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Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le mardi 31 mars 1998 - Vol. 35 N° 162

Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Affaires du jour

Présence de l'ambassadeur et chef de délégation de la Commission européenne au Canada, M. John R. Beck

Affaires courantes

Affaires du jour


Annexes
Sommaire des opérations financières 1996-1997 – 1997-1998
Sommaire des opérations financières 1998-1999
    Déficit du gouvernement du Québec selon les anciennes et les nouvelles conventions comptables
Revenus budgétaires – Prévisions 1998-1999
Dépenses budgétaires – Prévisions 1998-1999
Opérations non budgétaires – Prévisions 1998-1999
Opérations de financement – Prévisions 1998-1999
    Impact financier des mesures fiscales et budgétaires – Discours sur le budget 1998-1999
Annexes du Discours sur le budget
Renseignements supplémentaires sur les mesures du budget
Section 1:Mesures affectant les revenus
Section 2:Mesures affectant les dépenses
Section 3:Impact financier des mesures fiscales et budgétaires
Plan budgétaire 1998-1999
    Section 1: Revue de l'évolution de l'économie en 1997 et perspectives
    Section 2: La situation financière du gouvernement en 1997-1998
et les emprunts du secteur public
    Section 3: Orientations budgétaires et financières du gouvernement
    Section 4: Rapport sur l'application de la Loi sur l'élimination
du déficit et l'équilibre budgétaire
DÉBATS DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE
Le mardi 31 mars 1998

Journal des débats


(Dix heures onze minutes)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Veuillez vous asseoir, s'il vous plaît.


Affaires du jour

Alors, nous reprenons nos travaux aux affaires du jour, et j'inviterais M. le leader adjoint du gouvernement à nous indiquer l'ordre du jour.

M. Boulerice: M. le Président, je crois que, comme, tous, vous le savez, malheureusement les conditions climatiques sont telles que plusieurs parlementaires ne peuvent arriver à Québec. Nous les attendons sous peu. Donc, je vous demanderais une suspension de cette séance, de façon à permettre justement à nos collègues d'arriver.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, M. le leader adjoint du gouvernement, je reconnais le bien-fondé de votre demande, et nous allons suspendre pour quelques minutes, disons peut-être une dizaine de minutes. Ne vous éloignez pas trop. Nous reprendrons dans une dizaine de minutes.

(Suspension de la séance à 10 h 12)

(Reprise à 10 h 28)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Veuillez vous asseoir, s'il vous plaît.

Alors, nous allons poursuivre nos travaux. J'inviterais M. le leader adjoint du gouvernement à nous indiquer l'ordre du jour.

M. Boulerice: Oui. M. le Président, après que nos collègues ont vaincu de nombreux périls climatiques et qu'ils sont enfin à l'Assemblée nationale, alors, je vais vous demander de bien vouloir considérer l'article 19 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 181


Adoption

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 19, M. le ministre de la Justice propose l'adoption du projet de loi n° 181, Loi modifiant le Code civil et d'autres dispositions législatives relativement à la publicité des droits personnels et réels mobiliers et à la constitution d'hypothèques mobilières sans dépossession. Alors, je vais céder la parole à M. le ministre. M. le ministre.


M. Serge Ménard

M. Ménard: Alors, M. le Président, je serai très court, pour la bonne raison qu'à l'occasion de la prise en considération du rapport de la commission qui a fait l'étude détaillée du projet de loi j'ai donné un discours qui explique complètement le point de vue du ministère sur ce sujet, qui est un sujet assez technique.

Je peux donc me limiter à signaler que, à la suite de l'adoption de ce projet et de l'instauration du RDPRM, le réseau de la publicité des droits personnels et réels mobiliers, le Québec sera à l'avant-garde de la consultation par ordinateur et même par Internet des informations qui s'y trouvent. Je rappelle qu'il s'agit ici, dans ce cas-ci, de la publicité des droits personnels et réels mobiliers, c'est-à-dire des droits que les citoyens peuvent donner sur des biens mobiliers, qui seront d'abord limités aux véhicules.

Il est important que ces droits soient enregistrés, puisque, si quelqu'un veut acheter le véhicule par la suite, il est important qu'il puisse vérifier si le véhicule est bien libre de tout lien qui aurait été donné à une banque, par exemple, ou à un autre prêteur. C'est avantageux pour les citoyens aussi, parce que, s'ils n'ont pas l'argent comptant pour acheter le véhicule, au lieu d'être pris avec les conditions financières que leur offrait leur concessionnaire, ils peuvent aller voir leur banquier et offrir de donner le véhicule qu'ils achètent en garantie d'un prêt, et cela devrait normalement signifier des taux plus avantageux.

Donc, la nécessité de publier ces droits pour qu'évidemment les futurs acheteurs de ce bien le sachent. Un peu comme quand vous achetez une maison, il est important que vous sachiez si elle est déjà grevée d'une hypothèque pour que, plutôt que de donner le prix complet au vendeur, bien, vous vous assuriez de donner au prêteur immobilier, au prêteur de garantie par hypothèque ce droit-là, c'est-à-dire le montant de sa créance, sinon vous risquez d'acheter une maison qui serait déjà grevée d'une hypothèque que vous-même n'avez pas constituée. Alors, ces consultations seront de beaucoup facilitées par le réseau, et il est important que nous sachions que le Québec sera à ce moment-là à l'avant-garde de l'utilisation de la technologie. C'est tout.

(10 h 30)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Chomedey. M. le député de Chomedey.


M. Thomas J. Mulcair

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Au nom de l'opposition officielle, il me fait plaisir à mon tour de prendre la parole sur le projet de loi n° 181, Loi modifiant le Code civil et d'autres dispositions législatives relativement à la publicité des droits personnels et réels mobiliers et à la constitution d'hypothèques mobilières sans dépossession, Bill 181, an Act to amend the Civil Code and other legislative provisions as regards the publication of personal and movable real rights and the constitution of movable hypothecs without delivery. Comme vous l'aurez bien compris, M. le Président, à la simple lecture des titres, il s'agit d'un sujet quelque peu aride, surtout pour les initiés, mais qui a un grand intérêt pour le public, et c'est éminemment valable pour nous de prendre quelques instants pour s'y attarder et expliquer un peu les tenants et aboutissants du projet de loi.

Comme le ministre l'a expliqué, le projet de loi vise à fournir une nouvelle forme de sûreté, une sorte de garantie pour la personne ou l'institution qui prêterait de l'argent, notamment pour l'achat d'items importants comme un véhicule automobile. En clair, ce que nous espérons de part et d'autre, ce que cela va représenter pour le consommateur moyen, c'est une baisse des taux d'intérêt éventuellement ou des autres frais qu'il sera nécessaire de verser lorsqu'on fait un tel emprunt, car, plus la sûreté, si vous me passez le pléonasme, est sûre, moins le prêteur a besoin d'avoir une marge, une sorte de coussin, en cas de mauvaise dette. En d'autres mots, M. le Président, plus le prêteur a la garantie que son argent va être remboursé ou qu'il va pouvoir réaliser sur la sécurité, c'est-à-dire aller saisir l'objet qui est grevé de l'hypothèque mobilier, bien, à ce moment-là, plus il est capable d'accorder un taux préférentiel au consommateur qui est en train de faire l'emprunt. C'est pour cette raison-là qu'on n'a eu aucune hésitation de notre côté à travailler en étroite collaboration avec le gouvernement parce que ça visait justement le meilleur intérêt du public et il en sera toujours ainsi à chaque fois que le gouvernement présentera un projet de loi qui va dans ce sens.

On a eu l'occasion, en commission parlementaire, d'entendre les groupes auxquels on pouvait s'attendre dans une telle matière. Bien entendu, il s'agissait, d'abord et avant tout, du Barreau du Québec et de la Chambre des notaires, comme ordres professionnels, qui avaient des choses à dire là-dessus, mais on a été très heureux aussi d'entendre pour la première fois en commission parlementaire, sur un projet de loi touchant le Code civil, les observations tout à fait pertinentes et très bien formulées de la part d'une nouvelle profession, la Chambre des huissiers.

Comme vous le savez, cette Chambre a adopté un projet de loi, voilà trois ans, qui donnait suite à de nombreuses recommandations visant à intégrer les huissiers dans la famille des professions qui sont régies par le Code des professions du Québec, et, depuis lors, ils travaillent très bien à mettre en place un système qui correspond à cette image des ordres professionnels qui sont là pour assurer la protection du public. Et j'étais fort content de constater, par le professionnalisme, justement, de leur présentation en commission parlementaire, que ça va très bien à la Chambre des huissiers, et, justement, cette nouvelle profession est en train de faire honneur à l'ensemble.

Un mot, M. le Président, très brièvement sur le Code civil et notre tendance actuelle à y retourner relativement souvent. Vous savez, lorsqu'on parle du Québec, de son caractère spécifique, distinct – d'aucuns diraient unique – on est porté à croire qu'il y a surtout des éléments culturels ou linguistiques, mais, très souvent, c'est le caractère spécifique de notre droit civil, le fait qu'on utilise le droit français au Québec. Le Code Napoléon a inspiré le Code civil du Québec qui, maintenant, trouve son reflet dans cette nouvelle version qui a été adoptée depuis quelques années.

Sur la soixantaine de juridictions qui existent en Amérique du Nord, c'est-à-dire une cinquantaine d'États américains et une dizaine de provinces, il n'y a que le Québec et la Louisiane qui se soient dotés d'un Code civil, et, pourtant, le droit civil est une des deux grandes institutions, une des grandes familles juridiques dans le monde aujourd'hui. Il y a deux systèmes dans le monde occidental pour expliquer le corpus de droit commun, et il s'agit de la «common law», d'inspiration britannique et, bien entendu, du droit civil avec son expression dans le Code Napoléon puis, bien entendu, avec ses antécédents qui remontent très, très loin dans l'histoire, jusqu'aux temps d'Hammurabi.

M. le Président, il est important de s'assurer que le Code civil demeure une institution dans notre société, que notre Code civil soit, bien entendu, le reflet des valeurs dans notre société et des réalités modernes. Il est toujours, donc, nécessaire de l'actualiser. Ce qu'on a ici aujourd'hui, c'est un excellent exemple de ça. Parce que, il y a une génération ou deux, personne n'aurait songé à faire ce genre d'hypothèque mobilière. Comme le ministre l'a dit tantôt, les moyens techniques, les moyens mécaniques, l'informatisation nous permettent aujourd'hui de suivre à la trace et de pouvoir mettre le grappin dessus, le cas échéant, un élément d'actif comme un véhicule automobile. Et c'est ça qu'on est en train de faire aujourd'hui. On actualise le Code civil; on met en vigueur des dispositions qui avaient déjà été entrevues lorsqu'il a été adopté il y a quelques années.

On a tous vu qu'il avait été nécessaire de prendre le Code civil tel qu'adopté et de faire en sorte qu'il entre en vigueur d'une manière harmonieuse et bien coordonnée. Donc, dans un premier temps, on a procédé à l'adoption d'un important projet de loi visant l'application du Code civil; très important projet de loi, plusieurs centaines d'articles.

Par la suite, un autre projet de loi a dû intervenir, et, encore une fois, on a apporté notre collaboration parce que c'est d'intérêt pour la société. Mais, encore une fois, un tas de dispositions, encore des dizaines et des dizaines d'articles, pour harmoniser le tout et s'assurer que l'entrée en vigueur se faisait d'une manière coordonnée et correcte. C'est-à-dire que ça ne sert à rien de dire, dans le Code civil, qu'on va avoir tel registre ou qu'on va avoir telle manière de faire des corrections lorsqu'on inscrit des biens-fonds, des titres fonciers, si les autres dispositions mécaniques ou autres ne sont pas en place.

Pour ce qui est des hypothèques mobilières sans dépossession, c'est une chose qui avait été discutée en détail lors de l'adoption du Code civil, puis on avait un peu décidé de mettre en suspens l'adoption de certains de ces articles et de leur mise en vigueur tout à fait immédiate avec l'adoption du Code civil pour la bonne et simple raison qu'il n'y avait pas eu un consensus de ce qui pouvait être couvert.

Par exemple, lorsque l'actuel gouvernement était dans l'opposition, ils avaient soulevé avec raison la préoccupation suivante: Est-ce qu'on veut vraiment que les gens qui sont souvent déjà endettés jusqu'au cou – les cartes de crédit qui chargent des taux d'intérêt tout à fait usuraires, les banques qui font malgré tout des profits énormes – est-ce qu'on va, en plus, leur donner l'occasion d'aller mettre une hypothèque sur tous les biens qui sont dans le logement ou dans la maison des gens? La décision avait été de suspendre, donc, pour l'instant, cette partie-là. Et on n'y est pas encore rendus, et, encore une fois, je pense, avec raison. Ce qu'on vise ici, ce sont des choses facilement identifiables comme, par exemple, une voiture, justement. Avec un numéro de série, on va savoir si c'est bel et bien cette voiture-là qui est grevée de l'hypothèque.

(10 h 40)

Dans la vie de tous les jours, ce que cela signifie, M. le Président, c'est qu'un autre problème pour le consommateur serait réglé. On a tous entendu ou lu des histoires d'horreur de personnes qui, en toute bonne foi, ont acheté une voiture, pour apprendre plus tard qu'il y avait eu des problèmes ou que c'était grevé d'une hypothèque ou d'une autre charge encombrée de cette manière-là et que la personne qui pensait acheter une voiture qui allait lui appartenir en propre, finalement, perdait et son argent et la voiture, bien souvent. Quand on regarde que la voiture est souvent la deuxième chose en importance comme valeur que les gens vont acquérir après leur maison, ce n'était pas normal qu'on ne prenne pas les démarches qui s'imposent pour s'assurer que ce genre de situation ne se produise plus. Donc, pour ces deux raisons principales, on est très heureux d'apporter notre concours au gouvernement pour le projet de loi n° 181.

Maintenant, pour ce qui est du Code civil en tant que tel, M. le Président, évidemment, il y aura d'autres occasions pour en discuter, mais je tiens à donner l'exemple d'un projet de loi qui est actuellement sur la table et qui concerne la recherche médicale. Il n'y a pas de grandes différences entre les deux côtés de la Chambre pour ce qui est du fond de ce projet de loi là, qui vise à assurer que le Québec ne soit plus dans une situation tout à fait particulière où toutes sortes de recherches, qui peuvent par ailleurs se faire, ne se faisaient plus au Québec à cause d'une interprétation vraiment restrictive de certaines dispositions du Code civil. Donc, dans un certain temps, il était évident qu'une partie de la réponse résidait dans une modification législative. Et, dans la mesure où certains aspects du Code civil étaient en cause, c'était normal de s'y tourner.

Mais, quand on parle du Code civil, M. le Président, il faut être conscient du fait qu'on parle aussi d'une institution, d'un instrument clé dans notre système de droit d'inspiration française, dans notre système de droit civiliste. Lorsque le Code civil est rédigé, il doit être rédigé dans des termes généraux relativement faciles de compréhension, ce qui ne nous empêche pas d'être lucides et de savoir que des textes parfois très détaillés et complexes, comme ceux qui régissent les hypothèques mobiliers, vont aussi s'y retrouver.

Le problème que l'on voit, de notre côté de la Chambre, c'est qu'on ne porte plus assez attention au fait que le Code civil doit quand même demeurer un peu au-dessus des lois ordinaires adoptées par cette Chambre. Il va sans dire que le Code civil, techniquement parlant, n'est qu'une autre loi de l'Assemblée nationale, c'est un fait, qui peut être modifiée comme toute autre loi, c'est aussi un fait. Ce n'est pas la constitution qui exigerait un deux tiers ou un trois quart de majorité. Il n'y a pas une formule pour amender le Code civil.

Mais il me semble que, comme parlementaires, lorsqu'on est conscients de l'importance du Code civil dans notre système de droit – c'est une de nos institutions fondamentales, côté juridique – il faut qu'on prête une attention particulière, il faut qu'on soit extrêmement attentifs à cet instrument comme fondement de notre système juridique et éviter à tout prix que cela ne devienne un endroit où on case des idées particulières qui ne répondent qu'à des demandes ponctuelles. C'est pour ça qu'on répète notre invitation formulée auprès du gouvernement en ce qui concerne cet autre projet de loi, qui viendra bientôt, en matière de recherche médicale, on répète notre invitation de travailler en étroite collaboration avec le gouvernement pour éviter de jouer dans le Code civil dans le détail, de faire en sorte que, tout d'un coup, le Code civil commence à être un endroit où on trouve des dispositions habilitantes pour l'adoption de règlements ou de décrets ministériels, par exemple. Ce n'est pas la place pour ce genre de chose, M. le Président. C'est plutôt dans une loi particulière qu'on devrait trouver ces choses-là, même s'il est parfois nécessaire d'apporter une certaine correction ou une harmonisation avec les dispositions pertinentes du Code civil.

Le fait qu'on a une Loi sur les compagnies au Québec ne nous a pas empêchés d'avoir un chapitre dans le Code civil qui traite des personnes morales, par exemple. Les deux se lisent ensemble, sont complémentaires. Pas de problème avec ça. Mais, lorsqu'on commence à aller trop dans le détail, trop dans le particulier, trop dans le ponctuel dans un Code civil, on erre. On n'est pas en train d'aider une institution qui doit évoluer avec le temps et qui doit s'adapter. On est en train de jouer dans le Code civil comme si c'était une petite loi ordinaire. Ce n'est pas la Loi sur les abeilles, le Code civil. C'est une loi fondamentale dans un système de droit civil et on ne doit pas jouer là-dedans comme si de rien n'était.

Pour avoir été moi-même avocat au ministère de la Justice dans les années soixante-dix, quand le Code civil avait été adopté et accepté à l'Assemblée nationale, du moins déposé à l'Assemblée nationale par Paul-André Crépeau du temps de René Lévesque, pour avoir vu le sort qui a été réservé à ça une fois que la machine bureaucratique s'en est emparé, pas toujours avec les motifs les plus nobles – je suis peiné de le dire, mais j'étais là, je peux en parler – je suis toujours un peu sceptique quand je vois l'attitude de la machine bureaucratique à l'égard du Code civil. Et je dois dire que l'opposition officielle va faire tout en son pouvoir pour faire voir cette réalité au gouvernement, pour lui faire accepter et comprendre l'importance du Code civil dans notre société et pour s'assurer que ce soit toujours empreint d'une certaine stature, d'une certaine dignité, d'une certaine importance qui le hisse à un rang au-dessus des autres lois. Et j'espère qu'en continuant de travailler avec le gouvernement lorsqu'il y va de l'intérêt du public, lorsqu'il y va de l'avancement de notre Code civil, personne ne pourra douter de nos motifs ou de notre mobile à cet égard et les gens vont pouvoir comprendre qu'on est en train de faire un travail qui vise à assurer et à préserver cette importante institution dans notre société qu'est le Code civil du Québec. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Chomedey. Alors, c'est tout, il n'y a pas de réplique. Enfin, tout est dit et bien dit.


Mise aux voix

Alors, je m'en vais mettre aux voix le projet de loi. Le projet de loi n° 181, Loi modifiant le Code civil et d'autres dispositions législatives relativement à la publicité des droits personnels et réels mobiliers et à la constitution d'hypothèques mobilières sans dépossession, est-il adopté?

M. Mulcair: Adopté.

M. Ménard: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. Alors, M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: Oui, M. le Président, nous souhaitons poursuivre avec l'article 9 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 410


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Brouillet): L'article 9. À l'article 9, M. le ministre des Transports propose l'adoption du principe du projet de loi n° 410, Loi modifiant la Loi sur les véhicules hors route. Je vais maintenant céder la parole à M. le ministre des Transports. M. le ministre, je vous cède la parole.


M. Jacques Brassard

M. Brassard: M. le Président, très brièvement, le projet de loi n° 410 a pour effet de modifier la Loi sur les véhicules hors route qu'on a adoptée il n'y a pas si longtemps, en décembre 1996, et qui est entrée en vigueur en octobre dernier. Vous vous souviendrez que cette loi, attendue depuis longtemps par les groupes d'utilisateurs de véhicules tout-terrains et de motoneiges et par les groupes préoccupés par la conservation du milieu, établissait un certain nombre de règles quant aux utilisateurs de véhicules hors route, quant à l'utilisation sécuritaire des véhicules et quant aux lieux d'utilisation privés ou publics.

Les dispositions de la loi avaient fait l'objet d'une consultation très élargie et d'une maturation qui ont eu pour résultat d'emporter l'adhésion généralisée, autant des groupes d'utilisateurs que des groupes affectés d'une manière ou d'une autre par la pratique de la motoneige et des autres véhicules hors route.

Il est un point de la loi, cependant, que nous avons jugé nécessaire d'harmoniser avec d'autres règles en vigueur au ministère. Il s'est avéré que, dans le cas où on autorise une intersection entre un sentier de véhicules hors route et un chemin public, les distances de visibilité entre l'enseigne signalant cette traverse et la traverse elle-même, tel qu'édicté à la Loi sur les véhicules hors route, sont plus sévères que celles établies au règlement sur la signalisation. C'est ainsi que la loi prévoit qu'en fonction des vitesses affichées de 30 km/h, 50 km/h, 70 km/h et 90 km/h l'élément de signalisation doit être installé en bordure du chemin public à des distances respectives de 50 m, 100 m, 150 m et 200 m. Ces normes sont inspirées de normes américaines relatives aux distances de freinage bonifiées eu égard aux conditions climatiques hivernales.

Or, les distances prévues au Règlement sur la signalisation, en vertu du Code de la sécurité routière, sont, elles, de 65 m, 110 m et 170 m pour les vitesses affichées respectives de 50 km/h ou moins, 70 km/h et 90 km/h. Il y a donc une différence assez significative.

(10 h 50)

Bien qu'inférieures à celles énumérées dans la loi, ces distances qu'on retrouve dans le Règlement sur la signalisation sont tout de même sécuritaires. En les appliquant aux traverses de véhicules hors route, on facilite les opérations relatives à l'installation et à l'entretien de la signalisation tout en diminuant la variété des messages dirigés vers les utilisateurs de la route.

De plus et surtout, cette modification évite aux clubs d'utilisateurs de véhicules hors route d'avoir à négocier de nouveaux droits de passage avec les propriétaires des différents terrains du domaine privé adjacents aux chemins publics où sont déjà implantés les sentiers.

Compte tenu, en effet, des tracés souvent courbés des routes, l'observance des distances de la loi aurait obligé certains déplacements d'intersections. Le projet de loi n° 410 vient donc remplacer les distances de visibilité comprises dans la loi par simple référence au Règlement sur la signalisation routière. Aux paragraphes 2° et 4° du deuxième alinéa de l'article 11 de la loi, les distances édictées sont éliminées et le texte fait référence à la signalisation routière en vigueur.

Voilà l'explication de cet unique article du projet de loi n° 410. La loi ainsi modifiée harmonisera les normes du ministère et éliminera des difficultés inutiles, des inconvénients pour les gestionnaires du réseau routier, les clubs, en particulier, comme pour les responsables de sentiers de véhicules hors route. Voilà. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre des Transports. Je vais céder la parole à M. le député de Pontiac.


M. Robert Middlemiss

M. Middlemiss: Oui. Merci, M. le Président. Lorsque j'ai lu pour la première fois le projet de loi, surtout le note explicative que je cite: «Ce projet de loi modifie la Loi sur les véhicules hors route afin de permettre l'harmonisation des distances de visibilité requises pour la traversée des chemins publics par les utilisateurs de véhicules hors route avec les normes édictées en vertu du Code de la sécurité routière», donc, c'est tout à fait logique et louable, mais, lorsqu'on examine un peu de plus près, on s'aperçoit que le projet de loi n° 43, lorsqu'on a passé le principe de ce projet de loi n° 43, on avait des distances. À ce moment-là, on disait: 200 m, 200 m, 200 m, 200 m pour toutes les vitesses possibles. C'était la première version. On est arrivés en commission parlementaire et on a dit: L'article 11, on va changer, on va apporter un amendement. Et on dit: Lorsque c'est une vitesse de 30 km à l'heure, la distance devrait être 50 m; 50 km à l'heure, 100 m; 70 km à l'heure, 150 m; et 90 km à l'heure, 200 m. Et, M. le Président, à ce moment-là, vous voyez que c'est une réduction des distances. Et une des raisons pour lesquelles on a le projet de loi pour les véhicules hors route, c'était un peu pour rendre la pratique de ce sport un peu plus sécuritaire. On s'aperçoit qu'on a réduit les distances. Aujourd'hui, encore on arrive et on réduit encore les distances pour les mêmes vitesses.

Je me souviens, au moment de la commission parlementaire, M. le Président, j'avais posé la question au ministre: Est-ce que le fait de réduire ces distances-là, on maintient encore cette préoccupation de sécurité? Il m'a dit: Oui, oui, oui, tout a été examiné. Maintenant, aujourd'hui, je me pose la question, la même question: De 100 m – je ne sais pas, le ministre, je crois qu'il a dit 65 m, il me semble que dans... est-ce que c'est 60 m ou 65 m? Le ministre pourra me répondre. Tantôt, il a dit 65 m. Pour 70 km à l'heure, c'est 110 m; pour 90 km, c'est 170 m. C'est une réduction dans les trois cas. Donc, est-ce que réellement on fait ça juste pour harmoniser avec le Code de la sécurité routière? Je sais que c'est une demande des utilisateurs, puis ça fait l'affaire des utilisateurs, mais il me semble qu'une de nos premières préoccupations, c'est de s'assurer que ces normes-là vont nous faire réaliser la sécurité qu'on cherche dans la pratique de ce sport.

Vous savez, M. le Président, même avec ces lois, même avec le contrôle de l'utilisation des véhicules hors route, malheureusement chaque année on a trop d'accidents et trop de pertes de vie. Donc, je ne voudrais certainement pas me rendre complice d'un changement qui aurait comme effet, malheureusement, d'occasionner plus d'accidents et plus de pertes de vie.

Donc, M. le Président, j'espère qu'au niveau de la commission, lorsqu'on étudiera l'article même de ce projet de loi, on pourra nous donner suffisamment d'assurance que ces changements-là, en réalité, sont encore sécuritaires et qu'on n'est pas en train de réduire la sécurité. Comme je vous dis, j'espère que le ministre, il n'est pas en train de s'acharner à diminuer la sécurité des usagers. Parce qu'il me répète souvent, que ça soit lorsqu'on parle du réseau routier, qu'on parle de ces choses-là, il me dit que ce qui le préoccupe le plus, c'est toujours la sécurité des usagers. Donc, M. le Président, j'espère réellement que c'est réglé.

Il semblerait que peut-être une des raisons... Est-ce qu'on n'avait pas réalisé l'impact de la loi, sur le terrain? Parce que, ce que je peux comprendre, c'est que ça affectait énormément... Ce n'étaient pas nécessairement des intersections à 90 %, il y avait des problèmes: ils auraient été obligés de négocier des nouveaux sentiers, des nouveaux droits de passage. M. le Président, il me semble qu'un problème de cette nature-là ne devrait pas avoir préséance sur la sécurité, jamais. On dit: Jamais ça ne devrait avoir lieu, ça.

Ça me surprend, M. le Président, qu'à une loi qui a été adoptée en décembre 1996, on soit déjà obligé aujourd'hui d'apporter des précisions de ce genre. Et pourtant c'est un projet de loi qui était demandé depuis longtemps. On avait échangé avec les groupes concernés. Et je ne peux pas comprendre que, si on harmonise avec le Code de la sécurité routière... Ce Code-là existait avant que cette loi-là soit adoptée en décembre 1996. Pourquoi, réellement, ça s'est produit? Ce n'est certainement pas parce qu'on a présenté un projet de loi à la hâte, à la dernière minute qu'on a cette chose-là, parce que c'était déjà pensé depuis longtemps et voulu depuis longtemps.

Toutefois, M. le Président, je me pose la question, parce que je sais que le ministre des Transports présente beaucoup de projets de loi, par exemple, le projet de loi n° 115 déposé, mais on dirait qu'il va mourir au feuilleton. L'Assemblée nationale a adopté le principe du projet de loi n° 159, mais on n'en a pas entendu parler depuis. Donc, j'ai hâte de voir ce qui va arriver dans le projet encadrant le transport des matières et des personnes. Est-ce que ce projet de loi va avoir le même sort que ceux qui ont été présentés avant?

Toutefois, M. le Président, comme je le disais, le ministre aura l'occasion de nous satisfaire, de nous convaincre que ces changements-là n'auront aucun effet sur la sécurité des gens. Et j'ai compris que ce projet de loi en est un qui est souhaité par le milieu et que son but est d'être plus pratique pour les utilisateurs des sentiers de véhicules hors route.

(11 heures)

Nous appuierons donc le principe. Mais, comme je l'indiquais, on se pose de sérieuses questions quant aux qualités de législateurs de nos amis d'en face, lorsqu'on est obligé de reprendre ça. On avait fait tellement d'éloges du Code de la sécurité routière. Ce n'est pas parce qu'on avait oublié qu'il existait et qu'il avait été amendé que ça justifie que, dans le projet de loi n° 43, on a été obligé de... Dans le projet de loi, on a présenté des distances correspondant à des vitesses. On a apporté un amendement, au moment de la commission parlementaire, pour amender l'article 11. Et, maintenant, aujourd'hui, un an et quelques mois après, on vient encore nous demander un amendement. Nous sommes certainement d'accord pour s'assurer... Mais on veut être assurés et avoir l'assurance que la sécurité des utilisateurs ne sera pas affectée. Merci, M. le Président.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Pontiac. Il n'y a pas d'autres intervenants? Alors, le principe du projet de loi n° 410, Loi modifiant la Loi sur les véhicules hors route, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: Oui, M. le Président, je fais motion que ce projet de loi soit déféré à la commission plénière pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Cette motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: La motion étant adoptée à l'unanimité – M. le Président, je remercie M. le député de Pontiac – je fais motion que l'Assemblée se transforme en commission plénière.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Cette motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. En conséquence, je suspends les travaux quelques instants pour que nous puissions nous constituer en commission plénière.

(Suspension de la séance à 11 h 2)

(Reprise à 11 h 4)


Commission plénière

M. Brouillet (président de la commission plénière): Conformément à la motion qui vient d'être adoptée, nous sommes réunis en commission plénière pour étudier en détail le projet de loi n° 410, Loi modifiant la Loi sur les véhicules hors route.


Remarques préliminaires

Alors, nous pouvons commencer par des remarques préliminaires si vous le désirez ou nous pouvons aller directement aux différents articles.

Alors, l'article 1: L'article 11 de la Loi sur les véhicules hors route (1996, chapitre 60) est modifié:

1° par le remplacement du paragraphe 2° du deuxième alinéa par le suivant:

«2° traverser le chemin à l'endroit prévu pour les véhicules hors route par une signalisation routière;»;

2° par l'insertion, dans la première ligne du paragraphe 4° de cet alinéa et après le mot «signalisation», du mot «routière».

Alors, voici le premier article. Si vous avez quelques remarques ou, M. le ministre, quelques commentaires là-dessus, je vous céderais la parole.


M. Jacques Brassard

M. Brassard: Bien, je pense que j'ai un peu tout dit dans ma brève allocution lors de l'adoption du principe. On s'est rendu compte que les distances de visibilité qu'on avait introduites dans la loi étaient supérieures à celles prévues au Règlement sur la signalisation et que ça posait des problèmes pour un certain nombre de traverses. Il aurait fallu déplacer des traverses, des intersections, avec les inconvénients que ça suppose, négociation de droit de passage avec des propriétaires, etc.

Or, on s'est posé la question: Est-ce que les distances prévues – parce que le député de Pontiac l'a posée aussi dans son intervention – au Règlement sur la signalisation sont sécuritaires? C'est évidemment la question pertinente par excellence. C'est celle-là qu'on s'est posée, que les fonctionnaires se sont posée avant de me proposer une modification à la loi. La réponse, c'est oui. On m'assure que les distances prévues au Règlement sur la signalisation sont sécuritaires et qu'on peut continuer, pour l'essentiel, de les maintenir.

Surtout, ce qui est important, ce qui est l'objet même de l'amendement, c'est que, désormais, ces distances-là ne se retrouveront pas à l'intérieur de la loi. Ces distances-là seront prévues dans le Règlement sur la signalisation, règlement d'ailleurs qui, soit dit en passant, est en révision actuellement au ministère des Transports. On est en train de compléter la révision de ce Règlement sur la signalisation. Si on juge opportun de modifier les distances, bien, ce sera plus simple évidemment par voie réglementaire. Le règlement pourra prévoir, par exemple, des traverses obliques, parce qu'il y en a un certain nombre, de traverses obliques, au Québec. Et on pourra prévoir faire une distinction entre les traverses à angle droit et les traverses obliques et prévoir, dans le règlement qui est actuellement en voie de révision ou en train d'être révisé, des distances distinctes selon que c'est une traverse à angle droit ou une traverse oblique.


Étude détaillée

Le Président (M. Brouillet): Alors, merci, M. le ministre. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Pontiac.

M. Middlemiss: Oui, M. le Président. Dans le mémoire, on indiquait que ce serait 60 m pour une vitesse de 50 km/h. Et, si j'ai bien compris le ministre, dans son allocution, il a indiqué 65 m. Est-ce que c'est 65 m ou 60 m?

M. Brassard: 65 m. Il y a une erreur dans le mémoire.

M. Middlemiss: O.K., d'accord. Donc, c'est 65 m.

M. Brassard: Dans le règlement, c'est 65 m.

(11 h 10)

M. Middlemiss: C'est bien. M. le Président, le ministre est d'accord que notre première préoccupation devrait être la sécurité. Avec les distances qui correspondaient à certaines vitesses dans le projet de loi, on avait indiqué que ceci était le résultat d'une étude qui avait été faite aux États-Unis et qui avait été bonifiée au Québec, ainsi de suite.

Les nouvelles distances avec les nouvelles vitesses, est-ce qu'il y a une étude qui a été faite dans ce sens-là, pour nous assurer... Avant, on était assuré que, oui, c'est basé, on a fait de la recherche et on croit que c'est sécuritaire. Même ici, au Québec, on a ajusté ça pour les conditions climatiques. Est-ce qu'il y a quelque chose qui a été fait dans ce sens, pour que, dans le projet de loi présent... J'ai l'impression qu'on l'a fait surtout pour mieux harmoniser avec le Code de la sécurité routière. Est-ce qu'on est satisfait que cette harmonisation-là ne causera pas d'inconvénients au point de vue de la sécurité?

Le Président (M. Brouillet): M. le ministre.

M. Brassard: Bien, d'abord, disons que les distances qu'on retrouve dans le règlement sur la signalisation sont des distances qui s'appliquent depuis 1989 – presque 10 ans que ces distances s'appliquent – que toutes les traverses sur le réseau de sentiers... Il y en a 33 000, des sentiers de motoneige au Québec. Ça veut dire, donc, pas mal de traverses de chemins publics à travers tout le Québec. Et, depuis 1989, ce sont ces distances-là qui s'appliquent: 65 m pour 50 km, 110 m pour 70 km et 170 m pour... Ça s'applique. Et l'expérience de presque 10 ans nous amène à conclure que ce sont des distances sécuritaires, puisque...

C'est vrai que tout à l'heure le député faisait allusion à un certain nombre d'accidents, dont plusieurs sont mortels, impliquant particulièrement des motoneiges, à chaque hiver au Québec; ce qui est vrai, sans aucun doute. Je pense que tout le monde va être d'accord pour dire qu'il y a trop de morts, trop de décès impliqués dans des accidents de motoneige, mais on m'affirme qu'il n'y a pas d'accidents mortels ou graves dont l'explication viendrait du fait que les distances de visibilité prévues au règlement ne sont pas assez grandes. Aucun accident mortel.

Ça veut donc dire que les distances de visibilité actuellement, quand une motoneige respecte la traverse, traverse un chemin public, sont suffisantes pour assurer cette traverse du chemin public sécuritaire. Et le député sait très bien qu'il y a beaucoup d'accidents, entre autres mortels, qui se produisent en dehors des sentiers, très souvent en dehors des sentiers. Pour plusieurs, c'est des imprudences sur des plans d'eau pas suffisamment gelés, enfin vous voyez un peu le genre d'accidents. Mais ça n'est pas arrivé, en presque 10 ans de pratique, qu'on puisse dire: Un tel est décédé ou un tel a subi un accident grave en motoneige parce que, au moment de traverser le chemin public, la distance de visibilité était insuffisante.

Par conséquent, on peut, comme je l'ai dit tantôt, affirmer que les distances prévues au règlement sur la signalisation sont sécuritaires.

Le Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre. M. le député de Pontiac.

M. Middlemiss: M. le Président, est-ce que je peux conclure, d'après ce que le ministre vient de nous dire, qu'on n'a jamais mis en application les distances du projet de loi n° 43, qu'on ne les a jamais mises en application? Et c'est pour ça qu'on dit que l'expérience vécue avant le projet de loi n° 43, on avait de la signalisation qui était plutôt sur le Code de la sécurité routière. C'est sur cette base-là.

Mais, si c'est ça, le cas, pourquoi, au moment du passage de la loi 43, a-t-on voulu donner l'impression du moins qu'on augmentait la sécurité? Pourquoi est-on arrivé à ça si on avait déjà une expérience vécue qui démontrait que, dans l'actualité... Si je comprends bien le ministre, on nous dit qu'il n'y a pas eu d'accidents mortels ou de blessures – ou, s'il y en a eu, c'est très peu – avec l'utilisation de la distance de visibilité telle qu'on vient de la changer dans le projet de loi n° 410. Qu'est-ce qui nous a amenés à faire ces choses-là? Ce qui fonctionne bien, pourquoi le réparer?

Le Président (M. Brouillet): Alors, M. le ministre.

M. Brassard: Il faut dire que je me suis posé moi-même la question, et je l'ai posée aussi, la question: Comment se fait-il qu'on arrive avec un amendement à une loi qui vient tout juste d'être adoptée? Je ne peux pas vous dire que ça m'a fait grand plaisir. Alors, la réponse qu'on me donne, c'est qu'on a voulu... D'abord, le Règlement sur la signalisation, au moment où on a adopté la loi, avait amorcé sa révision. Donc, il se pourrait que les distances de visibilité qu'on y retrouvait, qu'on y retrouve encore, puissent être changées, modifiées. Et on a jugé, à ce moment-là, qu'il était préférable d'inclure, dans la loi même portant sur les véhicules hors route, les motoneiges et les véhicules tout-terrains, les distances de visibilité plutôt que de se référer à un règlement découlant du Code de la sécurité routière, pour faire en sorte qu'on ait une loi pleine et entière, complète. Mais on s'est rendu compte par après, au moment de sa mise en vigueur ou de son application, parce qu'il y a eu des réactions sur le terrain forcément...

Il y a certains clubs qui nous ont avisé que, si on appliquait ces distances-là, telle traverse sur leur territoire, ils seraient tenus de la déplacer et que, en la déplaçant, ça les obligeait à refaire des négociations avec des propriétaires pour avoir les droits de passage. Ça obligeait à déplacer évidemment aussi les affiches, les panneaux de signalisation. Mais ça, c'était moins un inconvénient que celui de reprendre les négociations. Alors, ils nous ont dit: Écoutez, les distances, telles qu'on les retrouve dans le règlement sur la signalisation, on les considère comme sécuritaires, c'est celles-là qu'on respecte depuis des années, puis nos usagers, nos utilisateurs traversent en sécurité les chemins publics.

Alors, donc, pour éviter de causer ainsi, de générer des inconvénients à un certain nombre de clubs et d'utilisateurs par le fait même, on en est arrivé à la conclusion que, finalement, le mieux, ce serait de faire référence à la signalisation routière, que les distances qu'on y retrouve étaient, en fait, sécuritaires. Et il y aurait lieu, cependant, dans la révision, encore une fois, comme je l'ai dit, de faire une distinction entre les traverses obliques et les intersections à angle droit. Donc, une traverse oblique, c'est clair qu'on va indiquer, stipuler dans le règlement des distances plus grandes.

Le Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le ministre. M. le député de Pontiac.

M. Middlemiss: Donc, M. le Président, est-ce que je peux conclure qu'on est dans l'illégalité depuis le mois d'octobre? Les gens qui ont pratiqué avec les hors route et les motoneiges pendant cette saison-ci, on s'est tourné la tête, on s'est fermé les yeux et on les a laissé faire les choses dans l'illégalité, puisque ça ne respecte pas le projet de loi qu'on a passé dans cette enceinte?

Le Président (M. Brouillet): M. le ministre.

(11 h 20)

M. Brassard: Il y avait un conflit entre le règlement issu du Code et la loi. Les nouvelles traverses – parce qu'il s'en est ajouté un certain nombre au cours de l'hiver; on a maintenant 33 000 km de sentiers; il s'est ajouté des kilomètres de sentiers, donc des traverses – ont été aménagées en respectant les distances prévues dans la loi. Pour les anciennes, ça a été un régime de tolérance, en quelque sorte, et c'est clair qu'un tel conflit entre deux lois, finalement, ou un règlement issu d'une loi – le Code de la sécurité routière – puis une autre loi, c'est évident qu'on ne peut pas tolérer cela indéfiniment. Il faut résoudre le conflit, alors c'est ce qu'on fait par l'amendement à la loi.

M. Middlemiss: Une dernière question.

Le Président (M. Brouillet): Alors, M. le député de Pontiac.

M. Middlemiss: Le ministre a mentionné tantôt, je pense, qu'il y avait des discussions avec soit les motoneigistes puis les clubs de quatre-par-quatre, là. Est-ce que, dans la réglementation, il y a aussi quelque chose qui s'en vient pour les dimensions des panneaux de signalisation, qui iraient d'une dimension de 300 mm à 450 mm?

Le Président (M. Brouillet): Alors, M. le ministre.

M. Brassard: C'est dans le projet de révision du règlement sur la signalisation. Effectivement, il y a des changements concernant les dimensions des panneaux.

Le Président (M. Brouillet): M. le député.

M. Middlemiss: Il semblerait, M. le Président, que ces changements-là aussi vont causer des problèmes pour, disons, les clubs qui ont déjà des panneaux de signalisation, qui sont obligés de les changer. Donc, si on a reconnu le problème de la distance et de la vitesse de signalisation parce que ça créait un problème aux clubs de motoneige, ça les forçait à négocier ou à faire autre chose, est-ce qu'on va prendre en considération le fait qu'on a déjà des panneaux et que... Si ce n'est pas absolument nécessaire, pourquoi faire dépenser des sous à ces gens-là? Si on est satisfait des distances puis des vitesses de sécurité, il me semble que la grosseur des panneaux de signalisation, peut-être que ce n'est pas si important dans les facteurs de sécurité.

Le Président (M. Brouillet): M. le ministre.

M. Brassard: Bien, c'est pour cette raison que ça va s'appliquer progressivement pour les nouveaux panneaux, les panneaux qu'on remplace. Donc, on va laisser les clubs utiliser, durant leur vie utile, les panneaux existants.

Le Président (M. Brouillet): Très bien. Alors, l'article 1 est-il adopté? Adopté.

L'article 2, bien, c'est simplement la date de l'entrée en vigueur. «La présente loi entre en vigueur...» Et nous indiquerons ici la date de la sanction de la présente loi.

Est-ce que cet article est adopté?

M. Middlemiss: Adopté.

Le Président (M. Brouillet): Adopté. Le titre du projet de loi est-il adopté?

M. Middlemiss: Adopté.

Le Président (M. Brouillet): Adopté. Ceci met fin à la commission plénière. Je remercie tous ceux et celles qui y ont participé. Pour nous permettre de revenir en Assemblée, j'inviterais tous ceux qui ont à se retirer à le faire le plus rapidement possible, s'il vous plaît.

Alors, nous allons suspendre quelques minutes.

(Suspension de la séance à 11 h 24)

(Reprise à 11 h 25)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, j'inviterais M. le député de Salaberry-Soulanges à présenter le rapport de la commission plénière, s'il vous plaît.

M. Deslières (président de la commission plénière): Merci, M. le Président. M. le Président, j'ai l'honneur de faire rapport que la commission plénière a étudié en détail le projet de loi n° 410, Loi modifiant la Loi sur les véhicules hors route, et qu'elle l'a adopté.


Mise aux voix du rapport de la commission

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie. Ce rapport est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. Alors, M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: Oui. M. le Président, je sollicite le consentement de l'opposition officielle pour procéder à la seconde étape, c'est-à-dire l'adoption du projet de loi.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, il y a consentement pour qu'on déroge à l'article 230 du règlement.


Adoption

M. le ministre des Transports propose l'adoption du projet de loi n° 410, Loi modifiant la Loi sur les véhicules hors route. Le projet de loi n° 410 est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: M. le Président, en remerciant M. le porte-parole de l'opposition pour son habituelle collaboration, je vous suggère maintenant de vous référer à l'article 6 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 401


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 6, M. le ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration propose l'adoption du principe du projet de loi n° 401, Loi modifiant la Loi sur la protection du consommateur concernant le commerce itinérant. Je vais céder la parole à M. le ministre pour son intervention. M. le ministre.


M. André Boisclair

M. Boisclair: Merci, M. le Président. Ce projet de loi, comme je le mentionnais le 18 décembre dernier, au moment de sa présentation en cette Assemblée, vise à harmoniser les dispositions de la Loi sur la protection du consommateur avec celles proposées dans le cadre de l'application de l'Accord sur le commerce intérieur.

À ce propos, et pour le bénéfice des parlementaires, je rappellerai qu'en 1994 les premiers ministres de tous les gouvernements au Canada ont signé l'Accord sur le commerce intérieur, à l'exemple de l'Accord de libre-échange nord-américain, dans le but de réduire les barrières commerciales internes lorsqu'il y en avait. L'Accord avait été mis en vigueur par la Loi concernant la mise en oeuvre de l'Accord sur le commerce intérieur qui est entrée, elle, en vigueur le 16 avril 1997.

Permettez-moi, M. le Président, de rappeler que nos efforts pour mettre en application les dispositions de cet Accord confirment l'ouverture de plus en plus grande de l'économie québécoise. Comme mon collègue le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes a indiqué lors du débat sur la Loi concernant la mise en oeuvre de l'Accord, le gouvernement du Québec considère comme un élément majeur que cet Accord, bien qu'imparfait, soit une occasion de rappeler que cette ouverture constitue un élément majeur du partenariat économique plus ouvert que le Québec souhaite établir avec le reste du Canada.

Le chapitre VIII de l'Accord traite plus particulièrement de la protection du consommateur et son article 807.1 prévoit que les gouvernements doivent concilier certaines mesures et normes relatives à la consommation, dont les normes qui ont trait à la vente directe et au droit de résolution.

En effet, les différences entre les régimes de protection des consommateurs des provinces ont parfois été perçues comme étant des barrières au commerce interprovincial, donc, barrières qu'il nous fallait revoir et, dans la mesure du possible, barrières qu'il nous fallait éliminer.

Avant d'aborder ce projet de loi concernant le commerce itinérant, rappelons que le Québec a souvent été à l'avant-garde en matière de protection des consommateurs. Ainsi, dès 1971, la Loi sur la protection du consommateur réglementait le commerce itinérant. Elle indique, et je cite: «Le vendeur itinérant doit détenir un permis, fournir un cautionnement et offrir au consommateur un contrat contenant toutes les mentions requises par la loi et prescrites par le règlement. Le contrat peut être annulé dans les cinq jours de sa formation à la seule discrétion du consommateur.»

En 1980, la réglementation a été modifiée pour étendre le délai de résolution à 10 jours, et aussi a été modifiée pour exiger que le commerçant dépose le paiement reçu avant l'expiration du délai de résolution dans un compte en fiducie. Pour leur part, plusieurs législations canadiennes ne contiennent, à titre de réglementation sur le commerce itinérant, qu'un simple délai de résolution de deux, cinq ou sept jours, selon la province concernée.

(11 h 30)

Le commerce itinérant fait partie du type de commerce connu, sous les juridictions canadiennes et aux États-Unis, sous l'expression «vendeur direct» ou, en anglais, les «direct sellers», parce que le vendeur contracte directement avec le consommateur sans que ce dernier n'ait besoin de se déplacer pour se rendre à un commerce. Les commerçants itinérants opèrent dans différents domaines de consommation, mais, rappelons-le, principalement dans le domaine de l'habitation et notamment en matière de rénovation domiciliaire.

M. le Président, si j'ai fait référence aux législations canadiennes, c'est que, comme je le mentionnais plus tôt, le projet de loi n° 401, donc le projet de loi que nous étudions, vise à harmoniser nos dispositions législatives en matière de protection du consommateur avec celles des provinces canadiennes dans le cadre de l'accord auquel je faisais référence tout à l'heure, à savoir l'Accord sur le commerce intérieur.

Le comité des mesures et normes en matière de consommation composé des ministres provinciaux et fédéral responsables de la protection des consommateurs a le mandat d'assurer la mise en oeuvre du chapitre VIII de l'Accord. Sous la direction du comité, des fonctionnaires de chaque province ont été choisis pour négocier des mesures harmonisées en ayant entre autres préoccupations de maintenir, et j'insiste, de maintenir le plus haut standard de protection des consommateurs.

Ces négociateurs ont terminé leurs travaux en 1996 et ont proposé un train de mesures harmonisées qui stipulent, et je cite. D'abord, que seul le commerce itinérant est harmonisé, mais les juridictions sont libres d'appliquer le même régime au commerce à distance. Nous précisons aussi que le contrat, s'il est contracté, constaté par écrit, doit comprendre toutes les mentions prescrites par la loi, y compris un énoncé du droit de résolution. Si le contrat n'est pas constaté par écrit, l'énoncé doit être remis à l'acheteur. Il est aussi précisé que le consommateur jouit du droit discrétionnaire de résolution dans les 10 jours de la formation du contrat, suivant l'exemple de la législation québécoise. Le cas échéant, le commerçant doit rembourser le consommateur dans les 15 jours, alors que la règle actuelle du Québec est de 10 jours.

De plus, la résolution du contrat conclu avec le commerçant itinérant entraîne automatiquement la résolution du contrat de crédit proposé par le commerçant dans le but de financer l'achat du consommateur. Et, en dernier lieu, ces mesures proposent que le consommateur voie le délai de résolution étendu à un an lorsque le commerçant a commis certaines infractions, fait défaut de livrer la marchandise ou de prêter le service, ou encore si son permis ou son cautionnement ne sont pas conformes.

Ainsi, M. le Président, les ministres responsables de la consommation ont entériné les résultats des négociations lors de la réunion qui s'est tenue, en septembre 1996, à Toronto. Depuis cette date, trois juridictions ont mis en vigueur une loi contenant des propositions d'harmonisation. Ce sont des juridictions qui n'avaient aucune réglementation auparavant. Les autres juridictions sont à des stades d'avancement législatif variés, mais nous souhaitons que tous les 12 gouvernements intéressés aient introduit les propositions d'harmonisation avant l'été 1998. Pour sa part, le gouvernement du Québec vise le 1er août 1998.

Ainsi, M. le Président, l'introduction des propositions harmonisées dans la législation du Québec nous oblige à apporter des modifications à la Loi sur la protection du consommateur. D'abord, à propos du contenu du contrat écrit, il faut prévoir, notamment, qu'il doit préciser la date de livraison du bien ou la prestation de services. Et aussi, il faut prévoir le contenu de l'énoncé du droit de résolution qui est plus accessible que les mentions prescrites actuellement par règlement. Donc, mieux protéger les consommateurs.

Ce projet de loi aussi, au sujet du délai de résolution, prévoit d'étendre à un an le délai de résolution dans certains cas pour étendre aussi à 15 jours le délai pour que le commerçant rembourse le consommateur et finalement pour créer le droit de résoudre le contrat de crédit destiné à financer le contrat conclu avec le commerçant itinérant. Encore là, M. le Président, renforcement des droits des consommateurs.

J'insiste toutefois pour dire qu'au Québec la législation protégeant le consommateur en matière de commerce itinérant est très complète. Elle a déjà une tradition de presque 30 ans. Et il faut rappeler aussi que, dans ces cas, les propositions d'harmonisation ne touchent qu'une petite portion des dispositions légales, toutes les autres demeurant inchangées. C'est-à-dire, qu'il faut, au Québec, pour opérer et faire du commerce itinérant, avoir un permis. Il faut aussi, et cela demeure inchangé, fournir un cautionnement. Et il est aussi interdit de percevoir le paiement avant la livraison du bien ou la prestation du service, et là dépôt dans un compte en fiducie jusqu'au dixième jour suivant la formation du contrat. Ces dispositions originales dans la loi québécoise demeurent inchangées.

En conclusion, M. le Président, il faut constater que le projet de loi n° 401 actuellement soumis à l'étude et les propositions harmonisées qu'il introduit dans la législation constituent une amélioration de la protection des consommateurs québécois. Je m'appuie sur trois faits bien précis pour affirmer qu'en agissant de cette façon le gouvernement du Québec vient protéger, vient mieux affirmer les droits des consommateurs.

D'abord, l'énoncé du droit de résolution décrit les droits du consommateur de façon plus vulgarisée et accessible que ne le font, à l'heure actuelle, et la loi et le règlement. Aussi, le délai de résolution est étendu à un an lorsque le commerçant commet certains manquements à la loi ou omet de livrer la marchandise ou de rendre le service acheté par le consommateur. C'est là une nette amélioration. Finalement, le contrat, qui est, lui, accessoire, qui vise à financer l'achat du consommateur sera automatiquement annulé s'il a été conclu par le consommateur à la suite de l'intervention du commerçant itinérant qui ne respecterait pas les règles.

Par ailleurs, M. le Président, le projet de loi permettra au commerçant itinérant de rembourser le consomateur 15 jours après l'expédition de l'avis de résolution au lieu de 10 jours. Toutefois, il n'y a pas dans les faits de perte de protection, puisque 15 jours est le délai le plus couramment utilisé en raison des délais postaux inhérents à l'expédition de l'avis et/ou remboursement.

En somme, M. le Président, ce qu'il faut retenir de ce projet de loi, c'est qu'il vient renforcer les dispositions actuelles. Nous avons pu aussi, à l'occasion des différentes discussions avec nos collègues des autres provinces, faire en sorte de bien faire comprendre l'expertise québécoise. Je suis heureux de dire qu'en somme les règles harmonisées retiennent essentiellement les consensus québécois exprimés au Québec depuis 30 ans. Nous avons, dans ce domaine comme dans bien d'autres, fait école. Les règles harmonisées non seulement s'inspirent des règles québécoises, mais encore elles permettent à des gens de mieux renforcer leurs droits, puisque, au profit de la discussion avec nos homologues des autres provinces, nous avons cru bon d'ajouter certaines normes harmonisées.

J'indique aussi que, pour ceux qui oeuvrent dans cette industrie qui est celle du commerce itinérant, il y a là un net avantage, puisque les dispositions qui seront prescrites dans la loi et dans le règlement seront à terme, au bout du processus d'harmonisation, les mêmes partout entre les provinces et à travers le territoire canadien, ce qui facilitera grandement tant l'entreprise dans ses efforts pour rejoindre des gens que les personnes qui, elles, ont de nouveaux droits qui pourront être exercés sur l'ensemble du territoire québécois. Concrètement, M. le Président, une entreprise qui, auparavant, avait son siège social en Ontario devait utiliser soit un formulaire différent lorsqu'elle oeuvrait en Ontario ou au Québec et parfois l'exercice du droit de recours prévu à certains contrats n'était pas le même d'une province à l'autre. Nous venons donc harmoniser ces choses.

Donc, ce projet de loi s'inspire des grandes dispositions qui sont prévues à l'Accord sur le commerce intérieur, elles viennent renforcer les principes de protection du consommateur, et, encore là, comme dans bien des cas, je pense que nous pouvons nous réjouir de voir que le Québec a fait école et a su partager son expertise avec les autres législations canadiennes. Donc, c'est un plus, M. le Président, et j'ai bien confiance que ce projet de loi sera appuyé, suscitera l'appui de l'opposition. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de D'Arcy-McGee. M. le député.


M. Lawrence S. Bergman

M. Bergman: Merci, M. le Président. J'ai le privilège de m'adresser à cette Chambre aujourd'hui à l'occasion de l'adoption du principe du projet de loi n° 401, Loi modifiant la Loi sur la protection du consommateur concernant le commerce itinérant, Bill 401, An Act to amend the Consumer Protection Act with respect to itinerant merchants.

À la lecture de ce projet de loi, nous constatons qu'il vise à harmoniser les dispositions de la Loi sur la protection du consommateur du Québec régissant le commerce itinérant avec celles proposées par le Comité des mesures et normes en matière de consommation, qui, en vertu de l'article 809 de l'Accord sur le commerce intérieur, assure dans le domaine de la consommation l'application de l'Accord sur le commerce intérieur pour chacun des participants à cet Accord.

(11 h 40)

Ainsi, ce projet de loi modifie le contenu des contrats conclus avec le commerçant itinérant pour lesquels un écrit est exigé, notamment à l'égard de la description des biens visés, de la durée des services fournis ou des modalités afférentes au paiement, livraison ou prestations.

Ce projet de loi accorde également au consommateur un nouveau délai d'un an pour la résolution d'un contrat lorsque le commerçant ne détient pas le permis ou n'a pas fourni le cautionnement exigé, lorsque le contrat ne respecte pas les règles de formation et de forme prescrites ou lorsque le commerçant omet d'exécuter son obligation dans le délai prévu par la loi.

Les modifications prévues par le projet de loi semblent apporter des améliorations intéressantes qui visent à mieux protéger le consommateur dans le contexte de la vente itinérante. Notons que le commerçant itinérant est défini à l'article 56 de la Loi sur la protection du consommateur comme étant un commerçant qui, en personne ou par représentant, ailleurs qu'à son adresse, sollicite un consommateur déterminé en vue de conclure un contrat ou conclut un contrat avec un consommateur.

Ce type de commerce inclut la sollicitation à la porte pour la vente de tablettes de chocolat, de porte-clés et toutes sortes de gadgets. Les contrats de nettoyage de tapis, d'entretien de pelouse ou d'entretien de maison font partie du commerce itinérant. Même l'adhésion aux programmes sans montant fixe des compagnies de téléphone ou d'huile sont visés, contrats qui peuvent paraître peu importants de prime abord mais qui entraînent des dépenses importantes par la suite.

In spite of our agreement in principle of Bill 401, we do however have certain reserves regarding the full protection of the consumer involved in this particular type of commerce, which must be addressed and will be addressed by the Opposition during the legislative process of this bill.

Le citoyen généralement non averti des dangers qui peuvent lui coûter cher doit être suffisamment protégé par la loi, car la vente itinérante est souvent une vente sous pression où le consommateur réfléchit après la signature du contrat. La sollicitation se fait par téléphone, suivie par la signature du contrat en présence du commerçant ou de son représentant. Le commerçant ne choisit pas le vendeur qui se présente chez lui. Surpris par le vendeur qui peut surgir à tout moment, le consommateur peut être entraîné à faire des achats impulsifs qu'il n'aurait pas consentis autrement.

Le caractère agressif de la vente par commerçant itinérant provient de la vulnérabilité du consommateur, qui souvent n'a pas la capacité de résister aux pressions du vendeur. Ce type de commerce devient de plus en plus populaire et peut représenter un danger de plus en plus sérieux pour le client non averti. Il est donc essentiel que la loi ne laisse aucune marge de manoeuvre pour le commerçant trop agressif afin de protéger suffisamment le client mal informé de ses droits.

M. le Président, l'article 1 du projet de loi n° 401, qui modifie l'article 56 de la Loi sur la protection du consommateur, nous pose un problème et soulève de sérieuses interrogations chez les associations de consommateurs. En effet, cet article abroge l'alinéa b, lequel excluait les contrats de moins de 25 $ de l'application des dispositions sur le commerce itinérant. On peut se demander dans quel but le gouvernement abolit cette exemption. Est-ce pour soumettre tous les contrats à l'application des dispositions sur le commerce itinérant – ce avec quoi nous serons d'accord – ou bien pour pouvoir créer par règlement toutes sortes de nouvelles exclusions qui réduiront la protection accordée aux consommateurs et videront la loi de son bon sens?

Si je fais ces remarques, M. le Président, c'est que l'histoire législative de la Loi sur la protection du consommateur nous démontre que le gouvernement a tendance à exclure de plus en plus de types de contrats par le biais du règlement d'application de la Loi sur la protection du consommateur. À titre d'exemple, voici quelques contrats qui étaient assujettis à la loi et qui, par voie réglementaire, en ont été exclus par la suite: les ventes conclues dans un marché public lors d'une exposition agricole ou commerciale, sauf si le vendeur a un permis de commerçant itinérant; la vente ou la location à long terme d'une automobile neuve; le contrat de prêt d'argent et/ou contrat de carte de crédit; la vente de billets de loterie; la vente d'un produit alimentaire non congelé; la vente de biens ou services par une entreprise de service public de téléphone; un contrat conclu avec un expert en sinistre; une vente conclue lors d'une vente aux enchères publiques; un contrat conclu avec un agent de voyages; et il en existe bien d'autres.

En plus, cette liste s'ajoute aux exemptions prévues par la loi elle-même et qui excluent de l'application de la loi les contrats d'assurance et de rente, de services publics, de valeurs mobilières et de construction d'un immeuble.

Bref, M. le Président, nous voulons éviter que le projet de loi n° 401 permette d'allonger cette liste d'exemptions déjà fort longue et qui a déjà suffisamment affaibli la protection accordée aux consommateurs. Ce commentaire provenant d'une association de consommateurs résume bien ce que nous venons d'évoquer, et je cite: «Nous espérons que le retrait de ce montant du texte de la loi est fait dans l'esprit de vouloir inclure tout contrat de commerce itinérant à l'application de la loi, quel qu'en soit le montant, et non pas dans celui de pouvoir par la suite souffler le montant d'exemption à la loi par simple règlement[...]. On peut rendre une loi inopérante et complètement insignifiante simplement en modifiant son règlement d'application.»

Il serait donc important, M. le Président, de faire en sorte qu'il soit clair que l'article 56 s'applique quel que soit le montant du contrat en question.

Il serait d'ailleurs grand temps que le gouvernement légifère sur la situation juridique de la vente par Internet, qui semble échapper à la fois à la définition de la vente à distance de la loi qu'à celle d'un commerce itinérant. L'engouement de la population pour Internet, et l'augmentation des ventes conclues par le biais de ce moyen, ne peut tolérer un tel vide juridique.

Mr. Speaker, we agree with the principle of Bill 401 as we understand article 1 of Bill 401, which modifies article 56 of the Consumer Protection Act, to apply to all contracts with respect to itinerant merchants. However, as we examine the wording of the various articles of the bill, there are certain modifications which should be made. Rest assured that we will bring this forward in order to fully protect the citizen in keeping with the spirit, of course, of the Consumer Protection Act.

Mr. Speaker, in addition, article 3 of Bill 401 adds a final paragraph to article 59 of the Consumer Protection Act, more specifically, as I have already mentioned, the delay of one year for the consumer to annul a contract in the cases mentioned in the subsections of the final paragraph being added to article 59.

However, Mr. Speaker, in Annex 1 being proposed by Bill 401, and more specifically in paragraph 2 of Annex 1, there does not seem to be the provisions of article 3 of Bill 401, and let me quote to you what the problem seems to be. Citation: «Le droit de résolution peut être prolongé pour d'autres raisons, notamment pour absence de permis, pour absence ou pour déficience de cautionnement, pour absence de livraison ou pour non-conformité du contrat. Pour de plus amples renseignements, communiquez avec un conseiller juridique ou l'Office de la protection du consommateur.»

Mr. Speaker, two things: firstly, the words «peut être prolongé» are wrong, because article 3 actually grants a delay of one year, as the Minister has just mentioned, a delay which is granted automatically in the cases mentioned; and secondly, why is the delay of one year not mentioned in Annex 1? Mr. Speaker, I feel that, if the Annex 1 passes in its present form, the Government is actually misleading the consumer by providing him with an annex which is ambiguous and unclear.

M. le Président, l'opposition officielle va voter en faveur de l'adoption du principe de ce projet de loi, mais nous insistons pour que des améliorations y soient apportées de manière à mieux protéger le consommateur. Merci, M. le Président.

(11 h 50)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de D'Arcy-McGee. Y a-t-il d'autres intervenants? Alors, M. le ministre, pour votre droit de réplique.


M. André Boisclair (réplique)

M. Boisclair: M. le Président, je voudrais, comme pour la majorité, l'ensemble des projets de loi, devrais-je dire, que j'ai présentés à cette Assemblée, assurer le député et les membres de l'opposition de mon intérêt à poursuivre cette discussion. Je note toutefois à ce moment-ci qu'à nouveau l'opposition appuie l'initiative gouvernementale au niveau du principe. J'en suis fort aise, c'est encore là la démonstration des choix judicieux que le gouvernement fait jour après jour. Je pense que nos concitoyens doivent bien savoir que la très grande majorité des projets de loi déposés par les membres du gouvernement sont appuyés par les membres de l'opposition et je me réjouis de voir à nouveau l'opposition qui appuie le consensus que nous avons tissé entre les parlementaires ministériels. Premier commentaire.

Deuxième commentaire. Je comprends qu'il y a des précisions, des textes dont il nous faudra discuter en commission parlementaire; la commission parlementaire sert justement à nous permettre de répondre aux questions précises soulevées par le député. Certaines sont, bien sûr, pertinentes, je les ai prises en note, et nous allons étudier ensemble ces questions.

Mais, toutefois, avant que le député ne se rende en commission parlementaire, j'inviterais le député à consulter les membres de son caucus, puisque, dans un contexte où l'opposition libérale, de façon quotidienne, nous fait des reproches au sujet de la lenteur avec laquelle le gouvernement procède à de la déréglementation, l'opposition nous rappelle que, au-delà des souhaits qui seraient ceux du gouvernement... Le gouvernement réglemente parfois certains secteurs d'activité, fait des choix politiques – on l'a vu avec la loi sur le 1 % dans la formation de la main-d'oeuvre, on l'a vu avec l'équité salariale – à chaque fois l'opposition nous dit: Ça n'a pas de sens, adopter de nouvelles lois, de nouveaux règlements, laissons donc aller les choses.

Alors, là, le député, à l'encontre sans doute de son caucus, sans même, je le pense, en avoir parlé à son caucus, vient nous proposer de réglementer une série de secteurs – je pense aux contrats de crédit, aux contrats conclus en enchère, et d'autres, il nous en a fait la longue liste tout à l'heure – et je voudrais être bien sûr qu'il s'agit là de la véritable position de l'opposition, puisqu'elle tranche nettement avec celle que le porte-parole de l'opposition en matière de déréglementation fait valoir quotidiennement en cette Assemblée.

Alors, j'invite l'opposition à faire preuve d'un peu de cohérence. On ne peut pas d'un côté plaider pour la déréglementation et d'un autre plaider pour que le gouvernement intervienne pour réglementer des secteurs d'activité qui ne sont pas soumis à la réglementation. Alors, M. le Président, je suis prêt à faire mes devoirs, je suis prêt à répondre aux questions de l'opposition, mais j'invite aussi l'opposition à faire ses devoirs et à faire preuve davantage de cohérence. Je vous remercie.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, le principe du projet de loi n° 401, Loi modifiant la Loi sur la protection du consommateur concernant le commerce itinérant, est-il adopté? Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.


Renvoi à la commission de l'éducation

M. Boulerice: M. le Président, je fais motion pour que le projet de loi soit déféré à la commission de l'éducation pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Cette motion est-elle adoptée? Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: M. le Président, compte tenu de l'heure, je propose que nous suspendions nos travaux jusqu'à cet après-midi, 14 heures.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, nous allons suspendre nos travaux, effectivement, jusqu'à cet après-midi, 14 heures.

(Suspension de la séance à 11 h 54)

(Reprise à 14 h 2)

Le Président: Alors, Mmes, MM. les députés, nous allons nous recueillir quelques instants.


Présence de l'ambassadeur et chef de délégation de la Commission européenne au Canada, M. John R. Beck

Alors, chers collègues, j'ai le plaisir de souligner la présence dans les tribunes cet après-midi de l'ambassadeur et chef de délégation de la Commission européenne au Canada, Son Excellence M. John R. Beck.


Affaires courantes

Alors, nous allons aborder les affaires courantes.

Il n'y a pas de déclarations ministérielles ni présentation de projets de loi.


Dépôt de documents

Au dépôt de documents, Mme la ministre de l'Éducation.


Ententes conclues par le ministère de l'Éducation avec des établissements universitaires en vertu de l'article 68.1° de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels

Mme Marois: Merci, M. le Président. Je dépose 19 ententes conclues par le ministère de l'Éducation avec des établissements universitaires du Québec. Ces ententes ont été signées en vertu de l'article 68.1° de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels.


Préavis d'une motion des députés de l'opposition

Le Président: Les documents sont déposés. En ce qui me concerne, j'ai reçu, dans les délais prescrits, préavis d'une motion qui sera inscrite dans le feuilleton de demain, aux affaires inscrites par les députés de l'opposition. Alors, conformément à l'article 97.1 du règlement, je dépose donc copie de ce texte de préavis.

Il n'y a pas de dépôt de rapports de commissions ni de pétitions, pas plus qu'il n'y a d'interventions portant sur une violation de droit ou de privilège.


Questions et réponses orales

Ça nous amène immédiatement à la période de questions et des réponses orales. M. le chef de l'opposition officielle, en principale.


Programme d'indemnisation des victimes du sang contaminé

M. Johnson: Oui, le 2 décembre dernier, on avait discuté d'une motion ici, en Chambre, sur les victimes de sang contaminé. De notre côté, on avait initié l'intervention qui avait recueilli l'adhésion de tout le monde. Le ministre de la Santé s'était exprimé là-dessus extrêmement clairement. Le premier ministre avait voté. Fait exceptionnel, je pense, le premier ministre s'était donné la peine, dans un contexte comme celui-là, de motion sans préavis, là, de demeurer avec nous et d'exprimer son vote au soutien de cette motion qui visait à encourager le gouvernement à étudier et à mettre en vigueur éventuellement un régime d'indemnisation pour toutes les victimes de sang contaminé, les gens qui avaient reçu des produits sanguins contaminés, notamment celles victimes maintenant des symptômes de l'hépatite C.

Je dois dire que ça a été une surprise pour beaucoup de gens, non seulement des victimes de transfusion de sang contaminé mais également les membres de cette Chambre, de découvrir, au sortir d'une réunion fédérale-provinciale il y a quelques jours, que le ministre de la Santé a tenté de justifier un programme passablement plus restreint que celui sur lequel on s'était entendus ici. D'autant plus que, jeudi dernier, le ministre de la Santé répondait à un de mes collègues, le député de Nelligan qui lui posait les questions, qu'il y aura... Je cite le ministre de la Santé. Ça, c'est jeudi dernier, à 14 heures, période de questions: «Il y aura, à la suite de la conférence fédérale-provinciale, une annonce qui sera faite par les ministres des provinces et le ministre fédéral de ce qui sera proposé comme programme d'assistance à toutes les personnes qui ont eu l'hépatite C.»

Est-ce que le premier ministre est au courant que le programme actuel exclut les gens, des hommes et des femmes qui sont victimes de l'hépatite C et, deuxièmement, que le programme semble davantage fondé sur des craintes que le ministre ou d'autres ministres de la Santé au Canada peuvent avoir d'être poursuivis ou que les gouvernements soient poursuivis sur une base de responsabilité stricte, et que c'est un programme qui puise davantage son inspiration dans le légalisme que dans la compassion qu'on a manifestée à l'endroit de toutes ces victimes-là lorsqu'on a voté sur cette motion-là, en décembre?

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: M. le Président, je vais rappeler la motion, parce que c'est important qu'on l'ait bien à l'esprit, qui a été adoptée par l'Assemblée nationale le 2 décembre. On dit:

«Que les gouvernements du Québec et du Canada examinent dans les meilleurs délais la mise en place d'un plan d'indemnisation des victimes qui ont reçu du sang ou des produits sanguins contaminés, y compris les victimes de l'hépatite C.»

Et on dit que ce programme d'indemnisation inclut les victimes primaires et secondaires, sans compromettre les autres prestations sociales qu'on assure déjà, de même que l'accès aux soins et aux différents services sociaux.

Bon, au lendemain de cette résolution, comme la résolution le demandait, on a agi très rapidement. En décembre, janvier, février, mars, les ministres de la Santé ont travaillé de façon très intensive. Les équipes d'experts des différentes provinces se sont réunies pour travailler ensemble. Il y a eu des contacts d'entretenus avec le gouvernement fédéral, et le programme a effectivement été annoncé la semaine passée.

La question qui est soulevée par le chef de l'opposition, qui a été soulevée par des représentants des gens aussi, soulève un problème – une question, en fait – d'équité fondamental, M. le Président. Dans l'étude de ce dossier, avec tous les avis qu'on a eus sur les plans technique, scientifique et historique, en tenant compte de la situation – c'est un peu long à expliquer, c'est un peu compliqué, mais je vais faire rapidement – on a une situation où il y a une fenêtre de temps, de janvier 1986 au milieu, à peu près, de 1990, où clairement, un, on connaissait l'existence du virus, qui était connu depuis quelque temps, mais là on connaissait l'existence d'un test qui était efficace pour le dépister, à un pourcentage assez élevé pour qu'on recommande son utilisation, et la Croix-Rouge américaine, la Food and Drug américaine, de même que l'Association des banques de sang américaine avaient recommandé, au tout début de 1986, que ce test soit généralisé. Pour différentes raisons – ça serait trop long de revenir là-dessus pour le moment – au Canada, il y a eu d'autres études, d'autres évaluations, d'autres vérifications qui ont été faites, d'autres validations, et c'est allé en 1990 seulement où on a commencé à utiliser le test.

Donc, il y avait donc, en termes d'indemnisation, pour tous ceux qui ont regardé la question à travers tout le Canada, au niveau fédéral comme provincial, clairement une décision à prendre, que, pour cette période de temps où les services de santé dans les différentes provinces, s'ils avaient utilisé le test qui était recommandé pour ce moment-là, auraient pu faire une différence. Ce n'était pas à 100 % un dépistage, mais, pour beaucoup de gens, ça aurait pu faire une différence et leur éviter une contamination. La décision a été prise, tel que le programme a été annoncé, que ces gens-là devraient être indemnisés.

Il y a eu des discussions à savoir: Est-ce qu'on devrait indemniser seulement les victimes primaires, les victimes secondaires étant une autre discussion? C'était clairement indiqué dans la résolution de l'Assemblée nationale. Nous avons argumenté et on a fait le point aussi là-dessus.

(14 h 10)

Donc, la question fondamentale d'équité qui est posée, et je termine là-dessus, si on soulève la question et que toutes les autres personnes qui ont été contaminées avant la période où on avait un test connu, recommandé, validé pour dépister, donc on ne savait pas l'existence du virus dans le sang qu'on donnait... on retombe dans la même situation que ce qui peut arriver, comme toute difficulté, toute complication après un service de santé ou un service chirurgical. La médecine n'est malheureusement pas une science exacte.

Et là on soulève la question que, si, pour l'hépatite C, les victimes sont indemnisés, il y a beaucoup d'autres gens, sur une base d'équité, qui devraient l'être aussi. C'est une question qu'il faut regarder, c'est une question qu'il faut approfondir, mais ce n'était pas la première question et la première décision qu'on devait prendre, M. le Président.

Le Président: M. le chef de l'opposition.

M. Johnson: Étant donné que le ministre persiste dans son approche légaliste, une approche technique – c'est la raison d'ailleurs pour laquelle j'ai posé ma question au premier ministre, je ne veux pas entendre le ministre nous répéter ce qu'il dit à la radio depuis 48 heures à ce sujet-là – est-ce que le premier ministre ne conviendra pas que, 31 décembre 1985 ou pas, même si on pouvait remonter aux premiers instants où une transfusion de sang devenait une possibilité, là, pour des êtres humains, c'est le don de vie qui est en cause, indépendamment de ce qu'on sait ou de ce qu'on ne sait pas, indépendamment de la technologie qui permet de savoir si le sang est contaminé ou ne l'est pas, est-ce que le premier ministre, c'est ma question, trouve vraiment qu'une question d'équité à l'endroit d'autres patients qui sont l'objet d'autres procédures médicales, que ça soit une sorte de médicament, que ça soit une intervention chirurgicale plus ou moins risquée, que ça soit l'utilisation d'une technologie nouvelle ou ancienne, bien ou moins bien manipulée, est-ce que le premier ministre trouve vraiment que la transfusion sanguine, avec les risques qu'on a imposés à des victimes innocentes et les décès qui se sont ensuivis, et tout ça, c'est comparable, comme dans l'esprit du ministre, au fait que la médecine, ce n'est pas une science exacte, et, en toute équité, là, s'il y a des gens qui ont d'autres maladies et qui ont eu d'autres problèmes en étant opérés, bien, on va être obligé de les indemniser?

Est-ce que le premier ministre souscrit vraiment à ça à l'égard de la transfusion sanguine?

Le Président: M. le ministre.

M. Rochon: Bon, M. le Président, c'est sûr que toute personne qui, recevant un service de santé, n'a pas une satisfaction complète pour régler le problème ou l'améliorer, qu'une complication, à plus forte raison, ça arrive malheureusement à un faible pourcentage, mais ça arrive encore... Et la question se pose, M. le Président.

D'ailleurs, le juge Krever, dans son enquête, en soulignant que ce n'était pas dans son mandat, mais il soulevait la question: Est-ce qu'on ne devrait pas aller vers un régime de responsabilité sans faute, comme on a fait dans le domaine des accidents du travail? Est-ce qu'on ne devrait pas à cet égard, comme on l'a fait, pour d'autres raisons, pour la vaccination – et le Québec est une des quelques provinces au Canada qui indemnise pour ça – est-ce qu'on ne devrait pas, pour l'ensemble des gens qui ont cette difficulté-là... C'est toujours dramatique. Quand on a un problème de santé en plus d'avoir ça, si effectivement il y a une complication du traitement qui vient nous apporter un autre problème pour compliquer la situation, on ne veut pas ça, M. le Président.

Mais la question d'équité, elle se pose et il faut la regarder parce qu'il y a des conséquences énormes pour une société. Il y a là une décision de société: Est-ce qu'on fait un régime d'indemnisation complète pour toutes les complications et que, socialement, on s'organise pour être capable de supporter ce régime-là et de le faire vivre et de le faire fonctionner? On en est rendu là.

Donc, il y a une première décision qui a été prise. Pour les gens où il y avait clairement une décision qui aurait dû être prise, des actes qui auraient dû être posés pour leur éviter un problème, ils vont être indemnisés. Il y a une offre qui est faite, là.

Pour les autres, on en est rendu à cette question-là. Et on est quand même des équipes et des ministères de 10 provinces, plus du fédéral, qui pendant trois mois avons travaillé à fond pour aller le plus loin qu'on pouvait aller là-dessus, mais avec le souci d'être vraiment équitable pour tous les citoyens et toutes les citoyennes dans nos décisions, M. le Président.

Le Président: M. le chef de l'opposition.

M. Johnson: La question demeure à l'endroit du premier ministre: Est-ce qu'il souscrit à cette vision des choses du ministre de la Santé et, je présume, d'autres responsables bureaucratiques des systèmes de santé publique en Amérique du Nord qui dressent même une équation avec la vaccination? Dans les circonstances, je vais être un petit peu plus long que d'habitude, M. le Président, comme le ministre l'a été. Il s'agit, dans le cas de la vaccination, de dire à quelqu'un: Bien, on vous donne un vaccin pour ne pas que vous attrapiez telle maladie, mais des fois il y a des risques. Ce n'est pas de ça qu'on parle! Le premier ministre le sait, il l'a évoqué lui-même, ce que ça peut représenter pour la vie humaine, cette disponibilité d'un transfusion de sang. Des gens à qui on garantit qu'on leur fait le don de vie et qui, quelle que soit la date, depuis quelques années, où ça se soit produit... comment ça peut être la même chose qu'un régime d'indemnisation puis d'intervention à l'endroit de la vaccination? Il n'y a aucun rapport entre une transfusion de sang et la vaccination.

Est-ce que le premier ministre trouve que c'est la même chose, là, donner un vaccin pour la scarlatine ou la rubéole, que le don de vie que représente une transfusion sanguine et que, en conséquence, s'il y a des risques et si les gens sont effectivement contaminés, notamment à l'hépatite C, et que leurs proches sont également contaminés, quand on parle des victimes secondaires... Est-ce que le premier ministre ne trouve pas que c'est là, en soi, une intervention qu'on doit faire valoir pour protéger et indemniser ces gens-là, qu'il n'y a aucun rapport avec toutes les justifications que le ministre nous fait valoir depuis cinq minutes?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, là où je me permettrai de différer d'opinion avec le chef de l'opposition officielle, c'est quand il dit que le ministre invoque un problème de bureaucratie. En réalité, on n'est pas en face d'une question bureaucratique, ce n'est pas un enjeu bureaucratique, on est en face d'un problème de société, le ministre rappelant les aspects de responsabilité qu'on doit considérer et le chef de l'opposition, lui, rappelant les aspects d'équité. Alors, la discussion est ouverte.

Il y a une première étape qui a été franchie. Dans la mesure où les gouvernements se reconnaissent un comportement non diligent qui pourrait être, en d'autres circonstances, assimilé à une faute, c'est-à-dire de ne pas avoir utilisé les tests qui étaient disponibles à l'époque durant cette période, alors, pour cette période, les victimes primaires et secondaires qui ont été identifiées pourront bénéficier d'une indemnisation. Donc, il y a un premier pas important qui est franchi. L'autre pas, c'est celui que l'opposition souhaiterait que non pas seulement le gouvernement du Québec, mais l'ensemble des gouvernements provinciaux et fédéral adoptent. C'est que, indépendamment des questions de faute, indépendamment des questions de savoir s'il était possible d'éviter le problème, les gouvernements doivent indemniser automatiquement, un point c'est tout.

Alors, ce que dit le chef de l'opposition, ce n'est pas inintéressant, mais ça soulève une grande question. Ça veut dire que, dès lors qu'un gouvernement rend un service, dès lors qu'un pouvoir public rend un service, s'y attache une obligation de résultat, que les actes soient bien posés ou non, qu'il y ait connaissance ou non des dangers inhérents aux services qui sont rendus.

Voilà une grave question qui, d'ailleurs, si elle était admise – et je ne dis pas qu'un jour elle ne le sera pas, je ne dis pas qu'il ne faut pas en discuter non plus – s'étendrait dans d'autres domaines. Il y a la santé; il y aura d'autres domaines; il y a de multiples domaines! On sait que les gouvernements traitent avec les citoyens dans un éventail extrêmement considérable de services, et le même principe s'appliquerait partout. Alors, est-ce que la société, au Québec, dans d'autres provinces canadiennes, au Canada ou ailleurs, est en capacité de ressources financières d'assumer des responsabilités pareilles? Et même le mot «responsabilités», il est inexact, puisque, dans ce cas-là, il n'y a pas de responsabilité. Avant 1986, les pouvoirs publics ne savaient pas qu'il y avait un problème de contamination sanguine, donc, ils ont agi de bonne foi, comme ils ont toujours agi.

Alors, moi, M. le Président, ce que je dis, c'est que tout ce qu'on est en train de faire remarquer, ça n'écarte pas la question de l'équité, ça ne met pas de côté la question de la compassion et ça n'empêche pas que, en effet, avant 1986, peu importent les conditions au sein desquelles les gouvernements ont agi, il y a eu des gens, des victimes innocentes qui ont été contaminées, et, pour elles, la question est toujours posée, je le reconnais.

Le Président: M. le chef de l'opposition.

M. Johnson: Comme dernière complémentaire au premier ministre – d'abord, je lui fais remarquer que ce n'est pas l'opposition qui dit ça, c'est une résolution de l'Assemblée nationale, résolution unanime où le premier ministre s'est prononcé d'ailleurs de façon très spécifique – alors je lui rappelle... Ou est-ce qu'il ne se souvient pas, plutôt, sous forme de question, que la résolution vise à assurer l'indemnisation des victimes, qui ont reçu du sang ou des produits sanguins contaminés, y compris les victimes de l'hépatite C? On ne s'est pas demandé à partir de quelle date, jusqu'à quelle date elles avaient reçu ou pas reçu des produits sanguins; la résolution de l'Assemblée nationale est claire à cet égard-là.

Deuxièmement, le ministre, jeudi dernier, a dit que c'étaient toutes les victimes de l'hépatite C. Est-ce que le premier ministre pourrait nous indiquer ce qui, dans son esprit, fait en sorte que le don de sang, que ça soit celui que les donateurs font ou celui, évidemment, dont les receveurs bénéficient, comment il croit que ce n'est pas spécifique, ça, que ce n'est pas une procédure médicale ordinaire qui est dans les livres que le ministre a consultés lorsqu'il était étudiant en médecine à l'Université Laval, que ce n'est pas ordinaire, ça, et que le premier ministre sait et tout le monde sait que ce n'est pas ordinaire comme procédure?

Et, à cet égard-là, est-ce que le premier ministre pourrait nous indiquer, étant donné que c'est l'approche purement bureaucratique qui va être employée ici, ce qu'on va dire aux familles des victimes qui, elles, ne sont pas indemnisées, pour manquement à la parole du ministre et du premier ministre?

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

(14 h 20)

M. Rochon: M. le Président, il ne faut vraiment pas faire dévier cette question-là ou cette discussion-là et commencer à descendre, comme l'opposition sait très bien le faire, à un niveau d'un peu de démagogie. C'est trop important.

Le Président: M. le ministre.

M. Rochon: M. le Président, c'est trop important comme question et ça a trop de conséquences pour trop de monde pour qu'on traite ça à la légère et qu'on essaie de politiser un débat où 10 ministres de la Santé des provinces du Canada et le ministre fédéral ont réussi à traiter pendant quatre mois avec beaucoup d'intensité et en dépolitisant cette question-là. J'ai participé à beaucoup de séances de travail; tout ça a été fait avec les meilleurs experts qu'on avait dans toutes les provinces du Canada et ça a été fait en dehors de toute politisation de la question. Il ne faudrait pas commencer à faire ça ici aujourd'hui, à l'Assemblée nationale. Non, non.

Ce dont il est question, c'est des gens qui souffrent, et, là-dessus, je suis d'accord avec le chef de l'opposition, de problèmes qu'on aurait souhaité qu'ils n'aient pas et qu'ils ont eus parce que le service de santé... Et le sang est un service de santé. C'est très particulier. De plus en plus, on a des produits du sang qui se rapprochent beaucoup des médicaments. La façon de s'assurer que c'est un service de qualité et sécure, c'est en traitant le sang comme un des services de santé qu'on donne et en l'intégrant bien dans notre système de santé. Alors, ça, là-dessus, il ne faut pas faire de dérapage non plus.

Il y a une première décision qui a été prise, avec toutes les informations que les gouvernements du Canada avaient en main, pour que, les gens qui ont été contaminés dans une période de temps où on aurait pu faire une différence pour eux, on les indemnise. L'autre question, elle est posée depuis les recommandations de la commission Krever, et j'ai déjà eu à répondre à des questions là-dessus pour dire que c'est une question qu'on regarde déjà pour en voir vraiment toutes les implications, parce que, si c'est fait pour un groupe de citoyens, l'analogie devient, et qu'on y pense un peu, très rapide pour inclure d'autres gens. Et là ça deviendrait inéquitable de ne pas couvrir tout le monde.

La question est posée, elle est à l'étude, et je souhaite qu'on puisse avoir un bon débat là-dessus dans notre société et qu'on décide comment on assume cette responsabilité socialement et qu'on protège le mieux possible tous les citoyens et tous les citoyennes. Mais, de grâce, ne faisons pas de politique avec ça, M. le Président, c'est de la santé qu'il s'agit!

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le chef de l'opposition.

M. Johnson: Étant donné qu'on a tous remarqué que, fidèle à son habitude, quand les questions ne font pas son affaire, quand il tente d'abrier ses réponses, lorsque le ministre est à court d'arguments, il accuse les autres qui ne sont pas d'accord avec lui de faire de la petite politique, de la partisanerie. Ça, c'est typique; vous passez votre temps à faire ça! Vous passez votre temps à faire ça!

Je demande au premier ministre s'il ne se rend pas compte que depuis 1990... Je présume... Le ministre technocrate nous a expliqué qu'il n'y en aura plus, de victimes, étant donné que la technologie permet justement de savoir que les produits sanguins contaminés, on n'en distribue pas, et qu'il ne s'agit pas d'ouvrir toute grande la porte pour l'avenir, pour l'éternité, il s'agit de regarder.

On connaît les gens, on connaît leur numéro d'assurance sociale, leur adresse, leur conjoint, le nombre d'enfants qu'ils ont, leur travail, le travail qu'ils ne peuvent plus faire. C'est de ces gens-là qu'on parle. Ce n'est pas des chiffres et des statistiques éventuels et virtuels, ce sont des hommes et des femmes, au Québec et au Canada, qui ont été contaminés par des produits sanguins; c'est d'eux qu'on parle, pas de peut-être des gens qui vont avoir un vaccin, pas de peut-être des gens qui vont avoir une opération ou un médicament.

Est-ce que le premier ministre ne se rend pas compte que c'est spécifique à des gens qu'on peut aujourd'hui identifier? Ils ne seront pas avec nous très longtemps. Y a-t-il moyen d'alléger leurs souffrances... et la qualité de vie, d'améliorer la qualité de vie de leur famille et de ces gens-là d'ici la fin de leurs jours?

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: Le chef de l'opposition traite bien légèrement du rôle que le ministre de la Santé et des Affaires sociales a joué au sein de ses collègues depuis quelques mois pour provoquer le dépôt de cette proposition, de cette offre qui est venue au cours des récentes journées. Je pense que l'Assemblée nationale aussi peut s'enorgueillir d'avoir été un facteur très important pour provoquer dans l'ensemble du Canada une sensibilisation qui a permis de faire cette proposition qui est maintenant rendue publique.

Maintenant, M. le Président, on ne travaille pas tout seuls là-dedans. Il y a plusieurs gouvernements qui sont en cause, en fait: tous les gouvernements canadiens, que ce soient des Territoires – les Territoires aussi, je pense, hein? – des provinces, le gouvernement fédéral. Il faut qu'on fasse ça en synergie. Est-ce que l'opposition va nous reprocher de travailler correctement avec le gouvernement fédéral et les autres provinces dans ce dossier?

Le ministre québécois, M. le Président, a joué un rôle prépondérant, dans le concert de ses collègues, pour les convaincre de faire cette proposition. Donc, il y a une première étape qui est franchie. Je m'attendrais à ce que l'opposition reconnaisse que, pour les victimes identifiées durant la période 1986-1990, toutes les victimes, primaires comme secondaires, il y a vraiment eu un travail remarquable qui a été fait. Il faut reconnaître le rôle positif qui a été joué par le ministre de la Santé et des Affaires sociales.

Pour le reste, M. le Président, la question, elle est posée, je l'ai dit. Nous ne cessons pas de l'examiner. Nous ne sommes pas seuls. Il y a des discussions qui se continuent. Nous voyons les réactions dans l'ensemble des autres provinces. On a vu ce qui se passe, on voit que ces questions qui se posent aujourd'hui ici se posent également ailleurs. Continuons de réfléchir, de travailler et essayons de le faire autrement qu'en traitant les gens de technocrates.

Le Président: En principale, M. le député de Marquette.


Services de garde à 5 $ pour les enfants de cinq ans

M. Ouimet: M. le Président, au printemps dernier, la ministre de l'Éducation annonçait en grande pompe qu'elle implantait des garderies à 5 $ pour les enfants de trois ans. On saura aujourd'hui si le gouvernement va respecter son engagement ou pas.

Cependant, pour les enfants de cinq ans, dans les services de garde en milieu scolaire, on découvre que le gouvernement n'a plus d'argent pour financer son engagement. Pourtant, aux pages 23 et 24 de la Politique familiale et à la page 5 du plan d'action ministériel La réforme en éducation , le gouvernement s'engageait clairement à charger 5 $ par enfant inscrit dans un service de garde en milieu scolaire, et ce, dès le 1er juillet 1998.

Question que je pose à la ministre de l'Éducation, au premier ministre: Est-ce que le gouvernement péquiste va respecter son engagement, que les parents ne paieront pas plus que 5 $ par jour par enfant inscrit dans les services de garde en milieu scolaire?

Le Président: Mme la ministre de l'Éducation et ministre de la Famille et de l'Enfance.

Mme Marois: Oui, M. le Président, nous respecterons nos engagements.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le député.

M. Ouimet: M. le Président, comment la ministre de l'Éducation... Comment...

Des voix: ...

Le Président: M. le député.

M. Ouimet: Comment la ministre de l'Éducation peut-elle expliquer que, dans les règles budgétaires qui ont été déposées la semaine passée, il n'y avait aucun ajout pour permettre aux commissions scolaires de financer l'engagement du gouvernement? Il n'y avait absolument rien dans les crédits de dépenses déposés la semaine passée. Et, par ailleurs, les sous-ministres du ministère de l'Éducation disent aux dirigeants des commissions scolaires qu'il n'y a pas d'argent pour financer les services de garde pour les enfants inscrits en maternelle cinq ans dans les milieux scolaires.

Le Président: Mme la ministre.

Mme Marois: Alors, M. le Président, à une question qui m'était posée par l'un des collègues du député de Marquette la semaine dernière, j'ai répondu que nous étions à revoir l'ensemble de la planification en ce qui a trait aux services de garde et à un certain nombre d'autres éléments de la politique familiale, et, dans les jours qui viennent, j'aurai l'occasion de faire état de cette planification et d'indiquer comment nous respecterons effectivement les engagements pris à l'égard des enfants et des familles du Québec.

Une voix: Bravo!

(14 h 30)

Le Président: M. le député de Kamouraska-Témiscouata, en principale.


Régime d'apprentissage en milieu de travail

M. Béchard: Merci, M. le Président. On se souvient tous des beaux discours de ce gouvernement relativement au dossier jeunes, de sa capacité de dire une chose et de faire exactement son contraire, notamment au niveau des clauses orphelin. Dans votre programme, vous êtes contre; la semaine passée, vous votiez pour en cette Chambre. C'est ça, l'autre façon de gouverner, un autre engagement pas respecté.

M. le Président, jeudi dernier, le 26 mars, selon Le Soleil : «Le Régime d'apprentissage en entreprise, promis dans l'enthousiasme du Sommet socioéconomique, connaît des difficultés de démarrage.» Au lieu des 1 000 places promises, il y avait seulement 50 jeunes d'inscrits, un an et demi après l'annonce de ce programme. On dit même que la commande politique était beaucoup plus exigeante que la réalité.

M. le Président, est-ce que le premier ministre peut nous dire ce qu'il entend faire pour ajuster son programme d'apprentissage à la réalité et démontrer que, concrètement, il veut travailler pour les jeunes et non pas seulement s'en servir à des fins politiques pour faire miroiter des promesses, comme il l'a fait lors de son dernier Sommet socioéconomique, en gonflant des chiffres irréalistes pour se donner une belle image?

Le Président: Mme la ministre d'État de l'Emploi et de la Solidarité.

Mme Harel: Alors, M. le Président, je remercie le député de sa question. Ça me permet de signaler que demain va marquer le début des opérations d'Emploi-Québec et, donc, de l'implantation des centres locaux pour l'emploi sur tous les territoires de MRC et d'arrondissements de quartier. Alors, un par jour ouvrable à partir de demain, pendant...

Des voix: Bravo!

Mme Harel: Alors, M. le Président, le député questionne sur le régime d'apprentissage qui a été une des décisions du Sommet sur l'économie et l'emploi, décision qui, je le rappelle, a été le fait à la fois des employeurs, des grandes associations, donc, de patrons, des grandes centrales syndicales de même que l'ensemble des intervenants au Sommet.

Je le rappelle à juste titre parce qu'il est évident qu'un régime d'apprentissage, ce que ça suppose aussi, c'est d'accueillir après le secondaire III des jeunes en entreprise. Ce régime d'apprentissage était interdit, plus ou moins interdit, M. le Président, puisque rien ne l'organisait jusqu'en juin dernier. Nous avons voté une législation à l'unanimité de cette Assemblée nationale. Donc, nous travaillons depuis l'automne à l'implantation d'un régime d'apprentissage qui suppose la collaboration des patrons, des syndicats et bien évidemment du système de l'éducation.

Alors, c'est sur cette base-là que nous pensons réussir. Le défi est de taille. Il n'y a pas d'obligation à recevoir des jeunes avec une brique et un fanal. Il y a simplement, M. le Président, une obligation morale qui est faite dans notre société à ce que des jeunes, après le secondaire III, qui ne rentreront pas dans le monde des adultes par l'école, mais qui vont entrer dans le monde des adultes en travaillant puissent le faire en étant diplômés dans le cadre du régime d'apprentissage. Et nous allons y arriver.

Le Président: M. le député.

M. Béchard: M. le Président, malgré le beau discours, on se rend compte qu'il y en a 50 au lieu des 1 000 promis...

Le Président: Est-ce que je pourrais rappeler à tout le monde que c'est la tâche du président d'apprécier si les questions sont posées de façon réglementaire. M. le député.

M. Béchard: Merci, M. le Président. Est-ce que la ministre ne se rend pas compte, au-delà de son beau discours, qu'il y a 50 jeunes d'inscrits contrairement aux 1 000 promis? Qu'est-ce qu'elle a l'intention de faire aujourd'hui, à part parler, pour démontrer que cette annonce-là lui tenait à coeur et que ce n'était pas juste une balloune politique, puis un message, puis de la politique qu'on faisait sur le dos des jeunes, encore une fois?

Des voix: Bravo!

Le Président: Mme la ministre.

Mme Harel: M. le Président, est-ce que le député se rend compte que, l'an passé, il n'y en avait aucun et que non seulement il n'y en avait aucun, mais qu'il n'était même pas possible qu'il y ait des apprentis ni des compagnons dans une entreprise? Est-ce que nous pouvons aussi convenir qu'il y a, du côté des employeurs et du côté des syndicats aussi, un effort à redoubler du côté de l'éducation? Et je comprends que la Commission des partenaires du marché du travail, qui débute ses travaux demain, va avoir, avec le gouvernement, à relever ce défi de faire du régime d'apprentissage un outil d'insertion des jeunes de 15-20 ans en particulier. Alors, nous nous y engageons résolument et nous allons y arriver, M. le Président.

Une voix: Bravo!

Le Président: M. le député de Marquette, en principale, à nouveau.


Places disponibles pour la formation en entreprise

M. Ouimet: M. le Président, en abolissant les programmes qui donnaient un diplôme et un emploi à nos jeunes en formation professionnelle, comme l'a fait la ministre de l'Éducation en décembre dernier, en coupant les budgets en éducation et en formation professionnelle, le premier ministre du Québec est non seulement en train de sacrifier l'avenir de nos jeunes, mais il leur donne également de faux espoirs, et ce, en toute connaissance de cause.

Ce qui choque, c'est que non seulement le régime d'apprentissage en milieu de travail est un échec lamentable, mais le premier ministre, lors du sommet socioéconomique, savait qu'il gonflait les chiffres en parlant de 1 000 places en entreprise. La question: Pourquoi le premier ministre a-t-il voulu sciemment induire les jeunes en erreur quant au nombre de places en entreprises?

Le Président: Mme la ministre d'État de l'Emploi et de la Solidarité.

Mme Harel: M. le Président, à ce que je sache, l'opposition officielle était présente au sommet au moment où cette décision a été prise et y a concouru et non seulement y a concouru, mais ça a été à l'unanimité des intervenants du sommet que la décision d'introduire un régime d'apprentissage a été prise, et c'est une excellente décision. Et je souhaite que nous ayons la collaboration de l'ensemble des forces vives du Québec pour justement arriver à faire en sorte que, comme dans les autres pays industrialisés, nous aussi nous comprenions qu'il y aura toujours, dans n'importe quelle société, même les plus avancées, des jeunes qui n'entreront pas dans le monde des adultes par l'école mais qui vont y entrer en travaillant. Notre décision est ferme: c'est de les diplômer en leur permettant d'apprendre un métier. Et nous allons continuer d'arrache-pied à convaincre les entreprises, employeurs et syndicats, d'ouvrir les portes, d'ouvrir leur coeur aussi à ces jeunes.

Le Président: M. le député.

M. Ouimet: M. le Président, comment le premier ministre peut-il expliquer la déclaration que faisait, le 24 septembre dernier, à la une du journal La Presse , une personne suivante, et je cite le texte: «Le président d'un organisme intimement lié à la préparation du sommet confiait l'an dernier que c'est clairement le bureau de M. Bouchard – du premier ministre – qui tenait à ce qu'on parle de 1 000 places. Les prévisions de la SQDM étaient beaucoup moins élevées.» On confirmait que c'était moins de 200 places qui étaient disponibles, et c'était le porte-parole du ministère de l'Emploi qui faisait cette déclaration dans La Presse .

Le Président: Mme la ministre.

Mme Harel: M. le Président, j'espère que dans cette Chambre tout le monde souhaite que nous soyons ambitieux à l'égard des jeunes. Nous avons mis en place...

Le Président: Mme la ministre.

Mme Harel: M. le Président, c'est parce que nous sommes ambitieux que, dans la période d'assainissement des finances publiques et d'adversité budgétaire que nous avons traversée, nous avons choisi de consacrer cette année 20 000 000 $ aux carrefours jeunesse-emploi pour qu'ils puissent servir d'outil et de coup de pouce nécessaires aux jeunes en difficulté dans notre société. Et ça donne des résultats, n'est-ce pas? Chacun des membres de cette Assemblée pourrait en témoigner. Alors, oui, nous avons été et nous serons ambitieux. Et le plan d'action que prépare mon collègue le ministre responsable de la jeunesse sera ambitieux. Et il faut qu'il en soit ainsi parce qu'il y a des difficultés particulières d'avoir 20 ans actuellement dans toutes les sociétés industrialisées.

(14 h 40)

Le Président: En principale ou en complémentaire, M. le député de...

M. Béchard: Principale.

Le Président: Très bien. M. le député de Kamouraska-Témiscouata.


Position du ministre du Travail sur l'utilisation des clauses orphelin par les municipalités

M. Béchard: M. le Président, en parlant d'ambition pour les jeunes, on se souvient tous que la semaine dernière le ministre du Travail ici, dans cette Chambre, a voté pour la mise en place des clauses orphelin. Les clauses orphelin, on sait qu'elles prévoient des échelles salariales différentes pour les jeunes et plus basses – surtout plus basses – que celles des personnes qui ont déjà un emploi. Cependant, en fin de semaine, au Colloque national sur la réalité des jeunes en emploi, le ministre du Travail dénonçait cette discrimination faite envers les jeunes; il disait même qu'il ne pouvait rester immobile devant ce phénomène qui pénalise les jeunes. Pourtant, quatre jours avant, il votait exactement pour le contraire de ce qu'il a dit en fin de semaine. Un autre virage de la part du gouvernement.

M. le Président, si le ministre trouve si discriminant et si inacceptable ce phénomène-là, peut-il nous dire pourquoi la semaine dernière il a voté contre une motion qui visait à éliminer ce phénomène? Et comment peut-il expliquer que ses actes en cette Chambre sont exactement le contraire de ce qu'il dit en dehors de cette Chambre aux jeunes qui font de la politique? Comment il peut expliquer ça?

Le Président: M. le ministre du Travail.

M. Rioux: M. le Président, je pense que les libéraux devraient être prudents quand ils parlent de choses semblables, parce que, s'il y a eu un parti politique qui a fait preuve d'immobilisme dans le domaine des jeunes, de la jeunesse et des clauses orphelin, c'est bien eux. Ils se sont contentés de parler et d'écrire un programme politique qu'ils n'ont jamais appliqué. C'est ça, la réalité des libéraux.

Le Président: M. le député de Frontenac, s'il vous plaît! Il reste encore un peu de temps pour la période des questions et des réponses, alors, s'il y en a qui ont des commentaires, ils pourront toujours poser des questions complémentaires. À ce moment-ci, on va laisser le ministre répondre.

M. Rioux: M. le Président, si les libéraux nous avaient laissé un héritage qui avait de l'allure et avaient réfléchi sur la définition de ce que c'est, une clause orphelin, s'il y avait eu des recherches de faites, on n'aurait pas commencé à zéro.

Cependant, ce que je voudrais préciser, M. le Président, c'est qu'il faut en arriver un jour à définir ce que c'est, une clause orphelin. Est-ce que ça veut dire qu'on ajoute une catégorie dans l'échelle salariale? Est-ce que ça veut dire qu'on va avoir deux échelles de salaire? Une échelle pour ceux qui arrivent et ceux qui sont déjà en fonction? Non, non. Je pense que ça mérite un examen sérieux. Il y a un rapport qui me sera déposé à la fin d'avril; le Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre va l'examiner. Et, quand viendra le temps de faire des recommandations au gouvernement, on va les faire, et le premier ministre d'ailleurs s'est engagé à ce qu'on les fasse.

Une voix: Bravo!

Le Président: M. le député de Kamouraska-Témiscouata, en principale à nouveau.


Mesures envisagées par le gouvernement pour solutionner le problème des clauses orphelin

M. Béchard: Oui, en principale, histoire de rétablir les faits. M. le Président, de 1988 à 1994, les clauses orphelin sont passées de 25 000 personnes touchées à 9 700. Premier fait.

Deuxième fait. Dans le programme du Parti québécois de 1994 et dans le programme de 1996, il est dit en toutes lettres qu'ils sont contre les clauses orphelin. Et, si le ministre ne sait pas c'est quoi, qu'il le demande à son ministère; il y a une étude du marché du travail qui est faite et qui décrit ce qu'est une clause à paliers. Ça fait que c'est un bel héritage qu'on lui a laissé.

Ce que je lui demande, M. le Président, c'est comment il peut expliquer, là, qu'en cette Chambre il vote pour les clauses orphelin et qu'à l'extérieur il dit qu'il est contre ça? Et, surtout, qu'est-ce qu'il va faire pour que son gouvernement qui a adopté il y a 15 jours une loi spéciale qui ouvre le porte aux clauses orphelin, qu'est-ce qu'il va faire pour que ça arrête, pour régler le problème? Qu'il arrête d'étudier, qu'il agisse, M. le Président.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, la position du gouvernement est bien connue sur la question. L'apparition de clauses orphelin dans ces conventions que signent entre eux des partenaires patronaux et syndicaux est un phénomène qui semble prendre de l'ampleur, et le gouvernement s'en émeut avec tout le monde.

Plutôt que de faire un débat de chiffres puis se garrocher des accusations de toute nature, là, nous avons décidé d'avoir l'heure juste là-dessus, de faire un inventaire complet de la situation, de le faire rapidement, et, une fois saisis des données, de demander un avis aux gens qui s'y connaissent, en particulier les partenaires qui siègent au Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, et ensuite cette Chambre et/ou le gouvernement seront appelés à prendre des mesures administratives ou législatives pour contrer ce phénomène discriminatoire. Voilà la situation, M. le Président.

Le Président: M. le député de Beauharnois-Huntingdon.


Mesures d'aide aux victimes d'inondations printanières

M. Chenail: M. le Président, je voudrais d'abord souligner le courage et la persévérance des citoyens et citoyennes de mon comté. On a eu le verglas en janvier, voilà trois mois, rien n'a été fait, rien n'est réglé; on a eu une inondation il y a deux ans, il n'y a rien de réglé; aujourd'hui, on est inondé à Saint-Chrysostome, à Howick, à Huntingdon, Sainte-Martine, Châteauguay. Dimanche, j'ai parlé à «l'insécurité publique». On m'a dit: On regarde. Ils regardent encore.

Ma question s'adresse au premier ministre: Qu'entend-il faire pour les gens de mon comté, les gens inondés au Québec?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: En effet, la situation qu'évoque le député est une situation qui requiert de la vigilance et qui provoque des inquiétudes dans plusieurs territoires du Québec.

J'ai eu l'occasion tout à l'heure de me rendre à Sainte-Marie rencontrer les autorités municipales, examiner les lieux, faire le point ce matin, d'ailleurs, avec les gens de la Sécurité publique, y compris avec le ministre.

La situation présentement, M. le Président, c'est qu'il y a environ une cinquante de municipalités au Québec qui sont menacées d'inondations; dans certains cas, c'est commencé. Il y a environ 1 600 maisons dans l'ensemble du Québec qui sont maintenant évacuées. Il y a 1 000 personnes qui ont dû quitter leur maison en particulier. Il y a une vingtaine de centres d'hébergement qui ont été ouverts à titre préventif pour le moment, parce qu'il y a peu de personnes qui sont dans les centres d'hébergement. Les personnes qui ont quitté leur maison sont en général dans leur famille.

Nous savons que la situation va se dérouler assez rapidement du côté du Sud, mais demain et après-demain les précipitations annoncées, mauvaises prévisions météo, de l'ordre même de 50 mm, vont faire en sorte que les régions de la Mauricie, des Laurentides et l'Outaouais vont être davantage frappées. Il y a des embâcles qui peuvent se produire. Mais je peux dire une chose, par exemple, M. le Président, c'est que les autorités, les pouvoirs publics, les pouvoirs municipaux, les bénévoles, tout est en place. Il y a une vigilance extrême qui s'exerce. Il y a 300 employés du gouvernement qui sont présentement sur un pied d'alerte. Et je peux vous dire que nous suivons la situation de près et que nous avons bien confiance que les mesures d'urgence qui seront requises seront prêtes à être mises en vigueur aussitôt que cela arrivera.

J'ai pu constater, M. le Président, notamment à Sainte-Marie, que les officiers municipaux sont très près de la situation, qu'ils la contrôlent, qu'ils savent exactement ce qu'il en est et qu'ils connaissent les dangers qui pèsent sur ce qui peut arriver en termes de détérioration au cours des prochaines heures. Le gouvernement suit l'affaire de très près. Je voudrais rassurer la population, nous sommes en contrôle.

Le Président: M. le député de Châteauguay.

M. Fournier: En additionnelle.

Le Président: En complémentaire, oui.

M. Fournier: Oui, M. le Président. Est-ce que le gouvernement du Parti québécois se souvient, en 1996, des inondations d'ailleurs qu'il y a eu un peu partout au Québec, mais notamment celles du printemps et de l'automne en 1996 à Châteauguay, les victimes de ces inondations ont reçu moins que les victimes des inondations à l'été au Saguenay, à dommages équivalents?

Au premier ministre qui s'apprête à regarder ça avec son Conseil des ministres: Peut-il assurer les citoyens du Québec, peu importe où ils sont, qu'ils auront un traitement au moins égal à celui qu'il y a eu au Saguenay en 1996, de manière à ce qu'il n'y ait pas deux poids deux mesures?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: Je trouverais assez injuste qu'on établisse des comparaisons entre les traitements des sinistrés du Saguenay–Lac-Saint-Jean et d'autres régions. Nous savons que ce qui s'est passé dans la région du Saguenay–Lac-Saint-Jean était sans précédent, d'une ampleur incomparable avec tout ce qui était arrivé avant, et le gouvernement a agi avec équité totale par rapport à tous les sinistrés.

Dans le cas actuel, M. le Président, il y a déjà des gens qui ont subi des dommages. Nous savons aussi que, dans les 50 municipalités touchées, il y a des mesures d'urgence qui sont prises et qui font encourir des frais aux municipalités. Le ministre de la Sécurité publique a pris note de tout cela et le Conseil des ministres demain sera saisi d'un rapport, d'une recommandation du ministre quant à des décisions immédiates qui peuvent être prises en termes de secours financier auprès des municipalités et éventuellement des sinistrés.

(14 h 50)

Le Président: Bon. Je comprends que la question est importante et d'actualité, sauf que la période des questions et des réponses est terminée. Alors, s'il y avait consentement, je... Alors, il n'y a pas de consentement, M. le député de...

Des voix: Oui, il y a consentement.

Le Président: Il y a consentement?

Des voix: Oui.

Le Président: Alors, M. le député.

M. Fournier: Merci, M. le Président. La question que j'ai posée au premier ministre est la suivante: À dommages équivalents... Les gens sont inquiets. Ceux qui ont de l'eau dans la cave au Saguenay... T'as de l'eau dans la cave à Châteauguay, t'as de l'eau dans la cave, t'as droit à une indemnisation. La question qui se pose chez nous, qui se pose dans la Beauce, qui se pose à Beauharnois, c'est: Est-ce qu'il y aura deux poids, deux mesures ou si les gens qui sont en ce moment victimes d'inondations seront indemnisés de façon au moins équivalente à ceux du Saguenay? Je comprends qu'au Saguenay ça a été terrible, mais, quand tu perds ta maison à Châteauguay ou quand t'as de l'eau dans la cave à Châteauguay, c'est équivalent à avoir de l'eau dans la cave au Saguenay. Est-ce qu'ils auront une indemnisation équivalente?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, au Saguenay, ce n'était pas une question d'eau dans la cave, c'était la maison qui était partie et souvent le terrain avec. On ne parle pas des mêmes choses, là. Voyons! Voyons donc! Le gouvernement...

Des voix: ...

Le Président: M. le député... M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, il y a des programmes qui existent déjà. Nous sommes toujours disposés à apporter les ajustements que requièrent les circonstances nouvelles, et je peux garantir que, dans ce cas comme dans les autres, le gouvernement va être équitable.

Le Président: Alors, il n'y a pas de réponses différées ni de votes reportés.

On en arrive aux motions sans préavis.


Avis touchant les travaux des commissions

Alors, aux avis touchant les travaux des commissions, M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: Oui, M. le Président. J'avise cette Assemblée que la commission des institutions poursuivra les consultations particulières sur le rapport de M. Pierre-F. Côté sur les suites du jugement de la Cour suprême dans l'affaire Libman et sur les modifications à des législations électorales, demain, le mercredi 1er avril 1998, de 9 h 30 à 12 h 30, à la salle du Conseil législatif.

Le Président: Très bien. Pour ma part, je vous avise que la commission de l'administration publique se réunira demain, le mercredi 1er avril, de 9 h 30 à 12 h 30, à la salle 1.38 de l'édifice Pamphile-Le May. L'objet de cette séance est d'entendre le sous-ministre de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie sur les mesures d'aide directe à la recherche et au développement.

Je vous informe aussi que la commission de la culture se réunira en séance de travail demain, de 9 h 30 à 12 h 30 également, à la salle RC.171 de l'hôtel du Parlement, afin d'étudier les projets de rapports quinquennaux de la Commission d'accès à l'information et sur les cartes d'identité.


Renseignements sur les travaux de l'Assemblée

Aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée, M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: J'ai une motion à vous présenter pour demander une suspension; en fait, une demande de suspension.

Le Président: Mais je voudrais, avant, M. le leader du gouvernement, vous informer, aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée, que demain, lors des affaires inscrites par les députés de l'opposition, sera débattue la motion de M. le député de Nelligan qui se lit comme suit:

«Que l'Assemblée nationale exige du gouvernement du Parti québécois qu'il tienne une consultation générale avant la mise en place d'Héma-Québec.»

Alors, à ce moment-ci, M. le leader du gouvernement. M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Peut-être avant, M. le Président, vous avez communiqué personnellement avec les députés de l'Assemblée nationale ainsi que le personnel quant à la clinique de sang du président de l'Assemblée nationale. Simplement vous permettre de faire un rappel à tout le monde pour demain.

Le Président: Ha, ha, ha! Alors, merci beaucoup, M. le leader de l'opposition officielle. Effectivement, cette clinique va avoir lieu au moment où je l'ai indiqué, le 9 avril prochain, et j'apprécierais que tous les membres de l'Assemblée qui peuvent le faire puissent se considérer comme conscrits. Alors, entre-temps, s'il y a consentement, M. le leader...

M. Jolivet: Mais, avant, M. le Président, sur la question de la clinique, je vous rappellerai la décision de la Croix-Rouge de demander à toute personne qui va désormais donner du sang d'avoir une carte d'identité avec sa photo et sa signature. C'est marqué dans l'avis, M. le Président.

Le Président: M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: M. le Président, je ne veux pas soulever un débat de procédure sur une cause aussi noble qui honore la présidence et l'Assemblée nationale. On m'indique cependant que c'est présentement sous étude à la commission des institutions.

Le Président: Alors, de toute façon, quelles que soient les études de nos commissions permanentes, ce qui est clair, c'est qu'il y aura clinique de sang du président de l'Assemblée nationale au moment où ça a été indiqué et que tous les membres de l'Assemblée sont invités et priés d'y participer. Alors, M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: Allons-y, M. le Président. Donc, je vous demande une suspension des travaux jusqu'à 16 heures afin de permettre au ministre de l'Économie et des Finances de faire son discours du budget et j'inviterais les députés à être présents, ici, à 15 h 45.

Le Président: Alors, est-ce qu'il y a consentement pour suspendre, M. le leader de l'opposition officielle?

M. Paradis: Oui, M. le Président, en notant que c'est à 15 h 59.

Le Président: Alors, un instant, s'il vous plaît! Les travaux n'ont pas été suspendus. Je comprends qu'il y en a qui présument du consentement et de la suite des choses, mais... Donc, il y a consentement, et, en conséquence, les travaux sont suspendus jusqu'à 15 h 58.

(Suspension de la séance à 14 h 57)

(Reprise à 16 h 5)


Affaires du jour

Le Président: Mmes, MM. les députés, veuillez prendre place. Alors, veuillez vous asseoir.

M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: Oui, M. le Président. Je vous demanderais d'accorder la parole au ministre d'État de l'Économie et des Finances.


Affaires prioritaires

Le Président: Alors, à ce moment-ci, M. le vice-premier ministre, ministre d'État de l'Économie et des Finances, votre budget.


Discours sur le budget


M. Bernard Landry

M. Landry (Verchères): M. le Président, lors du dernier discours sur le budget, je réitérais notre volonté de gérer les finances publiques de façon serrée et d'atteindre notre objectif de déficit. Je prévoyais une croissance économique modeste et j'annonçais en conséquence un vigoureux programme de stimulation des investissements privés. De plus, je mettais en oeuvre une réduction substantielle de la fiscalité des particuliers pour la rendre plus simple, plus équitable et favorable à l'emploi.

J'ai le plaisir d'annoncer aujourd'hui que les grands paris du dernier budget ont tous été tenus.

Une voix: Bravo!

M. Landry (Verchères): La croissance de l'économie a été plus forte qu'anticipé; la création d'emplois, pour 1997, s'est élevée à 48 000, près de deux fois plus que prévu. Nos objectifs financiers ont également été atteints et notre cible de déficit de 2 200 000 000 $ sera respectée. Nous ferons même un peu mieux. Nous avions promis de rétablir la crédibilité financière du gouvernement du Québec; c'est fait. Et, après trois années consécutives de fidélité aux objectifs, l'ancien cercle vicieux se mue en cercle vertueux.

Des voix: Bravo!

M. Landry (Verchères): Ces réalisations au chapitre des finances publiques et de l'emploi n'ont pas empêché le gouvernement national du Québec de rester progressiste et de se préoccuper des classes moyennes et des plus démunis. Notre bilan social, même en période de grande rigueur, est tout à fait impressionnant:

En janvier 1997 démarrait le programme d'assurance-médicaments qui est venu donner une protection nécessaire à 1 500 000 citoyens et citoyennes de plus. Au même moment, le Fonds de lutte contre la pauvreté, doté d'une enveloppe de 250 000 000 $, était lancé;

En février, la ministre de l'Éducation publiait un énoncé de politique intitulé Le virage du succès , comportant une réforme majeure de l'éducation, très bien accueillie et déjà en route;

En septembre, c'est la politique familiale qui se met en branle avec une allocation bonifiée pour enfant, les services de garde à 5 $ pour les quatre ans et des maternelles à plein temps pour les cinq ans;

En octobre, nous mettions en place l'allocation-logement unifiée qui améliore les conditions de vie de plus de 134 000 ménages à faibles revenus;

En janvier, la réforme fiscale abaissait l'impôt de 15 % pour les contribuables gagnant moins de 50 000 $ et permettait à 200 000 contribuables à faibles revenus de ne plus payer aucun impôt.

Le budget que je présente aujourd'hui poursuit la même combinaison gagnante d'action économique et de progrès social et s'appuie sur les trois mêmes grands principes: rigueur dans la gestion des finances publiques, préoccupation obsessionnelle pour la création d'emplois, partage socialement juste des retombées de la bonne gestion de l'économie et des finances.

Dès le début de ce discours, je voudrais disposer d'une question centrale pour tous les contribuables, bien évidemment: le présent budget ne comporte aucune hausse de taxes et d'impôts.

Des voix: Bravo!

(Applaudissements)

M. Landry (Verchères): Le Québec, M. le Président, est déjà trop taxé; c'est la désescalade qu'il faut viser le plus rapidement possible. On sait que, l'an dernier, j'ai annoncé une réforme fiscale neutre au départ. Dès cette année, elle se retourne en faveur des contribuables; depuis le début de l'année d'imposition 1998, même en tenant compte de l'augmentation de la taxe de vente, les ménages bénéficient d'une réduction nette de leurs impôts et taxes de 500 000 000 $.

(16 h 10)

L'allégement du fardeau fiscal est précisément l'une des grandes raisons qui nous pousse à aborder résolument notre dernière étape vers le déficit zéro. Nous la franchirons avec la même rigueur que les précédentes, malgré le grand verglas et malgré les embûches que le gouvernement central continue de semer sur notre route avec un sans-gêne de plus en plus révoltant. Nous la franchirons même en intégrant les impacts d'une profonde réforme de nos méthodes comptables pour nous ajuster aux recommandations les plus récentes comme à toutes les demandes anciennes et répétées de notre Vérificateur général.

L'élimination du déficit, on le sait, n'est pas une fin en soi, mais c'est un élément indispensable dans la lutte impitoyable contre le malheur social le plus pernicieux de notre temps: le chômage.


Document déposé

Je dépose donc aujourd'hui, M. le Président, avec le budget une stratégie de développement économique tout entière tournée vers la création d'emplois, intitulée simplement Objectif emploi . Ce document stratégique trace les priorités d'action du gouvernement pour les prochaines années et propose à la consultation un choix de cibles précises pour mobiliser au maximum toutes les forces vives du Québec. Cependant, nous nous engageons immédiatement dans l'action. En effet, dès à présent, nous mettons en place plusieurs éléments majeurs de la stratégie déposée aujourd'hui.

Au cours de l'année qui se termine, les succès découlant de nos politiques économiques et budgétaires ont produit des retombées appréciables. Au début de janvier, on se dirigeait vers des surplus et l'on voyait même poindre une intéressante marge de manoeuvre. La fatalité en a décidé autrement. Hélas! Le 5 janvier, s'abattait sur nous la plus grave crise et le plus grave désastre naturel de notre histoire. Le grand verglas nous a durement frappés, particulièrement en Montérégie et au Centre du Québec, créant souffrances et angoisses humaines tout comme désorganisation économique majeure.

Au seul plan matériel, cependant, un vigoureux effort de rétablissement pourrait éventuellement rendre positif le bilan global de la catastrophe. De ce pénible épisode, grâce à la solidarité et à la détermination des Québécoises et des Québécois, appuyés, du reste, par de très utiles renforts extérieurs, il est clair que nous sortons collectivement grandis. Il faut saluer ici le courage des populations qui ont solidairement et stoïquement affronté les périls et rappeler l'approbation unanime donnée à notre premier ministre dans sa gestion impeccable de ces heures cruciales.

Des voix: Bravo!

M. Landry (Verchères): L'immense majorité des élus locaux, députés et maires en particulier, nous a aussi servi un bel exemple du sens du devoir et d'efficacité au service du public.

Malgré toute cette vaillance, le grand verglas laisse dans nos comptes publics une trace profonde de près de 2 000 000 000 $. Cet impact sera absorbé en majeure partie par le gouvernement du Québec lui-même. Le gouvernement central a en effet profité de ce désastre pour s'illustrer à sa manière; il a davantage recherché, même dans ces circonstances tragiques, la visibilité plutôt que l'efficacité...

Des voix: Ah! Ah!

M. Landry (Verchères): ...et le service à la population. De façon arbitraire, il a refusé jusqu'ici de considérer les réclamations légitimes pour le rétablissement du service d'électricité par Hydro-Québec. Pourtant, nous ne demandons qu'un traitement équitable, comme celui accordé au Manitoba et à Terre-Neuve dans des circonstances similaires.

Des voix: Bravo!

M. Landry (Verchères): Toujours à la recherche de visibilité, le fédéral a dédoublé nos programmes d'aide aux PME avec une ineptie spectaculaire. En fin de compte, loin d'assumer 90 % de la facture, comme il le prétend, Ottawa n'en absorbe que 40 %. Même dans notre détresse, le gouvernement central a conservé son unilatéralisme arrogant, et avec notre argent, en plus!

Quoi qu'il en soit...

Une voix: ...

M. Landry (Verchères): Vous ne connaissez pas de mot français...

Le Président: Alors, il y aura un droit de réplique accordé à l'autre côté de la Chambre. À ce moment-ci, la parole est au ministre des Finances et à lui seul.

M. Landry (Verchères): M. le Président, l'opposition m'a interrompu en criant: «Cheap!» Je crois que c'est tout à fait approprié pour la conduite du gouvernement du Canada dans cette crise.

Une voix: Bravo!

M. Landry (Verchères): Quoi qu'il en soit, je confirme donc qu'en dépit des coûts énormes occasionnés par ces événements nous respecterons la cible de déficit de 2 200 000 000 $ prévue pour 1997-1998 dans la Loi sur l'élimination du déficit et l'équilibre budgétaire. La bonne tenue de l'économie nous a même permis de faire un peu mieux: en effet, le déficit 1997-1998 sera de 2 069 000 000 $.

M. le Président, je dépose le tableau suivant qui présente les résultats préliminaires des opérations financières du gouvernement pour 1997-1998. (Voir annexe). On voit que la longue quête de l'équilibre budgétaire progresse bien. Partis d'un sommet vertigineux de 6 000 000 000 $, nous aurons complété avec le budget d'aujourd'hui 80 % de la périlleuse descente. Les verdoyantes vallées de l'équilibre, voire des surplus, sont en vue, enfin.

Une voix: Bravo!

M. Landry (Verchères): Le strict contrôle des dépenses, géré de main de maître par mon collègue du Trésor et son équipe, reste bien sûr la clef de l'opération. Les mesures prises pour enrayer l'économie souterraine auront aussi grandement contribué à notre succès. L'action de notre gouvernement, qui n'a pas hésité à s'attaquer à des pratiques de travail au noir dénoncées par le Vérificateur général et répandues dans des secteurs entiers, a permis de récupérer des montants considérables, sous la gouverne efficace de la ministre déléguée au Revenu à la tête d'une vaillante équipe de fonctionnaires dont le rôle est aussi ingrat qu'irremplaçable.

Poursuivant sur cette lancée, j'annonce aujourd'hui des mesures pour réduire le travail au noir dans l'industrie du vêtement. Tout d'abord, mon collègue le ministre du Travail examinera d'ici la fin de l'année la question de la fusion des quatre décrets en un seul de manière à régler le problème lié à l'empiétement d'un décret sur l'autre. Un nouveau cadre réglementaire pourra s'appliquer graduellement à partir de 1999. Parallèlement, pour faciliter la transition, un crédit d'impôt de 20 % de la masse salariale des nouveaux emplois créés sera accordé dans ce secteur jusqu'à la fin des années 2001. Il s'agit là d'une occasion unique pour les partenaires de cette industrie vitale de continuer leur concertation pour assurer son essor en toute transparence.

Il me faut aussi souligner la contribution importante du monde municipal à l'atteinte de nos objectifs financiers. Je profite de l'occasion pour réitérer que le gouvernement est disposé à oeuvrer activement à l'application des termes de l'entente conclue l'automne dernier avec l'Union des municipalités du Québec, laquelle réduisait le niveau de cette contribution et ouvrait la porte à un processus de révision de la fiscalité locale.

Le budget de 1998-1999 est aussi conçu pour atteindre les objectifs de réduction du déficit définis lors du Sommet de Québec. Le déficit sera donc de 1 127 000 000 $, soit 73 000 000 $ de mieux que l'objectif visé.

Je dépose ici, M. le Président, ces tableaux qui présentent les prévisions des équilibres financiers du gouvernement pour 1998-1999 et l'impact financier des mesures fiscales et budgétaires. (Voir annexes).

Déjà cette année, le gouvernement du Québec enregistrera un surplus des opérations courantes et pourra donc payer comptant une partie de ses immobilisations. Pour la première fois en 20 ans, M. le Président, nous n'emprunterons plus, comme on dit, pour payer l'épicerie.

Des voix: Bravo!

M. Landry (Verchères): En particulier, les hommes et les femmes du secteur public, parlementaires inclus, pourront se dire, en recevant leur première paie d'avril, qu'enfin cet argent n'est plus emprunté, même partiellement.

Autre conséquence heureuse de nos efforts, nos besoins financiers nets sont pratiquement éliminés. Nous pouvons donc déjà dire à notre jeunesse que nous avons cessé de reporter sur elle le fardeau de notre consommation collective d'aujourd'hui. Nous tournons ainsi une page importante de l'histoire économique et sociale du Québec.

(16 h 20)

De plus, notre gouvernement maintient toujours le cap vers le déficit zéro l'an prochain. Cet engagement, convenu avec nos partenaires au Sommet de Québec en 1996, constitue un passage obligé vers la réalisation des autres priorités économiques et sociales de notre collectivité. Le déficit zéro est maintenant tout proche. Nos prévisions montrent que nous pourrons l'atteindre l'an prochain, avec un effort évidemment bien moindre que celui des deux années les plus difficiles de toutes et qui sont maintenant dernière nous.

Il faut maintenant savoir gré au Vérificateur général du Québec d'avoir depuis longtemps défendu avec vigilance de nouveaux principes de comptabilité plus exigeants mais plus adéquats. Sa constance dans le reproche et ses demandes répétées ont enfin convaincu le gouvernement de moderniser radicalement ses conventions comptables.

Une voix: Vos conventions.


Document déposé

M. Landry (Verchères): Le Vérificateur général, le ministère des Finances et le Contrôleur des finances viennent de nous présenter un rapport conjoint qui recommande une réforme majeure. Je dépose ce rapport aujourd'hui. Le gouvernement en accepte intégralement les recommandations, et la réforme préconisée prend donc effet dès maintenant, dans le présent budget.

Des voix: Bravo!

M. Landry (Verchères): Nous nettoyons ainsi une trop vieille ardoise et réglons trois problèmes comptables lancinants.

Le premier concerne nos engagements à l'égard des régimes de retraite des employés du secteur public. Ils seront désormais inclus en totalité dans la dette du gouvernement. Les 13 000 000 000 $ dont elle se gonfle ne constituent évidemment pas une nouvelle pour les lecteurs attentifs des abondantes notes explicatives des états financiers. Mais, et il est important de bien le noter, sans alourdir du poids d'une plume la dette réelle du Québec, cette façon nouvelle de faire nous permettra de présenter une situation claire à la population et à nos créanciers. Le Vérificateur général réclamait cette correction avec insistance depuis 20 ans.

Deuxièmement, nous amortirons le coût des immobilisations du gouvernement pour faire comme le secteur privé, donnant suite à une recommandation émise en 1997 par l'Institut canadien des comptables agréés et reprise par le rapport du comité conjoint d'experts. Désormais, plutôt que d'être incluses dans les dépenses, les immobilisations seront portées à la variation de la dette nette. Seul l'amortissement de ces immobilisations ira à la dépense. C'est là une méthode qui permet de faire des choix plus judicieux en matière d'investissement.

En troisième lieu, nous présenterons désormais ce qu'on appelle des états financiers consolidés. Ils incluront 92 entités de plus qui sont à divers degrés sous la responsabilité de l'État. Cette consolidation permet également de régulariser la situation des 34 fonds spéciaux créés par nous et nos prédécesseurs. On nous avait reproché, avec ces fonds, d'user d'expédients. En réalité, la consolidation montre que l'ensemble du secteur public québécois est dans une situation financière saine.

C'est donc fait. Après tant d'années d'hésitations et de débats restés stériles, nous modernisons radicalement nos conventions comptables dépassées. Tel que l'indique le rapport du comité conjoint d'experts, auquel le Vérificateur général a souscrit lui-même et signé de la main du Vérificateur général adjoint, la réforme appliquée dans le présent budget place – et je cite textuellement le rapport – «le gouvernement du Québec à l'avant-garde des gouvernements au Canada à l'égard de l'application des normes de comptabilisation pour le secteur public».

Des voix: Bravo!

M. Landry (Verchères): Par conséquent, fini les engagements des régimes de retraite qui n'apparaissent pas au bilan du gouvernement, fini la comptabilité éclatée dans toutes sortes d'organismes particuliers, fini les critiques et les suspicions concernant la multiplication des fonds spéciaux. La rigueur constante du Vérificateur général du Québec et son essentiel concours technique pour concevoir la réforme marqueront pour longtemps la crédibilité comptable de nos finances collectives.

Même si ces nouvelles conventions sont plus exigeantes pour le gouvernement, nous maintenons les cibles d'un déficit de 1 200 000 000 $ pour cette année et l'élimination du déficit pour l'an prochain. Anciennes normes ou nouvelles normes, nos cibles seront atteintes de toute manière.

Des voix: Bravo!


Document déposé

M. Landry (Verchères): Je dépose ici, M. le Président, le tableau montrant le déficit du gouvernement du Québec selon les anciennes et les nouvelles conventions comptables (voir annexe) ainsi que le rapport du Comité d'étude sur la comptabilité du gouvernement.

J'aimerais maintenant situer notre politique budgétaire dans une perspective plus globale. Depuis notre arrivée au pouvoir, en 1994, le gouvernement central nous a privés unilatéralement, M. le Président, de 7 000 000 000 $ pour la santé seulement – j'ai bien dit 7 000 000 000 $ pour la santé seulement depuis 1994 – 3 000 000 000 $ pour l'éducation, 1 000 000 000 $ pour l'aide sociale, 11 000 000 000 $ en tout. Et je ne parle pas ici des 2 000 000 000 $ refusés pour l'harmonisation de la TVQ à la TPS alors que 1 000 000 000 $ a été consenti aux trois provinces de l'Atlantique.

Sans ces déprédations, nous serions déjà au déficit zéro et nous aurions évité bien des peines liées aux efforts énormes de compression des dépenses que certains tentent d'imputer à notre seule volonté. Les ministères de la Santé et de l'Éducation ne sont pas à Ottawa, mais c'est dans cette ville et sans notre concours que l'essentiel des coupures furent décidées. Voilà à quel degré d'absurdité en est rendu le système.

En décembre dernier, le premier ministre et moi-même avions alerté la population au fait que le gouvernement central serait tenté de se servir de ses surplus pour intervenir dans les champs de compétence du Québec: nos pires craintes se sont justifiées. La population ne s'est d'ailleurs pas trompée: c'est sur le dos des autres qu'Ottawa a réalisé son déficit zéro. C'est pourquoi, par une saine justice immanente, il n'a pu en tirer ni gloire ni louange, mais bien plutôt un concert général de réprobations méritées.

On se serait attendu à ce que le gouvernement central cesse de nous nuire et tente plutôt de nous appuyer, dans la santé en particulier. Au contraire, le dernier budget confirme la totale insensibilité du gouvernement d'Ottawa à plusieurs de nos besoins. En fait, le gouvernement fédéral préfère distribuer des chèques à la population, feuille d'érable au vent.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Landry (Verchères): À défaut de vision, M. le Président, Ottawa investit dans la visibilité.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Landry (Verchères): En plus de gaspiller notre argent, il ne sauve même plus les dernières apparences de fédéralisme. Quand le ministre fédéral des Finances intervient grossièrement dans l'éducation, il n'y a plus de fédéralisme. Il envahit un de nos champs de compétence les plus sacrés, alors qu'il est clair que, si ce pouvoir ne nous avait pas été conféré en exclusivité, l'Acte de 1867, approuvé de justesse, n'aurait jamais vu le jour. Après avoir changé en 1982, contre l'opposition quasi unanime et toujours maintenue de notre Assemblée nationale et avec l'aide des autres provinces, le contrat de base liant nos deux peuples, le gouvernement central continue son oeuvre de sape de notre gouvernement national d'un budget à l'autre, d'une politique à l'autre, d'un geste méprisant à l'autre, d'une désinvolture à l'autre.

Une voix: Bravo!

M. Landry (Verchères): Je vais aborder maintenant, M. le Président, un sujet plus réjouissant. L'économie québécoise a connu un redressement majeur au cours de l'année 1997, une des meilleures des 10 dernières. Alors que le dernier budget misait sur une croissance économique de 1,5 % et la création de 25 000 emplois, les résultats ont dépassé de beaucoup les attentes. Le produit intérieur brut réel du Québec a augmenté de 2,4 % et quelque 48 000 emplois ont été créés. À la fin de 1997, le taux de chômage est redescendu à un niveau que l'on n'avait pas vu depuis le début de la décennie.

La confiance des ménages s'est élevée à un niveau comparable à celui de la fin des années quatre-vingt. Cela s'est traduit par un rebondissement de leurs dépenses, des achats d'automobile aux dépenses de rénovation domiciliaire et à l'achat d'habitations.

Les entreprises ont également bénéficié de cette reprise. Leurs profits ont fortement augmenté, tout comme leurs investissements. Avec la hausse de 9,5 % annoncée pour 1998, les entreprises du Québec auront accru leurs immobilisations de 31,5 % en trois ans. Cette augmentation se compare avantageusement avec celles de l'Ontario et du Canada.

(16 h 30)

Depuis le Sommet de Montréal, en novembre 1996, 88 000 emplois ont été créés, ce qui porte le taux de croissance annualisé de l'emploi depuis cette date à 2,2 % au Québec contre 2,7 % au Canada, encore qu'une partie de cet écart soit attribuable au grand verglas. Bien sûr, il reste du travail à faire pour atteindre l'objectif du Sommet avant la fin de 1999. Je suis heureux de constater que quelque 20 000 emplois ont été créés directement par les projets et mesures législatives issus de ces assises. Je rends hommage à tous nos partenaires socioéconomiques qui ont formé le Comité du suivi du Sommet et qui ont fait preuve d'un dynamisme exemplaire.

Les investissements privés engendrés par les programmes que j'ai annoncés au dernier budget ont littéralement explosé. À la mi-mars, à peine un an après le lancement d'un plan devant durer 18 mois, 92 % de l'objectif a été atteint: 3 900 000 000 $ de projets ont été approuvés ou sont en phase finale de négociation, pour une création de plus de 15 000 emplois directs. Et 7 000 000 000 $ de projets additionnels sont encore à l'étude.

Pour 1998, les experts prévoient que la croissance économique sera de nouveau au rendez-vous. Les analystes du secteur privé s'attendent à une progression de l'économie de l'ordre de 3 %, ce qui serait un résultat supérieur à ce que l'on a connu en 1997.

Toutefois, le Québec n'échappera pas totalement aux contrecoups de la crise asiatique dont les impacts sont difficiles à évaluer avec précision. Le contexte international demeure donc empreint d'incertitude. Mieux vaut demeurer prudent en matière de projections affectant le cadre financier du gouvernement. Nous ne sommes jamais à l'abri d'imprévus, qu'il s'agisse du verglas ou d'autres aléas.

C'est pour cela que je crois préférable de baser ce budget sur une hypothèse de croissance économique de 2,3 %, ce qui est un peu moins que ce que prévoient les experts du secteur privé. Cette croissance se traduira par la création de près de 50 000 emplois, quand même, ce qui représentera encore une bonne année.


Documents déposés

Les résultats atteints à ce jour en termes de création d'emplois demeurent cependant insatisfaisants aux yeux de la population comme aux yeux du gouvernement. Nous devons faire beaucoup mieux. Et, pour y parvenir, je rends publique aujourd'hui la stratégie économique du gouvernement Objectif emploi , que je dépose. À 600 jours de l'an 2000, le Québec se dote d'une stratégie de développement économique rigoureuse, cohérente et ambitieuse. Elle permettra de développer, avec le concours de tous et toutes, une économie d'avant-garde et créatrice d'emplois.

Rappelons qu'au Sommet de Montréal nous nous sommes donné un objectif précis: rattraper et dépasser en trois ans le taux de création d'emplois du Canada. La stratégie économique que nous déposons aujourd'hui s'ajoute aux gestes déjà posés pour la réalisation impérieuse de cet objectif et, à l'approche du nouveau millénaire, précise les orientations économiques du gouvernement pour les prochaines années. Nous amorçons aussi une réflexion sur les objectifs qui guideront notre action après l'atteinte du déficit zéro. Ainsi, en raison de la marge de manoeuvre que nous retrouverons bientôt, le gouvernement rendra publics une série de documents, qui constitueront autant de pistes d'action concrètes pour poursuivre la mise en oeuvre de cette stratégie.

Toujours guidé par la même préoccupation centrale, Objectif emploi – c'est le nom de cette stratégie – propose un cadre d'action global qui vise à donner du travail à nos citoyens et nos citoyennes. L'approche et les orientations que le gouvernement privilégie concernent directement les entreprises dont dépend principalement la création d'emplois, mais elles interpellent également le gouvernement qui doit voir à créer des conditions propices.

La stratégie s'appuie sur trois grands volets. En premier lieu, l'économie doit être compétitive. Pour cela, le gouvernement propose des priorités claires: nous devons réduire les impôts et les taxes, procurer un environnement d'affaires plus favorable aux entreprises, leur apporter un appui ferme et constant dans la formation de la main-d'oeuvre, dans l'innovation, dans la conquête des marchés extérieurs et pour les investissements.

Le budget comporte plusieurs initiatives concrètes qui vont dans cette direction: élimination du déficit, cela va de soi; réforme de la fiscalité des PME pour favoriser la création d'emplois; mise en place d'un plan pour susciter 20 000 000 000 $ d'investissements privés; enfin, un plan d'action visant à accélérer le développement du secteur financier à Montréal et au Québec tout en favorisant la gestion de nos épargnes chez nous.

Deuxièmement, l'économie doit aussi être humaine et solidaire. La participation au marché du travail constitue le meilleur moyen, pour tous ceux qui en ont la capacité, non seulement de subvenir à leurs besoins mais aussi de réaliser leurs rêves et ambitions légitimes.

Pour agir immédiatement dans cette direction, nous faisons porter cette année le gros de nos efforts vers la jeunesse du Québec. Je m'associe donc à mon collègue le ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration et j'annonce aujourd'hui un ensemble cohérent de mesures visant à mieux intégrer les jeunes au marché du travail et à les aider à résoudre des situations difficiles de leur vie.

Des voix: Bravo!

M. Landry (Verchères): Troisièmement, le développement que nous voulons privilégier devra être durable. Ce développement devra donc respecter le milieu, assurer l'équité collective et aller dans le sens des besoins des générations futures. La réduction du déficit budgétaire constitue d'ailleurs une illustration directe de cette préoccupation en faveur de ceux et celles qui nous suivent.

Le développement durable, c'est également le respect de la qualité du milieu, sur laquelle veille soigneusement mon collègue de l'Environnement et de la Faune. Une chose doit rester claire: il n'est pas question que la stratégie économique du gouvernement aboutisse à une réduction des exigences environnementales. Je suis convaincu que l'on peut concilier croissance économique et protection de l'environnement en évitant les lourdeurs et lenteurs bureaucratiques excessives.

Avec Objectif emploi , le gouvernement soumet à la consultation un ensemble d'objectifs chiffrés pour les années 2000. Le défi qui nous interpelle est d'inscrire l'économie du Québec parmi les meilleures au monde, notamment en termes de création d'emplois et de compétitivité. Ces objectifs nous inciteront à nous dépasser et constitueront à cet égard une véritable obligation d'excellence.

La stratégie mise en place par le gouvernement en est une de long terme, dont nous assurerons le suivi et l'application de manière vigilante. Il n'est pas douteux que notre économie ait été profondément transformée par les énoncés et plans d'action Bâtir le Québec , Le Virage technologique , ainsi que les tables sectorielles des grappes industrielles. Objectif emploi guidera notre action de la même manière, en concertation avec nos partenaires.

Il reviendra ensuite à un organisme léger et souple, l'Institut pour le développement de l'économie et de l'emploi, de mesurer les progrès accomplis par la société québécoise à l'égard de chacune des cibles retenues. Le mandat de cet organisme sera défini après consultation des différents partenaires du gouvernement.

La stratégie économique déposée aujourd'hui est l'affaire de tous. Elle représente avant tout un défi emballant que toutes les Québécoises et tous les Québécois sont conviés à relever. Je suis persuadé que ce défi correspond à nos aspirations les plus vives, mais aussi à des capacités qu'il ne tient qu'à nous d'exploiter pleinement.

Grâce aux mesures contenues dans le présent budget et qui constituent des jalons de sa mise en oeuvre, Objectif emploi s'incarne concrètement, à partir d'aujourd'hui, dans l'action du gouvernement. Ainsi, Objectif emploi reprend à son compte un message qui nous a été livré il y a 18 mois par la Commission sur la fiscalité et le financement des services publics: le gouvernement du Québec doit mettre tout en oeuvre pour que son régime fiscal soit favorable à la création d'emplois. Nous avons déjà commencé à nous attaquer à ce défi.

Une première réduction de 500 000 000 $ est déjà réalisée. C'est ainsi que l'an dernier, à peine cinq mois après le dépôt du rapport de cette Commission, j'annonçais la première étape d'une réforme majeure de la fiscalité des particuliers. Les grandes lignes de cette réforme sont les suivantes – on le sait: l'impôt sur le revenu des particuliers a été diminué de 841 000 000 $, cette baisse atteint 15 % pour les ménages dont le revenu est inférieur à 50 000 $; et 200 000 contribuables additionnels ne paient plus d'impôts en 1998. Au total, même en tenant compte de l'augmentation de la taxe de vente, les ménages du Québec voient leur fardeau fiscal réduit d'un montant net de 500 000 000 $ dès l'année d'imposition 1998.

Nous passons aujourd'hui à la seconde étape de notre réforme fiscale qui concerne les entreprises. Rappelons que le Québec n'est ni un paradis fiscal ni le goulag des entreprises que d'aucuns, mal inspirés, nous décrivent. Globalement, le régime fiscal des entreprises du Québec est tout à fait compétitif par rapport aux régimes appliqués chez nos principaux concurrents. Toutefois, notre régime d'imposition des entreprises fait davantage appel à la taxe sur la masse salariale, laquelle ne dépend pas directement du degré de rentabilité de l'entreprise.

J'ai donc le plaisir d'annoncer aujourd'hui une réforme de la fiscalité des petites et moyennes entreprises. Cette réforme sera effectuée dans le respect de notre engagement d'éliminer le déficit d'ici l'an 2000. Ainsi, en 1999-2000, la réforme est neutre sur les équilibres financiers du gouvernement. Elle se traduit par une réduction des impôts et taxes des PME de près de 225 000 000 $ en 2000-2001 et de 300 000 000 $ l'année suivante.

J'annonce donc une réduction de 37 % de la taxe sur la masse salariale des petites et moyennes entreprises.

Des voix: Bravo!

M. Landry (Verchères): Cette importante diminution s'effectuera en deux étapes. Le 1er juillet 1999, cette taxe sera réduite de 12 %; et, pour que la réforme soit neutre en 1999-2000, la déduction pour petites entreprises et le crédit d'impôt remboursable pour pertes seront abolis. Donc, cette année-là, la réforme sera neutre.

(16 h 40)

Un an plus tard, le 1er juillet 2000, la taxe sur la masse salariale sera réduite à nouveau, mais cette fois de 25 %, pour un total de 37 %, comme je l'ai dit. C'est alors que la réforme se traduira par une baisse nette du fardeau fiscal des PME.

J'annonce également que les PME pourront bénéficier dès le 1er juillet 1999 d'une réduction de 23 000 000 $ de la taxe de vente payée sur leurs achats.

Des voix: Bravo!

M. Landry (Verchères): Par ailleurs, les grandes entreprises ont souvent à prendre des décisions majeures qui auront des impacts sur plusieurs années. Ainsi, la stabilité des impôts et taxes constitue un élément important dans la décision d'une entreprise d'investir à un endroit plutôt qu'à un autre. Pour favoriser l'investissement, j'annonce qu'à compter du 1er juillet 1999 le gouvernement pourra, pour des projets majeurs d'investissement, assurer les entreprises contre toute hausse d'imposition des profits, de la masse salariale et du capital, et ce, pour une période de 10 ans, à l'instar des longues périodes de paix sociale négociées par certains syndicats.

Le principal avantage de cette réforme sera de rendre encore plus compétitif le régime fiscal des entreprises du Québec et donc de renforcer le potentiel de croissance de notre économie et la création d'emplois.

Depuis l'an dernier, nous sommes en train d'alléger de manière non négligeable le poids de la fiscalité, autant pour les particuliers que pour les entreprises. Au total, les particuliers profitent d'une réduction de fardeau fiscal de 500 000 000 $ alors que les impôts et taxes des entreprises seront allégés de près de 300 000 000 $.

Mais ce n'est là qu'une première étape. Lorsque nous aurons éliminé le déficit, il nous deviendra possible d'aller encore plus loin dans l'allégement des impôts et taxes des contribuables du Québec. C'est pourquoi, afin de faire du Québec une économie d'avant-garde et pour répondre aux attentes de nos concitoyens, le gouvernement s'engage, après l'atteinte du déficit zéro, à ce que la plus grande partie de sa marge de manoeuvre serve à poursuivre la réduction des impôts et des taxes.

Des voix: Bravo!

M. Landry (Verchères): Un des plus grands défis de notre société au cours des prochaines années sera de faire une place aux jeunes sur le marché du travail et de favoriser leur réussite.

Avant d'aller plus loin, j'aimerais d'abord rappeler ce que l'on disait aux gens de ma génération durant la Révolution tranquille: «Qui s'instruit s'enrichit.» Cela était certainement vrai, surtout si l'on dépasse le sens purement matériel de l'affirmation. De nos jours, la même maxime s'exprime en version plus prosaïque: «Qui s'instruit s'emploie», et toutes les études le démontrent. L'argumentation solide de ma collègue de l'Emploi et de la Solidarité devrait faire réfléchir les jeunes portés au découragement.

Une analyse rapide de la situation au Québec démontre que l'obtention d'un diplôme est toujours la meilleure garantie de décrocher un emploi. En 1996, les jeunes de 18 à 29 ans sans diplôme de secondaire V avaient un malheureux taux de chômage de 26,8 %. Par contre, chez les jeunes qui détenaient un tel diplôme – secondaire V – le taux de chômage était de 12,7 %, donc deux fois moins élevé et presque égal à celui du reste de la population qui s'établissait à 11,8 %. Tout cela est parfaitement clair: il faut aller à l'école, c'est encore et toujours la voie du succès.

Notre préoccupation pour la situation des jeunes n'est pas nouvelle. Avec les montants dégagés l'an dernier et les 232 000 000 $ que j'annonce dans le présent budget, ce sont près de 350 000 000 $ qui viennent appuyer les espoirs de notre jeunesse.

Des voix: Bravo!

M. Landry (Verchères): Tout d'abord, j'annonce aujourd'hui l'injection de 33 000 000 $ sur deux ans pour qu'environ 20 000 jeunes puissent bénéficier chaque année d'autant de stages afin de se familiariser avec la réalité quotidienne du marché du travail.

J'annonce aussi la création, en partenariat avec le Fonds de solidarité des travailleurs du Québec et la Fédération des travailleurs et des travailleuses du Québec, d'un fonds de 20 000 000 $ financé à parts égales avec le gouvernement. Les revenus annuels de ce fonds permettront de financer chaque année environ 550 stages rémunérés pour des étudiants des niveaux secondaire, collégial et universitaire. Les modalités de ce programme seront annoncées prochainement, de concert avec les dirigeants de la Fédération des travailleurs du Québec et du Fonds qui, une fois de plus, font preuve d'un sens exemplaire de ce qu'est une vie collective solidaire.

La population est bien consciente de la tragédie du chômage. Ce qui est cependant largement méconnu et qui constitue à mes yeux une tragédie tout aussi grande, c'est que plusieurs chômeurs le sont parce que notre société ne réussit pas à les former pour occuper des dizaines de milliers d'emplois disponibles et qui restent vacants. Nous devons réduire ces pénuries de main-d'oeuvre.

À cette fin, un budget de 4 000 000 $ sur deux ans sera consacré au soutien des établissements d'enseignement public qui proposeront rapidement des programmes de formation de courte durée. Ces programmes visent soit à la réorientation professionnelle de personnes possédant déjà un diplôme, soit la réponse à des besoins particuliers des entreprises dans les secteurs rencontrant des difficultés de recrutement.

De plus, le gouvernement confie au Fonds pour la formation des chercheurs et l'aide à la recherche le mandat de développer, en partenariat avec l'industrie, un programme de bourses d'excellence de doctorat dans des secteurs prioritaires pour l'industrie. Les étudiants et les étudiantes pourront bénéficier de 4 500 000 $ de bourses grâce à ce programme au cours des deux prochaines années. Voilà un vrai programme de bourses utile et bien ciblé.

Si une formation adéquate est devenue une condition essentielle pour avoir accès à un emploi valorisant, elle ne suffit pas toujours. L'activité économique doit aussi avoir suffisamment de débouchés pour absorber les jeunes qui sortent qualifiés du système d'éducation. Malheureusement, les jeunes sont confrontés encore trop souvent au cercle vicieux du «pas d'expérience pas d'emploi, pas d'emploi pas d'expérience».

Notre gouvernement national désire aujourd'hui renforcer le soutien qu'il accorde à la création d'emplois pour les jeunes. J'annonce donc l'octroi de 67 000 000 $ pour créer sur deux ans près de 5 000 emplois par les initiatives suivantes.

Tout d'abord, le Programme d'amélioration des compétences en science et en technologie, instauré lors du dernier budget, connaît un tel succès que les demandes des entreprises excèdent les disponibilités actuelles. L'enveloppe du programme sera doublée en y ajoutant 21 000 000 $. Cela permettra d'offrir à quelque 2 000 jeunes de plus l'occasion d'acquérir une expérience de travail assortie d'une formation théorique dans des secteurs en pleine croissance.

De plus, dans le cadre du programme Impact PME, nous investirons 22 000 000 $ pour créer 1 500 emplois stratégiques dans les PME au cours des deux prochaines années. Cela permettra aux PME de renforcer leurs équipes de gestion et de production en facilitant l'embauche de nouvelles compétences, principalement de jeunes diplômés.

Les ministères et organismes gouvernementaux bénéficieront quant à eux de budgets supplémentaires pour embaucher plus de 1 000 étudiants additionnels et offrir également des stages de longue durée à quelques centaines de nouveaux diplômés, par exemple à de jeunes juristes au service du ministère public.

Des voix: Bravo!

M. Landry (Verchères): Le développement de l'économie du Québec dépend largement de sa capacité à percer des marchés mondiaux. Une expérience de travail à l'étranger constitue une occasion exceptionnelle de développer les compétences nouvelles qu'impose le contexte de globalisation des marchés. Pour favoriser l'accès à de telles expériences, j'annonce l'instauration d'un programme de soutien financier aux entreprises implantées au Québec et ayant des opérations internationales qui offriront des stages d'emploi à l'étranger. Cela permettra d'offrir 325 stages, dont 125 dès cette année.

Des voix: Bravo!

M. Landry (Verchères): Ce budget propose aussi de confier à la Société des établissements de plein air du Québec le mandat d'entreprendre un programme de mise en valeur du territoire et des habitats fauniques, de consolidation de l'hébergement et de formation de guides et accompagnateurs en milieu naturel. Ce projet permettra de créer quelque 150 emplois en région pour les jeunes.

Aider les jeunes à se trouver un emploi, c'est aussi leur donner accès à des services de placement de la plus haute qualité. La ministre d'État à l'Emploi et à la Solidarité, dont le haut niveau de conscience sociale est reconnu, s'active sans relâche dans ce vaste champ d'activités.

J'ai aujourd'hui le plaisir d'annoncer que le ministère de l'Emploi et de la Solidarité entend déployer jusqu'à 3 000 guichets informatiques à travers tout le Québec au cours des deux prochaines années. Ces guichets libres-services permettront à Emploi-Québec d'offrir des services de placement accessibles à l'ensemble de la population sur tout le territoire du Québec.

(16 h 50)

L'endettement relié aux études atteint chez certains des proportions inquiétantes. Il existe déjà un programme de remboursement différé qui s'applique à ceux dont les revenus sont insuffisants. La ministre de l'Éducation propose d'ailleurs de le bonifier, comme le lui recommande le Rapport du Comité d'experts sur les modalités de remboursement de la dette d'études .

Nous donnons suite aujourd'hui à une autre recommandation de ce rapport. Nous voulons venir en aide aussi aux autres jeunes diplômés aux prises avec des versements substantiels sur leurs prêts étudiants. J'annonce donc qu'ils auront désormais droit à un crédit d'impôt égal à 23 % des intérêts sur ces prêts.

De plus, les contribuables qui désirent retourner aux études pourront à l'avenir retirer des fonds de leurs régimes enregistrés d'épargne-retraite, sans être imposés.

Les frais de garde pour études à temps partiel seront désormais admissibles au crédit d'impôt pour frais de garde d'enfants.

Au total, ces mesures fiscales destinées à favoriser la réussite et à réduire l'endettement lié aux études supérieures se traduiront par un coût de 41 000 000 $ par année pour le gouvernement.

Pour atteindre son plein potentiel de développement, le Québec a besoin de ses jeunes, de tous ses jeunes, comme nous l'a rappelé ardemment le député de Berthier. Le gouvernement est donc préoccupé par la situation de certains jeunes aux prises avec des situations dramatiques qui les entraînent parfois jusqu'à la toxicomanie, voire même au suicide.

Le message déchirant du film de la cinéaste Anne-Claire Poirier Tu as crié «Let me go» illustre bien l'urgence de fournir les efforts requis pour aider les jeunes à surmonter ce genre de détresse. Certains, découragés, disent que la vie ne vaut rien. La vérité, c'est que rien ne vaut la vie et aucun jeune au Québec ne doit perdre l'espoir fondamental.

C'est pourquoi j'annonce l'octroi d'un budget additionnel de 20 000 000 $ sur deux ans pour appuyer les efforts de mon collègue de la Santé et des Services sociaux auprès des jeunes et de leurs familles, principalement pour la prévention du suicide et la lutte contre la toxicomanie.

Des voix: Bravo!

M. Landry (Verchères): Je rappelais précédemment que le gouvernement vient de mettre en oeuvre une politique familiale résolument axée vers les besoins des familles du Québec, que met en place avec habileté et énergie ma collègue de l'Éducation.

Pour notre gouvernement, la politique familiale est une priorité fondamentale. Chaque famille du Québec en bénéficie. Elles ont d'ailleurs répondu avec un tel enthousiasme aux nouveaux services de garde à 5 $ pour les enfants de quatre ans qu'il nous faut injecter de nouvelles sommes pour garantir l'application intégrale de la politique le 1er septembre prochain. Il me fait plaisir de consolider cette politique en ajoutant 25 000 000 $ pour des places à 5 $ pour nos enfants et petits-enfants de trois ans.

Des voix: Bravo!

(Applaudissements)

M. Landry (Verchères): L'investissement des entreprises constitue un des déterminants majeurs de la création d'emplois, de la compétitivité et du niveau de vie. La stratégie que je viens de déposer en fait, à juste titre, un axe prioritaire d'intervention.

Voilà pourquoi le présent budget dote le Québec d'une série de nouveaux instruments pour accroître le niveau d'investissements.

Les objectifs de ce plan sont ambitieux puisqu'ils visent la réalisation d'investissements privés totalisant près de 20 000 000 000 $ au cours des cinq prochaines années, dont 12 000 000 000 $ en collaboration avec les sociétés d'État et 7 000 000 000 $ avec la nouvelle société Investissement-Québec.

À cela viendront s'ajouter divers autres investissements, notamment dans des projets du secteur public.

Comme pièce majeure, le gouvernement mettra tout en oeuvre pour maximiser les effets du levier stratégique que représentent les sociétés d'État à vocation économique. Grâce au partenariat avec le secteur privé, elles déclencheront 11 700 000 000 $ d'investissements privés au cours des cinq prochaines années.

Sans affecter les niveaux de dépenses et de déficit, le gouvernement investira en moyenne 400 000 000 $ par année pendant les cinq prochaines années dans le capital-actions d'une Société générale de financement renouvelée, dotée d'une direction dynamique résolument tournée vers l'investissement et la création d'emplois.

Des voix: Bravo!

M. Landry (Verchères): Trois principes d'intervention guideront l'action de cette nouvelle Société générale: les projets d'investissement doivent être réalisés sur une base économique et d'affaires; ses participations ne doivent jamais être majoritaires ni permanentes; et son action doit se concentrer sur le développement et l'accompagnement de nouveaux projets d'investissement.

La SGF devra réaliser impérieusement son ambitieux plan stratégique. Ce dernier prévoit la concrétisation de 10 000 000 000 $ d'investissements sur une période de cinq ans, tous en partenariat avec le secteur privé, et la création de 75 000 emplois nouveaux partout au Québec.

Des voix: Bravo!

M. Landry (Verchères): La Société générale de financement compte réaliser 125 projets dans des secteurs de l'activité économique tels que la technologie, le transport, la machinerie et l'activité récréotouristique.

Par ailleurs, pour améliorer la cohésion et la synergie des interventions des sociétés d'État, SOQUEM, SOQUIA, SOQUIP et REXFOR seront regroupées avec la SGF dans un même consortium tout en gardant leur identité. Cela permettra à la SGF d'intervenir plus intensément dans les secteurs suivants: les métaux et les minéraux; la chimie, la pétrochimie et la plasturgie; les produits forestiers et l'agroalimentaire.

Je tiens à remercier le groupe de travail présidé par l'adjoint parlementaire du premier ministre et député de Fabre et composé de ses collègues les députés de Bourget, de Crémazie, de La Peltrie, de Roberval et de Terrebonne pour nous avoir lancés résolument sur une piste aussi prometteuse. Mes remerciements vont aussi au ministre d'État des Ressources naturelles et au ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation pour leur indispensable collaboration. J'entends, bien entendu, travailler étroitement avec eux afin que les orientations des ministères qu'ils dirigent soient dûment intégrées au plan stratégique et au plan d'affaires annuel de la Société générale de financement.

L'implication des sociétés d'État concernées dans un grand groupe permettra d'accroître le potentiel de projets d'investissement. Grâce à cette réorganisation, elles seront mieux outillées pour jouer pleinement leur rôle de catalyseur et d'initiateur de projets structurants et créateurs d'emplois. Cette Société générale de financement renouvelée aura la taille voulue pour discuter avec les grands groupes transnationaux qui caractérisent l'économie globale. Elle sera bien placée pour lancer des projets conjoints et y participer par son savoir-faire et ses sources de financement. La SGF devra, par ailleurs, rester le puissant outil de développement régional qu'elle a toujours été et poursuivre sa collaboration avec les PME.

Depuis leur création, les sociétés Innovatech, maintenant gérées par des gens très impliqués dans leur milieu, ont connu beaucoup de succès dans le domaine de l'innovation technologique et du capital de risque. C'est pourquoi nous voulons aujourd'hui bâtir sur cette réussite et assurer la pérennité des sociétés Innovatech. Elles seront donc transformées en sociétés à capital-actions. Ceci leur donnera une meilleure assise financière pour réaliser leurs projets. Elles disposeront de 250 000 000 $ de capital pour investir dans des projets créateurs d'emplois. Une telle mise de fonds devrait leur permettre de réaliser des projets d'investissement pouvant atteindre 1 300 000 000 $ d'ici cinq ans.

Des voix: Bravo!

M. Landry (Verchères): Par ailleurs, j'annonce aujourd'hui la création d'une quatrième société Innovatech qui couvrira les régions ressources, c'est-à-dire le Bas-Saint-Laurent, la Gaspésie et les Îles-de-la-Madeleine, le Saguenay–Lac-Saint-Jean, l'Abitibi-Témiscamingue, la Côte-Nord et le Nord-du-Québec.

(17 heures)

Des voix: Bravo!

M. Landry (Verchères): Il est important que ces régions disposent des instruments adéquats pour participer pleinement au virage technologique. La Société Innovatech Régions ressources sera donc dotée d'un capital de 50 000 000 $, ce qui lui permettra de participer à des projets totalisant 250 000 000 $ dans ces régions. Compte tenu de la nécessité de centraliser les fonctions de direction, son siège social sera situé à Québec, dans notre capitale nationale.

Nos partenaires régionaux nous ont indiqué que le mandat de la Société de développement de la Baie James doit être modifié afin de mieux refléter les nouvelles réalités de cette région et de contribuer au rapprochement entre les communautés. Nous les avons écoutés. J'annonce donc que la Société de développement de la Baie James pourra dorénavant agir comme partenaire dans des projets de développement économique. Le gouvernement injectera les fonds requis pour qu'elle participe au capital-actions d'entreprises qui pourraient réaliser 40 000 000 $ d'investissements privés.

Il ne peut être question de sociétés d'État, évidemment, M. le Président, sans mentionner la plus grande, Hydro-Québec. Celle-ci aura deux importants défis à relever dans les années à venir. Premièrement, le grand verglas du mois de janvier a mis en lumière certains besoins d'amélioration. Hydro-Québec devra donc effectuer les investissements nécessaires pour accroître la fiabilité de son réseau.

Deuxièmement, Hydro-Québec s'est donné comme objectif de devenir une des entreprises les plus performantes dans son secteur en Amérique du Nord. Les stratégies de croissance et de rentabilité inscrites à son plan stratégique se traduiront par une amélioration sensible de sa situation financière au cours des prochaines années. On s'attend donc de sa part à un taux de rendement qui attendra 11,8 % d'ici cinq ans, une rentabilité nettement meilleure que par les années passées mais comparable aux entreprises d'utilité publique du même genre sur notre continent.

Cet accroissement sensible de sa rentabilité future se traduira par le versement de dividendes au gouvernement. Une partie des dividendes versés par Hydro-Québec servira à financer la totalité de la participation de près de 2 400 000 000 $ du gouvernement dans les sociétés d'État dont je viens de parler. Ainsi, les dividendes d'Hydro-Québec seront, au même titre que ses activités, au service du développement économique du Québec. D'ailleurs, Hydro-Québec vient précisément de verser à son actionnaire un dividende de 357 000 000 $ pour 1997, le premier depuis 1989.

Bon an mal an, des investissements totalisant quelque 300 000 000 000 $US sont réalisés à travers le monde par les firmes multinationales et transnationales. Or, la concurrence est très vive entre les juridictions pour attirer ces investissements. Le Québec offre de nombreux avantages. Mais le seul fait d'avoir des avantages n'est pas suffisant. Il faut les promouvoir plus vigoureusement et mettre en place une structure d'accueil qui simplifie la tâche des entreprises et déclenche des décisions d'implantation.

J'annonce donc la mise en place d'Investissement-Québec. Cette société d'État aura comme seule et unique mission de susciter davantage d'investissements au Québec de la part des entreprises locales et étrangères. Elle sera formée par le regroupement des ressources existantes – je le souligne – du ministère de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie et de la Société, également existante, de développement industriel du Québec, la SDI. Il n'y aura donc pas création d'un organisme additionnel. La société SDI telle que nous la connaissons déjà sera intégrée au sein de la nouvelle société d'État.

Investissement-Québec agira comme guichet unique des investisseurs auprès du gouvernement du Québec en matière d'accueil et de soutien au financement des projets d'investissement.

J'annonce que cet organisme aura accès à une enveloppe globale de 500 000 000 $ au cours des cinq prochaines années. Pareille enveloppe permettra de susciter 5 000 000 000 $ d'investissements privés.

De plus, Investissement-Québec constituera une filiale spécifiquement vouée au financement des PME et des coopératives, comme le faisait d'ailleurs la SDI. Cette filiale aura pour objectif d'appuyer pour 1 300 000 000 $ de projets d'investissement au cours des cinq prochaines années par les PME et les coopératives.

Investissement-Québec aura le mandat de présenter aux investisseurs, dans les délais les plus courts possible, une offre globale de la part du gouvernement. Ainsi, les investisseurs auront rapidement accès à toutes les formes d'aide existantes au Québec, sans compter les crédits d'impôt disponibles. Cette société assumera, de plus, une tâche de prospection des investissements locaux et étrangers, qu'il faut continuer à susciter en grand nombre au Québec.

Elle exécutera évidemment ses mandats en étroite collaboration avec tous les ministères sectoriels du gouvernement, avec nos délégations générales, bureaux et antennes diverses à l'extérieur du Québec. Leur solide expérience et leur efficacité continueront d'être mises à profit dans toutes les phases du développement des projets.

Il importe, de plus, d'accroître les moyens dont dispose le Québec pour relever la capacité d'adaptation de la main-d'oeuvre en marge des projets d'investissement. Au cours des cinq prochaines années, une somme de 40 000 000 $ par année sera donc consacrée par Emploi-Québec à des fins de formation de la main-d'oeuvre dans le cadre de projets d'investissement. Cela permettra de susciter des projets pour 800 000 000 $. Les demandes d'aide financière seront soumises à l'approbation de la Commission des partenaires du marché du travail qui décidera de la contribution d'Emploi-Québec en raison de l'impact de l'investissement projeté sur l'emploi.

Pour compléter ce bloc d'investissements stimulés par l'aide gouvernementale, j'annonce, à la suggestion de mon collègue le ministre d'État des Ressources naturelles, deux mesures dans le secteur des mines et de l'énergie. Premièrement, nous injecterons 6 000 000 $ à chacune des trois prochaines années, soit 18 000 000 $ au total, dans le Programme de financement d'études et de travaux visant la mise en valeur de gisements miniers, ce qui devrait se traduire par des investissements d'au moins 200 000 000 $. Deuxièmement, j'annonce l'octroi de 8 000 000 $, au cours des deux prochaines années, pour favoriser l'expansion du réseau de distribution de gaz naturel. Des investissements de 50 000 000 $ en résulteront. D'autres projets d'investissement méritent également d'être soutenus par l'État.

Il reste encore, comme on le sait, à cet égard, un certain nombre de municipalités mal desservies en matière d'aqueduc, d'égout et d'assainissement des eaux. Afin d'assurer la santé des populations concernées en particulier, j'annonce donc aujourd'hui la mise sur pied d'un nouveau programme d'aide aux municipalités, conçu par mon collègue des Affaires municipales, doté d'une enveloppe de 180 000 000 $. Ce programme d'une durée de cinq ans s'adressera aux municipalités de moins de 5 000 habitants.

Des voix: Bravo!

M. Landry (Verchères): Il accordera évidemment, ce programme, en toute logique, la priorité à celles qui n'ont aucune infrastructure d'aqueduc et d'égout et à celles qui ont des difficultés d'approvisionnement d'eau potable.

Depuis 1995, les partenaires du Sommet sur la forêt privée oeuvrent de concert pour améliorer la mise en valeur des forêts privées et, par le fait même, le développement économique de leur communauté rurale. C'est dans cette perspective que le présent budget bonifie de 5 000 000 $ par année le Programme d'aide à la mise en valeur des forêts privées pour le porter annuellement à 34 500 000 $ pour les cinq prochaines années.

Des voix: Bravo!

M. Landry (Verchères): Au début du mois de mars, lors de la Conférence sur l'agriculture et l'agroalimentaire tenue dans la formidable technopole agroalimentaire de Saint-Hyacinthe, les participants ont convenu de créer 15 000 emplois, de doubler les exportations et de réaliser des investissements de 7 500 000 000 $ d'ici 2005. Le présent budget donne suite à plusieurs des engagements du gouvernement et de mon collègue de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation à cette Conférence.

J'annonce donc aujourd'hui la bonification du Programme d'aide à l'investissement en agroenvironnement, dont l'enveloppe sera portée de 319 000 000 $ à 400 000 000 $; une somme de 4 000 000 $ pour un fonds de développement des exportations de produits agricoles et agroalimentaires; une contribution de 2 000 000 $ pour soutenir le financement conjoint de projets de recherche et de développement dans ce secteur; une somme de 750 000 $ destinée à favoriser le développement et la transformation des produits du terroir; et, finalement, la création d'un institut de recherche et développement en agroenvironnement à Saint-Hyacinthe qui travaillera de concert avec toutes les universités intéressées. Je salue ici en particulier l'Union des producteurs agricoles qui a adopté le principe d'une contribution à cet institut et dont les modalités seront annoncées plus tard.

(17 h 10)

Qu'on me permette ici une petite parenthèse, petite en termes macroéconomiques mais importante pour les entreprises et personnes visées. Pour la troisième année consécutive, et sans prétendre encore à faire du Québec une puissance vinicole, l'État fera un geste de plus en faveur des gens courageux et talentueux qui cultivent la vigne chez nous et en tirent des produits de plus en plus intéressants, ce qui n'était pas d'une parfaite évidence au départ.

J'annonce donc que le droit et la taxe spécifiques applicables sur les premiers 1 500 hl de boissons alcooliques vendus au Québec par un producteur artisanal sont abolis à compter de minuit ce soir.

Des voix: Bravo!

M. Landry (Verchères): À la suite de consultations entreprises par le ministre responsable de la région de Québec et ministre de la Santé et des Services sociaux, les divers partenaires socioéconomiques de la région de la capitale nationale ont convenu que la région devait diminuer sa dépendance économique à l'endroit des activités gouvernementales. Le gouvernement désire l'aider non seulement à consolider des acquis, mais aussi à développer plus fortement le secteur manufacturier, le tertiaire moteur et la haute technologie, les industries culturelles ainsi que le tourisme. J'annonce donc la création d'un fonds de diversification de l'économie de la capitale nationale dans lequel nous injecterons 20 000 000 $.

L'Institut national d'optique, que l'on appelle INO, constitue un pôle important et un joyau de la haute technologie de la région de Québec et rayonne partout à travers le monde. Ses activités vont croître au cours des prochaines années. Il me fait donc plaisir d'annoncer que le gouvernement contribuera pour 2 500 000 $ aux travaux d'agrandissement de ce centre de recherche. Par ailleurs, par ce budget, le gouvernement bonifie la subvention qu'il verse à l'Institut en y ajoutant 3 000 000 $ au cours des trois prochaines années. L'Institut national d'optique peut et doit être l'initiateur d'une véritable révolution économique dans notre capitale nationale. Le gouvernement lui fait pleine confiance à cet effet.

Une voix: Bravo!

M. Landry (Verchères): On trouvera plus de détails sur les mesures annoncées aujourd'hui dans les documents qui sont partie intégrante du présent discours, à savoir Renseignements supplémentaires sur les mesures du budget (voir annexes) et Accroître les investissements privés .

J'en profite, M. le Président, pour déposer l'ensemble des autres documents qui accompagnent le discours sur le budget. (Voir annexes).

Le secteur financier revêt pour l'économie du Québec une importance doublement stratégique: d'une part, il procure aujourd'hui de l'emploi à 170 000 personnes; d'autre part, il joue un rôle déterminant dans la canalisation de l'épargne vers les agents économiques, particuliers, entreprises et gouvernements.

Certaines recherches menées récemment de manière approfondie, dans l' Action nationale notamment, nous ont alertés au fait qu'une partie importante de nos épargnes est gérée à l'extérieur du Québec. Le député de Crémazie a également beaucoup aidé notre analyse par son travail et son expérience dans ce domaine. Ces diverses réflexions ont entraîné des changements d'attitude et provoqué une prise de conscience chez certains décideurs financiers qui ont déjà commencé à rapatrier ici la gestion de capitaux présentement faite ailleurs sans raison évidente.

Conscient des défis qui confrontent le monde financier du Québec, le gouvernement est à pied d'oeuvre depuis plusieurs mois afin de mettre en place des mesures concrètes pour le développement de ce secteur. À la session de l'automne dernier, j'ai inscrit au feuilleton de l'Assemblée nationale trois projets de loi concernant le secteur financier. Le ministère des Finances a mené plusieurs actions incitatives et de recherche auprès des milieux concernés. Une de ces recherches démontre en particulier l'excellence des gestionnaires québécois de portefeuille et donc l'incongruité de certaines décisions de faire gérer les épargnes à l'extérieur.

Avec ce budget, nous voulons donner un élan nouveau à l'action que nous avons déjà entreprise. Nous devons gérer au Québec une plus grande partie de nos épargnes et une plus grande partie de l'épargne des autres, soit dit en passant, tout en respectant cependant notre idéal de libre circulation des capitaux et de libre choix des épargnants et des consommateurs.

Tout d'abord, le gouvernement désire appuyer le démarrage de fonds communs de placement dont la gestion et l'administration seront effectuées au Québec. Une aide fiscale particulière sera donc accordée aux sociétés qui mettront sur pied de nouveaux fonds. De plus, ces fonds seront exonérés de l'impôt sur les profits pendant cinq ans.

Le gouvernement souhaite également soutenir l'apprentissage par les jeunes des compétences requises par l'industrie québécoise de la gestion de portefeuille. C'est pourquoi j'annonce aujourd'hui que les entreprises concernées auront désormais droit à un nouveau crédit d'impôt remboursable égal à 40 % des salaires versés à de jeunes diplômés. Tous les jeunes diplômés en ce domaine y sont admissibles.

Le secteur financier est particulièrement important pour l'économie de Montréal et de sa région. Ainsi, au début des années quatre-vingt, le gouvernement et le milieu des affaires de Montréal se sont donné les moyens d'accentuer la vocation internationale financière de Montréal. Des allégements fiscaux importants furent consentis à ce qu'on appelle les centres financiers internationaux, les CFI. Ces derniers réalisent diverses activités à caractère international qui se dérouleraient ailleurs qu'au Québec si on tentait de les taxer autant que les autres activités économiques. Le gouvernement fédéral, on s'en souvient, n'a pas coopéré et n'a donné d'allégement qu'à une gamme très restreinte d'activités. Une cinquantaine de CFI, malgré tout, et quelque 400 emplois ont été créés à Montréal depuis 10 ans à la faveur de ce programme. Nous pouvons faire mieux et vraiment exploiter tous les avantages de Montréal dans ce créneau. C'est pourquoi nous revenons à la charge avec une offensive supplémentaire.

J'annonce aujourd'hui une révision majeure du programme des centres financiers internationaux. Tout d'abord, pour faciliter la promotion de ce dispositif fiscal, nous allons regrouper dans une loi distincte les dispositions actuellement dispersées dans la Loi sur les impôts. Nous élargirons de manière importante la gamme d'activités admissibles à ce programme. Nous voulons tout d'abord attirer à Montréal un plus grand nombre d'activités de support administratif, ce que l'on appelle, dans l'espéranto des temps modernes, le «back office». J'annonce donc que les activités de support administratif portant sur les transactions internationales seront désormais admissibles aux avantages fiscaux des centres financiers internationaux, tout comme la promotion, l'administration et la gestion de certains fonds communs de placement. Certaines activités de gestion de trésorerie et de montage financier seront également admissibles au programme, de même que le crédit-bail, l'affacturage, les lettres de crédit pour l'import-export et les services fiduciaires.

De plus, j'annonce quatre bonifications pour les centres financiers internationaux: une aide fiscale sera accordée pendant la période d'apprentissage de jeunes employés; elle correspondra à 40 % du salaire de ces employés pendant trois ans; les avantages accordés aux CFI seront garantis pour une période minimale de 10 ans, c'est-à-dire jusqu'en 2008; l'exemption fiscale consentie aux spécialistes venant travailler à Montréal est portée de deux à quatre ans; enfin, le temps de travail devant être consacré par un employé aux activités d'un CFI est réduit de 90 % à 75 %.

L'ensemble de ces mesures s'appliqueront à compter de minuit ce soir.

Par ailleurs, Montréal possède des ressources universitaires de haut niveau dans les domaines complémentaires à la finance moderne, telles la mathématique, la recherche opérationnelle, l'informatique et la statistique. De ce fait, Montréal peut devenir un des lieux d'excellence en Amérique du Nord pour la formation et la recherche en finance moderne; notre secteur financier ne pourra qu'en bénéficier. En conséquence, le gouvernement donne aujourd'hui à l'Université du Québec à Montréal le mandat de créer un institut international de formation et de recherche en finance mathématique et en intermédiation financière. Des crédits annuels de 1 100 000 $ seront octroyés aux activités de cet institut. L'UQAM réalisera son mandat en collaboration avec les autres institutions universitaires et organismes ayant des expertises reconnues dans le domaine.

Au coeur de notre identité collective, la culture est beaucoup plus qu'une industrie. N'est-ce pas Fernand Dumont, celui qui a sculpté la nôtre pendant toute sa carrière, qui la décrivait, et je cite, comme «tout un réseau par où on se reconnaît spontanément dans le monde comme dans sa maison». Mais, avec ses 70 000 travailleurs et travailleuses au Québec, dont pas moins de 20 000 créateurs et artistes, la culture est aussi une industrie. Les produits de cette industrie deviennent ainsi des témoins de notre identité en même temps qu'ils contribuent à la façonner. On comprend alors la ministre de la Culture et des Communications de refuser qu'une industrie si déterminante soit laissée aux seules forces du marché. Par ce budget, le gouvernement national du Québec raffermit son soutien essentiel à la culture québécoise. Elle sera soutenue autant comme industrie créatrice d'emplois que comme expression de l'âme québécoise et miroir de notre société.

La ministre vient de rendre public un projet de politique gouvernementale de la lecture. D'ores et déjà, il apparaît que nous aurons à faciliter l'acquisition d'un plus grand nombre de livres par les bibliothèques publiques et les bibliothèques scolaires. Le gouvernement devra aussi s'engager dans de multiples activités de promotion et de sensibilisation. C'est pourquoi j'annonce aujourd'hui l'octroi de 25 000 000 $ de crédits à cette fin, répartis sur les trois prochaines années.

(17 h 20)

La ministre prépare aussi une politique québécoise de l'inforoute. Non seulement faut-il que les Québécoises et les Québécois puissent tirer tous les bénéfices qui découleront de ce développement extrêmement prometteur, mais il faut aussi bâtir ici un tronçon de l'autoroute qui nous ressemble. J'annonce à cette fin des crédits additionnels de 4 000 000 $ par année au cours des prochaines années, auxquels s'ajouteront 2 000 000 $ pour des projets acceptés à l'intérieur du Fonds de développement de la Métropole.

Des voix: Bravo!

M. Landry (Verchères): La Société de développement des entreprises culturelles, qu'on appelle la SODEC, joue un rôle déterminant pour promouvoir et soutenir les entreprises culturelles du Québec. Elle est active dans le financement de l'industrie en complémentarité avec les diverses institutions financières, notamment avec le Fonds de solidarité des travailleurs du Québec.

Il faut que la SODEC puisse jouer son rôle de façon encore plus souple, plus efficace et plus adaptée aux besoins des industries culturelles. En conséquence, elle sera dotée de nouveaux instruments d'action et elle disposera d'une avance de 20 000 000 $ pour développer ces nouveaux outils financiers. À cette fin, le gouvernement autorisera la SODEC à créer une filiale dont l'actionnariat sera ouvert au secteur privé. Déjà, des institutions financières se sont montrées intéressées à investir. Ces mesures permettront aux entreprises culturelles du Québec d'avoir accès à des outils de commercialisation semblables à ceux disponibles dans les principaux pays exportateurs de produits culturels.

L'industrie du cinéma et de la télévision joue aujourd'hui un rôle déterminant dans la production culturelle de nos sociétés. Nous voulons que le Québec participe pleinement à ce mouvement. C'est pourquoi j'annonce la mise en place d'un crédit d'impôt pour favoriser le tournage de productions étrangères au Québec. Ce crédit sera disponible aux producteurs indépendants comme aux télédiffuseurs.

De plus, j'annonce une bonification du crédit d'impôt québécois pour la production cinématographique et télévisuelle à l'égard des effets spéciaux et de l'animation informatique, tout comme la reconduction pour une année supplémentaire de ce crédit pour les émissions de variété et les magazines. Par ailleurs, dans d'autres juridictions, dont l'Ontario, les télédiffuseurs ont droit à ce crédit d'impôt, à certaines conditions. Un comité de travail sous l'égide de la ministre de la Culture et des Communications se penchera sur cette question et fera rapport avant la fin de juin.

Comme on le sait, notre gouvernement s'est donné comme objectif d'amener 2 000 nouvelles PME à exporter d'ici l'an 2000. Je compte bien que plusieurs entreprises culturelles seront de ce nombre. Il y a cependant lieu, pour ce faire, de les appuyer financièrement, soit dans des études de marché, dans l'élaboration de stratégies de commercialisation, dans la prospection de marchés extérieurs, soit, encore, dans la réalisation de missions commerciales. L'an dernier, un budget de 2 000 000 $ a servi à cette fin. Ce budget sera reconduit pour les deux prochaines années.

Nous voulons aussi faciliter l'enrichissement des collections de nombreux musées privés au Québec. Le traitement fiscal des dons de bienfaisance sera donc amélioré pour ce faire. Un donateur pourra désormais déduire ses dons à cette fin jusqu'à 75 % de son revenu.

Enfin, la santé financière d'un certain nombre d'organismes culturels me préoccupe vivement. Nous ne pouvons pas nous permettre de voir des organismes comme le Théâtre du Trident, l'Orchestre symphonique de Québec ou les Grands Ballets canadiens crouler sous le poids de l'endettement. Afin de les aider à redresser leur situation financière, j'annonce que 3 000 000 $ en provenance de Loto-Québec seront destinés prioritairement à ces trois organismes.

Le présent budget prévoit enfin des investissements supplémentaires de 30 000 000 $ dans les bibliothèques publiques, les équipements culturels et la restauration du patrimoine religieux.

Des voix: Bravo!

M. Landry (Verchères): Voilà, M. le Président, les orientations budgétaires, économiques et sociales que le gouvernement propose à cette Assemblée et à la population du Québec. Elles nous rapprochent méthodiquement, étape par étape, du déficit zéro prévu pour l'an prochain, tel qu'il en fut décidé conjointement et solidairement au Sommet de Québec. De plus, ces orientations s'inscrivent fidèlement dans la foulée des efforts déployés depuis le Sommet de Montréal pour atteindre notre objectif de création d'emplois d'ici la fin de 1999.

Avec la stratégie de développement économique Objectif emploi dévoilée aujourd'hui, nous sommes appelés à nous donner des objectifs pour mieux vivre et organiser l'après-déficit zéro, en saluant le nouveau millénaire.

Une chose, cependant, est certaine: nos efforts doivent mettre fin au fameux paradoxe québécois voulant que le Québec dispose de tous les outils d'un décollage économique phénoménal sans réussir à ramener son taux de chômage à un niveau acceptable. Un taux de chômage de près de deux points de pourcentage au-dessus de la moyenne canadienne de façon persistante, bon an mal an, depuis que nous avons des statistiques, soit depuis le début des années cinquante, cela est inconcevable et ne peut plus durer.

Qu'on songe à notre main-d'oeuvre extrêmement qualifiée, à notre dotation en ressources naturelles, à notre puissante agriculture, au capital disponible en abondance pour fins d'investissement, à notre secteur privé et à nos entrepreneurs très dynamiques, que l'on songe à nos syndicats bien rompus aux réalités aussi bien sociales qu'économiques, à nos sociétés d'État maintenant bien orientées vers le rendement et le développement, à nos secteurs associatif et coopératif modernes et à notre économie largement orientée vers la haute technologie et l'exportation. Quand on regarde tout cela, on se rend compte que rien ne devrait nous empêcher de faire le sort qu'il mérite à cet embêtant paradoxe, et dans les meilleurs délais.

Nous allons tout faire pour y arriver, avec les moyens non négligeables d'un gouvernement national qui, pour l'instant, est encore incomplet. Mais, bientôt, quand notre peuple le voudra, nous aurons les outils plus solides, et plus puissants, et plus universels du pays souverain que nous méritons.

Des voix: Bravo!

M. Landry (Verchères): En attendant, nous cheminons vers notre destin avec un espoir ardent.

L'an dernier, en terminant le discours du budget, j'avais cité ce beau vers de Gaston Miron qui résumait bien l'objet de nos labeurs: «Je n'ai jamais voyagé vers autre pays que toi, mon pays.» Aujourd'hui, devant l'abondance des projets et des chantiers que nous proposons, je puiserai plutôt une magnifique phrase dans l'oeuvre grande et puissante de Fernand Dumont, décédé le printemps dernier, et qui écrivait: «Seul un pays peut être à la mesure de nos projets.» M. le Président, je vous remercie.

(Applaudissements)

Des voix: Bravo!

Le Président: Bien. Est-ce que je peux rappeler à tout le monde que la séance n'est pas terminée? Alors, M. le vice-premier ministre.


Motion proposant que l'Assemblée approuve la politique budgétaire du gouvernement

M. Landry (Verchères): Je propose donc, M. le Président:

«Que l'Assemblée approuve la politique budgétaire du gouvernement.»

Le Président: Alors, votre motion est présentée à ce moment-ci, M. le ministre des Finances. Je vais maintenant céder la parole au député de Laporte et porte-parole de l'opposition officielle pour ses commentaires.


Commentaires de l'opposition


M. André Bourbeau

M. Bourbeau: Merci, M. le Président. Après plusieurs années de croissance économique soutenue, le gouvernement est incapable d'annoncer la moindre réduction d'impôts, la moindre réduction de taxes, le moindre rétablissement de services de qualité dans la santé et dans l'éducation. Où est la marge de manoeuvre du gouvernement? Où est-elle? Où est-elle passée? La réponse est simple, l'écart entre le Québec et le reste du Canada ne cesse de se creuser.

(17 h 30)

Le ministre a annoncé tout à l'heure, pour l'année dernière, que la croissance économique avait progressé de 2,4 %. Or, pour le reste du Canada, le chiffre est de 4,2 %. C'est donc dire que la croissance économique a été de 75 % plus dynamique dans le reste du Canada qu'au Québec en l'an 1997, M. le Président. De plus, au chapitre des investissements, le Québec n'a créé en 1997 que 16,7 % des investissements privés au Canada, et pourtant nous sommes presque un quart de la population canadienne.

Pour les emplois, c'est encore pire. Au cours des deux dernières années, 1996 et 1997, le Québec n'a créé que 13 % de tous les emplois créés au Canada, et pourtant nous sommes pratiquement 25 % de la population canadienne. C'est donc dire que, depuis que le premier ministre et son gouvernement nous ont déclaré qu'ils s'attaquaient au problème de l'emploi, ils n'ont créé que 13 % des emplois au Canada.

Et, comme coeur de son programme de relance pour relancer l'économie, le gouvernement du Québec ne trouve rien de mieux que de nous ramener la Société générale de financement et d'en faire un monstre économique digne des années soixante. Le concept de la société d'État comme moteur de l'économie est révolu. En fait, tous les pays du monde se départissent des sociétés d'État qu'ils avaient créées dans les années soixante et les années soixante-dix. Pourquoi le gouvernement agrandit-il le rôle de la SGF? Il n'y a qu'une seule explication: un gouvernement à court d'idées économiques et qui veut masquer le véritable coût de sa politique constitutionnelle tente de jeter de la poudre aux yeux. Ce regroupement de sociétés d'État est une fumisterie, une autre superstructure.

Demandons-nous aujourd'hui à quel point les millions que nous investirons auront un impact sur le taux de chômage record qui sévit encore aujourd'hui au Québec. Ces fonds seraient bien mieux placés à réduire les impôts et les taxes ou encore la dette du gouvernement.

Pour ce qui est des entreprises, on nous annonce une réforme de la fiscalité des entreprises. Je dis à mes collègues: Ne vous pressez pas pour lire le document, les mesures énoncées dans le budget pour les entreprises ne viendront en vigueur qu'en l'an 2000. Vous avez jusqu'au prochain millénaire pour le lire.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bourbeau: En ce qui concerne les familles, comme vous le savez, on a annulé les allocations familiales, les allocations pour jeunes enfants, les allocations à la naissance, pour remplacer ça par un programme de garderies. Un enfant sur quatre, au Québec, aura de la place dans les garderies, d'après les chiffres que nous avons. D'ailleurs, l'Institut de recherche des politiques publiques affirme que 72 % des familles sont défavorisées par le programme gouvernemental ou n'en tirent aucun bénéfice.

Pour les enfants de cinq à 12 ans dans les écoles primaires, on nous a promis, le gouvernement a promis des places pour les services de garde en milieu scolaire. Rien dans le budget pour les services de garde en milieu scolaire.

Pour les jeunes, les statistiques d'Emploi-Québec démontrent que l'an dernier il s'est perdu 15 000 emplois pour les jeunes de 15 à 24 ans. Le ministre nous annonce la création putative de 5 000 emplois pour deux ans. Alors, la question: Qu'est-ce que le ministre prévoit pour les 10 000 autres jeunes qui attendent toujours?

On nous annonce des stages en milieu de travail, 20 000 stages par année. Or, lors du sommet socioéconomique, on nous avait annoncé 1 000 stages; on en a créé 50. Si la même proportion se vérifie, le gouvernement créera quelques centaines de stages au cours des prochaines années.

M. le Président, il y a une petite coquille dans le budget. Si vous regardez le Plan budgétaire, section 2, page 6, vous verrez que le gouvernement annonce que les revenus autonomes pour la présente année sont de 32 816 000 000 $. Vingt-deux pages plus loin, à la page 28, les mêmes revenus autonomes sont de 33 084 000 000 $. C'est donc dire qu'à 22 pages de différence les revenus autonomes sont de 268 000 000 $ de plus ou de moins, selon la page qu'on consulte. Or, ce qui est étonnant, c'est que la différence viendrait de l'impôt sur le revenu des particuliers.

En février, le gouvernement prévoyait pour l'année qui se termine 13 761 000 000 $ d'impôts sur le revenu des particuliers. Dans le budget du gouvernement, c'est 14 216 000 000 $. C'est donc dire qu'en un mois les revenus autonomes du gouvernement, seulement l'impôt sur le revenu des particuliers, ont augmenté de 455 000 000 $; en un mois. Ces chiffres-là sont faux. C'est impossible qu'en un mois le gouvernement ait pu percevoir 455 000 000 $ de revenus de l'impôt des particuliers. Et quelle crédibilité devons-nous donner à des chiffres qui varient d'une page à l'autre, qui sont manifestement erronés? M. le Président, il y a là une manipulation de chiffres dont il faudra tenir compte.

M. le Président, le ministre des Finances se targue de son bilan social. Pourtant, jamais les personnes âgées n'ont autant payé pour leurs médicaments, jamais autant d'enfants n'auront été privés de manuels scolaires dans leurs études primaires et secondaires, jamais les familles québécoises n'auront autant perdu: remplacement des allocations pour jeunes enfants, des allocations familiales et des allocations à la naissance par des places en garderie – pour lesquelles il n'y a aucune place – en milieu scolaire, tel que le gouvernement l'avait promis. M. le Président, jamais nos concitoyens n'ont-ils eu plus peur de l'hôpital que de la maladie.

Et parlons maintenant de Montréal, si vous voulez. En fait, il n'y a rien dans le budget pour Montréal. Mais ceux qui sont attentifs ont pu noter qu'il y a trois mois, en décembre 1997, la célèbre firme Standard & Poor's, dont le ministre des Finances nous parle régulièrement, la firme la plus crédible en matière de notation de crédit, disait ceci au sujet de Montréal, et je cite Standard & Poor's: «Il y a à peine un quart de siècle, Montréal était la ville canadienne la plus populeuse et la région métropolitaine la plus florissante. Elle servait de quartier général pour une grande partie de la communauté financière canadienne et était reconnue mondialement comme la principale métropole du Canada.» Et, de continuer Standard & Poor's: «Depuis, par contre, la menace persistante de la séparation a réduit significativement le poids économique de Montréal au sein du pays.» M. le Président, Standard & Poor's, décembre 1997.

Soulignons en passant, M. le Président, que le ministre des Finances commence à corriger les grossières erreurs de calcul relatives au dernier budget libéral de l'année 1994-1995 en y ajoutant 415 000 000 $ de revenus au titre d'ajustement pour imputer ces 415 000 000 $ à l'année à laquelle ils se rapportent, dit-il. Le déficit vient donc, M. le Président, d'être réduit de 415 000 000 $ pour ladite année, et cela n'est qu'un commencement. La vérité relative à ces camouflages finira bien par sortir un jour, et le ministre des Finances vient de faire un premier aveu en ce sens. On se chargera nous-mêmes de faire sortir le reste de la vérité en temps et lieu.

Je termine, M. le Président. Il y a quelques semaines à peine, plusieurs gens d'affaires parmi les plus importants au Québec ont imploré le premier ministre de retirer sa menace d'un nouveau référendum visant à séparer le Québec du reste du Canada. Ils lui ont affirmé sans équivoque que cette menace nuit considérablement à l'économie du Québec et empêche les investissements et la création d'emplois, comme on vient de le voir dans les statistiques que j'ai données. Le premier ministre aurait refusé de se rendre à leur demande, selon les propos rapportés par le journal La Presse .

M. le Président, c'est dommage, parce que, en maintenant la menace d'un autre référendum et de la séparation du Québec, le gouvernement du Parti québécois choisit froidement et lucidement de maintenir les Québécois dans la pauvreté et le chômage. Seul un changement de politique et de gouvernement peut assurer ce virage vers la prospérité. Le Parti libéral du Québec fera ce virage...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bourbeau: ...bannira la séparation et redonnera aux Québécois un gouvernement qui saura redonner confiance aux investisseurs, créer des emplois en quantité et améliorer ainsi le niveau de vie et la prospérité des Québécois et des Québécoises. M. le Président, je vous remercie.

(Applaudissements)

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: M. le Président, je fais donc motion pour que nous ajournions nos travaux à ce mercredi, le 1er avril 1998, à 10 heures.

Le Président: Alors, cette motion est-elle adoptée? Alors, demain, 10 heures. Les travaux sont ajournés.

(Fin de la séance à 17 h 40)


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