(Dix heures cinq minutes)
Le Président: Alors, Mmes, MM. les députés, veuillez vous asseoir.
M. le leader du gouvernement.
M. Brassard: M. le Président, étant donné l'importance du premier grand discours du chef de l'opposition à l'Assemblée nationale, je voudrais être bien sûr que tout se déroule dans la plus parfaite légalité.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.
M. Paradis: Oui. Je comprends la position et l'attitude du leader du gouvernement, M. le Président. Il aurait dû avoir cette attitude-là hier, c'était le moment opportun de l'avoir. Maintenant, on lui rappelle à ce moment-ci les dispositions de l'article 41 de notre règlement: malheureusement, les décisions du président ou de l'Assemblée ne peuvent être discutées.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président: Et, en ce qui concerne la présidence, c'est heureusement.
Affaires du jour
Affaires prioritaires
Débat sur le discours d'ouverture
Alors, à ce moment-ci, nous allons aborder les affaires du jour pour aujourd'hui. Ce matin, la période est d'abord consacrée à l'intervention du chef de l'opposition officielle à l'issue du message inaugural qui a été prononcé hier par le premier ministre. Alors, M. le chef de l'opposition officielle.
Des voix: Bravo!
M. Jean J. Charest
M. Charest: Merci. Merci beaucoup. Merci beaucoup, M. le Président. M. le Président, c'est la première fois que j'ai le privilège de m'adresser à vous, et à mes collègues, et, par le biais de l'Assemblée nationale, à la population du Québec ici même et suite à l'élection du 30 novembre dernier.
Je veux réitérer une fois de plus les félicitations qu'on vous a transmises il y a de cela quelques jours suite à un événement historique: l'élection du président de l'Assemblée nationale au suffrage des membres. Je veux vous réitérer à quel point nous comptons sur vous, sur votre impartialité, et je veux vous répéter la volonté de l'opposition officielle de collaborer avec vous et avec le fauteuil, avec tous ceux et celles qui seront appelés à présider les débats de l'Assemblée nationale.
Par la même occasion, M. le Président, j'aimerais remercier aujourd'hui mes électeurs du comté de Sherbrooke. Je veux remercier en particulier la population des Cantons-de-l'Est. Nous avons fait beaucoup de chemin ensemble depuis les 15 dernières années. La population des Cantons-de-l'Est m'a toujours secondé dans mes efforts pour la représenter quand j'étais à la Chambre des communes et elle vient de me réitérer sa confiance en m'élisant pour la représenter à l'Assemblée nationale du Québec. Ceux qui me connaissent savent mon affection pour cette région du Québec où ma famille, dont plusieurs membres sont ici aujourd'hui, est enracinée depuis des générations, où je suis né, où j'ai grandi, où j'ai été éduqué, où j'ai travaillé, où j'ai connu mon épouse, où j'ai fondé ma famille, et que je n'ai jamais quittée. Représenter la population du comté de Sherbrooke à l'Assemblée nationale du Québec est un immense privilège, un insigne honneur, M. le Président, un privilège et un honneur qu'il faut mériter à chaque jour, à chaque instant, et comptez sur moi pour ne pas les décevoir.
M. le Président, c'est aujourd'hui la première occasion aussi que j'ai de m'adresser à la population québécoise à titre de chef de l'opposition officielle à l'Assemblée nationale. Il est important de rappeler à la population, à qui les débats parlementaires paraissent parfois sans lien réel avec leurs préoccupations de tous les jours, l'importance du rôle que notre Assemblée nationale a joué dans notre histoire et du rôle qu'elle jouera dans notre avenir à tous. Je tiens à rappeler dans cette enceinte, dont les murs ont résonné des voix illustres de ceux et celles qui ont construit le Québec et le Canada et dont la mémoire inspire ceux et celles qui ont l'honneur d'y siéger, à quel point c'est une institution qui est au coeur du Québec.
(10 h 10)
On ne se rappellera sans doute jamais assez que l'Assemblée nationale, qui a récemment célébré son bicentenaire, est un des plus vieux Parlements au monde. Au monde. C'est ici, dans cette Assemblée, qu'est née l'idée de gouvernement responsable au Canada. C'est d'abord ici, dans notre Assemblée nationale, que la démocratie, et la pratique de la démocratie, s'est véritablement implantée au Canada. La notion de gouvernement responsable, il faut le rappeler, dans notre histoire, c'était nouveau, c'était un précédent important. Et ce sont nos ancêtres à nous, ce sont des gens qui étaient ici, des gens qui ont siégé ici, qui ont créé ça, qui se sont battus pour ça, pour le Québec et pour le Canada, et qui ont fait la démonstration que, quand on est prêt à jouer un rôle de leadership, on peut faire avancer les intérêts du Québec, on peut faire avancer les intérêts du Canada.
La notion de responsabilité, c'est le fondement même de la démocratie. Sans elle, le droit de vote est une coquille vide. C'est ce qui distingue les vraies démocraties des dictatures déguisées. C'est la pierre de taille de notre système parlementaire. C'est la raison d'être d'une opposition officielle.
C'est notre rôle à nous, les députés d'opposition, d'obliger le gouvernement à répondre de ses paroles, de ses engagements et de ses actes. Et c'est ce que nous avons l'intention de faire, car, nous aussi, nous avons une responsabilité en tant qu'élus envers la majorité de la population du Québec qui a voté contre ce gouvernement. Nous avons un devoir sacré, une obligation de vigilance envers ce gouvernement. Et nous l'exercerons, car ce gouvernement, en raison de l'option primordiale du parti qu'il représente et qu'il élève systématiquement en priorité absolue par rapport aux intérêts réels, tangibles et quotidiens des citoyens et citoyennes du Québec, ce gouvernement, en raison de son obsession référendaire, doit être surveillé de très près.
Pour cette raison, la façon dont ce gouvernement gère et utilise les fonds publics doit être surveillée de très près. Et je souligne que cette fâcheuse tendance, quasiment devenue habitude depuis 1994, à utiliser des fonds publics à des fins partisanes pour servir une option qui a été rejetée deux fois deux fois par vote démocratique et solennel de toute la population du Québec, rejet que les résultats de la dernière élection n'ont fait que reconfirmer une fois de plus, exige une surveillance de tous les instants. C'est notre rôle et notre devoir le plus sacré, et nous avons le mandat de l'exercer et nous l'exercerons.
M. le Président, il a déjà été dit ceci, et je cite, au référendum de 1980: «Le Québec a décidé de demeurer dans la confédération canadienne et, à partir de là, il est de notre devoir d'aller défendre ses intérêts à Ottawa.» Fin de la citation. J'espère que le premier ministre actuel s'est reconnu dans ses propres mots, M. le Président. C'est utile peut-être de le rappeler à sa députation.
J'assume donc ce nouveau rôle avec d'autant plus de fierté que mon parti et moi-même avons obtenu la pluralité des voix et donc l'appui démocratique le plus important de tous les partis à l'élection générale de 1998. M. le Président, je suis accompagné ici aujourd'hui d'une équipe d'hommes et de femmes qui, de tous les instants, se dévoueront aux intérêts des Québécois et Québécoises. C'est avec beaucoup de fierté que je me tourne vers eux et que je retrouve, dans les banquettes de l'opposition officielle, des parlementaires d'expérience mais également des gens qui ont décidé de contribuer, à leur façon, à la vie publique, qui le feront avec leur énergie, leur talent et leur intelligence. Et c'est avec beaucoup de plaisir que, dans les prochaines semaines, les prochains mois, la population du Québec apprendra à mieux les connaître.
Ma responsabilité et celle de l'opposition officielle n'en est que plus grande, car le résultat électoral comporte un message pour ce gouvernement. Ce résultat électoral comporte une signification dont il faut parler aujourd'hui, mais dont j'aurais espéré entendre parler hier de la part du premier ministre, entendre parler franchement et lucidement. Hélas, le premier ministre a préféré faire des jeux de mots. Il faudra donc, à plus forte raison, l'obliger à tenir compte de ce qu'il a décrit comme étant lui-même un message nuancé. En effet, si la pluralité des votes exprimés est allée au Parti libéral du Québec et non au Parti québécois, il convient de se demander pourquoi.
La première raison, c'est que les Québécoises et les Québécois sont fatigués, épuisés, exaspérés par le débat stérile et sans issue que leur impose ce régime du Parti québécois sur leur avenir. L'obsession des péquistes, qui les mène à vouloir tenir des référendums à répétition jusqu'à ce qu'ils aient arraché le résultat qu'ils souhaitent mais que la population a dit et redit qu'elle ne souhaite pas, cette obsession, dis-je, est devenue, pour les citoyens et citoyennes, un très lourd fardeau. En effet, M. le Président, plus personne aujourd'hui ne peut nier le prix exorbitant que nous payons sur les plans économique, politique et social pour l'incertitude dans laquelle les gens d'en face s'acharnent à nous maintenir par tous les moyens depuis bientôt cinq ans.
M. le premier ministre, M. le Président, vous me permettrez de citer le discours inaugural qu'on a entendu hier. Il y a une chose sur laquelle on s'entend. J'ai pris bonne note de l'admission faite par le gouvernement dans son discours inaugural. Je me permets de le relire ça vaut la peine de le rappeler et je cite: «Mais nous devons être francs a dit hier le premier ministre et dire aux Québécoises et aux Québécois que, dans le contexte canadien actuel, il y a un prix politique à payer pour rester trop longtemps dans l'indécision.»
Des voix: Bravo!
M. Charest: La partie ministérielle applaudit et sourit, M. le Président. Le plaisir, si je dénombre tous les grands sourires du côté des banquettes ministérielles... Et le premier ministre saura, M. le Président, que le revers de la médaille politique, c'est l'économique. Le prix à payer, il est économique, et c'est un lourd fardeau que porte... Le ralentissement économique qui perdure alors même que nos voisins connaissent un boom sans précédent. Faiblesse de l'investissement privé, M. le Président, chômage, pauvreté, diminution de revenu disponible pour les familles. Et, pour compenser, le gouvernement, au lieu d'aller dans le sens de l'économie nord-américaine en réduisant les impôts et les taxes, en permettant aux familles et aux individus d'avoir un revenu plus élevé, s'obstine à ramer à contre-courant. Or, quand on rame à contre-courant, M. le Président, on peut toujours espérer faire du surplace, mais, en réalité, on est condamné à reculer et, au pire, à être emporté. Car le courant contraire, c'est celui qui porte nos concurrents, mais c'est aussi celui qui emporte nos emplois, nos jeunes, nos meilleurs cerveaux, notre avenir.
Le gouvernement péquiste, au lieu de nous faire profiter de ce courant de prospérité qui porte nos voisins, rame dans la direction contraire, et ce, afin de mieux masquer le tort que son option a causé et continue d'infliger à notre économie, à notre tissu social, à notre qualité de vie. Nous avons donc le pire des deux mondes: à la fois l'incertitude admise, entretenue délibérément par ce gouvernement et par sa menace référendaire, et les taxes et les impôts les plus élevés de tout le continent. Voilà le triste record de ce gouvernement. Cette portion exagérée du revenu des contribuables, M. le Président, ce gouvernement en a besoin pour subventionner nos entreprises, pour les aider à résister au chant des sirènes qui les appelle dans les juridictions voisines, il en a besoin pour stimuler artificiellement l'activité économique, et tout cela, pour compenser l'affaiblissement catastrophique de notre niveau de vie qu'eux-mêmes provoquent par leurs politiques, M. le Président.
(10 h 20)
Le gouvernement actuel aime bien faire de grands discours sur ses relations avec le gouvernement central, blâmer les autres pour ses politiques. Pourtant, à ce que je sache, M. le Président, les politiques qui sont appliquées sont appliquées également à travers le Canada, ont des effets qui sont similaires.
Pourtant, faisons l'examen de ce qui s'est passé au Québec depuis 1995. Et le constat est le suivant: les Québécois ont vu leur revenu après impôt, depuis 1995, diminuer à chaque année pendant que les autres Canadiens ont vu le leur augmenter de 3 %. Il existe un écart d'environ 4 % entre la croissance du revenu après impôt des Québécois et celui des autres Canadiens. Ce 4 % représente l'équivalent d'un chèque de paie dont les Québécois sont privés. C'est ça, le bilan de ce gouvernement. Non seulement sommes-nous témoins, malheureusement, d'un appauvrissement général de la population, à cela s'ajoute un phénomène de pauvreté encore plus important. On est plus pauvre aujourd'hui qu'on l'était après l'élection de ce gouvernement.
Cela dit, M. le Président, nous ne nous contenterons pas de critiquer juste pour critiquer. Notre responsabilité envers tous les citoyens du Québec est aussi d'offrir des solutions aux problèmes que nous identifions, de suggérer des correctifs aux erreurs que nous dénonçons, de fournir des faits en contrepartie des demi-vérités véhiculées par ce gouvernement dans le but de servir son option fondamentale, une option, je le répète, que la majorité des Québécoises et des Québécois ne partagent pas. Contrairement au parti fondé à Ottawa par le premier ministre actuel lors d'une de ses incarnations antérieures, nous avons la responsabilité, le devoir et l'obligation d'être un gouvernement en attente.
À titre de chef de l'opposition officielle et entouré de l'équipe libérale, j'ai la ferme intention d'être un leader non seulement d'opposition, mais de proposition. C'est dans cet esprit, M. le Président, que nous abordons le mandat que la population du Québec a donné au Parti libéral. Notre rôle primordial sera donc de défendre les intérêts des Québécois et des Québécoises.
Je tiens ici à faire une mise au point, M. le Président, avant d'entrer dans le vif du sujet. Il y a une distinction fondamentale très nette entre le groupe ministériel et l'opposition officielle quant à notre définition de ce qu'on a traditionnellement appelé chez nous les intérêts du Québec. Et ça vaut la peine de s'arrêter là-dessus et de souligner cette différence parce qu'elle sera au coeur des décisions que prendra le gouvernement actuel et au coeur de l'alternative que nous allons offrir.
J'insiste là-dessus parce que, pour le parti au pouvoir, les intérêts du Québec se limitent aux intérêts du gouvernement du Québec. Pour le gouvernement péquiste, les intérêts du Québec, cela ne signifie pas, justement, les intérêts de tous les Québécois et de toutes les Québécoises. Il ne s'agit pas de ma part d'une affirmation gratuite, il y a une feuille de route; on a une feuille de route de ce gouvernement-là pour le démontrer. Ce parti a maintenant fait la preuve depuis les quatre dernières années que sa perception des intérêts du Québec était bien différente de l'opposition officielle. Ce qu'il a prouvé, systématiquement et en toute occasion, c'est que les intérêts du Québec pour ce gouvernement péquiste, cela veut dire les intérêts de son option et de son parti. Depuis quatre ans, les intérêts des citoyens et des citoyennes ont été durement asservis aux intérêts de l'État péquiste et de son option. Pour eux, M. le Président, les citoyens et les citoyennes sont là pour servir l'État et l'option. C'est ce qui explique leur acharnement et leur vaine tentative depuis quatre ans à manipuler l'opinion publique à grand renfort de fonds publics en faveur, justement, de cette option.
Pour le Parti libéral du Québec, M. le Président, les intérêts du Québec désignent les intérêts des citoyens et citoyennes du Québec d'abord. C'est là où on doit d'abord définir ce que sont les intérêts du Québec. Pour nous, c'est le gouvernement, c'est l'État, ce sont les institutions, et en premier lieu l'Assemblée nationale du Québec, qui doivent être au service des citoyens. Les contribuables, eux, paient la note, M. le Président; ils paient votre salaire, ils paient le mien, celui de tous les employés de l'État. La facture est considérable, et, pour la payer, les contribuables québécois croulent sous un fardeau fiscal qui n'a d'égal nulle part ailleurs en Amérique du Nord.
La mission que se donne le Parti libéral du Québec dans son rôle d'opposition officielle à l'Assemblée nationale est d'exercer une surveillance, une vigilance de tous les instants afin que l'appareil de l'État soit remis au service des citoyennes et des citoyens. L'État doit exister pour les servir et non les asservir. Le trésor de l'État n'appartient pas au gouvernement; il ne peut en disposer comme bon lui semble. Il doit à tout moment être mis devant la réalité, à savoir que le trésor appartient aux contribuables, aux citoyens, et qu'il doit être utilisé pour promouvoir leurs intérêts et apporter des solutions à leurs problèmes pour améliorer leurs conditions de vie, leurs conditions de travail, leurs hôpitaux, leurs écoles, leurs universités, et non pour promouvoir les intérêts du parti au pouvoir.
Et là il y a un dossier où le gouvernement avait une occasion en or, M. le Président, de démontrer sa bonne foi et de prouver d'emblée qu'il a entendu le message de l'élection du 30 novembre dernier. M. le Président, j'en profite pour ouvrir une parenthèse sur ce message. Comme vous, j'ai écouté le discours du premier ministre hier, mais je me demande si le gouvernement, lui, écoute. C'est la question qu'on se pose tous, aujourd'hui. Il y a un dossier où il a refusé, avant l'élection, d'écouter les électeurs, où il s'est entêté. Il a passé trois décrets à toute vapeur à l'occasion de la crise du verglas, en jouant sur les émotions de la population. Ce gouvernement-là, M. le Président, a choisi de contrevenir directement aux lois de l'Assemblée nationale en passant des décrets en dépit de l'opposition du Parti libéral et malgré l'opposition des citoyens.
Il a choisi de sortir le rouleau compresseur pour écraser la volonté des citoyens du Val-Saint-François dans le dossier de la ligne Hertel-des Cantons. Ce gouvernement vient maintenant d'être sévèrement réprimandé par les tribunaux. Alors, lors d'une rencontre avec les citoyens du Val-Saint-François, le 12 septembre dernier, le premier ministre du Québec avait félicité les citoyens d'avoir entrepris un recours devant les tribunaux, il leur a dit qu'ils avaient raison d'aller devant les tribunaux. Il ne semble pas s'en rappeler, M. le Président. Il pourra peut-être s'en rapporter aux citoyens qui étaient présents à la réunion. Il leur a donc dit, par le fait même, qu'il allait respecter le jugement du tribunal.
M. le Président, les Québécoises et les Québécois ont l'occasion aujourd'hui de mettre à l'épreuve la parole de ce premier ministre très tôt dans ce mandat. On saura dans les prochaines heures, dans les prochains jours s'il tiendra, oui ou non, parole. On saura s'il a enfin appris à écouter les citoyens. Permettez-moi d'en douter, M. le Président. Je crains fort que, là comme ailleurs, les citoyens ne frappent un mur avec ce premier ministre. Pour s'en convaincre, il suffira d'examiner la feuille de route.
Hélas! M. le Président, le bilan du dernier mandat de ce gouvernement, puisqu'il faut en parler, n'est pas très reluisant. Sur le plan économique, le Québec a pris un retard considérable par rapport à l'ensemble des autres juridictions en Amérique du Nord. Notre taux de chômage est plus élevé que la moyenne canadienne. Notre taux de croissance d'emploi est plus faible que celui du reste du Canada.
Notre croissance économique demeure anémique, bien en-deçà de la moyenne canadienne, et ce, tout au long d'une période de boom économique sans précédent en Amérique du Nord. En fait, M. le Président, ça vaut la peine de le souligner. Quand il s'agit de mesurer la performance de l'économie du Québec, rappelons-nous que cette performance se mesure dans un contexte de boom économique sans précédent en Amérique du Nord. C'est ça, la vraie mesure. On vient de vivre ça, là.
Je vous pose la question dans un autre contexte. Imaginons-nous ce qui serait arrivé si on avait vécu une récession. Si on a connu une performance aussi pauvre que celle-là alors que, partout en Amérique du Nord, il y a un boom qui nous entoure, il y a des occasions pour nous de faire des affaires puis on n'a pas été capable de faire plus que ça, j'hésite à penser, je n'ose pas penser à ce qui pourrait arriver si, par malheur, il devait y avoir un ralentissement économique.
Sur le plan des taxes et des impôts, nous sommes la juridiction, en Amérique du Nord, où les contribuables sont les plus taxés et les plus imposés. Sur le plan des revenus des particuliers, les Québécoises et les Québécois se sont appauvris de façon dramatique j'ai donné les chiffres tantôt. Alors que partout autour de nous, aux États-Unis, dans le reste du Canada, les familles, les individus gagnent en revenus, s'enrichissent tranquillement mais ils sont sur une pente montante, chez nous, on continue à péricliter, on s'appauvrit, et ce, toujours dans cette période où on s'enrichit partout autour de nous. Les investissements privés sont les plus bas qu'on ait connus depuis que l'on tient des statistiques en la matière.
(10 h 30)
Mais ne nous demandons pas comment il se fait que nos plus proches voisins, l'Ontario entre autres, connaissent des taux records de croissance alors que, nous, on fait du surplace et qu'on recule. N'allons pas plus loin que les murs de cette Chambre, M. le Président. Depuis des décennies, elle résonne de nos débats stériles sur l'option des péquistes. On tourne en rond sous la perpétuelle menace d'un référendum, tandis que nos voisins, eux, ils bâtissent, ils construisent, développent leur économie, attirent les investisseurs, mettent leur monde au travail. Ce n'est pas qu'on ne soit pas capables, M. le Président.
Hier, lors du discours inaugural, j'ai été frappé par les exemples que donnait le premier ministre sur les succès québécois, les succès dont nous nous réjouissons: le Cirque du Soleil, Bombardier, l'aérospatiale, l'aéronautique, la pharmaceutique, le multimédia, des secteurs où l'on connaît des progrès très importants.
Par contre, ce qui m'a frappé, M. le Président, c'est que le gouvernement actuel semble se satisfaire de la situation que nous vivons aujourd'hui. Implicite dans le message du gouvernement actuel, c'est qu'il sous-estime les Québécois. Comme si on n'était pas capables d'en faire plus ou davantage. Et ce qui m'a le plus surpris en écoutant attentivement les exemples donnés par le premier ministre dans son discours inaugural, en énumérant les secteurs où on avait réussi, c'est d'abord le peu de reconnaissance qu'on donnait aux hommes et aux femmes qui ont fait ces réussites-là. Parce que, dans l'esprit de certains, la réussite d'une compagnie comme Bombardier, ça doit être à cause du gouvernement, alors que c'est les Québécois et Québécoises eux-mêmes qui ont fait la réussite de cette compagnie-là, d'abord. Je le sais, ils vivent dans ma région, à Valcourt.
Des voix: Bravo!
M. Charest: J'encourage les députés ministériels à ne pas arrêter leurs applaudissements parce qu'il y a autre chose à dire. J'ai remarqué, dans les exemples donnés, qu'il y avait là aussi le fruit des combats qu'avaient menés les Québécois à l'intérieur du Canada et à l'intérieur du système fédéral pour qu'on puisse connaître ces succès-là.
Dans l'aéronautique, entre autres, le premier ministre s'en rappellera bien, dans l'aérospatiale, entre autres, M. le Président, c'est des combats qu'ont menés les Québécois à l'intérieur du système fédéral. Dans la pharmaceutique. Je me suis rappelé, M. le Président, que l'Assemblée nationale, alors que le premier ministre était Pierre-Marc Johnson, avait voté une résolution qui était unanime pour défendre l'industrie pharmaceutique, suivi par le gouvernement de Robert Bourassa, suivi par la députée de Saint-François qui, il y a quelques mois, avec la collaboration d'un collègue fédéral dans son comté, le député de Sherbrooke, avait présenté une autre résolution à l'Assemblée nationale pour défendre l'industrie pharmaceutique. Je me rappelle de ces combats-là. J'en ai fait partie. Et ce que j'en retiens, c'est nos victoires comme Québécois, M. le Président.
Des voix: Bravo!
Une voix: Des exemples, des exemples.
M. Charest: Une des plus grandes victoires, puisque le député d'Abitibi demande des exemples, c'est le libre-échange. J'ai fait partie de ces combats-là. Il faut avouer, M. le Président... J'admets, je n'étais pas seul, en tout cas pas tout le temps.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Charest: Vous vouliez un exemple? Rappelons-nous qu'en 1988 les Québécois sont allés sur la ligne de front pour se battre pour le libre-échange, qu'on a réussi justement, et que ceux et celles qui hésitaient à l'époque, on leur a prouvé notre succès, mais on leur a surtout prouvé que, quand les Québécois exercent leur leadership, on est capables de gagner pour la population du Québec, M. le Président.
Des voix: Bravo!
Le Président: Je m'excuse, M. le chef de l'opposition. Je voudrais profiter de l'occasion pour rappeler deux choses. D'abord, aux membres de l'Assemblée, que, hier, je pense qu'on a eu l'occasion d'entendre le premier ministre sans presque aucune interruption, et je crois qu'aujourd'hui on devrait avoir le même traitement pour le chef de l'opposition officielle. D'autre part, je voudrais inviter les gens dans les tribunes à contenir leurs applaudissements. Le public n'est pas autorisé à manifester de quelque façon que ce soit. Les seuls qui le sont, ce sont les membres de l'Assemblée. M. le chef de l'opposition officielle.
M. Charest: Oui. Bien, M. le Président, on va pardonner les excès d'enthousiasme des membres de l'Assemblée.
M. le Président, il y a un revers à cette médaille économique aussi, qui est fort triste je vais en parler aujourd'hui. Parce que le plus dérangeant après quatre ans de ce gouvernement, c'est sa supposée social-démocratie, et ça doit être, je l'avoue, un petit peu gênant pour ceux qui sont sur les banquettes ministérielles et qui aimeraient bien dire et se penser sociaux-démocrates d'avoir un bilan aussi pauvre que celui qu'ils présentent actuellement. Il y a malheureusement plus de chômeurs, il y a plus d'assistés sociaux, plus de démunis, plus de sans-logis et de sans-espoir au Québec qu'en 1994.
Le premier ministre nous dit que, et je cite, «créer de l'emploi, c'est notre priorité». C'est le même discours qu'il tenait à son premier mandat, en 1996, rien de nouveau. Pourtant, en 1996, le Québec n'a réussi qu'à créer 8 500 emplois, alors que le Canada en créait 171 000; cinq emplois sur 100, 5 %, alors qu'on représente 24 % de la population. Au cours des quatre dernières années, le Québec arrive au huitième rang en termes de taux de création d'emplois. On est derrière Terre-Neuve et la Saskatchewan. À pareille date en 1996, les statistiques nous montraient que l'écart entre le taux de chômage québécois et la moyenne canadienne était de 1,4 %. Aujourd'hui, l'écart est de 2 %. La situation s'est donc aggravée, on s'est donc creusé un plus grand trou. Je rappelle aux députés, je vous rappelle, M. le Président, le contexte dans lequel cette économie a évolué dans les dernières années, un contexte de boom sans précédent qui a profité à nos voisins, tant au sud qu'à l'ouest, qu'à l'est, mais pas chez nous. Alors, au cours de son dernier mandat, le gouvernement actuel n'a réussi qu'à créer 15 % des emplois au Canada.
Le premier ministre nous disait hier, et je cite: «Dans la métropole et dans la capitale, un peu partout en région, les Québécois sortent de la morosité économique dans laquelle nous les avions trouvés il y a quatre ans.» Fin de la citation. M. le Président, le premier ministre aurait intérêt à faire une autre tournée, peut-être une troisième. Je l'invite à aller visiter la Mauricie, où il va retrouver son ministre de l'Industrie; il pourra lui parler de ce qui se passe à Wayagamack, il pourra lui parler de Trois-Rivières, capitale du chômage. Le député de Laviolette pourra peut-être lui fournir les chiffres sur le chômage dans la Mauricie, qui sont plus élevés aujourd'hui qu'ils l'étaient en 1994.
Le premier ministre, dans sa tournée, pourrait bien s'arrêter en Abitibi et parler à la Chambre de commerce à Val-d'Or du secteur minier et des propositions qu'ils font pour encourager le développement du secteur minier. Il pourrait peut-être arrêter en Gaspésie pour parler aux gens qui défendent la survie, qui cherchent à encourager et défendre la survie de la Gaspésie, à Chandler, ou de la cimenterie à Port-Daniel, et qui se rappellent les mots de ce gouvernement et de leur leader, qui ont dit qu'ils s'en occupaient personnellement, et qui attendent toujours des réponses, M. le Président. Il pourrait peut-être même aller au SaguenayLac-Saint-Jean, où le taux de chômage aujourd'hui est plus élevé qu'il l'était il y a quatre ans. C'est ça, sortir de la morosité, d'après le gouvernement actuel!
Dans huit régions du Québec actuellement, l'écart avec la moyenne de chômage s'est agrandi par rapport à 1994. C'est une nouvelle définition de la morosité que nous a offerte le gouvernement, sans doute, hier.
(10 h 40)
Ces jours-ci, nos concitoyens et concitoyennes se penchent sur leurs rapports d'impôts aussi, M. le Président. Triste moment pour eux dans l'année. Et je suis assuré qu'il y en a plusieurs qui se désolent. Nous avons ici, au Québec, l'insigne honneur, je le répète, de payer les impôts et les taxes les plus élevés en Amérique du Nord. Voilà de quelle façon on se distingue. Il coûte plus cher à chaque contribuable québécois d'administrer le Québec qu'il en coûte aux contribuables canadiens d'administrer leur gouvernement.
Et qu'avons-nous en retour pour notre argent? Parce que c'est ça, la question que ces gens-là doivent se poser. Quand on paie plus, on doit se demander: On reçoit quoi en retour? Il se peut très bien, M. le Président, qu'on fasse un choix de société, un choix collectif de payer davantage, et, en retour, on se dit: On s'offre plus de services, le système de soins de santé est meilleur, extraordinaire, différent de celui des juridictions qui nous entourent. Ce n'est pas évident.
Voilà, M. le Président, la question que nous posons aujourd'hui au nom de tous les contribuables québécois: On a quoi de plus en retour? Ce que nous avons, M. le Président, ce qui nous reste à titre de citoyens quand le gouvernement du Québec a fini de puiser dans nos poches, c'est moins d'argent disponible que nos voisins, moins de pouvoir d'achat et un niveau de vie plus bas; en somme, un désastre économique pour ceux et celles qui le vivent le terme n'est pas trop fort et ça, je le répète, en pleine période de croissance nord-américaine.
Le moins qu'on puisse dire, c'est que, en dépit de l'arrogance du slogan à la première personne du singulier dont le parti gouvernemental a repu la population pendant la campagne électorale, ce gouvernement n'inspire pas confiance. C'est le message du 30 novembre. Le premier ministre pourra inclure ça dans son lot de nuances.
M. le Président, dans le discours inaugural que nous offrait le gouvernement hier, je n'ai à aucun moment senti, non plus, mais à aucun moment, que ce gouvernement avait fait son examen de conscience ni qu'il reconnaissait l'échec retentissant de ses propres politiques économiques. Seulement, voilà, malheureusement pour nous tous, le bilan désastreux du gouvernement ne se limite pas au seul domaine économique. Sur le plan social, le bilan est encore plus lourd, plus gênant et, je le répète, plus gênant encore pour ceux qui se disent sociaux-démocrates.
Commençons par la santé. Notre système de soins de santé, comme nous l'avons dit et répété pendant la campagne électorale, vit actuellement une crise sans précédent. Devant l'urgence d'agir, j'ai, dès le 4 décembre dernier, quatre jours après la campagne, écrit au premier ministre du Québec et au premier ministre du Canada pour leur demander instamment, au nom des Québécoises et des Québécois, d'augmenter les fonds alloués à la santé. Depuis ce temps-là, la crise dans notre système de soins de santé n'a fait que s'aggraver, au point que les bulletins télévisés de fin de soirée parlent non plus de crise dans les urgences, mais de danger dans les urgences. C'est unique. On doit être le seul endroit au monde où il faut faire attention parce qu'on peut se blesser dans les urgences.
Des voix: C'est vrai!
M. Charest: C'est ça. Et je vois que les députés du côté ministériel confirment l'impression que j'avais hier. Leur réaction me confirme qu'ils continuent à nier ces réalités-là. Ils n'admettent rien. Bonne question, hein? À quel endroit se fait traiter une personne qui se blesse dans une urgence? À quelle urgence va cette personne-là?
Des voix: ...
M. Charest: Ça vaut la peine, M. le Président, de constater la réaction du côté ministériel, parce que ça corrobore malheureusement, tristement, l'impression qu'on a, nous, depuis malheureusement trop longtemps. Depuis ce temps-là, la crise dans notre système de soins de santé n'a fait que s'aggraver, au point que les bulletins, comme je vous le disais, de nouvelles... À tous les jours, ce n'est plus les bouchons sur les routes qui sont devenus monnaie courante, c'est des nouvelles télévisées pour diriger les populations vers une urgence ou une autre urgence, pour nous dire lesquelles sont débordées, lesquelles peuvent accueillir les gens.
Et quel est le réflexe du gouvernement? Quelle est sa réaction devant une telle situation? Bien, vous venez de la voir, vous venez d'en être témoin. Il nie, M. le Président, il tourne ça en dérision, il rit, il trouve ça drôle.
Ensuite, dans un deuxième temps, quand leurs faiseurs d'image les ont convaincus qu'ils étaient peut-être devant une réalité incontournable, qu'ils avaient un problème, ils ont passé en mode «damage control», comme on dit, il y a quelques semaines. Ils ont essayé de limiter les dégâts. Pas les dégâts sur le plan humain, dans les salles d'urgence, dans les hôpitaux, dans les vies des malades et de ceux et celles qui donnent les soins, de ceux qui les secondent dans leurs efforts, les administrateurs, le personnel de soutien. Non, ils essaient de limiter les dégâts à leur image, à l'image du gouvernement, à l'image de ses politiciens, et ils promettent 15 000 000 $ en argent nouveau, même s'ils attendent deux semaines avant de débloquer les fonds, deux semaines, M. le Président, avant de finalement allouer 20 000 000 $ pour régler le problème des urgences. Et, pendant tout ce temps-là, on continue de prétendre à grand renfort de statistiques que les choses vont mieux qu'elles allaient avant.
Et là, M. le Président, permettez-moi d'ouvrir une parenthèse, parce que cet usage abusif des statistiques pour masquer la réalité est tellement caractéristique de ce gouvernement que c'en est devenu une marque de commerce, un gouvernement qui est plus habile à soigner son image qu'à soigner les malades. Donc, statistiques à l'appui, ce gouvernement, par la bouche de sa nouvelle ministre de la Santé, prétend qu'il y a moins de malades à l'urgence que par les années passées, alors que tout le monde sait qu'à l'intérieur des salles d'urgence on a créé ce qu'on appelle des lits tampons, des salles de transition, dont le but est de relocaliser les malades, qui se trouvent en réalité à l'urgence, dans des salles avoisinantes, afin qu'ils n'apparaissent pas sur les statistiques officielles. La même ministre, soit dit en passant, brandit des statistiques, alors que depuis les 10 jours qui précédaient son annonce les dirigeants du réseau de la santé suppliaient les malades, par l'entremise des médias, de ne pas se présenter dans les salles d'urgence. C'est quand même gros, M. le Président! Les vieux régimes communistes n'auraient pas fait mieux que ça. C'est exactement le même réflexe, ça s'inspire des mêmes méthodes, les mêmes, mêmes méthodes. Pensez-y, M. le Président, il faut le faire, hein! On présente des statistiques, la ministre fait un point de presse: Voyez les chiffres. Elle présente ça, oubliant que depuis 10 jours, à tous les jours aux nouvelles, les dirigeants disent aux gens de ne pas se présenter dans les salles d'urgence. Ça vaut quoi, ces chiffres-là? Ça vaut quoi, les chiffres, quand on a des lits tampons et des salles avoisinantes? Parce que c'est un gouvernement qui est plus intéressé dans les statistiques, aux urgences, qu'aux malades qui sont dans les salles d'urgence.
On savait par expérience que le gouvernement ne reculerait devant rien, devant aucune astuce pour faire oublier sa lamentable performance, mais on ne pensait pas qu'il était prêt à sombrer aussi bas dans la manipulation et dans l'abus éhonté des fonds publics que lors de la présentation du budget fédéral.
En fait, à bien y penser, l'ensemble des représentants du gouvernement mériteraient probablement un prix je ne sais pas, moi, M. le Président, on pourrait appeler ça une médaille, un Oscar, un Masque pour leur performance, car c'est du grand théâtre, pour ne pas dire du grand, grand guignol, qu'ils nous ont servi l'autre semaine. Comme on dit chez nous, M. le Président, c'était tout un show, tout un spectacle. Le Masque de bronze irait sans doute à la ministre de la Santé. Le Masque d'argent ira évidemment au vice-premier ministre et ministre des Finances du Québec, mais je veux lui dire, par souci d'équité, que ça n'a pas été facile.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Charest: Ça n'a pas été facile, M. le Président. C'était tout un spectacle, c'était magistral, déchirer sa chemise en public comme ça. Mais, les députés le savent, ça n'a pas été facile, décerner le prix. Alors, je tiens à ce que le vice-premier ministre le sache. Ce sera pour lui, je sais, une petite consolation, un baume sur son coeur, mais je suis sûr qu'il y aura d'autres occasions, il pourra se reprendre. Puis le Masque d'or puis le prix d'honneur pour l'inflation verbale, puis le mélo puis la grandiloquence, bien, ça va sans contredit au premier ministre. De sa performance lors de la conférence de presse du 17 février, retenons, avec l'inflation verbale qui lui est devenue habituelle, son affirmation qu'il n'avait jamais été informé de l'intention du gouvernement fédéral de changer la formule de financement des programmes sociaux.
Une voix: ...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Charest: Ça adonne bien. Ça adonne bien, il dit...
Des voix: ...
M. Charest: ...il dit: Jamais, M. le Président. Bon, on va se faire un petit rappel de mémoire parce qu'il y a un problème de mémoire sélective. Lui et moi étions membres du même gouvernement, en 1990, qui a annoncé les changements qui sont à la source de cette volonté du gouvernement actuel de rétablir l'équilibre.
Des voix: Ah! Ah!
M. Charest: Il était membre de ce gouvernement-là. Et je peux même lui rappeler le contexte, parce qu'il l'a peut-être oublié. Il y avait un problème au niveau des dépenses fédérales, parce que la formule était ouverte et que le gouvernement de l'Ontario de l'époque, qui était présidé par M. Peterson, augmentait ses dépenses de programmes à un rythme moyen d'à peu près 12 % à 14 % par année. Peut-être qu'il se rappellera que le gouvernement dont il faisait partie avait fait des efforts très importants pour réduire les dépenses de programmes en deçà du taux d'inflation et du taux de croissance économique, autour de 3 % à 4 %. C'était ça, le programme que lui défendait à l'époque. Sauf que le problème, c'était un problème de surchauffe en Ontario.
(10 h 50)
Donc, le gouvernement dont il a fait partie avait pris la décision de limiter la croissance des dépenses dans les trois provinces riches de l'Alberta, l'Ontario, la Colombie-Britannique pour une période de deux ans deux ans. Sauf que...
Une voix: ...
M. Charest: Ah! Je sais bien, il dit 99 aujourd'hui. Je comprends pourquoi il veut sauter sur le calendrier, là, vous en passez des parties.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Charest: Ah! Bien, ça explique bien des choses, M. le Président, sur ses déclarations. Ça devait durer deux ans. Il ressortira le budget, s'il veut, puis les comptes publics, ça n'a pas été deux ans, ça a continué.
Et le gouvernement fédéral qui a suivi a annoncé son intention de changer la formule et de revenir à une formule de financement per capita. Il le disait noir sur blanc dans son budget de 1996. Mais il était où, ce gouvernement-là, en 1996? Les Québécois auraient intérêt à se le rappeler, eux. Il était absent. Il boudait. Il n'était pas là. Il n'était pas à la table. Les mêmes Québécois qui étaient là auparavant et qui ont permis des réussites du Québec, des réussites dans l'aérospatiale, puis la pharmaceutique, puis l'aéronautique, ces gens-là dont on espérait la présence pour défendre nos intérêts n'étaient pas là. Ils étaient absents. Le gouvernement du Québec, à ce moment-là, aurait dû dire: Écoutez, s'il y a un changement, on veut que le Québec puisse bénéficier de la péréquation d'une façon telle qu'on puisse avoir, nous, les ressources qu'il nous faut pour offrir des services équitables à nos citoyens. Ça n'a jamais été fait. C'est pour ça qu'il a le Masque d'or, pour avoir avec autant d'éloquence dit: Je n'étais pas au courant, jamais, alors qu'il savait très bien et que tout le monde savait très bien que ce changement-là était annoncé, se préparait et se présentait. Pendant ce temps-là, il était absent. Peut-être qu'il ne le savait pas parce qu'il était absent? Ça sera peut-être ça, la version qu'il nous donnera: Je n'étais pas là.
Alors, voilà, M. le Président, la façon dont on défend les intérêts du Québec. Mais ce qu'il y a de pire là-dedans, c'est qu'on continue à sous-estimer l'intelligence des Québécois et qu'on continue à faire de la mémoire sélective une méthode, un système pour défendre l'indéfendable. Mais le plus triste là-dedans, c'est l'affirmation du ministre des Finances du Québec, selon qui, et je cite, «la péréquation donc ce chèque de 1 400 000 000 $ qu'il vient de recevoir et sur lequel il semblait vouloir lever le nez c'est du BS sous-étatique, du BS entre États». Jamais, de mémoire, ai-je entendu un ministre des Finances donner un bilan aussi dérisoire de sa propre performance économique. C'est gros, hein, annoncer à la population du Québec qu'on en est rendu à recevoir du BS entre États, du BS étatique! On apprendra, je présume, mardi prochain s'il a l'intention de changer son chèque de BS. Il va falloir qu'il se mette en ligne de bonne heure à la caisse.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Charest: S'il en est réduit à recevoir de l'aide sociale étatique, s'il en est réduit, oui, à déchirer sa chemise avec si peu de retenue et s'il en est réduit à ces espèces de jérémiades sur la place publique, humiliantes, gênantes un peu pour les Québécois peut-être pas pour lui dans le seul but de dénoncer l'épouvantail fédéral, de tenter de faire peur au monde, c'est qu'on est tombé bien bas. C'est dire à quel point, même avec les moyens considérables qu'il puise à même les poches des contribuables, même à une époque où tous nos voisins nord-américains vivent ce boom économique sans précédent, les affaires du Québec sont mal gérées. Pendant que tout autour de nous connaît une croissance sans précédent, le Québec reçoit des chèques de BS, d'après le ministre des Finances du Québec.
Je remarque surtout, M. le Président, et avec le plus grand regret, que ce gouvernement a pris 15 jours à trouver l'argent pour parer à la crise dans nos urgences et a mis à peu près 15 heures pour trouver 500 000 $ pour sa propagande antifédéral. C'est gênant. Quinze jours entre le moment où on annonce de l'argent pour les urgences, à peu près 15 heures pour acheter de la pub dans les journaux, 500 000 $. C'est l'équivalent, ça, si vous étiez le député de Maskinongé, de maintenir le foyer Ernest-Jacob ouvert. Hein? Ce n'est pas compliqué, c'est ça. Il n'y avait pas d'argent pour le foyer Ernest-Jacob, à Yamachiche, mais il y avait de l'argent pour de la publicité dans les journaux, par contre. Ça, on a réussi à en trouver. Rien n'expose plus crûment les priorités de ce gouvernement: 15 jours pour soulager les urgences, M. le Président, mais 15 heures pour acheter sa pub.
Cela dit, je veux aussi dire à l'Assemblée, vous dire, M. le Président, qu'on veut offrir des critiques constructives au gouvernement. Et, dans cette perspective, j'ai demandé...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Charest: Je suis content d'entendre les députés applaudir, de l'autre côté, parce qu'on va leur offrir l'occasion d'en faire plus que ça. J'ai demandé à la porte-parole libérale dans la santé, la députée de Bourassa que je salue aujourd'hui, qui a fait un travail extraordinaire d'aller sur le terrain pour voir directement, de visu, ce qui se passait dans le réseau de la santé. J'ai demandé aux députés qui m'entourent aujourd'hui d'en faire de même dans leur région, dans leur coin, d'aller voir directement et de prendre contact avec les gens qui vivent ce que c'est, le réseau de la santé, pas les chiffres du gouvernement, les statistiques. Nous, on est allé parler aux gens qui, eux, à tous les jours de leur vie presque, se dévouent pour une cause à laquelle ils croient profondément.
J'ai ici entre les mains le rapport qu'elle m'a remis, M. le Président. Avec votre permission, après mon discours, je le déposerai. Je suis sûr que les députés voudront donner le consentement unanime, mais, ça, je ferai ça après le discours. Ce que je veux surtout vous dire, c'est le constat qu'on y trouve et qui est accablant, dérangeant. Je dis «dérangeant» parce que c'est le gouvernement lui-même qui devrait être dérangé par ce rapport. Je crois que cela les dérange, en effet, mais ce qui les dérange, c'est qu'il y ait des malades. C'est dérangeant pour eux, pour leur référendum, pour leur objectif partisan. C'est dérangeant, des citoyens malades, hein? Eh que c'est agaçant, ça! C'est dérangeant, des infirmières au bord de l'épuisement, des médecins exténués, démoralisés.
Contrairement aux chiffres et aux statistiques qu'aiment brasser nos amis d'en face, c'est dérangeant, des êtres humains en chair et en os c'est dur, ça qui se préoccupent bien davantage de mettre du pain sur la table, d'éduquer leurs enfants ou de soigner leurs parents malades que de discuter des modalités d'un prochain référendum. D'ailleurs, le discours d'hier l'évoque bien: cinq pages de chicane entre Québec et Ottawa, huit paragraphes pour la santé. On en a eu la mesure, en tout cas une petite mesure, hier.
Notre rapport, que nous avons rendu public vendredi de la semaine dernière, ne se nourrit pas de statistiques et de pourcentages. Ça n'intéressera peut-être pas la ministre de la Santé, parce qu'il n'y a pas assez de chiffres dedans. Par contre, il rend compte de ce que les gens vivent dans le réseau québécois de la santé. Les conclusions sont évidentes pour tout le monde. Pour tout le monde sauf pour le gouvernement, comme leur réaction il y a quelques minutes en témoigne. Si ce gouvernement se donnait la peine d'aller voir, il verrait qu'elles crèvent les yeux. La plus frappante, M. le Président, dans nos conclusions à nous, c'est que l'état de crise est devenu permanent. La gestion de crise dans le réseau de santé québécois, c'est devenu quelque chose de permanent. Pas temporaire, c'est à l'année longue, dans tous les secteurs, dans presque toutes les régions du Québec. C'est là où on est rendu. C'est ça, le constat.
(11 heures)
Pour corriger la situation, encore faudrait-il que le gouvernement commence par admettre que sa propre réforme, et surtout la mise en oeuvre de la réforme, a contribué de façon déterminante à précipiter la crise. C'est un constat incontournable, si le gouvernement veut espérer pouvoir même commencer à ébaucher une solution. C'est, après tout, une vérité de La Palice que pour résoudre un problème il faut d'abord reconnaître son existence. Pourtant, hier, dans son discours inaugural, le premier ministre, là-dessus, est resté muet.
M. le Président, c'est fort simple. Si on est pour avoir un quelconque espoir de pouvoir s'attaquer aux problèmes que nous vivons dans le réseau de la santé, il faudrait d'abord que le gouvernement actuel puisse dire que sa réforme a été un échec, qu'elle a été faite avec plus de vitesse que de sagesse. Puis on aura l'occasion d'en reparler il n'y a personne qui conteste le fait qu'on devait faire une réforme. Ça, là-dessus, tout le monde s'entend. Il n'y a personne, non plus, qui prétend que la seule solution, c'est de l'argent. Il n'y a personne qui dit ça. Personne n'a prétendu ça, sauf...
Sauf que encore faudrait-il admettre les problèmes qui sont là, dans le système, qu'on puisse dire: Ça n'a pas marché. Puis, je comprends, le député de Charlesbourg, lui, va défendre les actions qu'il a pu poser dans le passé. Mais il a eu des moments de lucidité, lui aussi, juste avant l'élection, où il a laissé entendre que sa réforme avait été davantage dictée par le Conseil du trésor que par les besoins des malades. Gardez ça pour vos mémoires. L'histoire vous rendra justice, je suis sûr. Mais le bilan au net et le gouvernement en est collectivement responsable c'est un échec, un échec lamentable.
M. le Président, pour corriger la situation, il faudrait que le gouvernement l'admette. Il faudrait qu'il puisse le dire. Que ce soit le sous-financement, la pénurie des médecins, la pénurie d'infirmières, d'infirmiers, pénurie d'équipements dans tout le réseau, rien de tout cela ne semble émouvoir ce gouvernement, dont les réserves d'indignation, pour ne pas dire les réserves de fonds publics aussi, sont exclusivement consacrées à combattre l'ennemi extérieur, la distraction préférée de ce gouvernement.
Le Parti libéral du Québec, M. le Président, a pris l'engagement d'offrir une opposition constructive, et je veux faire part aujourd'hui à tous nos concitoyens des orientations que nous souhaitons pour le Québec. Commençons justement par la santé et le sauvetage de notre système de soins de santé.
On devrait commencer par reconnaître, à l'Assemblée nationale, l'échec de la réforme qui a été imposée par ce gouvernement, les souffrances réelles que cet échec engendre et du fait que notre système de soins de santé vit actuellement une crise permanente. Pour commencer à trouver les réponses qui s'imposent, il faudrait que la commission des affaires sociales soit mandatée dès demain, M. le Président, pour écouter les porte-parole du réseau des soins de santé et, sur la base de ces témoignages, suggérer des mesures urgentes et immédiates au gouvernement du Québec. En voilà un, geste que nous pouvons poser ensemble, vous et moi et tous les députés de cette Chambre.
Le gouvernement doit arrêter les plans de consolidation qui sont un échec. Pas besoin d'aller très loin. Ici même, dans la capitale, tout le débat autour du Centre mère-enfant, les consolidations, quel désastre! Quel désastre! Pas besoin d'aller loin, là. À quelques pieds d'ici, M. le Président, dans la capitale québécoise, on en vit un, on en a un, exemple d'une consolidation ratée.
Le gouvernement doit prendre du recul. Il doit écouter. Il doit redonner la parole aux donneurs de soins, aux gens qui sont dans les premières lignes, qui vivent les problèmes à chaque jour. C'est quand même drôle que, dans notre système de soins de santé, on ait écarté les gens qui donnent des soins des postes de prise de décisions, comme s'ils étaient tellement, eux, imbus d'un intérêt égoïste qu'ils n'étaient pas capables de contribuer ou de prendre des décisions dans le système de soins de santé. Avouons que c'est absurde, qu'il faut changer ça, puis il faut changer ça rapidement.
Il faut aussi reconnaître... Il n'y a pas juste ça. Il y a tout le personnel de soutien dans le système. Du plus bas au plus haut niveau, du premier étage, du sous-sol au dernier étage dans l'établissement, il y a des gens là qui ont besoin d'être encouragés. Le plan n'a pas marché, il a échoué. Le moment est venu maintenant d'écouter les praticiens, les soignants et ces gens-là, qui vivent dans des conditions de travail infâmes, voire dangereuses, qui s'éreintent eux-mêmes la santé, M. le Président, au lieu de pouvoir se consacrer corps et âme, comme ils l'ont toujours fait par le passé, à la vocation qui est la leur et à laquelle ils ont choisi de dévouer leur vie: soigner des malades.
Par ailleurs, nous recommandons instamment au gouvernement d'allouer une partie importante des montants substantiels de péréquation qui arrivent ces jours-ci dans ses coffres au renouvellement des équipements dans tout le réseau, et entre autres dans les centres universitaires. C'est urgent de le faire. Des députés de l'autre côté le sauront, dans tout le réseau il y a un problème d'équipements très, très important, mais entre autres dans les centres universitaires parce que ça a un effet multiplicateur. Les centres universitaires sont appelés à offrir des soins ultraspécialisés. C'est leur mandat, on leur demande de faire ça. On l'exige d'eux. Et on leur demande aussi d'accomplir une mission d'enseignement. Bien, pour eux, le problème d'équipements est encore plus cruel.
Et les problèmes sont urgents. Je le sais, je suis bien posté pour en parler. Ma collègue de Saint-François et moi-même avons rencontré les gens qui sont les administrateurs du Centre universitaire de Sherbrooke à quelques reprises. Ils ont imploré, ils ont interpellé le gouvernement. Mon souhait le plus ardent, c'est que mardi prochain on entende cet appel-là et que de manière ponctuelle le gouvernement puisse intervenir pour répondre à ces besoins-là, qui sont des besoins très, très urgents.
Nous nous attendons de plus à ce que le gouvernement reconnaisse enfin qu'il y a pénurie de médecins et d'infirmières et d'infirmiers. Et là je veux m'arrêter et je tiens à le dire formellement, parce que je l'ai dit dans d'autres forums, je l'ai répété, je le dis aujourd'hui, là, pour que tout le monde puisse l'entendre: Nous allons vivre au Québec un problème de pénurie de médecins, très rapidement. Ça s'en vient. On veut savoir ce que le gouvernement actuel fait pour éviter ce problème-là, mais on ne pourra plus dire dans quelques mois d'ici qu'on n'avait pas vu venir le coup. Puis, malheureusement, ce problème-là est en grande partie causé par des retraites hâtives, massives, tant du côté des infirmiers et infirmières que du côté des médecins.
Et, tant qu'à y être, est-ce qu'on pourrait lever l'interdiction absurde imposée aux infirmiers et infirmières de retourner au travail, alors qu'on en a besoin? Même le premier ministre doit trouver ça absurde. Je ne peux pas croire, moi, qu'avec tout ce qu'on sait dans le réseau de santé on continue d'interdire à des personnes qui voudraient revenir au travail de le faire parce qu'on leur a fait une règle de deux ans qui leur interdit de retourner travailler dans les salles d'urgence. C'est absurde, ça. On devrait pouvoir bouger pour faire changer ces choses-là. Ça ne règle pas tout le problème, je le sais. Je sais bien que ça ne règle pas tout le problème. Si on n'est pas capable de régler ça, une chose qui paraît aussi évidente, comment peut-on régler les plus gros problèmes?
Le gouvernement, aussi, doit prendre acte des dettes accumulées dans le système de soins de santé. Les rumeurs: on nous laisse entendre qu'au budget le réseau serait soulagé des dettes accumulées sous le gouvernement actuel qui a transféré sa dette sur le dos du réseau de santé, ce qui, en passant, forçait les administrateurs à faire des choix cruels, des choix difficiles. Il leur imposait une politique d'un côté, puis, de l'autre côté, ils ont été pris, ces gens-là, sur les conseil d'administration, à décider, bien: Est-ce qu'on augmente la dette? Est-ce qu'on sera remboursé? On va administrer ça comment? C'est rendu, quoi, au-delà de 680 000 000 $ officiellement. On chemine vers le milliard. On s'en va allégrement vers le milliard de dette dans le réseau de santé. Ça va être le nouveau monstre, ça, parce qu'il faut payer de l'intérêt sur la dette. Ça, il faut que ce soit payé, et on a juste transféré le problème. Il faut que le gouvernement réponde à ce problème-là et qu'on puisse soulager, justement, le réseau de cet endettement-là.
On doit surtout, M. le Président, garantir à la population que l'argent transféré par le fédéral dans le dernier budget serve au réseau de santé, que ça ne serve pas à payer les promesses de la campagne. Ça arrive en sus de ce que le premier ministre s'est engagé à livrer pendant la campagne électorale. Ni lui ni moi, M. le Président soyons francs, honnêtes lors des engagements de la campagne, avons ou fait référence ou tenu compte de transferts fédéraux additionnels. Si c'est le contraire, qu'on me le dise. Ni lui ni moi. On a pris des engagements de bonne foi sur la base de l'information qu'on avait. Or, depuis ce temps-là, arrive de l'argent qui n'était pas prévu, et on veut que le gouvernement actuel nous garantisse que cet argent-là n'ira pas ailleurs pour payer ses engagements à lui, qui étaient déjà facturés, mais ira plutôt en services additionnels à la population.
(11 h 10)
M. le Président, je veux parler d'éducation aussi. Dans le domaine de l'éducation, le constat n'est pas beaucoup plus reluisant. Là aussi, le système est en crise. Je choisis mes mots, en passant. Il y a des gens qui écouteraient ça aujourd'hui, qui seraient de l'extérieur, et qui diraient: Bien, coudon, crise santé, crise éducation. Mais les mots que j'utilise, c'est les mots qui sont utilisés par les gens qui sont dans le système. Puis pas les gens qui sont au dernier niveau, là, pas des gens qui... Parce que ce n'est pas tout le monde qui peut être mal informé, qui peut être imbu d'un intérêt égoïste.
Pas tous les recteurs d'université seraient de mauvaise foi. Et je regarde le ministre de l'Éducation, je serais curieux de savoir si on ne lui a pas dit à quel point le système d'éducation postsecondaire vit des moments très, très durs. Il a dû entendre les mêmes choses que j'ai entendues. Alors, les administrateurs du réseau de l'éducation eux-mêmes nous le répètent: Au niveau postsecondaire, le sous-financement nous amène à un point de rupture qui remet en question la qualité de l'enseignement postsecondaire au Québec. C'est ça, l'enjeu. L'enjeu, la grande question, là, qu'on doit placer au centre de nos décisions pour l'enseignement postsecondaire, c'est la question de la qualité de l'enseignement.
Projetons vers l'avant. Posons-nous la question suivante: Quelle valeur allons-nous donner à un diplôme décerné par une institution québécoise dans 20 ans d'ici si on laisse aller nos institutions? Est-ce qu'on peut mesurer l'impact de cela? Est-ce qu'on peut mesurer l'impact que ça aura, sur la vie de ces gens-là, sur leur capacité de se trouver un emploi, de pouvoir se présenter ailleurs pour travailler n'importe où en disant: Moi, j'ai un diplôme qui vient de telle institution? Mais, si depuis ce temps-là l'institution, parce qu'il y a un sous-financement, a connu des problèmes importants, c'est un problème individuel pour cette personne-là mais c'est un problème encore plus important pour l'ensemble de la société québécoise.
Rappelons-nous qu'il y a eu 900 postes d'abolis sous le gouvernement actuel. C'est l'équivalent, ça, d'une fermeture de l'Université du Québec à Montréal. Neuf cents postes de prof abolis, là, c'est l'équivalent de la fermeture d'une université québécoise. Ce n'est pas pour rien que les recteurs d'université sonnent l'alarme depuis des mois. C'est l'avenir même de notre système d'enseignement qui est en jeu. Encore faudrait-il que le gouvernement le reconnaisse, qu'il cesse de se chicaner avec son vis-à-vis fédéral sur le financement du réseau, qu'il puisse enfin entreprendre la reconstruction du système d'enseignement postsecondaire qu'il a lui-même contribué à démanteler.
Puis là on peut commencer en quelque part où, lui et moi je me permets de le dire M. le premier ministre et moi-même, on peut faire quelque chose d'utile pour les Québécois, puis on peut le faire rapidement: le fameux dossier des bourses du millénaire. Le premier ministre, M. le Président, sait très bien qu'il y a une résolution unanime de l'Assemblée nationale, résolution présentée par le député de Verdun qu'on appelle communément la résolution Gautrin qui est acceptable tant pour le réseau d'enseignement que pour, soi-disant, le gouvernement fédéral, comme base de solution. Cette résolution, adoptée unanimement par l'Assemblée nationale, que tout le monde trouve acceptable, que tout le monde semble accueillir favorablement, présentée par le caucus libéral dans cet esprit d'offrir une alternative constructive, est à portée de main. Il s'agirait que les deux gouvernements se parlent. Et, quand je constate ces situations-là en politique, moi, c'est parmi les choses qui me choquent le plus: deux gouvernements pas capables de se parler. Je ne suis pas intéressé de savoir à qui la faute. Puis, si j'étais contribuable québécois, je ne serais pas intéressé à ces enfantillages-là.
Il y a le député de Kamouraska... Bien, là, on arrive à quelque chose de concret. Le député de Kamouraska, notre porte-parole dans l'éducation, vous en a proposé une, solution. Elle est fort simple. Le gouvernement du Québec n'a qu'à mandater une personne et le gouvernement fédéral n'a qu'à faire la même chose pour négocier une entente sur la base de la résolution présentée par le député de Verdun. Et, en retour, on pourra réinjecter plus de 70 000 000 $ dès l'année prochaine dans le réseau d'enseignement postsecondaire. Qu'attendez-vous pour bouger, pour poser un geste, alors que vous avez une solution à portée de main et que l'Assemblée nationale, ici même, a approuvée?
Et le député de Kamouraska est allé plus loin que ça. Il suggère même que l'entente ou une proposition d'entente soit soumise à nouveau à l'Assemblée nationale pour un vote. L'opposition officielle, M. le Président, est prête à accepter cette démarche-là et demande au gouvernement actuel d'agir en ce sens-là dans l'intérêt des étudiants, étudiantes du Québec et dans l'intérêt de l'enseignement postsecondaire pour l'avenir du Québec.
Dans le domaine de l'éducation, le gouvernement doit mettre fin aux compressions. J'ai cru entendre hier que ça allait être le cas tant au niveau primaire que secondaire, collégial et universitaire ainsi qu'à l'éducation aux adultes.
On parlait de pénurie tout à l'heure, M. le Président, eh bien, la pénurie de manuels scolaires qui sévit actuellement dans les écoles du Québec est inacceptable. Ça aussi, c'est inacceptable. Comment le gouvernement peut-il regarder les parents du Québec dans les yeux quand il n'y a pas le minimum pour assurer à chaque enfant des manuels scolaires dont il a besoin pour faire ses devoirs et apprendre ses leçons à la maison? Et, en disant ça, je reconnais d'emblée qu'il n'y a pas que ça comme instrument d'enseignement, les manuels scolaires. Il faut faire attention. Il n'y a pas que les manuels scolaires. Mais personne, par ailleurs, ne peut nier qu'il y a un problème, personne. Ce gouvernement doit prioritairement mettre sur pied un programme d'achat de manuels, donc, pour que ces outils-là soient disponibles.
Aux niveaux primaire et secondaire, comme nous l'avons dit tout au long de la campagne électorale, le gouvernement doit investir dans le temps d'enseignement. C'est intéressant, le calcul qu'on fait sur le temps d'enseignement au Québec, pour constater que la comparaison avec la moyenne d'heures d'enseignement reçues sur une période de six ans démontre que les Québécois reçoivent en moyenne une demi-année de formation de moins par rapport aux autres jeunes Canadiens. Je vois des députés qui ont l'air surpris de l'apprendre. C'est pourtant le cas.
Il faudrait nous expliquer comment il se fait que, nous autres, on peut se passer de ça, une demi-année d'enseignement pour nos enfants. On doit être en avant de tout ça, nous autres. On est plus fins que les autres. Puis, oui, on a des étudiants qui sont fins, puis je pense qu'ils sont intelligents. Ça reste entre nous, M. le Président, je n'aimerais pas que ça sorte, je pense qu'ils sont peut-être même un peu plus intelligents que la moyenne. Le contexte dans lequel nous vivons, nous, au Québec, fait en sorte qu'on s'oblige à en faire davantage. J'en suis ça reste toujours entre nous très fier. Mais je ne pense pas qu'on doive pour autant priver nos enfants d'une demi-année d'enseignement. Il faudrait s'interroger sur ce qui nous amène à ce genre de système d'enseignement là. Nous, pendant la campagne, on avait promis de corriger ça, et je pense que le gouvernement actuel, en tout cas, serait bien reçu de ce côté-ci s'il choisissait de le faire.
Une voix: Ou nous copier.
M. Charest: Oui, nous copier. Ne vous gênez pas pour nous copier. Les parents du Québec attendent de leur gouvernement, du ministère de l'Éducation, de leurs écoles, de leurs enseignants qu'ils donnent à leurs enfants une formation qui va aussi s'inscrire dans une foulée où on vit la mondialisation. On sait que les emplois qui seront disponibles sont des emplois où on fera concurrence avec des gens qui viennent de tous les pays. On n'a donc pas le droit de désavantager nos jeunes ou n'importe quelle autre personne qui choisit d'avoir accès au système d'éducation.
Le premier ministre hier a parlé du problème de décrochage scolaire. Je le mets en garde. Il a cité des chiffres pour dire: Ça va mieux que certains le prétendent. Je suis de son avis, il ne faut pas faire de guerre de chiffres là-dessus. Mais il y a un problème. Ça, il y a un problème. D'ailleurs, ce n'est pas nouveau. Il avait, lui, défendu, dans le gouvernement où on se trouvait, lui et moi, une proposition que j'avais faite en 1990, aussi je suis sûr qu'il s'en rappelle un programme qui visait justement à contrer ce problème-là. J'en garde un bon souvenir, M. le Président. Il avait défendu mon projet avec beaucoup d'ardeur. Et c'est un projet qui avait bien fonctionné, en passant. Il y avait eu des consultations étroites avec le gouvernement du Québec, avec M. Ryan. Il y a des gens pour qui ça tiraillait un petit peu, mais ça a bien marché.
On a beau dire que les statistiques peuvent ou peuvent ne pas dire que ça va mieux ou que c'est moins pire que c'était, il y a un problème. Il y a un problème, et on ne peut pas le négliger. Et ce qu'il faut savoir, c'est que ça vise les plus défavorisés. Vous savez, ce qu'il y a de trompeur dans les chiffres, pour ceux qui sont dans les tours d'ivoire, c'est qu'on dit: Le problème de décrochage scolaire est moins important qu'il était. Mais on oublie de souligner le problème que vivent les enfants qui sont pauvres, pour qui le problème est plus aigu: des jeunes autochtones au Québec pour qui c'est un problème très, très grave, qui aura un impact important sur le développement de leur société; le problème que vivent les jeunes filles, les femmes monoparentales. Enfin, il y a des clientèles qu'il faut reconnaître là-dedans.
Alors, en toute amitié, je le mets en garde et je tiens à lui dire qu'au Parti libéral on voit, nous, des problèmes importants pour les milieux défavorisés, les enfants qui vivent des déchirements familiaux, ceux qui souffrent de problèmes d'apprentissage ou d'adaptation, ceux qui souffrent de handicaps physiques ou autres, qui requièrent des services spécialisés.
Or, le gouvernement a malheureusement démantelé beaucoup d'équipes de professionnels: des orthopédagogues j'en connais, même des orthophonistes, psychoéducateurs, conseillers en orientation, qui ont fait les frais de compressions budgétaires imposées par le gouvernement. En conséquence, ce sont les jeunes en difficulté d'apprentissage qui ont le plus souffert et c'est l'ensemble du réseau qui en a porté le poids. Le gouvernement doit allouer des ressources appropriées pour rebâtir les équipes de professionnels dont les enseignants ont besoin pour les épauler, pour assurer aux élèves des meilleures conditions de réussite scolaire.
(11 h 20)
Cela dit, une fois de plus, on revient à ceux qui ont abandonné les études. Le gouvernement a malheureusement mis les freins à l'éducation des adultes. Pour parer au problème du décrochage scolaire, le gouvernement doit donc également s'assurer une plus grande accessibilité à la formation générale et à l'éducation des adultes et allouer les fonds nécessaires à mesure que les besoins se font sentir.
Le premier ministre a beaucoup parlé des jeunes hier, M. le Président. C'est le sujet préféré de presque tous les discours inauguraux de tous les gouvernements. On est bien habitué à ça, à un tel point qu'on mesurera le gouvernement sur ses actions plus que sur ses paroles. Ce que nous savons, par contre, quand on fait un bilan, c'est que justement, à l'aube de ce troisième millénaire, le problème de la pauvreté chez les jeunes est criant. Il y a un taux de chômage qui tourne autour de 17 %. Et la vraie priorité des jeunes, avant tout, c'est l'emploi.
Et j'ai été déçu, dans le discours d'hier, sur un point, entre autres. Le gouvernement, le premier ministre, dans son discours inaugural, parle beaucoup des structures. Puis on ne peut pas, en principe, être contre ces choses-là, mais il y a comme un déséquilibre entre cette préoccupation avec des structures, d'une part, et, d'autre part, cette préoccupation que le gouvernement doit avoir de permettre de la croissance économique. En d'autres mots, j'aurais aimé entendre, moi, le gouvernement me parler d'un plan de croissance, de gestes qu'on va poser pour grossir l'économie. Parce qu'on aura beau multiplier puis multiplier les structures, puis donner du «counseling», puis faire d'autres choses, s'il n'y en a pas, d'emplois, il n'y en a pas, d'emplois. Ça sert à quoi, les structures si, en bout de ligne, il n'y a pas d'emplois?
C'est là où le gouvernement souffre d'un déséquilibre. Sa social-démocratie débarque des rails. Son obsession avec le gouvernement, l'État, sert mal les intérêts des Québécois et des Québécoises. Il faut d'abord se poser la première question: Comment faisons-nous pour créer de l'emploi... pour permettre la création d'emplois, dis-je pour permettre! sachant que ce n'est pas le gouvernement qui fait ça? Or, c'était absent du discours d'hier.
Dans les stages en entreprise, je veux bien croire... Je suis en faveur de ça, j'en reparlerai. Mais on avait promis 1 000 places lors du Sommet; il y en a eu 24, à la place, depuis ce temps-là. Dans le dossier des clauses orphelin, où le gouvernement du Parti québécois a signé trois ententes qui contenaient des clauses orphelin et toujours dans la perspective de diminuer les coûts de main-d'oeuvre de 6 %, le gouvernement a signé en toute connaissance de cause des ententes qui faisaient porter le fardeau des coupures aux jeunes. C'est ça, le bilan. Malheureusement, c'est ça, la réalité.
Et tout ce qu'on a dit hier, dans le discours? Bien, on retourne aux structures. C'est le réflexe des structures, qui coûtent de l'argent mais qui, dans le fond, ne produisent pas les emplois. On se demande à quel point le gouvernement est branché sur la réalité. Ce gouvernement qui multiplie les structures fait miroiter, par l'entremise de ces organismes-là, des espoirs qui ne se réaliseront probablement pas, à moins d'agir autrement.
Au Parti libéral, pendant la campagne, on a mis beaucoup l'accent sur un plan de croissance, mais aussi, pour les étudiants, sur un programme de remboursement de dettes d'études proportionnel au revenu qui a beaucoup de mérite: favoriser l'accessibilité aux études supérieures en modifiant les calculs d'attribution de l'aide pour ne pas pénaliser les chefs de familles monoparentales il y aurait des corrections à faire là, si on voulait vraiment poser un geste concret pour aider les gens qui ont des difficultés; augmenter le taux de diplomation à tous les ordres d'enseignement. Au niveau collégial entre autres, dans la formation professionnelle, il y a un problème de diplomation important, et il s'adonne que c'est dans un secteur clé de développement de notre économie, ça. Ça, c'est un secteur clé.
Pendant la campagne, nous, on avait promis 25 000 stages en milieu de travail. Et je veux être clair, M. le Président, il y a des institutions qui font ça. Moi, je suis très fier du fait que, chez moi, à l'Université de Sherbrooke, ils sont parmi les leaders en Amérique du Nord dans le programme d'alternance études. Ils se sont inspirés, eux, de l'Université Waterloo, qui a été la première à le faire. Puis ça a bien marché, puis d'autres universités le font. Mais je reconnais d'emblée, M. le Président, qu'on ne va pas faire des programmes de stages alternance études dans toutes les institutions, partout au Québec, à tous les niveaux. Ce n'est pas ça, la réponse.
Il faut reconnaître un problème important pour les jeunes, c'est celui de la transition entre l'école et le marché du travail. Et tout ce que nous devons faire pour favoriser cette transition, tout ce qui nous permet de brancher les jeunes davantage sur le système... Et d'ailleurs, au Sommet de la jeunesse, ce sera l'occasion d'en parler. Parce que non seulement doit-on faire ça entre le système d'éducation et l'enseignement, mais également pour le système de soutien au revenu. On doit installer un niveau de cohésion qui nous permette, comme société, de tout mettre en oeuvre pour favoriser la réussite de ces jeunes-là. Puis, en 1999 puis à l'aube de l'an 2000, ça veut dire, oui, une éducation puis une formation et une expérience de travail. Ça veut dire aligner tous les instruments. J'irais plus loin que ça, si j'étais premier ministre du Québec, je réclamerais du gouvernement fédéral qu'il change son système d'assurance-emploi pour l'ajuster sur les objectifs que le Québec se fixe dans le domaine de l'éducation. C'est ça que je ferais. Puis ce n'était pas dans votre discours d'hier, vous auriez dû l'inclure. Ça me fera plaisir, j'irai moi-même, s'il le faut, à Ottawa défendre ça.
Une voix: Ils ne veulent pas l'avoir.
M. Charest: C'est drôle, je n'ai pas l'impression que je vais être invité, M. le Président.
Une voix: Ils n'en veulent pas.
M. Charest: M. le Président...
Une voix: Des chicanes.
M. Charest: M. le Président, je veux vous dire qu'il y a plusieurs autres sujets à toucher. Les régions, j'en ai parlé. Mais dans les régions du Québec, s'il y a une chose que le Parti libéral avait suggérée qui me semblait fort utile, c'était un programme de développement d'infrastructures. Il faut tout mettre en oeuvre pour permettre à nos régions de se développer.
J'ai fait le tour du Québec à plusieurs reprises dans les derniers mois. Je connais bien le Québec. Je peux vous dire qu'il y a des besoins urgents et que ce n'est pas facile, pas facile pour ceux qui sont députés dans ces régions-là d'être devant une situation aussi difficile sur le plan économique et d'être témoins de l'exode des jeunes. On parle de l'exode des cerveaux, mais l'exode des jeunes, l'exode des jeunes des régions, je le sais, j'en entends parler, je le vois, puis nos députés nous en parlent. Il faudrait commencer par leur donner une chance, à ces jeunes-là. Il y a des gestes qu'on peut poser. On avait proposé un programme d'infrastructures. Ce serait un bon départ pour permettre aux régions de prendre leur avenir en main.
Pour la capitale québécoise, M. le Président, je constate que le gouvernement est bien tard dans ses engagements. Je veux juste lui souligner une chose: il faudrait reconnaître l'importance politique de la capitale. L'importance politique. Je le dis en toute amitié au premier ministre, dans la formation de son gouvernement, il a semblé écarter des cercles de décision sa députation de la capitale. C'est une erreur, ça, c'est une grand erreur. On espère qu'il corrigera, qu'il fera en sorte qu'il y ait quelqu'un au comité des priorités, par exemple, qui soit de la région de la capitale. De notre côté à nous, on pensait que c'était assez important pour qu'un futur premier ministre préside un comité de cabinet juste sur la capitale. Et ça, c'est une idée qui a du mérite. Il a emprunté plusieurs de nos idées, je l'invite à emprunter celle-là aussi.
Au niveau de l'emploi, le député de Verdun avec son équipe avait proposé des changements pour les travailleurs autonomes. Le premier ministre, dans son discours inaugural, semble s'ouvrir là-dessus. On applaudit ça. Ça nous fera plaisir de lui transmettre une copie quoiqu'il l'ait déjà de notre politique.
Des voix: Ha, ha, ha!
Une voix: Il l'a copiée.
M. Charest: Et les mots se ressemblent pas mal. On pense qu'il y a là un travail important à faire.
Pour la métropole, je lui dirais ceci. Il y a un phénomène de tutelle avec la métropole. Politiquement, ce n'est pas sain. Ça nous place dans une situation intenable d'à-peu-près-tutelle dans son administration. Et avec le monde municipal, il y a une espèce de lien de dépendance, là, où Québec décide à peu près de tout ce qui se fait dans le domaine municipal. J'invite donc le gouvernement à oxygéner un petit peu, puis à sortir des sentiers battus, puis à retourner au monde municipal l'autonomie à laquelle ont droit des élus comme nous, en passant, des vrais élus.
Pour l'agriculture, entre autres, j'aurais aimé... Et je m'inquiète un petit peu que le gouvernement n'ait pas mentionné les négociations qui se préparent à l'Organisation mondiale du commerce. Il y a des enjeux très importants pour nos agriculteurs qui vont se jouer autour de cette table-là. Et le gouvernement du Québec n'a pas le loisir d'improviser. On doit rapidement se faire des positions et les défendre là où elles doivent être défendues pour s'assurer que nos agriculteurs et que le monde agricole et agroalimentaire puisse avoir des politiques qui le protègent et lui permettent à lui aussi de prospérer.
De tous les dossiers et je vais conclure là-dessus l'union sociale, M. le Président, est celui qui touche les intérêts plus immédiats, les plus pressants des Québécoises et des Québécois. Le problème inhérent et fondamental du gouvernement, c'est qu'il est, dans ce dossier-là comme dans d'autres, coincé. On a un gouvernement coincé, coincé entre son idéologie et le résultat de l'élection, entre son parti et la population. Coincé parce que, clairement, toutes tendances confondues, la population québécoise a dit à ce gouvernement et au Parti libéral, à tous ceux qui ont fait la campagne, qu'elle voit son avenir, qu'elle voit la défense et la poursuite de ses véritables intérêts, qu'elle voit sa réussite et sa prospérité future à l'intérieur du Canada.
(11 h 30)
Nos concitoyens, M. le Président, ne veulent surtout pas d'un autre référendum à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale dans le prochain mandat. Bien au contraire, ils souhaitent que leurs élus se penchent sur leurs problèmes, qui sont réels, qui sont criants. C'était tellement clair que, le soir de l'élection, que, le lendemain, le premier ministre du Québec, nouvellement élu, n'a pas pu éviter de constater qu'il n'avait pas le mandat de tenir un référendum. C'était aussi clair que ça le lendemain de l'élection. Il faudrait se demander ce qui est arrivé entre-temps.
Or, ce gouvernement est coincé, d'autre part, par son option, par un parti politique dont l'engagement primordial, pour ne pas dire existentiel, est de réaliser la sécession du Québec. Un parti politique, soit dit en passant, qui n'a jamais donné un mandat à son chef ou aux ministres de son gouvernement de négocier l'union sociale avec le reste du Canada. Il faudra répondre à cette question-là éventuellement, et elle n'est pas insignifiante, parce que ceux qui vous font face, ceux qui sont assis de l'autre côté de la table sont en droit de savoir l'objectif que poursuit le premier ministre du Québec. C'est la moindre des choses, c'est une question de respect. L'inverse nous mène là où nous sommes rendus aujourd'hui.
Le mandat que le Parti québécois a expressément donné à son premier ministre et à son gouvernement, c'est bien plutôt de démanteler l'union sociale. Et là j'aimerais rappeler au premier ministre que les Québécois et Québécoises ne seront pas dupes. C'est désolant, mais cela explique, hélas, le triste sort réservé aux véritables intérêts des Québécoises et Québécois par ce gouvernement, dans tout le dossier de l'union sociale.
En effet, l'absence du gouvernement du Québec, depuis 1994, à la table de négociation a fait que, une fois qu'il a décidé de s'y présenter pour des raisons électoralistes, il n'a pu exercer à peu près aucune influence ni aucun leadership dans les négociations. D'ailleurs, les ministres le disaient eux-mêmes, ils s'en allaient négocier à Saskatoon et disaient: Ce n'est pas le Québec qui va jouer un rôle de leadership. Pendant la campagne électorale, le premier ministre a dit, et je cite: «On n'est pas dans la business de renouveler le fédéralisme.» Vos propres paroles. Mettez-vous à la place de ceux qui vous font face. Ils se demandent bien: Lequel des deux me fait face aujourd'hui, celui qui a dit qu'il n'était pas dans la business de renouveler le fédéralisme, ou celui qui a dit qu'il voulait renouveler l'union sociale, ou est-ce que c'est celui qui a le mandat de son parti de démanteler l'union sociale? Avouons que c'est un peu difficile d'en venir à la conclusion «Do they don't care?» La question, ce n'est pas «What does Québec want?», c'est «What does Lucien Bouchard want?».
Des voix: Ha, ha, ha! Bravo!
M. Charest: Dommage, M. le Président. En attendant parce qu'on attend on attend les emplois. En attendant la réponse, on attend la prospérité économique. En attendant, on attend de réparer notre système de soins de santé. En attendant, notre système d'éducation décline. En attendant la réponse, on prend du recul. En attendant, on paie un prix qu'il a lui-même reconnu. Ce n'est peut-être pas à moi de poser la question, c'est peut-être plus à l'intérieur de son propre parti qu'on doit lui poser la question. Enfin, on laissera aux membres de son parti le soin de faire leur travail et de nous éclairer sur cette grande question, à laquelle on aura peut-être la réponse dans le mandat actuel. M. le Président, le problème de tout cela, c'est qu'en attendant on souffre. Pendant ce temps-là, nous attendons. Pendant ce temps-là, les intérêts du Québec sont mis de côté.
Pourtant, le Québec, quand il a exercé son leadership et je pense que, là-dessus, on est d'accord on a fait la démonstration qu'on est capable de prendre notre place et de réussir de grandes choses. D'ailleurs, ce n'est pas d'hier. Ça m'a intéressé que le premier ministre, dans le discours inaugural, cite Félix Antoine Savard. Puisqu'il s'intéresse à ses écrits, il est sans doute intéressé à ce qu'il a écrit dans Hymne à mon pays . Félix Antoine Savard disait: «Heureux les peuples épaulés sur le nord, heureux entre leurs trois océans, et peuples comme le nôtre épaulés sur le nord, heureux les peuples accordés.» M. le Président, «heureux les peuples accordés», c'est ce que visent les Québécois. Nous aspirons à cette fraternité, à cette bonne entente, à ce partenariat actif et sans cesse renouvelé dans le partage et la générosité que décrit le poète.
Or, il se trouve que nous venons d'entrer dans une période de renouveau et d'espoir dans l'évolution de notre fédération, une porte s'est ouverte. Ce pays, à l'initiative des provinces canadiennes, a amorcé une démarche dont l'orientation est irréversible et va nous permettre de faire avancer la fédération vers de nouveaux modes de fonctionnement. Ça va nous permettre de mieux s'administrer chez nous. Encore faut-il avoir la volonté de franchir la porte et d'exercer ce leadership, au lieu de la claquer au nez de nos partenaires et de la barrer à double tour, comme le gouvernement actuel est voué à le faire. S'il respectait la volonté des citoyens qu'il prétend représenter, s'il respectait leur volonté par deux fois exprimée de travailler à améliorer le pays dont ils sont actionnaires, propriétaires et citoyens, il consacrerait ses efforts à participer et à contribuer de façon constructive au processus en cours, non pas dans le but de le faire échouer, mais dans le but de le faire réussir.
Notre drapeau, M. le Président, celui qui flotte au-dessus de cette Assemblée nationale, celui que nous nous sommes donné il y a plus de 50 ans, ce drapeau qui fait notre fierté, qui a toujours rassemblé les Québécois, ce drapeau à nous n'est pas un drapeau guerrier. Les Québécois veulent la paix. Nous aimons construire, comme nous l'avons toujours fait par le passé, avec nos frères, nos amis et nos partenaires ailleurs au pays. Construire, M. le Président, c'est ce que nous faisons de mieux. C'est ça, l'avantage québécois, c'est avoir l'occasion de construire et de réussir. Et, pour commencer à construire, il va falloir reconnaître, comme nos citoyens le font à tous les jours, M. le Président, qu'au-delà de ces murs le monde a changé. Le moment est venu d'ouvrir les fenêtres et de laisser entrer un peu d'air, l'air du grand ailleurs, bref, la réalité, M. le Président. Que cet air vienne oxygéner nos esprits et nous inspirer. Les Québécois veulent respirer, M. le Président. Ils veulent qu'on les laisse vivre.
Yesterday, Mr. Speaker, the Premier took a few seconds to explain to the people of Québec that the rest of the country apparently doesn't care. Mr. Speaker, I want to take a second today to reassure those who heard those words that he is wrong, that in... is the gem... an attempt to try to persuade other people, either in Québec or outside of Québec, that there is some inevitable faith in regards to the future of Québec in Canada. That is not true. And I take as my witness today the results of the election campaign of the 30th of November, where the Liberal Party of Québec obtained the plurality of the vote, where the people of Québec have voted twice in a referendum that they want to pursue their future within Canada, Mr. Speaker. It was true in 1980, it was true in 1995, true in 1998 and true in 1999, Mr. Speaker.
Des voix: Bravo!
M. Charest: We should never be allowed to be persuaded that this country... or that Québec is not a success. We are a vibrant and a great success, but we can do better and we will do better.
M. le Président, je veux aujourd'hui dire, finalement, à quel point on a l'intention d'être fidèles au mandat que nous avons reçu de travailler en étroite collaboration avec tous les parlementaires à l'Assemblée nationale dans les intérêts du Québec. Je veux, à ce gouvernement, lui souhaiter de la chance, de la chance dans le contexte où ses réussites seront aussi les réussites de l'opposition officielle et de la population du Québec. Je veux surtout lui dire à quel point il aura des comptes à rendre, et il aura devant lui une opposition officielle qui exigera ces comptes et offrira des alternatives dans l'esprit de fierté, dans un esprit constructif et dans un seul esprit, celui de défendre les intérêts du Québec. Merci.
(Applaudissements)
Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.
(11 h 40)
M. Charest: M. le Président, j'y ai fait référence pendant mon discours, j'aimerais déposer un document qu'a préparé la députée de Bourassa, en matière de santé, et je pense que personne ne s'objectera à ce qu'on dépose le document en question, M. le Président.
Document déposé
Le Président: Alors, il y a consentement, je crois.
M. Charest: Merci, M. le Président.
Motion de censure
Et, finalement, j'aimerais présenter une motion de censure:
«Que l'Assemblée nationale du Québec blâme sévèrement le gouvernement péquiste pour son inaction notamment dans le domaine de la santé, de l'éducation, de l'économie et dans la défense et la promotion des véritables intérêts du Québec.»
Des voix: Bravo!
Avis touchant les travaux des commissions
Le Président: Alors, avant de donner la parole à un prochain intervenant, je voudrais simplement rappeler à certains d'entre nous que la commission de l'Assemblée nationale, telle qu'elle est constituée actuellement, c'est-à-dire les leaders, les whips et les vice-présidents de l'Assemblée, va se réunir immédiatement à la salle 1.38 de l'édifice Pamphile-Le May afin de voir à la formation des commissions parlementaires, en application des articles 127 et suivants du règlement de l'Assemblée.
Reprise du débat sur le discours d'ouverture et sur la motion de censure
À ce moment-ci, je donne maintenant la parole au député de Rivière-du-Loup.
M. Mario Dumont
M. Dumont: Merci, M. le Président. En ce début de mandat, évidemment, mes premiers mots vont être pour remercier mes concitoyens, les électeurs du comté de Rivière-du-Loup. Dans toutes les fonctions qu'on peut occuper en cette Chambre, la première fidélité, la première loyauté, la première responsabilité qu'on conserve toujours est celle qu'on a envers les électeurs qui décident qu'on mérite ce siège à l'Assemblée, et on doit chaque jour se souvenir qu'on doit continuer à le mériter par le retour de cette loyauté.
Je veux aussi remercier les électeurs de toutes les régions du Québec qui, dans la campagne, ont décidé d'appuyer l'Action démocratique du Québec, qui et je complète le résumé de la campagne électorale, ou des résultats électoraux, que faisait le premier ministre hier est le seul parti qui, en pourcentage de votes, a connu une croissance, dans le cadre de la dernière élection. Je veux remercier aussi les candidats et les candidates qui, dans des circonstances dans certains cas plus difficiles, ont tenu le fort durant la campagne, ont défendu avec conviction, avec énergie les idées dans lesquelles ils croyaient ardemment.
Sûrement que ces candidats et candidates de l'ADQ ont dû être heureux, comme moi, hier d'entendre le gouvernement fixer au sommet de ses priorités, comme un enjeu important, essentiel et incontournable, la question des jeunes. Le premier ministre nous annonce pour l'instant, ce n'est qu'un discours, mais le premier ministre nous l'annonce que le mandat va porter sur la question des jeunes. Je lui dis là-dessus: Bravo!
Je dois dire que je suis aussi très heureux d'entendre dans son discours des thèmes nouveaux. Maintenant, il va rester quatre années pour mettre de la chair autour de l'os et voir des résultats. Je pense, entre autres, aux travailleurs autonomes. Il y a deux ans, à l'Assemblée nationale, c'était un thème à peu près inexistant. On a eu l'occasion d'aborder, d'effleurer ce sujet-là dans le débat sur l'assurance-médicaments, et je me suis vite aperçu que l'oreille n'était pas encore formée à cette réalité des travailleurs autonomes. Pourtant, aujourd'hui, c'est fixé à l'intérieur des priorités. Bravo! Il reste maintenant à s'assurer que dans quatre ans, à la fin du mandat, il y aura des changements concrets et positifs dans la vie des travailleurs autonomes du Québec.
De la même façon, on espère qu'à la fin de ces quatre années-là il y aura des résultats concrets en matière d'endettement étudiant. Le premier ministre l'a identifié comme une priorité. Le premier ministre a parlé aussi de tout le dossier de l'Internet, qui est extrêmement important pour la nouvelle génération, pour le développement, je l'espère, du commerce électronique, de créer un ministère à ce chapitre-là. Durant la campagne électorale, on a eu l'occasion d'en débattre, de constater les retards que son gouvernement avait fait prendre au Québec en cette matière-là. On a maintenant un ministre responsable. On doit donner la chance au coureur. On doit espérer qu'on va reprendre les devants là-dessus et que, dans quatre années, le Québec sera non plus en retard, mais sera au devant sur la question d'Internet et de toute la nouvelle économie.
D'ailleurs, la nouvelle économie, là-dessus aussi, le premier ministre, dans son discours hier, a identifié ça comme un créneau de développement pour les jeunes. Il y a du travail à faire. Son ministre de l'Économie et des Finances a fait preuve à plusieurs reprises d'une compréhension difficile de la question de la nouvelle économie, de la question du développement de l'autoroute de l'information, entre autres, qui était cantonné dans des lieux géographiques. Alors, j'entends du discours du premier ministre que cette vision-là va s'ouvrir puis qu'à partir de maintenant l'accélération de ce développement-là, au Québec, va se faire et va être créatrice d'emplois, entre autres, pour les jeunes, va continuer à l'être encore davantage.
Nouveau thème aussi, dans le discours du premier ministre, très important, celui de l'équilibre entre les générations. Le premier ministre l'a fixé comme un thème de discussion en vue d'un sommet. Ça me fait toujours peur. Je suis toujours craintif que les consultations soient des occasions de relations publiques dont les recommandations finissent par ramasser de la poussière sur les tablettes. D'où l'importance que, sur la question de l'équilibre entre les générations, comme j'ai eu l'occasion d'en parler à maintes reprises, on se mette tout de suite comme priorité on va arriver à un équilibre budgétaire imminent le paiement de la dette. On n'a pas besoin d'en débattre dans un sommet, c'est une évidence. Ça va de soi que, dans le contexte actuel, si on tient compte de la pyramide des âges, de l'équilibre des générations, ce n'est pas une dette que le Québec devrait avoir, c'est des surplus.
Aujourd'hui, en 1999, si on avait été gouverné d'une façon prévoyante et intelligente depuis deux décennies, on aurait des surplus, parce qu'on se serait dit qu'il est préférable à ce moment-ci, alors qu'une génération plus nombreuse s'en va vers sa retraite, vers un besoin grandissant de soins de santé puis que la génération montante va être moins nombreuse pour travailler... qu'on devrait avoir des surplus accumulés à l'intérieur desquels on pourrait recueillir des intérêts puis aller piger pour payer les soins de santé. Mais c'est le contraire. Au moment où on rentre dans cette phase-là, comme société, on est déjà endetté. Alors, ça serait la moindre des choses qu'au moins on commence à gruger la portion que représente l'intérêt sur le budget annuel en commençant à rembourser cette dette-là plutôt que de la renvoyer aux générations qui viennent.
Et là-dessus, le premier ministre, dans son discours, pouvait nous inquiéter, parce que, sur plusieurs thèmes et ça a été souligné par différents observateurs la solution, c'est plus d'argent. Quand on arrive devant une problématique, la solution, c'est plus d'argent, alors qu'on sait que ce n'est souvent pas le cas, alors qu'on sait que, dans bien des cas, c'est le retrait du gouvernement. Si le gouvernement enlevait ses pattes dans des domaines, si le gouvernement avait moins de monde, s'il y avait moins de monde qui s'occupait de notre bien, on aurait plus de biens dans nos poches. Alors, c'est souvent de cette façon-là que le gouvernement devrait agir. Et là j'ai senti que la tentation était forte de recommencer à dépenser à gauche et à droite, dans tous les domaines.
Dans son discours sur la jeunesse, j'entends du premier ministre que, même les thèmes oubliés... Il fait une priorité tellement grande de la question des jeunes que, même les thèmes oubliés, quand on lui fera des suggestions, des propositions, on va recevoir un accueil d'une ouverture jamais vue. Je pense, entre autres, à la question du double emploi. Je sais que le chef de l'opposition m'a encore surpris tout à l'heure en préconisant, en proposant le double emploi. Moi, je pense que, dans la situation d'emploi qu'on connaît au Québec, avec la difficulté qu'ont les jeunes, il est absolument inacceptable et ça existe encore que des gens reçoivent de deux sources différentes des chèques qui viennent du même gouvernement, que ce soit sous la forme d'une pension additionnée à un salaire ou... Il me paraît que c'est un petit peu gros que des gens reçoivent deux chèques avec la fleur de lys dans le coin, en terme de rémunération, quand il y a d'autres gens à côté qui se cherchent un emploi, qu'il y en a d'autres à côté qui sont dans des contrats à temps partiel, qui travaillent quelques heures par semaine, qui s'arrachent la vie. Que le gouvernement, lui, se fasse l'employeur de deux personnes à la fois me paraît un peu gros.
L'embauche de professeurs dans les universités, ça a été un enjeu, plusieurs en ont parlé. Ça n'a pas été mentionné, probablement faute de temps, dans le discours inaugural, mais, en fixant la priorité jeunesse, j'ai la conviction profonde qu'au fur et à mesure qu'on entrera dans ce débat-là le gouvernement sera ouvert d'esprit, posera des gestes.
Il y a quand même des dangers, des dangers au niveau de la cohérence de l'ensemble du discours, et je dois en souligner deux. Sur la question des clauses orphelin, le premier ministre y va d'un renfort sur la question Jeunes mais nous parle... Et je l'ai senti... C'est peut-être mon oreille qui fait défaut, mais j'ai senti qu'on commençait déjà à mettre de l'eau dans le vin, dans le dossier des clauses orphelin, à préparer une législation qui va être une demi-mesure, qui va ménager la chèvre et le chou, qui va couvrir des parties de problèmes. Alors, j'ai l'intention en tout cas, moi, pour ma part, j'ai participé avec d'autres collègues à la commission parlementaire qui a étudié de fond en comble le problème à la fin de l'été de redéposer une version bonifiée, à la lumière des commentaires, du projet de loi que j'avais déjà déposé. Et ça pourrait être un premier geste du premier ministre, de s'assurer qu'on aura un projet de loi qui couvre l'ensemble de la problématique, plutôt que de succomber à la tentation...
Parce que c'est là qu'on va tester vraiment l'engagement jeunesse du gouvernement, c'est quand vont arriver des décisions à prendre où, exemple, les alliés syndicaux, les establishments syndicaux vont faire entendre un autre son de cloche. C'est là qu'on va voir de quel côté le gouvernement va trancher. Et là on entend son engagement jeunesse, on pourra le mesurer. Et l'ADQ, on sera sûrement de ceux qui auront ce ruban à mesurer la sincérité, la conviction du gouvernement, pour voir, quand il y aura des choix... Parce que, quand il n'y a pas de choix à faire... Dans le discours, on peut en avoir pour tout le monde, mais quand vient le temps de trancher, de faire des choix, c'est là qu'on mesure les véritables intentions.
(11 h 50)
Le premier ministre a parlé beaucoup des jeunes. Sûrement que les écoles lui tiennent à coeur. Je ne sais pas quels rapports il a eus, quelles discussions il a eues avec son ministre de l'Éducation sur la question de la fermeture des écoles. Il faut se souvenir que son prédécesseur, qui a été élu premier ministre sous la bannière du Parti québécois en 1994, avait pris des engagements très, très, très fermes on n'avait jamais vu aussi fermes, en fait en matière de fermeture d'écoles. Le premier ministre Parizeau, en campagne électorale en 1994, lui, s'était engagé à ce qu'il y ait une loi pour empêcher la fermeture de la dernière école du village puis qu'on consolide l'existence des écoles. Seulement dans la région du Bas-Saint-Laurent, si je ne me trompe pas, pour le mois de septembre prochain, c'est huit écoles qui ferment. Ça a été dans le premier mandat... J'entends la député de Rimouski qui dit sept, parce qu'elle oublie celle dans son propre comté, la huitième. Je la comprends, c'est excusable.
Là, si on veut faire un mandat qui va être axé sur la jeunesse, on peut s'entendre que ça commence mal si, dans le premier hiver du mandat sur la jeunesse, on ferme des écoles à répétition. Ça, sur le plan de la cohérence... Je sais que le gouvernement va être sûrement appelé probablement à préciser ses positions. Peut-être qu'avec le discours inaugural le ministre de l'Éducation a reçu des nouvelles directives, des nouveaux mandats et que c'est une question de temps avant qu'on en soit tous informés.
Je fais la transition, évidemment, avec la question jeunesse. Je vais reprendre la phrase de J.-Jacques Samson, ce matin, dans Le Soleil . «L'État prend le jeune Québécois sous son aile dès le berceau. Il lui tient la main jusqu'à la porte d'une entreprise inexistante.» J'ai trouvé que cette phrase-là résumait bien ce qui est la grande, grande, grande lacune, une des grandes lacunes de l'action du Parti québécois dans son premier mandat. On ne peut pas revenir là-dessus, l'électorat l'a jugé et l'a reporté au pouvoir, mais certainement une grande lacune du discours inaugural, c'est la question économique.
Je vais en parler en repartant des propos mêmes du premier ministre, qui nous a parlé de l'avantage québécois. Je trouve ça très beau, et je suis plutôt sensible, je suis plutôt d'accord avec lui sur ce qu'est l'avantage québécois, la position du Québec entre l'Europe et l'Amérique du Nord, sauf que l'avantage québécois, il ne dépend pas du gouvernement. Il dépend de notre réalité géographique, il dépend de ce qu'on s'est donné comme société, de ce qu'on s'est donné comme priorités, comme valeurs, de ce qu'on est devenu, il dépend de nous. Mais, à côté de l'avantage... Puis, je pourrais en ajouter sur l'avantage québécois, parce qu'on est gâté, au Québec, on a l'hydroélectricité, on a des ressources naturelles inépuisables. On est encore plus gâté... L'avantage québécois est encore plus gros que ce que le premier ministre nous a dit.
Mais il faut reconnaître qu'il y a un désavantage québécois qui existe aussi, et le désavantage québécois, lui, il dépend du gouvernement. Puis le désavantage québécois, c'est les taux de taxation les plus élevés en Amérique du Nord, c'est un taux d'endettement élevé, c'est la tentation de dépenser dans tous les domaines. C'est une structure bureaucratique parmi les plus lourdes qui n'existent pas en Amérique du Nord. C'est des réglementations qui n'en finissent plus. C'est une force incomparable des monopoles syndicaux. Et ça, ça crée un climat où la création d'emplois est plus difficile au Québec qu'ailleurs.
Au Sommet socioéconomique quand je vous disais que j'avais peur des sommets, un peu plus tôt, là on en a parlé, de ça. Ça a commencé à être abordé, puis ça a donné lieu à un groupe de travail présidé par quelqu'un qui connaît le développement économique il en a fait lui-même M. Lemaire, puis on a l'impression que, les suites de ça, ça ne vient pas puis que c'est long. On a l'impression, en fait, que le Sommet était une occasion de relations publiques puis qu'il fallait s'en sortir en faisant un groupe de travail qui allait se pencher sur l'aspect qu'on ne voulait pas toucher pour ne pas déranger, puis que finalement ça vient d'être enterré.
Or, la grande question, c'est: Que va faire le gouvernement en matière économique? Parce que le grand danger, c'est qu'on pourra faire tout le reste pour les jeunes, on pourra préparer les jeunes vers un parcours spectaculaire de préparation à l'emploi, en fait on pourra, en matière d'éducation, former les meilleurs cerveaux l'exode des cerveaux, c'est un thème qui me tient à coeur si on n'a pas l'emploi à leur offrir et si on n'a pas un nombre grandissant d'emplois dans des domaines nouveaux qui s'offrent, on a une roue qui tourne à vide, je veux dire, on prépare des déceptions plus grosses. Plus tu en promets aux jeunes, si tu n'as rien à leur offrir sur le marché de l'emploi, plus tu gonfles une balloune que tu sais que tu vas leur péter dans la face au moment où ça leur tient à coeur, qui est celui de se trouver un emploi puis de rentrer dans une vie active sur le plan économique.
Là-dessus, je dois dire que le plan d'action du gouvernement est le reflet de son premier mandat et que, sur la question économique, c'est faible. C'est faible. C'est un refus de ce qui a marché ailleurs. C'est une allergie. Je ne nie pas qu'il existe un modèle québécois, mais on ne peut pas s'enfermer dans le modèle québécois des années soixante pour se faire accroire qu'on n'a pas un désavantage québécois, et que le désavantage québécois, il dépend, entre autres, du gouvernement, et que les actions du gouvernement en matière économique, en matière de création d'emplois, en matière de développement des PME, en matière d'accélération de la nouvelle économie, bien, que les actions du gouvernement... Quand je dis «les actions», je ne parle pas plus d'argent puis je ne parle de promettre des sauvetages à tout prix, les jobs qui coûtent 500 000 $ chacune à sauver, je parle des actions, dans certains cas, qui sont d'avoir moins de paperasse, dans certains cas, qui sont d'avoir moins de réglementation, pour que le Québec soit un endroit qu'on désigne... quand on parle du Québec à l'extérieur, qu'on désigne le Québec comme une bonne place pour faire des affaires, pour développer l'économie.
Le dernier sujet que je tiens à aborder, c'est celui de la réforme démocratique. On est au lendemain d'un scrutin. On vient d'avoir l'appel au peuple. Et l'occasion est toujours idéale, à ce moment-là, quand on est loin d'un prochain scrutin, de réfléchir sur la qualité de notre vie démocratique. Or, là-dessus, tous ceux qui s'intéressent à la question de la qualité de notre vie démocratique vont sûrement être déçus du discours du premier ministre, déçus, en fait, des intentions du gouvernement du Parti québécois, parce que je pense que jamais un gouvernement n'a pris la question démocratique autant par le petit bout. Quand je dis: Prendre par le petit bout, on prend ça par la carte d'électeur.
J'invite le premier ministre, son parti, à une réflexion sur ce que leur propre parti a comme historique en cette matière-là. L'Assemblée nationale, de façon générale, a été la scène de progrès démocratiques considérables. Sous la gouverne de Jean Lesage, on a contrôlé, pour la première fois, les dépenses des partis politiques. Ensuite, le gouvernement de Jean-Jacques Bertrand, d'un autre parti, a procédé à l'abolition du Conseil législatif. On est arrivé, durant le premier mandat de René Lévesque, avec une réforme démocratique sans précédent sur le financement des partis politiques. Mais, depuis ce temps-là, au Parti québécois, et particulièrement depuis 1994, sa réélection, on va dire qu'on donne dans l'administration démocratique. On s'est préoccupé de la liste électorale, d'informatiser la liste électorale, de mettre la liste électorale sur disquettes. Là, maintenant, on s'occupe des cartes d'identité, on fait des réajustements quand on est mal pris parce qu'un tribunal vient de nous mettre dans le trouble.
Mais le Parti québécois, le gouvernement n'occupe plus et ne semble pas vouloir occuper à nouveau le terrain de la réforme électorale véritable, du débat démocratique véritable. Et, en ce sens-là, ils sont certainement en rupture avec ce qui a été l'héritage de leur chef fondateur, qui, lui, a toujours été un adepte, un fervent de cette participation démocratique des citoyens, de ce respect démocratique des citoyens.
Et je serais tenté de dire au premier ministre, qui a, sur le plan de l'avenir du Québec, hier clairement laissé entendre que toutes les voies étaient ouvertes puis que lui-même ne voyait pas imminente cette souveraineté du Québec qui est l'article 1 de son parti, qu'on pourrait au moins faire un progrès du côté de la souveraineté qui nous unit tous, la souveraineté du peuple, la démocratie, la participation directe des citoyens dans la démocratie. Et, là-dessus, il y a une foule de propositions qui peuvent être regardées. On en a fait, on va continuer à en faire.
L'initiative populaire. Le Québec n'a pas progressé depuis très longtemps. Sous René Lévesque, le gouvernement du Parti québécois avait une réforme presque prête sur la participation des citoyens, sur l'initiative populaire.
(12 heures)
Sur un office des électeurs. Bien, ça, c'est une grande réflexion qui va s'opérer à l'intérieur du gouvernement. Est-ce que la Loi électorale appartient aux partis politiques? Parce que, comme c'est là, de la façon dont on se comporte, c'est comme si la Loi électorale appartenait aux partis politiques, puis la Loi électorale, ça existe entre les partis... Moi, j'ai la conviction que la Loi électorale, ça appartient au peuple. Donc, le comité consultatif du Directeur général des élections, qui doit discuter de ça, doit avoir des représentants de la population, il doit devenir un office des électeurs et non pas une chambre de compensation des partis politiques.
Le mode de scrutin. Tout le monde a vu, dans la dernière élection, le Parti québécois a ça dans son programme. Je pense que le chef de l'opposition officielle a démontré un intérêt, cet hiver, pour cette question-là du mode de scrutin. Il faut quand même reconnaître il y a un universitaire, il y a quelques semaines, qui faisait une réflexion là-dessus dans le quotidien La Presse que les écarts dont devenus grands. Dans la dernière élection, un député du Parti québécois a été élu à chaque 22 000 votes, un député du Parti libéral à chaque 35 000 votes, un député de l'ADQ à chaque 480 000 et quelques votes. Alors, il faut reconnaître qu'il y a des écarts considérables et que, à une époque au Parti québécois, on était très sensible à cette question-là d'une compensation, avec une réforme du mode de scrutin. Alors, j'espère que ce débat va pouvoir progresser.
On n'est pas pressé. J'entends le ministre de la Réforme électorale qui, lui, semble pressé. Moi, je ne suis pas pressé. S'il faut prendre une session, deux sessions, se rendre à l'automne prochain, trois sessions, se rendre au printemps prochain, moi, je n'ai pas de problème. Moi, je n'attends pas d'élection à court terme. Alors, je pense que le temps est venu de prendre tout le temps nécessaire. Qu'une carte d'identification quelconque puisse être demandée, je pense que tout le monde avance vers la nécessité de ça. Maintenant, qu'on prenne le temps de faire une réforme dans son ensemble.
Je conclus, M. le Président, en vous disant que le gouvernement, dans ce mandat, comme d'habitude, aura mon appui pour réaliser des choses positives, aura mon appui pour préparer l'avenir, et que l'avenir qu'on prépare, c'est au moment où on tourne la page à la fin d'un mandat. L'avenir meilleur, la qualité de l'avenir qu'on a préparé, c'est ce qu'on laisse. Alors, faisons le maximum. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Rivière-du-Loup. Nous allons maintenant suspendre nos travaux. Et je vous invite cet après-midi, à 14 heures, pour les affaires courantes.
(Suspension de la séance à 12 h 2)
(Reprise à 14 h 3)
Le Président: Alors, chers collègues, nous allons débuter par un moment de recueillement.
Très bien. Veuillez vous asseoir.
Présence d'une délégation parlementaire de la république d'Haïti, du haut-commissaire de la république de Trinité-et-Tobago, M. Robert M. Sabga, et de l'ambassadeur du royaume de Belgique, M. Luc Carbonez
Je voudrais débuter aujourd'hui en soulignant d'abord la présence dans nos tribunes d'une délégation de parlementaires de la république d'Haïti qui, on le sait, actuellement vit des moments difficiles. J'ai également le plaisir de souligner la présence du haut-commissaire de la république de Trinité-et-Tobago, Son Excellence M. Robert Sabga. Et j'ai enfin aussi le plaisir de souligner la présence de l'ambassadeur du royaume de Belgique, Son Excellence M. Luc Carbonez.
Nomination des leader, leaders adjoints, whip et whips adjoints du gouvernement, et du président du caucus du Parti québécois
Documents déposés
Alors, avant de procéder aux affaires courantes, je vous avise que j'ai reçu de M. le premier ministre des lettres m'informant des nominations suivantes: au poste de leader du gouvernement, M. Jacques Brassard, député de Lac-Saint-Jean; aux postes de leader adjoint du gouvernement, M. André Boisclair, député de Gouin, et M. André Boulerice, député de Sainte-MarieSaint-Jacques; au poste de whip en chef du gouvernement, Mme Jocelyne Caron, députée de Terrebonne; au poste de président du caucus, M. François Gendron, député d'Abitibi-Ouest. Ces nominations prenaient effet le 9 décembre dernier. Je dépose donc les lettres.
J'ai reçu également de M. le premier ministre des lettres m'informant des nominations suivantes: au poste de whip adjointe du gouvernement, Mme Lucie Papineau, députée de Prévost, en remplacement de Mme Diane Barbeau, députée de Vanier, à compter du 27 janvier dernier; au poste de whip adjoint du gouvernement, M. Benoît Laprise, député de Roberval, en remplacement de Mme Solange Charest, députée de Rimouski, à compter du 2 mars dernier. Alors, je dépose également ces lettres.
Nomination des leader, leader adjoint, whip et whip adjoint de l'opposition
Je vous avise que j'ai reçu de la part du chef de l'opposition officielle une lettre m'informant des nominations suivantes: au poste de leader de l'opposition officielle, M. Pierre Paradis, député de Brome-Missisquoi; au poste de leader adjoint de l'opposition officielle, M. Thomas Mulcair, député de Chomedey; au poste de whip en chef de l'opposition officielle, M. Jean-Marc Fournier, député de Châteauguay; et, au poste de whip adjoint de l'opposition officielle, M. Norman MacMillan, député de Papineau.
Des voix: Bravo!
Document déposé
Le Président: Ces nominations prenaient effet le 9 décembre 1998, et je dépose donc la lettre du chef de l'opposition officielle.
Affaires courantes
Déclarations ministérielles
Alors, aux affaires courantes, nous allons débuter par Déclarations ministérielles. M. le premier ministre.
Excuses, au nom du Québec et de son gouvernement, aux orphelins de Duplessis et mesures compensatoires
M. Lucien Bouchard
M. Bouchard: M. le Président, les Québécois ont été troublés par les révélations des difficultés et des injustices vécues par ceux et celles qui s'identifient comme les orphelins et les orphelines de Duplessis. Aujourd'hui, alors que s'ouvrent les travaux réguliers de cette nouvelle Législature, au nom du Québec et de son gouvernement, je leur exprime nos plus sincères excuses et leur adresse la présente déclaration.
Il faut reconnaître qu'il y a plus de 30 ans, dans quelques institutions et à certaines occasions, des enfants placés ou abandonnés par leur famille et connus comme les orphelins et orphelines de Duplessis ont été victimes de situations, de gestes et d'attitudes inadmissibles dont les séquelles les affectent aujourd'hui encore. Les différences de mentalité, de valeurs et de méthodes d'éducation, tout comme la pauvreté des moyens mis à la disposition, ont concouru au problème mais ne constituent pas une excuse. Nous souhaiterions que cela n'ait pas eu lieu. Encore aujourd'hui, il survient parfois des situations condamnables qu'il nous appartient de corriger. Heureusement, nous bénéficions maintenant de mécanismes qui nous permettent d'intervenir plus rapidement.
Sans pour autant vouloir jeter le blâme ou imputer une responsabilité légale à quiconque, le gouvernement reconnaît que la société québécoise dans son ensemble a un devoir moral à l'endroit de ses membres qui ont vécu cette situation malheureuse. Nous savons cependant que l'expression de ces excuses et la reconnaissance de ce devoir moral sont, avec raison, au coeur des attentes formulées par le Comité des orphelins et orphelines de Duplessis.
Le Procureur général a le devoir d'évaluer la possibilité d'intenter des poursuites criminelles lorsque, dans des cas précis, la preuve réunie le permet. Plus de 200 dossiers ont été étudiés ces dernières années, d'autres pourraient encore l'être ou certains revus si des éléments nouveaux apparaissaient. Les recours intentés ont démontrés cependant jusqu'à maintenant que certains facteurs, notamment l'écoulement du temps, compliquent le recours à la voie judiciaire.
Certains ont souhaité une enquête publique; le gouvernement pense plutôt que l'intérêt des personnes concernées sera mieux servi par une démarche d'accompagnement et de soutien. Des mesures, cinq au total, certaines que j'annonce aujourd'hui, d'autres déjà en voie de réalisation, visent à aider ces personnes à retrouver leur dignité, à accroître leur capacité de subvenir elles-mêmes à leurs besoins et à acquérir ainsi une plus grande autonomie.
La première mesure vise à leur redonner une identité clairement établie. Les personnes dûment référées et accompagnées par le comité pourront obtenir sans frais un certificat de naissance correspondant à leur identité actuelle.
(14 h 10)
Deuxièmement, l'accès à certains programmes gouvernementaux, tels ceux en matière de services sociaux, d'insertion et de soutien de la sécurité du revenu, leur sera facilité. Le ministère de la Solidarité sociale prendra en compte leur situation particulière lors de l'octroi de l'aide sociale ou de l'identification des mesures favorisant, à leur demande, le retour en emploi ou l'insertion sociale. En outre, le ministère procédera en leur faveur à certains assouplissements au programme de soutien financier.
Par une troisième mesure, le gouvernement verra à ce que le comité dispose des ressources nécessaires pour poursuivre son travail. À cette fin, le gouvernement lui versera donc une subvention de 300 000 $ répartie sur trois ans.
Quatrièmement, j'annonce que le gouvernement a décidé de créer un fonds d'aide spécial de 3 000 000 $. Ce fonds vise à combler d'autres besoins auxquels les mesures précédentes ne peuvent répondre. Il sera administré conjointement par des représentants des orphelins et orphelines, du milieu et du gouvernement.
Enfin, pour coordonner l'ensemble des interventions gouvernementales dans ce dossier, un comité interministériel présidé par le sous-ministre du ministère des Relations avec les citoyens et de l'Immigration a déjà été constitué. Le ministre des Relations avec les citoyens assurera la liaison avec les représentants des orphelins.
On se souviendra qu'à un certain moment le nombre de déficients intellectuels déclarés comme fréquentant certaines institutions influait directement sur le montant des subventions fédérales qui leur étaient versées. Aussi, certaines évaluations médicales portées alors au dossier des orphelins sont aujourd'hui contestées. Nous savons que le comité et le Collège des médecins poursuivent des discussions pour identifier les mesures appropriées au règlement de cette situation; et le gouvernement, bien sûr, appuie cette initiative.
Le passé ne pourra jamais être refait. Certains ont rappelé avec raison que ce passé a été aussi et surtout fait de gestes d'abnégation et de générosité. Si cette époque a connu son lot de misère et d'erreurs, elle se caractérise aussi par de nombreux exemples de grand dévouement. Il nous faut mentionner ici les milliers de religieuses et de religieux qui oeuvraient dans ces orphelinats, mais aussi dans des institutions spécialisées. La responsabilité de notre système d'éducation et hospitalier, somme toute l'expression de notre solidarité sociale, était presque entièrement assumée par les congrégations religieuses. Elles l'ont fait dans des conditions difficiles et de façon généralement admirable.
Le gouvernement demeure conscient que ce qui a été vécu laissera toujours des traces. Les mesures présentées aujourd'hui constituent autant de ponts à emprunter pour que le témoignage des orphelins reste vivant, rappelant à tous notre devoir de vigilance. Ainsi, nous serons, tous et chacun de nous, encore mieux préparés à assumer notre responsabilité collective envers ce que nous avons de plus précieux, mais aussi de plus fragile, nos enfants. Merci, M. le Président.
Le Président: Merci, M. le premier ministre. Mme la députée de Mégantic-Compton, maintenant, pour vos commentaires.
Mme Madeleine Bélanger
Mme Bélanger: Merci, M. le Président. Comme l'a mentionné le premier ministre dans la présente déclaration concernant les orphelins de Duplessis, les Québécois ont certes été troublés par l'injustice et les préjudices qu'ont subis ces hommes et ces femmes. Aujourd'hui, après des années d'attente, d'angoisse et d'espoir, le premier ministre s'est enfin résolu à faire des excuses.
Il y a un an, au mois de mars de l'année passée, le premier ministre a dit dans cette Chambre, et je cite: «J'ai confiance que la proposition qui viendra au Conseil des ministres sera acceptable par le gouvernement et aussi par l'autre parti. Il ne serait pas tellement opportun d'imposer un règlement. Je crois qu'il faut essayer de trouver des solutions consensuelles.» Fin de la citation.
Après de multiples interventions de l'opposition officielle et des promesses d'impliquer le Comité des orphelins de Duplessis dans ce dossier, je tiens à rappeler au premier ministre que, dans une lettre datée du 3 mars 1999, le président du Comité des orphelins, M. Bruno Roy, vous a dit, et je cite: «Si vous avez, cette fois, vraiment l'intention d'agir, nous craignons que ce programme soit fait sans notre consultation.» Il rappelait également que «s'il y a décision d'agir de votre part, il faut que nous y participions, comme cela s'est fait dans les autres provinces dans des dossiers similaires».
Malheureusement et malencontreusement, le Comité n'a pas participé ni été consulté concernant le règlement dont le premier ministre nous fait part aujourd'hui. Eh bien, M. le Président, je suis désolée de voir qu'encore une fois le gouvernement du Parti québécois a agi seul. Récemment, le président du Comité des orphelins de Duplessis a reçu un bref appel téléphonique durant lequel on a fait savoir que les hommes et les femmes qui se battaient depuis des années allaient recevoir un montant d'argent. Comme si ce n'était pas assez, en plus de ne pas avoir été consulté concernant le règlement, le Comité a été informé du montant compensatoire par un journaliste.
M. le Président, le premier ministre lui-même considérait qu'il y avait quatre éléments faisant partie intégrante du dossier: premièrement, une demande d'excuses officielles du gouvernement, ce qui est fait aujourd'hui; deuxièmement, une demande de modifier les entrées diagnostiques dans les dossiers médicaux des personnes concernées; troisièmement, une demande d'indemnisation comme telle; et, quatrièmement, une demande de rectification des registres de l'état civil.
Malgré la déclaration du premier ministre qui tente de régler certains éléments du dossier, il n'en demeure pas moins que 3 000 000 $ pour 3 000 orphelins équivaut à 1 000 $ chacun. De plus, le 1 000 $ ne va même pas à chacun des orphelins. M. le Président, le gouvernement péquiste a créé un fonds de plus, une structure de plus qui lui permettra lui-même d'administrer l'argent qui devrait revenir aux victimes. Résultat? M. le Président, le gouvernement a encore agi seul et imposé sa solution, une solution qui ne répond pas entièrement aux problèmes soulevés par les orphelins de Duplessis.
Malheureusement, avec cette structure additionnelle et l'ingérence du gouvernement actuel dans la solution qu'il impose, il est légitime de se questionner à savoir combien les orphelins de Duplessis recevront et s'ils verront véritablement la couleur de l'argent qui leur est dû.
En terminant, M. le Président, est-ce que, avec cette solution imposée, on pourra écrire dans les livres d'histoire que les orphelins de Duplessis deviendront les orphelins de Bouchard? Merci, M. le Président.
Le Président: Bien. M. le premier ministre, pour votre droit de réplique.
M. Lucien Bouchard (réplique)
M. Bouchard: M. le Président, je ne pense pas que c'est sur ce ton qu'il faut traiter de cette affaire très grave et qui suscite beaucoup de sympathie dans la population québécoise, qui fait partie de notre passé, pas de celui dont nous sommes le plus fiers, quoique, dans ce passé, nous le savons, il y a eu essentiellement, de la part des religieuses en particulier, des gestes de dévouement absolument extraordinaires. Il faut se rappeler qu'à l'époque, M. le Président, nous n'avions pas de programmes sociaux ou presque et que c'étaient ces communautés qui héritaient du fardeau social qu'aujourd'hui nous partageons collectivement par des programmes sociaux financés par l'État.
Je pense qu'il faut faire bien attention de faire oeuvre de jugement dans cette question et je voudrais rappeler à l'opposition qu'il y a eu un gouvernement qui a décidé d'examiner ce dossier très chaud, dont nous ne sommes pas responsables comme gouvernement, mais bien sûr comme membres de l'État et de la collectivité. Nous avons décidé de nous pencher sur la question. Il y a eu des rencontres avec les orphelins de Duplessis. J'ai rencontré moi-même M. Bruno Roy, et, comme on l'a mentionné, il y avait plusieurs éléments dans le dossier.
Ce que je veux dire, c'est que ces éléments ont été travaillés et envisagés avec les intéressés. La question, par exemple, de la rectification des registres de l'état civil a fait l'objet de nombreuses discussions avec les orphelins et les orphelines de Duplessis. Moi-même, je l'ai abordée avec M. Roy quand je l'ai rencontré. La question des rectifications, des révisions possibles de diagnostics médicaux, évidemment, met en cause le Collège des médecins; donc, il y a eu des communications tripartites avec le Collège des médecins. Nous savons qu'il y a des travaux très avancés maintenant entre le Collège des médecins et le Comité des orphelins et des orphelines de Duplessis sur la question.
Il y a les excuses. Oui, nous les faisons, M. le Président. C'est nous qui les faisons, les excuses, au nom de tout le monde, mais je ne pense pas qu'on doive nous cibler comme gouvernement inactif, alors qu'il y a eu beaucoup de gouvernements avant nous qui ne l'ont pas fait.
(14 h 20)
Et puis, il y a deux autres questions: celle de l'indemnisation et celle de l'enquête publique. Je disposerai rapidement de l'enquête publique parce que la demande est venue très récemment. De mémoire, la demande d'enquête publique n'apparaissait pas dans les éléments qui faisaient l'objet des discussions avec les orphelins. Je crois que c'est depuis les dernières journées ou semaines qu'on a vu apparaître cette question.
Et puis, quant à l'indemnisation, j'ai eu l'occasion de dire à M. Roy que ça posait d'énormes problèmes. D'abord, indemniser qui? On dit 3 000 orphelins de Duplessis. Est-ce qu'il y en a 3 000? Il n'y a personne qui peut trop, trop nous dire ce qu'il en est précisément au sujet de cette question. Et puis, il faudrait pouvoir singulariser les cas pour établir des niveaux d'indemnisation, ce qui ne serait possible que par des enquêtes très fouillées, impossibles après toutes ces années qui se sont passées. Et puis, comment aussi calibrer le niveau des dommages? Ce qui est fondamental, c'est la question des recours criminels qui pourraient exister. S'il y a des faits qui ne sont pas connus actuellement des procureurs de la couronne, qu'on les en saisisse, ils vont certainement aller au bout des enquêtes qui seront requises. Et, s'ils jugent qu'il y a matière à poursuite, ils vont les intenter.
Mais, quant à ce qui est de la responsabilité civile, je crois qu'il a déjà été statué que, en l'espèce, ces choses sont maintenant éteintes, malheureusement, par l'écoulement des années. Il se trouve que le temps coule, il se trouve que le temps passe, que les choses changent. Ce qui est important dans une collectivité comme la nôtre, c'est d'avoir le souci et la compassion de reconnaître les erreurs qui ont pu se passer, de faire en sorte que les victimes qui vivent encore aujourd'hui sachent que nous les reconnaissons, ces erreurs, et que nous leur présentons nos excuses, nos sympathies les plus profondes, et que nous faisons ce que nous pouvons faire actuellement pour soulager le sort qui leur est échu.
Présentation de projets de loi
Le Président: Alors, nous passons maintenant à l'étape de la présentation de projets de loi. M. le député de Rivière-du-Loup.
M. Dumont: Oui. Je vous demanderais d'appeler l'article a du feuilleton.
Projet de loi n° 190
Le Président: Alors, à cet article de notre feuilleton, le député de Rivière-du-Loup présente le projet de loi n° 190, Loi modifiant le Code du travail et la Loi sur les normes du travail. M. le député de Rivière-du-Loup.
M. Mario Dumont
M. Dumont: Oui. Merci, M. le Président. Ce projet de loi modifie le Code du travail pour prévoir que toute disposition d'une convention collective qui attribue à un nouveau salarié des conditions de travail moindres que celles accordées à l'ensemble des autres salariés est contraire à l'ordre public et prohibée par la loi.
Ce projet de loi modifie aussi la Loi sur les normes du travail pour prévoir qu'est nulle de plein droit toute disposition particulière visant à attribuer à un nouveau salarié des conditions de travail moindres que celles accordées aux autres salariés visés dans une politique de conditions de travail en application chez l'employeur.
Enfin, le projet de loi accorde à l'employeur un délai de six mois après la date de la sanction de la loi pour rendre les conditions de travail déjà existantes du salarié conformes à la loi.
Mise aux voix
Le Président: Bien. Est-ce que l'Assemblée accepte d'être saisie de ce projet de loi? M. le leader de l'opposition officielle.
M. Paradis: Simple question d'information auprès du leader du gouvernement: Comme le projet de loi est déposé dans les délais impartis par le règlement, est-il de l'intention du gouvernement d'assurer cette Chambre qu'il va être adopté d'ici la fin de la présente session?
Le Président: Je voudrais simplement... Écoutez, avant d'aller plus loin, on pourra peut-être discuter d'un projet de loi, à condition d'en être saisi et d'accepter d'en être saisi. Si vous acceptez d'en être saisis, je n'ai pas de problème à ce qu'on fasse quelques interventions. Mais, à partir du moment où vous n'acceptez même pas d'en être saisis, alors, là, on a un petit problème.
Alors, est-ce que l'Assemblée accepte d'être saisie du projet de loi?
Une voix: Oui.
Le Président: Très bien. Alors, puisque la question a été posée, M. le leader du gouvernement.
M. Brassard: M. le Président, d'abord, je dois admirer la diligence du député de Rivière-du-Loup qui, le premier en cette Chambre, a déposé un projet de loi. Je l'en félicite, mais... C'est vrai, M. le Président, c'est moi qui ai été le premier. Je voulais qu'on s'en rappelle pour me féliciter.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Brassard: Mais je ne suis pas certain que le gouvernement va faire autant de diligence que le député de Rivière-du-Loup pour étudier le projet de loi parce que nous aussi, de notre côté, cette question-là nous préoccupe beaucoup et que nous aurons, sans aucun doute, bientôt un projet de loi en ce sens à déposer à l'Assemblée.
Dépôt de documents
Le Président: Très bien. Au dépôt de documents, M. le premier ministre. M. le premier ministre, je crois que vous avez un document à déposer.
Rapport annuel du ministère du Conseil exécutif
M. Bouchard: Je dépose le rapport annuel 1997-1998 du ministère du Conseil exécutif.
Le Président: Mme la ministre d'État aux Affaires municipales et à la Métropole.
Rapport annuel de la Société Innovatech du Grand Montréal
Mme Harel: M. le Président, je dépose le rapport annuel 1997-1998 de la Société Innovatech du Grand Montréal.
Le Président: Très bien. Ce document est déposé également.
M. le ministre de l'Éducation.
Rapports annuels du Comité d'évaluation des ressources didactiques, du ministère de l'Éducation, rapport annuel et rapport sur l'état et les besoins de l'éducation du Conseil supérieur de l'éducation, rapports annuels du Comité d'orientation de la formation du personnel enseignant, du Comité d'agrément des programmes de formation à l'enseignement, de la Commission consultative de l'enseignement privé, de la Commission des programmes d'études, de l'Institut de tourisme et d'hôtellerie du Québec, de la Commission d'évaluation de l'enseignement collégial, et rapports annuels 1996-1997 et 1997-1998 du Comité d'accréditation des associations étudiantes
M. Legault: M. le Président, je dépose les rapports annuels 1997 et 1998 suivants: le rapport annuel du Comité d'évaluation des ressources didactiques, le rapport annuel du ministère de l'Éducation, le rapport annuel et le rapport sur l'état et les besoins de l'éducation du Conseil supérieur de l'éducation, le rapport annuel du Comité d'orientation de la formation du personnel enseignant, le rapport annuel du Comité d'agrément des programmes de formation à l'enseignement, le rapport annuel de la Commission consultative de l'enseignement privé, le rapport annuel de la Commission des programmes d'études, le rapport annuel de l'Institut de tourisme et d'hôtellerie du Québec, le rapport annuel de la Commission d'évaluation de l'enseignement collégial et les rapports annuels 1996-1997 et 1997-1998 du Comité d'accréditation des associations étudiantes.
Le Président: Alors, tous ces documents sont déposés.
M. le leader du gouvernement, au nom de Mme la ministre de la Justice.
Rapports annuels de la Commission des services juridiques, du Fonds d'aide aux recours collectifs et de la Société québécoise d'information juridique
M. Brassard: Je dépose les rapports annuels 1997-1998 suivants: Commission des services juridiques, Fonds d'aide aux recours collectifs et Société québécoise d'information juridique.
Le Président: Très bien. Mme la ministre de la Culture et des Communications, maintenant.
Rapports annuels du Conseil des arts et des lettres du Québec, du Grand Théâtre de Québec, du Musée des beaux-arts de Montréal, du Musée de la civilisation, du Musée du Québec, de la Société de développement des entreprises culturelles et de la Société de télédiffusion du Québec
Mme Maltais: M. le Président, je dépose les rapports annuels 1997-1998 suivants: le Conseil des arts et des lettres du Québec ainsi que les états financiers de l'exercice terminé le 31 mars 1998, le Grand Théâtre de Québec ainsi que les états financiers de l'exercice s'étant terminé le 31 août 1998, le Musée des beaux-arts de Montréal, le Musée de la civilisation accompagné des états financiers couvrant la même période, le Musée du Québec ainsi que les états financiers de l'exercice terminé le 31 mars 1998, la Société de développement des entreprises culturelles ainsi que les états financiers de l'exercice terminé le 31 mars 1998 et, finalement, la Société de télédiffusion du Québec ainsi que les états financiers de l'exercice terminé le 31 mars 1998.
Le Président: Ces document sont également déposés.
M. le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes.
Rapport annuel du Secrétariat aux affaires intergouvernementales canadiennes
M. Facal: M. le Président, je dépose le rapport annuel 1997-1998 du Secrétariat aux affaires intergouvernementales canadiennes.
Rapport des résultats officiels des élections générales du 30 novembre 1998 et de l'élection du 14 décembre 1998 dans Masson
Le Président: Très bien, ce document est déposé. En ce qui me concerne, je vous avise que M. le Directeur général des élections a fait parvenir une lettre au secrétaire général de l'Assemblée en date du 22 février dernier, dont je vous lis l'extrait suivant:
«En vertu de l'article 381 de la Loi électorale, je vous transmets le rapport détaillé des résultats officiels des élections générales tenues le 30 novembre 1998 et les résultats du scrutin tenu le 14 décembre 1998 dans la circonscription électorale de Masson.» Et c'est signé: Jacques Girard, Directeur général des élections. Alors, je dépose ce rapport.
Rapport du DGE sur la mise en application de l'article 490 de la Loi électorale lors des élections générales du 30 novembre 1998 et de l'élection du 14 décembre 1998 dans Masson
Je dépose également le rapport du Directeur général des élections sur la mise en application de l'article 490 de la Loi électorale concernant les élections générales du 30 novembre 1998 et l'élection du 14 décembre dernier dans la circonscription électorale de Masson.
Modification à l'entente entre le Directeur général des élections du Canada et le Directeur général des élections du Québec pour faciliter la mise à jour du Registre national des électeurs, et avis de la CAI
Je dépose aussi, conformément à l'article 70 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels, une modification à l'entente intervenue entre le Directeur général des élections du Canada et le Directeur général des élections du Québec destinée à faciliter la mise à jour du Registre national des électeurs ainsi que l'avis favorable de la Commission d'accès à l'information de janvier dernier.
Rapport de mission d'une mission d'information de l'Assemblée parlementaire de la francophonie à Port-au-Prince, en Haïti
Je dépose également le rapport d'une mission d'information et de bons offices de l'Assemblée parlementaire de la francophonie tenue à Port-au-Prince, en Haïti, du 9 au 11 février dernier. J'ai participé à cette mission en qualité de vice-président de l'Assemblée parlementaire de la francophonie. J'étais alors accompagné de M. Frédéric Fortin, conseiller en relations interparlementaires à l'Assemblée nationale.
Liste des documents dont la loi prescrit le dépôt à l'Assemblée nationale
Je dépose la liste des documents dont la loi prescrit le dépôt à l'Assemblée nationale.
Nouveau diagramme de l'Assemblée nationale
Et, finalement, je dépose le nouveau diagramme de l'Assemblée, en date d'aujourd'hui.
Dépôt de rapports de commissions
Composition des commissions parlementaires
Au dépôt de rapports de commissions, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission de l'Assemblée nationale qui a siégé aujourd'hui, le 4 mars 1999, afin de procéder à la composition des commissions parlementaires, en application des articles 127 et suivants du règlement de l'Assemblée nationale.
Alors, M. le vice-président, premier vice-président, monsieur...
Mise aux voix du rapport
Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le Président, je fais motion pour que le rapport de la commission de l'Assemblée nationale soit adopté.
Le Président: Est-ce que cette motion est adoptée? Adopté.
Dépôt de pétitions
Au dépôt de pétitions, Mme la députée de Beauce-Sud.
Mme Leblanc: M. le Président, je demande le consentement de la Chambre pour déposer une pétition non conforme.
Le Président: Ça commence bien! Mme la députée de Beauce-Sud.
(14 h 30)
Des voix: Ha, ha, ha!
Maintenir la vocation d'hébergement public du centre d'accueil La maison paternelle de Saint-Ludger
Mme Leblanc: Alors, je dépose l'extrait d'une pétition signée par 879 pétitionnaires, citoyens et citoyennes de Saint-Ludger et des alentours.
«Les faits invoqués sont les suivants:
«Considérant que les personnes âgées sont un élément indispensable à une communauté vivante;
«Que l'hébergement public est un service qui permet aux personnes âgées en grande perte d'autonomie de vieillir dans leur communauté;
«Que l'accessibilité géographique est un élément essentiel à la survie de l'aide naturelle apportée aux personnes âgées vivant en hébergement public;
«Que les économies engendrées par l'abolition de la mission d'hébergement public du centre d'accueil La maison paternelle n'ont pas été démontrées de façon convaincante;
«Que l'abolition de la mission d'hébergement public du centre d'accueil La maison paternelle de Saint-Ludger exigerait un déracinement des personnes âgées de cette communauté;
«Que l'abolition de la mission d'hébergement public du centre d'accueil La maison paternelle de Saint-Ludger affaiblirait l'aide naturelle apportée aux personnes âgées; et
«Considérant que Saint-Ludger est limitrophe de la zone 03 et 05 et fait partie de la MRC du Granit;
«Et l'intervention réclamée se résume ainsi:
«Nous nous opposons à la décision prise par le conseil d'administration unifié de la MRC du Granit à l'effet d'abolir la mission d'hébergement public du centre d'accueil La maison paternelle de Saint-Ludger et nous demandons que le centre d'accueil La maison paternelle de Saint-Ludger conserve sa vocation d'hébergement public.»
Je certifie que cet extrait est conforme au règlement et à l'original de la pétition.
Le Président: Alors, merci, Mme la députée de Beauce-Sud. La pétition est déposée.
Il n'y a pas d'interventions portant sur une violation de droit ou de privilège à l'Assemblée.
Questions et réponses orales
Alors, nous allons engager la première période de questions et de réponses orales de la Législature. Je voudrais indiquer aux membres de l'Assemblée, comme je l'ai fait brièvement avant-hier, que j'ai l'intention d'appliquer plus strictement les règles de procédure que nous avons à l'égard de cette période de questions et de réponses orales, tel que l'avaient d'ailleurs souhaité les deux groupes parlementaires lors de la discussion en commission de l'Assemblée nationale, au mois d'août dernier.
Vous avez peut-être remarqué qu'il y a maintenant des chronomètres en haut. Pour aujourd'hui, le chronomètre va seulement indiquer le temps global de la période de questions, mais, à partir de la semaine prochaine, il indiquera le temps sur lequel, avec les leaders, nous nous serons entendus au début de la semaine pour poser une question et donner une réponse. Évidemment, nous maintiendrons la tradition qui veut que le chef de l'opposition officielle et le premier ministre aient une certaine latitude de la présidence; mais, puisqu'ils ont été entraînés dans un autre Parlement où, semble-t-il, les règles sont plus strictes, alors je leur demanderais, à l'un et à l'autre ha, ha, ha! de nous aider, les uns les autres, et d'aider la présidence à faire en sorte qu'on puisse accélérer le rythme et qu'on puisse avoir peut-être plus de questions et de réponses posées durant cette période d'échanges.
Alors, nous allons débuter immédiatement. M. le chef de l'opposition officielle, en principale.
Tenue d'une commission parlementaire sur l'état du système de santé
M. Charest: Merci beaucoup, M. le Président. C'est vous qui l'avez dit, c'est la première période de questions de cette première Législature et j'aimerais justement souligner cette première en invitant le premier ministre à poser un geste avec tous les députés de cette Chambre. Je veux aujourd'hui lui faire une requête, je veux lui demander de se joindre à tous les députés de cette Chambre pour que nous puissions démontrer à la population du Québec qu'à la première occasion on a été capables de travailler ensemble dans les intérêts de tous les Québécoises et Québécois.
M. le Président, le premier ministre ne sera pas surpris que je lui demande aujourd'hui une question relativement au réseau de la santé. On a déposé ce matin un rapport qu'a conçu la députée de Bourassa, qui fait état d'un constat assez accablant, d'une crise dans notre système de soins de santé, d'urgences qui débordent, de personnels infirmiers, de personnels à tous les niveaux qui sont démoralisés, découragés. On a fait des recommandations très spécifiques, nous. Vous en connaissez certaines, je vous les mentionne: d'arrêter les compressions, de refaire les services de première ligne, l'achat d'équipement ou de consacrer formellement les 156 000 000 $ du fédéral au système de soins de santé.
J'aimerais poser une question au premier ministre, aujourd'hui, qui lui permettrait de se joindre à nous pour que nous puissions agir. J'aimerais qu'il donne son consentement, son appui à ce que la commission des affaires sociales, qui sera constituée formellement cet après-midi, puisse entendre et écouter les porte-parole du réseau de la santé dans le but de faire des recommandations d'actions immédiates à poser, que la commission puisse recevoir un mandat très précis dans le temps, très serré, afin que les Québécois et Québécoises puissent écouter ces porte-parole, poser les bons gestes et que nous puissions ensemble, au Québec, dès aujourd'hui, M. le Président, commencer à réparer les dommages causés à notre système de soins de santé.
Des voix: Bravo!
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bouchard: M. le Président, je voudrais, moi aussi, saluer la première participation du nouveau chef de l'opposition officielle à une période de questions dans notre Assemblée nationale. Je voudrais lui dire que le gouvernement a multiplié, en tout cas a posé plusieurs gestes, depuis les récentes journées, pour établir avec nos collègues de l'opposition, de toutes les oppositions, des rapports, je ne dirais pas conviviaux parce que c'est tout de même un débat que nous avons ici, mais des rapports corrects qui vont permettre un véritable débat.
Maintenant, si on entre dans le coeur de la question de la santé, etc., ce qui se passe, la réforme, je pense qu'on conviendra que nous avons eu ici beaucoup d'échanges sur l'évolution de cette grande réforme que nous avons lancée. Je voudrais que nous rappelions que cette réforme était due depuis une dizaine d'années et que nous sommes le gouvernement qui a osé la faire. Je suis convaincu que nos concitoyens et concitoyennes nous sont reconnaissants d'avoir, nous, eu le courage de mettre en chantier une réforme qui s'est fait très longtemps attendre et qui nous permet de sauver le système de santé.
On a fait état de problèmes que nous avons rencontrés au cours de la mise en place de la réforme. Il y a encore des problèmes, M. le Président, nous y travaillons de façon très intense. Je pense que l'opposition devrait attendre avant d'aller plus loin dans ce genre de demande, devrait attendre de voir d'abord le budget qui sera rendu public la semaine prochaine, devrait attendre de voir le genre de ressources qui seront affectées à la poursuite des programmes de santé et à la complétion de la réforme qui est en cours, devrait attendre aussi de voir les mesures qui seront annoncées dans les journées qui suivront par la nouvelle ministre de la Santé et des Services sociaux.
Je pense, en effet, que les questions de santé, qui touchent un patrimoine fondamental de notre société, doivent se traiter avec sérénité, avec coopération de part et d'autre, et je m'engage à ce que nous fassions preuve nous aussi, de notre côté, de coopération. Quel sera le véhicule, quels seront... Je pense que les échanges que nous avons à la Chambre sont très transparents. L'opposition a presque tous les jours l'occasion de s'adresser à la question, puis je pense qu'on n'oubliera pas qu'il y a la commission qui va siéger et qui va examiner les crédits du ministère au cours des prochaines semaines. C'est 20 heures de débats. Il y aura l'occasion, je pense, de poursuivre beaucoup d'échanges, et on suivra ça ensemble, on verra.
Je pense que la population se rend compte maintenant que, grâce à la gestion rigoureuse que nous avons faite des deniers publics et grâce au travail extraordinaire qui a été abattu par le ministre prédécesseur de la ministre actuelle, nous sommes en train de réussir à transformer le réseau de la santé. Nous devons travailler encore, nous savons qu'il y a des problèmes à régler, et vous avez l'engagement d'un gouvernement qui va le faire.
Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.
M. Charest: M. le Président, peut-être que le premier ministre n'a pas bien compris le sens de ma question. Je vais revenir à la charge parce que, si on prend sa réponse comme il nous la présente, si j'ai bien compris, le réseau de la santé, le système de santé a été mis sur la liste d'attente, et le gouvernement actuel nous a bien habitués à son régime d'annonces qui se substitue à un régime d'action.
Ma question est plus précise que cela. Le souhait que je formule aujourd'hui, qu'il peut facilement rendre, pour tous les députés de cette Chambre, c'est que la commission des affaires sociales, où il se trouve une majorité ministérielle, soit mandatée par lui-même et par l'opposition officielle pour rencontrer et écouter les hommes et les femmes qui sont dans le réseau de la santé à tous les niveaux, infirmiers, infirmières, médecins, les administrateurs, le personnel de soutien, avant de faire d'autres annonces. Parce que vous allez comprendre notre méfiance face à un gouvernement qui veut poursuivre dans la même réforme qu'il a enclenchée. On a émis notre opinion là-dessus, on l'a fait, notre constat, mais je ne veux pas revenir là-dessus parce que j'aimerais que lui et moi, pour la première période de questions, pour les premières questions, puissions ensemble faire la démonstration aux Québécois qu'on est capables de travailler ensemble. Je lui demande quelque chose de fort simple: Qu'il dise oui aujourd'hui à mandater la commission des affaires sociales pour écouter les gens qui travaillent dans le réseau de la santé, de le faire avec un échéancier précis et de leur demander, à eux, de nous faire des recommandations sur les mesures urgentes à appliquer pour réparer le système de soins de santé.
(14 h 40)
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bouchard: M. le Président, je pense qu'il faut choisir pour le moment les moyens qui sont les plus adéquats pour apporter les solutions attendues par la population. Attendons de voir le genre de ressources que nous aurons de disponibles dans le budget qui sera rendu public mardi prochain. Attendons de voir quel est le cadre d'intervention que la ministre envisage. Et, surtout, n'allons pas penser que la ministre et le gouvernement ne parlent pas aux gens du secteur de la santé, la ministre ne fait que cela depuis qu'elle est ministre. Ça fait déjà deux mois maintenant qu'elle rencontre régulièrement tous les groupes un par un et qu'elle va même faire des visites impromptues dans des milieux de la santé.
Nous-mêmes, nous sommes en contact avec la population. On vient de faire une élection, on a entendu beaucoup de choses. Nous avons l'occasion d'entendre de l'opposition des propositions qui sont parfois constructives dans cette Chambre et qui le seront de plus en plus, si j'ai bien compris les propos, ce matin, du chef de l'opposition. Et on aura l'occasion de rediscuter de cela. Je pense qu'on doit, pour le moment, donner sa chance au budget qui va venir, à l'ensemble des mesures qui sont en train de s'élaborer, et puis la population sera à même de pouvoir s'exprimer. Il y a bien des façons de le faire, et je demande, au fond, un peu de patience, M. le Président.
Le Président: M. le chef de l'opposition.
M. Charest: Je suis très déçu, très déçu de la réponse du premier ministre, M. le Président. La ministre de la Santé, malgré toute sa bonne volonté, n'est pas un substitut pour l'Assemblée nationale et ses institutions, et il me semble que le premier jour, dès qu'on a été convoqué, on a voulu s'inscrire dans un ton différent, un ton qui nous aurait permis d'agir différemment, sauf que le premier ministre refuse, il dit non à ça. Il continue à nous rejouer la cassette de défense des politiques qu'ils avaient annoncées autrefois, alors qu'on est prêts, nous, à agir puis à aller dans un autre sens.
Cela étant dit, M. le Président, puisque la réponse est non, puisque c'est un mur, puisqu'on se relance encore dans un autre rythme d'annonces de gouvernement qui ne se substituent pas à l'action, peut-être que le premier ministre pourrait expliquer à la Chambre, tant qu'à y être, sur les moyens, comment se fait-il que son gouvernement, lorsqu'il en fait, des annonces, comme 15 000 000 $ pour les urgences, ça prend 15 jours avant que l'argent se rende et soit débloqué, alors que, quand c'est de l'argent pour de la publicité partisane sur le dos des contribuables québécois, ça prend seulement 15 heures avant que l'argent soit dépensé?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bouchard: M. le Président, il y a deux questions. Je vais répondre à la dernière, Mme la ministre de la Santé répondra à la première. Sur la publicité, sur l'information que nous avons voulu faire, rappelons-nous une chose fondamentale: un discours du budget, c'est un élément fondamental de l'activité parlementaire. Une fois par année, le budget, c'est l'ensemble des comptes publics, c'est aussi les programmes qui sont annoncés, etc.
Ottawa a annoncé son budget il y a quelques jours, et, dans ce budget, on a publié un tableau qui indiquait que le Québec, grâce à l'injection de fonds additionnels au titre des transferts, à la santé en particulier, bénéficierait de 482 000 000 $ par année au cours des cinq prochaines années, qui était le montant que nous attendions et qui est conforme aux ententes qui avaient été conclues à Ottawa, notamment à l'entente sur l'allocation des fonds à la santé, engagement pris par les premiers ministres et qui a fait l'objet d'un engagement formel des premiers ministres, le 4 février, à la porte de Sussex, par le premier ministre fédéral qui disait que ça se ferait par les arrangements existants, M. le Président.
Alors, on lit le journal comme tout le monde le lendemain, on voit ce tableau: 482 000 000 $ pour le Québec. Ça correspondait à peu de chose de près à ce qu'on pensait, pour se rendre compte ensuite que, par une astuce déguisée dans les petits caractères du budget, ce n'était pas 482 000 000 $, c'était 149 000 000 $ et que l'Ontario en aurait cinq à six fois plus que nous autres, de cette injection additionnelle, pour régler un problème qui est identique partout au Canada, au Québec aussi bien qu'à Toronto, qu'ailleurs. Nous avons éprouvé le besoin de rectifier les faits pour mettre fin à cette désinformation du fédéral.
Des voix: Bravo!
Le Président: Mme la députée de Bourassa, en principale.
Conflit entre les hôpitaux de Chicoutimi et de Jonquière
Mme Lamquin-Éthier: Oui, M. le Président. Alors, en pleine campagne électorale, le premier ministre prenait une décision purement opportuniste pour régler, le temps d'un vote, le conflit entre les hôpitaux de Chicoutimi et de Jonquière. Malheureusement, M. le Président, le problème au niveau des blocs opératoires reste toujours entier. Les spécialistes de Chicoutimi refusent catégoriquement d'aller opérer à l'hôpital de Jonquière, alléguant, à juste titre, qu'il est impossible d'opérer et d'assurer des gardes aux deux endroits, et ce, sans altérer la qualité des soins donnés aux personnes qui en ont besoin.
M. le Président, que répond le premier ministre au président du Conseil des médecins, dentistes et pharmaciens qui soutient, et je le cite: «M. Bouchard peut tasser ses ministres, tasser ses sous-ministres, tasser ses experts, mais il n'a aucun pouvoir sur nous, les médecins»?
Le Président: Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux.
Mme Marois: Alors, je remercie la députée de Bourassa de sa question. Simplement, elle pourrait peut-être informer son chef, cependant, que ce n'est pas 15 000 000 $ que nous avons mis dans les urgences, mais c'est bien 20 000 000 $.
Alors, M. le Président, moi, je reste persuadée que des médecins, que des professionnels de la santé, que des chirurgiens sont d'abord et avant tout des gens responsables, des gens responsables qui ont des codes d'éthique et qui vont s'assurer que les citoyens et les citoyennes de Chicoutimi, de Jonquière et de la région vont avoir accès à des services de qualité, autant en chirurgie qu'autrement. Ça, j'en suis persuadée.
Par ailleurs, nous avons mis en place les conditions qui nous semblent les meilleures pour qu'on trouve des solutions aux problèmes qui sont soulevés par l'une ou l'autre des équipes des centres hospitaliers concernés. La première chose que nous avons faite, M. le Président, après un certain nombre d'interventions, d'échanges, de débats qui n'ont pas été faciles mais qui ont été faits très sereinement et avec une perspective de régler les problèmes qui sont soulevés, nous avons donc proposé que le conseil d'administration unifie son action de telle sorte qu'il n'y ait plus deux conseils d'administration qui sont un petit peu comme chiens et chats. Il y a un conseil d'administration. Nous nous sommes assurés que ce conseil d'administration allait être représentatif de la population de la région: Jonquière, Chicoutimi, mais la région aussi, parce que ce centre a une vocation régionale. Et, M. le Président...
Des voix: ...
Le Président: Mme la ministre. Je voudrais inviter tous les collègues, et en particulier ceux qui ont des questions à poser et les membres du gouvernement, à faire plus attention à la présidence. Si vous vous regardez puis vous ne regardez pas le président, je vous le dis, à partir de maintenant, ça va être plus strict. Ça veut dire que je vous le dis quand c'est le temps de terminer. Mais, quand ça va être terminé, il n'y aura pas de revenez-y, ça va être terminé, on passe à l'autre côté.
Mme la députée de Bourassa.
Mme Lamquin-Éthier: Merci, M. le Président. Le premier ministre est-il au courant qu'en raison de ce conflit qui n'est pas réglé les démissions des médecins s'accumulent et que d'ici quelques mois il n'y aura plus que trois orthopédistes pour donner des soins, donc pour assurer à 300 000 personnes les soins qu'elles requièrent? Trois orthopédistes, 300 000 personnes.
Le Président: Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux.
Mme Marois: Le chef de l'opposition a changé, la critique n'a pas changé puis l'attitude non plus.
Des voix: Ha, ha, ha!
Une voix: Bravo!
Mme Marois: M. le Président, d'abord, je vais terminer l'explication que j'avais commencé à donner à notre collègue et aux membres de cette Assemblée. Non seulement il y a un conseil d'administration unifié mais il y a aussi un Conseil des médecins, dentistes et pharmaciens qui est aussi unifié. Et je lui rappellerai que les propos qu'elle citait étaient des propos qui dataient d'il y a quelques semaines. Je sais qu'elle a fait une tournée. Peut-être était-ce au début de sa tournée, mais ce ne sont pas des propos récents.
(14 h 50)
Par ailleurs, je vais référer aussi notre collègue à la déclaration du président du Collège des médecins et dentistes qui a rappelé à l'ensemble des professionnels de la santé qu'ils avaient des responsabilités à l'égard de leurs malades, de leurs patients et qu'ils devaient s'assurer de rendre les services adéquatement. Et je suis persuadée je le dis et je le répète parce que j'ai fait appel à eux et je sais que je peux compter sur eux qu'on trouvera des solutions et qu'on trouvera des façons de faire qui vont satisfaire l'une et l'autre des personnes concernées, mais surtout parce que ce n'est pas les docteurs qu'on a...
Le Président: M. le député de Richmond, en principale.
Rapport de coroner sur un décès consécutif à une péritonite
M. Vallières: Oui, M. le Président. Le 30 novembre dernier, une jeune dame de 41 ans du comté de Richmond...
Des voix: ...
Le Président: M. le député de Richmond.
M. Vallières: Oui, M. le Président. J'espère que je disposerai de tout le calme nécessaire pour poser une question qui est importante et qu'ils attendent le questionnement avant d'en rire.
Le 30 novembre dernier, M. le Président, une jeune dame de 41 ans de Richmond et mère de deux enfants, Mme Yolande Perreault, est devenue la victime d'un système qui n'a pas permis qu'elle reçoive les soins qui lui auraient possiblement sauvé la vie suite à une péritonite. Il y a eu dans ce cas rapport du coroner, le coroner Campeau, dont je veux vous citer un court extrait, et je cite: «Il est certain que les hautes autorités du ministère de la Santé et des Services sociaux de même que les hautes instances des régies régionales interpréteront encore ce cas comme une exception. Il est évident que seul le mauvais fonctionnement du service de santé ne peut être imputé de ce décès, puisqu'il y a eu également un manque quant à la consultation de la victime qui aurait dû être plus patiente à l'urgence de l'Hôtel-Dieu d'Arthabaska.»
La conclusion du coroner dans ce dossier, M. le Président, est la suivante: «Dans ce dossier, il s'agit d'une mort naturelle qui aurait pu facilement être évitée si le diagnostic n'avait pas été posé au moment de l'autopsie.»
Ma question, M. le Président, à Mme la ministre: Qu'a fait la ministre dans ce cas précis afin d'éviter d'autres décès dans des conditions similaires et ainsi donner suite aux recommandations du coroner?
Le Président: Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux.
Mme Marois: Alors, M. le Président, c'est évident que des situations comme celle-là nous atteignent quelque part parce qu'on est absolument démuni devant la mort quand ça se passe et qu'on se fait dire que, peut-être, une intervention à un moment ou à l'autre aurait pu avoir des conséquences. Alors, sur la situation elle-même, je ne peux qu'être aussi triste que le député qui me pose la question, et surtout que la famille de la personne concernée.
Cela étant, j'aimerais faire une remarque plus générale sur la question des cas des uns et des autres. Vous savez, on est plus de 7 000 000 de Québécois, alors c'est évident que je ne peux pas connaître chacune des situations dans chaque circonstance. Ça, c'est la première chose. La deuxième, puisque ça semble être à nouveau l'attitude et l'approche de l'opposition, s'il y a des cas qui méritent soit que l'on intervienne parce qu'il y a eu une action incorrecte qui a été posée ou quoi que ce soit, ou qu'il y a un service qui n'est pas disponible, il y aura et il y a déjà à mon cabinet et à mon ministère des équipes qui pourront répondre à ces questions.
Donc, si on commence à traiter un cas après l'autre, c'est évident, M. le Président, que, à part de faire peur aux gens, à part d'inquiéter la population... Et j'ai lu le rapport de Mme la députée de Bourassa qui dit justement... Et ça, les intervenants lui ont dit: C'est terrible ce que vous êtes en train de faire parce que vous êtes en train d'inquiéter la population. Vous êtes en train de saper la perception que la population...
Le Président: M. le député.
M. Vallières: M. le Président, est-ce qu'il nous est permis de demander à Mme la ministre si elle vit sur la même planète que nous? Est-ce que la ministre à laquelle on vient de mentionner un cas précis va se donner au moins le trouble de lire le rapport du coroner, de nous indiquer ou de mandater quelqu'un chez elle qui va apporter les correctifs requis, puisque le coroner fait état de la situation, des démarches que cette dame a tenté de faire afin d'être soignée?
Qu'est-ce que, elle, comme ministre responsable de ce ministère, compte faire dans le cas d'un rapport de coroner? Il n'y en a pas 7 000 000 au Québec, mais il y en a un précis ici, elle peut en prendre connaissance. Qu'est-ce que, comme geste concret, elle compte faire pour solutionner ce genre de problème que nous avons l'amabilité de lui suggérer ici, en cette Chambre?
Le Président: Mme la ministre.
Mme Marois: Alors, M. le Président, il y avait une dernière partie à ma réponse. Dans tous les cas où il y a des recommandations faites par un coroner, d'abord nous sommes tenus et je vais m'assurer que ce soit toujours le cas de respecter les recommandations du coroner, et nous les respecterons. Mais le député doit comprendre que je ne peux non plus... Parce que cela arrive dans toute espèce de circonstances, un accident ou un autre événement qui nous amène à constater le décès d'une personne. Il y en a plusieurs enquêtes de coroner, et à ce moment-là ces enquêtes nous sont remises, et je peux assurer les membres de cette Assemblée que nous donnerons suite, comme nous l'avons fait dans d'autres circonstances, comme mon collègue le ministre délégué aux Services sociaux et à la Jeunesse l'a fait dans le cas du centre des Laurentides, comme nous l'avons fait avec les rapports du Curateur public, non seulement sur des cas du coroner, mais sur l'ensemble des recommandations qu'on nous fait compte tenu, évidemment, des ressources dont nous disposons, M. le Président.
Le Président: En principale, M. le député de Chomedey.
Allégation de conflit d'intérêts entre le président de la CAI et un avocat plaidant à l'enquête sur la divulgation de renseignements personnels
M. Mulcair: Merci, M. le Président. En 1997 s'est tenue à Montréal une conférence internationale sur la vie privée. Le 16 février 1999, M. Paul-André Comeau, président de la Commission d'accès à l'information, a affirmé publiquement qu'il n'y avait plus de contacts particuliers entre lui-même et un des autres organisateurs de ce même colloque, Me Raymond Doray. Pourtant, le 2 février 1999, à peine deux semaines plus tôt, le comité de gestion de la Commission d'accès a résolu, à l'item 11, d'acheter les archives de cette conférence, et je cite: «Dès que nous aurons reçu la facture.» Fait intéressant, le compte rendu en question est daté du 10 février 1999. Miraculeusement, le 9 février 1999, sur en-tête de cette conférence internationale, Me Raymond Doray présente une facture à la Commission d'accès à l'information pour 15 000 $. La facture était adressée à Mme Mariette Dion, l'adjointe du président, et approuvée par lui.
Notre question est pour le ministre responsable de la Commission d'accès à l'information, M. le Président. Nous essayons de savoir ce que le ministre pense de ce curieux deal entre la Commission d'accès à l'information et l'avocat du député de Portneuf qui plaide en ce moment devant cette même Commission dans une cause qui est supposée faire toute la lumière sur des allégations de fuite de renseignements fiscaux, personnels au bureau même du premier ministre?
Le Président: M. le ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration.
M. Perreault: M. le Président, sur les faits très précis que le député vient d'invoquer, j'en prends connaissance pour la première fois. J'aurai l'occasion de vérifier auprès du président de la Commission la nature exacte des faits qui sont mentionnés.
Quant au dossier plus général, puisque le député de l'opposition a, depuis, à plusieurs reprises dans cette Chambre, tenté d'attaquer la crédibilité de la Commission et du président de la Commission il a porté même, parfois, des accusations de partialité je souligne tout simplement que ces allégations ont déjà été réfutées, qu'à ma connaissance personne n'a demandé de récusation dans ce dossier, qu'actuellement la Commission procède, et, donc, j'ai comme l'impression que parfois de l'autre côté, dans l'opposition, on cherche certains prétextes pour cacher une espèce de dynamique et de stratégie contradictoire. Parce que, d'une part, on demande que toute la lumière soit faite puis, en même temps, on fait tous les gestes pour empêcher la Commission d'avancer dans ses travaux, M. le Président.
Le Président: M. le député.
(15 heures)
M. Mulcair: Est-ce que le ministre réalise que la réfutation qu'il vient d'invoquer a eu lieu le 16 février et qu'à peine deux semaines plus tôt les événements qu'on vient d'évoquer ont eu lieu? Le paiement a été effectué. Les engagements financiers se sont effectués dans un temps record. Et, il faut le dire, M. le Président, l'avocat en question bénéficie déjà d'un contrat de services juridiques avec le gouvernement où il a le droit de dépasser les normes du gouvernement. Est-ce que le ministre peut nous dire s'il y a d'autres services qui sont en train d'être rendus, hormis ceux qui sont mentionnés dans le contrat de Me Doray avec le gouvernement du Québec?
Le Président: M. le ministre.
M. Perreault: M. le Président, je répète que je prends connaissance des faits qui sont invoqués pour la première fois. Je vais les vérifier. J'aurai sûrement l'occasion d'apporter un éclairage à la Chambre là-dessus. Sur le reste, j'ai assisté, comme beaucoup d'entre nous, à toutes les tentatives du député de l'opposition pour en quelque sorte saper le travail de la Commission. Je constate que, jusqu'à maintenant, il n'y a pas réussi. Il n'y a pas réussi.
Le Président: M. le député de Rivière-du-Loup, en principale.
Portée du projet de loi sur les clauses orphelin mentionné dans le discours d'ouverture
M. Dumont: Oui. Merci, M. le Président. Dans son discours inaugural, hier, le premier ministre, dans le paragraphe même où il parle de régler, de mettre de l'ordre dans le dossier des clauses orphelin, utilise une phrase un peu surprenante. Il nous dit: Il s'agit d'un équilibre délicat où il faut protéger les droits des jeunes sans créer de rigidité telle qu'elle ferme les portes de l'emploi. C'est une phrase qui a l'air a priori de présenter une évidence, mais, quand on connaît l'historique du dossier, qui est un peu inquiétant... On a entendu que, quand l'ancien ministre du Travail s'est présenté à la commission consultative du travail et de la main-d'oeuvre avec l'idée de légiférer sur les clauses orphelin, il a reçu des establishments syndicaux et patronaux une fin de non-recevoir assez claire.
Ma question au premier ministre va être très, très simple: Est-ce qu'on doit comprendre, du fait qu'il intègre l'argumentation des mêmes establishments dans la commission parlementaire pour demander au gouvernement de légiférer le moins possible, que la reprise de leurs arguments dans son discours inaugural, alors que, d'un côté, il nous disait qu'il voulait faire des choses pour les jeunes... Est-ce qu'il est en train de paver la voie à une version édulcorée, à une version délavée d'un projet de loi qui ne réglera pas le problème?
Le Président: Mme la ministre d'État au Travail et à l'Emploi.
Mme Lemieux: Alors, M. le Président, j'ai, comme bien d'autres, pris très sérieusement connaissance des travaux parlementaires de l'été dernier sur les clauses orphelin, et, s'il y a une chose assez évidente, c'est qu'il faut bien sûr agir, mais il ne faut surtout pas croire qu'il s'agit d'un dossier qui est simple. Il y a toutes sortes d'effets qu'il nous faut vérifier. Alors, nous aurons une législation qui sera courageuse, qui nous permettra d'avancer collectivement sur cette question extrêmement difficile.
Des voix: Bravo!
Le Président: M. le député.
M. Dumont: Oui. J'entends ça, et ma question était bien simple: Est-ce que le consensus de la commission entre les groupes jeunes, qui était clair, qui était d'éliminer les clauses orphelin... Est-ce que c'est le sens de l'action du gouvernement d'éliminer les clauses orphelin ou est-ce que le gouvernement n'est pas en train de faire un projet de loi pour avoir l'air de faire quelque chose sur les clauses orphelin mais de laisser des pans entiers non touchés? Et, au chapitre de pans entiers non touchés, je crois comprendre, quand le premier ministre dit qu'il n'en a pas signé lui-même parce qu'il y a une grande partie des clauses orphelin qu'il ne veut pas définir comme clauses orphelin... Est-ce qu'on n'est pas en train de faire un projet de loi qui va être délavé, qui va régler une partie du problème pour que le gouvernement mette ça dans son bilan, mais qui va laisser oublier la plus grande partie des jeunes?
Le Président: Mme la ministre.
Mme Lemieux: Alors, M. le Président, je pense que le député comme tous les citoyens et citoyennes préoccupés par cette question devront se pencher ensemble, collectivement, sur un projet de loi qui sera déposé. Je pense que ça ne donne rien d'anticiper des éléments négatifs. Le projet de loi donnera une orientation à partir de laquelle nous devrons débattre.
Le Président: M. le député.
M. Dumont: Est-ce que la ministre, qui conviendra qu'on peut anticiper quand même à partir du discours du premier ministre, peut nous rassurer en nous disant qu'elle va au moins aller aussi loin que ses cousins collègues du Bloc québécois à Ottawa, le Bloc québécois à Ottawa qui a déposé un projet de loi très clair, très ferme pour éliminer les clauses orphelin? Est-ce qu'elle peut rassurer la Chambre en nous disant qu'elle n'ira pas moins loin que les cousins du Bloc québécois?
Le Président: Mme la ministre.
Mme Lemieux: Alors, M. le Président, le simple fait de dire que nous allons déposer un projet de loi pour débattre et essayer d'encadrer cette question des clauses orphelin devrait être suffisant.
Le Président: Mme la députée de Bonaventure.
Fermeture possible de l'usine Gaspésia à Chandler
Mme Normandeau: Merci, M. le Président. Hier, dans son discours inaugural, le premier ministre formulait le constat que, partout en région, les Québécois sortent de la morosité économique. Un regard honnête sur le paysage économique de la Gaspésie lui aurait démontré que les faits démontrent une tout autre réalité. Vous admettrez avec moi que la perte directe de 300 emplois en Gaspésie est tout à fait inacceptable, et c'est ce qui risque de se produire si l'usine Gaspésia de Chandler ferme ses portes. Le premier ministre affirmait en septembre dernier, et je tiens à le rappeler à cette Chambre: «Le dossier de la Gaspésia, j'en fais mon affaire.» Après plus de six mois de négociations, les familles gaspésiennes demeurent inquiètes et veulent savoir ce que l'avenir leur réserve. Compte tenu de l'engagement personnel du premier ministre dans ce dossier, le ministre responsable de la région de la Gaspésie peut-il nous expliquer ce qu'il songe faire pour garder la Gaspésia ouverte et dans quel délai les travailleurs seront fixés quant à leur avenir?
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Brassard: Alors, M. le Président, je salue la porte-parole de l'opposition en matière de ressources naturelles pour sa première question. C'est une très bonne question, d'ailleurs, une excellente question. M. le Président, non seulement la situation de la papeterie de Chandler nous préoccupe mais nous nous en occupons aussi, non seulement moi, mais le premier ministre, qui se rappelle très bien les engagements qu'il a pris à l'égard du milieu concerné.
Ça fait au moins certainement plusieurs semaines qu'il y a des pourparlers entre la compagnie, l'Abitibi-Consol, et le ministère des Ressources naturelles. Le premier ministre s'est impliqué à maintes reprises, il a rencontré les autorités de l'Abitibi-Consol. Moi aussi, je l'ai fait. Nous avons rencontré à maintes reprises les représentants du milieu, et vous connaissez le projet: Abitibi-Consol, avec une entreprise de la Gaspésie, Cedrico, entend former une nouvelle compagnie qui moderniserait l'usine de Gaspésia en implantant un procédé de pâte thermomécanique, mais, et c'est là tout le problème, en maintenant en opération une seule des deux machines. Et cette transaction entre les deux implique le transfert complet des 378 000 m³ du contrat d'aménagement et d'approvisionnement de l'usine de Chandler. C'est clair que pour nous, M. le Président...
Bon, je vais laisser la députée poser une question complémentaire? Je continuerai. Allez-y.
Le Président: Très bien. Alors, je voudrais remercier le leader du gouvernement de sa collaboration. Madame la députée de Bonaventure.
Mme Normandeau: Merci, M. le Président. Le 23 février dernier, le ministre des Ressources naturelles faisait parvenir à Abitibi-Consolidated ses propositions dans le dossier de la Gaspésia. Est-ce que le ministre peut nous dire pour quelle raison les deux propositions formulées aux dirigeants d'Abitibi-Consolidated font état de l'attribution de CAAF de 300 000 m³ seulement, alors qu'actuellement le CAAF de l'usine Gaspésia est d'une superficie de 378 000 m³? A-t-il déjà abandonné le projet et amorcé la distribution de portions de CAAF servant actuellement à la Gaspésia?
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Brassard: M. le Président, il faut bien comprendre, là, puis expliquons-nous bien. L'approvisionnement d'une usine en matière ligneuse est fonction des besoins de cette usine. À partir du moment où vous fermez une des deux machines à papier, les besoins changent de façon substantielle. Par conséquent, le ministère des Ressources naturelles a la responsabilité d'ajuster l'approvisionnement à la nouvelle réalité. Et c'est clair qu'il y a un problème majeur entre Abitibi-Consol et le ministère des Ressources naturelles à cet égard. L'entreprise voudrait qu'on transfère complètement et totalement les 378 000 m³, ce qui évidemment n'est pas acceptable pour le ministère et le gouvernement à partir du moment où ce n'est pas deux machines à papier qui sont en opération mais une seule. Les discussions se poursuivent à cet égard, et c'est vrai que nous avons transmis deux propositions à l'entreprise: une première qui maintenait en opération les deux machines à papier, elle a été refusée; une deuxième où nous leur proposons de poursuivre des études...
Le Président: M. le leader.
(15 h 10)
M. Brassard: J'achève, M. le Président.
Le Président: Ha, ha, ha! Je peux très bien comprendre que, pour les vétérans pas habitués, c'est plus difficile encore aujourd'hui que pour les nouveaux membres de l'Assemblée, mais vous pourrez terminer à la question suivante. Mme la députée de Bonaventure.
Des voix: ...
Le Président: Alors, nous allons passer à une autre question. Ha, ha, ha!
Des voix: ...
Le Président: M. le leader.
M. Brassard: Question de règlement, question de règlement. M. le Président, je supplie la députée de Bonaventure de me poser une autre question complémentaire.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président: M. le député de Saint-Laurent.
Suites au rapport de la commission Poitras sur le fonctionnement de la Sûreté du Québec
M. Dupuis: M. le Président, deux ans et 20 000 000 $ plus tard, la commission Poitras déposait, en décembre dernier, un volumineux rapport au ministre de la Sécurité publique. Le diagnostic était peu critiqué, et tous les observateurs et les intéressés ont convenu qu'il y avait des changements importants à faire au sein de la Sûreté du Québec.
Étonnamment, le ministre, un mois plus tard et depuis, n'a eu que trois réactions. La première, il nous a confirmé qu'il avait lu péniblement le rapport. Deuxième réaction, il a défendu la nomination de 1975 qu'il avait faite lui-même de M. Serge Barbeau, directeur général de la Sûreté du Québec, celui-là même que la commission Poitras blâme pour le manque de loyauté qu'il a eu à l'égard du ministre. Et, troisièmement, le ministre a timidement mis sur pied un comité de fonctionnaires, aussi compétents soient-ils, pour étudier le rapport et faire un rapport sur le rapport.
Ma question au ministre: De quoi le ministre a-t-il peur?
Des voix: Bravo!
Le Président: M. le ministre de la Sécurité publique.
M. Ménard: Alors, je tiens, moi aussi, à saluer la première question du député de Saint-Laurent dans cette Assemblée nationale. J'ai eu l'honneur, comme ministre de la Justice, d'être de loin son patron et je sais que c'était un procureur de la couronne qui avait une excellente réputation.
Des voix: Bravo!
M. Ménard: Mais je suis convaincu que ça n'est pas la façon dont il a posé cette question qui lui a valu cette réputation.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Ménard: Je m'aperçois qu'il est déjà pourri par l'atmosphère du parti auquel il s'est joint et que, malheureusement, il va répéter une façon de mal présenter les problèmes qui ne lui fera pas honneur, pas plus qu'à sa tradition.
Effectivement, ce n'est pas parce que je n'ai pas parlé beaucoup là-dessus que je n'ai pas agi. Le comité que j'ai mis sur pied a identifié qu'actuellement 183 des mesures traitent de la régie interne à la Sûreté du Québec. Là-dessus, il y en a 52 qui commandent des modifications législatives que nous sommes en train d'écrire, 41 qui exigent des modifications réglementaires que nous sommes également en train d'écrire, 64 mesures qui invitent la SQ à modifier les directives internes et 42 qui invitent le ministère de la Sécurité publique à émettre ces directives. Tout ça me prend certainement beaucoup de temps.
Je connais sa réputation professionnelle, je suis sûr qu'il a lu le rapport de la commission Poitras et qu'il a certainement pu remarquer que le...
Le Président: M. le député.
M. Dupuis: Le ministre réalise-t-il qu'au minimum des minimums des minimums il pourrait donner suite à la recommandation 33 qui tout simplement l'enjoint le plus rapidement possible d'accomplir son devoir et de faire une inspection de l'administration de la Sûreté du Québec? Ça, ça ne coûte rien.
Le Président: M. le ministre.
M. Ménard: Est-ce parce que ça ne coûtait rien que, quand les libéraux ont voté une loi pour créer le Service d'inspection des corps policiers du Québec, ils n'ont rien fait? C'est moi-même, dans mon premier mandat comme ministre de la Sécurité publique, qui ai créé ce Service d'inspection qui doit inspecter tous les corps de police, d'après la loi que vous aviez votée mais que vous n'aviez pas appliquée, selon une pratique qui était courante chez vous, n'est-ce pas. C'est moi-même qui ai mis sur pied cela. Ils doivent le faire à tous les cinq ans. La Sûreté du Québec, justement, est due pour être inspectée et, effectivement, elle sera inspectée par le service d'inspection professionnelle, quoiqu'il y ait quand même certains problèmes, puisque le chef inspecteur était directeur général associé de la Sûreté du Québec. On est en train de régler ces difficultés de mise en application, mais ça devrait être fait bientôt.
Le Président: Il reste à peine deux minutes et demie. M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, une brève question.
Engagements du gouvernement envers les travailleurs en garderie
M. Copeman: Merci, M. le Président. Pendant la dernière campagne électorale, le premier ministre a fait des promesses aux travailleuses en garderie quant à leur salaire et à leurs conditions de travail. En dépit de ses belles paroles lors de son discours d'ouverture, hier, dans deux jours les 2 600 travailleuses en garderie qui sont syndiquées avec la CSN envisageront des moyens de pression qui pourraient aller jusqu'à la grève afin que le Parti québécois respecte ses promesses. Qu'est-ce que la ministre de la Famille et de l'Enfance entend faire concrètement pour éviter que surviennent ces moyens de pression qui toucheront plusieurs milliers d'enfants et de parents dans plus de 200 garderies?
Le Président: Mme la ministre de la Famille et de l'Enfance.
Mme Marois: Merci, M. le Président. Je remercie le député de sa question et je veux excuser ma collègue, la ministre déléguée à la Famille et à l'Enfance, qui normalement devrait répondre à la question mais qui, pour des raisons professionnelles et de représentation, devait être à l'extérieur de cette Assemblée.
Nous avons rencontré les travailleuses et les travailleurs, mais elles sont plutôt des travailleuses, en garderie. Oui, pendant la campagne électorale mais pas seulement pendant la campagne, puisque nous travaillons très étroitement avec l'ensemble des personnels en centres de la petite enfance depuis un long moment le premier ministre, au moment d'un engagement pendant la campagne électorale, a réitéré le fait qu'il était nécessaire que nous corrigions la question des salaires dans les centres de la petite enfance parce qu'il y a des salaires qui sont nettement en dessous de ce que l'on devrait reconnaître dans le cas de ces travailleuses qui sont, la plupart d'entre elles, formées, qui ont des diplômes de technique en garderie, qui ont des diplômes d'éducatrice spécialisée et qui, donc, devraient être rémunérées en conséquence. Nous nous sommes entendus avec ces personnes qu'il y aurait des mesures dans les budgets pour procéder, dans le temps, éventuellement, à des corrections de ces salaires.
Cependant, il faut bien comprendre que c'est chacun des centres de la petite enfance qui est responsable des négociations avec le personnel de son institution, et nous avons l'intention de respecter cela. Cependant, nous rendrons des sommes disponibles pour nous permettre d'assumer notre engagement, M. le Président.
Le Président: Alors, merci de la collaboration. La semaine prochaine, avec les leaders, nous essaierons de voir de quelle façon on peut bonifier et rendre ça plus vivable pour tout le monde, mais en même temps en respectant nos exigences aux uns et aux autres.
Motions sans préavis
Alors, à ce moment-ci... Merci. Alors, il n'y a pas de réponses différées ni de votes reportés. Nous allons aller immédiatement aux motions sans préavis et, semble-t-il, de consentement, je vais présenter une motion pour inviter les membres de l'Assemblée nationale à une minute de silence à la mémoire de notre ex-collègue de Masson, Yves Blais. Alors, si vous voulez bien vous lever.
(15 h 20 15 h 21)
Le Président: Très bien. Merci.
Alors, maintenant, je vais céder la parole à la ministre d'État aux Affaires municipales et à la Métropole et ministre responsable des Aînés qui a, elle également, une motion sans préavis à...
M. Brassard: M. le Président.
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Brassard: Il y avait eu une entente pour qu'il y ait deux intervenants de chaque côté; exceptionnellement, on s'était entendus pour que la ministre puisse, d'une certaine façon, répliquer, ce qui aurait constitué les deux interventions de notre côté. Alors, si cette entente ne vaut pas, je souhaite et je propose, à ce moment-là, qu'on revienne à l'entente initiale d'un intervenant de chaque côté.
Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.
M. Paradis: C'est effectivement la dernière entente qui m'a été communiquée, M. le Président.
Le Président: Très bien. Alors, Mme la ministre.
Souligner l'apport essentiel des aînés à la vie collective du Québec
Mme Harel: Alors, M. le Président, je sollicite le consentement de cette Assemblée afin de présenter la motion suivante:
«Que l'Assemblée nationale souligne l'apport essentiel des aînés à la vie collective du Québec, en cette année 1999, décrétée par l'Organisation des Nations unies comme étant l'Année internationale des personnes âgées, célébrée au Québec sous le thème Vers une société pour tous les âges: une question de solidarité .»
Le Président: Alors, est-ce qu'il y a consentement pour la présentation de la motion? Alors, Mme la ministre, il y a consentement.
Mme Louise Harel
Mme Harel: Alors, M. le Président, le vieillissement de la population restera l'un des phénomènes les plus marquants de ce XXe siècle. C'est là un baromètre du progrès des conditions de vie que l'humanité connaît, puisque de façon inédite les sociétés humaines ont maintenant à faire face à cette réalité nouvelle jamais connue dans le passé de quatre générations, parfois même cinq, qui peuvent coexister les unes avec les autres.
C'est pourquoi l'Organisation des Nations unies, à l'aube du nouveau millénaire, a décrété que 1999 donc fin de ce siècle et fin de ce millénaire sera consacrée aux personnes âgées partout dans le monde. Dans sa Proclamation sur le vieillissement, l'ONU signale que le vieillissement de la population lance à tous les gouvernements un défi en matière de politiques et de programmes qui n'a pas d'équivalent dans l'histoire.
Ici, au Québec, une seule comparaison de statistiques suffit pour nous permettre de saisir la réalité du vieillissement: en 1901, les personnes âgées de 65 ans et plus représentaient moins de 5 % de la population; 100 ans plus tard, dans deux ans, elles représenteront 13 %, presque trois fois plus; et, dans 30 ans, elles compteront pour 25 % de la population.
Beaucoup d'activités seront organisées au cours de l'année dans le but de favoriser la pleine participation des personnes âgées à la vie de la collectivité québécoise. Le gouvernement du Québec a choisi d'y contribuer pour un montant s'élevant à 1 000 000 $. Et je veux profiter de cette occasion, de cette motion pour rendre hommage à Mme Monique Vézina, présidente du Bureau québécois de l'Année internationale des aînés, ainsi qu'aux 37 membres de ce Bureau québécois qui ont été chargés de coordonner l'ensemble des activités de cette année particulière.
Ces membres bénévoles proviennent en majorité d'organismes d'aînés, mais aussi du monde des affaires, du milieu syndical, municipal, d'associations communautaires, du réseau de la santé, de l'éducation, de l'habitation. Ils ont accepté de se dévouer bénévolement pour faire un succès, au Québec, de cette Année internationale.
Également, M. le Président, je voudrais souligner que Montréal sera l'hôte de la quatrième Conférence mondiale sur le vieillissement qui se tiendra du 4 au 9 septembre prochain et où seront accueillis plus de 1 000 participants venant du monde entier.
J'aimerais rappeler que, dans le mot «vieillir», les trois premières lettres du mot «vieillir» sont constituées du mot «vie». C'est pourquoi je souhaite que 1999 soit le début d'une vision positive du vieillissement.
Et je comprends que le thème choisi au Québec, Vers une société pour tous les âges: une question de solidarité , nous invitera à réfléchir à la contribution des aînés dans notre société, aux moyens d'améliorer leurs conditions de vie, aux façons de favoriser une plus grande solidarité entre les générations. Ce sera certainement une occasion de mettre en lumière le désir et la volonté des aînés d'assumer pleinement leur citoyenneté. Ils sont et elles sont des citoyens à part entière, c'est une occasion de le rappeler à la société et de le rappeler aux aînés eux-mêmes et elles-mêmes.
Il sera aussi possible, à l'occasion de cette Année internationale, de rendre plus visible la contribution des aînés auprès des familles, des organismes communautaires, et également cette contribution toujours actuelle et non pas seulement passée. Parfois, une perception négative est entretenue dans certains milieux à l'égard des personnes âgées. Il est grand temps de profiter de cette Année internationale, en 1999, pour favoriser l'inclusion des personnes âgées, mettre un terme à ces préjugés qui circulent à leur égard. Nous avons l'intention, au gouvernement, de donner suite à un plan d'action gouvernemental mettant à contribution 30 ministères, organismes et régies afin de se donner des objectifs de résultat dans la mise en place de cette politique positive du vieillissement.
La vitalité, l'enthousiasme, le dynamisme de la majorité de nos aînés ont toujours été remarquables. Après avoir créé le Québec que nous connaissons aujourd'hui, ils ont, dans un très grand nombre de cas, continué à s'impliquer et à apporter leur contribution au développement de notre société. 1999 nous permettra de les en remercier. Merci, M. le Président.
Le Président: Merci, Mme la ministre. Mme la députée de Mégantic-Compton, sur la même motion.
Mme Madeleine Bélanger
Mme Bélanger: Merci, M. le Président. L'Année internationale des personnes âgées décrétée par l'ONU est une occasion privilégiée de réflexion sur la place et le rôle que doivent assumer les personnes âgées dans notre société. C'est également l'occasion de sensibiliser davantage le public au rôle essentiel des aînés dans tous les secteurs d'activité.
L'Année internationale des personnes âgées devrait promouvoir ces principes qui visent à rehausser la qualité de vie des aînés en favorisant les éléments suivants: offrir aux aînés la possibilité de travailler, de s'éduquer ou de parfaire leur formation et la chance de vivre le plus longtemps possible dans leur propre logement; favoriser la participation des aînés aux décisions tant au sein de la famille que de la collectivité et de la société; garantir aux aînés le recours aux soins de santé et aux services sociaux nécessaires à leur sécurité personnelle; assurer aux aînés vivant dans des foyers d'accueil ou des établissements de soins un milieu de vie sûr, humanitaire et accueillant; favoriser l'épanouissement des aînés en leur permettant d'accéder aux ressources éducatives, culturelles, spirituelles et récréatives dont ils ont besoin; et, enfin, garantir que les droits de la personne protègent tous les aînés et respectent, entre autres, leur dignité, leurs croyances, leur vie privée et leur sécurité personnelle.
(15 h 30)
Les personnes âgées représentent l'un des segments de la population qui connaît la croissance la plus rapide au Canada. En 1998, on estimait à 3 700 000 le nombre de Canadiens âgés de 65 ans et plus, une hausse de près de 60 % par rapport à 1981. En fait, l'augmentation du nombre de personnes âgées depuis le début des années quatre-vingt correspond au double du taux de croissance de l'ensemble de la population. Au Québec, les personnes âgées représentaient 20 % de la population en 1996, et on estime que ce pourcentage atteindra 46 % en 2030. En d'autres mots, alors que nous comptions cinq travailleurs pour un retraité il y a une trentaine d'années, ce ratio passera progressivement à deux travailleurs pour un retraité.
Il se produit et il se produira dans les années qui viennent un profond changement démographique: le vieillissement de la population. Cette nouvelle réalité entraînera des bouleversements importants dans notre société sur le plan social et aussi sur le plan économique. Il faut, je pense, se poser sérieusement la question suivante: Le Québec est-il prêt à faire face à cette réalité?
Il est d'abord important de noter qu'au Québec une portion importante de la population retraitée vit toujours sous le seuil de la pauvreté. Nous devons nous rappeler que les personnes âgées, de nombreuses façons, ont contribué à l'édification de notre société. Elles ont travaillé fort, parfois dans des conditions difficiles, pour créer la richesse de notre pays. Mais, de toute façon, il est moins question ici de mérite que du droit de chacun, en tant qu'être humain, à recevoir support et soutien de la société.
Il est également important de rappeler que l'expérience et l'expertise que les personnes âgées ont acquises au fil des ans ont une valeur inestimable pour les bâtisseurs de demain, c'est-à-dire les jeunes. Il faut encourager les alliances, le dialogue entre ces deux générations et faire la promotion de projets communs. Ils peuvent ensemble accomplir de grandes choses. Il est faux de prétendre qu'une personne devient inutile à l'âge de la retraite. Au cours des dernières décennies, nous avons laissé se creuser un fossé entre les générations et s'installer un climat d'incompréhension sur les besoins et aspirations des uns par rapport aux autres. Il faut rétablir l'équilibre dans notre société pour que les plus jeunes puissent profiter de l'expérience des plus âgés.
J'aimerais aussi profiter de l'occasion pour corriger certains mythes à l'égard des personnes âgées. De récentes recherches démontrent un portrait beaucoup plus positif et dynamique de la condition de vie de la majorité des aînés. Globalement, les personnes âgées sont plutôt actives et autonomes, elles privilégient davantage les contacts sociaux et elles s'impliquent de plus en plus dans leur communauté. Loin d'être improductives, elles sont celles qui donnent le plus de leur temps au niveau du bénévolat.
Il serait important que les organismes communautaires, souvent composés de personnes retraitées venant en aide aux personnes âgées dans le besoin, puissent recevoir plus de soutien et de financement. Ces organismes donnent divers services qui ne sont pas fournis par l'État et qui n'en sont pas moins essentiels. Cependant, on ne doit pas attendre des bénévoles qu'ils remplacent les services publics de toutes sortes.
Au-delà des problèmes auxquels les personnes âgées doivent faire face, elles font preuve d'une dignité et d'une initiative comparables à celles de bien des générations qui les ont précédées. Aussi, jamais un gouvernement quel qu'il soit ne doit remettre en cause la riche contribution sociale des aînés au sein de notre société. Leur expérience et aussi bien leurs joies que leurs peines sont susceptibles de nous donner des leçons à retenir sur la vie d'autrefois, sur les difficultés à surmonter pour rendre notre vie un peu plus aisée. De plus, elles poursuivent leurs efforts pour que les générations présentes conservent les valeurs humaines et spirituelles que malheureusement on oublie trop souvent.
J'aimerais ici citer les paroles d'une grande dame de l'Estrie, notre grande Estrienne de l'année 1995, Mme Estelle Gobeil, qui habite dans mon comté, d'ailleurs. Mme Gobeil rappelait à tous, lors d'une de ses conférences, et je cite: «Un peuple qui ne respecte pas ses aînés est un peuple appelé à disparaître.» Alors, au nom de tous mes collègues, je dis à tous ces aînés merci de leur présence, merci de leur dignité et de leur volonté de vivre, merci de leur sérénité, merci pour l'acharnement dont ils font preuve en revendiquant des droits et en nous imposant un respect à leur égard, merci d'être parmi nous, merci pour leur dévouement et leur implication auprès de la communauté. À tous je souhaite une douce vie. Merci, M. le Président.
Mise aux voix
Le Président: Alors, je comprends que cette motion est adoptée?
Une voix: Oui.
Le Président: Est-ce qu'il y a d'autres motions sans préavis? M. le leader de l'opposition officielle.
M. Paradis: Oui. M. le Président, je demanderais le consentement pour soumettre la motion sans préavis suivante:
«Que le leader du gouvernement convoque, dès sa constitution, la commission des affaires sociales afin que ses membres puissent entendre les divers intervenants du milieu de la santé;
«De plus, que ses membres fassent des recommandations à la ministre d'État à la Santé et aux Services sociaux quant aux gestes à poser pour corriger la situation désastreuse dans laquelle se trouve le système de santé québécois.»
Ça fait suite à la question du chef de l'opposition. Le premier ministre est parmi nous, ça pourra lui permettre de répondre positivement.
Le Président: Est-ce qu'il y a consentement? M. le leader adjoint du...
M. Boulerice: ...M. le Président, on ne sait jamais. Mais, dans le cas, non.
Le Président: Alors, puisqu'il n'y a pas consentement, est-ce qu'il a d'autres motions sans préavis?
Avis touchant les travaux des commissions
Alors, aux avis touchant les travaux des commissions, conformément à l'article 127 de notre règlement, je vous informe que la commission de l'Assemblée nationale a fixé à aujourd'hui, après les affaires courantes, donc dans quelques instants, à la salle du Conseil législatif... Les commissions permanentes suivantes devront se réunir: d'abord, la commission de l'économie et du travail, suivie de la commission des institutions, puis la commission des finances publiques, la commission des affaires sociales, la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation, la commission de l'aménagement du territoire, la commission des transports et de l'environnement, la commission de l'éducation, puis celle de la culture et, finalement, la commission de l'administration publique.
Est-ce qu'il y a consentement pour déroger à l'article à l'égard de la vice-présidence pour les commissions? Oui.
Alors, cet avis étant donné, aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée, je vous avise que l'interpellation prévue pour le vendredi 12 mars 1999 portera sur le sujet suivant: Le sous-financement du système de santé au Québec. À ce moment-là, Mme la députée de Bourassa s'adressera alors à Mme la ministre d'État à la Santé et aux Services sociaux.
Affaires du jour
Alors, nous allons maintenant passer aux affaires du jour.
Affaires prioritaires
Reprise du débat sur le discours d'ouverture et sur la motion de censure
Bien. Alors, aux affaires du jour, bien sûr, nous allons aborder d'abord les affaires prioritaires. Conformément à l'ordre de l'Assemblée adopté avant-hier, nous allons poursuivre le débat sur le discours d'ouverture de la session prononcé par M. le premier ministre et sur la motion de censure présentée ce matin par le chef de l'opposition officielle. Alors, à ce moment-ci, je pense que les groupes parlementaires sont avisés du temps de parole. M. le ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux et à la Protection de la jeunesse.
M. Gilles Baril
M. Baril (Berthier): Merci, M. le Président. D'abord, mes premiers mots seront des mots de remerciement, des mots d'amour, du fond du coeur, pour les gens de Berthier qui m'ont donné un deuxième mandat avec éclat, avec un appui extrêmement significatif, un appui tangible dans tous les secteurs du comté. Par rapport à 1994 où il y avait eu une première marque de confiance par une majorité témoignée d'au-delà de 6 200 voix, bien, on a décidé d'augmenter cette majorité-là à 8 200, donc, pour moi, effectivement c'est une reconnaissance du travail accompli dans cet extraordinaire comté de Berthier, qui est un comté de bâtisseurs, de volontaires, de pionniers, d'entrepreneurs, de gens généreux, de gens qui sont capables de pratiquer le coude à coude, la solidarité dans leur milieu, que ce soit dans les rangs, dans les villages ou dans les plus grandes communautés comme Berthierville, par exemple, ou Lavaltrie.
M. le Président, c'est avec beaucoup de fierté que j'interviens aujourd'hui sur le discours inaugural, puisque c'est mon troisième mandat dans cette Chambre. J'ai eu la chance, comme jeune parlementaire qui a pris un peu d'âge à travers le temps, de servir les premiers ministres qui ont dirigé et qui ont gouverné le Parti québécois, c'est-à-dire M. René Lévesque une époque inoubliable M. Johnson, M. Parizeau et maintenant M. Bouchard. Je pense que le discours inaugural de M. Bouchard, hier, qui est marqué et qui interpelle le peuple québécois avec un grand rendez-vous qui est celui de l'an 2000, celui du XXIe siècle, va définitivement être une étape déterminante pour l'avenir du peuple québécois.
(15 h 40)
Mais permettez-moi d'abord de parler... Et je voudrais d'abord saluer aussi, dans cette Chambre, l'arrivée d'un autre politicien qui a à peu près le même âge que moi, qui est entré à peu près au même âge en politique, mais qui avait décidé à cette époque-là de choisir un parcours différent. C'est bien sûr le député de Sherbrooke qui est actuellement chef de l'opposition officielle. Je veux quand même saluer sa ténacité et sa détermination parce que sa carrière politique a été marquée parfois d'embûches, mais il a réussi, à travers tout ça, à se relever et à relever le défi, et aujourd'hui on le retrouve à la tête du Parti libéral du Québec.
Malheureusement, ce matin, le chef de l'opposition officielle m'a déçu. Il a plutôt passé son temps à parler des autres qu'à parler de lui-même, et, avant de parler de ma conception de la politique et de l'avenir du Québec, particulièrement avec cet important rendez-vous avec l'an 2000, je voudrais rappeler, M. le Président, quelques points importants de l'histoire du Québec.
Je voudrais rappeler au chef de l'opposition tout particulièrement que, si le Québec a connu d'importants progrès ou des bonds en avant, particulièrement sur les plans économique, social et culturel, c'est grâce, naturellement, aux fortes revendications des nationalistes qu'on a retrouvés à l'intérieur du Parti libéral de Jean Lesage durant les années soixante, à l'intérieur de l'Union nationale de Daniel Johnson, pour revenir naturellement aux côtés de René Lévesque, de souveraineté-association, ou à l'intérieur même de la formation politique de M. Bourassa qu'il a dirigée pendant de nombreuses années. Et, si le Québec a fait des pas importants sur le plan de sa croissance, sur le plan du chemin qu'il a emprunté vers la modernité pour devenir un des peuples les plus instruits, une des sociétés les plus avancées au monde sur le plan économique demain matin, le Québec indépendant serait et formerait la 17e puissance économique du monde alors c'est grâce effectivement aux revendications et particulièrement au courant nationaliste qui a caractérisé particulièrement l'ensemble des partis politiques qui ont dirigé le Québec pendant ces années.
Et, naturellement, que ce soit Maîtres chez nous de Jean Lesage, avec une revendication du statut particulier, Égalité ou indépendance de Daniel Johnson père, souveraineté culturelle de Robert Bourassa, souveraineté-association de René Lévesque, rapport Allaire, commission Bélanger-Campeau, souveraineté-partenariat, à toutes les fois que le Québec a demandé quelque chose par rapport au reste du Canada depuis 1960, on s'est toujours fait dire non. C'est ça, la réalité, que ce soit Jean Lesage, que ce soit Daniel Johnson père, que ce soit Robert Bourassa avec la formule de Victoria, que ce soit effectivement René Lévesque qui s'est vu tromper littéralement avec son équipe politique après le référendum de 1980. Et qu'est-ce qu'on a fait? C'est qu'on a enclenché un processus de rapatriement unilatéral de la Constitution qui a été dénoncé par l'ensemble des parlementaires ici en 1982, et je dois vous souligner, M. le Président, d'ailleurs, qu'à l'époque où j'étais député, en 1981, cette Assemblée nationale avait plus de pouvoirs, plus de responsabilités que les parlementaires qui y siègent aujourd'hui, et ça, c'est important de le souligner. À travers ces années, dans le fond, le Québec a avancé grâce à lui et non grâce aux autres. C'est important de le préciser.
J'aimerais aussi préciser au chef de l'opposition officielle ce matin, parce qu'il en parlait beaucoup, que l'ensemble des gens d'affaires au Québec qui ont progressé dans les 35 dernières années, particulièrement Laurent Beaudoin, son père spirituel, particulièrement Bombardier, les entreprises comme Bombardier, Quebecor, Transcontinental, Cascades ou autres, ont connu un essor remarquable particulièrement grâce aux mesures du gouvernement souverainiste de René Lévesque fin des années soixante-dix, début des années quatre-vingt, particulièrement avec la mise en place du Régime d'épargne-actions proposé par l'ancien ministre des Finances du Québec, Jacques Parizeau.
Alors, si aujourd'hui Bombardier est performant non seulement au Québec, a obtenu à travers les années une stature nationale, canadienne ou internationale même chose pour Quebecor ou les autres c'est particulièrement grâce à la mise en place d'instruments économiques mis en place par le gouvernement national du peuple québécois, c'est-à-dire le gouvernement du Québec, qui a permis à ces entreprises de connaître des expansions fulgurantes et de devenir, au fil des ans, des chefs de file dans leur domaine dans l'ensemble du monde.
M. le Président, je me rappellerai toujours les premiers jours, quand le chef de l'opposition est arrivé à la tête du Parti libéral et qu'il se disait: Je veux être l'héritier politique de Jean Lesage. Permettez-moi de constater que je n'ai pas vu grand-chose dans le discours de ce matin du chef de l'opposition, avec une pensée constitutionnelle minimale, qui ressemblait à la pensée politique grandiose qui a propulsé quand même le Québec sur la voie de la modernité pendant plusieurs années, qui était celle du Parti libéral de Jean Lesage du début des années soixante. Je n'ai pas retrouvé ce matin dans les propos politiques du chef de l'opposition officielle une pensée politique qui rejoignait la pensée constitutionnelle de Georges-Émile Lapalme. Où est passé ce grand Parti libéral qui fut jadis le répondant et le catalyseur de milliers d'aspirations de Québécois et de Québécoises à travers le Québec?
J'ai l'impression que le programme constitutionnel du Parti libéral actuel est plutôt dans les limbes ou dans les tiroirs du conseiller communicationnel du chef de l'opposition, c'est-à-dire le Groupe Everest. Alors, ce n'est pas fort, M. le Président. Ce n'est pas fort, comme pensée constitutionnelle. Et, si on veut chausser les bottes de Jean Lesage ou de Georges-Émile Lapalme, on a du chemin à faire. C'est ça que ça veut dire. Dans le fond, le Parti libéral a été incapable de se renouveler.
Et, moi, M. le Président peut-être deux choses avant de tomber justement sur la perception que j'ai sur l'avenir du Québec je voudrais dire ceci, vu qu'on a parlé aussi beaucoup d'économie dans le discours du chef de l'opposition: les libéraux, entre 1985 et 1994, ont été sans aucun doute un des gouvernements qui a le plus dépensé au Québec, un des gouvernements les plus dépensiers et gaspilleux de l'histoire du Québec, un des gouvernements qui a propulsé le déficit du Québec, qui a doublé le déficit du Québec en neuf ans, un des gouvernements qui a dépensé probablement le plus de salive sur des revendications constitutionnelles les plus insignifiantes de l'histoire politique du Québec depuis 1960, Meech et Charlottetown. Il ont «meeché» puis «charlottetowné» pendant longtemps. Puis ils ont fait quoi durant ce temps-là? Ils ont dépensé notre argent. Le dernier déficit du ministre des Finances du Parti libéral du Québec, qui est actuellement député de Laporte, 6 000 000 000 $, le déficit annualisé, qu'est-ce qu'on aurait pu faire aujourd'hui avec ça en santé? C'est ça qu'il faut dire. Il faut remettre ça dans une perspective historique.
Étant donné que le chef de l'opposition n'a pas pu passer nécessairement beaucoup de temps dans ce Parlement, je voulais le rappeler à l'histoire, à l'histoire de sa patrie, à l'histoire de ses prédécesseurs qui ont, à mon point de vue, d'une façon extrêmement délibérée, endetté le Québec comme c'est pas possible, ont endetté les jeunes générations. Et c'est nous du Parti québécois qui avons freiné ce dérapage budgétaire qui était amorcé depuis 1985 et qui avons effectivement amorcé une remontée pour amener effectivement notre société vers un objectif de société et non de gouvernement, c'est-à-dire le déficit zéro.
M. le Président, dans cette fin de siècle où tous les destins apparaissent possibles, l'arrivée d'un nouveau leader à la tête du Parti libéral est souvent un événement, rarement un changement. La mode du temps est au renouveau dans notre univers médiatique. La consommation des nouveaux phénomènes ne résiste pas cependant au temps et à l'histoire. Le peuple se fatigue vite si les événements respirent trop l'approche marketing et la satisfaction des besoins du moment. D'autant plus que cette brise qui souffle semble transporter avec elle la fraîcheur de la jeunesse. Cela mérite que l'on s'y attarde.
(15 h 50)
Je me sens beaucoup, M. le Président, interpellé aujourd'hui parce que je suis aussi de la génération du chef de l'opposition officielle. Comme je le mentionnais tantôt, nos implications politiques commencent au même âge, à la même période, mais n'arrivent pas au même but. Le choix sincère de mon implication sociale, de ma famille politique, de mes valeurs et du projet collectif qui me transporte diffère du chef de l'opposition officielle. La jeunesse d'un adversaire estimable ne doit pas occulter le cheminement différent de plusieurs jeunes des générations montantes. Au contraire, l'ambition collective du Québec s'est toujours exprimée par une volonté non pas de situer le Québec dans l'égalité avec les autres provinces, mais bien dans une perspective de l'égalité des peuples. C'est ce qui différencie le chef de l'opposition officielle de ma conception de l'avenir politique du Québec.
C'est ce qu'il a dit ce matin, il veut que le Québec demeure une province comme les autres. Il veut que le statut politique du Québec soit à l'égal de la sympathique Île-du-Prince-Édouard et de l'aimable Nouveau-Brunswick. Mais le Québec ne peut pas se contenter de ça. Particulièrement à l'ère de la mondialisation et de la globalisation, le Québec veut parler pour lui-même dans le concert des nations. Nous voulons parler d'égal à égal avec les autres peuples. C'est ça, l'ambition collective des générations montantes. C'est ça, l'ambition collective du peuple québécois à l'aube du XXIe siècle.
Alors, à l'aube justement du XXIe siècle, M. le Président, où la personnalité culturelle et nationale de notre peuple sera déterminante quant à notre avenir, je ne veux pas avoir la simple satisfaction d'être l'ami des premiers ministres des autres provinces, je veux avoir la satisfaction d'être l'ami et le partenaire des autres pays de ce monde. Je ne veux pas me satisfaire tragiquement de la dynamique économique Est-Ouest. D'ailleurs, la présence et l'appui à la candidature passée de M. Charest... on a vu d'ailleurs que ça a été plutôt le Canada anglais, et particulièrement l'establishment des affaires, qui applaudissait justement à l'arrivée de Jean Charest au Québec.
Je pense que, si le Canada s'est bâti dans le dernier siècle dans un axe de développement qui a contribué à l'édification des rapports entre les différentes communautés qui se sont faits entre l'Est et l'Ouest, moi, je suis convaincu que dans l'avenir, le prochain siècle, le troisième millénaire, ce qui va animer, justement, les rapports du peuple québécois avec les autres ne s'inscrira plus dans une dynamique Est-Ouest. Alors, c'est pour ça qu'on trouve que la position actuellement politique, ou les propos politiques du chef de l'opposition officielle, on se sent à l'étroit là-dedans, on étouffe. La dynamique politique, économique, sociale et culturelle qui est en train de s'installer actuellement au Québec, c'est la dynamique Nord-Sud, c'est la dynamique des Amériques. C'est la dynamique de parler pour nous-mêmes avec les autres capitales, justement, que ce soit New York, Chicago, Boston, La Havane, Los Angeles, Mexico, Buenos Aires ou Santiago. C'est là-dedans que s'inscrivent les générations montantes. On ne veut plus nécessairement passer par Ottawa pour parler au reste du monde. C'est l'espace des Amériques, de la terre de Baffin à la Terre de Feu, qui m'intéresse, et surtout les autoroutes planétaires d'Internet.
Je ne souhaite pas, M. le Président, être enfermé dans la maison de verre de l'espace canadien et le retour du chemin de fer institutionnel d'un océan à l'autre. Ça, c'est la vieille conception, je dirais même, un jeune chef politique au service d'une vieille idée politique, celle du fédéralisme canadien centralisateur défendu par Jean Chrétien et l'équipe libérale fédérale à Ottawa. Ça, c'est une vieille idée dépassée depuis John MacDonald, comme le dit si bien ma collègue la députée de Rosemont et ministre du Revenu.
La vraie modernité, M. le Président, c'est qu'elle ne s'inscrit pas non plus dans ce qu'achète le Parti libéral actuel, c'est-à-dire acheter la Constitution de 1982. Ces gens-là acceptent le statu quo politique, économique et social. D'ailleurs, le seul geste de modernité qu'a posé le chef de l'opposition officielle en voulant être moderne et dans le courant, c'est qu'il a voté oui en 1980. Il faut se rappeler de ça.
Il règne, à mon point de vue... Ce que je voulais dire, M. le Président, c'est que bientôt on va entrer ensemble dans le prochain siècle, et l'histoire jugera qui incarnera justement le prochain projet de société du Québec du XXIe siècle. En somme, la modernité du chef du Parti libéral du Québec ressemble beaucoup plus à un vidéoclub de Musique Plus où un jeune chef apparaît au service, comme je le disait tantôt, d'une vieille idée. La mienne, la nôtre, celle des souverainistes ressemble à un projet à dimension humaine du rêve incarné par mon ami du Cirque du Soleil, Guy Laliberté, et au génie de Softimage.
D'ailleurs, la prochaine bataille politique, M. le Président, se fera sur l'incarnation réelle de la modernité. Le projet de la souveraineté est issu de ce choix-là. On ne peut pas faire le discours de la modernité sans emprunter le chemin de la libération de nos contraintes constitutionnelles. Tous les débats depuis 30 ans nous y ramènent, et le Parti libéral, dans sa soif du pouvoir, n'y échappera pas. Ils auront un débat interne à faire là-dessus. Ce discours est au coeur d'un Québec en mutation, et, si nous voulons faire partie du XXIe siècle et des grandes nations de ce monde, nous devons entreprendre une modification importante de notre ordre de fonctionnement politique et de nos réflexes économiques et sociaux.
Et l'année à venir, M. le Président, c'est-à-dire l'an 2000, verra un affrontement spectaculaire s'engager entre ceux qui veulent conserver le monde présent et ses privilèges et ceux qui veulent le transformer, et la lutte aura pour enjeu la nature de la démocratie et l'organisation de la cité. De ce conflit entre l'ordre fédéral actuel et les nouvelles formes de création naîtra une nouvelle société, et notre génération y participera avec originalité.
Politiquement, médiatiquement et financièrement, M. le Président, les forces fédérales filtrent notre entrée dans le monde en construction. Et cela n'est pas intentionnel de leur part; les fédéralistes ne sont pas contre nous, ils sont pour eux. C'est ça, la réalité. Et le plus grand danger viendra sans doute de ceux qui, comme le chef de l'opposition officielle, appellent notre génération au pouvoir avec l'intention d'élaborer le nouveau discours sur le même vieux modèle que celui de la génération fédérale précédente. C'est ça, le vieux modèle. C'est ça, le vieux discours. Alors, quelle attitude adopter face au poids du spectaculaire et de la nouveauté? Face au spectaculaire, il faut surtout être soi-même. Le temps est donc revenu à la définition de ce que nous étions, de ce que nous sommes et de ce que nous serons comme Québec de demain.
Et je terminerai, M. le Président, sur une citation de mon ami Claude Dubois: «Le monde est bien trop pareil, il n'y a presque plus d'insoumis.» Alors, j'en appelle en quelque sorte à la résistance du peuple québécois de rester ce que nous sommes dans notre marche démocratique pour la liberté, et le prochain changement de société en dépend. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Berthier et ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux.
Avant de céder la parole à un autre intervenant, je désire informer l'Assemblée de la répartition du temps de parole pour l'ensemble du débat sur le discours d'ouverture suite à la réunion des leaders qui a eu lieu ce matin. Soixante minutes sont accordées aux représentants du gouvernement pour la réplique; 20 minutes sont allouées aux députés indépendants; les deux groupes parlementaires se partageront également le reste du temps consacré à ce débat. Dans ce cadre, les interventions seront limitées à une durée maximale de 20 minutes chacune.
Je vous informe également qu'avant l'intervention du député de Berthier et ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux 3 h 8 min avaient été utilisées dans le cadre du débat. Il restait donc un total de 21 h 52 min réparties comme suit: 10 h 34 min au groupe parlementaire formant le gouvernement, 10 h 18 min au groupe parlementaire formant l'opposition officielle.
À ce stade-ci, encore une fois, avant de céder la parole à un autre intervenant, je tiens à vous aviser que nous avons reçu de la part du député de Notre-Dame-de-Grâce une demande pour un débat de fin de séance qui aura lieu ce soir avec la ministre de la Famille et de l'Enfance sur la question concernant les travailleurs et travailleuses en garderie.
Également, je vous informe que nous avons reçu une demande de la part du député de Saint-Laurent pour un débat de fin de séance avec le ministre de la Sécurité publique concernant la question suivante: Les suites à donner au rapport Poitras.
(16 heures)
Et, enfin, je vous informe également que nous avons reçu de la part du député de Chomedey une demande pour un débat de fin de séance avec le ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration sur la question concernant la Commission d'accès à l'information.
Nous allons maintenant poursuivre notre débat et nous cédons maintenant la parole au député de D'Arcy-McGee et également critique officiel de l'opposition en matière de lois professionnelles. M. le député.
M. Lawrence S. Bergman
M. Bergman: Merci, M. le Président. I would like, on this occasion, to express my pride to be returned to the Québec National Assembly as the Member for D'Arcy-McGee. To my constituents who gave me their support, I acknowledge my gratitude and offer my commitment to serve them in the home of our democracy with the same diligence as I did in my first mandate. It was indeed an honor to campaign under the banner of the leader of the Québec Liberal Party, the next Premier of Québec, just as it was gratifying to benefit from the support of our caucus, also the D'Arcy-McGee Liberal Association, my campaign team, under the able leadership of Me Claire Tardif, and my family: my wife Monica, my sons Mark and Stuart, whose devotion, sacrifice and steadfast strength have been invaluable and inspiring.
Il a été dit que cette élection était historique, et, en fait, elle l'a été. Après quatre années durant lesquelles nous avons connu un référendum et des discussions interminables concernant la tenue du prochain référendum, le Parti libéral du Québec, lui qui a toujours vigoureusement dénoncé et contesté la vision séparatiste du gouvernement du Parti québécois, est celui qui a récolté le plus grand nombre de votes. De tous les résultats de cette élection, aucun n'est aussi démonstratif du refus de la population de donner un mandat au Parti québécois de continuer à planifier son projet de séparation. La question reste à savoir maintenant si le gouvernement va comprendre ce message ou si, comme par le passé, il fera la sourde oreille et continuera à poursuivre son propre agenda.
Il est alarmant de constater que le premier ministre n'a pas compris le message. Il a commencé comme il avait terminé. Malgré les coupures drastiques appliquées dans le système de santé par son gouvernement, le premier ministre a eu l'audace tout récemment de dénoncer les augmentations dans les transferts aux provinces annoncées par le fédéral comme étant une façon brutale et vulgaire de sous-financer le Québec.
Comment le premier ministre peut-il ignorer la crise vécue par tous les Québécois nécessitant des soins hospitaliers cet hiver? Crise qu'ils vivent d'ailleurs toujours. Le gouvernement du Parti québécois préfère utiliser l'argent des contribuables pour lancer une campagne de publicité dénonçant les modifications du fédéral en des termes qui seraient risibles s'ils n'étaient pas aussi offensants et blessants dans leur démonstration d'un Québec qu'on vide de son sang.
If my constituency is anything to go by, and I think that in many respects my constituency is typical of many Québec ridings but for the fact that it has the highest proportion of senior citizens, I would suggest that the Government's mandate is to do something about three pressing issues. The first concerns health care. The people of D'Arcy-McGee, the people of Québec are worried about declining services and the failure of the health system to meet their needs. The uncertainty about the future is fast becoming a fear about the present, especially as the Québec population ages.
The second is the brain drain of our youth. How can we look to the future with hope if the best and brightest of our young Anglophones and Francophones head down the 401 or south of the border? And how can we stop them? What arguments shall we use when they can look around them and see a tale of economic decline that saps our cultural vitality and diminishes hope? Which underlines the third main area of concern, expressed most clearly by the business community which continues to see Québec potential erode as the price to pay for the ongoing political uncertainty. A political uncertainty which the Government, however it may soft-pedal the issue now, keeps alive and is ready to fan the embers at the slightest occasion.
M. le Président, le Parti libéral du Québec croit en les forces et aux avantages de la fédération canadienne. Il s'est engagé à contribuer et à assurer son développement et son renouvellement. Nous croyons qu'il n'est pas seulement possible mais bien nécessaire que le Québec continue à évoluer au sein du Canada, qu'il puisse définir des objectifs communs avec les autres provinces. C'est ainsi que nous pourrons faire avancer la cause du Québec, mais aussi la cause de tous nos partenaires de la fédération. Cela est l'esprit de reconnaissance et d'interdépendance que le Parti québécois s'acharne à rejeter mais auquel la population a exprimé clairement le désir d'adhérer.
As the MNA for D'Arcy-McGee, Mr. Speaker, I pledge to work for all Quebeckers, just as I pledge to work for the constituents of D'Arcy-McGee. It is not through theatrics and red flags, or should I say, flasks of blood painted in newspapers, but rather through honest give-and-take that we will show that a dynamic and flourishing province can evolve.
Many of my constituents have recently contributed to a project that I consider to be symbolic of precisely this spirit. I am referring, Mr. Speaker, to a major undertaking by the Jewish community of Montréal to expand and renovate many of the facilities that house its principal communal institutions. This expansion represents not only an investment in the future of its youth, but also an affirmation that the community's vitality is an essential part of Québec society. As if to underline the contribution this project makes to ourselves as Quebeckers, the leadership of the Jewish community handed a recent statement to its members with the memorable words of one of its sages, Rabbi Hillel, who said, and I quote: «If I am not for myself, who is for me? If I am only for myself, what am I? If not now, when?» Si je ne me soucie pas de moi, qui se souciera de moi? Mais, quand je me soucie seulement de moi, qui suis-je? Et, si ce n'est pas maintenant, quand?
M. le Président, où trouver des meilleurs mots à garder à l'esprit alors que nous approchons du nouveau millénaire? Au Québec, nous sommes riches, riches en diversité et en talents qui ne demandent qu'à être encouragés au lieu d'être dévalorisés continuellement. Je demande au gouvernement de respecter les attentes de la population, d'arrêter ces arguments futiles avec le fédéral et d'arrêter de dépenser l'argent des contribuables pour son propre agenda. Le gouvernement du Parti québécois doit remplir le mandat que la population lui a donné: celui de travailler de concert avec tous les Québécois à bâtir une société dynamique, pluraliste et florissante au sein d'un Canada uni. M. le Président, maintenant est le moment.
Merci.
Des voix: Bravo!
(16 h 10)
Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de D'Arcy-McGee et critique officiel de l'opposition en matière de lois professionnelles. Nous allons maintenant céder la parole au député de Rouyn-NorandaTémiscamingue et ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. M. le ministre.
M. Rémy Trudel
M. Trudel: Merci, M. le Président. Merci bien d'avoir la délicatesse, également, de bien indiquer la désignation ministérielle, puisque, à moult occasions, on a oublié les pêcheries et l'alimentation, M. le Président. Merci beaucoup. Nous avons eu hier une véritable bouffée d'air frais pour les jeunes et les régions du Québec. Quand on représente une région comme l'Abitibi-Témiscamingue ici, à l'Assemblée nationale du Québec, on a passé, hier après-midi, un bel après-midi. Nous avons entendu un message d'espoir, nous avons entendu un message qui donne davantage d'espoir aux jeunes, aux travailleurs, aux travailleuses des régions, et en particulier de celle que l'on représente, la région de l'Abitibi-Témiscamingue.
M. le Président, nous avons tous entendu notre premier ministre, suite au mandat qui lui a été donné, que nous avons obtenu de la population le 30 novembre dernier, indiquer comment nous allions procéder, comment nous allions développer des efforts pour transformer également l'économie des régions, en misant sur la nouvelle économie, l'éducation et la formation des ressources humaines dans toutes les régions du Québec. Ce que ça signifie pour une région comme l'Abitibi-Témiscamingue, eh bien, ça veut dire que, avec la création de ces carrefours de la nouvelle économie, avec ces journées régionales pour l'emploi, ces espèces de sommets régionaux qui vont être organisés dans chacune des régions du Québec et qui seront présidés par le premier ministre, l'Abitibi-Témiscamingue va obtenir sa juste part et va pouvoir partager également de nouvelles pistes d'espoir pour la création d'emplois, le développement des hommes et des femmes dans cette région et le développement de l'économie.
Ça veut dire, pour le secteur des mines, pour le secteur de la forêt, pour le secteur de l'agriculture, de l'agroalimentaire, de l'éducation, de la formation des ressources humaines et de la culture dans cette région du Québec périphérique, de nouveaux espoirs de développement, à travers la croissance, et que nous pourrons donner de la valeur ajoutée aux ressources de la terre, aux ressources du sous-sol du Québec, le sous-sol de la région de l'Abitibi-Témiscamingue.
Une bouffée d'air frais, M. le Président, pour les jeunes également. Nous pouvons dire aujourd'hui que, avec tout ce qui a été énoncé par le premier ministre hier, les jeunes ont bien compris que le prochain siècle va leur appartenir, et nous allons tenter ici, en particulier avec notre nouveau ministre de l'Éducation, de donner le meilleur de nous-mêmes pour créer, développer de l'espoir et être les meilleurs pour entrer dans ce nouveau millénaire. Nous l'avons été dans bien des domaines au cours des 40 dernières années; il nous faut encore être les premiers, être les jeunes premiers pour le prochain millénaire, au Québec.
De l'espoir aussi, M. le Président, pour l'agriculture, pour la production agroalimentaire, pour les pêches, au Québec, et pour tout le secteur de l'alimentation, parce que, on l'ignore souvent, l'agroalimentaire, le bioalimentaire au Québec, c'est le premier secteur manufacturier de l'économie québécoise. Bravo pour l'aéronautique! Bravo pour le multimédia! Bravo pour les autres secteurs de la haute technologie: pharmaceutique, biomédical! Mais le premier secteur, le plus important au niveau manufacturier au Québec, c'est le secteur bioalimentaire. C'est, en termes d'immobilisations, 500 000 000 $ d'investissements à chaque année. C'est également, en termes de produit intérieur brut, 10 000 000 000 $ par année. Combien d'emplois? Je le sais, vous le savez, je vais vous le dire, c'est 400 000; 400 000 emplois directement reliés aux secteurs bioalimentaire, au Québec, et des pêches. J'y reviendrai, parce qu'on n'oubliera pas les pêches.
Il y avait, hier, dans le discours de notre premier ministre, de grands défis pour l'agriculture, pour les pêches, pour les régions maritimes du Québec. Parce que ça existe, M. le Président, les régions maritimes du Québec. Les Îles-de-la-Madeleine, le Bas-Saint-Laurent, la Gaspésie, la Côte-Nord, ça, c'est des régions maritimes. Il y a 10 000 personnes qui vivent directement des activités de la pêche. Ce n'est pas suffisant, c'est insuffisant. On va parler aussi à ceux qui partagent ou qui ont pris le morceau du gâteau, qui s'appellent le gouvernement fédéral, dans le domaine des pêches. De l'air frais aussi, parce que le premier ministre l'a indiqué hier, il y aura du nouveau dans les pêches, il y aura du nouveau. On va s'en occuper activement.
M. le Président, le bioalimentaire, l'agroalimentaire au Québec, ça concerne la totalité des régions la totalité des régions. Les gens vont dire, souvent: Bien, l'agriculture, les pêcheries, l'alimentation, c'est le fait des régions périphériques, un peu éloignées. Faux, M. le Président, faux. À Québec, 36 400 personnes ont des emplois reliés au secteur du bioalimentaire, parce que, voyez-vous, la transformation et la restauration, ça fait partie du groupe d'activités du bioalimentaire. À Montréal, sur l'île de Montréal, dans la région de Montréal, c'est 90 000 personnes qui ont des emplois. La plus grande réserve de terres agricoles productives au Québec, elle est dans un rayon de 45 km des rues Peel et Sainte-Catherine. À 45 km de rayon des rues Peel et Sainte-Catherine se trouve la plus grande réserve des meilleures terres arables du Québec. L'agroalimentaire, le bioalimentaire, ça concerne tout le Québec, parce que, je le répète, il y a 400 000 emplois qui dépendent de ce secteur, et toutes les régions du Québec sont concernées.
Chez vous, M. le Président, vous le savez, en Mauricie, il y a 12 000 personnes qui travaillent dans ce secteur-là, 12 000 personnes qui dépendent directement de ce secteur. Pour les gens des Cantons-de-l'Est, pour les gens de l'Estrie, là, il y a 19 000, 20 000 personnes qui travaillent dans ce secteur, et on pourrait continuer comme cela parce que c'est important de le dire. Au Saguenay Lac-Saint-Jean, il y en a 15 000 qui sont concernés, 15 000 personnes qui tirent leur subsistance hebdomadaire, au quotidien, chaque année, d'un emploi dans le secteur de l'agroalimentaire.
C'est vrai également pour les autres régions du Québec. Dans l'Outaouais... Ça, on oublie souvent de dire ça, la région de l'Outaouais, c'est aussi une région de l'agroalimentaire au Québec. Important. Il y a 12 000 personnes qui gagnent leur vie.
Dans la plus belle région du Québec, l'Abitibi-Témiscamingue, évidemment, M. le Président, ça va de soi, la plus belle région du Québec, l'Abitibi-Témiscamingue, il y a 12 000 personnes qui gagnent leur vie dans l'agroalimentaire. On ne cultive pas des carottes polaires, on fait de la production: de la production bovine, de la production laitière. Il y a même un pêcheur professionnel sur le lac Kipawa.
GaspésieÎles-de-la-Madeleine, j'y reviendrai, parce qu'on va parler des pêches, de nos amis les pêcheurs.
À Québec, ici, de l'autre côté, sur la rive sud, Chaudière-Appalaches, région extrêmement dynamique dans le domaine bioalimentaire: 28 000 personnes.
Une voix: ...
M. Trudel: La députée de Beauce-Sud a bien raison, c'est un secteur géographique du Québec extrêmement dynamique au niveau de la production agroalimentaire, et je partage avec la députée la fierté de représenter les producteurs agricoles ici, à l'Assemblée nationale, comme elle, d'ailleurs, j'en suis convaincu.
(16 h 20)
Une voix: Bravo!
M. Trudel: Il y a des gens qui pensent que, sur l'Île-Jésus, à Laval, il n'y a plus d'agriculture. 34 % de la production horticole du Québec est réalisée à Laval. 34 % de la production totale horticole au Québec, c'est sur l'Île-Jésus, à ville de Laval, grande région agricole du Québec. Si on peut y développer bientôt un centre spécialisé d'horticulture, en exposition et développement des cultures horticoles, on va faire une autre grande réalisation.
Puis, dans le bout de Joliette, Lanaudière, là aussi, il y a une agriculture et du bioalimentaire très vivace: 16 000 personnes. Puis, la députée de Prévost est très contente lorsqu'elle constate qu'il y a 16 000 personnes, dans sa région des Laurentides, qui vivent du bioalimentaire. Puis tous ceux et celles qui représentent ici des comtés de la Montérégie savent très bien qu'il y a 70 000 personnes qui travaillent directement dans le secteur bioalimentaire. Puis le député de Maskinongé, lui, il sait pertinemment bien que dans le Centre-du-Québec il y en a 20 000 qui travaillent dans le domaine du bioalimentaire. M. le Président, c'est un secteur extrêmement important.
Puis, quand on parle des régions maritimes du Québec, il y a des pêcheurs, il y a des gens qui vivent et de l'agriculture et de la pêche. Dans le Bas-Saint-Laurent, il y en a 14 000, il y a 14 000 personnes qui vivent de ce secteur-là. Puis c'est également vrai, bien sûr, bien sûr que c'est vrai pour d'autres régions, des régions maritimes du Québec qui vivent beaucoup... comme, par exemple, dans le Nord et sur la Côte-Nord, bien, il y en a 6 700 le député de Duplessis sait ça, lui qui vivent de ça. Puis, la Gaspésie et les belles Îles-de-la-Madeleine, ah, là, au royaume des pêches au Québec, il y a 10 000 personnes, M. le Président, qui dépendent de l'industrie de la pêche.
M. le Président, c'est pourquoi nous allons, le 25 mars prochain, nous retrouver ici, dans notre capitale nationale, pour tenir le grand rendez-vous des décideurs de l'agroalimentaire au Québec, parce que l'an passé, M. le Président, on s'est réunis à Saint-Hyacinthe et on s'est donné un parcours pour les cinq prochaines années dans le domaine du bioalimentaire au Québec. On a fait ça dans notre capitale de l'agroalimentaire, à Saint-Hyacinthe, dans le beau comté de Saint-Hyacinthe, et on s'est donné de grands objectifs: 15 000 nouveaux emplois dans les cinq prochaines années; doubler les exportations, passer de 2 500 000 000 $ à 5 000 000 000 $ par année; dans cinq ans, avoir généré 7 500 000 000 $ d'investissements dans le secteur bioalimentaire au Québec.
Et, dans la semaine du 25 mars, on va se donner un grand rendez-vous ici, à Québec, dans notre capitale nationale, pour adopter les plans d'action. Pas pour arriver encore à discuter. Pour en arriver, M. le Président, à adopter les plans d'action de cinq groupes de travail et ainsi mettre en oeuvre ce que très certainement tout le monde veut entendre encore pendant plusieurs minutes ici, les plans et le modèle québécois du développement de l'agroalimentaire en plein exercice, avec nos partenaires, avec l'UPA, l'Union des producteurs agricoles, avec l'Association des manufacturiers, l'AMPAQ, avec les distributeurs, le Conseil canadien de la distribution alimentaire et son dynamique président, Robert Cloutier, d'une grande firme de l'Abitibi-Témiscamingue, et également, bien sûr, les détaillants puis les gens qui oeuvrent dans les régions et les producteurs et les productrices. M. le Président, ça va être une grand-messe. Il va y avoir une grand-messe dans notre capitale nationale. Ça va être la décision de notre programme pour les cinq prochaines années, en utilisant pleinement le modèle québécois.
Et ça se complète aussi par le domaine des pêches. M. le Président, demain, je serai à Gaspé pour présider une réunion de tous les intervenants dans le domaine des pêcheries au Québec, des pêcheurs aux aides-pêcheurs, à aller jusqu'au transformateurs, aux gens qui font la commercialisation et aux gens qui vendent les excellents produits. Nous allons mettre en action l'excellent plan directeur du domaine des pêches et de l'aquiculture qui a été développé par mon prédécesseur, le député de Trois-Rivières, le ministre, mon prédécesseur à l'Agriculture, aux Pêcheries et à l'Alimentation.
M. le Président, ce ministère de l'industrie et du commerce bioalimentaire recèle d'énormes possibilités pour tout le Québec et pour toutes les régions du Québec. Et c'est pour ça qu'on va se donner ces deux grands rendez-vous et que nous allons y arriver, M. le Président, parce qu'il nous faut nous préoccuper de la nouvelle économie et de comment on va effectuer le développement dans le secteur bioalimentaire, ici comme ailleurs, avec les professionnels qui nous accompagnent, les agronomes, les vétérinaires, les techniciens agricoles, les différentes associations, les grandes entreprises, comme la Coop fédérée, comme Agropur et d'autres grandes entreprises.
Aussi, M. le Président, et je terminerai là-dessus très brièvement, bien sûr, parce qu'on doit partager le défi du modèle québécois, qui a donné d'excellents résultats, la gestion avec les producteurs et les productrices, avec les transformateurs, avec les détaillants, avec les distributeurs. Parce que, au Québec, on peut faire ça autour d'une même table et obtenir des résultats élevés, nous l'avons pratiqué. C'est un modèle qui donne ses fruits. Nous allons continuer à le supporter, même dans la préparation de notre position face aux futures négociations de l'Organisation mondiale du commerce, parce que la gestion de l'offre, les plans conjoints, les conventions collectives dans le secteur agricole au Québec, ça marche et ça donne des résultats, et que le modèle québécois en agroalimentaire, il a livré la marchandise.
M. le Président, je terminerai par deux éléments qui en apparence sont très mineurs mais qui sont très significatifs. Lundi prochain, le 8 mars, au palais de justice de Gaspé, 42 pêcheurs seront traduits en justice parce qu'ils ont voulu défendre leur pain quotidien. Mgr Dumais, l'évêque de Gaspé, est intervenu et a demandé au gouvernement fédéral de retirer les accusations qui ont été portées contre ces 42 pêcheurs qui ont commis le crime d'avoir voulu défendre un peu trop fermement le pain sur la table de leurs familles. Je demande au ministre fédéral des Pêches et Océans, M. Anderson, de désigner Mgr Dumais comme médiateur entre les pêcheurs et le gouvernement fédéral et de trouver une solution pour ces 42 pêcheurs qui, en août dernier, ont voulu se battre pour le pain de leurs familles sur la table. C'est possible avec de la bonne volonté.
Puis je termine en disant ceci: qui dans cette Assemblée, ici, n'a pas été appelé à se lever à 5 heures le matin pour préparer un déplacement, pour préparer une réunion très tôt, et n'a pas ouvert son appareil radio et n'a pas eu l'agréable sensation d'écouter dans deux minutes, M. le Président cette grande émission, à Radio-Canada, qui s'appelle D'un soleil à l'autre ? D'un soleil à l'autre , ça, c'est l'émission qui donne de l'information à tous les producteurs et productrices et qui, aussi, parle à l'urbanité québécoise, francophone à travers le Canada, et qui est une émission qui est très écoutée. Ils n'ont pas l'air de comprendre ça, comment ça marche dans le domaine de l'agroalimentaire, chez les producteurs et les productrices, à Radio-Canada. Je le sais, qu'il n'y a pas rien que ça qu'ils ne comprennent pas, là, mais, ça, ils ne l'ont pas compris. Ils viennent de supprimer l'émission matinale D'un soleil à l'autre , à Radio-Canada.
(16 h 30)
M. le Président, la nation ne sera pas virée à l'envers. Je demande humblement à Guylaine Saucier, la présidente de Radio-Canada, de remettre à l'horaire de cette Société l'émission D'un soleil à l'autre , émission source pour nos producteurs et nos productrices et émission source du monde rural, du monde agricole qui parlait à l'urbanité, et c'était utile d'avoir cette diffusion. Je plaide pour nos producteurs et productrices, qui veulent avoir leur émission, et je suis avec eux, je suis avec elles. Un petit geste, ce n'est pas difficile. Comme ça, nous allons pouvoir terminer sur une bonne note et un bon ton, et, un bon matin, on réentendra cette musique douce, inspirante, et Mme Hélène Raymond, l'animatrice, qui dira: Bienvenue, ce matin aussi, à notre émission D'un soleil à l'autre. C'est comme ça qu'on va faire du grand développement dans le bioalimentaire au Québec. Merci.
Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Rouyn-NorandaTémiscamingue et ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. Nous cédons maintenant la parole à Mme la députée de Beauce-Sud et critique officielle de l'opposition en matière de revenu. Alors, Mme la députée.
Mme Diane Leblanc
Mme Leblanc: Merci, M. le Président. Je veux d'abord remercier mon collègue de Rouyn-Noranda Témiscamingue qui aura certainement une oreille très attentive pour les dossiers agricoles de Beauce-Sud. Alors, je l'ai pris au mot.
Alors, c'est un grand honneur pour moi d'avoir le privilège de m'adresser pour un second mandat aux membres de l'Assemblée nationale à titre de députée de Beauce-Sud. C'est avec beaucoup de fierté que je représente le parti politique qui a obtenu la pluralité des voix à l'élection de novembre 1998. C'est aussi avec beaucoup d'émotion, d'enthousiasme et de gratitude que j'accepte cet honneur.
En tant que femme, je ne peux m'empêcher de souligner que le nombre de parlementaires féminines à l'Assemblée nationale a atteint un nouveau sommet: 29 femmes représentant 23 % des membres. J'insiste toutefois pour dire que ça ne doit pas s'arrêter là et qu'on doit tout mettre en oeuvre afin que les femmes occupent une place de plus en plus importante dans les lieux du pouvoir.
Cet honneur, donc, je le dois d'abord aux électrices et électeurs de Beauce-Sud qui m'ont renouvelé leur confiance. Je les en remercie et je veux les assurer que je ferai tout mon possible pour m'en montrer digne. Je voudrais aussi remercier l'armée de bénévoles qui ont travaillé sans relâche pour gagner cette bataille. Ils se sont montrés à la hauteur du mandat qui leur était confié. Bravo, donc, pour cette belle victoire d'équipe!
Les gens de Beauce-Sud m'ont élue parce qu'ils ont confiance en moi pour l'avancement des dossiers, dans l'intérêt de mes concitoyennes et concitoyens et de l'ensemble du Québec, qui nous tiennent à coeur. À l'aube du nouveau millénaire, il ne fait pas de doute que le gouvernement du Québec est appelé à relever de nombreux et grands défis afin d'assurer le développement de notre collectivité. Au cours des quatre prochaines années, nous devrons faire des choix afin de permettre au Québec de s'adapter aux nouvelles réalités économiques et sociales. Les députés votent des lois, c'est bien entendu, mais ils exercent aussi un pouvoir de surveillance sur le gouvernement, ses ministres et ses organismes et sur l'administration des finances publiques. J'entends bien, au sein de l'opposition, être une actrice importante et vigilante dans les dossiers qui sont au coeur des préoccupations de la population du Québec.
La construction d'une société prospère offrant à tous ses membres la chance de réaliser leur plein potentiel dans un environnement juste et équitable doit être la priorité du gouvernement. Or, je dois dire que cet objectif, noble en soi, n'a pas semblé motiver les préoccupations, les actions de ce gouvernement au cours des quatre dernières années. De même, ce gouvernement a à plusieurs reprises affiché un mépris total pour le respect de la démocratie. On en a vu quelques exemples tout récemment. Qu'il me suffise de rappeler le rejet des mécanismes habituels de consultation lors du décret pour la ligne Hertel-des Cantons et la manière indécente du gouvernement de traiter les citoyens concernés, par des menaces et du chantage.
Et que penser de la façon honteuse du gouvernement dans l'utilisation des fonds publics pour une campagne publicitaire contre le budget d'Ottawa! M. le Président, ça promet! C'est de la propagande pure et simple qui nous laisse croire que ça fait partie de la stratégie publicitaire préréférendaire. De l'autre côté de cette Chambre, on sent le besoin, de toute évidence, d'attiser le ressentiment contre le reste du Canada. On est en train de fabriquer des conditions gagnantes. Que les militants du PQ le fassent, c'est une chose, mais, de grâce, épargnez les contribuables du Québec, qui ont clairement affirmé pour une deuxième fois qu'ils ne veulent rien savoir d'un référendum.
Et, pendant que ce gouvernement s'amuse à dépenser l'argent des contribuables en publicité, bien, les hôpitaux débordent. Alors que le premier ministre refuse de rappeler les parlementaires pour analyser la situation dans les urgences, il ne s'est pas gêné, lui, pour les rappeler une semaine plus tôt que prévu afin de lui permettre de faire un voyage en Catalogne. Ce faisant, je ne sais pas s'il y a pensé, mais il prive de nombreux parlementaires de la joie de passer la semaine de relâche avec leurs enfants. Pourtant, quand on sait le nombre de sacrifices que les familles et les enfants des parlementaires doivent faire, on aurait été en droit de s'attendre à une plus grande sensibilité de sa part vis-à-vis des familles.
Aujourd'hui, nous sommes rendus à un tournant important de notre histoire: il y aura bientôt 40 ans, un grand premier ministre libéral, M. Jean Lesage, enclenchait un processus qui allait bouleverser le Québec. On l'a appelé, vous savez, la Révolution tranquille. La Révolution tranquille, c'était l'accessibilité à l'éducation. C'était aussi un système de santé pour tout le monde. Mais que vit-on aujourd'hui? Je vous laisse le soin de trouver vos propres réponses, de faire votre propre examen de conscience.
Mais laissez-moi quand même vous donner les miennes. Les commissions scolaires en sont rendues à couper dans les services directs aux élèves. Le réseau de la santé est en perpétuel crise. Les revenus disponibles des familles sont à la baisse, donc la population s'appauvrit. Le taux de chômage bat encore des records, malheureusement, malgré que la conjoncture économique soit bonne partout ailleurs, chez les provinces et aussi les pays qui nous entourent. Le taux de création d'emplois, lui, est très faible par rapport à la moyenne canadienne. Et, malheureusement, encore une fois, les prévisions d'investissement privé pour l'année sont à la baisse. En plus de tout ça, nous sommes des champions toutes catégories en matière de taxes et d'impôts en Amérique du Nord.
Le discours inaugural du premier ministre hier nous laisse entrevoir des jours meilleurs. Souhaitons-nous, à nous, les Québécois, que les actions des membres du Conseil des ministres seront conséquentes de son discours. Les électrices et électeurs de Beauce-Sud m'ont confié le mandat de les représenter et de défendre leurs intérêts à l'Assemblée nationale. C'est une lourde responsabilité et une noble tâche que de pouvoir servir ses concitoyennes et ses concitoyens. J'entends utiliser toutes les occasions qu'il me sera donné pour inciter le gouvernement à remplir ses engagements et à aider les régions comme la mienne à progresser.
M. le Président, avant de conclure, je veux féliciter mes adversaires pour la campagne qu'ils ont menée et signaler à cette digne Assemblée que ce qui est caractéristique des Beaucerons, c'est qu'en dehors des campagnes électorales toutes les forces vives du milieu se réunissent, sans égard aux convictions politiques, pour défendre nos intérêts régionaux. Les intérêts régionaux pour Beauce-Sud, ça veut dire le prolongement de l'autoroute 73. Ça veut dire la consolidation de notre centre universitaire. Ça signifie la mise en place des programmes de formation professionnelle si essentiels pour combler le millier d'emplois qui sont encore inoccupés chez nous. Un heureux problème, me direz-vous. Oui, mais un problème tout de même.
Les intérêts régionaux de Beauce-Sud, c'est aussi assurer l'équité budgétaire régionale en matière de santé. C'est assurer que les services de santé soient non seulement de qualité, mais adaptés en fonction de nos besoins actuels et futurs. Malheureusement, on fait piètre figure, chez nous, dans la région, au niveau de la capacité à combler ces besoins-là.
C'est aussi accroître le potentiel touristique par le biais d'infrastructures, et, là encore, les projets en place ne manquent pas.
(16 h 40)
En agriculture, nos intérêts régionaux passent par une cohabitation harmonieuse entre les producteurs agricoles et les citoyens, mais aussi par l'implantation d'usines de transformation des produits de la région tels que l'érable. C'est le message que doivent comprendre aujourd'hui le premier ministre et ses membres du Conseil des ministres. Je formule le souhait que les programmes et les nouvelles politiques qui seront annoncés pour chacun des ministères dans les jours prochains puissent permettre la réalisation des intérêts régionaux de Beauce-Sud.
À mon chef, Jean Charest, je lève mon chapeau. Ce n'était pas facile de faire le saut du fédéral au provincial, de comprendre et d'assimiler tous les grands dossiers du Québec, de bâtir en peu de temps une plateforme électorale, en plus de faire campagne avec une toute nouvelle équipe, tout ça en l'espace de six mois. Vous avouerez avec moi, M. le Président, que ce n'est pas donné à tout le monde de relever un aussi grand défi. Il l'a fait avec brio. Il a livré bataille jusqu'à la dernière minute. Il mérite des applaudissements chaleureux.
Des voix: Bravo!
Mme Leblanc: Et je ne saurais terminer sans remercier aussi les membres de mon personnel, ceux et celles qui m'accompagnent à tous les jours dans mes démarches, qui travaillent de nombreuses heures et qui le font sans compter, par conviction. On ne leur dit pas assez souvent notre gratitude. Et, encore une fois, je tiens à remercier Michel, mon conjoint, mon plus fidèle supporteur, qui a joué et continue de jouer un rôle très important dans mon cheminement personnel et qui m'a permis d'être ici aujourd'hui, avec vous. Avec mes deux enfants, il continue de me partager avec l'ensemble de la population beauceronne. À eux trois, je leur dis: Je vous aime beaucoup. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la députée de Beauce-Sud. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Saint-Hyacinthe.
M. Léandre Dion
M. Dion: Merci, M. le Président. M. le Président, je veux commencer mon intervention en vous félicitant pour votre réélection au poste de vice-président. C'est un poste très important pour assurer les bonnes conditions de travail pour que se déroulent nos débats dans les meilleurs conditions possible. Alors, je vous félicite très sincèrement, et je félicite aussi tous mes collègues des deux côtés de la Chambre, qui ont remporté les suffrages de leurs électeurs. Évidemment, je félicite d'une façon particulière ceux qui sont avec moi ici, de ce côté-ci. Et je remercie tous les gens, tous les électeurs de Saint-Hyacinthe qui se sont donné la peine d'aller exprimer leur désir, d'aller exprimer leur voix, d'aller exprimer leur choix. C'est un geste de démocratie indispensable sans lequel on ne pourrait pas vivre dans une société de paix comme celle dans laquelle nous vivons actuellement. Alors, un grand merci à toute la population.
Je veux aussi vous dire, M. le Président, qu'au début de ce deuxième mandat qui m'a été confié par les gens de Saint-Hyacinthe, par les dames, par les Maskoutaines, par les Maskoutains de Saint-Hyacinthe, je me sens très honoré de la confiance que vous m'avez manifestée et je me sens très honoré de partager cette tâche avec des députés qui, de toutes les parties du Québec, viennent avec ce grand idéal de servir la population.
M. le Président, tout a très bien commencé. On a eu la chance d'entendre plusieurs discours fort intéressants. Je me limiterai cependant à en commenter deux en particulier. Celui de ce matin, du chef de l'opposition, qui ne manquait sans doute pas de bonne volonté, qui ne manquait sans doute pas d'efforts, n'est-ce pas, pour veiller aux intérêts du Québec, mais qui, ma foi, péchait par un misérabilisme un peu, je dirais, excessif. Tout ce dont on entendait parler régulièrement: des hausses de taxes, du fait qu'on paie plus d'impôts que les autres Canadiens, du fait que notre économie va plus mal. Cependant, on n'entendait pas parler des causes.
Face à cela, on a eu droit, M. le Président, à un autre discours, celui de notre premier ministre, qui, lui, est un discours d'enthousiasme, un discours de commencement, un discours tourné vers l'avenir, où on tenait compte de toutes les parties de la société, de tous les groupes dans la société: les familles, la petite enfance, la jeunesse, l'éducation, le développement de Montréal, le développement de Québec, le développement des régions, M. le Président, les soins à donner et la sécurité à assurer à nos personnes âgées et, enfin, l'agriculture, M. le Président. Et notre premier ministre annonçait que l'aide à la relève dans l'agriculture serait doublée. Alors, ce qui est considérable. C'était donc un discours tourné vers l'avenir, un discours enthousiasmant.
Son discours, dès le début, nous disait ceci et nous disait au tout début: À l'orée de l'an 2000, l'ensemble des peuples de la Terre va se demander: Maintenant, qu'est-ce qu'on fait? Qu'est-ce qu'on fait de nouveau? Comment on regarde l'avenir? Et, nous-mêmes, du peuple québécois, nous allons nous demander: Maintenant, qu'allons-nous faire? Et, à la toute fin de son discours, vous avez entendu comme moi M. le premier ministre nous dire: Il y a un prix. Il y a un prix à payer pour rester longtemps dans l'indécision. Il y a un prix politique à payer pour rester dans l'indécision. Et il y a rajouté, le chef de l'opposition, un prix économique. Donc, là-dessus, tout le monde s'entend: M. le premier ministre, M. le chef de l'opposition et l'ensemble des députés.
Rester dans la situation actuelle, rester dans l'indécision, il y a un prix, et ce prix est très élevé, M. le Président. C'est pour ça qu'il faut s'attaquer à la tâche et regarder les causes. Comment il se fait que la situation actuelle nous coûte si cher? Comment il se fait qu'il y a un prix à payer pour rester dans l'indécision? M. le Président, regardons d'abord d'où vient ce prix, d'où vient que, chaque jour qui passe, on paie pour la situation actuelle. Tout le monde sait comment fonctionne l'union canadienne. On pourrait vous rapporter un grand nombre de cas où l'union canadienne a coûté très cher, où le Québec a payé très cher l'union canadienne. On pourrait rapporter toute la séquence qui regarde l'industrie automobile, la canalisation du Saint-Laurent et plusieurs autres événements qui ont marqué l'histoire du Québec et qui ont contribué à appauvrir puissamment la structure économique et la structure industrielle du Québec. Je me bornerai seulement à n'en rappeler qu'un parce que j'ai très peu de temps pour expliquer mon point de vue.
M. le Président, je rappellerai seulement la question de la pétrochimie à Montréal. Vous vous souvenez, il y a 40 ans, l'est de Montréal était très prospère. Un grand nombre de raffineries fonctionnaient à plein régime et fournissaient de l'essence, du pétrole, du diesel à la grandeur du pays. C'était beau de voir ça. Il y avait des emplois à Montréal. Montréal était en plein essor économique. À cette époque, l'Ontario essayait de partir de la pétrochimie en Ontario mais réussissait difficilement à concurrencer Montréal selon les règles normales de l'économie de marché. Alors, évidemment, les petits cousins d'Ottawa ont parlé avec les petits cousins de Toronto et ils se sont entendus comme toujours. Comme larrons en foire, ils ont décidé, par loi, d'imposer la ligne Borden, c'est-à-dire d'empêcher les raffineries de Montréal de vendre leur essence à l'ouest de la ligne Borden. Alors, qu'est-ce que ça a fait, M. le Président? Cela a tendu autour du cou des pétrolifères un noeud coulant qui a commencé à les asphyxier.
Avec cela, quelques années plus tard, une quinzaine d'années plus tard, avec la situation dans les pétrolières où le pétrole est devenu plus dispendieux, la crise du pétrole, on a vu qu'il est devenu payant d'exploiter le pétrole de l'Alberta. Alors, à ce moment-là, on a enlevé la ligne Borden parce que c'était plus payant pour les Ontariens qui étaient plus proches de la source pour raffiner le pétrole, et ça leur permettait d'étouffer encore un peu plus les pétrolières de Montréal. Et, maintenant, M. le Président, eh bien, qu'est-ce qui arrive avec les pétrolières de Montréal? La plupart ont fermé. La plupart s'en sont allées parce que justement cette mesure fédérale a été prise pour étouffer l'économie du Québec.
Il y aurait un grand nombre de cas comme ça qu'on pourrait rappeler. Évidemment, vous allez me dire: C'était il y a 40 ans, c'est de la vieille histoire, il faut oublier ça, il faut regarder le présent. Eh bien, M. le Président, nous allons le regarder, le présent. Vous savez ce qui s'est passé, n'est-ce pas, avec le budget fédéral. Qu'est-ce qui s'est passé? Vous vous souvenez de qu'est-ce qu'on a vu dans les journaux, les deux petits sacs de sang: un gros sac pour l'Ontario, un tout petit pour le Québec, hein? 950 000 000 $ pour l'Ontario, 150 000 000 $ pour le Québec. Et, pour justifier tout cela, bien, on disait: Vous savez, le Québec n'a pas à se plaindre, on va lui donner 1 400 000 000 $ en péréquation. C'est inqualifiable. Le 1 400 000 000 $ en question, tout le monde sait maintenant que ce 1 400 000 000 $, c'était un dû pour l'année 1996, c'était un dû pour l'année 1997 et une dette pour 1998. Donc, le 1 400 000 000 $, le gouvernement fédéral, en le remettant au Québec, il paie ses dettes. Ce n'est pas une raison pour ne pas donner à l'avenir au Québec ce qui lui revient.
(16 h 50)
Tout se passe un peu comme si vous étiez en retard de trois mois sur votre hypothèque. Alors, vous allez payer votre hypothèque, vos trois mois de retard, et vous dites au banquier: À l'avenir, je paierai seulement la moitié. Pensez-vous que ça fonctionnerait, M. le Président? Et cependant nos amis de l'opposition trouvent que ça fonctionne bien pour le Québec. Mais, à travers tout cela, le Québec s'appauvrit et il s'appauvrit constamment.
Vous savez, M. le Président, que le 1 400 000 000 $, c'est de la péréquation. C'est censé rétablir une certaine équité entre les provinces. Eh bien, le fédéral intervient dans les provinces de différentes façons. Par des transferts d'argent, oui, c'est vrai, mais il intervient aussi autrement, en investissant dans les régions par ses dépenses. Et, nous qui connaissons bien l'histoire du «né pour un petit pain», nous nous souvenons tous de cette annonce où le petit gâteau, il est pour les Québécois, le petit morceau de gâteau, et le gros, pour l'Ontario. Qu'est-ce que ça veut dire? Ça veut dire que les dépenses pour faire fonctionner l'économie, elles se font principalement en Ontario.
Achat par Ottawa de services et de biens de toutes sortes donc, quand on achète des biens, on stimule la production: achat au Québec, 5 900 000 000 $; achat en Ontario, 11 300 000 000 $. Ça, c'est chaque année. Plus de la moitié. Et ensuite, si on parle des subventions accordées aux entreprises ça, ça aide à produire, ça aide à développer l'économie: bien, 984 000 000 $ au Québec pour 1 297 000 000 $ en Ontario. Et ensuite, si vous regardez les dépenses fédérales en immobilisation et en investissements: 603 000 000 $ au Québec pour 1 662 000 000 $ en Ontario. Alors, le total de ça, M. le Président, dans les dépenses structurantes, les dépenses qui font fonctionner l'économie, les dépenses qui créent de la richesse: 7 000 000 000 $ pour le Québec; 14 000 000 000 $ pour l'Ontario. Voilà l'équité du système fédéral, voilà pourquoi la situation actuelle nous coûte cher, voilà pourquoi l'indécision nous coûte cher. Chaque jour qui passe, ça nous coûte cher.
Et, avec l'union sociale qu'on nous propose, M. le Président, vous savez ce qui se passe? Si on a moins d'emplois au Québec, si l'économie va moins bien parce que les investissements structuraux se font ailleurs, qu'est-ce qui se passe? Eh bien, notre jeunesse, quand elle vient sur le marché du travail et qu'elle voit qu'au Québec l'économie fonctionne mal parce que Ottawa nous nuit dans notre développement, alors qu'il y a plus d'emplois en Ontario, elle s'en va travailler là. Vous savez, depuis un siècle, depuis un siècle et demi, c'est une hémorragie constante. L'élément le plus dynamique de notre population, les jeunes en bas de 35 ans, les jeunes familles s'en vont. Pourquoi? Parce que le système fédéral est fait pour ça, pour que, nous, nous fassions tous les efforts pour leur donner une bonne formation pour développer l'économie. Et, quand ils arrivent sur le marché du travail, ils trouvent plus d'emplois ailleurs, ils s'en vont ailleurs.
Alors, M. le chef de l'opposition se disait: Mais qu'est-ce qui se passerait si on était dans une période de marasme économique? Eh bien, moi, je vais lui dire qu'est-ce qui se passerait: Nos jeunes s'en iraient encore plus ailleurs, M. le Président. Pourquoi? À cause du système fédéral qui appauvrit notre structure économique et qui fait en sorte qu'on paie plus d'impôts et qu'il y a plus de chômage au Québec.
Une voix: Bravo!
M. Dion: M. le Président, je ne peux pas terminer sans rappeler un autre phénomène qui découle de l'union sociale, c'est la question de la mobilité sociale. On trouve, entre autres, ce passage où il est dit: «Les gouvernements élimineront d'ici trois ans toutes les politiques ou pratiques fondées sur des critères de résidence qui restreignent l'accès à l'éducation postsecondaire, à la formation professionnelle et universitaire.»
M. le Président, au Québec, on a décidé de faire de l'éducation notre priorité. On investit plus que toutes les provinces dans l'éducation, ce qui fait que nos jeunes, ça leur coûte la moitié moins cher pour étudier au Québec. Alors, ce qu'on nous propose, c'est d'abolir tous les critères de résidence. Ça veut dire quoi, en pratique? Ça veut dire que les gens de Vancouver, d'Alberta, d'Ontario, les jeunes viendront se faire former ici à nos dépens et qu'ils iront créer de la richesse ailleurs à nos dépens, M. le Président. Je ne suis pas d'accord avec cela. C'est pour ça qu'il faut mettre un terme à cette indécision et faire en sorte que dans le plus bref délai on soit les seuls, au Québec, à décider de notre avenir économique et politique.
Des voix: Bravo!
Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le député de Saint-Hyacinthe. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Westmount Saint-Louis.
Des voix: Bravo!
M. Jacques Chagnon
M. Chagnon: Merci, M. le Président. Je vous transmets mes meilleurs voeux pour tout ce mandat, cette Législature. Vous les transmettrez aussi à vos vice-présidents. En même temps, M. le Président, je voudrais simplement d'abord féliciter tous les membres de cette Assemblée, les 125 membres de cette Assemblée qui, pour la Trente-sixième Législature, vont représenter chacun son comté puis, en même temps, la voix de l'ensemble du Québec.
M. le Président, nous sommes réunis depuis quelques jours maintenant, mais, lors de notre dernière session, c'était il y a cinq mois... Évidemment, il se passe beaucoup de choses dans la vie des gens en cinq mois, des choses heureuses puis des choses moins heureuses. Il y a cinq mois, le lendemain de notre dernière journée ici, j'ai perdu un supporteur, j'ai perdu un ami et en même temps un critique: mon père est décédé. Et ça a été comme ça qu'on a commencé la période pré-électorale, vue du côté de chez nous. Alors, la période électorale qui a suivi fut un peu dédiée à mon père. Et les gens, dans mon quartier, dans mon comté, ont grandement... évidemment ont travaillé fort on a tous travaillé fort et ont fait en sorte que cette dédicace puisse porter son fruit et faire en sorte que je puisse me retrouver avec vous encore pour les quatre prochaines années, M. le Président. Ça, c'est la partie plus heureuse.
D'abord, je voudrais remercier, comme je l'ai fait pour les trois dernière fois maintenant, c'est mon quatrième mandat les électrices et les électeurs du comté de WestmountSaint-Louis, du centre-ville de Montréal et de la ville de Westmount, et de certains quartiers de la ville de Montréal pour ceux qui connaissent assez bien le comté comme la Petite-Bourgogne et tout le secteur du McGill ghetto, et enfin tous les gens de ce comté qui m'ont, de façon presque éblouissante, retourné ici les représenter avec presque ou même un peu plus de 80 % de l'électorat.
C'est, M. le Président, une grande joie que de me retrouver ici, mais aussi une grande marque d'humilité de ma part puis une grande marque aussi de confiance par rapport à ce qu'exigent et ce que recherchent, ce que cherchent à avoir les électeurs de mon comté. Je pense que chacun des membres de l'Assemblée nationale, lorsqu'il représente les gens qui l'ont élu, les gens qui ont participé à l'élection, les électeurs, les constituants, les membres du corps électoral de son comté, a une grande responsabilité non seulement face à ses électeurs, mais face à lui-même aussi.
M. le Président, hier, le premier ministre nous disait dans son discours inaugural que le gouvernement avait été élu, mais sans excès. Je pense que c'est la moindre des choses que de le dire comme cela. C'est une nuance, pour ne pas dire une subtilité, qui amène une certaine ironie. On pourrait aussi dire que c'est la première fois dans l'histoire du Québec qu'un gouvernement sortant, après un seul mandat, arrivait à la fin de l'élection avec moins de votes que l'opposition officielle. C'est la première fois dans l'histoire du Québec.
Il est arrivé trois fois dans l'histoire du Québec qu'un parti remporte plus de voix mais n'ait pas la majorité des sièges. C'est arrivé pour la première fois en 1944, lorsque le premier ministre d'alors, M. Adélard Godbout, fut défait par Maurice Duplessis malgré le fait qu'il avait une majorité de voix. C'est arrivé pour une seconde fois, plus récemment, en 1966, lorsque Jean Lesage a été défait par Daniel Johnson malgré le fait que le Parti libéral de Jean Lesage, à l'époque, avait quelques pour cent de voix populaires de plus que l'Union nationale de l'époque. Et c'est arrivé une troisième fois, en 1998, où le gouvernement réélu a été réélu avec 1 % de moins que l'opposition.
(17 heures)
C'est étonnant compréhensible, mais étonnant la réaction qu'on a pu entendre du côté du gouvernement au moment où on a dit... Et plusieurs commentateurs et plusieurs analystes ont remis en question le type de mode de scrutin que nous avions. Il est assez étonnant que le critique à l'égard de la réforme électorale du gouvernement se soit opposé, en partant, à toute idée de réformer le mode de scrutin, prétextant que, si c'était partie au programme interne du Parti québécois, ça avait été fait il y a 20, 25 ans, quand le Parti québécois était dans une situation où il avait moins de députés et un pourcentage de voix plus important. C'est un peu étonnant de constater qu'on a cette réaction-là aujourd'hui.
Aujourd'hui, nous avons eu plus de voix que le gouvernement. Un autre parti était aussi dans une situation de minorisation par rapport au nombre de voix qu'il a eu; et, toutefois, au gouvernement, on ne semble pas vouloir regarder, faire le débat sur un nouveau mode de scrutin. Je dois dire que c'est un réflexe gouvernemental qui n'est pas nouveau, celui de refuser le débat. Le refus du débat est une caractéristique du gouvernement que nous avons devant nous.
Je vous rappellerai, M. le Président, brièvement, qu'au cours des neuf derniers mois nous n'avons siégé que deux jours au mois d'octobre. Nous avons fini notre session à la mi-juin, nous sommes revenus deux jours au mois d'octobre, nous sommes ici depuis avant-hier. Deux jours sur neuf mois, ce n'est pas la marque d'un gouvernement qui aime le débat. On peut comprendre qu'une Assemblée nationale ne soit pas qu'une institution qui ne serve qu'à créer des lois, mais l'Assemblée nationale, ses commissions parlementaires, ce sont des institutions incontournables pour faire en sorte que le débat public puisse se faire par ses représentants, les représentants de la population. Le fait de refuser pendant neuf mois que l'Assemblée siège est une caractéristique, m'apparaît-il, d'un gouvernement qui refuse ce débat.
Le Parlement aurait intérêt à regarder les questions de fond. Celle que je soulève ici en est une: le mode de scrutin. Plusieurs pays ont déjà commencé à modifier et à regarder leur mode de scrutin. Nous avons un mode de scrutin qui fonctionne depuis 100 quelques années, qui aurait intérêt à être regardé, amélioré. Il y a des exemples. Notre mode de scrutin, le prétend-on régulièrement, est le mode de scrutin qui va avec notre système de Parlement. On a un système de Parlement britannique, on devrait avoir un mode de scrutin qui ressemble à celui du Parlement anglais. Bien, dans tous les Parlements anglais et de type britannique, de plus en plus, on voit des Parlements qui se penchent vers des modes de scrutin dans lesquels on utilise une forme de proportionnel.
Je vous rappelle, M. le Président, pour votre lecture et la lecture du critique du gouvernement, le rapport Jenkins, en Angleterre, qui vient d'être déposé, qui fait en sorte de vouloir justement intégrer une part de proportionnel à l'intérieur du système électoral anglais. C'est le cas de plusieurs autres pays un peu partout. Je ne vois pas pourquoi, ici, on se refuserait le débat d'améliorer notre système électoral. L'amélioration de notre système électoral correspond à notre volonté de respecter le point de vue de l'ensemble de la population et de sa majorité. On peut comprendre qu'il y ait des distorsions dans un système électoral; on ne peut pas comprendre que des distorsions fassent en sorte d'évacuer l'esprit du vote de la population et de son engagement finalement démocratique.
Je vous rappellerai, M. le Président, que, si c'était uniquement l'opposition, celle d'un tiers parti ou celle de l'opposition officielle, on pourrait encore se poser quelques questions, mais je vous rappellerai quelques lectures récentes d'André Larocque, ancien candidat à la chefferie du Parti québécois, ancien sous-ministre à la Réforme électorale sous Robert Burns. Il reste encore quelques membres de ce gouvernement qui ont encore souvenir de qui était Robert Burns. Robert Burns était ministre de la Réforme électorale sous René Lévesque, et André Larocque était son sous-ministre. Il écrivait récemment que, si ce gouvernement dirigé par le premier ministre Bouchard faisait toute cette Législature, on connaîtrait au Québec sept années dirigées par un premier ministre qui n'aurait pas eu la majorité des voix des électeurs du Québec. C'est assez percutant comme approche, c'est assez percutant aussi comme réflexion, mais c'est tout à fait réel et juste.
M. le Président, moderniser notre système électoral, ça implique aussi de moderniser les instruments qui vont avec un système électoral: moderniser le droit de vote, améliorer et s'assurer d'éviter les suppositions de personnes, s'assurer que, notre fameuse liste électorale permanente, on fasse en sorte, pour une fois, de l'améliorer suffisamment pour éviter que des milliers de personnes soient frustrées, perdent leur droit de vote parce qu'elles ne sont tout simplement pas inscrites, pour une raison ou une autre, sur la liste électorale.
M. le Président, un Parlement, c'est un endroit de débats, les commissions parlementaires sont des endroits de débats. L'opposition vous convie aux débats, l'opposition vous convie à faire en sorte que, dans l'avenir, plus jamais on ne se retrouve à ne pas voir siéger ce Parlement pendant neuf mois moins deux jours. Regardez partout autour, cherchez d'autres exemples de Parlements canadiens, cherchez d'autres exemples de Parlements nord-américains, de Parlements occidentaux qui n'ont pas siégé pendant les derniers neuf mois mais ne parlons pas de ces derniers-là, regardons ça sur une base de 50 ans qui n'ont pas siégé, au cours des derniers 50 ans, pendant neuf mois. Vous n'en trouverez pas d'exemples. Même Haïti a siégé plus que nous, au cours des dernières années.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Chagnon: Ah oui, ah oui! Ce n'est pas drôle à se faire dire, mais c'est exactement ça. On ne parle pas d'un pays particulièrement démocratique. On a encore, ici, vu le président, on vous a vu, M. le Président, dénoncer des cas d'assassinat politique dans un pays qui, malgré tout, a réussi à faire siéger son Parlement davantage que nous dans la dernière année.
M. le Président, je pense que les réformes en matière d'organisation du scrutin, en matière de représentation de la population risquent de chavirer si le gouvernement ne prend pas ses responsabilités et ne fait pas en sorte de s'assurer qu'un débat beaucoup plus vaste que ce qu'il cherche à faire en matière de réforme électorale soit fait, et ça, l'opposition y veillera. L'opposition s'assurera que ce débat-là soit fait et soit fait de façon convenable, en prenant le temps qu'il faut pour le faire, en s'assurant que la Loi électorale, notre future Loi électorale, soit beaucoup plus parfaite que celle que nous avons actuellement. Merci.
Des voix: Bravo!
(17 h 10)
Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de WestmountSaint-Louis. Je vais maintenant céder la parole à Mme la députée de Rimouski.
Mme Solange Charest
Mme Charest: Merci. M. le Président, dans un premier temps, permettez-moi de m'adresser à la population du comté de Rimouski pour la remercier de m'avoir renouvelé sa confiance lors du scrutin de novembre dernier. C'est avec honneur et fierté que je vous représente à l'Assemblée nationale du Québec, citoyens et citoyennes du comté de Rimouski. Vous pouvez compter sur ma détermination et mon acharnement à défendre vos intérêts et à chercher avec vous les meilleures solutions aux problèmes que vous rencontrez. Vous pouvez compter sur moi pour porter avec vous, à titre de parlementaire, vos projets individuels et collectifs vers la réussite. C'est un privilège de vous représenter, mais également une grande responsabilité.
Félicitations également à tous les parlementaires des 125 comtés du Québec, qui sont ici pour être la voix de tous les citoyens et les citoyennes du Québec. Je leur souhaite un fructueux mandat.
Cette Trente-sixième Législature, qui débute à l'aube du troisième millénaire, est un moment propice pour positionner le Québec et définir ensemble les enjeux sociaux, économiques et politiques pour l'avenir des Québécoises et des Québécois.
M. le Président, j'aimerais maintenant revenir sur certains éléments du discours d'ouverture de la Trente-sixième Législature prononcé par le premier ministre en cette Chambre, dans la journée d'hier, un discours résolument tourné vers l'avenir, un discours qui interpelle les forces vives du Québec tout entier, un discours dans lequel les jeunes ont trouvé une place de premier choix.
L'avenir passe par la jeunesse; il s'agit d'une réalité incontournable. Ce n'est ni vous ni moi qui allons définir et construire seuls le Québec de demain. Ce sont les jeunes du Québec qui, en grande partie, prendront la relève, imposeront leurs vues et deviendront les principaux acteurs du développement économique du Québec de demain. Les défis seront nombreux et probablement encore plus grands à relever qu'ils ne le furent jusqu'à présent. Ce sont eux qui inventeront le Québec du prochain millénaire, et c'est pour eux que nous agirons.
La mondialisation des marchés, le développement accéléré des nouvelles technologies, l'émergence de la nouvelle économie du savoir et la concurrence de plus en plus féroce sur les marchés mondiaux nécessiteront une préparation encore plus grande qu'auparavant, une formation plus flexible et mieux adaptée aux multiples besoins. Voilà pourquoi notre société toute entière doit non seulement faire une place de plus en plus grande aux jeunes, mais encore, elle doit s'assurer que ceux-ci puissent, comme nous, bénéficier du support, des outils et de l'ouverture des générations qui nous ont précédés.
Nos jeunes doivent être mieux équipés pour l'avenir, et notre devoir, M. le Président, c'est de tout mettre en oeuvre pour qu'ils reçoivent autant sinon plus que ce que nous-mêmes avons reçu en héritage. L'atteinte du déficit zéro s'inscrit pleinement dans cette logique. En effet, comment aurions-nous pu nous regarder dans le miroir si nous n'avions pas pris les dispositions et les mesures nécessaires, si nous n'avions pas consenti collectivement à redoubler d'efforts afin de mettre fin à ce cycle infernal que constitue l'endettement?
Léguer à nos enfants un Québec économiquement fort et prospère, libéré du poids de la dette était un objectif fondamental que nous nous étions fixé, et nous l'avons atteint. À ce titre, celles et ceux qui nous suivront pourront au moins reconnaître une chose: notre gouvernement a tenu parole et n'a pas fléchi devant les pressions intenses de celles et ceux qui, par le passé, ont joué à l'autruche, ont préféré pelleter les problèmes en avant. Ce sont d'ailleurs les mêmes personnes qui, aujourd'hui et malgré l'apparente jeunesse de leur chef, continuent à nous servir de vieux discours totalement vides de sens et de contenu, dépourvus de toute lucidité. Il n'a rien à offrir sauf le dénigrement, la critique, l'abandon et l'abnégation du Québec et de sa population.
M. le Président, contrairement au chef libéral, le premier ministre du Québec nous a longuement parlé de la jeunesse et des perspectives d'avenir. Et qui parle de jeunesse parle de famille, de développement régional et local, de formation et d'accessibilité au marché du travail.
Parlant de famille, notre gouvernement a mis en place une politique familiale novatrice. Tout le monde le sait, l'arrivée massive des femmes sur le marché du travail, les perspectives de carrière qui leur sont maintenant offertes ont changé et modifié les besoins et les attentes, ont également profondément changé les valeurs sociales et les façons de concevoir la famille et les rôles. Notre gouvernement a joué la carte de la prospective en instituant sa politique familiale, préférant intervenir en amont plutôt qu'en aval, préférant de loin mettre en place et développer des ressources plutôt que de se contenter d'émettre tout bêtement un chèque.
Comme l'a indiqué le premier ministre, nous allons accélérer l'implantation des places en garderie à 5 $ pour que les enfants de tous âges soient admissibles au programme dès septembre de l'an 2000.
D'ailleurs, le tarif quotidien sera maintenu à 5 $ au cours de tout notre mandat. Nous allons également implanter le régime de congé parental, un régime qui, soit dit en passant, n'aura d'égal nulle part ailleurs en Amérique.
De plus, nous allons réduire le fardeau fiscal des familles afin que celles-ci puissent jouir d'une marge de manoeuvre financière plus grande. Les parents qui font le choix de demeurer à la maison pour prendre soin de leurs enfants ne seront pas en reste, non plus. Notre Régime d'allocations familiales sera bonifié notamment à l'endroit des familles monoparentales. Ces mesures et ces investissements bénéficieront ultimement aux enfants.
M. le Président, le premier ministre nous mentionnait hier qu'il nous faudrait accentuer nos efforts afin d'offrir des programmes d'enseignement mieux adaptés aux besoins des jeunes. Déjà, avec la réforme des curriculum, l'enseignement au primaire et au secondaire sera recentré sur les matières de base. La maîtrise des langues devra être améliorée et l'enseignement d'une troisième langue, principalement l'espagnol, sera progressivement introduit.
À certains égards, certains se demanderont pourquoi une troisième langue et, par surcroît, pourquoi l'espagnol? M. le Président, au cours des prochaines décennies, nous verrons probablement naître, comme ce fut le cas en Europe, d'ailleurs, un marché commun des Amériques qui s'étendra du Nord du Québec jusqu'à la Terre de Feu. Le Québec devra se positionner au sein de cet immense et nouveau marché commun. Alors, dans cette perspective, si le Québec veut progresser et accroître ses échanges commerciaux avec les pays d'Amérique du Sud, la connaissance de l'espagnol deviendra un atout majeur pour les jeunes générations d'entrepreneurs. Il est donc de notre devoir de nous inscrire dès maintenant dans cette mouvance intercontinentale et de préparer dès maintenant nos jeunes à ces nouvelles réalités géopolitiques et économiques.
M. le Président, au cours de notre précédent mandat, nous avons également développé une approche particulière à l'égard des jeunes. Non seulement avons-nous lancé notre politique jeunesse, mais nous avons également développé et mis en place le réseau des carrefours jeunesse-emploi, dont celui de Rimouski-Neigette. Déjà, les résultats sont probants. Cependant, nous entendons accentuer nos efforts en vue de permettre notamment aux jeunes décrocheurs de trouver leur place sur le marché du travail. Tous les efforts seront déployés afin que chacun puisse y accéder. Les parcours individualisés vers l'insertion, la formation et l'emploi seront privilégiés. Dans un même ordre d'idées, les programmes de formation professionnelle et technique que nous avons remis à la page seront davantage valorisés et développés de manière à satisfaire aux besoins multiples.
À titre de députée provenant d'une région éloignée, il m'importait que nous trouvions des solutions concrètes afin de mettre fin à l'exode de nos jeunes qui, faute de débouchés adéquats, n'avaient d'autre choix que de devoir s'exiler pour trouver du travail dans les centres urbains. Notre politique de développement régional a été pensée et conçue pour eux. Notre première politique québécoise de la ruralité s'inscrira, elle aussi, dans cette mouvance. Les nouveaux carrefours de la nouvelles économie que nous mettrons en place s'adresseront spécifiquement à eux. Les nouveaux fonds de diversification de l'économie régionale, les CLE et les CRCD travailleront en concertation avec les gens du milieu dont, notamment, les jeunes. Tous ces outils permettront de créer en région des dynamiques et des synergies nouvelles qui inciteront nos jeunes à demeurer en région, parce qu'ils pourront y trouver de l'emploi ou pourront créer leur propre entreprise.
M. le Président, je ne saurais passer sous silence le fait que notre gouvernement s'est engagé et s'engage encore, et ce, pour la durée de ce présent mandat, à garantir l'accessibilité à l'éducation supérieure.
(17 h 20)
Première mesure concrète annoncée par le premier ministre hier, et je tiens à le souligner à nouveau aujourd'hui: les frais de scolarité seront maintenus à leur niveau actuel. Soit dit en passant, n'est-ce pas le chef libéral, appuyé par l'aile jeunesse de son propre parti, qui proposait d'augmenter les frais de scolarité au Québec au même niveau que ceux du reste du Canada? Curieuse façon d'encourager nos jeunes qui souhaitent parfaire leur formation à l'éducation supérieure. Bien curieuse façon, en effet, quand on sait que la majorité des nouveaux emplois qui seront créés nécessiteront des diplômes de haut niveau ou, à tout le moins, une formation spécialisée. Franchement, quel manque de perspective!
M. le Président, nous allons revoir le financement de l'enseignement supérieur en augmentant les sommes allouées aux institutions d'enseignement, tout en nous assurant que les sommes investies soient dépensées de façon beaucoup plus judicieuse. À ce titre, nous mettrons en place, et ce, pour la première fois au Québec, une politique des universités. Nous souhaitons également réduire le niveau d'endettement des étudiants, améliorer le régime d'aide financière et le rendre accessible aux étudiants à temps partiel. Voilà de bonnes nouvelles pour nos jeunes étudiants et étudiantes.
M. le Président, dans un autre ordre d'idées, le discours inaugural que nous a livré le premier ministre comportait également un message clair à l'égard de l'ensemble de la population du Québec. À l'aube de ce nouveau millénaire et en tant que peuple, nous sommes à la croisée des chemins. Notre poids démographique et politique, loin de s'accentuer, diminuera sans cesse, voire dangereusement, au sein du Canada. Dans les faits, cette situation se traduira par une marginalisation encore plus grande du Québec au sein de la fédération canadienne. Déjà, le gouvernement fédéral occupe de plus en plus de place et empiète allégrement dans nos champs de juridiction. Bientôt, le partage des compétences ne signifiera plus rien. Les décisions seront tout simplement prises ailleurs, sans que nous n'ayons plus un mot à dire. La tendance est déjà là. La tendance est lourde de sens et de conséquences. Les bourses du millénaire en constituent un bel exemple.
Alors, que faut-il retenir de tout cela? Souhaitons-nous devenir des témoins impuissants et impassibles face à l'avenir ou souhaitons-nous plutôt être nous-mêmes les acteurs et les décideurs de notre propre avenir? Il faut sérieusement nous demander quel genre d'avenir nous souhaitons pour nos jeunes. Voulons-nous leur léguer un vrai pays disposant de tous ses outils et de tous ses leviers économiques et politiques ou leur léguer un simulacre d'État appauvri par un système fédéral centralisateur qui dessert nos intérêts? Voulons-nous leur laisser en héritage une simple succursale provinciale soumise aux diktats d'un régime conçu et pensé pour servir les intérêts d'une majorité, d'un autre peuple? Enfin, n'est-il pas préférable de gérer ses affaires soi-même plutôt que de se faire dire quoi faire et comment faire par son voisin?
À l'aube de ce nouveau siècle, de ce nouveau millénaire, ces questions doivent être abordées simplement et froidement. Voulons-nous être ou ne pas être un peuple à part entière, avec les responsabilités qui en découlent? Voilà la question, voilà ce à quoi nous devrons réfléchir tous ensemble, au cours des mois à venir. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, je vous remercie, Mme la députée de Rimouski. Je vais maintenant céder la parole à Mme la députée de Bonaventure.
Des voix: Bravo!
Mme Nathalie Normandeau
Mme Normandeau: M. le Président, chers collègues, mesdames, messieurs. Au moment où s'ouvre cette Trente-sixième Législature, je suis très heureuse d'être de ceux et de celles qui ont été choisis pour présider aux destinées du Québec au cours des quatre prochaines années. J'estime que c'est à la fois un honneur et un privilège d'occuper une fonction d'une telle importance. À cet égard, je tiens à remercier notre chef pour la confiance qu'il m'a témoignée et je tiens également à remercier l'ensemble de mes collègues pour l'accueil qu'ils m'ont réservé. Et merci également de votre présence si nombreuse, ici, aujourd'hui.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Normandeau: Je me joins à l'équipe libérale avec fierté et enthousiasme, étant convaincue qu'ensemble nous pouvons relever d'importants défis pour le Québec. La présence accrue des femmes et des jeunes dans ce Parlement témoigne sans aucun doute d'un changement, d'un renouveau dont nous devons nous réjouir, d'un renouveau qui met en lumière la place à laquelle nous sommes conviés sur la scène politique provinciale. Je suis donc très fière d'être de ceux et de celles qui ont choisi de prendre une part active aux grands débats qui contribueront à l'épanouissement de l'ensemble de la population québécoise.
Ma présence ici, je la dois, bien sûr, à la confiance que m'ont témoignée les électeurs du comté de Bonaventure, que je suis d'ailleurs très fière de représenter ici, à l'Assemblée nationale. Je dois également cette élection aux centaines de bénévoles qui ont mis leur talent et leur savoir-faire à contribution lors de la dernière campagne électorale. Je profite de l'occasion qui m'est offerte aujourd'hui pour remercier tous ceux et celles qui m'ont assistée, pour les nombreuses heures qu'ils ont consacrées, de même que pour leur appui et leur confiance de tous les instants. Je tiens d'ailleurs ici à souligner la présence de Mme Louise Brash, qui était organisatrice en chef lors de la dernière campagne électorale, qui est aujourd'hui attachée politique dans mon comté, également Mme Suzanne Cyr, qui fut une bénévole exemplaire. Merci à vous deux.
Merci également à l'Association libérale du comté de Bonaventure pour leur précieux soutien. Évidemment, plusieurs élus municipaux n'ont pas hésité à collaborer et à m'offrir leur support. Je tiens donc à les remercier aussi très sincèrement.
Évidemment, dans cette belle et grande aventure que fut la dernière campagne électorale, mon conjoint et ma famille ont joué un rôle de premier plan. Ils ont été et demeurent toujours des guides très précieux, et je tiens aujourd'hui à les saluer d'une façon particulière.
J'entreprends ce premier mandat avec conviction et le goût de bien servir les citoyens et citoyennes du comté de Bonaventure, ce magnifique et beau comté, comme se plaisait à nous le rappeler celui qui l'a si dignement représenté pendant 37 ans, notre ami M. Gérard D. Levesque. Comme députée nouvellement élue, je constate à mon grand regret que plusieurs batailles livrées par cet homme de talent, Gaspésien avant tout, pour le développement de notre région demeurent encore d'une grande actualité.
Des 17 régions au Québec, la Gaspésie occupe le dernier rang, ce qui lui confère le statut de région la plus économiquement défavorisée. Notre région traverse actuellement une des pires périodes de son histoire sur le plan de son développement local et régional. Devant ce constat peu reluisant, l'ensemble des intervenants régionaux formulent tous le même souhait: que ce statut de région la plus défavorisée ne soit que passager.
Si les autorités politiques régionales, la population et les acteurs qui évoluent sur la scène socioéconomique sont conscients de la nécessité de se prendre en main, le gouvernement provincial a lui aussi la responsabilité de créer des conditions qui permettront aux Gaspésiennes et aux Gaspésiens de grandir, de prospérer et de mieux vivre. Les conditions de développement pour la Gaspésie vont bien au-delà de la simple idéologie ou de la simple partisanerie. Elles nécessitent plutôt des actions concertées, concrètes, efficaces et adaptées. Le traitement doit cependant être musclé. Et, comme députée, je martèlerai cette nécessité non seulement de préserver nos acquis, mais également de mettre en place des mesures porteuses d'avenir. L'essor économique du Québec ne peut se faire sur la base de l'exclusion. Dans ce sens, le gouvernement actuel a un rôle primordial à jouer afin de favoriser l'intégration de l'économie gaspésienne à l'ensemble de l'économie québécoise.
Au Sommet national de l'économie et de l'emploi en 1996, la région de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine a proposé quatre projets susceptibles d'améliorer la qualité de vie des Gaspésiennes et des Gaspésiens. Quatre dossiers furent soumis: la cimenterie de Port-Daniel, le parc et l'usine de fabrication de pièces éoliennes, la modernisation de l'usine Gaspésia et le développement du parc de la Gaspésie. Près de trois ans plus tard, le constat est désolant. Le gouvernement du Parti québécois n'a pas livré la marchandise. La cimenterie de Port-Daniel n'est toujours pas ouverte. La modernisation de l'usine Gaspésia se fait toujours attendre. Et, aujourd'hui, c'est toute la MRC de Pabok qui est paralysée par l'arrêt complet des activités de plus de 500 travailleurs. Cette région retient en ce moment sa respiration dans l'attente d'une décision gouvernementale qui statuera sur l'avenir de cette importante industrie pour la Gaspésie.
(17 h 30)
Contrairement à ce que le premier ministre affirmait hier dans son discours inaugural, l'optimisme n'est pas de retour, du moins dans notre région. Et le chômage, lui, se situe toujours au-dessus des 20 %, alors que l'écart avec la moyenne québécoise s'est agrandi depuis l'arrivée au pouvoir du Parti québécois. Si le gouvernement actuel refuse le fatalisme, en Gaspésie, l'heure est au scepticisme. Devant le souhait formulé par le gouvernement de tenir d'autres sommets, qu'ils portent sur la jeunesse ou l'emploi, les résultats qu'a obtenus notre région jusqu'à maintenant n'ont pas été convaincants.
Comme députée représentant un comté où la forêt est une ressource de première importance, il est très surprenant de constater à quel point les ressources naturelles ont brillé par leur absence dans le discours inaugural du premier ministre. Doit-on comprendre qu'elles ne font l'objet d'aucune priorité gouvernementale? Pourtant, plusieurs milliers d'emplois en Gaspésie en dépendent, également à travers la province, donc, emplois qui dépendent intimement de cet important secteur d'activité.
Au même moment où le gouvernement se targue que l'économie se porte bien, il doit déployer des efforts importants pour atteindre ce qu'il appelle l'appauvrissement zéro et l'exclusion zéro. Au-delà des chiffres et des statistiques, la pauvreté nous renvoie à une dure réalité et à une réalité surtout très complexe. L'ensemble des parlementaires de cette Chambre ont donc la responsabilité de mettre des moyens de l'avant afin de combattre non seulement la pauvreté, mais également l'appauvrissement.
Avec un nombre trop important de prestataires de la sécurité du revenu et de personnes dites sans chèque, plusieurs Gaspésiennes et Gaspésiens sont quotidiennement confrontés à la réalité de la pauvreté. D'ailleurs, mon expérience dans le domaine communautaire, notamment dans un comptoir d'aide alimentaire, au cours des trois dernières années me permet d'affirmer aujourd'hui sans équivoque que les statistiques de pauvreté n'ont cessé de croître dans notre région.
Comme députée de Bonaventure, j'entends défendre les intérêts de mes concitoyens en m'assurant que les politiques mur à mur du gouvernement ne viennent pas davantage détériorer leur situation. Mes souhaits comme députée portent également sur l'amélioration du mieux-être des personnes âgées vivant sur le territoire gaspésien et également sur la nécessité et l'obligation de freiner l'exode des jeunes de ma région.
J'ose espérer, M. le Président, que le gouvernement posera des gestes positifs qui permettront à la jeunesse gaspésienne d'entrevoir l'avenir avec un peu plus d'espoir. Je me ferai un devoir et une obligation d'être leur porte-parole à l'Assemblée nationale pour que soient mises en place des actions susceptibles d'influencer de façon positive les générations à venir et d'offrir à notre jeunesse des perspectives d'avenir intéressantes.
Au moment où la réalité de la pauvreté nous renvoie à la nécessité et à l'urgence d'être solidaires, il est remarquable de constater à quel point le gouvernement, avec le débat sur la souveraineté, nous entraîne dans la voie de la division et de la confrontation. Plutôt que de nous solidariser, ce débat a contribué et contribue toujours à nous désunir. Si ce gouvernement se soucie vraiment de ce que le Québec veut, il devra mettre son option en veilleuse et gouverner conformément au mandat que les électeurs lui ont confié le 30 novembre dernier. Ce n'est qu'ainsi, peut-on l'espérer, que le nouveau millénaire permettra à la Gaspésie de retrouver le chemin de la prospérité.
Des voix: Bravo!
Mme Normandeau: Je m'engage à poursuivre les efforts en travaillant, en déployant de l'énergie, une énergie sans borne pour servir la population de mon comté le plus efficacement possible. La population gaspésienne a été mise à l'écart trop longtemps. Je termine ceci, M. le Président, en vous disant que je souhaite vivement contribuer à redorer l'image de ma Gaspésie natale, une région qui aujourd'hui en a grandement besoin. Je vous remercie de votre attention.
Des voix: Bravo!
Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la députée de Bonaventure. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Groulx. M. le député.
M. Robert Kieffer
M. Kieffer: M. le Président, je serai bref afin de permettre à mes consoeurs et confrères la possibilité de s'exprimer avant l'ajournement.
Permettez-moi de remercier les citoyens et les citoyennes des trois villes qui composent...
M. MacMillan: Question de règlement.
Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le député de Papineau, question de règlement.
M. MacMillan: M. le Président, la première journée dans nos débats, aujourd'hui, il faudrait quand même expliquer aux gens, selon l'article 32, Décorum à l'Assemblée, qu'on est assis à notre siège, s'il vous plaît.
Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vois qu'il y en a plusieurs qui changent de siège. Ha, ha, ha! C'est vrai que c'est écrit. Alors, je vous invite à le respecter, mais il faudrait que tout le monde le fasse, tout le temps. Ce n'est pas toujours le cas. Il y a une tolérance. Alors, M. le député de Groulx, je vous cède la parole.
M. Kieffer: Alors, si le député de Papineau a terminé avec...
M. MacMillan: ...
Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, vous tenez vraiment à le respecter vous-même.
M. MacMillan: Bien oui, je suis ici, là.
Le Vice-Président (M. Brouillet): Mais pas seulement pour le moment présent, là, tout le temps. C'est correct, je m'en souviendrai. Alors, ceux qui ne sont pas à leur place, s'il vous plaît, allez donc prendre votre place. Et on le rappellera comme ça assez souvent, à tour de rôle. Alors, très bien. M. le député de Groulx.
M. Kieffer: Alors, M. le Président, permettez-moi au tout départ de saluer les hommes et les femmes, les citoyens et les citoyennes du comté de Groulx, des trois villes que sont Boisbriand, Sainte-Thérèse et Rosemère, d'avoir renouvelé leur confiance en leur député. Non seulement ont-ils renouvelé leur confiance, ils m'ont permis d'améliorer ma majorité par plus de 2 000 voix.
Une voix: Bravo!
M. Kieffer: Ils ont aussi participé massivement à l'élection, plus de 80 % des hommes et des femmes de mon comté, et ont exprimé clairement leur choix vis-à-vis un gouvernement, vis-à-vis un parti et vis-à-vis leur candidat qui était aussi leur député. Je veux aussi remercier les militants et les militantes qui m'ont accompagné, je dirais, au moins les sept dernières années. Ensemble, nous avons été en mesure de remporter quatre grandes victoires. Rappelons-nous Charlottetown, 1992, que nos avons battu dans le comté. Rappelons-nous 1994, mon élection, que nous avons gagnée, le référendum, que nous avons aussi gagné, et maintenant cette deuxième élection. Ces hommes et ces femmes qui ont cru en notre parti, qui ont cru en notre option et qui ont cru en leur candidat, du fond de mon coeur, je leur dois tout et je les en remercie.
Que faut-il retenir, maintenant, du discours de notre premier ministre? Redonner l'espoir, c'est probablement l'élément le plus important du discours que nous a livré hier M. Bouchard. Et redonner l'espoir en ce tournant du millénaire, c'est aussi repartir, c'est aussi pouvoir dire aux hommes et aux femmes du Québec qu'enfin nous avons réglé, nous avons définitivement résolu le problème de l'héritage que nous avait laissé le Parti libéral en 1994.
(17 h 40)
Rappelons-nous un peu 1994, c'était plus de 13 % de chômage, c'était un déficit, cette année-là, supérieur à 5 700 000 000 $ et c'était une dette qui avait doublé durant les neuf années où le Parti libéral avait été au pouvoir. Ça n'a pas été facile. Ça a même été difficile. On a réussi, comme gouvernement et comme parti, à passer à travers parce que nous avons réussi à aller chercher les consensus, parmi les citoyens et les citoyennes du Québec, qui allaient nous permettre et qui vont nous permettre, dès cette année, d'atteindre le déficit zéro et même de pouvoir réinvestir de nouveau dans la société québécoise, dans son projet.
M. le premier ministre a justement souligné qu'il nous fallait, dans ce nouveau mandat, investir dans notre jeunesse. Nous serons tous, à plus ou moins long terme, hors des circuits actifs. Nous serons tous près de notre retraite. Il nous faut dès maintenant penser à assurer la relève, et c'est probablement ce que je retiens de plus fort dans le message que nous a livré notre premier ministre. Ça va de la petite enfance à l'université. Chaque catégorie d'âge verra la mise en place de programmes qui lui permettront de relever les défis qui lui appartiennent: que ce soit le maintien de la garde à 5 $, que ce soit l'assurance que les pensions alimentaires seront perçues et payées dans des délais très courts, 30 jours, que ce soit aussi la lutte à l'échec, à l'abandon, à la désespérance qui fait que trop souvent les jeunes de notre société décrochent, que ce soit l'accent que nous allons porter dans nos écoles sur ce que j'appelle les matières fondamentales: le français, l'histoire, les mathématiques, pour donner aux jeunes la base solide qui va ensuite leur permettre d'affronter les défis de l'âge adulte.
En économie, quelques éléments qui m'apparaissent des pistes très intéressantes pour continuer la relance de l'économie québécoise, entre autres, parce qu'elles me touchent personnellement, les mesures de prévention de fermeture d'usines que le gouvernement va mettre en place, à toutes fins pratiques qu'il va consacrer, parce qu'elles existent déjà, ces mesures. J'en suis un témoin privilégié, parce que j'ai eu, ces deux dernières années, à faire face à des dangers, à des risques, à des avis de fermeture. Premièrement, dans le cas de la Kenworth, que nous avons réussi, que mon gouvernement a réussi à relancer. Il y aura très bientôt, d'ici deux mois, le rappel des travailleurs et des travailleuses qui avaient été mis à pied il y a maintenant tout près de deux ans, suite à un investissement de plus de 120 000 000 $. C'est énorme. Si nous avons été en mesure de relancer cette usine, c'est parce que notre gouvernement y est allé à fond, notre ministre de l'Économie y est allé à fond.
J'ai aussi eu à faire face à une éventualité tout aussi grave, qui est celle des risques d'une fermeture de l'usine GM. Je veux assurer les hommes et les femmes du comté de Groulx et l'ensemble des Québécois et des Québécoises qui, directement ou indirectement, sont associés à la production, à l'assemblage des automobiles à l'usine de Sainte-Thérèse que nous allons y mettre autant d'efforts, autant de persévérance, autant d'imagination que nous l'avons fait dans le cas de Kenworth. Et je maintiens et je continue à croire profondément que nous allons y arriver et que d'ici quelques mois nous serons en mesure d'annoncer que, oui, les travailleurs et les travailleuses de GM ont raison d'être fiers, et que, oui, on peut faire des alliances stratégiques originales entre des institutions québécoises et une multinationale, et, oui, que nous serons en mesure de relancer l'usine de General Motors.
Et, à cette fin, je tiens à remercier le premier ministre de m'avoir confié la fonction d'adjoint parlementaire au vice-premier ministre et ministre de l'Économie et des Finances, avec comme mandat principal l'industrie automobile. Je ne suis pas tombé dedans à la naissance, mais ça fait un bout que j'y trempe, et soyez assurés que je saurai y mettre toute l'énergie nécessaire pour parvenir à faire en sorte que nous remportions un autre succès.
Alors, sur ce, je vous remercie, je remercie les citoyens et les citoyennes, encore une fois, de m'avoir réélu. Et nous saurons mener à bon terme et à bon port notre projet. Merci.
Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Groulx. Je vais maintenant céder la parole à Mme la députée de La Pinière. Mme la députée.
Mme Fatima Houda-Pepin
Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. M. le Président, mes premiers mots sont pour remercier mes électrices et électeurs, qui m'ont renouvelé leur confiance pour un deuxième mandat à titre de députée de La Pinière. Ce niveau de confiance a été clairement exprimé dans le taux de participation des électeurs autour de 81 % et dans une majorité de plus de 12 000 voix qu'ils m'ont accordée.
Je tiens également à remercier mes collaboratrices et collaborateurs ainsi que les membres de ma famille, plus particulièrement mon mari et mes deux filles, Anoual et Tamy, qui me supportent dans mon engagement au prix de grands sacrifices.
Je profite de cette occasion pour dire aux jeunes femmes qui veulent s'impliquer en politique active: oui, il est possible de concilier la vie familiale et les exigences de la vie publique. Quand j'ai été élue pour la première fois, mes filles avaient respectivement 10 et 11 ans. Elles ont toujours été là pour m'appuyer et m'encourager. Je voudrais aujourd'hui leur rendre hommage pour leur patience et pour le temps qu'elles me prêtent afin de me libérer de mes responsabilités familiales pour servir les intérêts des citoyens de La Pinière et les intérêts supérieurs du Québec. Je me réjouis d'ailleurs que l'Assemblée nationale compte 29 femmes parmi la députation de la Trente-sixième Législature. Nous sommes encore loin de l'égalité, mais c'est un progrès digne de mention.
C'est donc avec fierté et enthousiasme que j'entreprends mes nouvelles fonctions, en plaçant les citoyens au centre de mes préoccupations. Le 30 novembre dernier, les électeurs du Québec ont envoyé un message clair au gouvernement en accordant la pluralité des voix au Parti libéral du Québec. Dans La Pinière, le Parti québécois a perdu plus de 1 000 voix comparativement à l'élection de 1994, ce qui témoigne de la satisfaction des citoyens à l'égard de leur députée libérale et de leur insatisfaction à l'égard du gouvernement péquiste.
Dans son discours inaugural, présenté hier devant cette Assemblée, le premier ministre a brossé un tableau rose du bilan de son gouvernement, passant sous silence les problèmes criants dont souffre la population: qu'on pense aux urgences qui débordent, aux patients qui engorgent les corridors et aux infirmières qui croulent sous l'épuisement d'une charge de travail inhumaine; qu'on pense à nos universités, à nos collèges, à nos écoles primaires et secondaires qui ont eu à assumer des compressions sévères qui mettent en péril l'une des missions essentielles de l'État, c'est-à-dire l'éducation. Et que dire de l'avenir de toute une génération.
Dans le domaine de la santé, la situation est très critique en région. En Montérégie, les coupures ont atteint 6 000 000 $ en trois ans, de 1995 à 1997, incluant le déficit d'opération. L'improvisation du gouvernement péquiste en matière de départs incitatifs a eu pour conséquence la perte de 1 200 membres du personnel soignant, dont 110 médecins, 43 spécialistes et huit anesthésistes, et ce, en Montérégie seulement. De plus, la situation des centres jeunesse y est très critique, avec des listes d'attente qui ne cessent de s'allonger.
(17 h 50)
Le virage ambulatoire a eu également des conséquences dramatiques sur les personnes atteintes de maladie mentale. Il s'agit là d'une problématique majeure aggravée par la sectorisation des services par région. Le manque à gagner, pour la Montérégie, au seul chapitre de la santé mentale est de l'ordre de 65 000 000 $. L'impact immédiat se traduit par une pénurie de psychiatres, d'infirmières, de travailleuses sociales, d'ergothérapeutes, de psychologues, sans compter que les équipes externes sont très peu outillées pour prendre soin des malades et que les familles sont essoufflées et débordées. Le manque à gagner pour l'ensemble de la Montérégie dans le domaine de la santé et des services sociaux est estimé à 200 000 000 $. J'interpelle la ministre de la Santé et des Services sociaux, députée de Taillon, qui est également ministre responsable de la Montérégie, et l'exhorte à s'assurer que dès le dépôt du budget, prévu pour le 9 mars prochain, l'inéquité financière dont souffre la Montérégie sera corrigée.
Sur le front économique, les politiques du gouvernement péquiste ont placé le Québec à la remorque des autres provinces, avec une croissance économique anémique et un taux de chômage fort élevé. Les Québécois sont les plus taxés en Amérique du Nord et les revenus des particuliers ne cessent de s'éroder comparativement aux autres provinces canadiennes. De plus, les petites et moyennes entreprises, principales créatrices d'emplois au Québec, sont accablées par un fardeau réglementaire qui n'a pas d'égal dans les juridictions limitrophes. Ce poids considérable pour les entreprises est un véritable frein au développement du plein potentiel économique du Québec et fait fuir les investisseurs étrangers intéressés à s'établir chez nous. Lors de son précédent mandat, le gouvernement péquiste n'a pas réussi à lever ces barrières.
L'instabilité politique engendrée par la menace d'un autre référendum à l'horizon de l'an 2000 n'a rien de rassurant pour les investisseurs. En effet, le spectre de la souveraineté est et demeurera sans aucun doute l'option politique la plus coûteuse qui soit. La détérioration du climat économique a eu pour effet d'endommager le tissu social. Les pauvres sont de plus en plus pauvres, et la classe moyenne s'appauvrit graduellement à cause du fardeau fiscal et de l'augmentation des taxes. Dans mon propre comté, les citoyens sont excédés du niveau de taxation et de la détérioration des services publics. Ils veulent des emplois et une économie qui fonctionne à la hauteur de nos compétences et de notre potentiel. Or, la création d'emplois a été littéralement sacrifiée par le gouvernement péquiste sur l'autel de la souveraineté. Les jeunes sont les premiers perdants dans cet exercice périlleux qui ne cesse de diviser les Québécois entre eux.
L'un des domaines économiques créateurs d'emplois est certainement le secteur des nouvelles technologies de l'information. À cet effet, je tiens à remercier mon chef, M. Jean Charest, qui m'a confié le dossier de l'autoroute de l'information et des services gouvernementaux. L'inforoute est un créneau porteur d'avenir, et, à titre de porte-parole de l'aile parlementaire libérale, je compte bien exercer toute la vigilance requise pour forcer le gouvernement à agir dans les meilleurs intérêts des Québécois qui oeuvrent dans ce domaine. À cet effet, je tiens à rappeler le gouvernement à ses devoirs. L'autoroute de l'information offre une opportunité unique qui pourrait nous propulser parmi les sociétés les plus avant-gardistes au monde dans le domaine des technologies de l'information.
Or, au-delà des symboles qui ont amené le premier ministre à créer un nouveau ministère de l'autoroute de l'information, il y a la réalité, une réalité amère qui a conduit le professeur Michel Cartier, de l'Université du Québec à Montréal, à sonner l'alarme et à constater que le gouvernement péquiste est en train de manquer le bateau dans ce domaine névralgique. Montréal ne figure même plus sur la liste des 80 technopoles du monde, qui se sont affirmées internationalement comme pôles d'attraction des nouvelles technologies de l'information.
Le professeur Cartier n'a pas été très tendre dans ses propos à l'égard du vice-premier ministre, qui prétend détenir la clé du succès de la Cité du multimédia. Dans un article paru dans La Presse du 6 février dernier et intitulé La technologie de l'information déferle entre les doigts de Montréal , Michel Cartier affirme ceci: «Le vice-premier ministre dit connaître les technologies de pointe, mais, dans le fond, il ne sait même pas ce qu'est le Web. Quand on se parle entre nous, on se trouve bien bons, mais on déchante vite quand on constate que nulle part ailleurs dans le monde on est vu comme un acteur crédible.»
Voilà la triste réalité de ce gouvernement qui n'hésite pas à user des fonds publics pour promouvoir, au Québec et à l'étranger, sa propre option de la séparation, alors que les intérêts des Québécois commandent qu'il s'acharne à créer des emplois et un climat favorable à l'investissement et à la croissance économique.
Motion de censure
En terminant, M. le Président, je présente la motion de censure suivante:
«Que l'Assemblée nationale blâme sévèrement le gouvernement du Parti québécois pour son absence de mesure concrète favorisant l'émergence de l'économie du savoir et des nouvelles technologies de l'information.»
Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la députée de La Pinière. Alors, il n'y a pas d'autres intervenants actuellement sur le débat.
Vous savez que nous avons un débat de fin de séance. Alors, si vous êtes d'accord, nous allons procéder immédiatement au débat de fin de séance. En principe, c'est à 18 heures, mais, s'il y a accord, on va entreprendre le débat de fin de séance immédiatement. Le député de Notre-Dame-de-Grâce est avec nous, et Mme la ministre. Alors, ça va.
Vous savez que ce débat de fin de séance donne suite à la période de questions. Quand un député de l'opposition juge qu'un sujet n'a pas été assez approfondi, un sujet qui a fait l'objet d'une question à un ministre ou à une ministre, il peut demander ce débat de fin de séance. Et nous allons précisément, actuellement, assister à ce débat-là, à la demande du député de Notre-Dame-de-Grâce, question qui s'adressait à Mme la ministre de la Famille et de l'Enfance au sujet des travailleurs et travailleuses en garderie. Alors, le débat va porter sur ce sujet-là.
M. le député a un cinq minutes d'intervention, Mme la ministre, cinq minutes, et nous terminons par une réplique de deux minutes du député. Alors, je suis prêt à céder la parole maintenant à M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.
Débats de fin de séance
Engagements du gouvernement envers les travailleurs en garderie
M. Russell Copeman
M. Copeman: Merci, M. le Président. C'est rare d'avoir autant de collègues présents à un débat de fin de séance, mais ça fait du bien.
M. le Président, on tenait à faire un débat de fin de séance avec la ministre de la Famille et de l'Enfance à cause de deux raisons principales. Évidemment, la question a été posée très tard dans la période des questions, et la réponse de la ministre était peu conclusive, quant à moi.
Je vous donne la mise en scène, M. le Président. Il y a une urgence qui va survenir très bientôt. Le 6 mars, les 2 600 travailleurs et travailleuses en garderie vont examiner des moyens de pression pour que le Parti québécois respecte ses engagements, ses promesses faites lors de la campagne électorale à leur égard. Il est urgent d'agir, M. le Président, parce que, selon même les propos des représentants des syndicats, ça peut aller jusqu'à une grève générale illimitée qui touchera plus de 200 garderies et des milliers d'enfants et de parents au Québec.
M. le Président, il y a un consensus que ces travailleurs et travailleuses sont généralement sous-payés et qu'ils ne reçoivent pas une rémunération à la hauteur de leurs responsabilités. Je peux en témoigner, M. le Président. J'ai une fille qui est dans un centre à la petite enfance présentement, mes deux garçons ont passé par des garderies à but non lucratif. On peut témoigner que c'est la situation qui existe. Mais, évidemment, s'il y a un consensus là-dessus, comme on dit, le diable est dans les détails. Le diable est dans les détails.
Je veux faire remarquer simplement les tergiversations de ce gouvernement au sujet de la table de négociation centrale réclamée par la CSN. À l'étude des crédits, le 7 mai 1998, la ministre de la Famille et de l'Enfance d'alors, qui est toujours titulaire aujourd'hui, a indiqué, et je la cite: «M. le Président, nous ne négocions pas je vais le répéter, nous ne négocions pas avec les représentants syndicaux, peu importe qu'ils soient membres d'une centrale ou d'un regroupement de travailleurs ou travailleuses.» C'était la déclaration de la ministre il y a à peu près un an.
(18 heures)
Par contre, pendant des conférences de presse, le 5 novembre et le 6 novembre, en pleine campagne électorale, son chef a dit autre chose. Son chef a dit autre chose. Il a dit, à l'égard d'une table centrale de négociation: «Je suis allé loin, là. Je suis conscient que, le jour qu'on serait assis à la table de négociation, ils vont me rappeler ce que je viens de dire.» Et, le lendemain, M. le Président, le premier ministre a dit: «On assistera probablement, dans ce domaine, à ce qu'on a vu dans le secteur de l'éducation et de la santé.» Il parlait du développement d'une table centrale de négociation. Il dit: «On va probablement assister à un même phénomène et nous sommes prêts c'est son parti qui parle nous reconnaissons que ce sera légitime.»
Bien, là, M. le Président, il y a une confusion. Il y a une incohérence, parce que, aujourd'hui même, la ministre a indiqué, lors de la période de questions, qu'il ne s'agissait pas de négocier avec des syndicats, avec une table centrale de négociation. Puis c'est ça qu'elle a dit il y a un an. Par contre, son chef a dit, en pleine campagne électorale... Je tiens à vous le souligner, M. le Président, en pleine campagne électorale, le chef de son parti indique: «On est prêt à ce genre de négociations.»
M. le Président, cette incohérence est grave. Ça entraîne des situations qu'on vit présentement. La ministre a également dit aujourd'hui: «Essentiellement, ça va bien.» Ça va bien, M. le Président? Je vous réfère à un article dans Le Soleil , le 1er mars, récemment: Menace de grève. Les travailleuses de garderie en ont marre d'attendre . Ça va bien, selon la ministre. Ça va excessivement bien, il y a une menace de grève. Il y a une certaine incohérence, M. le Président. Comme parent avec un enfant dans un CPE, je constate que ça ne va pas bien, quand on a des manchettes dans les journaux comme quoi il y aura menace de grève. Ça ne peut pas se tenir debout, tout ça.
Alors, M. le Président, j'ai demandé, lors de la période de questions, à la ministre quel geste concret... Et je le répète parce qu'elle n'a pas répondu à la question: Quel geste concret est-ce que le gouvernement va poser pour éviter une situation potentiellement grave comme un débrayage général et illimité dans plus de 200 garderies au Québec? C'est ça, la question, M. le Président. J'attends une réponse spécifique de la ministre de la Famille et de l'Enfance. Merci.
Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. Alors, je cède la parole à Mme la ministre de la Famille et de l'Enfance. Mme la ministre.
Mme Pauline Marois
Mme Marois: Merci beaucoup, M. le Président. Évidemment, c'est l'opposition qui établit l'ordre de ses questions, et, quand on se lève trois minutes avant la fin pour poser une question, il est à peu près normal qu'on n'ait pas la possibilité, par la suite, de poser une sous-question ou une question supplémentaire. Mais ça, le député n'a à s'en prendre qu'à sa formation politique.
Cela étant, il a tenté d'interpréter les propos du premier ministre. Et, comme j'étais avec le premier ministre au moment où il les a prononcés, disons que je pourrai témoigner que le sens de l'intervention du premier ministre était de reconnaître les conditions salariales des travailleuses en garderie... C'est-à-dire, les propos du premier ministre étaient à l'effet de reconnaître qu'il y avait lieu d'améliorer les conditions salariales et les conditions de travail des personnes qui sont en garderie et dans les centres de la petite enfance. Et je suis persuadée qu'il les répéterait à nouveau aujourd'hui. Et, d'une façon symbolique, il a dit: Lorsqu'on sera à une table de négociation, d'ailleurs, bien sûr on me rappellera mes propos, au sens où évidemment, comme premier ministre du Québec, je dois m'engager et je m'engage à améliorer cette situation.
Pour ce faire, cependant et c'est ça que le député ne comprend pas ou ne veut pas comprendre nous devons respecter aussi les lois que nous nous sommes données. Alors, les lois que nous nous sommes données sont à l'effet de compter sur les centres de la petite enfance, qui sont des organisations autonomes du gouvernement, complètement, qui ont leur propre conseil d'administration, qui ont leur propre direction générale et qui sont, à titre d'employeurs, ceux et celles qui négocient avec leurs travailleurs et leurs travailleuses.
Nous, comme gouvernement, on a à s'assurer que ces établissements, ces corporations aient les ressources nécessaires pour couvrir les besoins et les services qu'elles rendent, ces institutions. Donc, ça veut dire évidemment payer le personnel, assurer l'adéquation des locaux, les instruments pédagogiques, les jeux, etc., et la formation de leur personnel. Alors, en ce sens-là, nous allons respecter nos engagements.
Nous pensons qu'il y a un redressement à faire. Il est nécessaire de le faire. À quel rythme pourrons-nous le faire? Sur quelle période? Parce que, évidemment, si on devait faire les corrections d'une façon, je dirais, instanter, à un seul moment dans le temps, probablement que les sommes concernées seraient à ce point importantes qu'on n'y arriverait pas. Mais cependant on peut établir un plan, un échéancier et, donc, couvrir cette réalité-là. Et je crois qu'il faut le faire, et c'est ce que le premier ministre a dit.
Par ailleurs, la question soulevée par mon collègue est à savoir si ça ne causera pas des inconvénients aux parents. C'est évident. Et, moi, je souhaite que les travailleuses et les travailleurs en garderie même si elles sont beaucoup plus nombreuses comprennent le message qu'on leur a fait, d'ailleurs que ma collègue la ministre déléguée à la Famille et à l'Enfance leur a fait pas plus tard que lundi dernier.
J'ai moi-même rencontré un groupe de représentants à mon bureau de comté. En fait, on s'est vus un peu sous la pluie, puisque je quittais mon bureau pour une réunion, mais on a eu un échange, et j'ai réaffirmé ces propos. Je les réaffirme aujourd'hui.
Donc, nous allons aller en ce sens, c'est-à-dire de corriger les problèmes que l'on connaît. Et ce serait dommage qu'on fasse payer le prix actuellement aux parents et aux enfants d'une grève qui, à mon point de vue, à ce moment-ci je le dis bien simplement n'est pas utile, compte tenu que la sensibilité est là, les moyens, nous les trouverons, nous prendrons le temps qu'il faut pour ce faire, et l'institution où cela doit se passer existe. Nos codes du travail et nos modes d'organisation prévoient cela.
Alors, en ce sens, il me semble que ce serait préférable que l'on continue à discuter avec les conseils d'administration des institutions, avec le gouvernement aussi. Nous ne refusons pas des échanges pour comprendre bien qu'est-ce qu'il serait possible de faire, selon quelle échéance. Et, dans cette perspective-là, j'invite les travailleuses et les travailleurs en garderie dans nos centres à la petite enfance... Oui, de poser des gestes symboliques, je pense que c'est nécessaire, dans une société, lorsqu'on veut se faire entendre, mais est-ce qu'on peut le faire sans que ça cause d'inconvénients aux parents et aux enfants qui fréquentent ces centres?
Je rappellerai au député de Notre-Dame-de-Grâce que je fus la première à constater qu'il y avait ce problème au sein de nos centres, à savoir une rémunération inadéquate des éducatrices, et que ça a été le premier geste que j'ai posé à mon entrée au gouvernement en 1994.
Le Vice-Président (M. Brouillet): On vous remercie, Mme la ministre. M. le député, pour votre réplique de deux minutes.
M. Russell Copeman (réplique)
M. Copeman: Merci, M. le Président. La ministre de la Famille et de l'Enfance a tombé facilement dans son ancien rôle comme ministre de l'Éducation, sauf que je dois lui dire que je n'ai vraiment aucune leçon ou cours à prendre d'elle concernant l'organisation des centres à la petite enfance ni des garderies au Québec, comme utilisateur de services depuis longue date. Alors, je sais tout ce qu'elle a indiqué. On n'a pas besoin de prendre des leçons de la part de Mme la professeure, ministre de la Famille et de l'Enfance.
M. le Président, si j'ai mal compris les propos du premier ministre, si la ministre nous parle maintenant d'une façon symbolique de vouloir négocier centralement, bien, c'est parce que, également, M. le Président, la CSN a mal compris les propos du premier ministre. Parce que c'est la CSN qui réclame que le Parti québécois respecte cette promesse et vienne à une table centrale de négociation, semble-t-il. Moi, je n'ai pas compris. Ah! on regrette, la CSN n'a pas compris non plus. La seule qui comprend de quoi, évidemment, c'est la ministre de la Famille et de l'Enfance. Mais ce n'est pas comme ça que ça marche, dans la vraie vie, M. le Président.
(18 h 10)
La CSN a compris que le premier ministre prenait un engagement d'aller à une table centrale de négociation. Le premier ministre, c'est ça qu'il a dit. C'est ça qu'ils ont compris. Mais là la ministre dit: Non, ce n'est pas tout à fait ça, c'était plutôt symbolique, ses propos. Bien, M. le Président, c'est ce genre d'incohérence et de tergiversation qui nous mènent dans une situation où il y a une menace de grève. C'est ça qui arrive, M. le Président, quand on est incohérent avec des personnes. À un moment donné, les personnes disent: Les politiciens, on ne peut pas laisser leurs promesses électorales s'envoler comme du vent. Non, ils tiennent à faire respecter ces promesses.
Si la ministre a rencontré des représentants de la CSN à son bureau de comté, M. le Président, si mes faits sont exacts, à un moment donné, aussi, elle a été obligée de faire venir la police pour les mettre dehors. Si c'est comme ça...
Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. Ceci met fin au premier débat de fin de séance.
Suites au rapport de la commission Poitras sur le fonctionnement de la Sûreté du Québec
Et nous allons entreprendre le deuxième, entre le député de Saint-Laurent et M. le ministre de la Sécurité publique, à propos des suites à donner au rapport Poitras, sujet qui a fait l'objet d'une question à la période de questions d'aujourd'hui. Alors, M. le député de Saint-Laurent, pour une intervention de cinq minutes.
M. Jacques Dupuis
M. Dupuis: Je vous remercie, M. le Président. Évidemment, les règles strictes qui prévalent à la période de questions m'ont empêché de répondre à la partie flatteuse des propos que le ministre a entretenus à mon égard. Alors, évidemment, je ne me serais pas privé du plaisir de le faire aujourd'hui, et l'opportunité du débat de fin de séance m'en donne la possibilité. Ça mettra du baume sur ses plaies vives, puisqu'il m'a reproché de le garder à Québec un petit peu plus tard que prévu.
Évidemment, M. le Président, le ministre de la Sécurité publique, dans son autre vie, a exercé le métier d'avocat de défense, et je lui ai toujours reconnu, à cette époque, des qualités d'éloquence certaines, de connaissance et de compétence. Et je veux lui rendre hommage aujourd'hui pour le travail qu'il a accompli dans cette vie. Il avait également, à cette époque, un certain courage. Malheureusement, je suis obligé de dire que la vie politique lui en a fait perdre considérablement. J'en veux pour preuve, évidemment, les réactions qu'il a depuis que la commission Poitras a déposé son rapport, et évidemment et ça faisait l'objet d'une question cet après-midi les suites qu'il entendait donner au rapport Poitras.
À date, je ne comprends pas que le ministre n'ait pas réalisé, au moment où la commission Poitras a déposé son rapport... et qu'il ait eu le temps d'en prendre connaissance, c'est-à-dire environ un mois, pour aller en conférence de presse annoncer rien, strictement rien, aller simplement dire qu'il défendait la nomination qu'il avait faite, en 1994, du directeur de la Sûreté du Québec. Et, si le ministre, d'ailleurs, avait terminé de lire le rapport au moment où il a fait sa conférence de presse, il se serait probablement empêché de vanter les mérites de M. Barbeau, puisque la commission Poitras, dans le rapport, elle-même indiquait que M. Barbeau avait manqué de loyauté à l'égard du ministre lorsque, évidemment, les faits qui ont donné lieu à la commission Poitras avaient été rendus publics.
Le ministre, donc, depuis ce temps, s'est défilé à chaque fois qu'il a eu la possibilité de donner une orientation sur la réforme qui doit s'entreprendre à la Sûreté du Québec. M. le Président, l'Association des policiers provinciaux du Québec, le Syndicat des policiers de la Sûreté du Québec, par la voix de son président... Le jour où le ministre a rendu public le rapport de la commission Poitras, le président a indiqué qu'il était prêt à collaborer avec le ministre, avec le gouvernement pour une réforme importante de la Sûreté du Québec. Le ministre n'a même pas été capable de saisir la balle au bond et de profiter du momentum qui existait au moment de sa conférence de presse pour dire: Très bien, assoyons-nous, discutons et entreprenons cette réforme.
Le ministre n'a pas réalisé, à ce moment-là, M. le Président, que la Sûreté du Québec allait subir encore un dur coup par les révélations qui étaient faites à l'intérieur du rapport Poitras. Mais le ministre n'a pas réalisé non plus que la majorité des policiers de la Sûreté du Québec, la très grande majorité des policiers de la Sûreté du Québec, souhaitent cette réforme, puisque ces gens-là doivent continuer, au moment de la conférence de presse du ministre, depuis ce temps-là, encore aujourd'hui et encore ce soir, à patrouiller le territoire du Québec, à enquêter des actes criminels qui sont commis sur le territoire du Québec, et ils ont besoin bien sûr de toute l'autorité nécessaire pour le faire. S'il avait fallu prendre pour acquis qu'au moment où le ministre faisait sa conférence de presse on fermait les portes de la Sûreté du Québec, je comprends que le ministre aurait pu, à ce moment-là, n'avoir aucune espèce de réaction. Mais la Sûreté du Québec continuait d'exercer ses fonctions et elle se devait de les exercer avec autorité.
Et le ministre devait faire preuve de responsabilité et au moins annoncer un certain nombre de réformes dès sa conférence de presse, des réformes qui étaient évidentes, comme celles que j'ai mentionnées cet après-midi à la période de questions. La Loi sur l'organisation policière lui permet de faire une inspection de l'administration de la Sûreté du Québec. Il aurait dû, au minimum, ce jour-là, annoncer qu'il entreprenait cette inspection. Il aurait au moins donné le ton et il aurait au moins indiqué qu'il y avait une volonté politique. Mais, depuis ce temps-là, on n'a pas vu cette volonté politique.
Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Saint-Laurent. Je vais maintenant céder la parole à M. le ministre de la Sécurité publique. M. le ministre.
M. Serge Ménard
M. Ménard: Merci, M. le Président. Je pense que mon collègue de Saint-Laurent réalisera, comme il a certainement dû le faire dans une expérience antérieure, avant d'être procureur de la couronne, le fonctionnement du gouvernement. Le fonctionnement du gouvernement veut qu'avant de présenter un projet au public on ait quand même à passer par un certain nombre de comités ministériels, qu'on ait aussi, dans un gouvernement qui se veut responsable et qui ne désire pas retourner dans la répétition des déficits et dans l'endettement dans lequel nous avons trouvé le Québec au moment où nous avons pris le pouvoir, à passer, entre autres, par le Conseil du trésor et à faire les impacts financiers des mesures qu'il propose.
Il a réalisé, sans doute, en lisant le rapport Poitras, que c'est une réforme en profondeur que ce rapport propose. C'est une réforme qui m'a... Je peux dire que le rapport Poitras m'a convaincu entièrement de la nécessité de cette réforme, de la nécessité d'une réforme en profondeur. Je peux dire aussi... Peut-être que mon erreur, ça a été de ne pas parler assez, mais c'est parce que je tenais à présenter un plan cohérent d'abord au gouvernement, le faire passer à différents comités ministériels et ensuite le dévoiler en public. Mes réactions ont été, dès le début, très favorables. C'est beaucoup plus qu'un certain nombre de choses que vous signalez que j'ai dites.
Par exemple, ce n'est pas moi qui ai abordé la question de M. Barbeau en conférence de presse. Je ne sais pas si vous l'avez vue. Je m'attendais à ce que vous vous mettiez sur RDI ou que vous la fassiez enregistrer pour la regarder. Mais on m'a posé la question à propos de M. Barbeau. J'ai cru comprendre, dans la question, que la question qui allait suivre et à laquelle je m'étais préparé, c'était: Êtes-vous prêt à garder M. Barbeau comme vice-président de la Commission des libérations conditionnelles du Québec? puisque c'est la position qu'il occupe actuellement et que cette Commission relève de moi.
J'ai alors relevé... Je n'ai pas porté de jugement sur M. Barbeau, mais j'ai signalé que la Commission ne critiquait pas ni l'intégrité ni la compétence de M. Barbeau. Son manque de loyauté, comme vous parlez, était circonstanciel. Et la commission Poitras exprime très clairement comment M. Barbeau s'est trouvé, à un moment donné, à être pris en otage d'un groupe de la Sûreté du Québec qui fait l'objet des plus sévères critiques de la commission Poitras. Alors, j'étais prêt à dire que justement ce que disait la commission Poitras ne me justifiait pas de demander la démission de M. Barbeau comme vice-président de la Commission des libérations conditionnelles.
Ensuite, avant qu'un projet aboutisse, il y a beaucoup de travail qui doit se faire en sous-main. Je peux vous dire, d'abord, dès le départ, que, dès que j'ai pris ce ministère, avant même de recevoir le rapport de la commission Poitras, les premières choses qui m'ont préoccupé, c'était de savoir si ça pouvait se reproduire, ce qui était arrivé dans l'affaire Matticks, et, donc, quelles étaient les méthodes qui étaient développées pour gérer les enquêtes et pour les vérifier. J'ai été assez satisfait de l'exposé qui m'a été fait. Mais j'ai été remarquablement impressionné, quand j'ai lu le rapport de la commission Poitras, de constater que le système HOLMES, qui vient d'Angleterre, suggéré par la commission Poitras... En fait, peu de changements devaient être faits aux méthodes qui avaient déjà été mises sur pied pour que l'on puisse appliquer le système HOLMES.
(18 h 20)
Maintenant, ce système, je pense qu'il est valable. Et d'ailleurs les critiques qui sont portées vers la commission Poitras valent, pour une certaine part, à tout corps de police au Québec. Et certainement, en tout cas, que beaucoup de mesures qui sont suggérées dans la commission Poitras pour la Sûreté du Québec peuvent s'appliquer à d'autres corps de police.
Je me suis donc aussi enquis de ce qui se faisait au SPCUM, le deuxième, l'autre très grand corps de police québécois. Et je leur ai demandé de vérifier si, effectivement, ils pouvaient s'adapter au système HOLMES, de façon à ce que nous puissions éventuellement informatiser cette méthode de gestion. Évidemment, ça coûte très cher, un système, de faire un logiciel, donc ça vaudrait la peine qu'on le fasse pour...
C'est aussi une grande erreur. J'ai toujours parlé aussi en bien de la Sûreté du Québec, c'est-à-dire reconnaître ce qu'il y a de bon chez elle. Même à ma première conférence de presse, immédiatement, j'ai rappelé que 65 % du travail, c'est de la gendarmerie, que le rapport de la commission Poitras ne visait que les enquêtes particulières, et rappelé que, là, ils avaient un taux de satisfaction qui ferait rêver n'importe quel politicien, n'est-ce pas. C'est en haut de 80 %, 85 %. Donc, j'ai, dès ce moment, établi... J'ai rappelé aussi l'histoire de la Sûreté du Québec, à savoir qu'ils ont toujours relevé les grandes réformes qui leur ont été imposées.
Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le ministre de la Sécurité publique. Alors, je vais céder la parole à M. le député de Saint-Laurent pour son deux minutes de réplique. M. le député.
M. Jacques Dupuis (réplique)
M. Dupuis: M. le Président, j'aurais souhaité que l'intervention du ministre au cours de ce débat de fin de séance me permette d'être moins déçu de son attitude depuis que le rapport a été rendu public. Malheureusement, je ne suis pas capable de le dire.
Effectivement, pour un ministre qui, en 1994, avait fait une première déclaration relativement aux policiers de la Sûreté du Québec et qui avait dit qu'il trouvait que les policiers n'étaient pas assez instruits, de constater que, dans le rapport de la commission Poitras, effectivement, on suggère qu'une formation adéquate devrait être rapidement mise en force pour que les policiers puissent évidemment effectuer leur travail en conformité, par exemple, avec la Charte canadienne des droits, je trouve que le ministre est un peu timide, est très timide. Mais sa timidité n'est peut-être pas si surprenante que ça quand on entend son chef, le premier ministre du Québec, lors du discours inaugural, consacrer exactement quatre lignes sur 23 pages du discours inaugural aux suites de la commission Poitras.
J'aurais espéré que le ministre, au moment où il a rendu public le rapport de la commission Poitras, ait eu le courage d'entreprendre un certain nombre de réformes. Je comprends et je lui concède que plusieurs des réformes proposées requièrent une certaine réflexion, mais il me concédera à son tour que plusieurs des autres réformes qui sont suggérées dans le rapport ne demandent pas une réflexion aussi importante que celle-là et il aurait pu agir immédiatement. Mais, bien sûr, s'il était encouragé par son premier ministre, par son chef de gouvernement, qui avait dit à l'époque où le rapport a été rendu public: La situation est urgente... Que nous a-t-il prouvé dans le discours inaugural? Comme le ministre, ils essaient de balayer le rapport. Ils essaient de construire des tablettes sur lesquelles ils vont le poser. Et, M. le Président, l'opposition officielle lui dit: Non, nous ne laisserons pas la tablette se construire.
Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je remercie le député de Saint-Laurent. Ceci met fin au deuxième débat de fin de séance.
Allégation de conflit d'intérêts entre le président de la CAI et un avocat plaidant à l'enquête sur la divulgation de renseignements personnels
Nous entreprenons le troisième entre M. le député de Chomedey et leader adjoint de l'opposition et le ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration. La question concerne la Commission d'accès à l'information. M. le député de Chomedey et leader adjoint de l'opposition.
M. Thomas J. Mulcair
M. Mulcair: Merci, M. le Président. Le député de Mercier est seulement la deuxième personne à occuper la fonction de ministre responsable des Relations avec les citoyens. Étant nouveau dans le dossier, je n'étais peut-être pas trop surpris de voir qu'il avait une réponse cannée, toute prête, pour nous aujourd'hui, lors de la période des questions. Mais c'est finalement à ça que ça sert, un débat de fin de séance, ça nous permet de resituer la question dans un contexte et donner un peu plus de temps et à l'opposition et au gouvernement de s'expliquer. Parce que je ne mets pas du tout en doute la bonne foi du nouveau ministre des Relations avec les citoyens. Mais, puisqu'il ne s'est jamais occupé du dossier avant puis qu'il ne connaît pas du tout les tenants et aboutissants du dossier avec la Commission d'accès à l'information, je me permets de lui brosser très brièvement le tableau de l'historique de ce fameux dossier concernant le député bloquiste Ghislain Lebel et l'utilisation pour fins politiques partisanes de son dossier fiscal personnel, confidentiel.
Lorsque le scandale de l'utilisation de ces informations par le bureau du premier ministre a éclaté au grand jour, à l'automne 1997, l'opposition a réclamé, vous vous souviendrez, M. le Président, que le débat se fasse ici, en Chambre, que les deux côtés aient vraiment l'occasion d'aller au fond des choses, utilisant les pouvoirs qui sont les nôtres d'assigner des témoins, d'émettre des subpoenas, etc. Ce qu'on a eu à la place, c'est notre premier ministre, qui a tendance à vouloir toujours tout contrôler, y compris les institutions, qui a décidé qu'il allait enquêter lui-même.
Ça, c'était déjà assez préoccupant en soi. Mais ils ont poussé l'audace un peu plus loin. Par exemple, il y a eu une règle inventée de toute pièce par la Commission d'accès à l'information, au terme de laquelle le seul avocat présent il y avait sept avocats devant cette Commission qui n'avait pas le droit de contre-interroger les témoins, c'était qui? Par pur hasard, c'était l'avocat qui représentait l'opposition.
Il a fallu, le 17 mars 1998, amener cette situation incongrue devant un vrai juge, un juge de la Cour supérieure. Et, au mois d'août 1998, le juge Pelletier de la Cour supérieure a rendu un jugement très, très dur à l'égard de la Commission d'accès à l'information. C'est très rare, par ailleurs, M. le Président, d'entendre un juge utiliser un terme comme faux-fuyant. Ce n'est pas nous qui le disons. C'est exactement le terme employé par le juge de la Cour supérieure pour qualifier cette règle inventée par la Commission d'accès. Donc, depuis le mois d'août de l'année dernière, chaque fois qu'il y aura un témoin, l'opposition, au nom de tous les députés au nom de tous les députés! qui risquent d'avoir leurs dossiers fiscaux, leurs dossiers de santé et tout autre dossier normalement secret utilisés pour fins de chantage, de menace ou pour autres fins politiques partisanes, on va pouvoir poser les vraies questions qui n'ont jamais été posées par la série de personnes qui étaient en place pour se livrer à cette charade, à cette mascarade, à ce simulacre de procédure devant la Commission d'accès, où tout était chorégraphié à l'avance.
On a eu ce droit, et, curieusement, depuis le mois d'août, à la Commission d'accès à l'information, ils n'ont pas eu le temps d'avoir une seule journée d'audience. Qui plus est, tous les avocats qui sont présents, sauf un vous allez deviner lequel ont leurs honoraires payés par le gouvernement. Ça aussi, c'est intéressant. Ça aussi, ça mérite une réponse circonstanciée. Comment ça se fait que le seul avocat qui est là pour faire toute la lumière est le seul qui n'est pas payé par le gouvernement?
Oui, il y a eu des questions qui ont été soulevées pas par l'opposition depuis le début de cette enquête. Mais, en 1996, lorsqu'il a été révélé que, dans le cadre de la préparation d'un colloque international à Montréal... L'actuel président de la Commission d'accès à l'information, M. Paul-André Comeau, avait organisé un colloque, avait rencontré à plusieurs reprises... C'était lors de la défense des crédits, c'était dans son budget. Il soupait avec Me Doray, qui plaidait régulièrement devant la Commission. C'est ce même M. Comeau qui, pour rassurer l'opposition, notamment le 16 avril 1996 et à plusieurs reprises depuis, a dit: Je prends bien attention, je prends toutes les mesures nécessaires pour ne jamais entendre de causes que plaide devant la Commission Me Doray. C'est très clair, ça.
Pour expliquer le fait qu'il était en train d'entendre cette cause avec Me Doray, il a fait la distinction entre une cause et une enquête. Et, le 16 février de cette année, il a informé tout le monde: Il n'y a plus de contact avec Me Doray. Ce qu'on a mis sur la table aujourd'hui, ce qu'on a amené en Chambre aujourd'hui, c'est une preuve qu'au mois de février de cette année Me Doray avait des contacts privilégiés avec la Commission d'accès, et ça nous inquiète. C'est une institution importante, et, si on veut vraiment faire la lumière, il va falloir que le ministre soit un peu plus péremptoire dans ses réponses et qu'il écoute le fond du problème. Merci, M. le Président.
(18 h 30)
Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le député de Chomedey. Je vais céder la parole à M. le ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration. M. le ministre.
M. Robert Perreault
M. Perreault: Oui. Merci, M. le Président. J'entendais le député de l'opposition qui, cet après-midi, me posait une question très précise. Et, effectivement, à la question très précise qu'il me posait, il évoquait des faits, un certain nombre de faits. Et j'ai indiqué cet après-midi à l'Assemblée nationale que, sur les faits précis qu'il évoquait, j'avais besoin d'aller chercher les informations de la part du président de la Commission. Je pense que c'est une démarche normale. Je ne peux pas connaître tous et chacun des gestes que pose une telle commission. Je pense que le député peut le reconnaître bien volontiers, d'autant plus qu'il s'agissait lui-même l'a dit de faits nouveaux qu'il portait à l'attention de cette Assemblée, et donc à l'attention du public, par le fait même. J'ai donc, M. le Président, dès cet après-midi, adressé, par mon bureau, à M. Comeau une demande pour avoir sa version des faits qui ont été portés devant cette Assemblée.
M. le Président, le député a soulevé, dans son intervention, des questions beaucoup plus larges que les questions qu'il a soulevées cet après-midi. Dans le fond, le député reprend un certain discours que j'ai déjà entendu à l'égard du travail que fait la Commission pour vérifier un certain nombre de faits qui ont été allégués devant cette Chambre concernant le cas de la divulgation ou non de renseignements dans le cas du dossier de M. Lebel.
Ce que je veux dire, M. le Président, là-dessus, c'est ceci. La Commission procède à un travail d'enquête. Elle le fait avec un certain nombre de moyens, d'instruments qui sont à sa disposition et qui sont les règles en usage habituellement en ces matières.
L'opposition a soulevé un certain nombre de questions. Ils sont même allés devant les tribunaux. Le député y a fait allusion. Effectivement, le tribunal a donné raison à l'avocat de l'opposition sur certaines questions, certaines questions de procédure, ce qui fait que la Commission peut à nouveau maintenant procéder.
D'autres débats ont été soulevés, sur la question, notamment, de la couverture des dépenses de cet avocat, M. le Président. Ce que le député, me semble-t-il, oublie de dire un petit peu, c'est que, dans cette démarche, l'opposition semble davantage soulever des obstacles que de collaborer. Il y a comme un discours qui me semble un peu contradictoire. Si l'opposition souhaite effectivement que, le plus rapidement possible, on en arrive à connaître les faits, on devrait laisser la Commission faire son travail, me semble-t-il. Or, toute la démarche de l'opposition me semble viser davantage à, en quelque sorte, bloquer le travail de cette Commission.
Moi, je voudrais rappeler, M. le Président, à ce moment-ci, que, jusqu'à nouvel ordre, je fais confiance à la Commission et je fais confiance à son président. Je veux juste rappeler que la Commission d'accès à l'information est une institution un peu particulière dans l'ensemble de nos institutions québécoises. Elle ne relève pas, au sens strict et direct, du ministre. Le président est nommé à l'unanimité de cette Assemblée. C'est lui, actuellement, qui préside les travaux. Et je trouve un peu inquiétant que l'opposition attaque constamment la crédibilité non seulement de la Commission, mais de son président. Je rappelle que c'est un président qui a été choisi par l'ensemble de cette Assemblée. Il me semble qu'une attitude plus ouverte de la part de l'opposition dans le travail de la Commission permettrait d'aller plus rapidement et de faire la lumière que nous souhaitons tous faire sur un certain nombre d'allégations qui ont été formulées.
Alors, M. le Président, moi, j'attendrai, avant de donner des informations plus précises, les explications du président de la Commission. La question de la participation à un colloque international, j'avais déjà vu dans les journaux ces questions. Le député de l'opposition a soulevé aujourd'hui des points très, très particuliers. Dès que j'aurai les informations, je serai en mesure de donner des informations complémentaires.
Mais je constate, une fois de plus, que le député poursuit sa croisade, M. le Président, essaie de nous inventer un scandale. Pour l'instant, j'ai de la difficulté à le percevoir dans les allégations du député. Peut-être que les explications que j'aurai m'en convainqueront, mais, à date, je dois dire que je constate tout simplement qu'on est toujours dans la même logique, et c'est une logique qui semble davantage de nature à discréditer le travail du président de la Commission, encore une fois un président que nous avons choisi à l'unanimité de cette Chambre, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le ministre. Je vais céder la parole maintenant à M. le leader adjoint de l'opposition pour sa réplique de deux minutes. M. le leader adjoint.
M. Thomas J. Mulcair (réplique)
M. Mulcair: M. le Président, si le ministre ne veut pas écouter l'opposition, peut-être qu'il peut écouter Me Marc Bergeron, l'avocat de la Commission d'accès, qui, dans une lettre du 21 décembre 1998, blâme sévèrement le président de la Commission d'accès à l'information, disant qu'il ne lui a jamais donné les outils nécessaires pour mener son enquête. Peut-être qu'il peut écouter ce même avocat, Marc Bergeron, qui, le 16 février, a dévoilé que ça faisait seulement trois semaines, même si ça faisait plus d'un an depuis le début de l'enquête... Ça a pris plus d'un an pour qu'il obtienne le droit d'utiliser les pouvoirs prévus aux termes de la loi.
Ce que le ministre ne semble vraiment pas comprendre et encore une fois, M. le Président, je ne mets pas en doute sa bonne foi, je pense qu'il est juste naïf ce qu'il ne comprend pas, c'est que, depuis le début, c'était chorégraphié avec le «bunker», cette affaire-là. C'est seulement depuis que l'opposition a le droit de contre-interroger des témoins que tout a été déraillé. Pas par l'opposition et pas aux dires seulement de l'opposition, c'est l'avocat même de la Commission qui dit que toute cette affaire-là était cousue de fil blanc. Par hasard, depuis que l'opposition a obtenu le droit de contre-interroger, pas une seule journée d'enquête. Foutaise! Le ministre devrait savoir mieux, même s'il sort du monde bureaucratique de Montréal, il devrait quand même, après quelques années ici, à Québec, commencer à comprendre le début de la démonstration qui existe ici, noir sur blanc: conflits, problèmes, l'avocat de la Commission dit qu'il n'a pas les outils nécessaires, que la Commission ne lui donne pas tout ce dont il a besoin pour mener à bien l'enquête.
Alors, le ministre a beau, avec des larmes de crocodile, nous demander pourquoi on ne collabore pas, la question est: Collaborer à quoi? Une charade? Une mascarade? Un «cover-up»? On veut faire toute la lumière, mais on veut surtout que les outils qui existent aux termes de la loi votée unanimement par l'Assemblée nationale servent à faire toute la lumière. Ce n'est pas nous qui avons décidé que Paul-André Comeau n'entendrait pas de causes où plaide Me Doray, c'est lui qui l'a dit il y a plus de trois ans. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Brouillet): Simplement, en terminant le débat, je rappellerais au leader adjoint que l'expression qu'il a employée à la fin n'est pas parlementaire. Alors, je vous inviterais à être prudent à la suite, pour l'avenir.
Ceci met fin à notre débat. Nous allons lever la séance et ajourner nos travaux à mardi prochain, le 9, à 10 heures.
(Fin de la séance à 18 h 38)