique, à cause de certaines provinces, peut être différente de ce que nous vivons ici, au Québec. Ça, je comprends parfaitement. Mais eux aussi ont un avantage, comme nous, à arriver à une harmonisation entre nos deux régimes. Je souhaite et, à un moment, nous aurions cru que le gouvernement aurait déposé son projet de loi sur la réforme complète du Régime de rentes avant l'ajournement pour Noël, je crois comprendre que nous ne l'aurons pas avant l'ajournement pour Noël. Souhaitons que nous puissions l'avoir le plus rapidement possible, parce qu'il y a un travail énorme, après, à faire sur une révision en profondeur que nous sommes en train de faire au sein et en face du Régime de rentes du Québec.

Alors, M. le Président, je termine là-dessus en disant que nous allons voter en faveur, pour toutes les raisons que j'ai expliquées, en faveur du projet de loi.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Verdun. Alors, M. le ministre, vous avez droit à votre réplique de 20 minutes. M. le ministre.


M. Roger Bertrand (réplique)

M. Bertrand (Portneuf): Oui, mais quand même brièvement, M. le Président, tout juste pour rassurer mon collègue le député de Verdun que je me ferai fort de, effectivement, transmettre ses suggestions à mes collègues directement concernés par ces questions, car je crois effectivement que nous avons intérêt à préserver, je dirais, la meilleure homogénéité possible entre le régime au niveau canadien et le régime québécois. Et, à cet égard, je crois que nous avons intérêt à rechercher, d'une part, une capitalisation qui nous assure la pérennité du Régime et des bénéfices à l'égard de ceux qui y cotisent actuellement et, d'autre part, à faire en sorte que, en termes de compétitivité, je dirais, du Québec par rapport à d'autres provinces, par exemple, on s'assure d'avoir un fardeau, en ce qui regarde ce Régime, qui soit davantage comparable.

(20 h 30)

J'aimerais, en terminant, M. le Président, encore une fois réitérer mes remerciements à l'égard des membres de la commission, et notamment du député de Verdun, porte-parole de l'opposition officielle sur cette question, qui, tout au long de l'examen des différentes étapes du projet, a très certainement, par ses commentaires, ses critiques, ses suggestions, bien campé les perspectives qui sont devant nous à cet égard. Et j'oserais exprimer un souhait, M. le Président, c'est que ce genre de contribution de mes collègues au niveau ministériel, tout autant que de mes collègues de l'opposition officielle, on la retrouve de plus en plus fréquemment. Nous avons connu au cours de la semaine un certain nombre d'interventions qui, malheureusement, me semblaient ramener le niveau des débats bien en dessous de ce qu'il devrait être normalement en cette Chambre. Et, à cet égard, je pense que, si on prend à témoin le travail qui s'est fait en ce qui regarde ce projet de loi, ça devrait inspirer, normalement, l'ensemble de nos collègues en cette Assemblée. Je vous remercie, M. le Président.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre délégué au Revenu. Alors, ayant exercé votre droit de réplique, j'en suis maintenant à la conclusion. Est-ce que le projet de loi n° 54, Loi modifiant la Loi sur le régime de rentes du Québec, est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, je vous demanderais de prendre en considération l'article 7 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 65


Reprise du débat sur l'adoption du principe

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, à l'article 7 de notre feuilleton, l'Assemblée reprend le débat sur l'adoption du principe du projet de loi n° 65, Loi instituant au Code de procédure civile la médiation préalable en matière familiale et modifiant d'autres dispositions de ce code. Y a-t-il des interventions sur l'adoption du principe du projet de loi n° 65? Alors, M. le ministre de la Justice.


M. Paul Bégin

M. Bégin: Merci, M. le Président. Alors, le projet de loi n° 65, intitulé Loi instituant au Code de procédure civile la médiation préalable en matière familiale et modifiant d'autres dispositions de ce code, propose, comme son titre l'indique, d'instaurer la médiation comme processus de règlement des conflits entre les conjoints. Il m'apparaît utile, M. le Président, de rappeler le contexte dans lequel ce projet de loi a été conçu afin d'illustrer la problématique qui est à la base des solutions qui sont avancées.

Comme vous le savez, M. le Président, le Québec prévoit implanter simultanément, dès le 1er mai 1997, un modèle de fixation de pensions alimentaires pour enfants ainsi que des changements dans le traitement fiscal de ces pensions. Il est à prévoir en conséquence qu'un volume important de demandes de révision d'ordonnances alimentaires seront présentées par les justiciables désireux de bénéficier de ces nouvelles mesures.

En effet, d'une part, le nouveau modèle de fixation impliquera une hausse significative du montant des pensions alimentaires pour les enfants. D'autre part, les ordonnances seront révisées afin de tenir compte de la défiscalisation de ces pensions.

Par ailleurs, vous vous souviendrez, M. le Président, qu'un service de médiation familiale a déjà été introduit au Code de procédure civile par le projet de loi 14 sanctionné en 1993 mais non encore en vigueur. Cependant, le mécanisme alors établi doit être adapté aux nouvelles réalités que sont la grille de fixation et la défiscalisation afin de couvrir ainsi l'ensemble des besoins des familles québécoises. C'est pourquoi, en collaboration avec les intervenants concernés, je propose aujourd'hui un nouveau modèle de médiation familiale dont le financement sera assuré via la réallocation des gains fiscaux consécutifs à la défiscalisation des pensions alimentaires pour enfants. Ce programme de médiation constitue l'une des mesures les plus susceptibles d'aider de façon concrète les pères et mères qui en sont rendus à la séparation ou au divorce, et ce, pour le plus grand bénéfice des enfants qui trop souvent en font les frais.

Compte tenu du contexte émotif difficile qui caractérise de façon particulière les matières familiales, la médiation constitue d'abord une mesure susceptible de réduire les tensions dans la famille. Elle permettra, nous l'espérons, de plus de diminuer les coûts pour les parties tout en favorisant la négociation d'une entente qui soit la plus conforme possible à leurs intérêts respectifs et surtout à leurs enfants.

Ce programme, dois-je le rappeler, bénéficiera aux seuls justiciables. Certes, M. le Président. L'objectif poursuivi par la Loi de 1993, qui permet au tribunal, lorsque les parties en sont rendues à la contestation, de les obliger à recourir à la médiation, est-il toujours valable? Il faut cependant, me semble-t-il, aller plus loin que la loi de 1993. Il s'agit ici de concevoir la médiation dans un contexte préventif, c'est-à-dire bien avant que les parties ne s'engagent dans une guérilla judiciaire trop onéreuse tant en termes financiers qu'en termes émotifs.

Je vous rappellerai d'ailleurs que le rapport Bouchard, du Groupe de travail pour les jeunes, publié en octobre 1991 et intitulé «Un Québec fou de ses enfants», recommandait, et là je cite, «de rendre obligatoire dans les plus brefs délais l'utilisation d'un service de médiation chez les couples de parents en litige avant toute comparution en cour». C'est dans ce cadre que le projet de loi n° 65 propose l'instauration d'un processus obligatoire de médiation familiale préalablement à la recevabilité par le tribunal d'une demande mettant en jeu l'intérêt des enfants lorsque les parties ne s'entendent pas. On comprendra alors, M. le Président, qu'il y a lieu d'obliger les parties qui s'entendent à procéder en médiation, mais de les obliger à participer à une première rencontre, qui pourrait être soit médiative soit informative.

Par ailleurs, M. le Président, vous aurez compris que c'est la référence en médiation qui est obligatoire et non la conclusion d'une entente. On ne saurait en effet forcer les parties à conclure une telle entente. Tout au plus pouvons-nous mettre en place les moyens qui seraient susceptibles de leur permettre de s'entendre en dehors du système judiciaire. C'est d'ailleurs en ce sens qu'il faut comprendre également le pouvoir qu'a le tribunal d'ordonner une médiation lors de l'instruction d'une cause contestée, comme le prévoyait déjà le projet de loi 14 de 1993. Il y a lieu toutefois de préciser, M. le Président, que le projet de loi permettra au tribunal de lever l'obligation de recourir à la médiation préalable lorsque des motifs sérieux le justifient. Ce sera le cas lorsqu'il y aura démonstration de violence familiale, d'incapacité de l'une des parties ou encore de leur éloignement, une des parties vivant, par exemple, en Ontario depuis la séparation. On constate donc que, même si la médiation s'ajoute aux procédures civiles et s'intègre parfaitement au système judiciaire, il n'en demeure pas moins que le tribunal sera toujours là au besoin pour trancher les litiges entre les deux justiciables.

M. le Président, l'augmentation escomptée des demandes de révision des pensions alimentaires est une conséquence directe des décisions de l'État. Par conséquent, il apparaît souhaitable que le processus de médiation familiale proposé soit gratuit. Cette orientation fondamentale constitue un moyen d'améliorer de façon tangible l'accessibilité à la justice pour les couples avec enfants. Le projet de loi n° 65 propose de plus de laisser les parties choisir elles-mêmes le médiateur accrédité et de bénéficier de la gratuité dans la mesure où les honoraires du médiateur choisi seront conformes au tarif établi par le règlement adopté en 1993. À défaut de s'entendre pour procéder en médiation et afin d'éviter de prolonger les délais pour obtenir un jugement, une partie pourra transmettre à l'autre partie un avis d'intention afin de convenir d'arrangements pour amorcer la médiation. Faute d'arrangements pour y procéder, la partie requérante pourra, sur simple dépôt d'une copie de l'avis au greffe du tribunal, obtenir que le Service de médiation familiale désigne un médiateur. Le projet de loi prévoit également qu'au terme de la médiation le médiateur devra produire son rapport au Service de médiation de la Cour supérieure et en transmettre copie aux parties.

Il importe de préciser, M. le Président, que tout ce processus, de l'avis d'intention jusqu'au rapport du médiateur, s'effectuera en dehors du contexte judiciaire. Il est simple et ne requiert pas l'assistance professionnelle particulière. De plus, afin de démontrer le sérieux du processus, il est proposé que la partie à une demande contestée qui, sans motif sérieux, ne s'est pas soumise à la médiation préalable puisse être condamnée au paiement de tous les dépens relatifs à la demande. Cette mesure, sans être excessive, est propre à inciter les parties à souscrire au processus prévu pour leur permettre de régler leur différend avant de le soumettre au tribunal.

(20 h 40)

À l'instar de la médiation ordonnée par le tribunal dans les causes contestées, il est apparu nécessaire de prévoir que le tribunal pourra rendre toute ordonnance utile à la sauvegarde des droits des parties ou des enfants pour le temps de la médiation. M. le Président, comme je l'ai indiqué précédemment, la gratuité de la médiation familiale est proposée afin de favoriser les couples avec enfants et découle de la défiscalisation des pensions alimentaires pour enfants. En plus d'instaurer la médiation préalable, le projet de loi propose de donner compétence au greffier spécial pour homologuer, sans nécessiter d'audition devant le tribunal, les ententes entre les parties portant règlement complet des questions relatives à la garde des enfants, ou au droit d'accès, ou à des obligations alimentaires. Ainsi, M. le Président, à la suite de la négociation fructueuse, les parties pourront faire homologuer leur entente en la déposant simplement avec leur requête au greffe. Le greffier spécial pourra cependant, dans certains cas, convoquer les parties s'il considère que l'entente ne préserve pas suffisamment l'intérêt des enfants ou que le consentement des parties n'aura pas été donné sans contrainte.

Ce traitement allégé par voie rapide des ententes devrait permettre une accessibilité à la justice encore plus grande, et ce, à des coûts minimes pour le justiciable. Il s'agit là d'ailleurs d'une demande formulée par plusieurs intervenants lors des consultations portant sur la fixation des pensions alimentaires pour enfants tenues à la fin de l'été dernier par ma collègue la ministre de la Sécurité du revenu et responsable de la Condition féminine. Il importe de souligner, M. le Président, que la médiation préalable et le traitement allégé par voie rapide des ententes ont alors rencontré l'adhésion de l'ensemble des intervenants entendus.

Le projet de loi n° 65 propose d'autres modifications au Code de procédure civile. Ainsi, M. le Président, on se souviendra que la Loi facilitant le paiement des pensions alimentaires, adoptée le 11 mai 1995, instaurait un régime universel de perception automatique des pensions alimentaires. Cette loi oblige les parties à une demande d'aliments de déposer au greffe une déclaration assermentée contenant les renseignements nécessaires à la bonne administration du nouveau régime de perception. Malgré cette obligation, nous constatons un fort taux d'absence de ces documents. Afin d'y remédier, le projet de loi propose comme nouvelle sanction l'irrecevabilité de la demande ou de la défense sans ces documents, sauf au tribunal... à permettre au défendeur de remédier à son défaut.

Enfin, plusieurs autres mesures sont proposées, notamment en ce qui concerne, un, la signification de requête aux petites créances, deux, la définition du terme «greffier», trois, la signification par huissier en l'absence du destinataire.

J'aimerais rappeler, M. le Président, qu'au moment où l'ensemble des intervenants recherchent des façons de limiter la contestation devant nos cours de justice, de réduire les délais d'audition des causes ou d'en réduire les coûts tant pour le justiciable que pour l'appareil judiciaire, et où un consensus social s'établit au Québec à cet égard, il est également important de reconnaître que la société québécoise est en droit d'avoir à sa disposition des mécanismes innovateurs de résolution des conflits. Les mesures en matière familiale que propose le projet de loi n° 65 sont adaptées à la réalité que vivent les couples en situation de rupture et devraient contribuer de manière efficace à humaniser et à adoucir le système judiciaire québécois.

En terminant, M. le Président, j'aimerais annoncer à cette Assemblée que nous aurons l'occasion d'entendre en consultations particulières lors d'une commission parlementaire les groupes intéressés à nous faire part de leurs commentaires sur le projet de loi n° 65 dès la reprise des travaux, en janvier ou au début de février prochains. Cette importante mesure intéresse au plus haut point un grand nombre d'intervenants sociaux représentant les femmes, les hommes, la famille et aussi les professionnels qui travaillent en médiation familiale depuis quelques années. Ces intervenants et intervenantes ont manifesté spontanément leur intérêt à se faire entendre sur ce projet de loi instituant la médiation familiale préalable obligatoire. Merci de votre attention, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre de la Justice. Y a-t-il d'autres intervenants sur l'adoption du principe du projet de loi n° 65? M. le leader de l'opposition et député de Brome-Missisquoi. Monsieur.


M. Pierre Paradis

M. Paradis: Oui, M. le Président. Il me fait plaisir, à titre – je le dénonce immédiatement – de membre du Barreau du Québec, d'intervenir sur un projet de loi qui concerne à la fois les membres de la profession et les justiciables. Je ne voudrais pas que le ministre de la Justice se lève et dise, à un moment donné: Le député s'est prononcé comme membre du Barreau sans dénoncer que, possiblement, il pouvait avoir des intérêts. Je n'ai pas plaidé souvent en matière familiale, j'ai plaidé quelques fois, M. le Président, et c'est toujours un domaine qui est extrêmement difficile, parce que, alliées aux questions de droit, vous avez toujours, dans ces domaines-là, des questions très humaines, de relations interpersonnelles. Et c'est un élément qui ajoute souvent beaucoup de complexité dans la perception du dossier comme tel. Dans ce domaine-là, M. le Président, j'ai appris quelque chose, toutefois, de la mince expérience que j'ai pu avoir comme praticien: c'est qu'il faut garder les choses les plus simples possible. J'ai également appris, M. le Président, qu'il faut donner aux parties la possibilité de s'entendre en dehors d'un cadre qui est rigide et qui est dicté par la loi. Il nous faut intervenir comme législateurs, cependant, M. le Président, et je pense que c'est là un devoir gouvernemental lorsque des ententes ne peuvent être conclues entre les parties.

Ce qu'on dénote dans le projet de loi du ministre, c'est peut-être un petit peu la même attitude ou la même propension qu'il a démontrée au moment de l'adoption du projet de loi sur les pensions alimentaires. Vous vous en souvenez, M. le Président, et tout le monde en conviendra, que, dans le domaine des pensions alimentaires, il y a de bons payeurs et de mauvais payeurs. Le ministre a choisi de légiférer quant à l'ensemble des citoyens. Aujourd'hui, on se retrouve dans un marasme épouvantable. Les gens qui sont des bons payeurs sont des victimes de la législation gouvernementale et les gens qui sont les mauvais payeurs continuent à s'en tirer, parce que, compte tenu des ressources disponibles sur le plan gouvernemental, bien, on est obligé de consacrer un paquet de ressources humaines et financières du gouvernement pour courir après les bons payeurs, qui payaient bien de toute façon, et on a créé plus de perturbations. Vous en avez été témoin à la période des questions cette semaine, le ministre était embarrassé, le ministre du Revenu était également embarrassé. Son appareil, il ne réussissait pas... Son déficit, je pense, est pas mal élevé présentement. C'est même à partir des deniers publics qu'on est obligé de couvrir les erreurs gouvernementales dans ce dossier-là.

Moi, tout ce que je souhaite ce soir, c'est de mettre en garde mon bon ami le ministre de la Justice contre cette même propension dans le domaine de la médiation familiale. Il pourra me corriger, il a peut-être plus d'expérience que j'en ai dans le domaine, ou possiblement que le leader du gouvernement a déjà pratiqué dans ce domaine-là. M. le Président, à ce qu'on me dit, il y a 90 % des cas qui se règlent avant procès, en matière matrimoniale. Le leader du gouvernement me fait signe que ce n'est peut-être pas 90 %, mais on me dit autour de 90 %. Je suis prêt à régler pour 85 % ou même pour 80 %. Mais pourquoi, à ce moment-là, le gouvernement veut légiférer et englober dans la même capsule, dans le même vase et traiter de la même façon les gens qui, à 80 % ou à 90 %, réussissent à s'entendre sans intervention gouvernementale, M. le Président?

C'est ça, le problème que le ministre de la Justice n'a pas saisi avec les pensions alimentaires; c'est ça, le problème que le ministre de la Justice ne semble pas saisir avec ce projet de loi. La médiation, au moment où on entame un procès, devrait devenir obligatoire pour ceux et celles qui sont rendus au procès. Mais, pour ceux et celles qui se sont entendus avant le procès, pourquoi encadrer, pourquoi technocratiser, pourquoi légiférer, pourquoi réglementer, pourquoi encarcaner, pourquoi encadrer? Parce que, pour ces gens-là de l'autre côté de la Chambre, on ne peut pas présumer que les citoyens sont capables de s'entendre, on ne peut pas présumer de la bonne foi des citoyens. Puis pour le 10 %, ou le 15 %, ou le 20 %, à ce moment-là, qu'on prenne des ressources gouvernementales et qu'on les concentre sur ces 10 %, 15 % ou 20 % de personnes qui ne peuvent s'entendre.

Moi, je vois le leader du gouvernement qui dit: Ce n'est peut-être pas bête comme idée. Je le sais, que ce n'est pas bête, mais ce n'est pas dans le projet de loi que nous présente le ministre de la Justice. Ce n'était pas bête non plus lorsqu'on disait, sur le plan des bons payeurs ou des mauvais payeurs: Laissez les bons payeurs de côté puis concentrez les ressources qui sont à notre disposition sur les mauvais payeurs. Vous avez choisi, à ce moment-là, de faire la sourde oreille. Moi, je comprends, les députés ministériels venaient d'arriver, ils étaient plus fraîchement élus, croyaient plus facilement le ministre infaillible, inattaquable, doté d'une très grande, j'oserais dire, intelligence, M. le Président, mais on se rend compte que ça n'a pas fonctionné.

Est-ce qu'on peut apprendre de nos erreurs? Parce que c'est un petit peu ça, l'expérience de la vie, c'est un petit peu ça, la sagesse. On apprend que le ministre, bien, il commet des erreurs, que le ministre, il n'est pas infaillible, que le ministre, lorsqu'il devient trop technocrate et qu'il oublie qu'il a déjà été avocat, qu'il a déjà apporté des solutions à des cas, bien, tente d'en embrasser un peu trop large. M. le Président, vous connaissez l'adage: Qui trop embrasse mal étreint! C'est ce qui est arrivé au niveau de la collection des pensions alimentaires. Il ne faudrait pas recréer ou répéter l'erreur.

(20 h 50)

Moi, M. Mulcair, et je le dis, le député de Chomedey... Non, je peux... Non. Ça va? M. Mulcair, le député de Chomedey, m'a indiqué de tenter de faire comprendre à son bon ami le ministre de la Justice qu'il n'avait pas avantage, politiquement, comme homme, à répéter les mêmes erreurs qu'il avait commises dans un autre projet de loi, M. le Président. C'est ce que je tente de faire, mais je pense que...

Une voix: Tu ne réussiras pas.

M. Paradis: Bien, il y a quelqu'un qui a dit, de l'autre côté, là: Tu ne réussiras pas. Puis c'est peut-être ça, le problème à l'Assemblée nationale, M. le Président. J'écoutais tantôt l'ancien président de l'Assemblée nationale, l'actuel ministre délégué au Revenu, qui nous disait: Moi, je déplore parfois, là, que les débats atteignent un niveau qui n'est pas convenable pour l'Assemblée nationale. Mais quand on entend des gens dire, de l'autre côté, là: Tu ne réussiras pas, avant d'avoir soupesé les arguments, avant d'avoir pris connaissance du pour et du contre, bien, à ce moment-là, on comprend les propos de l'ex-président de l'Assemblée nationale, l'actuel ministre délégué au Revenu. Si les gens ne sont pas prêts à écouter, si les gens ne sont pas prêts à entendre, si les gens ne sont pas prêts à se dire: Bon, bien, on a vécu une mauvaise expérience avec l'autre, là on va l'admettre... Ce n'est pas si compliqué que ça, l'admettre; ça prend un petit peu d'humilité. On corrige la situation, puis les citoyens en bénéficient.

Là, on s'apprête à répéter la même erreur. Nous, de ce côté-ci – et je le dis, là, au nom de mon collègue le député de Chomedey – on est prêts à collaborer encore une fois avec le ministre de la Justice. On est prêts en autant que le ministre de la Justice tente de corriger un problème qui existe vraiment. Les 10 % ou 20 % de cas qui sont problématiques se doivent d'être encadrés législativement. Et si le ministre de la Justice nous fait signe, si le ministre de la Justice nous indique qu'il est prêt à faire confiance, dans 80 % des cas où ça se règle sans qu'il intervienne, puis qu'il est prêt à concentrer ses efforts, ses énergies, les deniers publics qui sont mis à sa disposition, les ressources humaines, au ministère de la Justice, dont il peut disposer et qui ne sont pas trop nombreuses pour s'occuper, M. le Président, en complicité, en partenariat avec le Barreau du Québec, les avocats de l'aide juridique et de pratique privée, des 10 % ou 20 % des cas qui ne fonctionnent pas au niveau de la médiation, à ce moment-là, le ministre de la Justice va s'assurer de la collaboration habituelle, ouverte du député de Chomedey.

S'il s'obstine, M. le Président, le député de Chomedey va sans doute, à ce moment-là, tenter d'être encore plus convaincant à chacune des étapes: à l'étape de l'adoption du principe, aux étapes de l'étude article par article. Si le ministre fait preuve d'ouverture, il va pouvoir passer un projet de loi adopté par l'Assemblée nationale, à l'unanimité des membres de l'Assemblée nationale. Il va pouvoir dire: Finalement, là, j'ai réussi à passer un projet de loi avec la collaboration de l'opposition, avec l'accord du Barreau du Québec et j'ai réglé un problème de société, mais je n'ai pas compliqué la société en tentant de légiférer et de réglementer là où il n'y avait pas de problème. Il me semble que ce n'est pas tellement difficile à comprendre.

Moi, je vois beaucoup de députés, là, qui se replacent dans leur comté puis qui voient: Est-ce que je veux vraiment, comme législateur, intervenir dans les cas où ça fonctionne? Est-ce que je veux intervenir dans 80 % des cas où les gens réussissent à s'entendre? Bien non. Mais qu'on soit d'un côté ou de l'autre de la Chambre, là, on n'a pas avantage à légiférer dans ce sens-là, à moins de, servilement, voir un côté des choses, la façon technocratique, la façon bureaucratique, et ne pas vouloir changer la façon dont malheureusement, durant trop d'années, le gouvernement a tenté de régler des problèmes.

M. le Président, j'étais content quand même d'une ouverture, et c'est le député de Chomedey qui me demande de remercier ce soir l'honorable ministre de la Justice d'avoir consenti au moins à entendre des groupes sur cet important projet de loi, qui vont plaider dans le même sens que je plaide ce soir. Et j'invite les députés à assister à cette commission parlementaire. On pourra entendre, à ce moment-là – et, moi, je suis certain qu'ils ne réclameront pas des interventions pour 80 % des cas où il n'y a pas de problème – le Conseil du statut de la femme, le Regroupement provincial des maisons d'hébergement et de transition pour femmes victimes de violence, la Fédération de ressources d'hébergement pour femmes violentées et en difficulté du Québec, la Fédération des associations de familles monoparentales et recomposées du Québec inc., le Conseil de la famille, l'Organisation pour la sauvegarde des droits des enfants.

Le député de Chomedey insistait pour que le ministre entende ces organismes, M. le Président, et encore une fois je remercie le ministre. Mais il y a davantage; il y en a d'autres. À l'insistance du député de Chomedey seront également entendus le Groupe d'action des pères pour le maintien des liens familiaux, la Chambre des notaires du Québec, le Barreau du Québec – et peut-être, possiblement, M. le Président, si le temps me le permet, je pourrai déjà témoigner de certaines inquiétudes de certaines sections du Barreau du Québec, et je sais que le ministre de la Justice, peut-être, pour une fois, va y prêter attention – l'Ordre des psychologues du Québec, l'Ordre professionnel des travailleurs sociaux du Québec, l'Ordre professionnel des conseillers et conseillères d'orientation du Québec, M. le Président, l'Association des centres jeunesse du Québec, le Comité des organismes accréditateurs en médiation familiale, l'Association de médiation familiale du Québec, le centre jeunesse de Laval, le centre jeunesse de Québec, le centre jeunesse de Montréal et le Comité de pratique privée.

Maintenant, M. le Président, je vous ai indiqué qu'on peut déjà commencer à sentir le pouls de certains de ces témoignages. Je sais que le ministre de la Justice a sans doute – et je sais que le temps le pressait, il n'a pas eu le temps d'en faire mention dans ses propos ce soir en cette Chambre – il a sans doute déjà reçu une lettre du Barreau de Longueuil. Mais je lui fais excuse. Et comme je vais le prendre sur mon temps de parole, M. le Président, je vais lui faire lecture de cette lettre qu'il a, faute de temps, omis de porter à la connaissance des membres de l'Assemblée nationale. C'est adressé à Me Paul Bégin, ministre de la Justice, gouvernement du Québec: Chambly, le 6 décembre 1996, et c'est signé par Gilles Pelletier, le bâtonnier de Longueuil. Et ça va traduire quelqu'un qui est dans cette pratique-là et qui représente des gens qui sont dans cette pratique-là de façon quotidienne. Je vois le ministre de la Justice, là, qui m'écoute attentivement.

«J'accuse réception de votre lettre du 5 décembre 1996 et vous remercie pour l'information qu'elle contient. Celle-ci sera communiquée aux membres de notre section à l'occasion d'une assemblée générale spéciale qui doit avoir lieu ces heures prochaines. Il s'agit de ce qui pourrait ressembler à une première bonne nouvelle. Encore faudrait-il éviter cette fois que la commission parlementaire à laquelle vous faites allusion dans votre lettre soit quelque chose comme une consultation visant à sauver les apparences.» Je ne sais pas s'il connaît bien le ministre!

«Je m'en voudrais toutefois de vous laisser ainsi croire qu'une consultation adéquate devrait nécessairement aboutir sur le retrait de ce projet de loi controversé. Ce n'est pas tant de victoire ou de défaite dont il est question ici – je pense que c'est peut-être une façon différente d'aborder le projet de loi que celle avec laquelle le ministre le fait – mais de respect mutuel, avec le Barreau et ses représentants, de respect de nos institutions et d'intérêt public. Encore là, je ne dis pas que notre point de vue doive nécessairement triompher, bien que vous comprendriez sans doute que je le souhaite vivement. Mais ce respect que je souhaite, que nous nous manifestons réciproquement, je ne le retrouve malheureusement plus entre le Barreau et vous, M. le ministre – mais là, c'est très grave – Le ministre de la Justice du Québec se doit de maintenir des liens de confiance, quand ils ne peuvent être cordiaux, au moins de confiance, avec le Barreau du Québec qui représente l'ensemble des avocats du Québec – ça ne semble pas être le cas, là – et je vous le dis avec une profonde tristesse – tristesse que je partage, M. le Président – vous avez perdu la confiance des membres de notre ordre professionnel.»

M. le Président, je n'ai jamais, là, en une quinzaine d'années de vie parlementaire, connu un ministre de la Justice qui avait perdu la confiance... Je vois, là, un successeur possible au ministre de la Justice qui, possiblement, s'en réjouit. Mais ce n'est pas le cas de l'actuel titulaire du ministère de la Justice, M. le Président. Peut-être que le leader du gouvernement, dans une autre fonction, pourrait retrouver la confiance des membres du Barreau, qui est nécessaire à un gouvernement pour fonctionner de façon correcte dans une société libre et démocratique.

(21 heures)

Je poursuis, M. le Président, la lecture du bâtonnier Pelletier, de sa lettre, la missive à l'endroit de l'actuel, non pas du futur, ministre de la Justice: «Ni ce lieu ni ce temps ne me semblent propices à faire étalage des multiples facteurs qui ont conduit à cet aboutissement. Je me contenterai néanmoins de vous souligner que, dans une lettre qu'adressait notre bâtonnier général, le 8 octobre dernier, à Michel Carpentier, secrétaire général et greffier au ministère du Conseil exécutif du gouvernement du Québec – le sous-ministre du premier ministre, M. le Président – Me Claude Masse, qui est le bâtonnier du Québec et ami du leader du gouvernement, reprochait les délais extrêmement serrés de consultations que le gouvernement du Québec accordait au Barreau, au point où était mis en doute le sérieux des consultations tenues, voire la volonté politique de consulter.

«À peine un mois plus tard – et il s'adresse au ministre de la Justice, je ne pourrais pas le faire directement, sauf par votre entremise, M. le Président – vous récidiviez avec le projet de loi n° 65 reçu par le Barreau quelques jours à peine avant la date butoir du 14 novembre 1996 pour le dépôt de projets de loi susceptibles d'être adoptés avant l'ajournement de la session courante. Compte tenu du fait qu'une séance de votre Comité de législation était prévu pour le 11 novembre, comment peut-on croire à une sérieuse intention de votre part de consulter le Barreau?» M. le Président, ce sont des doutes qui sont émis par l'ensemble des avocats du Québec, par le Barreau du Québec, à l'endroit de l'actuel ministre de la Justice.

Vous avez sans doute comme nous pris connaissance des journaux cette semaine: Un nuage sur la tête du ministre de la Justice. Ce n'était pas un rayon de soleil. Nous autres, on préférerait que ce soit un bon ministre de la Justice, bien écouté, bien apprécié par la communauté. Malheureusement, on est tenus de communiquer cette information à l'ensemble de la députation pour que les gens votent en toute connaissance de cause.

Une voix: C'est Gil Rémillard...

M. Paradis: Oui. Il y a quelqu'un qui le mentionne. Les gens s'ennuient de Gil Rémillard comme ministre de la Justice, les gens s'ennuient de Roger Lefebvre... excusez, du député de Frontenac et leader adjoint du gouvernement comme ministre de la Justice.

Pourtant, comme vous le dites vous-même dans votre lettre, il s'agit d'un projet de loi important, un projet de loi qui, est-il utile de le rappeler, constitue une véritable révolution dans le domaine juridique et dans nos institutions démocratiques en ce qu'il oblige à négocier même des gens qui ne veulent pas le faire.

On «peut-u», encore une fois – et je reviens à ce qu'il y a de plus logique et de plus simple... Je vois le président du Conseil du trésor. Je suis heureux qu'il soit parmi nous ce soir. Est-ce que lui a des ressources financières à consacrer, au nom du gouvernement, à 80 % des gens qui s'entendent avant le procès? Est-ce que le Conseil du trésor a donné son approbation à un ministre qui demandait que, pour 80 % des gens qui s'entendent, on dépense de l'argent puis on se mêle de leur vie? Il doit avoir dans sa poche des ressources financières dont les syndicats de la fonction publique ne soupçonnent pas la profondeur. Ces gens-là qui nous écoutent ce soir doivent se dire: Si le président du Conseil du trésor a suffisamment d'argent pour s'occuper et investir dans 80 % des cas qui se règlent d'eux-mêmes, ça doit être un président du Conseil du trésor qui dispose de moyens quasi illimités.

M. le Président, vous m'indiquez qu'il me reste à peine deux minutes. J'avais d'autres lettres d'autres bâtonniers. Je vais tenter de conclure, s'il me reste à peine deux minutes, en m'excusant auprès des bâtonniers de n'avoir pu les citer complètement compte tenu du fait qu'on a un temps de parole qui est limité à l'Assemblée nationale, sauf si l'ami du Barreau, le futur ministre de la Justice, me donnait un consentement, le leader du gouvernement, pour pouvoir poursuivre. Je sais que le ministre de la Justice actuel ne le fera pas, il est en chicane avec le Barreau.

Je reviens donc à l'essentiel du projet de loi. Si vous voulez l'apport ou l'appui sans réserve de l'opposition, celle de l'honorable député de Chomedey, l'ami du ministre de la Justice, de tous les parlementaires en cette Chambre, ce n'est pas compliqué, on va s'entendre ensemble pour régler le cas de 10 % ou 20 % maximum des ménages qui ne peuvent pas s'entendre par une médiation obligatoire puis on va sacrer la paix, si vous me permettez l'expression, aux 80 %, 90 % des ménages qui réussissent à s'entendre.

Dans cette époque où nous vivons en période dite rarissime de deniers publics, de ressources gouvernementales, est-ce que c'est sage, est-ce que c'est intelligent de voter pour un projet de loi comme celui qui est devant nous? Le ministre de la Justice aurait possiblement avantage à lire attentivement son courrier, à réfléchir, à entendre les groupes en commission parlementaire et à s'acquitter de son devoir pour régler les problèmes là ou il y a des problèmes, pas tenter de s'acquitter de ses fonctions sur le dos de ceux et celles qui, dans notre société, comme dans le cas des pensions alimentaires et comme dans le cas de la médiation, réussissent à s'entendre sans son intervention. Ils vous aiment beaucoup plus, M. le ministre, quand vous ne vous mêlez pas de leurs affaires. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le leader de l'opposition et député de Brome-Missisquoi. Je donne maintenant la parole à la députée de Blainville. Mme la députée.


Mme Céline Signori

Mme Signori: Merci, M. le Président. L'Assemblée nationale étudie aujourd'hui le principe du projet de loi n° 65, Loi instituant au Code de procédure civile la médiation préalable en matière familiale et modifiant d'autres dispositions de ce code.

D'entrée de jeu, M. le Président, je tiens à préciser que notre ministre et notre formation politique étaient tout à fait d'accord à entendre les groupes intéressés par cette question; ce n'est pas une idée originale de l'opposition. Je tiens aussi à assurer mon collègue le ministre de la Justice de mon appui au projet de loi n° 65, un projet de loi qui instaure la médiation préalable en matière familiale de même qu'il octroie des pouvoirs au greffier spécial dans des causes relatives à la garde des enfants et aux pensions alimentaires.

La médiation familiale, il y a longtemps qu'on en parle au Québec. J'étais la représentante des groupes familiaux au Sommet de la Justice tenu à Québec en février 1992, et, déjà à ce moment-là, il existait un formidable consensus sur l'établissement d'un service de médiation familiale gratuit. Le gouvernement libéral, par la voie de son ministre de la Justice du temps, M. Gil Rémillard, s'était engagé à donner suite à ce consensus dans les plus brefs délais. Erreur. Oui, c'est vrai, M. le Président, les libéraux ont adopté une loi sur la médiation familiale en 1993, mais ils ne l'ont jamais mise en application. Les libéraux avaient fait le coup avec la loi de Herbert Marx sur la perception des pensions alimentaires, une loi qu'ils avaient adoptée en 1988 et que les libéraux n'ont même pas été capables de mettre en vigueur en six ans. La même chose s'est produite avec la loi sur la médiation familiale de 1993. Elle a été adoptée, oui, mais jamais mise en application. Cette aberration cessera, M. le Président, bientôt grâce au projet de loi n° 65.

Pour ce projet de loi, je souhaitais que le gouvernement puisse compter sur l'appui du député de Chomedey et de sa formation politique, lui-même qui déclarait à la journaliste Katia Gagnon, de La Presse , le 17 octobre 1996, les paroles suivantes: «Tout le monde est gagnant avec la médiation. Plutôt que de manger le patrimoine familial en frais d'avocats, on conserve cet argent pour les enfants.» Fin de la citation. J'espère que le Barreau va être au courant aussi de cette déclaration-là. Mais c'était bien mal connaître le député de Chomedey, qui est incapable de mettre la partisanerie de côté, même quand il est question du bien-être des enfants.

D'ailleurs, j'aimerais revenir sur deux ou trois petites choses qu'ont dites le député de Chomedey ainsi que le député de Brome-Missisquoi dans leur intervention d'aujourd'hui. Quant au député de Chomedey, il est revenu sur sa marotte, c'est-à-dire exclure les bons payeurs de la perception automatique. Sur ce, je tiens à préciser que le bon payeur qui paie sa pension alimentaire à temps, depuis environ 1990, n'est pas inclus dans le système de perception automatique. J'espère qu'il m'écoute. Ça va bien dans ce cas-là, l'État ne s'en est jamais occupé, il n'a pas l'intention de s'en occuper non plus. M. le Président, le député de Chomedey, je pense qu'il n'a pas fait ses devoirs comme il faut, il ne sait pas trop comment ça se passe.

Ce qui est vrai, par contre, c'est que, depuis le 1er décembre 1995, toutes les nouvelles ordonnances sont soumises au même système, soit la perception automatique. Le député de Chomedey, pour une raison que j'ignore, veut revenir à un système où le parent qui a droit à la pension alimentaire, généralement la mère, doit aller la quémander au palais de justice, avec ses petits dans les bras, si son ex-conjoint, lui, refuse de lui payer. M. le Président, le système dont a fait la promotion le député de Chomedey aujourd'hui correspond en tous points au régime qui était en vigueur au Québec depuis 1981 et qui ne marchait tout simplement pas. L'ancien système, basé sur la plainte de la créancière, faisait en sorte que plus de la moitié des pensions alimentaires n'étaient pas payées à temps ni en totalité, une situation inacceptable que les libéraux ont laissé pourrir pendant neuf ans sans rien faire.

(21 h 10)

Quant aux problèmes que rencontre le nouveau service de perception des pensions alimentaires, ils ne sont pas causés par son caractère universel comme voudrait le faire croire le député de Chomedey, ça n'a rien à voir avec ça. Les problèmes rencontrés proviennent du fait que les ex-conjoints ne fournissent pas au tribunal toutes les informations requises au ministère du Revenu pour que ce dernier puisse accomplir son travail. C'est pourtant facile à comprendre, M. le Président, il est impossible pour le ministère du Revenu de déduire à la source la pension alimentaire si le payeur omet, volontairement ou non, de mentionner son lieu de travail. La loi l'oblige à divulguer ces informations, mais comme la loi n'a pas prévu de sanctions, certains ex l'oublient facilement. Le projet de loi n° 65 que l'on étudie actuellement apporte un correctif à cette situation. Le député de Chomedey devrait applaudir à cette loi plutôt que de réclamer le retour d'un système dont l'inefficacité était de notoriété publique.

Je reviens au projet de loi n° 65, ce projet de loi qui vient bonifier grandement la loi libérale adoptée en 1988. Aujourd'hui, le député de Chomedey vantait les qualités de la loi de 1988 sur la médiation mandatoire. Je tiens à soumettre à mon collègue de l'opposition – il ne les a peut-être jamais lus – quelques-uns des commentaires des participants au Sommet de la Justice de 1992 au sujet, justement, de la médiation familiale, une médiation ne débutant qu'une fois le procès bien en marche, c'est-à-dire, M. le Président, après que la chicane est dans la cabane.

Je lis quelques extraits des actes du Sommet de la Justice qui sont aux pages 376 et 377, je cite quelques extraits. «Le porte-parole des ressources communautaires bénévoles en règlement des conflits, Georges Dugas, rappelle que son expérience de médiateur depuis quatre ans lui fait douter du succès d'une médiation dans les causes familiales contestées [...]. La représentante de la famille, Louise Huneault, s'interroge – elle aussi – sur l'efficacité de la médiation ordonnée par le juge dans les affaires contestées [...]. Au nom du milieu des affaires – même le milieu des affaires était présent – Gaston Lafleur [...] souhaiterait toutefois que les services de médiation soient disponibles avant les procédures judiciaires.» Ça continue. Clément Godbout, présent aussi à ce Sommet, «aurait aussi souhaité que la médiation soit disponible le plus rapidement possible [...]. Le représentant des services de conciliation, M. Jack R. Miller, soutient que la médiation est dénaturée et souhaite qu'elle soit fortement recommandée dès le début des procédures plutôt qu'imposée dans les affaires contestées.»

M. le Président, je viens de lire quelques extraits des actes du Sommet de la Justice. Ce sont des commentaires très négatifs sur la médiation mandatoire proposée par les libéraux. Aujourd'hui, sur le fil de presse, on a reçu une demande de groupes qui demandent au ministère de la Justice d'accélérer le processus pour que l'on puisse voter la loi n° 65 le plus tôt possible afin d'aider les familles. Ce fil de presse a été envoyé par l'ordre professionnel des conseillers et conseillères d'orientation, l'Ordre professionnel des psychologues, l'Ordre professionnel des travailleurs sociaux, la Chambre des notaires du Québec, l'Association des centres jeunesse du Québec. C'est important. Je vais vous lire juste un paragraphe, pas tout ce qui est dessus. Tous ces groupes-là demandent au gouvernement québécois d'adopter le plus rapidement possible et tel que prévu le projet de loi n° 65 visant à rendre obligatoire le processus de médiation familiale en cas de divorce ou de séparation.

C'est bien simple, à part l'ex-ministre Gil Rémillard, le député de Chomedey et maintenant le député de Brome-Missisquoi, personne n'en veut, de cette forme de médiation là. C'est pour ça que les libéraux ne l'ont jamais mise en vigueur et c'est aussi pour ça que le gouvernement du Parti québécois propose aujourd'hui la médiation préalable. Le projet de loi n° 65 stipule les modalités de la médiation préalable à l'intervention du tribunal, et ça, pour tout désaccord touchant la garde des enfants, les aliments dus aux enfants, au patrimoine familial et aux autres droits patrimoniaux résultant du mariage. Avec le projet de loi n° 65, le gouvernement tente finalement de régler deux problèmes qui accablent les hommes et les femmes lors d'une séparation ou d'un divorce: les frais trop élevés d'avocats et la lenteur du processus judiciaire.

Le projet de loi n° 65 prévoit que les couples avec enfants qui ne peuvent s'entendre auront accès à un service de médiation gratuit. Ces couples devront participer à une première séance obligatoire afin d'évaluer la possibilité d'un accord. Par la suite, les parties pourront poursuivre la démarche avec le médiateur pendant un maximum de six séances gratuites. Si un accord semble impossible, les parties pourront procéder par la voie judiciaire dès la fin de la première séance de médiation.

Depuis des années, j'entends la population demander la déjudiciarisation des mesures accessoires à la séparation ou au divorce, comme la garde des enfants ou la pension alimentaire. Ces questions gagnent à être traitées dans un climat de collaboration plutôt que dans un climat d'affrontement, le climat que l'on connaît dans les cours de justice. Avec la médiation familiale préalable, le gouvernement fait un pas important dans la bonne direction.

Toujours dans le but d'accélérer les procédures judiciaires, le projet de loi n° 65 accorde également certains pouvoirs à l'officier de justice dénommé le greffier spécial. Ce dernier validera certaines requêtes des parties en présence, comme une entente entre les ex-conjoints sur la révision d'une ordonnance alimentaire. Donc, on va aussi désengorger le service de perception.

Permettez-moi, M. le Président, de lire dans cette Chambre un extrait du bulletin de liaison de la Fédération des associations de familles monoparentales et recomposées du Québec et qui porte sur le projet de loi n° 65. Je cite: «C'est, selon nous, lors des révisions que ce projet de loi apportera le plus d'amélioration. Si des parties s'entendent, plus besoin de retourner en cour pour faire homologuer une entente de révision, il s'agira simplement de déposer la requête auprès du greffier spécial, qui l'officialisera.» Fin de la citation.

M. le Président, les membres de cette Assemblée devraient voter en faveur parce que le projet de loi n° 65 donne suite à une recommandation du rapport Bouchard, «Un Québec fou de ses enfants»; parce que la médiation au préalable est une mesure préventive qui agit avant que la bataille judiciaire ne prenne; parce que nous avons dorénavant l'argent nécessaire pour financer des services de médiation gratuits grâce à la défiscalisation des pensions alimentaires à compter du mois de mai 1997; parce que la médiation familiale met l'accent sur la responsabilité parentale; et, finalement, parce que, selon des recherches, la médiation familiale entraîne un partage plus équitable des biens familiaux, des montants de pensions alimentaires plus généreux et des droits de visite mieux respectés.

J'invite donc les députés de l'opposition à ne pas se laisser embarquer par la partisanerie dont fait preuve leur collègue. Je les invite plutôt à applaudir à la médiation préalable et à voter en faveur du principe de la loi n° 65. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la députée de Blainville. Nous cédons maintenant la parole au député de Saint-Laurent. M. le député.


M. Normand Cherry

M. Cherry: Merci, M. le Président. M. le Président, je pense qu'on conviendra tous que, parmi les responsabilités que la population s'attend de son gouvernement, elle s'attend à ce qu'on prenne soin d'elle au niveau de la santé, au niveau de l'éducation et au niveau de la justice. Elle s'attendra, bien sûr, à d'autres types de services, mais, si elle avait à prioriser et si nous, il me semble, comme législateurs avions à prioriser nos responsabilités, je suis convaincu qu'on ferait l'unanimité sur les trois premières que je viens d'énumérer.

(21 h 20)

Donc, quand il s'agit de la justice, et c'est ce qui fait l'objet du présent projet de loi qui est devant nous... J'ai, comme vous, entendu la collègue qui m'a précédé. J'ai cru comprendre, par certaines de ses remarques, qu'elle atteint la certitude que mon collègue de Chomedey n'a pas bien lu ou n'a pas bien compris, qu'il aura énormément de difficultés à offrir sa collaboration. Elle dit qu'elle est convaincue que, s'il avait bien lu le projet de loi, s'il l'avait bien compris, jamais il n'aurait tenu les propos concernant ce projet de loi, que c'est faux que la médiation est imposée à tout le monde. Enfin, je ne veux pas répéter tous les propos qu'elle a tenus, mais il semble que c'est évident. Bon.

Et je profite de l'occasion, M. le Président, pour signaler, parmi mes bons amis qui m'écoutent ce soir, mon habituel collègue de Lotbinière et également le très aimable député de Crémazie. Il me fait plaisir de les saluer, M. le Président. Je n'ai pas toujours l'occasion de le faire et parfois je le fais dans des termes qu'ils n'apprécient pas autant que ce soir. Donc, je profite de l'occasion pour le faire, M. le Président.

De la même façon que tantôt mon collègue le leader de l'opposition signalait l'attention avec laquelle le ministre de la Justice écoutait ses propos, moi, je suis convaincu que ce n'est pas parce que le ministre de la Justice se repose les yeux qu'il n'écoute pas bien les propos du collègue le député de Brome-Missisquoi; j'avais compris. C'est pour ça que les sourires de certains des collègues... je ne pouvais pas comprendre pourquoi ils trouvaient des façons à sourire; j'étais convaincu de l'attention. Et d'ailleurs il a suffi que mon collègue l'indique pour qu'immédiatement le ministre indique qu'il suivait très bien le débat. C'est de valeur qu'il entende bien; c'est peut-être le degré de compréhension qui est un petit peu difficile.

Mais, M. le Président, j'aimerais pouvoir souscrire aux propos de celle qui m'a précédé, qu'effectivement il n'y a que le député de Chomedey qui a mal compris. Mais vous comprendrez que je ferai référence à une lettre datée du 6 décembre – donc aujourd'hui – signée par le bâtonnier de Longueuil, Gilles-R. Pelletier. Et les propos que j'y lis, M. le Président, vont en contradiction, mais on ne peut plus directe, avec les affirmations que faisait la collègue qui m'a précédé. Je vous lirai le début de la lettre et ensuite j'attirerai de façon plus particulière, M. le Président, votre attention sur les propos qui, à mon avis, contredisent, mais on ne peut plus exactement, les propos qu'elle a tenus.

D'abord, c'est une lettre qui est adressée à l'hôtel du Parlement et qui dit: «Deux dossiers préoccupent particulièrement le Barreau du Québec et ses membres en cette fin de session à l'Assemblée nationale: l'aide juridique et la médiation familiale.» Ce qui fait l'objet de ce soir. «Ces dossiers auront une répercussion excessivement grave sur la population que vous représentez. Nous comprenons tous aisément l'obligation du gouvernement de composer avec la difficile situation financière actuelle. Cependant, nous ne croyons pas qu'il faille pour autant mettre à l'écart les droits fondamentaux des citoyens et citoyennes ni, comme le disait le Protecteur du citoyen en presse en fin de semaine, M. Daniel Jacoby – ah! il semble que lui aussi a lu le projet de loi – laisser le vent du néolibéralisme qui souffle présentement balayer l'ensemble de nos institutions.»

Et il dit: «Vous le savez, pour en avoir entendu parler, surtout dans les milieux chargés de la défense des plus démunis de la société, la réforme de l'aide juridique, telle que mise de l'avant par le ministre de la Justice – et là il le nomme mais je ne peux pas donner son nom – a déjà commencé à faire ressentir ses effets.» Donc, ça, c'est pour la première législation qui préoccupait le Barreau. Et il continue: «Le ministre de la Justice a ainsi sabré, sans égard aux conséquences, dans le régime d'aide juridique le plus performant qui soit au Canada, le régime qui fonctionne au coût le plus bas, un régime mis en place depuis 25 ans au Québec.» Et là il dit: «Voilà une situation dont vous devez être au courant.»

Et là, M. le Président, j'attire de façon particulière votre attention sur les propos qui vont suivre. Toujours la lettre signée par Gilles-R. Pelletier, le bâtonnier de Longueuil. Il dit: «Un deuxième dossier, la médiation familiale...» Le projet de loi qui est devant nous, M. le Président. Et là j'attire votre attention. Vous conviendrez qu'il va exactement, dans les propos qui vont suivre, à l'encontre des déclarations qu'a faites la députée qui m'a précédé. Donc, il ne s'agit pas, là, d'un entêtement, d'une mauvaise lecture ou d'une non-lecture du député de Chomedey.

Voici ce que dit le bâtonnier de Longueuil: «Un deuxième dossier, la médiation familiale, inquiète vivement le Barreau. Cette mesure n'est pas nouvelle pour nous, puisque nous la favorisons depuis plusieurs années.» Et là il dit: «C'est son caractère obligatoire que nous ne pouvons cautionner et que nous vous invitons à examiner sérieusement.» La collègue vient de dire: Ce n'est pas obligatoire et je «va-tu» le répéter assez souvent pour que le député de Chomedey comprenne? Alors, je lui suggère qu'elle prenne connaissance de la lettre du Barreau et qu'elle en parle à son ministre de la Justice, parce que le Barreau dit: «C'est son caractère obligatoire que nous ne pouvons cautionner et que nous vous invitons à examiner sérieusement.»

Hops! «On admet généralement que quatre causes de droit familial sur cinq – donc, le 80 % est ici, quatre sur cinq – se règlent avant procès et ne se rendent pas à l'audition.» Donc, je poursuis la lecture: «Pourquoi le gouvernement imposerait-il la médiation dans tous les dossiers, se créant ainsi une dépense inutile de plusieurs dizaines de millions de dollars?

«Pourquoi le gouvernement imposerait-il la médiation dans tous les dossiers, se créant ainsi une dépense inutile de plusieurs dizaines de millions de dollars?» Et je suis convaincu que les citoyens qui nous écoutent, comme les collègues ici, quand on parle de possibilité d'économiser des dizaines de millions de dollars, il me semble qu'on devrait tous, tous, être éveillés à cette sensibilité-là. Il me semble qu'on pourrait mieux les utiliser que de les dépenser où on n'en a pas besoin. Je suis convaincu que, dans le domaine de l'éducation, la ministre, qui est présente – ou dans le domaine de la santé – elle pourrait sûrement profiter de ces dizaines de millions de dollars à bien meilleur escient.

«Le but inavoué serait-il d'écarter la profession du processus? Nous sommes convaincus que la médiation ne convient pas uniformément à tout le monde, il y a même risque de perte de droits dans certains cas.» C'est toujours le bâtonnier de Longueuil qui tient ces propos, M. le Président. Vous remarquez que ce n'est pas le député de Chomedey. C'est important.

«Nous craignons en outre comme effet une judiciarisation accrue, des délais additionnels et des coûts plus élevés, puisque, notamment, on peut s'attendre à un nombre élevé de demandes d'ordonnances intérimaires.» Est-ce que c'est ça que les citoyens s'attendent de nous? Est-ce qu'ils s'attendent qu'on établisse un processus qui peut judiciariser davantage le système? Je suis convaincu que ce n'est pas à ça que les citoyens s'attendent. Alors, pourquoi, pourquoi on s'entête à leur imposer quelque chose non seulement dont ils n'ont pas besoin, non seulement qui va coûter, toujours d'après la lettre, des dizaines de millions de dollars, mais qui va avoir pour résultat de prolonger les délais? Et, pendant ce temps-là, les familles attendent. Dans la vaste majorité des cas, ce sont des mères qui attendent le règlement de l'aspect financier et c'est des enfants qui pâtissent, bien souvent. Alors, pourquoi le gouvernement pense à créer un système dont le résultat, d'après le Barreau, va avoir ces conséquences-là pour une clientèle? Il me semble que, si on légiférait mieux dans le sens du besoin des gens, ça aiderait à rehausser la perception qu'ils ont du travail que nous faisons comme législateurs.

(21 h 30)

«En effet, les parties et les enfants ne pourront vivre de l'air du temps pendant la médiation. Ne serait-il pas dans l'intérêt des personnes aux prises avec des difficultés causées par un divorce ou une séparation de n'emprunter la voie de la médiation que si elles la considèrent appropriée à leur situation?» On l'a dit tantôt, ce n'est pas une formule standard qu'on prête à tout le monde. Donc, il soulève là des préoccupations qui ont été soulevées et par le député de Brome-Missisquoi et par notre collègue de Chomedey, mais que ne semblent avoir aucunement retenues ni le ministre de la Justice ni la collègue qui m'a précédé.

Quoi qu'il en soit, c'est à l'occasion d'un débat public, ouvert, que toute cette question devrait être débattue avant qu'elle ne devienne législation. Ne serait-il pas préférable d'investir dans l'information du public au sujet de l'existence d'un tel service et dans l'amélioration des services d'expertise psychosociale, également, au service des enfants et qui souffrent, pourtant, de délais inacceptables? On sait que dans certaines régions, c'est pire, M. le Président. Donc, il me semble qu'on pourrait utiliser les mêmes sommes d'argent pour les mêmes clientèles, mais de façon beaucoup plus utile que de les mettre dans le système qui nous est proposé, M. le Président.

Vous savez, vous comme moi, on peut se poser la question: Comment se fait-il que les fonctionnaires qui nous entourent, comment se fait-il qu'un ministre peut arriver avec un projet de loi qui, selon la lettre que je viens de vous lire, oblige tout le monde à passer par le même processus, d'y investir des sommes d'argent, de colliger un tas d'informations dont on n'aurait pas besoin? À moins que... Le rapport du Vérificateur général en a fait une illustration cette semaine. Lors du rapport du Vérificateur général, il nous a fait la démonstration que plus le gouvernement, dans son appareil, ramasse d'informations, et l'inter-référence entre de plus en plus de machines... On a vu l'exemple, parmi les exemples qui nous ont été donnés cette semaine, là, un artiste populaire au Québec, là, le nombre de fois qu'ils ont eu accès à son dossier dépasse les 600.

Alors, je me dis, M. le Président: Comment ça se fait qu'il y a des gens qui recommandent qu'on mette sur pied une machine, qu'on ramasse les informations d'une clientèle dont 80 % n'en a pas besoin, qui règlent leurs affaires avant d'arriver à la journée du... Ils s'entendent. Pourquoi il faut absolument que ces gens-là apparaissent dans la machine? Pourquoi, s'il faut que ça leur impose des délais puis que les enfants puissent bénéficier moins rapidement des sommes sur lesquelles les parties sont prêtes à s'entendre? Parce que la machine veut assurer que ça va se faire selon son rythme, avec ses informations dont elle a besoin. Une fois qu'elle les possède, M. le Président, elle fait quoi avec? Est-ce qu'on se ramassera, au prochain rapport du Vérificateur général, avec des abus comme, encore une fois, ils ont été énumérés cette semaine dans son rapport?

Les échanges d'informations, des fichiers, M. le Président, c'est nouveau. C'est une façon moderne de gérer. Tous les appareils veulent s'en doter. Tous les ministères sont importants et disent que ça va réduire le temps, on va mieux servir la clientèle, mais on réalise que, dans certains cas, l'utilisation qui en est faite est loin de protéger, ce à quoi le citoyen s'attend en confiant ces informations-là au gouvernement: qu'elles vont être protégées et que le gouvernement ne les utilisera pour aucune autre fin que ce pourquoi le citoyen les communique.

Alors, quand on réalise que des suggestions de législation comme celle-là sont faites, celui qui vous parle soulève ce questionnement. Pourquoi vouloir imposer aux citoyens du Québec de fournir des informations, de subir une machine, un processus, des délais, pour quelque chose dont la clientèle, à quatre sur cinq, n'a pas besoin?

Alors, je termine la lecture de la lettre. «Voilà une autre situation dont vous devez être au courant.» Le Barreau du Québec, pas le député de Chomedey. Parce qu'il semble que c'est le député de Chomedey qui est la mauvaise voix qui empêche le bon fonctionnement. Je lis bien la lettre, là: «Le Barreau du Québec croit de son devoir d'intervenir lorsque la situation de la justice l'impose ou lorsque les droits fondamentaux des citoyens et des citoyennes doivent être protégés.» Alors, quand je fais la lecture d'une lettre comme celle-là, vous conviendrez que je me rallie rapidement aux inquiétudes qu'a soulevées le député de Chomedey. Il reflétait très bien les informations qui sont contenues dans la lettre.

«Depuis le début de l'année – ce n'est pas un caprice, là – le Barreau a ainsi fait des représentations à 38 reprises, tant à Québec qu'à Ottawa, tantôt favorables, tantôt défavorables, en plus de soumettre 18 mémoires nécessitant des milliers d'heures de travail bénévole de la part de ses membres, le tout pour le bénéfice de la population et conformément à sa fonction principale comme ordre professionnel suivant le Code des professions. Aujourd'hui, nous vous demandons d'entendre notre point de vue, au nom des citoyens et des citoyennes que vous représentez. Et sans pour autant vouloir remettre en question le bien-fondé de l'objectif que s'est fixé le gouvernement de ramener le déficit à zéro d'ici la fin du siècle, nous ne croyons pas que pour y parvenir il faille nécessairement procéder à des coupes aveugles ni au démantèlement des institutions les plus fondamentales de notre société.

«S'il existe un domaine, et un seul, où l'État doit maintenir un service et si un État, quel qu'il soit, doit être réduit à sa plus simple expression, il m'apparaît que le système de justice qui permet aux citoyens d'avoir recours aux pouvoirs judiciaires pour régler les différends entre eux serait le service à maintenir. Le citoyen qui ne peut avoir recours facilement, rapidement et librement à ce système de justice deviendra rapidement une menace à la démocratie et pensera que l'État n'est plus en mesure d'assurer la justice et qu'il doit se la faire lui-même, bien sûr.» Et la lettre dit: «Est-ce l'anarchie que nous voulons?»

Il termine en disant: «Je fais appel à la nécessité pour votre gouvernement d'avoir une vision plus complète quant au maintien de certaines institutions, et, parmi celles-là, celles qui permettent aux citoyens d'avoir confiance dans son gouvernement et dans le régime de justice qu'il veut conserver. Je demeure à votre disposition pour discuter de ce dossier.» Et c'est signé: le bâtonnier de Longueuil, Gilles R. Pelletier.

Donc, M. le Président, je crois que nous sommes tous interpellés. Et, dans ce sens-là, je suis convaincu qu'en nous inspirant des remarques faites par le bâtonnier nous en arriverons à un projet de loi qui répondra, et beaucoup mieux, à l'ensemble de la volonté des citoyens du Québec que nous voulons le mieux servir. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, M. le député de Saint-Laurent. M. le leader du gouvernement.


Motion d'ajournement du débat

M. Bélanger: Oui, M. le Président, je fais motion pour que nous ajournions le débat.

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce que cette motion est acceptée? Débattable? Débattable. M. le leader de l'opposition.

(21 h 40)

M. Paradis: M. le Président, sur la question de règlement. À ce que je comprends bien, le règlement est très clair: quand on ajourne un débat, c'est parce qu'on a des motifs pour ajourner le débat, et on les fait connaître à l'ensemble de la population, suivant les articles 100 et suivants du règlement de l'Assemblée nationale, 100 à 103, M. le Président, pour être plus spécifique:

«L'ajournement du débat peut être proposé à tout moment de la séance. Il ne peut l'être qu'une seule fois, sauf par un ministre ou un leader adjoint du gouvernement.» Comme le leader est ministre, il s'acquitte de cette étape. «Une telle motion ne requiert pas de préavis et ne peut être amendée.»

Les temps de parole sont comme suit, M. le Président: L'auteur de la motion – le député leader du gouvernement – et un représentant de chaque groupe parlementaire ont chacun un droit de parole de dix minutes. L'auteur de la motion a droit à une réplique de cinq minutes.»

M. le Président, moi, j'aimerais, avant de me prononcer, entendre les arguments du leader du gouvernement. Possiblement que nous pourrions être en faveur de l'ajournement à ce moment-ci s'il y avait une raison, un motif, une excuse pour ajourner le débat, s'il avait l'obligeance, pas de nous en faire part à nous, mais d'en faire part aux gens qui nous écoutent. Les gens se demandent ce qui se passe. S'il n'a pas d'excuse, s'il n'a pas de motif, s'il n'a pas de raison, les gens vont penser que c'est une mauvaise planification de nos travaux. Mais, moi, je n'aimerais pas laisser ce fardeau-là sur les épaules du leader du gouvernement.

Lorsqu'il nous aura fait part de ses motifs, peut-être allons-nous concourir à sa volonté d'ajourner le débat. S'il n'a aucun motif, M. le Président, nous serons obligés de prendre le temps de parole qui nous est alloué par le règlement et de traiter de la situation. Mais ça aurait l'air de quoi? Moi, je ne veux pas laisser ce fardeau-là peser sur les épaules du leader du gouvernement inutilement. Je sais que, s'il ajourne le débat à ce moment-ci, il doit avoir des motifs. Qu'il les communique à l'ensemble des membres de l'Assemblée nationale, à la présidence et à l'ensemble de la population du Québec qui nous écoute ce soir.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, à ce stade-ci, M. le leader de l'opposition, la seule chose que nous pouvons demander au leader, c'est effectivement s'il veut utiliser son droit de parole, comme vous l'avez mentionné tout à l'heure, en vertu de l'article 101 de notre règlement qui mentionne que «L'auteur de la motion et un représentant de chaque groupe parlementaire ont chacun un temps de parole de dix minutes. L'auteur de la motion a également droit à une réplique de cinq minutes».

Alors, le leader de l'opposition vous a demandé, M. le leader du gouvernement, si effectivement vous vouliez utiliser votre temps de parole de 10 minutes. Si vous me répondez affirmativement, à ce moment-là, je vais commencer à vérifier votre temps de parole. M. le leader du gouvernement.


M. Pierre Bélanger

M. Bélanger: Je vous remercie, M. le Président. Alors, je remercie le leader de l'opposition pour la délicate attention qu'il a de vouloir entendre mes propos relativement à ma demande d'ajournement du débat et je reconnais en lui cette courtoisie qui l'honore. Oui, effectivement, j'ai demandé l'ajournement du débat justement pour les gens qui nous écoutent, M. le Président, qui, je crois, aiment bien avoir des débats variés sur les différents projets de loi que nous avons à leur proposer.

Alors, à ce moment-là, comme le leader de l'opposition va certainement concourir avec nous, nous avons des projets de loi fort intéressants et fort importants, surtout fort importants, et ça, je tiens à le mentionner, sur la justice.

Je crois qu'il est important à ce moment-là, pour permettre, et je sais... En plus, je crois que je veux faire participer le plus grand nombre possible de députés de l'opposition au débat. Puisque les temps de parole sur le prochain article que j'appellerai probablement sont de 10 minutes, la population aura à ce moment-là l'occasion d'entendre plus de députés de l'opposition, et je suis certain que ça viendra enrichir la population d'argumentations qui, je suis certain, ne se répéteront pas. Parce que les députés de l'opposition ne se répètent jamais, M. le Président, comme on pourra le constater dans le débat qui va suivre.

Voilà pourquoi j'ai fait cette motion d'ajournement du débat, et je suis certain, maintenant qu'il a entendu mes arguments, que le leader de l'opposition voudra absolument que les voix de ses députés, de ses ouailles soient entendues par l'ensemble de la population du Québec sur le prochain projet de loi, qui va être intéressant, M. le Président, j'en suis certain.

Une voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le leader du gouvernement. M. le leader de l'opposition, vous avez un temps de parole de 10 minutes.

M. Paradis: Oui, M. le Président. Je pense que le leader du gouvernement n'a pas bien saisi. J'avais demandé des motifs sérieux, pas de tenter de traiter l'Assemblée nationale comme une espèce de macédoine où on tente de mélanger les débats un à travers les autres de façon à confondre la population.

M. Bélanger: Question de règlement. En vertu de quel article vous avez un droit de parole après mon droit de réplique?

Le Vice-Président (M. Pinard): Vous n'aviez pas un droit de réplique...

M. Bélanger: Je suis l'auteur de la motion.

Le Vice-Président (M. Pinard): Excusez-moi, vous êtes l'auteur de la motion, alors, vous avez un droit de parole de 10 minutes. Vous ne l'avez pas pris. Donc, à ce moment-là, l'opposition a un droit de parole de 10 minutes et, ensuite de ça...

Je m'excuse, mais, effectivement, moi, j'ai considéré à ce moment-là qu'il avait débuté sur une question de règlement, il voulait vous demander...

Alors, écoutez, je peux revenir aux galées, si vous voulez... Alors, M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Oui. Merci, M. le Président. Si le leader du gouvernement avait été attentif, il...

Le Vice-Président (M. Pinard): Excusez-moi! Je pense qu'on a tous notre semaine, les ministres, les députés et également le président de l'Assemblée. Il y a des choses que je suis capable de prendre, mais il y en a d'autres que je suis moins capable de prendre. Alors, M. le leader de l'opposition.


M. Pierre Paradis

M. Paradis: M. le Président, j'avais pris soin, lorsque je me suis levé, et on peut prendre le temps, là, même si je suis en train de discuter de la situation, de retourner aux galées... J'étais sur une question de règlement. Mais ce qui importe, ce n'est pas la procédure en cette Chambre; ce qui importe, c'est le fond des débats comme tel. Lorsque, comme gouvernement, nous sommes fiers d'un projet de loi, lorsque nous le mettons de l'avant, nous voulons que l'ensemble des députés, d'un côté comme de l'autre, puissent se prononcer. Moi, ce que je dois constater... Puis je le déplore puis je sais qu'il y a beaucoup de députés de l'autre côté qui auraient souhaité intervenir ce soir dans cet important projet de loi. Plusieurs me l'ont mentionné, M. le Président. Et, en faisant une motion d'ajournement, le leader du gouvernement se trouve à bâillonner ses collègues députés ministériels, comme si ces gens-là n'avaient pas le droit de se prononcer ce soir sur cet important projet de loi. Moi, je peux comprendre qu'à un moment donné, après certaines années de pouvoir, le pouvoir se concentre, qu'il y a deux, trois personnes au gouvernement qui veulent l'exercer et qu'ils ne veulent pas laisser aux élus du peuple, qu'ils soient d'un côté ou de l'autre de l'Assemblée nationale, le droit d'exprimer ce que leurs électeurs et ce que leurs électrices ressentent profondément quant à un projet de loi.

Et lorsqu'on s'aperçoit que les gens commencent à comprendre... Parce que, moi, je l'ai vu dans le regard, dans les attitudes des gens de l'autre côté, qu'il y avait un commencement, un début de compréhension, qu'on ne voulait plus suivre aveuglément le ministre de la Justice. Pour sauver la face – si je peux utiliser l'expression, M. le Président – ou pour tenter de sauver la face, le leader du gouvernement propose d'ajourner le débat. Comme ça, il s'assure que les députés ministériels ne sont pas ébranlés dans la confiance aveugle qu'ils sont supposés de témoigner à l'endroit du ministre de la Justice, du premier ministre ou du leader du gouvernement. C'est une façon très subtile, très adroite de faire en sorte que la démocratie ne puisse s'exprimer à l'Assemblée nationale du Québec. C'est une façon de faire en sorte que ce qu'on appelle, dans le vocabulaire, les «backbenchers» n'aient pas leur mot à dire et deviennent de serviles marionnettes des stratégies du «bunker», du ministre de la Justice et du leader, M. le Président.

C'est déplorable; moi, je le déplore. J'espère que la réforme parlementaire qui est initiée par la présidence nous permettra d'éviter de telles situations. J'en prends note ce soir, là. On ne devrait pas permettre, dans le règlement, à un leader de bâillonner ses propres députés. Ça devient, en termes parlementaires, je dirais, non constructif. C'est le mot le plus poli, là, que je peux utiliser dans les circonstances. Mais, si j'étais député ministériel puis que j'avais fait une campagne électorale, que je faisais du bureau de comté, que, sur le plan politique, je voulais avoir un mot à dire dans ce qui se passe, je n'accepterais pas ça, moi, M. le Président. Jamais le député de Joliette, qui était leader du gouvernement, ne se serait embarqué dans une telle stratégie. Ça, c'est le premier élément qui explique la stratégie de l'actuel leader.

Deuxième élément: quand le projet de loi comme tel, à un moment donné, est fissuré sur ses bases... Si, moi, le leader me dit bien honnêtement, là: Il va y avoir des consultations publiques qui vont suivre l'adoption du principe, je suis même prêt à considérer – puis on pourrait le faire bien amicalement – qu'on va ajourner nos travaux puis qu'on ne reprendra pas nos travaux avant d'avoir entendu tous les groupes que j'ai eu l'occasion d'énumérer tantôt, à partir du Barreau du Québec, la Fédération des femmes du Québec, les gens qui sont préoccupés. Je dirais: Bon. Bien, là, il est sérieux. Il a compris quelque chose; il s'est ouvert les oreilles puis il est sensible à ce qui a été dit par les parlementaires d'un côté comme de l'autre de la Chambre. Il n'est pas préoccupé par une mainmise sur le pouvoir et par un bâillonnement de ses députés.

(21 h 50)

M. le Président, si c'est ça, l'intention du leader du gouvernement, qu'il nous la déclare ouvertement. Nous allons collaborer avec lui s'il nous dit: Moi, j'ajourne le débat parce que, là, j'ai compris que ce n'était pas une situation aussi claire, aussi limpide que je pensais. On va entendre les groupes, et nous reviendrons poursuivre le débat en cette Chambre après avoir entendu les principaux intéressés. Moi, je concourrais, et je pense que tous les députés de ce côté-ci et les députés de l'autre côté aussi – on me fait signe que oui de tous les coins de la Chambre, le leader semble un peu isolé dans sa stratégie, M. le Président, on me fait signe que oui – on concourrait à l'adoption de cette motion d'ajournement de nos débats. Nous pourrions, à ce moment-là, revenir forts du témoignage et enrichis de l'expérience des gens sur le terrain, et là on pourrait poursuivre un débat qui est constructif.

Le leader a un droit de réplique, M. le Président, qu'il pourra exercer, vous l'avez mentionné tantôt, en préservant son droit de parole. Si c'est ça, son intention, M. le Président, il pourra compter sur le député de Chomedey, l'ami du ministre de la Justice, il pourra compter sur les autres députés en cette Chambre pour soutenir cette motion. Mais, si ce n'est pas ça, si c'est ce que, malheureusement, je suis obligé ou condamné – passez-moi l'expression – à penser, à ce moment-là, on ne pourra pas lui assurer notre collaboration, même si c'est un vendredi soir, même s'il pense qu'on peut faire des choses plus facilement en cette Chambre en triturant ou en modifiant les règles du jeu parlementaire qui s'exercent habituellement, M. le Président. Mais, comme je me dois de ne pas prêter de mauvaises intentions au leader du gouvernement, je vous dirai que je pense qu'il veut que ses députés s'expriment. Je pense qu'il veut que les députés de l'opposition s'expriment, mais je pense qu'il a compris que, tant que les...

M. le Président, il y a des bruits, là. Je ne sais pas, est-ce que vous pouvez vérifier s'il y a quelque chose qui ne fonctionne pas?

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, M. le leader de l'opposition, comme vous, j'ai entendu des murmures, mais je n'ai pas été capable de distinguer ce qui a été prononcé. Alors, s'il vous plaît, je vous inviterais maintenant à conclure.

M. Paradis: Oui, M. le Président. C'est sans doute...

Le Vice-Président (M. Pinard): Il vous reste deux minutes.

M. Paradis: ...la vieille horloge qui nous guide qui a grincé.

Des voix: Ha, ha, ha!

Une voix: C'est la vieille horloge qui a grincé.

M. Paradis: M. le Président, si l'intention du leader du gouvernement est vraiment, par cet ajournement, de faire en sorte que nous puissions tous jouir d'un peu plus d'éclairage, d'un peu plus de lumière, et s'il nous l'indique, à ce moment-là, ça nous fera plaisir de lui apporter notre pleine et entière contribution. Mais, si ce n'est pas là la véritable intention, si c'est de mélanger les débats, de bâillonner les députés de part et d'autre, les siens comme ceux de l'opposition, nous devrons malheureusement, M. le Président, indiquer à la présidence de l'Assemblée, indiquer à la population qui nous écoute que nous ne pouvons nous prêter complices d'une telle manoeuvre procédurale parlementaire.

Je sais que le président de l'Assemblée nationale va relire attentivement nos débats et qu'il prêtera une attention très particulière pour que ce genre de procédure soit banni de notre règlement, de façon à ce qu'aucun leader gouvernemental ne puisse faire en sorte que le député de Lotbinière soit bâillonné, que le député de Bellechasse soit bâillonné, que la ministre de l'Éducation, qui voulait se prononcer ce soir... Elle était prête à se prononcer, je l'ai vue écrire ses notes, je l'ai vue travailler et travailler en vain, M. le Président. C'est frustrant pour une collègue ministre, qui a été vice-première ministre, qui a été ministre des Finances, de se faire bâillonner. Je vois l'ancien ministre des Finances, M. le Président, dont le discours est prêt; il est en train de mettre le point final à ses notes. Je vois l'ancien ministre de l'Éducation, l'ancien ministre de l'Agriculture, M. le Président, qui avait sur ce projet de loi un discours qui était prêt. Même le whip, présentement, est en train de tenter d'expliquer – en contrevenant à l'article 32, mais je ne le soulèverai pas, M. le Président! – en contrevenant à l'article 32 de notre règlement, à une collègue pourquoi elle ne pourra pas s'exprimer sur cet important projet de loi, parce qu'il est complice des manoeuvres du leader du gouvernement, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, M. le leader de l'opposition. Je cède maintenant la parole au leader du gouvernement. M. le leader, vous avez un droit de réplique de cinq minutes que vous pouvez utiliser.


M. Pierre Bélanger (réplique)

M. Bélanger: M. le Président, je vous dirai en partant que je suis attristé par les paroles de mon bon ami le leader de l'opposition. J'ai cru dénoter dans son intervention un ton courroucé. J'espère que ça ne viendra pas affecter notre profonde amitié qui trouve des racines dans un endroit tellement profond que j'en cherche même l'origine! J'espère, à ce moment-ci... Et il parlait de la réforme parlementaire qui s'en vient, M. le Président. Regardez déjà l'effet qu'elle a sur le leader de l'opposition. Rarement a-t-on eu des échanges aussi cordiaux, presque chaleureux, modérés, qui, je dois le dire, honorent encore une fois le leader de l'opposition.

Justement, M. le Président, je pense que l'effet de cette motion d'ajournement des débats va aller dans le sens de ce que veut le leader de l'opposition. On va écouter le beau concert des voix des députés de l'opposition qui vont nous expliquer pourquoi ils vont concourir à l'important projet de loi du ministre de la Justice.

Alors, je suis étonné que, uniquement, même par cet argument, le leader de l'opposition ne se lève pas d'un bond et me dise: Oui, M. le leader du gouvernement, nous allons vous suivre, nous allons voter en faveur de cette motion d'ajournement du débat.

Et, encore une fois, M. le Président, je tiens à le répéter, j'espère que cette motion ne viendra pas affecter cette amitié qui nous est chère.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le leader du gouvernement. Alors, à ce stade-ci, nous allons mettre aux voix... Est-ce que la motion d'ajournement proposée par le leader du gouvernement est acceptée?

M. Paradis: Vote par appel nominal, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, que l'on appelle les députés.

(21 h 57 – 22 h 7)

Le Vice-Président (M. Pinard): Mmes et MM. les députés, veuillez vous asseoir. Nous allons procéder maintenant au vote sur la motion d'ajournement qui a été présentée par le leader du gouvernement.

Que ceux qui sont en faveur de la motion du leader du gouvernement veuillent bien se lever.


Mise aux voix

Le Secrétaire adjoint: M. Bélanger (Anjou), M. Léonard (Labelle), Mme Marois (Taillon), M. Bégin (Louis-Hébert), M. Trudel (Rouyn-Noranda– Témiscamingue), M. Campeau (Crémazie), M. Bertrand (Portneuf), M. Simard (Richelieu), Mme Doyer (Matapédia), M. Jolivet (Laviolette), Mme Dionne-Marsolais (Rosemont), Mme Carrier-Perreault (Chutes-de-la-Chaudière), M. Boisclair (Gouin), M. Rioux (Matane), Mme Malavoy (Sherbrooke), M. Baril (Berthier), M. Paré (Lotbinière), M. Bertrand (Charlevoix), Mme Vermette (Marie-Victorin), M. Landry (Bonaventure), Mme Simard (La Prairie), M. Garon (Lévis), M. Rivard (Limoilou), M. Côté (La Peltrie), M. Deslières (Salaberry-Soulanges), Mme Signori (Blainville), M. Beaulne (Marguerite-D'Youville), M. Beaumier (Champlain), Mme Barbeau (Vanier), M. St-André (L'Assomption), M. Lachance (Bellechasse), M. Laprise (Roberval), M. Jutras (Drummond), M. Morin (Nicolet-Yamaska), M. Gaulin (Taschereau), Mme Charest (Rimouski), M. Dion (Saint-Hyacinthe), M. Brien (Rousseau), M. Désilets (Maskinongé).

Le Vice-Président (M. Pinard): Que les députés qui sont contre la motion d'ajournement veuillent bien se lever.

Le Secrétaire adjoint: M. Johnson (Vaudreuil), M. Paradis (Brome-Missisquoi), M. Gauvin (Montmagny-L'Islet), M. Gobé (LaFontaine), M. Gautrin (Verdun), M. Farrah (Îles-de-la-Madeleine), M. Sirros (Laurier-Dorion), M. Bordeleau (Acadie), M. Poulin (Beauce-Nord), M. Bergman (D'Arcy-McGee), Mme Houda-Pepin (La Pinière), M. Ouimet (Marquette), Mme Loiselle (Saint-Henri–Sainte-Anne), M. Cherry (Saint-Laurent), M. Copeman (Notre-Dame-de-Grâce), M. Laporte (Outremont), M. Kelley (Jacques-Cartier).

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce qu'il y a des députés qui s'abstiennent? Aucun. Alors, M. le secrétaire, voulez-vous nous donner le verdict?

Le Secrétaire: Pour:39

Contre:17

Abstentions:0

(22 h 10)

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, je déclare donc la motion d'ajournement adoptée. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, je vous demanderais de prendre en considération l'article 61 de notre feuilleton.


Motions du gouvernement


Reprise du débat sur la motion de clôture des travaux de la commission chargée de l'étude détaillée du projet de loi n° 130

Le Vice-Président (M. Pinard): À l'article 61, l'Assemblée reprend le débat ajourné par le leader du gouvernement le 5 décembre 1996 sur la motion proposée par le leader du gouvernement conformément à l'article 251 du règlement:

«Que la commission des institutions, à qui a été confiée l'étude détaillée du projet de loi n° 130, Loi sur la justice administrative, mette fin à ses travaux quant à ce mandat dès l'adoption de la présente motion et fasse rapport au moment prévu de la période des affaires courantes de la séance qui suit celle au cours de laquelle aura été adoptée...»

Écoutez, j'ai toujours passé pour un homme qui avait une voix forte, mais là vous m'enterrez. S'il vous plaît, permettez que je termine la lecture. Je disais donc:

«...dès l'adoption de la présente motion et fasse rapport au moment prévu de la période des affaires courantes de la séance qui suit celle au cours de laquelle aura été adoptée la présente motion.»

Le dernier intervenant était le député de Nelligan. Y a-t-il d'autres intervenants sur cette motion? M. le député de LaFontaine.


M. Jean-Claude Gobé

M. Gobé: Merci, M. le Président. Nous allons maintenant, comme vous l'avez demandé, reprendre l'étude et parler sur le bâillon du projet de loi n° 130. Et le projet de loi n° 130, pour ceux qui n'ont pas écouté, qui n'étaient pas présents lors des interventions précédentes, c'est un projet de loi qui fait une réforme des tribunaux administratifs.

On sait, M. le Président, qu'un certain nombre d'institutions au Québec ont été créées afin d'entendre les citoyens qui sont requérants de décisions qui ont été prises par certaines instances administratives au Québec. Alors, à titre d'exemple, moi qui suis porte-parole pour l'opposition en matière de travail, donc de santé et sécurité au travail, nous avions un tribunal administratif qui s'appelait la CALP, qui était la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles, et c'est tout à fait l'exemple parfait du Tribunal administratif. Il n'est pas dans ce projet de loi là, car, dans la réforme, le ministre de la Justice s'est débarrassé de ce tribunal, cet organisme pour en faire un nouvel organisme qui sera maintenant sous la juridiction et sous la coupe du ministère du Travail. Mais, quand même, c'est, pour les Québécois et les Québécoises, des instruments qui étaient et qui sont toujours très importants et qui méritent toute l'attention des parlementaires, quels qu'ils soient.

Alors, je pense que, dans le cadre du projet de loi n° 130, l'attention a été très forte de la part bien sûr des intervenants, du gouvernement qui a présenté son projet de loi, mais de l'opposition qui a fait aussi son travail. À titre d'exemple, j'aimerais, pour les citoyens qui n'ont pas pris connaissance de tous ces détails, rappeler que ce projet de loi a été déposé en décembre 1995, il y a maintenant une année.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Excusez, M. le député de LaFontaine. J'aimerais qu'on revienne un peu, là, au calme. Il y a trop de monde debout, là, qui circule. Alors, M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Alors, merci, M. le Président. Il comporte, je disais donc, 188 articles, donc un projet de loi assez volumineux et assez important. Bien sûr, comme un certain nombre de grandes réformes qui se font dans notre société, une consultation générale a eu lieu, c'est-à-dire que l'Assemblée nationale décrète ou annonce, par voie de journaux, par voie publique, qu'elle désire entendre, par l'intermédiaire d'une de ses commissions parlementaires, les individus, les citoyens, les groupes ou les institutions qui sont intéressés à venir se prononcer devant les parlementaires, devant les députés, dans une commission, en ce qui concerne leur perception, leur opinion, leurs recommandations de ces projets.

Alors, ça a eu lieu, M. le Président, en mars 1996. Un grand nombre de groupes et de mémoires ont été déposés, ce qui a permis à l'opposition, bien sûr, de bonifier sa perception et sa vision de ce projet de loi, de cette réforme sur la justice administrative. Alors, M. le Président, un certain nombre d'amendements ont été faits, les amendements sur les articles 1, 4, 5, 6 et 8, ce qui démontre qu'il y avait là certainement des changements à faire dans le projet de loi. Car, lorsque le gouvernement ministériel, quel qu'il soit – il change dépendant des contextes politiques – accepte d'amender un projet de loi, c'est que les recommandations de l'opposition ou même, des fois, des députés ministériels font en sorte de lui faire comprendre, d'indiquer au ministre que les consultations qu'il y a eu ou les recommandations des citoyens devraient aller dans un sens différent.

Alors, par contre, il y a des articles... Et ça arrive malheureusement lorsqu'un gouvernement ou un ministre s'entête, ou décide de ne pas écouter le public, ou de ne pas écouter l'opposition qui représente le public, ou même des institutions, eh bien, ils se sont butés, M. le Président, à une obstruction ou à un refus systématique de la part du ministre qui a refusé d'amender deux articles: les articles 13 et 17. Alors, M. le Président, ces articles-là ont une grande importance. Le porte-parole de l'opposition en matière de justice, dont c'est le rôle d'être un peu le chien de garde de la législation, en ce qui concerne la justice et les actions du ministère, mais aussi d'être un collaborateur... Parce que, vous savez, j'aimerais dire à nos compatriotes que, lorsque nous travaillons en commission parlementaire, ce n'est point seulement pour critiquer et revendiquer, mais aussi pour bonifier et essayer de collaborer avec les autres collègues députés pour faire en sorte que les projets de loi sortent le plus concrètement proche des préoccupations des citoyens et soient aussi le plus efficace possible. Sans faire en sorte non plus de les retarder, je pense qu'il est important, et c'est là un des rôles du parlementaire, de nous pencher sur ces projets de loi.

Alors, M. le Président, en plus de ça, eh bien, sur 188 articles, en 47 h 37 min de séances en commission parlementaire, ce qui est un temps très important, M. le Président, pour un projet de loi, il y a eu 146 articles qui ont été adoptés, 146 sur 188. On peut d'ores et déjà réfuter l'option que l'opposition ne concourrait pas d'une manière positive à faire adopter ce projet de loi là.

Certes, l'opposition tenait et tient encore à certains changements, certains amendements auxquels le ministre s'est refusé. Mais, M. le Président, je pense que, en continuant ou en travaillant, en négociant, en s'ajustant, il aurait été certainement possible, d'ici la fin de la session... Nous sommes, M. le Président, seulement le 6 décembre et la session va se terminer vers le 21 ou le 22 décembre. Donc, il reste en moyenne 16 jours, 15, 16 jours, et il n'y a rien qui nous indiquait hier, lorsque cette décision fut prise, que, en 16 jours, il aurait été impossible pour le ministre de la Justice, de bonne foi, de s'entendre avec les représentations que lui fait le porte-parole de l'opposition ou l'opposition, propositions qui bien sûr découlent des consultations publiques qui ont eu lieu et des souhaits et des recommandations de différents organismes au Québec qui se sont fait entendre, mais aussi qui nous envoient des lettres et nous font part de leurs intentions ou de leurs désirs.

Alors, M. le Président, c'est la deuxième fois que le ministre de la Justice met le bâillon, la deuxième fois. Comment se fait-il qu'un ministre, M. le Président, recourt à un bâillon? Les citoyens vont dire: C'est quoi, un bâillon? Un bâillon, c'est quand on suspend les règles de l'Assemblée nationale, les règles normales qui font qu'on étudie le projet de loi en première lecture en commission parlementaire, ensuite de ça on revient en Chambre, et après ça on fait la prise en considération, et après on va en troisième lecture et on adopte le projet de loi.

(22 h 20)

Comment se fait-il que ce ministre, dans un projet de loi aussi important, qui interpelle toute la société québécoise, car on parle de justice administrative, donc des tribunaux administratifs avec lesquels des millions de nos concitoyens vont devoir vivre et composer à chaque année, pendant de nombreuses années, M. le Président, bien pourquoi a-t-il décidé de recourir à cette accélération du processus en court-circuitant les règles normales? En faisant un bâillon, c'est une loi d'exception, on suspend les règles, on suspend les droits des députés et, M. le Président, on y va à toute vapeur. Pourquoi?

C'est la question que nous nous posons. Nous la posons d'autant plus, M. le Président, que je crois qu'en matière de justice, lorsqu'on établit des règles, elles doivent reposer sur un consensus le plus large possible. Ce n'est pas vrai qu'un gouvernement peut passer des lois qui vont régir l'administration de la justice dans le pays, chez les Québécois et les Québécoises, sans le consensus de l'ensemble de la société. Parce que c'est la société qui va devoir vivre avec.

Si les gens ont l'impression que ça n'a pas été fait d'une manière équitable ou d'une manière, M. le Président, démocratique, eh bien, ils ne l'accepteront pas ou ils auront comme un goût amer, comme un arrière-goût en disant: Ces organismes ou ces tribunaux qui me jugent ou à qui j'ai affaire, avec lesquels je ne suis pas trop content, de toute façon, ce n'est pas tout le monde qui en voulait, il y avait de l'opposition, puis le gouvernement a été obligé de les passer en dépit des règles normales de l'Assemblée nationale qui, je le rappelle, est une des plus vieilles Assemblées nationales de l'Occident et un des premiers châteaux de la démocratie moderne. Et, M. le Président, je ne crois pas que les Québécois qui ont créé cette Assemblée nationale, qui ont créé ce système parlementaire démocratique l'ont fait pour que l'on légifère sur la justice, je dis bien, la justice à coup de lois d'exception. Je crois que, au contraire, ils l'ont fait pour permettre à l'ensemble des Québécois et des Québécoises de pouvoir se faire entendre, de pouvoir participer à l'élaboration des lois et des règlements qui vont les régir, et ceci, afin d'instaurer d'abord la justice, l'équité, mais aussi la paix sociale.

Alors, je dois malheureusement déplorer cette situation et je regrette beaucoup qu'un projet de loi comme celui-là, qui touche la justice, nous n'ayons pas pu l'adopter selon les règles normales et que le gouvernement ait recours à cette mesure d'exception. Je le déplore et je le regrette beaucoup. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Montmagny-L'Islet. M. le député.


M. Réal Gauvin

M. Gauvin: Merci, M. le Président. Toujours en rapport avec le projet de loi n° 130, le gouvernement décide, après plusieurs heures en commission parlementaire d'étude article par article d'un projet de loi important, qui apporte des changements pour la société québécoise, pour tous les citoyens et citoyennes sur le plan de la justice, un projet de loi qui a un effet sur des dizaines de bureaux administratifs au Québec, c'est-à-dire connus par la population, qui a rendu des services où les gens étaient habitués à s'y référer quand il y avait des conflits...

M. le Président, il y a eu plusieurs groupes qui sont venus en commission parlementaire tenter d'expliquer au ministre de la Justice – ils sont venus en audition avant le début des commissions parlementaires – qu'on devrait prendre le temps nécessaire pour étudier, revoir chacun des articles, leur portée sur la population et ceux et celles qui sollicitent justement les services au ministère de la Justice, et on pourrait en nommer quelques-uns dans quelques minutes.

Suite à ça, quand le gouvernement du Québec, le ministre de la Justice et le leader du gouvernement décident d'imposer le bâillon et de ramener le projet de loi n° 130 ici, à l'Assemblée nationale, sans étudier davantage les articles restant justement à être analysés en commission parlementaire, parce qu'il paraît qu'il y avait urgence.

Le bâtonnier du Québec, au nom de l'ensemble des avocats de la province de Québec, écrit au premier ministre du Québec. Vous voyez l'importance pour les avocats ici, au Québec, de s'assurer que ce projet de loi là réponde justement à ce que nous avons besoin comme structure administrative, parce que, comme on le mentionnait, on dissout ou on fusionne au-delà d'une quarantaine de tribunaux administratifs en un seul tribunal qui saura entendre toutes ces causes à l'avenir.

Donc, le Barreau s'inquiète, écrit au premier ministre du Québec. Ce n'est pas une démarche que le Barreau fait à tous les jours. Il écrit le 4 décembre au premier ministre du Québec: «Le Barreau du Québec juge inconcevable que le gouvernement force l'adoption d'une telle pièce législative qui constitue une réforme majeure de certaines de nos institutions.» Plusieurs de mes collègues l'ont fait ressortir, mais je crois bon, à cette heure, à l'heure où l'on se trouve ce soir, de le répéter. Il y a des gens qui n'avaient pas eu la chance d'écouter, par le biais de la télévision dans chacun de leur foyer, l'importance que peut accorder le Barreau du Québec au bâillon imposé par le leader du gouvernement au nom de son gouvernement dans ce projet de loi, M. le Président.

Donc, «en l'absence de consensus des milieux intéressés sur des éléments fondamentaux de la réforme proposée, nous considérons prématurée, inappropriée l'adoption de cette réforme». Donc, pour le moment, en décembre 1996, le Barreau, il dit: Nous ne sommes pas prêts à admettre qu'on doit adopter ce projet de loi dans sa forme actuelle. Où est l'urgence d'adopter avant les Fêtes le projet de loi n° 130? Et c'est le Barreau qui s'exprime et qui tente d'alerter le premier ministre du Québec: «En outre, compte tenu des interactions très étroites entre le projet de loi n° 130 et l'avant-projet de loi d'application, il conviendrait d'attendre d'avoir une idée plus précise de la loi d'application avant d'adopter la loi-cadre.

«En effet, plusieurs dispositions de la loi d'application affecteront et préciseront la portée de nombreuses dispositions du projet de loi n° 130, notamment en ce qui a trait à la juridiction du Tribunal administratif du Québec.

«En conséquence – il termine en disant – nous prions instamment le gouvernement de ne pas donner suite à la motion présentée par le leader du gouvernement.»

M. le Président, le projet de loi n° 130 est un projet de loi qui apporte des changements d'importance dans les institutions que nous connaissons depuis des dizaines d'années. Le projet de loi institue le Tribunal administratif du Québec, et détermine ses pouvoirs, et énumère les recours qui sont de sa compétence. Il traite également des devoirs et pouvoirs généraux des membres de ce Tribunal, plus particulièrement des conflits d'intérêts, des activités incompatibles et de l'exclusivité de sa fonction, ce Tribunal. Ce projet de loi également traite du fonctionnement de ce Tribunal, particulièrement des fonctions administratives du président, des vice-présidents de séance du Tribunal, de son personnel et de ses ressources.

Et une autre partie importante, M. le Président: le projet de loi prévoit l'institution du Conseil de la justice administrative. C'est nouveau, c'est un élément nouveau, c'est une structure nouvelle, c'est un fonctionnement nouveau au service de la population. Il détermine sa composition, ses fonctions et ses pouvoirs, particulièrement en ce qui a trait à la déontologie des membres du Tribunal, aux plaintes portées contre ceux-ci et aux enquêtes qu'ils peuvent mener à leur égard.

Donc, vous pouvez voir, et les gens qui nous écoutent sont en mesure de réaliser que le projet de loi n° 130 apporte un changement très important dans l'administration de la justice au Québec. Et, à nouveau, je mentionne que c'est la clientèle de ces tribunaux qui aura à se familiariser avec sa nouvelle formule. Elle doit être débattue, on doit entendre le Barreau et tous ceux et celles qui sont en mesure d'apprécier ce projet de loi, de le bonifier et s'assurer que le gouvernement du Québec ne fait pas fausse route dans l'application du projet de loi tel qu'on le retrouve aujourd'hui.

(22 h 30)

Réunis en colloque le 18 octobre dernier, les experts, et non les moindres, M. le Président, le professeur Macdonald, auteur du rapport du même nom, de 1991, sur l'accès à la justice, et le professeur Yves Ouellette, auteur du rapport sur la justice administrative, de 1987, ont déclaré que le projet de loi s'attardait davantage aux structures et à la procédure qu'aux besoins des citoyens. Donc, je pense que nous, comme élus ici, à l'Assemblée nationale, qui représentons les citoyens, on doit parler en leur nom, s'exprimer et demander justement au gouvernement de respecter les préoccupations du Barreau du Québec, qu'il expose au premier ministre du Québec. Je pense que c'est important et je ne comprends pas pourquoi le leader du gouvernement n'a pas eu cette sensibilité.

Ces experts, le Barreau du Québec, de même que plusieurs intervenants, le Conseil de la justice administrative, ont mis en relief que le projet de loi ne réussissait pas à répondre adéquatement au seul problème auquel une réforme devait s'attarder, soit l'indépendance et l'impartialité des membres du Tribunal administratif. Principalement, c'est l'article 25 du règlement concernant le processus de renouvellement qui fait problème, en exprimant noir sur blanc que les mandats de cinq ans pourraient ne pas être renouvelés si, de l'avis du gouvernement, il est opportun de favoriser la nomination de nouveaux membres. Donc, il y a aussi un point qui est très délicat. C'est que les membres actuels qui siègent au niveau des tribunaux que nous connaissons, il n'y a rien qui leur garantit que leur mandat va être renouvelé. Et ça peut être des nouvelles personnes nommées par le gouvernement et ça inquiète l'ensemble des intervenants de la justice au Québec. Ceci constitue une caution législative aux nominations arbitraires et partisanes, qu'ils disent, qui mine l'indépendance, l'impartialité des membres. Elle permet de faire légalement ce que le ministre Bégin a fait à l'automne 1995 lorsqu'il a refusé de renouveler le mandat des membres compétents.

M. le Président, je pense que ce que je viens de faire ressortir en quelques minutes, plusieurs de mes collègues l'ont fait. Et, encore une fois, on ne comprend pas, la population ne comprend pas, le Barreau du Québec ne comprend pas le ministre de la Justice, le leader du gouvernement de passer, de tenter de mettre fin au débat article par article et, comme le veut la motion, d'amener le projet de loi n° 130 ici, à l'Assemblée nationale, pour pouvoir le faire adopter dans les meilleurs délais. Donc, nous allons devoir voter contre cette motion et tenter de faire en sorte que le gouvernement respecte la volonté de l'ensemble des citoyens et des intervenants en justice. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Montmagny-L'Islet. Le prochain intervenant? Je cède la parole à M. le député d'Outremont. M. le député.


M. Pierre-Étienne Laporte

M. Laporte: Merci, M. le Président. Je me joindrai aux propos de mes collègues qui m'ont précédé, le député de LaFontaine et le député de Montmagny-L'Islet, pour protester contre la décision qui vient d'être prise de suspendre les travaux de la commission parlementaire des institutions concernant le projet de loi n° 130 sur la justice administrative. Comme l'a expliqué le député de LaFontaine, les travaux ont été importants, des améliorations majeures ont été apportées, mais malgré tout le gouvernement, le ministre de la Justice décide de ne pas aller jusqu'à la fin du processus et nous fait subir l'épreuve du bâillon.

La question qui s'est posée, M. le Président, et qui se pose toujours, et pour laquelle on n'a pas de réponse, c'est la suivante. Et je reprendrai les propos d'une lettre qui vient d'être citée par le député de Montmagny-L'Islet, et je cite des parties de la lettre qui n'ont pas été nommément citées par mon collègue. Il est loin d'être clair, non seulement pour nous, les parlementaires de l'opposition, mais pour des personnes éclairées... on est loin de se faire une idée claire sur les justificatifs qui font que le ministre a pris la décision qu'il prend.

Je vous lis la lettre du bâtonnier du Barreau du Québec. Ce n'est pas une lettre anodine, c'est une lettre qui est adressée au premier ministre et c'est une lettre dont les termes devraient inciter le ministre de la Justice à réfléchir sur le sens et la portée de sa décision. Le bâtonnier dit: «M. le premier ministre – il s'adresse au premier ministre – c'est avec stupéfaction que nous apprenions le dépôt à l'Assemblée nationale, le 28 novembre dernier, d'une motion de clôture concernant les travaux de la commission parlementaire sur le projet de loi n° 130 portant sur la justice administrative.»

«C'est avec stupéfaction», M. le Président. Le Barreau du Québec juge inconcevable que le gouvernement force l'adoption d'une telle pièce législative qui constitue une réforme majeure de certaines de nos institutions. «En l'absence de consensus des milieux intéressés sur des éléments fondamentaux de la réforme proposée, nous considérons – et j'insiste, je mets l'accent sur les qualificatifs employés par le bâtonnier – prématurée et inappropriée l'adoption de cette réforme.»

Et le bâtonnier poursuit en disant qu'il y a aussi des aspects de cette décision qui sont, comment dirais-je, reprochables et même dangereux, puisque la loi nous fait entendre que des mesures d'application seront ensuite passées, sur lesquelles nous n'avons à toutes fins pratiques pour l'instant aucun renseignement, aucune information.

Donc, le bâtonnier s'insurge. Je répète, M. le Président: stupéfaction, inconcevable, prématurée et inappropriée. Et donc, en conséquence, il demande de ne pas donner suite à la motion de clôture et de permettre à la commission des institutions de continuer ses travaux sur le projet de loi n° 130. Mais le bâtonnier du Québec est aussi impuissant que nous, parlementaires de l'opposition, face à une décision gouvernementale, et ça contribue évidemment – on peut le supposer – à renforcer ce sentiment d'impuissance qu'ont beaucoup de citoyens, qu'ont beaucoup, disons, de personnes responsables face aux décisions législatives qui sont prises par ce gouvernement et qui sont prises par ce gouvernement, je le répète, M. le Président, sans que nous ayons une compréhension claire des justificatifs qui prévalent à la prise de cette décision-là.

Il y en aurait deux, justificatifs, M. le Président, mais ils sont absolument, ils sont évidemment absents du processus dans lequel nous sommes maintenant engagés. Il y aurait deux justificatifs pour prendre une décision de clôture ou pour imposer le bâillon. Le premier justificatif – et c'est un justificatif qui s'inscrit normalement dans la tradition parlementaire – c'est le justificatif de la situation d'urgence. Lorsqu'un gouvernement est en face d'une situation jugée urgente pour des raisons de santé, pour des raisons de sécurité publique, il peut, moralement et politiquement parlant, c'est-à-dire dans le cadre des institutions démocratiques normales et établies, décider que le bâillon, dans ce cas-ci, pourrait être une décision justifiée et moralement acceptable.

(22 h 40)

Mais ce n'est absolument pas ce dont il s'agit dans le cas présent. Il n'y a pas d'urgence, M. le Président. La commission parlementaire pourrait suivre le cours qu'on avait prévu qu'elle suive et on pourrait y ajouter des heures de travail et continuer comme on l'a fait, nous, en tout cas, en ce qui nous concerne, du côté de l'opposition, à viser l'objectif de bonifier le projet, de l'améliorer, et donc, finalement, de nous assurer que ce projet soit élaboré, construit dans le meilleur intérêt de nos concitoyens. On a déjà d'ailleurs fait là-dessus un chemin considérable, si on juge que sur les 188 articles du projet il y en a déjà eu un bon nombre qui ont été modifiés. Certains ne l'ont pas été, on le sait, parce que le ministre s'y est opposé; il a fait une obstruction systématique.

Je ne veux pas revenir sur les questions de détails de ces articles-là, M. le Président. Les journalistes en ont fait mention et ils en feront encore mention lorsqu'on discutera de cette épreuve qui nous est imposée, là, maintenant. Mais, normalement, compte tenu de l'absence d'une situation d'urgence, il aurait donc été prévisible, il aurait donc été souhaitable que le processus se continue, que le processus de discussion, d'examen et d'évaluation se continue et que, normalement, suite à la continuation de ce processus, évidemment, la qualité de ce projet de loi soit améliorée, soit accrue.

L'autre justificatif – mais là, évidemment, son absence est flagrante – c'est un justificatif qui serait à peu près le suivant: un consensus après une discussion, comme c'est le cas en commission parlementaire, après que des experts soient venus témoigner, après que des personnes responsables soient venues nous faire part de leur opinion sur le projet, après que l'opposition ait pu en débattre, après que l'opposition ait pu poser ses questions, après qu'on ait pu en discuter avec la partie d'en face, avec le gouvernement, après qu'on ait jugé, à la lumière du bon sens et à la lumière du sens pratique aussi, qu'un consensus a été achevé, on décide à ce moment-là de mettre fin à ce qui pourrait être qualifié de résistance injustifiée à un projet de loi qui a été bonifié, sur lequel s'est fait un consensus mais sur lequel, pour des raisons qui seraient, disons, difficilement identifiables, une opposition parlementaire décide de résister, malgré, comme je l'ai mentionné, la loi du bon sens ou la loi du sens pratique. Mais ce n'est absolument pas le cas dans ce cas-ci. Nous ne sommes absolument pas, mais absolument pas en présence d'un projet sur lequel il y aurait eu consensus et sur lequel ce consensus ayant été établi, dans le cadre duquel une opposition résisterait pour des motifs qui pourraient être – oui, M. le Président? – ...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Il vous reste une minute.

M. Laporte: ...ceux que j'ai invoqués tantôt. Donc, je le répète, M. le Président, en terminant, le gouvernement, le ministre de la Justice – et ce n'est pas la première fois qu'il le fait, il l'a déjà fait dans un projet de loi antérieur – décide d'interrompre les procédures de la commission parlementaire. Il nous impose le bâillon. Il nous l'impose sans aucun justificatif autre que des justificatifs qui seraient vraiment de l'ordre de motifs qui nous sont pour l'instant totalement inconnus et totalement invisibles.

Et je conclus là-dessus, M. le Président. Je pense que cette décision est au désavantage de l'intérêt général, puisque nous étions sur le point de bonifier ce projet, de l'améliorer, et qu'en conséquence de la décision qui a été prise le projet demeurera, comme on le savait, un projet qui est imparfait et d'une qualité inférieure à ce qu'il aurait pu être si on avait laissé se poursuivre la discussion sur le projet en question. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député d'Outremont. Je vais maintenant céder à parole à M. le député de Laurier-Dorion.


M. Christos Sirros

M. Sirros: Merci, M. le Président. M. le Président, déjà un bâillon. Déjà un bâillon, puis on est encore à trois semaines de la fin de la session. Alors, ça veut dire qu'il est clair que ce gouvernement n'a pas pu adopter les projets de loi correctement.

Dans le cas qui me préoccupe, la loi sur les tribunaux administratifs, on parle du domaine de la justice, des tribunaux, des droits des citoyens, et il y a généralement des gens qui se préoccupent beaucoup de la question des droits. Généralement, ils sont regroupés dans quelque chose qui s'appelle le Barreau du Québec. Ce sont des gens... Je pense que même le leader du gouvernement, qui aujourd'hui impose le bâillon pour casser le processus démocratique à cette Assemblée nationale, fait partie de cette profession. Mais ceux qui représentent cette profession, le Barreau du Québec... dont le ministre responsable, ou le leader du gouvernement, plutôt, bâillonne aujourd'hui l'Assemblée nationale, lui disent que c'est avec stupéfaction, M. le Président, qu'ils apprennent qu'on a déposé à l'Assemblée nationale, le 28 novembre dernier, une motion de clôture concernant les travaux de la commission parlementaire sur le projet de loi n° 130. De la stupéfaction par sa propre profession, M. le Président; des gens qui oeuvrent dans le domaine, qui se préoccupent de défendre les intérêts et les droits des citoyens. Ils sont stupéfiés du comportement du leader parlementaire du gouvernement.

Je sais qu'il a l'air de s'en foutre carrément, parce que c'est à peu près comme ça qu'il réagit. Il dit: Je m'en fous, on a le pouvoir, on va passer sur le corps, finalement! On dirait que les talibans de l'Afghanistan sont rendus à infiltrer la façon de penser du leader parlementaire.

Mais la loi n° 130, une loi qui bâillonne la commission parlementaire qui étudiait la Loi sur les tribunaux administratifs, est une loi, finalement, qui enlève des droits et des recours à des citoyens. Encore une fois, c'est en conformité avec le genre d'ayatollisme qui commence à imprégner... Ha, ha, ha!

M. le Président, je ris parce que j'ai devant moi le leader du gouvernement qui me fait des petits signes comme s'il portait un turban, en parlant de l'ayatollah. C'est peut-être parce que déjà il se voit dans cette façon d'agir, M. le Président. Mais, généralement, quand on parle des tribunaux et de la justice et qu'on dit que finalement on veut adopter un projet de loi qui va enlever des droits à des citoyens, ça devrait nous préoccuper, ça ne devrait pas être quelque chose qui nous fait rire, ça ne devrait pas être une chose sur laquelle on a l'air de dire: Bof! De toute façon, c'est nous qui détenons le pouvoir et on va faire ce qu'on veut. On devrait au moins écouter.

Si on ne veut pas écouter l'opposition, écoutez donc le Barreau du Québec, écoutez donc les autres intervenants et les juges qui vous ont dit que ça n'a pas de bon sens de procéder comme ça. Et quand je dis: Ça n'a pas de bon sens, ça veut dire quoi? Ça veut dire que les gens ont des recours à l'heure actuelle devant les tribunaux. S'ils trouvent qu'un tribunal administratif... Et il faut bien se comprendre: dans un tribunal administratif, il s'agit de décisions qui affectent la vie réelle des gens, qui sont rendues par des gens compétents généralement mais qui ne sont pas nécessairement des juges à l'heure actuelle, M. le Président, de la façon dont le commun des mortels comprend la notion de juge, quelqu'un qui a une formation, quelqu'un qui est protégé quant à son impartialité par le fait qu'il est protégé du pouvoir politique et donc qui peut prendre des décisions sans considération pour son propre avenir à lui, personnel, qui peut être humain des fois. Un juge, on le sait, est à l'écart de ce genre d'influence politique qui peut s'être exercée sur une personne qui n'a pas ce genre de protection.

Et qu'est-ce que le gouvernement fait? Et pourquoi disais-je tantôt qu'il s'agissait d'une procédure un peu talibanesque? Parce que, finalement, ce que le gouvernement fait, c'est de dire: Citoyens, vous avez le droit d'aller devant un tribunal administratif pour vous plaindre contre quelque chose que vous jugez injuste, mais, une fois cette décision rendue par des juges qui ne sont pas des juges, bien, c'est fini, hein, vous ne pouvez plus aller devant la Cour du Québec, devant les juges qui sont protégés quant à leur impartialité, vous ne pouvez plus faire appel devant ces tribunaux. Et, dans les tribunaux administratifs, dit le ministre de la Justice, moi, je vais placer des gens que, moi, je voudrais bien placer. Et non seulement ça, M. le Président, il va placer les gens et il va leur dire: Je vous place là pendant deux termes au plus, cinq ans chacun, et, après ça, c'est fini.

Et les gens vont comprendre que s'ils sont corrects par rapport à des options politiques... Ha, ha, ha!

M. le Président, je vous demanderais peut-être de dire à mes collègues que... Ha, ha, ha!

Une voix: Les collègues d'en face, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, est-ce que vous voulez qu'on suspende quelques minutes...

M. Sirros: Mes collègues d'en face... Ha, ha, ha!

Le Vice-Président (M. Brouillet): ...M. le député de Laurier-Dorion?

M. Sirros: Ha, ha, ha!

Une voix: C'est l'émotion!

M. Sirros: M. le Président, il faut comprendre, pour nos citoyens, qu'il est 23 heures, c'est un vendredi soir, le ministre nous impose un bâillon, on se trouve dans une situation où, finalement, on essaie... Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

(22 h 50)

M. Sirros: ...où les sensibilités de tous et chacun sont... Ha, ha, ha!

Le Vice-Président (M. Brouillet): Est-ce que ça vous émeut à ce point-là, monsieur?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Sirros: Ha, ha, ha! Je ne sais pas quoi faire, M. le Président. Je suis devant les caméras. Ça fait 15 ans que je suis ici, ça ne m'est jamais arrivé que des collègues réussissent à ce point-là à me décontenancer. Mais un bâillon comme ça, effectivement, c'est décontenançant.

Je m'en excuse, M. le Président, mais, s'il y a un point que je veux véritablement faire dans tout ça de façon sérieuse, c'est effectivement que je trouve que la façon de procéder du ministre de la Justice, au niveau du retrait du droit d'appel que les citoyens ont, des nominations par rapport aux juges qui ne sont pas tout à fait correctes, laisse à supposer que les citoyens vont sortir de ce processus avec moins de droits. On peut bien rigoler puis on peut bien rire, puis c'est humain, finalement. Nous sommes tous, ici, des gens qui... On est fatigués, on travaille de longues heures, puis il y a des moments où, finalement, on se laisse succomber à des blagues qui nous sont lancées de part et d'autre. Mais ça ne doit pas enlever du sérieux à l'affaire.

D'abord, c'est très sérieux d'avoir un leader parlementaire qui prend très à la légère, très légèrement le processus du «bâillonnage», qu'il semble se préparer à faire de façon très systématique, étant donné qu'on commence déjà, à trois semaines de la session, avec un premier bâillon qui enlèverait le droit de parole aux parlementaires devant un projet de loi sur lequel même le Barreau du Québec se dit stupéfié de cette façon de faire. Alors, nous, on est stupéfiés. On est aussi et surtout indignés, M. le Président, que le ministre de la Justice, chaque fois qu'il procède à une réforme, dit-il, au niveau de la justice – et c'est la deuxième fois que ça lui arrive – décide d'imposer le bâillon, décide de clôturer les débats en disant: Je fais fi de tout ce que les gens ont à dire par rapport aux droits des citoyens.

Et, M. le Président, un projet de loi dont personne ne nous a démontré qu'il y avait une urgence absolue pour qu'on puisse l'adopter de cette manière cavalière et antidémocratique. Personne ne nous a démontré qu'il y avait une raison réelle pour l'adopter avant les Fêtes. On pourrait d'ailleurs se rappeler que ça fait au-delà de 80 % des articles qui ont été adoptés, avec plusieurs amendements suggérés par l'opposition. Alors, c'est la preuve que, depuis le temps qu'on étudie ce projet de loi, ça a avancé, ça a été amélioré. Mais là, quand on arrive au point important où on parle des droits des citoyens, blocage total de la part du gouvernement.

Un petit exemple de quelque chose qui devrait en préoccuper plusieurs, dont la ministre de l'Éducation, qui a passé un séjour au ministère des Finances, une des instances qui seront touchées, en quelque sorte, par cette façon de faire, c'est les décisions qui seraient rendues par la Commission des valeurs mobilières, M. le Président. Ces décisions-là, dans certains cas aussi, vont être soustraites du droit d'appel possible devant les tribunaux. Et, ce faisant, le gouvernement est en train de décaler le fonctionnement des commissions des valeurs mobilières à travers le pays et de déconnecter, en quelque sorte, le Québec par rapport au fonctionnement du système dans l'ensemble du pays, un peu comme s'ils avaient pris pour acquis qu'on était déjà déconnectés et séparés. Et, ce faisant, je me demande si ceux qui ont oeuvré au ministère des Finances et ceux qui oeuvrent aujourd'hui au ministère des Finances ne devraient pas se préoccuper un petit peu plus des effets réels que ce projet de loi va avoir au niveau du fonctionnement des marchés et des liens qui doivent se tisser, dans l'interdépendance dans laquelle on se trouve, avec nos vrais partenaires, s'en préoccuper un petit peu plus.

On a pu rigoler un peu tantôt, et le ministre responsable des travaux parlementaires peut bien dire qu'il fait des démarches pour faire rire le monde, mais... En tout cas, ça m'a fait rire beaucoup avec les grimaces qu'il me fait, les gros yeux qui allument, etc., et ça me fait penser à certaines personnes qu'on voit dans les caricatures, M. le Président. Mais, au-delà de ça, je pense qu'il faut tenir compte des très sérieux arguments qu'il y a ici à ne pas procéder de cette façon avec l'adoption de ce projet de loi. Merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le député de Laurier-Dorion. Je vais maintenant céder la parole à M. le député des Îles-de-la-Madeleine.


M. Georges Farrah

M. Farrah: Merci, M. le Président. Alors, malheureusement, en ce vendredi soir très tard, nous sommes devant un bâillon du gouvernement, et tout ça relativement au projet de loi n° 130 du ministre de l'injustice du Québec, le projet de loi n° 130 sur le Tribunal administratif du Québec, M. le Président.

J'ai eu l'honneur d'entendre hier le leader du gouvernement qui a présenté ce bâillon lors de son droit de réplique de 30 minutes où il a très, très peu parlé du fond du projet de loi, simplement en disant: Ah, bien là, après tant d'heures en commission parlementaire, on se devait d'imposer le bâillon compte tenu que le gouvernement devrait procéder avec ce projet de loi, M. le Président. J'aurais aimé entendre le leader du gouvernement nous parler du fond du projet de loi, compte tenu que, nous, comme opposition officielle, nous avons collaboré de façon très efficace à l'étude article par article de ce projet de loi, parce que au-delà de 146 articles ont été adoptés lors de l'étude en commission parlementaire. Alors, le gouvernement ne va pas blâmer l'opposition officielle de ne pas avoir voulu collaborer à l'adoption de ce projet de loi.

Le problème, c'est que nous sommes confrontés à un ministre qui est déconnecté de la réalité, déconnecté de ses clientèles – et c'est la raison pour laquelle nous l'appelons le ministre de l'injustice – dans un projet de loi aussi fondamental pour les citoyens et les citoyennes du Québec. J'aurais aimé entendre le leader du gouvernement hier nous parler des objections que le Barreau du Québec, organisme qui est très crédible, a à l'égard de ce projet de loi.

M. le Président, le ministre de l'injustice au Québec, député de Louis-Hébert, a tellement perdu sa crédibilité que le Barreau du Québec ne fait même plus affaire, ne parle même plus à ce ministre qui, normalement, est le vis-à-vis du Barreau du Québec. Parce que, dans une lettre que le Barreau du Québec a adressée au gouvernement contre ce projet de loi qui est absolument un non-sens au niveau de la justice, le Barreau du Québec a adressé sa lettre au premier ministre du Québec, compte tenu que ce ministre de l'injustice n'a plus la crédibilité voulue face au Barreau du Québec.

Je comprends que le leader du gouvernement, M. le Président, n'ait pas élaboré davantage relativement à cette lettre, parce que peut-être que lui aspire à ce ministère. On sait qu'il y a des rumeurs de remaniement ministériel, que le député d'Anjou serait sur les rangs pour devenir éventuellement ministre de la Justice, et je comprends qu'il ne peut pas se porter à la défense de ce ministre de l'injustice, compte tenu que, lui, il postule sur ce poste-là, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le député des Îles-de-la-Madeleine, la première fois, j'ai cru que c'était un lapsus, la deuxième fois, je me suis mis à douter de... là, ça fait trois, quatre reprises, systématiquement, que vous qualifiez le ministre de ministre de l'injustice. Je crois que, avec la répétition comme ça, là, ça peut tomber facilement sur le 35.6 et 35.7, propos un peu blessants, et tout, là. Alors, je vous inviterais, s'il vous plaît, à plus de modération.

M. Farrah: Donc, M. le Président, ceci étant dit... Alors, j'aurais aimé que le leader du gouvernement en arrive au fond du projet de loi, parce qu'on parle d'un bâillon de la part du gouvernement, compte tenu de l'importance de ce projet de loi pour les citoyens et citoyennes du Québec, compte tenu que c'était très important que ce projet de loi soit adopté à tout prix pour les citoyens et citoyennes du Québec.

Mais qu'est-ce que nous dit le Barreau du Québec, M. le Président? Le bâtonnier, qu'est-ce qu'il dit? Il adresse sa lettre au premier ministre, évidemment. Et je cite le bâtonnier, qui est M. Claude Masse: «C'est avec stupéfaction que nous apprenions le dépôt à l'Assemblée nationale, le 28 novembre dernier, d'une motion de clôture concernant les travaux de la commission parlementaire sur le projet de loi n° 130 portant sur la justice administrative.»

(23 heures)

Alors, M. le Président, c'est juger très sévèrement le gouvernement à l'égard de ce projet de loi que le bâtonnier du Québec nous avise, nous, opposition officielle, avise le premier ministre du Québec qu'il y a des effets très pervers, très dangereux à l'adoption de ce ce projet de loi là. Mais hier le leader du gouvernement, suite à son intervention relativement à la motion de clôture, n'est pas intervenu sur le fond du dossier. Il a dit: Oui, c'est important, ça fait longtemps que c'est en commission. Mais est-ce que, effectivement, c'est un bon projet de loi ou non, M. le Président?

Alors, on a vu, par le Barreau du Québec, que ce projet de loi est très dangereux, M. le Président, et c'est la raison pour laquelle nous nous objectons relativement à l'adoption de certains articles, parce que très dangereux, très dangereux pour la population du Québec. M. le Président, même des gens très crédibles, et je fais état, M. le Président, du professeur Macdonald, entre autres, qui est l'auteur du rapport du même nom sur l'accès à la justice et du professeur Yves Ouellette, auteur du rapport sur la justice administrative en 1987, qu'est-ce qu'ils nous disent relativement à ce projet de loi n° 130, M. le Président? Des sommités en la matière, ils nous disent que le projet de loi s'attardait davantage aux structures et à la procédure qu'aux besoins des citoyens. C'est quoi, le rôle d'un gouvernement, M. le Président? C'est de faire en sorte que les besoins des citoyens soient respectés, soient comblés. Mais non! Ces experts nous disent que ce projet de loi, M. le Président, n'a pas de bon sens.

Alors, c'est là la raison pour laquelle on se pose des questions relativement à ça. Qu'est-ce qui sous-tend l'adoption rapide? Qu'est-ce qui sous-tend l'attitude gouvernementale à nous imposer ce projet de loi là, M. le Président? Et c'est là qu'on comprend, qu'on se dit: Bien, écoutez, compte tenu que c'est important pour ce gouvernement d'adopter ce projet de loi là... Et là on fait allusion aux propos du ministre qui nous disait: «Il faut que je mette mes gars en place», sur la fusion de l'ensemble de ces tribunaux administratifs. On sait que Noël approche, M. le Président, et là on se demande: «C'est-u» des cadeaux de Noël que ces gens-là veulent faire à leurs amis? Est-ce que c'est ça, l'urgence, M. le Président, d'un gouvernement, de donner des cadeaux à de petits amis avant Noël? M. le Président, vous comprendrez qu'on peut se poser la question, compte tenu des commentaires qui ont été émis et donnés par des experts en la matière. Et c'est la raison pour laquelle... Et le ministre, lui-même, l'a avoué, alors, par conséquent, vous comprendrez qu'on peut se poser la question, compte tenu que des gens nous disent que c'est très, très dangereux parce que ça peut mettre en cause l'indépendance des tribunaux, l'impartialité des tribunaux.

S'il y a un domaine dans la société en lequel le public, la société québécoise doit avoir pleinement confiance, c'est bien, M. le Président, la justice. La justice est élémentaire dans une société démocratique. Alors, quand des experts neutres nous disent que ce projet de loi est dangereux, notamment l'article 25 du règlement concernant le processus de renouvellement, vous pouvez comprendre, M. le Président, que c'est avec raison, avec toute légitimité que l'opposition officielle s'oppose à l'adoption de ce projet de loi là.

Nous avons démontré notre bonne foi en adoptant pratiquement 80 % des articles de l'ensemble de ce projet de loi là. Mais, sur des articles aussi compromettants, est-ce qu'on doit permettre à un gouvernement de nommer de façon arbitraire, M. le Président, et même partisane, dans un domaine aussi fondamental que l'administration de la justice? J'aurais aimé entendre le leader du gouvernement hier nous justifier justement cet article-là, mais non, on nous parlait de temps, c'était le temps de régler les choses, mais jamais sur le fond, M. le Président. En plus, qu'est-ce que ce projet de loi nous indique? C'est que les citoyens et les citoyennes du Québec perdent pratiquement leur droit d'appel concernant les décisions qui peuvent être rendues.

Alors, vous comprendrez, M. le Président, que c'est avec beaucoup de réticence, mais surtout d'incompréhension à l'égard de ce gouvernement de nous imposer, par bâillon, dans la bouche, nous enfoncer pratiquement ce projet de loi, compte tenu qu'il correspond en aucun cas, en aucun temps, M. le Président, aux réels besoins des citoyens et des citoyennes du Québec à l'égard de l'administration de la justice...


Motion d'ajournement du débat

Et c'est la raison, M. le Président, pour laquelle, en vertu de l'article 100, je fais motion pour ajourner le débat et, par conséquent, donner encore une chance ultime au gouvernement de réfléchir, et faire en sorte qu'on prenne une décision qui corresponde aux besoins des citoyens et des citoyennes du Québec, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, il y a une motion d'ajournement du débat.

Une voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Il y a deux choses possibles: on peut la... Elle est débattable, oui. Alors, est-ce que vous voulez la débattre? C'est ça que je veux voir, là. Vous voulez la débattre, oui? Alors, 10 minutes, 10 minutes et cinq en réplique. Alors, M. le député des Îles-de-la-Madeleine, vous avez un temps de 10 minutes.


M. Georges Farrah

M. Farrah: Je vous remercie, M. le Président. Alors, comme je l'ai mentionné lors du dépôt de cette motion, c'est pour tendre la main à ce gouvernement qui malheureusement est déconnecté de la réalité, comme le disait d'ailleurs le leader de l'opposition officielle à Ottawa, M. Gilles Duceppe, qui disait lui-même que ce parti est déconnecté de la réalité, lors du congrès du Parti québécois qui a eu lieu à Québec il y a quelques semaines. Alors, c'est la raison pour laquelle...

M. Bertrand (Portneuf): Question de règlement.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Excusez, s'il vous plaît. M. le ministre délégué au Revenu, question de règlement.

M. Bertrand (Portneuf): Alors, c'est juste en vertu de l'article 32, au niveau du décorum. Il y a des gens qui sont constamment penchés au-dessus de la balustrade, au-dessus des pupitres ici et qui parfois agissent beaucoup plus comme des «cheer leaders» qu'autre chose. J'aimerais ça qu'on rappelle à l'ordre, s'il vous plaît.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Bon. Alors, s'il vous plaît, je vous demanderais d'être discrets dans vos actions. M. le député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Farrah: M. le Président, ce n'est pas notre faute si la ministre lit des «Tintin». Mais écoutez, le débat est sérieux.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Bon. S'il vous plaît, là, s'il fallait dire tout ce que les gens font, on manquerait de discrétion, alors... Vous ne trouvez pas, M. le leader de l'opposition? Bon. M. le député des Îles-de-la-Madeleine, je vous inviterais, s'il vous plaît, à ne pas...

M. Farrah: Merci, M. le Président. Alors, je poursuis en disant que nous tendons la main à ce gouvernement qui est déconnecté de la réalité et qui nous impose une motion de suspension des règles, un bâillon pour l'adoption d'un projet de loi qui ne correspond en aucun cas à la réalité, compte tenu des besoins réels de la population du Québec relativement au niveau des tribunaux administratifs.

Et je fais encore état de la lettre du bâtonnier du Québec qui écrivait au premier ministre du Québec tout dernièrement, le 4 décembre dernier d'ailleurs, compte tenu que le Barreau du Québec a perdu confiance dans le ministre de la Justice. Parce que ça ne vaut même plus la peine de lui parler, il ne les écoute plus, il ne veut rien savoir, lui, il est dans sa tour d'ivoire. Mais les gens sur le terrain ne comprennent pas l'attitude de ce ministre, compte tenu que, pour passer ses projets de loi, le ministre doit avoir constamment recours au bâillon. C'est la seule façon dont ce ministre peut passer des projets de loi parce qu'il est déconnecté de la réalité. Si le ministre passait des projets de loi qui répondaient aux besoins réels de la population, est-ce qu'il aurait besoin de passer des bâillons, M. le Président? Écoutez, poser la question, c'est y répondre. Mais, compte tenu que ce ministre vit sur une autre planète... Mais c'est ça qui se passe et c'est la raison pour laquelle nous donnons une dernière chance à ce gouvernement, avec la motion d'ajournement de débat, pour que ces gens-là puissent réfléchir, faire en sorte que... Pour une fois, légiférons adéquatement, efficacement pour les besoins réels de la population.

Qu'est-ce qu'il nous dit, M. le Président, le bâtonnier du Québec? Il nous dit: «Le Barreau du Québec juge inconcevable que le gouvernement force l'adoption d'une telle pièce législative qui constitue une réforme majeure de certaines de nos institutions. En l'absence de consensus des milieux intéressés sur des éléments fondamentaux de la réforme proposée, nous considérons prématurée et inappropriée l'adoption de cette réforme.» Plus clair que ça, il faut être bouché puis ne pas comprendre la vraie réalité.

Et, en plus, M. le Président, en commission parlementaire, relativement à la nomination partisane, parce que c'est ça qui est la question, là, on se dit, compte tenu des objections qui existent dans le milieu judiciaire: Qu'est-ce qui force ce gouvernement et ce ministre à imposer ce projet de loi là? Mais, quand il nous a dit: «Il faut que je mette mes gars en place», force est d'admettre que c'est donner ses cadeaux avant Noël. On sait qu'on est à l'approche des Fêtes.

Des voix: Bravo!

(23 h 10)

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le député, vous étiez présent hier en cette salle. On s'était entendu pour ne pas reproduire ces paroles qui auraient été dites. Non, non, non, pas le patronage seulement. Non, non, non. La discussion qu'il y a eu après, ce n'était pas ça, et vous le savez très bien. On a obtenu la parole, à ce moment-là, des deux leaders, et vous savez pourquoi on ne veut pas ce soir reprendre la discussion qu'on a eue hier: on s'est entendu pour qu'il n'y ait pas de référence à ces propos; on a eu l'engagement des parties.

Non, non, non. Et c'est vrai. Et c'est vrai. Ceux qui étaient ici hier le savent. Non, non, ce n'était pas le patronage. La première décision, oui, mais, la deuxième, ce n'était pas ça. La deuxième référait à ces propos. On s'est dit que ce n'était pas le forum pour en débattre et on s'est mis d'accord sur ça. C'est ça qui est arrivé et je ne tolérerai pas qu'on réfère à ces propos ce soir. Et vous le savez bien et le député des Îles-de-la-Madeleine le sait très bien.

Non, non, le patronage, ç'a été réglé par Claude Pinard. Et, quand je suis revenu sur le banc, on a abordé l'autre question. M. le député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Paradis: Question de règlement.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Question de règlement.

M. Paradis: Oui, M. le Président. Hier, si vous retournez au «transcript» des débats de l'Assemblée nationale, vous avez exigé d'un député en cette Chambre qu'il retire le propos «patronage». Quant aux autres expressions qui ont été prononcées, M. le Président, le ministre de la Justice, directement et par la voie du leader du gouvernement, nous avait annoncé qu'il ferait ce matin, à l'Assemblée nationale du Québec...

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le leader, je n'irai pas voir les galées, parce que je sais ce qu'on a dit hier et ce n'est pas ce que vous dites là, pour les galées. C'est M. le président Claude Pinard qui a décidé sur le mot «patronage». Non, c'est M. le président, l'autre vice-président, le député de Saint-Maurice. Et, moi, ce n'est pas sur ça que j'ai statué, c'est sur l'autre partie. Et ceux qui étaient là hier le savent.

Et ce que j'ai dit, c'est qu'il y avait d'autres recours possibles, un autre lieu, un autre forum pour en discuter, mais que ce n'était pas à moi de décider de l'utilisation, c'était aux personnes concernées. Mais il n'y a pas eu de décision hier concernant le recours possible. Je n'ai mentionné que les possibilités, laissant aux gens concernés de décider. C'est ça qui s'est passé hier soir. M. le député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Paradis: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Sur la question de règlement?

M. Paradis: ...sur la question de règlement. Vous avez raison, vous avez décidé de laisser aux gens concernés la possibilité de prendre les dispositions. Et, à ce moment-là, si on se souvient très bien, le ministre de la Justice avait annoncé qu'il ferait une question d'atteinte au droit personnel ou de privilège. Et c'est son droit le plus strict, en vertu du règlement de l'Assemblée nationale. Quand la réputation d'un parlementaire est attaquée, c'est la façon de se libérer si les accusations qui ont été portées sont fausses.

Compte tenu que ni le ministre de la Justice ni le leader du gouvernement n'ont porté cette accusation, ce matin, M. le Président, je vous soumets très respectueusement, à ce moment-là, il demeure... Si les propos qui ont été prononcés ce soir par le député des Îles-de-la-Madeleine et whip en chef de l'opposition contreviennent à ses droits, il peut, dès ce moment-ci ou dès lundi matin, faire parvenir une lettre à la présidence de l'Assemblée nationale et le soulever.

Mais des propos qui sont parlementaires peuvent être prononcés, avec les conséquences et les responsabilités qu'ils entraînent – et ils sont lourds de conséquences, M. le Président – par celui qui les prononce. À ce moment-là, M. le Président, vous vous êtes chargé, en vertu du règlement, de bannir de cette Chambre les mots qui sont antiparlementaires, et vous l'avez fait, M. le Président. Et, avec tout le respect que je vous dois, c'était votre devoir de le faire.

Maintenant, si le ministre de la Justice du Québec ne veut pas porter de question de privilège ou de fait personnel sur ce genre d'accusation, vous devez permettre au député de continuer parce que les mots ne sont pas antiparlementaires, les mots prononcés. Tant et aussi longtemps que le ministre de la Justice ne se lèvera pas, ne fera pas une question de fait personnel, il ne vous appartient pas, M. le Président – et je vais vous le dire avec tout le respect que je vous dois et tout le respect que je dois à la présidence – de prendre fait et cause pour le ministre de la Justice et empêcher un député, de son siège, de prononcer des mots qui sont parlementaires mais qui portent à conséquence quant à la prononciation de ces mots.

Maintenant, si ces mots-là ne plaisent pas au ministre de la Justice, si ces mots-là sont faux, que le ministre de la Justice se lève, qu'il fasse une question de fait personnel, qu'il fasse une question de privilège, et, à ce moment-là, il appartiendra, comme on en a décidé hier, à la commission de l'Assemblée nationale de trancher. Dans l'intervalle, ces mots qui sont prononcés par le whip en chef de l'opposition sont des mots qui sont parlementaires, qui méritent d'être acceptés comme tel dans notre enceinte mais qui peuvent être réfutés si le ministre de la Justice ou le leader font une question de fait personnel ou une question de privilège suivant ce qui est prévu à notre règlement. Mais on ne peut empêcher un député, de son siège, de prononcer ces paroles, parce que, si on empêchait un député de prononcer ces paroles, M. le Président, jamais il n'y aurait en cette Chambre de questions de fait personnel ou de questions de privilège comme telles. À ce moment-là, on s'éloignerait de la lettre et de l'esprit du règlement qui doivent gouverner nos travaux.

Je suis d'accord avec vous, c'est une question extrêmement sérieuse quand on prononce ces paroles, et sept députés libéraux, actuellement, ont prononcé ces paroles. Il y en a en cette Chambre ce soir, ils sont prêts à les répéter.

Le problème que l'on a, M. le Président, c'est qu'on a un ministre de la Justice qui se sert, ou tente de se servir, de la présidence pour empêcher que ces paroles soient prononcées, sans soumettre à la présidence une question de fait personnel ou une question de privilège, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Ce qui s'est passé hier, c'est que le ministre s'est levé, dans cette salle, dans cette Chambre, pour dire qu'il n'avait pas prononcé ces paroles. Il y a un point de règlement qui dit qu'il faut prendre la parole d'un ministre et d'un député dans cette Chambre. C'est justement parce qu'il y avait deux paroles contradictoires dans cette Chambre que j'ai dit que ce n'était pas le lieu pour débattre de ça, pour en décider. Bon, alors, c'est sur un point de règlement qui fait que j'interviens pour qu'on n'utilise plus ces propos-là parce qu'ils ont été démentis par le ministre.

Les propos ne sont pas antiparlementaires en eux-mêmes, ce qui est antiparlementaire, c'est de mettre en doute, à ce moment-là, la parole du ministre.

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Ah justement! S'il vous plaît! C'est pour ça que j'ai dit que ces propos-là et la façon d'en débattre et d'en décider devrait se faire dans un autre forum, par d'autres articles, mais je ne peux pas imposer le recours à ces articles-là.

Alors, j'ai indiqué hier que c'est par cette voie-là que devait se débattre cette question-là; reste aux personnes concernées d'avoir recours à ces articles. C'était clair. C'est ça, hier, qui a été établi. On s'est mis d'accord sur ça pour ne pas traiter dans le forum de l'Assemblée nationale de cette question-là, qu'elle relevait d'autres articles dans le cadre des affaires courantes: explication sur un fait personnel ou encore mettre en question la conduite d'un député qui appelle, dans le cas de droit et privilège, le recours à la commission de l'Assemblée nationale pour qu'on fasse enquête et vérifier la justesse des propos et le fondement des propos. C'est là que ça se fait, ce n'est pas ici.


Demande de directive


Pouvoir du président d'interdire de continuer à porter des accusations contre un député qui les a niées


M. Pierre Paradis

M. Paradis: Question de directive. Vous avez raison, M. le Président, à partir du moment où un député se sent attaqué quant à sa réputation – ça peut être le cas d'un ministre ou d'un député à l'Assemblée nationale – c'est ce qu'il y a de plus grave, sur le plan du règlement, dans notre institution parlementaire, mais vous ne pouvez pas empêcher, et je vous le soumets très respectueusement, M. le Président, un député de porter des accusations. À partir du moment où le député porte des accusations dans les termes qui sont parlementaires, ces accusations-là sont portées, elles ont été portées à sept reprises par des députés libéraux contre le ministre de la Justice, le ministre de la Justice peut, M. le Président, se lever et en faire une question de fait personnel immédiatement après le fait ou une heure avant la période de questions, adressée à la présidence.

Ce que je vous demande de faire, à ce moment-ci, parce que, autrement, M. le Président, je vous le soumets très respectueusement, il n'y aura plus jamais de questions de fait personnel, il n'y aura plus jamais de questions de privilège à l'Assemblée...

Une voix: C'est ça, l'objectif.

(23 h 20)

M. Paradis: Il y a quelqu'un qui me dit que c'est ça, l'objectif. Non, ce n'est pas ça l'objectif, qu'il n'y ait plus de question de fait personnel, parce que, lorsque quelqu'un agit incorrectement, il faut qu'un député puisse avoir la possibilité de se lever en cette Chambre et ait la possibilité de le dire, M. le Président. Une fois qu'il l'a dit, la présidence peut, à ce moment-là, recevoir une question d'objection de l'autre côté.

Ce que je vous soumets respectueusement, M. le Président, c'est que, lorsque vous vous levez, vous-même, et que vous dites, comme président de l'Assemblée: Il ne peut y avoir d'accusation de portée, à ce moment-là, vous contournez le règlement, M. le Président, vous faites en sorte qu'il n'y aura jamais de question de fait personnel, qu'il n'y aura jamais de question de privilège, qu'on ne pourra jamais prononcer, en des termes parlementaires, des accusations contre le gouvernement.

À ce moment-là, la présidence devient l'avocat ou le défenseur du gouvernement ou du député comme tel, et ça, ce n'est pas ce qui est prévu aux articles de notre règlement. La présidence est là pour arbitrer entre les différends comme tels. Et, si quelqu'un a le courage de l'autre côté pour le faire, oui, ça s'en va dans un autre débat, vous avez raison, M. le Président. C'est la décision que vous avez rendue. Mais, si personne de l'autre côté n'a le courage de se lever et de dire que ce qui a été fait porte atteinte aux droits et privilèges, ça ne va jamais dans un autre débat et, à ce moment-là, on utilise la présidence pour bâillonner les gens qui ont des accusations fondées à porter contre le gouvernement.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Brouillet): S'il vous plaît, on est assez... Ça va? Bon. Vous lirez le 315. On ne peut pas lancer une accusation dans le cadre de l'Assemblée à moins de le faire par une motion qui met en question la conduite. Ce n'est pas ça que vous avez fait, et je vous dis que, tant qu'il n'y a pas eu, dans cette Chambre, une négation de la part de la personne concernée des propos qu'on lui attribuait, je n'ai pas bougé sur mon siège – vous le savez, je n'ai pas bougé, il y en a eu sept qui l'ont dit, je n'ai pas bougé – mais, dès que la personne concernée s'est levée dans cette Chambre pour nier les propos qu'on lui attribuait, ça changeait les données à ce moment-là. À partir de ce moment-là, il faut que la personne concernée puisse revenir dans le cadre des affaires courantes, c'est là qu'interviennent les explications sur les faits personnels et non pas dans les affaires du jour. Dans le cadre des affaires courantes, c'est là que ça se fait. Et puis l'accusation se fait par le biais d'une motion, et vous n'avez jamais appporté de motion.

M. Paradis: M. le Président, je ne pense pas qu'on soit tellement loin dans l'interprétation du règlement. Ce que vous nous donnez, je vous demande de le vérifier parce que ça peut porter à conséquence pour plusieurs autres débats à venir. Disons qu'on fait abstraction du débat dans lequel nous sommes plongés. Au moment où nous nous parlons, vous dites que l'accusation portée par l'opposition se doit absolument d'être portée par un député de l'Assemblée nationale en vertu des articles 315 et suivants. C'est possiblement une interprétation qui peut être retenue comme courant jurisprudentiel, M. le Président, par la présidence de l'Assemblée nationale du Québec.

Ce que nous vous soumettons à ce moment-ci, c'est que, à partir du moment où des accusations sont portées, vous devez laisser les accusations être portées si elles sont portées en termes parlementaires – on exclut les termes antiparlementaires comme tels – et, à partir du moment où ces accusations sont portées, elles ne peuvent être niées par le simple fait qu'un député se lève en cette Chambre et dise: Moi, là, ce qu'ils ont dit de l'autre côté, ce n'est pas vrai. La façon de le nier, ce n'est pas de dire: Moi, ce n'est pas vrai. La façon de le dire, c'est: Moi, j'ai été atteint dans mes droits et atteint dans mes privilèges comme député de l'Assemblée nationale et j'invoque les articles 315 et suivants.

Je vous le soumets respectueusement, M. le Président, et je vous demande de le vérifier avec la présidence et le personnel qui est à sa disposition. Le fardeau n'appartient pas, à ce moment-là, à la personne qui a prononcé des mots de ce côté-ci de porter une question de fait personnel ou de privilège en vertu des articles 315 et suivants; le fardeau appartient à celui ou à celle qui, parmi les membres de l'Assemblée nationale, a été attaqué. Et, si le ministre de la Justice a été attaqué, qu'il le fasse, M. le Président. Mais ce que vous faites – et je vous le soumets très respectueusement, je vous demande une question de directive et je vous demande de prendre le temps de l'analyser, d'entendre le leader du gouvernement sur cette question – vous demandez à celui qui dit que le ministre a dit telle affaire... On ne le sait pas, si le ministre va être insulté; on ne sait pas, si le ministre va dire vrai. On dit: À partir du moment où vous dites des choses contre un ministériel, la seule façon de dire des choses contre un ministériel en cette Chambre, c'est en fonction des articles 315 et suivants.

M. le Président, là c'est un courant jurisprudentiel qui est renversé depuis plus de 200 ans!

Le Vice-Président (M. Brouillet): Écoutez, là... Oui, mais là vous glissez. Parce que votre argumentation glisse. Moi, je ne peux pas m'accrocher à ça, là. Écoutez, vous avez porté des accusations. Je l'ai dit tantôt, six à sept fois, et je ne suis pas intervenu. Je suis intervenu quand le ministre a nié les propos qu'on lui attribuait et, à ce moment-là, on mettait en question, si vous voulez...

À partir du moment où le ministre dit qu'il n'a pas prononcé ces paroles, c'est à ce moment-là que je suis intervenu, pas avant. Donc, vous pouvez porter... Vous pouvez, c'est évident, autrement dit, il n'y aurait pas de débat ici, là. Bon. J'ai laissé faire. Mais le jour où le ministre a nié avoir prononcé ces paroles-là, c'est là que j'ai fait appel, si vous voulez, à d'autres moyens pour vider cette question-là.

M. Paradis: M. le Président, moi, là, je n'ai pas d'objection à ce que le ministre ne soit pas d'accord avec les paroles qui ont été prononcées, mais il ne peut pas s'en tirer en disant: Moi, je ne suis pas d'accord, puis je dis le contraire. Puis vous, vous choisissez de croire le ministre plutôt que de croire le député. Ce n'est pas comme ça que ça fonctionne à l'Assemblée nationale depuis plus de 200 ans.

La façon dont ça fonctionne, M. le...

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le leader, j'ai dit clairement... Je n'ai pas choisi entre l'un et l'autre, hein, j'ai constaté que la seule façon de se sortir de situations antinomiques, c'était d'avoir recours à un autre forum que celui d'ici, bon. Ce n'est pas à moi de décider d'y avoir recours, mais je dis que c'est par ce biais-là qu'on peut la vider. Alors, que ceux qui ont des responsabilités les prennent.

M. Paradis: M. le Président, je vous suis, là, complètement, on a un endroit, puis je demande sérieusement à ce qu'une décision soit rendue par écrit, par la présidence, après consultation. Je vous suis tout le long. À partir du moment où les accusations sont portées, M. le Président, et elles sont lourdes de conséquences... Le ministre nie. Et vous n'êtes pas intervenu avant qu'il les nie, ça, vous avez joué votre rôle de président d'une façon complètement neutre. À partir du moment où le ministre les nie, vous n'avez pas à prendre ni la parole de l'accusateur ni la parole de celui qui l'a nié. Mais, si celui qui le nie ne veut pas que ces paroles-là soient reprononcées ou s'il veut que ces paroles-là soient retirées, le forum qui tranche, c'est la commission de l'Assemblée nationale...

Une voix: C'est ça. C'est ça.

M. Paradis: ...en vertu des articles 315 et suivants. Mais vous ne pouvez pas, à partir du moment où le ministre n'invoque pas 315 et suivants, dire: Il n'y a plus personne qui va parler de ça à l'Assemblée nationale du Québec...

Une voix: C'est ça.

M. Paradis: ...parce que j'ai entendu un ministre dire que ce n'était pas vrai. Parce que, à ce moment-là, le ministre s'est échappé, s'est évadé, s'est dérobé à son obligation de faire face à ses responsabilités et c'est la présidence qui se trouve à prendre fait et cause pour l'une des parties. Et ça, la présidence, dans le règlement, n'a pas le droit, et je le soumets là très respectueusement, de prendre fait et cause ni pour l'accusateur ni pour l'accusé, et c'est pourquoi le règlement prévoit qu'un ministre peut, dans ces circonstances-là, invoquer 315 et suivants.

Là-dessus, M. le Président, je souhaiterais obtenir, pour qu'on s'entende très bien, très clairement... Moi, si j'ai tort dans mon interprétation du règlement, je vais me rasseoir, je vais dire: Ce n'est pas comme ça que ça a fonctionné. Depuis 15 ans que je suis à l'Assemblée nationale, ce n'est pas comme ça que ça doit fonctionner. Ce n'est pas une question personnelle, moi, je ne l'ai pas prononcé encore, M. le Président, mais je vous demande simplement de prendre le temps de nous rendre une décision. Et, si c'est votre décision, si c'est maintenu par le Secrétariat, par tout le monde à l'Assemblée nationale du Québec comme telle – il n'y a pas de droit d'appel de vos décisions, M. le Président, vos décisions sont finales et sans appel – on va s'y conformer. Mais je veux être certain que ce soir, dans ce débat-là, pas pour les fins de ce débat-là, M. le Président, mais pour les fins de tous les autres débats qui vont suivre, qu'on s'entende bien puis qu'on se comprenne bien.

Je ne pense pas que le leader du gouvernement ait d'objection non plus à ce que ça soit très clair, très précis. Et, si c'est le cas, à ce moment-là, on fera face à nos obligations. Mais, présentement, le fardeau de l'obligation ne repose pas sur les six ou sept députés qui ont prononcé ces mots, parce que, s'il fallait que ce soit le cas, c'est parce que vous auriez cru et que vous seriez devenu l'avocat des ministériels. M. le Président, ce n'est pas l'économie du règlement de l'Assemblée nationale. Prenez... Je vous le demande, là. Moi, je suis prêt même à consentir à ce qu'on dépasse minuit pour le faire...

Des voix: Non, non, non.

(23 h 30)

M. Paradis: Je ne veux pas que ça consomme le temps qui est alloué au gouvernement ou au leader du gouvernement pour son menu législatif, mais je veux simplement que la question soit clarifiée. On saura à quoi s'en tenir, la décision sera finale, elle sera sans appel, et on se gouvernera en conséquence, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Écoutez, là il y a quelques...

M. Paradis: M. le Président, est-ce qu'on peut prendre une entente?

Le Vice-Président (M. Brouillet): Bien, une entente... Moi, j'aimerais bien qu'on poursuive le débat s'il y a lieu. À ce moment-là...

M. Paradis: Est-ce que je peux faire la proposition...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Oui.

M. Paradis: ...d'une entente, M. le Président? Si vous prenez la décision en délibéré, nous allons faire ce que nous n'avons jamais fait pour vous permettre d'avoir la fin de semaine pour la prendre en délibéré et que la décision soit rendue par la présidence. On va...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Paradis: Non, non. On va continuer les débats jusqu'à minuit, M. le Président, en fonction du règlement. Je vais demander aux parlementaires de ce côté-ci si le leader du gouvernement s'engage à faire la même chose du côté des parlementaires gouvernementaux. On va éviter le sujet, si vous me permettez l'expression. Vous aurez la fin de semaine avec les gens, et la présidence rendra une décision lundi, et, à ce moment-là, tout le monde pourra, dans des circonstances où on est plus reposé, avoir une décision qui est éclairée sur la situation.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Écoutez, je vais prendre en délibéré pour... Il y a un point que je veux vérifier – on est rendu très loin – un petit point que je veux vérifier. Alors, je vais prendre en délibéré. Le point, je vais vous le dire bien clairement: dans une situation pareille, est-ce que je peux indéfiniment... dans une situation où il y a deux paroles en jeu, si un a raison, si l'autre a tort – finalement, les deux ne peuvent pas avoir raison et tort en même temps – on est dans une situation antinomique, et c'est pour ça qu'à mon sens il faut aller vers une autre procédure avec enquête pour vérifier, parce qu'on n'a pas de moyen de trancher ici, aucun, et, devant cette situation, je peux indéfiniment éviter qu'on ait recours à cela et que constamment le ministre intervienne pour dire: Non, je n'ai pas dit ça, et l'autre dise: Oui, vous l'avez dit. Alors, on s'en va comme ça, si vous voulez, sans fin.

Mais, dans l'immédiat, je crois qu'il y avait... Je l'ai expliqué hier, j'avais demandé le consentement des deux devant cette situation-là aussi parce qu'elle n'était pas facile à trancher, et je crois, hier, que j'avais eu l'accord, je l'avais eu, l'accord. Maintenant, j'avais indiqué des possibilité de recours par d'autres voies, mais ce n'est pas à moi d'en décider.

Alors, si vous voulez, pour ce soir, on va poursuivre les débats et je vous demanderais, s'il vous plaît, de respecter au moins les paroles, ce soir, des gens. Le ministre, il a dit qu'il n'a pas dit ça, et tout. Je vous demanderais de respecter cela pour ce soir. Je vais prendre en délibéré pour savoir si, indéfiniment, je peux revenir et interdire si la question n'est pas clarifiée plus tard. Alors, très bien. Je prends en délibéré et je vous demanderais de terminer sans avoir recours à ça.

M. Copeman: M. le Président, sur la question de règlement, si vous me permettez, s'il vous plaît, pour...

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Copeman: Sur la question, M. le Président, je me sens particulièrement impliqué, et pour... Non. Et, pour éclairer votre décision, M. le Président, si vous me permettez, que vous avez prise en délibéré, j'aimerais...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Rapidement.

M. Copeman: Oui, oui. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Si vous pensez que ça peut nous aider.


M. Russell Copeman

M. Copeman: Oui, parce que les propos me concernent; c'est moi qui les ai dits en Chambre, M. le Président, je n'en cache rien. J'aimerais vous éclairer sur un sujet. Les paroles ont été prononcées hier avant 18 heures. Le ministre de la Justice s'est objecté à ce moment-là à mes paroles à moi, M. le Président. Le président a pris en délibéré la question sur les paroles; il est revenu – il s'agit de votre collègue le député de Saint-Maurice – à 20 h 15, M. le Président; il a statué sur la question en disant... Il a fallu que je retire certains mots, un mot en particulier, ce que j'ai fait.

Par la suite, après que votre collègue le député de Saint-Maurice a rendu sa décision, j'ai répété à trois reprises, après l'objection du ministre de la Justice, les mêmes mots, M. le Président, et ni le ministre de la Justice ni votre collègue le député de Saint-Maurice ne se sont objectés. Après l'intervention du ministre de la Justice, après sa décision à lui de me demander, de m'ordonner de retirer le mot en question, ni le président ni le ministre de la Justice ne m'ont demandé de retirer des paroles que j'ai prononcées, et... Dernière intervention, M. le Président, je vous soumets très respectueusement que ça a été fait après que le ministre de la Justice s'est objecté, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Bien, écoutez, sur les faits que vous venez de mentionner, ça, je les connaissais, et c'est après ça que le débat s'est engagé, après ça. Et c'est après ça que nous nous sommes entendus, les deux leaders.


Reprise du débat sur la motion d'ajournement du débat


Mise aux voix

Alors, je mets aux voix la motion d'ajournement des débats. Est-ce que cette motion d'ajournement est adoptée? Vote par appel nominal. Qu'on appelle les députés.

(23 h 36 – 23 h 43)

Le Vice-Président (M. Brouillet): S'il vous plaît, veuillez vous asseoir.

Alors, que les députés en faveur de la motion d'ajournement veuillent bien se lever, s'il vous plaît.

Le Secrétaire adjoint: M. Paradis (Brome-Missisquoi), M. Bourbeau (Laporte), M. Gauvin (Montmagny-L'Islet), M. Maciocia (Viger), M. Gobé (LaFontaine), M. Parent (Sauvé), M. Gautrin (Verdun), M. Chagnon (Westmount–Saint-Louis), M. Farrah (Îles-de-la-Madeleine), M. Sirros (Laurier-Dorion), Mme Delisle (Jean-Talon), M. Bordeleau (Acadie), M. Poulin (Beauce-Nord), M. Bergman (D'Arcy-McGee), Mme Houda-Pepin (La Pinière), M. Ouimet (Marquette), Mme Loiselle (Saint-Henri–Sainte-Anne), M. Cherry (Saint-Laurent), M. Copeman (Notre-Dame-de-Grâce), M. Laporte (Outremont), Mme Vaive (Chapleau), M. Kelley (Jacques-Cartier).

Le Vice-Président (M. Brouillet): Que les députés contre cette motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît.

Le Secrétaire adjoint: M. Bélanger (Anjou), M. Léonard (Labelle), Mme Marois (Taillon), M. Bégin (Louis-Hébert), M. Trudel (Rouyn-Noranda– Témiscamingue), M. Campeau (Crémazie), M. Bertrand (Portneuf), M. Simard (Richelieu), Mme Doyer (Matapédia), M. Jolivet (Laviolette), Mme Dionne-Marsolais (Rosemont), Mme Carrier-Perreault (Chutes-de-la-Chaudière), M. Boisclair (Gouin), M. Rioux (Matane), Mme Malavoy (Sherbrooke), M. Paré (Lotbinière), M. Bertrand (Charlevoix), Mme Vermette (Marie-Victorin), M. Landry (Bonaventure), Mme Simard (La Prairie), M. Garon (Lévis), M. Rivard (Limoilou), M. Côté (La Peltrie), M. Deslières (Salaberry-Soulanges), Mme Signori (Blainville), M. Beaulne (Marguerite-D'Youville), M. Beaumier (Champlain), Mme Barbeau (Vanier), M. St-André (L'Assomption), M. Lachance (Bellechasse), M. Laprise (Roberval), M. Jutras (Drummond), M. Morin (Nicolet-Yamaska), M. Gaulin (Taschereau), Mme Charest (Rimouski), M. Dion (Saint-Hyacinthe), M. Brien (Rousseau), M. Désilets (Maskinongé).

Le Vice-Président (M. Brouillet): Y a-t-il des députés qui s'abstiennent, là? Alors, la motion d'ajournement est rejetée. Excusez. Ah! excusez.

Le Secrétaire: Pour:22

Contre:38

Abstentions:0

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, elle est vraiment rejetée.


Reprise du débat sur la motion de clôture

Alors, là, nous revenons à la motion de clôture. Et le dernier intervenant a été le député des Îles-de-la-Madeleine. Y a-t-il d'autres intervenants? M. le député de Westmount–Saint-Louis.


M. Jacques Chagnon

M. Chagnon: M. le Président, le rejet de cette motion que nous avons demandée, c'est-à-dire d'ajourner le débat à 11 h 50, le vendredi soir, illustre bien ce qui s'est fait cette semaine à l'Assemblée nationale. Ça faisait justement 11 ans cette semaine, M. le Président, que je siégeais à l'Assemblée nationale, et jamais je n'ai vu une semaine d'aussi piètre qualité, une semaine où on a commencé la session intensive en veillant jusqu'à 2 h 30, 2 h 45, lundi matin; mardi matin, 7 h 15, mardi matin.

M. le Président, le gouvernement a perdu la tête, et c'était encore davantage vrai pendant les périodes de questions, où, au début de la semaine, le premier ministre refusait de répondre à mes questions. En milieu de semaine, ce gouvernement était tellement désaxé, dans l'embarras, qu'il commençait déjà à reculer sur certains projets de loi. Vendredi, aujourd'hui, la période de questions a été ce qu'on peut qualifier de plus... jamais on n'avait vu une période de questions aussi minable dans cette Assemblée nationale, un gouvernement qui a perdu tout contrôle, un gouvernement qui était complètement défait, déplacé, déboussolé et désaxé.

M. le Président, combien de ministres aujourd'hui ont été capables de répondre à des questions un peu sensées? À peine. Aucun. Un gouvernement qui n'a su générer, depuis qu'il est entré en fonction, que du chômage; un gouvernement qui n'a su générer que des problèmes; un gouvernement qui est miné par des divisions internes, divisions entre le chef du parti et le parti lui-même, divisions entre le chef du parti et les ministres, divisions entre les ministres eux-mêmes, divisions entre la ministre de l'Emploi et le député de Joliette, divisions entre différents ministres dans toutes sortes de sujets.

(23 h 50)

Le Vice-Président (M. Brouillet): S'il vous plaît! C'est à minuit que ça devait commencer, ça, pas avant – la récréation, j'entends – c'est à minuit.

Alors, je pense qu'il faut faire confiance à M. le député de Westmount, il est capable de s'inspirer lui-même sans entendre ce concert de suggestions. Il est capable de s'inspirer lui-même. Et je vous rappelle aussi qu'il y a un article 211 qu'on me dit de rappeler souvent, c'est la pertinence. On laisse un peu de tolérance, mais... Alors, c'est sur la motion de clôture, M. le député de Westmount–Saint-Louis.

M. Chagnon: M. le Président, je compte sur vous, si jamais je disais un mot déplacé ou si jamais j'évitais d'être dans la règle de la pertinence, pour me rappeler à l'ordre.

M. le Président, ce soir, vendredi, quelques minutes avant l'expiration de notre temps de parole, dans le fond... et nous serons prêts à continuer, parce que demain nous siégeons ici, il n'y a rien que le leader du gouvernement qui n'y a pas pensé.

Des voix: Consentement.

M. Chagnon: Mais, nous, on est prêts encore à siéger pendant quelques heures, si on le veut, mais une chose est certaine, c'est complètement faux et c'est complètement...

Des voix: Aberrant.

M. Chagnon: Le gouvernement... Je ne voudrais pas prononcer de mots antiparlementaires. On m'en suggère un peu du côté du gouvernement, mais jamais je ne tomberai dans le piège qui m'est posé.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chagnon: M. le Président, on a vécu une semaine assez bizarre comme parlementaires ici, et la population qui nous regarde, les gens qui sont taxés depuis des semaines, qui vont connaître les hausses de leurs taxes scolaires, les hausses de leurs taxes municipales, parce que ce gouvernement...

Une voix: Double langage.

M. Chagnon: ...a pelleté dans le jardin des municipalités et des commissions scolaires, malgré elles, sans les consulter, des taxes supplémentaires. Ce gouvernement, M. le Président, mérite quoi aujourd'hui? Il mérite ce qu'on va voir lundi prochain dans Pointe-aux-Trembles, mérite une leçon...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chagnon: Ah! ça les faire rire. Eh bien, les leçons d'humilité que ce gouvernement méritera dans Pointe-aux-Trembles et dans les autres élections partielles à venir, ce gouvernement méritera non seulement d'être éventuellement chassé...

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le député de Westmount–Saint-Louis, pourriez-vous me rappeler la motion sur laquelle vous parlez?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chagnon: M. le Président, des tribunaux administratifs qui ne sont qu'un lieu de patronage que ce gouvernement veut s'inventer...

Une voix: Oui.

M. Chagnon: ...veut s'inventer. C'est là, M. le Président, la raison de ce propos. Ce gouvernement est en train de s'inventer un lieu privilégié de patronage, des cadeaux de Noël aux petits amis...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Vous savez pourquoi je me lève. Je suis sûr que vous le savez, M. le député de Westmount–Saint-Louis. Si vous ne le savez pas là, on va se poser de sérieuses questions.

M. Paradis: Oui. Nous avions convenu pendant votre délibéré de ne pas ramener le sujet. Le député...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Paradis: Le député de Westmount–Saint-Louis tentait de l'éviter, vous l'avez contraint à ramener le sujet. Maintenant, vous lui demandez de se récuser. Ça place le député dans une drôle de situation. Moi, je l'avais informé de votre directive, M. le Président. Je ne sais pas si vous la maintenez.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je pense qu'il y a moyen de parler de la pertinence du sujet tout en évitant ces propos qui ont été jugés non parlementaires. Très bien.

M. Chagnon: Il y a des tribunaux administratifs, M. le Président, qui seront l'objet de nombreuses nominations partisanes comme celles que nous avons vues ici se dérouler depuis deux ans. Ça va mieux?

Une voix: Oui.

M. Chagnon: Alors, même vous, M. le Président, agréez avec mes propos...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chagnon: ...ce qui me fait dire, M. le Président...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Quant à la forme.

M. Chagnon: Quant à la forme, mais je vous connais, monsieur, pour savoir qu'au fond vous ne résisteriez pas non plus à mes arguments.

M. le Président, il nous reste quelques minutes encore cette semaine pour démontrer puis pour laisser entendre à ceux qui vont nous suivre comment cette semaine a été loufoque pour le gouvernement, une mauvaise semaine pour le gouvernement. Évidemment, une mauvaise semaine pour le gouvernement, c'est une bonne semaine pour l'opposition, n'est-ce pas? Mais c'est une semaine où le gouvernement a la mine basse malgré ces possibilités d'éventuelles nominations partisanes dans les tribunaux administratifs.

Ceci étant dit, ce qu'on a vu aujourd'hui a été minable dans la période de questions. Ce qu'on a vu aujourd'hui se dérouler dans les débats de l'Assemblée ont été relativement excusables. Je mettrai évidemment en relief ces périodes de questions successives que nous avons eues cette semaine dans lesquelles on a parlé amplement des tribunaux administratifs, M. le Président. Mais quel cafouillis! Quel mélange! Avec quelle tristesse pouvait-on voir un gouvernement tomber en désuétude, en dérision face aux questions que l'opposition lui posait.

Le gouvernement a été tout à fait minable, je le répète, sur des questions qui touchaient quoi, M. le Président? Qui touchaient l'emploi, pas l'emploi partisan dans des tribunaux administratifs, je le conviens, mais, M. le Président, l'emploi des vraies Québécoises, des vrais Québécois, qui en cherchent des emplois: 6 000 qui ont perdu leur emploi ce mois-ci, M. le Président; 54 000 plus 6 000, 60 000 Québécois qui ont perdu leur emploi depuis que le gouvernement du député de Jonquière a été nommé, élu.

M. le Président, c'est d'une tristesse sans nom que de considérer qu'il n'y a qu'au Québec où on perd ces emplois. Pendant ce temps-là, en Ontario, 100 000 emplois ont été créés cette année, 100 000 emplois de créés cette année: moins 60 000 au Québec. Et notre ministre des Finances qui nous en avait promis 45 000 dans son budget; bien, c'est moins 105 000 au Québec pendant qu'en Ontario, on en créait 103 000.

M. le Président, ce n'est pas pour quelques postes privilégiés qui feront plaisir aux petits amis du parti dans ces tribunaux administratifs qu'on peut faire en sorte de laisser ce projet de loi. Merci, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Une voix: Il est minuit, Dr Schweitzer.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Heureuse nuit. Alors, je remercie le député de Westmount–Saint-Louis, qui vient de terminer. Il est 23 h 55. Alors, je crois que...

Est-ce qu'on poursuit? Oui? Bon, alors, si on poursuit, le prochain intervenant. Vous êtes intervenu, monsieur. Votre droit de parole, vous l'avez utilisé tantôt. Vous avez présenté la motion d'ajournement. Alors, vous êtes intervenu sur le...

Une voix: Moi...

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le député de Laporte. C'est bien, c'est à vous.

Des voix: Bravo!


M. André Bourbeau

M. Bourbeau: Continuez, il reste seulement 30 secondes. Ha, ha, ha!

M. le Président, c'est un très triste moment que d'avoir à se lever à une heure aussi tardive pour constater que ce gouvernement-là veut mettre fin à des travaux que, nous, de ce côté-ci de la Chambre, nous trouvions très intéressants, c'est-à-dire l'étude d'un projet de loi, un projet de loi par lequel le gouvernement, M. le Président, veut faire en sorte de modifier d'une façon importante, mais vraiment importante, l'administration de la justice au Québec.

Cette volonté du ministre de la Justice de modifier de fond en comble l'administration de la justice a été dénoncée par à peu près tout le monde au Québec. Et je recevais aujourd'hui, M. le Président, une lettre du bâtonnier de ma région, la région de la Rive-Sud de Montréal, le bâtonnier de Longueuil, qui m'écrivait personnellement, m'incluant une copie d'une lettre très gentille qu'il écrivait au ministre de la Justice, dans laquelle il dénonçait dans des termes, M. le Président, très violents pour un bâtonnier – un bâtonnier, en général, c'est quelqu'un qui est assez doux – le geste du ministre de la Justice de vouloir imposer une réforme à laquelle s'oppose d'une façon catégorique non seulement le barreau de Longueuil, mais, si je comprends bien, tous les barreaux du Québec et le bâtonnier également du Québec lui-même.

(minuit)

M. le Président, quand un bâtonnier, qui est la personne qui a atteint les plus hauts sommets dans une profession, se permet de condamner son ministre – le ministre de la Justice – dans des termes très violents, vraiment très durs, oui, il y a quelque chose qui ne fonctionne pas, M. le Président. Moi, je suis ici depuis 15 ans. Je n'ai jamais vu...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Excusez, M. le député de Laporte. Là, je veux vérifier. Je crois que, le vendredi soir, selon le règlement, c'est minuit. Alors, ça prendrait le consentement pour poursuivre au-delà de minuit.

Alors, étant donné qu'il est minuit, nous ajournons nos travaux à lundi, 10 heures, selon le règlement.

(Fin de la séance à 0 h 1)