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Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le mercredi 27 mai 1998 - Vol. 35 N° 184

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Table des matières

Affaires courantes

Présence du directeur général de la section canadienne francophone d'Amnistie Internationale, M. Michel Frenette

Affaires du jour


Journal des débats


(Dix heures cinq minutes)

Le Président: À l'ordre, mesdames, messieurs!

Nous allons d'abord nous recueillir quelques instants.

Très bien. Veuillez vous asseoir.


Affaires courantes

Alors, nous allons aborder les affaires courantes.

Il n'y a pas de déclarations ministérielles.


Présentation de projets de loi

Il y a présentation de projets de loi. M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: Oui, M. le Président. Veuillez prendre en considération l'article a.


Projet de loi n° 443

Le Président: Alors, à cet article du feuilleton, M. le ministre de la Justice présente le projet de loi n° 443, Loi modifiant le Code de procédure civile en matière notariale et d'autres dispositions législatives. M. le ministre de la Justice.


M. Serge Ménard

M. Ménard: Merci, M. le Président. Ce projet de loi modifie le Code de procédure civile afin de permettre la présentation à un notaire de certaines demandes en matière de tutelle au mineur, de régime de protection à un majeur, de mandat en prévision de l'inaptitude et de vérification des testaments. Il maintient les exigences de preuve du droit actuel, notamment en ce qui a trait à la notification des personnes intéressées, aux interrogatoires qui doivent être faits et aux évaluations médicales et psychosociales.

En outre, lorsque la demande est présentée à un notaire, le projet de loi prévoit qu'il est tenu de déposer sans délai au greffe du tribunal du domicile ou de la résidence du mineur ou majeur inapte une copie authentique du procès-verbal de ses opérations, accompagnée de toutes les pièces justificatives. En l'absence d'opposition dans les 10 jours du dépôt, le juge ou le greffier peut homologuer le procès-verbal du notaire, s'il satisfait aux conditions prescrites par la loi.

Ce projet de loi précise également que le juge ou le greffier peut, même en l'absence d'opposition, rejeter les conclusions du procès-verbal du notaire ou rendre toutes les ordonnances nécessaires à la sauvegarde des droits des parties pour le temps et aux conditions qu'il détermine.

Par ailleurs, le projet de loi prévoit que le dépôt du procès-verbal de vérification d'un testament olographe ou devant témoins n'est destiné qu'à en assurer la publicité, sans qu'il soit nécessaire de procéder à son homologation.

Enfin, le projet de loi modifie le Code civil afin de prévoir que le père ou la mère peut nommer un tuteur à son enfant par un mandat donné en prévision de son inaptitude et que la tutelle est déférée soit par le conseil de tutelle, soit par le tribunal, sur avis du conseil. Il prévoit en outre que la désignation ou le remplacement du liquidateur de la succession est publié au registre des droits personnels et réels mobiliers ainsi qu'au registre foncier, le cas échéant.


Mise aux voix

Le Président: Très bien. Est-ce que l'Assemblée accepte d'être saisie du projet de loi? Adopté.


Dépôt de rapports de commissions

Alors, il n'y a pas de dépôt de documents, mais il y a un dépôt de rapport de commission. Mme la vice-présidente de la commission de la culture et députée de Marguerite-Bourgeoys.


Étude détaillée du projet de loi n° 423

Mme Frulla: M. le Président, je dépose le rapport de la commission de la culture qui a siégé le 21 mai 1998 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 423, Loi modifiant la Loi sur l'immigration au Québec et d'autres dispositions législatives. La commission a adopté le projet de loi avec des amendements.

Le Président: Très bien. Ce rapport est déposé.

Il n'y a pas de dépôt de pétitions ni d'interventions portant sur une violation de droit ou de privilège.


Questions et réponses orales

Ça nous amène immédiatement à la période des questions et des réponses orales. M. le député de Westmount–Saint-Louis, en principale.


Négociations avec les médecins omnipraticiens

M. Chagnon: M. le Président. La façon dont le gouvernement traite les médecins en dit long sur ce qu'il pense des patients. En moins de 48 heures, les médecins du Québec seront en journée d'étude, ils ne seront donc plus accessibles pour les patients du Québec. Dans moins de 72 heures, les médecins du Québec ne seront plus dans leurs cabinets que de 9 heures du matin à 17 heures de l'après-midi, ils ne seront plus présents les fins de semaine, ils ne seront plus présents les jours fériés.

Le ministre, M. le Président, ignore comment répliquer à la nouvelle crise des médecins. C'est ce qu'il nous disait en fin de semaine. Le jovialiste président du Conseil du trésor nous disait: La réforme de la santé est un grand succès. L'autre jovialiste du cabinet, le premier ministre Bouchard lui-même, chante les louanges de Jean Rochon: C'est le meilleur ministre de la Santé que le Québec n'ait jamais eu.

(10 h 10)

M. le Président, qu'est-ce que le premier ministre entend faire, en plus d'applaudir le fait que les médecins seront en grève dans 48 heures, qu'est-ce que le premier ministre entend faire pour s'assurer que les médecins ne soient pas en grève dans 48 heures, pour s'assurer que les patients aient le droit de recevoir les soins de santé auxquels ils ont droit, M. le Président? Qu'est-ce que le premier ministre attend pour s'assurer que tous les moyens puissent être pris pour s'assurer que les cabinets de médecins puissent fonctionner vendredi prochain? La santé des Québécois, M. le Président, ne peut pas attendre.

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: Alors, M. le Président, les tensions sont assez grandes dans tous les systèmes de santé des différentes provinces du Canada. Évidemment, les difficultés d'ailleurs ne règlent pas les nôtres, mais c'est quand même peut-être bon de relativiser là aussi un peu. Les journaux, ce matin, parlaient aussi qu'en Colombie-Britannique les 300 hôpitaux vont être paralysés par quatre heures de grève aujourd'hui. C'est bon de savoir...

Des voix: ...

Le Président: M. le ministre.

M. Rochon: ...je pense que c'est bon de savoir, tout le monde, qu'il y a dans les différentes provinces du Canada, présentement, des négociations en cours dans le système de santé et que ça crée évidemment des tensions.

En ce qui regarde les médecins au Québec, la réalité, c'est que les discussions sont très actives, très intenses et progressent à la table de négociation. Comme dans toute négociation, il y a un rapport de force qui se développe puis qui s'installe et il y a des manifestations du genre de celles auxquelles fait référence le député. Mais il y a une chose qui est sûre, c'est ce que les médecins ont toujours dit. Et je pense que le député, dans sa façon de faire des commentaires, respecte très peu le sens professionnel que les médecins eux-mêmes ont toujours manifesté.

Les médecins ont toujours dit qu'ils vont, oui, organiser des journées d'étude, oui, qu'ils font des moyens de pression comme on voit en temps de négociation, mais que les services de base dont les patients ont besoin vont être assurés. Et on sait très bien, par les contacts que l'on a régulièrement et les discussions avec la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec, qu'ils se comportent de façon tout à fait responsable et qu'en faisant leurs pressions qu'on s'attend d'avoir dans une négociation, et j'ai bon espoir que ça ne durera pas très longtemps, les médecins se sont engagés eux-mêmes à assurer les services à la population. Ils ont toujours été responsables, ils se sont comportés de façon responsable tout le temps, et je n'ai aucune raison de croire qu'ils vont faillir à leurs obligations, M. le Président.

Le Président: M. le député de Robert-Baldwin, en principale.

M. Marsan: En additionnelle, M. le Président.

Le Président: En complémentaire. Très bien.

M. Marsan: Comment peut-on prendre le ministre de la Santé au sérieux alors que les cliniques médicales seront fermées, que les patients sont très, très inquiets, que les urgences continuent d'être débordées? Comment peut-on prendre ce gouvernement au sérieux? Et j'attire l'attention du premier ministre sur le fait que son ministre de la Santé a autorisé...

Le Président: M. le député de Robert-Baldwin.

M. Marsan: Comment peut-on prendre ce gouvernement au sérieux? Et j'attire l'attention du premier ministre sur le fait que son ministre de la Santé a autorisé le négociateur en chef du gouvernement dans ce dossier, M. André Bergevin, à prendre ses vacances du 16 mai au 6 juin. Ce serait tellement plus simple si le ministre disait la vérité, et la vérité, c'est qu'il ne veut pas négocier avec les médecins. Comment prendre ce gouvernement au sérieux, M. le Président?

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: Ce qu'il ne faut pas prendre au sérieux, c'est ce qu'on vient d'entendre, M. le Président. Encore dire n'importe quoi pour vraiment essayer d'énerver le monde, ça, c'est classique. Au début de la session intensive, il y a le bal de la santé, et on fait n'importe quoi pour discréditer le service de la santé et développer de l'anxiété chez la population. On connaît le jeu, là. Ça fait trois années de suite qu'on le voit passer, on le connaît.

La preuve que c'est n'importe quoi qu'on dit, n'importe quoi, les urgences, à Montréal, le critère important, c'est: Il y a combien de gens qui doivent attendre plus que 48 heures avant d'avoir la suite des services dont ils ont besoin? Dans tout Montréal, aujourd'hui, tous les hôpitaux, toutes les urgences, avec le volume qu'il y a dans les urgences présentement, il y avait trois personnes au total qui avaient dû se rendre à la limite du 48 heures avant d'avoir leur prochaine étape. Ça, c'est vraiment raconter n'importe quoi.

La question de la table de négociation, c'est des équipes qui négocient avec le ministère, alors, quand quelqu'un a fait, plusieurs mois à l'avance, des arrangements pour des vacances, qu'il a réservé des billets ou des choses du genre ne pouvant pas prévoir dans quelle période on serait, de négociations, il y a des équipes qui travaillent de façon intégrée, et la progression des discussions et des négociations n'est absolument pas changée parce qu'il y a un membre de l'équipe qui est absent pour quelques semaines. Alors, on continue, M. le Président, à dire n'importe quoi, à se comporter de façon irresponsable, alors que les faits sur le terrain – puis c'est ça qu'il faut que la population comprenne, là – dénient complètement ce qu'on entend en face de nous.

Le Président: Mme la députée de Bourassa.

Mme Lamquin-Éthier: En principale, M. le Président.

Le Président: En principale. Très bien.


Remplacements pendant les vacances estivales assurés par des infirmières récemment diplômées

Mme Lamquin-Éthier: M. le Président, le ministre de la Santé a répété à maintes occasions en cette Chambre que sa réforme était planifiée dans les moindres détails, que ça allait très bien, que tout était sous contrôle. Ça va tellement bien qu'il manque 1 000 infirmières dans le réseau de la santé, et il y a des hôpitaux qui vont être obligés de fermer des blocs opératoires et les soins intensifs. Est-ce que le ministre de la Santé peut nous dire comment il compte assurer des soins aux patients s'il manque 1 000 infirmières dans le réseau de la santé?

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: Non. C'est un autre exemple où on lit une manchette dans un journal: Il manque 1 000 infirmières , on part avec ça et on ne prend même pas la peine de lire l'article, parce que, bien souvent, ça serait malheureux, on trouverait la réponse dans l'article. Alors, ça nous couperait une question pour la période de questions. Il faudrait en trouver une autre.

Alors, la situation, c'est qu'il s'est fait un sondage dans les hôpitaux pour voir combien il y aura d'infirmières qui devront être remplacées avec la période de vacances ou des choses du genre. Ça peut donner un nombre de 1 000. Mais il y a des infirmières de disponibles. Et le fond de l'affaire, présentement, c'est une discussion qu'il y a entre des gens qui comptaient surtout, dans des établissements, aller sur les listes de rappel et rappeler des infirmières qui avaient pris leur retraite ou des infirmières qui ont déjà de l'expérience, par rapport au syndicat qui préconise qu'on fasse les programmes d'adaptation des jeunes qui sont disponibles, qui peuvent servir pour qu'elles puissent prendre le travail.

Et, là-dessus, je pense que le syndicat a raison, le syndicat a un bon point. Et les hôpitaux, les plus gros ont déjà pris le pas puis ils vont prendre le pas. Et ce qu'il faut faire dans cette situation-là, c'est, comme il est proposé par la présidente du syndicat, qu'on engage les jeunes, qu'on les forme bien. Et, alors qu'il y a trois ans on avait une profession qui était bouchée quant aux perspectives d'emploi pour des infirmières, les opportunités sont là. On va les amener, on va les adapter puis elles vont donner d'excellents services à la population. Elles viennent d'être formées pour ça, M. le Président.

Le Président: Mme la députée de Bourassa.

Mme Lamquin-Éthier: M. le Président, est-ce que le premier ministre peut admettre que, comme l'ex-premier ministre élu, Jacques Parizeau, le déclarait, faire disparaître toutes les infirmières en même temps, ce n'était pas la meilleure trouvaille du siècle?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, M. Parizeau est un citoyen qui a le droit d'exprimer ses opinions, mais ce n'est pas la mienne. Ce n'est pas celle du gouvernement non plus, parce que, dans la réalité, le ministre vient d'expliquer très bien ce qui se passe, c'est qu'il est normal, en temps de vacances... On sait que l'été, c'est une période qui est propice à la prise des vacances et qu'il est d'usage, ça a toujours été comme ça dans les hôpitaux, qu'il faut prévoir des remplacements en particulier des infirmières qui vont prendre des vacances. Alors, à ce moment-là, on fait appel à des infirmières disponibles. Et, dans l'espèce, il y a des établissements qui ont pensé que ça serait plus facile pour eux autres de faire appel à des infirmières qui ont déjà touché d'ailleurs une bonification considérable pour bénéficier d'un départ volontaire, de les faire venir tout de suite, alors que ce qu'il faut faire, c'est de faire venir les jeunes qui sont prêtes, qui ont quitté leur établissement de formation, qui ont les diplômes, qui ont la formation. En plus, il s'agit de la compléter parfois de façon spécifique.

(10 h 20)

Que les établissements fassent ce qu'ils ont à faire, qu'ils fassent de la gestion, qu'ils s'occupent de prévoir les besoins. On le sait, tout le monde sait ça qu'il y aura des vacances durant l'été, M. le Président. Tout le monde sait ça. Ça se prévoit, ça. Donc, il y a des jeunes en quantité qui veulent travailler, des jeunes infirmières, ce qui est formidable pour le renouvellement des effectifs, pour faire travailler les jeunes. Alors, il s'agit simplement de prévoir ça puis de le faire correctement, comme toute gestion normale.

Le Président: En complémentaire, Mme la chef de l'opposition officielle.

Mme Gagnon-Tremblay: Oui, M. le Président. Est-ce que le premier ministre reconnaît que les infirmières n'ont jamais baissé les bras, mais qu'elles en ont plein les bras, que, pour former une infirmière, que ce soit dans les blocs opératoires ou encore dans les salles d'urgence, ça prend presque un délai d'un an et que, si, actuellement, il y a une pénurie d'infirmières, c'est à cause de la mauvaise gestion des départs des infirmières?

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: M. le Président, la réalité, c'est que, quand les infirmières terminent leur formation en technique infirmière au niveau du cégep, ou celles qui ont des formations spécialisées à l'université, elles ont la formation, comme un médecin, comme un physiothérapeute, comme tous les médecins, pour faire leur travail. Il y a de prévu ce que les gens appellent des périodes d'adaptation pour que, quand quelqu'un arrive, il soit initié à son environnement de travail; au besoin, il pratique un peu plus certaines techniques. Mais ça ne prend pas un an; ça prend de quelques semaines à quelques mois en général...

Des voix: ...

M. Rochon: Toujours l'échantillon de un. Dans certains cas, très spécialisés, ça prend des gens qui ont plus d'expérience et ça prend des préparations plus grandes. Mais ça, c'est fait en cours de roulement normal de travail, de remplacement des équipes d'infirmières où il y a des gens plus expérimentés par des personnes plus jeunes qui apprennent graduellement leur métier. Mais, quand les gens ont terminé leur formation, c'est une question d'au maximum quelques mois pour que les gens soient parfaitement opérationnels. Et c'est ça que les hôpitaux doivent faire. Certains le font très, très bien. Et d'ailleurs, on a le témoignage des hôpitaux dans l'article de ce matin, que certains... comme le CHUQ, à Québec, qui, au début de mai, pensait recourir à une trentaine de retraités et là qui a révisé sa situation, il a changé son fusil d'épaule, puis il va en avoir besoin de trois seulement.

Alors, ça, c'est vraiment essayer de créer un faux problème avec une situation qui est une situation à gérer délicatement. C'est sûr que ce n'est pas facile à gérer, un système de santé. C'est très complexe ce qui se passe là-dedans. Ce n'est pas facile à gérer. Mais il y a des bons gestionnaires sur le terrain, ils sont capables de faire le travail. Et là ceux qui n'avaient pas encore réalisé qu'il y a du monde de disponible, qu'il y a des jeunes infirmières et infirmiers bien formés qui sont disponibles et qu'il faut les prendre, qu'il faut les adapter et leur donner des jobs, bien là ils vont comprendre, M. le Président.

Le Président: Mme la députée de Saint-Henri– Sainte-Anne, en principale.


Nombre de places disponibles pour les placements d'enfants en famille d'accueil dans l'Estrie

Mme Loiselle: Merci, M. le Président. Après avoir coupé dramatiquement dans les centres d'hébergement et de réadaptation pour les jeunes en difficulté, le gouvernement s'attaque maintenant au nombre de places dans les familles d'accueil destinées à des enfants dans le besoin. Le centre jeunesse de l'Estrie s'apprête à couper 150 places en famille d'accueil afin d'éviter un déficit de 2 000 000 $. Cette nouvelle approche est dénoncée avec vigueur dans le milieu de l'Estrie, et on crie au scandale et non sans raison. Combien d'affaires Beaumont faudra-t-il au ministre de la Santé pour qu'il comprenne qu'il y a une limite à ne pas franchir, surtout quand ce sont des enfants en difficulté qui en paient le prix?

Ma question est au ministre de la Santé: Pour une fois, le ministre peut-il mettre de côté son obsession budgétaire comptable et commencer à comptabiliser les risques qu'il fait vivre à des enfants en difficulté, à des enfants qui ont un besoin urgent d'aide de la part du gouvernement?

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: L'obligation qu'a eu le réseau de la santé et des services sociaux de contribuer à l'effort d'assainissement des finances publiques, la députée ne l'a peut-être pas réalisé, mais c'est à peu près terminé, ça, depuis l'automne dernier, hein? Depuis l'automne dernier. Il reste encore un effort budgétaire à faire, mais il va se faire dans des conditions...

Des voix: ...

M. Rochon: Attendez, vous verrez, et ça va se faire dans des conditions très réalisables sur le terrain.

La réalité, c'est que, depuis septembre dernier, la grosse période de compression et de diminution de crédits dans le domaine de la santé, c'est terminé. Alors, si on n'a pas de nouvelles fraîches pour faire des critiques, il faut arrêter de ressortir les vieilles qui sont complètement démodées, puis, dans le cas de l'Estrie, je n'ai pas présentement tous les détails à l'esprit, mais je me rappelle très bien que la réorganisation qui se fait pour les services aux jeunes est pour modifier un profil d'utilisation des différents types de ressources qui peuvent recevoir les jeunes qui était très différent du reste de l'ensemble du Québec, et ce qui se fait dans l'Estrie, c'est une réorganisation, une façon différente de s'occuper des jeunes et de s'en occuper mieux, M. le Président.

Alors, c'est sûr que, quand il y a des changements comme ça qui se font, ça fait l'affaire d'une grande majorité, mais il y a toujours des gens pour qui la nouvelle façon de faire dérange et qui protestent, et c'est normal dans une démocratie. Mais ce qui se fait dans l'Estrie, ce n'est pas des coupures, ce n'est pas d'enlever des services aux jeunes, c'est d'organiser les services autrement pour mieux s'en occuper, justement, des jeunes, M. le Président.

Le Président: Mme la députée.

Mme Loiselle: M. le Président, comment le ministre de la Santé peut me répondre que c'est une réorganisation pour répondre mieux aux besoins des enfants, pour mieux s'occuper des enfants quand, dans la région de l'Estrie, ce sont des juges qui décident dans 80 % des cas des placements d'enfants, qu'il faut les sortir de leur foyer parce qu'ils sont en danger et que, pour protéger leur vie, il faut les envoyer en famille d'accueil, et que votre décision de couper 150 familles d'accueil dans la région de l'Estrie va faire que ce sont des enfants en difficulté qui vont payer le prix? C'est ça votre réorganisation pour mieux les aider, M. le ministre?

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: Encore une fois, M. le Président, je n'ai pas les informations des derniers jours sur les chiffres et les différentes places. Mais il y a déjà quelques mois, quand se préparait et s'amorçait cette réorganisation des services dans la région de l'Estrie, on m'avait très bien expliqué qu'il y avait une façon de faire dans l'Estrie qui n'avait pas suivi l'évolution qui s'était passée ailleurs au Québec et qu'il y avait intérêt, dans cette région-là comme dans d'autres, de faire certaines choses autrement et de s'occuper de façon plus efficace des jeunes.

Alors, je ne peux pas donner plus de descriptions sur la façon qui est faite présentement ou qu'on prévoit faire, mais je peux assurer cette Chambre et la population que ce que l'Estrie fait, c'est qu'ils améliorent les services aux jeunes. Ils n'enlèvent pas, ils modifient certains services. Mais il ne faut pas juste voir qu'est-ce qui est enlevé, il faut voir qu'est-ce qui est offert de plus aux jeunes. Alors, c'est ça qui se passe dans l'Estrie présentement, M. le Président.

Le Président: Mme la députée de Saint-Henri– Sainte-Anne.

Mme Loiselle: M. le Président, qu'est-ce que le ministre de la Santé pense, pendant qu'il trône comme roi et maître avec le président du Conseil du trésor sur sa planète, qu'est-ce qu'il pense – il doit penser un petit peu en haut de sa planète – de la déclaration de Me Mario Proulx, qui, lui, est directeur du bureau d'aide juridique de Sherbrooke, section jeunesse? Et Me Proulx, il est membre du conseil d'administration du centre jeunesse de l'Estrie. Et lui, M. le Président, pour la coupe de 150 places en famille d'accueil, dit au ministre: «Ce ne sont pas des quotas de lait – en parlant des enfants, M. le Président – et cette décision...»

Des voix: ...

Le Président: En terminant, Mme la députée.

Mme Loiselle: M. le Président, qu'est-ce que le ministre de la Santé pense de la déclaration de Me Mario Proulx, qui lui est sur le terrain et a à coeur les enfants, que la décision de couper 150 places constitue une décision à haut risque du fait qu'elle se fait sur le dos des enfants? «Ce ne sont pas des quotas de lait. Ses gestionnaires devraient plutôt s'adresser au gouvernement du Québec pour lui dire qu'il va trop vite, trop loin. Car, finalement, qui va payer les pots cassés si les mesures préconisées ne sont pas les bonnes?» Combien d'affaires Beaumont avant que le ministre de la Santé réagisse?

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le ministre.

M. Rochon: Ce dont je suis sûr, M. le Président, c'est que les changements qui se font dans l'organisation des services aux jeunes dans l'Estrie sont justement pour éviter qu'il y ait d'autres affaires Beaumont qui se passent. Et ce n'est pas parce qu'il y avait des choses qui étaient faites depuis des années et des années d'une certaine façon – et surtout si, dans certaines régions, on n'a pas suivi certaines évolutions et façons différentes de s'occuper des jeunes – qu'il faut garder les mêmes modèles éternellement. Et ce qui se passe dans l'Estrie, c'est un très grand souci. Et je sais que les gens, même au niveau de la régie régionale, c'est des gens qui connaissent très bien toute l'organisation des services dans le domaine des jeunes, et ce que les gens s'acharnent à faire présentement, c'est d'améliorer ces services-là.

(10 h 30)

Alors, M. le Président, je ne peux pas répondre à la citation précise. Je vais remettre à jour l'information que j'ai dans ce dossier-là et je vais vous revenir dans cette Chambre pour donner toute l'information précise, telle que ça se passe, parce que là j'ai l'impression qu'on essaie encore de faire du millage sur de l'information pas mal partielle.

Une voix: Bravo!

Le Président: Mme la députée de Jean-Talon, en principale.


Poursuite de la restructuration du Centre hospitalier universitaire de Québec

Mme Delisle: Alors, M. le Président, dans la région de Québec, depuis le début de la réforme de la santé, donc depuis 1995, le ministre de la Santé n'a pas cessé de répéter sur toutes les tribunes qu'il avait planifié évidemment cette réforme dans les moindres détails. On a le président du Conseil du trésor qui trouve que ça va très bien. Puis le premier ministre en remet: Ça va super bien!

On apprend, ce matin, que le CHUQ a besoin de 60 000 000 $ pour transférer des spécialités, déménager et restaurer des bâtiments. On en est donc à une troisième restructuration dans le réseau de la santé dans la région de Québec, troisième restructuration qui, entre autres, vient défaire, dans certains cas, ce qui a été fait à bout de bras dans les deux premières restructurations, M. le Président.

Ma question au ministre de la Santé: Alors qu'il a lui-même contribué au démantèlement de certaines équipes de spécialistes en les promenant à gauche et à droite, comment le ministre explique-t-il aux malades qui demandent seulement à être soignés, aux médecins qui veulent soigner décemment, dans des conditions correctes, comment explique-t-il qu'on va investir 60 000 000 $ dans du béton, dans des bâtiments et dans des déménagements dans la région de Québec, M. le Président?

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: C'est intéressant, M. le Président, de voir l'inquiétude qu'a l'opposition quand on rappelle comment était le système de la santé avant qu'on commence cette transformation-là. En essayant de dire que tout va mal, que tout va de travers, ils oublient qu'à peu près sur tous les indices qu'on peut utiliser – les urgences, les attentes pour les chirurgies, les temps d'attente pour aller dans des soins de longue durée, tout ça – la situation s'est améliorée partout. Ils n'aiment pas bien ça, mais c'est ça qui a été fait.

Des voix: Bravo!

M. Rochon: Et là on s'acharne à vouloir faire oublier ce passé sombre d'où on est parti, à vouloir faire oublier ça, parce qu'il y a encore certains problèmes qui ne sont pas complètement réglés. Puis, dans un système de santé comme ça, il y en aura toujours, des nouveaux problèmes. Quand on fonctionne avec un plan, ça veut dire qu'on a des objectifs clairs, qu'on a des priorités et qu'on est capable d'ajuster à mesure qu'on avance. L'avenir comporte beaucoup d'incertitude pour tout le monde. Un plan, ça ne veut pas dire que tu mets ça sur le pilote automatique pour cinq ans puis que tu t'en vas comme ça sans ajuster. Au contraire, c'est qu'on ajuste régulièrement, qu'on apprend à mesure qu'on avance et qu'on fait de mieux en mieux à chaque fois.

Et, justement, le cas spécial des CHU. La députée n'a peut-être pas réalisé, mais les CHU, depuis deux ans, ont fait un grand bout de chemin pour faire l'intégration et faire leur plan de développement de trois grands hôpitaux, pour chacun des CHU, qui fusionnent et qui refont une réorganisation des services pour plus d'efficacité. On arrive justement, pour chacun des CHU, c'est vrai à Montréal comme c'est vrai à Québec, à la prochaine étape qui est de prévoir les investissements qui seront nécessaires au cours des prochaines années pour bâtir ces grands CHU dont a besoin le Québec. Ça va être des exemples pour beaucoup d'autres endroits dans le monde où les gens sont appelés à bâtir.

Et on arrive à la prochaine période, qui va être cruciale, qui va être très importante, et c'est ça que les gens sont après préparer, c'est ça qui commence à se dessiner et c'est ça qui va nous donner notre horizon pour les prochaines années. On est après bâtir. Alors, ça voudra dire qu'éventuellement il y aura des investissements pour bâtir et faire plus et mieux, M. le Président.

Le Président: N. le député de l'Acadie, en principale.


Nomination de la directrice générale du Centre hospitalier universitaire de Montréal et dépenses administratives

M. Bordeleau: Oui. Merci, M. le Président. Depuis déjà plusieurs années, M. le Président, la population du Québec est incapable de recevoir des soins de santé respectueux dans des délais raisonnables, et les travailleurs du réseau se disent écrasés par les compressions budgétaires. Il y a à peine un an, Mme Cécile Cléroux, ex-sous-ministre adjointe au ministère de la Santé et des Services sociaux, était nommée directrice générale du Centre hospitalier de l'Université de Montréal. Rappelons qu'après avoir été rejetée par le comité de sélection sa candidature fut réévaluée, probablement suite à une intervention ministérielle.

Au moment où le système de santé éclate de partout, qu'on ferme des blocs opératoires, la direction du CHUM décide de dépenser plus de 2 000 000 $ pour rénover les bureaux de l'administration. M. le Président, est-ce que le ministre de la Santé et des Services sociaux considère acceptable et incontournable que la directrice générale du CHUM, en plus des dépenses de rénovation de bureaux, se prépare à recevoir la semaine prochaine, dans un grand hôtel de Montréal, plus de 200 cadres pour un «pep talk», ou séance de motivation, tout en mettant à l'horaire des divertissements une pièce de théâtre? Et combien coûtera aux contribuables du Québec ce party?

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: Alors, M. le Président, encore un bel exemple de partir de manchettes de journaux, de nouvelles qui n'ont pas été validées, qui ne montrent pas vraiment l'ensemble de la situation et d'essayer de faire du millage là-dessus. D'abord, je dois dire que le député démontre une ignorance assez remarquable de la façon dont se font les engagements des cadres supérieurs, des directeurs généraux et des directrices générales dans le réseau de la santé et des services sociaux. Il y a d'établis de façon très claire des mécanismes de sélection, des comités de sélection qui procèdent sans aucune ingérence ou interférence... Absolument, je le dis.

Le Président: Bon. M. le ministre.

M. Rochon: D'ailleurs, à cet égard, M. le Président, l'opposition a dans ses rangs des gens qui ont rempli des fonctions importantes dans le réseau de la santé et des services sociaux et qui pourraient vous expliquer comment ça se passe. À moins qu'ils aient été habitués à un système où eux autres se mêlaient de tout puis qu'ils nommaient le monde directement. À moins que ça soit ça. Mais, si c'était ça, je peux vous assurer que ce n'est plus ça, M. le Président, et que ce n'est pas comme ça que ça se passe.

Quant à la réunion des cadres, si le député avait fait son devoir correctement puis avait lu complètement toute l'information, évidemment, il aurait fallu qu'il se force pour trouver une autre question parce que la réponse était donnée là aussi. Ces réunions-là avec les cadres ont lieu régulièrement, et, comme c'est un grand nombre de cadres, très souvent ils sont obligés de faire la rencontre en dehors de l'établissement, qui n'a pas nécessairement de salle de disponible pour ça.

Quant au grand spectacle, je pense que l'hôpital a expliqué lui-même que, à cette occasion-là, on a invité un humoriste pour 10 ou 15 minutes pour venir dérider les gens. Ce n'est pas un spectacle qui a été fait. Et ces pauvres cadres, avec ce qu'on leur met sur le dos, avec tout ce qu'on leur reproche de façon injustifiée, ce n'est peut-être pas mauvais qu'ils puissent avoir 15 minutes pour se détendre un peu, M. le Président.

Le Président: En principale, M. le député de Kamouraska-Témiscouata.


Grève chez Orica Canada, à Brownsburg

M. Béchard: M. le Président, malgré des rencontres de conciliation, les discussions sont au point mort chez Orica Canada. Depuis la semaine dernière, cette compagnie, anciennement ICI Explosifs, est en grève générale illimitée. Il s'agit de 325 travailleurs et travailleuses qui sont chez eux depuis une semaine, et ce conflit a un impact économique important sur toute la région de Brownsburg.

M. le Président, est-ce que le ministre du Travail est au courant du dossier? Est-ce qu'il peut nous dire comment il explique que, depuis que son ministère s'en mêle, on a déclenché une grève générale illimitée? Et est-ce que c'est ça, l'efficacité du ministre du Travail, que, quand il se mêle d'un conflit, on ferme la shop, puis les gens sont en grève générale illimitée?

Le Président: M. le ministre du Travail.

M. Rioux: M. le Président, le cas qui m'est présenté par le député de Kamouraska-Témiscouata, c'est sûr qu'on a eu l'occasion de l'examiner, mais les derniers développements sur le dossier ne nous sont pas parvenus au cours des dernières heures. Cependant, j'en prends acte et soyez assuré d'une chose, c'est que j'informerai l'Assemblée nationale au cours des prochains jours.

Le Président: M. le député de Kamouraska-Témiscouata.

(10 h 40)

M. Béchard: M. le Président, comment le ministre peut-il dire qu'il n'est pas au courant de ce dossier-là alors que dans les journaux, les journaux régionaux, on dit qu'il y a eu 27 rencontres de négociation avant que son ministère s'en mêle, deux rencontres de conciliation depuis que son ministère s'en mêle? Et le président de la compagnie le dit: Depuis que le ministère s'en est mêlé, on ne sait pas combien de temps va durer le conflit, on est en grève générale illimitée. On va le mettre au courant. Puis est-ce que c'est ça, l'efficacité de son ministère, M. le Président?

Le Président: M. le ministre.

M. Rioux: M. le Président, ça me permet, en tout cas, de préciser une chose, c'est que le ministère du Travail et son service de conciliation sont au service des parties. Lorsqu'on nous demande de les aider ou de les accompagner, on le fait. Il y a des moments où on est proactif et où on va au-devant des coups. Dans le cas présent, c'est un cas éminemment complexe, et soyez assurés d'une chose, c'est que les services sont en action là-dedans et qu'on fait tout ce qui est possible pour en arriver à un règlement.

Il faut être honnête, les dernières informations sur le conflit, je ne les ai pas. Mais il y a une chose, par exemple, que j'aimerais dire au député de Kamouraska-Témiscouata: Qu'il lise donc le journal ce matin. Lui qui s'inquiète des clauses orphelin, qui s'inquiète du sort des jeunes, regardez donc ce que disent les gens du Kamouraska ce matin, quand ils disent que l'assurance-emploi – et les milliards accumulés au fédéral – est devenue une taxe, une taxe contre l'emploi au lieu d'un service à la population. Moi, je pense que le député de Kamouraska-Témiscouata, avec son chef bien-aimé – il est rédacteur de ses discours d'ailleurs – qu'il mette donc le nez dans ses dossiers et qu'il dise donc à son chef que les milliards accumulés à l'assurance-emploi, c'est un drame pour la jeunesse québécoise.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le député.

M. Béchard: M. le Président, est-ce que le ministre, au lieu d'essayer de se prendre une corde quelque part pour s'en sortir, ne pourrait pas d'abord et avant tout s'intéresser à ses dossiers au ministère du Travail, ce sur quoi il a la responsabilité, aux 325 travailleurs qui, aujourd'hui, sont sans emploi dans une région où il y a un impact économique important? Il ne pourrait pas commencer par s'occuper de ses dossiers avant d'essayer de faire de la politique puis de tirer sur n'importe quoi?

Le Président: M. le ministre.

M. Rioux: M. le Président, le député semble oublier que, dans le Code du travail, tu as le droit de faire la grève au Québec, ce n'est pas un acte illégal ou immoral. Ça, c'est la première chose. La deuxième: il faut donner libre cours à la négociation. Quand ça arrive dans des moments où la sécurité des gens est en danger, là, le gouvernement doit intervenir. Ça me rappelle qu'hier, lors d'un discours fleuve à l'Assemblée, le député de Kamouraska-Témiscouata qualifiait d'insignifiantes les mesures que l'on veut prendre pour permettre le transport du sang au Québec, le transport d'organes, des gens en attente de transplantation, il trouvait insignifiant qu'on dépose un projet de loi pour protéger les citoyens en cas de feux de forêt pendant la période estivale. Ça, c'est le député de Kamouraska-Témiscouata qui parle comme ça. Pensez-vous que je vais suivre les conseils de ce député? Il s'est comporté hier comme un irresponsable et il fait la même chose ce matin.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le député de l'Acadie, en principale.


Opportunité de soumettre Investissement-Québec et la Société générale de financement à la vérification du Vérificateur général

M. Bordeleau: Oui, merci, M. le Président. Dans le respect du mandat que les parlementaires de l'Assemblée nationale ont confié au Vérificateur général d'exécuter des vérifications d'optimisation des ressources, ce dernier a la responsabilité de s'assurer que les ressources dans tous les organismes gouvernementaux sont bien utilisées dans l'intérêt prioritaire des concitoyens. Après plusieurs années de refus, la curatrice publique a pris récemment la décision de respecter le mandat du Vérificateur général et de lui permettre d'analyser le fonctionnement de son organisme. Nous savons, malheureusement, que certains soupçons très graves se sont malheureusement confirmés. Un véritable musée des horreurs, M. le Président.

Pourquoi le projet de loi n° 431, présenté par le ministre délégué à l'Industrie et au Commerce, concernant la création d'Investissement-Québec, qui inclura dorénavant la Société de développement industriel, n'oblige-t-il pas cet organisme à transiger avec le Vérificateur général afin que toute la lumière soit faite sur son fonctionnement, ici, à l'Assemblée nationale, comme ce fut le cas récemment pour la curatelle publique?

Le Président: M. le ministre délégué à l'Industrie et au Commerce.

M. Bertrand (Portneuf): Oui, M. le Président. Je rappellerai au député de l'Acadie que nous en sommes justement au niveau de l'examen du projet de loi article par article, à cet article qui prévoirait effectivement comme règle générale que le Vérificateur général procède à la vérification, mais qu'on puisse, avec l'autorisation du gouvernement, permettre à la Société de pouvoir bénéficier des services d'un vérificateur. Cette disposition-là, si elle était appliquée, permettrait d'offrir toutes les garanties d'une vérification normale. Et je rappelle que la Loi sur le vérificateur général prévoit que, d'une part, les vérificateurs en question doivent transmettre au Vérificateur général toute information sur les résultats de leur vérification et qu'en cas de nécessité, s'il le jugeait à propos, le Vérificateur général peut demander des vérifications supplémentaires ou procéder lui-même à toute vérification qu'il estimerait nécessaire.

Donc, dans les circonstances, il nous apparaissait utile de prévoir cette disposition dans le projet de loi en question. Je rappelle à ce moment-ci que nous sommes justement rendus à l'examen détaillé de cet article, nous sommes en pleine discussion, et j'ai indiqué hier au député de l'Acadie que nous étions ouverts à recevoir tout argument pouvant nous permettre, soit de maintenir le libellé tel qu'il a été proposé, soit de le modifier.

Le Président: M. le député.

M. Bordeleau: Pourquoi, dans l'esprit de transparence dont se targue exagérément ce gouvernement, le ministre délégué à l'Industrie et au Commerce empêche-t-il toujours le Vérificateur général d'aller intervenir à la super Société générale de financement de la même façon qu'il l'a fait à la curatelle publique afin qu'il soit en mesure de protéger réellement les intérêts et les investissements des Québécois?

Le Président: M. le ministre d'État de l'Économie et des Finances.

M. Landry (Verchères): Dans le cas de la SGF, M. le Président, vous connaissez bien les règles de fonctionnement réitérées de cette organisation: elle doit s'associer avec des interlocuteurs du secteur privé et être toujours minoritaire, et ces interlocuteurs viennent aussi bien de notre économie locale que des investissements étrangers, dont nous avons une année record d'ailleurs, soit dit en passant, cette année. Et tant qu'il y a des intérêts privés en cause...

Bien, le leader de l'opposition me montre un tableau, je pense que c'est l'éditorial de La Presse . Moi, d'ici, je ne peux pas lire ce qu'il y a d'écrit dans l'éditorial, mais je vais lui montrer un tableau, lui, qu'il peut voir, la catastrophe des investissements sous le régime libéral: en bas de zéro pendant tout le temps qu'ils ont été là – d'ailleurs, les fonctionnaires, mauvais esprit, ont mis ça en rouge – et les investissements depuis que nous sommes là. L'économie du Québec croît à une vitesse record, et tous les témoignages...

Des voix: Bravo!

M. Landry (Verchères): ...convergent. Je vais vous en donner un de Tim O'Neil, Banque de Montréal, institution non souverainiste jusqu'à plus ample informé: «Ses perspectives, dit-il – il parle de l'économie du Québec – devraient soutenir une expansion diversifiée et contribuer à rétrécir l'écart avec le reste du Canada.»

L'économiste du Mouvement Desjardins, Gilles Soucy: «Le Québec réussira à maintenir ce même rythme de croisière d'ici la fin de la décennie et enfin mettre un point final à cette disgrâce qui dure depuis 1949, enfin combler l'écart avec le reste du Canada.»

Des voix: Bravo!

Le Président: Je m'excuse, M. le ministre, mais je pense que le temps est complété. M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Merci, M. le Président. En principale.

(10 h 50)

Le Président: En principale, M. le député de Chomedey.


Contrat du président-directeur général de la Société générale de financement

M. Mulcair: Merci. Est-ce que le ministre des Finances, qui vient de parler des règles normales de fonctionnement à la Société générale de financement, peut nous aider à comprendre une chose: Comment ça se fait que c'est seulement l'actuel président qui vient d'être nommé – une petite mention laconique dans le rapport annuel – M. Claude Blanchet, qui va avoir un traitement de faveur qu'on n'a jamais vu?

En vertu d'une loi que le ministre des Finances vient de déposer en Chambre, on va assujettir dorénavant le président-directeur général aux mêmes règles qui s'appliquent à tout le monde; ça, c'est bien. Son décret va être publié. On va connaître son salaire, comme pour les autres. On connaît même la sorte de voiture à laquelle ils ont droit, dans bien des cas.

Mais, dans le cas de M. Blanchet, il y a un petit extra qui s'ajoute à la fin de la loi, puis on aimerait bien comprendre comment ça se fait que ça s'applique juste à lui. Parce que, dans son cas, on ne saura jamais le détail de sa nomination. C'est juste cette petite mention dans le rapport annuel. Mais c'est écrit ceci, à l'article 30 du projet de loi n° 442: «30. Le président de la Société en poste le (indiquer ici la date de l'entrée en vigueur de la présente loi) – donc, on parle de M. Blanchet – continue d'exercer ses fonctions pour la durée non écoulée de son mandat.» Quatre ans.

M. le Président, on veut savoir comment ça se fait, avec toutes les coupures à la Santé, toutes les coupures à l'Éducation, qu'on va garantir à M. Blanchet 1 000 000 $ et que la seule manière d'y déroger va être par l'adoption d'une autre loi à l'Assemblée nationale? C'est la seule personne qui a ces deux choses-là: un contrat secret dont on ne connaît pas les détails et une garantie de quatre ans, à moins qu'on revienne devant l'Assemblée nationale. Comment ça se fait qu'il a ce traitement de faveur, M. Blanchet? On veut le savoir du ministre des Finances.

Le Président: M. le vice-premier ministre.

M. Landry (Verchères): Premièrement, il n'y a rien de secret là-dedans. On a des lois qui favorisent la plus grande transparence. C'est le gouvernement du premier ministre René Lévesque, auquel j'ai eu l'honneur d'appartenir, qui a voté ces lois qui permettent de connaître les moindres détails de ce qui doit être connu, sauf si l'intérêt public était compromis. Ça, c'est bien connu. Alors, je ne vois pas quelle est la dramatisation.

Deuxièmement, que le patron d'une agence qui va investir 10 000 000 000 $ au cours des prochaines années, créer 70 000 emplois et qui a déjà commencé à le faire, dispose, comme ses interlocuteurs du secteur privé, local ou étranger, d'une certaine sécurité quant au maintien de son emploi, qu'il soit payé bien moins que tous ces gens-là mais qu'il soit quand même payé d'une façon convenable, je pense que l'opposition devrait s'en réjouir. C'est d'ailleurs une amélioration par rapport au mandat des anciens dirigeants de cette société dont j'ai eu à négocier le départ.

Le Président: M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Est-ce que le ministre des Finances peut nous dire pourquoi ce traitement de faveur pour M. Blanchet? Pourquoi lui et personne d'autre?

Le Président: M. le vice-premier ministre.

M. Landry (Verchères): Ce n'est pas, premièrement, M. Blanchet. C'est le président-directeur général de la Société générale de financement du Québec. Un.

Des voix: ...

Le Président: Bien. M. le vice-premier ministre.

M. Landry (Verchères): Oui, je sais, M. le Président, je ne dirais pas l'opposition mais certains de ses membres aiment les personnifications abusives. L'attaque aux personnes est généralement mesquine et rétrograde, mais je vais quand même répondre à sa question.

Sa question, c'est qu'il n'y a qu'un fonctionnaire de l'État, qu'un employé du secteur public qui ait à être en interface avec des activités privées touchant des milliards de dollars. Et même s'il est mal payé – même s'il est mal payé – il a quand même des conditions particulières, parce qu'il est le seul rouage de notre économie étatique à avoir ces responsabilités et cette interface avec des collègues du privé.

Le Président: Alors, la période de questions et de réponses orales est terminée pour aujourd'hui.


Motions sans préavis

Puisqu'il n'y a pas de réponses différées ni de votes reportés, nous allons aller aux motions sans préavis.

M. le ministre des Relations internationales.


S'associer à la campagne mondiale d'Amnistie Internationale en faveur de la Déclaration universelle des droits de l'homme

M. Simard: M. le Président, je sollicite le consentement des membres de cette Assemblée afin de présenter la motion suivante:

«Que tous les membres de l'Assemblée nationale du Québec s'associent à la campagne mondiale d'Amnistie Internationale Signer c'est agir et témoignent avec force de leur attachement envers les droits humains et renouvellent, ici, leur engagement en faveur de la Déclaration universelle des droits de l'homme.» Merci, M. le Président.

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement pour... M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: M. le Président, sans débat.

M. Paradis: M. le Président, on a compris également que, si c'est sans débat, il y a quand même l'importance nécessaire qui va être accordée à cette motion et que vous avez pris des précautions nécessaires pour que le premier ministre ou le ministre responsable et Mme la chef de l'opposition puissent poser le geste?


Mise aux voix

Le Président: C'est ça, exactement. C'est-à-dire que, dans la mesure où les membres de l'Assemblée... Je comprends que la motion, d'abord qu'il y a consentement pour la présentation. Est-ce que la motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Président: Alors, M. le leader.

M. Jolivet: Avant de passer à l'étape pour laquelle nous sommes entendus, avec le leader de l'opposition et vous-même, avec une suspension de 15 minutes, pour aller faire la signature à l'extérieur, avec le premier ministre, la chef de l'opposition et les ministres concernés, je vous inviterais, à la demande du leader de l'opposition, de son consentement, à faire les avis touchant les commissions.

Le Président: M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Oui, M. le Président, à ce moment-ci, il y aurait consentement pour que les avis touchant les commissions soient faits immédiatement mais de conserver également l'item «motions sans préavis» pour que d'autres députés puissent présenter des motions.

Le Président: Ça va. J'inviterais les membres de l'Assemblée à rester dans l'enceinte parce que je pense que le geste que nous serons invités à poser par la suite mériterait que tous participent à l'exercice. Alors, M. le leader du gouvernement.


Avis touchant les travaux des commissions

M. Jolivet: M. le Président, j'avise donc cette Assemblée que la commission des affaires sociales complétera les consultations particulières sur le projet de loi n° 186, Loi sur le soutien du revenu et favorisant l'emploi et la solidarité sociale, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures, à la salle Louis-Joseph-Papineau;

Que la commission des transports et de l'environnement procédera à l'étude détaillée du projet de loi n° 159, Loi modifiant la Loi sur le ministère des Transports afin d'instituer le Fonds de gestion de l'équipement roulant, aujourd'hui, de 15 heures à 18 heures, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine;

Que la commission des institutions complétera les consultations particulières sur le projet de loi n° 406, Loi modifiant le Code des professions, de 15 heures à 17 h 45, à la salle Louis-Joseph-Papineau;

Que la commission des affaires sociales entreprendra les consultations particulières sur le projet de loi n° 444, Loi sur le tabac, aujourd'hui, de 15 heures à 18 h 30 et de 20 heures à minuit, à la salle du Conseil législatif;

Que la commission des finances publiques poursuivra l'étude détaillée du projet de loi n° 431, Loi sur Investissement-Québec et sur Garantie-Québec, aujourd'hui, de 20 heures à minuit, à la salle Louis-Joseph-Papineau;

Et finalement, que la commission de l'économie et du travail procédera à l'étude détaillée du projet de loi n° 446, Loi modifiant le Code du travail, aujourd'hui, de 20 heures à minuit, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine.


Présence du directeur général de la section canadienne francophone d'Amnistie Internationale, M. Michel Frenette

Le Président: Bien. Alors, je voudrais à ce moment-ci inviter tous les membres de l'Assemblée nationale à m'accompagner ainsi que le premier ministre et la chef de l'opposition officielle pour aller signer, entre le salon bleu et le salon rouge, la Déclaration universelle des droits de l'homme qui nous est présentée aujourd'hui. Et j'en profite pour souligner la présence dans les tribunes du directeur général de la section canadienne francophone d'Amnistie Internationale, M. Michel Frenette.

Alors, nous allons suspendre 15 minutes nos travaux pour permettre justement aux membres de l'Assemblée d'aller apposer leur signature.

(Suspension de la séance à 10 h 59)

(Reprise à 11 h 22)

Le Vice-Président (M. Pinard): Mmes, MM. les députés, veuillez vous asseoir. Nous revenons aux affaires courantes. Nous en sommes à la rubrique motions sans préavis. M. le député de Robert-Baldwin.

M. Marsan: Merci, M. le Président. Je sollicite le consentement de cette Assemblée afin de débattre de la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale procède à des auditions publiques sur l'état du système de santé au Québec, notamment en ce qui concerne les conséquences des compressions budgétaires et de la réforme du ministre de la Santé sur l'accessibilité et la qualité des services offerts aux Québécois et aux Québécoises, et qu'à cette fin elle entende les individus et les organismes représentant les malades, les infirmiers et infirmières, les médecins, les administrateurs, le personnel de soutien, les professionnels de la santé, les bénévoles;

«Que le gouvernement convoque, à compter du 2 juin prochain, la commission des affaires sociales et demande aux individus et aux organismes de transmettre au Secrétariat des commissions leur mémoire au plus tard le jeudi 28 mai 1998.»

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce qu'il y a consentement pour débattre de cette motion? Comme il n'y a pas de consentement, y a-t-il d'autres motions sans préavis?

Alors, nous avons touché tout à l'heure à la rubrique Avis touchant les travaux des commissions, nous passons aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée.


Affaires du jour

Comme il n'y a aucune question, nous terminons donc les affaires courantes et nous entreprenons maintenant les affaires du jour. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: M. le Président, à la rubrique affaires du jour, nous souhaiterions débuter par l'article 12 du feuilleton.


Projet de loi n° 432


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Pinard): À l'article 12 de votre feuilleton, M. le ministre de la Justice propose l'adoption du principe du projet de loi n° 432, Loi modifiant l'article 21 du Code civil et d'autres dispositions législatives. Y a-t-il des interventions sur l'adoption du principe du projet de loi n° 432? M. le ministre de la Justice.


M. Serge Ménard

M. Ménard: Merci, M. le Président. Comme il s'agit souvent des projets présentés par le ministère de la Justice, ils ont un aspect technique, et il est important d'avoir un texte écrit pour les soumettre, mais qui n'est peut-être pas aussi accessible aux gens qui ne sont pas familiers avec les problèmes en question. Bien que ce soit toujours un risque d'improviser sur ces questions, mais comme je la maîtrise assez bien, je vais prendre la liberté d'expliquer sommairement avant d'aborder le texte écrit, qui sera peut-être le seul utile à ceux qui, dans le futur, pourraient faire l'exégèse de la volonté du législateur, expliquer sommairement de quoi il s'agit.

Il est évident qu'avant de soumettre quelqu'un à un protocole de recherche on demande son consentement. Si cette personne-là est mineure, on demande le consentement de son tuteur ou de ses parents. Si cette personne-là est inapte, pour une raison ou pour une autre, inapte à consentir, eh bien, on demande le consentement de son tuteur ou de son curateur. La majorité des gens consent volontiers à se soumettre à un protocole de recherche parce que vous avez là une chance sur deux d'avoir...

Il faut bien comprendre qu'un protocole de recherche, ça arrive à la toute fin du processus de recherche, après les recherches en laboratoire sur les animaux, auprès de groupes cibles, et ainsi de suite. Mais, à la toute fin, lorsqu'on croit qu'un nouveau traitement a été élaboré et qu'il sera meilleur que celui qui précède, on l'envoie dans différentes villes à travers le monde où l'on est certain que les recherches peuvent être conduites de façon compétente de façon à ce que les dernières observations qui sont faites sur cela, sur ces recherches ne tiennent compte d'aucun facteur local. Montréal est une des grandes villes qui est reconnue – Québec aussi dans certains domaines – comme pouvant accueillir ces projets de recherche, et il y a évidemment avantage, puisque nos chercheurs, à ce moment-là, sont les premiers informés des nouvelles méthodes. Et puis il y a un avantage pour les malades qui s'y soumettent, justement parce qu'ils ont quand même une chance sur deux de bénéficier du nouveau traitement ou du nouveau médicament. Donc, la majorité des gens consentent.

Mais il y a un problème particulier avec les gens qui, comme vous et moi, sont aptes à consentir, mais qui, soudainement, à la suite d'un accident ou encore d'une maladie soudaine comme un accident cérébrovasculaire, perdent conscience. Et alors, ces gens, évidemment, n'ont pas de tuteurs, de curateurs qui sont nommés pour consentir à être sur un protocole de recherche même si leurs proches savent très bien que ces gens seraient ouverts. Par exemple, moi, comme ma famille, nous avons signé les formules donnant nos organes en cas de mort, comme beaucoup de Québécois, et mon épouse sait très bien que je serais ouvert à cela, mais elle ne pourrait consentir, puisque, évidemment, mon épouse n'est actuellement pas ma tutelle ni ma curatrice, puisque je suis capable de consentir.

Or, ce type de recherche représenterait, nous l'a-t-on dit à la commission parlementaire que nous avons tenue sur l'avant-projet de loi, à peu près 20 % de la recherche, et c'est dans des domaines très importants pour l'avenir des malades, pour que nous améliorions les traitements, notamment pour les grands brûlés, pour les accidents cérébrovasculaires, où, paraît-il, on est à la veille de trouver un médicament qui permettrait une récupération presque totale des gens qui restent souvent paralysés à la suite de pareils accidents, et d'autres maladies, enfin, qu'on nous a nommées.

Donc, partout à travers le monde civilisé, ce consentement est donné par les proches, c'est-à-dire essentiellement par ceux qui peuvent consentir aux soins. Par exemple, si j'ai un accident terrible et que l'on doit m'amputer, et que je suis inconscient, eh bien, on demande le consentement, évidemment, aux proches avant de faire cette opération qui est essentielle même, très souvent, à ma survie. Alors, l'essence de ce projet de loi, c'est de permettre à ces gens, aux proches, qui sont bien définis par le Code civil, de consentir à ce que la personne puisse être soumise à un protocole de recherche.

(11 h 30)

Mais on a une précaution supplémentaire, c'est que ce genre de projet de recherche devra toujours être approuvé par un comité d'éthique de la recherche de l'hôpital. Et pas n'importe quel comité d'éthique de la recherche, uniquement ceux qui seront désignés par le ministre ou approuvés par le ministre, de façon que le ministre... Et d'ailleurs il le fera, il publiera les conditions à remplir pour qu'un pareil comité d'éthique puisse être approuvé, sa composition, de sorte que le processus sera entièrement transparent. Voilà donc essentiellement le but de ce projet de loi et l'objectif que nous poursuivons.

Je dois dire que nous avons tenu une commission parlementaire sur l'avant-projet de loi, qui avait été demandée. Tous les parlementaires, de l'opposition comme du parti au pouvoir – ce n'est vraiment pas une question qui fait l'objet de luttes partisanes, d'aucune façon – ont pu y participer également. L'opposition a bien collaboré. Je pense que tout le monde comprend la nécessité de ce projet de loi pour les malades de Montréal principalement, mais aussi pour l'ensemble du Québec, pour la recherche scientifique, pour le progrès que nous devons réaliser dans la guérison de certaines de ces maladies qui affectent quand même un nombre important de personnes.

Donc, je vais en venir maintenant au texte écrit, qui est évidemment plus précis, peut-être plus ennuyeux, des fois, pour les gens qui ne connaissent pas le sujet, mais que les gens pourront justement mieux comprendre à la suite, je crois, des explications que je viens de donner.

Donc, en décembre 1997, M. le Président, je présentais devant cette Assemblée un avant-projet de loi intitulé Loi modifiant le Code civil en matière de recherche médicale. À la suite de la présentation de cet avant-projet de loi, la commission des institutions procédait en février à des consultations publiques afin de connaître l'opinion de différents organismes et associations concernés par les questions qu'il abordait.

Les mémoires présentés tout comme les échanges qui ont eu lieu m'ont permis de constater que le problème auquel nous nous attaquons est bien réel et que les objectifs que nous poursuivons reçoivent l'assentiment général. Mentionnons que nous avons entendu, entre autres, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, le Protecteur du citoyen, l'Association des hôpitaux du Québec, le Collège des médecins, l'Association canadienne de l'industrie du médicament et le Conseil québécois de la recherche sociale, ainsi que d'ailleurs plusieurs autres organismes, certains qui s'occupent des malades.

Dans cette foulée, j'ai présenté, le 13 mai dernier, le projet de loi n° 432, intitulé Loi modifiant l'article 21 du Code civil et d'autres dispositions législatives. Je suis très heureux d'exposer aujourd'hui le principe de ce projet de loi. Ce projet de loi vise à modifier l'article 21 du Code civil. Un projet de loi pour modifier un seul article? Oui, parce que l'article 21 établit des principes essentiels visant à protéger les personnes inaptes tout en assurant leur bien-être et qu'en raison du libellé actuel il ne permet pas à certaines catégories de personnes de pouvoir bénéficier des mêmes garanties et possibilités que tous les autres citoyens du Québec.

Essentiellement, M. le Président, ce projet de loi modifie l'article 21 du Code civil pour répondre aux besoins exprimés par des personnes impliquées dans la recherche en matière de santé, que ce soit à titre de personnes atteintes d'une maladie, de parents ou de proches de celles-ci, à titre de chercheurs, scientifiques, experts en éthique ou autres. Les autres modifications proposées sont principalement de concordance.

Avant d'analyser plus spécifiquement la modification proposée, permettez-moi, M. le Président, de bien situer l'article 21 et de rappeler les règles actuellement applicables en matière de consentement aux soins. Le Code civil établit, aux articles 11 à 25, les règles de consentement aux soins, qu'il s'agisse d'examens, de prélèvements, de traitements, d'interventions non thérapeutiques, d'expérimentation ou de toute autre intervention. Toute cette section a été introduite avec la réforme du Code civil afin de s'assurer du respect du principe fondamental de l'intégrité de la personne et de prévoir adéquatement toutes les situations dans lesquelles il entre en jeu.

Les règles du Code civil varient selon que les soins sont requis par l'état de santé de la personne ou non, selon qu'il s'agit de soins thérapeutiques, d'aliénation d'une partie de son corps ou d'expérimentation, selon que le patient est une personne mineure ou majeure, qu'il est âgé de moins ou de plus de 14 ans, qu'il est apte ou inapte à donner un consentement libre et éclairé.

Au coeur de toutes ces dispositions se trouve une règle fondamentale: l'inviolabilité de la personne et son corollaire, la nécessité d'obtenir un consentement libre et éclairé avant toute intervention, sauf très exceptionnellement en situation d'urgence, lorsque la vie de la personne est en danger et qu'aucun consentement ne peut être obtenu en temps utile. Cette règle, M. le Président, se résume à ces mots présents à l'article 11 du Code civil: «Nul ne peut être soumis à des soins sans son consentement.»

Lorsqu'une personne ne peut toutefois consentir pour elle-même, en raison de son âge ou de l'absence de discernement, il est prévu qu'une tierce personne, qui en a la charge ou en assure la protection, peut se substituer à elle pour accepter ou refuser les soins. C'est pourquoi on appelle parfois ce consentement le consentement substitué.

Peuvent ainsi donner un consentement pour autrui le titulaire de l'autorité parentale ou le tuteur du mineur et le représentant légal d'une personne majeure inapte à consentir, c'est-à-dire le mandataire, le tuteur ou le curateur. Si le majeur n'est pas ainsi représenté, l'article 15 du Code prévoit que peut consentir à des soins requis par son état de santé le conjoint ou, à défaut ou en cas d'empêchement de celui-ci, un proche parent, sinon une personne qui démontre un intérêt pour le majeur. Cela peut s'appliquer, par exemple, dans le cas de communautés religieuses.

Cependant, lorsqu'il s'agit non pas de soins requis, mais d'une expérimentation, dans un souci de protection supplémentaire, ces dernières personnes ne sont pas habilitées à consentir pour un majeur inapte, seul le représentant légal est autorisé. C'est l'article qui nous occupe aujourd'hui, l'article 21, qui prévoit cette règle, l'article 21 du Code civil qui regroupe les règles applicables à l'expérimentation médicale, psychiatrique, psychosociale ou autre lorsque la personne qui y est soumise est un mineur ou une personne majeure qui est inapte à donner elle-même ce consentement avant l'intervention et, donc, inapte à donner elle-même un consentement libre et éclairé.

Il impose, dans le cas d'une expérimentation qui vise le mineur ou le majeur inapte, des exigences supplémentaires. Ainsi, depuis l'entrée en vigueur du nouveau Code civil, si l'expérimentation vise un groupe de personnes, elle doit s'inscrire dans un projet de recherche approuvé par le ministre de la Santé et des Services sociaux sur avis d'un comité d'éthique désigné ou institué par lui. De plus, M. le Président, l'expérimentation ne doit comporter aucun risque sérieux pour la santé de la personne concernée. Il doit y avoir absence d'opposition de cette même personne, si elle comprend la nature et les conséquences de l'acte, et on doit pouvoir espérer un bienfait pour la personne elle-même ou pour les personnes possédant les mêmes caractéristiques d'âge, de maladie ou de handicap. Ces conditions, qui ont été précisées avec la venue du nouveau Code, visent à protéger davantage les personnes plus vulnérables. Je tiens à souligner, M. le Président, qu'elles ne sont aucunement remises en cause par le projet de loi.

Notre souci, dans ce projet de loi, M. le Président, est de remédier à certains problèmes bien spécifiques dont l'existence a été révélée avec la pratique et dont divers intervenants du milieu de la santé m'ont fait état ainsi qu'à mon collègue le ministre de la Santé et des Services sociaux. Plusieurs organismes entendus en commission parlementaire, comme l'Association des hôpitaux du Québec, le Collège des médecins, des spécialistes en éthique et en recherche, ont confirmé le sérieux de ces problèmes. La difficulté provient essentiellement du fait qu'en limitant, en matière d'expérimentation, le consentement substitué au représentant légal, soit le mandataire, le tuteur ou le curateur de l'inapte, l'article 21 du Code civil empêche certaines personnes de pouvoir participer à des expérimentations, nuisant ainsi à la recherche, au développement de nouveaux traitements et, par conséquent, à l'amélioration de la santé et du bien-être général de la population.

Les personnes touchées sont les personnes habituellement aptes devenues subitement inaptes à la suite d'accidents ou de troubles soudains. Prenons par exemple, M. le Président, le cas des victimes d'un arrêt cardiaque ou d'un accident cérébrovasculaire ou encore celui des grands brûlés. Les expérimentations qui pourraient être bénéfiques à ces personnes mais qui exigent un temps d'intervention très court leur sont, à toutes fins pratiques, inaccessibles. En effet, ces personnes majeures qui, avant leur accident, étaient aptes à consentir n'ont évidemment pas de représentant légal. Or, dans le cas d'une expérimentation qui doit être effectuée rapidement après l'apparition de l'état qui la justifie, les délais ne permettent pas d'obtenir en temps utile l'homologation devant le tribunal d'un mandat donné en prévision de son inaptitude ou la nomination par le tribunal d'un tuteur ou d'un curateur à la personne.

Je me permets ici, M. le Président, de donner deux exemples précis: le cas d'une expérimentation concernant le choc septique qui provoque l'inconscience subite de la victime à la suite d'une infection grave ou d'une opération et dont le protocole de recherche exigeait que le médicament soit administré dans un délai maximal de 24 heures; un autre cas, celui concernant les accidents cérébrovasculaires, dont le protocole imposait un délai de six heures. Dans ces deux exemples, M. le Président, l'expérimentation visait à réduire au minimum les séquelles de l'accident. Dans ces deux exemples, l'expérimentation a été abandonnée, faute de personnes habilitées à y consentir en temps utile parce que, dans l'état actuel du droit, je le rappelle, seul un représentant légal est autorisé à donner le consentement, alors que dans les cas d'inaptitude subite les personnes ne sont pas ainsi représentées.

(11 h 40)

Il s'avère donc impossible de faire de la recherche au Québec pour ces maladies spécifiques qui surviennent soudainement. Or, il semble que ce type de recherche représente environ 20 % de l'ensemble de la recherche effectuée. Cette situation doit évidemment prendre fin pour que la population du Québec puisse bénéficier des bienfaits associés au fait de vivre dans une région accueillant de nombreux projets de recherche. Il faut en effet que le Québec, et particulièrement sa métropole, puisse continuer à rivaliser avec les autres grands pôles de la recherche en Amérique du Nord; le tout, ultimement, pour le plus grand bien-être de la population du Québec.

Pour remédier à la situation, le projet de loi n° 432 propose donc, dans le cas d'un majeur devenu subitement inapte, que le consentement substitué puisse être donné par le conjoint, par un parent ou un proche, à l'instar de ce qui est prévu en matière de consentement aux soins requis par l'état de santé des personnes inaptes. Je tiens à souligner que cet assouplissement fut d'ailleurs recommandé en 1995 par un comité d'experts présidé par le professeur Pierre Deschamps, comité qui avait pour mandat d'évaluer les mécanismes de contrôle en matière de recherche clinique.

Afin de respecter autant que possible la volonté de la personne soumise à l'expérimentation et de maintenir un haut niveau de protection de ces personnes, le projet de loi propose de maintenir la hiérarchie entre les personnes autorisées que l'on retrouve à l'article 15 du Code pour les soins requis. C'est-à-dire que, si le majeur est représenté, le consentement devra être donné par son mandant, son tuteur ou son curateur. Ce n'est qu'en l'absence de représentant légal que le conjoint sera autorisé à consentir pour l'inapte et, à défaut, ce sera un proche parent ou une personne qui porte au majeur un intérêt particulier. Comme toute personne qui consent pour autrui, celles-ci seront tenues, en vertu du Code civil, d'agir dans le seul intérêt de la personne concernée en tenant compte des volontés que cette dernière aurait pu exprimer.

Pour s'éloigner le moins possible des règles que le législateur a adoptées en 1994, et qui par ailleurs ne sont pas remises en cause, il y a lieu de restreindre la portée de cette modification aux seuls cas problématiques qui ont été soulevés. C'est pourquoi nous proposons que l'habilitation de ces nouvelles personnes à consentir pour autrui soit subordonnée à la condition que l'expérimentation soit reconnue par un comité d'éthique compétent comme ne permettant pas, en raison du court délai dans lequel elle doit être effectuée, d'attribuer en temps utile un représentant légal au majeur devenu subitement inapte.

Le projet de loi vise aussi à apporter une modification à l'article 21 en ce qui a trait aux mécanismes d'approbation de ces projets de recherche. À l'heure actuelle, il revient au ministre de la Santé et des Services sociaux lui-même d'approuver les projets de recherche dans le cadre desquels les expérimentations visant des groupes de personnes inaptes peuvent être effectuées. Il n'est pas sans intérêt de mentionner que depuis 1994 plus de 750 projets ont ainsi été approuvés. Tous ces projets de recherche avaient reçu, au préalable, l'avis favorable des comités d'éthique qui sont impliqués dans le processus tel que l'exige l'article 21. L'approbation du ministre avalisait la décision des comités.

Ces comités d'éthique sont désignés par le ministre de la Santé et des Services sociaux parmi les comités existant dans les centres hospitaliers ou institués par lui. Actuellement, il existe 31 comités désignés et un comité provincial institué par le ministre. À leur sujet, le comité Deschamps, le groupe de travail du ministère de la Santé, et plusieurs intervenants en commission parlementaire demandent une meilleure composition des comités et des normes de fonctionnement précises pour assurer un contrôle adéquat de la recherche. Ils ont aussi indiqué que le double examen, celui des comités et celui du ministre, est en pratique beaucoup trop laborieux et peu réaliste. D'ailleurs, ils soulignent avec justesse que les comités disposent plus que le ministre de tous les éléments de contrôle nécessaires à cette responsabilité d'approbation.

Le projet de loi propose donc, dans un premier temps, afin d'assurer une plus grande indépendance et un meilleur contrôle des comités d'éthique, que la composition et les règles de fonctionnement de ces derniers soient déterminées par le ministre de la Santé et des Services sociaux. Donc, ces dispositions seront publiques. Cette proposition d'un cadre précis et applicable à tous les comités d'éthique permettra au ministre de la Santé de s'assurer, entre autres, que les comités ne sont pas formés de personnes qui participent aux recherches soumises à leur examen et qu'ils respectent des règles qui sont reconnues dans le milieu de la recherche pour évaluer l'acceptabilité du projet, les risques qu'il comporte pour les personnes qui s'y soumettent et les bienfaits qu'il laisse espérer.

Dans ces conditions, il apparaît approprié d'adopter une nouvelle approche. Ainsi, le projet de loi propose que le ministre de la Santé et des Services sociaux laisse aux comités d'éthique, soit à un niveau plus proche de l'action, la responsabilité de l'approbation et du suivi des projets de recherche, tout en conservant la responsabilité de s'assurer de la qualité du processus de cette approbation afin d'octroyer aux mineurs et aux majeurs inaptes une protection adéquate.

En conclusion, M. le Président, je tiens à rappeler que les modifications proposées ne modifient en rien les protections accordées actuellement aux personnes inaptes. Elles visent tout d'abord à corriger une situation problématique bien spécifique, celle des personnes généralement aptes devenues subitement inaptes afin que tous puissent bénéficier de la même opportunité de participer à une expérimentation.

Elles visent également à mettre en place un mécanisme d'approbation des projets de recherche plus transparent et offrant des garanties additionnelles quant à la qualité des travaux et à l'indépendance des comités d'éthique chargés de l'examen des projets de recherche.

J'invite donc, M. le Président, cette Assemblée à poursuivre avec moi la démarche entreprise et à adopter le principe du projet de loi n° 432, Loi modifiant l'article 21 du Code civil et d'autres dispositions législatives. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre de la Justice. Nous allons maintenant céder la parole au critique officiel de l'opposition en la matière, M. le député de Chomedey. M. le député.


M. Thomas J. Mulcair

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Le ministre de la Justice et Procureur général vient de faire une lecture détaillée de la situation. Et, sur le fondement et sur la collaboration de l'opposition, le ministre n'a pas erré, il donne une lecture juste des travaux en commission parlementaire, des audiences qui ont eu lieu.

De notre côté, M. le Président, on s'étonne quelque peu que le gouvernement veuille aller de l'avant avec ce projet de loi à ce moment-ci. Je vais y aller sur deux aspects principaux. Certains de mes collègues vont intervenir notamment sur les aspects recherche et les difficultés que la loi pose. Mais je vais y aller surtout sur le fait qu'on est en train de faire ça dans le Code civil, ce qui est, en soi, un problème, et je vais aussi parler du fait qu'avec le rapport dévastateur, absolument accablant que vient de publier le Vérificateur général sur la curatelle publique, au Québec, il nous semble que c'est impératif de retarder l'adoption de ce projet de loi pour au moins s'assurer que le régime public rencontre les normes nécessaires.

Pas besoin d'expliquer en grand détail, M. le Président, les histoires qui ont pu être vécues dans d'autres juridictions, où on prenait ce qu'on appelle en anglais des «street people», c'est-à-dire des sans-abris, et on les assujettissait à des expérimentations. À l'issue des procès de Nuremberg, à la fin de la Deuxième Guerre mondiale, il y a des protocoles stricts qui ont été adoptés pour s'assurer qu'il n'y aura jamais d'abus dans l'expérimentation sur les êtres humains.

De notre côté, on voit que, lorsqu'on adopte une loi, on a de plus en plus de cas où on a de la difficulté à la mettre en application. C'est une chose, d'avoir une loi sur les édifices publics qui a un règlement sur les ascenseurs et les monte-charge, c'est une autre de l'appliquer. Puis, quand il y a des touristes qui dégringolent, ici, à Québec, dans le funiculaire, et il y a des gens qui sont tués, on dit: Comment ça se fait? On a une belle loi puis on a un règlement!

Quand on lit un rapport comme celui que vient de sortir le Vérificateur général sur la curatelle publique, c'est un musée d'horreurs. Et, vous avez bien remarqué, M. le Président, ce n'est pas quelque chose qui a fait l'objet d'un vif débat partisan entre les deux côtés de la Chambre, ça concerne les êtres humains puis comment, nous, comme Parlement, comme élus du peuple, des deux côtés, il faut qu'on travaille pour s'assurer qu'une affaire comme ça ne se produise jamais plus. Le projet de loi qu'on a devant nous n'offre pas suffisamment de garanties à cet égard-là.

(11 h 50)

Bill 432, An Act to amend article 21 of the Civil Code and other legislative provisions, anodyne, very difficult to know what we're talking about... We're talking about medical experimentation on human beings. The bill does not provide sufficient guaranties against potential abuse. The bill is incomplete. The bill is coming at an inappropriate time. It's coming at a time when Québec's Auditor General has just tabled a damning report with regard to the Québec Public Curator's Office. It's inappropriate for the Government to be moving forward at this time, we haven't taken care of the existing problems. The Government is asking us to have faith that, somehow, this is all going to be done in accordance with existing rules.

Lorsque l'on compare ce qui existe dans d'autres juridictions et ce qui est proposé ici, ça saute aux yeux, c'est l'évidence même que ce qui est proposé est insuffisant et incomplet. M. le Président, sur le premier point que je voulais mentionner ce matin, sur la question de la forme, quel véhicule on a choisi pour présenter ces idées-là à l'Assemblée nationale, on a un gros problème. Le processus législatif, dans l'esprit du public, c'est souvent une chicane de 45 minutes à la période de questions, un article écrit par un expert disant: C'est bon ou c'est pas bon. Les gens sont rarement au courant du cheminement d'un projet de loi. Ça sort d'où, un projet de loi? Bien, tantôt, ça va être le programme d'un parti politique, et ils vont essayer de donner suite à ça par une loi. Tantôt, ça va être une idée qui émane dans un ministère pour remplir une exigence ou répondre à une demande de l'appareil bureaucratique. Donc, ils vont demander à leur ministre de mettre ça sous forme d'une loi puis ils vont le faire cheminer. Ici, c'est une demande qui émane surtout de gens qui travaillent dans le milieu médical qui font de l'expérimentation et qui disaient qu'il y avait certains empêchements au Québec et que ça pouvait nous causer du tort.

Sur ce plan-là, on reviendra tout à l'heure, mais, pour l'instant, il suffit de rappeler que, en commission parlementaire, ces mêmes groupes là, des scientifiques – on parle du monde du milieu pharmaceutique – on leur a demandé, on leur a dit: Bon, vous venez ici, vous dites que la raison pour laquelle ça vous prend cette loi-là, c'est parce qu'on n'a pas ce qu'il faut au Québec, qu'on manque des projets de recherche. C'est dans les transcriptions de la commission parlementaire, M. le Président, c'est facilement vérifiable. Ils étaient quatre ou cinq personnes avec une excellente formation, une très bonne présence, de toute évidence, vraiment en contrôle de leur affaire. Je leur ai posé cette question-là, et il n'y en a pas un qui a été capable de me répondre. Je leur ai dit: Donnez-moi un exemple d'une recherche qui a échappé au Québec et qu'on aurait, avec l'adoption de ce projet de loi là... Ils n'étaient pas capables de me donner une seule réponse. Vous savez, je l'ai dit un peu en boutade en commission parlementaire, j'ai dit: Ça m'étonne, venant de la part de scientifiques, que vous ne puissiez me répondre que par l'anecdotique. Parce qu'ils m'ont répondu: Bien, on a entendu des anecdotes. Ils n'étaient pas capables de me donner un cas. C'est des scientifiques qui pratiquent l'empirisme. Ça ne marche pas.

Alors, on arrive puis on nous propose de modifier un article du Code civil. Premier problème, M. le Président, regardez bien. Vous qui êtes notaire, vous connaissez bien le Code civil. Je dirais même que vous le connaissez mieux que les avocats. Les notaires ont tendance à vraiment connaître leur droit civil et leur Code civil à fond. Ce n'est pas la même chose pour le Code de procédure civile, par contre, mais, pour le Code civil, je suis prêt à faire cet aveu pour le bénéfices de mes confrères et consoeurs notaires. C'est un article qu'on remplace dans le Code civil. Il y a des règles de rédaction législative qui s'appliquent en matière de rédaction généralement. Il y a des oeuvres. Mon ami et collègue, Michel Sparer, avec Wallace Schwab, a fait un bon travail dans les années soixante-dix sur la rédaction en langue française, le génie de la langue française, la différence entre la rédaction que l'on retrouve aux États-Unis ou en Angleterre – des juridictions de Common Law – puis la rédaction style civiliste. Notre Code civil, c'est une des choses qu'on mentionne tout le temps à l'extérieur et même ici, au Canada pour dire comment le Québec est distinct, unique. Une des caractéristiques de notre unicité, c'est notre Code civil.

M. le Président, je vais vous lire, si jamais ils font l'erreur de passer cela, ce qui va devenir un article du Code civil du Québec. C'est incroyable! Je vais le lire d'un bout à l'autre, d'un trait:

«Un mineur ou un majeur inapte ne peut être soumis à une expérimentation qui comporte un risque sérieux pour sa santé ou à laquelle il s'oppose alors qu'il en comprend la nature et les conséquences.

«Il ne peut, en outre, être soumis à une expérimentation qu'à la condition que celle-ci laisse espérer, si elle ne vise que lui, un bienfait pour sa santé ou, si elle vise un groupe, des résultats qui seraient bénéfiques aux personnes possédant les mêmes caractéristiques d'âge, de maladie ou de handicap que les membres du groupe. Une telle expérimentation doit s'inscrire dans un projet de recherche approuvé et suivi par un comité d'éthique. Les comités d'éthique compétents sont institués par le ministre de la Santé et des Services sociaux ou désignés par lui parmi les comités d'éthique de la recherche existants; le ministre en définit la composition et les conditions de fonctionnement.

«Le consentement à l'expérimentation est donné, pour le mineur, par le titulaire de l'autorité parentale ou le tuteur, et, pour le majeur inapte, par le mandataire, le tuteur ou le curateur. Lorsqu'on désire soumettre un majeur devenu subitement inapte à une expérimentation qui, dans la mesure où elle doit être effectuée rapidement après l'apparition de l'état qui la justifie, ne permet pas de lui attribuer un représentant en temps utile, le consentement est donné par la personne habilitée à consentir, en l'absence de représentant légal, aux soins requis par le majeur; il appartient au comité d'éthique compétent de déterminer, lors de l'examen d'un projet de recherche, si l'expérimentation remplit une telle condition.

«Ne constituent pas des expérimentations les interventions qui, selon le comité d'éthique, sont des soins innovateurs requis par l'état de santé de la personne qui y est soumise.»

M. le Président, en matière de rédaction législative, dans un système civiliste, cet article est une abomination. C'est aberrant de proposer ça comme un seul article dans le Code civil. Lorsqu'on était à l'école, on nous apprenait quand on faisait une nouvelle phrase, quand on formait un nouveau paragraphe. Une règle de base dans le Code civil, c'est que chaque article doit contenir une seule idée. Vous avez vu ce par quoi on vient de passer, là. C'est du stock pour un projet de loi complet sur l'expérimentation médicale. Si ça avait été ça... Puis on l'avait dit en commission parlementaire au ministre. On lui a dit: Sors ça du Code civil. Ça n'a pas d'espèce de bon sens de mettre tout ce stock dans un article du Code civil. Ça ne se peut pas.

Le Code civil donne les grands principes qui régissent notre droit civil. C'est sûr que, en matière d'hypothèque et en d'autres matières, on va y aller dans le détail comment on fait ça. Il n'y a pas de problème avec ça. Mais on y va chapitre par chapitre, livre par livre, section par section, article par article. On décortique. On suit le génie, la philosophie de base d'un système de droit civil codifié.

Ça, ce n'est pas un cheveu sur la soupe, c'est un cheval sur la soupe, M. le Président. Ça n'a aucune espèce de respect pour le système civiliste au Québec.

M. le Président, regardez bien la disposition qui renvoie au ministre de la Santé et des Services sociaux, juste pour donner cet exemple-là: «Les comités d'éthique compétents sont institués par le ministre de la Santé et des Services sociaux ou désignés par lui parmi les comités d'éthique de la recherche existants.»

Il les désigne comment? Est-ce que c'est un arrêté ministériel? Qu'est-ce qu'on fait avec une disposition habilitante jammée en plein milieu de ce mur de mots? C'est une disposition habilitante, mais qui habilite quoi? Un décret? Ça habilite quoi? Un règlement? On ne sait pas.

«Les comités d'éthique compétents sont institués – il se lève un matin, il sort une baguette magique, puis il dit: C'est institué; c'est quoi, cette affaire-là? – par le ministre de la Santé et des Services sociaux ou désignés par lui parmi les comités d'éthique de la recherche existants – nulle part, on ne va les chercher, ces comités d'éthique, hein, c'est dans les affaires du ministère de la Santé et des Services sociaux – le ministre en définit la composition et les conditions de fonctionnement.»

Alors, tout d'un coup, à l'intérieur d'un même article du Code civil, on est en train de renvoyer à un ministre de la Santé et des Services sociaux, on est en train de lui dire qu'il va définir la composition et les conditions de fonctionnement de ce comité-là.

C'est autant d'idées qu'il y a de phrases et de clauses subordonnées là-dedans, M. le Président. Il aurait été très facile de prendre ces idées-là et de faire comme il faut faire, une loi sur l'expérimentation médicale sur les personnes inaptes, puis on traite de ça là-dedans. Ça aurait été la place de le faire, en dehors.

(12 heures)

C'est vraiment un gros problème, M. le Président, d'avoir tenté de faire ça à l'intérieur d'un article du Code civil. J'ai l'impression que le ministre le sait, mais, pour des raisons qui sont les siennes, il a décidé de suivre ceux qui le conseillent au ministère de la Justice, faute de temps, faute d'idées, faute de ressources. On lui avait dit, en commission parlementaire – puis je tiens à le redire en Chambre aujourd'hui – qu'il pouvait être assuré de notre collaboration s'il voulait faire ça dans une loi à part, que, si on avait au moins défait ces idées-là, mis ça dans une loi à part, ça aurait été possible pour nous de faire un débat de fond sur chaque élément de ce projet de loi là. Nos préoccupations, on aurait pu y répondre. Mais, ici, M. le Président, il y a un seul article.

C'est quelque chose qui se lit tellement mal que je me suis fait le devoir, tantôt, justement de faire une lecture intégrale, en un trait, pour que les gens qui nous écoutent puissent suivre de quoi il s'agissait ou de quoi c'est censé s'agir, parce que le ministre tantôt a donné sa lecture.

Vous savez, M. le Président, dans notre système d'inspiration britannique, normalement les travaux préparatoires à l'adoption d'un projet de loi ne servent pas à son interprétation. Bien que, selon une jurisprudence récente de la Chambre des lords, en Angleterre, qui s'applique au Québec, c'est en train de changer, ça. C'est en train de changer parce que justement on a eu recours à l'interprétation des travaux en Chambre, en Angleterre, pour déterminer l'intention du législateur.

Mais, en matière civile, le ministre a raison de faire une lecture détaillée, attentive des notes qui lui ont été préparées par ses proches collaborateurs au ministère, parce que, effectivement, lorsque viendra le temps pour un juge de lire ce qui deviendrait vraisemblablement, si le gouvernement insiste pour utiliser sa majorité pour faire l'adoption de l'article 21 tel que proposé... Ça va être adopté; ce que je viens de lire là, tantôt, va être l'article 21 du Code civil. Mais j'espère que le ministre va y réfléchir un peu. J'espère qu'il va revenir sur sa décision de pousser de l'avant ce projet de loi dans cette forme-là. C'est là où on est pour l'instant, c'est sur cette question de forme, de faire ce qu'il faut faire comme législateur, de présenter un projet de loi à l'Assemblée nationale.

Il va se le faire dire, M. le Président. S'il ne se le fait pas dire par ses fonctionnaires au ministère, il va se le faire dire par d'autres intervenants du milieu juridique. Il va y avoir des articles de revues de droit écrits là-dessus, je suis sûr de ça. Il y a des gens, des civilistes, des gens qui comprennent la spécificité de notre droit civil qui, en prenant connaissance de ce qui serait devenu l'article 21 du Code civil, vont écrire. Ce n'est pas juste des experts, mais je pense à quelqu'un comme Paul-André Crépeau, qui a assumé la lourde tâche de rassembler la première version de ce qui aurait pu être le Code civil du Québec, qui a été, à mon humble point de vue, malmené par le ministère de la Justice pendant quelques années, et qui a retardé l'échéancier pendant plusieurs années, le temps qu'on tente de remettre de l'ordre là-dedans avec l'aide des autres intervenants.

Vous vous souvenez comme moi, quand on étudiait tous, on nous disait: Il y a le nouveau Code civil qui s'en vient. C'était il y a un bon moment. Une chance qu'on a pris la peine d'étudier l'ancien, ça a servi quand même pendant très longtemps parce que le temps que la nouvelle version du Code civil voie le jour, ça a pris des années et des années.

Donc, M. le Président, on exprime notre désaccord, bien entendu – ça, c'était assez clair – mais aussi notre déception, comme parlementaires, que le gouvernement du Parti québécois respecte si peu nos traditions civilistes; «civilistes» voulant dire inspirées du droit civil, du droit civil français. Notre Code civil, celui qui vient d'être changé considérablement, demeure d'inspiration française. Dans nos facultés de droit, quand on veut illuminer un article, on lit souvent les causes et la doctrine, les écrits venant d'auteurs de la France. C'est notre droit civil, une partie importante de notre culture, une partie importante de notre héritage, ici, au Québec.

C'est une erreur d'écrire un tel article qui ne contient pas juste une idée, qui contient tous les éléments pour faire un projet de loi à part, une erreur qui, sur le fond, va apporter vraiment... La meilleure manière de le dire, c'est: «It's a black eye». C'est une tache dans notre Code civil.

Et je peux vous dire une chose, M. le Président, ce n'est pas le genre de chose qui va émouvoir les foules lors d'une campagne électorale, avec raison. C'est assez aride et assez technique. Mais je peux vous dire que, de notre côté, on a toujours porté une attention particulière, un respect pour l'institution qu'est notre Code civil. Le gouvernement du Parti québécois, c'est ironique, parce que ce sont eux qui se targuent d'être les porteurs du flambeau pour défendre les traditions du droit civil et la langue française au Québec. Moi, M. le Président, j'ai hâte de lire les articles qui vont être écrits dans Les Cahiers de droit à l'Université Laval ou dans le Thémis à l'Université de Montréal sur l'article 21 tel que proposé dans le Code civil. Ça, c'est pour la forme.

Pour le fond maintenant, M. le Président, comme je l'ai mentionné tantôt, si on regarde dans d'autres juridictions les dispositions qui existent – je vais renvoyer, par exemple, au National Institute of Health aux États-Unis – on se rend compte que c'est totalement inadéquat, ce qui est proposé ici. C'est défaillant à cet égard-là. C'est quelque chose avec lequel, par contre, on aurait pu travailler, on aurait pu faire avancer dans le cadre d'un projet de loi séparé et on aurait pu le bonifier. C'est quelque chose qu'on va toujours tenter de faire, bien entendu.

Mais on aurait pu y ajouter... Mais ça devient – ha, ha, ha! – un problème additionnel si on commence à ajouter les autres garanties qui doivent exister pour s'assurer qu'on évite le genre de problème que j'ai mentionné tantôt: des expérimentations sur des sans-abri ou des gens qui sont à la limite de la lucidité, les personnes âgées notamment. Bien, si on commence à ajouter ce qui doit être contenu là-dedans, on est en train nous-mêmes d'aggraver le problème qu'on vient de dénoncer. On va avoir un article 21 qui, au lieu d'être de 400, 500 mots, comme il est là, va devenir peut-être de 1 000 mots. Ça va vraiment être un problème.

Alors, pour toutes ces raisons, M. le Président, l'opposition officielle ne peut pas suivre le gouvernement pour l'adoption du projet de loi n° 432 dans sa forme actuelle. D'abord, parce que, côté forme, ce n'est absolument pas acceptable; côté fond, ça ne va pas assez loin. Mais on va évidemment le travailler, on va essayer de le bonifier, on va essayer de s'assurer que ça garantit le respect des droits de tous les individus au Québec, surtout ceux qui sont dans la situation la plus précaire et la plus vulnérable.

Une dernière chose que j'aimerais mentionner – j'y ai fait allusion brièvement au début de mon intervention et je tiens vraiment à le redire – nous exhortons le gouvernement du Parti québécois à réfléchir au geste qu'il s'apprête à poser en adoptant le projet de loi n° 432, alors que toutes les questions si sensibles que nous connaissons tous à propos de la curatelle publique au Québec sont encore sur la table. Le rapport du Vérificateur général, M. le Président, est accablant. C'est un rapport qui dit: Écoutez, on fait confiance à un système qui, sur papier, devait fonctionner dans l'intérêt du public et pour protéger un public vulnérable, ça a été un échec lamentable.

Et encore une fois – ça aussi, ça vaut la peine de le dire – personne ne peut dire que c'est à telle date précise que ça a commencé à foirer à la curatelle publique. C'est un fait, par contre, que les gens démunis, les gens en difficulté, les gens qui ne peuvent pas se protéger eux-mêmes n'avaient plus la protection que, nous, législateurs, pensions leur avoir accordée en adoptant la Loi sur la curatelle publique. Quelqu'un a dormi sur la switch. Il y avait une personne responsable de la curatelle publique pendant des années, qui a fait un travail complètement inacceptable, inadéquat. C'était botché, pour le dire en termes populaires.

(12 h 10)

On va tous travailler pour s'assurer que la curatelle publique dorénavant a les ressources nécessaires pour bien faire sa job. Mais, quand on dit ici qu'on va parler de curateurs, de tuteurs, d'autres personnes qui vont être dans une position pour prendre des décisions pour ces personnes-là, inaptes, on ne peut pas, de bonne conscience, M. le Président, avancer sur ce terrain-là tant qu'on n'a pas la certitude que les mesures nécessaires ont été prises, pas juste pour répondre aux critiques ponctuelles dans les journaux, mais pour vraiment régler le problème de fond dans le domaine de la curatelle, c'est-à-dire lorsque les gens ont besoin de quelqu'un d'autre pour prendre les décisions pour eux autres parce qu'ils ne peuvent pas le faire.

Donc, en terminant et en résumé, M. le Président, le projet de loi n° 432 est inadéquat dans sa forme, inacceptable même dans sa forme. Le projet de loi n° 432 souffre de lacunes majeures sur le fond. On va contribuer à améliorer le projet de loi, à essayer d'enrayer les difficultés sur le fond. Et, même si on parvient à corriger les lacunes, même si en travaillant on arrive à le bonifier et à obtenir un résultat qui marche, on souhaiterait, on exprime le vif souhait qu'on ne mette plus en place un autre système qui, sur papier, noir et blanc, en théorie, va offrir des garanties alors qu'on est en plein milieu du musée des horreurs de la curatelle publique du Québec.

À notre point de vue, M. le Président – le mot n'est pas trop fort – c'est indécent d'arriver et de dire: Bon, là on a une nouvelle loi, puis, cette fois-ci, c'est des expérimentations sur les êtres humains, mais ne vous inquiétez pas, on a mis le ministre de la Santé et des Services sociaux là-dedans, puis il va définir les affaires, puis il va y avoir du monde, puis il va y avoir des comités. Cette fois-ci, ça va bien marcher, avec un article de loi.

On me dit parfois que je porte trop bien mon nom, Thomas, que je doute, des fois. Cette fois-ci, je pense que j'ai raison de douter, M. le Président. Ce projet de loi là, à notre point de vue, de l'avis de l'opposition officielle, ne propose pas suffisamment de garanties pour assurer la protection du public. Et c'est pour ça qu'à ce stade-ci nous sommes obligés d'y être opposés. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Chomedey. Nous allons maintenant céder la parole à Mme la députée de La Pinière. Mme la députée.


Mme Fatima Houda-Pepin

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. Alors, à mon tour, je voudrais faire écho aux commentaires qui ont été présentés par mon collègue le député de Chomedey, critique en matière de justice, en rapport avec le projet de loi qui est devant nous.

Le 13 mai dernier, le ministre de la Justice a présenté le projet de loi n° 432, Loi modifiant l'article 21 du Code civil et d'autres dispositions législatives, un projet de loi en cinq articles, mince, mais qui est porteur de beaucoup de conséquences, surtout pour les personnes qui sont directement visées par ce projet de loi.

Depuis que ce projet de loi a été présenté, nous avons eu des consultations, nous avons écouté des groupes. Et les échos que j'ai reçus sont à l'effet qu'il y a d'énormes inquiétudes et beaucoup de questionnements par rapport à ce projet de loi. Il a des implications sur la vie et l'intégrité physique de personnes les plus vulnérables de notre société. Nous parlons ici de mineurs, nous parlons aussi de majeurs inaptes.

Il s'agit, au fond, d'un projet de loi qui veut modifier profondément le sens et la philosophie du Code civil de façon à faciliter les interventions expérimentales dans le domaine de la recherche médicale. Mon collègue de Chomedey s'est exprimé sur la pertinence de ce projet de loi, sur la pertinence de vouloir modifier le Code civil pour arriver à cette fin que le ministre veut nous proposer. Mais il est clair, d'après la démonstration que mon collègue le député de Chomedey a faite, que le ministre n'a pas pris les moyens législatifs appropriés pour ce faire.

J'ai suivi avec grand intérêt les consultations qui ont eu lieu sur ce projet de loi et écouté les différents intervenants qui se sont présentés et qui se sont exprimés là-dessus. En analysant le pour et le contre, et en toute objectivité, et sans aucune partisanerie politique, parce que ce n'est pas la place de faire de la partisanerie politique quand on parle des personnes les plus vulnérables de notre société, je constate, avec mon collègue le critique officiel, que nous sommes face à un projet de loi qui met en question les droits fondamentaux des citoyens. C'est aussi un projet de loi qui pose une question d'éthique qui est loin d'être résolue par le projet de loi qui est devant nous.

Donc, la finalité, c'est de changer la règle de consentement, dans le cadre des mineurs et des majeurs inaptes, afin de permettre, apparemment, l'avancement de la recherche médicale. M. le Président, il y a plusieurs moyens pour permettre la recherche médicale, et le moyen que le ministre nous propose est le dernier qui pourrait être évoqué, parce que, en fait, ce qu'il nous propose, c'est de prendre des personnes qui sont vulnérables et d'en faire des sujets de recherche médicale.

M. le Président, avant de donner notre consentement à un tel projet de loi – et on voit bien qu'on ne s'est pas aligné sur cette voie-là – il y a de grands débats qui pourraient se faire. Et, bien que je puisse comprendre les objectifs qui pourraient amener par exemple des chercheurs, des scientifiques dans le domaine médical à vouloir utiliser cette voie-là pour favoriser la recherche, je ne suis pas prête à accepter le libellé d'un projet de loi comme celui-là parce que, comme je l'ai dit, il remet en question le principe même de l'intégrité physique des personnes, ce qui est un droit fondamental.

On se rappellera, M. le Président, que depuis l'entrée en vigueur du Code civil, en 1994, seuls les représentants légaux peuvent donner un consentement pour permettre des interventions expérimentales sur les personnes mineures et les majeurs inaptes. Cette protection de l'intégrité physique des personnes malades semble, selon le ministre, freiner la recherche médicale, ce qui fait dire à la communauté scientifique que le Québec serait désavantagé en termes d'investissements étrangers dans la recherche médicale.

Mon collègue de Chomedey l'a dit, à juste titre d'ailleurs, puisqu'il a questionné un certain nombre d'intervenants pour faire la démonstration: Quels sont les projets de recherche que le Québec aurait perdus parce que nous avons une législation qui protège les personnes mineures et les majeurs inaptes? Et la réponse qu'il a eue est loin d'être satisfaisante, est loin d'être convaincante parce que ni le ministre ni aucun intervenant qui est venu devant la commission parlementaire n'ont été en mesure de démontrer qu'il y a réellement un frein à l'investissement étranger dans le domaine de la recherche médicale et qu'il y a un lien de cause à effet entre ce frein à la recherche médicale et la législation que nous avons actuellement dans le Code civil, qui justifierait que le ministre fasse des acrobaties intellectuelles assez affreuses, je dois dire, pour nous amener un projet de loi de cette nature.

Alors, M. le Président, ça, c'est une critique fondamentale parce que ça remet en question la pertinence même du projet de loi que nous avons devant nous. Or, la pertinence, c'est une règle de base. Lorsqu'on présente un projet de loi, il faut qu'il soit motivé parce que ce projet de loi va répondre à des besoins concrets, parce que ce projet de loi va régler des problèmes concrets. Or, ce que nous avons devant nous, ça ne règle pas le problème; au contraire, il ne correspond à aucun besoin réel démontrable de façon concrète et, deuxièmement, il risque de créer d'énormes problèmes.

(12 h 20)

Pour toutes ces raisons, M. le Président, on a plus que des questionnements et des réserves, on ne peut pas suivre le ministre dans cette voie.

Le ministre souhaite élargir la règle du consentement substitué, qui se limiterait aux représentants légaux, à toute personne habilitée à consentir aux soins. C'est l'objet même du projet de loi, et je cite les notes explicatives: «Ce projet de loi modifie l'article 21 du Code civil pour habiliter plus de personnes à consentir...» Je me serais attendue du ministre de la Justice, qui a le souci du respect des droits fondamentaux, qu'il resserre davantage les contrôles autour d'une personne vulnérable pour ne pas que n'importe qui s'implique dans une décision concernant son intégrité physique. C'est tout le contraire que nous avons devant nous.

Donc, l'article 21 du Code civil sera modifié par ce projet de loi «pour habiliter plus de personnes à consentir, pour une personne majeure subitement inapte, à une expérimentation qui, en raison du court délai – on invoque les courts délais pour s'attaquer à des droits fondamentaux qui touchent l'intégrité physique de la personne, M. le Président, je ne peux pas l'accepter; donc, je continue la lecture au texte des notes explicatives – dans lequel elle doit être effectuée, ne permet pas de lui attribuer un représentant légal en temps utile». «En temps utile», M. le Président. Nous sommes en train de chronométrer le temps alors qu'il s'agit ici de la protection d'un droit fondamental.

«De plus, il transfère aux comités d'éthique, désignés ou institués par le ministre de la Santé et des Services sociaux, l'approbation des expérimentations concernant les mineurs ou les majeurs inaptes qui relève actuellement du tribunal ou du ministre.» M. le Président, on a des questions par rapport à cette procédure qui consiste à transférer l'approbation à un comité d'éthique qui serait désigné par le ministre de la Santé.

M. le Président, ce projet de loi nous est présenté à un moment critique. La semaine dernière, on a assisté à un débat troublant touchant justement les personnes dont on parle et qui sont touchées aussi par ce projet de loi. Les personnes vulnérables, dans ce cas-là, ce sont les mineurs et les majeurs inaptes. Le débat que nous avons eu et auquel nous avons assisté des deux côtés de la Chambre...

Pour ma part, j'ai eu l'occasion de participer à l'audience de la curatrice publique et de prendre connaissance du rapport du Vérificateur général là-dessus. C'est troublant, c'est choquant, ce que nous avons appris. Ça nous a interpellés, ça nous a inquiétés de voir que des personnes – et nous parlons ici de 12 000 personnes placées sous la protection de la curatrice publique – parmi les plus vulnérables de notre société sont traitées de la façon que le Vérificateur général nous a révélée.

On n'a pas encore fini de comprendre et de mesurer l'ampleur de la catastrophe qui nous a été révélée par le Vérificateur général que déjà le ministre arrive avec ce projet de loi, le projet de loi n° 432, pour encore en remettre au lieu de protéger les personnes mineures et les majeurs inaptes.

M. le Président, lorsqu'on lit également le projet de loi, lorsqu'on le regarde de près, surtout en ce qui concerne les différentes composantes qui nous sont présentées là-dedans, on note que l'objet de ce projet de loi, c'est d'élargir la règle du consentement substitué, en matière d'expérimentation, en situation d'urgence, sur un majeur inapte de façon à ce que le consentement puisse être donné par la personne habilitée à consentir pour le majeur inapte. On a clairement exprimé notre désaccord avec cette façon de procéder et cette conception qu'a le ministre de protéger les personnes vulnérables.

Le deuxième objectif qu'on dénote dans ce projet de loi, c'est: prévoir que les projets de recherche en matière d'expérimentation soient dorénavant soumis à l'approbation d'un comité d'éthique plutôt que du ministre de la Santé et des Services sociaux. «Comité d'éthique», M. le Président, qu'est-ce que cela suggère? Le projet de loi ne nous donne pas d'indication quant à la composition de ce comité d'éthique, et encore, pas seulement quant à sa composition, mais de quel comité d'éthique il s'agit.

J'ai eu l'occasion en commission parlementaire d'interroger un des groupes qui se sont présentés devant nous et je lui ai posé une question toute simple: Avant de parler de comité d'éthique, pouvez-vous nous dire quelle est votre compréhension de l'éthique? On parle de quoi, exactement? On m'a sorti Le Petit Robert . Je me serais attendue, de gens qui sont des scientifiques oeuvrant dans le domaine, à quelque chose de plus substantiel que ça.

Dans le projet de loi, M. le Président, à l'article 1, on nous dit: «Les comités d'éthique compétents sont institués par le ministre de la Santé et des Services sociaux ou désignés par lui parmi les comités d'éthique de la recherche existants.» «Parmi les comités d'éthique de la recherche existants». Il y en a combien, M. le Président? On parle ici du comité d'éthique dans un hôpital? On parle du comité d'éthique au niveau national? Où va se trouver le lieu de décision? On parle ici de la santé physique, des expérimentations médicales qui pourraient être faites sur des personnes. On ne parle pas de la recherche expérimentale sur des animaux, on parle de sur des personnes. Et la recherche médicale concernant les animaux répond aussi à une éthique, et ça, on peut le comprendre également.

Donc, de ce côté, M. le Président, il y a un flou incroyable sur une question aussi fondamentale: Le comité d'éthique, c'est lequel? Comité d'éthique national? Comité d'éthique dans un hôpital? Comment est-ce qu'il va être constitué? Quels sont les experts qui vont y siéger? Quel rapport ces gens-là vont avoir avec les mineurs et les majeurs inaptes?

On l'a vu dans le cas de la curatrice publique, M. le Président, que ces problèmes qu'on soulève ici, ils sont déjà vécus par des personnes très vulnérables de notre société, et ça a été un scandale rapporté dans tous les médias. Et le ministre trouve le moyen de nous revenir aujourd'hui avec un projet de loi qui touche une problématique qui nous a interpellés énormément pas plus tard que la semaine dernière, et les jours qui vont suivre. Parce que le dossier est loin d'être clos, il y a encore énormément de travail à faire pour nettoyer tous les abus qui sont faits au sein du Curateur public.

M. le Président, nous sommes pour la recherche médicale. Nous sommes pour que le gouvernement mette toutes les énergies, les ressources qu'il faut pour appuyer la recherche médicale. Nous sommes pour la recherche médicale parce que nous voulons que les maladies soient éliminées. Et on ne peut pas être contre cet objectif. Nous sommes contre les moyens que le ministre nous propose pour y arriver. Et le moyen qu'il a trouvé, c'est ce projet de loi n° 432. Et il est irrecevable, ce projet de loi, eu égard au questionnement et aux commentaires que nous avons entendus, et surtout eu égard à la protection de l'intégrité physique des personnes et au respect de leurs droits fondamentaux.

Donc, oui pour la recherche médicale, non pour le moyen que le ministre va utiliser. Oui à l'investissement dans la recherche aussi, que ce soit un investissement privé intérieur ou que ce soit un investissement privé de l'étranger. Les investissements sont les bienvenus. Et nous sommes prêts à travailler, collaborer, même avec le gouvernement actuel, sachant que son bilan sur le plan économique est assez déficitaire, dans l'intérêt des citoyens, dans l'intérêt des entreprises, dans l'intérêt des travailleurs. Nous sommes prêts à investir temps et énergie pour encourager les investissements chez nous, dans tous les domaines, y compris dans le domaine de la recherche médicale.

(12 h 30)

Et je tiens ici à souligner l'appui qu'on apporte à l'industrie pharmaceutique, entre autres; c'est un souci de tous les instants pour nous. Mais le projet de loi qui nous est proposé n'est pas une réponse à tous les questionnements que l'on peut avoir au niveau de la recherche médicale.

C'est pourquoi, M. le Président, je joins ma voix à celle de mon collègue le député de Chomedey et critique en matière de justice pour rappeler le ministre à l'ordre et le rappeler aussi à ses obligations. Il doit refaire ses devoirs. Il doit revoir et entendre tous les commentaires qui lui ont été faits et voir la pertinence. Parce que ce qu'on est en train de discuter ici, M. le Président, ce n'est pas un débat partisan, c'est un débat dans l'intérêt des citoyens, dans l'intérêt de nos mineurs, dans l'intérêt des personnes inaptes.

Et, pour avoir vécu, la semaine dernière, le cauchemar du curateur public, je ne suis pas prête, M. le Président, à aller de l'avant avec ce projet de loi. Je suis convaincue que le ministre, s'il a le moindrement le souci des citoyens et aussi le souci de l'industrie médicale et de la recherche médicale, il va entendre raison et comprendre que les commentaires qu'on formule sont très pertinents.

Pour toutes ces raisons que j'ai évoquées, M. le Président, je ne peux malheureusement pas, bien que l'on soit naturellement tenté de soutenir tout ce qui vient dans le sens d'encourager la recherche médicale, je n'ai d'autre choix que de dire non à ce projet de loi parce qu'il est inacceptable et du point de vue éthique et du point de vue du droit fondamental. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la députée de La Pinière. Nous allons maintenant céder la parole à M. le député de Marquette. M. le député.


M. François Ouimet

M. Ouimet: Merci, M. le Président. Je suis également étonné que ce projet de loi là n'ait pas été retiré par le ministre de la Justice, à la lumière du rapport qui a été déposé la semaine passée par le Vérificateur général de la province. On est sous l'impression que le ministère de la Justice a décidé d'aller de l'avant avec un projet de loi qui avait été établi avant de connaître le rapport du Vérificateur général de la province sur ce qui se passe au niveau de la curatelle publique.

Le collègue du ministre de la Justice, le ministre des Relations avec les citoyens, lui, a fait des déclarations qui étaient très claires, en cette Chambre, la semaine passée. Il voulait y accorder toute l'attention que cela mérite et, une semaine plus tard, on nous présente un projet de loi qui ne vise ni plus ni moins qu'à assouplir l'expérimentation qu'on pourrait faire sur les personnes les plus vulnérables de notre société.

Alors, je suis étonné et, je ne sais pas, peut-être qu'après avoir entendu les députés de l'opposition, ma collègue la députée de La Pinière et le député de Chomedey, le ministre va réfléchir et décider également de consulter son collègue le ministre responsable des Relations avec les citoyens pour dire: Il est peut-être prématuré à ce moment-ci d'aller de l'avant avec le projet de loi n° 432.

On sait comment ça fonctionne dans un gouvernement. Il y a des choses qui sont mises dans le collimateur puis, à un moment donné, il y a d'autres événements qui surviennent en cours de route, comme le rapport du Vérificateur général de la province la semaine passée. Mais, à un moment donné, on oublie de rappeler certaines choses comme le projet de loi n° 482, alors que le Vérificateur général de la province a littéralement bouleversé les parlementaires de l'Assemblée nationale avec les révélations qui étaient contenues dans son rapport par rapport à la curatelle publique. Comme le disait le député de Chomedey, on a assisté littéralement à une révélation d'un musée d'horreur, la semaine passée.

Alors, le ministre de la Justice ne fait aucun signe à ce moment-ci. Je ne sais pas s'il va retirer le projet de loi pour reconsidérer ce que les députés de l'opposition disent. Mais je vais quand même poursuivre, M. le Président, au niveau de mon discours sur ce projet de loi là, parce qu'il y a d'autres problèmes également, comme le signalait le député de Chomedey.

Le but du projet de loi, c'est d'alléger le système légal afin de faciliter les interventions expérimentales dans certaines situations qu'on prétend vouloir encadrer, mais qui, à notre point de vue, sont loin d'être encadrées. On propose une modification au Code civil du Québec et au Code de procédure civile en matière d'expérimentation sur des personnes mineures ou majeures inaptes à y consentir, et afin de quoi, M. le Président? Afin d'élargir la règle de consentement substitué en matière d'expérimentation en situation d'urgence pour un majeur inapte, de façon à ce que le consentement puisse être donné par la personne habilitée à consentir pour le majeur inapte. Et on ne sera plus devant l'obligation de requérir l'autorisation du tribunal lorsque l'expérimentation sera effectuée dans le cadre d'un projet approuvé et ne visant qu'une personne.

Je suis inquiet, M. le Président, parce qu'on me signale... Je n'ai pas eu le bénéfice d'assister à la commission parlementaire sur l'avant-projet de loi, mais on m'a signalé que les personnes qui sont venues témoigner avaient de graves, de sérieuses inquiétudes par rapport à ce que le ministre de la Justice mettait de l'avant. Sur des questions aussi délicates que l'expérimentation sur des personnes inaptes, je pense qu'on ne peut pas procéder, dans une société civilisée, si on n'a pas le consensus d'à peu près tous les partenaires qui peuvent s'exprimer là-dessus.

Il y a des gens qui soulèvent des inquiétudes, et je pense qu'on doit prêter une oreille très attentive par rapport aux inquiétudes qui sont soulevées, lorsqu'on décide de soustraire du tribunal un rôle qui est le sien, une responsabilité, dont il s'est toujours acquitté sans, à ma connaissance, la moindre faille, la moindre tache. Et là on va substituer ça pour un comité d'éthique dont les personnes seront nommées par le gouvernement.

Je vous signale, M. le Président, mes inquiétudes par rapport au ministre de la Santé qui va faire ces nominations-là. Même si c'est entériné, en principe, par le Conseil des ministres, on a vu que le jugement du ministre de la Santé par rapport à ce qui se passe dans notre système, par rapport aux conclusions qu'il en tire, le constat de réalité qu'il pose, c'est très inquiétant – c'est très inquiétant. Et de dire qu'on va substituer au tribunal le ministre de la Santé, avec le saccage qu'il est en train de réaliser dans nos hôpitaux, nos centres d'accueil, nos CLSC, pourquoi donner plus de pouvoirs à une telle personne? Pourquoi donner plus de pouvoirs à une telle personne?

Actuellement, M. le Président, le consentement du représentant du majeur ou du mineur inapte et l'autorisation par le tribunal sont requis pour faire l'expérimentation sur un mineur ou un majeur inapte. Ce qui nous inquiète au plus haut titre, c'est que le projet de loi propose d'enlever l'autorisation de la cour et de donner cette autorisation-là à un comité d'éthique. On ne peut pas prévoir d'avance qui sera nommé sur le comité d'éthique, mais on a vu que, dans certains cas, les nominations qui sont faites par le Conseil des ministres sont entachées de partisanerie. Et on a vu que, dans des positions assez stratégiques, par exemple au niveau de la Commission des affaires sociales, on a nommé des personnes, le gouvernement du Parti québécois a nommé des personnes dont les compétences, pour la fonction qu'on leur donnait, posent de sérieux problèmes. Et mon collègue le député de Chomedey me chuchote à l'oreille: On a nommé quelqu'un qui avait l'expertise d'être un poseur de tapis pour siéger sur la Commission des affaires sociales qui prend des décisions sur des droits des personnes.

Alors, on a des inquiétudes de ce côté-ci, M. le Président, lorsqu'on sait que c'est le même Conseil des ministres, le même gouvernement qui va nommer les responsables sur le comité d'éthique pour faire des expérimentations sur des personnes inaptes. Alors, si le passé est garant de l'avenir, vous comprenez qu'on a des inquiétudes majeures et sérieuses à cet égard-là.

(12 h 40)

Comme le disait si bien la députée de La Pinière, il s'agit du droit fondamental à l'inviolabilité et à l'intégrité de la personne, puis on est en train de jouer là-dedans, M. le Président. Dans certaines circonstances, lorsque les balises sont bien posées, lorsque les encadrements sont là, ont été mis à l'épreuve du temps et des pratiques, comme société, on peut tolérer en autant qu'on ait des garanties. Mais, dans le cas présent, on ne semble pas avoir ces garanties-là, à prime abord.

Je rappelle à la mémoire de tous les parlementaires, je leur rafraîchis la mémoire par rapport à tout ce que nous avons entendu la semaine passée lorsque le Vérificateur général de la province a dévoilé véritablement des histoires d'horreur au niveau des expérimentations qu'on faisait sur des personnes inaptes. Et voilà qu'une ou deux semaines plus tard, M. le Président, on propose un projet de loi qui semble aller à l'encontre du bon sens dont le Vérificateur général avait fait mention.

Alors, je ne sais pas, j'imagine que le ministre doit avoir la même sensibilité que l'opposition à l'égard du respect des droits fondamentaux à l'inviolabilité et à l'intégrité de la personne. Je suis convaincu que, dans son âme et conscience, il doit avoir les mêmes préoccupations. Mais je me demande, je lui dis et j'attire son attention sur le fait que ce qui est contenu dans le projet de loi n° 432 ne doit sûrement pas rencontrer les critères qu'on se fixe comme société civilisée par rapport à ces questions-là, parce qu'il y a un flou dans ce projet de loi là, il y a les encadrements qui n'existent pas, ça arrive à un moment où on a déposé un rapport d'un vérificateur général, rapport qui inquiète l'ensemble de la société québécoise.

Alors, M. le Président, j'invite l'ex-bâtonnier de Montréal, le ministre de la Justice, à prendre un certain recul par rapport à la machine administrative qui le pousse à aller de l'avant avec un projet de loi, mais je lui demande d'assumer pleinement et entièrement les responsabilités qu'il a comme Procureur général, comme ministre de la Justice, de protéger les droits fondamentaux des individus dans notre société. C'est un projet de loi qui sûrement ne répond pas à ses propres critères. Je me demande quel est l'avis du ministre des Relations aux citoyens également lorsqu'il voit son collègue aller de l'avant avec ce projet de loi là devant l'Assemblée nationale après les déclarations que nous avons entendues de sa part et également de la part de notre critique dans ce dossier.

M. le Président, j'ai l'impression, pour les gens qui nous écoutent, que le ministre va dire à son leader parlementaire de stopper les débats sur ce projet de loi là, parce que c'est sûr et certain qu'il va faire face à un barrage de ce côté-ci et une opposition qui veille à l'intérêt de la population. Lorsqu'on voit de telles choses, on se dit: Un ministre de la Justice, on le sait, a beaucoup de dossiers, beaucoup de lois qui sont en marche, peut-être que celle-ci lui a échappé. On lui dit de relire le libellé de l'article 21 qu'on veut modifier, du Code civil du Québec, par rapport à ce qui est présenté devant nous.

Je ne reviendrai pas sur ce que disait le député de Chomedey par rapport à la qualité de la rédaction. Moi, je me souviens, lorsque j'étais étudiant en droit à l'Université McGill, M. le Président, chaque fois qu'on voyait des paragraphes avec cette longueur-là, on savait que ça ne venait pas des codificateurs du Code civil; on savait que ça venait d'un légiste qui avait mal fait son travail. Alors, deux paragraphes aussi longs, ce n'est pas typique de notre Code civil du Québec. Je vous invite, vous qui êtes notaire, à en prendre connaissance, à lire les articles. Rarement on voit des articles aussi longs pour décrire une idée. Or, déjà là, il y a un problème à ce niveau-là, mais ça m'apparaît secondaire par rapport au fond du dossier.

Le fond du dossier, c'est qu'on semble traiter quelque peu à la légère la protection des droits fondamentaux des personnes les plus vulnérables de notre société, M. le Président, et ça m'inquiète beaucoup. Je suis convaincu que, dans son for intérieur, lorsque le ministre entend nos propos, il doit se dire: Peut-être que là-dessus l'opposition a raison. On doit toujours retourner à nos principes de base si quelque part, comme parlementaires, on n'est pas à l'aise avec un projet de loi. Ce n'est pas parce qu'une machine administrative nous pousse à mettre ce projet de loi là de l'avant dans le collimateur de ce qui se passe à l'Assemblée nationale qu'on doit accepter de s'y soumettre. À un moment donné, comme ministre de la Justice, on a une responsabilité pour se lever et dire: Je ne suis pas d'accord avec ce projet de loi là, il va beaucoup trop loin. Attendons de voir le plan d'action que va se donner le gouvernement pour répondre aux carences par rapport à la curatelle publique. Puis, par la suite, si on est sécurisés, voyons voir si nos personnes responsables par rapport à ces dossiers-là sont également sécurisées par rapport à l'encadrement qu'on veut donner sur l'expérimentation faite sur ces personnes-là. Et puis, par la suite, on réévaluera.

Mais, en ce qui nous concerne, en ce qui concerne notre critique le député de Chomedey qui... Son intervention, il l'a faite avec beaucoup de brio, M. le Président. Il m'a rappelé, quant à moi, qu'on a des principes qu'on doit défendre, ici, à l'Assemblée nationale, parce que les lois que nous approuvons vont légitimer certaines personnes à faire des expérimentations sur d'autres personnes. Il faut toujours faire ça avec une grande, grande, grande prudence et ça doit être traité de façon tout à fait exceptionnelle. Et, lorsque des gens viennent en commission parlementaire, on se donne la peine d'inviter des gens en commission parlementaire pour nous donner leur point de vue sur ces choses-là, dès le moment où il y a des hésitations, dès le moment où les gens disent: Ce qui est sur la table nous apparaît inacceptable, moi, je me dis que le rôle du ministre, c'est de retirer son projet de loi. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Marquette. Comme il n'y a pas d'autres intervenants...

M. Ménard: Il y en a ici.

Le Vice-Président (M. Pinard): ...je céderais maintenant la parole au ministre qui peut exercer, à ce stade-ci, son droit de réplique. M. le ministre de la Justice.


M. Serge Ménard (réplique)

M. Ménard: M. le Président, je serai bref. Je dois dire que l'attitude de l'opposition me déçoit considérablement. Je suis convaincu que, notamment pour les deux dernières interventions, elles sont basées sur une mauvaise compréhension du projet de loi, et même, dans une certaine mesure, celle du critique principal.

Je vais vous donner un exemple que je tire du témoignage du Dr Pavel Hamet, du CHUM, du Centre hospitalier, l'un des plus grands chercheurs que connaissent le Québec, le Canada et même l'Amérique du Nord. Et c'est quelque chose qui peut m'arriver à moi, qui peut vous arriver à vous, qui peut arriver à chacun des membres de cette Assemblée. Je suis victime d'un accident cérébrovasculaire; je perds conscience, on m'amène à l'hôpital, on me sauve la vie. Mais il y a de forts risques que je reste paralysé, partiellement ou totalement, pour le reste de mes jours. Il y a actuellement un protocole de recherche dans les centres de grande qualité médicale que sont la métropole et, à un certain point de vue aussi, Québec, dans certaines spécialités. On m'offre de m'inscrire sur ce protocole de recherche, de me donner un nouveau médicament qui a été testé en laboratoire, dans des groupes cibles, etc., mais qui est dans son dernier stade de recherche à travers le monde pour que tous les facteurs locaux puissent être isolés dans la recherche et être étendus dans le monde.

Eh bien, si cet accident actuellement m'arrive à Montréal, ma femme, même si elle sait que je suis ouvert à cela, que j'aurais une chance sur deux de recevoir ce nouveau médicament et de retrouver par conséquent l'usage de tous mes membres et sans souffrir de la paralysie, eh bien, ma femme ne peut consentir, au Québec, alors qu'elle pourrait consentir si cet accident m'arrivait à Paris, à New York, à Boston, à San Francisco, à Toronto, à Berlin, à Londres, à Melbourne, à Sydney. Pourquoi? Parce qu'ici, au Québec, quand je suis inapte, même si ça m'est arrivé de façon soudaine à la suite d'un accident cérébrovasculaire, n'est-ce-pas, j'ai besoin d'un représentant légal pour consentir. Et je n'ai pas évidemment de représentant légal, pas plus que vous, puisque nous sommes parfaitement, actuellement, aptes à consentir.

(12 h 50)

Même chose s'il m'arrive un accident de voiture, que je reste coincé dans ma voiture, que le feu prend, qu'il me brûle considérablement et que je rentre à l'hôpital, perdant conscience. Il existe actuellement des protocoles de recherche sur des cultures de tissus où on a besoin de prendre des prélèvements immédiatement. Eh bien, ma femme ne pourra pas consentir à me mettre sur un pareil protocole de recherche.

C'est ça, le problème particulier auquel je m'attaque. Je voudrais que nous fassions comme à New York, comme à Toronto, comme à Paris, comme à Stockholm, comme à Melbourne, comme à Sydney, comme à Berlin, comme à Londres, et que les gens qui peuvent consentir aux soins, comme mon épouse, comme mes proches, puissent consentir à me mettre sur ce protocole de recherche. C'est ce problème que nous soulevons.

Je suis convaincu que, si les parlementaires avaient été conscients de ce problème particulier lorsqu'ils ont voté l'article 21, ils l'auraient corrigé alors et ils auraient mis le Québec sur le même pied que le reste du monde civilisé. Et dans une situation comme celle-là, M. le Président, qu'est-ce que le problème de la Curatrice publique vient faire? Je ne vois pas l'intervention de la Curatrice publique dans ce cas-ci. Pourquoi dit-on qu'on devrait attendre que – je ne sais pas, moi – les mesures aient été prises? Pourquoi ce qui arrive à la curatelle publique devrait-il nous empêcher de passer ce projet de loi maintenant, qui vient corriger un problème urgent?

Et j'espère que le milieu de la recherche à Montréal va se lever pour convaincre, téléphoner à l'opposition et leur expliquer comment ce projet de loi est nécessaire. Il est nécessaire de l'adopter de façon urgente parce que Montréal perd actuellement un certain nombre de ses protocoles de recherche. Et le mot qui se passe dans la communauté scientifique, c'est: Montréal est un excellent centre pour ce genre de protocole de recherche, mais ils ont un problème avec leur Code civil. On ne comprend pas exactement quel est le problème avec le Code civil, on ne comprend pas qu'il est particulier uniquement aux majeurs qui deviennent soudainement inaptes. Alors, ça crée une situation dans laquelle on se demande toujours si Montréal va pouvoir être capable d'adopter, alors on l'envoie à Toronto ou simplement on ne l'envoie pas à Montréal même si on continuerait à l'envoyer à Toronto. Et là vous voyez bien que les malades d'ici ne peuvent bénéficier, à ce moment-là, de nouveaux médicaments, de nouveaux traitements qui pourraient les aider. Les chercheurs, voyant leurs possibilités de recherche diminuer, vont avoir tendance plutôt à aller à l'extérieur.

Pourquoi est-ce que nous amendons le Code civil? C'est parce que le problème que je soulève, qui empêche ma femme de consentir à Montréal alors qu'elle le pourrait à Toronto, à Boston, à New York, à Paris ou à Londres ou en Australie, n'est-ce pas... Pourquoi? Parce que le problème est dans le Code civil. Il faut donc modifier le Code civil, comme on l'aurait sûrement fait si les parlementaires qui ont adopté le Code civil à ce moment-là avaient été conscients du problème auquel nous faisons face actuellement.

Je peux même dire... J'ai entendu dire, mais je ne l'ai pas vérifié personnellement, que notamment pour les grands brûlés... D'abord, justement pour répondre au critique de l'opposition officielle, oui, il y a des projets qui sont arrêtés actuellement, oui, Montréal ne reçoit pas des protocoles de recherches. Et M. Pavel Hamet, quand il est venu témoigner, en a parlé. Il nous a parlé sur les accidents cérébrovasculaires; on nous a exposé des projets sur les grands brûlés; il y a des projets qui sont retardés sur le choc septique, cette maladie épouvantable qui entraîne la mort des gens dans 60 % des cas et dont une partie importante meurt du traitement – et, d'ailleurs, d'où l'utilité de développer actuellement un nouveau traitement. Et puis je pense qu'on comprend parfaitement, par les exemples que j'ai donnés, en quoi ça peut justement retarder des projets de loi.

J'ai même entendu dire, mais je ne l'ai pas vérifié personnellement – mais, bon Dieu, l'opposition pourrait vérifier, s'ils ont des inquiétudes – que, dans un des grands hôpitaux anglophones de Montréal, on a quand même accepté un projet de recherche sur les grands brûlés sachant qu'on ne pouvait le conduire dans le Code civil actuel, mais en disant: La loi va être changée, alors que dans le grand hôpital francophone on a refusé le même protocole de recherche.

Ensuite, on nous reproche la façon dont c'est écrit. Je reconnais que le paragraphe en question est assez compliqué – et je l'ai vu avant et j'ai voulu m'y mettre moi-même avec les légistes qui l'ont rédigé – mais on m'a soumis qu'on en était rendu à plus de 40 versions de ce paragraphe absolument essentiel. Vous savez, moi aussi, je suis pour que les lois soient bien écrites. Je l'ai dit assez souvent, les lois mal écrites sont d'abord mal comprises avant d'être mal appliquées. Vous voyez, on en avait une loi élégante, avant, et pourtant nous avons trouvé, à l'usage, qu'elle empêchait la recherche, qu'elle empêchait des gens de bénéficier de projets de recherche qui auraient été bons pour leur santé et qu'elle nuisait à la recherche, donc au progrès médical du Québec et au fait que nous gardions ici les meilleurs chercheurs, ce qui a nécessairement ses effets sur la santé publique. Alors, mieux vaut parfois une loi moins bien écrite, mais qui atteint le but visé. Et la raison pour laquelle cette rédaction est si compliquée, c'est justement pour être certain, absolument certain qu'elle ne va pas au-delà du problème auquel nous cherchons à apporter une solution.

Je partage avec l'opposition le souci quelle a démontré de repenser la recherche médicale. Mais je pense qu'eux-mêmes étaient d'accord, au cours de la commission parlementaire, qu'il s'agit là d'une chose qu'on ne peut pas faire trop rapidement, qu'il faut peut-être même une loi complète, distincte du Code civil. Mais c'est là quelque chose de longue haleine. Et c'est effectivement l'un des projets auxquels je réfléchis actuellement, c'est la meilleure façon d'élaborer cette loi, et c'est certain que l'opposition sera mise à contribution.

Mais, en attendant que cela soit fait, voulez-vous que d'autres gens, qu'ils soient victimes d'accidents cérébrovasculaires, d'incendie, de chocs septiques ou de crises cardiaques, ne puissent pas bénéficier, dans cette métropole, des avantages d'avoir des protocole de recherche? Voulez-vous encore que l'on n'offre plus à Montréal les protocoles de recherche qui sont offerts aux grandes métropoles du monde où on peut conduire des recherches médicales fiables parce que le mot se passe qu'à Montréal on a des problèmes avec le Code civil? Je croyais que principalement le critique de l'opposition – peut-être pas les autres membres qui sont venus par après – comprenait cette situation et qu'il était à la fois conscient de sa portée, et de la portée limitée, et de la nécessité d'intervenir et de l'urgence d'intervenir. C'est tout.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre de la Justice.

M. Mulcair: M. le Président, question de règlement.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Oui, M. le Président. Est-ce que le ministre de la Justice, Procureur général et ministre responsable de l'application des lois professionnelles, en vertu de notre règlement, accepterait de répondre à une question, suite à son intervention?

M. Boulerice: M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: M. le Président, je pense que le ministre veut bien répondre à la question du député de Chomedey, mais il y a un Conseil des ministres, et en plus nous devons procéder à l'adoption du projet de loi. Alors, je lui demanderais sa collaboration, et elle pourra être reposée en commission parlementaire, puisqu'il y aura étude détaillée du projet de loi.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: M. le Président, comme vous le savez, en vertu de notre règlement, c'est libre au ministre de refuser de répondre à une question, mais en vertu du règlement j'ai strictement le droit de l'inviter à le faire et je n'ai pas entendu de la bouche du ministre un refus ou une acceptation.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, M. le ministre, est-ce que vous acceptez de répondre à une question?

M. Ménard: Le temps est trop court, il y a d'autres moments où...


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Pinard): Bon, c'est très bien. Alors, à ce stade-ci, le principe du projet de loi n° 432, Loi modifiant l'article 21 du Code civil et d'autres dispositions législatives, est-il adopté?

Une voix: Sur division.

Le Vice-Président (M. Pinard): Sur division. M. le leader adjoint du gouvernement.


Renvoi à la commission des institutions

M. Boulerice: Oui, M. le Président, je fais motion que le projet de loi soit déféré à la commission des institutions pour étude détaillée et que le député de Chomedey puisse poser sa question.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce que cette motion est adoptée? Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, à ce stade-ci, nous suspendons nos travaux à cet après-midi, 15 heures.

(Suspension de la séance à 13 heures)

(Reprise à 15 h 4)

Le Président: Très bien. Veuillez vous asseoir.

Alors, nous allons poursuivre le débat. M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: Oui, M. le Président. Veuillez prendre en considération l'article 1.


Débats sur les rapports de commissions


Prise en considération du rapport de la commission qui a entendu à huis clos le Dr Pierre Couture, chercheur à l'IREQ, sur le projet de moteur-roue électrique

Le Président: Attendez un instant. Alors, si les choses sont correctes, à l'article 1 du feuilleton, l'Assemblée prend en considération le rapport de la commission de l'économie et du travail qui a entendu à huis clos le Dr Pierre Couture, chercheur à l'IREQ, l'Institut de recherche en électricité du Québec, sur le projet de moteur-roue électrique. Alors, ce rapport contient une recommandation.

Je vous rappelle que, conformément aux dispositions de l'article 95 de notre règlement, cette prise en considération donne lieu à un débat restreint d'au plus deux heures et qu'aucun amendement n'est recevable.

Alors, je suis prêt à reconnaître un autre intervenant. M. le député de Marguerite-D'Youville.


M. François Beaulne

M. Beaulne: Merci, M. le Président. Le rapport que la commission de l'économie et du travail vous a déposé représente en quelque sorte un précédent à l'Assemblée nationale. Pour la première fois, une commission parlementaire entendait à huis clos, pendant deux séances de suite, pour un total de six heures, l'inventeur d'un projet, d'un concept qui nous apparaissait extrêmement prometteur et sur lequel nous avions jugé qu'Hydro-Québec et sa direction nous avaient donné des informations pour le moins insuffisantes.

Avant d'aborder plus spécifiquement les recommandations et les commentaires de notre rapport, j'aimerais, pour le bénéfice des collègues et également pour ceux qui nous écoutent, établir un peu la genèse de cette initiative que nous nous sommes donnée. D'abord, c'est une émission du programme Découverte , de Radio-Canada, que j'avais entendue en 1996, au mois de décembre, qui relatait les déboires du projet de groupe-traction du Dr Couture et du moteur-roue électrique qu'il avait conçu à titre d'ingénieur et de physicien nucléaire à Hydro-Québec, travaillant à ce moment-là en relation avec le projet Tokamak.

Au même moment où l'émission Découverte nous relatait les déboires et les dessous inexplicables de ce projet, un autre poste de télévision nous présentait un documentaire sur l'échec du projet Arrow, de la compagnie Avro, en 1958, projet d'un avion militaire supersonique, à l'époque, conçu au Canada par des ingénieurs canadiens, dans des ateliers canadiens, et que le gouvernement conservateur de M. Diefenbaker, à l'époque, avait brutalement interrompu, provoquant ainsi une fuite de cerveaux importants au Canada et, surtout, hypothéquant la mise en chantier d'un avion supersonique de haute technologie, de pointe, qui devait devenir quelques années plus tard le F-18 repris par les Américains.

En juxtaposant ces deux documentaires, celui sur le moteur-roue et celui sur les déboires du projet Avro Arrow, nous nous sommes dit, les députés de l'Assemblée nationale: Il n'est pas question qu'on laisse la même chose se reproduire avec un projet prometteur au Québec.

Peu après, au mois de février 1997, la commission de l'économie et du travail convoquait le nouveau P.D.G. d'Hydro-Québec, M. Caillé, pour échanger avec lui sur les grandes orientations qu'il entendait donner à la société d'État à titre de nouveau président. Nos échanges avaient alors porté sur quatre domaines dont, entre autres, la recherche et le développement. À ce chapitre, nous avions profité de l'occasion pour demander à M. Caillé quelle était la situation de la recherche et du développement à Hydro-Québec et, surtout, pour mettre le doigt sur certains projets qui nous semblaient prometteurs et sur lesquels nous avions détecté un certain cafouillage, dont, entre autres, le projet de moteur-roue électrique.

M. Caillé avait alors admis en commission que tout le secteur de la recherche et du développement à Hydro-Québec était, en effet, un véritable cafouillis et qu'il entendait y mettre de l'ordre. En particulier, il s'était engagé à ce moment-là à aller examiner ce qui se passait du côté du projet de moteur-roue électrique pour voir s'il n'y avait pas lieu de réchapper le projet et de le remettre sur les roues.

Les mois ont passé et j'ai par la suite contacté le Dr Couture, qui est un résident de Boucherville, du comté que je représente à l'Assemblée nationale. M. Couture m'a fait un tour d'horizon de la situation, m'a expliqué un peu le contexte dans lequel il avait été appelé à démissionner du projet moteur-roue en 1995 et les circonstances entourant le démembrement de son équipe.

(15 h 10)

Par la suite, au mois de septembre 1997, nous avions décidé, à la commission de l'économie et du travail, de poursuivre nos échanges avec la direction d'Hydro-Québec et, à l'occasion de l'adoption du plan stratégique d'Hydro-Québec, en février 1998, nous avons tenu une commission parlementaire spéciale, à la fin de février, pour examiner les orientations de ce plan stratégique.

En matière de recherche et développement, nous sommes revenus à la charge auprès de la direction d'Hydro-Québec pour demander à M. Caillé et à ceux qui l'accompagnaient quels étaient les progrès qui avaient été faits dans le domaine du moteur-roue électrique, par rapport aux engagements que la direction d'Hydro-Québec avait pris lors de nos premiers échanges, en février 1997. Bien sûr, à ce moment-là, nous disposions de certaines informations que nous avions glanées ici et là en fouillant un peu dans les dossiers, en consultant certaines personnes, pour nous rendre compte que les réponses qu'on nous avait données à ce moment-là – et je parle de la commission que nous avons tenue en février de cette année, en février 1998 – étaient pour le moins évasives, pour ne pas dire incomplètes. Dans ce contexte, les députés ont jugé pertinent de convoquer le Dr Couture, l'inventeur, à huis clos pour avoir sa version du démembrement du projet et pour juxtaposer son interprétation avec celle que nous avait donnée la direction d'Hydro-Québec.

Avec documents à l'appui, avec attestations, avec des explications techniques, et je dois dire assez techniques, même, de la part de l'inventeur, nous nous sommes rendu compte qu'effectivement il y avait des divergences d'interprétations entre la version que nous avait donnée Hydro-Québec et celle de l'inventeur du moteur-roue. Et plus nous avancions dans nos sessions, plus nous étions déterminés et persuadés qu'il fallait aller au fond de ce dossier pour avoir l'heure juste sur ce qui s'était passé et surtout, dans la mesure du possible, pour réchapper ce projet qui nous apparaissait si prometteur et qui était porteur de dizaines de milliers d'emplois dans toutes sortes de secteurs de l'économie québécoise.

Suite à ces séances à huis clos avec le Dr Couture, nous en sommes arrivés à la conclusion que, pour vérifier si le projet était réchappable, il fallait, entre autres, et je dirais même en particulier, s'assurer que les brevets aient été convenablement protégés dans les différents marchés où on risquait d'avoir de la concurrence. C'est à ce moment-là que nous avons demandé à Hydro-Québec de nous fournir la preuve que ces brevets avaient été adéquatement protégés, ce qu'Hydro-Québec a été incapable jusqu'ici de nous fournir, de sorte que nous avons recommandé, et c'est notre recommandation principale, que le ministre de l'Énergie mandate l'inventeur lui-même, le Dr Couture, pour aller faire le tour du jardin, pour faire le bilan des brevets et donner l'heure juste sur l'état de la protection de ces brevets, autant au cabinet du ministre qu'à la commission parlementaire qui s'intéresse à ce dossier.

Nous jugeons que M. Couture est le mieux placé pour exercer ce mandat parce que c'est lui qui a breveté les différentes phases de son concept de groupe-traction et c'est lui qui est en mesure de nous dire si, oui ou non, ces brevets ont été adéquatement protégés, s'il y a matière à réinvestir des millions pour relancer le projet ou si les brevets avaient été dilapidés au point qu'il deviendrait quelque peu suicidaire d'investir des sommes considérables sans avoir une possibilité de parvenir à une étape de commercialisation intéressante. Nous avons pensé que c'était dans ce contexte-là qu'il fallait, et de façon urgente et à court terme, mandater le Dr Couture pour nous donner l'heure juste sur ce point fondamental, sur cette condition, je dirais, sine qua non de la possibilité de la relance du projet.

Nous avons également décidé de convoquer certaines personnes qui ont été impliquées de près ou de loin dans la décision de mettre un terme au projet de moteur-roue électrique. Et, à cet effet, nous avons convoqué à comparaître devant la commission de l'économie et du travail M. Yves Filion, M. Jacques Germain, M. Daniel Perlstein, M. Armand Couture, M. Yvon Martineau, Mme Sylvie Archambault et quelques autres personnes qui pourraient se rajouter à la liste d'ici au 8 juin, puisque la date de cette convocation a été fixée au 8 juin.

Lors de cette séance, nous tâcherons d'aller un peu plus profondément dans ce dossier en demandant aux personnes que j'ai mentionnées de nous expliquer leur rôle et également de répondre à certaines questions que nous leur poserons à partir des documents et des informations que nous avons obtenus.

L'initiative de la commission parlementaire a fait couler beaucoup d'encre. Et je dois dire, M. le Président, que nous avons donné l'exemple de ce que des députés qui mettent l'épaule à la roue et qui se donnent la main dans l'intérêt du Québec peuvent faire. Vous avez vu, il y a quelques semaines, le député du Bloc québécois, Stéphane Tremblay, qui, pour attirer l'attention de la population canadienne et québécoise sur ce qu'il considère le rôle limité qu'a un député dans le processus parlementaire, avait pris son siège à la Chambre des communes et en était sorti.

Nous, à la commission de l'économie et du travail, nous partageons jusqu'à un certain point les objectifs que visait M. Tremblay, d'attirer l'attention sur le rôle du député dans le processus parlementaire, mais, contrairement à M. Tremblay qui a décidé de partir avec son fauteuil, nous, nous avons décidé d'utiliser nos sièges au maximum pour démontrer que, lorsque les députés s'en donnent la peine et lorsque nous nous attaquons à un projet sur une base non partisane, dans l'intérêt des citoyens, de la population du Québec, nous sommes en mesure de faire avancer les choses. Au point où l'inventeur du moteur-roue, le Dr Couture lui-même, suite aux recommandations de la commission dont nous sommes en train de débattre ici les considérations principales, a admis et a commenté le processus de la commission, la décision de la commission en ces termes, et je vous lis un extrait du Journal de Montréal qui rapportait ses propos: «Soulagé, mais en même temps ravi de la détermination des élus libéraux et péquistes à clarifier le dérapage d'Hydro-Québec dans l'affaire du moteur-roue, le Dr Pierre Couture a tenu hier à souligner l'importance du rôle des députés lorsqu'il s'agit de connaître la vérité sur les agissements d'une entreprise appartenant aux citoyens.» Et on cite, un peu plus loin dans l'article: «Le célèbre physicien disait hier au Journal de Montréal avoir été impressionné par l'esprit non partisan des députés dans ce dossier.»

M. le Président, si la commission de l'économie et du travail et les députés qui la composent mettent tellement d'efforts et d'énergie pour aller au fond de ce dossier, c'est que, d'abord, nous voulons attirer l'attention de la population du Québec, du gouvernement et des autres collègues de l'Assemblée nationale sur la précarité de la recherche fondamentale au Québec. Les différents programmes qui existent, les différentes entreprises d'État ou privées misent surtout sur la commercialisation de la recherche appliquée. Et les orientations contenues au plan stratégique d'Hydro-Québec en matière de recherche et de développement nous font craindre que la société d'État soit en train d'aller dans la direction d'abandonner la recherche fondamentale au profit de la recherche appliquée, commercialisable à court terme. Or, il nous semble qu'il y a ici un risque de dérapage, à moyen et à long terme, important, puisque, si l'on canalise les efforts du côté de la recherche appliquée au détriment de la recherche fondamentale, on risque de se trouver dans une économie de sous-traitants qui, après avoir commercialisé les quelques résultats d'une recherche fondamentale fragmentaire, n'auront plus rien à commercialiser, et nous dépendrons de la recherche qui aura été faite ailleurs pour faire fructifier des pans entiers de notre économie.

(15 h 20)

Quand on sait, d'autre part, que la création d'emplois vient surtout du secteur de la transformation et que, dans le domaine de la technologie et en particulier de la haute technologie, c'est en matière de recherche que les percées les plus fondamentales se font et que la compétitivité d'un pays est assurée par la qualité et la quantité de la recherche fondamentale qu'il effectue, nous nous posons de sérieuses questions et nous voulons nous assurer que nous ne sommes pas ici devant une répétition de l'échec et de l'erreur monumentale qu'avait commise le gouvernement fédéral de Diefenbaker, en 1958, en mettant un terme abrupt au projet d'avion supersonique, qui avait par la suite été repris par les Américains.

Notre préoccupation n'est pas sans fondement, M. le Président, puisque vous avez sans doute vu au cours des dernières semaines, je dirais au cours, même, peut-être, du dernier mois, apparaître à la télévision toutes sortes d'annonces de fabricants de voitures annonçant des percées du côté des moteurs hybrides, annonçant des percées du côté de tractions qui sont à une étape plus avancée que simplement le moteur à combustion tel que nous le connaissons. Eh bien, ces principes-là, le Dr Couture les avait inventés et les avait conçus bien avant que ces fabricants d'automobiles commencent à mettre en marché certains prototypes qui, soit dit en passant et selon les avis du Dr Couture, sont encore bien en deçà de la technologie que son groupe-traction peut nous promettre.

L'autre objectif que nous avions en formulant ces recommandations, c'était de tout mettre en oeuvre pour relancer le projet. Nous sommes incapables à l'heure actuelle de déterminer jusqu'à quel point ce projet est relançable et à quel coût parce que nous ne disposons pas de tous les éléments en main qui nous permettraient de faire cette analyse. C'est la raison pour laquelle nous avons demandé au ministre de l'Énergie de mandater le Dr Couture pour faire le tour des brevets. Sur la base des observations et des recommandations que pourra nous faire le Dr Couture sur la situation des brevets, nous pensons, à ce moment-là, que le gouvernement et que les autres partenaires potentiellement intéressés par ce projet seront mieux en mesure de prendre une décision et d'établir un calendrier de réalisation des différentes étapes de recherche qui demeurent à être parachevées avant de pouvoir commercialiser le produit.

Je rappellerai également que, si l'équipe du Dr Couture n'avait pas été démembrée en 1995, c'est dans un espace de cinq ans, c'est-à-dire en l'an 2000, que le projet aurait été commercialisable. C'est donc dire que nous avons pris un retard dans la réalisation de ce projet. Nous continuons à penser, nous, les députés de la commission de l'économie et du travail de l'Assemblée nationale, que ces délais ne sont pas insurmontables, mais nous voulons en avoir le coeur net. C'est la raison pour laquelle nous ferons venir, le 8 juin prochain, les personnes que j'ai mentionnées plus tôt pour juxtaposer la version du Dr Couture, les faits qu'il nous a déposés, avec ce que ces gens-là auront à nous dire de leur version et de leur interprétation des raisons pour lesquelles, en 1995, on a décidé de démembrer l'équipe du Dr Couture.

Je terminerai, M. le Président, en félicitant tous les membres de la commission de l'économie et du travail. Je sais que, tout à l'heure, mon collègue le député de Saint-Laurent, le porte-parole de l'opposition, interviendra sur le même sujet, mais je tiens à le remercier ainsi que les collègues de l'opposition, qui se sont joints à moi dans cet effort d'aller au fond de ce dossier, de le faire dans l'intérêt du Québec, dans l'intérêt des travailleurs du Québec, de manière à nous assurer que, lorsqu'il y aura des percées technologiques majeures au Québec, ce ne sera pas dit que, chaque fois que nous découvrons quelque chose, ce sont les étrangers qui vont l'exploiter, qui vont nous le ravir, qui vont nous l'acheter ou qui vont se l'approprier. Quand on sait surtout que seulement un diplômé en sciences des universités canadiennes et québécoises, et en particulier au Québec, trouve un emploi au Québec, il ne sera pas dit non plus que les contribuables du Québec financeront, à des coûts énormes, la formation de scientistes qui iront alimenter Silicon Valley, les projets de recherche américains ou les projets de recherche européens sous prétexte que, nous, au Québec, nous ne nous sommes pas donné d'orientation spécifique en matière de recherche fondamentale et que, dès que nous avons un produit ou une recherche prometteuse, nous nous empressons de la dilapider au lieu d'en faire fructifier notre communauté, et je dirai, dans ce contexte-ci, la communauté internationale.

Et je terminerai là-dessus, M. le Président, en rappelant aux collègues que traditionnellement la recherche fondamentale, en particulier dans le secteur manufacturier, a été financée par le complexe industriel militaire depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale. C'est pour des raisons de guerre, de destruction qu'on a fait les percées les plus significatives. Que ce soit dans le domaine du laser, de la propulsion interplanétaire, dans le domaine des télécommunications, c'était toujours en fonction de se doter des équipements militaires les plus performants.

Bien, ici, nous avons quelque chose qui peut contribuer à assainir l'environnement, qui peut maximiser notre ressource fondamentale qu'est notre ressource hydroélectrique, et nous pensons qu'il est temps de mettre un terme à cette tendance qui s'est amorcée depuis la Deuxième Guerre mondiale, à ce que ce soit toujours pour des fins de destruction et à des fins militaires que l'on fasse la promotion de la recherche fondamentale, plutôt que de mettre la recherche que nous avons faite ici, au Québec, au service de l'environnement, de l'amélioration de la qualité de vie mondiale et au service de notre propre croissance économique. Je vous remercie.

Le Président: Merci, M. le député de Marguerite-D'Youville. Je cède maintenant la parole au député de Saint-Laurent.


M. Normand Cherry

M. Cherry: Merci, M. le Président. J'endosse, bien sûr, comme membre de la commission, les propos que vient de tenir le collègue qui m'a précédé dans ce dossier. Vous vous souviendrez que, suite au report des travaux que nous devions faire sur le plan stratégique d'Hydro-Québec, à cause des événements du verglas qu'on a connus en janvier de cette année, les travaux de cette commission ont été reportés en février. Et, lors de ces rencontres, un des volets du plan stratégique d'Hydro-Québec concernait la recherche et le développement. Mais, comme le disait mon collègue, durant cette même période, une émission de télévision, à laquelle il a fait référence, a rappelé à la collectivité québécoise et, bien sûr, à nous, membres de la commission de l'économie et du travail, le potentiel qui se trouvait dans cette invention et la difficulté où se trouvait le moteur-roue au stade où il en était rendu.

Alors, c'est avec beaucoup d'intérêt que nous avons, en commission parlementaire, dès le mois de février, entendu le Dr Couture. À cette occasion, il a tracé les grandes lignes du sort qui avait été réservé au projet de voiture électrique. Mais ça nous est apparu rapidement que les réponses que nous souhaitions obtenir... et on peut comprendre le Dr Couture de les exprimer avec certaines réticences. C'était pour lui une première. Toujours à l'emploi d'Hydro-Québec, qui demeure toujours son employeur, on sentait que ce n'était pas facile pour lui. Mais, quand même, dans ses propos, dès le mois de février, il questionnait, en tout cas il soulevait des interrogations, et ça, de façon très sérieuse, sur la façon dont la haute direction d'Hydro-Québec avait agi avec son projet.

Suite à des questions de notre part, M. le Président, à la direction d'Hydro-Québec pour tenter de comprendre le pourquoi, comment un projet aussi ambitieux, un projet aussi prometteur d'espoir, un projet qui, il me semble, rallie de façon presque automatique l'ensemble de la collectivité québécoise, comment ça se fait qu'un projet confié à Hydro-Québec pouvait aboutir de telle façon, avec un sort aussi peu enviable que celui que nous souhaitons tous pour ce projet... Alors, devant ces faits, devant ces réponses qui étaient loin d'être satisfaisantes, nous avons décidé de proposer au Dr Couture de le recevoir à huis clos. Nous nous sommes tous engagés, membres de la commission, à respecter le huis clos des travaux, et mon collègue disait tantôt: C'est une première au Québec.

(15 h 30)

Je ferai remarquer que nous avons eu deux séances avec le Dr Couture à huis clos, chacune d'une durée de trois heures. Des liasses de documents très importants ont été déposées, des présentations, et, M. le Président, devant la volonté commune des députés d'approfondir ce dossier-là, je ferai remarquer qu'à ce jour aucune des informations qui nous ont été confiées durant ces six heures de travaux n'a été rendue publique. L'ensemble des parlementaires ont respecté leur engagement, parce que nous avons vite senti l'obligation, comme élus, de placer ce projet-là au-delà de la partisanerie. Ce n'est pas un projet sur lequel on peut avoir des vues différentes, comme: C'est quoi, l'avenir constitutionnel du Québec? Ça, on est capables de faire des bonnes discussions là-dessus. Mais, un projet comme celui-là, c'est quelque chose qui, il me semble, d'instinct, fait appel à l'ensemble de la collectivité.

Alors, devant ce qui nous a été présenté, M. le Président, devant les... Je vous dirais que le Dr Couture, s'il y a une chose qu'il a réussie dans son premier trois heures, c'était vraiment de nous convaincre de la logique de la séquence des événements. À chaque fois qu'il nous faisait valoir un argument, il pouvait le soutenir avec une documentation, avec des faits, avec, dans certains cas, des vidéos qui nous relataient des occasions, des dates bien précises, le traitement. On a senti, tous les membres de la commission, qu'il était très important pour le Dr Couture d'établir auprès des membres de la commission sa crédibilité, parce qu'on a vite compris qu'une certaine perception a pu être créée du personnage qu'est le Dr Couture en disant que, bon, il a peut-être un comportement... c'est peut-être le propre des chercheurs qui, souvent... Alors, nous, on a voulu lui accorder tout le temps qu'il fallait pour nous assurer qu'il profite de cette occasion pour pouvoir répondre le mieux possible à l'ensemble de nos interrogations.

Alors, il me semble, M. le Président, qu'il est important de rappeler que le Dr Couture, c'est une légende dans le milieu scientifique mondial. C'est un homme qui est à l'origine de plusieurs projets majeurs, et ce, dans l'histoire scientifique québécoise. Nous avons été à même de saisir l'ampleur du personnage, le charisme qui se dégage de cet homme-là, la sincérité, le pragmatisme. Parce que, bien souvent, on présente ces chercheurs-là, des fois, avec une approche un peu idéaliste, un peu lunatique. Au contraire, le Dr Couture est un homme avec une approche très pragmatique, qui est capable de comprendre que, pour des sommes investies, dédiées à certains aspects de la recherche, elle doit se faire dans des périodes de temps. Il nous a permis de nous sensibiliser à l'importance de l'enregistrement des brevets et du maintien de ces tels brevets et à l'importance de la façon dont, une fois qu'on dépose un brevet, il faut le documenter, comment les avocats, les procureurs choisissent les mots pour bien protéger chacun des aspects de la recherche.

Donc, pour un grand nombre d'entre nous, membres de cette commission, on a apprécié beaucoup la clarté avec laquelle le Dr Couture réussissait à nous sensibiliser, à bien nous communiquer le cheminement de son projet.

On a pu suivre son projet, et il est peut-être important de le rappeler, à ce moment-ci, M. le Président, si on faisait un résumé succinct, l'idée originale du Dr Couture, c'est une idée qui remonte au mois de décembre 1982. C'est comme ça que ça naît, un projet, suite à une situation. Le docteur s'est mis à l'oeuvre, en a parlé avec quelques collègues et, de 1982... On voit, à l'automne 1983, une première version de la conception du moteur-roue, un premier prototype. Ensuite, en 1986-1987, il a été mis en service, le moteur-roue, prototype 1, version 1, avec de nouveaux collaborateurs. Au fur et à mesure que le projet prenait forme, se matérialisait, rencontrait ses premiers objectifs au stade de la recherche et du développement, tout ça avec des bancs d'essai pour rendre compte des résultats de ça...

Bien sûr, pour celui qui occupe un poste, surtout en fonction de sa formation d'administrateur, on a tendance plus rapidement à exiger un rendement tangible, une compréhension, ce qui n'est pas le propre du chercheur. Donc, il fallait que les gens acceptent de travailler ensemble. Il doit s'établir, dans des projets de recherche et de développement, quand des sommes importantes comme celles-là y sont confiées, un lien de confiance. Il faut que les dirigeants fassent confiance et il faut que le chercheur ait la certitude qu'il est appuyé dans l'ensemble de sa démarche pour la mener à bonne fin.

Alors, selon les dires du Dr Couture, de 1982, où l'idée a germé, jusqu'à, si vous voulez, toutes les étapes, 1991, 1992, 1993, jusqu'à l'hiver 1995, tout ça cheminait, bien sûr, peut-être pas au rythme où lui l'aurait souhaité, mais au moins en maintenant cette continuité. Et, selon les faits qui nous ont été communiqués, c'est soudainement, fin 1994, début 1995, que, en tout cas, comme membre de la commission, les réponses commencent à s'obscurcir. Et c'est finalement en août 1995 que le Dr Couture juge que, dans l'état de la situation, il se doit de démissionner comme directeur du projet. C'est à regret qu'il se doit de le faire, mais, comme nous a-t-il dit, pour protéger sa réputation, protéger son intégrité, il a senti le besoin de poser ce geste.

Alors, je vous avoue honnêtement que, pour nous, le témoignage du Dr Couture a galvanisé l'ensemble des membres de la commission, qui ont décidé d'y donner suite dans la forme dont mon collègue a parlé tantôt. Les révélations qui nous ont été faites nous ont rapidement fait décider que voici un projet qui, il me semble, donnerait satisfaction à l'ensemble de la collectivité québécoise.

Mon collègue disait tantôt, et je vous avoue que je n'ai aucune difficulté à m'y associer: C'est un projet qui non seulement aurait pu, mais nous croyons encore aujourd'hui, même avec le retard des quelques années, à cause de l'avance technologique... C'est un précurseur, c'est un pionnier. Pendant que d'autres, avec des moyens beaucoup plus énormes que ceux qui ont été mis à la disposition de l'équipe du Dr Couture... La technologie du Dr Couture est encore à l'avant-garde de ces projets-là, et nous demeurons, comme membres de la commission, convaincus qu'il y a moyen de remettre ce projet-là en opération en reformant l'équipe. Et on croit que, même avec les retards de deux ans ou deux ans et demi qu'on a pu subir à cause des aléas que nous tentons d'éclaircir, on peut encore identifier cette découverte technologique comme encore à l'avant-garde avec un potentiel extrêmement important.

C'est un projet qui peut encore propulser le Québec tant au niveau de la recherche fondamentale que de la production industrielle. C'est un projet qui, à date, M. le Président, a des investissements d'environ 40 000 000 $. Pour qu'un projet dans lequel on met 40 000 000 $ soit presque virtuellement mis sur la tablette, il me semble qu'on se doit d'aller au fond des choses et de voir si c'est le seul sort qu'on puisse donner à ce projet-là ou s'il n'y a pas véritablement moyen de lui faire faire un pas en avant.

(15 h 40)

C'est un développement majeur qui deviendra un fleuron industriel qui présentement semble pour le moins abandonné. C'est un projet, comme le disait mon collègue, qui peut encore procurer un positionnement stratégique pour le Québec, à l'aube du XXIe siècle, pour créer des milliers d'emplois, et le mot n'est pas trop fort, des milliers d'emplois. Inutile de parler des besoins de création d'emplois, chez nous, au Québec.

Nous avons voulu comprendre et nous voulons toujours comprendre. Nous sommes à la poursuite de notre quête de la vérité. S'agit-il d'incompréhension, d'incompétence? Est-ce que tous ces gestes ont été posés de bonne ou de mauvaise foi? Nul ne pourrait le dire sans que l'on poursuive le processus dans lequel la commission s'est engagée. Il nous semble essentiel que la vérité sorte pour que nous puissions avoir la satisfaction que tous les efforts ont été mis à contribution pour mieux permettre à ce projet qui, il me semble, serait une réussite pour la collectivité québécoise...

C'est donc dans cet esprit, M. le Président, que nous avons décidé de donner un mandat d'initiative à la commission afin d'examiner davantage le groupe de traction. Qu'en est-il arrivé des brevets? Ont-ils été maintenus? Ont-ils continué à être protégés? Souhaitons tous oui, sinon pourquoi ont-ils été abandonnés? Pourquoi a-t-on laissé tomber la protection? Dans quel état se retrouve tout ça? Est-il trop tard? Nous souhaitons tous collectivement que non.

Donc, des noms ont été cités des gens qui ont été convoqués et, comme le disait mon collègue, d'autres s'y ajouteront. Ils seront informés incessamment de passer, de venir avec nous nous donner les explications. Et il semble que tout cela pourra se produire le 8 juin prochain. Ces personnes seront convoquées en bonne et due forme et devront comparaître. On a bon espoir tous ensemble que la vérité puisse enfin être faite sur les circonstances qui ont entouré l'abandon de ce projet extraordinaire, et je le répète, qui, je crois, peut toujours mettre le Québec sur la carte technologique de la planète.

Mon collègue le disait tantôt, et dans ma carrière antérieure j'ai passé ma vie dans le domaine de l'aéronautique, et c'est vrai que la quasi-totalité des progrès dans ce domaine-là ont toujours découlé d'efforts militaires, de plans de recherche et de développement pour des travaux militaires avec par la suite bien sûr une application dans les domaines commercial et industriel.

Voici ici l'avantage non seulement pour une percée technologique importante sur le plan mondial, pour la reconnaissance des compétences du Québec, pour la création de nombreux emplois, mais pour une contribution extraordinaire sur la qualité de l'environnement, non seulement la nôtre, mais le potentiel de cette technologie-là, on n'a qu'à penser aux pays surpeuplés, on n'a qu'à penser à tous ces pays ou à l'utilisation de voitures, d'automobiles, l'essence, la pollution. On n'a qu'à penser à ça et regarder comment cela pourrait mieux contribuer à la qualité de vie sur l'ensemble de la planète. C'est pour ça qu'on y tient tellement.

On a bon espoir que la vérité va pouvoir enfin être trouvée. Et ça me semble, à ce moment-ci en tout cas, pour celui qui vous parle, plus important de pouvoir relancer le projet que de trouver qui sont coupables. Ça me semble secondaire.

En terminant, je le ferai, et ce, je pense de la même façon que l'a fait mon collègue tantôt: souligner l'esprit dans lequel les travaux de la commission de l'économie et du travail sont effectués. C'est un esprit de non-partisanerie qui est malheureusement trop souvent absent de nos débats dans cette Assemblée. Mais on a pu constater que c'est possible, que c'est possible, M. le Président, de mettre les intérêts supérieurs du Québec au-dessus de toute considération partisane.

Je voudrais ici remercier mes collègues, et ce, des deux formations politiques pour la collaboration qu'ils ont apportée au processus et le sérieux qu'ils ont apporté aux travaux de la commission. Et je peux vous dire, M. le Président, que je suis fier d'être membre de cette commission. À date, dans ma carrière politique, l'expérience des travaux de cette commission sur le moteur-roue en est une qui, comme parlementaire, m'apporte beaucoup de satisfaction et beaucoup de fierté pour la profession de législateur que j'ai choisie. Merci, M. le Président.

Le Président: Très bien. Je pense que cela complète le débat restreint qui avait été prévu. Alors, vous me permettrez, comme président de l'Assemblée, de féliciter les membres de la commission parlementaire qui ont pris cette initiative, qui l'ont menée. Je pense que, effectivement, pour l'institution parlementaire, non seulement de prendre des mandats d'initiative, mais d'en faire rapport à l'Assemblée et de faire en sorte que... est un des moyens qu'on a à notre disposition qui n'est pas aussi souvent utilisé qu'on devrait le faire. Alors, j'espère simplement que ceux qui s'intéressent à cette question-là sauront apprécier la contribution des parlementaires de l'Assemblée nationale. Alors, pour la suite, M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: M. le Président, je vais, suite à une entente, vous indiquer que nous allons procéder à l'étude de certaines adoptions de principe concernant des Innovatech. Je vous demanderais de reconnaître les articles 14, 15, 16 et 17, le débat ayant à être fait tout ensemble, de part et d'autre, du ministre responsable et du porte-parole de l'opposition, M. le Président.


Projets de loi nos 434, 435, 436 et 437


Adoption du principe

Le Président: Bon. Alors, M. le ministre d'État à la Métropole propose l'adoption du principe du projet de loi n° 434, Loi sur la Société Innovatech du Grand Montréal. Est-ce que vous voulez, M. le leader du gouvernement... Les quatre en succession, là. Alors, le ministre délégué à l'Industrie et au Commerce propose l'adoption du principe du projet de loi n° 435, Loi sur la Société Innovatech Régions ressources. Le ministre délégué à l'Industrie et au Commerce propose également l'adoption du principe du projet de loi n° 436, Loi sur la Société Innovatech Québec et Chaudière-Appalaches. Et, finalement, M. le ministre délégué à l'Industrie et au Commerce propose aussi l'adoption du principe du projet de loi n° 437, Loi sur la Société Innovatech du Sud du Québec. Alors, je suis prêt à reconnaître une intervention. M. le ministre délégué à l'Industrie et au Commerce.


M. Roger Bertrand

M. Bertrand (Portneuf): Merci, M. le Président. Alors, effectivement, en ce qui regarde le projet de loi n° 434, il s'agit bien de votre humble serviteur, le ministre délégué à l'Industrie et au Commerce, au nom du ministre d'État à la Métropole. Alors, M. le Président, j'informe les membres de cette Chambre que l'honorable lieutenant-gouverneur a pris connaissance des projets de loi en question et en recommande l'étude à l'Assemblée.

M. le Président, il me fait plaisir, donc, de procéder à cette intervention dans le cadre de l'adoption du principe des projets de loi que vous venez d'appeler. Les sociétés Innovatech font partie de la stratégie de développement économique du gouvernement pour accroître les investissements privés et stimuler la création d'emplois. À cet effet, il devient opportun de remplacer les sociétés Innovatech existantes de façon essentiellement à transformer celles-ci en sociétés à fonds social et à accroître leur capital autorisé de 60 000 000 $ à 75 000 000 $ dans le cas de la Société Innovatech Québec et Chaudière-Appalaches, de 40 000 000 $ à 50 000 000 $ pour la Société Innovatech du Sud du Québec et de 300 000 000 $ à 350 000 000 $ pour la Société Innovatech du Grand Montréal.

Nous procéderons également, par l'adoption éventuelle de ces projets de loi, à l'abolition de la clause crépusculaire qui prévoyait la fin des activités des sociétés le 31 mars de l'an 2000. Également, ces projets de loi mettent à jour les dispositions eu égard à la composition, aux droits et obligations, aux pouvoirs et au fonctionnement des conseils d'administration et des membres de ces conseils, en tenant compte du fait que les sociétés seront dorénavant des sociétés à fonds social. Nous allégeons également l'encadrement juridique des modes d'intervention des sociétés, qui seront maintenant approuvés par un décret plutôt que par un règlement.

(15 h 50)

Par ailleurs, une quatrième société vouée au développement des régions ressources sera mise sur pied. Cette mesure vise à répondre à une demande expresse des milieux régionaux. La loi de cette nouvelle société sera identique à celle des autres sociétés Innovatech, à l'exception du niveau du fonds social autorisé, qui s'établira à 50 000 000 $, ce qui lui permettra de participer à la réalisation de projets totalisant plus de 250 000 000 $. Cette nouvelle société desservira le territoire constitué des régions suivantes: Bas-Saint-Laurent, Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine, Saguenay–Lac-Saint-Jean, Abitibi, Côte-Nord et Nord-du-Québec.

En devenant, donc, des compagnies à fonds social, les sociétés pourront en conséquence bénéficier des attributs conférés à des sociétés d'État comparables et davantage en accord avec la pratique des affaires, notamment un conseil d'administration de neuf membres nommés pour trois ans par le gouvernement, dont le président-directeur général est membre d'office.

Le règlement interne de chacune des sociétés pourra permettre que la signature sur un acte, document ou écrit engageant la société soit apposée au moyen d'un appareil automatique ou qu'un fac-similé de la signature soit gravé, lithographié ou imprimé sur ces documents. De même, la transcription écrite et intelligible d'une décision ou de toute autre donnée emmagasinée par la société sur ordinateur ou sur tout autre support informatique constituera un document officiel de la société lorsqu'elle aura été certifiée conforme par une personne autorisée.

Ces projets de loi comprennent également des dispositions protégeant les administrateurs en cas de poursuite relativement aux actes posés dans l'exercice de leurs fonctions. Ces nouvelles dispositions obligeront les sociétés, par exemple, à assumer les dépenses de leur administrateur s'il est poursuivi par un tiers pour un acte posé dans l'exercice de ses fonctions et à payer des dommages et intérêts résultant de cet acte, sauf faute lourde ou personnelle séparable de l'exercice de ses fonctions.

En ce qui regarde maintenant la mission et les pouvoirs desdites sociétés, celles-ci, y compris la nouvelle Société Innovatech Régions ressources, continueront d'avoir pour mission de promouvoir et de soutenir les initiatives propres à accroître la capacité d'innovation sur leur territoire et à améliorer ainsi la compétitivité et la croissance économique du Québec.

Pour réaliser leur mission, les sociétés continueront de pouvoir susciter, accueillir et évaluer les initiatives susceptibles de renforcer la capacité d'innovation technologique sur leur territoire, d'associer à ces initiatives des partenaires des secteurs privé et public, de participer financièrement à la réalisation de ces initiatives et de favoriser la participation financière de particuliers, de sociétés et de personnes morales à ces initiatives.

Par ailleurs, le ministre responsable pourra donner à la société des directives portant sur ses objectifs et ses orientations, lesquelles devront être préalablement soumises à l'approbation du gouvernement. Ces directives lieront la société et devront être déposées à l'Assemblée nationale. Enfin, les règlements des sociétés ne seront pas sujets à la ratification de l'actionnaire.

En ce qui regarde maintenant quelques mots concernant les dispositions financières, afin de consacrer le statut de société de capital de risque des sociétés Innovatech et d'effectuer l'arrimage entre la provenance de leurs fonds et la principale forme d'utilisation de ces mêmes fonds, chaque projet de loi crée un fonds social en faveur de chaque société: 350 000 000 $ pour la Société du Grand Montréal, 75 000 000 $ pour la Société Québec et Chaudière-Appalaches, 50 000 000 $ pour celle du Sud du Québec et 50 000 000 $ pour la Société Innovatech Régions ressources. Les actions, d'une valeur nominale de 100 $ chacune, sont attribuées au ministre des Finances, lequel sera autorisé à faire des versements à chaque société avec l'approbation préalable du gouvernement à même le fonds consolidé du revenu.

Le ministre des Finances effectuera une souscription au capital-actions, dès le départ, d'un montant égal à leur avoir accumulé au 31 mars 1998 et aux avances versées par le gouvernement à la date d'entrée en vigueur de la loi afin d'effectuer la transition comptable eu égard aux anciennes sociétés. Ces modalités de versement du capital-actions conféreront aux sociétés la flexibilité requise dans la planification et la gestion de leurs opérations, de même qu'une intégration efficace aux accords de libéralisation des marchés conclus par le gouvernement.

De plus, à la suite du rachat d'une partie du capital-actions par le ministre des Finances en vertu de la Loi sur la réduction du capital-actions de personnes morales de droit public et de leurs filiales, ce dernier sera autorisé à souscrire, avec l'approbation au préalable du gouvernement, du nouveau capital jusqu'à concurrence du montant racheté antérieurement afin de restaurer le fonds social au niveau existant avant le rachat.

En plus de pouvoir bénéficier de la garantie gouvernementale pour certains engagements, tels leurs emprunts ou leurs investissements, les sociétés ou une de leurs filiales pourront dorénavant recevoir des avances du ministre des Finances sur autorisation préalable du gouvernement. En contrepartie, comme les sociétés d'État à fonds social similaire, les sociétés seront soumises à certains contrôles gouvernementaux, notamment la conclusion d'emprunts et l'acquisition d'actions au-delà des limites fixées par le gouvernement.

De plus, comme c'est le cas présentement, les sociétés devront obtenir l'approbation du ministre responsable de chacune des sociétés et du ministre des Finances lorsque le montant de leur participation financière à une initiative sera supérieur à 5 000 000 $ et l'autorisation du gouvernement lorsque ce montant sera supérieur à 10 000 000 $. Les sociétés devront également soumettre leur plan de développement à l'approbation du gouvernement, lequel en déterminera au préalable la forme, la teneur et la périodicité. Enfin, les dividendes payés par les sociétés seront fixés par le gouvernement et non par le conseil d'administration.

Voilà, M. le Président, l'essentiel du contenu de ces projets de loi concernant les sociétés Innovatech. Je dois situer, en terminant, cette initiative dans l'ensemble de la stratégie du gouvernement en ce qui regarde le développement de l'économie et de l'emploi. Comme vous le savez, dans le dernier discours sur le budget, mon collègue M. le ministre des Finances et ministre d'État de l'Économie et des Finances indiquait une série de moyens pour parvenir à faire en sorte que le Québec puisse combler cet écart quasi historique, qui date de plusieurs décennies, quant à sa performance en ce qui regarde la création d'emplois et le niveau des investissements, le rythme des investissements, le rythme de croissance des investissements, lorsqu'on compare, donc, ce qui se passe au Québec depuis bientôt 50 ans avec ce qui se passe dans certaines des économies qui nous sont concurrentes.

Alors, le ministre des Finances a proposé un certain nombre de mesures, notamment pour améliorer la compétitivité des entreprises, faire en sorte que, du point de vue, par exemple, de la formation du personnel, du point de vue de l'introduction de nouvelles technologies dans nos entreprises et également du point de vue de l'acquisition ou le fait de percer au niveau des marchés autant domestiques qu'étrangers, on puisse utiliser un certain nombre d'outils à la portée du gouvernement du Québec. Et notamment en ce qui regarde dans cet objectif que nous avons de favoriser l'introduction de nouvelles technologies dans nos entreprises et également de maximiser les investissements au Québec, autant des investissements de Québécois et de Québécoises dans l'économie du Québec que des investissements de l'étranger, nous nous donnons un certain nombre d'outils de travail que sont les sociétés Innovatech du Sud du Québec, de Chaudière-Appalaches, des Régions ressources et du Grand Montréal. Merci, M. le Président.

Le Président: Merci, M. le ministre. M. le député d'Orford maintenant.


M. Robert Benoit

M. Benoit: Oui. Merci, M. le Président. Pour les gens qui nous écoutent, nous en sommes à la première étape, soit à l'adoption du principe du projet de loi, et peut-être que les gens qui viennent tout juste d'arriver auront un peu de misère à comprendre que nous parlons de quatre projets de loi, alors que normalement, à l'Assemblée nationale, nous faisons la lecture de chaque projet de loi à la fois. Alors, il y a eu une entente de part et d'autre pour que les quatre sociétés Innovatech, soit les sociétés Innovatech Chaudière-Appalaches, Régions ressources, la nouvelle qui va être créée, le Sud du Québec et Grand Montréal, que dans les quatre cas nous puissions... Finalement, c'est le même projet de loi si ce n'est, au niveau de la capitalisation, les fonds qui seront légèrement différents, passant de 50 000 000 $ dans deux cas, 75 000 000 $ dans un cas et 350 000 000 $ dans le cas du Grand Montréal.

(16 heures)

Alors, nous avons proposé au gouvernement, et il nous avait déjà fait une autre proposition, de finalement passer les quatre projets de loi. Je dirai d'emblée au ministre qu'au niveau de l'adoption du principe nous sommes pour le projet de loi. Le ministre va se réjouir, on lui a causé tellement de durs temps ces derniers temps dans d'autres projets de loi. Mais dans ce cas-là nous pensons que l'initiative que prend le gouvernement, à la demande des sociétés Innovatech, est valable.

Je voudrais rappeler aussi au ministre et aux gens qui nous écoutent que l'idée des sociétés Innovatech est une idée qui est venue du Parti libéral, sous Robert Bourassa, à une époque où M. Bourassa venait d'écrire un livre sur la haute technologie. Il s'était aperçu qu'il y avait un problème de capitalisation dans la haute technologie et il avait créé la première Innovatech. De là, finalement, le Québec, maintenant, a ses sociétés Innovatech.

Je dois avouer, d'autre part, M. le Président, que ce n'est pas parce qu'on va aider le gouvernement à aller rapidement – parce qu'on a besoin, au Québec, d'aller un peu plus vite, je citerai des chiffres tantôt – et à aller un peu plus vite dans la création d'emplois que les choses vont bien au Québec. Et vous comprendrez que, si on veut aller un peu plus vite, c'est parce que ça ne va pas assez vite. Je rappellerai à ce gouvernement qu'à une autre époque il y a eu un gouvernement qui a été là, qui, après trois ans et demi – c'est ça que le PQ a été en place – n'a toujours pas de grande politique économique. Moi, ça fait trois ans et demi qu'on me dit qu'on va déposer une politique économique. On a eu un sommet socioéconomique, on a eu deux premiers ministres, on a eu un référendum, on a dit: Ça s'en vient, ça s'en vient, vous allez avoir une belle politique économique, au Québec. On y croyait. Pendant ce temps-là, on voyait bien qu'alentour de nous, aux États-Unis, au Nouveau-Brunswick, en Ontario, les choses allaient vite, allaient rondement, qu'il y avait une richesse communautaire qui se créait – pour ne pas parler aussi de la richesse individuelle, dans bien des cas – et que, nous, nous n'étions pas là. Pendant ce temps-là, on attendait. Trois ans et demi.

Je rappellerai à ce gouvernement qu'à une autre époque un gouvernement a créé la Baie-James, avec 100 000 emplois, que les Innovatech ont été mises en place, que les grappes industrielles avaient été mises en place, que les heures d'ouverture avaient été changées pour créer la richesse chez nos commerçants, parce que les gens allaient magasiner aux États-Unis, que les Maisons du Québec ont eu une vocation économique, avec Paul Gobeil, lesquelles Maisons sont fermées maintenant en grande partie, que l'écart des niveaux fiscaux entre l'Ontario et le Québec était disparu, alors qu'il y avait des écarts épouvantables neuf ans après – nous ferons disparaître ces écarts d'impôts là! – que le libre-échange a été mis en place au Québec avec Robert Bourassa, M. Johnson et ce Conseil des ministres. Alors, il y avait une politique économique précise, M. le Président, et la haute technologie n'avait pas fait exception, bien sûr, avec les sociétés Innovatech.

Après trois ans et demi, je l'ai dit hier et je le redis aujourd'hui, on s'attendait à quelque chose d'extraordinaire, de ce côté-ci de la Chambre. On s'attendait à une politique économique, depuis le temps qu'on en entendait parler, depuis le temps qu'il y avait des réunions et, comme dit Alain Dubuc ce matin, dans La Presse : «Depuis le temps qu'il y avait – il prend une expression tout à fait extraordinaire – ce jovialisme, on le retrouve à développer une culture des sommets, une espèce de jovialité qui consiste à croire qu'à force de dire que tout va bien et d'insister sur les éléments positifs les choses finiront par aller mieux.» Alors, on en avait tellement entendu, M. le Président – un peu ce que Dubuc dit ce matin – on était sûr que ce serait extraordinaire, cette politique économique, et là on se retrouve, après trois ans et demi... L'ensemble des intervenants économiques sont déçus, c'est deux organigrammes, finalement, et pas grand vision dans tout ça, à peu près 300 pages de papier. Le soir du budget, on se demandait s'il y avait une erreur à la quantité de papier qu'on nous apportait. Ça nous a pris à peu près toute la fin de semaine pour lire tout ça et pour comprendre finalement qu'on avait noyé très peu d'idées dans une paperasse à n'en plus comprendre.

M. le Président, le ministre aura beau nous dire que ça va bien au Québec, ce matin, quand on s'est réveillés, tous et chacun, et qu'on est allés acheter La Presse , qu'on a lu l'éditorial d'Alain Dubuc, je pense que là ça nous a ramenés à la juste réalité des choses; et l'en-tête est assez clair: Quand la politique tue l'économie . M. le Président, ça fait des mois et des années que, autant le député de Laporte que moi... Et M. Johnson l'a dit: Quand le ministre nous dit que ça va bien... Encore aujourd'hui, le ministre des Finances nous a sorti un graphique, puis on ne savait pas s'il le regardait à l'envers ou à l'endroit, là, ce n'est pas grave. Je lui rappelle des chiffres. Depuis janvier 1996 – ce n'est pas moi qui parle, là – il s'est créé, au Québec, 60 000 emplois nouveaux. Pendant cette même période, l'Ontario en créait 330 000, et le Canada, 612 000. Il dira un peu plus tard: «L'économie du Québec [...] est fondamentalement exclue de la vague de prospérité qui déferle depuis plusieurs années sur le reste de l'Amérique du Nord.»

Le ministre va nous répondre tantôt, dans son cinq minutes – parce que, à force de travailler avec, je commence à connaître la cassette – il va nous dire: Oui, mais, quand vous étiez là, vous n'avez pas créé un seul emploi. Ah, bien, on va y répondre, à ça. Oui, oui, on va y répondre, à ça. En ce moment, le Québec en crée 60 000, l'Ontario en crée 330 000. Pendant que nous étions là, l'Ontario en a perdu 80 000 et le Québec n'en a pas perdu un seul. Parce qu'il y avait une récession, il s'en perdra 80 000 en Ontario, et le Québec n'en perdra pas un seul. Alors, déjà là, de ne pas avoir reculé en pleine crise économique, c'était déjà beaucoup.

Jean-Guy Dubuc nous rappellera aussi, toujours dans cet éditorial de ce matin, M. le Président, qui a trait au projet de loi, que, «en 1997, Montréal, avec un taux de chômage de 10,9 %, était, et de loin, la seule des 24 grandes villes nord-américaines à afficher un taux de chômage supérieur à 10 %». Faut le faire! Je comprends qu'on est une société distincte, je comprends que le PQ peut nous parler de ça souvent, que, nous, on est bien distincts, au Québec, mais les réalités économiques nous retrouvent même si nous sommes distincts. Dubuc nous dira un peu plus loin: «C'est le Québec qui détient le championnat du taux de pauvreté, pire qu'à Terre-Neuve, avec 17,2 %.» Si c'était moi qui le disais, vous pourriez en douter.

Finalement, je ne veux pas tout lire l'éditorial, mais je pense qu'il finit en disant: «Ce que montre notre sous-performance économique, c'est qu'il y a un coût à payer pour notre débat politique[...]. Et voilà pourquoi, quand on apprend, la même semaine, que le chômage augmente au Québec et que le premier ministre Bouchard, pour des raisons politiciennes, décide de convoquer une commission parlementaire sur la déclaration de Calgary, on veut se pincer[...]. Au Québec, la politique tue l'économie.» C'est ça: la politique tue l'économie! On s'évertue, de ce côté-ci de la Chambre, à le dire depuis trois ans et demi, presque quatre ans. Continuez à parler de souveraineté, continuez à dire aux Américains qu'ils peuvent parler deux langues, mais, quand vous revenez ici, vous dites aux gens qu'ils peuvent parler seulement une langue. Allez dire aux Chinois dans le Chinatown que vous n'aimez pas ça, leurs pancartes en chinois, etc., toutes ces approches, je dirais, un peu excentriques qu'on a vues depuis trois ans et demi.

Parlons maintenant du Conseil de la science, parce que ce projet de loi là, M. le Président, il s'adresse directement à la science et à la technologie. Au Sommet socioéconomique, j'étais assis, moi, j'étais dans l'ombre sur une estrade, une petite chaise en arrière. Il y avait les grands sages alentour de la table, qui avaient le droit de parler à peu près trois minutes et demie en trois jours, et puis il y avait le peuple comme nous. Nous étions à l'ombre, à l'arrière, et on a écouté, on a écouté patiemment ces grands sages. À la fin, le seigneur est descendu et nous a fait un beau discours et il a dit, dans ce discours – c'était le 1er novembre 1996, c'était le premier ministre: Le lancement et la mise en oeuvre prochains d'un plan d'action en science et technologie... Ce plan d'action permettra de relever trois défis importants, soit le soutien à la culture scientifique et technique, à la formation, l'efficacité du système d'innovation et la stimulation des capacités de valoriser de la recherche. Le 1er novembre 1996, et nous sommes au 24 mai 1998, aujourd'hui!

Qu'a dit, le 11 décembre 1997, soit il y a quelques mois... Alors, le Conseil de la science et de la technologie déposera son rapport. Dans le communiqué de presse qu'ils déposeront, Rapport de la conjoncture sur l'état et les défis de la science et de la technologie au Québec ... Ce rapport est signé par le président, bien sûr, M. Camille Limoges, et on pourra y lire, M. le Président: Le Québec... Trois ans et demi après leur élection, un grand sommet socioéconomique où on a dit des belles grandes phrases, un document. Alors, qu'est-ce que dit le président du Conseil de la science et de la technologie? «Le Québec n'a plus – donc, il en a déjà eu – de politique explicite pour orienter, coordonner et évaluer ses actions de soutien à la science, à la technologie et à l'innovation. Il en résulte un manque de clarté dans les orientations et des changements de programmes fréquents, mais dont les objectifs restent souvent mal précisés aux yeux des partenaires.» Ça, c'est le président qui dit ça.

Et suivront, bien sûr, certains médias qui analyseront le document, dont Claude Picher, qui n'est pas le dernier, un gars qui a une formation en économie, qui regarde toujours les gestes du gouvernement en disant: Qu'est-ce que ça va faire comme réalité économique, en création d'emplois, entre autres? Et M. Picher répondra – c'est le lendemain du dépôt, le dépôt avait été le 12, alors, ici c'est le 13 – dans La Presse , il dira: «Le désolant dossier scientifique».

(16 h 10)

M. le Président, c'est pour ça qu'on veut aider le ministre, nous autres, là, qu'on lui dit: On ne le bloquera pas, le projet de loi, on va vous aider à tout faire ça dans la prochaine heure. «Let's go», il faut créer des jobs en haute technologie. Et j'invite le ministre à lire la revue Time – je l'ai fait la semaine dernière, je le réinvite – édition canadienne du 11 mai. Il y a une quinzaine de pages là-dessus, sur l'exode de nos jeunes scientistes qui s'en vont travailler aux États-Unis. J'ai eu l'occasion hier soir, pendant une autre commission parlementaire, d'en relire un bout, de cette étude-là. Et j'y apprends, entre autres, que l'Université McGill, cette année... Alors, c'est l'exode des cerveaux.

On sait qu'en 1996, les derniers chiffres, 14 700 jeunes ont quitté le Québec. On voyait ça dans la Gazette ce matin: en 1996, 14 700 personnes ont quitté le Québec. C'est le pire mouvement de population depuis 1983. C'est des gens qui ont voté avec leurs pieds, ça, là. Et on sait aussi que l'immigration, en ce moment, le Québec est la pire province pour ce qui est de la réception d'immigrants. On reçoit 12 % des immigrants au Canada. Alors, les immigrants ne veulent pas aller dans les secteurs d'un pays ou régions d'un pays où l'économie est moins forte, bien sûr. Mais non seulement on ne reçoit pas le nombre d'immigrants qu'on devrait recevoir, d'après les statistiques de ce matin dans les études, on perd du monde. On en a perdu, vers les autres provinces canadiennes, en 1996, 14 700, et non les moindres, malheureusement.

Mais là cet article du Time ... Et le problème n'est pas juste québécois, il est aussi canadien. C'est le «brain drain». Mais là il est encore pire, parce qu'on s'aperçoit qu'on est après perdre des gens absolument formés, extraordinaires. L'exemple que je peux vous donner, je peux même le nommer, un jeune du village d'Austin, François Soucy, qui a fait un bac en chimie, qui a fait une maîtrise en chimie, qui s'est trouvé un emploi à Montréal dans une compagnie de produits pharmaceutiques. J'ai toujours pensé qu'il était tellement brillant, tellement intelligent, jusqu'à ce que, il y a quelques semaines, il m'annonce que non seulement lui quittait, mais il quittait avec une équipe d'autres jeunes chercheurs dans une des grandes compagnies canadiennes pour aller aux États-Unis. Les conditions d'engagement aux États-Unis étaient absolument incroyables.

Alors, j'invite le ministre à regarder ce phénomène-là, parce que, même si on fait beaucoup d'efforts ici, M. le Président, avec nos Innovatech, avec les stages en entreprise de nos étudiants, il y a un problème. Maintenant, encore une fois, je répète que ce problème-là, il n'est pas unique au Canada, il n'est pas unique au Québec, il est largement... En 1996, on prétend que 39 000 Canadiens auraient traversé vers la frontière américaine. Quand on regarde les taux d'imposition, quand on regarde les taux de chômage aux États-Unis, on comprend qu'il peut y avoir un grand intérêt à traverser, surtout quand les jeunes ont de la misère ici, même gradués, à se trouver des emplois.

J'ai peut-être bifurqué un peu du projet de loi, M. le Président, mais je pense que ça fait partie d'un tout. Ça fait partie d'un tout où on doit faire tous les efforts possibles pour créer la richesse individuelle et collective à partir de la science. Mais faut-il retenir nos gens! C'est peut-être plus facile de former un barbier – et Dieu sait qu'on en a besoin – avec un bon D.E.C. que de produire un Ph.D. en quelque produit de haute technologie. Il est malheureux de penser que nous les perdons en ce moment. Et je ne vois pas beaucoup, dans l'action gouvernementale, d'actions à cet égard-là, de volonté auprès des universités pour retenir nos jeunes une fois qu'ils sont gradués.

Alors, M. le Président, je termine ici en disant que l'économie, tel que le dit Alain Dubuc ce matin dans La Presse , est loin d'aller bien. Cette vague de prospérité qui circule sur l'Amérique, nous, elle est passée à côté. Et, s'il y a une chose que j'ai apprise en économie et en affaires, c'est que ce sont des cycles. Et, si vous n'êtes pas capable de payer vos dettes quand le cycle va bien, quand le cycle ira mal, vous allez être encore plus mal pris. Alors, j'ai l'impression que, au Québec, dans plusieurs entreprises, parce qu'on n'a pas bénéficié aussi largement qu'on aurait voulu, j'ai peur, malheureusement, que les bonnes nouvelles aient passé et que nous ne soyions pas là.

Alors, nous allons aider le ministre. Nous sommes prêts à passer en commission aussi rapidement qu'il voudra pour créer, un, une société Innovatech qui n'existait pas et, deux, régler la capitalisation des trois autres. J'espère que tout ça peut se faire rapidement. Nous sommes prêts à collaborer, en bloc s'il le faut, pour que nous mettions les gens du Québec à l'ouvrage rapidement et qu'on crée cette richesse individuelle et collective pour l'ensemble des Québécois et Québécoises. Merci, M. le Président.

Le Président: Très bien, M. le député d'Orford. M. le ministre délégué à l'Industrie et au Commerce.


M. Roger Bertrand (réplique)

M. Bertrand (Portneuf): Oui, M. le Président. Vous comprendrez qu'il y a certaines affirmations que je ne peux certainement pas laisser passer comme ça. Le député d'Orford dit, d'une part, que le gouvernement n'a pas de politique économique. Dans le dernier discours du budget, mon collègue le ministre d'État de l'Économie et des Finances a effectivement déposé un projet de politique économique qui est le plus, je dirais, inclusif et le plus complet auquel on a pu assister en termes de dépôt et de propositions depuis, à toutes fins pratiques, au moins 50 ans, à ma connaissance, au moins 30 ans. Je suis les choses publiques d'un peu plus près depuis une trentaine d'années. Alors, je peux vous dire qu'il s'agit vraiment d'un véritable énoncé de politique économique qui ne met pas tous les oeufs dans un seul panier.

Il y a eu des initiatives, autant dans le temps du gouvernement du Parti québécois de 1976 à 1985 que sous le régime libéral de 1985 à 1994, où on a pu mettre sur la table des initiatives, dans l'ensemble, qui ont pu produire certains fruits. Bon. Il y en a eu sous le régime du Parti libéral, il y en a eu sous le régime du Parti québécois, mais jamais on n'a présenté un énoncé de politique économique aussi large et aussi complet que celui qui a été déposé par mon collègue, où on va tabler sur trois volets: des mesures pour favoriser une économie plus compétitive, une économie, également, humaine et solidaire. Notamment, la formation de la main-d'oeuvre est importante de façon à faciliter l'intégration de l'ensemble de nos concitoyens, Québécoises et Québécois, à l'emploi; et également une économie engagée dans le développement durable, parce qu'on est intéressé à travailler à long terme et non seulement pour des bénéfices à court terme.

Dans ces efforts pour développer une économie compétitive, on parle bien, d'une part, de travailler à faire en sorte que le secteur public lui-même devienne compétitif et, d'une certaine façon, réparer les erreurs du gouvernement précédent au niveau de la gestion des finances publiques, au niveau de l'endettement qui nous a menés à doubler, à toutes fins pratiques, la dette du Québec en à peine cinq ans, notamment durant le dernier mandat des libéraux. On est passé, grosso modo, de mémoire, de 35 000 000 000 $ à 75 000 000 000 $, M. le Président. Excusez pour le «peu», encore une fois.

Mon collègue le député de Crémazie expliquait hier en commission parlementaire ce que ça veut dire, 40 000 000 000 $ de plus, en termes d'endettement. Si on emprunte, par exemple, à 7 % d'intérêt; sept fois quatre, 28, ça veut dire qu'on a à chaque année 2 800 000 000 $ de dépenses additionnelles uniquement pour le remboursement des intérêts. Ça a été ça, je dirais, le legs du gouvernement libéral, uniquement au niveau de son dernier mandat.

Imaginez aujourd'hui, M. le Président, si on avait, rien qu'à ce niveau-là, 2 800 000 000 $ de plus, ce qu'on pourrait faire: bien sûr, bonifier certains programmes, mais également réussir l'invitation que nous fait le député d'Orford de réduire le fardeau fiscal. Ce qui nous empêche aujourd'hui de le réduire encore plus qu'on a réussi à le réduire malgré tout, c'est l'endettement faramineux dans lequel ce gouvernement-là nous a entraînés au cours des dernières années et qui nous force aujourd'hui à mettre d'abord de l'ordre dans la maison des finances publiques avant de pouvoir espérer commencer franchement et, je dirais, de façon à ce que ça ait un impact pour nous rendre compétitifs par rapport à des économies concurrentes, comme celle de l'Ontario, au niveau du fardeau fiscal, et notamment du fardeau fiscal des particuliers.

Parce que je vous rappellerai que, malgré tout, on a réussi, à l'égard de la fiscalité des entreprises, à maintenir un fardeau fiscal, enfin, des dispositions au niveau de la fiscalité qui nous rendent très certainement très concurrentiels par rapport notamment à nos amis ontariens. D'autres mesures également toucheront, par exemple, des appuis au renforcement de la capacité concurrentielle des entreprises, et notamment cette capacité de pouvoir développer des entreprises à forte intensité de technologie, parce que c'est aussi une bonne partie de l'avenir de nos emplois et de notre économie. Alors, c'est ça qu'on fait.

(16 h 20)

Donc, un ensemble de mesures qui, je dirais, en appellent à différents leviers gouvernementaux pour faire en sorte, à la fois en maîtrisant mieux nos finances publiques, en ayant donc un secteur public plus compétitif, pour contribuer à une économie dans l'ensemble compétitive, et d'autres moyens, par exemple, au niveau de la formation de la main-d'oeuvre, au niveau de la prospection d'investissements, au niveau de l'introduction de technologies dans nos entreprises, pour faire en sorte qu'on ait, dans l'ensemble également, un secteur privé des plus compétitifs. C'est effectivement notre stratégie, M. le Président, et je pense qu'elle est tout à fait valable.

Quand on compare maintenant la performance du Québec à celle des autres économies, je répète encore une fois que les différentiels qu'on a pu observer dans, par exemple, le taux de croissance de l'emploi et le taux de croissance des investissements, ils sont observables et à peu près les mêmes depuis qu'il existe des statistiques là-dessus, c'est-à-dire depuis à peu près les années cinquante, l'année 1949-1950. Donc, ce n'est pas un phénomène nouveau. Et, malgré qu'on invoque les bons gestes qu'un gouvernement ou un autre, depuis cinquante ans, a pu poser, on constate que cet écart demeure d'à peu près 2 % en ce qui regarde, par exemple, si on se compare à l'Ontario ou à la moyenne canadienne, l'évolution de l'emploi.

Si on veut vraiment briser cette tendance, il faut aller plus loin que ce qui a été fait dans le passé. L'énoncé de politique économique et les plans d'action qui vont, à partir de maintenant, être rendus publics au cours des prochaines semaines et des prochains mois vont nous permettre de briser, de casser cette tendance.

Ceci étant dit, même à l'intérieur, je dirais, d'un statu quo en ce qui regarde, par exemple, la situation du Québec dans une fédération comme celle de la fédération canadienne, même dans un contexte de statu quo, on a réussi, comme gouvernement du Parti québécois, à faire beaucoup mieux que le gouvernement libéral au moment où il était au pouvoir. Effectivement, on utilise à bon escient cet exemple de la création d'emplois dans le dernier mandat des libéraux par rapport à la création d'emplois du présent gouvernement au cours des quatre dernières années. Chez les libéraux, les quatre dernières années de leur mandat, zéro emploi créé, zéro, je retiens zéro. Effet sur l'économie: zéro fois quelque chose, ça donne zéro. Donc, on a stagné. Au Parti québécois, comme gouvernement depuis quatre ans à peu près – je n'ai pas le chiffre exact – 150 000 emplois de créés. Donc, on a réussi vraiment à briser la tendance et à faire en sorte que le Québec puisse se remettre sur la voie du développement.

M. le Président, le député d'Orford revient toujours avec l'exemple suivant: pendant que nous maintenions le niveau de l'emploi, même en créant zéro emploi nouveau, l'Ontario en perdait 80 000, donc on a été bien meilleurs. Mais il faudrait bien qu'on m'explique un jour quelle fierté on peut tirer d'avoir été parmi les moins mauvais. Notre objectif, ce n'est pas d'être dans les moins mauvais, c'est d'être dans les meilleurs.

Le Québec, aujourd'hui, est la 15e puissance, si on compare un certain nombre de données économiques, la 15e puissance économique parmi les pays du monde. Bon. Avec l'énoncé de politique économique de mon collègue ministre d'État de l'Économie et des Finances, on veut arriver à devenir le 10e meilleur au monde. C'est ça qui nous intéresse. Ce n'est pas d'être le 3e plus mauvais. C'est d'être les meilleurs et parmi le peloton de tête des 10 premières économies les plus solides au monde. Bon.

M. le Président, on nous parle également des coûts payés pour le débat politique. Ça aussi, c'est une chose qui me fait rire. Qui l'a suscitée, depuis quatre ans, l'insécurité sur le plan politique, si ce n'est pas les boutefeux du fédéral, en partant avec le boutefeu en chef, M. Chrétien? M. le Président, qu'est-ce qui nous empêche de progresser, au Québec, depuis une cinquantaine d'années? Est-ce que c'est l'option souverainiste ou le boulet fédéraliste? Il faut se le demander, M. le Président.

On est dans une maison que, comme peuple, on a contribué à construire, à parts égales. Je ne sais pas si vous vous souvenez, M. le Président, mais il a été un temps où on était à parts égales dans ce pays-là, et on l'a construit, ce Canada-là. O.K. On se retrouve maintenant dans une maison où nous ne comptons plus que pour une fraction. On est rendu confiné dans probablement une des 12 pièces ou des 10 pièces de cette maison-là et pris avec un conjoint qui a pris de plus en plus d'espace, qui avait contribué à construire cette maison-là, mais qui ne nous en laisse plus aujourd'hui et qui, en plus de ça, est mauvais coucheur. Alors, on a décidé effectivement qu'on s'en reconstruirait une, maison, à nous, avec tous nos outils et qu'on serait enfin prêts à développer, les Québécois et les Québécoises, et le peuple québécois dans toutes ses dimensions, un peuple solide et fier. Merci, M. le Président.

Des voix: Bravo!


Mise aux voix

Le Président: Est-ce qu'il y a d'autres interventions? Alors, c'est l'adoption de principe. Très bien. Est-ce que le principe des projets de loi, parce que je pense que, à ce moment-ci – on l'avait indiqué préalablement – les interventions ont porté sur les quatre projets de loi, en l'occurrence le projet de loi n° 434, Loi sur la Société Innovatech du Grand Montréal...

Une voix: Adopté.

Le Président: Ça va? Le projet de loi n° 435, Loi sur la Société Innovatech Régions ressources?

Des voix: Adopté.

Le Président: Loi sur la Société Innovatech Québec et Chaudière-Appalaches?

Des voix: Adopté.

Le Président: Et, finalement, le projet de loi n° 437, Loi sur la Société Innovatech du Sud du Québec?

Des voix: Adopté.

Le Président: Très bien. Alors, M. le leader du gouvernement.


Renvoi à la commission de l'économie et du travail

M. Jolivet: Oui, M. le Président. Je fais donc motion pour que ces quatre projets de loi soient déférés à la commission de l'économie et du travail pour étude détaillée.

Le Président: Très bien. Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Président: Très bien. M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: Veuillez prendre en considération, M. le Président, l'article 19.


Projet de loi n° 442


Adoption du principe

Le Président: Alors, à cet article, le ministre des Finances propose l'adoption du principe du projet de loi n° 442, Loi sur le regroupement de certaines sociétés d'État. M. le ministre délégué à l'Industrie et au Commerce.


M. Roger Bertrand

M. Bertrand (Portneuf): Oui, M. le Président, au nom du ministre des Finances, j'aimerais d'abord aviser les membres de cette... Alors, toujours, donc, au nom du ministre des Finances, M. le Président, le gouvernement, comme vous le savez, a rendu publique récemment cette stratégie de développement économique à l'occasion du discours du budget – j'en faisais mention il y a quelques instants – une stratégie intitulée Objectif emploi qui propose un cadre d'action global axé sur la création d'emplois et qui vise à faire du Québec une économie d'avant-garde, une économie compétitive, humaine et solidaire, engagée dans le développement durable.

L'investissement des entreprises constitue à cet égard l'un des plus puissants leviers pour favoriser la croissance de l'économie et de l'emploi. Lors du dernier discours sur le budget, le gouvernement s'est donc donné un plan pour accroître les investissements privés et stimuler la création d'emplois.

L'objectif du plan est d'enclencher le démarrage d'investissements privés totalisant 19 000 000 000 $ au cours des cinq prochaines années. Parmi les mesures retenues, le gouvernement a décidé de regrouper les sociétés d'État d'investissement SOQUEM, SOQUIA, SOQUIP et REXFOR, avec la SGF – la Société générale de financement – afin de former un consortium. Ce regroupement s'avère conforme à l'approche préconisée par le Groupe de travail sur l'examen des organismes gouvernementaux, présidé par mon estimé collègue et adjoint parlementaire du premier ministre, le député de Fabre, et assisté de ses non moins prestigieux et estimés collègues, les députés de Bourget, de Crémazie, de La Peltrie, de Roberval et de Terrebonne et whip en chef du gouvernement.

Le gouvernement a souligné à maintes reprises l'importance stratégique d'obtenir une meilleure cohésion et une plus grande efficacité de l'action des sociétés d'État en matière de développement économique. Afin d'accentuer la concertation de l'action gouvernementale, le gouvernement propose de procéder à une intégration des sociétés d'État d'investissement dans le but de corriger certaines lacunes et de s'adapter à la mondialisation des marchés... tel que le manque de coordination et de synergie entre les sociétés d'investissement. Le mode actuel d'organisation des sociétés d'État, en effet, est le résultat d'une suite de décisions gouvernementales qui remontent au début des années soixante. Chacune fonctionne indépendamment, ce qui provoque indéniablement un manque de cohésion et des coûts additionnels.

De même, nous visons l'inefficacité des activités de prospection des investissements. En effet, ces sociétés ont chacune leurs activités de prospection des investissements, ce qui est plus coûteux et moins efficace, et leur ampleur varie en fonction, d'ailleurs, de leur capacité financière. Un regroupement leur permettrait d'avoir accès à un bassin plus vaste de promoteurs et de développer davantage le volet international.

(16 h 30)

Également, notre objectif vise à pallier au dédoublement des responsabilités et des juridictions. En effet, le partage des responsabilités entre les sociétés n'est pas toujours précis. À titre d'exemple, le secteur des pâtes et papiers, où la SGF et REXFOR évoluent simultanément.

De même, nous visons la compétition pour attirer des investisseurs. Comme il existe une compétition féroce entre les juridictions pour attirer les investissements étrangers et les mandats mondiaux, les sociétés d'État d'investissement doivent être proactives et faire preuve d'imagination et de leadership afin d'influencer les décisions pour que le Québec obtienne une part plus importante des investissements en développant des projets de partenariat avec le secteur privé.

Le Québec a aussi besoin d'une société d'envergure. Les sociétés d'État sont appelées à modifier leur façon de faire de manière à relever les nouveaux défis et enjeux du développement économique moderne. La mondialisation de l'économie oblige à revoir les modes d'organisation de l'entreprise. Les entreprises les plus actives sur les marchés mondiaux sont de très grande taille et leur succès dépend, entre autres, de la synergie et de la concertation qui se développent entre les entités autonomes qui composent l'entreprise.

Le Québec a besoin d'une société d'envergure pour négocier avec des partenaires de grande taille et compétitionner à l'échelle mondiale.

Le présent projet de loi vise donc à regrouper avec la Société générale de financement les sociétés d'État SOQUEM, SOQUIA, SOQUIP et REXFOR dans une structure type holding. Quatre filiales sectorielles sont formées pour accueillir les placements de la Société générale de financement et les sociétés concernées. Les objectifs sont l'amélioration de la performance financière et économique des sociétés d'État, l'adaptation des sociétés d'État aux défis posés par les nouvelles règles économiques mondiales, l'appui à la réalisation de 10 000 000 000 $ d'investissements sur un horizon de cinq ans.

La vocation actuelle des sociétés d'État regroupées sera maintenue, soit: poursuite de leur mandat avec leur clientèle, maintien de leur expertise sectorielle, un conseil d'administration autonome, des plans d'affaires réalisés en étroite collaboration avec les ministères sectoriels impliqués et le maintien du siège social et du personnel des sociétés d'État regroupés sur le territoire de la Communauté urbaine de Québec. Et j'insiste sur ce dernier point, M. le Président.

Les modes d'intervention, maintenant: maintien de l'objectif de rentabilité; orientation axée sur le démarrage de projets d'investissement jusqu'à maturité – jusqu'à maturité, bien sûr, des projets – et non pas sur la participation dans des entreprises sur une base permanente; également, participation sur une base d'affaires avec le secteur privé, selon un risque pour la Société générale de financement équivalent à celui pris par le secteur privé et en fonction d'un rendement de la SGF équivalent à celui du secteur privé, donc plus élevé que le coût des fonds du gouvernement; également, une participation que nous désirons conserver minoritaire, le contrôle du projet est laissé au secteur privé; également, le gouvernement assurera un suivi et un contrôle de la performance de la SGF. Un plan de développement quinquennal devra être préparé par celle-ci, en collaboration avec les ministres sectoriels, et sera approuvé par le gouvernement. Un plan d'exploitation annuel sera également déposé par la SGF et ces plans devront contenir des indicateurs de performance et feront l'objet d'un suivi annuel.

En conclusion, M. le Président, ce projet de loi vise à nous doter des moyens pour relancer les investissements au Québec et vise également à redynamiser les sociétés d'État d'investissement pour qu'elles soient plus performantes. Le projet vise également à nous donner une structure qui corresponde à un modèle gagnant pour l'économie du Québec et à préserver l'expertise actuelle des sociétés d'État ainsi regroupées. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci beaucoup, M. le ministre délégué à l'Industrie et au Commerce. Nous allons maintenant céder la parole au critique officiel de l'opposition en la matière, le député de LaFontaine. Alors, M. le député.


M. Jean-Claude Gobé

M. Gobé: Alors, merci, M. le Président. M. le Président, le projet de loi n° 442, loi regroupant certaines sociétés d'État, est un projet de loi qui est certainement un projet un peu d'une autre époque, car, en effet, à l'époque du libéralisme, à l'époque de la non-intervention dans les affaires commerciales, industrielles, de développement technologique, à l'époque ou à l'ère de la privatisation des grandes entreprises d'État par les pays européens, nous, comme Québécois et Québécoises, allons, au contraire, intervenir et créer un organisme, une espèce de mégastructure qui va intervenir encore plus fortement dans l'économie, dans la création d'emplois, dans le système.

M. le Président, il suffit de regarder en arrière. Lorsque la SGF fut créée, et même précédemment encore, depuis les années 1970, 1973, 1974, 1975, particulièrement de 1976 à 1984-1985, chaque fois que les gouvernements ont investi, ou généralement ça s'est terminé par des entreprises qui n'ont pas fonctionné ou par des entreprises qui ont fait des déficits extrêmement importants, qui ont fermé, qui ont mis la clé dans la porte ou tout simplement qui sont venues dérégler le marché, mettant en péril des entreprises de même nature qui fonctionnaient dans le même secteur sans l'appui de fonds publics.

Alors, on peut parler de la sidérurgie, on peut regarder dans les papetières, on peut regarder dans différentes autres sphères d'activité, l'avionnerie, à titre d'exemple. On se rend compte que, généralement, à chaque fois que l'État s'est mêlé d'économie ou d'intervenir dans les entreprises, cela n'a pas été positif ou ça n'a pas non plus développé d'entreprises qui faisaient des rendements très intéressants ou qui pouvaient compétitionner avec le reste du secteur et de la société lorsque l'État n'était plus là pour amener de l'argent, un peu comme une pompe qui vient renflouer régulièrement les coffres.

On l'a vu dans les chantiers maritimes où il a fallu que l'État intervienne et où ça a été une catastrophe. On a vu les licenciements qu'il y a eu, on a vu les pertes d'emplois, on a vu les pertes économiques très importantes. Alors, nous avons de la difficulté, nous, ici, à comprendre pourquoi le ministre, encore, essaie cette même formule et ce même système éculé qui n'a pas fait ses preuves et qui, au contraire, partout dans le monde, est en voie de disparaître ou en voie d'être démantelé.

Regardez juste en France, prenez l'exemple. Je sais que nos amis aiment si bien qu'on parle de la France. Les Français sont actuellement en train de privatiser France Télécom, la société française de télécommunications. Ils sont en train de privatiser presque complètement Air France, une des grandes entreprises de transport dans le monde, qui était en difficulté, d'ailleurs, la même chose pour Air Inter, qui était en difficulté financière. Il a donc fallu qu'on privatise ça.

Alors, M. le Président, c'est une tendance. Ce n'est pas une tendance pour rien, c'est parce qu'on se rend compte qu'une économie ne peut se créer artificiellement. Elle se crée sur un marché, elle se crée sur une activité qui est générée par la fabrication ou par la vente et qui rapporte des profits. S'il n'y a pas de profits, ce n'est pas vrai que les entreprises peuvent fonctionner et générer des emplois.

Certes, l'État peut, pendant un certain nombre d'années, prendre dans la poche des citoyens, des Québécois et des Québécoises, ici – dans d'autres pays, dans les poches des gens – des taxes et des impôts et les insuffler dans ces entreprises qui, généralement, deviennent gigantesques, lourdes, très peu capables de s'adapter aux nouveaux marchés – peu de rapidité ou de souplesse de décision – et ça finit, comme je le disais précédemment, par des fermetures et des licenciements.

(16 h 40)

M. le Président, j'écoutais le ministre parler de la part des investissements privés québécois. Il a dit: Faut aller chercher ces investissements-là, il faut faire en sorte de rétablir l'écart qu'il y a. Eh bien, j'ai quelques chiffres. J'ai fait un peu de recherche et j'ai trouvé quelques tableaux fort intéressants. En général, la part des investissements québécois parmi les investissements privés au Canada a rarement été en bas de 20 %. On prend à partir de l'année 1963, 24,6 %; 1964, 23,8 %; 1965, 23,8 %. Là, on descend, en 1968, à 20,6 %. On va sauter quelques années, ça ne donne rien de toutes les lire. En 1972, 20,4 %; 1973, 20,5 %; 1974, 21,7 %.

On tombe, en 1976-1777, à l'arrivée au pouvoir du Parti québécois. Et là que se passe-t-il? Eh bien, nous assistons à une baisse des investissements privés. En 1976, 20,1 % – voyez-vous, on vient de baisser déjà de 0,4 %; 1977, 19,2 %; 1978, 17,2 % – on continue à descendre, M. le Président; 1979, 16,4 %; 1980, 16 % des investissements privés canadiens au Québec – c'est ce gouvernement-là qui est là à ce moment-là; 1981, 14,7 %. Là, on vient de toucher le fond du baril, 10 % de baisse par rapport à 1963, 10 % de baisse de notre part d'investissements privés, au Québec.

Et ça explique certainement les problèmes que nous avons connus et que nous connaissons. Le ministre aime ça, revenir en arrière puis dire: C'est historique, c'est traditionnel. Elle n'est pas historique tant que ça, elle est là, l'histoire, elle est dans ces chiffres qui viennent du ministère des Finances et qui sont des chiffres officiels.

On revient, M. le Président, après ça, 1982, 15 %, pour en terminer, à la fin de leur mandat, aux alentours de 17 %. Par la suite, ça remonte, le gouvernement libéral, 20,1 %; 20,6 %; 21 %; 1987, 23,1 %; 22,2 %, pour ne jamais descendre en bas de 20 %. M. le Président, on revient par la suite, avec ce même gouvernement au pouvoir, et on retrouve 18,4 %; 17 %; 16,7 %; 17,1 %.

Il y a des cycles. Et les cycles de baisse de la part des investissements privés au Québec, eh bien, varient selon que ça soit le gouvernement du Parti québécois, avec son option, qui est au pouvoir ou que ça ne soit pas eux. Il y a quelque chose là, quand même, qui demande au moins qu'on interroge et qu'on pose la question: À chaque fois que le Parti québécois forme le gouvernement, arrive avec des référendums, crée de l'insécurité, de l'instabilité économique et politique, pourquoi assistons-nous à une baisse des investissements privés au Québec? Pourquoi? Bien, tout simplement parce que les gens n'ont pas l'intention, n'ont pas le goût d'intervenir, n'ont pas le goût d'investir au Québec; ils sont plus frileux, ils sont plus prudents.

Quand même on créerait cette gigantesque société SGF gonflée à l'hélium, M. le Président, ça ne réglera pas le problème. Le problème de la baisse des investissements et de la faiblesse des investissements privés au Québec, il vient du fait qu'on passe plus de temps à parler de séparation, de souveraineté, de pays qu'à parler de baisse de taxes, de fiscalité, d'économie, de déréglementation. C'est de ça que les gens aimeraient que nous parlions. C'est de ça que nos voisins parlent.

C'est ça qu'ils font, nos voisins. Nos voisins, ils ne parlent pas de référendum, ils ne parlent pas de souveraineté, ils ne parlent pas de séparation, ils n'ont même pas de préoccupation avec ça. Leur préoccupation, c'est de faire en sorte d'établir des règles intéressantes pour faciliter la venue d'investissements et d'entreprises dans leur territoire pour pouvoir justement créer de l'activité économique, créer de l'emploi, récupérer des impôts, récupérer des taxes à même cela et donner à leurs concitoyens non seulement un taux de taxation beaucoup moins élevé que le nôtre, mais aussi une qualité de services, des services publics de bonne qualité qui correspondent à leurs besoins.

Alors, M. le Président, ces chiffres parlent par eux-mêmes. On peut faire dire ce qu'on veut aux chiffres, mais il n'en reste pas moins que, dans une colonne, à chaque fois qu'on voit qu'il y a une baisse, c'est quand ils sont au pouvoir. Il y a quelque chose qui parle par soi-même.

Autre chose, M. le Président. J'écoutais M. le ministre tout à l'heure qui nous disait: Oui, nous avons fait la plus haute croissance. Les libéraux n'ont rien fait. Je vais vous donner un exemple. Lorsqu'on regarde, entre 1986 et 1994, la croissance moyenne des investissements privés au Québec, on se rend compte qu'elle a été de 4 %; elle a été, en Ontario, de 4,9 %; elle a été, au Canada, de 5,32 %. Il est vrai que le Québec n'a pas tout à fait 1 % de moins que l'Ontario.

Maintenant, si on regarde en 1995-1998, époque où il n'y a pas eu de récession, où tout va bien, on va commencer par l'inverse: le Canada, 7,73 % de croissance d'investissements privés; l'Ontario, 8,45 %; et le Québec, 5,57 %. Ça veut dire 3 % de moins que l'Ontario et 2,25 % de moins que le reste du Canada, ce qui démontre hors de tout doute qu'il est vrai qu'il y avait une croissance moins forte entre 1986 et 1994, mais elle était moins forte dans l'ensemble du Canada au complet. Et nous avions, à ce moment-là, une différence seulement de 0,9 % de croissance des investissements privés. Elle est maintenant, ici, avec une reprise économique, de 5,57 % au Québec, comparativement à 8,45 % en Ontario, 3 % de différence; 3 %, c'est 20 000, 30 000, 40 000 jobs, M. le Président. C'est ça, le problème, M. le Président.

Alors, on peut bien dire ce qu'on veut, ça fait son affaire, mais la vraie réalité, elle est dans les chiffres. Et c'est des chiffres de Statistique Canada, chiffres officiels utilisés par le ministère des Finances, utilisés par l'ensemble des institutions financières et économiques du pays.

M. le Président, il faut regarder les choses comme elles sont. Oui, l'instabilité politique a un prix. Oui, le gouvernement essaie, par des méthodes dépassées, des méthodes des années soixante, de créer une alternative à ça pour compenser ça. Et nous pensons que ce n'est pas des alternatives pour compenser l'instabilité politique vis-à-vis des investisseurs qu'il faut créer. Il faut créer des conditions intéressantes, propices, pour que les investisseurs reviennent. C'est l'inverse qu'il faut faire.

Le ministre nous parlait de création d'emplois, je l'entendais tout à l'heure. J'ai ici quelques chiffres, moi aussi – on cite beaucoup de chiffres en cette Chambre, ils aiment ça. M. le Président, il s'est créé, depuis janvier 1996, 60 000 emplois au Québec – 60 000 emplois – une grande partie, ce sont des emplois de travailleurs autonomes, il est vrai, ce ne sont plus les mêmes emplois que nous avions avant. M. le Président, pendant ce temps-là, en Ontario, il s'en est créé 330 000. Alors, vous voyez, lorsqu'on regarde la croissance des investissements qui démontre qu'en Ontario l'investissement privé est de beaucoup supérieur à celui du Québec, eh bien, on le retrouve dans les chiffres: 330 000 emplois pour l'Ontario et, pour le Québec, 60 000.

En même temps, dans le Canada au complet, 612 000 emplois – 612 000 emplois – ce n'est pas des pinottes, ça; 60 000 au Québec, un peu plus de 10 %. Notre part, dans le moment, ça serait 22 %, 23 %, 24 %. C'est ça, notre part du PIB canadien.

Alors, les chiffres, là... Il peut dire les chiffres qu'il veut, le ministre. Il peut invoquer je ne sais quelles chimères ou je ne sais quelles incantations sur le pays, comme il faisait il y a quelques minutes. La vraie réalité, c'est que les investissements privés sont, au Québec, en retard et sont, à ce moment-là, le facteur principal – il y en a d'autres – de la non-création d'emplois, du chômage, des manques à gagner de taxation des gouvernements.

Parce que, lorsqu'il se crée 330 000 emplois en Ontario, eh bien, c'est 330 000 personnes qui vont payer des taxes puis des impôts et qui ne recevront pas d'argent des gouvernements. Quand il s'en crée 60 000 au Québec, bien, c'est seulement 60 000 qui vont en payer. Imaginez les rentrées fiscales, ce qui permet à l'Ontario d'avoir certainement une meilleure santé financière que la nôtre, une meilleure fiscalité aussi.

M. le Président, le taux de chômage est à 8,4 % au Canada. Au Québec, il est à 10,1 %. Il a augmenté le mois dernier. Il a augmenté de 0,1 %, mais il a augmenté pareil, alors qu'il baisse partout. Aux États-Unis, il est à 4,3 %. M. le Président, Montréal a un taux de chômage de 10,9 %. Le moteur économique, le poumon du Québec, 10,9 %. Puis c'est la seule des 24 plus grandes villes en Amérique du Nord, M. le Président, qui a un taux de chômage au-dessus de 10 %.

Ça, c'est des chiffres, encore. Ce n'est pas des chiffres que j'invente, ça. C'est des chiffres tirés des statistiques officielles de Statistique Québec, de Statistique Canada, du ministère des Finances. Ce n'est pas le député de LaFontaine qui invente ça, là. Le ministre peut bien nous dire tout ce qu'il veut, il ne peut pas occulter la réalité. La réalité, c'est que nous avons un problème de croissance économique dû à la faiblesse des investissements privés.

Et puis l'investissement privé, M. le Président, on le voit très bien, baisse chaque fois, chaque fois que ce gouvernement est au pouvoir. Que ce soit de 1975 à 1984, où notre part d'investissement privé a été jusqu'à 14 %, alors qu'elle était à 24 % quelques années précédemment... 10 % de différence! Imaginez si nous avions pu garder ce rythme-là aujourd'hui. Imaginez si nous avions seulement pu garder 20 %, 21 %. Bien, la voilà, la réponse, M. le Président.

(16 h 50)

M. le Président, on pourra dire ce qu'on voudra, nous pensons que le gouvernement, encore une fois, va faire en sorte d'hypothéquer le développement économique du Québec. Il ne veut pas voir la vraie réalité, il ne veut pas voir les vraies causes de cette stagnation, il cherche des cataplasmes, et je pense, nous pensons que cette structure, cette SGF gonflée à l'hélium est un cataplasme. Elle ne créera pas les résultats qu'ils nous font miroiter. Ce n'est pas vrai qu'ils vont créer 75 000 jobs. Les 75 000 jobs, elles vont se créer le jour où on va baisser les taxes, baisser les impôts, baisser la réglementation, alléger la paperasserie que les entrepreneurs doivent faire. Le jour où on va arrêter de parler de séparation puis où on va commencer à parler de business, là il va s'en créer. Pas avec la SGF, 400 000 000 $ par année, 2 000 000 000 $ sur cinq ans.

M. le Président, 2 000 000 000 $ sur cinq ans, est-ce qu'il n'aurait pas été plus sage, de la part d'un gouvernement qui dit partout où il va que les Québécois sont les plus taxés en Amérique du Nord, les plus imposés en Amérique du Nord, de baisser le fardeau fiscal, de baisser la fiscalité des Québécois pour 400 000 000 $, particulièrement dans les catégories de la classe moyenne qui est étouffée, celle qui travaille, celle qui crée l'emploi, celle qui participe à la richesse, créative de richesse? Certainement que cette opération aurait permis non seulement de soulager le fardeau fiscal des Québécois et des Québécoises, mais de relancer, de stimuler la croissance, de stimuler la consommation avec la création d'emplois que cela amène.

Nos voisins ontariens ont compris ça, même leurs amis français, là, leurs amis socialistes français, M. Lionel Jospin. J'écoutais il y a quelques semaines M. Jospin faire le constat que les Français étaient les plus taxés en Europe, et il disait: Ma prochaine étape, maintenant, c'est la baisse de la fiscalité. Il n'a pas dit: C'est de créer une société d'État pour aller chercher des investissements ou investir puis dépenser 2 000 000 000 $ là-dedans. Non. Il a dit: Baisse de la fiscalité, baisse des charges sociales, baisse des impôts, baisse de la réglementation. Et c'est un gouvernement socialiste!

Le nôtre, qui se targue d'avoir été déjà membre de l'Internationale socialiste, eh bien, peut-être qu'il devrait encore l'être, parce qu'il est encore probablement à l'époque de ces grands rêves et de ces grandes idées que l'intervention étatique d'un gouvernement va régler tous les problèmes économiques, créer la richesse. Un des rares endroits dans le monde où ça se fait encore, je pense que c'est à Cuba. Encore là, ils veulent en sortir, ils essaient d'en sortir. Et, nous, nous y rentrons.

Est-ce qu'on a consulté les entreprises pour faire ça? Est-ce qu'on a parlé avec les grands leaders de l'économie? Est-ce qu'on a parlé avec eux? Est-ce qu'on les a rencontrés? Nenni! On ne leur a pas parlé, on ne les a pas rencontrés. Ça s'est décidé par le nouveau président de la SGF et le ministre des Finances, en catimini, en cercle fermé. On organise une patente d'État, on aime ça puis on se nomme un chum président, c'est plus facile de passer les commandes, c'est plus facile d'intervenir. C'est ça qui s'est produit.

Un exemple. Je lisais il y a quelque temps que, dans son volet récréotouristique, se font cibler les centres de ski, particulièrement un centre de ski dans la région de Québec. Première nouvelle, dans le centre de ski, le propriétaire déclarait dans le journal Le Soleil de la région de Québec, pour les gens qui nous écoutent de l'extérieur, être tout surpris parce qu'il n'avait rien demandé. Il a dit: Je n'ai rien demandé. On lui annonçait déjà que la SGF interviendrait pour 250 000 000 $ dans sa business, dans ses affaires, et il disait: Je n'ai rien demandé, je ne suis pas au courant. C'était écrit dans le journal, donc, je ne peux pas... Le ministre a dû le lire, tout le monde a dû lire ce journal-là. Ce n'est pas moi qui l'invente. Donc, là, on se rend compte...

Magnola, même problème. Est-ce que Magnola a vraiment besoin de la SGF pour développer ses projets? M. le Président, nous savons très bien que ce n'est pas vrai, parce que c'est un projet qui est rentable et qu'un projet rentable et intéressant n'a pas besoin des fonds publics. Au contraire, les gens, les entrepreneurs, les entreprises, les conglomérats qui investissent dans des projets rentables – généralement, quand s'ils ne sont pas rentables, ils n'investissent pas, eux autres – eh bien, ils préfèrent fuir les gouvernements et leur influence à l'intérieur de leurs entreprises ou leurs ingérences le plus loin possible. L'information que nous avons nous amène à croire qu'ils ne sont pas fortement entichés de la volonté du gouvernement, par sa nouvelle SGF, d'aller à l'intérieur de ça.

M. le Président, on se rend compte qu'il y a une tentative du gouvernement de s'immiscer dans l'activité économique sans même chercher de consultation, sans même concerter avec les gens. Est-ce que ces entreprises qui veulent s'installer au Québec – tout à l'heure, je parlais de la fiscalité sur les particuliers – n'auraient pas préféré à la place qu'à même ce 2 000 000 000 $ il y ait un allégement de charge, taxe sur la main-d'oeuvre, un allégement de tous ces irritants qui les fatiguent? Est-ce qu'elles ne préféreraient pas qu'on enlève des législations, le Code du travail?

Le ministre du Travail nous dit depuis trois ans et demi qu'il va réformer le Code du travail. Il a accouché d'une petite affaire avec quatre articles là-dessus qui n'ont rien à voir avec la déréglementation, qui n'ont rien à voir avec un allégement des entraves que ce Code du travail, qui a été fait il y a 25, 30 ans, donc qui n'est plus adapté à notre société actuelle, contient. Pas de changement. Marginal, cosmétique. Est-ce que c'est comme ça qu'on envoie un message aux entreprises pour venir investir, pour s'établir au Québec? Non, M. le Président, ce n'est pas comme ça, et c'est pour ça que nous ne pouvons pas être d'accord avec ce projet de loi là.

Nous pensons que le gouvernement fait fausse route, le gouvernement ne tape pas sur les bons clous, le gouvernement ne va pas dans la bonne direction. Au contraire, il avance avec une vieille formule sur la piste de course où il y a des bolides de nouvelles générations qui tournent. Et il va se servir du fait qu'il peut réglementer la vitesse sur la piste de course, parce qu'il en est le propriétaire ou il pense être le propriétaire, pour faire en sorte de ralentir les autres et pour mettre son bolide au départ avec les autres, sa vieille bagnole. Bien, c'est pareil, l'intervention de l'État, M. le Président, c'est quelque chose qui est dépassé.

Puis on remarque autre chose dans son projet de loi, c'est que la SGF va intervenir dans des domaines où d'autres organismes ou d'autres véhicules sont déjà là. Prenons un exemple, M. le Président, la Caisse de dépôt et placement du Québec, qui intervient fortement dans l'économie québécoise par ses investissements, par ses placements. Après ça, on prend le Fonds de solidarité. Ah! certes, certains diront que le Fonds de solidarité, ce n'est pas une affaire du gouvernement. Bien, je m'excuse, mais, lorsque vous recevez 100 % de votre crédit d'impôt – et plus, pour certains – en remboursement quand vous investissez 1 000 $ ou moins – et plus, même, aussi, certains qui peuvent – eh bien, c'est des fonds de l'État, c'est des impôts. C'est l'État qui le donne, c'est un crédit d'impôt.

Bon. On doit considérer que le Fonds de solidarité, c'est un véhicule qui est à la limite du parapublic. En plus de ça, c'est le véhicule qui a été créé, je me souviens, sous les auspices suivants. Nous disions, à l'époque: Il n'y a pas assez de capital de risque au Québec – nous disions, vous disiez – il faut donc que les Québécois se prennent en main – encore là, l'État – et nous allons donc créer, par une loi, une fiscalité, un fonds syndical qui permettra aux gens qui mettront leurs argents là de recevoir l'équivalent en déductions d'impôts, et, nous, avec ça, nous irons développer des entreprises pour partout générer au Québec des dizaines de milliers d'emplois. Là il y a à peu près 2 200 000 000 $ dans ce Fonds-là.

L'an dernier, un peu avant Noël, ils sont venus nous voir pour nous dire: On aimerait ça aller investir à l'étranger. Pouvez-vous changer la loi? Parce que notre limite n'est pas assez forte, hein, notre marge de manoeuvre qu'on a à l'étranger n'est pas assez forte. Et, lorsqu'on a rencontré les gens de la Caisse de dépôt, des gens, ma foi, fort sympathiques somme toute, nous avons posé la question: Mais qu'est-ce qui se passe? Il n'y a pas assez de projets au Québec, de capital de risque? Ils ont dit: Non. Il faut aller à l'extérieur. Il y en a trop, de capital de risque au Québec, M. le Président. Au Québec, il y a un surplus de capital de risque.

(17 heures)

Alors, on ne voit pas en quoi le gouvernement, avec sa nouvelle SGF, va pouvoir être utile, si ce n'est téléscoper la Caisse, le Fonds de solidarité et les Innovatech; 400 000 000 $, les Innovatech. On fait quoi avec ça? Ils sont dans les mêmes domaines. La SGF, dans les métaux et minéraux, elle prévoit investir 500 000 000 $; la Caisse, 745 000 000 $; le Fonds, 13 000 000 $ dans Ressources Orléans, 290 000 $ dans GéoNova. En tout cas, ils sont là-dedans.

Prenons, M. le Président, dans l'agroalimentaire, AgroCapital; elle prévoit mettre, la SGF, 100 000 000 $. Bon, c'est bien. Agrocapital, dans la caisse du développement, il y a déjà 100 000 000 $ en partenariat avec SOQUIA. Là, qu'est-ce qui va arriver? SOQUIA, ça n'appartient plus à SOQUIA, ça devient une des composantes de cette nouvelle SGF là. Comment va-t-on articuler ça? Le Fonds, il est là-dedans aussi?

En tout cas, M. le Président... Au récréotouristique, même chose, on prévoit 200 000 000 $. Bon, bien, 200 000 000 $ pour le récréotouristique, et puis on se rend compte que la Caisse de dépôt est là-dedans, le Fonds de solidarité est là-dedans, à Gray Rocks, Château Mont-Tremblant, Station Mont-Tremblant, le Groupe Dufour, les Expos.

Alors, à quoi ça va servir? Est-ce qu'on est en train de nous dire qu'il n'y a plus assez d'argent dans le Fonds de solidarité pour aller investir et attirer des investissements ici, avec du capital de risque? Ce n'est pas ce qu'ils nous disent. Alors, si ce n'est pas le cas, pourquoi créer un véhicule de toutes pièces qui, lui, va aller aussi investir dans la même chose, si ce n'est pour faire porter par l'État le poids de l'intervention dans les entreprises?

Alors, ça, c'est un des autres paradoxes, une des autres choses qu'on rencontre, et, M. le Président, nous pensons que c'est là encore certainement quelque chose qui n'est pas productif, quelque chose qui ne pourra pas marcher ou qui va marcher comme ça ronronne, comme ronronne une société d'État, comme ronronne tout ce qui est administré par les fonctionnaires.

M. le Président, un autre point de ce projet de loi là. On sait que le Vérificateur général de la province est responsable de la vérification de SOQUIA, qui va être donc intégrée dans cette nouvelle SGF, de la SOQUIP, Société québécoise d'initiatives pétrolières, à la SOQUEM et chez REXFOR. Ces sociétés-là, qui vont être intégrées dans la SGF, dépendent actuellement du contrôle du Vérificateur général. Ça veut dire qu'il peut aller, il va, il fait son rapport, analyse les chiffres, les bilans, la gestion, l'administration, comme il l'a fait pour le Centre des congrès de Québec il n'y a pas longtemps; on a découvert qu'il y avait un certain nombre de problèmes à régler, les gens s'en souviennent très bien.

Eh bien, est-ce que le Vérificateur sera mandaté pour la nouvelle SGF? On ne le sait pas, ce n'est pas dans le projet de loi. On sait que, pour la Caisse de dépôt, il ne peut pas y aller. Donc, s'il ne peut pas aller à la Caisse de dépôt, on présume que la SGF va essayer de faire en sorte qu'il ne puisse pas aller chez eux. Est-ce qu'on va tenter encore de faire sortir du contrôle des élus, du contrôle du Vérificateur général, qui représente les élus de toute allégeance, ces 2 000 000 000 $ d'investissements, ou de pseudo-investissements qui vont se faire? Comment allons-nous avoir le contrôle? On nous dit: Une firme extérieure. Mais, une firme extérieure n'a pas l'autorité et n'a pas l'imputabilité que peut avoir le Vérificateur général de la province de Québec. Ce n'est pas la même chose du tout. Là encore, M. le Président, nous avons de sérieuses questions sur cette façon de fonctionner et nous ne pouvons pas être d'accord avec cette approche du gouvernement; nous ne sommes même pas du tout, du tout d'accord et nous allons, bien sûr, nous opposer à cela.

Une autre chose, M. le Président, et je prends le projet de loi... Vous prenez le projet de loi et vous le regardez très, très, très, très précisément, et on se rend compte que, pour la première fois de l'histoire – moi, ça fait 13 ans bientôt que je suis député – dans un projet de loi, on nomme par loi, et non pas par décret, le président-directeur général de cette société, M. Blanchet. Pourquoi le gouvernement juge-t-il nécessaire de mettre dans le projet de loi l'article 30, et aux autres articles aussi, 28, enfin, les articles à la fin du projet de loi, d'inclure dans le projet de loi la nomination du président de cette SGF là? Pourquoi? C'est la première fois que je vois ça.

Normalement, ça se passe au Conseil des ministres: on passe un décret qui fixe la durée de l'engagement, les conditions de travail, les conditions de renvoi ou de fin du contrat. Et je me souviens que, pour avoir travaillé sur le dossier du Centre des congrès de Québec, lorsque le Vérificateur général s'est rendu compte que la manière dont l'ancienne directrice, Mme Francine Dubé, administrait ne correspondait pas aux normes en vigueur et établies, le fait qu'elle ait été nommée par décret permettait... Et le décret était très clair et avait deux clauses: une clause qui prévoyait que le gouvernement pouvait en tout temps mettre fin au contrat de la directrice générale sans donner de motif et une autre clause qui disait que, pour maladministration ou mauvaise administration ou malversation, elle pouvait être congédiée. Donc, le gouvernement avait, comme dans toutes les nominations, cette capacité et cette réserve, ce qui est très bien. Ce qui est très bien.

Mais là M. Blanchet, M. le président-directeur général, comme disait le ministre ce matin, qui s'appelle M. Blanchet, c'est un ami du gouvernement, un ami du pouvoir en place, mais M. Blanchet, 250 000 $, par loi, pendant quatre ans, c'est 1 000 000 $. On vient de lui garantir 1 000 000 $. Est-ce que ces gens-là qui font ça pourraient nous dire, peut-être, que, s'ils tiennent à garantir pour quatre ans par loi, pour le mettre dehors, pour le remplacer, pour faire des changements, il faudra passer une nouvelle loi? Il va falloir réunir les députés en cette Chambre, passer un projet de loi pour changer le président-directeur général de la SGF! Je n'ai jamais vu une affaire de même. Mais est-ce qu'ils ont peur que, dans six mois ou dans un an, ils perdent les élections, que l'électorat les renvoie chez eux, dans leurs comtés? Là, bien, on a protégé le job de M. Blanchet. C'est ça, l'affaire, M. le Président. Parce qu'il ne peut pas y avoir d'autre raison que cela, aucune, aucune, aucune. Ce n'est pas vrai. Je n'ai jamais vu ça.

C'est leur droit. Ils ont le droit de faire ce qu'ils veulent, ils sont au pouvoir, ils sont majoritaires, sauf que l'électorat, à un moment donné, va se réveiller. Le jour des élections, M. le Président, il va dire: Assez, c'est assez. Rentrez chez vous. Mettons une nouvelle équipe, une équipe plus jeune, plus dynamique, qui va correspondre aux nouvelles tendances en Amérique du Nord, mondiales, des nouvelles manières d'administrer, des nouvelles manières de faire des affaires, de déréglementer, d'alléger les structures, d'alléger les entraves à l'investissement, une nouvelle équipe qui va arrêter de parler de séparation mais qui va parler de partenariat, qui va parler de coopération, qui va aller prendre sa place, l'équipe qui n'aura pas peur d'aller prendre sa place où elle doit aller la prendre, c'est-à-dire avec le reste du Canada, avec ses partenaires, une équipe dynamique, M. le Président, pas une équipe frileuse qui se met en arrière puis qui dit: Attention, là, il faut mettre des lois, il faut mettre des barrières, parce que, sinon, là, ils vont nous manger, puis on va disparaître.

J'écoutais le ministre précédemment, puis il disait, dans un autre discours: On a bâti cette maison-là, puis là, maintenant, on a juste une pièce à nous autres. Puis là il est mauvais coucheur. Franchement! Quelle appréciation d'un pays qui, somme toute, n'est pas parfait, mais la perfection n'existant pas, qui a permis et qui nous permet d'être dans un ensemble économique parmi les plus importants au monde, d'être dans le G 8, le G 7 antérieurement, d'être parmi les pays où les citoyens du reste du monde souhaiteraient le plus pouvoir immigrer. Pour une maison qui nous met juste dans une pièce, puis «il est mauvais coucheur», il n'est pas si mauvais coucheur que ça, puis il nous a bien aidé, puis il a bien contribué à notre développement.

Et nous y avons contribué aussi. Nous avons pris notre place. Il y a eu des gens du Québec qui ont fait de l'excellent travail comme premiers ministres à Ottawa. Il y en a qui le font encore. Il y a des députés et des ministres qui ont travaillé à Ottawa pour le développement du Canada et du Québec en même temps. Ce n'est pas vrai qu'on est confiné dans une pièce au milieu de la maison puis qu'on se prépare à en bâtir une autre. On va en bâtir une autre à côté. Oh, là, là! Ça, c'était la mode dans les années 1975, quand on disait: Vous n'êtes pas contents de vous chicaner? Divorcez-vous donc! Ça ne marchera plus. On ne disait pas aux gens: Essayez donc de trouver une solution, essayez donc de voir s'il n'y a pas moyen d'arranger vos affaires avant de mettre la clé dans la porte, puis les enfants d'un bord puis de l'autre. Non, on a eu cette mentalité-là. Aujourd'hui, on se retrouve avec le taux le plus élevé de familles monoparentales et puis d'enfants séparés. Ça fait rire le ministre, mais les cas sociaux qui viennent avec ça, ça ne le fait pas rire. Moi, ça ne me fait pas rire, en tout cas. Pourquoi, M. le Président? Parce qu'on a cette mentalité-là de laisser aller, de dire: On va être chez nous. Bien, c'est un peu ça qu'il disait comme exemple. C'est un peu ça.

(17 h 10)

Il va la construire, sa maison, mais le problème, c'est qu'en voulant construire sa maison il la fait payer deux fois par tous les Québécois, puis il leur fait payer le prix de la petite maison. Bien, c'est les petits investissements. Et puis, le temps qu'il fait les fondations, bien, il habite sur le trottoir, puis le temps qu'il met un toit, bien, il va emprunter pour le payer, le toit. Ce n'est pas comme ça, moi, que je vois le développement économique, que je vois l'avenir.

L'avenir, je ne le vois pas, moi, en disant: Je m'en vais me bâtir une petite maison à côté. Moi, je veux être dans la grande maison, dans le grand monde. C'est là que je veux être. Et je veux que mes concitoyens, et mes amis québécois, et mes enfants, et tous les Québécois du Québec soient dans une grande maison, dans le grand monde. C'est ça que je veux pour eux, pas une petite maison. Et je ne pense pas que les Québécois veuillent ça non plus. Je suis content qu'ils le disent. Une petite maison, on va se mettre à côté... Et ça, M. le Président, cette mentalité, cette approche négative explique ce que je vous ai démontré il y a quelque temps: la faiblesse des investissements privés au Québec.

Ça explique pourquoi. Alors qu'en Ontario il y a eu 8,45 % de croissance des investissements privés – ça veut dire des entreprises qui viennent, des gens qui investissent pour créer de la business, créer des compagnies, créer de l'emploi – bien, pendant ce temps-là, au Québec, on a eu 5,57 % alors que la crise économique est finie. Nous sommes en pleine, pleine croissance. On devrait avoir, si on avait les mêmes chiffres qu'avant... Prenons les mêmes chiffres qu'en 1986-1994, il y avait 0,9 % de différence entre les investissements privés en Ontario et au Québec. Bien, aujourd'hui, on devrait avoir au moins 7,50 % au Québec, comparativement à 8,45 % en Ontario, si on avait maintenu la même fourchette.

Pourquoi nous ne l'avons pas maintenue? Expliquez-moi ça, là. Eh bien, je vous le disais, c'est la différence entre 60 000 emplois créés au Québec depuis 1996 – chiffres officiels – et 333 000 en Ontario, et 665 000 dans le reste du Canada. J'aurais aimé ça, moi, qu'il y ait un autre 200 000 emplois qui se soient créés depuis 1996, 200 000 jeunes et moins jeunes Québécois et Québécoises qui travaillent, 200 000 jeunes Québécois et Québécoises qui, au lieu de recevoir des prestations d'assurance-chômage ou d'aide sociale, participeraient à la richesse collective, 200 000 Québécois et Québécoises qui auraient la fierté de rentrer chez eux après un travail accompli, d'avoir participé à l'évolution de la société, qui reverraient leurs enfants à la maison le soir en disant: Papa est fatigué, maman est fatiguée, mais on a fait bouger les choses, on a travaillé. À la place, qu'est-ce qu'ils voient quand ils rentrent de l'école, les enfants? Papa est sur le chômage, puis maman, bien, elle n'est pas de bonne humeur parce qu'il n'y a pas d'argent à la maison. C'est ça qu'ils voient. Ils ne voient pas d'autre chose, là. Ça, ça s'explique dans la croissance des investissements privés. Il n'y en a pas, d'autre solution.

Alors, M. le Président, nous allons, bien sûr, nous opposer à ce projet de loi là. Non seulement nous allons nous opposer, mais nous demandons au ministre de réviser ses stratégies économiques. Ce ne sont pas des stratégies économiques, ce sont des stratégies de fonctionnaires, d'intervention de l'État qui sont dépassées depuis des décennies. Donc, nous lui demandons de réviser ça.

Nous demandons au ministre de regarder résolument vers la modernité du développement économique dans l'Occident. Nous ne sommes pas en Chine. Nous ne sommes pas dans les Caraïbes, comme à Cuba. Nous ne sommes pas dans l'ancienne France qui, elle-même, je le disais précédemment, se désengage de l'intervention de l'État, qui, elle-même, de plus en plus comme société, pas de plus en plus, qui est en train de liquider complètement, de se désengager de cette grosse société étatique. Et on voit que celles qui le sont encore, bien, elles sont des fardeaux très lourds pour elle.

Alors, nous demandons au ministre de tenir compte de ça, de regarder cette modernité, parce qu'il en va de l'avenir et de l'intérêt de tous les Québécois et de toutes les Québécoises. Ce n'est pas juste pour faire plaisir à M. Blanchet, cette affaire-là. Ce n'est pas juste pour faire plaisir au ministre des Finances, M. Landry, ni au député de LaFontaine, Jean-Claude Gobé, ni à notre chef, M. Jean Charest. Ça, M. le Président, nous lui demandons d'agir pour que les investissements reviennent, pour que les entreprises se réinstallent au nombre normal que nous sommes en droit d'attendre, pas un nombre qui augmente.

Quelqu'un me disait l'autre jour: Ma fille a eu 82 % en mathématiques, au collège. Une petite collègue de ma fille. Je parle de ça à ma fille, j'ai dit: Aïe, ta copine a eu 82 %, son père m'a dit ça. Elle a dit: Papa, la moyenne, c'est 96 %. Elle a dit: Elle n'est pas bien dans la moyenne; c'est peut-être une bonne note, 82 %, mais, si vraiment elle avait une bonne note, ce serait 96 % qu'elle aurait dû avoir, au moins la moyenne des autres. Et c'est ça, M. le Président. C'est le même principe pour l'économie, c'est le même principe pour l'investissement privé au Québec. On se gargarise avec des chiffres alors que nous sommes en plein boum occidental. Les États-Unis ont 4,3 % de chômage. Nous sommes fortement tributaires d'eux autres. Il est évident que ça bouge, mais ça ne bouge pas comme ça devrait bouger, ça ne bouge pas au niveau que nous méritons; ça bouge à un niveau, M. le Président, que les Québécois, malheureusement, ne méritent pas, parce que les Québécois sont pleins de talent, les Québécois sont des gens qui veulent travailler, les Québécois sont des gens qui ont du coeur à l'ouvrage. Eh bien, il faut leur donner l'occasion de pouvoir le montrer, de pouvoir utiliser ces talents et de mettre leur coeur à l'ouvrage en application. Et ce n'est pas cette SGF gonflée à l'hélium...

Je voyais une lecture, M. Alain Dubuc, qui l'écrivait: SGF gonflée à l'hélium . Et je trouve que c'est peut-être la meilleure image que l'on puisse donner. Comme un ballon. Vous savez, ces gros ballons qui passent au-dessus de nous quand il y a le Grand Prix ou qu'il y a d'autres activités, bien, c'est la même chose. Au lieu de marquer Michelin dessus ou Goodyear, ça va être marqué SGF. Mais, ces gros ballons là, ça ne bouge pas, ça transporte peu de monde, ça coûte très cher, c'est pour faire de la publicité, c'est pour faire de la visibilité. Et là, ce qu'on essaie de faire avec ça, c'est de la publicité, de la visibilité, de dire: Nous sommes là, nous intervenons.

M. le Président, je ne sais pas si le ministre va nous écouter, je ne sais pas si le ministre va profiter de l'exercice d'étude de ce projet de loi là pour arriver avec un autre énoncé de politique: le Québec, Objectif emploi . Vous avez une économie d'avant-garde. Pour aller à l'avant-garde, ça prend... L'avant-garde, c'est un terme militaire, c'est utilisé généralement par les armées. On envoie en avant ce qu'il y a de plus performant, ce qu'il y a de plus moderne et ce qu'il y a de mieux équipé – c'est ça, une avant-garde – pour préparer le terrain pour que les autres arrivent en arrière.

Lorsqu'on crée une société d'État digne des années 1960, ce n'est pas de l'avant-garde, c'est de l'arrière-garde. Alors, si vraiment on veut faire une économie d'avant-garde, bien, utilisons donc des moyens d'avant-garde. Des moyens d'avant-garde, c'est, je le répète, la déréglementation, la fiscalité, la baisse de la fiscalité sur les entreprises, l'allégement de toutes les structures étatiques, gouvernementales, qui ont été mises en place depuis 25-30 ans. Il n'y a pas de ménage qui a été fait.

Le premier ministre a créé un Secrétariat à la déréglementation. Qu'est-ce qu'il a fait? Qu'est-ce qu'on attend? On attend encore. Le ministre du Travail devait nous arriver... Je me rappelle son premier discours en commission parlementaire, j'étais son vis-à-vis, et il disait: On va tout voir ça, on va regarder ça, le Code du travail, on va regarder la réglementation pour les décrets, l'article 45, on va tout toucher à ça. Il n'a rien fait. C'est toujours pareil, quelques petits guidis-guidis par ci par là quand la pression est trop forte de certains groupes. Il était même prêt à redonner l'industrie du câblage à la syndicalisation, aller au sens contraire du reste de l'Amérique du Nord, alors que ces industries-là, ces entreprises-là oeuvrent de plus en plus sur les marchés internationaux. On était là pour leur mettre encore une entrave supplémentaire.

Ce gouvernement dit des choses puis il fait d'autres choses. Ce qu'il dit, c'est qu'il est moderne, qu'il veut développer l'économie, mais je pense qu'il n'a pas compris qu'en 1976 les erreurs qui ont été faites ont coûté très cher. Et je le répète un peu, je rappellerai que, lorsqu'ils sont arrivés au pouvoir, les investissements privés au Québec étaient, en 1976, de 20,1 %, et que très rapidement, lorsqu'ils sont partis, ils se sont retrouvés à 17 %, en passant à des pics de 14,7 %. C'est là que le dommage à l'économie québécoise a été fait, parce que nous n'avons pas eu notre part des investissements canadiens. Et ce dommage-là, M. le Président, malheureusement, il a recommencé en 1994, lorsqu'ils ont été réélus, où leur part des investissements a continué à baisser et a de la difficulté à remonter, alors qu'elle remonte partout.

(17 h 20)

Donc, nous allons voter contre. Nous sommes contre ce projet de loi là. C'est un projet de loi d'arrière-garde et non pas d'avant-garde. Ce n'est pas un projet de loi qui va créer de l'emploi, c'est un projet de loi qui veut faire une balloune politique, donner l'impression qu'on fait des choses. Un projet de loi qui fait rire le ministre probablement mais qui ne fait pas rire les Québécois et Québécoises qui, eux, s'attendent du gouvernement qu'il mette en place, au contraire, les infrastructures et le climat nécessaires, intéressants et invitants pour que les investisseurs québécois et québécoises, étrangers aussi, viennent chez nous. Et ça, ça commence par penser d'arrêter de parler de la séparation, d'arrêter de parler de ces choses-là et de parler de ce qui intéresse les gens: du travail, moins d'impôts, moins de réglementation. C'est comme ça qu'on va attirer des gens au Québec, c'est comme ça qu'on va développer l'économie, c'est comme ça qu'on va créer des emplois, et c'est ce à quoi nous nous engageons, nous, comme Parti libéral, et c'est ce que nous allons faire dès la prochaine élection, quand nous aurons été au pouvoir. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de LaFontaine. Est-ce qu'il y a d'autres intervenants sur l'adoption du principe du projet de loi n° 442? M. le ministre, est-ce que vous désirez vous prévaloir de votre droit de réplique, en vertu, bien entendu, de l'article 216?

M. Bertrand (Portneuf): Oui, M. le Président, j'apprécierais.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le ministre.


M. Roger Bertrand (réplique)

M. Bertrand (Portneuf): Oui, M. le Président. Après avoir entendu mon collègue député de LaFontaine, j'aimerais quand même y aller de quelques remarques, à cette étape de l'adoption du principe du projet de loi sur le regroupement de certaines sociétés d'État.

Première remarque, le député de LaFontaine nous parle de cette disposition prévue au projet de loi – l'article 30, en fait – qui prévoit que le président de la Société en poste continue d'exercer ses fonctions pour la durée non écoulée de son mandat. Une première. Ce n'est pas une première, M. le Président, c'est une disposition tout à fait normale qui vise simplement à éviter de créer un vide juridique entre la création de la nouvelle Société et la... compte tenu de la disparition de la Société telle qu'elle existait antérieurement. Donc, il ne s'agit absolument pas, à ce moment-là, d'une disposition qui doit nous surprendre.

Le député de LaFontaine réfère à M. Blanchet, le président de la Société. Je pense que c'est une personne tout à fait honorable qui a fait ses preuves comme président de la Société et qui, très certainement, continuera de jouer un rôle majeur dans la promotion des investissements, la promotion de l'économie du Québec, le développement des partenariats. On retrouve d'ailleurs une telle disposition, M. le Président, dans d'autres projets de loi. Par exemple, on vient tout juste d'étudier les projets de loi relatifs aux lois sur Innovatech du Sud du Québec, celle de Chaudière-Appalaches, celle du Grand Montréal, où on prévoit également, dans ces projets de loi là, une disposition, à l'article 43, par exemple, en ce qui regarde la Loi sur la Société Innovatech Québec Chaudière-Appalaches, qui prévoit effectivement que le président-directeur général de la Société demeure en poste jusqu'à l'expiration de son mandat. Et on retrouve ça dans les trois projets de loi en question. De la même façon, la Loi sur Investissement-Québec, qui est à l'étape de l'étude article par article, prévoit également, à l'article 69, que le président de la Société de développement industriel du Québec demeure en fonction à titre de président-directeur général jusqu'à la fin de la durée de son mandat.

Je ne sais pas pour quelle raison on fait un procès d'intention au gouvernement et on identifie le président Blanchet de la façon dont on le fait actuellement. Je pense qu'on fait un procès d'intention et qu'on cause un tort, que je déplore, à la réputation d'une personne qui fait un travail remarquable, qui a été choisie par le gouvernement pour assumer des destinées très importantes et qui continuera, dans les circonstances, au sein de la nouvelle société d'État.

Deuxième intervention du député de LaFontaine, en ce qui regarde ce qu'il estime être une intervention peut-être intempestive ou exagérée, je ne sais pas, de l'État, et qui nous dit être l'initiative d'avoir cette SGF regroupant l'ensemble des sociétés d'État que nous avons citées tout à l'heure. Il nous dit: Bon, c'est une intervention qui est quelque chose d'un peu dépassé. Il nous dit: C'est un projet d'une autre époque. À une époque où on libéralise ou une époque de non-intervention des gouvernements, de laisser-faire, d'une certaine façon, ça n'a pas de bon sens qu'on procède de cette façon-là ici aujourd'hui. Je regrette, il ne faut pas être, non plus, complice de ces espèces de modes, à un moment donné, qui passent dans les sociétés, où on va tout abandonner, à toutes fins pratiques, les possibilités d'intervention d'un État dans la conduite des choses de la société, notamment sur le plan économique. Les États ont et continueront d'avoir une importance et un rôle important dans le développement économique de nos collectivités. Nous ne sommes pas de cette mouture qui voudrait qu'on laisse faire toutes les lois du marché et qu'on abandonne finalement la destinée économique d'un pays ou d'une économie aux libres forces du marché.

D'ailleurs, aucun des pays qui sont nos concurrents aujourd'hui ne tomberait dans ce piège-là, même ceux qu'on associe spontanément à des pays, je dirais, à la fois non seulement libres-échangistes, mais libéraux et des pays de laisser-faire. Ce sont des pays qui ont su développer des outils d'accompagnement de l'entreprise privée dans leurs projets. Et, malgré les discours de certains, on a la surprise de constater que, chez nos voisins de l'Ouest, par exemple l'Ontario, dans d'autres provinces du reste du Canada et même aux États-Unis, on a prévu un certain nombre de mesures d'accompagnement du secteur privé dans ses efforts. Certaines mesures sont parfois moins apparentes, des fois plus apparentes, dépendant de la transparence, justement, qu'on peut pratiquer ou pas, mais tous les pays et tous les États accompagnent l'entreprise dans ses efforts. Dans une économie comme la nôtre, par exemple, tous niveaux de gouvernement confondus, on représente 50 % de l'activité totale. Bien, c'est à nous à travailler avec l'entreprise pour favoriser, justement, le développement des marchés.

Le député de LaFontaine mentionnait l'exemple de la SGF par rapport au projet de Magnola. Je pense qu'il faut être un peu candide, pour ne pas dire naïf – mais je préfère utiliser le mot «candide» pour ne pas, non plus, insulter mon collègue – de penser qu'aujourd'hui les États n'ont plus un rôle à jouer et que, même chez nos concurrents, on pratique le genre de laisser-faire qu'il suggère. Si on tombait dans ce créneau-là et dans ce piège-là, on se ferait littéralement laver, parce que les autres gouvernements sont près de leurs entreprises. Et nous avons l'intention d'être tout aussi près et de faire en sorte que nous soyons un principe actif dans le développement économique et social du Québec, M. le Président.

Troisièmement, on nous reproche de parler de souveraineté, de constitution. Moi, je soumettrais simplement aux membres de cette Chambre et au député de LaFontaine que ceux qui, depuis quatre ans, ont parlé de constitution, ce n'est pas les gens de ce côté-ci de la Chambre; on devait, nous, réparer des pots cassés. C'est essentiellement les fédéraux, les boutefeux dont je parlais tout à l'heure, et l'opposition officielle qui constamment soulèvent ces questions-là. Moi, je peux vous dire une chose, quand on va vraiment être prêts à en parler, de notre option constitutionnelle, ça ne sera pas pour faire peur au monde, pour essayer de miner la confiance des Québécois et des Québécoises en leurs forces, en leurs ressources, en leurs pouvoirs, en leur capacité, effectivement, de se tenir debout et de se donner un pays, ça va être pour leur dire: On se crache dans les mains, on travaille, on est capables, on va l'avoir, notre pays.

Quatrièmement, M. le Président, on compare ce qui se passe au Québec avec le reste des économies. Encore une fois, j'explique à cette Chambre que le différentiel qu'on a pu observer au niveau de la création d'emplois ou de l'évolution des investissements au cours des 50 dernières années, il y a toujours ce différentiel qu'on n'a pas réussi, tous ordres de gouvernement confondus depuis 50 ans au Québec, vraiment à combler.

Alors, on a des devoirs importants à faire de ce côté-là. La politique de développement économique qui a été déposée par mon collègue ministre d'État de l'Économie et des Finances, finalement, fait appel à toute une panoplie de mesures, et non pas à une seule mesure en particulier, toute une panoplie de mesures nous permettant d'agir à la fois sur la formation de la main-d'oeuvre, sur l'introduction de technologies dans nos entreprises, sur le fait d'attirer des investissements, sur la conquête des marchés, et met à contribution notamment les leviers que nous possédons au niveau des sociétés d'État pour nous permettre d'atteindre nos objectifs, nos objectifs qui, dans l'ensemble, consistent à faire en sorte que l'économie du Québec passe de la 15e place, parmi les sociétés développées économiquement, à la 10e place, certainement parmi les 10 économies les plus avancées dans le monde. Je pense que c'est un beau défi et je pense qu'on peut y parvenir par les moyens qui ont été mis sur place.

(17 h 30)

Maintenant, c'est beau de comparer le Québec au reste des économies, mais on doit aussi comparer l'administration et la performance du gouvernement actuel à celle du gouvernement précédent. J'évoquais tout à l'heure le zéro emploi dans le dernier mandat des libéraux et je le comparais aux quelque 150 000 emplois qu'on a réussi à créer, nous, dans une conjoncture quand même difficile, au cours du présent mandat. Je pourrais donner également un autre exemple, M. le Président, et certainement que le député de LaFontaine va apprécier, puisqu'il s'agit de données tirées de Statistique Canada. Encore une fois, puisque c'est Statistique Canada, ça doit être bon, j'imagine, ça doit être des données crédibles! Voici quel est le tableau. On parle des investissements non résidentiels privés au Québec, c'est-à-dire des investissements qui effectivement entrent dans le processus de production et qui constituent des investissements créateurs de richesse et d'emplois, particulièrement créateurs de richesse et d'emplois. Une hausse observée de 33,1 % de 1995 à 1998. Ce sont les carreaux noirs que vous voyez ici, à droite du document, alors qu'à gauche on retrouve en rouge la performance des libéraux. On était à moins 2,8 % en 1990, à moins 14,7 % en 1991, à moins 7,7 % en 1992, à moins 5,8 % en 1993. Donc, c'est vraiment un facteur...

Si vous voulez mesurer, finalement, la santé d'une entreprise, l'évolution de ces investissements-là est un des paramètres importants. Ce n'est pas le seul, il y en a d'autres, mais c'est un des paramètres importants. Alors, on voit la performance des libéraux pendant qu'ils étaient au pouvoir, on voit la nôtre, et ceci, à régime constitutionnel constant, hein? On les bat à plate couture, 100 coudées par-dessus ce qu'ils ont fait, M. le Président. C'est ça, la performance du Parti québécois au pouvoir, quand on la compare à celle de nos amis libéraux.

Pour ce qui est de l'allégement des charges fiscales, pas de leçons de ce côté-là non plus. Mon collègue ministre d'État de l'Économie et des Finances nous parle souvent – d'ailleurs, ça rend un peu impatient le président de l'Assemblée, parfois, aux périodes des questions – de la litanie des taxes du gouvernement précédent. Je pense que je ne l'ai jamais vu réussir à terminer la liste de cette litanie-là, il n'y a jamais assez de temps qui nous est imparti dans la réponse à une question pour pouvoir faire toute la liste. Je ne me souviens pas, en tout cas, de l'avoir vu aller jusqu'à la fin de sa liste. Alors, des taxes, s'il y en a eu, c'est sous le régime précédent.

Un fardeau fiscal qu'on va diminuer, oui, on va réussir, malgré l'accroissement substantiel de l'endettement auquel on a dû assister de 1990, grosso modo, à 1994; de 1989 à 1994. On a doublé, à toutes fins pratiques, la dette du Québec: 40 000 000 000 $ de plus. Ça veut dire quoi, 40 000 000 000 $ de plus à 7 % d'intérêt? Ça veut dire tout près de 3 000 000 000 $ d'intérêts qu'on doit payer aujourd'hui, à chaque année, parce que ces gens-là n'ont pas fait leur travail, parce qu'ils nous ont laissé, la dernière année, avec 6 000 000 000 $ de déficit. Ce n'est pas rien, M. le Président, 6 000 000 000 $ de déficit! Si on avait aujourd'hui ce 3 000 000 000 $, on pourrait effectivement réduire les taxes. La raison pour laquelle on n'est pas capables de faire plus vite au niveau de l'abaissement du fardeau fiscal, c'est parce qu'ils nous ont laissé ce fardeau-là, ce legs-là.

Alors, pour toutes ces raisons, je pense que l'opposition officielle peut difficilement nous faire grief et je l'invite à considérer et à examiner sérieusement ce projet de loi parce qu'il constituera, une fois adopté, un outil additionnel substantiel permettant au gouvernement d'accompagner efficacement l'entreprise dans ses efforts et donc dans le développement économique du Québec. Je vous remercie.

Une voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre délégué à l'Industrie et au Commerce.


Mise aux voix

Le principe du projet de loi n° 442, Loi sur le regroupement de certaines sociétés d'État, est-il adopté?

M. Jolivet: Adopté.

M. Gobé: Sur division.

Le Vice-Président (M. Pinard): Sur division. M. le leader du gouvernement.


Renvoi à la commission des finances publiques

M. Jolivet: M. le Président, je fais donc motion pour que le projet de loi soit déféré à la commission des finances publiques pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce que cette motion est adoptée?

M. Jolivet: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: Oui, M. le Président. Compte tenu que nous avons à étudier un projet de loi qui fera l'objet d'une bonne discussion à partir de 20 heures ce soir et que le ministre se trouve actuellement en commission parlementaire, je vous demanderais de suspendre les travaux jusqu'à 20 heures.

Le Vice-Président (M. Pinard): Nous suspendons donc nos travaux jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 17 h 34)

(Reprise à 20 h 4)

Le Vice-Président (M. Pinard): Mmes, MM. les députés, veuillez vous asseoir.

Nous reprenons les affaires du jour. Nous avions terminé l'adoption du principe du projet de loi n° 432. Alors, M. le leader adjoint du gouvernement, il me fait plaisir de vous céder la parole.

M. Boulerice: Oui, M. le Président. Merci. Comme il est le porte-parole également pour ce projet de loi, je suis persuadé que le député de D'Arcy-McGee va apprécier, c'est un chiffre magique, je vous demande de prendre en considération l'article 13, s'il vous plaît. Ha, ha, ha!


Projet de loi n° 433


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, MM., Mmes les députés, à l'article 13 de votre feuilleton, M. le ministre responsable de l'application des lois professionnelles propose l'adoption du principe du projet de loi n° 433, Loi modifiant le Code des professions concernant le titre de psychothérapeute. Y a-t-il des interventions sur l'adoption du principe du projet de loi n° 433? M. le ministre de la Justice.


M. Serge Ménard

M. Ménard: Merci, M. le Président. Voici un projet de loi, encore une fois, simple mais auquel j'attache beaucoup d'importance. Il s'agit de réserver le titre de psychothérapeute.

C'est un domaine où beaucoup de gens consultent et où l'on peut facilement abuser des gens qui ont besoin d'avoir recours à la psychothérapie sous une forme ou sous une autre. Elle a été envahie ces dernières années par toutes sortes de gens, certains compétents mais certains qui sont carrément des charlatans et qui se trouvent à profiter de la situation difficile dans laquelle sont ceux qui les consultent. Le projet de loi vise justement à corriger cette situation en réservant le titre aux personnes qui seraient compétentes, par la forme que je vais exposer dans le discours que j'ai préparé.

Le projet de loi soumis aujourd'hui à l'adoption de principe est directement relié aux besoins de la population du Québec. Aucune structure lourde n'est créée. Il s'agit tout simplement de voir à la protection du public en réservant le titre de psychothérapeute aux personnes qui ont les qualités voulues pour offrir de tels services au public, avec les garanties de compétence et d'intégrité. Ce sont, comme vous le savez, les principales vertus des 270 000 prestataires de services et des 43 ordres régis par le Code des professions.

On se souviendra que, dans un avis au gouvernement sur l'opportunité de créer un ordre professionnel dans le domaine des psychothérapies, l'Office des professions du Québec estimait qu'il était opportun de réserver le titre de psychothérapeute afin d'assurer la protection du public. C'est à cela que nous consacrons aujourd'hui. Le choix de l'intervention qui vous est proposée mérite quelque éclairage sur son contexte.

Les besoins de services de psychothérapie sont en grande croissance, et ce, depuis plusieurs années. Au Québec, comme ailleurs en Occident, la population semble vouloir s'ouvrir à d'autres formes de services en matière de santé physique ou mentale. Est-ce la conséquence de cette ouverture ou, en partie, sa cause? Toujours est-il que les fournisseurs de services de psychothérapie abondent. Le foisonnement des écoles de pensée, des approches et des pratiques rend nécessaire des points de repaire pour que le citoyen puisse faire des choix éclairés. Dans un tel contexte, la sécurité du public mérite l'attention de l'État. Une certaine forme de contrôle est donc souhaitable de la part de l'État et des organismes à qui cette Assemblée a délégué des prérogatives de puissance publique, et ce, en vue de faire prévaloir la compétence et l'intégrité parmi les intervenants de ce domaine.

On peut retenir de cette situation quelques enjeux. D'abord et avant tout, l'enjeu majeur est la sécurité du public qui s'en remet à des intervenants en psychothérapie dans des circonstances où il est vulnérable et dépendant. Constitue également un enjeu le choix stratégique d'un encadrement permettant à la confiance du public de se porter vers des intervenants qui en sont dignes, sans pour autant qu'une réglementation excessive étouffe ou gêne l'évolution du domaine de la relation d'aide. Un dernier enjeu réside dans le développement ordonné d'un domaine délicat et complexe et répondant à un besoin exprimé de la population, car c'est bien à un besoin avéré ou, en tout cas, exprimé que nous avons affaire. Il faut sans doute distinguer ici deux besoins qui, sans être concurrents, doivent être bien coordonnés: d'une part, la demande de services et, d'autre part, le besoin de sécurité.

Je n'entrerai pas dans un débat sur la qualité des services proposés par les multiples écoles ou sortes de praticiens en psychothérapie et encore moins sur la compétence ou la probité de ces derniers. Il faut néanmoins constater que les Québécoises et les Québécois désirent bien plus qu'avant recourir à une psychothérapie ou à des méthodes dites de croissance qui peuvent prendre des formes bien différentes de ce que nous proposaient les médecins, les psychologues ou même les religieux. Après tout, chacun devrait, dans l'idéal, être le meilleur juge pour choisir l'intervenant qui lui convient lorsqu'il s'agit de veiller à son propre équilibre ou à une forme ou une autre de soutien.

Cela étant dit, notre optique est largement libérale, puisqu'au lieu de réserver une activité nous contenterons pour l'instant de réserver un titre. C'est une première étape. Après cette loi, le public pourra continuer à choisir, mais, cette fois, de façon éclairée. L'effet de cette mesure, c'est qu'un titre réservé, celui de psychothérapeute, lui indiquera que celui ou celle qui le porte a des compétences adaptées aux besoins en question.

(20 h 10)

Le fait de réserver le titre à des personnes dont la compétence et l'intégrité sont contrôlées est un bon moyen de savoir à qui on a affaire. Le besoin de protection est une préoccupation réelle. Il ne faut pas être grand clerc pour deviner les dommages ou les abus qui peuvent découler de l'intervention d'un incompétent ou d'une personne mal intentionnée auprès d'un client affaibli par des difficultés d'ordre émotif, psychologique ou autre.

Encore une fois, l'importance du préjudice possible commandait que l'État s'intéressât à la question. Pour autant, il nous est apparu que le besoin de protection du public pourrait être servi de façon adéquate par une information suffisante et non par une invasion législative qui aurait mis le domaine de la psychothérapie en coupe réglée. L'information, le projet de loi n° 433 la propose d'abord par le fait qu'en réservant le titre de psychothérapeute il donne à la population un signal clair permettant de reconnaître celles et ceux qui peuvent les aider avec une compétence et une intégrité reconnues par l'État. L'information viendra également au public, je le crois, par les gens admis à porter ce titre et qui, naturellement, feront connaître au public les qualités correspondant à ce titre. Cela s'appelle l'intérêt bien compris. L'information viendra, enfin, des annonces qui suivront la mise en place de ces mesures et qui indiqueront au public l'intérêt de se fier à la bannière de ce titre réservé.

Pour le reste, les Québécoises et Québécois devront, en ce domaine comme dans d'autres, prendre des précautions raisonnables avant de faire appel à ceux et celles qui leur proposent leurs services en psychothérapie.

Je veux rappeler qu'en adoptant le principe de ce projet de loi nous n'entrons pas en terrain vierge. Plusieurs professions déjà constituées au Québec ont développé, de longue date, compétence et expérience en ce domaine. Pensons aux psychologues, aux travailleurs sociaux, aux conseillers d'orientation ou encore aux médecins appartenant à certaines spécialités. Il s'agit aujourd'hui de donner également à ces ordres professionnels les outils qui leur permettront de réglementer et de surveiller avec des normes élevées cette activité de leurs membres.

Enfin, je voudrais également faire remarquer que ce projet de loi marque une étape dans l'avènement d'un concept mieux compris d'intervention en santé mentale, et de psychothérapie en particulier. En effet, malgré ce que je viens de dire à l'instant sur des professions existantes, nous sommes partis du point de vue que, quelle que soit la formation de base, n'est pas psychothérapeute qui veut. La compétence en psychothérapie ne sera plus tenue pour acquise ou réputée acquise à l'occasion de la seule formation académique. En effet, cela s'apprend. J'irai plus loin: cela nécessite également des qualités plus personnelles qui dépassent la simple capacité d'apprendre.

Cela dit, je résumerai, pour terminer, les principales mesures de cette législation. Il s'agit de réserver le titre de psychothérapeute aux détenteurs d'un permis spécifique délivré conformément à des normes de délivrance et de détention du permis; d'habiliter l'Office des professions du Québec à édicter ses normes par règlement après consultation des ordres concernés; d'habiliter les ordres professionnels visés au règlement à fixer par règlement des normes d'équivalence de la formation d'une personne qui ne détient pas le diplôme ou la formation requis suivant les normes de l'Office; d'habiliter le bureau de chaque ordre visé au règlement à délivrer le permis de psychothérapeute conformément à ses normes; de prévoir toute mesure de concordance ou utile à la mise en oeuvre de cette recommandation.

Comme vous le voyez, il y a là bien des choses concrètes pour la population que notre système professionnel a pour propos de servir et de protéger. Bien sûr, le dispositif, les aménagements que je viens de vous résumer n'empêcheront pas des personnes, ça et là, de prendre des risques en ayant recours à des personnes ou pratiques en marge des compétences éprouvées ou des garanties de probité que donne notre système professionnel. Nous aurons au moins assoupli encore une fois le domaine professionnel et donné, par ailleurs, le signal que le Québec ne doit plus se passer des compétences avérées et dont le public a besoin. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre. Nous cédons maintenant la parole au critique officiel de l'opposition en la matière, le député de D'Arcy-McGee. M. le député.


M. Lawrence S. Bergman

M. Bergman: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir de prendre la parole aujourd'hui à l'occasion de l'adoption du principe du projet de loi n° 433, Loi modifiant le Code des professions concernant le titre de psychothérapeute, Bill 433, An Act to amend the Professional Code with respect to the title of psychotherapist. C'est à titre de porte-parole de l'opposition officielle en matière d'application des lois professionnelles que je vous apporte mes commentaires sur ce projet de loi.

M. le Président, les notes explicatives que l'on retrouve au début dudit projet de loi nous indiquent que celui-ci a pour but de faire en sorte qu'aucune personne ne puisse utiliser le titre de psychothérapeute à moins d'être membre d'un ordre professionnel et qu'elle devrait être titulaire d'un permis validé à cette fin. On nous mentionne également que c'est l'Office des professions qui déterminera, par règlement approuvé par le gouvernement, quels ordres professionnels pourront délivrer ce permis et quelles seront les normes requises. Et, en dernier lieu, le projet de loi contient des dispositions relatives à la suspension et à la révocation des permis en question.

M. le Président, il est important de se rappeler que le Code des professions couvre 43 ordres professionnels qui eux-mêmes coordonnent les activités de 270 000 professionnels au Québec. Vous pouvez donc comprendre que chaque professionnel rencontre dans ses activités quotidiennes un très grand nombre de Québécois. Et, en conséquence, nous, comme parlementaires, avons une lourde responsabilité lorsque nous légiférons sur les dispositions du Code des professions.

Si le Code des professions est la pierre angulaire de notre système professionnel, sa raison d'être en est la protection du public. Nous devons toujours nous rappeler que la fonction principale de l'Office des professions est de s'assurer que chaque ordre professionnel respecte sa mission de protection du public. De là l'importance pour chaque ordre professionnel de voir à ce que chacun de ses membres rencontre les exigences de formation nécessaire, qu'ils pratiquent en conformité avec les règlements de leur code, qu'une formation continue leur soit offerte et, finalement, de garantir aux usagers un droit de plainte auprès d'un ordre advenant le cas où ils ne seraient pas satisfaits des services rendus par le professionnel choisi.

La société évolue et la population aussi. Un examen approfondi de notre système professionnel peut sûrement être bénéfique. Nous avons d'ailleurs appris par communiqué de presse émanant du cabinet du ministre de la Justice et ministre responsable de l'application des lois professionnelles que le ministre a l'intention de procéder à une telle démarche incessamment, une annonce que le ministre a faite le 1er mai 1998 lors d'une assemblée spéciale du Conseil interprofessionnel du Québec.

M. le Président, j'attire aussi votre attention sur un rapport que je considère fondamental dans le processus que veut amorcer le ministre et qui émane de l'Office des professions du Québec. Ce document, intitulé Le système professionnel québécois de l'an 2000 , a été transmis au mois de juin 1997 au ministre responsable de l'application des lois professionnelles. Cependant, force nous est de constater que, bien qu'il ait eu amplement le temps d'étudier ce rapport et d'en apprécier la qualité, on voit bien que le ministre n'entend cependant pas y donner beaucoup d'importance, lorsque l'on prend connaissance du discours qu'il a prononcé devant le Conseil interprofessionnel du Québec.

Mr. Speaker, I simply wish to bring to the attention of the Québec National Assembly that the document prepared by the Office des professions was prepared after studies and various consultations which lasted for over one year. I believe therefore that it would be appropriate if the Minister indicated if he will use the philosophy and the thinking of this report as a base, or if, with his announcement of May 1st, 1998, he wishes to start from anew, from zero.

(20 h 20)

I also believe that if the study which the Minister will undertake is to be efficient, because its results will eventually affect the lives of all Quebeckers who come in touch with our professional system, then the population must know exactly from the Minister what is to follow the announcement of May 1st, 1998, namely the structure of the study which the Minister will undertake, by whom, how, when, under what mandate and also the time frame for the study, its conclusion, the report and the legislation which will be derived therefrom; and, finally, whether or not it is appropriate – in all senses of the word – to have the Government present patchwork legislation while the process announced by the Government itself is being undertaken.

M. le Président, le projet de loi n° 433 que nous avons actuellement devant nous a été présenté à cette Assemblée le 12 mai 1998 par le ministre responsable de l'application des lois professionnelles. Quelle est donc la raison qui incite le ministre à déposer ce projet de loi seulement 12 jours après l'annonce d'une étude sur notre système professionnel québécois? Pourquoi cette urgence soudaine? Je considère que c'est un manque flagrant de respect de la part du ministre envers les 270 000 professionnels du Québec. Mais je vais vous la donner, cette raison, c'est parce que cela fait partie de la vision en pièces détachées du ministre et parce qu'il veut sauver son projet de loi n° 406, c'est-à-dire Loi modifiant le Code des professions.

M. le Président, à cet effet, j'aimerais vous citer un extrait du mémoire présenté à la commission des institutions par l'Ordre professionnel des conseillers et conseillères en orientation du Québec dans le cadre des consultations particulières sur le projet de loi n° 406, qui dit ceci, et je cite: «Le bureau de l'Ordre professionnel des conseillers et conseillères en orientation constate que l'accord raisonnable donné par nos membres à l'automne 1997 faiblit constamment. C'est donc un signal d'alarme que nous vous transmettons aujourd'hui: le temps presse afin que notre Bureau puisse aller de l'avant avec ce projet en toute légitimité. Si les projets de loi n° 406 et n° 433 ne sont pas tous deux adoptés à la présente session parlementaire, nous devrons retourner consulter les conseillers et conseillères d'orientation, et ils risquent fort de refuser leur aval du projet. Cette situation, croyons-nous, confirme également la nécessité de pouvoir procéder à une fusion ou intégration par décret afin de diminuer les délais entre la décision et le projet.» Fin de citation.

M. le Président, comme vous pouvez le constater, le ministre veut faire adopter à toute vapeur le projet de loi n° 433 de peur que son projet de loi n° 406 n'obtienne pas la faveur des professionnels. Ce projet de loi sent l'improvisation de dernière minute. Il est incomplet, pose plus de questions qu'il ne donne de réponses et est ce qu'on peut appeler une coquille vide. La réserve d'un titre professionnel est un processus trop important pour qu'on adopte un tel projet de loi à la dernière minute, surtout lorsqu'il est incomplet comme est le projet de loi n° 433.

M. le Président, dans le même ordre d'idées, l'Ordre des sexologues du Québec s'est fait encore plus direct à l'endroit du ministre et s'est exprimé à peu près dans des termes semblables sur le projet de loi n° 406 quand, dans leur mémoire, il est écrit: «Dans l'éventualité où le projet de loi sur la réserve du titre de psychothérapeute n'était pas déposé, il serait nécessaire pour l'Ordre de consulter à nouveau ses membres.»

En d'autres mots, M. le Président, l'un ne va pas sans l'autre et, si nous sommes ici aujourd'hui, c'est parce que le ministre n'a pas fait son travail avec le projet de loi n° 406.

Mr. Speaker, let us also be very clear. The main mission of the Professional Code is the protection of the public, and the first two paragraphs of the explanatory notes of the bill we are studying say that the bill is to regulate the use of the title of psychotherapist and that the bill provides that no person may use that title unless the person is a member of a professional order and the holder of a valid permit for that purpose.

Firstly, Mr. Speaker, nowhere in the bill that we are studying this evening is there any definition of the word «psychotherapist» and the functions attached to this title. It is essential that this omission be corrected and that we recognize what is a reserved title. In this matter, the Office des professions, in the document submitted to the Minister, says, and I quote:

«L'Office croit à l'efficacité de la réserve du titre professionnel pour assurer la protection du public et entend veiller à ce que l'accent soit mis sur ce moyen privilégié pour que les ordres remplissent leur fonction essentielle. L'utilisation des titres professionnels par quiconque n'est pas membre de l'ordre concerné continuera donc d'être interdite et les mécanismes prévus concernant l'usurpation des titres seront maintenus. De plus, l'utilisation du titre réservé par un professionnel doit être strictement balisée. En effet, lorsqu'un professionnel utilise son titre, il annonce au public son identité et s'affiche comme appartenant au système, avec les garanties de protection que cela comporte.» Fin de citation.

This is why the clarification of the bill before us is so important. We also must be concerned for the individuals who might practice the activities of a psychotherapist without using the title. The Professional Code offers no protection for this, no protection for the public, and therefore my insistence for at least the definition in Bill 433 of the word «psychotherapist» and the relevant activities and functions attached to this profession. If not, what would be the value of the bill before us?

Bill 433 also indicates that it is the Office des professions which will determine which professional orders can deliver the permit of psychotherapist. I question whether this is too wide a power to give to the Office without any form of consultation with the professional orders concerned. We talk about consultation, we talk about a formal consultation, not the type of informal consultation which the Minister talked about this evening. Why is there no obligation for the Office des professions to have a true consultation with the professionals involved? And is it the intention of the Government to allow the Office total freedom of choice without consultation?

M. le Président, un des principes de base de notre système professionnel est l'autonomie qui est conférée aux divers ordres professionnels agissant, cependant, en conformité avec les dispositions du Code des professions, sous la supervision de l'Office des professions, et aussi avec le Conseil interprofessionnel.

Il connaissent les besoins de leur profession beaucoup mieux que nous et il faut se garder de la tentation de trop intervenir dans leurs affaires. En fait, dans le document préparé par l'Office des professions dont je faisais mention précédemment, la première phrase du texte se lit ainsi, et je cite:

«Le système professionnel québécois tel qu'on le connaît aujourd'hui s'est concrétisé en 1973 avec l'avènement du Code des professions et des institutions que cette loi créait. Le législateur confiait alors des responsabilités aux ordres professionnels par l'intermédiaire d'un système largement fondé sur le principe de l'autonomie des professionnels.» Fin de citation.

Me Patrice Garant, avocat et professeur à la Faculté de droit de l'Université Laval, dans une édition intitulée Droit administratif , et plus particulièrement à la section VIII, indique, et je cite: «La consultation préalable obligatoire est donc une condition de la validité d'un acte ou d'une décision administratifs. Toutefois, il faut que cette consultation soit réelle et non seulement apparente. Elle doit être adéquate, ce qui implique que les personnes consultées doivent recevoir suffisamment d'information, avoir une opportunité suffisante et un délai raisonnable pour exprimer leurs points de vue.» Fin de citation.

(20 h 30)

M. le Président, que veut-on dire par «consultation réelle et non seulement apparente»? La jurisprudence nous apprend que la consultation doit être adéquate, qu'on doit y prévoir des délais raisonnables afin de permettre l'expression d'idées et, naturellement, qu'aucune décision préalable ne doit avoir été prise sur la question en litige. Je crois sincèrement que l'Office des professions devrait être obligé de consulter, dans une manière formelle, les ordres professionnels qui peuvent être affectés par ce projet de loi n° 433 d'une manière directe ou indirecte. Ne pas les consulter est une grave erreur; cela ne peut qu'entacher la validité et la légitimité du processus.

M. le Président, tel que je le disais dans mon introduction, le projet de loi n° 433 prévoit également que c'est l'Office, par règlement, qui fixe les normes de délivrance d'un permis de psychothérapeute. Il est prévu, à l'article 40 de la section IV, Dispositions communes, du Code des professions, que, et je cite, «le bureau d'un ordre délivre un permis à toute personne qui satisfait aux conditions prescrites par le présent Code, la loi constituant cet ordre et les règlements adoptés conformément au présent Code ou à ladite loi». Fin de citation. Il est clair que, par ce projet de loi n° 433, le ministre invite les parlementaires à abdiquer leur devoir de légiférer. Il demande aux parlementaires de donner un chèque en blanc à l'Office des professions, un organisme bureaucratique qui relève de l'exécutif et non de l'Assemblée nationale. En fait, c'est un pouvoir complet sur la profession que donne à l'Office des professions le gouvernement du Parti québécois. Il est bien évident que nous faisons face à un projet de loi qui est à toutes fins pratiques vide de substance.

But this is something that we're getting used to with a government which is being led by a non-elected Premier but being kept in order by an elected former Premier who does not have a seat in this Assembly but who's acting more and more like the titular head of the Parti québécois.

Je suis aussi préoccupé par le fait que ce projet de loi donne beaucoup de pouvoirs à un organisme de l'exécutif sans qu'il ait de comptes à rendre sur le bien-fondé de ses décisions. Vous conviendrez avec moi, cependant, que cela semble une habitude pour le ministre responsable de l'application des lois professionnelles. Pour vous en rendre compte, vous n'avez qu'à jeter un coup d'oeil au projet de loi n° 406 et plus particulièrement au mémoire daté d'octobre 1997 qu'il a adressé au Conseil des ministres, alors qu'il dit que la flexibilité ou la souplesse nécessaire à la mise en oeuvre d'une fusion ou intégration n'est pas d'une importance suffisante pour en saisir le législateur.

Maintenant, c'est le gouvernement du Parti québécois qui va décider si l'Assemblée nationale du Québec a assez de flexibilité ou non et quel sujet a de l'importance ou non. Franchement, M. le Président, mes collègues du caucus libéral et moi avons été élus par la population, dans chacun de nos comtés du Québec, pour servir les intérêts des citoyens, et nous entendons bien nous acquitter de nos fonctions au sein de cette Assemblée nationale, une institution qui, jusqu'en 1994, faisait preuve d'assez de souplesse et de flexibilité pour être à l'écoute et travailler aux besoins des Québécoises et des Québécois.

Permettez-moi de vous citer à ce sujet les commentaires du Bâtonnier du Québec tenus en relation avec le projet de loi n° 406, alors qu'il écrit au ministre de la Justice et ministre responsable de l'application des lois professionnelles. Il lui dit, et je cite: «Or, l'Assemblée nationale ne devrait pas, à nos yeux, abdiquer son autorité, cela à des simples motifs d'efficacité.» Fin de la citation.

M. le Président, nous avons, comme parlementaires, la responsabilité d'assurer la protection et le bien-être de la population, et je ne crois pas que le ministre ait compris cela, lorsque l'on voit le projet de loi n° 433.

À mon avis, c'est un projet de loi bâclé, incomplet, déposé devant nous à la dernière minute. Mais, le plus important, c'est qu'il a été présenté par le ministre seulement dans le but non avoué de faire passer un autre projet de loi et non pas dans le respect de la protection du public. En tout cas, l'on ne peut pas dire que le ministre essaie de redonner confiance aux Québécoises et aux Québécois face aux politiciens.

M. le Président, il ne faut pas oublier que, lorsqu'on touche le secteur professionnel, la protection du public, bien qu'elle soit notre préoccupation majeure, elle ne doit cependant pas être notre seule préoccupation. Il faut penser aussi aux professionnels, à ceux qui vont voir leur pratique, leur champ d'expertise et leur carrière bouleversés et peut-être pas dans le meilleur sens, car je m'interroge sérieusement à savoir si ce projet de loi va réellement régler les difficultés à maintenir et à susciter l'adhésion des membres et à assurer un contrôle adéquat de l'exercice.

En conclusion, M. le Président, je crois que la présentation de ce projet de loi était prématurée, compte tenu d'un manque de consultation adéquate et de l'enclenchement d'un processus visant l'étude complète de notre système professionnel québécois. Pour toutes les raisons précédemment énoncées, l'aile parlementaire libérale à l'Assemblée nationale votera contre ce projet de loi n° 433. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de D'Arcy-McGee. Comme il n'y a point d'autres intervenants sur l'adoption du principe, M. le ministre, est-ce que vous désirez vous prévaloir de votre droit de réplique?


Mise aux voix

Alors, le principe du projet de loi n° 433, Loi modifiant le Code des professions concernant le titre de psychothérapeute, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Sur division. M. le leader adjoint du gouvernement.


Renvoi à la commission des institutions

M. Boulerice: Oui. M. le Président, je fais motion que le projet de loi soit déféré à la commission des institutions pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce que cette motion est adoptée?

Une voix: Adopté.

M. Boulerice: Bien non, ce n'est pas sur division, pour aller en commission. Ça ne se fait pas.

Le Vice-Président (M. Pinard): Elle est adoptée.

M. Boulerice: Je vous fais également motion, M. le Président, d'ajourner nos travaux au jeudi 28 mai 1998, à 10 heures.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, cette motion est sûrement adoptée. Pour ma part, je vous avise que les travaux sont maintenant ajournés au jeudi 28 mai, aux affaires courantes, à 10 heures.

(Fin de la séance à 20 h 38)