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Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le lundi 9 décembre 1996 - Vol. 35 N° 65

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Table des matières

Affaires courantes

Affaires du jour


Journal des débats


(Dix heures sept minutes)

Le Président: Mmes, MM. les députés, nous allons d'abord nous recueillir quelques instants.

Très bien. Si vous voulez vous asseoir.


Affaires courantes

Aux affaires courantes, d'abord, déclarations ministérielles.

Présentation de projets de loi.


Dépôt de documents

Au dépôt de documents, M. le ministre du Travail.


Entente Québec-Ontario sur la mobilité de la main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction

M. Rioux: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer copie de l'entente Québec-Ontario sur la mobilité de la main-d'oeuvre et la reconnaissance de la qualification professionnelle de même que des compétences et des expériences de travail dans l'industrie de la construction.

Le Président: Ce document est déposé.


Dépôt de rapports de commissions

Dépôt de rapports de commissions. Mme la présidente de la commission de l'éducation et députée de Chicoutimi.


Mandat d'initiative sur les conditions de la réussite scolaire au secondaire

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport final de la commission de l'éducation qui a étudié, dans le cadre d'un mandat d'initiative, les conditions de la réussite scolaire au secondaire. La commission a tenu à cette fin des audiences publiques les 27, 28 et 29 août 1996 et s'est réunie en séance de travail le 28 mars, les 11 et 18 septembre, le 23 octobre et les 13 et 27 novembre 1996. Le rapport contient des recommandations adoptées à l'unanimité des membres de la commission de l'éducation. Je vous remercie.

Le Président: Alors, votre rapport est déposé, Mme la députée.

Au dépôt de pétitions.

Interventions portant sur une violation de droit ou de privilège. Alors, à cette rubrique, j'ai reçu dans les délais requis une lettre de M. le député de D'Arcy-McGee qui, en vertu de l'article 71 du règlement, demande de s'expliquer sur certains faits qui le concernent en tant que membre de l'Assemblée nationale à la suite d'une intervention de M. le leader du gouvernement à la séance du jeudi 5 décembre dernier.

(10 h 10)

Selon le député de D'Arcy-McGee, le leader du gouvernement, M. Pierre Bélanger, a fait des remarques le concernant personnellement qu'il juge offensantes, injurieuses et non parlementaires à la suite d'une allocution qu'il a prononcée sur la motion de clôture sur le projet de loi n° 130.

Après avoir examiné la question, je déclare que cette demande du député de D'Arcy-McGee est irrecevable pour les motifs suivants: le fait soulevé par le député de D'Arcy-McGee ne correspond pas aux critères de l'article 71 du règlement concernant les questions de fait personnel. Si le député considérait les propos comme injurieux ou offensants, il aurait dû se prévaloir immédiatement des dispositions de l'article 35.7° du règlement.

Alors, M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui. Simplement une question d'éclaircissement quant à la décision que vous avez rendue. Vous avez – et l'article 69 est clair – raison de dire qu'il aurait dû le signaler immédiatement après que les événements survenus en cette Chambre l'ont été. M. le Président, simplement pour vous signaler – et vous avez pris connaissance de la question de privilège – qu'il s'agissait d'une question de compréhension de langue, à un moment donné, et d'expression dans une langue qui n'est pas la langue du député. Dans les circonstances, j'indique tout simplement que, à partir de ce moment-là, le député doit bénéficier de ce qu'on appelle un bénéfice de bonne foi de la part de la présidence.

L'article 69 stipule également – et ça, vous n'en avez pas fait mention dans votre décision – qu'il a le choix: «Il peut aussi aviser par écrit le président, au plus tard une heure avant la période des affaires courantes, de son intention de la soulever. L'avis doit indiquer le droit ou le privilège qu'il invoque...» Il s'est prévalu du deuxième élément. Compte tenu des circonstances, est-ce que vous éliminez l'application du deuxième alinéa de l'article 69 de notre règlement et que tout député – et j'indique que, dans son cas, c'est encore plus particulier, lorsqu'il a eu à se prononcer – ne pourra pas se prévaloir maintenant du deuxième alinéa de l'article 69?

Le Président: Écoutez, je pense que la décision n'était d'aucune façon dans l'intention de priver quelque député que ce soit, y compris le député de D'Arcy-McGee, de se prévaloir d'une autre disposition de l'article 69. L'idée, c'est que j'en ai référé à l'article 71 qui parle nommément des explications sur un fait personnel. On y lit, entre autres, à l'article 71: «Il peut, notamment...» Bien sûr, le «notamment» n'est pas restrictif, mais il y a une interprétation que le président doit faire pour éviter que finalement les questions de fait personnel finissent par englober à peu près n'importe quoi. Donc, «il peut, notamment, relever l'inexactitude du compte rendu d'un de ses discours, nier des accusations portées contre lui dans une publication ou expliquer le sens de remarques qui ont été mal comprises». Alors, mal comprises, c'est ses remarques à lui, pas nécessairement celles que d'autres feraient.

Dans le contexte de la transcription que le député de D'Arcy-McGee m'a transmise avec sa lettre pour expliquer un peu le contexte, puisque que je n'étais pas présent au moment de cet échange, j'en suis arrivé à la conclusion qu'il ne s'agissait pas, à ce moment-ci, d'un fait personnel dans le sens de l'article 71, ce qui ne veut pas dire, si c'en avait été un, que le député n'avait pas bien utilisé la procédure prévue à l'article 69. Je pense qu'effectivement il pouvait, si ça avait été le cas, utiliser l'article 69, comme on l'a fait ce matin.

Le problème, c'est que, à mon avis, ce n'était pas une question de fait personnel, et, à ce moment-là, il aurait dû plutôt utiliser l'article 35.7° qui interdit, dans le fond, que les députés prononcent des propos offensants ou blessants à l'endroit de qui que ce soit. À ce moment-là, il considérait que la remarque était blessante et il aurait pu, à ce moment-là, se lever, en appeler au règlement et indiquer que le leader prononçait des propos qu'il considérait, lui, blessants ou offensants à son endroit. C'est comme ça que j'interprète le fait actuellement.

M. Paradis: Oui, M. le Président, dans les circonstances et en assurant le leader du gouvernement et la présidence que les remarques du député vont être très brèves, pourrait-on, à ce moment-ci, consentir quelques minutes d'explication sur cette importante affaire qui touche la liberté et la capacité d'expression d'un député à l'Assemblée nationale du Québec? Si le leader du gouvernement n'a rien à se reprocher, il n'a qu'à donner le consentement; s'il a de quoi à se reprocher, on comprendra.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, vous le savez, il a toujours été mon principe qu'on peut faire des débats en cette Chambre sans attaquer les personnes. Donc, je veux dire au député de D'Arcy-McGee que je m'excuse. S'il y a eu des propos qui auraient pu le blesser, je m'en excuse. J'ai recherché ces propos qui, peut-être, auraient pu être blessants, mais je n'en ai point trouvé. Mais, s'il a trouvé qu'il y a certains propos qui ont été blessants à son endroit, je m'en excuse, M. le Président, parce que, pour moi, c'est important qu'on puisse faire des débats sans attaquer les gens. Et j'aimerais peut-être que l'opposition officielle s'inspire aussi de cette éthique et de cette lettre dans ses questions qu'elle va nous poser.

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui. M. le Président, compte tenu de votre décision et dans les circonstances, nous acceptons les excuses du leader du gouvernement.

Une voix: Puis qu'il ne recommence pas.


Questions et réponses orales

Le Président: Très bien. Alors, cela nous amène maintenant à l'étape de la période des questions et des réponses orales.

M. le chef de l'opposition officielle, pour la période des questions. Déjà, oui.


Perspectives de création d'emplois

M. Johnson: M. le Président, le climat des négociations avec les travailleurs du secteur public n'est pas des plus sereins. Je ne parle pas simplement des manifestations, je parle même de l'incapacité apparente du gouvernement de s'entretenir avec des employés du secteur public.

On a vu, samedi, le spectacle assez désolant du député de Charlesbourg et ministre de la Santé fuir devant des travailleurs et des travailleuses de la santé à la Cité de Laval. Après Le Tortillard de Charlevoix, il y a le fuyard de Charlesbourg.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Johnson: Ce n'étaient pas des travailleurs de la construction, là. Alors, je pense que les travailleurs et les travailleuses ont le droit de rechercher des occasions de faire valoir en direct, pas par instance interposée, mais en direct, auprès du pouvoir politique, leurs revendications et leurs opinions à cet égard-là.

Mais on voit que le gouvernement récolte ce qu'il a semé. Par son double langage, le premier ministre nous ayant dit que les efforts de rationalisation toucheraient les appareils, les machines, les administrations, bien, M. le Président, une infirmière, ce n'est pas un appareil, puis une enseignante, ce n'est pas une machine, puis un travailleur social de CLSC, ce n'est pas une administration non plus. C'est ça qu'il faut avoir à l'esprit. Il est évident que le gouvernement est condamné à travailler du côté des dépenses, à hacher, à couper, à comprimer en l'absence de revenus. Contrairement à tous nos autres voisins du Canada où les revenus au 30 septembre sont supérieurs à ce qui était dans les budgets, on voit qu'au Québec c'est le contraire qui se passe. Et pourquoi? Parce qu'il n'y a pas d'emplois.

Est-ce que le premier ministre voit enfin l'équation que tout le monde voit ailleurs, sauf lui apparemment, qu'il est condamné à taper sur la tête des travailleurs du secteur public, sur les programmes sociaux, sur les clientèles à cause de son inaction et de son inertie à créer des emplois? Au contraire, il s'en perd 200 par jour depuis qu'il a été assermenté.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, la plupart des provinces canadiennes, toutes en réalité, sauf l'Ontario qui est engagée dans une démarche qui va dans le sens, vers l'objectif que nous souhaitons nous-mêmes, c'est-à-dire l'assainissement des finances publiques, toutes les provinces canadiennes donc, à l'exception de l'Ontario et de nous, ont réussi à redresser leurs finances publiques et elles l'ont fait, contrairement à ce que prétend le chef de l'opposition, en agissant sur le niveau de leurs dépenses, essentiellement sur le niveau de leurs dépenses. Cela ne veut pas dire qu'elles n'ont fait que cela, cela ne veut pas dire que nous-mêmes ne faisons que cela. Mais nous savons très bien que tous les pays qui ont réussi à redresser leurs finances publiques l'ont fait à partir d'un meilleur contrôle de leur niveau de dépenses.

Et je peux facilement comprendre pourquoi le chef de l'opposition ne peut pas accepter cette façon de voir, puisque lui-même, quand il était président du Conseil du trésor et membre du gouvernement libéral, a fait en sorte que les dépenses n'ont jamais cessé d'augmenter. Au contraire même, pendant les cinq ans où il a été membre de ce gouvernement libéral, il n'est jamais arrivé à atteindre l'objectif de déficit qu'il avait fixé.

Alors, nous sommes en train de prendre de véritables solutions, M. le Président. Nous savons que ça requiert un effort collectif, un effort solidaire, un effort d'équité. Et, quand on regarde le niveau des dépenses et le genre de postes que nous avons, il y en a un qui représente 58 %, c'est la masse salariale des employés de l'État, des secteurs public et parapublic, et il faut donc qu'une contribution soit faite de ce côté, également.

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.

M. Johnson: M. le Président, étant donné que le premier ministre ne veut pas reconnaître que ce qui se passe ailleurs, c'est une augmentation de revenus qui tient au fait qu'il y a une création d'emplois en raison de politiques économiques qui facilitent la création d'emplois, est-ce que le premier ministre se rend compte que sa politique à lui pour augmenter les revenus, c'est de surtaxer les Québécois, contrairement au consensus ou soi-disant consensus qui a été créé il y a quelques semaines et que, deuxièmement, il continue à présider un gouvernement où la seule réalisation concrète au point de vue de l'emploi qu'on voit, c'est qu'il se perd 200 emplois par jour depuis le 29 janvier 1996?

(10 h 20)

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, pour ce qui est de l'emploi, je répliquerai cependant au chef de l'opposition que, si on compare la moyenne de la période où j'ai dirigé le gouvernement à la moyenne de la période où il l'a dirigé lui-même, nous comptons une moyenne de 70 000 emplois de plus en 1996 qu'en 1994 par rapport à ces moyennes.

Par contre, tout le monde sait – et le chef de l'opposition fait semblant de l'ignorer – que le facteur le plus négatif pour la création d'emplois, ce qui empêche la création d'emplois, c'est le poids de la dette, M. le Président. Tout le monde sait que c'est là-dessus qu'il faut agir, que c'est sur le déficit qu'il faut agir et que les pays qui ont réussi à relancer l'emploi ont commencé par faire le ménage dans leurs finances publiques. C'est la leçon de l'OCDE, ce sont, en particulier, les compliments qu'a valus au gouvernement du Québec sa politique en matière de contrôle des dépenses auprès du gouverneur de la Banque du Canada qui a reconnu que la baisse des taux d'intérêt, c'est parce que l'Ontario puis le Québec font un effort pour contrôler les dépenses publiques.

Autrement dit, nous sommes dans la bonne voie. C'est une voie difficile qui, concernant nos partenaires syndicaux, requiert des démarches particulièrement délicates. J'ai reçu tout à l'heure un appel téléphonique d'un des chefs de centrale qui me disait que le gouvernement rencontrerait aujourd'hui, durant l'après-midi, tous les syndicats, toutes les centrales et tous les syndicats, pour recevoir la réponse à la proposition générale d'ouverture de négociations que j'ai faite jeudi dernier. Alors, on verra, M. le Président.

J'ai confiance dans la capacité des Québécoises et des Québécois, y compris les salariés syndiqués de l'État et du secteur parapublic, de voir qu'il y a un effort de solidarité que nous devons tous faire.

M. Johnson: Si ça va si bien que ça depuis que le premier ministre a été assermenté, comment se fait-il qu'en 1994, en 12 mois, il y a 77 000 Québécois de plus qu'au début de l'année qui avaient du travail à la fin de l'année, alors que, depuis que le premier ministre est en poste, alors qu'il y avait 3 253 000 personnes au Québec qui avaient un emploi en janvier, il y en a maintenant 3 193 000, ce qui est 60 000 de moins? Est-ce que le premier ministre peut arrêter de jouer avec les moyennes que lui souffle son ministre des Finances ou alors peut-être la ministre déléguée à l'Industrie et au Commerce, on ne sait trop? Elle ne s'exprime pas ici, là. Peut-être qu'elle lui souffle des choses en privé ou sur les banquettes. Est-ce que le premier ministre se rend compte que c'est l'absence...

M. Bélanger: M. le Président.

M. Johnson: ...c'est son inertie et son...

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, je comprends que les propos que j'ai tenus tout à l'heure n'ont eu aucune influence sur le chef de l'opposition. Il n'est pas capable de faire des débats sans attaquer les gens.

Une voix: Bravo!

Le Président: À l'ordre! En conclusion, M. le chef de l'opposition officielle, en vous rappelant les dispositions de l'article 35.7°.

M. Johnson: M. le Président, on jurerait que le leader du gouvernement n'était pas ici vendredi.

Une voix: Il n'était pas là, aussi.

M. Johnson: Est-ce que le premier ministre pourrait nous expliquer comment il fait pour se féliciter avec les chiffres qu'il nous citait tout à l'heure, alors qu'il y a 60 000 Québécois et Québécoises de plus qu'au début de l'année qui se retrouvent sans emploi depuis qu'il a été assermenté? Est-ce qu'il ne considère pas qu'une des raisons pour la faible performance du Québec, c'est le manque d'investissement dû à l'inaction, à l'inertie, au manque d'imagination et à l'option évidemment que le premier ministre continue à démontrer?

M. Bouchard: J'ai vu que le chef de l'opposition n'a pu résister à son dada de revenir sur les reproches à l'option souverainiste du gouvernement. En termes d'emplois, nous avons eu le rapport vendredi dernier de l'emploi: on voit que le Québec et l'Ontario ont une création d'emplois anémique. Au contraire, même, nous avons perdu 5 000 à 6 000 emplois chacun au mois dernier. Ça se passe en Ontario, aussi. Nous sommes en train de rationaliser l'économie, nous sommes en train d'agir sur la véritable cause qui est la suppression du déficit.

Et je voudrais rappeler, M. le Président, que je suis un peu scandalisé de voir les reproches qu'on tente de nous opposer de la part de l'opposition quand on sait que, durant les cinq dernières années du régime libéral, on a à peu près doublé la dette du Québec, M. le Président.

Le Président: En principale, M. le député de Westmount–Saint-Louis.


Extension possible de la proposition de réduction de la masse salariale dans la fonction publique à d'autres secteurs

M. Chagnon: Merci, M. le Président. Vendredi dernier, nous avions ici, comme opposition, le triste spectacle d'un tableau célèbre de Géricault où le gouvernement ressemblait au Radeau de la Méduse. Aujourd'hui, on voit les députés ministériels applaudir la ponction fiscale, la ponction dans la masse salariale des employés de l'État de 1 400 000 000 $, on voit les députés ministériels applaudir à cela et le premier ministre nous parler d'équité.

M. le Président, est-ce que le premier ministre peut nous dire qu'est-ce qu'il pense, qu'est-ce qu'il consent ou qu'est-ce qu'il croit faire en termes d'équité à l'égard des salaires des autres employés qui ne sont pas touchés par sa proposition? Je pense, entre autres, aux juges, aux cadres, aux cadres supérieurs et aux policiers, M. le Président.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, nous devons agir sur l'ensemble des coûts de main-d'oeuvre. Et, actuellement, nous sommes en discussion avec les représentants du plus grand groupe de salariés de l'État et du secteur parapublic – c'est là-dessus que nous concentrons nos efforts – et nous espérons que la rencontre que nous avons eue jeudi soir dernier, à Montréal, va permettre de déboucher sur la création, le lancement de véritables négociations dans le cadre général que nous avons tracé. Alors, nous aurons, je pense, certainement un début de réponse cet après-midi, et je ne pense pas qu'on puisse aller plus loin pour le moment.

Le Président: En principale, M. le député de Chomedey.


Réforme de l'aide juridique et des tribunaux administratifs

M. Mulcair: Merci, M. le Président. En juin dernier, l'opposition a mis le gouvernement en garde contre l'adoption de sa réforme de l'aide juridique. Le gouvernement a néanmoins décidé de «bulldozer» l'Assemblée nationale. Résultat: au Québec, de plus en plus de victimes sont contre-interrogées par leurs agresseurs, de plus en plus de citoyens plaident coupables et perdent leurs droits parce qu'ils n'ont pas l'argent pour un avocat et que le gouvernement ne leur en paie plus; et, maintenant, 70 % des demandes d'aide juridique sont rejetées. Refusant de rester complices devant ça, les avocats de toute la province font la grève. Cette grève générale illimitée, les avocats reçoivent ce matin, à Montréal, l'appui du bâtonnier du Québec lui-même et du Conseil général du Barreau.

Est-ce que le ministre de la Justice va enfin regarder et réaliser ce que tout le monde voit et comprend, que les coupures à l'aide juridique causent des injustices graves dont lui et son gouvernement sont responsables?

Le Président: M. le ministre de la Justice.

M. Bégin: M. le Président, je rappelle que la réforme de l'aide juridique fait en sorte que 650 000 personnes de plus auront accès à l'aide juridique qu'auparavant. Évidemment, la mesure, le tableau qui va entrer en vigueur au mois de janvier n'a pas encore eu ses effets, puisque cette date a été fixée, au départ, pour permettre aux parties de préparer les modalités d'application de ce volet contributif qui donnera l'accès, donc, à des personnes qui n'y avaient pas accès.

Quant au reste des affirmations, à l'effet qu'il y a des personnes qui plaideraient coupables parce qu'elles n'ont pas d'avocat ou que 70 % des demandes d'accès seraient refusées, comme je n'ai pas encore eu aucune statistique à cet effet, il me semble que c'est prématuré de conclure à cet effet.

Le Président: M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: M. le Président, est-ce que le premier ministre peut nous dire pourquoi il s'apprête à commettre à nouveau la même erreur en «bulldozant» l'Assemblée nationale pour lui faire adopter une autre réforme bâclée de son ministre de la Justice, celle des tribunaux administratifs, alors que le Barreau du Québec vient de lui écrire pour lui dire que c'était inconcevable, prématuré et inapproprié?

Le Président: M. le ministre de la Justice.

M. Bégin: M. le Président, les personnes que nous avons entendues, les 86 groupes que nous avons entendus en quatre séances, qui ont représenté 150 heures d'auditions... pardon, 125 heures d'auditions, nous ont tous dit qu'ils étaient d'accord avec la réforme de la justice administrative. En fait, ils nous disaient tous: Enfin, après 25 ans, il y aura une réforme de la justice administrative.

Il restait deux points, M. le Président, sur lesquels il y avait des hésitations, surtout de la part de l'opposition, c'était le droit d'appel et aussi la possibilité d'avoir... excusez, j'ai un blanc, la possibilité d'appel ou encore que la décision soit finale, mais, d'autre part, qu'il y ait possibilité de nommer pour une période déterminée les personnes. Or, la Cour suprême du Canada, dans la cause restaurant–bistro-bar, vient de rendre une décision à l'effet que le fait qu'il n'y ait pas d'appel en même temps que les personnes soient nommées pour des périodes déterminées et renouvelables est parfaitement légal. C'est la grande déception du député de Chomedey qui pensait, qui comptait sur cette décision-là pour dire qu'on avait tort, alors que la Cour suprême nous a dit que nous avions entièrement raison de procéder comme nous l'avons fait.

(10 h 30)

Le Président: M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Est-ce que le ministre de la Justice qui vient de nous dire qu'il vient d'avoir un blanc peut nous dire s'il vient aussi d'avoir son bleu? Parce que c'est de sa faute si la réforme ne va pas marcher, parce que, contrairement à ce qu'il vient de dire, la Cour suprême n'a jamais parlé du projet de loi n° 130. C'est complètement faux ce qu'il vient de dire.

Le Président: M. le ministre de la Justice.

M. Bégin: Je vois la grande déception du député de Chomedey. Le matin même où ce jugement devait sortir, le jeudi 21 novembre, il nous demandait de suspendre parce qu'il disait: La Cour suprême va trancher cette question-là. Et nous avons attendu, M. le Président, et, malheureusement, elle a tranché à l'encontre de leurs prétentions, et, au contraire, elle a appuyé ce que nous disions: c'est que les personnes pouvaient être nommées pour cinq ans, renouvelables, et que c'était parfaitement légal, même s'il n'y avait pas d'appel. Et, pourtant, nous avons accordé l'appel, nous avons renouvelé l'appel en matière du Bureau de révision de l'évaluation foncière, en matière d'expropriation et en matière de tribunal du droit agricole.

Le Président: M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Est-ce que le ministre de la Justice qui, de toute évidence, a de la difficulté à lire un jugement peut nous dire, s'il a raison dans son évaluation, comment il se fait que le Barreau du Québec demeure profondément opposé au projet de loi n° 130 et dit que son adoption est inconcevable, prématurée et inappropriée, pour les mêmes raisons que l'opposition, c'est que c'est voué à l'échec parce que ça va à l'encontre de toutes les règles qu'il vient d'énoncer?

Le Président: M. le ministre de la Justice.

M. Bégin: On pourrait peut-être penser, M. le Président, que l'opposition manifestée par le Barreau a d'autres motifs que ceux que nous connaissons et qui ont été énoncés. Je rappelle qu'en juin dernier le Barreau disait qu'il était prématuré d'adopter le projet de loi, il fallait donc le reporter à l'automne. Nous l'avons effectivement reporté à l'automne et nous avons eu une nouvelle commission parlementaire sur l'avant-projet de loi d'application, et, pour le Barreau, c'était toujours... et il a même fait un forum, le 18 octobre, que nous avons entendu. Et, malgré ça, le Barreau dit: Il faudrait attendre.

Le Barreau n'est pas prêt à cette réforme parce qu'elle a peut-être pour lui des implications au niveau de ses membres, au niveau des mandats qu'ils peuvent avoir, et je pense que c'est beaucoup plus ça qui motive que les questions de fond du projet.

Le Président: En principale, M. le député de Frontenac.


Responsabilité de la formation des policiers de la Communauté urbaine de Montréal

M. Lefebvre: Merci, M. le Président. Jour après jour, les attaques se multiplient contre le projet de loi n° 77, loi sur la réorganisation policière, et contre le ministre lui-même, également. Vendredi, les journaux faisaient état de la sortie en règle du directeur de la police de la Communauté urbaine de Montréal, M. Duchesneau, sortie à laquelle M. Duchesneau s'était déjà livré jeudi le 28 novembre en commission parlementaire. Le directeur de la Communauté urbaine de Montréal, de la police de la Communauté urbaine, ne comprend pas qu'après l'adoption du projet de loi n° 77 la Communauté urbaine de Montréal devra payer 2 200 000 $ pour financer l'Institut de police du Québec, pour la formation des futurs policiers de la Communauté urbaine de Montréal, alors que cette même Communauté urbaine, selon M. Duchesneau, pourrait former ces mêmes recrues pour 364 000 $. M. Duchesneau disait ceci: Le ministre de la Sécurité publique nous dit de lui verser 1 % de notre masse salariale, ou 2 200 000 $, pour financer l'Institut de police. Si la Communauté urbaine de Montréal prenait en charge la formation de ces recrues, cela coûterait 364 000 $ au lieu de 2 200 000 $, une économie de 1 800 000 $.

Ma question au ministre de la Sécurité publique: Est-ce que le ministre, qui a répondu à date des balivernes à M. Duchesneau...

Des voix: Ah!

M. Lefebvre: ...peut nous expliquer...

M. Bélanger: Balivernes...

Une voix: Balivernes...

M. Lefebvre: ... – des balivernes – peut nous expliquer...

Le Président: M. le leader du gouvernement.

Une voix: Voyons!

Le Président: M. le leader du gouvernement, sur une question de règlement.

M. Bélanger: Oui. M. le Président, je voudrais tout simplement soumettre à votre considération si le mot «balivernes» est parlementaire et conforme à notre règlement.

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: M. le Président, la preuve que c'est conforme au règlement: le leader du gouvernement vient d'en prononcer, des balivernes.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: Je pense que la question n'est pas tant de se demander si l'expression elle-même est parlementaire que surtout si, dans le contexte actuel ou dans n'importe quel contexte, ce genre de propos, qui peuvent être interprétés ou considérés d'une façon différente d'un côté ou de l'autre, suscite des débats et finalement fait en sorte que l'Assemblée ne se conforme pas à l'article 32, qui, lui, concerne l'ordre et le bon déroulement des travaux de l'Assemblée, et le décorum. Alors, M. le député de Frontenac, en complétant votre question.

M. Lefebvre: M. le Président, est-ce que le ministre de la Sécurité publique, et je le répète, qui a répondu à date des lieux communs, des blabla, des balivernes à M. Duchesneau, peut nous expliquer pourquoi la Communauté urbaine de Montréal devrait payer 2 200 000 $ plutôt que 364 000 $, c'est-à-dire 1 800 000 $ de plus, pour permettre à l'Institut de police de former ses futures recrues, alors que la Communauté urbaine peut le faire elle-même, M. le Président. C'est 1 800 000 $...

Le Président: M. le ministre de la Sécurité publique.

M. Perreault: Oui. Alors, M. le Président, le sujet est suffisamment sérieux pour y apporter une réponse sérieuse. D'abord, j'ai eu l'occasion d'écrire à la présidente de la Communauté urbaine de Montréal pour lui rappeler la teneur des propos que j'ai tenus à deux reprises à la Table Québec-municipalités, où il a été très, très clair que la démarche du gouvernement était en deux temps.

Dans un premier temps – c'est celui où nous sommes – nous réglions la question de l'organisation de la carte policière sur le territoire, et nous avons isolé les trois communautés urbaines. J'ai annoncé, quand je suis retourné à la Table Québec-municipalités, au mois d'octobre, qu'il y aurait des groupes de travail sur ces trois communautés urbaines. Nous suivons cet échéancier, M. le Président, et je lui ai demandé de le rappeler à son directeur de police, qui, normalement, était parfaitement au courant.

Quant à la question de l'Institut de police, M. le Président, j'ai déjà posé une question à l'opposition; je n'ai jamais eu de réponse. Je voulais savoir s'ils étaient prêts à revenir sur un des acquis importants qu'on a au Québec et qui est celui d'une formation policière uniforme pour l'ensemble des recrues dans l'ensemble des corps policiers, ou bien – c'est leur position – M. le Président, c'est qu'on retourne 35 ans en arrière puis qu'on laisse chaque municipalité former seule ses policiers. Et, dans le dossier qui concerne l'Institut de police et la Communauté urbaine, j'ai clairement indiqué que la présence au sein du conseil d'administration de la Communauté urbaine pouvait permettre, M. le Président, d'organiser la formation pour la suite des choses, y compris en tenant compte de certaines des préoccupations de Montréal, mais pas en revenant, pas en revenant sur un acquis fondamental, M. le Président.

Le Président: En complémentaire, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.

Mme Frulla: Oui. Ma question va au trop silencieux ministre d'État à la Métropole. Suite à la décision du ministre de la Sécurité publique, comment peut-il accepter l'imposition d'une taxe supplémentaire, d'une charge supplémentaire de 1 800 000 $ aux contribuables montréalais, qui déjà sont surchargés de taxes, pour une formation qui est incomplète, qui doit être mise à jour rendu à Montréal? Et combien de temps celui-ci va-t-il accepter, M. le Président, de s'écraser devant ses collègues et de ne pas prendre la défense des Montréalais, qui sont écoeurés de payer?

Le Président: M. le ministre d'État à la Métropole.

M. Ménard: Encore une fois, M. le Président, la députée de Marguerite-Bourgeoys précède toujours ses questions – la plupart du temps intelligentes – de préambules qui demandent des corrections. Mais, enfin, j'irai directement à la question.

Il est demandé à la Communauté urbaine de Montréal de participer à l'effort financier qui est fait. Il y avait un déficit à l'Institut de police du Québec. Ce déficit, de mémoire, il est de l'ordre de 8 700 000 $. Il est normal que les citoyens connaissent le vrai coût des services qu'ils reçoivent. Quand ils reçoivent des services de police – je m'aperçois que la députée de Marguerite-Bourgeoys n'écoute plus; je ne sais pas si, évidemment, les réponses ne l'intéressent pas et c'est pourquoi elle parle du silence, continuellement, à tort, du ministre de la Métropole, qui parle aux bons endroits, c'est-à-dire aux endroits où ça peut avoir une influence.

Je signale que le directeur Duchesneau dit qu'il dirige le tiers des policiers du Québec. Cette facture de 2 200 000 $ est moins du tiers du déficit à couvrir. Donc, il va payer moins. Il a siégé sur le conseil d'administration de l'Institut de police pendant des années. S'il prétend que l'on peut entraîner des policiers à meilleur coût, comment se fait-il que ces solutions n'ont pas été appliquées auparavant? Je pense que le ministre de la Sécurité publique a parfaitement raison, c'est un acquis de la société québécoise que tous les policiers du Québec reçoivent la même formation de base, que les citoyens qui paient pour cette formation sachent quel en est le vrai coût et que ce ne soit pas payé par le biais de subventions du gouvernement du Québec.

(10 h 40)

Mme Frulla: Complémentaire, M. le Président. Au ministre qui parle quand c'est le temps et aux bons endroits, est-ce que...

Le Président: Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, la question commence bien: «Est-ce que...», mais le commentaire préalable n'était pas réglementaire.

Mme Frulla: Est-ce qu'en acceptant, parce que c'est de ça qu'on parle, la notion de partage pour l'Institut de police de Nicolet, le ministre d'État à la Métropole peut nous dire comment il se fait que cette même notion ne s'appliquait pas lors du dernier sommet du consensus, alors que les contribuables montréalais ont dû assumer seuls le coût de 486 policiers pour une somme de 197 478 $, alors que, si cet événement avait eu lieu n'importe où au Québec, à Québec, Chicoutimi, Sherbrooke, tous les contribuables québécois auraient payé la facture?

M. Ménard: Je veux laisser mon collègue de la Sécurité publique compléter, mais c'est justement ce genre de situation à laquelle la réforme du ministre de la Sécurité publique cherche à mettre fin. C'est vrai qu'il y a des situations que vous... que le gouvernement antérieur nous a laissées et que nous cherchons à corriger. Mais, justement, la réforme qu'instaure le ministre de la Sécurité publique, c'est de faire payer à l'ensemble des citoyens du Québec, ceux qui reçoivent les services, le vrai coût de ces services policiers. Et c'est vrai qu'avant, dans le système dont on a hérité, la ville de Montréal, et l'île de Montréal en particulier, payait plus que l'ensemble des citoyens du Québec pour les services policiers qu'elle recevait.

Le Président: M. le député de Jacques-Cartier, en principale.


Sécurité routière sur l'autoroute 20 entre Beaconsfield et Sainte-Anne-de-Bellevue

M. Kelley: Merci beaucoup, M. le Président. Le 4 septembre dernier, le ministère des Transports a publié une étude concernant la sécurité routière sur l'autoroute 20, entre le boulevard Saint-Charles à Beaconsfield et Sainte-Anne-de-Bellevue, suite à une tragique série d'accidents. Malheureusement, il y a eu un autre accident mortel sur ce tronçon la semaine dernière et une autre personne a perdu la vie à l'intersection de la rue Morgan à Baie d'Urfé. Trois mois après la publication de ce rapport, le ministre des Transports n'a encore rien dit, rien fait, rien annoncé pour solutionner les problèmes soulevés dans ce rapport. Trois mois d'inaction et d'inertie.

M. le Président, ma question pour le ministre des Transports est fort simple: Pour protéger la sécurité des personnes qui circulent quotidiennement sur l'autoroute 20, quand le ministre entend-il annoncer les suites qu'il va donner à ce rapport?

Le Président: M. le ministre des Transports.

M. Brassard: Oui, M. le Président. D'abord, il est peut-être bon de rappeler que ce n'est pas un problème récent. Je ne veux pas faire de politique partisane, là, mais ils ont été là pendant neuf ans puis le problème est resté là. C'est ça, la réalité. Le député sait très bien aussi, puisqu'on s'en est parlé à plusieurs reprises, que ce rapport n'était pas satisfaisant. Il l'a jugé non satisfaisant et, moi aussi, je ne l'ai pas jugé satisfaisant, parce qu'il n'examinait pas l'ensemble des solutions. Et même, on convenait tous deux qu'il mettait de côté des solutions plus efficaces; il n'analysait pas des solutions plus efficaces, entre autres l'étagement. Alors, c'est ce qui fait qu'on a demandé une étude complémentaire, justement pour étudier des vraies solutions à ce problème. Et il sait très bien, c'est l'objectif que je poursuis, que d'ici la fin de l'année on pourra avoir en main des solutions qui vont nous permettent de résoudre ce problème qui perdure depuis trop longtemps.

Le Président: M. le député de Nelligan, en complémentaire.

M. Williams: Complémentaire. Dans le but de sauver des vies, est-ce que le ministre est prêt à reconnaître officiellement aujourd'hui en cette Chambre le tronçon de l'autoroute 20 entre le pont Galipeault et le boulevard Saint-Charles comme un boulevard urbain, sans circulation commerciale dans ce secteur, jusqu'à ce que des viaducs sécuritaires soient bâtis, tel que demandé par le groupe de citoyens Action 20?

Le Président: M. le ministre des Transports.

M. Brassard: M. le Président, je pense qu'il convient d'abord d'avoir en main l'étude complémentaire qui analyse des solutions qui n'avaient pas été envisagées dans le rapport, le premier rapport. Et, à partir de là, on pourra à la fois identifier une solution efficace et, en même temps aussi, répondre à cette requête venant du groupe de citoyens concerné.

Le Président: M. le député de Beauce-Nord, en principale.


Amélioration du réseau routier desservant la Beauce

M. Poulin: Oui, M. le Président. Le 7 septembre 1996, j'adressais une lettre au ministre des Transports appuyant un consensus régional entre la MRC de Robert-Cliche, la MRC de Beauce-Sartigan, la ville de Beauceville, la ville de Saint-Georges, le Groupement économique de Beauce-Centre, le Conseil économique de la Beauce, les chambres de commerce locales, le milieu des affaires, consensus intervenu le 21 août 1996 pour demander au ministre de procéder à l'amélioration de la route 108 en direction de l'Estrie et à la continuité de l'autoroute 73 de Saint-Joseph à Beauceville et de Beauceville à Saint-Georges. Depuis, le ministre a tenu des rencontres avec les représentants du milieu, lesquels ont fait part au ministre de l'importance de l'amélioration de ces deux axes routiers afin d'assurer la création et le développement de nos PME ainsi que la création et la conservation de nombreux emplois.

Est-ce que le ministre entend répondre favorablement à ce consensus régional en vigueur depuis le mois d'août 1996?

Le Président: M. le ministre des Transports.

M. Brassard: M. le Président, il y a des coalitions qui sont assez faciles à mettre en place, celles, entre autres, réclamant le prolongement d'une autoroute. Alors, dans le cas de la Beauce, effectivement, il y a une coalition qui a été créée, qui s'est mise en place, qui regroupe à peu près tout le monde, le monde des affaires, le monde municipal, bon, tout le monde. Je les ai rencontrés à quelques reprises ici, à Québec, et sur place. Je leur ai dit que nous allions, au ministère des Transports, analyser leur requête, leur projet comportant d'ailleurs aussi un calendrier, un échéancier. On est en train d'analyser cela. Et je leur ai promis une réponse d'ici le prochain budget. Alors, on n'en est pas encore rendu là. Donc, ils auront leur réponse concernant leur projet, mais ça va se faire... et cette réponse va se situer – comprenez bien, c'est ce que je leur ai dit aussi – dans le contexte de rareté des ressources de l'État.

Le Président: En principale?

M. MacMillan: En additionnelle.

Le Président: En complémentaire, M. le député de Papineau.

M. MacMillan: Est-ce qu'on pourrait demander la même chose pour l'autoroute 50 dans l'Outaouais, M. le ministre?

Le Président: M. le ministre.

M. Brassard: D'abord, l'autoroute 50, M. le député de Papineau sait qu'elle fait partie du plan de transport, le plan de transport de la région de l'Outaouais, le premier plan de transport qui a été rendu public au Québec; je l'ai fait avec mon collègue le ministre des Affaires internationales. Alors, le projet de l'autoroute 50 est inclus dans le plan de transport.

Actuellement, nous avons d'ailleurs annoncé que mon collègue de l'Environnement et de la Faune avait maintenant demandé au Bureau d'audiences publiques de procéder aux séances d'information et, si nécessaire, aux audiences publiques, l'étude d'impact étant jugée recevable pour ce qui est de ce qu'il reste à faire sur l'autoroute 50. Après cela, on prendra les décisions qui s'imposent.

(10 h 50)

Le Président: En principale, M. le député de Saint-Laurent.


Rencontre du ministre de la Santé et des Services sociaux avec des représentants du secteur hospitalier à Laval

M. Cherry: Merci, M. le Président. Dans tous les bulletins de nouvelles en fin de semaine, on a pu voir le triste spectacle de la fuite du ministre de la Santé, à Laval. Comment ce dernier peut-il nous expliquer son comportement face à des employés qui voulaient lui parler?

Une voix: O.J. Rochon!

Une voix: Ha, ha, ha!

Le Président: M. le ministre. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: M. le Président, je veux informer la Chambre que, contrairement à ce qu'on nous dit, il n'y a pas eu de fuite. On peut reculer pour mieux sauter, ça se connaît. Dans le cas d'espèce, la visite a été complète, j'ai rencontré tous les gens que je devais rencontrer, et si la visite à l'hôpital s'est faite un peu plus tard dans la journée, c'est que je voulais éviter qu'une manifestation qui était aussi présente à l'intérieur de l'hôpital risque de perturber la tranquillité des patients qui étaient là pour recevoir des soins.

Des voix: Bravo! Bravo!

Le Président: M. le député de Saint-Laurent, en complémentaire.

M. Cherry: Oui, M. le Président. Comment celui qui, la semaine dernière, déclarait qu'il prendrait le bâton du pèlerin pour aller expliquer aux gens de la base l'offre du gouvernement, à la première occasion où un groupe de ses employés veulent discuter avec lui, explique qu'il a agi en se sauvant comme il l'a fait samedi?

Des voix: Bravo!

M. Rochon: M. le Président, comme je viens de le dire, il n'y a pas eu de fuite. Tous les gens que je devais rencontrer ont été vus. On a eu le temps de parler et de discuter. Le bâton du pèlerin m'a conduit à travers la moitié des régions du Québec jusqu'à maintenant, au cours des dernières semaines, et on continue, pour compléter au cours des prochaines semaines. Alors, les employés de l'hôpital que je devais rencontrer, je les ai rencontrés. Ils n'étaient pas, surtout, sur la ligne de piquetage.

Le Président: En principale ou en complémentaire?

M. Gautrin: M. le Président, merci... En principale.

Le Président: En principale, M. le député de Verdun.


Création d'un cégep francophone dans l'ouest de Montréal

M. Gautrin: Le 29 novembre, la ministre de l'Éducation annonçait, pour la région de Lanaudière, la création d'un cégep régional, un modèle qu'elle qualifiait d'original, d'économique, de souple...

Une voix: Bravo! Bravo!

M. Gautrin: ...et on est prêt à concourir à ce point de vue là.

Des voix: Bravo!

M. Gautrin: Pourtant, trois jours après, en ce qui touchait l'ouest de Montréal, elle a confirmé des investissements dans le béton pour maintenir une structure rigide dans un cégep pour l'ouest de Montréal qui ne pourra pas donner d'enseignement avant 1999.

Alors, la question à la ministre: Comment peut-elle nous expliquer sa logique? Pourquoi ce double traitement? Pourquoi ne pas avoir appliqué à l'ouest de Montréal cette structure qu'elle qualifiait elle-même de souple, d'économique, d'originale? Pourquoi pénaliser encore une fois l'ouest de Montréal?

Le Président: Mme la ministre de l'Éducation.

Mme Marois: Alors, je peux rassurer le député de Verdun, M. le Président: ce sera une structure souple, bien sûr. C'est aussi un cégep qui s'inscrit dans la deuxième génération, de la même façon qu'on l'a fait avec Lanaudière, pour lequel, je crois, nous avons appliqué une solution qui est particulièrement intéressante et originale.

Et, dans le cas de l'ouest de l'île, j'aimerais rappeler aux membres de cette Assemblée que le choix gouvernemental a été très clair. Depuis le début, nous avons décidé de doter... Nous avions d'abord pris l'engagement de le faire et nous avons donc procédé ainsi. Nous avons décidé de doter l'ouest de l'île d'une institution majeure, significative, venant en appui, en cela, à la communauté francophone importante qui l'habite et qui ne peut compter actuellement sur de telles institutions. Cependant, ce cégep est aussi de nouvelle génération, parce que j'ai souhaité qu'il investisse minimalement dans le béton; que, s'il avait à le faire, il le fasse en comptant sur la collaboration, la participation, d'une part, des municipalités – je peux vous dire que cela est jusqu'à maintenant, semble-t-il, très bien engagé – qu'il puisse compter sur des partenariats avec les entreprises, de telle sorte que des équipements lourds qui pourraient être nécessaires pour la formation professionnelle et technique soient rendus disponibles par l'intermédiaire des entreprises des secteurs avec lesquels on aura à travailler; et que, d'autre part, ce cégep signe des ententes avec les cégeps environnants de telle sorte qu'un ensemble de services – qu'il s'agisse de services financiers, d'achats, de reprographie, de cafétéria – puissent être contractés ou sous-contractés avec les cégeps environnants, faisant ressortir ainsi, M. le Président, qu'il s'agit bien d'un cégep de nouvelle génération et que la priorité ne sera pas mise au béton, M. le Président.

Le Président: M. le député de Nelligan, en complémentaire.

M. Williams: En complémentaire, qu'est-ce que la ministre prévoit dire aux étudiants de secondaires IV et V qui espéraient pouvoir avoir accès à un cégep francophone dans l'ouest de l'île de Montréal cette année et qui avaient cette possibilité avec le modèle annoncé par le gouvernement libéral?

Mme Marois: Vous savez, les gens du conseil d'administration que nous avons nommés ont évalué la possibilité d'offrir plus rapidement que prévu des cours de telle sorte que nos jeunes de quatrième secondaire ou de cinquième secondaire puissent s'inscrire rapidement au cégep dès l'automne prochain. Cependant, on sait fort bien que, lorsqu'il s'agit de l'implantation d'une nouvelle institution, M. le Président, il est nécessaire de bien camper l'ensemble des paramètres. Et on sait aussi, parce que l'histoire nous l'a appris, que tous les cégeps qui sont nés, dans le fond, sans base significative ont pris beaucoup de temps à roder leur fonctionnement et souvent, à cause de cela, n'ont pu acquérir la notoriété nécessaire leur permettant de retenir les étudiants, M. le Président.

Je crois que la décision qu'a prise le conseil est sage et, en ce sens-là, les étudiants peuvent continuer à avoir accès, évidemment, aux cégeps environnants, qui peuvent les desservir, et ceux et celles qui entreront en 1999 y seront d'autant mieux servis parce que ce sera mieux préparé, M. le Président.

Le Président: Mme la députée de La Pinière, en principale.


Menace de déménagement en Ontario de l'entreprise Le Naturiste

Mme Houda-Pepin: M. le Président, samedi dernier, le journal La Seigneurie titrait en première page: «Le Naturiste Jean-Marc Brunet ferme son entrepôt de Boucherville et déménage en Ontario.» Les employés de cet entrepôt, en grève depuis le 24 octobre, viennent de perdre leur emploi après que Jean-Marc Brunet a décidé de déménager son centre de distribution à Cornwall, en Ontario.

M. le Président, après avoir confirmé devant cette Assemblée qu'il n'a rien fait pour empêcher les pertes d'emplois chez Maple Leaf la semaine dernière, est-ce que le ministre du Travail peut nous dire aujourd'hui qu'est-ce qu'il a fait personnellement pour garder cette entreprise québécoise chez nous?

Le Président: M. le ministre du Travail.

M. Rioux: Oui, M. le Président. L'enquêteur dans ce dossier m'a remis un rapport qui m'indique que des infractions au Code du travail ont été commises par Le Naturiste Jean-Marc Brunet. De telles conclusions ne me permettent pas, par exemple, comme ministre, d'intervenir dans le dossier. Cependant, si les travailleurs de Jean-Marc Brunet, les employés, s'il y a eu infraction, ils peuvent toujours soumettre leur cas au Tribunal du travail, qui est l'instance appropriée pour entendre de telles requêtes.

Le Président: Mme la députée.

Mme Houda-Pepin: M. le Président, est-ce que le ministre peut nous dire lui-même combien de rencontres a-t-il eues personnellement avec Jean-Marc Brunet pour le convaincre de garder ces emplois dans la Montérégie au lieu de les déménager à Cornwall, en Ontario?

Le Président: M. le ministre du Travail.

(11 heures)

M. Rioux: Concernant le déménagement de l'entreprise en Ontario, à Cornwall, il s'agit là, M. le Président, d'une question d'ordre financier qui ne relève pas du ministère du Travail. Mais je suis confiant qu'un règlement satisfaisant va intervenir entre les parties, parce qu'on est dans le dossier, et je pense qu'on a une excellente collaboration de la part des parties. Et on arrivera à un règlement satisfaisant très bientôt.

Le Président: En complémentaire, M. le chef de l'opposition officielle.

M. Johnson: Oui. Est-ce qu'on peut demander au premier ministre ce qu'il pense de cette réponse-là?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, je pense que le ministre du Travail a très clairement indiqué que le gouvernement allait s'investir dans ce dossier, allait poursuivre les démarches pour convaincre le propriétaire de demeurer au Québec et de faciliter la conclusion d'un règlement à l'amiable au terme des négociations qui sont en cours.

Une voix: Bravo!

Le Président: Alors, la période des questions et des réponses orales est terminée pour aujourd'hui.

Il n'y a pas de réponses différées, pas plus qu'il n'y a de votes reportés.

Nous en arrivons maintenant à l'étape des motions sans préavis.


Avis touchant les travaux des commissions

Alors, puisqu'il n'y en a pas, avis touchant les travaux des commissions. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, j'avise cette Assemblée qu'aujourd'hui la commission des institutions poursuivra l'étude détaillée du projet de loi n° 77, Loi modifiant la Loi de police et d'autres dispositions législatives, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures, de 15 heures à 18 heures et de 20 heures à 24 heures, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine;

Que la commission de l'aménagement et des équipements poursuivra l'étude détaillée du projet de loi n° 30, Loi modifiant la Loi sur la Société d'habitation du Québec, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures, à la salle du Conseil législatif;

Que la commission du budget et de l'administration procédera à l'étude détaillée du projet de loi n° 66, Loi instituant le Fonds de gestion des départs assistés, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures et de 20 heures à 24 heures, à la salle Louis-Joseph-Papineau;

Que la commission de l'aménagement et des équipements procédera à l'étude détaillée du projet de loi n° 59, Loi modifiant la Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune, de 15 heures à 18 heures et de 20 heures à 24 heures, à la salle du Conseil législatif.


Avis de sanction

Le Président: Très bien. Alors, aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée, je vous avise qu'il y aura une sanction du projet de loi n° 54, Loi modifiant la Loi sur le régime de rentes du Québec, au cabinet de Son Excellence le lieutenant-gouverneur, cet après-midi à 13 heures.


Renseignements sur les travaux de l'Assemblée

S'il n'y a pas d'autres renseignements... M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Oui. Au nom des membres de la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation, M. le Président, est-ce que le leader du gouvernement peut indiquer à cette Chambre quand il entend convoquer la CAPA relativement à l'audition des trois ministres quant au règlement découlant du projet de loi n° 23, le projet de loi sur le droit de produire? Le gouvernement s'était engagé à ce que ce soit fait avant le début décembre. Au congrès de l'Union des producteurs agricoles, la semaine dernière, le ministre semblait prêt à procéder.

Est-ce que c'est le ministre de l'Environnement qui n'est pas prêt ou le ministre de l'Agriculture, ou le ministre des Affaires municipales qui s'interfère entre les deux, ou à cause de l'arrivée du ministre de la Santé qui est arrivé là-dedans un peu de reculons, M. le Président?

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, on est confiant de pouvoir déposer sous peu le document qui va servir à la consultation. Quant à cette consultation, M. le Président, elle va se faire en janvier.


Affaires du jour

Le Président: Ça va? Alors, s'il n'y a pas d'autres questions aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée, nous allons passer aux affaires du jour. Mais je demanderais auparavant à ceux qui doivent quitter l'enceinte de le faire rapidement.

Alors, mesdames, messieurs qui doivent quitter, je vous prierais de le faire rapidement. On n'est pas en ajournement. Le président attend qu'il y ait suffisamment d'ordre pour qu'on puisse reprendre les travaux. Alors, nous en arrivons à l'étape des affaires du jour. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, je vous demanderais de prendre en considération l'article 62 de notre feuilleton.


Motions du gouvernement


Reprise du débat sur la motion de clôture des travaux de la commission chargée de l'étude détaillée du projet de loi n° 130

Le Président: Alors, à l'article 62, l'Assemblée reprend le débat ajourné le 6 décembre dernier sur la motion proposée par M. le leader du gouvernement conformément aux dispositions de l'article 251 du règlement. Cette motion se lit comme suit:

«Que la commission des institutions, à qui a été confiée l'étude détaillée du projet de loi n° 130, Loi sur la justice administrative, mette fin à ses travaux quant à ce mandat dès l'adoption de la présente motion et fasse rapport au moment prévu de la période des affaires courantes de la séance qui suit celle au cours de laquelle aura été adoptée la présente motion.»

Alors, je vous rappelle que cette motion ne peut être amendée. De plus, puisqu'il s'agit d'une motion de forme, les temps de parole sont donc les suivants: l'auteur de la motion, le premier ministre et les autres chefs des groupes parlementaires ou leurs représentants ont un temps de parole de 30 minutes; les autres députés ont 10 minutes. Et, enfin, conformément aux dispositions de l'article 251, au terme de ce débat le leader du gouvernement a un droit de réplique de 10 minutes. À ce moment-ci, M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui, lorsque le débat a été appelé, vendredi soir, le président qui occupait votre fauteuil à ce moment-là avait pris en délibéré une décision qu'il devait nous rendre pour faciliter la poursuite du débat comme tel. Je constate qu'on se retrouve un petit peu dans une situation délicate, M. le Président. Vous m'indiquez que la décision est prête?

Le Président: Oui, oui. En fait, mon collègue le vice-président Brouillet est prêt à rendre cette décision. On avait convenu que, après les affaires courantes, c'est lui qui prendrait le fauteuil. Alors, j'introduisais le débat pour lui laisser le fauteuil. Si vous voulez, on va faire ça immédiatement. Je vais lui céder le fauteuil pour présider la suite du débat. Alors, il pourra rendre la décision que vous attendez.


Décision du président sur la demande de directive du leader de l'opposition concernant le pouvoir du président d'interdire de continuer à porter des accusations contre un député qui les a niées

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je m'en vais rendre la décision concernant le litige qui a été soulevé dans le cadre du débat sur la motion de clôture. Je vais d'abord vous présenter brièvement le scénario des faits.

Le député de Chomedey a affirmé dans l'Assemblée nationale que le ministre de la Justice lui a dit, en référence à l'étude détaillée en commission parlementaire du projet de loi sur les tribunaux administratifs, qu'il fallait qu'il place ses gars, comme lui le ferait plus tard. Plusieurs députés ont repris cette affirmation du député de Chomedey.

Jeudi le 5 décembre, quelques minutes avant 18 heures, lors de l'intervention du député de Notre-Dame-de-Grâce, après que celui-ci eut affirmé, dans la foulée des autres intervenants mentionnés antérieurement, que le ministre avait dit: Il faut que je place mes gars, le ministre se leva en Chambre à ce moment-là pour nier avoir tenu de tels propos.

La question qui se pose: Le président peut-il interdire la réaffirmation de ces propos par quelque député que ce soit après que le ministre a nié les avoir prononcés?

Il faut bien reconnaître le caractère assez particulier de la situation. Il ne s'agit pas simplement d'expression d'opinions divergentes, contraires, comme cela est permis par le règlement et le fait quotidien de nos débats démocratiques. La liberté d'expression à cet égard est très large.

La liberté d'expression en notre Assemblée n'est pas toutefois sans limites. Il y a des limites que notre Assemblée s'est imposées à elle-même dans la Loi sur l'Assemblée nationale, en l'occurrence à l'article 55, où il est dit: «Nul ne peut porter atteinte aux droits de l'Assemblée», et, également, dans le règlement de notre Assemblée, particulièrement à l'article 35. Considérons l'article 35, paragraphe 6°, où il est dit: «Le député qui a la parole ne peut imputer des motifs indignes à un député ou refuser d'accepter sa parole.»

Analysons la situation décrite plus haut à la lumière de cet article. Nous devons distinguer deux aspects dans la situation: celui du rapport entre l'affirmation du député de Chomedey et celle du ministre de la Justice, et celui du rapport entre les affirmations des autres députés et celle du ministre.

(11 h 10)

Considérons le deuxième aspect, celui du rapport entre les affirmations des autres députés et celle du ministre. Aucun de ces députés n'a affirmé que le ministre lui avait dit ou qu'il avait entendu le ministre dire les propos qu'il lui attribuait. L'un aurait même dit explicitement qu'il n'avait jamais entendu le ministre dire ces propos mais qu'il les avait pris dans les galées, si vous voulez, à ce moment-là. Bon.

Nous avons donc affaire dans ces cas à du ouï-dire, c'est-à-dire qu'on affirme quelque chose en s'appuyant sur le dire d'un autre, sans avoir été le témoin direct du fait affirmé. Le recours au ouï-dire dans le discours humain est monnaie courante, et c'est normal, vous en conviendrez. Même dans notre Assemblée. On ne peut tout savoir, tout vérifier par soi-même. S'il fallait éliminer tous les ouï-dire dans cette Assemblée, nos discussions en seraient dramatiquement raccourcies. Affirmer sur la base du ouï-dire est accepté dans notre Assemblée, oui, mais jusqu'au moment où les propos tenus sont niés par le ministre directement concerné. Tel que le stipule l'article 35, paragraphe 6°, le député qui a la parole ne peut refuser d'accepter la parole d'un député.

Le fait que le ministre ait nié avoir prononcé les propos qu'on lui attribue par ouï-dire est l'équivalent d'en affirmer la fausseté, mais n'est pas l'équivalent d'affirmer que leurs auteurs mentent. Mentir, c'est affirmer quelque chose en sachant qu'elle est fausse. Donc, dans ce cas, le fait, pour le ministre, de nier avoir tenu les propos qu'on lui attribue ne met pas en cause la bonne foi, la crédibilité de ces députés. Mais, lorsqu'un député réaffirme, après que le ministre les a niés, les propos qu'aurait tenus le ministre, alors il refuse d'accepter la parole du ministre et agit contrairement à l'article 35, paragraphe 6°. Il est donc interdit de les réaffirmer à nouveau dans cette Chambre.

Considérons maintenant le premier aspect de la situation, celui du rapport entre l'affirmation du député de Chomedey et celle du ministre de la Justice. Dans ce cas, nous avons affaire à une situation bien différente. Le député de Chomedey affirme que le ministre lui a dit qu'il fallait qu'il place ses gars. Le ministre de la Justice affirme qu'il n'a pas dit, qu'il n'a pas tenu de tels propos au député de Chomedey. Nous avons affaire à deux propositions contradictoires.

Les effets sont alors que l'affirmation du député de Chomedey est l'équivalent d'affirmer que le ministre ment quand il nie avoir prononcé les propos que lui attribue le député de Chomedey, et que, par ailleurs, l'affirmation du ministre de la Justice est l'équivalent d'affirmer que le député de Chomedey ment quand il affirme que le ministre lui a dit qu'il fallait qu'il place ses gars.

Vous voyez très bien que, dès que les deux affirmations sont prononcées devant l'Assemblée, il n'y a, à mon sens, qu'une seule façon de respecter l'article 35, paragraphe 6°, de notre règlement et de faire en sorte que ni le ministre de la Justice ni le député de Chomedey ne soient accusés de tenir des propos mensongers. C'est en percevant cette situation particulière, je dis bien, et pour mettre fin à ce cercle vicieux d'accusations réciproques et indissociables de mensonge et faire en sorte que les droits tant du député de Chomedey que du ministre de la Justice soient respectés dans cette Chambre que, lors de la séance de jeudi soir, j'ai invité les deux leaders, tant celui du gouvernement que celui de l'opposition officielle, à une entente pour cesser d'avoir recours dans les débats à venir aux affirmations précitées, celle du député de Chomedey et celle du ministre de la Justice.

Devant la récidive, vendredi soir, d'un député qui reprenait l'affirmation du député de Chomedey à l'égard du ministre de la Justice, à savoir que le ministre aurait dit au député de Chomedey qu'il fallait qu'il place ses gars, je suis intervenu pour rappeler l'entente de la veille avec les leaders. Mais, en présence d'une interprétation différente de l'entente par le leader de l'opposition, j'ai accepté de prendre en délibéré toute la question. Et, après analyse de l'ensemble de la situation et des différents arguments avancés dont je viens de vous rendre compte, j'en arrive à la conclusion qu'il sera interdit, en vertu de l'article 35, paragraphe 6°, à tout député, dans le cadre des débats de cette Assemblée, d'avoir recours à l'une ou l'autre des affirmations suivantes: «le ministre a dit qu'il fallait qu'il place ses gars» et encore «le ministre n'a jamais dit au député de Chomedey les propos qu'il lui a attribués».

Alors, je compte sur la collaboration des leaders pour que cette décision soit connue de tous les membres de leur groupe parlementaire.

Et je termine en réitérant ce que j'ai dit devant cette Assemblée. Les débats de notre Assemblée ne sont pas le forum pour débattre et décider d'un tel litige, à savoir si le ministre a tenu ou non, au député de Chomedey, les propos que ce dernier lui attribue. Notre règlement prévoit d'autres types de recours. Mais, dans le cadre de nos débats, nous devons respecter notre règlement, particulièrement l'article 35, où il est dit, entre autres, qu'un député qui a la parole ne peut refuser la parole d'un autre député.

M. Mulcair: M. le Président, question de règlement, question de...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Question de règlement, M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Oui, c'est plutôt de l'ordre d'une question de directive. J'aimerais bien m'assurer d'avoir saisi toutes les nuances de votre propos. Vous venez de dire que le ministre a nié les propos tenus par un autre député que moi-même lorsque cet autre député a réitéré mon affirmation à l'effet que, lors d'une réunion, le ministre a tenu les propos que vous venez de dire. Je dois vous dire, M. le Président, que jamais le ministre n'a nié ça à moi lorsque je lui ai demandé...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Une question de directive, monsieur, là, ce n'est pas reprendre un débat sur la question, là.

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Je comprends qu'il ne faut pas reprendre le débat sur le fond. Mais il faut, avec votre indulgence, néanmoins y donner un peu de contexte pour qu'on puisse se comprendre. J'ai répété... Et je fais bien attention de ne pas les utiliser maintenant étant donné ce que vous venez de dire, mais je veux bien m'assurer que j'ai compris. Lorsque j'ai répété en commission parlementaire ce que le ministre m'a effectivement dit, le ministre n'est pas intervenu, ça ne l'a pas dérangé, ça ne l'a pas offusqué. Il savait que c'était vrai, tout comme moi. Lorsque je l'ai répété ici, en Chambre...

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Non. Écoutez...

M. Bélanger: Là, ce n'est pas une question de directive, ça, là.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Très bien. Une question de directive, ce n'est pas le lieu de relancer un débat. À ce moment-là, je devrai refuser toute question de directive. Il n'est pas question de relancer le débat sur cette question-là, sur laquelle je viens de rendre la décision. Si vous voulez avoir une question de directive, c'est pour savoir ce que vous avez à faire dans l'avenir, probablement, quelque chose comme ça, mais je n'ai pas, si vous voulez, à entendre de nouvelles argumentations sur le fond de la question.

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Ma question de directive est la suivante. Vous venez d'interdire, si je comprends bien, à quiconque n'a pas participé à cette rencontre avec le ministre de réitérer les propos en question. Est-ce que vous êtes en train de m'intimer, comme parlementaire, la même injonction? Est-ce que vous êtes en train de dire que je n'ai pas, comme parlementaire, le droit ici, en cette Chambre, de répéter des mots qui ont été dits par le ministre, devant témoins, en dehors?

M. Bélanger: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le député, vous avez bien compris, vous avez très bien compris. C'est ça. De même que le ministre ne pourra pas revenir en cette Chambre pour réaffirmer et dire qu'il n'a pas tenu ces propos. Alors, je crois que c'est très clair, c'est de part et d'autre. Et cela, à mon sens, à cause de la situation particulière, c'est la seule façon de respecter l'article 35, paragraphe 6°. Alors, il y a une situation particulière, et ce n'est pas à l'intérieur de nos débats, ici... À l'extérieur du débat, vous avez votre entière liberté. Mais, dans le cadre de nos débats, étant donné le règlement qui existe, qui a été voté par l'Assemblée, je décide que et j'ai décidé que, dans ce cadre-là, la seule façon de respecter le règlement, c'est d'interdire, de part et d'autre, d'avoir recours aux affirmations qui, en elles-mêmes, par la situation précise que j'ai mentionnée tantôt, impliquent directement qu'on s'accuse mutuellement de menteurs. Et ça, ce n'est pas selon l'esprit du règlement. Et je ne vois pas d'autre façon de respecter le règlement que d'interdire, de part et d'autre, à l'avenir, de revenir sur les affirmations en question. Brièvement.

M. Paradis: M. le Président, l'article 41 de notre règlement nous condamne à suivre votre décision; il n'y a pas d'appel de votre décision. Cependant, je vous demanderais, M. le Président, de porter attention aux éléments suivants parce qu'on est dans un cas de précédent. Dans votre décision – j'ai porté attention – vous n'avez cité aucun précédent. Lorsque vous dites que c'est une façon de régler le problème, votre décision, M. le Président, évidemment ça va constituer un précédent. Je ne voudrais pas que ça l'évacue de la façon qui a toujours prévalu, qui était de faire appel aux dispositions de l'article 55 de la loi de l'Assemblée nationale ou aux articles 315 et suivants de notre règlement.

(11 h 20)

Je voudrais m'assurer qu'un ministre qui se sent attaqué, à l'avenir, au lieu de se défiler et de demander...

M. Bélanger: Question de règlement.

Le Vice-Président (M. Brouillet): S'il vous plaît! Jusque-là, ça allait très bien...

M. Bélanger: Question de règlement, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Là, dans une question de directive ou de règlement, pour laquelle je cherche encore l'article auquel ça correspond, on est en train de contester votre décision, la sagesse de votre décision, M. le Président. Votre décision est rendue. Et, en plus, on se permet encore d'imputer des motifs au ministre.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Écoutez, M. le leader de l'opposition, j'ai dit – et la fin de mon discours est très claire – j'ai bien précisé que, dans le cadre de nos débats ici, le règlement permettait d'autres recours. C'est à vous de les analyser avec vos conseillers. Je n'ai fermé la porte à aucun autre recours. Ah non! Non, non, je n'ai pas fermé la porte à d'autres recours, ça c'est très clair. La fin de mon... Vous verrez le texte, c'est vrai que – un texte que j'ai donné assez rapidement, là, mais vous pourrez le voir dans le Journal des débats – j'ai très bien réitéré que tous les autres recours permis par le règlement sont à la disposition, si vous voulez, des membres de cette Assemblée. Et c'est à vous d'en juger avec vos conseillers. Je n'ai pas à vous conseiller sur les recours autres, mais il y en a de prévus à notre règlement.

M. Paradis: M. le Président, je maintiens que votre décision constitue un précédent. D'ailleurs, vous n'en avez invoqué aucun autre au moment où vous avez rendu votre décision. Ce que je veux éviter, c'est qu'on ferme la porte, pour que, lorsque ces situations se présentent, ce ne soit pas le président qui doive prendre la responsabilité de dire aux gens: On n'en parlera pas. Parce que – je vais peut-être être un petit peu en haut du débat, là – d'un côté ou de l'autre, quand quelqu'un est accusé de quelque chose, il n'a pas le réflexe ou les conseillers nécessaires pour prendre les dispositions qui sont prévues au règlement pour ne pas faire porter par la présidence le fardeau de rendre ce type de décision à laquelle nous allons nous soumettre mais qui est sans précédent dans cette Chambre.

Deuxième élément, M. le Président, j'essayais de suivre. Et peut-être que vous pouvez m'apporter un éclaircissement, je sais que vos antécédents en philosophie parfois vous permettent de comprendre des choses qui nous échappent. Lorsque vous avez parlé de la question du ouï-dire, je regardais des deux côtés de la Chambre, tout le monde suivait votre argumentation, etc. Lorsqu'on en est arrivé aux propos prononcés par d'autres députés qui n'avaient pas été des témoins immédiats, vous avez penché – et c'était votre droit, et c'est encore votre droit de le maintenir et de le faire, comme président – en disant: Le député ne pourra pas répéter ces propos, puisque le ministre les a niés et que l'article 35 commande de prendre la parole d'un ministre comme telle.

Mais, moi, je vous soumets respectueusement, là... Placez-vous dans les souliers d'un député de ce côté-ci de la Chambre qui a également un témoignage – et je fais juste vous demander si vous pouvez apporter des précisions – qui a également la parole du député de Chomedey. Il semble que ces députés ont choisi de prendre cette parole-là et, aujourd'hui, par votre décision, moi, je veux bien comprendre...

M. Bélanger: On est en retard. M. le Président, question de règlement.

M. Paradis: Je suis sur une question de règlement. Est-ce que je peux terminer?

M. Bélanger: Oui, mais il est en train de tenir des propos... M. le Président, on est en train de refaire le débat. On est en train de contester votre décision.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je suis capable de me défendre sur ce point-là.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Vice-Président (M. Brouillet): Écoutez, j'ai pensé à tout ça et, malgré tout ça, j'ai maintenu ma décision. C'est justement parce que les députés de même que le président n'ont pas à préjuger lequel des membres dit la vérité ici, comprenez-vous, pas plus que, moi, je dois le préjuger. Et c'est parce que je ne préjuge pas lequel dit la vérité ou... C'est pour ça que j'ai dit, étant donné la situation: Dans le cadre de nos débats ici, évacuons cette question-là, et, s'il y a d'autres instances, d'autres recours possibles, elle pourra toujours être débattue là, si vous y avez recours de part et d'autre.

M. Paradis: M. le Président, vous avez insisté, dans votre décision, et c'est à juste titre que vous l'avez fait... C'est clair, dans le règlement: lorsqu'un député a la parole, on doit prendre sa parole. Je pense que personne ne va argumenter là-dessus, même pas le leader du gouvernement. À partir de ce moment-là, lorsque le député de Chomedey dit des choses et que je prends sa parole, à ce moment-là je suis pris, et c'est votre décision qui me jette, comme parlementaire, là-dedans et qui me – si vous me passez l'expression, on est dans une motion de bâillon – bâillonne, comme tel, sur ce propos-là parce que vous m'obligez à prendre la parole du ministre, à ce moment-là, et qui est contradictoire à celle du député.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je ne prends la parole de personne. Et c'est juste... Non, parce que je ne dois pas décider. On n'a pas ici un forum pour pouvoir en décider, de ce litige, et je n'ai pas l'autorité et les instruments réglementaires pour en décider ici. Il y a d'autres recours possibles dans d'autres forums, et c'est à vous de décider, avec vos conseillers, s'il y a lieu d'y avoir recours.

Maintenant, l'ensemble des députés se trouvent dans la situation dans laquelle je dois me placer, c'est qu'on ne doit pas trancher entre les différents témoignages, si vous voulez. Quand on met en question la parole d'un député, et comme, en l'occurrence... Et c'est très particulier. Et, si c'est un précédent, c'est un précédent parce que la situation est très particulière.

Elle n'est pas loin, en tout cas. Ce n'est pas une question ici d'opinion contraire, d'opinion divergente, d'argumentation sur des faits. On peut questionner les ministres sur tout. Là, il est question, sur un point très précis, si vous voulez... où on conteste la parole qui, si elle est elle-même contestée, fait en sorte qu'on est dans un renvoi réciproque d'accusations de mensonge.

Alors, devant cette situation, ma décision, je l'ai rendue et je suis capable de la défendre comme je l'ai exposée. Je vous demanderais, s'il vous plaît, de poursuivre le débat sur la motion de clôture. Est-ce qu'il y aurait un prochain intervenant sur la motion de clôture?

M. Paradis: M. le Président, oui, je suis le prochain intervenant.

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le leader, le prochain intervenant.

M. Paradis: Je vous demanderais, dans les circonstances – je n'attendais pas cette décision-là – une suspension de nos travaux pour cinq minutes à peu près.

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le leader, cinq minutes?

M. Bélanger: M. le Président, j'avoue que je suis un peu pris de court par cette demande de suspension de cinq minutes, j'aimerais en connaître le pourquoi. Je pense que ça ne change absolument rien, M. le Président, au débat, la décision que vous venez de rendre, dans le sens que les gens peuvent toujours parler sur la motion de clôture qui a été faite, M. le Président. Je comprends peut-être qu'il y ait des émotions de l'autre côté, mais je pense que ça ne peut pas empêcher de parler. Alors, je ne pense pas qu'il y ait matière à faire une demande de suspension.

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le...

M. Paradis: M. le Président, si votre décision ne change rien au débat, je vous prierais de la retirer.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous prierais de changer votre débat.

M. Bélanger: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le leader.

M. Bélanger: ...afin de dénouer l'impasse, je vais immédiatement procéder à ma réplique. Alors, à ce moment-là, on pourra régler le problème, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): S'il n'y a pas d'autre intervenant... M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Oui, M. le Président. Le gouvernement, non satisfait de procéder avec un projet de loi qui vise à faire en sorte qu'il pourra nommer dans des fonctions quasi judiciaires ses petits amis, M. le Président, le gouvernement, non satisfait...

M. Bélanger: M. le Président!

Le Vice-Président (M. Brouillet): Oui, M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Après votre jugement, votre décision, M. le Président, le leader de l'opposition modifie à peine les propos pour exactement porter la même accusation contre le ministre de la Justice. M. le Président, je vous demanderais d'être vigilant, que votre décision soit respectée. Non pas uniquement le verbatim de votre décision, mais l'esprit de votre décision qui est à l'effet qu'on peut faire des débats dans cette Chambre sans attaquer les gens. Je comprends que le modèle du député de Chomedey, des fois, peut être tentant à suivre, mais ce n'est pas le modèle à suivre, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Écoutez, quelqu'un me parlait, ici, à la tribune. Je n'ai pas du tout... Alors, je vous inviterais quand même à respecter la décision. Mais je n'ai pas entendu, je ne peux pas préjuger... Je n'ai pas entendu. Très bien, M. le leader de l'opposition.


Reprise du débat sur la motion de clôture


M. Pierre Paradis

M. Paradis: Oui, M. le Président. Nous avions demandé une suspension de quelques minutes – je suis toujours sur la question de règlement, je ne veux pas que ça soit pris sur mon temps, M. le Président – pour aller vérifier les tenants et aboutissants de la décision que vous avez rendue, de façon à être capables de l'assimiler et de la traduire correctement.

Le leader de l'opposition...

Une voix: Du gouvernement.

M. Paradis: ...dans son idéologie de «bulldozer» – on va vous passer sur le corps, etc., en fin de session – a refusé une suspension de cinq minutes.

Vous m'avez donc reconnu, M. le Président, et je prends la parole dans le cadre d'une motion de bâillon sur le projet de loi n° 130, et j'étais en train, lorsque j'ai été interrompu inopinément par le leader du gouvernement, d'expliquer à la population dans le cadre de quel débat on se retrouve. On se retrouve dans le cadre d'un bâillon. Ça, ça veut dire qu'on enlève les droits de parole aux députés qui voulaient s'exprimer sur un projet de loi par lequel le ministre de la Justice vise à nommer ses petits amis sur des tribunaux administratifs, M. le Président. C'est ça, l'essence même du projet de loi et c'est le pourquoi du bâillon du leader du gouvernement, M. le Président.

(11 h 30)

Si vous avez encore des doutes, M. le Président, sur la façon dont le ministre de la Justice veut s'y prendre, avec la complicité du leader du gouvernement et de quelques ministériels de l'autre côté, je veux simplement vous rappeler des événements qui ont fait l'objet de quelques questions, à la période des questions, ici, en cette Chambre. Et on a vu un ministre du gouvernement dire on ne peut plus clairement comment il entendait remplacer des régisseurs ou des commissaires, des gens qui rendent des décisions quasi judiciaires, si les décisions quasi judiciaires ne faisaient pas l'affaire du gouvernement, M. le Président. Ça, si ce n'est pas avouer à l'avance qu'on a l'intention de procéder à des nominations politiques, moi, je n'y comprends rien. Peut-être que ces gens-là n'ont pas suivi attentivement.

Je vois le ministre de l'Agriculture – je n'insisterai pas sur l'application de l'article 32, là – qui est parmi nous. Il va se rappeler le cas de l'abattoir de Saint-Esprit. Dans le cas de l'abattoir de Saint-Esprit, l'Union des producteurs agricoles est allée sur la place publique pour dire très publiquement: Il y a eu de la manipulation politique dans le cas de la décision rendue par la Régie des marchés agricoles et alimentaires du Québec. M. le Président, si on a encore un doute qu'on veut nommer des régisseurs qui soient favorables au gouvernement, qui soient des amis du gouvernement, on n'a qu'à reprendre les éléments de presse qui ont entouré cette affaire. Le cultivateur, là, une personne raisonnable qui se comporte raisonnablement quand il sent que le jeu est «fair»; mais, quand il sent qu'il y a de la dictée politique pour en arriver à des fins politiques, bien, le cultivateur, il pose des questions, puis il y a des ministres qui répondent, M. le Président.

Je fais l'extrait – vous allez comprendre facilement – d'une dénégation, en apparence, d'un ministre du gouvernement qui confirme qu'il attendait le projet de loi n° 130 pour nommer à des postes stratégiques, pour rendre des décisions quasi judiciaires, des petits amis du gouvernement. C'est sous la plume de Jean-Charles Gagné, M. le Président, dans La Terre de chez nous , sous le titre «L'abattoir de Saint-Esprit: Brochu investira 3 000 000 $ de plus». «Le ministre responsable du Développement des régions a voulu dissiper toute ambiguïté quant à l'ingérence du politique dans la décision de la Régie.» Il était sur la défensive. Les cultivateurs l'accusaient de s'en être mêlé politiquement et d'avoir dicté à la Régie la décision qu'ils devaient prendre.

Vous savez ce qu'il a dit, le ministre? Je cite le ministre: «Je n'ai pas dit un mot à partir du moment où le dossier a été transmis à la Cour supérieure ou à la Régie, a dit M. Chevrette.» Et là vous allez vous rappeler, la semaine passée, qu'il s'est levé en cette Chambre pour dire: Vous avez vu ce que j'ai fait avec l'abattoir de Saint-Esprit? Je suis content. On n'a pas dit un mot. Il a nié en Chambre ce qu'il a déclaré au journaliste, M. le Président. «Je suis très respectueux des procédures devant les tribunaux – il dit ça sans rire – je ne connais pas les régisseurs et on ne téléphone pas à un tribunal administratif. Si la Régie avait rendu un autre jugement, aurait-on parlé d'ingérence politique? a demandé le ministre, applaudi par les participants.» Retenez bien cette situation-là; le leader, qui a une formation en droit, va tout comprendre. «Si la Régie a un comportement politique, dites-le-nous et on va changer les régisseurs, a affirmé le ministre.»

M. le Président, «on va changer les régisseurs». Une menace à peine voilée. Si ces gens-là ne rendent pas les jugements qu'on veut que le gouvernement rende, on va les changer, on va nommer nos petits amis pour s'assurer qu'on contrôle à la fois l'Assemblée nationale, par notre majorité servile ministérielle, qu'on contrôle l'exécutif, M. le...

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Il y a de nombreux précédents dans nos décisions, M. le Président, et je me souviens moi-même, pour les avoir vues quand j'occupais votre poste, quand on parle de «majorité servile», c'est complètement antiparlementaire et je crois que le leader de l'opposition devrait retirer ceci de ses propos, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le leader de l'opposition, effectivement, «majorité servile», ça a été, à différentes occasions, là... Et je crois que c'est selon l'esprit du règlement, que ce sont des paroles qui devraient être non parlementaires. Alors, je vous inviterais, s'il vous plaît, à ne pas utiliser cette expression-là. Alors, évitez dans vos propos, autant que possible, les propos non parlementaires.

M. Paradis: Oui. M. le Président, il y a sans doute une meilleure façon de décrire, en cette Chambre, une majorité qui se tait, qui ne prononce pas un mot, qui encaisse les coups et qui vote lorsque le ministre vote ou le leader du gouvernement leur demande de voter. Il y a quelqu'un qui me suggère d'appeler ça le «silence des agneaux». Si ça les insulte moins, M. le Président, je retire les mots que j'ai prononcés et maintenant on fera face, d'ici la fin de la session, au silence des agneaux et des agnelles sur ce type de projet de loi.

J'en étais donc, M. le Président, à un gouvernement qui, fort de cette majorité silencieuse en Chambre et qui ne cherche qu'à rendre service au ministre et au leader du gouvernement, contrôle l'exécutif et veut maintenant contrôler le judiciaire et le quasi judiciaire en nommant des petits copains dans ces tribunaux dits quasi judiciaires.

Quand une société est contrôlée à partir de ces trois niveaux, on s'éloigne de ce qu'on appelle la «séparation des pouvoirs dans une société», et la séparation des pouvoirs, c'est ce qui garantit la démocratie comme telle. Mais, pour les gens de l'autre côté, ce n'est pas important. On veut tout contrôler parce que, pour eux, le citoyen n'en a pas, de droits, sinon le droit de se faire imposer des choses par le gouvernement.

Moi, je n'en revenais tout simplement pas que le ministre de la Justice, face au tollé de protestations du Barreau du Québec, entre autres, qui a comme seul intérêt, dans ce domaine-là, de s'assurer de l'impartialité des décisions rendues, de l'indépendance nécessaire des juges, ne prenne pas un temps de réflexion.


Motion d'ajournement du débat

Dans le but de l'aider à prendre un temps de réflexion, je fais donc une motion, à ce moment-ci, en vertu de l'article 100 de notre règlement, qui se lit comme suit: «L'ajournement du débat peut être proposé à tout moment de la séance. Il ne peut l'être qu'une seule fois, sauf par un ministre ou un leader adjoint du gouvernement. Une telle motion ne requiert pas de préavis et ne peut être amendée.» Je fais donc motion pour que nous ajournions notre débat de façon à permettre au ministre de la Justice de prendre connaissance des avis unanimes des gens qui sont concernés par l'indépendance du judiciaire et qui...

Une voix: On lui donne la chance.

Une voix: La chance.

M. Paradis: On lui donne finalement une dernière chance de procéder par intelligence plutôt que de procéder par bâillon, M. le Président.

Une voix: C'est ça.

Une voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, la motion d'ajournement est recevable – c'est au début de la séance nouvelle – et les temps de parole, c'est 10 minutes pour l'auteur, 10 minutes pour l'autre parti et une réplique de cinq minutes, hein? 10-10-10. C'est ça, oui. Alors, M. le député de Chomedey pour débuter? M. le député de Chomedey.


M. Thomas J. Mulcair

M. Mulcair: Oui. Merci, M. le Président. Tout le monde qui a suivi les travaux de cette Assemblée ce matin, lors de la période des questions, a été en mesure de constater à quel point le ministre de la Justice semble avoir de la difficulté à comprendre les tenants et aboutissants du projet de loi n° 130. On les lui a expliqués en citant la lettre très récente du Barreau dans laquelle le bâtonnier dit que c'est inconcevable, prématuré et inapproprié de procéder à l'adoption de ce projet de loi là. C'est pour ça que j'appuie la motion de mon collègue le leader de l'opposition, pour la bonne et simple raison que le projet de loi n'est effectivement pas mûr. Ce n'est pas prêt.

Et, comme l'exemple du ministre des régions vient de nous le démontrer très clairement, le gouvernement a une idée dans la tête qui n'a rien à voir avec l'application de la justice dans le meilleur intérêt de la population, et ça a tout à voir avec une intention d'avoir une loi qui va lui permettre de mettre ses gars en place, comme mon collègue le leader de l'opposition vient de le dire.

M. Bélanger: M. le Président, je vous demanderais d'être...

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le leader...

M. Bélanger: C'est important, je pense, de constater que le député de Chomedey reprend les mêmes affirmations que vous lui avez dit qu'on ne pouvait plus maintenant reprendre. Je vous demande, s'il vous plaît, de faire respecter votre décision.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, M. le député de Chomedey, je m'excuse. Il ne faut pas penser à ses péchés une seconde, parce qu'on manque des choses. Ha, ha, ha! Alors, je n'ai pas saisi le dernier de vos propos, mais c'est entendu que vous ne pouvez pas redire dans cette Chambre, dans le cadre de ce débat, que le ministre vous aurait dit cela. C'est ce point-là que j'ai précisé, tantôt. Alors, j'ai... Très bien. M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Je tiens à vous rassurer, M. le Président, vous n'avez rien manqué du tout. Il n'y a pas eu un moment d'inattention de votre part, parce que je n'ai jamais affirmé que c'est quelque chose que le ministre m'a dit. Ce que j'ai dit, par contre, c'est que toute lecture objective du projet de loi rend très clair le fait que le Barreau a raison...

Une voix: Oui.

M. Mulcair: ...que le gouvernement est en train d'instaurer un régime où les régisseurs vont être des nominations partisanes, politiques et que c'est très clair que l'intention du gouvernement dans ce projet de loi, c'est d'avoir des mécanismes qui lui permettraient de mettre son monde en place, de nommer ses gars. C'est ça que j'ai dit, M. le Président, et ça saute aux yeux quand on lit le projet de loi n° 130.

(11 h 40)

Il y a des règles très strictes qui existent pour assurer la protection du public, et une des garanties fondamentales dans notre société, c'est, lorsqu'une décision doit être rendue par un tribunal judiciaire ou quasi judiciaire, qu'on doit s'assurer que le décideur est impartial et indépendant. Le projet de loi n° 130 manque complètement à cet égard-là. Rappelons que, dans le domaine du droit administratif, c'est le citoyen – c'est vous, c'est moi – face à l'appareil de l'État, et on a des moyens très limités pour traiter avec l'État. C'est pour ça que, dans ces cas-là, c'est très important d'assurer la justice et d'assurer que cette justice soit vue comme étant rendue d'une manière très équitable, ouverte, impartiale et indépendante.

Qu'est-ce qu'on retrouve, en fait, dans le projet de loi n° 130, M. le Président? On trouve des gens qui vont être nommés au plaisir du gouvernement, parce que c'est le gouvernement qui, pour des raisons aussi faibles que le désir, l'opportunité de nommer de nouveaux membres... Ça, c'est ce que le ministre de la Justice considère être un critère: si on décide qu'on a besoin de nouveaux membres, on n'a pas besoin de garder les anciens. Ça, M. le Président, c'est de s'assurer que les décideurs ne sont pas autonomes, ne sont pas indépendants.

Alors, il est possible effectivement, comme c'est le cas à l'heure actuelle, d'avoir des décideurs qui ne rencontrent pas les critères d'autonomie et d'indépendance, s'il y a un appel vers une personne qui est un vrai juge. Alors, si on veut garder le système des nominations et des reconductions aux cinq ans, il faut avoir un appel; si on n'a pas d'appel, il faut s'assurer que ce sont des vrais juges. Ça, c'est l'enseignement de la Cour suprême, M. le Président, dans la cause concernant le bar en question, et une décision récente concernant la Régie des alcools du Québec. C'est ça, l'importance de la décision. C'est qu'ils sont en train de nous dire que le plus haut standard pour les juges administratifs, c'est l'inamovibilité, c'est-à-dire qu'ils ne peuvent pas être enlevés, à moins d'avoir des causes graves comme on a vu avec certains juges, et il faut avoir aussi des garanties d'appel, et c'est ce que le Barreau du Québec dit, c'est ce que nous disons.

Le ministre de la Justice semble croire que, parce qu'il a entendu des groupes, même s'il ne les a pas écoutés, il s'est acquitté de ses responsabilités. C'est faux, M. le Président. Le ministre de la Justice ne semble pas comprendre qu'il ne peut pas avoir les deux, qu'il ne peut pas exclure tous les appels. C'est ce que le projet de loi n° 130 fait, ça exclut tout droit d'appel. Et, en même temps, ça fait que le citoyen va arriver devant un décideur qui va dépendre du gouvernement pour gagner sa vie. Il n'est pas autonome, il n'est pas indépendant, c'est ce que la Cour suprême nous dit dans la cause récente concernant la Régie des alcools.

C'est pour cette raison, M. le Président, qu'il est inconcevable – ça, ce n'est pas nous qui le disons, c'est le Barreau du Québec qui le dit au ministre de la Justice – c'est inconcevable, c'est prématuré, personne n'a eu le temps de parcourir les faits exacts des 800 articles du projet de loi d'application et le nombre d'occurrences où ça réduit, ça enlève des droits des citoyens, et c'est inapproprié. Oui, M. le Président, c'est inapproprié que cette Assemblée procède en imposant le bâillon. C'est inimaginable ce qu'ils sont en train de faire. Ils l'ont fait pour l'aide juridique l'année dernière, ils ont enlevé des droits des citoyens dans le domaine de l'aide juridique. Ils sont en train de répéter cette erreur aujourd'hui, en muselant l'Assemblée nationale, en imposant un bâillon, en arrêtant le débat démocratique, parce qu'ils ne sont pas capables de se défendre autrement. Personne ne les suit là-dessus. Même le Barreau du Québec, la plus importante institution en matière de protection du public dans le domaine de la justice au Québec, dit carrément au premier ministre: Arrêtez-le! il est en train de faire la même chose que ce qu'il a fait avec l'aide juridique l'année dernière, il enlève les droits aux citoyens, arrête-moi ça!

Le ministre de la Justice n'a jamais eu de réponse d'appui de son premier ministre, et c'est avec raison. Le premier ministre est un avocat qui comprend ces questions de justice fondamentale là, contrairement au leader du gouvernement qui, lui, de toute évidence, n'y comprend rien, parce qu'il prend tous les moyens pour stopper un débat correct, ouvert, public sur les dires et agissements du ministre de la Justice dans ce dossier-là, pour des fins purement partisanes, parce que son souci de la justice, il l'a démontré lorsqu'il était dans l'opposition, et il parlait souvent du besoin d'assurer la protection du public, l'intérêt du public et la justice. Maintenant qu'il est au pouvoir, maintenant qu'il est au gouvernement, il a exactement la même vision. C'est le rouleau compresseur, on enlève tout de la track. La justice, les citoyens, l'intérêt du public, dehors! On ne veut rien savoir; nous, on a une majorité, on veut pouvoir mettre nos gars en place, on veut adopter une loi dont le seul et unique but, c'est de nous permettre d'avoir une machine de patronage pour nommer notre monde, et on va enlever aussi les intérêts du citoyen...

Des voix: Oh! Oh!

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le député de Chomedey, est-ce que vous avez terminé votre intervention? Alors, à ce moment-là, je vous demanderais de retirer le mot «patronage», s'il vous plaît, parce que ça a été décidé unanimement, dans cette Chambre, que c'est non parlementaire.

M. Mulcair: Merci, M. le Président, pour cette précision. Je le substituerais pour un terme qui est accepté, c'est des nominations «partisanes»...

Une voix: C'est ça.

M. Mulcair: ...ou, comme d'aucuns ont eu l'occasion de le dire au cours des derniers jours, de vouloir mettre leurs gars en place.

C'est ça, M. le Président, le vrai et unique but du projet de loi n° 130. C'est pour ça qu'on abonde dans le même sens que le Barreau du Québec, qui dit que c'est inconcevable, c'est prématuré, c'est inapproprié de procéder à l'adoption de cette loi-là. Et c'est vrai, M. le Président, que tout le monde désire, depuis 25 ans, qu'on fasse le ménage dans le droit administratif au Québec. C'est pour ça que l'opposition a apporté toute sa collaboration pour l'adoption rapide – on se l'est même fait reprocher, de les avoir adoptés trop rapidement – de la vaste majorité des articles du projet de loi. Mais le ministre de la Justice, avec l'appui du leader de son gouvernement, maintenant refuse obstinément de voir l'évidence que le projet de loi n° 130 est voué à l'échec, va être combattu et cassé devant les tribunaux par un groupe ou une association quelconque qui va arriver devant de vrais juges qui vont avoir leur inamovibilité, qui n'auront pas peur de rendre leurs décisions, et qui vont conclure, comme le Barreau a conclu, comme tous les experts présents à l'Université de Montréal, lors du forum, ont conclu, qu'on ne peut pas à la fois avoir des gens qui sont dans un statut précaire...

À l'heure actuelle, il y a 50 personnes qui décident entre le citoyen et l'État qui n'ont pas encore été renouvelées. Est-ce que vous pensez que le citoyen croit que c'est juste, d'être devant une personne qui ne sait pas encore si elle va avoir un chèque de paye le mois prochain, et que c'est contre le gouvernement? Et c'est le même gouvernement qui va décider si elle va avoir son chèque de paye? Ça n'a pas d'allure. On ne peut pas avoir et des gens qui ont ce statut précaire et n'avoir aucun appel prévu aux termes de la loi. Pourtant, M. le Président, le ministre de la Justice poursuit. Il pousse, il «bulldoze», il utilise le rouleau compresseur et il utilise le bâillon, la guillotine, ici, à l'Assemblée nationale, pour essayer de passer ce projet de loi.

On a eu cette occasion, et on l'a rappelé encore aujourd'hui, à la période des questions. Au mois de juin, l'année dernière, on les a mis en garde: Votre réforme d'aide juridique, c'est voué à l'échec. Devinez quoi, M. le Président? Aujourd'hui, on constate l'échec, l'échec total de leur réforme d'aide juridique. Aujourd'hui, on est en train de leur dire: Votre projet de loi n° 130, votre réforme, même si une réforme est souhaitable, cette réforme est bâclée. Elle est inutile. Elle ne va aller nulle part.

Et c'est pour ça, M. le Président, que j'appuie la motion de mon collègue visant à mettre fin à ce débat, conformément au souhait des experts, conformément à la demande du Barreau et conformément à la logique, et dans le but d'assurer la protection du public et de faire avancer la justice. Merci.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le député de Chomedey. M. le leader du gouvernement.


M. Pierre Bélanger

M. Bélanger: Oui. M. le Président, dans le cadre de mon intervention – j'ai droit à une intervention de 10 minutes, je crois – je voudrais peut-être juste corriger quelque chose. Peut-être que le député de Chomedey... son leader n'a peut-être pas eu le temps de mettre à jour son nouveau règlement. On n'est pas dans une motion de suspension des règles, mais dans une motion de clôture. Il y a une très grande différence entre les deux.

Une motion de suspension des règles, nous en avons eu une en 1992 où 28 projets de loi avaient été adoptés avec cinq minutes de temps de parole sur chacun des projets de loi. Ça, c'est une motion de suspension des règles à la méthode libérale, à la cuisine libérale, telle qu'on l'a vécue à l'Assemblée nationale, qui a été une véritable disgrâce pour ce système démocratique: 28 projets de loi. Donc, avant de jouer les vierges offensées, M. le Président, regardons l'histoire, regardons ce qui s'est passé, regardons ce que, de l'autre côté, ils nous ont fait en 1992. Alors, c'est une motion de clôture. La distinction est importante, M. le Président, parce qu'une motion de clôture, il va y avoir encore... Tous les députés en cette Chambre pourront faire des exposés au niveau de la prise en considération du rapport de la commission. Lors de l'étape de l'adoption, tous les députés pourront encore s'adresser, pourront encore faire les interventions relativement à ce projet de loi.

Donc, je pense que le député de Chomedey devrait, dans sa rigueur intellectuelle qu'on lui connaît, au moins faire, à ce moment-là, cette distinction qui est fondamentale. Quand, en 1992, on avait cinq minutes sur chaque projet de loi, ce n'est pas comme quand, à ce moment-là, les députés en cette Chambre ont encore deux fois la possibilité de pouvoir intervenir sur ce projet de loi.

Après ça, je l'écoute, M. le Président, puis je me demande s'il vit dans une réalité virtuelle. Je le crois. Plus je l'écoute, là... je crois qu'il existe, qu'il vit dans une réalité virtuelle. Présentement, en attendant cette réforme-là, il n'existe à peu près aucun critère pour nommer des gens sur les tribunaux administratifs. Les critères, et c'est le point de ma remarque que j'avais faite en 1993, M. le Président... C'est pour ça que cette réforme est importante, et elle est urgente. Pendant neuf ans qu'ils ont été là, au pouvoir, il y a eu des ministres de la Justice qui se sont succédé et on a eu droit à une petite réformette qui a été tout de suite descendue en flammes. Il y avait juste cinq organismes, je pense, cinq ou six qui étaient visés par la réformette des libéraux, M. le Président. Tout le monde a été unanime pour dire: Tant qu'à faire une réformette, aussi bien ne pas en faire et puis rester dans la situation où l'on est là présentement.

(11 h 50)

C'est la première fois depuis des dizaines d'années qu'un ministre prend l'initiative de faire une réforme aussi importante de l'ensemble de nos tribunaux administratifs. On aurait pu s'attendre, M. le Président, à ce que l'esprit qu'on pourrait appeler justice, qui existe dans ce Parlement, je dirais, depuis au moins une vingtaine d'années... Normalement, un porte-parole de l'opposition en matière de justice et un ministre de la Justice évitent de faire de la politique partisane quand ils font des débats sur des projets de loi comme celui-là. Mais je pense que c'est en demander trop au député de Chomedey. Je le comprends, c'en est trop. C'en est trop de lui demander ça, M. le Président.

Pourquoi, s'il est fondamentalement opposé, d'accord, plutôt que de faire de l'obstruction systématique – mais que je ne dis pas qu'il n'a pas le droit de le faire en vertu de notre règlement – il ne fait pas des propositions concrètes d'amendements en disant: Écoutez, quant à nous, de ce côté-ci, nous pensons que l'intérêt de la justice serait mieux servi? Non, M. le Président, on prête des intentions, on accuse, on attaque. C'est à peu près la seule chose, pensant qu'à ce moment-là on va se valoriser ou on va se grandir. Rien n'est grandi de cette façon-là. Rien n'est grandi et je pensais que le député de Chomedey le réaliserait. Mais, au contraire, on dirait que c'est l'acharnement sur cette bonne vieille méthode, M. le Président.

Donc, je crois, oui, M. le Président, qu'il est important que cette importante réforme soit adoptée – et j'étais à la même réunion où était justement le député de Chomedey – de la part des différents intervenants du Barreau. À ce moment-là, je sais que le député de Chomedey, quant à lui, avait l'air fort déçu de la tournure de cette assemblée, parce que lui s'imaginait, à ce moment-là, que tout le monde allait dire: Non, M. le ministre, nous n'en voulons pas, arrêtez! Alors que même le bâtonnier a été obligé de faire la mise en garde dès le début: Écoutez, ce n'est pas une réunion qui a été organisée pour faire un blocage systématique. Nous voulons discuter de la réforme qui est sur la table et, contrairement à ce qui a été prétendu par certaines personnes, ce n'est pas ici un barrage contre le projet de loi mais nous voulons discuter, nous voulons dire où nous sommes divergents et où nous sommes convergents.

Parce qu'il faut comprendre, M. le Président, que certaines personnes ont dit: Écoutez, c'est un pas dans la bonne direction, il y a une amélioration dans ce qui a été proposé. Puis ça, évidemment, le député de Chomedey ne vous le dira pas – lui, le député de Chomedey, ne voit que le petit nuage noir au-dessus de la tête des gens; ça doit être triste peut-être de vivre de cette façon-là – mais c'est une amélioration. Mais ça ne veut pas dire qu'une fois que cette réforme va être adoptée il n'y aura pas moyen de la rendre plus perfectible.

Donc, le ministre a consulté abondamment relativement à sa réforme. C'est difficile d'avoir un consensus unanime, mais je crois que cette réforme va être bonne, M. le Président, et qu'elle va combler un vide. Et ça, au moins, si le député de Chomedey pouvait admettre que présentement c'est le vide absolu au niveau des processus de nomination, au niveau des organismes quasi judiciaires et que cette réforme va, je crois, améliorer énormément la situation et va même aller – et le ministre l'a dit aujourd'hui à la période de questions – dans le sens du jugement de la Cour suprême qui reconnaît les balises que le ministre de la Justice a mises dans sa réforme. Les balises sont reconnues par la Cour suprême, on sait qu'on s'en va en terrain balisé, en terrain qui va être reconnu par la Cour suprême du Canada, et je crois qu'il faut reconnaître ça. C'est pourquoi je recommande fortement l'adoption de la motion que j'ai faite et, en même temps, le rejet de la motion de report de l'ajournement du débat qui a été faite par le leader de l'opposition.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le leader du gouvernement. Il reste un 10 minutes d'intervention de la part de l'auteur de la motion, M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Sauf erreur, M. le Président, il reste 10 minutes d'intervention et le droit de réplique à l'auteur de la motion.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Oui, 10 et cinq, c'est ça.

M. Paradis: Très bien, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Il y a la réplique de cinq minutes aussi.


M. Pierre Paradis

M. Paradis: Moi, j'écoutais le leader du gouvernement, M. le Président, et je tentais de comprendre pourquoi il ne comprend pas. Il a tenté, sur le plan de ce que j'appelle la «procédurite parlementaire», de nous dire: Écoutez, ce n'est pas une motion pour suspendre les règles, c'est une motion de clôture, ce n'est pas la même chose, c'est bien différent. M. le Président, quand on est rendu là comme leader du gouvernement, il nous reste le choix des moyens pour empêcher les autres de se prononcer. C'est à peu près ça que ça veut dire là quand on a tout mis ça ensemble. Et qu'il ait choisi un plutôt que l'autre, il ne réussira pas à se glorifier. Il y en a un seul qui a tenté ça en cette Chambre, comme leader du gouvernement, moi, depuis que j'y siège – vous allez vous en souvenir, M. le Président – c'était le leader du gouvernement qui était le député de Vanier, Jean-François Bertrand, qui se glorifiait, lui, d'utiliser un plutôt que l'autre en disant: De toute façon, je vais vous passer sur le corps. Et cette attitude-là, qui est méprisante à l'endroit des élus du peuple, nous, on est habitués à ce mépris-là, mais je ne suis pas certain que les gens qui sont les justiciables comme tels – il y a des gens qui sont dans le système pour rendre la justice – considèrent que ça élève le débat, ça, de faire preuve de mépris à l'endroit de la population du Québec.

Moi, comme citoyen, et pour les citoyens que je représente, je suis inquiet devant un tel projet de loi. C'est pourquoi je vous demande de prendre le temps de réfléchir, de nous amener ici, en Chambre, les lettres de tous vos alliés. Vous dites que vous êtes allé à un colloque puis que tout le monde était d'accord avec vous.

Une voix: Non.

M. Paradis: Moi, c'est drôle, je n'ai pas vu une seule lettre d'une seule personne, d'un seul président de tribunal administratif, d'un seul juge, je n'ai rien vu qui supportait le gouvernement. Je n'ai même pas entendu de discours de députés péquistes qui le supportaient, mais quand même qui vont voter pour tantôt.

Le leader du gouvernement m'indique: Moi, je supporte ça. Comment, comme leader du gouvernement et comme député à l'Assemblée nationale, peut-il supporter un système qui vise à nommer des amis du parti? Je comprends qu'il se perd des jobs partout puis qu'on en perd 200 par jour, sept jours par semaine, qu'il y en a 60 000 de perdues depuis le début du mois de février, depuis l'arrivée du premier ministre. On veut en créer, des jobs, pour les petits amis. Ça, ça me dépasse un petit peu que le leader du gouvernement s'embarque là-dedans. Comment le leader du gouvernement, qui a peut-être déjà fait du bureau de comté et qui en fait peut-être encore, peut-il expliquer à des gens qui vont se présenter devant lui que, une fois que la décision du petit ami aura été rendue, il n'y a plus de possibilité d'appel, qu'on enlève au simple citoyen le droit d'en appeler de décisions de gens qui peuvent faire des erreurs, qui sont humains?

M. le Président, il y a même un député péquiste, en commission parlementaire – puis ça, ça doit allumer, ça doit sonner des cloches puis allumer des lumières – qui a dit: Moi, je n'embarque pas là-dedans. Peut-être que les autres députés péquistes devraient retourner au niveau de ce qui a été dit en commission parlementaire et dire: Nous non plus, on n'embarque pas là-dedans. Ce n'est pas vrai que c'est une chicane entre les libéraux puis le Parti québécois. La justice, c'est en haut de ces chicanes-là, parce que ce qui règne au-dessus de nous autres, c'est un pouvoir indépendant puis c'est un pouvoir séparé. Puis, qu'on soit ministériel ou dans l'opposition, bien, il faut s'y soumettre, à la justice, comme on se soumet – des fois, ça fait notre affaire, des fois, ça ne fait pas notre affaire – aux décisions que la présidence veut rendre.

Si, comme président, on disait: Ça nous prend un de nos petits amis, puis il n'y aura pas d'appel, je pense qu'il y a du monde qui ne serait pas à l'aise avec ça, ici. Mais, eux autres, c'est exactement ce qu'ils veulent faire avec ce projet de loi. Si vous pouviez vous exprimer, M. le Président, vous diriez: Je ne veux pas présider à un tel système puis je ne veux pas que mon nom soit apposé dans le cadre d'un tel projet de loi.

Je ne sais pas si on peut... On a très peu de temps, là, on fait l'objet d'un bâillon, d'une clôture, mais, en tout cas, notre droit de parole est drôlement amoché. Juste rappeler certains articles de journaux. Moi, je rappelle le vote en commission parlementaire d'un député péquiste – puis ça, c'est rare – qui a eu le courage de dire: Moi, je n'embarque pas dans cette mascarade-là puis dans ce système – je ne dirai pas « de patronage», vous allez me demander de le retirer – de nomination de petits amis. Je n'embarque pas dans ce système qui vise à faire en sorte que les citoyens soient privés d'un droit d'appel juste, impartial et neutre. M. le Président, juste quelques titres, s'il reste encore des gens capables de réfléchir, de l'autre côté. Allez voir à la commission parlementaire, relisez vos journaux des derniers mois concernant ce projet de loi là puis demandez au ministre de la Justice, s'il y a quelqu'un qui l'appuie, qu'il lui envoie une lettre, qu'il lui envoie un fax...

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Paradis: ...qu'il lui envoie un télégramme, qu'il nous appelle. On est prêts, nous, à faire preuve d'ouverture. Moi, tout ce que je peux lire, c'est ce qui suit: Le favoritisme entache les tribunaux administratifs; pas de justice à rabais; favoritisme et arbitraire minent la crédibilité. Dans le cas de la loi n° 130, favoritisme et arbitraire. Le pouvoir discrétionnaire de nomination du ministre suscite toujours la grogne. Un excellent article, puis je pense que c'est à la base même, au-delà de la partisanerie politique et de la nomination des petits amis, des juges vulnérables.

Présentement, il y a des commissaires qui siègent un peu partout et dont les mandats ne sont pas renouvelés. Pourquoi on ne renouvelle pas le mandat de ces gens-là, M. le Président? Deux raisons, puis dites-nous que ce n'est pas vrai. Parce qu'on veut rendre ces gens-là vulnérables. On veut qu'ils rendent les décisions que le gouvernement souhaite...

Une voix: Exactement.

(12 heures)

M. Paradis: ...puis on veut, après l'adoption de la loi n° 130, les remplacer par les petits amis. Mais, moi, je ne peux pas rester impassible, comme parlementaire, puis exposer des électeurs qui m'ont envoyé à l'Assemblée nationale à des décisions qui vont les affecter dans leurs droits quotidiens, qui vont être rendues par des petits amis des péquistes et sur lesquelles ils n'auront aucun droit d'appel. Ça sent la république de bananes, ce genre de projet de loi là.

M. le Président, s'il y en a qui ne croient pas le député péquiste qui s'est prononcé contre, qui avait de sérieuses réserves en commission parlementaire, un des leurs, qu'ils prennent le temps de lire ce que le bâtonnier du Québec a dit: La réforme de la justice administrative... Une longue lettre du bâtonnier qui a réitéré ses propos ce matin. Si ça ne vous convainc pas – c'est des mots qu'on ne peut pas utiliser en Chambre, je les retirerai si nécessaire, M. le Président – je vous donne le titre d'un article qui est apparu dans la revue Perspectives sous le titre – on en est rendu là; ce n'est plus: Et le gouvernement, bordel! – «Et la justice, bordel!»

C'est ce que le ministre de la Justice tente de faire avec son projet de loi n° 130, avec la complicité, M. le Président, du leader du gouvernement qui avait des raisons, jusqu'au moment où il soit complice, d'aspirer à ces fonctions-là. Peut-être qu'en l'associant à son projet de loi le ministre de la Justice fait en sorte que, sur le plan des valeurs fondamentales, le premier ministre va réaliser qu'il n'y a plus de garantie de valeurs fondamentales, qu'il n'y a plus de relève dans ce gouvernement, M. le Président.

Et si on enlevait toute possibilité de renouvellement de mandat des juges administratifs. Il y a des suggestions qui sont faites de façon constructive par les éditorialistes, par le Barreau du Québec et par les députés de l'Assemblée nationale. Et, au lieu d'écouter ces éléments-là qui sont constructifs – et qui ne rendront pas plus service aux citoyens de Brome-Missisquoi qu'aux citoyens de Matane, qui vont rendre le même service et la même justice auxquels les gens sont en droit de s'attendre dans les 125 circonscriptions électorales – tout ce que ce gouvernement trouve à faire, M. le Président, c'est de dire aux députés: Écoutez, là, on ne procédera même pas en suivant les règles du jeu qui sont prévues au règlement de l'Assemblée nationale. Non seulement on veut que le système judiciaire et quasi judiciaire ne soit pas impartial et indépendant, on veut mettre le grappin dessus, on veut en avoir le plein contrôle, on veut y nommer nos amis et enlever aux citoyens le droit d'appel des décisions de nos amis, mais on va faire ça à l'Assemblée nationale du Québec en suivant un dispositif qui n'est pas le dispositif normal de l'adoption des lois.

Vous le savez, M. le Président, nous sommes le Parlement qui adopte à peu près les lois le plus rapidement, si on se compare au Parlement fédéral, aux autres Législatures canadiennes ou même à d'autres Parlements. Comme si ce n'était pas assez rapide, comme si ça pressait bien, bien gros de nommer les petits amis, comme s'il y avait quelque chose qui menaçait ces gens-là dans leur quotidien. Moi, je comprends qu'ils ne peuvent pas se trouver de job ailleurs, le gouvernement n'en crée pas de jobs ailleurs.

Mais, avant de penser à nommer vos petits amis, est-ce que vous pourriez suspendre le débat et aller confirmer dans leur poste tous ceux et celles qui l'ont demandé, qui sont compétents, qui ont des rapports d'évaluation positifs, tous ceux et celles qui détiennent des mandats et qui rendent une justice quotidienne, malgré la pression qu'ils ont sur eux et sur elles? Il y a combien de commissaires présentement à la Régie du logement du Québec qui sont en attente de renouvellement de leur mandat pour pouvoir exercer leur rôle de régisseur avec toute l'impartialité qu'un tel rôle commande?

M. le Président, ce n'est pas simplement les éditorialistes. Ce n'est pas simplement un député péquiste – et certains autres le pensent, je vois ça à leur physionomie, mais ils n'oseront pas parce qu'il y a trop de rumeurs de remaniement ministériel dans l'air – il y a également des juges qui incitent le ministre de la Justice à faire preuve de beaucoup plus de prudence. Tout le monde connaît l'impartialité, l'intégrité et la compétence du juge Malouf. Vous me permettrez, à ce moment-ci, de citer l'honorable juge Malouf dans une décision qu'il a rendue dernièrement et qui incitait le gouvernement à faire preuve de beaucoup plus de prudence dans le cadre de ses nominations dans le régime actuel. Imaginez-vous, M. le Président...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous rappelle que vous entamez votre cinq minutes de réplique, là, parce que vous aviez 10 minutes d'intervention, puis ça fait plus de cinq. Le cinq minutes de réplique est entamé depuis quelques secondes.

M. Paradis: Alors, vous voulez dire, M. le Président, que je viens de terminer mon 10 minutes et que je commence, à ce moment-ci, le cinq minutes de réplique?

Le Vice-Président (M. Brouillet): Il y a une trentaine de secondes de passées dans le cinq minutes.

M. Paradis: M. le Président, vous me permettrez de faire le lien au niveau de la réplique. Les gens ne s'intéressent pas à la procédure comme telle; ils s'intéressent au fond du débat. Est-ce que le gouvernement a raison de procéder comme il le fait ou est-ce que le gouvernement est en train de bousculer les institutions pour en arriver à ses fins de nommer ses petits amis et d'enlever à nos concitoyens, qui sont parmi les plus démunis et les plus vulnérables, le droit d'appel qu'ils avaient ou qu'ils ont encore jusqu'au moment où le leader du gouvernement et son complice, le ministre de la Justice, arriveront à leurs fins contre les droits des plus démunis dans notre société?

Je cite l'honorable juge Malouf, donc, M. le Président, qui s'exprimait comme suit en parlant du ministre de la Justice du Québec. Là, ce n'est pas un député libéral qui parle, ce n'est pas le député de Chomedey qui parle; c'est le juge Malouf. «Il n'aurait pas dû accepter la nomination faite par la Commission municipale du Québec – en parlant du commissaire Claude St-Hilaire – lui demandant de faire l'enquête en question. Comment peut-on s'attendre qu'un homme déjà mêlé dans les affaires faisant l'objet de l'enquête soit complètement impartial dans la tenue de l'enquête et dans le rapport que lui et son collègue doivent, à la fin de l'enquête, soumettre aux autorités concernées? Je n'ai aucun doute qu'une telle nomination ne peut que soulever un doute sur la partialité de la personne concernée.»

Et ça, il s'agissait, M. le Président, simplement de quelqu'un qui avait déjà travaillé dans un bureau d'avocats, qui avait déjà été saisi de l'affaire, M. le Président. On se doit de conserver cette impartialité et cette indépendance à tout prix. On n'est pas en train de légiférer sur la nomination d'un attaché politique dans le cabinet du ministre de la Justice, là. Ils ont commis des gaffes dans à peu près tous les cabinets et, aujourd'hui, M. le Président, ils en assument les conséquences. Mais ce sont des nominations politiques à l'intérieur du système politique et ils doivent répondre politiquement des lacunes, M. le Président, de ces nominations. On a eu l'occasion d'en discuter au cours de toute une semaine à l'Assemblée nationale.

Nous sommes à l'intérieur d'un débat qui est fondamental pour le respect des droits les plus fondamentaux de chacun des concitoyens que nous représentons à l'Assemblée nationale, tous ces gens qui viennent nous voir avec leurs problèmes de Régie du logement, ces gens qui viennent nous voir avec leurs problèmes de Régie des marchés agricoles, ces gens qui viennent nous voir comme des accidentés du travail, comme des victimes d'accidents d'automobile, M. le Président. Nous sommes à l'intérieur de tous ces débats.

Qu'est-ce qu'on va répondre, M. le Président, au bureau de comté, le lundi, ou le samedi, ou les autres journées de la semaine, à ces gens-là, lorsqu'on se sera tu, lorsqu'on aura accepté d'être les complices silencieux d'un gouvernement et que, là, on dira: Ah! bien oui, regarde donc le commissaire Untel, c'était l'organisateur en chef du ministre de la Justice dans son comté; je ne comprends pas qu'il ait rendu cette décision-là, c'est un de nos «chums»? Et là le citoyen va nous demander: Oui, mais qu'est-ce que je fais? Puis là on va lui dire: Ah! Ah! on t'a enlevé ton droit d'appel, retourne-toi-z-en chez vous, tu n'as pas le droit de faire affaire avec personne d'autre qu'avec un petit ami du ministre de la Justice, puis, quand tu as perdu, bien, tu n'as plus de droit comme tel, M. le Président.

C'est ça qu'on est en train de discuter à l'Assemblée nationale du Québec. C'est de ça qu'on tente de forcer l'adoption en demandant aux députés de se taire, de se fermer puis de ne pas en parler, M. le Président. Puis, si j'étais dans la position du leader du gouvernement ou dans celle du ministre de la Justice – il reste du temps avant la fin de la session – peut-être que je prendrais un petit peu de recul puis que je dirais: Est-ce que, moi, je veux m'associer, là, pas à un projet de loi de nature exécutive, pas à un projet de loi qui vise à percevoir des taxes... On sait que le monde n'aime pas ça, mais que le gouvernement nous y force habituellement.

Mais, quand on est leader du gouvernement, qu'on a une formation en droit et qu'on est membre du Barreau, si le ministre de la Justice a le culot de nous demander de passer un bâillon ou une motion de clôture sur un tel projet de loi, M. le Président, on doit avoir de l'épine dorsale, se lever et dire au ministre de la Justice: Apporte-moi tes lettres d'appui, là; on est en train de toucher à ce qu'il y a de plus fondamental dans la société. Puis, quand il n'y en a pas, on ne devient pas complice d'un ministre qui est en train de priver l'ensemble des citoyens du Québec d'une justice neutre, impartiale, et qui est en train de priver les citoyens du Québec de leur droit d'appel quand il y a des erreurs, M. le Président. Merci beaucoup.

Des voix: Bravo!


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le leader de l'opposition. Alors, le débat est terminé. La motion d'ajournement du débat est-elle adoptée?

(12 h 10)

Des voix: Adopté.

Une voix: Vote par appel nominal.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Vote par appel nominal. Qu'on appelle les députés!

(12 h 11 – 12 h 21)

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'ordre, s'il vous plaît! Je vous inviterais à prendre vos places. Veuillez vous asseoir.

Alors, nous allons procéder au vote sur la motion d'ajournement du débat.

Que les députés qui sont en faveur de cette motion d'ajournement veuillent bien se lever, s'il vous plaît!

Le Secrétaire adjoint: M. Johnson (Vaudreuil), M. Paradis (Brome-Missisquoi), M. Bourbeau (Laporte), M. Gauvin (Montmagny-L'Islet), Mme Frulla (Marguerite-Bourgeoys), M. Lafrenière (Gatineau), M. Brodeur (Shefford), M. Williams (Nelligan), M. Gautrin (Verdun), M. Lefebvre (Frontenac), M. Farrah (Îles-de-la-Madeleine), Mme Delisle (Jean-Talon), M. Bordeleau (Acadie), M. LeSage (Hull), M. Poulin (Beauce-Nord), M. Bergman (D'Arcy-McGee), Mme Houda-Pepin (La Pinière), M. Ouimet (Marquette), M. Cherry (Saint-Laurent), M. Mulcair (Chomedey), M. MacMillan (Papineau), M. Copeman (Notre-Dame-de-Grâce), M. Laporte (Outremont), Mme Vaive (Chapleau), M. Kelley (Jacques-Cartier).

Le Vice-Président (M. Brouillet): Que les députés contre cette motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît!

Le Secrétaire adjoint: M. Bouchard (Jonquière), M. Bélanger (Anjou), M. Léonard (Labelle), Mme Marois (Taillon), M. Bégin (Louis-Hébert), M. Trudel (Rouyn-Noranda–Témiscamingue), M. Campeau (Crémazie), Mme Blackburn (Chicoutimi), M. Rochon (Charlesbourg), Mme Doyer (Matapédia), M. Julien (Trois-Rivières), M. Perreault (Mercier), Mme Beaudoin (Chambly), M. Brassard (Lac-Saint-Jean), M. Jolivet (Laviolette), M. Rioux (Matane), M. Payne (Vachon), Mme Robert (Deux-Montagnes), M. Blais (Masson), Mme Caron (Terrebonne), M. Paré (Lotbinière), M. Bertrand (Charlevoix), Mme Vermette (Marie-Victorin), M. Pelletier (Abitibi-Est), M. Morin (Dubuc), M. Boulerice (Sainte-Marie–Saint-Jacques), M. Landry (Bonaventure), M. Paquin (Saint-Jean), Mme Simard (La Prairie), M. Baril (Arthabaska), M. Laurin (Bourget), M. Rivard (Limoilou), M. Côté (La Peltrie), M. Deslières (Salaberry-Soulanges), Mme Signori (Blainville), M. Beaumier (Champlain), Mme Barbeau (Vanier), M. St-André (L'Assomption), M. Lachance (Bellechasse), M. Laprise (Roberval), M. Morin (Nicolet-Yamaska), M. Létourneau (Ungava), M. Gaulin (Taschereau), M. Gagnon (Saguenay), Mme Charest (Rimouski), M. Dion (Saint-Hyacinthe), M. Brien (Rousseau), M. Désilets (Maskinongé).

Le Vice-Président (M. Brouillet): Y a-t-il des abstentions? Alors, M. le secrétaire général pour le résultat.

Le Secrétaire: Pour:25

Contre:48

Abstentions:0


Reprise du débat sur la motion de clôture

Le Vice-Président (M. Brouillet): La motion est rejetée. Nous allons poursuivre le débat sur la motion de clôture. Y a-t-il d'autres intervenants? M. le leader adjoint de l'opposition et député de Frontenac, je vous cède la parole.

M. Lefebvre: M. le Président, je voudrais, comme...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Ce ne sera pas très long, quelques minutes. Nous allons laisser les députés qui ont à quitter le faire rapidement, et je vous céderai la parole après.

Très bien, nous pouvons reprendre nos débats. M. le député, je vous cède la parole.


M. Roger Lefebvre

M. Lefebvre: M. le Président, nous sommes à discuter d'une motion absolument exceptionnelle qu'on appelle, dans le jargon parlementaire, la motion du bâillon. C'est une motion, c'est une procédure qui fait pas mal honte au gouvernement qui l'a présentée par son leader, parce que le seul parlementaire ministériel qui a osé se lever pour soutenir cette motion-là, c'est le leader lui-même. C'est le silence le plus total, c'est le mutisme absolu du côté des ministériels relativement à cette motion de bâillon du ministre de la Justice. Et ça, lorsqu'on voit une telle attitude du côté des ministériels, ça parle tout seul.

Quand on n'est pas capable, sinon par un raisonnement purement technique... Et l'intervention du leader du gouvernement s'est limitée justement strictement à une explication de la procédure. On peut relire, dans ce sens-là, pour soutenir mon argument, les galées, le verbatim, le mot à mot du leader du gouvernement, et il n'a d'aucune façon justifié, sur le fond des choses, sa motion, sachant à l'avance que, même si ça n'a pas de bon sens, il a le poids du nombre. M. le Président, une motion de bâillon, c'est essentiellement une procédure qui vise à écraser l'opposition qui dit des choses correctes, intelligentes, mais que les oreilles des ministériels ne sont plus capables d'entendre. Alors, on fait quoi? On dit à l'opposition: C'est assez, vous avez assez parlé. Nous, on n'a rien à dire, mais, techniquement, nos règlements nous permettent de vous bâillonner. Bâillonner, ça veut dire ne plus parler.

M. le Président, une motion du genre, c'est exceptionnel, mais ça l'est encore plus lorsqu'on touche ce qu'il y a de plus fondamental dans une société démocratique comme la nôtre: la justice. Évidemment, on a un ministre de la Justice qui n'est pas trop, trop préoccupé de cette mission que le premier ministre du temps, Jacques Parizeau, lui a confiée en octobre 1994; que le député de Jonquière, nouveau premier ministre, en janvier dernier, lui a à nouveau confiée: protéger les Québécois et les Québécoises qui vivent dans une société démocratique, les protéger contre l'ingérence du pouvoir politique. C'est ça, lorsqu'on est un ministre de la Justice, Procureur général, qui a conscience de la mission qu'il occupe, c'est ce qu'on doit avoir à l'esprit: protéger les justiciables, les citoyens et citoyennes contre le pouvoir politique qui s'exprime ici par la force du nombre.

Là, on est en plein processus législatif, mais un processus législatif, M. le Président, assez exceptionnel. On n'est pas à discuter du fond des choses, là. Depuis plus ou moins, je ne sais pas, une dizaine d'heures, de ce côté-ci, on tente de faire comprendre, pas au leader... Le leader, lui, il a la responsabilité, aveuglément, d'exécuter la commande que lui a fournie son ministre dont la main droite est dirigée par le «bunker», par l'entourage du premier ministre et le premier ministre lui-même, j'imagine, si le premier ministre suit un peu ce qui se passe. Alors, le leader, lui, il exécute. Il exécute purement et simplement. C'est tellement vrai qu'il n'a pas parlé sur le fond des choses.

M. le Président, lorsqu'on traite de matière de justice, ce qui est fondamental, c'est le consensus. Il faut, d'abord, que les parlementaires entre eux puissent s'entendre, faire consensus. Moi, je suis scandalisé de voir le ministre de la Justice traiter la justice comme il le fait. Il fait consensus, mais il fait toujours consensus contre lui en matière d'aide juridique.

(12 h 30)

Mon collègue député de Chomedey, qui fait un travail exceptionnel comme porte-parole du côté de l'opposition en matière de justice, a souligné ce matin, en période de questions, ce que vivent les Québécois et les Québécoises actuellement: c'est le blocage total au niveau du processus judiciaire. On nous bâillonne, ici, au niveau législatif, mais le processus judiciaire, lui, il est bloqué. Pourquoi? Parce que le ministre tente de faire entrer dans la gorge, de force, et aux permanents de l'aide juridique, et aux avocats d'aide juridique de pratique privée, les avocats de pratique privée qui font des mandats d'aide juridique, et aux avocats de défense et à tous les groupes qui sont touchés de près et de loin, y compris, au premier chef, les citoyens et citoyennes, sa réforme d'aide juridique. Consensus contre sa réforme d'aide juridique.

Actuellement, on grève devant le palais de justice à Montréal après l'avoir fait partout en province, puis ça ne s'arrêtera pas là, parce que le ministre, vous savez, à la préoccupation des justiciables, des avocats et des avocates, il répond ce matin, à midi trente, par une procédure de bâillon sur un autre projet de loi fondamental, tout aussi important que l'aide juridique, le projet de loi n° 130, qui a comme objectif de réorganiser, d'unifier la justice administrative.

M. le Président, le ministre de la Justice fait régulièrement consensus contre lui. Le dossier des pensions alimentaires a été qualifié par les observateurs et surtout par ceux et celles – celles, particulièrement – qui ont cru, tout juste avant le référendum d'octobre 1995, que le gouvernement allait améliorer le système de la perception des pensions alimentaires: c'est – d'autres l'ont qualifié, ce n'est pas nous qui l'avons dit – une balloune politique.

C'est le ministre de la Justice et l'ineffable ministre du Revenu qui ont piloté ce projet de loi là qui a créé un fouillis indescriptible dans le dossier des perceptions alimentaires, dossier qui était déjà difficile, on le reconnaît de notre côté. Voici maintenant que le ministre... Et ça, c'est encore plus grave que ce que je viens de dire à date, parce que, là, ça touche les droits fondamentaux des citoyens et des citoyennes, un peu comme l'aide juridique, le projet de loi n° 130, qui a comme objectif d'unifier la structure au niveau des tribunaux administratifs.

M. le Président, le témoignage le plus sévère en regard de la procédure que nous discutons présentement, c'est-à-dire la procédure de bâillon que j'ai décrite tout à l'heure, expliquée par aucun des ministériels... Si, autrement dit, l'opposition ne faisait pas son travail avec courage, n'expliquait pas ce qui se passe ici, à l'Assemblée nationale, on ne le saurait pas des ministériels, ils sont muets. Le whip du gouvernement, qui a une responsabilité vis-à-vis de sa propre équipe, il pourrait de temps en temps se lever puis dire: Écoutez, je suis à l'aise, moi, avec la procédure de bâillon dans un dossier comme celui-là, en matière de justice. Je ne le sais pas, ce qu'il pense vraiment, le député de Laviolette, je ne le sais pas, mais je sais ce que pense le bâtonnier du Québec, le bâtonnier du Québec qui a écrit...

Ce n'est pas à tous les jours que le bâtonnier du Québec, qui parle au nom de plus ou moins 18 000 avocats et avocates du Québec... Qu'est-ce qu'il a fait, le bâtonnier du Québec, M. Claude Masse? Il a écrit au premier ministre du Québec. Il a écrit au premier ministre du Québec pour lui dire – ce n'est pas rien, là – «C'est avec stupéfaction que le Barreau apprend que le ministre de la Justice, avec la complicité de son leader – leader pas éclairé, qui ne s'est pas arrêté sur le fond des choses... Le leader, il est lui-même avocat.

Une voix: Membre du Barreau.

M. Lefebvre: Il est complice d'une manoeuvre du ministre de la Justice, et c'est impardonnable de la part d'un avocat, impardonnable: «C'est avec stupéfaction que nous apprenions le dépôt à l'Assemblée nationale, le 28 novembre, d'une motion de clôture – bâillon – concernant les travaux de la commission parlementaire sur le projet de loi n° 130.» Inconcevable, selon le Barreau, que le gouvernement force... C'est ça, le bâillon. Le bâtonnier du Québec a compris ce que c'était, la motion de clôture. C'est une procédure qui vise essentiellement à museler l'opposition, à empêcher l'opposition de parler, parce que ça fait trop mal, et à forcer l'adoption d'une législation extrêmement impopulaire.

Tous ceux et celles, ou à peu près, sauf exception, qui se sont prononcés au cours des différentes étapes du débat sur le projet de loi n° 130 ont dénoncé le projet de loi n° 130. Et le député de Chomedey représente l'opposition mais parle également ici, à l'Assemblée nationale, au nom de tous ceux et celles qui sont concernés par le projet de loi n° 130. Et, moi, M. le Président, j'espère... Et je conclus là-dessus, puisque mon temps est écoulé. Vous me dites qu'il me reste quelques secondes. M. le Président, est-ce que le premier ministre du Québec a pris connaissance de la lettre qui lui a été adressée par M. Claude Masse, qui conclut: «En conséquence, nous prions instamment le gouvernement de ne pas donner suite à la motion de clôture et de permettre à la commission des institutions de continuer ses travaux sur le projet de loi n° 130»?

M. le Président, moi, en 11 ans de travail à l'Assemblée nationale à titre de député de Frontenac, c'est la première fois que je suis impliqué dans un processus aussi dénonçable, un projet de loi qui touche la justice, un projet de loi d'une telle envergure. On va sortir d'ici, M. le Président, dans quelques jours, mal à l'aise. Le gouvernement du Québec, avec la complicité du ministre de la Justice et de son leader, manoeuvre dénoncée par le bâtonnier du Québec, qui parle au nom de 18 000 avocats et avocates, M. le Président. On aura «bulldozé» les parlementaires de l'opposition. Ça, ça peut s'accepter, ça peut se vivre. Nous autres, on fait notre travail. On fait tout ce qu'on peut pour faire comprendre au gouvernement qu'il fait fausse route. Mais ceux et celles qui auront été «bulldozés», ce sont les citoyennes et les citoyens du Québec, pour des motifs inavouables...

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le leader de l'opposition, c'est parce que vous avez dépassé amplement le... On est rendus à une trentaine de secondes. Alors, merci, M. le leader adjoint de l'opposition officielle. M. le député de Hull.


M. Robert LeSage

M. LeSage: Merci, M. le Président. J'interviens, M. le Président, sur le bâillonnement et le «taisez-vous, l'opposition, c'est nous autres qui "bulldozons", c'est nous autres qui adoptons les lois, c'est nous autres qui avons raison; la vérité totale, c'est nous autres qui l'avons». C'est le raisonnement que le PQ semble vouloir dégager. Et, dans la même veine que mon collègue qui vient de vous le mentionner, si j'étais membre du Barreau et si j'étais membre du gouvernement, je serais gêné.

Il me semble, M. le Président, que l'Assemblée nationale et les membres qui la forment, et surtout ceux qui forment le gouvernement, devraient en premier lieu avoir un objectif: protéger les intérêts des citoyens et des citoyennes du Québec, surtout des plus démunis, M. le Président.

Et ce gouvernement que vous avons devant nous, en faisant taire l'opposition, en nous disant: Vous autres, vous n'avez pas raison; nous autres, on «bulldoze» les lois ici, vous allez vous taire puis on va continuer de la façon qu'on a commencé, fait en sorte qu'il brime les droits des citoyens et des citoyennes du Québec. Comme je le mentionnais, M. le Président, si j'étais membre du Barreau et membre de ce gouvernement, je serais gêné. J'aurais peut-être pensé qu'un membre du gouvernement se serait levé, autre que le ministre de la Justice, pour dire: Écoutez, il y a quelque chose qui ne va pas, notre ordre, l'ordre des avocats, le Barreau du Québec, qui gère les avocats au Québec, dit au gouvernement: Vous n'êtes pas corrects avec votre projet de loi. On ne peut pas sanctionner et on devrait peut-être apporter certaines modifications.

C'est ce que l'opposition fait depuis quelque temps, dit au gouvernement: Écoutez donc ce que le Barreau vous dit. Pourquoi vous donnez des droits, par exemple, aux propriétaires fonciers, qu'eux autres, dans le régime que vous suggérez, auront un droit d'appel, par exemple, sur une évaluation foncière? Le gros businessman, il a un gros building, lui, il n'a pas de problème. Si la communauté urbaine fixe son évaluation à x montant, il va pouvoir en appeler, mais le monsieur qui reçoit de la régie des rentes ou la madame qui reçoit la sécurité du revenu, si, elle, elle n'est pas satisfaite: Prends ton trou, c'est nous autres qui décidons! C'est ça que le Parti québécois dit à la population du Québec: On fait les lois, vous les suivez; on vous ordonne, vous continuez.

M. le Président, les Québécois et les Québécoises en ont ras le bol de ça. Il me semble que les membres du gouvernement devraient aller sur le terrain voir ce qui se dit. Les gens s'interrogent. On dit à l'opposition libérale: Taisez-vous, c'est nous autres qui gouvernons, on ne veut plus que vous nous disiez ce qui n'est pas correct dans notre projet de loi. La population commence à se poser de sérieuses questions. On ne veut pas s'en aller vers un État totalitaire; on ne veut pas s'en aller vers une dictature. Puis là je suis en train de me demander si on n'est pas rendu dedans, M. le Président.

(12 h 40)

C'est rendu, M. le Président, que les gens qui ont des problèmes de santé mentale ne pourront plus, par l'entremise de leur tuteur, en appeler d'une décision de ce gouvernement-là. Faut le faire! De quoi il a peur, le gouvernement? Pourquoi est-ce qu'on ne s'assoit pas... Puis là je le vis dans d'autres commissions parlementaires. On demande, par exemple, d'entendre un tel organisme pour discuter d'un projet de loi. Ils ne veulent pas! Puis, quand ils veulent, ils ne l'écoutent pas. Alors, M. le Président, on est en train de se demander ce que l'opposition fait ici. On nous dit: Vous ne parlerez plus, c'est fini; on en a assez entendu puis on en a même trop entendu. On ne va pas jusqu'à dire: L'opposition libérale, vous avez raison. Non, on ne pourrait pas dire ça, mais on devrait.

Les avocats qui sont membres du gouvernement, de l'autre côté, pourquoi ils ne se lèvent pas puis ils ne disent pas à leur whip puis à leur leader puis à leur chef, qui est avocat, lui aussi, également... Le premier ministre, M. le Président, il est membre du Barreau du Québec et son organisation maîtresse lui dit: M. le premier ministre, vous n'avez pas raison d'adopter ce projet de loi dans l'état actuel des choses, dans l'état où vous le présentez. On a besoin des modifications à ce projet de loi pour protéger les petits et les moins nantis de la société. Bien non! Comme d'habitude, M. le Président, ce gouvernement-là s'en prend exactement à ceux à qui il ne devrait pas s'en prendre.

Puis là je ne vous parle pas, M. le Président, des nominations partisanes que ce gouvernement-là fait là-dedans. Les gens en ont marre de ce gouvernement. Ça n'a aucun sens. Il ne se satisfait pas de s'en prendre aux petits, mais il passe par-dessus toutes les règles établies par les gouvernements antérieurs en ce qui concerne les nominations. Il se fout de qui que ce soit. Le premier ministre en tête, M. le Président!

Alors, il me semble, M. le Président, que les citoyens et les citoyennes devraient être consultés par l'entremise de chacun des députés ministériels. Qu'ils fassent donc deux ou trois appels dans leur comté puis qu'ils s'informent pour voir qui a raison dans cette Chambre. «C'est-u» l'opposition et le Barreau ou c'est le gouvernement qui ne veut plus entendre parler de rien, qui veut «bulldozer» ses lois? Qu'ils fassent donc quelques téléphones dans leur comté puis ils vont s'apercevoir vite fait que les citoyens et les citoyennes du Québec en ont ras le bol. Ils veulent une démocratie pure, M. le Président, pas une dictature, pas du «bulldozage» de lois.

On a encore deux semaines à siéger ici. C'est quoi, le problème? Qu'est-ce qui presse? On pourrait réentendre le Barreau. On pourrait se rasseoir et discuter des choses qui ne sont pas correctes dans le projet de loi. Le ministre de la Justice, il est membre du Barreau, lui aussi. Pourquoi est-ce qu'il ne pourrait pas s'asseoir avec sa corporation et discuter de certaines choses et revenir en Chambre dire: Écoutez... Il n'est pas obligé de s'excuser s'il revient pour nous dire que son projet de loi n'était pas bon. Il pourrait tout simplement dire: Nous l'avons bonifié suite à des consultations, suite à de nouvelles rencontres. Puis là tout le monde serait heureux. On ne s'en prendrait pas à ceux qui retirent de la sécurité du revenu puis à qui on va dire éventuellement: T'es pas content? T'es pas satisfait? Tu as raison. C'est vrai que ce n'est pas correct, ce qu'on t'a fait à la sécurité du revenu, sauf que tu n'as pas droit d'appel, prends ton trou, c'est nous autres qui menons. C'est ça, le gouvernement du Parti québécois, M. le Président, et c'est contre ça que je m'insurge.

Moi, il me semble que l'Assemblée – je vous l'ai mentionné tantôt – on est ici pour légiférer et adopter des lois dans l'intérêt supérieur des Québécois et des Québécoises. Puis le projet de loi qu'on a devant nous, M. le Président, ça fait exactement le contraire. Alors, dans ce sens-là, M. le Président, je voterai contre ce projet de loi, puis ça va me faire plaisir de le faire et de dire à mes concitoyens et à mes concitoyennes qui m'ont élu que, moi, j'ai voté dans le sens de protéger leurs intérêts supérieurs. Merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Hull. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Châteauguay. M. le député.


M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier: Merci, M. le Président. Ce n'est pas de gaieté de coeur que j'interviens ce matin, au même titre que mes collègues qui m'ont précédé, pour parler d'un projet de loi à une étape d'un bâillon que je trouve bien désagréable. Mon collègue de Chomedey a consacré combien de temps, combien d'énergie et souvent de façon si utile. Personnellement, j'ai eu l'occasion d'assister, de participer, de collaborer à beaucoup de séances sur ce projet de loi. Ce qu'on a pu faire lors des séances de la commission des institutions là-dessus, on a pu faire la démonstration d'abord du rôle constructif que l'opposition a joué à l'égard de ce projet de loi. Il n'y a personne ici qui peut nier le travail utile que nous avons fait. Et j'en prends simplement les propos du ministre de la Justice lui-même qui reconnaissait, à l'occasion d'amendements que l'on déposait et qu'il acceptait, le fait que notre travail était constructif.

J'en réfère donc au ministre de la Justice pour démontrer combien le travail que nous avons fait a été utile, combien mon collègue de Chomedey a travaillé fort pour bonifier autant qu'on pouvait le faire, autant qu'on pouvait avoir le temps de convaincre, parce que, des fois, on s'y est pris à plusieurs reprises, et, à la fin, on pouvait y arriver. Et aujourd'hui on veut nous refuser le droit de continuer de plaider pour les citoyens du Québec. On veut nous imposer un bâillon parce qu'on ne veut pas entendre ce que les citoyens ont à dire.

On va profiter de l'occasion, M. le Président, je vais profiter de quelques minutes pour rappeler au gouvernement les erreurs qu'il est en train de faire. 80 % des articles de ce projet de loi ont été vus, analysés; il reste 20 % qui est l'essentiel de la réforme. Et là où est le problème du projet de loi du ministre – c'est de ça dont je veux parler – le problème du ministre, M. le Président, c'est que le titre de son projet de loi ne correspond pas à l'essence du projet de loi. On parle de justice administrative, mais c'est un projet de loi qui ne vise que l'administration et contre la justice. C'est un projet de réforme de la justice pour enlever la justice, pour défaire la justice, pour enlever des droits à nos concitoyens. Qu'on ne vienne pas parler de justice administrative qui est meilleure pour les citoyens, c'est tout le contraire, et je vais l'établir en rappelant au ministre des propos qu'il connaît.

Quand on pense qu'on a fait ce plaidoyer nombre et nombre de fois, expliqué au ministre qu'un article particulier du projet de loi pouvait entraîner des conséquences désastreuses chez les gens. Combien de fois on l'a répété, que la nature de ce projet de loi est de la même nature que des actions du gouvernement en matière de santé? Exactement, M. le Président. Souvenez-vous. Et il le fait encore, le gouvernement. Qu'est-ce qu'il fait quand on lui dit qu'il y a des problèmes dans les salles d'attente? Vous savez, il a fait une belle campagne électorale, le gouvernement du Parti québécois, à propos des listes d'attente dans les hôpitaux. Qu'est-ce qu'il fait pour régler les listes d'attente? Il ferme les hôpitaux. C'est ça qu'il fait, M. le Président. On se ferme les yeux. L'autruche, la tête dans le sable. C'est ça qu'il fait, le gouvernement.

Et qu'est-ce qu'on voit dans la justice administrative? Le ministre nous dit, croyez-le ou non, il l'a dit et c'est vrai. Il a dit: Vous savez, il y a trop de plaintes des citoyens contre l'État. Qu'est-ce qu'il fait? Eh bien, M. le Président, il enlève le droit des citoyens de se défendre contre l'État. Qui est le gagnant de cette réforme? L'administration. Qui est le perdant? Les citoyens. C'est ça qu'il y a dans ce projet de loi. Et ce bâillon est inacceptable. L'action du gouvernement à cet égard est inacceptable, et nous allons le dire, le répéter, et, même au-delà de cette session, nous allons retenir les gestes que ce gouvernement fait contre les citoyens, que nous avons véritablement à coeur. On ne fait pas le contraire de ce que l'on dit, de ce côté-ci. On répète et on agit en conséquence de nos convictions, ce que le ministre de la Justice n'a véritablement pas fait.

Les gagnants, M. le Président, parce que les citoyens, eux, perdent leurs recours, c'est le ministre et les prochains qu'il nommera. C'est là qu'on voit les gagnants. Ils sont uniquement là. La machine. La machine, ça nous rappelle toujours les propos du premier ministre, avec combien d'effets théâtraux, d'effets de toge, dirions-nous. Combien d'effets il a mis pour dire que seule la machine serait touchée; l'administration, et pas les citoyens. Ici, c'est tout le contraire. On fait le contraire de ce qu'on dit. Ceux qui sont touchés, c'est les citoyens, pour pouvoir profiter à l'administration. Et c'est à dénoncer, et dénoncer un bâillon sur une présentation, une prétention que nous avons de dire: Nous sommes, ici, les élus d'une population que nous devons représenter au mieux. Ce n'est pas l'administration que nous avons à défendre, c'est les citoyens. C'est ça, la démocratie, M. le Président.

Une voix: Bravo!

(12 h 50)

M. Fournier: Si on n'est pas là, je ne sais pas où le Québec va s'en aller. Mais je sais que l'inquiétude naissante dans la population et qui s'accroît de jour en jour... Voilà un autre élément qui va l'amener à l'inquiétude. Et le plus tôt possible le gouvernement comprendra qu'il est dans l'erreur...

Il va vous dire, le gouvernement, que c'est l'opposition qui soulève des gros fantômes. Mais ce n'est pas que l'opposition qu'on bâillonne, M. le Président, ce n'est pas que l'opposition qui prétend que ce projet de loi est injuste. Les gens qui ont à l'appliquer directement, les gens qui représentent les groupes de citoyens, mais les gens aussi dans le domaine de la justice qui ont vérifié, analysé, qui ont tenu colloque sur colloque pour voir ce qu'il y avait dans ce projet de loi, qu'est-ce qu'ils nous disent? Me Ouellette, dont on n'a pas besoin de faire de présentation et qui connaît très bien le domaine de la justice administrative, qu'est-ce qu'il dit? Il dit que c'est une superstructure qui n'est pas nécessaire pour régler le seul et véritable problème que vit la justice administrative, soit la nomination et le renouvellement des membres. Ce n'est sûrement pas un projet qui répond aux besoins des citoyens. Et le professeur Macdonald disait: La réforme se préoccupe plus de structures et de procédures que du citoyen.

M. le Président, le ministre nous a dit ce matin qu'il avait un blanc. Je peux vous dire qu'il avait un blanc dans son projet de loi, un gros blanc: il a oublié ceux que l'on représente, il a oublié la population du Québec, il a oublié les citoyens. Il avait un blanc! Ce projet de loi, c'est un gros blanc! Mais c'est un autre gros blanc aussi qu'il faut dire que le ministre a, un blanc à l'égard... et ça, ce n'est pas la première fois qu'on voit ça dans ce gouvernement-là. Ils partagent tous maintenant cette nouvelle approche, n'est-ce pas? Il a un blanc aussi à l'égard du programme de son parti. N'oublions pas, lorsqu'on a fait des belles promesses – toujours le double langage, hein, puis les actions qui ne suivent pas le discours. Ils nous ont fait des belles promesses. Dans leur programme, ils se sont fait élire en disant qu'en matière administrative il y aurait une loi-cadre couvrant l'ensemble des organismes ou personnes exerçant des fonctions quasi judiciaires qui serait adoptée pour assurer aux administrés des décisions rendues par une personne ou un organisme impartial et indépendant. On en est loin.

Cette loi prévoira des règles de procédure permettant un appel des décisions. Un appel? On les a enlevés, les appels. On a fait le contraire de ce programme, on enlève les droits d'appel. Avant l'élection, on promet mer et monde et, après l'élection, M. le Président, le bateau coule.

Nous avons perdu nos droits et on veut nous bâillonner, nous enlever le droit de défendre les citoyens. Jamais, M. le Président! Jamais on va nous empêcher de parler pour la population du Québec. Jamais on va nous empêcher de défendre les intérêts supérieurs des Québécois. Et c'est pourquoi, aujourd'hui, demain et après cette session, on se rappellera de ce ministre de la Justice, ce ministre de la Justice qui, sous un beau vocable de «réforme de la justice administrative», nous a proposé la réforme de l'administration pour enlever des droits aux citoyens en matière de justice.

Il nous enlève des droits, M. le Président, et c'est comme ça, le processus qui est suivi par l'ensemble de ce gouvernement, enlever des droits aux citoyens, renier des promesses qu'on a faites. Il ne faudrait pas s'étonner de voir chuter l'appui que la population peut donner à un gouvernement qui parle des deux côtés de la bouche, qui n'agit jamais et reporte toujours le temps des actions qui sont bonnes pour les citoyens, mais s'empresse, bâillon avec lui, à mettre de l'avant des actions qui vont contre les citoyens. Les actions pour les citoyens, les actions pour développer l'économie, les actions pour créer de la richesse, pour faire en sorte que notre filet social soit non seulement maintenu mais développé, celles-là, M. le Président, elles vont attendre les promesses d'une autre élection et d'une autre élection par ce gouvernement. Mais les actions qui visent à enlever les droits aux citoyens, à brimer les gens, à faire en sorte qu'on renie le sens même de son élection, ça, on y passe tout de suite, M. le Président.

C'est ce gouvernement qui est là devant nous, et nous n'allons pas nous arrêter à un bâillon, nous allons le dire, nous allons le répéter, parce que cette injustice qui est faite à l'ensemble des citoyens du Québec est non seulement regrettable, elle est condamnable, et nous allons continuer de la condamner, M. le Président. Merci beaucoup.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Châteauguay. Je vais maintenant céder la parole à M. le chef de l'opposition. M. le chef de l'opposition.


M. Daniel Johnson

M. Johnson: Oui, je vous remercie. Merci, M. le Président. Et j'interviens ici notamment pour témoigner, comme d'autres l'ont fait avant moi, combien, après plus de 15 ans ici, à l'Assemblée nationale, combien, après avoir vu une demi-douzaine de ministres de la Justice, je suis renversé de voir le comportement du ministre de la Justice d'aujourd'hui, un comportement qui déteint sur le gouvernement. Ça, c'est évident que le ministre de la Justice ne pourrait pas, lui tout seul, décider qu'il passe ça, son projet de loi, si ses collègues du Conseil des ministres n'étaient pas d'accord avec lui. On a d'ailleurs vu, à une session antérieure, qu'il a essayé de passer des projets de loi qui sont restés sur le carreau, alors que le leader parlementaire d'alors, le député de Joliette, avait privilégié ses projets de loi à lui au détriment des projets de loi du député-ministre de la Justice.

Ce qu'on a devant nous, c'est une motion de clôture. J'ai entendu tout à l'heure le leader du gouvernement dire: Des motions de clôture, en 1992, il y en a eu une avec 28 projets de loi, dans cinq minutes par projet de loi. Juste pour savoir: Est-ce qu'il y en avait beaucoup qui touchaient la réforme de la justice là-dedans? Est-ce qu'il y en avait beaucoup de ces projets de loi là qui touchaient le fait d'enlever des droits d'appel à des citoyens? Est-ce qu'il y avait beaucoup de projets de loi à l'époque qui avaient déterminé une intervention du Barreau du Québec qui, dans son rôle de protection de l'intérêt des citoyens, est intervenu cette fois-ci pour dire que ça n'avait aucun sens, à la vapeur, avant Noël, de nous apporter un projet de loi qui remet en cause des droits? C'est ça qui arrive pour vrai, là.

Et ce qui est le plus dommageable, parce que c'est mon premier point, et le Barreau le souligne, c'est qu'il va y avoir, au-delà de ce projet de loi là sur le principe, la loi-cadre, un projet de loi d'application de ce projet de loi n° 130, s'il était adopté, qui va avoir un impact, qui va affecter les droits des citoyens, dans la façon dont la restructuration des tribunaux administratifs va s'appliquer, là, quotidiennement, à l'égard des droits des citoyens. Ça, ça m'a assez renversé de voir qu'on invoque une motion de clôture pour en arriver là, malgré une opposition, je dirais, quasi unanime. C'est quasi unanime de ce côté-ci, c'est quasi unanime de tous les groupes qui s'en sont mêlés déjà à date et qui veulent qu'on regarde encore plus attentivement certaines des conséquences du projet de loi.

Mais, dans le fond, M. le Président, je ne suis pas surpris, parce que le ministre de la Justice et les comportements du ministre de la Justice, les décisions du ministre de la Justice s'inspirent trop souvent, ont trop souvent une saveur purement partisane. Ce n'est pas étonnant lorsqu'on connaît le ministre. On sait, on se souvient, nous, en tout cas, de ce côté-ci, que c'est le ministre qui était debout pour applaudir la députée de Sherbrooke après qu'elle ait eu admis qu'elle avait voté illégalement. Il n'y a personne de ce côté-ci qui s'est levé quand on a découvert ça. Pratiquement personne ne s'est levé de l'autre côté lors de l'entrée ici, à l'Assemblée, de la députée de Sherbrooke. Le ministre de la Justice était à huit pieds en avant d'elle, debout, les gros applaudissements à l'endroit de la seule personne dont on sait qu'elle siège à l'Assemblée nationale officiellement et qui, selon sa propre admission, a voté illégalement dans le passé à des élections et référendum québécois.

On a tout un ministre de la Justice, là! Moi, j'ai connu Marc-André Bédard, j'ai connu Herb Marx, j'ai connu Gil Rémillard, j'ai connu mon frère, dirait-on, et bien d'autres qui ont occupé ces fonctions-là, ils ont toujours été extrêmement prudents à faire en sorte que l'institution qu'ils représentent... Parce qu'il faut savoir que c'est la personne qui nomme les juges, ça, hein, la personne qui nomme les juges. Ce n'est pas le gouvernement qui nomme les juges dans notre système, c'est vraiment le ministre de la Justice qui avise le Conseil des ministres de sa décision. Ce n'est pas une décision qui fait l'objet d'un débat, ça, au Conseil des ministres. Quand le ministre de la Justice fait son travail comme du monde, il consulte ses collègues, il leur en parle: Avez-vous entendu parler de ces gens-là dans votre coin? Est-ce que votre mémoire des événements auxquels ces gens-là ont été liés pourrait m'aider à me faire une décision complète? On a vu que c'était un ministre de la Justice qui fait des étranges, hein – il en a fait au moins une – étranges décisions dans la nomination des juges.

On sait, c'est de notoriété dans la région de Québec, que le ministre de la Justice est au cabinet parce que le député de Lévis, lui, n'y est plus. Ça prend un orthodoxe pur et dur de la séparation dans la région de Québec au Conseil des ministres. C'est le rôle qu'a joué, avant d'être député, le ministre de la Justice. On peut soupçonner que, dans le Parti québécois, c'est le rôle qu'il joue toujours. C'est sa conviction, je ne lui enlève rien, c'est sa conscience qui est en cause ici, dans les choix politiques qu'il veut faire pour le Québec et qu'il veut amener. Je n'ai aucun problème avec ça. Le problème, c'est qu'il est ministre de la Justice et il devrait oublier ça quand il fait des nominations, il devrait oublier son appartenance à un parti politique lorsqu'il a des décisions qui affectent 7 000 000 de Québécois, qui affectent leurs droits, qui affectent la détermination des privilèges, des droits, des sanctions que les citoyens peuvent avoir à éprouver lorsqu'ils ont des démêlés avec certaines règles des tribunaux administratifs, donc avec le gouvernement.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Excusez-moi, monsieur. J'ai besoin du consentement pour que...

Une voix: ...

(13 heures)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Non, moi, je ne bâillonne pas; moi, j'applique le règlement. Mais simplement avoir l'accord pour qu'on poursuive cinq minutes, il reste cinq minutes. Ça prend l'accord, tout simplement, pour poursuivre.

Une voix: Il y a consentement.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Très bien. Alors, M. le chef de l'opposition.

M. Johnson: Oui, avec mes remerciements au leader du gouvernement.

Deuxièmement, M. le Président, au-delà, je dirais, du rôle puis du comportement du ministre de la Justice dans tout ça, éminemment condamnables, et je passe sous silence son interprétation que je qualifierais d'abusive, pour ne pas dire complètement non pertinente, de la décision de la Cour suprême, sur laquelle maintenant il s'appuie pour aller de l'avant avec son projet de loi, alors qu'ici, si, moi, j'avais à choisir un bon juriste dans ces matières-là, je donnerais tout de suite ma confiance au député de Chomedey avant de me fier au ministre de la Justice. Et la preuve a été faite, quant à l'interprétation qu'il fallait donner à cet arrêt de la Cour suprême sur lequel, tout d'un coup, le ministre de la Justice se fonde pour aller de l'avant avec son projet de loi...

Je me souviens que, au-delà donc de son comportement et de sa connaissance du dossier, le ministre de la Justice nous apporte, à l'encontre des engagements du gouvernement, un projet de loi qui met sur pied des structures de plus. Ça, s'il y a une évidence, c'est de la «structurite» qui est en cause ici. Ce n'est pas de s'assurer que les droits des citoyens sont mieux gardés. Ce n'est même pas de s'assurer d'une façon logique que le gouvernement, au moins, a une certaine cohérence dans ses actions. C'est de la «structurite» pure et simple. C'est le contraire, évidemment, de ce que le premier ministre... ce sur quoi il discourt constamment, sur la légèreté de l'appareil, la déréglementation, l'abolition des structures, c'est la machine qui va y goûter, puis c'est l'appareil qui va y goûter, puis c'est l'administration qui va y goûter. Mais là l'administration, la machine puis les appareils sont en train de goûter, je dirais, au farniente. On en ajoute, des structures, et, dans ce sens-là, c'est encore un exemple de double langage. Les gestes contredisent les discours.

C'est du double langage, lorsqu'on se souvient que c'est le même ministre, c'est le même gouvernement qui continue à se vanter qu'il a élargi l'accès à l'aide juridique, alors qu'il a augmenté les frais d'accès à des services d'aide juridique.

Moi, je n'ai jamais compris comment ils peuvent dire qu'il y a beaucoup plus de monde qu'autrefois qui tout d'un coup peuvent avoir accès à l'aide juridique, quand tu montes les prix. Nouvelle théorie économique! Je regrette, là, mais nouvelle théorie économique, quand tu montes les prix, il y a moins de monde qui est capable de le faire. C'est assez renversant de voir un gouvernement comme celui-là, qui se targue de transparence, aller dans le sens contraire de ce qu'il annonçait non seulement dans son programme, mais dans tous les discours du premier ministre.

La même chose est vraie du côté même des coûts et des bénéfices. Si, au moins, il nous disait – et là on les comprend, il y a une espèce de discours étroit et aveugle de coupures – que ça va coûter moins cher ou bien donc qu'on va faire plus d'argent, un des deux, tu sais, le discours de comptable étroit d'esprit, les piastres, les cents. Si, au moins, le ministre de la Justice nous avait dit: Ça va coûter moins cher aux contribuables, ou bien donc: On va avoir une tarification qui va vraiment nous donner quelque chose du côté des revenus, et ça va être la lutte au déficit, puis la lutte à l'endettement, puis, en fait, tous les discours creux et futiles qu'on entend de l'autre côté; définition de «balivernes», incidemment. Même pas! Il n'y a même pas cet argument primaire, je dirais, aucune espèce d'argument, même pas des arguments primaires, les autres sont inexistants.

Alors, on attend toujours de voir pourquoi le ministre de la Justice fait ça. Le Barreau ne comprend pas; moi, je ne comprends pas; notre porte-parole ne comprend pas; personne ici ne comprend ça. Je ne suis pas sûr que, de l'autre côté, les députés ministériels le comprennent. Il n'y en a pas un qui a pris la parole là-dessus. Je présume qu'ils ne voulaient pas parler de choses qu'ils ne comprenaient pas. Ça serait une première, remarquez, que, pris à ne pas parler de choses qu'ils ne comprennent pas, les députés s'abstiennent, de l'autre côté, parce qu'on en a entendu des vertes puis des pas mûres à l'occasion d'autres débats, de la part des députés ministériels.

Mais la réalité, M. le Président, c'est que ce projet de loi, il est mal attaché, il est mal conçu, il est mal pensé, il n'a rien de ficelé, tout le monde est contre, il y a juste le ministre de la Justice qui est pour, et le premier ministre, mais, dans une démocratie, ce n'est pas suffisant.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le chef de l'opposition. Étant donné l'heure, nous allons suspendre nos travaux à cet après-midi, 15 heures.

(Suspension de la séance à 13 h 5)

(Reprise à 15 h 5)

Le Vice-Président (M. Pinard): Mmes, MM. les députés, veuillez vous asseoir.

Alors, nous reprenons les affaires du jour. Nous étions à la rubrique 62. Nous reprenons le débat qui a été ajourné le 6 décembre 1996 sur la motion proposée par M. le leader du gouvernement conformément aux dispositions de l'article 251 de notre règlement. Cette motion se lit comme suit:

«Que la commission des institutions, à qui a été confiée l'étude détaillée du projet de loi n° 130, Loi sur la justice administrative, mette fin à ses travaux quant à ce mandat dès l'adoption de la présente motion et fasse rapport au moment prévu de la période des affaires courantes de la séance qui suit celle au cours de laquelle aura été adoptée la présente motion.»

Je vous rappelle que cette motion ne peut être amendée. De plus, puisqu'il s'agit d'une motion de forme, les temps de parole sont donc les suivants: l'auteur de la motion, le premier ministre et les autres chefs des groupes parlementaires ou leur représentant ont eu un temps de parole de 30 minutes; les autres députés ont un temps de parole de 10 minutes; et, enfin, conformément aux dispositions de l'article 251, au terme de ce débat, le leader du gouvernement a un droit de réplique de 10 minutes.

Alors, M. Johnson, chef de l'opposition officielle, a terminé son intervention lors de la suspension de la séance. Alors, nous cédons maintenant la parole à la députée de Chapleau. Mme la députée.


Mme Claire Vaive

Mme Vaive: Merci, M. le Président. M. le Président, j'interviens aujourd'hui dans le cadre de la prise en considération du rapport de la commission parlementaire ayant étudié la Loi sur la justice administrative. Étant donné que cette prise en considération survient après un bâillon, il nous est loisible de dire qu'il s'agit en quelque sorte d'une prise en considération forcée; autrement dit, M. le Président, que nous sommes ici en présence d'une procédure du gouvernement qui a consisté à «bulldozer» l'Assemblée nationale concernant l'étude du projet de loi n° 130, Loi sur la justice administrative.

À cet égard, M. le Président, il m'apparaît impossible, à moi, en tant que parlementaire, et au nom des électeurs et électrices que je représente ici à l'Assemblée nationale, de passer sous silence cette procédure inacceptable et inappropriée. Pour ce faire, je rappellerai une lettre du 4 décembre 1996, écrite au premier ministre lui-même par le bâtonnier du Québec, M. Claude Masse, qui dit: «C'est avec stupéfaction que nous apprenions le dépôt à l'Assemblée nationale, le 28 novembre dernier, d'une motion de clôture concernant les travaux de la commission parlementaire sur le projet de loi n° 130 portant sur la justice administrative.» «Stupéfaction», que dit le bâtonnier. Les commettants et commettantes dans mon comté sont tout aussi stupéfaits que le bâtonnier lui-même devant la procédure de bâillon imposée par le ministre de la Justice et pour laquelle se fait complice le leader du gouvernement. Stupéfaction aussi, M. le Président, devant le silence du premier ministre, dont on ne sait même pas s'il a pris connaissance de cette lettre et pour laquelle, à ce jour, nous ne connaissons toujours pas la réponse, si réponse il y a.

En fait, M. le Président, il y en a une réponse. Il y en a une réponse à cette stupéfaction du Barreau du Québec. Cette réponse, nous l'avons aujourd'hui: le gouvernement continue, poursuit dans cette procédure de bâillon et, après avoir imposé une motion de clôture à la commission parlementaire, il force aujourd'hui la prise en considération du rapport de la commission parlementaire. Quelle est la valeur aujourd'hui de cette prise en considération du rapport? Je me le demande, puisque cette prise en considération du rapport, elle a été forcée et, surtout, elle a été précipitée, car la commission des institutions n'avait pas fini son travail d'étude du projet de loi n° 130, étant donné que le gouvernement y a mis fin unilatéralement par la force, à l'aide de sa majorité ministérielle par laquelle il peut écraser l'opposition.

(15 h 10)

Ce que le gouvernement devrait comprendre ici, tout comme son ministre de la Justice, c'est qu'avec cette procédure de «bulldozer» non seulement écrase-t-il l'opposition officielle, il écrase ni plus ni moins que le Barreau du Québec. Pas une quelconque association regroupant quelques dizaines de personnes, pas un groupuscule de gens opposés à la réforme, pas un éminent professeur d'université qui soit d'avis, à tort ou à raison, que la réforme n'est pas bien ficelée, le Barreau du Québec, M. le Président, le Barreau du Québec, qui compte quelque 18 000 membres, avocats et avocates: notre élite bâillonnée.

M. le Président, les propos du bâtonnier sont extrêmement durs à l'endroit du ministre de la Justice. Le Barreau du Québec, dans sa lettre du 4 décembre, dit qu'il juge inconcevable que le gouvernement force l'adoption d'une telle pièce législative. «En l'absence du consensus des milieux intéressés par les éléments fondamentaux de la réforme proposée, nous considérons prématurée...» Ce n'est pas l'opposition qui parle, ce ne sont pas les députés qui parlent, c'est le Barreau du Québec. C'est 18 000 avocats et avocates qui parlent et qui disent: «Nous considérons prématurée et inappropriée l'adoption de cette réforme. Où est l'urgence d'adopter avant les Fêtes le projet de loi n° 130?», s'interroge le bâtonnier du Québec.

M. le Président, en dépit des beaux discours et des belles paroles du ministre et de son fidèle serviteur le leader du gouvernement, en dépit, dis-je, de ses paroles, il semblerait que, dans des réunions à huis clos, les vrais motifs du gouvernement soient apparus. J'ai trop de respect pour reprendre ici un débat qui nous a déchirés et pour lequel vous avez rendu une décision que je me dois de respecter. Mais vous savez très bien qu'il semblerait que, dans les réunions à huis clos, là où il n'y a pas de micro, là où il n'y a pas de galées, le ministre de la Justice, pour une fois dans sa vie, ait été un peu plus transparent quant à l'urgence d'adopter avant les Fêtes le projet de loi n° 130. Tout le monde a compris. Nous aussi, nous l'avons compris. Les ministériels aussi ont compris, et c'est pour ça qu'ils n'interviennent pas sur le projet de loi n° 130. Ils savent trop bien quelles sont les intentions réelles du gouvernement dans le projet de loi n° 130 et pourquoi il force de toute urgence l'adoption avant les Fêtes du projet de loi n° 130.

Le projet de loi n° 130, M. le Président, ne mettra pas fin au favoritisme et aux nominations partisanes dans les tribunaux quasi judiciaires. Non, il semblerait que ça n'en soit que le début. Quand le bâtonnier écrit directement au premier ministre, le bâtonnier du Québec démontre qu'il a très bien compris: il ne faut plus passer par le ministre de la Justice, il faut lui sauter par-dessus et aller voir le patron directement. Quand le bâtonnier dit dans sa lettre: «En l'absence de consensus des milieux intéressés sur les éléments fondamentaux de la réforme proposée», à quoi le bâtonnier du Québec fait-il référence? Il fait référence à cette lacune majeure quant au projet de loi, cette lacune qui fait en sorte que ce projet de loi permettra ni plus ni moins au ministre de mettre en place ses amis, et ce, comme un beau cadeau avant Noël.

Ah bien, c'est sûr, M. le Président, c'est réjouissant, pour ce gouvernement-là, incapable de créer des emplois, gouvernement qui a présidé depuis janvier dernier à la perte de 60 000 emplois au Québec. Eh bien, là, avant les Fêtes, juste à temps pour Noël, un beau cadeau pour quelques amis du régime: des jobs, des nominations dans les tribunaux quasi judiciaires. C'est là, l'urgence; il n'y en a pas d'autre. L'urgence, c'est, par ironie, on pourrait dire, comme des millions de consommateurs au Québec, de s'empresser de faire un cadeau juste à temps pour Noël, un beau cadeau: des jobs dans les tribunaux quasi judiciaires. Et c'est pour ça que la réforme est inacceptable. La réforme, elle est bâclée. La réforme du ministre de la Justice, encore une fois, est une réforme bâclée, comme dans le cas de l'aide juridique.

Dans le cas de l'aide juridique, l'opposition avait mis en garde le gouvernement, l'opposition s'était battue jusqu'à la dernière minute pour empêcher l'adoption d'une réforme bâclée aux effets désastreux. Eh bien, exactement comme ici, M. le Président, le gouvernement a préféré bâillonner l'opposition. Alors, six mois plus tard, six mois après le bâillon du mois de juin, devant le gâchis du ministre en matière d'aide juridique – gâchis que l'on peut constater aisément à la lecture de n'importe quel journal – qui avait raison? Ceux qui se sont opposés à la réforme ou ceux qui en ont forcé l'adoption par le bâillon? La réponse, vous la connaissez tout aussi bien que moi, mais, dans votre fonction, vous ne pouvez intervenir, et c'est heureux qu'il en soit ainsi: ça vous conserve une certaine neutralité. Mais, au fond, vous, je suis certaine que vous la connaissez, la réponse. La réponse, c'est que, ici, dans le projet de loi n° 130, tout comme dans l'aide juridique, la réforme du même ministre, ce ne sont pas les bâillonnés qui ont tort, mais le bâillonneur. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la députée de Chapleau. Y a-t-il d'autres intervenants? Puisqu'il n'y a pas d'autres intervenants, est-ce que cette motion est adoptée...

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader du gouvernement, vous avez droit à une réplique de 10 minutes. M. le leader.


M. Pierre Bélanger (réplique)

M. Bélanger: Oui, M. le Président. Alors, après ce débat sur cette motion de clôture, vous me permettrez d'être un peu surpris, pour ne pas dire que je trouve que ça prend tout un toupet, tout un culot pour nous accuser, par notre projet de loi, de vouloir faire des nominations – et là je reprends l'expression consacrée permise – partisanes. Parce que, ce qu'on oublie de dire dans ce débat, M. le Président, c'est que présentement, si cette réforme n'est pas adoptée, ça voudra dire à ce moment-là qu'on est pour le statu quo. Ça doit être ça, M. le Président, que le député de Chomedey veut dire.

On nous accusait donc de vouloir faire en sorte que, au niveau des tribunaux administratifs, on mette des gens d'une certaine, on pourrait dire, philosophie politique. Moi, je regardais en particulier les mandats des gouvernements libéraux qui se sont succédé, comment, eux, ont-ils, avec leur grande sagesse, avec leur grande vertu qu'ils doivent avoir pour ainsi nous attaquer et ainsi nous attribuer toutes sortes d'intentions, M. le Président...

Juste pour vous donner quelques exemples. Là, c'est les ex-députés libéraux ou candidats libéraux qui ont été nommés à des tribunaux ou à des organismes quasi judiciaires – et là on a juste, en une demi-heure, M. le Président, 20 minutes fait un petite recherche comme ça, même pas exhaustive – mais juste pour illustrer un peu mon propos. Yves Tardif, ancien député d'Anjou, 1973-1976, M. le Président, et non pas du gouvernement du Parti québécois, a été nommé vice-président de la CSST par le gouvernement libéral, commissaire à la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles pendant quatre ans. Encore là, je suis certain, M. le Président, qu'il avait dû prendre une carte du PQ avant d'être nommé, je suis certain, M. le Président, parce qu'ils sont tellement certains, ils veulent tellement nommer des gens absolument sans couleur politique qu'ils ont dû faire ça, je suis certain, une grande étude philosophique de ses compétences.

Lucien Caron, député de Verdun de 1970 à 1985. Herman Mathieu, député PLQ, Beauce-Sud, membre de la Régie des assurances agricoles du Québec trois ans, renouvellement à la Régie des assurances agricoles trois ans. Jean-Paul Théorêt, député PLQ, Vimont, 1985-1989, régisseur à la Régie du gaz naturel trois ans. Ce n'est pas partisan, ça, M. le Président? Jean-Guy Gervais, député PLQ, L'Assomption, 1985-1989, membre de la Commission municipale du Québec. Marcel Ostiguy, député du Parti libéral canadien, encore, et député du Parti libéral du Québec, Rouville et Verchères de 1970 à 1976, il a été membre de la CPTAQ. Aline Saint-Amand, députée PLQ, Jonquière, 1983-1985, vice-présidente de la Commission des normes du travail.

Ça prend un certain culot, M. le Président, pour nous dire que, nous, on veut faire une réforme pour placer nos gens. Vraiment, la vertu, là... Parce que, en général, quand on reproche à un autre parti quelque chose, c'est que, nous, on se sent parfaits, on se sent bons. C'est loin d'être le cas, M. le Président. Nous, ce qu'on veut faire, c'est justement que ce genre de nomination là ne se fasse plus. Qu'on mette un cadre administratif, un cadre qui va permettre, à ce moment-là, des critères de sélection. Il n'y a présentement aucun critère de sélection. Et là, j'ai fait rien que des députés; il y a aussi des attachés politiques.

(15 h 20)

Une voix: Ah! bon. Laurier Thibault.

Une voix: Le Parti libéral.

M. Bélanger: Louis-René Scott, chef de cabinet de l'opposition officielle, 1982-1984, membre de la CPTAQ.

Une voix: Du Parti libéral.

M. Bélanger: Marie Bédard, recherchiste...

Une voix: Parti libéral.

M. Bélanger: ...parti libéral, 1978-1985, vice-présidente de l'OPC. Marie Caron, vice-présidente du PLC...

Une voix: Parti libéral...

M. Bélanger: ...parti libéral du Canada, membre de la Régie des loteries et courses. Francine Marcoux, cabinet du ministre de la Justice, 1986-1988 – dans le temps des libéraux, M. le Président – membre de la Régie des permis d'alcool du Québec pour une durée de cinq ans.

Encore là, ah! nous, on veut mettre nos gens par des nominations politiques. Hé! Ça prend tout un culot. Je pense que le député de Chomedey devait être sur une autre planète, là, quand ça s'est fait ça, parce que je pense qu'au moins il dirait: Écoutez, c'est vrai que, quand on était au pouvoir... Je pense que c'est ça, le député de Chomedey aurait pu tenir ce discours, il aurait pu dire: Écoutez, c'est vrai que, quand on était au pouvoir, on en a fait des nominations qui étaient... hein?

Une voix: C'était humain.

M. Bélanger: Quand il a été nommé président de l'Office des professions, le député de Chomedey, il venait de quelle filière?

Une voix: Ah! bien, c'était une erreur, ça, il a...

M. Bélanger: Il pourra répondre lui-même. Je ne vous dis pas qu'il n'était pas compétent, M. le Président.

Une voix: C'était une erreur.

M. Bélanger: Il y en a qui me disent que c'est une erreur. Non, je ne crois pas que c'est une erreur. Puis il y a quand même tout un processus, ça a dû être volontaire, M. le Président.

Alors, M. le Président, je pense que vous comprendrez, à ce moment-là, comme quoi les faux discours... On s'enrobe de vertu pour nous accuser de toutes sortes de volontés, de toutes sortes d'intentions, alors qu'on a toujours fait ça dans le passé. Bien, c'est ça, la réalité. Nous, on veut que ça cesse, on veut mettre une vraie réforme des tribunaux administratifs.

Et, quand j'étais là comme porte-parole de l'opposition officielle en matière de justice... Je me souviens même, en 1987, je pense que c'est Me Ouellette, hein, qui avait produit un rapport à ce moment-là: Urgence d'agir, une réforme des tribunaux administratifs. C'est ça? Qui était au pouvoir en 1987? Le Parti libéral. Ils ont été là jusqu'en 1994. Ils n'ont même pas été en mesure de produire un véritable projet de réforme. Le projet de loi 105, ça visait cinq organismes. Après ça, on va avoir le culot de nous dire qu'ils ont essayé. Ils n'ont même pas essayé d'en faire l'adoption du principe, aussi. Ou peut-être que l'adoption du principe a été faite, mais, en tout cas, ça a été retiré puis c'est mort au feuilleton. Ça, je peux vous le dire, j'ai assisté à la mort de ce grand projet. Il n'a même pas eu le temps d'être descendu par personne, il n'a même pas été présenté, il n'était pas montrable.

Alors, c'est pour ça, M. le Président, que je pense que, oui, cette réforme, elle est désirée, elle est attendue. C'est sûr qu'il va y avoir des... Faire un consensus unanime sur une telle réforme, c'est impossible. C'est impossible. Mais il y a eu pas mal de consultations qui ont été faites par le ministre de la Justice, M. le Président, et il y a eu de nombreux mémoires à l'effet que les orientations visées par le ministre de la Justice, dans sa réforme, étaient souhaitées, étaient souhaitables, M. le Président. C'est pourquoi je pense qu'il faut que cette réforme soit adoptée.

Si, en 1987, un grand professeur, comme le professeur de droit que j'ai nommé, disait qu'il y avait urgence d'agir, est-ce qu'on ne peut pas penser qu'en 1996 cette urgence est encore existante, M. le Président? Moi, je pose la question, et je pense que poser la question, c'est y répondre.

Encore là, pourquoi cette motion de clôture? Parce que, en commission parlementaire, j'ai regardé, j'ai lu avec attention les interventions du député de Chomedey, et il était clair pour le député de Chomedey que ce projet de loi, il ne fallait pas qu'il passe. Je ne dis pas que... Je ne lui prête pas de fausses intentions ou de mauvaises intentions, M. le Président. C'est le rôle de l'opposition de faire son travail d'opposition. Mais, à partir du moment où on sent qu'il y a un blocage, c'est-à-dire qu'une volonté exprimée est claire à l'effet qu'on ne veut pas que ce projet de loi aille plus loin, bien, à ce moment-là le gouvernement se doit de prendre ses responsabilités. C'est ce qu'on a fait.

Je ne suis pas fier d'une motion de clôture. Je ne suis pas fier d'une motion de suspension des règles. Il n'y a pas un leader du gouvernement qui peut être fier de ça, M. le Président. C'est juste qu'à un moment donné on se dit: Est-ce qu'on prend nos responsabilités, comme gouvernement? Est-ce qu'on y croit assez, à la réforme qu'on va faire, pour avoir le courage, à un moment donné, M. le Président, de dire: Oui, on va la faire, tout en sachant, évidemment, qu'il peut y avoir des oppositions?

Et on aurait pu, comme je l'ai déjà dit dans mes autres interventions pour les différentes motions qui ont été faites par l'opposition officielle, s'attendre à des propositions constructives. On les attend encore, M. le Président. On les attend encore. Moi, je dis à ceux qui veulent se draper de la vertu et qui veulent nous accuser de tous les maux d'au moins regarder leur passé – ça pourrait, à ce moment-là, faire mûrir leurs réflexions – et au moins admettre qu'eux aussi, dans le système tel qu'il était auparavant, ce n'était peut-être pas le meilleur système puis qu'il mérite peut-être d'être changé, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le député de D'Arcy-McGee, est-ce que vous êtes sur... Parce que, au moment où nous en sommes rendus, le leader du gouvernement avait un droit de réplique de 10 minutes, ce qui met fin maintenant au débat sur la motion de clôture. Alors, c'est sur un point de règlement?

M. Bergman: En vertu de l'article 213 des règles, est-ce que le leader prendrait une question?

Une voix: Non.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, M. le leader du gouvernement refuse l'application de l'article 213.


Mise aux voix

Donc, au moment où nous en sommes rendus maintenant, l'adoption de la motion de clôture, est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

M. Thérien: Le vote nominal, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, M. le greffier, voulez-vous appeler les députés, s'il vous plaît. Nous allons suspendre quelques instants. Que l'on appelle les députés, oui, effectivement.

(15 h 27 – 15 h 38)

Le Vice-Président (M. Pinard): À l'ordre, s'il vous plaît! Mmes, MM. les députés, à l'ordre, s'il vous plaît! Veuillez vous asseoir.

Alors, nous allons procéder au vote sur la motion proposée par le leader du gouvernement conformément aux dispositions de l'article 251 du règlement. Cette motion se lit comme suit:

«Que la commission des institutions, à qui a été confiée l'étude détaillée du projet de loi n° 130, Loi sur la justice administrative, mette fin à ses travaux quant à ce mandat dès l'adoption de la présente motion et fasse rapport au moment prévu de la période des affaires courantes de la séance qui suit celle au cours de laquelle aura été adoptée la présente motion.»

Alors, que les députés en faveur de cette motion veuillent bien se lever.

La Secrétaire adjointe: M. Bélanger (Anjou), M. Chevrette (Joliette), M. Ménard (Laval-des-Rapides), M. Bégin (Louis-Hébert), M. Campeau (Crémazie), Mme Doyer (Matapédia), M. Julien (Trois-Rivières), M. Cliche (Vimont), M. Perreault (Mercier), Mme Beaudoin (Chambly), M. Jolivet (Laviolette), M. Rioux (Matane), Mme Robert (Deux-Montagnes), M. Blais (Masson), M. Baril (Berthier), Mme Caron (Terrebonne), M. Paré (Lotbinière), M. Bertrand (Charlevoix), Mme Vermette (Marie-Victorin), M. Pelletier (Abitibi-Est), M. Boulerice (Sainte-Marie–Saint-Jacques), M. Landry (Bonaventure), M. Paquin (Saint-Jean), Mme Simard (La Prairie), M. Baril (Arthabaska), M. Laurin (Bourget), M. Rivard (Limoilou), M. Côté (La Peltrie), M. Deslières (Salaberry-Soulanges), Mme Signori (Blainville), M. Beaumier (Champlain), Mme Barbeau (Vanier), M. St-André (L'Assomption), M. Lachance (Bellechasse), M. Laprise (Roberval), M. Morin (Nicolet-Yamaska), M. Létourneau (Ungava), M. Gaulin (Taschereau), M. Gagnon (Saguenay), Mme Charest (Rimouski), M. Dion (Saint-Hyacinthe), M. Brien (Rousseau), M. Désilets (Maskinongé).

(15 h 40)

Le Vice-Président (M. Pinard): Que les députés qui sont contre cette motion veuillent bien se lever.

La Secrétaire adjointe: M. Paradis (Brome-Missisquoi), M. Bourbeau (Laporte), M. Gauvin (Montmagny-L'Islet), M. Lafrenière (Gatineau), M. Thérien (Bertrand), M. Brodeur (Shefford), M. Benoit (Orford), M. Williams (Nelligan), M. Gautrin (Verdun), M. Chagnon (Westmount–Saint-Louis), M. Lefebvre (Frontenac), M. Farrah (Îles-de-la-Madeleine), M. Sirros (Laurier-Dorion), Mme Delisle (Jean-Talon), M. Bordeleau (Acadie), M. LeSage (Hull), M. Poulin (Beauce-Nord), M. Bergman (D'Arcy-McGee), M. Ouimet (Marquette), M. Fournier (Châteauguay), M. Cherry (Saint-Laurent), M. Mulcair (Chomedey), M. MacMillan (Papineau), M. Copeman (Notre-Dame-de-Grâce), M. Laporte (Outremont), Mme Vaive (Chapleau), M. Kelley (Jacques-Cartier).

Le Vice-Président (M. Pinard): Y a-t-il des députés... Alors, M. le secrétaire général.

Le Secrétaire: Pour:43

Contre:27

Abstentions:0

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, nous déclarons cette motion adoptée. Merci. Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: Oui, M. le Président. Je vous demande de prendre en considération l'article 7 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 65


Reprise du débat sur l'adoption du principe

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, nous allons permettre aux députés qui doivent se rendre en commission parlementaire de bien vouloir se retirer de l'Assemblée. Merci.

À l'article 7 de notre feuilleton, l'Assemblée reprend le débat ajourné le 6 décembre 1996 sur l'adoption du principe du projet de loi n° 65, Loi instituant au Code de procédure civile la médiation préalable en matière familiale et modifiant d'autres dispositions de ce code. M. le leader du gouvernement avait demandé l'ajournement du débat, et le dernier intervenant était le député de Saint-Laurent, qui avait effectivement terminé son intervention. Y a-t-il d'autres interventions sur l'adoption du principe du projet de loi n° 65? M. le député de Jacques-Cartier.


M. Geoffrey Kelley

M. Kelley: Merci beaucoup, M. le Président. Il me fait plaisir d'intervenir dans le débat sur le principe du projet de loi n° 65, Loi instituant au Code de procédure civile la médiation préalable en matière familiale et modifiant d'autres dispositions de ce code; Bill 65, An Act to institute, under the Code of Civil Procedure, pre-hearing mediation in family law cases and to amend other provisions of the Code.

J'aimerais revenir encore une fois, M. le Président, sur un thème qui devient de plus en plus important et, je pense, quelque chose que les ministres et ce gouvernement ont tout intérêt à regarder comme il faut, et c'est le principe fort simple que, des fois, l'opposition a raison. Et je pense qu'on est en train d'ajouter à la longue liste des mesures et des projets de loi adoptés par ce gouvernement pour lesquels on a dû constater, six mois après ou 12 mois après, que l'opposition officielle avait raison. Et, s'ils avaient pris le temps de nous écouter, de nous entendre...

Juste pour ouvrir une parenthèse, on est maintenant devant la commission des institutions, en essayant en vain d'entendre les groupes avant de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 77 – parce qu'il y a beaucoup de groupes de notre société qui veulent être entendus sur ce projet de loi, il y a beaucoup de problèmes qui sont à régler avant de commencer – et le ministre ne veut rien savoir. Alors, je pense que ça risque d'ajouter un autre projet de loi à la longue liste des lois qui ont été adoptées en catastrophe par ce gouvernement, qui a prétendu qu'il n'y avait pas de problèmes, que c'était un projet de loi parfait. Et on a dû juste faire une certaine lecture des manchettes ou des rapports six mois après pour voir qu'il y avait effectivement des problèmes.

Citons, par exemple, M. le Président, le projet de loi 40 sur la liste électorale. Nous avons, de ce côté de la Chambre, insisté sur le fait qu'il y aurait des problèmes dans la gestion, qu'il y aurait des dépassements de coût, et le gouvernement a dit: C'est complètement faux, tout va bien aller. On lit dans le rapport du Vérificateur général publié la semaine passée: Les dépassements de coût de 65 %... Alors, peut-être, si le gouvernement avait pris le temps de nous écouter à l'époque, peut-être qu'on aurait pu éviter ce dépassement de 65 % et la mauvaise gestion qu'on a vue dans l'implantation d'un projet de loi qui n'était pas mûr.

Même chose, M. le Président, sur le projet de loi n° 33 sur les médicaments. Nous avons beaucoup insisté sur le fait qu'il fallait regarder la question de l'impact de ce projet de loi sur le régime d'assurance-médicaments pour les personnes atteintes de sida, de sclérose en plaques et d'autres choses comme ça. Le ministre a dit: Non, on n'a pas besoin d'entendre ce groupe-là. Nous avons créé une période de six mois d'incertitude pour ces personnes, et enfin, en fin de semaine, le ministre de la Santé a donné raison à l'opposition et a mis ces médicaments sur la liste. Mais, au lieu de causer de l'incertitude, des problèmes pour tout le monde qui est atteint de ces graves maladies, pourquoi ne pas prendre le temps d'entendre l'opposition officielle? Parce que, comme j'ai dit: Des fois, l'opposition officielle a raison. Et je pense que c'est très important de se rappeler de ça.

Encore une fois, sur le projet de loi n° 60 – une grande liste, ici – qui traitait des pensions alimentaires. Tout le monde est pour une meilleure perception des pensions alimentaires. Nous avons voté pour le principe, nous avons essayé de bonifier le projet de loi, mais nous avons dit: Est-ce que ça risque de déborder le système si on met tout le monde dans le système? Et est-ce que ça ne serait pas, peut-être, une bonne idée de cibler l'effort, l'intervention gouvernementale sur les mauvais payeurs, et, les bons payeurs – qui étaient entre 40 %, 45 % des pensions alimentaires – les laisser de côté? Ça aurait coûté moins à l'État, et on voit, à chaque période de questions, que ça, c'est un gouvernement sans le sou. Alors, c'était une bonne suggestion de faite par l'opposition officielle pour essayer de sauver de l'argent au gouvernement, pour réduire les besoins dans l'informatique, pour réduire les besoins au niveau du nombre de fonctionnaires, pour gérer le système. La ministre de l'époque, la députée de Chicoutimi, ne voulait rien savoir.

Qu'est-ce qu'on a lu, il y a 10 jours, dans Le Soleil ? Le système ne marche pas, c'est débordé. Les fonctionnaires se demandent pourquoi on a mis les bons payeurs et les mauvais payeurs dans le même système. Ça ne marche pas, l'informatique, le système est tombé à terre. Il faut faire ça maintenant à la main parce qu'ils n'ont pas les moyens de faire une bonne gestion de ce système, qui a des fins louables.

Et je pense qu'il y a un parallèle intéressant entre l'expérience sur le projet de loi n° 60, qui a créé le système de perception des pensions alimentaires, et le projet de loi qui est devant nous cet après-midi. C'est-à-dire, tout le monde est d'accord sur l'importance de la médiation familiale. Un des gestes du gouvernement précédent, en 1993: nous avons adopté le projet de loi 14 qui a effectivement créé un système pour la médiation familiale. Nous avons également mis en place une mécanique pour le financement de ce système.

(15 h 50)

Alors, oui, le Parti libéral et le gouvernement libéral de l'époque ont compris l'importance de la médiation familiale, et nous avons mis en place un système qui aurait été financé par les timbres qu'on achète à la cour. Alors, tout ça a été mis en place. C'était prêt à partir en novembre 1994. Entre-temps, il y a eu une élection et le délai a été nécessaire pour créer un réservoir d'argent suffisant pour lancer le système. Il y a eu un changement en septembre 1994, et tout ça a été mis de côté, sauf le financement, M. le Président, parce que le ministre de la Justice a jugé bon de continuer à ramasser les fonds et à les détourner pour d'autres fins. Parce que l'argent que nous avons mis là, c'était identifié, c'était l'argent pour un système de médiation familiale, mais le ministre a pris cet argent puis l'a utilisé pour d'autres fins, la lutte contre le déficit dans son ministère.

Alors, il y a deux ans maintenant, il y a eu un système que nous avons conçu, qu'on a jugé bon, et qui était axé sur les dossiers où un juge aurait décidé qu'il y avait des chances que l'expérience de participer à une médiation familiale porte fruit. Alors, il y aurait eu certains triages préalablement. Au lieu de mettre tout le monde dans le même bassin, de mettre tout le monde dans un système universel comme on a dit dans la perception des pensions alimentaires, il y aurait eu un certain triage. Alors, notre projet, au rythme de croisière, aurait coûté environ 3 600 000 $. Et nous avons établi le financement pour ça. Le système était prêt à partir en 1994.

Mais, pour ce gouvernement, rien n'est trop bon et il a décidé, malgré le fait qu'on n'a pas de sous, malgré le fait qu'on n'a pas de programmes pour la création d'emplois pour relancer l'économie... Pourquoi un système à 3 600 000 $ quand on peut acheter un système à 13 000 000 $, M. le Président? C'est quoi, la logique? Où est le discours d'un gouvernement qui veut tout faire pour réduire les coûts, pour vraiment cibler les interventions de l'État? Disparu! Tout d'un coup, on a trouvé un autre 10 000 000 $ pour mettre tous les couples qui «expériencent» ou qui sont en train de divorcer dans un système universel pour la médiation familiale obligatoire. Et c'est ça que, de ce côté de la Chambre, on trouve...

Une minute! Pourquoi ne même pas essayer l'autre système? Si le ministre avait, depuis novembre 1994, utilisé le système que nous avions mis en place et que ça ne marchait pas, il y aurait eu un projet-pilote, il y aurait eu deux années d'expérience et le gouvernement aurait pu dire: Basé sur l'expérience de ces deux années avec un système qui est modeste, 3 600 000 $ par année autofinancés, on peut dire que, non, ça ne marche pas, il faut réaménager le système, il faut essayer de voir ça autrement. Et ce serait une autre expérience, un autre discours que je prononcerais, dans ces conditions. Mais, sans même essayer un effort de cibler entre 10 % et 20 % des divorces où on n'est pas capable de régler ça à l'amiable préalable à aller devant un juge, alors, au lieu de laisser les personnes qui réussissent à trouver des solutions à leurs problèmes à l'extérieur d'une mécanique étatique, on décide: Non, non, on va mettre tout le monde, on va agrandir le système inutilement pour comprendre tout le monde au lieu de cibler, comme j'ai dit, les 10 % à 20 % des causes où il y a vraiment un litige.

Alors, on regarde tout ça et on dit: Pourquoi ne pas essayer un système ciblé sur les cas les plus difficiles, un petit peu comme dans le système des pensions alimentaires? Pourquoi ne pas mettre nos énergies et nos ressources, et tout le monde convient dans cette Assemblée que nos ressources sont limitées... Pourquoi ne pas essayer de faire quelque chose de ciblé? Pourquoi ne pas essayer de trouver quelque chose où on peut aller chercher uniquement des personnes qui ne s'entendent pas, qui ne sont pas capables de trouver à l'extérieur de la cour une résolution à leurs différends?

Alors, même argument qu'on a utilisé sans succès en discutant du projet de loi n° 60 pour lequel on voit aujourd'hui dans les manchettes que l'opposition avait raison. On voit la même chose dans le projet de loi n° 65 et on essaie de créer un énorme système pour mettre tout le monde là-dedans ou... peut-être une mesure plus ciblée, plus pointue qui peut aider les personnes. Parce que, on le convient des deux côtés de la Chambre, il y a trop de divorces au Québec. On a 23 000 mariages qui prennent fin par année, et c'est beaucoup trop. Il y a des litiges, mais, si, à l'intérieur de ces 23 000, on peut régler 80 %...

En tout cas, ce sont des questions qu'il faut regarder. Il y a beaucoup d'autres modèles. Quelqu'un à qui je viens de parler, je pense, dans la province de Saskatchewan, au lieu de faire de la médiation obligatoire, ce qu'ils ont fait, c'est une session d'information sur la médiation obligatoire. Alors, c'est une session d'une heure ou deux, quelque chose comme ça, qui explique au couple comment ça fonctionne. Alors, si on décide d'embarquer dans la médiation, c'est comme ça, comme ça, comme ça. C'est ça, les problèmes qu'on peut regarder. C'est la façon d'aider, et c'est ça, les avantages, c'est ça, les inconvénients. Alors, ça, c'est obligatoire. Alors, le couple, après avoir passé une heure dans une session comme ça ou une couple d'heures dans la session, il regarde ça, il peut faire une décision éclairée. Alors, c'est obligatoire en Saskatchewan, mais pas tout le processus.

Dans un moment où il y a une rareté de ressources, je pense qu'on a tout intérêt à regarder une proposition comme ça au lieu, comme je l'ai dit, de mettre tout le monde dans un grand bateau qui coûterait 13 000 000 $ par année, quand il y a un bateau plus modeste à côté qui peut-être serait suffisant. Mais le gouvernement, qui plaide la pauvreté de temps en temps, dans ce cas-ci est en train d'acheter le bateau de luxe sans même être capable de voir si l'autre bateau, un petit peu moins modeste... était suffisant pour les fins qu'on cherchait comme législateur.

Une autre preuve que ce projet de loi n'est pas mûr et que peut-être qu'on a tout lieu d'apprendre vient du ministre lui-même qui a déjà annoncé les audiences publiques au mois de janvier. Alors, c'est évident que le ministre, sa tête n'est pas encore faite, parce que, si sa tête est faite, il n'y a aucune raison pour faire des audiences publiques. On n'invite pas le monde ici pour témoigner à l'Assemblée nationale ou devant une de nos commissions parlementaires si tous les jeux sont déjà faits.

Alors, c'est évident que même le ministre lui-même hésite. Il n'est pas sûr. Et on a vu, il y a des annonces. Le Barreau a pris une position. Nous avons un communiqué de presse, qui est venu dans nos bureaux, je pense, vendredi, de l'Ordre professionnel des conseillers et conseillères d'orientation, l'ordre professionnel des psychologues, l'Ordre professionnel des travailleurs sociaux, la Chambre des notaires du Québec l'Association des centres jeunesse du Québec. Ils ont un point de vue. Ils ont pris une position qui est à 180° de la position qui a été mise de l'avant par le Barreau. Alors, on a un litige. On a quelque chose où il faut entendre les deux perspectives pour voir si le système qui existait, qui n'a jamais été essayé... Peut-être qu'on a tout intérêt à faire une expérience plus modeste, aider le ministre... Parce qu'il a dit à maintes reprises qu'il a besoin de notre aide, pour sauver l'argent et peut-être dans d'autres dossiers aussi, mais on a une proposition ici qui peut-être va sauver au ministre 10 000 000 $. Ça doit être intéressant.

Peut-être qu'il pourrait garder ouverte la cour de la jeunesse à Pointe-Claire. Qui sait? Alors, il y a toutes sortes de choses qu'on peut faire avec les économies de 10 000 000 $. Alors, pourquoi procéder rapidement à l'adoption du principe d'un projet de loi dont le ministre a déjà avoué qu'il n'est pas prêt, sur lequel il est toujours en réflexion, il a invité les groupes à venir témoigner ici – je pense que c'est la semaine du 24 janvier prochain – pour le regarder, pour voir s'il y a des améliorations, des bonifications qu'on peut faire?

Alors, je ne comprends pas la logique. La même journée où le ministre annonce des audiences publiques, il met ce projet de loi devant nous pour l'adoption du principe. Je ne comprends pas, M. le Président. Soit que le projet de loi n'est pas prêt, ce n'est pas mûr, il faut le bonifier avec les consultations. Si oui, on laisse le projet de loi dans nos cahiers, on va revenir au mois de mars, après avoir eu l'éclairage des groupes qui vont venir témoigner, et à ce moment-là on va être prêts à faire un débat sur le principe éclairé et des questions que j'ai soulevées.

(16 heures)

Est-ce que les groupes ont vu les avantages et les inconvénients avec le projet de loi 14, mis de l'avant par l'ancien gouvernement de M. Bourassa? Peut-être que c'était suffisant. Peut-être qu'on n'a pas besoin de dépenser 10 000 000 $ de plus dans un moment où l'État plaide la pauvreté dans tous les autres dossiers. Alors, peut-être qu'on a un modèle qui existe, qui peut être bon pour les 10 % à 20 % de personnes qui sont vraiment en litige, qui ne peuvent pas régler ça hors cour. Et on va laisser les autres arranger leurs problèmes entre adultes, venir à une solution, et ce sera juste à la cour de le confirmer. Alors, ça, c'est une question. Il faut le regarder pour voir si on peut aider le ministre à sauver de l'argent.

Mr. Speaker, I just do not understand how, on the same day, we can come at what appears to me to be diametrically opposed conclusions. We can say that the bill is not ready, so we need to do a general consultation, we need to invite experts, we need to invite groups of lawyers, of notaries, of family counsellors to come to Québec, in the month of January, to help us out because there is a number of fundamental questions about the system, whether it should be obligatory or not, whether it will help everybody or whether we can come up with a system of perhaps a more modest size, but that would be focused on the needs of those people who are really having difficulty coming to some kind of mediative settlement of their divorce.

So, instead of, again, coming out with a large government structure, maybe we can have a more modest size structure that would cost 10 000 000 $ less. We could do something smaller that would serve the purposes that we both agree on on both sides of the House. But the same day the Minister said the bill is not ready, and that he has to consult, and that he needs to have these questions answered, he comes and says: We'll adopt the bill anyway. There's a real lack of logic here. Either the bill is ready and the Minister is going to plow on ahead in his usual style, not listening to anybody, and we're going to have another bill 130, we're going to have another bill 87, where things have not worked, where there are going to be problems – on this side of the House we tried to raise these problems but nobody listened to us – or, what we can do is: we can do this properly, we can put off adopting the principle of this bill for now, we can listen to the groups, we can ask the questions that we have on this side of the House, I'm sure the Minister has a long series of questions from his side of the House or else he wouldn't have asked these groups to come and testify, out of respect for these groups... They will only come if we're going to listen to them, and, if they have some reasonable hope that we've asked them to do is goint to be followed up upon.

So I really don't understand how we can have a situation where, on the same day, the Minister can be of two minds. But, having seen this Minister work in other areas, I guess it's not that surprising. That seems to be a bit of a pattern that's emerging with here.

En conclusion, on a beaucoup de questions. On demeure toujours insatisfait des réponses. Pourquoi le ministre n'a même pas essayé la mécanique, le modèle qui était inclus dans le projet de loi 14, adopté par cette Assemblée il y a trois ans, qui était un système de 3 600 000 $ qu'un gouvernement qui a de la misère à boucler ses budgets a tout intérêt à regarder comme il faut, avant de complètement le mettre de côté et d'embarquer dans un modèle de 13 000 000 $, M. le Président? Parce qu'ils ont trop d'argent? S'ils ont vraiment trop d'argent, il y a 10 000 000 $ d'extra au ministère de la Justice; peut-être qu'on peut trouver une autre fin louable pour cet argent au lieu de le dépenser tout de suite.

Alors, moi, je vais voter contre le principe, pas parce que je suis contre la médiation familiale – comme j'ai dit, l'ancien gouvernement a adopté, effectivement, une loi, un mécanisme pour chercher ces argents – mais on va voter contre parce qu'on est certain que ce projet de loi n'est pas prêt, ce n'est pas mûr, et je pense qu'il y a une réflexion importante qui s'impose. Est-ce qu'on peut arriver à la même fin sans dépenser 13 000 000 $ par année? Je pense que c'est une question essentielle, une question qu'il faut se poser.

Alors, on va attendre, surtout les audiences publiques. Au mois de janvier prochain, on va poser cette question aux groupes qui vont venir témoigner et on va voir s'il y a d'autres modèles. Comme j'ai dit, le modèle de la Saskatchewan, où on parle de «mandatory exposure to mediation», c'est-à-dire que les couples doivent s'asseoir avec quelqu'un qui leur explique comment le processus de médiation pourrait fonctionner dans leur cas, peut-être que ce serait suffisant, beaucoup moins dispendieux pour l'État, et avec lequel on pourrait arriver aux mêmes fins que les fins cherchées par le ministre dans ce projet de loi. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Jacques-Cartier. Nous cédons maintenant la parole au député de Notre-Dame-de-Grâce. M. le député.


M. Russell Copeman

M. Copeman: M. le Président, j'ai hésité un tout petit peu avant de me lever, par souci de l'alternance qu'on utilise ici, en cette Chambre, mais je vois que, comme c'est souvent la pratique ici, en cette Chambre, les députés ministériels n'ont pas beaucoup à dire sur le sujet. Alors, je suis obligé de suivre immédiatement mon collègue le député de Jacques-Cartier. Et je vous dis tout de suite, M. le Président, que je vais reprendre un certain nombre d'items qu'il a exposés pendant son discours.

On dit souvent, M. le Président, que l'opposition donne une opposition systématique à des projets de loi pour d'autres raisons. M. le Président, dans ce cas-ci, je pense qu'on a une excellente raison de nous opposer au projet de loi n° 65. Puis je vais commencer quasiment où le député de Jacques-Cartier a terminé, en ce qui concerne ce qui est, quant à moi, la débâcle qui entoure la présentation de ce projet de loi.

M. le Président, malgré les pensées du gouvernement, et je sais qu'il n'aime pas l'entendre, l'opposition a souvent raison. Il ne veut pas nous donner raison, mais – pas sur le coup, en tout cas – depuis un bon nombre de semaines, on a des indications que, oui, souvent nous avons raison. Et même, de temps en temps, le gouvernement le reconnaît sans le dire trop fort, parce que ce n'est pas un type de nouvelle qu'il veut répandre dans la société québécoise.

Mais on a vu, avec... Dans le dossier aussi important que l'ajout du médicament Betaseron, il y a à peu près une semaine et, précédemment, dans le mois d'août, mois de septembre, octobre, en commission parlementaire, ils avaient tenté de convaincre le ministre de la Santé d'ajouter le médicament Betaseron, pour le traitement de la sclérose en plaques, à la liste des médicaments autorisés par le ministère de la Santé.

Le ministre, jusqu'à tout récemment, la semaine passée, nous a répondu que les preuves scientifiques n'étaient pas faites, ça ne démontrait pas nécessairement une efficacité. En s'appuyant toujours sur des données scientifiques, M. le Président, il a accusé une fin de non-recevoir à la demande, il y a 10 jours, de notre collègue le député de Robert-Baldwin en ce qui concerne le médicament Betaseron. On trouve aujourd'hui, M. le Président, que, chose étrange, coïncidence, heureuse coïncidence, M. le Président, en date du 1er janvier, le médicament Betaseron va être inclus dans la liste des médicaments. Alors, ce qui était non recevable il y a 10 jours de la part du député de Robert-Baldwin, le porte-parole de notre formation politique en matière de santé, pour des raisons scientifiques est devenu acceptable aujourd'hui. Bien, on ne peut que se réjouir, M. le Président, mais ça démontre à quel point, de temps en temps, nous avons raison.

Et je pense que, sur la loi n° 65, nous avons raison de nous objecter à ce moment-ci à l'adoption du principe, pas parce qu'on est contre la médiation familiale, M. le Président, ça, il faut bien le préciser. Mais le ministre lui-même nous donne raison. Le ministre lui-même nous donne raison. Il ne nous donne pas raison après coup. Il nous donne raison pendant même le débat sur l'adoption du principe. Et comment est-ce qu'il nous donne raison? Il annonce, lui, ministre de la Justice, que l'Assemblée nationale – j'imagine que ça va être soit la commission des institutions, soit la commission des affaires sociales – va tenir des audiences publiques, à partir du 28 janvier, sur son projet de loi.

M. le Président, je suis député seulement depuis deux ans, mais il me semble que c'est une pratique assez inhabituelle qu'un ministre lui-même, avant l'adoption du principe du projet de loi, annonce des consultations sur son projet de loi un coup adopté. Si ce n'est pas inhabituel, M. le Président, ça devrait l'être, ça devrait l'être. Si on accepte qu'on devrait avoir des audiences, tel que le ministre l'a fait, sur le projet de loi n° 65, on l'accepte. Il faut bien le croire, M. le Président, parce qu'on est d'accord: il y a certaines litiges avec le projet de loi, il y a peut-être certains problèmes, certaines déficiences, certains litiges entre les groupes qui traitent de la question.

(16 h 10)

Mais, si on fait ça, M. le Président, si on accepte qu'il y a des failles, qu'il y a contestation, qu'il y a un litige à régler, pourquoi on accepte? Parce que, de bonne foi, on convoque des groupes pour des audiences. D'où vient l'empressement d'adopter le principe? Quant à moi, il est très illogique, d'une incohérence totale, une incohérence... Si on accepte qu'il y a des difficultés, des problèmes, des failles, des litiges, comme on vient de le faire en disant: Oui, nous allons tenir des audiences; oui, nous allons écouter du monde – de bonne foi, je l'espère, que le gouvernement va les écouter – pourquoi est-ce qu'on nous oblige, qu'on nous force à faire l'adoption du principe aujourd'hui? Une logique qui m'échappe complètement. Peut-être que le ministre va être capable de nous expliquer ça. J'en doute. J'en doute, mais c'est possible. Alors, au niveau de la procédure, M. le Président, une objection de forme, je dirais, au sujet du projet de loi n° 65.

Il y a, quant à moi, également des objections de fond. Et, pour moi, l'objection de fond majeure est qu'on rend la médiation familiale obligatoire avant l'audition. On la rend obligatoire pour 90 % des cas de divorce au Québec. M. le Président, mon collègue le député de Jacques-Cartier a déjà tiré certains parallèles avec le projet de loi 60, le système automatique de perception des pensions alimentaires. J'aimerais vous faire part de quelques préoccupations à ce moment-là, parce que les parallèles sont très, très, très étroits, très serrés. Vous allez vite comprendre.

Le système automatique de perception des pensions alimentaires mettait tout le monde dans le même panier: les bons payeurs et les mauvais payeurs ensemble. On savait que 45 % des gens qui payaient une pension alimentaire le faisaient avec très peu de difficultés, avec aucune difficulté. Ils le faisaient de façon régulière, à temps, avec aucune autre contrainte que leur obligation, leur devoir moral de le faire. Nous avons dit, notre collègue la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne a dit lors de l'adoption du projet de loi 60 qu'on avait – je la cite – «une préoccupation, de la part de l'opposition officielle, que nous avons répétée à plusieurs reprises à la ministre lors de nos échanges, il s'agit, au niveau des débiteurs, qu'ils soient en défaut ou non, que tout le monde est régi par la Loi facilitant le paiement des pensions alimentaires». Ces mots ont été prononcés le 4 mai 1995. «À nos yeux – la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne continue – M. le Président, ce système pénalise ainsi les débiteurs qui payent volontairement leur pension alimentaire, soit plus de 45 % des gens, augmentant nécessairement le coût du système. Nous, ce qu'on proposait à la ministre, c'est peut-être d'inclure seulement les mauvais payeurs, et les économies qui seraient encourues auraient dû être utilisées pour aider les familles monoparentales, justement les personnes qui sont sur la sécurité du revenu.»

M. le Président, on avait, il y a plus d'un an, très clairement mis en garde le gouvernement contre les cotisations mur à mur du système de paiement des pensions alimentaires. On avait des craintes. On avait dit: Ça va créer un cafouillage incroyable dans la collecte des pensions alimentaires, cafouillage pour le ministère du Revenu, ministère chargé de la collection des pensions alimentaires sous le projet de loi 60. Bien, qu'est-ce qui arrive? Et c'est là où je reviens à mon observation que, de temps en temps – même que, moi, je dirais souvent – l'opposition a raison. Ce cafouillage administratif est là. Ce cafouillage administratif, qui a été prévu par nous il y a plus qu'un an dans le domaine de la perception des pensions alimentaires, existe, est réel. Le Vérificateur général l'a constaté. Des groupes de femmes l'ont constaté. Tout le monde l'a constaté, sauf le ministre délégué au Revenu parce que, lui, il ne voit pas. On dit en anglais, M. le Président: «He has his blinkers on.» Une vision très étroite, là. Il fait comme un cheval avec des... Le mot? Les...

Une voix: Oeillères.

M. Copeman: Les oeillères. Il ne voit pas, là. Il ne voit pas. Tout va bien. Mais les démonstrations ont été assez faites que ça va mal dans le domaine de la collection des pensions alimentaires. Et ça va mal principalement parce qu'on a mis tout le monde dans le même système, tout le monde avec un délai pas raisonnable. La machine n'était pas capable de procéder. Blocus complet.

M. le Président, nous avons des craintes qu'exactement la même chose arrive avec le projet de loi n° 65, que, en rendant la médiation familiale obligatoire avant l'audition, on mette tout le monde dans le même panier et qu'on surcharge le système de médiation familiale de façon incroyable. Les coûts déjà évalués au-delà de 10 000 000 $ ne seront peut-être pas suffisants. Même avec les estimés élevés qu'ils ont, moi, je vous prédis que ce ne sera pas assez, qu'on va être obligé de dépenser plus que les prévisions de M. le ministre de la Justice, qu'il va y avoir des blocus importants, que la machine va être surchargée, that it will grind to a halt, Mr. Speaker.

And you know something, Mr. Speaker? When administrative machinery grinds to a halt, no one wins. Absolutely no one. The machine blocks, people who hope to have certain differences resolved find that they cannot because of delays. Now, I thought I heard, Mr. Speaker, from the other side of the House the example of the CSST. It's a good example. When a system becomes overloaded, delays become imposed that are unacceptable, that effectively deny people access to justice or to a regulation of their situation.

Et je vous prédis, M. le Président, que c'est exactement ça qui va arriver avec le projet de loi n° 65. Nous, par contre, nous avons proposé et même fait adopter ici, à l'Assemblée nationale, un mécanisme de médiation familiale beaucoup plus léger, à un coût pour la société beaucoup moins élevé, et je pense que le gouvernement aurait dû mettre en vigueur ce système, faire un test. Là, le ministre est fort, d'autres ministres sont forts. Il disait tantôt en réponse à une question de mon collègue le député de Chomedey: Bien, on ne peut pas évaluer le nouveau système d'aide juridique, on n'a pas fait une évaluation encore. Le nouveau système n'est pas en place. Semble-t-il, les avocats ont pu en faire l'évaluation, parce qu'ils sont en grève là-dessus. Mais, lui, il dit: On ne peut pas évaluer, on ne peut pas déterminer vraiment si ça marche ou si ça ne marche pas parce qu'on n'a pas fait d'évaluation. Mais ce même ministre aurait dû, quant à moi, mettre en vigueur le projet de loi que le gouvernement libéral a fait adopter en 1993, qui prévoyait que c'est le juge, au moment de l'audition, qui renvoyait les parties à la médiation s'il le jugeait opportun. Il s'agissait là de la médiation mandatoire ou d'une médiation sur ordonnance.

(16 h 20)

M. le Président, je crois qu'il faut aujourd'hui commencer par de petites étapes. Vous êtes père de famille, M. le Président. Je le suis. Nous savons tous les deux que les enfants apprennent des choses petit à petit. Un enfant apprend à marcher en grimpant, en faisant quelques pas avec une certaine hésitation; des mois plus tard, on va voir ce même enfant courir dans la maison, courir dans la rue, sur les trottoirs. M. le Président, je crois que le gouvernement du Parti québécois saute une étape au complet qui aurait pu être la médiation sur ordonnance, qui aurait pu régler, quant à moi, un grand nombre de litiges sans mettre tout le monde dans le panier, sans le faire de façon obligatoire pour tout le monde.

C'est une marque de commerce de ce gouvernement, M. le Président, d'étatiser des choses mur à mur. C'est un gouvernement de mur-à-mur. Il faut qu'il étatise tout: l'assurance-médicaments, tout le monde paie; politique en matière de garderie, système étatique, tout le monde, pas de place pour le privé, pas de place pour le choix des parents, pas de place pour les garderies privées, non. C'est notre façon de le faire.

It's our way or the highway, Mr. Speaker, and that's a hallmark of this Government. The hallmark of this Government is: It's our way or the highway. And you know what's happening, Mr. Speaker? As a result of that, people are taking the highway. The Member for... The Government Whip thinks that's a good thing, I guess, that people take the highway. Voilà. You know, he thinks it's a good thing, but it's not a good thing, Mr. Speaker. We still have, in our society, I would hope, a system which permits the freedom of choice in a certain number of matters, and, here again, this Government is limiting that choice.

Mr. Speaker, the Minister himself seems to be of two minds on this legislation. On the one hand, he says: We've got to go ahead with the adoption of the principle of the bill. On the other hand, he says: We're going to hold parliamentary hearings afterwards. Of two minds. And watching this Minister, Mr. Speaker, I would venture to suggest that he's not of two minds, sometimes he's of half a mind. He proceeds in a way that is incomprehensible to most people. It seems like details were determined at the very last minute. And this is what happens, Mr. Speaker, when you don't have the proper preparation from a Minister: you get people with differences of opinion, in a society, that need to be resolved, and he can't mediate. He can't seem to sort them out himself, so they have to be sorted out in other forums.

M. le Président, la médiation familiale, oui, on est pour. On est pour un système qui est flexible, souple, qui ne coûte pas un bras. Le gouvernement, qui nous dit chaque jour, quotidiennement: Pas les moyens, pas les moyens, pas les sous, pas les sous, il faut couper, il faut couper, coupe dans la santé, coupe dans l'éducation, coupe ici et là, impose des frais. Mais là il y avait une façon de procéder que, nous, on a proposée, qui coûterait à peu près le quart du système proposé par le gouvernement; qui aurait, quant à moi, été aussi efficace, sans mettre tout le monde dans le même panier. Le gouvernement a dit: Non, non, non. C'est notre façon de faire. Tout le monde ensemble, on va étatiser, créer des gros systèmes, des grosses structures rigides, mais ça ne solutionne pas les problèmes quotidiens des Québécois et des Québécoises, M. le Président. Malheureusement, ça ne solutionnera pas le cas des 23 000 Québécois et Québécoises qui divorcent chaque année.

Pour ces raisons, M. le Président, je suis dans l'obligation de voter contre le projet de loi n° 65 et de tenter de convaincre le gouvernement qu'il n'a pas raison, encore une fois. S'il prend simplement son temps de refaire ses devoirs comme il faut, il va en arriver à peu près à la même conclusion. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. Nous cédons maintenant la parole au whip en chef du gouvernement et député de Laviolette. M. le whip en chef.


M. Jean-Pierre Jolivet

M. Jolivet: Merci, M. le Président. Voilà donc une belle façon de voir les choses: Oui, on est pour, mais on va voter contre. Et là il dit en même temps: Je veux profiter de la commission parlementaire pour faire valoir mon point de vue auprès du ministre. Puis, juste au début – et c'est pour ça que je suis intervenu, M. le Président – il dit: Ce n'est pas la bonne façon de le faire. Mais il va l'utiliser, par exemple.

Le député, il est nouveau ici, en cette Chambre. Ça fait deux ans maintenant qu'il est ici, il n'a peut-être pas appris tout ce qu'il est possible de faire. Mais il y a des commissions parlementaires qui peuvent se faire à partir d'un livre blanc, ou d'un livre de consultation, ou d'un projet de loi déposé. Ça peut se faire avant qu'on adopte le principe. Ça peut se faire après qu'on a adopté le principe, avant qu'on revienne en commission parlementaire pour l'étude détaillée du projet de loi. Donc, il y a toutes sortes de façons qui sont possibles. Le député peut bien le critiquer, mais je pense, M. le Président, qu'il doit être conscient que nous utilisons ce que le règlement nous permet de faire et qui est logique. Ce n'est pas la première fois – moi, ça fait 20 ans que je suis ici – que je vois l'adoption d'un principe, puis, après ça, on détermine des rencontres avec des groupes avant d'aller à l'étude détaillée, article par article, justement pour permettre des amendements potentiels venant de la part du côté ministériel comme du côté de l'opposition. C'est la première chose qu'on fait.

La deuxième chose que je voudrais relever, c'est quand il a parlé du Betaseron. Et là il a oublié une chose bien importante: la décision n'appartient pas au ministre de la Santé; elle appartient à un comité de la Régie de l'assurance-maladie du Québec. Donc, quand il accuse le ministre, comme l'autre l'avait fait avant, de dire une chose un jour puis de dire une autre chose l'autre jour, ce que le ministre avait dit – et c'est la rectification que je voulais apporter, M. le Président – c'est: Toutes les études ne sont pas encore terminées. Et je le sais très bien parce que j'ai eu à travailler sur la question du Betaseron avec des gens de mon coin, au niveau de cette malheureuse maladie qui affecte des personnes, et j'ai eu à travailler avec les gens de la région, chez moi. Et ce que je leur ai dit depuis le début: Le ministre se trouve à chercher avec vous autres les moyens d'y arriver. Cependant, la décision qu'il doit annoncer n'est pas prise par lui seulement, parce que ça n'aurait pas de bon sens. Et je suis sûr que le député de l'opposition, qui est ici devant moi, va convenir de la même chose – alors qu'il était ministre de l'Éducation: il y a des choses qui doivent être faites selon les normes, et après ça le ministre doit les annoncer quand il a tous les éléments à sa disposition.

Et, sur la question du Betaseron, le ministre l'avait toujours dit et l'a toujours répété: Il reste encore des vérifications scientifiques à être faites. Le groupe qui est responsable pour la mise en place sur le document qui va devenir les médicaments reconnus – parce qu'on parle de quelque 4 000 médicaments reconnus... Il y a une chose qui est certaine, c'est que le ministre devait attendre la décision de ce comité de la Régie de l'assurance-maladie du Québec, qu'il a eue dernièrement, et c'est ce pourquoi il s'est empressé d'y répondre et de dire: Oui, maintenant qu'ils l'ont reconnu scientifiquement, c'est bon pour des personnes; dans d'autres cas, ce n'est pas bon du tout. C'est au médecin, devant la personne qui est atteinte de cette maladie, de pouvoir déterminer si c'est bon pour elle ou pas bon. Mais il y a une chose qui est certaine, c'est que le ministre l'a accepté, puisque la Régie le lui a recommandé.

Mais, M. le Président, j'aimerais parler au député qui m'a précédé en lui disant que, oui, effectivement, il ne faut pas dire n'importe quoi ici, en cette Chambre. À force de le répéter, vous savez, ça ne devient pas une vérité. Il y a une personne que j'ai connue dans mon coin, qu'on appelait le lion de la Mauricie: M. Maurice Bellemare. Il avait une façon de faire les choses, dans le temps, qui, à mon avis, devrait être révolue. À une personne qui lui disait: Ça n'a pas de bon sens, ce que vous venez de dire, M. le député, la personne que vous accusez n'a jamais fait ça, il disait: Ça, ce n'est pas grave, mon petit gars, ce n'est pas grave, pas du tout; ce qui est important, c'est que ça lui fasse mal. Mais je pense qu'il faut arrêter ça, ces choses-là.

J'ai, depuis 20 ans, fait un travail auprès de ma population en lui disant en pleine face la vérité. Ils me connaissent comme ça; ils savent que ce que je dis, je le pense puis que, vis-à-vis de ça, c'est la vérité. Dans le cas qui nous préoccupe, les députés ont essayé, à partir d'un document qui est le projet de loi devant nous, qui est totalement différent de ça, de discréditer en prenant des exemples. Et j'ai voulu par mon intervention leur dire deux choses. La première, c'est que c'est normal, ce que fait le ministre de la Justice, puis c'est normal, ce qu'a fait le ministre de la Santé et des Services sociaux. Puis arrêtez donc de dire n'importe quelle baliverne à votre tour. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le whip en chef du gouvernement et député de Laviolette. Nous cédons maintenant la parole au député de Westmount–Saint-Louis. M. le député.


M. Jacques Chagnon

M. Chagnon: Je vous remercie, M. le Président. Vous me permettrez d'avoir une courte réplique au député de... non pas de Saint-Maurice, mais de Laviolette, en lui signalant que, en ce qui concerne le premier point, le médicament qui est le Betaseron, je ne saurais pas dire si, effectivement... quel est le rôle exact que le ministre de la Santé a à jouer lorsqu'il a à prendre des décisions sur la carte des médicaments qui lui sont prescrits ou comme étant ceux qui sont assurés par la Régie de l'assurance-maladie du Québec.

Une chose que je sais, par contre, c'est que ce que j'ai pu lire au sujet du Betaseron, M. le Président, c'est que le coût de ce médicament est très élevé. Et je sais aussi que le ministre de la Santé a un budget qu'il tente de respecter et je sais aussi que, comme ministre de la Santé, il a la prérogative de décider si, oui ou non, il a les moyens d'utiliser tel ou tel nouveau médicament. Et j'imagine que c'est le genre de sujet et de discussion que le ministre de la Santé a dû avoir préalablement, au moment où il disait prendre la décision de ne pas utiliser le Betaseron et au moment où il a pris la décision d'utiliser le Betaseron. Mais enfin, bref, c'est un peu éloigné de notre propos.

(16 h 30)

En ce qui concerne le mode de fonctionnement que nous avons devant nous au sujet de ce projet de loi, eh bien, M. le Président, il est et il peut... J'ai déjà vu ça, moi aussi, des projets de loi déposés et éventuellement qui ont fait l'objet de commissions parlementaires. En ce qui me concerne, moi, personnellement, M. le Président, j'ai un peu la réputation que le député de Laviolette a: quand je parle, je parle franchement et on me comprend rapidement. Je n'ai pas la certitude, je n'ai pas la conviction que ce projet de loi, le gouvernement ne cherche pas à le faire adopter.

Il est donc en première lecture ici, devant nous, ce projet de loi instituant au Code de procédure civile la médiation préalable en matière familiale qui vient modifier d'autres dispositions du Code de procédure civile. Le projet de loi qu'on a devant nous, M. le Président, qu'est-ce qu'il cherche à faire? Il cherche, préalablement à l'audition en Cour supérieure, à faire en sorte que 100 % des parties passent par le biais de la médiation familiale. Et c'est assez surprenant de voir un projet de loi qui cherche à faire en sorte de tenter de mettre tout le monde dans le même panier de la médiation familiale.

Je suis conscient, très conscient même, que la médiation familiale fait du sens dans plusieurs cas. Je sais pertinemment, pour avoir passé par là, que le divorce est une épreuve pas facile. Je sais aussi qu'elle peut être encore plus difficile quand les parties cherchent à utiliser la cour pour régler leurs différends. Parfois, elles n'ont pas le choix, ça a été mon cas. Je sais aussi que la médiation aurait pu peut-être m'être utile au moment où j'ai passé par cette expérience-là, il y a une douzaine d'années. Je sais aussi que généralement le divorce est réglé par les parties avant la cour dans 85 % à 90 % des cas. Je sais que ça n'a pas été mon cas, j'ai eu à passer trois jours en Cour supérieure pour régler des questions qui, pour moi, étaient aussi fondamentales que la garde des enfants, des choses comme celle-là. Mais une chose est certaine, c'est que la médiation familiale, dans des cas qui sont plus difficiles, plus durs, peut être utile.

La médiation familiale a fait l'objet de plusieurs discussions dans cette Assemblée depuis les 11 dernières années où j'y siège. La médiation familiale est sûrement un moyen qui doit être privilégié non seulement par le gouvernement, mais aussi par les instances juridiques sur une base régionale dans les districts judiciaires comme particulièrement... en fait, dans les districts judiciaires de toute la province, pas uniquement Montréal ou Québec. Mais, dans chaque district judiciaire, on se doit de mettre des services de médiation familiale. Par contre, encore une fois, la médiation familiale pour tout le monde avant le procès, ça m'apparaît être, M. le Président, un gaspillage de fonds publics à un moment donné où l'État est en manque, est en problème en termes de sa capacité de dépenser. Et, jusqu'à un certain point, ça rend inutile une dépense qui est évaluée à 13 000 000 $ ou 14 000 000 $.

Je me rappelle, lorsqu'un précédent ministre de la Justice avait déposé et fait adopter dans cette Chambre une loi concernant une médiation familiale, une médiation où le processus était très différent, M. le Président. Ce qu'on nous suggère ici, c'est un processus de médiation où 100 %, encore une fois, tout le monde passe par la médiation avant d'aller à la cour. Encore une fois, je répète que ce n'est pas nécessaire. Mais le processus qui avait été adopté en 1993 sur la médiation familiale faisait en sorte que tu avais des grandes chances d'avoir un règlement avant d'aller à la cour, et la cour, à ce moment-là, venait tout simplement stipuler et accepter le règlement que les parties avaient négocié préalablement, avant de se rendre en cour.

Alors, le juge de la Cour supérieure décide que M. Machin puis Mme Chose ont pris tel règlement concernant d'abord la garde de leurs enfants puis, deuxièmement, la disposition des actifs et des passifs, etc., et puis tout le monde s'en retourne chacun chez eux avec évidemment un divorce. Mais ce que suggérait la procédure de 1993, je me rappelle m'être penché sur la question à l'époque, m'apparaissait plus évident que la formule que le ministre de la Justice nous suggère aujourd'hui.

À l'époque, puisqu'un grand nombre de gens pouvaient justement avoir une entente préalable et que la cour pouvait en disposer, on avait dit ceci, en 1993, la loi corrigeant et modifiant le Code de procédure civile avait stipulé ceci: Les gens qui ne s'entendent pas et qui s'en vont en cour, bien, que le juge prenne sur lui... D'ailleurs, ces juges-là en font beaucoup, de droit familial. On parle de centaines de causes parfois, par jour, pour des procédures préliminaires et, dans le cas des procédures complètes, bien, c'est peut-être un peu plus lent, mais c'est quand même des juges qui sont très souvent spécialisés en droit familial.

Dire, compte tenu de l'expérience de ces juges-là, la loi de 1993 qui, ma foi, n'a jamais été promulguée ni par notre gouvernement ni par le gouvernement qui est en place depuis deux ans maintenant, le gouvernement du Parti québécois... La loi disait ceci: Vous avez une entente; le juge la bénit, votre entente. Si vous n'avez pas eu d'entente, le juge décide par lui-même si la médiation familiale ne serait pas une bonne solution au problème que vous avez devant vous, que les parties que j'ai devant moi ont. Et, à ce moment-là, il commande aux parties... Si elles le veulent bien, remarquez, parce que je comprends mal le concept que le ministre de la Justice a aujourd'hui entre médiation et obligation.

On n'a jamais vu le ministre du Travail, qui est un spécialiste du droit du travail... La médiation, quand les parties ne veulent pas en faire partie, il a un problème, le ministre du Travail, et c'est bien normal. Il faut que les deux parties veulent aller en médiation pour qu'il puisse y avoir médiation.

Alors, encore une fois, en 1993, le juge avait, selon le Code de procédure civile modifié tel qu'il l'avait été en 1993, l'opportunité de dire aux parties: Je vous recommande la médiation, et, une fois qu'il y aura médiation, une fois que vous vous serez entendus, peut-être aurez-vous une entente que vous viendrez déposer devant la cour; peut-être n'en aurez-vous pas et, à ce moment-là, nous continuerons les procédures.

Il me semble, M. le Président, que ça avait pour effet d'éviter ce que cherche à faire le projet de loi n° 65 qui est devant nous et puis qui est l'objet de notre discussion de cet après-midi, qui cherche à éviter de faire de la médiation obligatoire, ce qui est un contresens, quant à moi, pour 100 % des cas des gens qui vont divorcer. Or, on sait que le divorce, malheureusement, c'est quand même le triste sort de plusieurs personnes. Il y a 23 000 divorces qui sont inscrits en général tous les ans à la Cour supérieure. Ça fait 46 000 personnes, ça, qui sont touchées par des divorces tous les ans. Alors, c'est beaucoup de monde, beaucoup, beaucoup de monde.

Alors, la médiation obligatoire pour tout ce monde-là avant de procéder à la Cour supérieure, à un coût évalué par le ministère de la Justice à 13 000 000 $; contre le processus de médiation qui est déjà légiféré, qui a déjà été adopté en 1993 et qui, lui, coûterait 3 500 000 $ une fois qu'on promulguerait le projet de loi 14, si ma mémoire est bonne, de 1993. Et ça, M. le Président, j'ajouterai puis... Déjà en 1993, à l'automne 1993, il y a eu des modifications dans les palais de justice. On a commencé à modifier le coût des timbres judiciaires. Ce n'était pas bien cher, les timbres judiciaires, 7 $, 8 $, mais ils ont augmenté passablement. Vous avez fait ce métier-là, vous, M. le Président. Ils ont augmenté à 75 $ pour les causes en droit familial, si je me souviens bien, 70 $, 75 $. Et l'augmentation du coût du timbre devait financer le coût de la médiation dans chacun des districts judiciaires, M. le Président.

(16 h 40)

Or, on est obligé de vous dire que – et ça ne me fait pas plaisir de le dire non plus, mais c'est là la vérité – ça fait depuis 1993 que le coût du timbre judiciaire a augmenté et que les gens n'ont pas plus de service. La médiation n'ayant pas été organisée, n'ayant pas été promulguée, bien, le timbre est payé par les gens qui passent par cet événement-là, et puis, malgré tout, ils n'ont pas le service. Je pense qu'on serait mieux aujourd'hui de penser à bâtir le service que de penser uniquement à ramasser la valeur du timbre puis à utiliser – parce que j'imagine que c'est ça qui est le réflexe du ministre de la Justice – des économies qui devraient découler de ce qui a été qualifié de l'affaire Thibodeau et qui amène une certaine défiscalisation, à partir de mai 1997, des pensions alimentaires, tant au fédéral qu'au provincial.

Les gouvernements, qu'ils soient fédéral ou provinciaux, vont avoir certaines économies, vont réaliser certaines économies de cette défiscalisation-là. Et je soupçonne qu'au Conseil du trésor on ait autorisé le mémoire du ministre de la Justice en pensant aux revenus ou à la non-dépense que cette défiscalisation-là va avoir pour effet et pour faire en sorte de pouvoir financer, si on se fiait au projet de loi du ministre de la Justice, les 13 000 000 $ supplémentaires de dépenses qu'il occasionnerait. Je trouve, encore une fois, qu'on serait mieux de profiter de cette économie importante concernant la défiscalisation pour aider les gens, les enfants, pour aider, je dirais, le système de perception de pensions alimentaires.

M. le Président, le système de perception de pensions alimentaires, on l'a vu, ça a été qualifié de balloune politique pour tenter de faire plaisir aux bénéficiaires de ces pensions alimentaires là qui sont très généralement des femmes. Je voyais comment est empêtré le ministre du Revenu avec ce dossier-là. Ce dossier-là, semble-t-il, à son ministère, a des répercussions qui n'étaient surtout pas attendues. Parce que, encore une fois, M. le Président, encore une fois, on a péché dans le dossier de la perception des pensions alimentaires de la même façon que le projet de loi n° 65 pèche actuellement, en cherchant, lorsqu'on a réglé le problème des pensions alimentaires, à centraliser dans un organisme unique, un endroit où tous les nouveaux payeurs – il y a 23 000 divorces par année, donc il y a plusieurs pensions alimentaires qui sont attachées à ces divorces... d'utiliser un endroit centralisé pour faire en sorte d'exiger de tous les payeurs de pensions alimentaires, bon payeurs ou mauvais payeurs, d'utiliser le système du ministère du Revenu.

Alors, évidemment, le ministère du Revenu, bien, son système est engorgé, puis ça va coûter une fortune pour essayer de le dégorger. Puis, pendant ce temps-là, bien, chez les mauvais payeurs, il y a de pauvres créanciers – qui sont souvent de pauvres créancières – qui n'ont pas les services du ministère du Revenu parce que celui-là est débordé, puis il y a du monde qui ne paie pas. Puis ça, à mon avis, c'est ce qu'il faut chercher à éviter. Ça n'a pas d'allure de laisser des gens ne pas payer leur pension alimentaire. Ça n'a pas d'allure de laisser des gens se déresponsabiliser ou se décharger de leur responsabilité vis-à-vis de leurs enfants, d'abord, et de leur conjointe, leur ancienne conjointe ou ancienne épouse. Ça n'a pas de sens. Une société qui accepte, ce n'est pas le cas de notre société, mais une société... On dit ça: Ce n'est pas le cas de notre société, mais il y en a un joyeux paquet qui passent à côté des filets du ministère du Revenu parce que le ministère du Revenu a essayé d'en prendre trop large. En essayant, encore une fois, de régler 100 % des cas des perceptions alimentaires au Québec, le ministère du Revenu est en train de passer à côté des mauvais payeurs.

Moi, ce que je dis tout simplement au ministre de la Justice: Avec votre programme où on fait 100 % de la médiation familiale, vous risquez de passer à côté de sujets qui auraient besoin de médiation familiale, qui auraient besoin d'un investissement peut-être plus grand que les 90 % des cas qui n'en ont pas besoin, de médiation familiale, parce qu'ils ont réglé leurs problèmes hors cour et qui n'ont finalement aucun besoin de ce service qu'entend leur imposer le ministre de la Justice.

M. le Président, l'idée d'une commission parlementaire en janvier, ça a fait sourciller mon collègue: Pourquoi une commission parlementaire en janvier si on a le projet de loi aujourd'hui? Bon, une chose certaine, c'est que je ne connais pas les intentions profondes du ministre de la Justice, on ne se connaît d'ailleurs même pas très bien. Ça fait deux ans qu'on siège ici, mais on n'a pas eu souvent l'occasion de discuter ensemble. Mais, peut-être, ce que je ne sais pas de l'intention du ministre de la Justice, c'est que, s'il a l'intention de faire adopter son projet de loi, moi aussi, je comprendrais mal que le projet de loi adopté fasse l'objet de – adopté, j'entends bien et non pas... Je ne veux pas reprendre l'exemple du député de Laviolette. Mais, si le projet de loi devait être adopté, le député de Laviolette conviendrait avec moi que ça serait un peu bizarre d'aller faire des audiences publiques après plutôt qu'avant.

Je vois la députée de Terrebonne m'indiquer que ce n'est pas le cas. Alors, moi, au moment où on se parle, ce n'est pas de ça qu'on m'a averti, je n'ai pas l'information comme telle. Mais, si c'est le cas, je pense qu'effectivement la commission parlementaire en janvier, ce sera une bonne chose. Vous aurez à entendre, effectivement, non seulement le Barreau, qui est votre répondant régulier, mais aussi beaucoup d'autres groupes, de groupes communautaires et de groupes, depuis plusieurs années, qui se sont fait une réputation en ce qui concerne les dossiers qui touchent plus particulièrement les dossiers de créance et les dossiers qui touchent le droit non pas du travail, mais le droit de la famille, M. le Président.


Motion de report

Mais, pour s'assurer que l'intention du ministre, qui est aussi, si j'ai bien compris, l'intention et la compréhension de la députée de Terrebonne et du député de Laviolette, M. le Président... Vous me permettrez, à ce moment-ci, pour absolument rassurer tous les membres de cette Assemblée nationale, de faire motion en vertu de l'article 240 de notre livre des règlements. Je fais donc motion pour que la motion en discussion soit amendée en remplaçant les mots, entre guillemets, «soit maintenant adopté» par les mots «soit adopté dans trois mois», fermez les guillemets.

Alors, ce sera beaucoup plus simple, après avoir entendu les gens en commission parlementaire, après avoir discuté en commission parlementaire avec les représentants de l'opposition, M. le Président, de reprendre une discussion qui m'apparaît fondée et dont les besoins m'apparaissent et les impératifs... mais aussi de reprendre cette discussion-là avec une base beaucoup plus solide, beaucoup plus éclairée, ayant entendu les gens qui sont touchés et qui sont susceptibles de venir éclairer la lanterne du ministre de la Justice. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Westmount–Saint-Louis. Nous avons devant nous une motion de report en termes réglementaires, et on prévoit, pour une telle motion, un débat restreint de deux heures. Et habituellement nous faisons une petite rencontre avec les leaders pour s'entendre sur la répartition du temps. Alors, on peut brièvement le faire. Nous allons suspendre quelques minutes pour s'entendre sur la répartition du temps.

(Suspension de la séance à 16 h 48)

(Reprise à 16 h 54)

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'ordre, s'il vous plaît! Veuillez vous asseoir.

Nous allons entreprendre le débat sur la motion suivante:

«Que la motion en discussion soit amendée en remplaçant les mots "soit maintenant adopté" par les mots "soit adopté dans trois mois".»

Alors, nous nous sommes entendus, à la suite d'une consultation avec les leaders, pour le partage du temps. Il y aura 10 minutes de réservées pour les députés indépendants, et 50 % du reste du temps sera partagé à parts égales entre les deux groupes parlementaires. Il n'y aura pas de limite aux interventions individuelles dans le cadre du temps réparti et il y aura transfert à l'autre groupe du temps non utilisé par un des groupes. Alors, je suis prêt à reconnaître le premier intervenant. M. le député de Nelligan, je vous cède la parole.


M. Russell Williams

M. Williams: Merci beaucoup, M. le Président. J'ai pensé, pendant cette petite période d'échanges entre les deux bureaux des leaders, que vous arriveriez avec une annonce dans le sens que, effectivement, l'autre côté a déjà accepté la proposition telle que proposée par le député de Westmount–Saint-Louis. Le député de Westmount–Saint-Louis, après son allocution, a suggéré quelque chose de tellement simple: de reporter le débat de ce projet de loi n° 65 après les consultations.

Pour les téléspectateurs, je voudrais juste mentionner que nous sommes en train de faire un débat sur le projet de loi n° 65, Loi instituant au Code de procédure civile la médiation préalable en matière familiale et modifiant d'autres dispositions de ce code. Comme ma tradition ici, M. le Président, je vais aussi citer le titre en anglais: Bill 65, An Act to institute, under the Code of Civil Procedure, pre-hearing mediation in family law cases and to amend other provisions of the Code.

M. le Président, c'est une loi, effectivement, qui touche malheureusement un grand nombre de familles québécoises, parce que nous sommes en train de discuter d'un projet de loi qui va mettre en vigueur une façon de procéder pour les couples qui sont en train de divorcer. Et, comme on peut voir dans le reste de la société, il y a une augmentation de divorces de plus en plus élevée. Je suis chanceux d'être marié depuis 22 ans, et il n'y a aucune chance d'avoir cette possibilité, mais...

Nous avons un gouvernement qui veut mettre mur à mur une solution dont nous n'avons pas besoin pour 100 % des cas. Et le député de Westmount–Saint-Louis, avec sagesse et simplicité, a recommandé un report de trois mois, et peut-être, s'il a l'intérêt des députés du côté ministériel... Et je vois un certain niveau d'intérêt des députés de Rousseau et Maskinongé, j'espère qu'ils auront le courage de se lever plus tard et de dire qu'ils sont d'accord avec un report de ce projet de loi. Ça va leur donner une chance d'étudier le projet de loi comme il faut.

Parce que nous sommes en train d'étudier un projet de loi et le ministre dit: Passe le principe, fais ça pendant la session intensive, comme on fait les nuits blanches et en toute vitesse, et, après ça, nous allons faire la consultation. Ce n'est pas la façon de procéder, M. le Président. Ce n'est pas une bonne façon de protéger la démocratie. N'oubliez pas, M. le Président, que c'est un ministre, le ministre de la Justice, qui est en train de régulièrement bâillonner l'opposition. Il est en train, avec son projet de loi n° 130, d'essayer de passer une loi où il peut placer ses gars. C'est ça qu'il a dit. Avec ça, là...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: M. le Président, vous avez déjà rendu une décision...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, s'il vous plaît, là, vous étiez présent ce matin. Il faut respecter la décision de la présidence. Les gens l'ont respectée jusqu'à date, j'aimerais qu'on continue jusqu'à la fin des débats. Ça a été très clair. Alors, je vous inviterais, s'il vous plaît, à ne pas récidiver.

M. Williams: Je respecte votre décision, M. le Président. Je vais continuer parce que c'est clair, ce qui se passe dans le projet de loi n° 130. J'ai voulu juste répéter quelque chose que j'ai dit dans cette Chambre la semaine passée, et c'était acceptable à ce temps-là. Je m'excuse de ne pas respecter votre décision à la lettre parce que c'était dans l'esprit, parce que j'ai d'autres choses que je peux dire sur ce projet de loi n° 130. J'arrête là, sur ça, M. le Président.

Je sais qu'il y a un grand intérêt de l'autre côté sur ce que nous sommes en train de discuter et j'espère qu'ils vont me donner une chance d'expliquer pourquoi je suis d'accord avec la motion du député de Westmount–Saint-Louis. Un délai de trois mois, ce n'est pas un délai artificiel, M. le Président. Parce que peut-être que le ministre de la Justice va se lever et dire: Ah! Trois mois, c'est trop long; on veut juste prolonger le débat. Ce n'est pas ça. Effectivement, nous sommes à la veille de Noël. J'espère que les familles traditionnelles, les familles unies, les autres familles québécoises pourront avoir une chance de se regrouper ensemble, de voir les familles éclatées fêter ensemble. Et c'est difficile de faire beaucoup de choses plus vite qu'au début de janvier. Il y a plusieurs autres projets de loi sur lesquels nous allons avoir des commissions parlementaires en janvier. C'est pourquoi je pense qu'il est tout à fait logique de prolonger le débat pour trois ans. On perd le premier mois. Le deuxième mois, nous allons avoir une chance de faire les consultations...

(17 heures)

Une voix: Trois mois.

M. Williams: Trois mois. C'est ça que j'ai dit.

Une voix: Tu as dit trois ans.

M. Williams: Si le côté ministériel veut faire une réplique sur mes commentaires, M. le Président, il pourra avoir la chance plus tard. J'espère qu'il n'y en a pas qui vont essayer de continuer de m'interrompre.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Très bien. Effectivement, quand il y a des propos qui ont été peut-être déformés, normalement on attend à la fin de l'intervention et on peut se lever pour les rectifier. Autrement, ça interrompt un peu le débat. Alors, M. le député de Nelligan.

M. Williams: Merci beaucoup, M. le Président. Parce que, effectivement, nous ne sommes pas encore bâillonnés dans ce projet de loi. Et j'espère que nous allons avoir une chance de bel et bien étudier ce projet de loi.

On propose, ensemble, de faire des consultations au mois de janvier, des consultations avec le Barreau, parce que vous savez que le Barreau a déjà prononcé ses commentaires sur ça, mais aussi plusieurs autres groupes se sont prononcés. Je ne nommerai pas tous les groupes qu'on veut rencontrer, mais il me semble que nous avons besoin des groupes légaux mais aussi des groupes que j'appelle plus communautaires, les groupes qui travaillent avec les familles, qui donnent le soutien, qui donnent l'aide à la famille en ces temps difficiles. Il me semble que c'est effectivement essentiel qu'on donne le temps, avant d'étudier le principe de ce projet de loi, d'écouter tous ces groupes, particulièrement quand c'est clair que ce projet de loi va être plus cher comme façon de procéder. Ça va coûter plus d'argent. J'ai déjà entendu dans cette Chambre que ça peut être un gaspillage de l'argent public. Et, on le sait, on ne peut pas gaspiller l'argent public. On doit arrêter ces affaires-là. Mais le ministre a décidé que non. Il a décidé qu'il y a une solution qui cherche un problème. Il a décidé que tout le monde doit obligatoirement faire une médiation préalablement à l'audition. C'est une médiation obligatoire. M. le Président, je sais que, quand nous allons avoir la commission parlementaire, les groupes qui connaissent le concept, qui comprennent le concept de médiation vont dire que c'est illogique d'avoir une médiation obligatoire, par définition, selon moi. Et j'ai eu la chance – je vais expliquer ça un peu plus tard – de travailler un peu dans le secteur de la médiation. Par définition, on doit s'assurer que les deux côtés veulent participer à la médiation.

Il y a certainement un autre temps où on peut avoir une médiation obligatoire, une fois que le juge décide que c'est ça qu'on peut faire. Il me semble qu'il y a toute une différence entre une médiation mandataire et une médiation obligatoire parce qu'on dit, dans ce projet de loi – le projet de loi n° 65 – que tout le monde doit faire la médiation. On n'inclut pas que 90 % des cas sont réglés avant l'audition de la cause. Il me semble que c'est un chiffre assez important, que de plus en plus de familles peuvent trouver la solution avant le tribunal et n'ont pas besoin d'autres services.

N'oubliez pas que nous sommes au début de décembre 1996, que nous n'avons pas de fonds publics. Il me semble qu'on devrait mettre ça de côté et écouter les groupes qui vont se présenter au mois de janvier, et peut-être que pour moins d'argent on pourrait s'assurer que ceux et celles qui ont besoin de ce service, ils puissent l'avoir. Mais ceux qui en ont besoin, pas juste mur à mur, comme le ministre a décidé que tout le monde devait suivre une médiation obligatoire.

C'est de plus en plus, M. le Président, la façon dont ce gouvernement décide. Il décide qu'il sait ce qui est bon pour tous les Québécois et Québécoises, et c'est faux. On ne peut pas avoir une solution qui marche pour chaque famille québécoise. On doit avoir un système souple, flexible et on doit avoir des alternatives au tribunal, comme la médiation, il n'y a aucun doute. Mais on doit s'assurer que ça marche d'une façon bien ciblée et pour les familles qui veulent avoir ce type de programme. Je vois que le député de Rousseau est d'accord avec moi dans cette approche. On doit cibler le service et pas juste créer une loi qui va forcer chaque famille québécoise à passer sous la médiation.

Il me semble que c'est un peu la même logique que nous avons vue avec le ministère du Revenu dans la lutte au marché au noir. On dit qu'il y a un problème – et je pense qu'ici, dans cette Chambre, il y a unanimité que, dans certains secteurs de notre société, il y a des problèmes... Il y a des problèmes chez des personnes – dans mon opinion, une faible minorité – mais une minorité de personnes, qui font l'évasion fiscale. Ce n'est pas la majorité des Québécois et Québécoises, M. le Président, c'est une minorité. Mais le ministre du Revenu arrive avec une solution et il traite tout le monde comme des fraudeurs et des fraudeuses. Juste un exemple: la semaine passée, ils ont envoyé une lettre à 52 000 restaurateurs, ils ont cherché l'information sur chaque serveur et serveuse sur le niveau des pourboires qu'ils ont reçus l'année passée, en 1995. Avec ça, ils traitent tout le monde comme des fraudeurs et des fraudeuses. M. le Président, dans le projet de loi n° 65, je vois la même logique qui édicte qu'il va traiter tout le monde exactement de la même façon.

Selon moi, M. le Président – et vous avez un bureau de comté aussi – il n'y a pas deux citoyens qui ont exactement le même problème, il n'y a pas une solution qui va encourager tous les problèmes dans un dossier de divorce, ou dans l'éducation, ou un dossier de la CSST, ou dans les autres dossiers. Nous avons besoin d'un service, pas d'une obligation. Nous avons besoin d'un service pour les familles qui veulent utiliser la médiation, pas qui vont être obligées de faire la médiation.

Dans mon opinion, M. le Président, on doit étudier comme il faut aussi c'est quoi, l'impact de ce projet de loi. Est-ce qu'ils vont créer, comme ils ont fait dans les pensions alimentaires, un «backlog» de dossiers? Est-ce qu'ils vont mettre un fardeau sur le système, sur les médiateurs qui sont en place? Il y a 465 médiateurs en place. Est-ce qu'ils vont causer un «backlog», un «bottleneck» en franglais, M. le Président, dans les expressions anglaises? Est-ce qu'ils vont alourdir tout le travail? Est-ce que ça va être engorgé, le système judiciaire?

Moi, je pense qu'on doit le demander avant le débat sur le principe, M. le Président. Mais, avec ces groupes, on doit questionner leur opinion. Peut-être que, de bonne foi, le ministre de la Justice, il est en train de créer un autre problème. Vous savez que les projets de loi passés par ce ministre de la Justice n'ont pas souvent reçu un accueil tellement favorable. Je mentionne juste le débat que nous avons eu sur l'aide juridique et ce que la communauté «at large», la communauté québécoise, et particulièrement les avocats pensent de ce projet de loi. Avec ça, il me semble, particulièrement avec le bilan, le record de ce ministre, qu'on doit dire: Attends, attends un moment. On doit s'assurer que, par ce projet de loi n° 65, nous ne sommes pas en train de créer un autre problème.

M. le Président, il y a de plus en plus de secteurs privés impliqués dans le secteur de la médiation. Je pense que c'est une bonne chose. On doit encourager cette piste, je pense, cette piste de solution ou d'alternative. De plus en plus, ce n'est pas une alternative, mais ce n'est pas nécessairement quelque chose qui est bon pour tout le monde. Je pense que c'est un concept assez important. Pour ceux et celles qui sont capables de faire la médiation, il me semble qu'on doit encourager ça. Et, comme nous avons... à Montréal, nous avons déjà un service de médiation rattaché à la Cour supérieure; il est volontaire. Mais il est pour tous les sujets. Il est fermé aussi: pas de rapport à la cour, pas de témoignage sur les informations recueillies. C'est toute une différence, M. le Président. C'est volontaire, au début. Québec aussi, le district de Québec a un service volontaire, il n'y a aucune obligation. Mais c'est la médiation partielle. Avec ça, M. le Président, nous avons quelques bons exemples déjà en place d'un système qui de plus en plus est en installation ici, au Québec. Et, selon mon opinion, on doit encourager ça.

(17 h 10)

Comme le projet de loi dit, et je voudrais juste citer le premier paragraphe de ce projet de loi – je ne le lis pas tout, juste le premier paragraphe: «Ce projet de loi introduit au Code de procédure civile des mesures visant principalement à favoriser la médiation dans les procédures en matière familiale.» Si c'était vraiment un projet de loi qui était en train de favoriser, d'encourager – selon ma compréhension des mots – de supporter les programmes de médiation familiale, je pourrais avoir une autre opinion sur ce projet de loi, M. le Président. Mais, juste pour être certain que tout le monde comprend, parce que c'est assez clair en anglais aussi... The explanatory notes of Bill 65 say: «This Bill proposes amendments to the Code of Civil Procedure principally to promote mediation in family law cases.» Promote mediation in family cases.

M. le Président, c'est assez clair. C'est une drôle de façon de favoriser. C'est une obligation. Il est dit que chaque famille, nonobstant le fait que vous voulez participer ou non, doit participer à la médiation familiale. M. le Président, cette obligation est contre la définition elle-même de la médiation. S'il y a une médiation au niveau de l'audition, je pense que, pour les fondateurs de ce mouvement, ce n'est pas du tout la façon qu'ils ont voulu participer.

Moi-même, M. le Président, je suis le député du comté de Nelligan, l'ouest de l'île de Montréal. Nous avons aussi, comme les 124 autres, le total des 125 comtés partout au Québec, des familles qui cherchent les services de nos tribunaux, malheureusement, pour un divorce et qui cherchent le service de médiation. Mais il me semble que ça va être difficile de convaincre ces personnes que c'est une bonne chose de rendre ça obligatoire. Parce que, selon nous, nous avons vu plusieurs cas où les personnes, elles ont trouvé entre les deux une façon de régler cette procédure sans une intervention du tribunal. Maintenant, elles vont être obligées de faire la médiation supposée gratuite, supposée gratuite pour le moment. Mais est-ce que, comme d'habitude, ce gouvernement va arriver aussi bientôt avec une autre taxe déguisée, un autre frais d'usager, un autre service? Est-ce qu'il va charger le monde? Est-ce qu'il va trouver un autre mot? Parce que ce gouvernement n'aime jamais dire le mot «taxe», mais il est en train, chaque jour, d'arriver avec une avalanche de nouvelles taxes qui font mal à la population québécoise.

Avec ça, M. le Président, je m'excuse d'être un peu cynique sur les intentions de ce gouvernement, mais est-ce que c'est effectivement quelque chose qui va être bon pour la population québécoise? Sur la logique elle-même, je suis contre la notion d'obligation partout. Ça ne fait rien qui vous êtes, quels types de problèmes, quels problèmes vous avez eus dans votre mariage, vous allez avoir l'obligation de faire la médiation familiale. Il me semble que ce n'est pas une bonne façon de procéder.

Deuxième chose que j'ai mentionnée, moi, je ne suis pas confiant que je peux avoir une garantie de ce gouvernement qu'il ne commencera pas à charger pour ces services. De plus en plus, les choses qui étaient non touchables avant, selon ce gouvernement... On est de plus en plus taxés, particulièrement les plus faibles de notre société. Et, moi, je pense qu'on doit avoir des garanties absolument claires et solides avant qu'on puisse commencer à travailler sur ce projet de loi.

Et, M. le Président, comme je l'ai mentionné – je vais expliquer ça dans quelques minutes – j'ai moi-même travaillé dans ce secteur, sur le volet communautaire, sur le développement de la médiation, particulièrement un peu dans les familles, mais aussi avec tout le volet jeunesse. Il me semble que c'est une approche intéressante. On peut avoir une façon de travailler ensemble et on peut trouver des solutions. On peut déjudiciariser notre système judiciaire – ce n'est pas un mot facile en anglais non plus – on peut aller dans cette direction, mais pas d'une façon obligatoire.

M. le Président, je voudrais, avant qu'on décide sur le principe même de ce projet de loi, entendre les groupes comme le Conseil du statut de la femme, le Conseil de la famille, et il y en a plusieurs autres. Certainement le Barreau, on pourrait avoir l'Association des centres jeunesse, on pourrait avoir la Chambre des notaires. Je ne cite pas toute la liste qu'on pourrait écouter, mais on pourrait avoir une expertise, parce que nous ne sommes pas des médiateurs ici, en cette Chambre.

Dans une définition libérale de ce mot «médiation», nous sommes en train d'essayer de faire de la médiation, mais ce gouvernement, sur les autres dossiers, n'a pas un bon bilan sur la médiation. C'est plus un gouvernement de confrontation. C'est plus un gouvernement de division. C'est plus un gouvernement de séparation. Avec ça, je trouve ça drôle qu'un gouvernement de séparatistes veuille avoir un projet de loi tel qu'il va faire une obligation mur à mur de la médiation.

Mr. Speaker, this bill is of fundamental importance to the way we will treat families that are going through divorce. In my other careers, before I became a member of the National Assembly, one of the things I worked on is mediation programs, when basically, I have to say, there weren't too many people for mediation. And I have to say Québec, to its credit, was one of the leaders of trying to start certain programs in terms of mediation. Legislatively, in the past, there have been some gesture to improve mediation and to give it an official status.

But quite excitingly, within Québec, there has been a movement to ensure that there are programs available for mediation. I already mentioned before, Mr. Speaker, that in the Montréal court and in the Québec City court, there are two experiences already about mediation, family mediation, making a service available for people with full respect of some of the basic principles of mediation. And the concept of mediation, Mr. Speaker, has evolved and been refined over the years. I was working on it 20 years ago, and it has been nuanced, and refined, and improved over those years. But it is a basic concept of bringing people together on equal footing, a concept of getting people to discuss issues and come up with solutions themselves. It's a concept of responsibilizing – for lack of a better word – the two players, the two interlocutors, the two important people in a certain decision.

I have a good friend, Sherryl Picard, from Picard & Associés, who has become quite an expert in the whole area of mediation, and she tells me clearly that this kind of process has to be done methodically and can't be done necessarily by the way of the proposal we find in Bill 65. Mediation isn't just an art, it's a science. There's a way of proceeding, a way to ensure that in fact, Mr. Speaker, people have a chance to express themselves and they can work themselves through a process to come to a resolution of a rather difficult situation.

As you well know, Mr. Speaker, or as you might have heard, a divorce can be a very emotional trying stressful time. It is all too easy to run to lawyers, dig our trenches, form our positions and fight it out, always with the meter ticking – obviously, Mr. Speaker – the lawyer's meter ticking. It is rather difficult, Mr. Speaker, to believe that that is necessarily in the best interest of the two members and certainly the family members, particularly the children.

Mediation, on the other hand, allows for mature dialogue and discussion. Mediation – if the couple is capable and the family is capable, can negotiate – can come up with arrangements, solutions that are much more flexible than you'll determine in an adversarial system between one lawyer and another lawyer in front of a judge.

So, it is not the concept, Mr. Speaker, of mediation that bothers me in this «projet de loi», Bill 65. It is the fact that the Minister has decided it has to be obligatory for everybody, even though 90 % of the cases can be worked out prior to going to court. So it seems to me as typical, typical of this Government and of this Minister... This is an overkill, this is an overkill in the... The Government and the Minister is lacking the creativity and the ability to nuance what is needed in our justice system.

(17 h 20)

M. le Président, il me semble que, de plus en plus, le monde cherche un système souple, flexible et transparent. Mais le ministre de la Justice arrive avec son projet de loi n° 65 et il dit: J'ai la solution pour tout le monde. Je rappelle encore – et nous allons continuer le débat plus tard avec le ministre de la Justice – que c'est le même ministre de la Justice, malgré toutes les tendances dans l'autre direction, sur la décentralisation, qui est en train de fermer notre chambre de la jeunesse dans mon territoire et de la déménager au centre-ville. Il est en train de fermer le tribunal des petites créances. Oui, c'est vrai, il est en train de fermer ça, il est en train de déménager ça au centre-ville. C'est complètement contre le courant, ce qui se passe ici, au Québec. De plus en plus, M. le Président, on cherche un système judiciaire qui répond aux besoins, qui est accessible à la population québécoise, pas quelque chose qui répond juste à l'administration judiciaire ou à la commande du ministre de la Justice. Il a dit qu'il va faire ça, pas à cause de l'accessibilité, mais il cherche de l'argent. Mais, dans ce projet de loi, nous avons appris que ça va être peut-être 13 000 000 $ ou 14 000 000 $ de plus. C'est tout à fait contradictoire.

S'il cherche un service qui peut améliorer la qualité des services disponibles pour les familles qui sont à la fin d'un mariage, tant mieux. On lui offre nos services, nous allons travailler avec lui pour nous assurer qu'effectivement on peut avoir un meilleur service de médiation, mais pas obligatoire. Avant de commencer chaque divorce, chaque couple doit passer la médiation et toujours sur les dépenses publiques, nonobstant le fait que peut-être la famille n'a pas besoin de ça. Assez bizarre. Ça ne le dérange pas qu'il soit en train de gaspiller de l'argent public, nonobstant si le couple demande ces services.

C'est assez drôle que, quand un client... Parce que, techniquement, les citoyens sont les clients de notre système judiciaire. Le ministre veut donner quelque chose que les clients n'ont pas demandé; il veut donner des services de médiation pour tout le monde. C'est assez bizarre comme concept, M. le Président. Vous entrez dans un bureau, vous cherchez un type de service, vous êtes en train de discuter un divorce et vous cherchez un service. Avant de commencer, peut-être qu'il va prendre votre nom et votre numéro, tout ça, faire le couplage avec le ministère du Revenu. Mais, avant de commencer, obligatoirement vous avez besoin d'aller devant la médiation. Je répète parce que j'espère que le ministre va comprendre: la médiation, c'est basé sur un autre concept. Dans mon opinion, une médiation obligatoire, mur à mur, c'est contre la définition même du concept de médiation.

M. le Président, il me semble qu'on doit... et j'espère que, si les députés d'arrière-ban qui sont ici cet après-midi sont en désaccord avec moi, le député de Rousseau, le député de Maskinongé, que je vois dans le coin, là... Vous n'êtes pas oubliés ici au moins; vous pouvez vous lever si vous n'êtes pas... Si les deux députés ne sont pas d'accord avec moi, ils peuvent se lever, ils peuvent entrer dans le débat. Et je souhaite que ces députés ne soient pas bâillonnés par ce gouvernement. Nous sommes habitués d'être bâillonnés par ce gouvernement. J'espère qu'ils ne sont pas en train de bâillonner leurs propres députés. Et j'espère que, si elles sont d'accord avec nous, ces personnes, M. le Président, pourront voter avec le député de Westmount–Saint-Louis, qu'elles pourront voter pour la motion de retarder cette étude de projet de loi à dans trois mois. Ou, si elles ne sont pas d'accord avec nous, avec le député de Westmount–Saint-Louis, ou moi-même, ou les autres qui vont parler plus tard, elles peuvent aussi se lever, elles peuvent entrer dans le débat, essayer de nous convaincre pourquoi ça va être bon de «bulldozer» ce projet de loi, de forcer l'adoption de principe avant même une consultation publique. Là, j'espère qu'un des députés va avoir le courage de se lever, d'expliquer comment on peut faire une adoption de principe du projet de loi n° 65 avant que nous ayons fait la consultation. C'est drôle, il me semble qu'on doit...

Et je vois qu'ils sont plus ou moins d'accord avec moi, j'espère qu'ils vont se lever et dire ça, j'espère qu'ils vont effectivement être responsables, être logiques. Nous allons prendre l'opportunité de la générosité de ces groupes de se déplacer ici, à Québec, de présenter un mémoire, d'avoir un échange, questions et réponses, et tout le monde ensemble, les libéraux, les péquistes, pour tous ceux et celles qui veulent participer... Et le public pourra mieux comprendre ce qui se passe dans la médiation. Il me semble, M. le Président, que c'est une offre qu'il est presque impossible de refuser.

Mr. Speaker, as I've been trying to convince the Minister, this is clearly the most logical thing to do: delay the debate about Bill 65 for three months. We have Christmas holidays, we have Hanukkah now, a number of family holidays, we have to work very hard during the year. Let's give our families a chance to talk together and allow these groups... We're ready to debate if the groups are, today. But, if the groups aren't ready, in January. Come and present this Bill 65, come and present what you think about it, and then, Mr. Speaker, we will have a much more clear understanding of what in reality is happening with Bill 65. Because these are the people that work with families in divorce, they are family organizations that deal with families in conflict, deal with the court systems and know what this process is all about.

I've never been through it, Mr. Speaker, and I hope never to go through it. But, for those that have gone through it, they know what works and what doesn't work. They have seen on a day the day basis, Mr. Speaker, what a divorce process could go through. And I must say many of them have been able to say mediation, family mediation under this concept works for them, but it doesn't work for everybody. When this concept was being developed over the years, nobody said this was the solution for everybody. People did say, however, it's a solid solution, it's a creative solution, it is something that in fact works for a lot of families. But, in some families, it just can't work.

Mr. Speaker, I think the concept is so obvious that we should really make sure we use the time that is available to us, a small delay of three months. This Minister has constantly delayed laws. They delayed governing for over a year because of separation. They put everything beside because of separation. They spent public money just on separation. Why not spend a few months listening to groups, listening to families in conflict and making a better «projet de loi»?

M. le Président, c'est assez évident que la médiation ne peut pas marcher pour tout le monde. La médiation peut marcher pour ceux et celles qui sont capables d'utiliser la souplesse de cette façon de procéder. J'encourage le ministre à admettre que c'est une autre erreur, parce que, de plus en plus, on voit que c'est un ministre qui doit dire publiquement qu'il n'est pas capable de gérer son ministère. De plus en plus, c'est un ministre qui arrive avec les projets de loi, qui sont tellement grands qu'on doit complètement les amender ou les retirer. C'est un ministre qui est de plus en plus contesté par le Barreau et les groupes impliqués dans le système judiciaire. Il est de plus en plus contesté par son propre gouvernement. J'ai entendu qu'il y a de plus en plus une campagne contre son «job», son travail, son ministère, qui est loin d'être cachée. Il me semble que c'est assez évident que, M. le Président, on peut prendre la résolution du député de Westmount–Saint-Louis, on peut dire qu'on va écouter les groupes. Il me semble que c'est la chose la plus simple à faire.

(17 h 30)

En terminant, la médiation doit continuer dans la société québécoise. On doit encourager, favoriser la médiation. On doit la favoriser, comme on peut trouver dans le préambule de ce projet de loi. Il n'y a aucun doute. Mais on doit donner de l'argent, de la souplesse pour faire ça. Pas nécessairement juste arriver avec une obligation.

So, Mr. Speaker, let me make it very clear, as I'm finishing my short intervention here today, it is not against mediation that I speak. It's against an incompetent government, a government that has constantly said one thing and done exactly the opposite, a government that has constantly hurt the weakest of our society, a government that continually comes up with various measures of taxation, a government that I don't believe deserves to govern. I don't believe that this Government is really interested in a real concept of mediation. This is a complete overkill of what is necessary, and I'm convinced that if this bill were to be passed as is, you will see, Mr. Speaker, very soon, another hidden tax, another tariff, another charge, and this Government is going to come up with some way to gauge people again, to take money out of Quebeckers' pockets, at the same time supposedly under the guise of alternative justice.

Mr. Speaker, as I mentioned before, mediation can be a wonderful alternative – I underline the word «alternative» – it should not be the only way that the Government proceeds. It should be available for those people that can profit, that can use that system and, at the end of the day, come up with a more acceptable solution for themselves during divorce. And, I must say, most importantly for the children, that if you can come with a mediated decision, many times you can actually come up with something that is very effective, because, by definition, Mr. Speaker, if you have both agreed to a certain decision, a way of proceeding with divorce procedures, you have both sides have accepted it, there hasn't been a winner or a looser, there's been a compromise, a consensus. I know this Government doesn't understand consensus.

So, I encourage the advancement and the promotion of mediation, but I do not accept that we are going to be forced to vote the principle of a law without first hearing from those groups that can help us understand that law. This is another example of a government that doesn't care about democracy, another example of a government that doesn't care about the roles of the Members. They've told their backbenchers: Stand up when we tell you and vote for this. We don't care that this is not in the best interest of all Quebeckers.

M. le Président, j'espère, après cette brève allocution, après la résolution telle que proposée par le député de Westmount–Saint-Louis, que le gouvernement va accepter notre proposition. Il peut simplement mettre ça de côté, donner le temps d'écouter le projet et les intervenants, et, ensemble, peut-être qu'on peut améliorer ce projet de loi n° 65. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Nelligan. Je vais maintenant céder la parole à M. le ministre de la Justice. M. le ministre.


M. Paul Bégin

M. Bégin: Merci, M. le Président. Une motion comme celle-ci, qui vise à retarder pendant deux heures, à toutes fins pratiques, l'adoption d'une motion, normalement nous porte à être mécontents qu'on ait utilisé un tel moyen de procédure. Mais, dans les circonstances, je suis particulièrement content qu'on l'ait fait, puisque ça va me permettre d'expliquer en long comment l'opposition parle des deux côtés de la bouche en disant qu'elle est pour, mais, en fait, en travaillant contre un projet de loi qui est celui sur la médiation familiale. Et je vais exposer en quoi consiste cette médiation, et en quoi c'est favorable à la population, et en quoi, effectivement, l'opposition est contre cette procédure qui est extrêmement avantageuse, particulièrement pour les enfants du Québec, ceux dont les parents sont en voie de se séparer ou de divorcer.

M. le Président, la motion qui est présentée est une motion de report. On dit: N'adoptons pas aujourd'hui ce projet, ou le principe de ce projet, reportons-le à trois mois. En clair, ça veut dire... trois mois d'aujourd'hui, ça nous reporte au 9 mars 1997, ça veut dire trois mois avant que nous commencions à adopter ce projet de loi. Or, il faut qu'il soit en vigueur pour le 1er mai 1997 si nous voulons que les bénéfices qui en découlent puissent être donnés aux enfants du Québec et aux couples qui se séparent.

Alors, M. le Président, on nous dit, d'un: Dans les faits, on n'est pas prêt, mais il faudrait le reporter. Qu'est-ce que nous faisons aujourd'hui? Aujourd'hui, nous voulons faire adopter par cette Assemblée le principe du projet de loi. Autrement dit, on dit: On est d'accord pour que ce projet soit soumis à l'étude par les deux parties en commission parlementaire, dans le jargon du métier, article par article. Mais, à l'occasion de cette étude en commission parlementaire, il y a la possibilité de faire entendre les parties.

Or, qu'est-ce que nous avons dit? Nous avons dit en déposant le projet de loi que nous voulions, évidemment, le déposer pour adoption éventuelle, mais nous avons ajouté que nous voulions aussi faire des consultations, que nous voulions entendre les groupes intéressés, concernés de manière plus particulière par ce type de projet de loi. Nous avons donc annoncé – et l'opposition est au courant – que des consultations semblables auraient lieu à la fin du mois de janvier et au début de février 1997 de manière à ce que, justement, toutes les parties intéressées, les groupes concernés aient l'occasion de se faire entendre, de faire valoir pourquoi on devrait l'adopter tel quel ou, dans d'autres cas, pourquoi on devrait l'adopter de manière modifiée, puisque, pour telle et telle raison qu'on nous expliquera alors, il devrait y avoir de telles modifications.

Alors, M. le Président, on nous dit: Passons donc par-dessus ça, on voudrait faire des consultations. Mais on nous dit en même temps: Organisons-nous pour ne pas pouvoir faire de telles consultations, reportons au mois de mars – dans les faits, au mois de juin 1997. Alors, ce projet de loi est trop important pour la population du Québec pour que nous succombions à l'invitation que l'opposition nous fait.

Parce que la médiation familiale, à quoi ça va servir? D'abord, ça va servir aux couples qui sont en voie de se dissoudre, qui sont en train de divorcer, de faire en sorte que leurs enfants subissent le moins de conséquences négatives possible, tout en admettant, par hypothèse, qu'ils vont aller au bout de leur cheminement, c'est-à-dire le divorce. Il n'y a pas qu'un couple qui divorce, il y a des enfants qui sont le fruit d'un divorce et qui vont subir tous les effets négatifs de celui-ci. Il faut donc faire en sorte que, autant que possible, autant que faire se peut, ces enfants ne soient pas victimisés par l'action de divorce que leurs parents ont entreprise.

M. le Président, au moment d'un divorce, lorsqu'il y a des enfants – et c'est seulement à ce moment-là qu'il y aura médiation familiale – ça pose le problème de la garde des enfants. Qui en aura la garde? De quelle façon procédera-t-on? À quelle date, selon quel rythme les parties auront successivement la garde? Ou seulement une personne aura la garde et l'autre aura des droits de visite? Ça pose le problème des aliments. C'est extrêmement important. Il faut que les pensions alimentaires assurent aux enfants de parents divorcés des aliments suffisants pour leur éducation, pour qu'ils soient élevés de manière correcte et satisfaisante. Au moment d'un divorce, il y a le partage du patrimoine familial. C'est encore un endroit où on peut se chicaner, et il y a effectivement d'autres droits patrimoniaux. Donc, la médiation, c'est une occasion de s'occuper – en ayant toujours à l'esprit les enfants – de ces quatre éléments que je viens de mentionner.

Alors, qu'est-ce que c'est que la médiation familiale obligatoire? On a deux hypothèses devant nous. Mais, d'abord, avant d'apporter ces deux hypothèses, faisons un petit retour dans le passé. Je disais tantôt que l'opposition officielle était, d'un côté, pour la médiation familiale et, de l'autre côté, contre. En fait, je pense que le jupon dépasse du côté du contre, parce que leur action antérieure va dans ce sens-là. En effet, ils avaient adopté en 1993 – au mois de mars 1993 – le projet de loi 14, qui fixait une médiation familiale. Ils ont adopté le projet de loi, ils l'ont fait sanctionner en mars 1993, mais ils ne l'ont jamais mis en vigueur, de telle sorte qu'après avoir adopté le projet de loi en mars 1993 – et rappelons-nous qu'ils ont perdu le pouvoir en septembre 1994, donc qu'ils ont eu deux ans pour faire une médiation véritable – et après avoir imposé dans les greffes pour ceux et celles qui s'installaient dans des procédures de divorce des frais supplémentaires, des tarifs supplémentaires afin de payer les coûts à toutes les parties de cette médiation familiale, donc après l'avoir fait, ils ne l'ont jamais mis en vigueur, mais ils ont mis le tarif en vigueur. Ils ont fait en sorte que l'on perçoive les sommes d'argent qui devaient servir à la médiation familiale.

(17 h 40)

Qu'est-ce qui est arrivé? C'est que l'argent de la médiation familiale est allé au fonds consolidé du revenu sans que personne qui payait pour ce service ne reçoive ce service en question. Donc, ils avaient la possibilité de le faire, ils ont eu les mots, mais ils n'ont pas eu la réalité. Ils n'ont pas eu le courage d'être concordants avec leur action, qui était la loi et le tarif, mais, en même temps, aussi la possibilité des parties de jouir de cette médiation-là. Ils ont dit qu'ils étaient pour; maintenant ils sont contre, ils veulent le reporter à plus tard. Alors, on pense, nous, que ça doit être adopté et que ça doit être mis en vigueur, et le plus rapidement possible.

Je reviens à la médiation comme telle, obligatoire ou facultative. M. le Président, j'ai dit que, lorsqu'il y aurait médiation, c'est qu'il y aurait des enfants, et nous voulons que ces enfants subissent le moins de préjudices possible. Quand il y a des parties qui se rendent voir... une des parties va voir un avocat et entame immédiatement la procédure de divorce, elle doit faire signifier une procédure qui énonce les motifs pour lesquels il devrait y avoir divorce. Nous sommes en présence d'une procédure qui est considérée par l'autre partie. Il ne s'agit pas d'imputer des motifs, qu'ils soient négatifs, mais n'empêche que la partie qui reçoit cette procédure la considère comme une attaque à son endroit, quelque chose qui l'agresse. Et ça fait quoi? Ça antagonise les parties, ça fait en sorte qu'on est en face de deux parties qui s'affrontent à l'égard d'un objectif commun, c'est-à-dire les enfants qui sont là, qui sont en cause. Et là chacune des parties est sur sa position, est braquée, et elles n'ont évidemment pas tellement le goût de se parler.

Bien sûr que, au bout de six, huit, 12 mois, comme souvent on nous le dit, 80 % des causes se règlent avant de procéder en cour; bien sûr qu'il va y avoir des fois des règlements; bien sûr que, forcées par les circonstances, les parties vont s'entendre. Mais ça ne veut pas dire que ça se fait dans un climat correct, que ça se fait dans un climat où les enfants subissent le moins possible de conséquences négatives.

Alors, qu'est-ce que c'est que l'on peut faire pour éviter que, dès le point de départ, les parties ne soient antagonisées? M. le Président, il s'agit de faire en sorte qu'on ait la possibilité de faire une médiation, une médiation entre les parties. Donc, lorsqu'une personne a décidé, une des deux parties a décidé de rompre ou de faire rompre par le tribunal le lien qui les unit, à ce moment-là, au lieu d'aller signifier une procédure disant: Voici pourquoi je demande le divorce et voici comment ça va se régler, cette partie-là doit offrir à l'autre partie l'occasion de faire de la médiation, c'est-à-dire de rencontrer une personne formée pour ça, un médiateur, une personne qui pourrait être, dans les circonstances, soit un avocat qui a reçu la formation de médiateur, soit un notaire qui a reçu la formation de médiateur, et ce sera la même chose pour le travailleur social, même chose pour le conseiller en orientation, même chose pour le psychologue, puis tous pourront, en autant qu'ils auront suivi les cours de médiation, offrir aux parties cette médiation, agir comme médiateur.

Donc, je reviens, une personne veut divorcer, elle doit signifier à l'autre partie l'intention d'agir devant un médiateur. À ce moment-là, qu'est-ce qui peut se produire, M. le Président? Deux choses: ou bien les deux parties se rendent effectivement devant ce médiateur, qui, dans une première séance, les informe de l'objectif, de la manière de faire, des possibilités qu'offre cette médiation et, entre autres, que cette médiation-là, elle pourrait durer six séances, en étant gratuites, six séances payées par l'État, de manière à favoriser un règlement à l'amiable. Donc, lors de la première rencontre, les parties peuvent dire: Moi, je ne veux rien savoir de cette médiation-là, ou bien: Ça m'intéresse, je trouve qu'on pourrait effectivement tenter de solutionner notre litige ensemble par le biais du médiateur qui est devant nous.

Alors, si les parties s'engagent dans la médiation, l'objectif que nous avions visé se réalise, puisqu'on tente de s'entendre par le biais d'un médiateur. Et je pense que c'est une bonne façon de faire. Advenant le cas où une des parties ne voudrait pas faire de médiation, bien, si elle le déclare comme tel, il n'y aura plus de médiation possible.

Alors, cette idée à l'effet que les parties devront faire six séances de médiation, M. le Président, comme on l'a entendu, c'est tout à fait inexact. C'est la première séance qui détermine si effectivement il y en aura deux, trois, quatre, cinq ou six gratuitement. Donc, M. le Président, ces parties qui ne s'entendent pas vont pouvoir aller devant le tribunal. Si, cependant, une des parties ne veut même pas assister à la première séance, à ce moment-là, elle pourra être sanctionnée par le tribunal, au moment d'émettre qui paiera les dépens, en étant condamnée à tous les frais, puisqu'elle aura, par hypothèse, refusé de tenter de s'entendre avec l'autre partie par le biais de la médiation.

Pourquoi maintenant faire de la médiation, maintenant par rapport à antérieurement? Il y a une raison qui explique le tout, M. le Président. Mme Thibaudeau a débattu jusque devant la Cour suprême la théorie à l'effet qu'on devait défiscaliser les pensions alimentaires. On ne devait plus faire en sorte que la partie, celui ou celle, qui payait la pension à l'autre puisse déduire dans son revenu cette pension alimentaire et que la partie qui recevait la pension alimentaire doive l'inclure comme revenu à l'intérieur de sa déclaration d'impôts. Le résultat net de cette opération, parce que Mme Thibaudeau a gagné: les gouvernements fédéral et provincial ont fait la même chose, ils ont décidé de défiscaliser les pensions alimentaires. Résultat net: si le gouvernement du Québec ne faisait rien, 75 000 000 $ seraient empochés par le gouvernement au détriment du demandeur ou du défendeur dans un divorce, puisque l'effet de la défiscalisation est de procurer à l'État des revenus qui sont estimés à environ 70 000 000 $ par année pendant le temps que dureront les choses, ce qui veut dire que les parties sont privées d'une somme.

Lorsque ce constat a été fait – et ça a été déclaré par le ministre des Finances ici, en Chambre, le 23 mars 1996 – j'ai pensé qu'il était important de retourner – et mon gouvernement est d'accord avec ça – une partie de ces sommes aux gens qui effectivement sont les payeurs de cette somme, donc de retourner, par le biais de la médiation familiale, une partie de cette somme. C'est ainsi que, pour une année, on retournerait environ 15 000 000 $ aux personnes par le biais de la médiation familiale comme telle. 15 000 000 $ peut paraître une grosse somme au départ. Effectivement, c'est un montant important, mais il faut savoir qu'une bonne partie de ce montant-là va servir, oui, à la médiation, comme je viens de le décrire, mais une partie aussi va servir à une autre fin, c'est-à-dire à faire en sorte que les personnes qui, après l'entrée en vigueur de la nouvelle procédure au mois de mai 1997, auront des pensions alimentaires, ou des ordonnances, ou des jugements antérieurement à cette date-là et qui voudront faire modifier leur régime, leur ordonnance pour tenir compte des nouvelles dispositions de la loi, autrement dit la défiscalisation...

On estime que, sur 120 000 ordonnances comme ça qui sont actuellement en vigueur, environ 66 000 vont faire l'objet d'une demande de révision par le tribunal. Si ce que nous pensons se produisait, il y aurait un engorgement dans les tribunaux, devant la Cour supérieure, extrêmement important puisqu'il faudrait, pour rencontrer cette exigence de nouvelles demandes, l'équivalent de 18 ou 19 juges à temps complet. Vous comprenez, M. le Président, qu'il s'agit de sommes énormes. Nous avons donc pensé que, par le biais de la médiation, les parties ayant déjà eu une ordonnance, vivant en fonction de cette ordonnance depuis longtemps, pourraient, par le biais d'une médiation plutôt que d'aller devant le tribunal, régler facilement le nouveau contexte dans lequel elles vivraient à l'avenir, et tout ça, en pensant aux enfants.

C'est pour ça que, aussi, en tenant compte de cette perspective, il y a eu la fixation, par le gouvernement fédéral et par le gouvernement provincial, de deux tables, deux grilles de fixation des pensions alimentaires. On a dit: Comment pourrait-on faire en sorte que les parties, au moment du divorce ou au moment de la révision d'une pension, sachent ce qu'on attend d'une pension alimentaire pour un enfant aujourd'hui, dans tel contexte? Et il y a une grille qui a été établie pour fixer de quelle façon, justement, la pension alimentaire sera déterminée. Bien sûr, ce n'est pas absolu, ce n'est pas définitif, mais nous avons là des paramètres dont un tribunal tiendrait compte s'il était appelé à trancher, de telle sorte que nous pensons que les parties, avec cette grille, avec un médiateur, avec le fait qu'elles ont déjà vécu une relation de rupture et que ça fonctionnait, pourront très facilement, par le biais d'un médiateur, solutionner une grande partie de leurs problèmes et faire en sorte – encore une fois, je le répète – que les enfants ne soient pas pénalisés par l'antagonisme qui peut exister encore entre les parents de cet enfant ou de ces enfants-là.

M. le Président, on voit que nous sommes en présence d'un projet de loi qui veut s'assurer que les parties, une fois constaté le fait qu'elles ne peuvent plus vivre ensemble ou ne veulent plus vivre ensemble, doivent solutionner ce différend qu'elles ont entre elles. On peut faire en sorte de laisser continuer les choses comme elles sont, faire en sorte qu'une personne qui veut divorcer va voir un avocat, signifie une procédure de divorce à l'autre partie, antagonise cette autre partie et tranquillement essaie, par la suite des choses, par le biais d'avocats interposés, de régler le problème qui existe entre eux, et ce, pour les enfants qui sont là. Ces enfants, nous le pensons, dans la situation actuelle, sont souvent affectés de façon négative par cette procédure judiciaire obligée.

(17 h 50)

Les députés de l'opposition parlaient qu'il fallait déjudiciariser les procédures. Oui, il faut déjudiciariser, mais ça veut dire quoi, «déjudiciariser»? Bien, judiciariser, ça veut dire que, pour régler notre problème, on prend un avocat, l'autre partie prend un avocat, on se répond par procédures judiciaires et finalement on demande à un juge de trancher entre les deux parties. Ça, M. le Président, c'est la judiciarisation. La déjudiciarisation, bien ça veut dire ne pas suivre ce processus-là.

Alors, quel est le processus qu'on peut suivre pour faire en sorte que les parties, quand même, arrivent à obtenir le résultat qu'elles souhaitent, c'est-à-dire le prononcé d'une ordonnance de divorce, une ordonnance qui détermine qui aura la garde des enfants, qui aura le droit de visite, combien sera versé en pension alimentaire pour l'autre partie, pour les enfants de cette autre partie, bref comment on va aussi partager le patrimoine familial, tout ce qu'on a acquis pendant 10 ans, 15 ans ou 20 ans, peu importe, et de quelle façon chacun va se retrouver au lendemain de cette décision-là. Bien, pour le faire, M. le Président, comme je l'ai expliqué, on peut aller par le biais d'une judiciarisation, d'un processus judiciarisé ou on peut le faire par un processus qui ne l'est pas. La médiation, c'est exactement ça.

Vous savez, devant un tribunal, il y a une personne qui est un témoin, il y a un avocat qui la questionne. Et, par la suite, il y a le contre-interrogatoire, l'autre avocat questionne cette même personne de sorte qu'on réussisse à établir notre preuve. Mais il est possible d'exposer à quelqu'un qui est capable de faire de l'arbitrage d'une autre façon. On peut être assis à une même table – même les enfants peuvent être présents, si c'est possible, si c'est souhaitable compte tenu de l'âge des enfants et ainsi de suite, compte tenu aussi du degré d'antagonisme qui existe entre les parties – on peut s'asseoir autour d'une table et on peut discuter – je ne dirais pas à bâtons rompus – alternativement, sans qu'on soit considéré comme un témoin lorsqu'on parle, sans qu'on soit interrogé ou contre-interrogé, et on peut établir devant un médiateur quelles sont les situations. Cette personne-là peut dire: Je comprends qu'il y a tel élément, madame, monsieur, mais il me semble qu'on pourrait regarder ça d'un autre oeil. Autrement dit, un médiateur peut faire cette médiation entre les parties, essayer de faire en sorte que, après avoir exposé chacun ses prétentions, on soit en mesure de dire: Voici la solution qui serait la bonne, et la retenir.

Et, si, effectivement, chacun des éléments qui fait l'objet de griefs entre les parties ou de différends entre les parties peut être réglé comme je viens de le mentionner, bien, on peut avoir un rapport du médiateur qui, effectivement, pourrait être déposé devant un greffier spécial qui pourrait entériner la convention entre les parties, après s'être assuré, cependant, qu'aucune des deux parties n'a été, comment je dirais, influencée indûment, ou que chacune a été représentée adéquatement dans le processus.

Bref, par exemple, si on avait un pension de 10 $ qui était accordée, suite à une médiation, alors que normalement elle devrait être au moins de 75 $ ou de 80 $, on pourrait soupçonner, par ce biais-là, seulement, qu'une des parties n'a peut-être pas été bien représentée. Et, à ce moment-là, le greffier pourrait réviser ou demander aux parties de revenir devant le tribunal pour faire une preuve, en partant de l'hypothèse qu'une des parties n'a pas été bien représentée.

Mais imaginons – et je pense que ça pourrait être extrêmement fréquent – que les parties s'entendent, et que toutes les parties ont bel et bien été représentées, et que le médiateur a fait un bon travail. À ce moment-là, il pourrait présenter devant le greffier spécial, non pas un juge, leur entente, et elle serait entérinée.

Je parlais tout à l'heure des coûts et du processus qui va suivre la défiscalisation, des 66 000 ordonnances que nous croyons qui vont être révisées suite à la défiscalisation, en mai 1997. Bien, une bonne partie, justement, de ces ordonnances-là, qui devraient normalement se rendre devant le juge, pourraient se rendre devant le greffier spécial. Et on pourrait fonctionner de manière beaucoup plus rapide, beaucoup moins dispendieuse et faire en sorte que les parties obtiennent justice rapidement.

On tente, M. le Président – et je voudrais revenir un peu là-dessus – de dire que la médiation familiale obligatoire pourrait être quelque chose qui ne serait pas souhaitable parce que les parties seraient condamnées à aller devant l'arbitre. J'ai dit tout à l'heure que la seule obligation qu'elles ont... Une partie qui veut demander le divorce devrait aviser l'autre de son intention d'aller devant un médiateur. Cette autre personne pourrait faire trois choses, en fait.

D'une part dire: Je ne veux rien savoir, auquel cas, après un délai, celle qui était demanderesse pourra aller devant la cour et souligner que, après avoir offert la médiation, l'autre partie a refusé et que, en conséquence, elle désire continuer devant le tribunal. Première hypothèse.

Deuxième hypothèse, l'autre partie dit: On va aller voir. Donc, elle se rend avec la première – le demandeur puis le défendeur ou le requérant puis l'intimé, peu importe – devant un médiateur. Ils font une première séance, le médiateur les informe en quoi ça consiste, de quelle façon ça procède, et le défendeur dit: Je ne veux rien savoir. Ce n'est pas une manière pour moi de régler mon problème, il y a juste un juge qui pourra trancher ça. Parfait, on ira par la suite devant le tribunal, et les deux parties pourront fonctionner correctement.

Et la troisièmement hypothèse, c'est celle qu'on souhaite et c'est celle qui, je pense, va arriver fréquemment: les deux parties vont se rendre devant le médiateur, vont commencer à discuter et finalement, après deux, trois, quatre, cinq ou six séances, vont aboutir à une entente qu'elles vont soumettre, comme je l'ai dit tantôt, au greffier spécial.

Ça va être efficace, moins coûteux et surtout, M. le Président, beaucoup moins déchirant, beaucoup moins antagonisant entre les parties, et les grands bénéficiaires de tout ça, ce seront les jeunes enfants. Je n'ai pas personnellement traversé cette épreuve-là. Mon collègue tout à l'heure parlait de 22 ans. J'en suis à ma 27e année de mariage, je n'ai pas connu ça, je ne peux pas en parler sur le plan strictement personnel, mais beaucoup de mes amis, beaucoup des gens que j'ai connus ont divorcé, et je l'ai vu, parce qu'on était des témoins, on partageait les peines des uns et des autres, il n'y a rien de pire que de perdre deux bons amis qui divorcent et de voir les chicanes que ça implique, les déchirements que ça provoque et, pire que tout, ce que ça provoque chez les enfants. Des enfants qui deviennent déboussolés, qui ne savent plus où aller parce qu'ils voient leurs parents se chicaner, se déchirer et s'entre-déchirer.

M. le Président, si on peut éviter 5 000 dossiers comme ça par année, on aura fait oeuvre extrêmement utile. Mais je suis persuadé que c'est beaucoup plus que ça qu'on va faire. Donc, il faut voir que cette médiation-là, elle porte le nom d'obligatoire, mais elle n'a d'obligatoire que cette façon de se rendre devant un médiateur une première fois et là d'entendre ce que le médiateur a à dire.

Et je trouve ça assez ironique, tout à l'heure, le député de Notre-Dame-de-Grâce disait: Si c'était comme ça, on serait d'accord. Mais, justement, M. le Président, c'est comme ça, c'est une façon de se comporter qui est différente de celle des autres situations, où les parties veulent obtenir une décision. C'est une situation purement, essentiellement, fondamentalement humaine. Il ne s'agit pas de gros sous. Il ne s'agit pas de dire: J'ai fait tel contrat et j'ai le droit d'être payé la somme de 30 000 $. Vous ne voulez pas me la payer? J'exige du tribunal qu'il rende une ordonnance pour vous forcer à payer. Ça, M. le Président, c'est normal que ça procède de façon judiciaire, de façon où les parties se confrontent. Mais, quand on est un couple où il y a des enfants, où les enjeux sont: Qu'est-ce qu'il va advenir d'eux et d'elles? il me semble qu'on doit avoir une attitude qui est différente.

Qui est en faveur de ça, M. le Président? Je pense qu'à peu près tous les groupes que l'on connaît, qui s'occupent...

M. Copeman: Question de règlement, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Oui, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Copeman: Oui. M. le Président, de façon très respectueuse et amicalement, je crois qu'il est 18 heures.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Oui. Pour question de secondes... J'allais me lever dans à peu près quelques secondes; je surveille ça d'assez près. Alors, M. le ministre, vous pourrez reprendre vos propos au retour, à 20 heures. Comme le temps limite n'est pas fixé, alors vous avez encore la possibilité de revenir.

Alors, là, il est 18 heures. Nous allons suspendre nos travaux jusqu'à 20 heures ce soir.

(Suspension de la séance à 18 heures)

(Reprise à 20 h 9)

Le Vice-Président (M. Pinard): Mmes, MM. les députés, veuillez vous asseoir. Alors, nous poursuivons les affaires du jour. Nous en étions à la motion de report, qui se lit comme suit:

«Je fais motion pour que la motion en discussion soit amendée en remplaçant les mots "soit maintenant adopté" par les mots "soit adopté dans trois mois".»

Alors, M. le ministre de la Justice, vous aviez entamé votre allocution. Vous avez maintenant 26 minutes de faites. Tel qu'on l'a mentionné, 10 minutes sont accordées aux députés indépendants et 50 % à chacune des formations des groupes parlementaires. Le temps non utilisé par un groupe parlementaire échoira à l'autre groupe parlementaire. Alors, M. le ministre de la Justice.

M. Bégin: Merci, M. le Président. Je voudrais rappeler que nous sommes à discuter d'une motion qui vise à reporter de trois mois l'étude du projet de loi sur la médiation familiale préalable. D'abord, j'aimerais dire que cette médiation, elle est gratuite. Deuxièmement, l'opposition nous demande de reporter de trois mois sous le motif, semble-t-il, qu'il faudrait consulter, qu'il faudrait entendre des groupes, et je vais mentionner plus tard les groupes qu'on veut justement entendre.

(20 h 10)

Alors on nous dit: Nous ne sommes pas prêts à adopter ce projet de loi, nous voudrions entendre les parties, nous reportons de trois mois. Bien, justement, M. le Président, c'est exactement ce que l'on veut faire dans un sens précis. C'est que, d'une part, on veut adopter aujourd'hui ou demain le principe du projet de loi, c'est-à-dire que nous pouvons comprendre que ce projet de loi soit envoyé en commission parlementaire pour faire deux choses: dans un premier temps, c'est entendre les parties intéressées, concernées par ce projet de loi là, et, dans un deuxième temps, adopter ou étudier article par article le projet de loi.

Quelles sont les parties intéressées par la médiation familiale? Bien sûr, il y a tous les parents du Québec qui sont en instance de divorcer, ceux et celles qui seront, dans le futur, amenés à prendre une décision importante quant à leur propre avenir, mais aussi quant à l'avenir de leur enfant. Alors la médiation, évidemment, ça concerne beaucoup de monde. Juste les groupes que nous avons l'intention d'inviter – parce que je l'ai dit au moment du dépôt et depuis ce temps-là, que nous voulions entendre avant l'adoption des groupes concernés par ça...

Quels sont-ils, ces groupes que nous voulons entendre? Et j'en fais une liste, M. le Président. C'est peut-être un peu tannant, mais il faut les connaître. Par exemple, le Conseil du statut de la femme, le Regroupement provincial des maisons d'hébergement et de transition pour femmes victimes de violence conjugale, la Fédération de ressources d'hébergement pour femmes violentées et en difficulté du Québec, la Fédération des associations de familles monoparentales et recomposées du Québec, la Fédération des femmes du Québec, le Conseil de la famille, l'Organisation pour la sauvegarde des droits des enfants, le Groupe d'action des pères pour le maintien des liens familiaux, la Chambre des notaires du Québec – vous allez apprécier, M. le Président, la Chambre des notaires – le Barreau du Québec, l'Ordre des psychologues du Québec, l'Ordre professionnel des travailleurs sociaux du Québec, l'Ordre professionnel des conseillers et conseillères d'orientation du Québec – et je voudrais vous dire que ces cinq ordres que je viens de mentionner sont justement les ordres qui peuvent faire de la médiation dans la mesure où leurs membres ont suivi des cours et qu'ils ont été reconnus comme étant des médiateurs, donc ce sont les cinq ordres en question – l'Association des centres jeunesse du Québec, le Comité des organismes accréditeurs en médiation familiale, l'Association de médiation familiale du Québec, les centres jeunesse de Laval, le centre jeunesse de Québec, le centre jeunesse de Montréal et, enfin, le comité de pratique privée, il faut comprendre le Barreau, les avocats de pratique privée.

Donc, vous pouvez le voir, M. le Président, ce sont là tous des groupes qui sont concernés par ce qu'est une famille, ce qu'est le fait de briser ce lien par le biais d'un divorce, ce qui entraîne des conséquences économiques, sociales, psychologiques, affectives entre les parties qui sont là, mais aussi à l'égard des enfants qui sont touchés par cette décision des parents de rompre leur lien conjugal.

M. le Président, il est extrêmement important, je le disais plus tôt, que ça se fasse de la manière la plus douce possible, la moins agressive possible, dans un contexte, un environnement où les parties, au lieu de s'agresser, de se frapper par procédure interposée, par interrogatoire interposé, tentent plutôt de trouver une solution à leur litige, parce qu'il y en a un, litige, entre elles, mais il faut, je pense, essayer de le faire le plus doucement possible, parce que les conséquences sont doubles, tant à l'égard des parties elles-mêmes qu'à l'égard des enfants issus de ces deux parties-là, le couple.

M. le Président, nous voulons que la médiation se fasse. Nous voulons, comme j'ai dit précédemment, déjudiciariser le processus. Nous voulons, au lieu qu'elles soient interrogées, contre-interrogées par des avocats devant une cour, et ça se fera si c'est nécessaire, qu'avant on ait donné la chance aux parties de prendre la décision de se parler dans un autre forum, dans un autre contexte.

Je donne à nouveau l'exemple d'un couple qui envisage le divorce, où une des parties, mettons l'épouse, décide de divorcer. Jusqu'à aujourd'hui, dans le processus, elle va voir un avocat. Elle lui dit: Bien, voici pourquoi je voudrais divorcer, voici les enfants que nous avons, l'âge qu'ils ont, les revenus que mon mari a, voici les miens; nous avons tel et tel biens que nous avons acquis depuis que nous vivons ensemble, nous avons un patrimoine: le voici. Et elle demande qu'une procédure soit intentée contre son mari.

Dans le fonctionnement actuel, le mari reçoit une procédure judiciaire rédigée par l'avocat de l'épouse, dans laquelle elle énonce ses droits, les motifs pour lesquels il y a rupture, et elle demande, pour elle, ses enfants, certaines choses: la garde de ses enfants, une pension alimentaire pour ses enfants, une pension alimentaire pour elle-même, le partage du patrimoine entre les parties. Et voilà.

L'autre partie, le mari, reçoit la procédure. Il la reçoit, bien sûr, comme étant un choc; il la reçoit comme étant une revendication contre lui. Je ne dis pas que la procédure qui a été faite initialement est agressive, mais, dans les faits, pour la personne qui la reçoit, c'est une agression, c'est un choc très dur. Et, même s'il peut constater qu'il y a rupture, s'il peut accepter les motifs qui sont énoncés là, quand même, ça constitue pour lui quelque chose de grave. Et renverser la proposition, c'est exactement la même situation. Ce n'est pas plus l'homme que la femme, ou la femme que l'homme: c'est pareil. Dans les deux cas, on a une situation de confrontation.

Par la suite, on développe une procédure où, justement, les parties, au lieu, dans un premier temps, de tenter de s'entendre, énoncent plutôt les prétentions qu'elles ont. Et ça, c'est un processus judiciaire. Il peut exister, dans ce processus-là, des tentatives de solution. Et il y en a, dans les faits. Et souvent ça arrive. Les statistiques sont à l'effet qu'avant qu'on arrive devant le tribunal il y a 80 % des dossiers qui se règlent. Il faut savoir que plusieurs de ces dossiers se règlent la veille ou l'avant-veille du moment où on va passer devant la cour, parce que les parties, devant la crainte de perdre, des fois, font des compromis à la dernière minute. D'autres fois, aussi, en cours de processus, les parties s'entendent. Mais, fondamentalement, on est dans un processus de confrontation.

La médiation, c'est quoi? C'est justement tenter d'éviter d'être obligé d'avoir recours à ce processus-là, qui est excellent. J'ai pratiqué pendant toute ma carrière d'avocat de cette façon-là. Ça ne veut pas dire que, parce que c'est nécessaire, c'est toujours obligatoire de passer par ce processus-là. La médiation, c'est justement un processus qui est préalable, antérieur, avant d'être obligé d'aller à cette extrême. Alors, qu'est-ce que l'on fait? Il y aura des médiateurs accrédités au Québec, des personnes qui auront une formation, comme j'ai dit tantôt, soit de psychologue, orienteur, travailleur social ou encore conseiller en orientation, avocat, notaire, donc des personnes qui ont déjà un métier, mais qui, en plus, vont suivre un cours pour devenir des médiateurs, des gens qui vont être formés pour la technique de la médiation. Il y en a déjà 480 au Québec, dont la moitié environ – je ne veux pas me chicaner sur le chiffre – sont des avocats. Les autres sont des autres ordres professionnels. Et, en annonçant le projet de loi, d'autres vont maintenant savoir que la médiation va servir à quelque chose, donc vont investir dans la formation puis vont acquérir... dans le but, bien sûr, d'offrir leurs services, éventuellement, à des parties qui sont en instance de divorce. Donc, on a recours à une personne qui a une formation de médiateur. Cette personne, quand une partie voudra dorénavant intenter une procédure en divorce, devra préalablement demander qu'il y ait médiation devant, mettons, le notaire Untel.

L'autre partie pourra avoir, j'ai dit tout à l'heure, trois attitudes, mais, dans les faits, il peut y avoir quatre types d'attitude. D'une part, l'autre partie peut dire: Je refuse; je ne veux rien savoir de ça. À ce moment-là, le demandeur ou le requérant ira devant le tribunal en disant: L'autre partie ne veut pas discuter, ne veut pas faire de médiation. Je suis devant vous, donc, pour la suite des choses.

Deuxième possibilité, le défendeur ou l'intimé dira: Écoutez, on va aller devant le médiateur. Mais, très rapidement, au milieu de la première séance ou à la fin de la première séance, il dira: Je ne veux rien savoir; je ne veux pas aller plus loin que ça. Moi, la médiation, je n'y crois pas, ce n'est pas la façon dont je voudrais qu'on règle notre problème. C'est une autre possibilité. Le requérant ou le demandeur pourra donc aller encore devant le tribunal.

(20 h 20)

Troisième hypothèse, les deux parties se rendront devant le médiateur, et là s'enclenchera un processus de médiation qui pourra durer une, deux, trois, quatre, cinq, jusqu'à un maximum de six séances d'une heure et quart chacune, gratuites pour les deux parties, payées par l'État. Alors, je pense que c'est extrêmement important. On voit l'importance qu'on accorde à ce processus-là. L'État injecte de l'argent pour payer, pour les deux parties, ce processus de médiation. Donc, les parties vont, avec le médiateur, tenter de s'entendre. Si elles s'entendent, que ce soit à la troisième, quatrième ou cinquième étape, ces parties pourront demander à un greffier spécial d'entériner la décision à laquelle elles seront arrivées. Alors, ça, c'est la troisième méthode.

Et la quatrième, il y a aussi une chose qui pourra toujours se faire. Vous savez, il arrive que des gens décident de rompre le lien qui les unit, mais de le faire d'une manière telle qu'ils sont capables ensemble de convenir tout simplement de ce qui va arriver de la garde de leurs enfants, des droits de visite à leurs enfants, du patrimoine familial, etc., donc de tous les éléments qui entourent une telle rupture des liens, et de convenir de la chose. Ils devront, bien sûr, obtenir l'accord du tribunal sur leur entente, puisque seul le tribunal peut sanctionner la rupture du lien matrimonial, mais elles pourront passer en dehors du système.

M. le Président, je pense qu'il s'agit là d'une approche très novatrice qui évite aux parties d'avoir à se rendre devant un tribunal ou d'avoir recours à des procédures qui sont généralement génératrices de conflits, même si, en bout de piste, elles solutionnent... et un tribunal est là pour ça, mais, quand même, entre-temps, les parties traversent une période extrêmement difficile. Et je pense que, quand on regarde les enfants, ceux et celles qui, en fait, paient souvent chèrement la rupture qu'il y a entre leurs parents – et ils ont le droit de le faire – on doit bien constater que, souvent, c'est les enfants qui subissent le contrecoup de cette décision-là.

Si on est capable d'éviter un forum dans lequel on s'affronte et d'aller dans un forum où on essaie plutôt de se parler au-delà des incompréhensions qu'on a sur le désir de continuer la vie commune, si on essaie plutôt de dire: On a eu quand même tant de temps ensemble, ça a bien été, nous avons des enfants qui sont là, nous avons un patrimoine. Comment pouvons-nous résoudre doucement ce lien-là? je pense qu'on aura fait oeuvre utile.

Je suis désolé de voir que le Barreau a adopté une position aussi claire que de dire: Il faudrait retirer ce projet de loi. Dans une réunion du conseil d'administration du 5 décembre dernier, le Barreau a demandé tout simplement de retirer le projet de loi. Ici, j'ai un extrait du procès-verbal d'une séance du comité administratif du Barreau du Québec tenue le jeudi 5 décembre 1996, à la Maison du Barreau, à Montréal, où on lit: «Sur proposition dûment appuyée, il est résolu – il y a une série de considérants – 1° de demander le retrait du projet de loi n° 65, instituant la médiation préalable obligatoire en matière familiale...»

M. le Président, je dois dire que je suis très déçu de cette position. En fait, aux gens, aux couples au Québec qui veulent divorcer d'une manière différente de celle qu'on connaît jusqu'à ce jour, on leur dit: Non, ce n'est pas bon. L'État investit inutilement de l'argent dans des séances de médiation pourtant menées soit par des avocats, soit des notaires, et autres professionnels qui sont capables d'amener les parties à des compromis, à des ententes. Je pense qu'il faut plutôt regarder du côté des autres ordres professionnels qui, dans une résolution et une déclaration communes, ont dit qu'ils étaient entièrement favorables à l'adoption du projet de loi tel que déposé et demandaient à toutes fins pratiques de ne même pas reporter l'étude en commission au mois de janvier, l'étude du projet de loi.

Mais je pense qu'il faut, M. le Président, permettre à toutes les parties de faire valoir leur point de vue sur cette question-là, pour la médiation familiale comme telle, la médiation familiale obligatoire gratuite, parce que je pense qu'il peut y avoir des choses intéressantes qu'on entendra, de savoir, par exemple, qu'on devrait peut-être aménager de telle façon plutôt que de telle autre façon la façon de faire.

M. le Président, le principe, il est bon, il est excellent. On peut avoir des points de vue différents quant aux aménagements, et c'est pour ça qu'une commission parlementaire pourrait être utile. Donc, il est important justement que la motion qui est devant la Chambre aujourd'hui soit adoptée, parce que cette motion-là, elle a pour effet de dire: Le principe est adopté, mais nous allons soumettre le tout, en commission parlementaire, aux gens qui ont des mémoires à présenter, qui ont des opinions à émettre, qui ont à défendre des points de vue. Et, après ça, une fois qu'on aura entendu ces groupes-là, on sera en mesure, avant que la Chambre ne reprenne au mois de mars prochain, de faire l'étude article par article pour justement ajuster chacune des dispositions de la loi à ce que nous aurons entendu en commission parlementaire et, après ça, avoir, dès le mois de mars, un projet de loi extrêmement bien ficelé, qui va rencontrer tous les objectifs que l'on avait et qui va être une solution concrète aux problèmes que les couples rencontrent.

M. le Président, il est important que les parties, au mois de mai 1997, les parties qui vont divorcer, puissent bénéficier de la médiation familiale obligatoire et gratuite. Il est aussi important, pour tous ceux et celles qui devront faire réviser... pas leur contrat mais leur convention, mais surtout les décisions qui ont été rendues à leur égard antérieurement, pour s'adapter à la nouvelle réalité – et, encore une fois, on calcule qu'il y aura environ 66 000 ordonnances comme ça qui seront soumises à un réexamen – que, pour ces gens-là, il y ait une médiation, un moyen, la médiation, pour faire ça de la manière la plus douce possible, je dirais, pour reprendre une expression qu'on entend beaucoup maintenant en matière informatique, la plus conviviale possible, donc la plus douce, et arriver à ce que les parties, même si elles doivent rester séparées ou même si elles vont devenir séparées, le fassent avec le moins d'effets négatifs pour elles-mêmes et pour leurs enfants. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre de la Justice. Nous cédons maintenant la parole au député de Notre-Dame-de-Grâce. M. le député.

M. Copeman: M. le Président, est-ce que le ministre permettrait une question en vertu de l'article 213 de notre règlement?

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, le ministre de la Justice accepte. Voulez-vous poser votre question, s'il vous plaît?

M. Copeman: M. le Président, question fort simple au ministre de la Justice: Au moment de la présentation du projet de loi, le 14 novembre de cette année, est-ce que le ministre, à ce moment-là, avait déjà prévu des audiences particulières sur le projet de loi? Sinon c'est quoi, les événements qui sont intervenus qui lui ont fait changer d'idée?

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le ministre.

M. Bégin: M. le Président, il est d'usage, lorsqu'un projet de loi est déposé, que nous agissions de la manière suivante: le principe est adopté, et l'opposition, au moment où le projet de loi même est déposé, demande au leader du gouvernement: Est-ce que vous avez l'intention d'entendre des groupes? Est-ce que vous allez entendre des gens? C'est la règle. Parce que généralement il y a le choix, effectivement, au moment où le projet de loi va être envoyé en commission, d'avoir deux types d'auditions, soit générales, c'est-à-dire qu'on invite de façon générale les gens à se faire entendre, ou encore des invitations particulières parce qu'on veut entendre un certain nombre de groupes ciblés, intéressés, concernés et, on pense, pertinents à ce type de dossier.

Déjà, j'avais l'intention de le faire et j'avais même dit au bâtonnier quatre jours après le dépôt, donc le 18 novembre dernier, qu'effectivement il y aurait de telles consultations et, le 22 novembre, je confirmais par écrit auprès du bâtonnier du Québec qu'il y aurait de telles consultations. Cependant, à ce moment-là, j'avais le problème suivant: Quelle était exactement la liste des groupes qui seraient concernés? Et, deuxièmement, compte tenu des travaux de la Chambre et, comme je ne suis pas le leader du gouvernement et qu'il y a un certain nombre de décisions à prendre, je ne pouvais pas dire d'avance: Voici, nous allons être entendus le 23, le 22 ou le 25, peu importe la date, novembre ou décembre – surtout pas décembre, mais novembre. Alors, je ne pouvais pas le faire. C'est au leader.

Nous avons demandé, et j'ai demandé au leader à quel moment ça pourrait se faire, et, compte tenu de l'organisation des travaux de la Chambre, il a été convenu que ce serait préférable que ce soit en janvier, et c'est pour ça que j'ai, dès que je l'ai su, indiqué quelles étaient les dates. Et ça, je l'avais indiqué au Barreau aussitôt que le 18, verbalement, au bâtonnier, et le 22, par écrit.

(20 h 30)

Le Vice-Président (M. Pinard): Ça vous convient, M. le député? Alors, nous cédons maintenant la parole au député de Notre-Dame-de-Grâce. M. le député.


M. Russell Copeman

M. Copeman: Merci, M. le Président. À mon tour d'intervenir sur la motion de report de mon collègue, le député de Westmount–Saint-Louis qui demande essentiellement au gouvernement de surseoir à l'adoption du principe du projet de loi n° 65, Loi instituant au Code de procédure civile la médiation préalable en matière familiale et modifiant d'autres dispositions de ce code, Bill 65, An Act to institute, under the Code of Civil Procedure, pre-hearing mediation in family law cases and to amend other provisions of the Code.

M. le Président, le ministre de la Justice, enfin, sur un sujet précis, a raison, c'est au loisir du gouvernement de choisir soit de procéder à l'adoption de principe d'un projet de loi et de faire des auditions après ou, comme le gouvernement l'a fait avec d'autres projets de loi, de convoquer des commissions parlementaires pour des auditions, soit particulières ou générales, avant l'adoption de principe du projet de loi.

À ce moment, M. le Président, avec la prise de position du Barreau du Québec et surtout avec le vécu qu'on a depuis un an du système automatique de perception des pensions alimentaires qui a été mis en vigueur par ce gouvernement, je pense, M. le Président, très humblement, qu'il y a matière là qui nous convainc, de ce côté de la Chambre, qu'il n'est pas propice de procéder à ce moment-ci à l'adoption de principe du projet de loi. À cause principalement de la portée du projet de loi qui est assez importante et à cause du vécu qu'on a, il n'est pas propice de procéder à l'adoption de principe aujourd'hui.

M. le Président, le ministre a laissé entendre un peu – là, je fais de l'interprétation; peut-être que le ministre va s'objecter, on verra – que, si on adoptait cette motion de report, tout le processus arrêterait. Ce n'est pas tout à fait exact, M. le Président. Même si le principe n'est pas adopté, on sait fort bien que le ministre peut procéder à des consultations et qu'on peut reprendre au mois de mars, alimentés par les consultations, avec l'adoption de principe.

On ne parle pas des détails, M. le Président. Le ministre a fait allusion: Oui, oui, c'est une étape, l'étude détaillée, pour fignoler des détails. On ne parle pas de ça, M. le Président; on parle du Barreau du Québec qui demande purement et simplement le retrait du projet de loi. Il ne demande pas de changer quelques articles, là, il ne demande pas de fignoler ça un tout petit peu; il demande purement et simplement le retrait du projet de loi.

Et là où ça accroche, entre autres, avec notre formation, M. le Président, c'est la question de facultatif versus obligatoire. Là, vous allez convenir avec moi, M. le Président, qu'une clé du projet de loi, un fondement même du projet de loi, c'est de rendre obligatoire la médiation familiale. C'est le fondement même du projet de loi. Mais, nous, de notre côté, si nous croyons que ce principe même, que ce fondement même du projet de loi n'est pas bon, il est clair qu'on va lui demander d'attendre afin de voir s'il y a d'autres groupes dans la société québécoise qui pensent que, peut-être, ce n'est pas bon de procéder avec du mur-à-mur avec un projet de loi qui rend obligatoire la médiation familiale.

Ça vaut la peine de rappeler, selon nos statistiques en tout cas, que 90 % à peu près des cas de disputes en divorce, qui seraient portés à être traités par le projet de loi, sont réglés avant l'audition. Alors, déjà, dans notre système, 90 % des cas sont réglés avant l'audition. En fin de compte, M. le Président, le ministre va de l'avant avec un projet universel obligatoire pour régler 10 % des cas qui occupent 80 % du temps dans nos cours, et c'est là où ça accroche, quant à nous. Vous voyez déjà la différence fondamentale dans nos façons de percevoir les choses. Pour le ministre, pour le gouvernement, mur-à-mur, le problème avec 10 % de la population, on va le régler en obligeant tout le monde à faire partie de la solution, tandis que, nous, on aurait préféré une solution qui vise le 10 % où les cas ne se règlent pas. C'est très clair. Et nous prétendons que ce serait plus efficace et qu'on atteindrait à peu près les mêmes buts.

Parce que, c'est vrai, le ministre a fait un vibrant plaidoyer pour la possibilité de régler à l'amiable des cas qui sont très difficiles, qui sont susceptibles d'avoir un impact sur le vécu des enfants, sur le vécu de dizaines de milliers de Québécois et Québécoises. On est sensibles à ça. On n'est pas sourds à cette problématique; on partage avec le ministre le désir de voir le plus grand nombre de cas possible réglés en médiation familiale, si on peut aider ces familles-là à passer à travers un moment très difficile de leur vécu pour en arriver à une entente. Mais je vous soumets très respectueusement que ça ne prend pas un régime qui est universel pour régler un problème qui touche 10 % des cas. Ce n'est pas logique, ce n'est vraiment pas logique.

Le ministre a parlé tantôt de l'importance des pensions alimentaires. Oui, on partage cette préoccupation. Nous avons voté, nous, de ce côté de la table, pour le système automatique de perception des pensions alimentaires. Nous avons voté, de notre côté de la Chambre, nous, pour le modèle de fixation des pensions alimentaires auquel le ministre a fait référence. Alors, vous voyez tout de suite, M. le Président, que, dans plusieurs projets de loi, même ceux proposés par le ministre de la Justice, on est capables de s'entendre. On peut s'entendre quand il y a du gros bon sens là-dedans. Mais il n'y en a pas avec ce projet de loi.

M. le Président, juste avant qu'on ait suspendu, à 18 heures, j'ai écouté attentivement le ministre et, pour m'assurer que je ne faisais pas d'erreur, j'ai fait venir les galées. Le ministre aime être cité exactement, correctement; on va le faire. Le ministre nous reprochait, à nous, quand on était au pouvoir, d'avoir mis en place un système dont la tarification était en vigueur avec pas de services, puis on a mis les fonds perçus pour ça dans le fonds consolidé. Ça, c'est les mots exacts du ministre. Je vais les citer, M. le Président. Là, il nous reprochait deux choses: dans un premier temps, de ne pas avoir mis en vigueur... dans un deuxième temps, d'avoir collecté des fonds pour les détourner vers le fonds consolidé.

Je cite le ministre, M. le Président. «En effet – a dit le ministre – ils avaient adopté en 1993, au mois de mars 1993, le projet de loi 14, qui fixait une médiation familiale. Ils ont adopté le projet de loi, ils l'ont fait sanctionner en mars 1993, mais ils ne l'ont jamais mis en vigueur, de telle sorte qu'après avoir adopté le projet de loi en mars 1993, et rappelons-nous qu'ils ont perdu le pouvoir en septembre 1994, donc ils ont eu deux ans pour faire une médiation véritable.» On va remettre les choses aux pendules; on va aider le ministre un tout petit peu. De mars 1993 à septembre 1994, ce n'est pas deux ans. Ce n'est pas grave; le ministre a besoin d'une calculatrice peut-être, là. Mais je calcule de mars 1993 à septembre 1994 comme 18 mois, pas tout à fait deux ans. Il s'est trompé à peu près d'un quart. On s'habitue, avec ce ministre de la Justice, à des détails un peu vagues dans ses discours.

(20 h 40)

Mais pire, M. le Président, il continue de dire, là: «Ils ont fait – c'est le ministre qui parle – en sorte que l'on perçoive les sommes d'argent qui devaient servir à la médiation familiale. Qu'est-ce qui est arrivé? C'est que l'argent de la médiation familiale est allé au fonds consolidé du revenu sans que personne qui payait pour ce service ne reçoive ce service en question.» Fin de la citation. Mais là la suggestion du ministre, l'accusation du ministre est un peu plus grave. On s'habitue avec ce ministre de la Justice à ce qu'il prenne beaucoup de liberté avec la vérité. C'est un peu drôle, un ministre de la Justice qui prend de la liberté avec la vérité, là, mais on s'habitue, malheureusement.

On va mettre les choses à l'heure, M. le Président. On va citer des faits. Oui, le projet de loi 14 a été sanctionné en 1993; il a été sanctionné le 10 mars 1993. Ce que le ministre a oublié de dire, a omis de dire, c'est que la tarification a commencé le 1er novembre 1993. Ça n'a pas commencé au mois de mars. Il y avait un certain délai pour mettre en marche la tarification. Le ministre l'ignorait, là. Tout d'un coup, on n'a pas collecté à partir de mars 1993.

Oui, le gouvernement a commencé à percevoir à partir du 1er novembre 1993. La raison pour ça est très simple, M. le Président: notre système de médiation familiale était supposé être autofinancé. On ne pouvait pas commencer en octobre ou novembre 1993, on venait de mettre en vigueur la tarification. La mise en vigueur de la loi était prévue pour le 1er novembre 1994 – un an plus tard – pour s'assurer qu'il y avait des fonds là-dedans pour faire marcher le système, parce que, nous, M. le Président, on ne voulait pas créer un cafouillage administratif. On voulait s'assurer que les fonds étaient là pour livrer le service.

C'est bien clair, là, qu'il a fallu le faire à partir du moment où il y avait assez de sous, ce qui était novembre 1994. Oui, la tarification était là et en place depuis le 1er novembre 1993 et, oui, ça veut dire que, pendant 11 mois d'un gouvernement libéral, on attendait la mise en vigueur parce qu'on attendait un sain financement. Et c'est ça que le ministre nous reproche, semble-t-il, d'avoir attendu 11 mois sans avoir mis en vigueur la loi.

Mais, M. le Président, je vais vous souligner un fait très intéressant où le ministre joue beaucoup avec la vérité. Parce que, oui, pendant 11 mois, nous, on a attendu, mais lui et son gouvernement qui a pris le pouvoir le 14 septembre 1994, eux autres, ils ont attendu 26 mois jusqu'à aujourd'hui. Le gouvernement du ministre de la Justice, le gouvernement du Parti québécois a attendu 26 mois jusqu'à aujourd'hui. Ce n'est pas compliqué de faire le calcul: depuis novembre 1994 – octobre, mettons, avec un changement d'administration – octobre 1994 à décembre 1996, ça fait 26 mois.

Où est allé le financement pour la médiation familiale pendant ces 26 mois là? Le ministre nous a reproché, à nous, de l'avoir mis dans le fonds consolidé pendant 11 mois. Lui, par exemple, l'a mis, selon notre analyse, dans le fonds consolidé pendant 26 mois. Et le ministre a le culot de nous reprocher, à nous, de ne pas avoir procédé assez vite avec la mise en vigueur de la loi. Mais lui, par contre, qui avait deux ans pour mettre en vigueur un système – parce que, lui, il est en poste depuis le mois d'octobre 1994: deux ans et quelques mois – lui, qui est en poste depuis ce temps-là, il a attendu deux ans pour son système.

Et, pendant tout ce temps-là, la tarification rentre. Puis ça va où? Bien, là, on ne le sait pas. Nous supposons que ça va dans le fonds consolidé. Ça fait qu'il nous reprochait d'avoir fait quelque chose pendant 11 mois que lui a fait pendant 26 mois. Il y a des mots antiparlementaires que je ne peux pas prononcer, M. le Président, qui me viennent à l'esprit avec ces types d'accusations là. Onze mois, de notre côté, c'est des pas-bons. Vingt-six mois, de leur côté, à faire la même chose, c'est correct. Les personnes en tireront des conclusions, M. le Président.

M. le Président, le projet de loi est croche, comme beaucoup de projets de loi qu'a présentés le ministre de la Justice. Le Barreau est contre. Le Barreau fait une grève illimitée et sur la médiation familiale et sur l'aide juridique. C'est ce qu'il nous dit. Le ministre de la Justice est membre du Barreau. Le premier ministre est membre du Barreau. Lui, il a dit: Oui, ils ont dit qu'ils étaient déçus. Le ministre de la Justice est déçu de son Barreau, mais, moi, je serais plus porté à dire, M. le Président, que c'est le Barreau qui est déçu de son ministre de la Justice, et pas vice versa, pas l'inverse. Lui est déçu de la prise de position du Barreau, mais je pense que c'est plutôt le Barreau qui est déçu de lui et de son premier ministre.

M. le Président, le projet de loi est bâclé, est tout croche. Ce qu'on avait prédit, nous, avec le système automatique de perception des pensions alimentaires... On avait fait des mises en garde, M. le Président. On n'a pas voté contre, mais on avait soulevé quelques craintes. On avait dit: Écoutez, là, ça se peut que vous surchargiez le système, que vous bloquiez le système. On n'avait pas de preuves, on ne pouvait pas avoir de preuves: la loi n'était pas en vigueur. On ne pouvait qu'avoir des réticences, des hésitations, des craintes.

M. le Président, il faut constater, un an plus tard, qu'effectivement on avait raison. Le SAPPA, le système automatique de perception des pensions alimentaires, est un cafouillage administratif épouvantable. Ça ne marche pas, cette affaire-là, M. le Président. Ça ne marche pas. On l'avait prédit. Notre collègue la député de Saint-Henri–Sainte-Anne avait mis en garde et le ministre responsable et le ministre délégué au Revenu là-dessus. Ils nous ont dit: Non, non, non, on est capables. On peut s'arranger. Vous allez voir, là, tout va être beau. Tout va être beau. Des mots mielleux qu'ils nous lancent de temps en temps, ces ministres, mais la vérité est tout autre, M. le Président. Le système ne marche pas. Pourquoi? Parce qu'on avait mis tout le monde dans le même panier. On avait mis les bons débiteurs dans le même panier avec des mauvais débiteurs; on a mis des bons payeurs dans le même panier avec des mauvais payeurs, ce qui fait en sorte qu'il y a une surcharge, un blocus à l'intérieur du système. Le système ne peut pas procéder avec le traitement administratif nécessaire pour tous ces cas-là.

M. le Président, on prédit exactement la même chose avec le projet de loi n° 65. De faire passer un système obligatoire mur à mur, pour tout le monde, quand 90 % des cas sont déjà réglés avant l'audition, au moment où on se parle, M. le Président, n'est pas logique et ça risque, quant à nous, de surcharger le système, de faire en sorte que personne n'aurait accès à la médiation familiale de qualité, pour le 10 % des cas qui en ont besoin. C'est très clair, M. le Président. Ça ne peut pas être plus clair.

Et, honnêtement, M. le Président, je ne comprends pas pourquoi le ministre s'entête. Tout ce qu'il a à faire, lui, c'est de nous dire... En posant la question, j'ai ma réponse, M. le Président. Je viens de penser à ça. Tout ce qu'il a besoin de dire, c'est: Vous avez raison. On va y aller tranquillement, on va faire le projet de loi comme il faut, on va aller consulter le monde, on va prendre en considération des aspects qui portent sur les failles, puis on va s'ajuster.

(20 h 50)

Mais la raison pourquoi il ne le fait pas, M. le Président, quant à moi, c'est parce qu'il aurait fallu qu'il admette qu'on a raison. Ce n'est pas un ministre qui aime ça; lui, il n'aime pas nous donner raison. Il y a comme une guerre qui est devenue malsaine, quant à moi, en ce qui concerne les relations entre ce ministre de la Justice et l'opposition. Vous savez, M. le Président, de temps en temps, on a raison, pas tout le temps. Si on avait tout le temps raison, ce serait gênant. Mais, de temps en temps, on a raison. Et ce qui est triste, je pense, c'est qu'on a un ministre de la Justice qui ne voit pas ça, qui n'est pas du tout ouvert à la possibilité que des critiques de l'opposition officielle soient fondées.

C'est une attitude un peu du gouvernement en général. J'ai parlé, avant, du Betaseron qui, selon le ministre de la Santé, n'était pas reconnu de façon assez importante dans la communauté scientifique pour son efficacité, et ça, depuis des mois. On a fait un mandat d'initiative à la commission des affaires sociales. On a eu les plaidoyers de beaucoup de personnes qui ont dit que le Betaseron, ça les aide. Il a été reconnu dans d'autres provinces et dans d'autres États. Mais, pour le ministre de la Santé, jusqu'à hier, il n'y avait pas de raison scientifique, selon lui, de l'inclure dans la liste des médicaments.

Hier, le ministre a fait volte-face. On est très contents. Nous, on est prêts à dire: Bien, là, voilà, pour une fois, le ministre de la Santé a raison. Il a raison un peu tard, mais il a raison quand même. Et on se réjouit avec lui parce que l'effet de ça va être que des hommes et des femmes atteints de sclérose en plaques vont avoir accès à un médicament qui, maintenant, semble-t-il, tout d'un coup, est démontré efficace sur le plan scientifique. Je me souviens très bien, lors d'un de nos échanges, que, notre ex-collègue le député de Pointe-aux-Trembles est venu assister à une séance de la commission des affaires sociales et nous a amené son témoignage à lui. On sait qu'il est atteint de cette terrible maladie et, pour lui, le Betaseron était essentiel. Il nous l'a dit, mais, à ce moment-là, il n'était pas disponible.

M. le Président, de temps en temps, l'opposition a raison; de plus en plus on a raison. On a raison sur la motion de report: le projet de loi est bâclé, il est tout croche. Il faut que le gouvernement prenne le temps nécessaire pour le corriger avant qu'on procède à l'adoption de principe. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. Alors, Mme la leader adjointe du gouvernement.


Mme Jocelyne Caron

Mme Caron: Oui, M. le Président. Alors, nous ne parlerons pas des projets de loi sur la santé, nous ne parlerons pas des autres projets de loi, nous ne parlerons pas de la perception automatique des pensions alimentaires; nous allons parler du projet de loi qui est devant nous, c'est-à-dire le projet de loi sur la médiation familiale.

Et ce que nous avons devant nous, M. le Président, c'est une motion de report. Alors, on peut peut-être expliquer pourquoi on fait une motion de report habituellement. Habituellement, on fait une motion de report parce qu'on considère qu'on n'est pas en accord avec un projet de loi puis qu'on veut retarder son adoption. On considère qu'on n'est pas d'accord avec un principe d'un projet de loi et on décide qu'on veut faire de l'obstruction. Mais tous les intervenants qui ont parlé, jusqu'à maintenant, sur l'adoption du principe nous ont dit qu'ils étaient en accord avec la médiation familiale et que c'était sur la façon dont le ministre de la Justice proposait de la faire qu'ils n'étaient pas d'accord.

Donc, normalement, à cette étape-ci, ils devraient être d'accord avec l'adoption du principe. Nous sommes à l'adoption du principe, et le principe, c'est la médiation familiale. Donc, ils devraient être d'accord. Pourquoi nous demander de reporter l'adoption d'un principe avec lequel ils sont d'accord? Ce n'est pas le principe, c'est avec les modalités qu'ils ne sont pas d'accord. Et, concrètement, dans les faits...

Le Vice-Président (M. Pinard): Excusez-moi, madame. M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Oui. Je tiens à m'excuser auprès de ma collègue l'adjointe au leader adjoint du gouvernement. Simplement, son discours est tellement intéressant que, de ce côté-ci, nous l'écoutons avec attention, mais il manque de collègues, à ce moment-ci, pour former l'essentiel quorum qui peut lui permettre de s'exprimer, M. le Président. Auriez-vous l'occasion de le vérifier?

Le Vice-Président (M. Pinard): Voulez-vous appeler les députés, s'il vous plaît?

Merci. Mme la leader adjointe du gouvernement, si vous voulez bien poursuivre maintenant que nous avons quorum.

Mme Caron: Oui, M. le Président. Alors, au niveau de l'adoption de principe, ils sont tous venus nous dire qu'ils sont d'accord avec la médiation familiale, mais qu'ils ne sont pas d'accord avec la façon dont on le fait. Donc, ils devraient voter, et rapidement, l'adoption du principe, puis le travail se fera en commission parlementaire – les audiences, l'étude détaillée – et puis, s'ils ne sont toujours pas d'accord avec le projet de loi comme tel, bien, là, ils pourront nous parler de motion de report à ce moment-là.

M. le Président, on doit se demander aussi ce que ça peut donner, une motion de report à ce temps-ci. Est-ce que ça va venir changer quelque chose dans la procédure du projet de loi? Nous sommes devant l'adoption du principe. Si nous ne l'adoptons pas aujourd'hui ou avant la fin de la session, nous allons faire quand même les consultations particulières, tel que prévu, à la fin du mois de janvier et nous allons revenir au début du mois de mars avec l'adoption du principe. Ça va être le même projet que nous aurons dans les mains. Ça ne viendra rien changer. C'est strictement dans le temps. Donc, moi, je considère que cette mesure-là, c'est une mesure d'obstruction, une mesure qui permet de retarder le débat.

Nous allons aller sur le fond. Puisque, dans la société québécoise, tout le monde s'entend sur l'importance de la médiation familiale, c'est important d'adopter le principe rapidement. Et nous avons aussi convenu, et l'opposition en a été avertie, que le ministre tiendrait des consultations particulières, des auditions publiques dès la fin du mois de janvier pour entendre une vingtaine de groupes touchés directement par le sujet. Donc, il n'y a absolument pas d'urgence à faire des motions de report puis à faire des mesures pour faire de l'obstruction.

Nous allons aller directement, maintenant, sur le fond. Pourquoi fait-on de la médiation familiale? D'abord et avant tout – le ministre l'a dit – pour les enfants, mais j'ajoute: pour les enfants, mais pour les conjoints aussi et pour toute la société, parce qu'il y a un prix à payer lorsqu'on procède par de la confrontation, lorsqu'on procède par de la judiciarisation. Il y a un prix à payer pour les enfants, il y a un prix à payer pour les conjoints, et ce prix qu'ils paient, ça se transpose aussi au niveau de la société. Il y a aussi un prix là-dessus. Et, quand on dit que 80 % ou 90 % des dossiers se règlent avant de passer dans les tribunaux, c'est vrai, mais à quel prix? Ça, jamais on ne nous l'a dit. Au prix de délais énormes, à des coûts, au niveau des avocats, énormes, on le sait aussi, et au prix affectif, M. le Président, aussi, parce que toute cette procédure qu'ils font jusqu'à la veille de l'audition, il y a un prix affectif à payer là-dedans. C'est le prix de la confrontation.

(21 heures)

Les premières victimes en sont les enfants, les deuxièmes victimes, les conjoints et toute la société, M. le Président. Et les 10 % à 20 % qui restent, qui se retrouvent devant les tribunaux, ils occupent 80 % du temps du tribunal, 80 %. Là aussi, il y a un coût énorme. Et toute tentative, toute méthode pour réduire ces prix en délais, ces prix en argent et ces prix affectifs, on a le devoir de le faire.

Et, M. le Président, je vais citer un rapport que tout le monde trouvait extraordinaire en 1991. C'était à une période où le gouvernement libéral était là, donc c'est un rapport qu'ils connaissent bien. Le 15 octobre 1991, Camil Bouchard, psychologue, déposait pour le ministère de la Santé et des Services sociaux du gouvernement du Québec de l'époque un des meilleurs rapports que j'aie vus: «Un Québec fou de ses enfants». Il nous parlait de la médiation familiale et on va aller voir ce qu'il nous disait.

Il y avait un chapitre complet sur les enfants dont les parents divorcent, et ce qu'on pouvait voir là-dedans, et je vous cite le rapport: «Le système légal pourrait contribuer à prévenir la détérioration des relations entre les conjoints en proposant des formules de négociation qui s'éloigneraient des stratégies de type adversarial que l'on connaît encore aujourd'hui. Le développement et l'actualisation d'une approche vraiment centrée sur la nécessité d'assurer une continuité et une harmonie dans la vie familiale de l'enfant s'imposent. Aussi, nous demandons au ministère de la Justice de rendre obligatoire – depuis tantôt, surtout le député de Notre-Dame-de-Grâce nous a dit: Il ne faut pas que ce soit obligatoire. Alors, qu'est-ce qu'il nous recommandait, M. Camille Bouchard? – dans les plus brefs délais – on était en 1991 – l'utilisation d'un service de médiation chez les couples de parents en litige avant toute comparution en cour.» Et ce qu'il nous disait, pourquoi il demandait, c'est que «les scénarios actuels ne font qu'exacerber les conflits et ce sont les enfants qui en ont les répercussions».

Et on citait les exemples où la médiation avait été utilisée entre conjoints par une personne neutre et les résultats étaient les suivants. Là où il y avait eu médiation, les pensions alimentaires sont plus généreuses dans les conventions de médiation, il y a un plus grand respect des versements des pensions, les ententes nécessitent moins de renégociations devant les tribunaux, on adopte plus fréquemment des conventions de garde partagée que lorsqu'on passe devant les tribunaux, les droits de visite sont mieux spécifiés, on note même une plus grande implication des pères suite à ces ententes faites par la médiation et, globalement, les résultats indiquent que le recours à la médiation se fait dans le meilleur intérêt des enfants. Donc, le Conseil de la famille avait déjà exprimé un avis favorable pour installer une telle procédure. Et là on demandait carrément au ministère de la Justice, puis je rappelle la date, octobre 1991, d'instaurer dans les plus brefs délais la médiation familiale obligatoire.

M. le Président, à ce moment-là, le gouvernement du Parti libéral était en place. Est-ce qu'il a décidé de rendre obligatoire, de suivre cette recommandation-là, la recommandation 12 du rapport «Un Québec fou de ses enfants»? Non. Est-ce qu'il a agi rapidement? Non. Ça, c'est octobre 1991. On a attendu mars 1993. Donc, on a attendu, on a laissé passer toute l'année 1992 et, mars 1993, on est arrivés avec le projet de loi 14 qui, là, demandait une forme de médiation. Mais est-ce qu'on venait donner réponse au rapport? Il était clair, le rapport: rendre obligatoire. Non. Puis, malgré ça, est-ce qu'on a décidé de mettre en application tout de suite cette loi-là? Non. On a attendu huit mois avant d'instaurer les tarifs. On aurait pu instaurer les tarifs plus rapidement si on voulait appliquer cette loi-là plus rapidement. Le député de Notre-Dame-de-Grâce nous a dit qu'on n'avait pas pu l'appliquer parce que, bien, le temps que les tarifs soient entrés, qu'on ait l'argent... Bien, on aurait pu instaurer les tarifs plus rapidement si on voulait instaurer la loi plus rapidement. Donc, en arrivant au gouvernement, cet argent-là s'était retrouvé dans le fonds consolidé. Et vous comprendrez très bien, M. le Président, qu'avec un déficit de l'ordre de 5 700 000 000 $ cet argent-là est effectivement resté dans le fonds consolidé.

M. le Président, ce que nous avons devant nous, c'est un projet qui vient donner réponse non seulement au rapport «Un Québec fou de ses enfants», mais à l'ensemble des groupes qui sont venus nous demander de mettre en place, le plus rapidement possible, la médiation familiale.

On nous a parlé aussi qu'on pouvait peut-être procéder autrement, que c'était une curieuse façon de procéder que d'adopter un principe, de faire des consultations puis d'adopter le projet de loi après. Bien, je pense que, si on souhaite une vraie réforme parlementaire, c'est dans ce sens-là qu'il faudrait aller: un projet de loi dont le principe serait adopté dans une session et l'adoption du projet de loi dans l'autre, justement pour avoir le temps de consulter les groupes et de les entendre. Je vais donner un seul exemple, M. le Président. En juin dernier, nous avons adopté le principe de la Loi sur l'équité salariale, en cette Chambre. Tout le monde a adopté le principe de l'équité salariale; on n'a pas de motion de report sur l'adoption de principe. Et, au mois d'août, nous avons entendu, en commission parlementaire, des groupes, qui ont été consultés pour le projet de loi: exactement la même procédure qu'on veut faire. Là, on veut les entendre au mois de janvier. Et nous avons adopté le projet de loi sur l'équité salariale en novembre dernier. Donc, nous l'adopterons, celui-ci, à la session suivante, au printemps, pour pouvoir le mettre en application, comme le disait le ministre de la Justice, pas un an, deux ans après, mais pour pouvoir l'avoir et l'utiliser dès le mois de mai 1997. Donc, pour pouvoir, tout de suite, donner réponse aux demandes qui ont été faites.

M. le Président, on nous a parlé de l'opposition du Barreau. Moi, j'ai été porte-parole de l'opposition officielle, durant quatre ans, pour les ordres professionnels. J'ai toujours examiné avec attention les demandes des ordres professionnels. Il y a toujours eu un principe qui me guidait: peu importent les projets qu'on étudiait, peu importent les demandes de règlement qu'on étudiait, il y avait un seul principe qui me guidait, c'était celui de la protection du public. Et c'est celui-là qui doit nous guider lorsqu'on parle des ordres professionnels: la protection du public. Si on se parlait en termes de biens ou de services, on pourrait parler de la protection des consommateurs. Or, ce qui doit nous guider aujourd'hui, c'est la protection du public. Est-ce que le projet de loi que nous avons devant nous, l'adoption du principe que nous avons devant nous, sur la médiation familiale, vient à l'encontre de la protection du public? Au contraire. Et l'opposition du Barreau, on pourra en convenir... Il y a une demande à l'effet de retirer le projet de loi, mais est-ce que ça va vraiment dans le sens de la protection du public que de retirer ce projet de loi là? Parce que par la médiation familiale, c'est évident qu'il n'y aura plus seulement les avocats qui vont se retrouver dans les dossiers, suite au divorce, mais le public se retrouvera avec des médiateurs qui pourront faire partie d'autres ordres professionnels qui ont des traditions de conciliation, de négociation, de médiation et non de confrontation. Et je pense que, là-dessus, le public va y gagner.

Moi, M. le Président, je pense que, lorsqu'on présente une motion de report, c'est vraiment parce qu'on considère qu'il y a une nécessité de retarder une étape d'un projet de loi. Est-ce qu'il y a nécessité de retarder l'adoption du principe de la médiation familiale? Aucunement, puisqu'on nous a dit que la médiation familiale, c'était important. Puis on nous a même dit qu'on aurait dû mettre en vigueur, mettre en application le projet de loi qu'eux-mêmes n'avaient pas jugé bon de mettre en application. La médiation familiale, ce principe de médiation familiale, normalement, l'opposition l'endosse. Donc, on n'a pas à reporter l'adoption du principe de la loi sur la médiation familiale, le projet de loi n° 65.

(21 h 10)

Deuxième élément, M. le Président, est-ce que nous allons tenir compte des demandes des groupes? Oui. Nous avons déjà annoncé que, suite à l'adoption du principe, nous allons immédiatement faire motion pour annoncer les consultations, les audiences de janvier prochain.

Et, troisièmement, toute la société québécoise a besoin que le gouvernement agisse, puisque, dès octobre 1991, au moment où ce gouvernement était en place, il était en place jusqu'en octobre 1994, déjà on demandait au ministre de la Justice de rendre obligatoire dans les plus brefs délais l'utilisation de la médiation familiale.

Donc, il n'y a aucune raison, M. le Président, pour retarder ce projet de loi là parce qu'il y a un prix dans les délais, un prix au niveau de l'argent pour les citoyens et citoyennes du Québec, un prix affectif pour les enfants et les couples et un prix aussi au niveau de l'ensemble de la société.

Une voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, Mme la leader adjointe du gouvernement. Vous avez utilisé 17 min 15 s. Donc, il reste 45 secondes.

Une voix: On vous les donne.

Le Vice-Président (M. Pinard): Ça va me faire plaisir, M. le leader de l'opposition. Ha, ha, ha! Alors, à ce stade-ci, il nous reste à mettre aux voix la motion de report du député de Westmount–Saint-Louis, qui se lit comme suit:

«Je fais motion pour que la motion en discussion soit amendée en remplaçant les mots "soit maintenant adopté" par les mots "soit adopté dans trois mois".»

Que les députés qui sont en faveur de la motion de report veuillent bien se lever. Excusez-moi, je vais trop vite, là. Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Rejetée.

Une voix: Appel nominal.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, voulez-vous, s'il vous plaît, appeler les députés.

(21 h 13 – 21 h 20)

Le Vice-Président (M. Pinard): À l'ordre, s'il vous plaît. À l'ordre, s'il vous plaît. À l'ordre, s'il vous plaît!


Mise aux voix

Alors, Mmes, MM. les députés, si vous voulez bien vous asseoir. Nous allons maintenant mettre aux voix la motion de report du député de Westmount– Saint-Louis qui se lit textuellement comme suit:

«Je fais motion pour que la motion en discussion soit amendée en remplaçant les mots "soit maintenant adopté" par les mots "soit adopté dans trois mois".»

Que les députés qui sont en faveur de la motion de report veuillent bien se lever.

La Secrétaire adjointe: M. Paradis (Brome-Missisquoi), M. Middlemiss (Pontiac), M. Gauvin (Montmagny-L'Islet), Mme Frulla (Marguerite-Bourgeoys), M. Lafrenière (Gatineau), M. Thérien (Bertrand), M. Brodeur (Shefford), M. Benoit (Orford), M. Williams (Nelligan), M. Gautrin (Verdun), M. Lefebvre (Frontenac), M. Farrah (Îles-de-la-Madeleine), Mme Delisle (Jean-Talon), M. Bordeleau (Acadie), M. LeSage (Hull), M. Poulin (Beauce-Nord), M. Bergman (D'Arcy-McGee), M. MacMillan (Papineau), M. Copeman (Notre-Dame-de-Grâce), Mme Vaive (Chapleau), M. Kelley (Jacques-Cartier).

Le Président: Que les députés qui sont contre la motion de report veuillent bien se lever.

La Secrétaire adjointe: M. Bélanger (Anjou), M. Bégin (Louis-Hébert), M. Trudel (Rouyn-Noranda–Témiscamingue), M. Campeau (Crémazie), Mme Doyer (Matapédia), M. Julien (Trois-Rivières), M. Cliche (Vimont), M. Perreault (Mercier), M. Jolivet (Laviolette), Mme Robert (Deux-Montagnes), Mme Malavoy (Sherbrooke), M. Baril (Berthier), Mme Caron (Terrebonne), M. Paré (Lotbinière), M. Bertrand (Charlevoix), Mme Vermette (Marie-Victorin), M. Pelletier (Abitibi-Est), M. Morin (Dubuc), M. Boulerice (Sainte-Marie–Saint-Jacques), M. Landry (Bonaventure), M. Paquin (Saint-Jean), Mme Simard (La Prairie), M. Baril (Arthabaska), M. Laurin (Bourget), M. Rivard (Limoilou), M. Côté (La Peltrie), M. Deslières (Salaberry-Soulanges), Mme Signori (Blainville), M. Beaumier (Champlain), Mme Barbeau (Vanier), M. St-André (L'Assomption), M. Lachance (Bellechasse), M. Laprise (Roberval), M. Jutras (Drummond), M. Morin (Nicolet-Yamaska), M. Létourneau (Ungava), M. Gaulin (Taschereau), M. Gagnon (Saguenay), Mme Charest (Rimouski), M. Dion (Saint-Hyacinthe), M. Brien (Rousseau), M. Désilets (Maskinongé).

Le Vice-Président (M. Pinard): Y a-t-il des abstentions? Alors, M. le secrétaire général.

Le Secrétaire: Pour:21

Contre:42

Abstentions:0

Le Vice-Président (M. Pinard): S'il vous plaît! Nous déclarons la motion de report rejetée. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui, M. le Président. Je demanderais le consentement de cette Chambre afin de rajouter les votes du ministre des Transports et du ministre du Travail, du côté ministériel.

M. Paradis: ...de quel côté ils votent, M. le Président.


Reprise du débat sur l'adoption du principe

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, nous allons continuer nos débats sur l'adoption du principe du projet de loi n° 65, Loi instituant au Code de procédure civile la médiation préalable en matière familiale et modifiant d'autres dispositions de ce code. Nous avions entendu... Le dernier intervenant sur l'adoption du principe avait été le député de Westmount–Saint-Louis. Alors, y a-t-il d'autres intervenants sur l'adoption du principe du projet de loi n° 65?

M. le député de... Excusez-moi, M. le député! C'est absolument... On ne travaillera sûrement pas dans des conditions semblables. Alors, on vous doit le respect, monsieur, et nous allons poursuivre nos débats. M. le député de D'Arcy-McGee.


M. Lawrence S. Bergman

M. Bergman: Merci, M. le Président. J'ai l'honneur ce soir de me lever en cette Assemblée nationale pour parler contre l'adoption du principe du projet de loi n° 65, Loi instituant au Code de procédure civile la médiation préalable en matière familiale et modifiant d'autres dispositions de ce code, Bill 65, An Act to institute, under the Code of Civil Procedure, pre-hearing mediation in family law cases and to amend other provisions of the Code.

Ce projet de loi, avec 18 articles, introduit au Code de procédure civile des mesures visant à favoriser la médiation dans les procédures familiales. Ce projet de loi instaure, sous réserve de certaines exceptions, la médiation préalablement à l'audition de toute demande mettant en jeu les intérêts de parents et d'un ou plusieurs de leurs enfants, dès lors que la demande est contestée sur des questions relatives à la garde des enfants, aux aliments dus à un des parents ou aux enfants ou au patrimoine familial et autres droits patrimoniaux résultant de leur mariage. The bill goes on to introduce rules to encourage the making of arrangements to allow Family Mediation Services of the Superior Court to designate a mediator in difficult situations and to protect the parents and their children during the mediation period.

Il y a au Québec, en moyenne, environ 23 000 divorces par année. 90 % de ces causes finissent par se régler avant l'audition de la cause malgré la présence, à l'origine, de différences sur des questions de garde, de patrimoine ou de pension alimentaire. Les 10 % restants occupent à peu près 80 % du temps de la Cour supérieure. On estime qu'une très faible proportion des 90 % qui se règlent avant l'audition l'ont été grâce à la médiation publique ou privée.

Les services de médiation existent maintenant à Québec. Le district de Montréal a un service de médiation rattaché à la Cour supérieure, un qui est global sur tous les sujets et fermé, c'est-à-dire pas de rapport à la cour et pas de témoignage sur les informations qui sont reçues. Le district de Québec dispose aussi d'un service volontaire et fermé, mais partiel, c'est-à-dire seulement garde et droit d'accès. Nous avons, depuis le début des années quatre-vingt, dans le secteur privé, des services de médiation. Nous avons l'Association de médiation familiale du Québec, composée de notaires, avocats et psychologues.

En 1993, l'Assemblée nationale du Québec adoptait la Loi modifiant le Code de procédure civile concernant la médiation familiale. Ce projet de loi a été sanctionné le 10 mars 1993 par le gouvernement de feu Robert Bourassa. Elle n'est toujours pas en vigueur malgré que ce projet de loi a été sanctionné. Elle prévoit de mettre en place un service de médiation mandatoire fermé et gratuit pour tout le Québec. La loi de 1993 prévoyait que c'était le juge, au moment de l'audition, qui renvoyait les parties à la médiation, s'il le jugeait opportun. On appelle cela la médiation mandatoire ou sur ordonnance. Mais, M. le Président, le projet de loi devant nous, le projet de loi n° 65, rend obligatoire le renvoi des parties à la médiation lorsqu'il y a des différences, et ce, dès le dépôt de la requête.

(21 h 30)

Therefore, our first comment on the difference of the two bills shows there's a difference right away. Experienced mediators will tell you that the words «mediation» and «obligatory» do not go together. You cannot send people to mediation if you make them go there by force or by obligation. Mediation has to be something where both parties are determined to work it out, are determined to go on a voluntary basis. I submit you, therefore, Mr. Speaker, that this is the first of the many reasons why we cannot support this bill which is in front of us this evening.

Il y a aussi la question du moment où survient la médiation. Le projet de loi devant nous rend la médiation obligatoire dès le début de la requête et, au contraire, le projet de loi de 1993 ne faisait entrer en jeu la médiation qu'au moment de l'audition. Alors, le projet de loi n° 65 couvre 100 % des divorces contestés, autant les 90 % qui se règlent avant l'audition que les 10 % qui se règlent au moment de l'audition par décision du juge qui tranche. Alors, M. le Président, on peut voir que la loi de 1993 ne visait que les litiges non réglés au moment des auditions, soit 10 % des divorces au Québec. À cause du fait que 90 % des causes se règlent avant le procès, alors la plupart sont sans médiation.

Therefore, Mr. Speaker, we cannot see the reason for adopting the bill, as the same now exists. We have a bill which exists. We have a bill, which is probably better legislation, that was adopted by the Bourassa Government in 1993. However, as I said time and again in this House, this is a PQ Government which is void of initiative, which is void if ideas.

You know, Mr. Speaker, that in the role of life, there are drivers and there are passengers; and fortunately Québec society has more drivers than passengers. However, the PQ Government is a government which has a majority of passengers and very few drivers. And that is why, this is a PQ Government which has taken a holiday from the real challenges facing Quebeckers, the challenges to remedy a weakened, uncertain economy with a rate of employment which is causing the real suffering to Quebeckers out of work. We know that 60 000 more Quebeckers are out of work today than as compared to the moment when the present Premier of the province was sworn in, one year ago. That means that every day over 200 more Quebeckers lose their jobs. Every evening, Quebeckers go to sleep not knowing that if tomorrow they will have the job which they left at 5 o'clock on that same day. All the while, this Government is drafting unnecessary legislation which already at the moment exists.

M. le Président, nous avons devant nous un gouvernement qui veut tout régler et tout contrôler, ce qui est dangereux dans le contexte qui existe présentement dans notre société. Un gouvernement n'a pas le droit, dans une société moderne et libre, de tout contrôler. C'est une habitude fâcheuse de ce gouvernement péquiste de trouver une raison, un motif souvent de nature idéologique, de tout contrôler. À force de vouloir tout contrôler dans la société, à force de vouloir tout réglementer, on commet des inéquités, on commet des gaffes, on commet des impairs.

M. le Président, nous avons l'obligation, comme parlementaires, d'examiner l'impact de chaque projet de loi que nous avons devant nous, de chaque projet de loi, sur les finances publiques. Dans ces moments de compressions budgétaires, chaque dollar sauvé est vraiment un dollar gagné. Il est reconnu que le projet de loi n° 65 et le service qu'il met en place vont coûter aux populations de la province de Québec des montants de plus de 10 000 000 $ par année, plus que le projet de loi du gouvernement libéral sanctionné en 1993. Dans un contexte de rationalisation, on se demande si 10 000 000 $ sont bien investis ou si d'autres besoins plus prioritaires ne pourraient pas être financés grâce à cette somme. La réponse: on peut sûrement soumettre que cet argent peut être mis dans le système de santé. Le gouvernement devant nous, le gouvernement péquiste a imposé des compressions sévères dans le domaine de la santé attaquant les plus vulnérables de notre société, les plus démunis: les personnes âgées. Le gouvernement péquiste, en imposant ces difficultés à ces personnes les plus démunies, les aînés, les personnes pauvres, n'a aucun respect pour la population de la province de Québec. C'est un gouvernement qui n'est pas sensible à la situation que vivent ces personnes, ces personnes les plus démunies, ces personnes aînées, ces personnes en difficulté.

Si le gouvernement avait véritablement à coeur les besoins, le bien-être de la population, il respecterait leurs besoins, il prendrait le temps d'agir pour leurs besoins. Ce gouvernement séparatiste hypothèque la qualité de vie des citoyens de cette belle province pour essayer d'avoir son option. Les péquistes ne voient pas ce qui est nécessaire pour la population, seulement ce qui est nécessaire pour leur option. Des milliers et des milliers de personnes manifestent leur mécontentement dans les rues. Qui sème le vent récolte la tempête! Qu'attend donc le gouvernement pour être sensible aux revendications de la population?

Mr. Speaker, we, as parliamentarians, have a very serious responsibility to examine every piece of legislation before us, and particularly in this very difficult economic times, to examine the impact, the financial impact which every bill has. In times of budgetary reductions, every dollar saved is a dollar gained, is a dollar earned. It has been advanced that Bill 65 and the services which it offers will cost the population of this province an amount of more than $10 000 000 per year over and above the same or almost similar legislation which exists at the moment. Why throw out this money?

In this context, does the Government not have other priorities for $10 000 000 a year, considering how it has devastated the healthcare system of this province with unrelenting slashing of money, unrelenting slashing of expenses, attacking the most vulnerable people in our society: the underprivileged, the weak, the poor, the senior citizens, and I can go on and on talking to you, Mr. Speaker, about a PQ Government which has no respect for the citizens and their needs in this time of budgetary compressions. If the PQ separatist Government cared about the people of Québec, it would be more sensitive to their needs. And that is why, Mr. Speaker, I join my colleagues in opposing the Bill before us and opposing the adoption of Bill 65. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de D'Arcy-McGee. Nous cédons maintenant la parole au député de Nelligan. M. le député.


M. Russell Williams

M. Williams: Merci beaucoup, M. le Président. Moi-même, je voudrais dire quelques mots sur le projet de loi n° 65, Loi instituant au Code de procédure civile la médiation préalable en matière familiale et modifiant d'autres dispositions de ce code, Bill 65, An Act to institute, under the Code of Civil Procedure, pre-hearing mediation in family law cases and to amend other provisions of the Code.

M. le Président, c'est un excellent exemple, ce soir, de ce que le ministre de la Justice a déjà dit dans cette Chambre. Il ne lit pas les lois. Il a dit que cette loi peut faire quelque chose, que ça peut améliorer notre système judiciaire, mais c'est faux. C'est incorrect, parce qu'il me semble qu'il ne comprend pas ce qu'il est en train de faire dans notre système judiciaire.

(21 h 40)

Je voudrais expliquer quelques problèmes que j'ai, et mes collègues également, avec ce projet de loi. Un, sur le concept lui-même de la médiation obligatoire, et, deux, sur la praticabilité de cette idée.

M. le Président, j'ai eu la chance, presque 20 ans passés, de travailler dans la médiation, quand le mouvement a juste commencé, quand c'était vraiment une alternative et quand nous avons essayé de créer une notion de souplesse et de flexibilité dans notre système judiciaire. Mais le concept de médiation lui-même inclut la volonté des deux parties de chercher une solution. Le ministre de la Justice arrive avec son «bulldozer» législatif et dit: Non. Il veut avoir la médiation obligatoire. Juste ce point-là, je pense, M. le Président, que vous pouvez comprendre que c'est contre la définition même du concept de médiation.

Deuxième chose, dans le concept de médiation, on parle d'un fonds égal, une chance égale entre les deux parties, parce que souvent, quand il y a un problème dans un couple, il y en a un qui est plus fort, qui a plus de pouvoir que l'autre. Le concept de médiation essaye de rendre les deux parties égales. Ce n'est pas de la négociation pure et dure, M. le Président; c'est une souplesse, une flexibilité d'assurer qu'on peut ensemble trouver une solution. C'est tout à fait différent de la logique et la façon de faire devant nos tribunaux. On fait ça dans un environnement différent, dans une place plus familiale, et les règles du jeu sont complètement différentes. Comme je l'ai mentionné, les deux personnes acceptent de faire la médiation ensemble; ce n'est pas quelque chose d'imposé.

M. le Président, peut-être que le ministre de la Justice n'est pas au courant du nombre de divorces par année dans notre société. Je voudrais lui dire ce soir que c'est plus ou moins 23 000 divorces, dans notre société, par année. C'est beaucoup; c'est trop. On sait que c'est trop. On sait que, peut-être, on doit trouver un temps ici, en cette Chambre, pour faire un débat... comment on peut aider la famille. La famille est en crise maintenant. On doit assurer que nos familles québécoises aient une possibilité de s'adapter et de changer. Mais la réalité est que effectivement il y a plus de 23 000 divorces chaque année.

Avec ça, il me semble qu'au début, si vous n'êtes pas au courant de ce qui se passe dans le système judiciaire, vous allez dire: Bon, peut-être que la médiation va aider, peut-être que ça peut désengorger la liste d'attente. Oui, sauf que 90 % de ces cas-là trouvent une solution avant d'aller au tribunal, 90 %, neuf sur 10. C'est beaucoup, M. le Président. C'est presque 19 000 personnes sur les 23 000. C'est beaucoup. Avec ça, le problème n'est pas là.

Particulièrement quand le ministre arrive avec un projet, il dit: Non, tout le monde, chaque couple, 100 %, tous les 23 000 couples doivent faire une médiation obligatoire avant de commencer. Ça ne fait rien si un des couples ne veut rien savoir de ça; ça ne fait rien qu'il y ait des cas spécifiques. Il dit: Non, tout le monde, d'une façon obligatoire, doit commencer la médiation. Il me semble, M. le Président, que ce n'est pas tellement logique, parce que, comme j'ai dit, peut-être que je peux donner quelques-uns de mes livres au ministre de la Justice sur la définition de la médiation, si les deux membres ne veulent pas négocier, ne veulent pas écouter, ne veulent pas travailler ensemble pour trouver une solution, ça ne peut pas marcher. Et ça ne fait rien à ce ministre, il va insister pour que 100 % des cas de divorce aillent à la médiation.

Je voudrais vous assurer, M. le Président, que toutes mes interventions ce soir ne sont pas contre le concept de médiation. J'ai moi-même dit que j'ai travaillé dans ce mouvement. Je trouve que c'est une façon souple et légitime. Sauf que l'idée que l'on trouve dans le projet de loi n° 65 est contre le principe même de médiation et ça peut banaliser tout le concept. Parce que le ministre – et vous pouvez sortir les galées s'il dit que j'ai fait une erreur ce soir – il a dit ce soir, dans cette Chambre, puis je ne l'ai pas trouvé dans la loi, qu'il va y avoir un maximum de six séances de médiation de une heure et demie chacune, selon ma mémoire. Quand je parle avec les médiateurs, médiatrices, ils disent que ça prend entre six à huit, en moyenne, séances de médiation, et c'est plus ou moins trois heures pour chaque séance de médiation, M. le Président. Mais le ministre, dans son projet de loi, dit que ça va être au maximum une heure et demie chacune. Avec ça, il a parlé d'une médiation obligatoire et gratuite.

M. le Président, je voulais soulever ce soir, maintenant, que c'est un autre exemple de double langage de ce gouvernement péquiste. Chaque dossier est... Et je sais que je n'ai pas le droit de dire qu'il a menti, je ne le dirai pas, mais c'est un autre exemple de double langage. Il dit une chose et il fait exactement le contraire. Il a dit, dans le projet de loi, que c'était gratuit. Ce n'est pas gratuit. La population doit payer. Et ça doit être clair, c'est ça qui est sur la table. Et une fois que le gouvernement contrôle tout, une fois que le gouvernement a dit: 100 % des couples québécois doivent aller devant la médiation... Ce soir, le ministre a dit six maximum, six visites. Bientôt, est-ce que ça va être cinq, après ça, quatre ou trois ou est-ce que tout de suite il va commencer à charger? Et est-ce qu'il y a une date limite?

Le ministre essaie de nous convaincre ce soir que c'est une affaire créative, nouvelle, alternative; ce n'est pas ça. Nous avons travaillé sur ça pendant 20 ans. Ils ont fait des expériences, aux États-Unis, avec la médiation obligatoire, et ça ne marche pas. Parce que bientôt, particulièrement quand le gouvernement mène tout, contrôle tout, il peut commencer à couper, et une fois que les séances de médiation sont limitées, ça commence à changer tout le climat. Si vous avez, par exemple, juste trois séances de médiation, une heure et demie chacune, et c'est annoncé à l'avance, merci beaucoup! vous avez quatre heures et demie, là vous entrez dans la salle et ce n'est pas un climat de médiation, c'est un climat de négociations «hardball», dures négociations, et ça tombe vite dans le même climat qu'on peut trouver devant les tribunaux. Une partie va sortir gagnante, l'autre va sortir perdante. Et ce n'est pas ce que la médiation doit faire, particulièrement quand il y a des enfants impliqués dans la médiation. De plus en plus, pour ceux et celles qui veulent, avec les enfants, on peut trouver des décisions, des arrangements plus satisfaisants pour l'homme et pour la femme, mais plus particulièrement pour les enfants. Parce qu'ils peuvent trouver une solution raisonnable, pratique, pragmatique et qui tient compte... pas juste une guerre entre les avocats, qui peut gagner le plus grand montant, mais ça va être une solution raisonnable négociée de bonne foi et dans un bon esprit de médiation.

Mais on ne trouve pas ça dans ce projet de loi, M. le Président, et je trouve ça regrettable. Et je pense que le ministre a mal compris le concept de médiation mandataire quand il a créé un projet de médiation obligatoire. C'est tout à fait une autre affaire quand un juge décide, qu'il voit devant lui un couple qui peut utiliser le mécanisme de médiation et qu'il peut ordonner ça. C'est tout à fait une autre affaire. Avant même de commencer, vous devez faire de la médiation. C'est carrément contre le principe de médiation tel que je l'ai expliqué.

Le ministre, aussi, a démontré qu'il n'a pas vraiment compris le concept de médiation quand il a dit: C'est une façon d'éviter le tribunal. Ce n'est pas juste ça. Certainement, c'est une façon de déjudiciariser le système judiciaire, mais il y a plusieurs pistes de déjudiciarisation, et la médiation en est une. Mais la médiation est un concept tout à fait différent de tous les autres, et ça prend comme acquis une volonté des deux parties de trouver une solution ensemble, trouver une solution ensemble, et ce n'est pas ça dans les 23 000 cas de divorce chaque année au Québec. J'espère que de plus en plus on puisse volontairement utiliser ce système, mais ce n'est pas ça qu'on peut trouver dans le projet de loi. Ça existe déjà, un système volontaire assez compréhensible à Montréal.

(21 h 50)

Il y a aussi, M. le Président, un autre système volontaire ici, dans le district de Québec, moins ambitieux que celui de Montréal, mais quand même une excellente démarche. Il existe 465 médiateurs ici, dans la province de Québec, en vertu des règlements. Est-ce que tout de suite, dès demain, le ministre pourra avoir la capacité de rendre les services pour tous les 23 000 cas? Impossible, M. le Président. Encore une fois, il démontre qu'il ne comprend pas son propre système.

Mr. Speaker, I think it's quite clear what is happening tonight. The Minister of Justice is again showing that he doesn't read his laws, he doesn't understand the system of justice and he doesn't understand what he's proposing. I accept that he thought he might be doing a good thing, but he clearly doesn't even understand the basic, fundamental principles of mediation. As I mentioned before, Mr. Speaker, I have a good friend, Serge Picard, of Picard & Associates, who is a mediator by training and is one of the experts in our country that has helped develop this concept over the last 20 years, and she clearly states that you can't have an obligatory system that forces everybody, all 23 000 Québec families into mediation.

It doesn't make sense unless you have the partners, both partners willing to find a solution together. That's the very concept of mediation. It attempts to build a climate in which you can create an equal playing field, because often between couples there are different powers and not everybody has the same influence as the other one. The whole notion of mediation is to balance that. And one of the ways you do it is through a science and an art called mediation.

Many times it takes six to eight sessions in family mediation, and sometimes more, and sometimes an average of three hours each. The Minister said tonight in his bill there will be a maximum of six – today – an hour and a half each. That's what he said. It's in the galleys, the minutes, if you would like to read them, Mr. Speaker. It seems to me, with this Government, clearly, the next week, or maybe the next day, all of a sudden, it's gonna be five, or four, or three, or two. Pretty soon, it won't even be free at all. So I don't trust this Government. This Government consistently betrays the trust of the people of Québec. This Government consistently says one thing and does exactly the opposite. This Government has been hellbent on separation. This Government has put its interests and its partisan concepts before everything else. As we speak today, there are 60 000 less Quebeckers working than when the Premier took office; 200 jobs a day are lost by this Government.

Il me semble, M. le Président, que la population québécoise a besoin de mieux que ça, mérite mieux que ça. Nous avons besoin d'un gouvernement qui... S'il y a un problème dans nos tribunaux avec les 23 000 cas de divorce, si on veut, comme le projet de loi dit, favoriser la médiation familiale, nous n'avons pas besoin d'arriver avec un projet aussi mal fait que ça. Ça va être mieux de s'asseoir avec l'équipe de médiation, trouver les moyens et s'assurer qu'on peut mettre ça en vigueur, mais pas d'une façon obligatoire.

M. le Président, le ministre est en train de tuer la chambre de la jeunesse dans mon comté, sur mon territoire. Il est en train de tuer la chambre des petites créances, supposément pour épargner 100 000 $. Mais, dans ce projet de loi, selon les études, il va dépenser 10 000 000 $ de plus que dans le modèle que nous avons proposé, 10 000 000 $ de plus d'argent public, d'argent des contribuables. Est-ce qu'il va juste trouver une autre taxe pour payer pour ça, une autre taxe déguisée? J'espère que non, M. le Président.

This Government is showing that it is incapable of governing. This Government, in a concept that has worked through across the world, that is of mediation, a concept that deserves support, a concept that, for many families, works, it has taken that concept and completely warped it. They have come up with a model whereby they have decided they are going to oblige everybody to be rammed through. Even if it seems, right from the beginning, there is no chance for mediation, even if people are already working on a solution, they're going to incur government expense, public dollars to force somebody to start a mediation process even if they don't need it or don't want it.

Ce n'est pas surprenant que le Barreau ait demandé le retrait de ce projet de loi, M. le Président. Moi, je n'ai pas demandé le retrait, j'ai demandé d'avoir une chance d'écouter des personnes bien impliquées dans ce secteur avant de prendre un vote sur un projet de loi aussi important. Mais vous avez vu le vote: le gouvernement a refusé, malgré une faible participation du côté ministériel. Mais ils ont utilisé leur poids numérique pour voter contre une proposition assez sage et simple du député de Westmount–Saint-Louis.

Il me semble, M. le Président, que les choses sur lesquelles nous allons insister... Si le ministre veut vraiment faire comme il l'a dit dans le projet de loi, visant principalement à favoriser la médiation dans les procédures en matière familiale, nous sommes prêts à aider le ministre à cet égard. Nous sommes prêts à nous assurer que la population québécoise puisse avoir accès à la médiation familiale. Mais, moi-même, je suis contre l'idée d'avoir ce système d'une façon obligatoire, dans le contexte économique maintenant assez difficile.

M. le Président, nous n'avons pas la flexibilité pour faire des erreurs, nous n'avons pas la marge de manoeuvre pour gaspiller du temps ni de l'argent. Ce ministre de la Justice propose une mauvaise loi après l'autre. Vous savez, ce soir, nous allons avoir un autre projet de loi qui va corriger l'erreur qu'il a faite avant. Il me semble qu'on doit tenir compte de tout ça alors que nous sommes en train d'étudier le projet de loi.

And allow me to be a little cynical, Mr. Speaker... that I don't trust this Government. This Government has betrayed the people of Québec, this Government doesn't tell the truth. This Government is not governing in the best interest of all Quebeckers. This is a good example of it. This is a good example of a government that is incapable of governing. This is going to create a major backlog: 23 000 cases that 90 % of them get resolved without going to Court. Now, the Government is going to force everybody, with a few exceptions, into mediation. Unacceptable, Mr. Speaker! Unacceptable! What we should... And we are going to see the same problems as we see in «pensions alimentaires». So, what we should do? Mr. Speaker, please, talk to the Minister of Justice, show him that he is wrong, show him that he is misdirected and actually tell him to read his «projets de loi» before he makes them public here.

M. le Président, en terminant, c'est un projet de loi qui est mal fait à cause du concept d'obligation sur la médiation. J'espère que le ministre va tenir compte de toutes les interventions, au moins de ce côté. Et s'il y a des députés d'arrière-ban qui sont d'accord avec le projet de loi, ils peuvent se lever. Je leur lance un défi, à eux, dans la salle, dans la Chambre. S'ils sont pour le projet de loi, qu'ils se lèvent. Si vous ne vous levez pas, c'est un message clair que vous êtes contre le projet de loi. Mais peut-être que vous n'avez pas le courage de dire ça. Avec ça, j'espère que tous les députés ici, en cette Chambre, qui sont pour le projet de loi vont se lever et parler, parce que vous savez, ici, de ce côté de la Chambre, nous avons le droit de parler, nous ne sommes pas tous bâillonnés par certains membres, ici. Et j'espère que les membres, ici, un après l'autre, vont se lever et dire une chose: Pour ou contre. Parce que, s'ils ne se lèvent pas, je vais prendre pour acquis qu'ils sont contre le projet de loi, comme je suis contre le projet de loi. Et j'espère que le ministre va corriger ça avant que nous procédions à l'étude détaillée de ce projet de loi n° 65. Merci beaucoup, M. le Président.

(22 heures)

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Nelligan. Je cède maintenant la parole au député de Laviolette et whip en chef du gouvernement. M. le député.


M. Jean-Pierre Jolivet

M. Jolivet: Merci, M. le Président. Vous voyez, on n'est pas bâillonné, comme disait le député qui m'a précédé. Tellement bien, M. le Président, que mon travail m'incite à vous dire... O.K.

M. Williams: Question de règlement, M. le Président. Est-ce que nous avons quorum, M. le Président?

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, nous n'avons pas quorum. Voulez-vous appeler les députés, s'il vous plaît? Voulez-vous appeler les députés, s'il vous plaît?

Comme nous avons maintenant quorum, je cède maintenant la parole au whip en chef du gouvernement et député de Laviolette. Alors, M. le whip.

M. Jolivet: Merci, M. le Président. J'étais en train de dire que, contrairement à ce que disait le député qui m'a précédé, vous voyez, on a le droit de parole. Nous ne sommes pas bâillonnés. On sait très bien qu'ils vont utiliser tous les moyens qu'ils ont à leur disposition pour retarder les travaux. On n'est pas dans ce contexte-là pour faire la même chose qu'eux autres, M. le Président. Il faut bien l'expliquer aux gens qui nous écoutent. On voit très bien que les députés parlent pour le projet de loi d'une certaine façon, en disant qu'ils sont pour la médiation, mais finalement ils vont voter contre. C'est leur habitude. On est habitués à ça.

Nous, on croit que le ministre est dans la bonne voie. Et, pour vous dire, M. le Président, que nous ne sommes pas bâillonnés, je peux vous annoncer officiellement que le Parti québécois a gagné dans Pointe-aux-Trembles avec 48,7 % du vote et, en conséquence, M. le Président, nous allons continuer notre travail. Merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, nous revenons à notre travail. Je vais céder la parole à M. le député de Bertrand sur le projet de loi, l'adoption du principe. M. le député de Bertrand.


M. Robert Thérien

M. Thérien: Merci, M. le Président. Je ne sais pas s'il y avait pertinence, mais ça n'a pas été long. Ça n'a pas été long. Il n'est pas bâillonné lorsqu'il est temps de ne pas parler de la loi, mais on peut lui accorder cette incartade.

M. le Président, si je me lève ce soir, ce n'est pas parce que je suis un spécialiste en droit ni en droit familial; c'est tout simplement parce qu'il y a des gens qui sont venus à mon bureau, des avocates, particulièrement, et des avocats qui sont spécialistes. Oui, vous savez... Le député de Joliette rit. Des gens au bureau, ha, ha, ha! on en a un peu moins dans l'opposition. Fort probablement qu'au pouvoir vous en avez pas mal plus ces temps-ci, mais, remarquez, c'est chacun son tour. Ainsi va la vie!

Donc, ce que je vous disais, M. le Président, c'est qu'on a eu des revendications à l'effet qu'il y a une spécialité en droit, qui est le droit familial, et ces gens-là s'opposent à la médiation obligatoire. Ce que disait tantôt le whip en chef, lorsqu'on dit qu'on est pour ou contre, il y a deux choses qui sont traitées dans la loi: la médiation, qui existait déjà, et il y a le côté obligatoire. Mais, avant ça, il faut se rendre compte que ça fonctionnait à 90 % et on occupe ici le temps de la Chambre pour peut-être améliorer 10 %.

Je tiendrais à dire au ministre de la Justice: Dans la société, il y a une chose qui ne fonctionne pas, c'est l'emploi. On a hâte de voir des lois qui vont améliorer 90 % des choses qui ne marchent pas dans la société. On est ici ce soir. Quand le whip en chef nous dit qu'on veut occuper le temps, on ne veut pas occuper le temps, M. le Président; on veut vous dire que ça n'a pas de bon sens qu'on soit ici ce soir, après ça en commission parlementaire, après ça des consultations, lorsqu'il y a à peu près 10 % des cas qui ne fonctionnent pas et qu'on n'a pas la sécurité qu'on va améliorer le 10 % qui reste. Parce que c'est bien évident, M. le Président, que ce n'est pas anodin quand on parle de divorce et quand on parle des répercussions d'un tel geste.

Donc, moi, ce que je dis au ministre... Écoutez, le ministre, il n'a jamais été aussi contesté que ça. Avez-vous déjà vu des avocats dans la rue? Bien, vous en avez présentement. Et j'écoutais le ministre tantôt à la télévision, puis je ne veux pas signaler son absence parce que je sais qu'il répond aux journalistes à RDI puis ça fait partie aussi de son travail. Il y avait un avocat qui était devant lui, qui lui disait: M. le ministre, on n'est pas d'accord avec vous. Mais le ministre, il a la vérité. C'est drôle, il a la vérité, puis les gens ne sont pas d'accord.

Donc, il y a juste lui qui a raison dans la société. Ça, c'est assez compliqué. Puis pas juste sur la loi sur la médiation, sur la loi de l'aide juridique. Le ministre prétend, sur la loi de l'aide juridique, que ça va donner plus d'accessibilité aux gens, et les avocats prétendent le contraire. On a un problème, M. le Président. Le ministre, il dit: Moi, écoutez, ma loi, c'est évident, ça va aider un plus grand nombre de personnes. Les avocats disent le contraire. Moi, j'ai tendance à penser qu'il n'est sûrement pas le seul à avoir le bon pas dans l'armée. L'armée, c'est les avocats. À chaque fois que le ministre présente une loi, le Barreau est contre. Si je peux vous dire, c'est soit que le ministre n'est pas correct ou soit que le Barreau n'est pas correct. Mais que le Barreau se trompe sur toutes les lois que le ministre présente, bien, écoutez, j'ai un peu de difficulté à penser ça. J'ai un peu de difficulté à penser ça.

Je veux signaler qu'on a fait une motion de report, M. le Président, pas pour dire qu'on voulait être contre la loi en totalité. On voulait dire au ministre: Écoutez, c'est quoi, l'urgence? Vous avez permis qu'il y ait des consultations au mois de janvier. On a salué ce geste-là, un geste demandé d'ailleurs par l'opposition, de consulter les gens. Donc, la consultation va avoir lieu en janvier, et le ministre nous dit: Il faut adopter dès maintenant le principe.

Je vous pose la question, M. le Président: Après les consultations, possiblement que le principe peut changer, possiblement que le principe ne devienne plus obligatoire avec la réflexion des groupes concernés, c'est quoi, l'urgence? Décembre, janvier, février pour adopter un principe. Vous savez qu'un principe, c'est facile à adopter. Ce qui est bien plus difficile, c'est la commission parlementaire pour l'étude article par article; ça, c'est beaucoup plus long. Quand le principe est bon, l'adoption du principe est simple. C'est quoi, l'urgence? On veut aider qui?

La notion obligatoire. La notion obligatoire, mes collègues en ont parlé. Il y a eu des expériences dans d'autres pays et ça n'a pas fonctionné. Il y a plusieurs personnes qui ont fait de l'enseignement ici, qui connaissent bien le français. La notion de médiation, il y a une part de volontariat là-dedans. Il faut qu'on soit prêt à cette médiation. D'ailleurs, la partie syndicale et la partie patronale, souvent, demandent une médiation parce que les deux... On a le ministre du Travail qui connaît bien ça, je l'espère. La médiation, c'est lorsque c'est souhaité par les deux parties. Tout simplement, la médiation est beaucoup plus efficace quand c'est souhaité par les deux parties.

Là, on arrive, pas dans le plan du travail, on arrive dans le domaine humain, avec tous les drames qui peuvent survenir lors d'un divorce. Et là on met un caractère obligatoire. Bien, posez-vous la question: Est-ce que le caractère obligatoire dans la médiation ne vient pas enlever ses effets positifs à cette médiation-là? Elle est là, la question. Et j'ai trouvé ça un peu bizarre que le whip se lève en disant: L'opposition... On n'est pas dans une loi technique, là; on est dans une loi humaine. On est dans une loi humaine; alors, il y a toute une distinction. Il y a toute une distinction parce que la médiation, elle existait, elle fonctionnait, et là on la rend obligatoire. Et cette notion-là, M. le Président, le ministre n'est pas capable de nous la faire saisir à l'opposition, au Barreau.

(22 h 10)

Bien entendu, le ministre a dit: Écoutez, l'Association des notaires, l'association des psychologues souhaiteraient une plus grande ouverture. Bien, M. le Président, vous savez qu'au point de vue professionnel il y a un long combat entre les notaires qui voudraient s'approprier des juridictions dans le domaine du divorce... C'est simple. Est-ce que la pression que font les notaires, que font les psychologues, qui veulent se donner un champ d'activité supplémentaire, va donner un plus grand rendement à ceux qui vivent péniblement une séparation? Il faut penser aux citoyens, et je ne suis pas convaincu, je ne suis absolument pas convaincu que présentement, lorsqu'on présente la loi, le parti gouvernemental pense vraiment à la notion d'efficacité.

On n'est pas dans une loi d'assurance-médicaments où le gouvernement va chercher 200 000 000 $. On est là pour qu'un geste pas souhaité au départ ait le moins de répercussions possible, bien entendu sur le plan humain, mais aussi sur le plan pécuniaire. Mais ce n'est pas comme ça qu'on veut la vivre. On veut imposer la médiation obligatoire. On nous dit bien: Celui qui n'en veut pas de médiation, il va aller directement au juge. Mais il faut qu'il passe d'abord par la médiation. Pourquoi? Pourquoi?

Et c'est peut-être la première fois depuis que je suis parlementaire, depuis 11 ans, que, lorsque, habituellement, une situation fonctionne à 90 %... Vous, quand vous avez été à l'université, si vous aviez 90 ou A+, M. le Président, c'était très respectable. Quand j'enseignais, moi, 90 %, il y avait une classe, très minime, dans l'échelle docimologique de tous ces tests-là. Mais 90 %, le ministre ne se contente pas de ça, il dit: Nous autres, on est capables de régler ça à 100 %. C'est faux, parce que le Barreau dit très bien que ça ne solutionnera pas le 10 % supplémentaire.

Et je suis convaincu, c'est évident, qu'il y a des lignes de parti. Le ministre de la Justice, il se lève, il nous bâillonne sur la loi n° 130. On lui dit: Tu n'as pas raison sur la loi n° 130 sur les tribunaux administratifs. Il ne nous a pas encore bâillonnés parce qu'il veut juste faire adopter son principe. Mais, avant de faire adopter le principe, qu'il aille donc à la consultation. Cette consultation va peut-être changer ses principes et le seul principe qu'on veut qu'il change possiblement, avec la consultation, c'est sur la notion d'obligatoire.

Écoutez, on avait passé, en 1993, la loi 14 où on voulait que la médiation s'autofinance. Je vous ai dit tantôt que c'était une loi avant tout humaine, qui visait du moins le côté humain de l'opération d'un divorce, mais il y a un côté pécuniaire à ça. La loi 14, elle s'autofinançait, M. le Président; elle s'autofinançait. On sait jusqu'à quel point le gouvernement est à la recherche de deniers publics. Il n'y a pas une classe de la population qui ne se fait pas piger dans les poches, pas une classe, sans sa permission, d'ailleurs. Et là on rend la médiation obligatoire. Ça va coûter à peu près 10 000 000 $. Pourquoi se créer une dépense quand ce n'est pas nécessairement souhaité?

Écoutez, il y a même un problème d'équité. On sait tous que, dans la société, on doit payer les services que l'État nous rend. Mais là vous savez que quelqu'un qui va être riche, millionnaire, qui va vouloir se séparer, divorcer, sa médiation va être gratuite. Puis, vous savez, faire une médiation quand vous avez de l'argent, c'est beaucoup plus compliqué que pour celui qui est pauvre. Séparer les biens de celui qui est pauvre, ce n'est pas très compliqué, mais de celui qui est riche, bien, ça peut causer quelques problèmes. Ce n'est pas à souhaiter, mais imaginez-vous...

D'ailleurs, c'est dans la définition du premier ministre du mot «équité». On ne sait plus du tout où est l'équité. Une personne qui est en moyens va avoir un service gratuit quand cette personne-là est capable de se le payer au détriment de quelqu'un qui n'a pas les moyens puis qui obtient ce service-là aussi gratuitement. Le ministre, il est d'accord avec ça? C'est ça, le régime d'équité dont on nous parle depuis «l'autre façon de gouverner»? Ce n'est pas ça, le principe d'équité. Le principe d'équité, c'est de faire payer un service à quelqu'un qui a les moyens de le payer.

Le ministre de la Santé s'est levé puis il a dit: Écoutez, vos pilules, vous allez les payer. Ceux qui sont capables de les payer, vous allez prendre votre pilule. Bien, là, je vais vous dire, c'est tout le contraire. C'est tout le contraire. Qu'on essaye de m'expliquer comment on va donner un service gratuit obligatoire à quelqu'un qui ne le veut peut-être pas, puis on va lui dire en plus: On va te donner le service, mon boy, puis tu ne le payeras pas. Ah! Il va dire: Si je ne le paie pas, ça ne doit pas valoir grand-chose. Parce que, dans bien des cas, la gratuité, ça n'amène pas nécessairement la performance et la qualité.

Ça fait que, M. le Président, il y a le caractère obligatoire, le caractère gratuit qui amène énormément d'inéquité. Le projet de loi 14, à l'époque, avait comme objectif l'autofinancement. Mon collègue, dans la motion de report, a soulevé des chiffres que j'ai trouvés très actuels puis inquiétants. Vous savez, c'est vrai, il nous a reproché qu'on a collecté des fonds au niveau de la loi 14 et qu'on n'a pas utilisé ces fonds-là pour l'objectif visé. L'objectif visé, c'était la médiation qui s'autofinançait. On a collecté, pendant 11 mois, cet argent-là qu'on n'a pas utilisé. Le Parti québécois, qui dénonce cette façon d'agir, a collecté, pendant 26 mois, l'argent. Ils ont détourné, pendant 26 mois, l'argent pour ne pas l'utiliser à bon escient, pour ne pas l'utiliser dans l'autofinan...

M. Jolivet: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le whip du gouvernement, une question de règlement?

M. Jolivet: M. le Président, est-ce que vous êtes capable de me définir ça veut dire quoi, dans le texte qu'il a dit, «détourné»? Est-ce que ça veut dire, dans le langage parlementaire, quelqu'un qui commet un acte de délit criminel, quoi?

Le Vice-Président (M. Brouillet): Écoutez, il faudrait que je voie l'ensemble de la phrase, là, puis... Oui, mais ça dépend de l'ensemble, du contexte pour interpréter le mot, parce que ça peut vouloir dire bien des choses, ça, banales comme importantes. Alors, je n'ai pas saisi, malheureusement.

M. Jolivet: Si vous me permettez, M. le Président, il a dit: Il a détourné l'argent. Détourner de l'argent, ça veut dire quoi, ça, M. le Président, d'après vous?

Le Vice-Président (M. Brouillet): Qui aurait détourné l'argent et l'argent de qui, et l'argent pour quoi? C'est ça que je n'ai pas compris. Ha, ha, ha! Alors, M. le député...

M. Thérien: Je pensais que le whip se levait pour nous apprendre une autre nouvelle, parce qu'il semble suivre l'actualité. Mais je veux juste lui expliquer que je n'ai pas dit et surtout pas voulu dire que l'argent... J'ai dit que l'argent n'a pas servi, n'a pas servi...

Une voix: Ah!

M. Thérien: Non, non, j'ai dit ça. D'ailleurs, c'est pour ça que le président ne s'est pas levé. L'argent n'a pas servi pour les objectifs pour lesquels il était réclamé aux citoyens, c'est-à-dire pour la médiation. C'est ça que j'ai dit au président.

M. Jolivet: Détourné.

M. Thérien: J'ai employé le mot «détourné». Écoutez, le mot «détourné», c'est-à-dire qu'on a pris l'argent d'un point a, qui devait servir à la médiation, et on a détourné ça au point b. Et ça, le whip a les oreilles beaucoup plus sensibles que le président, parce que ce n'était pas l'objectif du tout. D'ailleurs, j'ai même dit que, sous le gouvernement libéral, on avait fait ça pendant 11 mois, on avait pris ce canal-là. On avait utilisé cet argent-là, malheureusement, pas pour les objectifs pour lesquels il avait été puisé dans la poche des citoyens. Donc, M. le Président, c'est juste dans le but de rectifier.

(22 h 20)

C'est pour ça, M. le Président, écoutez, que le Parti libéral, le parti de l'opposition s'oppose au caractère, d'abord, urgent de passer l'adoption du principe; au caractère gratuit, parce que ça peut donner une inéquité énormément, ce dont je vous parlais tantôt. Mais je vous en témoigne juste – il y a le Barreau qui est contre – par l'éditorial de Pierre Gravel, dans La Presse , qui souligne des choses. Ce n'est pas un type du gouvernement, ce n'est pas un type de l'opposition; c'est quelqu'un qui regarde l'actualité puis qui se pose la question. Et la question, le titre est bien: «Obligatoire ou non?», avec un point d'interrogation.

C'est exactement ça qu'on fait ici. On ne dit pas que la loi, que la médiation n'est pas importante. Si on peut éduquer... ou favoriser la médiation pour le plus grand nombre de personnes, bien tant mieux! Mais il nous le dit là-dessus, ici: «Rien d'étonnant à cela, on considère les mérites d'une telle formule qui incite les parties à s'entendre.» Ça, c'est parfait, c'est la vertu. Bien tant mieux s'il y a 100 % des personnes qui ne vont pas en cour quand elles se séparent, qui réussissent à s'entendre. Et ça, ce n'est pas juste pour les tribunaux, M. le Président; c'est pour toute la famille, pour tous les proches. C'est pour ça que je vous dis: Cette loi-là a un caractère beaucoup plus humain que n'importe quelle loi qu'on peut voter ici.

Mais il nous parle aussi du Barreau: «Le Barreau voit dans cette obligation une réglementation additionnelle qui risque de coûter très cher à l'État, sans – et c'est ça qui est important – diminuer le nombre de conflits insolubles qui, de toute façon, devront être réglés par un juge.» Donc, la question est simple. Le ministre présente sa loi et dit: Moi, je me lève, je présente ma loi; il n'y aura plus 10 % qui va passer devant les tribunaux, il va y en avoir seulement 1 % ou 2 %. On n'a pas cette garantie-là du tout. Même, ça peut avoir l'effet contraire. Si on rend la médiation obligatoire avec, comme le député de Nelligan le disait, un caractère où, dans le temps, on dit aux gens: Ta médiation, ce n'est plus trois heures; c'est une heure et demie, vous savez que, dans une période de médiation, il y a tout le facteur humain qui nécessite parfois du temps, des pertes de temps, et c'est nécessaire.

Le Barreau dit: Écoutez, on n'est même pas sûr que ça va améliorer quelque chose. Donc, pourquoi y investir des fonds considérables, pourquoi rendre ça obligatoire? C'est la question qu'on pose. C'est évident qu'on va être contre. On va être contre parce qu'on n'a pas l'assurance que le ministre... D'abord, on est surpris, il a accepté – je me rends à votre décision, M. le Président – il a consenti à des rencontres avec les groupes. Mais là, aujourd'hui, il arrive puis il dit: On passe le principe. Attendez donc les consultations, le principe peut changer. Donc, M. le Président, on dit au ministre: Il a un automne très difficile, toutes ses lois sont contestées, et on ne voit pas l'urgence. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Bertrand. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Hull. M. le député.


M. Robert LeSage

M. LeSage: Merci, M. le Président. C'est avec le plus grand intérêt que j'interviens ce soir sur le projet de loi n° 65, Loi instituant au Code de procédure civile la médiation préalable en matière familiale et modifiant d'autres dispositions de ce code. Mon intérêt pour l'instauration d'un mécanisme de médiation familiale ne date pas d'hier, puisque le ministre de la Justice qui présente ce projet de loi sait fort bien que notre formation politique a elle-même présenté un projet de loi en cette matière en 1993, un projet de loi qui, bien que sanctionné, n'a pu entrer en vigueur parce que ce gouvernement, c'est-à-dire le gouvernement du Parti québécois, s'y oppose.

M. le Président, il est bien certain que personne ne peut être en désaccord avec le principe de la médiation familiale. Cela va presque de soi. Aussi, loin de moi l'idée de m'opposer à un mécanisme visant à favoriser la médiation familiale. Ce que j'ai de la difficulté à saisir toutefois, c'est la réflexion, si véritable réflexion il y a eu, qui a guidé les membres de ce gouvernement, et je m'explique.

Depuis l'arrivée de ce gouvernement, on ne cesse d'annoncer coupure par-dessus coupure; on ne cesse de répéter à qui veut l'entendre et même à ceux qui ne veulent pas l'entendre que ces diminutions de services sont nécessaires pour atteindre le déficit zéro, pour permettre aux contribuables, aux familles, bref, à l'ensemble des membres de notre société de pouvoir, par la suite, reprendre du collier et espérer un monde meilleur. Pourtant, M. le Président, l'application de l'actuel projet de loi engendrera des déboursés démesurés par rapport aux besoins à combler.

Le mois dernier, le ministre de la Justice a laissé entendre que le régime de médiation familiale coûterait autour de 13 000 000 $ la première année. Pourquoi? Et c'est le second point de ce projet de loi qui attire particulièrement mon attention. Eh bien, parce que ce projet de loi vise à atteindre 100 % des divorces et non pas à s'attaquer aux cas litigieux. Ces cas problèmes ne représentent que 10 %. Il peut paraître assez surprenant de constater qu'environ 90 % des cas de divorce finissent par se régler avant l'audition de la cause, et ce, même si au départ il y avait, bien sûr, des différends de nature variée. Il est tout aussi surprenant de constater que ce sont les 10 % qui restent qui occupent les tribunaux et que ces 10 % grugent 80 % du temps de la Cour supérieure.

Tout cela pour dire que l'intervention souhaitable en matière de médiation familiale ne devrait toucher que les 10 % qui, je n'en disconviens pas, peuvent créer des situations tout à fait intolérables. Il est donc primordial de prévoir un mécanisme là où le besoin se fait sentir, cela ne fait aucun doute. Mais pourquoi donc introduire la médiation obligatoire préalablement à toute demande, mettant en jeu les intérêts des enfants dès qu'il y a contestation de la demande sur des questions relatives à la garde, aux aliments et au patrimoine familial? À plus d'une reprise, j'ai eu l'occasion d'entendre les membres de ce gouvernement utiliser la formule: Pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple? Eh bien, M. le Président, voici un projet de loi où il aurait été tellement plus intéressant de faire simple plutôt que compliqué.

Nous connaissons tous, à un moment où l'autre de notre vie, des situations plus difficiles qui commandent des interventions délicates, et ce, quel que soit le poste que nous occupons, quel que soit notre milieu de vie. À moins d'une nécessité absolue de recourir à des services professionnels, M. le Président, généralement, la dernière chose dont nous avons besoin, c'est que le gouvernement vienne s'ingérer dans nos affaires. Malheureusement, dans le cas du projet de loi n° 65, eh bien, le gouvernement viendra mettre son nez dans les affaires de tous ceux et celles à qui il serait souhaitable de laisser la chance au coureur. Je ne suis pas contre la nécessité de légiférer lorsque cela est nécessaire, je ne suis pas contre l'idée que soit instauré un mécanisme de médiation familiale, bien au contraire, mais il faut intervenir là où sont les problèmes. Très honnêtement, je crois que, malheureusement, notre société a suffisamment de problèmes sans que le gouvernement ne continue à en créer davantage.

Le palmarès de problèmes créés par ce gouvernement est déjà passablement élevé comme cela, M. le Président. On n'a pas besoin d'être très attentif aux actualités pour s'en rendre compte. Ce gouvernement, dans son discours, non pas dans la réalité des choses, déclare à tout vent que, oui, bien sûr, il y a trop de règlements de toute nature et que, oui, bien sûr, il ne ménagera aucun effort pour les diminuer. Je ne suis pas le seul à entendre cela, et à toutes les sauces d'ailleurs. Pourtant, dans un projet de loi aussi important, puisque c'est de la famille qu'il s'agit, ce gouvernement n'hésite pas à réglementer ce qui ne doit pas l'être, M. le Président. C'est donc le caractère obligatoire de ce projet de loi qui me heurte et qui ne sera pas sans avoir d'importantes répercussions.

Le projet de loi 14, adopté sous le gouvernement libéral – il m'apparaît nécessaire de le rappeler – introduisait la médiation familiale gratuite de façon pragmatique et d'une manière relativement peu coûteuse pour les couples qui en ont le plus besoin. Dans un contexte de restrictions budgétaires aussi particulier que celui dans lequel nous sommes, comment ce gouvernement peut-il franchement expliquer qu'il présente un projet de loi qui vise à couvrir 100 % des cas de divorce lorsque 90 % d'entre eux se règlent de façon satisfaisante, ce qui va coûter environ 13 000 000 $, alors qu'il aurait pu facilement permettre l'entrée en vigueur de la loi de 1993 qui, elle, aurait pu être appliquée il y a déjà plusieurs mois, en recourant à des déboursés de 3 600 000 $? On n'a pas besoin de savoir compter tellement. Il est facile de voir que le ministre de la Justice ne s'est pas arrêté longtemps sur le chapitre des implications budgétaires pour comprendre que la différence de 10 000 000 $, alors que le gouvernement ne sait plus où donner de la tête pour remplir les coffres de l'État, aurait pu servir à des mesures qui correspondent davantage aux besoins des familles.

Je me permets une parenthèse ici, M. le Président, pour rappeler qu'effectivement les besoins des familles québécoises, qui, comme on le sait, ne sont plus ce qu'elles étaient, sont nombreux et variés, qu'elles doivent faire face à tellement de difficultés que ce sont souvent celles-là mêmes qui conduisent à la rupture du couple. Ce sur quoi nous nous entendons des deux côtés de la Chambre, c'est très certainement qu'il serait préférable que nous n'ayons pas à légiférer pour rendre disponible un mécanisme de médiation familiale parce que tout irait bien dans le meilleur des mondes. Mais nous savons fort bien que les réalités d'aujourd'hui commandent des actions et que, pour un certain nombre de couples, le recours à une telle instance est nécessaire.

(22 h 30)

Je regrette, M. le Président, que «l'autre façon de gouverner», ce soit de croire que médiation et obligation sont synonymes. La définition que nous donne le dictionnaire ne va pas pourtant dans le même sens. En matière de médiation familiale, la bonne façon de gouverner aurait pu être fort simple pourtant: permettre l'entrée en vigueur de la loi 14 adoptée en 1993 et permettre, par conséquent, aux couples qui en ont besoin de pouvoir compter sur les services dont ils ont besoin.

Je le répète encore une fois, je reconnais d'emblée le besoin pour le gouvernement d'intervenir en cette matière, sous réserve de ce que j'ai évoqué précédemment. Force est de constater cependant que, si le gouvernement permettait l'entrée en vigueur de la loi que notre formation politique avait mise de l'avant, ces 10 % de couples qui ont besoin d'une structure qui réponde véritablement à leurs besoins, eh bien, ils y auraient droit.

Il s'écoulera malheureusement plusieurs mois encore avant que l'on ne voie concrètement les résultats de cette intervention en matière de médiation familiale. Pendant ce temps, des couples en seront privés tout simplement parce que ce gouvernement n'a pas pris ses responsabilités, parce qu'il n'a pas su agir rapidement tout en reconnaissant que la solution à ce dossier majeur, il l'avait déjà entre les mains.

M. le Président, il faut parfois être capable de faire amende honorable et, dans ce cas-ci, il aurait été préférable pour ce gouvernement de ne pas introduire le caractère obligatoire de la médiation, quitte à réévaluer si le besoin s'en fait sentir, mais ce n'est pas la voie qu'a choisie le ministre de la Justice, et je le regrette sincèrement.

En terminant, je ne saurais trop insister sur le fait que nous, de l'opposition officielle, reconnaissons tout à fait la pertinence de la médiation familiale là où, bien sûr, une telle intervention est nécessaire, en l'occurrence dans les 10 % de cas de divorce où se posent des problèmes. Je ne saurais trop insister non plus, M. le Président, pour dire que nous regrettons que le gouvernement actuel investisse des sommes considérables dans un projet qui engendrera beaucoup plus de contraintes qu'il ne contribuera à régler de problèmes. Merci, M. le Président.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Hull. Y a-t-il d'autres intervenants? Alors, s'il n'y a pas d'autres intervenants, nous allons mettre aux voix le principe du projet de loi n° 65...

Une voix: Adopté sur division.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vais simplement, oui... Loi instituant au Code de procédure civile la médiation préalable en matière familiale et modifiant d'autres dispositions de ce code.

Une voix: Sur division.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Donc, le projet de loi, c'est-à-dire le principe du projet de loi est adopté sur division.

Des voix: Sur division.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Sur division. M. le leader adjoint du gouvernement.


Renvoi à la commission des institutions

M. Brassard: M. le Président, je voudrais faire motion pour que le projet de loi soit déféré à la commission des institutions pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Cette motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté.


Motion proposant que la commission des institutions procède à des consultations particulières

M. Brassard: Et aussi, M. le Président, je sollicite le consentement des membres de cette Assemblée afin de présenter la motion suivante:

«Que la commission des institutions procède à des consultations particulières et tienne des auditions publiques sur le projet de loi n° 65, Loi instituant au Code de procédure civile la médiation préalable en matière familiale et modifiant d'autres dispositions de ce code, à compter du 28 janvier 1997 et, à cette fin, entende les organismes suivants: le Conseil du statut de la femme, le Regroupement provincial des maisons d'hébergement et de transition pour femmes victimes de violence conjugale, la Fédération de ressources d'hébergement pour femmes violentées et en difficulté du Québec, la Fédération des associations de familles monoparentales et recomposées du Québec, la Fédération des femmes du Québec, le Conseil de la famille, l'Organisation pour la sauvegarde des droits des enfants, le Groupe d'action des pères pour le maintien des liens familiaux, la Chambre des notaires du Québec, le Barreau du Québec, l'Ordre des psychologues du Québec, l'Ordre professionnel des travailleurs sociaux du Québec, l'Ordre professionnel des conseillers et conseillères d'orientation du Québec, l'Association des centres jeunesse du Québec, le Comité des organismes accréditeurs en médiation familiale, l'Association de médiation familiale du Québec, les centres jeunesse de Laval, le centre jeunesse de Québec, le centre jeunesse de Montréal, le Comité de pratique privée;

«Qu'une période de 30 minutes soit prévue pour les remarques préliminaires, partagées également entre les membres du groupe parlementaire formant le gouvernement et les députés formant l'opposition;

«Qu'une période de 30 minutes soit prévue pour les remarques finales, partagées également entre les membres du groupe parlementaire formant le gouvernement et les députés formant l'opposition;

«Que la durée maximale de l'exposé de chaque organisme soit de 20 minutes et l'échange avec les membres de la commission soit d'une durée maximale de 40 minutes, partagées également entre les membres du groupe parlementaire formant le gouvernement et les députés formant l'opposition;

«Que le ministre de la Justice soit membre de la dite commission pour la durée du mandat.»


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Brouillet): Y a-t-il consentement pour que nous dérogions aux articles 229, 235 et 244 et que nous adoptions cette motion?

Une voix: Consentement.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Il y a consentement, alors la motion est adoptée. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Brassard: M. le Président, je vous demanderais d'appeler l'article 38 du feuilleton. Pardon? L'article 5? Excusez-moi. Oui, l'article 38. Ah! pardon. Excusez-moi. Je vois que le ministre de la Justice est parmi nous. Il aurait suffi, M. le Président, de me montrer le ministre de la Justice, j'aurais compris pourquoi il faut appeler l'article 5 plutôt. Voilà! Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!


Projet de loi n° 62


Reprise du débat sur l'adoption du principe

Le Vice-Président (M. Brouillet): Très bien. M. le leader adjoint du gouvernement. Alors, à l'article 5, l'Assemblée reprend le débat ajourné le 6 décembre 1996 sur l'adoption du principe du projet de loi n° 62, Loi modifiant le Code des professions concernant les comités de discipline des ordres professionnels.

Je crois que le dernier intervenant a été le député de D'Arcy-McGee. Alors, il n'y a pas d'autres intervenants. Donc, M. le ministre, pour votre droit de réplique.

M. Williams: Non, il y en a d'autres.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Ah! il y en a. Bon, j'avais demandé... C'est bien. Est-ce qu'il y a d'autres intervenants? M. le député de Nelligan.

M. Williams: Oui.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Très bien, je vous cède la parole.


M. Russell Williams

M. Williams: Merci beaucoup, M. le Président. J'ai voulu ajouter mon nom à la liste des députés qui veulent faire quelques minutes d'intervention sur le projet de loi n° 62, une loi dont le titre est: Loi modifiant le Code des professions concernant les comités de discipline des ordres professionnels. English: Bill 62, An Act to amend the Professional Code with regard to the committees on discipline of the professional orders.

Moi, j'ai écouté le discours du député de D'Arcy-McGee et je pense qu'il a raison de dire ce qu'il a dit pendant le discours comme porte-parole dans ce dossier. Le projet de loi n° 62 est un projet de loi qui est en train d'essayer de corriger une autre erreur du ministre de la Justice. Une autre erreur que le ministre de la Justice a faite quand il a insisté pour nommer à toute vitesse, d'une façon partisane, faire les nominations pour les comités de discipline dans les ordres professionnels.

Avec ça, M. le Président, si c'est un projet de loi – et on doit s'assurer que c'est effectivement ça que le projet de loi est en train de faire – qui va corriger cette erreur – j'ai besoin de souligner une erreur assez grave, qui peut causer des problèmes à la population québécoise – nous allons certainement travailler avec le gouvernement à corriger ce projet de loi. J'ai voulu utiliser juste quelques minutes ce soir pour dire: Ce n'est pas un projet de loi basé sur une vision, sur un plan d'action, sur une stratégie, c'est un projet de loi qui est en train de corriger les erreurs causées par le ministre de la Justice. Je trouve que les députés sont d'accord avec moi quand je dis ça.

(22 h 40)

M. le Président, c'est un projet de loi de trois articles qui essaie de corriger une erreur du ministre, et après plusieurs plaintes, parce que le ministre, à toute vitesse, a voulu nommer ses amis. Quand ils ont fait ça, ils ont oublié, parce qu'il a travaillé trop vite à nommer ses amis, de mettre une clause qui dit qu'un membre peut continuer à rendre les décisions après la fin de son mandat. Mais peut-être que c'est une technicalité, M. le Président, mais c'est une technicalité tellement importante, parce que, à cause de cette erreur, à cause de cette incompétence, nous avons eu plusieurs cas qui flottent, qui ont des plaintes, et des avocats qui disent qu'ils ne peuvent pas continuer de travailler sur ces plaintes à cause de cette erreur du ministre.

Je me souviens, le 19 juin 1996, le ministre responsable des lois professionnelles, qui est aussi le ministre de la Justice, procédait à des nominations des membres et présidents des comités de discipline. Comme je l'ai dit, le 19 juin, il était tellement pressé de nommer ses amis qu'il a oublié cette clause dans le décret, tel que je l'ai déjà mentionné. Le 4 septembre, une fois qu'il a compris qu'il avait fait une autre erreur, parce que le ministre était plus ou moins habitué de faire des erreurs, mais ils ont trouvé qu'il en a fait une autre, il a essayé de corriger cette erreur avec un autre décret. Mais, dans la loi québécoise – et je sais que la loi québécoise n'est pas nécessairement respectée par le gouvernement péquiste – mais, dans la loi québécoise, on dit: Vous n'avez pas le droit de corriger une erreur dans un décret avec un autre décret.

M. le Président, c'est la raison pour laquelle nous sommes ici ce soir, à 10 h 45, en plein débat sur le projet de loi n° 62, qui a le titre que j'ai mentionné. Mais le vrai titre, c'est le projet de loi qui est encore une fois en train de corriger les erreurs du ministre de la Justice. Il me semble qu'on doit être honnête ce soir et dire ça devant la population.

Mr. Speaker, this bill, Bill 62, in the explanatory notes, says: «The effect of this bill is to confirm that the members of the committee on discipline of a professional order may, even though they have been replaced, continue to hear and decide the complaints before them». It is a simple concept, Mr. Speaker. But this Government was in such a hurry to name their friends, to name PQ members, to name ex-felquistes to various boards that they forgot this very important technicality and which put in doubt hundreds, hundreds of cases that were before the orders of discipline of various professions. Do you know what that means, Mr. Speaker? Do you know how serious that statement is? It is that the orders of discipline of the professions are the groups of bodies that review and ensure that our professionals, whether they are lawyers or engineers or doctors, to name a few, proceed with proper procedure. And when there is a complaint by citizens or fellow professionals, it is that order, it is that committee on discipline that can review the process and challenge, and control and protect, challenge the professional and protect the citizens. The Minister threw that all up in the air, he said: It doesn't matter.

M. le Président, le projet de loi n° 62 est en train de corriger une erreur, une erreur assez grave que nous avons trouvée dans le projet de loi... dans le décret du 19 juin 1996. Et on connaît bien, M. le Président, le comportement de ce gouvernement avec les nominations partisanes. Nous avons eu un bâillon sur le projet de loi n° 130. Nous avons déjà discuté de ça aujourd'hui et hier, quand le gouvernement est arrivé avec une nouvelle façon de nous bâillonner, avec le rapport du comité. Ils ont dit que le comité doit cesser son travail parce qu'il veut «bulldozer» le projet de loi n° 130, qui donne le pouvoir de nommer tous ses amis aux tribunaux administratifs. C'est ça qu'il veut faire.

M. le Président, it is very clear that this is the Minister's patronage. It is very clear that patronage is the règle d'or of decisions for nominations. It is very clear that patronage, and not competence, is what is driving the nomination process of this Government. Nous avons aussi entendu aujourd'hui dans plusieurs discours, M. le Président, que de plus en plus le gouvernement ne renouvelle pas les nominations parce qu'il veut contrôler les présidents, les comités et les juges dans plusieurs situations dans les tribunaux administratifs. C'est grave, ce que nous sommes en train de voir comme comportement de ce gouvernement. C'est un gouvernement qui ne veut pas respecter les règles démocratiques traditionnelles de cette Assemblée. C'est clair que le gouvernement veut avoir le pouvoir de continuer de faire des nominations comme: l'épouse de Bernard Landry, Me Mario Bilodeau, Louis-Charles Fournier, ou certainement le cas dont nous avons discuté assez souvent ici, dans cette Chambre, la nomination, en septembre, de Richard Therrien comme juge à la chambre criminelle de la Cour du Québec. Vous pouvez trouver beaucoup de choses similaires, dans les nominations, sur les connections partisanes avec ce parti, M. le Président. Ce n'est pas une bonne façon de gérer la justice. Comme vous savez, on doit avoir la transparence dans la justice. On doit avoir l'indépendance. On doit s'assurer que nos juges et nos nominations ont la confiance de la population québécoise.

Mais qu'est-ce que nous avons avec ce ministre? Nous avons les nominations purement partisanes. Nous avons les nominations... Peut-être que ce n'est pas exactement comme ça, mais il me semble que le numéro de carte de membre du Parti québécois doit être vérifié avant d'être nommé par ce gouvernement. C'est inacceptable, M. le Président! Ce n'est pas une bonne façon de travailler. Il me semble que le député de D'Arcy-McGee a eu raison de soulever plusieurs questions de nominations. Certainement, nous allons supporter les corrections pour s'assurer que les nominations soient beaucoup plus transparentes et compétentes que maintenant.

But this three-article-bill... and let me just quickly read one article of it: «The members of the committee may, even though they have been replaced, continue to hear a complaint of which they have been seized and render the decision regarding that complaint.»

Article 2 says the act is declaratory.

What this is correcting is, right now, there are hundreds of cases of complaints toward professionals that haven't been judged, that haven't been debated because of the incompetence of the Minister, because there are judgments saying: this clause wasn't put in the nomination, so people can't judge, so they're out dangling. Those decisions are out dangling, citizens are out dangling because this Government was in such a rush to make partisan nominations, they forgot a simple, simple clause that would allow the justice system to continue. Mr. Speaker, this, probably to you, is most horrifying that we have to debate tonight a «projet de loi», a bill, Bill 62, to correct such measures.

Je sais que le ministre essaie de cacher son erreur, son incompétence avec un autre décret. Mais vous savez, et je pense que tout le monde dans cette Chambre sait que vous ne pouvez pas corriger une de vos erreurs que vous avez faites dans un décret avec un autre décret. Ça prend des projets de loi. Et je suis heureux, M. le Président, que ça prenne un projet de loi, parce que ça oblige le gouvernement à venir ici, dans cette Chambre, et dire: le ministre de la Justice, le député de Louis-Hébert a fait une autre erreur, comme d'habitude, et on doit corriger ça, encore une fois, avec un projet de loi. On s'excuse, mais on doit corriger l'incompétence de ce ministre. On accepte ça. Mais je voudrais m'assurer que la population comprenne que la seule et unique raison pour laquelle nous sommes ici ce soir, c'est parce que le ministre de la Justice était trop pressé de nommer ses amis d'une façon partisane aux comités de discipline des ordres professionnels.

(22 h 50)

Et là les comités de discipline des ordres professionnels sont des comités tellement importants pour l'équilibre de notre société, parce que les ordres professionnels veulent gérer eux-mêmes les membres. Ils ont dit: il y a une «self-regulation». Ils n'ont pas besoin d'un chien de garde, ils peuvent contrôler leurs propres membres. Avec ça, les nominations des comités de discipline des ordres professionnels, c'est une chose aussi importante que les nominations des juges, c'est aussi important que les nominations de tous les postes décisionnels de notre société. Et, dans ces nominations, on doit s'assurer, M. le Président, que les nominations sont des personnes compétentes, des personnes qui peuvent avoir la confiance de leurs membres, des personnes avec un bon jugement. Mais là on voit que la seule et unique raison pour les nominations, c'est: Est-ce qu'ils sont des amis du gouvernement péquiste? C'est inacceptable, M. le Président. J'ai nommé plusieurs exemples ce soir, je peux continuer, si vous voulez.

It's clear, Mr. Speaker, that this is a government politically and morally corrupted. This is a government that will use whatever measures to go and place their friends wherever they can so that they can influence and pull strings, pull strings in a way to influence decision making. Mr. Speaker, obviously, the people of Québec deserve better than that. We have a government, at this point, that is spending all kinds of time passing bad laws. They have to come, one session after another, to correct those laws.

M. le Président, nous avons besoin d'un gouvernement beaucoup plus confiant et compétent que ça. Nous avons un autre exemple. Je présume que, lors de la prochaine session, le ministre de la Justice, s'il est encore là – parce que la campagne pour son poste est déjà assez active et n'est pas vraiment cachée chez ses collègues – il devra arriver avec un autre projet de loi fort probablement pour corriger encore une fois ses erreurs. Parce que la seule façon dont le ministre peut passer des lois, comme nous avons eu cet après-midi, c'est en arrivant avec un bâillon. Il a fait ça avec l'aide juridique, il veut faire encore ça avec les tribunaux administratifs. Ce n'est pas une bonne façon de s'assurer que notre système de justice soit bel et bien protégé.

Les comités de discipline des ordres professionnels, comme je l'ai dit, M. le Président, c'est une chose très importante pour la population québécoise. Si vous avez une plainte contre un avocat, si vous avez une plainte contre un ingénieur, si vous avez une plainte contre un médecin, pour ne nommer que quelques exemples, vous avez besoin d'avoir la confiance que le comité de discipline de cet ordre est transparent et indépendant pour prendre une bonne décision, parce que, sinon, vous allez perdre confiance dans le système.

Mais le ministre, cet été, a dit que ce n'était pas important pour lui. La chose la plus importante pour lui, c'est de s'assurer que les membres du Parti québécois, qui ont des cartes payées d'avance, puissent être nommés à ces postes. M. le Président, ce n'est pas une bonne façon de procéder, et c'est pourquoi, je pense, le ministre arrive avec un projet de loi pour corriger cette erreur. Le projet de loi n° 62 que l'on peut trouver ici, les trois articles, corrige cette erreur. Mais je souligne un problème plus fondamental que ça. Il y a une erreur de comportement et d'attitude. L'attitude de ce gouvernement, qui est assez claire, est que la démocratie n'est pas importante. Les nominations transparentes et indépendantes ne sont pas importantes. Son attitude et son comportement sont clairs: il veut nommer ses amis, il veut utiliser la règle des nominations partisanes.

Clear and simple patronage, that is the rule of this Government. One nomination after another by the Minister of Justice... Of all ministries, that one should have absolutely clear an unequivocal respect for decisions that in no way could be even perceived to be partisan in nature... should be the Minister of Justice. So, absolutely clearly, Mr. Speaker, this is a minister that I'm sure very soon will no longer be the Minister of Justice. As I already mentioned, the number of members that are actively out campaigning for his job, they're not even hiding it particularly very much right now. I guess they have seen the writing on the wall.

M. le Président, ce n'est pas une journée dont le ministre de la Justice peut être fier. Ils ont bâillonné l'opposition sur le projet de loi n° 130, la loi qui va fusionner, regrouper plus d'une quarantaine de tribunaux administratifs; ils ont bâillonné l'opposition et, ce soir, ils arrivent avec un projet de loi n° 62 qui est en train de corriger une erreur qu'ils ont créée dans l'été, le 19 juin 1996. Il est en train de corriger une erreur. Et, cet après-midi, il a bâillonné l'opposition.

Ce n'est pas une journée tellement intéressante et constructive pour le ministre. He should be ashamed of what he has been doing as a minister. This is a bill that hopefully will correct a problem that has existed, that has caused a great deal of grief for a number of citizens since the 19th of June. I hope that we can move foreward on this as soon as possible. But more importantly, I hope the Minister has learned the lesson, that, one, as he admitted in this room, he doesn't read his laws. He'd better start reading what he is doing. He'd better stop putting his patronage appointments as number one.

Il doit lire son projet de loi; il doit lire les décrets; il doit comprendre aussi ce qu'il est en train de proposer à l'Assemblée nationale. C'est inacceptable que, ce soir, à presque 11 heures, nous soyons en train de faire un débat sur un projet de loi n° 62 qui corrige, encore une fois, les erreurs de ce ministre de la Justice, lequel, je peux dire, est le ministre de la Justice le plus incompétent de l'histoire du Québec.

J'espère, M. le Président, que ce ministre va accepter les commentaires de cette opposition et qu'il va corriger son comportement de nominations partisanes. J'espère que nous n'allons jamais avoir des nominations telles que nous avons vues. Mais je n'ai pas beaucoup confiance en lui. Je n'ai pas beaucoup de confiance en ce gouvernement, M. le Président. Ç'a été trop souvent que nous avons trouvé, par hasard, que le ministre essaie de passer une autre nomination partisane. Lui-même a dit qu'il veut nommer les personnes proches de lui. La question de compétence, pour lui, n'est pas importante. Il veut s'assurer que les amis du Parti québécois sont bel et bien placés dans les hautes instances.

La compétence, ce n'est pas important; la justice n'est pas importante; la protection des citoyens n'est pas importante; la protection de la démocratie n'est pas importante. Avec ça, M. le Président, j'espère bientôt que nous allons avoir un autre ministre de la Justice qui pourra vraiment respecter les concepts fondamentaux de justice et assurer, dans cet exemple, qu'ils ne vont jamais passer une loi qui va faire aussi mal à un bon nombre de cas que le décret du 19 juin a fait.

Avec ça, M. le Président, j'appuie fortement les commentaires du député de D'Arcy-McGee. Merci beaucoup pour cette opportunité de parler.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le député de Nelligan. Je vais maintenant céder la parole à Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.


Mme Liza Frulla

Mme Frulla: Merci, M. le Président. M. le Président, c'est en regardant, finalement, le rôle qu'est venu justement à mon attention le projet de loi n° 62. Alors, par curiosité, tout simplement, j'ai regardé un peu ce que c'était, le contenu du projet de loi. Et je m'aperçois que le titre dit: Loi modifiant le Code des professions concernant les comités de discipline des ordres professionnels.

Bon, alors, sachant, ou ne sachant pas plutôt, s'il y avait des problèmes ou non, bien, je me suis permis de lire un peu plus loin, d'aller article par article et de voir que ce projet de loi, comme mon collègue le disait tantôt, n'avait que trois articles, dont un article qui dit, le premier d'ailleurs: «Les membres du comité peuvent continuer à instruire une plainte dont ils ont été saisis et en décider malgré leur remplacement.» Ce qui me paraissait tout à fait logique.

Alors, la deuxième question à se poser, c'est de regarder et d'aller voir la note explicative qui dit: «Ce projet de loi a pour effet de confirmer que les membres du comité de discipline d'un ordre professionnel peuvent continuer à instruire une plainte dont ils ont été saisis et en décider malgré leur remplacement.»

(23 heures)

Bon, encore une fois, on se dit: Je ne vois pas pourquoi il y a un projet de loi, puisque, si on se base sur la logique et le gros bon sens, c'est ce qui arrive – enfin, ce qui arrive habituellement – lorsqu'un ministre fait des nominations. Il y a toujours, dans le décret, un paragraphe qui dit effectivement qu'il y a une période de transition. Donc, les gens peuvent profiter d'une période de transition de la part, si on veut, du système, ou enfin du gouvernement, qui fait en sorte que, lorsqu'une personne quitte son poste, bien, elle peut accomplir ou continuer ses fonctions jusqu'à temps qu'elle quitte et jusqu'à ce que l'autre remplace. Donc, ce qui nous fait évidemment poser la question à savoir pourquoi on a besoin d'un projet de loi de trois articles.

Alors, en fouillant un peu plus loin, on s'aperçoit que le projet de loi n° 62, c'est pour réparer une erreur, bon, commise par le ministre de la Justice, durant l'été, qui concerne justement la nomination des présidents des comités de discipline. Quelle était l'erreur? C'est qu'il y avait tout simplement un vide au niveau du décret qui faisait en sorte que, parce qu'il y avait ce vide juridique, les personnes, justement, qui étaient nommées, donc qui remplaçaient celles qui quittaient, ne pouvaient continuer à instruire une plainte dont elles avaient été saisies, tout simplement. Alors, on se demande, M. le Président, comment un ministre de la Justice qui est responsable d'un décret, sachant que, quand il y a des nominations, il y a toujours ce paragraphe couvrant ce vide juridique, n'a pas pensé à compléter son avis de nomination pour que ce paragraphe y soit, de telle sorte que, effectivement, il y ait cette période de transition qui est tout à fait normale. On s'aperçoit aussi que, le ministre, ce qu'il voulait, c'était de corriger, évidemment, un décret par un décret. Le seul problème, c'est que c'est impossible de le faire et que, quand il y a un décret de ce titre comportant une erreur à cet effet, il faut avoir un projet de loi ou formuler un projet de loi pour, justement, corriger ce vide juridique. Première question: Comment il se fait qu'un ministre de la Justice, qui d'abord et avant tout est un avocat, qui doit – lui, le ministre de la Justice, habituellement, est garant de toutes les lois – connaître une procédure qui relève tout simplement d'un gros bon sens, peut oublier le fait que, quand on fait une nomination, eh bien, on a, évidemment, à l'intérieur du décret, cette prévision qui fait en sorte qu'on couvre cette phase transitoire?

Quelles sont les conséquences? Bien, on s'aperçoit qu'il y avait plus d'une centaine de causes en instance qui étaient mises en péril, car des avocats étaient plaideurs – ils sont en train de plaider – et, justement, n'ayant pas cette phase transitoire, les avocats devaient laisser leurs responsabilités. Et il n'y avait rien qui prévoyait qu'ils puissent continuer jusqu'à ce que les autres vident, disons, leur rôle, de telle sorte qu'ils puissent, si on veut, occuper le poste pour continuer et procéder par la suite.

Ça, ça veut dire, M. le Président, qu'un ministre de la Justice, qui doit connaître les lois à fond, ne s'est pas rendu compte, lors de ses nominations, qu'il n'avait pas ce paragraphe couvrant ce vide juridique qui fait en sorte que, lui-même, le ministre de la Justice, mettait en péril une centaine de causes. Moi, je pense sincèrement qu'il y a lieu de se questionner sur la compétence du ministre de la Justice actuel, puisque... Ne serait-ce que d'invoquer le gros bon sens. Parce que, souvent, on se perd dans tout ce qui est législatif, surtout ceux qui n'ont aucune formation en droit, ça arrive qu'on peut oublier, qu'on s'y perd, bon, excepté que, venant de la part d'un ministre de la Justice, c'est un tant soit peu inquiétant. Alors, là, il faut se poser la question: Pourquoi cette erreur est arrivée? Ce qui nous laisse malheureusement présupposer des choses qui, à tort ou à raison, laissent un certain doute quant à la volonté du ministre de la Justice de nommer rapidement certaines personnes à certaines instances, qui fait en sorte que, encore une fois, on a pu mettre une centaine de causes en péril.

Ce qui nous amène évidemment à parler de certains choix de nominations qui, encore une fois, ont soulevé des doutes, ont soulevé des doutes en Chambre. Et, si on regarde l'ensemble des discussions, bien, effectivement, il y avait des doutes sur la nomination, le 30 août 1995, de Louis-Charles Fournier comme juge en chef de la Cour du Québec, alors qu'il s'est avéré par la suite que ce dernier avait été incapable en un an d'établir une résidence sur le territoire de la ville de Québec, tel que le prescrivait la loi. Maintenant, si on avait voulu le laisser à Montréal, par exemple, on l'aurait accueilli de bonne grâce. Mais la loi ne prescrivait pas ça, alors il fallait que M. le juge déménage. Il n'a pas déménagé, donc il fallait aussi se poser des questions sur les coûts, etc.

Il y avait aussi la nomination de M. Richard Therrien à la chambre criminelle, ce qui a fait dire au premier ministre: Si j'avais su, on n'aurait pas dû le nommer. Alors, encore une fois, on se demande, M. le Président, comment il se fait que le ministre, si pressé de nommer, a oublié une clause de simple bon sens.

Ce qui me ramène aussi à certains autres projets de loi, M. le Président, parce que les nominations, on en a parlé puis on va continuer probablement d'en parler. Alors, moi, je voudrais plutôt m'attarder sur certains autres projets de loi, ce qui a fait en sorte que, émanant du même ministre, il y a eu énormément de problèmes, et ces projets de loi là ont tout simplement été bâclés, ramenés ici par et à l'aide d'un bâillon. Je me réfère d'ailleurs – on se rappelle, au printemps dernier – au projet sur la réforme de l'aide juridique, par exemple, où, après moult discussions, où, après nombre d'inconforts par rapport aux intervenants concernés, bien, il y a eu bâillon et on a passé le projet de loi à la vapeur.

Et, plus sujet d'actualité, le projet de loi n° 130 sur la réforme des tribunaux administratifs qui, selon la même méthode, a fait en sorte qu'on a quitté la commission parlementaire, à l'étude article par article, où l'on discutait du projet de loi, pour finalement y mettre le bâillon et le ramener en Chambre en troisième lecture. D'ailleurs, cet après-midi, justement lors d'une course, j'entendais à la radio le fait que les avocats, les avocats eux-mêmes refusent maintenant d'entendre les causes d'aide juridique tout simplement parce que, sous une forme de grève, ils ont décidé que ce projet de loi, le projet de loi n° 130, est un projet de loi qui est tout simplement non applicable, qu'on met la charrue devant les boeufs, en ce sens que, au lieu de faire la loi-cadre et ensuite procéder à la réforme des tribunaux administratifs, bien, évidemment, on fait tout à fait l'inverse, ce qui a lieu de créer, je dirais, non seulement un malaise, mais une vague de protestations dans le milieu même.

Alors, M. le Président, la question se pose évidemment sur non seulement la méthode de travail du ministre de la Justice par rapport à ses projets de loi, par rapport à ses études, par rapport aussi au travail préliminaire qu'il doit faire avant de soumettre un projet de loi, c'est-à-dire de parler aux différents intervenants, de voir les irritants, d'essayer aussi de les aplanir, si on veut, de telle sorte que, quand on dépose un projet de loi, c'est pour améliorer une situation... Pour améliorer une situation, il faut que les gens qui y sont concernés soient confortables avec un projet de loi. Et il ne faut surtout pas qu'un projet de loi soit fait pour le ministre, en fonction de ses ambitions, en fonction de son agenda, à l'encontre des clientèles visées, c'est-à-dire, ou des bénéficiaires, ou ceux qui travaillent dans le secteur donné.

Alors, M. le Président, autant au niveau des projets de loi apportés par le ministre de la Justice qu'au niveau d'une simple méthode, je dirais, une simple procédure, que sont des nominations, M. le Président... Et, quand on nomme et qu'on fait des nominations, que ce soit à titre de juge, que ce soit à titre de procureur, que ce soit à titre aussi de président de certains comités de discipline, il faut qu'avec un projet de loi les gens se sentent confortables, qu'ils se sentent confortables et que les gens soient assurés que ceux qui remplissent ces postes soient les meilleures personnes possible, les gens les plus intègres possible, et qu'ils sont nommés par rapport à leurs compétences, par rapport à leur vision et non pas par rapport à leur allégeance, M. le Président.

(23 h 10)

Alors, c'est sûr que, si ce projet de loi là n'avait pas été entre nos mains, si on ne constatait pas que ce projet de loi là n'était pas pour ramener dans des décrets un simple bon sens, on ne se poserait pas ces questions en se disant: Quel était l'objectif ou, enfin, le motif du ministre de la Justice, encore une fois, celui qui est garant de toutes nos lois, d'avoir oublié, dans un décret, tout simplement d'inscrire cette clause de simple bon sens qui fait en sorte que les membres doivent continuer d'instruire une plainte dont ils ont été saisis et d'en décider malgré leur remplacement, M. le Président?

Alors, veux veux pas, comme opposition officielle, ça nous met dans une position évidemment de se questionner sur les motifs et le fait qu'il y ait eu oubli, les motifs évidemment du projet de loi n° 62. En ce sens, on ne peut pas être contre le projet de loi, au contraire, on est pour parce qu'il y a une incongruité et qu'on corrige une erreur, on corrige évidemment le vide juridique, mais, d'un autre côté, c'est de notre devoir de se poser des questions à savoir pourquoi cet oubli et si cet oubli est vraiment un oubli. Ça peut arriver, hein, l'erreur est humaine. Alors, si c'est vraiment un oubli, bien, venant de la part du ministre de la Justice, on doit se questionner sur sa compétence.

Alors, M. le Président, encore une fois, je fais une suggestion au gouvernement, peut-être que le ministre de la Justice est fatigué, peut-être qu'il voudrait passer à autre chose, alors j'ai une très bonne suggestion, c'est que le ministre de la Métropole, qui lui aussi, peut-être, est fatigué, deviendrait un excellent ministre de la Justice, et le ministre de la Justice pourrait avoir d'autres responsabilités. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys. Je vais maintenant céder la parole à M. le député des Îles-de-la-Madeleine. M. le député.


M. Georges Farrah

M. Farrah: Oui, merci, M. le Président. Alors, j'interviens aujourd'hui dans le cadre de l'adoption du projet de loi n° 62, Loi modifiant le Code des professions concernant les comités de discipline des ordres professionnels. Selon les notes explicatives du projet de loi, ce projet de loi a pour effet de confirmer que les membres du comité de discipline d'un ordre professionnel peuvent continuer à instruire une plainte dont ils ont été saisis et d'en décider malgré leur remplacement.

Ce projet de loi est en fait composé de trois articles, M. le Président, le premier visant à introduire dans le Code des professions un nouvel article, l'article 118.3, qui se lirait comme suit: «Les membres du comité peuvent continuer à instruire une plainte dont ils ont été saisis et en décider malgré leur remplacement.» Le deuxième article, M. le Président, a pour but d'établir que cette loi est déclaratoire. Enfin, le troisième article prévoit que la loi entre en vigueur le jour de sa sanction.

Donc, M. le Président, un projet de loi de trois articles en apparence fort anodin, mais qui, en réalité, est d'une très grande importance pour le public et qui n'est pas autre chose qu'une correction des gaffes et des erreurs du ministre de la Justice et responsable des lois professionnelles. M. le Président, je viens de parler des gaffes du ministre de la Justice – et Dieu sait qu'il en fait, il en fait régulièrement, M. le Président – ou de ses erreurs puisque, avec ce projet de loi, on tente législativement de couvrir les erreurs du ministre de la Justice. Il faut dire qu'avec ce ministre nous sommes habitués à ses erreurs ou ses gaffes, surtout en matière de nominations.

M. le Président, avec le projet de loi n° 62, on vient réparer une nouvelle erreur du ministre en matière de nominations. Il serait bon ici de rappeler brièvement le contexte de ses erreurs. En vertu de notre Code des professions, chaque corporation professionnelle dispose d'un comité de discipline, lequel a pour principale fonction d'entendre et de décider toutes les plaintes formulées contre un professionnel pour une infraction aux dispositions du Code des professions ou pour un manquement déontologique de la part de ce professionnel. C'est donc dire, M. le Président, que ces comités de discipline sont d'une grande importance pour le public et sa protection. En vertu de l'article 117 de ce Code, on établit que les divers comités de discipline sont formés de membres au nombre de trois, dont au moins un président et que ce dernier est désigné par le gouvernement après consultation du Barreau. Mais, à la lumière de ce que je vois là, c'est que le Barreau n'est pas nécessairement toujours consulté. Surtout, on l'a vu cet après-midi, avec le projet de loi n° 130, projet de loi sur les tribunaux administratifs, où le Barreau, d'une façon très, très décisive, s'est élevé contre ce projet de loi là, et, malgré tout ça, M. le Président, le ministre de la Justice s'est objecté au Barreau et a rentré dans la gorge de l'ensemble des Québécois et des Québécoises ce projet de loi n° 130 sur les tribunaux administratifs.

Pour revenir au projet de loi qui fait l'objet, à ce stade-ci, de l'étude, l'article 118 établit aussi que le gouvernement fixe la durée des mandats des membres des comités de discipline. En 1994, le Code des professions a été modifié afin d'ajouter les nouveaux articles 118.1 et 118.2. L'article 118.1 prévoit: Le président ainsi que le président suppléant ne peuvent, à compter de leur désignation faite conformément à l'article 117 ou 118, selon le cas, agir comme procureur d'une partie dans une instance disciplinaire régie par le présent Code. Mais, surtout, le nouvel article 118.2 prévoit: Les membres du comité demeurent en fonction à l'expiration de leur mandat jusqu'à ce qu'ils soient désignés de nouveau ou remplacés par le gouvernement.

Donc, antérieurement, le gouvernement avait établi comme pratique à l'expiration du mandat des membres des comités de discipline de prévoir dans le décret prévoyant le remplacement ou le renouvellement un paragraphe à la fin du décret: Afin que les instances ou les causes dont les membres sont déjà saisis puissent continuer à être entendues et décidées par ses membres malgré l'expiration de leur mandat ou leur non-renouvellement.

Il s'agissait, M. le Président, des clauses habilitantes qui disaient, grosso modo, que les personnes désignées puissent, dans l'hypothèse où leur mandat ne serait pas renouvelé au terme de cette période, continuer à instruire une affaire dont elles auront été saisies avant la date de l'adoption du décret ayant pour objet de pourvoir à leur remplacement.

Or, le 19 juin 1996, le ministre et son gouvernement, à l'expiration des mandats de certains membres, ont vu soit à leur renouvellement ou à leur remplacement. Le gouvernement a alors procédé par décret à la nomination de Me Raymond Clair, Me Marie-Esther Gaudreault, Me Gilles Gaumond, Me Germain Jutras, Me Guy Lafrance, Me Micheline Leclerc, Me Guy Marcotte, Me Jacques Paquet, Me Jean-François Pelletier, Me Johanne Roy, Me François Samson et Me Nicole Trudeau-Bérard. Le gouvernement établissait aussi la durée de leur mandat à un an.

Mais, M. le Président, le ministre de la Justice et son gouvernement étaient tellement pressés de procéder à la nomination de leurs amis que, lors de la rédaction de ce décret, ils ont oublié la fameuse clause habilitante qui permet à un membre ou à un président de comité de discipline qui n'est pas renouvelé mais qui avait commencé à entendre une cause de poursuivre l'étude de cette cause et en décider. Il s'agissait d'un oubli extrêmement grave, puisque, faute de cette habilitation, en apparence anodine dans le décret, ces membres non renouvelés ne pouvaient plus instruire et décider des causes qu'ils avaient commencé à entendre.

Alors, des contestations juridiques commencèrent, avec pour principal argument que les membres visés n'avaient plus de juridiction pour entendre les causes en question. Imaginez, M. le Président. On nous signale que, dans certains secteurs, une soixantaine de causes sont ainsi demeurées en suspens et qu'aucun membre des comités de discipline ne peut poursuivre leur étude, puisque les membres qui avaient commencé à les entendre n'ont plus de juridiction.

M. le Président, imaginez une telle erreur qui démontre nettement l'improvisation, en quelque sorte, de ce ministre. Et nettement obnubilé par les nominations – nominations de ses amis, entre autres – il a omis d'inclure dans son projet de décret une telle clause qui aurait fait en sorte qu'on n'aurait pas aujourd'hui à débattre d'un projet de loi sur un oubli aussi important et difficilement compréhensible que le ministre de la Justice a démontré.

(23 h 20)

Alors, il semblerait qu'à travers le Québec 200 causes sont ainsi touchées. Je vous le rappelle, dans ce type de dossier, la question de la protection du public qu'ont divers professionnels est toujours en jeu. C'est important.

Alors, qu'a fait le ministre de la Justice lorsqu'il a réalisé son erreur, encore une fois, une autre erreur du ministre de la Justice? Lorsqu'il a réalisé l'illégalité du décret de nomination qu'il venait d'effectuer... Imaginez-vous, M. le Président, un ministre de la Justice propose un décret au gouvernement, et le décret est illégal. Alors, vous comprenez qu'on a de la misère à cerner la logique et le jugement de ce ministre qui a démontré à maintes reprises, en tout cas, des doutes à pouvoir accomplir sa tâche de façon efficace. Alors, comme je disais, le ministre de la Justice a réalisé l'illégalité du décret de nomination qu'il venait d'effectuer et ses graves conséquences sur les instances pendantes en matière de déontologie professionnelle. Eh bien, lorsqu'il a réalisé son erreur, le ministre a paniqué. Alors, pourquoi était-il si pressé de procéder à des nominations dans les comités de discipline au point de faire un oubli grave et important dans le décret de nomination? La raison est bien simple: il était pressé de nommer ses amis, il faut croire, pour causer une erreur aussi grave. Il y a des motifs qui faisaient en sorte qu'il voulait agir avec empressement. Et force est de constater que le ministre était pressé, oui, de faire ses nominations et nommer ses amis. Alors, comme je le disais, lorsqu'il a réalisé son erreur, il a paniqué et, dans un réflexe de panique, il a cherché à corriger l'illégalité du décret du 19 juin 1996 par un nouveau décret, celui du 4 septembre 1996. Alors, ce décret comporte à la toute fin un paragraphe qui se lit comme suit: «Que les personnes désignées ci-dessus puissent, dans l'hypothèse où leur mandat d'un an ne serait pas renouvelé au terme de cette période, continuer à instruire une affaire dont elles auront été saisies avant la date d'adoption du décret ayant pour objet de pourvoir à leur remplacement et en décider.» Donc, il a cherché à réparer sa propre erreur avec un nouveau décret.

Évidemment, cette façon de faire, puisque le décret du Conseil des ministres n'est publié qu'à la Gazette officielle , dispose de beaucoup moins de publicité qu'une loi peut en avoir. Cette façon de faire avait l'immense avantage d'éviter que toute cette affaire et les erreurs du ministre ne soient pas trop ébruitées. Alors, malheureusement pour lui, dans notre régime de droit, on ne permet pas qu'une erreur dans un décret soit réparée par un autre décret. Il s'agirait d'une procédure tout à fait illégale, M. le Président. Alors, donc, la seule solution qui s'offrait au ministre, dans le contexte, pour réparer sa propre erreur, encore une fois, était la voie législative. Alors, ce qui explique aujourd'hui le dépôt du projet de loi n° 62.

C'est, en effet, M. le Président, la queue entre les jambes que le ministre de la Justice se présente en Chambre aujourd'hui afin de procéder à l'adoption du projet de loi n° 62 qui, sous des apparences anodines et neutres dans la langue de bois que l'on connaît habituellement des projets de loi, cache en réalité une grave erreur du ministre, encore une fois, dans un processus de nomination. Le projet de loi ne vise pas autre chose, et on pourrait facilement le rebaptiser: projet de loi n° 62, loi modifiant le Code des professions afin de réparer l'erreur du ministre de la Justice. On pourrait faire une motion pour changer le titre du projet de loi. Ce serait tout à fait justifié, compte tenu que ce projet de loi répare l'erreur du ministre. Alors, on pourrait le mettre à l'intérieur du titre. Je pense que ça serait vraiment très représentatif de la situation que nous vivons actuellement. Mais les Québécois et les Québécoises sont en droit de savoir pourquoi le ministre de la Justice et responsable des lois professionnelles a fait cette erreur le 19 juin 1996. Ses collèges ministériels doivent aussi se demander pourquoi, à chaque fois que le ministre de la Justice procède à une nomination, ça tourne mal. Et on en a eu l'exemple, M. le Président, avec la nomination du juge Fournier; son sous-ministre, M. Bilodeau; le projet de loi sur les tribunaux administratifs passé avec une motion de clôture, qu'on a enfoncé dans la gorge, pas de l'opposition officielle nécessairement, mais des Québécois et des Québécoises, un projet de loi qui est très dangereux pour la justice, ce qui est fondamental dans notre société; son projet de loi sur l'aide juridique, l'an passé, qu'on a encore passé avec un bâillon au détriment de l'ensemble des acteurs en matière de justice dans la société québécoise. Alors, dois-je comprendre, M. le Président, que la seule façon dont ce ministre peut faire adopter ses projets de loi, c'est par bâillon envers et contre tous? Alors, force est de constater que ce ministre a bien de la difficulté à dégager des consensus au niveau de ses clientèles dans une matière absolument fondamentale et essentielle pour l'intérêt des Québécois et des Québécoises.

M. le Président, cette suite interminable de nominations empreintes de favoritisme, de patronage et d'utilisation d'influence a continué avec la nomination par le ministre de la Justice des présidents des comités de discipline des ordres professionnels. Il est important, en ce triste moment, que nous nous penchions sérieusement sur la compétence du ministre de la Justice à nommer les présidents des comités de discipline des ordres professionnels.

Donc, comme je le disais plus tôt, nous faisons face ici à un projet de loi, le projet de loi n° 62, destiné à réparer une erreur du ministre de la Justice, sans contredit. Étant donné que ce projet de loi vise à réparer une erreur qui, si elle n'était pas réparée, causerait possiblement de graves préjudices au public, donc l'opposition ne pourra s'opposer à ce projet de loi n° 62 pour le bénéfice des citoyens et des citoyennes du Québec. Mais, si c'était uniquement pour le bénéfice du ministre de la Justice, vous comprendrez, M. le Président, qu'on s'objecterait. Mais, en opposition responsable, nous devons, pour le bien-être des citoyens et des citoyennes du Québec, acquiescer, adopter ce projet de loi pour réparer cette erreur du ministre de la Justice.

Nous l'appuierons, cependant, non sans souligner au passage que, si nous sommes obligés législativement de corriger les erreurs du ministre quant à ses nominations, si les Québécoises et les Québécois sont horrifiés par plusieurs des nominations du ministre de la Justice et responsable de l'Office des professions, c'est peut-être parce que cette personne, malheureusement, n'est pas apte à procéder à ces nominations. Je vous remercie, M. le Président.

Une voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Brouillet): Merci, M. le député des Îles-de-la-Madeleine. Le prochain intervenant, M. le leader de l'opposition et député de Brome-Missisquoi. M. le député.


M. Pierre Paradis

M. Paradis: Oui, merci, M. le Président. Lorsque l'Assemblée nationale est saisie d'un projet de loi qui ne contient que quelque trois articles y incluant le titre et la mise en vigueur, lorsqu'un projet de loi ne contient qu'un très bref paragraphe de notes descriptives et lorsqu'il est enrobé de voeux pieux, il serait normal que l'ensemble des parlementaires, d'un côté comme de l'autre de l'Assemblée nationale, adoptent très rapidement un tel projet de loi, que tous y concourent, M. le Président.

Mais, comme le député des Îles-de-la-Madeleine vient de le faire, il faut peut-être commencer à regarder ce qui sous-tend la décision d'un ministre de la Justice – pas n'importe quel ministre du gouvernement là, un ministre de la Justice – de proposer à l'Assemblée nationale un tel projet de loi.

M. le Président, trois articles, vous en avez pris connaissance. Le premier: Le Code des professions est modifié par l'insertion, après l'article 118.2, de l'article suivant: «118.3.» Jusque-là, il est infaillible dans sa logique. «Les membres du comité peuvent continuer à instruire une plainte dont ils ont été saisis et en décider malgré leur remplacement.» C'est le but du projet de loi.

(23 h 30)

Il y a un autre article qui dit: Le présent projet de loi est déclaratoire. Ça, M. le Président, on commence à se demander pourquoi. Parce que, habituellement, on ne met pas une telle clause dans un projet de loi quand on a bien fait comme ministre de la Justice ses devoirs avant l'introduction d'un tel projet de loi. «Déclaratoire», c'est un beau mot, M. le Président. Vous qui êtes un philosophe de formation et dont votre profession est à l'origine de la construction de plusieurs législations, vous savez ce que ça veut dire, M. le Président, mais il y a en beaucoup, de l'autre côté, qui l'ignorent. «Déclaratoire», ça veut dire quoi, de l'autre côté?

Une voix: ...

M. Paradis: Pardon, M. le député?

Une voix: Qu'est-ce que ça déclare?

M. Paradis: Ah! Il veut savoir: Ça déclare quoi? Ce n'est pas une question qui est bête; c'est peut-être la question que le ministre veut qu'on se pose, mais ce n'est pas ça que ça veut dire quand on connaît un petit peu sa philosophie ou son droit. Quand on dit qu'un projet de loi est déclaratoire, ça veut dire qu'il s'applique rétroactivement. Ça veut dire que ça vient affecter le droit des justiciables dans le passé. Donc, le vote qu'on va prendre, M. le Président, va faire en sorte que des justiciables, qui étaient devant les tribunaux, qui étaient devant des comités de discipline, voient leurs droits affectés.

Mais, au lieu de marquer «ce projet de loi est rétroactif», comme d'honnêtes ministres de la Justice l'ont fait avant lui, l'actuel ministre de la Justice marque «le projet de loi est déclaratoire». Faites vérifier ça, là. Vous avez tous des bureaux d'avocats dans vos comtés; de ce temps-ci, ils vont avoir le temps de le vérifier là, ils sont tous en grève contre le ministre de la Justice, à peu près là. Ça va leur faire plaisir de vous donner l'information qui vous manque.

Mais pourquoi ce projet de loi est-il déclaratoire, M. le Président, et pourquoi présenter à ce moment-ci, à 23 h 30, un projet de loi à l'Assemblée nationale d'une manière aussi anodine? C'est parce que le ministre a, encore une fois, des erreurs à se faire pardonner, des erreurs à corriger. Ce n'est pas des erreurs qui relèvent de ce qu'on appelle l'administration quotidienne d'un ministère. Le ministre de la Justice est le jurisconsulte du gouvernement, M. le Président, vous le savez. C'est lui qui fournit les avis juridiques au ministre du Travail, c'est lui qui fournit les avis juridiques au ministre d'État à la Métropole, c'est lui qui fournit les avis juridiques au ministre de l'Agriculture.

M. le Président, il s'en est fourni, des avis juridiques, dans un dossier et il s'est donné les mauvais avis. Et, aujourd'hui, il vient devant l'Assemblée nationale et il nous demande de corriger ces mauvais avis qu'il s'est donnés à lui-même. Moi, si j'étais un ministre sectoriel, je serais un petit peu inquiet. Je vois le ministre d'État à la Métropole qui a une connaissance du droit et qui s'inquiète également de ces avis qui sont fournis par son collègue le ministre de la Justice. Lui, il se dit: Si j'étais à sa place, j'en fournirais des vrais, des bons, en tout cas, des meilleurs.

Et ça, le fardeau de la preuve lui appartient. Il n'est pas là pour le moment; le leader du gouvernement n'est pas là pour le moment non plus. Mais, actuellement, les ministres sont condamnés à avoir recours aux avis du ministre de la Justice, et il commet des erreurs de droit dans ses propres dossiers, M. le Président. Mais pourquoi commet-il ces erreurs de droit dans ses propres dossiers? Est-ce que c'est parce qu'il est bousculé par le temps? Est-ce que c'est parce qu'il a trop de travail?

Une voix: Il est incompétent.

M. Paradis: Il y a quelqu'un qui me dit qu'il est incompétent, M. le Président, moi, je n'oserais pas dire ça. Est-ce que c'est parce qu'il manque de compétence, M. le Président, ou est-ce qu'il est parfois aveuglé par ce qu'on appelle la partisanerie politique? Est-ce qu'il est pressé, comme on l'a vu au cours d'un débat dans cette enceinte au cours de la présente session? Est-ce qu'il est pressé ou bousculé par le temps pour faire des nominations politiques partisanes? Bien, M. le Président, c'est exactement le cas. Il ne faut pas gratter trop loin avec ce ministre-là, on est à peu près toujours sur la bonne piste. Pourquoi est-il obligé de venir à l'Assemblée nationale occasionner des milliers de dollars en discussions? Pour corriger des erreurs qu'il a commises parce qu'il voulait nommer des petits amis à des postes stratégiques.

M. le Président, ceux et celles qui suivent le débat politique de plus près vont reconnaître dans le ministre de la Justice celui qui a nommé de façon un peu trop précipitée des petits amis dans des postes. On va en nommer seulement deux, là, pour les fins de la présente loi. S'il y en a qui veulent en avoir plus, ils pourront toujours faire une motion pour détails, M. le Président, de l'autre côté, et nous pourrons ajouter des noms. D'ailleurs, quand on fait partie de cette secte-là ou de cette famille-là, on connaît les noms.

Me Germain Jutras. Oh! Ça vous dit quelque chose, Me Germain Jutras? Il y a des députés qui me disent oui, de l'autre côté. Ils disent à peu près tous oui, M. le Président. Donc, il était bien connu au Parti québécois. Nommé pour le comité des ingénieurs, opticiens, physiothérapeutes, podiatres et technologues en radiologie. Était, en 1992, membre de l'association groupe souveraineté inc. Quand on connaît les antécédents du ministre de la Justice, Rassemblement pour l'indépendance nationale, groupe souveraineté inc., on s'est aperçu qu'il a nommé un de ses petits amis sur un comité. Bon. M. le Président, Gilles Gaumond, l'avocat de Diane Lavallée, dans le comté de Jean-Talon. Mais, à date, il a nommé des petits amis. Ça, il l'a fait, ce sont des nominations partisanes comme telles. Puis, à date, bien, ils étaient là pour occuper des fonctions.

Maintenant, le ministre de la Justice, quand il les a nommés, il a oublié un petit détail qu'un ministre de la Justice ne devrait jamais oublier. M. le Président, il a voulu, par décret, nommer ces gens-là, mais il a oublié de dire que, pour les causes qui étaient entendues par ce genre de commissaires là, bien, même si le commissaire était relevé de ses fonctions, il continuait de pouvoir entendre la cause puis rendre la décision pour les causes qui étaient saisies au moment, là, où est arrivée la fin de son contrat, M. le Président. Puis, quand il s'est rendu compte de ça, bien, il s'est dit: Hop! On va passer ça en cachette, personne ne va s'en apercevoir. Je vais aller au Conseil des ministres puis, par un petit décret du Conseil des ministres qui ne passe pas à l'Assemblée nationale, je vais corriger ma petite patente que j'ai organisée.

Mais il a commis une deuxième erreur, M. le Président, parce que, quand tu commets, comme ministre, une erreur de ce type-là, ce n'est pas par une petite patente secrètement passée au Conseil des ministres, le mercredi, à l'abri du regard indiscret des journalistes et des autres parlementaires, que tu peux corriger ton erreur. Et là, ce qui est arrivé, c'est qu'il y a des gens qui ont contesté puis les gens ont dit: Le ministre ne peut pas faire ça. Le ministre de la Justice, lui, il s'est dit: Je peux le faire en droit. Les gens ont contesté, puis c'est non. Donc, le ministre, il a dit: Ce n'est pas grave, ça va coûter plusieurs milliers de dollars, mais je vais aller à l'Assemblée nationale, je vais camoufler ça. Je ne dirai pas que c'est rétroactif; je vais appeler ça «déclaratoire», ça aura l'air de rien. Je vais présenter ça le soir, puis je vais tout abrier mes erreurs, mes gaffes puis mes petites nominations de petits amis.

Ce n'est pas tellement glorieux pour un ministre de la Justice de commettre erreur de droit après erreur de droit, de tenter de corriger en catimini ses erreurs. Si, au moins, ce soir, on avait un ministre de la Justice digne de ce nom, qui se lève et qui, en cette Chambre, fasse la déclaration suivante: J'ai nommé des petits amis, j'ai fait des erreurs, je m'en excuse, je m'en excuse; je m'excuse du fait qu'on doive consacrer des milliers de dollars de l'argent des contribuables pour corriger mes erreurs de jugement et de droit, M. le Président, peut-être que, de ce côté-ci, on comprendrait que le ministre de la Justice a finalement reconnu que, dans le passé, ça n'a pas été tellement brillant comme carrière et qu'il veut s'accrocher à son poste, et qu'il veut peut-être, dans l'avenir, connaître une plus brillante carrière.

Vous allez me dire, M. le Président: C'est partisan, vos propos: vous êtes un libéral. L'autre est ministre de la Justice; c'est un grand ministre, un des plus grands ministres de la Justice que le Québec ait jamais connu. On n'a pas pris de chance, M. le Président, on est allés, dans ce qu'on appelle les observateurs impartiaux de la scène politique, recueillir le jugement de personnes qui ont vu ce ministre de la Justice là applaudir en cette Chambre à des illégalités. C'est le chef de l'opposition qui vous le rappelait ce matin, M. le Président.

Quand la députée de Sherbrooke a commis des infractions, des manoeuvres électorales frauduleuses, les députés de l'autre côté étaient un petit peu gênés de la situation, mais pas le ministre de la Justice. Lui, il a applaudi à des infractions à la Loi électorale du Québec. Je n'avais jamais vu ça, un ministre de la Justice, là... Jamais Marc-André Bédard ne se serait permis un tel comportement, jamais Gil Rémillard ne se serait permis un tel comportement dans l'Assemblée nationale du Québec: applaudir à des infractions.

Bien, quand le jour du bulletin arrive, ces ministres-là sont généralement recalés. Moi, je ne veux pas rappeler, là, de mauvais souvenirs au ministre de la Justice, mais je sais que ça va quand même faire plaisir au leader du gouvernement que je le souligne: bulletin qui est décerné par Michel David, qui est un des chroniqueurs les plus assidus. Je sais que le ministre de la Justice va dire que, probablement, il est libéral. Je ne sais pas, là, mais je ne pense pas qu'il soit connu comme tel. Il citait, au mois de juin 1995, lorsqu'il donnait le bulletin au ministre de la Justice: «Un ministre de la Justice qui doit retraiter parce que son projet de loi, Loi sur l'aide juridique, va à l'encontre de la Charte des droits, ça fait très mauvaise impression.»

(23 h 40)

Un ministre de la Justice dont le projet de loi va à l'encontre de la Charte des droits, ça fait très mauvaise impression. C'est blessant, pas pour le ministre, pour les gens, pour chacun des citoyens et des citoyennes de nos comtés dont la confiance est investie dans le gouvernement et dans le ministre de la Justice pour justement protéger leurs droits. Que ce ministre-là viole cette Charte-là, M. le Président, c'est un petit peu, en tout cas, étonnant. «Il aura une chance de se reprendre avec la réforme des tribunaux administratifs.» M. le Président, vous avez vu de quelle façon il s'est repris avec la réforme des tribunaux administratifs. J'y reviendrai.

Il y a eu un autre bulletin, M. le Président. C'est toujours dans le même sens, c'est toujours dans la même direction. Il y a quand même une constance. Un peu comme le premier ministre a une constance: 10 mois au pouvoir; 6 000 pertes d'emploi, en moyenne, par mois; 60 000 emplois perdus, 200 par jour, sept jours par semaine. Ça, c'est une constance. Le ministre de la Justice, lui, c'est une constance dans l'injustice, M. le Président. On ne peut pas accuser ce gouvernement-là d'être inconsistant.

Son bulletin d'après, M. le Président, est-ce que ça s'est amélioré? «Paul Bégin semble avoir enfin compris qu'on ne peut pas...»

M. Bélanger: Question de règlement, M. le Président.

M. Paradis: Ah! C'est vrai, vous avez raison. Le ministre de la Justice...

M. Bélanger: Ah, parfait!

M. Paradis: Le ministre de l'injustice semble avoir enfin compris...

M. Bélanger: M. le Président...

M. Paradis: Est-ce que j'ai commis un lapsus?

Le Vice-Président (M. Brouillet): S'il vous plaît, il ne faut pas dépasser quand même une certaine mesure. Peut-être, s'il vous plaît, vous en tenir au titre officiel du ministre.

M. Paradis: Oui. L'honorable ministre de la Justice, qui avait violé dans un premier temps, avec son premier projet de loi, la Charte des droits et libertés, «semble enfin avoir compris qu'on ne peut pas tout faire en même temps, mais on dirait qu'il y a toujours un de ses projets de loi qui bloque. L'an dernier, c'était l'aide juridique; cette fois-ci, c'est la réforme des tribunaux administratifs.»

C'est cette façon, M. le Président, de ne pas être capable de mettre sur la table, en matière de justice, des projets de loi qui rallient l'essentiel de la communauté juridique et des divers intervenants, des projets de loi qui sont construits pour le bénéfice de la population du Québec. Projet de loi après projet de loi, rien ne fonctionne pour l'actuel ministre de la Justice. Peut-être qu'il devrait se poser des questions. Est-ce que ça dépend du ministère? Est-ce que ça dépend du programme du Parti québécois? Est-ce que ça dépend du premier ministre ou est-ce que ça dépend de lui que, projet de loi après projet de loi, rien ne fonctionne, que nomination après nomination rien ne fonctionne?

Les gens qui nous écoutent en ont soupé de ce genre d'attitude qui est méprisante pour les droits et libertés fondamentales des individus. Les gens qui nous écoutent en ont soupé de ces dépenses inutiles de fonds publics pour tenter d'enterrer des erreurs commises par celui qui est supposé, sur le plan juridique, être le conseiller du gouvernement du Québec et de chacun de ses ministères. Les gens, M. le Président, en ont soupé de ces nominations partisanes. Il faut parler aux pères et aux mères de famille qui ont des enfants à placer, aux gens qui se cherchent des jobs...

Il y a des députés péquistes qui rient de l'autre côté; ça fait sans doute un petit bout de temps qu'ils n'ont pas fait de bureau de comté. Et, quand ils voient que ce gouvernement-là passe des projets de loi pour corriger rétroactivement des nominations partisanes ou pour, dans l'avenir, se placer en position d'effectuer nomination partisane après nomination partisane, ces gens-là pensent que la justice n'existe plus. Quand on est ministre de la Justice, M. le Président, on a un devoir d'état de s'assurer que la crédibilité envers l'appareil judiciaire est maintenue.

Moi, j'ai assisté, comme témoin privilégié, à, peut-être, la plus importante réforme du système judiciaire qu'on ait connue au cours des dernières décennies, où j'ai pu voir oeuvrer ensemble et adopter unanimement la réforme du Code civil. Oui, c'était le ministre Gil Rémillard, M. le Président, je peux nommer son nom, qui en était le ministre responsable, mais c'était également la députée de Hochelaga-Maisonneuve qui était la critique à l'époque. Et, parce qu'on a joué cartes sur table, parce qu'on a eu la franchise, article par article, de tout expliquer à la population, on en est venu à un consensus sur quelque chose qui semblait irréalisable.

Si le ministre de la Justice, au lieu de jouer à la cachette, au lieu de commettre des erreurs, au lieu de faire de la partisanerie politique à la petite semaine, s'assoyait avec son critique, son bon ami le député de Chomedey, et qu'ensemble ils travaillaient à améliorer – ce n'est pas facile parce qu'il y a beaucoup d'améliorations à y faire – les projets de loi qui sont déposés par le ministre de la Justice, on arriverait à adopter, en matière de justice, de façon unanime ou quasi unanime, des projets de loi.

Quand on parle de justice, c'est un peu comme parler de l'Assemblée nationale: c'est un système qui se place en haut des autres basses considérations. Peut-être que le problème du ministre de la Justice, c'est qu'il n'est pas capable d'une telle élévation, M. le Président. Et peut-être qu'il a eu suffisamment de temps pour apprendre, et peut-être que, erreur après erreur après erreur, on a compris, de ce côté-ci, qu'il n'apprendra jamais. Mais, notre devoir de parlementaires, ce n'est pas de tenir en otages les centaines de personnes qui sont victimes de ces bourdes et de ces injustices du ministre de la Justice. Notre devoir parlementaire, c'est d'oublier la personnalité du ministre de la Justice et de placer la justice au centre de nos préoccupations et au centre des votes que nous avons à exprimer en cette Chambre.

Si, aujourd'hui, le ministre de la Justice a un peu de décence, il va s'excuser et, s'il n'en a pas, il va quand même remercier son vis-à-vis, le député de Chomedey, qui a demandé à l'ensemble des députés de cette Chambre... M. le Président, il y a des grognements de l'autre côté. Est-ce que vous pourriez les identifier, s'il vous plaît?

Le Vice-Président (M. Brouillet): S'il vous plaît, on va essayer de maintenir le décorum, qu'on a réussi à maintenir assez bien ce soir, pour le reste du temps. Je vous inviterais à terminer, il vous reste 30 secondes, M. le leader.

M. Paradis: Oui, en conclusion, M. le Président, le député de Chomedey a convaincu l'ensemble des députés de cette Chambre de faire fi du dossier du ministre de la Justice, de passer l'éponge sur une autre erreur du ministre de la Justice, en ayant en tête, lorsque nous nous lèverons pour voter, la justice que méritent les gens qui seraient ou qui tomberaient sous le couperet de l'injustice du ministre de la Justice si, ensemble, nous ne corrigions pas, encore une fois, une autre de ses erreurs. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le leader de l'opposition. D'autres intervenants? Je vais céder la parole à M. le ministre pour son droit de réplique de 20 minutes.


M. Paul Bégin

M. Bégin: M. le Président, je commencerais par corriger une erreur du leader de l'opposition, parce que le critique en matière de lois professionnelles, ce n'est pas le député de Chomedey; c'est le député de D'Arcy-McGee, M. Bergman.

Des voix: Ah!

M. Bégin: Alors, revenant aux choses sérieuses, de quoi s'agit-il? Le projet de loi, d'abord, vise à modifier le Code des professions qui, vous le savez, régit les 43 ordres professionnels au Québec. Les 43 ordres professionnels, donc, sont sous la juridiction de l'Office des professions qui est chargé de suivre, au jour le jour, la vie dans chacun des ordres professionnels pour s'assurer qu'il y a respect des règlements, de la loi et des directives qui s'appliquent à ces ordres professionnels. Mais, dans chacun des ordres professionnels, il y a ce qu'on appelle des comités de discipline, des gens qui sont nommés soit par le gouvernement, soit par les ordres professionnels pour former un comité, un genre de tribunal où on entend les plaintes faites par les citoyens à l'égard d'un professionnel d'un ordre donné.

(23 h 50)

Chacun de ces comités de discipline est présidé par un président ou une présidente du comité de discipline, et ces personnes sont nommées par le gouvernement. En principe, les mandats sont de trois ans, généralement de trois ans. La dernière fois qu'il y a eu nomination, compte tenu qu'il y avait une révision de l'ensemble des modes de nomination du gouvernement, les mandats ont été faits pour une année, et nous avons adopté, il y a 15 jours, je crois, la nouvelle politique en cette matière. Donc, il y a, cette année, de manière occasionnelle, une nomination pour une période de temps plus courte.

Ces personnes qui sont nommées comme présidents ou présidentes des comités de discipline le sont en vertu d'un décret adopté par le gouvernement. Depuis toujours, depuis que Code des professions existe, il y a eu nomination des personnes occupant ces postes de présidents ou présidentes des comités de discipline par décret, qui contenait essentiellement trois choses: premièremement, la durée du mandat; deuxièmement, que les personnes qui étaient nommées pour occuper ce poste demeuraient en fonction jusqu'à ce qu'elles soient renommées ou remplacées par une autre personne. Pour bien se comprendre, c'est qu'une personne est nommée pour trois ans, mais, si au bout de trois ans elle n'est pas remplacée ou renommée, son mandat continue. Le troisième élément, c'est que les personnes qui cessent d'occuper la fonction à l'expiration de leur mandat sont quand même habilitées capables de rendre une décision dans les causes qu'elles ont commencées.

Alors, ces trois éléments-là se sont retrouvés année après année lors des renouvellements des personnes. Cependant, en 1994, le législateur a modifié le Code des professions pour dire que ce ne serait plus par décret; le deuxième élément que j'ai mentionné, c'est-à-dire que les personnes demeuraient en fonction jusqu'à ce qu'elles soient remplacées, on l'a inclus dans la loi. Cependant, le législateur a oublié, en 1994, de dire que les personnes qui étaient saisies de causes au moment où elles cessaient d'être en fonction pouvaient les continuer. Ça n'a pas été inscrit dans la loi.

Or, c'est ce que ce projet de loi veut faire, c'est de prévoir, dans le Code des professions, que la personne qui cesse d'être en fonction comme présidente d'un comité de discipline peut continuer à avoir juridiction pour rendre une décision dans les causes qu'elle avait devant elle au moment où son terme s'est terminé. Ce décret, le dernier décret, a omis de mentionner cette clause-là avec comme résultante qu'il y a eu un deuxième décret pour l'ajouter et faire en sorte que le tout soit complet.

Cependant, malgré le fait que cette clause ait été ajoutée et que le décret est satisfaisant, certaines personnes – et c'est leur droit de le faire – ont contesté la capacité des membres, des présidents des comités de discipline de pouvoir continuer. Or, dans les faits, certains présidents de comités de discipline ont cessé d'être des présidents de comités de discipline et d'autres qui l'étaient pour certains ordres professionnels ont été nommés pour d'autres ordres professionnels. Donc, ces gens-là aussi se trouvaient dans l'impossibilité de continuer leurs dossiers étant donné les poursuites judiciaires entreprises.

M. le Président, il faut que toutes les personnes qui étaient devant des comités de discipline puissent recevoir une décision valide sur le plan juridique des comités de discipline où elles se trouvaient. Et le projet de loi vise à faire en sorte que ces décisions-là puissent être rendues et rendues de façon valide. Alors, si cette disposition avait été incluse, comme elle aurait dû l'être, en 1994, il n'y aurait pas eu de problème. Étant donné qu'il y a eu un oubli, il a fallu ajouter un décret, en septembre 1996.

Mais les avocats qui avaient intérêt pour leurs clients et qui – c'est tout à fait respectable – voulaient contester peuvent mettre en péril un grand nombre de décisions. Et c'est pourquoi il faut que nous adoptions ce projet de loi qui fera que, dorénavant, plus jamais il ne soit nécessaire d'intervenir pour corriger des décrets, parce qu'ils seront uniquement à une fin, c'est-à-dire le mandat pour une durée de x temps, un an, deux ans ou trois ans, et le reste découlera de la loi sans qu'on ait à le répéter à chaque fois.

Autrement dit, M. le Président, depuis 1972, nous nous sommes exposés à ce qu'une erreur soit commise, à ce qu'un oubli existe, un oubli purement technique, et qu'on entraîne des conséquences négatives pour les citoyens. Le projet de loi corrige cette lacune. Merci, M. le Président.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le ministre de la Justice. Le principe du projet de loi n° 62, Loi modifiant le Code des professions concernant les comités de discipline des ordres professionnels, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Une voix: Oui.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. Vous dites: Sur division?

Des voix: Sur division.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Sur division des voix.

M. Brassard: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, M. le leader adjoint du gouvernement.


Renvoi à la commission de l'éducation

M. Brassard: Oui. Je voudrais faire motion pour que le projet de loi soit déféré à la commission de l'éducation pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Cette motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté.

M. Brassard: Article 38, M. le Président.


Projet de loi n° 47


Prise en considération du rapport de la commission qui en a fait l'étude détaillée

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 38, l'Assemblée prend en considération le rapport de la commission des institutions sur le projet de loi n° 47, Loi modifiant la Loi sur le paiement de certaines amendes. Alors, le prochain intervenant, l'auteur du rapport ou l'auteur de...

Des voix: Adopté.


Mise aux voix du rapport

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté? Alors, le rapport de la commission des institutions portant sur le projet de loi n° 47 est adopté.

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): C'est bien ça, oui? Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Brassard: Article 12.


Projet de loi n° 78


Reprise du débat sur l'adoption du principe

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 12, l'Assemblée reprend le débat ajourné le 4 décembre 1996 sur l'adoption du principe du projet de loi n° 78, Loi modifiant diverses dispositions législatives relatives à l'industrie de la construction. Je crois que le dernier intervenant était le député d'Orford. Y a-t-il d'autres intervenants? M. le député de Pontiac, je vous cède la parole.


M. Robert Middlemiss

M. Middlemiss: Merci, M. le Président. Le projet de loi n° 78, c'est la Loi modifiant diverses dispositions législatives relatives à l'industrie de la construction. C'est peut-être la soirée pour corriger les erreurs, ce soir, mais toutefois je dois dire en partant que ce n'est certainement pas le ministre du Travail d'aujourd'hui qui est responsable. L'erreur, ça a été la loi 46, passée au mois de février 1995, qui a remplacé la loi 142.

Si on se souvient bien, M. le Président, en 1993, il y a eu énormément de pressions pas seulement sur les travailleurs de la construction, mais sur les manufacturiers du Québec vis-à-vis la vente de leurs produits en Ontario. Le gouvernement ontarien avait décidé, à cause des restrictions pour les travailleurs de la construction au Québec, comme les produits de l'Ontario... Le ministre indiquait dans son discours qu'il y avait des exigences québécoises disproportionnées. Ça, c'est ses paroles, c'est lui qui a dit ça. Donc, il a compris, le ministre actuel a compris.

Et c'est pour ça qu'en 1993 le gouvernement du Parti libéral a été obligé de passer une loi, la loi 142. Et la loi 142, avec la déréglementation de la construction résidentielle, permettait aux travailleurs de la construction de l'Ontario de faire comme les travailleurs de la construction du Québec – et surtout dans la région de l'Outaouais – de travailler à tous les jours dans le domaine de la construction. Et le projet de loi 46 a été passé. Et, lorsqu'on regarde l'entente signée, cette entente-là nous dit, à 10.2: «La présente entente remplace l'accord sur la reconnaissance mutuelle des compétences et des expériences de travail dans les métiers et les occupations du secteur de la construction entre la province de l'Ontario et la province de Québec conclue le 3 mai 1994.»

Donc, M. le Président, lorsqu'on a fait l'étude du projet de loi 46, on nous avait assurés que, oui, le gouvernement du Québec échangeait avec le gouvernement ontarien et qu'on était sur le point d'avoir une entente. Mais, si l'entente qu'on vient de signer au mois de décembre 1996 remplace l'entente de mai 1994, ça veut dire qu'entre les deux il n'y a pas eu d'entente. Donc, il ne faut pas se surprendre que les travailleurs, les entrepreneurs de l'Ontario qui, depuis un an, ont commencé à démontrer qu'eux aussi trouvaient que, malheureusement, ils ne pouvaient pas accéder à des travaux au Québec soit comme travailleurs de la construction ou même comme entrepreneurs de construction... Comme le disait si bien le ministre, il y avait des exigences disproportionnées.

(minuit)

Pourquoi, M. le Président, nous, de l'Outaouais, sommes-nous plus touchés par les travaux... disons les travailleurs de la construction? Mais ce n'est pas seulement ça, c'est que la région de l'Outaouais, nous sommes une région frontalière. Pour ceux qui ne le savent pas, M. le Président, c'est un peu comme ici, la région de Québec. On a, sur la rive nord, la ville de Québec et, sur la rive sud, Lévis. Les gens peuvent circuler: libre circulation des personnes, des biens et des choses, et il n'y a pas de problème. Qu'est-ce qui arrive dans l'Outaouais? Oui, on a une rivière, la rivière des Outaouais. Du côté nord, c'est le Québec et, du côté sud, c'est l'Ontario. Et malheureusement, M. le Président, le Québec a toujours eu de plus grandes exigences pour les travailleurs de l'Ontario que pour ceux du Québec.

Mais il faut comprendre aussi... Je prends ça à partir du rapport de l'Outaouais, du comité Outaouais, préparé en 1992, où on parle qu'en 1990 il y avait 110 000 travailleurs habitants du territoire de la CUO, dont 41 500 travaillaient à Ottawa. Et, M. le Président, qu'est-ce qui est le plus surprenant de tout ça, on dit que de ce nombre 23 735 travaillent dans les entreprises privées d'Ottawa et l'autre 17 000 travaille pour le gouvernement fédéral. M. le Président, vous voyez l'importance. Vous voyez l'importance.

Le ministre parlait, lui, que lorsqu'on parlait de syndiqués, on parlait de 4 500 Québécois syndiqués qui travaillent en Ontario versus 650 à 700. Je crois plutôt que c'est 300 Ontariens qui travaillent au Québec. Donc, vous voyez, M. le Président, le problème a commencé dans le domaine de la construction, parce que les Ontariens ne pouvaient pas accéder à des travaux dans le domaine de la construction au Québec, parce qu'on exigeait la carte de la CCQ, on exigeait des cours. Pourtant, ces gens-là ont les compétences, ils ont aussi des cours de sécurité, mais ils ne pouvaient pas accéder aux travaux au Québec.

Donc, M. le Président, il était important qu'on commence par régler celui-là. Les gens de l'Ontario, ils ont toujours été très tolérants dans ce sens-là. Je peux vous dire que moi, personnellement, j'ai gagné ma vie pendant 20 ans, 20 ans en Ontario, comme ingénieur, M. le Président. J'ai toujours demeuré au Québec, mais j'ai gagné ma vie en Ontario. Mais c'était tellement difficile pour les gens de l'autre côté de venir travailler au Québec. Premièrement, peut-être qu'il y avait moins de travail, mais c'était à cause des restrictions. Et des restrictions, M. le Président, il y en avait tellement. On peut vous dire que plusieurs secteurs d'emplois au Québec exigent un lieu de résidence au Québec, exigence qu'on ne retrouve que très rarement en Ontario, que ce soit dans le domaine de la construction, de la fonction publique du Québec. En plus, on disait: Les règles de l'Office de la construction imposent des restrictions aux résidents d'Ottawa-Carleton, tandis que ce n'est pas la même chose pour les gens du Québec qui oeuvrent en Ontario.

Mais, M. le Président, pourquoi l'Ontario des années 1975, 1970, la province de l'Ontario, les gens acceptaient toutes ces choses-là, pourquoi, tout d'un coup on est obligé, en 1993, de poser des gestes comme on a fait ici? Pourquoi l'Ontario a dit: Regardez, là, si vous ne voulez pas que ça soit des rues à sens unique, vous allez être obligés, là, de nous laisser, nous autres aussi, faire affaire au Québec, comme on vous laisse faire affaire en Ontario.

Ça commence, M. le Président, à peu près en 1979-1980. C'est durant la construction de l'usine de traitement des eaux usées dans l'Outaouais. Comme vous le savez, c'était un programme à coût partagé avec le gouvernement fédéral, donc, la Commission de la capitale nationale. Et la Commission de la capitale nationale, pour l'octroi de contrats, indiquait que tout entrepreneur, qu'il soit du côté ontarien ou du côté du Québec, en dedans de 20 milles ou 25 milles de diamètre d'Ottawa, a le droit de soumissionner. Donc, en 1979-1980, ils s'en vont en soumission pour l'usine de filtration. C'est un entrepreneur de l'Ontario, M. le Président, qui est le plus bas soumissionnaire. Donc, vous pouvez vous imaginer... À ce moment-là, c'était Mme Jocelyne Ouellette, la députée de Hull, ministre des Travaux publics. Un entrepreneur de l'Ontario, nous autres, les péquistes, on n'en veut pas du tout.

Mais, M. le Président, pourtant c'étaient les règles du jeu qui étaient établies. Du côté ontarien, on les acceptait. Mais le pire de tout ça, M. le Président, c'est que ça nous a coûté 1 000 000 $, 1 000 000 $ pour entreposer les équipements, vu qu'on n'a pas fait la construction, on a cancellé le contrat. Le gouvernement du Québec, il dit: Pas de contrat. Un an plus tard, M. le Président, nous sommes obligés de retourner en soumissions. Et, imaginez-vous donc, c'est le même entrepreneur, M. le Président, qui est le plus bas soumissionnaire. Donc, qu'est-ce qu'on a fait avec cette séparation, tu sais, de ne pas rien vouloir avoir à faire avec le gouvernement canadien ou d'avoir quelqu'un de l'extérieur du Québec? Ça nous a coûté au moins 1 000 000 $, M. le Président, et le retard d'un an dans le programme d'assainissement.

Mais ça, M. le Président, c'était le début. C'était le début. On venait d'avoir un référendum. On a dit à ces gens-là: On ne veut plus rien avoir à faire avec vous autres. Tu sais, vous nous avez toujours mal traités... L'année après le référendum. Je m'excuse, M. le Président. L'année après le référendum. Donc, après ça, les temps ont changé. Et, finalement, les choses se sont corsées. Et là l'Ontario, ils ont dit: Regarde... Puis là je dois vous dire que peut-être que le travail, M. le Président, le volume d'ouvrage a certainement changé. Donc, les gens de l'Ontario, ils ont dit: Nous autres aussi, on voudrait certainement avoir les mêmes droits que, vous autres, vous avez.

Je dois dire, pour le ministre, que cette entente-là semble, au moins dans un premier temps, M. le Président, créer une situation où on devrait avoir moins de résistance. Et donc, ça, ça veut dire, M. le Président, qu'on pourrait protéger les emplois des gens dans le domaine de la construction. On pourrait le faire.

Mais, M. le Président, qu'est-ce qui m'inquiète encore plus, peut-être, dans l'entente, c'est que, dans notre région – puis, je suis certain, dans le comté de Papineau comme dans le comté de Pontiac – on a énormément de gens qui ont toujours travaillé dans le domaine de la construction en Ontario. Donc, ils n'ont jamais eu leur carte de la CCQ. Ils n'ont jamais eu ça, donc... Mais, M. le Président, avec les changements qu'on va avoir, on va rendre ça plus facile pour les travailleurs de l'Ontario à venir travailler au Québec. Mais nulle part je n'ai vu qu'un travailleur de la construction, un Québécois, qui a travaillé toute sa vie en Ontario... Est-ce que lui pourrait profiter des mêmes avantages que les Ontariens, d'avoir ...s'il y a un emploi? Est-ce que lui pourrait le faire? Sinon, M. le Président, il y a certainement une injustice. Parce que ces gens-là, toute leur vie... Premièrement, certainement que ça a été avantageux pour le Québec que ces gens-là puissent travailler en Ontario mais payer des impôts au Québec. Maintenant, si on peut donner... Puis je ne m'y objecte pas, là, d'avoir rendu ça plus facile pour les Ontariens de travailler, parce que, si on l'a fait, c'est qu'il y avait de plus grands avantages pour les Québécois de travailler en Ontario, parce qu'il y en a plus.

Donc, M. le Président, j'aimerais bien qu'au moment de la commission on puisse regarder: Est-ce que ces droits-là, on ne pourrait pas aussi les donner à ces Québécois qui peuvent démontrer qu'ils ont les compétences, qu'ils ont fait les cours de sécurité, qu'ils ont les mêmes qualifications, mais ils ont toujours travaillé en Ontario?

Puis, parce que, premièrement, M. le Président, et l'autre problème que nous avons dans tout ça, ça va être toujours un peu plus facile pour un travailleur du Québec, le long de la frontière, de toujours travailler en Ontario, d'aller travailler en Ontario que d'aller travailler à Montréal, à cause des bassins, des régions que nous avons. C'est toujours plus facile.

(0 h 10)

Ça, M. le Président, le problème, on ne l'avait pas avec la loi 142. Avec la loi 142, on avait déréglementé la construction résidentielle, et c'était dans ce domaine-là. Et même des gens dans mon comté, M. le Président, qui sont obligés de travailler en Ontario pouvaient travailler dans la construction résidentielle, dans mon comté. Et vous savez probablement, vous comme moi, que dans nos comtés, de la grosse construction industrielle, commerciale, il n'y en a pas tellement. C'est souvent de la construction résidentielle. Et même là, avec les lois que nous avons, M. le Président, c'est difficile pour ces gens-là de travailler, parce qu'ils n'ont pas réussi à avoir leurs cartes. Le bassin est plein, on n'en donne plus. Donc, est-ce que ces gens-là... donc ce n'est plus le libre choix d'être capable de travailler. Donc, c'était l'avantage de la loi 142, que même les gens en région pouvaient travailler, parce que c'est là... Et ça, il ne faudrait pas l'oublier, c'est exactement ces gens-là dans mon comté, M. le Président, à l'extrémité ouest de mon comté, qui vont travailler à Pembroke, à Renfrew, ils ont travaillé là toute leur vie. Et c'est pour ça que je me dis: Ces gens-là, si jamais il y a de la construction résidentielle dans leur coin, est-ce qu'ils pourraient obtenir un emploi, parce que leur résidence est au Québec et non pas en Ontario? Et, toutefois, le projet de loi dit: les gens en Ontario.

Aussi, M. le Président, les entrepreneurs. Je pense aujourd'hui... l'exemple que je vous donnais de l'usine des eaux usées, le traitement des eaux usées, l'exemple que je vous ai donné, qu'on avait refusé l'entrepreneur. Maintenant, avec les changements qu'on veut apporter dans le projet de loi n° 78, l'entrepreneur va être capable, facilement, de se qualifier, en autant qu'il est qualifié en Ontario, et, à ce moment-là, je pense que le problème que nous avons vécu en 1979-1980 ne devrait pas se répéter, M. le Président.

Donc, M. le Président, il faut s'assurer, il semble qu'il faut et il faut certainement que le gouvernement en place aujourd'hui fasse bien attention. C'est qu'on vient de passer à travers le référendum, où on a dit qu'on ne voulait plus rien faire avec... les gens qui veulent se séparer, on ne veut plus rien faire avec le restant du Canada. Mais pourtant, M. le Président, quand c'est avantageux, quand c'est bon pour notre économie, bien, à ce moment-là, et je pense que la preuve est là... Puis la preuve est là que c'est tellement avantageux que croyez-vous, M. le Président, que, si on n'était pas encore Canadiens, on aurait pu, M. le Président, avoir une entente de cette nature-là? Je doute fort, M. le Président, je doute fort qu'on aurait pu. Parce que là, aujourd'hui, M. le Président, il y a des liens, des liens qui existent depuis une centaine d'années, et surtout entre l'Ontario et le Québec où ce n'est pas... des liens tellement forts, M. le Président, qu'aujourd'hui...

Et ça, ça m'a tellement surpris, je regardais ça, quand ça vient au point de vue, M. le Président, d'exigence de langue, et ça, je vais le lire parce que ça m'a extrêmement surpris, parce qu'on critique toujours que la province de l'Ontario, les francophones, ils n'ont pas de services, ils n'ont rien du tout. Et je vais vous le lire, M. le Président, la partie 6 qui dit: Engagement particulier sur le plan légal et administratif. 6.7: «Le gouvernement du Québec s'engage à faire en sorte que la Régie du bâtiment du Québec, la Commission de la santé et de la sécurité du travail, la Commission de la construction du Québec et l'Inspecteur général des institutions financières traduisent en anglais les formulaires et examens qu'ils utilisent, dans le cadre de la présente entente, dans un délai de 30 jours ouvrables suivant la conclusion de l'entente. Il s'engage en outre à faire en sorte que la Régie du bâtiment du Québec, la Commission de la santé et de la sécurité du travail et la Commission de la construction du Québec mettent à la disposition des entrepreneurs en construction et des travailleurs ontariens une ligne téléphonique sans frais offrant des services en français et en anglais.» Ça, le Québec s'engage à faire en sorte.

La réciprocité, M. le Président, 6.8: «Le gouvernement de l'Ontario confirme que les formulaires et les examens utilisés par le ministère de l'Éducation et de la Formation ainsi que le ministère de la Consommation et du Commerce, dans le cadre de la présente entente, sont disponibles en français et en anglais. Le gouvernement de l'Ontario confirme également que le ministère de l'Éducation et de la Formation offre un service sans frais de renseignements téléphoniques en anglais et en français.» Donc, M. le Président, l'Ontario confirme, le Québec s'engage, en 30 jours, à faire ces choses-là. Pourtant, M. le Président, c'est ici qu'on dit; Dans les autres provinces, la minorité francophone n'a pas ces services.

Ça existe, M. le Président, ça existe. Donc, il me semble qu'il faut l'admettre, il faut l'admettre. Et c'est pour ça, je vous le dis, M. le Président, que nous sommes encore des Canadiens. Et donc il va falloir faire attention, M. le Président, parce que toujours, M. le Président, dans ce domaine-là, on ne peut pas s'imaginer qu'avec nos voisins on va toujours faire la menace et dire toutes sortes de choses à leur égard qui ne sont pas toujours nécessairement vraies et croire, après ça, qu'on va tout oublier, que lorsque c'est le temps de vouloir en profiter... Puis je ne dis pas qu'ils vont nous faire des faveurs, pas plus que, nous autres, on va leur en faire, M. le Président. Mais une chose: ils sont nos voisins. Ils seront toujours nos voisins. Et, si on veut s'assurer qu'on va toujours être capables de faire augmenter notre économie, il faut le réaliser, ça. Il faut le réaliser, ils vont toujours être là. Et, s'ils vont toujours être là et qu'on va être obligés de transiger avec eux, il me semble, M. le Président... Nous sommes déjà ensemble depuis 128 ans, et il y a eu des erreurs de parcours. Je pense qu'on serait bien mieux de travailler à améliorer. Et je suggérerais au ministre que, s'il pouvait continuer à travailler dans le sens de cette entente-là dont en soi les deux parties, les Québécois et les Ontariens, vont profiter... Et la raison pour laquelle on l'a fait, M. le Président, c'est pour créer de l'activité économique, parce que, pour conserver notre qualité de vie, les services que nous avons, nous avons besoin de créer de l'activité économique. Et le côté financier est fort important. Et donc je suggère au ministre du Travail de peut-être en parler avec ses collègues du gouvernement et leur dire: Regardez, vous voyez, nous avons réussi à avoir une entente qui fait l'affaire des deux provinces. Et, M. le Président, dans ce contexte-là, on pourra s'apercevoir que c'est avantageux d'avoir des voisins avec qui on peut discuter et non pas leur fermer la porte, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, M. le député de Pontiac. Nous cédons maintenant la parole au ministre du Travail et député de Matane, M. le ministre.


M. Matthias Rioux (réplique)

M. Rioux: M. le Président, quelques mots. Ce que j'ai retenu de ce débat depuis le début, c'est essentiellement trois choses...

M. MacMillan: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Pinard): Excusez-moi, M. le ministre. M. le député de Papineau.

M. MacMillan: ...question de règlement. L'article 32, vérifier le quorum, s'il vous plaît, M. le Président. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Nous avons le quorum. Oh! Non. Excusez-moi. Les commissions parlementaires sont terminées. Alors, je vous remercie, Mmes et MM. les députés. Je sais pertinemment que vous nous écoutez à l'arrière, mais nous sommes ravis de vous voir parmi nous.

Alors, M. le ministre du Travail, votre droit de réplique.

M. Rioux: M. le Président, je disais donc que ce que j'ai retenu des discussions qui ont eu lieu depuis le dépôt de ce projet de loi n° 78, c'est essentiellement trois choses. D'abord, les libéraux voulaient savoir s'il y avait une entente. Ils l'ont, signée par les deux ministres, du Québec et de l'Ontario. Alors, ce qui faisait un élément de freinage dans nos discussions est maintenant levé. Première hypothèque. Deuxième élément, c'était le mérite des libéraux dans toute cette dynamique de la mobilité de la main-d'oeuvre et, troisièmement, la loi 46. Alors, je ferai très rapidement.

M. le Président, lors de ce débat sur le projet de loi n° 78, portant sur l'entente Québec-Ontario sur la mobilité de la main-d'oeuvre et la reconnaissance des qualifications professionnelles, certains intervenants du côté de l'opposition, puis je les comprends très bien, ont soulevé que les libéraux avaient eu beaucoup de mérite dans toute cette dynamique, et je suis très heureux de dire qu'il y a du vrai là-dedans. Loin de moi, loin de moi de ne pas reconnaître le travail admirable qui a été fait par l'ancien ministre Gérald Tremblay...

M. MacMillan: M. le Président, question de règlement.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le député de Papineau.

(0 h 20)

M. MacMillan: Étant donné que les libéraux sont aussi populaires, on pourrait quand même demander le quorum encore une fois, s'il vous plaît.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, au moment où j'ai vérifié, nous étions en quorum. Alors, M. le ministre du Travail, je suis persuadé qu'on va vous écouter avec beaucoup d'attention. M. le ministre.

M. Rioux: M. le Président, je suis d'accord avec vous.

Donc, le mérite de Gérald Tremblay, c'est d'avoir signé la première entente de mobilité entre le Québec et l'Ontario. En 1994, l'ancien premier ministre du Québec, l'actuel chef de l'opposition, a également signé, en mai 1994, une sorte d'entente qui permettait la mobilité aux compagnons de l'industrie de la construction entre le Québec et notre province voisine.

J'aimerais attirer l'attention sur une chose. La loi 46, qui a eu pour effet de désassujettir le secteur résidentiel dans l'industrie de la construction, ce n'est pas ça l'objet du débat, ce n'est pas ça du tout l'objet du débat. L'objet du débat, c'est que nous sommes convaincus maintenant qu'il y a des nouvelles données dans l'industrie de la construction: premièrement, les licences des entrepreneurs qui n'existent pas en Ontario et, deuxièmement, la double qualification des travailleurs qui doivent avoir deux cartes de compétence. J'écoutais le député tout à l'heure qui manifestait évidemment toute son admiration devant cette entente, étant donné qu'il a vécu sur la frontière, vous en comprenez peut-être mieux que quiconque l'impact. Alors, il y a de nouveaux enjeux dans l'industrie dont il fallait tenir compte absolument, les licences d'entrepreneurs et la double qualification des travailleurs.

Ces sujets importants n'avaient pas été abordés dans les discussions antérieures. Alors, il fallait donc le faire. On l'a fait. Désormais, les entrepreneurs en construction de l'Ontario devront répondre à des critères d'expérience professionnelle s'ils veulent contracter au Québec. Ils n'auront plus à subir des tests et des examens en vue d'une qualification qui va leur permettre de venir entreprendre au Québec, et créer de l'emploi au Québec, et aussi créer de l'activité économique entre les deux provinces. Quant aux travailleurs, M. le Président, ils ne seront plus tenus, les travailleurs ontariens qui vont venir travailler au Québec ne seront plus tenus d'avoir deux cartes de compétence. Je pense qu'il fallait régler ces problèmes-là dans les meilleurs délais.

En signant cette entente négociée de bonne foi avec la ministre du Travail de l'Ontario, le Québec adhère à la réduction des barrières commerciales à l'intérieur de l'espace économique canadien. Nous manifestons de plus notre capacité...

M. MacMillan: M. le Président.

M. Rioux: ...de régler des litiges de toute nature...

M. MacMillan: Question de règlement, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Excusez, M. le ministre. M. le député de Papineau.

M. MacMillan: Il faut vraiment vérifier l'article 32, on n'a pas quorum.

Le Vice-Président (M. Pinard): Appelez les députés, s'il vous plaît.

(0 h 24 – 0 h 26)

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, Mmes, MM. les députés, puisque nous avons retrouvé notre quorum, nous allons permettre maintenant au député de Matane et ministre du Travail de terminer son allocution, c'est-à-dire son droit de réplique. Alors, M. le ministre.

M. Rioux: Ayant retrouvé le quorum, je retrouve la parole, M. le Président, et ça me fait plaisir.

Donc, c'est fini, le régime des deux cartes de compétence pour les travailleurs ontariens qui viennent oeuvrer au Québec. En signant cette entente d'une très grande importance pour les deux provinces – nous avons négocié cette entente de bonne foi avec le ministre du Travail de l'Ontario – le Québec adhère donc à la réduction des barrières commerciales à l'intérieur de l'espace économique canadien – ça va faire plaisir, certainement, aux députés de l'opposition – et nous manifestons aussi notre capacité de régler des litiges de toute nature avec notre principal partenaire commercial.

En terminant, j'aimerais rassurer les députés de la région de l'Outaouais de même que leurs travailleurs et leurs citoyens, l'entente Québec-Ontario est une entente satisfaisante. On va avoir l'occasion de le démontrer lors des travaux de la commission parlementaire qui commence demain matin. Merci, M. le Président.

Des voix: Bravo!


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, M. le ministre. Alors, le principe du projet de loi n° 78, Loi modifiant diverses dispositions législatives relatives à l'industrie de la construction, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, M. le leader adjoint du gouvernement.


Renvoi à la commission de l'économie et du travail

M. Brassard: M. le Président, je fais motion pour que le projet de loi soit déféré à la commission de l'économie et du travail pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Brassard: Je vous prierais d'appeler l'article 37, M. le Président.


Projet de loi n° 45


Prise en considération du rapport de la commission qui en a fait l'étude détaillée et des amendements de la ministre

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, l'article 37. L'Assemblée prend en considération le rapport de la commission de l'éducation sur le projet de loi n° 45, Loi sur les fondations universitaires, ainsi que les amendements transmis en vertu de l'article 252 du règlement par Mme la ministre de l'Éducation. Ces amendements sont déclarés recevables.

Y a-t-il des interventions sur ce rapport ainsi que sur ces amendements? Alors, M. le député de Verdun.


M. Henri-François Gautrin

M. Gautrin: Bien, M. le Président, j'aurais attendu une intervention de la ministre, mais, puisque la ministre n'intervient pas, je vais expliquer pourquoi nous sommes d'accord pour voter en faveur de ce projet de loi.

Alors, M. le Président, c'est un bon projet de loi. Contrairement aux projets de loi qu'on a débattus ce soir, c'est un projet de loi qui provient d'un consensus du milieu. C'est la volonté du milieu qui s'exprime dans ce projet de loi. Ça n'a pas été le cas de tous les projets de loi qu'on a débattus ce soir, mais, enfin, c'est le cas de celui-ci. Pour l'occasion, nous tenons à féliciter cette ministre particulièrement pour le travail qu'elle a fait.

(0 h 30)

M. le Président, le projet de loi a pour but, essentiellement, de créer des nouvelles entités juridiques qu'on va appeler des fondations universitaires. Il existe déjà des fondations dans les universités, mais ces nouvelles entités juridiques vont être des personnes morales qui vont être des mandataires du gouvernement, ce que n'étaient pas, jusqu'à maintenant, les différentes fondations que vous connaissez dans les universités ou dans vos universités.

Donc, nous créons par ce projet de loi, M. le Président, une nouvelle entité, une fondation, une personne morale qui est mandataire du gouvernement. Vous allez me dire: Pourquoi faire cela? Pour une raison bien simple, pour des raisons fiscales. Vous savez qu'une contribution qui est faite à une fondation est considérée comme un don de charité, et il y a un plafond de 20 % du revenu annuel qui peut être déduit du revenu annuel de l'individu qui fait le don à la fondation. Par contre, lorsqu'une fondation devient un mandataire du gouvernement, ce plafond de 20 % disparaît, et la totalité du don peut être considérée, peut être déduite du revenu du donateur.

Alors, dans la majeure partie des cas des personnes qui étaient des personnes encore vivantes ou encore en emploi, cette considération n'était pas nécessairement pertinente, mais elle devient éminemment pertinente lorsqu'il s'agit de legs. Et vous, M. le Président, qui avez une formation en notariat, vous devez parfaitement comprendre cela. Lorsqu'il s'agit de legs, à ce moment-là, il y a une énorme différence entre la possibilité pour le testateur d'avoir une déduction fiscale de 100 % du don qu'il fait à la fondation ou d'avoir une déduction jusqu'à une concurrence de 20 % du revenu de l'année précédente.

Donc, il s'agit d'un projet de loi assez technique qui avait pour but de faciliter aux universités québécoises la possibilité d'obtenir des legs des différentes personnes qui pouvaient leur en faire. Il faut être conscient que, dans ce domaine-là, les universités québécoises étaient en rivalité avec les universités des autres provinces canadiennes qui bénéficient déjà de dispositions semblables dans les lois constitutives, et je fais référence très spécifiquement au Manitoba, à l'Ontario et au Nouveau-Brunswick. Donc, un projet de loi qui a, dans sa structure, dans son objet, une mesure pour faciliter la possibilité pour les universités d'aller chercher ou augmenter la part qu'elles peuvent obtenir en dons ou en legs.

Deuxième élément, M. le Président. Ce projet de loi prévoyait, à l'intérieur des mécanismes pour la nomination des gens sur le conseil d'administration, des mécanismes de reddition de comptes. Le projet de loi, tel qu'il avait été déposé pour la première fois à l'Assemblée nationale, faisait peu cas de cette question de reddition de comptes. Et je dois dire, et c'est l'exemple d'une bonne collaboration en commission parlementaire entre les différents parlementaires, que le projet de loi a été amendé – et c'est l'objet des amendements qui ont été joints à l'heure actuelle au rapport de la commission – de manière à augmenter ce qu'on appelle l'imputabilité de ces fondations devant les parlementaires.

Ça veut dire quoi? Ça veut dire que, d'une part, les fondations pourront être vérifiées par le Vérificateur général, c'est-à-dire elles feront l'objet d'une vérification possible par le Vérificateur général, et, deuxièmement, ces rapports de vérification seront, bien sûr, transmis à la ministre mais aussi transmis aux parlementaires, c'est-à-dire déposés à l'Assemblée nationale et transmis aux parlementaires qui pourront à ce moment-là en prendre pleinement conscience.

Il y a dans cette approche le résultat d'une collaboration qu'il y a eu entre les parlementaires, qu'ils soient ministériels ou parlementaires de l'opposition, quant à l'étude du projet de loi. Et je me dois ici, une deuxième fois, de féliciter cette ministre – j'insiste sur le «cette» – pour son esprit d'ouverture lorsque a été approchée l'étude article par article du projet de loi en commission parlementaire, car on a pu arriver à une certaine entente.

Je voudrais, M. le Président, néanmoins soulever un problème qui n'a pas été réglé en commission parlementaire, qui est un problème néanmoins mineur, donc qui ne justifierait pas, de notre côté, une raison pour voter contre le projet de loi, mais qui existe néanmoins, problème que nous n'avons pas, nous, parlementaires de l'opposition, été en possibilité de corriger, car, compte tenu de notre règlement, vous savez que tout amendement à un projet de loi qui a une incidence financière ne peut pas être présenté par quelqu'un d'autre qu'un membre du gouvernement.

Alors, je vais vous l'expliquer, quel est le problème. Il est assez technique et vous allez le comprendre facilement. Les articles 12 et 14 du projet de loi... Et je vais vous les lire pour que vous compreniez bien, M. le Président, de même que l'ensemble des parlementaires et particulièrement la ministre, car elle pourrait encore, si je comprends bien, lorsqu'on fera l'étude en troisième lecture, déposer l'amendement que je souhaiterais qu'elle dépose.

Je vous explique le problème. Le problème, c'est qu'à l'article 12 on spécifie bien, dans les pouvoirs de la fondation: «Dans la poursuite de sa mission, la fondation peut recevoir des libéralités, notamment sous forme de donation ou de legs, et agir comme administrateur ou fiduciaire des biens qui lui sont confiés à l'un ou l'autre de ces titres.» Alors, il faut bien être conscient que ce que la fondation peut recevoir, c'est non seulement des biens meubles, où à ce moment-là il n'y a pas de questions, mais aussi des biens immeubles. Il faut être conscient aussi que la fondation peut remettre tous les biens qu'elle reçoit à l'université pour laquelle elle agit.

L'article 14 spécifie d'ailleurs: «La fondation doit, dans les 60 jours suivant la fin de son exercice financier, remettre à l'établissement d'enseignement les biens reçus au cours de cet exercice – ce qui est très clair – ou qu'elle a acquis en remplacement d'un bien, et qui ne sont pas nécessaires à l'exercice de ses fonctions.» Mais il y a un «toutefois». «Toutefois, l'établissement d'enseignement peut renoncer à la remise d'un bien et requérir que ce bien soit administré par la fondation, pour la durée que détermine l'établissement.» Ce que vous voyez par l'écriture du projet de loi, c'est que, lorsque la fondation va recevoir des biens immeubles, elle sera peut-être plus à même de gérer ces biens immeubles qu'une université qui a une autre vocation que celle de gérer des biens immeubles. Et il serait peut-être intéressant pour l'université de dire à la fondation: Continuez à gérer ces biens immeubles et donnez-nous simplement l'usufruit des résultats de la gestion des biens immeubles. C'était clairement prévu aux articles 12 et 14.

Donc, jusqu'à maintenant, le projet de loi se tient parfaitement, sauf lorsqu'on aborde la question de la taxation. Vous savez, à l'heure actuelle, que les biens immeubles possédés par les universités sont exempts et de taxes foncières et de taxes municipales, et il y a ce qu'on appelle les «en lieu» de taxes qui sont versés aux municipalités et aux commissions scolaires. Alors, on se trouve dans la situation très bizarre suivante: un bien immeuble, lorsqu'il est géré par la fondation au nom de l'université, devient un bien qui continue à être taxable en termes de taxes, sur les taxes foncières, c'est-à-dire les taxes municipales et les taxes scolaires, tandis que, lorsqu'il serait cédé à l'institution, il deviendrait exempt de taxes parce que ça serait un bien qui serait une propriété d'une corporation universitaire. Vous savez que, dans les chartes des différentes universités du Québec, il y a cette possibilité, cette exemption de taxes foncières et de taxes scolaires.

(0 h 40)

Alors, ce qui fait que, pratiquement, ce phénomène de taxation a pour effet que l'article 14, qui, à mon sens, me semblait un article extrêmement important, celui qui disait que, dans le fond, une institution d'enseignement a pour vocation première non pas de gérer des biens immeubles, mais de recevoir et de dispenser la recherche et l'enseignement et que la fondation aurait pu, elle, faire la gestion des biens immeubles...

Si la fondation fait cette gestion des biens immeubles, ces dits biens immeubles deviennent soumis aux taxes foncières, municipales et scolaires, tandis que, dès qu'ils vont être rétrocédés à l'université, ils ne seront plus soumis aux taxes municipales et scolaires. Ce qui a pour effet que le simple jeu de l'économie va pousser les fondations à rétrocéder le plus rapidement possible les biens immeubles qu'elles auraient acquis aux institutions, de manière à les exempter des taxes scolaires et municipales et, par le fait même, à ne plus pouvoir priver, disons, les institutions de l'exercice du deuxième paragraphe de l'article 14 qui prévoyait que c'étaient les fondations qui pouvaient gérer les biens immeubles.

Alors, M. le Président, dans ce sens-là et pour contrer ce qui semblait, à première vue, une anomalie à l'intérieur du projet de loi, on pourrait le corriger extrêmement facilement. Et je resoumets ici, dans la prise en considération du rapport, à la ministre, et tout en étant bien conscient, M. le Président, que nous ne pouvons pas et nous n'avons pas pu, comme parlementaires, le présenter en commission parce que c'était un amendement qui avait une incidence financière et que tout amendement qui a une incidence financière ne peut être présenté que par un membre du gouvernement... On pourrait, par exemple, réinclure un article dans ce projet de loi, qui aurait pour effet de dire que les biens immeubles d'une fondation sont exempts de toute taxe foncière, municipale et scolaire et que les deuxième et troisième alinéas de l'article 208 de la Loi sur la fiscalité municipale ne s'appliquent pas à un tel immeuble. Autrement dit, on exempterait aussi les biens immeubles des fondations des taxations scolaires et municipales, ce qui permettrait de faire en sorte que, si une fondation reçoit un bien immeuble, elle n'ait pas la tentation immédiate de le céder à l'université comme tel pour l'exempter de la taxation municipale et scolaire.

Je le resoumets aujourd'hui, M. le Président, à la ministre, en espérant qu'elle puisse à nouveau le prendre en considération. Il me semble que c'est dans l'économie du projet de loi, où on dit: Nous créons à l'heure actuelle des fondations qui sont des organismes mandataires du gouvernement, qui sont à côté des universités et qui auront pour effet de recevoir, en leur nom, des legs ou des donations et de rétrocéder l'usufruit de ces donations à l'institution universitaire.

Si on ne veut pas que la tentation des fondations soit de rétrocéder immédiatement les biens immeubles aux institutions universitaires, il me semble qu'il serait important que le projet de loi prévoie un article sur l'exemption de taxes pour les biens immeubles détenus par les fondations.

En terminant, M. le Président, rappelons aussi que, dans les amendements qu'ils vous ont soumis, il était important de voir aussi ce qui arrivait aux biens reçus par une fondation, advenant la disparition de l'institution pour laquelle la fondation avait été créée. Vous me direz: Est-ce que c'est purement hypothétique? Je me permettrai de vous dire non. Bien sûr, les grandes universités, il n'est pas question de les supprimer, enfin ce serait, quant à moi, une chose un peu bizarre.

Néanmoins, l'article 1 du projet de loi étend le concept d'institution universitaire d'une manière assez large, au point que les instituts de recherche pourraient être assimilables à une institution universitaire et que l'on pourrait, pour un institut de recherche, créer, par exemple, une fondation. On a vu dans le passé, par exemple, et je pense très spécifiquement à l'Institut québécois de recherche sur la culture qui a été amené à devoir être réinséré, réinstauré à l'intérieur d'une université... Donc, il est possible que, pour des établissements de moindre importance, on ait la possibilité de devoir arriver à voir une fin de l'institution.

Alors, M. le Président, c'est essentiellement cela que couvrait le projet de loi, un projet de loi où, d'une part, on crée un organisme mandataire du gouvernement, un organisme mandataire du gouvernement qui va pouvoir à ce moment-là recevoir des dons et des legs avec une possibilité de déductions fiscales qui arrivent à la totalité du revenu du testataire durant l'année où l'on a considéré le don, premièrement.

Deuxièmement, le projet de loi, on l'a, je dirais, amélioré, de concert avec l'opposition, et je dois encore une fois rendre témoignage à l'esprit de collaboration qui a prévalu à l'intérieur de la commission parlementaire quant à l'étude article par article du projet de loi, où on a pu corriger un certain nombre d'anomalies qui étaient présentes quant à l'imputabilité, par exemple, des fondations ou quant à la manière dont ces fondations devaient rendre compte ou quant à la nomination des vérificateurs.

Troisièmement, M. le Président, ce qui arrive des sommes détenues par les fondations advenant la disparition de l'institution, c'était nécessaire de le prévoir, on l'a corrigé de part et d'autre, et je crois qu'il y a un amendement qui a été déposé par la ministre à cet effet pour prévoir la cessation d'existence d'une corporation universitaire.

Il reste ce trou, qui, pour moi, est un trou, celui de la taxation, de l'exemption de taxes foncières des immeubles détenus par les fondations. Je crois qu'il y a un manque, une espèce d'illogisme entre la rédaction du deuxième paragraphe de l'article 14 et cette absence d'exemption de taxes foncières. Je souhaite, M. le Président, qu'éventuellement la ministre reprenne mes remarques et, lorsqu'on arrivera en troisième lecture, lorsqu'on fera l'adoption finale du projet de loi, peut-être viendra-t-elle avec une modification et déposera-t-elle un nouveau papillon qui corrigerait cette anomalie.

Mais, dans l'ensemble, M. le Président, c'est un projet de loi qui répond au voeu de la communauté, un projet de loi qui a été étudié avec un esprit de collaboration par la ministre, et, de notre côté, nous allons voter en faveur de la prise en considération du rapport de la commission. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Verdun. Nous cédons maintenant la parole au député de Marquette.


M. François Ouimet

M. Ouimet: Merci, M. le Président. À mon tour, il me fait plaisir de prendre la parole sur le projet de loi n° 45, Loi sur les fondations universitaires. Et, moi aussi, je tiens à féliciter la ministre de l'Éducation pour cet excellent projet de loi. La ministre de l'Éducation me reproche assez souvent de ne pas reconnaître les bons coups qu'elle effectue, et je dois vous dire qu'au niveau de l'enseignement supérieur c'est un bon projet de loi et je tiens à le souligner.

Je tiens aussi à indiquer que son collègue, et notre collègue, le député de Lotbinière a également travaillé très fort au niveau de ce projet de loi là, il a fait un travail... Il travaille souvent dans l'ombre, le député de Lotbinière, mais je tiens à lui rendre hommage ce soir, parce que je sais qu'il est grandement responsable de ce projet de loi. Effectivement, il mérite des félicitations, pas tout le temps, pas tout le temps, parce que l'autre soir, on se rappelle, sur le projet de loi n° 77, ses 43 municipalités étaient affectées, mais il ne s'est pas levé. Quarante-quatre? Alors, l'autre soir, c'était 43, on est rendu à 44. Mais, à tout le moins, sur celui-là, il a fait un excellent travail, et je pense qu'il mérite des félicitations.

(0 h 50)

M. le Président, un projet de loi comme celui-ci n'est pas... Ce n'est pas par générosité que le gouvernement rédige des projets de loi, les dépose à l'Assemblée nationale, en fait l'étude en commission parlementaire. C'est que, bien sûr, le gouvernement y retrouve son compte. Le gouvernement retrouve son compte avec ce projet de loi là. Comment retrouve-t-il son compte? Eh bien, le gouvernement met sur pied une fondation universitaire qui permet aux citoyens et aux citoyennes de faire des dons à cette fondation. Les citoyens et citoyennes qui font des dons à la fondation peuvent par la suite obtenir des crédits d'impôt.

Les fondations universitaires – et je tiens à le souligner – existaient avant l'arrivée de ce projet de loi, mais, avec ce projet de loi, les crédits d'impôt seront beaucoup plus généreux. Avant, ils se limitaient à 20 % du revenu annuel des contribuables, alors qu'avec ce projet de loi, lorsqu'il sera adopté, bien, il sera possible de bénéficier de crédits d'impôt sur la totalité des sommes données, peu importe le revenu du donateur.

Alors, placez-vous dans la peau du gouvernement, qui est à la recherche de revenus partout; placez-vous dans la peau de la ministre de l'Éducation et de ses fonctionnaires, de l'ensemble des sous-ministres. Ils ont prévu un article, dans le projet de loi, qui est presque anodin mais qui a son importance, c'est l'article 20. L'article 20 stipule: «La fondation transmet au ministre et à l'établissement d'enseignement, dans les quatre mois qui suivent la fin de chaque exercice financier, le rapport de vérification de ses comptes accompagné d'un état détaillé des biens reçus et de leur utilisation.» Le gouvernement veut être au courant des biens que reçoit la fondation et comment ces biens sont utilisés. On dit aussi: «L'état doit contenir en outre tous les renseignements relatifs à la mission de la fondation qu'exige le ministre.»

Alors, M. le Président, ça devient évident. Lorsque les universités font des demandes de subventions auprès du gouvernement, le gouvernement va aller voir dans les états financiers des fondations pour savoir il y a combien d'argent dans la fondation et quels biens ont été donnés à la fondation. Et là le gouvernement va pouvoir avoir une réponse face à la demande de l'université, et la ministre de l'Éducation va dire aux universités: Vous avez x millions de dollars dans votre fondation, voulez-vous épuiser cette somme d'argent là avant de nous faire quelque demande que ce soit? Et c'est là qu'on comprend l'intérêt du gouvernement du Québec par rapport à la mise sur pied des fondations universitaires. Et ce n'est pas bête et nous sommes tout à fait d'accord avec cela, encore qu'il faille bien comprendre cependant que, lorsque le gouvernement accorde des crédits d'impôt, le gouvernement qui accorde des crédits d'impôt à des individus, eh bien, ce sont des sommes d'argent que le gouvernement ne pourra pas percevoir en impôts. Donc, le corollaire n'est pas bête: la fondation qui fait un don à l'université, ce qui évite au gouvernement de financer.

Alors, vous l'avez bien compris, M. le Président, je l'ai bien compris, et c'est pour ça qu'il y a une utilité à adopter ce projet de loi là, parce que normalement, lorsque le gouvernement perçoit des impôts, les sommes d'argent vont dans les fonds consolidés du gouvernement, le gouvernement redistribue les sommes d'argent selon les priorités qu'il s'est données. Mais la ministre de l'Éducation, elle, sait, malgré son discours, que l'éducation, ce n'est pas la priorité de ce gouvernement-là. Elle le sait. Elle a trouvé le moyen d'aller chercher un petit peu plus d'argent pour le réseau universitaire, parce que des crédits d'impôt accordés aux individus qui font des dons à des fondations, bien, ça va indirectement, et puis par la suite directement, servir l'enseignement supérieur, parce que les individus feront des dons à la fondation qui, elle, devra transmettre ces biens-là à l'université.

Donc, la ministre de l'Éducation atteint son objectif. Elle dit: J'ai un premier ministre qui dit dans ses discours que l'éducation est une priorité et non seulement une priorité, mais la priorité des priorités. Mais, quand je regarde ses gestes, à ce premier ministre là... Il demande au ministre au Finances, qui demande au président du Conseil du trésor, qui me demande, à moi, la députée de Taillon, la ministre de l'Éducation, de couper 625 000 000 $ pour l'année budgétaire 1995-1996, et puis, pour l'année 1996-1997, c'est-à-dire les crédits qui seront votés pour la prochaine année scolaire, le gouvernement me demande d'aller chercher 700 000 000 $. Et là on sait, avec la réponse que nous avons obtenue des centrales syndicales aujourd'hui, que l'effort ne viendra pas du côté syndical. Si l'effort ne vient pas du côté syndical, il va nécessairement venir, eh oui, des mêmes clientèles, des élèves, des parents, des contribuables.

Donc, la ministre s'est dit: Je me fais critiquer par mes critiques en éducation, je me fais passer à tabac par l'ensemble des clientèles dans les réseaux; il va falloir que je trouve une façon d'aller récupérer un peu plus d'argent, et je vais y aller par le biais de la fondation universitaire. Parce que, en apparence, ça semble ne rien coûter à l'État. Mais, dès que l'État accorde des crédits d'impôt, on sait que l'État perd des revenus, parce qu'il ne peut pas prélever des impôts lorsqu'il accorde des crédits d'impôt sur les montants qui sont accordés sous forme de dons, sous forme de donations. Et vous, comme notaire, M. le Président, vous comprenez très bien ces choses-là.

Donc, on se doit, nous, je pense, de féliciter la ministre, féliciter surtout le député de Lotbinière pour le travail qu'il a effectué et mon collègue le député de Verdun qui a bonifié le projet de loi. Et, chaque fois que nous sommes face à un bon projet de loi, nous n'hésitons jamais à apporter notre collaboration pour l'améliorer, pour que ça serve les intérêts des citoyens et des citoyennes, et en l'occurrence, ici, les intérêts de la clientèle universitaire, qui aura plus d'argent pour répondre à ses besoins, compte tenu du fait que le gouvernement sabre et coupe dans les budgets de l'éducation.


Mise aux voix des amendements de la ministre

Le Vice-Président (M. Pinard): Les amendements proposés par Mme la ministre de l'Éducation sont-ils adoptés?

Des voix: Adopté.


Mise aux voix du rapport amendé

Le Vice-Président (M. Pinard): Le rapport, tel qu'amendé, de la commission de l'éducation portant sur le projet de loi n° 45, Loi sur les fondations universitaires, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Brassard: L'article 39, M. le Président.


Projet de loi n° 60


Prise en considération du rapport de la commission qui en a fait l'étude détaillée et de l'amendement du ministre

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, l'article 39 de notre feuilleton: l'Assemblée prend en considération le rapport de la Commission du budget et de l'administration sur le projet de loi n° 60, Loi modifiant la Loi sur les assurances, ainsi que l'amendement transmis en vertu de l'article 252 du règlement par M. le ministre des Finances. Cet amendement est déclaré recevable. Y a-t-il des interventions sur ce rapport ainsi que sur cet amendement?


Mise aux voix de l'amendement du ministre

Alors, l'amendement proposé par M. le ministre des Finances est-il adopté?

Des voix: Adopté.


Mise aux voix du rapport amendé

Le Vice-Président (M. Pinard): Le rapport, tel qu'amendé, de la commission du budget et de l'administration portant sur le projet de loi n° 60, Loi modifiant la Loi sur les assurances, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader adjoint du gouvernement.

(1 heure)

M. Brassard: Oui, allons-y pour l'article 42, M. le Président.


Projet de loi n° 73


Prise en considération du rapport de la commission qui en a fait l'étude détaillée et de l'amendement du ministre

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, à l'article 42 de notre feuilleton, l'Assemblée prend en considération le rapport de la commission du budget et de l'administration sur le projet de loi n° 73, Loi concernant la Commission administrative des régimes de retraite et d'assurances et modifiant diverses dispositions législatives en matière de retraite, ainsi que l'amendement transmis en vertu de l'article 252 du règlement par M. le ministre délégué à l'Administration et à la Fonction publique et président du Conseil du trésor. Cet amendement est déclaré recevable. Y a-t-il des interventions sur ce rapport ainsi que sur cet amendement? M. le député de Verdun.


M. Henri-François Gautrin

M. Gautrin: M. le Président, à cette heure tardive, je vais essayer d'expliquer brièvement ce projet de loi qui est extrêmement important et qui est de nature relativement technique.

Premièrement, il est le résultat d'une entente, une entente entre les parties, c'est-à-dire les différents syndicats avec lesquels le gouvernement négocie – je ne vous en ferai pas la liste ici – et il a essentiellement pour objet de séparer le RREGOP – vous savez que le RREGOP était le régime de pension des employés du gouvernement – de le séparer en deux régimes qui vont devenir deux régimes autonomes.

Il existait déjà à l'intérieur du RREGOP une distinction entre ce qu'on appelait le RREGOP syndicable et le RREGOP non syndicable, c'est-à-dire le RREGOP qui couvrait principalement, donc, les cadres et certains professionnels et l'autre qui couvrait les autres employés du gouvernement. Mais c'était un seul fonds de pension en ce qui touchait son administration et sa gestion.

En substance, le projet de loi, actuellement, M. le Président – et je ne touche pas aux modifications mineures qui touchent le régime de pension des agents de la paix du gouvernement – essentiellement va, disons, officialiser ou terminer la division du Régime de rentes en deux régimes qui vont maintenant être complètement autonomes. Il y avait déjà deux évaluations actuarielles, comme vous le savez parfaitement; maintenant, il va y avoir deux comités de retraite, deux mécanismes d'appel, deux systèmes de gestion parallèles entre les deux fonds de pension. Alors, ça a demandé, bien sûr, énormément de modifications à caractère technique, parce qu'on ne divise pas un régime de pension de la taille du RREGOP sans que ça doive changer une multitude d'articles de loi.

Et ce projet de loi, en plus, va augmenter les pouvoirs du comité de retraite: on crée à ce moment-là à l'intérieur du RREGOP deux comités de retraite qui vont être consultés quant à l'utilisation de ce qu'on pourrait appeler les surplus actuariels. Alors, ça permet, disons, d'avoir une meilleure participation des membres des deux comités, des deux régimes de pension, à la gestion même... Disons, pas nécessairement à la gestion, mais comme conseil à la manière dont sont gérés les deux régimes de retraite.

M. le Président, on a eu, comme parlementaires, une étude assez poussée, parce que ça a pris un certain temps. Je pense que le président de la commission peut en témoigner ici, en commission parlementaire. Mais, comme c'est le résultat d'une entente, je dois dire qu'on va voter, nous, comme opposition, en faveur du projet de loi. Je me permettrai néanmoins de bien signaler qu'en commission parlementaire l'opposition s'est surtout assurée de voir à ce que l'entente telle qu'elle avait été négociée par les parties, qui était donc une entente écrite, négociée par les parties, soit bien inscrite et transposée en termes législatifs dans le projet de loi.

Alors, M. le Président, je serai assez bref à cette heure tardive. C'est ce qu'il y a dans le projet de loi n° 73. Lorsqu'on arrivera au vote sur le projet de loi, ce qu'on appelle la troisième lecture, j'aurai la chance de pouvoir refaire les commentaires qu'on pourrait avoir de notre côté, lorsque l'ensemble des ministres seront là, pour pouvoir leur dire les craintes que nous avons quant à l'utilisation abusive du surplus actuariel. Mais ça, c'est un débat qui est d'une autre nature et qu'on peut évidemment aborder lorsqu'on discute du RREGOP, mais qui n'est pas l'objet principal du projet de loi, le projet de loi voulant simplement vraiment diviser en deux le Régime de retraite des employés du gouvernement, ce qui, somme toute, est assez sain et est le résultat d'une négociation. Dans ce sens-là, M. le Président, nous allons voter en faveur du projet de loi.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Verdun. Y a-t-il d'autres intervenants sur l'adoption du rapport de la commission du budget et de l'administration?


Mise aux voix de l'amendement du ministre

Alors, l'amendement proposé par M. le ministre délégué à l'Administration et à la Fonction publique et président du Conseil du trésor est-il adopté?

Des voix: Adopté.


Mise aux voix du rapport amendé

Le Vice-Président (M. Pinard): Le rapport, tel qu'amendé, de la commission du budget et de l'administration portant sur le projet de loi n° 73, Loi concernant la Commission administrative des régimes de retraite et d'assurances et modifiant diverses dispositions législatives en matière de retraite, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Brassard: M. le Président, nous passons à l'article 44.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, l'article 43?

M. Brassard: L'article 44.


Projet de loi n° 46


Adoption

Le Vice-Président (M. Pinard): Oui, 44. Excusez-moi. À l'article 44 de notre feuilleton, M. le ministre des Affaires municipales propose l'adoption du projet de loi n° 46, Loi concernant certains rôles d'évaluation foncière dressés sous la responsabilité de la Municipalité régionale de comté de Portneuf. Y a-t-il des interventions sur l'adoption du projet de loi n° 46? Alors, Mme la ministre de Jean-Talon.

Mme Delisle: Pas encore. Pas ce soir.

Le Vice-Président (M. Pinard): Excusez-moi, Mme la députée de Jean-Talon et critique officielle de l'opposition en matière d'affaires municipales.


Mme Margaret F. Delisle

Mme Delisle: Merci, M. le Président. Alors, nous sommes à l'adoption finale du projet de loi n° 46, projet de loi qui permet à la Municipalité régionale de comté de Portneuf d'aller de l'avant avec la confection du rôle d'évaluation foncière.

Je serai très brève, M. le Président. C'est un projet de loi qui aurait dû être déposé par le gouvernement à la session du printemps dernier, qui est arrivé en papillon en même temps que, d'ailleurs... sur le même article de loi, dans le cadre du projet de loi n° 24, et qui touchait le gel du rôle de Montréal ainsi que la désynchronisation du rôle, en fait, de la Communauté urbaine de Montréal. Alors, je tiens à vous rappeler que vous étiez le président qui avez rendu la décision sur l'irrecevabilité de cet article, dans le cadre du projet de loi n° 24. Donc, on s'était engagés, nous, dans l'opposition, à activer le processus avec la MRC de Portneuf. C'est la phase finale. Donc, depuis que ce projet de loi là a été étudié en commission parlementaire, on est d'accord avec. Nous sommes donc en faveur de l'adoption de ce projet de loi là, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la députée de Jean-Talon. Y a-t-il d'autres intervenants sur l'adoption du projet de loi n° 46?


Mise aux voix

Alors, le projet de loi n° 46, Loi concernant certains rôles d'évaluation foncière dressés sous la responsabilité de la Municipalité régionale de comté de Portneuf, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader adjoint du gouvernement.

(1 h 10)

M. Brassard: L'article 41, M. le Président.


Projet de loi n° 72


Prise en considération du rapport de la commission qui en a fait l'étude détaillée

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, à l'article 41 de votre feuilleton, l'Assemblée prend en considération le rapport de la commission de l'aménagement et des équipements sur le projet de loi n° 72, Loi modifiant les lois constitutives des communautés urbaines et d'autres dispositions législatives. Y a-t-il des interventions sur l'adoption du rapport de la commission de l'aménagement et des équipements? Mme la députée de Jean-Talon.


Mme Margaret F. Delisle

Mme Delisle: Merci, M. le Président. Alors, il me fait plaisir d'intervenir sur l'adoption du... Qu'est-ce que c'est déjà? Excusez-moi. Oui, mais c'est l'acceptation du... la prise en considération du rapport. Excusez-moi, monsieur, j'ai un blanc de mémoire. M. le Président, il est 1 h 10. Alors, je recommence donc.

Le projet de loi n° 72 concerne la Loi modifiant les lois constitutives des communautés urbaines, donc: la Communauté urbaine de l'Outaouais, celle de Québec et celle de Montréal. Beaucoup d'articles de concordance, M. le Président. Je vais très brièvement toucher ce projet de loi là, puisque je reviendrai plus en détail lors de l'adoption finale du projet de loi.

Alors, ici, il y a concordance avec les assouplissements qui avaient été accordés dans le cadre du projet de loi n° 24, du projet de loi n° 68 aussi qui touchait les allégements des contrôles ministériels, concordance aussi en ce qui regarde... Pour les trois communautés urbaines, il y a des amendements qui ont été accordés. À une des communautés urbaines... Donc, évidemment, on retrouve ces concordances-là dans le projet de loi avec les deux autres. Quelques-unes à signaler, M. le Président. La mécanique d'élection du président du comité exécutif de la Communauté urbaine de l'Outaouais, de la Communauté urbaine de Québec, en cas d'égalité des voix.

Il y avait aussi l'autorisation pour les communautés urbaines de contribuer jusqu'à 1 000 000 $ dans un fonds qui permettrait la création de SOLIDE. Vous savez que ça concerne le développement économique. Les MRC avaient ce privilège-là. Alors, le gouvernement a décidé de l'accorder aussi aux trois communautés urbaines. La possibilité, M. le Président, pour un membre du comité exécutif qui ne peut pas être présent durant une réunion extraordinaire, mais dans des circonstances exceptionnelles... Donc, pour ce membre de l'exécutif, d'assister à la réunion et de voter par voie téléphonique, mais, je répète, circonstances exceptionnelles, à l'occasion aussi d'une séance extraordinaire. On a donné notre accord à ça. Ça va permettre d'alléger le processus. Mais on a évidemment bien questionné le ministre sur la définition des circonstances exceptionnelles. Transmission de l'avis de convocation, aussi pour une séance extraordinaire, par voie de télécopieur. Encore là, des fois c'est des situations extraordinaires comme des emprunts. Alors, ça obligeait les gens à se déplacer, des fois il y avait des gens à l'extérieur. Donc, cette situation-là sera permise uniquement dans ces cas-là.

Il y a aussi, pour la Communauté urbaine de Québec et pour la Communauté urbaine de Montréal et celle de l'Outaouais, la possibilité d'établir des bandes cyclables. On a des pistes cyclables, et tout le monde les connaît. Maintenant, les communautés urbaines veulent aussi avoir droit de regard sur les bandes cyclables, ces fameuses bandes qu'on retrouve dans l'emprise de la rue et qui garnissent, ces lignes blanches qui garnissent toutes nos rues et nos routes au Québec.

J'aimerais parler plus précisément de la Communauté urbaine de Québec, vous ne m'en voudrez pas. Vous comprendrez que ce n'est pas que je n'aime pas les deux autres communautés, mais disons que je la connais un petit peu plus, M. le Président. Il y a des modifications qui avaient été sollicitées par la Communauté urbaine de Québec et qui lui avaient été refusées. J'en profite ici pour remercier les membres de la commission qui, lors de l'étude article par article, m'ont permis de revenir avec ces demandes-là. Il y a eu acceptation de certains amendements pour la Communauté urbaine, qui ont été acceptés, et d'autres, après explications, qui ont été retardés, en fait, au printemps. Le ministre s'est engagé, entre autres, à regarder...

(1 h 20)

Je vais vous expliquer de quoi il s'agit, M. le Président. Il s'agit du fonds de roulement. La Communauté urbaine de Québec a la possibilité actuellement, par le biais de sa charte, de se constituer un fonds de roulement, ce qu'elle a fait. Mais, pour y contribuer, elle doit faire un règlement d'emprunt, ce qui est un peu ridicule alors que toutes les villes du Québec peuvent se constituer un fonds de roulement en y envoyant, en y affectant, devrais-je dire, une partie du surplus. Semble-t-il, là, qu'on a un petit problème, au niveau du ministère, avec cette notion du surplus là: Comment se fait-il que les villes puissent cumuler tant de surplus? Alors, on s'est rangé à la proposition du ministre d'attendre au printemps, mais avec l'engagement qu'il nous reviendrait possiblement avec une révision complète de la mécanique pour les communautés urbaines en ce qui regarde l'affectation du surplus au fonds de roulement.

M. le Président, c'est essentiellement ce dont je voulais parler. Je reviendrai, comme je vous l'ai dit, peut-être de façon plus éloquente dans la journée, plutôt que la nuit, aussi lors de l'adoption finale du projet de loi. Merci.


Mise aux voix du rapport

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci beaucoup, Mme la députée de Jean-Talon. Comme il n'y a pas d'autres intervenants, le rapport de la commission de l'aménagement et des équipements portant sur le projet de loi n° 72, Loi modifiant les lois constitutives des communautés urbaines et d'autres dispositions législatives, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Brassard: L'article 35.


Projet de loi n° 15


Prise en considération du rapport de la commission qui en a fait l'étude détaillée

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, à l'article 35 de votre feuilleton. L'Assemblée prend en considération le rapport de la commission des institutions sur le projet de loi n° 15, Loi concernant la mise en oeuvre de l'Accord sur le commerce intérieur. Y a-t-il des interventions? Alors, M. le député de Châteauguay.


M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier: Merci, M. le Président. Alors, il me fait plaisir d'intervenir sur la prise en considération du rapport, parce que, effectivement, il y a un rapport à faire, M. le Président. Un rapport à faire suite à la tenue d'une séance de la commission des institutions où nous avons discuté, bien sûr, de l'Accord sur le commerce intérieur, son contenu, l'étendue qu'on devrait y donner à l'avenir, le travail qu'il faudrait faire pour en étendre la portée, pour améliorer le mécanisme de solution des différends. Nous avons convenu, des deux côtés, que cet Accord était un bienfait pour le Québec. Le ministre en a profité pour saluer le travail du Parti libéral alors qu'il formait le gouvernement, qui a amené la conclusion de cet Accord. Nous avons tous convenu que cet Accord constituait le fruit de l'interprovincialisme et que cet Accord permettait de voir l'avenir en poursuivant, en intensifiant cette dynamique, M. le Président.

Et je comprends pourquoi c'est à 1 h 20 qu'on discute de ce projet de loi. Le gouvernement n'aime pas tellement, M. le Président, les projets de loi qui montrent que ça peut fonctionner, qui montrent qu'on peut tirer des avantages du partenariat qui existe déjà, qu'on peut bonifier, qu'on peut améliorer, duquel on pourra avoir d'autres fruits, mais duquel, de notre côté, on pense que de ces fruits-là il ne faut pas abattre l'arbre qui les produit.

Alors, je voudrais, M. le Président, profiter des quelques minutes qui me sont données, malgré l'heure tardive, malgré qu'on ne veuille pas en discuter à visage découvert, pour quand même vous dire que, durant cette commission, des choses assez extraordinaires se sont révélées.

D'abord, il faut vous dire que le projet de loi n° 15 est divisé en deux parties. La première est d'ordre purement symbolique. Elle consiste à mettre en vigueur un accord déjà en vigueur; elle consiste à donner au gouvernement le pouvoir de nommer des ministres ou des personnes, selon différents articles de l'Accord, pouvoir que le gouvernement avait déjà exercé avant même que la loi soit adoptée. Elle ne l'est pas encore et ces gens sont déjà tous nommés. Alors, on voit bien que c'était purement symbolique.

Deuxième étape de ce projet de loi, M. le Président, là où il y a vraiment un effet juridique... Le ministre nous a dit d'ailleurs qu'à l'égard de la première partie il n'y avait aucun effet juridique, ni pour le gouvernement ni pour les citoyens. Purement symbolique.

Deuxième partie, la partie qui concerne la Loi sur les agents de voyages, là où il y a un effet juridique – j'y reviendrai tantôt – le gouvernement est en retard d'à peu près six mois pour l'adopter, démontrant ainsi qu'il a beau parler de partenariat, mais quand il est lié par un partenariat, il ne l'applique pas, il fait preuve de mauvaise foi, M. le Président, et je vais y revenir tantôt.

Je voudrais d'abord attirer l'attention de ceux qui nous écoutent. Et je ne parle pas nécessairement de ceux qui sont dans cette pièce, parce que je dois vous avouer, M. le Président, qu'à part mon collègue, de mon côté, je suis un peu découragé. Je suis un peu découragé, M. le Président, de voir qu'il faut qu'on se lève si souvent pour essayer de convaincre en cette Chambre; et, pourtant, il ne semble pas y avoir des signaux à l'effet que ça donne un succès, qu'on y réussit quelque chose. Il y a de mes collègues qui sont au moins attentifs en face de moi, et j'espère qu'ils vont écouter ce que je vais leur faire comme rapport, à propos de la commission des institutions, sur ce projet de loi. Parce que c'est assez étonnant. Peut-être que vous pourrez, M. le Président, peut-être que mes collègues d'en face pourront en discuter à un prochain caucus.

Je voudrais demander comme question au ministre, à propos de l'article 6 de ce rapport, M. le Président... Vous savez, il y avait une demande de l'ancien ministre Paillé – bon, on peut l'appeler ainsi puisqu'il nous a quittés, M. le Président – l'ancien député de Prévost, le ministre Paillé, avait écrit au ministre Manley pour lui dire – et c'est une de ses demandes, une de ses revendications à l'égard de la loi fédérale qui mettait en vigueur l'Accord sur le commerce intérieur – entre autres: S'il y a un décret qui annonce des représailles, il faut que ce décret n'ait de force que pour un an. Il écrivait ça dans ses lettres au ministre Manley, et il disait au ministre Manley: Vous devez mettre ça dans votre projet de loi.

Le ministre Manley a répondu: Bien non, on ne peut pas faire ça, pas vraiment, l'Accord ne nous lie pas. Alors, le ministre Paillé part une chicane là-dessus. Moi, je vais en commission, je demande au ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes – qui n'est pas le seul, soit dit en passant, qui s'occupe de ce projet de loi; ça aurait peut-être été préférable que ce soit la ministre déléguée à l'Industrie et au Commerce, ils sont deux; il y a l'air d'y avoir des dédoublements au sein même du gouvernement, mais, ça, c'est autre chose, M. le Président, je pourrai y revenir dans un autre débat – je pose la question au ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes, M. le Président: Qu'est-ce que vous en penseriez si, dans votre projet de loi, vous mettiez aussi que le décret de représailles dure un an?

Savez-vous qu'est-ce qu'il m'a dit? Il m'a dit que c'était une demande futile, M. le Président, que c'était inutile. Il ne se souvenait pas, lui, qu'un de ses collègues de ce même gouvernement avait créé une chicane avec Ottawa sur le fait qu'il fallait donner un délai d'un an. Alors, je lui ai dit, M. le Président, que j'étais étonné, qu'il était maintenant en communion d'esprit avec le gouvernement libéral fédéral. Ça vous étonne, M. le Président? Pas moi. Pas moi, parce que j'ai compris que tout ce que faisait ce gouvernement lorsqu'il parlait de relations avec le gouvernement fédéral ou les autres partenaires canadiens, c'était d'inventer artificiellement des chicanes pour faire en sorte, peut-être, que les Québécois comprennent que ça ne va pas bien. Mais ceux qui font que ça ne va pas bien, M. le Président, ils ne sont pas à l'extérieur de cette Chambre, ils sont ici, à votre droite, en face de nous.

J'ai aussi demandé au ministre ce qu'il pensait de son article 6. Est-ce que cet article 6, dans son projet de loi, n'était pas un peu trop large? Est-ce qu'il permettait d'aller à l'extérieur de l'Accord sur le commerce intérieur lorsqu'il est question de représailles? Il m'a dit que non, parce qu'il fallait lire les alinéas en fonction du paragraphe introductif. Alors, je lui ai fait la remarque que son collègue, ancien collègue, l'ancien ministre Paillé, avait créé toute une chicane avec le gouvernement fédéral sur le libellé de l'article 19 du projet de loi C-88 parce que, disait-il, il sortait des limites de l'Accord.

Et le ministre Manley, savez-vous ce qu'il répondait, M. le Président? Il répondait que tous les alinéas, il fallait qu'ils se lisent en fonction du paragraphe introductif. Le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes, député de Lac-Saint-Jean, en communion d'esprit une deuxième fois avec le gouvernement libéral fédéral. C'est un bon sujet pour un caucus de cette semaine, ça, pour nos collègues d'en face, M. le Président.

Comment se fait-il qu'en l'espace d'un an le même gouvernement joue sur deux tableaux? Peut-on expliquer cela? Moi, j'en ai une, explication. Et je pense que mon collègue le ministre des Relations internationales va sûrement venir en parler tantôt après moi. Moi, j'en ai une, une raison, une justification. C'est que, lorsque c'est le temps d'écrire, de faire des communiqués de presse, de dire qu'il y a un méchant à quelque part chez nos partenaires, ça, ça va. Mais quand on demande de la cohérence au gouvernement et qu'on lui dit: Mais, ce que vous demandiez au gouvernement fédéral, pourquoi vous ne le faites pas chez vous? Et il nous répond: Non, mais ça, c'est futile. Et, à cette proposition-là aussi le ministre nous a dit: Ça, c'est inutile; ça, c'est futile; ce n'est pas nécessaire. Alors, je lui disais: Mais votre collègue, votre ancien collègue, le ministre Paillé, pourquoi il faisait ça? Il n'avait pas de réponse. Il n'avait pas de réponse parce qu'il ne faut pas qu'il y en ait, sinon il y a aveu que le gouvernement n'a qu'une seule stratégie en termes de relations et d'affaires canadiennes, de relations intergouvernementales: créer de la chicane, inventer le conflit, une stratégie d'autovictimisation qui fait en sorte qu'on a toujours l'air d'avoir été mangé par le gros ours. Mais, lorsque vient le temps d'interroger le gouvernement sur des projets de loi similaires, ah! là, c'est futile, les demandes qu'on fait. C'est inutile, pourtant c'étaient les leurs.

J'ai demandé au ministre – et je sais qu'il y a certains de nos collègues d'en face qui écoutent à ce moment-ci, je les en remercie – lorsqu'il y a des mesures de représailles qui sont prises suivant un décret, ce qu'il en pensait, si, avant son adoption, ce décret était soumis pour un débat à l'Assemblée nationale, qui pourrait être limité à deux jours, M. le Président. Savez-vous ce qu'il m'a dit? C'est futile, c'est inutile, ça ne regarde pas l'Assemblée nationale.

Je tiens à vous faire remarquer que toute la première partie de ce projet de loi là n'a qu'une valeur symbolique. Le ministre nous a présenté comme étant important le fait que l'Assemblée nationale s'approprie ce projet de loi, l'approuve. Alors, lorsqu'est temps de lui dire: mais si l'Assemblée nationale pouvait discuter pendant deux jours d'un décret sur des prises de représailles, ah! bien, là, c'est inutile. Ça, c'est futile. Ça, ça ne sert à rien. Sauf que, lorsque je lui ai dit que c'était l'amendement du Bloc québécois au projet de loi fédéral, là, il était un petit peu plus mal à l'aise parce que c'était la troisième fois qu'il était en communion d'esprit avec le gouvernement libéral fédéral. Je suis sûr que, lorsqu'il a vu que ses prises de position étaient maintenant les mêmes que celles du gouvernement fédéral, il a dû se dire qu'il était dans un bien mauvais pas. Et je ne suis pas surpris du tout, du tout, du tout qu'on soit, à 1 h 30, à discuter du projet de loi sur la mise en vigueur de l'Accord sur le commerce intérieur, projet de loi qui a été le premier appelé ici, à l'Assemblée nationale, pour l'accord sur l'adoption du principe et à l'occasion duquel le ministre nous a dit combien c'était important, combien il tenait à ce projet de loi. Une heure et demie! quand il s'est aperçu qu'on avait vu, nous, que, à travers la position du gouvernement du Québec actuellement, on voyait les contradictions avec les prises de position de son ancien collègue, le ministre Paillé, et du Bloc québécois. Dans un bien mauvais pas. Bien mauvais pas aussi quand on faisait remarquer au gouvernement que, relativement à l'Accord sur le commerce intérieur, ils ont fait une bataille électorale contre ça.

(1 h 30)

En 1994, le gouvernement, maintenant du Parti québécois, alors l'opposition du Parti québécois, dénonçait l'Accord sur le commerce intérieur. Leur ancien chef, M. Parizeau – ancien, futur, qui sait! – disait que cet Accord, c'était dans la suite de Charlottetown. Ça s'inscrivait dans la foulée de Charlottetown. M. Parizeau a dit ça. Formidable, formidable, M. le Président! Dans la foulée de Charlottetown, en communion d'esprit avec le gouvernement fédéral libéral, le ministre délégué aux Affaires canadiennes nous propose la mise en vigueur d'un accord négocié par le Parti libéral du Québec qui devient maintenant quelque chose de formidable pour le Québec, selon les mots mêmes du ministre délégué aux Affaires canadiennes. Et je le remercie, je le remercie de reconnaître au moins cela.

J'apprécierais, à l'occasion, que le gouvernement reconnaisse aussi, lorsqu'il y a des représentations de faites pour qu'il y ait des changements à Ottawa dans des projets de loi et que les changements sont faits, qu'on puisse aussi admettre qu'il y a eu des changements, qu'on a écouté la voix du Québec. J'aimerais qu'on l'admette, j'aimerais qu'on soit capable de dire la vérité, j'aimerais que la transparence soit le maître mot de ce gouvernement. Ce n'est pas évident, ce n'est pas facile parce que ça va à l'encontre de la thèse même de ce gouvernement, la seule thèse, l'unique but de ce gouvernement, monter les Québécois contre leurs partenaires canadiens au prix d'un conflit et d'une division au sein même de la société québécoise. Ceux qui ont milité pour diviser le Québec devraient avoir honte de leur mandat de représentants, M. le Président.

Mais je suis reconnaissant envers le ministre délégué aux Affaires canadiennes qui, lui, s'est distingué de ses autres collègues et, lui, a eu le courage de dire: Oui, l'Accord sur le commerce intérieur, c'était quelque chose de bien. Il disait même, après les élections... Vous savez, il y a toujours une différence, au sein de ce gouvernement, entre le discours avant les élections et le discours après. Il y a d'ailleurs aussi un deuxième niveau de distinction entre le discours après les élections et les actions qui sont toujours en contradiction avec l'un ou l'autre des discours. L'important, au sein de ce gouvernement, c'est la contradiction. D'ailleurs, ils sont très bons là-dedans.

Ceci étant, le ministre délégué aux Affaires canadiennes a profité de la commission des institutions pour nous dire que le gouvernement fédéral avait raison et que le ministre Paillé de l'époque essayait de créer artificiellement des chicanes; essentiellement, voilà ce qui s'est passé à la commission. Qu'est-ce qu'il nous a dit aussi, le ministre? Il nous a dit que, dans la deuxième partie de ce rapport, la partie qui a des effets juridiques... La première partie, c'est le symbole, l'appropriation ou l'approbation par l'Assemblée nationale de la loi, de l'Accord sur le commerce intérieur. La deuxième partie, c'est l'harmonisation, en fait, c'est les modifications législatives qui découlent de l'Accord. Dans le projet de loi, c'est la Loi sur les agents de voyages qui est modifiée.

Alors, on a demandé au ministre s'il était heureux, satisfait de son projet à l'égard de la Loi sur les agents de voyages et des modifications qui y étaient apportées. Oui, il était très heureux. Ah oui! On a demandé au ministre pourquoi il n'avait pas respecté l'Accord. Alors, le ministre était étonné. Pourquoi on lui demandait la raison qui avait motivé le fait qu'il soit en retard? Parce que, M. le Président, en vertu de l'Accord, c'est le 1er juillet 1996 qu'on aurait dû adopter ces modifications, pas au mois de décembre 1996, le 1er juillet 1996. Nous sommes six mois en retard. L'Accord, le ministre nous dit qu'il est très heureux de ce qu'il apporte au développement de l'économie, qu'il est très heureux du fruit amené par l'interprovincialisme, par la codécision. C'est ça, l'Accord sur le commerce intérieur, M. le Président, c'est les provinces qui se mettent ensemble et qui disent: Nous autres, on va être capables de s'entendre, on est assez matures, assez confiantes, on va ouvrir le marché. C'est ça que ça dit, cet Accord-là.

Le ministre nous dit: C'est bon. C'est bon, sauf que le gouvernement parle de partenariat d'un côté de la bouche pour essayer d'attirer un peu de votes, mais, au coeur de l'argumentation, le seul fondement de ce gouvernement – et on l'a entendu dans tous les discours de ces gens-là durant le référendum – c'est de l'autre côté de la bouche. Vous le savez qu'il y a deux côtés de la bouche de la part de ce gouvernement. Je le sais, M. le Président, que vous le savez; vous êtes là, assis, vous les écoutez à tous les jours et vous le savez qu'il n'y a que contradictions, double langage. On nous parle beaucoup de partenariat. On veut essayer de faire croire aux gens qu'on tient à des valeurs communes. Le ministre des Relations internationales, M. le Président, je le dis, je suis persuadé que ses collègues... un autre sujet pour le caucus, peut-être, de nos amis d'en face. Je vous encourage à aller lire le discours du ministre des Relations internationales à l'Université Laval dernièrement. Très intéressant, tout ce qu'il expliquait sur les valeurs communes que nous partageons avec les Canadiens. Je vous encourage à le lire. J'ai trouvé ça formidable, je me suis retrouvé là-dedans, j'ai trouvé ça très bon. Ça, c'est le petit bout du discours qu'on envoie dire par quelqu'un pour essayer d'amadouer tout le monde.

Mais qu'est-ce qui est vrai? Qu'est-ce qui est le fondement même de ce gouvernement, M. le Président, hein? Six mois après la date d'échéance pour apporter des corrections à nos lois, selon un accord sur le commerce intérieur, un accord entre les partenaires dans un partenariat qui existe déjà, bien, le gouvernement du Parti québécois n'est pas capable, il n'est pas capable de respecter le partenariat qui existe déjà, même s'il trouve que c'est bon, l'Accord. C'est plus fort que lui, il faut qu'il fasse preuve de mauvaise foi. S'il avait pu au moins y avoir des mesures de représailles contre lui! Parce que c'était ça que ça appelait, hein. Si on n'amende pas nos lois, on devient donc en défaut, selon l'Accord sur le commerce intérieur, et, si on devient en défaut, on est sujet à représailles. M. le Président, la stratégie d'autovictimisation de ce gouvernement, c'est justement ça: essayer, aspirer, espérer que les partenaires vont nous faire mal. Mais, quand un gouvernement commande le mal, quand il l'appelle de tous ses voeux, M. le Président, il nous met à genoux; ce gouvernement, dans une stratégie d'autovictimisation, ne représente pas bien les Québécois.

Et je sais que parmi certains d'entre nous, M. le Président, il y a des gens qui sont ici qui vont peut-être se trouver dans une situation assez particulière à entendre, à l'occasion de la prise en considération du rapport, un tel rapport de la commission. Je sais que ça peut faire mal, je sais que ça peut être déplaisant, je sais qu'il y a certains de nos collègues qui pensent peut-être qu'ils représentent bien les Québécois. Cessez de ne représenter que le seul Parti québécois et essayez de penser qu'il y a, au-delà de votre membership, d'autres Québécois. Parce qu'il est possible d'être Québécois sans être détenteur d'une carte de membre du Parti québécois. C'est possible. Si vous étiez, M. le Président, si le Parti québécois, dont est issu ce gouvernement, était suffisamment ouvert, accueillant, respectueux de la démocratie...

Une voix: Comme le Bloc.

M. Fournier: Un de mes collègues me souligne les relations – bien sûr, mon collègue de Papineau. Il me souligne les relations entre le Bloc et le Parti québécois. Je dois vous avouer qu'on finit par s'y perdre dans les interrelations et interdépendances qu'ils ont aussi à cet égard, M. le Président.

Mais l'essentiel de mes propos à cette étape-ci, M. le Président, vise à rappeler ceci. Nous avons compris lors du principe, ici en cette Chambre, avant d'aller en commission, on a retenu quoi? Qu'est-ce qui a été déposé sur la table? Le ministre délégué aux Affaires canadiennes... Savez-vous, M. le Président, c'est assez étonnant, on n'a pas entendu la ministre qui est responsable. C'est qu'en vertu du projet de loi – on nous a appris ça – le gouvernement peut nommer un ministre à titre de représentant au Comité sur le commerce intérieur. Ça, c'est ce qu'on a appelé le ministre spécialiste du commerce intérieur. Il s'adonne que c'est la ministre déléguée à l'Industrie et au Commerce. Savez-vous que la ministre spécialiste, elle n'a pas dit un mot encore sur le dossier? C'est assez fort! C'est assez fort, M. le Président. Là, on a deux ministres qui s'occupent de ça, puis il y en a une, pas un mot sur le dossier, pas un mot.

(1 h 40)

Alors, on a le ministre délégué aux Affaires canadiennes qui nous présente son projet de loi, on est à l'adoption de principe. Il nous dit quoi? Essentiellement, il nous dit quoi? Il nous dit que la position du Parti québécois préélectorale, c'était dans le temps, c'était dénoncé avant, mais, maintenant qu'on l'a, ce n'est pas si mauvais que ça. Il dit, M. le Président, qu'il faudrait qu'on élargisse la portée de l'Accord. Il dit que le mécanisme de règlement des différends pourrait être amélioré. Puis je peux vous dire quelque chose, M. le Président, je suis d'accord avec lui, tout à fait d'accord avec lui. Et c'est pour ça que le gouvernement devrait nous dire... puis je suis sûr que le ministre va se lever après moi, M. le Président, pour répondre à ça, dire à combien de séances il a participé, il a initiées, pour élargir...

Là je parlais au ministre qui est responsable du projet de loi, pas la ministre déléguée qui n'a pas dit un mot, parce qu'elle n'a pas l'air plus intéressée qu'il ne faut... Parler au ministre qui est responsable, là, qui nous a déposé le projet de loi, qui est responsable des affaires canadiennes, son dossier...

Combien de séances y a-t-il eu pour élargir l'Accord, pour voir comment on pouvait régler le mécanisme des différends? Je peux vous le dire, M. le Président. La réponse, c'est zéro. Si vous voulez, c'est zéro. Ça ne les intéresse pas pantoute. Ça ne les intéresse pas pantoute. Le ministre nous a dit que, oui, bon, ça, c'est un succès là. Ça avait marché au Canada. Mais il a donc peur de le dire, puis de le dire bien fort. Alors, ça, il a essayé de garder ça un petit peu en catimini. On est à l'adoption du principe, on n'en parle pas trop. Mais nous, M. le Président, on est là pour essayer de refléter la vérité. Je propose ceci au gouvernement: Maître mot, maître mot: vérité. Ça nous changerait un petit peu. Ça ferait du bien, la vérité, de temps en temps. Il me semble qu'on se retrouverait mieux en démocratie québécoise s'il y avait un petit peu plus de vérité avec ce gouvernement-là.

Maître mot: vérité, M. le Président. C'est que cet Accord sur le commerce intérieur, il est bon; il est issu de la volonté des provinces. Il est l'exemple même qu'il y a en émergence une nouvelle dynamique de codécision qui permet aux Québécois de tirer des fruits de cette codécision, M. le Président. Le ministre le sait. Le ministre ne veut pas l'avouer trop, mais il le sait. Elle est en émergence, cette codécision. Cette nouvelle dynamique, elle peut être intensifiée à quiconque veut la pousser plus loin, à quiconque veut multiplier les fruits, à quiconque veut qu'il y ait du développement économique, à quiconque veut qu'il y ait de la création d'emplois, à quiconque veut créer de la richesse pour ensuite la répartir.

On ne peut pas se dire social-démocrate sans créer de la richesse. Moi, je veux bien vous respecter. Je veux bien respecter quiconque se dit qu'il veut répartir la richesse, mais je lui demande de me faire une preuve, une seule preuve, M. le Président: la volonté de créer de la richesse, la volonté de créer ce que l'on pourra répartir. Et je demande à ce gouvernement: Qu'a-t-il fait, M. le Président? Où sont les exemples? Où sont-ils donc, M. le Président? Moi... Et je pense, M. le Président, que beaucoup de Québécois à l'extérieur de cette Chambre souhaitent qu'on pousse plus loin cette nouvelle dynamique en émergence, souhaitent qu'on travaille réellement au développement de l'économie. Parce que, si on poursuit le développement de l'économie, M. le Président, si on poursuit le développement de l'économie, on va pouvoir faire deux choses... le gouvernement ne sait pas encore qu'il a à sa disposition cet outil pour faire ces deux choses: premièrement, on va avoir des rentrées de fonds supérieures. Pas parce qu'on va avoir augmenté les taxes, M. le Président, comme ça devient l'espèce de modus vivendi du gouvernement, mais parce que, avec les taxes qu'il y a mais parce qu'il y a plus d'activité économique, il va y avoir plus de revenus. On va donc équilibrer les finances publiques. Mais plus important, M. le Président, on va sauver le filet social. On va penser aux démunis. On va arrêter de fermer l'État. Parce que c'est à ça qu'on assiste de la part de ceux qui se disent sociaux-démocrates, M. le Président, la fermeture de l'État, la fin de l'État, M. le Président, alors qu'il y a encore tant à faire, qu'il y a tant de gens dans le besoin et qu'on devrait s'intéresser à leur sort.

On devrait parfois, et c'est ce que je nous souhaite à tous, des deux côtés de cette Chambre, on devrait parfois mettre un peu de côté ce qui peut être aveuglant: le dogme qui peut habiter certains d'entre nous, mettre de côté cette poursuite aveugle d'une destinée qui a été refusée il y a à peine un an et d'essayer de travailler dans la suite de cet Accord sur le commerce intérieur, de le pousser plus loin, de développer l'économie, d'amener des rentrées de fonds autrement que par des taxes, d'aller chercher, avec la création d'emplois, une véritable solidarité, pas celle imposée par le premier ministre du Québec, M. le Président, celle partagée volontairement par l'ensemble de nos concitoyens.

Nous voulons parler de solidarité? Cherchons-la; essayons de la créer, non de l'imposer; prenons les moyens de le faire; cessons les discours bornés et dogmatiques et attardons-nous à une seule chose: donner une suite à l'exercice du droit à l'autodétermination que les Québécois ont exercé il y a à peine un an, à l'occasion duquel ils ont dit – et, nous, nous avons dit – que c'était le Canada avec des changements qu'ils avaient décidé. Vous pouvez penser ce que vous voulez, mais on sait une chose, des deux côtés de cette Chambre: les Québécois souhaitent que l'économie soit en marche, que les programmes sociaux soient solides et permettent d'apaiser les inquiétudes de nos concitoyens démunis. Nous le savons tous, des deux côtés de cette Chambre.

Je demande, M. le Président, au gouvernement – et je termine là-dessus – qu'il pousse plus loin cette nouvelle dynamique en émergence, que nous prenions notre place partout pour mieux être maîtres chez nous, que ce gouvernement abandonne la poursuite effrénée d'un projet qui ne fait que nous appauvrir et que, en échange, tous ensemble, nous recherchions l'adhésion volontaire de nos concitoyens. C'est le voeu le plus cher que je nous formule, pour nous tous et pour le bien de la démocratie au Québec, M. le Président.

Une voix: Amen.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, M. le député de Châteauguay. Est-ce qu'il y a d'autres intervenants sur le rapport de la commission des institutions?


Mise aux voix du rapport

Donc, le rapport de la commission des institutions portant sur le projet de loi n° 15, Loi concernant la mise en oeuvre de l'Accord sur le commerce intérieur, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Brassard: Article 36.


Projet de loi n° 38


Prise en considération du rapport de la commission qui en a fait l'étude détaillée

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, l'article 36 de votre feuilleton. L'Assemblée prend en considération le rapport de la commission de l'aménagement et des équipements sur le projet de loi n° 38, Loi instituant le Fonds de conservation et d'amélioration du réseau routier. Y a-t-il des interventions?

Des voix: Adopté.


Mise aux voix du rapport

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, le rapport de la commission de l'aménagement et des équipements portant sur le projet de loi n° 38, Loi instituant le Fonds de conservation et d'amélioration du réseau routier, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Brassard: Il nous tarde, M. le Président, d'entendre le député de Papineau. Alors, j'appelle l'article 45.


Projet de loi n° 52


Reprise du débat sur l'adoption

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, l'article 45. L'Assemblée reprend le débat, ajourné le 26 novembre dernier, sur l'adoption du projet de loi n° 52, Loi modifiant la Loi sur les produits agricoles, les produits marins et les aliments et modifiant la Loi sur la qualité de l'environnement. Alors, y a-t-il des interventions? M. le député de Papineau.


M. Norman MacMillan

M. MacMillan: Oui, M. le Président. M. le Président, j'étais pour vous demander un appel au réveil pour écouter vraiment, peut-être, la dernière loi de la soirée. Je ne le sais pas, ça va dépendre du gouvernement. Et je suis content de voir que la députée de Marie-Victorin va écouter, étant la vice-présidente de la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation. Vous allez écouter ça? Merci.

Alors, M. le Président, le 27 avril 1994, le Conseil des ministres du gouvernement de Daniel Johnson décrétait que le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation exercerait dorénavant la gestion des eaux embouteillées, de l'eau au volume distribuée commercialement à des fins de consommation humaine, de la glace produite ou distribuée commercialement à des fins de consommation humaine, de la glace mise à la disposition du public, de la glace utilisée pour la préparation des aliments à des fins de consommation humaine dans les endroits publics. Le ministre de l'Agriculture était alors responsable de l'application de l'article 20 de la Loi sur la qualité de l'environnement, du Règlement sur les eaux embouteillées, de l'article 19 du Règlement sur l'eau potable, de l'article 2 du Règlement sur la salubrité dans les endroits publics.

(1 h 50)

M. le Président, les seuls commentaires qu'on a sur ce projet de loi: La loi n° 52 complète le transfert des responsabilités au ministre de l'Agriculture et précise son implication quant aux eaux embouteillées et à la glace. Il nous semble logique que le ministère responsable de la conformité des aliments et normes de salubrité s'occupe par ailleurs de l'eau embouteillée et de la glace que l'on consomme. Le ministère de l'Environnement et de la Faune conserve, quant à lui, la responsabilité des sources d'eau souterraines, ce qui relève de sa mission de protéger l'environnement. Merci, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Papineau. Y a-t-il d'autres intervenants sur l'adoption du projet de loi n° 52?


Mise aux voix

Le projet de loi n° 52, Loi modifiant la Loi sur les produits agricoles, les produits marins et les aliments et modifiant la Loi sur la qualité de l'environnement, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Brassard: M. le Président, nous souhaitons encore entendre le député de Papineau, alors, j'appelle l'article 46.


Projet de loi n° 53


Reprise du débat sur l'adoption

Le Vice-Président (M. Pinard): L'article 46 de votre feuilleton. L'Assemblée reprend le débat ajourné le 26 novembre dernier sur l'adoption du projet de loi n° 53, Loi sur les appellations réservées et modifiant la Loi sur la mise en marché des produits agricoles, alimentaires et de la pêche. Y a-t-il des interventions? M. le député de Papineau.

Des voix: Bravo!


M. Norman MacMillan

M. MacMillan: Étant tellement populaire à cette heure-ci, M. le Président, surtout pour les gens du gouvernement, je vais lire seulement une petite phrase qui va sûrement aider les gens à réfléchir pour peut-être terminer le débat. Ici, c'est marqué: Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué? Merci, M. le Président.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Vice-Président (M. Pinard): En tout cas, ça ne fait pas trop simple! Ha, ha, ha! Y a-t-il d'autres intervenants sur l'adoption du projet de loi n° 53? M. le député de Saint-Hyacinthe.


M. Léandre Dion

M. Dion: M. le Président, je ne voulais pas laisser cette occasion de louer avec beaucoup d'emphase, autant d'emphase que ce dont je suis capable, la vaillance de mes collègues qui n'hésitent pas, à 2 heures du matin, à prolonger les débats pour être sûrs de donner à la population tout ce dont elle a besoin...

M. MacMillan: Question de règlement, M. le Président. Question de règlement, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Oui, M. le député de Papineau.

M. MacMillan: Oui, est-ce qu'on pourrait vérifier le quorum, s'il vous plaît? Je voudrais que tout le monde écoute le député de Saint-Hyacinthe.

Le Vice-Président (M. Pinard): Nous avons le quorum, M. le député de Papineau. Durant le temps qu'on discute, durant le temps que je vérifie le quorum, M. le député de Papineau, je suis persuadé que le député de Saint-Hyacinthe va sûrement trouver le chemin nécessaire pour se rendre à son endroit où normalement il doit siéger. Je regrette, M. le député de Saint-Hyacinthe, mais c'est une règle en cette enceinte que nul ne prend la parole en dehors de l'endroit qui lui est assigné. Je vous prierais maintenant de bien vouloir nous livrer votre allocution. M. le député.

M. Dion: Je vous remercie, M. le Président. Ça me fait plaisir de revenir à cet endroit-là parce que je m'y sens au chaud, étant donné que je m'y tiens de longues heures. Mais c'était aussi par intérêt pour mes collègues de pouvoir être un peu plus là où ce soir il y en a davantage. Mais, en fait, si je veux louer la vaillance de mes collègues, c'est parce qu'il s'agit ce soir de quelque chose de très important, ce qu'on fait là. Évidemment, on le fait rapidement parce que tout le monde est fatigué, et puis le projet de loi a été étudié avec beaucoup d'attention en commission; alors, évidemment, ça présente moins de risques de l'adopter rapidement. Mais je veux quand même souligner le fait que c'est un projet de loi qui est très important. C'est un des projets de loi dont on parlera le plus longtemps, parce que la mise en place d'un système d'appellations contrôlées nous permettra, M. le Président, de valoriser les produits agricoles, en y ajoutant de la valeur. Et, dans quelques années, on dira: C'était un projet de loi très important pour le développement de l'agriculture et pour le développement de la productivité agricole, et pour l'apport de ce secteur économique dans toute l'économie du Québec. Alors, c'est pour ça que je suis certain que mon discours sera chaudement apprécié par mes collègues. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci beaucoup, M. le député de Saint-Hyacinthe. Y a-t-il d'autres intervenants sur l'adoption du projet de loi n° 53?


Mise aux voix

Alors, le projet de loi n° 53, Loi sur les appellations réservées et modifiant la Loi sur la mise en marché des produits agricoles, alimentaires et de la pêche, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Brassard: M. le Président, il est temps d'ajourner nos travaux à ce matin, 10 décembre, à 10 heures.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, j'ajourne les travaux de l'Assemblée au mardi 10 décembre, à 10 heures.

(Fin de la séance à 1 h 57)


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